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Full text of "Les insectes : Traité élémentaire d'entomologie, comprenant l'histoire des esèces utiles et de leurs produits des espèces nuisibles et des moyens de les détruire, l'étude des métamorphoses et des moeurs, les procédés de chasses et de conversation"

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PROPERTY  OF 

2.  P.  METCALF 


TRAITÉ  ÉLÉMENTAIRE 

D'ENTOMOLOGIE 


III 


Le  Traité  élémentaire  d'entomologie  est  complet;  il  forme  3  vol.  in-8 
avec  allas  de  118  planches  (PI.  1  à  80,  80  bis  et  81  à  117),  cartonné. 
Figures  noires,  100  fr. 
Figures  coloriées,  170  fr. 

ON     VEND     SÉPARÉMENT    : 

Fi^'.  noires.     Fig.  coloriées. 

Tome  1,  Introduction,  Coléoptères,  avec  60 

planches  (pi.  i  à  Lx) 30  fr.  60  fr. 

Tome  II,  Orthoptères,  Nèvroptères,  Hymé- 
noptères porte-aiguillon,  avec  15  planches 
(pi.  Lxi  à  Lxxv) 20  30 

Tome  111,  1"^"  partie,  Hyménoptères  téré- 
BRANTs,  Lépidoptères,  avec  23  planches 
(pi.  Lxxvi  à  LXXXj  Lxxx  bis  et  Lxxxi  à  xcvii.     20  40 

Tome  m,  2«  partie,  Hémiptères,  Diptères, 
et  Ordres  satellites  avec  20  planches 
(pi.  xcviii  à  cxvii) 30  40 


TRAVAUX  PRINCIPAUX  DU  MÊME  AUTEUR 


Etudes  sur  la  clialeur  animale  des  Invertébrés,  principalement  des  insectes  (thèse 
de  doctorat  es  sciences,  présentée  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Paris,  1869). 

Catalogue  raisonné  des  animaux  utiles  et  nuisibles  de  la  France,  publié  sous  les 
auspices  du  ministère  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts,  2'^  édition. 
Paris,  1879. 

Les  Métamorphoses  des  Insectes,  6*  édition,  1884,  ouvrage  couronné  par  l'Aca- 
démie française  (bibliothèque  des  Merveilles). 

Les  Abeilles,  organes  et  fonctions,  éducation  et  produits,  miel  et  cire.  Paris,  1878. 
1  vol.  in-18  Jésus,  avec  1  pi.  col.  et  30  figures. 

Eludes  sur  la  maladie  de  la  vigne  dans  les  Charentes  (Mémoires  de  l'Académie 
des  sciences  :  Savants  étrangers,  1876). 

Le  Phylloxéra  de  la  vigne,  description,  mœurs,  procédés  de  destruction,  4^  édi- 
tion, 1884. 

Zoologie  (cours  complet  d'enseignement  dans  les  Ecoles  normales  primaires) , 
Anatomie  et  Physiologie,  Vertébrés;  3  fascicules,  1883,  1884. 


BouRLOTON.  —  Imprimeries  réunies,  A,  rue  Mignon,  2,  Paris. 


LES    INSECTES 


TRAITÉ  ÉLÉMENTAIRE 

D'ENTOMOLOGIE 


COMPRENANT 

L'HISTOIRE  DES  ESPÈCES  UTILES  ET  DE  LEURS  PRODUITS 

DES    ESPÈCES    NUISIBLES    ET    DES    MOYENS   DE   LES    DÉTRUIRE 

L'ÉTUDE     DES    MÉTAMORPHOSES    ET    DES    MŒURS 

LES  PROCÉDÉS  DE  CHASSE  ET  DE  CONSERVATION 


MAURICE  GIRARD 

Docteur  (.'S  sciences  naturelles 

Ancien  délégué  de   l'Acadëmic  des  sciences 

Ancien  professeur  de   sciences  physiques  et  naturelles  au  Collège  municipal  RoUin 

Professeur  de  zoologie  appliquée  à  l'Ecole  d'horticulture    de  Versailles 

Maître  do    conférences  d'entomologie    à   l'Ecole   d'agriculture  de   Grignon 

Ancien  président  de  la  Société  cnloMiologiquc   de  France 

Secrétaire  du  Conseil  de   la  Société  zoologique  d'acclimatation 

Lauréat  de  la  Société  centrale  d'agriculture  de  France,  etc. 


HYMENOPTERES    TEREBRANTS 

LÉPIDOPTÈRES  —  HÉMIPTÈRES  —  DIPTÈRES 

ORDRES    SATELLITES 

TOME  111 
Avec    43    planchoiii 


PARIS 

LIBRAIRIE    J.-B.   BAILLIÈRE   et    FILS 

RUE   HAUTEFEUILLE,    19,    PRÈS   DU   BOULEVARD   SAINT-GERMAIN 

1885 

Tous  droits  réservés 


Par  suite  d'une  erreur  imputable  aux  Imprimeurs,  les  pages  Ô93  à  1012  n'existent 
pas  dans  le  tome  III  ;  les  feuilles  62  et  63  se  suivent  exactement  malgré  celte  lacune. 


TRAITÉ 

D'ENTOMOLOGIE 

ORDRE 

DES 

HYMÉNOPTÈRES 


Hyménoptères  tcrébrants  à  abdomen  pédicule. 

Tribu  des  CHRVSIDlEMiS. 

Les  Chrysidiens  ont  été  appelés  Guêpes  dorées  en  raison  de  leurs  vives 
couleurs,  qui  en  font  les  plus  beaux  Hyménoptères,  non  par  la  forme, 
qui  est  assez  ramassée  et  trapue,  mais  par  l'éclat  métallique  de  leur  tète 
et  de  leur  thorax,  ordinairement  verts  ou  bleus,  et  de  l'abdomen,  le  plus 
souvent  d'un  rouge  de  feu,  ou  d'un  bronzé  doré  rappelant  les  cuirasses 
les  plus  éclatantes.  Ces  insectes  sont  répandus  par  toute  la  terre  et  ne 
renferment  qu'un  petit  nombre  de  genres.  On  trouve  les  espèces  de 
notre  pays  du  milieu  d'avril  à  la  fin  de  septembre.  On  voit  ces  jolis 
insectes,  sans  cesse  en  mouvement,  parcourir  les  troncs  d'arbres  et  les 
creux  de  l'écorce,  courant  sur  les  murs,  les  palissades,  sur  les  fleurs 
et  les  feuilles ,  surtout  celles  des  Ombellifères ,  les  terrains  pierreux 
exposés  à  l'ardeur  du  soleil,  avec  une  agitation  rapide  et  alternée  des 
antennes,  caractère  que  nous  retrouvons  chez  les  Hyménoptères  ento- 
mophages,  parasites  carnassiers  intérieurs  des  insectes  vivants,  et  qui 
indique  des  espèces  en  quête  perpétuelle  d'une  proie  animée.  Au  moindre 
bruit,  les  Chrysidiens  s'envolent  vivement,  et,  en  cas  de  danger  et  comme 
moyen  de  défense,  se  roulent  en  boule  plus  ou  moins  complète,  de 
façon  à  offrir  partout  à  l'ennemi  des  surfaces  dures  et  polies  sur  les- 
quelles glissent  les  mandibules  els'émousse  l'aiguillon.  Le  péril  passé, 

r.iR.vnn.  lil.  —   i 


2  HYMÉNOPTÈRES. 

ils  fuient  très-vite.  L'abdomen  est  le  plus  souvent  creux  en  dessous  et 
s'applique  contre  la  poitrine  ;  les  pattes  se  logent  sous  une  saillie  du 
thorax,  les  antennes  se  replient  dans  une  cavité  de  la  face,  les  ailes 
seules  restent  en  dehors  et  se  placent  l'une  contre  l'autre. 

On  peut  dire'  que  les  Chrysidiens  établissent  un  passage,  dans  les 
Hyménoptères  à  abdomen  pédicule,  entre  les  Aiguillonnés  et  les  Téré- 
brants,  et  appartiennent  réellement  à  ces  derniers.  Le  nombre  véritable 
des  anneaux  de  l'abdomen  est  plus  grand  que  le  nombre  apparent,  car 
les  derniers,  rudimentaires,  rentrent  imaginés,  chez  les  femelles,  les 
uns  dans  les  autres,  comme  un  tuyau  de  lunette,  ne  s'allongeant  en 
tube  flexible  qu'au  moment  delà  ponte;  d'où  le  nom  de  Tubulifères  de 
Lepeletier  de  Saint-Fargeau.  Au  bout  de  ce  tuyau  rétraclile  est  un 
dard,  qui  semble  au  premier  abord  un  aiguillon,  car  il  perce  notre 
peau  dans  les  grandes  espèces  de  Chrysidiens,  mais  qui  est  en  réalité 
une  tarière  de  ponte,  car  il  ne  s'y  joint  pas  de  glandes  à  venin  (West- 
wood).  De  même  la  tarière  de  certains  Ichncumoniens,  ainsi  les  Ophions, 
pique,  mais  sans  venin.  La  tarière-aiguillon  offre  les  pièces  habituelles 
à  cet  organe,  qui  est  le  même  anatomiquement  dans  tous  les  Hyméno- 
ptères :  deux  fourreaux  ou  valves,  divisées  en  deux  pièces  placées  à  la 
suite  l'une  de  l'autre  ;  une  pièce  moyenne  ou  organe  de  ponte,  le  yor- 
geret,  formée  de  deux  gouttières  soudées  ;  et  enfin  deux  stylets  pointus 
{spicules  de  Westwood),  qui  glissent  dans  unerainure  de  la  pièce  moyenne . 

Latreille  plaçait  les  Chrysidiens  à  l'extrémité  de  ses  Pupivores.  Ils  se 
rattachent  en  efl'et  aux  Ichneumoniens,  et  surtout  aux  Braconiens,  par 
la  nervation  des  ailes  supérieures,  et  à  certains  genres  de  ces  derniers 
par  la  forme  de  l'abdomen,  le  nombre  d'anneaux  de  la  portion  dorsale, 
la  forme  et  les  dents  du  métathorax;  aux  Chalcidiens,  par  les  antennes 
coudées,  les  ailes  postérieures  sans  nervures,  les  couleurs  générale- 
ment métalliques;  aux  Proctotrupiens,  par  la  forme  tubulée  de  l'ovi- 
scapte,  et  aussi  par  l'absence  de  nervures  aux  ailes  postérieures,  et 
ressemblant  notamment  au  genre  Dryinus. 

Le  régime  des  Chrysidiens  en  fait  des  parasites  carnassiers  des  Hymé- 
noptères sous  leur  premier  état.  Leurs  larves,  pseudo-parasites  des  nids, 
y  vivent,  soit  aux  dépens  des  larves  des  Apiens  et  des  Vespiens  qu'elles 
dévorent,  soit  des  provisions  d'insectes,  de  larves  molles  anesthésiées, 
de  Pucerons,  rassemblées  dans  les  nids  parles  femelles  des  Euméniens, 
des  Crabroniens  et  des  Sphégiens  pour  la  nourriture  de  leurs  propres 
larves.  On  voit  les  femelles  entrer  à  reculons  dans  les  nids  (posture  de 
ponte),  et  déposer  leur  œuf,  soit  contre  la  paroi  de  la  cellule  de  l'Apien 
et  caché  sous  la  pâtée,  soit  sur  une  larve  déjà  grande  et  sur  le  dos  de 
laquelle  on  ne  tarde  pas  à  voir  une  larve  de  Chrysidien  qui  la  ronge. 
On  a  trouvé  par  exception  des  larves  de  Chrysidiens  provenant  d'œufs 
pondus  sur  le  corps  de  fausses  chenilles  de  Tenthrédiniens,  et  qui 
avaient  vécu  aux  dépens  des  tissus  de  ces  fausses  chenilles  :  ainsi  des 
larves  du  Neinatus  Grossulariœ^our  les  Çleptes  semi-auratus  et  nitidulm 


CHRYSIDIENS,  3 

et  pour  YOmalus  aurutus.  Les  femelles  de  Chrysidiens  n'ont  aucune  ana- 
logie trompeuse  de  parure  avec  les  mères  de  leurs  victimes,  guettent  leur 
absence  pour  entrer  dans  les  nids,  et  subissent  leurs  attaques  en  se  rou- 
lant en  boule,  si  elles  sont  surprises.  On  a  cité,  très-exceptionnellement, 
le  Chrtjsis  ignita,  Linn.,  parasite  d'un  Coléoptère  buprestien,  le  Ptoi'ma 
novemmaculata  {An7i.  Soc.  entom.,  2^  sér.,  18/j9,  t.    VII,  Bull.  p.  xxvui). 

Les  mâles  des  Chrysidiens  sont  plus  courts  et  plus  étroits  que  les 
femelles  ;  leur  anus  est  mutique  et  non  tubifère  ;  le  nombre  des  segments 
apparents  de  leur  abdomen  est  parfois  plus  grand  que  dans  les  femelles 
d'un  même  genre  :  ainsi  h  dans  les  Parnopes,  contre  3  des  femelles, 
5  dans  les  Cleptes,  contre  U  des  femelles.  Les  femelles  sont  plus  grandes 
et  plus  robustes,  mais  ont  rarement  d'autres  couleurs  que  les  mâles. 
Leur  anus  est  muni  d'un  tube  annelé,  rétractile,  de  segments  supplé- 
mentaires, terminé  par  un  style  (tarière-aiguillon),  et  pouvant  s'étendre 
d'une  longueur  égale  à  la  moitié  ou  à  la  totalité  de  la  longueur  du 
corps,  ou  plus  encore.  Cette  disposition,  qui  permet  la  ponte  dans  les 
profondeurs  reculées  des  nids,  explique  le  nom  de  Tuhulifères  donné 
par  Lepeletier  S'-Fargeau  aux  Chrysidiens.  Les  Chrysidiens  ont  été  vus 
très-rarement  en  copulation  ;  on  cite  toutefois  dans  ce  cas  les  Cleptes 
semi-auratus,  Hedychrum  lucidulum,  Hoopyga  ovata  et  Chrysis  ignita. 

La  durée  ordinaire  de  la  vie  de  ces  Hyménoptères  est  d'un  an.  Leurs 
œufs  sont  ellipsoïdaux  et  pâles,  leurs  larves  apodes  et  subvermiformes, 
leurs  nymphes  tantôt  nues,  tantôt  en  cocons. 

Dahlbom,  d'après  les  caractères  des  pièces  buccales,  la  forme  du  der- 
nier segment  dorsal  apparent  de  l'abdomen  et  les  ongles  des  tarses,  a 
divisé  les  Chrysidiens  en  six  familles,  dont  les  types  sont  les  genres  : 
Cleptes,  Elampus,  Hedychrum,  Chrysis,  Euchrœus  et  Parnopes.  G.  Dahl- 
bom groupe  circulairement  tous  les  Chrysidiens  autour  du  genre 
Chrysis  placé  au  centre.  Il  remarque  que  le  genre  Parnopes  établit  une 
transition  aux  Apiens  ou  genre  Apis  de  Linnœus,  et  le  genre  Omnlus 
aux  Chalcidiens  ou  genre  Chalcis,  Fabr. 

€ai'actèi'c««  généraux.  —  Corps  de  taille  médiocre,  petite  ou  très-petite, 
ovalaire  oblong  ou  arrondi,  glabre  ou  pubescent,  ponctué,  le  plus 
souvent  voûté  en  dessous  en  demi-cylindre  ou  presque  en  demi- sphère, 
parfois  subcylindrique  en  dessous  (Cleptes).  Tête  arrondie  et  subtrian- 
gulaire, de  la  largeur  du  thorax  ou  plus  large,  avec  le  chaperon  trans- 
verse et  court,  le  front  et  le  vertex  déprimés-convexes.  Antennes  géni- 
culées  et  filiformes,  rapprochées  à  leur  insertion,  qui  se  fait  presque  à 
l'ouverture  de  la  bouche  ;  sur  les  sujets  secs,  souvent  courbées  et  plus  ou 
moins  enroulées.  Trois  ocelles  en  triangle  sur  le  vertex  ou  en  hgne 
courbe;  yeux  latéraux,  très-entiers,  ovales  et  plus  ou  moins  saillants. 
Labre  petit,  tantôt  subsemilunaire,  tantôt  linéaire  et  obtus,  le  plus  sou- 
vent caché  et  plus  ou  moins  cilié,  à  bord  sous-apical-,  mandibules  le  plus 
souvent  trigones,  incisées  au  bout,  tantôt  à  deux  ou  trois  crans,  tantôt 


h  HYMÉNOPTÈRES. 

deiiliculées;  mavilles  ordinairement  cornées  et  peu  prolongées;  lèvre 
le  plus  souvent  membraneuse,  petite  et  conique,  portée  sur  un  menton 
subcylindrique  souvent  rétréci  à  la  base.  Dans  le  genre  Parnopes,  mâ- 
choires et  lèvre  très-allongées  et  avancées  en  rostre  grêle  et  filiforme, 
bifide  au  bout  de  la  lèvre,  ressemblant  à  la  trompe  des  Apiens  et  réflé- 
chie au  repos  sous  la  poitrine;  palpes  grêles,  les  maxillaires  de  la  plu- 
part de  cinq  articles  et  plus  longs  que  les  labiaux,  qui  en  ont  deux  ou 
trois  ;  dans  les  Parnopes  les  palpes  des  deux  sortes  sont  biarticulés  et 
très-petits,  comme  de  courtes  soies  rigides.  Thorax  subcylindrique, 
plus  ou  moins  convexe,  tronqué  en  arrière;  écusson  et  postécusson 
tantôt  mutiques  et  convexes,  tantôt  coniques,  tantôt  mucronés;  méta- 
notum  diversement  rugueux,  ayant  l'angle  latéral  postérieur  prolongé 
de  chaque  côté  en  dent  ou  en  éperon.  Ailes  à  peu  de  nervures  et  sur- 
tout de  cellules,  les  antérieures  n'ayant  d'ordinaire  que  trois  cellules 
complètes,  la  costale,  une  cubitale,  une  discoïdale;  lacellule  radiale  le  plus 
souvent  ouverte  au  sommet  et  très-rarement  fermée,  les  autres  cellules 
discoïdales  et  cubitales  oblitérées  ;  les  ailes  inférieures  n'ayant  qu'une 
seule  cellule  costale  étroite  et  obsolète  et  très-peu  de  nervures.  Pattes 
propres  à  la  course  et  de  longueur  médiocre,  les  jambes  tantôt  mutiques, 
tantôt  munies  de  soies  ou  d'épines,  les  antérieures  avec  un  calcar 
unique,  les  postérieures  avec  deux;  tarses  à  articles  subfiliformes  et 
munis  d'ongles  très-caractéristiques,  mutiques  en  dessous,  ou  unidentés, 
ou  serrulés  ou  pectines.  Abdomen  d'aspect  subsessile,  à  très-court  pé- 
dicule, ovale,  arrondi,  ou  subcarré,  ou  subhémisphérique,  convexe  en 
dessus,  plan  et  bordé  en  dessous  et  paraissant  concave  et  voûté  après  la 
mort  par  la  dessiccation  des  viscères,  convexe  dessus  et  dessous  chez  les 
Cleptes;  segments  apparents  le  plus  souvent  au  nombre  de  3,  parfois  /i  ou  5, 
d'autant  plus  développés,  surtout  le  second,  qu'ils  sont  moinsnombreux. 

Le  troisième  segment,  qui  est  d'ordinaire  le  dernier  segment  dorsal 
apparent,  est  le  plus  souvent  très-caractéristique  par  son  bord  apical, 
tantôt  entier  {Hedychnmi) ,  tantôt  légèrement  excisé  en  son  milieu 
(Elampus),  très-souvent  découpé  en  arrière  en  plusieurs  dentelures 
(Chi-ysis,  Pyria,  Stilbum).  On  remarque  parfois  en  outre,  au  bout  de  ce 
troisième  segment,  un  bourrelet  très-saillant  {Stilbum)  et  suivi  d'une 
rangée  de  très-gros  points,  simulant  un  quatrième  anneau. 

La  bibliographie  des  Chrysidiens  est  peu  nombreuse.  On  consultera  : 
G.  Dahlbom,  Monoymphia  Chrysididarum  Sueciœ,  1829.  —  W.  E.  Shuc- 
kard,  Description  of  the  Gênera  and  Species  of  ihe  British  Chrysididce 
{Entom.  Magaz.,  1837,  IV,  p.  156-177).  —  Wesmael,  Notice  sur  les  Chry- 
sides  de  Belgique  {Bulletin  /icad.  royale  des  sciences  et  belles-lettres  de 
Bruxelles,  1839,  VI,  l-^^  partie,  p.  167  cà  177).  —  Arnold  Fôrster,  Eine 
Centurie  neuer  Hymenopteren  (  Verhandlungen  des  naturhistorischen  Vereines 
der  preussischen  Bheinlande  und  Westfalens,  Bonn,  1853,  t.  X,  b.  Neue 
Arten  aus  der  Familie  der  Chrysiden  (genres  Chrysi's  et  Hedychrum, 
nombreuses  espèces  nouvelles),  p.  304  et  suiv.  —  Fr.  Smith,  A  Bevision 


CLEPTES.  5 

of  the  Hymenopterous  gênera  Ci.eptes,  Parnopes,  Anthracias,  Pyria  and 
Stii.bum,  loith  Descriptiom  of  neiv  species  of  two  gênera,  and  aho  of  new 
species  of  the  genus  Chrysis  from  North  China  and  Australia  (Trans.  Soc. 
Entomol.  of  London,  187Zi,  XIII).—  G.  Dahlbom,  Hymenoptera  europœa, 
prœcipue  borealia,  Berlin,  185Z|,  t.  II.  Ce  volume  traite  des  Chrysides 
de  tous  pays,  européennes  et  exotiques,  contrairement  au  plan  général 
de  l'ouvrage  ;  c'est  une  monographie  complète  des  chrysidiens  ou  du 
genre  Chrysis  de  Linnoeus,  accompagnée  de  bonnes  figures  sur  cuivre 
et  sur  bois.  —  Fr.  Chevrier,  Description  des  Chrysides  du  bassin  du  Léman, 
in-8",  Genève,  1862. 

Nous  citerons  aussi  un  catalogue  utile  pour  tous  les  Hyménop- 
tères :  L.  Kirchner,  Catalogus  Hymenopterorum  Eiiropœ,  Vienne,  1867, 
et  0.  Radoszkovsky,  Énumération  des  Chrysides  de  Russie  (Horœ  Soc.  ento- 
molog.  Rossicœ,  Saint-Pétersbourg,  t.  III,  1865-1866,  p.  295  à  310). 


GENRES    PRINCIPAUX. 

CI.KPTES,  Fabr.  —  Corps  oblong.  Antennes  insérées  tout  près  du  bord  extrême 
de  la  bouche.  Mandibules  très-fortes,  tridentées  ù  leur  sommet.  Prolhorax  en 
cou  allonge,  plus  étroit  que  la  tête  et  le  niésothorax;  poslécuison  en  gros 
point  convexe.  Ailes  avec  une  cubitale  large  et  courte  et  une  discoïdale  très- 
petite.  Pattes  à  cuisses  renflées  et  un  peu  comprimées;  crochets  des  tarses 
avec  une  dent  en  leur  milieu.  Abdomen  en  forme  de  toupie,  de  4  segments 
apparents  chez  les  femelles,  5  chez  les  mâles. 

Les  espèces  du  genre  Cleptes  sont  rares,  et  les  mâles  d'autre  colora- 
tion que  les  femelles.  Nous  citerons  C.  nitidulus,  Fabr.  (pi.  lxxvi,  fig.  11, 
femelle),  ayant  la  tète  et  les  antennes  noires  ;  le  protliorax  d'un  brun 
jaunâtre  assez  clair,  le  mésothorax  d'un  noir  brillant,  le  métathorax, 
avec  l'écusson  et  le  postécusson,  d'un  bleu  plus  ou  moins  verdàtre  ; 
les  ailes  enfumées,  avec  des  écailles  brunes  ;  les  cuisses  noires,  les 
jambes  elles  tarses  fauves;  l'abdomen  avec  les  trois  premiers  segments 
fauves,  le  quatrième  noir  ;  l'oviscapte  plus  court  que  l'abdomen.  Le 
mâle  a  la  tête,  le  thorax  et  ses  côtés  entièrement  bleus,  souvent  tour- 
nant au  violacé,  rarement  au  vert,  les  écailles  bleues  ou  verdûtres,  les 
cuisses  bleuâtres  ou  verdàtres,  l'abdomen  fauve,  avec  le  segment  à 
bleu  en  partie,  et  le  segment  5,  qui  est  petit,  bleu  ou  noirâtre.  Le 
C  semi-auratus,  Fabr.  a  le  mâle  très-semblable  à  celui  de  l'espèce  pré- 
cédente et  souvent  confondu  avec  lui;  la  femelle  avec  la  tète  d'un  vert 
doré,  les  antennes  en  partie  cuivrées  et  fauves,  le  prothorax  et  le  méso- 
thorax très-cuivrés,  comme  la  tète,  le  métathorax  bleu,  le  reste  de 
l'insecte  comme  la  femelle  précédente.  Ces  deux  Cleptes,  de  France, 
de  Belgique,  de  Suisse,  des  îles  Britanniques,  se  montrent  ça  et  là, 
principalement  autour  des  habitations,  et  se  trouvent  parfois  en  abon- 


6  HYMÉNOPTÈRES. 

dance  dans  les  jardins  plantés  en  Groseilliers  épineux,  car  leurs  larves 
vivent  aux  dépens  de  celles  des  Némates,  qui  dévorent  les  feuilles  de 
ces  arbrisseaux.  Il  y  a  quelques  autres  Cleptes  d'Europe  et  un  du 
Brésil. 

HEDYCmirM,  Latr.  —  Corps  plus  court,  plus  large  et  plus  aplati  que  chez  les 
CA?";/.sis.  Mandibules  larges,  avec  le  sommet  bidenté,  de  sorte  qu'elles  semblent 
tridentées  au  côté  interne.  Palpes  maxillaires  beaucoup  plus  longs  que  les 
labiaux.  Angles  externes  du  métathorax  très-aigus;  écusson  sans  prolonge- 
ment. Atrophie  presque  complète  des  nervures  de  la  seconde  moitié  des  ailes 
antérieures.  Crochets  des  tarses  bifides  à  leur  sommet;  parfois  l'une  des  divi- 
sions plus  forte  que  l'autre  et  légèrement  dentelée  (H.  ardens  et  roseum). 
Abdomen  large,  subhémisphérique,  de  trois  segments  apparents,  le  bout  du 
troisième  arrondi  et  sans  dentelures. 

Les  Hédychres  comptent  vingt-cinq  espèces  en  Europe,  dont  une 
douzaine  en  France,  et  des  espèces  exotiques,  d'Algérie,  du  Brésil, 
d'Asie  Mineure,  du  Chili,  du  Cap:  Les  différences  sexuelles  sont  peu 
saillantes  ;  l'oviscapte  des  femelles,  bien  que  très-extensible  chez  les 
insectes  vivants,  est  à  peine'  visible  après  la  mort.  Une  des  espèces  des 
environs  de  Paris,  de  Belgique,  de  Suisse  et  très-répandue  en  Europe, 
est  17/.  lucidulum,  Fabr.  (syn.  regium,  Fabr.,  pour  le  mâle),  de  6  à 
8  millim.,  à  larve  dévorant  les  larves  des  Osmies  et  de  Chalicodomn 
muraria.  La  tête  est  bleue  ou  verdàtre,  ainsi  que  les  antennes  ;  le  pro- 
thorax et  le  mésothorax  d'un  doré  cuivré,  pur  et  brillant,  l'écusson, 
le  postécusson  et  le  métathorax  bleus  ou  verdàtres  ;  les  ailes  enfumées  ; 
les  pattes  d'un  bleu  verdàtre,  à  tarses  bruns;  l'abdomen  d'un  doré 
cuivré,  finement  ponctué.  Il  y  a  des  sujets  de  beaucoup  plus  grande 
taille,  où  le  bleu  domine,  sans  mélange  de  vert.  Se  trouve  surtout  sur 
les  fleurs  des  Ombellifères.  Cette  espèce  est  aussi  de  toute  l'Algérie, 
au  printemps  et  dans  une  grande  partie  de  l'été.  Une  petite  espèce, 
de  ^  à  6  millim.,  de  France,  de  Belgique,  de  Suisse,  est  VH.  ardens, 
Latr.  (fig.  10,  pi.  lxxvi,  sa  mandibule),  espèce  en  entier  d'un  vert  doré 
brillant.  D'après  Chevrier,  cette  espèce  n'est  autre  que  H.  minutum , 
L.  S'-F.,  parasite  du  Tachytes  unicolor.  Citons  encore,  de  France  et  de 
Suisse,  H.  cœrulescens,  L.  S'-F.,  en  entier  d'un  bleu  verdàtre  et  violacé, 
sans  reflet  doré  ou  pourpré,  et  H.  roseum,  Rossi,  de  France,  de  Belgique, 
de  Suisse,  d'Allemagne,  d'Italie,  qu'on  reconnaît  immédiatement  à  son 
abdomen  d'un  rouge  de  brique,  rarement  un  peu  rosé. 

CBRYSIl^,  Linn.  —  Mandibules  variables,  soit  munies  d'une  dent  au  côté 
interne,  soit  simples.  Palpes  maxillaires  de  cinq  articles,  labiaux  de  trois  ; 
trompe  rarement  visible.  Angles  externes  du  métathorax  précédés  souvent 
d'une  fissure  transverse.  Réseau  de  l'aile  nettement  dessiné  ;  la  radiale  géné- 
ralement fermée,    la  cubitale  peu  allongée,  non  fermée,    la  discoïdale  se  ter- 


CHRYSIS.  7 

minant  en  pointe.  Crocliets  des  tarses  simples.  Abdomen  subcylindroïde,  à 
ventre  plus  ou  moins  concave,  formé  de  trois  segments  apparents,  le  troisième 
A  sommet  très-variable,  soit  entier,  soit  sinué,  soit  angulé,  soit  muni  d'un 
nombre  variable  de  dents. 

Les  Chrysis  forment  de  beaucoup  le  genre  le  plus  nombreux  en 
espèces  des  Chrysidiens.  Les  mâles  ressemblent  tout  à  fait  aux  femelles: 
on  reconnaît  celles-ci  à  l'oviscapte,  toujours  un  peu  visible.  Il  y  a  près 
de  cent  espèces  en  Europe,  dont  plus  de  cinquante  en  France.  D'autres 
sont  d'Egypte,  d'Asie  Mineure,  d'Algérie  et  du  Maroc,  de  Guinée,  d'Afrique 
australe  et  du  Cap,  des  Indes  orientales,  de  Java,  de  Madagascar,  des 
États-Unis,  de  la  Havane,  de  la  Guyane,  du  Brésil,  du  Chili.  Une  des 
espèces  les  plus  communes   dans  toute  l'Europe  est  C.  ignita,  Linn., 
de  7  à  12  millim.  (pi.  lxxvi,  9  a,  antenne;  9  6,  mandibule;  9  c,  lèvre 
inférieure  et  palpes).  La  tête  est  bleue,  avec  la  face  verdâtre,  le  thorax 
bleu  et  souvent  nuancé  de  vert  doré,  avec  le  prothorax  portant  une 
tache  centrale  ronde  et  deux  taches  triangulaires  d'un  bleu  foncée  les 
écailles  bleues  ou  d'un  vert  doré  ;  les  ailes  médiocrement  enfumées  ; 
les  pattes  verdàtres,  plus  rarement  bleuâtres;  l'abdomen  d'un  doré 
cuivreux,  avec  le  troisième  segment  muni  de  quatre  dents.  Cette  Chry- 
sis est  un  pseudo-parasite  carnassier  des  larves  des  Odynères  et  des 
Osmies.  11  y  a  çà  et  là,  comme  l'avait  déjà  reconnu  Linnaîus,  de  très- 
grands  sujets,  dépassant  en  dimensions  l'Abeille  domestique.  On  ren- 
contre C.    ignita   très-abondamment   partout  sur  les  palissades,  les 
murs,  les  feuilles  et  les  fleurs,  les  troncs  exposés  au  soleil,  dans  toute 
l'Europe  et  l'Asie  Mineure,  jusqu'au  fond  de  laLaponie  et  du  Finmark: 
ainsi   à  Alten,   près  du  cap   Nord.  Latreille  dit  avoir  vu  souvent  la 
femelle   guettant  la  sortie   du  Philanthe  apivore  hors  de  son  terrier 
pour  s'y  introduire  et  poursuivre  fréquemment  la  femelle  de  celui-ci. 
Walckenaer  l'a  vue    entrer  dans   le  trou   du  Cerceris  ornata   et  lui 
jeter  du  sable,  probablement  pour  l'étourdir.  Elle  s'introduit  surtout 
dans    les   nids  des  Osmies  et  des  Odynères,   c'est-à-dire  indifférem- 
ment chez  des  Apiens  et  chez  des  Fouisseurs.  Nous  citerons  encore 
C.  hidentata,   Linn.,    espèce    commune  en  France,  en  Angleterre,   en 
Belgique,   en   Suisse,  se  prenant  surtout  dans  les  clairières,  de  9  à 
11  millim.,  très-reconnaissable  par  l'abdomen,  dont  les  deux  premiers 
segments  sont  d'un  doré  cuivreux,  et  le  troisième  bleu  en  totalité,  et 
C.  cyanea,  Linn.,  des  mêmes  pays,  dont  tout  l'abdomen  est  d'un  bleu 
verdâtre,  aussi  prononcé  que  celui  de  la  tête  et  du  thorax.  C.  bidentata 
a,  comme  C.  ignita,  le  dernier  segment  apparent  quadridenté,  et  il  est 
tridenté  chez  C.  cyanea. 

Le  genre  Parnopes,  Fabr.,  a  quatre  segments  apparents  à  l'abdomen 
du  mâle  et  trois  seulement  chez  la  femelle,  à  cela  près  du  même  aspect. 
On  reconnaît  tout  de  suite  ce  genre  à  son  labre  très-apparent  et  surtout 
à  une  trompe  arquée,  noirâtre,  subcornée,  au  moins  aussi  longue  que 


8  HYMÉNOPTÈRES. 

la  moitié  du  corps.  Les  tarses,  très-épineux  dans  les  deux  sexes,  ont  les 
crochets  simples  et  sans  pelote.  Il  y  a  dans  l'Europe  méridionale  une 
belle  et  rare  espèce,  le  P.  corne?<s,  Rossi,  de  10  à  12  millim.,  à  tète  et 
corselet  verts  et  chagrinés,  à  mandibules  d'un  brun  rouge,  les  ailes 
hyalines  à  nervures  noires,  les  cuisses  vertes  avec  le  reste  des  pattes 
d'un  testacé  rougeâtre,  l'abdomen  avecle  premier  segment  vert  comme  le 
thoraxet  les  autres  d'une  couleur  de  chair  rougeâtre.  C'est  dans  les  terrains 
sablonneux  qu'il  faut  chercher  cet  insecte,  car  la  larve  vit  en  pseudo- 
parasite dans  les  nids  du  Bembexrosti-atus,  Fabr.,  et  l'on  peut  le  rencontrer 
partout  où  vit  ce  Crabronien,  ainsi  aux  environs  de  Paris.  Il  y  a  trois 
autres  espèces  de  Parnopes  d'Egypte. 


Byménoptères  à  abdomen  pédicule  entoniopbagcs. 

Les  Hyménoptères  des  tribus  qui  vont  suivre  :  Ichneumoniens,  Dra- 
coniens, Évaniens,  Chalcidiens  et  Proctotrupiens,  sont  compris  sous  la 
dénomination  générale  .d'Entomophages  ou  Entomospheces.  Ce  sont,  pour 
l'agriculture,  et  de  beaucoup,  les  plus  utiles  de  tous  les  auxiliaires 
zoologiques.  Tous,  en  efifet,  pondent  leurs  œufs,  au  moyen  de  la  tarière, 
dans  le  corps  même  des  larves  des  Insectes,  rarement  à  sa  surface 
{Ophion,  etc.).  Les  larves  nées  de  ces  œufs  vivent  des  tissus  mêmes  de 
leurs  victimes,  se  nourrissant  d'abord  du  réseau  graisseux  et  n'attaquant 
qu'en  dernier  lieu  les  organes  vitaux  essentiels.  La  larve  ne  parvient 
dès  lors  au  plus  qu'à'  l'état  de  nymphe,  et  l'insecte  qui  est  le  siège  de  ce 
pseudo-parasitisme  interne  se  trouve  par  cela  même  condamné  à  mort 
et  arrêté  dans  tout  le  développement  futur  de  son  espèce.  Si  nous  ne 
rangeons  pas  les  Chrysidiens  dans  ce  groupe,  bien  que  leur  rôle  harmo- 
nique soit  analogue,  c'est  que  leurs  œufs,  d'après  ce  qu'on  sait  de  leurs 
mœurs,  ne  paraissent  pas  toujours  déposés  à  l'intérieur  même  du  corps 
des  larves  qui  habitent  les  nids  où  les  femelles  viennent  pondre.  Ils 
peuvent  être  placés  dans  la  pâtée  mielleuse  des  Apiens  et  des  larves  qui 
en  sortent,  ne  pas  dévorer  nécessairement  toutes  les  larves  du  nidifiant, 
ou  bien,  chez  les  Euméniens  et  les  Fouisseurs,  les  larves  des  Chrysi- 
diens ne  font  peut-être  leur  proie  que  des  insectes  anesthésiés  mis  en 
réserve,  ce  qui  permet  la  vie,  ou  de  toutes  les  larves  du  Fouisseur,  ou 
d'un  certain  nombre. 


Tribu  des  iCHMEllilOMlEiVS. 

Les  Ichneumoniens  comprennent  les  plus  grandes  espèces  des  Hymé- 
noptères entomophages,  celles  par  conséquent  sur  lesquelles  notre 
attention  se  porte  le  plus.  Ce  sont  des  insectes  agiles  et  défiants,  très- 


ICHNEUMONIENS.  9 

prompts  à  s'envoler  ou  à  fuir  à  la  course  quand  on  veut  les  saisir. 
Réaumur  appelait  les  Iclineumoniensil/ouc/jw  vibrantes,  parce  que,  chez 
presque  tous,  les  antennes,  organes  d'odorat  et  d'audition,  sont  dans 
un  mouvement  de  vibration  presque  continuel,  indice  d'insectes  en 
quête  d'une  proie  vivante;  cependant  chez  les  Ophionides  les  antennes 
restent  dans  le  calme.  Certains  Ichneumoniens  ont  été  nommés  Mouches 
à  trois  soies  {Muscœ  tripiles),  à  cause  de  la  forme  de  leur  tariôre,  quand 
elle  est  très-saillante  et  très-longue,  parfois  plus  longue  que  le  corps 
{Ephialtes,  Rhyssa,  certains  M esos tenus);  on  voit  alors  un  filet  central 
ou  tube  propre  de  la  tarière,  d'où  s'écartent  latéralement  deux  filets 
aussi  longs,  qui  sont  des  valves.  Ce  caractère  n'a  rien  de  général  et 
disparaît  si  la  tarière  devient  trop  courte.  Elle  ne  dépasse  pas  la  lon- 
gueur du  corps  dans  les  Cryptus,  et  elle  est  souvent  plus  courte  {Pimpla, 
et  surtout  IcktieMmon,  Anomalon,  etc.).  Elle  peut  même  devenir  par  sa 
brièveté  à  peine  visible  au  dehors  (la  plupart  des  genres  des  Ophionides), 
et  même  paraître  manquer  {Peltastes,  llliger,  ou  Metopius,  Panzer).  Le 
nom  des  Ichneumoniens  vient  de  celui  de  ce  carnassier  viverrien,  la 
Mangouste  ou  Ichneumon,  qui,  au  dire  des  anciens  Égyptiens,  s'in- 
troduisait dans  le  corps  des  Crocodiles  pour  le  ronger  et  les  mettre 
à  mort. 

Les  Ichneumoniens  à  l'état  parfait  volent  entre  les  herbes,  les  ronces, 
les  feuillages,  sur  les  haies  et  les  lisières  des  bois,  au-dessus  des  mousses 
et  des  plantes  basses  ;  courent  sur  les  talus,  les  palissades,  les  murs  et 
même  parfois  dans  les  maisons.  On  les  rencontre  partout,  en  un  mot,  où 
ils  peuvent  trouver  des  chenilles,  qui  sont  la  principale  nourriture  de 
leurs  larves.  Ils  aiment  tous  à  fréquenter  les  (leurs  en  ombelles  et  à  y 
séjourner.  Il  paraît  probable  qu'ils  sucent  du  nectar  pour  se  nourrir; 
cependant  Gravenhorst  n'ose  l'affirmer  complètement.  Les  femelles  qui 
n'ont  qu'une  courte  tarière  de  ponte  se  rencontrent  principalement  sur 
les  feuillages,  car  elles  cherchent  des  larves  qui  vivent  à  découvert;  au 
contraire,  celles  qui  portent  une  tarière  longue  ou  très-longue  se  voient 
sur  les  murs,  les  palissades,  les  bois  coupés  et  surtout  les  troncs  d'arbres, 
ou  volent  autour.  Jamais  les  femelles  à  tarière  démesurée  ne  fréquentent 
les  feuilles  où  les  fleurs,  mais  toujours  lestiges  et  les  grosses  branches, 
où  leur  instinct  leur  apprend  que  peuvent  exister  des  larves  parfois 
profondément  cachées,  dans  les  troncs,  sous  les  écorces,  dans  des  galles, 
dans  des  branches  sèches  ou  les  vieux  bois  perforés  par  des  Coléoptères 
ou  des  Hyménoptères  nidifiants.  Quand  une  femelle  a  découvert  une 
galerie,  une  fente,  une  galle,  un  nid,  en  un  mot  toute  cavité  où  peuvent 
vivre  des  larves,  elle  s'accroche  par  les  pattes  antérieures  au-dessus 
du  tronc,  soulève  son  corps  et  dresse  son  abdomen  perpendicu- 
lairement, en  môme  temps  qu'elle  insinue  dans  la  cavité  la  tarière 
qu'elle  tenait  repliée  sous  son  ventre.  Le  bout  de  la  tarière  perce  le 
corps  de  la  larve  et  y  dépose  l'œuf  assez  profondément  pour  qu'il  ne 
reste  pas  dans  la  vieille  peau,  si  la  larve  vient  à  muer.   Qu'on  sur- 


10  HYMÉNOPTÈRES. 

prenne  dans  cette  opération  une  femelle  à'Ephialtes  ou  de  Rhyssa,  elle 
a  perdu  toute  crainte,  se  laisse  toucher  et  déplacer  avec  les  doigts,  et 
mOme  tuer  sur  place  plutôt  que  de  s'envoler.  Dans  le  genre  Ophion  et 
genres  annexes,  la  ponte  est  différente.  Par  un  mécanisme  analogue  à 
celui  des  Chrysopes,  la  femelle  pond  sur  la  surface  du  corps  d'une  che- 
nille un  œuf  en  forme  de  fève,  entouré  d'une  sorte  de  glu,  qui  s'étire 
en  pétiole  bientôt  solidifié  à  l'air  par  relèvement  de  l'abdomen  de  l'in- 
secte. Les  larves  écloses  n'entrent  pas  en  entier  dans  le  corps  de  la  che- 
nille, mais  se  recourbent,  leur  région  anale  demeurant  toujours 
engagée  dans  la  coque  de  l'œuf  portée  sur  son  pédicule,  tandis  que 
leur  bouche  ronge  continuellement  le  corps  de  la  victime,  jusqu'à  l'en- 
tier développement  de  la  larve.  Quelquefois  le  pédicule  de  l'œuf  est 
coudé  (cerlains  Tryphon).  Gravenhorst  a  vu  que  la  femelle  meurt  quel- 
quefois dans  la  ponte  et  que  des  œufs  restent  fixés  sur  l'abdomen  de  la 
mère  parleurs  pédicules,  et  les  petites  larves  écloses  et  sans  nourriture 
s'entre-dévorent.  Hartiga  vu  de  ces  œufs  pédicules  passant  par  la  tarière 
mOme.  D'après  Bruand  d'Uzelle,  les  femelles  d'Ichneumoniens  non 
fécondées  déposent  parfois  des  œufs  dans  les  chenilles,  et  celles-ci,  bien 
que  piquées,  arrivent  néanmoins  sans  difficulté  à  l'adulte,  vu  la  non- 
éclosion  de  ces  œufs  stériles. 

Uuand  on  saisit  les  Ichneumoniens,  ils  ne  cherchent  jamais  à  mordre  ; 
les  femelles  recourbent  aussitôt  l'abdomen  en  dessous,  ainsi  que  lors 
de  la  ponte  dans  une  larve,  et  la  tarière  sortie  de  ses  valves  se  dresse 
avec  des  convulsions  accélérées,  comme  pour  piquer  les  doigts,  ce  qu'elle 
n'effectue  que  dans  très-peu  de  genres,  ainsi  les  Ophions.  Quand  elle 
réussit  à  percer  la  peau,  la  douleur  est  vive,  mais  momentanée,  car  il 
n'y  a  pas  de  venin  versé  dans  la  blessure. 

On  sait  fort  peu  de  chose  sur  l'accouplement  des  Ichneumoniens.  Do 
fieer  dit  avoir  observé  celui  de  VOphmi  luteum.  Le  mâle,  très-impé- 
tueux et  ardent,  monte  sur  le  dos  de  la  femelle,  qui  reste  toujours 
immobile;  puis  il  recourbe  son  abdomen  sous  l'extrémité  do  l'abdomen 
de  la  femelle,  et,  pendant  qu'il  le  fait  mouvoir  convulsivement  et  que 
les  ailes  frémissent,  introduit  son  pénis  sous  le  sixième  segment.  La 
copulation  fut  terminée  au  bout  de  cinq  minutes.  Gravenhorst  n'a 
jamais  pu  voir  cet  acte  sur  aucune  espèce,  ni  même  ses  préludes,  bien 
qu'il  eût  mis  tous  ses  soins  pendant  trente  ans  à  la  recherche  de  cette 
observation,  et  vu  peut-être  vivants  à  l'état  libre  plus  de  cent  mille 
Ichneumoniens.  Des  entomologistes  lui  ont  transrais  dos  notes  qui 
mentionnent  des  espèces  surprises  en  accouplement,  mais  se  taisent  sur 
le  procédé. 

Plusieurs  Ichneumoniens  exhalent,  quand  on  les  saisit,  des  odeurs 
variées.  Parfois  ce  sont  des  odeurs  d'acide  acétique  ou  formique,  ainsi 
chez  le  Pimpla  instigator,  un  des  grands  destructeurs  des  chenilles 
processionnaires  du  Chêne;  quelquefois,  au  contraire,  ce  sont  des 
odeurs  de  Rose  ou  de  Jacinthe. 


ICHNEUMONIENS.  Il 

Le  plus  ordinairement  les  œufs  déposés  à  l'intérieur  du  corps  des 
larves  donnent  naissance  à  des  larves  apodes  et  qui  ne  font  pas  d'excré- 
ments. Elles  sont  molles,  charnues,  à  peu  près  cylindriques,  avec  les 
deux  extrémités  plus  étroites,  et  portent  sur  les  côtés  des  tubercules 
charnus.  Leurs  deuv  extrémités  se  courbent  en  général  sous  le  corps. 
Elles  ont  des  ocelles  rudimentaires,  deux  petits  crochets  ou  mandibules, 
lui  labre  charnu,  et  au-dessous  une  pièce  charnue  et  trilobée,  repré- 
sentant les  mâchoires  et  la  languette.  Une  filière  peu  visible  leur  sert 
à  se  filer  un  cocon  de  soie  où  elles  doivent  subir  la  nymphose,  il  a  l'as- 
pect d'un  œuf,  tantôt  de  couleur  uniforme,  blanche  ou  jaunâtre,  tantôt 
orné  de  bandes  brunes,  ce  qui  est  probablement  dû  à  l'usage  alternatif 
de  glandes  distinctes.  La  nymphe  ressemble  beaucoup  à  l'adulte,  dont 
elle  a  déjà  en  partie  les  couleurs  ;  les  pattes,  les  antennes  et  les  ailes  sont 
appliquées  contre  le  corps.  De  Geer  a  remarqué  que  la  tarière  remonte 
chez  la  nymphe  sur  le  dos  de  l'abdomen,  dans  les  espèces  à  longue 
tarière,  par  une  disposition  transitoire,  qui  restera  permanente  chez 
quelques  espèces  de  Chalcidiens  (genre  Leucospis). 

Tantôt  les  larves  quittent  la  peau  émaciée  et  vidée  de  la  chenille  et  se 
transforment  au  dehors  ;  tantôt  elles  subissent  leurs  métamorphoses 
sous  cette  enveloppe  même.  Enfin,  souvent  elles  permettent  la  nym- 
phose de  leur  victime  et  sortent  adultes  de  la  nymphe  dans  laquelle 
elles  sont  devenues  nymphes  à  leur  tour.  En  général,  les  Ichneumons 
sortent  des  chrysalides  à  l'époque  de  l'apparition  normale  de  l'insecte 
parfait,  ou  môme  plus  tôt;  Pierret  a  vu  une  fois  l'inverse  se  pro- 
duire, et  un  Ichneumon  sortir  au  printemps  d'une  chrysalide  d'Epi- 
soma  chrysocephalum,  qui  aurait  dû  se  transformer  l'automne  pré- 
cédent. 

On  voit  surgir  de  la  chrysalide  un  Ichneumonien  au.  lieu  du  papillon 
qu'on  attendait,  ou  un  grand  nombre  poiir  les  petites  espèces  (ce  qui 
arrive  surtout  pour  la  tribu  suivante  des  Braconiens).  Aussi  les  anciens 
auteurs,  tels  que  Goedart,  qui  observèrent  les  premiers  ces  faits,  croyaient 
à  une  métempsychose  ou  à  une  métamorphose  dans  le  sens  des  fables 
antiques. 

Si  les  Fouisseurs  apportaient  à  côté  de  leur  progéniture  des  proies 
anesthésiées  et  déposées  avant  l'éclosion  des  œufs,  les  Ichneumoniens 
assurent  encore  bien  mieux  la  nutrition  de  leurs  petits  en  les  introdui- 
sant dans  le  corps  vivant  même  qu'elles  doivent  dévorer.  Un  rôle  har- 
monique considérable  est  dévolu  à  ces  chétifs  insectes  :  les  carnassiers, 
augmentant  progressivement  en  nombre,  anéantissent  presque  tous  les 
phytophages  ;  puis  les  carnassiers  meurent  de  faim  et  les  autres  repren- 
nent peu  à  peu  la  prédominance,  et  par  suite  les  dévastations  agricoles 
recommencent.  Ily  alà  un  balancement  continuel.  Les  Ichneumoniens 
et  autres  tribus  entomophages  sont  la  cause  très-prédominante  de  la 
disparition,  parfois  pour  longtemps,  des  insectes  nuisibles,  ainsi  qu'on 
le  constate  souvent  pour  la  Pyrale  de  la  Vigne;  les  intempéries  et  les 


12  HYMÉNOPTÈRES. 

Oiseaux  insectivores  n'ont  qu'une  action  secondaire  en  présence  du 
rôle  capital  des  insectes  entomophages  internes. 

Ce  sont  principalement  les  chenilles  qui  sont  attaquées  par  les  Ichneu- 
moniens  et  aussi  par  les  Braconiens;  beaucoup  de  larves  d'autres  ordres 
que  celui  des  Lépidoptères  sont  aussi  leurs  victimes,  surtout  celles  des 
Diptères  et  des  Hyménoptères,  et  les  proies  des  Ichneumoniens  ont 
encore  plus  de  généralité.  De  petites  espèces  de  Cryptiis  et  d'Hemiteles 
viennent  dans  nos  maisons,  voltigeant  souvent  sur  les  fenêtres  et  les 
rideaux,  et  pondent  dans  le  corps  des  larves  de  Ptines,  d'Anobies, 
de  Dermestiens,  de  Teignes,  diminuant  ainsi  la  multiplication  des  cnne- 
mis  des  bois  de  service,  de  nos  provisions,  de  nos  vêtements.  Des  larves 
de  Coléoptères,  ainsi  de  Coccinelles,  sont  également  leur  proie. 
Celles  des  Névroptères  peuvent  nourrir  des  Ichneumoniens.  Ainsi  un 
Cryptiis  ne  craint  pas  de  percer  de  sa  tarière,  au  fond  de  son  entonnoir 
de  sable,  la  redoutable  larve  du  Fourmilion  (1);  celles  des  Aschnes  et 
des  Chrysopes  ne  sont  pas  à  l'abri  de  leurs  atteintes,  et  un  Acœnites  a 
été  signalé  sortant  du  cocon  de  Chrysopa  vulgaris.  Des  nymphes  peuvent 
être  victimes  des  Ichneumoniens,  car  on  a  vu  un  Cryptus  pondre  dans 
des  chrysalides  de  Papillons.  Très-rarement,  il  est  vrai,  des  insectes 
adultes  sont  percés  par  la  tarière  de  ponte,  ainsi  des  Charansons, 
entre  l'abdomen  et  le  bout  des  élytres.  Des  Articulés  autres  que  les 
Insectes  nourrissent  dans  leur  intérieur  des  larves  d'Ichneumoniens. 
On  a  vu  des  larves  sortir  du  ventre  des  grosses  Araignées  de  jardin,  les 
Épeires,  et  se  filer  un  cocon  au  centre  de  la  toile  de  l'Araignée.  Des 
Ichneumoniens  des  genres  Ichneumon,  Pimpla,  Hemiteles,  pondent  dans 
les  cocons  à  œufs  des  Araignées,  et  ces  œufs  sont  mangés  par  les  larves, 
qui  deviennent  nymphes  dans  le  cocon  soyeux  lui-même,  de  sorte  qu'on 
en  voit  sortir  des  Ichneumoniens  ailés  au  lieu  des  petites  Araignées.  11 
y  a  des  genres  ou  des  espèces  d'Ichneumoniens  qui  s'adressent  toujours 
à  la  même  espèce  de  victimes,  semblant  prédestinés  à  limiter  la  mul- 
tiplication d'une  espèce  particulière  ;  il  y  en  a  beaucoup,  au  contraire, 
qui  attaquent  indifféremment  des  victimes  très-diverses,  préoccupés 
uniquement  de  chercher  de  la  chair  fraîche  pour  leur  progéniture. 

Caractères  généraux.  —Antennes  sétacées  ou  filiformes  en  général, 
non  coudées,  rappr  ochées  à  l'inaction,  souvent  enroulées  sur  le  sec, 
offrant,  après  le  scape,  qui  varie  dans  sa  forme  et  ses  échancrures,  deux 
articles  rudimentaires,  puis  un  fouet  multiarticulé,  de  sorte  que  le 
nombre  total  d'articles  varie  de  18  à  60  (Gravenhorst),  parfois  élargies 
et  comprimées  au  milieu  de  leur  longueur  [Euceros,  Grav.),  rarement 
dentées  (mâles  de  quelques  Ichneumon,  Cryptus  et  genres  voisins),  plus 

(1)  ^oudier.  Observations  surdiverspai^asites  {Ann.  Soc.  entom.  France,  ISZd, 
t.  III,  p.  327).  Cette  note  traite  des  Entomophages  attaquant  la  larve  du  Four- 
milion et  divers  Charansons  adultes. 


ICHNEUMONIElNS.  13 

grosses  vers  le  bout  chez  beaucoup  de  Cryplus  et  dans  les  Joppa,  en 
massue  dans  le  genre  Heiwigia,  Grav.,  nues  ou  pubescenles,  rarement 
à  poils  hérissés,  plus  courtes  que  le  corps  chez  la  plupart  des  Ichneu- 
moniens,  de  sa  longueur  chez  quelqnes-uns,  très-rarement  plus  longues. 
Tète  peu  proéminente,  orbiculaire  ou  subovale  en  avant,  le  plus  sou- 
vent un  peu  rétrécie  vers  le  cou  et  à  peu  près  de  la  largeur  du  thorax  ; 
l'occiput  plus  ou  moins  émarginé  à  son  application  au  thorax  ;  le  Iront 
armé  quelquefois  d'une  ou  très-rarement  de  deux  petites  cornes  ou 
saillies  entre  les  antcimes;  la  face  plane,  parfois  subconcave  (Metopius), 
parfois  tuberculée  (Eœochus).  Veux  latéraux,  plus  ou  moins  proéminents, 
ovales  ou  suborbiculaires,  parfois  subréniformes  par  leur  bord  interne 
échancré  contre  les  antennes  {Hebvigia);  trois  ocelles  en  triangle  entre 
le  vertex  et  le  front,  d'un  hyalin  brillant.  Labre  le  plus  souvent  caché 
par  le  chaperon,  parfois  saillant  {Labrum,  genre  voisin  des  Tryphon). 
Mandibules  généralement  épaisses  et  bidentées,  élargies,  surtout  chez 
les  Ophion  et  Thyreodon.  Palpes  maxillaires  de  5  articles,  très-rarement 
de  h  ;  lèvre  inférieure  petite  et  cachée,  avec  palpes  plus  courts  que  les 
maxillaires,  de  Ix  articles,  très-rarement  de  3,  cette  lèvre  formant  très- 
rarement  avec  les  mâchoires  un  prolongement  en  forme  de  bec  {Ospryn- 
chotm).  Thorax  de  longueur  variant  du  double  au  quadruple  de  la  lar- 
geur, rarement  subcylindrique,  souvent  plus  ou  moins  gibbeux,  par- 
fois subglobuleux,  avec  prothorax  très-court,  débordé  en  partie  par  le 
mésothorax,  qui  offre  postérieurement  une  suture  profonde  derrière 
l'écusson,  et  mélathoraxplus  ou  moins  rugueux,  ponctué,  rayé  de  lignes, 
ayant  parfois  sur  sa  face  postérieure  déclive  deux  ou  même  quatre 
tubercules  obtus  ou  mucronés;  écusson  souvent  subtriangulaire  ou 
suborbiculaire,  parfois  tubercule  {Trogus)  ou  avec  un  éperon  dressé 
(Banchus),  rarement  Iransverse  quadrangulaire,  avec  les  angles  apicaux 
allonges  en  pointe  (Metopius),  disparaissant  peu  à  peu  proportionnelle- 
ment au  degré  d'atrophie  des  ailes  dans  les  Pezomuclitis.  Ailes  bien  ner- 
vulées,  les  antérieures  avec  un  stigma  distinct,  grand  ou  petit,  trois 
cellules  humérales  allongées,  partant  de  la  base  de  l'aile,  deux  ou  trois 
cubitales,  deux  discoïdales  au-dessous  des  cubitales  et  deux  cellules 
postérieures  au-dessous  des  discoïdales;  cellule  discoïdale  externe 
toujours  fermée,  et  par  suite  deux  nervures  récurrentes,  tandis  que  chez 
les  Draconiens  il  n'y  a  qu'une  nervure  récurrente,  la  seconde  ou  l'ex- 
terne manquant,  car  la  cellule  discoïdale  extérieure  est  toujours 
ouverte;  seconde  cubitale  très-réduite  et  de  forme  variable,  dite 
l'aréole,  de  caractéristique  médiocre,  car  elle  peut  manquer  et  est  aussi 
parfois  très-petite  chez  certains  Draconiens.  Ailes  inférieures  à  sept 
cellules,  trois  internes,  nées  de  la  racine  de  l'aile,  quatre  externes, 
situées  au  bord  postérieur.  Pattes  toutes  propres  à  la  marche,  les  anté- 
rieures les  plus  courtes,  les  postérieures  les  plus  longues,  tantôt  longues 
et  grêles,  tantôt  courtes  et  robustes,  les  postérieures  parfois  très-renflées, 
hanches  parfois  armées  d'un  fort  calcar,  les  médianes  ayant  un  tubercule 


14  HYMÉNOPTÈKES. 

latéral  aigu  chez  certains  Ephialtes;  cuisses  grêles  ou  épaisses,  surtout 
les  postérieures,  parfois  eu  massue  (Exochus),  très-rarement  armées 
d'une  épine  ou  d'une  forte  dent  au  bord  inférieur  {Odontomerus);  jambes 
droites  et  allongées,  les  antérieures  avec  une  épine  apicale  recourbée, 
les  médianes  avec  deux  épines  droites  et  rarement  une  seule,  les  pos- 
térieures avec  deux  épines  droites,  ces  jambes  parfois  plus  ou  moins 
courbées  (certains  Rhyssa)  ;  tarses  filiformes  et  grêles,  de  cinq  articles, 
le  premier  le  plus  long,  les  autres  de  longueur  décroissante,  le  dernier 
avec  deux  angles  aigus  recourbés,  ayant  entre  eux  une  courte  pelote 
obtuse,  ces  ongles  ayant  en  dessous,  dans  les  Ophions,  des  peignes 
très-fins,  visibles  à  une  bonne  loupe.  Abdomen  variant  de  forme  et 
de  dimensions,  cylindroïde  chez  la  plupart,  ou  allongé  ovale  (Ichneu- 
mun,  Cryptiis),  ou  fusiforme,  ou  plus  ou  moins  comprimé  {Ophion), 
avec  le  bout  le  plus  souvent  tronqué  ;  chez  d'autres,  subconique  ou  gra- 
duellement rétréci  vers  le  bout,  ou  déprimé  {Pimpla),  et  chez  un  petit 
nombre  linéaire  ou  déprimé-orbiculaire;  segments  au  nombre  de 
7  ou  8,  les  7  premiers  stigmatifères,  le  dernier  plus  ou  moins  caché, 
souvent  tout  à  fait  obsolète,  le  premier  ayant  de  chaque  cùté  un  petit 
tubercule  plus  ou  moins  distinct,  tantôt  subsessile  ou  paraissant  immé- 
diatement adhérer  au  métatliorax  par  la  brièveté  du  pédicule,  tantôt 
subpcliolé,  tantôt  enfin  avec  un  pétiole  étroit,  linéaire  ou  filiforme,  soit 
droit,  soit  arqué  et  descendant  vers  la  partie  inférieure  du  métathorax, 
auquel  il  s'insère,  ce  premier  segment  et  parfois  le  second  rugueux, 
avec  des  points,  des  cicatrices  et  deux  ou  quatre  lignes  longitudinales  ; 
segments  2,  3,  h  avec  une  impression  de  deux  lignes  dorsales  obliques 
dans  les  Ghjptus  et  d'une  ligne  transversale  chez  certains  Banchua, 
presque  tous  les  segments  dans  plusieurs  genres  de  Pimples  plus  ou 
moins  incisés  transversalement  ou  subtuberculés. 

Les  couleurs  des  Ichneumoniens  offrent  certaines  règles  de  distribu- 
tion. Chez  la  plupart  des  Cryptas  et  genres  voisins,  chez  certains  Ichneu- 
mon  et  beaucoup  de  Joppa,  un  large  anneau  blanc  ou  d'un  blanc  jau- 
nàtreexiste  versle milieu  de  l'antenne,  parfois  incomplet  ou  interrompu 
à  la  face  inférieure  de  l'anlenne,  surtout  chez  les  femelles  et  non  chez 
les  mâles  (beaucoup  de  Cryptiis  et  d'Ichneumon),  ou  à  l'inverse,  parfois 
même,  selon  xM.  Westwood,  devenant  individuel  dans  les  femelles,  man- 
quant ou  apparent  chez  la  même  espèce,  selon  les  sujets.  Le  corps  est  le 
plus  souvent  nu  et  brillant,  parfois  couvert  de  poils  hérissés  ou  subsoyeux 
par  des  poils  couchés,  surtout  pour  la  tête  et  le  thorax,  rarement  ru- 
gueux ou  couvert  de  points  profondément  imprimés  (Metopins)  ou  çà  et  là 
aciculés  (plusieurs  Bossus).  Beaucoup  d'espèces  sont  colorées  de  roux  et  de 
noir,  souvent  plus  ou  moins  peintes  de  blanc,  parfois  entièrement  rousses 
ou  entièrement  noires.  La  tête  est  unicolore  ou  bicolore,  rarement  de 
trois  couleurs,  avec  la  face  plus  ou  moins  peinte  de  blanc.  Le  thorax  est 
parfois  lavé  d'une  couleur  rousse  ou  peint  de  jaune  clair,  le  plus  souvent 
marqué  d'un  ou  deux  pohifs  blancs  à  la  racine  des  ailes;  l'écusson  blanc 


ICHNCUMONIENS.  15 

chez  beaucoup  d'espèces  ;  les  pattes  d'une,  deux  ou  trois  couleurs,  jamais 
eutiôremeut noires,  avecles cuisses  antérieures  toujours  plus  pâles  en 
dessous. 

Les  caractères  sexuels  externes  des  Ichneumoniens  sont  souvent  dou- 
teux dans  les  espèces  où  la  tarière  de  ponte  des  femelles  est  entièrement 
cachée.  Les  mâles  ont  parfois  des  peintures  plus  élégantes  de  la  tête,  du 
thorax  et  des  pattes,  peuvent  manquer  de  l'anneau  blanc  antennairc, 
avoir  l'abdomen  plus  grêle  que  les  femelles  (la  plupart  des  Cryptus  et 
Pimpla),  ou  les  antennes  plus  épaisses  (plusieurs  Cryptus),  ou.  au  con- 
traire plus  grêles  dans  certains  Ichneumon.  Quand  la  tarière  sort  natu- 
rellement au  bout  de  l'abdomen  des  femelles,  la  distinction  devient  au 
contraire  certaine.  Si  la  tarière  de  ponte  est  longue,  elle  est  d'ordinaire 
portée  droite  au  repos  dans  la  direction  du  corps;  quand  elle  est  courte 
ou  à  peine  saillante,  elle  est  souvent  dressée  plus  ou  moins  obliquement- 

Cette  tarière  semble  au  premier  abord  formée  de  trois  pièces  :  les  deux 
latérales  sont  les  valves  ou  organes  protecteurs  de  la  tarière  proprement 
dite  au  repos  et  la  recouvrent  d'habitude  ;  ce  sont  des  demi-cylindres 
iluiitla  convexité  est  tournéeau  dehors,  et  qui  forment  en  se  réunissant 
sur  la  ligne  moyenne  un  étui  logeant  la  tarière.  Ces  valves,  lors  du  vol, 
dans  les  très-longues  tarières,  s'écartant  en  divergeant  du  tube  central  ; 
celui-ci  ou  tarière  propre,  homologue  de  l'aiguillon,  offre  lui-même  trois 
pièces,  un  tube  externe  ou  cylindre  incomplet  (gorgeret)  recevant  dans 
une  cannelure  de  sa  face  inférieure  deux .  soies  roides  (spicules  de 
M.  Westwood),  dentées  à  l'extrémité  et  qui  sont  des  instruments  de  perfo- 
ration. Ces  spicules  et  le  tube  incomplet  qui  les  loge  forment  en  se  réu- 
nissant un  cylindre  incomplet  par  oii  passent  les  œufs.  La  tarière  est  donc 
destinée  cà  leur  créer  un  passage,  les  spicules  agissant  comme  les  lames 
d'une  scie  et  le  fourreau  à  la  façon  de  la  mèche  d'un  vilebrequin  ou  d'un 
foret,  c'est-à-dire  des  outils  qui  trouent  le  bois,  la  pierre  ou  le  métal. 
Quand  une  femelle  d'Ichneumonien,  a  vu  Réaumur,  perce  une  branche 
ou  le  mortier  dur  de  quelque  nid  d'Abeille  maçonne,  les  valves  protectri- 
ces n'entrent  pas  dans  le  travail,  elles  restent  tantôt  recourbées  sous  le 
ventre,  tantôt  étendues  en  ligne  droite.  L'insecte  exécute  deux  mouve- 
ments :  l'un  de  haut  en  bas,  dans  lequel  les  spicules  dentelés  scient;  l'au- 
tre de  rotation,  dans  lequel  leur  fourreau  troue.  Dans  les  deux  sexes,  deux 
petits  appendices  velus,  d'une  seule  pièce,  sont  attachés  à  la  plaque  anale 
ou  arceau  supérieur  du  huitième  segment  abdominal.  Chez  les  mâles,  la 
tarière  est  remplacée  par  l'appareil  d'accouplement,  et  l'on  remarque 
chez  eux,  surtout  dans  les  Ophions  et  genres  voisins,  deux  valves  ordinaire- 
ment triangulaires^  représentantl'arceau  inférieur  du  huitième  segment 

Le  système  nerveux  des  Ichneumoniens  présente  trois  ganglions  tho- 
raciques,  dont  le  troisième  oil're  trois  paires  de  noyaux,  c'est-à-dire 
résulte  d'une  fusion  de  trois  ganghons  de  la  larve  ;  la  plupart  ont  six 
ganglions  abdominaux  simples  (Ed.  Brandt). 

Les  Ichneumoniens  ont  longtemps  été  réunis  à  la  tribu    suivante, 


16  HYMÉNOPTÈRES. 

celle  des  Hraconiens,  et  Nées  ab  Esenbeck  faisait  de  ces  derniers  ses 
Ichneumonides  adjoints  (Nées  ab  Esenbeck  et  Gravenhorst,  Conspectus 
(jenérum  et  familiarum  Ichneumonidum,  inActa  Acad.  naturœ  curiosorum, 
t.  iX,  1818).  Plus  tard  Gravenhorst  (1829)  établit  définitivement  la  sépa- 
ration de  ses  Ichneumonides  propres,  qu'il  divise  en  un  grand  nombre 
de  sous-famillcs.  Brullé  a  réduit  le  nombre  de  celles-ci  d'abord  à  quatre 
{Hist.  natur.  des  Hyménoptères,  18^6),  d'après  les  caractères  tirés  de  la 
forme  déprimée  de  l'abdomen,  de  la  longueur  du  pédicule  et  de  celle 
de  la  tarière,  en  prenant  comme  types  des  familles  les  genres  Pimpla, 
Ophion,  Crijptus  et  Ichnemnon^  avec  des  genres  de  passage,  comme  les 
Banchus,  Xorides,  etc.  11  a  abandonné  ensuite  ces  caractères,  et  a  pris 
comme  dominateur  le  caractère  tiré  de  l'aréole  ou  petite  cellule  du 
milieu  de  l'aile  antérieure.  Il  établit  d'abord  deux  séries  parallèles  prin- 
cipales avec  correspondance  des  genres,  dans  lesquelles  existe  l'aréole, 
soit  réellement,  soit  virtuellement,  c'est-à-dire  qui  reparaît  si  l'on  com- 
plète par  la  pensée  la  nervure  externe.  Elles  ont  pour  types  les  genres 
Ichneumon  et  Cryptus  d'une  part,  Pimpla,  Tryphon  et  Ophion  de  l'autre, 
et  se  rangent  sur  les  côtés  d'une  série  intermédiaire  {Xylonomus,  Xori- 
des, Crypturus),  où  l'aréole  manque  typiquement,  sans  qu'on  puisse  la 
rétablir,  série  centrale  dont  les  autres  forment  comme  les  ailes.  De 
même  les  Hyménoptères  [sont  un  centre  de  série  entre  les  ordres  masti- 
cateurs et  les  ordres  suceurs,  car  leurs  organes  buccaux  sont  intermé- 
diaires entre  ceux  des  deux  autres  séries.  Des  groupes  anormaux  sous 
certains  rapports  servent  de  transition  entre  les  deux  séries  principales, 
et  entre  celles-ci  et  la  série  intermédiaire  (1). 

Aujourd'hui  où  l'emploi  des  séries  parallèles  n'est  plus  aussi  en  |fa- 
veur  qu'il  y  a  une  trentaine  d'années,  nous  diviserons  les  Ichneumoniens, 
d'après  le  Catalogue  deM.  Léop.Kirchner  (1867),  en  cinq  familles:  Ichneu- 
monides, Cryptides,  Triphonides,Ophionides  et  Pimplides. 

ICHNEUMONIDES 

Tête  transversc.  Écusson  plan  ou  convexe  ;  aréoles  le  plus  ordinaire- 
ment à  cinq  angles.  Abdomen  convexe  et  pétiole,  à  pétiole  assez  court  ; 
tarière  cachée  ou  seulement  un  peu  sortie. 

IC'll\li:i.'MO\,  Linn.  —  Tête  courlc.  Yeux  convexes,  proéminents,  ovales,  par- 
fois subréniformes  un  peu  en  dedans.  Antennes  de  longueur  et  d'épaisseur 
médiocres,  submoniliformes  ou  subsétacccs,  ordinairement  plus  grêles  et  plus 
droites  dans  les  mâles  que  dans  les  femelles,  chez  lesquelles  elles  s'enroulent 
d'habitude  plus  ou  moins  après  la  mort.  Mandibules  bidcnlées   à  l'extrémilé. 

(1)  Brullé,  Études  zoologiques  sur-  la  famille  des  Ichneumonides  {Mémoires  de 
l'Académie  de  Dijon,  1856,  p.  171  et  258). 


ICHNEUMON,    ETC.  17 

Thorax  yibbeux,  rarement  cylindrique;  écussou  peu  ou  pas  sallUiul,  triangu- 
laire ou  subcarré.  Ailes  médiocres,  avec  aréole  le  plus  souvent  quinquangle, 
parfois  pyramidilorme,  souvent  subtriangulaire.  Pattes  médiocres.  Abdomen 
beaucoup  plus  long  que  le  thorax,  à  premier  segment  globuleux  et  rude  ;  le 
pétiole  linéaire  et  arqué  ;  un  tubercule  de  chaque  côté  du  point  où  le  pétiole  se 
rattache  à  la  partie  antérieure  de  l'abdomen;  bout  de  l'abdomen  ordinairement 
aigu,  parfois  obtus,  vu  de  côté  chez  quehiues  l'cmelles.  Tarière  cacliée. 

Uii  nombre  considérable  d'espèces  composent  le  genre  Iclineitnwn 
propre.  On  en  compte  plus  de  250  pour  l'Europe,  dont  une  cinquantaine 
au  moins  en  France.  Nous  citerons  dans  les  plus  communes  :  17.  extenso- 
rius,  Grav.,  fréquent  sur  les  Chênes,  à  thorax  noir,  l'écusson  jaune^ 
l'abdomen  d'un  rouge  fauve,  noir  au  bout  avec  point  jaune,  les  antennes 
de  la  femelle  avec  un  anneau  jaune;  17.  jlavaiorius,  Wesmael,  entière- 
ment fauve  avecl'écusson  pâle  et  le  bout  de  l'abdomen  d'un  noir  bleuâ- 
tre, parasite  du  funeste  Liparis  dispar;  17.  luctatorius,  Grav.,  à  thorax 
noir,  l'écusson  jaune,  l'abdomen  jaune,  noir  au  boni,  parasite  du  Vanessa 
Urticœ;  I.  gronsorius,  Grav.,  d'Angleterre,  de  France,  d'Allemagne, 
d'Italie  (pi.  lxxvu,  flg.  8),  à  corselet  et  pattes  noirs  variés  de  jaune, 
l'écusson  jaune,  les  ailes  un  peu  enfumées,  l'abdomen  à  pédicule  noir, 
puis  deux  anneaux  d'un  rouge  ferrugineux,  les  autres  noirs  tachés  de 
jaune  au  milieu.  Pour  les  collections,  on  subdivise  les  ïchneumons 
d'après  les  couleurs  noire,  rouge ,  jaune,  blanche,  au  moins  en 
partie,  de  l'écusson  et  de  l'abdomen.  Ils  sont  carnassiers  internes  de 
Lépidoptères. 

A  côté  se  trouve  le  genre  Trugus,ijru.\'.,  à  antennes  médiocres  etséta= 
cées,  avec  un  écusson  subcarré  et  élevé  plus  ou  moins  en  pointe  (carac- 
tère distinctif  essentiel),  les  ailes  le  plus  souvent  diaphanes,  le  pétiole 
abdominal  grêle  et  linéaire,  canaliculé,  le  premier  segment  de  l'abdo- 
men gibbeux  et  dilaté  au  bout  et,  le  plus  souvent,  avec  deux  lignes 
élevées,  la  tarière  cachée.  Les  Trognes  n'ont  que  très-peu  d'espèces  de 
grande  taille  vivant  dans  de  grandes  chenilles  :  le  T.  luturius,  Grav.,  à 
tête  et  thorax  noirs  et  roux,  avec  l'abdomen  fauve  ou  roussâtre,  la  larve 
vivant  dans  les  Sphingiens  {Sphinx  Ligustri,  Macroglossfl  Slellatarum, 
Sphinx Pmastri,Smerinthus  Tiliœ  et  oceltatus);  le  T.flavatorius,  Panzer,  en 
entier  d'un  jaune  testacé,  mêlé  de  fauve  et  de  ferrugineux,  sorti  du 
Liparis  Monacha,  espèce  parfois  très-nuisible  aux  forêts  de  Conifères  ;  le 
T.  exaltatorius,  Panzer,  sorti  de  la  chrysaUde  de  Sphinx  Ligustri  :  c'est 
une  très-grande  espèce  à  thorax  noirâtre,  l'écusson  roux,  les  ailes 
jaunes  avec  le  bout  enfumé,  l'abdomen  roux,  noir  au  bout  ;  le  T.  lapi- 
dator,  Grav.,  de  la  chenille  du  Papilio  Machaon,  etc. 

Les  Joppa,  Fabr.,  sont  formés  d'ichneumonides  exotiques  des  régions 
tropicales  ou  chaudes  des  deux  Amériques,  avec  quelques  espèces  des 
Indes,  de  Java,  du  Sénégal,  du  Gap.  L'écusson  est  élevé,  comme  chez  les 
Trogus;  les  antennes  des  mâles  d'aspect  noueux,  car  elles  sont  formées 

GIRARD.  ]II.  —   2 


18  HYMÉNOPTÈRES. 

d'articles  étranglés  au  milieu  de  leur  longueur  et  renflés  avant  l'extré- 
mité, celles  des  femelles  tantôt  élargies  en  palette  avant  l'extrémité, 
la  partie  élargie  formée  d'articles  courts  et  aplatis,  tantôt  plus  grosses 
et  plus  ou  moins  comprimées  vers  le  bout,  l'aréole  de  l'aile  antérieure 
ordinairement  pentagonale,  parfois  quadrilatère  ou  même  subtriangu- 
laire, la  tarière  cachée.  Nous  figurons  le  /.  picta,  G.-Mén.,  femelle 
(pi.  Lxxvn,  fig.  7i,  du  Brésil,  varié  de  noir  et  de  jaune,  les  ailes  rembru- 
nies au  bout,  les  pattes  noires  en  dessus,  l'abdomen  avec  six  taches 
jaunes  et  les  jambes  postérieures  avec  deux. 


CRVPTIDES. 


tête  transverse.  Écusson  plan  ou  convexe.  Abdomen  convexe  et 
pétiole,  avec  le  pédicule  étroit  et  allongé.  Tarière  longue  et  sail- 
lante. 

Dans  le  genre  Cryptus,  Grav.,  les  antennes  sont  longues  et  grêles, 
souvent  épaissies  vers  l'extrémité  dans  les  femelles  ;  les  yeux  ovales,  plus 
ou  moins  proéminents  ;  l'écusson  plus  ou  moins  convexe,  triangulaire 
ou  subcarré;  les  ailes  médiocres,  avec  l'aréole  pentagonale  ou  qua- 
drangle  ;  les  pattes  longues  et  grêles,  surtout  les  postérieures;  l'abdomen 
des  mâles  long  et  étroit,  ovale  et  élargi  chez  les  femelles,  le  premier 
segment  lisse  et  subarqué,  avec  deux  lignes  élevées  distinctes;  la  tarière 
longue  et  saillante,  partant  d'une  proéminence  du  sixième  segment 
ventral,  se  plaçant  au  repos  dans  la  fente  des  segments  7  et  8,  puis  em- 
boîtée par  les  valves,  lesquelles  sont  fixées  au  bout  de  l'abdomen,  quel- 
quefois plus  courtes  que  la  moitié  de  l'abdomen,  le  plus  souvent  plus 
longues,  rarement  de  la  longueur  de  tout  le  corps.  Les  Cryptes,  qui  ont 
près  de  200  espèces  en  Europe,  sont  parasites  de  larves  variées, 
telles  que  des  Saperdes  (Coléoptères),  des  chenilles  de  Vanesses,  de 
Smérinthes,  de  Zygènes,  de  Bombyciens,  de  la  Noctuelle  des  Pins,  etc.; 
d'Hyménoptères  des  genres  Oamia,  Eumenes,  Odynerus,  Tripoxylon,  Pelo- 
pœus,  Crabro;  de  Tenthrédiniens,  tels  que  les  Cimbex,  les  Lophyres  du 
Pin,  etc.  Citon's  C.  tarsolmcus,  Grav.,  à  tarses  blancs,  attaquant  les  nui- 
sibles chenilles  de  Trachea  l'iniperda,  etc. 

Les  Mesostenus,  peu  nombreux  en  espèces  européennes,  ont  l'aréole 
petite  et  subcarrée  ;  les  pattes  grêles  et  longues,  surtout  les  postérieures; 
le  corps  généralement  long  et  étroit,  principalement  chez  les  mfiles; 
la  tarière  de  longueur  très-variable.  L'espèce  type  et  fort  répandue  est 
le  M.  gladiator,  Scopoli,  dont  la  tarière  est  beaucoup  plus  longue  que 
le  corps,  noir,  avec  les  appendices  variés  de  roux,  les  tarses  en  grande 
partie  blancs,  parasite  des  larves  à'Osmia,d' Antinophila ;  d'autres  espèces 
attaquent  les  chenilles  des  genres  Acroiuicta,  Harpyia,  Zygœna,  etc. 

Les  l'ezoïnachus,  Grav.,  offrent  des  espèces  de  petite  taille,  qui  se  dis- 


CRÏPTIDES.  —  TRYPHONIDES.  19 

tinguent  immédialemeiil  des  autres  Icliueumoniens  par  leurs  courtes 
ailes  impropres  au  aoI,  ou  même  nulles.  Le  corps  est  grêle;  la  tète 
rétrécieen  arrière  ;  le  thorax  gibbeuxà  divisions  très-profondes, l'écussou 
suivant  les  variations  de  développement  des  ailes  ;  les  pattes  assez  fortes  ; 
l'abdomen  des  femelles  en  ovale  assez  large,  aussi  long  que  la  tête  et 
le  thorax  réunis,  avec  le  pédicule  coudé  en  arrière,  comme  chez  la 
plupart  des  Crypttis;  la  tarière  médiocre,  plus  courte  que  l'abdomen,  ou 
tout  au  plus  aussi  longue  que  lui.  On  trouve  les  Pezomachus,  qui  comp- 
tent en  Europe  près  de  deux  cents  espèces,  courant  à  terre  dans  les 
lieux  secs,  pierreux  ou  sablonneux.  Ainsi,  aux  environs  de  Paris,  le 
/'.  pedicularius,  Panz.,  à  ailes  très-étroites,  velues,  sans  nervures  appa- 
rentes; les  P.  pedestris,  Fabr.,  et  agilis,  Fabr.,  n'ayant  pour  ailes  que 
des  moignons  blanchâtres;  le  P.  formicarius,  Linn.,  noir  varié  de  roux, 
absolument  sans  ailes,  ayant  l'aspect  d'une  longue  Fourmi.  Les  Pezo- 
machus vivent  à  l'inlérieur  des  larves  de  Tortricides,  de  Tinéides,  de 
Psychides,  dans  des  galles  de  Cynipiens,  dans  des  nids  terreux  d'Arai- 
gnées, etc.  (1). 

]^e?,  Heinitelcs,  Gra\.,  sont  des  Gryptides  de  taille  petite  et  très-petite, 
au  nombre  de  près  de  ceat  espèces  en  Europe,  reconnaissables  à  leur 
aréole  pentagonale  et  ouverte  en  dehors,  à  leurs  ailes  rayées  de  bandes 
brunes  dans  beaucoup  d'espèces,  notamment  celles  qui  sortent  des 
ibui'reaux  des  Ps/jclie  (jramineUa,  calvella,  etc.  (ce  caractère  semble 
général  pour  les  Ichneumoniens  parasites  des  Psychides),  à  leur  tarière 
parfois  aussi  longue  et  plus  longue  que  l'abdomen,  souvent  plus  courte. 
On  cite  les  Heiniteles  comme  parasites  internes  des  Papillons  rhopalo- 
cères  et  hétérocères,  notamment  des  Psychides,  des  Microgaster  (double 
parasitisme),  des  Cécidomyies  (Diptères),  des  Chrysopes  (Névroptères 
propres),  des  Rhodites  (Cynipiens),  des  cocons  à  œufs  d'Araignées,  etc.  11 
faut  respecter  dans  nos  maisons  des  Hemitele^  à  longue  tarière  tripile, 
et  certains  autres  genres,  qu'on  voit  souvent  courir  sur  les  vitres 
des  fenêtres  et  sur  les  rideaux.  Ces  insectes  ont  vécu  aux  dépens  des 
chenilles  funestes  des  Teignes  domestiques,  des  larves  des  Anobium 
Coléoptères)  destructeurs  des  bois  ouvrés,  etc. 


TRYPHONIDES, 


Tête  transverse.  Antennes  sétacées,  souvent  un  peu  épaisses,  n'attei" 
gnant  pas  la  longueur  du  corps,  formées  d'articles  courts.  Écusson  plan 
ou  convexe;  aréole  très-variable,  rhomboïdale,  triangulaire  ou  subor- 

(1)  Giraud  et  Laboulbèue,  Liste  des  éclosions  d'insectes,  etc.  (A/m.  Suc.  entuni. 
France,  1877,  p.  397).  Cette  note  est  Irès-iatéressante  à  consulter  pour  toutes  les 
tribus  d'Hyménoptères  entomopliages. 


20  HYMENOPTERES. 

biculaire,  pétiolée  ou  sessile,  oblitérée  ou  nulle.  Abdomen  à  court  pé- 
tiole ou  d'aspect  subsessile,  convexe  ou  parfois  déprimé.  Tarière  cachée 
ou  à  peine  sortie. 

IMETOIMl*^,  l'unzer,  ou  Peltastes,  Illiger.  —  Tête  couite  et  lurge,  avec  une 
sorte  de  bouclier  sur  la  face.  Antennes  droites,  assez  épaisses,  un  peu  plus 
courtes  que  le  corps.  Mandibules  larges  et  barbues,  avec  dent  obtuse  à  la  base. 
Écusson  quadrangle  à  angles  apicaux  aigus,  avec  les  bords  latéraux  relevés  et 
libres,  et  le  bord  postérieur  avancé  sur  le  postécusson.  Aréole  grande,  rhom- 
boïdale.  Pattes  à  cuisses  postérieures  un  peu  renflées.  Abdomen  long,  subdc- 
primé  à  la  base,  à  bords  à  peu  près  parallèles,  couvert  de  points  serrés  a-ssez 
épais,  s'élargissant  peu  à  peu  en  arrière.  Tarière  cachée. 

Un  reconnaît  les  sexes  dans  ce  genre  en  ce  que  les  femelles  ont  un 
lobe  allongé  et  impair  dans  la  fente  des  arceaux  qui  terminent  lab- 
domen  eu  dessous,  et  que  les  mâles  ont,  à  la  place  de  ce  lobe,  une 
plaque  terminale  supportant  deux  appendices  arqués,  formant  par  leur 
réunion  une  sorte  de  pince  qui  sert  sans  doute  à  Taccouplement.  Ln 
outre,  l'arceau  supérieur  du  dernier  segment  de  l'abdomen  supporte, 
chez  les  deux  sexes,  les  deux  filets  ou  appendices  velus  qu'on  remarque 
dans  tous  les  Ichneumoniens.  Les  Metupius  sont  parasites  de  Lépido- 
ptères hétérocères  et  aussi  des  fausses  chenilles  nuisibles  du  Lophyre  du 
Pin.  Ils  ne  comptent  qu'une  douzaine  d'espèces  en  Europe,  dont  le  type 
est  le  M'  necatorius,  Fabr.,  des  environs  de  Paris,  d'Allemagne,  d'Italie, 
noir,  avec  la  tète,  le  thorax  et  l'écusson  variés  de  jaune,  les  pattes  noires, 
tachetées  de  jaune,  l'abdomen  noir  avec  les  cinq  premiers  segments 
bordés  de  jaune.  Nous  figurons  une  autre  espèce  des  environs  de  Paris 
et  d'Allemagne,  le  M.  dissectus,  Panzer,  ou  sicarhts,  Grav.  (pi.  lxxvii, 
fig.  9),  noir,  avec  un  anneau  fauve  vers  le  bout  élargi  de  l'abdomen. 

Le  genre  Tryphon,  Fallen,  offre  des  antennes  de  longueur  moyenne, 
grêles,  plus  ou  moins  courbées  au  bout;  le  thorax  convexe,  avec  l'écusson 
gibbeux  et  triangulaire;  l'aréole  des  ailes  antérieures  triangulaire  ou 
Buborbiculaire,  très-petite,  parfois  nulle;  les  pattes  souvent  un  peu 
grêles  et  allongées  ;  l'abdomen  subpétiolé  ou  subsessile,  le  premier 
segment  canaliculé  et  à  deux  tubercules  latéraux  ;  cet  abdomen  oblong, 
plus  long  que  le  thorax,  parfois  lancéolé  ou  fusiforme  chez  les  femelles, 
peu  à  peu  dilaté  vers  le  quatrième  segment  ;  la  tarière  très-courte,  un  ' 
peu  sortie.  Beaucoup  d'espèces  de  Tryphons  vivent  dans  des  fausses 
chenilles  de  Tenthrédiniens  nuisibles  aux  Conifères,  arbres  forestiers  et 
fruitiers,  aux  Rosiers  [Athalia,  Solandria,  Lophijrus,  Nematus,  Cimbex),  et 
dans  des  chenilles  de  Tortriciens.  On  en  compte  en  Europe  près  de 
150  espèces.  Citons  T.  eleguntulum,  Grav.,  et  T.  Vespariim,  Ratzeburg, 
ce  dernier  détruisant  les  larves  de  Guêpes. 


OPHION,    ETC.  21 

OPHIONIDES. 

Antennes  filiformes  longues  et  très-grêles.  Abdomen  pétiole,  com- 
primé ou  en  faucille  d'une  manière  plus  ou  moins  complète,  tronqué 
au  bout.  Tarière  ordinairement  courte  et  souvent  même  peu  ou  point 
visible. 

01*1110.11,  Fabr.  —  Antennes  sétacées,  aussi  longues  que  le  corps,  les  articles 
terminaux  tronqués  obliquement  de  haut  en  bas.  Ailes  antérieures  ù  aréole  ou 
cellule  cubitale  intermédiaire  nulle,  la  cellule  cubitale  interne  recevant  les 
deux  nervures  récurrentes.  Pattes  grêles,  de  lonejueur  médiocre,  les  crochets 
des  tarses  pectines  et  la  pelote  très-petite.  Abdomen  comprimé  et  tranchant  à 
partir  du  troisième  segment,  les  segments  1  et  2,  et  surtout  1,  plus  larges  en 
arrière  qu'en  avant.  Tarière  à  peine  saillante. 

La  brièveté  de  la  tarière  donne  parfois  quelques  difficultés  pour  dis- 
tinguer les  sexes  des  Ophions.  Chez  les  femelles,  le  bout  de  l'abdomen 
est  oblique  de  haut  en  bas  et  d'arrière  en  avant  chez  les  mâles  et  tron- 
qué chez  les  femelles;  les  appendices  génitaux  des  mâles  imitent  assez 
exactement  les  valves  de  la  tarière  pour  qu'on  puisse  souvent  s'y 
tromper.  L'Europe  compte  environ  25  espèces  du  genre  Ophion, 
vivant  presque  exclusivement  dans  les  chenilles  des  genres  Bombyx, 
Ifarpyia,  Dicranura,  CaUimorpha,  Cucullia,  Acronyctn,  et  divers  Noclué- 
liens.  Les  Processionnaires  et  la  Noctuelle  piniperde  rencontrent  en  eux 
d'utiles  ennemis.  On  peut  prendre  comme  type  l'O.  luteum,  Linn., 
commun  dans  presque  toute  l'Europe,  d'un  jaune  testacé,  à  tête  rous- 
sâtre,  les  mandibules  noires  au  bout,  deux  lignes  plus  pâles  sur  le  pro- 
thorax, l'écusson  jaune,  les  ailes  transparentes,  très-légèrement  enfu- 
mées, l'abdomen  rembruni  vers  l'extrémité.  Nous  figurons  une  espèce 
voisine,  l'O.  marginatum,  Jurine  (pi.  Lxxvn,  fig.  6),  d'un  jaune  assez 
clair,  les  ailes  jaunes  dans  leur  partie  antérieure  et  médiane. 

Le  genre  Anomalon,  Grav.,  comprend  un  nombre  d'espèces  en  Europe 
plus  que  double  de  celui  des  Ophions,  et  qui  vivent  dans  des  Sphin- 
giens,  des  Rombyciens,  des  Noctuelles,  plus  rarement  chez  des  Zygènes 
ou  des  Papillons  rhopalocères  {A.  teniiicorne,  Grav.,  dans  les  chenilles 
de  Thais  et  de  Doritis).  Ce  genre  manque  d'aréole  aux  ailes  antérieures. 
Les  pattes  sont  grêles  et  les  tarses  postérieurs  sont  épais  et  larges,  les 
crochets  tarsaux  étant  simples.  L'abdomen  très-long,  à  pédoncule  long 
et  grêle,  est  comprimé  et  tranchant  à  partir  du  deuxième  segment.  La 
tarière  des  femelles  est  courte  et  ses  valves  sont  un  peu  élargies.  Nous 
citerons  A.  circumflexum,  Linn.,  des  environs  de  Paris,  d'Italie,  d'Alle- 
magne, d'Angleterre,  du  sous-genre  Exochilum,  Wesmael,  parasite  de 
chenilles  de  Bombyciens. 

Le  genre  Compop/ecc,  Grav.,  compte  en  Europe  plusde  100  espèces  dont 


22  HYMÉNOPTÈRES. 

les  larves  vivent  dans  les  chenilles  de  Bombyciens,  de  Noctuéliens,  de 
Tortriciens,  de  Tinéens  (Yponomeutes  et  Coléophores),  et  aussi  dans  les 
fausses-chenilles  des  Cimbex  et  du  Lophyre  du  Pin.  Les  antennes  sont 
plus  courtes  que  le  corps,  sétacées  et  assez  épaisses.  Les  ailes  de  devant 
sont  pourvues  d'une  aréole  généralement  triangulaire,  quelquefois 
pentagonale,  tantôt  pédiculée,  tantôt  sessile,  parfois  nulle.  Les  crochets 
des  tarses  sont  larges  et  pectines,  parfois  faiblement,  avec  la  pelote 
presque  aussi  longue  que  les  crochets  eux-mêmes.  L'abdomen  est  mé- 
diocrement comprimé,  avec  le  premier  segment  globuleux  à  son 
extrémité.  La  tarière  des  femelles  est  tantôt  courte,  tantôt  presque 
aussi  longue  que  l'abdomen  et  un  peu  recourbée  en  haut.  Nous  citerons, 
comme  communs  aux  environs  de  Paris  et  dans  presque  toute  l'Europe, 
les  C  inciilcator,  Linn.,  eipugillator,  lAnn.  Audouin  donne,  parmi  les 
destructeurs  de  la  Pyrale  de  la  Vigne,  le  C.  maialis,  Grav.,  ou  Limneria, 
Holmgren,  pour  d'autres  auteurs.  Le  C.  sordidus,  Grav.,  attaque  les 
chenilles  si  nuisibles  des  Yponomeutes  des  Pruniers  et  des  Pommiers. 


PIMPLIDES. 


Abdomen  d'aspect  sessile  ou  large  à  sa  base,  déprimé  plus  ou  moins 
fortement  dans  toute  son  étendue.  Tarière  longue  dans  la  plupart  des 
genres,  mais  très-courte  et  cachée  dans  l'abdomen  chez  quelques-uns. 
Écusson  triangulaire  ou  suborbiculaire. 

ACOîXITES,  Latr.  —  Tête  courte  et  large.  Antennes  courtes,  assez  épaisses  et 
filiformes.  Ailes  antérieures  dépourvues  d'aréole,  avec  la  nervure  moyenne 
sinueuse  et  se  continuant  avec  celle  qui  gagne  le  bout  de  l'aile,  une  nervure 
perpendiculaire  à  sa  direction  la  séparant  de  la  cellule  cubitale  ou  marginale. 
Pattes  fortes,  de  longueur  médiocre  pour  les  paires  1  et  2,  avec  les  cuisses 
postérieures  épaisses  et  les  pattes  postérieures  longues,  les  crochets  des  tarses 
bifides,  la  pelote  assez  longue.  Abdomen  ovoïde,  de  la  même  largeur  que  la 
tête  et  le  thorax,  avec  le  dernier  arceau  ventral  des  femelles  en  fer  de  lance; 
la  tarière  quelquefois  aussi  longue  que  le  corps,  quelquefois  n'ayant  que  la 
moitié  de  la  longueur  de  l'abdomen. 

Le  genre  Âcœnites  n'a  que  peu  d'espèces,  à  peine  10  en  Europe.  Les 
deux  espèces  les  plus  communes  sont  VA.  duhitator,  Panzer,  d'Alle- 
magne, de  Piémont,  de  France,  noir,  à  ailes  diaphanes  et  d'un  jaune 
brunâtre,  les  pattes  fauves,  avec  les  hanches  et  les  jambes  postérieures 
noires,  l'abdomen  avec  les  segments  2  et  3  fauves,  les  autres  noirs, 
5,  6  et  7  bordés  de  blanc.  Nous  figurons  VA.  arator,  Grav.,  d'Italie, 
d'Allemagne,  de  France  et  des  environs  de  Paris  (pi.  r.xxvni,  fig.  1, 
femelle  :  1  a,  tête  vue  de  face  ;  1  6,  mâchoire  et  palpe  ;  1  c,  lèvre  infé- 


ACOENITES,    ETC.  23 

rieurc  de  profil  ;  1  <l,  id.  de  face  ;  1  e,  abdomen  de  profil,  avec  tarière 
et  valves;  1  f,  jambe  et  tarse  postérieurs).  Cette  espèce  est  noire, 
avec  les  ailes  translucides  d'un  brun  fauve,  les  cuisses  postérieures 
fauves. 

Le  genre  Pimpla,  Fabr.,  présente  des  antennes,  tantôt  de  la  longueur 
du  corps,  tantôt  plus  longues,  le  plus  souvent  très-minces  dans  les 
femelles  et  comme  noueuses  dans  les  mâles  par  le  rétrécissement  de  la 
partie  moyenne  de  chacun  de  leurs  articles.  Les  ailes  antérieures  ont 
l'aréole  triangulaire  ;  les  cuisses  sont  généralement  courtes  et  épaisses, 
ce  qui  donne  un  bon  caractère  distinctif,  et  les  crochets  des  tarses 
simples;  l'abdomen  a  les  segments  moyens  généralement  plus  larges 
que  longs  et  marqués  de  sillons  ou  de  dépressions  en  travers,  incisés, 
chez  les  femelles,  d'une  fente  ventrale  longitudinale,  avec  la  tarière 
tout  au  plus  aussi  longue  que  le  corps,  et,  dans  la  plupart  des  cas,  beau- 
coup plus  courte  que  lui.  Outre  des  espèces  exotiques  des  deux  mondes 
et  de  l'Australie,  les  Pimples  comptent  en  Europe  près  de  quatre-vingts 
espèces,  vivant  dans  les  chenilles  de  diverses  Piérides  nuisibles  et  des 
Lépidoptères  hétérocères  de  tous  les  groupes,  et  notamment  d'espèces 
très-nuisibles  de  Bombyciens,  de  Géomètres,  de  Pyraliens  et  de  Teignes, 
comme  les  Yponomeutes,  dans  les  fausses-chenilles  des  INémates  et  des 
Lophyres,  dans  des  larves  de  Cynipiens  et  de  Cécidomyies  (Diptères), 
celles  des  Saperdes  (Coléoptères),  dans  des  cocons  à  œufs  d'Arai- 
gnées, etc.  C'est  un  genre  qui  nous  rend  de  grands  services.  11  faut 
citer  le  P.  instigator,  Panzer,  espèce  très-commune,  à  forte  odeur  acé- 
tique, type  d'un  groupe  d'espèces  noires,  à  ailes  plus  ou  moins  enfu- 
mées, à  pattes  roussâtres,  à  tarière  de  la  moitié  de  la  longueur  de 
l'abdomen.  Ce  Pimple  m'est  sorti  en  abondance  des  nids  soyeux  de  la 
Processionnaire  du  Chêne  ;  on  l'a  obtenu  aussi  des  Liparis  chrysorrhea 
et  dispar,  du  Bombijx  Neustria,  espèces  si  funestes,  d'Orgyes,  des  four- 
reaux de  diverses  Psychides,  et  aussi  de  fausses-chenilles  de  Némates. 
Le  P.  stercorator,  Fabr.,  est  noir,  à  face  et  chaperon  jaunes;  les 
antennes  noires,  testacées  en  dessous,  avec  le  premier  article  jaune 
dans  le  mille,  un  point  blanchâtre  à  la  base  des  ailes;  les  pattes 
rousses;  les  jambes  postérieures  blanchâtres,  noires  aux  deux  bouts; 
l'abdomen  noir  en  entier,  avec  la  tarière  de  la  femelle  de  sa  longueur; 
des  Bombyx  Neustria,  Liparis  Monacha,  Orgya  antiqua,  Yponomeuta 
cogiwtella,  etc.  Le  P.  flavicaîis,  Fabr.  (sous-genre  Theronia,  Holmgren), 
est  fauve,  avec  des  lignes  et  taches  noires;  il  est  fréquent  aux  envi- 
rons de  Paris.  On  l'a  vu  sortir  de  diverses  chrysalides  de  Lépidoptères, 
notamment  de  celles  de  Vanessa  polychloros. 

Le  genre  Rhyssa,  Grav.,  comprend  les  plus  grands  Ichneumoniens, 
à  antennes  longues  et  sétacées,  mais  plus  courtes  que  le  corps,  leur 
premier  article  offrant  une  grande  échancrure  latérale;  le  dos  du  méta- 
thorax  ridé  en  travers,  les  ailes  antérieures  avec  une  aréole  triangu- 
laire; écusson  grand,  peu  élevé,  presque  carré,  le  postécusson  court 


2Zi  HYMÉNOPTÈRES. 

el  Iransvorsal;  les  cuissos  et  les  jambes  de  devant  arquées  et  contour- 
nées dans  les  deux  sexes,  les  crochets  des  tarses  simples.  L'abdomen, 
très-allongé,  n'est  ni  tuberculeux,  ni  sillonné  en  travers  ;  il  est  com- 
primé à  l'extrémité  dans  les  femelles,  avec  une  tarière  généralement 
beaucoup  plus  longue  que  le  corps,  dont  la  base  est  reçue  dans  une 
fente  des  derniers  arceaux  ventraux.  Il  est  cylindroïde  ou  filiforme 
(;hez  les  mâles,  avec  le  huitième  et  dernier  article  portant  une  sorte 
de  lanfTuette  longue  et  étroite,  en  partie  cachée  par  deux  valves,  dont 
chacune  renferme  une  pièce  terminée  en  pince,  à  la  façon  de  la  pince 
didactyle  du  Scorpion  ou  de  l'Écrevisse.  Nous  citerons  li.  persuasoria, 
Linn.,  et  R.  clavata,  Fabr.,  ce  dernier  du  sous-genre  Thnlessa,  Holm- 
gren  {Monngraphia  Pimplarum  Sueciœ,  1860),  espèces  de  grande  (aille, 
noires  et  jaunes,  qu'on  voit  s'abattre  sur  les  troncs  des  Ormes  et  des 
Chênes,  cherchant  à  percer  sous  l'écorce,   dans  les  profondeurs,  les 
larves  des  Cérambyciens.  Il  y  a  deux  gigantesques  espèces  américaines, 
R.  atrafa,   Fabr.,   des  États-Unis  du  Sud,  noir,  avec  tète,  pattes  et 
antennes  variées  de  jaune,  dont  la  tarière  atteint  120  millim.  pour  un 
corps  long  de  Z|0,   et  R.  lunator,   Fabr.,   des  mêmes  régions  et  de  la 
Guadeloupe,  à  corps  varié  de  brun  et  de  jaune,  avec  des  chevrons  ou 
lunules  jaunes  sur  les  côtés  de  l'abdomen.  La  longueur  du  corps  de  la 
femelle  est  de  50  millim.,  avec  tarière  de  95. 

Le  genre  voisin,  EphiaUes,  Grav.,  présente  les  antennes  plus  courtes 
que  les  Rhysxn,  l'écusson  tantôt  carré,  tantôt  triangulaire  et  subsail- 
lant, les  crochets  des  tarses  plus  ou  moins  bifides,  avec  une  très-petite 
pelote  entre  eux,  les  segments  de  l'abdomen  à  aspect  tuberculeux,  le 
reste  des  caractères  des  Rhyssa.  L'Europe  compte  près  de  20  espèces 
d'Ephialtes,  qui  peuvent  se  ranger  parmi  les  protecteurs  des  forêts, 
occupés  sans  relâche,  devant  les  troncs  des  arbres  ou  les  amas  de 
bûches  coupées,  à  chercher  à  atteindre  par  leur  longue  tarière  les 
larves  lignivores  profondément  enfoncées.  Le  type  est  une  grande 
espèce  noire,  à  ailes  plus  ou  moins  enfumées,  à  pattes  rousses  en 
partie,  commune  dans  tous  nos  bois,  VE.  manifestator,  Linn.,  dont  la 
larve  vit  dans  celles  du  Xylotrupes  Bajulus  et  du  Bupreste  des  Pins 
{Buprestis  Mariana).  ]j'E.  tuberculatus,  Fourcroy,  espèce  très-voisine, 
mais  plus  petite,  attaque  la  larve  d'un  Charanson  nuisible,  le  Crypto- 
rhynchus  Lapathi.  Enfin,  l'^.  carbnnarius.  Christ,  attaque  les  larves  de 
grands  Cérambyciens  xylophages,  les  Saperda  poprtlnea  et  oculata, 
l'énorme  larve  du  Ceramhyx  TJrros,  qui  gâte  les  bois  de  Chêne,  et  les 
chenilles  des  Sésies  à  l'intérieur  de  leurs  galeries  dans  les  tiges 
ligneuses. 

Riblio;i;rnpliie  des  lelineuiiionieii$!i.  —  Gravenliorst,  Ichneumologhi 
ouropœa,  Breslau,  1829.  C'est  un  ouvrage  fondamental,  publié  aux  frais 
de  l'auteur.  —  .1.  C.  Schiodte,  Ichnenmonidarum  ad  faunam  Dania' 
porUnentium  gênera  et  speries  nova>  {Revue  zoologique,  1838,  t.  I,  p.  i;-i9- 


lîRACONlENS.  25 

Ul  ;  Magasin  de  Zoologie,  1839  (Insectes),  pi.  vi  à  x;  Kroyer  Natur. 
Tidsskr.,  1840-41,  t.  III,  p.  96  à  100).  —  Boyer  de  Fonscolombe,  Ichneu- 
mologie  prooençale  {Ann.  Soc.  enfom.  de  France,  1846).  —  C.  Wesmael, 
Tentamon  dispositionis  methodicœ  Ichneumonum  Belgii  (Mém.  Acad. 
de  Bruxelles,  18/i5,  t.  XVITI)  ;  —  Mantissa  Ichneumonum  Belgii, 
Bruxelles,  1848;  —  Adnotationes  ad  descriptiones  Ichneumonum  Belgii, 
18/i8.  — Dans  les  Bulletins  de  VAcad.  royale  de  Belgique  :  Bévue  des  Ano- 
MALON  de  Belgi(}ue,  18/i9,  t.  XVI,  n"  8,  et  Notice  sur  les  Ichneumo- 
nides  de  Belgique  appartenant  aux  genres  Mëtopius,  Banchus  et  Cokeocex- 
TRUS,  t.  XVI,  n^e;  —  Tchneumones  amblypygi  europœi,  1853-185/|,  Appen- 
dice au  Bulletin  ,•  —Ichneumnlogica  Miscellanea,  1855,  t.  XXII,  n<'9  ;  Ichneu- 
mologica  Otia,  1857,  2"  séi'ie,  II,  n»  6.  —  Arn.  Forster,  Verhandl.  des 
natur.  Vereines  derpreuss.  Rheinlande  vnd  Westfalens,  Bonn,  1855  à  1860. 

—  Ilolmgi-en,  Monographia  Tryphonidum  Sueciœ,  1855;  Monogr.  Ophio- 
nidum  Sueciœ,  1860.  —  J.  H.  Kavall,  Sur  les  Ichneumonides  de  Russie  et 
de  Courlande  {Bulletin  de  la  Soc.  impériale  des  naturalistes  de  Moscou, 
1865,  2*=  part.,  t.  XXXVIII,  p.  331)  ;  — Enneas  Ichneumonidariim  Curoniœ 
quas  descripsit  novas  (Description  de  neuf  espèces  nouvelles  du  genre 
Ichneumon),  même  Bulletin,  1868  (t.  XLI,  2''  partie,  p.  503).  —  Nous 
citerons  dans  les  Verhandl.  zool.-botan.  Gesellsch.  in  Wien  :  A.  Forster, 
I)ie  Gattung  Campoplf.x,  t.  XVIII,  p.  761.  —  C.  Tscliek,  Ueber  Oesterrei- 
chische  Pimplarien,  1868,  t.  XVIII,  p.  260,  Zi/iG  ;  —  Die  Oesterr.  Trypho- 
niden,  t.  XVIII,  p.  Z|57  ;  --  Die  Oesterr.  Crypfoiden,  1870,  t.  XX,  p.  189,  ^i03  ; 

—  Ueber  einige  Cryptoiden,  meist  aus  der  Oesterreichischen  Fauna,  1872, 
t.  XXII,  p.  231  ;  —  Ichneumologische  Fragmente,  1871,  t.  XXI,  p.  37.  — 
.Stettin  entomol.  Zeitung  ;  Tlsclibein,  Hymenopterologische  Beitnige  die 

Ichneumon  in  W interquartier,  1868,  p.  2û8  ;  1871,  p.  155;  -  Ueber  der 
Europaïschen  Arten  desGemisicnKKUuoN  {^yesmaie\},  1873,  p.  /il7  ;  iSli, 
p.  104,  153,  288.  —  Krieclîbaumer,  Sur  des  Schlupfuiespen  de  l'hhneu- 
mologie  européenne,  1875,  p.  39  ;  Sur  divers  Ichneumoniens,  p.  386  ;  Ichneii- 
mologisches,  dans  Entomol.  Nachrichten  von  D""  F.  Katter,  1878,  n"  19. 


TRir.U    DES    BRACOÎVIE^S. 

Les  Braconiens  sont  restés  longtemps  confondus  aves  les  Ichneumo- 
niens, auxquels  ils  ressemblent  beaucoup  par  l'aspect  et  complètement 
pour  les  mœurs.  Les  uns  ont  chez  les  femelles  une  longue  tarière 
saillante,  plus  longue  ou  plus  courte  que  le  corps,  entourée  de  ses  valves, 
ce  qui  les  range  dans  les  Muscœ  tripiles,  tout  comme  les  Ichneumoniens  ; 
tandis  que  d'autres  ont  cette  tarière  à  peine  sortie,  et  d'autres  tout  à 
fait  cachée.  On  comprend  donc  comment  tous  les  anciens  auteurs 
ont  réuni  les  deux  tribus,  qui  n'ont  été  bien  séparées  que  par  Gra- 
venhorst  (1829),  lequel  n'a  étudié  que  les  Ichneumoniens.  Nées  von 


26  HYMÉNOPTÈRES. 

Esenbeck,  peu  après ,  a  cherché  à  faire  un  travail  analogue  sur  les  Dra- 
coniens (1). 

En  général,  leur  taille  est  moindre  que  celle  des  Ichneumoniens,  ou, 
plus  exactement,  ils  manquent,  en  Europe  du  moins,  d'espèces  de 
grande  taille;  aussi  la  plupart  des  Braconiens  se  développent  en 
nombre  considérable  dans  le  corps  d'un  même  insecte,  qui  ne  donne 
ordinairement  issue  qu'à  quelques  Ichneumoniens  ou  même  qu'à  un  seul. 
Aussi  Swammerdam  rapporte,  dans  sa  Biblia  naturœ,  que  de  quatre 
chrysalides  de  papillons  sortirent  5Zi5  mouches,  toutes  de  la  même 
espèce  (c'étaient  des  Braconiens).  Imbu  de  la  même  erreur  que 
Goedart,  croyant  à  une  transformation  dans  le  sens  des  métamorphoses 
de  la  mythologie,  il  dit  «  que  la  vie  et  le  mouvement  de  ces  quatre 
chrysalides  semblaient  avoir  opéré  une  transmigration  dans  la  vie  des 
5Zi5  autres  insectes  » . 

Un  certain  nombre  de  Braconiens  paraissent  préférer  pour  leur 
ponte  les  larves  de  Coléoptères,  ainsi  de  Charansons,  et  leurs  larves 
filent  leurs  cocons  attachés  au  corps  même  de  leurs  victimes.  Des 
Bracon  détruisent  les  Scolytiens  ennemis  des  forêts;  le  Microcionus  ter- 
minatus.  Nées  von  Es.,  est  sorti  de  l'adulte  d'une  Coccinelle,  sous  le 
cadavre  de  laquelle  la  larve  a  filé  son  cocon.  D'autres  attaquent  les 
Timarcha  (Chrysoméliens),  les  Cis  des  Bolets,  et  de  très-petites  espèces 
viennent  dans  les  maisons  pondre  leurs  œufs  dans  le  corps  des  larves 
de  Ptines.  D'autres  genres  de  Braconiens  s'attaquent  plus  spécialement 
aux  chenilles  :  ainsi  le  genre  Microgaster,  Latr.,  type  delà  famille  des 
Microgastridœ,  bien  que  sorti  parfois  de  Chrysomèles  ou  de  Charansons, 
nous  est  très-utile  en  vivant  surlout  dans  les  chenilles  de  Piérides,  de 
Bombyciens  très-nuisibles  (Bombijx  Neustria,  Linn.,  Liparis  chrysorrhea, 
Linn.),  de  Noctuelles,  de  Tortriciens,  d'Yponomeutes,  etc.  Réaumur 
remarque  que  les  larves  sorties  en  trouant  la  peau  de  la  chenille  con- 
tinuent à  être  sociales,  car  elles  filent  leurs  petits  cocons  à  côté  les 
uns  des  autres.  Elles  ont  l'inslinct  d'abriter  par  une  bâte  de  soie  flo- 
conneuse et  plus  grossière  ceux  des  cocons  qui  ne  seront  pas  recouverts 
par  d'autres.  Le  jardinier  doit  respecter  avec  soin  ces  amas  de  cocons, 
tantôt  jaunes,  tantôt  blancs,  rarement  testacés,  et  dont  la  couleur  de  la 
soie  peut  être  plus  ou  moins  pâle  dans  la  môme  espèce,  étant  peut- 
être  influencée  par  l'espèce  de  chenille  qui  a  servi  à  nourrir  les  larves 
du  Microgaster .  De  là  les  noms  d'ichneumons  à  coton  jaune  ou  à  coton 
blanc  donnés  par  Réaumur  et  par  Geoffroy  à  ces  auxiliaires  de  l'hor- 
ticulture. Tantôt  ces  amas  de  cocons  sont  à  côté  du  corps  de  la  chenille, 
toute  vidée  et  mourante,  ainsi  ceux  du  Microgaster  glomerattis,  Linn., 
sortis  de  la  chenille  de  la  Piéride  du  Chou  ;  tantôt  ils  entourent  le  corps 
desséché  de  la  chenille  et  simulent  un  gros  cocon  d'un  Bombycien 
séricigène  :  tels  sont  ces  amas  de  cocons  blancs  du  Microgaster  perspi- 

(l)Nees  von  Esenbeck,  Uymenoptera  Ichneumoniljus  nffinin,  2  vol.  in-S",  1S3A. 


BRACONIENS.  27 

cuus,  Wesm.,  brillant  dans  la  sombre  verdure  dos  Luzernes  et  que  j'ai 
vu  prendre  pour  une  nouvelle  espèce  de  Ver  à  soie  vivant  dans  les 
Légumineuses  fourragères.  Ces  cocons  de  Micrngasier  sont  souvent 
hantés  par  des  parasites  de  parasites,  parfois  de  très-petites  espèces 
d'Ichneumoniens,  le  plus  souvent  des  Chalcidiens  que  leur  bel  éclat 
métallique  fait  tout  de  suite  distinguer  des  sombres  Microgaster, 

D'autres  Braconiens,  des  genres  Perilifus,  Nées  von  Es.,  et  Meteorua, 
Haliday,  de  la  famille  des  Périlitides,  affectionnent  aussi  les  chenilles 
des  Bombyciens  {Bombyx  Nensfria,  Linn.,  procossionea,  Linn.,  etc.),  des 
Zygéniens,  et,  moins  souvent,  des  larves  de  Coccinelliens,  de  Serropal- 
pides  {Orchesia).  Ce  qu'il  y  a  de  curieux,  c'est  que  les  cocons  filés  par 
les  larves  de  ces  Braconiens  sont  suspendus  chacun  à  un  fil  de  soie  : 
ainsi  Meteorus  pendulator,  Halid.,  qui  en  tire  son  nom.  La  larve  se  sus- 
pend probablement  à  un  fll  au  moment  où  elle  va  commencer  la  fila- 
ture du  cocon,  et  tous  les  fils  de  celui-ci  prennent  comme  support  ce 
fll  fondamental.  Réaumur  connaissait  très-bien  ces  cocons  suspendus 
à  l'extrémité  des  feuilles  ou  des  petites  branches.  Les  anciens  auteurs, 
Leuwenhoeck  d'abord,  remarquèrent  aussi  les  mœurs  de  toute  une 
famille  de  minuscules  Braconiens,  les  Aphidiides  (genres  :  Aphidius, 
Nées  von  Es.,  Elassus,  Wesmael,  Trioxijs,  Haliday,  etc.),  qui  semblent 
destinés  par  la  nature  à  limiter  la  funeste  multitude  des  Aphidiens. 
Ce  sont  les  Flexiliventres  de  M.  Westwood,  en  raison  de  l'habitude 
qu'ils  ont  de  replier  l'abdomen  sous  le  thorax  entre  leurs  pattes,  de 
sorte  que  la  tarière,  dépassant  la  tète,  pique  le  corps  des  Pucerons.  On 
reconnaît  très-bien,  sur  les  espèces  vertes  du  Rosier,  les  Pucerons  piqués, 
dont  la  peau  devient  jaune  et  tendue,  et  qui  restent  immobiles  sur  les 
feuilles.  La  larve  du  Braconien  vit  courbée  en  cercle  dans  le  corps  du 
Puceron,  sort  en  perçant  la  peau  de  celui-ci,  qu'elle  tapisse  de  soie 
blanche  et  qui  lui  sert  de  coque  nymphale  fixée  à  la  feuille.  L'adulte 
sorti  de  la  nymphe  aussi  courbée  en  cercle  s'envole  par  une  ouverture 
qu'il  perce  dans  la  peau  du  Puceron.  Ces  ennemis  des  Pucerons  font 
concorder  leurs  services  avec  ceux  des  larves  de  Coccinelles  et  de  Chry- 
sopes,  et  celles-ci,  par  la  rotation  ordinaire  du  parasitisme,  sont  victimes 
de  petits  Proctotrupiens,  que  les  Pucerons,  dit  de  Geer,  devraient  aimer 
comme  leurs  vengeurs,  s'ils  étaient  doués  de  connaissance. 

On  ne  peut  confondre  les  Braconiens  qu'avec  les  Ichneumoniens;  il 
nous  suffira  donc  d'indiquer  les  caractères  qui  les  séparent.  Les  antennes 
des  Braconiens  n'ont  qu'un  seul  petit  article,  après  le  scape  ou  premier 
article  visil)le,  qui  est  toujours  le  plus  grand  ou  au  moins  le  plus  gros 
de  tous,  chez  eux  et  chez  les  Ichneumoniens,  l'antenne  de  ceux-ci 
ayant  au  contraire  toujours  après  le  scape  deux  petits  articles.  Les  Bra- 
coniens ont,  aux  ailes  antérieures,  la  cellule  discoïdale  extérieure  tou- 
jours ouverte,  tandis  qu'elle  est  toujours  fermée  chez  les  Ichneumo- 
niens, ou,  en  d'autres  termes,  les  premiers  n'ont  qu'une  seule  nervure 
récurrente,  l'externe  manquant,  tandis  qu'elle  existe  chez  les  Ichneu- 


28  HYMÉNOPTÈRES. 

moniens,  qui  ont  deux  nervures  récurrentes.  Enfin,  selon  M.  Westwood, 
les  segments  2  et  3  de  l'abdomen  des  Eraconiens  sont  soudés  et  ne 
sont  distincts  que  par  une  fausse  articulation.  Dans  le  plus  grand  nombre 
des  espèces  de  Draconiens,  l'abdomen  a  les  trois  premiers  segments 
plus  grands  que  les  autres,  et  chez  le  groupe  des  Cryptogastres  (genres 
C lie lonus, i urine,  Sigalphus,  N.  von  Es.,  etc.),  les  trois  premiers  segments 
sont  les  seuls  qui  se  voient  en  dessus,  tous  les  autres,  plus  réduits 
encore  que  d'habitude,  se  cachant  sous  les  précédents. 

On  consultera,  à  titre  de  travaux  spéciaux  sur  les  Draconiens  :  C.  Wes- 
mael,  Monographin  des  Braconides  de  Belgique  (Mém.  de  l'Acad.  royale  de 
Bruxelles,  1835,  t.  IX;  1837,  t.  X;  1838,  t.  XI).  —Arnold  Fiirster, 
Synopsis  der  Familien  und  Gattungen  der  Brnronen  (Verhandlungen  des 
natur.  Vereines  der  preuss.  Bheinlande  und  M'estfalens ,  t.  XIX,  1862, 
p.  225-288,  Donn).  —  H.  Reinhard,  Berliner  entomolog.  Zeitschrift 
(G.  Kraatz,  réd.)  :  Beitrage  zur  Kenntniss  einiger  Braconiden  Gatlungen, 
186/1,  t.  VIII,  p.  321  à  336;  1865,  t.  IX,  p.  2/|3  à  267  ;  mêmes -l?ma/M  : 
J.  F.  Ruthe^  Beitrage  zur  lùnnlniss  der  Braconiden,  1858,  t.  Il,  p.  1  à  10  ; 
Deutsche  Braconiden,  1860,  t.  IV,  p.  105  à  160;  1861,  t.  V,  p.  132  à  162. 
—  S.  C.  Snellen  van  Vollenhoven,  Pinacographia  :  Illustrations  d'Ichneu- 
monides  (dans  le  sens  linnéen  :  Iclineumoniens,  Draconiens,  Proclo- 
trupiens)  du  nord-ouest  de  l'Europe,  en  anglais  et  en  hollandais,  livrai- 
sons in-i";  s'Gravenhage,  1875  à  1878,  avec  de  fort  belles  planches 
coloriées.  —  Du  même  :  Espèces  nouvelles  ou  peu  connues  d''Hyménoptères 
térébrants  {Tijdschrift  voor  Entomologie,  ann.  1877-78,  n"'  3  et  li,  p.  153). 


GENUES     PRINCIPAUX. 

BRACO^',  Fabr.  —  Antennes  sétacées,  longues  et  grAles,  les  derniers  articles 
indistincts.  Tête  transversrde.  Palpes  peu  développés,  les  maxillaires  de  5  ar- 
ticles, les  labiaux  de  3.  Ailes  supérieures  ayant  trois  cellules  cubitales.  Pattes 
grêles,  terminées  par  deux  crochets  très-petits,  entre  lesquels  est  une  pelote 
assez  grosse.  Abdomen  d'aspect  sessile,  ovalaire,  de  six  ou  sept  segments,  les 
premiers  plus  ou  moins  impressionnés.  La  tarière  des  femelles  très-longue  dans 
certaines  espèces. 

Les  Bracon  constituent  un  genre  très-nombreux  en  espèces  de  tous 
pays,  les  plus  belles  et  les  plus  grandes  des  Draconiens.  L'Europe  seule 
en  renferme  plus  de  100,  Ils  appartiennent  aux  Draconiens  endodontes, 
c'est-à-dire  dont  les  dents  ou  l'extrémité  des  mandibules  sont  dirigées 
en  dedans,  ces  mandibules  se  rencontrant  lorsqu'elles  sont  fermées,  el 
aux  cycloslomes,  à  chaperon  profondément  échancré,  de  sorte  qu'il 
existe  une  ouverture  à  peu  près  circulaire  entre  lui  et  les  mandibules. 
Les  Bracon  paraissent  surtout  attaquer,  outre  quelques  chenilles  de 
Tinéides  et  les  fausses-chenilles  des  Némates  (Hymen.  Tenthrédiniens), 


RHYTIGASTER.  29 

les  larves  de  Scolytieiiï^  et  de  Charansous.  Ainsi,  le  Bracun  iniiialor, 
Fabr.,  du  genre  Cœloides,  Wesmael,  vit  dans  la  lar\  e  du  Pissodea  nolalus, 
et  aussi  des  Astynomus  cdilts  et  Rhagium  indagator  {CéranihYciens) ,  des 
Bracon  vi\  ent  dans  les  Bruches  et  les  Apions.  De  très-utiles  espèces  s'at- 
taquent aux  destructeurs  des  furets  :  ainsi  le  Bracon  palpebratur,  Kaize- 
hi\r g,  aux  Pisaodes  nolatus,  Hylesiims  Piniperda,  Tomicus  Laricis  et  bidenu; 
le  Bracon  Hylesini,  Fôrster,  à  divers  Hylésines;  les  Bracon  (Cœloides) 
filiformis,  Ratz,  et  me/anoias,  Wesm.,  à  VHylesinua  Fraxini ;  le  Bracon 
(Cœloides)  scolyticida,  Wcsni.,  aux  Sculytus  destructor  et  multistriatus,  etc. 
Nous  représentons  une  riche  espèce  exotique  des  environs  de  Cayenne, 
le  B.  ornator,  Fabr.  (pi.  Lxxvin,  fig.  3,  femelle,  3  a,  tèle  vue  de  face), 
d'un  fauve  rougeâtre,  à  ailes  brunes  aux  bouts  et  avec  une  bande  noire, 
le  bout  de  l'abdomen  noir,  ainsi  que  la  longue  tarière,  et,  môme 
planche,  deux  espèces  de  France,  le  B.  dmiigralor^'S.  von  Es.  (genre  Ata- 
nycolus,  Fôrster)  (fig.  /i,  mandibule;  /i  a,  mâchoire  et  palpe;  li  b, 
lèvre  inférieure  et  palpes),  et  le  B.  nomïnator,  Fabr.  (tig.  5,  femelle, 
à  tarière  bien  plus  longue  que  le  corps,  grandeur  naturelle  à  côte,  à 
droite  ;  5  o,  tète  vue  de  face).  Le  B.  denigralor  est  signalé  comme  para- 
site de  la  larve  d'un  Buprcstien  lignivore,  Anthaxia  Morio,  par  Ed.  Perris. 
Le  B.  nominalor  est  une  espèce  de  la  plus  grande  partie  de  l'Europe  et 
des  environs  de  Paris,  aimant  à  voler  sur  les  Ombellifères.  Cette  espèce, 
longue  de  8  à  10  millimètres,  a  le  corps  d'un  fauve  vif,  le  prolhorax  et 
le  mésothorax  tachés  de  noir,  le  métatliorax  noir,  les  ailes  enfumées 
avec  une  bande  transversale  blanchâtre,  les  pattes  rousses,  variées  de 
noir,  l'abdomen  roux,  souvent  avec  des  taches  et  bandes  noires. 

miYTIUASiTER^  Wesmael.  —  Ailes  siipcrieures  ayant  une  cellule  radiale 
allongée  et  trois  cellules  cubitales,  la  première  recevant  la  nervure  récurrente, 
la  seconde  subrectangle.  Abdomen  offrant  au-dessus  trois  segments  voûtés  et 
renflés,  les  autres  fléchis  en  dessous.  Tarière  des  femelles  cachée. 

Ce  genre  est  formé  par  le  R.  irroralor,  Fabr.,  du  nord  de  l'Europe 
et  des  environs  de  Paris  (pi.  lxxviii,  fig.  9;  9  a,  abdomen  de  la  femelle 
Irès-grossi  et  vu  de  profil),  long  de  8  à  10  millimètres,  noir  couvert  d'un 
duvet  grisâtre,  le  thorax  rugueux,  les  ailes  irisées,  enfumées  au  bout, 
les  pattes  velues  noires  et  testacées  au  milieu,  l'abdomen  très-rugueux, 
l'extrémité  couverte  d'un  duvet  soyeux  doré  ;  attaque  des  chenilles 
de  Noctuelles,  notamment  celles  des  Acronycta  Psi  et  tridenn.  Ce  genre, 
dans  les  Braconiensendodontes,  appartient  au  groupe  des  Cryptogastres, 
ayant  le  chaperon  entier,  Tocciput  convexe,  l'abdomen  n'ayant  de 
visible  en  dessus  qu'une  sorte  de  carapace  formée  par  les  trois  premiers 
segments.  Au  même  groupe  se  rapporte  le  genre  Sigalphus,  N.  von  Es., 
à  tarière  saillante,  les  antennes  sétacées,  la  tète  avec  deux  grandes  fos- 
settes en  dessus  du  chaperon,  les  ailes  à  deux  cellules  cubitales,  dont  la 
première  reçoit  la  nervure  récurrente.Le  type  est  le  S.obscunis,  N.  von  Es. , 


30  HYMÉNOPTÈRES. 

noir  en  entier,  les  ailes  diaphanes,  les  pattes  variées  de  fauve,  de 
France,  des  environs  de  Paris,  de  Belgique.  Les  Sigalphes  attaquent  des 
chenilles  de  Tinéideset  des  larves  de  divers  Coléoptères,  notamment  du 
Charanson  des  Pins  {Pissodes  notatus).  C'est  aussi  aux  Cryptogastres 
qu'appartient  le  genre  suivant. 

CJUKI^OJ^'C^,  Jiiriiie.  —  Yeux  velus.  Ailes  à  trois  cellules  cubitales,  dont  la  pre- 
mière est  confondue  avec  la  discoïdale  externe.  Carapace  de  l'abdomen  d'une 
seule  pièce.  Tarière  cachée. 

Il  y  a  près  de  30  espèces  de  ce  genre  en  Europe.  D'après  Haliday 
et  Léon  Dufour,  les  femelles  de  Chelonua  pondent  leurs  petits  déjà  par- 
venus à  l'état  de  nymphe,  par  un  fait  analogue  aux  Diptères  pupipares. 
Si  ce  fait,  qui  me  semble  douteux,  est  vrai,  on  peut  se  demander  à  quoi 
sert  le  parasitisme  à  l'intérieur  de  Charansons,  de  Saperdes  et  de  Ter- 
deuses  indiqué  pour  les  Chélones  de  diverses  espèces.  Nous  représen- 
tons une  espèce  commune  en  Europe  et  des  environs  de  Paris,  vol- 
tigeant sur  les  Ombellifères  et  les  Graminées,  le  C.  oculator,  Fabr. 
(pi.  Lxxvni,  lig.  10),  long  de  5  millim.,  noir,  très-rugueux,  à  ailes  dia- 
phanes, à  pattes  rousses,  l'abdomen  subcylindrique,  ayant  à  sa  base 
une  tache  d'un  jaune  pâle  de  chaque  côté. 

MICRO(;a*»TI-:r,  Latr.  —  Antennes  sétacées  et  multiarticulées>  Yeux  velus. 
Mâchoires  et  lèvre  sans  prolonijement.  Ailes  avec  une  cellule  radiale  grande, 
triangulaire  et  deux  ou  trois  cellules  cubitales  ;  dans  ce  cas  l'intermédiaire 
très-petite.  Pattes  l'ortes  avec  les  cuisses  comprimées.  Tarière  cachée  ou  courte. 

Ce  genre,  ainsi  que  le  suivant,  Agathis,  Latr.,  appartient  aux  Braco- 
niens  aréolaires,  ayant  le  chaperon  entier,  le  vertex  plus  ou  moins 
échancré  en  arrière,  la  seconde  cellule  cubitale  des  aiks  supérieures 
très-petite  et  pouvant  manquer,  rappelant  l'aréole  des  Ichneumoniens. 
Les  Microgaster  comprennent  un  grand  nombre  d'espèces  de  petite 
taille,  près  de  150  en  Europe,  de  couleur  sombre,  attaquant  beau- 
coup de  chenilles,  d'où  sortent  les  larves  qui  filent  en  commun  do 
petits  cocons  oblongs,  de  couleur  jaune  ou  blanche.  Une  des  plus  utiles 
est  le  M.  glomeratus,  Linn.,  Ylchneumon  à  coton  jaune  de  Geoffroy,  de 
2  à  3  millimètres,  noir,  à  ailes  diaphanes  et  irisées,  les  pattes  testacées, 
l'abdomen  noir,  avec  les  bords  latéraux  d'un  fauve  testacé  près  de  la 
base.  Cette  espèce  rend  les  plus  grands  services  à  l'horticulture,  dans 
les  potagers  du  nord  de  la  France  et  des  environs  de  Paris,  en  limitant 
de  la  manière  la  plus  efficace  l'extension  du  Pieris  Brassicœ,  Linn.,  Lépi- 
doptère si  nuisible  aux  Crucifères.  Il  y  a  des  années  où  nous  n'aurions 
pas  de  choux  sans  ce  Microgastre  très-fécond  ;  on  a  vu  souvent  les  che- 
nilles de  Piérides  saines  ne  subsister  dans  une  éducation  que  o  ou  h  sur 
200.  On  aperçoit  sur  les  murs  des  jardins  les  amus  de  petits  cocons 


AGATHIS.  —  HELCON.  31 

jaunes,  qu'il  laut  respecter,  à  côté  du  corps  tlasque  de  la  chenille  mou- 
rante. Cette  espèce  attaque  aussi  les  chenilles  nuisibles  de  Liparis  dispar, 
de  Lasiucampa  Fini,  de  Liparis  auriflua,  de  Nolodonta  zigzag,  etc.  l'ne 
espèce  très-voisine,  le  M.  perspicuus,  Wesm.,  entoure  de  ses  cocons 
blancs  les  chenilles  mortes  de  Clostera  anastomosis,  de  Plusia  Chrysitis, 
de  Zerene  grossulariata  (Phalénides),  de  Tortricides,  de  Plérophorcs  (1), 
etc.  Nous  représentons  une  troisième  espèce,  aussi  des  environs 
de  Paris,  le  M.  deprimator,  Fabr.  (pi.  lxxvhi,  fig.  6),  long  de  Zi  milli- 
mètres, noir,  tres-ponctué,  à  grandes  ailes  diaphanes  et  irisées,  à  pattes 
rousses.  Le  M.  alvearius,  Spinola,  de  France,  d'Italie,  s'attaque  aux 
lausses-chenilles  de  Némates.  Ses  détails  sont  représentés  pi.  Lxxvni 
(fig.  7,  mandibule  ;  7  a,  mâchoire  et  palpe  ;  7  b,  labre  ;  7  c,  lèvre  infé- 
rieure et  palpes  ;  7  d,  abdomen  vu  de  profil). 

ACiATlIli^,  Latr.  —  Antennes  longues  et  filiformes.  Yeux  glabres.  Mâchoires  et 
lèvres  prolongées  en  forme  de  bec.  Ailes  supérieures  ayant  une  cellule  radiale 
complète  et  lancéolée  et  trois  cellules  cubitales,  la  première  confondue  avec  la 
discoïdale  externe,  la  seconde  très-petite,  triangulaire  ou  quadrangulaire. 
Tarière  longue  et  filiforme. 

Les  Agatliis  ne  comptent  en  Europe  qu'une  dizaine  d'espèces.  Nous 
représentons,  d'Allemagne,  de  France  et  des  environs  de  Paris,  l'A.  pur- 
{gator.N.  \on  Es.  pi.  Lxxvni,fîg.  2,  mâle;  2  a,  tête  vue  de  lace),  entière- 
ment d'un  fauve  vif,  avec  les  ailes  très-rembrunies,  les  supérieures 
traversées  par  une  large  bande  blanche,  bordée  de  noir. 

IIUIX'Oi\,  Nées  von  Esenbeck.  —  Antennes  sétacées.  Vertex  convexe,  ayant  le 
bord  supérieur  de  la  face  unidenté.  Troisième  article  des  palpe?  maxillaires 
large  et  irrégulier.  Ailes  antérieures  à  trois  cellules  cubitales.  Pattes  posté- 
rieures longues  et  fortes,  avec  les  cuisses  très-renflées.  Abdomen  plat  et 
allongé.  Corps  long  et  étroit.  Tarière  très-grêle,  à  peu  près  de  la  longueur  du 
corps. 

Ce  genre  appartient  aux  Bvacomen?)  poliji nor plies,  qui  ont  le  chaperon 
entier,  la  portion  postérieure  du  verte.v  convexe,  la  seconde  cellule 
cubitale  grande  et  manquant  quelquefois,  l'abdomen  formé  de  si\  ou  sept 
segments.  11  y  a  en  Europe  une  dizaine  d'espèces  d'Helcon,  parasites  de 
larves  lignivores  de  divers  Callidium  (Cérambyciens),  de  chenilles  de 
Lipariit  Monacha  et  de  Tortrix.  Nous  représentons  une  espèce  des  envi- 
rons de  Paris,  à  corps  noir,  à  ailes  irisées,  à  cuisses  postérieures  fauves, 
VH.  spinalor,  Audinet-Serville  (pi.  Lxxvni,  tig.  8,  femelle;  8  a,  tête  vue 
de  face;  8  b,  abdomen  vu  de  profil). 

(4)  Maurice  (iirard,  Les  petits  protecteurs  des  luzernes  et  des  prairies  artifi- 
cieltes  {Inscctoloyie  uyricole^  Paris,  Doiuiaud,  1869,  o^  année). 


32  HYMÉNOriËRES. 

Al,V!!îlA,  Latr.  —  Tète  courte,  transversale,  échaucrce  eu  arrière.  Antennes 
multiarticulces,  de  la  longueur  du  corps.  Mandibules  larges,  trilobées  ou  tri- 
dentées.  Thorax  ovataire.  Ailes  antérieures  à  sligma  grand  et  triangulaire,  à 
trois  cellules  cubitales  et  trois  discoïdales.  Pattes  grêles,  à  cuisses  un  peu  ren- 
flées. Abdomen  aplati,  en  ovale  un  peu  élargi,  avec  le  second  segment  très- 
graud.  Tarière  très-variable,  courte  dans  les  uns,  à  peu  près  de  la  longueur 
de  l'abdomen  dans  d'autres  espèces. 

Les  Alysies  comptent  en  Europe  près  de  80  espèces.  Ce  sont  des  car- 
nassiers internes  d'insectes  fort  divers,  de  Cliaransons,  de  Saperdes  et 
d'Altises  (Coléoptères),  de  chenilles  de  Phalénides,  et  du  Macrogloisa. 
Stellatarum,  et  surtout  de  larves  de  Diptères  Musciens  appartenant 
aux  genres  Sarcophaga,  Lticilia,  Anthomyia,  Agromiza,  Tephritis,  etc. 

Ce  genre  Alysia  t'ait  partie  des  Draconiens  exodontes,  ofl'rant  les  dents 
des  mandibules  dirigées  en  dehors  ;  celles-ci  sont  larges,  fortement 
dentées,  ne  se  touchant  pas  quand  elles  sont  fermées  et  demeurant 
ordinairement  ouvertes  après  la  mort  de  l'insecte.  Nous  représentons 
une  des  espèces  les  plus  répandues  en  France  et  en  Allemagne,  l'.l. 
unducator,  I''abr.  (pi.  Lxxvui,  fig.  11;  11  a,  tète  vue  de  profil;  116, 
tète  vue  de  face).  Ce  Draconien,  long  de  6  à  8  millimètres,  .a  le  corps 
noir,  rugueux  et  ponctué,  les  ailes  translucides  et  enfumées,  les  pattes 
rousses,  l'abdomen  d'un  noir  brillant.  11  est  cité  par  Giraud  comme 
sorti  des  asticots  de  Lucilia  Cœsar. 

*9TiiVa\'Xt:ii9,  Jurine.  —  Tète  tuberculée  au  sommet.  Mandibules  courtes  et 
très-épaisses.  Antennes  très-minces  et  sétacées,  à  articles  allongés.  I*alpes 
maxillaires  extrêmement  longs.  Thorax  rétréci  à  sa  partie  antérieure.  Ailes 
supérieures  ayant  une  radiale  longue  et  étroite,  atteignant  le  bout  de  Failc, 
deux  cellules  cubitales,  trois  discoïdales,  la  première  en  parallélogramme,  la 
seconde  rectangle,  la  troisième  ouverte  et  prolongée  jusqu'au  bout  de  l'aile. 
Pattes  des  paires  1  et  2  moyennes,  à  jambes  un  peu  contournées,  les  posté- 
rieures très-allongées  et  Irès-l'ortes,  à  cuisses  renflées  et  garnies  de  plusieurs 
dents  en  dessous,  les  jambes  comprimées  à  la  base,  renflées  au  bout.  Abdomen 
iong,  en  ovale  oblong,  le  premier  segment  en  long  pédoncule  épais  et  cylin- 
droïde,  inséré  à  la  parlie  postérieure  et  supérieure  du  métathorax.  Tarière 
plus  longue  que  le  corps. 

Le  genre  Stephanus  est  de  classification  difficile  :  l'insertion  abdo- 
minale le  faisait  placer  par  Brullé  dans  les  Evaniens.  M.  E.  Blanchard 
le  range  à  la  fin  des  Ichneumoniens.  C'est  aux  Draconiens  que  les 
ouvrages  les  plus  récents  le  rapportent.  Les  pattes  des  Stéphanes  peu- 
vent s'appliquer  contre  le  corps,  ce  qu'atteste  la  présence  de  fossettes 
obliques  sur  les  côtés  du  thorax  ;  probablement  ces  insectes  simulent 
ainsi  la  moijt.  En  Europe  sont  trois  espèces  de  ce  genre,  dont  le  type, 
qu'on    voit  voler  sur  les  bois  secs,  en  France,  en  Allemagne,  en 


CHALCIDIENS.  33 

Autriche,  est  le  S.  serrator,  Fabr.,  en  raison  des  dents  des  cuisses  pos- 
térieures. Long  de  16  à  20  millimètres,  il  est  noir  avec  les  ailes  rembru- 
nies, ayant  une  tache  hyaline,  les  jambes,  les  tarses  et  l'abdomen  roux. 
Des  espèces  de  grande  taille  (sous-genre  Megischus,  Brullé)  appartien- 
nent aux  régions  chaudes  des  deux  mondes,  Indes,  Brésil,  etc.  Nous 
représentons,  pi.  lxxvu,  fig.  5,  la  femelle  du  S.  furcatus,  Aud.-Serville, 
du  Brésil  (5  a,  bord  antérieur  du  prothorax  et  tête  vus  en  dessus  ;  5  b, 
tête  vue  de  face).  Cette  espèce,  dont  le  corps  atteint  3  centimètres  et 
la  tarière  à,  est  noire,  avec  les  joues  et  la  base  des  mandibules  rous- 
ses, les  ailes  d'une  teinte  bistrée  avec  les  nervures  noires,  le  second 
segment  de  l'abdomen  lisse,  les  valves  de  la  tarière  noires. 


Tribu  des  CHALCIDIëivis. 


Les  Chalcidiens  forment,  avec  la  tribu  suivante,  les  Proctotrupiens, 
ces  Hyménoptères  entomophages,  tous  de  faible  taille,  que  Linnœus 
appelait  les  petits  Ichneumons  {Ichneiimones  minuti).  Ils  correspondent 
aux  Pteromalini  de  Dalman,  aux  Diplolépaires  de  Spinola,  aux  Chalci- 
didœ  de  Walker,  aux  Pteromalidœ  de  C.  G.  Thomson.  On  rencontre  ces 
petits  insectes  en  très-grand  nombre  sur  les  plantes  de  toute  nature, 
les  femelles  en  quête  de  larves  pour  pondre,  les  mâles  recherchant  les 
femelles  pour  l'accouplement.  On  les  ramasse  en  forte  proportion  en 
promenant  le  filet  fauchoir  sur  les  feuilles  et  les  fleurs,  surtout  dans  les 
prairies  et  dans  les  bois.  On  les  obtient  aussi  en  élevant  des  larves  d'in- 
sectes, et  c'est  le  seul  moyen  de  connaître  leurs  métamorphoses.  Le 
plus  grand  nombre  des  Chalcidiens  vit  dans  les  larves  d'insectes  de 
divers  ordres,  ne  cherchant  d'ordinaire  que  de  la  chair  fraîche,  et  pre- 
nant leurs  victimes  non-seulement  dans  les  espèces  du  même  ordre, 
mais  aussi  d'ordres  diflerenls.  Des  Chalcidiens  variés  nous  rendent  de 
grands  services  en  diminuant  le  nombre  des  Scolytiens  si  nuisibles  aux 
forêts.  Le  fermier  doit  se  réjouir  quand  il  voit  ses  sacs  de  blé  cous^erts  de 
petits  Chalcidiens  d'un  vert  brillant  destinés  à  anéantir  la  Calandre 
{Sitophilus  granarius);  un  Encyrtus  détruit  l'utile  Coccinelle  à  sept 
points.  Beaucoup  d'Hyménoptères  nidifiants  sont  attaqués  par  les  Chal- 
cidiens, aussi  bien  les  Mellifiques  que  les  Fouisseurs  :  ainsi  j'ai  vérifié 
qu'un  Eurytoma  détruit  dans  les  tiges  creusées  de  la  Vigne  la  larve  du 
Pemphredon  lugubris  A^e?,  Leucas pis introdahent,  dans  les  nids  des  Abeilles 
maçonnes  et  dans  les  cellules  à  larves  des  Guêpes,  leur  longue  tarière, 
portée  au  repos  sur  le  dos,  et  que  la  femelle,  soulevée  sur  le  bout  de 
ses  tarses,  fait  passer  en  dessous,  entre  son  corps  et  ses  pattes,  par  la 
même  manœuvre  que  les  Pimples, 

Les  Tenthrédiniens  nuisibles  sont  les  fréquentes  victimes  des  Chalci- 
diens. Ainsi  le  Pteromalus  subfumatus,  Ratz.,  vit  dans  les  fausses  chenilles  ■ 

GIRARD.  ni.  —  3 


34  HYMÉNOPTÈRES. 

du  Lophyi-e  du  Pin.  Les  chenilles  des  Lépidoptères  sont  la  proie  la  plus 
ordinaire  des  larves  de  Chalcidiens  :  ainsi  le  Pteromalus puparum,Lmn., 
auxiliaire  des  cultivateurs  de  toute  l'Europe,  vit  en  société  et  subit  sa 
nymphose  dans  le  corps  d'un  grand  nombre  de  chenilles,  notamment 
de  la  Piéride  du  Chou,  et  plus  de  mille  peuvent  sortir  du  corps  d'une 
grosse  chenille.  Les  nichées  d'adultes  ainsi  éclos  offrent  parfois  les 
deux  sexes  mélangés,  parfois  un  seul,  mâle  ou  femelle,  fait  que  nous 
retrouverons  pour  beaucoup  de Psychides  (Lépidopt.j,  et  qui  est  peut-être 
un  moyen  naturel  d'éviter  les  unions  consanguines.  Parmi  les  Hémi- 
ptères, les  Aphidiens  sont  la  proie  de  divers  Chalcidiens,  ainsi  du  Ptero- 
malus Aphidis,  Nées  d'Es.  ;  plusieurs  Encyrtus  et  le  genre  Coccobius, 
Ratzeburg,  vivent  uniquement  aux  dépens  des  Cocciens.  Les  Diptères  ne 
sont  pas  épargnés.  Si  YEupelmus  Syrphi,  Bouché,  donne  pour  nourriture 
à  ses  larves  les  larves  utiles  des  Syrphus  Ribesii  et  balteatus,  les  Ptero- 
malus sont  de  précieux  agents  contre  les  Diptères  qui  détruisent  le  blé, 
et  les  larves  de  Spalangia  nigra,  Latr.,  dévorent  les  entrailles  des  pupes 
de  Musca  domestica. 

Tl  y  a  des  Chalcidiens  qui  pondent  dans  les  galles,  ainsi  surtout  les 
Callimome  à  longue  tarière,  soit  dans  les  galles  des  Cynipiens,  et  alors 
les  larves  sorties  de  leurs  œufs  mangent  les  larves  féculivores  des  Cynips 
et  des  Synergus,  soit  dans  les  galles  des  Cécidomyies,  où  les  larves  des 
Chalcidiens  dévorent  les  petites  larves  des  Diptères;  des  Eulophus,  ainsi 
E.  gallarum,  Linn.,  de  toute  l'Europe  (genre  Olynx,  Fôrster);  des 
Elachestus,  Spinola,  pondent  dans  les  galles  où  vivent  les  fausses  Che- 
nilles des  Némates  (Tenthrédiniens).  Il  y  a  de  très-petits  Chalcidiens 
dont  la  ponte  se  fait  dans  les  œufs  des  insectes  :  un  Pteromalus  pond 
dans  les  œufs  de  la  funeste  Galéruque  de  l'Orme;  VEntedon  ovuloruin, 
Ratz.,  dans  les  œufs  de  Tenthrédiniens;  un  Eupelinus  dans  les  œufs  de 
VAttacus  Yama-maï,  G.-Mén.  ;  un  autre,  £.  Cicadœ,  Giraud,  dans  les  œufs 
des  Cigales.  On  voit  éclore  de  l'oothèque  de  la  Mante  religieuse  le  rare 
Palmon  pachymerus,  Dalman,  du  type  des  Torymus,  d'un  indigo  violet 
brillant,  à  pattes  jaunes,  avec  les  cuisses  postérieures  très-larges  et 
dentelées,  d'un  bleu  verdâtre  brillant  (pi.  i.sxix,  fig.  16;  16  a,  cuisse 
postérieure  très-grandie).  La  femelle  enfonce  sa  longue  arière  dans  les 
œufs  de  l'oothèque. 

Les  Chalcidiens  offrent  les  plus  nombreux  exemples  de  parasites  de 
parasites,  ou  parasitisme  du  deuxième  degré  (le  docteur  Giraud  a  même 
constaté  un  cas  de  parasitisme  du  troisième  degré).  Les  Draconiens 
entomophages  sont  les  fréquentes  victimes  de  Chalcidiens;  on  ne  peut 
pas  élever  de  chenille  piquée  par  les  Microgaster,  sans  voir  éclore  en 
outre  des  Chalcidiens;  du  corps  des  Aphidius  renfermés  dans  divers 
Pucerons  sort  le  Chrysolampus  aphidiphagus,  Ratz.,  etc. 

Il  y  a  des  Chalcidiens  dépourvus  d'ailes,  surtout  chez  les  femelles  : 
ainsi  les  femelles  de  beaucoup  d'Eupelmus  et  celles  du  genre  Ceroce- 
phala,  Westw.  ;  parfois  des  espèces  ordinairement  aptères  prennent  des 


CHALCIDIENS.  35 

ailes  dans  les  automnes  chauds,  ainsi  pour  le  Chorcius  ineptus,  Dalman, 
par  le  même  fait  d'excès  de  développement  que  chez  la  Punaise  des 
lits  et  la  Lygée  aptère.  Le  genre  Monodontomerus,  Westw.,  offre  ce  fait 
curieux,  que  les  femelles  ailées  entrent  pour  pondre  dans  les  nids  des 
Anthophores  et  des  Osmiens,  soit  sur  leurs  larves,  soit  sur  un  Acarien 
parasite  qui  les  dévore,  VHeteropus  ventricosus,  tandis  que  les  mâles, 
qui  n'ont  que  des  rudiments  d'ailes,  par  le  même  fait  que  certains 
mâles  de  Némoures  (Névropt.),  ne  peuvent  quitter  le  nid  où  ils  sont  nés. 
Il  y  a  des  Chalcidiens  sauteurs,  surtout  ceux  où  les  jambes  intermé- 
diaires sont  armées  d'un  grand  éperon,  ainsi  dans  les  Encyrtus.  Cette 
faculté  du  saut  appartient  à  de  très-petites  espèces  à  pattes  grêles,  et 
des  espèces  à  cuisses  postérieures  renflées,  comme  les  Chalcis,  ne  sautent 
pas.  De  même  les  Sagra  (Chrysoméliens),  à  cuisses  postérieures  très- 
renflées,  ne  sautent  pas.  Fondras  a  donné,  à  propos  des  Attises  (voy.  1. 1""", 
p.  799),  l'explication  anatomique  de  ce  fait. 

Il  y  a  parfois  de  grandes  variations  sexuelles  chez  les  Chalcidiens, 
outre  une  autre  structure  des  derniers  anneaux  de  l'abdomen  et  leur 
nombre  différent,  ordinairement  sept  chez  les  mâles  et  six  chez  les 
femelles.  Les  mâles  de  divers  Eurytomides,  ont  les  antennes  noueuses 
et  ornées  de  longs  poils  ;  dans  les  Eulophides,  les  antennes  des  mâles 
sont  très-ramifiées,  offrant  2,  3,  h,  5,  6  et  même  7  branches.  Les  Cero- 
cephala  ont  la  tête  surmontée  de  trois  cornes  dans  les  mâles;  certains 
genres  ont  le  dernier  article  des  palpes  des  mâles  grands  et  globuleux, 
ou  les  palpes  maxillaires  fourchus  par  prolongement  de  leur  troisième 
article,  etc. 

Parfois  les  Chalcidiens  sortent  adultes  des  larves  ou  des  nymphes  qui 
les  ont  nourris.  Parfois  leurs  larves,  ayant  atteint  leur  développement, 
quittent  la  larve  nourricière  et  se  fixent  à  son  corps  ou  aux  feuilles 
voisines,  à  l'aide  d'un  enduit  agglutinant.  En  général,  les  nymphes  de 
Chalcidiens  ne  se  renferment  pas  dans  des  cocons;  certaines  espèces  font 
entrer  dans  la  construction  de  leur  enveloppe  les  débris  des  larves  dont 
elles  ont  vécu.  Les  espèces  à  longue  tarière  ont  cet  organe  couché  sur 
le  dos  pendant  l'état  nymphal,  fait  qu'offrent  aussi  les  espèces  à  longue 
tarière  des  autres  tribus  d'Hyménoptères  entomophages.  Les  espèces 
à  étroit  pédicule  abdominal  sont  pliées  en  deux  dans  la  nymphose 
(Haliday).  Les  larves  des  Chalcidiens  sont  de  très-petits  vers  apodes,  le 
plus  souvent  blanchâtres  et  d'aspect  charnu.  Leur  forme  est  ovale* 
allongée,  avec  l'extrémité  postérieure  amincie  et  de  légères  traces 
d'articulations  ;  la  tête,  petite  et  sphéroïde,  pouvant  rentrer  dans  le 
premier  anneau  du  thorax.  Parfois  la  face  inférieure  du  corps  présente 
deux  tubercules  par  segments,  rudiments  d'autant  de  pattes.  C'est  ce 
qui  arrive  pour  la  larve  de  Spalangia  nigra  vivant  dans  la  Mouche 
domestique  (Bouché).  Nous  verrons  un  fait  analogue  pour  les  larves 
apodes  des  Volucelles  (Diptères,  Syrphiens)* 


36  HYMÉNOPTÈRES. 

Caractères  généraux  des  Chalcidiens  adultes.  —  Corps  toujours 
petit,  le  plus  souvent  avec  éclat  métallique,  vert,  bleu,  d'un  bronzé 
doré  ou  rougeîitre,  ainsi  dans  les  types  Perilampus,  Torymus,  Eupelmus, 
Pteromalus,  etc.;  parfois  terne  et  noir  ou  brun  foncé,  comme  dans  les 
types  Chalcis,  Eurytoma,  Enajrtus,  au  moins  pour  la  tète  et  le  tho- 
rax, etc.  Antennes  brisées,  éloignées  des  yeux,  ayant  au  maximum  treize 
articles,  souvent  épaissies  au  bout.  Pronotum  n'atteignant  pas  les 
écailles.  Ailes  supérieures  n'ayant  pas  de  cellules  complètes,  la  nervure 
postcostale  atteignant  le  bord  antérieur  de  l'aile  loin  après  la  base  et 
y  formant  un  stigma  le  plus  souvent  linéaire,  les  autres  nervures  plus 
ou  moins  abrégées.  Pattes  à  articles  tarsaux  en  nombre  variable 
(exception  chez  les  Hyménoptères),  les  cuisses  postérieures  quelquefois 
renflées  et  dentées  en  dessous  {Chalcis),  les  jambes  intermédiaires 
parfois  épaisses  et  armées  d'un  long  éperon  denté  en  scie  au  côté 
interne.  Abdomen  à  segments  libres,  leur  bord  latéral  non  aigu,  parfois 
étroitement  et  longuement  pédicule,  le  plus  souvent  d'aspect  sessile. 
Tarière  des  femelles  le  plus  souvent  droite  et  cachée  sous  la  face  ven- 
trale de  l'abdomen,  qu'elle  ne  dépasse  pas,  s'insérant  à  une  grande 
distance  de  son  extrémité,  parfois  très-longue  et  grêle,  ou  bien  saillante 
au  dehors  et  rectiligne  {Callimome),  ou  bien  se  recourbant  en  dessus 
sur  lé  dos,  par  persistance  de  l'état  nymphal  {Leucaspis). 

M.  C.  G.  Thomson  (1)  divise  les  Chalcidiens  en  deux  sections  :  1°  Ma- 
crocentri  :  Antennes  le  plus  souvent  multiarticulées;  mésosternum 
parfois  en  bouclier;  ailes  supérieures  ayant  le  stigma  plus  long  que  la 
côte,  la  nervure  radiale  souvent  grande,  parfois  courbée;  jambes  anté- 
rieures armées  d'un  grand  calcar  recourbé,  tarses  pentamères.  2°  Micro- 
cenin.  Antennes  le  plus  souvent  de  peu  d'articles;  ailes  supérieures 
ayant  le  plus  souvent  le  stigma  long,  parfois  plus  long  que  la  côte, 
les  nervures  radiale  et  métacarpienne  le  plus  souvent  courtes; 
jambes  antérieures  n'ayant  qu'un  calcar  grêle,  court  et  droit  ;  tarses 
le  plus  souvent  tétramères,  rarement  trimères,  très-rarement  hétéro- 
mères. 

Nous  adopterons  la  division  artificielle,  commode,  des  catalogues  de 
collections  :  Chalcidiens  pentamères  {Macrocentri),  tétramères  et  trimères 
(Microcentri). 


PENTAMERES. 

l,Ei;€.%SPlS,  Fabr.,  ou  Leucospis.  —  Labre  allongé  et  échancré.  Ailes  anté- 
rieures pliées  en  long  au  repos,  comme  chez  les  Guêpes  et  ayant  une  cellule 
radiale.  Jambes  postérieures  très-arquées,  caiialiculées  en  dessous,  prolongées 

(1)  Skaadinaviens  Hymeiwptera,  genre  Pteromalus,  Swederus.  Lund,   1875, 
t.  IV,  fasc.  i. 


LEUCASPIS,   CHALCIS,    ETC.  37 

en  épine;  cuisses  postérieures  très-renflées,   ovalaires,  dentelées   en  dessous. 
Tarière  des  femelles  longue  et  grêle,  recourbée  au  repos  sur  le  dos  de  rabdomen. 

Les  Leiicaspis  sont  les  plus  grands  Chalcidiens,  vivant  des  larves  de 
Guêpes,  de  Chalicodomes,  d'Osmies,  ornés  de  taches  jaunes  ou  rouges 
sur  fond  noir.  Une  quinzaine  d'espèces  du  midi  de  l'Europe  et  du  nord 
de  l'Afrique.  A  citer  deux  espèces  à  taches  jaunes  :  L.  gigas,  Fabr.,  de 
12  millim.,du  midi  de  la  France  et  d'Algérie,  en  juin  et  juillet,  sur  les 
fleurs,  et  L.  dorsigera,  Fabr.,  de  8  à  10  millim.  Nous  représentons 
L.  pediculata,  G. -Mén.  \pl.  lxxix,  fig.  7,  femelle),  de  Java,  noire,  à  bandes 
d'un  jaune  fauve. 

CHAIiCI^,  Fabr.  —  Antennes  de  13  articles,  insérées  au  milieu  du  front,  plus 
ou  moins  fusiformes.  Jambes  intermédiaires  avec  un  calcar  au  bout;  jambes 
postérieures  prolongées  au  bout  en  épine  longue  et  forte  ;  cuisses  postérieures 
très-larges,  avec  le  bord  inférieur  en  scie  ou  dentée.  Abdomen  brièvement 
pédicule. 

Les  Chalcis  comptent  plus  de  vingt  espèces  en  Europe  et  d'assez 
nombreuses  exotiques.  Les  espèces  d'Europe  sont  parasites  de  larves  de 
Cassides,  du  Fourmilion,  de  Zygènes,  etc.  Nous  représentons  C.  Lasnieri, 
G. -Mén.  (pi.  LXXIX,  fig.  Zi),  de  Cuba,  d'un  rouge  écarlate,  à  ailes  d'un 
brun  noirâtre,  et  les  détails  d'une  espèce  d'un  genre  très-voisin,  Smicra, 
Walker,  à  abdomen  longuement  pétiole,  les  jambes  intermédiaires 
sans  calcar,  le  S.  sispes,  Linn.,  de  Suède,  de  France,  très-rare  auprès 
de  Paris,  attaquant  les  larves  des  Stratiomys  (Diptères),  noir,  à  ailes 
.enfumées,  les  pattes  variées  de  roux  (pi.  lxxix,  fig.  5,  antenne  du  mâle  ; 
5  a,  labre;  5  b,  mandibule  ;  5  c,  mâchoire  et  son  palpe;  5  d,  abdomen 
vu  de  profil).  Le  genre  voisin,  P/iasr/a?îop/io?-a,  Westw.,  formé  d'exotiques, 
à  cuisses  comprimées  et  ovales,  à  abdomen  brièvement  pédicule,  à 
tarière  droite  et  saillante,  aussi  longue  que  l'abdomen,  est  figuré  par 
le  P.  caudata,  G. -Mén.,  femelle,  du  Brésil  (pi.  lxxix,  tig.  6),  noir,  à  ailes 
transparentes  et  jaunâtres,  les  tarses  jaunes,  les  cuisses  postérieures 
avec  une  tache  jaune  en  croissant.  Le  genre  Dirhinus,  Dalman,  compte 
deux  espèces  du  midi  de  l'Allemagne,  et  le  type  d'Egypte  et  d'Algérie 
(H.  Lucas),  D.  excavatus,  Daim.  (pi.  lxxix,  fig.  10,  tête  vue  de  face  avec 
les  antennes;  10  a,  tête  vue  en  dessus), insecte  noir,  à  ailes  hyalines,  les 
pattes  variées  de  jaune  testacé.  Le  genre  se  distingue  surtout  des 
Chalcis  par  les  mandibules  très-prolongées  en  avant  et  par  la  tête  pro- 
fondément bifide. 

Le  genre  exotique  Thoracantha,  Latr.,  a  le  corps  très-épais  et  comme 
globuleux;  la  tête  fort  large;  l'écusson  'prolongé  de  manière  à  recouvrir 
les  ailes  au  repos,  et  l'abdomen,  à  la  façon  des  Scutellériens  (Hémipt. 
hétéropt.),  fendu  au  milieu  et  prolongé  postérieurement  en  deux 
pointes  aiguës,  et  toutes  les  pattes  grêles.  Ex.  :  T.  Latreillei,  G. -Mén., 


38  HYMÉNOPTÈRES. 

du  Brésil,  entièrement  d'un  noir  bleuâtre  très-luisant  (pi.  lxxix,  fig.  8; 
8  a,  corps  de  profil  ;  8  b,  tête  vue  de  face  ;  8  c,  mdclioires  et  lèvre  infé- 
rieure; 8  d,  antenne  grossie). 

On  a  rapporté  de  Sierra-Leone  (Afrique  occidentale)  un  Chalcidien 
des  plus  étranges,  VAgaon  paradoxum,  Dalman  (pi.  lxxix,  fig.  9,  tôte 
vue  en  dessus  avec  les  antennes;  9  a,  id.  en  dessous).  Le  corps,  en  entier 
d'un  jaune  testacé,  a  Fabdomen  très-étroit,  se  terminant  chez  la  femelle 
par  une  tarière  sétiforme  plus  longue  que  lui.  Les  pattes  sont  très- 
grêles  et  le  corselet  muni  de  deux  épines  latérales;  les  ailes  supérieures 
larges,  les  inférieures  très-étroites,  ciliées  postérieurement.  La  tète 
surtout  est  très-singulière':  très-longue  et  subrectangle,  recouverte  infé- 
rieurement  par  deux  lamelles  quadridentées  au  côté  interne,  partant 
de  la  base  des  mandibules  ;  les  antennes  avec  le  premier  article  en 
grande  palette  triangulaire,  les  suivants  très-grêles,  les  trois  derniers 
très-renflés  et  subrectangles,  formant  une  massue  allongée  ;  les  palpes 
maxillaires  nuls. 

PERILAUlPE'i^,  Latr.  —  Tête  grande  et  arrondie;  antennes  courtes,  de  13  ar- 
ticles. Thorax  court  et  épais  ;  écusson  grand,  prolongé  en  pointe  postérieure- 
ment. Pattes  médiocres,  assez  grêles.  Abdomen  d'aspect  subsessile,  court,  sub- 
arrondi, les  segments  2  et  3  les  plus  grands,  4  petit,  les  autres  rétractés. 
Tarière  cachée. 

Les  Périlampes,  à  corps  métallique  et  brillant,  comptent  près  de 
vingt  espèces  en  Europe  et  d'autres  exotiques.  Lx.  :  P.  violaceus,  Fabr. 
(pi.  LXXIX,  fig.  12,  mâle;  12  a,  antenne  très-grossie;  12  6,  labre;  12  c  et 
12  d,  mandibules;  12  e,  mâchoire  et  palpes).  Cette  espèce,  très-répandue 
en  Europe,  de  France  et  près  de  Paris,  d'Angleterre,  d'Allemagne,  de 
Suède,  vole  au  printemps  sur  les  fleurs  des  Rosacées.  Longue  de 
Il  millim.,  elle  a  la  tôte  et  le  thorax  d'un  vert  bronzé,  l'abdomen  et  les 
■pattes  bleus,  avec  les  genoux  et  les  tarses  ferrugineux. 

DE:c.4TOltI.%,  Spinola.  —  Corps  épais.  Antennes  courtes,  de  11  articles,  termi- 
nées par  une  massue  de  3  articles,  sans  verticilles  de  poils  chez  les  mâles. 
Ailes  supérieures  avec  un  stigma  épais,  subcarré  ou  oblong,  au-dessous  duquel 
est,  le  plus  souvent,  une  marque  enfumée  transverse,  dépassant  souvent  le 
milieu  du  disque.  Pattes  assez  robustes,  avec  jambes  postérieures  à  deux  cal- 
cars,  souvent  munies  de  soies  raides  au  bord  externe.  Abdomen  ayant  dans  les 
deux  sexes  un  assez  long  pétiole,  cylindrique,  grêle  et  défléchi.  Tarière  des 
femelles  un  peu  saillante. 

Le  genre  Decatoma  compte  en  Europe  une  quinzaine  d'espèces.  Nous 
représentons,  pi.  lxxix,  fig.  11,  le  D.  signatum  Nées  d'Es.,  var.  Coo- 
peri,  Curtis,  femelle,  de  France  et  d'Angleterre  (fig.  11  a,  antenne  de 
la  femelle;  11  b,  tarse  postérieur;  11  c,  abdomen  de  profil).  A  côté 


DECATOMA,    ETC.  -     EULOPHUS.  59 

de  ce  genre  se  placent  les  genres  Eurxjtoma,  lUiger,  à  antennes  des 
mâles  ornées  de  verticillcs  de  poils  {E.  plumatum,  Illig.),  comptant 
soixante  espèces  européennes,  et  Uosoma,  Walker,  ayant  plus  de  trente 
espèces  en  Europe.  Ces  genres  offrent  des  espèces  noires,  rarement 
tachées  de  jaune,  sans  éclat  métallique,  vivant  le  plus  souvent  dans 
les  galles  de  Cynipiens  et  de  Diptères,  et  qui  sont  aussi  parasites  de 
Microgastres,  d'Osmies  et  de  divers  Fouisseurs,  de  Scolytiens,  etc. 
Dans  le  genre  Cleonymus,  Latr.,  les  antennes  sont  de  onze  ou  douze 
articles  (pi.  lxxix,  fîg.  13),  terminées  par  une  massue  conique,  et  elles 
sont,  dans  le  genre  Encyrtus,  Latr.,  filiformes  et  poilues  chez  les  mâles, 
comprimées  et  se  dilatant  peu  à  peu  vers  le  hout  chez  les  femelles,  en 
une  massue  largement  tronquée  (pi.  lxxix,  fig.  l/i).  Les  Encyrtes,  très- 
nombreux  en  espèces,  ont  le  corps  grand  et  robuste,  avec  la  tête  et  le 
thorax  non  métalliques,  l'abdomen  l'étant  quelquefois. 

Le  genre  le  plus  nombreux  des  Chalcidiens  pentamères  est  celui  des 
Pteromalus,  Swederus,  ayant  en  Europe  plus  de  six  cents  espèces,  qui 
vivent  dans  les  insectes  de  tous  ordres.  Leur  corps,  d'un  vert  bronzé 
ou  bleuâtre,  est  un  peu  poilu,  avec  les  cuisses  grêles,  les  pattes  pubes- 
centes,  les  antennes  filiformes  et  grêles,  de  treize  articles,  le  thorax 
large  et  court,  l'écusson  ovale,  l'abdomen  ovalaire,  plus  court  que 
le  thorax  et  beaucoup  moins  large,  la  tarière  cachée  ou  à  peine 
saillante.  Le  type  est  le  P.  puparum,  Linn.,  le  Cynips  des  chrysalides  des 
papillons  de  Geoffroy,  long  de  3  millim.,  d'un  vert  bronzé  obscur,  à  ailes 
hyalines,  à  jambes  et  tarses  testacés,  sortant  fréquemment  des  chrysa- 
lides des  Pieris  Brassicœ  et  Rapœ  et  de  nos  Vanesses  indigènes. 


TÉTRAMÉRES. 

EUK.OPaD§(,  Geoffroy.  —  Tête  courte  et  large;  antennes  de  9  articles  chez  les 
mâles,  3,  4  et  5  émettant  une  longue  branche  à  leur  base;  de  8  articles  sim- 
ples chez  les  femelles.  Pattes  simples,  droites,  subégales.  Abdomen  déprimé, 
sublinéairc,  un  peu  plus  étroit  que  le  thorax. 

Les  Eulophes,  qui  comptent  en  Europe  près  de  deux  cents  espèces, 
vivent  surtout  aux  dépens  des  chenilles  de  Noctuelles  et  de  Microlépi- 
doptères, et  par  suite  nous  sont  fort  utiles.  L'E.  pectinicornis,  N.  d'Es., 
de  2  millim.,  est  d'un  brun  noirâtre  bronzé,  à  ailes  diaphanes,  à  jambes 
et  tarses  jaunâtres  (pi.  lxxix,  fig.  15;  15  a,  antenne  du  mâle;  15  b,  an- 
tenne de  la  femelle).  L'^.  ramicornis,  Geoffroy,  de  même  taille,  est 
d'un  vert  cuivreux  brillant,  avec  les  appendices  fauves  en  partie.  Ces 
deux  espèces,  répandues  dans  presque  toute  l'Europe,  se  prennent  à 
la  fin  de  l'été,  en  fauchant  sur  les  fleurs. 


ÛO  HYMÉNOPTÈRES. 

TRIMÈRES. 

Les  Chalcidiens  à  trois  articles  aux  tarses  sont  peu  nombreux.  Nous 
citerons  seulement  un  fort  curieux  genre,  de  l'extrOme  midi  oriental 
de  l'Europe  et  des  îles  de  l'Archipel,  le  genre  Blastophaga,  Gravenhorst, 
ayant  des  analogies  avec  le  genre  Agaon,  à  mandibules  munies  à  la 
base  d'une  lamelle  cornée  subovale,  à  palpes  maxillaires  réduits  à  une 
soie,  à  pattes  des  paires  1  et  3  courtes,  avec  grandes  cuisses  ovales  et 
jambes  triangulaires.  Ce  genre,  de  place  incertaine,  paraît  se  rapporter 
à  l'ancien  Cynips  psenes  de  Linnœus.  Un  autre  genre,  Sycophaga, 
Westw.,  a  les  mandibules  ordinaires,  les  pattes  comme  les  Blastophaga, 
et  une  longue  tarière  à  trois  soies  égales.  Tous  ces  insectes  sont  encore 
très-mal  connus.  On  leur  attribue  le  phénomène  de  la  eaprification,  ou 
pratique  par  laquelle  on  fait  grossir  les  figues  dans  le  Levant,  l'Archi- 
pel, la  Grèce,  le  Tyrol,  la  Kabylie,  etc.,  en  suspendant  de  place  en  place 
entre  les  Figuiers  des  figues  sèches  d'où  s'échappent  ces  petits  Hymé- 
noptères qui  s'introduisent  dans  les  figues  encore  jeunes.  On  ne  sait 
trop  s'ils  provoquent  la  fécondation  des  fleurs  femelles,  ou  si  leurs 
piqûres  accélèrent  la  maturation,  comme  cela  se  remarque  souvent 
pour  les  fruits  percés  par  des  insectes  variés.  Sont-ils  attirés  par  des 
larves  dans  lesquelles  ils  pondraient?  Toute  cette  question  de  la  eapri- 
fication est  encore  fort  obscure  et  a  besoin  d'études  entomologiques  sur 
place.  Tournefort  a  décrit  cette  pratique  dans  son  Voyage  au  Levant  et 
dans  les  Mémoires  de  l'Acad.  des  se.  de  Paris  en  1705.  On  consultera  sur 
cette  question  spéciale  :  J.  0.  Westwood,  On  Caprification  as  practised 
upon  the  Figs  in  the  South  of  Europa  and  the  Levant,  with  Descriptions 
ofthe  Insects  employed  for  that  purpose,  etc.  {Entom.  Soc.  of  London  Trans., 
1837-18Z|0,  t.  Il,  p.  2U-22ZI  ;  Revue  zooîog.,  ISZtl,  p.  ISli).  —  G.  Gaspar- 
rini,  liiccrche  sulla  natura  del  caprifico,  e  del  Fico  e  sulla  caprificazione' 
(Naples,  18Zi5,  in-h"  avec  8  pi.,  97  pages).  —  Colonel  Martin,  Caprification 
du  Figuier  en  Kabylie  {Bulletin  Soc.  d\tcclim.,  2'=  série,  1869,  t.  VI,  p.  622). 

Bibliographie  des  Chalcidiens. — Fr. Walker, MonographiaChalciditum 
[Entomol.  Magazine,  1 833, 1835, 1836, 1837, 1838).—  Nombreux  mémoires 
sur  les  Chalcidiens  répartis  dans  les  recueils  suivants  :  Ann.  of  Natural 
ff/stor?/,  1838, 1839,18Zi0,18M,18/i6,18i8,18/i9, 1850, 1851,1852  ;A'ewma/i's 
Entomologist,  1 8/i0-18/i2  ;  NewmansZoologist,\  8/i5, 18/t6  ;  Linnœan  Society 
Trans.,  \85l;Jour7ial  of  Entomology,  1862.  —  Arnold  Fôrster,  Eine  Cen- 
turie neuer  Hymenopteren  {Rheinlande  und  Westfalens  Verhandlungen, 
Bonn,  1851).  Hymenopterologische  Studien,  1856,  t.  IL  —  D"'  G.  Mayr, 
Die  europœischen  Torymiden,  biologische  und  systematische  bearbeitet 
Verhandl.  zool.-botan.  Gesellschaft  in  Wien,  187/i,  t.  XXIV,  p.  53  à  l/i3). 
Die  europœischen  Encyrtiden  (même  recueil,  1875,  t.  XXV,  p.  675  à  779j. 
Ces  deux  mémoires  énumèrent  les  divers  insectes  d'où  proviennent  les 
Chalcidiens. 


PROCTOTRUPIE^S.  h\ 

Tribu  des  PROCTOTRIIPIEMS. 

Les  Proctotrupiens  sont  de  très-petits  Hyménoptères,  connus  également 
sous  les  noms  de  :  Codrini,  Dalman,  Nées  d'Esenb.  ;  d'Oxj/î<res,  Latr.  ; 
de  Psilotes,  Fallen  ;  de  Proctotrypidœ,  Stephens.  Leur  couleur  est  généra- 
lement obscure,  noire  ou  bronzée.  Us  se  distinguent  des  Chalcidiens  par 
leurs  ailes  très-délicates  et  fortement  irisées,  généralement  dépourvues 
de  nervures,  et  par  leurs  antennes,  de  10  à  15  articles,  de  longueur  va- 
riable et  moindre  dans  les  femelles,  mais  qui  ne  sont  jamais  coudées, 
du  moins  à  partir  du  second  article,  et  le  front  n'ayant  pas  la  fossette 
qui  sert  chez  les  Chalcidiens  à  loger  le  premier  article.  En  outre  elles 
ne  se  terminent  jamais  en  massue  bien  marquée.  Les  mandibules  sont 
plus  longues  que  chez  les  Chalcidiens  ;  les  palpes  maxillaires  ordinaire- 
ment longs  et  pendants,  filiformes,  de  trois  à  six  articles,  les  labiaux  ■ 
de  trois.  Les  ailes  des  Proctotrupiens  sont  parfois  rudimentaires  et  même 
peuvent  manquer  (femelles  des  Gonatopus).  Chez  les  Mymarides  les  ailes 
sont  fort  singulières  dans  beaucoup  d'espèces,  les  postérieures  très-courtes 
en  forme  de  soie,  les  antérieures  en  long  stylet  terminé  par  une  spa- 
tule, le  tout  bordé  de  longs  poils.  Les  pattes  sont  longues,  avec  les 
cuisses  souvent  un  peu  en  massue  et  les  jambes  antérieures  munies 
d'un  calcar  arqué  ;  les  tarses  ont  habituellement  cinq  articles,  rare- 
ment quatre  dans  quelques  genres.  Les  femelles  aptères  des  Gonatopus 
ont  les  tarses  antérieurs  armés  de  deux  grands  crochets,  fonctionnant, 
comme  les  pinces  d'une  écrevisse,  pour  saisir  des  insectes.  L'abdomen, 
de  cinq  à  sept  segments,  de  forme  ovale  ou  conique,  présente  dans 
certains  genres,  comme  les  Proctotrupes,  une  longue  tarière  saillante, 
arquée  et  aiguë,  parfois  au  contraire,  dans  beaucoup  de  genres,  conique, 
lubulaire  et  rélractile  à  l'intérieur,  sortant  à  la  façon  d'un  aiguil- 
lon, ce  qui  a  embarrassé  pour  la  place  de  certains  genres,  comme  les 
Bethijlus,  Latr.,  les  Sclerochloa,  Fôrster,  ou  Schleroderma,  Klug,  Latr., 
Westw. 

Les  mœurs  des  Proctotrupiens  sont  entomophages,  au  moins  pour  la 
très-grande  partie,  et  pareilles  à  celles  des  Chalcidiens.  Ce  sont  des 
insectes  agiles;  quelques  genres,  en  petit  nombre,  capables  de  sauter. 
Certains  fréquentent  les  lieux  sablonneux  et  chauds  (Gona^opws),  d'autres 
courent  à  terre  ;  d'autres  voltigent  sur  les  céréales,  sur  les  branches  des 
arbustes,  sur  les  plantes  aquatiques,  sur  les  plantes  basses,  etc.,  suivant 
Thabilation  deslarves.dont  ils  se  nourrissent.  Certains  ont  leurs  nymphes 
entourées  de  cocons  filés  par  les  larves,  cocons  très-minces,  membra- 
neux, agglomérés  les  uns  contre  les  autres,  enveloppés  de  la  peau  des 
victimes  (certains  Platygaster).  Il  y  a  des  espèces  vivant  de  Pucerons  ou 
dans  les  galles,  et  des  genres  qui  semblent  ne  nourrir  leurs  larves  que 

des  œufs  des  insectes.  C'est  ce  qui  a  lieu  pour  le  genre  Teleas,  Latr., 


'42  HYMÉNOPTÈRES. 

dont  certaines  espèces  sont  très-utiles  en  détruisant  les  œufs  de  Bomby- 
ciens  nuisibles,  notamment  des  Bombyces  neuslrien  et  du  Saule,  de 
rOrgye  antique,  du  Bombyce  du  Pin  et  aussi  des  Acronyctes  (Noctuelles). 
Dans  un  genre  voisin,  les  Telenomus  o»;u/orum, Thomson,  et  Phalœnarum, 
Nées  d'Esenb.,  ont  des  mœurs  analogues. 

Le  premier  est  indiqué  aussi  comme  pondant  dans  les  œufs  de  la 
Punaise  ornée  (Sirac/imornoto, Linn.),  Hémiptère  pentatomien  qui  ravage 
les  Choux.  D'après  Haliday,  plusieurs  larves  peuvent  se  développer  dans 
un  seul  œuf  de  Papillon.  Le  Cosmocoma  ovulorum,  HaUd.  (Mymarides), 
pond  dans  les  œufs  de  la  Piéride  du  Chou.  Plusieurs  Platygaster,  qu'on 
voit  voler  en  été  sur  les  glumes  des  céréales,  nous  rendent  des  services 
signalés  en  pondant  dans  les  larves  granivores  des  Cecidomyia  Tritici  et 
destructor.  D'autres  Platygastres  vivent  dans  les  larves  des  Cécidomyies 
gallicbles  de  divers  végétaux.  Les  Diapria,  qui  paraissent  souvent  sortir 
du  sol,  vivent  en  larves,  d'après  Nées  d'Esenbeck,  dans  les  larves  de 
Tipules  terricoles.  Les  Belyta,  les  Cinetus,  certains  Prodotrupes,  qu'on 
rencontre  souvent  en  automne  sur  les  Champignons,  sont  carnassiers 
mternes  des  larves  de  Tipules  fongicoles  et  de  Mycétophiles  (Diptères). 
D'après  Haliday,  les  Bethy^lus  ont  au  contraire  des  habitudes  de  Fouis- 
seurs, enterrent  les  chenilles  de  Microlépidoptères,  les  entraînant  à  de 
grandes  distances  avec  beaucoup  de  soins  et  de  peines,  et  les  enfermanj 
avec  leurs  propres  œufs  dans  des  trous  où,  en  naissant,  leurs  larves  se 
trouveront  entourées  d'une  nourriture  propice. 

Le  Catalogue  Kirchner  divise  lesProctotrupiens  en  onze  familles,  dont 
les  principales  ont  pour  types  les  genres  :  Dryinus,  Proctotrupes,  Latr., 
•  Teleas  et  Sparasion,  Platygaster,  Galesus,  Diapria,  Mymar,  Helorus. 

DRYIMKS,  Latr.  —  Tête  large  et  dilatée  ;  antennes  de  onze  articles  linéaires. 
Mandibules  longues,  étroites,  dentelées  au  côté  interne;  palpes  maxillaires 
grêles  et  très-longs,  de  cinq  articles.  Corselet  allongé.  Ailes  étroites,  à  cellule 
radiale  allongée,  atteignant  le  bout  de  l'aile  ;  lobule  basai  à  l'aile  inférieure. 
Pattes  longues,  à  cuisses  renflées,  à  tarses  très-larges,  à  forts  crochets.  Abdo- 
men convexe,  court  et  ovalaire. 

Une  trentaine  d'espèces  d'Europe.  Ex.  :  D.  cursor,  Haliday,  d'Angle- 
terre (pi.  Lxxvi,  fig.  1).  Nous  représentons  en  outre  les  détails  d'une 
espèce  d'un  genre  très-voisin,  mais  privé  d'ailes,  d'aspect  de  Fourmi, 
Gonatopus  formicarius,  Ljungh,  de  France  et  d'Angleterre  (1  a,  mandi- 
bule; 1  b,  mâchoire  et  palpe;  1  c,  lèvre  inférieure  et  palpe;  1  d,  patte 
antérieure  avec  tarse  en  pince). 

HEL.ORU<^,  Latr.  —  Antennes  de  quinze  articles.  Mandibules  recourbées  et  tri- 
dentées  au  côté  interne;  palpes  maxillaires  de  cinq  articles.  Ailes  larges  et 
pubescentes  ;  un  lobule  basai  à  l'aile  inférieure.  Pattes  simples  et  subégales. 
Abdomen  convexe,  à  long  pédicule  cyiindroïde,  à  tarière  cachée. 


HELORUS,   SPARASION,   GALÈSUS,    INOSTEMMA.  Zi3 

Peu  d'espèces  en  Europe,  dont  le  type  de  presque  tout  ce  continent, 
mais  assez  rare,  est  VH.  anomalipes,  Panzer,  d'un  noir  brillant  avec  les 
pattes  rousses  en  partie  (pi.  lxxvi,  fîg.  2  ;  2  a,  antenne  ;  2  6,  mandibule-, 
2  c,  mâchoire  et  palpe;  2  d,  lèvre  inférieure  et  palpe;  2  e,  labre). 

f^P%n.%^lOIV,  Latr.  —  Corps  allongé.  Tête  à  face  subtriangulaire;  antennes  de 
douze  articles,  filiformes,  un  peu  renflées  au  bout  dans  les  femelles.  Palpes 
maxillaires  de  cinq  articles.  Thorax  rétréci  en  avant  en  cou.  Pattes  grêles. 
Abdomen  long,  à  tarière  cachée. 

Le  type,  d'Angleterre  et  de  toute  l'Europe  centrale  et  méridionale, 
est  le  S,  frontale,  Latr.  (pi.  lxxvi,  fig.  3  ;  3  a,  tète  de  profil;  3  b,  mAchoire 
et  palpe).  11  est  noir  et  ponctué,  et  la  tête  a  un  tubercule  cornu  au-dessus 
des  antennes.  Ce  genre  compte  très-peu  d'espèces.  Le  genre  voisin, 
Teleas,  Latr.,  compte  une  quinzaine  d'espèces  en  Europe,  et  il  y  en  a 
une  trentaine  dans  un  autre  genre  très-rapproché,  Prosacantha  Nées 
d'Esenb.  Nous  représentons  les  déta.\h  du  P .  elatior,  Halid.,  d'Angleterre 
(pi.  LXXVI,  fig.  7,  antenne  du  mâle;  7  a,  antenne  de  la  femelle,  élargie 
au  bout;  7  b,  mandibule;  7  c,  mâchoire  avec  palpe  de  trois  articles; 
7  d,  lèvre  inférieure  avec  palpes  très-réduits). 

G.%IiESr<ai,  Curtis.  —  Antennes  de  quatorze  articles  dans  les  mâles  et  douze 
dans  les  femelles,  se  renflant  au  bout.  Corselet  très-rétréci  antérieurement. 
Ailes  sans  cellules.  Pattes  grêles  et  longues,  à  cuisses  renflées.  Abdomen  pédi- 
cule et  ovalaire,  la  tarière  cachée. 

Très-peu  d'espèces.  Citons  le  G.  fuscipennis,  Curtis,  noir,  à  ailes  très- 
rembrunies  (pi.  lxxvi,  fig.  d;  lia,  antenne  de  la  femelle  ;  U  b,  antenne  du 
maie),  d'Angleterre  et  d'Allemagne.  C'est  probablement  le  même  que 
le  Basalys  fumipennis,  Westw.  Dans  le  genre  Cinetus,  Jurine,  les  an- 
tennes sont  filiformes,  sans  renflement  à  l'extrémité.  Ex.  :  C  gracilipes, 
Curtis,  d'Angleterre  (pi.  lxxvi,  fig.  8,  antenne). 

■H'OHTEMMA,  Haliday.  —  Antennes  de  dix  articles,  dont  les  quatre  derniers  en 
massue.  Palpes  maxillaires  et  labiaux  très-courts  et  de  'deux  articles.  Ailes  ayant 
une  nervure  sous-costale  épaissie  vers  le  bout.  Pattes  grêles,  à  cuisses  renflées 
à  l'extrémité.  Abdomen  très-;iplati,  allongé,  en  spatule,  attaché  au  thorax  par  un 
très-long  pédicule  et  ayant,  chez  la  femelle,  une  sorte  d'appendice  arqué  ren- 
fermant la  tarière,  partant  du  premier  segment  et  remontant  sur  le  thorax. 

Une  douzaine  d'espèces  en  Europe.  Le  type  d'Angleterre,  de  France, 
d'Allemagne  est  17.  Bosci,  Latr.,  noir,  les  bouts  des  pattes  jaunes 
(pi.  LXXVI,  fig.  5;  5  a,  abdomen  de  la  femelle  très-grossi).  Le  genre  très- 
Voisin,  Platygaster,  Latr.,  compte  plus  de  cent  espèces  en  Europe. 


44  HYMÉNOPTÈRES. 

IHYM.%R,  Haliday.  —  Tête  large;  antennes  longues,  surtout  celles  des  mâles, 
qui  ont  trois  articles  ;  celles  des  femelles  de  neuf  articles,  se  terminant  en  massue 
inarticulée.  Thorax  convexe  et  ovalaire.  Ailes  antérieures  très-longues  et  très- 
étroites,  terminées  par  une  palette  membraneuse  garnie  de  longs  poils.  Ailes 
postérieures  réduites  à  un  simple  filet.  Pattes  très-grêles  et  très-longues,  à  tarses 
de  quatre  articles.   Abdomen  à  pédicule  aussi  long  que  lui. 

Le  genre  Mymar  donne  son  nom  à  une  famille  formée  de  plusieurs 
genres,  avec  la  forme  si  bizarre  des  ailes.  Nous  représentons  (pi.  lxxvi, 
fig.  6)  le  M.  pulchellus,  Curtis,  d'Angleterre  et  d'Allemagne,  d'un  jaune 
obscur,  les  ailes  diaphanes  avec  leur  extrémité  noire. 

Bibliographie  des  Proctotrupiens.  —  Haliday,  Eïitomolog.  Magazine, 
1833,  t.  I.  —  Fr.  Walker,  On  the  Species  o/"  Platygaster,  etc.  {Entomolog . 
Magaz.,  1836,  t.  III,  p.  2l7-27Zi).  On  the  Species  oflEhEAs{Entom.  Magaz., 
1836,  t.  III,  p.  3Zil-370) .  Description  of  the  Mymarid^  {Ann.  Natur.  His- 
tory,  18Û6,  t.  XVIII,  p.  /i9-5/i).  —  Arn.  Forster,  Ueber  die  Familie  der 
Mymariden (Linnœa  enlomologica,  18i7,  t.  II,  p.  19^-133).  Hymenopterische 
Studien,  t.  Il,  pour  les  Proctotrupiens  en  général.  —  J.  0.  Westwood, 
Further  Notices  of  the  British  parasitic  Hymenopterous  Insects  (fam. 
Chalcidid^,  Proctotrupid.e,  etc.)  {Magaz.  a f  Natur.  History,  1833,  t.  VI, 
p. /llZj-/l21). 

T«1BU   DES  ÉVAIWIEÎVS. 

Les  Évaniens  forment  en  entomologie  un  de  ces  groupes  qui  sont 
comme  les  points  singuliers  dans  certaines  courbes  de  la  géométrie 
analytique.  On  ne  sait  trop  où  les  mettre,  parce  qu'ils  ont  des  carac- 
tères mixtes.  Le  Catalogue  de  M.  L.  Kischner,  suivant  complètement  les 
idées  de  Latreille,  place  les  Évaniens  entre  les  Cynipiens  et  les  Ichneu- 
moniens;  ils  seraient  mieux,  d'après  les  mœurs  de  certains  genres  et 
leur  longue  tarière,  entre  les  Ichneumoniens  et  les  Draconiens.  Jurine, 
attachant  trop  d'importance  à  la  singulière  insertion  de  l'abdomen  dans 
les  genres  les  plus  caractérisés  des  Évaniens,  divise  les  Hyménoptères 
en  trois  principales  sections  :  1°  abdomen  sessile  [Tenthredinidœ  et 
Siricidœ);  2°  abdomen  pétiole,  le  pétiole  placé  au-dessus  du  thorax 
{Evania,  Fœnus,  Aulacus,  etc.);  3°  abdomen  pétiole,  le  pétiole  fixé 
après  et  derrière  l'abdomen.  Tout  le  reste  de  l'ordre. 

Les  antennes  sont  fortes  dans  le?,  Evania,  Brachygaster  et  Fcpnws,  grêles 
dans  les  autres  genres.  Les  cellules  alaires  offrent  les  plus  grandes  va- 
riations, très-complètes  chez  les  Aulacus,  Jurine,  plus  ou  moins  mar- 
quées chez  les  Evania,  obsolètes  dans  les  Pelecintis.  La  tarière  des 
Evania  et  des  Fœniis  est  très-lougue  ;  elle  est  cachée  dans  les  Pelecinus  : 
c'est  un  double  fait  analogue  à  ce  que  nous  avons  vu  pour  les  divers 
genres  des  Ichneumoniens  et  des  Draconiens. 


ÉVANIENS.  —  EVANIA.  U5 

Il  est  très-probable  que  tous  les  Évaniens  {Evaniadœ,  Leach,  Eva- 
niales,  Latr. ,  Evanidœ,  Westw.)  vivent  à  l'état  de  larves  dans  le  corps 
d'autres  insectes;  mais  comme  ces  Hyménoptèressont  toujours  assez  rares, 
leurs  mœurs  sont  mal  connues.  On  sait  que  les  Evania  choisissent  les 
Blattiens  comme  victimes,  et  pondent,  dit-on,  dans  la  capsule  ovigère  des 
femelles.  Comme  certains  de  ces  Orthoptères  sont  cosmopolites,  il  doit 
en  être  de  même  de  leurs  Évaniens  parasites.  Ainsi  il  est  probable  que 
les  Brachygaster  minutus,  Olivier,  et  Evania  fulvipes,  Curtis,  sont  indi- 
gènes, car  on  les  a  trouvés  sous  des  pierres  et  dans  les  sols  pierreux  et 
pleins  de  plantes  basses  où  courent  nos  petites  Blattes  silvatiques, 
notamment  VEctohia  lapponica.  Au  contraire,  l'espèce  type,  E.  appen- 
digaster,  qui  s'attaque  au  Periplaneta  orientalis,  est  probablement  un 
insecte  importé  avec  sa  Blatte;  on  le  voit  voler  le  long  des  murs  des 
maisons  et  dans  les  appartements,  et  il  faut  respecter  cet  utile  insecte, 
malheureusement  trop  rare.  Les  Fènes  sont  regardés  depuis  longtemps 
comme  Parasites  des  Apiens  et  des  Fouisseurs; on  ne  sait  si  les  femelles 
s'introduisent  dans  les  nids  pour  y  pondre,  ou  si,  comme  le  Mesoslenus 
gladiator,  elles  en  percent  à  l'extérieur  les  parois  avec  leur  longue 
tarière.  M.  Westwood  a  rencontré  dans  la  saison  chaude  le  Fœnus  jacu- 
lator  (Fène  lancier)  voltigeant  sur  de  vieilles  murailles  où  se  trouvaient 
des  nids  de  VOsmia  hicornis.  Le  docteur  Giraud  a  obtenu  le  F.  affec- 
tator  des  nids  de  VOsmia  tridentata,  et  le  F.  jaculator  du  Tripoxylon 
pgulus. 

L'aspect  des  Évaniens,  dans  leur  vol  toujours  lent,  est  fort  curieux  : 
l'abdomen,  qui  semble  un  organe  accessoire  et  insignifiant,  se  tient 
relevé  et  étendu  dans  toute  sa  longueur,  tandis  que  les  pattes  posté- 
rieures, également  tendues,  se  rapprochent  l'une  de  l'autre  et  se  jettent 
en  arrière,  en  contre-poids.  Latreille  dit  que  ces  insectes  au  repos 
s'accrochent  aux  plantes  par  leurs  mandibules,  et  restent  alors  verti- 
caux. 

GENRES     PRINCIPAUX. 

KVAXIA,  Lalr.  —  Antennes  de  treize  articles  dans  les  deux  sexes,  filiformes, 
un  peu  plus  longues  que  le  corps.  Pattes  assez  grêles,  les  postérieures  très- 
longues.  Forme  générale  courte  et  trapue,  due  à  un  abdomen  dépassant  à  peine 
l'origine  des  pattes  postérieures,  petit,  comprimé,  le  premier  segment  en  pédi- 
cule filiforme  et  un  peu  arqué,  attaché  près  de  la  base  du  métathorax. 

Les  Évanies,  vues  au  vol,  ont  un  profil  de  l'abdomen  ovalaire  chez 
les  mâles  et  tronqué  en  triangle  chez  les  femelles,  avec  une  tarière 
insérée  en  dessus,  s'écartant  de  l'extrémité  tronquée  et  à  peu  près  de 
la  longueur  de  l'abdomen.  Ces  insectes  peuvent  retirer  les  pattes  et  les 
antennes  contre  le  corps,  dans  de  larges  sillons  creusés  dans  le  thorax 
et  la  tête  pour  les  recevoir.  Nous  représentons,  planche  lxxvii,  fig.  1, 


U6  HYMÉNOPTÈRES. 

VE.  lœvigata,  Oliv., espèce  noire  de  Cuba,  maie  (1  a,  le  môme  de  profil; 
1  b,  abdomen  du  mâle  grossi,  ovale  et  terminé  par  deuv  petits  appen- 
dices coniques  ;  1  c,  abdomen  de  la  femelle  grossi  et  sécuriforme),  et, 
fig.  2,  l'abdomen  du  mâle  de  YE.  appendigaster,  Linn.,  espèce  cosmo- 
polite comme  la  Blatte  orientale,  d'Angleterre,  de  France,  d'Allemagne, 
d'Algérie,  de  l'île  Maurice,  de  Mozambique,  du  Brésil.  Il  y  a  une  tren- 
taine d'espèces  d'Evania,  des  diverses  régions  des  deux  mondes  et  d'Aus- 
tralie. Le  genre  très-voisin  Brachygaster,  Leacli  (type  B.  minutus,  Oliv.), 
d'Angleterre,  de  France,  d'Algérie,  présente  de  petites  espèces  à  ailes 
à  peine  nervulées,  à  pattes  plus  épaisses,  avec  les  postérieures  moins 
longues  que  chez  les  Evania. 

^ELECI^'t')!»,  Latr.  —  Antennes  longues  et  Irès-grêles,  de  treize  articles.  Ailes 
très-imparfaites,  sans  cellules  déterminées.  Pattes  longues,  surtout  les  posté- 
rieures, leurs  jambes  renflées  en  cylindre  et  non  comprimées,  comme  dans  les 
Fœnus.  Abdomen  inséré  en  dessus  du  méthathorax,  de  six  segments  dans  les 
deux  sexes,  le  premier  en  très-long  pédicule  filiforme,  les  cinq  autres  en  renfle- 
ment piriforme  chez  les  mâles,  très-longs  et  grêles  chez  les  femelles,  le  dernier 
court,  simulant  un  crochet;  .sans  tarière  visible. 

Les  Pélécines  sont  exclusifs  aux  régions  chaudes  des  deux  Amériques. 
Le  type  est  le  P.  polyturator,  Urury  (syn.  polycerator,  Fabr.,  Latr.),  des 
Antilles  et  du  Brésil  (pi.  lxxvii,  fig.  3,  femelle). 

FŒ;Hil,'S,Fabr.  —  Corps  long  et  étroit.  Tête  semi-ovoïde;  antennes  assez  courtes 
et  assez  épaisses,  de  treize  articles  chez  les  mâles,  quatorze  chez  les  femelles. 
Prothorax  rétréci  en  forme  de  cou.  Pattes  à  cuisses  et  jambes  élargies  et  com- 
primées, les  postérieures  plus  longues  et  plus  fortes,  toutes  logées  au  repos  dans 
des  rainures  du  thorax.  Abdomen  à  long  pédicule,  comprimé  et  plus  épais  à 
l'extrémité,  avec  tarière  de  la  femelle  saillante,  à  trois  soies  écartées,  un  peu 
moins  longue  que  le  corps. 

Les  Fcenus  ont  les  ailes  inférieures  dépourvues  de  cellules  et  à  ner- 
vures obsolètes.  Ils  comptent  une  quinzaine  d'espèces  des  deux  hémi- 
sphères, d'Australie  et  de  Tasmanie.  Le  type,  de  toute  l'Europe,  est  le 
F.  jaculalor,  Linn.,  qu'on  voit  voltiger,  mais  assez  rarement,  sur  les 
murs,  les  troncs,  les  talus.  Il  est  noir,  avec  les  bouts  des  pattes,  les 
premiers  segments  de  l'abdomen,  la  tarière,  roussàtres.  Nous  repré- 
sentons (pi.  LXXVII,  fig.  Ix)  la  femelle  d'une  espèce  exotique,  de  plus 
grande  taille,  de  coloration  analogue,  le  F,  capensis,  Aud.-Serv.,  du 
Cap. 

Uibiiograpiiie  des  lÉvanîens.  —  De  Romand,  Sur  le  genre  Pelecinl"? 
{Magas.  de  zooL,  18/i0,  Insectes,  pi.  xlviii  et  xlix;  1842,  pl.xcvi).— M.Spi- 
nola  même  recueil,  18ZiO.  —  Klug,  Zeitschrift  fur  die  EntumologieASklj 


CINIPIENS.  kt 

t.  III,  p.  377.  —  Sur  le  genre  Evama,  Guér.-Mén.  {Revue  zoolog.  de  la 
Soc.  Cuviérienne,  18/j3,  p.  338).  —  J.  0.  Westwood,  0/iEvania  and  some 
allied  gênera  of  Hymenopterous  Insects  {Entom.  Soc.  of  London  Trans., 
1841-18Zi2,  t.  III,  p.  237-278). 


Tribu  des  CYWIPIEMS. 

Les  mœurs  des  Hyménoptères  de  cette  tribu  sont  fort  curieuses.  Il 
en  est  qui  sont  analogues  aux  entomophages  des  tribus  précédentes 
et  pondent  leurs  œufs  à  l'intérieur  du  corps  de  diverses  larves;  mais 
la  plu5  grande  partie  piquent  les  organes  les  plus  variés  des  végétaux, 
même  les  racines,  au  moyen  d'une  tarière  pourvue  de  muscles  puissants 
et  dentelée  à  l'extrémité  :  de  cette  piqûre,  et  probablement  sous  l'action 
de  liquides  particuliers,  résulte,  par  afflux  de  sève  détournée  de  sa 
fonction  normale,  la  production  de  galleslesjilus  diverses,  dans  lesquelles 
se  développent  une  ou  plusieurs  larves  ayant  des  tubercules  charnus, 
rudiments  de  pattes.  Aussi  nomme-t-on  quelquefois  Gallinsectes  les 
Cynipiens,  nom  qui  prête  à  confusion  avec  les  Cocciens  (Hémiptères 
homoptères.  Ce  sont  les  Diplolépaires  de  Latreille,  correspondant  au 
grand  genre  Cynips  de  Linnseus. 

Caractères  généraux.  —  Tête  petite  et  transversale,  avec  antennes 
droites,  de  treize  à  quinze  articles,  plus  courtes  et  plus  épaisses  chez 
les  femelles.  Mandibules  courtes  et  épaisses,  dentelées  au  bout.  Thorax 
large,  épais  et  ovoïde,  avec  hypertrophie  du  mésothorax,  à  écusson 
grand  et  saillant.  Ailes  antérieures,  avec  une  cellule  radiale  et  deux 
ou  trois  cubitales,  les  inférieures  avec  une  seule  et  forte  nervure,  outre 
la  costale.  Abdomen  généralement  pourvu  d'un  pédicule  court,  com- 
primé, à  profil  subcirculaire,  le  premier  segment  très-grand,  les 
autres  courts,  les  arceaux  supérieurs  très-prolongés  en  dessous,  de 
sorte  que  la  face  ventrale  semble  formée  d'une  seule  pièce  carénée, 
saillante  à  l'extrémité,  recouvrant  une  tarière  le  plus  souvent  cachée 
et  dépassant  à  peine  l'abdomen  au  repos  (sauf  les  Ibalia),  entourée  de 
deux  valves  droites  et  larges  à  l'origine. 

L'histoire  des  galles  est  la  partie  la  plus  intéressante  de  l'étude  des 
Cynipiens,  et  offre  encore  beaucoup  de  faits  à  éclaircir.  Je  tiens  du  doc-> 
teur  Giraud  que  non-seulement  les  galles  varient  avec  l'espèce  de  Cyni- 
pien  qui  les  produit,  mais  peuvent  différer  pour  le  môme  insecte  avec 
la  partie  du  végétal  piqué,  son  espèce,  l'époque,  etc.  Comme  l'a  vu 
Réaumur,  les  œufs,  par  un  fait  d'endosmose,  croissent  en  grosseur  en 
même  temps  que  la  galle.  Les  larves  vivent  plusieurs  mois  dans  la  galle 
sans  que  celle-ci  cesse  de  s'accroître.  Parfois  la  galle  est  caduque  et  se 
détache  de  l'arbre  avec  son  insecte;  mais  le  plus  souvent  elle  persiste 


us  HYMÉNOPTÈRES. 

après  sa  sortie,  indiquée  par  un  trou  rond  sur  la  galle.  Souvent  la  nym- 
phose et  l'éclosion  de  l'adulte  ont  lieu  dans  la  galle  même,  où  l'adulte 
passe  l'hiver  pour  ne  sortir  qu'au  printemps;  parfois  les  larves  à  leur 
grosseur  quittent  la  galle  pour  se  nymphoser  en  terre.  Les  galles  sont 
dues  à  un  grand  nombre  de  genres  de  Cynipiens,  les  genres  Cynips,  Linn., 
Andricus,  Hartig,  Aphilotrix,  Fôrster,  Neuroterus,  Hartig,  etc.,  Rho- 
dites,  Hartig,  faisant  naître  les  bédégars  ou  galles  chevelues  des 
Églantiers;  Biorhiza,  Westwood  (syn.  Apophyllus,  Hartig),  produisant 
surtout  des  galles  sur  les  racines  des  Chânes,  d'où  sortent  des  Cynipiens 
aptères,  comme  B.  optera,  Fabr.,  ressemblant  à  des  Fourmis,  sauf  leurs 
longues  antennes  droites  et  mobiles.  Ces  producteurs  directs  des  galles 
ont  une  tarière  courte  et  droite.  Il  y  a  des  Cynipiens  commensaux,  à 
tarière  très-longue  et  enroulée  au  repos  en  spirale,  perçant  les  galles 
déjà  formées  pour  y  pondre,  et  dont  les  larves  vivent  à  côté  de  celles 
du  fondateur  de  la  galle  et  de  la  même  nourriture  végétale.  Ce  sont 
surtout  les  Synergus,  Hartig,  habitant  indifleremment  des  galles  d'espèce 
différente  (on  en  a  trouvé  six  pour  la  galle  à  teinture  du  Chêne),  les 
Sapholylus,  Fdrster,  Ceroptres,  Hartig.  Enfin  on  voit  sortir  des  galles 
des  Chalcidiens,  comme  les  Eurytoma,  les  CaUimome,  à  longue  ta- 
rière, etc.,  les  larves  de  ces  entomophages  vivant  indifféremment  des  larves 
de  l'auteur  de  la  galle  et  de  celles  des  commensaux.  C'est  le  Chêne  (1) 
qui  présente  le  plus  grand  nombre  de  galles  et  des  formes  les  plus 
variées, ainsi  que  leurs  positions;  galles  des  racines,  piriformes,  accolées 
les  unes  contre  les  autres  par  leur  extrémité  étroite  ;  galles  des  écorces;^ 
galles  des  bourgeons,  et  en  particulier  celles  en  artichaut  des  bourgeons 
d'attente  gonflés  et  déformés  ;  galles  des  feuilles,  tantôt  en  forme  de 
petites  pommes  rondes,  dures  ou  molles  et  rouges,  tantôt  triquètres 
et  plates,  tantôt  en  disques  circulaires  rougeùtres,  attachées  sous  le 
bord  inférieur  des  feuilles  par  un  court  pédicule,  lisses  contre  la 
feuille,  velues  du  côté  opposé,  et  prises  pour  des  plantes  parasites 
{galles  en  champignon  de  Réaumur)  ;  galles  des  chatons  mâles  ou  galles 
en  groseille  de  Réaumur  ;  galles  des  fruits  ou  des  glands.  Ce  sont  des 
Cynips  qui  produisent  sur  les  bourgeons  des  Chênes  du  midi  de  la 
France,  de  l'Espagne  et  d'Orient,  ces  galles  dures  et  rondes,  tantôt 
lisses,  tantôt  hérissées  d'aspérités,  si  riches  en  tannin,  qu'on  peut 
retirer  par  déplacement  au  moyen  de  l'éther.  Le  commerce  en  fait 
un  grand  usage  pour  la  préparation  de  l'encre  et  des  teintures  noires, 
en  les  traitant,  pilées  ou  concassées,  par  le  sulfate  de  protoxyde  de  fer, 
qui  se  peroxyde  peu  à  peu  à  l'air,  et  donne  du  tannate  et  du  gallate 
de  peroxyde  noirs.  Ce  sont  là  les  noix  de  galle.  Le  commerce  appelle 
galles  blanches,  celles  récoltées  après  la  sortie  de  Vinsecle;  galles  vertes, 

(1)  G.  Mayr,  Die  Eiimnethlnr  der  mitteleuropϕsclten  Einliengallen  (les  Com- 
mensaux internes  des  galles  du  Chêne  de  l'Europe  moyenne)  [Verhandl.  zooL- 
botan.  Gesellsch.  in  Wien,  1872,  t.  XXII,  p.  669-726). 


CYNIPIENS.  ^9 

blcuca  ou  i:oin'.s,  celles  qui  le  l'eiifermenl  encore.  On  a  cilé  clans  l'Amé- 
rique du  Sud  des  galles  donnant  une  teinture  verte.  11  y  a  des  galles 
analogues  à  des  boutons,  à  des  pustules  rondes  ou  piriformes,  sur  la 
surface  des  feuilles  du  Hêtre,  de  TOrme,  du  Peuplier.  Certaines  galles 
ne  sont  pas  des  productions  externes,  surajoutées,  mais  des  renfle- 
ments de  divers  organes  du  végétal,  ainsi  des  tiges  de  Ronce,  de  Char- 
don, de  Scabieuse,  etc.  Un  petit  Chêne  des  bords  de  la  mer  Morte  porte 
des  galles  colorées  dues  à  un  Cynipien,  ressemblant  à  des  pommes  ou  à 
des  poires,  et  qui  ont  beaucoup  exercé  les  commentateurs  de  la  Bible  : 
ce  sont  les  Pommes  de  Sodome  [Mala  Sudomitica,  Poma  insvna),  remplies, 
après  dessiccation,  d'une  poussière  trompeuse. 

L'étude  botanique  et  chimique  dos  galles  a  donné  des  résultais 
fort  intéressants.  La  larve  est  entourée  d'une  couche  alimentaire  con- 
tenant une  matière  granuleuse  opaque  et  azotée,  et  beaucoup  de  cel- 
lules amylacées,  bleuissant  par  l'iode.  Dans  la  noix  de  galle  du  Cynips 
gallœ  tinctoriœ,  \Aim.,  la  masse  alimentaire,  entourant  la  larve,  offre 
environ  1,5  d'azote  pour  100,  bien  plus  que  le  maïs,  un  peu  moins  que  le 
riz.  Les  larves  de  Cynipiens,  au  moment  de  la  nymphose,  renferment 
une  quantité  énorme  de  graisse  et  tachent  fortement  le  papier  buvard, 
même  sans  pression  ;  ces  larves,  comme  des  bestiaux  ou  des  volailles 
en  stabulation,  sont  dans  les  meilleures  conditions  d'engraissement,  iso- 
lement, repos,  obscurité  complète.  Selon  M.  Ed.  Prillieux,  rectifiant  les 
assertions  de  M.  de  Lacaze-Dulhiers,  l'amidon  ne  servirait  pas  directe- 
ment à  la  nutrition  de  la  larve;  il  se  résorbe  avant  que  sa  dent  ait  pu 
l'atteindre,  et  à  sa  place  apparaissent,  dans  la  matière  plasmatiquc 
granuleuse,  de  nombreuses  gouttelettes  de  matière  grasse,  qui  sont 
consommées  par  l'insecte  parasite.  On  consultera,  sur  ce  sujet  spécial: 
de  Lacaze-Duthiers,  Recherches  pour  servir  à  Vldsioire  des  galles  {?,\tuc- 
ture)  [Cowpt.  rend,  de  l'Acad.  des  sciences,  1853,  t.  XXXVI,  p.  620-623) 
—  Id.  et  Uiche,  Mémoire  sur  Valinmnkition  de  quelques  insectes  gallicoles 
et  sur  la  production  de  la  graisse{Cowpt.  rend.,  1853,  t.  XXXVI,  p.  998-1001  ; 
Ann.  se.  nat.,  Zoor..,  185ii,  t.  II,  p.  81-105).  —  Éd.  Prillieux,  Étude  sur  la 
formation  et  le  développement  de  quelques  ijalles  [Compt.  rend  Acad .  des 
sciences,  1876,  t.  LXXXII,  p.  1500). 

Les  plus  grandes  incertitudes  régnent  encore  sur  la  reproduction 
des  Cynipiens.  On  avait  admis  la  parthénogenèse  pour  un  certain  nom- 
bre d'espèces  de  Cynips  et  genres  voisins  pour  lesquels  l'élevage  des 
galles  ne  laissait  jamais  éclorc  que  des  femelles.  On  est  conduit  main- 
tenant à  supposer,  pour  certains  Cynipiens,  des  phénomènes  de  généra- 
tion alternante.  Le  docteur  Adler  a  le  premier  annoncé  en  Allemagne 
que  les  genres  uniquement  composés  de  femelles  ne  sont  qu'un  état 
intermédiaire  dans  l'évolution  de  genres  à  sexes  séparés  :  ainsi  le  Xeu- 
roterus  lenticularis,  Oliv.,  éclôt  au  printemps  de  galles  brunes,  aplaties 
comme  un  bouton  de  chemise,  appliquées  en  novembre  contre  la  face 
inférieure  des  feuilles  de  Chêne  et  tombant  en  lii\er.  Oti  n'en  connaît 

GIRARD.  m     —    4 


50  HYMÉNOPTÈRES. 

que  des  femelles  qui  piqueuL  les  bourgeons  de  Cliêues  et  produisent  des 
galles  charnues  et  transparentes,  comme  un  grain  de  groseille  blanche, 
d'où  sort  le  Spalhegasler  baccarum,  Linn.,  d'un  genre  ayant  des  mâles 
et  des  femelles,  celles-ci  pondant,  après  accouplement,  des  œufs  qui 
s'entourent  de  la  galle  du  Neuroterus.  Ces  faits  étranges,  confirmés  par 
les  observations  faites  en  Angleterre  et  en  France  (Ij,  sont  de  nature  à 
bouleverser  toute  la  classification  des  Cynipiens,  et  à  exiger  la  révi- 
sion de  l'important  travail  dans  lequel  M.  Forster,  multipliant  trop  les 
genres,  divise  les  Cynipiens  en  sept  familles,  dont  les  types  sont  les 
genres  Ibalia,  Latr.  ;  Cynips,  Linn.;  Allolria,  Westw;.  Eucœla,  Westw.  ; 
Mcijapclmus,  Hartig;  Omjcliia,  Holiday;  Figites,  Latr. 


CYiNlPlENS  GALLICOLES. 

ClTIfU'i^,  Linn.  — Antennes  filiformes,  de  14  articles  clans  les  femelles,  15  chez 
les  mâles  (Weslwood  ;  Hartig  nie  l'existence  des  mâles).  Mandibules  larges, 
tridcnlées  au  côté  interne.  Palpes  maxillaires  de  li  articles,  le  dernier  plus  gros. 
Thorax  bossu  et  très-élevé  ;  écusson  convexe,  arrondi  postérieurement.  Ailes 
grandes,  avec  une  radiale  allongée  et  trois  cubitales,  la  seconde  très-pclite, 
triangulaire.  Abdomen  court,  comprimé  latéralement  en  dessous,  tronqué  obli- 
quement à  l'extrémité. 

Nous  représentons  la  femelle,  d'un  fauve  teslacé,  du  C.  calycis,  llartig 
(pi.  Lxxix,  fig.  1:1a,  corps  vu  de  profil  ;  1  b,  antennes  ;  1  c,  termhiai- 
son  du  palpe  maxillaire).  Ce  Cynips,  du  midi  de  l'Europe,  produit  sur  la 
cupule  du  glaïul  de  Chêne  des  galles  nommées  gallons  d'Espagne,  em- 
ployées en  teinture  dans  divers  pays,  très-dures,  très-irrégulières,  cou- 
vertes de  fortes  aspérités,  contenant  au  centre  une  coque  ovalaire, 
longue  de  5'"'", 5,  large  de  li""°,5,  assez  dure,  dans  laquelle  on  trouve 
en  hiver  des  Cynips  tout  formés.  Il  est  difficile  de  décider  quel  est 
l'insecte  nommé  par  Linnceus  C.  tinctoria  ou  gallœ  tinctoriœ.  Boyer 
de  Fonscolombe  cite,  en  Provence,  un  Cynips  [Diplolepis)  gallœ  tinc- 
toriœ, Oliv.,  long  de  5  millimètres,  testacé,  l'abdomen  brillant,  avec  le 
premier  segment  noir  en  dessus,  différant  à  peine  du  C.  Quercûs  Tozzœ, 
Linn.  (du  Cliène  tauzin),  et  pareil,  mais  de  taille  moitié,  à  celui  qui  sort 
de  la  galle  d'Alep  (la  plus  estimée  en  teinture),  cette  galle  étant  beau- 
coup plus  hérissée  de  tubercules  que  la  galle  de  Provence.  Le  cata- 
logue L.  Kirchner  énumère  en  Europe  plus  de  soixante  espèces  de 
Cynips. 

(1)  P.  Caincron,  Allernancc  de  génération  chez  les  Cgnipides  {Enlom,  Montldij 
Magazine^  juin  1878,  p.  12).  —  J.  Liclilcnslcin,  Petile^  Nouvelles  e/itoui., 
numéro  du  l*^"^  mai  1878. 


IBALIA,    FIGITE5.  51 


CYNIPIENS  ENTOMOPllAGES. 

IB.%n.\,  Latr.  —  Antennes  filiformes,  à  articles  cylindroïdes.  Mandibules 
épaisses,  bidentées  au  côté  interne  ;  palpes  maxillaires  de  5  articles,  le  pre- 
mier très-petit,  le  dernier  grand  et  élargi.  Ailes  ayant  vmc  cellule  radiale 
longue  et  étroite,  et  trois  cubitales,  les  deux  premières  très-petites.  Abdomen 
comprimé  latéralement  dans  toute  son  épaisseur,  en  forme  de  lame  de  couteau. 
La  tarière  de  la  femelle  saillante  et  relevée  sur  le  dos. 

Une  seule  espèce,  d'Allemagne  et  de  France,  rare,  du  printemps, 
I.cultellator,  Fabr.,  Latr.  (pi.  lxxix,  fig.2:  2  a,  mandibule;  2  b,  antenne 
de  la  femelle  ;  2  c,  id.  du  mule  ;  2  d,  mâchoire  et  palpe  ;  2  e,  lèvre  infé- 
rieure et  palpes  labiaux  (de  3  articles);  2  /",  tarse  postérieur;  2  g,  abdo- 
men de  la  femelle  ;  2  h,  id.  du  mâle,  vus  de  profil).  Ce  Cynipien,  long 
de  6  millimètres,  a  le  corps  noir,  les  ailes  diaphanes,  l'écusson  avec 
deux  petits  tubercules  spiniformes,  l'abdomen  ferrugineux  ;  ses  larves 
vivent  à  l'intérieur  des  Sirex  juvencus  et  magus. 

a^IGITES,  Latr,  —  Antennes  des  mâles  de  là  articles,  longues  et  sétacées; 
celles  des  femelles  de  13  articles,  plus  courtes,  amincies  au  milieu.  xViies  avec 
une  radiale  et  deux  cubitales.  Écusson  large,  rugueux,  avec  deux  cavités  ou 
fossettes  à  la  base.  Abdomen  ovalaire,  convexe  et  arrondi  en  dessus,  comprimé 
et  tranchant  seulement  en  dessous. 

Les  Figites  offrent  en  Europe  une  quinzaine  d'espèces  dont  le  type, 
d'Italie,  d'Allemagne,  de  France,  de  Zt  millimètres,  d'un  noir  brillant, 
avec  les  ailes  diaphanes  et  les  pattes  variées  de  brun  roux,  est  le  F.  scu- 
tellaris^  Rossi  (pi.  r.xxix,  fig.  3  ;  3  a,  écusson  grossi).  Sa  larve  vil  à  l'in- 
térieur des  Sarcuphaga  et  des  Musca  domestica. 

Les  Eucœta,  Westw.,  sont  parasites  internes  des  Agromyza  (Diptères) 
et  aussi  des  Scolytus;  les  Allotria,  ^Yesiw.,  de  très-petite  taille,  nom- 
breux en  espèces,  vivent  dans  les  Aphidiens. 

Bihiiogratihie.  —  Boyer  de  Fonscolombe,  Description  des  insectes  de  la 
famille  des  Diplolépaires,  qui  se  trouvent  aux  environs  d'Aix  en  Pro- 
vence {Ann.  se.  nat.,  1832,  t.  XXVf,  p.  18Zi  à  198).  —  Fr.  Walker,  Obser- 
vations on  the  British  Cynipites  {Entom.Magaz.,  183G,  t.  III,  p.  159-170). 
—  Theodor  Hartig,  Ueber  die  Famil/e  der  Galhtespen  (Germar  Zeitschrlft 
entom.,  18ZiO,  t.  II,  p.  176-209)  (21  genres,  123  espèces);  Nachtrag  zur 
Naturgeschichte  der  Gallivespen  {Germar  Zeitschrift  e7ito7nol,,  18ài,  t.  III, 
p.  328-358  ;  18/i3,  t.  IV,  p.  395-Zi22).  —  A.  Forster,  Ueber  die  Galhcespcn 
{Verliandl.  zoul.-bot.  Gesellschaft  in  IVien,  1869,  t.  XIX,  p.  327-370). 


52  HYMÉNOPTÈRES. 

Sous-Ordre  des  HYMÉNOPTÈRES  TÉRÉBRANTS 

A   ABDOMEN    SESSILE. 

Larves  pédiculées,  à  aspect  de  chenilles,  phytophages,  vivant  à 
découvert  sur  les  feuilles  ou  à  l'intérieur  des  tiges. 

Tribu  des  TE^'THlfiÉDl^^lElV.^. 

Ces  insectes  font  comme  un  passage  des  Hyménoptères  aux  I>épido- 
plères  par  l'abdomen  sessile,  aussi  large  à  la  base  que  le  thorax,  contre 
lequel  il  s'applique  dans  toute  son  étendue,  et  par  lès  larves  dites  fausses- 
chenilles,  en  raison  d'une  ressemblance  assez  éloignée  avec  les  chenilles 
et  de  leur  mode  de  nourriture.  La  véritable  place  de  ces  insectes  parmi 
les  Hyménoptères  résulte  de  leur  état  nymphal,  présentant  les  organes 
de  l'adulte  seulement  recouverts  d'une  cuticule,  la  larve  restant  sou- 
vent très-longtemps  dan3  le  cocon  filé  par  elle  avant  de  devenir  nymphe, 
fait  fréquent  chez  les  Hyménoptères  nidifiants.  l>a  tarière  de  ponte  des 
femelles  rentre  aussi  dans  le  type  général  de  l'aiguillon  et  de  la  tarière 
des  Ichneumoniens.  Elle  ofl're  extérieurement  deux  valves  ou  demi- 
fourreaux  ;  intérieurement,  et  fixés  à  l'arceau  abdominal  supérieur,  deux 
stylets  garnis  d'entailles  en  dents  de  scie,  servant  à  inciser  les  pétioles 
ou  les  nervures  des  feuilles,  ou  les  rameaux  verls,  pour  y  déposer  les 
œufs,  et  moyennement  deux  pièces  séparées  représentant  le  gorgeretde 
l'aiguillon,  le  cylindre  incomplet  des  Ichneumoniens  et  autres  Téré- 
branls.  Les  entailles  de  la  tarière  et  son  rôle  ont  fait  donner  aux  Ten- 
thrédiniens,  par  les  anciens  auteurs,  le  nom  de  Mouches  à  scie. 

Les  autres  caractères  sont  les  suivants  :  Corps  un  peu  mou.  Antennes 
très-variables  comme  forme  et  nombre  d'articles.  Labre  ordinairement 
transversal,  subcarré,  à  angles  antérieurs  arrondis  et  velus.  Mandi- 
bules allongées,  dentées  au  bout;  mâchoires  longues  et  bilobées,  avec 
palpes  de  six  articles;  lèvre  triflde  ou  trilobée,  à  palpes  de  trois  articles. 
Thorax  grand,  généralement  plus  large  que  la  tète,  le  mésonotum 
n'étant  séparé  de  l'écusson  par  aucune  ligne  transverse.  Ailes  amples, 
divisées  en  cellules  nombreuses  et  complètement  fermées,  ainsi  souvent 
deux  radiales,  quatre  cubitales,  et  une  cellule  spéciale  à  la  région  infé- 
rieure de  l'aile  antérieure,  dite  cellule  péliolée  (G.  Thomson).  Pattes  de 
longueur  moyenne;  les  jambes  antérieures  munies  le  plus  souvent  de 
deux  éperons  ou  calcars,  les  jambes  postérieures  parfois  sans  éperon, 
parfois  éperonnées  vers  le  milieu,  les  quatre  premiers  articles  des 
tarses  ordinairement  munis  en  dessous  de  pelotes  membraneuses.  Ab- 
domen de  neuf  segments,  le  dernier  arceau  ventral  entier  chez  les 
mrdes,  fendu  chez  les  femelles  pour  loger  la  tarière,  ordinairement 
cachée  ou  ne  montrant  que  l'extrémité,  rarement  saillante  et  à  peu 
près  de  la  longueur  de  l'abdomen  (Xyela). 


tenthrédimelns.  58 

Les  Tcnlhrédiniens  adultes  sortent  ordinairement  des  cocons  au 
printemps  et  butinent  sur  les  fleurs,  surtout  les  Ombellifères,  se  nour- 
rissant de  nectar.  Il  y  a  par  exception  des  espèces  carnassières  :  ainsi 
Tenlhredo  viridis,  Linn.,  des  lieux  humides  plantés  de  Saules,  saisissant 
les  insectes  au  vol.  Les  Tenthrédiniens  pondent  leurs  œufs  le  plus 
souvent  en  série  dans  les  entailles  pratiquées  par  la  tarière,  parfois  sur 
le  bord  des  feuilles,  ou  sous  les  nervures,  en  sorte  de  grains  de  collier, 
parfois  en  masse  à  la  surface  des  feuilles.  Ces  œufs  sont,  le  plus  souvent, 
entourés  d'un  liquide  écumeux,  et,  comme  ceux  des  Cynipiens,  souvent 
s'accroissent  après  la  ponte,  au  point  de  doubler  de  grosseur,  en  môme 
temps  qu'augmente  l'entaille  faite  pour  les  recevoir.  Il  y  a  des  espèces 
de  Nematus,  des  Groseilliers  et  des  Saules,  dont  les  œufs  s'entourent  de 
galles  contenant  une  ou  plusieurs  larves. 

On  a  signalé  la  parthénogenèse  chez  des  Tenthrédiniens,  ainsi  chez 
Pœcilostoma  pulveratum,  Fallen,  ou  obcsum,  Klug.  Des  femelles  sorties 
de  cocons  et  bien  séquestrées  ont  pondu  des  œufs  fertiles  dans  lesquels, 
au  bout  de  huit  jours,  le  microscope  a  montré  la  future  larve  repliée 
à  l'intérieur  (1). 

Les  larves  des  Tenthrédiniens  sont  parfois  très-nuisibles  par  leur 
nombre  immense  sur  les  feuilles,  et  certaines  espèces  sont  des  fléaux  pour 
la  grande  culture  rurale  ou  forestière  :  ainsi  Athalia  Spinarum  pour  les 
Crucifères  rurales,  Lophyrus  Fini  pour  les  Conifères,  Cephus  pyginœus 
pour  les  Céréales.  Elles  sont  heureusement  attaquées,  à  la  façon  des 
chenilles,  par  un  nombre  considérable  d'entomophages  internes.  Leur 
corps  offre  douze  segments,  outre  la  tète,  celle-ci  ayant  un  labre  géné- 
ralement échancré,  des  mandibules  épaisses  et  fortement  dentées,  des 
mâchoires  bilobées  avec  palpes  de  quatre  articles,  mie  lèvre  petite  et 
charnue  avec  palpes  de  trois  articles,  ayant  en  dessous  un  trou  orifice 
de  la  filière,  comme  chez  les  chenilles.  Ces  fausses-chenilles  difièrent 
des  chenilles  par  plusieurs  caractères.  Leur  tête  est  ronde,  globuleuse, 
dépourvue  du  sillon  médian  qu'on  voit  sur  la  tète  des  chenilles,  dont 
le  vertex  écailleux  est  d'ailleurs  plus  aplati.  On  sait  que  les  che- 
nilles ont  six  stemmates  de  chaque  côté,  qui  sont  bien  de  vrais  yeux 
simples  (ce  qui  n'est  pas  le  cas  des  stemmates  des  insectes  adultes)  par 
la  cornée  et  par  la  partie  nerveuse.  Chez  les  fausses-chenilles,  il  y 
a  cinq  stemmates  de  chaqne  côté  (Leydig),  et  non  deux,  comme  le 
dit  Lacordaire;  leur  structure  interne  n'a  pas  été  étudiée.  Au-dessous 
de  ces  stemmates  sont  deux  très-petites  antennes  coniques.  Elles  ont, 
comme  les  chenilles,  six  pattes  écailleuses  ou  thoraciques,  et,  en  arrière 
de  celles-ci,  des  fausses  pattes,  membraneuses,  transitoires;  mais  leur 
nombre  n'est  pas  le  même.  Chez  les  chenilles  il  y  en  a  dix,  ou  parfois 
six  et  même  quatre  (demi-arpenteuses  et  arpenteuses)  ;  les  fausses-che- 

(t)  P.  Cameron,  Parthénogenèse  chez  des  Tenthrédinides  {Eniom.  Monthly 
Magaz.,  juin  1878,  p.  12). 


56  HYMÉNOPTÈRES. 

nillos  on  ont  en  général  JG,  ih  ou  12,  parfois,  au  contraire,  par 
exception,  Zi,  2  ou  pas  (genre  Lrjiia).  Leur  structure  n'est  pas  celle  des 
chenilles;  elles  n'ont  pas  la  couronne  de  crochets  arqués  avec  lesquels 
la  chenille  se  cramponne  au  pétiole  en  pliant  en  pince  la  fausse  patte. 
Les  fausses-chenilles  se  tiennent  souvent  roulées  en  spirale  sur  les 
feuilles,  redressant  vivement  la  tète  ou  la  partie  opposée,  si  on  les 
inquiète;  souvent  elles  laissent  suinter  des  liquides  de  mauvaise  odeur, 
jaunes  ou  verts,  dans  lesquels  elles  sont  comme  baignées  et  qui  sont 
éjaculés  de  pores  latéraux.  Elles  sont  ou  vertes  de  diverses  nuances,  ou 
jaunâtres,  ou  d'un  jaune-citron  ou  ocreux,  souvent  avec  des  taches  ou 
des  lignes  foncées.  Elles  changent  quatre  fois  de  peau,  comme  la  plu- 
part des  larves  des  insectes  à  métamorphoses  complètes.  A  la  fin  de 
leur  existence,  beaucoup  se  filent  des  cocons  soyeux,  fixés  aux  branches 
ou  aux  feuilles,  fortement  incrustés  d'une  résine  brunâtre  ;  il  en  est 
qui  s'enferment  dans  les  liges  qui  les  ont  nourries,  s'entourant  de 
débris  ligneux  :  ainsi  Emphytus  cinctus  sur  le  Rosier;  d'autres  descendent 
sur  le  sol  et  s'entourent  de  loges  terreuses.  Si  beaucoup  deviennent 
promptement  nymphes  dans  les  cocons,  il  en  est  qui  restent  plusieurs 
mois,  et  même  tout  l'hiver,  à  l'état  dormant,  n'opérant  la  nymphose 
qu'au  printemps. 

GENRES    PRINCIPAUX. 


CIMBGX,  Oliv.  ■ —  Corps  massif.  Antennos  courtes,  terminées  par  une  forte 
massue.  Mandibules  très-grandes,  joues  g-ontlécs.  Trois  ocelles  en  triang-le.  Aux 
ailes  antérieures,  deux  cellules  radiales  et  trois  cubitales.  Jambes  postérieures 
sans  épines  ;  cuisses  postérieures  larges  et  renflées.  Abdomen  épais,  à  bords 
latéraux  tranchants;  tarière  cachée. 

Les  Cimhex  renferment  les  plus  grandes  espèces  de  la  tribu.  Une 
douzaine  d'espèces  d'Europe;  à  citer  :  C.  femoratm,  Linn.,  C.iuteiis,  L. 
Larves  nuisibles  à  divers  arbres  forestiers,  ayant  22  pattes,  le  corps 
parsemé  de  petits  tubercules  sétigères,  lançant,  quand  on  les  inquiète, 
un  liquide  verdàtre  par  des  pores  latéraux  placés  en  dessous  des 
stigmates;  gros  cocons  de  couleur  brune,  passant  l'hiver  fixés  aux 
branches  ou  à  la  face  inférieure  des  feuilles.  Nous  représentons  une 
espèce  de  l'Amérique  du  Nord,  C.  Dahlbonii,  G.-Mén.  (pi.  lxxx,  fig.  1). 
Le  genre  voisin  Perga,  Leach,  propre  à  l'Australie,  offre  ce  fait  de 
mœurs  très-curieux,  que  les  femelles  restent  sur  la  fente  des  feuilles 
contenant  leurs  œufs  jusqu'à  l'éclosion,  puis  suivent  les  larves  et  se 
placent  sur  elles,  les  pattes  étendues,  pour  les  protéger  contre  les 
insectes  ennemis.  (Détails  de  P.  sciUcUata,  Leach  :  pi.  lxxx,  fig.  2,  tète; 
'la,  lèvre  inférieure,  mâchoire  et  palpes;  2  6,  antennes;  2  c,  tarse 
antérieur  ) 


SCHIZOCERA,    IIYLOTOMA,    TENTHREDO,    CLADIUS.  55 

^^miKOCKKA,  Latr.  —  Antennes  de  3  articles,  le  troisième  très-allongé, 
formé  d'articles  soudés,  fourchu  chez  les  mâles.  Ailes  supérieures  avec  une 
cellule  radiale  appendiculée,  quatre  cubitales.  Jambes  postérieures  sans  épines. 
Abdomen  arrondi  sur  les  côtés. 

Ce  genre  est  peu  nombreux  en  espèces  ;  le  type,  dont  la  larve  vit  sur 
les  Ronces,  est  le  S.  furcata,  de  Villers  (pi.  lxxx,  fig.  3,  mâle),  de  8  à 
10  millimètres,  noir,  à  abdomen  et  pattes  jaunes-,  d'yVllemagne,  de 
France  et  des  environs  de  Paris. 

nvi.OTO.n.%,  Latr.  —  Caractères  des  Schizoccra,  sauf  les  antennes,  simples 
dans  les  deux  sexes,  le  troisième  article  nu  et  prismatique  chez  les  femelles, 
poilu  chez  les  mâles.  Cellule  radiale  non  appendiculée.  Jambes  postérieures, 
avec  une  épine  en  dessous  du  milieu. 

Environ  vingt-cinq  espèces  en  Europe.  Larves  h.  18  ou  à  20  pattes,  les 
segments  abdominaux  faisant  saillie  de  chaque  côté  au-dessus  des  pattes  ; 
cocons  à  double  enveloppe,  l'externe  réticulée,  l'interne  plus  serrée  et 
plus  pâle.  Nous  citerons- /f.  Rosarum,  Klug,  jaune,  la  tête,  le  thorax  et 
les  pattes  variés  de  noir,  de  7  à  10  millimètres  (pi.  lxxx,  fig.  Z|,  tête  et 
antennes  du  mâle; /i a,  antenne  de  la  femelle),  de  France,  d'Angleterre, 
d'Allemagne,  de  Suède.  La  larve,  d'un  jaune  verdàtre  pointillé  de  noir, 
ronge,  parfois  en  très-grand  nombre,  les  feuilles  des  Rosiers.  Écraser 
les  larves,  tuer  les  femelles  venant  pondre  ;  en  hiver,  retirer  les  cocons 
enfouis  au  pied  des  Rosiers,  les  jeter  cà  l'eau  bouillante,  ou  arroser  avec 
une  solution  concentrée  de  sulfocarbonate  de  potasse. 

TE:\'TIIRKno,  Linn.  —  Antennes  de  9  articles.  Mandibules  robustes.  Yeux 
grands,  convergents,  mais  n'atteignant  pas  la  base  dos  mandibules.  Ailes  anté- 
rieures avec  deux  cellules  radiales  et  quatre  cubitales.  Calcars  postérieurs 
longs. 

Plus  de  cinquante  espèces  en  Europe.  Une  des  plus  belles  espèces 
d'Allemagne,  d'Angleterre,  de  France,  rare  aux  environs  de  Paris,  est 
T.  zonata,  Linn.,  Panz.  (pi.  i,xxx,  fig.  6,  sa  tête),  noire,  variée  de  jaune 
clair,  l'abdomen  ceinturé  de  jaune  clair  aux  segments  h  et  5. 

€l'.%Dir§i,  Illiger.  —  Antennes  de  9  articles,  sétacées,  atténuées  au  bout,  la 
plupart  des  articles  obliques  et  pectines  chez  les  mâles.  Ailes  antérieures  avec 
la  cellule  lancéolée  longuement  resserrée,  une  radiale  et  quatre  cubitales. 
Corps  allongé,  le  plus  souvent  noir. 

Tin  petit  nombre  d'espèces.  Larves  munies  de  vingt  pattes,  les  deux 
dernières  membraneuses,  beaucoup  plus  petites  ;  se  transforment  sur 
les  feuilles  ou  aux  fourches  des  branches  des  plantes  où  elles  vivent, 
dans  un  double  cocon  de  figure  très-irrégulière.  Ex.  C.  pallipes,  L.  S'-F. 
(pi.   LXXX,   fig.    6),  du  midi  de   la  France  et  des  environs  de  Paris? 


56  HYMÉSOPTÈUES. 

noir,  les  ailes  diaphanes  à  nervui'cs  brunes,  les  pattes  d'un  jaune  pAle 
avec  les  tarses  postérieurs  noirs.  Le  C.  difformis,  Panzer  (pi.  i.xxx, 
fig.  7,  larve;  la.  antenne  du  mâle),  d'Allemagne,  de  France  et  des  envi- 
rons de  Paris,  de  Suède,  d'Anglclerre,  très-analogue  au  précédent,  a  sa 
larve  à  tète  ferrugineuse,  les  segments  d'un  vert  pille,  avec  des  houppes 
de  poils  grisâtres  et  une  rangée  de  tubercules  piligères  de  chaque  côté. 
Sur  les  Rosiers,  surtout  du  Bengale  ;  cocon  jaunâtre  très-lâche;  nymphe 
en  juin ,  adulte  en  juillet. 

,%TI1ALI.%,  Leacli.  —  Antennes  de  10  ou  11  articles,  un  peu  épaissies  au  bout. 
Yeux  convergents,  Crociiets  des  tarses  mutiques.  Corps  raccourci.  Tarses 
annelés  de  noir. 

Un  petit  nombre  d'espèces.  A  citer  :  A.  ancilla,  L.  S'-F.  (pi.  lxxx,  iig.  8, 
antenne  grossie),  des  environs  de  Paris;  A.Rosœ,  Linn.,  de  France,  d'Alle- 
magne, d'Angleterre,  de  Suède,  noir,  à  bouche  blanche,  à  ailes  jaunâtres, 
l\i  sligma  et  la  côte  noirs,  l'abdomen  jaune,  très-nuisible  aux  Uosiers  ; 
mêmes  détails  que  pour  Hylotoma  Rosarum;  A.  Spinarum,  Fabr.  (syn. 
Cenlifoliœ,  Panzer),  jaune,  la  bouche  blanche,  la  tête,  les  antennes 
les  écailles,  les  côtes  du-  mésothorax  noirs.  Larves  à  22  pattes,  d'un 
vert  noirâtre,  vivant  en  sociétés  sur  les  Choux,  et  surtout  les  Navets 
et  Turneps,  qujelles  dépouillent  de  leur  feuillage.  Deux  générations  par 
été,  la  seconde  hivernant  en  nymphes  ;  larves  descendant  en  terre,  au 
pied  des  plantes,  se  nymphosant  dans  des  coques  terreuses,  ovoïdes,  à 
parois  enduites  de  viscosité.  Grands  ravages  en  Angleterre.  On  a  pro- 
posé d'introduire,  dans  les  champs  de  Turneps  infestés,  des  bandes  de 
jeunes  canards,  très-friands  des  larves. 

PTKSiVUOt'iilonLéî,  Ktug.  —  Antennes  à  nombreux  articles,  insérés  obli- 
quement, pectines  dans  les  mâles,  en  scie  dans  les  femelles  ;  pour  le  reste, 
analogue  aux  Loplii/nis. 

Ce  genre  est  d'Australie  et  de  Tasmanie  :  ex.  P.  cinclus,  Leach 
(pi.  Lxxx,  iig.  9,  antenne  grossie  de  la  femelle). 

LOPHVRl'»»,  Latr.  -  Antennes  à  nombreux  articles,  en  panacbe  bipectiné 
chez  les  mâles,  en  scie  chez  les  femelles.  Joues  non  bordées;  ocelles  en  liijne 
courbe;  mandibules  déprimées  et  Iridentécs.  Ailes  antérieures  à  stigma  distinct, 
avec  une  radiale,  quatre  cubitales  et  la  cellule  lancéolée  ouverte,  divisée  par 
une  nervure  transverse.  Jambes  postérieures  et  intermédiaires  sans  épines. 

Ce  genre,  qui  compte  une  quinzaine  d'espèces  en  Europe,  a  des  larves 
à  vingt  pattes,  vivant  sur  les  Conifères,  surtout  les  Pins,  en  nombreuses 
sociétC'S,  rongeant  les  feuilles  aciculaires  et  perforant  les  bourgeons. 
Quand  on  les  touche,  elles  laissent  échapper  de  la  bouche  une  goutte 
d'un  liquide  d'une  odeur  résineuse;  elles  filent  au  bout  des  rameaux  et 


LOPIIYRUS,    LYDA,    XYELA.  57 

accolés  les  uns  contre  les  autres,  des  cocons  simples,  très-petits,  eu  égard 
à  la  grandeur  des  fausses-chenilles,  et  dans  lesquels  elles  sont  obligées 
de  se  tenir  courbées.  Le  type  est  L.  Pini,  Linn.  Le  mâle  est  noir,  avec 
le  labre,  les  palpes,  les  genoux,  les  jambes  et  les  tarses  testacés  (pL  lxsx, 
fig.  10  a,  son  antenne  grossie).  La  femelle,  de  10  à  11  millimètres,  est 
d'un  testacé  pâle,  tachée  de  noir  en  dessus  du  thorax  et  de  l'abdomen 
(fig.  10,  son  antenne  grossie).  On  trouve  cette  espèce  à  Fontainebleau; 
elle  est  surtout  très-nuisible  dans  le  nord  de  l'Europe.  11  faut  couper 
les  branches  à  cocons  et  les  brûler.  11  y  a  deux  générations  par  an.  Il 
est  bon  d'écheniller  en  mai  et  juin,  puis  en  août  et  septembre,  les 
larves  qui  vivent  rassemblées. 

E,YD.%,  Fabr.  —  Antennes  sétacées,  à  nombreux  articles.  Tête  large,  trans- 
verse, à  labre  caché,  à  mandibules  fortement  décussées.  Ailes  hyalines,  non 
ciliées,  avec  deux  radiales  et  quatre  cubitales.  Jambes  postérieures  et  inter- 
médiaires armées  de  trois  épines;  crochets  des  tarses  munis  d'une  dent.  Abdo- 
men déprimé,  à  côtés  aigus,  avec  tarière  très-légèrement  saillante.  Corps  assez 
grand,  presque  glabre. 

Les Lyc^a  (pi. Lxxx, fig.  ll,tètegrossie)  comptentune  trentaine  d'espèces 
en  Europe,  une  nuisible  aux  Poiriers  en  espalier  et  en  quenouille,  une 
(L.  silvalica,  Linn.)  cà  beaucoup  d'arbres  forestiers,  plusieurs  aux  plan- 
tations d'arbres  résineux.  Les  larves  semblent  glisser  plutôt  que  mar- 
cher, car  elles  manquent  des  pattes  transitoires.  Elles  se  laissent  tomber 
d'une  feuille  à  l'autre,  suspendues  par  un  fil  de  soie.  Leur  corps  se  ter- 
mine par  deux  pointes  courtes,  sous  lesquelles  sont  deux  longs  appen- 
dices articulés  dirigés  en  arrière.  Elles  sont  assez  faciles  à  détruire, 
car  elles  se  rassemblent  généralement  en  société  sous  des  toiles  à  claire- 
voie,  qui  les  laissent  bien  visibles.  Il  faut  enlever  ces  toiles  et  les  brûler 
avec  leurs  fausses-chenilles,  ouïes  flamber  sur  place  à  la  torche  de  paille, 
ou  projeter  à  la  pompe  un  mélange  d'eau  et  de  pétrole,  ou  une  lessive 
très-concentrée  de  savon  noir.  Elles  se  filent  des  cocons  séparés  dont 
l'ensemble  est  recouvert  de  feuilles  assemblées  avec  des  fils  de  soie.  Il  y  a 
des Lî/c?a  à  larves  solitaires,  enveloppées  chacune.dansune  feuille  enrou- 
lée et  qui  descendent  sur  le  sol  se  filer  un  cocon  mêlé  de  grains  de  terre. 

Xl'ELA,  Dalmann,  —  Corps  petit,  mou  et  glabre.  Antennes  de  12  articles, 
les  trois  premiers  épais,  le  troisième  le  plus  grand.  Tête  transverse.  Ailes  hya- 
lines, non  ciliées,  les  antérieures  avec  trois  radiales  et  quatre  cubitales.  Abdo- 
men arrondi  sur  les  côtés,  avec  une  longue  et  grêle  tarière  saillante. 

Très-peu  d'espèces,  du  nord  de  l'Europe.  Le  type  est  le  A',  piisilla, 
Daim.,  d'Autriche,  d'Angleterre,  de  Suède  (pL  lxxx,  fig.  12,  femelle; 
V2  a,  mandibules  ;  12  b,  lèvre  inférieure  et  palpes  ;  12  c,  palpe  maxillaire  ; 
12  d,  labre  ;  12  e,  oviscapte).  Cet  insecte,  long  de  à  millimètres,  a  le  corps 
d'un  brun  noirâtre,  les  pattes  jaunâtres,  la  tête  et  le  corselet  irrégu- 


58  HYMÉNOPTÈRES. 

lièrement  tachés  de  jaunâtre.  La  larve  vit  dans  les  Pins,  ce  qui,  avec 
la  longue  tarière  saillante,  constitue  un  passage  aux  Siriciens. 

4'KPIHJS,  Latr.  —  Antennes  à  nombreux  articles ,  épaissies  au  bout.  Tète 
cuboïde  ;  mandibules  tridentées.  Ailes  antérieures  avec  deux  radiales  et  quatre 
cubitales.  Pattes  assez  longues,  à  cuisses  épaisses.  Jambes  antérieures  à  un 
seul  éperon;  jambes  postérieures  et  inlerméiliaires  avec  une  petite  dent  au 
milieu  ;  crochets  des  tarses  longs,  un  peu  courbés,  dentés.  Abdomen  ù  tarière 
un  peu  saillante. 

Une  vingtaine  d'espèces  d'Europe.  Nous  figurons  une  espèce  d'Egypte 
de  15  millimètres,  à  antennes,  tête  et  thorax  noirs,  les  ailes  très-enfu- 
mées,  les  pattes  antérieures  jaunes,  les  autres  noires,  l'abdomen  d'un 
jaune  d'ocre  assez  vif  (pi.  lxxx,  fig.  13j.  La  plus  importante  espèce,  de 
toute  l'Europe,  est  le  C.  pijgmœiis,  Linn.,de  6  à  8  millimètres,  noir,  l'ab- 
domen annelé  de  jaune-citron,  les  jambes  antérieures  jaunes  (pi.  lxxx, 
fig.  1/j,  larve  grossie,  vermiforme,  à  pattes  très-réduites  :  lli  a,  tête  de 
l'adulte  ;  là  b,  lèvre  inférieure  et  mâchoires;  il\  c,  mâchoire  isolée  et 
palpe;  1/id,  mandibules;  IZie,  labre).  Cette  espèce  est  souvent  très-nui- 
sible aux  Blés  et  aux  Seigles.  Les  femelles,  lors  de  l'épiage,  pondent 
dans  la  tige  au-dessous  de  l'épi.  Les  larves,  blanches,  descendent  de  plus 
en  plus,  rongeant  l'intérieur  de  la  tige  et  les  nœuds;  les  épis,  avortés, 
restent  blancs  et  droits,  contrastant  avec  les  épis  pleins,  encore  verts  et 
penchés.  Au  moment  de  la  moisson,  la  larve  est  arrivée  dans  le  chaume, 
tout  près  de  la  racine  et  s'y  file  un  cocon  pour  passer  l'hiver  et  devenir 
nymphe  au  printemps.  Arracher  et  brûler  les  chaumes  après  la  moisson 
et  passer  au  rouleau  compresseur,  au  besoin  alterner  la  culture. 


Tribu  des  SïRICIEMS. 

Pour  ne  pas  trop  multiplier  les  divisions,  nous  réunirons  sous  le  nom 
de  Siriciens  trois  genres  assez  disparates,  présentant  les  caractères  com- 
muns qui  suivent  :  Corps  à  téguments  durs,  grand,  allongé,  subcylin- 
drique; mésonotum  séparé  de  l'écusson  par  une  ligne  transverse.  Ailes 
antérieures  ayant  la  nervure  basale  insérée  dans  la  première  cellule 
cubitale.  Jambes  antérieures  avec  un  seul  éperon  ou  calcar.  Antennes 
subglabres,  leur  base  reçue  dans  un  sillon  placé  entre  les  yeux  et  les 
mandibules  tridentées. 

<B>lRKX,  Linn.  (syn.  Urocerus,  Geoffr.).  —  Tête  dilatée  derrière  les  yeux.  An- 
tennes muUiarticulées,  filiformes  ou  subsétacées.  Palpes  maxillaires  obsolètes, 
un  peu  en  massue.  Pronotum  brusquement  déclive  en  avant.  Ailes  hyalines. 
Jambes  intermédiaires  à  un  éperon,  les  postérieures  ordinairement  à  deux, 
très-allongées,  ainsi  que  les  tarses  postérieurs  ;  crochets  tarsaux  avec  une 
grande  dent  dressée.  Abdomen  long,  cylindroïde,  arrondi  latéralement.  Le  der- 


SIREX,    XIPHYDRIA.  59 

nier  segment  dorsal  des  femelles,  le  dernier  ventral  des  mâles  se  tcimiiiaut  en 
éperon  crénelé.  Tarière  droite,  robuste,  longuement  saillante. 

Les  Sircx  sont  des  insectes  des  forêts  de  Conifères,  très-abondants  en 
certaines  années  dans  le  nord  de  l'Europe,  volant  avec  un  fort  bourdon- 
nement. Les  femelles  déposent  surtout  leurs  œufs  sur  les  Sapins  et  les 
Mélèzes,  choisissant  de  préférence  ceux  qui  sont  récemment  coupés  ou 
écorcés,  dans  un  trou  foré  au  moyen  de  la  tarière,  qui,  grâce  à  des  con- 
tractions répétées  de  l'abdomen  d'avant  en  arrière,  s'enfonce  si  profon- 
dément, que  parfois  l'insecte  ne  peut  plus  la  retirer.  Il  en  sort  des  larves 
longues,  cylindroïdes,  charnues,  avec  les  segments  plissés,  atténuées 
postérieurement,  à  pattes  rudimentaires,  les  thoraciques  inarticulées, 
les  abdominales  réduites  à  des  saillies  charnues  en  dessous,  le  dernier 
segment  grand,  armé  d'une  pointe  ou  épine  dure.  Elles  se  creusent  dans 
le  bois  de  nombreuses  galeries  en  toutes  directions,  au  point  de  le  rendre 
parfois  impropre  à  tout  service,  et  peuvent  faire  ainsi  de  grands  ravages. 
Elles  deviennent  nymphes  au  fond  de  la  galerie,  dans  un  cocon  où  la 
soie  est  mêlée  de  débris  ligneux  et  d'excréments.  L'adulte  éclôt  au 
bout  d'un  mois  ou  parfois  l'année  suivante,  ou  plus  longtemps  encore.  La 
force  des  mandibules  des  Sirex  adultes  est  incroyable  :  pour  sortir  au 
jour,  on  en  a  vu  rongeant  les  bois  les  plus  durs,  et  même  des  balles  de 
plomb.  Nous  représentons  S.  Lefebvrei,  G.-Mén.,  mâle  (pi.  i.xxx,  fig.  17  ; 

17  a,  sa  tête),  de  patrie  inconnue.  Les  espèces  les  plus  fréquentes  en 
France,  de  toute  l'Europe  septentrionale  moyenne  et  de  l'Amérique  du 
Nord,  ëoni  S.  juvencus,  Linn,,  de  20  à  30  millimètres,  d'un  noir  bleu, 
les  pattes  et  la  base  des  antennes  pâles,  le  huitième  segment  dorsal  de 
l'abdomen  roux  chez  le  mâle,  et  S.  gigas,  Linn.,  de  oOàZiO  millimètres, 
d'aspect  de  Frelon,  noir,  avec  une  tache  jaune  de  chaque  côté  du  ver- 
tex,  l'abdomen  de  la  femelle  jaune,  avec  les  segments  3  à  6  noirs, 
celui  du  mâle  jaune,  avec  la  base  et  le  bout  noirs.  (Détails  de  cette  espèce  : 
pi.  Lxxx,  fig.  18  ,  extrémité  de  l'abdomen  de  la  femelle  ;  18  a,  mandibule; 

18  b,  18  c,  id.  de  deux  autres  espèces;  18  d,  lèvre  inférieure  et  palpe 
maxillaire;  18  e,  18 /",  id.  et  palpe  maxillaire  rudimentaire  de  deux 
autres  espèces;  18  g,  labre.) 

XlPllTnRï.%,  Latr.  —  Tête  rebordée  et  globuleuse,  unie  au  thorax  par  un  cou 
très-long  et  très-grêle  (d).  Ailes  transparentes,  les  antérieures  avec  deux  cellules 
radiales  et  quatre  cubitales,  la  cellule  lancéolée  divisée  par  une  nervure 
oblique.  Jambes  postérieures  à  deux  calcars  ;  crochets  tarsaux  déniés.  Abdo- 
men subdéprimé,  à  bords  aigus  ;  tarière  grêle,  comprimée,  un  peu  arquée, 
saillante,  mais  moins  que  chez  les  Sirex. 

Peu  d'espèces  et  rares,  des  arbres  résineux;  mœurs  des  Sirex,  ponte 
et  larves  analogues.  Le  type,  de  Suède,  d'Allemagne,  d'Angleterre,  de 

(1)  Aussi  la  tète  se  détache  souvent  sur  les  sujets  secs  des  collections. 


60  HYMÈNOPTËRES. 

Franco,  tri'S-rarc  prùs  de  Paris,  est  le  X.  Camelus,  Linn.  (pi.  lxxx, 
fig.  15,  UHo  et  prothorax;  15  a,  tête  grossie;  15  b,  mâchoire  et  palpe; 
15  c,  extrémité  de  l'abdomen  de  la  femelle),  long  de  35  millimèlrcs, 
dans  les  deux  sexes,  noir  à  pattes  rousses,  écailles  et  angles  du  prono- 
tum  blanchâtres,  ainsi  que  les  taches  latérales  de  la  tête  et  de  l'abdo- 
men. 

ORI'SSl'S,  Fabr.  —  Antennes  insérées  contre  la  bouche,  de  11  articles  ré- 
guliers chez  les  mâles,  10  irréguliers  chez  les  femelles.  Palpes  maxillaires 
de  5  articles.  Yeux  convergents.  Ailes  à  peu  de  cellules,  une  radiale,  deux 
cubitales;  ïambes  postérieures  à  deux  calcars,  les  jambes  denliculées  extérieu- 
rement. Tarses  à  crochets  mutiques.  Abdomen  arrondi  sur  les  côtés,  avec 
tarière  capillaire,  roulée  en  grande  partie  en  spirale  à  l'intérieur,  le  bout  sor- 
tant du  cinquième  segment  ventral. 

Ce  genre  insolite  se  rapproche  des  Cynipiens^  surtout  des  Figiles,  par 
la  tarière  et  les  ailes  à  peu  de  cellules.  Le  type,  du  midi  de  la  Trance, 
d'Italie,  de  diverses  parties  de  l'Allemagne,  d'Angleterre,  de  Suède 
jusqu'en  l.aponie,  est  VO.  Vespertilio,  Fabr.,  syn.  coronatus,  Fabr. 
(pi.  i.xxx,  fig.  16,  tète  du  mâle;  16  a,  mandibule;  16  h,  mâchoire  et 
palpe;  16  c,  patte  antérieure  du  mâle).  Les  deux  sexes  ont  11  à  12  mil- 
limètres; l'insecte  est  noir  avec  des  lignes  blanchâtres,  les  ailes  enfu- 
mées au  bout,  l'abdomen  roux,  noir  à  la  base.  Il  faut  remarquer  sur  le 
front  une  couronne  de  tubercules. 

A  consulter  pour  les  Tenthrédiniens  et  Siriciens  :  Klug,  Die  Blattives- 
pennach  ihren  Gattungen  und  Ârten  zusammengestellt.  Berlin,  1818-1819. 
—  Lepeletier  de  Saint-Fargeau,  Monographia  Tenthredinearum,  1823. 
Paris,  in-8".  —  G.  Dahlbom,  Conspeclus  Tenthredinum,  Siricidum  et  Orys- 
sinonim  Sccuidinaviœ.  lïavnia^,  1835.  —  Theodor  Hartig,  Die  FamiUen 
der  Blattivespen  und  HoUwespen,  nebst  einer  allgemeinen  Einleitung  zur 
Naturgeschichte  der  Hymenopteren.  Berlin,  Haude  et  Spener,  1837,  8  pi. 
(Tenthrèdes  et  Sirex  avec  leurs  larves). —  Arnold  Forster,  Einige  neuc 
Arien  ans  der  Familie  der  Blattivespen,  in  Stettin  entomol.  Zeilung,lShh, 
t.  V,  p.  262-26Zi,  287-290  (ce  sont  des  Tenthrédiniens  des  genres Dmeura, 
Cephus,  Allantus,  etc.).  —  C.  G.  Thompson,  Hynienoptera  Scandinaviœ 
{Tenthredo  et  Sirex,  Linn.).  Lund,  1871. 


Dans  son  très-récentT/Y//i6  de  zoologie,  le  D''G.  v.  Koch  {Grundriss  zur 
Zoologie,  Darmstadl,  1878,  p.  75)  partage  les  Hyménoptères  en  huit 
groupes  du  premier  ordre  :  Terebrantia,  Cynipidœ,  Ichneumonidœ,  For- 
mi  cidœ,  Scotiadœ,  Fossoria,  Vespidœ,  Apidce. 


ORDRE 


L  É IM  D  0  P  T  Ë  R  i:  S 


«  K  IW  b':  R  A  li  I  T  E  S. 


Les  insectes  connus  luvbitacllcment  sous  le  nom  de  Papillons  consti- 
tuent sans  aucun  doute  l'ensemble  le  plus  riche  du  llègne  animal  par 
l'éclat  de  leur  parure,  n'avant  de  rivaux  sous  ce  rapport  que  les  Oi- 
seaux-mouches, dont  la  nourriture  et  les  mœurs  offrent  autant  d'ana- 
logies qu'on  doit  en  attendre  de  groupes  aussi  différents.  On  peut  dire 
de  la  plupart  des  Papillons  que  ce  sont  des  fleurs  animées,  rivalisant  de 
splendeur  avec  la  corolle  des  fleurs  immobiles.  Ce  sont  des  insectes 
dont  l'aspect  séduit  au  premier  abord  les  gens  du  monde  et  les  jeunes 
amateurs.  Si  les  collections  de  Papillons  sont  un  peu  moins  nombreuses 
que  celles  des  Coléoptères,  c'est  que  la  recherclie  de  ces  derniers  est 
plus  aisée  en  raison  de  la  multiplicité  de  leurs  habitat,  et  que  sur- 
tout leur  préparation  et  leur  conservation  sont  beaucoup  pins  faciles. 
11  faut  en  eff'et  pour  les  Papillons  un  étalage  exigeant  certains  instru- 
ments; en  outre,  on  ne  peut  obtenir  aisément  la  plupart  des  espèces 
en  bon  état  que  par  l'éducalion  de  leurs  larves,  auxquelles  s'applique 
spécialement  le  nom  de  chenilles;  ce  qui  demande  du  temps  et  des  soins 
que  tous  les  amateurs  ne  peuvent  consacrer  cà  cet  objet.  Si  nous  pas- 
sons à  un  ordre  d'idées  plus  élevées,  nous  devons  dire  que  les  Papillons 
ont  des  espèces  formant  les  plus  utiles  des  insectes.  Certaines  espèces, 
et  principalement  le  Ver  à  soie  du  Mûrier,  produisent  les  plus  riches 
des  matières  textiles,  dépassant  en  éclat  et  en  solidité  les  produits  ana- 
logues des  végétaux,  et  qui  sont  l'origine  d'une  industrie  du  premier 
ordre.  Par  contre,  les  Papillons,  surtout  dans  leurs  plus  petites  espèces, 
peuvent  devenir  pour  les  cultures  de  l'homme  des  ennemis  très-dan- 
gereux, au  point  que  la  législation  a  dû  prescrire  un  écbenillage  obli- 
gatoire comme  mesure  d'utilité  publique,  par  une  loi  que  rappellent 
chaque  année  les  arrêtés  administratifs.  Sans  exagération,  les  ravages 
des  chenilles  deviennent  parfois  des  calamités  générales,  obligeant  les 
gouvernements  à  recourir  à  des  mesures  de  destruction.  Autrefois, 
aux  époques    de  naive   croyance,   les  foudres   de  l'excommunication 


62  LÉPIDOPTÈIiES. 

furent  lancées  contre  les  chenilles  par  la  plus  haute  expression  de  l'au- 
torité, celle  des  pasteurs  de  l'Église. 

Les  anciens  auteurs  nommaient  les  Papillons,  insectes  à  ailes  fari- 
neuses, à  cause  de  l'espèce  de  poussière  qui  reste  attachée  aux  doigts 
quand  on  les  saisit  par  les  ailes.  Linna^us  n'a  fait  que  traduire  ce  mot 
en  langage  scientifique,  en  créant  l'ordre  des  Lépidoptères  (ailes  à 
écailles).  La  poussière  farineuse  est  en  effet  formée  de  poils  raccourcis 
et  élargis  en  brillantes  écailles  colorées.  Ce  caractère  est  parfaitement 
général.  Il  reste  en  effet  quelques  écailles  sur  la  côte  et  sur  les  princi- 
pales nervures  dans  les  Papillons  à  ailes  vilrées,  comme  les  Sésies^  la 
division  des  Iléliconies  à  ailes  transparentes,  sans  parler  des  poils  or- 
dinaires que  peuvent  offrir  les  régions  où  il  n'y  a  que  la  membrane 
transparente  qui  forme  le  fond  de  l'aile  de  tous  les  Lépidoptères.  Chez 
certains  Macroglosses  à  ailes  vitrées,  lors  de  l'éclosion  de  l'adulte  sor- 
tant de  la  chrysalide,  les  ailes  sont  couvertes  d'une  poudre  d'écaillés, 
qui  disparaissent  dès  que  le  Papillon  a  tant  soit  peu  volé.  On  peut  dire 
que,  par  sa  généralité  caractéristique,  le  nom  linnéen  est  préférable  à 
celui  de  Fabricius,  les  Glossates,  d'après  l'organe  apparent  de  la  man- 
ducation,  la  spiritrompe,  qu'il  compare  à  une  langue.  Cette  spiritrompe 
de  l'adulte  manque  eu  effet  dans  beaucoup  de  genres  des  anciens 
îs'ccturnes  de  Latreille,  dont  les  adultes,  uniquement  destinés  à  l'ac- 
couplement, ne  prennent  pas  de  nourriture,  tandis  que  les  ailes  sont 
toujours  chargées  d'écaillés  poussiéreuses  ou  au  moins  de  poils  qui  en 
tiennent  lieu. 

Pendant  longtemps  en  France,  sur  l'autorité  de  Latreille,  on  subdi- 
visait les  Lépidoptères  en  trois  grands  groupes  :  les  Diurnes,  les  Cré- 
pusculaires fet  les  Nocturnes^  d'après  les  époques  de  la  journée  où  l'on 
rencontrait  les  adultes  à  l'état  actif  ou  volant.  Celte  distinction  fort 
commode,  encore  usitée  souvent  dans  le  langage  vulgaire,  présente  des 
défauts  graves  qui  doivent  la  faire  abandonner.  Elle  reste  sensible- 
ment vraie  pour  le  premier  groupe,  les  Diurnes,  qui  ne  volent  guère 
que  lorsque  le  soleil  est  encore  sur  l'horizon,  bien  que  dans  nos  pays 
on  puisse  encore  voir  voler  un  peu  après  son  coucher  quelques 
Satyres  et  la  Vanesse  Belle-Dame,  qui  s'attardent  volontiers  sur  les 
sentiers  jusqu'à  l'entrée  de  la  nuit  ;  mais  elle  devient  fort  peu 
exacte  pour  les  deux  autres  groupes.  Ils  mériteraient  plutôt  tous  deux 
le  nom  de  Crépusculaires,  car  les  plus  nocturnes  des  Papillons  ne  pa- 
raissent pas  dépasser  onze  heures  du  soir  dans  leur  état  d'activité,  et 
encore  seulement  par  les  soirées  chaudes  et  hors  des  temps  de  pleine 
lune,  les  rayons  de  notre  satellite  semblant  blesser  leurs  yeux  plus  que 
ceux  de  l'astre  du  jour.  Un  assez  grand  nombre  font  exception  com- 
plète :  on  voit  voler  aux  rayons  mêmes  du  soleil  les  Sésies,  qui  ressem- 
blent à  des  Hyménoptères,  et  les  Macroglosses;  les  Zygènes*  les  Procris 
volent  toute  la  matinée  entre  les  herbes  des  prairies.  Les  mâles  d'un 
certain   nombre  de  Bombyciens  parcourent  nos  bois,  d'un  vol  saccadé 


LÉPIDOPTÈRES.  63 

et  rapide,  à  la  recherche  des  femelles  cachées  dans  les  feuilles  sèches, 
dans  les  herbes,  ou  collées  au  tronc  des  arbres  :  les  uns  dans  la  mati- 
née, d'autres,  de  préférence,  dans  l'après-midi.  Les  Psoctuelles,  men- 
tant à  leur  nom,  ont  des  espèces  qui  tourbillonnent  toute  la  journée 
dans  les  clairières,  les  prairies  naturelles  et  artificielles,  avec  un  vol  à 
battements  d'ailes  si  précipités,  qu'on  ne  voit  qu'une  surface  confuse, 
par  persistance  des  impressions  sur  la  rétine.  D'autres,  avec  moins  de 
rapidité,  volent  au  soleil  entre  les  branches  des  arbres,  ou  s'abattent 
des  haies  ou  des  taillis  sur  les  chemins  (Brephos).  D'autres,  enlhi,  im- 
mobiles quand  rien  ne  les  trouble,  s'envolent  pendant  le  jour  dès  qu'on 
s'approche  des  haies,  des  bordures  des  chemins,  des  troncs  d'arbres, 
des  murs  où  elles  sont  posées,  et  d'autant  plus  vite,  que  le  temps  est 
plus  clair,  et  surtout  au  soleil  (genres  Chelonia,  Catocala,  etc.).  Dans 
les  hautes  latitudes,  où  les  nuits  sont  toujours  humides  et  froides,  les 
Noctuelles  volent  dans  la  journée.  Pai-mi  les  Phalénides,  qui  restent 
d'ordinaire  appliquées  contre  les  feuilles  ou  les  troncs  d'arbres  quand 
le  jour  est  sombre,  un  certain  nombre  s'envolent  au  soleil  ou  par  les 
jours  clairs,  surtout  au  moindre  bruit,  de  sorte  qu'on  a  peine  à  les 
approcher.  Dans  les  Microlépidoptères,  beaucoup  de  Tordeuses  et  de 
Teignes  volent  dans  le  jour  et  surtout  le  matin,  quand  la  rosée  a  dis- 
paru, entre  les  herbes,  les  buissons,  les  branches  des  arbustes  et  des 
arbres,  et  dans  la  matinée  on  voit  monter  et  descendre  le  long  des 
buissons,  d'un  vol  très-ralenti  par  la  longueur  de  leurs  antennes,  qui 
semblent  des  fils  de  soie,  les  brillantes  Adèles,  étincelant  au  soleil 
comme  des  émeraudes  ou  des  rubis. 

Nous  adopterons  la  subdivision  des  Lépidoptères  en  deux  grands 
groupes.  Les  uns,  qui  correspondent  aux  Diurnes  de  Latreille,  sont  les 
Rhopalocères  de  Constant  Duméril,  chez  lesquels  l'antenne  se  termine 
par  un  bouton  en  forme  de  inassue  plus  ou  moins  allongée,  et  qui 
n'est  pas  sans  analogie  avec  la  terminaison  de  l'antenne  des  Asca- 
laphes  (iXévroptères  propres).  Les  autres,  nommés  Hétérocéres  par 
M.  Boisduval,  présentent  des  antennes  de  toutes  les  formes  possibles, 
sauf  la  massue  arrondie  cà  sa  terminaison.  11  en  est,  comme  les 
Zygènes,  les  Castnies,  certaines  Sésies.  où  les  antennes  finissent  en 
massue,  mais  fusiforme  et  terminée  en  pointe  droite  ou  courbée.  Ce 
sont  les  Castnies  qui  se  rapprochent  le  plus  des  Rhopalocères  sous  ce 
rapport.  Nous  ne  prendrons  pas  la  division  peu  employée  de  M.  E.  Blan- 
chard, distinguant  les  Papillons  en  Aclialinuptèrcs  (anciens  Diurnes), 
dont  les  quatre  ailes,  indépendantes  les  unes  des  autres,  se  relèvent  au 
repos  perpendiculairement  au  corps  ou  obliquement  (llespériens),  et 
en  Chalinoptères  (Crépusculaires  et  Nocturnes),  dont  les  ailes  anté- 
rieures, toujours  au-dessus  des  postérieures,  tantôt  restent  égalées  à 
plat  avec  celles-ci  sur  le  plan  de  position,  les  supérieures  en  dessus, 
tantôt  se  recouvrent  en  toit  sur  le  corps  d'une  lagon  variable,  ou 
même  constituent  un  fourreau  plus  ou  monis  enroulé-  M.  E.  Blanchard 


f>U  I.ÉPinOrTKHKS. 

attribuait  ce  fait  à  la  présence  du  frein,  formé  d"une  soie  raide  déta- 
chée de  la  base  de  l'aile  inférieure,  contre  sa  courbure  du  côté  du 
corps,  partant  de  l'attache  de  l'aile  au-dessus  de  la  nervure  simple 
antérieure,  et  passant  de  là  dans  une  sorte  de  coulisse  ou  dcnii-J 
anneau,  souvent  couvert  de  poils  ou  d'écaillés,  et  attaché  au-dessous 
à  l'aile  supérieure,  plus  ou  moins  près  de  sa  base.  Or,  dans  les  Hespé- 
riens,  qui  sont  des  Achalinoptércs  ou  Rhopalocères  par  les  autres 
caractères,  Y Euschcmon  liafflesia,  Mac  Leay,  d'Australie,  présente  chez 
le  mftlc  un  frein  très-développé,  s'engageant  dans  un  anneau  écailleux 
à  la  base  de  l'aile  supérieure,  et  se  terminant  par  un  bouquet  de 
poils,  destiné  à  l'empêcher  de  sortir  de  sa  gaine.  C'est  pour  cela  que 
NValker,  prenant  cette  rare  espèce  pour  un  Nocturne,  la  plaçait  dans 
les  Agaristides.  La  femelle  n'a  pas  cet  organe.  Le  frein  manque  chez 
les  Macroglosses,  lesSmérinthes,  chez  beaucoup  de  Sphingides,  chez  les 
Cossus,  chez  les  Attacides,  qui  tiennent  souvent  les  ailes  défléchies 
au  repos,  mais  parfois  aussi  relevées,  surtout  dans  l'accouplement.  U 
est  très-développé  dans  les  espèces  des  types  Chelonia  et  Liparis,  où  il 
est  reçu  dans  un  anneau  écailleux.  La  plupart  des  Noctuéliens  ont  un 
frein,  ainsi  que  les  Phalénicns,  où  les  quatre  ailes  sont  au  contraire 
bien  séparées  au  repos  ;  toutefois  il  manque  dans  les  Acidalics.  Les 
Deltoïdes  le  possèdent,  mais  peu  apparent.  On  ne  s'est  pas  occupé  de 
cet  organe  chez  les  Microlépidopfères,  vu  leur  petitesse.  Le  frein 
manque  souvent  ou  est  rudimentaire  chez  les  femelles,  alors  que  les 
mâles  l'ont  bien  développé.  Ce  n'est  pas  le  frein  qui,  ainsi  qu'on  le  dit 
habituellement,  empêche  le  relèvement  des  ailes  des  Papillons  noc- 
turnes; le  mécanisme  est  bien  plus  complexe  (P.  Bert).  Jusqu'à  pré- 
sent le  frein  n'est  qu'un  organe  de  curiosité,  dont  on  ne  peut  pas 
préciser  l'usage.  Cet  appareil,  très-peu  visible,  n'a  donc  qu'un  rôle 
accessoire,  faisant  souvent  défaut,  et  ne  peut  remplacer  le  caractère 
antennairc  général  et  tout  de  suite  apparent,  lié  d'ailleurs  à  d'autres 
particularités  distinctives  d'organisation. 

Les  Lépidoptères  sont  des  insectes  à  métamorphoses  complètes,  les 
mieux  connus  des  anciens,  sous  ce  rapport.  Aristote  nous  dit  dans  son 
Histoire  des  animaux  (liv.  V,  chap.  xviii)  :  «  Les  papillons  proviennent 
de  chenilles.  C'est  d'abord  moins  qu'un  grain  de  millet,  ensuite  un 
petit  ver  qui  grossit,  et  qui,  au  bout  de  trois  jours,  est  une  petite  che- 
nille. Quand  ces  chenilles  ont  acquis  leur  croissance,  elles  perdent  le 
mouvement  et  changent  de  forme.  On  les  appelle  alors  chrysalides. 
Elles  sont  enveloppées  d'un  étui  ferme.  Cependant  lorsqu'on  les  louche, 
elles  remuent.  Les  chrysalides  sont  enfermées  dans  des  cavités  faites 
d'une  matière  qui  ressemble  aux  iils  d'Araignées.  Elles  n'ont  pas  de 
bouche  ni  d'autres  parties  distinctes.  Peu  de  temps  après,  l'étui  se 
rompt,  et  il  en  sort  im  animal  volant  que  nous  nommons  un  Papillon. 
Dans  son  premier  état,  celui  de  chenille,  il  mangeait  et  rendait  des 
excréments;  devenu  une  chrysalide,  il  ne  prend  et  ne  rend  rien.  U  en 


LÉPIDOPTËKES.  65 

est  de  même  de  tous  les  animaux  qui  viennent  des  vers.  »  Chez  les 
Grecs,  le  mot  'iy//,  {psyché)  signifie  à  la  fois  papillon  et  âme,  et  beau- 
coup de  philosophes  croyaient  trouver  dans  ses  trois  états  une  image 
parfaite  de  l'homme  :  sa  vie  terrestre,  comme  la  chenille  qui  rampe 
sur  le  sol,  sa  mort  et  son  réveil  par  l'àme  immortelle.  Sous  les  brillantes 
comparaisons  des  sages  et  des  poètes  antiques  se  cachait  une  trt-s-grave 
inexactitude.  Ils  croyaient  à  un  changement  complet  et  absolu,  dans  le 
sens  mythologique  du  mot  métamorphose.  On  supposait  que  rien  de  la 
chenille  ne  subsistait  dans  le  papillon,  aussi  aérien  et  léger  qu'elle  est 
terrestre  et  lourde.  Réaumur  fit  voir  le  premier,  en  se  bornant  aux 
organes  extérieurs,  que  les  six  pattes  thoraciques  ou  en  crochets  de  la 
chenille  sont  réellement  les  étuis  des  six  pattes  de  l'adulte,  les  seules 
qu'il  possède.  Si  l'on  en  coupe  une  ou  plusieurs,  le  papillon  qui  éclôt 
par  la  suite  se  montre  mutilé  des  mêmes  membres. 

Comme  si  l'homme  ne  pouvait  arriver  du  premier  coup  à  la  vérité, 
sans  y  mêler  les  gratuites  chimères  de  sou  imagination  et  les  erreurs 
de  ses  préjugés,  Swammerdam  prétendait  retrouver  sous  la  peau  de 
la  chenille  les  difl'érentes  enveloppes  qui  la  conduiront  au  papillon.  Ces 
idées  d'emboîtement,  provenant  de  l'absence  d'études  embryogéniques, 
ont  eu  beaucoup  de  peine  à  disparaître  de  la  science.  En  réalité,  il  y  a 
une  série  d'évolutions  graduelles;  c'est  une  nouvelle  peau  qui  s'orga- 
nise sous  l'ancienne,  crevant  comme  un  gant  trop  étroit.  La  phase 
intermédiaire  de  repos  sans  nourriture  a  pris  le  nom  de  chrysalide  ou 
d'aurélie,  mots  spéciaux  à  l'ordre  des  Lépidoptères  par  une  généralisa- 
tion inexacte  de  ce  qui  se  passe  dans  quelques  cas  chez  les  Nympha- 
liens  (Argymiis,  Limeiiitis,  etc.),  où  de  brillantes  taches  d'or  ou  d'ar- 
gent tranchent  sur  la  couleur  habituellement  terne  de  cet  étui,  dans 
lequel  s'organise  peu  à  peu  l'insecte  adulte.  Ces  apparences  dispa- 
raissent si  l'on  place  l'animal  dans  le  vide  ;  elles  sont  dues  à  de  l'air 
intercalé  sous  une  mince  peau  jaune  ou  blanchâtre.  On  nomme  encore 
fève,  et  avec  beaucoup  plus  d'exactitude  générale,  la  nymphe  des  Lépi- 
doptères, qui  a  d'ordinaire  une  couleur  plus  ou  moins  brunâtre  et 
l'aspect  d'une  graine  sèche. 

La  tête  des  Lépidoptères  est  généralement  arrondie,  comprimée  en 
avant  dans  la  région  du  chaperon,  plus  longue  que  large  et  ordinaire- 
ment plus  étroite  que  le  thorax.  La  tète  est  très-saillante  dans  les 
Hhopalocères  et  garnie  de  poils  fins;  elle  est  plus  petite,  moins  sail- 
lante, chez  les  Hétérocères,  munie  de  poils  écailleux,  et  quelquefois 
entièrement  retirée  sous  le  thorax.  Elle  porte  les  antennes  situées  cha- 
cune près  du  bord  interne  de  l'œil,  formées  d'un  grand  nombre  d'ar- 
ticles souvent  peu  distincts,  ordinairement  plus  courtes  que  le  corps, 
rarement  beaucoup  plus  longues  (mâles  des  Adèles).  Quand  elles  sont 
filiformes  et  terminées  en  massue  (Hhopalocères  et  Castnies),  celle-ci 
varie  beaucoup,  parfois  à  peine  sensible,  ou  bien  s'accroissant  insensi- 
blement en  largeur  à  partir  du  tiers  derautennc,  parfois  brusquement 

G1R.UU.  111.  —   5 


66  LÉPIDOPTÈRES. 

formée,  taulùt  conique  ou  tronquée,  taulôt  comprimée  ou  déprimée, 
parfois  terminée  par  une  petite  pointe  en  crochet  ou  excavée  en  cuil- 
lère. Les  antennes  du  plus  grand  nombre  de  genres  des  Hétérocères 
sont  filiformes  et  atténuées  à  Texlrémité  ;  chez  d'autres  {Attacus,  Buinbijx, 
Dicranura,  etc.),  elles  sont  pectinées,  c'est-à-dire  garnies  de  chaque 
côté,  au  moins  chez  les  mâles,  de  dents  qu'on  a  comparées  à  celles  d'un 
peigne,  ou  plumeuses,  si  ces  dents  très-longues  ressemblent  au\  barbes 
d'une  plume  :  ainsi  chez  certains  Atlacus,  dans  les  Fidonia  (Phalé- 
niens),  etc.  Souvent  les  prolongements  en  dents  de  scie  ou  de  peigne, 
ou  en  barbules,  n'existent  que  chez  les  mâles,  les  femelles  des  mêmes 
espèces  ayant  les  antennes  filiformes.  Elles  sont  prismatiques  dans  beau- 
coup de  Sphingiens,  linéaires  chez  les  Sésiens,  arquées  en  dehors  chez 
les  .■Egocères,  recourbées  comme  des  cornes  de  bélier  chez  les  Zygé- 
niens  ou  .Sphinx  béliers,  etc.  Les  organes  de  la  vision  peuvent  être  de 
deux  sortes.  H  y  a  toujours  les  yeux  composés,  à  très-nombreuses 
facettes,  généralement  grands  et  bordés  de  poils  qui  remplissent  proba- 
blement les  fonctions  de  paupières;  leur  couleur  sur  le  vivant  est  très- 
variable,  tantôt  verte,  tantôt  rougeàtre  chez  plusieurs  Satyres,  brune 
chez  les  Sphinx  et  beaucoup  d'Hétérocères,  parfois  comme  lumineux 
dans  l'obscurité,  ainsi  que  nous  l'expliquerons.  En  outre,  il  y  a  des 
espèces  qui  offrent  sur  le  vertex  des  stemraates  ou  yeux  lisses,  inconnus 
à  la  plupart  des  observateurs  et  oubliés  dans  les  descriptions,  car  ils 
sont  ordinairement  cachés  par  des  poils  écailleux.  Nous  engageons 
beaucoup  les  amateurs  à  étudier  ces  stemmates,  sur  lesquels  on  ne 
sait  encore  que  très-peu  de  chose.  Les  Rhopalocères  sont  privés  de 
stemmates;  cependant,  par  une  remarquable  exception,  M.  S.  Scudder 
a  trouvé  deux  stemmates  chez  un  Hespérien  du  genre  l'amphila.  Les 
Noctuelles  ont  deux  stemmates  constants. 

La  bouche  des  Lépidoptères  présente  les  pièces  des  broyeurs  profon- 
dément modifiées  et  de  manière  à  servir  à  la  succion  des  liquides, 
nectar,  miellats  et  diverses  exsudations  végétales  ou  animales.  On  voit 
même  des  Lépidoptères,  dans  les  étés  secs  et  chauds,  venant  sucer 
l'eau  qui  suinte  sur  la  terre  humide,  près  des  sources,  notamment  les 
Lycènes,  les  Polyommates,  les  Vancsses;  beaucoup  de  papillons  diurnes 
ou  nocturnes  sont  attirés  par  le  miel,  le  sirop  de  sucre,  les  fruits  coupés 
ou  séchés;  de  là  l'origine  des  cbasses  dites  à  la  miellée,  en  recouvrant 
de  miel  les  troncs  d'arbres,  les  piquets,  ou  en  enfilant  à  une  ficelle  des 
pommes  ou  des  poires  tapées,  arrosées  d'un  peu  d'éther  nitreux.  Si  l'on 
dégage  avec  soin  les  écailles  qui  couvrent  la  partie  antérieure  de  la 
tête,  on  trouve  au-dessous  du  front  une  petite  lame  transversale,  rudi- 
ment du  labre,  et,  de  chaque  côté  et  au-dessous,  deux  mandibules 
vesfigiaires,  en  forme  d'écaillé  un  peu  crochue  ;  ces  trois  pièces  sont 
sans  usage.  La  pièce  buccale  principale  est  la  spiritrompe,  parfois  nue, 
parfois  couverte  d'écaillés  épidermiques,  souvent  hérissée  de  papilles 
à  sa  partie  terminale.  C'est  un  tube  formé  de  deux  pièces  semi-cylin- 


LÉPIDOPTÈRES.  67 

driques  cornées,  liuemcnt  slriées  cii  travers,  creusées  longitudiiiale- 
ment  eu  gouttière  sur  la  face  iuternc  et  réunies  par  leurs  bords,  de 
manière  à  laisser  entre  elles  un  canal  interne  par  où  montera  le  liquide. 
Au  repos,  la  spiritrompe  demeure  enroulée  en  spirale  entre  les  palpes 
labiauXj  car  elle  est  en  général  flexible  et  ne  s'étend  en  ligne  à  peu 
près  droite  que  lorsque  l'insecte  l'introduit  dans  les  fleurs.  Il  y  a  une 
exception  remarquable  pour  le  genre  Ophidei-es,  d'Australie  et  de 
l'Afrique  australe.  Leur  spiritrompe  reste  dressée  et  dure,  avec  des 
crénelures  latérales  :  c'est  pour  ces  Papillons  hétérocères  un  organe 
perforant  destiné  à  trouer  la  pulpe  des  bananes  et  des  oranges,  et  ces 
Papillons,  les  seuls  nuisibles  à  l'état  adulte,  causent  de  grands  dégâts 
dans  les  cultures  de  ces  fruits  (1).  La  spiritrompe,  toujours  bien  déve- 
loppée chez  les  Rhopalocères,  devient  extrêmement  longue  chez  cer- 
tains Sphingiens  [Sphinx,  Macroglossa,  etc.),  pouvant  atteindre  deux 
à  trois  fois  la  longueur  du  corps.  Sa  longueur  varie  beaucoup  chez  les 
Noctuéliens  ;  elle  est  très-courte  dans  beaucoup  de  Phaléniens,  et  tout 
à  fait  rudimcntaire  chez  les  Bombyciens  et  les  Attaciens,  dont  les 
adultes  ne  prennent  pas  de  nourriture.  On  peut  donner  le  papillon  du 
Ver  à  soie  {Sericaria  Mori,  Linn.)  comme  type  de  cette  conformation. 
La  spiritrompe  est  formée  par  les  deux  mâchoires  très-allongées  et 
accolées,  et,  comme  preuve  de  cette  métamorphose,  on  trouve  à  sa  base, 
de  chaque  côté,  un  tubercule,  comme  une  sorte  de  corne,  dont  les 
parties  ne  sont  bien  visibles  qu'à  une  forte  loupe.  C'est  le  rudiment 
d'un  palpe  maxillaire  couvert  de  poils  très-serrés,  formé  de  deux  ou  trois 
articles.  Il  est  assez  facile  à  apercevoir  chez  quelques  Nocturnes,  ainsi 
les  Teignes  du  blé  et  de  la  cire  {Galleria  cerellà);  il  est  en  général  très- 
petit  et  si  réduit  chez  les  Sphinx,  qu'on  l'aperçoit  à  peine,  tellement  que 
son  existence  dans  ce  groupe  avait  été  révoquée  en  doute. 

Sous  la  spiritrompe  et  médianement,  est  une  lèvre  courte  et  triangu- 
laire, entourée  de  grands  palpes  labiaux  bien  développés,  redressés, 
à  articles  assez  larges,  très-variables  de  forme  et  de  dimension,  au 
nombre  de  trois,  le  premier  très-court,  le  second  grand,  le  troisième 
très-petit  ou  presque  nul  dans  beaucoup  de  Rhopalocères,  parfois  très- 
long  chez  les  Hétérocères,  et  formant  une  pointe.  Ces  articles  des 
palpes  sont  peu  apparents  au  dehors,  car  ils  sont  ou  couverts  d'écaillés, 
ou  hérissés  de  poils,  tantôt  raides,  tantôt  soyeux.  Ces  palpes,  qui  en- 
ferment la  spiritrompe  roulée,  sont  parfois  assez  écartés,  mais  le  plus 
souvent  contigus  ou  connivents,  généralement  ascendants  et  accolés  au 
front,  quelquefois  cependant  parallèles  et  continuant  l'axe  du  corps: 
ainsi  dans  le  genre  Libythea.  Quelques  auteurs  les  ont  appelés  bar- 
billoii!>. 

Le  thorax,  ou  l'ensemble  des  trois  segments  bien  unis  entre  eux,  se 

(1)  Aimé  Dufort,  in  Lépidoptà-e  àf  rompe  perforante,  ravageuj' des  oranges  en 
Australie  {Bulletin  de  la  tioc.  d'acclimatation,  numéro  de  juillet  1876). 


68  LÉPIDOPTÈRES. 

nomme  souvent  le  corselet,  mot  qui  a  ici  une  autre  acception  que  chez 
les  Coléoptt>res,  où  le  corselet  n'est  que  le  prothorax.  Chez  les  Lépi- 
doptères, le  prothorax,  très-court,  constitue  le  collier  du  corselet;  le 
mésothorax  et  le  métathorax,  bien  soudés,  semblent  ne  former  qu'une 
pièce  unique,  terminée  postérieurement  par  un  petit  écusson  triangu- 
laire, ofl'raut  en  dessus  deux  ptérygodes  ou  épaulettes,  plus  ou  moins 
développés,  et  qui  sont  les  mêmes  pièces  que  les  écailles  des  Hyméno- 
ptères. 

Les  ailes  des  Lépidoptères  sont  au  nombre  de  quatre,  les  antérieures 
toujours  plus  grandes  et  plus  développées  que  les  postérieures,  qui  n'ont 
qu'un  rôle  accessoire  dans  le  vol,  ainsi  que  chez  les  Hyménoptères. 
Dans  beaucoup  de  Papillons,  on  peut  couper  piès  de  la  base  les  ailes 
inférieures  sans  que  le  vol  soit  aboli;  le  frein  qui  relie  dans  un  certain 
nombre  d'Hétérocères  l'aile  inférieure  à  la  supérieure  est  analogue  aux 
hameçons  {hamuli)  des  Hyménoptères,  crochets  situés  sur  le  bord  anté- 
rieur de  l'aile  de  la  seconde  paire,  et  venant  s'attacher  à  une  nervure 
du  bord  postérieur  de  l'aile  de  la  première  paire.  Comme  cescrochets» 
le  frein  contribue  à  maintenir  les  ailes  inférieures  dans  la  dépendance 
des  supérieures,  lors  du  mouvement  commun  de  ces  rames  aériennes 
qui  n'en  forment  réellement  que  deux  de  chaque  côté.  En  réalité, 
l'usage  du  frein  semble  assez  accessoire,  puisqu'il  manque  chez  beau- 
coup de  Papillons,  et  qu'on  peut  le  couper  sans  que  les  ailes  inférieures 
se  relèvent  indépendamment  des  supérieures  et  sans  que  le  vol  cesse 
de  se  produire  (1).  Ce  sont  les  muscles  du  thorax,  comme  nous  l'expli- 
querons, qui  amènent  les  mouvements  simultanés  des  ailes  des  deux 
paires,  avec  ou  sans  frein. 

La  nervulation  et  les  cellules  des  ailes  des  Lépidoptères  sont  en 
grande  partie  dissimulées  par  les  écailles  qui  les  recouvrent,  et  il  faut 
enlever  celles-ci  pour  les  rendre  visibles.  On  y  parvient,  soit  en  appli- 
quant les  ailes  sur  un  papier  gommé  qui  retient  les  écailles,  comme  on 
le  fait  pour  décalquer  ces  ailes,  soit,  plus  simplement,  en  brossant  l'aile 
avec  un  pinceau  plus  ou  moins  dur,  suivant  la  résistance  des  écailles. 
U  arrive  ici  malheureusement,  comme  pour  les  autres  ordres,  que  les 
auteurs  n'ont  pu  se  mettre  d'accord  pour  une  nomenclature  uniforme: 
ainsi  Al.  Lefebvre  (2),  Rambur,  le  docteur  Boisduval,  M.  A.  Guénce,  oc 
s'accordent  pas  pour  des  désignations  identiques.  Le  système  le  plus, 
simple  paraît  être  celui  de  Rambur,  modifié  par  M.  P.  Mabille.  L'aile 
supérieure  est  traversée  par  quatre  nervures  :  la  première  suit  la  côte; 

(1)  Maurice  Girard,  Noie  sur  /es  diverses  expériences  relatives  «  la  fonction 
duvol  chez  leslnsectes  [Ann,  Soc.  entom.  France,  séance  du 22 janvier  18G2). — 
Paul  Bert,  Comptes  rendus  da  séances  et  Mémoires  de  la  Soc.  de  biologir,  187G, 
p.  60. 

(2)  Sur  la  ptérologie  des  Lépidoptères  [Ann.  Soc.  entom.  France,  1'"  série, 
1842,  t.  XI,  p.  1  à  36,  pi.  1,11,  m). 


LÉPIDOPTÈRLS.  69 

c'est  la  nervure  simple  antérieure.  Elle  peut  être  soudée  à  la  suivante, 
déviée,  très-rarement  absorbée  par  le  bourrelet  costal. 

La  seconde  nervure  est  la  nervure  composée  antérieure;  elle  part 
presque  du  mfime  point  que  la  précédente,  et,  sur  l'extrémité  de  la 
cellule,  aux  deux  tiers  de  laile,  elle  se  divise  en  rameaux  de  nombre 
variable.  Ordinairement  il  y  en  a  six,  trois  aboutissant  à  la  côte,  les 
rameaux  costaux,  ou  apicaux,  ou  supériews,  et  trois  aboutissant  au  bord 
externe,  qui  sont  les  rameaux  inférieurs.  Le  nombre  de  ces  rameaux 
peut  varier  selon  les  familles.  La  troisième  nervure,  ou  composée  posté- 
rieure, traverse  à  peu  près  le  milieu  de  l'aile  et  produit  trois  ou  quatre 
rameaux;  c'est  le  quatrième  de  ces  rameaux  que  M.  Guénée  appelle 
nervure  indépendante.  La  quatrième  nervure  est  la  simple  postérieure; 
sa  direction  est  variable  et  n'est  modifiée  que  rarement  dans  chaque 
famille.  M.  P.  Mabille  compte  tous  les  rameaux  par  en  bas,  considérant 
la  côte  comme  la  partie  antérieure,  le  haut  de  l'ciile  ;  l'espace  compris 
entre  les  deux  nervures  composées,  ordinairement  jusqu'à  la  naissance 
des  rameaux,  est  la  cellule  discoïdale.  Cette  cellule  est  fermée  le  plus 
souvent  par  une  petite  nervure  transversale,  à  laquelle  les  auteurs  ont 
attribué  beaucoup  d'importance  en  raison  des  caractères  qu'elle  fournit. 
Il  semble  à  M.  P.  Mabille  que  cette  nervure  n'ait  pas  d'existence  propre, 
et  il  est  porté  à  la  considérer  comme  un  prolongement  de  la  com- 
posée antérieure  et  de  la  composée  postérieure  :  ce  sont  en  effet  deux 
parties  le  plus  souvent  distinctes  et  qui  se  soudent  par  approche;  mais 
ordinairement  la  partie  inférieure  est  la  plus  faible.  Lorsque  les  deux 
parties  de  cette  nervure,  qui  est  connue  sous  le  nom  de  disro-ceUulaire 
(Guénée)  ou  de  nervule  (Rambur),  s'affaiblissent  ou  disparaissent,  la  cel- 
lule est  ouverte.  Quand  elles  sont  soudées  l'une  à  l'autre  et  sont  visibles, 
au  moins  à  la  loupe,  la  cellule  est  fermée. 

Les  plis  de  l'aile  ont  une  importance  relative,  mais  souvent  considé- 
rable. Celui  qui  traverse  la  cellule  discoïdale  a  été  pris  par  Al.  Lefebvre 
comme  point  de  repère  pour  compter  les  nervures  et  leurs  rameaux, 
d'après  le  système  qu'il  avait  établi.  Ils  n'ont  heureusement  reçu  aucun 
nom,  et  il  est  toujours  facile  de  les  désigner  parle  nom  du  rameau  voisin. 

Les  nervures  de  l'aile  inférieure  se  comptent  de  la  même  manière; 
mais  elles  subissent  d'assez  graves  modifications.  La  composée  anté- 
rieure n'émet  que  trois  rameaux,  la  postérieure  peut  en  avoir  quatre. 
L'espace  abdominal,  c'est-à-dire  la  partie  de  l'aile  qui  suit  le  bord  abdo- 
minal, jusqu'à  l'angle  anal,  peut,  dans  certains  genres,  présenter  une  ou 
deux  nervures  simples  en  plus,  que  M.  P.  Mabille  nomme  nervures 
abdominales,  et  elles  se  comptent  à  partir  du  bord.  11  n'y  a  donc  que  les 
deux  nervures  composées  qui  se  ramifient.  Il  est  très-rare  de  voir  les 
deux  autres  former  une  cellule  par  dédoublement  avec  un  conmien- 
cementde  rameau  (Castnies,  quelques  Phaléniens,  etc.). 

Aux  ailes  supérieures  les  rameaux  de  la  composée  antérieure  peuvent 
être  réunis  par  des  ramifications  transversales,  et  il  se  forme  ainsj 


70  LÉPIDOPTÈRES. 

des  cellules  accessoires  complètement  fermées.  Ces  cellules,  appelées 
aréoles,  se  voient  aussi  à  la  base  de  quelques  aulres  nervures  ou  même 
sur  leur  trajet;  l'aréole  qui  est  placée  à  l'angle  supérieur  de  la  cellule 
discoïdale,  entre  le  deuxième  et  le  troisième  rameau  de  la  composée 
antérieure,  a  été  appelée  aréole  sus-cellulaire  ou  accessoire.  Elle  se  trouve 
chez  les  Chélonides,  les  luichélides,  les  Callimorplies,  beaucoup  de 
Noctuelles,  certains  Phaléniens.  Chez  les  Castnies,  il  y  a  dédoublemeni 
de  la  composée  postérieure,  qui  est  divisée  en  îrois  nervures,  et  il  y  a 
trois  aréoles;  la  nervure  simple  postérieure  est  bifide.  Chez  les  Zeu- 
zères,  il  y  a  quatre  aréoles  à  l'aile  supérieure  ;  chez  les  Atfacides  {Aitacus 
Cynthia,  etc.),  la  disco-cellulaire  a  disparu,  etc.  On  pourrait  multiplier 
beaucoup  ce  genre  d'exemples. 

Ces  ailes  supérieures  ont  une  configuration  qui  tend  à  se  rapprocher 
plus  ou  moins  de  la  forme  triangulaire;  les  inférieures  sont  générale- 
ment arrondies  ou  en  ovale  allongé,  quelquefois  un  peu  évidées  ou 
échancrées  sur  leur  côté  interne  ou  abdominal.  Dans  la  plupart  des 
Rhopalocéres,  ce  bord  n'est  pas  évidé.  mais  mince,  membraneux  et 
duveté,  formant  d'ordinaire,  avec  celui  du  côté  opposé,  un  canal  ou 
gouttière  qui  entoure  inférieurement  l'abdomen.  Le  bord  extérieur  de 
chaque  aile  est  bordé  par  une  frange,  souvent  d'une  autre  nuance  que 
le  fond  de  l'aile,  soit  d'une  seule  teinte,  soit  de  plusieurs  teintes,  lors- 
qu'elle est  entrecoupée  par  des  nervures.  Elle  est  formée  de  petits  poils 
très-serrés,  un  peu  écailleux,  et  disparaît  souvent  par  usure  si  l'insecte 
a  volé  longtemps,  surtout  pour  les  espèces  qui  se  plaisent  entre  les 
herbes  ou  les  broussailles.  L'intégrité  de  cette  frange,  qui  fournit  un 
caractère,  est  importante  pour  les  sujets  de  collection  qui  doivent  être, 
autant  que  possible,  du  premier  choix.  La  frange  est  généralement 
moins  développée  chez  les  Rhopalocères  que  chez  les  Hétérocères,  et, 
parmi  ces  derniers,  les  Microlépidoptères  ont  souvent  aux  ailes  infé- 
rieures une  frange  considérable  formée  de  très-longs  poils  fins,  attei- 
gnant parfois  la  moitié  de  la  largeur  de  l'aile. 

Les  ailes  subissent  une  grande  dégradation  dans  la  tribu  des  Ptéro- 
phoriens  ;  elles  se  fendent  en  lanières  comme  plumeuses  selon  leurs 
nervures,  et  ont  un  aspect  d'éventail  à  demi  déchiré  {Pternphurus, 
Orneodes). 

Les  écailles,  de  couleurs  si  variées,  qui  recouvrent  la  membrane  des 
Lépidoptères  et  constituent  l'important  caractère  dont  est  tiré  le  nom 
de  cet  ordre  d'insectes,  ont  été  l'objet  d'études  microscopiques  intéres- 
santes (1).  Elles  ont  des  formes  très-variées  et  s'attachent  à  la  mem- 
brane alaire  par  un  pédicule  en  tuyau  cylindroïde,  pareil  à  celui  des 
poils  du  corps  et  aussi  des  ailes  ;  l'écaillé  s'étale  au-dessus  du  pédicule, 
offrant  ordinairement  plusieurs  carènes  longitudinales  parallèles,  avec 

(1)  BernaTà-Deschamfs,  I{cchc)'cli3s  microscopiques  sur  l'nrganixatinn  âex  ai/e<t 
ties  Lépidoptères  [Aan.  des  se.  notur.,  1837,  février  et  mars.) 


LÉPIDOPTÈRES.  71 

de  fines  arêtes  transversales  très-rapprocliées  :  ces  lignes  saillantes  sont 
destinées  à  produire  une  certaine  adhérence  entre  les  écailles,  qui  sont 
toujours  plus  ou  moins  imbriquées.  Lorsque  deux  couleurs  très-dis- 
tinctes se  placent  à  côté  l'une  de  l'autre  sur  l'aile  d'un  papillon,  ainsi 
une  bande  ronge,  jaune  ou  bleue  traversant  un  espace  noir,  il  n'en 
résult(!  jamais  pour  l'ieil  un  contraste  violent  et  désagréable,  parce 
que  les  bords  des  deux  l^arties  oll'rent  un  enchevêtrement  d'écaillés 
qui  adoucit  et  estompe  les  contours.  Les  dessins  des  ailes  résultant  de 
ces  écailles  fournissent  d'importants  caractères  pour  la  distinction 
des  genres  :  certaines  couleurs  de  fond,  des  dispositions  analogues  des 
lignes  foncées,  des  taclies  qui  restent  constantes  dans  un  grand  nombre 
d'espèces,  permettent  de  reconnaître  par  l'inspection  d'une  seule  aile 
le  groupe,  plus  ou  moins  étendu,  auquel  appartient  le  papillon.  Cepen- 
dant, comme  la  nature  ne  procède  Jamais  par  lois  exclusives,  il  y  a  des 
genres  très-distincts  qu'on  serait  porté  à  confondre  au  premier  abord 
par  la  disposition  des  couleurs  et  des  ailes.  Il  y  a  même  des  Rhopa- 
locères  qui  ressemblent  tout  à  fait  à  des  llétérocères  sous  ce  rapport,  au 
point  d'avoir  causé  l'erreur  des  anciens  observateurs,  et  pour  la  dis- 
tinction desquels  il  faut  recourir  aux  antennes  et  à  quelques  caractères 
peu  apparents.  Les  ressemblances  peuvent  s'étendre  à  des  ordres  diffé- 
rents. Ainsi  le  vulgaire  confond  aisément  les  Sésies  par  leurs  ailes  avec 
certains  Hyménoptères:  ainsi  le  Trochilium  api  forme  avec  le  Trelon,  et 
le  Glaucopis  coarctata,  qui  offre  l'aspect  d'un  Ichneumonien. 

Les  pattes  des  Lépidoptères  sont  ordinairement  grêles  si  on  les  com- 
pare à  la  masse  du  corps  ;  en  effet  ces  insectes  marchent  peu  et  ne  se 
servent  de  leurs  pattes  que  pour  se  placer  sur  les  plantes,  soit  pour 
sucer  le  nectar  des  fleurs,  soit  pour  le  repos.  En  général,  les  trois  paires 
ont  un  développement  analogue  ;  cependant  un  certain  nombre  de  fa- 
milles de  Rhopalocères  ont  la  première  paire  de  pattes  frappée  d'atro- 
phie ;  parfois  elles  sont  seulement  beaucoup  plus  petites,  mais  conser- 
vent toutes  leurs  parties  ;  parfois  elles  ont  les  tarses  rudimentaires  et 
sans  crochets,  sont  très-velues,  impropres  à  la  marche,  appliquées 
comme  une  collerette  sur  le  bord  antérieur  de  la  poitrine  ;  d'où  leur 
nom  de  pattes  palatines.  Cet  avortement  des  pattes  de  devant  est  le 
plus  souvent  propre  aux  deux  sexes  (Vanessa,  Sati/rus,  Argyunis,  Meli- 
tœa,  Limenitis,  Charaxes,  etc.),  quelquefois  spécial  aux  mâles  {Libythea, 
Erycina,  etc.)  Des  auteurs  ont  appelé  tétrapodes  les  Rhopalocères  of- 
frant cette  réduction  des  pattes  de  la  première  paire,  et  hexapodes  les 
autres  Papillons.  Certains  Hétérocères  ont  les  pattes  très-velues  en  entier 
ou  garnies  de  faisceaux,  de  houppes  de  poils,  surtout  les  antérieures. 
Les  jambes  postérieures  des  llétérocères  ont  tantôt  deux,  tantôt  quatre 
éperons  plus  ou  moins  développes  ;  lorsqu'il  y  en  a  quatre,  deux  sont 
placés  vers  le  bout,  deux  vers  le  milieu  du  côté  interne.  Ces  éperons 
sont  très-longs  chez  certains  Tinéiniens  et  chez  les  Ptérophores.  Les 
crochets  qui  terminent  les  tarses  ont   des   conformations  très-variées 


72  LÉPIDOPTÈRES. 

chez  les  HhopalocèreSj  tantôt  simples  et  trùs-longs,  tantôt  fendus  jus- 
qu'à leur  origine,  et  alors  il  peut  exister  entre  eux  une  large  pelote  ou 
semelle  flexible.  On  ne  peut  pas  se  servir  de  la  forme  de  ces  crochets 
comme  caractères  génériques,  puisque,  dans  le  même  genre,  des  espè- 
ces très-voisines  peuvent  avoir,  les  unes  des  crochets  simples,  les  autres 
des  crochets  bifides. 

L'abdomen  est  cylindroïde  dans  la  plupart-des  Papillons,  parfois  en 
ovale  allongé,  parfois  conoïde  (Sphingiens).  11  esl  formé  de  sept  an^ 
neaux,  dont  les  arceaux  dorsaux,  beaucoup  plus  grands  que  les  ventraux, 
les  recouvrent  le  plus  souvent  par  leurs  bords,  de  sorte  qu'en  dessous 
l'abdomen  paraît  parfois  former  une  gouttière:  cette  disposition  permet 
une  dilatation  très-grande  de  cet  abdomen  chez  certaines  femelles  où 
il  est  rempli  d'une  masse  considérable  d'œufs  avant  la  ponte.  A  son 
extrémité,  entre  deux  valves  du  dernier  anneau,  se  trouve  une  scissure 
longitudinale,  beaucoup  plus  prononcée  chez  le  mâle  que  chez  la  fe- 
melle, et  dans  laquelle  s'ouvrent  les  orifices  reproducteurs  et  l'issue  du 
canal  digestif.  En  pressant  le  bout  de  cet  abdomen  on  fait  saillir  chez  le 
mâle  des  pièces  copulatrices,  le  plus  souvent  en  crochets  plus  ou  moins 
velu-,  parfois  (certains  Phqléniens,  etc.)  en  forme  de  couronne  érectile 
hérissée  de  poils  rayonnant  en  étoile,  de  manière  à  empêcher  la  sortie 
du  pénis  après  son  intromission.  En  général  les  femelles  n'ont' pas  d'ovi- 
scapte  saillant,  sauf  chez  les  Zeuzères,  dont  les  chenilles  doivent  vivre 
il  l'intérieur  des  bois,  chez  les  Dianthécies  pondant  dans  les  corolles  de 
Caryophyllées,  dont  les  chenilles  rongeront  ensuite  les  ovaires  ;  l'abdo- 
men de  ces  femelles  se  prolonge  en  uu  long  tuyau  pointu  et  rétractile, 
pouvant  s'introduire  dans  les  fentes  étroites.  Chez  certains  llétérocères 
Bombyciens,  l'abdomen  des  femelles  se  termine  par  d'épaisses  toutfes  de 
poils  fins  et  soyeux,  qui  doivent  être  déposés  sur  les  œufs  comme  cou- 
verture protectrice  pendant  l'hiver  ;  dans  les  deux  sexes  des  Macro- 
glosses  (Sphingiens)  il  se  termine  par  un  faisceau  de  poils  raides  et  di- 
vergents étalés  en  queue  d'oiseau.  Enfin  les  femelles  des  Rhopalocères 
du  genre  Parnassius  ont  sous  le  ventre,  à  l'extrémité  de  l'abdomen, 
une  poche  sphéroïde  et  cornée,  dont  l'usage  est  inconnu. 

En  général,  chez  les  Rhopalocères,  l'abdomen  est  de  couleur  foncée; 
parfoisilestdelateintedesailesavecunebande dorsale plussombre.  Dans 
certains  Sphingiens,  (Deilephila  Elpenor,  Li(justri,Celerio,e[c.) ,  et  chez 
les  Sésies,  il  est  annelé  de  noir,  alternant  avec  du  rose  varié  ou  du  jaune . 
il  est  orné  de  vires  couleurs  chez  les  Chélonies,  les  Glaucopis,  certains 
Bombyx  ;  offre  la  teinte  du  fond  des  ailes  chez  les  Procris,  lesZygènes, 
est  lavé  de  bleu,  comme  les  ailes,  chez  les  mâles  de  certains  Lycœna  et 
r/icc/a;  oll're  des  taches  jaunes  ou  rouges  à  sa  base  ou  à  son  extrémité 
dans  plusieurs  Papilio  ;  est  marqué  de  points  réguliers  de  diverses  cou- 
leurs chez  les  Thaïs  et  beaucoup  d'Acrœa,  etc. 

Les  couleurs  des  Lépidoptères  peuvent  présenter  des  variations  par 
albinisme  ou  manque  de  pigment,  soit  total,  soit  partiel  ;  d'autres  fois 


LùPiDOPrkRi.s.  73 

il  y  a  au  contraire  mélanisme  ou  pigment  plus  foncé  que  chez  le  type  : 
ainsi  pour  la  femelle  et  très-rarement  le  mâle  de  YArgtjimis  Paphia, 
variété  Q  valezina,  remplaçant  le  type  dans  le  Valais,  accidentelle  en 
France.  Certaines  aberrations  de  couleur  sont  propres  aux  races  de 
montagnes.  On  voit  assez  fréquemment  sur  nos  côtes  océaniques  le  rouge 
des  ailes  de  Calliinorpha  liera  changé  en  jaune,  et  cela  devient,  parait-il, 
constant  dans  le  Caucase  ;  de  même  il  y  a  des  variétés  jaunes  de  di- 
verses autres  Chélonides  à  ailesrouges,  comme  CalUmorpha dominula  ou 
de  Calocala  à  ailes  inférieures  habituellement  rouges  à  fascies  noires  ; 
de  certaines  Zygènes  où  les  taches  rouges  sont  devenues  jaunes,  ainsi 
une  variété  jaune  de  Zijgœna  achilleœ,  aberration  flava,  race  curieuse 
qui  se  prenait  autrefois  près  de  Paris  dans  le  parc  du  Raincy,  avant  qu'il 
eût  été  morcelé.  En  nous  bornant  aux  espèces  parisiennes,  les  collec- 
tions des  amateurs  présentent  aussi  des  aberrations  jaunes  dans  les 
Zygœna  Pcuceddni,  Jlippocropidis,  Filipendulœ.  M.  LFallou  a  été  témoin 
de  l'éclosion  d'une  Zygène  (Zijgœna  exidans)  dont  le  fond  des  ailes 
était  d'abord  jaune,  mais  qui,  au  bout  de  quelques  heures,  avait  pris 
la  coloration  rouge  typique. 

Les  aberrations  par  rouge  des  ailes  inférieures  changé  en  jaune  sont 
beaucoup  plus  rares  chez  les  CheloniaCaja,  Ilebo^  purpurea,  et  chez 
KacheliaJacobeœ.  Pierret  a  obtenu  d'éclosion  deux  mâles  de  Sphingiens, 
l'un  de  DeilephilaDahU,  l'autre  de  Deilephila  fiu/j/iorii'œ,  offrant  les  ailes 
supérieures  et  le  corps  d'un  jaune  verdàtre  et  les  inférieures  d'un  beau 
jaune  serin,  au  lieu  d'être  rouges  comme  dans  le  type  {Ann.  Soc.  entom. 
de  France,  2^  série,  18/|7,  t.  V;  Bull.,  p.  72). 

11  est  fort  curieux  de  voir  qu'on  peut  reproduire,  au  moins  momen- 
tanément, dans  certains  genres  de  Lépidoptères,  ces  changements  du 
rouge  des  ailes  en  jaune,  par  un  virement  analogue  à  celui  si  connu 
des  chimistes  pour  la  teinture  de  tournesol.  En  exposant  les  Chélonides 
et  les  Catocala  à  ailes  rouges  aux  vapeurs  des  acides  chlorhydrique  ou 
azotique,  les  parties  rouges  deviemient  immédiatement  jaunes,  et  le 
rouge  reparaît,  d'une  manière  également  subite,  par  l'exposition  au  gaz 
ammoniac. 

Les  amateurs  ont  souvent  cherché  à  provoquer  des  aberrations  de 
couleur  chez  les  Papillons  par  dos  nourritures  spéciales  données  aux 
chenilles.  Voici  quelques  faits  sur  ce  sujet  d'étude  si  intéressant  à  pour- 
suivre, puisqu'il  se  rattache  à  la  grande  question  de  la  variabilité  des 
espèces.  La  variété  de  Chelonia  Caja,  à  ailes  inférieures  brunes  au  lieu 
de  les  avoir  rouges,  provient,  dit-on,  de  chenilles  nourries  aux  feuilles 
de  Noyer.  Le  Chelonia  villica,  à.  ailes  inférieures  plus  au  moins  noires, 
provient  de  chenilles  élevées,  de  l'œuf  et  nourries  exclusivement  aux 
feuilles  de  Raifort  (Fettig).  Des  chenilles  de  Vanessa  la  (Paon  de  jour), 
élevées  dans  l'obscurité  complète  avec  du  Houblon,  ont  donné  de  nom- 
breuses aberrations. 

On  observe  aussi  pour  les  Lépidoptères  adultes  des  faits  de  mimé- 


Id  LÉPinOPTKRES. 

tisme,  c'est-à-dire  d'adaptation  des  formes  et  des  couleurs,  soit  avec  des 
organes  végétauN,  soit  avec  des  Lépidoptères  d'autres  groupes,  fait  que 
nous  avons  cité  précédemment.  C'est  habituellement  une  protection 
défensive  que  ces  ressemblances  :  ainsi  certaines  de  nos  Vanesses,  à 
riches  et  vives  couleurs  en  dessus,  simulent  des  feuilles  à  demi  dessé- 
chées lorsque  leurs  ailes  relevées,  perpendiculaires  au  corps  lors  du 
repos,  et  à  contours  découpés,  ne  laissent  voir  que  leur  face  inférieure 
marbrée  de  noirâtre,  de  brun  et  de  gris.  Les  Lasiocampes,  dites  Feuilles- 
mortes,  qui  éclosent  en  automne,  ressemblent  à  un  assemblage  de  feuilles 
sèches  par  leurs  couleurs  et  leurs  ailes  inférieures  débordant  à  demi 
au  repos  les  supérieures.  Beaucoup  de  Noctuelles  posées  sur  les  murs 
ou  les  troncs  d'arbres  se  confondent  par  l'aspect  avec  la  surface  d'appui, 
en  raison  de  la  couleur  de  leurs  larges  ailes  antérieures  en  toit,  cachant 
tout  à  fait  les  inférieures  souvent  vivement  colorées  ;  le  genre  Bnjophila 
dont  les  chenilles  vivent  de  Lichens  et  cachent  sous  leurs  thalles  leurs 
petites  coques  soyeuses,  ont  tout  à  fait  la  couleur  grisâtre  de  ces  Crypto- 
games. Parmi  les  Phaléniens,  les  Boarmia,  les  Oporabia,  les  Acidalia, 
les  Eupithecid,  aux  quatre  ailes  marbrées  et  grisâtres  étalées  sur  les 
rochers,  les  murs,  les  troncs  d'arbres,  échappent  très-aisément  à  l'œil 
do  l'homme  ou  de  l'oiseau  par  cet  aspect  même.  Parmi  les  curieux  in- 
sectes représentés  dans  le  Voyage  à  l'archipel  malais  {the  Malayan  Archi- 
pelago,  London  and  New-York,  1872)  par  M.  A.  R.  Wallace,  se  trouve 
figuré  p.  131)  un  Nymphalien  de  Sumatra  {Callima  paralecta),  qui,  posé 
au  repos  sur  une  branche  au  moyen  des  deux  paires  de  pattes  fonction- 
nelles et  les  ailes  relevées,  avec  un  fond  de  couleur  d'ocre  comme  une 
feuille  sèche,  ressemble  tout  à  fait  à  une  feuille,  le  pétiole  étant  simulé 
par  les  deux  pointes  accolées  des  ailes  inférieures,  la  nervure  médiane 
par  une  bande  longitudinale  foncée  du  dessous  des  ailes  des  deux  paires 
les  nervures  latérales  par  des  lignes  obliques  plus  grêles.  11  y  a  bien 
manifestement  une  ressemblance  protectrice,  une  mimicry,  comme 
l'appelle  M.  Darwin.  lien  est  de  môme  pour  CaWima /nacAts,  également 
des  régions  indo-sondaïques.  (Juand  ces  belles  Nymphales  volent,  elles 
se  voient  au  contraire  à  longue  distance  par  le  dessus  des  ailes  orné 
d'une  large  bande  d'un  jaune-orange  sur  un  fond  d'un  bleu  chatoyant 
magnitique.  Chez  ces  Papillons  et  chez  d'autres  espèces  des  pays  chauds, 
les  ailes  antérieures  sont  pointues,  et  cette  forme,  sous  les  tropiques, 
est  précisément  celle  des  feuilles  d'un  grand  nombre  d'arbres  et  d'ar- 
brisseaux, ce  qui  constitue  une  protection  pour  ces  Rhopalocères  au 
repos,  les  ailes  relevées.  De  très-élégants  Lépidoptères  de  l'Amérique 
du  Sud  ont  la  face  inférieure  des  ailes  brune  avec  des  rayures  et  des 
taches  plus  sombres,  vraie  imitation  d'écorce  fendillée,  et  ils  ne  se 
tiennent  que  sur  les  troncs  d'arbres. 

11  y  a  aussi  des  protections  par  imitation,  non  plus  des  formes  et  des 
couleurs  du  sol,  des  rochers,  des  troncs,  des  feuillages,  mais  par  ressem- 
blance profonde  avec  des  espèces  de  types  ditfércnts.  M.  Bâtes,  dans  son 


LÉPIDOPTKRES.  7,') 

voyage  aux  régions  de  l'Amazone,  a  constaté  que  des  espèces  communes 
de  Papillons  possèdent  un  moyen  de  défense  contre  les  oiseaux,  et  que 
d'autres,  bien  moins  communes,  ont,  comme  protection,  leur  mimicry 
avec  les  premières.  Les  bois  de  l'Amérique  du  Sud  fourmillent  d'iléli- 
conies  (type  des  Nymphaliens  à  pattes  antérieures  atrophiées)  à  grandes 
antennes,  à  corps  svelte,  à  ailes  longues  et  délicates,  souvent  demi- 
transparentes,  ayant  des  taches  et  des  bandes  rouges,  jaunes  ou  blanches, 
sur  un  fond  noir,  bleu  ou  brun.  Jamais  on  ne  trouve  do  fragments 
d'ailes  d'Iléliconies  dévorées  par  les  oiseaux,  et  cependant  leur  vol  est 
faible  et  lent;  mais  cela  a  pour  cause  une  liqueur  nauséabonde  très- 
odorante,  qui  sort  par  des  pores  du  corps  de  ces  Papillons  débiles,  dès 
qu'on  les  touche.  On  s'explique  alors  pourquoi  certaines  Piérides  amé- 
ricaines, d'un  type  tout  autre  que  les  .Nymphaliens,  à  six  pattes  complètes, 
ont  les  mêmes  formes  et  les  couleurs  variant  de  la  même  manière  que 
chez  les  Héliconies.  Les  Leptalis  sont  les  sosies  des  Heliconia,  et  se 
trouvent  protégés  par  cette  ressemblance,  étant  en  outre  bien  moins 
nombreux  en  individus.  De  même  les  Sésies,  bien  moins  abondantes 
que  les  Guêpes  et  divers  Hyménoptères  porte-aiguillon,  sont  protégées 
par  cette  analogie  avec  des  insectes  redoutables  :  le  faible  s'est  comme 
vêtu  de  la  peau  du  guerrier.  Peut-être  y  a-t-il  quelque  raison  encore 
inconnue  pour  qu'un  Phalénien  qu'on  voit  voler  en  plein  jour  dans  nos 
bois  secs,  le  Siona  exalbata,  entièrement  d'un  blanc  de  lait,  semble 
avoir  besoin  de  se  confondre  avec  les  petites  Piérides  blanches  à  peu 
près  de  même  taille. 

C-ertains  Lépidoptères  présentent  de  véritables  cas  de  polymorphisme  : 
on  dirait  des  espèces  qui  ne  sont  pas  encore  bien  fixées.  Ainsi  dans  nos 
Hibernies,  dont  les  chenilles  vivent  à  côté  les  unes  des  autres  sur  nos 
arbres  forestiers,  il  y  a  des  espèces  à  dessins  constants,  comme  Hibernia 
aurantiaria  et  progemmaria,  Anisopteryx  (rscularia  et  aceraria,  Cheiina- 
lobia  brumata,  tandis  que  Hibernia  leucophœaria  et  surtout  defoliaria 
varient  beaucoup,  certains  exemplaires  de  cette  dernière  surtout  pa- 
raissant appartenir  à  une  tout  autre  espèce.  Il  y  a  une  influence 
inconnue  qui  s'opère  après  la  transformation  sur  les  chenilles  des 
espèces  variables,  qui  cependant  ont  eu  la  même  nourriture  et  les 
mêmes  influences  atmosphériques  que  celles  qui  donnent  des  adultes 
toujours  les  mêmes.  Les  Argynnes  ont  une  grande  constance  de  dessin; 
les  Mélitées  ou  Papillons-damiers,  Rhopalocères  voisins  et  également 
forestiers,  sont  au  contraire  très-sujettes  à  variations  pigmenlaires, 
surtout  par  confluence  des  taches  noires.  Les  variations  sont  continuelles 
et  considérables  chez  YAttacus  Yama-mat  du  Japon,  au  point  qu'on  a 
rarement,  lors  des  éclosions  des  chrysalides,  deux  sujets  absolument 
semblables.  La  plupart  des  femelles  ont  le  fond  des  ailes  d'un  beau  jaune, 
citron,  tandis  que  les  mâles  sont  très-rarement  jaunes  ;  les  mâles  ont  le 
plus  souvent  le  fond  d'un  gris  un  peu  jaunâtre,  ce  qui  est  au  contraire 
peu  fréquent  chez  les  femelles.  Les  mâles  sont  quelquefois  rougeàtres 


76  LÉPIDOPTÈRES. 

et  li'ès-rarement  les  femelles;  enfin  on  obtient,  mais  rarement,  des 
màlos  dont  le  fond  des  ailes  est  de  coulenr  lie  de  vin.  Cliez  deux  autres 
espèces  Irès-voisines,  il  y  a  aussi  un  grand  nombre  de  variations  do 
couleur  du  fond  pour  YAtfacus  Mylitta  des  Indes,  et  très-peu,  au  cour 
traire,  pour  1'^.  F'ernyi  de  la  Chine.  Certaines  espèces  indiennes  du 
genre  Papilio  perdent  les  queues  des  ailes  dans  les  petites  îles  des 
Moluques  ;  à  l'île  de  Céram,  au  contraire,  toutes  les  espèces  communes 
au  continent  et  aux  îles  sont  plus  grandes.  On  trouve  au  Japon  des 
Yanesses  et  des  Argynnes  pareilles  aux  nôtres,  mais  de  taille  très- 
amplifiée.  Certaines  espèces  d'Iiurope  deviennent,  dans  l'Amérique  du 
Nord,  des  races,  avec  des  variationstrès-légères,  mais  constantes  :  ainsi 
pour  l'ijrameis  Atulanla  et  Vanessa  Morio.  Les  Lépidoptères  des  îles 
Shetland  s'écartent  un  peu  des  types  correspondants  de  la  Grande- 
Bretagne,  mais  avec  des  variations  bien  moins  accusées  que  celles  qui 
distinguent  entre  elles  les  variétés  anglaises  et  américaines.  De  même 
M.  Bellier  de  la  Chavignerie  a  vu  que  la  Corse  a  bien  moins  de  Papil- 
lons nouveaux  que  ne  le  croyait  Rambur,  mais  on  peut  dire  que  foules 
les  espèces  sont  modifiées  et  deviennent  des  races  locales.  Ainsi  Vaneska 
Jchnusu  peut  prendre  les  deux  points  noirs  de  V.  Urticœ  du  contitienl» 
et  ses  chenilles,  dans  les  régions  montagneuses  froides  de  la  Corse, 
deviennent  tout  à  fait  semblables  ti  celles  de  l'espèce  continentale,  dont 
elle  n'est  sans  doute  qu'une  race  insulaire.  Le  Papilio  Paminon,  très- 
répandu  dans  l'Inde  et  dans  l'archipel  de  la  Malaisie,  a  les  contours  et 
les  dessins  des  ailes  indéfiniment  variables;  mais  les  chenilles  sont 
pareilles.  Le  Papilio  Memnon,  de  Java,  de  Sumatra,  d'Amboine  et  du 
confinent  asiatique,  présente  le  mâle  variant  peu,  avec  les  ailes  posté- 
rieures arrondies  et  ornées  de  lignes  et  de  croissants  d'un  bleu  pâle  sur 
un  fond  noir.  La  femelle,  au  contraire,  se  montre  avec  des  parures 
très-diverses  :  tantôt  elle  ressemble  au  mâle  par  la  coupe  des  ailes  et  se 
distingue  simplement  par  des  taches  de  nuances  vives;  tantôt,  avec  une 
coloration  particulière,  elle  a  les  ailes  postérieures  qui  se  prolongent  en 
queue,  de  façon  à  imiter  des  Papilio  d'autres  espèces.  Si  l'observation 
n'avait  éclairé  la  question,  on  peut  dire  que  les  mères  donnent  nais- 
sance cà  des  filles  qu'on  ne  prendrait  jamais  pour  des  sœurs.  La  même 
mère  donne  des  fils  semblables  au  père  et  des  filles  pareilles  non-seule- 
ment à  elle-même,  mais  à  une  seconde  épouse  imaginaire  du  père 
(Wallace,  op.  cit.).  On  a  compté  jusqu'à  trente-deux  variétés  dans  les 
deux  sexes  de  Diadema  lassinassa,  Nymphalien  de  Chine,  de  l'Inde, 
d'Australie,  les  unes  avec  taches  bleues,  d'autres  qui  en  sont 
privées.  Chez  la  Phalène  des  Pins,  Fidonia  jjiniaria,  se  rencontre 
une  variété  blanche  mêlée  au  type  jaune,  qui  semble  en  France  ne 
pas  subir  d'influence  de  climat,  et  qui  paraît,  en  Anglelerre,  remplacer 
le  type  jaune  dans  le  nord.  Dans  une  Chélonide,  qui  se  montre  en  juin 
dans  les  bois  des  environs  de  Paris,  le  NemeophilaPlantaginis,  on  trouve 
dans  toutes  les  localités,  çà  et  là  avec  le  type  à  fond  jaune,  une  variété 


I.ÉPinOPTÈRKS.  77 

hospita  à  fond  blanc,  mais  toujours  mâle,  et  cependant  la  l'emelle  vit  en 
chenille  sur  les  nnèmes  plantes  et  dans  le  même  climat.  C'est  l'inverse 
de  ce  qui  a  lieu  pour  la  variété  mélanienne  femelle  calezina  de  IMr- 
(jlpinis  Paphia.  M.  H.  Mac  Lachlan  (1)  cite  un  grand  nombre  d'Hétéro-  ' 
cères  qui  deviennent  plus  foncés  en  couleur  quand  on  se  rapproche 
du  nord  de  l'Angleterre  ou  de  l'Kcosse;  c'est  au  climat  brumeux  de  la 
Grande-Bretagne  que  M.  Bellier  de  la  Chavignerie  attribue  la  fréquence 
des  aberrations  noires  A'Ainphidasys  betularia  et  des  Noctuelles  polijuilun 
et  Oxyacanthœ. 

Il  existe  aussi  des  phénomènes  de  polymorphisme  saisonnier,  c'esl-à- 
dire  dû  <à  l'influence  de  la  température  (voy.  A,.  Weismann,  Sur  le 
climorphisme  .saisonnier  des  Lépidoptères,  br.  en  allemand,  1875).  Une 
Vanesse  du  nord  de  la  France  a  longtemps  formé  deux  espèces,  sous 
les  noms  de  Cartes  géographiques  fauve  et  brune.  Au  printemps  paraît 
Araschnia  levana,  dont  les  chrysalides  ont  subi  l'action  du  froid  de 
l'hiver,  et  qui  est  fauve  et  plus  petite  quM.  prorsa,  qui  est  à  foiul  brun 
et  éclôt  en  juillet,  de  chrysalides  à  ourle  existence  en  été  ;  en  retar- 
dant les  chrysalides  par  une  cave  froide,  on  a  pu  obtenir,  en  été,  soit 
levana,  soit  une  variété  à  caractères  intermédiaires,  dite  porima,  qui 
éclôt  aussi  parfois  en  septembre  et  octobre  des  chrysalides  de  promu, 
dans  les  années  chaudes,  et  ne  se  reproduit  pas.  De  même  Anthocharis 
Belia,  à  taches  blanches  nacrées,  provient  de  chrysalides  hibernantes 
écloses  au  printem;  s,  tandis  que  .4.  Ausonia,  à.  taches  d'un  blanc  mat, 
est  une  seconde  éclosion  de  la  même  espèce  au  moyen  des  chrysalides 
d'été  à  courte  période.  De  même  les  Anthocharis  Belemia  et  Glauce  ne 
forment  qu'une  espèce,  cette  dernière  estivale  (D''  Boisduval  et  l'ierret). 
Dans  le  Papiliu  Machaon,  si  répandu  dans  l'ancien  monde,  la  génération 
de  printemps  a  toujours  le  fond  des  ailes  d'un  jaune  soufre  pâle;  la 
génération  de  la  fin  de  l'été,  au  contraire,  présente  parfois  des  sujets 
où  ce  fond  tire  sur  l'orangé.  Cela  est  probablement  dû  à  une  insolation 
de  la  chrysalide,  car  le  fond  des  ailes  prend  sou^ent  cette  teinte  chez 
les  individus  de  collection  exposés  longtemps  à  la  lumière.  D'après 
M.  Zeller,  leLycœna  Pohjsperchon,  forme  hivernale,  et  le  Lyccena  Amintas, 
forme  estivale,  ne  constituent  qu'une  seule  espèce. 

[.es  différences  sexuelles  des  Lépidoptères  sont  de  diverses  sortes. 
Souvent,  outre  les  organes  propres,  on  ne  dislingue  les  sexes  qu'à 
l'abdomen  long  et  cylindro'ïde  du  mâle,  tandis  qu'il  est  renflé,  ovoide 
ou  piriforme  chez  la  femelle,  surtout  lors  du  développement  des  œufs 
fécondés.  Ordinairement  la  femelle  est  un  peu  plus  grande  que  le 
mâle,  à  couleurs  moins  vives,  à  dessins  moins  prononcés.  Il  existe, 
dans  certains  groupes  d'Hétérocères,  des  femelles  à  ailes  imparfaites, 
impropres  au   vol,   en  moignons  plus  ou  moins  grands  {Trichosoma, 

(1)  Notes  générales  sur  les  variations  des  Lèpidoplères,  traduites  de  l'anglais, 
avec  annotations  par  Maurice  Girard  etJ.  Fallou  [Ann.  Soc.  entom.  France,  18G7). 


78  LÉPjnOPTÈRES. 

Orijija,  Xy.s.sid,  Hibrrnla,  Clieiiiiatubia,  Tinca),  ou  mOmc  ciitièremeiil 
absentes  (Hibernia  defuliaria,  Ariisopteryx  <escularia).  Chez  les  Psyché 
et  le?.  OEceticus,  les  femelles  sont  larviformes  et  absolument  aptères.  On 
ne  connaît  pas  de  niAles  de  Lépidoptères  à  ailes  rudimentaires,  comme 
cela  arrive  chez  certains  Perliens  (Névroptùres  pseudorthoptùres)  et 
Chalcidiens  (Hyménoptères);  parfois  les  ailes  des  mâles  sont  eau décs 
plus  ou  moins  longuement,  tandis  que  celles  de  leurs  femelles  sont 
arrondies  ou  à  prolongement  bien  moins  accuse.  Le  développement  des 
antennes  est  en  rapport  habituel  avec  la  sexualité  mâle,  comme  c'est 
le  cas  général  chez  les  Insectes  ;  souvent  les  antennes  sont  pectinées 
chez  les  milles  et  sipplement  dentées  ou  même  filiformes  chez  les 
femelles.  Il  peut  arriver  que  des  couleurs  fortement  tranchées  in- 
diquent iinmédiatement  le  sexe.  Ainsi,  le  mAlc  du  Satyrus  Phryne  est 
brun  et  la  femelle  d'un  blanc  de  lait  ;  le  mâle  de  Chelunia  mendica  noir 
et  la  femelle  blanche;  la  plupart  des  Lycœna  et  des  Thecla  ont  les 
mâles  à  ailes  d'un  bleu  plus  ou  moins  azuré,  tandis  que  les  femelles 
les  ont  brunes,  et  parfois  bleues  par  aberration  maris  colore;  les  des- 
sous des  ailes  à  taches  triangulaires  ou  ocellées  restent  les  mêmes  dans 
les  deux  sexes.  De  même  les  mâles  du  splendide  Morpho  Cypris,  de 
Santa-Fe  de  Bogota,  ont  les  ailes  du  bleu  éclatant  le  plus  riche  ;  le 
mâle  du  Morpho  Cijtheris  est  d'un  bleu  pâle  et  nacrée,  tandis  que  leurs 
femelles,  beaucoup  plus  rares,  sont  fauves;  les  Mars  changeants (Syni- 
phalidesj,  qui  volent  dans  les  bois  parisiens  au  début  de  l'été,  ont  de 
brillants  retlets  d'un  bleu  violacé,  par  suite  d'écaillés  de  deux  couleurs 
suivant  lo  sens  d'où  provient  la  lumière  diffusée,  et  les  femelles  sont 
d'un  brun  mat.  Les  prés  et  les  champs  semblent  oli'rir  comme 
signal  du  printemps  le  mâle  de  Y Anthocharis  Cardamines,  si  visible 
de  loin  par  la  tache  d'un  jaune  orangé  vif  des  sommets  des  ailes 
supérieures,  tandis  que  la  femelle  les  offre  blancs  comme  le  reste  de 
l'aile,  etc. 

Ce  sont  surtout  ces  différences  tranchées  dans  les  couleurs  des  deux 
sexes  qui  permettent  de  reconnaître  tout  de  suite  les  hermaphrodites 
bilatéraux  toujours  très-rares,  décrite  par  divers  auteurs  chez  les  Lépi- 
doptères, privés  parfois  du  vol  quand  il  y  a  une  forte  disproportion  de 
grandeur  entre  les  ailes  du  côté  mâle  et  du  côté  femelle,  comme  dans 
l'hermaphrodite  du  Liparis  dispar,  de  YAttacus  Carpini,  de  YAglia  Tau. 
On  reconnaît  encore  ces  hermaphrodites  bilatéraux  chez  les  Hétéro- 
cères  aux  dilférences  entre  l'antenne  droite  et  gauche  chez  certains 
genres;  ils  échappent  à  notre  attention  chez  d'autres  où  les  antennes, 
les  grandeurs  et  les  dessins  des  ailes  sont  les  mêmes  dans  les  deux 
sexes  {Zygœna,  beaucoup  de  Noctuelles).  L'anatomie  interne  révèle, 
chez  ces  hermaphrodites,  un  ovaire  d'un  côté,  un  testicule  de  l'autre, 
mais  plus  ou  moins  atrophiés  et  sans  usage.  On  a  cité  aussi  des  herma- 
phrodites beaucoup  plus  rares  encore  par  mélange  général  et  sur  les 
deux  côtés  des  caractères  des  deux  sexes.  J'ai  vu  un  Agita  Tau  de  ce 


LÈl'lDOPTËRIiS.  79 

type  dans  la  collection  de  M.  J.  Fallou.  On  a  indiqué  des  hermaphro- 
dites partiels  chez  Icè  Li paris  dispar,  Rhudoccra  Cleopalra,  etc. 

Les  Lépidoptères  présentent  des  hybrides  résultant  de  croisements 
entre  espèces  très-voisines,  tantôt  naturels,  comme  entre  certaines 
espèces  de  Zygènes,  de  Sphingiens  {Drilephila  vcspertilioides,  hybride 
desD.  Vespcrtilio  ci  H ippophaes,  D.Epilobii,  hybride  des  D.  Vcspcrtilio  et 
Euphorhiœ),  de  Bombyciens,  tantôt  artificiels  et  réalisés  dans  les  éduca- 
tions en  captivité  des  amateurs,  comme  les  hybrides  entre  les  Altacus 
Piri  ei  Spini,  Ica  A.  Yama-mat  et  Pernyi,  obtenus  par  MM.  Berce  et 
A.  bigot,  ces  hybrides  retournant,  au  bout  de  quelques  générations,  à 
l'-l.  Pernyi,  suivant  le  fait  général  des  hybrides  féconds,  oîi  une  des 
espèces  absorbe  peu  à  peu  l'autre,  comme  on  le  voit  pour  les  Lépo 
rides,  hybrides  du  Lièvre  et  du  liapin,  et  qui  reviennent  au  fiapin. 
Kntin  les  collections  présentent  un  hybride  des  Dicranura  vinida  et 
erminea,  résultant  d'un  accouplement  opéré  à  Bordeaux,  constaté  par 
dix  sujets,  neuf  mâles  et  une  femelle  à  œufs  stériles.  M.  Westwood  a 
obtenu  un  hybride  entre  Smerinthus  ocellatus  et  Populi,  ayant  un  mé- 
lange parfait  des  couleurs,  des  dessins  et  de  la  coupe  des  ailes  de  ces 
deux  Sphingiens.  On  a  signalé  des  accouplements  sans  résultat  entre 
les  genres  Vanessa,  Argynnis  et  Satyrus.  On  a  trouvé  aussi  dans  des  Mi- 
crolépidoptères ^accouplement  réalisé  entre  deux  espèces  différentes  du 
même  genre,  \c%Peroneachristana  et  nychthomerana  (Tortriciens,  Platyo- 
mides).  En  1877,  dans  ses  éducations  à  Pontoisc,  M.  Bigot  a  réussi  à 
faire  accoupler  pendant  toute  une  luiit  Attacus  Polyphemiis,  femelle, 
espèce  de  l'Amérique  du  Nord,  avec  A.  Pernyi,  mâle,  espèce  de  l'inté- 
rieur de  la  Chine  ;  mais  les  œufs  pondus  par  la  femelle  se  sont  déprimés 
et  étaient  stériles. 

Les  Lépidoptères  sont  un  des  ordres  d'insectes  qui  présentent  le  plus 
de  faits  de  parthénogenèse,  ou  lucina  sine  concubitu.  Un  certain  nombre 
d'espèces  ont  la  parthénogenèse  exceptionnelle,  celle  dans  laquelle  on 
a  empêché  le  coït,  et  elle  est  mêlée,  c'est-à-dire  donne  des  mâles  et  des 
femelles.  Les  femellesde  beaucoup  d'Hélérocères,  non  accouplées  et  cap- 
tives, pondent  des  œufs  généralement  inféconds,  parfois  accidentel- 
lement fertiles,  et  ce  fait  a  été  vu  dès  la  fin  du  xvii"^  siècle  (Malpighi, 
Sur  le  Ver  à  soie)  et  le  commencement  du  xviii".  On  l'a  constaté 
sur  des  Sphingiens  et  sur  une  quinzaine  d'espèces  de  Bombyciens 
{Sericaria  Mori,  Liparis  dispar ,  Gaslropacha  Pini,  etc.).  Réaumur  refu- 
sait de  croire  au  fait  avancé  par  Constant  Castelel,  que  des  femelles  de 
Ver  à  soie  donnent  des  œufs  fertiles  sans  mâles.  Cette  parthénogenèse 
du  Ver  à  soie  a  été  bien  étudiée  par  M.  A.  Barthélémy  {Ann.  se.  nalur., 
1859).  La  femelle  vierge  peut  produire  des  mâles  et  des  femelles;  ses 
œufs  fertiles  noircissent  plus  lentement  que  ceux  de  la  femelle  fécon- 
dée; il  n'y  en  "a  jamais  qu'un  petit  nombre  dans  sa  ponte.  En  général, 
ils  vivent  peu  et  ne  passent  l'hiver  qu'à  de  rares  exceptions,  la  chenille 
mourant  dans  l'œuf;  et  ces  observations  ont  été  confirmées  par  1\L  Bal- 


80  LÉPIDOPTÈr.LS.  , 

biani.  On  a  aussi  annoncé  plusieurs  fois  la  production  d'œufs  fertiles 
parla  femelle  vierge  du  Ver  à  soie  de  l'Allante,  .4/(rte«s  Cynthia,  Drurj, 
vera,  G.  Mén.  Un  fait  fort  curieux  a  été  constaté  par  M.  Goossens  sur 
une  femelle  de  Lasiocampa  Fini  ,  obtenue  d'éclosion  cliez  lui.  C'est 
une  espèce  méridionale  et  dont  il  n'y  avait  pas  en  ce  moment  de 
mrde  vivant  à  Paris.  Cette  femelle,  piquée  sur  l'éfaloir,  pondit  un 
grand  nombre  d'œufs  stériles.  M.  Goossens,  voulant  empêcher  l'aplatis- 
sement de  l'abdomen,  en  lia  l'extrémité  avec  un  (il  de  soie,  afin  d'ar- 
rêter la  fin  de  la  ponte.  Les  derniers  œuf^^,  recueillis  quelques  jours 
après,  furent  féconds  et  donnèrent  des  chenilles.  11  semble  donc  que 
leur  fécondité  était  liée  à  une  incubation  plus  prolongée  dans  l'ovi- 
ducte.  On  rencontre  encore  chez  les  Lépidoptères  la  parthénogenèse 
normale,  c'est-à-dire  ayant  toujours  lieu  dans  la  nature  sur  leséclosions 
libres.  C'est  le  cas  de  certaines  Psychides  (1),  comme  PsychpUelir,  nidi- 
della,  etc.,  dont  les  générations  successives  sans  accouplement  donnent 
exclusivement  des  femelles  (f/ié/y/oc/e  de  Siebold).  11  en  est  de  même  pour 
diverses  Tinéides,  ainsi  les  Sollenobia  iichenella  et  triquetrella.  Cepen- 
dant il  y  a,  à  certaines  époques  et  probablement  pour  certaines  fe- 
melles spéciales  de  Psychides,  une  ponte  de  chenilles  produisant  des 
mâles,  qui  servent  sans  doute  à  renouveler  pour  plusieurs  générations  la 
fécondité  parthénogénique,  d'où  résultera  une  série  de  femelles.  Ce  sont 
surtout  les  Hyménoptères  qui  produisent  la  parthénogenèse  du  troi- 
sième genre,  donnant  naissance  à  des  mâles  seuls  (arrhénotocie  de  Leuc- 
kart )  :  ainsi  accidentellement  pour  le  genre  Apis,  normalement  pour 
les  genres  Bombus,  Vespa,  l'ulistes,  et,  d'après  Leuckart,  pour  un  Ten- 
thrédinien,  le  Nematus  t^entricosus.  M.  Balbiàni  explique  comme  il  suit 
la  parthénogenèse  des  insectes  :  C'est  un  genre  particulier  d'herma- 
phrodisme, un  appareil  femelle  spécial  donnant  à  la  fois  des  œufs  et 
des  spermatozoïdes  qui  les  fécondent.  L'état  parthénogénique  serait  la 
forme  parfaite  d'une  espèce  et  elle  est  monoïque,  un  seul  individu  suf- 
fisant pour  procréer  ses  semblables  ;  les  cellules  polaires  des  œufs  en 
sont  les  éléments  mâles,  fécondateurs  du  germe.  Les  sujets  diofques 
sont  une  dégénérescence,  un  affaiblissement.  C'est  d'abord  le  mâle  qui 
apparaît  avec  ses  spermatozoïdes  conservant  une  trace  transitoire  de 
l'ovule  ou  cellule-fille  sécrétée  par  la  cellule-mère,  puis  la  femelle. 
C'est  Là  un  fait  général  chez  les  Insectes,  qui  sont  presque  tous  dioïques, 
et  où  les  mâles  éclosent  les  premiers,  afin  d'assurer  d'une  manière 
efficace  la  fécondation  des  femelles. 

Des  cas  térat  ologiques  assez  variés  ont  été  constatés  chez  les  Lépido- 
ptères. Nous  citerons  d'abord  des  ectroihrlies  ou  privations  de  membres  : 
ainsi  Rumia  cratœgaria  (Phalénien)  manquant  entièrement  des  deux 
ailes  gauches,  sans  rudiment  ;  Thaïs  Cassandra,  sans  aile  droite  infé- 

(1)  Th.  ûc  ^iehohl,  Parthénogenèse  chez  les  Insectes  {Ann.  se.  natur.,  ZcoL., 
4*^  série,  1856,  t.  VI,  p.  193). 


LÈPlDOPrÈUES.  81 

rieure  et  sans  trace  d'avortement,  sujet  mîlle  parfaitement  développé 
du  reste  et  trés-coloré  ;  Attacus  Cavpini  mille,  privé,  sans  rudiment,  de 
l'aile  inférieure   gauche,  l'aile  supérieure  gauche  étant  un  peu  plus 
petite  que  la  droite  et  un  peu  moins  colorée  ;  Dianthœcia  carpophaga 
n'ayant  que  trois   ailes,   l'une  des   inférieures   avortée.   Un   sujet   de 
Zijgœna  occitanica  élevé  de  chenille  ofl'rait,  au  côté  gauche,  deux  fois 
l'aile  supérieure,  sans  aile  inférieure  ;  au-dessous  de  l'aile  supérieure 
ordinaire  la  même  aile  se  trouvait  entièrement  reproduite,  même  avec 
son  ptérygode  ou  épaulette.   Des  difformités  alaires  assez  fréquentes 
sont  des  accidents  d'éclosion  de  la  chrysalide;  une  ou  plusieurs  ailes, 
qui  n'ont  pu  s'étaler  et  se  sécher  librement,  restent  en  moignons  chif- 
fonnés ou  sous  forme  d'ailes  planes,  mais  bien  plus  petites  que  dans  le 
type  et  avec  les  dessins  très-resserrés  et  réduits,  quoique  pareils  au 
type,  comme  cela  a  lieu  transitoirement  quand  les  ailes  commencent 
à  sortir  de  leurs  fourreaux  chez  la  chrysalide.  M.  H.  Lucas  cite  Colias 
edusa,  sujet  pris  en  Algérie,  ayant  l'aile  antérieure  gauche  beaucoup 
plus  petite,  avec  réduction  du  point  noir  de  la  cellule  discoïdale  et  de 
la  bordure  noire  ;  l'antenne  gauche  était  aussi  sensiblement  plus  petite. 
Mous  pouvons  indiquer  également  Proerw  Statices,  et  de  même  un  mâle 
de  Polyommatus  Eurydice,  avec  les  deux  ailes  d'un  même  côté  bien  plus 
petites  que  les  deux  autres  ;  Lijcœna  Arion  (collection  J.  Fallou)  ayant 
une  aile  inférieure  beaucoup  plus  petite.  Dans  ces  ailes  rapetissces,  les 
dessins  et  les  nervures  sont  parfaitement  conservés.  On  ne  peut  expli- 
quer ces   demi-réductions  par  défaut   de  nourriture  de  la  chenille, 
comme  on  explique  souvent  les  aberrations  naines  par  réduction  du 
corps  et  des  quatre  ailes  à  la  fois,  constatées  chez  des  Coliades,  des 
Piérides,  des  Satyres,  etc.  Ce  nanisme  est  habituel  sur  les  Vanesses  des 
Orties  {Vanessa  Urticœ  et  lo)  provenant  des  éducations  captives,  soit  que 
les  chenilles  refusent  de  manger,  soit  par  une   température  trop  éle- 
vée (1).  Le  développement  des  chrysalides  à  une  chaleur  anormale  est 
une  cause  de  nanisme,  comme  pour  les  embryons  des  œufs  d'oiseaux: 
les  Papillons  que  Réaumur  obtenait  par  éclosicm  hâtive  des  chrysa- 
lides, placées  dans  des  œufs  de  verre  couvés  par  des  poules,  étaient 
toujours  réduits  en  taille,  et  souvent  cà  ailes  avortées  et  chifl'onnées. 
C'est  ce  qui  arrive  pour  les  Papillons  que  des  amateurs  font  éclore  en 
hiver  dans  une  chambre  fortement  cliauffée,  au  lieu  d'attendre  l'éclo- 
sion  naturelle  au  printemps.  Au  reste,  les  amateurs   savent  que  les 
sujets  d'éclosions  captives  élevés  ex  ovo  sont  en  général  moins  grands 
et  moins  vivement  colorés  que  ceux  provenant  de  chrysalides  récoltées 
naturellement,  et  ayant  subi,  ainsi  que  la   chenille,  les  phases  des 
températures  du  dehors. 

11  y  a  aussi  des  monstruosités  par  insertions  anormales  des  antennes: 

(I)  Maurice  Girard,  No!e  sicr  des  édosions  avec  réduction  de  [aille  de  .Yaiic&sa 
Urticœ  {Ann.Soc.  entom.  France,  i^^o.  Bull.,  ^,  36). 

GlUAUD.  in    —   (J 


82  LÉPIDOPTÈRES. 

ainsi  un  sujet  d'Himera  pennaria  (Phalénien)  dont  une  des  antennes 
était  insérée  normalement  au-dessus  de  l'œil  gauche,  et  l'autre 
anormalement  placée  au-dessous  du  même  organe.  On  a  vu  par- 
fois, dans  les  Rhopalocères  comme  dans  les  Hétérocères,  des  Papillons 
aveugles  par  un  arrêt  de  développement  qui  consiste  en  ce  que  l'adulte 
a  conservé  la  tête  de  la  chenille  ;  au-dessous  se  trouve  la  peau  cépha- 
lique  de  la  chrysalide,  et  plus,  au-dessous,  les  antennes,  les  yeux,  les 
palpes  du  papillon  plus  ou  moins  atrophiés.  C'est  également  un  arrêt 
de  développement  qui  explique  certains  albinismes  des  Papillons  par 
décoloration  totale  ou  par  places  du  pigment  des  ailes  et  du  corps,  ou 
bien  par  absence  d'écaillés  sur  des  portions  d'ailes  qui  demeurent 
transparentes.  Ainsi  un  sujet  femelle  de  Tephrosia  crepuscularia  (Pha- 
léniens)  trouvé  à  Bondy  offrant  l'aile  gauche,  quoique  parfaitement 
développée  et  de  plus  grande  fraîcheur,  dépourvue  de  toute  coloration, 
ce  qui  donnait  au  Papillon  un  aspect  singuher.  J'ai  pris  près  d'Angou- 
lême,  en  juillet  1875,  un  Satyrus  Janira  offrant  régulièrement,  vers  le 
milieu  de  chacune  des  quatre  ailes,  une  large  tache  blanchâtre,  par 
absence  de  pigment. 

M.  A.  Barthélémy  a  cherché  à  provoquer  des  monstruosités  artifi- 
cielles en  soumettant  les  chrysalides  à  des  incubations  gênées,  analo- 
gues à  celles  expérimentées  par  E.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  puis,  beau- 
coup plus  complètement,  par  M.  Camille  Uareste  sur  des  œufs  de  poule 
en  altérant  l'incubation  par  des  positions  anormales,  des  enduits  par- 
tiels de  la  coque,  empêchant  ou  modifiant  la  respiration  par  places,  etc. 
Les  expériences  ont  été  faites  sur  des  chrysalides  de  Ver  à  soie  {Seri- 
caria  Mori,  Linn.)  (1).  En  recouvrant  de  cire  la  partie  inférieure  de  la 
chrysalide,  les  organes  génitaux  externes  se  développent  cependant, 
mais  plus  faibles  et  moins  durs.  Si  l'on  enduit  de  cire  les  régions  cépha- 
lique  et  thoracique  de  la  chrysalide,  les  altérations  sont  beaucoup  plus 
grandes.  Les  ailes  et  les  jambes  ne  sont  plus  qu'en  très-minces  rudi- 
très-petite,  les  yeux  ne  forment  qu'un  point  noir.  Au  contraire  l'abdo- 
men et  les  organes  génitaux  sont  bien  constitués  ;  la  chrysalide  n'ar- 
rive pas  à  l'éclosion  naturelle,  comme  l'œuf  d'oiseau,  dans  la  plupart 
des  expériences  de  M.  G.  Dareste.  En  comprimant  la  région  céphalique 
de  la  chrysalide,  on  obtient  des  Papillons  thlipsencéphales,  à  yeux  très- 
petits,  à  bouche  prognathe,  à  antennes  avortées  et  projetées  en  avant, 
à  thorax  bossu.  Le  cerveau  ne  s'est  pas  développé  latéralement  et  reste 
comme  chez  la  chenille,  ou  bien  les  deux  lobes  sont  inégaux.  Au  con- 
traire la  chaîne  nerveuse  abdominale  est  bien  développée,  ce  qui  mon- 
tre son  indépendance  du  cerveau.  Les  organes  génitaux,  la  poche  copu- 
latrice  et  la  glande  à  vernis  des  œufs  sont  devenus  énormes,  et  les  su- 
jets montrent  une  grande  ardeur  à  copuler.  Si  au  contraire  ou  comprime 

(1)  A.  Barthclemy,  Sur  les    monstruosités   naturelles  et  provoquées  chez  les 
Lépidoptères  {Ann.  se.  nat.,  Zooh.,  5*  série,  1864,  t.  I,  p.  225). 


LÊPIDOI'TÈRES.  83 

lavant-dernier  anneau  abdominal  où  se  forment  les  organes  génitaux, 
tantôt  la  nature  supprime  un  anneau  pour  leur  faire  place,  tantôt  ils 
avortent,  et  le  papillon  est  débile  et  infirme  ;  les  œufs  et  les  testicules 
se  résorbent,  les  glandes  annexes  disparaissent. 

Ces  expériences  montrent  que  la  chrysalide  est  un  véritable  œuf, 
comme  Harvey  le  pensait.  Enfin  la  vitalité  est  très-modifiée  et  devenue 
très-résistante  dans  l'état  de  chrysalide,  car  de  pareilles  compressions 
exercées  sur  la  cbenille  causeraient  infailliblement  sa  mort.  De  même 
on  a  vu  fréquemment  des  chrysalides  piquées  d'une  épingle  par  des 
amateurs  novices,  non-seulement  continuer  à  vivre,  mais  se  débarrasser 
des  enveloppes  et  produire  le  papillon,  tandis  que  des  chenilles  piquées 
périssent  bientôt. 

J'explique  par  des  compressions  exercées  par  les  électrodes  sur  les 
fourreaux  alaires  des  chrysalides  les  altérations  observées  sur  les  papil- 
lons de  Vanessa  Urticœ  par  M.  Nicolas  Wagner,  Elles  consistent  surtout 
en  déchirures  et  en  trous,  ou  au  moins  entaches  sans  pigment  dans  les 
ailes,  ce  que  le  naturaliste  russe  attribuait  au  passage  de  courants  élec- 
triques, ordinaires  ou  induits.  J'ai  parfaitement  constaté  l'mpossibilité  du 
passage  de  courants  voltaïques,  sans  lésions  internes,  cà  travers  les  tégu- 
ment fermes  et  non  conducteurs  des  chrysalides  (1),  comme  à  travers 
la  coque  dure  de  l'œuf  de  la  poule.  Un  Attacus  Carpini  d'éclosion,  de  la 
'  collection  de  M.  J.  Fallou,  présente  des  trous  aux  ailes  tout  à  fait  pareils 
à  ceux  des  Vanesses  que  M.  N.  Wagner  croyait  influencées  par  le  cou- 
rant voltaïque. 

Le  plus  habituellement  les  Lépidoptères  adultes  ne  vivent  pas  très- 
longtemps  et  s'accouplent  bientôt,  la  femelle  survivant  un  peu  au  mâle 
pour  la  ponte,  et  leur  vie  est  de  plus  longue  durée  si  l'accouplement 
n'a  pas  lieu  :  c'est  un  fait  général  chez  les  insectes.  La  vie  est  encore 
abrégée  chez  les  adultes  quand  l'imperfection  de  la  bouche  et  du  tube 
digestif  les  empêche  de  prendre  de  la  nourriture  :  ainsi  chez  les  Bom- 
byciens,  les  Attaciens,  comme  on  en  voit  un  exemple  si  connu  dans  le 
papillon  du  Ver  à  soie  du  Mûrier.  Il  y  a  exception  curieuse  pour  cer- 
tains Nymphaliens  du  genre  Vajiessa  et  annexes,  comme  les  Vanessa 
Antïopa,  polychloros,  etc.,  et  probablement  pour  Rhodocera  Rhamni 
(le  Citron),  pour  lesquels  l'accouplement  n'a  lieu  que  sept  à  huit  mois 
après  l'éclosion  de  l'ijisecte  parfait.  Les  adultes  d'été  tombent  en 
léthargie  à  l'arrière-saison  et  même  plus  tôt,  passant 'l'hiver  dans  des 
retraites,  reparaissent  aux  premiers  rayons  du  printemps,  diversement 
défraîchis,  parfois  presque  intacts  s'ils  ont  peu  volé  en  été.  Chez  Vanessa 
Aniiopa,  la  bordure  jaune  des  ailes  est  devenue  blanche  après  hiberna- 
tion. Ils  s'accouplent  alors,  et  leurs  chenilles  vivent  au  printemps  et 
au  commencement  de  l'été.  L'accouplement  des  Lépidoptères  est  très- 

(1}  Muurice  Girard,  Note  7'elatiue  à  des  expériences  sur  l'action  des  courants  élec- 
triques sur  les  chrysalides  des  Lépidoptères  (Ann.  Soc.  cntom.  Fr.,  1866,  p.  207). 


su  LÉPIDOPTËllES, 

variable  clans  sa  durée  et  ses  préludes.  Parfois  il  ne  dure  que  quelques 
instants.  On  voit  rarement  1  "accouplement  des  Vanesses,  qui  paraît  sur- 
tout avoir  lieu  en  l'air;  cependant  j'ai  vu  à  Compiôgne,  en  avril,  deux 
Vanessa  Urticœ  aux  derniers  préludes  d'accouplement,  la  femelle  sur  le  ■ 
sol,  les  ailes  étalées  et  abaissées,  le  mâle  prêt  à  monter  dessus.  Dans 
l'accouplement  des  Argynnes  (Hhopalocères),  les  deux  individus  sont 
à  peu  près  à  angle  droit,  le  mâle  latéralement,  de  sorte  que  leurs  ailes, 
quand  elles  ne  s'agitent  pas  chez  le  mâle,  ont  leurs  plans  de  repos 
à  peu  près  rectangulaires.  M.  Fallou  a  obtenu,  sur  des  feuilles 
d'Iiuphorbe,  des  œufs  féconds  du  Deilephila  Euphorbiœ,  placé  dans 
une  grande  cage  à  éducation;  mais  il  n"a  pas  vu  l'accouplement. 
M.  A.  Wailly,  à  Londres,  a  obtenu  et  constaté,  dans  les  grandes  cages  de 
treillis  servant  au  grainage  de  VAttacus  Yama-maï,\e?,  accouplements 
de. deux  espèces  de  Spbingiens,  lesDeilephila  Elpenor  et  Sphinx Ligustri; 
les  œufs  étaient  pondus  sur  les  feuilles  des  plantes  appropriées  à  ces 
espèces,  en  rameaux  dans  laçage,  ou  sur  les  treillis. On  ne  sait  trop,  au 
reste,  à  quel  moment  l'accouplement  s'opère  pour  les  Spbingiens, 
qu'on  rencontre  bien  rarement  en  copulation  ;  probablement  c'est  de 
très-grand  matin.  Pour  les  Piérides,  les  Satyres,  les  Lycènes,  on  est 
fréquemment  témoin  de  leur  accouplement  sur  les  plantes,  le  mCde  se 
posant  sur  le  dos  de  la  femelle,  qui  incline  ses  ailes  ;  souvent  le  couple 
réuni  s'envole,  et,  quand  la  femelle  est  plus  grande,  c'est  elle  qui 
entraîne  le  mâle,  retenu  en  sens  inverse.  De  même  chez  les  Zygènes. 
Beaucoup  d'Hétérocôres  ont  des  accouplements  de  longue  durée,  avec 
peu  de  mouvements,  les  corps  opposés:  ainsi  les  Bombyciens,  certains 
Pliai éniens  ;  parfois  le  mâle  peut  réitérer  l'acte  plusieurs  fois,  ainsi 
chez  le  Sericuria  Mori.  Dans  les  Bombyciens  et  les  Phaléniens  à  femelles 
lourdes  ou  privées  d'ailes,  les  miles  recherchent  les  femelles  dans 
leurs  vols  vagabonds,  attirés  par  l'odeur,  semblent  suivre  sur  les  brous- 
sailles et  les  feuilles  sèches  une  piste  volatilisée,  ne  voyant  la  femelle 
que  quand  ils  en  sont  très -près,  et  fondant  alors  sur  elle  comme  une 
(lèche.  Dans  nos  maisons,  on  voit  souvent  les  femelles  des  Aglo^sa 
posées  sur  les  murs  et  attendant  le  mâle,  immobiles,  l'abdomen  relevé 
et  recourbé  en  l'air.  Les  femelles  des  Psyché,  qui  restent  à  demeure 
dans  la  coque  nymphale  qui  était  auparavant  le  fourreau  de  la  che- 
nille, font  souvent  sortir  du  fourreau  l'extrémité  de  l'abdomen,  et, 
quand  il  n'y  a  pas  parthénogenèse,  subissent  l'accouplement  sans  sor- 
tir du  fourreau.  C'est  ordinairement  cramponnées  sur  la  coque  soyeuse 
de  la  chrysalide  que  les  femelles  à  ailes  rudimentaires  des  Orgtja  sont 
fécondées  par  les  mâles. 

Peu  de  temps  après  l'accouplement,  les  femelles  se  débarrassent  de 
leurs  œufs,  et  la  ponte,  chez  certaines,  comme  on  le  voit  pour  les 
femelles  du  Ver  à  soie,  a  lieu  même  pour  les  œufs  stériles;  en  général, 
elle  est  facilitée  si  l'insecte  aie  thorax  traversé  d'une  épingle,  et  l'on  a 
même  pu,  par  ce  moyen,  obliger  à  pondre  des  femelles  de  Rhopalo- 


LÉPIDOPTÈRES.  85 

cè'res,  en  leur  faisant  sucer  de  l'eau  sucrée  sur  une  éponge.  Le  plus 
souvent  les  œufs  sont  déposés  à  nu,  ou  en  tas,  ou  en  rangées,  ou  en- 
bracelets  spirales,  à  spires  très-rapprochécs,  autour  des  branches,  rete- 
nus par  un  enduit  collant  sécrété  autour  de  la  coque  par  la  glande  à 
vernis,  lors  du  passage  des  œufs  dans  l 'oviducte.  C'est  toujours  ce  qui 
arrive  pour  les  œufs  dont  l'éclosion  sera  prompte,  mais  aussi  pour  des 
œufs  qui  doivent  hiverner:  ainsi  ceux  de  Bombyx  Neus  tri  a  et  de  Bombyx 
castrensis,  en  bracelets  autour  des  branches  ou  des  tiges  de  Graminées 
(les  bagues),  ceux  de  VAttacus  Piri,  etc. 

Quelquefois  les  femelles  poilues  de  certains  Bombyciens  recouvrent 
leurs  œufs  des  poils  qu'elles  arrachent  à  leur  abdomen^  afin  de  les 
préserver  ou  des  rigueurs  de  l'hiver,  ou  du  froid  intense  du  rayonne- 
ment nocturne  :  c'est  ce  qu'on  voit  pour  les  femelles  des  Liparis  dispar, 
chrysorrhœa,  auriflua,  Bombyx  lanestris,  etc.  La  femelle  peut  arroser 
ses  œufs  pondus  en  plaques  d'un  enduit  préservatif  qui  se  dessèche 
sur  eux  comme  une  bave  durcie,  ainsi  chez  Liparis  Salicis. 

Par  suite  de  l'instinct,  les  œufs  sont  déposés  par  la  femelle  sur  la 
plante  qui  doit  nourrir  la  chenillCj  en  une  même  place  si  les  jeunes 
chenilles  doivent  être  sociales,  isolés  un  à  un  ou  en  petit  nombre  si  les 
chenilles  doivent  vivre  solitaires,  enduits  de  la  glu,  insoluble  dans 
l'eau,  qui  sert  à  les  maintenir  adhérents  sur  les  feuilles,  si  la  chenille 
doit  écloie  à  la  belle  saison,  sur  le  tronc  ou  sur  les  rameaux  des  plantes 
à  feuilles  caduques,  lorsque  les  œufs  sont  destinés  à  passer  l'hiver  et  à 
ne  donner  les  chenilles  qu'au  printemps,  ou  lorsque  les  petites  che- 
nilles nées  à  la  fin  de  l'automne  ont  à  passer  l'hiver  engourdies  dans  les 
fissures  de  l'écorce  ou  au  pied  des  arbustes.  Les  œufs  sont  sphéroïdes  ou 
ellipsoïdes,  parfois  déprimés  au  centre  et  d'une  couleur  très-variée, 
blancs,  jaunes,  verts,  rougeâtres  ou  rosés,  gris,  bruns  ou  noirs,  parfois 
émaillés  de  diverses  nuances,  ainsi  panachés  de  gris  et  de  blanc,  et 
analogues  à  des  graines  de  chènevis  chez  la  plupart  des  Lasiocampa 
d'Europe.  Leur  nombre  est  très-variable,  d'une  centaine  à  plusieurs 
milliers,  selon  la  fécondité  de  l'espèce,  moins  nombreux  en  général  chez 
les  Rhopalocôres  que  chez  les  Hétérocères,  parfois  assez  gros,  parfois 
très-petits  au  contraire,  ainsi  dans  les  espèces  lignivores  si  nuisibles, 
comme  Zeuzera  jEsculi  et  Cossus  Ligniperda.  La  surface  de  la  coque  des 
œufs  est  parfois  lisse,  parfois  au  contraire  striée,  ou  couverte  de  petits 
tubercules,  ou  d'une  réticulation  hexagonale  {Satyrus  /Egeria),  ou  de 
côtes  longitudinales  {Fieris  Brassicœ,  Leuconea  Cratœgi),  parfois  même 
velue  {Diloba  cœruleocephala),  ou  pubescente  (Thecla  Ilicis  ou'Lynceus, 
Polyommatus  phlœas). 

La  grandeur  des  œufs  est  la  même  pour  les  deux  sexes  des  che- 
nilles futures;  pourtant,  chez  le  Liparis  dispar,  où  les  deux  sexes  sont 
si  dissemblables  de  taille  à  tous  leurs  états,  on  peut  reconnaître  le  sexe 
dans  l'œuf,  les  œufs  femelles  étant  plus  gros,  les  œufs  mâles  plus  pe- 
tits, par  le  môme  fait  que  pour  la  ponte  des  Phylloxéras  ailés  de  migra- 


8f)  LÉPIDOPTÈRES. 

tion,  qui  offre  les  œufs  mâles  des  sexués  plus  petits  que  les  œufs  d'où 
sortiront  des  femelles.  On  peut  voir  au  microscope  le  micropyle  des 
œufs  de  Papillons:  c'est  le  Irou  prédisposé  à  l'un  des  pôles  de  la  coque, 
ouverture  d'un  canal  allant  au  vitellus  et  par  où  doit  passer  le  sperma- 
tozoïde pour  entrer  dans  le  vitellus.  Le  micropyle  est  souvent  entouré 
d'une  rosace  d'une  ou  plusieurs  rangées  concentriques  d'écaillés  poly- 
gonales imbriquées  et  en  rosette,  surtout  chez  les  Bhopalocéres;  ou 
bien,  surtout  chez  les  Hétérocères,  de  pores,  ou  bien  de  fentes  rayon- 
nant en  étoile  h  3,  Zi,  5,  8  et  même  20  branches,  et  en  outre  parfois  de 
la  rosace  d'écaillés  (1).  Les  œufs  peuvent  supporter  sans  altération  de 
grandes  variations  de  température,  de  +  50°  à  +  60"  même,  jusqu'à 
—  30°  et  —  ZiO°  même,  surtout  pour  les  espèces  des  pays  froids.  Les 
œufs  de  Ver  à  soie  supportent  les  hivers  de  la  Sibérie  quand  on  les 
transporte  par  caravanes,  et  même  le  froid  assure  la  vitalité  et  la  santé 
de  la  chenille  (Duclaux,  Glaçage  des  œufs  de  Ver  à  soie):  de  sorte  que  la 
rigueur  des  hivers  est  réellement  favorable  et  non  nuisible  aux  Lépido- 
ptères du  pays.  On  retarde  à  la  glacière,  mais  en  vases  secs,  sans  humi- 
dité, les  œufs  d'espèces  de  pays  plus  chauds,  lorsqu'on  a  besoin  d'attendre 
l'éclosion  des  jeunes  feuilles  pour  l'éducation  des  chenilles.  La  coque 
de  l'œuf  est  dure  et  chitineuse;  au  moment  d'éclore,la  petite  chenille 
la  ronge  circulairement  en  un  point  avec  ses  mandibules,  formant  ainsi 
une  sorte  de  couvercle  qu'elle  n'a  plus  qu'à  pousser  pour  sortir. 

M.  A.  Barthélémy  a  observé  que  le  micropyle  de  l'œuf  du  Sericaria 
Mori  se  trouve  au  fond  de  la  dépression  de  cet  œuf  et  forme  un  bouton 
intérieur  qui  correspond  au  point  de  l'œuf  où  se  constitue  la  tête  de  l'em- 
bryon. La  chenille,  pour  sortir,  saisit  ce  bouton  avec  ses  mandibules, 
le  brise  et  agrandit  de  plus  en  plus  l'ouverture  jusqu'à  ce  qu'une  issue 
suffisante  pour  le  corps  tout  entier  se  soit  produite.  C'est  donc  par  le 
micropyle  que  s'effectuent  à  la  fois  la  fécondation  et  l'éclosion. 

La  chenille  se  forme  dans  l'œuf  à  des  époques  très-variables  après  la 
ponte:  chczY  Altacus  Yama-mm,Q.-Mcn.  elle  est  organisée  et  contournée 
en  cercle  peu  de  jours  après  la  ponte  qui  a  lieu  chez  nous  en  août, 
bien  qu'elle  ne  doive  éclore  qu'à  la  fin  de  mars  ou  en  avril. 

Les  chenilles  sont  toujours  plus  ou  moins  allongées  et  cylindroïdes.  Si 
l'expérience  de  tous  les  jours  n'était  là  pour  le  prouver,  rien  n'est  plus 
étrange  que  cette  idée  que  la  chenille  doit  devenir  un  papillon,  tant 
les  formes  sont  différentes  entre  ces  états  extrêmes.  C'est  en  effet  une 
sorte  de  ver  boursouflé  et  segmenté,  à  peau  tantôt  nue,  tantôt  couverte 
de  poils,  de  verrues,  de  tubercules,  présentant  une  tête  écailleuse  et 
luisante,  très-rarement  épineuse,  puis  douze  segments^  trois  thoraci- 
ques,  neuf  abdominaux,  séparés  par  des  incisions  plus  ou  moins  pro- 
fondes,  et  munis  de  pattes  dont  le  nombre  total  peut  varier  de  seize 

(1)  R.  Leuckart,  Sur  les  micropyles  des  œufs  d'i/isectes,  avec  mesures  micro- 
métriques  {Muller's  Archiv,  1855,  t.  XX-JI,  p.  90,  pi.  vu,  vin,  ix,  x,  xi). 


LÉPIDOPTÈRES.  87 

à  dix.  La  ièie  semble  séparée  par  un  sillon  longitudinal  et  médian  en 
deux  calottes  cornées.  Les  antennes  latérales,  près  de  la  base  des  man- 
dibules,  sont  extrOmement  rudimentaires,  formées  d'un  tubercule  que 
surmontent  quelques  articles  très-grèles  ou  une  soie  {prolongements 
mamillaires  deMalpighi  sur  le  Ver  à  soie). 

De  chaque  côté  sont  six  ocelles  punctiformes,  dont  trois  surtout  sont 
bien  visibles.  Malpiglii  les  figure  dans  le  Ver  à  soie  (1669).  Ce  sont  des 
yeux,  et  l'anatomie  interne  le  démontre  ;  c'est  bien  à  tort  que  divers 
auteurs  ont  considéré  les  chenilles  comme  aveugles.  Elles  possèdent  la 
vision  à  courte  distance,  celle  habituelle  aux  stemraates;  une  chenille 
en  marche  devant  qui  on  présente  un  obstacle,  s'arrête,  rebrousse  che- 
min ou  le  contourne.  La  bouche  des  chenilles,  en  raison  d'une  nourri- 
ture toute  diflerente  de  celle  de  l'adulte,  est  conformée  sur  un  plan 
tout  autre  :  c'est  une  bouche  d'insecte  broyeur.  On  y  trouve  deux  man- 
dibules cornées  plus  ou  moins  tranchantes,  deux  mâchoires  latérales 
munies  chacune  d'un  très-petit  palpe,  une  lèvre  inférieure  avec  deux 
rudiments  de  palpes  et  un  mamelon  cylindroïde  percé  d'un  trou  et 
constituant  la  filière  par  laquelle  sort  le  fil  de  soie  formé  de  deux  fils 
accolés.  Cette  filière  est  buccale  et  non  anale,  comme  chez  les  larves 
des  Fourmilions  et  des  Chrysopes. 

Le  corps  des  chenilles  présente  très-généralement  neuf  stigmates  de 
chaque  côté,  jamais  à  la  tète,  un  au  prothorax,  les  autres  aux  anneaux 
de  l'abdomen,  sauf  le  dernier.  Ces  stigmates  sont,  le  plus  souvent,  très- 
visibles  par  la  couleur  de  leur  péritrème  habituellement  elliptique,  qui 
tranche  avec  celle  du  fond  de  la  chenille,  plus  pâle  si  celui-ci  est  obscur, 
.et  réciproquement.  Chez  la  chenille  de  VAglossa  pinguinalis,  qui  vit 
dans  la  graisse,  ces  stigmates  sont  cachés  par  un  repli  transversal  des 
anneaux,  de  peur  d'obstruction.  L'anus  ou  terminaison  du  tube  digestif 
s'ouvre  dans  le  dernier  anneau  des  chenilles  et  se  trouve  protégé,  le 
plus  souvent,  par  le  chaperon  ou  clapet,  sorte  de  valve  plus  ou  moins 
saillante,  dont  la  forme  varie  un  peu  suivant  les  genres  et  qui  est  habi- 
tuellement triangulaire. 

La  locomotion  des  chenilles  a  lieu  par  des  mouvements  ondulatoires 
du  corps  d'arrière  en  avant,  et  aussi  à  l'aide  des  pattes.  Celles-ci  sont 
de  deux  types  bien  distincts.  Aux  arceaux  ventraux  du  thorax  s'insèrent 
trois  paires  de  pattes  vraies  ou  écailleuses,  en  forme  de  crochets  coni- 
ques et  qui  sont  comme  les  fourreaux  des  six  pattes  de  l'adulte.  Elles 
servent  à  la  marche  plutôt  qu'cà  la  station  sur  les  feuilles  ouïes  branches. 
La  marche  et  la  fixation  aux  objets  sont  obtenues  à  la  fois  par  les  fausses- 
pattes  ou  i)attes  mamelonnées,  ou  membraneuses,  ou  en  couronne,  ou 
à  crochets,  dont  sont  munis  en  dessous  certains  anneaux  de  l'abdomen, 
pattes  dont  la  chrysalide  et  l'adulte  ne  conservent  pas  de  trace.  Le  plus 
souvent  elles  ont  la  forme  d'un  mamelon  charnu  et  élargi  à  sa  base 
circulaire  ou  plante,  non  sans  quelque  grossière  ressemblance  avec  un 
pied  d'éléphant.  Ordinairement  une  couronne  de  crochets,  comme  une 


88  LÉPIDOPTËRES. 

palissade  circulaire,  entoure  cette  plante  en  dessous;  ils  sont  attachés 
par  le  milieu  et  recourbés  en  hameçon  aux  deux  bouts.  La  plante  de  la 
patte  est  contractile  et  peut  se  plisser  en  pince  quan  d  la  chenille  veut 
adhérer  cà un  pétiole  ou  à  un  bord  de  feuille;  ou  bien  elle  s'épanouit, et 
les  crochets  se  redressent,  les  pointes  se  cramponnant  au  dehors,  tandis 
que,  quand  la  chenille  marche,  la  plante  se  resserre  elles  crochets 
viennent  à  plat,  les  pointes  en  dedans. 

Les  chenilles  des  Rhopalocùres,  des  Sphingiens  et  groupes  annexes, 
des  Attaciens  et  de  beaucoup  de  Microlépidoptères,  ont  leurs  pattes 
membraneuses  au  complet,  au  nombre  de  10  en  5  paires,  sur  les 
anneaux  6,  7,  8,  9  et  12  ou  segment  anal,  les  anneaux  Zi,  5,  10  et  il  en 
étant  dépourvus.  La  chenille  soulève  alors  à  peine  son  coi'ps  au-dessus 
de  la  surface  d'appui  quand  elle  marche.  Ce  nombre  de  pattes  est  géné- 
ralement le  même  pour  les  Bombyciens  et  groupes  annexes  et  une 
grande  partie  des  Noctuéliens;  parfois  la  dernière  paire  de  pattes  se 
modifie  en  filets  plus  ou  moins  prolongés  (Z)«cra?mra,  Platypteryx,  cer- 
tains Harpya  et  Uropu.s).  Les  fausses-pattes  peuvent  devenir  en  partie 
non  fonctionnelles  par  raccourcissement  des  deux  ou  trois  premières 
paires  {Ophiusa,  OphùJeres,  Catocala,  Euclidia,  etc)  ;  ou  bien  les  chenilles 
deviennent  demi-arpenteuses  par  absence  de  la  première  ou  des  deux 
premières  paires  de  pattes  membraneuses  (certains P/usm,  Eraslria,  etc). 
En  marchant,  ces  chenilles  sont  obligées  de  relever  en  boucle  le  milieu 
du  corps.  M.  Goossens  a  reconnu  que  les  chenilles  de  certains  Noctué- 
liens  sont  demi-arpenteuses  dans  le  jeune  Age  et  ne  reprennent  leurs  deux 
premières  paires  de  pattes  abdominales  qu'à  la  troisième  mue  :  telles  sont 
celles  de  Triphœna  pronuba,  de  Mamestra  Brassicœ,  de  Xylomyges  con- 
spicillaris,  etc.  Les  arpenteuses  ou  géomètres  sont  les  chenilles  de  presque 
tous  les  Phaléniens,  et  le  nom  de  ces  chenilles  sert  souvent  à  désigner 
la  tribu.  Elles  n'ont  plus  que  les  deux  dernières  paires  de  fausses- 
pattes.  Aussi,  en  marchant,  ces  chenilles  relèvent  en  arc  le  milieu  du 
corps,  en  rapprochant  leurs  pattes  postérieures  des  pattes  écailleuses,  de 
sorte  qu'elles  ont  l'aspect  d'un  compas,  à  branches  successivement  écar- 
tées et  rapprochées  pour  mesurer  des  espaces  successifs.  Souvent  ces 
chenilles,  à  peau  verte,  brune  ou  grisâtre,  à  anneaux  rigides,  ont  été 
appelées  arpenteuses  en  bâton,  car,  dressées  sur  la  paire  postérieure  des 
pattes  anales  qui  s'attache  au  pétiole  d'une  feuille  ou  à  une  branchette, 
elles  se  tiennent  immobiles  pendant  des  heures  entières,  simulant  un 
rameau  frais  ou  desséché.  Parfois  ces  chenilles  tombent  raides  et  parais- 
sant être  une  branche  morte,  ce  qui  continue  leur  mimétisme  défensif. 
Dans  les  Cocliopodes,  surtout  dans  le  genre  Limacodes,  les  pattes  mem- 
braneuses sont  remplacées  par  des  boutons  charnus  rétractiles,  laissant 
suinter  une  viscosité  analogue  à  celle  de  la  peau  des  Limaces,  et  ces 
chenilles  ainsi  collées  aux  feuilles  ne  se  déplacent  que  rarement  et  très- 
lentement.  Les  Lasiocampa  ont  les  pattes  membraneuses  protégées  par 
des  prolongements  latéraux   charnus,  dits  appendices  pédiformes,  qui 


LÉPinOPTÈKLS.  89 

cachent  les  paltcs  et  concourent  avec  elles  à  fixer  ces  chenilles  plaies 
entre  les  l'entes  des  écorces,  car  ils  sont  préhensiles.  Ces  chenilles,  dont 
la  couleur  ressemble  à  celle  des  écorces,  demeurent  ainsi  fort  longtemps 
sans  mouvement  et  très-difficiles  à  apercevoir. 

Il  y  a  des  chenilles  qui,  o.utrela  locomotion  ordinaire,  peuvent  mar- 
cher à  reculons  avec  rapidité  et,  de  plus,  se  tortiller  comme  de  petits 
serpents  :  c'est  le  fait  de  beaucoup  de  chenilles  de  Deltoïdes,  de  Tortri- 
ciens  et  de  Tinéiniens,  et  ces  mômes  chenilles,  d'ordinaire,  quand  elles 
tombent  des  feuilles,  demeurent  suspendues  cà  un  fil  de  soie,  sorti  de  la 
filière  buccale,  qui  amortit  la  chute  sur  le  sol  et  peut  leur  servir  en- 
suite, comme  un  câble,  pour  remonter.  Il  y  a  des  chenilles  qui  exécu- 
tent de  vrais  sauts  de  carpe,  en  courbant  en  arc  un  des  côtés  de  leur 
corps  et  le  débandant  ensuite  comme  un  ressort;  on  est  étonné  de  la 
force  de  ce  saut  chez  les  chenilles  des  Catocah  (Xoctuéliens).  Beaucoup 
de  chenilles  à  longs  poils  de  Chélonides  ont  une  marche  très-rapide, 
presque  une  course,  quand  on  les  observe  parcourant  les  sentiers  entre 
les  plantes  basses,  surtout  au  moment  où  elles  cherchent  un  abri  pro- 
pice pour  la  nymphose.  Au  contraire  un  grand  nombre  de  chenilles  de 
Rhopalocères  sont  paresseuses  et  ne  se  déplacent  que  lentement  sur 
les  feuilles  ou  sur  le  sol  :  ainsi  les  chenilles  des  Satyres,  des  Nymphales, 
des  Hespériens,  et  surtout  les  chenilles  qui  ressemblent  à  des  Cloportes 
des  Lycénides  ;  les  chenilles  des  Zygéniens,  dans  les  Hétérocères,  sont 
également  très-lentes. 

Les  téguments  des  chenilles  sont  des  plus  variés,  ce  qui  ne  nous  per- 
met ici  qu'une  étude  très-générale.  Les  chenilles  peuvent  être  rases, 
sans  poils  ni  épines,  ou  n'ayant  que  quelques  poils  rares  et  peu  nom- 
breux :  ainsi  les  Deilephila,  Sphinx,  les  Sesia,  Cossus,  Zeuzera,  et  beau- 
coup de  Tortriciens,  de  Noctuéliens,  et  Phaléniens.  Souvent  ces  che- 
nilles nues  ont  la  peau  granuleuse,  ou  offrant  des  bosses  charnues,  des 
nodosités,  qui  augmentent  chez  beaucoup  d'Arpenteuses  la  ressem- 
blance avec  des  branchettes,  ou  des  plaques  calleuses,  parfois  très- 
étendues  {Cossus  Ligniperda).  Beaucoup  de  chenilles  ont  des  poils,  tantôt 
une  fine  pubescence,  comme  le  Ver  à  soie  à  son  premier  âge,  tantôt  de 
longs  filaments,  ou  soyeux  ou  raides,  comme  beaucoup  de  chenilles  de 
Chélonides,  qui  ressemblent  à  de  petits  Oursons.  Les  poils  peuvent  re- 
couvrir toute  la  peau,  ou  se  disposer  en  brosses  [Acromjcta,  Dasychira), 
ou  en  pinceaux  allongés  (deux  en  aigrettes  sur  le  prothorax,  dirigées  en 
avant  comme  des  antennes,  et  un  penché  en  arrière  sur  le  onzième 
anneau  dans  les  chenilles  des  Orgtja).  Les  touffes  de  poils  peuvent  être 
portées  sur  des  tubercules  saillants,  qui  parfois  sont  vivement  colorés, 
ainsi  en  bleu  de  turquoise  chez  VAttacus  Piri,  d'un  jaune  orangé  chez 
A.  Spmi  et  rouges  chez  A.  Carpini,  etc.  Les  chenilles  de  la  plupart  des 
Sphingiens  et  de  quelques  Bombyciens,  comme  le  Sericaria  Mort,  por- 
tent une  corne  conique,  recourbée  en  arrière,  sur  le  onzième  arceau 
dorsal,  charnue  à  la  base,  le  plus  souvent  lisse  et  cornée  à  l'extrémité, 


90  LÉPIDOPTÈRES. 

parfois  granuleuse  et  tronquée  au  bout  {Acherontia  Atropos).  Certaines 
clienilles  ont  des  tentacules  rétractiles,  qu'elles  font  saillir  quand  on  les 
inquiète  :  ainsi  la  double  caroncule  orangée  en  Y,  qui  sort  du  protho- 
rax de  la  chenille  du  Papillon  des  Carottes  {Papilio Machaon)  à  la  volonté 
de  l'animal,  comme  les  tentacules  oculaires  des  Limax  et  Hélix.  On  les 
signale  dans  toutes  les  chenilles  connues  des  genres  Ornithoptera,  Papi- 
lio, Parnassius,  Tliais. 

Les  chenilles  des  Mélitées  et  des  Argynnes  offrent,  en  dessous  et  mé- 
dianement,  un  peu  en  avant  de  la  première  paire  de  pattes  écailleuses, 
une  petite  poche  arrondie,  d'usage  inconnu,  et  qui  existe  rudimentaire 
dans  les  chenilles  des  Vanesses.  Bonnet  paraît  avoir  tu  le  premier, 
en  1737,  cette  vésicule  rétractile  du  dessous  de  la  gorge  de  certaines 
chenilles  de  Rhopalocôres  ;  il  reconnut  qu'elle  renferme  un  liquide 
acide,  et  communiqua  sa  découverte  à  Réaumur,  puis  à  de  Geer,  et 
Lacordaire  signale  le  fait  oublié  depuis  longtemps.  M.  Goossens,  qui  a 
repris  ces  recherches  anciennes,  pense  que  la  liqueur  acidulée  de  cette 
vésicule  se  répand  sur  la  feuille  et  la  rend  plus  apte  à  être  triturée  par 
les  mandibules  et  les  mâchoires  de  la  chenille.  Il  arrive  quelquefois 
que  les  poils,  les  épines,  les  tubercules,  qui  rendent  plus  difficile  la 
ponte  des  Hyménoptères  et  des  Diptères  entomophages,  dans  le  corps  ou 
sur  la  peau  des  chenilles,  ne  suffisent  pas  encore  à  celles-ci.  Il  en  est 
qui  assurent  la  protection  de  leurs  téguments  par  une  couverture  de  soie 
incrustée  d'un  enduit  sécrété,  ou  à  laquelle  sont  fixés  des  corps  étran- 
gers maintenus  par  le  lissu  soyeux,  à  la  façon  des  larves  des  Phryga- 
niensou  chenilles  d'eau,  et  ces  enduits  servent  aussi  à  garantir  une  peau 
molle  de  la  dessiccation  par  l'air  ;  la  tête  et  les  pattes  écailleuses  sor- 
tent seules,  pour  manger  et  marcher.  Ce  sont  là  les  chenilles  à  fourreaux  ; 
tantôt,  comme  dans  beaucoup  de  Tinéiniens,  ces  fourreaux  sont  unique- 
ment en  soie,  tantôt  ils  sont  fortifiés  par  des  collerettes  superposées 
de  cellulose  végétale  (Coleophora,  Teignes  à  falbalas  de  Réaumur).  Des 
Tinéiniens  qui  vivent  de  nos  lainages  ont  les  chenilles  entourées  de 
fragments  laineux,  et,  en  faisant  varier  la  couleur  des  draps  qu'elles 
mangent,  on  les  oblige  à  se  revêtir  d'une  sorte  d'habit  d'arlequin.  Les 
OEceticus  et  les  Psyché  ont  les  anneaux  du  thorax  assez  durs  et  à  pattes 
agiles;  les  pattes  de  l'abdomen,  dont  les  anneaux  sont  mous,  ne  servent 
qu'à  retenir  des  brins  d'herbe  sèche,  des  fragments  de  feuilles  ou 
d'écorce,  ou  des  lichens,  etc.  Les  matériaux  sont  placés  longitudinale- 
ment,  ou  transversalement,  ou  imbriqués  comme  les  tuiles  d'un  toit, 
avec  une  forme  conoïde  ou  prismatique,  et  toujours  suivant  une  loi 
variable  d'une  espèce  à  l'autre,  mais  constante  pour  chacune,  absolu- 
ment comme  chez  les  larves  de  Phryganiens  à  étuis  mobiles.  Il  y  a  des 
Psychides  où  les  fourreaux  sont  faits  de  grains  siliceux  ou  calcaires  et 
affectent  la  figure  de  coquilles  d'Hélix.  Les  fourreaux  sont  allongés  par 
les  chenilles  à  mesure  qu'elles  croissent  ;  elles  savent  y  mettre  des 
pièces,  s'ils  sont  endommagés  par  accident,  et,  si  on  les  en  dépouille. 


LÉPIDOPTÈRES.  ,  91 

elles  se  hâtent  de  manger  avec  voracité  ou  de  récolter  de  toutes  parts  de 
nouveaux  matériaux,  destinés  à  reconstituer  promptement  les  abris  sans 
lesquels  elles  ne  peuvent  vivre. 

La  couleur  du  fond  des  téguments  des  chenilles  est,  le  plus  souvent, 
verte,  grisâtre  ou  brune.  Elle  est  d'un  blanc  jaunâtre  ou  parfois  rosée 
dans  les  chenilles  qui  ne  doivent  pas  être  exposées  à  la  lumière, 
comme  les  chenilles  à  fourreaux,  ou  celles  qui  habitent  à  l'intérieur 
des  fruits  pulpeux  (Carpocapsa)  ou  des  tiges  {Nonagria,  Sesia,  etc.),  ou 
des  racines  {Hepialus,  Crambus,  etc.);  une  teinte  pâle,  bleuâtre  ou  ter- 
reuse se  rencontre  chez  les  chenilles  qui  vivent  cachées  en  terre, 
comme  des  Lombrics,  rongeant  surtout  les  racines,  ainsi  les  Agrotis 
segetum,  exclamât ionis,  etc.,  les  Vers  gris  des  agriculteurs.  Les  couleurs 
des  chenilles  vivant  à  l'air  sont  le  plus  souvent  des  moyens  mimétiques 
de  protection,  imitant  les  couleurs  des  feuilles,  des  fleurs,  quand  elles 
en  dévorent  les  pétales  ou  les  graines,  des  écorces  si  elles  viennent  s'y 
reposer  fréquemment.  Il  y  a  beaucoup  de  chenilles  qui  conservent  tou- 
jours les  mêmes  couleurs  du  fond  et  des  dessins,  devenant  en  général 
plus  foncées  en  vieillissant  ;  mais  il  en  est  un  assez  grand  nombre  où  ces 
couleurs  peuvent  varier  beaucoup,  sans  liaison  avec  le  régime,  les  che- 
nilles diverses  vivant  sur  la  même  plante.  On  voit  les  chenilles  de 
Vanessa  Atalanta,  soit  grises,  soit  d'un  vert  sale,  à  peu  près  en  nombre 
égal  sur  les  Orties;  celles  de  YArgeGalatea'èo\\\,  en  nombre  égal,  grises 
avec  la  ligne  médiane  brune,  ou  vertes,  avec  cette  ligne  d'un  vert 
foncé  ;  celles  de  Thecla  Quercûs  sont  jaunes,  vertes  ou  brunes,  ces  der- 
nières dominant.  La  chenille  du  Smerinthus  Pupuli  est  habituellement 
verte,  et  prend  quelquefois  des  taches  rouges  plus  ou  moins  nom- 
breuses. Celle  de  VAcheroniia  Atropos  (le  Sphinx  à  tête  de  mort)  est  ordi- 
nairement d'un  fond  jaune  plus  ou  moins  foncé,  et  parfois,  sur  les 
mêmes  feuilles  de  pomme  de  terre,  d'un  gris  brunâtre  ;  celle  de  Deile- 
pliila Elpenor  brune  ou  verte;  celle  de  Bombyx  castrensis  variant  beau- 
coup pour  la  teinte  rouge  feu  de  la  partie  dorsale.  Le  type  de  la  chenille 
de  Callimorpha  dominula  est  noir  avec  de  nombreuses  taches  jaunes, 
et  rarement  d'un  rouge  orangé,  sans  que  les  papillons  provenant  de 
ces  chenilles  diffèrent;  celui  de  la  chenille  de  Sphinx  Convolvuli  est 
d'un  brun  plus  ou  moins  foncé,  mais  quelquefois  gris  et  parfois  d'un 
beau  vert.  La  chenille  d'Hadena  oleracea  varie  du  brun  clair  au  brun 
foncé  ou  au  vert  foncé;  celle  d'Hadena  Atriplicis  est  brune  ou  verte, 
avec  les  teintes  intermédiaires,  mais  toujours  avec  les  mômes  taches 
jaunes.  On  trouve  ensemble  des  chenilles  d'Asleroscopus  Cassinia,  soit 
d'un  vert  d'herbe,  soit  d'un  vert  d'eau,  et  le  fond  jaune  de  la  chenille 
de  Chariclea  Delphinii  est  parfois  remplacé  par  une  teinte  rosée  très- 
prononcée.  Dans  les  Phaléniens,  les  chenilles  arpenteuses  de  Phigalia 
pilosaria  sont  grises  ou  brunes,  et  celles  d'Hibernia  defoliaria  ont  toutes 
les  teintes  de  brun.  Les  chenilles  des  Eupithecia  sont  assez  sujettes 
à  varier  pour  le  fond  et  les  dessins  :  ainsi  E.  absinthiata,  du  jaune  au 


92  rÊPinoPTÈRES. 

brun  en  passant  par  le  vert,  toutes  couleurs  qui  sont  sur  les  plantes 
(Verge  d'or,  Tanaisie,  etc.)  dont  elle  se  nourrit  ;  E.  sobrinata,  verte  avec 
ou  sans  taches  roses,  ou  d'un  brun  clair  avec  taches  roses,  ou  avec  les 
taches  trôs-foncées;  E.  innotata,  dont  la  belle  chenille  verte,  avec  des 
chevrons  de  couleur  pourpre  éclairés  de  blanc,  présente  quelquefois  le 
fond  brun.  La  chenille  de  Chesias  spartiata,  qui  vit  sur  le  Genût,  est 
d'habitude  d'un  vert  assez  foncé,  avec  une  ligne  blanche  le  long  des 
stigmates.  La  même  plante  ofl're  parfois  une  chenille  de  même  forme, 
mais  à  fond  d'un  jaune  terne  uni,  sans  dessins  ni  ligne  stigmatale 
apparente,  et  ces  deux  chenilles  bien  différentes  donnent  des  Papil- 
lons identiques  ;  seulement  les  œufs  du  papillon  provenant  de  la  che- 
nille verte  sont  verts,  et  les  œufs  du  papillon  de  la  chenille  jaune  sont 
jaunes  (Goossens).  11  y  a  des  chenilles  dont  les  couleurs  semblent  varier 
suivant  les  végétaux  sur  lesquels  on  les  rencontre,  et   surtout  suivant 
la  couleur  des  fleurs  qu'elles  mangent.  Nous  citerons  seulement  Eiipi- 
thecia  centaureata,  qui,  sur  le  Linaria  vulgaris,  a  le  fond  d'un  jaune 
pâle  (la  fleur  est  jaune),  avec  les  lignes  et  dessins  de  couleur  lie  de  vin; 
sur  Linaria  minor  elle  est  de  couleur  vert  d'eau,  avec  les  lignes  d'un 
vert  foncé;  sur  le  Tanacetum,  d'un  fond  blanc  un  peu  verdâtre,  avec^  la 
ligne  vasculaire  seulement  d'un  vert  d'herbe.  Sur  le  Persil  en  graine,' 
la  chenille  est  jaune,  sans  lignes  ni  dessins;  sur  ['Eupatoriiim  cannabi- 
niim,  dont  les  fleurs  sont  rouges,  la  chenille  a  le  fond  blanc,  avec  les 
diverses  lignes  d'un  même  rouge.  Toutes  ces  couleurs  partent  évidem- 
ment d'un  principe  de  dissimulation  par  imitation.  Il  y  a  des  chenilles 
dont  la  coloration  se  modifie  avec  l'âge  et  les  mues.  Les  chenilles  de 
Cerastis  Vaccinii  et  spadicea,  vertes  dans  le  jeune  âge,  sont  brunes  plus 
tard.  Jeunes  et  trop  faibles  pour  se  bien  cacher,  elles  ne  mangent  que 
les  feuilles  tendres  et  ont  besoin  d'imiter  leur  couleur  pour  se  protéger. 
Plus  tard,  devenues  plus  fortes,  elles  se  colorent  sans  inconvénient, 
car  elles  savent  se   cacher.  Les   chenilles  de  Triphœna  pronuba  sont 
vertes  pendant  les  premières  mues  et  surtout  jusqu'à  la  troisième,  où 
les  premières  pattes  ventrales  se  développent;  à  partir  de  là,  elles  se 
cachent,  et  même  entrent  un  peu  en  terre,   deviennent  de  couleur 
foncée  et  même  noire;  quelques-unes,  en  petit  nombre,  persistent  à 
rester  vertes.  Les  chenilles  de  Mamestra  Bra.ssicœ  sont  vertes  au  sortir 
de  l'œuf  et  pendant  les  trois  âges  où  les   deux  premières  paires  de 
pattes  ventrales  manquent;    plus   tard,    une  partie  des  chenilles  se 
colorent  en  foncé,  même  en  noir,  mais  quelques-unes  sont  grises,  et 
chez  d'autres  le   vert  persiste,  seulement  il  devient   terne.   La  che- 
nille de  Bombyx  Quercûs  varie  de  feinte  à  chaque  mue;  celle  de  Bom- 
Injx  Bubi  jeune  a  des  anneaux  orangés  qui  disparaissent  quand  elle 
grossit.  La  jeune  chenille  de  Dcilephila  porcellus  est  verte,  tandis  qu'à 
toute  sa  taille  elle  est  presque  noire,  le  vert  persistant   parfois  jus- 
qu'à l'avant  -  dernière     mue.   La  chenille  verte  de  Smerinthus  Tiliœ 
peut  devenir  d'un  brun  rougeàtre  à  la  dernière  mue.  La  chenille  blonde 


LÉPIDOPTÈRES.  93 

â'Arctia  sordida  prend  un  brun  trôs-foncé  à  la  dernière  mue.  Les 
couleurs  peuvent  aussi  dépendre  de  la  localité.  Ainsi  la  chenille  de 
DcilephUa  Euphorbiœ  est  bien  diiïérente  dans  l'Ardùche  de  ce  qu'elle 
esta  Paris;  le  pointillé  jaune  est  en  partie  caché  par  le  fond  noir  de 
la  chenille  elles  taches  sont  plus  grandes  et  d'une  teinte  jaune  pâle,  au 
lieu  d'être  rosées.  On  trouve  près  de  Paris  la  chenille  de  Zygœna  fausta 
avec  la  région  dorsale  d'un  vert  d'eau  et  celles  de  Provence  et  de  l'Aude 
ont  la  région  dorsale  brune.  Près  de  Paris,  la  chenille  d'Hadena  Pisi, 
qu'on  prend  sur  le  Spartium  et  le  Myrica,  est  verte,  mais  il  y  a  dans  le 
nord  delà  France  et  en  Suisse  un  type  cramoisi.  Les  variations  peuvent 
porter  sur  les  épines  et  les  poils.  La  jeune  chenille  d'Aglia  Tau  a  cinq 
épines  qu'elle  perd  quand  elle  arrive  à  mi -taille.  Quelquefois  la  che- 
nille de  Bombyx  Trifolii  manque  de  poils  jaunes  et  le  fond  devient  plus 
noir,  ce  qui  la  change  complètement  d'aspect.  Les  faisceaux  de  poils  de 
la  chenille  d'Orgija  gonostigma  sont  tantôt  blancs,  tantôt  jaunes;  les 
brosses  dorsales  d'Orgya  antiqua  peuvent  être  jaunes,  noii^es,  grises  ou 
blanches.  La  chenille  de  Dasychira  pudibunda  est  le  plus  souvent  d'un 
joli  vert-pomme  ou  d'un  vert  jaunâtre,  avec  des  poils  de  la  même  cou- 
leur formant  des  brosses  épaisses,  et  le  pinceau  du  onzième  anneau 
d'un  rose  un  peu  violacé.  11  y  a  des  variétés  où  le  fond  prend  un  vert 
foncé  et  chez  d'autres  un  gris  violacé,  ainsi  que  les  poils  et  les  brosses, 
le  pinceau  du  onzième  anneau  étant  alors  noir  un  peu  rosé  ou  violet 
obscur.  Ces  observations  sur  les  couleurs  des  chenilles,  en  partie  iné- 
dites, sont  dues  surtout  à  M.  Goossens,  un  des  entomologistes  qui  ont 
élevé  le  plus  de  chenilles. 

Outre  la  couleur  du  fond,  les  chenilles  ont  des  dessins  surajoutés  de 
couleur  variée;  beaucoup  ont  des  piquetures,  ainsi  celles  des  Cucullia 
de  petits  points  noirs.  Les  incisions  des  chenilles  des  diverses  variétés 
de  Dasychira  pudibunda  sont  d'un  beau  noir  de  velours.  Des  chenilles 
portent  des  bandes  latérales  obliques  ou  des  chevrons  foncés  ;  il  y  en  a 
sept  de  chaque  côté  pour  la  plupart  des  Sphingiens,  et  dans  une  partie 
des  chenilles  de  Deilephila  les  flancs  sont  variés  de  taches  de  couleurs 
vives,  et  certaines  ont  latéralement  sur  les  premiers  anneaux  de  gi'andes 
taches  oculiformes,  qui  donnent  à  ces  chenilles  un  aspect  bizarre  quand 
elles  rentrent  la  tête  dans  les  premiers  anneaux  :  ces  taches  semblent  être 
les  y  eux  d'un  groin,  ce  qui  a  fait  donner  à  ces  chenilles  le  nom  de  chenilles 
cochonnes.  Ce  sont  surtout  les  raies  longitudinales  qui  sont  remarquables 
dans  les  chenilles  d'un  très-grand  nombre  d'espèces,  au  point  qu'elles 
ont  reçu  des  noms  particuliers,  car  leur  description  entre  dans  les  bons 
caractères  spécifiques.  La  ligne  vasculaire  suit  le  vaisseau  dorsal  ;  la 
sous-dorsale  longe  le  miliea  de  chaque  flanc,  et  la  stigmatale  passe  à  la 
hauteur  des  stigmates.  L'espace  compris  entre  les  deux  sous-dorsales, 
et  que  la  vasculaire  coupe  en  deux,  est  la  région  dorsale  ;  l'espace  com- 
pris entre  chaque  sous-dorsale  et  la  stigmatale  de  chaque  côté  est  la 
région  latérale  ou  sous-dorsale.  Au-dessous  de  la  stigmatale  commence 


9i  LÊPIDOPTtllES. 

le  ventre  ou  région  ventrale.  Chez  beaucoup  de  chenilles,  et  surtout 
celles  des  Noctuéliens,  chaque  anneau  offre,  entre  les  lignes  vasculaire 
et  sous-dorsale  et  sur  la  région  dorsale,  quatre  points  disposés  en  tra- 
pèze, excepté  sur  le  onzième  anneau,  où  ils  forment  un  carré  régulier. 
Ce  sont  les  points  trapézoïdaux.  Ils  portent  un  ou  plusieurs  poils  et  sont 
plus  ou  moins  développés,  saillants  ou  colorés.  Sur  la  région  latérale  il 
y  a  deux  autres  points,  l'un  au-dessus,  l'autre  un  peu  en  arrière  du  stig- 
mate :  ce  sont  les  points  latéraux.  Enfin,  sur  la  région  ventrale,  il  y  a 
encore  deux  autres  points  semblables;  ces  points  sont  plus  faibles  que 
les  trapézoïdaux  et  même  peuvent  manquer  tout  à  fait.  Ces  points,  par 
leurs  variations,  offrent  des  caractères  précieux  pour  la  classification  ; 
les  poils  qui  les  surmontent  en  présentent  aussi,  et  ils  se  modifient  pres- 
que d'une  manière  indéfinie. 

On  a  constaté  des  cas  de  monstruosités  chez  les  chenilles,  principale- 
ment chez  le  Ver  à  soie.  Ainsi  Bassi  {Sur  un  Ver  à  soie  monstrueux,  dans 
Ami. Soc.  entom.  France,  2*^  série,  1852,  t.  X,  bull.  p.  vin)  décrit  un  Ver  àsoie 
offrant  les  anneaux  7  et  9  soudés  selon  la  ligne  médiane,  le  hui- 
tième anneau  étant  écarté  et  formant  un  gonflement  des  deux  côtés. 
La  troisième  patte  membraneuse  du  côté  gauche  manquait  tout  à  fait, 
et  le  stigmate  correspondant  était  un  peu  plus  petit  que  les  autres.  Le 
vaisseau  dorsal  semblait  engorgé  et  comme  affecté  d'un  anévrysme  à 
l'endroit  de  la  séparation.  Ce  Ver  fila  un  petit  cocon  fort  léger,  sans 
bave  externe,  et  y  mourut  au  moment  de  se  chrysalider. 

M.  A.  Barthélémy  a  observé  un  Ver  à  soie  qui  portait  deux  cornes  sur 
le  onzième  anneau. 

Une  dizaine  de  cas  tératologiques  sur  la  même  espèce  ont  été  décrits 
et  figurés  par  le  docteur  Ruggiero  Cobelli  {Nuove  Contribuzioni  alla 
teratologia  del  Bombice  del  Gelso,  exlr.  du  Journal  agricole  de  Rovereto, 
n"  9,  année  187/4).  A  la  séance  de  la  Société  entomologique  de  France  du 
10  juillet  1867,  Guérin-Méneville  présenta,  à  Tétat  de  chenille,  un  Ver 
à  soie  monstrueux  moitié  blanc,  moitié  moricaud  ou  noirâtre  (carac- 
tère de  race),  et  cela  bilatéralement,  à  partir  de  la  ligne  médiane. 

L'accroissement  des  chenilles  est  très-varié,  selon  les  espèces,  la 
nourriture,  l'époque  de  l'année.  Les  chenilles  vivant  de  Graminées  et 
de  Lichens  se  développent  plus  lentement  que  celles  qui  se  nourrissent 
de  plantes  succulentes.  11  y  a  des  chenilles  qui  se  développent  rapide- 
ment et  mangent  nuit  et  jour  avec  une  voracité  considérable,  à  l'instar 
du  Ver  à  soie  du  Mûrier;  d'autres  chenilles  sont  nocturnes  et  ne  se 
trouvent  aisément  sur  les  plantes  que  si  on  les  recherche  la  nuit,  à  la 
lanterne,  comme  les  chenilles  des  Satyres.  Les  chenilles  de  seconde 
éclosion  estivale  d'espèces  ayant  une  première  apparition  au  printemps 
sont  amenées  promptement  à  toute  leur  taille.  Beaucoup  de  chenilles, 
écloses  à  l'arrière-saison,  sont  destinées  à  passer  l'hiver  dans  l'engour- 
dissement: ainsi  la  chenille  de  la  Pyrale  de  la  Vigne,  OEnophthira  Pille- 
riana,  qui  hiverne,  à  son  premier  âge,  au  pied  des  ceps  et  des  échalas, 


LÉPIDOPTÈRES.  Ô5 

OÙ  peut  l'atteindre  le  procédé  destructeur  de  l'ébouillantage  ;  la  che- 
nille funeste  du  Liparis  chrysorrhœa,  passant  l'hiver  dans  de  petites 
logettes  au  milieu  de  l'assemblage  du  paquet  de  feuilles  sùches  liées 
par  elles  en  octobre,  avec  des  fils  de  soie,  à  l'extrémité  des  rameaux. 
Dans  certaines  espèces,  et  sans  doute  en  vue  d'une  conservation  plus 
assurée,  les  chenilles  issues  d'une  même  ponte  se  partagent  en  deux 
groupes,  les  unes  à  développement  rapide,  d'autres  à  développement 
lent,  donnant  les  adultes  et  par  suite  les  accouplements  à  deux  époques 
distinctes.  Ainsi,  les  chenilles  de  juin  du  Deilephila  Euphorbiœ  donnent 
les  unes  leurs  papillons  en  juillet,  et  d'autres  des  chrysalides  qui  passent 
l'hiver  et  éclosent  au  printemps  (J.  Fallou).  U  y  a  des  chenilles  d'Aplecta 
herbida  récoltées  en  automne  et  qui  ont  donne  les  adultes  en  janvier; 
d'ordinaire,  les  chrysalides  semblent  passer  l'hiver,  les  papillons  n'éclo- 
sent  qu'au  printemps.  Il  paraît  donc  exister  deux  séries  de  développe- 
ment (Goossens).  Un  grand  nombre  de  chenilles  de  Noctuéliens  s'en- 
terrent légèrement  pour  passer  l'hiver,  ou  se  blottissent  sous  les  mousses 
et  les  feuilles  sèches.  Il  y  a  des  chenilles  qui  vivent  très-longtemps  à 
cet  état:  ainsi  celle  du  Cossus  Ligniperda  passe  trois  hivers,  et  celles  de 
Chelonia  matronula  et  de  Nijmphalis  Populi  deux.  Certaines  chenilles 
restent  sociales  pendant  presque  toute  leur  vie,  ne  se  dispersant  qu'cà  la 
fin  :  ainsi  celles  de  Leuconea  Cratœgi,  abritées  au  printemps  sous  des 
toiles  qui  couvrent  les  haies,  et  celles  des  Vanessa  Urticœ  et  /o,  en 
famille  sur  les  Orties.  Les  chenilles  des  Vponomeutes  restent  sociales 
pendant  toute  leur  existence  et  sous  des  toiles  couvrant  les  Pommiers, 
les  Pruniers,  les  Cerisiers  mahaleb,  etc.,  et  même  sont  encore  sociales 
en  chrysalides,  sous  ces  mêmes  toiles.  Les  chenilles  des  Bombyx  pro- 
cvssionea  et  Pitijocampa  (les  Processionnaires  du  Chêne  et  du  Pin)  pas- 
sent toute  leur  existence  dans  une  bourse  soyeuse,  filée  en  commun,  et 
d'où  elles  sortent  la  nuit  en  procession,  et  c'est  sous  cette  tente  qu'elles 
se  filent  chacune  un  cocon  particulier,  où  elles  deviennent  chrysalides. 
En  général,  les  chenilles,  pour  s'abriter  soit  de  la  pluie,  soit  du  soleil, 
se  tiennent  de  préférence  sous  les  feuilles  qu'elles  rongent;  c'est  ce 
qu'on  voit  très-bien  pour  ces  Attaciens  exotiques  que  beaucoup  d'ama- 
teurs aiment  à  élever,  les  Vers  à  soie  de  l'Allante  et  du  Chêne. 

Il  y  a  des  chenilles  qui  craignent  tellement  le  soleil,  qu'elles  se 
réfugient  toute  la  journée  sous  les  plantes  basses  :  telles  les  chenilles 
des  Chelonia,  abritées  cependant  sous  de  longs  poils.  Au  contraire,  les 
chenilles  rases  et  à  peau  dure  et  comme  vernissée  de  certains  Sphin- 
giens  affrontent  sur  les  plantes  toutes  les  ardeurs  du  soleil,  comme  on 
le  voit  pour  la  chenille  du  Deilephila  Euphorbiœ,  qui  reste  à  décou- 
vert sur  les  Euphorbes  souvent  desséchées  en  été.  Ses  vives  couleurs, 
qui  la  rendent  si  visible,  sont  comme  un  défi  à  la  loi  de  la  protection 
par  mimétisme,  ce  qui  montre  combien  il  faut  se  garder  de  la  tenta- 
tion de  iormuler  des  lois  générales  dans  la  grandiose  complexité  des 
œuvres  du  Créateur. 


96  LÉPlDOPTËlitS. 

Bien  que  les  chenilles  se  nourrissent  presque  exclusivement  de  vé- 
gétaux, il  en  est  qui  vivent  de  matières  grasses  animales,  de  nos  vête- 
ments de  laine,  des  pelleteries,  des  graisses  de  cuisine,  de  la  cire  des 
Abeilles  et  des  Mélipones.  On  a  cité  des  chenilles  parasites  sur  la  four- 
rure des  animaux  vivants:  ainsi  celle  d'un  lAIicrolépidoptôre  sur  les 
Paresseux  ou  Tardigrades  arboricoles  de  l'Amérique  tropicale,  et  y 
passant  toutes  leurs  phases  de  chenille,  de  chrysalide,  d'adulte.  11  y  a 
des  chenilles  qui,  bien  que  phytophages,  sont  en  outre  carnassières, 
soit  de  leur  propre  espèce,  soit  d'autres  espèces,  même  à  l'état  de  liberté, 
et  non  pas  seulement  dans  les  éducations  captives,  où  les  instincts  sont 
déviés.  On  doit  citer  dans  les  chenilles  carnivores  celles  de  Scupelosoma 
satellitia,  des  Ovthosia,  de  certaines  Cucullia  et  Xanthia.  Une  des  plus 
voraces  est  la  chenille  de  Cosniia  trapezina.  Les  mandibules  de  ces  che- 
nilles, a  remarqué  M.  Goossens,  font  tout  de  suite  reconnaître  ce  fait. 
La  tête  est  large  et  elles  sont  très-écartées,  aiguës  ou  en  pinces.  En 
outre,  ces  chenilles  sont  vives,  agiles,  actives.  Les  amateurs  qui  élèvent 
les  chenilles  pour  obtenir  des  papillons  bien  frais  doivent  isoler  les 
chenilles  carnivores  chacune  dans  un  pot  séparé.  On  a  vu  des  chenilles 
de  Bombyx  Rubi  àésorev  des  chrysalides  encore  molles  et  récemment 
formées  de  la  Piéride  du  Chou. 

Certaines  espèces  de  chenilles  se  nourrissent  de  feuilles  de  végétaux 
dont  les  sucs  propres  sont  de  violents  poisons  pour  l'homme  et  les  ani- 
maux supérieurs.  La  chair  de  ces  chenilles  peut,  par  cette  nourriture 
même,  contracter  des  propriétés  ^énéneuses.  Levaillant  parle  d'une 
chenille  vénéneuse  dans  son  voyage  chez  les  grands  Namaquois. 
M.  Minière  a  empoisonné  de  jeunes  moineaux  en  les  forçant  à  manger 
des  chenilles  de  Dcilephila  Euphorbiœ,  qui  vit  sur  la  petite  Euphorbe 
{Eupjiurbia  Cyparissias). 

On  sait  que  les  insectes  qui  se  promènent  principalement  sur  le  sot 
peuvent  être  attaquéspar  des  Helminthes,  qui  séjournent  dans  leur  corps 
sous  la  forme  de  longs  Vers  .blancs  et  filiformes,  et  qui  étaient  autrefois 
regardés  comme  une  famille  spéciale,  sous  le  nom  de  Filaires.  Ce  sont 
les  états  asexués  d'espèces  qui,  à  l'état  parfait  ou  sexué,  sont  les  Mermis, 
vivant  alors  libres  dans  la  terre  humide,  et  les  Gordius,  séjournant  et 
nageant  dans  l'eau,  dépourvus  de  canal  digestif  et  ne  prenant  pas  de 
nourriture.  Les  Locustes  et  les  Criquets  sont  surtout  la  proie  de  ces 
Helminthes,  et  n'en  sont  pas  moins  aptes  à  être  donnés  en  nourriture 
aux  Oiseaux  de  volière,  car  ces  Helminthes  n'ont  pas  de  phases  d'existence 
dans  les  Vertébrés.  Les  chenilles  qui  se  promènent  souvent  sur  le  sol 
sont  dès  lors  aptes  à  être  attaquées  par  les  Mermis  ou  les  Gordius,  dont 
la  ponte  donne  naissance  à  des  Filaires.  parasites  internes  qui  peuvent 
parfois  persister  chez  la  chrysalide  et  chez  l'adulte.  Ainsi  une  Pilaire  a 
été  observée  chez  VAgrotis  r//xp adulte,  sortant'' par  ranus(Pierret);  une 
Filaire  de  quatre  pouces  de  long  est  sortie  d'une  chenille  de  Noctua 
aprilina  n'ayant  que  dix-huit  lignes  de  long  (Duponchel). 


LÉCIDOPTtRES.  97 

I-cs  chenilles  sont  encore  la  proie  de  Cryptogames  inférieurs,  dont  le 
plus  célèbre  est  le  Botrytis  Bassiana,  envahissant  l'appareil  respiratoire 
du  Ver  à  soie  et  produisant  la  grave  épidémie  contagieuse  de  la  muscar- 
iline,  objet  des  études  d'Audouiu.  Les  sporules  du  Cryptogame  ont  pu 
ètie  inoculées  à  des  clienilles  de  nos  espèces  indigènes  etcà  des  larves 
de  Coléoptères.  Les  chenilles  muscardinées  deviennent  sèches  et  dures, 
et  sont  connues  alors  sous  le  nom  de  dragées.  Des  Cryptogames  divers, 
confondus  sous  le  nom  général  de  muscardine,  envahissentbeaucoup  de 
nos  chenilles  à  l'état  libre  (1)  ;  la  grande  difficulté  d'élever  la  chenille 
du  Bombyx  Pubi,  qui  passe  l'hiver,  tient  surtout  à  ce  qu'elle  devient, 
dans  la  terre  où  elle  s'enferme,  la  victime  de  mycéliums  blancs  qui  la 
recouvrent.  Les  chenilles  qui  s'enterrent  pour  se  chrysalider  sont  ainsi 
attaquées  par  des  organismes  cryptogamiquos  inférieurs,  dont  la  forme 
parfaite  est  loin  de  se  manifester  toujours;  parfois  le  corps  de  la  chenille 
en  terre,  durcie  et  momifiée,  sert  de  racin-e  à  la  phase  la  plus  parfaite 
de  fructification,  celle  d'un  Sphœria,  qui  sort  de  terre  comme  une  tige 
issue  du  corps  de  la  chenille.  Ainsi,  à  l'Exposition  universelle  de  1855, 
il  y  avait,  dans  les  produits  delà  Tasmanie,  de  nombreux  exemplaires 
d'une  chenille  de  grand  Sphingien,  devenue  la  partie  souterraine  du 
Sphœria  Giinnii.  J'ai  vu  aussi  des  Sphœria  développés,  à  la  Nouvelle- 
Zélande,  sur  le  corps  delà  chenille  du  Sphinx  du  Liseron,  espèce  que 
son  vol  puissant  a  transportée  partout,  et  qui  se  nourrit,  à  la  Nouvelle- 
Zélande,  du  Convolvulus  Batalas. 

On  s'est  demandé  s'il  était  possible  de  reconnaître  sur  la  chenille, par 
des  caractères  extérieurs,  les  sexes  futurs  de  l'adulte.  Us  existent  déjà 
dans  la  chenille,  sous  forme  de  testicules  ou  d'ovaires  rudimentaires, 
ainsi  que  le  démontre  l'anatomie  interne.  C'est  ce  que  Malpighi  a  con- 
staté sur  le  Ver  à  soie  (1669);  c'est  ce  que  Hérold(1815)a  très-bien  revu 
et  aux  divers  âges  sur  des  chenilles,  même  très-jeunes,  de  la  Piéride  du 
Chou.  Plusieurs  auteurs  ont  cherché  à  distinguer  les  sexes  des  chenilles 
d'après  les  couleurs  ;  mais,  quand  on  observe  par  grandes  quantités  les 
chenilles  d'une  espèce,  on  reconnaît  des  généralisations  hasardées.  C'est 
à  tort  qu'on  a  cru  distinguer  les  sexes  des  chenilles  des  Bombyx  Neustria 
et  castrensis  par  les  lignes  blanches,  rouges  et  bleues  plus  ou  moins 
serrées  et  visibles;  ce  sont  des  variations  individuelles.  De  même  c'est 
par  erreur  que  Duponchel  pensait  reconnaître  les  sexes  sur  la  chenille 
de  VOrgya  antiqua  d'après  sa  couleur  plus  ou  moins  foncée.  On  a  dit 
que  les  chenilles  vertes  du  Deilephila  Elpenor  donnaient  des  femelles  et 
les  brunes  des  mâles  ;  mais  il  y  a  une  troisième  race,  tenant  des  deux, 
c'est-à-dire  d'un  vert  foncé  réticulé  de  noir.  Lacordaire  rapporte  que 
les  chenilles  brunes  de  Triphœna  prunuba  produisent  des  mâles,  les 
vertes  des  femelles.  En  réalité,  M.tioossensavusur  une  éducation  dedeux 

(1)  Maurice  Girard,  Quelques  faits  relatifs  à  des  Lépidoptères  attaques  par  la 
muscardine  {Ann.  Soc,  cniom.  France,  4 <=  série,  1863,  t.  III,  p.  90). 
GIRARD.  m.  —    7 


98  LÉPIDOPTÈRES. 

cents  chenilles  de  celte  espèce,  que  ces  couleurs  sont  sans  rapport  avec  le 
sexe;  toutes  étaient  vertes  au  début,  etsix  ou  huit  restèrent  de  cette  cou- 
leur à  taille  complète.  La  seconde  génération  de  cette  espèce  passe  l'hi- 
ver en  ciienilles,  avec  une  proportion  beaucoup  plus  forte  de  chenilles 
vertes.  Dans  les  espèces  à  taille  fort  différente  dans  les  deux  sexes,  on 
peut  prévoir  le  sexe  d'après  la  taille  de  la  chenille,  surtout  entièrement 
développée.  Les  chenilles  qui  donneront  des  femelles  de  Liparis  clispar 
sont  noiablement  plus  grosses  que  celles  des  mâles,  et  la  différence  de 
grandeur  s'observait  déjà  dans  les  œufs  ;  de  même  les  chenilles  femelles 
d'Orgya  gonostigma  sont  plus  fortes  que  celles  des  mules.  Le  genre 
Psyché,  fait  remarquer  M.  Goossens,  offre  une  exception  nette  par  des 
caractères  sexuels  externes  bien  distinctifs  dès  la  chenille,  même  au 
sortir  de  l'œuf.  Ainsi,  parmi  nos  espèces  parisiennes,  los  Psyché  calvella 
et  graminella  construisent  des  fourreaux  ditférents  selon  le  sexe.  Les 
chenilles  mâles  ont  un  fourreau  formé  de  morceaux  de  feuilles  sèches, 
imbriqués  les  uns  sur  les  autres  et  mêlés  d'herbes  de  la  taille  du  four- 
reau, ce  qui  donne  à  celui-ci  un  aspect  de  balai;  tandis  que  le  fourreau 
de  la  chenille  femelle  se  compose  de  petits  morceaux  de  bois  très-courts^ 
de  sorte  qu'elle  semble  placée  dans  un  tube. 

La  peau  des  chenilles  ri'est  exteiisible  qu'à  un  degré  limité;  aussi 
l'animal,  par  le  fait  même  de  sa  croissance  continue,  est  obligé  de  s'en 
dépouiller  à  certaines  époques,  et  d'en  sortir  comme  d'un  gant.  Ces 
changements  de  peau  ou  mues  sont  une  phase  critique  dans  l'existence 
de  la  chenille.  Elle  s'accroche  aux  objets  avec  ses  pattes  et  parfois  avec 
des  fils  de  soie;  la  vieille  peau  se  plisse  d'abord,  puis  se  fend  le  long 
du  dos,  et  la  chenille  en  relire  son  corps,  d'abord  la  région  antérieure, 
puis  la  postérieure,  par  des  efforts  souvent  pénibles.  Elle  cesse  de  man- 
ger pendant  cette  période,  qui  est  parfois  mortelle  pour  elle,  soit  par 
épuisement  résultant  de  la  diète,  soit  par  des  èlranglenients  ou  bifides, 
qui  se  forment  dans  l'ancienne  peau  et  dont  elle  ne  peut  se  dégager; 
elle  meurt  alors  étouffée,  Tancienne  peau,  devenue  inerte,  empêchant 
l'introduction  de  l'air  dans  les  stigmates.  Les  mues  sont  en  nombre 
assez  variable.  La  plupart  des  Hétérocères  suivent  la  même  loi  que  le 
Ver  à  soie  et  ont  quatre  mues,  séparées  par  des  intervalles  d'activité 
et  de  voracité  qu'on  appelle  âges,  le  premier  âge  allant  de  la  sortie  de 
la  coque  de  l'œuf  à  la  première  mue,  le  second  âge  de  la  première 
mue  à  la  deuxième,  etc.;  le  cinquième  âge,  de  la  quatrième  mue  à  la 
chrysalide,  qui  prend  naissance  à  la  cinquième  mue  et  forme  le  sixième 
âge;  la  sixième  et  dernière  mue  donnant  l'adulte  ou  septième  âge.  On 
restreint  d'ordinaire  le  nom  de  mues  aux  dépouillements  de  peau  d'où 
sort  une  nouvelle  chenille,  les  deux  derniers  changements  donnant 
des  formes  très-différentes.  Le  nombre  des  mues  n'est  parfois  que  de 
trois,  ainsi  chez  certaines  races  hâtives  de  Versa  soie  et  chez  beaucoup 
de  Uhopalocères;  il  peut  au  contraire  aller  jusqu'à  sept  ou  huit,  en 
rapport  avec  l'abondance  de  la  nourriture,  chez  certaines  chenilles 


PROPERTY  Oh 

Z.  P.  METCALF 

LÈPinOPTÈnES.  99 

velues.  11  est  parfois  difficile  de  savoir  exactement  le  nombre  des 
mues,  car  il  y  a  bien  des  chenilles,  ainsi  dans  les  Sphingicns,  qui 
mangent  leur  ancienne  peau  aussitôt  qu'elles  en  sont  sorties,  par  un 
instinct  analogue  à  celui  des  chenilles  carnivores.  Les  poils  des  che- 
nilles tombent  avec  la  peau,  ainsi  que  l'enveloppe  de  la  tète,  les 
antennes,  les  cornées  des  stemnates,  les  pièces  buccales,  les  étuis  des 
pattes  thoraciques  ou  crochets,  la  peau  superficielle  des  tubercules  et 
de  la  corne  du  onzième  anneau,  les  péritrèmes  des  stigmates  et  la 
cuticule  interne  des  trachées  d'origine.  Si  l'on  rase  avec  de  fins  ciseaux 
une  chenille  velue,  d'ordinaire,  après  la  mue,  elle  est  tout  aussi  garnie 
de  poils  qu'auparavant.  Les  couleurs  et  les  dessins  des  chenilles  après 
la  mue  peuvent  être  très-différents,  ainsi  que  les  tubercules;  des 
chenilles  rases  peuvent  devenir  poilues,  et  réciproquement.  Le  Ver  à 
soie,  noir  et  très-pubescent  au  premier  îîge,  devient  gris  et  avecquelques 
poils  au  second  âge,  d'un  blanc  un  peu  jaunâtre  et  sans  poils  à  partir 
du  troisième  âge.  La  chenille  naissante  de  VAttacus  Fama-moï  est  verte, 
comme  aux  âges  suivants;  elle  est  noire  au  premier  âge  de  VAttacus 
Pernyi,  espèce  très-voisine,  et  devient  verte  au  second,  etc. 

Quand  une  chenille  est  arrivée  à  son  entier  développement,  elle  cesse 
de  manger  comme  aux  approches  d'une  mue.  Ses  couleurs  se  ternis- 
sent ou  deviennent  livides,  son  corps  se  raccourcit,  sa  peau  se  plisse; 
et,  après  avoir  préparé  ou  cherché  un  abri  convenable  et  fort  varié, 
elle  se  dépouille  de  sa  peau,  après  un  état  dormant  et  sans  nourriture 
qui  peut  durer  plusieurs  jours  et  parfois  plusieurs  mois,  et  même  tout 
l'hiver  {Limacodes  Testudo),  par  un  fait  exceptionnel  pour  les  Lépido- 
ptères, fréquent  au  contraire  chez  les  Hyménoptères.  La  forme  est 
devenue  toute  différente  de  celle  de  la  chenille,  dans  la  chrysalide  ou 
fève  (nom  qui  serait  préférable)  qui  doit  nous  amener  au  papillon, 
dont  on  reconnaît  déjà  nettement  la  plupart  des  qaractères  extérieurs. 
La  chrysalide  est  un  second  œuf,  rempli  à  l'origine  d'une  pulpe  lai- 
teuse, dans  laquelle  s'organiseront  les  appareils  internes  de  l'adulte- 
La  clirysalide  laisse  apercevoir  extérieurement  la  plupart  des  organes 
de  l'adulte,  surtout  si  on  l'examine  quand  elle  vient  de  sortir  de  la 
peau  de  la  chenille,  que  ses  parties  sont  encore  peu  colorées  et  molles 
et  que  les  anneaux  de  l'abdomen  sont  encore  très-mobiles,  l'ius  tard, 
quand  l'adulte  qui  s'est  constitué  en  dessous  se  décolle  peu  à  peu  de 
la  peau  de  la  chrysalide,  celle-ci  devient  dure  et  sèche,  avec  les  sépa- 
rations des  parties  moins  distinctes,  les  anneaux  de  l'abdomen  sans 
aucune  mobilité.  En  mémo  temps  la  chrysalide  diminue  de  poids  jour 
par  jour  en  raison  d'une  évaporation  continue. 

Chez  les  Hétérocèrcs,  les  chrysalides  sont  cylindrico-coniques,  obtuses 
en  avant  et  s'amincissant  régulièrement  en  arrière,  d'une  couleur 
variant  du  brun  noir  au  brun  testacé  par  toutes  les  nuances  intermé- 
diaires. C'est  ainsi  qu'elles  ressemblent  à  une  graine  sèche.  Parfois 
certaines  de  ces  chrysalides,  qui  doivent  rester  exposées  à  la  lumièrej 


100  LÉPlDOPJtRES. 

soit  enlre  les  fils  Inclies  d'un  cocon  trcs-imparfait,  soit  sur  le  sol,  ont 
des  couleurs  plus  vives  :  ainsi  celle  du  Laria  V.  nigrum  est  d'un  beau 
vert  avec  une  sorte  de  raquelle  noire  sur  la  poitrine  ;  celle  du  Lipavis 
monacha  d'un  bronzé  cuivreux,  celle  de  Zerene  grossulariata  annelée 
de  jaune  et  de  brun.  Les  chrysalides  de  certains  genres  de  Noctuéliens, 
Catocala,  Cosmia,  etc.,  se  recouvrent  d'un  enduit  cireux  d'un  blanc 
bleuâtre,  analogue  au  glacis  des  prunes  et  à  l'enduit  de  l'abdomen  des 
mules  de  quelques  Libelluliens,  comme  Libellula  depressa,  etc.  Les 
formes  des  chrysalides  de  Rhopalocères  sont  plus  variées  que  celles  des 
Héiérocères  :  beaucoup  sont  anguleuses  ou  hérissées  de  pointes  coni- 
ques, d'autres  élranglécs;  certaines  chrysalides  ont  la  tète  bifide  {Va- 
nessa,  Argynnis)  ou  prolongée  en  deux  sortes  d'oreilles  (Limenitis),  ou 
tronquée  {Papilio,  Thais),  ou  en  pointe  (beaucoup  de  Pieris);  deux  ran- 
gées de  pointes  coniques  se  voient  sur  le  dos  des  chrysalides  de  Va- 
nesses  et  d'Argynnes.  11  y  a  des  chrysalides  de  Rhopalocères  compri- 
mées en  carène  sur  le  dos  (Apalura),  d'autres  courtes,  renflées,  cylin- 
droïdes  (Danais,  Euplcva,  Charaxes,  Arge) ,  ou  bien  arquées  cl  en 
nacelle  {Leucupliasia,  AnUwcharis^  Collidnjas),  ou  enlin  droites  [Pieris, 
Papilio).  Les  couleurs  sont  assez  variées.  Les  chrysalides  des  Apatura  et 
Charaxes  sont  d'un  vert  tendre  ;  celles  des  Pieris  d'un  blanc  jaunâtre, 
émaillées  de  points  noirs.  Klles  peuvent  offrir  des  couleurs  différentes, 
sans  que  les  adultes  qui  en  naîtront  soient  dissemblables.  Quand  on 
élève  le  Papilio  Machaon,  le  plus  répandu  du  genre  en  Lurope,  on  ob- 
tient des  chrysalides  les  unes  vertes,  les  autres  grises,  sans  iniluence 
imitative  de  la  couleur  du  support,  comme  on  l'avait  annoncé  d'après 
trop  peu  d'observations.  Certaines  chrysalides  de  Rhopalocères  sont  de 
vraies  aurélies,  et  méritent  ces  noms,  généralisés  à  tort,  par  des  ma- 
cules brillantes,  dues  ù  de  l'air  intercalé  sous  une  mince  cuticule 
jaune  ou  blanche.  De  là  les  taches  ou  les  bandes,  pareilles  à  de  l'or 
bruni,  des  chrysalides  des  Pyrameis  Atalanta,  Hunlera,  Cardui,  les  points 
d'or  ou  les  bandes  en  cercle  sur  l'abdomen  des  chrysalides  de  Danais, 
et  celles  de  quelques  Euplœa,  entièrement  revêtues  de  cette  riche 
teinle,  ressemblent  à  une  bulle  d'or.  Les  chrysalides  à' Argynnis  Latonia, 
Grapla  C.  album,  Vanessa  polychloros,  paraissent  au  contraire  parsemées 
de  taches  d'argeni,  etc. 

On  aperçoit  en  avant  d'une  chrysalide  l'enveloppe  de  la  tète,  avec  des 
sortes  d'étuis  séparés  recouvj'anl  les  antennes,  les  yeux,  la  spiritrompc, 
le  fourreau  de  celle-ci,  souvent  en  rapport  avec  la  grandeur  qu'offrira 
l'organe  chez  l'adulte.  Chez  les  Sphinx  propres  (S.  Convolvuli,  L'yis- 
tri,  etc.),  la  partie  antérieure  de  l'étui  de  la  tète  et  de  la  trompe,  qui 
doit  être  fort  longue  chez  l'adulte,  se  prolonge  en  une  longue  gaine 
repliée  sur  elle-même.  On  reconnaît  aussi  l'enveloppe  du  thorax,  sur 
les  côtés  les  fourreaux  des  ailes,  formant  dans  les  chrysalides  de  Diun- 
Ihœcia  un  prolongement  saillant  et  obtus  qui  s'avance  sur  la  poitrine 
comme  une  espèce  de  buse,  entre  les  fourreaux  alaircs  ceux  des  pattes, 


LÉPIDOPTÈRES.  101 

Il'S  pattes  postérieures  dans  les  Cucullia,  les  Cleophana^  emboîtées  dans 
une  longue  gaîne  détachée  et  plus  ou  moins  grêle,  qui  s'étend  quel- 
quefois au  delà  de  la  queue  de  la  chrysalide.  On  distingue  dans  les 
chrysalides  l'enveloppe  do  l'abdomen,  composée  de  neuf  segments  qui 
correspondent  à  ceux  de  l'adulte.  C'est  en  dessus  seulement  qu'ils  sont 
visibles  dans  leur  totalité,  car  les  étuis  alaires  cachent  en  dessous  les 
trois  premiers.  Sur  les  flancs  se  retrouvent  les  mômes  paires  de  stig- 
mates que  dans  la  chenille,  la  paire  du  prothorax  existant  cnire  l'étui 
des  antennes  et  l'enveloppe  du  thorax. 

La  plus  grande  partie  des  chrysalides  présente  des  téguments  lisses  ; 
parfois  leur  surface  entière  est  rugueuse  (beaucoup  de  Papilio)  ou  par- 
semée de  points  enfoncés  (beaucoup  d'Hétérocères).  Les  bords  des  an- 
neaux des  chrysalides  sont  parfois  garnis  de  petites  pointes  ou  épines 
symétriques  qui  les  rendent  scabres  (Cossus,  Sesia,  Zeuzera);  il  en  est 
qui  ont  des  bouquets  de  poils  rudes,  autrement  colorés  que  ceux  de  la 
chenille  {Orgya,  Liparis  dispar,  Salicis,  monacha,  etc.).  L'extrémité  pos- 
térieure des  chrysalides  est,  dans  beaucoup  de  cas,  armée  d'une  pointe 
simple  ou  double,  souvent  recourbée  en  crochet  ou  accompagnée  de 
soies  raides  et  courbes,  servant  cà  la  suspension  de  la  chrysalide  de  di- 
verses manières.  Chez  les  Psyché,  la  chrysalide  du  mâle  est  de  forme 
ordinaire,  mais  celle  de  la  femelle  est  renflée  en  barillet,  à.  la  façon  de 
la  pupc  d'un  Muscien.  Les  mouvements  des  anneaux  de  l'abdomen,  en 
demi-rotation,  ont  presque  toujours  lieu  surplace,  servant  à  la  chrysa- 
lide à  se  retourner  en  meilleure  position  ;  mais  parfois  ils  concourent 
à  une  véritable  progression,  surtout  s'ils  sont  armés  d'épines  ou  de 
poils  raides.  Les  chrysalides  des  chenilles  endophytes  des  Cossus,  Zeu- 
zera, Sesia,  se  forment  au  fond  de  la  galerie  ligneuse  creusée  par  les 
mandibules  de  la  chenille  ;  mais  le  papillon,  mou  à  son  éclosion,  ne 
pourrait  sortir  sans  les  plus  graves  dommages,  ses  ailes  en  moignons 
seraient  desséchées,  déchirées,  incapables  de  se  déplier.  Aussi  leurs 
chrysalides  se  hissent  peu  à  peu  dans  la  galerie,  au  moyen  des  pointes 
qui  garnissent  les  segments  de  l'abdomen,  absolument  comme  les  Lom- 
brics sortent  de  leurs  trous  terreux  grâce  à  leurs  soies  raides;  elles 
font  saillir  ainsi  à  demi  leur  région  antérieure  à  l'entrée  de  la  galerie, 
et  la  dépouille  de  la  chrysalide  d'où  est  né  le  papillon  reste  visible  à 
l'oriflce  du  trou,  comme  on  le  remarque  souvent  sur  les  Ormes  pour  le 
Cossus  Ligniperda,  sur  les  Peupliers  pour  les  ïrochihum  apiforme  et 
Sesia  asiliformis.  C'est  à  tort  que  M.  E.  Blanchard,  dans  ses  Mélamor- 
'phoses  des  Insectes,  suppose  que  le  papillon  éclôt  au  fond  de  la  galerie, 
et  entraîne  avec  lui,  pour  se  protéger  contre  les  rugosités  du  bois,  le 
tégument  abandonné  de  la  chrysalide.  Il  y  a  des  chrysalides  de  che- 
nilles hypogées  de  Noctuéliens,  se  formant  à  une  assez  grande  profon- 
deur sous  le  sol  et  dépourvues  de  pointes,  qui  se  frayent  peu  à  peu  un 
passage  avec  leur  tête  mousse,  en  s'appuyant  aux  parois  terreuses  avec 
les  anneaux  de  l'abdomen,  qu'elles  font  mouvoir  en  divers  sens. 


102  LÉPIDOPTÈHES. 

Rien  (Je  moins  constant  que  la  durée  de  l'état  do  clirj'salide.  lui  gé- 
néral celles  qui  se  forment  à  la  fin  du  printemps  et  au  début  de  Tété, 
et  surtout  pour  les  Microlépidoptères  à  chrysalides  de  faible  taille,  don- 
nent le  papillon  au  bout  de  peu  de  semaines,  en  raison  de  l'évaporation 
active  qui  s'opère  à  cette  époque,  surtout  pour  les  petites  chrysalides. 
Aucontraire,  les  chrysalides  formées  en  automnepassent  souvent  l'hiver, 
conservant  aisément  leurs  organes  mous  pendant  plusieurs  mois,  en 
raison  d'une  évaporation  faible.  Cette  influence  de  l'évaporation  sur  la 
durée  de  l'état  nyniphal  a  été  mise  hors  de  doute  par  les  expériences 
de  Réaumur,  qui  a  retardé  l'éclosion  en  été,  soit  en  vernissant  les  chry- 
salides de  manière  à  diminuer  l'évaporation,  soit  en  les  maintenant  à  la 
glacière,  tandis  que  l'éclosion  est  hâtée  par  une  chaleur  artiticielle  qui 
favorise  l'évaporation.  11  y  a  de  nombreuses  exceptions  à  cette  loi  géné- 
rale, en  rapport  avecles  données  physiologiques;  sans  qu'on  en  puisse 
donner  aucune  explication,  diverses  espèces  offrent,  dans  les  chrysa- 
lides issues  d'une  même  ponte,  des  retards  d'éclosion  considérables 
pour  certaines  d'entre  elles,  chez  lesquelles  se  prolonge  la  vie  latente 
par  des  causes  internes  et  individuelles  que  nous  ne  connaissons  pas, 
avec  un  ensemble  de  circonstances  extérieures  absolument  les  mêmes. 
La  plupart  éclosent  à  une  -époque  fixée  à  l'avance,  ordinairement  au 
printemps  pour  les  chrysalides  hivernantes;  mais  quelques-unes,  cette 
époque  passée,  reprennent  l'état  dormant  pendant  toute  une  année  et 
même  pendant  plusieurs  années,  jusqu'au  moment  de  l'éclosion  habi- 
tuel à  l'espèce.  Ces  faits  sont  rares  parmi  les  Rhopalocères^  cependant, 
dans  les  Thaïs,  on  a  des  exemples  de  chrysalides  demeurant  deux  ans 
sans  éclore.  Ainsi,  sur  trois  cents  chrysalides  de  Thais  Medesicaste  reçues, 
en  automne,  la  plus  grande  partie  est  éclose  au  printemps  de  l'année 
suivante,  et  une  vingtaine,  demeurées  bien  vivantes,  n'ont  donné  le 
papillon  qu'au  printemps  de  l'année  d'après.  Ce  sont  surtout  les  Hétéro- 
cères  qui  présentent  ces  singuliers  retards.  Si  l'on  élève  une  ponte 
prinlanière  des  Notodonta  turva,  zigzag,  tritophus,  de  Deilephila  Euphor- 
biœ  et  autres  espèces  encore,  la  majeure  partie  des  chrysalides  donnent 
le  papillon  au  mois  d'août,  mais  d'autres  n'éclosent  qu'à  la  lin  de  mai 
de  l'année  suivante,  à  la  même  époque  que  celles  provenant  de  la  se- 
conde ponte  et  métamorphosées  en  octobre.  Des  espèces  univoltines, 
n'ayant  qu'une  éclosion  habituelle  au  printemps,  après  hibernation  de 
la  chrysalide,  peuvent  éprouver  des  retards  analogues.  Les  chrysalides 
de  Bombyx  ou  Cnethocarnpa  processionea  peuvent  resterplusieurs  années 
dans  les  cocons  filéssous  la  tente  soyeuse  commune;  VAttacus  Piri  a  pu 
demeurer  en  chrysalide  pendant  sept  années.  Quand  on  élève  en  nom- 
bre cette  grande  espèce,  qui  donne  le  géant  des  Papillons  d'Europe,  la 
plupart  des  papillons  paraissent  au  mois  de  mai  de  l'année  suivante, 
mais  il  y  a  toujours  des  retardaires,  de  moins  en  moins  nombreux,  qui 
éclosent  en  mai  dans  les  années  suivantes.  La  vitalité  de  cette  chrysa- 
lide est  considérable:  un  adulte  put  éclore,  bien  que  la  chrysalide. 


LÉPIDOPTfeRES.  103 

percée  d'une  forte  épingle,  fût  restée  ainsi  pendant  sept  mois,  de  sep- 
tembre à  avril.  La  persistance  de  la  vie  latente  est  analogue  chez  le 
Bombyx  laneslris,  dont  la  chrysalide  a  pu  rester,  dit-on,  neuf  ans  avant 
d'éclore.  Le  docteur  Boisduval  a  constaté  une  persistance  nymphale  de 
sept  ans  et  Caroff  de  cinq  ans.  Beaucoup  d'Attaciens  et  de  Rombyciens 
ont  des  retards  analogues,  mais  sur  un  très-petit  nombre  de  sujets: 
ainsi  pour  les  Attacus  Cyntlna  vera,  Yama-ma'i\  Pernj/i,  etc. 

Cette  vitalité  persistante  des  chrysalides  est  analogue  à  la  résistance 
à  l'abaissement  de  température  qu'elles  peuvent  éprouver  sans  périr. 
Ainsi,  dans  les  hivernages  de  Ross  dans  l'Amérique  arctique,  des  chry- 
salides de  Colias,  gelées  et  sonnant  sur  un  verre,  ont  néanmoins  donné 
leurs  papillons.  Pierre  t  cite  des  chrysalides  de  Smerinthus  Tiliœ,  exposées 
à  l'air  en  hiver,  entièrement  congelées  et  dures  en  dedans,  dont  les 
papillons  sont  sortis  au  printemps.  Les  chenilles  présentent  aussi  les 
mêmes  faits  de  résistance  au  froid.  Lacordaire  mentionne  des  chenilles 
de  Lencania,  qui  se  métamorphosèrent  pourtant  au  printemps,  qu'on 
pouvait  prendre  pour  des  stalactites  de  glace,  par  la  cassure  nette  et  le 
son  qu'elles  rendaient  parle  choc.  Le  même  fait  de  chenilles  congelées 
a  été  vu  par  M.  Xambeu  pour  le  Cossus  Ligniperda.  Celte  persistance  de 
la  vie  sur  des  chenilles  et  des  chrysalides  transformées  en  un  morceau 
de  glace  compacte  et  sonnant  sur  le  verre  est  bien  anciennement  con- 
nue et  signalée  par  Lister  à  la  fin  du  xvni''  siècle  (Gœdart,  De  Insectis, 
1G85,  édit.  de  Londres,  p.  76). 

Les  moyens  employés  par  les  chenilles  pour  les  chrysalides  varient 
beaucoup.  Chez  les  Rhopalocères,  dont  les  chenilles  ne  possèdent  que 
peu  de  matière  soyeuse,  les  chrysalides  se  forment  le  plus  souvent  à 
nu,  et  leur  modo  de  station,  où  concourent  les  fils  de  soie,  a  servi  au 
docteur  Boisduval  de  base  pour  ses  subdivisions  des  Rhopalocères  en 
trois  groupes  artificiels,  commodes  pour  l'étude  et  avec  ces  exceptions 
de  détail  qui  font  le  désespoir  des  auteurs  entichés  des  classifications 
systématiques.  Elles  sont  très-naturelles,  au  contraire,  dans  nos  idées, 
que  la  nature  n'a  pas  fait  de  classifications  et  qu'on  ne  doit  jamais  y 
voir  que  des  groupements  approximatifs.  Chez  certains  Rhopalocères 
(suspensi),  la  chrysalide  est  pendante  et  verticale,  attachée  seulement 
par  un  faisceau  de  courts  fils  de  soie  allant  de  la  queue  de  la  chrysalide 
au  support  {Vanessa,  Satyriis,  Argynnis  et  genres  dérivés).  Dans  les 
Papilio,  Thois ,  Pieris ,  Colias,  Anihocharis,  Polyommatus,  Lycœna,  The- 
cla,  etc.,  qui  forment  \cs  siiccincti  dn  docteur  Boisduval,  la  chrysa- 
lide, outre  le  lien  soyeux  terminal  quila  fixeparlaqucue,  est  entourée 
par  une  ceinture  transversale  de  plusieurs  fils  de  soie  accolés,  attachés 
à  leurs  deux  bouts  contre  le  support,  de  manière  à  n'être  plus  pen- 
dante dans  la  verticale,  mais  attachée  au  support  dans  des  inclinaisons 
variées.  Réaumur  a  décrit  avec  une  minutieuse  précision  le  travail  des 
chenilles  occupées  à  filer  et  à  mettre  en  place  ces  moyens  de  suspension 
et  d'attache.  Enfin  il  y  a  des  Rhopalocères  qui  deviennent  chrysalides  en 


\Qh  LÉPIDOPTÈRES. 

s'enveloppanl  dans  un  léger  réseau  de  fils  de  soie,  dans  lequel  sont  en- 
globées des  feuilles:  ce  sont  les  involuli,  comprenant  lesHespériens,  tribu 
naturelle  à  ailes  à  demi  relevées  au  repos.  On  doit  ciler,  à  titre  d'ex- 
ception, les  Parnassiens  (.4poWo,  Mnemosyne,  etc.),  qui  s'entourent  d'un 
cocon  à  claire-voie,  et  quelques  cbenilles  de  Satyres  qui,  au  lieu  de 
se  suspendre  par  la  queue,  deviennent  chrysalides  étendues  sur  le  sol. 
Les  modes  de  chrysalidalion  des  Hétérocères  sont  beaucoup  plus 
variés.  Un  grand  nombre  d'espèces  s'entourent  de  cocons  soyeux, 
formés  de  fils  de  soie  continue  et  entrelacés,  réunis  par  une  ma- 
tière gommeuse  qui  les  incruste  plus  ou  moins  et  qui  peut  être 
enlevée  ou  par  l'sau  chaude  (Ver  à  soie  du  Mûrier),  ou  par  des  lessives 
alcalines,  ce  qui  constitue  un  décreusage  (Vers  à  soie  de  l'Allante,  du 
Chêne,  Altacits  Aurota,  etc.).  Le  rôle  du  cocon  est  de  s'opposer  en  par- 
tie à  la  trop  rapide  évaporation  de  la  chrysalide,  qui  peut  amener  sa 
mort,  soit  par  dessiccation,  soit  par  refroidissement.  J'ai  constaté  (1) 
que  les  chrysalides,  au  moment  où  on  les  retire  du  cocon,  ont  toujours 
une  température  externe  supérieure  à  celle  de  l'air  ambiant,  mais 
qu'ensuite,  à  mesure  que,  exposées  à  l'air  libre,  elles  perdent  rapide- 
ment de  leur  poidspar  évaporation,  leur  température  superficielle  peut 
s'abaisser  au-dessous.  La  soie  n'existe  pas  à  l'intérieur  du  corps  des 
chenilles  à  l'état  d'un  écheveau  ou  d'un  peloton  de  fil  qui  se  déroule- 
rait; elle  sort  de  la  filière  buccale  chez  beaucoup  de  chenilles  dès 
leur  éclosion  de  l'œuf,  car  on  les  voit  à  tous  les  âges,  à  l'instar  du  Ver  à 
soie,  émettre  des  fils  de  tous  cotés.  Deux  glandes  occupant  symétrique- 
ment les  deux  côtés  du  corps,  plus  ou  moins  allongées,  contiennent  un 
liquide  visqueux  et  filant,  qu'on  peut  étirer  artificiellement  et  qui  se 
solidifie  très-rapidement  à  l'air  par  une  sorte  de  résinification.  C'est  ce 
qu'on  observe  très-bien  sur  ces  Vers  à  soie  qui  deviennent  cow?7s  et  qui, 
au  lieu  de  filer  un  cocon,  étaleront  leur  scie  {Vers  tapissiers).  On  leur 
retire  de  la  bouche  le?  glandes  à  soie,  après  qu'on  les  a  fait  macérer 
pendant  deux  jours  dans  le  vinaigre,  on  les  crève,  et  le  filet  qu'on  en  retire 
et  qu'on  étend  autant  qu'on  peut,  donne  ces  fils  très-résistanls,  appelés 
//7s  de  Florence,  et  qui  servent  à  attacher  l'hameçon  à  la  ligne.  ï.cs  con- 
duits excréteurs  des  deux  glandes  se  réunissent  un  peu  avant  la  filière 
qui  sort  de  la  bouche.  Le  fil  du  Ver  à  soie  est  formé  de  deux  fils  tordus 
ensemble  par  l'animal  au  moyen  de  cinq  paires  de  petits  muscles 
(docteur  Auzoux).  On  réussit  en  effet  parfois,  au  moyen  d'eau  de  savou' 
à  dédoubler  le  fil  en  deux  fils  presque  invisibles,  sans  aucune  force  de 
torsion  appréciable,  comme  l'a  reconnu  Coulomb  dans  ses  expériences 
sur  l'élasticité  de  torsion,  et  cependant  Irès-tenaces.  Il  règne  encore 
assez  d'obscurité  sur  la  question  de  savoir  comment  la  matière  gluti- 

(I)  Maurice  Girard,  Elude  sttr  lu  cJialeur  libre  dégagée  par  les  animaux  inver- 
tébrés et  spécialement  les  Insectes  {Ann.  se.  nat.j  ZooL.,  5'^  série,  18G9,  t.  W, 
p.  135). 


LÈPIDOPTi'-RES.  105 

ncuse  coiUonuc  dans  les  glandes  séririgènes  devient  un  fil  solide,  inso- 
Inble  dans  l'ean,  avant  de  sortir  de  la  filière.  Est-ce  une  introduction 
d'air  dont  l'oxygène  résinific  les  filets  visqueux?  Y  a-t-il,  comme  l'a 
annoncé  M.  Auzoux  pour  le  Ver  à  soie,  deux  petites  glandes  annexes  près 
de  la  filière,  versant  dans  le  suc  séricigène,  à  la  sortie  de  sa  glande,  un 
liquide  non  encore  connu  à  l'élai  isolé,  mais  capable  d'amener  dans  le 
liquide  visqueux  sortant  de  la  glande  séricipare  une  solidification  immé- 
diate, à  l'instar,  par  exemple,  du  tannin,  qui,  mêlé  à  la  gélatine,  la  durcit 
aussitôt  et  donne  la  fausse  écaille?  Cette  matière  existe-t-elle  au  con- 
traire à  la  partie  ultime  des  glandes  séricipares? 

Les  cocons  les  pins  riches  en  soie,  avec  la  plus  belle  qualité  de  la  ma- 
tière textile,  sont  ceux  du  Sevicaria  Mûri,  qui  est  l'objet  d'une  industrie 
du  premier  ordre. Viennent  ensuite,  oll'rant  une  soie  un  peu  plus  gros- 
sière, les  cocons  des  Atlacus  Yama-maï,  Pcriiyi,  Mylitta,  Aurota,  Pohj- 
phemus,  etc.  Ces  cocons  sont  fermés  aux  deux  bouts  et  dévidables  en 
soie  grége.  Les  chrysalides  contenues  dans  les  cocons  épais  et  résis- 
tants ont  à  la  tète  une  petite  vésicule,  découverte  par  Guérin-Méne- 
ville,  sécrétant  un  liquide  qui  détruit  la  gomme  d'incrustation  du 
cocon  à  l'un  de  ses  pôles,  par  où  sortira  le  papillon  en  perçant  le  cocon. 
Les  fils  sont  décollés  et  écartés  par  les  efforts  de  l'insecte,  qui  se  fraye 
une  issue  à  travers  leur  entrecroisement,  absolument  comme  un  enfant 
qui  passe  dans  une  haie.  Une  grande  erreur  est  de  croire  que  les  fils 
£ont  coupés  par  les  yeux  du  papillon  agissant  comme  une  lime,  suivant 
une  idée  bizarre  deLatreille.  Le  papillon  n'a  aucun  organe  capable 
d'opérer  une  section.  Si  les  cocons  percés  sont  rebelles  au  dévidage 
ordinaire,  c'est  que,  remplis  de  l'eau  de  la  bassine,  ils  tombent  au  fond, 
ce  qui  produit  la  rupture  du  fil,  déjà  affaibli  au  reste  par  l'action  de  la 
liqueur  qui  aide  à  la  sortie  du  papillon.  Avec  des  précautions  conve- 
nables, on  dévide  très-bien  à  la  main  ces  cocons  percés.  Chez  d'autres 
espèces  et  sans  qu'il  y  ait  de  différences  dans  les  caractères  importants 
du  genre,  les  cocons,  très-soyeux  aussi  parfois,  sont  trop  iricrustés  pour 
que  le  papillon  puisse  les  percer  à  un  pôle  pour  sortir;  aussi  la  chenille 
fait  elle-même  une  ouverture  préexistante.  Les  fils  se  contournent  en 
masse  à  l'orifice,  en  une  sorte  d'entonnoir  disposé  de  façon  que  les 
brins  s'opposent  à  l'introduction  par  le  dehors  de  corps  étrangers  ou 
d'insectes  ennemis,  mais  s'affaissent  au  contraire  contre  la  paroi,  quand 
la  tète  du  papillon  les  pousse  de  dedans  en  dehors.  C'est  l'inverse  de 
la  nasse  à  poissons.  On  voit  très-bien  les  clienilles  qui  filent  celte  sorle 
de  cocons,  se  retournant  constamment  d'un  bouta  l'autre,  quand  elles 
replient  le  fil  en  nasse,  toujours  sans  le  casser.  Tels  sont  les  cocons  des 
Attacus  Piri,  Spini,Carpini,Cijnthia  vera,  Atlas,  Cecropia,  etc.  Il  nous  est 
becucoup  plus  difficile  de  dévider  ces  cocons  que  les  cocons  fermés,  si 
l'on  y  joint  les  décreusages  nécessaires.  Cependant  on  y  est  arrivé  pour 
certaines  espèces,  mais  non  encore  industriellement,  de  sorte  qu'on  en 
est  réduit  au  cardage,  si  l'on  veut  utiliser  ces  cocons  en  filoselle.  Ce  qui 


106  LÉPIDOPTtRES. 

montre  combien  les  cocons  ont  peu  d'affinité  réelle  avec  les  espèces, 
c'est  l'exemple  des  Endromts  versicolor  et  Aglia  Tau,  voisins  zoologique- 
ment  du  Sericaria  Mori,  et  qui  n'ont  pour  cocons  que  quelques  fils 
entrecroises,  attachés  aux  feuilles  ou  aux  mousses.  Les  cocons  des  La- 
sciocampa  &ont  assez  fournis  de  soie,  mais  d'un  gris  noirâtre  et  grossière; 
ceux  de  Bombyx  RuU  et  de  Mcgasoma  irpandum  ont  une  soie  continue, 
mais  assez  claire  pour  qu'on  aperçoive  la  chrysalide  à  travers.  Los 
Bombyx  Neustria  et  castronsis  ont  des  cocons  d'une  jolie  soie  blanche, 
mais  si  peu  fournie,  qu'on  ne  peut  songer  à  les  utiliser;  leur  transpa- 
rence est  diminuée  par  la  sécrétion  d'une  liqueur  jaune  que  la  chenille 
rend  par  l'anus  et  qui  saupoudre  le  cocon  à  l'intérieur  de  grains  d'a- 
cide urique,  colorés  en  jaune  soufre  et  ressemblant  à  de  la  poudre  de 
lycopode.  Le  cocon  de  Dasychira  pudibuncla  est  d'une  soie  très-légère 
d'un  blanc  jaunâtre,  entremêlée  de  quelques  poils  de  la  chenille  ;  de 
même  pour  les  cocons  des  Orgya,  d'une  soie  terne  et  grisâtre,  l'n  assez 
grand  nombre  de  chenilles  velues  fortifient  ainsi  leurs  cocons  trop  légers 
avec  des  poils  qu'elles  s'arrachent  ou  qu'elles  coupent  avec  leurs  man- 
dibules {Chelonia,  Lithosia,  etc.).  Les  poils  urticants  dont  ris  sont  mêlés 
rendent  très-difficiles  à  utiliser,  même  par  le  cardage,  les  cocons  et  les 
nids  communs  soyeux  de  Cfief/iocrtm/x/procr'.ss<onea  et  Pityocampa.  Les  nids 
soyeux  d'un  Bombycien  social  de  Madagascar  sont  employés,  après  lessive 
particulière  qui  les  débarrasse  des  poils,  pour  fabriquer  des  étoffes  très- 
résistantes,  dans  lesquelles  lesHovas  enveloppent  leurs  morts  de  qualité. 
Il  y  a  des  cocons  dont  la  soie  est  tellement  incrustée,  que  l'enveloppe, 
d'un  gris  jaunâtre,  ressemble  à  un  papier  ou  au  carton  des  nids  de  cor- 
tains  Vespiens  :  ainsi  pour  les  Bombyx  Quercûs  ci  Trifolii.  Beaucoup  de 
chenilles  d'Hétérocères,  n'ayant  pas  assez  de  matière  soyeuse  pour  s'en- 
velopper de  cocons,  même  en  y  mêlant  leurs  poils,  ajoutent  à  leur  entou- 
rage des  matières  étrangères.  Les  Liparis  dispar,  Saiicis,  monacha  et 
Laria  F.  n/(/rîrm  entrecroisent  entre  les  feuilles  ou  les  écorces  soulevées, 
ou  sous  une  pierre,  quelques  fils  de  soie,  auxquels  la  chrysalide  est  plu- 
tôt maintenue  par  les  crochets  de  sa  pointe  anale  que  par  la  résistance 
du  tissu.  Le  funeste  Cossus  ligniperde  devient  chrysalide  dans  un  cocon 
de  soie  d'un  gris  noirâtre,  entremêlée  de  nombreuses  parcelles  des 
fragments  de  bois  coupés  par  les  mandibules  de  la  chenille.  Les  che- 
nilles des  Galléries  de  la  cire  (Fausses-teignes  de  Réaumur)  entassent 
au  milieu  des  gâteaux  des  ruches  leurs  cocons  oblongs  et  accolés  entre 
eux,  formés  d'une  soie  blanche  fortifiée  par  des  parcelles  de  cire  et  par 
les  crottins  noirs  des  chenilles. 

La  chenille  de  Gonoptera  libafrix  lie  ensemble  les  feuilles  de  la  plante 
sur  laquelle  elle  a  vécu,  et  se  change  en  chrysalide  à  l'intérieur  de  cet 
abri.  Beaucoup  de  ïortriciens  deviennent  chrysalides  dans  le  cornet  de 
feuille,  enroulée  et  maintenue  par  de  la  soie,  dans  lequel  vivait  la  che- 
nille, et  les  Yponomeutes  se  chrysalident  suspendues  sous  la  tente 
soyeuse  d'abri  de  leurs  chenilles  sociales.   Les  Cléophanes   fortifient 


LÉPIDOPTfcliES.  107 

leurs  légers  cocons  avec  de  petits  fragments  de  feuilles  ajustés  avec 
symétrie  les  uns  à  côté  des  autres;  des  chenilles  vivant  sur  les  murs 
tapissent  les  légers  fils  de  leurs  cocons  avec  des  grains  de  sable  et  des 
débris  de  lichens,  de  façon  qu'elles  ne  paraissent,  lors  de  la  nymphose, 
que  comme  une  faible  saillie  de  la  surface  de  la  pierre.  Les  chenilles 
mangeuses  de  lichens  des  Bryophiles  se  retirent  dans  des  cavités  de  ces 
Cryptogames  parasitaires  et  les  bouchent  avec  des  lichens  liés  par  de  la 
soie,  do  façon  à  dissimuler  leurs  chrysalides  cà  l'œil  de  l'oiseau  ou  de 
rinsecle.  Certaines  chenilles  arboricoles  descendent  le  long  du  tronc 
pour  se  chrysalider,  et  enveloppent  très-artistement  leurs  coques  de 
petits  fragments  d'écorces  et  de  lichens,  par  protection  imitative:  ainsi 
pour  les  Dicranoures  et  le  Bombyx  Popiili.  La  chenille  de  Harpija  Mil- 
hansori  façonne  sur  le  tronc  des  Hêtres,  avec  des  raclures  d'écorce 
agglutinées  par  une  salive  qui  est  une  vraie  colle-forte,  des  coques  très- 
dures  qui  ressemblent  tout  à  fait  à  des  loupes  ligneuses  de  l'écorce  et 
qui  sont  attachées  si  solidement,  qu'il  faut  couper  l'écorce  au-dessous  et 
emporter  la  coque  avec  le  lambeau  d'écorce,  si  l'on  veut  obtenir  la 
chrysalide  intacte.  Cependant  elles  ne  trompent  guère  l'instinct  des 
Pics,  car  la  plupart  de  ces  coques  sont  percées  par  le  bec  de  ces  oiseaux 
et  vidées  de  leur  contenu,  ce  qui  explique  la  rareté  du  papillon. 

On  ne  saurait  guère  tirer  de  la  taille  de  la  chenille  et  de  la  chrysa- 
lide une  induction  pour  la  grandeur  du  cocon.  11  en  est  dont  la  chry- 
salide est  comme  flottante  dans  un  cocon  très-allongé,  eu  égard  à  sa 
taille,  ainsi  pour  le  Megasoma  repandiim  et  le  Bombyx  Rubi,  Les  cocons 
du  Ver  à  soie  et  de  VAttacus  Piri  sont  bien  plus  larges  que  la  chrysalide, 
tandis  que  ceux  du  Bombyx  Quercûs etdc  VAttacus  Prometheus  sont  res- 
pectivement bien  plus  petits  et  comme  collés  contre  la  chrysalide, 
quoique  provenant  de  chenilles  de  la  même  dimension  que  le  Ver  à 
soie  et  la  chenille  du  grand  Paon  de  nuit.  La  forme  des  cocons  est  aussi 
diversifiée  que  la  nature  de  leur  tissu.  Il  en  est  d'ovoïdes  (AttaciK  Piri 
et  Carpini),  d'ellipsoïdes  {Sericaria  Mori,  Attacm  Mylitta  et  Yama- 
maï,  etc.),  de  cylindroïcles  et  droits,  appointis  aux  deux  bouts  {Lasio- 
campa),  de  cylindroïdes  avec  les  deux  bouts  hémisphériques  {Bombyx 
Quercûs  et  Trifolii)  ;  il  en  est  de  recourbés  {Megasoma  repandum  et  faible- 
ment Bo?nbyx  Rubi  femelle).  Ceux  de  beaucoup  de  Zygènes  sont  en 
fuseau  allongé  et  accolés  aux  tiges  des  Graminées  ou  des  Légumineuses 
dans  toute  leur  longueur  ;  celui  de  Halias  quercana  en  bateau  ren- 
versé, etc.  Dans  beaucoup  de  races  du  Ver  à  soie  du  Mûrier,  les  co- 
cons des  chrysalides  femelles  sont  plus  gros  que  ceux  des  mâles,  et  ces 
derniers  sont  souvent  étranglés  au  milieu  ;  mais  ce  caractère  n'est  pas 
général.  Beaucoup  de  cocons  pris  dans  les  plus  soyeux  ont,  extérieure- 
ment au  cocon  principal,  une  première  enveloppe  d'attache  de  fils 
lâches  et  confus  :  telle  est  la  bave  des  cocons  du  Ver  à  soie,  dont  les 
premières  couches  floconneuses  sont  la  bourre,  qu'on  enlève  à  la  main 
avant  d'opérer  la  filature.  Il  y  a  des  cocons  qui  ont  deux  robes  ou  deux 


108  LÉPIDOPTkBES. 

couches  (le  soie  bien  distinctes  par  la  finesse  et  parfois  de  teinte  un 
peu  difTérentc  :  ainsi  chez  les  Attacus  Cecropia  et  Bavhimœ.  Enfin  les 
cocons  ofTrent  parfois  des  moyens  supplémentaires  d'attache.  Dans  les 
Indes,  le  cocon  de  V Attacus  M xjlilta  estsuspendu  aux  branches  des  Juju- 
biers ou  des  Chênes  dans  les  régions  montagneuses,  au  moyen  d'un 
long  pédicule  à  demi  résineux  et  terminé  par  une  forte  boucle  cornée 
qui  entoure  la  branche  ;  aussi  ces  cocons  se  balancent  aux  branches,  et 
souvent  on  les  gaule,  car  leur  soie,  dite  tussah  ou  tussor,  donne  des 
étoffes  très-solides  et  s'emploie  beaucoup  mêlée  au  coton  ou  à  la  soie 
du  Ver  du  Mûrier.  Il  faut  remarquer  que  ce  cocon,  à  peu  près  dépourvu 
de  bave,  ne  pourrait  se  soutenir  autrement  que  par  un  fort  pédicule. 
On  a  dû  récolter  ces  cocons  depuis  une  haute  antiquité,  car  Arislote  a 
cru  que  la  soie  des  Indes  provenait  d'un  fruit  pendant  aux  arbres, 
d'après  des  récits  altérés.  D'autres  cocons  fermés  ont  également  un 
pédicule  d'attache,  mais  par  un  simple  ruban  de  soie  aplati,  collé  à  un 
pétiole  de  feuille  et  qui  peut  manquer,  ainsi  pour  les  cocons  des  Atta- 
cus Yama-maï  ci  Permji;  ils  ont  assez  de  bave  pour  se  maintenir  adhé- 
rents à  une  feuille  enroulée  autour  d'eux.  Il  en  est  de  même  pour  le 
cocon  ouvert  de  V Attacus  Cynthia  vera,  qui  offre  souvent  un  pédicule 
aplati  de  soie  grise  et  brillante,  partant  du  pôle  opposé  à  l'ouverture  et 
prenant  appui  sur  une  feuille  d'Allante. 

Il  existe  des  cocons  de  forme  et  de  filature  anormales,  soit  par  mau- 
vaise conformation  ou  affaiblissement  de  la  chenille,  soit  par  accident 
survenu  lors  de  son  travail.  On  rencontre  des  cocons  difformes  dans  les 
amas  de  cocons  du  Ver  à  soie  du  Mûrier,  tantôt  filés  par  une  seule  che- 
nille, tantôt  par  deux  ou  même  plus,  qui  se  sont  associées  pour  se 
chrysalider  en  commun.  Il  y  a  de  ces  cocons  qui  sont  sphéroïdes,  ou 
discoïdaux,  triquètres,  cordiformes,  fusiformes  et  très-pointus  à  un 
pôle,  etc.  Les  douppmis,  ou  cocons  doubles,  filés  par  deux  chenilles  à 
la  fois,  sont  un  déchet  pour  le  magnanier,  car  on  ne  peut  que  les  cor- 
der et  non  les  dévider  en  soie  grége  ;  ils  se  forment  librement  si  les  Vers 
filent  à  la  bruyère,  ou  aux  rameaux  de  colza  ou  dans  des  bottes  de 
paille  ;  on  en  restreint  le  nombre  en  obligeant  les  Vers  à  filer  dans  des 
intervalles  rétrécis  où  il  leur  soit  difficile  de  s'associer  (coconnières 
Davril,  châteaux  à  cases  de  Delprino).  On  rencontre  parfois  des  doup- 
pions,  notablement  plus  gros  que  le  cocon  ordinaire,  dans  les  cocons 
filés  en  toute  liberté  par  nos  espèces  indigènes.  Je  possède  un  cocon 
à'Attacus  CarpiniRlé  par  deux  chenilles  associées  et  qui  m'a  été  donné 
par  M.  Xambeu, 

11  y  a  des  chenilles  qui  ne  se  filent  pas  de  cocons  et  dont  les  chrysa- 
lides reposent  simplement  sur  le  sol  ou  sont  plus  ou  moins  enfoncées 
en  terre  :  ainsi  certains  Lycénides  et  Satyrides,  un  assez  grand  nombre 
de  iNoctuéliens  et  de  l'haléniens.  Ce  fait  n'a  pas  lieu  seulement  pour 
les  chenilles  qui  vivent  sur  les  plantes  basses,  mais  aussi  pour  des  che- 
nilles qui  ont  pris  leur  nourriture  et  subi  leur  accroissement  au  haut 


LÉPIDOPTi'RES.  109 

(.les  arbres  :  (elles  sont  celles  des  Smériatlics.  Ces  chenilles,  parvenues 
à  toute  leur  taille,  descendent  le  long  du  tronc  et  s'enfoncent  souvent 
sous  les  mousses,  au  piel  ou  à  quelque  distance,  selon  que  la  terre 
est  plus  ou  moins  meuble  pour  oiïrir  un  abri  suffisant  à  la  chrysalide. 
D'autres  se  façonnent  des  coques  terreuses,  analogues  à  celles  qui  en- 
tourent certaines  larves  de  Scarabéiens  et  dans  lesquelles  la  soie 
n'entre  que  pour  une  faible  proportion,  ou  même  est  remplacée  par  un 
vernis  interne,  analogue  à  la  pellicule  dont  s'entourent  pour  la  nym- 
phose beaucoup  de  larves  d'Hyménoptères.  Ces  coques  sont  des  travaux 
de  maçonnerie  beaucoup  plutôt  que  de  filature.  Ces  coques  terreuses, 
comme  on  le  voit  pour  les  Sphingiens  et  certaines  Noctuelles,  ont  l'as- 
pect extérieur  de  masses  ovoïdes  d'une  terre  granuleuse,  dont  les  par- 
celles sont  agglutinées  par  une  matière  gommeuse  et  parfois  liées  par 
des  fils  d'une  soie  qui  peut  aussi  former  un  mince  tapis  à  l'intérieur. 

lies  chrysalides  suspendues  la  tète  en  bas  par  un  lien  de  soie  caudal 
de  certains  Rhopalocôres  du  groupe  des  Vanesses,  présentent  parfois  de 
singulières  apparences.  On  voit  pendre  de  leur  corps,  ordinairement  de 
chaque  côté,  deux  filaments  blancs,  un  peu  renflés  au  bout  :  on  dirait 
tout  à  fait  des  harki,  ou  Cryptogames  du  groupe  des  Champignons, 
dans  une  de  leurs  phases  de  végétation.  Si  l'on  a  des  chrysalides  de 
Paon  de  jour  ou  de  petite  Tortue  ainsi  atteintes  et  suspendues  sous  le 
couvercle  de  toile  métallique  de  la  boîte  d'élevage,  on  a  l'aspect  d'une 
petite  forêt  en  miniature.  Ce  sont  des  lilets  de  fibrine  du  sang  coagulée 
à  l'air  et  sortie  de  chaque  écaille  alaire  soulevée,  alors  que  sortent  du 
corps  de  ces  chrysalides  des  larves  de  Tachinaires  (Diptères  Musciens) 
qui  avaient  pondu  leurs  œufs  sur  les  chenilles,  et  l'on  trouve  dans  la 
terre  du  dessous  les  pupes  produites  par  ces  larves. 

Il  nous  reste  à  donner  quelques  indications  sur  le  début  de  l'état  de 
chrysalide,  et  ensuite  sur  les  derniers  moments  de  cette  phase,  alors 
que  le  papillon  va  chercher  cà  sortir  de  cette  espèce  de  sépulcre  où  il 
était  maintenu  captif.  Lorsque  la  chenille  est  arrivée  à  sa  dernière 
mue,  son  thorax  s'enfle  beaucoup,  et  l'on  peut  même,  prévoir  par  l'é- 
tendue de  ce  gonflement,  si  le  papillon  arrivera  à  éclosion.  Dans  ce  ren- 
flement s'accumule  un  plasma  où  s'organisent  les  gaines  des  organes 
externes,  tels  que  les  ailes  et  les  pattes.  Si,  en  prenant  par  exemple  une 
espèce  filcuse,  comme  Scricaria  Mon',  on  extrait  une  chenille  du  cocon 
terminé,  avant  le  dernier  changement  de  peau,  ou  sixième  mue  d'or- 
dinaire, on  voit  que  la  peau  a  perdu  de  sou  éclat  et  que  les  pattes 
membraneuses,  qui  déjà  s'étaient  amincies  au  dernier  âge  de  la  chenille, 
ont  à  peu  près  disparu.  Les  deux  pattes  membraneuses  du  dernier  anneau 
se  sont  appliquées  contre  lui,  de  manière  à  se  souder  sur  la  ligne  mé- 
diane inférieure,  ce  qui  prépare  déjà  la  forme  de  l'extrémité  de  la 
chrysalide.  C'est  en  coupant  les  pattes  écailleuses  de  la  chenille  à  cette 
époque  que  Réaumur  avait  obtenu  des  papillons  sans  pattes,  d'où  il 
tirait  celte  conclusion  qu'il  avait  coupé  les  pattes  mêmes  du  papillon, 


110  LÉPIDOPTÈRES. 

déjà  coiîteiiues  clans  la  cliciiilk',  sous  i'iiiilueiice  de  cette  théorie  de 
l'emboîtement  et  de  cette  préexistence  des  germes  qui  dominait  toutes 
les  études  du  myslique  Swammerdam.  Si  l'on  ouvre  alors  la  peau  delà 
chenille  avec  précaution,  on  peut  en  tirer  la  chrysalide  avec  toutes  ses 
parties  pari'aitcment  libres,  et  si  l'on  examine  la  tète  encore  très-molle 
de  cette  chrysalide,  on  voit  les  pièces  buccales  effectuer  des  mouve- 
ments. La  lèvre  supérieure  présente  encore  son  échancrure  médiane, 
qui  permettait  à  la  chenille  de  tenir  la  feuille  pendant  que  le^  mandi- 
bules la  coupaient:  c'est  une  espèce  de  guide  du  mouvement  qui  ne 
permet  pas  à  la  feuille  de  fuir  sous  la  pression  et  explique  la  régula- 
rité avec  laquelle  elle  est  coupée.  Ce  labre  se  meut  encore  comme  chez 
la  chenille,  et  les  deux  gaines  où  se  développeront  les  deux  moitiés  de 
la  trompe  effectuent,  lorsqu'on  interpose  le  scalpel,  des  mouvements 
de  rapprochement  semblables  à  ceux  qu'exécutent  les  mandibules  de  la 
chenille  :  on  dirait  que  l'animal  a  conservé  le  souvenir  de  ses  anciennes 
habitudes  (A.  Barthélémy,  d'après  son  interprétation  des  pièces  buc- 
cales). Nous  devons  encore  faire  connaître  des  observations  très-curieuses 
de  M.  Goorisens,  qui  est  un  des  plus  habiles  souffleurs  de  chenilles  pour 
les  collections.  Il  est  impossible,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  d'af- 
firmer rien  de  précis  à  ce  sujet;  ce  sont  des  jalons  précieux  pour  les 
travaux  embryogéniques  futurs.  Stimulé  par  les  difficultés  qui  arrêtèrent 
Réaumur  pour  souffler  et  dessécher  le  tube  intestinal  des  chenilles  au 
moment  de  la  nymphose,  M.  Goossens  prit  une  chenille  de  Lasiocampa 
Fini  au  moment  de  se  chrysalider.  En  l'incisant  avec  soin  sur  les  flancs, 
il  vit  que  le  tube  intestinal  s'était  arrondi  au  haut  de  l'estomac  et  parais- 
sait fermé  et  soudé,  le  haut  de  l'œsophage  tenant  à  l'intérieur  de  la 
calotte  et  semblant  se  dessécher  et  se  recroqueviller.  Kn  introduisant 
un  chalumeau  dans  le  rectum  et  soufflant  doucement,  M.  Goossens  vit 
l'estomac  prendre  la  forme  d'une  chrysalide,  où  l'on  distinguait  faible- 
ment, et  d'une  couleur  pelle,  la  forme  des  ailes,  les  segments  et  même 
des  boutons  saillants  à  la  place  future  des  stigmates,  il  y  a  dans  cette 
observation  de  M.  Goossens  des  points  à  noter  :  d'abord  la  rupture  du 
tube  œsophagien,  que  Malpighi  n'avait  qu'entrevue,  et  cette  ressem- 
blance singulière  de  l'enveloppe  de  la  chrysalide  avec  les  parois  sto~ 
macales  :  on  serait  tenté  de  dire  que  l'enveloppe  de  l'estomac  devient 
celle  de  la  chrysalide  en  augmentant  d'épaisseur.  Aous  nous  garderons 
bien  d'avancer  une  telle  conclusion,  mais  il  y  a  certainement  lieu  de 
poursuivre  la  voie  ouverte  par  M.  Goossens.  Celui-ci  a  plusieurs  fois 
essayé  de  répéter  sa  première  observation,  mais  sans  succès,  parles  dif- 
ficultés du  soufflage  et  parce  que  la  fermeture  du  tube  n'était  pas 
encore  opérée  en  haut.  Il  n'a  pu  réussir  encore  à  préparer  un  tube 
digestif  de  Diurne  à  chrysalide  anguleuse. 

Prenons  maintenant  la  chrysalide  à  la  phase  opposée  de  son  existence, 
c'est-à-dire  au  moment  où  va  s'opérer,  par  un  dernier  changement  d'en- 
veloppe, la  sortie  de  l'adulte.  Comme  dans  certains  cas  celui*ci  n'est 


LÉPIDOPTÈRES.  111 

pas  encore  délivré  parcet  acte, la  prévoyance  de  la  chenille  lui  prépare 
les  moyens  de  sortir  ensuite  aisément  de  l'autre  prison  plus  extérieure' 
coque  ou  cocon,  paroi  ligneuse,  fourreau  de  la  chenille,  etc.  Ainsi  les 
chenilles  de  Nonagries,  vivant  dans  les  chaumes  des  Roseaux  et  des 
Typhacées,  font  intérieuremeni  de  la  tige  une  ouverture  circulaire  dans 
la  paroi,  en  conservant  seulement  l'épiderme  intact,  mince  mem- 
brane que  le  papillon  crève  sans  peine  pour  sortir.  C'est  également 
en  poussant  la  pellicule  épidermiquc  que  beaucoup  de  Tortriciens  mi- 
neurs de  feuilles  sortent  de  la  galerie.  La  chenille  de  l'Alucite  du  lUé 
ronge  dans  le  grain,  à  l'endroit  où  se  trouvera  la  partie  antérieure  de 
la  chrysalide,  une  petite  pièce  circulaire,  qui  ne  tient  plus  que  par  une 
charnière,  porte  qui  s'ouvre  de  dedans  en  dehors  au  moindre  efl'ort  que 
fait  le  minuscule  papillon.  Certaines  coques  dures  sont  munies  d'un 
opercule  maintenu  par  quelques  fils  de  soie,  et  qui  s'ouvre,  sous  la 
pression  du  papillon,  comme  le  couvercle  d'une  boîte  à  savonnette  ou 
des  fruits  nommés  pyxides;  au  contraire  la  coque  carénée  d'Halius 
qucrcana  s'ouvre  en  deux  valves,  comme  une  capsule,  par  la  rupture 
facile  des  fils  de  soie  qui  les  maintenaient  autour  de  la  chrysalide.  Chez 
les  Psyché  et  chez  divers  Tinéiniens  à  chenilles  également  dans  des 
fourreaux,  ces  fourreaux  deviennent  les  coques  protectrices  des  chry- 
salides. Si  la  chenille  doit  devenir  une  femelle,  elle  reste  dans  sa  posi- 
tion, et  c'est  dans  le  fourreau  que  demeure  fixée  la  femelle,  rece- 
vant les  approches  du  mâle  par  l'ouverture  anale  du  fourreau; 
c'est  aussi  par  cet  orifice  naturel  que  doit  sortir  le  papillon  mâle, 
et  non  par  la  partie  antérieure  du  fourreau  par  où  sortaient 
la  tête  et  les  pattes  écailleuses  de  la  chenille.  1mi  elVet,  lors  de  la 
nymphose,  cette  ouverture  est,  soit  fermée  par  une  cloison,  soit  collée 
contre  un  mur  ou  une  écorce.  La  chenille  prend  alors  la  précaution  de 
se  retourner  dans  le  fourreau,  de  sorte  que  la  chrysalide  se  forme  la  tète 
en  bas,  ce  qui  permet  au  papillon  mâle  de  sortir  aisément.  Les  coques 
ligneuses  et  dures  des  Dicranura  et  Harptja  sont  ramollies  à  un  bout 
par  une  liqueur  spéciale,  de  même  que  les  cocons  fermés  à  soie  serrée 
et  gommée.  Les  chrysalides  à  demi-enterrées  sont  dans  une  excellente 
situation  pour  l'éclosiondupapillon,  qui  trouve  de  toutes  parts  des  points 
d'appui.  11  en  est  de  même  des  coques  terreuses  et  des  cocons  iixés  à 
divers  supports  par  leur  bave  soyeuse  ou  par  une  matière  collante;  le 
papillon,  ne  pouvant  les  entraîner  avec  lui,  s'en  sert  pour  s'accrocher 
et  sortir  au  dehors.  Aussi  dans  les  magnaneries,  où  les  cocons  desti- 
nés au  grainage  ont  été  privés  de  leur  bave  quand  on  les  a  déramés,  on 
a  soin  de  les  enfiler  à  un  fil  commun,  et  les  papillons  éclosentdans  ces 
iilanes  de  cocons,  comme  si  ceux- ci  avaient  conservé  leur  attache  natu- 
relle. Les  papillons  utilisent  aussi  comme  appui  les  fils  de  soie  qui 
maintiennent  les  chrysalides  suspendues  par  la  queue  ',  et  parfois 
en  outre  par  un  lien  en  façon  de  ceinture  (la  plupart  des  Rhopalo- 
cères). 


112  LÉPlDOPTÈRliS. 

Quand  la  chrysalide  csl  parvenue  au  terme  de  l'évolution  interne, 
alors  que  les  organes  de  l'adulte  inclus  se  sont  complètement  formés, 
elle  s'amollit,  change  parfois  de  couleur,  et  souvent,  chez  les  Rhopalo- 
cères,  devient  translucide,  laissant  voir  à  travers  les  étuis  des  ailes  les 
dessins  et  la  teinte  du  papillon.  La  peau  de  la  chrysalide  se  fend  longi- 
tudinalement  en  dessus  du  corselet,  et  le  papillon  prisonnier  agrandit 
Fouverture  en  poussant  avec  sa  tête  et  parfois  se  servant  de  ses  patles. 
C'est  le  plus  souvent  dans  la  matinée  qu'ont  lieu  ces  éclosions  des  pa- 
pillons, comme  si  les  premiers  rayons  de  l'astre  bienfaisant  donnaient 
à  l'insecte  la  force  d'ouvrir  la  porte  du  tombeau.  Il  est  d'abord  très- 
faible,  tout  mouillé,  ses  parties  externes  molles.  Après  un  temps  de 
repos,  les  antennes  repliées  s'allongent  et  s'agitent,  semblant  interroger 
l'atmosphère,  route  nouvelle,  inconnue,  interdite  jusqu'alors.  Les 
pattes  sortent  de  dessous  le  ventre,  et  le  papillon  marche  en  tournant 
autour  de  la  dépouille  de  la  chrysalide.  Sur  les  flancs  pendent  de 
chaque  côté  deux  moignons  inertes  et  superposés,  où  apparaissent  déjà, 
mais  de  dimensions  très-réduifes,  tous  les  dessins  des  ailes  futures, 
qui  ne  feront  que  s'amplifier,  en  conservant  tous  leurs  rapports.  Le 
papillon  s'est  fixé  à  une  tige,  à  une  feuille  ou  aux  parois  du  cocon,  et 
il  introduit  l'air  dans  ses  trachées  par  de  fortes  inspirations.  Dientôt  do 
rapides  mouvements  vibratoires  agitent  les  ailes  ;  l'insecte  tourne  tour 
à  tour  chaque  aile  du  côté  de  l'air  libre,  afin  de  h  sécher.  Le  frémis- 
sement est  si  précipité,  que  l'œil  aperçoit  une  niasse  élargie  et  indis- 
tincte, comme  lorsque  vibre  une  corde  élastique.  Les  ailes  semblent 
pousser  en  même  temps  comme  des  feuilles  et  s'élargissent  dans  une 
proportion  considérable.  Quand  elles  ont  acquis  leur  ampleur  normale, 
le  papillon  les  relève  et  les  abaisse  successivement,  pour  achever  l'éva- 
poration  du  liquide  dont  elles  sont  encore  imprégnées,  et,  le  plus  or- 
dinairement, en  moins  d'une  demi-heure,  elles  sont  propres  à  remplir 
leur  fonction,  et  l'insecte  s'élève  dans  la  subtile  atmosphère,  amoureux 
de  liberté,  enivré  de  soleil. 

Voici  comment  le  D'  Boisduval  explique  l'amplification  des  dessins 
des  ailes  des  Lépidoptères  après  leur  sortie  de  la  chrysalide,  et  l'exten- 
sion des  ailes  en  tous  sens  régulièrement  pour  chaque  portion  de  leur 
surface.  «  Ces  organes,  écrit-il,  sont  composés  de  deux  lames  ou  de 
deux  membranes,  entre  lesquelles  sont  situées  les  nervures,  qui  sont 
autant  de  petits  tubes  fistuleux.  Dans  l'état  de  nymphe  ces  membranes 
ne  sont  pas  encore  réunies  par  leur  face  interne  ;  elles  sont  pliées  lon- 
gitudinalement  et  transversalement  d'une  manière  égale  sur  toute  leur 
surface,  de  sorte  que  tout  le  dessin  s'y  retrouve  pour  ainsi  dire  en  mi- 
niature. Immédiatement  après  l'éclosion,  un  liquide  pénètre  dans  toutes 
les  ramifications  des  nervures,  qui  étaient  elles-mêmes  pliées,  les 
oblige  à  s'allonger  et  à  se  redresser.  Il  en  résulte  que  les  portions  de 
membrane  comprises  dans  chaque  cellule  doivent  nécessairement 
s'étendre.  Au  fur  et  à  mesure  que  cette  dilatation  s'opère,  les  deux 


LÉPIDOPTÈRES.  113 

membranes  se  rapprochent  l'une  contre  l'autre  et  finissent  par  s'unir 
au  point  de  se  confondre.  » 

l'eu  de  temps  après  être  sorti  de  la  clirysalide,  et  alors  qu'il  est  séclié 
et  raffermi,  le  papillon  rejette  par  l'anus  un  liquide  qui  remplissait  la 
région  terminale  du  tube  digestif.  C'est  un  véritable  méconium,  ana- 
logue à  celui  que  rendent  les  mammifères  nouveau-nés  ;  c'est  un  ex- 
crément de  l'état  nymphal.  On  voit  très  bien  ce  liquide  qui  remplit  le 
tube  digestif  si  l'on  extrait  un  papillon  de  l'enveloppe  de  la  chrysalide- 
quelques  heures  avant  l'éclosion  naturelle.  Il  est  soumis  à  un  ballotte- 
ment violent,  dû  à  la  contractilité  musculaire  des  parois,  ce  qui  ex- 
plique avec  quelle  force  l'expulse  le  papillon.  Ce  liquide  méconieux 
contient  une  très  grande  quantité  d'acide  urique,  et,  en  le  soumettant 
à  l'examen  microscopique,  ou  le  trouve  rempli  de  corpuscules  vibrants, 
dont  la  ressemblance  avec  les  corpuscules  du  sang  de  la  chenille  est 
frappante.  La  couleur  de  ce  méconium  est  variable.  Elle  est  quelque- 
fois noirâtre,  plus  souvent  blanchâtre  on  grise,  de  couleur  nankin  chez 
le  papillon  du  Ver  à  soie  bien  portant,  brune  et  de  mauvaise  odeur 
quand  il  est  affecté  de  pél)rine,  parfois  de  teinte  rougeillre  et  même 
analogue  à  celle  du  sang,  chez  certains  Vanessa,  comme  les  V.  pohj- 
chluros,  Urticœ,  lo,  etc.  De  là  une  des  origines  probables  de  ces  légendes 
des  pluies  de  sang,  rapportées  plusieurs  fois  par  les  historiens,  et  qui 
produisaient  dans  le  peuple  une  terreur  superstitieuse,  à  la  vue  de  ces 
larges  gouttes  rouges  couvrant  les  murs(l). 

11  nous  reste  à  présenter  un  résumé  des  observations  les  plus  récentes 
sur  l'anatomie  interne  et  renibryogénie  des  Lépidoptères.  11  faut  re- 
marquer que  pour  eux,  comme  pour  tous  les  animaux  à  métamor- 
phoses, les  études  embryogéniques  ne  portent  pas  seulement  sur  l'œuf, 
mais  sur  les  divers  stades  jusqu'à  la  forme  parfaite,  apte  à  la  repro- 
duction. On  peut  dire  que  la  chrysalide  est  une  sorte  de  second  œuf, 
où  divers  organes  nouveaux  se  forment  dans  le  plasma.  L'œuf  des 
Lépidoptères  étant  toujours  d'une  opacité  à  peu  près  complète,  il  est 
difficile  de  suivre  le  développement  embryonnaire  de  la  chenille.  En 
trempant  l'œuf  dans  l'huile,  on  arrive  à  une  demi-transparence  de  la 
coque,  encore  insuffisante  pour  distinguer  nettement  ce  qui  se  passe  à 
l'intérieur.  Il  faut  recourir  à  la  dissection  de  l'œuf,  afin  d'en  extraire, 
le  plus  délicatement  possible,  l'embryon  aux  diverses  phases  de  son 
développement.  Quand  l'œuf  a  été  pondu,  il  ne  tarde  pas  à  prendre 
une  teinte  plus  foncée  que  sa  couleur  initiale;  si  l'on  ouvre  alors  l'œuf 
du  Ver  à  soie  devenu  gris,  ou  reconnaît  que  cette  coloration  est  due  à 
la  formation  d'une  membrane  qui  le  tapisse  intérieurement.  La  tache 
germinative  a  ordinairement  disparu  avant  la  ponte;  quelquefois  même 
elle  disparaît  dans  l'ovaire  avant  la  production  de  la  coque.  L'embryon 

(i)  Maurice  Girard,  Métamorphoses  des  Insectes,  5^  édit.,  Hachette  etC^.  Paris, 
1879,  p.  201. 

GIRARD.  m.  —  8 


lia  LÉPIDOPTÈRES. 

se  distingue  tout  d'abord  par  quelques  cellules  plus  grandes  au  milieu 
du  vitellus.  Deux  feuillets  blaslodermiqucs  se  forment  à  la  surface  du 
vitellus  :  l'extérieur  est  destiné  à  produire  la  peau  ;  l'intérieur,  en  se 
détachant  peu  à  peu  du  premier  et  en  se  refermant  sur  lui-même, 
constitue  le  tube  digestif.  En  même  temps  cette  double  enveloppe  subit 
un  mouvement  d'incurvation.  Le  vitellus,  par  suite  de  la  soudure  des 
deux  bords  de  l'enveloppe  blastodermique  interne,  se  trouve  renfermé 
-dans  le  tube  digestif,  de  sorte  que  l'embryon  va  trouver  dans  son  inté- 
rieur même  les  matériaux  de  son  développement.  De  chaque  côté  du 
corps  se  constituent  les  deux  grandes  trachées  qui  devront  distribuer 
l'air  dans  le  corps  de  la  chenille;  les  premières  ramifications  se  pro- 
duisent dans  la  tête  même,  sous  forme  de  tubes  qui  restent  quelque 
temps  dépourvus  de  fil  spiral.  Le  vaisseau  dorsal,  ou  série  des  cœurs, 
ne  devient  visible  sous  la  peau  que  quelques  heures  avant  la  naissance, 
lorsque  leurs  pulsations  sont  suffisamment  prononcées.  Le  système 
nerveux  suit  la  formation  du  système  digestif  et  précède  l'apparition 
des  tubes  séricipares.  Bientôt  la  segmentation  commence,  et  la  tête, 
plus  développée  que  le  reste  du  corps,  laisse  voir  quelques  points  co- 
lorés en  jaune,  première  solidification  des  diverses  parties  qui  la  com- 
posent. Les  organes  de  la  tète  qui  se  distinguent  ainsi  les  premiers 
sont  les  mandibules  et  le  labre.  Les  pattes  écailleuses  ne  sont  alors 
que  de  simples  prolongements  dermiques,  qui  se  segmentent  peu  à 
peu  en  se  solidifiant.  Les  pattes  membraneuses  apparaissent  les  der- 
nières. A  l'intérieur  on  voit  les  deux  troncs  trachéens,  qui  ne  se  rami- 
fiaient d'abord  que  vers  la  tête,  se  renfler  à  la  hauteur  de  certains 
anneaux  ;  puis  ces  renflements  se  transforment  en  des  troncs  gros  et 
courts  qui  bientôt  se  ramifieront.  A  cette  époque  l'embryon  du  Ver  à 
soie,  extrait  de  la  coque  de  l'œuf,  est  blanc,  la  tête  exceptée,  et  res- 
semble à  beaucoup  de  larves  de  Coléoptères  et  d'Hyménoptères,  surtout 
de  très  jeunes  larves  de  Tenthrédiniens.  Les  glandes  séricip'ares  sont 
représentées  par  deuv  tubes  gros  et  courts,  qui  s'allongent  peu  à  peu 
à  partir  de  la  base  de  la  tète,  très  courts  à  leur  début,  et  n'atteignant 
toute  leur  longueur  relative  que  par  les  progrès  de  l'Age.  Les  muscles 
sont  d'abord  constitués  par  des  éléments  arrondis  disposés  bout  à  bout 
en  chapelet.  Ces  éléments  ne  se  confondent  et  leur  configuration  glo- 
buleuse ne  disparaît  que  quelque  temps  après  l'éclosion  de  la  chenille. 
La  forme  circulaire  qu'affecte  l'embryon  dans  l'œuf  fait  que  la  che- 
nille paraît  étranglée  au  milieu,  les  deux  extrémités  ayant  pu  se  déve_ 
lopper  plus  librement  que  la  partie  moyenne.  Plusieurs  heures  avant 
l'éclosion,  l'embryon  effectue  des  mouvements  et  la  coque  de  l'œuf 
devient  transparente.  Alors  les  ouvertures  stigmatiques,  qui  jusque-là 
étaient  restées  fermées,  s'ouvrent  pour  substituer  la  respiration  tra- 
chéenne spéciale  à  la  respiration  cutanée  générale.  Chez  le  Ver  à  soie, 
le  corps,  blanc  quelque  temps  auparavant,  est  devenu  noirâtre  et  s'est 
recouvert  de  tubercules  et  de  poils;  l'animal  est  désormais  constitué 


LÉPIDOPTÈRES.  115 

pour  vivre  et  se  développer  au  dehors.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  faire 
remarquer  que,  dans  cette  embryogénie  de  l'œuf,  rien  ne  dévoile  la 
présence  d'un  papillon,  même  rudimentaire.  Cette  étude  suffît  seule 
pour  détruire  toutes  les  assertions  contraires  des  anciens  naturalistes, 
Swammerdam,  Malpighi,  Réaumur.  La  transparence  des  organes  de 
l'embryon  permet  de  porter  l'invesligation  microscopique  dans  les 
parties  les  plus  intimes,  et  toujours  on  les  trouve  simples  et  seulement 
propres  à  constituer  un  individu  unique. 

Avant  de  donner  quelques  notions  sur  le  tube  digestif  dans  les  trois 
phases  de  la  vie  du  Lépidoptère,  nous  devons  revenir  en  quelques  mots 
sur  les  pièces  que  rencontrent  les  aliments  à  son  origine,  c'est-à-dire 
les  pièces  buccales.  Leur  signification  peut  être  interprétée  tout  autre- 
ment que  ne  l'avait  fait  Savigny,  et  c'est  surtout  en  s'aidant  de  l'embryo- 
génie du  passage  de  la  chenille  à  la  chrysalide,  que  M.  A.  Barthélémy  (1  j 
est  arrivé  à  les  envisager  sous  un  point  de  vue  très  ditî'érent  de  celui 
des  auteurs  français.  D'après  lui,  les  organes  bi-  ou  Inarticulés  qu'on 
regarde  comme  des  antennes  chez  les  chenilles,  et  qui  sont  placés  à  la 
base  des  mandibules,  seraient  des  palpes  mandibulaircs  ;  ces  organes, 
dans  un  grand  nombre  d'espèces,  s'enlevant  avec  les  mandibules,  dont 
ils  paraissent  ainsi  une  dépendance.  11  y  aurait,  d'après  cela,  et  con- 
trairement à  l'opinion  générale,  des  palpes  mandibulaircs  chez  certains 
insectes,  comme  il  en  existe  chez  les  Crustacés  supérieurs.  M.  A.  Bar- 
thélémy est  disposé  à  voir  dans  la  filière  buccale  des  chenilles  le  repré- 
sentant de  la  languette  portée  sur  un  menton  membraneux.  Si  l'on  tire 
de  la  peau  d'une  chenille  dans  son  cocon  et  près  de  se  chrysalider  la 
chrysalide  encore  immature  et  molle,  on  voit  que  les  deux  demi- 
spiritrompes,  ou  plutôt  les  fourreaux  dans  lesquels  elles  s'organiseront, 
correspondent  aux  mandibules  de  la  peau  qui  tombe;  à  la  base  de  ces 
deux  corps  on  aperçoit  un  tubercule  qui  représente  l'antenne  de  la  che- 
nille, qui  n'est  pour  M.  A.  Barthélémy  qu'un  palpe  mandibulaire.  Pour 
vérifier  cette  interprétation,  il  acoupé  les  mandibules,  avant  le  dernier 
changement  de  peau,  sur  la  chenille  de  Deilephila  Euphorbiœ,  en  ayant 
soin  d'arrêter  l'épanciicment  sanguin  avec  de  la  cire  molle,  et  il  a 
obtenu  des  papillons  présentant  la  trompe  tronquée.  Les  chenilles  qui 
n'avaient  subi  cette  mutilation  que  d'un  côté  ont  donné  des  papillons 
dont  la  partie  de  trompe  correspondant  à  ce  côté  était  beaucoup  plus 
courte  que  l'autre.  La  chrysalide  de  Sericaria  Mori  et  des  autres  Bom- 
byciens  à  trompe  rudimentaire  ne  présente  à  la  place  de  la  trompe  que 
deux  organes  courts  et  larges,  qui,  par  leur  forme,  leur  position  et  les 
mouvements  qu'ils  effectuent,  rappellent  très  bien  les  mandibules 
de  la  chenille.  Ici  on  obtient  mieux  encore,  par  la  section  des  mandi- 

(1)  A.  Barthélémy,  Recherches  d'anaiomie  et  de  physiologie  générales  su7'  lu 
classe  des  LépidujAcres,  pour  servir  à  l'histoire  des  niétarmorhoses,  p.  16,  35 
60  (thèse  de  ta  Faculté  des  sciences  de  Toulouse).  Toulouse,  J86/i. 


H6  LÉPIDOPTÈRES. 

bules  de  la  chenille,  l'avortement  du  rudiment  de  (rompe  de  l'insecte 
parfait  ;  de  plus  la  lôte  présente  la  plus  grande  ressemblance  avec  la 
tête  de  la  chenille  à  chaque  changement  de  peau,  lorsqu'elle  est  encore 
molle  et  renfermée  dans  l'enveloppe  de  l'état  précédent.  Chez  le  pa- 
pillon, la  lèvre  supérieure  ou  labre,  d'après  M.  Barthélémy,  est  consti- 
tué par  la  petite  écaille  médiane  et  les  deux  écailles  latérales  (man- 
dibules de  Savigny).  En  effet,  le  labre  de  la  chenille  est  formé  de  trois 
parties,  une  centrale  et  deux  latérales  soudées,  et  au  moment  de  la 
transformation  en  chrysalide,  il  conserve  la  même  forme  que  chez  la 
chenille,  et  exécute  les  mêmes  mouvements. 

Peu  de  temps  avant  l'éclosion  du  papillon,  la  trompe  se  soulève  et 
contribue  à  détacher  le  masque  de  la  chrysalide  ;  dans  ce  mouvement, 
elle  vient  se  loger  dans  l'échancrure  de  la  lèvre  supérieure  et  soulève 
la  pièce  médiane,  qui  se  sépare  des  écailles  latérales.  Ceci  est  confirmé 
par  cette  remarque  de  Savigny  lui-même,  que,  chez  les  papillons  sans 
trompe,  les  mandibules  sontbeaucoup  moins  distinctes,  parce  que,  pour 
ces  papillons,  il  n'y  a  pas  de  soulèvement  de  la  trompe.  Les  deux  demi- 
spiritrompes  représentent  les  mandibules,  leurs  gaines  occupant  chez 
la  chrysahde  la  place  même  des  mandibules  de  la  chenille  et  effectuant 
des  mouvements  semblables.  Les  deux  tubercules  bi-  ou  triarticulés  qui 
se  trouvent  à  la  base  de  cette  trompe  représentent  les  rudiments  de 
l'antenne  de  la  chenille,  ou  palpe  mandibulaire  pour  M.  Barthélémy; 
souvent  ils  se  détachent  avec  cette  trompe,  comme  on  voit  le  palpe 
mandibulaire  se  détacher  avec  la  mandibule  chez  la  chenille.  Enfin  le 
nombre  des  articles  de  ce  prétendu  palpe  maxillaire  est  absolument  le 
même  que  celui  de  l'antenne  ou  palpe  mandibulaire  de  la  chenille  cor- 
respondante, toujours  à  deux  ou  trois  articles.  Les  rudiments  de  trompe 
ou  mandibules  du  papillon  de  Ver  à  soie  récemment  éclos  ont  une  forme 
absolument  identique  avec  celle  des  mandibules  de  la  chenille,  quand 
on  dissèque  la  tête  un  peu  avant  les  changements  de  peau.  Les  organes 
que  Savigny  nomme  palpes  labiaux  seraient  les  vraies  mâchoires  ou 
maxillaires.  En  effet,  ils  sont  insérés  à  la  base  de  la  tête,  mode  d'inser- 
tion qui  est  différent  de  celui  des  palpes  labiaux  des  autres  insectes. 
Cette  remarque  n'avait  pas  échappé  à  Savigny  ;  mais  il  y  voyait  une 
simple  particularité  à  l'ordre  des  Lépidoptères.  Leur  direction  est  le 
plus  souvent  ascendante,  comme  celle  des  mâchoires  de  la  chenille,  et 
enfin  ils  sont  à  trois  articles,  comme  les  palpes  maxillaires  de  la  che- 
nille, qu'ils  représentent  plus  particulièrement.  M.  Barthélémy  dit  n'a- 
voir pu  retrouver  chez  le  papillon  le  corps  de  la  mâchoire,  déjà  rudi- 
mentaire  chez  la  chenille.  D'après  lui,  une  écaille  inférieure,  rudiment 
de  la  lèvre,  vient  compléter  le  système  buccal  du  papillon.  Nous  ne 
pouvons  nous  prononcer  sur  les  assertions  de  M.  Barthélémy,  dont  nous 
n'avons  pas  répété  les  expériences;  mais  il  nous  a  paru  important  de 
faire  connaître  ses  travaux,  qui  sont  restés  presque  ignorés,  même  en 
France. 


LÉPIDOPTÈRES.  117 

Nous  examinerons  rapidement  le  tube  digestif  dans  les  trois  phases 
de  la  vie  du  Lépidoptère.  Chez  les  chenilles  on  trouve  parfois,  à  la  suite 
d'un  jabot  assez  développé,  un  gésier  charnu,  mais  sans  l'armature 
solide  interne  des  Orthoptères  et  de  beaucoup  de  Coléoptères  :  ainsi 
chez  la  chenille  du  Cossus  Lifiniperda ,  qui  est  lignivore.  L'esto- 
mac ou  ventricule  chylifique  occupe  presque  toute  la  longueur  du 
tube  digestif  chez  les  chenilles,  les  portions  œsophagienne  et  intesti- 
nale étant  très  courtes.  Chez  la  chenille  de  Pieris  Brassicœ,  Hérold  a 
trouvé  un  œsophage  simple  et  très  court,  suivi  d'un  grand  estomac 
cylindrique,  qui  s'étend  en  ligne  droite  jusqu'au  voisinage  de  l'anus, 
dont  il  n'est  séparé  que  par  un  intestin  fort  court  et  également  droit. 
La  disposition  est  analogue  chez  le  Ver  à  soie  du  Mûrier,  chez  la  che- 
nille du  grand  Paon  de  nuit,  de  YOphiocÏPS  tirrhœa,  etc.  Les  villosités 
gastriques  manquent  à  l'estomac  des  Lépidoptères. 

Si  nous  prenons  la  chrysalide  du  Ver  à  soie  et  si  nous  l'ouvrons 
aussitôt  après  la  mue  qui  l'a  produite,  la  constitution  interne  ressemble 
beaucoup  à  celle  de  la  chenille.  Le  tube  digestif,  encore  très  volumi- 
neux, contient  à  son  intérieur  une  substance  rougeâtre,  de  la  consis- 
tance du  beurre,  qui  semble  une  accumulation  de  substance  nutritive 
servant  au  travail  des  métamorphoses,  de  même  que  le  vitellus,  en- 
fermé également  dans  le  tube  digestif  de  l'embryon,  a  servi  à  son 
développement.  Tout  d'ailleurs,  dans  le  nouvel  état,  est  préparé  pour 
le  singulier  acte  vital  dans  lequel  l'animal  se  soumet  à  une  véritable 
incubation.  A  la  base  de  l'œsophage  se  trouve  une  très  grande  quantité 
de  graisse,  et,  de  chaque  côté  du  vaisseau  dorsal,  on  remarque  une 
accumulation  de  tissus  adipeux,  de  couleur  souvent  jaunâtre.  Ce  sont 
là,  avec  la  matière  rougeâtre  du  tube  digestif,  autant  d'aliments  mis  en 
magasin  par  la  nature  pour  les  besoins  de  la  seconde  embryogénie, 
l'embryogénie  nymphale.  Le  tube  digestif  diminue  d'abord  de  volume 
à  mesure  que  la  substance  rougeâtre  se  résorbe.  Lorsqu'il  est  devenu 
très  étroit,  sa  partie  inférieure  semble  subir  un  mouvement  ascen- 
sionnel, qui  a  pour  résultat  l'allongement  de  l'intestin,  et  qui  paraît 
être  déterminé  par  la  disparition  de  la  substance  rougeâtre  nutritive. 
Enfin  cette  matière  se  circonscrit  au  milieu  de  l'intestin  et  détermine 
ainsi  l'étendue  que  doit  avoir  l'estomac  dans  le  papillon.  En  même 
temps  se  dépose,  à  la  partie  supérieure  et  à  la  partie  inférieure  du 
tube  digestif,  un  plasma  organisable  destiné  à  former,  à  l'œsophage  le 
jabot,  à  l'intestin  le  cœcum.  De  même,  dans  la  chrysalide  de  Pieris 
Brassicœ,  la  portion  stomacale  se  concentre  vers  le  milieu  du  corps, 
tandis  que  l'œsophage  s'allonge,  ainsi  que  l'intestin. 

L'œsophage  des  chenilles  reçoit  à  sa  naissance  des  glandes  salivaires, 
composées  de  deux  tubes  assez  courts  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  les  glandes  séricipares  dont  nous  parlerons  plus  loin.  Relativement 
très  court,  l'œsophage  se  termine  ordinairement  par  un  renflement. 
Hérold  a  étudié  le   développement  de  ce  jabot,  ou  premier  renflement 


118  LÉPIDOPTÈRES. 

œsophagien,  chez  la  chenille  de  Pioris  Jirassicw.  l/cosophage,  d'abord 
court  et  cylindrique,  s'allonge  plus  que  ne  le  fait  l'estomac  et  se  renfle 
un  peu  vers  son  extrémité  postérieure.  Ce  changement  se  prononce 
encore  davantage  dans  la  chrysalide.  Alors,  à  l'extrémité  de  l'œsophage 
devenu  long  et  grêle,  on  distingue  un  petit  jabot  fusiforme  ;  mais  cette 
dilatation  ne  continue  pas  à  se  faire  d'une  manière  régulière  et  s'a- 
vance du  côté  dorsal  seulement,  de  façon  à  donner  naissance  à  une 
petite  poche  latérale,  dont  le  fond  s'agrandit  plus  que  l'entrée.  A 
mesure  que  les  métamorphoses  du  papillon  s'avancent,  l'appendice 
œsophagien  ainsi  constitué  granditjfrapidement,  et  son  col  s'allonge 
beaucoup,  de  sorte  qu'au  terme  de  son  développement,  il  consiste 
en  un  sac  piriforme,  suspendu  à  la  partie  postérieure  de  l'œsophage 
et  communiquant  à  l'intérieur  de  ce  tube  alimentaire  par  un  canal 
étroit. 

Le  rôle  de  cette  panse  appendiculaire  de  l'œsophage  des  Lépidoptères 
adultes  est  peu  connu.  Elle  manque  chez  les  Hépiales  et  chez  une 
partie  des  Bombyciens  (Treviranus)  et  contient  ordinairement  de  l'air. 
On  l'a  nommée  estomac  suceur  ou  vessie  aspiratoire,  en  supposant  qu'elle 
serve,  comme  une  pompe  aspirante,  pour  la  succion  des  liquides.  Elle 
consiste  plus  souvent  en  .un  sac  arrondi,  qui  naît  à  angle  droit  de 
l'œsophage  par  un  col  étroit,  et  se  prolonge  en  arrière  au-dessus  de  l'es- 
tomac proprement  dit.  Cette  panse  est  profondément  bilobée  chez  les 
Zygènes,  et  son  développement  paraît  fréquemment  en  rapport  avec 
celui  de  la  spiritrompe,  ce  qui  serait  conforme  à  son  rôle  d'estomac 
suceur.  Elle  est  très  grande  chez  Vanessa  Urticœ,  très  réduite  chez 
Attacus  Piri,  nulle  chez  Chelonia  Caja,  Cossus  Ligniperda,  Gastropacha 
Pini,  où  la  trompe  est  rudimentaire.  D'autre  part,  il  faut  remarquer, 
contre  cette  fonction  de  succion,  que,  chez  le  papillon  du  Ver  à  soie,  à 
trompe  nulle  et  qui  ne  suce  aucun  liquide,  ce  jabot  en  panse  latérale 
est  très  développé.  Chez  les  Diptères,  où  ce  même  jabot  en  panse  existe 
presque  toujours,  son  col,  étroit  et  fort  long,  naît  dans  le  voisinage  de  la 
bouche,  au  lieu  de  se  détacher  du  tube  alimentaire  près  de  l'estomac, 
comme  chez  les  Papillons.  La  bouche  du  papillon  reçoit  deux  glandes 
salivaires  réunies  en  un  seul  canal  vers  la  région  supérieure;  elles  sont 
plus  longues  et  plus  minces  que  celles  de  la  chenille.  La  présence  de 
ces  glandes  chez  des  animaux  qui  ne  se  nourrissent  que  de  sucs  fluides 
ou  semi-fluides  semble  démontrer  que  la  salive  ne  joue  pas  seulement 
dans  la  digestion  un  rôle  d'imbibilion  destinée  à  ramollir  les  aliments, 
mais  encore  un  rôle  chimique. 

Si,  à  l'autre  extrémité  de  l'estomac,  nous  considérons  la  partie  intes- 
tinale du  tube  digestif,  nous  voyons  chez  les  chenilles  (Pieris  Brassicœ, 
Gastropacha  Pini,  Sericaria  Mori,  Sphinx  Ligustri,  OEnophthira  Pille- 
riana,  etc.)  qu'elle  consiste  en  un  tube  droit  et  presque  cylindrique, 
qui  n'a  guère  que  le  quart  ou  môme  le  cinquième  de  la  longueur  du 
corps,  et  se  divise  en  trois  parties  :  l'antérieure  ou  pylorique,[ou  intestin 


LÉPIDOPTÈRES.  119 

grêle,  à  parois  très  charnues,  donnant  insertion  aux  vaisseaux  de  Malpi- 
ghi;  la  moyenne,  plus  renflée,  formant  le  réservoir  stercoral,  avec  des 
brides  fibro-musculaircs  à  l'intérieur,  sur  lesquelles  se  moulent   les 
crottins  ;  puis  la  partie  postérieure  ou  rectum,  très  dilatable,  mais  qui, 
à  l'état  de  vacuité,  ne  constitue  qu'un   petit  canal  membrano-muscu- 
laire  qui  aboutit  à  l'anus.  A   la  fin  de  l'état  de  chrysalide,  quand  le 
papillon   s'est  constitué,  on  voit  que   le  tube  digestif,  si  volumineux 
dans  la  vie  égoïste  de  la  chenille,  dont  toute  l'occupation  est    de  se 
nourrir,  a  beaucoup  perdu  de  ses  dimensions  et  s'est  muni  de  renfle- 
ments qui  n'existaient  pas  chez  la  chenille.  L'intestin,   beaucoup  plus 
long,  forme  des  replis  dans  l'abdomen,  tandis  qu'il  était  gros,  court  et 
droit  dans  la  chenille.  C'est  là,  sans  contredit,  un  des  faits  les  plus  re- 
marquables des  morphoses  des  Lépidoptères,   et  qui  prouve  bien  qu'il 
ne  faut  pas  se  hâter  de  conclure  des  organismes   des  Vertébrés  à  ceux 
des  Invertébrés.  Chez  les  Verlébrés,  en  effet,  l'intestin  est  d'autant  plus 
long  et  flexueux,  que  le  régime  est  plus  exclusivement  herbivore  ;  ici, 
au  contraire,  l'intestin  de  la  larve  herbivore  est  droit  et  court,  tandis 
que  celui  de  l'insecte  parfait,  qui  ne  se  nourrit  que  d'aliments  fluides, 
est  long  et  flexueux.  Il  est  probable  que  chez  le  papillon,  cet  intestin 
joue  un  rôle  particulier  et  contribue,  soit  aune  production  de  glycose, 
soit  à  la  formation  de  l'acide  urique  avec    les  vaisseaux   de    Malpi- 
ghi.  A  mesure    que  se  développe   le  long    intestin   grêle,   replié  et 
flexueux,  des   Lépidoptères  adultes,   la   partie  antérieure  de  cet  in- 
testin, qui  était  primitivement  bien  distincte  de  l'estomac,  se  confond 
de  plus  en  plus  avec  cet  organe,  de  façon  que,  chez  le  papillon,  l'em- 
bouchure des  tubes  malpighiens  ne  se  trouve  plus  dans  l'intestin  pro- 
prement dit,  mais  à  l'extrémité  de  l'estomac.  Chez  l'adulte,  d'après 
M.  A.  Barthélémy,  l'intestin  est  garni  à  l'intérieur  d'un  très  grand 
nombre  de  corps    transparents,  semblables  à  ceux  que  l'on  observe 
chez  certaines  larves  de  Diptères  et  d'Hyménoptères.  11  est  muni  d'une 
couche  de  muscles  très  minces,  qui  lui  permettent  d'exécuter  des  mou- 
vements assez  vifs,  surtout  au  moment  de  l'éclosion. 

Les  canaux  de  Malpighi,  chez  les  Lépidoptères,  soit  en  chenilles,  soit 
adultes,  sont  toujours  au  nombre  de  trois  paires  et  à  extrémités  flot- 
tantes; mais  ces  vaisseaux  ne  débouchent  de  chaque  coté  dans  le  canal 
digestif  que  par  une  paire  d'orifices. 

Chez  le  Ver  à  soie,  le  réservoir  stercoral  (gros  intestin,  côlon)  est 
divisé  en  deux  loges  par  un  étranglement  circulaire,  et  dans  chacun 
de  ces  compartiments  arrondis  on  voit  quatre  paires  de  tubercules 
ou  plaques  cornées  ovalaires,  disposées  transversalement  en  forme 
d'anneau.  Chez  les  chenilles,  le  réservoir  stercoral  est  simple,  c'est-à- 
dire  faisant  complètement  suite  à  l'intestin  grêle  et  ne  se  prolongeant 
pas  ;  il  n'en  est  plus  de  même  chez  les  Lépidoptères  adultes,  où  le  ré- 
servoir stercoral  se  développe  latéralement,  de  façon  à  former  une 
poche  dont  le  fond  se  prolonge  beaucoup  en  avant  du  point  où  l'in- 


120  LÉPIDOPTÈRES. 

testin  grêle  vient  s'y  ouvrir.  C'est  dans  ce  ccccum  latéral  que  se  forme 
et  s'accumule  le  méconium  liquide,  chargé  d'acide  urique,  que  le  pa- 
pillon rejette  après  sa  sortie  de  la  chrysalide.  Il  est  pavé  à  sa  face  in- 
terne des  mômes  corps  transparents  qu'on  trouve  dans  l'intestin  grêle. 
Cet  appendice  caecal  est  du  resie  des  plus  variables  dans  les  Papillons, 
peu  prononcé  chez  Picris  lirassicœ,  très  allongé  chez  Attacus  Carpini, 
ayant  la  forme  d'un  sac  ovoïde,  à  col  plus  ou  moins  étroit  dans  les 
Sphinx  Ligustri  et  Acherontia  Atropos,  très  petit,  au  point  de  paraître 
parfois  manquer  chez  iJacroglossa  Stellatarum,  diminuant  beaucoup  de 
volume  chez  ^ftoct^s  PïV»,  après  que  l'accouplement  a  eu  lieu,  semblant 
faire  défaut  dans  les  genres  F^nessa,  Cossus,  Hepialus,  Yponoineuta  et 
Pterophorus. 

Les  glandes  séricipares,  destinées  à  sécréter  la  matière  de  la  soie, 
sont  liées,  plus  encore  que  la  configuration  du  tube  digestif,  à  l'état 
transitoire  de  la  chenille,  et  disparaissent  par  résorption,  lorsqu'elles 
sont  devenues  inutiles,  dans  la  chrysalide  et  dans  le  papillon.  Elles 
existent  dès  l'éclosion  de  la  chenille,  car  beaucoup  d'entre  elles,  no- 
tamment le  Ver  à  soie,  émettent  des  fils  soyeux  à  toutes  leurs  mues. 
Dans  l'embryon  les  glandes  séricipares  sont  représentées  par  deux  tubes 
gros  et  courts,  qui  s'allongent  peu  à  peu  à  partir  de  la  base  de  la  tète. 
Ils  sont  encore  très  courts  à  l'éclosion  du  Ver  à  soie  et  n'atteignent 
toute  leur  longueur  relative  que  par  les  progrès  de  l'âge.  Les  glandes 
séricipares  restent  des  tubes  droits  et  courts  chez  les  chenilles  qui  ne 
filent  pas  de  cocons  et  ne  font  que  suspendre  leur  chrysalide  ou  l'en- 
tourer de  quelques  liens  de  soie.  Pour  celles  qui  construisent  des 
cocons,  ces  tubes,  sont  très  développés  et  tiennent,  surtout  après  la  der- 
nière mue  de  chenille,  une  grande  place  dans  la  cavité  générale  du 
corps.  Il  y  en  a  deux,  se  réunissant  en  un  tube  commun,  qui  se  rend 
dans  une  sorte  de  tambour  placé  à  la  base,  de  la  languette,  par  l'ouver- 
ture de  laquelle  s'écoule  la  soie  ;  à  partir  du  tube  commun,  qui  est  très 
court,  les  glandes  séricipares,  chez  le  Ver  à  soie,  redescendent  le 
long  du  tube  digestif,  jusqu'à  la  hauteur  de  la  troisième  patte  mem- 
braneuse, et  reçoivent  du  quatrième  stigmate  des  trachées  servant  à 
la  fois  de  soutien  et  d'organe  d'hématose.  Le  tube  remonte  ensuite,  en 
se  renflant,  jusque  vers  la  partie  supérieure  du  corps,  à  la  seconde 
patte  thoracique,  se  recourbe  de  nouveau,  et,  devenu  plus  mince,  re- 
descend jusqu'à  la  deuxième  patte  membraneuse;  il  remonte  encore  un 
peu  jusqu'au  quatrième  stigmate,  et  avant  se  termine  par  un  grand 
nombre  de  circonvolutions  qui  finissent  à  la  hauteur  de  l'avant-dernier 
stigmate,  et  le  fond  du  tube,  fermé  en  cul-de-sac,  présente  souvent 
un  petit  appendice  terminal. 

La  partie  sécrétante  de  l'organe  est  formée  de  petites  cavités  laté- 
rales logées  dans  l'épaisseur  des  parois.  Sous  la  tunique  externe  se 
trouve  une  couche  de  muscles  très  minces,  se  divisant  en  lanières.  On 
les  aperçoit  très  aisément  dans  la  chenille  du  Gastropacha  Pini.  En 


LÉPIDOPTÈRES.  121 

déchirant  sous  la  loiipo  la  tunique  extérieure  du  tube  sériciparo,  on 
les  voit  se  dérouler  en  spirale. 

A  la  réunion  des  deux  glandes  séricipares  en  un  seul  tube,  se  trou- 
vent, chez  beaucoup  de  chenilles,  deux  petits  appendices  à  fond  fermé, 
s'ouvrant  librement  dans  le  tube  terminal.  Ces  appendices  paraissent 
servir  à  sécréter  la  substance  qui  rend  la  soie  solide;  car  lorsqu'on 
retire  la  matière  visqueuse  de  la  soie  directement  des  canaux  qui  la 
produisent,  elle  ne  possède  pas  la  propriété  de  se  solidifier  et  de  deve- 
nir résistante,  comme  lorsqu'elle  sort  de  la  filière  après  le  déversement 
du  liquide  des  cœcums.  M.  A.  Barthélémy  pense  aussi  qu'on  peut  attri- 
buer à  cette  glande  la  coloration  particulière  de  la  soie  blanche,  jaune 
ou  brune,  couleur  que  n'a  pas  la  soie  dans  la  glande  séricipare  propre. 
Nous  ferons  toutefois  remarquer  que  chez  les  Vers  à  soie  à  cocons 
jaunes,  une  matière  jaune  semble  s'épancher  partout  dans  le  Ver  près 
de  filer,  dont  le  corps  prend  par  transparence  sous  la  peau  une  couleur 
de  prune  de  Reine-Claude  très  mûre;  de  même  la  chenille  d'un  vert 
tendre  du  grand  Paon  de  nuit  devient,  au  moment  de  filer  son  cocon 
incrusté  et  brunâtre,  de  couleur  jaune  ternie.  Ce  qui  semble  bien 
indiquer  que  la  matière  colorante  vient  surtout  d'une  glandule  spéciale, 
c'est  que  le  cocon  de  cette  espèce,  et  encore  plus  du  petit  Paon,  est 
d'abord  à  peine  coloré,  et  que  la  matière  incrustante  formée  est  sur- 
tout déversée  par  la  filière  buccale  à  la  fin  de  la  filature  du  cocon. 

On  sait  que  les  travaux  sur  le  sang  des  Invertébrés,  et  particulière- 
ment des  Insectes,  sont  peu  nombreux.  G.  Newport  regarde  les  cor- 
puscules du  sang  des  Insectes,  et  notamment  des  Lépidoptères,  comme 
analogues  à  ceux  du  sang  des  Verlébrés,  les  sangs  étant  eux-mêmes 
analogues  dans  leur  ensemble  ;  tandis  que  des  auteurs  regardaient 
au  contraire  le  sang  des  Insectes  comme  correspondant  seulement  au 
chyle  des  Vertébrés.  Dans  les  chenilles,  le  sang  présente  de  nombreux 
corpuscules  en  forme  de  grains  d'avoine,  très  abondants,  surtout  à 
l'époque  des  mues,  moment  où  le  sang  est  très  coagulable.  Ces  corpus- 
cules avénacés  disparaissent  peu  à  peu  dans  la  chrysalide,  et  il  n'en 
reste  que  fort  peu  chez  le  papillon.  Ils  sont,  pense  G.  Newport,  ana- 
logues aux  corpuscules  blancs  du  chyle  des  Vertébrés.  Chez  l'adulte, 
des  sphérules  les  remplacent,  qui  passent  peu  à  peu  à  des  disques 
aplatis;  ovales  ou  cylindroïdes,  doublement  concaves.  Dans  le  sang  de 
la  chenille  de  Xylophasia  pohjodon  (Bombycoïdes)  et  aussi  du  papillon 
de  cette  espèce,  il  signale  des  corps  en  forme  de  massue  ou  de  violon. 
qui  lui  paraissent  être  la  transition  des  sphérules  aux  disques.  Nous 
ferons  remarquer  que  le  sang  des  chenilles  est  normalement  incolore, 
ainsi  chez  les  chenilles  endophytes,  caractère  général  du  sang  des 
Insectes,  mais  que  très  souvent,  quand  les  chenilles  se  nourrissent  de 
feuilles  à  chlorophylle  fort  abondante,  ainsi  des  Orties  par  exemple, 
le  sang  se  colore  en  vert  plus  ou  moins  foncé,  ce  qu'on  observe  fré- 
quemment quand  on  écrase  des  chenilles.  Le  sang  est  très  abondant 


1^2  LÉPIDOPTÈRES. 

chez  les  chenilles,  comme  chez  toutes  les  larves  en  général,  cl  il  est 
en  bien  moins  grande  quantité  dans  les  insectes  arrivés  k  l'étal  parfait, 
de  sorte  qu'il  paraît  lié  principalement  au  travail  organique  des  méta- 
morphoses. Il  est  d'une  odeur  forte  chez  les  chenilles  qui  se  nour- 
rissent  de    plantes  à  suc  acre,   ainsi  celles  de   Deilephila  Euphorbiœ. 
M.  A.  Barthélémy  a  observé  au  microscope  le  sang  d'un  grand  nombre 
de  chenilles,  et  a  toujours  trouvé   beaucoup    d'inconstance  dans  ses 
éléments.  A  l'état  normal,  on  voit  nager  dans  la  liqueur  verdâtre  des 
globules  de  forme  peu  régulière,  plus  ou  moins  arrondis,  en  nombre 
bien  moins  grand  qu'à  l'état  de  maladie,  où  leurs  formes  deviennent 
très  variées;  nous  ne  ferons  que  citer  ici  les  psorospermies  ellipsoïdales 
de  la  maladie  corpusculaire  ou  pébrine  des  Vers  à  soie.  Le  sang  che- 
mine d'arrière  en  avant  dans  le  vaisseau  dorsal  de  la  chenille.  Chez 
la  chenille  du  Sericaria  Mon  et  chez  d'autres  à  corne  anale,  ce  vaisseau 
offre  un  renflement  au-dessous  de  la  corne,  puis  se  continue  en  avant 
en  s'atténuant  peu  à  peu.  Si  l'on  coupe  la  corne  chez  les  chenilles  de 
Bombyciens  et  Sphingiens  qui  en  sont  pourvues,  il  s'écoule  par  l'ou- 
verture une  très  grande  quantité  de  sang;  les  parois  du  renflement 
s'affaissent  sur  elles-mêmes,  et  l'animal  ainsi  mutilé  ne  tarde  pas  à 
succomber.   Le  vaisseau  dorsal  des  chenilles  n'a  pas  de  replis  valvu- 
laires  à  l'intérieur,  et  M.  A.  Barthélémy  dit  n'avoir  pu  distinguer  nette- 
ment d'ouvertures  latérales,  pas  plus  que  ses  devanciers.  Le  tube  dor- 
sal est  maintenu  en  place  par  des  muscles  ou  des  cordons  jaunâtres 
formant  de  chaque  côté  une  suite  de  figures  triangulaires.  Les  cordons 
jaunâtres  sont  très  développés  dans  certaines  chenilles  [Acromjcta  Aceris, 
Sericaria  Mori);  d'autres  fois  les  muscles  sont  en  continuité  de  tissu  avec 
le  cœur  et  se  terminent   en  se  ramifiant.  C'est  ce  qu'on  observe  très 
bien  dans  la  grosse  chenille  d'Attacus  Piri. 

Si  nous  passons  maintenant  à  l'appareil  respiratoire  interne,  nous 
rappellerons  d'abord  que  les  chenilles  ont  neuf  paires  de  stigmates, 
ordinairement  très  apparentes  sur  les  flancs,  une  sur  le  premier  anneau 
Ihoracique,  les  autres  sur  les  huit  premiers  anneaux  de  l'abdomen. 
Les  trachées  des  chenilles  sont  toujours  tubulaires.  Dans  la  chenille  du 
Cossus  Ligniperda  (Lyonet),  chaque  trachée  d'origine  donne  naissance, 
tout  près  de  son  stigmate,  à  une  grosse  trachée  connective  se  portant 
directement  en  avant  et  débouchant  dans  la  trachée  d'origine  de  l'an- 
neau précédent,  vis-;vvis  du  point  où  celle-ci  fournit  à  son  tour  la  trachée 
analogue  destinée  à  l'unir  à  son  autre  voisine.  Il  en  résulte  que  l'en- 
semble de  ces  trachées  anastomotiques,  qui  passent  ainsi  d'anneau  en 
anneau,  forme  de  chaque  côté  du  corps  un  gros  tube  longitudinal, 
dans  lequel  toutes  les  trachées  d'origine  du  même  côté  viennent 
déboucher. 

Pendant  les  morphoses,  le  système  respiratoire  subit  des  modifications 
plus  ou  moins  grandes,  qui  dépendent  en  général  de  l'étendue  et  de 
la  rapidité  du  vol  du  papillon.  Dans  les  Papillons  à  vol  peu  soutenu,  les 


LÉPIDOPTÈRES.  123 

gros  troncs  trachéens  se  maintiennent  à  peu  près  avec  leurs  anciennes 
dimensions  chez  les  clienilles.  Ils  suivent  seulement  les  modifications 
déforme  que  subit  l'extérieur  de  l'animal,  en  se  rapprochant  au  thorax, 
de  manière  à  mieux  dessiner  les  trois  régions  qui  caractérisent  le  corps 
des  insectes  adultes.  Les  ramifications  trachéennes  suivent  aussi  les 
modifications  des  organes  auxquels  elles  se  rendent.  Les  trachées  qui 
se  distribuent  sur  le  tube  digestif  accompagnent  en  s'allongeant  cet 
organe  à  mesure  qu'il  diminue  de  largeur.  Les  ramifications  trachéennes 
qui  aéraient  et  soutenaient  les  glandes  séricipares  se  résorbent  et  dis- 
paraissent avec  ces  organes.  Les  deux  branches  qui  se  trouvent  entre 
les  deux  stigmates  supérieurs  dans  le  prothorax  se  continuent  dans  les 
gaines  où  doivent  se  constituer  les  ailes,  et  déterminent  la  forme  des 
nervures,  dans  les  trachées  desquelles  s'introduira  l'air  lors  de  leur 
extension  à  la  sortie  de  la  chysalide.  Les  trachées  qui  se  rendent  aux 
capsules  génitales  mftles  ne  subissent  pas  de  modifications  sensibles, 
tandis  que  les  ramifications  que  reçoivent  les  ovaires  de  la  femelle  se 
nfultiplient  beaucoup  après  la  fécondation  et  le  développement  des 
œufs,  et  à  leurs  exirémités  se  forment,  comme  on  le  voit  très  bien  chez 
le  Sericaria  Mori,  des  renflements  ellipsoïdaux  placés  bout  à  bout,  les 
ballons  de  L.  Dufour,  que  nous  retrouverons  en  bien  plus  grande  quan- 
tité dans  les  Papillons  à  vol  soutenu.  Alors,  quand  l'insecte  doit  se 
mouvoir  avec  rapidité,  et  sucer,  tout  en  volant,  le  suc  des  fleurs, 
comme  la  plupart  des  Sphingiens,  l'appareil  respiratoire  subit  des 
modifications  assez  profondes.  Dès  la  chrysalidation,  en  même  temps 
que  le  tube  digestif  se  rétrécit  peu  à  peu,  les  troncs  trachéens  se  gon- 
flent entre  les  stigmates  de  la  partie  abdominale,  et  l'on  peut  bien 
constater  pendant  ce  gonflement  que  c'est  la  membrane  intérieure  qui 
produit  le  fil  spiral.  Les  trachées  se  terminent  presque  toutes  par  des 
ballons  très  nombreux,  surtout  aux  environs  du  tube  digestif,  où  ils 
sont  distribués  avec  une  véritable  symétrie.  Sprengel  a  décrit  ces  bal- 
lons dans  le  Sp/ima?  Ligustri,  et  Suckow  en  a  constaté  deux  dans  le  thorax 
du  Gastropacha  Pini.  On  les  retrouve  chez  le  Deilephila  Euphorbiœ  et  le 
SmerintJms  Tiliœ;  chez  ce  dernier  les  sacs  aériens  sont  plus  petits,  mais 
ils  sont  plus  nombreux.  On  en  trouve  encore  deux  plus  développés  près 
de  l'estomac.  Dans  certaines  espèces,  surtout  celles  dont  les  mouve- 
ments alaires  sont  très  vifs,  les  trachées  donnent  de  petites  branches 
dont  chacune  est  entourée  d'un  amas  de  tissu  adipeux.  Cette  disposi- 
tion est  surtout  remarquable  chez  les  Sphingiens,  et  principalement 
dans  le  Macroglossa  Stellatarum. 

Chez  tous  les  Lépidoptères,  on  voit  se  former  à  l'entrée  de  chaque 
stigmate  et  dans  l'intérieur  de  la  trachée  d'origine  un  cercle  cartila- 
gineux incomplet,  qui  provient  de  la  solidification  d'un  tour  du  fil 
spiral.  Ces  corps  qui,  par  leur  élasticité,  doivent  aider  à  la  respiration, 
sont  formés  par  une  demi-circonférence  fermée  par  une  ligne  brisée 
présentant  un  angle  rentrant  à  l'intérieur  du  cercle.  Cette  disposition 


12i  LÉPIDOPTÈRES. 

a  pour  but  de  suppléer  au  manque  de  muscles  obturateurs  auxstigmates 
qui  se  présentent  chez  le  papillon  sous  forme  d'une  ouverture  simple- 
ment béante. 

L'action  des  muscles  qui  produisent  le  vol  est  intimement  liée  à 
l'énergie  de  la  respiration.  Nous  avons  déjà  vu,  à  propos  de  l'anatomie 
externe  des  Lépidoptères,  combien  le  frein  des  ailes  a  peu  d'impor- 
tance. M.  J.  Kunckel  d'Herculais  (1)  a  reconnu  que  les  battements  des 
deux  ailes  d'un  même  côté  sont  toujours  simultanés.  L'expérience  con- 
state que  l'extension  de  l'aile  antérieure,  même  chez  les  Lépidoptères 
privés  de  frein,  entraîne  forcément  l'extension  de  l'aile  postérieure. 
Les  ailes  ne  reçoivent  pas  directement  les  muscles  abaisseurs  et  éléva- 
teurs. Les  muscles  abaisseurs  s'insèrent  ù  la  région  médiane  du  dorsum 
du  mésothorax  {prœscutum  et  scutum)  et  au  scutum  du  métathorax,  et 
il  n'y  a  qu'une  paire  de  ces  grands  muscles  dorsaux.  Quant  aux  muscles 
élévateurs,  ceux-ci  se  iixent  d'une  part  à  la  région  latérale  du  dorsum 
du  mèsolhorax  (prœscutum  et  scutum),  d'auive  part  au  mesosternum  et  au 
metasternum,  ceux-là  s'attachant  au  dorsum  du  mésothorax  {scutum)'ct 
à  Vepisternum  du  métathorax.  L'action  de  ces  muscles  ne  se  commu- 
nique pas  directement  aux  ailes,  mais  se  transmet  à  certaines  pièces 
axillaires  par  l'intermédiaire  d'une  arête  solide,  qui  a  reçu  le  nom  de 
clavicule  thoracique.  Les  abaisseurs  et  les  éleveurs,  par  suite  de  leur 
mode  d'insertion,  entraînent  dans  leurs  contractions,  non  pas  une  paire 
d'ailes,  mais  les  deux  paires  en  même  temps. 

Outre  les  grands  abaisseurs  et  les  grands  élévateurs,  il  existe  une 
série  de  petits  muscles  très  compliqués,  qui  sont  les  muscles  directeurs 
(J.  luinckel).  Les  uns  président  à  l'extension  et  au  retrait  des  ailes,  les 
autres  servent  à  modifier  sans  cesse,  au  gré  de  l'animal,  l'inclinaison 
de  ces  appendices  pendant  le  vol.  Ces  derniers  muscles  s'insèrent  aux 
pièces  articulaires  des  ailes  [épidèmes  d'articulation).  Tous  les  muscles 
directeurs  agissent  directement  sur  les  ailes,  comme  les  muscles  des 
pattes  sur  les  pattes,  et  leur  mode  d'insertion,  à  l'aide  de  pièces  com- 
parables à  des  tendons,  ne  rappelle  en  rien  la  disposition  toute  spéciale 
des  insertions  des  abaisseurs  et  des  élévateurs.  En  résumé,  chez  les 
Lépidoptères  et  chez  les  Hyménoptères,  il  existe  une  paire  de  puissants 
abaisseurs  et  une  série  d'élévateurs,  qui  entraînent  forcément,  non  pas 
chaque  aile  individuellement,  mais  les  quatre  ailes  dans  des  mouve- 
ments d'ensemble;  les  extenseurs  et  les  rétracteurs  entraînent  chaque 
paire  d'ailes  et  non  pas  chaque  aile  isolément  ;  les  muscles  modificateurs 
de  l'inclinaison  agissent  seuls  individuellement  sur  chacune  des  ailes. 

On  peut  dire  que  dans  la  transformation  progressive  qui  conduit  de 
la  chenille  au  papillon,  le  système  musculaire  est  de  tous  celui  qui 
semble  obéir  le  plus  à  la  loi  du  balancement  organique.  Les  muscles 

(1)  Comptes  rendus  des  mémoires  et  séances  de  la  Société  de  biologie,  1876, 
p.  70. 


LÉPIDOPTÈRES.  125 

gardent  la  même  position  relative  que  dans  la  chenille.  Seulement,  tandis 
que  les  muscles  de  la  région  thoracique,  qui  vont  être  si  importants 
pour  le  vol,  prennent  un  très  grand  développement,  les  muscles  abdo- 
minaux au  contraire  ont  perdu,  dès  le  début  de  la  métamorphose  en 
chrysalide,  leur  force  si  considérable  dans  la  chenille.  Ils  sont  devenus 
surtout  les  muscles  longitudinaux,  d'une  très  grande  ténuité.  Le  thorax, 
eu  se  segmentant  de  plus  en  plus,  rend  plus  obliques  sur  la  ligne 
médiane  les  muscles  moteurs  des  ailes. 

Lesappendicesqui n'existaient  pas  dans  la  chenille  se  développent  peu 
à  peu,  ainsi  que  leurs  muscles.  On  peut  en  suivre  le  développement 
en  cherchantàlcs  extraire  le  mieux  possible  et  à  des  époques  diflerentes 
de  leur  maillot  dans  la  chrysalide.  C'est  ainsi  qu'on  voit  les  (radiées, 
d'abord  libres  dans  les  canaux  qu'elles  se  tracent,  pénétrer  peu  à  peu 
dans  les  ailes  et  déterminer  la  forme  des  nervures.  Les  écailles  dont 
seront  recouvertesles  ailes  du  papillon  ne  paraissent  se  constituer  qu'en 
dernier  lieu  dans  de  pelites  cavités  disposées  en  lignes  plus  ou  moins 
régulières.  Elles  commencent  par  un  petit  bulbe  qui  s'épanouit  plus 
tard  pour  se  terminer  par  plusieurs  pointes  en  nombre  variable,  sui- 
vant les  espèces.  La  partie  supérieure  de  l'écaillé,  d'abord  resserrée, 
s'élargit  en  éventail  lorsque  son  développement  est  plus  avancé.  L'ana- 
logie de  ces  organes  avec  les  poils  est  évidente  et  corroborée  par  ce 
fait,  que  dans  la  région  céphalique  on  voit  souvent,  dans  les  organes 
appendiculaires.  les  poils  remplacés  par  des  écailles  semblables  à 
celles  des  ailes. 

Les  pattes  ne  deviennent  distinctes  que  vers  les  derniers  temps  des 
métamorphoses.  Au  fond  de  leur  gaine  et  dans  un  plasma  organisable, 
se  forment  les  crochets  et  les  pelotes,  dont  le  nombre  et  la  position 
sont  utiles  pour  la  classification  générique.  La  patte,  d'abord  unie,  se 
segmente  en  même  temps  que  se  forment  les  éperons  propres  à  beaucoup 
d'espèces.  Les  antennes  s'extraient  facilement  de  leurs  moules.  Ce  sont 
d'abord  des  masses  transparentes  où  le  microscope  permet  de  suivre  à 
l'intérieur  la  marche  de  la  trachée  et  du  nerf  antennaire  appuyé  sur 
celle-ci.  La  segmentation  de  l'antenne  a  lieu  en  même  temps  que  celle 
des  pattes,  et  c'est  aussi  à  la  même  époque  que  se  produisent  les  prolon- 
gements aigus  qu'elles  présentent  dans  certaines  espèces. 

Le  système  nerveux  ordinaire  ou  de  la  vie  animale  des  Lépidoptères 
a  été  suivi  avec  soin  dans  les  trois  états  de  l'animal  par  Hérold  sur 
Pieris  Brassicœ  et  par  G.  Newport  sur  Sphinx  Ligustri.  Chez  les  chenilles, 
chacun  des  segments  du  thorax  et  de  l'abdomen  possède  un  ganglion 
situé  sur  la  ligne  médiane  et  séparé  de  ses  homologues  sérialaires  par 
une  distance  considérable,  mais  relié  à  eux,  soit  par  une  paire  de  cor- 
dons connectifs,  soit  par  un  connectif  impair  et  médian.  Chez  l'adulte, 
le  nomi)re  dans  ces  centres  nerveux  a  considérablement  diminué,  et  la 
chrysalide  montre  que  cette  diminution,  plus  apparente  que  réelle, 
dépend    principalement  du  rapprochement,  puis  de  la  coalescence 


126  LÉPIDOPTÈRES. 

complète  de  parties  primitivement  distinctes  et  éloignées  entre  elles. 
Le  ganglion  métathoracique  attire  à  lui  deux  ou  trois  des  premiers 
ganglions  abdominaux. 

La  coalescence  longitudinale  est  au  reste  variable  et  aflecte  parfois 
la  totalité  de  la  chaîne  ganglionnaire  postœsophagienne,  mais  sans 
jamais  faire  disparaître  le  caractère  typique  de  cette  chaîne.  La  coales- 
cence médiane  est  toujours  complète  ou  à  très  peu  près  entre  les 
ganglions,  et,  le  plus  souvent,  elle  se  produit  égalemonl  entre  les 
conncctifs  dans  la  région  abdominale.  Au  contraire,  dans  la  région 
thoracique,  les  deux  cordons  interganglionnaires  restent  généralement 
séparés  entre  eux.  De  plus,  comme  cela  arrive  d'habitude  chez  les 
hisecles,  les  ganglions  nerveux  des  deux  ou  trois  derniers  segments 
du  corps  sont  confondus,  ou  tout  au  moins  très  rapprochés  entre  eux, 
et  ne  figurent  qu'une  masse  gangliforme  unique. 

En  étudiant  les  modifications  de  la  chaîne  nerveuse  abdominale 
dans  la  chrysalide  s'apprètant  à  donner  le  papillon,  divers  observa- 
teurs (G.  INewport,  L.  Dufour,  A.  Barthélémy,  etc.)  ont  signalé  un  or- 
gane qui  a  été  appelé  vaisseau  ventral.  11  a  été  découvert  par  ïreviranus 
(1832)  et  son  rOle  est  resté  fort  obscur.  C'est  un  canal  parfois  très  dé- 
\elo[)\ié  {SmeriiUhus  Tiliœ,  Deilephila  Ncrii,  etc.),  autour  de  la  chaîne 
abdominale,  souvent  d'axe  difiérent  et  s'en  distinguant  par  une  couleur 
particulière;  sa  nature,  selon  M.  A.  Barthélémy,  n'est  pas  simplement 
fibro-musculaire,  afin  de  fixer  la  ligne  nerveuse  ventrale  aux  tégu- 
ments, mais  réellement  vasculaire.  Doit-on  y  \oir  un  vaisseau  de  cir- 
culation analogue  à  l'artère  ventrale  des  Myriapodes,  et  à  celle  des 
Limules  qui  emboîte  la  chaîne  nerveuse?  En  extrayant  un  papillon 
de  la  chrysalide  quelques  heures  avant  l'éclosion,  en  l'ouvrant  par  le 
des  et  en  écartant  le  tube  digestif,  on  voit  très  bien  des  mouvements  des 
muscles  abdominaux  auxquels  correspondent  des  mouvements  de  la 
moelle  abdominale.  M.  A.  Barthélémy  se  demande  si  ces  mouvements 
ne  serviraient  pas  à  pousser  le  liquide  sanguin  dans  ce  vaisseau  ven- 
tral, qui  ne  lui  a  pas  semblé  contractile.  Cette  opinion  de  l'existence 
d'un  organe  vasculaire  est  aussi  celle  de  G.  Psewport.  Au  contraire, 
M.  Leuckart,  se  rangeant  aune  idée  analogue  à  celle  de  L.  Dufour,  qui 
refusait  iout  vaisseau  aux  Insectes,  fait  un  névrilème  de  ce  prétendu 
vaisseau  ventral.  M.  le  D''  Burger  a  constaté  sur  beaucoup  d'espèces  de 
Rhopalocères  et  d'Hétérocèrcs  que  c'est  un  organe  constant  des  Lépi- 
doptères adultes  ;  c'est  pour  lui  un  ligament  blanchâtre  ou  jaunâtre, 
qu'il  appelle  corde  supraspinale^  expansion  du  névrilème  vers  le  haut, 
ligament  en  rapport  avec  des  muscles  insérés  aux  parois  de  l'abdomen. 
C'est  une  excroissance  formée  de  ce  tissu  conjonctif  gélatineux  fréquent 
chez  les  Invertébrés,  une  émanation  du  névrilème  supérieur  de  la 
chaîne  ventrale  nerveuse. 

Avant  de  commencer  l'étude  importante  des  organes  génitaux  des 
Lépidoptères  et  de  leur  développement   aux  trois  phases  de  la  vie  de 


LÉPIDOPTÈRES.  127 

l'insecte,  nous  indiqueroas   quelques  travaux  à  consulter  relatifs  aux 
sujets  précédemment  traités  : 

Uihiiogfai>iiio.  —  Suckow,  Recherches  anatomiques  et  physiologiques 
sur  les  Insccles  et  les  Crustacés  (en  allemand),  1818.  Dans  ce  travail, 
l'auteur  étudie  le  développement  du  tube  digestif  sur  le  Bombyx  l'ini 
(Gasfropacha).  —  E.  Cornalia,  Monografia  del  liumbice  dcl  Gelso ,  grand 
in-Zi"  de  385  pages,  avec  15  planches.  Milan,  1856.  Dans  cette  descrip- 
tion complète  de  l'anatomie  di^  Ver  à  soie  du  Mûrier,  nous  citerons 
particulièrement  le  tube  digestif,  pi.  iv,  tîg.  51,  pi,  x,  tig.  137,  pi.  xii, 
lig.  89  et  202.  —  G.  Newport,  On  the  Nervous  System  of  tlie  Sphinx 
Ligustri,  Linn.,  and  on  the  changes  which  it  undcrgoos  during  n  part  of  the 
métamorphoses  of  the  Insect  {Philosophical  Trans.^  1832,  p.  383-398).  On  the 
Nervous  System  ofthe  Sphinx  Ligustri,  Linn.,  part.  2,  during  the  lutter 
stages  ofits  papa  and  imago  states  {Philos.  Trans.,  1834,  p.  389-/|2Zi).  Ces 
mémoires  sont  surtout  consacrés  au  développement  comparé  du  sys- 
tème nerveux  chez  la  chenille,  la  chrysalide  et  l'adulte  de  ce  Sphin- 
gien,  et  montrent  bien  le  perfectionnement  graduel  par  coalescence 
des  ganglions.  On  y  trouve  aussi  trois  figures  comparatives  du  tube  di- 
gestif de  la  chenille,  de  la  chrysalide  et  de  l'adulte.  —  G.  Newport, 
On  the  Structure  and  Development  of  the  Blood-corpuscle ;  the  develop- 
ment  of  the  Blood-corpuscle  in  Insects  and  other  Invertcbrata ,  und 
its  comparison  willi  that  of  man  and  other  Vertebrata  (  Royal  Soc. 
Proceed.,y,  18/i3-50 ,  p.  5M-5/i6  ;  Ann.  se.  natur.,  Zooi..,  18Zi5,  111, 
p.  36/1-367).  Ce  dernier  mémoire,  en  français,  est  une  analyse  où 
l'auteur  étudie  spécialement  les  corpuscules  du  sang  des  Lépido- 
ptères et  leurs  transformations  dans  les  trois  phases,  avec  leur  com- 
paraison aux  corpuscules  du  sang  des  Vertébrés.  —  D.  Burger, 
Ueber  das  sogenannte  Bauchgefdss  der  Lepidoptera  (Sur  le  vaisseau 
ventral  des  Lépidoptères)  {Niederlàndische  Archiv.  fur  ZooL,  1876, 
p.  97-12Ù).  —  Helm,  Ueber  die  Spinndrûsen  der  Lepidopteren  (Sur  les 
glandes  séricigènes  des  Lépidoptères)  [Zeitschr.  fur  wiss.  ZooL,  1876, 
XXVI).  —  Hcrmann  Landois,  Beitràge  zur  Entivicklungsgeschichte  der 
Schmetterlingf'jlugel  in  Haupe  und  Puppa  (Développement  des  ailes  des 
Lépidoptères  chez  la  chenille  et  chez  la  chrysalide)  Zeitschr.  filr  iviss. 
ZooL,  1871,  XXi).  —  G.  Joseph,  Ueber  die  Zeit  der  Geschlechtsdifferen- 
zirung  in  den  Bien  einiger  Lipariden  {Sitzungsberichte  d.  schles.  Ges.  filr 
vaterldnd.  Cultur,  2li  Jan.  1870,  Breslau,  187 J).  C'est  l'indication  de  la 
différence  de  grosseur  des  œufs  mâles  et  femelles  du  Liparis  dispar.  — 
Weissmann,  Studien  zur  Descendenztheorie  ;  I  Ueber  den  Saison-Dimor- 
phismus  der  Schmetterlinge,  Leipzig,  1875.  On  y  trouve  des  observatio;is 
sur  le  dimorphisme  des  Lépidoptères  avec  la  saison,  notamment 
(YAraschnia  levana  et  prorsa,  faits  publiés  bien  auparavant  parDupon- 
chel.  —  Breitenbach,  Vorlduf.  Mittheil.  ilber  einige  neue  Untersuchungen 
an  Schmetterlingsrilsseln  (Recherches  sur  la  structure  de  la  trompe  des 


428  LÉPIDOPTÈRES. 

Lépidoptères)  {Àrchiv  fiir  mikr.  Anat.  ,  XIV,  1877).  —  Von  Siebold, 
Beitrâge  zur  Parthenogenrsis  (1er  Arthropoden,  Leipzig,  1871  (Parlliéno- 
genèse  cliez  Psyché  {Cochlophora  S.)  Hélix,  Solcnobia  triqiielrclla  et 
lichenella).  —  IL  Wagenberg,  Quelques  Observations  de  parthéno(jencse 
chez  les  Lépidoptères  {Archives  néerlandaises  des  se.  physiques  et  natu- 
relles, 1870,  V).  —  E.  Versoii,  Sulla  parthenogenesi  nel  Bombice  del  Gelso 
{Annuario  del  R.  Stazione  bacologica  sperimentale  di  Padova,  1872). 

Si  le  sexe  n'apparaît  presque  jamais  chez  la  chenille  par  des  ca- 
ractères extérieurs,  on  doit  dire  qu'il  en  est  tout  autrement  pour  les 
organes  internes,  qui  décèlent  le  mâle  et  la  femelle  chez  les  chenilles 
même  très  jeunes.  Ce  sont  principalement  ces  développements  de  l'ap- 
pareil reproductem'  qui  sont  la  base  des  travaux  d'Hérold(lj.  Il  établit 
que  l'œuf  des  Lépidoptères  se  compose  d'un  vitellus  remplissant 
presque  toute  la  capacité  de  l'œuf,  d'une  petite  quantité  d'albumine  et 
d'un  blastoderme  qui  n'apparaît  qu'après  la  fécondation,  sauf  les  cas 
de  parthénogenèse.  Dans  le  Pieris  Brassicœ,  l'œuf,  observé  aussitôt 
après  la  ponte,  renferme  une  liqueur  granuleuse  assez  consistante,  de 
couleur  jaune  (vitellus  et  albumen).  Les  globules  vitellins  sont  arron- 
dis ou  ovalaires.  Ils  sont  de  couleur  rouge  dans  l'œ'uf  de  Liparis  ma- 
nacha,  de  couleur  bleue  tirant  sur  le  violet  dans  l'œuf  de  Bombyx 
Quercûs,  de  couleur  verte  dans  l'œuf  de  Dicranura  vinula,  jaunes 
dans  l'œuf  de  Pieris  Brassicœ:  d'un  vert  tendre  au  centre  et  incolores 
sur  les  bords  dans  l'œuf  de  Smerinthus  ocellatus,  violacés  au  milieu 
ou  en  plusieurs  points,  et  se  décolorant  vers  les  bords,  dans  l'œuf 
d'Odonestis  potatoria. 

Hérold  a  étudié  les  premiers  rudiments  des  œufs  dans  les  quatre 
gaines  ovigères  de  la  chenille  à  tout  son  développement  de  Bombyx 
Rubi,  et  dans  les  quatre  gaines  ovigères  de  la  chrysalide  de  Pieris  Bras- 
sicce  âgée  de  huit  jours.  Il  a  consacré  cinq  figures  de  son  traité  à  re- 
présenter les  rudiments  d'œufs  pris  dans  la  chrysalide  ù-'Attacus  Piri, 
a  étudié  comparativement  les  œufs  de  Bombyx  Quercûs  et  de  Smerin- 
thus ocellatus  immédiatement  après  la  ponte,  au  bout  de  6  heures,  de 
15  heures,  de  36  heures,  de  US  et  de  72  heures. 

Nous  avons  vu  que  les  petites  chenilles,  pour  sortir  de  l'œuf,  rongent 
le  chorion  à  la  région  micropylaire  et  l'avalent.  M.  Balbiani  a  reconnu 
dans  l'intestin  des  petits  Vers  à  soie  àl'éclosionles  rosaces  micropylaires. 

(1)  Moriz  Johann  David  Herold,  Schmetterlinge,  anatomisch  und  physiologisch 
Bearbeitet  (Cassel  and  Marburg,  Krieger,  1815).  —  Physiologische  Untersuchun- 
gen  ûber  das  Mickengefuss  der  Inseden;  ein  Beitrag  zuv  Entwickclungsges- 
chichte  und  Métamorphose  der  Insccten  [Abhand.  naiurf.  Gesellsch.,  Marburg, 
1823  t.  I,  p.  41-107).  —  Recherches  sur  le  développement  des  œufs  citez  les 
Insectes  [Ann.  se.  natta-.,  ZoOL.,  1839,  l.  XII,  p.  176-205).  C'est  une  analyse  de 
Disquisiliones  de  animalium  vertebris  carentium  in  ovo  formatione,  de  gene- 
ratione  Inscciorum  in  ovo. 


LÉP[DOPTÈUES.  129 

La  premiôre  défécation  do  ces  chenilles  oiïre  ces  rosaces  et  la  mem- 
brane amnios  de  l'œuf  fécondé  avalée  par  le  petit  ver.  On  voit  l'œuf 
s'éclaircir  au  moment  d'éclore,  (juaud  la  chenille  mange  celle  mem- 
brane amniotique  interne. 

Les  organes  reproducteurs  des  deux  sexes  commencent  de  la  même 
manière  dans  les  jeunes  chenilles  des  Lépidoptères.  Ce  sont  deux  cap- 
sules adhérentes  à  la  face  dorsale,  offrant  chacune,  dans  la  plupart  des 
genres,  quatre  lobes  séparés  par  des  sillons  transversaux,  et  qui  se 
séparent  aisément  chez  certaines  Noctuelles ,  si  l'on  vient  à  rom- 
pre la  membrane  extérieure  :  ces  lobes  sont  peu  distincts  chez  les 
Bombyciens.  A  l'extérieur,  les  capsules  génitales  sont  recouvertes  par 
une  membrane  péritonéale  (scrotum,  tunique  vaginale  chez  les  mâles), 
qui  persistera  chez  les  mfdes  et  se  résorbera  peu  à  peu  chez  les  fe- 
melles. En  dessus  un  court  ligament  suspenseur  les  relie  au  vaisseau 
dorsal  ;  de  leur  partie  inférieure  et  interne  partent  deux  filaments  qui 
descendent  de  chaque  côté  du  vaisseau  dorsal,  et,  après  avoir  traversé 
le  tissu  graisseux,  viennent  se  rendre  à  un  petit  mamelon  situé  der- 
rière le  rectum  (Hérold).  Dans  beaucoup  d'espèces,  la  coloration  spé- 
ciale au  scrotum  persistant  des  mâles  permet  de  reconnaître  ce  sexe  à 
l'avant-dernière  mue  ;  toutefois,  dans  la  plupart  des  cas,  elle  ne  se  pro- 
duit que  dans  la  chrysalide.  Les  sécrétions  propres  aux  organes  géni- 
taux se  rencontrent  dès  la  chenille.  On  trouve,  dès  le  premier  âge  des 
chenilles,  quatre  filaments  en  voie  déformation,  qui,  chez  les  mâles, 
ne  tardent  pas  à  être  remplacés  par  des  masses  spermatiques,  visibles 
au  microscope  dès  la  seconde  ou  la  troisième  mue.  Le  développement 
des  spermatozoïdes  des  Lépidoptères  a  été  étudié  par  H.  Mayer  (Ar- 
chives de  Siebold  et  KuUiker,  i8l\9)  en  partant  des  chenilles  encore  très 
jeunes.  Ces  spermatozoïdes  existent  dans  le  Ver  à  soie  quinze  jours 
avant  la  nymphose.  Chez  la  chenille  femelle,  à  l'intérieur  des  filaments 
qui  persistent,  se  produisent,  à  ravant-dernière  mue,  des  étrangle- 
ments qui  représentent  les  premières  traces  des  œufs.  Il  n'est  pas  rare 
même,  qu'avant  la  transformation  en  chrysalide,  les  œufs  soient  assez 
développés  pour  être  aperçus  à  la  loupe  à  travers  les  parois  des  capsules 
génitales.  Ces  capsules  génitales  sont  d'autant  plus  développées  dans 
la  chenille,  que  la  vie  de  la  chrysalide  est  plus  courte.  Ainsi , 
dans  la  grosse  chenille  de  VAttacus  Piri ,  qui  reste  huit  mois  à 
l'état  de  chrysalide,  ces  capsules  sont  d'une  petitesse  remarquable 
et  ne  présentent  pas  de  lobes  à  leur  surface.  Dans  les  espèces  où 
les  métamorphoses  sont  assez  longues  et  qui  n'ont  qu'une  génération 
par  an,  les  œufs  n'apparaissent  que  pendant  l'état  de  chrysalide. 
Les  capsules  génitales  mâles  ou  testicules,  toujours  séparés  dans 
la  jeune  chenille,  se  rapprochent  graduellement  et  s'accolent  sous 
un  scrotum  unique  chez  presque  tous  les  Lépidoptères,  sauf  des 
Tinéiniens.  Pendant  les  premiers  jours  on  peut  encore  les  séparer 
facilement  avec  la  pointe  du  scalpel;  mais  bientôt  la  fusion  devient 
GIRARD.  in.  —  9 


130  LÉPIDOPTÈRES. 

plus  complète,  les  deux  capsules  se  soudent  intimement  et  la  cloison  de 
séparation  se  résorbe  peu  à  peu  ;  les  quatre  lobes  qui  étaient  dessinés 
à  leur  surface  disparaissent  eux-mêmes.  Cependant  chez  quelques  es- 
pèces {Ophiodcs  tirrhœa,  certains  Sphinx)  cette  segmentation  persiste. 
Dans  beaucoup  de  Bombyciens  les  testicules  restent  bien  séparés  sous 
la  membrane  péritonéale,  très  nettement  chez  Sericaria  Mori,  se  dis- 
joignant aisément  au  scalpel  chez  Attaciis  Piri.  Dans  ces  espèces  le  pa- 
pillon les  oflïe  bien  séparés  et  disjoints  après  la  copulation.  Le  canal 
déférent  et  ses  annexes  se  développent  peu  à  peu  dans  la  chrysalide; 
la  dualité  'des  canaux  déférents  qui  partent  du  testicule  suffirait  au 
besoin  pour  démontrer  la  dualité  primitive  de  celui-ci.  Ils  se  réunissent 
en  un  canal  éjaculateur  unique  et  médian,  qui  fait  de  très  nombreu- 
ses circonvolutions  dans  la  chrysalide  de  PierisBrassicœ  (Hérold).  Quand 
le  testicule  arrive  à  maturité  à  la  lin  de  la  vie  de  la  chrysalide,  il  est 
rempli  de  longs  faisceaux  de  spermatozoïdes  accolés,  présentant  d'ordi- 
naire un  renflement  à  un  bout  et  s'atténuant  peu  à  peu  vers  l'autre. 

Quant  au  développement  des  organes  femelles,  lorsque  la  chenille 
est  passée  à  l'état  de  chrysalide,  les  tubes  ovigères,  en  se  développant, 
deviennent  trop  grands  pour  être  contenus  dans  la  capsule  et  la  dé- 
passent un  peu  par  leur  partie  inférieure.  En  môme  temps  la  mem- 
brane capsulaire  devient  de  plus  en  plus  mince  et  se  réduit  à  une 
simple  pellicule  qui  se  résorbe  peu  à  peu.  Les  quatre  gaines  ovigères 
restent  attachées  au  sommet  de  la  capsule,  et,  après  la  résorption  de 
celle-ci,  demeurent  reliées  à  la  partie  dorsale  de  la  chrysalide  par  les 
deux  ligaments  qui  suspendaient  chez  la  chenille  les  germes  des 
organes  génitaux,  et  ces  cordons  suspenseurs  se  raccourcissent  souvent 
par  les  progrès  des  tubes  ovigères.  Ceux-ci,  en  se  développant,  se 
rapprochent  du  point  d'insertion  des  deux  filaments  qui  les  joignent  à 
la  base  de  l'abdomen.  Du  mamelon  où  se  rendent  ces  filaments  on  voit 
se  soulever  un  oviducte  unique,  l'analogue  du  canal  éjaculateur  du 
mâle,  et,  de  chaque  côté,  se  forment  les  divers  appendices  qui  recevront 
le  liquide  séminal,  fourniront  le  vernis  agglutinatif  des  œufs,  et  servi- 
ront à  diverses  fonctions  encore  mal  connues.  Pendant  le  développe- 
ment de  ces  divers  organes,  les  trachées  qui  se  rendent  au  milieu  des 
tubes  ovigères  se  renflent  à  leur  extrémité,  souvent  même  se  termi- 
nent par  une  série  de  renflements  qui  distribuent  l'air  à  profusion 
dans  ces  organes.  Une  série  d'étranglements,  où  se  formeront  les  œufs, 
se  produisent  dans  les  quatre  gaines  ovigères,  et  cette  formation  a  lieu 
de  la  partie  la  plus  basse  des  gaines,  ou  la  plus  voisine  de  l'oviducte, 
à  la  partie  supérieure,  de  sorte  que  leur  sommet  contient  constam- 
ment des  œufs  avortés.  Bien  avant  que  les  étranglements  soient  com- 
plets, on  aperçoit  dans  les  œufs  la  vésicule  germinative  et  la  tache 
germinative.  Puis  les  œufs  se  séparent  nettement  les  uns  des  autres, 
et  de  grandes  cellules  vitelUnes  entourent  l'auréole.  On  voit  enfin  se 
former,  à  partir  de  la  base  de  l'œuf,  le  chorion  et  la  coque  de  couleur 


LÉl'IDOFrÈRES.  131 

jaunâtre,  plus  ou  moins  ouverte  selon  les  espèces.  A  Ui  parlie  supé- 
rieure, la  coque  forme  un  petit  renflement  où  se  trouvera  le  micro- 
pyle.  11  n'est  pas  rare,  en  dégageant  l'œuf  de  sa  coque  encore  molle 
chez  le  Scricaria  Mari,  de  voir  que  la  vésicule  germinative  a  disparu 
et  que  la  segmentation  du  vitellus  a  commencé,  comme  elle  a  lieu 
normalement  dans  l'œuf  fécondé.  Ces  sortes  d'œufs  doivent  se  rap- 
porter à  la  parthénogenèse. 

En  même  temps  que  se  développent  les  organes  génitaux  internes 
et  leur  contenu,  les  organes  extérieurs  se  forment  au  dernier  anneau 
de  la  chrysalide.  Ils  n'ont  pas,  comme  les  autres  appendices  extérieurs, 
de  moule  ou  de  fourreau  propre,  mais  se  constituent  de  foutes  pièces 
dans  un  plasma  qu'on  peut  apercevoir  en  détachant  le  dernier  segment 
de  la  chrysalide.  M.  À.  Barthélémy  s'est  proposé  de  retrouver  dans  l'en- 
semble de  ces  organes  génitaux  terminaux  la  constitution  du  dernier 
anneau  de  la  chenille,  et  a  pris  surtout  ses  exemples  dans  le  Ver  à  soie. 
Chez  le  mâle,  à  la  partie  dorsale,  on  voit  se  développer  une  pièce 
cornée  représentant  le  disque,  qui,  chez  la  chenille,  forme  la  partie 
dorsale  du  dernier  anneau  ;  deux  crochets  latéraux  qu'on  nomme 
assez  improprement  forceps,  rappellent,  par  leur  position,  leur  direc- 
tion et  leur  jeu  chez  le  papillon,  les  deux  pattes  membraneuses  qui 
accompagnent  le  dernier  anneau  de  la  chenille.  Au  centre  de  l'espace 
compris  entre  ces  trois  pièces  se  développe  le  fourreau  corné  contenant 
le  pénis,  et  se  reliant  avec  l'extrémité  du  canal  éjaculatcur  par  des 
muscles  puissants  qui  feront  jaillir  le  sperme.  Le  fourreau  est  garni  à 
sa  base  d'une  plaque  cornée,  ainsi  que  l'ouverture  de  l'anus,  et  aussi 
de  deux  petites  pointes.  11  faut  remarquer  que  les  insectes  n'ont  pas  de 
pénis  préformé  ;  c'est  le  canal  éjaculatcur  qui  s'évagine  au  dehors, 
comme  chez  l'Écrevisse  mâle,  par  la  base  de  la  cinquième  paire  de 
pattes.  C'est  un  refoulement  en  doigt  de  gant.  Les  éléments  constitu- 
tifs se  placent  alors  en  ordre  inverse  :  ce  qui  était  intérieur  devient 
externe  ;  la  cuticule  vient  au  dehors.  L'attache  des  testicules  met  arrêt 
à  une  sortie  trop  forte  de  ce  pénis  évaginé  et  adventif.  C'est  autour 
de  ce  pénis  évaginé  que  sont  les  pièces  solides  de  copulation,  valves, 
crochets,  crampons.  L'organe  femelle  externe  qui  se  forme  dans  la 
chrysalide  est  constitué  sur  le  même  type.  Outre  des  plaques  cornées 
qui  entourent  les  ouvertures  de  Faims  et  de  la  poche  copulatricc,  on 
trouve  encore  un  organe  ovoposeur,  quelquefois  un  oviscaptc  rctrac- 
tile  (Sésies,  Zeuzôre,  Cossus,  etc.),  muni  de  deux  appendices  pouvant 
se  gonfler  à  volonté  et  rappelant  très  bien,  par  leurs  mouvements,  les 
dernières  pattes  membraneuses  de  la  chenille.  La  formation  des  or- 
gancs  génitaux,  soit  internes,  soit  externes,  semble  fixer  la  durée  des 
métamorphoses  ;  le  papillon  ne  sort  jamais  de  sa  chrysalide  avant  que 
les  faisceaux  de  spermatozoïdes  ou  les  œufs  soient  arrivés  à  leur  com- 
plet développement.  On  peut  dire  que  l'individu  meurt  dans  la  chry- 
salide, et  que  l'espèce  naît  avec  le  papillon.   Les   chrysalides,  à  la  fin 


132  LÉPIDOPTÈRES. 

surtout  de  leur  évolution,  manifestent  déjà  l'appétit  sexuel,  comme 
on  peut  le  reconnaître  aux  mouvements  qu'exécute  une  chrysalide 
mâle  de  Ver  à  soie,  si  on  place  contre  elle  une  chrysalide  femelle. 

Si  nous  passons  enfui  au  papillon,  nous  verrons  que  les  organes  gé- 
nitaux mrdes  se  composent,  après  les  transformations  que  nous  avons 
suivies,  dabord  de  deux  testicules,  libres  dans  le  Sericaria  Mûri,  les 
Yponomeutes  et  divers  Tinéiniens,  simplement  accolés  dans  VAttacus 
Firi,  profondément  soudés  entre  eux  dans  la  plupart  des  espèces.  Les 
capsules  spermifiques,  qui  constituent  ce  testicule  d'aspect  le  plus  sou- 
vent unique,  ont  une  tunique  propre  avec  cuticule,  en  outre  une 
couche  albuginée  de  cellules  qu'on  rend  visibles  par  l'acide  acétique. 
De  plus,  il  y  a  une  enveloppe  externe,  scrotum,  tunique  vaginale  ou 
péi'ilonéale,  qui  présente  des  colorations  variées,  noire  dans  les  Clielo- 
nia,  rougeâtre  chez  Ophiodes  tirrhœa  et  Picris  Brassicœ,  d'un  gris 
cendré  ou  d'un  blanc  pâle  dans  la  plupart  des  Sphingiens,  etc.  Les 
deux  canaux  déférents  se  terminent  par  une  partie  renflée  ou  vésicule 
séminale,  souvent 'remplie  de  faisceaux  de  spermatozoïdes,  et  se  ren- 
dant à  un  long  canal  éjaculateur,  unique  et  flexueux.  Dans  le  canal 
éjaculaleur  s'ouvrent  des  glandes  accessoires  ou  coUélériques,  glandes 
mucipares  d'usages  assez  mal  connus,  dont  la  sécrétion  parait  surtout 
destinée  à  délayer  les  masses  spermatiques,  peut-être  aussi  à  donner 
plus  de  vivacité  aux  spermatozoïdes,  qui  sont  presque  immobiles  dans 
les  testicules.  On  trouve  dans  les  conduits  déférents  et  les  glandes  mu- 
cipares une  tunique  propre,  et  dans  les  conduits  déférents  une  couche 
de  fibres  musculaires  aidant  à  expulser  les  spermatozoïdes.  La  couche 
musculaire  manque  toujours  dans  les  glandes  mucipares;  la  tunique 
péritonéale  y  est  très  développée,  et  sécrète  une  cuticule  interne.  Le 
canal  éjaculateur  contient  souvent  à  l'intérieur  une  matière  gluante  et 
semi-transparente,  et  vient  s'insérer  à  la  base  du  pénis  par  une  partie 
très  musculeuse.  Nous  avons  vu  que,  d'après  M.  A.  Barthélémy,  les 
organes  externes  du  papillon  mâle  de  Sericaria  Mori  représentent  le 
dernier  anneau  de  la  chenille.  Cette  ressemblance  est  plus  parfaite 
dans  d'autres  espèces.  Chez  VAttacus  Piri  et  chez  beaucoup  de  Sphin- 
giens, comme  Sincrinthus  Tiliœ,  Deilephila  Euphurbiœ,  etc.,  les  deux 
forceps  cornés  du  papillon  du  Ver  à  soie  sont  remplacés  par  des  lames 
planes  et  mobiles,  dont  la  forme  rappelle  encore  bien  mieux  les  deux 
pattes  membraneuses  de  la  chenille.  Dans  quelques  iNoctuelles,  le 
pénis  est  entouré  de  panaches  de  poils,  insérés  sur  des  tubercules  qui 
représentent  des  forceps  rudimentaires.  Le  pénis  est  enfermé  dans  un 
fourreau  de  forme  variable,  mais  toujours  corné.  Cet  organe  principal 
de  la  copulation  est  formé  d'une  partie  allongée,  terminée  par  un  ren- 
flement qui  rappelle  par  sa  forme  le  gland  des  animaux  supérieurs. 
Dans  beaucoup  de  Phaléniens,  ce  renflement  terminal  entre  en  forte 
turgescence  lors  du  coït,  et  se  hérisse  d'une  couronne  de  soies  raides 
qui  étaient  couchées  lors  de  l'intromis'ion  et  contribuent  beaucoup  à 


LÉPlDOPTiiRES.  133 

empêcher  la  sortie  de  l'organe,  au  point  qu'on  peut  rompre  les  abdo- 
mens si  l'on  tire  les  deux  sujels  bien  accouplés.  Le  pénis  est  très 
allongé  chez  l'es  Psychés. 

M.  Buchanan  White  a  récemment  étudié  l'armure  génitale  mftlc  dans 
les  divers  groupes  européens  des  Rhopalocéres  et  dans  les  Zygénides. 
Le  dernier  segment  abdominal  présente  des  prolongements,  ordinaire- 
ment un  supérieur,  qn'iliiomraii  tegumen,  et  deux  latéraux,  qu'il  appelle 
harpagones.  L'abdomenpropre  se  termine  pour  lui  au  septième  segment; 
les  deux  derniers  seraient  les  segments  génitaux,  le  huitième  formé 
par  les  appendices  précédents,  le  neuvième  parles  organes  génitaux. 
Ce  n'est  qu'en  enlevant  les  poils  et  les  écailles  qu'on  aperçoit  les  ap- 
pendices. Le  tegumen  est  un  anneau  de  chitine  plus  développé  dans 
l'arc  dorsal  du  segment  que  dans  l'arc  ventral,  et  offrant  un  prolonge- 
ment médian  et  des  lobes  latéraux.  Les  harpagones  se  composent  d'ar- 
mures plus  ou  moins  élargies,  convexes  extérieurement,  concaves 
intérieurement.  Dans  les  Zygénides,  les  harpagones  sont  placés  sur 
l'anneau  dont  le  tegumen  est  le  prolongement  dorsal,  et  ils  sont  joints 
à  ce  dernier.  Au  moyen  des  muscles  insérés  sur  ces  organes,  l'insecte 
peut  à  volonté  les  écarter  ou  les  rapprocher.  En  outre,  l'organe  d'in- 
tromission offre  des  gaines  en  dessus  et  en  dessous.  Dans  le  genre 
Zijgœna,  la  gaine  supérieure  est  triangulaire  et  couverte  d'épines  en 
dessous;  la  gaine  inférieure  est  plus  petite,  non  régulièrement  trian- 
gulaire, et  sa  surface  supérieure  ou  intérieure  est  couverte  d'épines. 
Dans  l'état  normal,  les  sommets  des  gaines  et  les  épines  sont  dirigés  en 
arrière  ;  mais,  lors  de  la  copulation,  les  gaines  péniales  sont  renversées 
(la  surface  extérieure  devenant  intérieure)  et  les  épines  sont  dirigées 
en  avant. 

Les  organes  génitaux  des  Papillons  femelles  offrent  des  particularités 
importantes,  spéciales  à  Tordre  des  Lépidoptères.  Nous  avons  vu  la 
capsule  génitale,  qui,  dans  la  chenille,  entourait  les  organes  femelles 
internes,  se  résorber  peu  à  peu  pendant  l'état  de  chrysalide,  et  laisser 
libres  dans  l'abdomen  les  quatre  gaines  ovigères  de  chaque  côté,  qui 
restent  fixées  au  tube  circulatoire  par  les  mêmes  ligaments  suspen- 
seurs  qui  soutenaient  auparavant  les  capsules.  Dans  l'intérieur  de  ces 
quatre  gaines  ovigères,  qui  sont  enroulées  en  corne  sur  elles-mêmes, 
se  sont  développés  dos  œufs  en  grand  nombre,  dont  les  derniers,  situés 
vers  le  sommet  des  gaines,  n'arriveront  jamais  à  maturité.  Les  œufs 
grossissent  sur  place  dans  la  gaine,  et  non  en  cheminant.  Le  point 
végétatif  est  le  bout  seul  de  la  gaîne.  Les  gaines  viennent  s'insérer  de 
chaque  côté  à  un  col  commun,  par  où  les  œufs  descendront  dans 
l'oviducte. 

On  sait  que  chez  divers  insectes  le  fond  du  vagin  se  dilate  du  côté 
dorsal,  de  manière  à  former  un  cul-de-sac  plus  ou  moins  profond  qu 
se  porte  en  avant,  au-dessus  de  la  partie  terminale  de  l'oviducte;  et 
d'autres  fois  ce  ca'cum,   au  lieu   d'être  un  simple  prolongement  du 


I3i  LtPIDOPJÈUES. 

canal  qui  constitue  le  vagin,  se  rétrécit  à  son  embouchure,  de  manière 
à  prendre  la  forme  d'une  vésicule  pédonculée  qui  débouche  dans  la 
portion  vestibulaire  du  vagin,  au-dessus  et  en  arrière  de  l'orifice  ter- 
minal de  l'oviducte.  Quelquefois  mOme  cette  portion  vulvaire  de  l'ap- 
pareil copulateur  se  raccourcit  de  façon  à  se  confondre  presque  avec  le 
cloaque,  et  les  deux  orifices  appartenant,  l'un  à  l'oviducte,  l'autre  au 
sac  appendiculaire  dont  on  vient  de  parler,  peuvent  s'ouvrir  isolément 
dans  cette  poche,  où  débouche  aussi  l'anus.  C'est  précisément  là  le  cas 
spécial  des  Papillons  femelles,  qui  ont  trois  orifices  distincts  au  bout  du 
dernier  segment  de  l'abdomen.  En  bas  est  l'anus  ;  au  milieu,  l'ouverture 
de  l'oviducte,  par  laquelle  sortent  les  œufs  lors  de  la  ponte  ;  et  en 
haut  le  vagin,  dans  lequel  entre  le  pénis  du  mâle  pendant  la  copula- 
tion, et  qui  aboutit  à  la  vésicule  ampuiliforme  dont  nous  venons  de 
parler.  Cette  poche  est  essentiellement  un  organe  copulateur.  Malpighi 
constata,  le  premier,  chez  le  papillon  femelle  du  Ver  à  soie,  une  vési- 
cule placée  à  l'entrée  de  Tappareil  génital,  vide  et  contractée  avant  le 
coït,  pleine  d'un  liquide  blanchâtre  après.  Hunter  {Observ.  on  Bces,  Phi- 
losophical  Trans.,  1792,  p.  186),  en  ouvrant  des  Bombyciens  accouplés, 
constata  que  le  pénis  du  mâle  avait  pénétré  jusqu'à  l'entrée  de  cette 
poche  à  semence,  et  que  le  liquide  blanchâtre  contenu  dans  ce  réser- 
voir était  apte  à  la  fécondation  artificielle  des  œufs  extraits  de  l'ovi- 
ducte,  comme  le  sperme  puisé  directement  dans  l'appareil  génital 
du  màlc. 

11  est  curieux  de  remarquer  que  l'appareil  fécondateur,  avec  la 
poche  à  semence ,  est  également  très  bien  développé  chez  certains 
Lépidoptères  qui  paraissent  se  reproduire  ordinairement  par  parthéno- 
genèse, et  dont  les  mâles  sont  très  rares  ou  encore  inconnus.  Cela  a  été 
constaté  chez  Solenobia  {Talœporia  )  triquetrella. 

Audouin  a  eu  souvent  l'occasion  de  constater  que  pendant  l'accou- 
plement, le  pénis  du  mâle  est  logé  dans  cette  poche,  où  il  déverse  la 
semence  {Lettre  sur  la  génération  des  Insectes,  dans  Ann.  des  sciences  natu- 
relles, 182Zi,  t.  II,  p.  281).  De  là  le  nom  de  jwclie  copulatrice,  donné  par 
Audouin  à  cette  cavité  où  se  dépose  le  sperme.  Cbez  VOEnophthira  Pille- 
riana,  ou  Pyrale  de  la  Vigne  (Audouin,  Histoire  des  Insectes  nuisibles  à  la 
Vigne^  et  particulièrement  de  la  Pijrale,  Paris,  18Zi2),  il  y  a  une  grosse  poche 
copulatrice  indépendante  du  canal  vecteur  qui  met  l'ovaire  en  commu- 
nication avec  l'extérieur.  L'organisation  du  Ver  à  soie  est  la  même. 
Cornalia  a  vu  que  la  poche  copulatrice  n'a  pas  seulement  pour  fonction 
de  recevoir  le  pénis  et  le  sperme  du  mâle,  mais  qu'il  s'y  exerce  sur  le 
sperme  une  certaine  influence  dissociant  les  spermatozoïdes  de  leurs 
faisceaux  et  de  la  matière  enveloppante,  de  sorte  que  ces  faisceaux, 
encore  immobiles  lors  de  l'éjaculation,  deviennent,  dans  la  poche  copu- 
latrice, des  spermatozoïdes  isolés,  libres  et  mobiles.  Chez  tous  les  Lé- 
pidoptères, la  poche  copulatrice  ne  conserve  pas  longtemps  dans  son 
intérieur  le  sperme  injecté  par  le  pénis,  ou  du  moins  sa  partie  essen- 


i.Èi>ii)OiTfciu;s.  135 

tielle,  les  spermatozoïdes  actifs.  Un  conduit  latéral  membraneux,  ou 
canal  séminifère,  va  de  la  poche  copulatrice  à  l'oviducte,  et  vis-à-vis 
débouclie  dans  l'oviducte  un  autre  conduit,  canal  fécondateur,  allant  à 
un  autre  réceptacle  ampulliforme,  plus  pelit  que  la  poche  copulatrice, 
et  qui  est  ]a  spermathèqae  ou  vésicule  séminale.  Hérold,  dans  son  travail 
sur  la  Piéride  du  Chou  (planche  IV),  a  bien  vu  les  deux  ouvertures 
séparées  pour  le  pénis  et  pour  les  œufs.  11  figure  la  poche  copulatrice 
et  le  réceptacle  séminal,  avec  deux  glandes  sébifiques  et  l'origine 
d'une  glande  annexe,  probablement  nourricière  des  spermatozoïdes. 

Le  mécanisme  exact  du  passage  du  sperme  d'une  poche  à  l'autre  et 
de  la  fécondation  des  œufs  a  été  découvert  par  M.  Balbiaui,  et  rcsulle 
d'une  diflerencc  de  struclurc  anatomique  des  parois.  F>a  poche  copula- 
trice est  dénuée  de  fibres  musculaires;  les  spermatozoïdes  actifs  en 
sortent  par  un  mouvement  propre,  et  se  rendent  dans  la  sperma- 
thùque,  qui  ne  contient  ainsi  que  la  partie  la  plus  pure  de  la  semence. 
I.a  spermalhèque  est  pourvue  de  fibres  musculaires,  de  sorte  que  la 
semence  tombe  sur  les  œufs  par  le  canal  fécondateur,  en  raison  d'un 
mouvement  réflexe  des  muscles  de  la  spermathôque,  à  mesure  que 
chaque  œuf  vient  toucher^  le  col  du  canal  fécondateur,  et  le  spermato- 
zoïde entre  dans  l'œuf  parle  micropyle.  Audouin  a  constaté  sur  la  Pyrale 
de  la  Vigne  que  les  œufs  extraits  de  l'oviducte  d'une  femelle  qui  a  reçu 
le  mâle  sont  aptes  à  se  développer,  si  on  les  prend  en  aval  de  l'embou- 
hure  du  canal  fécondateur  de  la  spermalhèque,  tandis  qu'ils  sont  sté- 
riles si  on  les  prend  en  amont  do  cette  ouverture.  Kn  même  temps  le 
second  des  tubes  génitaux,  ou  oviducte,  communiquant  aux  gaines  ovi- 
gères  et  entièrement  distinct  du  vagin  de  copulation,  reçoit  plus  bas 
que  le  canal  fécondateur  le  produit  des  glandes  collétériques,  sécré- 
tant le  vernis  ou  enduit  fixateur  des  œufs,  et  conduit  au  dehors  l'œuf 
fécondé  et  vernissé.  Chez  la  Pyrale,  il  y  a  une  paire  de  ces  glandes  col- 
létériques, consistant  chacune  en  un  long  tube  grêle,  terminé  en 
cœcum  et  dilaté  en  forme  d'ampoule  près  de  son  insertion  à  l'oviducte. 
11  faut  bien  remarquer  que  les  spermatozoïdes  sortis  de  la  poche  copu- 
latrice dans  les  vingt-quatre  heures,  séjournent  ensuite  pendant  un 
temps  plus  ou  moins  long  dans  la  vésicule  séminale  de  la  femelle,  ou 
spermalhèque.  Ils  y  subissent  une  véritable  incubation,  et  une  petite 
glande  y  déverse  la  nourriture  de  ces  spermatozoïdes,  de  sorte  qu'ils 
restent  longtemps  actifs.  On  s'explique  ainsi  comment  un  seul  accou- 
plement peut  être  suivi  de  la  production  d'œufs  féconds  pendant 
plusieurs  jours,  et  même  une  ou  deux  semaines  pour  certaines 
espèces. 

Le  mécanisme  anatomique  que  no'us  venons  de  décrire  explique  très 
bien  un  fait  important  de  la  maladie  des  psorospermies  ou  corpuscules 
du  Ver  à  soie.  M.  Balbiaui  regarde  la  poche  copulatrice  comme  un 
organe  d'épuration  du  sperme,  retenant  les  particules  étrangères, 
notamnient  les  psorospermies  de  la  pébrine  du  papillon  mâle  du  Ver 


136  LÉPIDOPTÈRES. 

à  soie  malade.  Les  mieux  développés  et  les  plus  agiles  des  filaments 
fécondants  parviennent  seuls,  par  leurs  mouvements  propres,  dans  le 
réceptacle  séminal  pour  s'unir  ensuite,  dans  l'oviducte,  à  l'élément 
femelle  ou  œuf.  L'inertie  des  parois  de  la  poche  copulatrice  explique 
comment  les  corpuscules  morbides  mêlés  au  sperme  restent  dans  cette 
poche,  et  que  pas  un  seul  ne  passe  dans  le  réceptacle  séminal  :  ce  qu* 
permet  de  comprendre  pourquoi  un  papillon  niàle  corpusculeux  n'in- 
fecte pas  les  œufs  d'une  femelle  saine  à  laquelle  il  s'accouple.  On  se 
rend  également  parfaitement  compte  des  superfétations,  quand  une 
même  femelle  subit  l'approche  de  plusieurs  mâles  différents.  Ainsi 
M.  Bigot,  à  Pontoise,  qui  se  livre  à  de  nombreux  essais  d'acclimatation 
de  séricigênes  exotiques,  a  vu  une  femelle  à'Aftacus  }a»i«-maï,  G.-Mén., 
successivement  fécondée  par  un  mâle  de  son  espèce  et  par  un  mâle 
d'une  espèce  voisine,  l'.l.  Pernyi,  G.-Méu.,  pondre  des  œnifs  dont  les 
uns  ont  donné  des  A.  Yama-maï  purs,  les  autres  des  métis  des  A,  Yama- 
mat  et  Pernyi.  Les  spermatozoïdes  des  deux  espèces  ont  coexisté,  sans 
se  nuire,  dans  la  spermathèque  de  la  femelle,  et,  tantôt  l'un,  tantôt 
l'autre  est  tombé  sur  l'œuf  sorti  des  gaines  ovigères  de  la  femelle. 

Chez  les  insectes  autres  que  les  Lépidoptères,  il  n'y  a,  à  l'extrémité 
de  l'abdomen,  que  deux  oritices,  l'anus  et  le  vagin-oviducte.  Le  pénis 
du  mâle  et  son  sperme  passent  par  le  même  orifice  que  les  œufs  pondus. 
Ce  sperme  se  rend  tout  de  suite  à  la  poche  copulatrice  d'Audouin, 
quand  elle  existe,  c'est-à-dire  dans  la  plupart  des  Coléoptères,  chez 
quelques  Orthoptères  et  Névroptères.  Chez  les  Lépidoptères,  la  poche 
copulatrice  a  son  vagin  spécial.  Chez  les  autres  insectes,  les  deux 
poches,  copulatrice  et  spermathèque  ou  réservoir  séminal,  sont  en 
général  remplacées  par  cette  dernière  seule,  où  se  rend  tout  de  suite 
le  sperme  du  mâle. 

La  glande  qu'on  appelle  annexe  ou  accessoire,  collétérique  des  An- 
glais, sébifique  (à  tort)  de  L.  Dufour,  n'a  pas,  en  général,  de  muscles. 
Elle  offre  une  couche  épilhéliale  de  cellules  sécrétantes  colorées  et,  en 
dedans,  une  cuticule.  La  substance  de  la  glande  accessoire,  qui  fournira 
le  vernis  collant  de  la  coque  des  œufs,  n'est  pas  grasse,  comme  le 
croyait  L.  Dufour.  C'est  plutôt  une  matière  soyeuse,  avec  tibroïne, 
comtne  dans  les  glandes  à  soie  des  chenilles  et  des  Araignées,  insoluble 
dans  l'eau,  l'alcool,  l'éther,  les  alcalis,  ne  rougissant  pas  par  le  carmin 
et  l'aniline,  fortement  colorée  en  brun  par  l'iode.  C'est  une  matière 
albuminoïde  bien  plutôt  qu'une  graisse, 

Les  organes  génitaux  externes  des  femelles  de  Papillons  sont  encore 
moins  développés  que  ceux  des  mâles.  Cela  tient  au  peu  d'industrie  de 
ces  femelles  pour  opérer  la  ponte  de  leurs  œufs.  L'organe  ovoposeur, 
formé  par  le  dernier  segment  de  l'abdomen  est  très  simple,  muni  de 
deux  cour! s  appendices  pouvant  se  contracter  ou  se  dilater,  sous  la 
volonté  de  l'animal.  Il  y  a  certains  genres,  comme  Cossus,  Zeuzera,  etc., 
où  les  femelles  pondent  leurs  œufs  dans  les  fentes  du  bois.  L'organe 


LÈPIDOPit.RKS.  l.'n 

ovoposeur,  analogue  à  celui  de  certains  Diptères,  est  alors  formé  de 
lubes  articulés  et  rétractiles,  de  diamètres  décroissants,  comme  le  tuyau 
d'une  lunette.  Chez  Zeuzera  uEsculi,  il  se  compose  de  deux  tubes  rétrac- 
tiles,  dont  le  premier  porte  deux  petites  pointes.  A  l'intérieur,  on  aper- 
çoit une  pièce  centrale  cornée  présentant  une  pointe  médiane  et  deux 
appendices  latéraux,  qui  forment  comme  une  pince  pour  aider  au 
mouvement  des  œufs.  Deux  poils  latéraux  longs  et  raides  viennent 
aboutir  à  l'ouverture  de  ce  tube  de  ponte,  et  paraissent  avoir  pour 
fonction  de  lui  donner  une  rigidité  suftisante.  Cet  organe,  ovoposeur 
dans  toute  son  extension,  est  très  long  et  très  mobile,  dépassant  en 
longueur  le  tiers  de  l'abdomen. 

Bihiiograpiiie.  —  Nous  indiquerons  ici  les  titres  des  travaux  les  plus 
récents  à  consulter  sur  l'embryogénie  des  Lépidoptères  et  surl'anatomie 
de  leurs  appareils  reproducteurs  :  —  Kowalewsky,  Einbryoîogische  Stu- 
dien  an  Wiirmern  vnd  Arthropoden  (Développement  embryoïmairc  des 
Lépidoptères  :  Pterophorus  pentadactyius,  Smorinthus  Populi,  Gastropaclia 
Pini)  {Mém.  Acad.  Saint-Pétersbourg,  1871,  t.  XVI,  n"  12).  —  E.  Bessels, 
Studien  iiber  die  Enlwickelung  der  Sexualdrusen  bei  den  Lepidopteren 
(lléveloppement  des  glandes  sexuelles)  {Zeit.'^chr.  fur  wiss.ZooL,  1867, 
t.  XVII).  —  Ganini,  Ueber  die  Embryonalhxdle  der  Hymenopteren  und 
Lepidopteren  Embryonen  (Développement  embryonnaire  cbez  Sericaria 
Mori  et  Pieris  Brassicœ)  {Mém.  Académie  Saint-Pétersbourg,  7"  série, 
1868,  t.  XIV).  —  R.  Ludwig,  Ueber  die  Eibildung  im  Tliierreich  (For- 
mation de  l'œuf  chez  les  Lépidoplères)  {Arbeiten  der  Zool.  Zootom. 
Instituts  zu  Wiirzburg,  I;  à  part,  187^).  —  H.  Uathke,  Etudes  sur  le  déve- 
loppement des  Insectes  {Stettin  entomol.  Zeitung,  1861,  p.  169  et  229): 
les  Lépidoptères  examinés  sont  :  Sericaria  Mori,  Liparis  Salicis,  Liparis 
dispar.  —  Ottmar  Hofmann,  Beilriige  zur  Naturgeschichte  der  Coleo- 
phoren  {Stettin  entom.  Zeit.,  1869,  p.  107,. 187)  (ce  sont  les  Coléophores, 
Microlépidoptères  à  chenilles  enveloppées  de  fourreaux  de  cellulose, 
les  Teignes  à  falbalas  de  Hèaumur).  —  Ottmar  Hofman,  Beitrdge  zur 
Kenntniss  der  Parthenogenesis{Stett.  entom.  Zeit.,  1869,  p.  299j  (cette  noie 
traite  de  la  parthénogenèse  de  divers  Lépidoptères).  —  D'  Schtcich, 
Développement  du  Pterophorus  didaclylus,  Linn.  (Ptérophoriens,  Micro- 
lépidoptères) {Stett.  entom.  Zeit.,  186/i,  p.  97).  —  A  Dohrn,  Notizen  zur 
Kenntniss  der  Inseklenentivickelung  (Sur  le  développement  des  Insectes) 
{Zeitschr.  fur  tviss.  Zool.,  1876,  t.  XXVI).  —  Berthold  Hatschek,  Beitrdge 
zur  Entwicklungsgeschichte  der  Lepidopteren  (Développement  des  Lépi- 
doptères) {Jenaische  Zeitschrift  Naturwissenschaft,  1877,  t.  XI).  —  E.  Ver- 
son,  Beitrdge  zur  Anat.  der  Bombyx  Yama-maï  (Analomie  de  Y AtUicus 
Yama-maï }  (Sitzungsber ■  derK.  K.Acad.  derWissensctmftenzu  n7eH,1870, 

LXI,  p.  913).  —  Balbiani,  Sur  le  mécanisme  de  la  fécondation  chez  les  Lépi- 
doptères {Comj)tesi'endus  de  l'Acad.  des  sciences,  1869,  t.  LXVIII,  p.  781).  — 
While,  F.   Duchanan,   On   ilte  maie  génital  Armature  in  the   European 


138  LÉPlDOPTKUtS. 

Rhopalocera  [Journal  of  Linn.  Soc,  1877,  t.  Xlll,  p.  195,  et  Traufi.  of  the 
Linn.  Soc.  of  London,  2'  série,  Zool.,  1878,  t.  I,  p.  357  à  369,  pi.  55,  56i 
57).  Observations  sur  l'armure  génitale  de  plusieurs  espèces  françaises  de 
ZvGENiD/t:  [Ann.  Soc.  entom.  France,  1878,  p.  Zj67,  pi.  xi  et  xii). 


Quelques  recherches  intéressantes  d'anatomie  interne  ont  été  faites 
sur  les  yeux  des  Lépidopti'res,  soit  composés  (adultes),  soit  simples 
(chenilles).  Sclmltze  place  dans  un  premier  groupe  tous  les  Insectes, 
sauf  les  Coléoptères  et  LépidoptiVcs  nocturnes  ou  plutôt  crépusculaires, 
qui  en  forment  un  second.  Dans  les  cornéules  do  l'œil  composé  de  ces 
derniers,  le  bâtonnet  nerveux  se  renfle  en  massue  antérieure,  où  s'em- 
boîte par  juxtaposition  la  base  du  cône  cristallin.  Le  bâtonnet  nerveux 
est  formé  de  quatre  prismes  accolés,  et  chaque  prisme  est  un  faisceau 
de  fibrilles.  La  membraue  du  cristallin  a  un  trou  par  où  pénètre  le 
bâtonnet.  Chez  les  Sphinx,  les  fibres  centrales  entrent  dans  la  capsule 
du  cristallin  et  coiffent  sa  base  d'une  cupule  nerveuse,  comme  une 
rétine  {Sphinx  Ligustri).  L'analogue  a  lieu  chez  le  Geotrnpos  stercora- 
rius  (Coléoptères).  Chez  les  autres  hisectes,  ou  premier  groupe,  le 
bâtonnet  est  enveloppé  de  deux  membranes,  l'interne,  pigmentée  (jaune 
chez  les  Libellules),  l'externe,  de  tissu  conjonctif  granulé.  Cette  mem- 
brane externe  se  continue  sur  le  cône  cristallin.  Chez  les  Papillons. 
Hhopalocères  ou  Diurnes,  le  bâtonnet  est  uniforme  partout  et  offre 
deux  membranes.  La  membrane  interne  présente  quatre  filets  rouges 
longitudinaux.  Le  bâtonnet  se  termine  parfois  aminci,  parfois  non 
aminci,  contre  le  cône  cristallin  indépendant  de  lui.  Marcel  de  Serres, 
dans  son  Mémoire  sur  les  yeux  composés  des  insectes  (1813),  croyait  les 
yeux  des  Papillons  nocturnes,  ou  de  la  plupart  des  Hétérocères,  sans 
pigment.  M.  Leydig  a  découvert  l'existence  d'une  gaine  de  trachées 
autour  de  la  base  renflée  du  bâtonnet  nerveux  chez  les  Papillons  noc- 
turnes. C'est  la  cause  de  la  phosphorescence  rosée  de  l'œil  de  ces  Papil- 
lons au  demi-jour,  si  manifeste  surtout  chez  les  Sphinx  et  les  grandes 
Noctuelles.  En  cifet,  chez  les  Coléoptères  et  les  Lépidoptères  nocturnes, 
le  bâtonnet  offre  à  sa  base  un  renflement  fusiforme  de  couleur  rose, 
avec  couches  superposées.  Il  joue  un  peu  l'effet  du  tapis  de  l'œil  des 
Ruminants.  Chez  les  Papillons  nocturnes,  ce  renflement  est  entouré 
d'une  gaine  de  trachées  pleines  d'air,  de  sorte  que  le  rose  du  renfle- 
ment basilaire,  vu  à  travers  cet  air,  offre  un  luisant  rosé  et  phosphores- 
cent. Les  yeux  composés  des  Insectes  sont  remarquables  par  leur  nombre 
énorme  de  trachées,  qui  semblent  remplacer  les  vaisseaux  sanguins. 
Les  cornéules  de  l'œil  composé  des  Papillons  nocturnes  sont  très  con- 
vexes, ainsi  chez  VAcherontia  Atropos  (Leydig).  Les  cornéules  sont  inco- 
lores chez  les  Papillons  nocturnes;  elles  sont  bordées  de  jaune  opaque 
chez  les  Diurnes.  Les  cônes  cristallins  des  Diurnes  sont  petits  et 
coniques;  ceux  des  Nocturnes,  cylindriques  et  grands.  Chez  les  Diurnes, 


LÉPIDOPTÈUES.  139 

ces  cônes  sont  translucides  et  jaunâtres;  il  n'y  a  que  quatre  trachées 
isolées  le  long  du  bâtonnet.  Chez  les  Nocturnes,  le  cristallin  est  dia- 
phane et  la  base  du  bâtonnet  est  enveloppée  d'un  faisceau  de  trachées 
accolées. 

Il  y  a  des  Hétéroccres  de  même  conformation  générale  que  les  autres 
Nocturnes,  dont  la  période  active  se  passe  en  plein  jour:  ainsi  IcsMacro- 
glosses,  les  Zygéncs,  qui  volent  sous  les  rayons  du  soleil.  Chez  les 
Zygœim  Lonicerœ,  l'œil  est  celui  d'un  Diurne  ;  les  cornées  sont  bordées 
de  noir;  lescônospetits  et  coniques,  entourés  d'un  abondant  pigment;  le 
b.ltonnet  uniforme,  ne  pi'ésentant  que  des  filets  trachéens.  Le  Macro- 
(jlossa  Slellalarum  a  un  œil  mixte.  Les  bâtonnets  sont  fusiformes  à  la 
base,  mais  le  fuseau  est  incolore  et  peu  renflé;  les  cônes  sont  volumi- 
neux, peu  pigmentés  et  jaunâtres  ;  les  cornéules  sont  bordées  d'un  con- 
tour jaune.  Selon  les  doctrines  de  M.  Darwin,  on  dirait  qu'un  change- 
mont  d'habitude  a  entraîné  des  modifications  anatomiques. 

Les  chenilles  ont  dos  yeux  véritablement  simples,  analogues  à  ceux 
des  Crustacés  inférieurs  ;  tandis  que  les  stemmates  ou  ocelles  des  Hymé- 
noptères adultes  sont  des  yeux  composés  où  les  cornées  et  les  cristallins 
se  sont  confondus  chacun  en  organe  unique,  les  bâtonnets  s'étant  rap- 
prochés davantage.  Les  ocelles  des  chenilles  et  des  fausses  chenilles 
(Tenthrédinicns)  sont  extérieurement  pareils  et  très  probablement  aussi 
de  même  structure  interne,  qui  n'a  pas  été  étudiée  chez  les  fausses 
chenilles.  Nous  savons  qu'il  y  a  chez  les  chenilles  six  ocelles  au-dessus 
de  chaque  mandibule,  comme  Malpighi  l'a  reconnu  d'abord  sur  le  Ver 
à  soie  (1GG9),  et  Lyonet,  plus  lard,  sur  la  chenille  du  Saule  ou  chenille 
du  Cossus  Ligniperda;  puis  Hérold,  sur  celle  de  Pieris  Brassicœ.  Les 
fausses  chenilles  des  Tenthrédinicns  ont  cinq  ocelles  de  chaque  côté 
(Leydig),  pris  à  tort  pour  un  seul  (Lacordaire).  Dans  l'ocelle  des  che- 
nilles, les  parties  sont  ordonnées  suivant  le  nombre  trois. 

A  la  cornée  trisegmcntée  succède  un  cristallin  de  trois  parties  acco- 
lées (c'est  le  nombre  quatre  pour  les  ocelles  des  Insectes  adultes),  et 
au-dessous  un  disque  aplati,  violet,  à  fibres  radiées,  qui  est  un  iris  à 
pupille  triangulaire.  Le  tout  repose  sur  une  amphore  qui  reçoit  le  nerf 
optique.  Le  bâtonnet  nerveux  est  formé  de  trois  fibres  nerveuses,  à 
deux  renflements  supérieur  et  inférieur,  ou  trois  bâtonnets  simples, 
avec  une  gaine  propre,  le  tout  entouré  d'une  masse  de  pigment  violet. 
En  dehors  est  une  couche  de  fibrilles  musculaires,  striées  en  travers, 
servant  à  faire  contracter  l'aMl.  Le  névrilème  du  nerf  optique  forme 
une  sclérotique  à  l'œil.  Les  six  yeux  de  la  chenille  sont  groupés  au- 
dessus  de  la  mandibule,  sur  le  côté  de  la  tête,  en  demi-cercle,  cinq 
rapprochés,  un  isolé.  Chaque  œil  de  la  chenille  est  animé  par  un  filet 
du  nerf  optique,  né  de  la  partie  postérieure  du  ganglion  céphalique. 
Si  l'on  compare  ce  stemmate  à  celui  de  l'Abeille,  on  voit  que  celui-ci 
a  un  grand  nombre  de  bâtonnets,  tandis  que  celui  de  la  chenille  n'en 
a  qu'un  seul,  à  trois  fibres, 


IW  LÉPlDOPTkr.ES. 

Pour  observer  anatomiquement  les  yeux  des  Insectes  et  en  particu- 
lier des  Lépidoptères,  il  faut  les  colorer  et  les  durcir  par  certains  réac- 
tifs. Max  Schulfze  recommande  l'acide  osmiqiie  à  un  centième  au 
maximum,  qui  noircit  les  tissus  nerveux,  ou  l'acide  oxalique  concentré. 
L'acide  azotique,  à  25  ou  30  pour  100,  dissout  ensuite  la  matière  pig- 
mentaire;  ou  bien  on  emploie  la  potasse  étendue.  — Consulter  pour  les 
yeux  des  Lépidoptères  : 

Claparède,  Sur  Vœil  de  Vanessa  lo  (Paon  de  jour)  {Zeitschrift  Zool. 
Siebnld  und  KôUiker,  1860.  —  Leydig,  Das  Auge  die  Gliederthiere,  186/| 
(Sur  r(L'il  des  Articulés,  en  particulier  œil  des  Chenilles).  —  H.  Lan- 
dois.  Die  Raupen-augen  [ocelli  compositi,  Mihi)  {Zeitschr.  Zool.  Siebold 
und  Kblliker^  1866,  t.  XVI,  p.  27,  pi.  ii  (chenilles  de  Vanessa  Urticœ, 
Pieris  Brassicœ,  Bombyx  Rubi).  —  Max  Schultze,  Ueber  den  feineren  Bau 
der  Imsaiimengesetztcn  Augen  d.  Krabse  und  Insekten,  Bonn,  1.868  (Sur 
la  structure  des  yeux  composés  des  Crustacés  et  des  Insectes,  faits 
relatifs  aux  Lépidoptères). 

On  peut  dire,  d'une  façon  générale,  que  les  Lépidoptères  sont  des 
insectes  muets.  Il  en  est  cependant  quelques-uns  qui  produisent  des 
bruits,  probablement  des  appels  pour  la  reproduction.  Tels  sont  Chelo- 
nia  pudica ,  du  midi  de  la  France,  et  plusieurs  espèces  des  montagnes, 
du  genre  Setina  :  ainsi  S.  aurita.  Ce  sont  vraiment  des  Papillons  tim- 
baliers. Sur  le  dernier  anneau  du  thorax,  on  voit  une  large  membrane 
blanchâtre,  triangulaire,  recouvrant  une  cavité  sans  communication 
avec  l'inférieur  du  corps,  sans  tendon  ni  battant  agissant  sur  la  mem- 
brane. La  membrane  parcheminée  et  sèche,  tendue  sur  la  vésicule  de 
résonnance  pleine  d'air,  vibre  sous  un  coup  sec  qui  vient  du  dehors, 
a  reconnu  le  docteur  Laboulbène.  Ce  sont  de  petites  percussions  des 
cuisses  des  pattes  postérieures,  ou  des  pressions  latérales  rapides  des 
genoux.  D'après  de  Villers,  qui  a  découvert  en  1833  le  son  de  l'blcaillc 
pudique,  on  dirait  le  bruit  du  métier  d'un  fabricant  de  bas.  M.  Guenée, 
en  1861,  a  fait  connaître  un  acte  analogue  chez  les  Setina,  où  le  son 
produit  imite  le  tic-tac  d'une  montre  ou  les  pulsations  des  Anobium, 
ces  petits  Coléoptères  des  bois  ouvrés,  s' appelant  la  nuit,  d'un  sexe  à 
l'autre,  en  frappant  contre  les  cloisons,  avec  leur  tète,  ces  coups  secs 
au  milieu  du  silence  de  la  nuil,  qui  ont  valu  à  ces  Vrillettes  le  nom 
ù'hurluge  de  la  mort.  Chez  les  Chelonia  et  Setina,  les  organes  de  stridu- 
lation sont  plus  développés  chez  les  mâles  que  chez  les  femelles.  On  a 
aussi  indiqué  la  production  de  bruits  chez  des  Rhopalocères,  ainsi  dans 
e  Paon  de  jour  {Vanessa  lo),  chez  la  chrysalide  de  Thecla  Rubi  et  chez 
quelques  chenilles.  Le  plus  célèbre  des  Papillons  sonores  est  l'énorme 
Sphinx  à  tète  de  mort,  Acherontia  Atropos.  Il  fait  entendre  un  véritable 
cri,  assez  intense,  un  peu  plaintif,  analogue  au  bruit  d'un  fort  parchemin 
déchiré.  Ce  cri  se  produit  également  dans  les  deux  sexes,  comme  je  l'ai 
constaté  sur  plusieurs  sujets  servant  à  mes  expériences  de  chaleur 
animale,  et  semble  lié  à  un  sentiment  de  crainte.  On  s'explique  com- 


LÈI'lDUPlÈUliS.  1^1 

mont  ce  cri,  joint  au  lugubre  emblème  que  porte  le  Papilïuu  sur  le 
corselet,  ait  jeté  autrefois  l'épouvante  en  Bretagne,  comme  le  rapporte 
Réaumur,  dans  une  année  où  l'apparition  en  grand  nombre  de  ce  Pa- 
pillon coïncidait  avec  des  maladies  épidémiques,  en  1737.  On  a  beau- 
coup disserté  sur  la  cause  de  ce  cri,  qu'on  croyait  d'abord  provenir  de 
la  spiritrumpe,  mais  qui  se  produit  encore,  celle-ci  complètement  enle- 
vée. D'après  le  docteur  Laboulbène,  il  provient  d'une  fente,  située  de 
chaque  côté  de  la  base  de  l'abdomen,  d'où  sort  un  éventail  de  poils,  en 
même  temps  que  le  cri.  Au  fond  de  la  gouttière  est  une  membrane 
sèche;  et  si  l'on  passe  dessus  la  pointe  d'une  aiguille,  on  entend  le  cri, 
en  même  temps  que  l'éventail  sort.  Ce  sont  des  contractions  muscu- 
laires, amenant  le  froissement  de  la  membrane,  qui  produisent  le  cri, 
comme  pour  la  timbale  de  la  Cigale.  En  outre,  on  a  signalé  chez 
YAcherontia  Atropos,  à  la  jonction  de  la  cuisse  et  de  la  jambe  anté- 
rieure, une  lamelle  chitincuse  subtriangulaire  sur  la  jambe.  Sous  cette 
plaque  est  un  creux  où  pénètre  une  trachée.  C'est  probablement  une 
oreille  analogue  à  celle  des  Grylliens  et  des  Locustiens,  qui  occupe  la 
même  place  sur  la  jambe  antérieure,  sur  une  dilatation  près  de  l'arli- 
culation  delà  cuisse.  Il  y  aune  cavité  ovale  avec  un  tympan,  vis-à-vis 
duquel  se  renfle,  pour  la  résonnance,  une  des  trachées  de  la  jambe.  Le 
tympan  est  tantôt  à  deux  membranes  (Grylliens),  tantôt  k  une  (Locus- 
tiens), et  il  est  parfois  entouré  d'une  sorte  de  conque  (Meconema).  Un 
nerf  acoustique  arrive  par  la  cuisse  au  côté  antérieur  de  cette  oreille, 
et  forme  un  ganglion  très  allongé  sur  la  paroi  de  la  vésicule.  —  Con- 
sulter :  Romanes,  Mac-Lachlan,  White,  Cunningham,  On  the  Sensé  of 
hearing  in  Insects  {Nature,  t.  XV,  1877,  p.  177,  '25Zt,  272  (observations 
anciennes  et  nouvelles  de  Papillons  qui  produisent  des  sons).  —  Sciiild, 
Miscellen  {Stetlin  entomol.  Zeitung,  1877)  (production  de  sons  chez  la 
chrysalide  de  Tliecla  Riibi  et  chez  quelques  chenilles). 

Les  Lépidoptères  adultes  offrent  parfois  des  sécrétions  odorantes, 
liées,  suit  à  la  fonction  de  reproduction,  soit  à  des  usages  défensifs.  Les 
sécrétions  musquées,  exagérées  chez  certains  Chevrotains  et  les  Ci- 
vettes, moindres  chez  les  Genettes  et  Desmans,.se  manifestant  chez  les 
Vautours  en  ponte,  et  lors  du  rut  des  Crocodiliens,  existent  aussi,  hors 
des  Vertébrés,  chez  certains  Insectes.  Nous  avons  eu  occasion  de  les 
citer  chez  certains  Formiciens  et  chez  le  Velleius  ou  Quedius  dilatatus, 
ce  rareStaphylinien,  commensal  des  nids  de  Vespiens  et  défenseur  du 
couvain.  Le  Char  axes  Jaxius,  ce  beau  papillon  méditerranéen,  que  les 
paysans  turcs  nomment  le  Pacha  à  deux  queues,  sent  fortement  le 
musc,  surtout  à  la  sortie  de  sa  chrysalide.  Parmi  les  Hctérocères,  le 
Sphinx  Convolvuli  répand  une  odeur. musquée  très  prononcée,  surtout 
récemment  éclos  et  avant  l'accouplement.  Cette  sécrétion  musquée 
existe  aussi,  mais  beaucoup  moindre,  chez  le  Sphinx  Ligustri,  et  je  me 
suis  assuré  sur  de  nombreux  spécimens,  que  dans  ces  deux  Sphinx  la 
écrétion  musquée  est  propre  aux  mâles  seuls.  Le  Papilio  Machaon 


1^2  LÉPIDOPTÈRES. 

exhale  souvent  une  odeur  prononcée  de  Fenouil.  Nous  avons  déjà  cité  le 
groupe  des  Héliconiens,  faibles  et  délicats  Papillons  de  l'Amérique 
méridionale,  qui  sont  protégés  contre  les  Oiseaux  par  une  sécrétion- 
Acre  et  fétide,  à  la  façon  des  larves  des  Chrysoraèles  du  Peuplier  et  du 
Tremble.  —  Consulter  Fritz  .MûUer,  Die  Stinkkolbchen  cler  tveiblichen 
Maracuja-Falter  (Sur  les  organes cà  sécrétion  fétide  des  Papillons  femelles 
dont  les  chenilles  vivent  sur  le  Maracuja  (Passiflore)  au  Brésil  :  Helico- 
nius,  Eueides,  Colœnis  et  Diane)  {Zeitschrift  fUr  iviss.  Zool.,  1877, 
t.  XXX). 

A  propos  de  la  chasse  et  de  la  conservation  des  Lépidoptères,  nous  ne 
ferons  que  renvoyer  à  ce  qui  a  été  développé  en  détail  dans  l'Introduc- 
tion de  ce  traité  (tome  I",  pages  153  à  164). 

La  distribution  géographique  des  Lépidoptères  ne  présente  pas  les 
mêmes  lois  que  celle  des  Coléoptères  ou  des  Hémiptères,  par  exemple.  En 
effet,  les  Lépidoptères  ont,  dans  les  grandes  espèces  au  moins,  un  vol 
puissant,  et  tendent,  comme  les  Oiseaux,  aune  considérable  extension, 
car  ils  sont  facilement  entraînés  par  les  vents.  Aussi  ils  caractérisent 
bien  moins  nettement  la  faune  entomologique  d'un  pays  que  les  ordres 
plus  sédentaires,  à  vol  médiocre  ou  nul.  De  plus,  à  part  quelques  excep- 
tions pour  des  espèces  vivant  de  corps  gras  ou  de  matières  sèches,  sur- 
tout d'origine  animale,  la  nourriture  des  Lépidoptères  se  composant  des 
diverses  parties  des  végétaux  vivants,  leur  répartition  est  liée  d'une 
manière  intime  à  celle  de  la  flore;  les  chenilles  engourdies,  les  chry- 
salides, les  œufs,  pouvant  supporter  des  températures  très  basses,  il 
suffit  de  quelques  jours  de  chaleur,  dans  les  localités  de  forte  latitude 
ou  très  élevées,  pour  que  des  plantes  se  développant,  suffisent  au  rapide 
accroissement  de  certaines  chenilles  et  reçoivent  les  pontes  des  adultes 
dont  quelques  jours  de  chaleur  ont  permis  l'accouplement.  Comme  l'a 
remarqué  Latreille  pour  l'Lurope,  les  espèces  méridionales  commen- 
cent là  où  réussit  le  vin,  deviennent  dominantes  dans  les  régions  où 
croît  l'Olivier,  et  des  espèces  plus  méridionales  encore  habitent  les 
pays  de  l'Oranger  et  du  Palmier.  On  peut  dire  que,  partout  où  il  y  a 
des  plantes,  on  trouve  des  Papillons,  même  sur  les  Bolets  et  les  Lichens 
(Lithosics,  Bryophiles).  On  voit  voler  des  Papillons  jusqu'au  sommet 
du  mont  Rose  et  du  mont  Blanc;  on  a  trouvé  des  Phalènes  vivantes 
sur  les  neiges  du  volcan  d'Orizaba,  au  Mexique.  Souvent  on  voit  des 
Lépidoptères  sur  les  glaciers,  se  conservant  longtemps  morls,  entraînés 
par  les  tourbillons.  Parry  a  vu  quelques  Papillons  dans  les  régions 
polaires.  Sur  la  côte  septentrionale  du  Groenland,  par  70"  lat.  N., 
dans  des  vallées  très  abritées  où  la  végétation  était  abondante  et  où 
la  chaleur  concentrée  faisait  monter  le  thermomètre  à  21  degrés, 
Scoresby  a  pris  plusieurs  Diurnes,  notamment  Argynnis  Dia  et  Colias 
Palœno.  Steller  trouva  trois  espèces  de  Lépidoptères  au  Kamtchatka 
{Parnassius,  Nomion  et  Delius).  L'Islande,  qui  continue  son  refroidisse-^ 
ment  lent,  n'a  plus  oflert  de  Diurnes  à  M.  Staudinger,  dans  la  plus 


LtPIDOPTËlŒS.  143 

récente  exploration  qu'on  ait  faite,  mais  seulement  des  Noctuelles  et 
des  Géomètres  ressemblant  aux  nôtres  du  début  du  printemps.  Des 
Lépidoptères  nocturnes  hyperboréens,  des  genres  Hadena,  Anarta,  La- 
rentia,  Eudorea,  ont  des  espèces  spéciales  au  Groenland,  au  Labrador, 
à  la  Laponie,  au  pays  des  Esquimaux  (Lefebvre  et  Duponchel,  Ann. 
Soc.  cntom.  France,  1836,  t.  V,  p.  389). 

Une  première  grande  faune  de  Lépidoptères  est  la  faune  boréale  tem- 
pérée^ nom  beaucoup  plus  exact  que  celui  de  faune  européenne,  car  l'Eu- 
rope, continent  adossé  dans  toute  sa  longueur  à  l'Asie  septentrionale  et 
centrale,  ne  peut,  par  sa  configuration  même,  offrir  des  faunes  ani- 
males prédominantes.  Cette  première  faune  lépidoptérique  renferme 
toute  l'Europe;  la  partie  septentrionale  de  l'Afrique  jusqu'au  Sahara, 
la  Palestine;  une  partie  des  côtes  de  l'Arabie,  depuis  l'isthme  de  Suez 
jusque  vers  la  Mecque  et  Médine  ;  toute  l'Asie  Mineure,  la  Syrie,  l'Ar- 
ménie; tout  le  pourtour  de  la  mer  Caspienne,  en  y  comprenant  en 
Perse  le  littoral  étroit  du  Mazenderan  jusqu'auprès  d'Asterabad  ;  enfin 
tout  le  nord  de  l'Asie,  tel  qu'il  est  limité  par  l'Altaï  et  une  ligne  allant 
de  cette  chaîne  à  travers  le  Turkestan  jusqu'auprès  d'Asterabad.  Enfin, 
il  faut  joindre  aux  précédentes  régions  une  partie  de  l'Amérique  du 
Nord,  limitée  au  sud  par  le  fleuve  Saint-Laurent,  les  grands  lacs  et  une 
ligne  qui  s'élève,  à  travers  l'Amérique  anglaise,  jusqu'à  la  côte  méri- 
dionale de  l'Amérique  russe.  Les  genres  les  plus  caractéristiques  de 
cette  faune  européenne,  ou  plutôt  occidentale,  sont  :  Argynnis,  Melitœa, 
Tlia'ù,  Lycœna,  Satyrus,  Erebia,  Zygœna,  Deilephila,  etc.  Nous  ne  parle- 
rons pas  des  Noctuelles,  Phalénides  et  .Microlépidoptères,  car  leur  pré- 
dominance considérable  dans  cette  faune  n'est  probablement  qu'appa- 
rente, et  tient  à  ce  qu'on  ne  les  connaît  pas  encore  suffisamment  dans 
les  autres  faunes,  il  faut  remarquer  pour  cette  faune,  et  des  faits  ana- 
logues se  retrouvent  pour  divers  types  dans  les  autres  faunes,  que  cer- 
taines familles  de  Lépidoptères  sont  exclusives  à  certaines  familles 
végétales,  et  les  adultes  se  tiennent  sur  ces  plantes.  Ainsi  les  Zygœna 
ne  vivent  que  sur  les  Légumineuses  herbacées,  jamais  sur  les  buissons 
ni  sur  les  Légumineuses  arborescentes  ;  les  Lycœna,  sur  les  Légumi- 
neuses herbacées  ou  arborescentes  ;  les  Satyrus,  sur  les  Graminées  ;  les 
Pieris,  sur  des  herbes,  et  surtout  des  Crucifères;  les  Bombyciens,  au 
contraire,  ordinairement  sur  des  arbres,  avec  quelques  exceptions, 
comme  Bombyx  castrensis,  duineti,  TrifoUi,Odonestis  potatoria^  etc.  Les 
Conifères  ne  nourrissent  qu'un  pclit  nombre  d'espèces  de  chenilles 
comparativement  aux  arbres  dicotylédones  vrais,  comme  les  Amen  la- 
cées, Bétulinées,  Drupacées,  etc.  ;  mais  les  individus  sont  nombreux, 
Le  Chêne,  qui  nourrit  très  peu  de  Diurnes,  est  l'arbre  où  se  trouvent  le 
plus  de  Bombyciens  et  de  Noctuéliens.  Le  Châtaignier,  le  Robinier  (du 
moins  dans  nos  pays),  le  Marronnier  d'Inde,  l'Ailante  (aussi  végétaux 
importés),  sont  pauvres  en  Lépidoptères,  etc. 
Certains  auteurs  distinguent  une  sous-faune  polaire,  comprenant  la 


ilih  LÉPJDUPTÈKLS. 

Lapoiiie,  le  Groenland,  l'Islande,  le  Kamtchatka,  le  nord  de  l'Amé- 
rique, ayant  quelques  espèces  propres  et  représentées  dans  les  Diurnes 
par  les  genres  l'ierin,  Colins,  Arijynins,  Satyrus,  Chionobas.  Une  autre 
sous-faune,  beaucoup  plus  étendue,  est  celle  de  l'Europe  moyenne 
avec  son  prolongement  asiatique,  et  qui  s'étend  en  Europe  de  la  pénin- 
sule Scandinave,  sauf  l'extrême  nord,  aux  Alpes  de  la  Suisse  et  de 
l'Italie.  Les  espèces  de  la  Sibérie  méridionale  et  du  bassin  du  fleuve 
Amour  se  rattachent  immédiatement  à  cette  faune  par  le  plus  grand 
nombre  de  leurs  types,  avec  un  mélange  d'espèces  méridionales, 
comme  Thaïs  rumina  et  Limenitis  Aceris,  et  même  d'un  certain  nombre 
d'espèces  tropicales,  surtout  dans  le  genre  Papilio.  11  y  a  là  une  in- 
fluence remarquable  d'un  climat  excessif  ou  continental,  avec  des 
hivers  longs  et  très  froids,  mais  un  été  qui  rappelle,  par  son  ardeur, 
les  chaleurs  du  tropique;  de  sorte  que  l'existence  d'espèces  tropicales 
s'explique  par  la  résistance  aux  basses  températures  des  œufs  et  des 
chrysalides.  Les  Papilio  Machaon  et  Podalirus  sont  aussi  bien  d'Europe 
que  d'Asie.  Sur  les  Alpes  et  sur  les  Pyrénées,  on  distingue  deux  faunes. 
L'une  est  celle  des  Lépidoptères,  qui  se  tiennent  au-dessous  de  la  région 
limite  des  arbres,  celle  su  croissent  encore  l'Érable,  le  Bouleau,  le  Sor- 
bier, le  Sapin  :  ce  sont  divers  Erebia,  les  Parnassius  Apollo  et  Mnemo- 
syne,  des  Arge  autres  que  \Galatea,  qui  est  l'espèce  des  plaines;  divers 
Setina;  des  Géomètres  spéciales,  comme  Tanayra  chœrophyllata.  Les 
Parnassius  Apollo  et  Mnemosyne  sont  aussi  des  montagnes  moyennes, 
comme  le  Cantal,  les  causses  de  la  Lozère,  les  Vosges  et  le  Jura;  la 
femelle  d'Apblh  descend  même  parfois  dans  les  jardins  de  Besançon.  La 
faune  alpine  proprement  dite  se  compose  des  Papillons  qui  dépassent 
la  région  des  arbres  et  même  les  endroits  où  croît  encore  le  Sapin  ordi- 
naire dans  certains  abris.  On  y  trouve  les  Erebia  des  plus  hautes  ré- 
gions, Chionubas  Aello,  Colias  Phicomone  et  Palœno,  et  des  Argynnes 
arctiques,  Pieris  Callidice,  Zygœna  exulans,  Setina  ramosa,  Nemeophila 
Planlaginis  var.  hospita,  qu'on  peut  aussi  rencontrer  en  plaine,  et 
même  aux  environs  de  Paris;  Chelonia  Quenseli,  trouvé  par  M.  Fallou 
près  des  monts  Rose  et  Cervin,  et  qu'on  croyait  jusqu'alors  exclusif  à 
la  Laponie;  la  Plialénide,  Psodos  alpinata,  etc.  Cette  vraie  flore  alpine, 
voisine  des  neiges  élernclles,  peut  varier  notablement  d'altitude,  suivant 
les  localités,  et  présente  nombre  d'espèces  de  la  sous-faune  arctique,  en 
raison  de  l'identité  des  plantes.  Ce  qui  empêche  une  parité  complète 
delà  faune  et  de  la  flore,  c'est  que,  si  la  zone  alpine  offre  la  succession 
annuelle  des  températures  circumpolaires,  la  répartition  de  la  lumière 
y  est  tout  à  fait  différente.  11  faut  remarquer  que  beaucoup  de  Papillons 
des  vallées  se  mêlent  à  la  faune  alpine  et  sous-alpine.  Ainsi,  on  prend 
Vanessa  la  près  de  Colias  Phicomone,  là  où  les  arbres  ne  viennent  plus; 
Vanessa  Urticœ  ^olant  sur  les  glaciers  les  plus  élevés,  tout  autour  du 
couvent  du  grand  Saint-F^ernard,  et  même  jusque  sur  les  sommets  du 
mont  Rose  et  du  mont  Blanc.  On    prend  Bombyx  Qucrcm  et  Chelonia 


LÉPIDOPTÈRES.  145 

caja  sur  le?  Alpes  les  plus  hautes;  Deilephila  lineata,  sur  des  mon- 
tagnes trùs-élevées,  ainsi  que  Pyrameis  Atalanta  ei  Cardiii,  etc. 

Vient  ensuite  la  sous-faune  méridionale  ou  méditerranéenne,   qui 
comprend  essentiellement  la  Provence  en  France,  l'Espagne  et  le  Por- 
tugal, l'Italie  avec  les  îles  méditerranéennes,  la  Turquie,    l'Egypte, 
l'Asie  Mineure,  le  nord  de  l'Afrique  et  la  Russie  méridionale.  On  peut 
rattacher  à  cette  région,  à  part  de  rares  espèces  spéciales,  les  îles  du  cap 
Vert  et  les  Canaries,  les  Açores,  Madère  et  même  Sainte-Hélène.  Cette 
faune  est  caractéristique  par  ses  Thaïs,  par  le  CharaxesJasius,  eiRhodocera 
Clropatra,  qui  remonte,  près  de  Bordeaux,  dans  les  Charentes  et  dans  le 
Cantal.  On  y  voit  aussi  apparaître  des  formes  orientales,  comme  Argtjn- 
nis  Pandova,   qui    se  trouve  par  places  sur  le  littoral  occidental   de 
la  France,  ainsi  abondant  près  de  Bordeaux  et  sur  les  remparts  de  la 
Rochelle,  remontant  même  en  Bretagne,  et  Syntomis  Phegœa,  égaré  en 
Belgique,  sur  les  remparts  de  Matines.  11  s'y  rencontre  aussi  des  espèces 
très  méridionales  ou  africaines,  qui  seraient  môme  plus  nombreuses,  si 
elles  ne  trouvaient,  formant  obstacle  à  leur  extension,  les  Alpes  et  les 
vents  froids  qui  en  descendent,  comme  contre-courant  du  vent  chaud 
du  désert  saharien.  Ainsi  le  type  des  Danais  apparaît  par  Chrysippus, 
et  sa  variété  Alcippus,  surtout  dans  la  partie  orientale  du  bassin  médi- 
terranéen, ne  résistant  pas  aux  hivers  très-froids  qu'offre  parfois  le 
midi  de  l'Italie.  Bonelli  a,  le  premier,  remarqué  que  les  espèces  com- 
munes à  l'Italie  et  à  la  Sardaigne  sont  de  près  d'un  tiers  plus  petites 
dans  cette  île,  mais  à  fond  plus  vif,  à  bandes  et  à  taches  plus  foncées, 
m«ais  moins  grandes  et  même  disparaissant  quelquefois  entièrement 
(ainsi  Vanessa  Ichnusa  en  regard  de  V.  Urticœ).  M.  Bellier  de  la  Chavi- 
gnerie  a  noté  le  même  fait  pour  les  Lépidoptères  de  la  Corse,  où  les 
espèces  sont  presque  toutes  les  mômes  que  celles  du  continent,  mais 
bien  plus  rares,  de  taille  plus  petite  et  avec  un  cachet  spécial.   On 
trouve  un  fait  analogue,  dans  la  faune  européenne  centrale,  pour  les 
îles  Britanniques,  où  les  espèces  continentales  sont  en  général  plus 
petites,  les  Phalénides  plus  foncées,   etc.  Les  espèces  des  îles  Schet- 
land  ont  aussi  un  cachet  spécial  par  rapport  à  celles  de  l'Angleterre  et 
de  l'Ecosse.  En  Angleterre,  tous  les  Diurnes  sont  rares;  mais  l'humi- 
dité du  climat  favorise  la  production  de  nombreuses  espèces  de  Noc- 
tuelles, de  Phaléniens  et  surtout  de  Microlépidoptères.  On  doit  dire,  en 
général,   que  les  continents  et  les  grandes  îles  fournissent  seuls  des 
Papillons  de  taille  colossale;  ces  espèces  disparaissent  dans  les  petites 
îles  de  môme  latitude,  et,  dans  les  îles  très-petites  et  isolées,  le  nombre 
des  Lépidoptères  est  très-restreint.  L'altitude  a  aussi  son  influence  sur 
les  variations  :  ainsi  le  Papilio  Machaon  des  Alpes  est  d'un  tiers  plus 
petit  que  celui  des  plaines  ou  des  collines;  de  môme  Parnassius  Apollo 
et  Argynnis  Pales  sont  bien  plus  petits  sur  les  hautes  montagnes  que 
plus  bas. 
La  seconde  grande  faune  des  Lépidoptères  est  la  faune  chaude  de  l'an- 

GIRARD.  1)1.  —    10 


lZt6  LÉPIDOPTÈRES. 

cien  continent.  Elle  se  divise  en  trois  sous-faunes.  La  première  est  celle 
de  l'Asie  méridionale  et  des  Indes,  dite  faune  indienne.  Elle  comprend 
toute  la  partie  du  continent  asiatique  qui  n'appartient  pas  à  la  faune 
précédente,  plus,  d'une  part,  les  côtes  nubiennes  et  abyssiniennes  de 
la  mer  Rouge  et  le  pays  des  Somaulis,  au  sud  du  golfe  d'Aden;  d'autre 
part,  toute  la  Malaisie  et  la  Polynésie,  avec  la  partie  septentrionale  de 
l'Australie.  Le  sud  de  la  Chine  se  rattache  à  cette  faune  indienne, 
ainsi  que  l'archipel  du  Japon,  que  tant  d'autres  formes  animales  rap- 
prochent de  l'Europe.  En  Australie,  cette  faune  a  envahi,  en  partant  de 
la  Nouvelle-Guinée,  toute  la  partie  septentrionale,  ou  Queensland;  elle 
renferme  les  îles  Sondaïques  et  Moluques,  si  riches  en  magnifiques 
Lépidoptères.  Les  îles  peu  étendues  de  la  Polynésie  sont  au  contraire 
très  pauvres  en  Lépidoptères,  et  ne  peuvent  former  une  faune  spéciale, 
leurs  espèces  se  rattachant,  soit  à  la  sous-faune  indienne,  soit  à  la  sous- 
faune  australienne.  La  faune  indienne  a  sa  part  également  dans  les 
espèces  peu  nombreuses  des  îles  Maurice  et  de  la  Réunion. 

La  faune  indienne  est  remarquable  par  la  grandeur  et  l'éclat  de  cer- 
taines de  ses  formes,  et  ses  genres  caractéristiques  sont  :  Ornithoptera, 
Danais,  Euplœa,  Limenitis,  Adolias,  Diadema  et  Parnassius,  ce  dernier 
genre,  de  sa  région  froide  ou  montagneuse,  rattachant  cette  faune  à  la 
faune  européenne,  dont  il  n'est  réellement  qu'un  genre  accessoire,  n'y 
offrant  que  cinq  espèces,  tandis  qu'il  en  a  une  vingtaine  sur  le  versant 
méridional  ou  himalayen  du  grand  plateau  central  de  l'Asie.  L'Attacus 
Atlas,  qui  atteint  une  taille  démesurée  dans  certaines  races,  est  un  type 
de  la  faune  indienne.  Parmi  les  Papilio,  qui  y  ont  de  nombreuses  es- 
pèces, P.  Pammon  forme  un  type  limite.  On  retrouve  dans  cette  faune 
quelques  espèces  de  la  faune  méditerranéenne  :  ainsi  Danais  Chrysippus 
existe  aux  Indes  orientales,  à  Java  et  à  Timor;  Lycœna  bœtica,  de 
l'Europe  centrale  et  surtout  méridionale  et  du  nord  de  l'Afrique,  existe 
aussi  à  l'île  Maurice,  à  Sainte-Hélène  et  à  Timor;  Lycœna  Lysimon, 
d'Espague,  de  Portugal,  de  Barbarie,  d'Egypte,  se  prend  aussi  à  Maurice 
et  au  Bengale.  Il  faut  remarquer  que,  bien  que  la  faune  indienne  soit, 
en  général,  circonscrite  à  des  régions  plus  ou  moins  voisines  des  tro- 
piques, on  la  voit  atteindre  en  Mantchourie,  par  un  effet  de  climat 
excessif,  30  degrés  de  latitude  N.,  c'est-à-dire  la  latitude  de  l'Europe 
centrale.  Dans  cette  riche  fauue,  il  y  a  des  genres  répandus  sur  toute 
son  étendue  géographique  ;  d'autres,  au  contraire,  limités  à  des  pays 
spéciaux,  ainsi  le  curieux  genre  Cocytia  à  la  Nouvelle-Guinée. 

La  sous-faune  africaine^  comprenant  la  plus  grande  portion  de  l'Afri- 
que, Madagascar  et  en  partie  les  îles  Mascareignes,  paraît  pauvre  en 
Lépidoptères  comparativement  à  la  faune  indienne,  malgré  la  haute 
température  des  pays  qu'elle  renferme.  Cela  est  dû  aux  conditions 
physiques  de  la  majeure  partie  du  continent  africain,  qui  est  sèche  et 
peu  boisée.  On  y  rencontre  une  continuation  des  formes  européennes 
et  aussi  des  formes  indo-asiatiques  qui  y  ont  afflué,  peut-être  sous  l'in- 


lépidoptères;  lui 

fluence  des  moussons,  et  qu'on  retrouve  sur  une  partie  des  côtes  orien- 
tales. Comme  caractère  propre,  on  peut  dire  que  l'Afrique  est  le 
royaume  des  genres  Anthocharis,  Acrœa,  Charaxes,  Junonia,  Romalco- 
soma,  Aterica  et  Harma.  Ainsi,  par  exemple,  le  genre  Anthocharis  a 
bien  les  trois  quarts  de  ses  espèces  africaines,  et  le  genre  Acrœa  les 
quatre  cinquièmes.  Par  contre,  les  genres  Euplea,  Danais,  Thecla  et 
Hesperia  n'y  sont  que  très-peu  représentés. 

La  sous-faune  australienne  comprend  les  parties  sud-est  et  ouest  de 
l'Australie,  la  Tasmanie,  la  Nouvelle-Zélande  et  les  lies  Auckland  et 
Macquarie,  ces  îles  représentant  la  faune  froide  et  presque  circom- 
polaire  du  groupe.  Elle  présente  assez  de  formes  caractéristiques 
pour  constituer  une  faune  spéciale,  subordonnée  toutefois  à  la  faune 
indienne  dont  certains  rameaux  viennent  s'y  prolonger.  Parmi  les 
influences  qui  contribuent  à  la  spécialisation,  figurent  le  climat  et 
la  flore.  Les  genres  propres  des  Lépidoptères  de  cette  faune  sont  les 
genres  Antipodites ,  Agarista,  Hecatesia,  Synemon,  Teara,  Opsirhina  et 
Oikcticus.  Le  singulier  genre  Ophideres  se  trouve  en  Australie,  mais 
surtout  dans  sa  partie  qui  confine  à  la  faune  indienne,  et  aussi  dans 
l'Afrique  australe;  c'est  le  seul  genre  de  Lépidoptères  qui  offre  une 
trompe  rigide  et  perforante,  de  sorte  que  ces  Papillons,  qui  trouent  les 
oranges  et  les  bananes  pour  en  sucer  le  Jus,  causent  souvent  beaucoup 
de  dégâts  dans  les  plantations. 

Une  troisième  grande  faune  de  Lépidoptères  comprend  tout  le  nou- 
veau continent,  sauf  sa  partie  la  plus  septentrionale,  qui  se  rattache  à 
la  faune  européenne  :  c'est  la  faune  américaine  ou  transatlantique.  Elle 
ne  se  prête  guère  à  la  division  en  sous-faunes,  car  les  mômes  types,  bien 
plus  les  mêmes  espèces  pour  quelques-unes,  se  prolongent  sur  une 
étendue  considérable  en  latitude.  Cette  absence  de  modifications  pro- 
fondes, malgré  la  vaste  étendue  géographique,  s'explique  tout  de  suite 
par  la  configuration  du  continent  américain,  qui  est  beaucoup  plus 
régulière    que  celle  de  l'ancien   monde  ;    on  n'y  trouve  pas  de  ces 
grandes  chaînes  de  montagnes  dans  le  sens  des  parallèles,  qui  modi- 
fient si  profondément   les  climats  sur  leurs  deux  versants.  La  faune 
américaine  est  la  plus  riche  en  espèces  et  surtout  en  individus,  peut, 
être  autant  sous  ce  rapport  que  toutes  les  autres  ensemble  ;   la  faune 
indienne  seule  en  approche  pour  les  espèces.  Comme  importance,  elle 
équivaut  aux  deux  autres  réunies,  de  sorte   qu'on  pourrait  ne   faire 
qu'une  faune  de  l'ancien  monde  et  une  du  nouveau  monde.  Il  serait 
beaucoup  trop  long  de  citer  tous  les  genres  qui  caractérisent  la  faune 
américaine.  Us  appartiennent   surtout  aux  familles  des  Papilionides, 
Piérides,  Héliconides,  Nympbalides,   Erycinides,  Lycénides  (surtout  le 
genre  Thecla),  etc.,  en  nous  bornant  aux  Rhopalocères.  Il  y  abeaucoup 
d'Hespériens  aux  ailes  inférieures  caudées.  Le  beau  genre  anormal 
des  Castnia  est  un  type  américain.  Aux  environs  de  Baltimore,  on  con^ 
State  un  curieux  mélange  de  formes  américaines  et  déformes  d'Europa 


148  LÉPIDOPTÈRES. 

ainsi,  dans  ces  dernic'res,  Vanessa  Antiopa,  Pyrameis  Cardui,  Thecla 
Amyntas  et  Telicunus,  Polyommatus  Phlœas,  Bombyx  Neustria,  Acrumjcta 
psi,  Agrotis  segetum.,  valligera,  trux,  etc.,  Plusia  gamma,  Catocalaelecta, 
Larentia  undularia,  etc.  L'espî'ce  Danais  Archippus  est  très  répandue 
dans  presque  toute  l'Amérique,  de  New-York  au  l'araguay,  partout  où 
croissent  les  Asclépiadées. 

On  sait  que  chez  nous  certaines  espèces  de  Lépidoptères  ne  fréquen- 
tent que  les  lieux  habités  par  l'homme,  les  alentours  des  maisons,  les 
plantations,  les  broussailles  qui  y  croissent,  quand  on  les  laisse  en 
triche,  et  qu'on  ne  les  trouve  jamais  dans  l'intérieur  des  grandes  forêts. 
Le  même  fait  se  montre  à  la  Guyane.  Il  est  très  connu  des  colons  et 
des  nègres,  qui  divisent  les  Lépidoptères  en  Papillons  de  grands  bois 
et  Papillons  de  niamans,  ou  taillis  des  terrains  en  friche  (1).  Ainsi,  par 
exemple,  jamais  on  ne  rencontre  Biblis  Thadana,  Danais  Eresyme,  Vanessa 
Larinia,  dans  l'intérieur  des  forêts,  et  au  contraire  certains  Nymphalis, 
Heliconia,  Erycina,  ne  volent  jamais  dans  le  voisinage  des  habitations. 
La  plupart  des  Papilio  des  Guyanes  vivent  à  l'état  de  chenilles  sur  les 
Orangers.  Le  P.  Protesilaus  est  l'analogue  de  notre  Podalirus,  fréquen- 
tant comme  lui  les  lieux. habités,  recherchant  les  endroits  humides,  et 
se  posant  à  terre  pour  pomper  les  sucs  liquides  ou  voltigeant  au-dessus 
en  faisant  frémir  ses  ailes.  P.  Thoas,  l'analogue  du  Machaon  d'Lurope, 
est  commun  comme  lui  dans  les  lieux  habités,  volant  avec  rapidité  sur 
les  fleurs.  Les  Heliconia  et  genres  voisins,  à  ailes  le  plus  souvent  gazées 
en  partie,  munies  d'une  sécrétion  défensive  fétide,  sont  un  type  exclusif 
à  l'Amérique  chaude,  ayant  son  maximum  d'espèces  à  la  Guyane  hol- 
landaise; seul  le  genre  Hamadryas  est,  par  exception,  de  l'archipel 
indien  et  de  la  Polynésie.  Les  splendides  Morpho  sont  une  création 
spéciale  à  l'Amérique,  depuis  le  versant  mexicain  tourné  vers  le  Paci- 
fique jusqu'à  la  province  de  Sainte-Catherine,  au  sud  du  Brésil.  Les 
Morpho  sont  nombreux  à  la  Guyane,  et  la  rareté  de  la  plupart  n'est  que 
relative,  en  raison  de  leur  habitude  de  se  tenir,  pour  certains  d'eux,  sans 
en  descendre,  au  sommet  des  arbres  :  tels  sont  les  M.  MeteUus,  Hecuba 
{le  grand  Oculé  de  Cayenne  de  Daubenton),  Andromachus,  Rhetenor.  Il 
en  est  quelques  autres,  au  contraire,  qui  se  prennent  aisément  dans  les 
bois,  comme  Menelaus,  Helenor,  Achilles,  car,  au  lieu  de  planer  sans 
descendre  autour  de  la  cime  des  arbres,  ils  s'élancent  par  bonds  désor- 
donnés et  rapides,  mais  se  posent  près  de  terre,  auv  abords  de  la  nuit 
ou  à  l'approche  de  la  pluie.  Le  M.  Adonis,  au  bleu  si  délicat,  est  rare 
à  la  Guyane,  mais  plus  répandu  au  Brésil  jusqu'au  Sud.  Le  superbe 
M.  Cypris,  d'un  bleu  éclatant  et  métallique  chez  le  mille,  tandis  que 
sa  rarissime  femelle  est  fauve,  est  une  espèce  de  Colombie,  surtout  des 
environs  de  Santa-Fé  de  Bogota.  Les  Pavonia,  autre  type  de  l'Amérique 

(1)  Laoordairc,  Sur  les  Juibiludes  des  Lépidoplères  Hhopalocéres  de  la  Guyane 
française  {Aun.  Soc.  tntjm.  France,  1833,  t.  II,  p.  379). 


LÉPIDOPTÈRES.  lZi9 

du  Sud,  sont,  au  contraire  des  Morpho,  à  demi  crépusculaires,  au  repos 
le  jour  sur  les  troncs  d'arbres,  les  ailes  rapprochées  et  volant  lourdement 
le  soir  dans  les  broussailles,  ou  pondant  le  jour  dans  les  fourrés  épais 
et  obscurs,  et  retombant  se  poser  après  quelques  coups  d'ailes.  Aussi 
on  capture  très  aisément  à  la  Guyane  les  Pavonia  Idomenœus,  Antome- 
doîi,  Berecynthus,  Xanthus. 

Un  l'ait  remarquable,  qui  ressort  de  l'examen  d'ensemble  de  la  faune 
des  Lépidoptères,  c'est  la  grande  uniformité  de  la  plupart  des  types. 
Ainsi,  d'une  extrémité  à  l'autre  du  globe,  toutes  les  Vanesses  ont  les 
ailes  découpées  sur  les  bords  de  la  même  manière.  Les  espèces  à  queue 
du  genre  Papilio,  les  Danais,  les  Euplœa,  se  retrouvent  avec  les  mêmes 
caractères,  au  Mexique  et  aux  Indes  orientales.  Les  gigantesques  Hété- 
rocères,  aux  antennes  pectinées,  du  grand  genre  Attacus,  se  trouvent 
dans  le  monde  entier  avec  le  caractère  des  taches  vitrées,  en  lunules 
ou  subtrièdres,  au  milieu  des  ailes,  qui  les  faisaient  appeler  Phalènes 
miroirs  par  les  vieux  auteurs.  Parmi  eux,  le  sous-genre  Actias,  à  ailes 
inférieures  caudées,  se  retrouve  partout,  sauf  en  Australie  :  ainsi,  dans 
ceux  à  queues  médiocres,  ne  dépassant  pas  la  longueur  de  l'aile,  A.  Isa- 
bellœ,  du  centre  de  l'Espagne  et  du  Portugal,  A.  Selene,  de  l'Inde, 
A.  Luna,  de  l'Amérique  du  Nord;  enfin  deux  espèces  à  queues  démesu- 
rées, A.  Comètes,  de  Madagascar,  et  un  autre  du  centre  du  Brésil.  11  y  a 
certains  groupes  où  la  couleur  semble  elle-même  rester  spéciale  :  ainsi 
beaucoup  de  Papilio  ont  le  fond  jaune  avec  des  dessins  en  marqueterie 
noire,  analogues  à  ceux  des  espèces  d'Rurope,  P.  Machaon,  Alexanor, 
Bospiton;  les  diverses  nuances  de  brun  et  de  fauve,  avec  des  taches  ocu- 
lées  en  dessous,  se  voient  sur  les  ailes  des  Satyres  du  monde  entier, 
dont  les  chenilles  vivent  de  Graminées  ;  les  Thecla  et  les  Lycœna  se  res- 
semblent en  général  partout,  etc. 

Il  y  a  quatre  régions  du  globe  dont  les  Lépidoptères  sont  encore  à 
peine  connus  :  i"  Tartarie  chinoise,  Dzoungarie  et  Mongolie,  sauf  la 
lisière  septentrionale  explorée  par  les  Russes  ;  2"  centre  de  l'Australie  ; 
3°  une  grande  région  intérieure  de  l'Afrique  comprise  entre  le  tropique 
du  Cancer  et  10  degrés  de  latitude  S.;  li°  la  pointe  de  l'Amérique 
méridionale,  au  sud  du  rio  Negro. 

On  pourra  consulter  pour  la  faune  des  Lépidoptères  un  certain  nombre 
de  mémoires,  soit  généraux,  soit  la  plupart  locaux  : 

Keferstein  d'Erfurth,  Sur  les  mœurs  et  les  habitudes  des  Lépidoptères, 
trad.  de  l'allem.  {Revue  entomologique  de  Silbermann,  183/t,  t.  II,  10''  livrai- 
son, p.  137);  Betrachtungen,  geknupft  an  meine  Schmetterlingssammlung 
{Stettin  ento7nol.  Z ei t.,  1869,  ^.19 i).  Ces  travaux  ont  surtout  pour  but  de 
démontrer  la  liaison  complète  de  la  flore  avec  la  faune  des  Lépidoptères, 
en  raison  du  régime  végétal  des  chenilles.  —  Koch,  Géographie  générale  des 
Lépidoptères  {Revue  géogr.  de  Petermann,  Gotha,  1870,  livr.  I  et  II,  et  Ann. 
Soc.  entom.de  Belgique,  1869-1870,  t.XlII;C.  R.,p.  xx).— De  Graslin,  Stir 
l'entomologie  de  la  France  occidentale  (Lépidopt.  des  côtes  océaniques  de 


150  LÉPIDOPTÈRES. 

France)  (^nn.  Soc.  entom. ,1848,  t.  VI,  p.  h9).—  Lépidopt.  des  Alpes-Mari- 
times {mélange  mnguYier  d'espèces  du  Nord  et  du  Midi)  {op.  cit.,  même 
vol.,  Bull., p.  XLin).  — Pierret,  Richesse  entomol.  de  Lardy  (Ann.Soc.  entom. 
Fr.,  1845,  t.  III,  Bull.,  p.  lxxvi,  et  1846,  t.  IV,  Bull.,  p.  liv).  —  Lépidopt. 
d'Auvergne  et  des  Alpes  de  la  Provence  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1849,  t.  VII, 
Bull.,  p.  Lxxi).  —  Lépidopt.  de  la  forêt  de  Compiègne,  au  commencement 
de  juin  (Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1852,  X,  Bull.,  p.  xxxii).  —  Lefèvre   et 
Duponchel,  Lépidopt.  nocturnes  hypei'boréens  {A7m.  Soc.  entom.  Fr.,  1836, 
t.  V,  p.  389).  —  Pierret,  Lépidopt.  de  Gavarnie,  en  juillet  et  août  {Ann. 
Soc.   entom.  Fr.,   1848,   t.  VI,  p.  397).  —  Donzel,  Stir  des  Lépidopt.  de 
r Algérie  {Ann.  Soc.  entom-.  Fr.,  1847,  t.  V,  p.  528).  —  H.  Lucas,  Sur  les 
Lépidopt.  de  l'Algérie  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1850,  p.  83).  —  Lépidopt.  des 
Canaries  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1846,  t.  IV,  Bull.,  p.  cxiv)  (mélange  d'es- 
pèces d'Afrique  et  d'Europe).  — De  Sélys-Longcliamps,  Sur  les  Lépidopt. 
des  environs  de  Naples  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1844,  t.  II,  Bull.,  p.  xii).  — 
De  Graslin  et  Rambur,  Lépidopt.  curieux  rencontrés  en  Andalousie  {Ann , 
Soc.  entom.  Fr.,  1836,  t.  V,  p.  547  et  573).  —  Rambur,  Faune  entomolo- 
giqiie  de  l^ Andalousie.  Paris,  1838-1839.  —  Zetterstedt,  Insecta  lappo- 
nica.  Lipsiee,  1840.  —  D"'  Boisduval,  Lépidopt.  de  Madagascar  (Nouv.  Ann. 
du  Muséum  d'hist.  natur.',  1833,  t.  II,  p.  149-'i70,  pi.  vu);  Lépidopt.  de  la 
Californie  (Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1854,  t.  IF,  p.  755-759);  Lépidopt.  nou- 
veaux de  la  Nouvelle-Calédonie  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1859,  t.  VII,  Bull., 
p.  154-157);   Lépidopt.  nouveaux  de  la  république  Argentine  {Ann.  Soc. 
entom.  Fr.,  1859,  t.  VU,  Bull.,  p.  157-158).  — E.  Blanchard,  Entomologie 
de  la  Sicile  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1844,  t.  II,  Bull.,  p.  lxxix).  —  D""  Bois- 
duval, Lépidopt.  d'Odessa  et  du  Caucase  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1848,  l.  VI, 
Bull.,  p.  xxvm).  —  E.  Blanchard,  Voyage  au  pôle  Sud  et  dans  VOcéanie 
de  TAsTROLABE  et  de  la  Zélée,  Zool.,  Insectes,  t.  IV,  Paris,  1853  (à  citer 
notamment  pour  les  Papillons  diurnes  de  l'Océanie).  —  D""  Boisduval, 
Faune  entom.  de  Madagascar,  Bourbon  et  Maurice  (Paris,  Roret,  1833). — 
Voyage  de  I'Astrolabe,  Faune   entom.,  1''''  partie,   Lépidoptères  (Paris, 
Tastu,  1832).  —  De  Graslin,  Notice  sur  deux  explorations  entomologiques 
faites  dans  les  Pyrénées-Orientales  en  1847  et  en  1857  {Ann.  Soc.  entom. 
Fr.,  1863,  p.  297).  —  G.  AUard,  Notes  sur  les  Insectes  de  V Algérie,  t.  I, 
Lépidoptères,  pi.  vi  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1867,  p.  311).  —  Maurice 
Girard,  Note  sur  l'entomologie  de   l'Amérique  du  Nord,  considérée  spé- 
cialement au  point  de  vue  des   espèces  identiques  et  analogues  à  celles 
d'Europe  {Ann.   Soc.  entom.    Fr.,  1868,  p.  287).  —   P.  C.  Zeller,  Sur 
les   Microlépidoptères   de    l'Amérique   du  Nord  {Verhandl.    zool.-botan. 
Gesellsch.  in  Wien,  1872,  t.  XXII,  p.  447  à  566.  —  De  l'Orza,  les  Lépido- 
ptères japonais  à  la  grande  exposition  internationale   de  1867.   Paris, 
1869. — E.   .Ménétrics,   Lépidoptères  de    la  Sibérie  orientale,  et  en  par- 
ticulier des  rives   de  V Amour,   brochure  in-4''  avec  5  pi.   col.  (Saint- 
Pétersbourg,  1859).  —  Otto  Bremer,  Lepidopteren  Ost-Sibiriens  insbeson- 
dere   des   Amur-Landes  {Mémoires  de  l'Académie  impériale   des  sciences 


LÉPIDOPTÈRES.  151 

de  Saint-Pétersbourg  7"  série,  t.  VIII,  n"  1,  in-Zi'',  avec  pi.  col.  (Saint- 
Pétersbourg,  186/1.  —  A.  Wallace,  On  the  Habits  of  the  Butterflies  of  the 
Amazon  valle.y  {Trans.  of  the  Entom.  Soc.  of  London,  new  séries,  1852-53, 
t.  II).  -—  Edw.  Newman,  Characters  of  a  few  Australian  Lepidoptera 
(Trans.  Soc.  ofLond.,  new  séries,  185/1-56,  t.  III,  p.  281  (Analogie  des 
Microlépidoptères  européens  et  antipodiques).  — H.  Jouan,  Essai  sur  la 
faune  de  la  Nouoelle-Zélande  {Mém.  Soc.  impér.  des  se.  natur.  de  Cher- 
bourg, 1869,  t.  XIV,  et  t.  IV  de  la  2«  série,  p.  215).— BruUé,  Faune  desîles 
(bananes,  explorât.  Webb  et  Berlhelot  (Paris,  1836- /i/i). — HerricliSchœfTer, 
Sur  les  Lépidoptères  nouveaux  du  musée  Godeffroy,  de  Hambourg  [Stettin 
entomol.  Zeitung,  1869,  p.  65). — Paul  Mabille,  Notices  entomologiques  sur 
les  Lépidoptères  de  l'île  de  Corse  {Ann.  Soc.  entomol.  de  France,  1866, 
p.  5/i5,  pi.  vni;  1867,  p.  635,  pi.  xiv;  1869,  p.  53,  pi.  ii);  Recherches 
et  Observations  lépidoptérologiques  (Ann.  Soc.  entom.  Fr.  1872,  pi.  xv).  — 
Ch.  Oberthur,  Etudes  d'entomol.,  faune  des  Lépidoptères  d'Algérie,  juil- 
let, 1876  avec,  k  pi.  col.  (Rennes);  Nouveaux  Lépidoptères  de  la  Chine, 
novembre  1876,  avec /i  pi.  col.  (Rennes);  Etudes  sur  les  Lépidoptères 
recueillis  à  Dorei  (Nouvelle-Guinée)  {Ann.  del  Museo  civico  di  storia 
naturale  diGenova,  t.  XII,  p.  /i51).  —  Paul  Mabille,  Noté  sur  une  collection 
de  Lépidoptères  de  Madagascar  (le  Naturaliste,  n"  3,  1879).  —  A.  Butler, 
On  Heterocereous  Lepidoptera  collected  in  the  Havmian  Islands  [Entomol. 
monthly  Magaz.,  t.  XV,  269).  —  Roll,  Ueber  Dimorphismns  und  Variation 
einiger  Schmetterlinge  Nord- Amer ika' s  {Verhandlungen  des  Vereins  fiir 
Natur.  Unterh.  zu  Hamburg,  1876,  p.  135). — Harpur  Crevé,  Note  on  the 
Lepidoptera  of  the  Scilly  isles  {Entom.  monthly  Magaz.,  t.  XIV,  p.  163). 
— S.  H.  Scudder  (1),  Remarks  on  the  distribution  of  Butterflies  in  Norlh 
America  (Proceed.  Boston  Soc.  Nat.  History,  1863,  t.  IX,  p.  178);  A  List  of 
the  Buiterflies  of  New-England  {Proceed.  Essex  Inst.,  1863,  t.  III,  p.  161- 
1791);  Listof  the  Butterflies  of  Labrador  {Proc.  Boston  Soc.  Nat.  History, 
1866-1867,  t.  XI,  p.  32-33)  ;  Notice  ofsome  new  Butterflies  from  Jowa  {Proc. 
Boston  Soc.  Nat.  Hist.,  1868,  t.  XI,  p.  /jOl);  New  Work  on  the  Butterflies 
of  New-England  {Canadian  Entomologist ,  1869,  t.  I,p.  82);  The  Butterflies 
of  New-England  {American  Naturalist,  1869,  t.  III,  p.  212-213);  Report 
upon  a  Collection  of  diurnal  Lepidoptera  made  in  Alaska  by  the  scientific 
Corps  of  the  Russo-American  telegraph  Expédition  {Proceed.  Boston  Soc. 
Natur.  Hist.,l8m,  t.  XII,  p.  /i0/i-/i08);  Foud  Plants  of  Neio-England 
Butterflies  {American  Naturalist,  1869  t.  III,  330-331);  On  the  embryonic 
larvœ  of  Butterflies  {Entomol.  monthly  Magaz.,  1871,  t.  VIII,  p.  122-126); 
Rearing  Butterflies  from  the  Egg  {Canadian  Entomologist,  1810,  t.  II,  p.  157)  ; 
A  neiv  Catalogue  of  Butterflies  {American  naturalist,  1871,  t.  V,  p.  788-789) 
(ce  sont  des  remarques  relatives  au  Catalogue  des  Lépidoptères  diurnes 
de  Kirby)  ;  A  Systematic  Revision  of  some  of  the  American  Butterflies,  loith 

(i)  Nous  réunissons  ici  un  grand  nombre  des  travaux  du  célèbre  entomologiste 
américain  relatifs  à  la  faune  des  Lépidoptères  de  l'Amérique  du  Nord, 


152  LÉPIDOPTÈRES. 

brief  Notes  on  those  knoivn  to  occur  in  Essex  County,  Mass.  (Fourth  annual 
Report,  1871  ;  Peabody  Acad.  Se.  Salem,  Massachusetts,  1872,  p.  2Zi-33)  ; 
The  food  Plants  of  Europœan  Butterflies  (Canadian  Entomologist,  187Z|, 
t.  VI,  p.  21-25  et  126-127);  Description  of  some  Labradorian  Butterflies 
{Proceed.  Boston  Soc.  Nat.Hist.,  1875.  t.  XVII,  p.  29[i-3ih)\  Edward's  Butter- 
flies of  North  America  {American  Naturalist,  1876,  t.  X,  p.  108-109);  Anti- 
geny,  or  sexual  Dimorphism  in  Butterflies  {Proceed.  Amer.  Acad.  Arts  and 
Se,  1877,  t.  XII,  p.  150-158);  Notice  of  the  Butterflies  collected  by  D'  Ed- 
ward P aimer  in  the  arid  régions  of  Southern  Utah  and  Northern  Arizona 
during  the  summer  of  1877  {Bull.  Unit.  St.  Geol.  Geogr.  Survey  Territ., 
1878,  t.  IV,  253-258).  —  Roland  Trimen,  Rhopalocera  Africœ  australis, 
2  vol.  in-S"  (Cape-town,  18Zi2).  —  A.  Guenée,  Lépidoptères  de  file  de  la 
Réunion  {Notes  sur  l'île  de  la  Réunion,  par  L.  Maillard,  t.  II,  Paris,  1863). 
—  D""  Bohàvivail,  Lépidoptères  de  la  Californie  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1875, 
t.  X,  p.  275).  —  0.  Staudinger,  Lepidopteren  des  Russlands  {Stettin 
entomol.  Zeitung,  1879).  —  Crieger,  Australian  Rhopaloceren  {Stettin 
entom.  Zeit.,  1879).  —  P.  Mabille,  Recensement  des  Lépidoptères  hétérocèrcs 
de  Madagascar  (Anii.  Soc.  entom.  France,  1879,  p.  291). 

Après  la  distribution  géographique  des  animaux  actuels  se  placent 
naturellement  les  formes  .fossiles,  c'est-à-dire  leur  répartition  aux  an- 
ciennes époques  géologiques,  souvent  fort  différente  de  celle  d'aujour- 
d'hui, par  suite  de  climats  très  divers.  On  comprend  aisément  que  les 
Lépidoptères  fossiles  doivent  être  très  rares,  pour  la  même  raison  qui 
rend  si  peu  abondants  les  fossiles  d'Oiseaux.  Ces  insectes  ne  volent  pas 
souvent  au-dessus  des  eaux,  et  il  n'y  a  que  quelques  sujets  accidentel- 
lement tombés  à  Teau  qui  peuvent  être  enfouis  dans  les  sédiments, 
quand  ils  ont  échappé  à  une  foule  d'animaux  aquatiques  dont  ils  sont 
la  proie.  Les  chenilles  ne  vivent  pas  dans  leau,  sauf  celles  du  genre 
Hydrocampa,  assemblant  des  feuilles  de  plantes  aquatiques,  et  celle 
d'un  Bombycien  découvert  à  Cayenne  par  M.  C.  Bar.  On  éprouve  en 
outre  des  difficultés  à  distinguer  les  empreintes  alaires  de  Lépido- 
ptères de  celles  de  Locustiens  du  groupe  des  Ptérochroses,  ou  de  cer- 
tains Libelluliens  ou  de  Myrméléoniens,  etc.  Un  des  Lépidoptères  fos- 
siles les  premiers  connus  est  un  Nymphalien,  le  Cyllo  sepulta,  Boisd., 
rencontré  dans  les  marnes  insectifères  d'Aix  en  Provence.  Ce  genre  est 
actuellement  de  Madagascar  et  du  Mozambique,  du  Bengale,  de  Chine, 
des  îles  Sondaïques  et  d'Australie.  Les  Lépidoptères  des  anciennes  épo- 
ques géologiques  avaient  les  mêmes  métamorphoses  complètes  que  de 
nos  jours.  Dans  l'ouvrage  de  M.  S.  Scudder  sur  les  Papillons  fossiles,  cet 
auteur  fixe  à  neuf  le  nombre  d'espèces  dont  jusqu'ici  des  empreintes 
ont  été  retrouvées  ;  il  ne  mentionne   aucun   reste  de   chenille.    Or, 
MM.  Daudet  et  Goossens,  en  1870,  ont  trouvé,  dans  les  gypses  des  envi- 
rons d'Aix  en  Provence,  dans  un  morceau  d'argile  fendu  en  deux  par 
clivage,  une  empreinte,  reproduite  des  deux  côtés,  d'une  chenille  à 
tête  grosse,  à  poils  courts  et  serrés,  agglutinés  en  petits  faisceaux  par 


LÉPIDOPTÈRES.  153 

l'action  de  l'eau.  Ils  y  ont  reconnu  une  chenille  de  Rhopalocére,  pro- 
bablement d'un  Satyride,  et  M.  Daudet  a  établi  l'espèce  sous  le  nom  de 
Satyrites  incertus,  Daudet.  On  consultera  pour  les  Lépidoptères  fos- 
siles :  D'^  Boisdaval,  Rapport  sur  une  empreinte  de  Lépidoptère  fossile 
trouvée  dans  les  marnes  des  environs  d'Aix  en  Provence  {Ann.  Soc.  entom. 
Fr.,  18/iO,  t.  IX,  p.  371  et  pi.  viii).  —  H.  Daudet,  Description  d'une  che- 
nille fossile  trouvée  dans  le  calcaire  d'Aix  en  Provence  {Revue  et  Magasin 
de  zool.y  1876,  p.  /il5,  pi.  xvii).  Un  des  travaux  les  plus  complets  et  les 
plus  récents  sur  ce  sujet  est  :  S.  H.  Scuder,  Fossil  Butterflies  {Memoirs 
of  the  American  Association,  Salem,  Massachusetts,  1875). 


Il  nous  reste,  pour  terminer  d'une  manière  utile  aux  entomolo- 
gistes les  généralités  sur  l'ordre  des  Lépidoptères,  à  leur  présenter  une 
nomenclature  des  travaux  les  plus  intéressantsàconsulter  ;  nous  écartons, 
suivant  l'habitude  de  cet  ouvrage,  les  documents  trop  anciens,  qui  sont 
surabondamment  indiqués  dans  la  plupart  des  livres  que  nous  citons. 

Bibliographie  générale.  —  Jacob  Hubner,  Sammlunçj  europœischer 
Schmetterlinge  (Augsbourg,  1805)  ;  Geschichte  europœischer  Schmetterlinge 
(chenilles,  chrysalides  et  plantes  nourricières)  (Augsbourg,  1796); 
Sammlung  exotischer  Schmetterlinge  (Augsbourg,  1806);  divers  Supplé- 
ments aux  exotiques  par  C.  Geyer  (Augsbourg,  1S18  à  1837),  et  des 
catalogues  tirés  de  Hubner  par  C.  Geyer  (Augsbourg,  1822).  Ces  ou- 
vrages sont  accompagnés  de  nombreuses  planches  coloriées.  —  Pierre 
Cramer  (texte  hollandais  et  français),  Papillons  exotiques  des  trois 
parties  du  monde  :  l'Asie,  l'Afrique  et  l'Amérique,  U  vol.,  1879,  et  un 
supplément  par  Stoll,  1790.  —  J.  Christian  Sepp,  Beschouving  der  Won- 
deren  Gods  in  de  Minstgeachte  Schepselen  of  Nederlandsche  Insekten, 
8  vol.  petit  in-li",  Amsterdam,  sans  date.  C'est  une  iconographie  de 
Papillons  d'Europe,  et  de  chenilles,  chrysalides  et  œufs,  en  hollandais, 
commencée  dès  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  et  encore  en  cours  de 
publication  par  divers.  —  Ochsenheimer,  Die  Schmetterlinge  von  Eu- 
ropa,  Lei[izig,  1807-1816.  —  Treitschke,  Die  Schmetterlinge  von  Europa 
[Fortsetzung  des  Ochsenheimerschen  WerWs),  Leipzig,  1825  (c'est  une 
suite  et  uu  complément  de  l'ouvrage  précédent).  —  Haworth,  Lepi- 
doptera  Britannica,  London,  1803-1829.  —  Meigen,  Syslematische  Bear- 
beitung  der  europœischen  Schmetterlinge,  Aachen  und  Leipzig,  1829- 
1832.  —  M.  J.  A.  Boisduval,  Europœorum  Lepidopterorum  Index 
methodicus,  pars  prima,  sistens  gênera  Papilio,  Sphinx,  Bombyx  et 
Noctua,  Linn.;  Parisiis,  1829,  Méquignon-Marvis  et  Crochard,  in-8°.  — 
Godard  et  Duponchel  (1),  Histoire  naturelle  des  Lépidoptères  ou  Papillons 

(1)  Duponchel,  continuateur  de  Godard,  est  l'auteur  de  la  plus  grande  partie 
de  cet  ouvrage,  à  partir  du  tome  VI,  ouvrage  qui  est  encore  le  plus  important 
travail  descriptif  des  Lépidoptères  de  France. 


154  LÉPIDOPTÈRES.  . 

de  France,  Paris,  Crevot,  puis  Maquignon -Marvis,  15  vol.  in-8%  avec 
fig.  col.,  dont  h  de  Supplément,  1821  cà  18Zi2.  —  Duponchel,  Icono- 
graphie des  chenilles,  2  vol.  in-8°  :  Diurnes,  1832;  Crépusculaires  et  Noc- 
turnes, sans  date  ni  pagination,  Paris,  Méquignon-Marvis  ;  Catalogue 
méthodique  des  Lépidoptères  d'Europe,  1  vol.  in-8'',  18i6,  Paris,  Méqui- 
gnon-Marvis. —  Boisduval,  Rambur  et  de  Graslin,  Collection  iconogra- 
phique et  historique  des  chenilles  d'Europe,  1832-18^3.  Paris,  Roret, 
inachevé,  h  fasc.  de  texte,  li  fasc.  de  pi.  col.  —  J.  J.  Schott,  Raupenka- 
lender,  etc.  (indication  systématique  des  chenilles  d'Allemagne),  8  pL, 
Francfort,  1829;  Schmetterlingskalender,  etc.  (indication  systématique 
des  Papillons  d'Allemagne),  8  pi.,  Francfort,  1830.  —  De  Villiers  et 
Guenée,  Tableaux  synoptiques  des  Lépid.  d'Europe,  contenant  la  descrip- 
tion de  tous  les  Lépidoptères  d'Europe  connus  jusqu'à  ce  jour  :  Diurnes, 
in-4°;  Paris,  Méquignon-Marvis,  1835.  —  D'  E.  Herold,  Die  teutschen 
Schmet  ter  linge  sxjstematisch  beschrieben,  Nordhausen,  18/il  ;  Teutscher 
Raupenkalender,  Nordhausen,  18/|5  (ce  sont  des  catalogues  raisonnes 
des  Papillons  et  chenilles  de  l'Allemagne).  —  G.  A.  W.  Herrich 
Schœffer,  Systematische  Bearbeitung  der  Schmetterlinge  von  Europa, 
6  vol.,  avec  636  pi.  col.  et  36  pi.  noires;  Regensburg,  Manz,  18Zj3-1856 
(c'est  le  complément  et  la  révision  de  l'ouvrage  de  Hubner);  Neue 
Schmetterlinge  aus  Europa  und  den  angrenzenden  Lândern,  Regensburg 
(Ratisbonne),  1856-1861.  —  Ratzeburg,  Die  Forstinsekten  (le  volume 
consacré  aux  Lépidoptères  nuisibles  aux  forêts).  —  Freyer,  Beitrœge  zur 
Geschichte  europaischer  Schmetterlinge,  Augsbourg.  —  D''  Boisduval, 
Icônes  historique  des  Lépidoptères  d'Europe,  nouveaux  ou  peu  connus,  avec 
pi.  col.,  Paris,  Roret,  1832-1843  ;  Gênera  et  Index  methodicus  europœo- 
rum  Lepidopterorum  (pars  1,  sistens  Papiliones,  Sphinges,  Bombyces, 
Noctuas),  Paris,  Roret,  1860,  in-8°,  1  vol.  de  238  pages.  —  H.  Lucas, 
Histoire  naturelle  des  Lépidoptères  d'Europe,  1  vol.  in-8°,  accompagné 
d'un  atlas  de  79  pi-,  1''''  édit.,  1834,  Pauquet,  éditeur,  et  L.  Debure, 
libraire;  Id.,  2"  édit.,  revue  corrigée,  et  augmentée,  186Z|,  Savy,  libr.- 
édit.  ;  Hist.  natur.  des  Lépidopt.  exotiques,  1  vol.  in-8'',  accompagné  d'un 
atlas  de  80  pi.,  1835,  Pauquet,  édit.,  et  L.  Debure,  libr.  ;  Les  Papillons, 
vade-n^ecum  du  lépidoptérologiste,  1  vol.  in-8"  avec  5  pL,  Paris, 
1838  (bonnes  généralités,  ne  comprenant  en  espèces  que  les  genres 
Papilio,  Parnassius  et  annexes)  ;  Achalinoptères  et  Sphingiens,  dans 
VEncycl.  d'hist.  natur.  du  D''  Chenu,  1  vol.  avec  nombreuses  figures, 
Paris,  Maresq  et  Comp.,  et  G.  Havard,  sans  date;  Nocturnes  ou  Chali- 
noptères  (suite),  par  E.  Desmarest  (même  Encycl.),  1  vol.,  avec  nom- 
breuses figures,  Paris,  Maresq  et  Comp.,  et  G.  Havard,  sans  date;  Ilist. 
natur.  des  animaux  articulés  de  l'Algérie,  publiée  par  ordre  du  Gouver- 
nement, U  vol  in-4°,  dont  un  atlas  de  125  pi.,  18/|9  (dans  cet  ouvrage, 
les  Lépidoptères  comprennent  trois  pi.);  Animaux  nouveaux  ou  rares 
recueillis  pendant  l'expédition  dans  les  parties  centrales  de  l'Amérique 
du  Sud,  de  Rio-Ganaro  à  Lima  et  de  Lima  au  Para  :  Entomologie,  1  vol. 


LÉPinOPTÈRES.  155 

in-Zi''  et  un  atlas  de  18  pL,  1856  (dans  cet  ouvrage,  deux  planches  sont 
consacrées  aux  Lépidopt.);  Histoire  phijsique^  politique  et  naturelle  de 
Vile  de  Cuba  :  Arachnides,  Myriapodes,  Lépidoptères  et  Hyménoptères,  1  vol. 
in- 8"  et  un  atlas  in-folio,  1857,  Paris,  Arthus-Bertrand,  libr.-édit.  (les 
Lépidoptères,  dans  cet  ouvrage,  comprennent  li  pi.).  —  D''  Boisduval, 
Species  général  des  Lépidoptères  (Roret,  Paris,  Suites  à  Buffon),  1"  vol. 
in-S»,  avec  pi.  col.,  1836  (inachevé),  comprenait  dans  les  Rhopalocères 
une  partie  des  Succincti,  notamment  les  genres  Ornithoptera,  Papilio, 
Thais,  Doritis,  Parnassius,  Leptalis,  Leucophasia,  Pieris,  Zegris,  Antho- 
charis,  Rhodocera,  CaUidryas,  Colias,  etc.  ;  Species  génér.  des  Lépidopt. 
(Suites  à  Buffon);  Hétérocères  :  Sphingides,  Sésiides,  Castnides,  t.  I""", 
avec  pi.  col.,  187Zi.  — A.  Guenée,  Species  gén.  des  Lépidopt.  (Suites  à 
Buffon),  Paris,  Roret,  6  vol.  in-8»,  avec  pi.  col.  :  Noctuélites,  t.  I", 
1852,  t.  II,  1852,  t.  III,  1852;  Uranides  et  Phahmides,  t.  \",  1857,  t.  II, 
1857;  Deltoïdes  et  Pyralides,  185/i  (dans  la  tomaison  générale,  5,  6,  7,  8, 
9,  10).  —  A.  Guenée,  Essai  sur  une  classification  des  Microlépidoptères 
(Ann.  Soc.enfom.  Fr.,  18û5).  —  H.  T.  Stainton,  Insecta  Britannica  Lepi- 
doptcra,  London,  1854-1860;  H.  T.  Stainton,  avec  collaboration  de 
Zeller,  Douglas  et  Frey,  The  Natural  History  of  the  Tineina,  London, 
1855,  t.  I  à  t.  XII,  1870,  en  quatre  langues  :  anglais,  français,  alle- 
mand et  latin,  avec  nombreuses  pi.  col.  (c'est  un  ouvrage  classique  pour 
les  Microlépid.).  —  H.  Frey,  Die  Schweizerischen  Microlepidopteren  (Mit- 
theilungen  der  Schweiz.  entomol.  Gesellsch.,  Schaffhouse,  1867,  p.  286.  — 
E.  Berce,  Faune  entomol.  française  (Lépidoptères,  des  Rhopalocères  aux 
Phalénides,  inclusivement,  5  vol.  in-12,  avec  pi.  col.,  1867  à  1873, 
Paris,  E.  Deyrolle.  —  Maurice  Sand  et  Depuiset,  le  Monde  des  Papil- 
lons, deux  parties  :  Mœurs  et  Classification  ;  Paris,  Rothschild.  —  A.  Du- 
bois, les  Lépidoptères  de  VEurope,  leurs  chenilles  et  leurs  chrysalides, 
Paris,  E.  Deyrolle.  —  Pierre  Millière,  Iconographie  et  Description  de 
chenilles  et  Lépidoptères  inédits  (extr.  des  Ann.  Soc.  Linnéenne  de  Lyon), 
3  vol.:  t.  1,  1859  à  1864,  t.  II,  1864  à  1868,  t.  III,  1869  à  187Zi.  — 
E.  Doubleday  et  J.  0.  Westwood,  The  Gênera  of  Butterflies,  or  Diurnal 
Lepidoptera,  comprising  their  generic  Characters,  a  Notice  of  their  habits 
and  transformations,  and  a  Catalogue  of  the  Species  of  each  genus, 
illustrated  loith  86  coloured  plates  from  draioing  by  W.  C.  Hewitson, 
2  vol.,  London,  1846  à  1852.  —  W.  C.  Hewitson,  Ulustrations  of  neio 
Species  of  exotic  Butterflies,  selected  from  the  collect.  of  W.  Saunders  and 
W.  C.  Hewitson  (avec  pi.  col.  et  descriptions  des  espèces),  5  vol.  in-4°, 
London,  1851  à  1876;  Ulustrations  of  Diurnal  Lepidoptera,  London,  1862 
à  1878.  —  Catalog.  der  Lepidopteren  des  europœischen  Faunengebiets  ; 
Macrolepidoptera,  par  le  D"'  0.  Staudinger;  Microlepidoptera,  par  le 
D'  M.  Wocke  ;  Dresde,  1871,  in-8°.  — W.  E.  Kirby,  A  Synonymie  Catalogue 
of  Diurnal  Lepidoptera,  in-8'',  London,  1871,  et  un  supplément,  1877.  — 
Cajetan  Felder  et  Rudolph  Felder,  Lépidoptères  du  voyage  de  la  No- 
vara:  Rhopalocera,  1  vol.  texte  et  1  vol.  pi.,  Wien,  1864  à  1867  ;  Hete- 


156  LÉPIDOPTÈRES. 

rocera,  1  vol.  pi.  seulement,  avec  collaboration  de  A.  F.  Rogenhofer, 
Wicn,  186/1  à  1875.  —  S.  H.  Scudder,  Historical  Sketch  of  the  generic 
naines  proposed  for  Butter flies  {Proceedings  of  the  American  Acaderny  of 
arts  and  Sciences,  Boston,  vol.  X,  Salem,  Massachusetts,  1875).  —  Owen 
S.  Wilson,  The  Larvœ  of  the  British  Lepidoptera  and  their  food  Plants, 
avec  pi.  col.,  London,  Reeve  and  C%  1879. 

Cafalog:ues  locaux. 

Cantener,  Catalogue  des  Lépidoptères  du  Var,  Roret,  Levraulf,  1833; 
Histoire  naturelle  des  Lépidoptères  Rhopalocères,  ou  Papillons  diurnes  des 
départements  du  Haut  et  Bas- Rhin,  de  la  Moselle,  de  la  Meurthe  et  des 
Vosges,  Paris,  Roret,  183^.  —  Dujardin,  Catalogue  des  Lépidoptères  des 
environs  d'Amiens  (bassin  de  la  Somme),  Abbeville,  18ZiO.  —  Bruand 
d'Uzelles,  Catalogue  systématique  des  Lépidoptères  du  Doubs,  Besançon, 
ISàli  à  1851.  —  Rambur,  Catalogue  des  Lépidoptères  de  la  Corse  {A7in.  Soc. 
entom.de  France,  18'S2,  t.I,  p.2/i5,et  1833,  t.  II,  p.  7.  — Abbé  Désiré  Pinart, 
les  Papillons  du  département  de  l'Oise,  catalogue  méthodique  des  Lépido- 
ptères (autographie),  Beauvais,  18Zi7.  —  Depuiset  et  Deyrolle,  Catalogue 
méthodique  des  Lépidoptères  d'Europe,  Paris.  —  Guillemot,  Catalogue  des 
Lépidoptèresdu  département  duPuy-de-Dùme,  Clermont,185/i,  supplémeni, 
1858  ;  Observations  sur  les  Lépidoptères  du  printemps  des  environs 
d'Hyères,  comparés  à  ceux  d'Auvergne.  Vingt-cinq  jours  de  chasse  aux 
Lépidoptères  à  Barcelonnette  et  à  Larc/ie  (Basses-Alpes).  —  W.  L.  Kirby, 
Catalogue  des  Lépidoptères  d'Europe,  dont  les  chenilles  ne  sont  pas  connues 
ou  ne  le  sont  qu'imparfaitement  {Ann.  Soc.  entom.  deFr.,  1855,  p.  320). — 
G.  Viret,  Catalogue  des  Lépidoptères  du  département  de  la  Seine-Inférieure  : 
Rhopalocères,  Rouen.  187/i;  Hétérocèr es,  Rouen,  1876.  — Le  Roi,  Cata- 
logue des  Lépidoptères  du  département  du  Nord,  Lille,  1871. — A.d'Aubusson, 
Catalogue  des  Lépidoptères  de  la  Haute-Garonne  (Bull.  Soc.  hist.nat.  deTou- 
louse,  d868). —  W.  J.  Griffith,  Catalogue  raisonné  des  Lépidoptères  du 
Morbihan  [Soc.  polymathique  du  Morbihan,  Vannes,  1873).  — A.  Foucart, 
Catalogue  méthodique  et  raisonné  des  Lépidoptères  des  environs  de  Douai, 
Douai,  1876.  —  A.  Guenée,  Statistique  scientifique  des  Lépidoptères  d'Eure- 
et-Loir,  Chartres,  1875.  —  Bellier  de  la  Chavignerie,  Observations  sur  les 
Lépidoptères  des  Basses-Alpes  (Ann.  Soc.  entom.  de  France,  lH5k,  p.  29;  1856, 
p.  5;  1857,  p.  587;  1859,  p.  177);  Observations  sur  quelques  Lépidoptères 
d'Islande  {Ann.  Soc.  entom.  de  France,  1857,  p.  5);  Observât  ions  sur  la  faune 
entom.  de  la  Sicile  (Ann.  Soc.  entom.  de  Fr.);  Catalogue  des  Lépidoptères 
observés  en  Sicile  {Ann.  Soc.  entom.  de  Fr.,  1860,  p.  705)  ;  Sur  les  Lépido- 
ptères observés  en  Auvergne  (Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1858,  p.  73). —  Berce, 
Catalogue  méthodique  des  Lépidoptères  de  France,  décrits  dans  la  faune 
française  (ne  comprend  pas  les  Microlépidoptt'res),  Paris,  E.  Deyrolle.  — 
Trimoulet,  Catalogue  des  Lépidoptères  de  la  Gironde  {Actes  de  la  Soc.  Linn- 
de  Bordeaux,  t.  XII,  3'  série,  t.  II,  !■•«  livraison,   1"  avril  1858).  —  Bel- 


LÉPIDOPTÈRES.  157 

lier  de  laChavigneriect  Guillemot,  Lépidoptères  de  la  Lozère  non  signalés 
par  Duponchcl  [Anii.  Soc.entom.  de  France,  1851,  p.  681.)  — A.  Fauvel,  lis 
Lépidoptères  du  Calvados  {Manuel  descriptif,  1""^  partie,  Diurnes  et  Cré- 
pusculaires), br.  in-Zi,  Caen,  1863.  —  C.  Jourdheuilie  et  J.  Roy,  Liste  des 
Microlépidoptères  recueillis  dans  le  département  de  l'Aube,  Troyes,  1865. — 
H.  de  Peyerimhoff,  Catalogue  des  Lépidoptères  d'Alsace,  Juin  1862. — 
P.  Minière,  Catalogue  raisonné  des  Lépidoptères  des  Alpes-Maritimes, 
3  fasc,  Cannes,  1871,  1873,  1876.  — A.  Constant,  Catalogue  des  Lépido- 
ptères du  département  de  Saône-et-Loire  (publicaliou  de  la  Soc.  Eduenne), 
Autun,  1866.  —  Paul  UahiWe,  Catalogue  des  Lépidoptères  de  la  côte  occi- 
dentale d'Afrique  (Sociélé  zoologique  de  France,  trois  articles,  1877-78). 

—  P.  Minière,  Iconographie  et  Description  de  Lépidoptères  inédits,  avec 
1  planche  col.  {An7i.  Société  Linnéenne  de  Lyon,  1878);  Lépidoptérologie, 
avec  2  pi.  col.  {Mémoires  de  la  Société  des  sciences  nat.  et  hist.,  des  lettres 
et  des  beaux-arts  de  Cannes,  1878j.  —  Maurice  Sand,  Catalogue  raisonné 
des  Lépidoptères  du  Berry  et  de  l'Auvergne  (France  centrale),  Paris,  1879, 
E.  Deyrolle.  Cet  excellent  catalogue  contient  de  précieux  renseignements 
sur  les  mœurs  et  les  localités  ;  il  est  très  utile  pour  la  liste  fort  étendue 
des  Microlépidoptères.  —  C.  Jourdheuilie,  Calendrier  du  Microlépido- 
ptériste  :  recherche  des  chenilles  {Ann.  Soc.  entom-  de  France,  1869,  t.  IX, 
p.  533).  —  Marquis  de  Latitole,  Calendrier  lépidoptérulogique  (Chenilles) 
[le  Naturaliste,  1879). —  Catalogue  des  Lépidoptères  de  la  Somme  {Ann.  Soc. 
Ltnn.  du  Nord,  1877). — •  Roudaire,  Catalogue  des  Lépidoptères  de  la  Creuse. 

-De  Sélys-Longchamps,  Énumération  des  Insectes  lépidoptères  de  la  Bel- 
gique {Mémoires  de  la  Soc.  royale  des  se.  de  Liège,  18Zi5). — -Divers  auteurs, 
Catalogue  lies  Insectes  lépidoptères  de  la  Belgique  {Ann.  Soc.  entoni.  de  Bel- 
gique, 1857,  t.  I,  p.  1).  —  De  Fré,  Catalogue  des  Microlépidoptères  de  la 
Belgique  {Ann.  Soc.  entom.  de  Belgique,  1857,  t.  l""",  p.  Zi5).  —  Ghiliani, 
Lepidopteri  negli  Stati  Sarof*,  Turin,  Imprimerie  royale,  1851. —  List 
of  the  Spécimens  of  British  Animais  in  the  collection  of  the  British 
Muséum  :  Lepidoptera,  1  fasc,  J.  Fr.  Stephens,  London,  185G;  Micro- 
lepidoptera,  3  fasc,  J.  Edw.  Cray,  I^ondon,  1852-5/i.  —  D''  Boisduval, 
Lépidoptères  de  la  Californie  {Ann.  Soc-  entom.  de  Belgique,  t.  Xll)  ;  Co7i- 
sidérations sur  les  Lépidoptères  envoyés  du  Guatemala  à  M.  de  UOrza,  1870. 

—  S.  11.  Scudder,  Synonymie  List  ofthe  Butter jlies  ofNorth  America,  North 
of  Mexico  {Bull,  ofthe  Buffalo  Soc.  of  Natural  Science)  :  Nymphales,  1875; 
Rurak's,  1876. — A.  Curo,  Saggio  di  un  Catalogo  dei  Lepidoteri  d'Italia 
{BuUetino délia  Soc.  entomol.  italiana,  t.  IX,  3*  trim. ,  ^.llb"!;  t.  X,  3""  trim. , 
p.  189,  suite;  k"  trim.,  p.  229,  suite).  —  Seebcld,  Catalogo  de  los  Lepi- 
dopteros  observados  en  los  alrededores  de  Bilbuo,  1  pi.  noire  {Anal,  de  la 
Soc.  espaTwla  de  hist.  natural,  t.  VIII,  p.  97.  —  1)''  Seriziat,  Catalogue 
des  Lépidoptères  des  environs  de  Collo  {Algérie). 

Nous  citerons  enfin,  pour  terminer  les  généralités  sur  la  classification 
des  Lépidoptères,  un  important  travail  de  Duponchel  :  Mémoire  sur  la 


158  LÉPIDOPTÈRES. 

question  de  savoir  si  les  caractères  fournis  par  les  chenilles  des  Lépido- 
ptères doivent  prévaloir  sur  ceux  tirés  de  l'insecte  parfait  dans  une  bonne 
classification  de  cet  ordre  {Ann.  Société  entomologique  de  France,  1837, 
t.  VI,  j).  Zill,  et  1838,  t.  VII,  p.  2Zi7),  et  la  réponse  de  M.  A.  Guenée 
{op.  cit.,  1838,  t.  VII,  p.  231).  Dans  un  traité  élémentaire  ces  questions 
de  philosophie  naturelle  ne  peuvent  trouver  place  ;  notre  opinion  est 
que  les  caractères  tirés  des  adultes  doivent  prévaloir,  sauf  de  très  rares 
cas  de  développement  récurrent,  que  n'offrent  pas  les  Lépidoptères. 

La  polémique  anciennement  soulevée  entre  Duponchel  et  M.  Guenée 
se  rapporte  à  une  question  générale,  propre  à  tous  les  animaux  à  méta- 
morphoses. La  forme  adulte  a  l'avantage  sur  la  forme  larvaire  de  pré- 
senter les  caractères  sexuels,  et  en  outre  la  séparation  des  sexes, 
presque  toujours  nulle  chez  les  larves  ;  de  là  un  élément  de  plus  pour 
la  distinction  des  espèces.  Il  faut  remarquer  que  les  caractères  tirés 
de  la  reproduction,  et  par  suite  de  la  forme  adulte,  sont  véritablement 
dominateurs  dans  toute  la  zoologie,  soit  pour  distinguer  les  espèces, 
soit  pour  établir  les  groupes  de  divers  degrés.  Cela  se  comprend,  en 
quelque  sorte  à  priori,  si  l'on  réfléchit  que  la  reproduction  est  la 
fonction  suprême  des  êtres  vivants,  à  laquelle  la  nature  a  tout  subor- 
donné. Comme  les  adultes  sont  en  général  plus  Consistants  dans  leurs 
téguments  que  les  larves,  ils  sont  dans  de  meilleures  conditions 
pour  la  fossilisation  (enfouissement  sous  les  eaux),  de  sorte  que  les 
fossiles,  si  importants  à  comparer  aux  formes  actuelles,  appartiennent 
presque  exclusivement  aux  états  adultes.  Enfin  la  récolte  des  adultes 
chez  les  Insectes,  où  ils  sont  seuls  pourvus  d'ailes,  est  plus  générale 
et  plus  rapide  que  celle  des  larves  ;  celles-ci,  souvent  molles  et  peu 
consistantes,  se  conservent  mal.  Pour  ces  raisons,  presque  tous  les 
voyageurs  ne  rapportent  des  pays  lointains  que  des  insectes  adultes  ; 
presque  tous  les  genres  et  les  espèces  de  Lépidoptères  exotiques  por- 
tent la  mention:  «Chenilles  et  chrysalides  inconnues».  Dans  cet  ouvrage 
nous  donnons  la  préférence  et  en  première  ligne,  pour  les  genres  et 
pour  les  espèces,  aux  caractères  de  l'état  adulte,  puis  à  ceux  des  états 
larvaires  en  second  rang.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  qu'il  faut 
réunir,  quand  on  le  peut,  ces  doubles  caractères,  et  qu'on  a  ainsi  une 
détermination  meilleure  et  plus  complète. 


CLASSIFICATION 

DES  LÉPIDOPTÈRES 


I.  —  Légion  des  RHOPALOCERES. 

Antennes  plus  ou  moins  renflées  à  leur  extrémité.  Les  quatre  ailes, 
ou  au  moins  les  supérieures,  ordinairement  conniventes,  et  relevées 
plus  ou  moins  perpendiculaires  au  corps  dans  le  repos.  Point  d'yeux 
lisses  ou  stemmates,  sauf  de  très  rares  exceptions.  Point  de  crin  au 
bord  antérieur  des  ailes  inférieures.  Vol  diurne. 

Ces  Papillons  se  subdivisent  assez  naturellement,  avec  certaines  excep- 
tions, en  trois  groupes,  d'après  la  manière  dont  les  chrysalides  sont 
attachées  par  les  chenilles  dont  elles  proviennent.  Les  exceptions  peu- 
vent être  assez  considérables  pour  les  genres  exotiques  dont  les  méta- 
morphoses sont  inconnues  pour  la  plupart  ;  nous  conservei'ons  toutefois 
ce  groupement  en  prévenant  qu'il  s'applique  surtout  aux  espèces  euro- 
péennes. Les  Succincts  (Succincti)  ont  les  chrysalides  attachées  à  la  fois 
par  la  queue  et  par  un  lien  en  forme  de  ceinture,  constitué  par  plu- 
sieurs fils  de  soie  accolés.  Ce  sont  les  tribus  des  Papilioniens  et  des 
Lycéniens.  Réaumur  a  décrit  avec  de  grands  détails  les  manœuvres 
des  chenilles  qui  recourent  à  cette  double  fixation.  La  chenille  file  d'a- 
bord, à  l'endroit  où  elle  veut  s'attacher,  un  petit  faisceau  de  soie  qui 
enveloppe  les  crochets  des  pattes  anales  elles  retient.  Puis  la  chenille, 
ainsi  adhérente  par  ses  dernières  pattes,  se  tient  seulement  sur  les 
autres  pattes  membraneuses  et  redresse  le  plus  possible  sa  tête  et  le 
thorax  ;  portant  alors  la  tête  vers  le  flanc,  à  la  hauteur  de  la  première 
paire  de  pattes  membraneuses,  elle  cherche  un  point  où  elle  fixe  un 
fil,  dont  la  seconde  extrémité  sera  établie  à  la  même  hauteur,  de  l'autre 
côté  de  son  corps.  Pour  donner  à  cet  anneau  transverse  le  diamètre 
nécessaire,  elle  maintitint  le  centre  du  fil  sur  ses  pattes  thoraciques 
jusqu'au  moment  où  cette  ceinture,  par  des  additions  successives  de 
brins  de  soie,  a  acquis  la  solidité  suffisante.  C'est  alors  seulement  que  la 
chenille  engage  sa  tête  dans  le  lien  demi-circulaire  qu'elle  a  façonné, 
et  parvient,  par  des  mouvements  de  contraction,  à  l'élever  jusqu'au 
milieu  de  son  corps.  Cet  anneau  maintiendra  la  chrysalide;  assez  souple 
pour  ne  pas  gêner  la  nymphose,  servant  en  outre  de  point  d'appui  pour 
l'adulte,  lorsqu'il  sort  de  la  chrysalide.  Un  autre  groupe,  les  Suspen- 
dus (Suspensi),  correspondants  à  la  tribu  des  Nymphaliens,  présente  les 
chrysalides  suspendues  seulement  par  le  pinceau   de  fils  de  soie  eau* 


160  LÉPIDOPTÈRES. 

dal.  Enfin  les  Enroulés  (Involuti),  qui  formeront  la  tribu  des  Hespériens, 
offrent  les  chrysalides  enveloppées  dans  les  feuilles  roulées,  maintenues 
par  un  léger  tissu  comme  une  toile  d'Araignée,  attachées  par  la  queue, 
et  souvent,  en  outre,  par  un  ou  plusieurs  fils  transversaux. 

M.  Guenée  subdivise  les  Rhopalocères  en  deux  grandes  divisions,  les 
Bicalcarati  et  les  Quadricalcarati .  Les  premiers  comprennent  les  tribus 
des  Nymphaliens,  desLycéniens  et  des  Papilioniens.  Les  papillons  n'ont 
aux  pattes  qu'une  seule  paire  d'éperons  ;  leurs  antennes  sont  terminées 
par  une  massue  sans  crochet.  Us  volent  en  plein  soleil,  et  au  repos  ils 
appliquent  leurs  quatre  ailes  l'une  contre  l'autre,  dans  le  même  plan. 
Les  chenilles  vivent  généralement  en  plein  air.  L'ordre  des  tribus  que 
nous  adoptons  pour  les  Bicalcarati  n'est  pas  celui  qui  est  le  plus  habituel 
aux  collectionneurs  de  France,  qui  mettent  en  tête  de  leurs  collections 
le  genre  Papilio,  ce  qui  amène  à  commencer  l'étude  des  Rhopalocères 
par  la  tribu  des  Papilioniens.  En  opérant  ainsi,  on  est  obligé  d'intercaler 
une  tribu  de  tétrapodes,  à  quatre  pattes  seulement  propres  à  la  marche 
(Nymphaliens),  entre  deux  tribus /ieccopoc/es  (Lycéniens  et  Papilioniens), 
-dont  les  six  pattes  servent  à  la  locomotion  sur  le  sol  ou  sur  les  appuis. 
On  arrive  enfin  aux  Hespériens,  ou  Quadricalcarati,  Guenée,  dont  la 
place,  à  la  fin  des  Rhopalocères,  n'a  jamais  été  mise  en  question.  Or 
cette  dernière  tribu  est  hexapode.  L'ordre  que  nous  adoptons  en  com- 
mençant par  les  Tétrapodes  groupe  ensemble  ensuite  tous  les  Hexa- 
podes, ce  qui  amène  naturellement  aux  Hétérocères,  dont  les  six  pattes 
sont  toujours  ambulatoires.  Nous  disposons  les  Papilioniens  immédia- 
tement avant  les  Hespériens.  Ceux-ci,   en  effet,  ont  des  analogies  mé- 
diocres par  les  espèces  européennes;  mais  il  en  est  autrement  pour 
les  exotiques,  dont  beaucoup  ont  de  longues  queues  aux  ailes  infé- 
rieures, à  la  façon  du  genre  Papilio.  En  outre  les  chenilles  des  Parnas- 
sius,  dans  les  Papilioniens,  s'enveloppent  d'un  léger  réseau  soyeux, 
lors  de  la  nymphose,  à  la  façon  des  chenilles  des  Hespériens.  La  divi- 
sion en  Tétrapodes  et  Hexapodes  est  celle  adoptée  par  M.  G.  Bar  (1) 
dans  un  récent  et  remarquable  travail;  nous   sommes  d'accord   avec 
cet  auteur  pour  la  plupart  des  familles,  sans  attacher  du  reste  d'im- 
portance à  ces  détails.  Ainsi  nous  laissons  les   Libythéides  dans    les 
Nymphaliens,  tandis  que  M.  G.  Bar  les  place  avec  les  Erycinides,  famille 
de  la  tribu  des  Lycéniens  pour  nous;  notre  excuse  nous  est  fournie  par 
M.  G.  Bar  lui-même,  page  29:  «  Le  genre  Libijthca  cèi  peut-être,  de  tous 
les  Lépidoptères  Rhopalocères,  le  plus  inévitablement  aberrant;  c'est, 
tomme  je  le  dis  ailleurs,  une  difficulté  jetée  comme  à  plaisir  par  la 
nature  dans  le  champ  des  méthodistes  :  quelque  part  qu'on  le  place, 
il  vient  tout  déranger.  » 

(1)  Constant  Bar  (de  Cayenne),  Note  critique  sur  les  différents  systèmes  de 
classification  des  Lépidoptères  Rhopalocères,  établis  depuis  l'époque  de  Latreille 
{A7in.  Soc.  enlom.  de  France,  1878,  t.  VII,  p.  1  à  30). 


LÉPIDOPTÈRES.  161 

Rien  avant  M.  C.  Bar,  Bruandd'Uzclles  avait  proposé  une  classification 
des  Lépidoptères  Rhopalocères,  de  manière  à  ne  pas  avoir  d'interrup- 
tion sériale  sous  le  rapport  des  pattes  ambulatoires  {Procès-verbaux  de 
la  Société  philomathique,  l85Zi,  p.  31).  Il  commence,  comme  M.  C.  Bar, 
la  division  à  quatre  pattes  ambulatoires  par  les  Satyridœ,  puis  les 
Nymphalidœ  elle?:  Argynnidœ,  à  la  fin  desquels  il  laisse  le  genre  aberrant 
des  Libxjthea.  Les  Hhopalocères  à  six  pattes  ambulatoires  comprenneui 
les  Polyommatidœ  (genres  Polyommatus,  Lycœna,  Thecla),  les  Pieridœ 
(genres  Gonopteryx ou  Rhodocera,  Colias ,  Anihocharis ,  Zegris,  Leucophasia, 
Pieris,  se  terminant  par  P/eris  ou  Leuconea  Cratœyi),  puis  les  Parnassidœ 
(genres  Dor<ï/s,  commençant  ])hv  immaculatus  formant  passage  Ckratœgi, 
Panmssms,  r/i.a«);  enfin  les  Papilionidœ  (genre  Papilio),  puis  les  Hespe- 
ridœ.  Comme  on  le  voit,  cette  classification  ne  se  rapporte  qu'aux  es- 
pèces européennes;  les  exotiques  peuvent  la  modifier  dans  ses  détails. 


Tribu  des  i\¥MPHALIEI%'S  ou  tétrapobes. 

Cette  tribu,  composée  de  plusieurs  familles  fort  distinctes,  se  trouve 
par  suite  dénuée  de  nombreux  caractères  généraux.  A  peu  d'exceptions 
près,  dans  les  deux  sexes  ou  seulement  chez  les  mâles,  les  pattes  ambu- 
latoires sont  au  nombre  de  quatre  seulement,  les  antérieures  restant 
rudimentaires  et  impropres  à  la  marche.  Cete  tribu  correspond  aux  Sus- 
pendus {Suspensi)  du  D'  Boisduval,  car  les  chrysalides  pendent  verti- 
calement, attachées  seulement  au  support  par  un  faisceau  soyeux  au 
bout  de  la  queue. 

Tête  généralement  plus  étroite  que  le  thorax  ;  massue  des  antennes 
allongée,  peu  épaisse  et  se  [confondant  insensiblement  avec  la  tige. 
Yeux  glabres  et  bordés  inférieurement  d'une  paupière  blanche.  Ailes 
inférieures  ayant  la  cellule  discoïdale  ouverte  le  plus  souvent,  et  le 
bord  interne  plus  ou  moins  profondément  creusé  en  gouttière  pour 
recevoir  l'abdomen.  —  Chenilles  à  peau  chagrinée,  ayant  tantôt  des 
épines  ou  des  tubercules  épineux  sur  le  dos,  tantôt  avec  la  tète  épineuse 
seulement.  —  Chysalides  plus  ou  moins  carénées,  portant  généralement 
sur  le  dos  une  protubérance  déprimée  latéralement,  quelques-unes 
ornées  de  taches  métalliques. 

Les  espèces  de  la  tribu  des  Nymphaliens  sont  très  nombreuses  et 
paraissent  répandues  dans  toutes  les  parties  du  monde,  en  bien  plus 
grande  quantité  dans  les  régions  chaudes.  C'est  aux  Nymphaliens  qu'ap- 
partiennent les  plus  beaux  Papillons,  et  l'on  peut  dire  les  plus  splen- 
dides  insectes  du  monde  entier,  les  Morpho,  des  pays  les  plus  chauds  de 
l'Amérique.  En  Europe,  nous  n'avons  comparativement  qu'une  quantité 
restreinte  d'espèces  de  Nymphaliens,  mais  c'est  également  à  celte  tribu 
que  se  rattachent  les  plus  remarquables  de  nos  Papillons  diurnes  par 
l'éclat  de  leurs  couleurs. 

GIRARD.  ni.  —  11 


162  LÉPIDOPTÈRES. 

AGÉRONIDES.  • 

Palpes  coiitigus,  longs,  ascendants.  Cellule  discoïdale  des  ailes  infé- 
rieures fermée;  ailes  inférieures  ayant  le  bord  abdominal  trùs  déve- 
loppé, enfermant  complètement  un  abdomen  court  et  peu  épais.  Les  six 
pattes  développées,  les  antérieures  imparfaites,  à  tarses  des  mdles  cou- 
verts de  longs  poils,  subcylindriques,  composés  d'un  seul  article,  sans 
crochets,  tarses  antérieurs  de  la  femelle  ccailleux,  composés  de  cinq 
articles  ;  crochets  des  tarses  un  peu  bifides.  —  Chrysalides  allongées,  mu- 
nies de  prolongements  épineux,  suspendues  par  la  queue  et  par  un 
lien  ceinturai.  —  Chenilles  non  décrites. 

La  famille  des  Agéronides,  de  place  zoologique  difficile  et  incertaine, 
ne  renferme  que  le  genre  Ageronia,  Doubleday,  (syn.  :  Peridromia,  E.  Blan- 
chard, Ainphichlora,  Boisduval,  Nymphalis,  Godart).  Il  comprend  une 
dizaine  d'espèces,  à  ailes  très  tachetées  de  noir,  de  blanc,  de  vert,  avec 
des  bordures  d'ocelles  verts.  Ces  espèces,  dont  les  principales  sont 
A.  Feronia,  Hubner,  très  commune  à  la  Guyane  près  des  habitations, 
A.formax,  Hubn.,  ont  pour  patrie  le  Mexique,  le  Venezuela,  lesGuyanes 
et  le  Brésil.  Ce  sont  des  Papillons  doués  d'un  vol  très  rapide,  mais  de 
courte  durée,  accompagné  d'un  bruit  qui  peut  être  comparé  au  frôle- 
ment d'un  parchemin  sec.  Ils  fréquentent  les  bois  d'Orangers  et  se  plai- 
sent à  se  reposer  à  chaque  instant  sur  les  troncs  de  ces  arbres,  les  ailes 
étalées,  se  laissant  prendre  à  la  main.  Lacordaire  fait  remarquer  que, 
contrairement  à  certains  auteurs,  le  genre  Ageronia  ou  les  genres  qui 
en  dérivent  doivent  être  retranchés  de  la  tribu  des  IN'ymphaliens,  parce 
que  la  cellule  discoïdale  des  secondes  ailes  est  fermée  et  que  la  chry- 
salide est  suspendue  et  ceinturée  par  un  fil,  comme  celle  des  Papilio; 
d'autre  part,  il  y  a  un  degré  d'imperfection  dans  les  pattes  antérieures 
des  mâles,  ce  qui  fait  une  exception  en  sens  inverse.  La  place  me 
paraît  ad  libitum. 

LIBYTHÉIDES. 

Massue  des  antennes  peu  distincte  de  la  tige,  qui  va  en  grossissant 
de  la  base  au  sommet.  Palpes  très  longs,  conligus  dans  toute  leur  éten- 
due et  en  forme  de  bec  dépassant  beaucoup  la  tête.  Ailes  anguleuses, 
à  cellule  discoïdale  des  inférieures  ouverte.  Pattes  ambulatoires  au 
nombre  de  quatre  chez  les  mâles,  de  six  chez  les  femelles.  —  Chenilles 
dépourvues  d'épines,  légèrement  carénées. 

Cette  famille^  anormale  comme  la  précédente  et  de  place  naturelle 
fort  difficile,  ne  présente  qu'un  seul  genre,  d'Europe,  d'Amérique,  de 
Madagascar  et  des  îles  Sondaïques. 

I^IBYTHE.%,  Fabr.  —  Corps  court.  Palpes  quatre  fois  aussi  longs  que  la  tête, 
droits  et  contigus,  larges  à  leur  base,  assez  fortement  aplatis,  très  velus,  ayant 
le  Iroisiènie  articletrès  petit  et  pointu  ;  antennes  un  peu  moins  longues  que  le 


LIBYTHLA.  163 

corps,  droites,  épaisses,  cyliiulroïdes.  Tête  aussi  large  (juo  le  thorax.  Yeux  gros, 
saillants.  Thorax  allongé,  robuste.  Ailes  grandes,  plus  ou  moins  dentelées,  les 
supérieures  ayant  le  sommet  tronqué,  fortement  échancrées  à  leur  bord  posté- 
rieur, les  inférieures  régulièrement  dentées.  Pattes  courtes,  velues,  assez  épaisses  • 
jambes  et  tarses  garnis  en  dessous  de  très  petites  épines;  tarses  à  articles  peu 
distincts,  à  crochets  écartés,  petits,  recourbés.  Abdomen  très  comprimé  et 
caché  entièrement  par  les  deux  bords  internes  des  ailes  inférieures,  qui  forment 
gouttière  au  repos.  —  Chenilles  inermes,  légèrement  pubescentes,  de  forme 
allongée  et  cylindrique,  avec  la  tête  sphérique.  —  Chrysalides  non  anguleuses, 
carénées  sur  le  dos,  terminées  antérieurement  en  pointe  mousse,  sans  taches 
métalliques. 

Ce  genre  u'oflre,  en  Europe,  qu'une  espèce,  qui  est  de  l'Europe  mé- 
ridionale. Elle  existe  en  France,  sur  le  pourtour  méditerranéen,  et 
paraît  en  mars,  puis  en  juin  :  c'est  le  L.  Celtis,  Fabr.,  à  ailes  brunes, 
les  supérieures  avec  cinq  taches  fauves.  La  chenille  vit  sur  le  Micocou- 
lier {Cellis  australis),  et  probablement  aussi  sur  d'autres  arbres,  car  on 
peut  la  nourrir  avec  le  Cerisier,  et  le  papillon  existe  près  de  Florac 
(Lozère),  où  il  n'y  a  pas  de  Micocouliers,  et  aussi  au  mont  Cenis,  à  une 
hauteur  où  cet  arbre  ne  croît  plus.  — Cette  chenille  se  trouve  en  avril  et 
mai,  puis  en  juillet.  Elle  varie  de  livrée  en  changeant  de  peau.  Après 
sa  dernière  mue,  elle  est  pubescente,  offrant  alors  deux  variétés  :  la 
première  est  verte  en  entier,  y  compris  les  pattes  et  la  tète,  avec  trois 
lignes  longitudinales  blanches,  une  dorsale  et  deux  latérales,  entre  les- 
quelles sont  placés  des  points  noirs,  groupés  deux  par  deux  sur  chaque 
anneau.  Chez  l'autre  variété,  la  ligne  blanche  latérale  est  remplacée 
par  une  bande  couleur  de  chair  pointillée  de  brun,  et,  de  plus,  les 
pattes  sont  noires  et  la  tète  d'un  jaune  terne. —  La  chrysalide  est  ovale, 
à  angles  arrondis,  avec  une  seule  pointe  obtuse  à  la  tête.  Elle  est  de 
couleur  verte,  les  fourreaux  alaires  bordés  de  blanc,  et  une  ligne 
blanche  sur  la  carène  du  dos. 


UANAIDES. 

Tôle  ronde;  antennes  graduellement  terminées  en  massue.  Yeux 
ovales,  proéminents.  Palpes  divergents,  relevés,  dépassant  à  peine  le 
front,  distinctement  de  trois  articles.  Thorax  médiocrement  robuste. 
Ailes  larges,  les  supérieures  allongées,  à  cellule  discoïdale  fermée,  les 
inférieures  subovales,  à  cellule  discoïdale  fermée  et  à  gouttière  abdo- 
minale toujours  ample.  Pattes  assez  robustes,  sauf  celles  de  la  première 
paire,  allongées;  la  première  paire  imparfaite,  avec  des  variations  sui- 
vant le  sexe;  les  paires  2  et  3  ayant  les  jambes  épineuses  et  à  éperons 
peu  développés;  tarses  ayant  les  cinq  articles  tous  épineux  en  dessous 
et  les  crochets  simples.  Abdomen  assez  grêle,  presque  aussi  large  que 


16/i  LÉPIDOPTÈRES. 

le  bord  abdominal  des  ailes  inférieures.  —  Chenilles  robustes,  cylin- 
droïdes,  amincies  antérieurement,  offrant  sur  un  ou  plusieurs  de  leurs 
segments  une  paire  de  longs  tentacules,  grêles,  flexibles,  charnus,  non 
rétractiles.  —  Chrysalides  suspendues,  courtes,  lisses,  un  peu  ovoïdes, 
contractées  vers  la  partie  médiane. 

Les  Danaïdcs  ne  comprennent  que  quelques  genres,  presque  tous  de 
l'ancien  monde,  surtout  des  îles  de  l'archipel  indien,  des  parties  chaudes 
de  l'Asie,  d'Australie,  de  la  ^'ouvelle-Guinée,  de  certaines  îles  du  Paci- 
fique, des  îles  Maurice  et  Bourbon,  le  genre  Danois  seul  à  peu  près 
également  des  deux  continents. 

UAU'AIS,  Latr.  —  Antennes  de  la  longueur  de  la  moitié  du  corps,  se  terminant 
graduellement  en  massue  ovalaire.  Bord  interne  des  ailes  supérieures  recliligne. 
Pattes  de  la  première  paire  ayant  les  cuisses  et  les  jambes  de  la  même  longueur  ; 
les  tarses  plus  courts,  ceux  du  mâle  vaguement  partagés  en  deux  articles,  ceux 
des  femelles  composés  de  quatre  articles,  le  dernier  souvent  peu  distinct,  tous 
armés  d'épines  sur  les  côtés;  crochets  des  tarses  des  autres  paires  longs,  à  peine 
recourbés.  —  Chenilles  subcylindriques,  se  rétrécissant  vers  la  tète,  présen- 
tant, sur  les  troisième  et  ilernier  segments  et  quelquefois  sur  le  sixième,  des 
tentacules  longs,  charnus,  non  rétractiles.  —  Chrysalides  suspendues,  ovoïdes, 
rétrécies  vers  le  milieu,  à  abdomen  Irès-court,  ayant  quelques  taches  dorées. 

L'ancien  et  le  nouveau  continent  renferment  une  quarantaine  d'es- 
pèces du  genre  Danais,  fréquentant  les  fleurs,  surtout  celles  de  la 
famille  des  Asclépiadées.  Chaque  continent  ofire  une  espèce  type,  et 
les  deux  sont  analogues  par  les  couleurs  noirâtres  et  fauves,  une  bor- 
dure de  taches  blanches  au\  ailes  des  deux  paires,  une  série  de  grandes 
macules  blanches  transversales  vers  le  sommet  noirâtre  des  ailes  supé- 
rieures. On  trouve  dans  l'ancien  monde  D.  Chrysippus,  Linn.,  et  var. 
Alcippiis,  Godart,  répandue  dans  toute  l'Afrique  jusqu'au  Cap,  et  de 
l'Asie  Mineure  jusqu'en  Chine,  se  trouvant  aux  îles  Canaries.  Elle  a 
existé  pendant  plusieurs  années,  au  commencement  du  siècle,  dans  les 
environs  de  Naples,  mais  a  été  détruite  par  l'hiver  de  1808,  qui  fut 
très-rigoureux  dans  l'extrême  midi  de  l'Europe.  La  chenille,  qui  vit 
sur  plusieurs  Asclépiadées,  est  d'un  blanc  violàtre,  annelée  de  jaune  et 
de  noir,  avec  six  tentacules  noirs,  deux  sur  le  cou,  deux  sur  le  milieu 
du  dos,  les  deux  autres  vers  la  partie  anale;  la  tête  a  trois  raies  noires, 
dont  l'intermédiaire  tachetée  de  jaune  près  du  front.  La  chrysalide  est 
d'un  jaune  pâle,  avec  quelques  points  dorés.  L'espèce  fondamentale 
amréicaine  est  D.  Archippits,  Fabr.,  se  trouvant  du  Canada  au  sud  du 
Brésil,  partoutoùcroissentles  Asclépiadées. — La  chenille,  qui  se  nourrit 
surtout  de  VAsclepias  Curassavica,  est  blanchâtre,  avec  des  bandes  jaunes 
et  des  raies  noires  transverses,  portant  deux  tentacules  noirs  et  four- 
chus, un  vers  le  cou,  l'autre  vers  la  partie  anale;  les  pattes  sont  égale- 
ment noires.  —  La  chrysalide  est  obtuse,  d'un  vert  pâle,  avec  des  taches 


HELICONIA.  165 

dorées;  elle  est  suspendue  verticalement  et  par  la  queue  au  bord  des 
feuilles   C'est  en  mai  que  paraît  l'adulte  aux  États-Unis. 

Nous  représentons  une  espèce  de  Java,  D.  Eimice,  Godart  (pi.  lxxx, 
fig.  U  ;  h  «,  corps  vu  de  profil  ;  h  ft,  patte  antérieure  ;  U  c,  patte  posté- 
rieure; h  (/,  extrémité  grossie  du  tarse  postérieur).  Cette  riche  espèce 
a  les  ailes  supérieures  d'un  bleu  sombre,  avec  de  petites  taches  d'un 
bleu  azuré  vers  le  sommet,  et,  sous  la  cellule  discoïdale,  luie  grande 
tache  bleue,  en  ellipse  échancrée  avec  un  trait  blanc  interne  ;  les  ailes 
inférieures  d'un  brun  violacé  comme  le  corps,  avec  deux  taches  bleues 
près  du  bord  externe  ;  toutes  les  ailes  finement  lisérées  de  taches 
blanches  allongées. 

HÉLICONIDES. 

Tète  large  ;  antennes  allongées,  terminées  graduellement  en  mas- 
sue. Yeux  volumineux,  proéminents.  Palpes  largement  écartés  à 
leur  base,  non  convergents,  relevés,  plus  longs  que  la  tète,  distinc- 
tement triarticulés.  Thorax  assez  grêle.  Ailes  supérieures  allon- 
gées, presque  toujours  arrondies  à  leur  bord  externe,  rarement  sub- 
triangulaires, à  cellule  discoïdale  toujours  fermée,  les  inférieures 
beaucoup  plus  courtes  que  les  supérieures,  transversalement  allon- 
gées, ovales,  à  cellule  discoïdale  toujours  fermée,  dépourvues  de  gout- 
tière abdominale.  Pattes  de  la  première  paire  imparfaites,  quelquefois 
plus  développées  dans  les  femelles  que  dans  les  mâles  ;  pattes  des' 
paires  2  et  3  presque  toujours  peu  développées,  leurs  tarses  à  crochets 
simples.  Abdomen  allongé,  grôle,  quelquefois  terminé  en  massue 
légère  ou  au  contraire  bien  accentuée,  ordinairement  de  la  même 
longueur  que  le  bord  abdominal  des  ailes  inférieures,  parfois  même 
un  peu  plus  long.  —  Chenilles  inconnues.  —  Chrysalides  lisses,  sus- 
pendues par  leur  partie  postérieure. 

A  l'exception  du  genre  Hamadryas,  qui  existe  dans  les  îles  les  plus 
orientales  de  l'archipel  indien,  ainsi  que  dans  celles  de  la  Polynésie, 
les  nombreuses  espèces  des  Héliconides,  divisées  en  plusieurs  genres, 
habitent  les  régions  chaudes  de  l'Amérique  méridionale  et  les 
Antilles. 

HElilCOlVlA,  Latr.  —  Tète  large  ;  antennes  allongées,  environ  de  la  longueur 
du  corps,  graduellement  terminées  en  massue  et  à  articles  peu  distincts.  Yeux 
ovales,  très-proéminents.  Palpes  dépassant  beaucoup  le  front,  écailleux,  munis 
de  poils  allongés,  disséminés  çà  et  là.  Thorax  médiocrement  robuste.  Ailes 
supérieures  allongées,  à  bord  antérieur  arrondi  et  à  peu  près  deux  fois  plus 
long  que  le  bord  extérieur,  qui  est  généralement  arrondi,  parfois  angtdeux  ; 
bord  interne  plus  long  que  l'externe,  lequel  est  légèrement  sinueux.  Ailes 
inférieures  plus  ou  moins  subovales,  ayant  le  bord  costal  deux  fois  aussi  long 
que  le  bord  abdominal.  Pattes  de  la   première  paire  du    mâle   écailleuses,  à 


166  LÉPIDOPTÈRES. 

cuisse  et  jambe  renflées  ;  tarses  subcylindriques,  comprimés,  paraissant  formés 
d'un  seul  article  ;  pattes  de  la  première  paire  de  la  femelle  plus  développées, 
à  cuisse  et  jambe  écaillcuses,  revêtues  de  poils  allongés;  tarses  à  cinq  articles; 
pattes  des  paires  2  et  3  médiocrement  allongées,  à  jambes  épineuses.  Ab- 
dpmen  allongé,  terminé  en  massue^  s'étendant  souvent  bien  au  delà  des  ailes 
inférieures.  —  Chenilles  et  chrysalides  inconnues. 

Le  genre  Heliconia  compte  une  soixantaine  d'espèces,  exclusivement 
américaines,  s'étendant  un  peu  au  delà  des  deux  tropiques,  plus  abon- 
dantes dans  la  région  équatoriale,  paraissant  avoir  leur  maximum 
d'espèces  à  la  Guyane  hollandaise,  habitant  souvent  des  régions  assez 
élevées,  remarquables  par  une  sécrétion  de  mauvaise  odeur,  probable- 
ment défensive  contre  les  oiseaux. 

Les  Héliconies  ont  été  étudiées  sous  le  rapport  des  mœurs  par  La- 
cordaire,  dans  son  Mémoire  {op.  cit.)  sur  les  Lépidoptères  diurnes  de  la 
Guyane  française.  Il  divise  leurs  nombreuses  espèces  en  six  groupes  : 
1°  A  taches  blanches  sur  un  fond  noir  ou  bleuâtre  :  H.  Hécate,  Sappho, 
Antiocha,  des  forêts  seulement,  à  vol  large  et  facile,  s'élevant  peu  dans 
les  airs.  '2"  A  taches  rouges  ou  jaunes  sur  les  ailes  supérieures,  avec 
les  inférieures  sans  rayons  colorés  :  H.  Melpomene,  CaUicopis,  Sara, 
Thamar,  les  plus  communes  des  Héliconies  de  la  Guyane,  des  endroits 
habités,  ayant  un  vol  tantôt  haut,  tantôt  bas,  faciles  à  prendre.  3"  A 
lâches  jaunes  ou  rouges  sur  les  ailes  supérieures  et  à  rayons  rouges  ou 
fauves  sur  les  inférieures  :  H.  Boris,  Erato,  Ctjnisca,  /Ede^  Andremone, 
rares,  des  forêts  voisines  des  habitations,  s'élevant  peu  au-dessus  de 
terre,  s'avançant  en  ligne  droite,  moitié  en  planant,  moitié  en  volti- 
geant ;  il  en  est  de  même  pour  H.  Ricini,  qui  a  d'autres  couleurs  et  dont 
la  chenille  vit  sur  le  Ricin.  ^°  Espèces  où  le  jaune  prédomine,  mêlé  au 
noir  :  //.  Eva,  Pasinuntia,  Egena,  Numata,  Polymnia,  des  bois  seule- 
ment. Celles  à  ailes  très-étroites  et  à  abdomen  allongé  ont  le  vol  lent, 
inégal,  sautillant  et  se  posant  souvent  en  grande  quantité  sur  les 
fleurs,  où  on  les  prend  aisément  ;  les  autres,  à  ailes  moins  allongées  et 
dont  l'abdomen  dépasse  peu  ou  point  les  ailes  inférieures,  ont  le  vol 
rapide  et  inégal,  s'élevant  souvent  dans  les  airs  et  en  redescendant 
aussitôt  après,  sans  jamais  planer,  et  sont  difficiles  à  prendre  ;  5"  espèces 
à  ailes  plus  ou  moins  transparentes  :  H.  Nisœa,  Flora,  /Egle,  et  du  même 
groupe  diaphana,ijazoria,  qui  sont  du  Brésil,  constamment  des  plus  pro- 
fondes forêts,  en  petites  sociétés,  voltigeant  lentement  dans  les  brous- 
sailles, pas  à  plus  d'un  mètre  du  sol,  se  posant  à  chaque  instant  sur  les 
feuilles;  de  même,  dans  un  genre  voisin,  Thyridia  Psidii,  espèce  de 
grande  taille.  6°  Espèces  semblables  à  des  Piérides  pour  les  couleurs, 
H.  Vocida  et  Meihymna,  habitudes  des  précédentes.  7°  Espèces  d'un 
aspect  spécial,  différent  de  celui  des  autres  Héliconies  :  H.  Euterpe, 
Calliope,  Phleyia,  Suzanna.  L'H.  Calliope  vit  dans  les  fourrés  les  plus 
épais  et  les  plus  ombragés;  son  vol  est  semblable  à  celui  de  certains 


Acr.aLiDiis.  167 

Lépidoptères  nocturnes,  lent,  mou,-  et,  comme  eux,  elle  se  pose  à  la 
surface  inférieure  des  feuilles,  ne  parcourt  jamais  que  des  espaces 
très  bornés  et  se  cache  à  chaque  instant. 


ACR/i:iDES. 

Corps  à  thorax  court,  h  abdomen  allongé  et  terminé  en  massue. 
Antennes  peu  allongées,  assez  brusquement  terminées  en  massue 
Palpes  courts,  renflés,  garnis  de  poils  peu  serrés  et  longs,  ayant  leur 
second  article  fort  grand  et  comme  vésiculeux,  le  dernier  très-petit, 
terminé  en  pointe  aiguë.  Ailes  supérieures  allongées  et  coupées  obli- 
quement, les  inférieures  beaucoup  plus  courtes  et  subovales.  Pattes  de 
la  première  paire  grêles  et  assez  longues,  à  tarses  plus  ou  moins  impar- 
faits ;  celles  dos  paires  2  et  3  courtes,  leurs  tarses  ayant  leur  premier 
article  moins  long  que  les  deux  suivants  réunis,  les  articles  2,  3,  li 
allant  un  peu  en  décroissant  de  longueur,  5  presque  aussi  long  que 
le  précédent,  à  crochets  assez  fortement  recourbés,  environ  moitié 
moins  longs  que  le  dernier  article. 

La  famille  des  Acr.x'ides  ne  comprend  que  des  espèces  étrangères  à 
l'Europe,  et  qui  sont  surtout  des  régions  chaudes  de  l'ancien  monde. 
Elles  sont  toutes  plus  ou  moins  transparentes  et  comme  gaufrées,  avec 
des  taches,  et  certaines  parties  colorées.  Le  genre  principal,  Acrœa, 
Fabr.,  a  les  palpes  divergents,  dépassant  beaucoup  le  front;  le  pro- 
thorax très  distinct  ;  les  ailes  supérieures  subtriangulaircs,  allongées, 
diaphanes  en  partie  ou  en  totalité,  avec  le  sommet  plus  ou  moins 
arrondi,  le  bord  antérieur  très  peu  arqué,  le  bord  interne  presque 
droit,  les  ailes  inférieures  subovales,  avec  le  bord  antérieur  presque 
droit  ;  l'externe  très  arrondi,  le  bord  interne  embrassant  légèrement  la 
base  de  l'abdomen  ;  les  tarses  antérieurs  du  mâle,  ou  bien  uniarticulés, 
ou  bien  à  quatre  ou  cinq  articles  peu  distincts;  ceux  de  la  femelle  de 
quatre  ou  cinq  articles,  ce  dernier  très  petit,  quand  il  existe;  l'ab- 
domen allongé,  arqué,  terminé  en  massue,  avec  le  dernier  segment  de 
la  femelle  muni  d'un  appendice  corné.  —  Les  chenilles  sont  cylindroïdes 
et  épineuses,  les  chrysalides  grêles,  anguleuses,  ordinairement  suspen- 
dues par  la  queue.  —  Ce  genre  manque  en  Polynésie  et  est  surtout  abon- 
dant dans  l'Afrique  chaude,  sur  la  côte  occidentale,  Congo,  Sierra- 
Leone,  Guinée,  Ashanti,  etc.,  et  aussi  à  Sainte- Marie  et  à  Madagascar; 
il  otfre  également  des  espèces  en  Chine  et  aux  Indes  orientales,  et 
quelques-unes  dans  le  nouveau  monde,  au  Brésil,  à  la  Guyane  hollan- 
daise, en  Colombie. 

ARGYNNIDES. 

Palpes  assez  notablement  redressés  et  écartés.  Ailes  inférieures  ayant 
la  cellule  discoïdale  ouverte,  le  bord  abdominal  formant  souvent  une 


168  LÉPIDOPTÈRES. 

gouttii're  prononcée  pour  recevoir  l'abdomen,  qui  est  caché  au  repos. 
—  Chenilles  garnies  d'épines  plus  ou  moins  longues,  simp  les  ou  ciliées; 
chrysalides  anguleuses,  souvent  munies  de  tubercules  ou  de  pointes  et 
de  taches  dorées  ou  argentées. 

Les  espèces  de  cette  famille,  presque  toutes  parées  des  plus  belles 
couleurs,  se  répartissent  entre  toutes  les  parties  du  monde.  Il  y  a  quel- 
ques genres  exotiques  dont  la  coupe  d'ailes  rappelle  les  Héliconides 
et  les  Acrseides  :  ainsi  les  genres  Eueides,  du  Brésil,  du  Venezuela  ; 
Colœnis,  du  Venezuela,  du  Brésil,  de  la  Guyane.  Nous  citerons,  de  ce 
dernier  pays,  les  C.  Jiilia,  Juno,  Pherusa,  Libya,  des  plantations,  d'un 
vol  très  rapide,  se  posant  rarement,  pour  quelques  secondes,  les  ailes 
fermées  au  repos,  de  capture  très  difficile  ;  et  C,  Dido,  Linn.,  à  ailes 
étalées  au  repos,  se  tenant  au  sommet  des  arbres  des  jardins  et  volant 
même  rapidement  par  la  ville  de  Cayenne,  presque  impossible  à  se  pro- 
curer. Les  Cethosia  (Fabr.,  non  Godart)  sont  d'Asie  méridionale,  des 
îles  Sondaïques  et  d'Australie  ;  les  Agranlis,  du  Mexique,  des  Guyanes, 
du  Venezuela,  de  la  Nouvelle-Grenade,  près  de  Cayenne  :  A.  Vanillœ, 
Linn.,  et  A.  columbina,  ont  les  mœurs  de  nos  Argynnes,  dont  elles 
diffèrent  peu  génériquement,  leurs  chenilles  étant  cylindriques , 
avec  de  longues  épines  ciliées,  leurs  chrysalides  anguleuses  et  tuber- 
culées. 

ARGVUlllj^,  Fabr. —  Tête  assez  large,  couverte  de  poils;  antennes  terminées 
brusquement  par  un  bouton  court,  aplati  en  dessous.  Yeux  lisses,  presque 
ronds:  spiritrompe  longue  et  prolongée  au  delà  du  thorax.  Palpes  avancés, 
écailleux,  revêtus  de  longs  poils,  divergents,  dépassant  beaucoup  le  front;  le 
3"  article  nu  à  son  extrémité  et  pointu.  Thorax  arrondi,  ovale,  assez  robuste. 
Ailes  sinuées  ou  denticulées,  les  supérieures  triangulaires,  avec  le  bord  anté- 
rieur arrondi,  l'externe  presque  droit  ou  légèrement  concave  ou  souvent 
arrondi,  le  bord  interne  presque  droit,  à  peu  près  de  la  même  longueur  que  le 
bord  antérieur;  ailes  inférieures  subovales,  avec  leurs  bords  subégaux  en  lon- 
gueur et  généralement  arrondis.  Pattes  de  la  première  paire  du  mâle  revêtues 
de  longs  poils,  à  jambes  courtes,  à  tarses  uniarticulés  ;  celles  de  la  femelle 
écailleuses,  légèrement  frangées,  à  tarses  de  cinq  articles  ;  pattes  des  paires 
2  et  3  à  jambes  épineuses,  à  tarses  épineux,  de  cinq  articles.  Abdomen  plus 
court  que  les  ailes  inférieures.  —  Chenilles  cylindroides,  couvertes  d'épines 
verticillées  ;  celles  du  prothorax  souvent  plus  longues  que  les  autres,  et  au 
moins  au  nombre  de  deux.  —  Chrysalides  anguleuses,  garnies  de  deux  ran- 
gées de  pointes  dorsales,  ornées  de  taches  métalliques,  avec  la  tête  presque 
toujours  bifide. 

Les  Argynncs  présentent  de  nombreuses  espèces  des  régions  tem- 
pérées des  deux  continents  et  s'étendant  en  Europe  jusqu'aux  régions 
boréales,  au  delà  du  cercle  arctique.  Elles  ont  le  vol  assez  soutenu  e 
rapide.  Le  fond  de  la  couleur  des  ailes  est  le  jaune  fauve,  avec  des  taches 


ARGYNNIS.  169 

noires,  offrant  souvent  en  dessous,  surtout  aux  ailes  inférieures,  des 
taches  nacrées,  qui  ont  fait  donner  à  ces  Papillons  le  nom  de  nacrés 
par  les  vieux  auteurs.  Les  femelles  sont  pareilles  aux  mâles,  mais  plus 
grandes,  et  les  emportent  dans  l'accouplement. 

Nous  citerons  les  espèces  les  plus  répandues  en  France,  qui  habitent 
presque  exclusivement  les  bois. 

Un  premier  groupe,  qu'on  peut  appeler,  d'une  manière  générale, 
des  grandes  Argyime.s,  offre  le  second  arlicle  des  palpes  presque  tou- 
jours très-renflé  et  la  seconde  nervure  subcostale  prenant  naissance 
avant  l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale.  Les  îles  Britanniques  pos- 
sèdent dans  ce  premier  groupe  les  A.  Paphia,  Aglaia,  Adippe  et 
Lathonia.  —  Une  des  espèces  les  plus  communes  de  ce  groupe  et  des 
moindres  en  taille,  36  millimètres  d'envergure,  est  A,  Lathonia, 
Linn.,  le  petit  Nacré  de  Geoffroy,  se  trouvant  aux  îles  Canaries,  très 
largement  nacrée  en  dessous,  quelques  petites  taches  à  l'angle  apical 
des  ailes  supérieures,  et  aux  inférieures,  sur  un  fond  ferrugineux,  cinq 
grandes  taches  d'une  nacre  argentée  très  brillante  sur  le  disque,  et  un 
rang  antémarginal  de  sept  taches  nacrées,  surmontées  d'une  bande  fer- 
rugineuse, ornée  d'yeux  à  prunelle  argentée.  Très  commune  en  mai,  puis 
en  août  et  septembre  dans  toute  la  France,  dans  les  bois  et  aussi  au 
dehors,  par  exception  des  autres  Argynnes,  le  long  des  chemins,  dans 
les  prairies  artificielles  et  les  jardins.  Aberration  Valdensis,  Esper,  of- 
frant les  taches  nacrées  du  dessous  des  ailes  inférieures  réunies  en 
forme  de  bandes,  et  les  taches  noires  du  dessous  des  supérieures  plus 
grosses  et  absorbant  la  couleur  du  fond  (A.  Guenée).  Chenille  en  avril  et 
en  juillet,  isolément  sur  la  Pensée  {Viola  tricolor)  et  le  Sainfoin  [Hedy- 
sarum  Onobrijchis),  et  aussi  la  Bourrache  et  la  Buglosse,  d'un  brun  gri- 
sâtre, avec  une  hgne  blanche  le  long  du  dos  et  soixante  épines,  quatre 
sur  le  premier  et  sur  le  dernier  segment  et  six  sur  chacun  des  autres, 
celles  des  deux  premiers  anneaux  étant  les  plus  courtes,  celles  des 
anneaux  du  milieu  les  plus  longues.  Chrysalide  grisâtre  en  avant, 
verdàtre  en  arrière,  avec  des  taches  dorées  sur  le  corps  et  les  points 
de  la  tête  arrondis.  Le  papillon  éclôt  au  bout  de  quinze  jours.  — 
.1.  Aglaia,  Linn.,  le  grand  Nacré  de  Geoffroy,  assez  commun  en  juillet 
et  août  dans  les  allées  des  bois  et  sur  les  grandes  haies  des  routes  qui  les 
bordent,  se  posant  volontiers  sur  les  fleurs  des  Ronces  et  des  Chardons; 
de  58  millimètres  d'envergure  ;  d'un  beau  fauve,  avec  la  frange  jaunâtre 
et  beaucoup  de  taches  noires,  les  nervures  noires  renflées  sur  le  disque 
des  ailes  du  mâle,  une  rangée  discoïdale  de  cinq  points  noirs  aux  infé- 
rieures, celui  du  milieu  étant  le  plus  petit,  leur  dessous  d'un  jaune  d'ocre 
pâle,  avec  beaucoup  de  taches  argentées,  ombrées  de  vert;  la  femelle  plus 
grande,  à  ailes  plus  arrondies,  leur  base  plus  largement  teintée  de  noir 
verdàtre,  les  nervures  non  renflées  aux  ailes  supérieures.  Chenille  en 
juin  sur  la  Violette  sauvage  [Viola  canina),  noirâtre,  avec  une  rangée 
.ongitudinale  sur  les  côtés  de  huit  taches  rousses,  carrées,  et  une  ligne 


470  LÉPIDOPTÈUES. 

plus  pftlc  le  long  du  dos,  les  trois  premiers  aiuieaux.  et  les  deux  derniers 
portant  chacun  quatre  épines,  les  autres  chacun  six.  Chrysalide  rousse, 
ondée  do  brun,  avec  les  deux  points  de  la  tiîtc  arrondie  et  les  éminences 
du  corps  pou  sensibles.  —  A.  Adippe,  Cat.  de  Vienne,  de  mômes  taille, 
époque  et  habitudes  que  l'espùcc  précédente,  à  laquelle  elle  ressemble 
beaucoup  en  dessus  dans  les  deux  sexes  ;  existe  au  Japon  très  agrandi 
en  taille,  le  dessous  des  ailes  inférieures  d'un  fauve  pâle,  avec  beau- 
coup de  taches  argentées,  dont  plusieurs  groupées  près  de  la  base,  les 
autres  formant  deux  lignes  transverses  postérieures,  renfermant  une 
série  de  taches  oculaires  ferrugineuses.  Une  aberration  Cleodoxa,  Ochs. 
assez  fréquente,  mais  moins  commune  que  le  type  et  des  mêmes  lieux, 
manque  tout  à  fait  des  taches  argentées  en  dessous,  qui  sont  remplacées 
par  du  jaune  clair,  les  yeux  ferrugineux  avec  leur  prunelle  argentée 
persistant  seuls.  Chenille  d'un  rouge-brique  ou  d'un  vert  olivâtre,  sui- 
vant l'âge,  avec  une  ligne  dorsale  blanche  et  bordée  par  des  points  noirs  ; 
six  rangées  d'épines,  dont  une  paire  sur  le  premier  anneau  ;  vivant  sur  la 
Violette  odorante  {Viola  odorata)  et  sur  la  l'ensée  [Viola  tricolor).  Chry- 
salide roussâtre,  avec  des  taches  argentées,  donnant  son  papillon  au 
bout  d'une  quinzaine  de  jours.  —  A.  Paphia,  Linn.,  le  Tabac  d'Espagne, 
de  Geoffroy,  de  65  millimètres  d'envergure,  ayant  un  vol  assez  rapide 
et  l'élan  brusque  ;  d'un  fauve  vif  chez  le  mâle,  plus  ou  moins  mélangé 
de  vert  à  la  base  des  ailes  chez  la  femelle,  ces  ailes  traversées  par  quatre 
rangées  de  taches  noires,  plus  grandes  chez  les  femelles,  subquadrangu- 
laires  ou  subtriangulaires,  avec  les  quatre  dernières  nervures  noires  et 
très  renflées  chez  le  mâle,  non  renflées  dans  la  femelle;  en  dessous  l'angle 
apical  glacé  de  vert  aux  ailes  supérieures,  les  inférieures  totalement, 
avec  quatre  bandes  argentées  transverses  et  un  double  rang  en  bordure 
de  gros  points  verts.  Cette  espèce,  la  plus  grande  de  nos  Argynnes,  existe 
en  Corse  et  se  trouve  très  commune  dans  les  bois  de  toute  la  France, 
sur  les  fleurs  de  Ronce  et  de  Chardon,  en  juillet  et  août,  et  va  butiner 
aussi  dans  les  champs  de  Luzerne  voisins  des  bois.  Cette  espèce  pond 
de  gros  œufs  d'un  blanc  jaunâtre.  Les  femelles  persistent  parfois  assez 
longtemps,  car  j'en  capturai  une,  très  usée,  dans  la  foret  d'Armainvilliers, 
près  de  Paris,  aux  premiers  jours  d'octobre.  U  y  a  une  variété  femelle 
curieuse  par  mélanisme  :  c'est  Valesina  Esper,  qui  remplace  les  femelles 
du  type  dans  le  Valais  et  qu'on  trouve,  mais  rare,  à  Compiègne,  Saint- 
Germain-en-Laye,  Meudon,  Armainvilliers,  Fontainebleau,  etc.,  près  de 
Paris,  et  avec  des  passages  rembrunis  au  type  ordinaire;  le  mâle  noir  a 
été  trouvé,  mais  rarissime.  Valesina  diffère  de  Paphia  par  une  teinte 
générale  d'un  noir  un  peu  verdâtre  et  par  deux  taches  blanchâtres  vers 
la  côte  des  ailes  supérieures,  le  dessous  de  celles-ci  plus  blanchâtre  que 
le  type  et  le  dessous  des  inférieures  d'un  vert  plus  foncé  que  dans  le  type 
de  la  femelle  de  Paphia.  Les  taches  noires  du  type  continuent  à  se  voir 
sur  le  fond  noir,  comme  on  distinguo  les  taches  ocellées  noires  sur  le 
fond  noir  plus  mat  du  pelage  de  la  l'anthère  noire  de  Java,  aberration 


ARGYNNIS.  171 

mélanienne  de  la  Panthère,  qui  so  rencontre  d'ordinaire  dans  l'Ile 
malaise  pour  un  petit  sur  quatre  de  chaque  portée.  Chenille  de  Paphia 
(pi.  Lxxxi,  fig.  3),  vivant  solitaire  sur  la  Violette  sauvage  {Vivla  cunina) 
et  sur  le  Framboisier  sauvage  (/?j«6ms  idœus),  brune,  avec  des  taches 
jaunâtres  le  long  du  dos,  deux  épines  grandes,  fortes,  presque  cylin- 
driques sur  le  premier  anneau,  celles  des  autres  coniques,  deux  sur 
le  second  segment,  six  sur  chacun  des  suivants,  quatre  sur  le  dernier. 
Chrysalide  grisâtre,  suspendue  (pi.  lxxxi,  fig.  o  a),  avec  plusieurs  émi- 
nences  dorées,  les  anneaux  ayant  des  tubercules  arrondis  au  lieu  de 
pointes  aiguës.  Dans  la  variété  immaculata,  de  France  et  de  Corse,  les 
bandes  du  dessous  des  ailes  inférieures  sont  oblitérées,  au  moins  en 
grande  partie.  On  a  signalé  l'hermaphrodisme  bilatéral  chez  .1.  Paphia: 
ainsi  Ochsenlieimer  a  eu  un  sujet  mâle  à  droite,  femelle  à  gauche,  Hiib- 
ner  un  sujet  mâle  à  gauche  et  à  droite  femelle,  var.  Valesina.  Wesmaël 
décrit  un  hermaphrodite  mâle  à  droite,  femelle  à  gauche,  avec  de 
remarquables  mélanges;  l'aile  antérieure  gauche  réunit  des  couleurs 
du  mâle  et  de  la  variété  femelle  Valesina  ;  l'aile  antérieure  droite  est 
mâle,  avec  une  rangée  de  taches  noires  postérieures  aussi  marquées 
que  chez  la  femelle  ;  enfin  l'aile  inférieure  gauche  est  de  la  variété  Vale- 
sina; l'abdomen  ofl're  à  droite  la  branche  de  la  pince  copulatrice  mâle 
et  un  faisceau  de  poils,  ces  pièces  manquant  à  gauche.  M.  Berce  a  signalé 
un  mâle  d'.l.  Paphia  ofl'rant  l'aberration  mélanienne  propre  habituelle- 
ment à  la  femelle,  var.  Valesina. —  CarofVa  pris  près  de  Paris  un  mâle  d'A- 
Paphia  présentant  quatre  ovales  blancs,  un  sur  chaque  aile. — .1.  Pandora^ 
Cat.  de  Vienne,  ou  Cynara,  Godart,  grande  et  belle  espèce  d' Espagne,  de 
l'Autriche  et  Hongrie,  de  Corse,  des  provinces  moldo-valaques,  des  îles 
Canaries,  se  trouvant  par  places  en  France,  toujourslocalisée,  dansle  Midi 
et  l'Ouest,  volant  avec  rapidité,  se  posant  sur  les  fleurs  de  Chardon,  ainsi 
près  de  Bordeaux,  très  commune  en  juillet  sur  les  vieux  remparts  de  la 
Rochelle  (H.  Delamain),  sur  les  dunes  de  la  Vendée  (de  Graslin),  rare 
dans  le  Cantal  (Maurice  Sand),  disséminée  et  rare  en  divers  points  de  la 
Bretagne  (Oberthûr).  Les  ailes  inférieures  ont  en  dessous  une  riche  mar- 
brure verte  et  argentée.  On  cite  de  cette  espèce  un  hermaphrodite  bila- 
téral.— .1.  Ino,  Esper,  de/iO  millimètres  d'envergure,  d'un  fauve  vif,  avec 
des  taches  noires  assez  grosses;  le  dessous  des  ailes  supérieures  plus 
clair,  avec  le  sommet  jaunâtre,  le  dessous  des  inférieures  ayant  la  base 
d'un  jaune  clair,  avec  deux  lignes  médianes  rousses  ;  le  reste  de  l'aile 
varié  de  violet,  de  jaune  et  de  roux,  fondus  ensemble  et  chatoyants, 
avec  une  série  d'yeux  ferrugineux  à  prunelle  verdâtre.  Fn  juin  et  juillet 
dans  les  bois  du  nord  et  de  l'est  de  la  France,  Compiègne,  Mormale, 
Vosges,  Auvergne,  dans  la  Creuse,  forêt  de  Châteauvert,  auLioran.dans 
le  Cantal  (Maurice  Sand);  se  trouve  aussi  dans  le  nord  de  l'Europe, 
ainsi  aux  environs  de  Saint-Pétersbourg;  se  rencontre  en  Chine,  aux  en- 
virons de  Pékin,  pareille  au  type  de  France.  Chenille  en  mai  sur  la  Vio- 
lette odorante,  et  aussi  sur  Urtica  rirens,  d'après  de  Villiers  et  Guenée. 


172  ■  LÉPIDOPTÈllES. 

La  seconde  section  des  Argynnes  de  France,  qu'on  peut  appeler  les 
petites  Argynnes,  a  le  second  article  des  palpes  peu  renflé,  et  la  seconde 
nervure  subcostale  prenant  naissance  au  delà  de  l'extrémité  de  la  cellule 
discoïdale.  Il  en  est  trois  propres  aux  bois  de  la  plaine,  fréquentes  dans 
lesalléesetsurtout  les  clairières,  en  mai,  puis  une  seconde  foison  juillet 
et  août,  les  chenilles  à  leur  taille  se  trouvant  en  mai  et  juin,  puis  en 
septembre.  Ce  sont  les  A.  Dia,  Linn.,  la  petite  Violette  d'Engramelle,  de 
3/i  millimètres  d'envergure,  offrant  le  dessous  des  ailes  supérieures  d'un 
fauve  plus  clair  que  le  dessus,  avec  le  bord  terminal  entrecoupé  dejaune 
et  de  ferrugineux,  le  dessous  des  inférieures  d'un  ferrugineux  violâtre, 
varié  de  jaune,  avec  deux  bandes  de  taches  nacrées,  entre  lesquelles  est 
une  ligne  transverse  d'un  violet  blanchâtre,  longée  extérieurement 
d'une  autre  ligne  formée  de  six  taches  oculaires  ferrugineuses,  dont  les 
deuxième  et  troisième,  à  partir  de  l'angle  anal,  offrent  seules  une  pru- 
nelle jaunâtre.  Outre  les  bois,  l'espèce  se  trouve  encore  dans  les  prés  et 
jardins,  et  il  y  a  des  variétés  où  les  taches  noires  du  dessus  amplifiées 
occupent  presque  toute  la  surface  des  ailes.  Chenille  grise,  avec  des 
rangées  d'épines  alternativement  blanches  et  rougeâtres,  vivant  sur 
plusieurs  espèces  de  Violettes.  Chrysalide  jaunâtre,  variée  de  noir.  — 
A.  Euphrosijne,  Linn.,  envBrgure  ZiO  millimètres,  des  bois  etdes  prés,  de 
montagne  comme  de  plaine,  à  ailes  d'un  fauve  terne,  tachées  de  noir,  le 
dessous  des  inférieures  n'offrant  qu'une  seule  bande  de  taches  nacrées 
longeant  le  bord  postérieur,  ces  taches  non  surmontées  de  chevrons 
noirs,  et  deux  taches  nacrées,  l'une  au  centre,  l'autre  près  de  la  base. 
Chenille  noire,  épineuse,  avec  deux  bandes  dorsales  de  taches  orangées, 
sur  les  Viola  canina  et  montana.  —  A.  Selene,  Cat.  de  Vienne,  38  milli- 
mètres d'envergure,  le  petit  Collier  argenté  d'Engramelle,  espèce  un  peu 
moins  répandue  que  les  deux  précédentes,  des  prairies  comme  des  bois; 
le  dessous  des  ailes  supérieures  marqué  de  jaune  et  de  ferrugineux, 
celui  des  inférieures  ferrugineux  avec  trois  bandes  nacrées,  la  posté- 
rieure surmontée  de  chevrons  noirs,  la  médiane  interrompue  en  son 
milieu,  la  troisième  rapprochée  de  la  base  et  formée  de  trois  taches 
nacrées  séparées  entre  elles  par  deux  taches  d'un  jaune  clair,  à  la  base 
trois  autres  taches  plus  petites  et  dont  la  plus  rapprochée  du  bord 
interne  est  faiblement  nacrée.  Chenille  sur  la  Violette,  d'un  noir  de 
velours  avec  les  épines  jaunes  (Goossens).  Les  petites  Agrynnes  n'existent 
pas  en  Corse,  où  la  plus  petite  qu'on  rencontre  est  A.  Lathonia.  Dans  les 
îles  Britanniques  ne  se  rencontrent  de  ce  groupe  que  les  A.  Selene  ei 
Euphrostjne. 

Nous  avons  encore  en  France  plusieurs  autres  espèces  d'Argynnes 
qui  sont  spéciales  aux  montagnes;  nous  ne  citerons  que  la  plus  com- 
mune :  A.  Pales,  Cat.  de  Vienne,  des  Alpes  et  des  Pyrénées,  oITrant  plu- 
sieurs variétés,  volant  à  une  grande  élévation  dans  les  prairies  des 
hautes  régions,  en  juillet  et  août,  aisée  à  prendre,  car  elle  se  pose 
volontiers  sur  les  fleurs.  Chenille  en  mai,  sur  Viola  montana.  Il  y  a  des 


AKGYNNIS.  173 

Argyuiies  qui  sont  propres  aux  régions  les  plus  septentrionales  de 
l'Europe  :  ainsi  A.  Chariclea,  Ochs.,  du  nord  de  la  Suède;  A.  Friyga, 
Thunberg.dunordde  la  Suède  et  delà  Laponie méridionale.  C'est  le  genre 
Artjijnnis  qui  paraît  fournir  le  Lépidoptère  rhopalocère  le  plus  septen- 
trional, VA.  polaris,  Boisduval,  des  extrêmes  latitudes  nord  du  Groenland 
(S.  Scudder,  A  North  Greenland  BiUterfly, in  Psyché,  avril  1875,  t.  I,p.57- 
59).  On  consultera  encore,  à  propos  des  Argynnes,  Natural  History  of 
Argynnis  Paphia  (the  Entomologist  moiithly  Magazine,  t.  XIV,  p.  252). 

11  y  a  déjà  longtemps  qu'un  organe  curieux  a  été  constaté  par 
Charles  Bonnet  (de  Genève)  sur  les  chenilles  des  Argynnes,  en  1737. 
C'est  une  vésicule  existant  sous  le  premier  anneau  thoracique,  com- 
muniquant à  une  cavité  interne  contenant  une  liqueur  acide  qui  rou- 
git le  papier  bleu  de  tournesol.  Bonnet  fit  part  de  sa  découverte  à 
Réaumur,  et  plus  tard  à  de  Geer.  Ils  reconnurent  que,  selon  les 
espèces,  la  vésicule  a  la  forme  hémisphérique  ou  tubulaire,  ou  bifide, 
et  crurent  à  une  seconde  filière  :  idée  singulière  pour  des  chenilles  de 
Diurnes,  qui  ne  font  pas  de  cocons  ;  tandis  que  cette  filière  supplémen- 
taire n'existerait  pas  dans  les  chenilles  de  Bombyciens,  qui  n'ont  pas 
cet  organe  et  fontsouvent  des  cocons  très-soyeux.  Lacordaire  {Introduct. 
à  r Entomologie)  rejette  cette  opinion,  et  suppose  qu'il  y  a  là  un  organe 
à  sécrétion  odorante  défensive.  M.  Goossens,  un  de  nos  entomologistes 
les  plus  experts  pour  tout  ce  qui  concerne  les  chenilles,  a  repris 
l'étude  de  cet  organe,  qu'il  a  reconnu  aussi  sur  les  chenilles  de  Méli- 
tées,  de  Vanesses,  etc.,  et  d'un  grand  nombre  de  Diurnes,  plus  ou 
moins  développé.  Il  objecte  à  l'hypothèse  de  Lacordaire  que,  lorsqu'on 
inquiète  ces  chenilles,  elles  mettent  aussitôt  la  tète  entre  leurs  pattes 
et  se  roulent,  cachant  et  annulant  ainsi  ce  qui  devrait  les  protéger, 
tandis  que  les  chenilles  des  Papilio  et  des  Thais  fout  saillir  au  con- 
traire les  caroncules  odorantes,  placées  en  dessus  du  premier  anneau  et 
non  en  dessous.  M.  Goossens  est  porté  à  penser  que  la  vésicule  sous  la 
gorge  est  pressée  lors  du  mouvement  des  pièces  buccales  de  la  che- 
nille, et  laisse  s'échapper  la  liqueur  acidulée,  qui  prépare  la  feuille  à 
une  trituration  prochaine,  à  la  façon  d'une  salive. 

Nous  représentons  une  espèce  exotique,  A.  moneta,  Geyer,  du  iMexi- 
que,  du  Venezuela  et  de  la  Colombie  (pi.  lxxxi,  profil  en  dessous),  avec 
la  base  des  ailes  supérieures  rouge,  leur  sommet  brun,  comme  le  des- 
sous des  secondes  ailes,  avec  de  larges  et  nombreuses  taches,  analogues  à 
des  pièces  d'argent.  Elle  est  du  genre  actuel  Agraulis,  formé  d'espèces 
américaines,  ressemblant  beaucoup  aux  Argynnis  et  ayant  les  mêmes 
mœurs.  Les  chenilles  sont  cylindriques,  armées  de  longues  épines 
ciliées;  les  chrysalides  sont  anguleuses  et  tuberculées.  Près  deCayenne 
se  trouvent  les  Agraulis  colomhina  et  Vanillœ,  Linn.,  cette  dernière 
très  répandue  dans  l'Amérique  chaude,  et  se  rencontrant  aussi 
aux  îles  Canaries,  où  il  n'y  a  pas  de|Vanilles.  —  A  consulter,  pour  les 
Argynnis:  H.  Lucas,  Quelques  remarques  sur  les  Lépidoptères  du  genre 


17^  LÉPIDOPÏÈUES. 

Argynnis,  qui  habitent  les  environs  de  Pékin,  et  Description  d'une  nouvelle 
Espèce  de  cette  coupe  générique,  avec  1  pi.  {Ann.  Soc.  entoni.  Fr.,  1856). 

itiKiilT/KA,  Fabr.  —  Tête  assez  petite,  couverte  de  poils,  avec  le  front  ré- 
tréci. Spiritrompe  un  peu  plus  longue  que  le  thorax;  antennes  brusquement 
terminées  par  une  massue  piriforme.  Palpes  très-velus,  divergents,  dépassant 
de  beaucoup  le  front.  Yeux  ovales,  non  saillants.  Thorax  poilu,  en  ovale  allongé. 
Ailes  entières  ou  à  peine  denticulées,  n'offrant  jamais  de  taches  argentées,  les 
supérieures  subtriangulaires,  le  bord  antérieur  à  peine  arrondi,  l'externe 
légèrement  arrondi,  l'interne  rectiligne  ;  les  inférieures  subovales,  à  angle  anal 
saillant,  le  bord  antérieur  presque  droit,  le  bord  extérieur  très  arrondi.  Pattes 
de  la  première  paire  du  mâle  poilues  et  écailleuses,  à  tarses  cylindriques  d'un 
seul  article,  celles  de  la  femelle  à  jambes  courtes,  à  tarses  de  cinq  articles; 
pattes  des  paires  2  et  3  assez  robustes ,  avec  les  jambes  et  les  tarses  revêtus 
d'écaillés.  Abdomen  médiocrement  robuste,  arqué,  ne  dépassant  pas  le  bord 
interne  des  ailes  inférieures.  —  Chenilles  subcylindroïdcs,  amincies  aux  deux 
bouts,  à  tubercules  charnus  munis  d'épines  courtes,  finement  rameuses,  d'égale 
longueur.  —  Chrysalides  peu  anguleuses,  obtuses  antérieurement,  munies  sur 
le  dos  de  six  rangées  de  points  verruqueux  peu  saillants,  de  couleurs  variées, 
mais  sans  taches  métalliques. 

Les  Mélilées  ressemblent  assez  aux  Argynnes  par  les  couleurs  et 
dessins  du  dessus  des  ailes,  mais  s'en  distinguent  tout  de  suite  par 
l'absence  de  taches  nacrées  en  dessous.  En  outre,  leur  vol  est  peu 
rapide  et  assez  régulier.  Elles  habitent  les  bois  et  les  prairies  qui  les 
avoiainent;  les  femelles  emportent  les  mâles  accouplés  à  elles.  Les 
chenilles  vivent  presque  toutes  sur  des  plantes  herbacées;  certaines 
espèces  sont  très  abondantes  pendant  tout  l'été,  à  tel  point  qu'on 
trouve  parfois  cinq  ou  six  individus  sur  une  même  fleur.  Tandis  que  les 
Argynnes  n'ont  que  rarement  des  aberrations  de  dessin,  les  Mélitées 
varient  au  contraire  d'une  manière  considérable  dans  certaines  espèces, 
soit  par  des  absences  de  pigment  des  ailes,  soit  par  confluence  plus  ou 
moins  forte  des  taches  noires,  et  les  collections  des  amateurs  présen- 
tent des  passages  presque  sans  nombre.  La  disposition  des  couleurs 
du  dessus  des  ailes  est  un  mélange  de  noirâtre  et  de  fauve  qui  rappelle 
la  combinaison  de  teintes  des  cases  d'un  échiquier,  et  a  fait  donner 
à  ces  Papillons  le  nom  général  de  Damiers;  en  dessous,  les  ailes  sont 
ornées  de  dessins  jaunes,  bruns  et  noirs.  Les  femelles  sont,  en  général, 
pareilles  aux  mâles  et  un  peu  plus  grandes.  Les  espèces  de  Melitœa 
sont  assez  nombreuses,  et  paraissent  limitées  aux  zones  tempérées  et 
boréales  de  l'ancien  et  du  nouveau  continent.  L'Europe  compte  une 
quinzaine  d'espèces  de  Mélitées  qui  manquent  tout  à  fait  en  Corse. 
Nous  signalerons  les  plus  répandues  en  France  : 

M.  Artemis,  Cat.  de  Vienne,  le  Damier  de  Geoffroy,  espèce  très-com- 
mune partout,  existant  dans  les  îles  Britanniques,  de  mai  en  juillet, 


MELIT     A.  175 

envergure  35  millimètres  ;  les  ailes  d'un  l'uuve  rougeùlre,  avec  une 
bande  transverse  de  taches  jaunâtres  et  quelques  taches  de  cette  cou- 
leur sur  le  disque  ;  sept  à  huit  lignes  noirâtres  sur  les  supérieures  et 
une  ligne  courbe  de  six  points  noirs  sur  les  inférieures;  en  dessous,  le 
sommet  cl  une  partie  du  bord  externe  des  ailes  supérieures  jaunâtres, 
trois  bandes  d'un  jaune  clair  bordées  de  noir  sur  les  inférieures,  et 
entre  les  deux  bandes  terminales  une  série  de  points  noirs  cerclés  de 
jaune.  Chenille  en  société  dans  le  jeune  âge,  sur  les  Plantago  et  Sca- 
biosa,  en  avril,  puis  en  juillet  et  septembre,  les  sujets  de  seconde 
éclosion  hivernant  dans  une  sorte  de  toile  ou  de  tissu  soyeux  ;  la  partie 
supérieure  du  dos  et  des  épines  noires,  la  partie  inférieure  jaunâtre,  le 
dos  et  chacun  des  côtés  oJTrant  une  ligne  longitudinale  de  points 
blancs  très-petits;  la  tète  noire,  les  pattes  d'un  rouge  brun.  Chrysalide 
d'un  blanc  verdâtre,  avec  des  points  noirs  et  un  grand  nombre  de 
petits  tubercules  jaunes  vers  l'extrémité  du  corps.  Des  variétés  :  Mc- 
rope,  Prunner,  des  montagnes  alpines  et  pyrénéennes,  plus  petite, 
toutes  les  taches  d'un  jaune  plus  pâle,  généralement  plus  chargée  de 
noir,  surtout  aux  ailes  inférieures,  qui  n'offrent  souvent  que  quelques 
petites  taches  jaunes;  provincialis ,  Boisduval,  taille  très  agrandie, 
surtout  chez  les  femelles,  d'un  fauve  plus  vif,  avec  les  taches  anté- 
marginales  très  claires  chez  la  femelle,  commune  en  Provence  et  dans 
les  Alpes-Maritimes  en  mai.  —  M.  Cinxia,  Linn.,  envergure  35  milli- 
mètres chez  le  mâle,  allant  parfois  à  U5  millimètres  chez  certaines 
femelles;  ailes  légèrement  dentées,  d'un  fauve  terne,  réticulées  de 
noir,  les  inférieures  un  peu  aiguës  à  l'angle  anal,  et  ayant  le  second 
rang  de  taches  fauves  orné  d'une  série  de  points  noirs  ;  dessous  des 
supérieures  avec  l'extrémité  d'un  blanc  jaunâtre  et  quelques  points 
noirs  ;  dessous  des  inférieures  avec  cinq  bandes  transverses  de  taches, 
la  deuxième  et  la  quatrième  d'un  fauve  roussâtre,  les  trois  autres  d'un 
jaune  pâle,  toutes  ces  bandes  lisérées  de  noir.  Espèce  très-commune  en 
Europe  et  des  îles  Britanniques,  en  mai  et  juin,  puis  en  août.  Chenille 
en  avril,  puis  en  août  et  septembre,  sur  la  Véronique,  l'Oreillc-de- 
souris  [Sedum album),  le  Plantain,  la  Piloselle,  la  Jacée  (Centaurea  Jacea), 
sociale  dans  le  jeune  âge,  la  seconde  génération  passant  l'hiver  sous 
une  tente  soyeuse,  la  plus  facile  à  trouver  des  chenilles  de  Mélitées. 
—  M.  Athalia,  Esper,  envergure  38  millimètres  ;  les  palpes  noirs  en  des- 
sus ;  la  couleur  fauve  disposée  en  larges  bandes  sur  les  ailes,  bordées 
de  brun  noir  avec  des  rangées  de  taches  fauves  ;  le  dessous  des  ailes 
inférieures  d'un  jaune  pâle,  avec  deux  bandes  fauves  bordées  de  noir  ; 
la  supérieure  large,  l'inférieure  étroite,  marquée  de  lunules  plus  fon- 
cées, excepté  près  de  la  côte.  Très  commune  en  Europe,  y  compris  les 
îles  Britanniques,  en  juin,  puis  en  août,  dans  toutes  les  clairières  des 
bois  et  les  prairies  voisines;  variant  beaucoup  selon  les  sujets,  le  noir 
ou  bien  le  fauve  dominant.  On  prend  tous  les  ans  à  Lardy,  près 
de   Paris,  par  les   journées  les   plus    chaudes,   l'aberration   Pyronia 


176  LÉPIDOPTÈRES. 

de  M.  Athalia,  de  couleur  l'oncée  en  dessus.  Chenille  en  mai,  puis  en 
septembre,    sur  plusieurs  Plantains  et  sur  le  Melampyrum  pratense. 

—  M.Parlhenia,  Godart,  espèce  plus  petite  queil/.  Athalia,  et  luiressem- 
blant  beaucoup  ;  offrant  des  difticultés  de  détermination,  car  beaucoup 
d'amateurs  assurent  que  nous  n'avons  pas  le  type  de  Borkhausen,  qui 
serait  spécial  à  quelques  régions  de  l'Allemagne;  notre  type  de 
France,  moins  brun  et  plus  grand,   serait   parthenioides ,    Keferstein. 

—  M.  Maturna,  Linn.,  d'assez  grande  taille,  se  reconnaît  tout  de  suite  par 
le  ton  d'un  fauve  rouge  de  ses  ailes,  volant  en  juin  dans  les  bois  pro- 
fonds et  touffus,  d'Allemagne,  de  Carniole,  de  Suède ,  de  Laponie. 
Longtemps  les  amateurs  français  ont  fait  venir  cette  espèce  d'Alle- 
magne; on  a  depuis  constaté  qu'elle  existe  en  France,  mais  localisée: 
ainsi,  près  de  Paris,  à  Bondy,  Montmorency,  Armainvilliers,  Ozouer-le- 
Voulgis,  puis  à  Villers-Cotterets,  aux  environs  d'Épernay,  dans  le 
Loiret,  de  la  forêt  d'Allogny,  dans  le  Cher,  mais  rare  (Maurice 
Sand,  etc.).  Chenille  passant  l'hiver;  noire,  épineuse,  avec  trois  lignes 
jaunes,  maculaires,  longitudinales,  une  sur  le  dos,  deux  sur  les 
flancs,  celle  du  dos  divisée  par  une  ligne  noire;  vivant  sur  les  Plantains 
et  les  Scabieuses,  et  aussi  sur  desarbres,Tremble,  Saule  marsault,  Hêtre 
et  même  Frêne  (Bellier  de  la  Chavignerie.  A  rechercher  à  toute  sa  taille  en 
mai. —  M.  Phœbe,  Cat.  devienne,  legrand  Danuer d'Engramelle, de liO  mil- 
limètres d'envergure  chez  le  mâle  et  bien  plus  chez  la  femelle^;  à  ailes 
du  mrde  sinuées  au  bord,  les  inférieures  dentées,  d'un  fauve  jaunâtre 
avec  taches  rousses  et  réseau  noir  ;  les  inférieures  en  dessous  d'un  jaune 
clair,  avec  des  points  noirs  à  la  base,  et  deux  bandes  fauves  très  irrégu- 
lières avec  taches  rousses  et  lisérés  noirs.  Espèce  méridionale,  existant, 
localisée  et  rare,  dans  le  centre  de  la  France,  ainsi  en  juillet  sur  les 
coteaux  calcaires  à  vignobles  des  environs  d'Autun,  de  Chalon-sur- 
Saône,  de  Màcon  ;  près  de  Paris,  en  juin  et  juillet,  dans  les  forêts  de 
Sénart  et  de  Fontainebleau.  Chenille  en  mai  et  septembre,  sur  la  Jacée 
(Centaurea  Jacea). 

Les  Mélitées  de  l'Amérique  du  Nord,  du  sous-genre  Phyciodes,  ont 
des  différences  dans  la  disposition  des  dessins  noirs  et  fauves  :  ainsi 
P.  Nyctcis,  Doubleday,  se  rapproche  des  Vanesses.  Nous  représentons 
dans  ce  sous-genre  Phyciodes,  Hûbner,  une  espèce  du  Brésil,  que 
Godart  plaçait  dans  les  Héliconies,  le  P.  Lanysdor/ii,  Godart  (pi.  lxxx, 
tig.  3),  dont  les  ailes  supérieures  ont  le  contour  subanguleux;  le  corps 
est  brun,  ainsi  que  le  fond  des  ailes,  les  supérieures  largement  tachées 
de  jaune  et  de  fauve,  les  inférieures  traversées  en  leur  milieu  par  une 
bande  jaune  perpendiculaire  au  corps. 

ARASCHIVIA,  Doubleday.  —  Tête  à  longs  poils,  formant  une  touffe  de  chaque 
côté  de  la  base  des  antennes.  Yeux  poilus,  ovales,  médiocrement  saillants.  Ailes 
supérieures  un  peu  sinuées  au  bord  externe,  les  inférieures  subanguleuses  au 
milieu  du  bord  externe,  le  bord  interne  légèrement  échancré.  Tarses  antérieurs 


ARASCHNIA.  177 

du  niàlc  uiiiaiLiculés,  ceux  de  la  fcmulle  de  cini}  aiiicles,  tous,  sauf  le  ciu- 
quième,  armés  de  chaque  côté,  à  leur  sommet,  d'une  épiuc  assez  robuste. 
Abdomen  plus  court  que  les  ailes  inférieures.  Les  autres  caractères  des  Va- 
7iessa.  — •  Chenilles  épineuses,  avec  la  tète  armée  de  deux  épines  plus  longues 
que  celles  du  corps;  segment  prothoracique  mutique.  —  Chrysalides  angu- 
leuses, couvertes  de  tubercules,  avec  la  tête  bifide. 

Ce  genre  a  été  avec  raison  séparé  des  Vanesses,  dont  il  a  longtemps 
fait  partie,  et  par  ses  caractères  et  snrlout  par  ses  mœurs,  qui  difî'èrent 
de  celles  des  Vanesses  et  des  Mélitées  en  ce  que  les  chrysalides  prove- 
nant de  la  génération  d'été  passent  l'hiver.  La  seule  espèce  du  genre 
est  polymorphe,  habite  plusieurs  parties  de  l'Allemagne  et  de  la  France, 
et  manque  en  Angleterre,  localisée  toujours  dans  les  bois  ombragés  et 
humides  :  ainsi,  près  de  Paris  à  Bondy,  et  surtout  dans  la  vallée  de  la 
Bièvre,  notamment  à  la  Minière  près  de  Versailles;  à  St-Germain  en 
Laye;  aussi  dans  la  forêt  de  Compiègne,  surtout  près  de  Pierrefonds, 
aux  étangs  de  Dattignies,  dans  la  forêt  de  Villers-Cotterets,  près  de 
Soissons  et  de  Sentis;  dans  plusieurs  localités  du  Cher,  forêt  de  Saint-Pa- 
lais, etc.  (Maurice  Sand);  dans  le  nord  de  la  France,  aux  environs  de  Va- 
lenciennes,  aux  environs  de  Colmar,  de  Strasbourg,  etc.  On  voit  voler 
en  juillet  A.  Prorsa,  hinn.,  la  Carte  géographique  brune  [à' EngïameWe, 
offrant  des  taches  noires  arrondies  et  des  bandes  blanches  sur  un  fond 
brun,  dessins  qui  rappellent  une  carte  de  géographie.  La  descendance 
de  cette  espèce  produit  à  la  fin  d'avril  et  en  mai  un  autre  type  dit 
Levana,  Linn.,  la  Carte  géographique  fauve  d'Engramelle,  généralement 
un  peu  plus  petit,  où  le  noir  est  remplacé  par  du  fauve  foncé  et  dont  le 
iauve  clair  constitue  le  fond.  Cette  variété  printanière,  qu'on  voit  plus 
rarement  voler,  et  qu'on  obtient  de  l'éclosion  après  hibernation  des  chry 
salides  des  chenilles  d'automne  issues  de  la  ponte  de  Prorsa,  a  longtemps 
été  regardée  comme  une  autre  espèce.  \'a\{\\\  on  trouve  encore,  plus 
rare,  une  aberration  intermédiaire,  Porima,  Ochs.,  avec  le  fond  de 
Levana  et  les  taches  de  Prorsa,  différant  de  Prorsa  en  ce  que  la  bande 
blanche  des  ailes  supérieures  est  teintée  de  fauve,  la  bande  des  infé- 
rieures étant  fauve  aussi  et  presque  toujours  divisée  en  deux,  près  du 
bord  abdominal,  le  dessous,  à  couleurs  vives,  participant  de  Levana  et 
de  Prorsa.  Cette  aberration  s'obtient  surtout  en  élevant  des  chenilles 
trouvées  en  septembre  et  en  tenant  les  chrysalides  à  la  chaleur  artifi- 
cielle des  appartements  pendant  l'hiver.  Comme  le  D"'  Boisduval  l'a 
reconnu  le  premier,  toutes  les  différences  proviennent  des  époques 
d'éclosion  :  les  chenilles  de  juin  donnent  Prorsa  en  juillet  et  août; 
celles  de  septembre,  qui  hivernent  en  chrysahdes,  produisent  Levana 
au  printemps.  C'est  un  effet  de  température  sur  la  chrysalide.  La  che- 
nille est  mélangée  de  noirâtre  et  de  fauve  et  garnie  d'épines,  dont  deux 
plus  grandes  derrière  la  tête,  et  vit  en  petites  sociétés  sur  l'Ortie 
dioïque.  La  clirysahde  est  dentée,  noirâtre  en  dessus,  jaunâtre  en  des- 

GIRARP.  III. —  12 


178  LÉPIDOPTÈRES. 

SOUS.  D'après  M.  Goossens,  les  chenilles  qui  donneront  Prorsa,  ou  le 
type  noir,  sont  presque  toutes  noirâtres  et  quelques-unes  grises,  et 
celles  qui  produiront  Levana,  ou  le  type  rouge,  sont  toutes  grises,  mais 
la  tête  demeurera  pareille,  ainsi  que  les  épines  et  leur  nombre. 

Renard,  de  Saint-Quentin,  et  Pierrot  ont  étudié  les  éclosions  de  cette 
curieuse  espèce,  ce  dernier  pendant  douze  ans.  On  peut  dire    que 
jamais  les  individus  d'une  année  ne  sont  absolument  semblables  à  ceux 
d'une  autre.  Le  type  bien  noir  de  Prorsa  ne  se  produit  en  juillet  que 
dans  les  années  sèches   et  chaudes,  tandis  que,  dans  les  années  plu- 
vieuses, les  sujets  tendent  à  se  rapprocher  du  type  fauve  du  printemps 
et  surtout  de  la  variété  Purima,  qui  éclôt  parfois  en  automne  de  sujets 
tardifs  de  la  génération  d'été.  Il  y  a  donc  là  un  passage  à  ce  que  les 
sujets  qui  ont  hiverné  et  subi  davantage  l'action  du  froid  et  de  l'humi- 
dité donnent  Levana,  entièrement  fauve  et  encore  plus  écartée  du  type. 
Pierret  a  constaté  en  1865,  où  l'été  fut  froid,  que  les  éclosions  de  la  fin 
de  juillet  se  rapprochaient  toutes  de  Porima,  que  celles  des  premiers 
jours  d'août  étaient  des  Porima,  enfin   que  celles  du  10  août  furent 
presque   Levana.  En  1835,  Pierret  avait  vu  éclore  chez   un  amateur, 
M.  Delamontagne,  au  milieu  d'un  grand  nombre  de  Prorsa,  trois  Levana, 
fauves  comme  au  printemps;  en  185Z(,  sans  moyens  artificiels,  M.Bellier 
de  la  Chavignerie  vit,  au  milieu  des  Prorsa  écloses  en  été,  quelques 
Porima  et  une  véritable  Levana,  de  la  même  ponte,  cclose  en  même 
temps,  pareille  au  type  qui  éclôt  après   hivernation  de  la  chrysalide, 
sauf  une  taille  plus  grande.  Plusieurs    amateurs  allemands,   et,   en 
France,  un   amateur   de   Saint-Quentin,  M.    Carpentier-Bougié,  ont 
obtenu  la  variété  intermédiaire  Porima  au  moyen  de  chrysalides  dont 
l'éclosion  fut  relardée  artificiellement  jusqu'au  mois  de  septembre, 
époque  où  d'habitude  on  ne  rencontre  plus  l'espèce  dans  la  nature. 
Sur  environ  trois  cents  chrysalides,  M.  Goossens  en  laissa  cent  à  l'air 
libre  jusqu'en  avril,  et  toutes  lui  donnèrent  Lefflîia;  les  autres  furent 
réfrigérées  à  partir  de  février,  sans  que  la  température  pût  jamais 
s'élever  au-dessus  de -|- 10  degrés,  et  cela  jusqu'à  la  fin  de  juin,  à  l'époque 
de  l'éclosion  naturelle  des  Prorsa  ;  les  chrysalides" furent  alors  portées  au 
soleil,  et  ne  donnèrent  que  des  Levana,  comme  en  avril,  et  il  en  fut  de 
même  pour  tous  les  sujets  qu'on  laissa  accidentellement  se  réchauffer 
d'avril  à  la  fin  de  juin. 

M.  Goossens  a  reconnu  la  manière  très  curieuse  dont  Prorsa  d'été 
pond  ses  œufs.  Bien  qu'on  trouve  les  jeunes  chenilles  par  trente  ou 
quarante  sous  la  môme  feuille  d'Ortie,  les  œufs  ne  sont  pas  déposés  en 
masse  les  uns  près  des  autres.  Chaque  ponte  se  compose  de  neuf  à 
quinze  œufs  ainsi  arrangés  :  un  petit  œuf  allongé,  d'un  vert  clair,  est 
planté  sur  le  bord  d'une  feuille  ;  puis  un  autre,  un  peu  plus  gros,  est 
collé  sur  le  premier,  puis  un  troisième,  un  peu  plus  gros,  sur  le  second, 
etc. ,  ce  qui  simule  une  petite  colonne  torse  appuyée  sur  la  feuille  d'Ortie. 
Si  l'œuf  le  plus  près  de  la  feuille,  pondu  le  premier,  éclosaitle  premier. 


VANESSA.  179 

une  fois  cassé,  les  autres  tomberaient  ;  aussi  c'est  le  cuiilrairc  qui 
arrive.  Le  dernier  œuf  pondu  éclôt  le  premier,  et,  aussitôt  après, 
l'autre;  enfin  le  premier  pondu  éclôt  le  dernier.  M.  Goossens  a  constaté, 
comme  caractère  distinctif  à  ajouter  au  genre  Araschnia,,  que  l'organe 
placé  près  de  la  bouche,  sous  le  premier  anneau  de  la  chenille,  n'apas 
la  même  forme  que  chez  les  Vanessa,  et  est  bien  plus  développé. 

VAUfESSA,  Fabr.  —  Tête  très  poilue  ;  antennes  ayant  environ  les  trois  quarts  de 
la  longueur  du  corps,  se  terminant  graduellement  en  une  massue  peu  prolongée, 
avec  le  dernier  article  pointu.  Yeux  poilus  et  plus  ou  moins  ovales.  Spiritrompe 
ayant  à  peu  près  les  deux  tiers  de  la  longueur  du  corps.  Palpes  très  poilus, 
parallèles,  dépassant  beaucoup  le  front.  Thorax  revêtu  de  longs  poils.  Ailes 
supérieures  subtriangulaires,  à  sommet  tronqué,  à  bord  antérieur  peu  courbé, 
sauf  quelquefois  une  forte  échancrure  iila  base  ;  bord  externe  écliancrc,  sinueux, 
dentelé,  avec  une  dentelure  prédominante  près  du  sommet  ;  bord  interne  sensi- 
blement droit.  Ailes  inférieures  un  peu  subovales,  ayant  le  bord  interne  le  plus 
long  de  tous,  le  bord  antérieur  arrondi,  le  bord  externe  sinueux,  dentelé,  avec 
une  dent  prédominante  à  la  terminaison  de  la  troisième  nervure  médiane. 
Pattes  palatines  poilues,  à  tarses  uniarticulés  chez  les  mâles,  de  cinq  articles 
chez  les  femelles;  pattes  ambulatoires  à  longueurs  d'articles  assez  variables, 
à  tarses  épineux  de  cinq  articles.  Abdomen  robuste,  ayant  les  deux  tiers  ou  la 
moitié  de  la  longueur  du  bord  interne  des  ailes  inférieures.  —  Chenilles  cylin- 
driques, à  verticilles  de  longues  épinespoilues.  —  Chrysalides  anguleuses,  à  tète 
bifide,  avec  des  tubercules  parfois  nuancés  de  brun,  de  gris  ou  d'olivâtre,  des 
taches  dorées  ou  argentées,  parfois  toutes  dorées. 

Les  Vanesses  sont  des  Papillons  de  taille  moyenne,  à  ailes  dentelées 
sur  les  bords  externes,  habitant  les  régions  tempérées  et  subtropicales 
des  deux  continents,  avec  quelques  espèces  d'Australie  et  de  la  Nouvelle- 
Zélande.  Leurvol  est  vif  et  rapide,  maisdepeu.de  durée,  et  ils  reviennent 
fréquemment  à  l'endroit  d'où  on  les  a  fait  partir,  souvent  sur  la  même 
feuille  ou  le  même  tronc  d'arbre.  Ils  aimentle  voisinage  des  habitations, 
les  promenades,  les  jardins,  les  champs  cultivés  et  découverts,  et  ne  se 
trouvent  qu'accidentellement  dans  les  grands  bois  et  les  lieux  incultes 
et  sauvages.  Les  chenilles  des  Vanesses  vivent  sur  les  plantes  herbacées, 
surtout  les  Orties,  et  aussi  sur  des  arbres  et  des  arbrisseaux.  Elles  sont 
fréquemment  attaquées  par  des  insectes  carnassiers  entomophages,  soit 
Hyménoptères,  soit  surtout  Diptères  de  la  famille  des  Tachinaires 
(Musciens),  Mouches  qu'on  voit  fréquemment  voler  sur  les  Orties,  à  la 
recherche  des  chenilles  de  Vanesses.  Les  larves  de  Diptères  incluses 
permettent  d'ordinaire  la  nymphose,  sortent  des  chrysalides  en  soule- 
vant les  fourreaux  alaires,  d'où  l'on  voit  pendre  ensuite  des  filaments 
blancs  de  fibrine  coagulée,  et  tombent  sur  le  sol  ou  sur  l'herbe  pour 
devenir  pupes.  Les  Vanesses  d'Europe  sont  assez  variables  sous  le  rap- 
port de  leurs  éclosions.  Les  V.Polychloros,  Antiopa,  Cardui,  n'ont  qu'une 


480  LtpiDOPrÈRiiS. 

seule  génération  par  an,  en  juillet,  août  et  septembre;  V.  C  album  et 
Atalanta  ont  deux  générations,  en  mai  et  fin  d'août  ou  septembre;  les 
V.  Urticœ  et  lo  ont  plusieurs  générations  dans  l'année,  selon  la  chaleur. 
11  est  très  difficile  de  constater  les  accouplements  des  Vanesses,  comme 
aussi  des  Argynnes.  On  voit  souvent  les  Vanesses  de  deux  sexes  se  pour- 
suivre longtemps  avec  acharnement,  s'élever  ensemble  dans  les  airs, 
disparaître  au-dessus  d'un  arbre  ou  d'une  maison.  L'accouplement  ne 
dure  que  très  peu  de  temps  et  les  sujets  se  détachent  immédiatement. 
Le  D""  Boisduval  a  fait  tomber  des  sujets  accouplés  de  V.  Antiopa. 

On  a  subdivisé  le  genre  Vanessa  en  genres  dont  nous  ne  ferons  pour 
la  plupart  que  des  sous-genres.  Dans  les  Vanessa  propres,  les  ailes  sont 
en  dessous  très  différentes  de  ce  qu'elles  sont  en  dessus;  au  lieu  des 
riches  couleurs  d'un  fauve  ou  d'un  rouge  plus  ou  moins  sombre,  avec 
taches  noires,  jaunes,  bleues,  on  ne  voit  que  des  marbrures  nuageuses 
et  très  foncées,  d'un  brun  noir  ou  grisâtre,  ce  qui  doit  contribuer  à 
une  imitation  défensive,  quand  le  papillon  au  repos  tient  ses  ailes 
relevées.  La  plupart  des  sujets  de  la  tin  de  l'été,  au  moins  dans  nos 
pays,  se  retirent  pour  hiverner  dans  les  creux  d'arbres,  sous  les  écorces, 
dans  les  feuilles  sèches,  souvent  même  dans  les  granges,  les  greniers,  sous 
les  corniches  et  les  auvents  des  toitures;  aussi  leur  vie  à  l'état  adulte  est 
très  longue,  et  on  les  voit  reparaître,  avec  les  couleurs  souvent  ternies  et 
les  ailes  plus  ou  moins  usées  aux  bords,  dès  les  premiers  soleils  de 
février,  où  ils  volent  dans  les  campagnes  et  les  jardins,  alors  que  le^ 
haies  et  les  arbustes  sont  encore  privés  de  feuilles.  Ces  sujets  d'hiver 
font  souvent  croire  à  une  génération  printanière.  Ils  s'accouplent  et 
donnent  les  premières  chenilles  de  l'année.  Les  chenilles  des  vraies 
Vanesses  n'ont  pas  d'épines  sur  la  tète,  ni  sur  le  premier  segment  tho- 
racique,  qui  sont  mutiques.  Une  espèce  très  répandue,  peut-être  la 
plus  cosmopolite  de  ces  Vanesses  vraies,  est  V.  Urticœ,  Linn.,  la  petite 
Tortue  d'Engramelle,  les  ailes  d'un  fauve  vif,  avec  une  bordure  brunâtre, 
limitée  en  dedans  par  une  bande  noire  que  surmonte  une  autre  bande 
noire  contigûe,  ornée  de  lunules  bleues.  Les  ailes  supérieures  ont  une  den  t 
externe  au-dessous  de  l'angle  apical  et  six  taches  noires,  trois  à  la 
côte,  grandes  et  subrectangles,  séparées  par  des  éclaircies  jaunes  et 
suivies  à  l'angle  apical  par  une  tache  triangulaire  d'un  beau  blanc, 
trois  autres  sur  le  disque,  deux  au  milieu  circulaires  (importantes), 
et  une  quadrangle,  plus  grosse,  contre  le  bord  interne,  prolongée  exté- 
rieurement en  jaune  clair;  les  ailes  inférieures  sont  dentées  au  bord 
externe,  surtout  inférieurement,  et  leur  base  largement  noire.  Chenille 
épineuse,  noirâtre,  à  épines  noires,  avec  quatre  lignes  jaunâtres,  dont 
peux  le  long  du  dos  et  une  sur  chacun  des  côtés,  en  famille  sur  les 
Orties,  se  dispersant  souvent  après  la  première  mue.  Chrysalide  d'un 
jaune  brunâtre,  piquetée  de  points  dorés. 

Les  sujets  de  la  petite  Tortue  vivent  si  longtemps  à  l'état  adulte,  que 
les  deux  générations  de  l'année  se  rejoignent  et  qu'on  voit  voler  le  pa- 


VANESSA.  181 

pillon  pendant  dix  mois  au  moins  dans  le  Midi,  de  février  à  novembre. 
On  rencontre  cette  espèce  dans  toute  l'Europe  et  jusqu'à  une  altitude 
considérable,  ainsi  sur  les  sommets  de  la  Sierra-Nevada,  à  3600  mètres 
de  hauteur,  là  où  la  végétation  a  presque  entièrement  disparu. 
M.  J.  Falloul'a  prise  au-dessus  de  l'hospice  du  Saint-Bernard,  et  les  Orties 
cessent  de  croître  bien  au-dessous.  V.  Urficœ  est  rare  en  France 
dans  les  Charentes.  Elle  existe  aux  îles  Canaries,  et  en  Chine  aux 
environs  de  Pékin,  pareille  au  type  de  France.  On  a  signalé  beaucoup 
d'aberrations  :  ainsi  une  à  points  noirs  tous  confluents  aux  ailes  supé- 
rieures et  une  autre  à  couleur  du  fond  des  ailes  très  clair  (Depuiset); 
une  autre  entièrement  albinos,  prise  à  Bondy  en  juin  1859  par  M.  Bel- 
lier  de  la  Chaviguerie,  et  par  le  même,  éclose  d'une  chenille  des  en- 
virons de  Paris,  une  aberration  femelle  obscurcie  presque  entièreme  n 
par  une  teinte  brune,  s'étendant  comme  un  nuage  et  se  fondant  avec 
la  couleur  du  fond,  les  deux  petites  taches  noires  rondes  du  disque  des 
ailes  supérieures  ayant  disparu  presque  entièrement.  En  Corse  et  en 
Sardaigne,  la  petite  Tortue  est  remplacée  par  une  espèce  très  voisine, 
ou  plus  probablement  par  une  race  insulaire,  V.  Ichnusa,  Bonelli,  qui 
a  le  fond  d'un  fauve  rouge  beaucoup  plus  vif  et  manque  des  deux 
taclies  noires  et  circulaires  du  disque  de  l'aile  supérieure.  Rambur,  en 
élevant  en  Corse  beaucoup  de  chenilles  d'Ichnusa,  a  vu  reparaître 
parfois  les  deux  points  noirs,  peu  marqués,  dans  certains  sujets,  et,  à 
l'inverse,  ils  disparaissent  quelquefois  chez  F.  Urticœ,  en  tout  ou  en 
partie. 

Une  espèce  analogue,  aussi  commune  et  répandue  dans  toute  l'Europe, 
de  la  même  durée  d'apparition,  est  V.  Pohjchloros,  Linn.,  la  grande 
Tortue  d'Engramelle,  de  taille  bien  plus  grande,  avec  le  fond  d'un  fauve 
plus  jaune  que  rouge,  manquant  de  la  tache  blanche  aux  ailes  supé- 
rieures, ayant  sur  le  disque  de  ces  mêmes  ailes  quatre  taches  noires 
arrondies,  en  outre  des  trois  taches  noires  costales,  une  grande  tache 
noire  placée  contre  la  côte  des  ailes  inférieures,  dont  la  base  est  beau- 
coup moins  noircie.  Chenilles  d'abord  vivant  en  petites  sociétés  sous  un 
abri  soyeux,  puis  se  dispersant  en  juillet  et  septembre  sur  l'Orme, 
le  Chêne,  le  Peuplier,  l'Alisier,  le  Cerisier  et  divers  arbres  fruitiers.  Dans 
le  midi  de  la  France,  et  surtout  en  Italie,  ces  chenilles  sont  parfois  très 
nuisibles  aux  Ormes.  La  chenille  est  bleuâtre  ou  brunâtre,  avec  une 
ligne  latérale  orangée,  les  épines  un  peu  branchues  et  jaunâtres;  chry- 
salide incarnate,  avec  des  taches  dorées  près  du  cou.  On  a  signalé  di- 
verses aberrations  de  V.  Polychloros  :  ainsi  Cramer  figure  {Papillons  exo- 
tiques, t.  IV,  p.  80,  pi,  330),  sous  le  nom  de  Pyromelas,  une  variété  prise 
en  Sibérie  et  où  les  taches  noires  des  ailes  sont  maculées  de  blanc;  en 
outre  des  taches  blanches  peu  arrêtées  en  dessous  et  des  points  noirs 
œillés,  et  les  lunules  bleues  manquant  à  la  bordure  du  dessus  des  ailes 
inférieures.  Dans  V Encyclopédie,  Godart  indique  trois  variétés  de  V.  Poly- 
chloros, à  savoir  p  et  y  ressemblant  à  Pyromelas,  et  a  ou  Testudo  d'Esper, 


182  LÉPIDOPTÈRES. 

différant  de  Polychloros  en  ce  que  les  deuxième  et  troisième  taches  noires 
costales  sont  réunies  en  une  seule  grande  tache  noire;  que  le  disque  ne 
porte  que  deux  points  noirs  presque  réunis  en  une  bande  parallèle  au 
bord  interne;  les  ailes  inférieures  avec  le  fond  entièrement  d'un  brun 
noir  et  une  seule  bande  fauve  séparée  par  les  nervures,  le  dessous  plus 
foncé  et  sans  point  blanc  central.  Engramelle  a  figuré  une  aberration 
décrite  par  Esper,  sous  le  nom  de  Pyrrhomeleuca,  et  retrouvée  par  Du- 
ponchel,  où  les  taches  du  milieu  des  ailes  supérieures  sont  réunies. 
V.  Polychloros,  de  môme  que  V.  Urticœ,  fait  partie  de  la  faune  bri- 
tannique. 

Une  espèce  voisine  est  V.  Xanthomelas,  Esper,  offrant  quelques  diffé- 
rences d'avec  Polychloros  dans  les  taches,  ayant  la  bordure  terminale 
des  quatre  ailes  plus  large  et  plus  noire  et  les  lunules  marginales  plu- 
tôt violettes  que  bleues;  de  diverses  régions  de  l'Allemagne,  ainsi  près 
de  Francfort,  en  Autriche  et  en  Hongrie,  en  Alsace,  près  de  Strasbourg, 
mais  rare.  Se  trouve  en  juillet,  et  sa  chenille  en  sociétés,  en  juin  et 
juillet,  sur  diverses  espèces  de  Saules.  Au  Japon  existent,  très  agrandies 
en  taille,  les  V.  Xanthomelas  et  Polychloros,  la  seconde  double  de  la 
nôtre:  les  Vanesses  et  les  Argynnes  d'Europe  acquièrent  au  Japon  une 
taille  considérable,  et  leurs  dessins  s'amplifient,  sans  modifications,  en 
restant  dans  le  même  rapport. 

Une  autre  Vanesse  commune  et  qui  est  le  plus  beau  de  nos  papillons 
diurnes,  est  V.  lo,  Linn.,  le  Paon  de  jour  de  Geoffroy  et  Engramelle, 
l'OEil  de  paon,  the  Peacock  des  Anglais,  Oculus  pavoninus  major  de  Seba, 
volant  en  avril  et  mai,  puis  en  août,  et  hivernant,  du  bord  des  bois,  des 
champs  de  Luzerne,  des  jardins;  se  laissant  aisément  prendre,  car  il  se 
pose  volontiers  sur  les  fleurs  et  sur  le  sol  des  routes.  On  reconnaît  tout 
de  suite  ce  beau  Papillon  aux  quatre  grandes  taches  oculaires  qui,  sur 
un  fond  pourpré  sombre,  se  trouvent  vers  les  sommets  des  quatre  ailes, 
avec  un  centre  noir,  bordé  d'un  superbe  anneau  du  bleu  violacé  le  plus 
riche,  et  en  outre  deux  petites  taches  d'un  bleu  violet,  sous  l'ocelle, 
aux  ailes  supérieures.  Chenille  vivant  en  sociétés  sur  plusieurs  espèces 
d'Orties  et  sur  le  Houblon,  d'un  noir  luisant,  avec  les  épines  simples  et 
noires,  les  pattes  membraneuses  ferrugineuses,  les  anneaux  couverts  de 
points  d'un  blanc  vif,  disposés  par  lignes  transverses,  qui  l'ont  fait 
nommer  chenille  à  bandes  de  perles.  Chrysalide  d'abord  verdtltre,  puis 
brunâtre,  avec  des  taches  dorées.  On  signale  plusieurs  aberrations  de 
V.  lo:  ainsi  loides,  Ochs.,  pareil  au  type,  mais  de  taille  moitié  plus  petite, 
avec  les  ailes  inférieures  bien  moins  dentelées  sur  les  bords,  variété 
naine  décrite  d'abord,  avec  sa  chenille,  sous  le  nom  à.' Oculus  pavonimis 
minor,  dans  la  compilation  confuse  de  Seba(l).  Une  autre  aberration, 
extrêmement  rare,  est  celle  dans  laquelle  les  ailes  sont  privées  d'yeux. 

(1)  A.  de  Seba,  Locupletissimi rerum  naturalium  thesauri,  Amsterdam,  1765, 
t.  IV,p.5,  pl.l,fig.  B(l,2,  3). 


VANESSA.  183 

Enfin,  sous  le  nom  de  ab  :  Schreinen,le  Catal.  des  Lépidoptères  d'Alsace 
cite  une  aberration  consistant  en  un  changement  complet  de  la  couleur 
rouge;ltrc  du  fond  des  quatre  ailes  en  une  couleur  café  au  lait:  plusieurs 
exemplaires  se  trouvaient  dans  l'éducation  d'une  même  ponte  faite  à 
Ribeauvillé  par  le  D^'Schreiner. 

Une  espèce  presque  aussi  belle,  dans  les  Vanesses  vraies,  est  V.  Antiopa, 
Linn.,  le  Morio  d'Engramelle,  la  plus  grande  de  nos  Vanesses,  d'un 
riche  pourpre  sombre,  avec  une  large  bordure  d'un  beau  jaune,  chargée 
de  très  petits  points  noirs,  entourée  intérieurement  d'une  bande  de 
taches  bleues.  Dans  l'aberration //j/z/icea,  Heydenreich,  Catal.  et  Freyer, 
la  bande  jaune  est  très  large  et  les  points  bleus  disparaissent  aux  ailes 
supérieures  et  se  réduisent  de  trois  à  six  petites  taches  aux  inférieures. 
Chenille  noire,  chargée  d'épines  simples,  avec  des  taches  dorsales  et  les 
huit  pattes  intermédiaires  rouges,  en  sociétés  en  juin  et  juillet  sur  les 
Saules,  le  Peupher,  le  Tremble,  le  Bouleau,  l'Orme,  se  tenant  à  la  cime 
de  ces  arbres  jusqu'à  la  nymphose.  Chrysalide  noirâtre,  saupoudrée  de 
bleuâtre  avec  des  points  ferrugineux.  Le  papillon  se  trouve  à  la  fin  de 
juillet,  en  août  et  septembre,  dans  les  prairies  voisines  et  surtout  sur 
les  routes  des  bois,  se  posant  volontiers  sur  les  plaies  d'arbres  qui  suin- 
tent; il  vole  avec  rapidité,  est  farouche,  difficile  à  prendre  et  s'écartant 
souvent  au  loin.  On  le  trouve  dans  toute  l'Europe  et  l'Asie  Mineure,  aux 
États-Unis,  en  Californie,  au  Guatemala,  au  Mexique.  Les  individus  du 
Mexique  ont  toujours  la  bordure  jaune  très  couverte  d'atomes  noirs, 
caractère  de  variété  locale.  Cette  Vanesse  est  notablement  plus  rare  en 
France  que  les  autres  Vanesses,  et  se  trouve  dans  tous  les  environs  de 
Paris,  rare  dans  le  nord  de  la  France  (département  de  la  Somme,  duché 
du  Luxembourg),  extrêmement  rare  en  Angleterre,  d'un  type  plus  petit, 
et  très  recherchée  des  amateurs  de  ce  pays,  leur  ihe  Camberwell  Beauty. 
Elle  est  fréquente  à  la  Grande  Chartreuse,  àZermatt,  dans  le  haut  Valais, 
et  surtout  à  Chamounix  (J.  Fallou)  ;  se  rencontre  en  grand  nombre  près 
de  Bordeaux.  Beaucoup  de  sujets  de  cette  belle  espèce  figuraient  dans 
la  collection  Auguste,  de  Bordeaux  ;  les  deux  variétés  extrêmes  étaient, 
l'une  à  bordure  jaune  presque  disparue  sous  les  atomes  noirs  et  tendant 
à  se  confondre  avec  le  fond;  l'autre,  au  contraire,  à  bordure  d'un  jaune 
éclatant,  très  large  et  à  peine  pointillée  d'atomes  noirs.  Les  sujets  du 
Morio  qu'on  voit  reparaître  au  début  du  printemps,  et  qui  ont  passé 
l'hiver  dans  des  abris,  ont  la  bordure  jaune  des  ailes  devenue  blanche 
par  l'humidité  et  le  velouté  du  fond  terni  ;  on  en  avait  fait  autrefois 
une  espèce  sous  le  nom  de  Morio  à  bordure  blanche.  On  doit  citer,  dans 
les  Vanessa  exotiques  vraies  voisines  des  nôtres,  V.  californica,  de  Cali- 
fornie, voisine  deV.Xanthomelas,etV.  casc/iemî>ensw,  du  nord  de  l'Inde, 
se  rapprochant  de  V.  Polychloros,  et  plus  encore  de  V.  Urticœ. 

Un  sous-genre  de  Vanesses,  Pyrameis,  Doubleday,  a  été  établi  pour 
des  espèces  dont  les  ailes  sont  ornées  de  bandes  ou  de  taches  d'une 
éclatante  couleur  de  feu,  et  dont  le  dessous  des  ailes  offre  un  dessin 


IS/i  LÉPIDOPTÈRES. 

plus  OU  moins  analogue  au-dessus,  mais  à  vives  couleurs,  au  lieu  du 
fond  obscur  en  dessous  des  Vanessa  propres.  Les  clienilles  et  chrysa_ 
lides  des  Pyrameis  ont  les  mêmes  caractères  que  celles  des  Vanessa.  Le 
P.  Atalanta,  Linn.,  le  l'uL^am  d'Engramelle,  que  les  Anglais  appellent 
the  Red  Admirai,  doit  son  nom  à  la  large  bande  d'un  rouge  vif  que  tra- 
verse le  fond  noir  de  ses  ailes  supérieures;  il  y  a  des  taches  blanches  à 
leur  sommet,  et  les  ailes  inférieures  sont  bordées  d'un  rouge  plus  jau- 
nâtre, avec  des  traits  noirs.  De  toute  l'Europe,  commun  surtout  à  la  fin 
de  l'été,  facile  à  capturer,  car,  si  on  l'a  manqué,  il  revient  presque  tou- 
jours se  poser  à  la  même  place.  Aussi  d'Algérie,  d'Egypte,  d'Asie  Mi- 
neure, des  États-Unis,  de  Californie,  du  Mexique,  des  îles  Canaries.  J'ai 
fait  connaître,  sous  le  nom  de  parisiensis  (1),  une  belle  aberration 
offrant  les  sommets  des  ailes  supérieures  rougeâtres,  obtenue  d'une 
chenille  élevée  à  Paris  par  un  amateur,  M.  Billard,  et  actuellement 
dans  la  collection  de  M.  A.  Clément  :  au  lieu  du  fond  d'un  noir  de 
velours  du  type,  se  remarque  au  sommet  une  large  partie  d'un  fauve 
ardent,  avec  un  trait  noir  contre  le  bord  externe,  puis  l'espace  fauve 
se  mêle  peu  à  peu  avec  le  noir  du  type,  et  il  y  a  un  trait  rectangu- 
laire, grisâtre  et  vitreux,  portion  alaire  dépourvue  de  pigment.  Au  dire 
de  Bruand  dVzelle  (Ann.  Soc.  entom.  Fr.,18[xk,  t.  II,  Bull.,  t.  V),  à  Locle, 
frontière  de  Suisse,  ont  été  pris  en  quinze  ans  trois  exemplaires  pareils 
d'un  remarquable  hybride  tenant  à  la  fois  de  Vanessa  Urticœ  et  de 
Pyramis  Atalanta;  peut-être  a-t-on  eu  aflaire  à  une  aberration.  Les 
écailles  des  ailes  du  P.  Atalanta,  mesurées  au  batoréomètre  électrique 
de  M.  l'abbé  Julien  Giordano  (2)  (c'est  un  sphéromètre  perfectionné),  ont 
0'""',007  d'épaisseur.  Cramer  figure,  comme  de  la  Chine  {Pap.  exot.,  1. 1, 
p.  132,  pi.  cLxxxiv),  un  Vulcain  qui  ressemble  beaucoup  à  celui  d'Eu- 
rope, et  qui  me  paraît  le  môme,  avec  quelques  différences  dans  la  po- 
sition de  la  bande  rouge  des  ailes  supérieures,  qui  est  plus  large  ; 
la  bande  rouge  des  ailes  supérieures  est  assez  souvent  sans  aucun  point 
blanc;  en  général  il  y  en  a  un  vers  le  milieu,  très  rarement  doublé 
d'un  second;  enfin  parfois  est  un  autre  point  blanc  près  de  la  côte  et 
de  la  nervure  sous-costale  orangée.  M.  Millière  a  une  aberration  de 
P.  Atalanta  qui  offre  une  sorte  d'atrophie  albine,  les  bandes  rouges 
des  deux  ailes  étant  remplacées  par  du  blanc  vitré.  Chenille  vivant 
solitaire  sur  les  Orties,  et  aussi  dans  le  Midi,  sur  la  Pariétaire  (de 
Graslin),  et  s'entourant  d'un  abri  de  feuilles  enlacées  par  des  fils 
de  soie  ,  épineuse,  tantôt  verdàtre,  tantôt  noirâtre,  avec  une  ligne  de 
taches  d'un  jaune-citron  sur  chacun  des  côtés.  Chrysalide  grisâtre 
ou  noirâtre,  avec  des  points  dorés.  P.  Cardui,  Linn.,  la  Belle-Dame 
d'Engramelle,  connue  des  Anglais  sous  le  nom  de  the  Painted  Lady, 

(1)  Les  Mondes,  numéro  du  8  octobre  d863. 

(2)  Maurice  Girard,  Note  sur  une  aberration    de  Pyrameis  Atalanta,   Linn, 
{Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1866,  t.  VL  p.  5C8). 


VANESSA.  185 

ayant  ea  dessus  les  ailes  supérieures  h  sommet  noir  avec  des  taches 
blanches,  le  reste  d'un  fauve  rouge  avec  du  rouge  vif  entourant  un 
point  noir  contre  la  côte  et  diverses  taches  noires  ;  les  ailes  inférieures 
d'un  fauve  rouge,  bordées  de  cinq  taches  noires  rondes;  les  ailes  en 
dessous  marbrées  de  noir,  de  blanc,  de  jaune  griscltre,  avec  cinq  ocelles 
au  bord  des  inférieures,  dont  deux  plus  gros;  les  cinq  ocelles  à  centre 
noir,  bordé  de  jaune,  le  contour  externe  noir.  Espèce  répandue  dans 
toute  l'Europe  eu  mai,  puis  en  juillet,  août,  septembre,  se  posant  fré- 
quemment sur  le  sol  et  volant  même  par  les  mauvais  temps,  dans  les 
champs  et  dans  les  lieux  arides  couverts  de  Chardons.  Son  essor  est 
brusque  et  impétueux,  mais,  après  avoir  tournoyé  vivement  à  distance, 
la  Belle-Dame  revient  se  posera  la  même  place.  C'est  un  Papillon  d'al- 
lure étrange,  d'humeur  querelleuse,  pourchassant  tous  les  papillons 
qui  surviennent  dans  son  voisinage,  et  volant  très  tard  le  soir,  même 
après  le  soleil  couché,  au  milieu  des  Noctuelles  et  des  Phalènes.  Che- 
nille épineuse,  brunâtre  ou  grise,  avec  des  lignes  jaunes,  latérales, 
interrompues.  Chrysalide  grisâtre,  avec  des  points  dorés,  parfois  si 
nombreux  et  si  serrés,  qu'elle  semble  revêtue  d'une  robe  d'or.  La  che- 
nille vit  isolée  sur  différentes  espèces  de  Chardons,  sur  l'Artichaut,  plus 
rarement  sur  la  Millefeuille,  l'Ortie,  la  petite  Mauve,  se  tenant  à 
l'embranchement  des  tiges  dans  un  réseau  de  soie,  qui  ressemble  à  un 
nid  d'Araignée,  et  d'où  elle  sort,  à  demi  seulement,  pour  ronger  le 
parenchyme  des  feuilles. 

Rambur  a  fait  connaître  sous  le  nom  à'Elymi  {A7i7i.  des  sciences  d'ob- 
servation, 1829,  t.  lî,  p.  256,  pi.  v)  une  rare  variété  de  P.  Cardui,  qui 
semble  localisée  dans  le  Midi,  aux  environs  de  Montpellier.  Les  ailes 
supérieures  n'ont  qu'une  seule  séi'ie  de  taches  blanches  en  dessus,  et 
sonten\ahies  par  une  couleur  noire  qui  règne  tout  le  long  du  bord 
antérieur,  prédomine  à  l'angle  apical,  où  elle  se  trouve  recouverte  par 
une  seule  rangée  de  six  macules  blanches,  les  deux  inférieures  beau- 
coup plus  fortes,  et  descend  jusqu'à  l'angle  inférieur  de  l'aile,  le  long 
de  la  bordure.  Les  ailes  inférieures  sont  aussi  largement  imprégnées 
de  noir  à  la  base  et  au  bord  antérieur;  les  cinq  taches  noires,  à  peu 
près  égales  en  dessus,  ont  une  prunelle  fauve  qui  manque  dans  le  type; 
en  dessous  elles  sont  très-inégales,  la  seconde  et  la  troisième  étant 
presque  effacées.  En  outre,  la  surface  inférieure  des  ailes  postérieures 
est  beaucoup  moins  marbrée  que  dans  le  type. 

11  y  a  des  années  où  la  Vanesse  Belle-Dame  est  extrêmement  com- 
mune, se  rencontre  ;i  chaque  pas;  puis  elle  devient  assez  rare  pendant 
plusieurs  années.  C'est  en  effet  un  Papillon  voyageur  et  dont  la  race' 
se  renouvelle  par  des  émigrations.  A  Hyères,  dans  certaines  années,  les 
Artichauts  (Carduacées)  sont  ravagés  et  détruits  par  la  chenille  de 
P.  Cardui;  l'opinion  des  gens  du  pays  est  que  cet  insecte  fait  des  migra- 
tions et  vient  d'Afrique,  aidé  par  le  vent.  On  a  plusieurs  l'ois  observé  en 
mer  des  légions  de  ces  Papillons,  si  communs  en  Algérie.  En  1879,  tout 


186  LÉPIDOPTÈRES. 

particulièrement,  l'Europe  occidentale  a  été  le  théâtre  d'une  immense 
migration  de  cette  espèce.  Les  Vanesses  d'Afrique  ont  été  amenées  par 
le  siroco  en  Sicile  et  dans  le  midi  de  l'Italie  et  de  l'Espagne,  dès  la  fin 
d'avril;  leur  passage  en  France  a  duré  tout  le  mois  de  juin.  Parfois 
elles  étaient  en  troupes  serrées.  Ainsi  à  la  gare  de  Montélimar  (Drôme), 
où  elles  couvraient  de  vastes  espaces;  à  Angers  (11  juin  1879),  où  elles 
remplissaient  certaines  rues,  au  point  de  forcer  les  passants  à  se  ranger 
contre  les  murs.  Le  plus  souvent  le  passage  avait  lieu  par  individus 
isolés,  la  plupart  à  ailes  éraillées  et  plus  ou  moins  dénudées,  volant  en  gé- 
néral vers  le  nord,  très  souvent  contre  le  vent,  contournant,  en  s'élevant 
plus  haut,  les  obstacles  qui  s'offraient  à  eux.  arbres,  maisons,  murs,  etc. 
Pendant  toute  la  journée  du  15  juin  1879,  avec  mon  collègue  et  ami 
M.  Poujade,  j'observai  un  de  ces  passages  par  sujets  isolés,  près  de 
Paris,  dans  les  prairies  et  landes  de  Champigny  et  la  Varenne  Saint- 
Maur.  Les  P.  Cardui  atteignaient  les  côtes  normandes,  puis  le  nord  de 
la  France,  dans  la  seconde  quinzaine  de  juin,  et  les  environs  de  Londres 
à  la  fin  de  ce  mois.  Dès  la  fin  de  juillet,  les  chrysalides  dorées  de  cette 
espèce  se  trouvaient  en  nombre  énorme  partout,  provenant  de  la  ponte 
des  Papillons  émigrants.  En  août,  une  quantité  considérable  de  P.  Car- 
dui venant  d'éclore  couvrait  les  champs  et  les  routes.  La  Normandie,  où 
l'espèce  est  souvent  assez  rare,  en  était  remplie,  et  çà  et  là  quelques 
sujets  à  ailes  presque  diaphanes,  les  derniers  survivants  de-  l'émigra- 
tion. Au  pied  des  dunes  normandes  des  environs  de  Caen,  c'est  par 
milliers  qu'on  voyait  voler  ces  Papillons,  arrêtés  par  la  mer,  butinant 
par  quinze  à  vingt  à  la  fois  sur  les  fleurs  de  chaque  touife  de  la  Cruci- 
fère des  sables,  le  Kakile  maritima,  Linn.  En  septembre,  la  plupart 
avaient  disparu.  En  raison  de  cette  abondance  insolite  de  P.  Cardui 
sortis  de  chrysalide  au  commencement  d'août,  on  voit  qu'on  peut 
fixer  avec  certitude  la  durée  de  l'existence  de  cette  espèce  à  l'état 
adulte  cà  cinq  ou  six  semaines.  J'ai  publié  un  résumé  du  passage  de 
1879  en  France,  sous  le  titre  :  Migrations  de  Papillons,  dans  le  Bulletin 
d'insectologie  agricole,  n"  7,  juillet  1879  (1);  il  est  probable  que  l'espèce 
sera  revenue  en  1880  à  ses  proportions  normales.  Ce  sont  ces  migra- 
tions qui  ont  répandu  l'espèce  sur  une  partie  considérable  de  la  terre, 
ainsi  toute  l'Europe,  le  nord  de  l'Afrique,  l'Abyssinie,  l'Asie  Mineure,  la 
Chine,  l'Afrique  australe,  les  îles  Canaries  et  de  Sainte-Hélène,  les  États- 
Lnis,  la  Californie,  où  P.  Cardui  est  toutefois  bien  moins  commun 
qu'en  Europe,  le  Mexique,  toute  la  partie  nord  de  l'Amérique  méridio- 
nale jusqu'aux  latitudes  des  Guyanes.  M.  S.  H.  Scudder  a  donné  une 

(1)  Les  Papillons  migrateurs  ne  se  bornent  pas  au  P.  Cardui.  Ainsi,  au 
Mexique,  en  région  tempérée,  par  1400  mètres  d'altitude,  M.  Bocourt  a  rencontré 
enjuilletunRhopalocère,  VItuna  eubœa,  Boisd.,  envoie  d'émigration.  Cette  espèce 
voyage,  pendant  huit  jours  environ ,  de  l'ouest  à  l'est,  non  en  troupe,  mais  par 
individus  séparés. 


VANESSA.  187 

histoire  très  complète  de  ce  Papillon  et  de  ses  voyages,  sous  ce  titre  : 
A  Cosmopolitan  Butterfly  (American  Nattiralist,  1876,  t.  X,  p.  392-396  et 
602-611).  M.  S.  Scudder  est  porté  à  admettre  que  la  patrie  première  de 
cette  espèce  est  l'Amérique. 

En  Australie,  cette  espèce  est  remplacée  par  une  autre,  très  voisine, 
qui  avait  été  confondue  avec  elle,  le  P.  antarctica,  où  les  ocelles  de 
dessus  de  l'aile  inférieure  sont  à  milieu  bleu  et  non  noir,  comme  chez 
P,  CarduL  Une  espèce  moins  rapprochée,  répandue  dans  les  États-Unis, 
la  Californie,  où  elle  est  plus  commune  que  P.  Cardui,  le  Guatemala,  le 
Mexique,  les  Guyanes,  le  Brésil,  et  aussi  à  Cusco  (Chili)  et  aux  îles  Ca- 
naries, probablement  par  suite  d'importation,  est  le  P.  Huntera,  Fabr., 
dont  la  chenille,  d'après  Abbot,  est  brunâtre,  avec  les  incisions  et  une 
ligne  latérale  jaunes,  et  en  outre,  le  long  du  dos,  deux  lignes  formées 
par  des  points  alternativement  blancs  et  rouges;  la  tête  est  noire  et  les 
épines  de  la  couleur  du  fond.  Rlle  vit  sur  les  Gnafhalium,  et  la  chrysa- 
lide, dont  l'adulte  sort  au  bout  d'une  quinzaine  de  jours,  est  jaunâtre, 
avec  des  mouchetures  noirâtres.  Signalons  encore  P.  Callirhoe,  de  Chine, 
de  TénérifTe,  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  ;  P.  Carye,  du  Chili,  où 
l'espèce  remplace  P.  Cardui,  et  remonte  en  outre  en  Californie  ;  P.  Sy- 
nantherœ,  du  Brésil;  P.  Dejeani,  Godart,  de  Java,  où  le  rouge  de  P.  Ata- 
lanta  est  remplacé  par  du  blanc. 

Un  dernier  sous-genre  de  Vanessaest  celui  des  Grapta,  Kirby.  Ce  sous- 
genre  tire  son  nom  des  macules  d'un  blanc  argenté  ou  dorées,  en  forme 
de  lettres,  qu'on  trouve  vers  le  milieu  du  dessous  des  ailes  inférieures; 
les  dessous  des  ailes  sont  assombris,  moirés  et  nébuleux  ;  les  ailes  supé- 
rieures sont  subtriangulaires,  le  bord  antérieur  très  échancré  à  la  base, 
puis  droit,  le  sommet  tronqué,  le  bord  externe  très  échancré  en  demi- 
cercle,  le  bord  interne. fortement  échancré;  les  ailes  inférieures  sont 
dentées,  à  bord  antérieur  sinueux,  échancré,  le  bord  externe  avec  pro- 
longement subcaudiforme,  l'angle  anal  saillant.  L'abdomen,  plus  court 
en  longueur  que  les  ailes  inférieures,  est  subconique.  Les  chenilles  sont 
cylindroïdes,  ayant  sur  la  tête  deux  épines  larges  à  la  base,  un  peu  plus 
courtes  que  celles  du  corps,  les  segments  thoraciques  et  abdominaux 
munisd'épinespoiluesetverticillées.  Dans  toutela  France,  rencontré  aussi 
en  Algérie  près  de  Laghouat,  commun  sur  les  routes,  dans  les  bois,  les 
jardins,  ayant  deux  générations,  en  mai,  puisfin juillet,  aoûtetseptembre, 
il  faut  citer  le  G.  C  album,  Lian.,  le  Robert  le  Diable  de  Geoffroy,  le 
Gamma,  de  35  millimètres  d'envergure,  ayant  les  ailes  profondément 
dentées  et  anguleuses,  d'un  fauve  vif,  avec  une  bordure  antémarginale 
d'un  brun  roux,  surmontée  de  taches  plus  claires  que  le  fond,  les  ailes 
supérieures  avec  des  taches  noires,  dont  celle  du  bout  de  la  cellule 
discoïdale  large  et  rectangulaire  ;  les  ailes  inférieures  ayant  diverses 
taches  noires  irrégulières  sur  le  disque  et  une  costale,  ordinairement 
plus  grande;  le  dessous  des  quatre  ailes  très  variable,  le  fond  variant 
d'un  jaune  ochracé  terne  à  une  couleur  presque  noire,  avec  des  mar- 


188  LÉPinOPTËRES. 

brures  de  brun  foncé  et  de  verdAtre,  et  un  signe  blanc,  brillant, 
en  figure  de  C,  au  bout  de  la  cellule  discoïdale.  Ordinairement  les 
sujets  de  la  seconde  génération  ont  le  ton  plus  foncé  que  ceux  de  la 
première;  j'ai  trouvé  des  femelles  à  taches  jaunes  tout  aussi  nettes 
que  chez  les  mâles.  M.  Depuiset  a  eu  une  abberration,.  prise  près  de 
Paris,  où  toutes  les  taches  noires  des  deux  paires  d'ailes  agrandies 
confluaient  en  une  seule,  au  milieu  de  chaque  aile.  Chenille  épi- 
neuse, d'un  brun  rougeâtre,  avec  une  bande  blanche  dorsale,  ne  cou- 
vrant pas  les  quatre  anneaux  antérieurs,  lesquels  sont  parfois  d'une 
teinte  jaunâtre,  la  tôte  en  forme  de  cœur,  surmontée  de  deux  tubercules 
poilus  assez  semblables  à  des  oreilles  de  chat.  Réaumur  donne  à  cette 
chenille  le  nom  de  bedaude,  à  cause  de  son  habillement  de  deux  couleurs, 
comme  les  robes  des  anciens  bedauds  des  églises.  lille  est  assez  difficile 
à  trouver,  quoique  commune  en  juin  et  juillet,  vivant  solitaire  sur 
l'Orme,  le  Houblon,  l'Ortie,  le  Groseillier,  le  Prunellier,  le  Chèvrefeuille, 
le  Noisetier.  Chrysalide  comprimée  dans  son  milieu,  ordinairement 
incarnate  avec  des  points  dorés.  G.  Egea,  Cramer  (syn.  Triangtilum, 
Fabr.,  L.  album,  Godart),  décrit  par  Cramer  comme  de  Constantinople  et 
deSmyrne,  espèce  analogue  à  la  précédente,  avec  signe  argenté  enferme 
de  lettre  L,  du  midi  de  la  F-rance,  Hérault,  Var,  Alpes-Maritimes,  dans 
les  jardins  et  le  long  des  haies  en  juin  et  septembre,  d'Algérie,  des  îles 
Canaries.  Citons  encore  G.  C  aureum,  Linn.,  de  Chine,  voisin  de  notre 
Gamma;  G,  intcrrogationis,  du  Canada,  de  New- York,  d'un  type  ana- 
logue ;  G.  Progne,  Cramer,  de  tous  les  États-Unis,  de  Californie,  de  la 
Jamaïque;  G.  G  argenteum,  Doubleday,  du  Mexique. 

Le  genre  Kanes.sa  était  autrefois  plus  étendu  qu'aujourd'hui  ;  plusieurs 
genres  en  ont  été  détachés  pour  des  espèces  exotiques,  principalement 
par  Doubleday  :  ainsi  les  genres  Laogoma,  Eurema,  Junonia,  Anartia. 
Nous  citerons,  dans  ce  dernier  genre:  A.  Jatrophœ,  Linn.,  espèce  munie 
d'une  nervure  subcostale,  du  Brésil  et  de  la  Guyane,  très  commune  à 
Cayenne,  où  elle  vole  aux  environs  des  habitations  et  dans  les  rues,  sa 
chenille  vivant  sur  le  Médicinier  (Jatropha)  ;  et  A.  Amalthea,  Linn.,  man- 
quant de  nervure  subcostale,  du  Mexique,  du  'V^enezuela,  du  Brésil,  de 
la  Guyane,  se  trouvant  près  de  Cayenne,  seulement  dans  les  lieux  maréca- 
geux, ayant  une  chenille  analogue  à  celle  de  Vanessa  Urticœ,  et  la  sortie 
du  papillon  hors  de  la  chrysalide  ayant  lieu  au  bout  de  sept  jours. 

Il  est  assez  difficile,  pour  certaines  Vanesses,  de  savoir  si  leur  appa- 
rition au  printemps  résulte  d'une  éclosion  ou  d'une  hibernation  ;  pour 
quelques  espèces  les  deux  faits  doivent  concourir.  Sont  hivernants  les 
V.  Urticœ,  Polijchloros,  lo,  Antiopa;  d'après  le  catalogue  de  M.  Maurice 
Sand  il  faut  également  ranger  dans  les  hivernants  P.  Cardui  ei  Ata- 
lanta  et  G.  C  album. 

NVMPHALIUES. 
Tête  en  général  plus  étroite  que  le  corselet;  antennes  très  rappro- 


C.VLl.lTH.T.A,  NYMPIIALIS.  189 

chées  à  leur  base,  insensiblement  terminées  en  massue  plus  ou  moins 
allongée.  Palpes  ordinairement  longs.  Ailes  inférieures  à  cellule  dis- 
coïdale  ouverte  et  abord  interne  plus  ou  moins  creusé  en  gouttière. 
Quatre  pattes  ambulatoires  seulement  dans  les  deux  sexes,  avec  les 
tarses  à  crochets  ordinairement  simples.  —  Chenilles  cylindroïdes,  à  peau 
chagrinée,  tantôt  avec  des  épiues  poilues  ou  avec  des  tubercules  épineux 
sur  le  dos,  tantôt  avec  la  tête  épineuse  seulement.  —  Chrysalides  angu- 
leuses, souvent  carénées  ou  bossues  par  une  protubérance  dorsale 
déprimée  latéralement,  certaines  avec  des  taches  métalliques,  ou  offrant 
l'abdomen  épineux.  — A  consulter  pour  cette  Camille  :  J.Osborne,  On  the 
Puf)ation  of  the  NijmphaUdœ  [the  Eatomol.  monthlij  Magazine,  XV,  59). 

Les  Nymphalides  consliluent  une  famille  très  nombreuse  en  espèces; 
aussi  l'ancien  genre  Nymphalis  n'a  plus  qu'une  signilication  très  incer- 
taine, car  il  a  été  subdivisé  en  beaucoup  d'autres  genres.  La  famille 
renferme  des  espèces  de  grande  taille,  et  des  espèces  de  parure  fréquem- 
ment très  brillante,  souvent  avec  des  éclats  métalliques.  Elles  sont 
réparties  dans  toutes  les  régions  de  la  terre,  mais  en  plus  grande  quan- 
tité dans  les  pays  chauds.  Nous  ne  prendrons  qu'un  petit -nombre  de 
genres,  surtout  ceux  qui  intéressent  la  faune  européenne. 

Ctiii.B'i'il.KA,  Weslvvoocl.  —  Antennes  grêles,  terminées  par  une  massue  de 
cinq  articles,  courte,  large  et  en  cuiller.  Ailes  grandes  et  arrondies,  les  supé- 
rieures subovoïdes  et  sublriangulaires,  le  bord  antérieur  arqué,  l'externe  arrondi, 
l'interne  un  peu  écliancré,  les  inférieures  sublriangulaires,  à  bord  externe  entier 
et  très  arrondi,  le  bord  anal  canaliculé.  Pattes  de  la  première  paire  grêles  et 
poilues  chez  le  mâle,  écailleuses  et  un  peu  plus  courtes  chez  la  femelle;  celles 
des  paires  2  et  3  robustes,  assez  courtes,  avec  les  tarses  épineux.  Abdomen 
robuste  et  assez  grand.  —  Chenilles  et  chrysalides  inconnues. 

Ce  genre  renferme  deux  espèces  américaines.  L'une  est  C.Sapphim, 
Hiibner  (pi.  Lxxxi,fîg.  1;  1  a,  profil  en  dessous),  avec  un  riche  mélange 
de  jaune  orangé,  de  bleu  vif  et  de  vert  d'eau,  sur  un  fond  d'un  brun 
violacé,  de  la  Guyane  et  du  nord  du  Brésil  intérieur  (Fernambouc).  C'est 
l'ancienne  Vanessa  Callithœa,  Godart,  espèce  qui  n'a  pas  aux  ailes  le 
contour  dentelé  des  Vanessa  actuelles.  L'autre  espèce  est  C.  Lepricuri, 
Feisthamel,  des  bords  de  l'Amazone. 

lWl»ia>ia.%lil^,  Godart,  Boisduval  (syn.  Limenitis,  Fabr*.).  —  Tête  munie  d'une 
touffe  de  poils  à  la  base  de  chaque  antenne;  antennes  droites  à  peu  près  de  la 
longueur  du  corps,  à  massue  peu  renflée  et  se  confondant  insensiblement  avec  la 
tige.  Palpes  velus,  écartés  et  divergents  au  sommet,  avec  leur  dernier  article 
court,  nu  et  assez  aigu.  Thorax  ovale  et  poilu.  Toutes  les  ailes  légèrement  sinuées 
et  dentelées,  à  fond  brun  ou  noir,  avec  des  bandes  et  des  taches  blanches  en 
dessus;  les  supérieures  allongées  et  subtriangulaires,  avec  l'angle  apical  arrondi; 
les  inférieures  subtriangulaircs,  avec  le  bord  externe  arrondi  et  festonné.  Pattes 


190  LÉPIDOPTÈRES. 

de  la  première  paire  du  mâle  petites,  poilues,  à  tarses  courts;  celles  de  la  femelle 
écailleuses  et  moins  poilues,  à  tarses  de  cinq  articles  ;  pattes  des  paires  2  et  3 
robustes  et  écailleuses,  à  jambes  et  tarses  épineux.  Abdomen  grêle  et  assez 
long.  —  Chenilles  subcylindriques,  ayant  la  tête  cordiforme  et  le  corps  garni 
d'épines  rameuses  ou  de  tubercules  épineux  de  diverses  grandeurs,  mais  généra- 
lement assez  courts.  —  Chrysalides  anguleuses,  auriculées  antérieurement,  et 
portant  une  protubérance  très  prononcée  et  comprimée  latéralement,  ordinaire- 
ment ornées  de  taches  métalliques. 

Nous  possédons  en  France  trois  espèces  de  Nymphales,  dont  le  dessous 
des  ailes  est  paré  de  vives  couleurs;  leurs  chenilles  habitent  les  arbres 
et  les  arbustes.  On  pourrait,  d'après  le  vol  et  les  mœurs,  les  subdiviser 
en  deux  sous-genres,  Nijmphalis  et  Limenitis.  Le  N.  Populi,  Linn.,  le 
grand  Silvain  d'Engramelle,  est,  dans  sa  femelle,  le  plus  grand  Diurne 
de  France.  C'est  une  espèce  des  parties  septentrionales  et  centrales  de 
la  France,  des  grands  bois,  faisant  défaut  dans  les  îles  Britanniques.  Près 
de  Paris,  on  le  trouve  à  Bondy,  à  Meudon  rarement,  près  de  Versailles, 
surtout  dans  la  forêt  d'Armainviliiers,  où  il  était  autrefois  très  abondant, 
alors  qu'il  y  avait  beaucoup  plus  de  Peupliers  et  de  Trembles  qu'aujour- 
d'hui. Geoffroy  n'a  pas  connu  cette  superbe  espèce,  non  plus  que  le  grand 
Mars,  bien  que  ces  Papillons  forestiers  dussent  être  communs  de  son  temps, 
même  très  près  de  Paris  :  mais  alors  les  communications  étaient  difficiles  et 
les  grands  bois  dangereux;  aussi  le  vieil  historien  des  insectes  pari- 
siens ne  chassait  que  dans  la  banlieue  la  plus  rapprochée  de  Paris.  On 
trouve  encore  ce  Papillon  dans  la  forêt  de  Compiègne,  près  de  Pierre- 
fonds,  dans  les  forêts  de  Mormale  et  des  Ardennes,  dans  les  Vosges,  en 
Alsace,  en  Auvergne,  etc.  Il  est  très  commun  dans  les  forêts  du 
nord  de  l'Allemagne,  de  la  Lithuanie,  de  la  Podolie,  du  centre  de  la 
Russie,  etc.  C'est  dans  le  mois  de  juin  qu'on  le  rencontre  à  l'état  adulte, 
soit  dans  la  première  quinzaine  principalement,  soit  dans  la  seconde, 
selon  que  l'année  est  précoce  ou  tardive,  sous  le  rapport  de  la  tempé- 
rature. Cette  espèce  ne  butine  jamais  sur  les  fleurs,  mais  suce  le  sol 
humide,  les  plaies  d'arbres,  les  déjections  de  toute  nature,  et  môme  les 
matières  cadavériques.  Elle  est  farouche  et  d'un  vol  vif  et  rapide,  mais 
revient  se  poser,  au  bout  de  quelque  temps,  à  l'endroit  d'où  on  l'a  fait 
partir.  Nous  dirons,  pour  les  jeunes  amateurs  que  sa  capture  remplit  de 
joie,  qu'elle  ne  descend  des  cimes  des  arbres  pour  voler  en  planant  que 
par  les  jours  de  soleil  et  sans  vent;  c'est  de  huit  heures  du  matin  à  midi 
qu'il  faut  la  chercher  sur  les  routes  des  grands  bois,  où  passent  fréquem- 
ment des  chevaux  et  des  bestiaux;  puis  elle  reparaît  dans  l'après-midi, 
de  quatre  heures  à  sept  heures,  mais  en  moindre  abondance,  et  c'est 
le  seul  moment  où  la  rare  femelle  descend  parfois  des  arbres.  On  prend 
encore  ces  Papillons  endormis  de  très  grand  matin.  Le  A'^.  Populi  pré- 
sente, sur  un  fond  brun  velouté,  deux  bandes  longitudinales  de  taches 
blanches,  avec  quelques  taches  blanches  au  sommet  des  ailes  supérieures. 


NYMPHALIS,  191 

Chez  la  femelle,  plus  grande  que  le  mâle,  les  taches  sont  plus  étendues 
et  surtout  la  bande  transverse  des  ailes  inférieures  beaucoup  plus  large. 
Chez  la  variété  tremidœ,  Esper,  plus  fréquente  dans  le  Nord,  les  taches 
blanches  des  ailes  supérieures  sont  presque  toutes  saupoudrées  de  brun, 
et  la  bande  blanche  des  ailes  inférieures  manque  souvent  totalement. 
Enfin,  dans  une  rare  abberration,  toutes  les  taches  blanches  des  ailes 
ont  disparu.  La  chenille  du  N.  Populi  se  trouve,  parvenue  à  toute  sa 
taille,  en  mai,  sur  les  plus  hautes  feuilles  du  Tremble,  du  Peuplier  noir 
et  du  Peuplier  blanc.  Elle  est  verte,  nuancée  de  feuille-morte  ou  de 
brun  violâtre,  avec  la  tête  et  la  partie  anale  fauves  ou  rougeûtres,  la 
région  anale  un  peu  fourchue,  le  dos  avec  des  éminences  charnues  et 
épineuses;  les  deux  antérieures  plus  grandes,  les  deux  postérieures  un 
peu  recourbées  en  arrière,  ces  protubérances  hérissées  de  poils  courts, 
terminés  en  massue.  Cette  chenille  a  l'instinct  de  se  cramponner,  à  l'aide 
d'un  réseau  soyeux,  sur  les  feuilles  qu'elle  tapisse,  de  manière  à  ne  pas 
tomber,  malgré  les  plus  fortes  secousses  du  vent.  Elle  a  été  étudiée  par 
G.  Dorfmeister,  dans  une  intéressante  notice  publiée  dans  les  Annales 
de  zoologie  et  de  botanique  de  Vienne.  Il  a  reconnu  que- cette  chenille 
répartit  son  existence  sur  deux  années  successives,  ce  qui  donne  une 
apparition  maximum  des  papillons  tous  les  deux  ans.  La  jeune  chenille, 
se  maintenant  par  une  sorte  de  câble  de  soie  à  la  nervure  médiane  de  la 
feuille,  mange  cette  feuille  à  partir  de  la  pointe  et  dépose  ses  déjections 
au  bord  de  la  partie  rongée,  où  elles  restent  suspendues  à  des  fils;  elle 
ne  quitte  la  feuille  que  quand  elle  est  entièrement  rongée  ou  tout  à  fait 
sèche.  Pour  prendre  ses  quartiers  d'hiver,  cette  chenille  enroule  une 
feuille  avec  des  fils  de  soie  autour  d'une  petite  branche,  en  ménageant 
à  un  bout  du  cornet  une  ouverture  par  laquelle  elle  entre  la  tète  en 
avant,  laissant  voir  au  dehors  la  partie  postérieure  de  son  corps  ter- 
minée par  deux  pointes.  Elle  sort  de  ce  fourreau  en  rampant  et  à  recu- 
lons pour  aller  chercher  sa  nourriture,  l'enlaçant  de  fils,  ainsi  que  la 
partie  environnante  de  la  feuille  mangée,  en  tapissant  continuellement 
de  sa  soie  le  pédoncule  et  le  dessus  de  la  feuille  autour  du  bord,  jusqu'à 
la  place  précédemment  entamée;  revenant  bientôt  avec  vitesse  et  par  la 
même  route  se  giter  dans  son  fourreau  de  feuille.  A  partir  de  la  fin  du 
mois  d'août,  elle  cesse  de  manger  et  ne  sort  plus  du  fourreau,  retraite 
pour  l'hiver,  et  dont  elle  bouche  plus  tard  l'ouverture  avec  des  fils  de 
soie.  Au  milieu  du  printemps  de  l'année  suivante  se  forme  la  chrysalide, 
qui  pend  renversée  le  long  d'une  feuille  légèrement  enroulée,  la  pointe 
abdominale  fixée  par  des  fils  près  de  la  base  de  la  feuille,  le  pétiole  de 
celle-ci  lié  par  prévoyance  avec  de  la  soie  après  la  branche,  afin  que  la 
feuille  ne  puisse  être  emportée  par  le  vent.  La  chrysalide,  dont  le  papillon 
vient  à  éclosion  au  bout  d'une  douzaine  de  jours  habituellement,  est 
ovoïde,  obtuse  antérieurement,  jaunâtre,  mouchetée  de  noir,  avec  une 
bosse  arrondie  vers  le  milieu  du  dos. 

Les  deux  autres  espèces,  les  Limenitis  propres,  sont  de  taille  beau- 


192  LÉPIDOPTÈRES. 

coup  moindre,  des  bois  liumides,  d'un  vol  modéré,  se  posant  conti- 
nuellement sur  les  buissons,  sur  les  Chardons  et  fleurs  de  Ronces,  et 
recherchant  les  détritus  azotés  beaucoup  moins  que  le  grand  Silvain. 
L'une  est  le  L.  Sibijlla,  Linn.,  le  petit  Silvain  d'Engramelle,  le  seul 
Limenitis  des  îles  Britanniques,  où  on  l'appelle  the  White  Admirai, 
l'Amiral  à  bande  blanche,  par  opposition  au  Vulcain,  qui  est  l'Amiral 
à  bande  rouge,  existant  aux  îles  Canaries,  n'ayant  qu'une  seule  appari- 
tion en  juin  et  juillet,  dans  les  bois  du  nord  et  du  centre  de  la  France, 
ayant  une  envergure  de  50  millimétrés,  d'un  noir  velouté  un  peu  terne, 
avec  bandes  longitudinales  de  taches  blanches,  celle  des  ailes  supé- 
rieures interrompue,  quelques  points  blancs  au  sommet,  le  dessous 
d'un  fauve  ferrugineux  avec  les  taches  du  dessus,  la  base  et  le  bord 
abdominal  des  ailes  inférieures  d'un  bleu  cendré,  avec  trois  séries  anté- 
marginales  de  points  noirs,  dont  deux  ou  trois  éclairées  de  blanc  prés 
de  l'angle  anal,  celui-ci,  chez  la  femelle,  ordinairement  marqué  de 
deux  points  noirs  entourés  de  ferrugineux.  Il  y  a  une  aberration  très 
rare  sans  taches  blanches.  Chenille  en  mai,  sur  le  Chèvrefeuille  des 
bois  {Lonicera  Periclymenum)  et  parfois  sur  le  Chêne,  d'un  vert  tendre 
très  finement  chagrinée,  avec  une  raie  blanche  latérale  au-dessus  des 
pattes  membraneuses,  sur  les  sept  derniers  segments;  chaque  anneau, 
le  premier  et  le  quatrième  exceptés,  est  armé  sur  le  dos  de  deux  épines 
rameuses,  très  courtes  sur  les  anneaux  6,  7,  8,  9  et  12,  plus  longues 
sur  les  autres,  principalement  sur  le  cinquième  ;  deux  rangées  d'épines 
semblables  et  encore  plus  courtes  que  les  premières  se  voient  en  outre 
de  chaque  coté  du  corps,  toutes  les  épines  vertes  à  la  base,  de  couleur 
de  rouille  dans  le  reste  de  leur  longueur,  et  hérissées  de  poils  noirs  ; 
la  tête  épineuse  sur  les  bords,  d'un  brun  ferrugineux,  ainsi  que  les 
pattes  écailleuses,  les  pattes  membraneuses  vertes.  Chrysalide  angu- 
leuse, d'un  vert  brun  ou  pistache,  brillante  et  comme  vernissée,  avec  des 
taches  dorées.  L'autre  espèce  est  du  midi  et  du  centre  de  la  France,  bien 
moins  commune  près  de  Paris  que  la  précédente  (Fontainebleau,  Saint- 
Germain,  Versailles,  Armainvilliers,  bois  de  Chevry-Cossigny,  Coubert, 
Lagrange,  etc.),  très  rare  dans  le  Nord  et  en  Belgique.  Elle  aime  à  se 
poser  sur  les  fleurs  des  Ronces,  et  à  voler  sur  les  broussailles  qui  bordent 
les  cours  d'eau  et  se  prend  aussi  dans  les  jardins;  elle  a  deux  époques, 
mai  et  juin,  puis  août  et  septembre,  et  alors  moins  abondante.  C'est  le 
L.  Camilln,  Cat.  de  Vienne,  le  Silvain  azuré  d'Engramelle,  manquant  à  la 
faune  britannique,  analogue  de  couleur  et  de  dessin  au  précédent,  mais 
avec  un  beau  glacis  bleu  en  dessus  et  le  dessous  d'un  fauve  plus  rouge. 
Chenilleenavril,puisenjuillet,surtouteslesespècesde  Chèvrefeuilles,  les 
Symphoricarpos,  etc.,  passant  l'hiver  dans  une  petite  feuille  bien  fermée, 
qu'elle  fixe  à  l'arbrisseau  par  quelques  fils  de  soie.  Cette  chenille,  très 
bizarre  d'aspect,  est  d'un  vert  pille  sur  le  dos  et  sur  les  côtés,  et  rougeâtre 
sous  le  ventre,  avec  une  raie  latérale  blanche  qui  règne  à  partir  du  qua- 
trième anneau,  bordée  de  pourpre,  qui  sépare  le  blanc  et  le  vert;  sauf 


APATURIDES.  195 

1  et  à,  chaque  anneau  est  surmonté  de  deux  épines,  ou  plutôt  de  deux 
tubercules  épineux,  très  courts  sur  les  anneaux  6,  7,  8,  9  et  12,  trc-s 
élevés  sur  les  autres,  surtout  sur  5;  deux  rangées  de  tubercules,  tous 
très  courts,  se  voient  en  outre  de  chaque  côté  du  corps.  Tous 
les  tubercules  sont  de  couleur  pourpre  et  hérissés  d'épines  rayonnantes 
à  leur  extrémité  et  de  couleur  noirâtre.  La  tète  est  petite,  garnie  d'é- 
pines sur  les  bords,  d'un  brun  ferrugineux,  ainsi  que  les  pattes  écail- 
leuses,  les  pattes  membraneuses  étant  rougeàtres.  Chrysalide  de  la 
même  forme  que  la  précédente,  mais  terne,  entièrement  d'un  brun 
terreux  et  sans  taches  métalliques. 

Le  genre  Nymphalis  ou  Limenitis  a.m\  assez  grand  nombre  d'espèces 
exotiques,  de  livrée  analogue  aux  nôtres,  des  Indes,  des  îles  sondaïques, 
de  l'Amérique  du  Nord.  Un  genre  voisin,  longtemps  rangé  avec  les 
Limenilis,  est  le  genre  Neptis,  Fabr.,  présentant  les  ailes  plus  larges  et 
plus  arrondies,  surtout  les  inférieures,  que  les  Limenilis,  et  les  bandes 
de  taches  perpendiculaires  au  corps  et  non  pas  à  peu  près  longitudi- 
nales. Ce  genre  compte  d'assez  nombreuses  espèces  propres  à  l'ancien 
monde,  à  Madagascar,  aux  îles  Maurice  et  Bourbon.  Dans  le  groupe 
des  espèces  à  ailes  ornées  de  taches  blanches  sur  fond  noir,  se  trouve  le 
iV.  .'lc^r?s,Fabr.,  répandu  depuis  les  îles  de  la  Sonde  et  la  Chine  (environs 
de  Pékin)  jusqu'en  Autriche  inclusivement,  et  le  N.Lucilla,  Fabr.,  qui 
habite  le  Piémont,  le  sud  de  la  Russie,  l'Autriche,  la  Hongrie,  la  Slyrie 
et  la  Dalmatie.  D'autres  espèces  ont  des  taches  jaunes  sur  fond  noir. 

Nous  citerons  ici  le  genre  Bia,  Westwood,  placé  par  M.  H.  Lucas 
dans  ses  Nymphalites  et  par  M.  Kirby  dans  les  Satyrinœ.  Le  corps  est 
grêle  ;  les  ailes  grandes,  les  supérieures  ornées  d'une  large  tache  mé- 
tallique, avec  le  bord  antérieur  très  arqué,  l'angle  apical  très  arrondi, 
le  bord  externe  convexe;  les  ailes  inférieures  ofl'rant  l'angle  anal  pro- 
longé en  queue,  plus  développée  chez  le  mâle;  les  pattes  palatines  du 
mâle  petites,  très  grêles  et  poilues,  formant  une  brosse,  celles  de  la 
femelle  grêles  et  écailleuses.  Une  seule  espèce,  rangée  par  Godart 
dans  ses  Morpho,  le  B.  Actorion,  Linn.,  des  forêts  du  Brésil  et  de  la 
Guyane  hollandaise  (pi.  Lxxxn,  fig.  2,  femelle  de  protil  eu  dessous). 
Chenille  et  chrysalide  inconnues. 

APATURIDES. 

Antennes  longues  et  se  terminant  insensiblement  en  une  massue 
fusiforme  prononcée.  Tête  plus  étroite  que  le  corselet  ;  celui-ci  très 
robuste.  Quatre  pattes  ambulatoires  seulement.  Ailes  supérieures 
sinuées,  les  inférieures  denticulées,  avec  ou  sans  prolongements  cau- 
diformes.  —  (Chenilles  aplaties  en  dessous,  en  forme  de  limaces,  avec 
la  tête  surmontée  de  cornes,  le  dernier  anneau  déprimé,  en  façon  de 
queue   de  poisson. — Chrysalides   ovoïdes   ou  carénées. 

Nous  établissons  cette  famille  en  raison  de  la  forme  caractéristique 
ciuARU.  m.  —  13 


l'Jh  LÉPIDOPTËP.liS. 

des  chenilles;  beaucoup  d'auteurs  ne  la  sépai-culpas  des  iNymplialides. 
Elle  comprend  de  beaux  Papillons,  à  vol  rapide  et  planant,  à  riches 
couleurs,  avec  ou  sans  reflet,  répandus  dans  toutes  les  parties  de  la 
terre,  à  peine  représentés  toutefois  dans  les  régions  tempérées  froides, 
manquant  dans  la  ceinture  boréale. 

APATl'R.%,  Fabr.  (Nymphàlis  des  auteurs).  —  Corps  robuste.  Tète  poilue. 
Yeux  proéminenls  et  nus;  spiritrompe  longue;  massue  des  antennes  allongée 
et  comprimée.  Palpes  plus  longs  que  la  tête,  connivents  vers  leur  extrémité, 
leur  dernier  article  nu  et  très  aigu,  les  deux  premiers  plutôt  squameux  que 
velus.  Ailes  supérieures  sinuces  et  échancrées  au  bord  externe,  à  sommet  sub- 
tronqué, à  bord  interne  droit,  les  inférieures  subtriangulaires  à  bord  externe 
festonné,  dépourvues  de  queue,  à  gouttière  abdominale  très  prononcée.  Pattes 
de  la  première  paire  très  courtes,  grêles  et  poilues  chez  le  mâle,  à  tarses  très 
grêles,  quadriarticulés,  écailleuses  chez  la  femelle;  pattes  des  paires  2  et  3 
écailleuses,  à  jambes  et  tarses  finement  épineux  en  dessous.  Abdomen  petit, 
allongé,  conoïde,  ordinairement  plus  robuste  chez  la  femelle.  —  Chenilles  lima- 
ciformes,  avec  la  tôte  surmontée  de  deux  cornes  épineuses,  et  deux  petites 
pointes  conniventes  à  la  partie  anale.  —  Chrysalides  comprimées  latéralement, 
avec  le  dos  bombé  et  caréné  et  la  tête  bifide. 

L'Europe  nourrit  deux  remarquables  espèces  d'Apatura.  L'une  est 
VA.  Ilia,  Cat.  de  Vienne,  le  petit  Mars  changeant  d'Engramellc,  qui  ne 
se  trouve  pas  dans  les  îles  Britanniques,  de  60  millimètres  d'enver- 
gure ;  les  ailes  d'un  brun  noir,  avec  un  reflet  violet  très  vif,  par  le  fait 
d'écaillés  brunes  d'un  côté,  violettes  de  l'autre,  comme  les  images 
plissées  représentant  deux  sujets  différents  suivant  le  sens  où  l'on 
regarde  ;  ailes  supérieures  avec  des  taches  blanches,  dont  trois  apicales, 
et  une  tache  noire  ronde,  cerclée  de  ferrugineux,  les  inférieures  avec 
une  bande  blanche  transverse  sinuée  et  un  œil  cerclé  de  ferrugineux 
à  l'angle  anal;  dessous  d'un  gris  jaunâtre  avec  une  teinte  fauve  à 
l'angle  apical  des  ailes  supérieures  et  toutes  les  taches  du  dessous  con- 
servées ;  ailes  inférieures  avec  la  bande  transverse  d'un  blanc  violàtre 
et  un  ou  deux  points  noirs  à  la  base.  Femelle  plus  claire,  bien  plus 
rare  que  le  mâle,  sans  reflet  violet.  Presque  toute  la  France  :  aux  envi- 
rons de  Paris,  Bondy,  Montmorency,  Marly,  Armainvilliers,  Chantilly, 
Compiègne,  Fontainebleau  ;  en  outre  Alsace,  Vosges,  Morvan,  le  long 
du  canal  de  Bourgogne  près  de  Dijon,  etc.  La  variété  Clytie^  Hiibner, 
le  petit  Mars  oraiigé  d'Engramelle,  est  beaucoup  moins  commune  que 
le  type  dans  le  nord  de  la  France,  à  peu  près  aussi  commune  près  de 
Paris,  plus  commune  en  Auvergne,  existant  seule  dans  le  midi  de  la 
France.  Elle  est  moins  foncée  que  le  type;  les  taches  et  les  bandes 
sont  d'un  fauve  clair,  à  l'exception  des  trois  points  apicaux,  qui  restent 
blancs  ;le  borddes  quatre  ailes  offre  en  outre  une  bandede  taches  fauves 
assez  large  et  une  tache  qu'appuient  en  dessus  quatre  points  noirs  dans 


APATURA.  195 

la  cellule  discoïdalc  des  ailes  supérieures;  refiel  d'un  violet  plus  rosé. 
Le  petit  Mars,  Ilia  et  Clytir,  était  commun  autrefois  tout  contre  Paris, 
dans  les  prairies  à  Peupliers  de  la  Glacière  :  c'est  de  là  que  venait  le 
seul  exemplaire  qu'ait  connu  rieofTroy,  capturé  dans  un  jardin  du  voi- 
sinage. On  a  indiqué  comme  une  espèce  un  prétendu /rjs  lulea  ou  urand 
Mars  orangé  d'b]ngramelle,  qui  n'est  qu'une  aberration  femelle  àUlia,  à 
dessus  entièrement  fauve,  avec  la  bande  du  milieu  plus  claire.  Enfin, 
dans  l'extrême  midi  de  la  France,  ainsi  dans  le  Var  en  mai,  se  trouve 
la  variété  Métis,  Freyer,  différant  de  Clytie  par  le  ton  plus  rougeâtre  du 
fauve,  le  reflet  plus  foncé  et  plus  éclatant,  et  l'absence  des  yeux  à 
l'angle  anal.  Chenille  à  toute  sa  taille  en  mai  et  au  début  de  juin,  sur 
les  Saules,  les  Peupliers,  les  Trembles,  difficile  à  voir,  car  sa  couleur  se 
confond  avec  celle  des  feuilles;  il  faut  gauler  fortement  les  arbres 
pour  la  faire  tomber.  Elle  est  d'un  vert  tendre,  chagriné  de  jaune  ou 
de  blanchâtre  (planche  lxxxi,  fig.  5),  avec  la  tête  plate  et  jaunâtre  et 
les  mandibules  jaunes,  la  tête  surmontée  de  deux  cornes  divergentes, 
épineuses,  bifides  à  leur  extrémité,  un  peu  plus  longues  que  la  tête. 
Ces  cornes,  prolongement  des  deux  calottes  hémisphériques  de  la  tète, 
sont  jaunes  en  dessus  et  vertes  en  dessous,  avec  leur  extrémité  rou- 
geâtre, marquées  en  outre  en  dessous  d'une  ligne  noire  qui  se  pro- 
longe jusque  sur  la  tête.  De  chaque  côté,  du  milieu  à  la  partie  anale, 
le  corps  offre  des  lignes  obliques,  jaunes  ou  blanches,  dont  la  supé- 
rieure en  relief  se  termine  en  haut  par  une  épine  qui  se  recourbe  vers 
le  milieu  du  dos;  en  outre,  sur  le  cou,  deux  lignes  parallèles  jaunes 
partent  des  cornes,  et  se  prolongent  en  mourant  jusqu'au  cinquième 
anneau.  Les  pattes  sont  d'un  vert  bleuâtre  comme  le  dessous  du  corps, 
et  les  deux  pointes  de  la  queue  jaunes.  Chrysalide  d'un  vert  pâle 
(planche  lxxxi,  fig.  5  a),  tirant  sur  le  bleuâtre  dans  sa  partie  infé- 
rieure, avec  la  carène,  les  deux  cornes  de  la  tête  et  les  bords  des  four- 
reaux aiaires  blanchâtres  ou  d'un  jaune  pâle.  L'autre  espèce,  plus 
grande,  de  65  millimètres  d'envergure,  est  VA.  Iris,  Linn.,  le  grand 
Mars  changeant  d'Engramelle,  ressemblant  au  précédent,  mais  d'un 
fond  plus  sombre  et  d'un  reflet  bleu  plus  vif,  manquant  de  l'ocelle  des 
ailes  supérieures  et  celui  des  ailes  inférieures  moins  marqué.  Femelle 
rare,  plus  grande,  sans  reflet.  Dans  l'aberration,  Joie,  Cat.  de  Vienne, 
ou  Beroe,  Fabr.,  le  Mars  bleu  foncé  changeant  d'Engramelle,  les  ailes 
supérieures  ne  conservent  que  les  taches  blanches  de  l'angle  apical,  et 
la  bande  transverse  des  ailes  inférieures  manque  complètement  ou 
n'est  remplacée  que  par  quelques  poils  blancs  ;  il  y  a  des  passages  de 
cette  rare  aberration  au  type.  Le  grand  Mars  se  trouve  près  de  Paris, 
à  Meudon  (rarement),  à  Bondy,  à  Saint-Germain,  au  bois  Notre-Dame, 
près  Boissy-Saint-Léger,  à  Armainvilliers,  également  dans  la  forêt  de 
Mormale,  en  Alsace,  dans  les  Vosges,  etc.  ;  il  manque  dans  les  Cha- 
rcntes  et  dans  le  tiers  méridional  de  la  France,  où  les  forêts  sont  trop 
sèches.  C'est  le  Purple  Emperor  des  Anglais.  Ses  œufs  sont  d'un  vert 


196  LÉPIDOPTÈRES. 

sombre  lors  de  la  ponte,  puis,  s'ils  sont  féconds,  deviennent  d'un  jaune 
verdâire,  et  offrent  un  cercle  noir  ou  d'un  brun  sombre  au  point  où  se 
forme  la  tête  de  la  chenille.  Celle-ci  fut  découverte  en  1755  et  observée 
par  Rœsel  et  par  Ray.  Les  phases  de  son  éducation  sont  décrites  dans 
le  mémoire  suivant  :  P.  S.  Pallas,  Observations  on  the  Habits  of  the 
Purple  Emperor  (Apatura  Iris)  {Trans.  Soc.  entom.  of  London,  1838, 
t.  II,  part.  2,  p.  136,1.  Cette  chenille,  à  toute  sa  taille  à  la  fin  de  mai  et 
au  commencement  de  juin,  vit  sur  les  feuilles  de  la  cime  des  Peupliers 
noir  et  blanc  et  des  Trembles;  elle  diffère  de  celle  du  petit  Mars  parles 
cornes  de  la  tète,  qui  sont  beaucoup  moins  longues  et  non  bifurquées, 
par  une  ligne  jaune  qui  règne  le  long  du  corps,  au-dessus  des  pattes, 
et  par  quatre  petits  points  bleus  placés  en  dedans  et  vers  l'extrémité 
des  deux  lignes  jaunes  obliques  qui  se  terminent  en  cet  endroit  par 
deux  petites  épines  courbées  sur  le  milieu  du  dos.  Chrysalide  plus 
allongée  que  celle  du  petit  Mars,  et  marquée  sur  les  côtés  de  cinq  ou  six 
lignes  blanches  obliques. 

Les  deux  Mars,  qui  ne  paraissent,  comme  le  grand  Silvain,  qu'une 
fois  par  an,  succèdent  immédiatement  à  celui-ci,  de  la  fin  de  juin  à  la 
fin  de  juillet  (climat  de  Paris),  ont  un  vol  analogue  et  absolument  les 
mêmes  mœurs.  Mêmes  observations,  par  conséquent,  sur  leur  capture. 
De  nombreuses  espèces  d'Apalures  se  rencontrent  dans  les  régions 
chaudes  du  globe,  sauf  toutefois  en  Afrique. 

CHAKA'XES  des  auteurs  (syn.  Nymphalis,  Godart,  Weslwood).  —  Tête 
veloutée,  sans  touffe  frontale  ;  antennes  assez  courtes,  robustes,  droites,  ter- 
minées graduellement  en  une  massue  allongée,  fusiforme,  légèrement  amincie 
àrexlrémilé.  Yeux  très  proéminents,  nus.  Palpes  aussi  longs  que  la  tète,  ten- 
dant à  se  rapprocher  par  le  sommet,  mais  non  cônnivents,  avec  le  dernier 
article  nu,  court,  terminé  en  pointe  obtuse,  les  deux  autres  plus  squameux  que 
velus.  Thorax  très  robuste,  velouté,  plus  long  que  l'abdomen.  Ailes  supé- 
rieures subtriangulaires,  lé  bord  supérieur  un  peu  arqué,  le  bord  interne 
festonné  ou  échancré  ;  ailes  inférieures  grandes,  subovales,  non  ocellées  en 
dessous,  à  bords  festonnés  et  pourvus/  avant  l'angle  anal,  d'une  queue  et  plus 
souvent  de  deux.  Pattes  palatines  du  mâle  petites  et  poilues,  celles  de  la 
femelle  bien  plus  longues,  écailleuses,  à  tarses  comprimés  ;  pattes  ambulatoires 
courtes,  très  robustes,  écailleuses  ainsi  que  leurs  tarses.  Abdomen  assez  court, 
ovoïde  chez  les  femelles.  —  Chenilles  en  forme  de  limace,  avec  la  tête  sur- 
montée de  quatre  cornes  et  le  dernier  anneau  aplati  et  ressemblant  à  une 
queue  de  poisson.  —  Chrysalides  ovoïdes,  lisses,  coniques  à  l'abdomen,  avec 
la  tète  presque  obtuse  et  deux  tubercules  à  la  partie  anale. 

Les  Charaxes  habitent  l'ancien  monde  et  l'Australie,  et,  contrairement 
aux  Apatures,  sont  très  nombreux  dans  l'Afrique  tropicale.  Une  très 
belle  espèce,  d'un  fond  brun  verdàtrc,  avec  de  larges  bordures  jaunâtres 
aux  quatre  ailes,  se  trouve  sur  tout  le  pourtour  de  la  Méditerrani'e, 


CHAR  AXES,  197 

c'est-à-dire  à  la  fois  en  Europe,  en  Afrique  et  en  Asie  :  c'est  le  Pacha  à 
deux  qnpKcs  des  paysans  turcs,  le  C.  Jasiiis,  Fabr.,  répandant  à  l'éclosion 
une  odeur  musquée,  paraissant  deux  fois  par  an,  en  juin  et  en  septembre. 
Les  individus  de  la  première  époque  proviennent  de  chenilles  écloses 
en  octobre,  passant  l'hiver  et  ne  subissant  la  nymphose  qu'au  mois  de 
mai  suivant;  ceux  de  la  seconde  ont  des  chenilles  nées  en  juillet  et  pas- 
sant par  toutes  les  phases  en  trois  mois.  En  France,  le  C.Jasius  se  trouve 
principalement  aux  environs  de  Toulon  et  d'Hyères  et  aux  îles  d'Hyères; 
il  vole  aussi  aux  environs  de  Montpellier,  mais  y  est  très  rare.  La  chenille 
se  nourrit  uniquement  des  feuilles  de  l'Arbousier  {Arbutus  Unedo),  ar- 
brisseau très  commun  sur  les  collines  qui  bordent  la  Méditerranée.  Elle 
mange  ordinairement  la  nuit,  fort  lente  dans  ses  mouvements,  tenant 
la  tète  renversée  en  arrière,  toujours  sur  le  dessus  des  feuilles,  qu'elle 
tapisse  de  soie;  au  repos  dans  le  jour,  où  elle  retire  sous  elle  ses. pattes 
écailleuses  et  ses  dernières  pattes  membraneuses,  de  sorte  qu'elle  ne 
s'appuie  que  sur  les  quatre  pattes  du  milieu.  Ses  habitudes  sédentaires 
la  rendent  très  facile  à  élever  par  les  amateurs,  car  elle  cherche  bien 
rarement  à  quitter  la  branche  d'Arbousier  sur  laquelle  on  l'a  placée  et 
mange  entièrement  la  feuille  où  elle  est  posée.  A  sa  naissance,  celle 
chenille  est  d'un  vert  brunâtre,  mais,  après  la  première  mue,  elle  devient 
d'un  beau  vert  et  conserve  cette  couleur  jusqu'à  son  changement  en 
chrysalide. Le  corps  est  plat  en  dessous  et  renflé  au  milieu,  les  anneaux 
postérieurs  atténués,  et  le  dernier,  très  aplati,  se  termine  en  forme  de 
queue  de  poisson.  La  peau  semble  plissée  transversalement  et  chagrinée 
de  blanc  jaunâtre  sur  le  fond  vert;  on  voit,  sur  les  anneaux  7  et 9,  deux 
taches  ocellées,  un  peu  ovales,  ordinairement  d'un  vert  jaunâtre,  et 
marquées  au  centre  d'un  point  bleuâtre.  La  tète,  marquée  de  lignes 
jaunes  et  noires,  est  verte  et  chagrinée  comme  le  reste  du  corps  ;  les 
quatre  cornes  jaunes  avec  l'extrémité  rougeâtre,  celles  du  milieu  pro- 
longeant les  lobes  céphaliques,  les  extérieures  un  peu  plus  grandes  et 
divergentes,  et,  entre  elles,  les  rudiments  de  deux  autres  cornes.  Ces 
cornes  sont  très  peu  développées  lors  des  mues,  mais  acquièrent 
toute  leur  taille  en  quelques  heures.  Au-dessus  des  pattes  règne  une  hgne 
jaune,  bien  marquée  à  partir  du  troisième  anneau  ;  les  pattes  écailleuses 
sont  jaunes,  les  membraneuses  vertes,  les  stigmates  très  petits  et  à  peine 
visibles,  le  ventre  blanchâtre. 

On  sait  qu'ordinairement,  dans  les  chenilles  qui  muent,  la  tète  se 
dépouille  en  même  temps  que  le  corps,  et  les  enveloppes  de  l'une  et  de 
l'autre  demeurent  adhérentes,  ce  qui  fait  que  l'ancienne  peau  rejelèe 
©st  quelquefois  si  entière,  qu'on  la  prendrait  pour  la  chenille  elle-même, 
surtout  lorsque  cette  peau,  comme  celle  des  chenilles  du  genre  Chelonia, 
est  couverte  de  longs  poils.  Chez  la  chenille  du  C.  Jasius,  .au  contraire, 
la  tête  se  dépouille  avant  le  corps,  se  redresse  peu  à 'peu  verticalement, 
puis  est  rejetèe  au  dehors,  et  le  nouveau  crâne,  d'abord  étendu  faute 
de  place  sous  le  premier  anneau  de  la  vieille  peau,  gonfle  beaucoup  et 


198  LÉPIDOPTÈKES. 

se  surmonte  bientôt  de  quatre  épines;  c'est  après  cela  que  le  corps  se 
dépouille  à  part,  <à  la  façon  des  autres  chenilles.  F.a  chrysalide  se  forme 
trois  jours  après  que  la  chenille  s'est  suspendue  par  la  queue  à  une 
petite  branche  ou  à  un  pétiole  de  feuille,  cette  chenille  étant  alors  de- 
venue d'un  vert  clair  transparent.  Cette  chrysalide  est  d'un  vert  tendre, 
ovoïde,  lisse,  sans  aucun  angle,  avec  les  incisions  des  anneaux,  les  four- 
reaux alaires,  les  pattes,  la  spiritrompp,  les  antennes,  marqués,  sans 
relief,  par  de  simples  lignes  jaunes.  La  tête  se  termine  par  deux  protu- 
bérances arrondies;  le  dos  est  à  peine  caréné,  et  le  pédoncule  par  où  se 
fait  l'attache  soyeuse  est  accompagné  de  deux  petits  tubercules.  Deux 
jours  avant  la  sortie  du  papillon,  on  voit  paraître,  sur  l'enveloppe  des 
ailes,  plusieurs  taches  violâtres.  Nous  représentons  (pi.  lxxxi,  fig.  h) 
une  belle  espèce  de  la  côte  occidentale  d'Afrique,  le  C.  Etheta,  Godart, 
d'un  noir  pourpré,  avec  double  bordure  de  taches  d'un  bleu  vif  et  un 
ocelle  bleu  bordé  de  jaune  à  l'angle  anal  de  l'aile  inférieure. 

MORPHIDKS. 

Corps  petit,  assez  grêle,  médiocrement  robuste,  comparé  aux  ailes. 
Tête  médiocre  ;  antennes  grêles,  terminées  par  une  massue  subfiliforme. 
Yeux  généralement  grands  et  proéminents.  Palpes  relevés,  petits,  écar- 
tés, ordinairement  écailleux.  Thorax  de  grandeur  médiocre.  Ailes  très 
grandes,  plus  ou  moins  ocellées  en  dessous,  les  supérieures  ayant  la 
cellule  discoïdale  très  allongée  et  toujours  fermée  ;  ailes  inférieures  du 
mâle  le  plus  souvent  munies  de  deux  touffes  de  poils  près  de  leur  base  ; 
cellule  discoïdale  tantôt  ouverte,  tantôt  fermée  dans  les  deux  sexes,  la 
gouttière  abdominale  large  et  profonde.  Pattes  palatines  imparfaites, 
celles  du  mille  très  petites,  en  forme  de  brosse,  à  tarses  d'un  seul  article  ; 
celles  de  la  femelle  ordinairement- plus  grandes  que  celles  du  mâle,  à 
tarses  articulés,  mais  sans  ongles.  Abdomen  petit.  —  Chenilles  allongées, 
pubescentes,  épineuses,  atténuées  en  arrière,  à  tête  ornée  de  plusieurs 
cornes  obtuses,  l'abdomen  terminé  pardeux  queues  coniques,  allongées. 
—  Chrysalides  courtes,  suspendues  par  la  queue,  épaisses,  cylindro- 
coniques,  ou  légèrement  carénées  sur  la  partie  dorsale. 

Cette  famille  comprend  les  Papillons  les  plus  richement  colorés  qui 
existent;  elle  se  composait  uniquement  autrefois  des  deux  genres  Mor- 
pho  elPavonia,  qui  sont  restreints  aujourd'hui  à  des  espèces  américaines. 
Les  Morphides  ne  se  rencontrent  que  dans  les  régions  les  plus  chaudes 
du  globe  et  souvent  les  plus  humides,  dans  les  terres  basses  du  sud  du 
Mexique,  les  Guyanes,  le  Brésil,  l'Equateur,  l'Indo-Chine,  les  îles  de  la 
Sonde,  les  îles  Philippines,  rarement  le  nord  de  l'Inde  et  le  sud  de 
la  Chine,  la  Nouvelle-Guinée,  la  Nouvelle-Irlande. 

IMORPno,  Fabr.  —  Corps  1res  petit.  Tète  assez  large,  légèrement  poilue,  avec 
une  petite  touffe  frontale  conique;  antennes  courtes,  grêles,  formées  d'articles 


MOKÎMIO.  199 

assez  allonges,  se  terminant  graduellement  en  une  massue  très  grùle.  Yeux 
grands,  proéminents,  nus.  Palpes  petits,  comprimés,  finement  poilus,  s'avan^ 
çant  obliquement  jusqu'au  niveau  des  yeux.  Thorax  petit,  ovale,  court,  poilu. 
Ailes  très-grandes,  de  forme  variable,  ornées  en  dessous,  les  inférieures 
surtout,  de  taches  ocelliformos;  les  ailes  supérieures  à  bord  apical  générale- 
ment plus  ou  moins  échancré,  les  inférieures  subovales,  festonnées  entre  les 
nervures.  Pattes  palatines  du  mâle  petites,  poilues,  celles  de  la  femelle  écail- 
leuses  et  beaucoup  plus  longues,  à  tarses  de  cinq  articles  ;  pattes  ambulatoires 
allongées,  robustes,  ù  cuisses  courbes,  les  jambes  armées  de  rangées  d'épines 
plus  fortes  en  dessous.  Abdomen  petit,  muni,  à  son  extrémité,  de  plusieurs 
touffes  de  poils  chez  les  mâles  seulement.  —  Chenilles  allongées,  cylindriques, 
épineuses,  avec  les  segments  antérieurs  munis  d'une  touffe  de  poils  et  le  seg- 
ment anal  bifide,  —  Chrysalides  courtes,  très  renflées,  non  anguleuses  et 
bifides  antérieurement. 

Les  Morpho  sont  les  plus  magnifiques  Papillons  qui  existent,  dont  le 
dessus  des  ailes  est  le  plus  souvent  d'un  bleu  métallique  de  ton  variable, 
trùs  résistant  à  la  lumière,  souvent  noirâtres  au  bord,  cette  bordure 
noire  plus  large  chez  la  femelle.  Ils  sont  répandus  dans  les  régions  les 
plus  chaudes  de  l'Amérique,  du  Mexique  à  la  province  de  Sainte-Cathe- 
rine (Brésil  sud).  L'éclat  de  leurs  ailes  les  a  fait  parfois  employer  pour 
la  parure,  soit  renfermés  dans  de  larges  médaillons,  soit,  pour  la  coif- 
fure, en  traversant  le  corps  en  long  d'une  tige  de  métal,  et  les  ailes 
consolidées  en  dessous  par  du  crêpe  apprêté.  Le  plus  riche  de  tous  par 
son  incomparable  azur  métallique,  le  J/.  Cypris,  de  Santa-Fé  de  Bogota, 
a  paré  la  chevelure  blonde  de  l'impératrice  Eugénie,  11  y  a  des  Morpho 
très  rares,  en  raison  de  leur  habitude  de  se  tenir  au  sommet  des  arbres 
(Lacordaire)  et  de  ne  presque  jamais  descendre:  ainsi,  à  la  Guyane  fran- 
çaise, les  M.Metellus,  Hecuba,  Andromachus,  Rhetenor,  etc.  D'autres  sont 
plus  répandus  dans  les  collections,  car,  au  lieu  de  planer  sans  cesse  à 
la  cime  des  arbres,  ils  descendent  dans  les  roules  des  bois,  où  ils  s'élan- 
cent par  bonds  désordonnés  et  rapides  :  ainsi  il/.  Mendaus,  Linn.,  du 
Brésil  et  de  la  Guyane,  à  ailes  d'un  beau  bleu  d'azur  métallique  ;  M. 
Helenor  et  AchiUes.  Citons  encore  M.  Leonte,  M.  Perseus,  du  Brésil  et  des 
Guyanes-,  M.  Laertes,  Drury,  avec  les  ailes  d'un  blanc  métallique 
bleuâtre,  du  Brésil  ;  M.  Adonis,  Cramer,  d'un  bleu  pâle,  de  la  Guyane 
et  du  Brésil  jusqu'à  la  province  de  Sainte-Catherine,  etc.  Il  y  a  quel- 
ques Morpho  où  les  femelles  sont  fauves,  par  le  même  contrasle  de 
couleur  que  chez  les  Lycœna  :  ainsi  la  très  rare  femelle  du  M.  Cypris.  La 
femelle  du  M.  Eugenia,  découverte  à  la  Guyane  française  par  M.  C.  Bar, 
est  aussi  de  couleur  très  différente  du  mâle;  sur  un  fond  d'un  brun 
sombre  se  détachent  des  bandes  et  de  larges  macules  d'un  jaune-pailie, 
dessins  tranchés  qui  produisent  le  plus  grand  effet  pendant  le  vol.  Au 
Mexique,  dans  les  régions  moyennes  et  sur  le  versant  du  Pacifique,  se 
trouve  un  très  rare  Morpho  blanc,  le  M.  Polyphemus,  Boisd,,  qui  vole 


200  LÉI'JDOPlÈRtS. 

lentement  sur  le  bord  de  ravins  ou  plutôt  de  crevasses  à  pic,  appelées 
harancas  (M.  IJoucard). 

M.  G.  Bar  a  donné  d'importantes  indications  sur  les  Morpho  des 
environs  de  Cayenne,  qu'il  a  pu  observer  dans  un  séjour  permanent. 
Il  y  a  rencontré  neuf  espèces  de  MorpJio,  réparties  comme  il  suit  : 
1"  groupe  de  Perseus,  trois  espèces  :  les  M.  Hecuba,  Metetlus  (dont  les 
chenilles  vivent  en  société  sur  le  Simarouba)  et  Telemachus ;  2"  groupe 
à'Adoiiis,  une  espèce  :  M.  Eugenia,  cf  et  ^-^  3"  groupe  d'Achilles,  trois 
espèces:  les  M.Achilles,  Deidamia  et  Nestor;  k"  groupe  des  Menelaus,  une 
espèce  -.M.  Menelaus -,5°  groupe  de  Rhetenor,  une  esy^'Cù, le  M .  Bhetenor  cf , 
Andromachus  Ç.  Les  espèces  du  groupe  de  Rhetenor-Andromachus  ont 
le  vol  élevé,  se  maintenant  le  plus  souvent  à  10  ou  12  mètres,  descen- 
dant rarement  ù  portée,  quand  le  papillon  traverse  un  endroit  décou- 
vert. Les  espèces  du  groupe  de  Perseus  sont  à  peu  près  dans  le  même 
cas  et  volent,  en  planant  avec  majesté,  à  une  hauteur  de  8  à  10  mè- 
tres, mais  descendent  beaucoup  plus  fréquemment  à  portée  et  viennent 
même  se  poser  sur  les  jeunes  arbres  qui  bordent  les  sentiers  qu'elles 
aiment  à  parcourir.  Les  espèces  du  groupe  à'Ado7us  ont  aussi  le  vol 
assez  élevé,  mais  ne  planent  pas.  Les  espèces  des  groupes  d'Achilles  et 
de  Menelaus  ne  volent  point,  comme  celles  des  groupes  précédents,  hors 
de  la  portée  du  chasseur;  elles  s'élèvent  rarement  à  plus  de  deux  ou  trois 
mètres,  à  moins  d'être  effarouchées.  Aussitôt  que  le  soleil  commence 
à  baisser,  ces  Morpho  se  posent  sur  quelque  buisson,  pour  ne  recom- 
mencere  qu  le  lendemain  leur  course  vagabonde  et  rapide,  dans  toutes 
les  ouvertures  que  leur  présente  la  végétation  vierge  et  irrégulière  des 
forêts  de  la  Guyane.  Les  il/or/j/to  ne  sont  pas  les  Papillons  qui  se  tiennent 
le  plus  généralement  au  fuite  des  grands  arbres;  ces  stations  sont  sur- 
tout, à  la  Guyane,  celles  des  Pieris,  Callidryas,  certains  Nymphalides, 
Papilio  et  Heliconia,  etc.  Les  Morpho  ne  butinent  pas  sur  les  fleurs;  de 
même  que  la  plupart  des  Satyrides  de  la  Guyane,  les  Pavonia,  et  beau- 
coup d'Apatures,  ils  préfèrent  les  sucs  que  contiennent  les  fruits  tombés 
à  terre.  L'odeur  du  vin,  du  sucre  ou  de  toute  liqueur  fermenlée,  attire 
ces  Papillons  en  grand  nombre,  et  donne  quelquefois  un  moyen  inespéré 
de  les  saisir. 

Nous  représentons  des  détails  d'une  espèce  du  genre  Amathusia,  Fabr., 
placé  par  M.  Kirby  dans  ses  Morphinœ,  et  dont  Godart  faisait  un  Mor- 
pho :  c'est  1'^.  Phidippus,  Linn.,  de  Java  (planche  Lxxxn,  fig.  3,  che- 
nille; 3  o,  chrysalide;  3  b,  tête  de  l'adulte;  3  c,  patte  palatine  ; 
8  d,  palpe). 

On  consultera  pour  les  Morpho  :  A.  Guenée,  Note  monographique  et 
rectificative  sur  un  groupe  du  genre  Morpho,  Latr.  {Ann..  Soc.  entom. 
Fr.,  1859,  p.  365).  —  E.  DeyroUe,  Note  sur  cinq  MoRf^uo  nouveaux 
[Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1860).  —  G.  Bar,  Quelques  mots  sur  les  Morpho 
de  la  Guyane,  Lépidoptères  de  la  tribu  des  Morphides  {Ann.  Soc.  entom. 
Fr.,  186/(,  p.  29).  —  Burmeisler,  Morphonides  brésiliens,  avec  planch. 


PAVOiMA.  201 

color.  ropri'sentant  des  chenilles  et  des  chrysalides  {Revue,  et  Magas. 
dezooL,  i813).  « 

PAVO;%'l.%,  Godart  (syn.  Caligo^  Wcstwood).  —  Corps  très  pelit,  robuste.  Tète 
poilue,  avec  une  touffe  frontale  conique  ;  antennes  grêles,  graduellement  termi- 
nées par  une  massue  grêle.  Yeux  grands,  nus.  Palpes  assez  grands,  peu 
poilus,  s'avançant  obliquement  au  delà  des  yeux.  Thorax  robuste,  poilu.  Ailes 
très  grandes,  arrondies,  ocellées  en  dessous  (d'où  le  nom  du  genre),  les  supé- 
rieures à  bord  costal  très  courbé,  le  sommet  arrondi,  le  bord  externe  droit  ou 
légèrement  sinueux  ;  les  ailes  inférieures  grandes,  ovoïdes-allongées,  à  bord 
externe  un  peu  festonné  et  sinueux;  l'angle  anal  arrondi;  la  gouttière  abdo- 
minale peu  marquée  chez  les  mâles,  une  petite  touffe  de  poils  près  du  bord 
anal  dans  la  plupart  des  espèces.  Pattes  palatines  du  mâle  et  de  la  femelle  poi' 
lues  et  de  même  longueur  ;  pattes  ambulatoires  longues  et  robustes,  avec  les 
jambes  munies  de  deux  rangées  d'épines  et  les  tarses  de.  plusieurs  rangées. 
—  Ciicnilles  allongées,  un  peu  plus  épaisses  dans  leur  milieu,  avec  la  tète  en 
forme  de  bouclier  et  armée  de  plusieurs  cornes,  chaque  segment  médian 
offrant  une  épine  perpendiculaire  au  corps.  Abdomen  terminé  par  deux  appen- 
dices coniques  allongés.  —  Chrysalides  épaisses^  ayant  une  pointe  obtusément 
conique  sur  leur  partie  dorsale. 

Les  Pavonies  comptent  une  quinzaine  d'espèces  des  régions  chaudes 
de  l'Amérique  du  Sud.  Elles  diffèrent  beaucoup  par  les  mœurs  des 
Morphi),  qui  ont  un  vol  rapide  à  l'éclat  du  jour.  Ce  sont  des  Papillons 
à  demi-crépusculaires,  au  repos  pendant  le  jour  sur  les  troncs  d'arbres, 
leurs  ailes  à  dessous  ocellé  rapprochées  perpendiculairement  au  corps. 
Elles  volent  lourdement  le  soir  dans  les  broussailles,  ou  le  jour  dans 
les  fourrés  épais  et  obscurs,  retombant  se  poser  après  quelques  coups 
d'ailes,  de  sorte  que  leur  capture  est  très  aisée.  Nous  représentons  le 
P.  Acadina,  Godart,  du  Brésil  (pi.  Lxxxn,  tig.  1),  ses  grandes  ailes  d'un 
brun  fauve  en  dessus,  avec  bandes  d'un  fauve  vif  en  bordure  et  deux 
taches  d'un  jaune  clair  au  sommet  de  chaque  aile  supérieure.  Cette 
espèce,  qui  était  une  Pavonie  pour  Godart,  fait  partie  maintenant  d'un 
genre  très  voisin,  Opsiphanes,  Westw.,  et  doit  être  nommée  0.  Kyme, 
Hûbner.  M.  Kirby,  dans  son  Catalogue,  place  ce  genre  dans  les  Bras- 
solides. 

BRASSOLIUES. 

Corps  très  robuste.  Tète  petite  et  poilue,  avec  une  touffe  frontale  ; 
antennes  terminées  par  une  massue  grande  et  allongée  composée  d'ar- 
ticles très  courts.  Yeux  nus.  Palpes  petits,  comprimés,  poilus,  appli- 
qués sur  la  tète.  Thorax  robuste.  Ailes  ocellées  en  dessous,  les  supé- 
rieures à  bord  externe  presque  droit,  à  cellule  discoïdale  fermée,  les 
inférieures  largement  ovales,  à  bord  externe  entier,  arrondi,  non  fes- 
tonné, à  cellule  discoïdale   fermée,  précédée  par  une   petite  cellule 


202  LÉPIDOPTÈRES. 

prédiscoïdale,  la  gouttière  abdominale  des  mâles  étroite  et  allongée. 
Pattes  palatines  du  maie  très  petites,  en  forme  dé  brosses,  à  tarses  d'un 
seul  article;  celles  de  la  femelle  plus  épaisses  et  plus  longues,  à  tarses 
articulés;  pattes  ambulatoires  longues  et  assez  grêles,  à  tarses  un  peu 
épineux.  Abdomen  robuste  et  large.  —  Chenilles  charnues,  soyeuses, 
atténuées  en  avant,  le  segment  anal  entier.  —  Chrysalides  épaisses, 
non  anguleuses,  convexes,  suspendues  par  la  queue. 

La  famille  des  Brassolides  ne  comprend  que  le  genre  Brassolis,  Fabr., 
qui  ne  compte  que  très-peu  d'espèces,  des  Guyanes  et  du  Brésil.  Le 
type  est  le  B.  Sophorœ,  Linn.,  dont  les  chenilles  vivent  en  sociétés  de 
quelques  centaines  dans  un  nid  fermé,  d'où  elles  ne  sortent  que  la 
nuit  pour  manger  les  feuilles  du  Bananier.  Elles  sont  d'un  brun  clair, 
ornées  de  lignes  longitudinales  brunâtres,  avec  les  pattes  écailleuses 
et  la  tète  noire,  celle-ci  offrant  une  ligne  transversale  jaunâtre.  Elles 
deviennent,  au  début  d'avril,  des  chrysalides  pales,  tachetées  de  rouge 
foncé,  avec  quatre  taches  argentées,  donnant,  au  bout  de  quinze  jours, 
des  papillons  doués  d'un  vol  rapide  et  paraissant  seulement  le  soir  et 
le  matin.  Nous  représentons  une  espèce  du  Brésil,  le  B.  Astyra,  Godart 
(pi.  Lxxxii,  fig.  h). 

BIBLIDES. 

Antennes  linéaires,  à  massue  très  petite,  comprimée.  Palpes  longs, 
notablement  écartés,  dépassant  beaucoup  la  tête,  avec  leur  dernier 
article  infléchi  en  avant.  Ailes  dentelées  ou  anguleuses,  les  supérieures 
avec  une  nervure  costale  dilatée  et  vésiculeuse,  les  inférieures  h  cel- 
lule discoïdale  fermée  par  une  très  petite  nervure  récurrente  et  à 
gouttière  abdominale  peu  prononcée.  —  Chenilles  cylindroïdes,  atté- 
nuées à  l'extrémité,  épineuses  sur  la  tête  seulement  et  terminées  par 
deux  pointes.  —  Chrysalides  suspendues  par  la  queue. 

Cette  famille  a  des  analogies  avec  les  Vanesses  et  les  Argynnes  par  la 
forme  et  le  port  des  ailes,  et  d'autres  avec  les  Satyres  par  les  antennes 
et  la  nervure  costale  renflée  aux  ailes  de  devant.  Le  type,  dans  le  genre 
Biblis,  Fabr.,  est  le  B.  Thadana,  Godart,  assez  abondamment  répandu  au 
Brésil,  très  commun  à  la  Guyane  française  autour  des  habitations  et 
jamais  dans  les  bois.  Il  plane  lentement  et  se  pose  fréquemment,  en 
relevant  un  peu  ses  ailes  sans  les  fermer.  La  famille  comprend  encore 
quelques  autres  genres  de  Madagascar,  des  Indes  orientales  et  des  îles 
de  la  Sonde. 

SATYRIDES. 

Corps  généralement  assez  grêle. Tête  petite;  antennes  terminées,  soit 
par  un  bouton  court  et  piriforme,  soit  par  une  massue  grêle  et  presque 
fusiforme.  Yeux  tantôt  glabres,  tantôt  pubescents.  Palpes  s'élevant 
notablement  au-dessus  du  chaperon,  hérissés  de  poils  en  avant.  Thorax 
peu  robuste.  Ailes  supérieures  ayant  presque  toujours  la  nervure  cos- 


SATYRIDES.  203 

taie,  la  médiane  surtout  et  quelquefois  la  sous-médiane  ou  l'infôriouro, 
dilatées  et  un  peu  vésiculeuses  à  leur  base;  ailes  inférieures  à  cellule 
discoïdale  fermée,  la  gouttière  anale  bien  prononcée  à  la  base  de  l'ab- 
domen, mais  s'atténuant  bientôt,  de  manière  à  laisser  l'extrémité  anale 
de  l'abdomen  à  découvert,  lorsque  les  ailes  sont  relevées  au  repos.  — 
Chenilles  à  tête  arrondie,  souvent  échancrée,  comme  pisciformes,  à 
corps  atténué  en  arrière,  et  dont  le  dernier  segment  se  termine  en 
queue  bifide,  tantôt  lisses,  tantôt  rugueuses,  tantôt  pubescentes.  — 
Chrysalides  tantôt  oblongues  et  un  peu  anguleuses,  avec  la  tête  en  crois- 
sant ou  bifide  et  deux  rangées  de  petits  tubercules  sur  le  dos,  tantôt 
courtes  et  arrondies,  avec  la  tête  obtuse  et  le  dos  lisse,  toutes  sans 
taches  métalliques. 

Les  Satyrides,  très  nombreux  en  espèces,  sont  répandus  dans  toutes 
les  régions  de  la  terre  et  même  dans  les  plus  froides,  ainsi  sur  les 
hautes  montagnes,  au-dessus  de  la  limite  des  arbres  (certains  Erebià) 
et  môme  contre  les  neiges  éternelles  et  à  la  bordure  arctique,  consti- 
tuant alors  le  genre  Chionobas  (qui  se  promène  à  travers  les  neiges). 
Cela  tient  à  ce  que  leurs  chenilles,  refusant  toute  autre  nourriture, 
vivent  exclusivement  de  Graminées,  ces  plantes  de  tous  les  climats,  que 
Linnœus,  dans  son  langage  souvent  poétique,  nommait  les  plébéiens 
du  règne  végétal.  Les  Satyrides,  avec  quelques  Goliades  et  Argynnes  et 
un  très  petit  nombre  de  Noctuelles  et  de  Phalénides,  forment  les  seuls 
Lépidoptères  des  régions  voisines  du  pôle  et  des  plus  hautes  montagnes, 
jusqu'auprès  des  neiges  éternelles.  Le  genre  Satyrus,  Fabr.,  qui  corres- 
pond à  la  famille  actuelle  des  Satyrides,  était  beaucoup  plus  étendu 
qu'aujourd'hui,  et  il  a  surtout  été  divisé  pour  les  espèces  exotiques.  11 
en  est  qui  ont  les  ailes  inférieures  caudées,  parfois  à  l'angle  anal  dans 
le  genre  Corades,  propre  aux  plateaux  des  Andes,  le  plus  souvent  à 
l'angle  inféro-extérieur  :  ainsi  dans  les  genres  Taijgetis,  de  l'Amérique 
méridionale;  Debis,  du  continent  et  de  l'archipel  indien;  Cyllo,  de 
Madagascar,  de  Maurice  et  Bourbon,  des  archipels  indo-sondaïques, 
d'Australie,  etc.  ;  Zophœssa,  du  nord  de  l'Inde;  certaines  espèces  du 
genre  Hœtera,  ainsi  //.  Lena,  Linn.  et  Philoctetes,  Linn.,  des  Guyanes  et 
du  Brésil.  Outre  cette  queue  à  l'angle  inféro-extérieur  des  secondes 
ailes,  les  ailes  supérieures  ont  un  fort  crochet  en  faucille  dans  le  Cœrots 
Chorineus,  Fabr.,  des  Guyanes.  Les  Satyrides  sont  très  nombreux  aux 
environs  de  Cayenne.  Les  grandes  espèces  :  Cœrois  Chorineus,  Hœtera 
Philoctetes,  Hœtera  Piera,  Linn.,  à  ailes  hyalines,  Hœtera  Lena,  Linn.,  à 
ailes  non  hyalines,  etc.,  vivent  dans  les  broussailles,  le  long  des  che- 
mins, et  se  posent  ;\  terre  ou  sur  les  feuilles,  puis  s'envolent  pour  se 
poser  de  nouveau  à  très  peu  de  distance.  Les  deux  premières  espèces 
sont  très  rares  près  de  Cayenne,  les  autres  très  communes.  Il  y  a  dans 
les  Satyrides  des  Guyanes  des  espèces  à  ailes  minces  et  à  demi  transpa- 
rentes qui  rappellent  les  Heliconia  par  l'aspect,  et  qui  vivent  près  des 
habitations  et  avec  un  vol  médiocre  et  souvent  interrompu,  à  la  façon 


20^  LÉPIDOPTÈRES. 

de  notre  Satyrus  Megœra;  au  contraire,  Euptychia  Ocirrhoe,  Fabr.,  de 
la  Guyane,  du  Brésil,  de  Caracas,  a  le  vol  rapide  et  les  mouvements 
brusques. 

Si  nous  restreignons  notre  étude  aux  Satyrides  d'Europe,  qui  sont  les 
mieux  connus,  nous  aurons  à  appeler  l'attention  sur  divers  points. 

Le  vol  des  Satyrides  fournit  un  caractère  distinclif.  Ils  ne  planent  pas, 
du  moins  dans  la  plupart  des  espèces,  comme  les  Vanesses,  les  Apa- 
tures  ;  les  Papillons  ne  restent  pas  au  repos  les  ailes  étendues,  comme 
les  Lépidoptères  précédents  et  les  Argynnes,  mais  les  tiennent  alors 
fermées  et  perpendiculaires  au  corps.  Le  vol,  tantôt  rapide,  tantôt  lent, 
a  toujours  quelque  cliose  de  saccadé,  de  sautillant  ;  il  est  fréquemment 
interrompu  par  des  repos.  Rn  général,  les  grandes  espèces  partent 
brusquement  et  au  moindre  bruit,  mais  sans  parcourir  de  longs  espaces. 
11  est  quelques  grandes  espèces  de  France  qui  ont  le  vol  plus  rapide 
que  les  espèces  ordinaires  et  même  planent  quelquefois,  ainsi  Satyrus 
Circe,  Phœdra,  Hermione  (moins),  etc.;  mais  ce  vol  n'a  jamais  la  brus- 
querie de  celui  du  Nympliale  gi'and  Silvain  et  des  Apatures.  Toutefois 
il  y  a  quelques  Satyrides  de  France  à  vol  vif  et  rapide,  dans  les  Arge 
des  montagnes,  ainsi  Arge  Psyché  et  Cloanthe. 

On  distingue  facilement  les  femelles  des  mâles  des  Satyrides,  en  ce 
que,  outre  l'abdomen  plus  court  et  plus  renflé,  conoïde  et  non  cylin- 
droïde,  la  taille  est  plus  grande,  la  nuance  du  fond  souvent  plus  claire. 
En  outre,  des  différences  s'établissent  par  le  nombre,  la  position,  la 
grandeur  des  taches  ocellées  qui  ornent  les  ailes  de  ces  espèces,  surtout 
en  dessous.  Les  variétés  locales  ou  accidentelles  reproduisent  toujours 
assez  fidèlement  le  type,  et  les  différences  principales  s'observent  dans 
le  nombre  très  variable  des  ocelles  (l).  On  trouve  aussi  quelques  cas 
d'albinisme  ou  décoloration  totale  ou  partielle  du  fond  des  ailes  (ainsi 
dans  plusieurs  Erehia,  dans  les  espèces  Janira,  Pamphilus,  etc.),  et  qui 
sont  peut-être  parfois  dus  à  des  insolations  des  chrysalides  (2). 

Les  Satyrides  adultes  n'hivernent  pas.  Tantôt  les  chrysalides  passent 
l'hiver  (ainsi  dans  S\  jEgeria),  tantôt  les  chenilles  (ex.  S.  Janira);  par- 
fois aussi  peut-être  les  œufs. 

On  trouve  assez  souvent  les  Satyrides  accouples,  plutôt  dans  l'après- 
midi  que  le  matin.  Les  deux  insectes  se  placent  alors  en  sens  inverse, 

(1)  Maurice  Girard,  Quelques  mots  sur  l'étude  des  variations  dans  les  Insectes 
en  général,  et  en  particulier  siir  les  variations  des  Salyrus  Heroe/  Arcanius,  Lépi- 
doptères Achalinoptéres  [Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1862). 

(2)  Dans  les  premiers  jours  de  juin  1875,  je  prenais,  aux  environs  d'Angou- 
lème,  une  aberration  de  Satyrus  Janira,  qui  rentre  dans  les  albinismes,  mais 
trop  régulière  pour  être  un  simple  accident  de  nymphose.  Chaque  aile  supérieure 
présente,  vers  son  milieu,  une  large  tache  blanchâtre,  irrégulièrement  triangu- 
laire, encore  plus  marquée  en  dessous  ;  des  taches  oblongues  analogues  existent 
aux  ailes  inférieures,  une  sur  chaque  aile. 


SATYRIDES.  205 

le  corps  sur  la  même  ligne,  les  ailes  à  demi  repliées,  celles  de  l'un  des 
deux  dans  l'angle  des  ailes  de  l'autre.  Ils  restent  au]repos  dans  cet  état, 
mais  s'envolent  si  on  les  dérange,  le  plus  fort  des  deuv,  le  mille,  quoi- 
que moins  grand  et  moins  pesant  que  la  femelle,  entraînant  l'autre, 
dont  les  ailes  demeurent  immobiles  et  relevées;  mais  aussitôt  que  pos- 
sible le  couple  reprend  le  repos.  On  remarque  fréquemment  dans  les 
deux  individus  associés,  que  les  mâles  sont  usés  et  déchirés,  tandis  que 
la  fraîcheur  des  femelles  atteste  une  récente  éclosion;  parfois  môme 
c'est  à  peine  si  leurs  ailes  sont  séchées.  L'apparition  plus  précoce  des 
mfiles  que  des  femelles  est  une  loi  générale  de  la  nature  chez  la  plu- 
part des  insectes  :  c'est  afin  que  la  reproduction  soit  mieux  assurée. 
C'est  également  cet  instinct  harmonique  qui  nous  explique  les  accouple- 
ments insolites  observés  par  les  amateurs  chez  certains  Satyrides. 
Ainsi  on  a  cité  l'accouplement  de  Satyrus  Janira  çf  avec  Vanessa  Urticœ^ 
(Bruand  d'Uzelle),  et  deux  fois(Blondel,  Bagriot,  Duponchel)  l'accouple- 
ment à'Argtjnnis  Paphia  çf  avec  Satyrus  Janira  Ç.  On  n'indique  pas  que 
ces  accouplements  aient  donné  de  résultat. 

Les  Satyrides,  surtout  les  espèces  à  teinte  foncée,  c'est-à-dire  une 
partie  du  genre  iSaij/rus  et  genre  £r^6m  (Satyres  des  montagnes),  doivent 
être  recherchés  par  les  amateurs  dans  les  premiers  jours  de  leur  éclo- 
sion et  presque  avant  qu'ils  aient  donné  les  premiers  coups  d'ailes.  Leur 
vol  à  crochets  les  expose  à  de  continuels  contacts;  leurs  écailles  tien- 
nent peu  et  les  rayons  du  soleil  ne  lardent  pas  à  faire  disparaître  des 
reflets  souvent  métalliques  ou  veloutés,  pour  ne  laisser  qu'une  nuance 
terne  et  pâlie.  En  outre,  les  ailes  de  la  plupart  des  espèces  sont  bordées 
d'une  frange  blanche,  plus  mince  que  le  reste  de  l'aile  et  qui  se  déchire, 
et  tombe  si  l'insecte  a  quelque  peu  volé.  Les  mois  de  juillet  et  d'août 
sont  ceux  où  l'on  voit  voler  le  plus  de  Satyrides,  principalement  parmi 
ceux  qui  habitent  les  hautes  montagnes  (genres  Erebia  et  Chionobas). 

Les  chenilles  connues  des  Satyrides  sont  encore  peu  nombreuses  rela- 
tivement à  la  quantité  considérable  d'espèces  de  cotte  famille.  Cela 
lient  à  leurs  mœurs,  comme  l'a  dit  Marloy  {Observations  sur  quelques 
chenilles  de  Satyrides,  et  description  de  trois  espèces  médites,  dans  Ann.Soc. 
entom.  Fr.,  1838,  Vllf,  263).  Elles  habitent  sur  des  plantes  basses  et 
touffues  qui  les  cachent  aux  regards,  et  de  plus,  sont  nocturnes  et  ne 
mangent  que  la  nuit.  Elles  cherchent  à  se  soustraire  à  la  lumière  dès 
qu'elles  y  sont  exposées.  Peu  voraces,  elles  ne  sont  pas  nuisibles. 
Marloy  mit  de  ces  chenilles  dans  une  caisse  vitrée  pleine  de  Graminées  ; 
dès  que  la  caisse  était  mise  dans  l'obscurité,  elles  montaient  aussitôt  sur 
les  tiges,  pour  redescendre  se  cacher  lorsque  la  caisse  était  replacée  à 
la  lumière.  C'est  probablement  aussi  un  instinct  pour  se  soustraire  aux 
Ichneumoniens  et  aux  Tachinaires,  qui  attaquent  considérablement  les 
chenilles  diurnes,  vivant  exposées  à  la  lumière.  Marloy  dit  qu'il  faut 
les  chercher  surtout  en  mars,  avril  et  mai.  Il  parcourait  alors  les  sentiers 
pendant  la  nuit  avec  une  lanterne,  projetant  la  lumière  d'un  côté,  au 


206  LÉPIDOPTÈRES. 

moyen  d'un  réflecteur  parabolique  :  il  trouva  ainsi  les  chenilles  d'un 
nombre  considérable  d'espèces  de  Satyres,  et  l'on  doit  attribuer  l'abon- 
dance des  Satyrides,  parfois  excessive  pour  certaines  espèces,  comme 
Sahjrus  Janira  et  Hyperanthus,  à  ce  fait  que  les  chenilles  nocturnes 
sont  à  l'abri  des  entomophages  internes  et  trouvent  dans  les  Graminées 
une  nourriture  répandue  à  profusion  partout,  ces  chenilles  paraissant 
en  outre  à  peu  près  indifférentes  à  l'espèce  de  Graminées.  Elles  ont 
une  consistance  ferme,  qui  contraste  avec  le  corps  mou  de  beaucoup 
d'autres  espèces,  vivent  isolées  et  non  sociales,  avec  une  démarche 
très  lente.  Leur  corps,  muni  de  seize  pattes,  est  cylindro-conoïde,  ter- 
miné postérieurement  par  une  petite  pointe  fourchue,  parfois  plissé, 
offrant  des  nuances  qui  varient  du  gris  au  vert,  toujours  dans  les  espèces 
encore  connues,  avec  des  lignes  longitudinales  d'autre  couleur,  qui, 
avec  les  colorations  diverses  des  incisions  des  anneaux,  forment  des 
sortes  de  quadrilles  sur  l'ensemble  de  la  chenille.  Quelques  chenilles 
de  Satyrides  s'engourdissent  en  hiver;  mais  le  plus  souvent  elles  su- 
bissent toutes  leurs  transformations  dans  la  belle  saison.  Les  espèces 
communes  de  nos  plaines  ont  deux  apparitions.  Les  chrysalides  prove- 
nant des  chenilles  de  la  première  éclosion  se  métamorphosent  au  bout 
d'une  quinzaine  de  jours,  celles  de  la  seconde  génération  passant  Thi- 
ver.  L'aspect  des  chrysalides  de  Satyrides  est  toujours  mat,  sans  taches 
métalliques,  nues  et  anguleuses,  avec  deux  pointes  ou  cornes  sur  la 
tête  et  de  larges  bandes  brunes  sur  l'enveloppe  des  ailes;  la  plupart 
sont  de  couleur  verte  ou  grise,  analogue  à  la  teinte  des  chenilles,  quel- 
quefois parsemée  d'atomes  noirâtres.  Ces  chrysalides,  les  plus  nom- 
breuses de  la  famille,  ainsi  celles  des  Salyrus  Mœra,  Janira,  etc.,  se 
suspendent  par  la  queue,  la  tête  en  bas. 

Quelques-unes,  par  une  anomalie  singulière  chez  les  Rhopalocères, 
reposent  sans  attache,  à  nu  sur  le  sol  ou  dans  une  petite  cavité  au  pied 
de  la  plante  qui  les  a  nourries,  comme  les  chrysalides  des  Noctuélides. 
Ces  chrysalides  difl'èrent  de  celles  qui  se  suspendent  en  ce  qu'elles  sont 
plus  courtes,  plus  arrondies  et  sans  tubercules  sur  le  dos,  en  même 
temps  que  leurs  stigmates  sont  plus  grands  et  plus  saillants,  surtout 
ceux  placés  derrière  la  tête.  En  outre,  elles  sont  d'un  brun-chocolat, 
ovoïdes,  contractées,  ressemblant  à  la  sangsue  qui  fait  l'olive.  L'extré- 
mité anale  de  ces  chrysalides  est  pointue  et  le  bout  opposé  obtus. 
Telles  sont  les  chrysalides  des  Satyrus  Circe,  Briseis,  Semele,  Fidia,  ren- 
fermées dans  de  grandes  coques  ovales,  sans  consistance,  formées  de 
grains  de  terre  unis  avec  un  peu  de  soie.  C'est  en  juin  qu'on  rencontre 
le  plus  de  chrysalides  de  Satyrides,  donnant  les  adultes  en  juillet  et 
août.  On  trouve  ces  chrysalides  de  nos  Satyrides  indigènes  dans  les 
excavations  des  murs,  bous  les  pierres  et  aussi  attachées  aux  tiges  des 
plantes  qui  ont  servi  de  nourriture  à  la  chenille,  dans  les  prairies,  au 
bord  des  chemins,  dans  les  clairières  des  bois  ou  sur  leur  lisière,  etc. 
Les  amateurs  n'auront  l'occasion    d'observer   facilement  ces  détails 


SATYRIDES.  207 

que  sur  un  petit  nombre  d'espèces,  telles  que  Galatca  (genre  Arge), 
Hyperanthus,  Jujeria,  Mœra,  Megœra  (genre  Satyrus). 

On  compte  en  Europe  90  espèces  de  Satyrides,  sans  ranger  dans  ce 
nombre  des  espèces  de  pays  limitrophes  appartenant  aux  faunes  asia- 
tique ou  africaine.  Favorisée  par  sa  position  géographique  et  son  climat 
essentiellement  tempéré,  la  France  en  nourrit  plus  de  50  espèces 
et  une  dizaine  de  variétés  locales  non  accidentelles.  La  faune  des 
environs  de  Paris,  y  compris  Compiègne  et  Fontainebleau,  compte 
16  espèces  de  Satyrides,  qui  sont  Galatea  dans  le  genre  Arge,  ei,  dans 
le  genre  Satyrus,  les  S.  Hermione,  Fauna,  Biiseis,  Semele,  Arethusa, 
Janira,  Tithonus,  Mœra,  Megœra,  Mgeria,  Dejanira,  Hyperanthus,  Hero, 
Arcanius,  Pamphilus.  En  Alsace,  on  trouve  en  moins  S.  Fauna,  et  en 
plus  les  S.  Phœdra,  Circe,  Davus ;  en  outre,  les  Erebia  Cassiope,  Pyrrha, 
Médusa,  Stigne,  Blandina  et  Ligea.  Dans  le  Doubs,  région  de  petites 
montagnes,  n'existent  e;i  Arge  que  Galatea,  en  Satyrus  les  espèces  pari- 
siennes, moins  Fauna,  mais  avec  Phœdra,  Circe,  Eudora,  Iphis  et  Davus 
en  plus,  et,  en  outre,  les  Erebia  des  hauteurs  moyennes,  à  savoir  : 
E.  Mnestra,  OEme,  Psodea,  Médusa,  Stigi^e,  Blandina,  Ligea,  Dromus.  La 
faune  de  la  Gironde  manque  des  S.  Dejanira  et  Hero,  mais  possède,  en 
plus  que  les  environs  de  Paris,  les  S.  Phœdra,  Circe  et  OEdipus.  Près 
de  Paris,  on  rencontre  S.  Hermione  à  Fontainebleau  et  à  Armainvilliers  ; 
S.  Dejanira,  dans  les  grandes  forêts  très  ombragées,  ainsi  à  Com- 
piègne; S.  Semele,  en  juillet,  dans  les  bois  arides  et  sur  la  route  mili- 
taire des  fortifications  de  Paris;  S.  Fauna,  en  août,  à  Sénart,  au  Vésinet, 
rarement  à  Clamart  et  à  Bondy;  S.  Briseis,  en  août,  à  Armainvilliers, 
commun  à  Lardy  et  sur  la  côte  du  Monduit,  endroit  très  pierreux,  près 
de  Mantes;  S.  Arethusa,  en  août,  à  Armainvilliers,  très  commun  à  Lardy 
et  à  la  foret  de  Fontainebleau;  S.  Hero,  très  commun  eu  avril  et  mai, 
à  Armainvilliers,  qui  est  sa  localité  parisienne,  un  peu  à  Bondy,  très  rare 
à  Meudon  et  encore  plus  rare  à  Fontainebleau.  Les  autres  espèces  de  la 
liste  des  environs  de  Paris  se  rencontrent  partout. 

Les  Satyrides  européens  ont  été  subdivisés  par  Al.  Lefèvre  (1)  en 
Pœcilochromiens,  variant  de  couleur  entre  eux,  correspondant  au  genre 
Satyrus  actuel;  Leucomélaniens  ou  Satyres  blancs,  espèces  à  couleurs 
noire  et  blanche  {Arge),  et  Mélaniens  ou  Satyres  nègres.  Duponchel  a 
établi  une  division  du  genre  Satyre  en  neuf  groupés,  d'après  des  carac- 
tères tirés  à  la  fois  des  nervures  et  des  antennes  {An7i.  Soc.  entom.  Fr., 
1833,  t.  Il,  p.  97).  Elle  correspond  en  outre  à  d'assez  bons  caractères  de 
mœurs,  commodes  pour  la  recherche  des  espèces  pour  les  collections. 
Les  groupes  sans  dilatations  bien  accusées  des  nervures  à  leur  origine 
sont  les  Graminicoles,  Satyres  blancs  ou  Demi-deuils  (genre  Arge),  des 
prés  silvatiques  et  des  lieux  où  croissent  de  hautes  Graminées  ;  les  Alpi- 

(1)  Caractère  distinctif  entre  quelques  Satyres  européens  de  la  section  des 
Leucomélaniens  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1832,  t.  I,  p.  80 ^  avec  1  pi,  color.). 


208  LÉPIDOPTÈRES. 

coles,  des  montagnes  {Erebia)  ;  les  Arcti'coles,  du  voisinage  des  neiges 
perpéluelles,  sur  les  montagnes,  e  d«  la  ceinture  polaire  arctique 
{Chionohas).  Les  autres,  à  une  ou  plusieurs  nervures  renflées,  sont  les 
vrais  Satyres.  Les  Éricicoles  (S.  Actœa,  Phœdra,  etc.)  viven  dans  les 
grands  bois  remplis  de  hautes  bruyères,  sur  lesquelles  ils  aiment  à  se 
reposer  ;  ils  ont  une  ou  deux  grandes  taches  circulaires  sur  les  pre- 
mières ailes,  plus  prononcées  en  dessus  qu'en  dessous.  Les  Rupicoles 
(bien  peu  distincts  en  réalité  du  groupe  précédent)  fréquentent  les 
rochers  et  les  collines  arides  (S.  Fidia,  Fauna,  Circe,  Hermione,  Briseis, 
Semele,  Arethtisa,  etc.)  ;  ils  ont  également  une  ou  deux  grandes  taches 
oculaires  sur  les  ailes  antérieures.  Les  bois,  les  terrains  incultes  et 
pleins  d'herbe,  les  prairies  naturelles,  voient  voler  les  Herbicoles 
{S.  Janira,  Tithonus,  etc.),  ayant  un  œil  sur  les  premières  ailes,  ordi- 
nairement bipupillé.  C'est  dans  le  voisinage  des  habitations  que  se 
rencontrent  les  Vicicoles,  tels  que  S.  Mura  et  Megœra,  et  S.  jEgeria, 
si  les  localités  sont  boisées  et  humides.  Ces  Satyres  ont  un  œil  sur  les 
premières  ailes,  cinq  ou  six  aux  ailes  inférieures,  les  antennes  annelées 
de  noir  et  de  blanc.  Les  Ramicoles  voltigent  de  branche  en  branche, 
dans  les  parties  ombragées  des  bois  ;  ils  ont  une  rangée  de  quatre  ou  cinq 
yeux  sur  les  ailes  supérieures  :  ce  sont  les  S.  Dejanira  et  Hyperanthus, 
ce  dernier  parfois  d'une  abondance  excessive  dans  les  prairies  des  clai- 
rières. Un  dernier  groupe,  assez  naturel,  les  Dumicoles,  renferme  de 
petites  espèces  ayant  les  trois  principales  nervures  de  l'aile  supérieure 
très  renflées  à  l'origine,  les  antennes  annelées  de  gris  et  de  brun,  des 
taches  ocellées  plus  ou  moins  nombreuses  sur  les  quatre  ailes  et  pré- 
cédées généralement  d'une  ligne  couleur  d'argent  ou  de  plomb;  ils 
voltigent  sur  les  buissons  dans  les  bois  taillis.  Ce  sont  les  S.  OEdipus, 
Hero,  Arcanius,  Dorus,  Iphis,  Davus,  Pamphilus,  etc. 

GENRES    PRINCIPAUX. 

AhGE,  Boisduval  (sjn.  Rippabchia,  Oclisenheinier;  Melanargia,  Meigcn).  — 
Aiilciines  longues,  dont  la  tige  passe  insensiblement,  à  partir  du  milieu,  à  une 
massue  fusiforme.  Palpes  grêles,  écartés,  à  longs  poils  raides  et  peu  serrés,  le 
dernier  article  pointu  et  presque  nu.  Yeux  glabres.  Ailes  arrondies,  faiblement 
dentées  ;  nervure  costale  des  ailes  supérieures  seule,  faiblement  dilatée  à  sa 
base,  tant  en  dessus  qu'en  dessous;  fond  des  ailes  blanc  ou  d'un  jaune  pâle, 
avec  des  bandes  et  des  taches  noires.  —  Chenilles  pubescentes,  avec  des  raies 
longitudinales,  le  corps  peu  allongé  et  la  tête  globuleuse.  —  Chrysalides 
courtes,  arrondies,  ventrues,  non  suspendues,  reposant  à  nu  sur  la  terre. 

Les  Arge,  dont  toutes  les  espèces  ont  une  grande  ressemblance,  sont 
des  Papillons  qui  volent  surtout  dans  les  prairies  sèches,  au  milieu  des 
herbes.  Leurs  ailes  sont  dentées,  blanches,  avec  des  taches  ou  des 
lignes  noires,  qui  méritent  à  tous  le  nom  de  Demi-deuils.  Les  Arge  de 


Anr.E.  'jno 

France  {Galatea,  Lachesis,  Psyché)  ont  deux  variétés,  l'une  à  fond  d'un 
blanc  pur,  parfois  un  peu  grisâtre,  l'antre  à  fond  d'un  jaunâtre  paie, 
couleur  qui  disparaît  vite  à  la  lumière,  dès  que  l'insecte  a  quelques 
jours  d'éclosion.  Ce  genre,  peu  nombreux  en  espèces,  est  particulière- 
ment répandu  en  Europe,  surtout  dans  sa  partie  méridionale  et  dans 
le  nord  de  l'Afrique.  L'espèce  des  plames,  très  commune  dans  une 
grande  partie  de  l'Europe,  des  champs,  des  bois,  des  prairies,  dans  la 
seconde  quinzaine  de  juin  et  la  première  quinzaine  de  juillet,  est 
r.l.  Galatea,  Linn.,  le  Demi-deuil  de  Gcoll'roy,  the.  Marblcd  While  des 
Anglais,  très  aI)ondant  en  F'rance  dans  toutes  les  régions  calcaires, 
manquant  dans  les  localités  exclusivement  granitiques;  de  kl  milli- 
mèti'cs  d'envergure  ;  la  base  des  ailes  noire  et  avec  taches  blanches,  la 
bordure  noire  des  ailes  inférieures  bien  marquée,  renfermant  des 
yeux  plus  visibles  en  dessous  qu'en  dessus;  femelle  plus  grande,  avec 
le  dessous  des  ailes  inférieures  et  la  côte  des  supérieures  lavés  de  jaune 
d'ocre  roussàtre.  Les  œufs  sont  d'un  blanc  jaunâtre,  devenant  bientôt 
d'un  jaune-citron,  comme  ceux  des  Vers  à  soie.  Var.: /Voc«û(a,  Herbst,  de 
la  Provence,  où  elle  remplace  le  type,  de  la  Creuse,  rare  (de  Lafitole), 
de  taille  plus  grande,  bien  plus  chargée  de  noir;  Galène,  Ochs-,  ayant 
la  bande  antémarginale  du  dessous  des  ailes  inférieures  sans  taches; 
leucomelas,  Esper,  Uuponchel,  femelle,  dont  le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures est  jaunâtre  ou  d'un  rouge  ochracé,  les  dessins,  surtout  les 
yeux,  ayant  presque  entièrement  disparu,  se  prend  assez  rarement  aux 
environs  de  l'aris  et  ailleurs  avec  le  type.  L'A.  Galalea  est  de  capture 
très  aisée,  vu  son  vol  faible  et  de  peu  de  durée.  La  chenille  vit  spécia- 
lement sur  la  Fléole  des  prés  {Phleum  pratense)  et  ne  paraît  qu'une 
fois,  se  chrysalidant  vers  le  milieu  de  juin,  et  le  papillon  éclosant 
quinze  jours  après.  Elle  est  pubescente,  tantôt  verte,  tantôt  d'un  gris 
jaunâtre,  avec  trois  raies  longitudinales  plus  foncées,  une  dorsale  et 
deux  latérales  ;  ces  trois  raies  sont  bordées  de  lignes  plus  claires  ;  la 
tète,  les  pattes  thoraciques,  les  stigmates  et  l'extrémité  des  pointes  de 
la  queue  sont  rougeûtres  ou  ferrugineu^,  les  pattes  membraneuses  de 
la  couleur  du  corps.  La  chrysalide,  qui  gît  sur  le  sol,  non  suspendue, 
est  ovoïde,  jaunâtre,  avec  deux  taches  noires  en  relief,  qui  sont  deux 
stigmates,  de  chaque  côté  de  la  tête. 

Les  autres  Arge  de  la  France  sont  méridionales  et  montagneuses.  En 
Provence,  dans  le  Languedoc,  dans  le  Roussillon,  et  surtout  à  Vernet- 
les-Bains,  où  elle  remplace  complètement  VA.  Galaiea,  se  trouve 
VA.  LacJicsis,  Hûbner,  dont  les  ailes  ont  la  base  légèrement  grisâtre  et 
sans  taches.  Elle  a  le  vol  faible  et  pareil  à  celui  de  Galatea.  Ces  deux 
Arge  semblent  ne  pas  vouloir  quitter  l'endroit  qui  a  nourri  leurs  che- 
nilles, volant  irrégulièrement  de  bas  en  haut  et  suivant  rarement  une 
ligne  horizontale.  Au  contraire,  les  deux  autres  Arge  de  France,  Psyché, 
Ili^ibncr,  et  Clcanthe,  Boisd.  (var.  du  type  Clotho,  qui  est  de  l'Afrique 
septentrionale),  ont  un  vol  très  rapide,  quoique  peu  élevé  au-dessu;i  du 

GIRARD.  m.  —    li 


210  LÉPIDOl'TÈllES. 

sol.  Elles  semblent  toujours  pressées,  comme  si  elles  avaient  de  longues 
courses  à  faire.  L'A.  Psyché,  qu'on  ne  peut  capturer  facilement  que  de 
grand  matin,  vole,  pendant  les  mois  de  mai  et  de  juin,  dans  les  gar- 
rigues et  sur  les  collines  arides  des  environs  de  Montpellier  et  d'Hyères. 
L'A.  Cleanthe  se  trouve,  en  juin  et  en  juillet,  dans  les  Basses-Alpes,  aux 
environs  de  Digne;  ainsi  sur  la  montagne  de  Lure,  dans  la  Lozère; 
sur  la  causse  Méjean,  au-dessus  de  Florac  (J.  Fallou);  dans  le  Cantal, 
près  de  Saint-Flour  (Maurice  Sand).  Nous  citerons,  dans  les  espèces 
étrangères  à  la  France  :  A.  Herta,  Geyer,  de  Dalmatie,  de  Morée,  de 
Turquie  ;  A.  Amphitrite,  Hiibner,  de  Calabre,  de  Sicile,  d'Espagne  et  de 
l*ortugal;  A.  Inès,  Oclis.,  d'Espagne  et  de  Portugal,  etc. 

SATïRl'S,  Fabr,  —  Antennes  moins  longues  que  le  corps,  à  massue  de  forme 
variable.  Palpes  hérissés  de  poils  assez  raides,  serrés  à  leur  base,  ayant  le 
dernier  article  très  court,  conique,  plus  ou  moins  aigu.  Ailes  supérieures  arron- 
dies; ailes  inférieures  presque  toujours  dentées  à  angles  très  obtus.  —  C'est 
presque  exclusivement  aux  chenilles  et  chrysalides  de  ce  genre  que  se  rapporte 
ce  qui  a  été  dit  pour  les  Satyrides. 

Ce  genre  comprend  les  espèces  répandues  dans  le  plus  grand  nombre 
de  localités,  les  prairies,  les  jardins,  les  bords  des  routes,  les  bois,  les 
collines,  la  base  des  montagnes.  Elles  volent  peu  de  temps,  en  sau- 
tillant, montent  et  descendent  ;  se  reposent  bientôt  sur  les  rocliers,  les 
murs,  les  troncs  d'arbres,  les  buissons  ;  marchent  assez  vite  en  battant 
des  ailes,  puis  se  remettent  à  marcher  et  à  tourner  sur  elles-mêmes 
pour  s'envoler  de  nouveau. 

On  subdivise  habituellement  les  nombreuses  espèces  de  ce  genre  en 
plusieurs  groupes  établis  d'après  l'habitat  le  plus  ordinaire;  mais  il 
faudrait  bien  se  garder  de  croire  que  ces  groupes  imaginés  par  Du- 
ponchel,  et  qui  offrent  certaines  différences  minimes,  répondent  d'une 
manière  absolue  à  la  localisation  qu'ils  indiquent.  Ils  servent  toutefois 
à  diriger  les  recherches  des  amateurs  pour  recueillir  plus  sûrement 
une  espèce  donnée. 

Le  genre  Satyrus,  dans  son  sens  général,  contient  une  cinquantaine 
d'espèces  européennes.  Quelques-unes  sont  extrêmement  abondantes  et 
fournissent  la  grande  majorité  des  Lépidoptères  diurnes  qu'on  voit 
voler  dans  la  belle  saison.  11  n'y  en  a  qu'un  très  petit  nombre  qui  aient 
deux  générations  par  an.  Le  caractère  le  plus  apparent  des  espèces  de 
ce  genre  est  d'avoir  des  taches  ocellées,  au  moins  sur  une  des  deux 
surfaces  des  ailes.  Ces  taches  sont  ordinairement  orbiculaires,  noires 
et  pupillées  de  blanc,  quelquefois  entourées  de  plusieurs  cercles  con- 
centriques d'une  extrême  délicatesse  de  couleurs  et  de  dessins;  elles 
sont  toujours  placées  entre  les  nervures.  Très  souvent  les  taches  ocel- 
lées sont  visibles  de  part  et  d'autre  des  ailes,  mais  elles  sont  toujours 
plus  nettement  dessinées  en  dessous  qu'en  dessus.  On  reconnaît  encore 


SATYKLIS.  -JH 

facilement  les  Satyres  à  leurs  antennes  presque   complu temcnt   fili- 
formes, c'est-à-dire  dont  la  massue,   si  visible  chez  la   plupart    ds 
Diurnes,  est  très  peu  accusée. 

Les  auteurs  allemands  et  anglais  ont  subdivisé  le  genre  Satyrus  en 
genres^,  dont  on  peut  réellement  ne  faire  que  des  sous-genres,  d'après 
l'aspect  i^énéral  et  les  mœurs,  qui  restent  les  mêmes.  Les  Satyrus  pro- 
pres correspondent  aux  Éricicoles  et  Rupicolcs  de  Duponchel,  aux  Hip- 
parchia,  Fabr.  Les  papillons  mâles  de  ce  sous-genre  ont  sur  le  disque 
des  premières  ailes  une  tache  ou  épi  velii  que  la  lumière  fait  paraître 
d'une  couleur  différente  du  fond.  Les  yeux  sont  glabres;  la  nervure  cos- 
tale très  renfle'e  à  son  origine,  la  médiane  dilatée  tantôt  faiblement, 
tantôt  fortement,  l'inférieure  sans  dilatation  sensible  ;  les  antennes  à 
tige  grêle  et  plus  ou  moins  courbe,  à  massue  eu  bouton.  Les  chrysalides 
sont  sur  le  sol  parfois  en  coque  terreuse. 

Les  Papillons  de  ce  groupe  habitent,  en  général,  les  bois  secs  et 
rocailleux;  ils  se  posent  sur  les  pierres  et  le  tronc  des  arbres,  rejettent 
en  arrière  leurs  ailes  supérieures,  les  cachent  sous  les  inférieures,  et, 
se  confondant  d'ordinaire  par  le  dessin  avec  le  plan  de  position,  échap- 
pent complètement  à  la  vue  par  leur  couleur  grise  et  l'inclinaison 
qu'ils  se  donnent.  Il  y  a  quelques  grandes  espèces,  comme  S.  Cordula, 
Actœa,  Circe,  etc.,  qui  sont  souvent  difficiles  à  capturer,  car  elles  passent 
leur  vie  à  monter  et  à  descendre  parallèlement  aux  pentes  les  plus  escar- 
pées des  rochers,  où  il  est  très  pénible  et  dangereux  de  les  suivre.  Ainsi 
M.  J.  Fallou  m'a  rapporté  que  les  S.  Semele,  Hcrmione  et  Circe  habitent 
souvent  dans  la  même  localité  et  ont  aussi  les  mêmes  habitudes.  On 
dirait  qu'ils  jouent  ensemble  ;  ils  volent  en  se  poursuivant,  se  sépa- 
rent, puis  recommencent  le  même  manège.  Il  a  pu  voir  cela  à  Florac 
(Lozère),  sur  une  montagne  qu'on  nomme  ÏEmpezoïix,  en  face  de  la 
ville,  montagne  boisée  et  pierreuse,  mais  très  raide,  une  des  meil- 
leures localités  de  la  Lozère  pour  les  insectes.  Ces  Satyres  y  étaient  en 
assez  grand  nombre;  mais  lorsqu'on  voulait  les  prendre,  il  fallait  les 
attendre  au  passage,  sous  peine  de  se  casser  le  cou  en  voulant  les  pour- 
suivre, car  une  course  en  pareil  endroit  est  impossible.  Il  est  souvent 
arrivé  à  M.  J.  Fallou  que  lorsqu'il  était  habillé  de  blanc,  ces  Satyres  se 
posaient  sur  lui,  le  prenant  probablement  pour  quelque  rocher,  tandis 
que  pareil  fait  n'arrivait  pas  quand  il  portait  un  vêtement  de  couleur 
foncée. 

En  juin,  on  prend  à  Fontainebleau  Satyrus  Phœdra  dans  les  grandes 
herbes  du  mont  Chauvet  et  du  mont  Merle;  S.  Hermione  se  capture  dans 
toute  la  forêt.  On  n'y  trouve  pas  S.  Briseis,  qui  se  prend  à  Lardy  et 
à  Armainvilliers. 

Nous  citerons  quelques  espèces  communes  en  France.  Le  .S.  Semele, 
Linn. ,  V Agreste  d'Lngramelle,  des  lieux  secs  et  pierreux,  bruyères, 
taillis,  etc.,  de  toute  la  France,  le  seul  du  sous-gcnre  Satyrus  qui 
existe  dans  les  îles   Britanniques,  de  Zi8  millimètres   d'envergure,  la 


2iJ  f.fù^inoPTtiîES. 

femelle  beaucoup  plus  grande  et  semblable  ;  ailes  d'un  brun  jaunâtre  ; 
sur  les  supérieures  une  large  bande  peu  arrêtée,  formée  de  taches  fauves 
oblongues,  sur  laquelle  sont  deux  yeux  bruns,  écartés  et  éclairés  de 
jaune,  les  inférieures  dentées,  avec  la  môme  bande  mieux  marquée  et 
ornée  près  du  bord  terminal  de  quatre  taches  d'un  jaune  d'ocre;  dessous 
d'un  gris  cendré  avec  trois  lignes  noires,  la  médiane  éclairée  d'une 
bande  blanche.  Chenille  en  mai  et  juin,  sur  les  Graminées  ;  glabre, 
ridée  transversalement,  d'ungrislivideoucarné,  avec  cinq  lignes  variées, 
la  médiane  noire,  les  autres  d'un  gris  verdùtre;  la  tète  rousse  avec  six 
raies  noirâtres.  Chrysalide  non  suspendue,  sur  le  sol,  dans  une  coque 
terreuse  peu  consistante,  d'un  roux  jaunâtre,  avec  l'enveloppe  des  ailes 
plus  claire  et  parsemée  de  quelques  atomes  noirâtres. — -S.  Hermione, 
Linn.,  le  Silvandre  d'Engramelle,  principalement  des  terrains  calcaires, 
le  plus  grand  des  Satyres  des  environs  immédiats  de  Paris,  en  juillet  et 
août,  Compiùgne,  Villers-Cotterets,  Senlis,  Armainvilliers,  Sénart,  Fon- 
tainebleau surtout,  de  60  à  70  millimètres  d'envergure,  selon  le  sexe  ; 
les  ailes  d'un  brun  noir  chatoyant,  avec  une  large  bande  vers  le  bord 
d'un  blanc  obscurci,  saupoudrée  d'atomes  bruns,  un  œil  noir  au  sommet 
des  supérieures  chez  le  mâle  ;  deux  yeux  noirs,  un  au  sommet,  un 
médian  chez  la  femelle  ;  un  œil  noir  à  l'angle  anal  aux  ailes  inférieures. 
Chenille  en  mai,  sur  les  Bromes,  se  cachant  le  jour,  facile  à  prendre  la 
nuit  à  la  lanterne,  le  long  des  tiges.  —  S.  Brisais,  Linn.,  VHermitc  d'En- 
gramelle, des  coteaux  secs  et  pierreux,  de  tous  les  terrains,  des  bois 
herbus,  des  carrières  gazonnées,  de  juillet  et  d'août,  à  Lardy,  au  bois 
xXotre-Darae,  à  la  côte  d'Aunay,  sur  les  hauteurs  de  Sèvres,  entre  Saint- 
Germain  et  Versailles,  etc.,  volant  plus  vers  le  soir  que  dans  le  courant 
du  jour,  avec  beaucoup  moins  de  femelles  que  de  mâles;  ailes  brunes, 
de  52  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle,  avec  une  bande  transversale 
d'un  blanc  jaunâtre,  marquée  de  deux  yeux  noirs  sur  les  ailes  supé- 
rieures et  souvent  d'un  petit  œil  noir  près  de  l'angle  anal  des  inférieures; 
femelle  plus  grande,  avec  les  bandes  plus  larges  et  mieux  arrêtées,  le 
dessous  plus  p?.le  ;  ses  œufs  sont  d'un  blanc  de  lait,  fortement  cannelés 
avec  saillies  longitudinales,  tronqués  aux  deux  bouts,  ressemblant  à 
un  petit  baril  (H.  Lucas).  Dans  le  midi  de  la  France  une  variété  PîVafa, 
Esper,  d'un  ton  plus  ardent,  avec  la  bande  d'un  jaune  d'ocre  foncé  de 
part  et  d'autre,  le  dessous  des  ailes  inférieures  d'un  gris  cendré  ;  che- 
nille grise,  avec  trois  lignes  foncées  et  le  ventre  clair,  en  mai  et  juin 
à  la  racine  des  Graminées.  —  Deux  autres  espèces  des  environs  de  Paris 
sont  localisées;  ce  sont  :  S.  Arethusa,  S.  V.,  le  Mercure  d'Engra- 
melle, propre  aux  terrains  calcaires  des  bois  secs  et  rocailleux,  se 
posant  souvent  à  terre,  la  femelle  plus  claire  que  le  mâle;  en 
août,  Lardy,  Fontainebleau,  Sénart,  Armainvilliers,  environs  de  Ver- 
sailles, etc.  Chenille  encore  inconnue.  Une  variété  méridionale,  Ery- 
thia,  Hùbner,  d'unbrun  plus  foncé,  âtaches  fauves  plus  vives,  le  dessous 
des  ailes  supérieures  d'un  jaune   viL  —  S.  Statilinus,  Hufnagel  (syn. 


SATYRUS.  213 

Fauna,  Sulzer),  le  Faune  d'Engramelle,  paraissant  préférer  les  terrains 
siliceux  ou  granitiques  aux  terrains  calcaires  ;  la  femelle  assez  rare, 
ayant  une  éclaircie  sur  les  ailes  supérieures  ;  endroits  arides,  en  août, 
se  posant  fréquemment  sur  le  sol.  Chenille,  en  juin,  sur  les  Bromes  des 
bois,  facile  à  se  procurer  en  faucliant  la  nuit  sous  bois  (Maurice  Sand); 
Fontainebleau,  Lardy,  la  Varenne,  etc.,  espèce  commune  autrefois  au 
bois  de  Boulogne.  Une  variété  méridionale,  AlUonia,  Fabr.,  plus  grande 
et  plus  foncée.  —  Le  sous-genre  Satijrus  ofi're  encore  deux  espèces  im- 
portantes, du  centre  et  du  midi  de  la  France,  mais  qui  ne  sont  plus  de  la 
faune  parisienne  :  S.  Dnjas  (syn.  Phœdra,  Linn.),  le  grand  Nègre  des 
bois  d'Engramelle,  des  régions  calcaires,  que  l'on  commence  à  trouvera 
partir  de  la  forêt  d'Orléans  et  de  la  Côte-d'Or,  très  rare  à  Fontainebleau, 
commun  dans  les  Vosges,  dans  les  bois  des  bords  du  Rhin,  en  Au- 
vergne, à  la  Forét-Verte,  près  de  Rouen,  assez  rare,  etc.,  des  régions 
calcaires,  grands  bois  à  Bruyères,  en  juillet  ;  envergure  55  millimèlres. 
Chez  le  màlc,  ailes  dentées,  d'un  brun  noirâtre,  les  supérieures 
à  deux  grands  yeux  noirs,  à  pupille  bleue  et  à  contour  jaune  ;  les 
inférieures  avec  un  petit  œil  anal,  leur  dessous  d'un  brun  clair, 
avec  une  bande  médiane  diffuse,  formée  d'atomes  blanchâtres; 
femelle  plus  grande,  plus  claire ,  les  yeux  plus  grands  et  mieux 
pupilles.  Chenille  en  juin,  dans  les  bois,  sur  l'Avoine  élevée  {Avena 
elatior),  facile  à  trouver  en  fauchant  la  nuit  (Maurice  Sand).  Elle  est 
glabre,  d'un  gris  rougeatre  ou  couleur  de  chair,  avec  une  ligne  dor- 
sale brune,  oblitérée  sur  le  thorax,  et  de  chaque  côté  une  ligne  blan- 
châtre, puis  les  stigmates  noirs  placés  au-dessus  d'une  bande  blan- 
châtre, les  pointes  caudales  de  la  couleur  du  corps,  ainsi  que  les  pattes 
membraneuses,  les  pattes  thoraciques  brunes,  la  tôte  roussâtre,  avec 
six  lignes  brunes  longitudinales.  A  la  fin  de  juin,  chrysalide  arrondie, 
d'un  fauve  clair,  non  suspendue,  placée  sur  le  sol  dans  une  petite 
coque  terreuse. —  S.  Circe,  Fabr.,  grande  et  belle  espèce  du  tiers  méri- 
dional de  la  France,  volant  du  milieu  de  juin  au  milieu  d'août,  selon 
l'altitude  des  localités  ;  fréquentant  de  préférence  les  collines  pier- 
reuses et  se  reposant  volontiers  sur  les  rochers;  frappant  tout  de  suite 
les  yeux  par  la  large  bande  longitudinale  de  taches  d'un  blanc  pur,  qui 
traverse  les  deux  ailes  sur  un  fond  d'un  brun  noir  velouté,  avec  un 
gros  œil  noir  au  milieu  de  la  tache  blanche  apicale  de  l'aile  supé- 
rieure. D'après  l'aspect,  je  pensai  tout  de  suite  aux  Nymphales,  quand 
je  vis  pour  la  première  fois  à  l'état  vivant  ce  magnifique  Satyre,  pla- 
nant avec  légèreté,  au  commencement  d'août,  dans  les.  vignobles  des 
environs  d'Angoulême,  où  m'appelait  alors  ma  mission  de  délégué  de 
l'Académie  des  sciences  pour  le  Phylloxéra.  Chenille  entièrement 
glabre,  d'un  gris  livide,  portant  un  grand  nombre  de  stries  rougeàtres, 
avec  trois  lignes  longitudinales  d'un  noir  verdâfre,  une  bande  latérale 
jaunâtre  portant  les  stigmates  noirs,  bordée  inférieurement  par  un 
bourrelet  d'un  blanc  jaunâtre  ;  la  tôte  rougeatre,  marquée  longitudina- 


2I/(  LtPIDOPTËliES. 

lement  de  six  raies  d'un  brun  noir  ;  le  ventre  et  les  pattes  d'un  gris 
rougeâtre  livide,  les  pointes  caudales  de  la  couleur  du  reste  du  corps. 
Cette  chenille  vit  sur  diverses  Graminées,  telles  que  la  Flouve  odorante 
{Anthoxanthum  odoratum),  l'Ivraie  annuelle  {Lolium  2Jeremie)etplusieurs 
œpèces  de  Bromes.  Elle  se  cache  pendant  le  jour  sous  les  pierres,  et 
ne  sort  de  sa  retraite  pour  manger  qu'après  le  coucher  du  soleil.  On  la 
trouve  en  mai  et  juin  à  toute  sa  taille,  en  retournant  force  pierres  dans 
les  endroits  où  le  papillon  s'est  montré  l'année  d'avant;  elle  est  très 
grasse  et  à  pattes  très  courtes,  ce  qui  rend  sa  marche  fort  lente  et 
pénible;  elle  reste  engourdie  pendant  le  jour.  Chrysalide  d'un  brun 
rougeâtre,  plus  clair  sur  les  fourreaux  des  ailes,  arrondie  comme  celle 
d'une  Noctuelle,  le  corselet  seulement  légèrement  caréné,  les  stig- 
mates grands  et  légèrement  saillants,  surtout  les  deux  qui  sont  placés 
derrière  la  tête,  à  l'origine  des  ailes ,  comme  deux  évents  ;  non 
suspendue,  elle  repose  dans  une  petite  cavité  terreuse  creusée  par  la 
chenille. 

Le  sous-genre  Pararga,  Hûbner,  Herrich  SchfefTer;,  formé  des  Vici- 
coles  et  des  Ramicoles  de  Duponchel,  du  genre  Lasiommata,  Westw., 
du  Catalogue  anglais,  offre  des  Satyres  dont  les  nervures  costale  et 
médiane  des  ailes  supérieures  sont  plus  ou  moins  renflées  à  leur  ori- 
gine, l'inférieure  étant  sans  dilatation  sensible.  Les  mâles  ont  un  épi 
aux  ailes  supérieures;  les  antennes  .sont  visiblement  annelées  de  blanc 
et  terminées  par  un  bouton  piriforme  plus  ou  moins  long  et  aplati;  les 
yeux  sont  pubescents;  il  y  a  un  œil  sur  les  premières  ailes,  cinq  ou  six 
sur  les  inférieures.  Ce  sont  des  Papillons,  les  uns  du  voisinage  des  habi- 
tations, qu'ils  aiment  beaucoup,  les  autres  des  bois  humides,  soit  de 
peu  d'étendue,  soit  grands.  Les  chrysalides  sont  suspendues  par  la 
queue,  le  plus  souvent  allongées,  à.  angles  arrondis  et  à  tête  globu- 
leuse, avec  deux  rangées  de  tubercules  sur  le  dos.  Les  chenilles  sont 
pubescentes,  généralement  vertes,  avec  des  raies  longitudinales,  soit 
plus  claires,  soit  plus  foncées,  et  la  tête  globuleuse. 

Deux  espèces  sont  principalement  amies  des  lieux  habités,  volant  le 
long  des  murs  de  jardins  et  les  clôtures,  et  souvent  même  dans  les 
villages.  Elles  ont  deux  époques  d'apparition,  en  mai,  puis  en  juillet  et 
août,  et  semblent  aimer  à  voltiger,  on  dirait  presque  à  flâner,  le  long 
des  murs.  On  les  voit  souvent,  d'un  vol  sautillant  et  saccadé,  suivre 
de  longues  murailles  d'un  bout  à  l'autre,  comme  si  elles  les  exploraient 
de  basen  haut  et  de  haut  en  bas,  souvent  sans  se  reposer  sur  aucun  point. 
Leurs  chenilles  vivent  sur  toutes  sortes  de  Graminées  croissant  au  pied 
des  murs  et  des  clôtures.  L'une  de  ces  espèces  est  le  S.  Mara,  Linn., 
le  Satyre  de  Geoffroy,  l'Ariane  d'Engramelle,  de  presque  toute  la 
France,  manquant  aux  îles  Britanniques;  Zi5  millimètres  d'envergure 
chez  le  mâle;  les  ailes  d'un  brun  jaunâtre,  avec  une  bande  antétermi- 
nale  de  taches  fauves,  cette  bande  coupée  par  une  ligne  brune  aux 
ailes  supérieures  et  marquée  au  sommet  d'un  grand  œil  noir  à  double 


SATYRUS.  215 

pupille  blanche,  souvent  surmonté  d'un  autre  très  petit;  la  bande  dos 
ailes  inférieures  composée  de  quatre  taches  dont  les  deux  anales  arron- 
dies, marquées  chacune  d'un  œil  noir,  le  dessous  des  ailes  supérieures 
plus  clair,  celui  des  inférieures  d'un  gris  blanchâtre  avec  trois  lignes 
foncées  surmontées  de  six  yeux  subcontigus  entourés  de  cercles  bruns 
et  jauncitres,  dont  l'anal  double.  Femelle  plus  grande  et  plus  claire,  avec 
la  bande  des  ailes  supérieures  s'étendant  sur  tout  le  disque.  Une 
variélé  Adrasta,  Hûbner,  un  peu  plus  grande,  plus  foncée,  labande  fauve 
plus  vive,  le  dessous  des  ailes  inférieures  d'un  gris  plus  foncé,  très  sau- 
poudré de  brunâtre  et  de  violâtre,  se  trouvant  avec  le  type,  ainsi  que 
tous  les  passages  intermédiaires,  surtout  dans  les  lieux  froids  et  mon- 
tueux.  Chenille  en  avril  et  en  juin,  pubescente,  d'un  vert  clair,  à  lignes 
plus  foncées  et  la  stigmatale  jaune.  Chrysalide  suspendue  aux  murs, 
tantôt  verte,  tantôt  d'un  noir  verdâtre,  un  peu  anguleuse,  légèrement 
bifide,  avec  deux  rangées  dorsales  de  tubercules  jaunes  ou  fauves. 
—  L'autre  espèce,  très  voisine,  existant  dans  les  îles  Britanniques,  égale- 
ment très  vicicole,  est  le  S.  Megœra,  Linn.,  le  Satyre  d'Engramelle,  de 
ZiO  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle;  les  ailes  d'un  jaune  fauve,  à 
lignes  transverses  brunes,  les  supérieures  avec  une  bande  brune  élargie 
sur  le  disque  et  un  œil  apical  à  une  seule  pupille  surmonté  d'un  très 
petit  œil  ;  les  inférieures  légèrement  dentées,  avec  des  taches  fauves 
foncées  sur  lesquelles  sont  quatre  ou  cinq  yeux,  leur  dessous  d'un  gris 
jaunâtre,  avec  lignes  brunes  dentées,  éclairées  de  fauve,  et  six  petits 
yeux  isolés,  entourés  de  circonférences  brunes  et  jaunâtres.  Femelle 
plus  grande,  plus  pâle,  sans  la  bande  plus  large  des  ailes  supérieures. 
Chenille  pubescente,  d'un  vert-pomme,  avec  cinq  lignes  longitudinales 
d'un  vert  foncé  et  une  stigmatale  jaunâtre,  se  prolongeant  sur  les 
pointes  anales  ;  la  tête  verte,  arrondie,  hérissée  de  poils  noirâtres;  les 
pattes  thoraciques  roussàtres,  les  membraneuses  vertes,  avec  les  cro- 
chets noirs.  Chrysalide  suspendue,  un  peu  plus  courte  que  celle  de 
S.  Mœra,  pareillement  verte  ou  d'un  noir  verdâtre  et  légèrement  angu- 
leuse, avec  deux  rangées  dorsales  de  tubercules  jaunâtres  ou  blan- 
châtres. —  Une  autre  espèce  du  sous-genre  Pararga  vole  dans  les  bois 
grands  et  petits  et  dans  les  sentiers  humides  et  ombragés  de  Normandie 
et  de  Bretagne,  dans  les  clairières,  le  long  des  haies  épaisses,  se  posant 
fréquemment  sur  les  feuilles  et  s'élevant  assez  haut  en  volant;  se  réfu- 
giant, dès  qu'on  l'effraye,  au  plus  épais  du  taillis.  C'est  le  Satyre  qui 
paraît  le  plus  tôt,  au  début  d'avril,  et  disparaît  le  plus  tard,  en  octobre, 
avec  deux  générations,  de  printemps  et  d'été.  Ce  S.  Mgeria,  Linn.,  le 
Tirais  de  Geoffroy  et  d'Engramelle,  existant  dans  les  îles  Britanniques, 
très  commun  en  France,  a  les  deux  sexes  semblables,  de  /lO  millimètres 
d'envergure  ;  les  ailes  dentées,  brunes,  avec  de  nombreuses  taches 
arrondies  d'un  jaune  pâle  et  la  frange  blanche  ;  un  œil  noir  au  sommet 
des  ailes  supérieures,  aux  ailes  inférieures  trois  ou  quatre  yeux  noirs 
avec  pupille  sur  les  taches  jaunes  d'avant  la  bordure;  le  dessous  de  ces 


•215  f.i';piDOPTf;iiK?. 

ailes  inférieures  teinté  sur  le  bord  de  gris  yiolâtre,  avec  quatre  ou  cinq 
points  jaunes,  vaguement  entourés  de  brun.  Femelle  plus  arrondie, 
avec  les  taches  jaunes  plus  pâles  et  plus  grandes.  Une  variété  Meone, 
Esper,  diffère  du  type  par  ses  taches  d'un  fauve  jaunâtre  au  lieu  de 
jaune  pâle  et  plus  grandes,  le  dessous  d'un  ton  plus  vif,  plus  fortement 
violacé  aux  ailes  inférieures.  Cette  variété  est  méridionale,  remontant 
par  places  au  centre  de  la  France  dans  les  localités  assez  chaudes, 
Poitou,  Cher,  etc.  Dans  l'arrondissement  de  Confolens  (Charente),  qui 
touche  au  Limousin,  et  dans  le  Limousin,  régions  froides  et  élevées,  on 
retrouve  le  type  de  Paris  et  du  nord  de  la  France,  Meone  existant  seul 
dans  le  reste  des  Charentes.  A  Granville  (Manche),  j'ai  pris,  en  automne, 
un  certain  nombre  de  S.  JEgeria  pareils  à  ceux  de  nos  bois  parisiens, 
d'autres  faisant  le  passage  aux  Meone  à  fond  ardent  des  environs  de 
Montpellier, parleurs  taches  d'un  fauve  plus  ou  moins  vif;  toutefois  les 
bandes  brunes  restent  aussi  nettes  et  aussi  larges  que  dans  /Egeria  type. 
D'après  le  Catalogue  de  M.  Maurice  Sand,  il  y  aurait  pour  cette  espèce, 
dans  certaines  localités,  un  dimorphisme  saisonnier,  l'éclosion  d'août 
donnant  Meone  dans  le  Cher,  Tlndre,  l'Auvergne,  la  Creuse,  le  Can- 
tal, etc.;  l'éclosion  de  printemps,  en  avril,  dans  les  mêmes  lieux,  don- 
nant le  type  du  Nord  ou  jEgerides  de  Staudinger.  Chenille  pubescente, 
verte,  avec  trois  lignes  géminées  jaunes,  se  prolongeant  sur  les  pointes 
anales;  se  trouvant  en  mai,  puis  en  septembre,  sur  le  Chiendent  {Tri- 
ticum  repens)  et  sur  d'autres  Graminées;  les  chenilles  de  seconde  géné- 
ration donnant  des  chrysalides  qui  passent  l'hiver.  Chrysalide  verdâtre, 
anguleuse,  courte,  légèrement  bifide  antérieurement,  avec  le  dos  renflé 
et  chargé  de  deux  rangs  de  petits  boutons  tuberculeux.  —  S.  Dejanira, 
Linn.,  la  Bacchante  de  Geoffroy,  espèce  des  grands  bois  humides,  peu 
élevés,  très  ombragés,  toujours  de  plaine;  la  femelle  peu  abondante 
comparativement  au  mâle,  ne  paraissant  qu'une  fois,  en  juin;  d'un  vol 
assez  faible,  très  sautillant  et  saccadé,  ce  Papillon  se  posant  fréquem- 
ment sur  les  feuilles.  Ce  Satyre  diffère  des  autres  Pararga  en  ce  qu'il 
a  plusieurs  yeux  sur  les  ailes  antérieures,  cinq  yeux  bruns  cerclés  de 
jaune,  sur  un  fond  d'un  brun  jaunâtre,  cinq  aux  ailes  inférieures  en 
deux  groupes  de  deux  et  de  trois,  entourés  de  blanc  sur  le  dessous  des 
ailes  inférieures.  Chenille  pubescente,  verte,  avec  cinq  lignes  longitu- 
dinales plus  foncées,  trois  dorsales,  doux  latérales  doublées  d'une  stig- 
matale  blanchâtre  ;  tète  jaunâtre,  ainsi  que  les  pattes  thoraciqucs,  les 
pattes  membraneuses  et  les  pointes  caudales  vertes  ;  en  mai  sur  l'Ivraie 
vivace  {Lolium  perenne).  Chrysalide  sur  la  terre. 

Le  sous-genre  £pmep/ii/e,  Hûbner,  Herrich  Schœffer,  présente  les  ner- 
vures costale  et  médiane  également  dilatées  à  leur  origine,  l'inférieure 
sans  dilatalion  sensible  ;  les  antennes  cà  massue  allongée,  grossissant 
insensiblement  et  confondue  avec  la  lige;  les  yeux  glabres;  un  épi  auv 
ailes  supérieures  des  mâles.  Chenilles  pubescentes,  grises  ou  vertes, 
avec  des  raies  longitudinales   et  la  tète  globuleuse,  se  suspendant  le 


SATYnus.  217 

plus  souvent  parla  queue  pour  la  nymphose;  chrysalides  peu  allon- 
gées, à  angles  arrondis,  avec  la  tôle  bifide.  M.  Guenée  ne  sépare  pas 
les  Epim'phih'  des  Pararç/a,  et  nous  trouvons  qu'il  a  raison.  C'est  par  un 
motif  étranger  à  la  science,  celui  d'obéir  aux  habitudes  du  plus  grand 
nombre,  que  nous  conservons  ces  deux  sous-genres.  Leur  réunion  forme 
les  Satynis  de  M.  Guenée,  et  nos  Satijnis  sont  ses  Hipparchia. 

Le  groupe  des  Epinephile  comprend  des  espèces  formées  de  Ramicoles 
et  d'Herbicoles  de  Duponchel,  n'ayant  qu'une  tache  oculaire,  ordinai- 
rement à  deux  pupilles  sur  les  ailes  supérieures.  Nous  citerons  : 
S.  Hijperanthus,  Linn.,  le  Tristan  de  Geoffroy,  à  cause  de  sa  livrée 
sombre,  the  Ringlrt  [Enodia)  des  Anglais,  Ù2  millimètres  d'envergure 
chez  le  mâle  ;  les  ailes  arrondies,  d'un  brun  noir  uni  en  dessus,  avec 
quelques  points  noirs  et  la  frange  d'un  gris  blanc  ;  les  ailes  en  dessous 
d'un  brun  jaunâtre,  portant  de  deux  à  quatre  yeux  noirs  à  iris  jaune, 
cinq  semblables  sur  les  inférieures,  dont  deux  isolés  près  du  bord  anté- 
rieur. Femelle  plus  grande,  avec  les  ocelles  mieux  marqués  et  visibles 
en  dessus;  les  œufs  sont  d'un  blanc  jaunâtre.  Ce  Satyre  est  très  commun 
en  juin  et  juillet,  sur  les  fleurs  de  Ronces  et  dans  les  prairies  silva- 
tiques^  où  il  vole  par  milliers  en  certaines  années.  Une  variété.  Arête, 
Mulier,  ne  diffère  du  type  que  par  la  disparition  des  yeux  en  dessous, 
ou  leur  remplacement,  comme  passage,  par  de  petits  points  d'un 
blanc  jaunâtre,  et  se  trouve  avec  le  type,  mais  rarement,  dans  les  envi- 
rons de  Paris.  Chenille  pubescente,  légèrement  chagrinée  et  d'un  gris 
roussâtre,  avec  la  ligne  vasculaire  brune  et  la  stigmatale  blanchâtre  ; 
les  pattes  grises,  la  tète  rougeâtre,  rayée  de  brun  ;  vivant  solitaire  en 
avril  et  mai  sur  le  Millet  épars  {Milium  cffusnm)  et  sur  le  Paluriu 
annuel  (Poa  annua).  Chrysalide  non  suspendue,  gisant  sur  le  sol,  courte, 
presque  ovoïde,  de  la  même  couleur  que  la  chenille.  — S.Jamra,lÀnn. 
(syn.  Jurtina,  Linn.  pour  le  mâle),  le  Myrtile  de  Geoffroy  et  d'Engra- 
melle,  le  plus  commun  de  tous  les  Satyres  et  peut-être  de  tous  les 
Hhopalocères,  se  trouvant  dans  les  îles  Britanniques.  C'est  le  Satyre  le 
plus  répandu  dans  les  champs  et  les  prairies,  sur  les  hsières  des  bois 
et  le  long  des  haies,  se  posant  très  fréquemment  à  terre,  volant  par 
tourbillons  sur  les  Ronces  en  fleur,  de  la  fin  de  juin  à  la  fin  d'août; 
harcelant  et  persécutant  les  autres  Diurnes  qui  butinent  sur  les  mêmes 
fleurs  que  lui,  et  venant  à  bout  de  les  contraindre  à  s'éloigner  pour  lui 
céder  la  place,  quelles  que  soient  leur  taille  et  leur  force.  Mâle  de 
Zi5  millimètres  d'envergure  ;  à  ailes  brunes,  les  supérieures  ayant  le 
disque  plus  formé  et  velu  et  un  œil  apical  à  iris  fauve,  les  inférieures 
dentées,  d'un  brun  uni  ;  le  dessous  des  supérieures  d'un  jaune  fauve, 
entouré  de  gris  jaunâtre,  reproduisant  l'œil  du  dessus,  le  dessous  des 
ailes  inférieures  d'un  gris  jaunâtre,  plus  foncé  jusqu'à  la  ligne  mé- 
diane, qui  est  suivie  d'un  à  trois  points  noirs  entourés  de  jaune. 
Famelle  plus  grande  ;  les  ailes  supérieures  avec  une  bande  anté- 
terminale  fauve,  s'étendant  plus  ou  moins  sur  le  disque,  l'œil  apical 


218  LÉPIDOPTÈRES 

souvent  géminé  ;  les  ailes  inférieures  avec  une  bande  antéterminale 
un  peu  plus  claire  que  le  fond,  le  dessous  de  ces  ailes  inférieures 
plus  clair  que  chez  le  mâle.  Var.  Hispulla,  Hùbner,  plus  grande  dans 
les  deux  sexes ,  avec  le  dessous  plus  jaunâtre  et  marqué  d'ordi- 
naire de  quatre  points  noirs  ;  chez  la  femelle,  le  disque  des  ailes  supé- 
rieures et  la  bande  des  inférieures  entièrement  fauves;  en  mai  dans  le 
midi  de  la  France,  se  capturant  quelquefois  à  Fontainebleau  et  aux  en- 
virons de  Paris,  mais  n'y  étant  jamais  d'un  caractère  bien  tranché. 
On  cite  une  aberration  femelle  trouvée  à  Bondy,  près  de  Paris,  entière- 
ment albine,  ayant  les  ailes  blanches  sur  les  deux  faces,  et  de  même 
la  tète,  les  pattes,  les  antennes.  Chenille  (pi.  i.xxxui,  fig.  2)  ordinaire- 
ment d'un  beau  vert-pomme,  quelquefois  d'un  vert  jaunâtre,  entiè- 
rement recouverte  de  poils  blanchâtres,  plus  fournis  que  chez  les 
autres  chenilles  de  Satyres,  et  dont  ceux  du  dos  sont  dirigés  vers  la 
région  anale  ;  une  raie  dorsale  d'un  vert  obscur,  la  stigmatale 
blanche  ou  jaunâtre  ;  le  ventre,  les  pattes  et  la  tête  d'un  vert  obscur, 
les  pointes  anales  souvent  lavées  de  rose.  Cette  chenille  vit  sur 
diverses  Graminées,  particulièrement  sur  le  Paturin  des  prés  (Poa 
fratensis)  ;  elle  passe  l'hiver  engourdie  sous  les  feuilles  sèches ,  après 
avoir  subi  sa  première  mue,  et  continue  de  croître  au  printemps  sui- 
vant, jusqu'à  la  fin  de  mai  ou  au  commencement  de  juin,  époque  à  la- 
quelle on  la  trouve  d'ordinaire  parvenue  à  toute  sa  taille;  alors  elle  se 
suspend  à  un  brin  d'herbe,  pour  devenir  chrysalide,  et  le  papillon  éclôt 
quinze  jours  après.  Chrysalide  (pi.  Lxxxm,  fig.  2  a)  d'un  vert  pâle  ou  jau- 
nâtre, avec  raies  longitudinales  brunes  ou  jaunâtres,  le  dos  garni  de 
deux  rangées  de  tubercules  de  même  couleur,  peu  saillants,  la  tête  en 
croissant  ou  bifide.  — S.  Tiihonsu,  Linn.,  ou  Tithonius,  rA'inaryllis  de  Geof- 
froy, presque  aussi  abondant  que  l'espèce  précédente  et  volant  à  la  même 
époque,  également  des  îles  Britanniques,  the  Gâte  Keeper,  de  tous  les 
bois,  sur  les  Ronces  et  Bruyères;  le  mâle  de  37  millimètres  d'envergure, 
ayant  les  ailes  fauves  bordées  de  brun  ;  les  supérieures  ayant  sur  le 
disque  une  tache  oblongue,  velue,  noirâtre,  fondue  sur  les  bords,  par- 
tant du  bord  interne^,  et  un  œil  apical  noir,  à  deux  pupilles  blanches,  les 
inférieures  dentées  et  obscures  à  la  base,  dont  le  dessous  est  d'un  gris 
roux  vers  la  ligne  médiane,  qui  est  éclairée  d'une  bande  jaune,  et  sur 
celle-ci  trois  ou  quatre  points  blancs  entourés  de  roussâtre,  les  deux 
supérieurs  isolés.  Femelle  plus  grande,  d'un  fauve  plus  clair,  n'ayant 
pas  la  tache  noire  discoïdale  sur  les  ailes  supérieures.  Chenille  pubes- 
cente,  tantôt  verte,  tantôt  grise  ou  bleuâtre,  avec  une  ligne  vasculaire 
plus  foncée  et  deux  stigmatales  blanches,  la  tête  ferrugineuse,  les  pattes 
et  les  pointes  caudales  de  la  couleur  du  corps.  Elle  ne  paraît  qu'une 
fois  et  vit  sur  le  Paturin  annuel  {Poa  annua),  se  métamorphose  dans  le 
courant  de  juin,  le  papillon  éclosant  au  bout  de  quinze  jours.  Chrysa- 
lide suspendue,  courte  et  légèrement  bifide  antérieurement,  verte  ou 
grise,  avec  quelques  taches  noires  sur  les  fourreaux  alaires ,  les  stig- 


SATYKUS.  219 

mates  noirs.  — S.  Pasiphae,  Esper,  espèce  analogue  ;\  la  précédente,  très 
répandue  en  mai  et  juin  dans  les  lieux  un  -çeu  boisés  du  midi  de  la 
France,  Hyorcs,  Montpellier,  Dauphiné,  etc. 

Le  dernier  groupe  du  grantl  genre  Sa  fî/rws,  correspondant  auxDumi- 
coles  de  Duponchel,  peut  être  appelé  celui  àc?,  petits  Satyres:  c'est  le 
sous-genre  Cœnonympha,  Hûbner,  Herricli  Schaiffer,  ou  Chortobius, 
Guenée.  Dans  ce  sous -genre,  le  corps  est  petit,  très  poilu;  les  ailes  en- 
tières, arrondies,  avec  les  trois  nervures  costale,  médiane  et  sous-mé- 
diane des  ailes  supérieures  très  fortement  et  également  renflées  à 
leur  origine,  ces  ailes  poilues  et  munies  d'une  longue  frange,  de  même 
que  les  ailes  inférieures  ;  les  yeux  proéminents  et  glabres,  les  antennes 
annelées  de  gris  et  de  brun,  à  massue  allongée  et  fusiforme  ;  les  tarses 
des  pattes  palatines  du  mâle  uniarticulés,  ceux  de  la  femelle  à  articles 
épineux,  aux  autres  pattes  les  jambes  et  tarses  soyeux,  avec  les  éperons 
des  jambes  longs,  les  ongles  des  tarses  aigus,  courbés  et  entiers;  l'abdo- 
men médiocrement  long  et  grêle.  Cbenilles  assez  courtes,  lisses,  avec 
des  raies  longitudinales  foncées,  la  queue  fourchue,  la  tête  petite  et  glo- 
buleuse ;  s'attacliant  par  la  queue  pourlanymphose.  Chrysalides  courtes, 
épaisses,  arrondies,  sans  tubercules,  avec  la  tête  très  légèrement  bifide. 

Les  petits  Satyres  de  ce  groupe  sont  assez  nombreux  en  espèces,  sur- 
tout en  Europe,  dans  la  Russie  asiatique,  l'archipel  indien,  l'Australie 
et  la  Nouvelle-Zélande,  la  Californie.  Ils  ont  les  taches  oculaires  plus  ou 
moins  nombreuses  sur  les  quatre  ailes,  la  frange  étant  précédée  en  des- 
sous, dans  presque  toutes  les  espèces,  d'une  ligne  argentée.  La  plupart 
voltigent  sur  les  buissons  et  dans  les  taillis.  Ce  sont  des  Papillons  qui 
habitent  exclusivement  les  lieux  herbus  des  bois  et  des  champs,  et  se 
posent  à  terre  les  ailes  relevées  et  rejetées  en  arrière.  Les  deux  sexes 
sont  presque  semblables.  Nous  citerons  dans  ce  groupe  :  S.  Hero,  Linn., 
le  Mélibée  d'Engramelle,  espèce  localisée  dans  certains  bois  humides,  se 
trouvant  abondamment  près  de  Paris,  à  Armainvilliers,  de  la  fin  d'avril 
à  la  fin  de  mai  et  au  commencement  de  juin,  aussi  dans  le  bois  Notre- 
Dame,  rare  à  Montmorency  et  Bondy,  très  rare  à  Fontainebleau ,  forêt 
sèche,  se  trouvant  aux  bois  deHenrichemont  et  de  Saint-Florent  dans  le 
Cher,  dans  la  forêt  de  Senlis  et  à  l'Ile-Adam  ;  devenant  commune  quand 
on  remonte  au  nord  de  la  France,  dans  les  Vosges,  en  Alsace,  etc.  ;  en- 
vergure 32  millimèires;  ailes  d'un  brun  noirâtre,  les  supérieures  ayant 
parfois  au  sommet  un  petit  point  noir  entouré  de  fauve ,  les  inférieures 
trois  ou  quatre  points  semblables,  dont  deux  beaucoup  plus  gros  ;  des- 
sous beaucoup  plus  clair,  avec  une  ligne  antéterminale  plombée  et 
brillante,  ce  dessous  aux  ailes  inférieures  offrant  cinq  ou  six  yeux  noirs, 
à  pupille  blanche,  à  iris  d'un  fauve  rouge,  ces  yeux  précédés  d'une 
bande  blanche  très  inégale,  le  bord  terminal  étant  en  outre  longé  par 
une  ligne  d'un  rouge  fauve.  Femelle  ayant  parfois  un  second  point  sur 
les  ailes  supérieures  et  les  ocelles  mieux  marqués;  elle  pond  des  œufs 
verts.  Ce  Satyre  offre  de  grandes  variations  pour  les  taches  oculaires, 


220  LÉPIDOPTiîRES. 

surtout  pour  la  face  du  dessous  des  ailes,  ainsi  que  je  l'ai  constaté  sur 
de  nombreux  sujets  récoltés  pendant  plus  de  dix  ans  dans  la  forôt  d'Ar- 
mainvilliers.  Dans  le  type  le  plus  fréquent  de  celte  localité,  le  mâle  ne 
présente  aucun  ocelle  à  la  face  supérieure  de  l'aile  antérieure,  tandis 
que  la  face  inférieure  en  offre  le  plus  souvent  un  petit,  qui  manque  par- 
fois. La  femelle  a  au  contraire  un  ocelle  aux  deux  faces  de  celte  aile 
antérieure,  ocelle  fauve,  à  prunelle  noire,  prés  du  bord  antérieur.  Sur 
le  dessous  de  l'aile  inférieure  existent,  près  du  bord  six  ocelles  bordés 
intérieurement  d'une  étroite  bande  blanche,  et  en  dessus  quatre 
ocelles  fauves  à  prunelle,  deux  gros  moyens,  deux  petits  extrêmes.  Ce 
sont  ces  quatre  ocelles  de  la  face  supérieure  de  l'aile  inférieure  qui 
offrent  les  plus  fréquentes  variations,  tantôt  perdant  les  prunelles 
noires,  réduits  tantôt  à  trois,  tantôt  aux  deux  moyens,  tantôt  effacés 
presque  complètement  et  môme  disparaissant  tout  à  fait  ;  de  sorte  que 
le  mâle  est  alors  unicolore  en  dessus.  Il  y  a  des  mâles  qui  prennent  un 
ocelle  fauve  à  la  face  supérieure  de  l'aile  antérieure,  en  général  petit 
et  sans  prunelle;  j'en  ai  même  rencontré  plusieurs  où  il  acquiert  la 
prunelle  foncée,  comme  dans  le  type  habituel  des  femelles.  La  variété 
des  mâles  avec  ocelle  fauve  sans  prunelle  aux  ailes  supérieures  est  an 
moins  aussi  commune  que  l'autre  type  dans  certaines  allées  de  la  foi'êt 
d'Armainvilliers:  cette  localisation  excessive  de  certaines  variétés  spé- 
cifiques est  un  fait  habituel  à  beaucoup  d'espèces.  Au  contraire,  on 
trouve  des  femelles  chez  lesquelles  cet  ocelle  typique  perd  la  prunelle 
et  se  réduit  à  un  petit  cercle  fauve,  et  enfin  même  cet  ocelle  peut  dis- 
paraître par  atrophie  complète.  Il  est  à  l'inverse  des  femelles,  où  l'on 
trouve  à  la  face  supérieure  de  l'aile  antérieure  un  second  ocelle  fauve 
au-dessous  du  premier,  près  du  bord  postérieur,  c'est-à-dire  une  hyper- 
trophie du  caractère  typique.  Je  n'ai  pas  vu  de  sujets  femelles  où  ce 
second  ocelle  présentât  une  prunelle,  et  aucun  mâle  ne  m'a  offert  l'exis- 
tence de  cet  ocelle  supplémentaire.  On  ne  connaît  pas  encore  la  che- 
nille et  la  chrysalide  du  S.  Heru;  c'est  un  intéressant  sujet  de  recherches 
pour  les  amateurs  parisiens.  La  chenille  est  probablement  verte,  et  doit 
se  trouver  très  cachée  au  pied  des  épaisses  touffes  de  Graniinées  qui 
abondent  dans  les  lieux  boisés  et  humides  où  vole  S.  Hero. 

Nous  avons,  à  côté  du  S.  Hero,  le  S.  OEdipus,  Fabr.,  très  localisé  dans 
des  endroits  de  peu  d'étendue,  en  juin  dans  les  Landes  de  Bordeaux, 
dans  la  Charente,  ainsi  près  de  Jarnac  (H.  Delamein),  près  de  Dax 
(Lafaury),  en  Dauphiné,  en  Sologne,  près  de  Beaugency,  dans  les 
clairières  à  Carex,  dont  vit  la  chenille.  Il  est  probable  que  l'espèce 
s'avance  dans  le  Blaisois  et  aussi  dans  le  parc  de  Chambord.  Ce 
Satyre  offre  les  ailes  d'un  brun  noir  en  dessus  et  sans  ocelles,  en  des- 
sous plus  claires,  avec  la  ligne  argentée  près  de  la  frange  et  des 
ocelles  à  pupille  et  à  prunelle  jaunât:  es  très  variables,  surtout  pour  les 
ailes  supérieures  :  ils  peuvent  manquer,  ou  bien  il  y  en  a  un,  deux, 
trois  et  même  quatra  chez  les  femelles,  en  dedans  et  contre  la  ligne 


s AT Y nus.  221 

argentée;  le  dessous  des  ailes  inférieures  a  un  gros  ocelle  contre  le  bord 
antérieur  et  quatreoucinq  rapprochés,  non  loin  du  bord  externe,  bordés 
en  dedans  d'une  étroite  bande  blanchâtre.  Viennent  ensuite  :  S.  Arca- 
nius,  Linn.,  le  Céphale  de  GeofVroy,  de  oi  millimètres  d'envergure;  les 
deux  sexes  pareils;  les  ailes  d'un  brun  noirâtre,  les  supérieures  avec  le 
disque  largement  fauve  et  un  trait  fauve  à  l'angle  anal  des  ailes  infé- 
rieures; dessous  des  ailes  supérieures  fauve  avec  une  ligne  antétermi- 
nale  argentée  et  un  petit  œil  au  sommet  à  iris  fauve;  inférieures  en 
dessous  d'un  jaune  grisâtre  jusqu'à  la  ligne  médiane,  puis  une  bande 
blanche  rétrécie  à  ses  extrémités,  suivie  d'une  série  de  trois  à  six  yeux 
noirs  à  iris  fauve,  dont  trois  plus  gr&nds,  surtout  celui  du  bord  anté- 
rieur, la  ligne  antéterminale  de  couleur  plombée.  J'ai  trouvé  à  Armain- 
villiers  et  à  Bondy,  et  volant  avec  le  S.  Hero,  un  Satyre  qu'on  serait  tenté 
de  regarder,  au  premier  abord,  comme  un  hybride  des  S.  Hero  et  Ar- 
canius;  le  dessus  de  l'aile  supérieure  a  la  région  fauve  centrale  moins 
étendue  que  dans  le  type,  et  surtout  d'un  fauve  très  obscurci  et  non 
d'un  fauve  clair,  et  le  pourtour  foncé  bien  plus  large  et  brun  noirâtre. 
L'examen  du  dessous  des  ailes  inférieures  fait  voir  qu'il  s'agit  d'un 
S.  Arcanius  afl'ecté  de  méianisme.  En  effet,  ces  ailes  en  dessous  se  res- 
semblent beaucoup  chez  les  S.  Hero  et  Arcanius,  les  taches  ocellaires 
étant  en  même  nombre  et  de  même  disposition.  Chez  le  S.  Arcanius,  la 
bande  blanche  du  dessous  de  l'aile  inférieure,  habituellement  beau- 
coup plus  large  que  chez  le  S.  Hero,  passe  toujours  entre  le  grand  ocelle 
du  bord  antérieur  de  cette  aile  et  le  premier  et  petit  ocelle  de  la  série 
des  cinq  ocelles  marginaux,  tandis  que,  dans  le  S.  Hero,  jamais  la  bande 
blanche  ne  s'intercale  entre  ces  deux  ocelles:  c'est  ce  caractère  qui 
permet  d'affirmer  qu'il  n'y  a  pas  d'hybride,  mais  une  simple  variété  de 
.S.  Arcanius.  Le  î».  Arcanius  disparait  dans  le  nord  de  la  France,  où  il 
est  remplacé  par  le  S.  Hero,  de  même  qu'il  paraît  être  remplacé  dans 
nos  départements  méridionaux  par  le  S.  Dorus,  Esper.  La  chenille  de 
S.  Arcanius  est  glabre,  d'un  beau  vert,  avec  une  ligne  dorsale  d'un  vert 
noirâtre,  et  quatre  lignes  latérales  jaunes  lisérées  de  foncé  ;  la  tête,  les 
pattes,  les  pointes  caudales  vertes.  Elle  ne  paraît  qu'une  fois,  sur 
diverses  Graminées,  surtout  sur  la  Mélique  ciliée  {Melica  ciliata),  et,  vers 
le  milieu  de  mai,  se  change  en  une  chrysalide  suspendue,  arrondie, 
sans  angles  ni  tubercules,  assez  grosse  et  ramassée,  d'un  gris  rougeâlre, 
donnant  le  papillon  à  la  fin  de  mai  ou  au  commencement  de  juin.  —  Le 
S.  Davus,  Linn.,  le  Daplmis  d'Engramelle,  n'existe  pas  aux  environs 
de  Paris,  mais  n'est  pas  rare  dans  le  nord  et  l'est  de  la  France,  en  juin, 
dans  les  prairies  humides  des  montagnes,  dans  les  Vosges,  Epinal, 
Sainte-Marie  aux  Mines,  le  Champ  du  Feu,  très  commun  autour  du  lac 
de  Retournemer,  dans  le  Jura,  dans  la  Creuse,  dans  les  prairies  hu- 
mides de  Saint-Florent  (Cher),  dans  les  prairies  humides  qui  enlourent 
le  parc  de  Montjeu  (Saùne-et-Loire),àla  Forêt- Verte,  près  de  Rouen,  assez 
rare,  etc.,  dans  les  îles  Britanniques  {the  Marsh  lUnglet);  envergure, 


222  LÉPIDOPTÈRES. 

35  millimètres;  ailes  d'un  jaune  fauve,  parfois  brunAtre,  les  supé- 
rieures plus  claires  sur  le  disque,  avec  un  point  oculaire  apical; 
les  inférieures  plus  foncées,  avec  un  ou  deux  yeux  près  de  l'angle 
anal;  dessous  des  ailes  supérieures  fauve,  avec  le  sommet  gris  et 
deux  ou  trois  yeux  précédés  d'une  ligne  plus  claire;  dessous  des 
inférieures  d'un  gris  roussâtre,  avec  la  base  et  le  bord  externe  d'un 
cendré  verdiÂtre  et  une  série  de  six  yeux  noirs  entourés  de  jaune. 
Femelle  semblable,  mais  plus  claire.  —  Le  S.  Pamphilus  Linn.,  le 
Procris  de  Geoffroy,  the  Small  Heath  des  Anglais,  est  le  plus  petit,  le 
plus  pille  et  le  moins  orné  de  nos  Satyres.  11  vole  isolément  en  rasant 
riierbe  des  pelouses  et  des  prairies  ;  paraît  pendant  une  grande  partie 
de  la  belle  saison,  en  mai,  puis  en  juillet  et  août  et  même  jusqu'à  la  fin 
de  septembre;  envergure,  29  millimètres,  un  peu  plus  chez  la  femelle; 
du  reste,  semblable  au  mille  ;  ailes  d'un  jaune  fauve,  avec  une  bordure 
brunâtre  plus  prononcée  sur  les  inférieures  et  un  petit  point  noirâtre 
au  sommet,  parfois  presque  nul;  dessous  des  ailes  supérieures  fauve 
sur  le  disque,  avec  l'ocelle  noir  entouré  de  jaune  pâle;  dessous  des 
inférieures  d'un  gris  verdâtre,  avec  une  éclaircie  blanchâtre  au  bout 
de  la  cellule  discoïdale  et  une  série  de  petites  taches  rondes,  brunâtres, 
légèrement  ocellées,  souvent  peu  sensibles.  Var.  Lyllus,  Esper,  ayant 
la  bordure  des  quatre  ailes  brune  et  bien  tranchée,  le  point  apical  plus 
gros  aux  ailes  supérieures,  parfois  une  série  de  petits  points  bruns  sur 
le  dessus  des  inférieures,  le  dessous  d'un  gris  blanchâtre  ou  jaunâtre, 
avec  la  ligne  médiane  blanchâtre  bien  marquée  aux  ailes  inférieures, 
les  points  ocellés  plus  nombreux.  Femelle  plus  grande,  la  bordure 
moins  prononcée,  semblable  du  reste.  Cette  variété  est  assez  commune, 
en  mai  et  en  juillet,  dans  la  France  méridionale;  se  trouve,  mais  rare- 
ment, à  la  seconde  génération,  en  août,  en  Auvergne  et  sur  les  grèves 
sablonneuses  du  Cher,  à  Saint-Florent  (Maurice  Sand)  :  il  y  a  probable- 
ment, pour  ces  localités,  un  dimorphisme  saisonnier.  Chenille  en  avril 
et  en  juin  et  juillet,  sur  diverses  Graminées,  surtout  sur  le  Poa  annua, 
et  sur  la  Crétclle  des  prés  {Cynosurus  cristatus),  qu'on  se  procure  aisé- 
ment en  fauchant  sur  les  hautes  herbes,  entièrement  glabre,  d'un  joli 
vert-pomme,  avec  trois  lignes  longitudinales  vertes  plus  foncées  et 
bordées  de  blanchâtre,  une  dorsale  et  deux  latérales;  les  pattes  d'un 
vert  jaunâtre,  ainsi  que  la  tête,  qui  est  globuleuse  et  légèrement  his- 
pide,  les  pointes  anales  rougeâtres.  Chrysalide  tantôt  toute  verte,  tantôt 
avec  trois  lignes  noires  sur  les  fourreaux  alaires,  dont  l'extérieure  est 
bordée  de  blanc  et  celle  du  milieu  bifurquée,  suspendue  aux  Grami- 
nées par  une  pointe  anale  rougeâtre,  arrondie,  sans  aucun  angle  ni 
tubercule  sur  le  dos,  la  tête  légèrement  bifide. 

Les  auteurs  allemands  ont  fait  un  dernier  sous-genre,  Triphyza, 
Zeller,  pour  un  Satyre  russe,  de  la  faune  asiatique,  le  S.  Phryne,  l'al- 
las,  dont  le  mâle  est  d'un  brun  fauve,  tandis  que  la  femelle,  très  ditl'é- 
rente,  est  blanche. 


CHIOiNOBAS.  223 

CIllOIIfOB.%<ï(,  Boisduval  (syn,  Œneis,  Ilûbner).  —  Antennes  plus  courtes  que  le 
corps,  à  tige  grùlc  et  à  massue  longue  et  peu  épaisse.  Palpes  assez  rapprochés, 
garnis  de  longs  poils  qui  cachent  la  spiritrorape  et  dont  le  dernier  article  est 
court  et  velu.  Tête  petite;  yeux  glabres.  Ailes  arrondies,  les  supérieures  en 
triangle  allongé,  avec  la  nervure  costale  longuement,  mais  faiblement  dilatée, 
la  médiane  un  peu  épaissie,  la  sous-médiane  sans  aucune  dilatation  ;  frange 
entrecoupée  de  gris  et  de  brun.  —  Chenilles  et  chrysalides  inconnues. 

I.e  genre  Chionobas  a  été  établi,  détaché  de  raucieii  genre  Satijrus, 
pour  des  espèces  qui  volent  fréquemment  au-dessus  des  neiges,  comme 
l'indique  le  nom  du  genre.  Elles  se  rencontrent  en  effet  sur  les  pla- 
teaux des  montagnes  les  plus  élevées,  au-dessus  de  la  région  des 
arbres,  au  milieu  des  glaciers  et  dans  les  régions  polaires  arctiques. 
Ce  sont  des  Satyres  ayant  des  ailes  minces,  d'un  gris  fauve  livide,  et 
qui  semblent  comme  étiolés  par  le  froid.  Nous  citerons  le  C.  Aello, 
Esper,  des  sommités  des  Alpes  de  la  Suisse  et  du  Tyrol  ;  les  ailes  supé- 
rieures d'un  fauve  pâle,  bordées  de  noirâtre,  la  base  obscurcie,  avec 
trois  ocelles  noirs  sur  les  ailes  supérieures,  l'apical  très  petit,  et  un 
ocelle  noir,  à  pupille  blanche,  à  l'angle  anal  des  ailes  inférieures  ;  le 
dessous  de  celles-ci  étant  nuageusement  marbré  de  noirâtre,  de  fauve 
et  de  blanc  jaunâtre.  On  trouve  en  France  ce  Papillon,  qui  est  assez 
répandu  dans  les  collections,  volant  en  juillet  et  août  dans  les  Alpes 
de  la  Savoie  et  de  la  Suisse  ;  à  Chamonix,  il  faut  aller  pour  le  prendre 
jusqu'au  Jardin  ou  aux  Grands-Mulets.  On  assure  qu'on  l'a  vu,  mais 
très  rare,  dans  les  Basses-Alpes,  près  de  Barcelonnette,  sur  les  dernières 
crêtes  accessibles  de  la  montagne  du  Pain  de  sucre,  près  des  neiges 
perpétuelles.  Les  autres  Chionobas  sont  surtout  de  l'exlrême  nord  de 
l'Europe  et  fort  peu  connus  dans  leurs  mœurs.  Tels  sont  :  C.  Balder, 
Boisduval  (pi.  Lxxxni,  lig.  1;  le  même  de  profil,  fig.  1  a;  1  6,  tête  gros- 
sie; 1  c,  antenne  grossie;  1  d,  bouton  de  l'antenne  très  grossi).  Cette 
espèce  ressemble  à  C.  Aello,  mais  avec  taille  plus  petite,  les  ocelles 
noirs  très  réduits;  elle  est  du  cap  Nord,  du  Groenland,  et  se  trouvait 
en  Islande  dans  la  première  moitié  de  ce  siècle.  C.Norna,  Esper,  volant 
en  juillet  dans  le  nord  de  la  Laponic;  C.  Jutta,  iliibner,  de  la  Laponie 
méridionale;  C.  fîooies,  Boisduval,  du  cap  Nord  et  du  Groenland; 
C.  Bore,  Hûbner,  de  la  Laponie  septentrionale;  C.  OEno,  Boisduval,  du 
cap  Nord  et  indiqué  d'Islande,  dont  il  aurait  probablement  disparu 
récemment,  d'après  M.  Staudinger,  avec  les  autres  Diurnes,  etc.  Citons 
encore  C.  Celimene,  Cramer  (syn.  Tarpeia,  Esper),  des  rives  du  Volga 
en  Russie.  Le  genre  Chionobas  renferme  plus  de  vingt  espèces.  Outre 
les  localités  déjà  indiquées,  on  rencontre  des  espèces  en  Californie, 
à  l'île  Vancouver,  dans  les  montagnes  llocheuses,  l'Himalaya,  le  Chili 
et  à  Port-Famine  (Patagonie). 


22^  LÉPIDOPTËUES. 

ERe:bi.%.,  Boisduval,  Dalman  (syn.  Maniola,  Schrank).  — Tète  un  peu  moins 
large  que  lo  corselet  et  entièrement  unie  avec  lui;  antennes  de  longueur 
variable,  terminées  par  une  massue  ovale,  oblongue,  très  distincte  de  la  tige  et 
très  aplatie.  Palpes  écartés,  couverts  de  poils  serrés,  fins,  soyeux,  le  dernier 
peu  distinct  et  à  peu  près  aussi  velu  que  les  autres.  Yeux  glabres.  Ailes  arron- 
dies, plus  ou  moins  velues  à  leur  base,  les  nervures  des  supérieures  sans  dila- 
tation sensible  à  leur  origine,  quelquefois  la  costale  un  peu  plus  saillante  que 
les  autres,  surtout  en  dessous.  — Chenilles  et  chrysalides  encore  peu  connues. 

Le  genre  Erehia  a  été  détaché,  avec  beaucoup  déraison,  de?,  Satyrus 
de  Fabricius,  d'après  la  coloration  générale  et  surtout  par  les  mœurs 
et  l'habitat.  Ce  sont  les  Satyres  nègres  des  anciens  auteurs,  car  les  ailes 
de  leurs  noinbreuses  espèces  sont  d'un  brun  noirâtre,  presque  toujours 
traversées,  près  du  bord  terminal,  par  une  large  bande  d'un  roux  fer- 
rugineux, chargée  de  gros  points  noirs  avec  pupille  blanche;  parfois 
la  bande  n'existe  qu'aux  ailes  supérieures,  ainsi  chez  E.  Ligea,  Cassiope, 
Episligne ;  parfois  elle  manque  aux  deux  ailes,  comme  dans  E.  OEme, 
mais  il  y  a  toujours  les  ocelles  entourés  de  fauve  rougeâtre.  Les  Éré- 
bies  ont,  le  plus  souvent,  la  frange  des  ailes  unicolore  et  d'un  blanc 
grisâtre;  chez  certaines,  comme  E.  Ligea  et  Euryale,  elle  est  entre- 
coupée de  gris  et  de  noir.  Ces  Satyres  nègres  sont  toujours  de  localités 
froides,  presque  toujours  par  l'altitude,  quelquefois  par  la  latitude: 
ainsi  E.  Dioxippe,  Hûbner,  qui  vole  à  la  fin  de  juin  en  Laponie  et  dans 
les  steppes  de  la  Dalécarlic  ;  E.  Disa,  Thunberg,  habitant  la  Laponie. 
On  peut  dire  que  les  Érébies  manquent  dans  les  pays  absolument  plats 
et  peu  élevés  au-dessus  de  la  mer.  Ce  genre  semble  peu  répandu  dans 
les  îles,  même  grandes.  Ainsi  il  n'y  a  aucune  Érébie  en  Corse,  où 
cependant  existent  des  montagnes  élevées,  conservant  même  une  neige 
continuelle  au  sommet  en  certaines  années;  tandis  que  ce  genre  offre 
un  grand  nombre  d'espèces  sur  le  continent  européen,  il  n'en  existe 
que  Irois  dans  les  îles  Britanniques  :  E.  Cassiope  (the  Small  Ringlet), 
E.  Blandina  {the  Scotch  Argus),  E.  Ligea  {theScarce  Scotch  Argus).  Ce  genre 
compte  plus  de  soixante  espèces,  la  plupart  d'Europe,  les  autres  de 
l'Afrique  australe,  de  Madagascar  (1),  de  Sibérie ,  de  l'Himalaya,  des 
monts  Durais,  de  l'Amurland,  de  l'Amérique  arctique,  du  Cliili,  de 
Port-Famine  (Patagonie),  du  Moupin,  de  la  Nouvelle-Zélande,  du  Colo- 
rado. Les  explorations  des  montagnes  exotiques  accroîtront  sans  doute 
ce  nombre  dans  une  forte  proportion. 

On  peut  dire  que  les  Érébies,  qui  comptent  au  moins  trente  espèces 
en  Europe,  et  qui  n'ont  qu'une  génération  par  an,  sont  presque  toutes 
propres  aux  montagnes  élevées  ou  moyennes;  il  en  est  cependant  qui 
descendent  en  plaine,  mais  toujours  sur  des  plateaux  boisés  assez  élevés 

(1)  Il  existe  ù  Madagascar  des  mo:ilagncs  de  plus  de  2500  mètres  d'altitude,  où 
la  température  s'abaisse  parfois  la  nuit  au-dessous  de  zéro. 


EREBIA.  225 

et  ondulés  de  collines.  Nous  citerons,  de  ce  dernier  groupe  :  E.  Modusa, 
cat.  de  Vienne;  le  Moyen  nègre  à  bandes  fauves,  d'Engramelle,  Zi2  milli- 
mèlres  d'envergure  chez  le  mâle,  ailes  d'un  brun  noir,  arrondies,  les 
supérieures  avec  une  bande  d'un  ferrugineux  jaunâlre,  ornée  de  six 
taches,  1,  ^  et  6  plus  petites,  souvent  nulles,  les  deux  dernières 
arrondies  et  isolées,  2,  3,  5  et  souvent  6  chargées  chacune  d'un  œil 
noir,  les  inférieures  avec  trois  ou  quatre  taches  antéterminales,  fauves, 
arrondies,  ayant  chacune  un  œil  noir;  dessous  d'un  brun  plus  clair, 
avec  la  répétition  des  caractères  du  dessus,  les  yeux  du  sommet  souvent 
seuls  visibles;  femelle  plus  grande,  d'un  brun  plus  pâle,  avec  les 
taches  plus  jaunâtres  et  les  yeux  plus  grands;  chenille  à  toute  sa  taille 
en  mai,  vivant  sur  le  panic  sanguin  {Panicum  sanguinale),  pubescente, 
d'un  vert  clair,  avec  une  bande  dorsale  et  trois  lignes  latérales  d'un 
vert  plus  foncé,  la  bande  dorsale  bordée  de  chaque  côté  d'un  liséré 
d'un  blanc  verdâtre;  en  outre,  une  ligne  de  la  même  couleur  au- 
dessus  des  pattes  qui  sont  vertes,  ainsi  que  la  tète  et  les  pointes  cau- 
dales. Papillon  eu  mai  et  juin  dans  les  régions  orientales  de  la  France, 
surtout  dans  les  bois  élevés,  mais  descendant  en  certains  endroits  dans 
la  plaine,  comme  cela  arrive  pour  les  belles  promenades  boisées  des 
environs  de  Bade  ;  Doubs,  Vosges,  Alsace,  Jura,  environs  de  Colmar, 
d'Épinal,  de  Metz,  de  Pontarlier,  Aube,  sur  Jes  collines,  près  de  Bar- 
sur-Seine,  Saône-et-Loire,  assez  commun  en  mai  et  en  juin  dans  les 
forêts  élevées  et  dans  les  prairies  silvatiques  de  Planoise,  Prudhun, 
Canada,  Monljeu,  etc.,  toujours  très  localisé,  et  ne  descendant  pas  en 
plaine  dans  ce  département;  rare  dans  le  Cher  et  très  localisé  dans  les 
forêts  de  Saint-Palais  et  d'Allogny.  Cette  Érébie  est  celle  qui  s'approche 
le  plus  de  Paris,  ainsi  que  la  suivante.  —  E.  JEthiops,  Esper  (syn.  Dlan- 
dina,  Fabr.),  le  Grand  Nègre  des  bois,  nom  donné  aussi  par  Engramelle 
au  Satyrus  Phœdra,  mâle  de  [i!i  millimètres  d'envergure,  les  ailes  d'un 
brun  noir,  les  supérieures  avec  une  bande  ferrugineuse  courte,  arron- 
die, déprimée  au  milieu  des  deux  côtés,  de  manière  à  donner  le  dessin 
grossier  d'une  semelle;  quatre  ocelles  sur  cette  bande,  deux  au  sommet, 
plus  gros  et  réunis,  l'inférieur  isolé,  l'intermédiaire  très  petit,  souvent 
nul,  presque  toujours  sans  pupille,  les  ailes  inférieures  un  peu  dentées, 
avec  trois  ou  quatre  ocelles  sur  autant  de  taches  ferrugineuses;  dessous 
des  ailes  supérieures  d'un  ferrugineux  plus  clair  que  le  dessus,  dessous 
des  inférieures  d'un  brun  rouge,  avec  deux  bandes  blanchâtres,  l'une 
basilaire,  l'autre  antéterminalc,  sur  laquelle  sont  les  ocelles  du  dessus, 
dont  la  pupille  seule  est  apparente;  femelle  plus  grande,  plus  pâle, 
avec  le  dessous  des  ailes  inférieures  jaunâtre  ou  verdâtre,  les  bandes 
blanches  plus  prononcées,  les  yeux  plus  gros,  plus  apparents,  parfois 
au  nombre  de  cinq.  En  juillet  et  août,  des  bois  et  plaines  du  nord-est 
et  du  centre  de  la  France,  du  nombre  des  Érébies  qui  ne  s'élèvent  pas 
très  haut,  Vosges,  Colmar,  Épinal,  Sainte-Marie-aux-Mines  ;  rare  dans 
l'Indre,  forêt  de  Châteauroux,  bois  de  Ghabenet;  commune  dans  le  bois 
GIRARD.  ni.  —  i5 


226  LÉPIDOPTÈRES. 

de  Saint-Florent  (Cher),  et  en  Auvergne,  au  Mont- Dore,  à  Hiom,  à 
Volvic  (Mauriee  Sand),  dans  Saône-et-Loire,  des  mêmes  localités  que 
E.  Médusa,  mais  ne  volant  qu'en  août  et  paraissant  tenir  moins  à  la 
montagne,  etc.  Godart  dit  avoir  capturé  E.  Blandina  dans  la  foret  de 
Villers-Cotterets,  par  conséquent  non  loin  de  Paris.  —  E.  Ligea,  Linn.,  à 
frange  entrecoupée  de  blanc,  et  de  noir,  habitant  les  bois  de  médiocre 
élévation  et  même  les  plaines,  de  juillet  et  d'août  ;  la  bande  rougeàtre 
et  triangulaire  des  ailes  supérieures  portant  trois  ocelles  noirs  à  pupille 
blanche,  les  ailes  inférieures  sans  bande,  avec  trois  ocelles  accolés, 
rougeâtres,  à  iris  noir,  à  pupille  blanche,  peu  apparents  et  seulement 
noirâtres  en  dessous  sur  un  bord  d'un  gris  violacé.  Chenille  en  juin, 
sur  le  panic  sanguin  (P«?u'c«m  sanguinale),  pubesceute,  à  fond  jaunâtre, 
avec  une  raie  dorsale  noirâtre,  placée  entre  deux  lignes  vertes;  en 
outre,  de  chaque  côté  du  corps,  une  bande  verte,  suivie  de  deux 
lignes  de  la  même  couleur,  les  pointes  caudales  vertes,  les  pattes  jau- 
nâtres, la  tète  fauve;  est  et  centre  de  la  France,  Vosges,  le  Valtin,  le 
Champ  de  Feu,  environs  de  Grenoble,  Basses-Alpes,  Mont-Dore,  Cler- 
mont-Ferrand  et  Volvic,  en  Auvergne,  Guéret,  dans  la  Creuse;  le 
Lioran,  dans  le  Cantal  (Maurice  Sand),  etc.  —  E.  Stygup,  Ochsenheimer, 
la  plus  abondante  en  sujets  des  Erebia,  dans  ces  localités,  et  comprise 
dans  les  espèces  qui  ne  s'élèvent  pas  très  haut  ;  envergure  des  deux 
sexes,  /i'2  millimètres;  les  ailes  d'un  brun  noir  foncé,  arrondies,  avec 
une  bande  ferrugineuse  sur  les  supérieures,  sinuée  extérieurement, 
dentée  intérieurement,  avec  trois  yeux  noirs  à  pupille  blanche,  les 
deux  antérieurs  réunis,  le  dernier  isolé;  en  outre,  souvent  deux  autres 
plus  petits,  habituellement  sans  pupille,  l'un  apical,  l'autre  inter- 
médiaire ;  les  inférieures  avec  une  bande  de  taches  ferrugineuses, 
avec  trois  à  cinq  yeux,  dont  deux  manquent  souvent;  dessous  des 
ailes  supérieures  ne  reproduisant  jamais  que  trois  yeux,  lors  même 
qu'il  y  en  a  cinq  en  dessus;  dessous  des  inférieures  avec  une  bande 
antémarginale  un  peu  plus  claire  et  à  peine  sensible,  répétant  les 
yeux  du  dessus,  mais  plus  petits  et  ordinairement  sans  coutour  fer- 
rugineux; femelle  plus  terne,  les  yeux  mieux  marqués  en  dessus,  ceux 
qui  sont  accidentels  parfois  de  même  grandeur  que  les  autres;  le  des- 
sous des  ailes  inférieures  oll'rant  la  bande  plus  visible  et  le  fond  sau- 
poudré de  gris.  En  juillet  :  Alpes,  Pyrénées,  Basses-Alpes,  Vosges^  Toul, 
Sainte-Croix,  dans  la  Creuse,  où  l'espèce  est  rare,  commune  au  contraire 
en  Auvergne,  à  Royat,  au  Mont-Dore,  sur  les  pelouses  des  montagnes 
Maurice  Sand),  près  de  Florac,  dans  la  Lozère. 

La  plus  grande  partie  des  Lrébies  sont  exclusives  à  ces  régions  dites 
des  montagnes,  souvent  fort  élevées;  leur  chasse  est  réservée,  à  par^^ 
les  habitants,  aux  amateurs  privilégiés  qui  peuvent  passer  l'été  dans  icg 
localilés  chères  aux  touristes.  iNous  chercherons  à  leur  donner  les  indi- 
calions  les  plus  exactes,  en  nous  servant  surtout  des  notes  de  notre  col. 
lègue  et  ami,  M.  J.  Fallou,  qui  a  capturé,  presque  sans  exception,  toutes 


EtlEBIA.  227 

les  espèces  de  la  France.  On  doit  recommander  aux  personnes  qui  veu- 
lent prendre  un  grand  nombre  d'espèces  diverses  de  ces  Satyres  nègres 
de  fixer  leur  résidence  à  une  certaine  élévation,  afin  de  ne  pas  être 
forcées  de  faire  tous  les  jours  de  grandes  ascensions,  ce  qui  amène 
beaucoup  de  fatigue  et  fait  perdre  un  temps  considérable.  Il  faut  au 
moins  une  hauteur  de  1000  mètres;  l'entomologiste  éprouve  alors  la 
satisfaction  que,  dans  ses  promenades,  il  voit  apparaître  des  espèces 
nouvelles  tous  les  ZiOO  à  500  mètres  dans  la  verticale.  Les  meilleures 
localités  qu'on  puisse  choisir,  comme  demeure  d'été,  sont  le  village  du 
Mont-Dore,  en  Auvergne  ;  Vernet-les-Bains,  dans  les  Pyrénés-Orientales  ; 
Gavarnie ,  dans  les  Hautes-Pyrénées  ;  Chamonix  en  Savoie  ;  Zermatt, 
dans  le  Haut-Valais.  Nous  citerons  rapidement  presque  toutes  les  es- 
pèces :  E.  Evias,  Lefèvre,  espèce  assez  rare,  s'élevant  haut,  en  juillet. 
Alpes,  Basses-Alpes,  Larche,  Hautes-Pyrénées,  pic  de  Bisos,  Pyrénées- 
Orientales,Vernet-les-Bains.— ^.  Cassiope,  Fabr.,  Alpes,  Pyrénées,  Vosges, 
commune  au  Vallin  et  sur  le  Brézouard  ,  en  juillet,  commune  sur  les 
plateaux  élevés  du  Mont-Dore,  en  Auvergne,  fin  juin,  juillet  et  com- 
mencement d'août,  et,  dans  le  Cantal,  au  Lioran  (Maurice  Sand);  les 
individus  des  Vosges  sont  plus  noirs ,  avec  la  bande  ferrugineuse  plus 
vive  et  les  points  noirs  plus  marqués  que  dans  les  sujets  des  Alpes  et  de 
l'Auvergne  (Berce)  ;  aberr.  Nelamus ,  Boisduval ,  différant  de  Cassiope 
en  ce  que  les  points  noirs  sont  en  totalité  ou  en  partie  effacés,  avec  le 
type,  mais  plus  rare  :  Cassiope  est  une  variété  à'E.  Epiphron,  Knoch , 
des  sommités  du  nord  de  l'Allemagne ,  se  trouvant  aussi ,  d'après 
M.  Berce,  en  même  temps  que  Cassiope,  sur  les  hauts  sommets  des 
Vosges,  au  Chaume  de  Tanet ,  au  Brézouard,  en  juillet  :  ce  type  alle- 
mand diffère  de  Cassiope  par  une  taille  généralement  plus  grande,  les 
points  noirs  plus  gros,  mieux  alignés,  souvent  à  pupille  blanche,  sur- 
tout chez  les  femelles.  -  E.  Melampus^  Fuessly,  pas  rare  en  juillet  et 
aisée  à  capturer,  dans  les  prairies  élevées  des  Alpes  de  la  France  et  de  la 
Savoie,  mont  Cenis,  montagnes  du  Var,  dans  les  Basses-Alpes,  Larche, 
lac  de  la  Madeleine,  etc.  —  E.  Tyndarus,  Esper  (syn.  Dromus,  Fabr.), 
espèce  très  commune  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées,  commune  en  Au- 
vergne, fin  juin,  juillet  et  première  quinzaine  d'août,  sur  le  versant 
méridional  du  Puy-de-Sancy,  à  la  Cacadogne,  aux  Gorges-d'Enfer,  au 
Mont-Dore  :  on  la  reconnaît  tout  de  suite  à  sa  petite  taille,  33  milli- 
mètres d'envergure,  et  surtout  à  ce  que  les  ailes  brunes  ont  un  reflet 
vert  chatoyant,  du  plus  bel  aspect  quand  le  papillon,  récemment  éclos, 
vole  au  soleil;  cette  espèce  vole  très  haut  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées, 
où  M.  J.  Fallou  l'a  rencontrée  jusqu'à  2800  mètres,  et  très  commune 
à  2000  mètres  :  il  y  a  deux  races,  l'une  des  Alpes  et  d'Auvergne,  à  fond 
plus  sombre,  l'autre  des  Pyrénées,  où  les  ocelles  se  détachent  sur  des 
macules  fauves  plus  étendues  que  dans  le  type  précédent,  ce  qui  pro- 
duit un  aspect  général  moins  rembruni;  au  Montanvert,  près  du  Mont- 
Blanc,  E.  Dromus  n'a  plus  que  de  petits  points  oculaires,  et,  au  Talèfre^ 


228  LÉPlDOPTÈRliS. 

dernière  limite  de  la  végétation  européenne,  cette  Érébie,  plus  petite 
et  plus  foncée,  ayant  à  peine  trace  de  la  bande  ferrugineuse ,  est  dé- 
pourvue totalement  de  taches  oculaires ,  à  tel  point  que  leurs  traces 
disparaissent  entiè'rement;  c'est  là  l'aberration  Cœcodromus,  Guenée.  — 
E.  Pyrrha  (catal.  de  Vienne),  espèce  assez  commune,  en  juillet,  dans  les 
Pyrénées,  les  Alpes,  l'Auvergne,  prairies  des  plateaux  du  Mont-Uore, 
a  Cacadogne,  dans  les  Vosges,  le  Hohneck,  parfois,  tandis  que  le  type 
esttrès  oculé,  entièrement  dépourvue  d'ocelles,  et  formant  alors  l'aber- 
ration locale  Cœcilia,  Boisduval,  des  mêmes  localités  que  le  type.  — 
E.  Euryaîe,  Esper,  espèce  à  frange  entrecoupée  de  blanc  et  de  noir,  va- 
riant beaucoup,  très  commune  dans  les  Pyrénées  et  les  Alpes,  Larche, 
prairies  du  Godemart,  Pain-de-Sucre,  en  Auvergne,  prairies  élevées  du 
Mont-Dore,  en  juillet  et  août,  au  Lioran,  dans  le  Cantal  (Maurice  Sand). 
—  E.  Pronoœ,  Esper,  syn.  Arachne,  Eabr.,  hautes  prairies  des  Pyrénées  et 
sus  du  Mont-Dore,  Auvergne.  — E.  A'eoridas,  Boisduval,  Isère,  Lozère  et 
des  Alpes,  en  août,  Mont-Cenis,  Villard-Saint-Jean  ,  dans  le  Dauphiné, 
Murât,  dans  le  Cantal,  juillet  et  août  (Maurice  Sand),  pâturages  au-des- 
Basses-Alpes,  environs  de  Barcelonnette  et  de  Larche,  Auvergne,  à  Cler- 
mont-Ferrand,  Royat,   Gfavenoire,  au  plateau  de  Gentioux,  dans  la 
Creuse,  au  Lioran,  dans  le  Cantal,  au  commencement  d'août,  et  com- 
mun (Maurice  Sand).  —  E.  OEme,  Hûbner,  Alpes  de  la  France  et  de  la 
Savoie,  en  Auvergne,  mais  rare,  en  juillet  et  en  août,  au  Puy-de-Sancy  ; 
E.  EptstygtiG,  Boisd.,  de  localités  restreintes,  Var  et  Basses-Alpes,  au 
commencement  d'avril  dans  les  montagnes  arides  des  environs  d'Aix, 
aisée  à  prendre,  car  elle  vole  lourdement  :  ne  durant  que  très  peu  de 
temps. —  E.  Manto,  catal.  de  Vienne  (syn.  Lappona,  Esper),  assez  commune 
sur  les  hauts  sommets  des  Alpes  et  des  Pyrénées,  près  des  neiges  éter- 
nelles, Galibier,  Haut-Hichard,  dans  le  Dauphiné,  Lauzanier,  dans  les 
Basses-Alpes,  au  Puy-de-Sancy,  Auvergne,  en  juillet,  mais  rare  (Mau- 
rice Sand).  —  E.  Ceto,  Hiibner,  assez  commune  dans  les  Pyrénées,  dans 
es  Basses-Alpes,  montagnes  de  l'Ozglosse  et  de  Malmorte,  aux  bords 
de  l'Llbayette,   dans  le  Dauphiné  ,  au  Laularet   près  du  Bourg  d'Oi- 
sans,  Isère  (1),  près  de  Murât,  dans  le  Cantal,  en  juillet  (Maurice  Sand).— 
E.  Scipio,  Boisd.,  espèce  peu  répandue,  trouvée  seulement  dans  les 
Basses-Alpes,  en  juillet,  environs  de  Digne  et  de  Barcelonnette,  prairies 
de  l'Ozglosse,  Larche,  Malmorte,  etc.  —  E.  Goante,  Esper,  en  juillet  et 
août,  environs  de  Digne,  Larche,  Mont-Cenis,  etc.  M.  J.  Fallou  n'a  pris 
cette  espèce  que  dans  la  Savoie,  à  Chamonix  et  dans  le  Haut- Valais, 
à  Zermatt,  où  elle  était  commune  en  août  ;  il  ne  l'a  jamais  rencontrée 
au-dessus  de  2000  mètres;  la  femelle  est  plus  rare  que  le  mCde,  dont 
elle  diffère  par  la  iaiWe.  —  E.  Gorgone,  Boisd.,en  juillet,  dans  les  Hautes- 
Pyrénées,  sur  les  pelouses  escarpées, à 2000  mètres  d'altitude. —  E.  Gorge, 

(1)  Le  Laularet,  avec  ses  magnifiques  prairies  alpines^  est  une  des  meilleures  sta- 
tions entomologiques  de  France. 


LYCÉNIENS.  229 

Esper,  espèce  assez  rare,  des  sommets  rocailleux  des  montagnes,  Pyré- 
nées, Basses-Alpes,  Larche,  environs  du  lac  de  la  Madeleine,  hautes  prai- 
ries du  Pain-de-Sucre,  Mont-Cenis,  en  juillet  et  août,  Isère,  au  Galibier, 
au  Haut-Richard,  etc.  Cette  espèce  s'élève  très  haut,  car  M.  J.  Fallou 
l'a  prise  au  sommet  du  Canigou  (Pyrénées-Orientales),  volant  en  com- 
pagnie à'E.  Lefevrei,  et  rare  au  Gornergrat  et  au-dessus  de  l'hospice  du 
Grand-Saint-Bernard.  —  E.  yl/cc<o,  Hubner,  espèce  assez  rare  partout,  en 
juillet,  des  hauts  sommets  rocailleux  des  Hautes  et  Basses-Alpes,  prai- 
ries de  l'Ozglosse,  du  Pain-de-Sucre  et  de  la  Madeleine,  Mont-Cenis, 
sommets  au-dessus  du  lac,  en  Dauphiné,  sommets  du  Galibier  et  du  Haut- 
Richard.  C'est  riîrébie  qui  s'élève  le  plus  haut  dans  les  Alpes,  fort  dif- 
ficile et  même  dangereuse  à  prendre,  à  cause  des  escarpements;  M.  J. 
Fallou  l'a  capturée,  mais  défraîchie,  le  10  août,  au  sommet  du  Gorner- 
grat, à  3150  mètres  d'altitude.  — E.  Lefevrei,  Boisd.,qui  n'est  peut-être 
qu'une  variété  pyrénéenne  de  VE.  Mêlas,  Herbst,  qui  vole  en  juin  et 
juillet  dans  les  montagnes  de  la  Hongrie.  Cetle  espèce  paraît  très  sensi- 
blement en  entier  d'un  brun  noir,  les  bandes  qui  portent  les  ocelles 
étant  à  peine  lavées  de  rougeâtre;  Hautes-Pyrénées,  pics  de  Lévis  et  du 
Midi,  et  hauteurs  qui  dominent  le  cirque  de  Gavarnie.  M.  J.  Fallou  a 
pris  plusieurs  individus  de  cette  espèce  recherchée  des  amateurs,  et 
rare,  sur  le  sommet  du  Canigou  (Pyrénées-Orientales) ,  au  risque  de  se 
tuer  dans  la  mer  de  pierres  où  il  faut  aller  pour  capturer  l'espèce.  Nous 
citerons,  comme  une  localité  intéressante  pour  les  Érébies,  d'après 
M.  Bellier  de  la  Chavignerie,  la  montagne  de  Faille-Feu,  au  nord-est  de 
Digne,  où  l'on  prend,  en  s'élevant  successivement,  les  E.  Stygne,  Eu- 
ryale,  Dromus,  plus  haut,  puis  Cassiope,  Goante,  puis  Gorge,  sur  les 
sommets  dénudés.  M.  Bellier  de  la  Chavignerie  a  reconnu  l'existence 
de  dix-sept  Erehia  dans  nos  départements  des  Hautes  et  Basses-Alpes, 
ce  sont  :  E.  Cassiope,  Melampus,  Mnestra,  Ceto ,  Stygne,  Evias,  Epi- 
stygne,Scipio,  d'une  cliasse  presque  impraticable  par  l'escarpement  des 
pentes  (col  de  la  Madeleine,  Larche),  Atecto,  NeoriJas,  Ligea,  Euryale, 
Goante,  Gorge,  Gorgophone,  Manto,  Dromus,  et  il  est  probable  qu'on  y 
trouvera  en  outre  les  E.  OEine,  Pyrrha,  Pharte.  Ce  sont  donc  là  les 
régions  de  la  France  qu'on  doit  le  plus  recommander  aux  amateurs. 


Tribu  des  LYCÉMIEMS. 

HEXAPODES,  au  moins  chez  les  femelles. 

Cette  tribu  des  Lycéniens  se  compose  de  Lépidoptères  d'assez  faible 
taille,  car  il  n'en  est  qu'un  petit  nombre  qui  atteint  la  taille  moyenne 
des  papillons  ordinaires  ou  Macrolépidoptères.  Ces  plus  petits  papillons 
de  jour  ne  sont  pas  moins  bien  partagés  que  les  grandes  espèces  sous 
le  rapport  de  l'élégance  des  formes  et  de  la  variété  des  couleurs.  Chez 


230  LÉPIDOPTÈRES. 

beaucoup  d'entre  eux  les  ailes  inférieures  se  prolongent  en  queues  plus 
ou  moins  longues,  ce  qui  faisait  désigner  certaines  espèces,  par  les  an- 
ciens auteurs,  sous  le  nom  de  Petits  porte-queues.  Antennes  droites, 
terminées  par  une  massue  graduellement  allongée;  palpes  ayant  leur 
troisième  article  nu,  presque  dénué  d'écaillés;  pattes  ambulatoires,  au 
nombre  de  six,  au  moins  dans  les  femelles  ;  abdomen  caché  presque  en 
entier  au  repos  par  les  deux  bords  internes  des  ailes  inférieures,  qui 
se  joignent  eu  dessous  et  forment  une  gouttière,  peu  prononcée  quand 
ces  ailes  sont  étalées.  —  Les  chenilles  des  Lépidoptères  de  cette  tribu 
sont  lentes  et  se  déplacent  peu  sur  les  végétaux  qui  les  nourrissent,  lin 
général,  elles  sont  élargies,  hérissées  de  poils  fins,  avec  la  tête  très 
petite  et  globuleuse  et  les  pattes  très  courtes,  de  sorte  que  la  plupart 
ressemblent  à  des  Cloportes  (Oniscus)  par  la  forme  et  l'aplatissement  de 
leur  corps,  ce  qui  les  fait  appeler  chenilles  onisciformes  dans  les  ou- 
vrages d'entomologie.  Les  chrysalides  sont  arrondies,  hérissées  de  poils 
fins  et  attachées  par  la  queue  et  par  un  lien  ceinturai. 


LYCÉNIDES. 

Antennes  droites,  à  tige  annelée  de  blanc.  Yeux  oblongs,  cernés  de 
blanc.  Palpes  dépassant  de  beaucoup  la  tête  et  dont  le  dernier  article 
est  toujours  plus  grêle  et  bien  distinct  des  deux  autres.  Thorax  robuste. 
Ailes  à  cellule  discoïdale  fermée  par  une  petite  nervure;  crochets  du 
bout  des  tarses  très  petits.  Abdomen  plus  court  que  les  ailes  inférieures. 
—  Chenilles  à  tête  petite  et  rétractile,  onisciformes,  à  pattes  extrême- 
ment courtes.  —  Chrysalides  contractées ,  obtuses  aux  deux  bouts ,  à 
segments  immobiles,  généralement  attachées  par  la  queue  et  par  le 
milieu  du  corps,  parfois  reposant  libres  sur  le  sol. 

Les  Lycénides  présentent  une  assez  grande  quantité  de  genres,  dont 
plusieurs  très  nombreux  en  espèces.  L'Europe  en  possède  une  assez 
forte  proportion,  et  elles  sont  répandues  dans  les  autres  parties  du 
monde.  Ce  sont  les  plus  petits  papillons  diurnes  ,  et  il  n'en  est  aucun 
qui  atteigne  même  la  taille  moyenne.  Les  mouvements  des  Lycénides 
sont  vifs  et  gracieux.  Leur  vol  n'est  pas  très  rapide,  mais  il  est  vif  et 
saccadé,  de  sorte  qu'ils  échappent  assez  facilement  à  la  vue,  bien  qu'ils 
ne  s'éloignent  guère  du  lieu  d'où  on  les  fait  partir.  Beaucoup  d'entre 
eux  sont  ornés  de  couleurs  éclatantes,  fauves  ou  dorées ,  bleues  ou  ar- 
gentées :  ce  sont  de  véritables  petites  fleurs  parmi  celles  de  nos  prai- 
ries. Tant  que  le  soleil  brille,  ils  voltigent  avec  vivacité  et  comme  étour- 
diment  sur  les  feuilles  ou  les  fleurs,  fermant  et  ouvrant  alternativement 
leurs  ailes  et  restant  rarement  dans  un  repos  complet.  Les  papillons 
ont  en  général  les  antennes  annelées  de  noir  et  de  blanc,  les  pattes  com- 
plètes chez  les  femelles,  à  dernier  article  du  tarse  oblitéré  et  à  ongles 
nuls  chez  les  mâles. 


LYC^NA.  231 

Les  œufs  des  Thecla  et  des  Pohjommatus  paraissent  pubescents  à  la  vue 
simple;  cela  tient  à  ce  qu'ils  sont  couverts  d'écaillés  ini])riquées,  comme 
les  bractées  d'un  artichaut.  Les  chenilles  ont  un  sillon  dorsal  plus  ou 
moins  prononcé. 


GENRES    PRINCIPAUX. 

liYCElVA.  Oclisenheimer.  Boisduval.  —  Antennes  assez  allongées,  terminées 
par  uno  massue  piriforme  à  son  extrémité.  Palpes  courbés,  le  second  article 
fcarni  de  poils  courts  et  serrés,  le  troisième  nu  ,  .^rèle  et  fusiforme.  Bord  posté- 
rieur des  secondes  ailes  arrondi  dans  le  plus  grand  nombre  des  espèces,  échan- 
cré  à  l'angle  anal  dans  quelques-unes,  avec  une  petite  queue  linéaire  ou  fili- 
forme près  de  ce  même  angle  dans  quelques  autres.  Dessus  des  ailes  presque 
toujours  bleu  dans  les  mâles,  brun  dans  les  femelles,  le  dessous  grisâtre  avec 
des  points  ocellés  dans  les  deux  sexes;  tarses  minces  et  d'une  seule  couleur. — 
Chenilles  en  ovale  allongé,  épaisses.  —  Chrysalides  un  peu  déprimées  sur  le 
dos. 

Les  Lyci^nes  frappent  tout  de  suite  les  yeux  par  la  charmante  couleur 
bleue,  de  diverses  nuances,  des  ailes  des  mAles,  tandis  que  les  femelles  ont 
généralement  les  ailes  brunes.  Il  y  a  des  femelles  qui  ont  normalement 
les  ailes  saupoudrées  de  bleuàlabase,  sur  un  fond  brun;  on  en  rencontre 
parfois  où  le  bleu  des  ailes  est  dû  au  genre  d'aberration  :  femina  maris 
colore.  Les  mâles  sont  en  général  plus  grands  que  les  femelles  et  les 
entraînent  dans  l'accouplement,  qui  est  long  et  s'opère  les  corps  oppo- 
sés, au  repos  sur  une  tige  ou  une  feuille.  On  rencontre  souvent  les  Ly- 
cœna  à  terre,  occupés  à  boire  en  troupe,  là  où  le  sol  laisse  suinter  de 
l'eau.  C'est  le  genre  le  plus  nombreux  en  espèces.  Les  chenilles  vivent 
sur  les  Légumineuses,  sur  des  plantes  herbacées  ou  sur  des  arbustes, 
les  unes  dans  les  gousses,  aux:  dépens  des  graines,  les  autres  mangeant 
des  feuilles  ou  des  fleurs.  Il  arrive  assez  souvent,  dans  les  Lycènes,  que 
les  taches  ou  les  ocelles  du  dessous  des  ailes  inférieures  offrent  des 
aberrations  par  confluence,  ou  manquent  plus  ou  moins,  ou  sont  rem- 
placées par  des  traits  noirs.  Un  certain  nombre  de  cas  d'hermaphro- 
disme bilatéral  ont  été  constatés  chez  les  Lycènes,  rendus  très  frap- 
pants par  le  contraste  de  la  couleur  bleue  de  la  moitié  mâle  avec  la 
couleur  brune  de  la  moitié  femelle.  On  dirait,  dans  ces  hermaphrodites, 
que  les  deux  moitiés  de  papillons,  chacune  d'un  sexe  différent,  sont 
collées  dans  le  sens  de  leur  longueur,  de  la  tète  à  l'anus,  sans  qu'il  soit 
possible  d'apercevoir  de  suture.  On  a  signalé  notamment  ces  herma- 
phrodites chez  les  Lycœna  Alexis  et  Adonis,  et  Pohjommatus  Belle  (Alexan- 
dre Lefèvre,  ann.  Soc.  entom.  de  Fr.,  1835,  p.  l/i6;.  Dans  la  collection 
Boisduval  se  trouvait  un  très  curieux  hermaphrodite  croisé  de  Lycœna 
Alexis^  présentant,  mâles  et  bleues,  les  ailes  supérieure  droite  et  infé- 


232  LÉPIDOPTÈRES. 

rieure  gauche,  et  les  deux  autres  femelles  et  brunes.  Il  y  avait,  en  ou- 
tre, un  hermaphrodisme  aux  trois  quarts  de  L.  Alexis.  Les  chenilles  des 
Lycœua  et  des  Polyomrnatus  sont  peu  crûtées  et  carénées.  Les  chrysalides 
sont  souvent  posées  sur  la  terre,  sans  attache. 

Nous  citerons  parmi  les  espèces  les  plus  répandues  en  France  :  L.  Bœ- 
tica,  Linn.,  le  Porte-queue  bleu  strié,  de  Geoffroy,  se  trouvant  aussi  aux 
îles  Canaries,  charmante  espèce  avec  une  queue  grêle  à  l'aile  inférieure 
et  deux  taches  à  son  origine,  des  parcs  et  grands  jardins,  espèce  impor- 
tée, volant  en  août  et  septembre;  la  femelle  pond  dans  les  gousses  du 
baguenaudier  (Colutea  arborescens)  et  ne  confie  qu'un  œuf  à  chaque 
graine;  la  chenille,  qui  est  d'un  vert  plus  ou  moins  foncé,  avec  le  dos 
jaspé  de  rouge,  se  nourrit  de  la  graine  et  passe  de  l'une  à  l'autre,  puis 
passe  dans  une  autre  gousse,  en  bouchant  le  trou  par  lequel  elle  s'y  est 
introduit;  à  défaut  de  baguenaudier,  elle  mange  des  pois  verts.  Chry- 
salide jaunâtre,  avec  cinq  rangées  de  points  noirâtres  le  long  du  dos. 

—  L.  TiresiaSjRoltenhnvg  ou  Amyntas  (catal.  de  Vienne),  aussi  avec  une 
petite  queue  grêle  au  bout  des  ailes  inférieures,  le  Petit  porte-queue 
d'Engramelle,  volant  isolément  en  juillet  et  août  dans  les  prairies  et 
les  clairières  des  bois,  les  ailes  du  mâle  d'un  bleu  violet  avec  la  bor- 
dure noire,  et  quelques  points  terminaux  noirs  aux  ailes  inférieures,  la 
base  du  dessous  des  ailes  d'un  vert  bleuâtre.  Les  autres  espèces ,  bien 
plus  nombreuses,  de  nos  Lycœna,  n'ont  pas  de  queue.  Ainsi  L.  /Egoii 
(cat.  de  Vienne),  très  commun  partout,  existant  dans  les  Iles-Britan- 
niques, en  mai  et  juin,  puis  en  août  et  septembre,  le  mâle  d'un  bleu 
violet  foncé  et  la  femelle  brune,  une  bordure  noire  assez  large  et  la 
frange  blanche,  le  dessous  cendré  avec  de  gros  points  noirs  cerclés  de 
blanc,  mais  non  à  la  base  des  ailes  supérieures,  et  une  série  marginale 
de  taches  fauves  avec  arcs  noirs  et  points  noirs.  Chenille  sur  les  genêts. 

—  L.  Argus,  Linn.,  moins  commun  que  le  précédent  et  lui  ressemblant 
beaucoup,  souvent  plus  grand,  avec  la  bordure  noire  plus  étroite,  les 
points  ocellés  du  dessous  en  série  mieux  alignée,  moins  en  faucille  que 
chez  L.  jEgon,  la  femelle  brune,  à  ailes  souvent  saupoudrées  de  bleu  à 
la  base  ;  vole  en  juillet  et  août,  dans  les  clairières  des  bois  secs  remplis 
de  bruyères.  Chenille  pubescente,  d'un  vert  brunâire,  avec  des  lignes 
ferrugineuses  longitudinales,  les  autres  transverses,  bordées  de  blanc, 
tête  et  pattes  écailleuses  noires ,  en  mai  sur  le  mélilot ,  les  genêts,  les 
sainfoins  et  autres  Légumineuses.  Chrysalide  svelte  ,  d'un  brun  ver- 
dàtre,  avec  le  bord  postérieur  de  l'enveloppe  des  ailes  et  les  dernières 
incisions  du  corps  ferrugineux.  Dans  ces  deux  espèces,  souvent  confon- 
dues par  les  jeunes  amateurs,  on  trouve  des  femelles  avec  le  disque 
des  ailes  supérieures  et  inférieures  bleu  comme  chez  le  mâle.  —  L.  Me- 
don,  Hufnagel,  ou  Ageslis  (cat.  de  Vienne),  à  ailes  d'un  brun  noirâtre 
dans  les  deux  sexes,  ce  qui  l'a  fait  nommer  The  Broivn  Argus  par  les  An- 
glais, avec  un  point  discoïdal  noir  et  une  rangée  marginale  de  lunules 
fauves,  est  commun  dans  les  régions  calcaires  en  juin,  août  et  septem- 


LYC.ENA.  233 

bre,  dans  les  bois,  les  champs,  les  prairies ,  le  long  des  chemins.  Le 
L.  Icariis,  Rottenburg  ou  Alexis  (catal.  de  Vienne),  existant  aux  îles  Ca- 
naries, est  un  de  nos  Lycènes  les  plus  communs,  se  trouvant  dans  les 
Iles-Britanniques,  The  Common  Blue  ;  les  ailes  du  mâle  d'un  bleu  vio- 
let soyeux,  avec  une  fine  bordure  noire  et  la  frange  blanche,  celles  de  la 
femelle  brunes,  souvent  saupoudrées  de  violet,  le  dessous  d'un  gris 
cendré  avec  beaucoup  de  points  noirs  ocellés,  dont  deux  ou  trois  à  la 
base  des  ailes  supérieures,  et  une  rangée  de  taches  fauves  triangulaires 
appuyée  sur  des  points  noirs.  Chenille  duveteuse,  verte,   avec  le  dos 
plus  foncé,  vivant  sur  la  luzerne  ,  le  trèfle,   les  Ononis ,  Heydisarum, 
Astragalus,  Onobnjchis,  sur  la  bugrane,  le  fraisier,  etc.,  adulte  pendant 
toute  la  belle  saison,  dans  les  prairies,  les  champs  de  trèfle  et  de  lu- 
zerne, etc.  —  L.  Adonis  (catal.  de  Vienne),  Y  Argus  bleu  céleste  d'Eiigra- 
melle,  The  Chifden  blue  des  Anglais,  est  celui  de  nos  Lycènes  dont  la 
couleur  bleue  est  la  plus  pure,  les  ailes  d'un  beau  bleu  d'azur  finement 
bordées  de  noir,  la  frange  blanche  entrecoupée  de  noir;  en  dessous  un 
cendré  roussàtre,  des  points  ocellés,  dont  un  ou  deux  à  la  base,  des  lu- 
nules fauves  au  bord  marginal;  femelle  brune,  souvent  saupoudrée  de 
bleu,  et  parfois  toute   bleue  ;  var.  Ceronus  Esper,  de  la  France  cen- 
trale   et   méridionale.    L'Adonis,  toujours  bien  moins    commun   que 
l'Alexis,  vole  en  mai,  puis  en  juillet  et  août,  dans  les  clairières,  les  lieux 
secs  et  pierreux.  Chenille  pubescente,  verte  ou  d'un  bleu  clair,  avec 
une  ligne  dorsale  plus  foncée  et  comprise  entre  deux  rangs  de  taches 
fauves  triangulaires,  sur  VHipiiocrepis,  divers  trèfles  et  le  genêt  herbacé, 
dont  elle  ne  mange  que  la  fleur.  Chrysalide  d'un  gris  noirâtre  ou  ver- 
dâtre. —  L.  Corijdon,  Scopoli,  un  de  nos  plus  grands  Lycènes,  V Argus  bleu 
nacré  d'Engramelle,  se  trouvant  dans  les  îles  Britanniques,  le  mâle  d'un 
bleu  argentin,  à  frange  blanche  entrecoupée  de  noir,  la  bordure  noire 
ocellée  sur  les  ailes  inférieures,  la  femelle  brune,  avec  le  dessous  d'un 
brun  roux.  Chenille  en  mai  et  juin  sur  les  Trifolïum,  Lotus,  Hippocre- 
pis,  etc.;  adulte  assez  commun  en  juillet  et  août,  mais  localisé  surtout 
dans  les  bois  secs  et  pierreux,  souvent  en  grand  nombre  sur  les  fleurs 
de  thym  et  de  serpolet.  Je  ne  l'ai  vu  nulle  part  aussi  abondant  que  dans 
la  Charente,  sur  la  route  entre  bois  allant  de  Jarnac  à  Houillac;  on  en 
faisait  lever  des  troupes  à  chaque  pas,  et,  çà  et  là,  parmi  les  femelles 
brunes,  on  voyait  voler  l'aberration  Syngrapha,  Keferstein,  femelle  de 
la  couleur  du  mâle,  d'un  bleu  un  peu  plus  sombre,  la  bordure  noire 
plus  nette, les  taches  fauves  plus  vives. —  L.  Argiolus,  Linn.,  nommé  en 
Angleterre  the  Azuré  blue,  d'un  bleu  violet  pâle,  la  bordure  noire  élar- 
gie à  l'angle  apical;  le  dessous  d'un  blanc  bleuâtre  légèrement  teinté 
de  verdâtre  à  la  base,  avec  un  arc  central  et  une  ligne  transversale  de 
petits  points  noirs  non  ocellés;  femelle  de  la  couleur  du  mâle,  avec  la 
bordure  noire  très  large,  un  arc  noir  aux  ailes  supérieures  et  une  ran- 
gée de  points  noirs  au  bord  externe  des  inférieures;  en  mai,  puis  fin 
juillet,  toujours  isolé,  voltigeant  autour  des  arbres  et  des  buissons,  des 


2Zh  LÉPIDOPTÈRES. 

clairières  de  bois  eî  des  jardins,  mi^me  dans  les  villes.  Chenille  pubes 
cente ,  d'un  vert  jaunâtre,  avec  le  dos  d'un  vert  foncé ,  la  tête  et  les 
pattes  noires;  en  juin  et  septembre,  sur  le  lierre  et  la  bourdaine. Chry- 
salide lisse,  verte  à  la  partie  antérieure,  d'un  brun  mélangé  à  sa  partie 
postérieure,  avec  une  ligne  noire  sur  le  dos.  —  L.  Cyllarus,  Rottenburg, 
l'Argus  bleu  à  bandes  brunes  d'Engramelle,  qui  n'existe  pas  dans  les  îles 
Britanniques,  un  de  nos  plus  beaux  Lycènes  de  toute  la  France ,  mais 
jamais  commun;  des  jardins,  prairies  et  clairières  des  bois  humides,  en 
mai,  juin,  juillet;  ailes  d'un  bleu  violet  un  peu  satiné,  avec  bordure 
noire  assez  large  aux  supérieures,  plus  étroite  aux  inférieures;  frange 
grisâtre ,  dessous  d'un  gris  cendré ,  avec  une  petite  lunule  centrale  et 
une  ligne  courbe  de  gros  points  noirs  ocellés  aux  ailes  supérieures,  une 
large  teinte  verdâtre  à  la  base  des  inférieures  et  une  série  de  petits 
points  ocellés,  souvent  nulle  ;  femelle  d'un  brun  noir,  avec  le  disque 
plus  ou  moins  largement  saupoudré  de  bleu  violet.  Chenille  en  juin  et 
juillet,  sur  les  luzernes,  les  trèfles,  les  Onobnjchis ,  le  mélilot ,  le  genêt 
herbacé,  diverses  Astragales,  pubescente,  d'un  vert  jaunâtre  pâle,  avec 
une  ligne  rougeàtre  le  long  du  dos  et  des  lignes  transverses  d'un  vert 
brunâtre  sur  chacun  des  côtés,  les  pattes  écailleuses  noires,  les  pattes 
membraneuses  colorées  comme  les  lignes  latérales.  Chrysalide  brunâ- 
tre.—  Le  L.Arion,Lmn.,  le  plus  grand  de  nos  Lycènes,  aussi  nommé  the 
Large  Mue  par  les  .Anglais,  de  la  seconde  quinzaine  de  juillet,  toujours 
très  localisé,  des  clairières  des  bois,  ainsi  se  trouvant  aux  environs  de 
Paris,  à  la  côte  d'Aulnay,  à  Versailles,  sur  les  hauteurs  de  Ville- 
d'Avray,  à  Lardy,  à  Fontainebleau,  etc.,  variant  pour  la  couleur  du  bleu 
le  nombre  et  l'intensité  des  taches  noires. 

Nous  représentons  les  détails  d'un  Lycène  exotique,  L.  Roxus, 
Godart,  des  Indes-Orientales  (pi.  i.xxxiv,  tig.  7,  tête;  7  a,  extrémité  de 
l'antenne;  7  b,  palpe  dépouillée  de  ses  écailles).  Le  catalogue  de  M.  Kirby 
le  place  dans  le  genre  Cupido,  Schrank. 

POI.VOMMATUS,  Latr.  (syn.  Chrysophanus,  Hiibner).  —  Tète  plus  étroite  que 
le  corselet.  Antennes  presque  aussi  longues  que  le  corps,  terminées  par  une 
massue  courte.  Palpes  presque  droits,  le  dernier  article  nu,  long  et  subulé. 
Bord  postérieur  des  ailes  inférieures  prolongé  à  l'angle  anal  dans  la  plupart  des 
mâles,  un  peu  échaucré  avant  cet  angle  dans  les  femelles.  Tarses  épais, 
d'une  seule  couleur.  —  Chenilles  eu  ovale  allongé,  assez  convexes.  —  Chrysa- 
lides courtes,  presque  ovoïdes,  pubescentes. 

Ce  genre  compte  en  Europe  une  douzaine  d'espèces,  ayant  le  fond 
des  quatre  ailes,  en  tout  ou  en  partie,  d'un  fauve  doré,  soyeux  et  bril- 
lant, au  moins  chez  les  mâles.  Les  chenilles  vivent  sur  les  plantes  basses, 
notamment  les  Rumex.  L'espèce  la  plus  commune  en  France  est  le 
P.  Phlœas,  Linn.,  le  Bronzé  de  Geoffroy,  The  Copper  des  Anglais,  papil- 
lon qui  est  commun  partout  et  presque  toute  l'année,  mais  surtout  à 


POLYOMMATUS.  235 

l'arrière-saison,  jusqu'en  novembre,  existant  aux  îles  Canaries.  Dans 
tout  le  nord  de  l'Amérique  et  en  Californie,  se  trouve  un  P.  Hypophlœas 
qui  lui  ressemble  beaucoup,  et  que  certains  auteurs  regardent  comme 
de  même  espèce.  Le  P.  Phlœns  est  un  des  premiers  et  des  derniers 
Diurnes  qu'on  voit  voler,  surtout  dans  les  clairières  des  bois  et  le 
long  des  routes,  aimant  à  se  poser  à  terre;  les  individus  de  septembre 
passent  l'hiver  en  chrysalide  et  ne  donnent  l'adulte  qu'en  avril;  la  che- 
nille se  trouve  toute  l'année  sur  l'oseille  sauvage  {Rumex  acetosa).  Le 
papillon,  pareil  dans  les  deux  sexes,  offr.e  les  ailes  supérieures  brunes, 
avec  le  disque  d'un  fauve  doré  semé  de  points  noirs ,  les  inférieures 
échancrées,  avant  l'angle  anal  d'un  brun  noir  avec  une  bande  margi- 
nale fauve,  s'appuyant  intérieurement  sur  quatre  ou  cinq  points  noirs; 
en  dessous  les  ailes  supérieures  ont  le  disque  fauve  et  des  points  noirs, 
les  inférieures  sont  d'un  cendré  brunâire,  avec  de  très  petits  points 
noirs  et  une  ligne  de  taches  rougeûtres;  dans  une  aberration  par  défaut 
de  pigment,  le  brun  est  remplacé  par  du  blanc.  A  consulter,  pour  cette 
espèce  ,  H.  Lucas ,  quelques  remarques  sur  une  variété  du  Chrysophanns 
Phlœas,  Lépidoptère  Achalinoptère  de  la  tribu  des  Eryciniens  et  de  la 
famille  des  Lycénides  (Ann.  Soc.  entomol.  de  France,  1865).  On  trouve 
aux  environs  de  Paris  :  1*  le  type  à  fond  d'un  fauve  vif;  2"  la  variété 
Eleus,  où  le  fauve  est  remplacé,  en  plus  ou  moins  grande  partie,  par  du 
brun  ;  3°  une  aberration  où  le  fauve  est  remplacé  par  du  jaune-paille 
clair  (collection  J.  Fallou);  dans  un  autre  sujet  de  la  même  collection" 
cette  couleur  se  montre  à  l'aile  droite  antérieure  seulement;  ce  sont 
des  décolorations  accidentelles,  tenant  sans  doute  à  quelque  condition 
spéciale  de  la  chrysalide,  peut-être  à  une  insolation  :  il  est  curieux  de 
voir  dans  le  même  lieu,  ainsi  dans  le  bois  de  Boulogne,  cette  aberra- 
tion albine  à  côté  de  la  variété  mélanienne;  k"  enfin  parfois,  surtout 
dans  les  femelles,  il  y  a  quelques  points  bleus  au-dessus  des  points 
noirs  des  ailes  inférieures. —  Le  P.  DoriUs,  Hufnagel,  ou  Xanthe,  Fabr., 
VArgus  fiiyope,  de  Geoffroy,  qui  ne  se  trouve  pas  dans  les  îles  Britan- 
niques, est  aussi  une  espèce  très  commune  dans  les  régions  calcaires, 
paraissant  deux  fois,  en  mai  puis  en  août,  volant  dans  les  clairières 
des  bois,  abondant  sur  les  fleurs  des  Origanum,  fréquent  aux  en- 
virons de  Paris.  Le  mâle  a  les  ailes  brunes  avec  des  points  noirs  et  une 
série  antéterminale  de  lunules  fauves  s'appuyant  sur  des  points  noirs, 
le  dessous  d'un  jaune  un  peu  verdâtre,  avec  la  répétition  des  points  du 
dessus  pour  les  supérieures  et  un  plus  grand  nombre  pour  les  infé- 
rieures, la  bordure  antimarginale  fauve  entre  deux  séries  de  points 
noirs  ;  femelle  à  ailes  supérieures  plus  arrondies,  fauves,  ornées  de 
points  noirs  plus  gros  que  chez  le  mâle;  nombreuses  variétés,  surtout 
pour  les  femelles,  parfois  entièrement  brunes  en  dessus,  parfois  à  taches 
noires  continentes,  parfois  avec  quelques  atomes  bleus  aux  ailes  infé- 
rieures. Dans  les  montagnes  de  la  Suisse  et  des  Basses-Alpes  est 
une  variété  Montanus,  Meyer-Dûr,   à  ailes  d'un  bleu  violacé  brillant, 


236  LÉPIDOPTÈRES. 

sans  taches  fauves,  les  points  noirs  comme  dans  le  type  ,  mais  plus  pe- 
tits ettrèstinement  cerclés  de iaiinc— P.Eurydice,  Rottenburg,  onChry- 
5e/5(catal.  de  Vienne), l'ir^tis  satiné  changeant  d'Engramelle,  manquant 
aux  îles  Britanniques,  espèce  propre  aux  montagnes  subalpines,  mais 
qu'on  prend  aussi  dans  les  forêts  marécageuses  ,  ainsi  en  juin  ,  à  Com- 
piègne,  surtout  entre  les  étangs  de  Saint-Pierre  et  Pierrefonds,  à  Chan- 
tilly, près  de  l'étang  de  la  Reine-Blanche.  F/esptice  est  aussi  bien  des 
montagnes  que  des  plaines,  car  la  plante  qui  nourrit  la  chenille  et  qui 
est  l'oseille  [Rumex  acetosella),  vit  également  dans  les  prairies  basses  et 
dans  les  prairies  élevées;  ainsi  Duponchel  a  trouvé  ce  Polyommate  dans 
les  prairies  élevées  de  la  Lozère,  près  du  pont  de  Montvert,  et  il  re- 
marque qu'il  existe  sur  les  cimes  de  la  Lozère  des  marais  tourbeux  ana- 
logues à  ceux  de  la  Picardie.  On  trouve,  par  aberration,  dans  cette  es- 
pèce,  les  taches  rondes  du  dessous  remplacées  par  des  lignes  noires, 
parfois  des  deux  côtés,  parfois  d'un  seul  côté,  les  ailes  restant  normales 
de  l'autre  côté.  Le  mâle  a  les  ailes  d'un  fauve  doré  vif,  avec  reflet  do 
bleu  chatoyant,  la  côte  des  supérieures  et  une  partie  des  inférieures 
d'un  noir  glacé  de  bleu  violet,  deux  petits  points  noirs  sur  le  disque  de 
chaque  aile;  en  dessous  un  cendré  jaunâtre,  avec  beaucoup  de  points 
noirs  cerclés  de  gris ,  le  disque  des  supérieures  plus  ou  moins  fauve, 
ainsi  qu'une  bande  antémarginale  souvent  courte  aux  ailes  inférieures  ; 
femelle  brune,  avec  le  disque  des  ailes  supérieures  légèrement  fauve  et 
une  double  rangée  de  points  noirs  bien  alignés,  les  inférieures  avec  une 
bande  fauve  plus  large  et  mieux  marquée  dans  le  mâle.  Le  P.  Hippo- 
thue,  Linn.,  qui  se  rencontre  dans  les  îles  Britanniques,  les  ailes  du  mâle 
d'un  fauve  doré,  avec  petite  bordure  noire  crénelée  intérieurement  sur 
les  inférieures,  une  lunule  noire  sur  les  disques,  le  dessous  des  ailes 
supérieures  fauves,  avec  une  petite  bordure  d'un  gris  cendré,  le  des- 
sous des  inférieures  d'un  cendré  clair  lave  de  bleu  vers  la  base,  avec 
une  bande  marginale  d'un  fauve  rouge,  renfermée  entre  deux  rangées 
de  points  noirs  ;  femelle  avec  plusieurs  points  noirs  sur  les  ailes  supé- 
rieures, les  inférieures  d'un  brun  noirâtre  et  une  bande  terminale 
fauve,  ornée  intérieurement  de  gros  points  noirs  :  juin  et  août  dans  les 
lieux  marécageux,  Colmar,  Strasbourg,  Metz,  et,  d'autre  part,  environs 
de  Saint-Quentin.  Dans  les  marais  tourbeux  de  certaines  localités  de  la 
Somme  est  une  rare  et  magnifique  variété,  dispar,  à  ailes  très  grandes, 
qui  fut  d'abord  connue  d'Angleterre,  des  prés  marécageux  des  environs 
de  Cambridge,  the  Large  Copper,  mais  qui  n'y  n'existe  plus,  depuis  qu'ils 
ont  été  drainés  et  livrés  à  la  culture;  on  trouve  cette  variété  dans  les 
marais  au  nord  et  au  nord-ouest  de  Bordeaux  (Gironde)  en  mai ,  en 
juin;  une  seconde  éclosion  en  août  et  septembre  est  le  type  ordinaire 
Ilippothoe. —  P.  Virgaureœ,  Linn.,  qui  est  aussi  de  la  faune  britannique, 
the  Scarce  Copper,  d'un  fauve  doré  des  plus  vifs  chez  le  mâle,  avec 
bordure  noire,  précédée  d'un  rang  de  points  noirs  aux  ailes  infé- 
rieures ;   la  chenille  de  cette  espèce  vit   sur  la  verge  d'or  (Solidago 


THECLA.  237 

virgaurea)  et  sur  la  patience  sauvage  {Rumex  aculus),  et  parait  deux 
fois,  en  juin  et  en  septembre.  Les  individus  de  la  première  génération 
donnent  leurs  papillons  en  juillet  et  août,  et  ceux  de  la  seconde 
en  mai  de  l'année  suivante,  après  avoir  passé  l'hiver  en  chrysa- 
lide. Ce  Polyommate  se  trouve  principalement  dans  les  prairies  des 
montagnes  secondaires,  volant  abondamment  dans  le  Jura  pendant  les 
premiers  jours  d'août;  aussi  des  Alpes,  des  Pyrénées,  de  l'Auvergne,  des 
Vosges.  — P.  Ballus,  Fabr. ,  les  ailes  brunes  chez  le  mâle,  des  poils  verts 
au  corselet ,  un  duvet  vert  sous  les  ailes  inférieures ,  des  points  noirs, 
rouges  et  blancs  en  dessous;  la  femelle  a  le  disque  des  ailes  supérieures 
et  une  grande  tache  marginale  aux  inférieures  d'un  fauve  clair;  vole 
en  mars  aux  environs  de  Cannes,  d'Hyères,  de  Toulon,  en  Espagne,  en 
Portugal,  en  Algérie.  Chenille  en  mai  sur  le  Lotus  hispidus. 

Parmi  les  Polyommates  exotiques  nous  citerons  :  P.  Thoe,  Boisduval, 
Le  Conte,  de  l'Amérique  du  ÏN'ord,  ayant  de  la  ressemblance  avec 
P.  Phlœas  (pi.  Lxxxiv,  fig.  [\:Ua,lc  même  de  profil  ;  h  b,  antenne,  œil, 
palpe  et  spiritrompe),  et  une  charmante  espèce  de  Ceylan  ef  des 
Indes  orientales,  le  P.  Ainor,  Daiman  (pi.  lxxxiv,  fig.  6),  du  genre 
Sithon,  Hubner,  brun,  avec  une  bande  blanche  au  milieu  des  ailes 
supérieures,  les  inférieures  terminées  par  trois  pelites  queues,  et 
offrant  au  bord  postérieur  trois  bandes,  l'interne  rouge,  la  médiane 
noire,  l'externe  jaune. 

TIlCCIvA,  Fabr.  —  Tête  plus  étroite  que  le  thorax.  Antennes  longues,  droites, 
terminées  par  une  massue  ovalo-cylindrique,  souvent  grêle  ou  peu  renflée. 
Yeux  visiblement  couveits  de  poils.  Palpes  squameux  ou  à  peine  ciliés,  à  trois 
arlicles  bien  distincts,  le  troisième  presque  nu  et  subuliforme  et  presque 
aussi  long  que  le  second.  Bord  postérieur  des  ailes  inférieures  ayant  presque 
toujours  une  petite  queue  linéaire,  souvent  précédée  en  dehors  d'une  dent 
plus  ou  moins  saillante.  Tarses  courts  et  toujours  de  deux  couleurs,  —  Che- 
nilles en  forme  d'écusson  aplati,  large  en  avant,  rétréci  en  arrière.  —  Chry- 
salides courtes,  un  peu  rugueuses,  pubescentes,  convexes  en  dessus,  plates  en 
dessous. 

Les  papillons  du  genre  Thecla,  pourvus  de  petites  queues  filiformes, 
volent  autour  des  arbres  avec  une  grande  vivacité  et  se  posent  sur  les 
feuilles  souvent  très  élevées.  Les  chenilles  sont  carénées  sur  les  côtés 
et  crêtées  sur  le  dos,  les  chrysalides  attachées  aux  feuilles  ou  aux 
branches.  Les  espèces  d'Europe,  qui  sont  peu  nombreuses,  ont  les 
papillonsfgénéralement  bruns  en  dessus,  les  deux  sexes  souvent  peu 
différents,  le  dessous  sans  ocelles.  Les  espèces  exotiques  sont  très  abon- 
dantes, dans  le  genre  Thecla  et  les  genres  annexes,  et  très  souvent 
parées  de  nuances  bleues  éblouissantes;  mais  leur  dessous  ressemble 
plus  ou  moins  à  celui  des  espèces  européennes.  Les  espèces  du  genre 
Thecla  sont   répandues   dans   toutes  les  parties  du  monde,    de  taille 


238  LÉPIDOPTÈRES. 

médiocre,  rarement  moyenne.  Dans  l'accouplement  des  Thecla  la 
femelle  porte  le  mâle.  Les  chenilles  vivent  généralement  sur  les 
arbres  et  les  arbrisseaux. 

Parmi  les  espèces  d'Europe,  nous  citerons  d'abord  la  plus  grande  de 
tous  nos  Lycénides;  c'est  le  T.  betulœ,  Linn.,  le  Porte-queue  à  bande 
fauve  d'Engramelle,  the  Broum  Hairstreak  des  Anglais,  de  36  milli- 
mètres d'envergure,  les  ailes  brunes  chez  le  mâle,  ayant  chez  la  femelle 
une  grande  tache  fauve  au  milieu  des  supérieures.  Chenille  en  juin  sur 
le  bouleau,  le  prunellier  etle  prunierdomestique,  verte  avec  plusieurs 
raies  jaunes  longitudinales  et  des  raies  transverses  un  peu  moins  fon- 
cées sur  les  côtés.  Chrysalide  brune,  lisse,  avec  des  lignes  plus 
claires.  Adulte  en  août  et  septembre,  dans  les  bois,  parcs  et  jardins, 
volant  principalement  autour  des  haies  et  broussailles,  de  toute  l'Eu- 
rope, mais  solitaire  et  jamais  très  commun. —  T.  ilicis,  Esper,  ou  Lynceus, 
Fabr.,le  plus  commun  de  nos  Thecla^  les  ailes  d'un  brun  noir,  avec 
un  point  fauve  à  l'angle  anal  dans  les  deux  sexes  et  une  tache  fauve 
plus  ou  moins  grande  sur  les  ailes  supérieures  de  la  femelle,  le  des- 
sous d'un  brun  plus  clair,  avec  une  ligne  blanche,  transverse,  inter- 
rompue, et,  aux  ailes  inférieures,  une  série  de  taches  fauves  bordées 
de  noir,  s'appuyant  sur  un"  liséré  blanc,  (ihenille  en  mai  sur  le  chêne, 
difficile  à  se  procurer,  quoique  l'insecte  soit  commun,  car  il  faut 
secouer  fortement  les  taillis  des  jeunes  chênes  pour  la  faire  tomber; 
elle  est  duveteuse,  d'un  vert  pâle,  avec  trois  lignes  jaunes  interrom- 
pues sur  le  dos  et  les  flancs,  la  tête  et  les  pattes  écailleuses  fauves. 
Cette  chenille  devient  rougeâtre  au  moment  de  lia  nymphose  et 
donne,  au  début  de  juin,  une  chrysalide  ,  d'abord  jaunâtre,  puis 
brune,  avec  trois  rangs  de  points  obscurs  à  l'arrière  du  corps.  Adulte 
à  la  fin  de  juin  et  en  juillet,  volant  autour  des  buissons  de  ronce  en 
fleurs,  butinant  aussi  sur  les  fleurs  du  serpolet.  —  T.  pruni,  Linn.,  exis- 
tant aux  île''  Britanniques,  the  Dark  Hairstreak,  les  ailes,  d'un  brun 
foncé,  a\  >,  une  rangée  antémarginale  de  taches  fauves,  manquant 
souvent  aux  supérieures,  en  dessous  d'un  brun  plus  clair,  avec  une 
ligne  blanche,  ondulée  et  interrompue,  les  inférieures  ayant  une  large 
bande  d'un  fauve  vif,  plus  marquée  chez  la  femelle,  bordée  des  deux 
côtés  d'un  rang  de  points  noirs,  dont  les  supérieurs  sont  surmontés 
d'arcs  blancs.  Cette  espèce,  peu  répandue,  vole  en  juin,  par  les  temps 
chauds  et  sereins,  dans  les  clairières  des  bois,  aimant  à  se  poser  sur 
les  buissons,  surtout  ceux  de  cornouiller,  alors  en  fleur.  Chenille  à 
tête  petite,  jaune,  avec  deux  points  noirs  simulant  des  yeux,  le  fond 
du  corps  vert,  avec  des  lignes  longitudinales  d'un  jaune  blanchâtre  et 
plusieurs  petites  lignes  transverses,  sur  le  dos  des  tubercules  dont  la 
sommité  est  noire;  en  mai  sur  l'épine-vinette,  le  chêne,  le  noisetier, 
le  bouleau  et  surtout  le  prunellier,  difficile  à  trouver.  Chrysalide  dif- 
férant de  celle  des  autres  Polyommates  en  ce  que  son  abdomen  très 
renflé  est  garni  de  tubercules  pointus  (chenille  et  chrysalide  figurées 


THECLA.  239 

sur  le  prunellier,  pi.  lxxxiv,  fig.  5);  centre  et  est  de  la  France,  Alsace; 
près  de  Paris  :  bois  de  Bondy  et  de  Versailles,  Compicgne,  etc.  —  Le 
T.  rubi,  Linn.,  l'Argus  vortAo,  GeolFroy,  the  Green  Hairstreak  des  Anglais, 
petit  Lycénide  immédiatement  rcconnaissable  dans  les  deux  sexes  à  la 
couleur  du  dessous,  qui  est  d'un  beau  vert,  nuance  rare  chez  les 
papillons,  avec  une  ligne  blanche  interrompue,  le  dessus  d'un  brun 
luisant  avec  un  point  brun  ovale  à  la  côte  des  ailes  supérieures,  man- 
quant chez  la  femelle;  commun  sur  les  haies  et  dans  les  taillis  des 
bois  de  toute  la  France  en  mars,  avril,  mai  et  juin,  dans  les  années 
tardives.  Chenille  sur  les  ronces,  les  genêts,  le  sainfoin,  les  cytises,  a 
sa  taille  en  juillet  et  août,  pubescente,  d'un  vert  pré  ou  d'un  vert  jau- 
nâtre, avec  une  rangée  de  taches  triangulaires  d'un  jaune  pâle  sur 
chacun  des  côtés  et  une  ligne  blanchâtre  au-dessus  des  pattes.  Chrysa- 
lide passant  l'hiver,  brune  avec  les  stigmates  plus  clairs.  En  Californie 
se  trouve  le  T.  dumetorum,  qui  n'est  peut-être  qu'une  race  locale  de 
T.  rubi;  CarolT  avait  pris,  aux  environs  de  Paris,  une  curieuse  aberra- 
tion de  T.  rubi,  qui  était  verte  en  dessus  comme  en  dessous.  —  T.  quer- 
cus,  Linn.,  the  Purple  Hairstreak  des  Anglais,  de  oli  millimètres  d'en- 
vergure, les  ailes  du  mâle  d'un  brun  noir,  glacées  de  violet  foncé  un 
peu  changeant,  dessous  d'un  gris  satiné  avec  une  ligne  blanche  ondu- 
leuse  et  deux  taches  rousses  à  l'angle  interne;  la  femelle  d'un  brun 
noir  en  dessus,  avec  une  large  tache  bleue,  brillante,  échancrée  à  la 
bifurcation  de  la  nervure  médiane.  Ces  papillons  ont  le  dernier  article 
des  palpes  coudé  et  les  yeux  très  velus  :  toute  la  France,  assez  commun 
de  la  fin  de  juin  au  mois  d'août  sur  les  lisières  et  dans  les  avenues  des 
grands  bois,  voltigeant  souvent  à  une  assez  grande  hauteur  autour  des 
châtaigniers  en  fleur,  les  deux  sexes  se  poursuivant  sans  cesse,  ce  qui 
rend  parfois  sa  capture  peu  aisée  ;  mais  on  l'élève  aisément  de  sa 
chenille,  qui  n'est  pas  rare  dans  tout  le  courant  de  mai  et  jusqu'au 
15  juin,  en  battant  les  chênes.  Cette  chenille,  large,  aplatie,  à  anneaux 
débordants,  a  la  tête  petite,  arrondie  et  brune,  le  corps  pubescent, 
d'un  gris  brunâtre  avec  des  rangées  de  points  le  long  du  dos  et  les 
incisions  jaunâtres;  la  chrysalide  est  brune,  avec  des  taches  plus 
claires,  et  fait  entendre,  lorsqu'on  la  prend  entre  les  doigts,  une  sorte 
de  stridulation  assez  distincte,  analogue  à  celle  de  certains  Longi- 
cornes  (divers  auteurs  et  A.  Constant).  —  T.  Walbum,  Knoch,  existant 
aux  îles  Britanniques,  The  Black  Hairstreak,  d'un  brun  noir  en  dessus, 
d'un  brun  plus  clair  en  dessous,  avec  une  ligne  blanche  interrompue, 
dessinant  sur  les  ailes  inférieures  un  W  très  anguleux  :  de  presque 
toute  la  France,  en  juin  et  juillet,  dans  les  lieux  plantés  d'ormes,  sur 
lesquels  vit  la  chenille.  —  T.  acaciœ,  Fabr.,  espèce  rare,  de  la  France 
centrale  et  méridionale,  des  coteaux  calcaires,  des  vignobles,  des 
Vosges,  de  la  Lozère,  des  Pyrénées-Orientales,  du  midi  de  la  Russie,  etc.; 
elle  ressemble  en  dessus  à  l'espèce  précédente,  s'en  distinguant  par 
deux  taches  fauves  chez  le  mâle,  à  l'angle  anal  des  ailes  inférieures. 


2/l0  LÉPIDOPTÈRES. 

l'une  au-dessus  de  la  queue,  et  quatre  chez  la  femelle,  dont  l'anus 
offre  un  bourrelet  de  poils  noirs,  etc. 

Parmi  les  Thecla  exotiques,  il  en  est  un  très  curieux  par  ses  mœurs 
et  que  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence,  c'est  le  T.  hocrates,  West- 
wood,  des  Indes  orientales,  les  ailes  du  mâle  d'un  brun  obscur,  bril- 
lantes d'un  glacis  plombé  bleuâtre,  celles  de  la  femelle  bleuâtres  à  la 
base  seulement,  d'un  brun  plus  fauve,  avec  une  tache  fauve  centrale 
en  avant;  queues  des  ailes  inférieures,  dans  les  deux  sexes,  noires  puis 
blanches  au  bout,  avec  deux  taches  noires  à  l'angle  anal,  à  la  naissance 
de  la  queue,  entourées  d'une  bordure  d'écaillés  argentées,  avec  une 
ceinture  jaune  autour  des  taches  chez  la  femelle;  dessous  des  ailes 
d'un  gris  cendré,  avec  deux  légères  bandes  plus  foncées,  l'appendice 
anal  noir,  avec  tache  d'un  bleu  argenté.  Cette  espèce  est  nuisible  par 
sa  chenille  qui  détruit  les  grenadiers  en  dévorant  les  graines  (1).  Les 
chenilles  vivent  à  l'intérieur  des  grenades,  au  nombre  de  sept  à 
huit  pour  le  moins  dans  chacune;  il  est  probable  que  la  femelle 
pond  ses  œufs  sur  le  fruit  encore  très  jeune.  Les  chrysalides,  d'une 
couleur  brune,  se  forment  dans  le  fruit,  attachées  en  dedans  contre 
la  paroi  par  un  lien  ceinturai.  Les  chenilles  ont  eu  l'instinct  de 
perforer  la  paroi  du  fruit  de  trous  'ovales,  par  où  sortiront  les  papil- 
lons. 

Ml'RIHA,  Fabr,  —  Antennes  extrêmement  grêles,  renllées  à  leur  extrémité 
en  une  très  petite  massue.  Palpes  grêles,  à  peu  près  aussi  longs  que  la  tête, 
avec  leur  dernier  article  ayant  la  moitié  de  la  longueur  du  précédent. 
Corps  assez  grêle.  Ailes  inférieures  terminées  par  deux  prolongements  caudi- 
formes,  dont  l'externe  est  souvent  plus  long  que  l'aile. 

On  ne  connaît  que  quelques  espèces  exotiques  de  ce  genre,  dont  le 
type  est  le  M.  Jaffra,  Godart,  de  l'île  de  Java  (pi.  i.xxxv,  tig.  3  :  adulte 
de  profll  en  dessous,  d'un  blanc  nacré,  la  base  des  ailes  inférieures 
rosée  et  trois  taches  bleues  terminales,  avant  les  queues;  3  a,  tète  vue 
de  face  et  antenne  :  3  6,  id.  de  profil;  3  c,  extrémité  de  l'antenne;  3  d, 
palpe  dépouillé  de  ses  écailles;  3  e,  patte  antérieure. 

ÉRYCINIDES. 

Antennes  longues.  Palpes  généralement  très  petits.  Ailes  infé- 
rieures ayant  la  cellule  discoïdale  tantôt  fermée,  tantôt  ouverte 
ou  fermée   par   une  petite  nervure  récurrente,    la   gouttière  anale 

(1)  J.  0.  Westwood,  Some  accoimt  of  the  Habits  of  a  East  Indian  Species  of 
Butterfly,  belonging  to  the  Genus  Thecla  {Trans.  Soc.  entom.\of  London^  1837, 
II,  part.  1,  p.  1,  pi.  i). 


ÉHYCIMDES.  261 

peu  prononcée.  Pattes  ambulatoires  au  nombre  de  quatre  ibez 
les  mâles  et  presque  toujours  de  six  dans  les  femelles.  —  Che- 
nilles à  tête  très  petite  et  globuleuse,  pubescenles  ou  hérissées 
de  poils  fins,  en  ovale  allongé,  presque  onisciformes,  à  pattes  très 
courtes.  —  Chrysalides  arrondies  et  courtes,  également  hérissées 
de  poils  fins ,  ressemblant  beaucoup  pour  la  forme  à  celles  des 
Lycénides,  et  suspendues  comme  elles  par  la  queue  et  par  un  lien 
ceinturai. 

Les  Érycinides  répondent  en  grande  partie  à  l'ancien  genre  Enjcina 
de  Godart  {Encycl.  méthod.,  1819),  et  presque  toutes  les  espèces  de  cette 
famille,  à  peu  d'exceptions  près,  habitent  l'Amérique,  principalement 
l'Amérique  méridionale. 

Les  Érycinides  sont  encore  peu  étudiés,  parce  qu'ils  n'ont  en  Europe 
qu'une   seule  espèce.   Ils   abondent  au   contraire   en    Amérique,   et 
M.  C.  Bar,  de  Cayenne  {op.  cit.),  a  fait  connaître  les  différences  impor- 
tantes qu'ils  otfrent  avec  les  autres  familles  de  Rhopalocères.  Ses  carac- 
tères sont  tirés  du  port  d'ailes  pendant  le  repos  et  de  la  locomotion  des 
adultes.  Les  Lépidoptères  prennent,  pendant  les  heures  de  la  nuit  ou 
pendant  les  instants  de  pluie,  une  attitude  immobile,  qui  doit  être 
considérée  comme  celle  du  repos,  car  on  ne  peut  regarder  comme 
telles  les  attitudes  qu'ils  affectent  pendant  les  heures  de  vagabondage, 
dans  les  temps  d'arrêt  :  pendant  ces  instants,  sous  l'exposition  d'un 
soleil  brillant  de  tout  son  éclat,  l'insecte  ouvre  et  ferme  alternative- 
ment ses  ailes,  ce  qui  est  une  marque  de  satisfaction  ou  de  bien-être, 
mais  ce  qui  n'est  pas  le  repos.  Dans  le  plus  grand  nombre  des  Rhopa- 
locères, on  s'aperçoit  que,  pendant  le  repos,  toutes  les  espèces,  sans 
exception,  tiennent  leurs  ailes  absolument  conniventes,  dans  une  atti- 
tude perpendiculaire  au  plan  de  position,  mais  plus  ou  moins  inclinées 
en  arrière.  Chez  les  Érycinides,  comme  aussi  parmi  les  Hespériens,  il 
y  a  une  grande  diversité  dans  la  manière  de  poser  les  ailes  au  repos,  ce 
qui  correspond  à  des  groupes  différents  et  bien  caractérisés  :  dans  les 
uns,  les' ailes  sont  dressées  et  conniventes,  comme  dans  la  majorité  des 
Rhopalocères;  dans  d'autres,  elles  sont  à  demi  ouvertes,  comme  chez 
certains  Hespériens  ;  enfin,  dans  le  plus  grand  nombre,  elles  sont  éten- 
dues à  plat  sur  la  surface  d'appui,  comme  chez  les  Phaléniens.  Quant 
à  la  locomotion,  les  Érycinides  marchent  sur  quatre  pattes,  des  paires  2 
et  3  dans  les  mîtles,  et  sur  les  six  pattes  thoraciques  dans  les  femelles. 
Aussi  M.  C.  Bar  en  fait  le  groupe  des  Hétéropodes,  Guénée,  sous  le  rap- 
port de  la  locomotion,  ou  des  Variables,  C.  Bar  (en  y  réunissant  alors 
les  Hespériens),  au  point  de  vue  de  la  position  des  ailes  pendant  le 
repos.   Ces  papillons  devraient   former  une  tribu  séparée,  les  Éryci- 
niens;  nous  les  laissons  à  titre  de  famille  dans  les  Lycéniens,  à  cause 
de  leur  peu  d'importance  dans  les  espèces  européennes,  qui  sont  de 
beaucoup  celles  qui  intéressent  les  lecteurs  de  notre  ouvrage  élémen- 
taire. 

GIRARD.  m.  —  16 


2Z|2  LÉPIDOPTÈRES. 

H'EIIIEOBIC'S,  Stephens,  ou  Hamearis,  Hubner.  —  Antennes  aussi  longues  que 
le  corps,  non  compris  la  lête,  droites,  brusquement  terminées  par  un  bouton 
aplati,  presque  triangulaire.  Palpes  courts,  droits,  ne  dépassant  pas  la  têle,  à 
trois  articles  distincts,  les  deux  premiers  ciliés,  le  troisième  presque  nu  et  subu- 
liforme.  Yeux  oblongs,  bordés  de  blanc  comme  chez  les  Lycénides.  Thorax  très 
robuste,  plus  large  que  la  tête.  Ailes  arrondies,  l'angle  apical  des  supérieures 
aigu;  crochets  du  bout  des  tarses  très  petits.  Abdomen  assez  long,  non  entiè- 
rement caché  par  la  gouttière  peu  prononcée  des  ailes  inférieures  lorsqu'elles 
sont  relevées.  —  Caractères  indiqués  à  la  famille  pour  les  chenilles  et  chry- 
salides. 

La  seule  espèce  connue  de  ce  genre  est  d'Europe,  de  presque  toute 
la  France,  surtout  centrale  et  septentrionale,  des  îles  Britanniques,  the 
Duke  of  Burgimdy  Fritillary,  volant  en  mai,  et  une  seconde  fois,  moins 
communément,  en  août,  dans  les  forêts  humides,  principalement  dans 
les  clairières  et  les  taillis,  ressemblant  beaucoup  par  ses  couleurs  à  un 
Melitœa,  mais  se  rattachant  à  la  tribu  des  Lycéniens  par  ses  premiers 
états  et  par  la  manière  dont  la  chenille  se  métamorphose.  C'est  le 
N.  Lucina,  Linn.,  le  Fauve  à  taches  blanches  d'Engramelle,  à  ailes  d'un 
brun  fauve,  entrecoupées  de  taches  jaunes  en  séries  transversales  et  de 
quelques  taches  blanches  aux  ailes  supérieures.  La  chenille  se  trouve 
en  juin  et  en  septembre,  vivant  très  cachée  sur  diverses  espèces  de 
Primevères  et  de  Rumex.  Les  sujets  de  la  première  génération  donnent 
leurs  papillons  en  août,  ceux  de  la  seconde  passant  l'hiver  engourdis, 
continuent  de  croître  au  printemps,  se  changeant  en  chrysalide  dans  le 
courant  d'avril,  pour  donner  les  adultes  de  mai.  La  chenille  est  de  con- 
tour elliptique,  un  peu  aplatie,  d'un  brun  roux,  couverte  de  faisceaux  de 
poils  de  même  couleur,  avec  une  ligne  dorsale  plus  foncée,  surchargée 
de  points  noirs,  dont  un  sur  chaque  anneau  ;  la  tête  petite,  arrondie  et 
d'un  brun  rougeâtre  ;  les  pattes  extrêmement  courtes  et  à  peine  vi- 
sibles (pi.  Lxxxiv,  fîg.  2).  La  chrysalide,  attachée  par  la  queue  et  par  un 
lien  transversal  (fig.  2  a),  est  jaunâtre,  hérissée  de  longs  poils  noirâtres 
et  marquée  de  nombreux  points  noirs  rangés  en  cercle,  avec  les  four- 
reaux des  ailes  bordés  en  noir.  Détails  de  l'adulte  :  2  b,  tête  ;  2  c,  palpe 
garni  de  ses  poils  et  palpe  dépouillé;  2  d,  bouton  de  l'antenne;  2  e, 
patte  antérieure;  2  f,  patte  postérieure. 

C'est  très  près  du  genre  Nemeobius  que  doit  se  placer  un  petit  Lépi- 
doptère des  États-Unis  du  Sud  présentant  l'angle  apical  de  l'aile  supé- 
rieure très  aigu,  et  décrit  par  Guérin-Méneville  sous  le  nom  d'Erycina 
Virginiensis,  Boisduval  (pi.  lxxxiv,  fig.  1  :  1  a,  le  même,  de  profil  en 
dessous).  Le  corps  et  les  ailes  sont,  en  dessus,  d'un  brun  ferrugineux, 
les  quatre  ailes  couvertes  de  nombreuses  petites  taches  oblongues  et 
transversales,  formant  des  bandes  sinueuses  très  irrégulières,  avec  deux 
petites  bandes  très  minces  et  argentées,  près  du  bord  externe.  Le  des- 
sous est  d'un  jaune  un  peu  orangé,  ponctué  de  noir,  avec  les  deux 


ÈUMENIA,    PAPILIONIENS.  243 

bandes  argentées  du  dessus,  mais  plus  larges,  l'interne  maculaire;  les 
antennes  sont  annelées  de  noir  et  de  blanc. 

EUMEMIA,  Godart  (syn.  EuMŒUS,  Hubner).  —  Antennes  longues,  à  massue 
subfiliforme,  se  renflant  peu  à  peu  vers  le  bout.  Ailes  parfaitement  arrondies, 
sans  queue. 

Le  type  de  ce  genre  américain  est  VE.  Minyas,  Hubner  ou  E.  Minijas^ 

Blanchard,  du  Mexique.  Nous  représentons  une  belle  espèce  de  la  Havane, 

E,  Atala,  Poey,  à  ailes  noires  largement  teintées  d'un  riche  vert  sur  le 

disque,  ainsi  que  pour  les  taches  du  bord  terminal  des  ailes  inférieures, 

'abdomen  d'un  rouge  orangé,  ainsi  que  la  gouttière  alaire  inférieure 

pi.  Lxxxiii,  fîg.  3:3a,  profil  en  dessous;  3  6,  tête;  3  c,  antenne). 

Un  genre  voisin,  Euryhia,  Illiger,  est  remarquable  par  les  antennes 
extrêmement  longues  et  à  massue  véritablement  filiforme,  à  peitie  sen- 
sible, les  ailes  en  pointe  à  l'angle  apical  des  supérieures,  à  l'angle 
inféro-externe  des  inférieures,  rappelant  un  peu  la  coupe  d'ailes  des 
Gonepteryx.  Nous  figurons  une  espèce  de  très  grande  taille  pour  la 
tribu,  VE.  Carolina,  Godart,  du  Brésil,  à  corps  brun,  à  ailes  brunes 
avec  nombreuses  taches  orangées  et  deux  blanches  sur  le  disque 
des  supérieures  (pi.  lxxxui,  fig.  U  :  h  a,  tête;  U  6,  antenne  subfili- 
foime). 


Tribu  des  PAPIIilOMlE^S. 

HEXAPODES. 

Certains  genres  de  cette  tribu  des  Papilioniens  présentent  les  Rho- 
palocères  de  la  plus  grande  envergure  d'ailes  {Ornlthoptera).  Les  six 
pattes  sont  propres  à  la  marche  dans  les  deux  sexes,  les  antennes  très 
rapprochées  et  presque  conniventes  à  la  base.  Les  chenilles  sont  allon- 
gées et  cylindroïdes  ;  les  chrysalides,  dépourvues  de  taches  métalliques, 
sont,  outre  le  lien  caudal,  attachées  en  travers  du  corps  par  un  ou 
plusieurs  fils  qui  les  fixent,  soit  contre  des  feuilles  ou  des  tiges,  soit 
contre  des  rochers,  des  pierres  ou  des  murailles.  11  y  a  exception  pour 
,e  genre  Parnassius. 

PIÉRIDES. 

Antennes  allongées,  ou  terminées  brusquement  et  en  massue,  ou 
s' épaississant  peu  à  peu  jusqu'à  l'extrémité  Palpes  cylindriques,  à 
articles  distincts,  hérissés  de  poils  ou  finement  écailleux.  Ailes  à  cel- 
lules discoïdales  toujours  fermées^  nervure  disco-cellulaire  supérieure 
manquant  presque  toujours,  première  nervure  discoïdale  souvent  unie 


244  HYMÉNOPTÈRES. 

,  à  la  nervure  subcostale;  bord  abdominal  des  ailes  inférieures  formant 
un  canal  pour  recevoir  l'abdomen.  Six  pattes  propres  à  la  marche, 
semblables  dans  les  deux  sexes;  jambes  des  pattes  antérieures  ne  pré- 
sentant pas  d'éperon  dans  leur  milieu  ;  premier  article  des  tarses  le 
plus  long  de  tous  ;  ongles  bifides,  appendiculés. —  Chenilles  légèrement 
pubescentes,  atténuées  aux  deux  extrémités,  généralement  plus  grêles 
que  celles  des  Papilionides,  dont  elles  ditrùrent  surtout  par  l'absence  de 
tentacule  en  Y  sur  le  premier  anneau  thoracique.  —  Chrysalides  sans 
taches  métalliques,  anguleuses,  un  peu  comprimées,  appointées  aux 
deux  extrémités,  celles-ci  ni  bifides  ni  tronquées. 

Le  genre  Pieris  est  répandu  sur  toute  la  surface  du  globe,  depuis  le 
cercle  arctique  jusqu'à  l'extrémité  sud  de  l'Afrique  et  de  l'Amérique; 
on  en  trouve  aussi  dans  toute  l'AusIralie.  Les  genres  Anthoçharis  et 
Colias  sont  presque  aussi  répandus,  mais  jusqu'à  présent  aucun  de  ces 
genres  n'a  été  rencontré  en  Australie.  Le  genre  Leucophasia  paraît 
exclusif  à  l'Europe;  le  genre  Leuconea  est  d'Europe  et  de  l'Asie  centrale; 
le  genre  Goneplenjx  ou  Rhodocera,  avec  ses  formes  variées,  existe  dans 
les  deux  hémisphères,  mais  ne  se  rencontre  pas  en  Australie,  et  s'étend 
en  Europe  beaucoup  plus  au  nord  qu'en  Amérique.  Les  Terias  et  Cal- 
lydrias  sont  des  régions  tropicales  des  deux  continents  et  d'Australie, 
les  Naihalis  exclusifs  à  l'Amérique,  les  Eronia  à  l'Afrique,  les  genres 
Eulerpe  et  Leptalis  appartiennent  à  l'Amérique  tropicale,  les  Pontia  et 
Idmais  à  l'Asie  et  à  l'Afrique  tropicales,  les  Testias  et  les  Iphias  à  l'Asie 
tropicale  seulement.  Des  ressemblances  dans  la  forme  du  corps  et  des 
ailes  et  dans  leur  couleur  existent  entre  certains  genres  de  Piérides  et 
des  espèces  de  tribus  très  différentes,  ainsi  les  Terias  avec  les  Lycé- 
nides;  les  Leptalis  ont  de  trè.s  grands  rapports,  peut-être  par  suite 
d'imitation  défensive,  avec  les  Héliconides,  qui  n'ont  que  quatre  pattes 
ambulatoires. 

GENRES    PRINCIPAUX. 

AîVTHOrnAniS,  Boisduval  (syn.  Euchloe,  Hubn.).  —  Tête  assez  forte, 
presque  aussi  large  que  le  corselet.  Antennes  assez  courtes,  à  tige  unicolore, 
terminées  par  une  massue  ovoïde  et  comprimée.  Palpes  assez  longs,  hérissés 
de  poils  raides,  le  dernier  article  grêle  et  aciculaire  ;  le  reste  comme  les 
Pieris.  —  Chenilles  minces,  pubescentes,  assez  fortement  atténuées  aux  extré- 
mités. —  Chrysalides  arquées,  naviculaires,  carénées,  pointues  aux  deux  bouts, 
sans  pointes  latérales,  à  abdomen  inflexible. 

Le  genre  Anthoçharis  renferme  une  vingtaine  d'espèces  d'Europe,  du 
nord  de  l'Asie,  de  l'Amérique  du  Nord,  de  Californie  et  de  l'Afrique 
boréale.  C'est  dans  cette  dernière  région  qu'il  est  surtout  répandu  ;  il  y 
en  a  en  Europe  une  dizaine  d'espèces  ou  races,  dont  les  chenilles  vivent 
sur  les  Crucifères  et  les  Capparidées.  Le  type  qui  nous  annonce  le 


ANTHOCHARIS.  2^5 

retour  du  printemps,  est  VA.  cardamines,  Linn.,  l'Aurore  de  Geoffroy, 
the  Orange-tip  des  Anglais,  qui  ont  celte  espèce,  volant  en  avril  et  mai, 
dans  les  champs,  les  prés  et  les  clairières  des  bois.  Le  mâle  a  les  ailes 
blanches,  avec  une  grande  tache  aurore  au  sommet  des  supérieures, 
et  un  point  central  noir  au-dessous  des  inférieures,  ce  dessous  d'un 
blanc  marbré  de  vert  et  de  jaune;  la  femelle  manque  de  la  tache 
aurore,  mais  a  le  sommet  de  l'aile  supérieure  largement  saupoudré  de 
noirâtre.  L'.l.  cardamines  a  offert  assez  fréquemment  des  hermaphro- 
dites bilatéraux,  aisés  à  reconnaître  par  la  grande  diflerence  de  colora- 
tion des  deux  sexes  et  la  rapidité  du  vol  très  diminuée,  car  les  ailes 
sont  plus  grandes  du  côté  femelle.  Ainsi  M.  Bellier  de  la  Chavignerie 
(Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  2'^  série,  1852,  t.  X,  p.  325)  a  cité  un  hermaphro- 
dite de  cette  espèce  ayant  les  deux  ailes  et  l'antenne  gauche  d'un 
mâle,  les  deux  ailes  droites  femelles  et  plus  développées,  l'antenne 
droite  femelle  autrement  colorée.  Auparavant,  Al.  Lefèvre  avait  décrit 
un  hermaphrodite  analogue  (/l?in.  Soc.  entom.  Fr.,  1835,  p.  I;!i6);de 
pareils  sujets  ont  été  pris,  près  de  Paris,  par  Caroff,  par  M.  J.  Fallou. 
Dans  la  collection  Boisduval  se  trouvaient  des  hermaphrodismes  aux 
trois  quarts  (trois  ailes  d'un  sexe,  une  de  l'autre)  de  VA.  cardamines  et 
de  l'espèce  suivante  A.  Eupheno,  Près  de  Bordeaux,  VA.  cardamines 
paraît  deux  fois,  d'abord  en  mars  et  avril,  semblable  au  type  ordi- 
naire du  nord  de  la  France,  puis  en  juin,  et  alors  remarquable  par  sa 
grande  taille  et  la  vivacité  de  ses  couleurs.  En  Provence,  en  Langue- 
doc, dans  la  Lozère,  les  Basses-Alpes,  le  Var,  et,  beaucoup  plus  rare  en 
individus,  en  Auvergne,  vallée  de  Fontenat,  Royat  (très  localisée),  dans 
le  Cantal,  Murât,  vallée  de  l'Alagnon  (Maurice  Sand),  cette  espèce  est 
remplacée,  à  la  même  époque,  par  une  espèce  plus  petite,  A.  Eupheno, 
Esper.,  V Aurore  de  Provence,  dont  lo  mftle  a  le  bout  apical  de  l'aile  su- 
périeure d'un  jaune  vif,  non  orangé,  le  reste  jaune  pâle,  tandis  que  cette 
aile  est  blanche  chez  la  femelle,  avec  une  lunule  centrale  assez  grosse, 
et  l'extrémité  jaune  divisée  par  des  traits  brunâtres.  En  Espagne,  en  Al- 
gérie, dans  l'Asie  Mineure,  dans  la  France  méridionale  et  centrale,  très 
rarement  aux  environs  de  Paris,  se  trouve  une  espèce  dimorphe, 
A.  Belia,  Fabricius,  avril  et  mai,  à  dessous  des  ailes  inférieures  ver- 
dàtre,  à  taches  nacrées,  et^.  Ausonia,  Hubner,  race  d'été,  de  juillet  et 
d'août,  le  dessous  des  ailes  inférieures  plus  saupoudré  de  jaune,  à 
taches  blanches  plus  grandes,  sans  reflet  nacré.  Citons,  de  l'extrême 
midi  de  la  France,  A.  Tagis,  Hubner,  dont  le  type  est  d'Espagne  et  de 
Portugal,  var.  Bellezina,  Boisd.  ;  A.  Belemia,  Esper,  d'Andalousie,  de 
Portugal,  d'Algérie,  d'Egypte;  A.  Glauce,  Hubn.,  des  mêmes  ré- 
gions, etc. 

On  a  détaché  de  ce  genre  le  genre  Zegris,  Rambur,  dont  la  chenille 
s'enveloppe  d'un  réseau  soyeux,  à  la  façon  des  Thaïs  et  des  Parnassius, 
l'adulte  ayant  le  corselet  robuste  et  très  velu,  les  antennes  courtes,  ter- 
minées brusquement  par  une  forte  massue,  ovale  et  comprimée.  La 


2Û6  HTMÉNOPTÈRES. 

chrysalide,  courte,  contractée,  gibbeuse,  étranglée  au  milieu  et  avec 
une  espèce  de  queue  arquée,  ressemble  beaucoup  à  celle  des  Danaïdes 
et  de  quelques  Satyres.  Le  type  est  le  Z.  Eupheme,  Esper,  rare  espèce 
d'Andalousie  et  de  Crimée,  volant  en  avril,  avec  une  très  grande  rapi- 
dité. Une  seconde  espèce  est  Z.  Menestho,  Menétriès,  d'Espagne  méridio- 
nale. 

COlii/tiBi,  Fabr.  —  Tète  médiocre.  Antennes  droites,  courtes,  se  terminant  in- 
sensiblement en  une  massue  obconique.  Yeux  nus,  assez  saillants.  Palpes 
rapprochés  et  contigus,  comprimés,  garnis  de  poils  soyeux,  le  dernier  article 
obtus.  Corps  assez  robuste.  Prothorax  très  court.  Ailes  assez  robustes,  à  cel- 
lule discoïditle  fermée,  les  inférieures  formant  une  gouttière  qui  embrasse 
entièrement  le  dessous  du  corps.  Abdomen  un  peu  plus  court  que  les  ailes 
inférieures.  —  Chenilles  chagrinées,  légèrement  pubescentes,  un  peu  atté- 
nuées aux  deux  extrémités.  —  Chrysalides  carénées  ou  bossues  en  dessus, 
non  arquées,  dépourvues  de  pointes  latérales,  terminées  antérieurement  en 
pointe. 

Les  Colias  sont  des  papillons  assez  robustes  et  dont  le  vol  est  vigou- 
reux et  rapide,  habitant  les  régions  tempérées  et  froides  des  deux  hémi- 
sphères, comprenant  une  quarantaine  d'espèces  des  deux  mondes,  sauf 
l'Australie.  Leur  taille  est  moyenne;  les  ailes  inférieures  ordinairement 
arrondies  et  les  supérieures  ayant  un  point  discoïdal  noir,  visible  dessus 
et  dessous;  les  secondes  ailes  ayant  un  point  central  orangé  en  dessus, 
ordinairement  argenté  en  dessous;  la  couleur  du  fond  varie  du  jaune 
pâle  au  jaune  orangé.  Boisduval  a  signalé,  comme  caractère  spéci- 
fique des  Coliades,  une  poche  ou  sac  glanduleux  que  les  mâles  portent 
au  bord  antérieur  des  ailes  inférieures,  contre  leur  origine;  il  est  très 
marqué  chez  Edusa,  petit  et  lenticulaire  chez  Myrmidone,  nul  dans 
Hijale  et  Chrysotheme.  Les  chenilles  vivent  en  général  sur  des  Légumi- 
neuses herbacées.  Lors  de  l'accouplement  des  Colias,  le  mâle  emporte 
la  femelle. 

Dans  les  prairies  sèches  de  toute  l'Europe,  sur  les  pelouses  fleuries, 
les  trèfles,  les  luzernes,  on  voit  volera  deux  époques,  mai,  puis  août  et 
septembre,  deux  espèces  assez  communes,  qui  sont  aussi  d'Algérie, 
d'Egypte,  de  Sibérie,  du  Népaul  et  du  Cachemire.  L'une,  le  Souci  de 
Geoffroy,  C.  Edusa,  Linn.,  qui  est  rare  en  Angleterre,  the  Clouded  Yellow, 
et  qui  se  trouve  aussi  dans  l'Amérique  septentrionale  et  aux  îles  Cana- 
ries, a,  chez  le  mule,  les  ailes  d'un  jaune  foncé,  assombri  à  la  base, 
entourées  d'une  large  bordure  noire  ;  chez  la  femelle,  un  peu  plus 
grande,  la  base  des  ailes  supérieures  est  plus  sablée  de  brun  et  la  bor- 
dure noire  a  une  bande  de  taches  jaunes.  Dans  les  années  très  chaudes, 
des  sujets  de  cette  espèce  ont  une  troisième  éclosion  en  octobre.  Une 
belle  variété  femelle,  de  la  France  méridionale  et  centrale,  très  rare 
pi'ès  de  Paris,  est  Hélice,  Hubner,  plus  grande  que  le  type,  ayant  le  fond 


COLIAS,   GONEPTERYX.  2/4? 

d'un  jaune  pAle,  ainsi  que  les  taches  de  la  bordure.  Cette  variété  est 
fréquente  dans  le  Bordelais  et  les  Charentes,  à  la  seconde  génération, 
et  au  moins  aussi  commune  que  le  type  près  de  Saintes.  La  chenille  de 
C.  Edusa  est  verte,  avec  une  raie  latérale  mêlée  de  blanc  et  de  jaune, 
marquée  d'un  point  fauve  sur  chaque  anneau.  La  chrysalide  est  verte, 
avec  une  ligne  latérale  jaune  et  quelques  points  ferrugineux.  L'autre 
espèce  répandue  est  (7.  Hyale,  Linn.,  le  Soufre  d'Engramelle,  très  rare  en 
Angleterre  et  très  recherchée  des  amateurs  de  ce  pays,  offrant  les  ailes 
du  mâle  d'un  jaune  de  soufre,  avec  une  grosse  tache  noire  circulaire  à 
Textrémité  de  la  cellule  discoïdale  des  ailes  supérieures,  les  inférieures 
ayant  sur  le  disque  une  tache  orangée  pâle.  Les  ailes  supérieures  ont 
une  large  bordure  noire,  décorée  de  taches  de  la  couleur  du  fond,  celte 
bordure  étant  courte  et  étroite  aux  ailes  inférieures,  parfois  réduite  à 
une  série  de  taches  noires,  parfois  nulle.  Le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures est  d'un  jaune  roussâtre,  avec  un  point  géminé  argenté  et  une 
série  antémarginale  de  taches  rousses.  La  femelle  diffère  du  mâle  en  ce 
que  le  fond  de  sa  couleur  est  d'un  jaune  très  pâle,  quelquefois  presque 
blanc  en  dessus.  Les  Anglais  appellent  cette  espèce  the  Pale  Clouded 
Yellow.  Comme  espèces  des  régions  froides,  il  faut  citer  C.  Phicomone, 
Esper,  de  Sibérie,  assez  commun  en  juillet  dans  les  Alpes,  et  C.  Palœno, 
Linn.,  de  Suède  et  de  Norvège,  du  nord  de  la  Russie,  des  Alpes,  des 
Pyrénées,  des  points  les  plus  élevés  des  Vosges.  11  y  a  des  espèces  ou 
races  de  Colias  au  cercle  polaire  et  au-dessus  :  ainsi,  C.  Hecla,  Dup., 
d'Islande;  C.  Boothi^  rapporté  par  Ross  des  régions  polaires  améri- 
caines. 

GOIl'EPTERYX.,  Leacli  (syn.  Khodocera,  Boisd.).  —  Tète  petite,  enfoncée. 
Antennes  assez  courtes,  tronquées,  grossissant  insensiblement  du  milieu  à 
l'extrémité.  Yeux  nus,  peu  saillants.  Palpes  très  comprimés,  rapprochés,  con- 
tigus,  garnis  de  poils  courts,  écailleux,  serrés,  le  dernier  article  très  court, 
écailleux.  Thorax  assez  robuste,  recouvert  de  poils  fins  et  soyeux.  Ailes  assez 
fortes,  dépourvues  de  frange,  à  cellules  discoïdales  fermées,  les  supérieures 
ayant  toujours  le  sommet  terminé  par  un  angle  curviligne,  les  inférieures  tantôt 
presque  arrondies,  tantôt  munies  d'un  angle  saillant.  —  Chenilles  allongées, 
chagrinées,  pubescentes,  atténuées  aux  deux  bouts,  convexes  en  dessus,  plates 
en  dessous.  — Chrysalides  bossues,  très  arquées,  ayant  la  partie  alaire  très 
renflée,  fusiformes  aux  deux  extrémités. 

Ce  genre  a  de  grandes  analogies  avec  des  Piérides  exotiques,  les  Cal- 
lidrtjas,  qui  sont  des  régions  intertropicales  des  deux  continents  et 
vivent  sur  les  Légumineuses  arborescentes,  surtout  les  Cassia.  Au  con- 
traire, les  chenilles  des  Goneptenjx  se  trouvent  sur  divers  arbrisseaux 
du  genre  Hhamnus.  La  couleur  dominante  des  espèces  de  ce  genre  est 
le  jaune  plus  ou  moins  pâle,  de  couleur  plus  vive  chez  les  mâles,  qui 
ont,  dans  plusieurs  espèces,  entre  le  bord  costal  et  la  nervure  médiane 


248  HYMÉNOPTÈRES. 

des  secondes  ailes,  un  espace  glanduleux  pulvérulent.  Nous  avons  com- 
munément eu  France,  aux  îlesHritanniques,  aux  îles  Canaries,  et  aussi 
en  Barbarie  et  dans  le  nord  de  la  Californie,  le  G.  rhamni,  Linn.,  le 
Citron  de  Geoffroy,  the  Brimstone  des  Anglais,  papillon  qui  paraît  au 
printemps,  puis  en  été,  dans  les  champs,  les  jardins,  les  clairières  des 
bois.  Le  mâle  (envergure,  50  millimètres)  a  les  antennes  roses  et  les 
ailes  d'un  jaune  citron,  avec  un  point  orangé  sur  le  disque,  plus  petit 
sur  les  supérieures;  en  raison  de  cette  vive  couleur,  on  le  reconnaît  de 
loin  au  vol.  La  femelle  est  pareille,  mais  d'un  blanc  verdàtre,  qui  la 
fait  appeler  Citron  vert,  par  opposition  au  mâle  ou  Citron  jaune.  La 
chenille  est  verte,  finement  chagrinée  de  noirâtre,  avec  une  raie  laté- 
rale blanchâtre  ou  d'un  vert  très  pâle,  fondue  supérieurement  avec  la 
teinte  générale.  La  chrysalide  est  verte,  avec  quelques  points  ferrugi- 
neux. Les  sujets  de  la  seconde  génération,  ou  du  moins  beaucoup 
d'entre  eux,  hivernent  dans  les  creux  d'arbre,  entre  les  pierres,  dans 
les  crevasses  des  murs,  sous  les  rebords  des  toits,  etc.,  et  on  les  voit  voler 
dès  les  premiers  jours  de  février,  dans  les  jardins,  dans  les  bois  encore 
entièrement  dépourvus  de  feuilles,  s'il  fait  du  soleil.  J'ai  été  témoin,  en 
mars,  de  l'accouplement  et  de  ses  préludes  chez  le  G.  rhamni.  Les  deux 
individus  volent  longtemps  très  près  et  vis-à-vis  l'un  de  l'autre.  La 
femelle  se  pose  sur  les  feuilles  sèches,  tout  à  fait  immobile,  les  ailes  en 
toit,  plus  bas  que  le  corps,  relevant  la  partie  anale  de  l'abdomen.  Le 
mâle  tourne  autour,  en  marchant,  en  agitant  les  ailes  avec  vivacité,  et 
semble  la  flairer  en  divers  sens.  Parfois  il  se  repose,  les  ailes  dressées, 
puis  reprend  son  manège.  Ces  préludes  sont  longs.  Au  reste,  ce  sont  les 
mêmes  postures  que  pour  les  Pieris,  pour  Leuconea  cratœgi,  etc.  On 
pourrait  croire  que  le  mâle  va  se  placer  de  même  au-dessus  de  la 
femelle,  les  corps  en  position  parallèle  et  directe.  Il  n'en  est  rien. 
L'accouplement  est  très  long.  Les  deux  sexes  restent  immobiles,  les 
ailes  pliées  parallèles  au  corps,  celles  de  la  femelle  emboîtant  celles  du 
mâle,  les  tê les  opposées  ou  les  corps  inverses  sur  la  même  hgne,  les 
deux  anus  au  sommet  du  toit  des  corps.  On  peut  emporter  la  plante  où 
ils  s'attachent  sans  qu'ils  bougent.  Outre  les  pays  déjà  cités  par 
G.  rhamni,  il  faut  joindre  l'Asie  Mineure,  la  Perse,  le  nord  de  l'Inde  et 
le  Japon. 

Dans  le  midi  de  la  France  et  en  Algérie  se  trouve  une  seconde  espèce 
très  voisine,  qu'on  voit  voler  en  avril  et  mai,  le  G.  Cleopatra,  Linn.,  à 
ailes  un  peu  moins  anguleuses,  le  mâle  ayant  tout  le  disque  des  ailes 
supérieures  couvert  d'une  large  tache  d'un  rouge  orangé,  mal  déli- 
mitée; on  assure  que  cette  poussière  orangée  répand  un  parfum  très 
suave;  la  femelle  offre,  sur  le  vert  pâle  des  ailes,  un  ton  légèrement 
carné,  qui  manque  à  G.  rhamni.  Le  G.  Cleopatra  remonte  assez  haut 
dans  le  sud-ouest  de  la  France,  dans  le  Bordelais,  dans  les  Charentes, 
mais  rare,  ainsi  aux  environs  de  Cognac,  de  Jarnac,  de  Saintes,  etc.  On 
rencontre  cette  espèce  conjointement  avec  G.  rhamni.  Aux  îles  Cana- 


LtUCONKA.  ^^9 

ries  (exploration  Webb  etBerthelot),  le  maie  de  G.  Cleopatra  a  les  ailes 
antérieures  entièrement  orangées,  et  la  femelle  est  tout  entière  d'un 
jaune  un  peu  orangé.  Le  G.  Cleopatra  a  été  trouvé  à  la  fin  de  juillet, 
puis  hivernant  et  reparaissant  en  mars  et  avril,  dans  le  Cantal,  mais 
rare,  vallée  de  l'Alagnon,  Murât,  Ytrac,  Aurillac  (Maurice  Sand),  et 
aussi  aux  environs  de  Lyon  (P.  Millière).  On  a  cité,  dans  cette  espèce, 
des  cas  d'hermaphrodisme  partiel.  A  Digne,  on  trouve  à  la  fois,  en  égale 
quantité,  G.  rhamni  et  G.  Cleopatra;  à  Lure,  on  trouve  seulement 
G.  Cleopatra,  avec  des  milles  entièrement  jaunes  en  dessus,  ce  qui  n'a 
pas  lieu  pour  ceux  de  Digne  (Bellicr  de  la  Chavignerie). 

Les  Gonepteryx  ne  comptent  que  cinq  espèces  qui  sont  d'Europe  et  de 
diverses  régions  de  l'Asie,  du  Mexique,  de  la  Floride,  de  Californie,  des 
Antilles,  du  Venezuela,  de  Madère,  des  îles  Canaries. 

LEIICOU'EA,  Duponcliel  (syii.  Aporia,  Hubner).  —  Antennes  presque  aussi 
longues  que  le  corps,  à  tige  entièrement  noire,  terminées  par  une  massue  fnsi- 
forme  ;  les  quatre  ailes  à  larges  nervures,  arrondies  et  sans  frange,  les  deux 
tiers  antérieurs  des  supérieures  presque  dégarnis  d'écaillés  et  à  demi  transpa- 
rents cliez  la  femelle.  —  Chenilles  sociales  et  des  arbres,  velues  sur  le  dos.  — 
Chrysalides  à  angles  arrondis,  terminées  antérieurement  par  une  pointe 
mousse. 

Les  espèces  de  ce  genre,  d'Europe  et  d'Asie,  établissent  un  passage 
des  Pieris  aux  Parnassius,  par  la  forme  et  la  dénudation  des  ailes.  Le 
type  est  L.  cratœgi,  Linn.,  le  Gazé  de  Geoffroy,  grand  papillon  blanc  à 
fortes  nervures  noires,  nommé,  pour  cette  raison,  en  Angleterre,  the 
Black-veined  White.  La  chenille  noire,  dans  le  premier  âge,  se  garnit 
ensuite  de  poils  jaunes  et  blancs,  courts,  implantés  directement  sur  la 
peau,  et  entre  lesquels  on  voit  trois  lignes  noires  longitudinales  ;  les 
poils  du  ventre  sont  grisâtres  et  plus  longs  que  ceux  du  dos.  Chrysa- 
lide jaune  ou  blanche  et  quelquefois  de  ces  deux  couleurs,  avec  de 
petites  raies  et  des  points  noirs.  Au  contraire  du  genre  Pieris,  la 
femelle  du  Gazé  (1)  emporte  le  mâle  lors  de  l'accouplement.  Un  autre 
bon  caractère  qui  motive  la  séparation  générique,  c'est  le  mode  de  vie 
des  chenilles,  non  sur  les  plantes  basses,  mais  sur  l'Aubépine,  le  Pru- 
nellier, le  Cerisier  odorant  et  divers  arbres  fruitiers.  Les  jeunes  che- 
nilles passent  l'hiver  sous  des  toiles  communes,  avec  des  petites  cases 
individuelles  ;  on  recommande  avec  soin  de  flamber  ces  toiles  en  hiver. 
En  effet,  les  chenilles  en  sortent  au  printemps  et  rongent  les  bour- 
geons, ce  qui  cause  de  grands  dommages.  Aussi  Linnœus  appelle  l'es- 
pèce fléau  des  jardins,  hortarum  pestis.  L'adulte  paraît  en  juillet  et  n'a 
qu'une  génération.  11  est  très  commun  dans  toute  la  France,  des  champs 

(1)  Donzel,  Observations  sur  l'accouplement  de  quelques  genres  de  Lépidop~ 
ières  diurnes  i^Ann,  Soc.  entom.  de  Fr.,  1837,  t.  VI,  p.  77). 


250  LÉPIDOPTÈRES, 

et  jardins.  L'espace  est  si  abondante  dans  la  Sibérie  méridionale,  que, 
au  dire  de  l'allas,  on  croirait  voir  en  l'air  des  flocons  de  neige  quand 
elle  vole.  Elle  est  aussi  de  l'Amérique  boréale  et  occidentale.  Près  de 
Pékin,  il  y  a  une  race  ou  une  espèce  voisine,  à  taille  plus  grande,  avec 
les  nervures  noires  plus  épaisses  et  le  dessous  des  ailes  saupoudrées  de 
jaunâtre, 

l^1&MJCOPH.%.SIA,  Stephens.  —  Tête  assez  grosse.  Antennes  assez  courtes,  ter- 
minées par  un  bouton  ovale  et  aplati.  Palpes  écartés  et  peu  velus.  Ailes  oblon- 
gues,  minces  et  étroites,  la  cellule  discoïdale  des  inférieures  situé  tout  à  fait  à 
leur  base.  Abdomen  grêle,  linéaire,  beaucoup  plus  long  que  les  ailes  inférieures. 
—  Chenilles  très  fortement  pubescentes,  effilées,  assez  fortement  atténuées  aux 
extrémités,  —  Chrysalides  anguleuses,  non  arquées,  à  segments  mobiles. 

Ce  genre  est  constitué  par  un  Lépidoptère  d'une  grande  partie  de 
l'Europe  et  qui  n'est  nulle  part  très  abondant.  11  paraît  en  mai,  puis 
en  août.  Le  L.  sinapis,  Linn.,  le  Blanc  de  lait  d'Engramelle  ,  the  Wood 
White  des  Anglais,  parcourt  les  allées  des  bois  d'un  vol  incertain  et  va- 
cillant ;  très  reconnaissable  à  sa  couleur,  à  ses  formes  grêles,  à  son  long 
abdomen,  qui  n'a  guère  qu'un  millimètre  d'épaisseur.  La  chenille  se 
nourrit  de  Légumineuses  silvestres  ,  Vicia,  Lotus,  Lathyriis ,  Orobus  ; 
elle  est  verte,  avec  le  vaisseau  dorsal  un  peu  plus  obscur  et  une  raie 
latérale  jaune  située  au-dessus  des  pattes.  La  chrysalide  est  d'abord 
d'un  vert  jaunâtre,  puis  d'un  gris  blanchâtre,  a\ec  des  traits  roux  ou 
ferrugineux  sur  les  côtés  et  sur  les  fourreaux  des  ailes.  L'adulte  type, 
de  38  millimètres  d'envergure,  a  les  ailes  minces,  d'un  blanc  de  lait,  le 
sommet  des  supérieures  orné  d'une  tâche  arrondie  noirâtre,  moins 
marquée  d'ordinaire  chez  la  femelle,  le  dessous  des  inférieures  d'un 
blanc  jaunâtre,  avec  deux  bandes  d'un  gris  cendré.  Il  y  a  des  races  sur 
lesquelles  régnent  certaines  incertitudes.  On  rencontre  près  de  Paris 
Erysimi,  Borkhausen,  dont  la  femelle  manque  de  la  tache  apicale  noire, 
et  Diniemis,  Boisd.,  ayant  le  dessons  des  ailes  inférieures  blanc  et  sans 
taches.  D'après  M.  Bellier  de  la  Chavignerie,  les  deux  générations  an- 
nuelles de  L.  sinapis  donnent  en  France  des  sujets  pareils,  tandis  qu'en 
Corse,  où  l'espèce  a  aussi  deux  générations,  la  première  éclosion  res- 
semble beaucoup  à  celle  du  continent,  mais  dans  la  seconde ,  les  mâles, 
tout  blancs,  sont  de  la  variété  Erysimi,  et  les  femelles  de  la  variété  Di- 
yvietisis,  blanches  en  dessous,  mais  avec  bout  de  l'aile  supérieure  noir.  A 
Digne,  d'après  le  même  entomologiste,  on  trouve  L.  sinapis  et  var.  Di- 
niensis,  k  dessous  sans  aucun  dessin ,  tandis  que  le  dessus  est  tantôt 
tout  blanc,  tantôt  comme  dans  le  type  ordinaire.  En  mai  et  juin  j'ai  pris 
à  Armainvilliers  L.  sinapis,  type  de  première  éclosion ,  avec  dessous 
verdâtre  et  du  noir  aux  ailes  supérieures,  et  ce  type  a  tous  les  passages 
avec  Erysimi,  blanc  en  dessus  et  parfois  en  dessous,  et  qui  n'est  incon- 
testablement qu'une  variété ,  offrant  les  deux  sexes.   J'ai  capturé,  au 


LEUCOPHASIA,    PIERIS.  251 

commencement  de  juillet,  dans  la  même  localité,  Diniensis,  qui  venait 
d'éclore,  avec  le  dessous  blanc,  la  tache  noire  très  foncée  aux  ailes  su- 
périeures, pareille  aux  sujets  pris  à  Florac  (Lozère)  par  M.  J.  Fallou,  à 
la  fin  de  juin,  dans  la  première  quinzaine  de  juillet.  M.  Guenée  regarde 
Diniensis  à  tache  noire  des  ailes  supérieures  foncée  et  à  dessous  des  ailes 
inférieures  jaune,  presque  sans  bandes  d'atomes  gris,  comme  n'étant 
qu'une  variété  estivale  de  smapis  et  avec  des  passages.  Il  reste  à  savoir  si 
c'est  bien  une  race  constante  de  seconde  éclosion  ou  une  autre  espèce 
très  voisine,  ou  si  cette  forme  ne  comporte  que  des  femelles  (Rellier). 
On  signale  encore  chez  L.  sinapis  une  variété  du  nord  de  l'Asie,  dite 
Amurensis,  du  bassin  du  fleuve  Amour.  Enfin  il  y  a  une  race  rare ,  mé- 
ridionale et  très  localisée,  que  la  plupart  des  auteurs  regardent  comme 
une  espèce  distincte:  c'est  L.  lathyri,  Hubner,  de  Provence,  du  Lan- 
guedoc, de  la  Lozère;  les  ailes  supérieures,  coupées  plus  carrément, 
ont  la  tache  apicale  bien  plus  grande  et  triangulaire ,  le  dessous 
des  ailes  inférieures  d'un  gris  cendré  et  décoré  de  deux  taches 
blanches. 

PlERl^i,  Schrank.  —  Tête  courte.  Antennes  longues  ou  moyennes,  à  massue 
piriforme.  Yeux  nus,  médiocres.  Palpes  grêles ,  tiérissés  de  poils  raides  peu 
serrés,  le  dernier  article  en  pointe.  Ailes  médiocrement  robustes,  à  cellule  dis- 
coïdale  fermée  ;  les  inférieures  embrassant  plus  ou  moins  le  dessous  de  l'abdo- 
men. Abdomen  peu  robuste,  un  peu  plus  court  que  les  ailes  inférieures.  — 
Chenilles  cylindroïdes  ,  allongées,  pubescentes ,  à  tête  petite  et  arrondie,  mar- 
quées de  raies  longitudinales  et  munies  de  petits  granules  plus  ou  moins  vi- 
sibles. —  Chrysalides  anguleuses,  terminées  antérieurement  par  une  seule 
pointe  plus  ou  moins  longue,  tantôt  presque  lisses,  tantôt  armées  de  tubercules 
plus  ou  moins  aigus,  attachées,  sous  toutes  sortes  d'inclinaisons,  par  la  queue 
et  par  un  lien  transversal. 

Les  espèces  du  genre  Pieris  sont  très  nombreuses,  environ  cent  qua- 
rante, et  de  toute  la  terre,  moins  toutefois  en  Amérique  que  dans  l'an- 
cien monde,  dont  les  régions  intertropicales,  ainsi  que  l'Australie,  nour- 
rissent les  plus  remarquables  espèces.  La  couleur  dominante  est  le 
blanc  plus  ou  moins  pur,  presque  toujours  avec  une  bordure  noire,  plus 
ou  moins  large.  11  en  est  de  jaunes  ou  d'orangées,  de  noirâtres  ou  bleuâ- 
tres ;  le  dessous  diffère  ordinairement  beaucoup  du  dessus  et  a  parfois 
des  teintes  vives.  Les  différences  sexuelles  sont  tantôt  faibles,  tantôt 
très  prononcées.  Les  chenilles  connues  vivent  sur  les  Crucifères,  les 
Résédacées,  les  Tropéolées  et  les  Capparidées.  Dans  l'accouplement 
des  Pieris,  le  mâle  emporte  la  femelle. 

Les  espèces  d'Europe  ont  les  antennes  à  articles  bien  nets,  annelées 
de  noir  et  de  blanc.  La  plus  grande  est  le  P.  brassicœ,  Linn.,  le  Grand 
Papillon  blanc  du  chou,  de  Geoffroy,  de  65  millimètres  d'envergure.  Les 
ailes  du  mâle  sont  blanches,  un  peu  obscurcies  à  la  base  et  à  la  côte, 


252  LÉPIDOPTÈnES. 

avec  l'angle  apical  largement  noir,  les  inférieures  avec  une  tache  noire 
au  bord  interne  et  d'un  jaune  sablé  de  noir  en  dessous,  ainsi  qu'à  l'an- 
gle apical  du  dessous  de  l'aile  supérieure.  La  femelle  est  pareille,  mais 
avec  deux  grosses  taches  noires  au  milieu  de  l'aile  supérieure  et  une 
raie  noire  au  bord  interne.  Elle  pond  une  quantité  considérable  d'œui's 
obtus,  rassemblés  en  petits  tas  perpendiculaires  aux  feuilles.  La  chenille, 
d'un  jaune  un  peu  verdAire ,  à  tête  bleue ,  piquée  de  noir,  offre  trois 
raies  jaunes  longitudinales,  séparées  par  de  petits  tubercules  noirs,  don- 
nant naissance  chacun  à  un  poil  blanchâtre  (pi.  lxxx,  fig.  2).  Elle  ta- 
pisse de  soie  la  place  où  elle  veut  se  fixer,  et  se  change  en  une 
chrysalide  (fig.  '2  a)  d'un  cendré  blanchâtre,  tachetée  de  noir  et  de  jau- 
nâtre. Les  chenilles  vivent  en  petits  groupes  sur  les  Capucines,  les  Câ- 
priers et  toutes  les  Crucifères ,  surtout  les  Choux  cultivés  dans  les  pota- 
gers, ce  qui  les  rend  très  nuisibles  par  leur  abondance  et  leur  voracité. 
Il  faut  écheniller  avec  soin  et  ne  pas  craindre  de  chasser  au  filet  les 
adultes  dans  les  jardins  et  les  écraser.  Au  moment  de  la  nympho=e,  les 
chenilles,  bien  que  lentes  dans  leurs  mouvements,  se  dispersent,  ef,  de- 
venant vagabondes,  établissent  leurs  chrysalides  sur  les  supports  et  sur 
les  murs,  souvent  très  éloignés.  J'ai  vu  de  ces  chrysalides  au  haut  des 
cheminées  d'une  maison  à  trois  étages.  L'adulte  a  deux  générations: 
l'une  en  mai  et  juin  ,  l'autre  en  août  et  septembre.  Pendant  toute  la 
belle  saison,  on  voit  voler  ces  grands  papillons  blancs  dans  toute  l'Eu- 
rope, rÉgypte,  la  bordure  septentrionale  de  l'Afrique,  la  Sibérie,  le 
Népaul,  le  Cachemire  et  le  Japon.  L'espèce  porte,  dans  les  îles  Britan- 
niques, le  nom  de  the  Great  While  Cabbage.  Nos  meilleurs  auxiliaires, 
contre  cette  funeste  engeance,  sont  les  entomophages,  surtout  Vlchneii- 
mon  à  coton  jaune,  de  Geoffroy  {Microgaster  glomeratus,  Linn.),  qui  pique 
la  plupart  des  chenilles,  et  sans  lequel  nous  ne  mangerions  pas  de  choux 
en  certaines  années.  On  voit  sortir  les  larves  de  la  chenille  émaciée  et 
qui  meurt  bientôt,  et  elles  font,  contre  son  corps  même,  leur  amas  de 
petits  cocons  soyeux,  d'un  jaune  vif,  qu'il  faut  bien  recommander  aux 
jardiniers  de  ne  pas  détruire.  Une  seconde  espèce ,  plus  petite  ,  aussi 
très  commune,  des  deux  mêmes  époques  d'apparition,  est  le  Petit  Papil- 
lon blanc  du  chou,  de  Geoffroy,  le  P.  rapœ,  Linn.,  des  mêmes  couleurs 
et  taches  que  l'espèce  précédente  dans  les  deux  sexes,  l'angle  apical 
moins  fortement  noir,  le  mâle  ayant  parfois  deux  taches  noires  sur  les 
ailes  supérieures.  L'espèce  est  de  toute  l'Europe,  de  la  Sibérie,  des  en- 
virons de  Pékin  et  des  rives  de  l'Amour,  d'Asie  Mineure,  du  Cachemire, 
d'Egypte  et  de  la  côte  de  Barbarie.  Importée  accidentellement,  il  y  a 
peu  d'années,  dans  l'Amérique  du  Nord,  elle  a  été  bientôt  envahie  par 
le  jaune  et  constitue  une  race  remarquable  (S.  H.  Scudder).  La  che- 
nille est  verte,  pubescente,  avec  trois  lignes  jaunes,  dont  une  dorsale 
et  une  de  chaque  côté,  souvent  un  peu  interrompue  au-dessus  des 
pattes.  Elle  vit  sur  le  Chou,  le  Navet,  le  Réséda ,  la  Capucine  ,  mais  n'y 
fait  que  de  médiocres  dégâts ,  car  elle  est  solitaire  et  peu  vorace;  elle 


PiERis.  253 

s'introduit  dans  l'intérieur  de  ces  végétaux,  ce  qui  l'a  fait  appeler  Ver  du 
cœur.  La  chrysalide  est  d'un  cendré  plus  ou  moins  pâle,  ponctuée  de 
noir  et  souvent  lavée  d'incarnat.  On  nomme  cette  espèce  ,  dans  les  îles 
Britanniques;  i/ie  Siiiall   Wliite  Cabbage. 

Les  espèces  suivantes  ne  sont  pas  nuisibles:  ainsi,  P.  napi,  Linn.,  le 
Papillon  blanc  veiné  de  vert  de  Geoffroy,  the  Green-veined  White  des  An- 
glais, volant  dans  les  prairies  et  sur  les  lisières  des  bois,  analogue  à 
l'espèce  précédente,  mais  ayant  le  dessous  des  ailes  inférieures  d'un 
Jaune  pâle,  avec  les  veines  d'un  noir  verdâtre  couvrant  les  nervures,  et 
cela  dans  les  deux  sexes;  la  chenille  vit  sur  les  Crucifères  des  bois  et 
aussi  des  jardins  ;  deux  éclosions,  au  printemps  et  en  l'été  ,  cette  der- 
nière donnant  la  variété  napeœ,  Esper,  dont  le  dessous  des  ailes  infé- 
rieures n'a  plus  que  quelques  veines  courtes  et  noirâtres,  les  bandes 
vertes  étant  peu  apparentes,  comme  effacées.  Peut-être  y  a-t-il  là  une 
seconde  espèce,  car  un  amateur  rapporte  avoir  placé  sous  treillage  des 
P.  napi  de  printemps,  et  avoir  obtenu  sur  des  Choux  des  œufs  d'où  sont 
écloses  des  chenilles;  les  chrysalides  issues  de  ces  chenilles  n'ont  pas 
donné  leur  papillon  en  été  ,  mais  au  printemps  suivant,  et  c'est  le 
P.  napi,  à  bandes  bien  vertes,  et  non  P.  napeœ,  à  bandes  verdâtres  très 
effacées.— P.  napi,  importé  accidentellement,  par  transport  de  plantes 
vivantes,  aux  États-Unis,  y  est  devenu  jaune  comme  P.  rapœ ;  var.  fe- 
melle bryoniœ,  Oclis,  des  montagnes,  dont  quelques  auteurs  font  une 
espèce,  de  coloration  jaunâtre  obscure,  avec  les  nervures  noirâtres  dila- 
tées en  dessus.  —  P.  jDa/)/ù/(!ce,  Linn.,  le  Papillon  blanc  marbré  de  vert 
d'Engramelle,  d'après  la  couleur  des  ailes  inférieures  en  dessous ,  exis- 
tant dans  les  îles  lîritanniques ,  the  Grcen-chetered  White,  bien  moins 
commun  partout  que  les  espèces  précédentes, des  Thlaspis  et  Ré- 
sédas sauvages,  en  avril  et  mai,  puis  en  juillet,  de  France  et  d'une 
partie  de  l'Europe,  de  Barbarie,  d'Asie  Mineure  ,  des  environs  de  Pékin 
et  des  bords  du  fleuve  Amour,  du  Cachemire,  des  îles  Canaries,  par- 
courant d'un  vol  rapide  les  lieux  sablonneux  et  les  prairies  sèches; 
en  Algérie,  P.  Daplidice  présente  les  taches  noires  des  ailes  bien 
moins  fortement  marquées  que  chez  les  individus  qui  habitent  l'Eu- 
rope. —  P.  Callidice,  Esper,  des  hautes  montagnes,  près  des  neiges 
éternelles,  la  chenille  sur  de  petites  Crucifères  acaules.  Nous  repré- 
sentons (pi.  XXX,  fig.  1  et  la,  tête  de  profil)  une  belle  espèce  de 
Pieris,  des  îles  Sondaïques  et  des  Indes  méridionales,  P.  Nero,  Fabr., 
du  genre  actuel  Tachyris,  Wallace,  espèce  en  entier  d'un  riche 
rouge  orangé  en  dessus,  avec  la  gouttière  abdominale  des  ailes  infé- 
rieures jaunes. 

C'est  probablement  non  loin  du  genre  Pieris  que  viendra  se  placer 
une  espèce  encore  imparfaitement  connue,  très  curieuse  parce  que  les 
chenilles  se  filent  un  nid  soyeux  en  commun,  fait  anormal  chez  les 
Rhopalocères,  existant  aussi  dans  le  genre  Brassolis,  mais  que  nous 
retrouverons  surtout  chez  un  certain  nombre  de  Bombyciens,  dans  les 


254  HYMÉNOPTÈRES. 

Hétéroccres.  Un  de  ces  nids,  trouvé  aux  environs  de  Mexico  (1),  pré- 
sente à  peu  près  huit  pouces  de  long,  attaché  à  une  branche  par  un 
large  anneau  plat  suivi  d'un  pédicule  ;  c'est  une  poche,  parcheminée 
d'aspect  et  de  couleur,  ayant  l'apparence  d'un  nid  de  Guêpe  cartonnière, 
formé  d'un  nombre  considérable  de  très  fins  filsde  soie  accolés  et  de  même 
direction.  A  l'intérieur  et  pendues  par  la  queue  étaient  les  chrysalides 
d'une  espèce  sociale  de  Rhopalocères,  offrant  les  fourreaux  alaires  très 
saillants.  On  a  reconnu,  en  ouvrant  une  de  ces  chrysalides,  les  antennes 
d'un  Diurne,  avec  la  massue  se  renflant  peu  à  peu  et  les  pattes  anté 
rieures  très  complètes.  On  ne  connaît  pas  les  chenilles  sociales  qui  ont 
filé  ce  nid  en  commun.  M.  Wetswood  a  appelé  l'espèce  Euclieira  socia- 
lis,  à  cause  de  la  perfection  des  tarses  de  toutes  les  pattes,  à  ongles 
bifides  et  allongés,  ces  tarses  munis  d'une  grande  pelote  centrale  et  de 
deux  appendices  latéraux  membraneux. 

PAPILIONIDES. 

Bord  abdominal  des  ailes  inférieures  concave  et  replié  en  dessus 
laissant  l'abdomen  entièrement  libre;  cellule  discoïdale  fermée;  cro- 
chets des  tarses  simples,  -r-  Chenilles  ayant  le  premier  anneau  tou- 
jours pourvu  d'un  tentacule  charnu,  rétractile,  en  forme  d'Y,  la 
tête  assez  petite  et  arrondie.  Les  unes  sont  cylindroïdes  et  lisses; 
d'autres  ont  des  prolongements  charnus  assez  allonges,  ou  des  mame- 
lons velus.  —  Les  chrysalides  sont  plus  ou  moins  anguleuses  antérieure- 
ment, puis  grosses  et  arquées,  ou  bien  conoïdes  et  effilées,  la  tête  tantôt 
carrée,  tantôt  bifide,  parfois  tronquée. 

GENRES     PRINCIPAUX. 

THAI)^,  Fabr.  —  Tête  assez  petite.  Antennes  assez  courtes,  terminées  par  une 
massue  un  peu  arquée  de  bas  en  haut.  Yeux  médiocres.  Palpes  droits,  velus, 
dépassant  notablement  la  tête,  offrant  trois  articles  distincts  et  subégaux.  Ailes 
peu  robustes,  à  nervures  peu  saillantes,  dentelées,  à  fond  jaune,  sur  lequel  se 
détachent  de  nombreuses  taches  noires  et  rouges,  avec  une  ligne  noirâtre  en 
feston,  les  inférieures  à  bord  interne  un  peu  replié  en  dessus,  dégageant  bien 
l'abdomen.  Corps  peu  robuste.  —  Chenilles  cylindroïdes  et  courtes,  avec  tenta- 
cule charnu  en  Y  au  premier  anneau,  chargées  d'épines  charnues,  hérissées  à 
l'extrémité  de  petits  poils  raides;  tête  assez  petite,  arrondie,  comprimée  en 
avant.  —  Chrysalides  effilées,  coniques,  anguleuses  antérieurement,  à  tête  tron- 
quée en  biseau. 

(1)  J.  0.  Westwood,  Description  of  the  Nest  o,  a  gregarious  species  of  But- 
erfly  from  Mexico  {Trati-s.  Soc.  entom.  of  Lo>ido?i,  183/i-1836,  t.  1,  p.  38,  pi.  vi 
part.  1).  • 


thaïs,    PARNASSIUS.  255 

Le  genre  Thaïs,  formé  de  peu  d'espèces,  est  essentiellement  méditer- 
ranéen, c'est-à-dire  du  midi  de  rf]urope,  du  nord  de  l'Afrique  et  de 
l'Asie  Mineure.  Les  chenilles  vivent  soit  solitaires,  soit  par  petits 
groupes,  sur  les  Aristoloches,  et,  outre  la  suspension  normale  des  Papi- 
lionides,  s'entourent  d'un  léger  tissu  de  soie.  Dans  l'accouplement  des 
Thaïs,  la  femelle  emporte  le  mâle.  La  synonymie  des  espùces  et  de 
leurs  variétés  est  difficile  Nous  représentons  (pi.  lxxxv,  fig.  h  :  à  a,  sa 
tète)  le  T.  Cerisyi,  God.,  de  l'Asie  Mineure,  de  la  Grèce,  des  îles  de 
l'Archipel.  L'espèce  la  plus  répandue  en  France  est  le  T.  Medesïcaste, 
jUiger,  variété  de  T.  Rumina,  Linn.  ou  de  T  Hijpsiptjle,  Fabr.,  qui  est 
plus  particulièrement  du  sud-est  de  l'Europe.  Le  T.  Medesicaste,  de 
k5  millimètres  d'envergure,  a  les  ailes  un  peu  arrondies,  d'un  beau 
jaune,  les  supérieures  à  bord  marginal  noir,  divisé  par  des  lunules 
jaunes,  les  inférieures  avec  la  bordure  marginale  noire,  formant  deux 
lignes  parallèles,  surmontées  d'un  rang  de  taches  rouges,  beaucoup  de 
taches  noires  et  rouges  sur  les  quatre  ailes,  deux  ou  trois  taches  blanches 
apicales  sur  les  supérieures.  On  voit  voler  cette  espèce  en  mai  et  juin: 
Languedoc,  Provence,  Lozère,  Dauphiné,  Basses-Alpes.  Les  chrysalides 
mettent  quelquefois  deux  ans  à  éclore  ;  près  de  Digne,  la  très  rare 
aberration,  Honnorati,  Boisduval.  Aux  environs  d'Hyôres,  en  mars  et 
avril,  r.  Cassandra,  Hubner,  variété  de  T.  Polyxena,  du  midi  de  l'Au- 
triche. Les  Thaïs  manquent  en  Corse,  où  abondent  cependant  les  Ari- 
stoloches. 

Le  genre  Doritis  fait  le  passage  entre  les  Thaïs  et  les  Parnassius.  Les 
antennes  en  massue  arquée  et  l'abdomen  de  la  femelle,  sans  poche 
cornée  en  dessous,  rappellent  les  Thaïs,  tandis  que  les  palpes,  la  tex- 
ture, le  dessin,  la  forme  des  ailes  sont  analogues  aux  Parnassius.  Une 
seule  espèce,  D.  Apollïna,  Boisduval,  de  l'Asie  Mineure  et  aussi  de  quel- 
ques îles  de  l'Archipel  grec,  ce  qui  la  fait  rentrer,  pour  les  collection- 
neurs, dans  la  faune  européenne. 

PARUASSIUS,  Latr.  (syn  Doritis,  Fabr.,  Ochs.).  —  Tête  assez  petite.  Antennes 
courtes,  terminées  par  une  massue  droite,  allongée  et  ovoïde.  Yeux  médiocres 
et  peu  saillants.  Palpes  plus  longs  que  la  tète,  s'élevaul  au  delii  du  front,  hérissés 
de  poils  longs  et  fins,  formés  de  trois  articles  distincts  et  subégaux.  Ailes  par- 
cheminées à  nervures  assez  saillantes,  à  contours  arrondis,  non  dentés,  presque 
dénudées  d'écaillés  en  dessous  et  vers  le  sommet  en  dessus,  les  inférieures 
laissant  l'abdomen  entièrement  libre.  Corps  épais  et  velu,  l'abdomen  des  femelles 
muni  en  dessous,  à  l'extrémité,  d'une  poche  cornée,  d'usage  inconnu.  —  Che. 
nilles  lisses,  épaisses,  cylindroïdes,  à  premier  segment  avec  tentacule  charnu 
en  Y,  munis  de  petits  mamelons  un  peu  velus.  —  Chrysalides  conoïdes,  sau- 
poudrées d'une  efflorescence  céreuse  bleuâtre,  enveloppées,  entre  les  feuilles 
d*un  léger  tissu  de  soie  et  maintenues  par  quelques  fils  transverses. 

Ce  genre,  extrêmement  remarquable  par  les  grandes  ailes  blan- 


256  LÉPIDOPTÈRES. 

cMires,  ocellées,  demi-transparentes,  est  composé  d'un  petit  nombre 
d'espèces  propres  aux  régions  froides,  soit  boréales,  soit  des  montagnes 
hautes  et  moyennes,  d'Europe,  de  Sibérie  et  du  Kamtschatka,  de  l'Hi- 
malaya, du  Labrador  et  des  montagnes  Rocheuses  de  l'Amérique  du 
Nord.  L'espèce  type  est  le  /'.  ApoUo,  Linn.,  l'Apollon  d'Engramelle,  le 
Papillon  des  Alpes,  répandu  en  France  dans  les  Alpes,  les  Pyrénées,  les 
Cévennes,  les  causses  de  la  Lozère,  le  Jura,  l'Auvergne,  Mont-Dore, 
Gravenoire,  puy  de  Pariou,  à  Murât,  dans  le  Cantal,  certains  points  des 
Vosges,  s'étendant  jusqu'au  Doubs  et  à  la  haute  Alsace,  pris  en  sujets 
égarés  en  Belgique,  dans  Saône-et-Loire,  etc.  11  se  trouve  aussi  en 
Sibérie,  dans  les  Carpathes  et  les  Alpes  Scandinaves,  et  vole  en  plaine 
dans  les  parties  les  plus  septentrionales  de  la  Suède  et  de  la  Norvège. 
La  chenille  se  trouve  sur  les  Crassulacées  (Saxifraga  et  Sedum).  D'une 
envergure  de  80  millimètres,  l'Apollon  se  distingue  par  ses  ailes  blan- 
châtres, à  nombreux  atomes  noirs,  avec  trois  grandes  taches  noires  près 
de  la  cote  des  supérieures,  la  tache  externe  dédoublée  et  ornée  de 
rouge,  une  grande  tache  noire  infradiscoïdale,  les  inférieures  à  base 
largement  noircie  avec  un  grand  œil  à  pupille  rouge  bordée  de  noir,  la 
femelle  plus  grande,  à  taches  noires  plus  fortes,  avec  la  poche  cornée 
sous-abdominale  brune,  recourbée  en  dedans  à  son  extrémité.  La  che- 
nille est  épaisse,  d'un  noir  velouté,  avec  des  points  orangés  et  des  ma- 
melons bleuâtres.  Une  espèce  analogue,  plus  petite  et  plus  rare,  est  le 
P.  Délias,  Esper,  syn.  Phœbus,  Hubner,  God.  (pi.  lxxxv,  tîg.  3,  en 
dessous  et  de  profil;  3  a,  une  des  pattes  avec  les  crochets  des  tarses). 
Ailes  blanches,  les  supérieures  avec  trois  taches  noires  à  la  côte, 
l'externe  divisée  en  deux,  marquée  supérieurement  d'un  point  rouge, 
avec  une  bande  courte  antémarginale  d'atomes  noirs,  les  inférieures 
avec  deux  ocelles  sur  le  disque  bordés  de  rouge  et  de  noir,  et,  dans  le 
noir  de  la  base,  deux  ou  quatre  petites  taches  rouges  bordées  de  noir; 
femelle  avec  le  noir  plus  marqué  et  les  taches  plus  grandes,  la  poche 
abdominale  comme  chez  VApollon,  mais  offrant  une  carène  plus  pro- 
noncée et  plus  tranchante  :  en  juillet,  des  Alpes  de  Suisse,  de  Savoie, 
d'Italie,  des  Basses-Alpes;  aussi  de  Sibérie  et  du  Kamtschatka.  On  ren- 
contre encore,  en  juin  et  juillet,  mais  plus  rarement  que  l'Apollon,  dans 
les  Alpes,  les  Pyrénées,  les  causses  de  la  Lozère,  au  Mont-Dore,  en 
Auvergne,  mais  rare,  aussi  rochers  et  plateaux  du  Capucin,  le  P.  Mne- 
mosyne,  Linn.,  de  60  millimètres  d'envergure,  à  antennes  noires;  ailes 
blanches,  avec  de  fines  nervures  noires,  les  supérieures  ornées  de  deux 
taches  noires  dans  la  cellule  discoïdale,  transparentes  à  l'extrémité,  les 
inférieures  avec  le  bord  interne  pointillé  de  noirâtre  et  une  tache  dis- 
coïdale noire,  manquant  quelquefois;  femelle  semblable  au  mâle, mais 
un  peu  plus  obscurcie,  avec  une  grande  poche  cornée  sous  le  bout  do 
l'abdomen,  blanchâtre,  très  saillante.  En  Californie,  on  trouve  le 
P.  Nomion,  pareil  à  celui  de  Sibérie  et  du  nord  de  la  Chine,  le  P.  Cla- 
rius,  à  très  peu  près  semblable  à  celui  de  l'Altaï,  et  le  P.  Smintheus,  la 


PAPILlO.  !:'57 

plus  petite  espèce  connue  du  genre  Parnassius,  à  peine  de  la  taille  de 
Pieris  brassicœ. 

PAPBLio,  Linn.  —  Tête  grosse.  Antennes  assez  allongées,  renflées  à  leur  extré- 
mité en  une  massue  arquée  de  bas  en  haut.  Yeux  grands,  saillants.  Palpes 
labiaux  très  courts,  ne  dépassant  pas  les  yeux,  fortement  appliqués  sur  le  front,  à 
articles  très  peu  distincts,  le  troisième  invisible.  Ailes  à  nervures  saillantes,  les 
inférieures  à  bord  extérieur  plus  ou  moins  denté,  souvent  terminé  par  une 
queue.  Abdomen  assez  gros,  médiocrement  allongé.  —  Chenilles  à  tête  assez 
petite  et  arrondie,  épaisses,  en  général,  cylindroïdes  ou  amincies  antérieurement  ; 
corps  ou  glabre  ou  muni  de  prolongements  charnus  plus  ou  moins  allongés.  — - 
Chrysalides  sans  taches  métalliques,  médiocrement  anguleuses,  tantôt  presque 
droites,  tantôt  fortement  arquées,  avec  les  bords  latéraux  parallèles  ou  com- 
primés, garnies  de  crêtes  régulières;  quelques-unes  cornées  sur  la  partie  dor- 
sale ;  tête  tantôt  carrée,   tantôt  bifide,  quelquefois  tronquée. 

Le  genre  Papilio  compte  environ  trois  cents  espèces,  des  régions 
tempérées  et  chaudes  de  la  terre,  répandues  à  peu  près  également 
dans  les  deux  hémisphères.  Les  queues  dont  sont  presque  toujours 
pourvues  les  ailes  inférieures  et  leur  forte  taille  les  firent  appeler 
Grands  porte-queues  par  les  anciens  auteurs,  et,  d'après  les  taches  du 
thorax,  Linnseus  les  divisait,  d'une  manière  assez  bizarre,  en  Chevaliers 
Grecs  et  Chevaliers  Troyens,  les  seconds  à  thorax  noir  avec  des  taches 
rouges,  les  premiers  à  thorax  sans  tache,  mais  portant  un  œil  ou  une 
tache  ocellée  vers  l'angle  inférieur  des  ailes  de  la  seconde  paire  (ainsi 
nos  P.  Machaon  et  Podalirius).  Si  certaines  de  leurs  chenilles  sont 
sociales  jusqu'à  la  nymphose,  la  plupart  vivent  solitaires.  Les  unes 
sont  cylindroïdes  et  entièrement  lisses  (^ainsi  celle  de  P.  Machaon),  les 
autres  ont  des  prolongements  charnus  assez  allongés;  chez  un  certain 
nombre  les  deux  premiers  anneaux  sont  amincis  et  peuvent  se  retirer 
sous  le  troisième  et  le  quatrième,  qui  sont  renflés  et  souvent  ornés  de 
taches  oculiformes,  disposition  analogue  à  celle  des  chenilles  de  Chœro- 
compa  (Sphingiens);  d'autres  sont  raccourcies  et  pourvues  de  plusieurs 
pointes  charnues  assez  courtes;  enfin  il  en  est  qui  ont  quelque  ressem- 
blance de  forme  avec  des  Limaces.  Ces  chenilles  vivent  sur  des  plantes 
très  différentes;  mais,  en  général,  les  espèces  dont  les  adultes  forment 
un  petit  groupe  naturel  se  nourrissent  de  végétaux  de  la  même  fa- 
mille. Les  plantes  préférées  sont  les  Ombellifères,  les  Drupacées,  les 
Malvacées,  les  Laurinécs,  certaines  Anonées  et  Aristoloches,  et  surtout 
les  Auranliacées  jDour  les  espèces  tropicales. 

Il  y  a  dans  les  régions  tempérées  de  l'ancien  monde,  et  en  particulier 
de  toute  l'Europe,  deux  espèces  fondamentales,  de  deux  types  diffé- 
rents. L'une  est  le  P.  Podalirius,  Linn.,  le  Flambé  de  Geoffroy,  qui 
manque  dans  les  îles  Britanniques  et  qui  est  rare  en  Belgique  et 
dans  l'extrême  nord  de  la  France  :  envergure  allant  à  75  millimètres, 
GIRARD,  ni.  —  17 


258  LÉPIDOPTÈRES. 

fond  des  ailes  d'un  jaune  pâle,  avec  des  bandes  noires  transverses,  à 
peu  près  parallèles  au  corps,  simulant  des  flammes  ;  les  ailes  inférieures 
avec  deux  lignes  noires,  l'une  au  milieu,  l'autre  au  bord  interne,  se 
réunissant  à  la  rencontre  d'une  tache  oculaire  noire,  bleue  et  ferru- 
gineuse; leur  bord  interne  est  noirâtre,  avec  quatre  lunules  bleues, 
les  queues  noires,  avec  l'extrémité  jaune.   De  toute  l'Europe  tempérée 
et  chaude,   des  champs  et  jardins;  n'est  jamais  trùs   commun.  Dans 
l'extrême  midi  de  l'Europe  (Pyrénées-Orientales,  en  France),  dans  le  nord 
de  l'Afrique  et  l'Asie  Mineure,  on  trouve,  outre  le  type,  une  race  di(e 
Feisthameli,  Duponchel,  à  fond  plus  blanc,  à  •lâches  ocellées  plus  nettes, 
avec  la  côte  des  ailes  supérieures  et  les  échancrures  des  ailes  infé- 
rieures jaunes,, et  du  jaune  entre  les  flammes  noires.  La  chrysalide  du 
Podalire  est  roussâlre,  un  peu  arquée,  à  tête  un  peu  bifide;  la  chenille 
est, lisse,  renflée  en  avant,  atténuée  en  arrière,  variant  du  vert  gai  au 
jaune  roussAtrc,  avec  les  teintes  intermédiaires  ;  elle  vit  sur  beaucoup 
d'arbres  et  d'arbustes  à  fruits  à  noyau,  prunellier,  pêcher,  abricotier, 
amandier,  et  aussi  sur  le  berbéris  et  l'aubépine.  II  paraît  en  mai,  puis 
en  juillet  et  août.  L'Europe  a  encore  trois  autres  espèces  de  Papilio, 
formant  un  petit  groupe  naturel,  se  nourrissant  en  chenille  d'Ombelli- 
fères.  La  plus  répandue  est  le  P.  Machaon,  Linn.,  un  peu  plus  grand 
que  le  précédent,  le  Grand  Porte-queue  d'Engramelle,  le  Machaon,  le 
seul  Papilio  des  îles  Britanniques  {the  Swallow-tailed),  bien  plus  com- 
mun que  le  précédent,  ayant  aussi  deux  générations,  les  chrysalides  de 
la  seconde  passant  l'hiver.  Les  ailes  sont  d'un  jaune  soufre,  à  nervures 
noires.  Les  supérieures  ont  trois  grandes  taches  noires  à  la  côte  et  une 
large  bande  noire  au  bord  externe,  divisée  par  une  série  de  huit  taches 
jaunes;  ailes  inférieures  offrant  aussi  au  bord  externe  une  bande  noire, 
celle-ci  ornée  de  taches  bleues,  l'angle  anal  décoré  d'une  tache  d'un 
fauve   rouge,  surmontée  d'un    croissant   d'un  violet    blanchâtre,  les 
queues  noires  à  l'extrémité.  La  chenille  vit  en  mai  et  septembre  sur  les 
Ombellifères,  principalement  le  fenouil  et  la  carotte.  Lente  dans  ses 
mouvements  et  à  découvert,  comme  celle  du  Flambé,  il  est  facile  de  la 
trouver  en  plein  jour,  car  elle  tranche  vivement  sur  la  sombre  verdure 
des  carottes,  par  ses  anneaux  d'un  joli  vert,  avec  des  bandes  d'un  noir 
de  velours  et  des  points  d'un  rouge  fauve  (pi.  lxxxv,  fig.  2:2a,  sa  tête 
avec  les  appendices  qui  en  sortent  dès  qu'on  la  touche,    en  forme  de 
caroncule  orangée,  molle  et  charnue,  d'une  odeur  pénétrante  et  fétide)  ; 
de  même  pour  la  chenille  du  Flambé.   La   chrysalide,   suspendue  et 
ceinturée  (fig.  2  h),  est  tantôt  veite,  tantôt  grisâtre,  avec  une  bande 
latérale  jaune  souvent  peu  marquée.  Le  Machaon,  comme  le  Flambé, 
a  le  vol  rapide  et  soutenu,  il  se  trouve  dans  toute  TEuropc,  sauf  le  nord 
extrême,  aux  îles  Canaries,  en  Sibérie,  en  Egypte  et  dans  tout  le  nord 
de  l'Afrique,  en  Syrie,  au  Népaul  et  dans  la  vallée  de  Cachemire,  aux 
îles  Canaries.  En  Algérie,  le  Machaon  est  plus  petit  qu'en  France,  offre 
le  jaune  plus  foncé  et  les  parties  noires  plus  intenses  et  plus  larges,  les 


PAPJLIO.  259 

taches  bleues  plus  grandes  aux  ailes  inférieures.  Il  y  a  passage  à  la 
variété  Sphyrus,  de  Calabre  et  de  Sicile,  à  maculatures  noires  très 
fortes  ;  la  Corse  et  la  Sardaigne  ont  aussi  de  ces  passages.  Les  sujets  de 
printemps  sont  toujours  à  fond  jaune  soufre,  ceux  d'été  (juillet  et 
août)  sont  généralement  plus  jaunes  et  parfois  d'un  jaune  ocreux,  sur- 
tout dans  les  années  sèches  et  chaudes;  c'est  un  effet  d'insolation,  car 
les  Machaons,  dans  les  cadres  longtemps  exposés  à  la  lumière  solaire, 
prennent  cette  teinte  ocracée.  Les  mAles  éclosent,  comme  d'usage,  un 
peu  avant  les  femelles  ;  un  mâle  se  poste  sur  un  épi,  près  d'une  lu- 
zerne, guettant  les  femelles,  qui,  aussitôt  nées,  viendront  butiner  le 
nectar  sur  la  luzerne.  Il  reste  immobile,  les  ailes  tournées  au  soleil.  Si 
un  autre  mâle  vient  dans  le  voisinage,  il  y  a  un  combat  acharné  ;  les 
deux  mâles  s'élèvent  à  perte  de  vue  dans  les  airs;  puis,  l'ancien  mâle, 
ayant  expulsé  l'autre,  revient  se  placer  sur  le  môme  épi.  Quand  une 
femelle  paraît,  il  se  précipite  dessus,  la  renverse  sur  le  sol  les  ailes 
étalées  et  la  copule. 

L'Europe  présente  encore  deux  autres  espèces  du  genre  Papilio,  tou- 
jours à  fond  jaune  avec  dessins  noirs.  L'une,  rare  et  très  localisée,  de 
Corse  et  de  Sardaigne,  ressemble  au  Machaon,  qui  coexiste,  au  reste, 
avec  elle.  Cette  espèce  insulaire  présente  la  taille  plus  petite  et  plus  de 
noir:  c'est  P.  Hospiton,  Gêné,  sa  chenille  ayant  des  pointes  et  vivant 
exclusivement  et  en  petites  familles  sur  la  Ferula  communis.  M.  Bellier 
de  la  Chavignerie  a  trouvé,  au  début  du  printemps,  un  exemplaire  de 
P.  Hospiton,  à  taches  noires  très  prononcées  et  envahissantes,  analogue 
à  la  variété  Sphyrus  de  P.  Machaon.  L'autre  espèce,  le  P.  Alexanor, 
Esper,  participe  des  P.  Podalirius  et  Machaon.  11  a  la  bordure  noire  du 
Machaon,  avec  deux  taches  noires  allongées  aux  ailes  antérieures  et 
une  longue  flamme  noire  parallèle  au  corps,  près  de  la  base  de  ces 
ailes,  et  se  prolongeant  sur  les  inférieures.  On  le  trouve  en  France, 
dans  les  Hautes  et  Basses-Alpes,  dans  les  montagnes,  principalement 
près  de  Digne,  très  rare  près  de  Barcelonnette  en  juin,  à  la  montagne 
de  Sermur  (Creuse),  mais  rare,  en  juin  et  juillet,  et  aussi  en  Dalmatie 
et  en  Morée.  La  chenille  vit  sur  le  Seseli  montanum,  et  la  chrysalide, 
d'un  gris  cendré  uniforme,  passe  l'automne  et  l'hiver  fixée  aux  pierres 
et  aux  rochers  avec  lesquels  elle  se  confond  par  la  couleur.  Pour  bien 
faire  éclore  les  chrysalides  de  cette  espèce,  il  faut  les  arroser  d'eau 
fréquemment.  En  outre,  de  même  que  les  chrysalides  des  Thais,  et  par 
un  retard  rare  chez  les  Diurnes,  elles  peuvent  n'éclore  qu'au  bout  de 
deux  et  même  de  trois  ans.  Dans  nos  quatre  espèces  de  Papilio  d'Eu- 
rope, les  dessous  des  ailes  reproduisent  les  dessus,  mais  affaiblis,  et  les 
femelles  sont  pareilles  aux  mâles  et  généralement  un  peu  plus  grandes. 

Nous  représentons  une  espèce  dépourvue  de  queue  à  l'aile  inférieure, 
espèce  exotique  du  genre,  le  P.  Latreillianus,  Godart,  de  Sierra-Leone 
et  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  (pi.  lzxxv,  fig.  1 :  1  o,  le  même  vu 


260  LÉPIDOPTÈRES. 

de  profil).  Dans  les  individus  très  frais,  les  taches  des  ailes  sont  d'un 
joli  vert  pomme,  comme  chez  une  espèce  voisine,  qui  vient  de  Mada- 
gascar, le  P.  Cyrnus,  Boisduval. 

On  a  détaché  du  grand  genre  Papilio  le  genre  Ornithoptera,  Bois- 
duval, comprenant  des  espèces  à  longues  antennes,  avec  massue  allon- 
gée et  à  très  longues  ailes  supérieures,  à  nervures  saillantes  et  robustes, 
les  inférieures, d'aire  beaucoup  moindre,  grossièrement  dentées  et  sans 
queues;  l'abdomen  est  gros,  notablement  allongé,  celui  du  mâle  pourvu 
de  deux  grandes  valves  anales  arrondies,  muni  en  dessous  d'une  pro- 
fonde gouttière.  Chenilles  grosses,  épaisses,  armées  de  pointes  charnues 
et  pourvues  de  "deux  tentacules  rétractiles,  renfermées  chacune  dans  un 
étui  extérieur.  Chrysalides  grosses,  un  peu  arquées,  dont  le  lien  trans- 
versal n'entoure  pas  le  corps,  mais  s'insère  de  chaque  côté,  à  la  partie 
latérale,  par  un  petit  tubercule  soyeux.  Ces  papillons,  ornés  de  riches 
couleurs,  sont  de  la  partie  sud  des  Indes  Orientales,  des  Philippines, 
îles  Sondaïques  et  Moluques.  Un  autre  genre  a  été  séparé  par  le  carac- 
tère exceptionnel  de  ses  palpes  longs  et  avancés,  et  n'offre  qu'une  seule 
et  très  rare  espèce,  des  montagnes  les  plus  élevées  de  l'Himalaya,  par- 
ticulièrement sur  les  frontières  de  l'Assam  :  c'est  le  Teinopalpus  impe- 
rialis,  Ilope.  Les  ailes  postérieures  diffèrent  beaucoup  dans  les  deux 
sexes,  fortement  dentées  et  à  une  seule  queue  chez  le  màlc,  ayant 
trois  queues  chez  la  femelle.  Chenille  et  chrysalide  inconnues. 


Tribu  des  HESPÉKIëWS. 

T,es  llespérions  forment  un  groifpe  bien  tranché  parmi  les  Lépidop- 
tères Rhopalocères,  et  que  tous  les  auteurs  s'accordent  à  rejeter  vers 
la  fin  de  cette  légion.  Ils  se  rapprochent  en  effet  des  Ilétéroccres  par 
plusieurs  caractères  tirés  soit  de  la  forme  adulte,  soit  des  chenilles. 
I-eur  nom  indique  que  ces  papillons  volent  surtout  dans  l'après-midi, 
ce  qui  est  déjà  un  rapprochement  avec  les  Nocturnes,  qui  sont,  en 
grande  partie,  réellement  crépusculaires.  En  outre,  et  c'est  un  autre 
rapprochement,  ces  papillons  constituent  le  groupe  àesqiiadricakcarati 
de  M.  A.  Guenée,  car  ils  ont  généralement  deux  éperons  à  chacune  des 
jambes  postérieures.  Enfin,  au  repos,  les  Hespériens  ont  une  manière 
toute  spéciale  de  disposer  leurs  ailes.  Au  lieu  de  les  fermer  perpendi- 
culairement au  corps,  ou  parfois  de  les  étaler  tout  à  fait  à  plat,  comme 
font  les  autres  Diurnes,  ils  relèvent  à  moitié  les  supérieures  et  abais- 
sent les  inférieures  presque  parallèlement  au  plan  de  position,  \Y  peu 
près  comme  si  ces  ailes  étaient  cassées  à  l'insertion;  c'est  sans  doute 
ce  qui  a  fait  donner  à  ces  papillons  le  nom  d'Estropiés,  par  Geoffroy. 
La  tête  dos  Hespériens  est  forte,  portant  des  antennes  très  écartées  à 
l'insertion,  avec  une  petite  aigrette  de  poils  à  leur  base;  elles  sont 


HESPÉRIENS.  201 

courtes,  (erminées  par  une  massue  épaisse,  souvent  arquée,  parfois 
avec  un  petit  crochet  au  bout;  le  thorax  est  massif  et  robuste,  les  ailes 
généralement  courtes  et  larges,  à  fortes  nervures,  la  cellule  discoïdale 
des  ailes  inférieures  toujours  ouverte,  les  six  pattes  développées  et  pro- 
pres à  la  marche,  labdomen  très  long.  Les  Hespériens  sont  encore  assez 
mal  connus,  surtout  dans  les  genres  exotiques,  et  même  parmi  une 
cinquantaine  d'espèces  seulement  que  renferme  l'Europe,  les  îles  Bri- 
tanniques n'en  possédant  que  sept,  il  en  est  dont  la  détermination  est 
très  difficile,  notamment  dans  les  genres  Scelothrix  ou  Syrichtus  et 
Spilothyrus;  il  y  a  même  des  genres  sur  lesquels  les  classificateurs  ne 
sont  pas  encore  d'accord  :  ainsi  ceux  qui  renferment  les  espèces  Sy/- 
vanus,  Comma  et  Aracinthiu.  Les  Hespériens  d'Europe  ont  générale- 
ment des  couleurs  peu  brillantes,  fauves  avec  des  bandes  ou  des  lignes 
noires,  ou  grises  avec  des  stries  ou  des  taches  plus  claires,  ou  brunes 
avec  de  petites  taches  blanches;  parfois  le  dessous  des  ailes  inférieures 
est  varié  de  blanc,  de  gris  ou  de  verdâtre,  parfois  même  avec  dessins 
bien  accusés  et  des  taches  brillantes  (Carterocephalus  Paniscus,  Cyclo- 
pides  Aracinthus).  Nos  Hespériens  habitent  les  bois  aussi  bien  que  les 
prairies;  on  trouve  même  souvent  certaines  espèces  dans  les  jardins,  ce 
qui  explique  le  nom  d'Urbicolœ  que  leur  donnait  Linnœus.  Le  vol  des 
Hespériens  n'a  pas  une  grande  étendue,  étant  souvent  saccadé  et 
à  crochets;  mais  il  est  tourbillonnant  et  même  très  rapide  sur 
place. 

Les  chenilles  des  Hespériens  sont  cylindroïdes  et  amincies  aux  deux 
extrémités,  glabres  ou  pubescentes,  rarement  poilues  (quelques  exo- 
tiques), mais  non  épineuses;  leur  tête  très  grosse,  globuleuse  et  un  peu 
fendue,  nemblaut  portée  sur  une  sorte  de  cou  par  le  rétrécissement  du 
prothoiax;  elles  ont  les  seize  pattes  normales.  Les  chenilles  des  espèces 
curopéeimes  vivent  sur  les  plantes  basses,  notamment  des  Malvacées, 
des  Légumineuses,  des  Graminées,  etc.  Pour  se  métamorphoser,  elles  se 
ménagent  un  abri  en  roulant  autour  d'elles  une  partie  de  la  feuille,  ou 
plusieurs  feuilles  voisines  associées  au  moyen  d'un  clair  réseau  de  fils 
de  soie,  à  la  façon  des  ïordeuscs  (Hétérocères);  quelques-unes  se  reti- 
rent dans  des  tiges  creuses  pour  y  passer  l'hiver.  Les  chrysalides  ont  des 
formes  qui  varient  suivant  les  genres,  étant  en  général  allongées  et 
un  peu  cylindroïdes,  sans  taches  métalliques,  enveloppées  dans  un 
cocon  très  lâche,  attachées  par  la  queue,  et  souvent  en  outre  par  un  ou 
plusieurs  fils  transversaux,  d'où  le  nom  d'Enroulés  (involuti)  donné  à 
toute  la  tribu  des  Hespériens  par  le  D''  Boisduval,  dans  sa  division 
des  Rhopalocères  en  trois  sections,  selon  le  mode  d'attache  des 
chrysalides. 

La  classification  difficile  des  Hespériens  a  été  l'objet  de  travaux 
récents.  En  Amérique,  i\L  S.  Scudder  a  divisé  les  Urbicolœ  de  Linnœus 
en  deux  groupes,  Hesperides  et  Astyci  {the.  two  principal  groups  of  Urbi- 
colœ, HesperidcBy   auct.,    in    Bull.    Buffalo   Soc.    nat.    se,    déc    1873 


262  LÉPIDOPTÈRES. 

avrill87û,t.  I,p.  195-196;  et  Notice,  Psyché,  juillet  187/i,  t.  I,p.ll).  En 
France,  M.  P.  Mabille  a  adopté  les  mêmes  bases  systématiques  que  l'en- 
tomologiste américain  (Sur  la  classification  des  Hespériens,  avec  la 
description  de  plusieurs  espèces  nouvelles,  dans  An7i.  Soc.  entom.  de 
France,  1876,  p.  251).  Le  nouveau  caractère  distinctif  dont  se  servent 
ces  auteurs,  indiqué  d'abord  par  Rambur  et  par  M.  Lederer,  mentionné 
par  M.  A.  Guenée  dans  son  catalogue,  est  la  présence  ou  l'absence 
d'un  pli  (pli déhiscent  de  Rambur)  à  la  côte  de  l'aile  supérieure  cbez  les 
mâles.  Ce  pli,  en  forme  de  bourrelet  pouvant  s'entr'ouvrir,  occupe  la 
partie  moyenne  de  la  côte;  il  est  velu  en  dedans  et  feutré  de  poils 
écailleux,  et  s'entrouvre  souvent  dans  toute  sa  longueur.  Une  première 
division  d'Hespériens  possède  le  pli  déhiscent;  on  y  rencontre  d'abord 
des  genres  d'Hespériens  exotiques,  de  grande  taille  pour  la  tribu  ;  des 
genres  Goniurus,  Hubner;  Eudamus,  Swainson;  Telegonus,  etc.  Parmi 
les  genres  européens,  sont  les  genres  Scelothrix,  Rambur,  ou  Syrich- 
tus,  Boisduval;  Spilothyrus,  Duponchel;  Erynnis,  Sclirank.  Ce  sont  là  les 
Hesperidœ.  L'autre  groupe,  sans  pli  déhiscent  à  la  côte  de  l'aile  supé- 
rieure des  mâles,  les  Astyci^  commence  par  le  genre  Battus,  Schrank, 
dont  l'espèce  type,  B.  Saç,  Hubner,  se  relie  tout  à  lait  aux  Spilothyrus, 
sauf  qu'elle  manque  du  pli  déhiscent  des  mâles  des  Spilothyrus.  Puis, 
toujours  sans  le  pli  costal,  viennent  les  genres  Pamp/it7o,  beaucoup  d'au- 
teurs (syn.  Hesperia,  Latr.);  Thymelicus,  Hubner  (espèces  Linea,  Li- 
neola,  Acteon);  Cyclopides,  Hubn.;  Carterocephalus,  Lederer,  genres  qui 
ont  des  espèces  en  Europe.  M.  P.  Mabille  a  proposé  de  faire  une  troi- 
sième section,  Frœnati,  pour  une  espèce  anormale  et  qui  sera  peut-être 
rejetée  des  Hespériens  :  c'est  YEuschemon  Rafflesiœ,  de  la  Nouvelle-Hol- 
lande, offrant  deux  stemmates,  et,  chez  les  mâles,  un  frein  très  long, 
partant  du  haut  de  l'aile  inférieure,  et  allant  s'engager  dans  un  anneau 
écailleux,  très  apparent,  situé  au  premier  tiers  de  l'aile  supérieure;  ces 
caractères  sont  extraordinaires  chez  un  Diurne. 

Les  Hespériens  se  rencontrent  dans  toutes  les  régions  de  la  terre, 
même  en  Australie,  beaucoup  plus  nombreux  en  espèces  dans  les 
régions  intertropicales.  C'est  une  tribu  considérable  et  la  moins  bien 
connue  des  Uhopalocères.  Le  catalogue  de  M.  Kirby  donne  au  moins 
douze  cents  espèces  décrites;  il  y  en  a  en  outre  un  certain  nombre 
d'autres,  soit  in  litteris,  soit  absolument  inédites  dans  diverses  col- 
lections. 

Les  connaissances  sur  les  chenilles  des  Hespériens  sont  encore  très 
bornées,  et  en  raison  de  l'imperfection  des  notions  sur  les  adultes. 
Parmi  les  Hespériens  d'Europe,  il  y  en  a  environ  un  tiers  dont  les  che- 
nilles sont  encore  inconnues.  Il  y  a  certaines  chenilles  exotiques  de  cette 
tribu  qui  sont  décrites.  Ainsi  Fabricius,  puis  Abbot,  ont  décrit  les  méta- 
morphoses d'un  Hespérien  du  genre  Eudamus,  genre  remarquable  par 
la  taille  et  surtout  le  corps  très  robuste  de  ses  espèces  :  c'est  celle  de 
'E.  Proteus,  Linn.,  Hespérien  à  ailes  inférieures  prolongées  en  longues 


HESPÉRIENS.  263 

queues,  abondamment  répandu  dans  toutes  les  parties  de  l'Amérique 
situées  entre  les  tropiques,  remontant,  mais  rare,  jusqu'en  Géorgie,  dans 
les  États-Unis  du  Sud.  Cette  chenille  vit  sur  le  Clitoria  rouge,  et,  de 
môme  que  les  chenilles  des  Hespériens  d'Europe,  elle  plie  les  feuilles 
de  cette  plante  pour  s'y  mettre  à  l'abri  et  se  filer  une  coque  légère. 
Stoll  et  Sepp  ont  figuré  un  certain  nombre  de  chenilles  d'Hespériens  de 
l'Amérique  méridionale  chaude,  principalement  de  la  Guyane  hollan- 
daise. M.  H.  Burmeister,   directeur  du  Musée  d'histoire  naturelle  de 
Buenos-Ayres,  a  fait  connaître  (1)  un  certain  nombre  de  chenilles  d'Hes- 
périens de  la  région  de  l'Amérique  méridionale  qu'il  habite,  chenilles 
qui,  par  leurs  formeset  leurs  caractères,  peuvent  se  partager  en  groupes 
distincts.  Elles  ont,  en  général,  les  caractères  ordinaires  des  chenilles 
de  Diurnes,  sauf  la  tête,  relativement  plus  grande  et  plus  séparée  du 
tronc  par  un  petit  cou  corné,  plus  ou  moins  distinct.  Les  antennes  sont 
composées,  comme  chez  les  Morphonides,  de  trois  articles,  celui  de  la 
base,  long  et  gros  relativement,  le  second  très  petit,  le  dernier  assez 
long  et  terminé  par  une  longue  soie.  Les  yeux  constituent  une  petite 
plaque  ovule,  allongée,  avec  six  yeux  simples,  dont  quatre  placés  en 
haut  sur  le  bord  antérieur,  le  cinquième  vers  le  milieu  du  bord  posté- 
rieur, et  le  dernier  en  bas  de  l'ellipse,  près  des  antennes,  c'est-à-dire  à 
peu  près  la  môme  constitution  que  chez  les  chenilles  des  Papilionides. 
Les  mâchoires  ressemblent  à  celles  desMorphonides;  leur  côté  tranchant 
est  simple  et  très  aigu,  et  non  denté  en  scie  comme  chez  les  Papilio- 
nides; les  autres  organes  de  la  bouche  sont  très  petits  et  ne  présentent 
aucune  particularité  ;  il  en  est  de  même  pour  les  six  pattes  en  crochets 
sur  les  trois  anneaux  du  thorax  et  pour  les  dix  pattes  membraneuses,  à 
deux  rangées  de  crochets  au  bout,  portées  sur  les  anneaux  6,  7, 8,  9  et  12. 
Le  corps  est  garanti  par  une  peau  assez  mince,  le  plus  souvent  glabre, 
mais  couverte  d'une  pruinosité  blanchâtre,  avec  de  petits  poils  cachés 
sur  les  côtés.  Le  premier  anneau  est  très  petit;  la  partie  supérieure  est 
garnie  d'une  plaque  cornée.  Les  deuxième  et  troisième  anneaux  gros- 
sissent successivement  et  assez  brusquement,  le  quatrième  a  déjà  la 
taille  régulière  delà  chenille  qui  se  continue  jusqu'au  dixième;  puis  le 
corps  s'atténue  ensuite  jusqu'à  l'extrémité,  qui  est  presque  toujours  de 
la  grosseur  du  premier  anneau.  Le  onzième  ne  porte  jamais  de  corne 
ni  de  tubercule.  M.   H.  Burmeister  décrit  d'abord  deux  chenilles  du 
genre  Eudamus,  dont  l'une  vit  sur  le  robinier  (faux  acacia)  et  donne  une 
chrysalide  ovalaire,  subcylindrique,    avec  la  spiritrompe  dans  l'enve- 
loppe commune,  très  luisante,  d'un  brun  jaunâtre  assez  foncé,  attachée 
par  des  filets  de  soie,  partant  de  la  queue,  renfermée  dans  une  enve- 
loppe  de  feuilles  unies  les  unes  aux  autres  par  un  tissu  blanc  assez 
Compact  qui  tapisse  tout  l'intérieur.  Cette  chenille  et  cette  chrysalide 

(1)  Recherches  sii7'  les  chenilles  de  Lépidoptères  de  la    tribu  des  Hespérides 
{Revueet  Magas.  de  ZooL,  1875,  p.  50  et  pL  i). 


26-'l  I.ÉPIDOPTÈRliS. 

sont  très  voisines  de  celles  figurées  par  Abbot  et  Smith,  sous  le  nom  d'Hes- 
peria  Tityrus,  dans  leur  ouvrage  sur  les  papillons  de  l'Amérique  du  Nord. 
Une  autre  chenille  du  genre  T/iracî'dw,  Hubncr,  commune  aux  environs 
de  Buenos-Ayres,  vil  sur  une  Scitaminéc  du  genre  Canna  et  donne 
une  chrysalide  presque  aussi  longue  qu'elle,  couverte  d'une  pruinosilé 
blanche,  tantôt  noire,  tantôt  verte,  renfermée  dans  de  minces  fragments 
de  feuille  de  Canna  enroulés  en-  cylindre  tapissé  h  l'intérieur  d'un 
tissu  serré,  et  soutenue  par  deux  ceintures  de  soie,  l'une  au  milieu  du 
thorax,  l'autre  à  la  pointe  caudale  qui  s'y  attache;  le  fourreau  très 
allongé  de  la  spiritrompe  dépasse  même  celte  pointe  terminale  du 
corps.  Une  aulre  chenille,  du  genre  Phebodes,  Hubner,  vit  aussi  sur  une 
Scitaminée,  s'enfermant  dans  un  morceau  de  feuille  enroulée,  soutenue 
par  cinq  ou  six  forts  fils  de  soie.  Quand  on  ouvre  son  tuyau  pour  l'étu- 
dier, elle  se  met  aussitôt  à  le  reconstruire,  mange  beaucoup  la  nuit  et 
tapisse  d'un  tissu  plus  dense  l'intérieur  de  son  tuyau  de  feuille  pour 
devenir  chrysalide,  celle-ci  soutenue  par  deux  ceintures  disposées  comme 
chez  la  précédente  et  ayant  le  fourreau  de  la  spiritrompe  prolongé 
jusqu'aux  trois  quarts  de  l'abdomen.  Une  autre  chenille  d'Hespériensdu 
môme  pays  vit  sur  les  orapgers. 

Ces  types  de  chenilles  sont  analogues  à  celles  des  Hespériens  d'Eu- 
rope; il  en  est  de  fort  différents  rencontrés  dans  les  genres  exo- 
tiques Pijrrhopyga  et  Erycides,  assez  grosses  comme  les  papillons 
qu'elles  doivent  produire,  brunes  avec  des  incisions  rouges  ou  jaunes, 
revêtues  de  longs  poils  blancs,  surtout  sur  les  côtés  du  corps;  la  chry- 
salide est  assez  épaisse,  presque  cylindrique,  la  spiritrompe  renfermée 
dans  l'enveloppe  commune,  la  queue  aiguë,  attachée  par  des  fils  de 
soie  aux  feuilles  réunies  par  d'autres  fils,  contenue  ainsi  dans  un  cul- 
de-sac,  sans  ceintures  transversales.  D'autres  espèces,  figurées  par  Seep 
et  probablement  du  genre  Goniloba,  ressemblent  aux  chenilles  des 
Pyrrhopyga,  mais  manquent  des  longs  poils,  et  les  chrysalides  sont  sou- 
tenues dans  leur  couche  de  feuilles  enroulées  par  une  forte  ceinture 
transversale.  Un  autre  type  de  chenille,  figuré  par  Le  Conte  et 
L^oisduval,  offre  à  la  tête  deux  protubérances,  comme  deux  cornes,  la 
chrysalide  sans  pointe  à  la  tète  et  à  spiritrompe  renfermée  sous  la 
peau  générale;  enfin  Stoll  figure  trois  petites  espèces,  l'une  à  chenille 
translucide,  l'autre  à  chenille  velue,  la  troisième  à  •chenille  nue, 
avec  les  chrysalides  à  tête  obtuse  et  à  forte  ceinture.  M.  H.  Bur- 
meister  les  regarde  comme  de  trois  genres  différents.  Nous  sui- 
vrons dans  la  répartition  des  Hespériens  en  familles  la  classification 
de    M.  P.  Mabille  (1). 

(1)  Catalogue  de i  Hespérides  du  Minée  ro-jat  de  Bruxelles  [Ann,  Soc.  entorn. 
de  D'-lrjiqw,  1878). 


PYUliHOPYGIDES  ,     EUDAMIDLS.  265 

§  1.  —  iiE^i*Knio/K,  Fabr.,  Lafr. 

PYURHOPYGIDES. 

Côte  des  ailes  supérieures  Irùs  forte  et  ne  présciitaut  pas  le  pli  déhis- 
cent, caractère  général  des  Hesperidœ  :  il  est  probablement  atrophié  en 
raison  de  l'épaisseur  de  la  cûlc.  Cette  tribu  est  composée  d'espèces 
exotiques  américaines,  du  Mexique,  du  Pérou,  de  Bolivie,  du  Brésil. 
Dans  le  genre  Pyrrhupufja,  Hubner,  l'armure  génitale  des  mules  présente 
deux  pièces  qui  varient  beaucoup  avec  les  espèces  :  ce  sont  deux  valves 
cornées,  plus  ou  moins  longues,  deutées-échancrées  inférieurement, 
saillantes  et  égalant  parfois  la  longueur  du  bouquet  de  poils  terminal. 
Ce  bouquet  de  poils  est  inséré  à  la  partie  supérieure  du  dernier  anneau, 
et  l'échancrure  où  est  placé  l'organe  sexuel  est  située  en  dessous  et 
beaucoup  en  arrière;  les  deux  derniers  anneaux  de  l'abdomen  forment 
en  dessus  une  arcade  cornée  qui  dépasse  plus  ou  moins  les  valves;  en 
dessous  l'abdomen  est  mou  et  se  tasse  plus  ou  moins,  ce  qui  donne 
encore  plus  de  relief  aux  parties  supérieures. 

EUDAMIDES. 

Tous  les  mâles  ont  le  bord  antérieur  des  premières  ailes  pourvu  d'un 
pli  ou  rebord  qui  est  déhiscent.  Les  antennes  ont  toujours  la  massue 
fusiforme,  non  ovoïde,  courbée  vers  les  deux  tiers  et  faussant  en  pointe 
aiguë  et  réfléchie,  plus  ou  moins  longue.  Les  jambes  postérieures  ont 
toujours  deux  paires  d'éperons.  Les  ailes  inférieures  sont  très  variables  de 
forme;  elles  peuvent  être  sinuées,  à  longues  queues  ou  arrondies. 

Le  genre  Euduinus,  Swainson,  qui  donne  son  nom  à  cette  famille, 
présente  des  Hespériens  de  grande  taille  pour  la  tribu,  répandus  en 
Asie,  en  Afrique  et  surtout  dans  l'Amérique  méridionale.  Tantôt  les  ailes 
inférieures,  à  bords  sinués,  se  terminent  par  de  longues  queues:  ainsi 
dans  E.  Proteus,  Linn.,  ayant  aux  ailes  supérieures,  sur  fond  noir,  une 
bande  maculaire  de  quatre  taches  blanches  et  deux  taches  blanches  sur 
le  sommet,  espèce  très  répandue  en  Amérique  entre  les  tropiques; 
tantôt  les  ailes  postérieures  sont  arrondies  inférieurement  :  ainsi  dans 
E.  versicolor,  Godart,  du  Brésil,  ayant  les  ailes  des  deux  paires  traversées 
par  des  bandes  de  taches  allongées  et  de  minces  bandes  sur  les  anneaux 
de  l'abdomen.  Deux  espèces  très  connues  sont  E.  Orion,  Cramer,  de  la 
Guyane  et  du  Brésil,  présentant  le  dessous  des  ailes  inférieures  marbré 
de  taches  d'un  noir  bleuâtre,  séparées  par  du  gris  cendré  ;  et  E.  Bra- 
chius,  Hubner,  de  la  Guyane,  avec  le  dessous  des  ailes  d'un  noir  uni. 

Les  Eudamus  ont  le  thorax  et  l'abdomen  très  épais. 

11  faut  encore  citer  dans  cette  même  famille  deux  genres  formés  d'es- 
pèces exclusivement  américaines,  les  genres  Thyinelc,  Fabr.  (avecréduc- 


266  LÉPIDOPTÈRES. 

tion  depuis)  et  Telegonus,  Hubner,  diminué  également  par  les  auteurs 
modernes. 

TH/lk!VAOS,  Boisd.  (syn.  Erynnis  en  partie,  Schrank.)  —  Massue  des  antennes 
fusiforme  et  très  courbée  en  dehors.  Palpes  écartés,  très  velus,  le  dernier 
article  plus  mince  et  assez  saillant,  Têto  aussi  large  que  le  corselet,  qui  est 
robuste.  Abdomen  se  terminant  sensiblement  au  niveau  du  bout  des  ailes 
inférieures.  Ailes  bien  entières,  à  contour  extérieur  arrondi,  n'ayant  pas  la 
frange  entrecoupée.  —  Chenilles  lisses,  renflées  au  milieu,  à  tête  forte  et 
échancrée  et  cou  très  mince.  — ■  Chrysalides  presque  fusiformes,  avec  un 
tubercule  sur  la  tête  et  l'abdomen  en  cône  allongé. 

Le  type  de  ce  genre,  commun  en  lùirope,  existant  dans  les  îles  Bri- 
tanniques, se  trouve  dans  toute  la  France,  volant  au-dessus  des  gazons 
et  dans  les  clairières  des  bois  :  en  avril,  mai  et  juin  c'est  le  T.  Tages, 
Linn.,  la  Grisette  de  Geoffroy,  le  Point  de  Hongrie  d'Engramelle,  the 
Dingy  Skipper  des  Anglais.  Le  papillon,  à  massue  des  antennes  très 
forte,  est  en  entier  d'un  brun  un  peu  jaunâtre,  avec  un  pointillé  de 
petites  taches  d'un  gris  jaunâtre  formant  bande  diffuse  sur  les  deux 
ailes,  le  dessous  moins  assombri,  très  analogue  au  dessus.  La  chenille 
(pi.  Lxxxvi,  fîg.  5),  est  d'un  vert  clair,  avec  lignes  sous-dorsales  et  laté- 
rales jaunes,  pointillées  de  noir  et  la  tête  brune  ;  on  la  trouve  en  sep- 
tembre sur  diverses  Légumineuses,  comme  le  Lotus  corniculatus,  et 
aussi,  dit-on,  sur  une  Carduacée,  VEryngium  campestre  ou  Chardon 
Roland.  La  chrysalide  (fig.  5  a),  a  l'enveloppe  des  ailes  d'un  vert  foncé, 
et  la  partie  postérieure  du  corps  rougeâtre. 

!>^l*IIiOTnvilll!J,  Duponchel.  —  Massue  des  antennes  piriforme,  sans  cour- 
bure. Palpes  écartés,  très  velus,  avec  le  dernier  article  presque  nu,  court  et 
peu  aigu.  Tète  un  peu  moins  large  que  le  corselet,  qui  est  très  robuste.  Abdo- 
men dépassant  un  peu  les  ailes  inférieures.  Ailes  supérieures  ayant  des  taches 
transparentes  ou  vitrées,  et  le  repli  que  forme  la  côte  à  son  origme  très  pro- 
noncé chez  les  mâles;  ailes  inférieures  profondément  dentées.  —  Chenilles 
courtes,  cylindroïdes,  rugueuses,  pubescentes,  avec  la  tète  grosse,  échancrée 
ou  fendue,  et  le  cou,  ou  prothorax,  très  rétréci.  —  Chrysalides  plus  ou  moins 
arrondies  antérieurement  et  en  cône  allongé  postérieurement,  recouvertes  d'une 
poussière  blanchâtre  sous  leur  coque  à  claire-voie. 

Ce  genre  est  peu  nombreux  en  espèces.  Le  type  est  le  S.  maloarum, 
Illiger  (syn  alceœ,  Esper,  malvœ,  cat.  de  Vienne,  Godart),  la  Grisette 
d'Engramelle;  30  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle,  la  femelle  plus 
grande,  mais  pareille.  Ailes  d'un  gris  brun  avec  une  teinte  un  peu  rou- 
geâtre, les  supérieures  légèrement  dentées,  avec  deux  bandes  brunes 
flexueuses  et  incertaines  et  six  petites  taches  vitrées  subcarrées,  trois 
réunies  près  de  l'angle  apical,  trois  groupées  à  l'extrémité  de  la  cellule 


SPILOTHYRUS,  SYRICHTHUS.  267 

discoïdale,  les  ailes  inférieures  très  dentées  avec  taches  grisâtres  assez 
confuses;  dessous  analogue  au  dessus,  mais  plus  clair,  plus  uni,  les 
taches  blanchâtres  des  ailes  inférieures  plus  rélrccics,  mais  plus  appa- 
i-entes.  Massue  des  antennes  intérieurement  d'un  ferrugineux  obscur 
et  un  peu  courbée  en  crochet  à  l'extrémité.  Toute  la  France,  de  juin 
en  août,  dans  toutes  les  localités  où  croissent  des  Malvacées,  venant 
souvent  voler  dans  les  jardins  où  il  dépose  ses  œufs  sur  les  roses  tré- 
mières.  ("henille  en  mai,  puis  de  juillet  à  septembre,  vivant  enfermée 
dans  une  feuille  repliée  de  mauve,  ou  de  guimauve,  d'un  gris  foncé- 
avec  deux  hgnes  claires,  pubescente,  la  tûte  noire,  quatre  points  jaunes 
sur  le  premier  anneau.  Les  individus  qui  ne  se  sont  pas  métamor- 
phosés avant  l'hiver  s'enferment  dans  des  tiges  creuses  de  bardane  ou 
de  chardon  et  y  restent  engourdis  jusqu'au  printemps.  — S.altheœ, 
Hubner,  espèce  très  analogue  à  la  précédente,  mais  beaucoup  plus 
rare,  plus  foncée,  présentant  en  gris  verdâtre  tout  ce  qui  est  d'un  gris 
rougeâtre  chez  l'autre,  ayant  la  massue  des  antennes  droite,  obtuse  et 
non  en  crochet  à  l'extrémité,  d'un  noir  profond.  — S.  lavaterœ,  Esper,  la 
plus  grande  espèce  de  nos  Hespériens,  d'un  gris  pâle  avec  de  nom- 
breuses taches  blanches  ou  jaunâtres,  volant  avec  beaucoup  de  vivacité 
sur  les  coteaux  calcaires  arides  et  pierreux.  Commune  on  juin  et  juillet 
dans  le  sud  et  le  sud-est  de  la  France,  remontant  en  beaucoup  de 
localités  du  Centre,  mais  alors  rare,  ainsi  dans  le  Cantal,  dans  Saône- 
et-Loire,  dans  le  Cher,  etc. 

^iVRICHTHUS,  Boisduval  (syn.  Scelotkbix  Rambur  ;  Pyrgus,  Hubner,  nom 
plus  ancien,  peu  usité).  —  Massue  des  antennes  ovale,  un  peu  courbée  de  de- 
dans en  dehors,  obtuse  et  sans  crochet.  Palpes  écartés,  très  velus,  avec  le 
dernier  article  assez  long,  peu  aigu,  presque  nu.  Tête  un  peu  moins  large  que 
le  thorax.  Abdomen  plus  long  que  les  ailes  inférieures,  surtout  dans  les  mâles. 
Les  quatre  ailes  bordées  d'une  frange  noire  entrecoupée  de  blanc.  —  Chenilles 
et  chrysalides  avec  les  caractères  généraux  de  celles  des  Hespériens. 

Ce  genre  est  beaucoup  plus  nombreux  en  espèces  que  le  précédent; 
OD  en  compte  plus  de  vingt  en  Europe.  Les  papillons  tiennent  souvent 
au  repos  leurs  quatre  ailes  étalées  à  plat;  ils  sont  bruns  avec  de  petites 
taches  et  points  blancs;  le  dessous  des  ailes  inférieures  est  varié  de 
blanc  et  de  gris  ou  de  verdâtre.  Il  y  a  une  grande  difficulté  dans  la 
détermination  de  la  plupart  des  espèces,  qui  se  ressemblent  beaucoup, 
et  le  même  fait  se  reproduit  pour  un  groupe  d'espèces  du  même  genre 
de  l'Amérique  du  Sud  :  ainsi  S.  Americanus,  E.  Blanchard,  du  Chili, 
espèce  qui  paraît  répandue  dans  toutes  les  parties  montagneuses  de 
l'Amérique  méridionale;  ces  espèces  affines  sont  en  outre  très  proches 
des  espèces  européennes  Alveus,  cirsii,  carthami,  etc.  L'espèce  la  plus 
commune  de  ce  genre  si  difficile  est  le  S.  Alveohis,  Hubner  (syn. 
malvœ,   Linn.),   le  Plain-chant  d'Engramelle,  the  Grizzle  des  auteurs 


268  LÉPIDOPTKIlliS. 

anglais,  Hespérien  qui  vole  dans  les  clairières  des  bois  frais  et  dans 
les  jardins  en  mai,  puis  en  juillet,  et  alors  butine  beaucoup  sur  les 
chardons.  Il  est  d'un  brun  grisâtre  avec  trois  séries  plus  ou  moins  com- 
plètes  de  petites  taches  blanches  sur  les  ailes  supérieures  et  deux  sur 
les  inférieures.  La  chenille  se  rencontre  en  avril  sur  le  fraisier  des  bois  ; 
elle  est  verte  ou  jaunâtre,  avec  la  ligne  sligmatale  claire.  Une  variété 
qu'on  trouve  çà  et  là  partout  où  vole  le  type  est  celle  dite  Taras,  Meigen 
ou  lavaterœ,  Fabr.,  dans  laquelle  les  taches  blanches  deviennent  con- 
.fluentes,  avec  tous  les  passages.  Il  ne  faut  pas  confondre  cette  espèce 
avec  une  autre  de  taille  notablement  plus  grande,  30  millimètres  d'en- 
vergure, le  S.  Alceus,  Hubner,  ayant  la  massue  des  antennes  d'un  rou.x 
clair  intérieurement,  les  ailes  d'un  brun  foncé,  les  supérieures  ayant 
la  base  saupoudrée  de  jaune  verdàtre  et  beaucoup  de  taches  blanches 
petites  et  isolées,  les  inférieures  avec  deux  séries  de  taches  mal  mar- 
quées, d'un  blanc  jaunâtre,  le  dessous  des  ailes  supérieures  d'un  brun 
clair  avec  taches  grisâtres,  le  dessous  des  inférieures  d'un  jaune  ver- 
dàtre, avec  Irois  bandes  de  taches  blanches.  Celte  espèce  se  rencontre 
en  mai,  puis  en  août;  assez  rare,  toujours  dans  des  terrains  incultes  et 
pierreux:  ainsi,  près  de  Paris,  à  Lardy, à  Sénars,  à  Fontainebleau,  çà  et 
là,  près  de  Chartres  et  de  Châteaudun,  sur  les  collines  chaudes 
(Guenée);  dans  l'Indre,  le  Cher,  la  Sologne  (Maurice  Sand);  au  Mont- 
Dore,  dans  les  Pyrénées-Orientales,  les  Basses-Alpes,  etc.  Il  y  a  ensuite 
une  série  inextricable  d'espèces  très  voisines  ou  de  variétés  de  cette 
espèce,  point  sur  lequel  je  n'ose  me  prononcer  ;  ainsi,  Fritillum,  Hubner; 
cirsii,  Rambur,  de  taille  plus  petite,  avec  les  ailes  inférieures  d'un 
roLige  brique  en  dessous,  se  rencontrant  en  août  à  Lardy,  à  Fontaine- 
bleau, à  Gargilesse,  dans  l'Indre,  au  Mont-Dore,  etc.;  carlinœ,  Rambur, 
peu  répandue,  des  Basses-Alpes,  du  Mont-Dore,  etc.,  en  juillet 
et  août;  onuporJi,  Rambur,  en  mai  et  juillet  dans  l'Indre,  le  Cher, 
la    Sologne,    les   prairies  élevées   du  Mont-Dore   (Maurice  Sand). 

y  a  quelques  espèces  de  Syrichthus  bien  tranchées  :  ainsi,  S.  car- 
thami.  Hubner,  en  mai,  puis  en  août,  dans  toute  l'Europe  centrale,  brun 
en  dessus  avec  la  frange  blanche  largement  coupée  de  brun,  les  taches 
blanchâtres  de  l'aile  supérieure  formant  une  sorte  d'anneau  vers  le  bord 
apical,  et  deux  rangées  plus  ou  moins  vite  interrompues  vers  le  bord 
interne  aux  ailes  inférieures,  le  dessous  plus  clair,  les  taches  blanches 
plus  développées,  à  trois  rangées  inférieurement  ;  le  type  de  cette 
espèce  est  très  beau  à  Fontainebleau.  — i>.  l'rolo,  Fsper,  Hubner,  espèce 
de  l'Europe  méridionale,  assez  commune  en  juin  et  juillet  dans  les 
garrigues  des  environs  de  Montpellier.  Sa  chenille  vit  sur  le  Phlomix 
lichnilis. 

§  2.  —  .%ST¥€i,  Hubner. 

Bord  antérieur  des  premières  ailes  dépourvu  de  pli  dans  les  deux 
sexes.  La  côte  varie  beaucoup;  elle  est  parfois  large  et  aplatie  en  lame. 


ISMÉNIDLS,    CAUYSTIDES.  269 

parfois  forte  et  épaissie.  Massue  des  antennes  variable,  tantôt  en  cro- 
chet de  longueur  égale,  à  tige  longue,  tantôt  ovoïde,  mucronée,  à  tige 
très  courte.  Quelques  genres  n'ont  qu'une  paire  d'éperons  aux  jambes 
postérieures.  Les  jambes  sont,  le  plus  souvent,  garnies  de  poils  fins, 
longs  et  flexueux.  Les  ailes  inférieures  sont  sinuées  ou  arrondies,  et 
n'ont  ni  échancrures,  ni  prolongements  caudiformes.  L'abdomen  dé- 
passe souvent  les  ailes  inférieures,  et  alors  il  peut  être  grêle  et  courbé. 

ISMÉNIDES. 

Antennes  dont  la  massue  occupe  k  peu  près  le  dernier  tiers,  renflée 
à  l'extrémité,  puis  s'amincissant  en  pointe  aiguë  et  un  peu  courbe; 
palpes  à  dernier  article  cylindrique  et  perpendiculaire  au  second,  en 
général. 

Le  type  de  cette  famille  est  le  genre  Ismene,  Swainson,  formé  d'es- 
pèces exotiques  de  l'ancien  monde,  surtout  des  Indes,  des  îles  malaises 
et  de  l'Afrique. 

Nous  placerons,  au  début  du  groupe  des  Astyci,  le  genre  Battus, 
Schrank,  ressemblant  beaucoup  au  genre  Syrichthiis,  duquel  ne  le 
séparent  pas  les  auteurs  qui  ne  regardent  pas  d'une  importance  capitale 
le  pli  déhiscent  qui  manque  chez  les  Battus.  Le  type  européen  de  ce 
genre  est  le  B.  Sno,  Hubner,  le  2'ac/ie^éd'Engramelle,  espèce  des  terrains 
calcaires,  coteaux  et  bois  secs,  en  mai  puis  en  août,  de  toute  la  France 
centrale  et  méridionale,  des  environs  de  Paris;  il  est  beaucoup  moins 
commun  que  S.  Alveolus,  auquel  il  ressemble,  mais  dont  il  se  distingue, 
au  vol  et  à  première  vue  par  un  ton  général  rougeâtre.  Envergure, 
22  millimètres  dans  les  deux  sexes,  qui  sont  semblables.  Ailes  d'un 
brun  noir  à  reflet  rougeùtre;  les  supérieures  avec  des  taches  blanches, 
dont  une  série  anléterminale  de  petites  taches  arrondies  bien  visibles, 
les  ailes  inférieures  avec  un  trait  discoïdal  allongé  et  une  série  de 
taches  antéterminales,  comme  aux  supérieures;  le  dessous  des  ailes 
inférieures  est  d'un  rouge  brique  assez  vif,  avec  trois  rangées  détaches 
blanches,  celles  du  bord  antérieur  les  plus  grandes,  la  frange  blanche 
large,  l'eNtrémité  de  l'anus  rougeâtre.  Citons  du  même  genre  B.  The- 
raime,  Hambur,  propre  à  l'île  de  Corse. 


CARYSTIDES. 

Antennes  dont  la  massue  est  fusiforme,  égalant  au  'moins  en  lon- 
gueur la  moitié  de  l'antenne,  décroissant  en  une  pointe  aiguë  et  sou- 
vent crochue.  Palpes  à  dernier  article  peu  distinct. 

Cette  famille  ne  comprend  que  des  espèces  exotiques,  ayant  leur  type 
dans  le  genre  Carystus,  presque  entièrement  américain,  avec  quelques 
espèces  africaines. 


270  LÉPIDOPTÈRES. 


PAMPHILIDES. 


Antennes  à  tige  trr-s  courte  et  n'ayant  pas  de  massue  aiguë,  mais  une 
massue  ovoïde,  obtuse  oumutique,  en  général. 
Cette  famille  a  des  genres  européens. 

HE!§PERI.&,  Lalr.  (syn.  Thymelicus,  Ilubner).  —  Tête  plus  large  que  le  thorax, 
quoique  celui-ci  soit  très  robuste .  Yeux  gros,  saillants.  Massue  des  antennes 
droite,  ovoïde,  souvent  terminée  par  une  pointe  courbée  en  dehors.  Palpes  très 
velus,  avec  le  dernier  article  cylindrique  presque  nu,  très  grêle  et  très  aigu. 
Ailes  inférieures  légèrement  sinuées  ou  concaves  près  de  l'angle  anal  ;  ailes 
supérieures  marquées,  le  plus  souvent,  au  milieu  d'un  trait  noir  oblique. 
Abdomen  épais  et  plus  long  que  les  ailes  inférieures.  —  Clienilles  allongées, 
glabres,  rayées  longitudinalement,  avec  le  cou  très  mince  et  la  tète  globuleuse 
et  un  peu  éehancrée.  —  Chrysalides  effilées  et  conico-cylindriques,  terminées 
antérieurement  par  une  pointe  courte,  et  ayant  une  gaîne  libre  prolongée  en 
filet  pour  renfermer  la  spiritrompe. 

Les  papillons  du  genre  Hesperia  sont  généralement  fauves.  Une  des 
espt^ces  les  plus  communes  est  VH-  Thawnas,  Hufnagel  (syn.  Linea,  cat. 
de  Vienne,  la  Bande-noire  de  Geoffroy,  the  Smali  Skipper  des  Anglais),  de 
toute  la  France  en  été,  du  nord  de  l'Europe  et  de  l'Amérique,  d'Afrique 
septentrionale  et  d'Asie  occidentale;  des  broussailles,  des  lisières  de  bois, 
dans  les  champs  de  blé,  les  prairies,  en  plaine  comme  en  montagne; 
25  millimètres  d'envergure.  Ailes  fauves  avec  une  étroite  bordure  etl'ex- 
trémité  des  nervures  noire  ;  les  ailes  supérieures  ont  sur  le  disque  un 
trait  noir,  linéaire,  oblique,  et  les  inférieures  sont  sans  taches;  en  des- 
sous, les  ailes  supérieures  sont  fauves,  avec  le  sommet  d"un  gris  jaunâtre 
et  les  inférieures  avec  le  bord  terminal  fauve.  Massue  des  antennes 
rousse  en  dessous.  Femelle  plus  grande,  sans  trait  noir  discoïdal.  Che- 
nille en  mai  et  juin  sur  diverses  Graminées,  s'introduisant  entre  les 
feuilles  et  les  tiges,  d'un  vert  glauque,  avec  les  lignes  un  peu  plus 
claires  et  la  tête  verte.  Chrysalide  d'un  vert  jaunâtre,  que  nous  représen- 
tons (pi  Lxxxvi,  fig.  h),  attachée  à  une  tige  de  Graminée'dans  un  léger 
réseau  soyeux. — H.  Lineola^  Ochsenh.fsyn.  Virgula,  Hubner),  ressemblant 
à  l'espèce  précédente,  moins  commune,  des  mêmes  époques  et  loca- 
lités. Même  taille;  massue  des  antennes  d'un  noir  profond  en  dessus; 
ailes  en  dessus  d'un  fauve  uniforme,  plus  clair  que  chez  Linea,  avec  la 
frange  plus  blanchâtre,  le  trait  noir  oblique  du  milieu  des  ailes  supé- 
rieures du  mâle  (trait  manquant  aussi  chez  la  femelle)  plus  petit,  plus 
grêle  et  quelquefois  nul,  avec  l'extrémité  des  nervures  noirâtre  et  un 
peu  dilatée  ;  dessous  des  ailes  supérieures  d'un  fauve  uniforme,  celui 
des  inférieures  d'un  jaune  blanchâtre  chez  le  mâle,  d'un  gris  blan- 
châtre chez  la  femelle,  avec  le  bord  abdominal  plus  clair.  Chenille 


HESPERIA.  271 

aussi  sur  les  Graminées,  en  juin,  d'un  vert  clair,  avec  cinq  lignes  jaunes 
et  la  tète  roussàtre. — H.  ^c«eo/i,Rottenberg,  Esper,  les  ailes  brunes,  le 
trait  noir  discoïdal  chez  le  mâle  seul,  entouré  d'une  large  tache  fauve 
aux  ailes  supérieures,  le  dessous  plus  clair,  ainsi  que  la  tache  qui  est 
peu  marquée.  M.  Goossens  a  trouvé  en  nombre  la  chenille  de  cette 
espèce,  en  fauchant,  le  soir  sur  les  herbes  à  Bouray;  elle  est  d'un  vert 
pâle,  avec  une  fine  ligne  vasculaire  d'un  vert  foncé,  longée  de  chaque 
côté  par  un  filet  blanc,  et  les  lignes  stigmatales  fines  et  blanches,  la  tête 
très  détachée,  en  bouton,  de  couleur  d'un  brun  jaune;  VH.  Acteon  est 
une  espèce  assez  rare  près  de  Paris,  volant  en  juillet  et  août  sur  les 
collines  sèches  et  chaudes,  ainsi  à  Lardy,  Bouray,  Poquency,  près  de 
Mantes,  de  Chartres,  de  Châteaudun,  dans  l'Indre,  la  Sologne,  le  Cher, 
au  Mont-Dore,  au  Lioran  (Cantal),  etc.  L'espèce  existe  en  Angleterre 
sous  le  nom  de  the  Lulivorth  Skiirper. 

Le  genre  Pamphila  (beaucoup  d'auteurs),  très  voisin  pour  nous  du 
précédent,  comprend  dans  le  catalogue  de  Kirby,  avec  une  extension  sur 
laquelle  nous  ne  pouvons  nous  prononcer,  tant  les  Hespériens  sont  encore 
confus,  environ  deux  cent  soixante  espèces  de  tous  les  pays  de  la  terre. 
Nous  y  rangerons  deux  Hespéries  très  répandues,  existant  toutes  deux 
dans  les  îles  Britanniques,  dont  le  mâle  présente  aux  ailes  supérieures 
une  sorte  de  cicatrice  discoïdale  assez  large,  veloutée  et  noirâtre  ;  ce  sont  : 
P.  Sijlvanus,  Esper,  the  Large  Skipper  des  Anglais;  envergure,  30  milli- 
mètres. Ailes  d'un  fauve  assez  brillant,  avec  une  bordure  large,  d'un 
brun  obscur  et  une  ligne  noire  oblique,  épaisse  au  milieu,  sur  le  disque 
des  supérieures  ;  dessous  des  ailes  inférieures  jaune  verdàtre,  avec  une 
série  de  taches  plus  claires  ordinairement  peu  marquées.  Antennes 
ayant  le  bout  muni  d'un  crochet  très  saillant.  Femelle  plus  grande, 
plus  brune,  avec  les  taches  mieux  marquées,  dépourvue  du  trait  noir 
oblique  sur  le  disque.  Espèce  commune  partout,  surtout  dans  les  bois 
ombragés,  en  mai,  juin  principalement  et  juillet,  volant  volontiers  sur 
les  feuilles  des  jeunes  taillis.  Outre  l'Europe,  l'espèce  est  d'Asie  boréale 
et  occidentale.  Chenille  d'un  vert  sale,  à  ligne  stigmatale  claire,  vivant 
en  avril  sur  le  chiendent  {Triticum  repens).  — P.  Comina,  Linn.,  espèce 
moins  abondante  que  celle  qui  précède,  des  allées  des  bois  secs  et 
élevés,  fin  juillet,  août  et  septembre,  se  prenant  assez  souvent  sur  les 
champs  de  sarrazin  en  fleur,  d'Angleterre,  the  Pearl  Skipper,  de  toute 
la  France,  mais  assez  localisée  ;  envergure  du  mâle,  28  millimètres, 
couleurs  analogues  à  celles  de  P.  Sylvanm,  les  ailes  supérieures  plus 
aiguës  au  sommet,  d'un  jaune  fauve,  avec  une  bordure  brune  et  une 
série  flexueuse  antéterminale  de  petites  taches  carrées  d'un  jaune 
clair,  avec  un  trait  noir  assez  épais  sur  le  disque,  trait  divisé  en  long 
par  une  ligne  plombée  brillante,  le  dessous  des  ailes  inférieures  ver- 
dàtre, avec  deux  lignes  de  taches  carrées  blanchâtres,  bordées  de  noir 
extérieurement.  Antennes  à  massue  globuleuse,  terminées  par  un  cro- 
chet, Femelle  plus  grande,  ayant  les  ailes  plus  arrondies  et  sans  trait 


272  LÉPIDOPTÈRES. 

noir  discoïdal.  Chenille  d'un  gris  noir  uni,  avec  des  points  noirs  et  la 
tOte  noire  ;  en  juin  sur  les  Graminées,  et,  d'après  Hubner,  sur  la  Co- 
ronille  variée.  L'espèce  existe  en  Laponie  et  dans  l'Asie  boréale  et  occi- 
dentale. 

CYCLOPIDem,  (Hubner  syn.  Steropes,  Boisduval).  —  Massue  des  antennes 
courte,  ovoïde,  presque  droite  et  sans  crocliet  au  bout.  Palpes  écartés,  très 
velus,  avec  le  dernier  article  plus  mince,  très  distinct  et  très  aigu.  Tête  aussi 
large  que  le  thorax.  Ailes  plus  amples  et  moins  épaisses  que  dans  les  autres 
genres  d'Hespériens  d'Europe.  Abdomen  plus  long  que  les  ailes  inférieures, 
tris  grêle  surtout  dans  le  mâle.  —  Chenilles  assez  allongées,  pubescentes, 
rayées  en  long,  avec  la  tête  rugueuse  et  hémisphérique.  —  Chrysalides  très  efTi- 
léôs,  avec  la  partie  abdominale  conico-cylindrique,  les  yeux  saillants  et  la  tête 
surmontée  d'une  pointe  conique, 

L'espèce  type  de  ce  genre  est  le  C.  Morpheus,  (Pallas  syn.  Araoin- 
ihus,  Fabr.,  le  Miroir  de  Geoffroy),  espèce  localisée  dans  certains  bois, 
là  où  croissent  de  grandes  herbes  :  ainsi,  à  la  fin  de  juin  et  dans  la 
première  quinzaine  de  juillet,  près  de  Paris,  jadis  au  bois  de  Boulogne, 
à  Bondy  (rare),  à  Senars  surtout,  à  Chantilly,  dans  la  forêt  d'Hallatte 
(Oise),  dans  les  bois  de  Saint-Chartier,  de  Chanteloup  (hidre)  dès  le 
15  mai,  à  Saint-Florent,  dans  le  Cher,  à  Guéret,  dans  la  Creuse,  etc.  Le 
mâle  a  les  ailes  brunes  en  dessus,  avec  deux  ou  trois  petits  points  d'un 
jaune  terne  près  du  sommet  de  l'aile  supérieure;  en  dessous  supé- 
rieurement, plusieurs  points  plus  larges  et  d'un  jaune  plus  vif  qu'en 
dessus  et  une  bordure  apicale  jaune  festonnée  de  brun.  Aux  ailes  infé- 
rieures, en  dessous,  trois  rangées  concentriques  et  serrées  d'une  dou- 
zaine de  larges  taches  elliptiques,  d'un  blanc  jaunâtre,  cerclées  de 
noir,  ressemblant  à  des  miroirs,  se  détachant  sur  un  fond  d'un  joli  jaune 
clair  et  une  bande  marginale  blanche  bordée  de  noir.  L'abdomen,  d'un 
brun  noir,  est  très  long  et  grêle,  souvent  fourchu  au  bout  sur  le  sec, 
par  écart  des  crochets  copulateurs.  Femelle  beaucoup  plus  rare  que 
le  mâle,  dont  elle  ne  diffère  que  par  un  point  jaunâtre  de  plus,  placé 
vers  le  milieu  du  bord  antérieur  de  l'aile  supérieure  et  qui  manque 
quelquefois.  D'après  Godart,  il  faut  battre  les  buissons  pour  faire  partir 
cette  femelle.  Chenille  en  mai  et  juin  sur  les  Graminées. 

Dans  un  genre  très  voisin,  Carterocephalus,  Lederer  (syn.  Steropes, 
Boisd.),  dont  la  tête  a  le  vcrtex  plus  large  que  les  Cyclopides  et  les  yeuX 
beaucoup  plus  gros,  se  place  un  de  nos  plus  jolis  Hespériens.  C'est  le 
C.  Palœmon,  Pallas  (syn.  Paniscus,  Fabr.),  VÉchiquier  d'Engramelle,  à 
cause  de  la  marqueterie  noire  et  jaunâtre  de  son  dessin  rappelant  les 
cases  de  l'échiquier.  Mâle,  28  millimètres  d'envergure.  Ailes  d'un  brun 
noii'àtre,  les  supérieures  avec  des  taches  irrégulières  d'un  jaune  fauve, 
celles  de  la  série  antémarginale  peu  marquées,  les  inférieures  ayant  les 
taches  jaunes  plus  arrondies,  une  près  de  la  base,  deux  médianes  dont 


CYCLOPIDES,    TAGIAUIDES.  27S 

la  supérieure  plus  grande,  puis  une  série  antémarginalé  de  plusieurs 
autres  plus  petites;  en  dessous,  les  ailes  supérieures  sont  jaunes  avec 
des  taches,  les  inférieures  d'un  jaune  saupoudré  de  brun,  avec  la  repro- 
duction des  taches  du  dessus  en  jaune  plus  clair  et  cerclées  de  noir. 
Femelle  semblable,  un  peu  plus  pâle.  Le  papillon  ne  paraît  qu'une  fois 
et  vole  en  mai  dans  certains  bois,  se  prolongeant  jusqu'en  juin  par  des 
sujets  défraîchis.  L'espèce  n'est  pas  très  répandue  et  assez  localisée, 
près  de  Paris  à  Bondy,  Vincennes,  Senars,  bois  iXotre-Dame,  Armain- 
villiers,  Fontainebleau  ;  elle  est  commune  dans  les  bois  de  Saint- 
Chartier  (hidre)  et  de  Saint-Florent  (Cher),  dans  la  Creuse,  à  Guéret 
(Maurice  Sand),  existe  dans  les  bois  élevés  de  Saône-et-Loire,  mais  peu 
commune,  au  Mont-Dore,  en  Auvergne;,  en  Alsace,  en  Russie,  en  An- 
gleterre {the  Chequered  Skipper,  etc.).  Chenille  en  avril  sur  le  plantain. 

*  TAGIADIDES. 

Ailes  très  amples,  ressemblant  assez  à  celles  des  Piérides;  les 
antennes  comme  chez  les  Carystus,  mais  beaucoup  plus  grêles  à 
massue  plus  courte. 

Les  genres  types  de  cette  famille,  la  moins  bien  connue  encore  des 
Hespériens,  sont  le  genre  Tagiades,  Hubner,  dont  toutes  les  espèces  sont 
de  l'ancien  monde,  et  le  genre  Pteryguspidea,  Wallengrein  (taches  sur 
les  ailes),  formé  d'espèces  de  la  Malaisie  et  des  Indes,  plus  grandes  que 
les  Tagiades,  plus  colorées,  à  ailes  souvent  denticulées. 

C'est  à  une  place  jusqu'ici  incertaine  entre  ces  deux  genres  que  nous 
terminerons  les  Hespériens  par  l'indication  d'une  espèce  d'aspect  euro- 
péen, ressemblant  de  coupe  d'ailes  au  Cyclopides  Aracinthus,  répandue 
sur  luie  grande  région,  dans  l'Afrique  australe,  Madagascar,  les  îles 
Maurice  et  Bourbon.  Sa  place  générique  est  incertaine,  car  dans  le 
catalogue  Kirby  elle  est  appelée  Tagiades  Sabadius,  Gray;  elle  est  dans 
le  genre  Hesperia  pour  Guérin-Méneville  ;  Thymele  pour  Boisduval,  fort 
à  tort,  car  les  Thymele  ont  le  pli  déhiscent;  Eagris  pour  Guenée  ;  Niso- 
niades  pour  Trimen  :  les  vrais  Nisoniades  ayant  aussi  le  pli  déhiscent, 
celte  dernière  désignation  générique  est  également  inadmissible. 

Nous  représentons,  planche  lxixvi,  fig.  2,  cet  Hespérien  africain,  qui 
sur  un  fond  d'un  brun  fauve  présente  au  milieu  des  ailes  supérieures 
tr  lis  taches  blanches  avec  une  bordure  antémarginalé  d'un  jaune 
lauve,  le  disque  des  ailes  inférieures  en  grande  partie  du  même  jaune 
fauve,  avec  bandes  raaculaircri  interrompues  d'un  brun  fauve. 

Si  l'on  veut  un  groupement  naturel,  on  doit  dire  que  les  Hespériens 
sont  la  dernière  tribu  des  Uhopalocères.  C'est  à  tort  que  M,  E.  Blanchard, 
d'après  Latreille,  cherche  à  établir  une  tribu  des  Cydimoniens  à  la  fin 
de  ses  Achalinoptères  {Hist.  nalur.  des  Ins.,  18/i5,  II,  3^8),  pour  des 
papillons  à  longues  et  grêles  antennes,  sans  aucun  renflement,  mais 
dont  les  chenilles  et  le  mode  d'attache  de  la  chrysaUde  ressemblent 
ciRABP.  m.  —  18 


274  LÉPIDOPTÈRES. 

beaucoup  à  ce  que  nous  avons  vu  pour  les  Hcspériens.  En  réalité,  par 
l'aspect  et  les  mœurs,  ces  Cydimoniens  ne  peuvent  se  séparer  des  Crâ- 
niens et  formeront  une  tribu  des  Hétérocères,  non  loin  des  Attaciens, 
des  Noctuelles  et  de  certaines  Phalènes.  M.  C.  Bar  {op.  cit.,  Ann.  Soc. 
entom.  Fr.,  1878,  p.  30)  a  essayé  d'introduire  dans  les  Rhopalocères  la 
tribu  des  Castniens,  à  chenilles  endophytes,  dont  les  antennes  se  ter- 
minent en  massue  à  la  façon  des  Hespériens,  mais  sans  crochet  ex- 
trême. Dans  les  Hétérocères  il  y  a  place  même  pour  des  antennes  en 
massue  ou  à  crochet,   comme  le  montrent  les  Zygènes  et  certains 
Sphinx.  Les  Castnies  sont  un  groupe  aberrant,  mais  que  la  majorité 
de  ses  caractères  maintient  parmi  les  Nocturnes.  La  forme  de  l'abdo- 
men et  ses  grandes  écailles,  avec  la  brosse  terminale,  sont  d'un  Bom- 
bycien  ou  d'une  grande  Noctuelle-,  les  ailes  sont  insérées  en  bas,  sur 
les  côtés  du  corselet,  de  sorte  qu'elles  ne  peuvent  se  relever  et  s'a- 
baissent en  toit  au  repos  le  long  du  corps,  comme  chez  la  plupart  des 
Hétérocères;  il  faut  bien  remarquer  que  lors  de  la  sortie  de  tous  les 
papillons  de  la  chrysalide  les  ailes  sont  relevées,  parce  que  les  muscles 
ne  sont  pas  encore  assez  forts  pour  les  mettre  à  leur  place  normale  ;  enfin 
les  chrysalides  des  Castniens  ne  sont  pas  angiileuses,  mais  uniconvexes 
etcylindro-coniques,  comme  chez  les  Bombyciens  et  Noctuéliens,  et  les 
ailes  des  papillons  sont  munies  du  frein.  Aussi  nous  ne  suivrons  pas 
M.  C.  Bar  et  nous  placerons  les  Castniens  au  début  des  Hétérocères. 

Erratum.  —  Page  173,  ligne  3  :  M.  Parthenia,  lisez  :  Partlienie. 


II.  —  Légion    des  IIÉTÉROCERES. 

Comme  nous  l'avons  dit,  les  Hétérocères  présentant  des  antennes  de 
toute  forme,  même  en  massue  avec  ou  sans  crochet,  correspondent  aux 
genres  Sphinx  et  Phalœna  de  Linnanis,  aux  papillons  Crépuscul.iiies 
et  iXocturnes  des  anciens  auteurs,  aux  Chalinoptères  de  M.  E.  Blau- 
cliaid,  nom  que  nous  n'avons  pas  adopté,  en  raison  des  variations  de 
l'existence  du  frein. 

Corps  tantôt  très  gros  et  très  grand,  tantôt  très  petit,  relativement 
aux  ailes,  et  n'offrant  jamais  d'étranglement  entre  le  thorax  et  l'abdo- 
men. Antennes  de  toutes  longueurs  et  d'aspect  varié,  en  fil,  en  soie, 
plus  ou  moins  renflées  au  milieu  ou  avant  l'extrémité,  diminuant 
de  grosseur  de  la  base  à  la  pointe,  munies  de  dents  de  scie,  ou  de  bar- 
bules  plus  ou  moins  longues,  de  poils  épars,  ou  en  séries  uniformes,  ou 
en  verticilles,  généralement  plus  courtes  et  moins  garnies  ou  même 
dépourvues  d'appendices  chez  les  femelles,  parfois  d'une  longueur  dé- 
mesurée chez  les  mâles  (Adèles)  ;  toujours  des  yeux  composés,  quel- 
quefois des  stemmates  sur  le  vertex;  les  quatre  ailes  ne  se  relevant 
presque  jamais  perpendiculaires  au  corps  dans  le  repos,  parfois  étalées 
à  plat  (certains  Attaciens,la  plupart  des  Phaléniens),  le  plus  souvent  en 
toit  horizontal  ou  incliné  (Chéloniens,  Noctuéliens,  Pyralicns,  etc.),  par- 
fois enroulées  autour  du  corps  et  l'enveloppant  comme  un  fourreau 
(beaucoup  de  Tinéiniens).  —  Chenilles  de  formes  très  variées,  ayant  de 
seize  à  dix  pattes,  certaines  de  celles-ci  parfois  en  appendices  détour- 
nés de  leur  fonction  ordinaire  (Z)^'cran^<ra,  Harpya,  etc.),  le  corps  glabre, 
ou  pubescent  ou  velu  et  parfois  avec  des  tubercules  épineux  ou  de  très 
longs  poils  (certains  Bombyx,  Chelonia,  etc.),  ou  entouré  de  matières 
ligneuses  ou  autres  divcr.-es  formant  des  fourreaux  supplémentaires 
(Psychés,  Coléophores,  Teignes,  etc.).  Elles  se  métamorphosent  ou  à 
nu  sur  la  terre,  ou  en  dessous,  parfois  dans  l'intérieur  des  tiges  ou  des 
racines  dont  elles  se  nourrissent,  ou  dans  des  galeries  ou  mines  à  l'in- 
térieur du  parenchyme  des  feuilles,  ou  bien  dans  des  cocons  soyeux  ou 
papyracés,  soit  purs,  soit  mêlés  de  grains  de  terre  ou  de  sable,  de 
sciure  ligneuse,  de  parcelles  de  branches  ou  de  feuilles,  d'excréments 
secs,  etc.,  soit  dans  des  coques  de  parcelles  terreuses  réunies  par  une 
salive  visqueuse  durcie,  soit  enfin  dans  une  feuille  roulée  en  cornet  et 
retenue  par  des  fils  de  soie  ou  entre  plusieurs  feuilles  maintenues  voi- 
sines par  des  liens  soyeux.  —  Chrysalides  non  anguleuses,  générale- 
ment mutiques,  quelquefois  garnies  de  poils. 

Les  Hétérocères  nous  présentent  des  espèces  séricigènes,  utilisées  par 
leurs  cocons  soyeux,  pouvant  devenir  la  base  d'une  industrie  de  pre- 
mier ordre  ;  par  contre,  c'est  dans  ce  groupe  de  Lépidoptères  que  nous 


276  LÉPIDOPTÈRES. 

trouvons  les  espèces  les  plus  nuisibles  aux  champs,  aux  forêts,  aux  jar- 
dins, et,  pour  certaines,  à  nos  vêtements,  à  nos  meubles,  à  nos  provi- 
sions, ces  espèces  nuisibles  appartenant  principalement  aux  Microlépi- 
doptères. Il  y  a,  dans  divers  genres  d'Ilétérocères,  des  femelles  frappées 
d'atrophie  alaire,  chez  lesquelles  les  ailes  manquent  quelquefois  com- 
plètement ou  sont  réduites  le  plus  souvent  à  des  moignons  impropres  à 
la  fonction  du  vol.  Il  y  a  là  un  caractère  d'infériorité  lié  dans  un  cer- 
tain rapport  à  la  vie  crépusculaire  et  à  l'absence  de  spiritrompe  et  par 
suite  d'alimentation  à  l'étal  adulte  ;  jusqu'cà  présenties  Rhopalocères 
n'ont  pas  présenté  de  faits  analogues. 

Les  tribus  que  nous  établirons  dans  les  Hétérocères  sont  les  Castniens, 
les  Hépialiens,  les  Cossiens  (Cossus  et  Zeuzera),  les  Sésiens,  les  Sphin- 
giens,  les  Zijijéniens  (avec  Syntomis,  Glaucopis,  Aglaope,  etc.),  les  Litho' 
siejis  (avec  Eudielia),  les  Chéloniens  (y  compris  les  Aganaides  et  les 
Agaristides),\Q?>  Bonibyciens  {N qv  à  soie  du  mûrier,  Liparis,  Orgya,  CocliO' 
podes,  Limacodes,  Bombyx,  Lasiocampa,  etc.),  en  y  rattachant  la  famille 
aberrante  des  Psychides,  les  Attaciens  ou  Saturniens,  renfermant  les 
Vers  à  soie  autres  que  celui  du  mûrier,  les  Uraniens  {Cydimon  Lcilus, 
Urania  Ripheus),  les  Noctuélicns,  tribu  considérable  commençant  pa 
les  Erebus,  se  terminant  par  des  Deltoïdes,  Ilerminia,  Hypena,  etc. 

Viennentenfînles  Microlépidoptères,  mot  qu'ilne  faut  pas  prendre  dans 
un  sens  trop  absolu,  car  certains  genres  sont  de  taille  presque  moyenne, 
et  il  y  a  des  Psychides,  des  Nocluelles  et  des  Phaléniens  {Acidalia,  Eu- 
pithecia)  de  taille  très  exiguë.  Nous  rangerons  dans  les  Microlépidop- 
lères  les  tribus  des  Pyraliens  {Bofys,  Crambus,  Galleria,  Asopia,  etc.), 
(les  Tortriciens,  des  Tinéiniens,  des  Ptérophoriens  et  des  Alucitiens;  ces 
deux  dernières  tribus  offrent  un  caractère  de  dégradation  alaire,  con- 
sistant en  séparation  de  leur  membrane  suivant  les  nervures,  de  ma- 
nière à  former  des|lanières  ou  plumules  séparées. 


Tribu   des   CASTMICW*^, 

Têlc  relativement  petite,  munie  de  deux  stemmates.  Antennes  ri- 
gides, renflées  insensiblement  en  fuseau,  puis  amincies,  parfois  en 
entier  fusiformes,  avec  une  petite  houppe  à  la  pointe,  cette  houppe 
visible  à  la  loupe.  Spiritrompe  1res  distincte.  Palpes  saillants,  en  géné- 
ral bien  articulés.  Ailes  très  larges,  très  amples,  à  écailles  très  fortes, 
accumulées  et  très  fragiles  ;  ailes  supérieures  à  cellule  discoidale 
courte  et  fermée,  le  troisième  rameau  costal  formant  une  aréole  avec 
le  tronc  des  rameaux  inférieurs  et  déviant  pour  aboutir  au  bord 
externe  ;  troisième  rameau  inférieur  passant  sur  celui-ci  pour  aboutir 
à  la  côte;  nervure  composée  postérieure  dédoublée  pour  former  une" 
aréole  avant  les  rameaux,  chaque  tronc  en  donnant  deux;  deux  ner 
vures  simples  postérieures,  la  seconde  dédoublée  à  la  base  pom"  former 


CASTNIA.  277 

une  aréole  d'où  sort  un  rameau  qui  meurt  avant  le  bord  interne; 
existence  d'un  frein.  Six  pattes  ambulatoires.  Jambes  robustes,  à  épe- 
rons développés.  —  Chenilles  cylindroïdes,  décolorées,  vivant  dans  l'inté- 
rieur des  bulbes  ou  dans  le  tronc  des  végétaux  (Bananiers).  —  Chrysa- 
lides arrondies,  non  anguleuses,  garnies  de  petites  épines  sur  le  bord 
des  anneaux. 

Les  Castniens  sont  des  Lépidoptères  tous  propres  aux  régions  équa- 
toriales.  Ils  volent  pendant  le  jour,  mais  leurs  ailes  maintenues  parle 
frein  sont,  au  repos,  inclinées  en  toit  sur  le  corps,  à  la  façon  des  Bom- 
byciens.  C'est  une  tribu  ambiguë,  à  cause  de  la  massue  des  an- 
tennes, qui  se  lie  à  des  mœurs  diurnes  ;  mais  si  on  ne  la  place  pas  à 
la  fin  des  Rhopalocères,  on  est  obligé  de  commencer  par  elle  les  Hélé- 
rocères.  Les  chenilles  des  Castniens  ont  été  longtemps  inconnues. 
M.  C.  Bar  (op.  cit.,  Ann.  Soc.  eut.  de  Fr.,  1878,  p.  16  et  38)  a  bien  con- 
staté leur  manière  de  vivre  à  la  Guyane,  déjà  indiquée  par  Boisduval , 
et  a  créé  pour  ce  groupe  la  section  des  Endophytes,  venant  dans  sa 
méthode  après  les  Enroulés  (Hespériens;;  elles  restent  soustraites  à  la 
lumière,  rongeant  l'intérieur  des  troncs  et  des  stipes  des  Musacées 
et  des  Palmiers  :  mœurs  pareilles  à  celles  des  chenilles  des  Cossiens 
et  desSésiens,  tribus  peu  éloignées  des  Castniens. 

CASTIflA,  Fabr.  —  Corps  robuste,  très  épais.  Antennes  assez  rapprochées  à 
leur  base,  grandes,  mais  beaucoup  moins  longues  que  le  corps,  renflées  vers 
leur  extrémité  en  une  massue  prononcée  et  fusiforme,  que  termine  à  l'extrémité 
un  petit  crochet  soyeux.  Yeux  1res  grands.  Palpes  ne  dépassant  pas  le  bord 
du  chaperon,  appliqués  contre  la  face  inférieure  de  la  tète,  grêles,  avec  le 
second  article  allongé  et  le  dernier  très  petit.  Thorax  très  épais,  avec  les  pté- 
rygodes  ou  épauleltes  grands  et  allongés,  couverts  d'écaillés  fort  grandes,  ainsi 
que  la  base  des  ailes  et  de  l'abdomen,  écailles  qui  imitent  en  petit  les  plumes 
d'un  oiseau.  Ailes  grandes  et  longues,  les  supérieures  coupées  obliquement  à 
leur  extrémité,  les  inférieures  n'ayant  pas  de  cellule  discoïdale  distincte. 
Pattes  de  la  première  paire  courtes  et  grêles,  celles  des  deuxième  et  troisième 
paires  très  fortes,  ces  dernières  munies  de  quatre  épines  à  leur  extrémité  et 
les  autres  de  deux.  Tarses  aussi  longs  que  les  jambes,  terminés  par  des  cro- 
chets petits  et  arqués.  Abdomen  long  et  gros,  renflé  en  fuseau,  conoïde  au 
bout,  souvent  terminé  par  un  court  pinceau  de  poils. 

Les  Castnies  appartiennent  aux  régions  chaudes  de  l'Amérique  méri- 
dionale, principalement  aux  Guyanes  et  au  Brésil,  s'avançant  jusqu'au 
sud  de  cette  grande  région,  belles  comptent  un  assez  grand  nombre 
d'espèces,  toutes  d'une  taille  souvent  très  grande  et  parées  générale- 
ment de  belles  couleurs.  On  en  connaît  plusieurs  espèces  depuis  long- 
temps, décrites  et  figurées  dans  Cramer:  ainsi  les  C.  Dœdalus,  Pylades, 
Harmodius,  Lycus,  Palatines,  etc.  Nous  représentons  le  C.  Acrœides, 
Gray,  Boisd.,  du  Brésil  (pi.  i.xxxvir,  tig.  Zi),  espèce  que  Boisduval  a  pla.cée 


278  LÉPIDOPTÈRES. 

plus  tard  dans  son  genre  Orthia.  On  dit  que  la  chenille  vit  dans  cer- 
taines espaces  de  Broméliacées.  Le  corselet  et  l'abdomen  sont  bruns  en 
dessus,  le  ventre  ayant  les  anneaux  jaunâtres  avec  les  articulations 
noires.  Les  ailes  supérieures  sont  d'un  brun  jaunâtre  avec  bandes  nua- 
geuses brun.ltres,  les  inférieures  fauves  avec  une  large  bordure  noire 
lisérée  extérieurement  de  jaune  terne;  les  nervures  des  ailes  des  deux 
paires  sont  fortement  marquées  en  noir.  Gray  a  donné  {Trans.  entom. 
Soc.  of  London,  1838,  II,  IZjO)  If  Synopsis  du  genre  Castnia,  où  il  admet 
vingt-neuf  espèces,  avec  la  citation  des  travaux  antérieurs,  notamment 
de  la  Monographie  de  Dalman  (1825),  qui  n'en  comptait  que  dix-sept 
espèces.  Le  nombre  des  espèces  de  Castnies  est  encore  augmenté  par 
les  découvertes  plus  récentes,  car  Boisduval  en  décrit  cinquante-trois  du 
genre  Castnia,  réduit,  dans  son  Species  des  Sphingides,  Sésiides,  Cast- 
nides,  publié  en  187Zi.  Ce  sont  des  papillons  qui  volent  en  plein  jour 
à  l'ardeur  du  soleil  avec  une  grande  rapidité,  aimant  à  se  reposer  à 
plat  sur  la  terre  ou  sur  le  tronc  des  arbres,  comme  des  Catocala  (Noc- 
tuéliens),  et  butinant  à  certaines  heures  sur  les  fleurs  à  la  façon  des 
Sphingiens.  Les  chenilles,  de  couleur  rougeâtre  étiolée  ou  blanchâtre, 
sont  munies  de  petits  tuhercules,  portant  chacun  un  petit  poil,  très 
court,  peu  apparent,  et  d'une  plaque  cornée  écailleuse  sur  le  premier  et 
sur  le  dernier  segment.  Armées  de  fortes  mandibules,  elles  rongent 
l'intérieur  de  diverses  espèces  de  Bananiers  [Musa  sapienthim,  paradi- 
siaca,  etc.),  dans  les  bulbes  des  Orchidées,  dans  les  Broméliacées,  vers 
la  racine  ou  dans  les  tiges  des  Cactus,  etc.  Lorsque  arrive  l'époque  de 
l'éclosion,  les  chrysalides  exécutent  les  mômes  manœuvres  que  celles 
des  Sésies,  se  mouvant  dans  la  galerie  à  l'aide  des  petites  pointes  qui 
garnissent  le  bord  des  anneaux,  et  avançant  la  partie  antérieure  vers 
l'orifice  ménagé  par  la  chenille,  afin  que  le  papillon  puisse  aisément 
sortir.  Boisduval  a  ajouté  au  genre  Castnia  quelques  genres,  qui  sont 
plutôt  des  sous-genres.  11  en  est  deux  ayant  les  palpes  très  velus,  appli- 
qués fortement  sur  le  front,  non  divergents,  à  articles  indistincts,  les 
antennes  terminées  par  une  petite  pointe,  sans  houppe  soyeuse.  Ce 
sont  les  Ceretes  (trois  espèces  du  Brésil)  et  les  Orthia,  du  Brésil,  de  la 
Guyane,  des  bords  de  l'Amazone.  Les  Gazera  de  Boisduval  ont  un 
aspect  d'Héliconies,les  antennes  en  massue  allongée,  terminée  par  une 
petite  houppe  soyeuse  à  peine  visible,  les  palpes  courts,  de  trois  articles, 
dont  les  deux  premiers  confondus,  le  troisième  très  distinct,  nu  et 
pointu,  l'abdomen  cylindroïde,  un  peu  plus  long  que  les  ailes  infé- 
rieures; espèces  de  la  Guyane  française,  du  Brésil,  de  Guyaquil,  de  la 
Nouvelle-Grenade,  de  Panama,  de  Colombie. 

Il  y  a  certains  genres,  de  place  fort  incertaine,  que  nous  rangerons 
après  les  Castniens.  Tel  est  d'abord  le  genre  australien  Synemon,  Dou- 
bleday,  tout  à  fait  anormal  pour  la  nervulation,  et  qui  paraît,  dans  une 
certaine  mesure,  représenter  les  Castnies  sur  le  vaste  continent  de 
l'Australie.  Les  antennes  sont  terminées  par  une  massue  en  fuseau 


CASTNIA.  279 

court,  bien  prononcé,  comme  chez  beaucoup  de  Rhopalocères,  plus  ou 
moins  mucroné  à  l'extrémité,  laquelle  est  en  outre  garnie  d'une  très 
petite  houppe  soyeuse,  plus  ou  moins  visible;  les  palpes  sont  courts,  à 
trois  articles  couverts  de  poils  écailleux;  l'abdomen,  cylindrico-conique, 
se  termine  chez  les  mâles  par  un  petit  pinceau  anal  et  chez  les  femelles 
par  un  petit  ovidiicte  saillant,  ce  qui  semble  indiquer  que  les  chenilles 
doivent  vivre  à  l'intérieur  des  végétaux,  comme  celles  des  Castnies  et 
des  Sésies;  les  pattes  antérieures  sont  courtes,  avec  les  jambes  munies 
d'une  épine  aiguë,  les  tarses  épineux,  avec  le  premier  article  très  long; 
les  ailes  entières,  garnies  d'écaillés  assez  grossières,  les  inférieures 
pourvues  d'un  frein  comme  chez  les  Castnies.  On  compte  jusqu'à  pré- 
sent une  dizaine  d'espèces  de  Synemon  décrites  ou  figurées,  qui  ont 
toutes  les  ailes  inférieures  jaunes  avec  des  fascies  noires.  La  plus 
ancienne  espèce  connue  est  le  S.  Sophia,  White,  des  environs  du  port 
du  Roi-Georges,  et  qui  fut  d'abord  prise  pour  un  Hespérien. 

Le  genre  Coronis,  Latr.,  a  été  fondé  pour  de  beaux  papillons,  géné- 
ralement ornés  de  riches  couleurs,  qui  habitent  l'Amérique  chaude 
(Mexique,  Colombie,  Brésil  intérieur).  Les  antennes  sont  assez  épaisses, 
distinctement  renflées  avant  le  sommet,  à  articles  évasés  et  munis  d'un 
poil  court  à  leur  bord  interne.  Les  palpes  sont  très  développés,  ascen- 
dants, ayant  le  second  article  hérissé  de  longs  poils  sur  la  tranche,  le 
troisième  très  long,  nu,  filiforme,  puis  subspatulé  et  coudé  sur  le  pré- 
cédent. Spiritrompe  longue  et  robuste.  Pattes  toutes  semblables  et 
assez  longues.  Ailes  veloutées,  assez  épaisses,  les  supérieures  à  bord 
interne  convexe,  ornées  de  deux  bandes  distinctes,  les  inférieures  mu- 
nies d'un  frein  long  et  sétiforme,  terminées  au  bord  inféro-externe  par 
une  queue  courte,  en  forme  de  spatule  obtuse,  ces  ailes  inférieures 
ornées,  le  plus  souvent,  d'une  bande  de  couleurs  vives  ou  tranchées,  et 
bordées  à  l'extrémité  terminale  de  taches  noires  à  peine  ocellées. 
Abdomen  sans  lignes  distinctes.  Dans  ce  genre  Coron«s,  nous  citerons' 
C.  Leachi,  Godart,  du  Brésil  (province  du  Saint-Esprit)  et  du  Mexique, 
espèce  répandue  dans  les  collections,  et  que  nous  représentons 
pi.  Lxxxvii,  fig.  3.  Les  ailes  antérieures,  d'un  gris  nébuleux,  ondées  de 
noir,  sont  traversées  par  une  bande  sinueuse  noire  extérieurement 
doublée  de  blanchâtre,  avec  un  prolongement  de  même  couleur  vers 
le  bord  externe  ;  les  ailes  inférieures,  que  ne  traverse  pas  de  bande 
colorée,  sont  brunes,  comme  le  corps,  avec  frange  jaunâtre  et  une 
tache  blanche  contre  le  bord,  au  sommet.  Ajoutons,  dans  ce  môme 
genre  Coronis,  C.  Evenus,  Boisduval,  du  Venezuela  et  de  Colombie  ; 
C.  Egina,  E.  Blanch.,  du  Brésil,  etc.  Nous  indiquerons  encore  spéciale- 
ment une  très  rare  espèce  des  environs  de  Cayenne  et  de  Surinam,  et 
aussi  de  la  province  du  Saint-Esprit  (Brésil),  anciennement  figurée  sur 
un  mâle,  le  C.  Orithea,  Cramer,  de  60  millimètres  d'envergure,  dont  le 
fond  des  ailes  est  d'un  brun  noir,  les  supérieures  traversées  par  deux 
bandes  d'un  rose  carné,  les  inférieures  avec  une  grande  tache  discoïdale 


280  LÉPlDOPïfclŒS. 

semi-lunajre,d'im  bleu  a/Airé  vif,  continuée  par  une  bande  d'un  carné 
violStre,  qui  va  rejoindre  l'angle  anal,  ces  ailes  inférieures  terminées 
par  trois  lunules  noires,  surmontées  de  violet,  entre  l'angle  anal  et  la 
queue,  celle-ci  ayant  l'extrémité  d'un  blanc  terne. 

M.  Westwood  (1)  place  le  genre  Coronis,  dont  il  a  cru  devoir  cîianger 
le  nom  en  celui  de  Coronidia,  dans  la  famille  des  Uranidœ  (notre  tribu 
des  Uraniens)  et  dans  le  groupe  B  des  Sematuridœ.  Il  en  décrit  vingt 
espèces  qu'il  divise,  pour  les  collections,  en  quatre  sections  :  1"  ailes 
postérieures  à  bandes  bleues,  ex.  :  C.  Orithea,  Cramer,  C.  Hyphasis, 
floppffer,  du  Mexique,  C.  Ilijsudrus,  Hoppifer,  du  Mexique  et  du  Bré- 
sil, etc.  ;  2°  ailes  postérieures  à  bandes  rousses,  ainsi  ;  C.  Egina  et  d'au- 
tres nouvelles  du  Brésil,  de  Colombie,  du  Nicaragua,  du  Guatemala,  de 
Bogota;  3°  ailes  postérieures  à  bandes  fauves,  telles  C.  Japef,  Boisd.,  du 
Brésil,  C.  Ducatrix,  Schaufuss,  du  Venezuela,  C.  Echenais,  Hoppffer,  du 
Mexique,  du  Venezuela,  de  la  Nouvelle-Grenade,  C.  Biblina,  Westw.,  du 
Nicaragua  et  du  Venezuela;  ti°  ailes  postérieures  sans  bandes,  ex.  : 
(7.  Leachi,  Godart,  et  Evenns,  Boid.  M.  Westwood  a  figuré  la  chenille  à 
seize  pattes  d'un  Coronas  voisin  de  Orithea,  et  sa  chrysalide  avec  spiri- 
trompe  saillante,  fourreaux  alaires  plissés  et  éperon  caudal. 

M.  Guenée  (Species  des  Lépidoptères,  1857,  t.  TX,  p.  16)  avait  déjà 
réuni  au  genre  Goronis,  dans  une  même  famille,  celle  dos  Sématurides, 
le  genre  Sematura,  Dalman,  ayant  la  plupart  des  caraclères  des  Goro7us, 
notamment  les  palpes  si  remarquables,  mais  dont  les  antennes  sont 
minces,  à  articles  très  peu  distincts,  à  renflement  peu  sensible  et  à 
pointe  à  peine  arquée,  qui  offrent  un  toupet  frontal  velu,  aplati  en 
dessus,  le  thorax  déprimé,  rayé  en  longueur,  ainsi  que  l'abdomen, 
celui-ci  court,  cylindro-conique  dans  les  deux  sexes,  les  pattes  longues 
et  grêles,  les  ailes  minces,  à  dessins  et  couleurs  analogues  aux  deux 
.  paires,  traversées  par  des  lignes  fines  et  sans  bandes  principales,  lés 
supérieures  triangulaires,  entières,  prolongées  au  sommet  chez  les 
mâles,  les  inférieures  à  frein  développé,  fortement  dentées,  terminées 
par  une  longue  et  large  queue,  étalée  en]  spatule  ou  en  raquette  et 
marquée  de  deux  grands  yeux  complets.  Les  Sématures  sont  de  très 
grands  papillons,  propres  aux  diverses  contrées  de  l'Amérique  méri- 
dionale, offrant  le  gris,  le  brun  etl'ocracé  comme  principales  couleurs  ; 
leur  aspect  est  phaléniforme  (Urapteryx,  Boarmia,  etc.),  et  rappelle  à 
la  fois  les  Uraniens  et  les  Phaléniens.  M.  "Westwood  a  changé  le  nom  du 
genre  en  celui  de  Manidia. 

L'espèce  la  plus  anciennement  connue  est  le  S.  Lunus,  Lin.,  du 
Honduras  et  du  Brésil,   de  grande  taille,  75  millimètres  d'envergure, 

(1)  Observations  on  llie  Uranidœ  ,  a  famiiy  of  Lepidopterous  Insects,  witli  a 
Synopsis  of  the,  Family  and  a  Monograpli  of  Coronidia,  one  of  the  Gênera  of 
which  it  is  composée!  [Trans.  of  the  7.ool.  Soc,  I.  X,part.  12,  1870,  p.  507, 
avec  4  pi.,  2  noires,  2  coloriées). 


^COGERA.  281 

avec  les  ailes  d'un  brun  de  terre  d'ombre  clair,  traversées  par  une  mul- 
titude de  lignes  fines  et  ondulées,  d'un  roux  ocreux,  les  inférieures 
profondément  dentées,  avec  une  longue  et  large  queue,  spalulée  en 
dedans,  ornée  de  deux  ocelles  noirs  et  terminée  par  un  dessin  en 
forme  de  crosse  noirâtre,  avec  une  liture  blanche  et  d'où  naît 
un  filet  noir  qui  borde  toute  la  partie  interne  de  la  spatule.  On 
signale  plusieurs  autres  espèces  de  Sématures,  ressemblant  beau- 
coup à  la  précédente  et  qui  n'en  sont  peut-être  que  des  races,  suivant 
M.  Guenée. 

Xous  terminerons  par  deux  genres  anormaux,  dont  nous  ne  garan- 
tissons nullement  la  véritable  position;  s'ils  se  rapprochent  des  Cast- 
niens  par  le  caractère  des  antennes,  ils  ressemblent  aux  Zygéniens  sous 
d'autres  points  de  vue,  et  Boisduvalles  y  réunit  dans  sa  Monographie 
des  Zygéuides,  1829  (p.  Il  et  13).  Le  genre  Hecatesia,  Boisduval,  pré- 
sente des  antennes  hérissées,  à  articles  assez  distincts  jusqu'à  la  massue 
fusiforme  terminale  rappelant  celle  des  Nymphales,  à  palpes  très  velus, 
à  articles  peu  distincts,  ne  dépassant  pas  le  chaperon,  avec  le  dernier 
article  très  court,  la  spiritrompe  roulée  en  spirale  au  repos,  le  thorax 
très  velu,  les  ailes  très  bombées  et  comme  voûtées  par  leur  bord  anté- 
rieur, se  couchant  au  repos  sur  le  corps.  L'unique  espèce  est  17/.  fe- 
nestrata,  Boisd.,  de  l'Australie  méridionale,  avec  une  large  tache 
ransparente  le  long  de  la  côte,  ofl'rant  une  forte  duplicature  à  son 
rebord  costal.  L'autre  genre  est  le  suivant  : 

JSCiOCERit,  Latreille.  —  Antennes  fusiformes,  renflées  au  milieu  au  moins  chez 
les  mâles,  dépourvues  de  houppe  écailleuse  à  leur  extrémité.  Palpes  dépassant 
le  chaperon  d'une  manière  remarquable,  ayant  le  second  article  très  velu, 
garni  de  poils  fascicules  réunis  en  une  sorte  de  bec.  Ailes  un  peu  en  toit  dans 
le  repos,  entièrement  couvertes  d'écaillés,  sans  taches  vitrées,  les  supérieures 
triangulaires.  Jambes  couvertes  d'écaillés  allongées.  Un  pinceau  de  poils  à 
l'extrémité  anale  de  l'abdomen  des  mâles,  manquant  chez  les  femelles. 

Le  type  de  ce  genre,  décrit  par  Latreille,  est  VjE.  Vemilia,  du  Ben- 
gale. Les  premières  ailes  sont  d'un  brun  ferrugineux  plus  ou  moins 
obscur,  avec  une  bande  blanche  longitudinale,  allant  de  la  base  au 
sommet,  dilatée  en  son  milieu  en  un  petit  angle,  bordée  par  une  ligne 
rouge  et  marquée  de  trois  points  de  la  même  couleur;  les  ailes  infé- 
rieures sont  d'un  jaune  fauve  avec  une  large  bordure  et  une  tache  dis- 
coïdale  d'un  brun  clair.  Nous  figurons,  d'après  Boisduval,  pi.  lxxxviii, 
fig.  2,  la  femelle  d'une  espèce  très  voisine,  à  bande  blanche  sans 
angle,  VjE.  Reciiiinea,  Boid.,  de  Sierra-Leone.  Il  y  a,  d'après  Guérin- 
Méneville,  une  troisième  espèce  du  Sénégal.  v£.  Menete,  Cramer. 


282  LÉPIDOPTÈHES. 


TillBU   DES  HÉPIAIilEHS. 

Antennes  souvent  très  courtes,  moniliformes  ou  dentées.  Palpes 
très  petits.  Spiritrompe  nulle  ou  rudimentaire.  Thorax  bombé,  squa- 
meux ou  très  velu,  long  et  grêle.  Ailes  minces,  allongées;  étroites,  les 
inférieures  un  peu  moins  longues  que  les  supérieures,  mais  semblant 
taillées  sur  le  même  modèle;  cellule  discoïdale  des  ailes  supérieures 
divisée  en  trois  aréoles,  la  supérieure  plus  courte;  nervures  du  bord 
externe  aboutissant  au  milieu  de  ce  bord,  la  supérieure  n'étant  pas 
développée  ordinairement;  pas  d'aréole  entre  les  rameaux  de  la  ner- 
vure composée  antérieure.  Abdomen  cylindroïde  et  allongé,  dépassant 
beaucoup  les  ailes  inférieures.  —  Chenilles  allongées,  cylindriques, 
à  fortes  mandibules,  souterraines  et  rongeant  les  racines  des  plantes.  — 
Chrysalides  allongées  et  cylindroïdes,  épineuses  sur  les  segments  de 
l'abdomen. 

M.  Guence  donne  à  cette  tribu,  qui  se  compose  surtout  du  genre 
Hepialus,  le  nom  A'Infrenatœ,  parce  que  les  papillons  n'ont  ni  frein,  ni 
spiritrompe,  ni  stemmates,  et  de  Terricolœ,  en  raison  des  mœurs  des 
chenilles  décolorées  et  toujours  souterraines;  elles  ne  vivent  pas  à 
l'intérieur  des  racines  qu'elles  rongent,  mais  auprès,  se  logeant  dans 
de  longs  tubes  soyeux,  allant  de  la  racine  à  la  surface  du  sol.  C'est 
près  de  celle-ci  qu'elles  deviennent  chrysalides  dans  une  coque  revêtue 
à  l'extérieur  de  molécules  de  terre  et  tapissée  intérieurement  d'un 
tissu  de  soie  mince  et  serré;  cette  coque  est  deux  fois  plus  longue  que 
la  chrysalide  et  celle-ci  peut  y  avancer  ou  reculer  à  son  gré  en  faisant 
des  ondulations  au  moyen  des  épines  dont  son  abdomen  est  armée  ; 
c'est  ainsi  qu'elle  avance  sa  partie  antérieure  contre  l'extrémité  de  la 
coque  qui  affleure  au  sol,  de  sorte  que  le  papillon  sort  aisément  au 
printemps.  On  serait  tenté  de  croire  que  les  Hépialiens  ont  les  an- 
tennes toujours  extrêmement  courtes,  comme  cela  a  lieu  dans  la  plu- 
part des  espèces  d'Europe,  et  chez  beaucoup  d'exotiques  ;  mais  VAban- 
tiades  sordida,  Hépialien  d'Australie,  qui  est  très  voisin  pour  tout  le 
reste  de  nos  Hepialus  Camus,  Velleda,  etc.,  a  les  antennes  très  longues 
et  très  fortement  pectinées. 

nGPl.il.us,  Fabr.  —  Corps  assez  grêle  et  velu.  Antennes  très  courtes,  parfois 
de  longueur  moyenne,  toujours  grêles,  moniliformes  ou  dentées  au  côté  interne 
dans  les  deux  sexes.  Palpes  très  courts  et  très  velus.  Pas  de  spiritrompe.  Cor- 
selet long  et  velu.  Ailes  toujours  longues,  étroites,  peu  robustes,  elliptiques 
ou  lancéolées,  en  toit  dans  le  repos.  Abdomen  grêle,  comme  vide  chez  les 
mâles,  très  long  chez  les  femelles.  —  Chenilles  à  seize  pattes,  grêles,  allon- 
gées, offrant  chacun  des  segments  de  leur  abdomen  garni  de  petites  épines 
très  courtes  dirigées  en  arrière,  qui  les  rendent  rugueux  au  toucher. 


HEPIALUS.  283 

Les  Hépiales  adultes  sont  des  insectes  de  couleurs  peu  brillantes, 
dont  les  ailes  sont  mal  garnies  d'écaillés,  au  point  d'Être  souvent  à 
demi  transparentes.  Ces  ailes,  oblongues,  obliquement  découpées,  ont 
en  outre  une  conformation  spéciale  :  leurs  points  d'insertion,  sur  un 
même  côté  du  thorax,  paraissent  sensiblement  plus  éloignés  entre  eux 
que  chez  les  autres  Lépidoptères;  en  outre,  les  ailes  inférieures,  au 
lieu  d'avoir  le  bord  antérieur  arrondi,  l'ayant  au  contraire  droit  et 
même  évidé,  il  en  résulte  que,  lorsque  l'insecte  a  les  ailes  étendues, 
les  supérieures  touchent  à  peine  les  inférieures,  de  sorte  que  le  pa- 
pillon rappelle  un  peu.  les  Libellules  par  son  port  d'ailes. 

Les  femelles  sont  très  différentes  des  mâles,  bien  plus  grandes,  autre- 
ment colorées.  Le  corps  est  peu  consistant,  l'abdomen  presque  vide, 
surtout  chez  les  mâles,  ce  qui  ne  les  empêche  pas  d'avoir  le  vol  sou- 
tenu et  assez  vigoureux.  Les  Hépiales  volent  toujours  très  près  de  terre, 
en  tourbillonnant,  surtout  dans  les  prairies  et  dans  les  bois,  et  exclusi- 
vement le  soir  après  le  coucher  du  soleil  ;  dans  la  journée  les  papil- 
lons se  tienneut  cachés  sous  les  plantes  basses  ou  accrochés  à  quelque 
brin  d'herbe. 

L'Europe  ne  compte  guère  plus  d'une  dizaine  d'espèces  du'genre 
Hepialus,  dont  nous  ne  décrirons  brièvement  que  les  plus  communes. 
La  plus  grande  de  beaucoup  est  VH.  humuli,  Linn.  Le  mâle,  de  50  mil- 
limètres d'envergure,  a  les  quatre  ailes  d'un  blanc  argenté  et  sans 
taches,  avec  la  frange  d'un  rouge  fauve.  La  femelle,  notablement  plus 
grande,  offre  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  d'ocre,  avec  deux  bandes 
obliques  et  la  frange  d'un  rouge  fauve,  les  inférieures  d'un  jaune 
obscur  et  l'extrémité  légèrement  rougeâtre.  La  chenille  de  l'Hépiale 
du  houblon  (pi.  lxxxix,  fig.  7),  est  d'un  jaune  roussâtre  clair,  avec  la 
tête  et  le  prothorax  d'un  brun  fauve  et  les  stigmates  noirs  très  appa- 
rents. Cette  espèce  est  septentrionale,  assez  rare  aux  environs  de  Paris, 
plus  commune  dans  le  nord  de  la  France  et  dans  le  nord-est,  Jura,  Al- 
sace, Doubs,  etc.,  au  Mont-Dore,  dans  la  Creuse,. mais  rare  en  Suisse, 
en  Angleterre  {the  Gost.),  en  Allemagne,  causant  souvent  de  grands  ra- 
vages dans  les  plantations  de  houblon,  dont  elle  dévore  les  racines, 
rongeant  aussi  celles  de  la  bryone  ou  couleuvrée.  La  chenille  passe 
l'hiver  entre  les  racines  et  se  chrysalide  en  avril  dans  une  coque  longue 
et  cylindrique,  dont  le  bout  postérieur  n'est  fermé  que  par  quelques 
fils  lâches.  Le  papillon  paraît  en  juin  et  en  juillet.  —  L'JÏ.  Lupulinus, 
Linn.  syn.  {Flina,  Schiffermuller),  la  Louvelte  d'Engramelle,  (pi.  xxxix, 
tig.  1),  de  25  à  30  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un 
rouge  jaunâtre  obscur,  avec  deux  bandes  d'un  blanc  jaunâtre,  obliques, 
sinuées,  légèrement  bordées  de  noir,  se  réunissant  au  bord  interne  et 
formant  un  V  très  ouvert  dans  lequel  il  y  a  un  trait  blanc  jaunâtre  lon- 
gitudinal; en  outre  une  rangée  marginale  de  points  de  même  cou- 
leur ;  ailes  inférieures  d'un  cendré  brunâtre,  avec  la  frange  plus  claire  ; 
corps  d'un  brun  noirâtre  ;  antennes  et  pattes  fauves.  Femelle  pareille 


28Û  LÉPIDOPTÈRES. 

au  mâle  pour  le  dessin,  mais  ayant  ordinairement  le  fond  des  ailes  et 
le  corps  d  un  cendré  pâle.  Chenille  blanchûtre,  à  tête  brune,  vivant 
en  janvier  et  février,  puis  eu  juin,  entre  les  racines  des  Graminées, 
des  Aster,  des  Virgaurea,  s'élevant  facilement  dans  des  pots  à  fleurs  où 
l'on  plante  des  racines.  Papillon  commun  en  mai,   puis  en  août,  un 
peu  moins,  dans  les  prairies  au  crépuscule,   existe  en  Angleterre  {ihe 
Common  Small  Svift).  —  H.  Silvinus,  Linn.,  la    Siivine    d'Engramelle, 
espèce  assez  commune  partout,  the  Orange  Svift  des  Anglais,  en  mai, 
puis  un  peu  moins  en  août,  et  quelquefois  en  octobre,  volant  le  soir 
dans  les  prairies,  les  champs  et  les  lisières  des  bois,  variant  beaucoup 
de  coloration   et  de  taille.  Mâle  de  32  à  35  millimètres  d'envergure, 
les  ailes  supérieures  d'un  rouge  briquelé  clair  ou  d'un  brun  grisâtre, 
avec  deux  bandes  blanches  obliques,   très  écartées  vers  la  côte,  pres- 
que convergentes  vers  le  bord  interne  et  embrassant  un  C  blanc  dont 
la  convexité  est  en  bas,  plusieurs  taches  brunes  le  long  de  la  côte  et 
deux  lignes  en  zigzag  vers  le   bord    externe;  ailes  inférieures  d'un 
brun  cendré  sans  taches;  antennes  ferrugineuses;  corps  de  la  couleur 
des  ailes  supérieures  avec  l'anus  terminé  par  trois  petits  faisceaux  de 
poils  d'un  rouge  fauve.  Femelle  semblable  au   mâle  mais  plus  grande 
que  lui.  Chenille  s'élevant  facilement  comme  celle  de  l'espèce  précé- 
cédente,   allongée,  blanchâtre,  à  petits  points  noirs  et  à  tête  rousse, 
vivant  pendant  tout  l'hiver  et  aussi  en  juin  entre  les  racines  des  Gra- 
minées, de  la  sauge  des  prés,   des  carottes,   des  bryones,  des  valé- 
rianes, etc.  —  H.  Hectus,  Linn,  espèce  septentrionnale  de  France,  d'Al- 
lemagne, d'Angleterre   (the  Gold  Svift),  la    Patte  en  masse  de  De  (îéer, 
l'Hépatique  d'Engramelle,  36  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle;  les 
ailes  supérieures  d'un  brun  roussâtre  clair,  avec  deux  bandes  trans- 
verses   obliques  de    taches  nacrées,  inégales,  souvent  interrompues 
et  une  rangée  terminale  de  petits  points  d'un  blanc  nacré  ;  les  ailes  in- 
férieures  d'un  brun  obscur  quelquefois    un   peu  roussâtre,  avec  la 
frange  plus  claire,  parfois  avec  des  taches  allongées  et  argentées  entre 
les  nervures;  le  corps  et  les  antennes  d'un  jaune  roussâtre.   Le  mâle 
répand  une  odeur  aromatique  très  prononcée.  Femelle  ayant  les  ailes 
supérieures    d'un  brun   ferrugineux,  avec    les  taches  et   les   bandes 
obliques  très  variables  et  d'une  couleur  cendrée.  De  Géer  a  donné  à 
cette  espèce  le  nom  de  Patte  en  masse    parce  que  ses  patles  posté- 
rieures offrent,  au  lieu  de  jambe  et  de  tarse,  une  masse  luisante  et  en 
forme  de  poire  aplatie,  s'articulant  par  le  petit  bout  à  l'extrémité  de  la 
cuisse.  De  Géer  soupçonne  que  ces  deux  masses  servent  à  tenir  l'in- 
secte en  équilibre  quand  il  vole.  Sa  manière  de  voler  a,  en  effet,  quel- 
que' chose    de   singulier  :    il   s'élève    à  environ   30  centimètres  au- 
dessus  du  sol,  et,  à  cette  distance,  il  parcourt  rapidement  un  espace 
très  borné,  allant  sans  cesse  de  droite  à  gauche  et  de  gauche  à  droite. 
Si  on  le  touche,  il  se  laisse  tomber  et  reste  immobile  en  repliant  ses 
pattes  contre  le  corps.  Comme  le  mâle  seul  présente  la  singulière  cou- 


IIEPIVLUS.  —  COSSlliNS.  2H5 

formation  des  patlcs  postérieures  que  nous  avons  indiquée,  je  suis  porté 
à  croire  qu'elle  se  lie  plutôt  à  quelque  particularité  d'accouplement. 

L'H.  Hectus  est  une  espèce  beaucoup  moins  commune  que  les  deux 
Hépiales  précédentes  et  surtout  plus  localisée  ;  elle  vole  en  juin  et  juil- 
let au  coucher  du  soleil  dans  les  bois  et  sur  les  lisières  des  bois,  sur 
les  bruyères,  dont  la  chenille  ronge  les  racines  et  les  buissons,  se  trouve 
aux  environs  de  Paris,  dans  le  Doubs,  Saône-et-Loire  et  le  Morvan 
(Constant),  en  Alsace,  dans  l'Indre,  aux  Grandes  d'Ardentes,  mais  rare 
(Maurice  Sand),  etc. 

Nous  citerons  seulement  quelques  autres  Hépiales  de  France,  qui 
sont  des  montagnes.  Ainsi,  //.  Velleda,  Iliibner,  des  Alpes,  fin  juin  et 
juillet,  du  Iloheneck,  dans  les  Vosges,  du  Mont-Dore,  en  Auvergne, 
d'Angleterre  {the  Bcautiful  Svifty,  H.  Camus,  Esper,  espèce  rare,  prise 
en  juillet  à  la  Grande-Chartreuse,  dans  l'Isère,  existant  aussi  dans  la 
Gironde  (ïrimoulct);  //.  Ganna,  Hûbn.,  des  Pyrénées-Orientales  (Cani- 
gou,  le  Vernet)  et  des  Basses-Alpes,  dans  les  prairies  élevées  de  Mal- 
morte, en  juillet;  H.  Pyrenaicus,  Donzel,  à  ailes  supérieures  d'un  brun 
noirâtre,  semées  confusément  d'un  grand  nombre  de  taches  blanchâtres, 
la  frange  brune,  les  ailes  inférieures  brunes,  à  frange  blanche,  la  tête, 
les  antennes  et  le  corps  bruns.  La  femelle,  par  un  exemple  de  dégra- 
dation que  nous  retrouverons  chez  d'autres  Hétérocères,  ne  peut  voler, 
n'ayant  que  des  rudiments  d'ailes  plus  ou  moins  grands,  de  même  colo- 
ration au  reste  que  chez  le  mâle.  Cette  espèce  a  été  découverte  en 
1835  par  M.  Donzel,  en  juillet,  sur  la  montagne  de  Cambrusdase  (Pyré- 
nées-Orientales), près  Mont-Louis,  vallée  d'Eyna,  à  2/iOO  mètres  d'alti- 
tude, et  se  trouve  aussi  aux  environs  de  la  Preste  et  de  Gavarnie. 

Parmi  les  Hépiales  exotiques,  on  doit  citer  une  très  tirande  et  belle 
espèce  du  Cap  de  Bonne-Espérance,  1'//.  Venus,  Cramer,  à  abdomen 
cylindrique  très  long,  rappelant  les  grandes  espèces  de  Fourmilions 
par  la  forme  de  son  corps,  la  coupe  de  ses  ailes  supérieures  et  leur 
transparence;  les  ailes  supérieures  sont  brunâtres,  tirant  sur  le  jaune  et 
parsemées  d'un  grand  nombre  de  taches  d'argent  de  forme  plus  ou 
moins  allongée;  les  inférieures  sont  rougeâlres,  plus  claires  vers  leur 
région  moyenne,  avec  de  longues  nervures  noirâtres  très  marquées. 


Tribu  des  COSSIEl^S. 

Cette  tribu  forme  la  légion  des  Lignivorœ  de  M.  Guenée.  Corps  ro- 
buste. Abdomen  dépassant  de  beaucoup  les  ailes  inférieures  et  terminé 
chez  les  femelles  par  un  oviscapte  rétractile  plus  ou  moins  saillant. 
Antennes  des  mâles  pectinées  sur  une  longueur  variable,  à  lames 
épaisses  et  courtes  ;  antennes  des  femelles  crénelées  ou  à  lames  très 
courtes.  Deux  stemmates.  Spiritrompe  presque  nulle.  Ailes  en  toit  au 
repos,  avec  frein  rudimentaire  chez  les  mâles.  —  Chenilles  allongées, 


286  LÉPIDOPTÈRES. 

plus  ou  moins  déprimées,  ù  mandibules  fortes,  vivant  dans  l'intérieur 
des  végétaux,  dans  les  tiges  ou  dans  les  racines,  pourvues  de  quelques 
poils  clair  semés,  implantés  chacun  sur  un  petit  tubercule,  et  d'un 
écusson  écailleux  sur  le  prothorax.  — Chrysalides  longues,  cylindroïdes, 
convexes  du  côté  du  dos,  avec  deux  rangées  transversales  d'épines  in- 
clinées en  arrière  sur  chaque  segment  de  l'abdomen,  dont  elles  font 
usage  pour  se  mouvoir  et  se  rapprocher  de  l'ouverture  qui  doit  donner 
passage  à  l'insecte  parfait. 

COSSIDES. 

Front  arrondi.  Antennes  des  mules  pectinées  dans  loule  leur  lon- 
gueur. Thorax  arrondi,  court  et  épais.  Ailes  supérieures  à  cellule  dis- 
coïdale  traversée  par  une  nervure  supplémentaire  et  divisée  en  deux 
aréoles  fermées:  une  aréole  entre  les  rameaux  de  la  nervure  composée 
antérieure;  deux  nervures  simples  au  bord  intérieur.  Abdomen  gros 
et  large.  Un  seul  genre  : 

t'®iﻧ»ajS,  Fabr.  —  Antennes  de  la  longueur  de  la  tête  et  du  corselet  réunis, 
dentées  dans  les  deux  sexes  et  dans  toute  leur  longueur  du  côté  inlerne,  bien 
plus  fortement  chez  les  mâles.  Front  et  thorax  à  poils  ras.  Palpes  cylindriques 
assez  épais,  couverts  d'écaillés  Thorax  bombé.  Ailes  en  toit  au  repos,  nébu- 
leuses, maillées  de  hachures  blanchâtres  et  noirâtres.  Abdomen  et  pattes  squa- 
meux :  pattes  postérieures  des  mâles  recourbées  et  munies  de  deux  paires 
d'éperons  ;  abdomen  épais  et  peu  allongé,  avec  la  tarière  de  la  femelle  souvent 
saillante  après  la  ponte. 

Le  genre  Cossus  ne  comprend  qu'un  petit  nombre  d'espèces.  Le  type 
et  la  seule  espèce  importante  est  le  Cossus  ligniperda,  Linn.,  le  Cossus 
de  Geoffroy,  le  Gâte-bois  {the  Goat  Math  des  Anglais),  répandu  dans  toute 
l'Europe.  Sa  chenille  a  été  prise  près  d'Alger  dans  le  tronc  d'un  caroubier 
(H.  Lucas).  Le  papillon,  de  65  à  70  millimètres  d'envergure,  a  les  anten- 
nes blanches  au  côté  externe  et  noires  au  côté  interne  dentelé;  dessus 
de  la  tête  et  partie  antérieure  du  thorax  roussâtres,  celui-ci  étant  en 
outre  bordé  postérieurement  par  une  bande  noire  courbe,  munie  en 
avant  de  poils  blancs.  Ailes  supérieures  d'un  gris  cendré,  blanchâtre 
par  places,  avec  beaucoup  de  petites  lignes  noires,  transverses  et  ondu- 
lées, en  réseau  plus  ou  moins  confus,  très  marquées  vers  l'extrémité 
de  l'aile;  ailes  inférieures  d'un  gris  cendré,  avec  des  lignes  noires 
réticulées  comme  aux  ailes  supérieures.  Corps  de  la  couleur  des  ailes, 
avec  les  incisions  de  l'abdomen  blanchâtres.  l'emelle  semblable  au 
mâle,  mais  avec  les  antennes  moins  dentées  et  l'abdomen  terminé  par 
une  tarière  tubuléc  au  moyen  de  laquelle  elle  dépose  ses  œufs  sous 
l'écorce  des  arbres.  Les  Cossus  adultes  se  trouvent  en  juin  et  juillet  sur 
les  boulevards,  dans  les  plantations  et  les  vergers,  sur  le  tronc  de 
arbres  qui  bordent  les  routes.  La  chenille  (pi.  lxxxix,  fig.  3)  est  lui- 


cossus.  2S7 

santé,  jaunâtre,  avec  les  segments  du  dos  largement  couleur  de  brique. 
Elle  vit  dans  l'intérieur  du  tronc  des  ormes,  des  saules,  des  bouleaux, 
des  arbres  fruitiers,  des  chênes  plus  rarement,  et  exerce  de  graves 
dégâts,  au  point  de  faire  périr  les  arbres  ou  de  les  affaiblir  beaucoup, 
de  sorte  qu'ils  succomberont  ensuite  aisément  sous  les  attaques  des  Sco- 
lytiens  (Coléoptères).  Ces  chenilles  dégorgent  par  la  bouche  une  liqueur 
acre,  d'odeur  forte  et  repoussante,  et  probablement  destinée  à  ramollir 
les  fibres  du  bois.  Elles  paraissent  très  sensibles  à  l'action  de  l'air,  car 
si  on  les  retire  de  leurs  galeries,  elles  filent  une  sorte  de  toile  pour  se 
mettre  à  l'abri  de  son  contact;   cependant  elles  résistent  très  bien  au 
froid,  car  le  capitaine  Xambeu  en  avait  trouvées  de  gelées  qui  sont 
parfaitement  revenues  à  la  vie.  La  chenille  du  Cossus  gâte-bois  vit  deux 
ans  et  même  parfois  trois;  on  peut  l'élever  assez  bien  avec  des  pommes 
coupées  en  deux.  Elle  se  file,  dans  sa  galerie  ligneuse,  une  coque  com- 
posée de  fils  de  soie  et  de  sciure  de  bois;  comme  toutes  les  chenilles 
endophytes,  à  l'époque  de  cette  nymphose,  elle  se  rapproche  de  la 
circonférence  de  l'arbre,  en  rongeant  intérieurement  l'écorce,  jusqu'à 
n'en  laisser  qu'un  très  faible  disque  qui  sert  d'opercule  à  la  galerie,  et 
qui,  tout  en  cachant  parfaitement  leur  retraite  aux  regards,  cède  à  la 
moindre  pression  et  s'ouvre  sans  effort  pour  livrer  passage  au  papillon 
dès  qu'il  est  éclos.  Les  galeries  de  ces  funestes  chenilles  ont  quelquefois 
plusieurs  mètres  de  long  à  l'intérieur  des  gros  arbres  ;  aussi  ne  peut-on 
songer  à  les  atteindre  par  les  insecticides.  Le  seul  remède  efficace  est 
d'observer  les  troncsjen  passant  la  revue  des  arbres.  Une  sorte  de  sciure 
de  bois  encore  fraîche  par  la  sève  écoulée  frappe  d'abord  la  vue,  soit 
au  pied  de  l'arbre,  soit  sur  le  tronc  même.  On  introduit  alors  dans  le 
trou  d'où  sortent  ces  débris  un  long  fil  de  fer  dont  on  a  recourbé  l'extré- 
mité en  hameçon;  quand  on  a  gagné  le  fond  de  la  galerie,  on  retourne 
plusieurs  fois  le  fil  de  fer  sur  lui-même,  et  l'on  réussit  toujours,  soit  à 
harponner  la  chenille  et  la  tirer  au  dehors,  soit  à  la  tuer  dans  son 
repaire.  Ce  procédé  réussit  d'autant  mieux  qu'il  est  employé  plus  tôt 
et  contre  des  larves  encore  jeunes,  dans  des  trous  peu  profonds. 

Linnœus  et  Fabricius  prétendent  que  la  chenille  du  Cossus  gâte-bois 
était  le  ver  que  les  Romains  engraissaient  avec  de  la  farine  et  qu'ils 
servaient  sur  leurs  tables  comme  un  mets  très  délicat.  Godart  fait 
observer  avec  raison  qu'il  y  a  là  une  fausse  interprétation  du  texte  de 
Pline,  dont  la  dernière  phrase  signifie  :  ces  vers  rongeurs  des  arbres 
prennent  tous  la  figure  d'un  Céraste  (porte-corne)  et  ils  font  entendre  une 
petite  stridulation.  Cela  ne  peut  évidemment  s'appliquer  qu'à  des  larves 
de  Coléoptères  Cérambyciens,  comme  Cerambyx  Héros  et  Prionus  Coria- 
rius.  De  nos  jours,  les  indigènes  américains  et  même  les  créoles  man- 
gent encore  des  larves  de  Coléoptères  analogues. 

Il  existe  en  Europe  quelques  autres  espèces  du  genre  Cossus,  rares 
dans  les  collections  et  dont  les  adultes  paraissent  en  juillet.  Tels  sont 
le  C,  Cœstrum,  Hubner,  du  sous-genre  Hypopta,  Hubner,  de  Dalmatie 


r88  LÉPIDOPTÈRES. 

et  du  midi  de  la  France  aux  environs  de  Montpellier,  mais  très  rare,  et 
du  même  sous-genre,  Hypopta,  le  C.  Thrips,  Hubner,  de  la  Russie 
méridionale.  Citons  encore  C.  Paradoxus,  Herr.  Schœfler  ou  Desertus, 
Fischer  de  Wallieim,  de  la  Russie  orientale  ou  asiatique,  et  C.  Terebra, 
Fabr.,  d'Allemagne.  Nous  représentons  une  espèce  de  l'Amérique  du 
Nord,  leC.  Macmurtrei,  Boisd.,  femelle  (pi.  lxxxix,  fig.  2),  65  centimètres 
d'envergure:  corps  noirâtre,  garni  d'écaillés  grises  par  places;  ailes 
demi-transparentes,  à  écailles  blanchâtres  très  petites  et  peu  rappro- 
chées entre  elles,  avec  des  stries  transverses  et  irrégulières  noires,  la 
base  plus  grise,  le  bord  antérieur  des  ailes  supérieures  et  les  nervures 
faiblement  teintées  de  jaunâtre;  antennes  et  pattes  noires,  ces  der- 
nières annelées  de  gris.  Le  long  abdomen  cylindroïde  de  cette  espèce 
rappelle  plutôt  les  Zeuzera  et  surtout  les  Macrogaster  que  notre  Cossus 
ligniperde.  ^ 

STl'CilA,  Draparnaud,  Latr.  —  Corps  robuste.  Tête  et  corselet  couverts  de  poils 
épais,  un  peu  écailleux.  Antennes  assez  courtes,  bipectlnées  dans  les  deux 
sexes.  Spiritrompe  nulle  ou  très  peu  sensible.  Palpes  épais,  écailleux,  obtus, 
s'élevant  un  peu  au-dessus  du  chaperon.  Ailes  en  toit  dans  le  repos,  les  supé- 
rieures oblongues,  les  inférieures  arrondies  et  très  courtes.  Éperons  des  jambes 
postérieures  très  grands.  Abdomen  long,  gros,  velu,  garni  de  crêtes  de  poils 
sur  les  côtés  et  sur  le  dos,  terminé  par  un  bouquet  de  poils  chez  le  mâle  et  en 
pointe  obtuse  chez  la  femelle. 

L'espèce  type  de  ce  genre  est  le  S.  Australis,  Drap.,  ou  Terehellum, 
llubner,  de  '20  à  2i  millimètres  d'envergure  dans  les  deux  sexes.  Mâle, 
(pi.  LXXXIX,  fig.  U  a),  à  ailes  supérieures  brunâtres,  variées  de  gris  blan- 
châtre, avec  une  Jïordure  noirâtre,  de  largeur  moyenne,  rétrécie  vers 
l'angle  anal,  la  frJHjge  brunâtre,  entrecoupée  de  gris  roussâtre;  antennes 
brunâtres,  avec  la  tige  d'un  gris  jaunâtre  ;  tête,  collier  et  thorax  de  la 
couleur  des  ailes  supérieures  ;  abdomen  d'un  gris  brunâtre,  garni  de 
poils  d'un  gris  jaunâtre  assez  longs  et  formant  des  espèces  de  crêtes  de 
chaque  côté  et  un  bouquet  étalé  à  l'extrémité.  Femelle  (pi,  lxxxix,  fig.  Ix), 
différant  du  mâle  par  ses  ailes  supérieures  d'un  jaune  roussâtre  ou  d'un 
jaune  fauve,  plus  ou  moins  variées  et  mélangées  de  brunâtre,  avec  la 
tète,  le  collier  et  le  dessus  du  thorax  entièrement  fauves;  ailes  infé- 
rieures noires,  avec  une  tache  blanche,  sub  carrée  sur  le  disque  ;  abdo- 
men fauve  sur  la  région  dorsale,  noir  en  dessous,  avec  des  crêtes  laté- 
rales et  un  bouquet  de  poils  à  l'anus  de  la  même  couleur.  La  chenille 
est  glabre  et  d'un  blanc  livide,  avec  la  tête  et  les  trois  anneaux  thora- 
ciques  roussàtres,  paraissant  cornés  comme  la  tête,  les  pattes  mem- 
braneuses très  courtes  :  elle  vit  dans  les  tiges  et  les  racines  de  VEchium 
Italicum.  La  Stygie  australe  est  une  espèce  méridionale  assez  commune 
en  certaines  années,  aux  environs  de  Montpellier,  en  juin  et  juillet; 


ziiCZi'UA.  289 

elle  doit  remonter  par  places  plus  au  nord,  car  elle  a  été  trouvée,  mais 
très  rare  en  juillet  dans  le  Cher,  près  de  Bourges  (Maurice  Sand). 

Un  genre  voisin  des  Stygies  est  le  genre  Endaijria,  Boisd.,  avec  les 
antennes  bidentées  dans  les  mâles,  biciliées  chez  les  femelles,  la  lète 
et  le  corps  très  velus,  la  spiritronipe  nulle,  les  palpes  velus,  très  courts, 
le  thorax  assez  large,  les  ailes  courtes  et  arrondies,  en  toit  dans  le  repos, 
l'abdomen  de  la  femelle  plus  long  que  celui  du  mâle  et  terminé  par 
une  tarière  saillante.  L'espèce  qui  forme  ce  genre,  trouvée  d'abord  en 
Hongrie,  est  I'jE'.-  Ulula,  Borckausen,  syn.  :  Pantherina,  Hubner,  de  '2'2 
à  25  millimètres  d'envergure,  la  tête  et  le  thorax  d'un  gris  olivâtre,  ayant- 
les  antennes  brunes,  avec  la  tige  blanchùire,  les  ailes  supérieures  d'un 
gris  olivâtre  avec  des  taches  blanches  éparses  ou  plus  ou  moins  confluen  tes, 
les  ailes  inférieures  d'un  brun  grisâtre,  les  franges  des  ailes  entrecoupées 
de  gris  et  de  blanc,  l'abdomen  velu  et  d'un  gris  jaijMtre.  Cette  espèce, 
qui  serait  peut-être  mieux  placée  dans  les  Cossides  que  dans  les  Zeuzé- 
rideas,  été  rencontrée  en  France,  dans  la  Provence  et  dans  le  Var,  dans  la 
Charente,  près  de  Rochefort  (H.  Delamain),  près  de  Tours  (Rambur)  ; 
cinq  exemplaires  mâles  ont  été  pris  au  réflecteur,  à  Nohant  (Indre), 
par  M.  Maurice  Sand,  dans  la  première  quinzaine  d'août. 

ZEUZÉRIDES. 

Tète  avancée,  saillante,  velue,  laineuse  à  la  base  des  antennes  ;  an- 
tennes des  mâles  pcctinèes  jusqu'à  la  moitié  environ,  puis  filiformes, 
la  partie  filiforme  égalant  sensiblement  en  longueur  la  partie  pectinée, 
cellule  disco'idale  des  ailes  supérieures  divisée  en  trois  ou  quatre 
aréoles;  deux  nervures  simples  au  bord  interne,  rameaux  nervuraux 
très  courts,  la  nervure  simple  antérieure  confondue  avec  le  bourrelet 
costal;  les  pattes  postérieures  n'ont  qu'une  paire  d'éperons  très  courts. 

ZKlseERA,  Latr.  —  Antennes  des  femelles  filiformes,  mais  garnies  d'une 
substance  cotonneuse,  surtout  dans  la  partie  inférieure;  palpes  nuls;  spiri- 
trompe  très  courte,  composée  de  deux  filets  membraneux  disjoints  ;  thorax 
ovale;  ailes  supérieures  longues,  étroites,  à  sommet  aigu,  les  infi  rieures  beau- 
coup plus  courtes  ;  abdomen  très  long,  surtout  ctiez  la  femelle^  où  il  se  termine 
par  une  tarière  pointue  et  cornée,  saillante  après  la  ponte. 

L'espèce  type  de  ce  genre  est  le  Z.  œsculi,Linn.,  \a  Coquette  d'En- 
gramelle,  toujours  assez  rare,  quoiqu'on  la  trouve  partout  en  France, 
plus  commune  dans  le  Midi.  La  chenille  vit  non  seulement  à  l'inté- 
rieur du  tronc  et  des  branches  du  marronnier  d'Inde,  mais  aussi  dans 
le  tilleul,  l'orme,  le  chêne,  le  bouleau,  le  noisetier,  le  pommier  et  le 
poirier,  le  sorbier  des  oiseaux  et  le  lilas.  Z.  œsculi  a  été  trouvé  en  juin, 
en  Algérie,  dans  la  province  de  Constantine,  sur  le  tronc  d'un  pistachier 
(H.  Lucas).  Le  Papillon,  qui  parait  en  juillet  et  août,  se  trouve  volant  le 
ciRARii.  m.   —  19 


290  LÉPIDOPTÈRES. 

soir  et  au  repos  le  jour,  sur  les  troncs  d'arbres  dans  les  plantations, 
les  parcs  et  les  jardins;  mâle,  de  ^5  à  50  millimètres  d'envergure,  les 
quatre  ailes  blanches,  avec  une  multitude  de  points  d'un  noir  bleu  aux 
supérieures,  et  de  très  petits  points  noirâtres  aux  inférieures,  corps 
blanc,  avec  les  pattes,  les  anneaux  de  l'abdomen  et  six  points  sur  le 
thorax  d'un  noir  bleu  ;  la  femelle,  de  70  millimètres  d'envergure,  dif- 
fère du  mâle  par  des  points  noirs  beaucoup  plus  gros,  par  ses  antennes 
simples  et  par  l'anus  prolongé  en  une  tarière  jaunâtre;  les  œufs  de 
Z.  œsculi,  d'un  jaune  nankin  un  peu  roussâtre,  sont  très  oblongs,  sans 
dépression,  également  renflés  partout  ;  le  crin  de  la  femelle  est,  comme 
chez  les  Cossus,  en  faisceau  de  soies  nombreuses  (Poey)  ;  chenille, 
pi.  i.xxxix,  fig.  6,  d'un  jaune  un  peu  terne,  avec  un  écusson  noir  au- 
dessus  du  prothorax  et  une  série  de  points  noirs  verruqueux  sur  les 
anneaux,  qui  ont  fait  donner  à  l'espèce  le  nom  de  the  Wood  Léopard 
par  les  auteurs  anglais;  cocon  et  chrysalide  comme  chez  le  Cossus  litjni- 
perda,  la  chrysalide  avec  un  double  rang  d'épines  inclinées  en  arrière 
sur  chaque  anneau  de  l'abdomen  ;  les  métamorphoses  de  cette  espèce, 
qui  serait  très  nuisible  si  elle  était  plus  commune,  étaient  représentées 
à  l'Exposition  universelle  de  Paris  de  1878,  dans  la  section  anglaise  de 
l'enseignement,  par  de  beaux  dessins  coloriés  de  feu  Andrew  Murray.  Il 
y  a  quelques  espèces  exotiques  de  Zeuzera,  qui  ont  de  grandes  analogies 
avec  la  nôtre;  ainsi  Z.  Scalaris,  Donovan,  pi.  i.xxxix,  fig.  5,  qui  habite 
le  Pérou,  plus  petite  que  Z.  œsculi,  offrant  le  thorax  jaune,  les  ailes 
supérieures  bordées  en  avant  et  en  arrière  de  jaune  fauve,  avec  des 
lignes  noires  imitant  des  échelons,  les  ailes  inférieures  entièrement 
blanches. 

Un  genre  voisin,  que  beaucoup  d'auteurs  ne  séparaient  pas  des 
Zeuzera,  est  le  genre  Phragmatœcia,  Newmann,  oiiMacrogaster,  Uupon- 
chel.  Les  antennes  du  mâle  sont  largement  pectinées  dans  leur  moitié 
inférieure  et  filiformes  pour  ie  reste,  comme  dans  les  Zeuzères,  celles 
de  la  femelle  très  courtes,  séparées  et  dentelées  dans  toute  leur  lon- 
gueur, la  tète  elle  corps  velus,  les  palpes  et  la  spiritrompe  entièrement 
oblitérés,  le  thorax  ovale,  les  ailes  supérieures  longues,  étroites,  à  som- 
met arrondi,  les  ailes  inférieures  plus  courtes,  l'abdomen  extrêmement 
long  et  cylindroïde,  d'une  longueur  vraiment  démesurée  chez  la  femelle. 
L'espèce  unique  de  ce  genre  est  le  P.  arumUnis,  Hubner,  dont  la  che- 
nille endophyte  vit  et  se  transforme  à  l'intérieur  des  roseaux,  surtout 
de  VArundo  Phraymites.  L'envergure  est  de  38  millimètres,  la  tête  et  le 
thorax  d'un  gris  roussâtre,  les  ailes  supérieures  de  la  même  couleur, 
parsemées  d'atomes  et  de  petits  points  bruns,  les  plus  apparents  vers 
l'extrémité,  la  frange  entrecoupée  de  brun  noirâtre,  les  ailes  inférieures 
d'un  brun  roussâtre  uni,  avec  la  frange  un  peu  plus  foncée;  le  long 
abdomen  est  aussi  d'un  brun  roussâtre,  moins  clair  que  celui  des  ailes 
inférieures.  Cette  espèce  si  curieuse,  et  que  nous  engageons  à  rechercher 
dans  les  localités  marécageuses  et  froides,  est  surtout  de  l'Allemagne 


SÉSIENS.  291 

du  Nord  et  d'Angleterre,  the  Reed  Léopard.  Elle  a  été  trouvée  en  France 
dans  les  marais,  près  d'Amiens,  dans  les  marais  qui  avoisinent  Saint- 
Quentin;  l'adulte  est  assez  commun  en  juin,  près  de  Douai,  sur  les 
glacis  et  dans  les  marais,  se  prenant  facilement  à  l'entrée  de  la  nuit,  au 
réflecteur,  volant  dans  les  roseaux  à  la  façon  des  Hépiales,  se  rencon- 
trant généralement  accouplé  pendant  le  jour  sur  les  troncs  des  arbres 
qui  bordent  les  marais. 

On  a  longtemps  placé  dans  les  Cossiens,  à  cause  de  l'abdomen  très 
allongé  en  tarière  de  la  femelle,  des  petites  espèces  formant  le  genre 
Atychia,  Hoffmansegg  ou  Chimœra,  Ochsenheimer,  et  dont  le  type  est 
A.funebris,  Feisthamel,  du  Languedoc.  Ce  genre  est  compris  mainte- 
nant dans  la  petite  famille  des  Atychides,  de  la  tribu  des  Tinéiniens. 


Tribu  des  SESIGAIS. 

Front  arrondi,  écailleux;  deux  stemmates;  antennes  linéaires  ou  fu- 
siformes,  souvent  renflées  au  sommet  et  terminées  par  un  crochet, 
crénelées  dans  plusieurs  genres  ou  sous-genres;  palpes  ascendants,  cà 
trois  articles,  presque  toujours  distincts;  thorax  globuleux;  ailes  ordi- 
nairement diaphanes,  très  étroites,  à  sommet  arrondi,  pourvues  d'un 
frein,  en  toit  perpendiculaire  au  corps  dans  le  repos;  nervulation  très 
spéciale  (type  :  Sesia  Apiforinis)  ;  aux  premières  ailes,  nervure  simple 
antérieure  absorbée  par  le  bourrelet  costal  ;  nervure  composée  anté- 
rieure très  rapprochée,  composée  postérieure  droite,  occupant  le  milieu 
de  l'aile,  la  nervule  épaissie  en  stigma,  d'où  naissent  cinq  rameaux 
simples,  nervure  postérieure  confondue  avec  le  bord  interne  ;  aux  se- 
condes ailes,  pas  de  nervure  costale,  nervure  composée  postérieure  à 
deux  rameaux  seulement,  deux  nervures  simples  abdominales  ;  pattes 
longues  et  fortes,  jambes  postérieures  munies  de  forts  éperons,  les  pat- 
tes souvent  garnies  de  faisceaux  de  poils,  surtout  les  postérieures  ;  abdo 
men  cylindrico-conique,  avec  un  pinceau  anal  ordinairement  très  dé- 
veloppé, surtout  chez  les  mâles.  —  Chenilles  endophytes,  décolorées, 
d'un  blanc  livide  ou  d'un  blanc  un  peu  rougeâtre,  vermiformes,  n'ayant 
le  plus  souvent  que  des  pattes  vestigiaires,  sans  corne  caudale,  à  fortes 
mandibules,  munies  de  deux  plaques  écailleuses ,  l'une  sur  le  premier 
anneau,  l'autre  sur  le  dernier,  ayant,  en  outre,  quelques  petits  poils 
très  clair  semés,  implantés  chacun  sur  un  très  petit  tubercule.  — 
Chrysalides  cylindrico-conoïdes,  d'un  roux  jaunâtre  ou  brunâtre, 
pourvues  le  plus  souvent  de  grands  et  longs  fourreaux  alaires,  munies 
de  dentelures  ou  d'épines  recourbées  en  arrière  sur  les  segments 
abdominaux. 

Les  Sésiens  étaient  rangés  par  les  anciens  auteurs  dans  le  groupe  des 
Sphinx,  et  particulièrement  des  Sphinx  gazés,  en  raison  del  a  orme 
des  antennes;  mais  ces  auteurs  ne  connaissaient  pas  les  chenilles  des 


292  LÉPIDOPTÈRES. 

Sésieiià,  dont  les  mœurs  et  les  métamorphoses  sont  tout  à  fait  clifTérente 
de  celles  des  Spliingiens,  et  sont,  au  contraire,  analogues  à  celles  des 
Cossiens,  car  ces  chenilles  vivent  à  l'intérieur  du  tronc  et  des  branches 
des  végétaux  qu'elles  rongent,  surtout  des  arbres  ot  des  arbustes,  et, 
pour  certaines  espèces,  à  l'intérieur  des  racines;  aussi  il  y  a  des  espèces 
qui  sont  nuisibles  aux  plantations  forestières  et  aux  arbres  fruitiers. 
C'est  à  l'intérieur  des  tiges  que  ces  chenilles  se  construisent  une  coque 
de  débris  ligneux  ,  associés  par  quelques  fils  de  soie  .  et  la  chrysalide  , 
prête  à  éclore,  sort  de  ce  cocon  et  même  se  hisse  hors  de  la  galerie 
ligneuse  jusqu'à  sa  sortie,  afin  de  rendre  aisée  la  naissance  du  papillon  ; 
ce  manège  s'accomplit,  comme  chez  les  Cossiens,  à  l'aide  des  spinules 
recourbées  des  segments  abdominaux,  [.es  Sésiens  adultes  ne  volent 
que  pendant  le  jour  et  surtout  au  soleil  et  avec  vivacité,  se  posant  tou- 
tefois fréquemment  sur  les  feuilles  et  sur  les  tiges,  plus  que  sur  les 
fleurs;  parles  temps  sombres,  on  les  trouve  appliqués  sur  les  végétaux, 
et  au  repos  comme  pendant  la  nuit.  L'aspect  de  ces  papillons  est  tout 
à  fait  caractéristique,  car  leurs  ailes,  dépourvues  presque  toujours 
d'écaillés,  sauf  au  moment  môme  de  l'éclosion,  excepté  sur  la  côte  et  sur 
quelques  nervures,  les  font  ressembler  à  des  Hyménoptères,  au  point 
de  tromper  les  personnes  peu  exercées;  aussi  leur  chasse  exige  une  at- 
tenlion  spéciale,  et  beaucoup  d'espèces,  et  surtout  les  petites  espèces, 
sont  peu  répandues  dans  les  collections,  parce  qu'elles  échappent  à  la 
vue  des  amateurs  novices.  Cette  ressemblance  a  été  traduite  habituel- 
lement dans  les  noms  donnés  aux  Sésies  par  la  terminaison  fonnis  ou 
parfois  pennis,  ajoutée  au  nom  d'un  genre  d'Hyménoptère  ou  do  Diptère 
ou  même  de  Névroptèrc,  en  raison  d'une  ressemblance  plus  ou  moins 
prochaine.  Ces  insectes,  surtout  les  mâles,  sont  très  sujets  à  tourner  au 
yras  en  collection,  ce  qui  arrive  fréquemment  aux  espèces  dont  les 
larves  vivent  renfermées  à  l'intérieur  des  tiges  ou  des  graines,  remplies 
de  matières  féculentes  dont  la  transformation  eu  graisse  est  bien  connue 
dans  le  régime  des  animaux.  11  y  a  des  Sésies  à  abdomen  partout 
également  épais,  comme  Sesia  Apiformis,  Laphriœformis,  HyîœiformiSf 
qu'on  ne  voit  pas  voler  ni  prendre  de  nourriture,  et  ces  espèces  n'ont 
qu'une  spiritrompe  très  courte.  La  plupart  des  Sésies  volent  au  milieu 
du  jour,  restant  au  repos  le  matin  et  le  soir;  elles  sucent  le  nectar  des 
fleurs  et  se  recherchent  pour  l'accouplement,  le  nectar  étant  plutôt 
pour  elles  une  excitation  génitale  qu'un  véritable  aliment.  D'après  Las- 
peyres,  l'accouplement  des  Sésies  a  lieu  pendant  le  jour  et  dure  long- 
temps ;  mais  on  ne  sait  s'il  se  prolonge  le  jour  et  la  nuit,  ou  s'il  ne  dure 
que  le  jour  seulement.  Il  est  probable  que  les  milles  périssent  bientôt 
après  l'accouplement  et  que  les  femelles  survivent  peu  à  la  ponte  des 
œufs.  Le  moment  de  la  journée  auquel  les  Sésies  sortent  de  leur  chry- 
salide est  avant  raidi,  presque  sans  exception,  et  principalement  de 
grand  matin,  après  le  lever  du  soleil. 

Les  œul's  des  Sésiens  ont  été  l'objet  des  recherches  de  M.  Staudinger. 
Cet  entomologiste  dit  n'avoir  jamais  trouvé  ces  œufs  à  l'air  libre  et  n'a- 


SÉSIENS.  293 

voir  jamais  observé  de  ponte  sur  les  Sésies  qu'il  capturait  ou  qu'il  fai- 
sait périr,  quoiqu'il  en  ait  observé  trois  cents  écloses  des  chrysalides  ; 
c'est  par  dissection  interne  qu'il  s'est  toujours  procuré  les  œufs.  Leur 
surface  parait  lisse  à  l'œil  nu;  mais  on  voit  au  microscope  qu'elle  est 
couverte  de  cellules  irréguliùres  à  six  angles,  dont  les  séparations  sont 
d'étroits  sillons,  et  qu'on  aperçoit  très  bien  dans  les  œufs  des  Sesia  Asi- 
liformis  et  Pliilanthiformis,  où  ils  sont  colorés  en  brun.  Quand  ces  œufs 
sont  immatures,  ils  sont  clairs  et  transparents  ;  à  leur  maturité,  ils  sont 
de  couleur  marron  dans  les  S.  Apiformis  et  Hijlœiformis,  d'un  brun  très 
terne  dans  les  S.  Sphegiformis,  Culiciformis  et  For micœ formù,  iaunes 
chez  S.  Tipuli forints,  d'un  noir  fuginieux  chez  S .  Philanthiformis,  enfin 
noirs  dans  la  S.  Asiliformis.  Ces  œufs  sont  de  forme  ellipsoïdale  de  ré- 
volution, avec  un  grand  et  un  petit  axe.  Leur  nombre  varie  beaucoup 
selon  les  espèces  :  JOOO  à  1200  chez  S.  Apiformis,  500  chez  S.  Asilifor- 
mis, 350  chez  S.  Sphegiformis,  110  à  120  chez  S.  Hylœiformis,  150  à  200 
chez  S.  Formiccformis  et  Culiciformis,  60  chez  S.  Tipuliformis.  La  gran- 
deur et  le  nombre  des  œufs  semblent  être  en  rapport  assez  direct  avec 
la  taille  des  espèces  qui  les  pondent.  Les  œufs,  d'un  rouge  brique,  de 
S.  Apiformis  sont  de  section  un  peu  ovalaire  avec  une  forte  dépression 
au  centre  et  quelques  rides. 

Les  Sésiens  ont  presque  toujours  une  plante  alimentaire  spéciale  à 
chaque  espèce;  ce  n'est  que  très  accidentellement  qu'elles  en  changent, 
à  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'espèces  du  même  genre  botanique.  Les  fe- 
melles ne  déposent  qu'un  seul  œuf  ou  un  très  petit  nombre  d'œufs  à 
une  place  donnée  d'une  tige,  et  on  comprend  peu  comment  les  jeunes 
chenilles,  sortant  de  ces  œufs,  peuvent  percer  des  écorces  souvent  1res 
épaisses  et  très  dures;  les  femelles  soiit  dépourvues  de  tarières  perfo- 
rantes, et  il  est  bien  probable,  surtout  sur  les  arbres  un  peu  âgés, 
qu'elles  choisissent  les  points  de  l'écorce  où  il  y  a  des  fentes  ou  des 
blessures,  permettant  aux  jeunes  chenilles  d'arriver  plus  aisément  aux 
parties  intérieures.  11  y  a  des  plantes,  comme  les  Euphorbes  et  les  Ron- 
ces, où  la  mort  annuelle  des  sommités  permet  aux  chenilles  des  Sésies 
de  pénétrer  facilement  dans  les  parties  inférieures  et  dans  les  racines 
qui  restent  vivantes.  Une  fois  qu'une  jeune  chenille  s'est  introduite  dans 
la  plante  nourricière,  elle  se  repaît  d'abord  des  parties  les  plus  tendres 
situées  entre  l'écorce  et  le  bois  ;  les  chenilles  de  certaines  espèces  y 
passent  toute  leur  vie,  tandis  que  d'autres  pénètrent  dans  le  bois  même 
et  dans  la  moelle  pour  se  nourrir.  La  chenille  évacue  les  parties  li- 
gneuses non  digérées  et  en  corrode  d'autres  qu'elle  ne  mange  pas;  à  la 
fin  de  sa  croissance ,  elle  doit  se  rapprocher  de  la  surface  et  préparer 
la  retraite  de  la  chrysalide  et  une  sortie  facile  pour  le  papillon.  C'est 
pourquoi  la  plupart  des  chenilles  de  Sésies  font,  à  hi  fin  de  leur  vie,  de 
très  longues  galeries  sinueuses  et  peuvent  aussi  se  rencontrer  dans  d'an- 
ciennes galeries  où  sont  des  débris  de  cocons  des  générations  précé- 
dentes, ce  qui  est  également  le  fait  de  beaucoup  de  chenilles  de  Tinéi- 


29^  LÉPIDOPTÈUES. 

niens.  Les  débris  ligneux  sont  ou  rejetés  des  galeries  ou  comprimés 
contre  leurs  parois  ;  aussi  voit-on  parfois  des  amas  de  sciure  décelant 
la  présence  des  chenilles  à  l'intérieur;  comme  les  chenilles  des  Cos- 
siens,  elles  craignent  l'accès  de  l'air  et  rebouchent  les  trous  qu'elles 
percent  pour  se  débarrasser  de  la  sciure  ;  de  môme  aussi  celles  qui 
hivernent  se  préparent  une  tente  soyeuse ,  où  elles  passent  en  repos  et 
sans  nourriture  la  mauvaise  saison;  c'est  avec  les  écussons  du  prothorax 
et  du  segment  anal  qu'elles  tassent  la  sciure.  Les  chenilles  de  Sésiens 
font,  en  général,  peu  de  dégâts,  sauf,  en  certains  cas,  celles  des  S.  Api- 
formis  et  Asiliformis;  elles  sont  attaquées  par  les  Entomophages,  les 
espèces  à  longue  tarière,  introduisant  leurs  œufs  dans  le  corps  des  che- 
nilles, alors  que  leurs  galeries  sont  encore  peu  profondes.  Les  espèces 
à  courte  tarière  savent  s'insinuer  à  l'intérieur  des  galeries;  on  voit  sou- 
vent les  Entomophages  volant  autour  des  troncs  d'accès ,  soit  pour  y 
entrer,  soit  qu'ils  en  sortent  après  éclosion. 

On  peut,  plus  aisément  que  sur  les  chenilles,  reconnaître  le  sexe 
futur  des  Sésiens  sur  les  chrysalides,  par  l'observation  de  petites  verrues 
qui  sont  au  neuvième  segment  chez  les  mâles,  au  huitième  chez  les  fe- 
melles. La  durée  de  la  nymphose  dépend  de  la  température  du  dehors, 
les  éclosions  ayant  surtout  lieu  par  les  jours  de  chaleur  et  de  soleil, 
étant  au  contraire  retardées  par  les  temps  froids  et  pluvieux.  D'après 
M.  Staudinger,  l'état  de  chrysalide  dure  ordinairement  vingt  à  vingt- 
deux  jours  dans  les  Culiciformis  et  For micœf orrais,  ou  parfois  vingt-quatre 
à  vingt-six.  Une  petite  espèce,  S.  Tipuliformis,  ne  reste  que  dix-huit 
jours  en  chrysalide  ;  la  plupart  des  grandes  espèces,  de  vingt-six  à 
trente -cinq.  Toutes  les  chrysalides  se  retirent  dans  une  retraite  spé- 
ciale. Quand  elles  sont  entourées  d'une  coque,  c'est  le  plus  souvent 
dans  l'ancien  domicile  de  la  chenille;  c'est  rarement  qu'on  la  trouve 
située  en  terre  ou  sous  l'écorce  des  arbres  ou  cachée  dans  la  mousse. 
Quand  la  coque  est  dans  la  galerie,  c'est  à  l'extrémité  élargie  de  celle-ci, 
tout  contre  la  couche  la  plus  externe  de  l'écorce,  dont  une  mince  pel- 
licule reste  seule  intacte.  Si  un  accident  brise  cette  pellicule  ou  si  la 
chenille  termine  sa  galerie  en  un  point  où  manque  l'écorce,  l'ouverture 
extérieure  est  habilement  fermée  avec  de  la  soie.  La  coque  est  formée 
surtout  de  sciure,  retenue  par  des  fils  de  soie,  aplanie  et  lissée  inté- 
rieurement par  une  soie  très  blanche.  Quand  la  coque  est  bien  ferme, 
on  peut  la  retirer  en  entier  de  la  galerie,  et  c'est  de  cette  espèce  que 
sont  les  coques  faites  hors  des  tiges.  Ces  sortes  de  coques  ont  uue 
forme  ovale,  plus  ou  moins  allongée.  Dans  les  espèces  qui  ont  des 
coques  plus  lâches,  parfois  on  peut  encore  les  enlever  entières  de  la 
galerie  ;  mais  le  plus  souvent  elles  sont  repliées  imparfaitement  selon 
leur  longueur,  dans  une  partie  latérale,  et  souvent  fortement  fixées  aux 
parois  par  des  fils,  avec  tampons  de  sciure  en  haut  et  en  bas.  Le  S.  Cu- 
liciformis a  une  coque  qui  est  formée  au  dehors  de  longs  copeaux 
assemblés  dans  le  sens  de  la  longueur,  avec  des  fragments  ligneux  plus 


SÉSIENS.  295 

petits  eu  dedans;  on  ne  peut  retirer  cette  coque  de  la  galerie,  car  u 
de  ses  parois  longitudinales  fait  partie  de  la  paroi  môme  de  la  galerie. 
Le  S.  Hylœiforinis  ne  fait  pas  de  coque,  mais  s'établit,  pour  la  nym- 
phose, dans  une  cavité,  fréquemment  d'une  très  grande  longueur,  delà 
moelle  des  figes  sèches  de  la  ronce  ;  cette  demeure  n'est  pas  conso- 
lidée par  des  fils  de  soie,  mais  les  parois  de  moelle,  très  inégalement 
corrodées,  sont  étayées  par  de  nombreux  copeaux  de  bois.  Le  5.  Hylœi- 
formis  peut,  par  cette  raison,  monter  ou  descendre  dans  la  cavité,  selon 
le  péril  imminent.  Quand  le  papillon  est  bien  développé  à  l'intérieur 
de  la  ciirysalide  des  Sésiens,  celle-ci,  en  se  contournant,  s'avance  ver- 
ticalement, le  front  en  avant  et  rompt  toutes  les  enveloppes  qui  la 
séparent  du  dehors,  et  il  est  l'are  que,  dans  cet  effort,  elle  soit  obligée 
d'abandonner  la  coque,  car  celle-ci  est,  le  plus  souvent,  sous  l'écorce 
môme.  Dans  ce  travail,  les  chrysalides  se  servent  des  étais  ligneux  in- 
ternes, de  leurs  crochets  anaux  et  surtout  d'une  extrême  agilité.  C'est 
ainsi  que  rapidement  la  chrysalide  se  hisse  hors  du  trou ,  ne  laissant 
dans  la  tige  que  ses  segments  postérieurs,  retenus  par  l'élasticité  de 
l'écorce  violemment  disjointe.  La  chrysalide  ainsi  sortie  se  repose  de  ses 
eflbrts  par  quelque  temps  de  repos;  puis  le  papillon  procède  avec  célé- 
rité à  rompre  l'enveloppe  nymphale. 

La  plupart  des  espèces  connues  de  Sésiens  habitent  l'Europe,  l'Asie 
Mineure,  l'Afrique  boréale  et  l'Amérique  du  Nord;  ils  existent  aussi,  et 
probablement  assez  nombreux  dans  les  régions  équatoriales  ;  mais  les 
entomologistes  voyageurs  en  rapportent  peu,  en  raison  de  l'exiguïté  de 
la  taille  de  beaucoup  d'entre  eux,  et  parce  qu'ils  les  confondent  avec 
de  petits  Hyménoptères.  Boisduval  en  décrit  172  espèces  dans  son  der- 
nier travail  (Hétérocères,  187/i),  des  diverses  régions  du  globe.  M.  Stau- 
dinger  en  compte  15  espèces  pour  les  environs  de  Berlin,  56  pour  l'Eu- 
rope et  l'Asie  Mineure;  le  catalogue  plus  récent  de  M.  Depuiset,  pour 
les  Lépidoptères  d'Europe,  énumère  7"2  Sesia,  dans  le  sens  le  plus  étendu 
de  ce  nom  générique.  Le  dernier  catalogue  de  M.  Staudinger,  pour  les 
Lépidoptères  d'Europe,  d'Afrique  boréale  et  à  peu  près  de  la  moitié 
de  l'Asie  attenant  à  l'Europe,  énumère  73  Sésiens.  Les  anciens  cata- 
logues Duponchel  et  Boisduval  fixaient  à  Zi8  le  nombre  des  Sésiés  d'Eu- 
rope. Les  auteurs  anglais,  qui  nomment  les  Sésiens  /Egeridœ,  en  comp- 
tent 11  espèces  dans  les  Iles  britanniques,  et  la  faune  de  Berce  en  décrit 
22  pour  la  France.  Le  catalogue  de  M.  Maurice  Sand  en  indique  23.  On 
consultera,  pour  la  tribu  des  Sésiens ,  les  travaux  spéciaux  suivants  : 
J.  H.  Laspeyres,  Sesiœ  Europeœ  iconihus  et  descriptionibus  illustratœ, 
avec  gravures  sur  cuivre.  Berlin,  1801.  —  Edw.  Newmann,  Monogra- 
phia  Mgeriarum  Angliœ  {Enlom.  Magaz.,  tome  I,  p.  66).  —  Otto  Stau- 
dinger, De  Sesiis  agri  Berolinensis  (thèse  inaugurale).  Berhn ,  1854.  — 
Beitrage  zur  Festsetllung  der  bisher  bekannten  Sesien-Ârten  Europas  und 
den  angrdnzenden  Asiens  {Stettin  entomol.  Zettung,  1856,  t.  XVII,  p.  lZt5- 
176,  192-22/1,  257-288,  322-338). 


i:!).)  LÊPIDOPTÈniiS. 

La  grande  uniformilé  de  type  ne  donne  pas  à  faire  d'autre  genre 
pour  les  espèces  européennes  que  le  genre  Sesia,  Fabriciiis,  Las- 
peyres,  dont  les  caractères  sont  ceux  de  la  tribu  des  Sésiens.  Nous  n'au- 
rons, d'après  la  ressemblance  des  espèces,  qu'à  en  indiquer  un  petit 
nombre.  Leur  synnymie  est  confuse  et  fort  difficile.  Nous  diviserons 
le  genre  en  sous-genres,  d'après  M.  Staudinger.  Dans  les  trois  premiers, 
Trochilium,  Scopoli,  Sciapteron,  Staudinger,  et  Sesia,  Fabr.,  Lasp.,  l'ar- 
ticle terminal  de  l'antenne  est  sétacé,  tandis  qu'il  n'a  plus  ce  carac- 
tère dans  le  sous-genre  Bemhecia,  Hubner. 

Le  sous-genre  Trochilium  a  pour  espèce  type  Sesia  Apiformis,  Linn  , 
à  laquelle  le  nom  de  Crabronifurmis ,  que  lui  donne  le  catalogue  de 
Vienne,  convient  beaucoup  mieux,  car  elle  ressemble  par  la  taille  et 
les  couleurs  à  un  Frelon  et  non  à  une  Abeille.  C'est  le  Crabroni forme  et  le 
Siréciforme  d'Engramelle.  Dans  ce  sous-genre  la  spiritrompe  est  courte, 
les  antennes  du  mule  sont  pectinées  et  brièvement  ciliées.  Le  mule  a 
une  envergure  de  30  à  àO  millimètres,  et  la  femelle  de  35  à  /lo.  La  tête 
est  jaune,  avec  les  yeux  d'un  brun  noir,  offrant  une  tache  blanche  sur 
leur  côté  interne,  une  tache  jaune  au  côté  externe,  les  palpes  jaunes, 
les  antennes  noires,  avec  le  dessous  ferrugineux,  le  thorax  d'un  noir 
brun,  avec  quatre  taches  jaunes,  deux  à  la  partie  antérieure  des  pté- 
rygodes;  ailes  transparentes,  les  supérieures  avec  les  nervures,  les  bords 
et  une  tache  discoïdale  d'un  brun  ferrugineux  en  dessus,  plus  clair 
en  dessous,  les  inférieures  sans  tache,  la  frange  d'un  brun  obscur  de 
part  et  d'autre;  dans  les  individus  qui  viennent  d'éclore  et  qui  n'ont 
pas  volé,  les  ailes  sont  saupoudrées  d'écaillés  très  fugaces,  d'un  brun 
clair;  cuisses  jaunes  en  dehors,  d'un  brun  noir  en  dedans,  jambes  ocra- 
cées  les  postérieures  noires  à  la  base,  avec  les  éperons  jaunes  tarses 
ocracés;  abdomen  jaune,  avec  les  segments  1  et  i  noirs  et  garnis  d'un 
duvet  brun,  tous  les  autres  bordés  de  noir;  abdomen  de  la  femelle  plus 
gros  que  celui  du  mâle  et  sans  brosse  à  l'extrémité.  Cette  espèce  est  du 
nord  et  du  centre  de  l'Europe,  des  lies  Britanniques,  the  Hornet  Moth, 
de  toute  la  France.  C'est  notre  plus  grosse  Sésie  et  la  plus  commune. 
L'adulte,  qui  vole  peu,  se  trouve,  de  la  fin  de  mai  au  milieu  de  juillet, 
sur  les  troncs  des  peupliers  et  des  trembles,  vers  la  base,  car  les  trous 
de  sortie,  bien  reconnaissables  aux  tampons  de  sciure  mouillée  de  sève 
ui  en  sortent,  sont  toujours  au  bas  des  arbres.  La  chenille  passe  au 
moins  deux  hivers  dans  le  bois  de  la  partie  inférieure  des  troncs  ou  dans 
les  racines  mêmes,  et  y  creuse  de  longues  galeries  sinueuses,  plusieurs 
chenilles  pouvant  habiter  le  môme  arbre.  Le  cocon  est  formé  de  parti- 
cules de  bois  liées  ensemble,  l'intérieur  longuement  garni  de  fils  de  soie. 
On  trouve  ce  cocon  ou  dans  l'écorce  même  de  l'arbre  ou  en  terre,  tout 
auprès;  la  chrysalide,  qui  est  brune,  se  forme,  selon  le  climat,  du  mi- 
lieu d'avril  au  milieu  de  mai.  Comme  il  y  a  peu  de  peupliers  qui ,  à  un 
certainûge,n'aient  quelque  chenille  à  sa  base,  cette  espèce  cause  parfois 
des  dégâts  sensibles  dans  les  plantations  de  peupliers  et  de  trembles. 


SÊSIKNS.  ?97 

ses  longues  et  profondes  galeries  affaiblissant  la  tige  et  l'exposant,  en 
outre,  à  élre  aisément  brisée  par  un  coup  de  vent.  Boisduval  indique 
une  variété  très  rare  de  cette  espi-ce,  S.  Sir  eci  for  mis,  Esper.,  Lasp., 
ayant  le  corps  entièrement  d'un  brun  noir,  avec  deux  grandes  taches 
jaunes  sur  le  corselet.  C'est  non  loin  de  cette  espèce  que  vient  se  ranger 
une  Sésie  de  l'Amérique  du  Nord,  S.  Asilipenis,  Boisd.,  pi.  xc,  fig.  3), 
mâle  ayant  le  corps  noir,  avec  les  anneaux  à  ceintures  jaunes  et  ferru- 
gineuses, les  antennes  ferrugineuses  à  cils  bruns,  les  ptérygodes  d'un 
ferrugineux  vif,  les  ailes  transparentes,  bordées  de  noir,  avec  la  côte  des 
supérieures  lisérée  de  ferrugineux  et  une  tache  oblique  de  cette  couleur 
vers  le  tiers  antérieur,  les  pattes  d'un  jaune  ferrugineux,  les  postérieures 
très  longues.  La  chenille,  trouvée  en  Géorgie  (États-Unis  du  Sud),  et 
figurée  d'après  Abbot  (pi.  xc,  fig.  3,  a),  est  d'un  jaune  blanchâtre  livide, 
avec  la  tête  noire  et  trois  lignes  ferrugineuses  longitudinales  sur  le  pro- 
thorax, et  vit  sur  le  tronc  du  Pop  ulus  monili fera  ;  la  chrysalide  (fig.  3,  6) 
est  mélangée  de  jaune  pâle  et  de  ferrugineux  clair. 

Le  sous-genre  Sciapteron  a  été  établi  par  M.  Staudinger  pour  un  petit 
nombre  de  Sésies  qui  ont  les  ailes  supérieures  opaques,  les  antennes 
terminées  par  un  petit  faisceau  de  poils  soyeux,  celles  du  mâle  subpec- 
tinées,  longuement  ciliées,  la  spiritrompe  longue  et  épaisse.  Le  type  est 
le  S.  Asiliformis,  cat.  de  Vienne,  Y Asiliforme  d'I^ngramelle,  syn.  :  Taba- 
niformis,  Rottenburg,  Vespiformis,  Westwood.  Nous  n'adopterons  pas 
le  nom  de  Tabaniformis,  bien  que  le  plus  ancien,  parce  qu'il  est  inusité 
dans  les  collections  et  que  l'espèce  ressemble  assez  à  l'Asile  frelon  et 
nullement  à  un  Taon.  Le  mâle  a  de  21  à  3i  millimètres  d'envergure,  la 
femelle  de  25  à  36.  Tète  d'un  noir  bleu,  avec  un  trait  blanc  devant  les 
yeux  et  un  collier  jaune,  les  antennes  d'un  noir  bleu  en  dessus,  avec 
la  base  ferrugineuse  en  dessous;  thorax  d'un  noir  bleu,  avec  un  trait 
latéral  et  un  point  à  la  base  des  ailes  supérieures  jaunes;  ailes  supé- 
rieures opaques,  brunes,  avec  les  nervures  et  la  côte  bleuâtres  en  dessus, 
le  dessous  jaunâtre  à  la  base  et  avec  une  petite  lunule  fauve  peu 
distincte;  ailes  inférieures  transparentes,  à  nervures  et  bords  bruns,  la 
frange  d'un  brun  cendré;  abdomen  d'un  noir  bleu  luisant,  avec  cinq 
anneaux  jaunes  chez  le  mâle,  trois  seulement  chez  la  femelle,  la  brosse 
anale  d'un  noir  foncé  ,  avec  petites  lignes  longitudinales  jaunes.  En 
Italie,  en  Andalousie  et  dans  le  midi  de  la  France,  remontant,  mais 
rare,  jusqu'au  Cher  (Maurice  Sand),  se  trouve  S.  Rhingiœformis , 
Hubn.,  dont  les  auteurs  modernes  font  en  général  une  variété  de  l'es- 
pèce précédente  ;  c'est  pour  Boisduval  une  espèce  bien  distincte  ;  ailes 
supérieures  opaques,  d'un  gris  brun,  avec  les  principales  nervures  rous- 
sâtres,  les  inférieures  transparentes,  avec  les  nervures  roussâtres  et  la 
frange  brune,  comme  aux  supérieures  ;  antennes  ferrugineuses  ;  tôte 
d'un  noir  brillant,  avec  ligne  blanche  au  bord  interne  des  yeux  et  col- 
lier jaune;  thorax  d'un  noir  brillant,  avec  six  points  jaunes;  abdomen 
noir,  avec  les  six  premiers  anneaux  largement  bordés  de  jaune,  le  sep- 


298  LÉPIDOPTÈRES. 

lième  noir  au  milieu,  jaune  sur  les  côtés.  Le  S.  Asiliformis  offre  une 
chenille  qui  passe  deux  hivers  et  vit  dans  le  tronc,  les  branches  et 
les  racines  du  peuplier  noir,  plus  rarement  dans  le  tremble,  peut- 
être  aussi  dans  le  bouleau.  Elle  ne  fait  pas  de  coque,  mais  se  change 
en  chrysalide,  de  couleur  marron,  dans  une  partie  élargie  de  la  galerie, 
dont  elle  ferme  les  deux  bouts  avec  des  fils  de  soie  serrés,  cette  soie 
tapissant  aussi  plus  ou  moins  l'intérieur.  C'est  en  mai  ou  au  début  de 
juin  que  se  fait  la  nymphose.  L'adulte  paraît  en  juin  et  vole  en  butinant 
sur  les  fleurs  du  seringat  odorant  et  du  troëne.  L'espèce  est  assez  com- 
mune dans  l'Allemagne  du  Nord,  en  Angleterre,  en  Belgique,  dans  le 
nord  de  la  France  et  aux  environs  de  Paris.  Je  l'ai  prise  sur  les  jeunes 
peupliers  de  la  foret  d'Armamvilliers  et  dans  les  alentours.  Elle  devient 
rare  dans  la  France  centrale,  surtout  au  sud  de  la  Loire.  La  race  méri- 
dionale a  les  mêmes  mœurs  et  vit  dans  les  racines  de  peuplier.  La  che- 
nille fut  si  commune,  il  y  a  quelques  années,  à  la  base  des  jeunes  peu- 
pliers d'Italie,  qu'elle  fit  périr  une  partie  de  ces  arbres  dans  la  forêt  de 
Bondy,  sur  le  bord  du  canal  de  l'Ourcq.  Il  y  a  quelques  espèces  exo- 
tiques du  sous-genre  Sciapteron. 

Le  sous-genre  Sesia  propre  est  de  beaucoup  le  plus  nombreux  en 
espèces.  Nous  citerons  surtout  quelques  espèces  des  jardins,  pouvant 
accidentellement  causer  certains  dommages  à  des  arbres  ou  à  des  arbustes 
à  fruit.  C'est  surtout  près  des  plantes  à  l'intérieur  desquelles  vivent  les 
chenilles  que  les  amateurs  auront  chance  de  capturer  les  Sesia  buti- 
nant sur  les  fleurs  d'alentour,  car  les  adultes  volent  vivement  au  soleil 
et  ont  une  spiritrompe  longue  et  épaisse.  Les  yeux  sont  grands  et  piri- 
formes,  c'est-à-dire  ovales  et  atténués  en  dessus,  les  ocelles  grands,  les 
antennes  fusiformes,  à  bout  sétacé,  ayant  chez  le  mâle  des  dents  plus 
ou  moins  apparentes,  longuement  ciliées,  disparaissant  au  delà  du  mi- 
lieu ;  les  ailes  antérieures  ont  trois  aréoles  hyalines  et  deux  bandes  d'é- 
cailles,  les  pattes  antérieures  sont  plus  courtes  que  les  médianes  et  les 
postérieures  très  longues  ;  l'abdomen  atténué  vers  le  bout  et  avec  un 
faisceau  terminal  très  long.  Nous  citerons  S.  Tipuliformis,  Linn.;  enver- 
gure, 15  à  20  miUimètres  dans  les  deux  sexes;  antennes  d'un  noir  bleu, 
jaunâtres  en  dessus  vers  le  bout;  ailes  supérieures  transparentes  avec  les 
nervures,  les  bords,  une  large  bande  transverse  et  le  sommet  d'un  noir 
bleu,  avec  des  stries  d'un  doré  bronzé;  ailes  inférieures  transparentes, 
avec  les  nervures,  le  bord  postérieur  et  un  croissant  près  du  milieu  de 
la  côte  d'un  noir  bleu  en  dessus  ;  tête  noire  avec  deux  petits  traits 
blancs  en  avant  des  yeux  et  un  petit  collier  jaune;  thorax  d'un  noir 
bleu  avec  trait  jaune  sur  les  ptérygodes;  abdomen  noir,  avec  trois  cein- 
tures jaunes  chez  la  femelle,  quatre  chez  le  mâle,  et  pinceau  anal  noir. 
Cette  iïésie  est  une  des  plus  communes  ;  on  la  prend,  soit  au  repos  sur 
les  troncs,  soit  butinant,  en  juin  et  juillet,  sur  les  fleurs  des  Compo- 
sées {Cirsium,  Carduus,  etc.).  La  chenille  ne  passe  qu'un  hiver  et  vit 
dans  les  rameaux  du  Groseillier  rouge  et  s'y  fait  une  très  longue  galerie 


SÉSIENS.  299 

centrale,  ne  se  nourrissant  que  de  la  moelle.  Dans  la  galerie  sont  accu- 
mulés des  excréments  bruns  et  des  granules  boueux,  qui  ne  sont  pas 
rejetés  au  dehors.  Elle  construit  sa  coque  à  la  fui  d'avril,  en  mai  ou  au 
commencement  de  juin,  selon  les  climats,  et  s'y  change  en  une  chrysa- 
lide jaune.  Le  plus  souvent  cette  coque  est  formée  par  les  parois  mêmes 
de  la  galerie,  ou  bien  de  particules  ligneuses  très  faiblement  aggluti- 
nées, et  toujours  l'intérieur  est  garni  de  nombreux  fils  de  soie.  Cette 
chenille  vit  encore  dans  le  Groseillier  noir  (Staudingcr)  et  dans  le  Noi- 
setier (Boisduval).  L'espèce  se  trouve  dans  toute  la  France  et  dans  près- 
que  toute  l'Europe,  partout  où  l'on  cultive  les  groseilliers;  S.  Myopce- 
formis,  Borckausen,  syn.  :  Mutillœformis,  Laspeyres  ;  envergure  de  18  à 
22  millimùtres,  tète  noire,  avec  deux  traits  blancs  devant  les  yeux,  an- 
tennes d'un  noir  bleu,  thorax  d'un  noir  bleu  luisant,  avec  une  tache 
dorée  de  chaque  côté  de  la  poitrine,  ailes  transparentes,  les  supérieures 
avec  les  nervures,  les  bords  et  une  large  bande  transverse  d'un  noir 
bleu  en  dessus  et  d'un  fauve  doré  en  dessous,  les  inférieures  avec  les 
nervures  et  les  bords  d'un  bleu  violet  en  dessus,  d'un  fauve  doré  en 
dessous,  avec  une  petite  lunule  noire  de  part  et  d'autre;  pattes  noires  ; 
abdomen  noir,  avec  le  segment  U  rougeûtre  en  dessus,  noir  en  dessous, 
les  segments  Zi,  5,  6  argentés  en  dessous  chez  le  mâle,  la  brosse  anale 
d'un  noir  bleu,  sans  taclie  chez  la  femelle,  avec  le  pourtour  de  l'anus 
blanc  ou  jaunâtre  chez  le  mâle;  chenille  passant  deux  hivers  dans  les 
vieux  pommiers  et  aussi  dans  les  poiriers,  se  traçant  une  courte  galerie 
dans  les  parties  tendres  du  bois  et  se  changeant  à  la  fin  de  mai  en  chry- 
salide  jaune,  dans  une  coque  placée  dans  une  partie  creusée  de  l'écorce, 
souvent  près  des  nichées  de  Puceron  lanigère,  confectionnée  avec  un 
assemblage  serré  de  débris  d'écorce,  tapissée  de  fils  de  soie  à  l'intérieur; 
selon  Blisson,  la  chenille  trace  volontiers  sa  galerie  à  l'entour  et  sur  les 
bords  des  caries  sèches,  des  parties  coupées  depuis  quelques  années, 
des  endroits  dénudés  et  de  ceux  où  l'écorce  est  en  partie  détachée  ; 
adulte  en  mai,  juin,  juillet,  selon  le  climat,  des  vergers,  jardins,  plan- 
tations, se  posant  sur  les  troncs  des  pommiers  et  butinant  sur  les  fleurs 
de  seringat  à  l'ardeur  du  soleil;  d'Allemagne,  de  Belgique,  d'Angle- 
terre, de  toute  la  France;  S.  Culicifurmis,  Linn.,  de  22  millimètres  d'en- 
vergure chez  le  mâle,  26  à  28  chez  la  femelle,  le  corselet  d'un  bleu 
noir,  avec  une  grande  tache  d'un  fauve  rouge  de  chaque  côté  de  la  poi- 
trine, les  ailes  transparentes,  à  base  rougeâtre,  à  bords  et  nervures  noi- 
râtres, la  bande  transverse  des  supérieures  d'un  bleu  noir,  avec  une 
petite  tache  rouge,  les  inférieures  avec  une  petite  lunule  noire;  abdo- 
men d'un  noir  bleu,  avec  le  segment  h  entièrement  rouge  et  le  pinceau 
anal  noir;  chenille  ne  passant  qu'un  hiver,  dans  le  tronc  et  les  branches 
du  bouleau  et  très  rarement  de  l'aulne,  se  creusant  une  courte  gale- 
rie, non  seulement  dans  les  parties  tendres,  mais  aussi  dans  le  cœur 
même  du  bois,  se  changeant  à  la  fin  d'avril  ou  en  mai  en  une  chrysa- 
lide testacée  dans  une  coque  fixée  d'un  côté  à  la  galerie  et  formée  exté- 


300  r.ÊpinoPTkr.KS. 

rieurement  de  longues  parcelles  de  bois,  sans  fils  de  soie;  probablement 
par  erreur,  certains  auteurs  indiquent  celle  chenille  conime  vivant 
dans  le  pomnaier  et  le  prunier;  cette  Sésie,  des  mêmes  pays  que  la 
précédente,  butine  en  mai  et  juin  sur  les  fleurs  du  seringat  odorant, 
de  la  bourdaine,  etc.  ;  c'est  une  des  Sésies  les  moins  rares  dans  les  bois 
à  bouleaux  des  environs  de  Paris;  S.  Cynipiformis,  Esper.,  syn.  :  Asili- 
forinis,  Rottenburg,  jEsiriformis,  Rott.,  Vespiformis,  Lasp.,  Mellinifor- 
mis,  aberr.,  Godart;  envergure  de  17  à  23  millimètres,  tôte  noire  avec 
un  collier  jaune,  thorax  d'un  noir  bleu  ,  avec  deux  lignes  longitu- 
dinales jaunes  en  dessus  et  une  grande  tache  jaune  de  chaque  côté; 
ailes  supérieures  transparentes,  avec  les  nervures  et  l'extrémité  brunes 
et  une  lunule  discoïdale  rouge,  bordée  intérieurement  par  une  ligne 
noire,  les  inférieures  avec  les  nervures,  le  bord  postérieur  et  un  petit  arc 
au  milieu  de  la  côte  d'un  brun  noir  ;  cuisses  d'un  noir  bleu,  jambes  jaunes 
avec  un  anneau  d'un  noir  bleu,  tarses  jaunes;  abdomen  noir  bleu, 
presque  tous  les  segments  bordés  de  jaune  postérieurement,  le  pinceau 
anal  de  la  femelle  jaune  bordé  de  noir,  noir  chez  le  mule  avec  les  côtés 
jaunes;  Allemagne,  Angleterre,  Belgique,  toute  la  France,  l'adulte  en 
juin  et  juillet,  dans  les  bots,  assez  commun  près  de  Paris,  butinant  sur 
les  fleurs  du  cornouiller  sanguin  et  du  fusain;  chenille  passant  deux 
hivers,  parfois  dans  les  petites  branches,  le  plus  souvent  dans  les  gros 
chênes  tétauds  ou  étôtés,  surtout  dans  leurs  excroissances  morbides,  se 
tenant  seulement  dans  l'aubier  et  creusant  au  hasard  sa  galerie  dans 
un  faible  espace,  se  façonnant  une  coque  en  parcelles  ligneuses  serrées, 
avec  soie  à  l'intérieur,  dans  l'écorce  même  ou  au  dehors,  sous  les  li- 
chens et  les  mousses,  et  s'y  changeant,  en  mai  ou  juin,  en  une  chrysa- 
lide tesfacée;  S.  Conopiformis,  Esper.,  syn.  :  Nomadœformis,  Lasp.,  sijr- 
phiformis,  Hûb.,  de  20  à  22  millimètres  d'envergure  ;  tête  noire,  à  collier 
jaune,  antennes  d'un  noir  bleu,  thorax  noir  bleu,  avec  ligne  jaune  de 
chaque  côté;  ailes  transparentes,  les  supérieures  avec  les  nervures,  les 
bords  et  une  bande  transverse  d'un  noir  violet,  le  sommet  d'un  fauve 
doré  de  part  et  d'autre,  les  inférieures  avec  les  nervures,  les  bords  et 
une  petite  lunule  d'un  noir  violet;  pattes  noires;  abdomen  d'un  noir 
bleu  luisant,  avec  trois  ceintures  jaunes  chez  la  femelle  et  quatre  chez 
le  mâle,  en  outre,  une  hgne  transverse  jaune  au-dessus  du  premier 
anneau,  brosse  anale  d'un  noir  bleu;  chenille  dans  le  tronc  des  vieux 
chênes  tétauds,  se  chrysalidant  en  mai;  adulte  en  juin,  sur  le  bois 
mort  et  les  vieilles  souches  de  chênes  de  l'Allemagne  du  Nord,  mais 
très  rare,  non  signalé  en  Angleterre,  de  Belgique  et  de  plusieurs  autres 
parties  de  la  France,  des  environs  de  Paris,  toujours  assez  rare  ;  S.  For- 
micœformis,  Lasp.,  espèce  rare  en  France,  d'Allemagne,  d'Angleterre  , 
de  Belgique,  l'adulte  à  rechercher  dans  les  oseraies,  butinant  dans  les 
bois,  en  mai,  juin  et  juillet,  sur  les  fleurs  du  cornouiller  sauvage; 
20  millimètres  environ  d'envergure,  le  corselet  d'un  noir-bleu,  souvent 
sans  taches;  ailes  transparentes,  les  supérieures  avec  le  sommet  et  l'o- 


rigiiie  de  la  côte  cuivrés,  les  nervures,  les  bords  et  une  étroite  bande 
Iransverse  noirs,  les  inférieures  avec  les  nervures,  les  bords  et  une  pe- 
tite lunule  noirs;  abdomen  d'un  noir  bleu,  à  pinceau  anal  noir, 
les  segments  U  et  5  (mâle)  ou  U  (femelle)  d'un  rouge  fauve;  cbenille 
passant  deux  hivers  au  bas  du  tronc  ou  dans  les  racines  de  saule  et  de 
l'osier,  d'abord  dans  les  parties  tendres,  puis  dans  le  cœur  du  bois  ou 
de  la  racine,  fixant  aux  parois  de  sa  galerie  une  coque  composée  de  par- 
celles de  bois  peu  serrées,  mais  abondamment  pourvue  à  l'intérieur  de 
fils  de  soie,  où  elle  se  change  en  chrysalide  testacée  ;  S.  chrysidiformis, 
Ksper.,  la  plus  richement  colorée  de  nos  Sésies;  envergure,  18  k  20  mil- 
limètres, le  corselet  d'un  noir  bleu  luisant,  avec  un  point  blanc  à  la  base 
des  ailes;  ailes  supérieures  d'un  rouge  de  minium,  avec  les  bords  et  la 
tache  transversale  noirs,  cette  tache  noire  comprise  entre  deux  taches 
vitrées,  l'intérieure  allongée  et  cunéiforme,  l'extérieure  plus  petite  et 
arrondie,  les  ailes  inférieures  transparentes,  avec  nervures  et  bordure 
noires  et  une  petite  lunule  noire  bordée  de  rouge  minium;  pattes 
noires,  avec  jambes  d'un  rouge  fauve  ;  abdomen  d'un  noir  bleu  avec 
derniers  segments  bordés  de  blanc  en  dessus  seulement,  la  brosse  anale 
comprimée  chez  le  mâle,  noire  avec  le  milieu  d'un  rouge  fauve;  adulte 
en  juin  et  juillet,  butinant  sur  les  fleurs  de  lavande,  parfois  assez  com- 
mun pi'ès  de  Paris  dans  les  prairies,  sur  les  fleurs  de  carotte  sauvage, 
très  commun  dans  les  jardins  de  Rennes  sur  les  fleurs  de  persil  et 
d'oseille  (Oberthur),  manquant  dans  l'Allemagne,  existant  en  Angle- 
terre, en  Belgique  et  dans  toute  la  France;  chenille  dans  les  racines  de 
y Artemisia  campestris  et  du  Rumex  crisims ;  S.  Uroceriformis,  Treitske, 
belle  et  rare  espèce  de  grande  taille,  26  miUimètres  d'envergure,  les 
ailes  supérieures  d'un  jaune  ocreux  translucide,  avec  la  côte,  les  ner- 
vures et  un  trait  noirs,  ce  trait  entre  deux  taches  vitrées,  les  pattes 
jaunes,  l'abdomen  noir,  avec  cinq  anneaux  jaunes,  la  brosse  anale  jaune 
en  dessus,  noire  en  dessous  et  sur  les  côtés  ;  midi  de  l'Allemagne 
et  de  la  France,  remontant  plus  au  nord  par  places,  en  juin,  près 
de  Lyon  (Millière),  dans  la  Lozère  (.1.  Fallou),  en  Saône-et-Loire,  à 
Conchss-les-Mines  (Constant),  dans  le  Cher,  à  Saint-Florent  (Maurice 
Sand). 

Le  sous-genre  Bembecia  présente  l'article  terminal  des  antennes  non 
sétacé,  les  antennes  du  mâle  bi  pectinées  et  ciliées.  Le  type  est  une  es- 
pèce toujours  rare,  S.  Hylœiforinis,  Lasp.,  qui  vole  de  juin  à  août  dans 
les  jardins  et  dans  les  lieux  où  croissent  des  Ronces,,  en  Allemagne,  en 
Belgique,  en  France;  envergure,  23  à  28  millimètres  chez  le  mille,  28  à 
32  chez  la  femelle  ;  tête  d'un  noir  bleu,  avec  deux  légers  traits  blancs 
devant  les  yeux,  antennes  d'un  noir  bleu,  avec  reflet  plus  ou  moins 
pourpré  ;  thorax  d'un  noir  bleu,  avec  une  ligne  et  un  point  jaunes  à  la 
base  de  chaque  aile  supérieure;  ailes  supérieures  d'un  fauve  brun  eu 
dessus  et  d'un  fauve  rougeâtre  en  dessous,  avec  les  nervures  noirâtres 
et  une  bande  trausversc  noirâtre,  séparant  deux  taches  vitrées,  l'interne 


302  LÉPIDOPTÈRES. 

allongée,  l'externe  arrondie  ;  ailes  inférieures  transparentes,  avec  les 
nervures  et  la  frange  d'un  brun  noir  des  deux  côtés;  pattes  partie  d'un 
noir  bleu,  partie  roussâtre,  avec  tarses  jaunes;  abdomen  d'un  noir  bleu, 
avec  tous  les  anneaux  bordés  de  jaune  en  arrière,  la  brosse  anale  jaune, 
avec  quelques  poils  noirs  mêlés.  La  chenille  de  cette  grande  Sésie  ne 
passe  qu'un  hiver  dans  les  racines  du  framboisier  (Staudinger)  et  aussi 
de  la  ronce  (Boisduval);  elle  ronge  d'abord  les  parties  tendres  de  la  ra- 
cine, puis  passe  dans  les  parties  internes  et  dans  les  renflements;  vers 
le  mois  de  mai,  elle  monte  à  l'intérieur  mortifié  de  la  tige  et  y  creuse 
une  longue  cavité,  où,  sans  tissu  soyeux,  elle  se  change  en  une  chrysa- 
lide de  couleur  marron. 


Tribu  des  SPHlMCilEMiS. 

Antennes  presque  toujours  rigides,  prismatiques  ou  arrondies  exté- 
rieurement, et  ayant  la  face  interne  excavée  ou  creusée  en  sillon,  et 
le  bord  supérieur  du  sillon  très  souvent  crénelé  ou  garni  de  lames 
courbes  plus  ou  moins  longues,  l'extrémité  de  l'antenne  finissant  par 
une  pointe  souvent  réfléchie,  quelquefois  velue;  chaperon  saillant, 
recouvert  de  poils  écailleux  très  denses;  palpes  larges,  contigus,  appli- 
qués exactement  sur  le  front  et  couverts  de  poils  écailleux  très  serrés, 
leurs  articles,  surtout  le  troisième,  à  peine  distincts  dans  la  plupart 
des  genres;  spiritrompe  de  longueur  très  variable,  selon  les  genres, 
quelquefois  démesurée  {Sphinx,  Macroglossa),  très  courte  dans  un 
genre  {Smerinthus)  ;  thorax  très  robuste,  en  raison  des  puissants 
muscles  alaires  qu'il  contient  ;  ailes  de  consistance  très  solide,  en  toit 
incliné  dans  le  repos,  les  supérieures  étroites,  elliptiques,  allongées, 
marquées  ordinairement  vers  leur  milieu,  sous  la  cûte,  d'un  stigma 
plus  ou  moins  apparent,  lorsqu'il  n'est  pas  absorbé  par  la  couleur  du 
fond,  les  inférieures  beaucoup  plus  courtes,  pourvues  généralement, 
et  surtout  chez  les  mâles,  d'un  crin  (retinaculum)  entrant  dans  un 
anneau  chitineux  du  bord  inférieur  de  la  base  des  ailes  supérieures 
(système  du  frein);  nervulation  normale  rappelant  celle  de  plusieurs 
familles  très  distinctes  et  éloignées  les  unes  des  autres,  la  nervure 
simple  antérieure  et  la  nervure  composée  antérieure  parallèles,  rap- 
prochées de  la  côte  et  quelquefois  comme  soudées  par  approche;  ab- 
domen très  gros,  aussi  large  k  la  base  que  le  thorax,  allongé,  cylindro- 
conique,  terminé  tantôt  en  cône  obtus  ou  très  aigu,  parfois  par  un 
petit  pinceau  de  poils,  parfois  aplati  en  dessous,  et  alors  terminé  par 
une  large  brosse  de  poils  écailleux,  étalés  en  queue  d'oiseau  [MacrO" 
glossa).  —  Chenilles  glabres ,  cylindriques,  allongées,  légèrement  et 
peu  à  peu  renflées  postérieurement,  munies  presque  toujours  d'une 
corne  dressée  et  recourbée  en  arrière  sur  l'avant-dernier  segment  ou 
quelquefois  d'un  petit  écusson  lenticulaire  qui  en  tient  lieu.  —  Ghrysa- 


SPHINGIENS.  303 

lides  lisses,  cylinclro-coniques,  pourvues  d'une  pointe  anale  plus  ou 
moins  prononcée  et  plus  ou  moins  rugueuse,  offrant  parfois  le  fourreau 
de  la  spiritrompo  saillant  et  détaché  (Sphinx). 

La  tribu  des  Sphingiens  est  très  naturelle  et  hors  série  par  beaucoup 
de  caractères,  notamment  la  nervulation.  Elle  correspond  au  genre 
Sphinx  de  Linna3us,  ou  plus  exactement  à  ses  Sphingos  légitima'.  Ce 
nom,  emprunté  à  la  mythologie,  vient  de  l'attitude  que  prennent  sou- 
vent certaines  des  chenilles  de  la  tribu,  notamment  celle  du  Sphinx 
ligustri,  Linn.,  relevant  la  tète  et  les  premiers  anneaux,  et  restant 
ainsi  longtemps  immobiles,  dans  la  position  du  Sphinx  de  la  fable, 
arrêtant  les  passants  par  sa  terrible  énigme.  Avec  les  Castniens,  les 
Sésiens  et  les  Zygéniens,  la  tribu  des  Sphingiens  constituait  les  an- 
ciens Crépusculaires  de  Latreille,  division  abandonnée  depuis  assez 
longtemps,  car  elle  n'offre  aucun  caractère  anatomique  distinctif  et 
parce  que  beaucoup  de  ses  espèces  volent  pendant  le  jour.  Les 
Sphingiens  forment  la  légion  des  Prismaticornes  de  M.  Guénée.  Ce  soni 
les  Lépidoptères  doués  du  vol  le  plus  puissant  et  le  plus  soutenu,  lié  à 
la  plus  forte  température  individuelle  et  au  plus  grand  excès  de  tem- 
pérature du  thorax  sur  l'abdomen  qui  aient  été  constatés  chez  les 
Insectes.  Gela  est  en  rapport,  non  seulement  avec  l'énergie  musculaire 
du  vol,  mais  avec  la  forte  taille  des  Sphingiens,  dont  la  minorité  des 
espèces  n'offre  que  la  dimension  moyenne  des  Lépidoptères,  la  plupart 
figurant  parmi  les  grands  papillons;  il  en  est,  même  dans  nos  régions, 
qui,  par  l'élégance  des  formes  et  la  richesse  du  coloris,  peuvent  rivali- 
ser avec  les  Lépidoptères  exotiques.  Certaines  espèces  se  transportent 
souvent  à  des  distances  considérables,  ainsi  de  l'intérieur  de  rAfriqu(! 
sur  la  plus  grande  partie  de  l'Europe,  et  forment,  par  ces  migrations, 
des. colonies  permanentes  ou  momentanées,  loin  de  leur  patrie  pre- 
mière. Soit  qu'ils  volent  le  jour,  soit  qu'ils  volent  le  soir  ou  au  crépus- 
cule, ce  qui  est  le  cas  du  plus  grand  nombre  des  Sphingiens  leur  vol 
peut  rivaliser  avec  celui  de  beaucoup  d'oiseaux  gi'anivores  ou  insecti- 
vores. Us  se  reposent  rarement  et  se  soutiennent  dans  les  airs,  sans 
s'arrêter,  par  un  mouvement  rapide  des  ailes  autour  du  corps,  de  sorte 
que  l'œil,  par  la  persistance  des  impressions  lumineuses  sur  la  rétine, 
éprouve  la  sensation  d'une  surface  confusément  élargie  (vol  station- 
naire  de  Straus-Durckheim);  en  même  temps,  ils  plongent  leur  longue 
spiritrompe  jusqu'au  fond  de  la  corolle  des  fleurs  pour  en  extraire  le 
nectar  dont  ils  se  nourrissent.  On  entend  alors,  très  distinctement 
pour  les  grandes  espèces,  non  pas  un  bourdonnement,  à  la  façon  des 
Diptères  et  surtout  des  Hyménoptères,  mais  un  frémissement  produit 
par  le  vol;  il  y  a  exception  pour  les  Smérinthes,  dont  les  femelles  ne 
volent  presque  pas  et  les  mâles  peu  et  faiblement  ;  par  ce  caractère  et 
par  d'autres  cette  famille  de  Sphingiens  se  rapproche  des  Bombyciens. 
Les  chenilles  des  Sphingiens  sont  presque  toutes  très  belles;  on  peut 
même  dire  que  celle  du  Deilephila  Nicœa  et  celle  du  Ueilephila  euphur- 


30i  LÉPlDOPTtRES, 

biœ,  par  exemple,  pour  prendre  une  espèce  commune,  attirent  les  yeux 
(les  pei'sonnes  les  plus  indilTérentes  par  la  vivacité  et  l'éclat  de  leurs 
couleurs,  comme  vernissées  chez  la  seconde,  riches  colorations  qui 
sont  rares  chez  les  chenilles.  La  plupart  ne  sortent  que  la  nuit 
pour  prendre  leur  nourriture;  il  en  est  cependant  quelques-unes 
qui  se  tiennent  à  découvert  pendant  toute  leur  vie  sur  les  plantes,  où 
on  les  trouve  sans  beaucoup  de  peine,  car  leurs  dimensions  les  rendent 
très  visibles.  Pour  se  métamorphoser,  elles  s'enterrent,  le  plus  souvent, 
sans  filer  de  coque,  à  quelques  centimètres  de  profondeur  et  à  peu  de 
distance  des  végétaux  qui  les  ont  nourries  ;  parfois  la  chrysalide  est 
entourée  d'une  coque  très  grossière,  formée  de  parcelles  de  terre  ou 
de  débris  de  végétaux,  liés  ensemble  par  des  fds  de  soie;  les  glandes  à 
soie  sont  très  peu  développées  chez  les  chenilles  des  Sphingiens.  La 
durée  de  la  nymphose  est  très  variable,  selon  les  espèces  et  parfois 
pour  la  même  espèce;  on  en  voit  éclore  au  bout  de  douze  à  quinze 
jours,  tandis  que  d'autres  chrysalides  passent  tout  l'hiver  sous  terre,  ou 
même  ne  donnent  l'insecte  parfait  qu'au  bout  de  plusieurs  années. 

Les  Sphingiens  se  rencontrent  dans  toutes  les  régions  chaudes  et 
tempérées  de  la  terre,  manquant  dans  les  parties  très  froides.  Bois- 
duval  en  indique  plus  de  500  espèces  dans  son  livre,  incomplet  malgré 
sa  date  récente  (187/i);  le  catalogue  de  M.  Dcpuiset  inscrit  33  Sphin- 
giens pour  l'Europe;  il  yen  a  1/i  dans  le  catalogue  des  espèces  anglaises 
de  British  Muséum,  et  2!i  sont  décrites  pour  la  France  dans  la  Faune  de 
Berce,  en  y  comprenant  deux  hybrides.  Certaines  espèces  de  France  ou 
d'Angleterre  sont  accidenlelles,  venant  de  loin  et  principalement  dans 
les  années  chaudes,  ne  se  reproduisant  pas  ou  donnant  seulement  une 
génération.  Ces  faits  curieux  sont  une  conséquence  du  vol  si  puissant 
des  Sphingiens. 

ACHÉHONTIDES. 

Les  caractères  de  cette  famille  sont,  en  même  temps,  ceux  de  son 
genre  unique. 

ACHEnOIVTIA ,  Octisenheimer.  —  Tête  large.  Yeux  gros  et  saillants,  très 
brillants  pendant  la  vie.  Antennes  relativement  très  courtes,  droites,  renflées  an 
milieu,  finement  striées  transversalement  du  côté  interne,  recourbées  à  leur 
extrémité  en  un  petit  crochet  prononcé,  fpiritrompe  large,  épaisse  et  très 
courte.  Palpes  épais,  séparés  à  leur  extrémité,  dépassant  à  peine  le  chaperon. 
Thorax  robuste,  large,  subovale,  portant  en  son  milieu  l'empreinte,  plus  ou 
moins  nette,  d'une  léte  de  mort,  avec  un  double  collier  bien  marqué  et  les  pté- 
rygodes  peu  distincts.  Pattes  courtes,  robustes,  les  antérieures  très  poilues  chez 
les  mâles,  avec  les  cuisses  épineuses  et  les  jambes  terminées  par  une  griffe  très 
prononcée.  Ailes  supérieures  entières  et  lancéolées,  les  inférieures  arrondies  à 
l'angle  anal.  Abdomen  ovalaire,  légèrement  aplati,  terminé  en  pointe  obtuse. — 
Chenilles  très  grosses,  cylindroïdes,  marquées    de  chevrons   sur  le  dos  et  de 


ACHEKONTIA.  305 

bandes  obliques  sur  les  côtés,  avec  une  corne  grenue  et  rocailleuse  sur  le  on- 
zième anneau.  —  Chrysalides  allongées  et  déprimées  sur  la  poitrine,  avec  une 
pointe  anale  un  peu  bifurquée. 

L'espèce  type  de  cette  famille  est  le  célèbre  Sphinx  à  tête  de.  mort, 
VAchero7itia  Atropos,  Linn.,  de  HO  à  IZiO  millimètres  d'envergure;  an- 
tennes noires  en  dessus,  avec  le  bout  d'un  beau  blanc;  spiritrompe 
large  et  courte,  d'environ  1  centimètre;  thorax  d'un  brun  noir,  sablé 
de  bleuâtre,  avec  une  grande  tache  médiane  d'un  gris  plus  ou  moins 
blanchâtre,  marquée  de  deux  points  noirs  qui  lui  donnent  une  cer- 
taine ressemblance  avec  une  tête  humaine  osseuse;  ailes  supérieures 
d'un  brun  noir,  saupoudré  d'atomes  bleuAtreg  avec  les  nervures  ferru- 
gineuses à  l'extrémité,  deux  raies  blanchûtn  >  Iransverses,  étroites  et 
ondulées,  avec  la  partie  entre  la  raie  externe  et  le  bord  mélangée  de 
grisâtre  et  de  ferrugineux,  des  lignes  noirâtres  ondulées  traversant  le 
milieu  de  l'aile,  une  petite  touffe  de  poils  fauves  à  l'origine  du  bord 
interne,  une  petite  tache  circulaire  et  blanche  à  l'extrémité  de  la  cel- 
lule discoïdale;  ailes  inférieures  d'un  jaune  d'ocre  assez  vif,  avec  deux 
bandes  transversales  noires,  l'antérieure  plus  étroite  formant  un  coude 
vers  l'angle  interne  de  l'aile,  la  seconde  rapprochée  du  bord  et  se  pro- 
longeant en  noir  sur  les  nervures;  dessous  des  quatre  ailes  d'un  jaune 
d'ocre,  avec  deux  bandes  transversales  noires;  pattes  noires,  garnies  de 
poils  jaunes  aux  cuisses,  les  tarses  annelés  de  blanc;  abdomen  d'un 
jaune  foncé,  ayant  une  large  bande  dorsale,  longitudinale,  d'un  bleu 
cendré  pâle,  coupée  par  six  anneaux  noirs  qui  font  le  tour  du  corps. 

Le  fait  très  curieux  que  présente  cet  énorme  papillon,  c'est  le  cri  aigu 
et  plaintif  que  font  entendre  les  deux  sexes.  L'organe  sonore  est  placé 
de  chaque  côté  du  corps,  à  la  base  de  l'abdomen,  et  consiste  en  une 
membrane  entourée  d'une  toufle  de  poils  étoiles  qui  entrent  dans  un 
mouvement  de  rotation  autour  de  leur  point  d'insertion  quand  l'insecte 
fait  entendre  son  cri  un  peu  sinistre.  On  comprend  qu'en  joignant  a 
cela  le  lugubre  emblème  du  corselet,  il  n'en  faut  pas  davantage  pour 
effrayer  les  gens  crédules.  En  Bretagne,  pays  enclin  aux  superstitions, 
un  curé  décrivit,  en  1730,  l'Atropos,  dans  un  journal  du  temps,  comme 
un  animal  de  la  plus  funèbre  apparence;  en  1733,  une  apparition 
abondante  de  ce  papillon  coïncidait,  dans  le  môme  pays,  avec  une  épi- 
démie très  meurtrière.  Le  papillon  fut  accusé  d'en  être  la  cause,  et 
M.  de  Pontchartrain  en  envoya  le  dessin  à  l'Académie  des  sciences. 
Réaumur  dit  à  propos  de  son  aspect  :  «  Il  n'en  a  pas  fallu  davantage 
au  peuple  timide,  toujours  disposé  à  adopter  des  présages  funestes, 
pour  juger  que  c'était  ce  papillon  qui  portait  la  mort,  ou  au  moins  qu'il 
était  venu  annoncer  les  maladies  fatales  qui  régnaient.  »  Au  dire  du 
docteur  J.  Franklin,  on  croit,  dans  les  campagnes  de  l'Angleterre,  que 
r Atropos  est  en  rapport  avec  les  sorcières,  et  va  murmurer  à  leur 
oreille  le  nom  de  la  personne  pour  laquelle  la  tombe  est  près  de  s'ou- 

GIRARI).  ni.   —  20 


306  LÉPIDOPTÈRES. 

vrir.  A  l'île  Bourbon,  où  ce  papillon  est  extrêmement  commun  pendant 
toute  l'année,  il  porte  le  nom  à'aille;  les  gens  ilu  peuple  et  beaucoup 
de  créoles  le  regardent  comme  un  insecte  fort  dangereux;  ils  croient 
que,  lorsqu'il  entre  dans  une  chambre,  il  peut  aveugler  les  personnes 
qui  s'y  trouvent;  aussi  l'en  chasse-t-on  par  tous  les  moyens.  En  France, 
r^.  Atropos  adulte  paraît  à  la  fin  de  septembre,  en  octobre  et  jusqu'au 
milieu  de  novembre,  volant  lourdement  après  le  coucher  du  soleil  et 
entrant  volontiers  dans  les  appartements,  attiré  par  les  lumières  ;  on  en 
voit  quelquefois  en  mai  et  juin,  provenant  de  chrysalides  retardées  qui 
ont  passé  l'hiver;  la  plupart  des  chrysalides  hivernantes  se  dessèchent 
et  périssent,  au  moins  dans  les  éducations  en  captivité. 

La  chenille  de  l'Atropos  se  reconnaît  tout  d'abord  à  sa  grosseur,  car 
c'est  la  plus  forte  chenille  que  nous  ayons  en  Europe.  Elle  a  la  tête 
verte,  avec  un  trait  noir  latéral,  et  offre,  le  plus  souvent,  un  fond  jaune 
pointillé  de  noir  verdâtre  sur  les  côtés,  avec  les  anneaux  de  Zi  à  10 
inclusivement  ornés  de  sept  bandes  obliques  bleues,  teintées  de  violet 
et  lisérées  de  blanc,  qui,  en  se  joignant  sur  le  dos,  forment  autant  de 
chevrons  parallèles  entre  eux,  et  dont  les  pointes  sont  tournées  vers  la 
région  anale;  sur  le  sommet  du  onzième  anneau  est  une  corne  jau- 
nâtre, rocailleuse,  c'est-à-dire  hérissée  de  tubercules  coniques  qui  se 
touchent  par  leur  base,  inclinée  en  arrière,  puis  recourbée  en  avant  h 
son  extrémité  qui  fait  le  crochet  ou  la  queue  de  chien;  les  pattes  écail- 
leuses  sont  noires,  les  pattes  membraneuses  verdâtres,  avec  la  cou- 
ronne noirâtre.  Cette  chenille  a,  en  outre,  des  livrées  variables;  les 
chevrons  peuvent  être  pourpres  ou  violets  sur  fond  jaune,  ou  bien  tout 
le  fond  vert  avec  chevrons  d'un  vert  plus  foncé  et  bordés  de  jaune 
antérieurement;  enfin,  dans  une  variété  rare  et  qu'on  trouve,  dit-on, 
spécialement  sur  le  jasmin,  le  fond  est  d'un  brun  feuille  morte,  avec 
deux  lignes  dorsales  serpentantes  d'un  brun  noirâtre  ponctué  de  blanc, 
la  corne  d'un  blanc  jaunâtre,  les  anneaux  thoraciques  de  couleur  de 
chair,  avec  une  bande  dorsale  et  des  taches  latérales  d'un  noir  ver- 
dâtre. La  chenille  de  l'Atropos  se  rencontre,  de  la  fin  de  juillet  au 
milieu  d'octobre,  au  moins  dans  la  moitié  septentrionale  de  la  France, 
sur  diverses  plantes,  l'olivier,  le  lilas,  les  jasmins  jaune  et  blanc  et 
surtout  les  Solanées,  comme  le  liciet,  l'alkékenge,  la  morelle  douce- 
amère,  la  tomate,  la  pomme  de  terre.  En  1853,  en  Allemagne,  les  che- 
nilles d'^.  Atropos,  qui  ordinairement  ne  s'attaquent  qu'aux  feuilles  de 
la  pomme  de  terre,  se  portèrent  exclusivement  sur  celles  du  tabac 
{i^icotiana  tahacum)  et  détruisirent  un  grand  nombre  de  pieds  de  cette 
plante.  Les  papillons  de  1733,  dont  parle  Réaumur,  provenaient  de 
chenilles  ayant  vécu  sur  des  Solanées  indigènes  spontanées,  car,  à 
cette  époque,  la  pomme  de  terre  n'existait  en  France  que  dans  quel- 
ques jardins  et  n'était  pas  encore  cultivée  en  champs;  mais  depuis 
la  grande  culture  de  cette  Solanée,  c'est  surtout  sur  ses  feuilles  qu'on 
rouve-la  chenille  de  l'Atropos.   Parvenue  à  toute  sa  croissance,  elle 


ACHEROJNTIA,    SMÊRINTHIDES.  307 

s'enfonce  profondément  en  terre  et  subit  sa  nymphose  dans  une  coque 
terreuse  à  grains  agglutinés,  et  l'adulte  paraît  ordinairement  de  quatre 
à  six  semaines  après.  La  chrysalide  est  d'un  brun  marron  luisant,  plus 
clair  sur  les  fourreaux  des  ailes,  allongée  et  déprimée  ou  aplatie  dans 
sa  partie  antérieure,  cylindrico-conique  postérieurement,  avec  les  in- 
cisions des  anneaux  légèrement  chagrinées,  les  stigmates  très! appa- 
rents et  une  pointe  à  la  partie  aruile,  noire,  rugueuse  et  très  fine- 
ment bifurquée.  Le  meilleur  moyen  qu'ont  les  amateurs  de  se  pro- 
curer le  Sphinx  à  tête  de  mort,  c'est  de  ramasser  sa  chrysalide  en  oc- 
tobre, en  Buivaiat  les  femmes  qui  arrachent  les  pommes  de  terre. 

Les  étés  secs  et  chauds,  dans  notre  climat,  sont  plus  favorables  à  la 
multiplication  de  la  chenille  de  l'Atropos  que  les  étés  froids  et  humides, 
ce  qui  prouve  bien  l'origine  australe  de  cette  espèce, qui  n'est  pas  indi- 
gène, mais  originaire  de  l'Asie  indienne  et  de  l'Afrique.  Elle  nous  est 
apportée,  dans  les  années  chaudes,  par  les  vents  du  sud  et  du  sud-est, 
s'accouple  dans  notre  climat  et  donne  une  génération  en  automne, 
taudis  qu'en  Afrique  et  en  Asie  elle  paraît  sans  interruption.  Ce  migra- 
teur est  commun  dans  le  midi  de  l'Europe,  mais  devient  rare  au  nord 
de  Paris  et  s'avance  parfois  jusqu'en  Angleterre.  La  chenille  commet 
des  dégâts  dans  les  champs  de  pomme  de  terre,  mais  seulement  dans 
les  locahtés  méridionales,  où  elle  est  abondante.  C'est  également  dans 
le  Midi  que  le  papillon  est,  en  certaines  années,  fort  nuisible  aux 
ruches  d'Abeilles.  Il  y  entre  pour  se  gorger  de  miel,  épouvantant  les 
Abeilles,  dont  l'aiguillon  est  impuissant  contre  son  corps  à  peau  épaisse 
et  comme  recouverte  d'un  duvet  laineux. 

Il  existe  deux  autres  espèces  exotiques  â'Achernntia,  ressemblant 
toutes  deux  à  l'A.  Atropos.  L'une  est  l'A.  Styx,  Westwood,  beaucoup 
plus  commune  au  Bengale  qu'A.  Atropos,  et  faisant  entendre  un  cri 
plus  aigu,  malgré  sa  taille  plus  petite;  sa  chenille  dévore  dans  les  jar- 
dins les  feuilles  des  aubergines  et  du  lilas  {Syrinçja  Persica).  L'autre 
espèce,  un  peu  plus  grande  que  l'Atropos,  est  l'A.  Salarias,  Boisduval, 
moins  commune  que  l'A.  Styx,  et  dont  la  chenille  vit  sur  le  tabac,  aux 
Indes,  à  Java,  à  Bornéo,  aux  îles  Philippines. 

SMÊRINTHIDES. 

La  tribu  des  Smérinthides  est  formée  de  Lépidoptères  qui  établissent 
un  passage  entre  les  Sphingiens  et  les  Bombyciens,  surtout  avec  les 
Sericaria,  les  Endromis,  dont  la  chenille  a  la  corne  caudale.  Les  adultes 
ont  les  antennes  souvent  grosses  et  fortement  dentées  chez  les  mâles, 
et  la  spiritrompe  dans  les  deux  sexes  très  courte  et  généralement  trop 
peu  développée  pour  servir  à  l'alimentation.  Les  papillons  sont  d'ordi- 
naire lourds  et  volant  à  peine,  surtout  les  femelles,  et  on  les  trouve  sou- 
vent accouplés,  soit  dans  les  éducations  captives,  soit  sur  les  troncs 
d'arbre  en  liberté.  C'est  par  les  chenilles  et  par  le  mode  de  nymphose 


308  LÉPIDOPTÈRES. 

que  les  Smérinthides  se  rattachent  aux  Spliingieus.  Les  chenilles  sont 
munies  d'une  corne  sur  le  onzième  anneau,  et  ont,  en  particulier,  la 
tête  le  plus  souvent  triangulaire  et  la  peau  chagrinée  et  rugueuse.  Les 
chrysalides  se  font  en  terre,  à  peu  de  profondeur. 

Un  genre  d'Australie,  à  spiritrompe  très  courte,  établit  le  passage 
des  Smérinthes  aux  Achéronties,  dont  t.atreille  ne  le  séparait  pas.  C'est 
le  genre  Brachijgloasa ,  Latr.,  dont  les  chenilles  ont  la  tête  triangulaire, 
les  adultes  avec  des  ailes  larges,  les  supérieures  sinuées  à  l'extrémité, 
les  inférieures  colorées  en  jaune  plus  ou  moins  intense.  Trois  espèces 
de  très  grande  taille  :  B.  'Triangularis,  Donovan;  B.  Australasiœ, 
Donor.;  B.  Banksiœ,  Boisd.  liC  genre  Smerinthus  est  le  plus  important 
de  la  famille. 

SMERI1«THUS,  Ochsenheimer.  —  Antennes  flexueuses,  peu  renflées  au  mi- 
lieu, fortement  dentées  en  scie  ou  crénelées  au  côté  interne,  surtout  chez  les 
mâles,  où  elles  sont  aussi  plus  épaissos.  Tête  petite  et  retirée  sous  le  thorax, 
avec  le  chaperon  étroit  et  peu  avancé.  Yeux  petits  et  peu  saillants.  Palpes  très 
courts,  velus,  écailleux,  ne  dépassant  pas  les  yeux  et  n'atteignant  pas  le  chape- 
ron. Spiritrompe  presque  nulle  ou  rudimentaire.  Thorax  globuleux,  très  velu,  avec 
le  collier  et  les  ptérygodes  peu  distincts.  Ailes  de  forme  assez  variable,  les  infé- 
rieures généralement  dépourvues  de  frein ,  les  supérieures  falquées ,  dentées, 
sinueuses  ou  quelquefois  entières,  les  quatre  ailes  à  plat  au  repos,  le  supérieures 
débordées  alors  par  les  inférieures.  Abdomen  cylindrico-conique  et  dont  l'extré- 
mité se  relève  un  peu,  dans  les  mâles  seulement.  —  Chenilles  chagrinées, 
ornées  de  bandes  latérales  obliques ,  atténuées  antérieurement ,  à  tète  triangu- 
laire. —  Chrysalides  cylindrico-coniques,  avec  une  pointe  anale  simple. 

Les  Smérinthes  sont  des  papillons  d'un  vol  lourd  et  faible  après  le  cou- 
cher du  soleil,  qu'on  prend  aisément  au  repos  pendant  le  jour  sur  les 
troncs  d'arbres.  Les  chenilles  vivent  toutes  sur  les  arbres,  du  moinspour 
les  espèces  d'F.urope  et  celles  d'Amérique  du  Nord  h  chenilles  nues, 
surtout  sur  les  Salicinées,  puis  les  Drupacées  et  les  Ulmacées.  Elles 
se  métamorphosent  en  terre  très  peu  profonde  ou  sous  les  mousses  au 
pied  des  arbres  et  sans  former  de  coques.  Le  genre  Smerinthus  est  le 
plus  nombreux  en  espèces  de  la  famille  des  Smérinthides,  car  Boisdu- 
val  en  décrit  38  ;  il  habite  les  deux  continents,  mais  il  est  plus  répandu 
dans  les  régions  tempérées  que  sous  la  zone  intertropicale. 

Nous  indiquerons  d'abord  les  quatre  espèces  de  France ,  dont  deu.V 
surtout  sont  communes  et  dont  les  trois  premières  se  trouvent  aussi  en 
Angleterre:  S.  populi,  Linn.;  le  Sphinx  à  ailes  dentelées,  Geoffroy;  le 
Sphinx  du  peuplier,  Engramelle;  envergure,  7.")  millimètres,  de  colora- 
tion très  variable,  tantôt  grise  ou  gris  brun,  tantôt  roussâtre,  gris  lilas» 
certains  exemplaires  passant  au  rouge  clair,  avec  des  bandes  et  de^ 
raies  transverses,  ondulées,  plus  ou  moins  foncées,  l'espace  médian  des 
ailes  supérieures  ordinairement  plus  formé  et  décoré  à  l'extrémité  de 


SMEUIMHUS.  309 

la  cellule  discoïdale  fl'iin  point  blanc,  plus  ou  moins  oblong;  ailes  infé- 
rieures offrant  à  la  base  un  grand  espace  ferrugineux,  beaucoup  moins 
garni  de  duvet  que  le  reste  de  la  surface;  thorax  et  abdomen  de  la  cou- 
leur des  ailes;  femelle  ordinairement  moins  foncée  que  le  mâle,  avec 
les  raies  transverses  souvent  presque  entièrement  etl'acées;  adulte  assez 
commun  partout,  plus  au  nord  qu'au  midi  de  l'Europe,  et  qu'on  trouve 
souvent  appliqué  contre  les  troncs  et  mûme  accouplé  en  mai  et  juin  ; 
puis,  pour  une  seconde  éclosion,  en  août  et  septembre  ;  près  de  Douai  a 
été  trouvé  un  hermaphrodite  bi  latéral  de  cette  espèce  ;  on  a  également 
observé  un  accouplement  nafure/  entre  S.  populi,  femelle  et  S.  Ocellatus 
mâle,  et,  en  captivité,  entre  S.populi  femelle  et  S.  t.iliœ,  mâle;  chenille 
principalement  sur  les  peupliers  et  sur  le  tremble,  parfois  sur  le  saule,le 
bouleau,  à  rechercher  surtout  en  septembre,  tombant  facilement  quand 
on  ébranle  l'arbre,  d'un  beau  vert  pomme  pointillé  de  jaune,  avec 
sept  lignes  obliques  également  jaunes  de  chaque  côté  du  corps,  la  der- 
nière aboutissant  à  la  corne,  qui  est  rugueuse,  jaunâtre  en  dessus, 
rougeâtre  en  dessous,  les  stigmates  blancs,  bordés  de  rouge  fauve,  les 
pattes  écailleuses  entrecoupées  de  jaune  et  de  rose,  les  membraneuses 
vertes,  avec  un  trait  arqué  fauve  ou  orangé,  la  tète  verte,  encadrée  de 
jaune,  avec  les  mandibules  roses;  par  variété,  trois  ou  quatre  rangées 
de  taches  ferrugineuses  de  chaque  côté  du  corps,  une  autre  d'un  vert 
pre-sque  blanc,  à  lignes  obliques  à  peine  indiquées,  souvent  ornée  de 
deux  rangées  latérales  de  points  roses,  se  trouvant  toujours  sur  le  peu- 
plier blanc,  par  suite  d'une  imitation  de  couleur  protectrice;  chrysalide 
d'un  noir  terne,  avec  la  pointe  terminale  1res  aiguë  et  lisse  à  son  extré- 
mité, enterrée  au  pied  des  arbres,  celle  de  juillet  donnant  son  papillon 
six  semaines  après,  celle  de  l'automne  passant  l'hiver  et  ne  donnant  le 
papillon  qu'en  mai  de  l'année  suivante;  une  variété  ^'.  tremulœ, 
Fischer,  très  rare  dans  les  collections,  se  trouve  aux  environs  de  Moscou 
S.  tiliœ,  Linn.,  le  Sphinx  du  tilleul,  Geoff.,  Engr.,  variant  beaucoup 
pour  la  coloration;  fond  des  ailes  supérieures  tantôt  d'un  gris  blanchâtre 
ou  d'un  gris  rosâtre,  tantôt  chamois  ou  d'un  fauve  un  peu  rosé,  ou 
même  d'un  rouge  briqueté,  l'extrémité  toujours  olivâtre  dans  toutes  les 
variétés  et  lisérée  de  ferrugineux,  sur  le  milieu  deux  taches  supérieures 
d'un  vert  olive  foncé  ou  d'un  brun  roux,  parfois  réunies,  parfois  réduites 
à  une  ou  môme  manquant;  ailes  inférieures  d'un  brun  roux  plus  ou 
moins  clair,  avec  une  bande  transversale  noirâtre  ;  thorax  de  la  couleur 
du  fond  des  ailes  supérieures  avec  une  raie  dorsale  et  les  ptérygodes 
de  couleur  olive  ou  brune,  selon  les  variétés.  M.  Lesueur  a  obtenu  à 
Paris,  d'éclosion,  S.  tiliœ  mâle,  ayant  les  ailes  supérieures  grandes  et 
bien  développées,  les  inférieures,  par  une  ectroméhe  symétrique,  ré- 
duites à  deux  moignons  raccornis  de  1  à  2  millimètres.  Adulte  commun 
dans  toute  l'Europe  et  surtout  dans  les  parties  tempérées,  de  la  tin  de  mai 
à  la  fin  de  juin,  parfois  en  septembre,  de  seconde  éclosion,  sur  les  pro- 
menades, contre  les  troncs  des  ormes  et  des  tilleuls,  abondant  même 


310  LÉPIDOPTÈRES. 

dans  l'intérieur  de  Paris.  Chenille  plus  eitilée  antérieurement  et  à  tête 
plus  petite  que  celle  des  S.  poputi  et  Ocellatus,  ayant  la  partie  anale 
surmontée  d'uîi  écusson  granuleux,  de  forme  ovale,  d'un  blanc  violàtre 
au  centre,  d'un  jaune  orangé  sur  les  bords,  la  tête  et  le  corps  d'un 
beau  \ert  pomme,  chagriné  de  jaune,  avec  bordures  jaunes  à  la  tête, 
sept  lignes  obliques  jaunes  sur  le  corps,  parfois  bordées  de  rouge,  dont 
la  dernière  se  réunit  à  la  corne  du  pénultième  anneau,  celle-ci  rugueuse, 
bleue  en  dessus,  jaune  en  dessous,  les  stigmates  orangés,  les  pattes 
thoraciques  de  couleur  carnée,  les  pattes  abdominales  vertes,  avec  la 
couronne  d'un  rouge  brun;  vivant  sur  le  tilleul  et  principalement  sur 
l'orme,  aussi  sur  le  catalpa  et  peut-être  le  châtaignier,  du  milieu  d'août 
à  la  fin  de  septembre,  se  rencontrant  souvent  parles  chemins  lorsqu'elle 
descend  des  arbres  pour  se  métamorphoser  en  terre,  et  changeant  alors 
souvent  de  couleur  pour  prendre  une  teinte  un  peu  vineuse.  Chrysalide 
finement  chagrinée,  d'un  brun  terreux,  plus  allongée  que  celle  de 
S.  populi,  avec  la  pointe  anale  bifide  et  garnie  d'épines  jusqu'il  son 
extrémité,  enterrée  à  peu  de  profondeur  au  pied  des  ormes  et  y  passant 
l'hiver,  offrant  par  sa  recherche  facile  le  meilleur  moyen  de  se  procurer 
le  papillon;  S.  Ocellatus,  Linn.,  le  Sphinx  demi-paon,  Geoffr.,  Engram., 
de  80  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  rougeâtre 
ou  violàtre,  avec  des  lignes  transverses  ondulées  légèrement  obscures 
et  trois  espaces  bruns  irréguliers  et  une  tache  annulaire  brune  à 
l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale  ;  ailes  inférieures  d'un  rouge  carmin 
plus  ou  moins  vif,  avec  l'extrémité  lavée  de  gris  brun  et  le  milieu 
marqué  d'un  grand  œil  bleu,  à  prunelle  et  iris  noirs;  œil  lié  à  l'angle 
anal  par  un  large  trait  noir;  thorax  de  la  couleur  des  ailes  supérieures 
avec  une  large  bande  brune,  longitudinale,  élargie  à  la  base  en  forme 
de  T  renversé  ;  abdomen  d'un  brun  grisâtre,  plus  foncé  sur  les  côtés. 
Ce  Smérinthe  demi-paon  existe  dans  toute  la  France,  sans  qu'on  le 
prenne  en  abondance  nulle  part;  il  est  aussi  de  la  plus  grande  partie 
de  l'Europe,  d'Angleterre,  d'Algérie  (H.  Lucas).  C'est  un  charmant 
insecte  qui  le  dispute  aux  papillons  diurnes  par  l'élégance  de  ses  des- 
sins et  l'éclat  de  ses  couleurs;  on  le  trouve  au  bord  des  prés,  dans  les 
oseraies,  les  jardins.  Sa  chenille  vit  sur  l'osier,  les  saules,  principale- 
ment le  saule  pleureur,  le  pommier,  l'amandier,  le  pêcher,  et  aussi  le 
prunellier  et  l'aubépine;  elle  est  aisée  à  découvrir,  car  elle  dépouille 
entièrement  de  ses  feuilles  le  rameau  qu'elle  habite.  Le  plus  ordinai- 
rement l'espèce  éclôt  en  mai  et  juin,  de  chrysalides  qui  ont  passé 
l'hiver;  dans  les  années  chaudes  et  dans  le  Midi  il  y  a  une  seconde 
éclosion  en  août,  et  on  retrouve  des  chenilles  en  septembre.  Chenille 
tantôt  d'un  vert  pomme,  tantôt  d'un  vert  glauque,  mais  toujours  poin- 
tillée  de  blanchâtre,  avec  sept  lignes  blanches  sur  les  flancs  de  l'abdo- 
men, et  deux  sur  les  côtés  du  thorax,  qui  manquent  toujours  chez  la 
chenille  du  S.  popuh\  la  corne  caudale  bleue  à  la  base,  avec  l'extrémité 
verte  ou  blanchâtre,  les  pattes  écailleuses  légèrement  rougeâtres,  les 


SMKRINTHUS.  311 

pattes  membraneuses  du  m(?mo  vert  que  le  corps,  avec  la  couronne 
violfttro;  ordinairement  parvenue  à  toute  sa  taille  dans  le  courant 
d'août,  elle  s'enfonce  en  terre  pour  se  clirysalider.  Celles  qui  vivent  sur 
les  vieux  saules  ne  prennent  pas  la  peine  d'en  descendre  pour  la  nym- 
phose et  deviennent  chrysalides  dans  le  détritus  dont  la  tète  de  ces 
arbres  est  presque  toujours  remplie.  Godart  fait  remarquer  que  pour 
réussir  à  bien  conserver  les  chrysalides  de  cette  espèce,  il  faut  les 
mettre  dans  de  la  terre  de  bruyère,  qui  convient  d'ailleurs  beaucoup 
mieux  qu'aucune  autre  pour  toutes  les  chenilles  qui  doivent  s'enterrer 
et  qu'on  élève  chez  soi;  la  chrysalide  est  finement  chagrinée,  d'un 
brun  marron  foncé,  avec  la  partie  anale  arrondie  et  terminée  par  une 
pointe  courte  et  obtuse;  elle  passe  l'hiver  et  l'adulte  éclôt  à  la  fin  de 
mai,  parfois  en  septembre,  pour  des  sujets  hâtifs.  Des  amateurs  alle- 
mands ont  réussi  à  obtenir  en  captivité  l'accouplement  des  S,  populi  et 
Ocellatus,  et  à  élever  les  chenilles  dont  sont  nées  des  adultes  hybrides 
tenant  de  l'une  et  de  l'autre  espèce. 

Le  dernier  Smérinthe  de  France,  beaucoup  moins  répandu  que  les 
trois  autres,  est  le  S.  quercus,  catal.  de  Vienne  ;  le  Sphinx  du  chêne 
d'Engramelle,  ayant  le  corps  et  les  ailes  d'un  roux  clair,  les  inférieures 
assujetties  aux  supérieures  par  le  frein,  qui  manque  chez  nos  autres 
Smérinthes,  le  crin  de  la  femelle  en  faisceaux  de  poils  peu  nombreux, 
très  courts.  Les  ailes  supérieures,  irrégulièrement  dentées,  sont  mar- 
quées de  trois  lignes  transversales  ondées  de  brun,  avec  un  trait  mar- 
ginal brun  surmonté  d'un  gros  point  noir  à  l'angle  interne;  les  ailes 
inférieures,  d'un  roux  clair,  offrent  vers  l'angle  anal  un  espace  irrégu- 
lier d'un  blanc  jaunâtre,  suivi  d'une  petite  tache  brune.  L'adulte  a  deux 
générations  par  an,  en  mai,  puis  en  juillet,  les  chrysalides  de  sep- 
tembre provenant  de  la  seconde  génération  passant  l'hiver.  Il  se  ren- 
contre dans  diverses  parties  de  la  France,  principalement  méridionales, 
près  de  Montpellier,  en  Provence,  et  dans  les  Pyrénées-Orientales;  il  a 
été  pris  en  outre  dans  les  Vosges,  près  du  Ballon,  peut-être  même  près 
de  Paris.  Enfin  les  marchands  le  reçoivent  assez  communément  de 
Hongrie  et  d'Autriche.  La  chenille  vit  sur  divers  chênes,  Quercus  robur, 
Austriaca,  ilex  ou  chêne  vert,  sur  ce  dernier  arbre  dans  le  midi  de  la 
France.  Elle  est  d'un  vert  très  clair  est  chagrinée  de  blanc,  avec  sept 
bandes  obliques  jaunâtres,  le  bord  de  la  tête  liséré  de  jaune  orange,  les 
stigmates  et  les  pattes  écailleuses  d'un  jaune  d'ocre,  les  membraneuses 
vertes  avec  l'extrémité  jaunâtre,  la  corne  du  onzième  anneau  rugueuse 
et  un  peu  jaunâtre,  avec  l'extrémité  noirâtre.  Cette  chenille  se  trouve 
en  juin,  puis  en  août  et  en  septembre,  et  descend  en  terre,  sous  la 
mousse  du  pied  des  chênes,  pour  donner,  sans  coque,  une  chrysahde 
d'un  brun  cuivreux,  avec  la  pointe  anale  bien  prononcée,  les  yeux  et 
les  antennes  très  en  relief.  Les  amateurs  indiquent  la  chenille  du 
S.  Quercus  comme  très  difficile  à  élever. 

L'Amérique  du  Nord  présente  une  série  de   Smérinthes  du  type  de 


ol'2  LÉPIDOPTÈRES. 

notre  S.  Ocellatiis.  Nous  trouvons,  aux  environs  de  New- York,  le  S.  Asty- 
lus,  Drury,  présentant  les  ailes  antérieures  entières  pointues  au  bout, 
d'un  brun  ocracé  pâle,  avec  des  lignes  ondées,  les  unes  noirâtres,  les 
autres  d'un  gris  blanchâtre,  les  inférieures  fauves  avec  le  bord  obscurci 
et  un  œil  bleu  sans  pupille,  fortement  cerclé  de  noir;  corselet  et  abdo- 
men d'un  brun  ocreux  avec  une  petite  raie  dorsale  brune  sur  ce  der- 
nier; les  deux  sexes  pareils.  Nous  représentons  cette  espèce  pi.  xc, 
fig.  2,  par  une  variété  lo,  Boisduval,  offrant  les  ailes  inférieures  d'un 
fauve  un  peu  rougeâtre. 

SPHINGIDES. 

Les  Sphingiens  de  cette  famille  se  trouvent  dans  les  deux  conti- 
nents; leur  caractère  le  plus  remarquable  est  une  spiritrompe  de  lon- 
gueur démesurée,  dépassant  souvent  beaucoup  celle  du  corps,  et  une 
puissante  organisation  alaire,  qui  leur  permet  de  se  transporter  au  vol 
à  des  distances  considérables  ;  ils  ne  se  montrent  en  activité  que  le  soir, 
vers  le  coucher  du  soleil;  les  chenilles  ont  la  tète  arrondie  et  la  peau 
lisse,  jamais  chagrinée,  une  corne  en  général  sur  le  onzième  segment, 
et  sont  le  plus  souvent  ornées  de  bandes  latérales  obliques.  Ces  insectes 
sont  des  deux  continents  et  surtout  des  régions  chaudes. 

0P0IIIIX,  Linn.  —  Antennes  légèrement  flexueuses,  de  la  longueur  de  la  tête  et 
du  thorax  réunis,  renflées  au  milieu,  unies  dans  les  femelles,  plus  fortes  chez 
les  mâles  et  striées  transversalement  en  manière  de  râpe  du  côté  interne,  ter- 
minées par  un  petit  crochet.  Chaperon  large  et  proéminent.  Yeux  gros  et 
saillants.  Palpes  épais  et  écailleux,  réunis  à  leur  extrémité  et  débordant  le  cha- 
peron. Spiritrompe  épaisse  et  d'une  longueur  analogue  à  celle  du  corps.  Thorax 
très  robuste,  large  et  bombé,  avec  les  ptérygodes  très  développés.  Ailes  supé- 
rieures de  texture  épaisse,  entières,  longues  et  lancéolées,  l'appareil  du  frein 
très  accentué.  Pattes  robustes  et  courtes.  Abdomen  long,  cylindrico-coniques  ; 
presque  toujours  rayé  de  bandes  annulaires  ou  transversales  ou  marqué  de  tache, 
atérales  jaunes.  —  Chenilles  cylindroïdes,  peu  atlénuées  antérieurement,  de 
couleur  verte  ou  quelquefois  brunâtre,  la  tête  arrondie,  marquées  ordinairement 
de  bandes  latérales  obliques  et  munies  généralement,  sur  le  onzième  segment, 
d'une  corne  recourbée  en  arrière,  le  plus  souvent  lisse  et  aiguë,  quelquefois 
granuleuse  ou  chagrinée  (S.  Riistica,  Cramer),  offrant  quelquefois,  mais  très 
rarement,  une  petite  crête  épineuse  sur  les  premiers  anneaux  (S.  solani,  Boisd.). 
—  Chrysalides  cylindrico-coniques,  de  couleur  obscure,  allongées,  terminées 
par  une  pointe  plus  ou  moins  rugueuse,  offrant  en  général  la  gaîne  de  la  spiri- 
trompe plus  ou  moins  séparée  de  la  poitrine. 

Le  genre  Sphinx,  dans  ses  limites  actuelles,  comprend,  dans  l'ou- 
vrage de  Boisduval(187/i),  plus  de  soixante  espèces  des  deux  mondes  et 
d'Australie  (S.  casuarinœ,  Walker).  Tandis  que  l'Europe  entière  n'en 
comprend  que  trois  espèces,  on  peut  dire  que  l'Amérique  du  Nord  est 


SPHIMX.  313 

la  patrie  par  excellence  des  Sphinx,  puisqu'il  y  en  a  plus  de  vingt 
espèces  dans  les  États-Unis,  sans  compter  celles  qui  restent  à  découvrir 
dans  les  régions  encore  peu  peuplées,  et  par  suite  non  explorées,  de  ce 
vaste  territoire.  Les  Sphinx  ont  une  chaleur  propre  considérable  en 
rapport  avec  un  vol  rapide  et  brusque  après  le  coucher  du  soleil;  pour 
les  plus  gros  on  sent  entre  les  doigts  la  chaleur  de  leur  corps  frémis- 
sant. Us  butinent  sur  les  fleurs  à  corolles  les  plus  profondes,  dans  les- 
quelles ils  enfoncent  leur  longue  spiritrompe.  Le  crin  des  femelles  est 
en  faisceau,  très  nombreux  (Poey).  Les  chenilles  vivent  soit  sur  les 
arbres  et  arbustes,  soit  sur  les  plantes  basses,  et  se  métamorphosent 
en  chrysalide  dans  la  terre  sans  former  de  coques. 

Les  trois  espèces  européennes  appartenant  à  la  série  des  Sphinx  à 
abdomen  annelé,  existant  toutes  trois  eu  France  et  dans  les  Iles  Britan 
niques,  sont  :  S.  convolvuii,  Linn.,  le  Sphinx  à  cornes  de  bœuf  de  Geof- 
froy, le  Sphinx  du  liseron  d'Engramelle,  de  100  à  110  millimètres 
d'envergure  ;  antennes  blanchâtres  en  dessus,  cendrées  en  dessous  ;  spi- 
ritrompe démesurée,  atteignant  parfois  70  millimètres;  ailes  supé- 
rieures des  mâles  d'un  gris  cendré,  marbrées  de  brun  sur  le  disque, 
rembrunies  aux  angles  anal  et  apical,  sans  taches  brunes  chez  les 
femelles,  avec  des  petites  veines  noirâtres  dans  les  deux  sexes,  les  infé- 
rieures d'un  gris  luisant  avec  trois  bandes  noirâtres;  ailes  en  dessous 
d'un  gris  cendré,  avec  double  raie  transversale  noirâtre;  thorax  d'un 
gris  cendré  ;  abdomen  annelé  alternativement  de  noir  et  de  rouge  rosé, 
avec  une  bande  longitudinale  grise  divisée  par  une  ligne  noire,  le  pre- 
mier anneau  noir  bordé  de  roussâtre  en  arrière,  le  premier  anneau 
rouge  bordé  de  blanc  en  avant,  les  autres  anneaux  souvent  lisérés  de 
blanc.  Les  œufs,  dans  le  corps  de  la  femelle,  sont  d'un  beau  vert  clair. 
On  a  observé  un  S.  convolvuii  complètement  hermaphrodite  bi  latéral 
par  les  ailes,  les  antennes  et  l'abdomen,  mâle  à  gauche,  femelle  ù 
droite.  Chenille  à  nombreuses  variétés  se  ramenant  à  deux  types,  l'un 
à  fond  vert,  l'autre  à  fond  brun  ;  dans  le  premier  type,  le  plus  souvent, 
la  tête  est  d'un  vert  un  peu  jaunâtre  avec  des  raies  noires;  il  y  a  sept 
bandes  obliques  noires  de  chaque  côté,  un  peu  bordées  de  blanc,  la 
dernière  aboutissant  à  la  corne,  lisse,  jaune  ou  ferrugineuse,  à  bout 
noir;  en  outre,  sur  le  dos,  deux  raies  longitudinales  noires,  peu  mar- 
quées, et  diverses  taches  noires,  pattes  écailleuses  noirâtres,  les  mem- 
braneuses vertes,  à  couronne  grise;  stigmates  couverts  de  taches  noires 
orbiculaires;  chaperon  ou  bout  de  l'anneau  anal  d'un  jaune  orangé; 
dans  le  type  à  fond  brun,  les  bandes  obliques  sont  d'ordinaire  plus 
brunes,  souvent  avec  une  raie  latérale  d'un  jaune  paille,  les  stigmates 
bordés  de  blanc  et  placés  sur  des  taches  brunes  orbiculaires,  la  tête  d'un 
fauve  pâle,  avec  des  lignes  noires,  les  pattes  écailleuses  noirâtres,  les 
membraneuses  de  couleur  carnée,  avec  la  couronne  grise,  la  corne 
entièrement  noire,  le  chaperon  anal  d'un  jaune  orangé.  Chrysalide 
d'un  brun  marron  clair,  avec  la  gaine  de  la  spiritrompe  très  longue, 


314  LÉPIDOPTÈRES. 

détachée  de  la  poitrine,  arquée  en  anse  et  à  demi  roulée  en  spirale  à 
son  extrémité.  Le  S.  convulvuli  est  réellement,  comme  l'Atropos,  une 
espèce  exotique,  se  montrant,  dans  les  années  chaudes,  commun  en 
août  et  septembre,  nous  arrivant  par  les  vents  du  sud  et  ne  donnant 
qu'une  ou  deux  générations,  les  chrysalides  formées  à  l'arrière-saison 
et  passant  l'hiver  n'éclosant  pas  d'habitude  dans  le  centre  et  le  nord  de 
l'Europe,  éclosant  en  partie,  en  mai  et  juin,  en  Espagne,  en  Italie  et 
dans  l'extrême  midi  de  la  France;  le  papillon  est  très  abondant  et  paraît 
toute  l'année  en  Algérie  et  Afrique  et  dans  les  Indes  orientales.  D'après 
Boisduval,  le  vol  puissant  de  cette  espèce  l'a  répandue  dans  les  îles  de 
la  Polynésie,  ainsi  à  Taïti  et  à  la  Nouvelle-Zélande,  où  la  chenille  vit 
sur  la  patate  (Co?ït'o/yu/i{s6a^o<as);  dans  ces  deux  îles  la  taille  de  l'espèce 
s'est  notablement  réduite.  Le  S.  convolvuli  vole  au  crépuscule  dans  les 
jardins,  principalement  en  septembre,  aux  environs  de  Paris,  recher- 
chant les  fleurs  de  pétunias,  de  belles  de  nuit,  etc.,  curieux  à  contem- 
pler, butinant  à  distance  et  lançant  dans  les  corolles  profondes  sa  longue 
spiritrompe,  avec  un  bourdonnement  qui  s'entend  de  loin;  on  ren- 
contre, en  juillet  et  août,  sa  chenille,  qu'il  faut  chercher  après  la  mois- 
son, principalement  sur  le  liseron  des  champs  {Convolvulus  arvensis), 
dont  elle  consomme  de  grandes  quantités;  elle  est  difficile  à  trouver, 
car  elle  se  tient  cachée  pendant  le  jour  au  pied  de  la  plante,  trahie 
aisément  du  reste  par  la  grosseur  de  ses  excréments;  elle  vit  aussi 
sur  diverses  Convolvulacées  des  jardins,  comme  Convolvulus  tricolor  et 
Ypomea  coccinea,  et  plus  rarement  sur  le  liseron  des  haies  {Convolvulus 
sepium),  et  s'enterre  pour  se  chrysalider;  le  mâle  du  -S.  convolvuli 
répand  une  forte  odeur  musquée,  sécrétée  par  des  glandes  unicellu- 
laires  placées  inférieurement  des  deux  côtés  du  premier  segment  de 
l'abdomen  et  en  rapport  avec  deux  touffes  de  poils  disposées  dans  un 
sillon  situé  à  la  réunion  des  arceaux  supérieur  et  inférieur  de  ce  seg- 
ment, touffes  de  poils  qui  Se  relèvent  et  s'élargissent  quand  l'insecte 
émet  son  odeur  (1);  S.  ligustri,  Linn.,  le  Sphinx  du  troène,  de  Geof- 
froy et  d'Engramelle,  de  l'envergure  du  précédent,  dans  les  deux  sexes, 
les  ailes  supérieures  d'un  gris  rougeàtre,  veiné  de  noirâtre,  avec  le 
milieu  et  le  bord  interne  d'un  brun  assez  foncé,  et  au  bord  externe 
deux  lignes  blanches  flexueuses  réunies  près  du  sommet;  ailes  infé- 
rieures roses  avec  trois  bandes  noires  transversales  ;  dessous  des  ailes 
d'un  gris  roussâtre,  avec  une  bande  noirâtre  commune  ;  thorax  d'un 
brun  noirâtre,  grisâtre  au  milieu,  d'un  blanc  rosé  sur  les  côtés;  abdo- 
men annelé  alternativement  sur  les  côtés  de  noir  et  de  rose  foncé, 
ayant  sur  le  dos  une  bande  longitudinale  brunâlre  avec  une  ligne  noire 
au  milieu,  la  face  ventrale  blanchâtre,  avec  trois  lignes  noirâtres  lon- 
gitudinales. Chenille  ne  variant  pas,  d'un  beau  vert  pomme,  avec  sept 
bandes  obliques,  violettes  antérieurement,  blanches  postérieurement, 

(1)  Journal  le  Naliiralisie,  1"  mai  1880,  p,  210. 


SPHINX.  515 

les  stigmates  d'un  jaune  orangé,  la  corne  du  onziène  anneau  longue, 
arquée,  d'un  noir  luisant  en  dessus  et  jaunâtre  en  dessous.  Chrysalide 
d'un  brun  marron,  avec  la  gaîne  de  la  spiritrompe  de  médiocre  lon- 
gueur, trC's  saillante,  mais  non  détachée  de  la  poitrine,  comme  celle  du 
S.  convolvuli,  la  pointe  anale  accompagnée  vers  son  extrémité  de  deux- 
autres  petites  pointes  latérales;  chenille  aisée  à  trouver,  vivant  à  décou- 
vert dans  le  jour,  principalement  sur  le  troène,  le  lilas  ordinaire  et  le 
lilas  de  Perse,  les  frônes,  et  môme  aussi  sur  la  spirée  des  jardins,  la 
viorne  dans  les  bois,  le  sureau,  les  pousses  tendres  du  houx,  en  août 
et  septembre.  Après  la  dernière  mue,  la  peau  de  cette  chenille,  qui 
était  chagrinée  dans  le  jeune  Age,  devient  lisse  et  douce  au  toucher,  et, 
trois  ou  quatre  jours  avant  que  cette  chenille  s'enfonce  en  terre  pour 
se  chrysalider,  ses  belles  couleurs  se  ternissent,  jaunissent  sur  le  dos, 
et  les  stigmates  s'effacent;  la  chrysalide  passe  l'hiver  et  parfois  même 
en  passe  deux,  donnant  le  papillon  an  mois  de  juin  de  l'année  suivante  ; 
celui-ci  assez  commun  dans  toute  la  France,  volant  au  crépuscule, 
répandant  chez  le  mâle  récemment  éclos  une  faible  odeur  musquée, 
beaucoup  moins  forte  que  celle  du  S.  convolvuli,  se  tenant  pendant  le 
jour  appliqué  contre  les  troncs  des  arbres  ou  contre  les  murs  dans  les 
lieux  sombres.  La  meilleure  manière  de  se  procurer  l'espèce  en  état  de 
grande  fraîcheur  est  de  rechercher  et  d'élever  la  chenille,  qui  est 
d'éducation  facile  ;  — S.  pmastri,  Linn.,  le  Sphinx  du  pin,  d'Engramelle^ 
environ  d'un  tiers  moins  grand  que  les  précédents,  le  thorax  gris,  avec 
une  bande  noire  sur  chaque  ptérygode,  les  ailes  supérieures  d'un  joli 
gris  blanclîAtre,  avec  un  groupe  de  traits  noirs  vers  le  milieu,  et  sou- 
vent, dans  les  mAles,  une  tache  noirâtre  entre  la  pointe  apicale  et  le 
milieu  de  la  côte,  et  un  trait  longitudinal  noir  au  sommet,  les  ailes 
inférieures  d'un  brun  clair,  la  frange  entrecoupée  de  blanc  sur  les  quatre 
ailes,  le  dessous  de  ces  ailes  d'un  brun  pâle,  l'abdomen  gris  avec  une 
raie  dorsale  noire,  les  côtés  alternativement  annelès  de  noir  et  de 
blanc.  Chenille  entièrement  jaune  à  l'éclosion,  puis  verdissant  peu  à 
peu,  de  sorte  qu'à  la  dernière  mue  elle  est  verte  avec  tout  le  dos  brun 
et  trois  lignes  longitudinales  jaunes  de  chaque  côté,  en  outre,  avec  des 
stries  transversales  noirâtres,  la  tète  fauve  bordée  de  noir  luisant,  les 
pattes  écailleuses  noirâtres,  les  membraneuses  d'un  blanc  sale,  les 
stigmates  orangés,  cerclés  de  noir,  la  corne  chagrinée,  noire,  arquée 
en  arrière;  chrysalide  ressemblant  beaucoup  à  celle  de  S.  ligustri,  mais 
plus  petite  et  avec  la  gaîne  de  la  spiritrompe  détachée  de  la  poitrine 
vers  le  milieu  de  sa  longueur;  la  chenille  se  trouve  en  août  et  sep- 
tembre sur  toutes  les  espèces  de  pins,  tant  des  bois  que  des  parcs,  de 
sorte  que  l'espèce  se  répand  de  plus  en  plus  en  France  avec  la  culture 
des  conifères  ornementaux  ;  très  vorace,  elle  croît  rapidement,'  et, 
quoiqu'elle  ait  la  peau  dure  et  ferme,  souffre  difficilement  qu'on  la 
touche  et  cherche  à  mordre  les  doigts,  avec  ses  fortes  mandibules, 
appropriées  au  feuillage  résistant  des  pins;  elle  s'enterre  au  pied  de 


316  LÉPIDOPTÈRES. 

l'arbre  qui  l'a  nourrie;  sa  chrysalide  hiverne  et  donne  l'adulte  au 
mois  de  juin  de  l'année  suivante. 

Parmi  les  Sphinx  exotiques  nous  représentons  le  mâle  d'une  espèce 
de  l'Amérique  septentrionale,  envoyé  par  J.  Le  Conte  à  Boisduval,  le 
S.  jasminearum  (Boisd.,  pi.  xc,  flg.  1),  d'une  taille  un  peu  plus  petite 
que  notre  S.  ligustri  ;  le  thorax  gris  entouré  par  une  ligne  noire,  les 
ailes  antérieures  grises,  avec  des  ondulations  transverses  noirâtres  et 
blanchâtres  et  des  lignes  noires  interrompues,  les  inférieures  noirâtres 
et  ondées  de  noir,  plus  pâles  à  l'angle  anal,  l'abdomen  brunâtre,  avec 
une  ligne  dorsale  noire  interrompue,  annelé  sur  les  côtés  alternative- 
ment de  noir  et  de  gris  brun.  La  chenille,  pi.  xc,  flg.  1,  a,  vivant  sur 
diverses  espèces  de  frênes,  est  verte  sur  la  tête,  les  anneaux,  les  pattes 
membraneuses,  les  pattes  écailleuses  étant  ferrugineuses;  il  y  a  six 
bandes  obliques  blanches  sur  le  dos,  la  septième  gagnant  la  base  de 
la  corne  d'un  rose  roussâtre,  cette  corne  verte,  un  peu  chagrinée,  les 
stigmates  blancs,  cerclés  de  noir;  la  chrysalide  est  d'un  brun  marron. 
Guérin-Méneville  fait  la  remarque  que  le  Sphinx  précédent  est  très 
voisin  d'une  autre  espèce  des  États-Unis,  le  S.  Chersis,  Hiibner  (syn  : 
Cinerea,  Harris),  et  cite  à  ce  propos  la  bonne  monographie  des  Sphin- 
giens  américains  de  Harris,  sous  ce  titre  :  Descriptive  Catalogue  of  the 
N or th  American  Insects  belonging  to  the  Linnœan  genus  Sphinx  (Journ. 
de  Sillimann,  1839,  t.  XXXVI,  p.  282  à  320).  Nous  signalerons,  parmi 
les  Sphinx  exotiques  dont  l'abdomen  est  orné  latéralement  de  taches 
orangées  encadrées  de  noir,  le  S.  solani,  Boisd.,  des  îles  Bourbon  et 
Maurice,  de  Madagascar  et  de  Natal,  dont  la  coloration  est  mêlée  de 
noir  et  de  jaune  d'ocre  et  dont  la  chenille  vit  sur  les  aubergines  [Solanum 
melongena)  ;  elle  est  grise,  avec  des  taches  noires,  la  tête  marquée  de 
six  raies  noires  longitudinales,  dont  les  deux  du  milieu  forment  un 
V  renversé.  Le  fait  curieux  de  son  organisation,  c'est  que  les  trois  pre- 
miers anneaux  sont  munis  d'une  crête  dorsale  formée  de  pointes  assez 
dures.  La  chrysalide  ressemble  à  celle  du  S.  convolvuii,  mais  l'extrémité 
de  la  gaine  de  la  spiritrompe  n'est  pas  repliée  sur  elle-même.  Il  existe 
dans  les  régions  chaudes  des  deux  Amériques  une  série  d'espèces  de 
Sphinx  à  abdomen  bordé  de  taches  oranges,  dont  les  chenilles  vivent 
sur  les  tabacs  et  sur  les  piments  {Capsicum).  Le  type  de  ces  Sphinx, 
très  anciennement  connu,  est  le  S.  Carolina,  Linn.,  ayant  le  port  et  la 
taille  du  S.  convolvuli,  paraissant  presque  toute  l'année  sans  interrup- 
tion dans  les  régions  équinoxiales.des  États-Unis  du  Sud  au  Brésil,  habi- 
tant les  Antilles,  et  qui  est  une  véritable  calamité  pour  les  plantations 
de  tabac,  la  chenille  vivant  aussi  sur  toutes  les  espèces  de  Capsicum. 
Au  Brésil  et  à  Buénos-Ayres  se  trouve  une  espèce  voisine,  de  même 
taille,  nommée  S.  petuniœ,  Boisduval,  et  dont  la  chenille  vit  aussi  sur 
le  tabac  et  sur  les  piments  cultivés  dans  les  jardins.  D'après  Beske,  qui 
a  très  communément  élevé  cette  chenille  au  Brésil,  elle  est  un  fléau 
des  jardins. 


BLlLliPHlLA.     '  317 

UÉILÉPHILIDES 

La  famille  des  Déiléphilides  a  longtemps  été  réunie  à  celle  des  Spliin- 
gides.  Elle  comprend  de  nombreuses  espèces  des  deuv  continents, 
160  dans  les  Sphingiens  de  Boisduval.  T>es  adultes,  au  moins  pour  les 
espèces  européennes,  ont  un  vol  rapide  après  le  coucher  du  soleil; 
leurs  antennes  sont  droites  ou  presque  droites,  striées  comme  chez  les 
Sphinx,  et  la  spiritrompe  ne  dépasse  pas  ordinairement  la  longueur  du 
corps.  Les  chenilles,  dont  les  exotiques  sont  encore  presque  toutes  in- 
connues, sont  lisses  ou  très  légèrement  chagrinées  (D.  euphorbiœ),  avec 
la  tête  globuleuse;  elles  sont  souvent  ornées  de  couleurs  assez  vives  et 
fréquemment  de  taches  ocellées.  Il  en  est  qui  sont  à  peu  près  d'égale 
grosseur  partout,  d'autres  qui  ont  les  trois  premiers  anneaux  plus 
étroits  que  les  autres,  très  rétractiles  et  susceptibles  de  s'allonger  en 
manière  de  trompe;  elles  sont  généralement  pourvues  d'une  corne 
rugueuse  sur  le  onzième  segment;  cet  organe,  dont  l'usage  est  inconnu, 
est  remplacé  exceptionnellement  dans  quelques  espèces  par  une  petite 
plaque  verruqueuse,  et,  chez  quelques  autres,  n'existe  qu'au  premier 
âge  et  disparaît  complètement  quand  les  chenilles  sont  à  leur  dernière 
mue.  La  nymphose  s'opère  en  terre,  mais  presque  à  la  surface  du  sol, 
soit  dans  une  coque  de  parcelles  de  terre  réunies  par  quelques  fils  de 
soie,  soit  dans  une  coque  informe  de  débris  végétaux  assemblés  de  la 
môme  manière. 

Les  chrysalides  sont  cylindrico-coniques,  avec  une  pointe  anale  assez 
prononcée. 

DEILEPllILA,  Oclisenlieimer.  —  Antennes  droites,  de  la  grosseur  de  la  tête  et 
du  corselet  réunis,  légèrement  dentelées,  presque  d'égale  grosseur  dans  les  deux 
sexes,  terminées  par  un  petit  crochet.  Ctiaperon  large  et  proéminent.  Yeux  gros 
et  saillants.  Palpes  épais,  dépassant  le  chaperon,  séparés  à  leur  extrémité,  re- 
couverts de  poils  courts,  très  serrés.  Spiritrompe  peu  épaisse,  un  peu  plus 
courte  que  le  corps.  Thorax  large,  bombé,  avec  les  ptérygodes  bien  distincts, 
Ailes  supérieures  bien  entières  avec  l'angle  du  sommet  très  aigu  et  légèrement 
falqué^  les  inférieures  souvent  colorées  en  rose  avec  des  bandes  noires  et  pré- 
sentant l'angle  anal  très  aigu.  Pattes  longues  et  minces,  avec  deux  des  quatre 
éperons  très  longs  et  les  deux  autres  très  courts.  Abdomen  cylindrico-coniquc, 
plus  ou  moins  long,  marqué  de  taches  latérales  noires  et  blanches,  de  manière 
à  paraître  rayé  transversalement.  —  Chenilles  cylindroïdes,  à  peu  près  d'égale 
grosseur  dans  toute  leur  longueur,  avec  la  tête  arrondie,  assez  petite,  non  ré- 
tractile,  pourvues  d'une  corne  sur  le  onzième  segment,  à  une  exception  près. — 
Chrysalides  cylindrico-coniques,  avec  la  pointe  anale  assez  prononcée. 

Le  genre  Deilophila  eut  nn  des  plus  beaux  de  la  tribu  des  Sphingiens,  par 
l'élégance  des  formes  liée  à  un  vol  léger  et  rapide, et  la  vivacité  des  teintes, 
délicatement  nuancées  qui  les  font  beaucoup  rechercher  des  collection- 


318  LÉPIDOPTÈRES. 

neurs;  souvent  les  adultes  des  espèces  voisines  se  ressemblent  beaucoup, 
mais  la  séparation  s'opère  par  des  chenilles  très  distinctes.  Ces  papillons 
sont  des  régions  tempérées  des  deux  continents  et  assez  abondamment 
répandus  en  Europe.  Le  catalogue  Depuiset  énumère  en  effet,  dans  ce 
genre,  réuni  au  genre  Chœrocampa,  qui  n'en  est  qu'un  dédoublement, 
dix-sept  espèces,  plus  deux  hybrides. 

Une  des  espèces  les  plus  répandues,  principalement  dans  les  régions 
calcaires,  et  que  possèdent  les  plus  petites  collections,  est  le  D.  euphor- 
biœLiim.,  le  Sphinx  du  Tithymale  d'Engramelle,  de  70  millimètres  d'en- 
vergure, ayant  le  thorax  d'un  vert  olive  foncé,  marqué  latéralement  de 
blanc  et  de  gris  ou  de  rosé,  intérieurement,  les  ailes  supérieures  d'un 
gris  rougeàtre  avec  trois  taches  orbiculaires  et  une  bande  très  sinueuse 
d'unvertobscur;les  ailes  inférieures,  d'un  rouge  rosé  en  dessus  avec  deux 
bandes  noires  et  une  tache  blanche  arrondie  contre  le  bord  terminal  ; 
abdomen  d'un  vert  olive,  orné  de  chaque  côté  de  cinq  bandes 
blanches  transverses,  dont  les  deux  premières  sont  bordées  de  noir 
en  avant;  dessous  des  ailes  rouge,  avec  un  gros  point  noir  sur  le 
disque  des  supérieures;  beaucoup  de  variations,  certains  sujets  ayant  le 
fond  du  dessus  des  ailes  supérieures  fortement  lavé  de  rose  ou  de  rouge 
ou  de  vineux;  chez  d'autres,  la  bande  noire  qui  règne  contre  le  bord 
des  ailes  inférieures  a  disparu,  et  enfin,  dans  quelques  individus  élevés 
de  chenille,  le  rouge  des  ailes  inférieures  est  remplacé  par  du  jaune 
d'ocre.  Le  papillon  vole  en  mai  et  en  juin  et  reparait  en  septembre,  sur- 
tout dans  les  années  chaudes,  commun  sur  les  fleurs^  des  jardins  et  se 
montrant,  dans  certains  pays,  pendant  presque  toute  la  belle  saison.  La 
chenille  de  cette  espèce  est  une  des  plus  remarquables  par  l'éclat  de 
ses  vives  couleurs,  qui  semblent  couvertes  d'un  vernis  ;  dans  le  jeune 
âge,  elle  est  d'un  vert  plus  ou  moins  pâle,  non  pointillée  de  jaune,  avec 
la  raie  dorsale  et  la  raie  latérale  jaune  ;  à  toute  la  taille  de  la  chenille, 
elle  ofl're  la  tête,  les  pattes,  la  base  de  la  corne  et  l'anus  d'un  rouge 
foncé,  le  fond  de  la  couleur  du  corps  d'un  noir  luisant  pointillé  de 
jaune,  sur  chaque  côté,  deux  rangées  longitudinales  de  taches  jaunes 
ou  blanches,  parfois  rougeâtres,  défigure  tantôt  ronde,  tantôt  piriforme  ; 
une  raie  rouge  le  long  du  dos,  une  autre,  de  chaque  côté,  le  long  des 
pattes;  les  crochets  des  pattes  écailleuses  sont  noirs,  ainsi  que  l'extré- 
mité de  la  corne,  qui  est  rugueuse  ;  cette  chenille  vit  à  découvert  fin 
juin  et  juillet  et  à  toute  l'ardeur  du  soleil,  dans  les  lieux  arides,  sur  le 
bord  des  chemins,  dans  les  chaumes,  se  tenant  sur  les  diverses  espèces 
d'euphorbes  {Cyparissias,  Esula,  Gcrardiana,  Paralias,  dans  le  Midi);  les 
sucs  vénéneux  de  ces  plantes  sont  sans  action  sur  elle,  et  M.  P.  Millière 
a  pu  empoisonner  des  oisillons  en  leur  donnant  la  becquée  avec  des 
morceaux  de  ces  chenilles.  Boisduval  cite  une  aberration  de  cette  che- 
nille entièrement  rouge  avec  les  taches  blanches  cerclées  de  noir,  sans 
aucun  autre  dessin  ;  la  chrysalide  est  d'un  gris  roussâtre,  finement  strié 
de  brun,  avec  les  articulations  ferrugineuses  et  les  stigmates  noirâtres  ; 


DlilLEPHILA.  319 

celles  qui  n'écloseiit  pas  en  septembre  passent  l'hiver  et  ne  donnent  le 
.papillon  qu'à  la  fin  du  printemps  suivant.  L'espèice  existe  en  Angleterre; 
c'est  thc  Spotted  Eléphant.  Pierret  a  signalé  le  rouge  du  fond  changé  en 
jaune  par  aberration  dans  le  D.  euphorbiœ  et  dans  son  homologue  de 
Corse,  le  D.  Dahli.  Une  espèce  beaucoup  plus  grande,  toujours  rare,  de 
Provence  et  de  Languedoc,  .de  la  partie  méridionale  des  Cévennes  (le 
Vigan,  Alais,  Anduze,  Uzès),  de  la  Lozère,  accidentellement  du  Cantal 
(Maurice-Sand),  est  le  D.  Nicœa,  Deprunner,  de  la  taille  du  Sphinx  du 
liseron,  ressemblant  tout  à  fait,  pour  les  couleurs,  à  un  D.  euphorbiœ 
très  exagéré.  La  chenille,  au  contraire,  est  très  ditférente.  On  dirait  un 
petit  serpent  orné  de  riches  couleurs;  dans  le  jeune  âge,  elle  est  verte, 
avec  des  taches  noires  marquées  de  jaune  dans  leur  milieu;  à  la  de)-- 
nière  mue,  elle  offre  la  tète  petite,  globuleuse,  d'un  gris  rosé  et  marqué 
de  noir,  le  fond  du  corps  d'un  blanc  rosé  ou  d'un  rose  incarnat  pâle,  les 
deux  premiers  anneaux  marqués  en  dessus  de  traits  noirs  arqués,  les 
dix  suivants  ayant  sur  le  dos  deux  grandes  taches  rondes  et  conliguës, 
noires,  avec  le  centre  orangé;  en  outre,  le  long  des  pattes  est  une  ran- 
gée de  petites  taches  orangées,  entourées  d'arcs  noirs  et  portant  aussi  les 
stigmates  blanchâtres  ;  les  pattes  sont  noires,  la  corne  rugueuse  et  d'un 
noir  luisant;  cette  chenille,  qu'on  trouve  en  juillet  et  en  septembre,  vit 
à  découvert  sur  diverses  euphorbes  méridionaux;  les  papillons  parais- 
sent en  septembre,  après  six  semaines  de  nymphose,  puis  en  juin  de 
l'année  suivante,  des  chrysalides  de  seconde  génération  qui  ont  passé 
l'hiver. 

Le  D.  gain,  Rottenburg,  le  Sphinx  de  la  garance ,  Engramelle,  dont 
le  papillon  paraît  en  juin,  est  une  espèce  qui  tend  à  devenir  de  plus  en 
plus  rare  à  mesure  qu'on  cesse  de  cultiver  la  garance  {Rubia  tincto- 
rium),  dont  le  rouge  a  dû  céder  la  place  aux  rouges  d'aaiUne.  La  che- 
nille vit  aussi  sur  le  Galiuin  verum  ou  caille-lait,  sur  les  Epilohium  pa- 
lustre Qi  hirsutum,  sur  les  Escalonia  (Boisduval);  on  la  trouve  de  juillet 
à  octobre.  Cette  espèce  existe  aussi  dans  l'Amérique  du  Nord,  où  elle  vit 
sur  les  Épilobes,  pareille  au  type  d'Europe,  en  Angleterre,  en  Belgique, 
mais  rare,  dans  diverses  localités  de  la  France,  en  Alsace,  en  Lorraine, 
dans  le  .Jura,  le  Cher,  l'Indre,  Saône-et-Loire,  les  Alpes-BIaritimes,  où 
elle  est  très  rare  (Millière) ,  près  de  Paris,  rare,  trouvée  accidentelle- 
ment dans  les  départements  du  Nord.  Le  papillon,  de  la  taille  du  Z).  eu- 
phorbiœ, et  lui  ressemblant,  a  le  thorax  d'un  vert  olive,  ainsi  que  l'ab- 
domen, celui-ci  avec  une  série  de  points  blancs  sur  le  dos,  les  ailes 
supérieures  d'un  vert  olive  foncé,  le  bord  d'un  vert  cendré  luisant,  et 
une  bande  blanchâtre  ou  un  peu  jaunâtre,  bidentée  en  avant  et  sinuée 
en  arrière,  les  ailes  mférieures  d'un  rose  terne,  avec  deux  bandes  noires, 
et,  au  bord  abdominal,  une  tache  blanche  arrondie,  accolée  par  son 
côté  extérieur  à  une  tache  d'un  rouge  brique.  La  chenille  est  ordinaire- 
ment d'un  vert  bronzé,  avec  une  raie  dorsale  jainic,  et,  de  chaque  côté, 
une  rangée  de  taches  rondes,  d'un  jaune  soufre,  bordées  de  noir;  la 


320  LÉPIDOPTÈRES. 

tôte  et  l'anus  d'un  rouge  obscur;  la  corne  arquée,  verdâtre  ou  rosée, 
Une  espèce  voisine,  le  D.  Dahli,  Boisd.,  remplace,  en  Corse  et  en  Sar- 
daigne,  le  D.  cuphorbiœ,  avec  les  mêmes  époques,  et  la  chenille,  dans 
les  régions  maritimes  seulement,  sur  les  Euphorbes.  Le  D.  Livornica. 
Esper,  syn.  :  Ltneata,  Fabr.,  te  Livournien  d'Engramelle,  trouvé  pour  la 
première  fois  près  de  Livourne,  est  une  espèce  toujours  accidentelle  en 
France,  paraissant  surtout  dans  les  années  chaudes  et  se  renouvelant 
par  des  émigrations  du  midi  de  l'Espagne  et  du  nord  de  l'Afrique,  tra- 
versant la  Méditerranée  en  plein  jour  (Daube),  donne  une  et  môme  deux 
générations,  si  l'année  est  chaude,  les  chrysalides  qui  n'ont  pas  eu  le 
temps  d'éclore  en  automne  ne  produisant  pas  leur  papillon  l'année  sui- 
vante. Ce  Sphingien  est  très  commun  en  Algérie  et  dans  l'extrême  midi 
de  la  France;  ainsi,  dans  les  Alpes-Maritimes,  de  mai  à  la  fin  d'août,  au 
crépuscule  du  soir  et  du  malin,  butinant  en  bourdonnant  sur  leschèvre- 
l'euilles,  pétunias  et  verveines  fleuris,  devient  rare  et  accidentel  dans 
le  reste  de  la  France,  notamment  près  de  Paris,  dans  la  Lozère,  en  Au- 
vergne, en  Alsace,  près  de  Rennes,  très  rare  en  Belgique  et  en  Angle- 
terre. M.  Guenée  dit  que  l'on  voit  voler  cette  espèce  en  plein  jour  sur 
les  sommets  des  Pyrénées.  Elle  s'étend  fort  avant  en  Asie,  car  Boisduval 
en  avait  reçu  des  exemplaires  du  Cachemire  et  de  Darjeeling. 

Le  papillon,  de  78  millimètres  d'envergure,  a  le  thorax  d'un  brun  oli- 
vâtre, bordé  de  blanc,  l'abdomen  de  même  couleur  avec  les  anneaux 
noirs  ponctués  de  blanc,  les  points  noirs  du  dos  formant  parfois  une 
ligne  continue,  les  ailes  supérieures  d'un  brun  olivâtre,  avec  sept  ner- 
vures ou  lignes  blanches  (d'où  le  nom  spécifique  de  Fabricius)  et  le 
bord  d'un  cendré  luisant,  une  bande  obhque  jaunâtre,  une  éclaircie 
blanche  au  milieu  de  l'aile,  près  de  la  côte,  les  ailes  inférieures  d'un 
rouge  rosé,  avec  deux  bandes  noires.  La  chenille  est  d'un  vert  olivâtre 
foncé,  avec  la  tête  et  la  ligne  vasculaire  rouges,  les  sous-dorsales  jaunes, 
coupées  de  taches  jaunes  ou  roses,  le  dessous  blanc,  la  corne  épineuse, 
arquée,  noire  en  dessous  et  rose  en  dessus;  en  septembre,  polyphage, 
paraissant  préférer  les  Rumex  et  les  Linaires,  vivant  aussi  sur  le  caille- 
lait  jaune  {Galium  verum)  et  sur  le  laiteron  des  champs  {Sonchus  ar- 
vensis)  et  sur  les  iuchsias  dans  les  jardins  (Boisduval).  Chrysalide  de 
dilîérentes  nuances  de  brun,  avec  quelques  parties  très  claires.  Le 
D.  hippophats,  Esper,  de  7'2  millimètres  d'envergure,  qui  paraît  deux 
fois,  en  juin  et  en  septembre,  a  les  ailes  supérieures  d'un  gris  bleuâtre, 
avec  une  bande  oblique  d'un  vert  olive  foncé  et  un  point  noir  sur  le 
disque  placé  sur  une  traînée  olivâtre,  les  inférieures  roses  avec  deux 
bandes  noires  et  une  tache  blanche  presque  orbiculaire  au  bord  abdo- 
minal; chenille  en  juin  et  juillet,  puis  en  septembre  et  octobre  ,  à  dé- 
couvert sur  les  feuilles  de  YHippophafi  rhamnoides,  dans  le  Dauphiné,  sur 
les  bords  du  Drac,  dans  les  Basses-Alpes,  dans  les  îles  du  Rhin,  près 
d'Huningue.  etc.  ;  elle  forme,  à  la  surface  de  la  terre,  une  coque  mince 
avec  un  peu  de  soie  et  des  débris  de  plantes.  Le  D,  Vespertilio,  Esper, 


CHJEUOCAMPA.  321 

esl  un  Deilépliililide  plus  petit'quc  les  précédents,  de  68  millimètres  d'en- 
vergure, les  ailes  supérieures  d'un  gris  cendré  légèrement  bleuâtre, 
avec  un  point  blanchâtre  à  l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale  et  deux 
lignes  transverses  obscurcicspeumarquéesjlesailesinférieures  d'un  rouge 
pâle,  un  peu  rosé,  avec  la  base  et  le  bord  postérieur  noirs,  le  thorax  et 
l'addomen  d'un  gris  cendré  en  dessus,  avec  les  trois  premiers  anneaux 
à  côtés  noirs  bordés  de  blanc.  En  juin  et  en  septembre,  dans  les  régions 
sous-alpines  du  Dauphinc  et  du  Lyonnais,  dans  les  Basses-Alpes,  en  Ita- 
lie, abondant  près  de  Florac,  dans  la  Lozère,  assez  rare  dans  la  vallée 
de  la  Cère,  près  de  Murât  (Cantal)  et  dans  les  Alpes-Maritimes,  se  trou- 
vant aussi  sur  les  bords  du  canal  du  Rhône  au  Rhin,  près  d'Hunin- 
gue,  etc.  La  chenille,  privée  de  corne  et  ressemblant  à  celle  d'une  Noc- 
tuelle, est  d'un  cendré  noirâtre  en  dessus,  d'un  gris  rosé  en  dessous, 
avec  les  pattes  roses,  de  chaque  côté,  une  rangée  de  taches  rouges  cer- 
clées de  noir,  les  stigmates  jaunes  bordées  de  noirâtre,  et  quatre  lignes 
blanches  longitudinales;  on  la  trouve  en  juillet,  puis  à  la  fin  de  sep- 
tembre, sur  une  plante  qui  croît  abondamment  sur  les  bords  des  ruis- 
seaux et  des  torrents,  l'épilobe  à  feuilles  de  romarin  {Epilobium  ançius- 
tifolium),  dont  elle  dévore  les  nombreuses  fleurs.  Il  faut  la  chercher  le 
matin  et  le  soir,  car  elle  reste  cachée  pendant  le  jour  sous  les  pierres. 
Elle  ne  s'enterre  pas  pour  se  chrysalider,  mais  s'enveloppe  de  débris  de 
feuilles  et  de  mousse  réunis  par  quelques  fils  de  soie.  La  chrysalide, 
plus  allongée  que  celle  du  D.  euphorbiœ,  est  verdâtre  antérieurement, 
et  le  reste  d'un  brun  lougeâtre. 

Il  y  a,  dans  ce  genre  Deilephila,  où  figurent  plusieurs  espèces  trèg 
voisines,  deux  hybrides  très  rares,  fort  curieux  parce  qu'ils  se  produi- 
sent naturellement  par  suite  d'accouplements  en  liberté,  et  dont  le  pa- 
pillon et  la  chenille  offrent  un  mélange  des  caractères  des  deux  espèces  : 
l'un  est  le  D.  Vespertilioides,  Boisd.,  provenant  de  l'accouplement  du 
D.  hippophae  mâle  avec  le  D.  Vespertilio  femelle,  la  chenille  vivant 
alors,  près  de  Grenoble  et  dans  les  Hasses-Alpes,  sur  l'épilobe  à  feuille? 
de  romarin,  ou  de  l'accouplement  du  mâle  de  D.  Vespertilio  avec  la  fe- 
melle du  D.  hippophae,  la  chenille  hybride  se  trouvant  alors  sur  l'Hip- 
pophae  rhamnoidcs ;  l'autre,  encore  plus  rare,  est  le  D.  epilobii,  Boisd., 
dont  la  chenille  a  été  trouvée  près  de  Lyon,  sur  V Epilobium  angustifo- 
lium,  et  qui  résulte  de  l'accouplement  libre  du  D.  euphorbiœ  mâle  avec 
le  D.  Vespertilio  femelle. 

CH/GROCAHIPA,  Duponchel.  —  Antennes  droites  ou  presque  droites,  égales 
partout  en  largeur,  terminées  par  un  petit  crochet.  Ailes  supérieures  ordinai- 
rement enlières,  rarement  un  peu  dentelées  ou  un  peu  échancrées  au  sommet  ; 
les  autres  caractères  de  l'adulte,  comme  chez  les  Deilephila. —  Chenilles  lisses, 
à  tête  petite,  ordinairement  pourvues  sur  le  troisième  anneau ,  non  compris  la 
tête,  d'une  tache  en  forme  d'œil,  quelquefois  avec  d'autres  taches  semblables 
des  deux  côtés  du  corps,  la  tète  et  les  deux  premiers  anneaux  rétrécis  et  ren- 
r.iRARP.  lu  —  21 


322  LÉPIDOPTÈRES. 

trant  au  repos  dans  le  troisième  anneau  renflé,  le  onzième  segment  pourvu  d'une 
corne,  que  remplace  parfois  une  petite  plaque  cornée. — Chrysalides  cylindrico- 
coiiiques,  atténuées  et  comme  comprimées  antérieurement,  quelquefois  avec  la 
gaîne  de  la  trompe  un  peu  détachée. 

Le  caractère  essentiel  des  Chérocampes  est  tiré  des  chenilles  dont,  la 
tête  et  les  deux  premiers  anneaux  étroits  et  rétractiles  sortent  du  troi- 
sième quand  la  chenille  mange  ou  change  de  place,  de  manière  à  imi- 
ter le  groin  du  porc  ou  mieux  la  trompe  de  l'éléphant.  Les  amateurs 
les  appellent  chenilles  cochonnes,  et  de  là  est  tiré  le  nom  du  genre, 
Grouinde  cochon.  Il  y  a  un  grand  nombre  d'espèces  de  Chérocampes,  et 
Boisduval  en  décrit  84,  qu'il  répartit  en  treize  groupes.  Les  adultes  sont 
doués  d'un  vol  puissant,  à  la  façon  des  Sphinx  ,  et  certaines  espèces, 
comme  C.  Nerii  et  Celerio,  accomplissent  des  migrations  lointaines.  On 
trouve  des  Chérocampes  dans  les  deux  continents  et  en  Australie.  Nous 
n'indiquerons  que  les  espèces  de  France  et  des  Iles  Britanniques ,  qui 
Bont  les  mêmes. 

Le  C.  Nerii,  Linn.,  le  Sphinx  du  Nèrion,  Engr.,  le  Sphinx  du  laurier - 
rose,  Godart,  de  grande  taille,  102  mètres  d'envergure,  présente  le  tho- 
rax d'un  gris  verdâtre  un  peu  rosé  et  d'un  vert  olive  foncé  au  collier  et 
aux  ptérygodes  ;  les  ailes  supérieures  sont  agréablement  marbrées  de 
vert  olive,  de  rose  et  de  blanc,  les  ailes  inférieures  sont  noirâtres  depuis 
la  base  jusqu'au  delà  du  milieu,  et  ensuite  d'un  brun  verdâtre  jusqu'à 
l'extrémité,  une  raie  blanche  sinuée  séparant  ces  deux  couleurs;  le 
dessous  des  ailes  est  verdâtre,  avec  une  raie  commune  blanche  com- 
mençant au  sommet  des  supérieures  pour  aboutir  à  l'angle  anal  des 
inférieures;  l'abdomen  est  en  dessus  d'un  vert  olive,  avec  les  trois  pre- 
miers anneaux  bordés  de  poils  blancs,  les  suivants  ornés  de  chaque  côté 
de  bandes  olivâtres  obliques,  celles  de  l'extrémité  plus  prononcées.  On 
rencontre  deux  fois  ce  Lépidoptère  à  l'état  adulte,  en  juin  et  en  septembre, 
octobre  et  même  novembre,  commun  sur  le  littoral  de  la  Méditerranée 
et  surtout  en  Provence,  assez  rare  dans  les  Alpes-Maritimes.  Il  est  très 
commun  pendant  presque  toute  l'année  aux  Indes  orientales  et  dans 
une  grande  partie  de  l'Afrique.  Doué  d'un  vol  soutenu  et  rapide,  il 
s'avance,  en  certaines  années  chaudes,  de  l'Afrique  jusqu'en  Belgique  et 
en  Angleterre,  et  même  au  delà,  de  sorte  qu'il  n'y  a  en  France  aucun 
département  où  l'onn'ait  trouvé  accidentellement  leC.  Nerii.  La  première 
génération,  celle  d'été,  réussit  toujours  très  bien  ;  mais  la  seconde,  en 
automne,  n'aboutit  pas  si  le  froid  empêche  la  chrysalide  d'éclore  avant 
l'hiver,  qui  la  tue  infailliblement.  La  chenille,  plus  claire  sur  la  tête  et 
les  deux  premiers  anneaux  d'après  qui  sont  rétractiles,  est  ordinaire- 
ment d'un  beau  vert,  plus  rarement  d'un  vert  grisâtre,  pointillé  de 
blanc.  Ce  qui  frappe  tout  d'abord  en  la  voyant,  ce  sont  deux  grandes 
taches  oculaires  sur  le  troisième  segment  renflé,  d'un  bleu  d'azur,  à 
pupille  blanche  et  entourées  de  noir;  les  autres  anneaux,  à  l'exception 


CH^EROCAMPA.  32S 

du  quatrième  et  du  dernier,  sont  traversés  de  chaque  côté  par  une 
étroite  bande  blanclie  qui  se  termine  en  mourant  à  la  base  de  la  corne 
et  qui  est  souvent  bordée  de  bleu.ltre  à  sa  partie  postérieure  ;  elle  est, 
en  outre,  accompagnée  en  dessus  et  en  dessous  de  points  blancs  parse- 
més sans  ordre,  et  dont  quelques-uns  se  prolongent  sur  le  quatrième 
anneau.  La  tôte  et  les  pattes  des  deux  sortes  sont  de  la  couleur  des  an- 
neaux qui  leur  correspondent.  Les  stigmates  sont  noirâtres,  finement 
bordés  de  blanc,  la  corne  courte,  obtuse,  granuleuse,  courbée  en  ar- 
rière, et  d'un  jaune  orangé.  On  rencontre  parfois  des  variétés  de  che- 
nilles entièrement  brunes,  mais  avec  les  mêmes  dessins  que  celles  à 
fond  vert,  et,  très  rarement,  des  chenilles  ayant  quatre  lunules  bleues 
au  lieu  de  deux.  Dans  le  jeune  âge,  ces  chenilles  sont  jaunes  avec  la 
corne  noire  et  très  longue.  On  trouve  ces  chenilles  sur  le  laurier-rose 
{Xcrium  okander],  et  quelquefois,  paraît-il,  sur  la  pervenche  (Fmco  mi- 
nor).  Dans  les  jardins  des  environs  de  Paris  et  de  Paris  même,  c'est  sur- 
tout sur  le  laurier-rose  à  fleurs  doubles,  élevé  en  caisses,  et  à  feuilles 
moins  coriaces,  qu'on  trouve  des  pontes  d'œufs  ou  des  jeunes  chenilles  ; 
en  entourant  tout  l'arbuste  d'un  manchon  de  gaze,  on  les  amène  à  ter- 
minaison ;  les  chrysalides  se  forment  au  pied  des  lauriers-roses ,  sur  la 
terre  même  et  dans  une  coque  de  débris  de  feuilles;  elles  sont  allon- 
gées, d'un  brun  noisette,  finement  striées  de  brun  plus  foncé,  avec  une 
tache  noire  très  apparente  sur  chaque  stigmate.  —  Le^.  Celerio,  Linn., 
le  Phénix  d'Engramelle,  est  un  Sphingien  très  commun  en  Afrique, 
commun  dans  certaines  régions  du  midi  de  la  France,  d'émi- 
gration et  accidentel  dans  le  reste  de  la  l"'rance,  en  Belgique,  en 
Angleterre,  trouvé  assez  fréquemment  sur  les  vignes  de  jardin  dans 
le  département  du  Nord,  soumis  aux  mêmes  lois  d'éclosion  que  le 
C.  Nerii. 

On  rencontre  le  Phénix  sur  les  côtes  orientale  et  occidentale  de  l'Afri- 
que, aux  îles  Canaries,  surtout  à  Ténériffe,  au  cap  de  Bonne-Espérance, 
à  Natal,  à  Madagascar,  aux  îles  Maurice  et  Bourbon,  dans  l'Inde,  dans 
les  îles  de  l'Archipel  indo-sondaïque  et  même  à  la  Nouvelle-Hollande, 
les  exemplaires  australiens  très  beaux  (Boisduval). 

On  trouve  l'adulte  deux  fois,  en  juin  et  au  début  de  juillet,  puis  à  la 
fin  de  septembre  et  en  octobre,  et  la  chenille  en  juillet ,  puis  en  sep- 
tembre, et  parfois  encore  en  octobre,  sur  les  vignes  de  pleine  terre  et 
des  jardins  et  aussi  sur  le  caille-lait  jaune  (Galium  verum);  on  l'a  par- 
fois signalée  comme  nuisible  à  certains  vignobles  par  son  abondance, 
ainsi  dans  les  Pyrénées-Orientales;  la  chrysalide  se  fait  à  fleur  de  terre, 
dans  des  feuilles  assemblées  par  des  fils  de  soie,  et  se  trouve  en  juin  et 
en  septembre.  L'adulte,  de  taille  médiocre,  a  les  ailes  supérieures  très 
aiguës,  comme  il  convient  aux  Sphingiens  de  grand  vol,  le  corselet  oli- 
vâtre, bordé  latéralement  de  blanc,  avec  le  milieu  d'un  gris  blanchâtre,  et 
sur  le  milieu  de  chaque  ptérygode  une  ligne  longitudinale  d'un  jaune 
d'ocre,  qui  devient  d'un  jaune  d'or  métallique  sur  les  sujets  du  Cap  ;  les 


32û  LtPlDOPTÈRtS. 

ailes  siipériL'urcs  sont,  en  dessus,  d'un  brun  o]i\  Titre,  avec  un  pelit  point 
noir  sur  le  disque  et  deux  bandes  obliques  d'un  blanc  argentin;  les  ailes 
inférieures  d'un  rouge  carmin  à  la  base,  ensuite  noires,  avec  une  bande 
transversale  rose,  divisée  par  des  nervures  noires,  la  frange  lisérée  de 
blanc;  le  dessous  des  quatre  ailes  est  brunâtre,  lave  de  rougeùtre  vers 
l'extrémité;  l'abdomen  est  olivâtre,  avec  une  série  de  traits  géminés, 
blancs  ou  dorés,  sur  les  côtés,  et  une  raie  dorsale  argentée,  divisée  lon- 
gitudinalement  par  une  tr(!;s  fine  raie  noire.  La  chenille  a  tantôt  le  fond 
vert,  tantôt  et  plusgénéralement  brun,  avec  deux  yeux  noirs  à  iris  jaune 
et  pupille  blanche  sur  les  anneaux  3  et  4,  la  tète  non  comprise  dans  ce 
comple  des  segments;  deux  lignes  jaunes  longent  le  corps,  l'inférieure 
formée  de  croissants  entourant  les  stigmates  bruns;  la  corne  est  droite, 
les  pattes  écailleuses  jaunes,  les  membraneuses  brunes;  la  chrysalide 
est  d'un  brun  rougeàtre,  avec  les  stigmates  et  les  fourreaux  alaires  d'un 
brun  noirâtre. — Le  C.  Osyris,  Dalman,  ressemble  beaucoup  à  un  C.  Celé- 
rio  très  agrandi;  c'est  une  belle  espèce  de  la  côte  d'Afrique  et  du  Maroc, 
qu'on  capture  parfois  accidentellement  dans  le  sud  de  l'Espagne.  Le 
C.  Elpenor,  Linn.,  le  Sphinx  de  la  vigne,  Lngr.,  The  Eléphant  des  An- 
glais, un  de  nos  plus  beaux  Sphingiens  recherché  par  les  jeunes 
amateurs,  commun  et  répandu  partout,  se  trouvant  jusqu'en  Chine 
(Boisduval),  plus  commun  au  nord  que  dans  le  midi,  volant  en  juin  et 
reparaissant  en  septembre,  butinant  dans  les  jardins  sur  les  pétunias, 
les  iris,  les  chèvrefeuilles  et  sur  beaucoup  d'autres  fleurs,  aux  bords  des 
chemins  et  des  bois,  au  crépuscule  sur  les  fleurs  des  Caryophyllées  {Sa- 
ponaria,  Lychnis,  Silène,  etc.);  les  sujets  de  fm  de  septembre  et  d'octo- 
bre viennent  à  la  miellée  ;  envergure,  65  millimètres  ;  le  thorax  rose 
avec  cinq  lignes  d'un  vert  olive  et  les  côtés  blancs,  les  ailes  supérieures 
d'un  rouge  pourpre  luisant,  avec  trois  bandes  d'un  vert  olive  clair,  les 
inférieures  d'un  rose  foncé,  avec  la  base  noire  et  la  frange  blanche, 
l'abdomen  rose,  avec  deux  bandes  longitudinales  d'un  vert  olive  et  deux 
taches  noires  de  chaque  côté  du  premier  anneau.  La  chenille,  qui  s'é- 
lève très  bien  et  se  trouve  aisément  en  juillet,  août  et  septembre,  car 
elle  vit  à  découvert  pendant  le  jour,  se  nourrit  de  plantes  variées,  sur- 
tout des  épilobes,  dans  les  lieux  frais  et  couverts,  à  la  queue  des  étangs, 
aussi  des  divers  Galium,  des  salicaires,  des  fuchsias  des  jardins,  rare- 
ment en  liberté  des  feuilles  de  vigne ,  dont  elle  mange  très  bien  dans 
les  éducations  captives.  Elle  est  à  partie  antérieure  très  rétractile,  verte 
dans  le  jeune  âge,  et  conserve  parfois  cette  couleur  jusqu'à  la  fin;  mais 
le  plus  souvent  elle  devient  noirâtre  et  réticulée,  couleur  de  radis  noir, 
avec  deux  grandes  taches  noires  circulaires  sur  les  côtés  des  anneaux 
U  et  5,  les  bords  d'un  blanc  violâtre  et  une  lunule  brune  au  centre  et 
un  ocelle  analogue,  seulement  ébauché,  sur  les  côtés  du  troisième  an- 
neau, deux  lignes  grises  de  chaque  côté  du  corps,  la  tète  et  les  pattes 
grises,  la  corne  noire  à  la  base,  blanchâtre  au  bout.  Elle  ne  s'enfonce 
pas  en  terre  pour  se  chrysalider,  mais  se  construit  à  la  surface  du  sol 


cHjEROGAmpa.  325 

une  coque  informe,  de  débris  de  feuilles  sèches  et  de  mousses  liés  par 
des  fils  de  soie  ;  la  chrysalide  est  d'un  brun  jaunâtre,  avec  les  fourreaux 
alaires  finement  striés  de  noir,  les  stigmates  d'un  noir  luisant,  les  an- 
neaux de  l'abdomen  hérissés  du  côté  du  dos  d'une  rangée  de  petites  épi- 
nes noires,  la  pointe  anale  longue,  fine  et  recourbée.  — Le  C.  Porcellus 
Linn.,  le  Petit  Sphinx  de  la  vigne,  d'Engr. ,  le  Petit  Pourceau,  le  Sphinx 
à  bandes  rouges  dentelées,  de  Geoffroy,  Tlie  Small  Eléphant  des  Anglais, 
est  un  charmant  diminutif  de  l'espèce  précédente,  p^iraissant  aux  mômes 
époques  et  dans  les  mêmes  conditions,  mais  beaucoup  moins  commun, 
doué  d'un  vol  extrêmement  rapide;  le  thorax  est  entièrement  rose,  bordé 
de  blanc  sur  les  côtés,  l'abdomen  rose,  avec  le  dos  un  peu  verdâtre,  le 
ventre  et  la  poitrine  roses,  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  olivâtre, 
avec  la  côte,  la  bordure  et  une  bande  transversale  plus  ou  moins  com- 
plète, de  couleur  rose,  les  ailes  inférieures  dentelées,  noirâtres  anté- 
rieurement, d'un  jaune  olivâtre  au  milieu,  avec  la  bordure  rose  et  la 
frange  entrecoupée  de  blanc.  M.  P.  Millière  a  fait  connaître  une  aber- 
ration du  C.  Porcellus  {Iconogr.,  t.  III,  p.  165,  pi.  116,  fig.  vu),  intéres- 
sante parce  que  les  Déiléphilides  varient  très  peu.  La  belle  couleur  rose 
du  corps  et  des  ailes  a  presque  entièrement  disparu,  ne  demeure  indi- 
quée que  vaguement  au  centre  et  au  sommet  des  ailes  supérieures.  Le 
reste  des  ailes,  le  thorax  et  l'abdomen  sont  d'un  vert  jaunâtre  fort  indé- 
cis. Cette  aberration  est  du  Caucase  et  de  l'Asie  Mineure.  M.  J.  Fallou 
a  obtenu  d'éclosion  un  C.  Porcellus  mâle  où  la  couleur  rose  du  type  est 
presque  complètement  remplacée  par  une  teinte  d'un  vert  olive  foncé. 
Les  bords  terminaux  des  ailes  inférieures  sont  d'un  rouge  vineux,  au 
lieu  d'être  roses.  Le  thorax  et  l'abdomen  sont  colorés  du  même  vert  que 
le  fond  des  ailes.  De  Romand  a  signalé  le  fait  de  C.  Porcellus  etC.  Elpe- 
nor,  retenus  captifs  par  lu  spirifrompe  au  fond  de  la  corolle  de  fleurs 
d'œnopthère,  en  raison  d'un  rétrécissement  de  la  corolle;  Ghiliani  cite 
des  cas  analogues  pour  divers  Sphingiens.  En  1847,  Pierret  communiqua 
à  la  Société  entomologique  de  France  des  C.  Porcellus  pris  près  de  Bor- 
deaux, ayant  sur  les  yeux   des  pollens  d'Orchidées,  qui  furent   pris 
pour  des  cryptogames  ;  M.  Robin  a  figuré  ces  insectes  dans  son  livre  sur 
les  végétaux  parasites  des  animaux,  en  faisant  justice  de  l'erreur.  La 
chenille  du  Petit-Pourceau  ressemble  à  la  chenille   du  Sphinx  de  la 
vigne,  avec  taille  bien  plus  petite;  verte  dans  le  jeune  âge,  elle  devient 
ordinairement  brune  ou  grise  maillée  de  noir,  avec  trois  taches  ocel- 
lées noires,  à  pupille  blanche  entourée  de  roussâtre  sur  les  anneaux  3, 
Zi,  5;  les  pattes  écailleuses  sont  jaunâtres,  à  bout  noir,  la  corne  rudi- 
mentaire,  réduite  à  une  petite  verrue  arrondie,  à  peine  saillante;    il 
faut  chercher  cette  chenille  en  juillet  et  août;  mais  elle  est  assez  diffi- 
cile à  trouver,  car  elle  ne  mange  guère   que  le  matin  ou  pendant  la 
nuit,  se  cachant  le  reste  du  temps  au  pied  de  la  plante  ou  sous  les 
pierres  du  voisinage  à  sa  portée.  Elle  vit  sur  le  caille-lait  jaune  {Galium 
verum)  et,  plus  rarement,  sur  l'épilobe  à  feuilles  étroites  {EpiloOium  an- 


326  LÉPIDOPTÈRES. 

gustifolium).  La  chrysalide  laisse  éclore  l'adulte  ordinairement  en  juin, 
après  hibernation,  plus  rarement  en  septembre.  Elle  est  contenue  dans 
une  coque  grossière,  comme  celle  du  C.  Elpcnor^  à  laquelle  elle  ressem- 
ble beaucoup,  à  la  grosseur  près,  ayant  le  dessus  des  anneaux  de  Fab- 
domeu  encore  plus  épineux. 

MACROGLOSSIDES. 

Les  Macroglossides  forment  une  nombreuse  famille,  dont  les  espèces 
sont  disséminées  sur  \a.  plus  grande  partie  du  globe.  Stephens  en  fait 
la  famille  des  Sesiidœ.  Ce  sont  les  plus  petits  Sphingiens,  dont  les 
adultes  sont  de  taille  assez  petite,  d'habitude  au-dessous  de  la  moyenne. 
Les  antennes  sont  variables  de  forme  et  de  longueur,  les  yeux  de  gran- 
deur moyenne,  la  spiritrompe  de  la  longueur  du  corps,  les  ailes  entières 
ou  anguleuses,  l'abdomen  raccourci ,  très  souvent  terminé,  au  moins 
dans  l'un  des  sexes,  par  une  brosse  de  poils  étalés.  Les  chenilles  qui  sont 
connues  sont  généralement  de  couleur  verte,  plus  ou  moins  pointillées, 
paraissant  parfois  un  peu  chagrinées;  atténuées  antérieurement,  elles 
ont  la  tête  globuleuse.  Les  unes  ont  des  lignes  longitudinales,  les  autres 
ont  en  outre  des  raies  obli-ques;  quelques-unes  offrent  des  taches  laté- 
rales ferrugineuses.  Elles  sont,  en  général ,  pourvues  d'une  corne  plus 
ou  moins  développée,  droite  ou  arquée,  sur  le  onzième  segment.  Les 
chrysalides  sont  conoïdes,  avec  l'enveloppe  de  la  tête  très  saillante. 

MJtCnOGI^OSSA,  Ochsenheimer.  —  Antennes  droites,  raMes,  minces  à  leur 
base,  se  renflant  ensuite  insensiblement  et  presque  en  massue,  finement  striées 
en  dessous ,  se  terminant  par  un  crochet  peu  prononcé.  Yeux  ovales,  peu  sail- 
lants, bordés  de  poils  antérieurement.  Spiritrompe  de  la  longueur  du  corps. 
Palpes  se  terminant  en  pointe  obtuse,  contigus  à  leur  sommet,  et  débordant 
beaucoup  le  chaperon.  Thorax  robuste,  ovoïde,  peu  bombé,  très  velu,  les 
ptérygodes  peu  distincts.  Ailes  courtes  et  entières,  le  plus  souvent  opaques, 
quelquefois  vitrées.  Pattes  grêles  et  courtes.  Abdomen  aplati  en  dessous,  à  peu 
près  aussi  large  dans  toute  sa  longueur,  muni  de  petites  brosses  latérales  de 
poils  et  terminé  dans  les  deux  sexes  par  un  faisceau  de  poils  étalés  en  queue 
d'oiseau. —  Chenilles  pointillées,  finement  chagrinées,  avec  la  tète  globuleuse 
et  une  corne  droite  un  peu  courbée  sur  le  onzième  anneau.  —  Chrysalides 
cylindrico-coniques,  allongées,  avec  la  partie  antérieure  un  peu  comprimée  et 
l'enveloppe  de  la  tête  très  saillante. 

Les  Macroglosses  sont  répandus  dans  toutes  les  parties  du  monde  et 
nombreux  en  espèces;  Boisduval  en  décrit  plus  de  soixante-dix.  Ils 
volent  en  plein  jour  avec  une  grande  rapidité,  le  plus  souvent  à  l'ardeur 
du,  soleil,  ce  qui  est  tout  à  fait  contraire  au  caractère  prétendu  général 
des  anciens  Crépusculaires;  quelques  espèces  cependant  semblent  pré- 
férer un  ciel  un  peu  couvert  et  les  allées  des  bois.  Les  Macroglosses 


MACROGLOSSA.  327 

butinent  en  vol  stationnaiie  si  rapide,  qu'on  aperçoit  à  peine  leurs  ailes 
comme  une  masse  nuageuse;  ils  ne  touchent  pas  les  fleurs,  dans  la  co- 
rolle profiiude  desquelles  ils  enfoncent  le  bout  effilé  de  leur  spiii- 
trompe,  qui  se  recourbe  à  sa  buse  presque  à  angle  droit.  On  en  connaît 
un  certain  nombre  dont  les  ailes  sont  transparentes;  mais  cela  ne  con- 
stitue pas  plus  une  exception  au  caractère  général  des  Lépidoptères  que 
chez  les  Sesia,  où  les  ailes  à  l'éclosion  sont  couvertes  d'écaillés  très 
fugaces.  Si,  par  exemple,  on  élève  les  ciienilles  de  nos  Sphinx  gazés,  les 
M.  bombijliformis  elfuci forints,  et  si  l'on  surveille  attentivement  l'éclo- 
sion de  la  chrysalide,  on  verra  que  les  ailes  sont  couvertes  de  fines 
écailles  brunes,  qui  se  détachent  comme  une  poussière  dès  que  le  pa- 
pillon a  donné  quelques  coups  d'ailes,  de  sorte  qu'il  ne  reste  que  les 
écailles  des  principales  nervures  et  surtout  celles  de  la  bordure,  qui 
sont,  au  contraire,  très  adhérentes.  Fabricius,  qui  bornait  ses  études  aux 
sujets  secs  des  collections,  et  n'était  pas  un  véritable  observateur  de  la 
nature,  ignorait  cette  particularité,  et  avait  fait  le  genre  Sesia  avec  les 
Sphingiens  à  ailes  vitrées ,  nom  que  les  auteurs  anglais  et  américains 
ont  conservé.  11  y  a  d'incontestables  analogies  par  la  transparence  des 
ailes  et  les  pinceaux  anaux  entre  les  Sésiens  et  les  Macroglosses  gazés  à 
l'état  adulte;  mais  les  premiers  états  établissent  au  contraire  une  diffé- 
rence complète:  les  premiers  ayant  les  chenilles  et  presque  toujours  les 
chrysalides  endophytes,  tandis  que  les  chenilles  vivent  toujours  à  dé- 
couvert chez  les  seconds.  D'après  Poey,  le  crin  des  femelles  est  en 
faisceaux  nombreux  cliez  les  Macroglosses  à  ailes  opaques  et  à  3  soies 
chez  les  Macroglosses  à  ailes  transparentes. 

Nous  avons  en  France  et  en  Angleterre  trois  espèces  du  genre  Macro- 
glosse  :  M.  stellatarum,  Linn.,  le  Moro-Sphinx  de  Geoffroy,  le  Sphinx  du 
caille-lait  d'Engramelle,  i/ie  Humrning  Bird  des  Anglais;  hb  millimètres 
d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  brun  cendré,  avec  trois  lignes 
noires  transverses  et  ondulées,  un  point  noir  entre  les  deux  médianes 
plus  distinctes,  les  ailes  inférieures  d'un  fauve  roux,  avec  la  base  ob- 
scure et  le  bord  terminal  ferrugineux,  le  corps  de  la  couleur  des  ailes 
supérieures,  avec  le  milieu  de  l'abdomen  marqué  latéralement  d'une 
tache  jaunâtre,  puis  d'une  tache  noire  ;  espèce  très  commune  partout, 
du  printemps  jusqu'en  novembre  et  même  eu  hiver,  si  la  température 
n'est  pas  trop  froide,  se  trouvant  sur  toute  la  côte  de  Barbarie,  en 
Egypte,  aux  îles  Canaries,  en  Chine,  volant  rapidement  à  l'ardeur  du 
soleil,  semblant  souvent  fureter  au  vol  le  long  des  talus  et  des  murs,  en 
cherchant  sans  doute  des  caille-lait  pour  pondre,  entrant  souvent,  à 
l'arrière-saison,  dans  les  maisons  et  y  passant  l'hiver  dans  les  greniers; 
on  a  cité  sur  cette  espèce  un  cas  de  décoloration  par  albinisme.  Chenille 
vivant  sur  les  caille-lait  ou  gaillets  blanc  et  jaune,  et  sur  les  Kubiacées 
cylindroïdes,  diminuant  de  grosseur  de  la  partie  anale  à  la  tête,  qui  est 
très  petite,  globuleuse  et  verte,  le  corps  ordinairement  d'un  vert  tendre, 
avec  huit  rangées  transverses  de  petits  points  blancs,   granuleux  e 


328  LÉPIDOPTÈRES. 

très  rapprochés,  qui  la  rendent  rugueuse  ou  chagrinée,  et  quatre  raies 
longitudinales,  deux  sous-dorsales,  blanches,  aboutissant  à  la  corne,  deux 
latérales,  s'étendant  sous  les  stigmates  noirs  et  aboutissant  au  clapet 
anal,  les  pattes  écailleuses  fauves  ou  rousses,  les  membraneuses  vertes 
comme  le  ventre,  avec  la  couronne  rosée  et  surmontée  d'un  petit  crois- 
sant d'un  noir  luisant,  la  corne  courte,  presque  droite,  rugueuse,  d'un 
bleu  obscur,  avec  l'extrémité  d'un  jaune  orangé;  cette  chenille  devient 
souvent  d'un  gris  brunâtre  quand  elle  est  prête  à  se  métamorphoser,  et 
se  renferme  dans  une  coque  informe  qu'elle  se  fabrique  avec  des  dé- 
bris de  feuilles  réunis  par  quelques  iils  de  soie  ;  elle  s"y  change  en  une 
chrysalide  allongée,  d'un  gris  blond,  parsemé  d'atomes  bruns,  surtout 
sur  les  fourreaux  alaires,  avec  une  ligne  noire  médiane,  remontant  de 
la  base  de  l'abdomen  à  la  tête,  celle-ci  surmontée  d'une  sorte  de  casque 
ou  de  camail;  la  peau  de  cette  chrysalide  est  tellement  fine  et  transpa- 
rente, comme  celle  d'une  nymphe,  qu'on  peut  suivre  à  travers  les 
phases  de  la  formation  du  papillon  jusqu'à  son  éclosion,  qui  a  lieu  d'or- 
dinaire au  bout  de  trois  semaines. 

Viennent  ensuite  les  deux  Macroglosses  à  ailes  vitrées,  qui  sont  très 
analogues,  et  qu'Engramelle  confondait  sous  le  nom  de  Grand  Sphinx 
(jazé.  L'un  est  le  M.  Fuciformis,  Linn.,  syn.:  Bombyliformis,  Fabr.,  Hùb- 
ner,  de  ItO  millimètres  d'envergure,  le  corps  d'un  vert  olive,  avec  les 
derniers  anneaux  de  l'abdomen  d'un  jaune  verdàtre  et  bordés  latérale- 
ment par  des  poils  d'un  jaune  pâle,  l'abdomen  traversé  en  outre  dans 
son  milieu  par  une  large  bande  d'un  brun  ferrugineux  ;  ailes  transpa- 
rentes, avec  les  nervures,  la  côte,  une  bordure  terminale  et  un  trait  à 
l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale  d'un  ferrugineux  pourpré,  la  base 
des  ailes  supérieures  et  le  bord  abdominal  des  inférieures  d'un  vert  oli- 
vâtre; vole  en  avril,  mai,  juin,  en  butinant  sur  les  fleurs  de  la  bugle 
dans  les  allées  de  bois,  de  la  sauge  des  prés  dans  les  prairies,  quelque- 
fois sur  celles  des  lilas  dans  les  jardins  de  campagne.  (Chenille  verte, 
avec  la  bande  centrale  et  la  corne  ferrugineuses,  facile  à  trouver  et  à 
élever,  vivant  en  juillet  sur  les  chèvrefeuilles;  M.  Goossens  l'a  trouvée 
aussi  sur  les  scabieuses,  comme  celle  de  l'espèce  suivante. —  M.  Bombyli- 
formis, b;sper(syn.:  Fuciformis,  Fabr.,  Hiibn.),  de  la  taille  du  précédent, 
généralement  moins  commun,  aussi  d'avril,  mai,  juin,  reparaissant  en 
septembre  et  octobre  dans  les  Alpes-Maritimes,  d'après  M.  Millière, 
ayant  la  bordure  terminale  des  ailes  beaucoup  plus  étroite  et  d'un  brun 
noir,  ainsi  que  les  nervures  et  point  de  tache  noire  au  bout  de  la  cellule 
discoïdale,  le  thorax  d'un  vert  plus  jaunâtre,  la  bande  transverse  du 
milieu  de  l'abdomen  noire  mélangée  de  verdàtre  et  les  anneaux  qui 
suivent  cette  bande  avec  le  milieu  fauve  en  dessus.  Chenille  verte,  avec 
des  taches  latérales  en  forme  de  traits  rouges  ou  d'un  violet  pourpre, 
vivant  généralement  en  juillet,  août,  septembre  sur  diverses  scabieuses, 
notamment  dans  les  allées  herbeuses  des  bois,  sur  la  Scabiosa  succisa, 
assez  difficile  à  trouver  et  à  élever.  Nous  ferons  remarquer  que  nous 


PTÊROGON.  329 

avons  donné  ù  nos  Sphinx  gazés  les  noms  que  leur  atlribue  M.  Gueuée, 
qui  fait  autorité  en  cette  matière,  mais  que  la  plupart  des  auteurs  don- 
nent les  noms  à  l'inverse;  il  est  bon  que  les  amateurs  soient  prévenus 
pour  leurs  étiquettes  de  collection;  ils  choisiront. 

PTEROGOIV,  Boisduval.  —  Antennes  légèrement  flexueuscs,  minces  à  la  base, 
puis  presque  claviformes,  striées  transversalement  ou  crénelées  dans  les  mâles. 
Tète  large.  Yeux  circulaires,  couverts  en  partie  par  des  cils  latéraux.  Spiritrompe 
ù  peu  près  de  la  longueur  du  corps.  Palpes  velus,  séparés  du  front  et  dépassant 
le  chaperon.  Thorax  large,  épais,  avec  le  collier  et  les  plérygodes  bien  marqués. 
Ades  dentées  et  plus  ou  moins  anguleuses,  avec  le  bord  interne  arqué.  Abdomen 
court,  subconique,  terminé  à  l'extrémité  et  chez  les  mâles  seulement  par  une 
brosse  de  poils.  —  Chenilles  lisses,  à  tète  petite  et  globuleuse,  ayant,  au  lieu 
de  corne,  une  plaque  lenticulaire  sur  le  onzième  anneau.  —  Chrysalides  cylin- 
drico-coniques. 

Le  petit  genre  Pterogon  est  remarquable ,  dans  la  tribu  des  Sphin- 
giens,  par  la  petitesse  de  la  taille  et  par  les  gracieuses  découpures  des 
ailes;  les  adultes  volent  le  soir  après  le  coucher  du  soleil  et  restent  ca- 
chés pendant  le  jour.  Les  chenilles  connues  vivent   de  plantes  basses, 
Onagraires  et  Rubiacées.  L'espèce  type  de  France,  manquant  aux  lies 
Britanniques,  est  assez  fréquente  dans  les  régions  méridionales  et  sous- 
alpines  de  notre  pays,  Daupbiné,  Alpes-Maritimes,  Lozère,  Auvergne 
Alsace,  disséminée  et  rare  dans  le  reste  de  la  France,  dans  Saône-et- 
Loire,  l'Indre,  le  Cher  et  les  environs  immédiats  de  Paris.  Le  papillon 
vole  en  juin  et  butine  dans  les  clairières  des  bois  sur  les  fleurs  des  Si- 
lène, des  Lychnis  et  des  Salvia,  en  compagnie  des  Chérocampes  Elpenor 
et  Porcellus.  Les  chenilles  vivent  principalement  sur  les  épilobes,  sur 
Epilobium  angmtifolium,  dans  le  Midi,  et  sur  Epilobium  hirsutum,  au 
bord  des  étangs,  près  de  Paris;  on  les  trouve  aussi  en  juillet  et  août, 
mais  moins  souvent,  mangeant  les  feuilles  et  les  fleurs  de  l'œnothère 
bisannuelle  (Onagrariées),  dont  elles  s'accommodent  très  bien  en  capti- 
vité. Pendant  le  jour,  elles  se  tiennent  cachées  sous  les  pierres,  mais 
on  les  trouve  aisément,  la  nuit  à  la  lanterne,  sur  les  plantes  indiquées  ; 
elles  se  métamorphosent  à  la  surface  de  la  terre,  dans  une  coque  in- 
forme composée  de  débris  de  végétaux  réunis  par  des  fils,  passent  géné- 
ralement l'hiver  et  donnent  les  adultes  à  la  fin  de  mai  de  l'année  sui- 
vante. Ce  P.  Proserpina,  Pallas,  synonyme  seul  usité  :  P.  œnotherœ,  cata- 
logue de  Vienne,  le  Sphinx  de  l'épilole  d'Engramelle,  a  le  thorax  d'un 
gris  verdâlre,  avec  les  ptérygodes  d'un  vert  olive  foncé,  les  ailes  supé- 
rieures d'un  blanc  grisâtre,  avec  l'extrémité  olivâtre  et  le  milieu  tra- 
versé par  une  large  bande  courbe,  d'un  vert  olive,  élargie  vers  la  cote, 
où  elle  est  marquée  d'un  point  noir  entouré  de  blanchâtre,  les  ailes 
inférieures  d'un  jaune  d'ocre,  avec  une  bordure  noire  et  la  frange  blan- 
che, le  dessous  des  quatre  ailes  d'un  vert  olivâtre,  avec  une  bande 


530  LÉPIl>OPTÈRES. 

transversale  blancliiltre.  Chenille  verte  et  mouchetée  de  noirâtre  dans 
son  premier  âge,  brune  sur  le  dos  aprt-s  la  première  mue,  tandis  que 
le  ventre  et  les  côtés  sont  blanchâtres,  ces  derniers  offrant  sur  chacun 
des  anneaux  un  trait  noir  oblique,  les  stigmates  d'un  rouge  ferrugi- 
neux entourés  d'un  demi-cercle  d'un  noir  bleuâtre,  et,  sur  le  onzième 
anneau,  un  écusson  lenticulaire  luisant,  formé  d'une  prunelle  noire 
entourée  d'un  iris  rouge  ou  orangé.  Chrysalide  petite  relativement  à 
la  grosseur  de  la  chenille,  d'un  brun  rougeâtre,  avec  les  stigmates  noirs 
et  la  pointe  anale  longue  et  aiguë.  L'Europe  orientale  extrême  présente 
une  seconde  espèce  de  Pterogon,  d'un  tiers  plus  petite  que  la  précé- 
dente, rare  dans  les  collections,  le  P.  Gorgoniades,  Hûbner,  ou  Gorgon, 
Esper,  des  bords  du  Volga  et  des  îles  de  la  mer  Caspienne,  et  dont  la 
chenille  vit  sur  plusieurs  espèces  de  Galium.  Deux  autres  espèces  de 
Pterogon  sont  de  la  Cafrerie. 

Une  fort  curieuse  espèce  de  Macroglosside,  formant  un  genre,  tou- 
jours rare  dans  les  collections,  vivant  dans  les  États-Unis  du  Sud  sur 
plusieurs  espèces  de  vignes  sauvages,  est  le  Thyreus  Abboti,  Swainson, 
dont  les  caractères  participent  des  Pterogon  et  des  Uacroglossa.  En  effet, 
d'après  Boisduval,  la  chenille  est  dépourvue  de  corne  sur  le  onzième 
anneau  et  les  ailes  sont  découpées  comme  chez  les  Pterogon,  mais  les 
antennes  ressemblent  à  celles  des  Macroglossa,  étant  longues,  légère- 
ment épaissies  au  milieu,  dentées  chez  les  mâles,  terminées  en  pointe 
formant  un  crochet  très  recourbé  dans  les  deux  sexes  ;  en  outre,  l'abdo- 
men, court,  large,  aplati  en  dessous,  est  terminé  par  une  brosse  anale 
élargie  en  queue  d'oiseau,  à  trois  lobes  arrondis,  et,  en  outre,  les  côtés 
de  l'extrémité  munis  de  brosses  de  poils  arrondis  et  non  coupées  carré- 
ment; cet  abdomen  offre  ainsi  un  aspect  curieux  et  spécial. 

Tribu  des  ZYGÉMIEMS. 

Nous  réunirons  dans  la  tribu  des  Zygéniens  des  insectes  de  plusieurs 
types  assez  distincts,  dont  les  caractères  communs  ne  sont  pas  très 
nombreux.  Les  antennes  sont  variables,  le  plus  souvent  diversement 
renflées  au  delà  du  milieu,  tantôt  simples  dans  les  deux  sexes,  tantôt 
pectinées  dans  les  mâles  seulement  ou  même  aussi  dans  les  femelles, 
la  tête  petite,  arrondie,  plus  étroite  que  le  thorax,  la  spiritrompe  de 
longueur  variable,  parfois  presque  nulle,  les  palpes  subcylindriques, 
dont  le  dernier  article  est  toujours  bien  distinct  et  quelquefois  nu,  le 
corps  plus  souvent  squameux  que  velu,  les  ailes  longues,  étroites,  en 
toit  incliné  de  chaque  côté  sur  le  corps  dans  le  repos,  et  dont  le  som- 
met des  supérieures  dépasse  alors  toujours  l'abdomen,  quelle  que  soit 
la  longueur  de  celui-ci.  Les  adultes  volent  tous  pendant  le  jour  seule- 
ment, en  géjîéral  lourdement  et  à  peu  de  distance,  le  vol  devenant 
assez  rapide  chez  certains  seulement  sous  un  soleil  très  ardent.  Ce 
genre  de  vie,  qui  est  tout  à  fait  en  contradiction  avec  l'idée  des  anciens 


ZTGjEPfA.  3S1 

Crépusculaires  où  l'on  plaçait  les  Zygéiiiens,  et  des  rapports  de  forme 
extérieure  dans  certains  genres,  comme  les  Glaucopis  et  les  Syntomis, 
tendraient  à  rapprocher  ces  insectes  des  Sésiens;  mais  les  premiers 
états  marquent  une  séparation  complète.  Les  chenilles,  en  effet,  ne  sont 
jamais  endophytes,  mais  vivent  toujours  à  découvert  sur  les  feuilles 
des  végétaux,  surtout  des  plantes  basses  et  principalement  de  la  famille 
des  Légumineuses,  bien  plus  rarement  des  arbrisseaux  et  des  arbres; 
ces  chenilles  sont  grosses,  souvent  courtes,  pubescentes  ou  velues,  à 
tête  petite  et  rétractile  sous  le  premier  anneau.  Elles  ne  passent  jamais 
l'hiver  à  l'état  de  chrysalides,  mais  demeurent  engourdies  dans  cette 
saison,  et  se  filent  toujours  pour  la  nympliose  des  cocons  soyeux,  de 
consistance  1res  variée,  le  plus  souvent  attachés  aux  tiges  des  végétaux, 
quelquefois  sous  les  feuilles  sèches  et  les  mousses. 

ZYGÉNIDES. 

Cette  famille  constitue  les  Crassicornes  àe  M.  Guenée;  antennes  ou 
renflées  à  l'extrémilé  ou  pectinées  au  moins  dans  les  mâles  ;  ailes  bril- 
lamment colorées,  tantôt  avec  des  taches  rouges,  tantôt  unicolores  et 
d'éclat  parfois  submétallique  ;  formes  du  corps  toujours  épaisses  et 
massives,  comme  gonflées  et  lympathiques  ;  vol  pendant  le  jour,  rec- 
tiligne  et  presque  toujours  pesant;  papillons  restant  volontiers  immo- 
biles sur  les  plantes,  aisés  à  capturer  aième  à  la  main,  car  ils  se  lais- 
sent approcher  de  près;  se  débattant  peu  dans  le  filet.  Chenilles 
courtes,  pubescentes  ou  garnies  de  poils  assez  courts,  lentes  à  se  mou- 
voir, se  filant  des  cocons  variés  de  consistance  et  de  forme,  attachés  aux 
tiges  des  végétaux,  le  plus  souvent  des  Légumineuses  et  autres  plantes 
basses,  les  chenilles  vivant  parfois  sur  les  arbrisseaux  et  même  les 
arbres  {Procris,  Aglaope).  A  consulter  :  Boisduval,  Essai  sur  une  Mono- 
graphie des  Zyégnides,  Paris,  1829. 

KYGJEHA,  Fabr.  (syn.  Anthrocera,  Scopoli).  —  Antennes  d'un  bleu  foncé,  quel- 
quefois blanches  ou  jaunâtres  à  leur  sommet,  généralement  épaisses,  jamais  pec- 
tinées, renflées  vers  l'extrémité  au  delà  du  milieu  en  massue,  se  terminant  par 
une  pointe  obtuse  et  contournée  en  corne  de  bélier.  Yeux  de  grandeur  moyenne, 
un  peu  saillants,  deux  ocelles  ou  steramates  au-dessus  des  yeux.  Spiritrompe 
longue,  roulée  en  spirale.  Palpes  cylindrico-coniques,  pointus,  s'élevant  un  peu 
au-dessus  du  chaperon.  Thorax  arrondi,  plus  ou  moins  velu,  de  la  couleur  des 
ailes  supérieures,  parfois  un  peu  grisâtre  ou  blanchâtre  aux  ptérygodes.  Ailes 
supérieures  étroites,  le  plus  souvent  d'un  bleu  foncé  brillant ,  tirant  parfois  sur 
le  verdâtre,  avec  des  taches  symétriques  non  vitrées,  rouges  d'ordinaire,  rare- 
ment blanches  ou  jaunes,  les  inférieures  rarement  de  la  couleur  du  fond  des 
supérieures,  presque  toujours  rouges,  avec  la  bordure  bleue;  pattes  ordinai- 
rement bleues  ou  verdàtres,  parfois  un  peu  grisâtres  ou  jaunâtres.  Abdomen 
cylindroïde,  ordinairement  de  la  couleur  du  fond  des  ailes  supérieures,  quelque- 


332  LÉPIDOPJÈIltS. 

fois  plus  foncé,  souvent  entouré  d'un  anneau  rouge.  — Chenilles  courtes,  semi- 
ovoïdes,  à  tête  petite  et  rentrant  dans  un  étui  corné,  allénuées  aux  deux  ex- 
trémités, à  anneaux  profondément  incisés,  avec  mamelons  arrondis  portant  des 
poils  courts,  filant  des  cocons  très  consistants,  le  plus  souvent  fusiformes  ou  en 
bateau,  parfois  ovoïdes.  —  Chrysalides  raccourcies,  peu  consistantes,  brunes  ou 
noires,  avec  les  enveloppes  des  ailes  et  les  anneaux  de  l'abdomen  moins  colorés. 

Les  Zygènes  étaient  appelées  Sphyrix-Béliers  par  Geoffroy,  en  raison 
de  la  forme  terminale  de  leurs  antennes.  Elles  sont  très  nombreuses 
en  espèces,  parfois  difficiles  à  distinguer  et  qui  habitent  l'Europe  pour 
la  plupart;  on  en  cite  de  Perse,  de  Sibérie,  du  Tibet,  du  cap  de  Bonne- 
Espérance  et  aussi  de  l'Amérique  du  Nord,  et  six  espèces  nouvelles  en 
Algérie  (H.  Lucas),  (les  insectes  se  trouvent  surtout  dans  les  prairies 
élevées,  les  clairières  des  bois,  les  coteaux  calcaires;  leur  vol.  toujours 
diurne,  devient  parfois  assez  vif  et  prolongé,  si  le  soleil  est  très  ardent. 
Le  crin  des  femelles  est  en  faisceaux  à  soies  très  peu  nombreuses  (Poey). 
ils  éclosent  surtout  en  juin  et  juillet,  c'est-à-dire  à  la  fin  du  printemps 
et  au  commencement  de  l'été.  Ils  aiment  à  butiner  sur  les  fleurs  et  à 
se  reposer  en  petits  groupes  sur  les  fleurs  en  corymbes  et  en  ombelles  : 
les  Statice,\eè  Scabiosa,  le&Centaurea,  les  Phyteuma,  etc.  On  rencontre 
dans  beaucoup  d'espèces  de  Zygœna,  peut-élre  dans  toutes,  des  aberra- 
tions de  couleur  où  le  rouge  est  remplacé  par  du  jaune  pur,  à  la  fois 
aux  taches  des  ailes  supérieures,  aux  ailes  inférieures  et  à  l'anneau  de 
l'abdomen,  s'il  existe.  Peut-être  cette  couleur  est-elle  due  à  un  arrêt 
de  développement,  car  M.  J.  Fallou  m'a  dit  avoir  vu  éclore  à  Zermatt 
(Valais)  l'espèce  des  hautes  montagnes,  Z.  exulans,  qui  était  jaune 
d'abord,  mais  qui  le  lendemain  devint  rouge  ;  les  vapeurs  acides  ne 
changent  pas  en  jaune  le  rouge  des  Zygènes,  comme  elles  le  font  pour 
certaines  Chélonidés  {Hera,  Dominula)  et  des  Noctuelles,  telles  que 
Catocala  Nupta  et  ses  analogues.  Je  citerai  de  visu  pour  leurs  variétés 
jaunes,  Z.  fausta,  onobrychis,  hippocrepidis,  peucedatii,  Minos,  Charon, 
filipenulœ,  achilleœ.  Cette  dernière  variété  se  trouve  près  de  Paris,  à 
Bondy,  et  se  prenait  au  Raincy,  avant  la  dévastation  de  ce  beau  parc; 
le  garde  Roncin  savait  la  capturer  et  la  vendait  aux  amateurs.  En  outre, 
les  Zygènes  offrent  d'assez  nombreuses  variations  dans  le  nombre  des 
taches  et  leur  confluence.  Elles  laissent  suinter  une  liqueur  jaune 
quand  on  pique  le  thorax. 

Les  Zygènes  s'accouplent  sur  les  fleurs  pendant  le  jour  et  leur  copu- 
lation dure  longtemps,  une  demi-jouriiée  et  môme  une  journée,  les 
abdomens  opposés,  les  deux  corps  en  ligne  droite.  J'ai  vu  l'accouple- 
ment se  maintenir  plusieurs  heures  sur  deux  sujets  piqués  de  Z.  pli- 
pendulœ,  et  l'on  n'aurait  pu  les  séparer  qu'en  brisant  les  anneaux  de 
l'abdomen  du  mâle.  Cette  ardeur  génitale  est  attestée  par  plusieurs 
observations  curieuses,  ainsi  deux  mâles  de  Z.  achilleœ  trouvés  accou- 
plés, ensemble  et  en  même  temps,  avec  la  même  femelle,  et  des  accou- 


ZYG.ENA.  333 

plements  naturels  hybrides  entre  espèces  diff(5reiites,  comme  filipen- 
dulœ  et  peuceuJani,  trifolii  et  hippocrepidis  (Boisdiival),  fdipendnlœ  et 
peucedani,  hippocrepidis  et  pemedani  (à  Lardy,  juillet  1880,  Poujade), 
peucedani  femelle  et  hippocrepidis  mCde  (Bellier,,  filipendulœ,  mCdc  et 
Minos  femelle  (de  Villicrs);  dans  ce  dernier  cas  les  œufs  ont  été  féconds 
et  les  chenilles  ont  vécu. 

Le  mâle  vit  encore  deux  ou  trois  jours  après  l'accouplement  et  la 
femelle  périt  quand  elle  a  achevé  sa  ponte.  Boisduval  a  vu  que  les 
femelles  non  fécondées  refusent  de  pondre  en  captivité,  contrairement 
aux  femelles  vierges  de  Sericaria  mori  et  d'autres  Bombyciens,  à 
moins  qu'on  ne  traverse  leur  corselet  d'une  épingle  ;  les  femelles 
fécondées  pondent  captives,  mais  bien  plus  vile  si  on  leur  perce  le 
corselet.  Le  même  fait  a  lieu  pour  divers  Bombyciens  :  ainsi  Liparis 
Dispar  et  Chryssorrhœa,  dont  les  femelles  ni  fécondées  ni  piquées  ne 
pondent  pas  d'œufs  en  captivité.  Les  œufs  des  Zygènes  sont  sphéroïdes 
ou  ovoïdes,  jaunâtres  (Z.  filipendulœ)  ou  verdâtres,  luisants,  et  éclosent 
au  bout  de  quinze  jours  ou  trois  semaines  au  plus  tard.  Ln  sortant  de 
l'œuf  les  petites  chenilles  sont  velues,  noirâtres  ou  brunâtres,  sans 
aucune  tache,  et  conservent  cet  aspect  jusqu'à  la  première  mue. 
Après  la  seconde  mue,  ou,  plus  généralement,  après  la  troisième,  elles 
prennent  la  livrée  qu'elles  garderont  jusqu'à  la  nympliose,  moment  où 
elles  sont  très  raccourcies,  épaisses,  vertes,  jaunes  ou  glauques,  tou- 
jours avec  des  points  ou  des  taches  noires  régulièrement  disposés  et 
des  poils  rares  et  soyeux,  non  tubercules.  Bien  qu'écloses  en  été,  elles 
passent  l'hiver  à  l'état  de  chenille,  ayant  cessé  de  manger  après  la 
seconde  mue,  quoique  la  saison  soit  encore  très  chaude  et  que  la 
nourriture  fraîche  abonde.  Elles  restent  dans  cet  état  de  torpeur  pen- 
dant tout  l'automne  et  l'hiver  et  se  réveillent  au  printemps  suivant, 
dès  les  premiers  beaux  jours  ;  alors  elles  se  donnent  beaucoup  de 
mouvement,  mangent  abondamment  pendant  quelques  jours,  font  leur 
troisième  mue  et  contiiuient  à  se  développer  jusqu'à  la  fin  de  mai  ou 
en  juin,  où  elles  deviennent  chrysalides;  d'après  Boisduval,  Z.  Achilleœ 
fait  exception  par  sa  précocité,  car,  près  de  Paris,  on  rencontre  le  pa- 
pillon dès  le  commencement  de  mai,  et  il  reparait  en  juillet  et  août  dans 
les  régions  chaudes  de  la  France.  Z.  Fausta  a  aussi  deux  apparitions 
dans  le  Midi,  en  juin  puis  en  septembre.  Les  chenilles  des  Zygènes  se 
nourrissent  principalement  des  Légumineuses  herbacées,  des  genres 
Coronilla,  Hippocrepis,  Lotus,  Meliiotus,  Trifolium,  Medicago,  Hedijsa- 
rum,  etc.;  en  captivité  on  les  nourrit  indifféremment  avec  les  espèces 
de  ces  divers  genres;  plusieurs  espèces  de  Zygènes  vivent  aussi  sur  le 
Chardon-Roland  (Eryngium  campestiej.  Ces  chenilles  sont  toujours  à  dé- 
couvert sur  les  plantes  nourricières,  soit  isolées,  soit  réunies  en  petit 
nombre  sur  la  même  plante.  Parvenues  à  leur  grosseur,  elles  filent  un 
cocon  attaché  à  quelque  tige  grêle.  Il  est  mince,  jaune  ou  blanchâtre, 
vernissé  en  dehors  et  en  dedans,  de  la  consistance  du  parchemin  ou  de 


5S4  LÉPIDOPTÈRES. 

la  coquille  d'œuf  ;  il  est  le  plus  souvent  en  forme  de  bateau,  adhérent 
à  la  tige  d'une  extrémité  à  l'autre  dans  toute  sa  longueur,  moins  sou- 
vent de  forme  ovoïde;  cette  dernière  configuration,  d'apn's  Boisduval, 
appartient  aux  Zygènes  à  taches  ocellées.  La  chrysalide  dure  ordinaire- 
ment de  quinze  jours  à.  trois  semaines,  puis  donne  l'aduMe,  qui  sort 
toujours  du  cocon  par  l'extrémité  tournée  du  côté  du  ciel. 

La  monographie  de  Boisduval,  déjà  ancienne  (1829),  décrit  quarante  et 
une  espaces  de  Zygœna,  de  tous  pays,  et  les  divise  en  deux  groupes,  d'a- 
près un  caractère  extérieur  de  coloration  et  de  dessin,  commode  pour 
les  collectionneurs,  en  Zygènes  à  taches  non  ocellées,  comprenant  vingt- 
huit  espèces,  et  Zijgènes  à  taches  ocellées,  ces  faciles  des  ailes  plus  ou 
moins  cerclées  de  noir,  ou  bien  entourées  de  blanc  ou  de  jaunâtre,  ces 
dernières  Zygènes  au  nombre  de  treize.  Le  catalogue  Depuisct,  pour  les 
Lépidoptères  d'Europe,  énumère  soixante-quinze  espèces  de  Zygœna,  et 
la  l'aune  de  Berce  en  décrit  vingt-sept  pour  la  France.  Les  Iles  Britan- 
niques, assez  riches  en  Sphingiens,  offrent  pour  les  Zygènes  une  infério- 
rité numérique  considérable,  et  tenant  au  climat  et  à  la  latitude  sep- 
tentrionale. Le  catalogue  des  British  Animais  n'énumère  que  quatre 
espèces  de  Zygènes  :  les  Z.  lonicerœ,  trifolii,  fiUpendulce  et  Minos,  toutes 
désignées  sous  le  nom  de  Burnet,  avec  diverses  épithètes  relatives  aux 
taches. 

Nous  indiquerons  brièvement  les  Zygènes  les  plus  communes  en 
France,  celles  qui  se  trouvent  aux  environs  de  Paris  et  pour  lesquelles 
Lardy,  Poquency,  Bouray  et  Fontainebleau  sont  les  meilleures  localités 
de  chasse.  M.  H.  Lucas  divise  les  Zygœna  en  quatre  groupes  :  i»  ailes  à 
demi  transparentes,  à  bandes  ou  taches  rouges,  continentes  ou  mal  ar- 
rêtées sur  leurs  bords  ;  ex.  :  Z.  Achilleœ,  etc.  ;  2°  ailes  opaques,  à  taches 
rouges  nettement  circonscrites  et  non  bordées  de  blanc  ou  de  noir; 
ex.  :  Z.  filipendulœ ,  trifolii,  lonicerœ,  etc.  ;  3°  ailes  opaques,  à  taches 
rouges,  tantôt  bordées  de  noir,  tantôt  bordées  de  blanc  ou  de  jaunâtre, 
ex.  :  Z.  onohvychis,  Fausta,  etc.  ;  h"  ailes  opaques^  à  taches  de  la  base 
rouges  ou  jaunes,  les  autres  blanches,  ex.  :  Z.  Ephialtes,  des  mon- 
tagnes les  plus  méridionales  de  la  France.  Nous  commencerons  l'étude 
des  Zygœna  par  quatre  espèces,  les  seules  citées  dans  les  catalogues  de 
Belgique  et  du  département  du  Nord  en  France. — Z.  fiiipendulœ,  Linn., 
le  Spinx-Bélier  de  Geoffroy,  le  Sphinx  de  la  filipendule  d'Engramelle, 
la  plus  répandue  de  nos  Zygènes,  commune  dans  toute  la  France  du 
15  juin  à  la  fm  d'août,  dans  les  prairies,  sur  les  scabieuses,  les  ori- 
gans, etc.,  de  32  à  36  millimètres  d'envergure,  les  antennes  d'un  bleu 
foncé  en  dessus,  noires  en  dessous,  le  thorax  et  l'abdomen  d'un  bleu 
luisant  ou  d'un  vert  bronzé,  les  ailes  supérieures  d'un  vert  bleu  luisant, 
un  peu  doré,  avec  six  taches  d'un  rouge  carminé,  disposées  deux  à  deux 
et  confluentes  en  dessous,  toutes  ces  taches  confluant  parfois  eu  dessus 
en  une  bande  irrégulière;  ailes  inférieures  d'un  rouge  carmin  en  dessus 
et  en  dessous,  avec  une  bordure  bleue  étroite  et  une  frange  un  peu  plus 


ZYG^NA.  5o5 

claire.  Chenille  (pi.  lxxxviii,  fig.  U)  en  mai  et  juin,  sur  les  trè- 
fles, les  coronilles,  les  Lotus,  le  Genista  sagittalis,  etc.,  à  tête,  pattes 
écailleuses  et  stigmates  noirs,  corps  d'un  jaune  verdâtre,  à  taches  noires 
divisées,  entrecoupées  de  jaune;  cocon  allongé,  sillonné  ou  plissé  lon- 
gitudinalement,  d'un  jaune  paille.  Nous  figurons  le  cocon  et  la  chrysa- 
lide planche  Lxxxvni,  figure  Ix.  Sont  très  voisines  de  la  précédente,  les 
deux  espèces  qui  suivent  :  Z.  trifolii,  Esper,  le  Sphinx  des  prés  d'Engra- 
melle,  commune  dans  les  prairies  d'une  grande  partie  de  la  France  en 
juin  et  juillet,  surtout  les  prairies  voisines  des  bois,  se  posant  sur  les 
scabieuses,  les  centaurées,  les  chardons,  etc.,  avec  cinq  taches  rouges 
aux  ailes  supérieures,  parfois  réunies  en  une  seule  bande,  et  une  bor- 
dure bleu,  large  et  sinuée  aux  inférieures.  Chenille  en  mai  et  juin,  sur 
le?,  Lotus,  Hippocrepis,  Trifolium,  etc.,  d'un  vert  jaunâtre,  avec  quatre 
lignes  dorsales  et  une  ventrale  de  points  noirs;  cocon  allongé,  sillonné, 
d'un  jaune  paille,  avec  la  partie  inférieure  blanchâtre. — Z.  lonicerœ, 
li]sper,  le  Spinx  des  Graminées  d'Engramelle,  des  mêmes  localités  que 
l'espèce  précédente  et  surtout  du  nord  de  la  France,  à  antennes  noires 
partout  ainsi  que  les  pattes,  avec  cinq  taches  rouges  aux  ailes  supé- 
rieures, assez  grosses  et  aussi  distinctes  en  dessous  qu'en  dessus,  par- 
fois avec  confluence  en  une  bande  irrégulière,  la  bordure  bleue  des  ailes 
inférieures  assez  large  et  sinuée.  Chenille  en  juin  et  juillet,  sur  les  pe- 
tites Légumineuses,  d'un  vert  terne,  à  taches  noires  interrompues  par 
les  incisions,  avec  un  point  jaune  entre  elles,  sur  chaque  anneau;  cocon 
allongé,  en  bateau,  d'un  jaune  paille,  souvent  attaché  aux  tiges  des 
Graminées. — Z.  hippocrepidis,  Rûhner,  29  à  32  millimètres  d'envergure, 
espèce  des  collines  sèches  et  calcaires  et  des  bois  secs,  en  juillet,  dans 
le  midi  et  dans  le  centre  de  la  France,  aussi  de  Belgique,  commune  à 
Lardy  et  à  Fontainebleau,  29  à  32  millimètres  d'envergure,  ailes  supé- 
rieures d'un  bleu  foncé  luisant,  avec  six  taches  rouges  disposées  deux 
par  deux,  très  confuses  en  dessous;  ailes  inférieures  rouges  de  part  et 
d'autre,  avec  une  bordure  noire  peu  prononcée  et  un  peu  sinuée  infé- 
rieurement  ;  en  outre,  aux  quatre  ailes,  une  petite  frange  d'un  bleu  vio- 
làtre  ;  antennes  d'un  bleu  noir  avec  l'extrémité  de  la  massue  blanche  ; 
corps  d'un  bleu  foncé,  pattes  plus  claires;  par  variation,  cinq  taches 
rouges  seulement;  parfois  un  commencement  d'anneau  rouge  sur  l'ab- 
domen. Chenille  en  juin  sur  l'hippocrèpe  ou  fer  à  cheval,  sur  l'astra- 
gale à  feuilles  de  réglisse,  sur  les  Lotus,  d'un  vert  jaunâtre,  avec  bande 
jaune  surmontée  de  taches  noires  divisées  et  parfois  une  ligne  stigma- 
lale  noire,  les  stigmates,  la  tête  et  les  pattes  écailleuses  noirs;  cocon 
jaune  et  fusiforme.  —  Z.  Carniolica,  Scopoli  :  syn.  plus  fréquent, 
Onobrychis,  Fab.,  le  Sphinx  de  l'esparcelte  d'Engramelle^  28  à  30  milli- 
mètres d'envergure  ;  antennes  noires,  fauves  au  sommet;  corps  d'un 
vert  bronzé,  avec  un  collier  et  le  bord  des  ptcrygodes  blancs,  souvent 
un  anneau  rouge  plus  ou  moins  marqué  sur  l'abdomen,  surtout  chez 
les  femelles  ;  ailes  supérieures  d'un  vert  bleu  luisant,  avec  six  taches 


330  LÉPIDOPTÈRES. 

rouges  entourées  de  blanc,  parfois  rouges  en  entier,  en  dessus  et  en 
dessous;  ailes  inférieures  rouges  de  part  et  d'autre,  avec  le  bord  termi- 
nal noir  et  garni  d'une  frange  violette;  juillet  et  août;  assez  répandu 
dans  le  centre  et  le  midi  de  la  France,  surtout  sur  les  collines  calcaires, 
se  prenait  autrefois  à  Vincennes,  assez  fréquent  à  Lardy.  Chenille  à  tête 
et  pattes  écailleuses  d'un  brun  noirâtre,  les  stigmates  noirs,  le  corps 
d'un  vert  pâle,  avec  deux  séries  de  taches  noires  reposant  sur  une  ligne 
claire  entrecoupée  de  jaune;  en  mai  et  juin  sur  le  sainfoin  {Hedijsarum 
onobrychis),  les  Lotus,  les  Dorycnium,  etc.  ;  cocon  ovoïde,  tantôt  d'un 
jaune  soufre,  tantôt  blanc,  de  la  consistance  cassante  de  la  coquille 
d'iLMif. — Z.  Achilleœ,  Esper,  le  Sphinx  de  l'achillière,  Engramelle,  30  à 
3'2  millimètres  d'envergure,  les  antennes  d'un  bleu  noir  ainsi  que  l'ab- 
domen, le  thorax  bleu,  avec  le  collier  et  les  ptérygodes  garnis  de  poils 
blancs;  ailes  supérieures  un  peu  arrondies  au  sommet,  d'un  bleu  un 
peu  transparent,  avec  cinq  taches  rouges,  dont  une  terminale  beaucoup 
plus  grande  et  sécuriforme  à  l'extrémité  de  l'aile  ;  ailes  inférieures 
rouges  de  part  et  d'autre,  avec  un  très  mince  liséré  bleu  foncé,  formé 
en  grande  parlie  par  la  frange;  la  femelle,  de  même  dessin,  mais  ayant 
souvent  le  fond  d'un  bleu  grisâtre  ou  jaunâtre  ;  parait  en  mai  puis  en 
juillet,  surtout  dans  les  "terrains  calcaires,  sur  les  collines  cou- 
vertes d'herbes,  en  Auvergne,  Cantal,  Basses-Alpes,  Alpes-Maritimes,  etc., 
et  aux  alentours  de  Paris,  à  Vernon,  à  Lardy,  à  Maintenon,  à  Bondy,  au 
Raincy  (autrefois).  Chenille  d'un  vert  pomme,  à  deux  rangs  de  points 
noirs  petits  et  arrondis,  en  avril,  puis  en  juin,  sur  les  Coronilla,  Lotus, 
Trifolium,  Hippocrepis. — Z.Fausta,  Linn.  ,\e  Sphinx  de  labruyèred'EngT., 
la  plus  tardive  de  nos  Zygènes,  en  août,  sur  les  collines  calcaires  bien 
isolées,  butinant  sur  les  fleurs  de  bruyère  et  de  serpolet,  sur  les  têtes 
de  scabieuses  et  surtout  de  Phyteuma;  envergure,  25  millimètres;  an- 
tennes grosses  et  d'un  bleu  noir  ;  thorax  bleuâtre,  avec  deux  lignes  lon- 
gitudinales blanchâtres;  un  double  collier,  un  large  anneau  en  dessus, 
vers  l'extrémité  de  l'abdomen  et  les  côtés  de  l'anus,  rouges;  ailes  supé- 
rieures d'un  bleu  noir,  avec  cinq  taches  d'un  rouge  vermillon,  con- 
fluentes  et  légèrement  bordées  de  jaune  pâle;  ailes  inférieures  rouges, 
avec  une  petite  bordure  noire  et  une  légère  frange  brune;  dans  une 
grande  partie  de  la  France  méridionale  et  centrale;  près  de  Paris,  com- 
mun à  Lardy  et  à  Mantes,  très  rare  à  Fontainebleau.  Chenille  d'un  vert 
clair,  avec  un  collier  d'un  rouge  orangé,  séparé  de  la  tête  par  une  ligne 
blanche,  les  pattes  écailleuses  et  la  tête  noire,  les  pattes  membraneuses 
d'un  jaune  verdâtre,'le  corps  ayant  sur  le  dos  une  ligne  brunâtre  et  des 
sous-dorsales  blanches,  coupées  aux  incisions  par  un  point  noir,  au- 
dessus  duquel  est  une  tache  jaune;  sur  les  Coronilla  minima  et  emerus, 
Ornithopus  perpusillus,  Hippocrepis  comosa,  en  juin,  se  filant,  vers  le  mi- 
lieu de  ce  mois,  une  coque  ronde  et  blanche  comme  un  œuf. — Z.  Minos, 
cat.  de  Vienne,  syn.:  PiloselUe,  Fsper,  \c  Sphinx  de  lapiloselle,  Engram., 
espèce  très  commune  dans  les  Vosges,  les  montagnes  du  Dauphiné,  les 


l'KOCI-.IS.  337 

Basses-Alpes,  les  Pyrénées-Orientales,  le  Cantal,  la  Creuse,  le  Cher,  assez 
rare,  les  terrains  calcaires  de  Saône-et-Loire,  assez  rare,  diverses  loca- 
lités à  prairies  et  gazons  d'P]ure-et-Loir,  en  juin,  près  de  Paris,  assez 
commun  à  Lardy  et  Fontainebleau;  28  millimètres  d'envergure,  an- 
tennes, thorax  et  abdomen  noirs,  tant  en  dessus  qu'en  dessous;  ailes 
supérieures  d'un  bleuâtre  foncé,  un  peu  transparentes,  avec  trois  taches 
longitudinales  d'un  rouge  carmin,  le  bord  interne  bleuâtre  jusqu'à  la 
nervure  radiale;  ailes  inférieures  d'un  rouge  rose  en  dessus  en  en  des- 
sous, avec  un  petit  liséré  d'un  bleu  noirâtre;  femelle  plus  grande  que 
le  mâle,  sa  couleur  étant  souvent  d'un  bleu  un  peu  verdâtre.  Chenille 
à  tête  et  pattes  écailleuses  noirâtres,  à  corps  d'un  jaune  verdâtre,  avec 
deux  rangs  de  taches  noires  coupées  de  points  jaunes,  vivant  en  mai  et 
juin  sur  les  Trifolium,  Hippocrepis,  Lotus  et  autres  Légumineuses;  se 
filant  un  cocon  fusiforme,  très  allongé  et  d'un  jaune  brunâtre.  Nous 
représentons  planche  lxxxviii,  figure  3,  une  espèce  exotique,  du  cap  de 
Bonne-Espérance,  Z.  Pulchella,  Boisd.,  offrant  un  large  anneau  rouge  à 
l'extrémité  de  l'abdomen;  les  ailes  supérieures  d'un  brun  jaunâtre, 
avec  une  tache  oblongue  et  transparente  à  la  base  et  quatre  taches 
rondes  jaunâtres  avec  le  milieu  ferrugineux,  les  ailes  inférieures  en 
partie  transparentes,  à  nervures  rouges,  largement  bordées  de  noir, 
teintées  de  rouge  au  bord  antérieur,  au  sommet  et  à  l'angle  anal. 

PROCRIS,  Fabr.  (syn.  Ino,  Leach). — Chaperon  arrondi.  Antennes  presque  aussi 
longues  que  le  corps,  épaissies  à  rextrémilé  ou  terminées  par  une  pointe,  celles 
du  mâle  bipectinées  en  dessous,  tantôt  dans  toute  leur  longueur,  tantôt  dans 
une  partie  seulement,  celles  de  la  femelle  légèrement  dentées  en  dessous  ou 
presque  lisses.  Yeux  de  grandeur  moyenne.  Stemmales  petits.  Palpes  grêles, 
plus  courts  que  le  chaperon.  Spiritrompe  courte.  Thorax  squameux,  ayant  les 
ptérygodes  très  courts  et  peu  adhérents.  Ailes  supérieures  assez  larges,  les  in- 
férieures moins  courtes  que  dans  les  Zygœna,  les  ailes  au  repos  comme  celles 
des  Zygœna.  Pattes  postérieures  ayant  les  éperons  presque  nuls.  Abdomen  cylin- 
droïde,  obtus  dans  les  deux  sexes,  beaucoup  plus  gros  et  plus  court  dans  la  fe- 
melle que  dans  le  mâle.  —  Chenillei  épaisses,  ramassées,  garnies  de  petites  ai- 
grettes de  poils  courts.  —  Chrysalides  cylindrico-coniques,  renfermées  dans  une 
coque  soyeuse  d'un  tissu  léger  et  lâche. 

Les  Procris  sont  de  très  jolis  papillons  dont  les  ailes  sont  délicates, 
oblongues,  luisantes,  vertes  ou  bleuâtres  dans  les  espèces  de  notre  pays, 
souvent  avec  un  reflet  bronzé  et  un  éclat  presque  métallique  ;  leur  prin- 
cipale différence  d'avec  les  Zygènes  est  d'avoir  les  antennes  pectinées 
dans  les  mâles  et  les  ailes  sans  taches,  ordinairement  d'une  seule  cou- 
leur. Elles  ont  à  peu  près  les  mêmes  mœurs  et  volent  aussi  en  plein 
jour  dans  les  prairies,  les  pelouses,  les  clairières,  se  posant  sur  les  fleurs 
de  Statice,  de  Globularia,de  Jacea,àe  Centaurea.  Les  chenilles,  comme 
celles  des  Zygènes,  sont  paresseuses  et  lentes  dans  leurs  tnouvements 
ftlslRV.  m,—   22 


338  LÉPIDOPTÈRES. 

et  vivent  à  découvert,  non  seulement  sur  des  plantes  basses,  mais  aussi 
sur  des  arbrisseaux. 

Les  deux  espèces  les  plus  communes  de  France  et  des  îles  Britan- 
niques, sont  :  p.  statices,  Linn.,  la  Turquoise  de  Geoffroy,  espèce  com- 
mune dans  toute  la  France,  du  milieu  de  juin  au  mois  d'août,  volant 
au  milieu  des  herbes,  se  posant  fréquemment  sur  les  Statice,  de  25  mil- 
limètres d'envergure,  les  antennes  moitié  vertes,  moitié  d'un  noir 
bronzé,  obtuses  à  l'extrémité,  celles  du  mâle  ayant  les  sept  à  huit  der- 
nières dents  très  courtes  et  en  forme  de  stries,  tandis  qu'elles  sont  sim^ 
plement  dentées  chez  la  femelle  ;  thorax,  abdomen  et  ailes  d'un  vert 
doré,  à  frange  mêlée  de  noir;  ailes  inférieures  subhyalines,  noirâtres  à 
bord  abdominal  plus  foncé;  dessous  des  ailes  noirâtres.  Chenille  en  mai 
sur  la  Patience  {Rumex  acetosa),  la  Globulaire,  le  Genêt,  etc.,  d'un  jaune 
verdâtre,  avec  la  tête  et  les  pattes  écailleuses  noires,  les  pattes  membra- 
neuses blanchâtres,  deux  rangées  longitudinales  de  chevrons  noirs  sur 
le  dos,  et,  sur  chaque  côté,  une  série  longitudinale  de  points  d'un  rouge 
pourpré,  qui  borde  une  simple  ligne  noire  flexueuse  —  P.  globulariœ, 
Hubner,  de  26  à  30  millimètres  d'envergure,  les  antennes  longues  se  ter- 
minant en  pointe  et  pectinées  jusqu'à  l'extrémité,  le  thorax,  l'abdomen 
et  les  ailes  supérieures  d'un  bleu  verdâtre,  les  inférieures  d'un  bleu  cen- 
dré ,  ainsi  que  le  dessous  des  quatre  ailes.  Femelle  pareille,  mais  avec  les 
antennes  simplement  dentées.  De  toute  la  France  dans  les  clairières  her- 
bues des  bois,  en  juin  ;  plus  rare,  du  moins  dans  la  zone  de  Paris,  que  l'es- 
pèce précédente.  Chenille  verte  et  ardoisée,  à  points  latéraux  rouges,  en 
mai,  sur  la  Globularia  vulgaris  et  sur  les  Lotus.  Chrysalide  d'un  brun  pâle, 
avec  l'enveloppe  des  ailes  terminée  par  un  prolongement.  —  L'espèce  sui. 
vante  est  beaucoup  moins  commune  :  P.  pruni,  catalogue  de  Vienne,  le 
Sphinx  du  Prunellier  d'Engramelle,  petite  espèce  de  20  à  22  millimètres 
d'envergure,  ayant  les  antennes  d'un  bleu  verdâtre  pectinées  jusqu'à 
l'extrémité,  les  ailes  supérieures  d'un  vert  obscur,  avec  la  base  saupou- 
drée de  vert  doré,  le  thorax  et  l'abdomen  de  la  couleur  de  ces  ailes,  les 
ailes  inférieures  d'un  brun  noirâtre,  ainsi  que  le  dessous  des  quatre 
ailes.  L'adulte  paraît  à  la  fin  de  juin  et  en  juillet  et  vole  vivement  au 
soleil  dans  les  i3uissons  et  surtout  autour  des  prunelliers,  dans  la  France 
méridionale  et  centrale,  assez  rare  près  de  Paris,  très  rare  dans  le  Cal* 
vados.  Chenille  très  pubescente,  d'un  gris  rosé,  à  dos  rougeâtre,  divisé 
par  une  double  série  de  losanges  noirs  transverses.  Chrysalide  faible» 
ment  verdâtre,  avec  le  dos  et  l'enveloppe  des  ailes  noirâtres  ;  cette  che- 
nille vit  en  mai  sur  l'aubépine  et  surtout  le  prunellier,  et  se  capture 
aisément  en  battant  ces  arbustes  sur  le  parapluie,  et  elle  est  beaucoup 
plus  commune  que  l'insecte  parfait.— Nous  citerons  encore  P.  Ampelo^ 
phaga,  Uubner,  commun  en  Italie,  principalement  dans  la  campagne 
de  Rome,  en  Piémont  et  en  Toscane,  avec  deux  générations  par  an  et  de- 
venant, à  certaines  époques,  un  véritable  fléau  pour  la  vigne,  et  le 
P.  sœpium,  Boisi.,  de   Lombardie,  volant  dans  les  buissons,  comme 


AGI.AOPE.  339 

P.  pruni.  Berce  fait  remarquer  que,  dans  les  coUeclions,  on  voit  sou- 
vent des  sujets  des  Procris  vertes  ayant  le  thorax  et  l'abdomen  d'un 
rouge  cuivreux;  c'est  un  effet  de  l'humidité  du  ramoUissoir  sur  le 
vert. 

Nous  figurons  une  espèce  du  Cap  de  Bonne -Espérance  P.  Nebulosa^ 
Boisd.  pi.  Lxxxviii,  tig.  5),  avec  la  tète,  les  pattes  et  le  thorax  noirûlres, 
ce  dernier  garni  en  dessus  d'écaillés  blanchâtres,  les  ailes  transparentes, 
à  nervures  jaunâtres,  garnies  de  fines  écailles  d'un  blanc  jaunâtre,  sur- 
toiit  au  bord  antérieur  et  au  milieu,  l'abdomen  d'un  jaune  pâle. 

AUl^AOPÇ,  Latr.  —  Antennes  l^ipectinées  dans  les  deux  sexes,  presque  auss 
longues  que  le  corps.  Tête  plus  étroite  q^e  le  thorax.  Yeux  assez  saillants.  Spi- 
ritrompe  très  courte.  Palpes  très  petits,  avec  le  dernier  article  grêle  et  presque 
nu.  Thorax  avec  un  collier  très  distinct  et  de  très  petits  ptérygodes.  Les  quatre 
ailes  à  angles  arrondis,  presque  d'égale  grandeur,  beaucoup  plus  larges  que 
dans  les  autres  Zygcnides.  Éperons  des  pattes  postérieures  très  courts.  Abdomen 
cylindroïde,  obtus  au  bout,  dépassant  peu  les  ailes  inférieures,  du  moins  chez 
la  femelle.  —  Chenilles  courtes,  ramassées,  garnies  de  petits  bouquets  de  poils 
implantés  sur  des  tubercules.  —  Chrysalides  enfermées  dans  un  cocon  ovoïde 
d'un  tissu  très  serré. 

Nous  avons  en  France  une  espèce  de  ce  genre  :  A.  Infausta,  Linn.,  le 
Sphinx  des  haies  d'Engram.,  pareille  dans  les  deux  sexes,  avec  les 
autennes  noirâtres,  bipeclinées,  le  corps  d'un  brun  cendré,  avec  un 
collier  rouge  au  thorax,  les  ailes  d'un  brun  cendré,  demi-lransparenles, 
les  supérieures  avec  l'origine  de  la  côte  et  du  bord  interne  d'un  rouge 
carmin  tendre,  la  même  couleur  s'étendant  sur  une  partie  de  la  moitié 
intérieure  des  ailes  inférieures.  Cette  espèce  est  comniune  dans  le  midi 
de  la  France  et  vole  en  juin  et  en  juillet,  et  souvent  en  griand  nombre; 
elle  remonte  par  places  dans  la  France  centrale  ;  ainsi,  d'après  M.  Mau- 
rice Sand,  commune  en  Auvergne  en  août,  rare  dans  la  Sologne,  très 
commune  à  Nohant  (Indre)  en  juin  et  juillet,  sur  les  buissons  et  les 
haies,  commune  dans  certaines  localités  de  la  région  des  vignes  de 
Saône-et-Loire,  en  juillet  et  août,  au  point  qu'on  voit  quelquefois  les 
mâles  voler  par  essaims  à  la  recherchie  de  la  femelle  autour  des  buis- 
sons de  prunelliers  dépouillés  par  leurs  chenilles;  existant  mais  rare, 
dans  le  Morbihan,  sur  les  aubépines,  sur  les  prunelliers  et  divers  arbres 
fruitiers  (Griffith),  très  rare  près  de  Paris,  dans  la  forêt  de  Senars,  etc. 
Chenille  (pi.  lxxxviii,  fiig.  9;  9  a,  cocon  et  chrysalide)  courte,  riamassée, 
peu  garnie  de  poils,  jaunâtre,  les  pattes  écailleuses  noires,  de  chaque 
côté  deux  bandes  longitudinales,  la  supérieure  d'un  rouge  vineux  et 
ponctuée  de  noir,  l'inférieure  beaucoup  plus  étroite  et  bleue,  les  deux 
dernières  pattes  membraneuses  bleuâtres.  Elle  vit  en  mai  sur  l'aubé- 
pine, le  prunellier,  l'abricotier,  l'amandier,  devenant  souvent,  dans 
le  midi  de  la  France,  un   véritable  fléau  pour   cet  arbre,  rongeant 


3Ù0  LÉPIDOPTÈRES. 

d'abord  le  parenchyme  des  feuilles,  puis  dévorant  toute  la  feuille, 
quand  la  chenille  a  toute  sa  croissance  ;  il  faut  écheniller  en  secouant 
les  branches,  ramasser  les  chenilles  qui  tombent  sur  des  toiles  étalées 
sur  le  sol  et  les  brûler. 

Nous  figurons,  planche  Lxxxvni,  figure  11,  le  mâle  d'une  espèce  de 
l'Amérique  du  Nord  (A.  Americana,  Boisd.),  noire  à  reflet  bleuâtre,  aveo 
le  prothorax  ou  collier  d'un  jaune  ferrugineux. 

Les  auteurs  placent  ordinairement  près  des  Procris  le  bien  curieux 
genre  Hclerogxjnis,  Rambur,  très  lié  aux /'rocr/s  par  les  longues  antennes 
pectinées  et  la  forme  des  larges  ailes  du  mâle,  tandis  que  la  femelle 
larviforme  ressemble  à  celles  des  Psychides,  groupe  dont  les  chenilles 
sans  fourreau  portatif  écartent  ce  genre.  L'espèce  de  France,  dont  les 
mœurs  et  les  métamorphoses  ont  été  très  bien  étudiées  parM.  de  Graslin 
{Notice  sur  quelques  Lépidoptères  nouveaux  trouvés  dans  les  Pyrénées-Orien- 
tales en  18/i7,  in  Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1850,  p.  396),  est  VH.  Penella,  Hub- 
ner,  dont  la  chenille  courte,  onisciforme,  légèrement  pubescente,  jau- 
nâtre, avec  des  bandes  longitudinales,  les  unes  grises,  les  autres  brunes, 
vit  sur  les  Genisla  piirgans,  scoparia,  sagittalis.  Le  mâle,  de  20  milli- 
mètres d'envergure,   a  l.a  spiritrompe   rudimentaire,  les  palpes  très 
petits  et  très  velus,  les  antennes  noires,  les  ailes  demi-transparentes, 
d'un  bistre  clair,  à  nervures  noires,  la  tête  et  le  corps  à  demi  glabres 
et  d'un  noir  luisant,  les  pattes  d'un  brun  noir,  à  tarses  courts,  les  jambes 
postérieures  n'ayant  qu'un  éperon,  l'abdomen  très  mince,  terminé  par 
deux  crochets  en  forme  de  pince,  prolongés  en  pointe,  qui,  par  la 
réunion  de  chacune,  forment  inférieurement  une  ouverture  ovalaire. 
La  femelle  est  tout  à  fait  sans  ailes  et  vermilbrme,  d'un  jaune  verdûtre 
pâle,  avec  une  bande  vasculaiï'e  noire  qui  s'élargit  aux  incisions  e' 
deux  autres  bandes  latérales  semblables.  Elle  tient  son  corps  replié 
S  et  n'offre  d'autres  organes,  pour  indiquer  un  insecte  adulte,  qu'un 
petit  rudiment  de  tête  noir  et  comme  corné,  caché  sous  le  premier 
anneau,  et  de  petites  pattes  écailleuses,  également  noires  et  rudimen- 
taires.  Les  adultes,  mâle  et  femelle,  sortent  de  cocons  ovoïdes,  mous, 
demi-transparents,  comme  un  réseau  d'une  soie  d'un  blanc  jaunâtre, 
le  cocon  du  mâle  bien  plus  petit  que  celui  de  la  femelle,  qui  est  plus 
grosse  que  le  mâle.  La  chrysalide  du  mâle  est  pointue  à  sa  partie  pos- 
térieure et  d'un  brun  noir  luisant;  la  chrysalide  de  la  femelle  est  une 
sorte  de  sac  assez  allongé,  arrondi  à  ses  deux  bouts,  formé  d'une  mince 
pellicule,  laissant  voir  par  transparence  le  corps  de  la  femelle  dans  sa 
partie  antérieure,  se  renflant  et  devenant  d'un  brun  testacé  à  la  région 
abdominale.  Une  soupape  ou  clapet  antérieur,  que  la  femelle  pousse 
avec  sa  tête,  lui  permet  de  sortir  de  cette  sorte  de  boîte  et  de  se  tenir 
penchée  sur  le  cocon,  la  tête  en  bas,  accrochée  par  derrière  au  clapet 
de  la  chrysalide,  dont  l'enveloppe  est  restée  en  entier  dans  le  cocon. 
Si  'on  vient  à  toucher  cette  femelle,  elle  rentre  aussitôt  dans  cette  enve- 
oppe  qui  lui  sert  de  retraite  et  s'y  renferme  définitivement,  après 


HÉTÉKOGYNIS,    IVACLIA.  841 

qu'elle  a  été  fécondée  par  un  mâle,  qui  a  découvert  dans  son  vol  diurne 
la  femelle  apière.  Bientôt  elle  pond  une  grande  quantité  d'œufs  jau- 
nâtres, liés  entre  eux  par  une  humeur  visqueuse  qui  les  réunit  en 
chapelet  à  grains  serrés,  simulant  une  sorte  dé  cordon.  Les  petites 
chenilles  naissent  peu  de  temps  après  la  ponte,  mais  ne  sortent  pas 
immédiatement  du  cocon.  Lorsqu'elles  sont  écloses  au  bout  postérieur 
de  la  chrysalide  ou  sac,  dans  lequel  tout  l'abdomen  de  la  femelle  s'était 
comme  fondu  en  œufs,  elles  se  mettent  à  manger  l'humeur  visqueuse 
qui  attachait  les  œufs  et  ce  qui  reste  de  la  partie  supérieure  du  corps 
de  leur  mère,  et  ne  sortent  de  la  chrysalide  et  du  cocon,  pour  se 
répandre  sur  les  feuilles  de  genût,  qu'au  moment  de  subir  leur  pre- 
mière mue.  On  trouve  en  juillet  cette  curieuse  espèce  en  divers  points 
des  Basses-Alpes,  des  Pyrénées-Orientales,  de  la  Lozère,  dans  la  Côte- 
d'Or,  à  Murât,  dans  le  Cantal,  en  Auvergne,  au  Mont-Dore,  mais 
assez  rare,  etc.  Il  existe  en  Espagne  deux  autres  espèces  d'Hete- 
rogynis. 

Nous  devons  dire  quelques  mots  du  genre  Nadia,  Boisd.,  par  lequel 
nous  terminons  les  Zygénides,  et  qui  se  rapproche  beaucoup  des  Litho- 
siens par  son  aspect  et  par  ses  mœurs.  Les  antennes  sont  presque  aussi 
longues  que  le  corps  et  simples  dans  les  deux  sexes,  la  spiritrompe 
distincte,  les  palpes  droits,  à  dernier  article  conique,  les  ailes  supé- 
rieures lancéolées,  les  inférieures  très  courtes.  Les  chenilles  rayées 
longitudinalement,  avec  des  poils  courts  disposés  par  aigrettes,  assez 
longs  sur  les  deux  derniers  segments,  se  nourrissent,  pendant  les  mois 
de  mai  et  de  juin,  comme  celles  des  Lithosiens,  des  productions  cryp- 
togamiques.  Lichen,  Physcia,  Usnea,  etc.,  qui  se  développent  sur  l'écorce 
des  arbres  et  sur  les  pierres;  ces  chenilles  croissent  lentement,  passent 
l'hiver  à  l'état  de  chenilles  et  se  métamorphosent  dans  un  cocon,  tou- 
jours comme  les  Lithosiens.  Dans  les  mois  de  juillet  et  d'août  les 
adultes  volent  parmi  les  herbes  et  sur  les  buissons,  en  plein  jour,  res- 
semblant dans  le  vol  à  certains  Phryganiens,  et  on  les  fait  partir  en 
battant  les  broussailles  et  les  taillis.  U  y  a  quatre  ou  cinq  espèces  d'Eu- 
rope, dont  les  plus  importantes  sont  :  N.  Ancilla,  Linn.,  la  Servante 
d'Engramelle,  de  presque  toute  la  France,  de  Belgique,  surtout  des 
collines  calcaires,  des  bois  secs  et  chauds,  de  27  millimètres  d'enver- 
gure, le  corps  d'un  brun  pâle  avec  le  dessus  de  l'abdomen  d'un  jaune 
fauve  et  longé  par  une  série  dorsale  de  sept  points  noirs,  les  ailes  supé- 
rieures d'un  brun  pâle  sur  les  deux  faces,  avec  une  rangée  transverse 
de  trois  points  blancs  vers  l'extrémité,  ces  points  disparaissant  parfois 
par  aberration,  les  ailes  inférieures  de  même  couleur,  sans  taches 
dans  le  mâle,  traversées  dans  leur  milieu  par  une  bande  de  taches 
jaunes  chez  la  femelle.  Chenille  brune,  avec  les  sous-dorsales  en  taches 
jaunes,  en  avril  et  mai,  sur  les  hchens  des  pierres  et  aussi  sur  les  Gra- 
minées; on  la  rencontre  quelquefois  en  secouant  les  feuilles  sèches 
accumulées  au  pied  des  roches  dans  les  bois.  —  N.  Punctata,  Fabr.,  la 


542  LÉPIDOPTÈRES. 

Phalène  à  quadrille  de  Geoffroy,  la  Ménagère  d'Engram.,  plus  petife  c^ué 
l'espèce  précédente  et  ayant  le  corps  pareil,  les  ailes  supérieures  d'un 
brun  un  peu  plus  foncé  sur  leurs  deux  faces,  avec  cinq  points  blancs, 
les  inférieures  d'un  jaune  fauve,  avec  une  large  bordure  et  un  art; 
central  d'un  brun  foncé;  espèce  méridionale,  se  trouvant  par  placés 
dans  le  centre,  ainsi  rare  dans  Saône-et-Loire,  sur  les  collines  chaude6 
et  arides,  dans  le  Cantal,  à  Aurillac,  en  août,  sur  les  collines  couvertes 
de  bruyères,  très  rare  dans  le  Cher,  à  Marmagne  (.\iaurice  Sand),  pro- 
bablement des  environs  de  Paris,  puisque  Geoffroy  la  connaissait,  mais 
très  rare. 

GLAUCOPIDES. 

Cette  famille  se  compose  essentiellement  du  genre  Glaiicopis,  Fabr., 
formé  d'assez  nombreuses  espèces  exotiques,  et  qui  se  distirigue  aisé- 
ment des  auti-es  Zygéniens  par  un  long  et  gros  corps  cylindroïde;  les 
antennes  sont  garnies  d'une  double  rangée  de  dents  allongées  ou  bipec- 
tinëes;  lès  ailes,  étroites  et  alloiigées,  rappellent,  par  leur  forme  et  par 
leurs  proportions,  cbiîipàrëés  à  celles  du  corps,  l'aspect  de  certaine 
Sésieiis.  Les  ailes  sont  ovnèes  de  taches  vivement  colorées  en  jaune, 
en  bleu,  etc.,  et  l'abdoriien  avec  dés  anneaux  bleus,  rouges  ou  jaunes. 
Une  espèce  corrimune  dans  les  collections  est  G.  Fortnosa,  Boisd.,  qui 
est  tr^s  répandue  à  Madagascar  eh  janvier,  puis  eh  juillet  et  hbût;  ëUé 
voie  ieritémeht  et  se  pose  sur  les  Gi-aminées,  où  on  la  rencDntte  souvéHt 
accoupl'ce;  on  la  fait  aussi  toiriber  fréquemment  en  secoiiàiit  les  arbtés. 
Cette  espèce  avait  été  riomriaée  auparavant  G.  Folleti,  par  Feisthamél, 
nom  qui  n'a  pas  été  conservé.  Nous  la  représentons  pi.  lxxxviii,  fîg.  10. 
Sur  lé  fond  noir  des  ailes  se  détachent  de  grandes  taches  jaunes  avec 
dii  Ble'ii  eh  deux  tâches  contre  le  bord  costal,  à  l'insertion  et  vers  le 
miliéii,  la  tète  bleue,  les  ptérygodes  fauvèè,  le  premier  rameau  abdo- 
minal jaune,  les  autres  bleus  avec  incisions  noires,  le  rnilieu  de  l'ab- 
domen ceinturé  d'un  beau  roiigé  orûngé.  Les  espèces  de  Glaucopis  se 
répartissent  dans  les  régions  tropicales  des  deux  continents. 

SVN'rO.MlDES. 

té/è  S^ritoïïiides  se  distinguent  au  premier  coup  d'œil  des  Zygènes 
parles  antennes  en  fuseau  et  non  en  massue  et  par  les  quatre  ailes 
analogues  en  coiileurs  comme  fond  et  comme  tâches,  ces  taches  n'étant 
janià'is  rouges;  le  nom  de  ce  groupe,  dû  à  Illiger,  vient  de  la  brièveté 
des  palpes.  Parleurs  mœurs  ces  insectes  se  rapprochent  beaucoup  des 
Zygènes,  dont  ils  ont  le  port  d'ailes  dans  le  repos.  Ils  aiment  de  même 
à  voltiger  à  l'ardeur  du  soleil  ;  mais  leur  vol  est  plus  lourd  et  moins 
soutenu.  On  les  voit  quelquefois,  au  moment  de  la  plus  grande  chaleur 
dù^oiur,  voler  en  grand  nombre  autour  des  buissons.  Dans  leur  premier 
ëtat  les  Syntomides  diffèrent  encore  essentiellement  des  Zygénides,  et 


SYMOMIS.  343 

montrent  un  évident  pâsëà^e  aux  Chélohidcsi  passage  égalëttlGnt  atteste 
par  les  dessins  et  les  belles  colorations  des  ailes  des  adultes.  Ces  fche- 
nilles  ont  des  tilbercules  hérissés  de  poils  raides  et  loiigs,  et,  lorsqu'on 
les  touche,  elles  se  roulent  en  cétcle,  à  la  manière  dés  chenilles  de 
Chélonides,  appelées  vlilgairemeut  Ecailles  oU  Hérissonnes  :  elles  n'atfa- 
cheht  pas  leurs  cbCons  aux  tiges  des  végétaux,  mais  opèrent  leUr  nym- 
phose soUs  la  mousse  Ou  les  feuilles  sèchefe,  dans  Uh  tissu  ttès  léger. 
La  chrysalide  est  plus  consistàhtè  et  plu§  allongée  QUe  celle  des 
Zygènesi 

Sf'it'fOSilS,  Illigi?r.  —  Antennes  longues  et  grêles,  lêgèrenieht'  t-éhflêes  eh 
fusedii  ail  tiiiliekl,  simples  daus  les  denx  sexes,  moins  lôHgiles  que  le  coi-ps, 
finissant  en  pointiB  très  obtuse.  Spiritrornpë  longue,  i-otilée  fen  spirale.  Palpes 
très  cOuHs,  vèibfe,  obtus,  cylirtdroïdes,  ne  s'êléVant  jamais  àu-dessUs  du  ëhà- 
peron.  Thorax  peu  développé  comparativement  à  l'abdomen,  avec  ptêrygodes 
dtoils  et  peu  adhéretits.  Ailes  sljpêrieures  longues  et  triangulaires,  à  insertion 
étroite,  les  inférieures  beaucoup  pliis  coUrtes,  toutes  quatre  de  même  couleur 
du  fond.  Jambes  postérieures  mutiies  d'éperons  très  peUts.  Abdotnen  long, 
cyliridroïde,  à  bdùt  obtus  dans  lés  deux  sexes.  —  Chenilles  cylihdroïdes  et 
velues,  à  poils  raides,  se  renferHîanl  dans  uH  cocôii  lâche  et  mou  poiir  se 
cll^ysalidel•.  —  Chrysalides  plus  allongées  qltè  celles  des  Zygèries. 

Les  Syntomis  ont  les  ailes  noires  ou  bleuâtres,  luisantes,  avefc  des 
taches  blanches  bti  jaunes  ttârislucides,  disposées  comme  dans  les 
^ygèhes,  le  corps  noir  ou  d'un  vert  brofazé,  jamais  hérissé  de  pOils, 
l'abdomeu  entouré  d'anneaUx  jaunes  ou  rouges  en  ndmbre  variable. 
Une  seule  espèce  de  ce  genre  est  propre  aux  parties  chaudes  de  l'Eu- 
tope,  mais  l'AfriqUe,  la  Nouvelle-HoUaUde  et  surtout  les  îles  Indo-Son- 
daï(}Ues  en  possèdent  un  grahd  nombre.  L'espècd  d'EUrope  est  S.  Phe- 
ged,  Lhlrl.,  le  Sphiflx  du  pùséiilit  d'Engtamelle,  de  88  à  UO  millimètres 
d'envergure,  les  àUtenUes  rtoires  de  la  base  jUsqU'aU  delà  du  milieu, 
ensuite  blaUchâtres jusqu'au  boUt.  Ailes  sUpérieul-es  et  inférieures  d'un 
bleu  noirâtre  oU  vei-dâtt-e  ert  dessus  et  en  dessous,  avec  Six  taches 
blanches  uh  péU  trausparehtes  aux  supérieures  et  deux  aux  irlfê- 
rieurés.  Coi-ps  de  la  coUleUt"  des  ailés,  avec  le  dessus  du  premief  et  du 
cinquième  anneau  de  l'abdomen,  plus  deUx  taches  de  chaque  côté  de 
la  poitrine,  d'Un  jaune  d'Ocre.  Femelle  semblable,  plus  gtànde,  avec 
Tabdomen  plus  renflé.  De  nombreuses  variations,  le  fond  devenant 
pat-fois  d'un  violet  toUgeâtt-e,  les  tâches  disparaissant  en  partie  ou 
même  totalement,  ou  bien,  au  contrait-e,  envahissant  par  confluence 
les  ailes,  cfui  deviennent  translucides.  Adulte  volant  en  juin  et  juillet, 
aimant  à  se  poset  sut-  les  fleurs  du  thym  et  de  la  lavande.  Chenille  de 
septembre  à  avril,  sur  le  pissenlit,  la  scabieuse,  le  plantain,  l'oseille, 
noire,  avec  de  petits  tubercules  de  la  même  couleur,  sur  lesquels  sont 
implantés  des  poils  fascicules,  brunâtres,  raides  et  hérissés  (pi.  Lxxxvni, 


iUk  LÉPICOPTÈRLS. 

flg.  7)  ;  la  tête  et  les  pattes  d'un  rouge  brun.  On  élève  bien,  flit-on,  cette 
chenille  en  captivité  avec  les  feuilles  du  prunier;  elle  tile  sous  les 
feuilles  sèches  et  la  mousse;  un  cocon  blanc  très  léger.  Chrysalide 
brune  (pi.  lxxxviii,  fig.  7  a),  avec  les  enveloppes  des  ailes  et  le  second 
anneau  de  l'abdomen  jaunâtres,  donnant  son  papillon  à  la  fin  du  prin- 
temps. Le  S.  Phegca  est  très  commun  en  Italie,  en  Sicile,  aux  environs 
de  Naples,  dans  les  îles  de  l'Archipel,  et  a  été  trouvé  en  Perse;  il  est 
aussi  d'Autriche,  de  Hongrie,  de  Dalmatie,  du  Piémont,  existe  dans  le 
raidi  de  la  France,  assez  commun  en  Savoie  et  dans  les  Basses-Alpes, 
déparlements  voisins  de  l'Italie,  aux  environs  de  Nice,  mais  rare,  se 
retrouvant;  par  places  isolées,  dans  des  localités  même  très  septentrio- 
nales, à  Murât  (Cantal),  mais  rare,  dans  les  bois,  broussailles  et  haies 
des  pentes  exposées  au  sud,  pris,  dit-on,  près  de  Rouen,  volant  au 
soleil,  en  Belgique,  en  juin  et  juillet,  sur  les  anciens  remparts  de 
Louvain. 

Nous  représentons  une  espèce  exotique  des  environs  de  Tamatave 
(Madagascar),  et  dont  les  ailes  inférieures  sont  très  réduites  :  c'est  le 
S.  Myodes,  Boisd.  (pi.  i.xxxvui,  fig.  6),  de  27  millimètres  d'envergure,  les 
ailes  supérieures  offrant,  sur  fond  d'un  brun  noir,  une  tache  jaune  à 
la  base  et  trois  grandes  taches  blanches  transparentes  sur  le  disque,  les 
ailes  inférieures  jaunes,  bordées  de  noir,  avec  un  petit  point  noir  au 
milieu,  le  corselet  et  les  premiers  segments  de  l'abdomen  jaunes  en 
dessus. 

Nous  placerons  dans  les  Syntomides  un  genre  aberrant  fondé  sur  une 
rare  et  belle  espèce  de  la  Nouvelle-Guinée,  où  elle  vole  en  plein  jour 
dans  les  bois,  le  Cocytia  Durvillei,  Boisd.,  dont  trois  exemplaires  furent 
rapportés  par  Dumont-Durville,  lors  de  l'expédition  de  Freycinet,  et 
furent  longtemps  uniques  dans  les  collections.  L'insecte  est  de  la  taille 
du  Deilephila  Lineata.  Les  antennes,  de  couleur  noire,  sont  longues,  en 
fuseau  et  terminées  en  crochet  à  l'extrémité;  la  spiritrorape  longue,  le 
thorax  et  les  ptérygodes  panachés  de  faisceaux  de  poils  courts,  d'un 
bleu  noir  et  d'un  vert  bleu  très  brillants;  le  corps,  le  front,  la  poitrine 
et  les  cuisses  de  la  même  couleur;  l'abdomen  d'un  vert  azuré  très  cha- 
toyant; les  quatre  ailes  largement  bordées  de  noir  foncé  dans  tout  leur 
pourtour,  ayant  le  disque  vitré  et  chatoyant,  traversé  par  des  nervures 
et  des  rayons  supplémentaires  noirs,  et  une  tache  d'un  fauve  vif  à  la 
naissance  de  chaque  aile.  Le  sujet  décrit  et  figuré  par  Boisduval  est  un 
mâle,  reconnaissable  à  la  brièveté  des  palpes  qui  dépassent  à  peine  le 
chaperon.  M.  H.  Lucas,  ayant  pu  examiner  des  sujets  des  deux  sexes 
rapportés  de  Dorey  (Nouvelle-Guinée  i  par  M.  Raffray,  a  reconnu  que, 
chez  la  femelle  au  contraire,  les  palpes  sont  très  allongés  et  terminés 
en  massue  à  l'extrémité.  Elle  est  du  reste  pareille  au  mâle,  selon 
l'habitude  des  Zygéniens. 


THYniDIDES.  3^5 


THYHIDIDES. 


La  famille  des  Thyridides  constitue  réellement  un  groupe  hors  série, 
qu'on  ne  sait  où  placer,  et  se  compose  du  genre  Thyris,  llliger,  formé 
de  petites  esp(>ces  volant  pendant  le  jour  au  soleil  avec  rapidité  et  buti- 
nant sur  les  (leurs.  La  tête  est  assez  large  avec  les  yeux  saillants,  les 
antennes  légèrement  renflées  au  milieu  et  presque  filiformes,  un  peu 
pins  épaisses  chez  le  mâle  que  chez  la  femelle.  Les  palpes  cylindriques, 
velus  à  la  base,  avec  le  dernier  article  presque  nu,  terminé  en  pointe  ; 
le  thorax  globuleux,  les  ailes  courtes,  larges,  denticulées,  avec  des 
taches  vitrées;  les  pattes  très  allongées,  avec  les  jambes  postérieures 
munies  de  forts  éperons;  l'abdomen  conique.  Le  nom  du  genre  signifie 
fenêtre,  à  cause  des  taches  transparentes  des  ailes.  Le  type  de  ce  groupe 
se  trouve  en  Italie,  en  Espagne,  en  Suisse,  en  Allemagne,  et,  d'après 
Boisduval,  dans  l'Amérique  septentrionale.  Il  se  rencontre  dans  beaucoup 
de  points  de  la  France,  mais,  en  général,  très  localisé  et  assez  rare,  en  juin 
et  juillet,  et  qu'on  prend  aisément  près  de  Paris,  à  Saint-Leu-Taverny, 
dans  un  petit  ravin  rempli  de  clématites,  non  loin  de  la  gare.  C'est  un 
charmant  petit  papillon,  gracieux  de  forme,  brillant  de  coloration, 
d'une  grande  agilité  dans  son  vol  et  dans  sa  marche,  ne  volant,  comme 
les  Sésiens,  que  sous  les  rayons  les  plus  ardents  du  soleil,  aimant  à  se 
reposer  sur  les  fleurs  de  la  clématite,  du  sureau,  de  l'hyèble,  des 
ronces,  des  Ombellifères,  et  aussi  sur  les  troncs  d'arbres  exposés  au 
soleil,  etc.  C'est  le  T.  Fenestrata,  Scopoli  (syn.  Fenestrina,  cat.  de 
Vienne, /e  Pygmée  d'Engramelle),  de  17  millimètres  d'envergure,  les 
antennes  noirâtres  avec  le  côté  externe  roussàtre;  le  corps  d'un  noir 
brun,  couleur  qui  est  aussi  celle  du  fond  des  quatre  ailes,  ponctuées  et 
rayées  transversalement  de  fauve  doré,  avec  deux  taches  blanches  cen- 
trales presque  transparentes,  plus  grandes  et  plus  rapprochées  aux 
ailes  inférieures  qu'aux  supérieures  ;  le  bord  externe  des  unes  et  des 
autres  un  peu  anguleux  et  garni  d'une  frange  blanche,  inégalement 
entrecoupée  de  noir,  les  pattes  brunes,  avec  le  côté  interne  des  cuisses 
de  devant,  les  éperons  des  jambes  postérieures  et  les  tarses  blanchtLtres; 
l'abdomen  ayant  le  quatrième  et  le  dernier  segment  blancs  en  dessous 
et  bordés  de  blanchâtre  en  dessus.  La  femelle  difl'ôre  du  mâle  en  ce 
qu'elle  est  plus  grande,  plus  brillante,  avec  les  anneaux  de  l'abdomen 
moins  apparents  et  quelquefois  nuls.  Il  y  a  des  individus  chez  qui  les 
taches  transparentes  des  ailes  sont  interrompues  et  punctiformes  ; 
d'autres,  au  contraire,  chez  qui  elles  sont  tellement  continues  qu'elles 
forment  une  sorte  de  demi-cercle  traversant  le  disque  de  chaque  aile. 

La  chenille  de  cette  espèce  a  été  longtemps  inconnue.  Boisduval, 
Duponchel  et  beaucoup  d'auteurs  allemands  et  français,  reproduisant 
une  erreur  d'Ochsenheimer,  ont  confondu  la  chenille  de  Thyris  avec 
une  chenille  décolorée  et  endophyte  du  Botys  Sambucalis,  vivant  dans 


3^6  LÉPIDOPTÈRES. 

les  tiges  du  sureau  et  peut-être  de  la  bardane,  et  imaginèrent,  proba- 
blement d'après  des  analogies  d'aspect  des  Thyris  et  des  Sesia,  que  les 
anneaux  de  la  chrysalide  étaient  munis  de  crochets.  Le  docteur  Breyer 
(Ann.  Soc.  entom.  de  Belgique,  1873,  t.  VII,  p.  17,  flg.  1)  a  rétabli  la 
vérité.  Cette  chenille  vit  à  découvert,  comme  toutes  celles  des  Zygé- 
niens.  La  chenille  de  T.  Fefiestrdta  vit  sur  les  feuilles  du  Clematis 
vilalbû,  dans  un  lambeau  de  feuille  fbulce  qui  lui  sert  de  demeure  et 
dont  les  bot-ds  sont  réunis  par  des  fils,  quittant  ce  cornet  quand  il  devient 
trop  petit  pour  en  construire  un  autre  plus  graUdj  et,  quand  la  chenille 
est  jeune,  ou  peut  rencontre!"  plusieurs  cornets  sur  la  méhie  feuille. 
Plus  tard,  à  toute  sa  croissance,  la  chenille  roule  une  feuille  entière  en 
forme  de  sac  fermé,  et  ce  sont  principalement  lés  cornets  du  haut  de  la 
plante  qui  sont  habités  à  la  fin,  ceûiï  du  bas  étant  vides.  C'est  en  août 
qu'on  rencontre  surtout  cotte  chenille  dansla  feuille  roulée,  et,  au  com- 
mencement de  septembre,  elle  ëe  laisse  tomber  à  terre  pour  la  nym- 
phose. Cette  chenille  a  l'aspect  d'une  larve  de' Chrysomèle  ;  sa  couleur 
est  d'un  vert  olive,  et  elle  est  couverte  d'Un  grand  nortibre  de  petites 
plaques  cbrnôCs  formant  six  lignes  longitudinales  de  chaque  cOté  du 
corps;  le  second  anneau  et  le  dernlei-  portent  un  écusson  corné.  La 
tête,  les  pattes  écailleuses,  lés  écUssons  et  les  plaiîues  cornées  sont  d'Un 
noir  luisant,  les  pattes  tîiettibraneuses,  peu  développées  et  d'un  vert 
clair;  la  tête,  très  forte  et  aplatie^  rentre,  aveC  le  prothorax,  sous  le 
second  anneau,  qui  leur  forme  comme  urt  capuchon.  Si  on  la  prend  à 
la  main,  elle  répand  une  forte  odeur  de  punaise.  Là  chrysalide  est 
enveloppée  d'Une  coque  dettse  et  soyeuse^  mêlatlgée  de  grains  de  sable 
oU  de  terrcj  à  découvert  sur  le  sbl,  s'il  est  nU,  oU  fixée  entre  des 
détritus  végétaux.  La  chrysalide  est  petite,  brune,  tirartt  au  rouge  sur 
lo  dos,  foncée  à  la  tête  et  à  la  pointe  anale;  le  thorax  très  développé, 
bombêi  rtîtréci  en  haut  et  en  arrière  ■  la  tête  et  les  organes  buccaux 
légèrement  prolongés  en  bée,  la  ligne  do  la  spiritrompe  dépassant  en 
pointe  le  bord  des  ailes;  l'abdomen  assez  court,  avec  lés  derniers 
anneaux  eh  appendice  renflé  et  courbé  en  dessous  5  la  peau  est  rugueuse 
sur  les  fourreaux  alaires,  arec  des  fossettes  le  lohg  du  dos,  sans  aucuns 
croehets>  soit  sur  les  ànneauS;  soit  au  bout  anal. 

INous  représentons  une  espèce  de  Thyris  de  l'Amérique  du  Nordj 
T.  iSepultrdHs,  I3oisd.,  (pi.  lxxxvui,  fig.  4,)  envergure  20  millimètres, 
pareil  en  dessus  et  en  dessousj  noir  avec  des  taches  blanches  sur  le 
corps  et  sur  les  ailes,  celles  du  milieu  des  quatre  ailes  beaucoup  plus 
grandes  formant  par  leur  réunion ,  aux  ailes  supérieures,-  une  large 
bande  transversale. 


Avant  de  continuer  les  tribus  des  Hétérocèrès,  hfltis  croybrlê  Utile  de 
revenir  slir  rorgàtte  du  frein,  qui  joue  (iti  gtatid  rôle  dans  lès  tfibus 


SUR   LE    FREIN.  S47 

des  Sphingiens,  des  Zygéniens,  des  Lithosiens  et  des  Chiéloniens  (1). 
Comme  nous  le  savons  déjà,  le  crin  est  formé  d'une  nervure  détachée, 
partant  de  l'insertion  de  l'aile  inférieure  en  dessous,  comme  une  soie 
ou  crin  rigide.  Cet  organe  est  tantôt  simple  et  généralement  long,  tan- 
tôt double,  tantôt  triple,  tantôt  enfin  multiple  et  constitué  alors  par  un 
faisceau  de  six  à  cinquante  poils  assez  courts.  Quand  il  est  simple^  il 
s'engage  dans  le  frein ,  qui  est  situé  sous  l'aile  supérieure  et  non  loin 
de  l'insertion,  entre  la  nervure  costale  et  la  nervure  suivante.  Ce  n'est 
pas  un  demi-anneau  chitineux  fixé  aux  deux  bouts,  comme  une  gUche 
de  verrou,  car  il  serait  trop  difficile  à  l'insecte  d'y  faire  rentrer  le  crin, 
quand  il  en  sort  par  un  mouvement  trop  violent  de  l'aile ,  c'est  un  fort 
crochet  élastique,  attaché  à  une  extrémité,  libre  et  très  recourbé  à 
l'autre,  de  sorte  qu'il  revient  en  place  par  son  élasticité,  ce  qui  permet 
au  crin  de  se  replacer  aisément;  il  y  a  là  une  analogie  avec  les  hame- 
çons de  la  base  des  ailes  de  beaucoup  d'Hyménoptères.  Le  crin  unique 
et  le  frein,  comme  nous  venons  de  le  décrire  ,  existent  chez  les  mAleS 
seuls.  Toutes  les  femelles,  au  contraire,  ont  le  crin  composé  de  deUJc 
ou  plusieurs  soies  et  manquent  d'un  véritable  frein;  quand  le  crin  eât 
double  ou  triple,  il  s'arrête  contre  une  touffe  de  poils  relevés  qui  s'at- 
tache à  la  seconde  interne  de  l'aile  supérieure;  quand  il  devient  un 
faisceau  de  nombreux  poils,  il  s'appuie  sur  une  éminence  arrondie, 
que  de  courtes  écailles  rendent  raboteuse.  Le  nombre  de  crins  ne  varie 
que  dans  les  femelles;  il  est  nul  ou  remplacé  par  une  toufl'e  lâche  et 
laineuse  dans  les  Hepiaius,  en  faisceau  nombreux  dans  les  Cossus  et 
Zeuzera,  très  nomlireux  chez  les  Sphinx,  nombreux  dans  les  Macro- 
glossa  à  ailes  opaques,  triple  dans  les  femelles  de  Macroglossa  à  ailes 
transparentes,  en  faisceau  peu  nombreux  et  de  soies  très  courtes  chez 
les  Smerinthus,  ce  qui  fait  qu'il  passe  souvent  inaperçu,  en  faisceau  peu 
nombreux,  dans  le  genre  Zygœna  (les  mâles  de  ce  genre  sont  un  excellent 
exemple  du  crin  unique  et  du  frein),  triple  dans  le  genre  Glaucopis.  Au- 
dessus  de  3,  le  nombre  des  crins  contenus  dans  le  faisceau  n"a  qu'une 
valeur  spécifique.  On  voit  donc  que  le  caractère  da  crin  et  du  frein  a 
un  double  et  important  usage,  pour  déterminer  les  espèces  et  pour  dis' 
tinguerles  sexes  dans  une  même  espèce.  Dans  les  sujets  des  collections, 
le  pointe  de  l'épingle  résonne  presque  aussi  bien  sur  les  organes  secs  de 
la  femelle  que  sur  ceux  du  mâle;  c'est  surtout  sur  les  sujets  que  la 
dessiccation  altère  toujours  un  peu,  que  la  forme  des  antennes,  la  gros^ 
seur  et  l'aspect  de  l'extrémité  de  l'abdomen  n'offrent  pas  toujours  des 
caractères  suffisants. 


(1)  Poey,  Observations  sur  le  crin  des  Lépidoptères  de  la   tribu   des  Crépus- 
culaires et  des  Nocturnes  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1832,  t.  I,  p.  91). 


348  LÉPIDOPTÈRES. 


Tribu  des  lithosieivs. 

Avec  l'extension  que  nous  donnons  à  la  tribu  des  Lithosiens,  elle 
confine  de  près  à  celle  des  Chéloniens  ;  notre  but  est  surtout  d'éviter 
une  tribu  intermédiaire.  Cela  a  peu  d'importance ,  vu  l'imperfection 
forcée  des  classifications.  Les  papillons  des  Lithosiens  ont  tantôt  les  ailes 
en  toit  au  repos,  tantôt  les  ailes  à  demi  enroulées  autour  du  corps,  en- 
tièrement même  pour  les  inférieures.  Les  adultes  volent  parfois  com- 
plètement en  plein  jour  {Einydia,  Deiopeia) ,  le  plus  souvent  le  soir  seu- 
lement, mais  déjà  réveillés  avant  le  coucher  du  soleil  et  s'envolant  si  l'on 
approche  d'eux,  et  surtout  si  l'on  bat  les  broussailles.  Les  chenilles  sont 
pourvues  de  faisceaux  de  poils  assez  courts,  et  vivent  soit  de  plantes 
Cryptogames  (Mousses  et  surtout  Lichens),  soit  de  plantes  basses  Phané- 
rogames. Elles  s'enveloppent  pour  la  nymphose  de  cocons  d'une  soie 
lâche,  peu  consistants,  entremêlés  des  poils  de  la  chenille,  qui  se  dé- 
tachent, et  souvent  des  petits  fragments  végétaux  variés  que  la  chenille 
trouve  autour  d'elle. 

LITHOSIDES. 

Corps  grêle  et  allongé  ;  antennes  tantôt  pectinées,  au  moins  dans  les 
mâles,  tantôt  simples  dans  les  deux  sexes  ;  spiritrompe  ou  bien  déve- 
loppée ou  rudimentaire;  ailes  supérieures,  tantôt  inclinées  en  toit,  au 
repos,  tantôt  plus  ou  moins  croisées  l'une  sur  l'autre  par  leur  bord  in- 
terne dans  le  repos,  ces  mêmes  ailes  toujours  plus  étroites  que  les  infé- 
rieures, celles-ci  souvent  plissées  en  éventail  sous  les  supérieures,  les 
unes  et  les  autres  enveloppant  alors  l'abdomen  quand  elles  sont  fer- 
mées; pattes  non  velues,  ainsi  que  le  corps.  Chenilles  habituellement 
à  seize  pattes,  cylindroïdes  {Nudaria,  Caliigenia,  Setina)  ou  fusiformes 
(Lithosia)^  ou  très  courtes  et  aplaties  en  dessous  (Nola,  Leach),  garnies 
de  faisceaux  de  poils,  ordinairement  implantés  sur  des  tubercules,  ver- 
ticillées,  assez  courtes.  —  Chrysalides  plus  ou  moins  courtes,  ovoïdes,  à 
segments  abdominaux  inflexibles. 

Les  Lithosides  volent  plutôt  le  soir  que  le  jour,  quoique  certains 
mâles  soient  presque  diurnes;  à  part  ce  vol,  leurs  mœurs  sont  à  peu 
près  celles  du  genre  Nadia.  Les  adultes  sont  d'assez  jolis  papillons,  dont 
les  formes  sont  en  général  frêles  et  délicates.  Leur  vol  est  peu  soutenu, 
bien  qu'assez  rapide;  ils  se  reposent  fréquemment.  Saisis  dans  le  filet, 
ils  se  laissent  tomber  au  fond  sans  chercher  à  se  débattre,  et  souvent 
sans  faire  un  seul  mouvement.  La  disposition  des  ailes  au  repos,  souvent 
plissées  et  roulées  autour  du  corps,  a  fait  nommer  ces  insectes  Plicatulœ 
par  M.  Guenée.  Les  chenilles  des  Lithosiens  vivent  des  Lichens  qui  crois- 
sent sur  les  troncs  des  arbres,  les  rochers ,  les  vieilles  murailles  ;  aussi 
certaines  espèces  se  rencontrent  au  repos  ou  volant  le  soir  dans  les  pe- 
tites villes  et  les  villages.  Ces  chenilles  circulent  peu  pendant  le  jour  ; 


LITHOSIA.  349 

c'est  surtout  pendant  la  nuit  qu'elles  mangent,  lorsque  la  rosée  a  ra- 
molli les  plantes  coriaces  dont  elles  se  nourrissent,  et  qu'elles  ne  pour- 
raient broyer  lorsqu'elles  sont  desséchées  par  les  rayons  du  soleil.  La 
nymphose  a  lieu  dans  un  cocon  mou,  à  tissu  lâche,  entrelacé  des  poils 
du  corps  de  la  chenille,  avec  des  débris  de  Mousses  et  de  Lichens.  Les 
Lithosides  habitent  principalement  les  bois,  et  plusieurs  sont  assez  com- 
munes ;  elles  n'ont  pas  d'espèces  nuisibles  en  raison  du  genre  de  nour- 
riture de  leurs  chenilles. 

lilTHOiSiA,  Fabr.  —  Tête  petite.  Antennes  simples  et  filiformes  dans  les  deux 
sexes,  un  peu  plus  épaisses  chez  les  mâles.  Spiritrompe  distincte  et  assez 
longue.  Palpes  presque  nus,  écartés,  arqués,  un  peu  plus  courts  que  la  tête. 
Ailes  supérieures  allongées,  étroites,  à  bords  parallèles,  croisées  l'une  sur  l'autre 
par  leur  bord  interne  dans  l'état  de  repos,  les  inférieures  plus  larges,  for- 
tement plissées  sous  les  supérieures,  les  unes  et  les  autres  enveloppant  l'abdo- 
men quand  elles  sont  fermées.  Corps  grêle,  allongé,  abdomen  au  moins  aussi 
long  que  les  ailes  inférieures.  —  Chenilles  de  couleurs  variées,  fusiformes,  gar- 
nies de  tubercules  surmontés  d'aigrettes  de  poils,  ordinairement  courts  et  raides, 
plus  rarement  longs  et  soyeux.  —  Chrysalides  courtes,  ramassées,  luisantes,  à 
segments  abdominaux  inflexibles. 

Les  Lithosies  ont  les  premières  ailes  très  étroites;  les  secondes,  au 
contraire,  très  amples,  pliées  en  éventail  et  comme  roulées  autour  du 
corps.  En  outre,  les  quatre  ailes  sont,  au  repos,  tellement  bien  appli- 
quées les  unes  sur  les  autres,  qu'on  ne  voit  en  entier  qu'une  seule  des 
supérieures,  qui  cache  presque  entièrement  les  trois  autres,  ce  qui  donne 
à  l'insecte  une  forme  allongée,  toute  spéciale  et  très  différente  de  celle 
des  autres  papillons.  La  couleur  jaune  domine  chez  les  Lithosies,  qui 
n'ont  aucun  dessin  sur  les  ailes,  et  dont  les  espèces  sont,  pour  cette 
raison,  assez  difficiles  à  distinguer  les  unes  des  autres.  Les  femelles 
sont  pourvues  d'un  crin  triple.  Les  chenilles  vivent  des  lichens  des  ar- 
bres ,  des  rochers  ou  des  toits  et  se  métamorphosent  dans  des  coques 
légères  entremêlées  de  leurs  poils,  qu'elles  filent  soit  dans  les  fentes  des 
écorces,  soit  sur  la  terre  dans  la  mousse;  on  obtient  assez  souvent  ces 
chenilles  en  battant  les  taillis  ou  les  buissons  au-dessus  du  parapluie. 
Si  l'on  veut  les  élever,  il  faut  leur  donner  des  écorces  couvertes  de  li- 
chens, qu'on  a  soin  de  tremper  de  temps  en  temps  dans  l'eau,  ou  mieux 
d'injecter  assez  souvent  au  pulvérisateur,  qui  donne  une  pluie  extrême- 
ment fine  de  gouttelettes  d'eau  imitant  la  rosée,  instrument  dont  l'usage 
a  été  introduit  par  M.  J.  Fallou,  et  qui  est  précieux  pour  l'éducation 
d'une  foule  de  chenilles. 

Nous  citerons  L.  Complana,  Linn.,  le  Manteau  à  télé  jaune  de  Geoffroy, 
de  toute  la  France,  de  Belgique ,  d'Angleterre,  the  Scarci  Footman,  la 
plus  commune  de  nos  Lithosia,  en  juin,  juillet  et  août,  volant  autour 
des  clématites  en  fleurs,  sur  les  coteaux  secs,  les  bruyères,  etc.,  33miU 


350  LÉPIDOPTÈRES. 

limètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  perle  satiné,  avec 
la  côte  et  la  frange  d'un  jaune  fauve,  la  couleur  jaune  de  la  côte  for- 
mant une  bordure  aussi  large  au  sommet  de  l'aile  qu'à  la  base,  les  ailes 
inférieures  d'un  jaune  pâle,  avec  une  teinte  grisâtre  vers  le  bord  anté- 
rieur; antennes  grisâtres  ;  corps  gris,  avec  la  tète,  le  collier  en  entier, 
les  pattes  et  l'extrémité  de  l'abdomen  d'un  jaune  fauve.  Chenille  noi- 
râtre, avec  deux  rangs  de  taches  fauves  et  blanches  presque  oculées, 
en  avril  et  mai  sur  les  Lichens  des  arbres,  se  tient  cachée  pendant  le  jour 
dans  les  feuilles  sèches,  dans  les  endroits  chauds  et  abrités,  et  se  récolte 
aisément  en  jetant  au  parapluie  despoignées  de  feuilles  sèches  et  les  agi- 
tant en  tournant  le  parapluie  dont  le  bout  est  fiché  en  terre.  —  L.  Ca- 
niola,  Hubner,  33millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  étroites, 
d'un  gris  de  perle  pâle,  avec  la  côte  finement  liséréc  de  jaune  safran; 
ailes  inférieures  d'un  blanc  très  légèrement  paillé;  antennes  et  pattes 
d'un  gris  j^ujiâlre  ;  tète  et  collier  d'un  jaune  safran  ;  abdomen  d'un  gris 
pâle,  avec  son  extrémité  un  peu  fauve  dans  le  mâle  seulement;  lieux 
habités,  maisons,  clôtures,  édifices  publics,  même  dans  Paris,  alentours 
et  balcons  des  vieilles  cathédrales,  Chenille  vivant  en  mai  et  parfois  très 
abondante  sur  les  Lichens  qui  croissent  sur  les  tuiles  des  vieux;  toits  et 
sur  les  murs,  d'un  gris  terreux,  avec  deux  lignes  sous -dorsales  fer- 
rugineuses. —  L.  Auréola,  iliihner,  le  Manteau  jaune  de  Geoffroy,  espèce 
assez  commune  dans  toute  la  France,  de  Belgique,  de  Hongrie,  des  îles 
Britanniques,  the  Oruîiye  Footman,  30  millimètres  d'envcrgurC;  Iss  deux 
sexes  pareils  ;  antennes  d'un  gris  noirâtre  ;  ailes  supérieures  d'un  jaune 
foîicé  brillant,  plus  intense  que  dans  les  autres  Lithosia,  dessous  noi- 
râtre avec  les  bords  jaunes  ;  ailes  inférieures  d'un  jaune  nankin  pâle  en 
dessus  et  en  dessous;  tête  et  thorax  de  la  couleur  des  ailes  supérieures  ; 
abdomen  grisâtre,  avec  l'extrémité  un  peu  fauve;  se  cachant  sous  les 
feuilles,  en  mai,  juin  et  juillet.  Chenille  en  août  sur  les  Lichens  des  ar- 
bres, d'un  gris  olivâtre,  à  verrues  fauves,  les  sous-dorsales  claires  el 
deux  places  jaunes  sur  les  anneaux  3  et  8.  —  L.  Lutarella,  Linn.,  syn. 
Lutoola,  catalogue  de  Vienne,  la  plus  petite  de  nos  Lithosia,  peu  com- 
mune, des  bruyères  et  des  lieux  arides  en  juillet,  espèce  alpine  et  d'Au- 
vergne, se  prend  à  Fontainebleau,  des  dunes  de  Belgique  en  août,  d'An- 
gleterre, f/ie  Small  Footman,  la  chenille  d'octobre  à  avril  sur  les  Lichens 
des  bruyères  et  des  arbres.   Envergure,  26  millimètres;  ailes   supé- 
rieures étroites,  les  quatre  ailes  en  dessus  d'un  jaune  paille  foncé,  ainsi 
que  la  tète,  le  thorax  et  le  bout  de  l'abdomen  dont  le  reste  est  noi- 
râtre, le  tiers  antérieur  des  ailes  inférieures  lavé  de  noirâtre,  les  supé- 
rieures noirâtres  en  dessous  avec  bords  jaunes.  Nous  représentons  cette 
espèce  au  port  d'ailes  de  repos  (planche  xci,  figure  7,  7a),  tête  de  profil 
avec  spiritrompe,  et,  en  outre  (même  planche,  figure  6),  une  petite 
Lithosia  de  l'Amérique  du  Nord,  de  22  millimètres  d'envergure,  L.  Lœta, 
Boisd.,  d'un  brun  noirâtre,  avec  le  bord  de  la  côte  des  ailes  supérieures, 
les  iai'érieures  à  rexceptioa  de  leur  bord  externe,  et  l'abdomen  en  des- 


LITHOSIDES.  351 

SUS  d'un  rouge  rosé.  A  corisulter  :  A.  Guenée,  Études  sur  le  genre  U- 
thosia;  Ann.  Soc.  ent.  Fr.,  1861,  p.  41. 

Dans  le  sous-genre  Cf/îop/ir/a,  Stephens,  les  antennes  sont  ciliées  cliez 
le  mâle,  simples  chez  la  femelle,  les  ailes  peuvent  avoir  des  taches. 
Nous  citerons  ;  G.  Quadrq,  Linu-,  le  Jaune  à  quatre  points  4'Kugrain.j  la 
plus  grande  de  nos  Lithosies,  lassez  commune  duns  presque  tous  nos 
bois  en  juin,  juillet  et  gioût,  de  Pelgique,  d'Angleterre,  theUP'Oe  Fuotimn, 
de  35  à  hO  millimètres  d'envergure,  avec  les  pattes  et  lesfintennesd'un 
bleu  ardoisé  luisant  dans  les  deux  sexes,  le  mâle  avec  }es  aij.es  supé- 
rieures d'un  gris  cendré,  plus  foncé  et  luis^int  h  T^xtrémité,  la  base 
d'un  jaune  fauve,  et  au-dessus,  à  la  côte,  une  ta,cbe  longitudinale  d'un 
noir  bleu,  les  ailes  inférieures  d'un  jaune  pâle,  avec  le  bord  antérieur 
grisâtre,  l'abdomen  jaunâtre,  à  bout  noirâtre;  la  fenielle  à  ^iles  supé- 
rieures en  entier  d'un  jaune  fauve  luisant,  ^.vec  deux  gros  points  sub- 
carrés d'un  noir  bleu,  la  tète  et  le  tliorax  d'un  jaune  fauve,  l'abdomen 
grisâtre,  sans  tache  noire  à  l'extrémité.  .Chenille  soufrée,  à  côtés  noire, 
avec  des  verrues  noires  et  orangées,  en  njai  et  jujn  sur  les  Lichens  des 
chênes,  parfois  très  commune,  se  retirant  souvent  dans  les  fentes  des 
écorces.  —  G.  Rubricollis,  Linn.,  the  Red-necked  FoQtman  des  Anglais: 
84  millimètres  d'envergure,  entièrement  d'un  noir  brun  en  dessus  et  en 
dessous  dans  les  deux  sexes,  avec  les  antennes  noires,  le  collier  d'un 
rouge  sanguin,  les  trois  derniers  aqneaux  de  l'abdomen  d'un  jaune 
orangé.  Chenille  en  automne  et  jusqu'en  octobre  sur  les  Lichens  des 
arbres  et  aussi  des  murailles  et  des  rochers,  très  difficile  à  élever.  Cette 
espèce  se  trouve  çà  et  là  en  mai  et  juin  dans  les  bois  de  toute  la  France 
et  de  Belgique,  peu  commune  ;  on  la  prend  notamment  tous  les  ans 
près  de  Paris  dans  les  allées  et  routes  de  la  forêt  d'Armainvilliers,  accro- 
chée au  repos  dans  les  herbes  pendant  la  matinée;  d'après  M.  Guenée. 
elle  voltige  le  jour  autour  des  sapins  dans  les  niontagnes. 

Dans  les  genres  de  Lithosides  qui  suivent,  les  ailes  ne  sont  pas  rou- 
lées au  repos  autour  du  corps.  Le  geure  Nudaria,  Stephens,  présente 
les  antennes  ciliées  dans  le  mâle,  simples  chez  la  femelle,  la  spiri- 
trompe  nulle,  les  ailes  larges,  arrondies,  peu  chargées  d'écaillés,  à  demi 
transparentes.  Les  chenilles  sont  garnies  de  longs  poils,  atténuées  et 
assez  allongées  et  vivent  sur  les  murailles  des  jardins  et  des  maisons 
champêtres  aux  dépens  des  Cryptogames  microscopiques  qui  couvrent 
les  pierres.  Leur  corps  est  presque  diaphane,  et  ses  longs  poils  gris 
le  rendent  spécifiquement  si  léger  relativement  à  son  volume,  que  el 
vent  les  emporte  presque  aussi  aisément  qu'un  flocon  de  duvet.  Les  pa- 
pillons volent  très  peu.  Exemple  :  N.  Mundana,  Linn.,  the  Muslin  des 
Anglais,  en  juillet,  sur  les  vieux  murs  en  pierres  sèches,  parfois  sur  les 
Lichens  des  ormes,  20  millimètres  d'envergure,  les  antennes  et  le  corps 
d'un  gris  un  peu  incarnat,  les  ailes  supérieures  subtrausparentes  et 
d'un  gris  clair,  avec  deux  lignes  brunes  transverses  et  ondulées  et  un 
point  central  brun  entre  elles.  — iV-i/wrino, Espez,  espèce  plus  commune 


352  LÉPIDOPTÈRES. 

que  la  précédente,  surtout  dans  les  terrains  calcaires,  la  chenille  parfois 
par  centaines  sur  les  murailles  en  juin  ;  adulte  en  juillet,  de  26  à  28  mil- 
limètres d'envergure,  corps  et  antennes  d'un  gris  un  peu  incarnat,  les 
ailes  supérieures  de  même  couleur,  avec  deux  points  à  la  base,  un 
point  central  et  deux  lignes  flexueuses  de  taches  d'un  brun  noirâtre.  Le 
genre  Calligenia,  Duponchel,  a  les  ailes  en  toit  aplati  au  repos,  et  les 
quatre  nervules  inférieures  parallèles.  Antennes  longues  et  filiformes 
dans  les  deux  sexes,  spiritrompe  très  longue  ;  palpes  droits,  à  dernier 
article  très  aigu.  Une  seule  espèce  de  France,  de  Belgique,  d'Angle- 
terre, charmant  petit  papillon,  des  lisières  des  bois,  des  taillis,  des  plan- 
tations, se  trouvant  partout  en  juin,  mais  jamais  commun.  —  C.  Mi- 
niata,  Forster,  syn.  Rosea,  Fabr.,  la  Rosette  dEngr.,  the  Red  Arches  des 
Anglais,  26  millimètres  d'envergure  ;  les  ailes  supérieures  d'un  rouge 
minium,  parfois  jaunes  par  aberration,  plus  claires  sur  le  disque,  et 
trois  lignes  noires  polygonales  ou  courbes  ;  les  ailes  inférieures  d'un 
rouge  pâle  et  sans  taches  en  dessus  et  en  dessous  ;  la  tète  et  le  thorax 
rougeâtres,  avec  les  yeux  noirs;  l'abdomen  d'un  jaune  terne.  Chenille 
en  avril  et  en  mai,  sur  les  Lichens  des  ormes  et  des  chênes,  grise, 
à  tête  blonde,  avec  des  poils  d'un  gris  foncé,  en  brosses  serrées  et 
plus  longues  sur  les  premiers  anneaux,  certains  de  ces  poils  simples  à 
la  vue,  les  autres  hérissés  de  cils  et  comme  plumeux.  —  Le  genre  Setina, 
Schrank,  est  formé  en  partie  d'espèces  des  Alpes  et  des  montagnes  d'Au- 
vergne, d'autres  de  plaines,  offrant  des  papillons  jaunes,  à  points  noirs, 
à  nervulation  particulière,  les  ailes  en  toit  incliné  au  repos.  Les  antennes 
sont  ciliées  chez  le  mâle,  simples  chez  la  femelle,  les  palpes  très  courts 
et  sans  articles  distincs,  la  spiritrompe  rudimentaire,  les  ailes  supé- 
rieures presque  aussi  larges  que  les  inférieures  et  se  croisant  à  peine 
par  leur  bord  interne.  Les  femelles,  toujours  plus  petites  que  les  milles, 
ont  les  ailes  peu  développées  et  volent  à  peine;  elles  attendent,  cachées 
dans  l'herbe,  les  mâles  qui  voltigent  lourdement  dans  les  allées  her- 
beuses des  bois  ou  dans  les  prairies  de  montagne,  même  pendant  b 
jour,  mais  surtout  le  matin  et  le  soir.  M.  A.  Guenée  a  découvert  sur  les 
espèces  du  genre  Setina  (notes  sur  le  genre  Setina,  Ann.  Soc.  eut.  Fr., 
186Z|,  p.  399  et  suiv.)  un  organe  de  stridulation  très  remarquable  et 
bien  étudié  par  le  D"^  Laboulbène  {Ann.  Soc.  ent.  Fr.,  186/i,  p.  701  et 
pi.  X,  fig.  5),  existant  développé  chez  les  mâles,  au  maximum  chez 
S.  Aurita  (pi.  xci,  fig.  10),  peu  développé  au  contraire  chez  les  femelles, 
sauf  chez  S.  Roscida,  Fabr.  Il  consiste  en  deux  vésicules  sublriangu- 
laires,  à  sommets  arrondis,  comme  des  tympans,  sur  les  côtés  du  thorax^ 
très  grandes  eu  égard  aux  dimensions  de  l'insecte,  à  surface  lisse,  sans 
rides  ni  rugosités ,  creuse.;  à  l'intérieur,  divisées  en  deux  parties  par 
une  légère  cloison,  sans  attache  du  fond  à  la  membrane  extérieure, 
sans  corps  interne  pouvant  agir  à  la  façon  d'un  marteau.  Le  mâle  seul 
semble  pouvoir  produire  une  crépitation  avec  cet  organe,  comparable 
au  tic-tac  d'une  montre,  soit  quand  on  le  saisit  entre  les  doigts,  soit 


LITIIOSIDES.  353 

quand  il  vole,  mais  pas  toujours  dans  ce  cas.  Il  est  à  croire  que  ce  bruit 
dépend  entit>reaient  de  la  volonté  de  l'insecte  et  qu'il  est,  soit  un  appel 
d'amour,  soit  une  plainte  craïhtive.  Probablement  l'insecte  est  un  lim- 
balier  et  stridule  par  de  pelits  coups  donnés  du  dehors,  au  moyen  des 
pattes,  sur  la  membrane  tendue  ou  par  des  pressions  latérales  rapides 
des  genoux. 

Les  chenilles  des  Setiiia  sont  garnies  de  petits  faisceaux  de  poils  im- 
plantés sur  des  tubercules  saillants;  elles  vivent  sous  les  pierres  et  sur 
les  rochers,  dont  elles  mangent  les  Lichens;  leur  croissance  est  lrt>s 
lente.  Les  chrysalides  sont  assez  courtes,  un  peu  vonlrues,  à  anneaux 
immobiles,  enfermées  dans  un  léger  tissu,  entremêlé  de  longs  poils. 

Nous  citerons  des  espèces  de  plaine  et  des  environs  de  Paris  : 
.S.  Mesomella,  Linn.;  la  Phalme  jaune  à  quatre  points,  de  Geoffroy; 
YEborine,  d'Engramelle,  de  30  millimètres  d'envergure,  les  antennes 
jaunâtres,  le  corps  d'un  gris  noirâtre,  avec  la  tête,  le  devant  du  thorax 
et  l'extrémité  de  l'abdomen  d'un  jaune  pâle;  ailes  supérieures  blan- 
châtres ou  jaunes  (variété  aussi  commune  que  le  type),  avec  les  bords 
plus  foncés  et  deux  petits  points  noirs,  l'un  au  milieu  de  la  côte,  l'autre 
près  du  milieu  du  bord  interne.  Ailes  inférieures  d'un  gris  noirâtre, 
avec  une  tache  longitudinale  et  le  bord  postérieur  d'un  jaune  pâle. 
Espèce  commune  en  juin  et  juillet  dans  les  bois  de  toute  la  France; 
aussi  de  Belgique  et  d'Angleterre.  Chenille  ressemblant  au  premier 
abord  à  celle  de  Calligenia  rosea,  à  tête  ferrugineuse,  à  corps  noir,  avec 
verticilles  (et  non  brosses)  de  poils  veloutés  de  même  couleur,  vivant 
en  avril  et  mai  des  lichens  des  chênes,  se  tenant  pendant  le  jour  sous 
les  feuilles  sèches  au  pied  des  chênes,  dansles  endroits  les  plus  chauds, 
en  compagnie  de  la  chenille  de  Lithusia  complana;  S.  Irrorclla,  Linn., 
syn.  Irrorea  (cat.  de  Vienne),  de  France,  de  Belgique,  d'Angleterre. 
Espèce  répandue  partout,  sans  être  très  commune,  la  femelle  rare,  se 
trouvant  en  juin,  juillet  et  août  dans  les  endroits  secs,  sur  les  talus  des 
chemins,  sur  les  collines  chaudes  et  pierreuses,  volant  pendant  le  jour  ; 
30  millimètres  d'envergure;  antennes  noires  dans  les  deux  sexes,  ciliées 
de  gris  chez  le  mâle;  corps  noir,  varié  de  jaune  fauve  au  thorax,  à 
l'anus,  aux  pattes;  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  fauve  avec  trois 
séries  transverses  de  petits  points  noirs,  le  dessous  noirâtre;  ailes  infé- 
rieures en  dessus  et  en  dessous  d'un  jaune  pâle,  tantôt  sans  taches, 
tantôt  avec  un  ou  deux  points  noirs  près  de  l'angle  du  sommet.  Che- 
nille jaune,  à  dessins  noirs  et  à  longs  poils;  en  mai  et  en  juin,  sur  les 
Lichens  des  arbres  et  des  pierres;  jaune,  à  dessins  noirs  et  à  longs 
poils.  Parmi  les  espèces  de  montagne,  il  faut  citer  surtout  S.  Aurita, 
Esper.,  dont  le  mâle  présente  l'organe  sonore  bien  développé;  peut- 
être  faut-il  regarder  comme  des  races  de  cette  espèce,  S.  Ramosa, 
Fabr.  ;  S.  Anderreggi,  Herr.  Sch.,  et  sa  remarquable  variété  à  larges 
traits  noirs,  S.  RiffelUmis,  découverte  à  Zermatt  (Valais),  par  M.  J.  Fal- 
lou  {Ann.  Soc.  Entom.  Fr.,  1855,  p.  97). 

GIRARD.  111.  —    23 


354  LÉPIDOPTÈRES. 

Les  lamilles  suivantes  constituent  les  Plantivorœ  de  M.  Guenée,  car 
elles  ne  vivent  plus  de  Lichens,  mais  des  feuilles  de  plantes  basses 
phanérogames.  Tantôt  les  ailes  sont  plus  ou  moins  roulées  au  repos 
autour  du  corps,  tantôt  elles  sont  libres  et  en  toit  déclive.  Ces  familles 
font  un  passage  évident  auxChéloniens.  Les  chenilles  sont  ou  velues  à 
la  façon  de  celle  des  Lithosies^ou  à  peu  près  rases,  et  le  cocon  mou  et 
mêlé  de  poils. 

ÉMYDIDES. 

Les  caractères  de  cette  famille  sont  ceux  du  genre  Emydia,  Boisd., 
syn.  Eulepia,  Curtis,  nom  plus  ancien,  adopté  avec  raison  en  Angle- 
terre. Le  corps  est  grêle,  les  antennes  pectinées  dans  le  mâle,  ciliées 
dans  la  femelle;  la  spiritrompe  distincte,  est  assez  allongée,  les  ailes 
supérieures  étroites  et  allongées,  les  inférieures  larges  et  plissées  sous 
les  supérieures;  les  unes  et  les  autres  enveloppant  l'abdomen  au  repos. 
Les  papillons  volent  assez  rapidement  pendant  le  jour,  et  surtout  au 
soleil.  Les  chenilles  des  deux  espèces  à'Emydia,  espèces  à  la  fois  de 
France,  d'Angleterre,  de  Belgique,  passent  l'hiver  très  petites  et  sont 
à  toute  leur  taille  à  la  fin.  de  mai  et  en  juin.  Elles  aiment  les  clai- 
rières des  bois  et  grimpent  souvent  à  la  sommité  des  brins  d'herbe  et 
des  tiges  sèches.  Elles  ressemblent  aux  chenilles  des  Lithosides  par 
leurs  faisceaux  de  poils  en  aigrettes  étoilées,  implantés  sur  de  petits 
tubercules  saillants,  mais  elles  se  nourrissent  de  graminées,  de  genêts, 
de  diverses  chicorées;  on  peut  les  élever  en  captivité  avec  du  pis- 
senlit ou  de  la  salade.  Leur  transformation  a  lieu  dans  un  cocon  lâche 
entouré  de  mousse,  et  la  chysalide  est  courte,  ventrue,  à  anneaux 
immobiles.  Espèces  :  E.  Grammica,  Linn.;  Y  Écaille  chouette,  d'Engr., 
the  Feathered  Footman,  30  à  35  millimètres  d'envergure,  les  ailes  su- 
périeures jaunâtres  chez  le  mâle,  avec  beaucoup  de  lignes  longitudi- 
nales et  une  petite  lunule  à  l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale,  noires, 
ces  ailes  d'un  gris  jaunâtre  chez  la  femelle  et  avec  peu  de  lignes  noires; 
ailes  inférieures  d'un  jaune  plus  vif  que  les  supérieures,  avec  les 
bords  antérieur  et  postérieur  et  une  lunule  centrale  noirs;  antennes 
d'un  brun  noirâtre,  très  pectinées  chez  le  mâle;  thorax  d'un  gris  jau- 
nâtre, avec  deux  points  et  cinq  traits  longitudinaux  noirs  ;  abdomen  d'un 
jaune  fauve,  avec  une  rangée  de  taches  noires  sur  le  dos  et  trois  séries 
de  points  noirs  sur  le  ventre;  aberration  mâle  à  ailes  supérieures  beau- 
coup plus  chargée  de  noir  et  à  ailes  inférieures  noires,  partout  où  est 
le  type,  mais  rare;  aberration  femelle  à  ailes  supérieures  blanches 
(Maurice  Sand).  Espèce  assez  commune  dans  toute  la  France,  fin 
juin  et  juillet,  sur  les  coteaux  calcaires;  près  Paris,  à  rechercher  à 
Bouray,  Lardy,  Champigny,  etc.  ;  chenille  difticile  à  élever,  noire,  à 
ventre  gris  et  ligne  vasculaire  rouge;  E.  Crihrum,  Lin.,  le  Crible 
d'Engr.,  the  Speckled  Footman ,  espèce  des  mêmes  localités  que  la 
précédente,  mais  beaucoup  plus  rare,   35  millimètres  d'envergure,  le 


EMYDIA,   DEIOPEIA.  355 

corps  blanc,  avec  trois  séries  longiludinalcs  de  points  noirs  sur  l'ab- 
domen, l'anus  jaune;  ailes  supérieures  d'un  blanc  bleuâtre,  avec 
cinq  rangées  transversales  de  points  noirs;  ailes  inférieures  d'un  gris 
cendré  plus  ou  moins  foncé  et  la  frange  blanche;  femelle  plus  as- 
sombrie, avec  les  rangées  de  points  noirs  formant  souvent  des  bandes 
longitudinales  un  peu  nébuleuses.  Beaucoup  de  variations;  ainsi,  une 
variété  alpine,  Candida,  Cyrilli,  assez  fréquente,  des  Basses-Alpes, 
de  la  Lozère,  du  Gers,  de  la  Gironde,  du  Cantal,  de  l'Indre,  des 
environs  de  Paris,  ayant  les  ailes  supérieures  en  entier  dun  blanc 
un  peu  nacré,  avec  deux  petits  points  noirs  seulement  au  bout  de  la 
cellule  discoïdale,  et  une  variété  pyrénéenne  ayant,  au  contraire, 
avec  les  lignes  de  points  du  type,  le  fond  des  ailes  supérieures  d'un 
gris  cendré  obscur  et  les  ailes  inférieures  noirâtres,  ainsi  que  le  tho- 
rax et  l'abdomen,  dont  l'extrémité  est  jaune  dans  le  mâle.  Chenille 
noire,  à  ligne  vasculaire  blanche  et  quelques  poils  blancs;  s'élève 
assez  facilement,  mais  est  plus  difficile  à  trouver  que  la  précédente, 
car  elle  se  cache  pendant  le  jour  sous  les  herbes  et  les  feuilles  sèches. 

EUCHÉLIDES. 

Antennes  filiformes  ou  à  peu  près  dans  les  deux  sexes;  palpes 
courts;  spiritrompe  variable;  ailes  larges,  non  enroulées  au  repos 
autour  du  corps,  mais  disposées  en  toit  très  incliné.  Adultes  volant  pen- 
dant le  jour. 

DEIOPEIA,  Stephens.  —  Antennes  simples  cliez  la  femelle,  légèrement  ciliées 
cliez  le  niàte.  Spiritrompe  très  longue.  Palpes  débordant  la  tête,  arqués,  à  der- 
nier article  distinct  et  obtus.  Ailes  supérieures  plus  étroites  que  les  inférieures. 

Ce  genre  est  composé  d'une  unique  et  charmante  espèce,  rencon- 
trée dans  une  partie  de  l'Asie  et  de  l'Afrique,  très  répandue  dans  le 
midi  de  la  France  et  de  l'Europe,  fort  abondante  dans  les  lieux  bas  et 
herbus,  attirée  pendant  la  nuit  par  les  lumières,  remontant  par 
plaies,  mais  très  rare  ou  rare,  dans  le  Doubs,  l'Auvergne,  l'Alsace  , 
l'Indre,  les  environs  de  Paris,  même  la  Belgique,  la  Hollande  et  l'An- 
gleterre; paraissant  en  juin  et  aussi  en  septembre  :  c'est  D.  Puichella, 
Linn.,  syn.  Pulchra,  cat.  devienne;  la  Gentille,  d'Engramelle,  enverg. 
/lO  à  U'ô  millimètres;  antennes  brunes;  corps  d'un  blanc  bleuâtre,  avec 
des  taches  noires  et  orangées  sur  le  thorax  et  une  série  longitudinale 
de  points  noirs  sur  chaque  côté  de  l'abdomen;  ailes  supérieures  d'un 
blanc  très  légèrement  jaunâtre,  avec  beaucoup  de  points  noirs  formant 
des  lignes  transverscs  irrégulières,  parmi  lesquelles  il  y  a  seize  h  dix- 
huit  taches  inégales  d'un  rouge  écarlate;  ailes  inférieures  d'un  blanc 
bleuâtre,  avec  une  bande  noire  terminale,  ayant  son  côté  interne  pro- 
fondément échancré  eu  sou  milieu.  Chenille  également  très  jolie,  sem- 
blant emprunter  sa  riche  parure  aux  fleurs  sur  lesquelles  elle  aime  à 


356  LÉPinoPiÈUES. 

se  reposer;  ressemblant,  pour  les  faisceaux  de  poils,  aux  chenilles  des 
Ëmydia,  d'un  brun  grisâtre  en  dessous,  d'un  blanc  jaunâtre  eu  dessus, 
avec  deux  lignes  longitudinales  de  points  noirs  de  chaque  côté  et  deux 
traits  écarlales,  un  de  chaque  côté,  par  segment  (voy.  pi.  xci,  fig.  8), 
vivant  sur  beaucoup  de  plantes  herbacées,  dont  elle  ronge  les  feuilles, 
uotaniment  sur  l'héliotrope  {Ueliotropium  Europœum)  et  la  vipérine 
(  Echium  vulgare). 

Dans  le  genre  voisin  Euchelia,  Poisd.,  les  antennes  sont  courtes  et 
simples  dans  les  deux  sexes,  la  spiritrompe  invisible,  les  palpes  très 
court,  velus,  à  dernier  article  obtus,  les  ailes  supérieures  subtriangu- 
laires. Une  espèce  d'Kurope,  répandue  partout,  en  mai  et  juin, 
ÏE.  jacobeœ,  Linn.;  la  Phalène  carmin  du  Séneçon,  de  Geoffroy,  the 
Cinnabar  Moth  des  Anglais,  a  35  à  38  millimètres  d'envergure;  le 
corps  et  les  antennes  noirs,  les  ailes  supérieures  d'un  noir  grisâtre  en 
dessus  et  en  dessous,  avec  deux  taches  d'un  rouge  carmin  près  du 
bord  externe  et  deux  bandes  de  même  couleur,  la  plus  grande  lon- 
geant presque  toute  la  côte;  les  ailes  inférieures  d'un  rouge  carmin 
en  dessus  et  en  dessous,  avec  le  bord  antérieur  et  une  fine  bordure  au 
bord  postérieur  d'un  noir  grisâtre;  la  frange  des  ailes  de  la  même 
couleur.  Dans  une  très  rare  aberration,  le  rouge  carmin  est  remplacé 
par  du  jaune  orangé.  Des  jardins,  des  prairies,  des  dunes,  beaucoup 
plus  commune  en  certaines  années.  On  fait  partir  le  papillon  devant 
soi  quand  on  se  promène  dans  les  champs.  La  chenille,  par  exception, 
est  rase,  sauf  quelques  courts  poils  isolés,  qui  partent  immédiatement 
de  la  peau;  fauve  avec  des  bandes  noires;  vivant  par  groupes  sur  le 
séneçon  {Senecio  jacobea)  dans  tous  les  lieux  cultivés,  en  juillet,  août 
et  septembre;  très  abondante  sur  les  côtes  méditerranéennes,  où  elle 
se  nourrit  de  la  cinéraire  maritime.  La  chrysalide  passe  l'hiver, 
entourée  d'un  cocon  d'un  tissu  léger  et  transparent. 


Tribu  des  CHELOIVIEIVS. 

Les  Chéloniens  (4),  qu'on  nomme  souvent  Écailles,  tiennent  de  très 
près  aux  Lithosiens,  avec  l'extension  que  nous  avons  donnée  à  ces  derniers. 
Us  forment,  en  laissant  de  côté  la  magnifique  tribu  exotique  des  Ura- 
niens,  la  tribu  la  plus  richement  colorée  des  Hétérocères,  surtout  pour 
les  ailes  inférieures  cachées  et  protégées  contre  le  soleil  par  les  supé- 
rieures; ces  couleurs  sont  plus  pures  et  plus  délicates  que  chez  les 
Hhopalocères,  où  le  rouge  notamment  est  toujours  lavé  de  fauve  ;  mais, 
dans  les  collections,  elles  s'altèrent  très  vite  à  la  lumière  et  blanchis- 
sent. Ces  belles  ailes  sont  larges  et  bien  taillées,   et,  dans  beaucoup 

(1)  Nous  supposons  bien  que  personne  ne  fera  confusion  avec  l'ordre  des  Ché- 
loniens ou  Tortues,  dans  les  Reptiles  écaiileux. 


CHÉLONIENS,    CALLÏMOUPHLDES.  357 

d'espèces,  le  corps  participe  par  son  éclat  à  la  richesse  de  l'ensemble, 
en  raison  des  taches  et  des  anneaux  de  diverses  teintes  dont  il  est  orné. 
Bien  que  volant  surtout  le  soir,  beaucoup  d'espcces  ne  craignent  pas  de 
se  montrer  en  plein  soleil,  au  repos  sur  les  feuilles,  les  murs,  les  troncs 
d'arbres  et  s'envolant  au  bruit  qu'on  fait  en  s'approchant  d'elles.  Il  en 
est  dont  le  vol  est  assez  agile  {Nemeophila,  Callimorpha);  d'autres  au 
contraire  sont  pesantes  et  paresseuses,  telles  les  Spilosoma  et  surtout  les 
Arctia.  Les  antennes  des  mâles  sont,  le  plus  ordinairement,  un  peu 
pectinécs  ou  fortement  ciliées,  celles  des  femelles  presque  simples  ou 
fortement  ciliées,  les  ailes  en  toit  au  repos,  l'abdomen  gros  et  peu 
allongé. 

Les  chenilles  des  Chéloniens  sont  toutes  plus  ou  moins  velues;  plu- 
sieurs, appelées  parfois  Oursonnes,  portent  sur  le  dos  une  véritable 
fourrure  de  longs  poils,  insérés  sur  de  petits  tubercules  ou  boutons 
hémisphériques,  durs  et  brillants.  Quelques  espèces  sont  si  vives  dans 
leurs  allures  qu'elles  semblent  courir  plutôt  qu'elles  ne  marchent,  sur- 
tout quand  elles  parcourent  les  bords  des  roules  et  les  sentiers  au  mo- 
ment de  la  nymphose.  Elles  sont  généralement  polyphages,  peu 
voraces  et  partant  rarement  nuisibles,  quelques-unes  sociales  et  à 
découvert  dans  le  jeune  âge,  vivant  en  général  solitaires  et  cachées  sur 
un  grand  nombre  de  plantes  basses  ;  elles  sont  très  faciles  à  élever,  ce 
qui  est  précieux  pour  les  amateurs,  qui  aiment  à  obtenir  des  sujets 
bien  frais  pour  les  collections.  La  métamorphose  s'opère  dans  un  cocon 
à  tissu  très  mou,  dans  lequel  la  chenille  fait  entrer,  pour  consolider 
son  œuvre,  la  plus  grande  partie  des  poils  qui  composent  son  vêtement 
et  qui,  à  cette  époque  de  sa  vie,  se  détachent  avec  une  extrême  facilité. 
La  plupart  des  Chéloniens  demeurent  peu  de  temps  en  chrysalide. 


CALLIMORPHIDES. 

Papillons  à  ailes  larges,  luisantes,  l'abdomen  glabre,  peu  conique, 
avec  deux  glandes  à  la  base.  Ce  sont  des  vésicules  recouvertes  d'écail- 
lés, qui  existent,  non  seulement  chez  nos  Callimorpha  Dominula  et 
Hera  indigènes,  mais  chez  les  Setina  elles-mêmes,  tout  à  fait  indépen- 
dantes de  l'organe  musical,  de  sorte  qu'on  ne  peut  pas  les  regarder 
comme  remplaçant  cet  organe,  puisqu'elles  l'accompagnent  chez  les 
femelles  comme  chez  les  mâles,  ayant  leur  plus  grand  degré  de  déve- 
loppement chez  des  espèces  tout  à  fait  dépourvues  des  timbales  thora- 
ciques  ;  leur  destination  spéciale  paraît  encore  inconnue.  On  les  trouve 
à  leur  maximum  chez  des  Callimorphides  exotiques,  ainsi  chez  les 
Pericopis,  surtout  P.  Catilina,  Cramer,  de  Cayenue,  moins  saillantes 
chez  Ephestris  Malaxantha,  Hùbner,  du  Brésil,  espèce  jaune  et 
noire,  etc.  Les  chenilles  des  Callimorphides  sont  assez  allungées,  cylin- 
droïdes,  ornées  de  couleurs  variées  et  hérissées   de.  poils  courts  £ur 


358  LÉPIDOPTÈRES. 

fies  verrues  verticillées.  Elles  se  nourrissent  de  plantes  basses;  la  chry- 
salide est  renfermée  dans  une  coque  légère. 

CAIiOlIORPHA,  Latr.,  Syn.  Hvpercompa,  Steph.  — Antennes  longues  et  sim- 
ples dans  les  deux  sexes,  celles  du  mâle  un  peu  moins  grêles  ;  spiritrompe  très 
développée.  Palpes  écartés,  peu  velus,  un  peu  plus  longs  que  la  tète.  Corps 
plutôt  écailleux  que  velu.  Thorax  assez  petit.  Ailes  en  toit  au  repos,  les  infé- 
rieures un  peu  plissées.  Abdomen  cylindroide,  de  grosseur  médiocre,  de  la 
couleur  des  ailes  inférieures. 

Il  y  a  deux  espèces  répandues  dans  une  grande  partie  de  l'Europe  : 
C.  Doininula,  Linn.,  rÈcaille  marbrée  de  Geoffroy,  the  Scarlet  Tyger  des 
Anglais,  du  nord  de  la  France,  de  Belgique,  52  millimètres  d'enver- 
gure, les  deux  sexes  pareils.  Thorax  d'un  vert  noir  brillant,  avec  deux 
traits  jaunes  longitudinaux.  Ailes  supérieures  d'un  vert  noir  brillant, 
avec  beaucoup  de  taches  inégales,  dont  une  oblongue,  toujours  jaune, 
près  de  l'origine  du  bord  interne,  deux  orbiculaires,  mi-blanches,  mi- 
jaunes,  vers  le  milieu  de  la  côte,  les  autres  blanches,  éparses  vers  le 
bord  externe-,  ailes  inférieures  d'un  rouge  carmin,  avec  trois  taches 
noires  irrégulières.  Abdomen  d'un  rouge  carmin  en  dessus,  avec  une 
ligne  dorsale  et  l'anus  noirs.  Cette  espèce  présente  beaucoup  de  varia- 
tions; parfois  le  rouge  est  remplacé  par  du  jaune  d'ocre;  d'après 
M.  Rellier  de  la  Chavignerie,  dans  le  Caucase,  cette  variété  jaune  rem- 
place le  type  rouge.  Dans  le  sud  de  l'Italie,  ancien  royaume  de  Naples, 
Calabre,  Abruzzes,  est  une  race  locale,  dont  on  avait  fait  une  espèce, 
C.  Donna,  Dup.,  avec  les  ailes  inférieures  et  Tabdomen  jaune  et  beau- 
coup plus  de  noir  aux  ailes  supérieures  et  inférieures.  Par  variation  on 
voit  des  sujets  revenir  du  jaune  au  rouge  aux  ailes  inférieures,  c'est- 
à-dire  au  type  de  l'Europe  centrale  et  septentrionale.  Des  aberrations 
offrent  les  taches  blanches  des  ailes  supérieures  changées  en  taches 
jaunes;  enfin  d'autres  ont  les  ailes  inférieures  de  couleur  lie-de-vin. 
Les  œufs  de  C.  Dominula  récemment  pondus  sont  d'un  joli  vert  éme- 
raude,  sphériques,  à  surface  parfaitement  lisse.  Au  moment  même 
de  la  ponte  ils  sont  d'un  léger  jaune  verdâtre.  L'espèce  se  rencontre 
en  juin  et  juillet  dans  les  lieux  humides  et  ombragés,  les  bords  des  ruis- 
seaux, les  prés  marécageux  ;  c'est  là  qu'en  avril  et  mai  on  trouve  la 
chenille  sur  beaucoup  de  plantes  basses,  surtout  les  Borraginées  ;  elle 
est  d'un  noir  bleu,  avec  trois  bandes  soufrées.  Près  de  Paris  les  che- 
nilles de  cette  espèce  sont  abondantes  sur  les  bords  de  la  Biôvre,  à  la 
Minière,  près  de  Versailles,  au  delà  de  la  plaine  Satory,  de  part  et 
d'autre  de  l'usine  d'engrais  de  sang;  on  les  trouvait  autrefois  à  Saint- 
Germain.  Elles  sont  diurnes,  mangent  pendant  le  jour,  se  plaisent  au 
soleil.  Elles  sont  polyphages,  mais  préfèrent  la  Grande  Consoude.  On  les 
trouve  aussi  sur  le  Chardon,  l'Ortie,  la  Ficaire,  la  Cynoglosse  (Saint- 
Germain),  sur  les  Lamium,  le  Genêt,  le  Troène,  et  même  parfois  sur  les 


CALtIMORPHA.  359 

arbres.  Elles  sont  tr^s faciles  à  61cver.  LeC.  Hera,  Linn.,  la  Phalène  chinée 
de  GeoiTroy,  manquant  dans  les  Iles  Britanniques,  répand,  lors  de  l'éclo- 
sion,  une  odeur  musquée,  se  trouve  un  peu  partout  en  juillet  et  août, 
dans  les  broussailles,  les  jardins,  les  haies,  les  lieux  humides,  etc., 
posée  durant  le  jour,  s'envolant  dès  qu'on  approche,  environ  55  à 
60  aiillimètres,  les  deux  sexes  pareils.  Antennes  d'un  brun  noirâtre; 
thorax  d'un  noir  verdàtre,  avec  deux  lignes  longitudinales,  les  bords 
des  ptérygodes  et  le  Iront  d'un  jaune  paille.  Ailes  supérieures  d'un 
noir  glacé  de  vert,  avec  quatres  bandes  transverses  à  partir  de  la  base, 
puis  une  double  bande  entre-croisée  en  Y,  et  tout  le  bord  interne,  d'un 
jaune  paille,  avec  deux  points  noir  à  l'angle  interne  sur  un  espace 
jaune,  la  frange  entrecoupée  de  noirs  vers  l'angle  apical;  ailes  infé- 
rieures d'un  rouge  écarlate  avec  quatre  taches  noires.  Abdomen  de  la 
couleur  des  ailes  inférieures  ou  un  peu  jaunâtre,  avec  quatre  rangées 
longitudinales  de  points  noirs;  une  variété  où  le  rouge  des  ailes  infé- 
rieures et  de  l'abdomen  est  remplacé  par  du  jaune  d'ocre,  très  rare 
dans  l'intérieur  de  la  France,  beaucoup  plus  fréquente  en  Bretagne, 
ainsi  près  de  Rennes  (Oberthur)  et  surtout  sur  les  côtes  bretonnes,  près 
de  Saint-Malo,  de  Cancale,  de  Granville,  de  Cherbourg,  où  on  la  dit 
plus  fréquente  que  le  type,  assez  commune  aussi  sur  les  côtes  nor- 
mandes. Il  y  a,  comme  nous  voyons,  des  variétés  qui  obéissent  à  cer- 
taines lois  de  centralisation,  ainsi  que  nous  avons  observé,  dans  le 
S.-O.  de  la  France,  la  femelle  du  Souci  (Colias  Hyale)  prenant  fréquem- 
ment la  forme  Hélice,  très  rare  aux  environs  de  Paris.  On  cite  des  va- 
riétés intermédiaires  d'un  jaune  rougeâtre  ou  bien  où  le  jaune  n'apparaît 
que  par  places  aux  ailes  inférieures  (collection  Fallou).  M.  J.  Failou  a 
élevé  la  ponte  d'un  C.  Hem  jaune,  mais  fécondée  par  un  mâle  inconnu. 
Il  a  obtenu,  sur  huit  éclosions,  six  sujets  jaunes  sans  dégénérescence 
et  deux  rouges.  Il  serait  fort  curieux  de  faire  accoupler  deux  sujets 
jaunes  et  d'élever  la  ponte  ;  mais  il  ne  paraît  pas  possible  de  faire 
accoupler  en  captivité  C.  Hera,  beaucoup  plus  sauvage  que  C.  Dominula; 
en  général,  les  espèces  à  spiri trompe  développée  et  qui  mangent  ne 
s'accouplent  pas  captives  ;  l'accouplement  en  captivité  est  au  contraire 
très  fréquent  pour  les  espèces  à  organes  buccaux  atrophiés  et  dont  la 
génération  reste  la  seule  fonction  possible.  Le  catalogue  de  Belgique 
cite  C.  Hera  en  août  dans  les  terrains  rocailleux.  Cette  espèce  n'est  pas 
portée  dans  les  catalogues  du  département  du  Mord.  Dans  les  Alpes- 
Maritimes,  d'après  M.  Milière,  où  C.  Dominula  semble  ne  pas  exister, 
C.  //era  est  assez  rare,  mais  a  deux  générations  par  an  :  la  première  en 
mai,  la  seconde  en  août.  La  chenille  de  C.  Hera  est  brune,  avec  un 
dessin  crucial  jaune  ou  roux  sur  les  anneaux  et  la  stigmalale  de 
même  couleur;  éclose  en  automne,  elle  hiverne  et  parvient  à  toute 
sa  taille  en  mai  et  juin,  vivant  sur  beaucoup  de  plantes  basses, 
notamment  les  Orties  et  les  Borraginées  et,  aussi  sur  le  Genêt  à 
balais,  le  Prunier,  le  Prunellier,  le  Groseillier,  la  Vigne,  etc.  En  capti- 


360  LÉPIDOPTÈRES. 

vite  on  les  nourrit  très  bien  avec  de  la  Bourrache,  du  Pissenlit,  de  la 
Laitue. 

Nous  ferons  remarquer  que,  par  l'exposition  aux  vapeurs  d'acide 
chlorhydrique  ou  azotique,  ou  transforme  immédiatement  en  jaune 
le  rouge  des  C.  Domimda  et  Hem;  mais  la  couleur  rouge  reparaît  peu 
à  peu,  avec  le  temps,  par  le  dégagement  à  l'air  des  vapeurs  acides,  et 
immédiatement  si  on  les  neutralise  par  le  gaz  ammoniac,  dégagé  de 
l'alcali  volatil.  Nous  représentons  (pi.  xci,  fig.  U)  une  Callimorphe  exo- 
tique, C.  Le  Contei,  Boisd.,  de  l'Amérique  du  Nord,  52  millimètres  d'en- 
vergure, le  corps  blanc,  avec  le  sommet  de  la  tête  d'un  jaune  pfde  et 
une  large  ligne  noire  ou  brune  régnant  du  thorax  à  l'extrémité  de  l'ab- 
domen ;  les  ailes  supérieures  noires  ou  brunes,  suivant  l'état  de  fraî- 
cheur du  papillon ,  offrant  chacune  cinq  grandes  taches  arrondies  et 
irrégulières  blanches,  plus  ou  moins  confluentes,  selon  les  sujets,  les 
ailes  inférieures  blanchâtres  et  sans  taches,  le  dessous  des  ailes  sem- 
blable au  dessus,  mais  avec  le  noir  très  pâli,  les  pattes  légèrement  tein- 
tées de  jaune. 

CHÉLONIDES. 

La  famille  des  Cbélonides  correspond  aux  Plwnicornes  de  M.  Guenée 
et  à  ses  Hirsutœ  pour  les  chenilles.  Les  papillons  ont  le  corps  robuste, 
velu,  ainsi  que  les  pattes,  les  antennes  ordinairement  garnies  de  lames 
distinctes  chez  les  mâles  et  dentées  chez  les  femelles;  la  spiritrompe  ou 
rudimentaire  ou  nulle;  les  palpes  très  courts;  les  ailes  à  couleurs  vives 
ou  à  taches  tranchées,  ces  ailes  épaisses,  peu  ou  point  plissées.  Che 
nilles  entièrement  hérissées  de  poils  verticillés,  souvent  fort  longs. 
Cette  famille  est  abondamment  représentée  en  Europe,  et  ses  espèces 
exotiques  se  rapprochent  beaucoup  des  nôtres. 

MElMEOPHlIiA,  Slephens.  — •  Antennes  du  mâle  pectinées,  celles  de  la  femelle 
fiiliformes  ou  finement  dentées.  Spiritrompe  grêle,  mais  distincte.  Thorax  velu; 
femelles  différentes  des  mâles.  —  Chenilles  garnies  de  bouquets  de  poils  asses 
courts,  ceux  des  derniers  anneaux  un  peu  plus  longs.  —  Chrysalides  cylindrico- 
coniques,  avec  une  pointe  anale  légèrement  ciliée. 

Ce  genre,  détaché  des  anciens  Chelonia,  compte  au  moins  deux  es- 
pèces en  Europe,  toutes  deux  des  lies  Britanniques  et  de  Belgique. 
Leurs  chenilles  courent  très  vile  et  se  nourrissent  d'une  foule  de  plantes 
basses.  Leur  transformation  a  lieu  dans  une  coque  soyeuse  molle,  assez 
spacieuse.  N.  plantaginis,  Linn.,  Y  Écaille  noire  à  bandes  jaunes,  d'Engr., 
the  Wùod  Tyger,  38  millimètres  d'envergure.  Ailes  supérieures  du  mâle 
noires  foncées  avec  trois  bandes,  dont  deux  croisées  en  X,  et  une  tache 
médiane,  d'un  jaune  blanchâtre,  le  tiers  de  la  côte  orangé;  ailes  infé- 
rieures d'un  jaune  d'ocre,  quelquefois  un  peu  rosé,  avec  deux  rayons  à 
la  base,  quatre  à  cinq  taches  sur  le  disque  et  une  bande  terminale  si- 


NEMEOPHILA.  361 

nuée,  noirs;  antennes  noires,  avec  la  tige  jaunâtre;  thorax  noir,  avec 
un  collier  orangé,  du  jaune  grisfitre  bordant  les  ptérigodes;  abdomen 
d'un  jaune  orangé,  avec  le  dos  et  les  incisions  du  ventre  noires.  Femelles 
à  ailes  supérieures  pareilles  à  celles  du  mâle,  sauf  le  tiers  de  la  côte  qui 
est  rouge  ;  ailes  inférieures  rouges,  avec  les  rayons  noirs  de  la  base  con- 
fondus et  envahissant  la  moitié  de  l'aile,  la  bande  terminale  rouge  avec 
trois  ou  quatre  taches  noires;  abdomen  rouge,  avec  une  bande  longi- 
tudinale et  souvent  les  côtés  noirs.  Cette  espèce  varie  beaucoup,  par  le 
nombre  des  rayons  noirs  et  des  taches  ou  leur  absence,  le  mâle  à  ailes 
inférieures  rouges  comme  la  femelle,  etc.  Il  y  a  deux  types  d'aberrations 
inverses,  les  unes  dont  le  fond  converge  vers  le  noir,  les  autres,  au  con- 
traire, où  les  ailes  deviennent  jaunes,  surtout  les  inférieures,  et  même 
celles-ci  complètement,  par  disparition  des  dessins  noirs.  Dans  les  mon- 
tagnes, on  trouve  à  la  fois  le  type,  une  race  Matronalis,  Freyer,  envahie 
par  le  noir,  les  ailes  inférieures,  presque  toutes  noires  chez  le  mâle,  et 
même  tout  à  fait,  et  une  race  fréquente  (mâle),  Hospita,  cat.  de  Vienne, 
où  le  blanc  remplace  le  jaunedii  type,  et  qui  offre  les  deux  séries  d'aber- 
rations inverses  indiquées,  sur  fond  blanc,  au  lieu  d'être  sur  fond  jaune. 
On  trouve  parfois,  mais  très  rarement,  Hospita  en  plaine  ;  ainsi  près  de 
Metz,  de  Paris,  etc.  Dans  la  collection  Fallou  figure  une  Matronalis- 
Hospita,  c'est-à-dire  très  noire  avec  quelques  raies  blanches.  N.plauta- 
ginis  est  essentiellement  une  espèce  des  bois  des  montagnes  moyeimes 
de  toute  la  France,  de  1000  à  1500  mètres  d'altitude;  elle  se  trouve 
aussi  çà  et  là,  au  mois  de  juin  et  au  commencement  de  juillet,  dans  les 
bois  étendus  et  humides  de  la  plaine  ;  ainsi  à  Armainvilliers,  près  de 
Paris,  à  Compiègne,  dans  plusieurs  bois  du  département  du  INord  (Pha- 
lempin,  Carvin,  etc.).  Cette  espèce  vole  dans  le  jour,  et  les  deux  sexes 
partent  au  vol  quand  on  approche  ou  qu'on  bat  les  buissons. 

De  loin  on  la  confond,  par  les  couleurs,  avec  les  petites  espèces  du 
genre  Argynnis,  mais  l'allure  du  vol  est  différente.  On  trouve  la  che- 
nille d'octobre  à  mai  ;  elle  est  polyphage  et  passe  l'hiver  très  petite,  vit 
surtout  sur  les  plantains,  pissenlits  et  autres  plantes  herbacées,  avec 
lesquelles  on  l'élève  aisément.  F]lle  a  le  corps  noir,  piqueté  de  petits  tu- 
bercules piligères blanchâtres,  ce  qui  lui  donne  delà  ressemblance  avec 
une  chenille  de  Vanessa  lo  (Paon  de  jour),  où  les  épines  seraient  rem- 
placées par  des  aigrettes  de  poils.  Les  anneaux  k,  5,  6,  7,  8,  9  sont  cou- 
verts de  poils  roux  ou  ferrugineux,  ceux  des  autres  anneaux  étant  noi- 
râtres. L'autre  espèce  répandue  de  Nemeophila  est  le  N.  Russula,  Linn., 
la  Bordure  ensanglantée  de  Geoffroy,  the  Clouded  Buff  des  Anglais,  ZiO  mil- 
limètres d'envergure;  antennes  pectinées,  chez  le  mâle,  brunes  avec  la 
tige  rose,  le  corps  jaune,  avec  le  thorax  plus  foncé  et  les  pattes  rouges; 
ailes  supérieures  d'un  jaune  roussâtre,  avec  les  bords  et  une  tache  dis- 
coidale  d'un  rouge  rosé,  cette  tache  plus  ou  moins  entremêlée  de  brun; 
ailes  inférieures  d'un  jaune  blanchâtre  avec  une  bordure  rose ,  suivie 
d'une  bande  noiràti'e  plus  ou  moins  bien  marquée,  et  une  tache  discoï- 


362  LÉPIDOPTÈRES. 

dale,  un  peu  sinuée,  noirâtre,  souvent  séparée  en  deux  par  un  tra 
jaune  blancliAtre;  femelle  très  différente  du  mâle,  plus  petite,  avec  les 
ailes  courtes  et  réduites;  antennes  presque  filiformes;  ailes  supérieures 
de  même  dessin  que  celles  du  mâle,  mais  d'un  jaune  roux  (tabac  d'Es- 
pagne); ailes  inférieures  à  base  noirâtre,  avec  la  bande  transverse  et  la 
tache  du  disque  d'un  brun  noir  plus  ou  moins  intense;  abdomen  avec 
le  dessus  annelé  de  noir  brun.  Cette  espèce  existe  dans  une  grande  par- 
tie de  la  France,  habitant  les  localités  arides,  herbues  et  pierreuses  des 
régions  calcaires,  en  juin  ,j  uillet  et  commencement  d'août;  le  mâle  part  au 
moindre  bruit  qui  l'inquiète  pour  aller  se  poser  un  peu  plus  loin  ;  la  fe- 
melle vole  très  peu,  vu  la  réduction  de  ses  ailes,  aussi  est-elle  rare  dans  les 
collections.  On  trouve  la  chenille  ,  qui  est  hivernante,  de  novembre  à 
mai,  sur  le  mouron,  le  pissenlit,  le  plantain  et  le  séneçon;  elle  est  noi- 
râtre, avec  la  ligne  vasculaire  blanche  coupée  de  fauve.  Elle  est  assez 
difficile  à  rencontrer  et  à  élever;  on  y  réussit  passablement  en  la  tenant 
en  l'air  et  la  nourrissant  avec  les  plantes  que  nous  avons  citées.  Nous 
pensons  devoir  placer  dans  le  genre  Nemeophila,  en  raison  d'une  spiri- 
trompe  distincte  et  à  filets  grêles,  une  très  rare  espèce  de  Eaponie, 
très  difficile  à  se  procurer  pour  les  collections,  N.  Lapponica,  Thunberg. 

CHI2l,OMIA,Latr.,  Syii.  Arctia.,  Eyprepia,  auteurs  anglais  et  allemands, —  Tète 
petite,  retirée  sous  le  prothorax.  Antennes  plus  ou  moins  pectinées  dans  le 
mâle,  dentées  ou  filiformes  dans  la  femelle.  Spirilrompe  ou  rudimentaire  ou 
courte  à  filets  disjoints.  Palpes  courts,  moitié  velus,  moitié  squameux,  réunis 
en  forme  de  bec.  Thorax  épais,  velu  ou  laineux.  Ailes  larges  et  complètes  dans 
les  deux  sexes,  bigarrées  de  couleurs  vives,  en  toit  écrasé  au  repos.  Abdomen 
velouté,  gros,  cylindroïde.  ordinairement  de  couleur  vive  et  marqué  de  taches 
ou  d'anneaux  noirs.  —  Chenilles  garnies  de  poils  rudes,  épais,  ordinairement 
longs,  implantés  en  faisceaux  divergents  sur  des  tubercules  d'une  couleur  plus 
claire  que  le  fond.  — Chrysalides  obtuses,  cylindrico-coniques,  avec  l'extrémité 
anale  bilobée  et  garnie  de  petites  épines. 

Les  Chélonies  sont  essentiellement  nommées  Écailles  ;  leurs  espèces 
sont  nombreuses  et  de  taille  moyenne,  toutes  ornées  de  couleurs 
vives  avec  les  ailes  inférieures  souvent  jaunes  ou  rouges,  présentant 
des  taches  plus  foncées,  et  trois  crins  à  l'appareil  du  frein  chez  les  fe- 
melles. L'éclat  des  couleurs  les  fait  ressembler  au  premier  abord  à  des 
papillons  de  jour.  On  en  connaît  d'à  peu  près  toutes  les  parties  du 
monde,  des  régions  arctiques  et  des  hautes  montagnes.  Il  y  en  a  23  es- 
pèces en  Europe  et  la  faune  de  Berce  en  décrit  11  pour  la  France.  Les 
chenilles  vivent  solitaires,  en  général  sur  les  plantes  basses,  et  courent 
rapidement  avec  des  ondulations  précipitées,  surtout  au  moment  de  la 
nympiiose,  qui  s'accomplit  dans  des  coques  spacieuses  d'un  tissu  lâche. 
Nous  ne  décrirons  que  quatre  espèces,  les  plus  répandues  en  France, 
les  deux  premières  aussi  des  Iles  Britanniques  :  C.  Co/a,  Linn.,  l'Écaitle 


CHELONIA.  363 

martre  do  Geoffroy,  the  Ganlen  Tyqer,  G2  à  70  millimètres  d'envergure  ; 
antennes  blanches,  avec  les  barbes  brunes  chez  le  mâle,  filiformes  chez 
la  femelle,  qui,  pour  le  reste,  est  pareille  au  mule;  thorax  d'un  brun 
café,  avec  un  collier  rouge;  ailes  supérieures  d'un  brun  cai'é,  avec  des 
bandes  blanches  sinueuses  et  dont  les  postérieures  se  croisent  enX; 
ailes  inférieures  d'un  rouge  brique,  avec  six  ou  sept  taches  d'un  bleu 
très  foncé,  bordées  de  noir.  L'Écaillé  martre  est  une  espèce  assez  com- 
mune partout,  dans  les  jardins,  les  sentiers,  les  allées  de  bois,  en  juin, 
juillet,  août.  Elle  varie  beaucoup,  tant  pour  la  largeur  des  bandes  et 
des  taches  que  pour  la  couleur  des  ailes  inférieures.  Le  fond  de  celles-ci, 
au  lieu  d'être  rouge,  est  assez  souvent  jaune,  ainsi  que  l'abdomen.  Go- 
dart  a  représenlé  une  aberration  femelle  qui  n'a  que  des  points  blancs 
aux  ailes  supérieures  et  dont  les  inférieures  sont  entièrement  envahies 
par  la  confluence  des  taches  d'un  noir  bleu.  M.  Bellier  de  la  Chavigne- 
rie  a  décrit  une  autre  aberration  femelle,  provenant  d'une  chenille 
trouvée  aux  environs  de  Paris,  offrant  les  ailes  supérieures  entièrement 
brunes,  sauf  deux  petites  taches  d'un  blanc  sale  à  la  base,  et  les  ailes 
inférieures  d'un  gris  roussàtre  uniforme,  sans  aucune  apparence  de 
taches.  Caroff  avait  obtenu  d'éclosion  une  C.  Caja  à  ailes  inférieures 
jaunes,  les  ailes  supérieures  marquées  d'intervalles  blancs,  de  mar- 
brures extrêmement  fines,  comme  linéaires,  avec  des  rosaces  sur  le 
milieu.  Dans  la  collection  Auguste,  de  Bordeaux,  se  trouvait  un  sujet 
de  C.  Caja  à  dessins  presque  tous  effacés,  sauf  un  peu  conservés  aux 
bords  antérieurs  des  ailes  supérieures,  le  reste  uniformément  d'un 
fauve  testacé,  et  un  second  sujet  encore  plus  sans  dessins  et  à  ailes  in- 
férieures presque  nues. 

La  chenille  de  C  Caja  vitpolyphage,  en  mai  et  juin,  sur  beaucoup  de 
plantes  herbacées  et  sur  les  Genêts;  c'est  par  excellence  une  oursonne 
couverte  de  longs  poils  roux,  ceux  des  côtés  gris,  les  verrures  piligères 
blanches  dans  le  jeune  âge;  C.  Villica,  Linn.,  VÉcaille  marbrée  de 
Geoffroy,  the  Cream-spot  Tyger,  55  millimètres  d'envergure;  antennes 
noires,  pectinées  chez  le  mâle,  filiformes  chez  la  femelle,  qui  est  sem- 
blable pour  le  reste  ;  thorax  noir,  avec  une  tache  blanche  à  l'origine 
des  ptérygodes;  ailes  supérieures  d'un  noir  velouté,  avec  huit  taches 
blanches,  d'un  blanc  très  légèrement  jaunâtre  chez  les  sujets  bien  frais, 
disposées  ainsi  qu'il  suit,  de  la  base  au  sommet,  1,  2,  2,  2,  1;  ailes  infé- 
rieures d'un  jaune  foncé,  avec  quatre  à  sept  taches  noires;  abdomen 
jaune  à  la  base  et  d'un  rouge  carmin  vers  son  extrémité,  avec  trois  séries 
longitudinales  de  taches  noires.  Les  œufs  de  cette  espèce  sont  très  jolis, 
tout  à  fait  spliériques,  d'un  blanc  un  peu  jaunâtre  au  moment  de  la 
ponte,  avec  une  brillante  teinte  nacrée  à  reflet  opalin.  Cette  belle  écaille, 
moins  commune  dans  certaines  régions  que  la  précédente,  se  trouve  en 
juin  dans  les  jardins,  les  vergers,  les  broussailles,  volant  le  jour  lors- 
qu'elle est  troublée.  Il  y  a  un  type  allemand,  qui  se  distingue  bien 
dans  les  collections  d'avec   la  race  française,  par  le  noir  du  fond 


364  LÉPIDOPTÈRES. 

plus  intense  aux  ailes  supérieures,  les  taches  blanches  plus  arron- 
dies et  les  taches  noires  des  ailes  inférieures  formant  presque  des 
bandes,  [.a  collection  Fallou  présente  des  sujets  des  Vosges  intermé- 
diaires entre  les  races  allemande  et  française.  Dans  les  deux  races 
il  y  a  de  nombreuses  abeiTations;  ainsi,  par  confluence,  les  taches 
blmches  des  ailes  supérieures  tendent  à  former  une  ou  deux 
bandes  transversales  irrégulières,  en  même  temps  qu'il  y  a  dimi- 
nution du  nombre  des  taches  noires  des  ailes  inférieures.  Dans 
une  aberration  provenant  d'une  chenille  des  environs  de  Paris  et  pré- 
sentée en  1856  à  la  Société  entomologique  de  France,  les  taches  blan- 
ches des  ailes  supérieures  sont  très  larges  et  réunies,  laissant  fort  peu 
de  place  au  noir,  qui,  dans  les  sujets  ordinaires,  est  la  couleur  domi- 
nante; aux  ailes  inférieures  il  n'existe  que  quatre  taches  noires 'très 
petites  et  réunies  en  groupe  près  du  bord  externe.  On  a  indiqué  une 
variété  constante  d'Allemagne,  Angelica,  Boisd.,  à  taches  des  ailes  supé- 
rieures fauves,  et  une  aberration  femelle  qui  a  les  ailes  inférieures 
brunes,  La  chenille  de  C.  Villica  passe  l'hiver  et  se  rencontre  d'octobre 
à  avril  sur  beaucoup  de  plantes  herbacées,  sur  la  millefeuille,  le  genêt, 
le  chèvrefeuille,  etc.  Les  petites  chenilles  de  l'hiver  se  serrent  et  se 
rassemblent  les  unes  contre  les  autres  pour  avoir  moins  froid.  Cette 
chenille  est  noire,  à  longs  poils  bruns,  avec  la  tête  et  les  pattes  rouges 
et  se  trouve  souvent  le  long  des  murs  de  campagne  et  des  haies,  ou 
courant  à  terre  sur  les  chemins;  C.  Purpurea,  Linn.,  VÊcaiUe  mouchetée 
de  Geoffroy,  Zi8  millimètres  d'envergure;  antennes  jaunes,  pectinées 
chez  le  mâle,  filiformes  chez  la  femelle  ;  thorax  et  abdomen  d'un  jaune 
d'ocre,  avec  trois  rangées  longitudinales  de  taches  noires,  celles  du  dos 
plus  grandes;  ailes  supérieures  d'un  jaune  d'ocre,  avec  beaucoup  de 
taches  et  de  points  d'un  brun  noirâtre  plus  ou  moins  foncé;  ailes  infé- 
rieures roses  chez  le  mâle,  d'un  rouge  cerise  chez  la  femelle,  avec  six 
à  sept  taches  noires  éparses  et  inégales.  Cette  espèce  se  trouve  adulte 
dans  toute  la  France,  en  juin  et  juillet,  surtout  dans  les  régions  cal- 
caires, volant  quelquefois  pendant  le  jour.  La  chenille  est  blanche,  à 
poils  jaunes,  avec  une  bande  dorsale  noire  et  des  traits  latéraux  obli- 
ques ;  elle  passe  l'hiver  et  se  rencontre  en  avril  et  mai,  principalement 
sur  les  genêts,  près  de  Paris  sur  le  petit  genêt  {Genista  tinctoria),  de 
bien  moins  de  hauteur  que  le  genêt  commun  {Genista  scoparia)  eth. 
feuillage  d'un  plus  beau  vert;  elle  était  autrefois  commune  au  bois  de 
Boulogne  ;  comme  elle  est  extrêmement  vive  et  se  laisse  tomber  à  la 
moindre  secousse,  elle  échappe  très  souvent  à  la  main  de  l'amateur,  en 
se  glissant  sous  les  herbes  et  les  feuilles  sèches.  On  l'élève  facilement 
avec  des  plantes  basses,  pissenlit,  oseille,  etc.  Elle  est  polyphage  et 
grimpe  souvent  sur  les  jeunes  pousses  de  chêne,  de  groseillier,  d'orme, 
de  vigne,  etc.  D'après  M.  Guenée,  elle  dévore  en  certaines  années  les 
bourgeons  des  vignes,  au  point  de  causer  de  grands  dommages  aux 
environs  de  Chartres,  en  dépouillant  les  ceps  de  leur  feuillage;  on 


CHELONIA.  365 

pourrait  i^écolter  les  femelles,  qui  volent  peu  et  lourdement,  vu  leur 
ventre   gonflé   d'œufs;    mais,   d'ordinaire,    il   en    est   comme   pour  la 
Pyrale,   l'insecte    disparaît  pendant    plusieurs   années,  par  les  agents 
atmosphériques  ou  par  les  entomopha^es   inlernes;   C.  Hebe,    Liun., 
y  Ecaille  couleur  de  rose  de  Geoffroy,  50  à  55  millimètres   d'envergure, 
antennes  noires,   celles  du  mâle  très  pectinées,   celles  de  la  femelle 
beaucoup  moins;  corps  noir,  avec  deux  colliers  rouges,   et  si\  bande- 
lettes également  rouges  de  chaque  côté  de  l'abdomen  ;  ailes  supérieures 
d'un  noir  velouté,  avec  cinq  bandes  transverses,  blanches   et  bordées 
de  roux,  la  troisième  plus  étroite,   souvent  interrompue  et  quelquefois 
nulle,  les  deux  postérieures  se  joignant  par  leur  milieu;  ailes  infé- 
rieures roses  dans  le  mâle,  d'un   rouge  carmin  chez  la  femelle,  avec 
une  bande  transverse,  se  terminant  en  crochet  vers  l'angle  anal,  deux 
taches  postérieures  et  la  frange  noires.  C.  Hebe  varie  beaucoup,  soit 
pour  la  largeur  des  bandes  des  ailes  supérieures,  soit  pour  la  grandeur 
des  taches  des  inférieures.  Nous  citerons  une  aberration  toute  noire, 
sauf  une  légère   tache  jaunâtre  à  l'extrémité  des  ailes  antérieures. 
M.  Minière  figure  trois  remarquables  aberrations  de  C.  Hebe  {kun.  II, 
pi.  un).  C'est  une   espèce  méridionale   remontant   assez  haut  dans  le 
centre  de  la  France  et  au  delà,  ainsi  près  de  Paris,  adulte  en  juin  dans 
les  terrains  calcaires  arides,  les  broussailles,   les  fondrières;  à  Paris  on 
la  prenait  autrefois  à  Billancourt  et  au  Point-du-Jour.  Actuellement  elle 
est  encore   assez   abondante  dans  des  petites  landes  qui  se  trouvent  à 
Champigny,  dans  l'ancien  parc  de  Saint-Maur.  Cette  espèce  est  attirée 
par  les  lumières  et  la  femelle  peut  à  peine  voler  vu  la  grosseur  de  son 
abdomen.  La  chenille  est  noire,  avec  de  longs  poils  d'un  gris  clair  sur 
le  dos  et  roux  sur  les  côtés;  en  mars,  avril  et  au   commencement  de 
mai  sur  la  millefeuille,  le  pissenlit,  le  séneçon,  et,  à  la  fin  de  sa  vie,  sur 
le  chardon.  Les  mœurs  de  cette  chenille  sont  curieuses  :  elle  se  place, 
pour  faire  sa  dernière  mue,  dans  un   trou  en  terre,  de  Grillon   ou 
autre,  le  façonne  en  hémisphère  et  se  protège  au  moyen  d'un  dôme  de 
soie  mêlé   de  quelques  brins  d'herbe,  ou  bien  se  cache  à  demi  sous 
une  pierre.  Cette  dernière  mue  se  fait  fin  de  mars,  après  l'hibernation. 
Le  même  fait  d'abri  se  reproduit  environ  un  mois  plus  tard,  lors  de  la 
nymphose  (M.  Ragonot).  Cela  explique  la  lenteur  que  mettent  les  che- 
nilles deC.  Hebe  h  se  chrysalider  lorsqu'on  les  élève  captives  dans  un 
pot,  où  elles  ne  trouvent  pas  d'habitude   leurs  conditions  instinctives. 
Aussi  Pierret  recommandait  de  les  placer  dans  un  cornet  de  papier, 
leur  offrant  la  forme  de  la  cavité  d'abri  qui  leur  convient. 

Nous  nous  contenterons  de  citer  quelques  autres  Chelonia.  Ainsi 
C.  Curialis,  Esper.,  syn.  Civica,  Hubner,  VÉcaille  brune,  de  Geoffroy, 
assez  rare  partout  et  localisée,  adulte  en  juin,  des  carrières,  bois  pier- 
reux, collines  calcaires,  près  de  Paris,  de  Fontainebleau,  de  Vernon,  etc., 
de  35  à  37  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  brun 
café  avec  des  taches  jaunes,  les  inférieures  d'un  rouge  carminé,  changé 


366  LÉPIDOPTÈRES. 

quelquefois  en  jaune  par  aberration,  avec  tache  en  V  à  la  base,  lunule 
centrale  et  bordure  marginale  noires.  La  chenille  est  noire,  avec  les 
poils  des  premiers  anneaux  d'un  roux  vif,  polyphage,  vivant  en  mars 
et  avril  sur  les  graminées,  la  millefeuille,  l'oseille  sauvage,  la  chicorée 
sauvage,  s'éle\ant  aisément  avec  ces  dernières  plantes;  elle  passe  l'hi- 
ver et  les  jeunes  chenilles  s'entourent  d'une  toile  commune.  Une  très 
grande  et  belle  espèce  d'Allemagne,  recherchée  des  amateurs,  de  72  à 
76  millimètres  d'envergure,  est  C.  Matronula,Linn.,  dont  la  vie  entière 
dure  deux  ans,  la  chenille  passant  deux  hivers;  très  accidentelle  dans 
les  régions  orientales  de  la  France,  en  Alsace,  près  de  Nancy  dans  la 
Moselle,  près  de  Grenoble,  près  de  Poligny,  dans  le  Doubs.  Le  genre 
Chêlonia  compte  des  espèces  de  régions  très  froides  :  telles  sont  C.  Quen- 
seli,  Paykull,  de  Laponie,  de  Suède,  de  Norvège,  des  montagnes  du 
Tyrol  et  de  la  haute  Engadine,  au  RilTel,  près  de  Zermatt,  et,  plus 
élevée  encore,  contre  les  neiges  perpétuelles,  du  Riffel  au  Gornergraf, 
au  mont  Cervin,  C.  Cervini,  Fallou.  On  consultera  pour  ces  rares  espèces 
J.  Fallou  et  Guenée,  Notice  sur  /?s  Chêlonia  Cervini  et  Quenseli  {Ann., 
Soc.  entom.  Fr.,  186/i,  p.  679,  pi.  x,  figure  1,  2,  3). 

Nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  une  autre  Écaille,  très  commune 
sur  toute  la  bordure  méditerranéenne,  attirée  le  soir  par  les  lumières 
et  dont  la  chenille  vit  de  graminées  en  mars,  avril  et  mai,  sous  les 
pierres  au  pied  des  murailles,  espècie  remontant  par  place  dans  les 
vallées  méridionales  de  la  Lozère,  près  de  Lyon,  à  Feurs  dans  la 
Loire,  etc.  M.  H.  Lucas  indique  cette  espèce  comme  trouvée  en  Algérie, 
en  juin,  parmi  les  grandes  herbes,  dans  les  marais  d'Aïn-Dréan,  cercle 
de  la  Calle. 

C'est  le  C.  Pudica,  Esper,  à  abdomen  rose,  ayant  une  rangée  de  ta- 
ches dorsales  et  le  bout  noir,  les  ailes  d'un  blanc  rosé,  avec  des  taches 
noires,  triangulaires  sur  les  supérieures.  Les  œufs  de  C.  Pudica  sont 
petits  et  sphéroïdes,  un  peu  aplatis  à  un  pôle,  lisses  et  luisants,  comme 
vernissés,  de  couleur  jaune-paille.  Les  femelles  doivent  en  pondre  une 
grande  quantité,  car  M.  J.  Fallou  a  pu  en  compter  environ  300  à  une 
d'elles.  L'intérêt  de  cette  espèce  consiste  dans  l'existence  d'un  organe 
musical  très  analogue  à  celui  des  Setina.  Le  fait  fut  découvert  par  de 
Villiers,  et  il  compare  le  bruit  fait  par  le  papillon,  en  volant  aux  envi- 
rons de  Montpellier,  à  celui  du  métier  d'un  fabricant  de  bas  {Observa- 
tiotis sur  l'Écaû\Gi)iu][quii de  Go(hirt,u\  Ann.  Suc.  entom.  Fr., 1832,  \,i^.Wo, 
pi.  VI).  Le  D''  Laboulbène  a  reconnu  que  l'organe  placé  de  chaque  côte 
du  thorax  et  plus  volumineux  chez  le  mâle  (voy.  pi.  xci,  tig.  11)  est 
constitué  par  une  vésicule  tympaniforme  triangulaire,  une  cavité  à 
bords  élevés  et  arrondis,  recouverte  par  une  membrane  tendue,  mince, 
sèche,  pouvant  vibrer;  à  la  partie  antérieure  est,  chez  le  mâle,  une  série 
de  seize  à  vingt  lignes  élevées,  transversales  et  parallèles,  et  seulement 
de  huit  à  div  chez  la  femelle.  Sous  la  pointe  d'une  aiguille  la  membrane 
vibre  avec  le  bruit  du  froissement  d'un  papier  sec,  M.  Laboulbène  re- 


CHELONIA,    ARCTIA.  867 

garde  l'insecte,  de  même  que  les  Setina,  comme  un  timbalier  et  croit 
que  la  stridulation  est  produite  par  une  suite  de  petits  coups  donnés  au 
moyen  des  pattes  sur  la  membrane  tendue,  ou  par  de  rapides  pressions 
latérales  des  genoux.  Il  propose,  en  raison  de  l'organe  musical  et  de 
quelques  autres  caractères,  de  faire  de  C.  Pwrfica  un  genre  spécial,  sous 
le  nom  de  Tyinpanophora  (voy.  Al.  Laboulbône,  .sur  l'organe  musical 
de  Chelonia  Pudica,  in  Aim.  Soc.  ent.  Fr.,  I86Z1,  p.  689,  pi.  VI). 

Nous  représentons  une  Écaille  exotique  du  Sénégal,  C.  evidens, 
Boisd.,  pi.  xci,  fig.  1,  1  a.  Tête  vue  de  profil,  env.  ûOmm.,  d'un  blanc 
luisant,  avec  trois  lignes  noires  sinueuses  aux;  ailes  supérieures  et  une 
taclic  arquée,  d'un  rouge  carmin,  les  ailes  inférieures  sans  taches,  une 
tache  jaunâtre  au  bas  du  thorax,  et  la  chenille  (pi.  xci,  fig.  2)  d'une 
espùce  de  l'Amérique  du  Nord,  C.  Nubilis,  Boisd.,  d'un  rouge  brunâtre, 
à  poils  roux,  le  dos  marqué  longitudinalement  de  blanc. 

Un  genre  voisin  des  Chelonia  est  le  genre  Phraymatobia,  Slephens, 
dont  les  papillons  ont  les  antennes  à  peu  près  simples  dans  les  deux 
sexes  et  les  ailes  à  demi  transparentes.  L'espèce  type  est  le  P.  fuUgi- 
nosUj  Linn.,  l'Ecaillé  cramoisie  d'Engr.,  The  Riibrj  Txjger  des  Anglais, 
3^  mm.  d'env.  ;  antennes  un  peu  ciliées  chez  le  mâle,  filiformes  chez  la 
femelle;  thorax  d'un  brun  enfumé;  ailes  supérieures  d'un  brun  en- 
fumé ou  fuligineux,  avec  le  disque  un  peu  transparent  et  marqué  d'un 
double  point  noir  à  l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale  ;  ailes  inférieures 
d'un  rouge  cramoisi,  avec  une  bande  marginale  noire,  souvent  formée 
de  points,  et  deux  points  noirs  au  bout  de  la  cellule  discoïdale  ;  abdo- 
men d'un  rouge  cramoisi  avec  trois  séries  longitudinales  de  points  noirs. 
I.e  papillon  se  trouve  dans  toute  la  France,  en  Belgique,  dans  les  Iles 
Britanniques,  et  vole  lourdement  au  soleil;  il  paraît  deux  fois,  en  mai 
et  juin,  puis  en  août  et  septembre,  dans  les  jardins,  contre  les  murs, 
les  clôtures,  les  croisées.  La  chenille,  d'un  brun  roux,  est  polyphage, 
et  se  trouve  sur  les  murs,  sous  les  herbes  et  les  pierres  et  aussi  sur 
les  plantes  basses  qui  croissent  au  pied  des  murailles,  en  avril,  puis  on 
juillet,  et  enfin,  plus  abondante,  en  octobre  et  novembre  et  même  pen- 
dant l'hiver. 

ARCTIA,  Boisd.,  Syn.  Spilosoma,  Sleiihens.  —  Antennes  bipectinées  ou  ciliées 
dans  les  mâles,  presque  filiformes  dans  les  femelles.  Spiritromiie  nulle  ou  invi-^ 
sible.  Palpes  très  écartés  de  la  tôle,  inclinés^  velus  et  à  dernier  article  nu  et 
g;énéralcment  très  distinct.  —  Chenilles  comme  celles  des  Chelonia,  mais  à 
poils  plus  courts  et  plus  raides. 

Les  Arcties  sont  des  papillons  de  petite  taille  et  à  antennes  courtes, 
lourds  et  paresseux,  ne  prenant  pas  de  nourriture,  leurs  ailes  sont  de 
couleur  unie,  avec  des  points  noirs  pour  tout  dessin^  et  l'abdomen  à 
cinq  rangées  longitudinales  de  taches  noires.  Les  chenilles  vivent  et  se 
transforment  comme  celles  des  Chélonies  et  sont  encore  plus  vives;  on 


368  LÉPIDOPTÈRES. 

peut  dire  qu'elles  ne  marchent  pas,  mais  qu'elles  courent.  L'espèce  la 
plus  commune  des  Arcties  est  A.  Menthastri,  Cat.  de  Vienne,  la  Phalène 
tigre  de  Geoll'roy,  the  Large  Ermine  des  Anglais,  UO  millimètres  d'env.; 
antennes  blanches  en  dehors,  noirâtres  en  dedans,  pectinées  chez  le 
mâle,  filiformes  chez  la  femelle;  thorax  blanc;  les  quatre  ailes  blan- 
ches en  dessus  et  en  dessous,  avec  une  multitude  de  petits  points  noirs 
sur  les  supérieurs  et  de  un  à  six  seulement  aux  inférieures  ;  abdomen 
jaune  en-dessus,  avec  cinq  séries  longitudinales  de  points  noirs;  dans 
une  rare  aberration  les  points  noirs  des  ailes  supérieures  sont  conver- 
tis en  lignes  qui  suivent  la  direction  et  les  ramifications  des  nervures. 
L'insecte  parfait  éclot  en  mai  et  juin  et  se  trouve  dans  les  jardins,  les 
bosquets,  les  champs,  les  broussailles;  il  est  attiré  par  les  lumières  et 
vole  parfois  en  assez  grand  nombre  autour  des  réverbères  jusqu'au  mi- 
lieu des  villes  à  jardins.  Chenille  d'un  brun  noir,  à  ligne  vasculaire 
fauve,  polyphage,  se  trouvant  de  juillet  à  octobre  au  pied  des  murs, 
des  clôtures,  etc. —  A.  urticœ,  Esper,  syn.  Papyratia,  Marsham,  36  mm. 
d'env.,  différant  seulement  de  Menthastri  parce  qu'elle  n'a  que  deux 
petits  points  noirs  à  l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale  des  ailes  supé- 
rieures ;  beaucoup  plus  rare  et  plus  localisée  que  A.  Menthastri,  dont 
elle  n'est  peut-être  qu'une  race  Chenille,  de  préféience  sur  les  orlies, 
en  août  et  septembre,  toute  noire,  ayant  seulement  une  petite  raie 
dorsale  blanchâtre  sur  les  trois  premiers  anneaux. —  A.  lubricipeda, 
Linn.,  la  Phalène  lièvre  d'Engr.,  the  Spotled  Buff  des  Anglais,  36  milli- 
mètres d'env.  pour  le  mâle,  la  femelle  un  peu  plus  grande;  antennes 
grises,  pectinées,  chez  le  mâle,  filiformes  chez  la  femelle;  thorax  d'un 
jaune  pâle  ;  ailes  supérieures  d'un  jaune  pâle  et  terne,  avec  des  points 
noirs,  dont  deux  ou  trois  vers  la  côte  et  les  autres  en  bande  oblique 
plus  ou  moins  marquée  de  l'angle  apical  au  bord  interne;  ailes  infé- 
rieures un  peu  plus  pâles,  avec  un  point  noir  central  et  un  autre  vers 
l'angle  anal,  ces  points  souvent  nuls  ;  abdomen  d'un  jaune  fauve,  avec 
cinq  rangées  de  points  noirs.  Adulte  volant  en  mai  et  juin,  repa- 
raissant quelquefois  en  automne,  et  dont  la  couleur  peut  varier  de 
l'orange  au  blanc,  peu  commun  dans  beaucoup  d'endroits,  attiré  le  soir 
par  les  lumières,  recherchant  les  lieux  frais  et  herbus,  jardins,  bois, 
broussailles.  Chenille  grise,  à  poils  blancs  et  taches  latérales  claires, 
polyphage,  en  septembre  et  octobre  sur  l'ortie,  la  ronce,  surtout  sur  les 
Malvacées;  A.  Mendica,  Liun.,  la  Mendiante,  d'Engr.,  the  Spotted  Muslin 
des  entomologistes  britanniques,  espèce  assez  commune  partout  en  mai 
et  juin  dans  les  prés,  les  jardins,  les  lieux  frais,  etc.,  et  qui  présente 
une  différence  sexuelle  de  coloration  analogue  à  celle  qui  nous  a  été 
offerte  par  un  Diurne,  le  Satyrus  Phryne,  Hubn.  L'envergure  d'^.  Mendica 
est  de  32  millimètres,  les  antennes  grises  et  pectinées  chez  le  mâle  et 
les  quatre  ailes  d'un  gris  noirâtre  ;  aux  supérieures  deux  points  noirs  sur 
la  nervure  médiane  et  deux  vers  le  bord  interne,  et  quelques  points 
noirs  au  bord  externe  des  inférieures  ;  corps  d'un  gris  noirâtre,  avec 


AGAUISTJDKS.  369 

cinq  rangées  de  points  noirs  sur  l'abdomen;  chez  la  femelle  le  corps 
est  blanc,  avec  cinq  rangées  de  points  noirs  abdominaux,  les  antennes 
noires  et  filiformes,  les  ailes  d'un  blanc  pur  et  un  peu  transparenles, 
avec  les  mêmes  points  que  chez  le  mâle;  chenille  grise,  à  bande  dor- 
sale jaunâtre  et  une  'ache  claire  sur  le  onzième  anneau,  vit  polyphage 
en  juillet  et  août,  sous  les  pierres,  le  long  des  murs,  au  milieu  des 
décombres.  Dans  les  Alpes-Maritimes  (Millière)  cette  espèce  est  très 
commune  au  premier  printemps  et  la  chenille  se  rencontre  en  juin  et 
juillet,  plutôt  sur  les  arbustes  à  feuilles  caduques  que  sur  les  plantes 
basses,  ainsi  sur  VOsyris,  la  clématite  et  le  chèvrefeuille  des  bois. 

C'est  aux  Chélonides  qu'appartient  un  genre  curieux  de  papillons,  de 
montagne  généralement,  toujours  rares  en  collection  et  comptant  cinq 
ou  six  espèces  en  Europe.  Le  genre  Trichosoma,  Rambur,  syn.  Ocnogyna, 
Lederer,  présente  la  tète  petite,  la  spiritrompe  disjointe  à  l'extrémité, 
les  palpes  très  velus,  le  thorax  et  l'abdomen  très  velus,  les  antennes 
des  mâles  pectinées,  les  femelles  mi-aptères,  n'ayant  que  des  moignons 
d'ailes  arrondis,  à  peu  près  de  la  moitié  de  la  grandeur  des  ailes  du 
mâle,  impropres  à  les  soutenir  au  vol,  surtout  en  [raison  de  leur  gros 
abdomen  gonflé.  Leurs  chenilles  qui  ressemblent  à  celles  des  Chelonia, 
sont  polyphages,  se  cachent  pendant  le  jour  sous  les  pierres  et  se  chan- 
gent en  chrysalides  dans  des  cocons  très  petits,  d'un  tissu  lâche.  La 
chrysalide  est  gibbeuse,  à  segments  abdominaux  inflexibles. 

AGARISTIDES. 

Antennes  un  peu  plus  courtes  que  le  corps,  un  peu  renflées  à  l'extré- 
mité, légèrement  arquées  et  se  terminant  en  pointe,  très  rarement 
pectinées  dans  les  mâles  (genres  Amazela  et  Phœgorista)  ou  dentées 
(genre  Egyholis),  palpes  ascendants,  avec  le  dernier  article  générale- 
ment assez  saillant  et  dépassant  le  chaperon  ;  corps  allongé,  de  gros- 
seur médiocre;  ailes  entières  assez  larges  ;  pattes  assez  robustes,  armées 
d'éperons  très  saillants.  Les  Agaristides  sont  toutes  étrangères  à  l'Europe 
et  se  lient  aux  Zygèncs,  aux  Glaucopides,  aux  Chélonides.  Nous  les  pla- 
çons dans  les  Chéloniens,  de  lavis  de  M.  Paul  Mabille,  ainsi  que  les 
Aganaïdes.  Les  papillons  volent  en  plein  jour  sur  les  fleurs.  Les  che- 
nilles sont  légèrement  velues  et  vivent  à  découvert  sur  les  plantes  her- 
bacées ou  sur  quelques  arbustes,  et  leur  métamorphose  a  lieu  dans  un 
petit  cocon  d'un  tissu  peu  serré.  Les  chrysalides  sont  cylindrico-comi- 
ques.  Boisduval  range  dans  les  Agaristides  le  genre  Mijocera  indien  et 
africain,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  et  dont  il  décrit  une  dizaine 
d'espèces,  le  genre  Endryas  représentant  les  jEgocera  dans  l'Amérique 
du  Nord,  tandis  que  le  genre  de  Alypia,  Harris  y  est  l'analogue  du 
genre  .4f/aristo  dont  la  plupart  des  espèces  sont  d'Australie;  le  genre 
Eusemia,  à  espèces  nombreuses,  est  répandu  dans  les  Indes  orientales, 
dans  toutes  les  îles  Sondaïques  et  Moluqucs,  de   l'archipel    Indien,   à 

GIRARD.  m.  —   24 


370  LÉPIDOPTÈRES. 

Madagascar,  et  le  long  des  cùles  d'Afrique.  Enfin  c'est  à  l'Afrique  qu'ap- 
partiennent les  genres  Charilina,  Felder,  Phœgorista,  Boisd.,  ci  Egybolis, 
Boisd. 

AG.%ni<^TA,  Leach.  —  Corps  assez  allongé,  de  grosseur  médiocre;  antennes  un 
peu  plus  courtes  que  le  corps,  un  peu  renflées  à  l'extrémité,  légèrement  arquées 
et  se  terminant  en  pointe.  Palpes  longs,  dépassant  notablement  le  chaperon 
avec  les  deux  premiers  articles  comprimés  et  hérissés  de  poils,  le  troisième, 
long,  cylindrique,  presque  glabre,  pointu  au  sommet.  Ailes  arrondies,  assez 
larges,  les  inférieures  ayant  la  cellule  discoïdale  fermée.  Pattes  assez  robustes, 
munies  d'éperons  assez  forts  et  très  saillants,  les  cinq  articles  des  tarses  subé- 
gaux, très  légèrement  ciliés  en  dessous.  —  Chenilles  légèrement  velues,  filant 
une  coque  soyeuse  oblongue.  —  Chrysalides  coniques. 

Les  Agaristes  volent  en  plein  jour  à  l'ardeur  du  soleil  et  lès  chenilles 
vivent  à  découvert  sur  divers  végétaux.  Boisduval  en  décrit  27  espèces, 
la  plupart  d'Australie,  les  autres  de  la  Tasmanie,  des  îles  d'Arrow,  des 
Nouvelles-Hébrides,  de  la  Nouvelle-îrlande,  de  la  Nouvelle-Guinée, 
des  Philippines,  de  Cératn,  de  Célcbes,  de  Gilolo.  Nous  citerons  : 
A.  glycinœ,  Lewin,  espèce  commune  à  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  et 
assez  fréquente  dans  les  collections  ;  tête  et  corselet  d'un  brun  noir, 
rayés  de  jaune;  fond  des  ailes  d'un  brun  noir,  les  supérieures  à  som- 
met jaunâtre,  marquées  de  trois  ou  quatre  raies,  d'une  tache  discoïdale 
et  d'une  bande  transverse  sinuée,  d'un  jaune  pâle  ;  ailes  inférieures 
sans  taches  chez  la  femelle,  celles  du  mâle  offrant  ordinairement  une 
petite  tache  centrale  jaune,  les  unes  et  les  autres  ayant  la  frange  jaune  ; 
abdomen  noir  en  dessus,  avec  l'anus  fauve.  Nous  représentons  sur  un 
rameau  de  glycine,  pi.  lxxxvh,  fig.  2,  la  chenille,  le  cocon  et  la  chry- 
salide de  l'A.  glycinœ. 

Boisduval  n'accorde  que  les  caractères  d'un  sous-genre  au  genre 
Eusemia,  Dalman,  très  voisin  des  Agarista,  à  chenilles  allongées,  gar- 
nies çà  et  là  de  poils  fins  qui  les  font  paraître  un  peu  velues,  à  chrysa- 
lides conique?,  renfermées  dans  une  coque  soyeuse  d'un  tissu  peu  serré. 
Les  adultes  ont  une  spiritrompe  courte,  les  antennes  assez  minces,  plus 
courtes  que  le  corps,  un  peu  renflées  au  milieu,  un  peu  recourbées  au 
sommet,  les  palpes  à  troisième  article  très  court,  les  ailes  supérieures 
un  peu  triangulaires,  les  inférieures  à  peine  plus  larges,  beaucoup  plus 
courtes,  l'abdomen  cyliudro'ide,  terminé  chez  les  mâles  par  un  petit 
pinceau  anal.  Les  Eusemia  ont  de  nombreuses  espèces  ;  Boisduval  en 
décrit  û7  et  en  outre  2  douteuses  quant  au  genre.  Lllcs  sont  des  Indes 
orientales,  des  archipels  Indiens,  de  Madagascar  et  des  côtes  d'Afrique. 
Ce  sont  des  papillons  qui  butinent  en  plein  jour  sur  les  fleurs,  comme 
nos  Zygènes,  et  sont  de  môme  très  aisés  à  capturer  (Lorquin).  Nous 
représentons  une  espace  d'Euscmia  de  Madagascar,  envoyée  autrefois 
par  Goudot,  qui  avait  capturé  les  deux  sexes  près  de  ïananarive  ;  c'est 


lîOMBTCIENS.  371 

VE.  Pales,  Boisd.,  pi.  lxxxvu,  tig.  1,  la,  de  profil;  corps  noir  en  dessus, 
avec  quelques  points  blanchâtres  sur  le  corselet,  l'abdomen  annelé  de 
jaune  fauve  ;  ailes  supérieures  d'un  noir  obscur,  avec  la  frange  du 
sommet  entièrement  blanche,  quelques  points  blancs  vers  la  base, 
dont  un  plus  apparent  sur  le  milieu,  suivi,  en  dehors,  d'une  bande 
blanche,  divisée  en  cinq  par  les  nervures  ;  ailes  inférieures  de  môme 
couleur  en  dessus,  ayant  sur  le  disque  une  grande  tache  de  couleur 
bleu  de  ciel,  leur  dessous  d'un  beau  jaune  fauve,  depuis  la  base  jus- 
qu'au delà  du  milieu,  cette  couleur  couvrant  les  pattes  et  le  dessous 
du  corps.  La  femelle  a  les  ailes  plus  arrondies  que  le  mâle. 

On  consultera  :  Boisduval.  Monographie  des  Agaristidées,  Revue  et 
Magas.  de  zoologie,  187Zj,  p.  26  à  IH.  Dans  ce  travail  l'auteur  a  réuni 
aux  Agaristides  des  groupes  que  nous  avons  cru  devoir  en  séparer.  Tels 
sont  les  Uraniens,  dont  nous  faisons  une  tribu  séparée,  les  Oyctalémo- 
nides,  que  nous  avons  placés  après  les  Castniens,  et  le  genre  Cocytia  mis 
par  nous  dans  les  Syntomides.  Boisduval  dit  que  Lorquin  a  rencontré 
C.  Durvillei  aux  îles  d'ArrovF,  dépendance  intime  de  la  Nouvelle-Guinée, 
et  que  ce  Lépidoptère  a  le  vol  lourd,  peu  soutenu,  butine  au  soleil  sur 
les  fleurs  des  arbustes,  et  que  quelquefois  on  peut  le  saisir  avec  les 
doigts. 

Tribu  des  BOMBY€IëIV!§. 

Il  est  fort  difficile  de  donner  des  caractères  tranchés  aux  insectes  que 
nous  réunissons  sous  le  nom  de  Bombyciens  ;  on  peut  dire  que  les 
papillons  ont  les  antennes  pectinées  chez  les  mâles,  parfois  aussi  chez 
les  femelles,  ou  crénelées  ou  filiformes  chez  celles-ci;  ils  ne  se  posent 
presque  jamais  sur  les  fleurs,  ce  qui  est  en  rapport  avec  une  spirilrompe 
nulle  ou  rudimentaire  et  par  suite  l'absence  de  nourriture;  cependant 
parfois  la  spiritrompe  existe  [Plattjpteryx,  Demas,  etc.).  Les  papillons 
volent  le  plus  souvent  au  début  de  la  nuit,  mais  quelquefois  en  plein 
jour  {Agita,  Endromis,  Platypteryœ,  mâles  des  Orgya,  certains  Bombyx); 
ce  cas  est  notablement  moins  fréquent  que  chez  les  Sphingiens.  Le  corps 
est,  le  plus  souvent,  assez  gros  et  velu.  Les  chenilles  sont  très  variées, 
tantôt  nues,  le  plus  ordinairement  pubescentes  ou  poilues,  parfois  avec 
des  formes  anormales,  des  pattes  transformées  en  appendices  bizarres 
{Nolodontides).  11  y  a  des  Bombyciens  qui  se  rapprochent  des  Tortriciens 
par  leurs  chenilles  cachées  dans  des  feuilles  roulées;  d'autres  font  un 
passage  aux  Noctuéliens,  ce  sont  les  Noctuo-Bombycides.  Enfin  une 
famille  aberrante,  les  Psychides,  à  femelles  tout  à  fait  aptères,  se  lient 
aux  Tinéiniens  par  les  chenilles  entourées  de  fourreaux.  Les  Cocliopo- 
dides  ont  des  chenilles  dépourvues  de  pattes  membraneuses  et  d'aspect 
de  Limaces  ;  il  y  a  des  genres  dont  les  femelles  n'ont  que  des  moignons 
d'ailes  {Orgya),  encore  plus  réduits  que  chez  les  Trichosoma  (Chélo- 
niens),  ou  même  entièrement  nuls.  Bien  que  notre  tribu  des  Bomby- 


372  LÉPiDOPitr.ES. 

ciens  ait,  comme  on  le  voit,  une  extension  considérable,  elle  n'a  pas 
encore  l'immense  étendue  du  groupe  des  Bombyces  des  auteurs  alle- 
mands, qui  n'est  guère  moins  nombreux,  à  lui  seul,  que  le  sous-ordre 
des  Rhopalocères  et  renferme  des  insectes  de  toutes  dimensions,  depuis 
ceux  qui  mesurent  à  peine  un  centimètre  d'envergure  et  même  moins 
(mâles  de  beaucoup  de  Psychides),  jusqu'aux  Lépidoptères  ayant  la  plus 
vaste  envergure  qui  soit  connue  (grand  genre  Attacus).  Ce  groupe  alle- 
mand comprend,  outre  notre  tribu  des  Bombyciens,  les  tribus  des 
Hépialiens,  des  Cossiens,  des  Litbosiens,  des  Chéloniens  et  des  Attaciens. 
Les  Bombyciens  partagent  avec  les  Attaciens  l'art  de  filer  un  cocon  avec 
la  plus  grande  perfection.  Toutes  leurs  chenilles  le  possèdent  plus  ou 
moins;  certaines  même  ont  encore  plus  d'adresse  que  les  Attaciens 
et  une  soie  sans  rivale  comme  matière  textile,  ainsi  qu  on  le  con- 
state pour  le  Ver  à  soie  du  mûrier  (Sericaria  mon;  qui  appartient  à  nos 
Bombyciens.  Quelques  espèces  de  Bombyciens  sont  si  abondantes,  qu'on 
voit  parfois  leurs  chenilles  détruire  de  fond  en  comble  toute  la  végéta- 
tion d'une  contrée,  de  sorte  qu'à  côté  de  l'insecte  le  plus  utile  qui 
existe,  le  Ver  à  soie  du  mûrier,  les  Bombyciens  nous  offrent,  par  une 
fâcheuse  compensation,  de  redoutables  ennemis  des  forêts,  des  champs 
et  des  jardins. 

LIPARIDES. 

Corps  plus  ou  moins  grêle  dans  les  mâles  et  très  gros  chez  les  femelles; 
antennes  courtes,  fortement  pectinées  chez  les  mâles,  seulement  den- 
tées chez  les  femelles  ;  ailes  des  milles  toujours  bien  développées  et 
propres  au  vol,  à  demi  inclinées  en  toit  dans  le  repos,  parfois  rudimen- 
taires,  avortées  ou  même  tout  à  fait  nulles  chez  les  femelles;  spiri- 
trompe  nulle  ou  rudimentaire  ;  pas  de  stemmates  ;  un  frein  aux  secondes 
ailes  qui  ne  sont  nullement  plissées.  Femelles  toujours  plus  grosses  que 
les  mâles,  parfois  avec  une  disproportion  considérable  (Orgya,  Liparis 
dispar,  Dasychira  pudibwida,  etc.),  Chenilles  établissant  la  tribu  des 
Verrucosœ  de  M.  Guénée,  ayant  de  petits  boutons  rétractiles  sur  le 
onzième  anneau  et  en  outre  des  poils  de  longueurs  inégales. 

Les  Liparides  sont  un  chaînon  de  passage  entre  les  Bombyciens  et  les 
Chéloniens  par  les  Arctia,  et  plusieurs  espèces  {Chrysorrhœa,  Auriflua, 
Salicis)  étaient  rangfies  parLatreille  dans  les  Arcties.  Cette  famille,  qui 
n'a  qu'une  série  restreinte  d'espèces  en  Europe,  est  au  contraire  nom- 
breuse en  genre!^^  et  çn  espèces  exotiques.  Les  adultes  n'offrent,  en  géné- 
ral, que  des  couleur^  peu  brillantes;  quelques-uns  ont  le  vol  diurne, 
mais  c'est  le  plus  petit  nombre.  Les  chenilles  sont  toutes  arboricoles  au 
moins  par  préférence,  plus  ou  moins  polyphages,  certaines  extrêmement 
nuisibles,  et  vivent  tantôt  solitaires,  tantôt  en  société,  et  alors,  pendant 
un  temps  plus  ou  moins  long  de  leur  existence,  sous  un  abri  soyeux; 
elles  n'enlreut  pas  eu  terre  pour  se  chrysalider,  mais  s'abritent  dans 
des  cocons  à  chiire-voie,  ressemblant  à  ceux  des  Chéloniens,  parfois 


LIPARIS.  373 

réduits  à  quelques  fils  épars,  placés  soit  entre  les  feuilles,  soit  sur  les 
branches  ou  les  troncs  d'arbre,  contre  les  muis,  rarement  sur  le  sol. 

lilPAKaS,  Ochs.,  Boisd.  —  Antennes  très  pectiiiéetf.  dans  les  mâles,  dentelées, 
en  scie  ou  filiformes  chez  les  femelles.  Spiritronipe  nulle.  Palpes  très  petits  et 
très  rapprochés.  Corps  de  la  femelle  beaucoup  plus  gros  que  celui  du  niàle, 
offrant  à  l'extrémité  dans  certaines  espèces  une  sorte  de  bourre  soyeuse  ca- 
duque, parfois  terminé  en  tarière  rétractible.  —  Chenilles  légèrement  aplaties, 
munies  de  tubercules  surmontés  de  poils  raides  et  rayonnants,  ceux  des  côtés 
ordinairement  plus  longs.  —  Chrysalides  garnies  de  poils  eu  courts  bouquets, 
enveloppées  d'un  réseau  soyeux  très  imparfait  ou  môme  nues. 

Les  Liparis  se  partagent  en  plusieurs  sous-genres.  Dans  les  sous- 
genres  Ocneria,  Herr.,  Sch.,  et  Psilura,  Steph.,  et  Liparis  propre,  les 
ailes  sont  marquées  de  lignes  transverses.  Chez  les  Ocneria,  les  papillons 
femelles  n'ont  ni  oviscapte,  ni  laine  abdominale,  les  chenilles  ont  des 
mamelons  dorsaux  couverts  de  poils  égaux  verticillés,  les  clirysalides 
sont  entièrement  couvertes  de  poils.  Ex.  :  L.  Ruhea,  Cat.  de  Vienne, 
33  millimètres  d'envergure,  le  corps  et  les  quatres  ailes  d'un  gris  rou- 
geàtre,  les  supérieures  traversées  par  deux  lignes  noirâtres  sinuées, 
entre  lesquelles  est  une  lunule  centrale  blanchâtre  et  dont  la  ligne 
postérieure  se  prolonge  sur  les  secondes  ailes  ;  adulte  en  juin,  juillet, 
août,  du  midi  de  la  France,  remontant  dans  Saône-et-Loire,  dans  l'Indre, 
dans  Eure-et-Loir,  près  de  Châteaudun,  de  Chartres,  toujours  pare. 
Chenille  d'un  blond  sale,  avec  le  dos  gris  et  la  tête  rousse,  sur  le  chêne 
en  mars  et  avril,  encore  très  petite,  mais  grossissant  à  mesure  que  les 
bourgeons  se  développent,  et  ayant  en  mai  tout  son  développement. 
Dans  la  bordure  méditerranéenne  on  trouve  cette  chenille  sur  divers 
arbrisseaux,  l'arbousier,  le  lentisque,  les  cistes,  etc.  Dans  le  sous-genre 
Psilura  les  papillons  femelles  ont  l'abdomen  conique  et  terminé  par  un 
long  oviscapte  corné  et  sont  pareils  aux  mâles  pour  la  coloration  ;  les 
chenilles  sont  comme  celles  des  Ocneria,  les  chrysalides  n'ont  que  de 
simples  pinceaux  de  poils.  On  rencontre  le  type  de  ce  sous-genre  en 
juillet  et  août,  dans  les  bois  d'une  certaine  étendue,  appliqué  sur  le 
tronc  des  arbres,  le  mâle  môme  ne  volant  pas,  à  moins  qu'il  ne  soit 
dérangé.  C'est  le  L.  Monacha,  Linn.,  le  Zigzag  à  ventre  rouge  d'Engra- 
melle,  envergure /lO  à/i3  millimètres;  antennes  du  mâle  très  pectinées, 
cendrées,  avec  la  tige  blanchâtre  aux  extrémités  et  noirâtre  dans  son 
milieu;  thorax  blanc,  avec  trois  taches  noires;  ailes  supérieures  d'un 
blanc  grisâtre,  avec  une  série  de  points  noirs  disséminés  et  quatre  lignes, 
Iransverses  en  zigzag  noirs  ;  ailes  inférieures  d'un  gris  cendré  pâle, 
avec  quelques  points  noirs  sur  la  frange,  l'extrémité  blanchâtre  et  divi- 
sée transversalement  par  une  bande  obscure;  abdomen  rose,  avec 
base  blanchâtre  et  les  incisions  noires;  femelle  plus  grande,  à  antennes 
noires,  avec  les  mêmes  lignes  et  points  que  le  mâle,  un  oviscapte  jau- 


Slh  LÉPIDOPTÈRES. 

nàtre  et  corné  terminant  l'abdomen  ;  dans  les  deux  sexes  une  variété 
Eremita,  Ochs.,  existant  partout  où  se  rencontre  le  type,  à  peu  près  par 
conséquent  dans  toute  la  France,  mais  toujours  rare,  ofi'rant  les  lignes 
noires  des  ailes  supérieures  converties  en  bandes  assez  larges  pour  en- 
vahir la  surface  des  ailes,  les  ailes  inférieures  étant  aussi  d'un  brun 
noirâtre  plus  ou  moins  foncé;  comme  limite  exfrâme  de  cette  variété 
le  Catalogue  de  Belgique  indique  une  aberration  jEthiops,  toute  noire 
avec  le  bord  rouge  du  corps  à  peine  visible  et  une  série  de  taches  blan- 
ches parallèles  au  bord  externe  des  ailes  supérieures.  Chenille  cendrée, 
à  places  plus  claires  et  verrues  d'une  seule  couleur,  dans  les  bois  et 
promenades  publiques,  sur  le  chêne,  le  hâtre,  le  pin  silvestre,  descen- 
dant le  long  des  troncs  et  se  cachant  entre  les  écorces,  n'est  pas  d'ordi- 
naire assez  abondante  en  France  pour  causer  des  dommages  sérieux, 
mais  produit  souvent  de  grands  désastres  dans  les  forêts  de  pins  de 
certaines  parties  de  l'Allemagne. 

Chez  le  sous-genre  Liparis  propre,  les  chenilles  et  les  chrysalides  sont 
comme  celles  des  Psilura.  Les  mâles  ont  les  antennes  fortement  ciliées, 
et  diffèrent  beaucoup  des  femelles  par  la  coloration  et  surtout  par  la 
taille.  Les  femelles  ont  l'abdomen  long  et  gros  et  terminé  par  une 
énorme  masse  de  poils  soyeux.  Cette  différence  sexuelle  a  donné  le  nona 
de  l'espèce  type,  L.  Dispar,  Linn.,  le  Zigzag  de  Geoffroy,  Zi3  millimè- 
tres d'envergure  chez  le  mâle,  le  corps  d'un  brun  sale,  avec  une  tache 
noire  sur  les  quatre  derniers  anneaux  de  l'abdomen;  antennes  fortement 
pectinées,  d'un  gris  brun,  avec  la  tige  blanchâtre;  ailes  supérieures 
d'un  gris  cendré  ou  brunâtre  à  la  base  et  à  l'extrémité,  d'un 
gris  plus  ou  moins  blanchâtre  au  milieu,  avec  quatre  lignes  noi- 
râtres, transverses,  en  zigzag  et  des  poinis  noirs  sur  le  bord,  la 
cellule  discoïdale  fermée  par  une  lunule  noire;  ailes  inférieures  d'un 
brun  sale,  avec  le  bord  postérieur  plus  obscur  et  la  frange  blanchâtre 
un  peu  entrecoupée  de  brun  ;  on  trouve  parfois  de  grands  mâles  presque 
de  la  teinte  de  la  femelle  ;  la  femelle  beaucoup  plus  grande,  ayant  les 
antennes  noires  et  le  corps  très  volumineux,  d'un  blanc  jaunâtre  anté- 
rieurement et  d'un  gris  brun  postérieurement,  les  ailes  d'un  blanc 
grisâtre  ou  légèrement  jaunâtre,  avec  les  mêmes  dessins,  moins  foncés, 
que  le  mâle;  dans  une  aberration  mâle,  citée  par  Berce,  les  ailes  sont 
d'un  gris  brun  uni  et  sans  aucune  ligne  transverse.  On  a  constaté  des 
hermaphrodites  bilatéraux  fort  curieux  par  la  disproportion  des  ailes 
de  chaque  côté,  et  des  antennes  également  inégales. 

Le  Catalogue  des  Lépidoptères  de  Belgique  dit  que  le  L.  Dispar  est 
très  abondant  en  ce  pays,  sauf  dans  les  bois  où  il  ne  se  rencontre  qu'ac- 
cidentellement. Ce  catalogue  mentionne  une  aberration  mâle  presque 
blanche,  une  autre,  du  même  sexe,  toute  noire  ;  une  aberration  femelle 
ayant  le  corps  et  les  quatre  ailes  d'un  gris  de  souris  pâle  et  le  dessin 
presque  oblitéré.  En  France,  le  L,  Dispar  est  extrêmement  commun 
partout,  eu  juillet  et  août,  dans  les  haies,  les  bois,    même  les  plus 


LIPARIS.  375 

petits,  et  les  jardins,  où  la  chenille,  trcis  grosso  et  tri^s  vorace  chez  les 
sujets  femelles,  est  un  fléau  pour  les  arbres  fruitiers.  Il  a  été  trouvé 
en  Algérie  par  M.  H.  Lucas,  en  mai,  sur  les  bords  du  lac  Tonga  (cercle 
de  La  Galle).  11  y  a  une  grande  disproportion  de  taille  entre  les  maies 
et  les  femelles,  car  on  rencontre,  parmi  ces  dernières,  des  individus  qui 
équivalent  en  poids  au  moins  à  cinq  ou  six  mâles.  Le  mâle  vole  rapide- 
ment à  l'ardeur  du  soleil,  venant  de  très  loin  chevcher  la  femelle; 
celle-ci,  très  paresseuse,  ne  vole  jamais,  à  cause  de  son  énorme  abdo- 
men gonflé  d'œufs,  et  reste  appliquée  sur  le  tronc  des  arbres.  Souvent 
on  trouve  les  deux  insectes  en  accouplement,  les  corps  sur  la  même 
ligne,  tètes  opposées,  le  mâle  en  grande  partie  caché  sous  les  ailes 
en  toit  de  la  femelle.  Celle-ci  pond  un  grand  nombre  d'œufs,  d'un  gris 
luisant  un  peu  rosé,  abrités  sous  une  masse  de  poils  roux  qu'elle  arra- 
che de  dessous  son  abdomen.  On  dirait  des  tampons  ovales  d'amadou 
sur  les  murs,  sur  les  troncs  des  tilleuls,  des  chênes,  des  ormes,  des  peu- 
pliers, des  arbres  fruitiers.  Il  faut  tuer  les  femelles  et  couvrir  au  pin- 
ceau d'une  épaisse  couche  de  goudron  de  houille,  les  plaques  d'œufs  ; 
cela  vaut  beaucoup  mieux  que  de  les  recueillir  par  le  raclage,  car  il  en 
tombe,  qui  donneront  leurs  chenilles.  Ces  œufs  passent  l'hiver  et  les 
chenilles  éclosent  au  commencement  de  mai.  La  chenille  est  grise, 
avec  des  mamelons  piligères  moitié  d'un  rouge  brique,  moitié  d'un  bleu 
noir  ;  elle  vit  en  mai  et  juin  sur  tous  nos  arbres  forestiers  et  fruitiers  ; 
dans  les  Alpes-Maritimes,  elle  abonde  dans  les  forêts  de  chênes-verts  et 
on  la  trouve  dans  les  jardins  sur  divers  arbres  exotiques,  notamment 
sur  le  faux  poivrier  (Millière).  Les  forestiers  connîiissent  bien  cette 
espèce  par  les  dommages  considérables  que  cause  la  chenille,  et  l'ap- 
pellent le  Bombyx  disparate  ou  simplement  le  Bombyx.  Berce  dit  avoir 
vu,  en  1868,  plus  de  soixante  hectares  de  bois  de  chêne  entièrement 
ravagés  par  celte  chenille.  Elle  était  si  commune  en  1880,  sur  les  flancs 
du  mont  Venteux,  près  d'Avignon,  que  ses  légions  couvraient  le  sol  et 
avaient  déti'uit  toute  la  végétation. 

Dans  un  second  groupe  d'espèces  du  genre  Liparis ,  formant  le  sous- 
genre  Leucoma,  Stephens,  les  ailes  sont  blanches  et  la  région  anale  de 
la  même  couleur,  les  papillons  mâles  ont  les  antennes  bipectinées,  les 
femelles,  bidentées.  Les  chenilles  ont  des  verrues  verticillées,  mais  sans 
brosses  de  poils,  les  chrysalides  sont  garnies  de  bouquets  de  poils  et 
placées  entre  les  feuilles.  Une  espèce  très  commune  dans  toute  la  France, 
la  Belgique  et  l'Europe,  est  le  S.  salicis,  Linn,  l'Apparent  de  Geoffroy, 
l'Arctie  du  Saule  de  Latreille,  ayant  iO  à  U3  milimètres  d'envergure;  an- 
tennes avec  les  barbes  d'un  brun  cendré  et  la  tige  blanche  ;  corps  et 
ailes  d'un  blanc  argenté,  luisant,  avec  une  légère  teinte  jaunâtre  sur 
les  principales  nervures  et  sur  la  partie  antérieure  du  thorax;  pattes 
noires  annelées  de  blanc.  Cette  espèce  est  très  commune  en  juillet 
dans  les  plantations  de  saules  et  surtout  de  peupliers;  en  certaines 
années,  les  peupliers  d'Italie  des  avenues  sont  entourés  au  début  de  la 


376  LÊPIliOPTÈKES. 

nuit  (le  nuées  de  papillons  blancs,  et  la  chenille,  en  mai  et  juin,  les 
dépouille  de  leurs  feuilles  et  couvre  la  terre  de  ses  déjections  au-des- 
sous des  arbres  qu'elle  habite.  Les  femelles  pondent  leurs  œufs  en  pla- 
ques sur  les  troncs  et  les  recouvrent,  comme  abri  d'hiver,  d'une 
déjection  visqueuse  qui  se  solidifie  et  ressemble  à  un  crachat  desséché 
ou  à  une  bave  de  limaçon;  il  faut  enduire  ces  amas  d'œufs  d'une  épaisse 
couche  de  goudron,  comme  les  tampons  d'œufs  du  L.  Dispar.  Le  L.  sa- 
licis  offre  quelques  cas  d'apparition  anormale  excessive,  et  devient  au 
contraire  très  peu  abondant  en  certaines  années.  La  Feuille  des  jeunes 
naturalistes  (1880,  n"  Il  9,  p.  Iû5)  cite  un  passage  de  ce  papillon  en  telle 
quantité  que  les  rues  en  étaient  jonchées,  et  une  allée  de  peupliers, 
dans  le  voisinage  de  Saint-Ouen  près  de  Paiùs,  couverts  de  ces  papil- 
lons de  haut  en  bas  des  troncs,  à  tel  point  qu'on  ne  voyait  plus  le  bois 
et  qu'ils  formaient  en  certains  endroits  une  couche  épaisse.  Je  me  sou- 
viens avoir  observé,  dans  mon  enfance  des  faits  analogues  sur  les  peu- 
pliers des  fossés  des  anciennes  fortifications  de  Lille.  La  chenille  du 
L.  salicis  est  fort  belle,  noire,  à  verrues  fauves  et  a  larges  taches  dor- 
sales blanches  ;  elle  forme  un  cocon  très  lâche  dans  les  feuilles  qu'elle 
lie  avec  des  fils  de  soie  ou  dans  les  rides  des  écorces,  et  l'adulte  sort  de 
la  chrysalide  au  bout  de  quinze  à  vingt  jours. 

Un  dernier  groupe  de  Liparis  présente  les  ailes  blanches  ;  les  papil- 
lons femelles  ont  les  antennes  courtes  et  filiformes  et  la  région  anale 
entourée  d'une  toufl'e  de  poils  d'un  roux  brun  ou  jaunes,  destinés  à 
couvrir  les  œufs  ;  il  n'y  a  chez  le  mâle  qu'un  simple  pinceau  de  poils. 
Dans  ce  sous-genre  Porthesia,  Steph,  les  chenilles  ont  des  tubercules  et 
en  outre  des  touffes  de  poils  sur  le  dos,  et  les  chrysalides  sont  dans  des 
cocons  formés  de  quelques  fils  de  soie.  Une  espèce  extrêmement  com- 
mune partout,  sur  les  haies,  dans  les  vergers,  dans  les  bois,  en  juillet 
et  août,  est  le  L.  Chrysorrhœa,  Linn.,  la  Phalène  blanche  à  cul  brun  de 
Geoffroy,  l'Arctie  queue  d'or  de  Latreille,ûO  à  33  millimètres  d'envergure  ; 
les  ailes  d'un  blanc  un  peu  luisant,  ordinairement  sans  taches,  quel- 
quefois avec  un  ou  deux  points  noirâtres  vers  le  bord  interne  des  ailes 
supérieures,  le  corps  blanc  avec  les  quatre  derniers  anneaux  de  l'abdo- 
men d'un  brun  obscur  et  l'anus  garni  de  poils  d'un  fauve  brunâtre, 
très  développés  chez  la  femelle  et  lui  servant  à  couvrir  ses  œufs  dépo- 
sés en  longs  paquets  oblongs  sur  les  feuilles  ou  les  branches  de  presque 
tous  les  arbres  ;  les  poils  de  cette  bourre  peuvent  entrer  dans  la  peau, 
si  l'on  touche  ces  paquets  d'œufs  et  causer  des  démangeaisons.  Le  papil- 
lon vole  le  soir  au  réilecteur.  Il  est  commun  en  Algérie,  au  printemps 
et  en  été  dans  les  forêts  de  chênes-lièges  du  cercle  de  la  Galle 
(H.  Lucas). 

Nous  représentons  des  détails  anatomiques  du  L.  Chrysorrhœa  (pi.  xci, 
fig.  3,  tête  vue  de  face  ;  3  a,  idem,  vue  de  profil  ;  3  6,  portion  de  Tan- 
tenne  du  mâle  ;  3  c,  une  des  articulations  de  cette  antenne.  La  chenille 
est  brune,  couverte  de  touffes  de  poils  roux,  avec  deux  boutons  orangés 


LIPAKIS.  377 

sur  les  neuvième  et  dixième  anneaux,  en  mai  et  juin;  sociale,  surtout 
quand  elle  est  jeune,  sur  tous  les  arbres  forestiers,  sauf  les  Conifères, 
sur  les  arbres  d'avenue,  les  arbres  fruitiers  de  toute  sorte  et  sur  les 
haies,  aussi  dans  les  jardins  sur  certains  arbres  exotiques,  ainsi  le 
Sumac  (Guérin-Méne-  ville);  elle  se  métamorphose  dans  le  courant  de 
juin,  entre  les  feuilles  ou  dans  les  bifurcations  des  branches,  dans  un 
cocon  très  clair,  entremêlé  de  quelques  poils,  et  l'adulte  éclot  au  bout 
de  trois  semaines.  Les  œufs  ne  passent  pas  l'hiver;  les  petites  chenilles 
de  septembre  et  octobre  sont  moins  nuisibles  que  les  chenilles  bien 
développées  du  printemps. 

Celles-ci,  par  leur  nombre  et  leur  voracité,  sont,  en  certaines  années, 
un  véritable  fléau  pour  les  bois  et  les  vergers.  Les  chenilles  de  cette 
vile  espèce  sont  souvent  si  abondantes,  qu'elles  ne  laissent  pas  paraître 
une  seule  feuille  avant  l'époque  de  leur  métamorphose,  à  la  tin  de 
juin,  et  périssent  parfois  par  myriades,  faute  d'aliments,  après  avoir 
saccagé  des  cantons  tout  entiers.  Au  moyen  âge,  époque  de  naïves  et 
pieuses  croyances,  les  foudres  de  l'excommunication,  avec  sommation 
de  quitter  le  territoire,  furent  lancées  assez  souvent  contre  ces  chenilles 
et  celles  du  L.  D«spa?',  lorsque  leurs  ravages  devenaient  trop  désastreux. 
Aux  moments  des  mues  les  poils  de  la  chenille  de  L.  Chrysorrhœa  se 
détachent  avec  une  grande  facilité,  et,  lorsqu'ils  s'introduisent  dans  les 
pores  de  l'épiderme,  y  causent  une  rubéfaction  douloureuse  accompa- 
gnée de  prurit,  à  un  degré  moindre  toutefois  que  les  chenilles  proces- 
sionnaires du  chêne  et  du  pin.  Cette  propriété  urticante  des  poils  delà 
chenille  du  Liparis  cul-bruu  est  très  fâcheuse  ,  car  elle  empêche  les 
oiseaux  de  les  avaler,  sauf  le  Coucou,  dont  la  muqueuse  stomacale  peut 
supporter  les  chenilles  velues,  et  quelques  espèces  de  Mésanges,  qui, 
poussées  par  la  faim,  percent  en  hiver  les  toiles  d'abri  pour  y  chercher 
les  jeunes  chenilles.  Au  reste,  les  oiseaux  ne  seraient  qu'un  secours  peu 
efficace  contre  les  légions  de  ces  chenilles;  mais  elles  ont  pour  ennemis 
des  entomophages  très  féconds  et  aussi  des  intempéries  climatériques, 
de  sorte  qu'elles  deviennent  parfois  très  rares  pendant  plusieurs  années 
consécutives,  résultât  qu'on  n'atteindrait  jamais  par  le  plus  rigoureux 
échenillage. 

C'est  dans  la  dernière  semaine  de  juin  que  les  chenilles  de  L.  Chry- 
sorrhœa se  chrysalident.  Elles  reparaissent  à  la  fin  d'août,  en  septembre, 
en  octobre,  et  recommencent  leurs  ravages  jusqu'en  hiver,  mais  d'une 
manière  moins  grave,  car  elles  sont  alors  petites.  Dans  les  Alpes-Mari- 
times ces  chenilles  vivent  principalement  sur  l'arbousier  {Arbutus 
unedo),  auquel  elles  causent  souvent  un  dommage  considérable  (Mil- 
lière).  Quand  les  atteintes  du  froid  commencent  à  se  faire  sentir,  elles 
gagnent  le  sommet  des  branches  pour  hiverner  et  filent  d'épaisses  toiles 
en  commun,  dans  lesquelles  elles  s'abritent  en  y  englobant  des  feuilles. 
Ces  feuilles,  desséchées  en  hiver,  ne  tombent  pas  avec  les  autres  et 
aident  beaucoup  à  voir  les  toiles  à  détruire.  Si  l'on  fait  une  section  dans 


378  LÉPIDOPTÈRES. 

une  de  ces  bourses,  on  reconnaît  que  les  petites  chenilles  sociales  n'y 
sont  pas  dispersées  au  hasard,  mais  sont  par  petits  groupes  dans  des 
logettes  particulières,  comme  des  amis  se  distribuant  en  petites  réunions 
particulières,  au  sein  d'une  vaste  assemblée.  C'est  spécialement  contre 
cette  espèce  que  fut  faite  la  loi  sur  l'échenillage,  du  15  mars  1796, 
objets  d  arrcjtés  préfectoraux  annuels  dans  presque  tous  les  départe- 
ments. Elle  oblige  les  propriétaires,  fermiers  et  locataires  de  terrains, 
d'écheniller  les  arbres,  haies  et  buissons  qui  sont  dans  lesdits  terrains 
ainsi  que  ceux  qui  bordent  les  grandes  routes  et  les  chemins  vicinaux; 
il  leur  est  enjoint  de  brûler  sur-le-champ  les  bourses  et  toiles  venant 
desdits  arbres,  haies  et  buissons,  en  prenant  les  précautions  nécessaires 
pour  éviter  le  danger  du  feu.  La  loi  prescrit  d'avoir  terminé  l'échenil- 
lage au  15  mars,  et  ordonne  aux  maires  et  adjoints  d'y  faire  procéder 
d'office  aux  frais  des  propriétaires,  etc.,  négligents.  Cette  loi  ne  con- 
cerne que  les  espèces  qui  passent  l'hiver  dans  des  bourses  ou  toiles 
soyeuses  ;  elle  ne  peut  atteindre  les  espèces  qui  éclosent  au  printemps 
et  vivent  sur  les  feuilles,  soit  à  nu,  soit  sous  des  toiles  formées  après  le 
15  mars,  comme  les  chenilles  des  Liparis  D/spar  et  Bombyx  Neustria, 
de  la  Pyrale  de  la  vigne,  des  Yponomeutes,  etc.  L'insuffisance  de  cette 
loi  bien  trop  spéciale  de  l'échenillage  et  surtout  l'absence  presque  com- 
plète de  police  rurale  l'ont  fait  tomber  en  désuétude.  L'action  des  insti- 
tuteurs à  cet  égard  et  le  concours  des  enfants  des  écoles  pourront  rendre 
de  grands  services  en  généralisant  les  pratiques  d'échenillage  et  les  ap- 
propriant aux  époques  et  aux  mœurs  des  espèces  nuisibles,  aussitôt, 
bien  entendu,  que  l'enseignenient  primaire  sera  débarrassé  des  pra- 
tiques de  la  routine  et  aura  été  rendu  scientifique.  Les  instituteurs  s'ef- 
forceront de  détruire  cette  idée,  tout  à  fait  fausse  à  l'égard  des  chenilles, 
que  les  insectes  du  voisin  négligent  se  transporteront  chez  le  proprié- 
taire qui  aura  échenillé  et  rendront  sa  peine  et  sa  dépense  inutiles.  Les 
chenilles  sont  nécessairement  très  sédentaires,  et  il  faut  qu'un  arbre 
soit  absolument  dépouillé  pour  qu'elles  passent  à  l'arbre  voisin  ;  les 
propriétaires  qui  prennent  la  peine  de  nettoyer  de  chenilles  leurs  jar- 
dins, leurs  vergers  et  leurs  vignes,  ne  tardent  pas  à  reconnaître,  à  leur 
grand  profit,  que  leurs  récoltes  sont  bien  plus  assurées  que  pelles  des 
voisins  sans  souci. 

Les  paquets  de  soie  où  vivent  les  chenilles  du  l,.  Chrysorrhœq  doivent 
être  coupés  au  sécateur  quand  ces  chenilles  sont  très  jeunes;  lors- 
qu'elles ont  subi  plusieurs  mues  elles  se  dispersent  et  ne  rentrent  plus 
au  nid,  de  sorte  qu'on  n'enlèverait  plus  que  des  bourses  vides.  Il  est  in- 
dispensable de  ramasser  dans  des  sacs  toutes  les  bourses  coupées  et  de 
les  brûler  avec  soin;  qu^nd  on  les  laisse  sur  le  sol,  ce  que  font  beau- 
coup de  gens,  les  chenilles  remontent  aux  arbres.  Enfin,  et  c'est  là  une 
faute  grave  de  la  loi,  il  ne  faut  pas  attendre  au  mois  de  mars  pour 
écheniller,  mais  couper  les  bourses  dans  les  jours  les  plus  froids  ou  les 
plus  brumeux  de  décembre  et  de  janvipr;  si  l'on  attend  seulement  en 


LIPARIS.  379 

février,  il  y  a  des  journées  (îe  soleil  assez  chaud  pour  dissiper  l'engour- 
disseiT^culdes  jeunes  clienilles,  et  les  plus  vives  sortent  dos  toiles  d'abri. 
Outre  la  destruction  des  nids,  si  l'on  rencontre  une  femelle  laissant  traî- 
ner après  elle  sur  les  feuilles  un  petit  amas  de  poils  fauves,  il  faut  dé- 
truire ce  dernier  avec  soin  ;  c'est  une  colonie  de  chenilles  en  moins. 
Enfin,  dans  les  bois  trop  gravement  atteints,  et  il  en  est  ou  des  hectares 
entiers  n'ont  plus  une  seule  feuille,  l'échenillage  devient  impossible. 
11  faut  alors  allumer,  de  distance  en  distance,  de  peiits  feux  auxquels 
les  papillons  viennent  se  brûler;  les  soirées  de  juillet  et  d'août  sont  les 
époques  de  cette  opération. 

Une  espèce  très  voisiae  de  la  précédente  est  le  L.  similis  Fuessly, 
syn.  ;  L.  anriflua,  cat.  de  Vienne,  la  Phalène  blanche  à  cul  jaune  d'En- 
gram.,  VArctie  cul  doré  de  Latr.,  de  la  taille  de  l'espèce  précédente,  le 
corps  tout  blanc,  avec  la  région  anale  couverte  de  poils  d'un  jaune  doré, 
les  ailes  d'un  blanc  plus  pur  et  plus  brillant,  les  supérieures  sensible- 
ment plus  arquées  à  la  côte  et  ayant  presque  toujours  un  pu  deux  points 
noirâtres  sur  leur  bord  interne.  De  toute  la  France  en  juillet,  chenille 
noire,  à  vasculaire  géminée  d'un  beau  rouge  et  à  touffes  de  poils  blancs  ; 
peu  nuisible,  sauf  des  cas  exceptionnels,  car  elle  vit  solitaire  eu  mai  et 
juin,  principalement  dans  les  bois,  sur  le  chêne,  le  charme,  le  saule,  le 
prunellier,  et  surtout  sur  les  haies  d'aubépine.  On  a  indiqué  le  L.  auri- 
jlua  comme  répandant  une  odeur  de  musc  très  prononcée;  cette  espèce 
est  portée  dans  le  catalogue  de  Belgique  comme  très  commune,  plus 
que  le  L.  Chrysorrhœa. 

Dans  un  genre  voisin,  Laria,  Hubner,  la  tète  est  cachée  sous  le  tho- 
rax, les  antennes  courtes,  pectinées  dans  les  deux  sexes,  presque  autant 
chez  la  femelle  que  chez  le  mâle,  la  spiritrompe  nulle,  les  palpes  petits, 
peu  velus,  à  dernier  article  obtus,  les  ailes  larges  et  bien  développées, 
demi-transparentes,  sans  dessins  ondulés;  les  chenilles  n'ont  pas  de 
brosses  de  poils,  mais  des  aigrettes  inégales,  implantées  sur  des  tuber- 
cules. L'unique  espèce  européenne  de  ce  genre,  de  toute  la  France, 
toujours  rare  et  des  grandes  forets,  est  le  L.  Vnigrum,  Fabr.,  L.  V  noir 
d'Engr.,  de  ZiO  àZj5  millimètres  d'envergure,  antennes  d'un  jaune  rous- 
sàtre  avec  la  tige  blanche,  ailes  d'un  blanc  verdàlre  luisant,  la  teinte  ver- 
dàtre  très  fugitive  et  disparaissant  au  bout  de  peu  de  temps,  avec  un  arc 
en  forme  de  V  noir,  à  l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale  des  supérieures, 
le  corps  de  la  couleur  des  ailes,  avec  le  dos  de  l'abdomen  crête  et  les 
deux  premières  paires  de  pattes  tachetées  de  noir;  vole  le  soir,  en 
juillet,  dans  les  allées  de  bois,  se  prend  au  réflecteur.  Cette  espèce  se 
rencontre  notamment  à  Compiègne,  dans  toutes  les  allées  de  haute  fu- 
taie qui  aboutissent  au  poste  forestier  de  Saint-Corneille.  On  trouve 
assez  souvent  sur  le  sol  de  ces  allées  des  débris  d'ailes»  provenant  des 
sujets  mangés  par  les  engoulevents  ou  les  chauves-souris.  Chenille  dif- 
ficile à  élever,  vivant  en  mai  et  juin,  surtout  sur  le  chêne,  aussi  sur  le 
hêtre  et  le  bouleau,  maigre,  brune,  à  longs  poils  sur  les  premiers  et 


380  LÉPIDOPTÈRES. 

derniers  anneaux,  remarquable  à  ce  que,  quand  elle  marche,  le  corps 
est  très  haut  perché  sur  les  pattes  membraneuses  qui  s'allongent  beau- 
coup. Chrysalide  d'un  beau  vert  tendre.  Ce  genre  Laria  comprend  plu- 
sieurs espi!ces  exotiques,  beaucoup  plus  grêles  d'aspect  que  la  nôtre,  et 
dont  les  ailes  ont  une  apparence  soyeuse  et  argentée. 

€iVKTHOC%aiPA,  Stephens.  —  Antennes  pectinées  dans  le»  deux  sexes,  plus 
fortement  cliez  le  mâle  que  chez  la  femelle.  Spiritrompe  nulle.  Thorax  très  velu 
et  laineux.  Ailes  supérieures  traversées  par  trois  lignes  sinueuses  dentelées. 
Abdomen  du  mâle  court  et  obconique,  celui  de  la  femelle,  long,  cylindroïde  et 
terminé  par  des  poils  qui  recouvrent  la  bourre  soyeuse  dont  son  extrémité  est 
garnie.  —  Chenilles  avec  des  tubercules  munis  de  longs  poils,  peu  touffus. 

Les  deux  espèces  européennes  de  ce  genre,  qui  compte  parmi  les  Lépi- 
doptères les  plus  nuisibles,  sont  fort  remarquables  par  les  mœurs  de 
leurs  chenilles,  spéciales  à  des  familles  d'arbres  déterminés  et  passant, 
non  seulement  le  premier  flge,  mais  toute  leur  vie  larvaire,  sous  des 
toiles  filées  en  commun.  Elles  sont  appelées  Processionnaires  d'après  la 
manière  dont  elles  sortent  le  soir  de  ces  nids  pour  se  répandre  sur 
l'arbre  et  dévorer  les  feuilles,  ou  pour  s'établir  ailleurs,  ce  qui  a  lieu 
chaque  ibis  qu'elles  changent  de  peau.  Cette  marche  a  fait  l'objet  d'une 
longue  et  curieuse  description  de  Réaumur  pour  l'espèce  du  chêne,  la 
seule  qu'on  trouve  aux  environs  de  Paris.  Il  sort  d'abord  une  chenille, 
servant  comme  de  guide  général,  puis  deux,  trois,  etc.,  à  la  suite,  s'al- 
longeant  en  ruban  mobile  sur  le  tronc  de  l'arbre  par  files  qui  augmen- 
tent d'une  chenille  à  chaque  rang,  jusqu'à  une  largeur  égale  à  l'entrée 
du  nid,  après  quoi  l'ordre  de  la  procession  devient  moins  régulier.  Une 
autre  propriété  commune  aux  chenilles  des  deux  espèces,  c'est  que  leurs 
poils  enduits  d'une  matière  acre  se  détachent  aisément,  surtout  lors  des 
mues,  sont  emportés  de  toutes  part  par  le  vent,  entrent  dans  la  peau 
des  personnes  qui  passent  près  des  nids,  se  couchent  sous  les  arbres  et 
surtout  touchent  aux  toiles.  De  là  des  urtications  très  douloureuses,  des 
rougeurs  au  cou,  aux  yeux,  aux  poignets,  parfois  même  des  accès  de 
fièvre.  Il  faut  faire  des  lotions  avec  de  Leau  vinaigrée  ou  aiguisée  d'un 
peu  d'acide  phénique.  On  peut  encore  se  servir  d'eau  blanche  ou  d'alcali 
volatil.  Ce  sont  là  les  prétendues  chenilles  venimeuses,  très  redoutées 
pour  l'espèce  du  chêne  dans  les  bois  des  environs  de  Paris,  lors  des 
années  où  il  y  a  beaucoup  de  bourses  collées  aux  arbres.  Dans  l'année 
1865,  à  Paris,  plusieurs  allées  du  bois  de  Boulogne  furent  interdites  aux 
promeneurs  pour  cette  cause. 

L'espèce  du  chêne  est  le  C.  Processionea,  Linn.,  la  Processionnaire  de 
Réaumur,  ^0  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle  ;  antennes  brunâtres 
avec  la  tige  jaunâtre;  thorax  gris,  avec  le  dessus  noirâtre;  ailes  supé- 
rieures blanchâtres  à  la  base,  puis  d'un  gris  blanc,  avec  trois  lignes 
transverses  et  sinuées  d'un  brun  noirâtre,  une  lunule  centrale  de  même 


CNETIIOCAMPA.  381 

couleur,  ainsi  qu'un  trait  éclairé  extérieurement  de  hlanchûtre  prôs 
de  l'angle  apical;  ailes  inférieures  d'un  blanc;  grisâtre,  traversées  par 
une  bande  obscurcie  nébuleuse;  abdomen  jaunâtre,  avec  les  incisions 
cendrées.  Femelle  un  peu  plus  grande,  plus  nébuleuse,  avec  l'extrémité 
de  l'abdomen  garnie  de  poils  grisâtres.  L'adulte  éclot  en  juillet  ou  au 
commencement  d'août;  quoique  l'espèce  ne  soit  que  trop  commune  en 
certaines  années  dans  les  bois  de  chêne,  on  le  prend  très  rarement  au 
vol.  Les  amateurs  qui  désirent  l'espèce  pour  collection  doivent,  non  pas 
élever  les  chenilles,  ce  qui  ne  réussit  guère,  mais  enlever  du  nid,  fin 
juin,  les  cocons  à  chrysalides,  en  prenant  de  grandes  précautions,  sur- 
tout pour  les  yeux;  le  mieux  est  d'opérer  par  un  jour  de  grande  pluie, 
où  les  poils  urlicants  se  détachent  peu.  La  chenille  est  grise,  avec  le  dos 
noirâtre  et  les  taches  fauves;  les  neufs  pondus  sur  les  Ironcs  par  les 
femelles  donnent  au  printemps  des  chenilles  qui  s'associent  sous  des 
toiles  d'un  jaune  brunâtre,  comme  de  l'amadou,  placées  aux  fourches 
des  grosses  branches  et  du  tronc,  ou  sur  le  tronc,  même  assez  bas.  On 
trouve  ces  nids  en  mai  et  juin,  et,  à  la  fin  de  ce  mois,  les  chenilles,  sous 
la  toile  commune,  filent  des  cocons  agglomérés  les  uns  contre  les  autres, 
d'un  gris  jaunâtre  et  d'une  soie  grossière,  entremêlée  des  poils  de  la 
dernière  peau  de  la  chenille.  Ces  poils  urticants,  la  teinte  de  la  soie  et 
son  peu  de  sohdité  ont  empêché  de  tirer  parti  de  ces  toiles  par  le  car- 
dage.  En  certaines  années  la  Processionnaire  du  chêne  fait  beaucoup  de 
dégâts  en  détruisant  les  feuilles  du  printemps,  puis  devient  très  rare 
pendant  des  années,  sous  l'action  des  gelées  blanches  et  des  entomo 
phagesà  longue  tarière,  surtout  les  Pimples,  qu'on  obtient  en  quantité  si 
l'on  recueille  les  cocons.  Les  Calosomes,  principalement  le  Sycophante, 
sont  aussi  de  grands  ennemis  de  ces  chenilles.  Il  grimpe  aux  chênes 
pour  les  dévorer,  et  sa  larve  pénètre  dans  les  toiles  pour  y  porter  le 
ravage,  se  gorgeant  de  chenilles  au  point  de  ne  plus  pouvoir  sortir. 

L'autre  espèce  du  genre  est  méridionale,  très  commune  dans  les 
Landes  sur  le  pin  maritime,  en  Auvergne  (Puy -de-Dome),  sur  les  pins  sil- 
vestre  et  maritime,  aussi  dans  le  département  du  Hhône,  très  commune 
sur  les  diverses  espèces  des  pins  dans  les  Alpes-Maritimes  où  le  papillon 
vole  en  août,  rencontrée  en  Algérie  sur  les  cèdres  ;  c'est  le  C  Pityncampa, 
Cat.  de  Vienne,  la  Processionnaire  du  -pin,  de  taille  un  peu  plus  grande 
que  l'espèce  du  chêne  et  lui  ressemblant  beaucoup,  les  lignes  noirâtres 
des  ailes  supérieures  plus  flexueuses  et  mieux  marquées,  les  ailes  infé- 
rieures grisâtres,  n'ayant  qu'une  petite  tache  brune  placée  près  de  l'angle 
anal.  Femelle  souvent  beaucoup  plus  grande  que  le  mâle,  pins  grisâtre, 
avec  les  dessins  plus  confus  et  l'extrémité  de  l'abdomen  également 
garnie  de  poils  gris.  Les  chenilles,  qui  se  nourrissent  des  feuilles 
de  conifères  du  grand  genre  Pinus,  passent  l'hiver  et  se  construisent 
des  nids  soyeux  filés  en  commun,  non  plus  sur  le  tronc,  mais  fixés 
aux  branches,  en  forme  de  grandes  bourses  blanches,  souvent  de 
la  grosseur  de  la  tête  d'un  homme.  Elles  en  sortent  en  files,  pour 


382  LÊPIDOPTÈBES. 

aller  manger,  laissant  sur  le  passaye  de  chacune  un  tracé  soyeux 
de  2  millimètres  de  largeur.  Parvenues  à  toute  leur  croissance  elles 
quittent  le  nid  pour  se  clirysalider  eu  terre.  Les  adultes  écloseiit  en 
juillet.  La  blancheur  de  la  soie  de  ces  bourses  et  ce  fait  qu'elles  ne 
renferment  pas  de  cocons  à  poils  urticants,  ont  porté  quelques  personnes 
à  essayer  d'uliliser  cette  soie  par  le  cardage,  en  prenant  des  nids  vides 
de  chenilles  et  assez  anciens  pour  âtre  débarrassés  de  poils.  On  a  obtenu 
une  belle  soie  blanche,  mais  qui  a  le  grave  inconvénient  de  s'altérer 
par  l'eau  bouillante,  en  donnant  une  masse  gommeusc;  il  est  fort  dou- 
teux qu'on  puisse  jamais  tirer  parti  de  ces  bourses,  comme  on  a  pu  le 
faire  pour  des  espèces  de  Madagascar  et  du  Mexique.  Kn  certaines  an- 
nées la  Processionnaire  du  pin  est  fort  commune  et  cause  de  grands 
ravages. 

ORGYA,  Ochs.  —  Antennes  courtes,  plumeuses  ou  largement  pectinées  dans  les 
mâles,  dentées  dans  les  femelles.  Spiritrompe  nulle.  Palpes  velus,  débordant 
le  chaperon.  Corps  grêle  et  ailes  larges  et  propres  au  vol  dans  les  mâles;  corj)s 
très  gros,  ailes  nulles  ou  très  rudimentaires  dans  les  femelles. — Chenilles  gar- 
nies de  poils,  disposés  les  uns  sur  le  dos  en  forme  de  brosses,  les  autres  en  ai- 
grettes ou  pinceaux  aux  deux  extrémités  du  corps,  deux  latéralement  sur  le 
cou  ou  prothorax  et  dirigés  en  avant  comme  des  antennes;  d'autres,  à  la  région 
postérieure  du  corps,  dont  un  priiicipal  sur  le  onzième  anneau,  dirigé  en  ar- 
rière, comnle  la  corne  des  chenilles  de  Sphinx.  —  Chrysalides  velues,  plus  ou 
moins  ventrues,  renfermées  dans  des  coques  d'un  tissu  lâche,  entremêlé  de 
poils  de  la  chenille. 

Les  Orgyes  mâles  sont  des  papillons  de  petite  taille,  mais  très  vifs  et 
volant  pendant  le  jour,  surtout  au  soleil,  à  la  recherche  des  cocons  à 
femelles.  L'espèce  la  plus  commune,  de  toute  l'Europe,  trouvée  en  juin 
en  Algérie  dans  le  cercle  de  La  Galle,  est  l'O.  antiqua,  Linn.,  VÉtoilée  de 
Geoffroy //te  Cyommon  Vapourer,  des  Anglais,  paraissant  en  juin,  puis  et 
plus  fréquente  encore  en  septembre  et  octobre,  dans  les  jardins,  les 
vergers,  les  haies,  etc.  ;  26  à  30  millimètres  d'envergure;  antennes  du 
mâle  d'un  brun  grisâtre,  avec  la  tige  jaunâtre;  corps  et  ailes  supérieures 
d'un  fauve  brunâtre  clair,  avec  des  bundes  transverses  sinuées,  dont  la 
postérieure  plus  large  est  terminée  avant  l'angle  interne  par  une  lunule 
très  blanche,  comparée  par  Geoffroy  à  une  étoile,  la  frange  entrecoupée 
de  points  noirâtres;  ailes  inférieures  d'un  brun  roux,  avec  la  frange  d'un 
jaune  sale.  Femelle  d'un  gris  jaunâtre,  avec  des  moignons  d'ailes  très 
courts.  Chenille  noire,  à  brosses  jaunes,  verrues  rouges  et  cinq  aigrettes 
de  poils  en  arrière,  vit  en  mai  et  en  août  sur  presque  tous  les  arbres 
fbrestiers  et  fruitiers,  sur  les  rosiers,  les  genêis,  etc.,  peu  nuisible  toute- 
fois en  général  à  cause  de  sa  faible  taille  et  d'une  multiplication  assez 
modérée.  tJne  seconde  espèce,  beaucoup  moins  commune,  aussi  de 
toute  la  France,  paraissant  deux  foi?,  en  juin,  puis  en  août  et  septembre, 


ORGYA,    DEMAS.  383 

est  l'O.  Gonostigma,  Cat.  de  Vienne,  la  Soucieuse  d'Engr.,  thc  Scarcc  Va- 
■poiirer;  envergure  du  mâle  30  millimôtres,  corps  brun,  ailes  supérieures 
d'un  brun  marron  plus  ou  moins  obscur,  avec  trois  lignes  transverses 
d'un  brun  noir<1tre  et  deux  taches  blanches,  l'une  à  l'angle  apical, 
l'autre  cà  l'angle  interne,  la  tache  de  l'angle  apical  étant  précédée  de 
deux  taches  oblongues  d'un  jaune  roussAtre;  ailes  inférieures  d'un  noir 
brun,  avec  des  poils  cendrés  le  long  du  bord  abdominal  ;  frange  blan- 
châtre, entrecoupée  de  noir,  surtout  aux  ailes  supérieures.  Femelle  à 
corps  très  gros  et  gonflé,  d'un  cendré  obscur,  avec  des  vestiges  d'ailes 
à  peine  visibles,  les  pattes  et  les  antennes  d'un  brun  jaunâtre.  Chenille 
très  aisée  à  reconnaître  (pi.  xcu,  fig.  5),  beaucoup  plus  forte  si  elle  doit 
donner  une  femelle,  noire  et  rouge,  à  brosses  blondes  et  aigrettes  de 
poils  blonds  annelés  de  noir,  trois  en  arriiire  et  les  deux  antérieures 
très  étalées,  en  mai  et  août  sur  le  chêne,  l'aulne,  le  prunellier,  le  noise- 
tier, l'églantier,  l'aubépine,  les  ronces,  etc.,  cocon  d'un  jaune  pâle,  un 
peu  grisâtre  (pi.  xcii,  fig.  5  a);  chrysalide  d'un  noir  brun,  à  poils  jau- 
nâtres ainsi  que  les  anneaux  de  l'abdomen  (pi.  xcu,  flg.  5  b).  Les  fe- 
melles des  deux  espèces  que  nous  venons  de  décrire  sortent  du  cocon,  se 
cramponnant  à  sa  surface;  c'est  là  qu'elles  sont  copulées  par  le  mâle, 
et  c'est  généralement  sur  le  cocon  même  qu'elles  pondent  un  grand 
nombre  d'œufs.  Les  individus  de  ces  deux  espèces  hivernent  soit  en 
œufs,  soit  en  chenilles,  soit  en  chrysalides.  Il  y  a,  dans  le  midi  de  la 
France,  deux  autres  espèces  d'Orgya  beaucoup  plus  rares,  dont  les  fe- 
melles, absolument  sans  ailes,  ne  sortent  pas  du  cocon  dans  lequel  s'opè- 
rent l'accouplement  et  la  ponte.  Ce  sont  l'O.  trigotephras,  Boisd.,  à  che- 
nille sur  le  chêne-vert,  lechéne-liège,  le  genêt,  etc.,  et  l'O.  aurolimbata, 
Guénée,  à  ailes  d'un  brun  bistré  uni,  avec  la  frange  d'un  beau  jaune 
d'or,  la  chenille  sur  divers  genêts  et  sur  le  saule  marsault.  Nous  repré- 
sentons les  deux  sexes  d'une  Orgye  exotique,  l'O.  detrita,  Boisd.,  de  l'A- 
mérique septentrionale,  d'un  brun  terreux  dans  les  deux  sexes,  la  base 
des  quatre  ailes  du  mâle  plus  pâle,  la  frange  alternativement  tachée 
de  brun  et  de  jaunâtre  (pi.  xcu,  flg.  Z(,mâle  ;  rig.i  a),  femelle  aptère. 

Dr.M.lS,  Steph.,  syn.  COLOCASIA,  Oclis.  —  Antenne.s  longues,  pectinées  dans  le 
iiiùle,  filiformes  dans  la  femelle.  Spiritrompe  courte,  mais  distincte.  Palpes  très 
courts,  cylindriques  et  velus,  le  dernier  article  nu.  Thorax  large  et  squameux. 
Ailes  développées  dans  les  deux  sexes,  avec  les  taches  habituelles  des  Noctuelles 
et  leur  port  au  repos.  Abdomen  crèlé. —  Chenilles  courtes,  velues  et  aigrettées, 
les  pinceaux  antérieurs  ou  antenniformes  portés  par  le  mésolhorax  et  non  par 
le  prothorax,  comme  chez  les  Orgi/a. 

Le  type  et  unique  espèce  de  ce  genre,  placé  par  certains  auteurs  en 
tête  des  Noctuéliens  dans  la  Iribu  des  Bombycoïdes,  de  toute  la  France, 
paraissant  deux  fois  en  avril  et  mai,  puis  en  juillet  et  août,  sur  les  haies 
et  dans  les  bois  secs,  posée  sur  le  tronc  des  chênes,  des  hêtres,  etc.,  est 


384  LÉPIDOPTÈRES. 

le  D.  coryli,  Linn.,  la  Phalène  du  noisetier,  d'Engramelle,  offrant  les  deux 
sexes  pareils,  32  millimètres  d'envergure,  tt^te  grise,  ainsi  que  le  thorax, 
qui  est  traversé  longitudinalement  par  trois  lignes  d'un  brun  noir;  ailes 
supérieures  d'un  brun  roux  de  la  base  jusqu'au  milieu  de  l'aile,  avec 
deux  lignes  sinueuses  d'un  bistre  foncé  se  coupant  à  angle  aigu  et  les 
deux  taches  des  .N'octuelles  de  même  couleur,  Torbiculaire  et  la  réniforme, 
celle-ci  peu  marquée,  la  partie  terminale  de  l'aile  d'un  gris  bleuâtre, 
traversée  par  une  ligne  tlexueuse  plus  pâle,  la  frange  entrecoupée  de 
gris  et  de  brun;  ailes  inférieures  d'un  gris  roussâtre,  avec  la  frange 
comme  aux  supérieures;  abdomen  d'un  gris  roux.  Chenille  d'un  blanc 
roux,  avec  la  tète  et  trois  aigrettes  rousses,  en  juin,  puis  en  septembre 
et  octobre,  sur  le  chOne,  le  hêtre,  le  charme,  le  bouleau,  le  noisetier  et 
aussi  sur  l'aubépine,  avec  les  feuilles  de  laquelle  on  l'élève  facilement 
(Catal.  Le  Roy).  De  Belgique,  bois  et  taillis. 

DA<!iYCHlRA,  Stephens.  —  Antennes  courtes,  pectinées  dans  les  mâles,  dentées 
dans  les  femelles.  Spirilrompe  rvidimentaire.  Palpes  courts,  très  velus.  Ailes 
oblongues  et  propres  au  vol  dans  les  deux  sexes.  Pattes  antérieures  étendues 
en  avant  dans  le  repos,  très  velues  chez  les  femelles.  Abdomen  terminé  par  une 
brosse  de  poils  dans  le  mâle,  remplacée  quelquefois  par  une  bourre  soyeuse 
chez  la  femelle.  —  Chenilles  dépourvues  des  aigrettes  antenniformes  des  0?-gia 
et  Dernas,  pourvues  de  brosses  de  poils  serrés  sur  les  anneaux  du  milieu  e- 
d'un  pinceau  sur  le  onzième.  —  Chrysalides  en  cocons  légers. 

Les  genres  Dasychira  et  Deiaas  étaient  autrefois  réunis  aux  Orgya, 
sauf  par  les  auteurs  rangeant  le  genre  Demas  dans  les  Noctuelles.  Les  che- 
nilles des  Dasychira  vivent  sur  les  arbres  et  arbustes.  L'espèce  la  plus 
répandue  en  France  et  en  Belgique  est  le  D.  pudibunda,  Linn.,  la  Patte 
étendue  de  Geoffroy  et  d'Engram.  ;  mâle  de  /i8  à  50  millimètres  d'enver- 
gure, antennes  avec  les  barbes  roussàtres;  corps  d'un  gris  blanchâtre; 
ailes  supérieures  mêlées  de  gris-blanc  et  de  gris-brun,  avec  une  bande 
d'un  gris-brun,  plus  ou  moins  bien  marquée  au  milieu,  quatre  lignes 
transverses  ondulées  et  une  série  marginale  des  points  d'un  brun  noi- 
râtre ;  ailes  inférieures  blanchâtres,  avec  une  bande  brunâtre  très  nua- 
geuse, toujours  mieux  marquée  vers  l'angle  anal.  Femelle  beaucoup  plus 
grande,  les  ailes  blanchâtres,  semées  d'atomes  d'un  gris  brun,  avec  les 
bandes  transverses  bien  marquées  et  tout  l'espace  médian  plus  foncé. 
Les  adultes  sont  fréquents  dans  toute  la  France  et  la  Belgique,  d'avril  à 
juin,  dans  les  jardins  et  dans  les  vergers,  et  aussi  dans  les  bois  et  les 
bosquets  des  champs.  La  chenille  est  très  jolie,  verte  ou  brune,  avec  les 
incisions  du  dos  d'un  beau  noir  de  velours,  quatre  brosses  jaunes  ou 
blanches,  et  un  pinceau  de  poils  roses  ou  violacés  sur  le  onzième  an- 
neau ;  on  la  trouve,  du  milieu  d'août  au  milieu  d'octobre,  sur  beaucoup 
d'arbres  fruitiers,  sur  le  chêne,  l'orme,  le  charme,  le  peuplier,  le 
noyer,  fréquente  sur  les  haies  de  charme  qui  bordent  les  grandes  routes 


DASYCHIRA.  385 

des  bois;  dans  les  Alpes-Maritimes,  le  papillon  paraît  en  mai  et  une  se- 
conde fois  en  août;  chenille  en  juin  et  septembre,  devenant,  en  cer- 
taines années,  un  fléau  pour  le  noyer  (Millière).  Cette  chenille  file  entre 
les  feuilles  ou  dans  les  bifurcations  des  branches  un  cocon  léger,  d'une 
jolie  soie  blanche,  entremêlé  de  quelques  poils,  et  on  pourrait  en  tirer 
paiti,  s'il  était  plus  fourni;  la  chrysalide  passe  l'hiver.  Le  D.  pudibunda 
n'est  pas  d'habitude  assez  abondant  pour  être  véritablement  nuisible, 
surtout  en  raison  de  l'époque  avancée  où  vit  sa  chenille,  alors  que  les 
arbres  sont  très  feuillus  ;  mais,  de  même  que  pour  quelques  autres  es- 
pèces, sa  multiplication  peut  devenir  énorme  sous  l'empire  de  circon- 
siances  encore  inconnues,  de  façon  qu'il  cause  alors  des  dommages  con- 
sidérables. Dans  l'automne  de  18û8,  la  chenille  de  cette  espèce  dévasta, 
dans  la  Meurthe,  sur  une  superficie  d'environ  1500  hectares,  les  forêts 
des  environs  de  Phalsbourg,  et  aussi  dans  les  cantons  de  Saverne  et  de 
Sarrebourg.  Les  arbres  furent  entièrement  dépouillés  de  leurs  feuilles, 
de  sorte  que  certains  versants  de  montagne  présentaient,  au  commen- 
cement de  l'automne,  l'aspect  qu'ont  ordinairement  les  arbres  en  hiver. 
Beaucoup  de  chenilles  périrent,  faute  de  nourriture,  formant  sur  le  sol 
une  couche  qui,  en  quelques  endroits,  avait  au  moins  12  centimètres 
d'épaisseur,  ce  qui  faisait  redouter  les  conséquences  de  leur  putréfac- 
tion; pendant  plusieurs  années  les  paysans  lorrains  gardèrent  le  souve- 
nir des  ravages  exercés  par  ces  chenilles,  qu'ils  appelèrent,  par  une  al- 
lusion d'une   bienveillance  douteuse  :  chenilles  de  la  République.  Une 
seconde  espèce,  moins  commune,  est  le  D.  Fascelina  Linn.,  la  Patte 
étendue  agate,  de  de  Géer,  le  Bombyx  porte-brosses,  de  Godart,  le  mâle, 
de  ûO  millimètres  d'env.,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  blanchâtre  le 
long  de  la  côte,  d'un  gris  cendré  sur  le  reste  de  la  surface,  avec  trois 
lignes  transverses,  ondulées  et  noires,  entremêlées  de  petits  points  oran- 
gés; ailes  inférieures  d'un  gris  cendré  pâle,  souvent  sans  taches,  quel- 
quefois avec  une  lunule  centrale  et  une  bande  postérieure  légèrement 
obscures;  femelle  plus  grande,  avec  les  mômes  dessins  que  le  mâle,  et 
ayant,  en  outre,  l'abdomen  garni  d'un  bourrelet  laineux  plus  foncé 
que  le  corps;  adulte  volant  quelquefois  pendant  le  jour,  paraissant  à  la 
fin  de  juillet  et  en  août,  dans  les  lieux  incultes,  au  milieu  des  buissons 
et  des  champs  de  genêt,  dans  une  grande  partie  de  la  France  et  en 
Belgique,  assez  rare  en  août  dans  les  dunes  à  Dunkerque  (cat.  Le  Roi); 
chenille  grise,  à  brosses  noires  et  blanches,  en  mai  et  au  commence- 
ment de  juin  sur  les  bruyères,  les  genêts,  aussi  sur  le  prunellier,  l'au- 
bépine, l'hippophaë,  etc.  M.  Le  Roi  dit  avoir  élevé  assez  souvent  cette 
chenille  avec  le  trèfle  blanc  ou  la  luzerne. 

Il  semblerait,  d'après  l'aspect  de  la  chenille,  à  brosses  et  à  pinceaux, 
qu'on  devrait  rapprocher  des  genres  précédents  une  espèce  figurée  par 
Guérin-Méneville  sous  le  nom  de  Sericaria  tcsseUata  Boisduval,  sans  in- 
dication de  localité  (pi.  xcii,  fig.  2),  mais  qui  n'est  certainement  pas  du 
genre  Sericaria,  que  nous  réservons  presque  exclusivement  au  Ver  à  soie 
GIRARD.  ni.  —  25 


386  LÉPIDOPTÈRES. 

du  mûrier.  Boisduval  rangeait  également  dans  ce  genre,  entendu  dans 
le  sens  de  Latreille,  un  Bombycien  de  l'Amérique  du  Nord,  qu'il  nomme 
S,  Ranœceps  Boisd.;  de  53  millimètres  d'env.,  à  antennes  filiformes 
chez  la  femelle  (pi.  xcii,  fig.  1),  la  tête  et  le  corselet  d'un  fauve  ferrugi- 
neux, les  ailes  supérieures  d'un  brun  rougeâtre  avec  quelques  lignes 
noirâtres,  les  inférieures  et  l'abdomen  d'un  brun  jaunâtre  pâle,  la 
frange  des  quatre  ailes  jaune.  Les  adultes  de  ce  genre  de  Latreille  sont 
voisins  des  Pi/gœra  et  Ciostera. 

SÉRICARIDES. 

Il  est  très  difficile  d'assigner  la  place  exacte  du  Ver  à  soie  du  mûrier 
dans  les  Bombyciens,  car  ses  caractères  diffèrent  notablement  de  ceux 
de  nos  espèces  indigènes  et  de  presque  toutes  les  espèces  exotiques.  Il 
a  certains  rapports  avec  Y Endromis  versicolora,  Linn.,  et  M.  E.  Blan- 
chard le  place  dans  les  Endromites,  avec  les  genres  Endromis  et  Aglia. 
Nous  préférons  attacher  une  grande  importance  à  la  sécrétion  soyeuse 
qui  fait  du  Ver  à  soie  du  mûrier  l'origine  d'une  industrie  de  premier 
ordre,  et  ne  pas  le  mettre  dans  la  même  famille  que  les  genres  Endro- 
mis et  Aglia,  dont  les  cocons  rudimenlaires  sont  des  plus  grossiers. 
Nous  formerons  une  famille  pour  les  Lépidoptères  qui  produisent  les 
plus  riches  matières  textiles  connues,  et  dont  le  nom  sera  tiré  du  nom 
de  son  genre  principal  et  presque  unique,  Sericaria,  E .  Blanch.  non  Latr., 
nom  provenant  de  Sencar/us,  mot  qui  signifie  :  ouvrier  en  soie.  Le  genre 
créé  par  Latreille  s'appliquait  à  d'autres  Bombyciens  qu'aux  véritables 
Vers  à  soie,  qui  sont  nos  Séricarides,  propres  à  la  Chine,  aux  Indes  orien- 
tales, aux  îles  indo-sondaïques,  surtout  des  régions  montagneuses^  jus- 
qu'à 2500  mètres  environ  de  hauteur,  et  dont  les  chenilles  se  filent  d'épais 
cocons  fermés  aux  deux  bouts  d'une  soie  très  fine.  Elles  vivent  toutes 
sur  les  feuilles  d'arbres  ou  d'arbustes  de  la  famille  des  Morées  (mûriers, 
figuiers). 

trCRlCARIA,  É.  Bland.  —  Corps  très  robuste  dans  les  femelles,  moins  épais  chez 
les  mâles;  antennes  bi  pectinées  chez  les  mâles,  dentelées  chez  les  femelles; 
spiritrompe  et  palpes  très  rudimenlaires;  ailes  développées,  étendues  au  repos, 
sans  appareil  du  frein,  avec  une  marque  discoïdale  chez  les  mâles. —  Chenilles 
allongées,  cylindroïdes,  glabres,  munies  ou  d'une  corne  sur  le  onzième  anneau, 
à  la  façon  des  Sphinx,  ou  d'épines  diverses  sur  les  segments.  —  Chrysalides 
cylindrico-coniques,  en  cocons  fermés,  serrés,  très  soyeux. 

Le  type  de  ce  genre  important  est  le  S.  mori  Linn.  {Bombyx  Linn.)i 
le  Ver  à  soie  du  mûrier,  que  l'on  ne  connaît  qu'à  l'état  domestique, 
(pi. xciii,  fig.  1),  papillon  mâle,  d'environ 30  millimètres  d'env.,  les  an- 
tennes grisâtres,  le  corps  comme  les  ailes  d'un  blanc  généralement  un 
peu  jaunâtre  ou  grisâtre,  les  ailes  supérieures  un  peu  falquées  au  som- 
met, ayant  dans  beaucoup  de  races,  chez  le  mâle,  un  croissant  discoïdal 


SERICARIA.  387 

et  deux  lignes  transverses  brunâtres  qui  se  prolongent  quelquefois  sur 
les  inférieures,  ces  dessins  le  plus  souvent  effacés  dans  les  femelles.  La 
chenille,  ou  le  Ver  à  soie  proprement  dit,  est  généralement  glabre  et 
blanchâtre,  quand  elle  a  atteint  tout  son  développement  (voir  pi.  xciii, 
fig.  h.  Ver  sain),  à  segments  épais,  sub-renflés,  la  tète  petite,  le  protho- 
rax renflé,  l'avant-dernier  anneau  muni  d'une  corne  élroite,  recourbée 
en  arrière,  de  sorte  que  cette  chenille  ressemble  à  celles  des  Sphin- 
giens.  Le  cocon  est  ample  relativement  au  volume  de  la  chrysalide  et 
de  l'adulte,  arrondi  et  fermé  aux  deux  bouts,  en  général  plus  ou  moins 
régulièrement  ovoïde,  souvent  un  peu  étranglé  en  son  milieu,  surtout 
chez  les  mâles,  ses  couleurs  habituelles  étant  le  blanc  pur,  le  jaune 
plus  ou  moins  vif,  le  vert  blanchâtre  ou  céladon.  Le  Ver  à  soie  du  mû- 
rier est  réellement  aux  insectes  ce  que  le  mouton  est  aux  mammifères; 
il  est  abruti  héréditairement  par  une  domestication  fort  reculée,  d'é- 
poque précise  très  incertaine,  de  sorte  que  la  majeure  partie  des  indi- 
vidus périraient  sans  les  soins  continuels  de  l'homme.  Les  chenilles  pla- 
cées sur  les  mûriers  tombent  au  moindre  vent,  ne  sachant  plus  se  servir 
de  leurs  pattes  membraneuses  et  de  leurs  couronnes  de  crochets  pour 
se  cramponner  aux  feuilles  ;  elles  n'ont  plus  l'instinct  de  s'abriter  sous 
les  feuilles  contre  le  soleil  et  la  pluie,  ni  de  se  soustraire  aux  regards 
des  insectes  ennemis,  ichneumons,  guêpes,  fourmis,  etc.,  et  des  oi- 
seaux. Les  femelles  restent  immobiles  sur  le  plan  de  position,  remuant 
à  peine  leurs  ailes  par  intervalles;  les  mâles  tournent  autour  d'elles,  en 
battant  rapidement  des  ailes,  mais  sans  sauter,  ni  voler.  Cependant, 
d'après  les  renseignements  de  l'abbé  Armand  David,  le  Ver  à  soie  existe 
encore  dans  certaines  forêts  de  l'intérieur  de  la  Chine,  sans  doute  aussi 
de  la  Perse  et  des  pentes  de  l'Himalaya  oriental,  où  le  mûrier  blanc  se 
trouve  à  l'état  spontané.  C'est  très  probablement  un  Bombycien  de  vol 
rapide,  à  la  façon  peut-être  de  notre  Versicolore,  qui  a  des  analogies 
incontestables  pour  l'adulte  et  la  chenille,  et  de  plusieurs  de  nos  Bom- 
byx forestiers.  M.  Martins,  à  Montpellier,  fit  autrefois  l'expérience  d'éle- 
ver exclusivement  le  ver  à  soie,  en  plein  air,  sur  le  mûrier,  et  à  la  troi- 
sième génération  les  mâles  avaient  recouvré  la  faculté  de  voler.  Depuis 
plus  de  douze  ans,  à  Orbe,  près  Lausanne  (Suisse),  M.  Roland  élève 
le  Ver  à  soie  avec  succès  en  plein  air  sur  le  mûrier,  en  vue  d'obtenir 
une  race  rustique  robuste,  donnant  en  chambrée  close  une  éducation  in- 
dustrielle exempte  d'épidémie.  Selon  l'opinion  la  plus  répandue,  la  cou- 
leur primitive  des  cocons  était  le  jaune;  les  races  jaunes  sont  plus  fré- 
quentes que  les  races  blanches,  et  on  voit,  de  temps  à  autre,  reparaître 
naturellement  la  couleur  jaune  dans  les  races  à  cocons  blancs.  De  môme 
les  couvées  de  serins  domestiques,  qui  sont  des  albinos,  reproduisent 
assez  souvent,  en  tout  ou  en  partie,  le  type  vert,  sauvage  aux  lies  Cana- 
ries. Des  auteurs  regardent  les  Vers  à  soie  noirâtres,  dits  moricauds  ou 
bouchards,  race  très  robuste,  comme  le  type  premier  de  l'espèce.  La 
domestication,  par  dégénérescence,  aurait  blanchi  la  chenille,  de  même 


388  LÉPIDOPTÈRES. 

que  la  soie  du  cocon.  On  trouve  aussi  parfois  des  vers  zébrés,  noirs 
blancs,  surtout  dans  les  races  chinoises.  Il  y  a  des  auteurs  qui  admetlent 
la  primitive  existence  de  deux  espaces  tri-s  voisines,  l'une  à  soie  blanche, 
l'autre  à  soie  jaune,  confondues  dans  les  éducations  donaestiques  par  de 
très  anciens  croisements. 

Les  auteurs  anciens  désignent  sous  le  nom  de  Sûres  (du  mot  persan 
spr  ou  zer,  qui  veut  dire  or)  un  peuple  qui  semblait,  dès  une  antiquité 
très  reculée,  faire  son  occupation  principale  de  l'industrie  de  la  soie. 
Cette  dénomination  paraît  s'appliquer  au  peuple  chinois.  En  effet,  les 
auteurs  s'accordent  à  dire  que  la  patrie  d'origine  du  Ver  à  soie  et  du 
mûrier  blanc  {Morus  alba),  qui  est  sa  nourriture  préférable,  est  la 
Chine,  et  c'est  du  sein  de  cette  vaste  contrée  que  ce  précieux  insecte 
s'est  répandu  partout  où  il  existe  aujourd'hui.  Les  historiens  chinois 
font  remonter  à  une  époque  très  reculée  la  découverte  de  l'ajt  d'élever, 
de  multiplier  le  Ver  à  soie  et  de  fabriquer  des  étoffes  avec  le  fil  brillant 
dont  il  forme  son  cocon. 

Au  dire  des  historiens  chinois,  Fou-hi  (3Z|00  avant  Jésus-Christ)  aurait 
invente  deux  instruments  de  musique  dont  les  cordes  étaient  en  soie, 
provenant  sans  doute  du  ver  sauvage.  Ce  n'est  en  efl'et  que  sous  Hoang- 
ti  (2650  avant  Jésus-Christ)  que  le  premier  insecte  fut  rendu  domestique 
par  les  soins  de  l'impératrice  Si-ling-chi,  qui  enseigna  aussi  l'art  de  filer 
le  cocon  et  de  tisser  la  soie.  Les  populations  reconnaissantes  élevèrent 
au  rang  des  Génies  l'épouse  de  leur  souverain,  sous  le  nom  de  Sien- 
thsan  (la  première  qui  a  élevé  des  Vers  à  soie),  et  une  cérémonie 
religieuse  annuelle  rappelle  encore  à  chaque  printemps,  dans 
le  palais  impérial,  son  souvenir  vénéré,  l\  l'époque  où  l'on  com- 
mence ù  cueillir  les  feuilles  du  mûrier.  De  même  en  Italie  les  pré- 
mices de  la  récolte  des  cocons  sont  bénis  par  les  prêtres  des  cam- 
pagnes. 

La  culture  du  mûrier  se  propagea  rapidement  en  Chine.  Il  existe 
encore,  dans  la  province  de  Canton,  les  restes  grandioses  de  con- 
structions destinées  à  remédier  aux  désastres  d'un  déluge  (2286 
avant  Jésus-Christ),  faire  écouler  les  eaux  et  permettre  de  planter  des 
mûriers. 

La  soie  se  répandit  peu  à  peu  par  le  commerce  à  l'extérieur  de  la 
Chine.  Du  temps  d'Ézéchiel  (600  avant  Jésus-Christ),  la  soie  entrait  dans 
la  parure  des  femmes  juives.  Les  vêtements  nommés  médiques  par  Héro- 
dote et  Xénophon  étaient  des  tissus  de  soie.  On  en  vit  pour  la  première 
fois  à  Rome  aux  jeux  donnés  par  César  (li6  avant  Jésus-Christ).  Plus  tard 
Héliogabale  (217-222),  élevé  dans  les  temples  syriens,  présida  plusieurs 
fois  le  sénat  avec  des  vêtements  de  soie  exclusivement  réservés  aux 
femmes,  d'après  l'historien  Lamprinus.  Les  soieries  se  maintenaient 
à  un  prix  exclusif  et,  sous  Aurélien  (270-275),  se  payaient  au  poids 
de  l'or,  selon  l'épithèle  isochrysos  des  Grecs.  Aussi  l'impératrice 
Scverina,  moins  heureuse  que  bien   des  femmes  de  paysans  et  d'où- 


SERICARIA,  389 

vriers  d'aujourd'hui,  sévit  refuser  une  robe  de  soie  par  le  maître  du 
monde  (1). 

Le  gouvernement  chinois  veillait  en  effet  avec  un  soin  minutieux  à 
ce  qu'il  ne  pût  sortir  de  l'empire  que  des  tissus  ouvrés,  source  de  béné- 
fices précieux  et  exclusifs.  Des  gardes  vigilants  ne  laissaient  passer  ni 
les  cocons,  ni  les  soies  en  fil.  C'est  ce  qui  explique  les  erreurs  d'Aris- 
lote,  répétées  par  Pline,  et  qui  ont  longtemps  égaré  les  historiens  dé  la 
soie.  Ces  auteurs  parlent  de  la  soie  produite  par  un  insecte  de  l'île  de 
Cos,  dans  l'Archipel.  Il  s'agit  de  cocons  de  quelque  Bombycide  sauvage. 
Ces  anciens  naturalistes  croyaient  que  la  véritable  soie,  dite  abxjssinienne 
(car  elle  arrivait  alors  d'Abyssinie  par  la  voie  du  commerce),  provenait 
d'un  arbre;  ils  confondaient  avec  un  fruit  les  cocons  de  YAtlacus  Mylitta. 
Pausanias,  bien  plus  tard,  en  attribuait  l'origine  à  une  araignée.  On 
sait  que  les  lîpeires  donnent  une  belle  soie  pour  leurs  cocons  à  œufs. 
Ce  n'est  qu'au  quatrième  siècle,  dans  une  phrase  des  Homélies  de  saint 
Basile,  qu'on  trouve  une  indication  exacte  sur  le  Ver  à  soie  et  son 
cocon. 

Les  historiens  attribuent  à  une  princesse  chinoise  la  propagation  du 
mûrier  et  de  la  soie  hors  des  limites  du  Céleste  Empire.  Fiancée  à  un 
roi  de  la  Petite  Boukharie,  au  centre  de  l'Asie,  elle  apprit  qu'il  n'y  avait 
ni  mûriers  ni  Vers  à  soie  dans  sa  patrie  future,  et,  désolée  à  la  pensée 
de  se  voir  privée  des  précieuses  étoffes  qui  faisaient  sa  joie  et  son  or- 
gueil, elle  ne  craignit  pas  d'enfreindre  les  lois  les  plus  sévères.  Elle 
cacha  dans  sa  coiffure  des  graines  de  mûriers  et  des  œufs  de  Ver  à  soie; 
les  gardes,  n'osant  porter  les  mains  sur  une  princesse  du  sang  impé- 
rial, laissèrent  ainsi  sortir  les  éléments  d'un  nouveau  et  important  com- 
merce pour  les  contrées  centrales  de  l'Asie. 

L'industrie  séricicole  fut  longtemps  à  pénétrer  en  Europe,  arrêtée 
par  de  jaloux  monopoles. 

Pendant  bien  des  années  la  ville  de  Turfau,  dans  la  petite  Boulvharie, 
fut  le  rendez-vous  des  caravanes  venant  de  l'Ouest  et  l'entrepôt  principal 
des  scieries  de  la  Chine.  Elle  était  la  métropole  des  Sères  de  l'Asie 
supérieure  ou  de  la  Sérique  de  Ptolémée.  Expulsés  de  leur  pays  par  les 
Huns,  les  Sères  s'établirent  dans  la  Grande  Boukharie  et  dans  l'Inde. 
C'est  d'une  de  leurs  colonies,  de  Sérinde,  ou  Ser-lndi,  qu'en  552,  au 
péril  de  leur  vie,  des  moines  grecs  de  l'ordre  de  Saint-Basile  apportèrent 
à  Constantinople,  à  l'empereur  Justinien,  des  graines  de  mûrier  et  des 

(1)  L'aaecdote  en  question  se  trouve  consignée  dans  le  passage  suivant  de  la 
vie  d'Aurélien  par  Flavius  Vopiscus  {Scriptores  historiœ  augustœ,  c.  45,  m  fine)  : 
et  cum  ab  eo  uxor  sua  peterit^  ut  um'co  pallio  blatteo  serico  uteretur,  ille  res- 
pondit  :  «  absit,  ut  auro  fila  pensentur  »,  libra  enim  uuri  iunc  libra  sériai 
fuit.  Le  nom  de  l'iuipéiatrice  ne  se  trouve  indiqué  ni  par  Vopiscus,  ni  dans  les 
autres  historiens;  mais,  sur  les  médailles,  elle  s'appelle  Ulpia  Severina  ou  sim- 
plement Severina. 


390  LÉPIDOPTÈRES. 

œufs  de  Ver  à  soie,  renfermés  dans  l'intérieur  de  cannes  de  bambou. 
On  fit  éclore  les  œufs  à  la  chaleur  du  fumier.  Les  environs  de  Constan 
tinople  devinrent  le  lieu  de  production  des  tissus  de  soie  que  le  com- 
merce européen  se  procurait  au  commencement  du  moyen  âge.  C'est 
de  là  que  Charlemagne  fit  venir  son  riche  manteau  et  les  deux  rohes 
de  soie  dont  il  fit  présent  au  roi  de  Mercie  ;  c'est  aussi  Constantinople 
qui  fournit  aux  abbés  de  Saint-Denis  l'oriflamme,  ou  bannière  de  soie 
rouge  à  flammes  d'or,  qui,  à  partir  de  1126,  devint  l'étendard  des  rois 
de  France  et  les  suivit  dans  les  grandes  guerres. 

De  Constantinople,  la  culture  du  mûrier  et  l'élevage  du  Ver  à  soie  se 
répandirent  d'abord  en  Grèce  et  surtout  dans  la  Péloponèse,  qui  dès 
lors  reçut  et  garda  le  nom  de  Morée,  de  Morus  (mûrier).  Au  huitième  siè- 
cle les  Arabes  apportèrent  cette  industrie  en  Espagne,  où  le  mûrier  noir 
fut  d'abord  seul  cultivé,  tandis  que  le  mûrier  blanc,  bien  préférable, 
demeurait  confiné  en  Grèce.  En  IIZ16,  Roger  II  en  introduisit  la  culture 
dans  la  Sicile  et  dans  la  Calabre.  Ce  n'est  qu'au  quinzième  siècle  que 
cette  culture  atteignit  les  limites  septentrionales  de  l'Italie.  C'est  par  la 
Provence  que  le  mûrier  et  lé  Ver  à  soie  passèrent  en  France,  comme 
conséquence  de  l'occupation  du  royaume  de  Naples  par  les  princes  de 
la  maison  d'Anjou,  et  non  pas  comme  résultat  des  passagères  conquêtes 
de  Charles  VIII  en  Italie,  qui  eurent  lieu  bien  plus  tard.  Sous  les  papes, 
on  trouve  dans  le  comtat  d'Avignon  la  culture  du  mûrier  et  l'industrie 
de  la  soie.  En  iSlib,  le  sénéchal  de  Nîmes  et  de  Beaucaire  envoyait  à 
Jeanne  de  Bourgogne  douze  livres  de  soie  récoltée  en  Provence.  En  IZ166, 
Louis  XI  transporta  en  Touraine,  au  Plessis-lès-Tours,  les  mûriers  et 
leur  précieux  insecte.  Catherine  de  Médicis  encouragea  avec  ardeur 
l'industrie  qui  florissait  dans  son  pays,  et,  sous  son  influence,  des  pépi- 
nières de  mûriers  s'établirent  près  de  Toulouse,  dans  le  Bourbonnais  et 
dans  l'Orléanais.  C'est  sous  Henri  IV,  par  les  conseils  d'Olivier  de  Serres 
et  de  Barthélémy  de  Laffemas,  contrôleur  général  du  commerce,  et 
malgré  le  sévère  Sully,  toujours  en  garde  contre  le  relâchement  des 
mœurs  par  le  luxe,  que  l'industrie  séricicole  prit  une  extension  consi- 
dérable. Lea  mûriers  se  propagèrent  dans  tout  le  royaume  et,  en  1601, 
il  en  fut  planté  aux  Tuileries.  Une  magnanerie  et  une  filature  de  soie  y 
furent  installées.  Sous  Louis  XIII  cette  portion  de  l'agriculture  fut  né- 
ghgée.  Elle  reprit  sous  Louis  XIV  une  extension  considérable,  grâce  à 
Colbert.  Ce  ministre,  qui  pensait  que  la  prospérité  d'un  État  est  dans  le 
commerce,  comprit  tout  l'avantage  qu'on  pouvait  retirer  du  mûrier;  il 
rétablit  les  pépinières,  il  distribua  les  pieds  qu'on  en  retirait  ou  les  fit 
planter  aux  frais  de  l'État  sur  les  berges  des  chemins.  Ce  procédé,  con- 
traire aux  lois  de  la  propriété,  déplut  aux  habitants  des  campagnes,  de 
sorte  que  les  plantations  allèrent  en  dépérissant. 

Mieux  inspiré,  le  gouvernement  fit  promettre  et  paya  exactement 
vingt-quatre  sous  par  pied  d'arbre  subsistant  au  bout  de  trois  ans,  et  ce 
moyen^réussit.  C'est  à  cette  époque  que  le  capitaine  François  de  Carie, 


SERICARIA.  391 

retiré  de  la  carrière  militaire  après  avoir  servi  en  Italie,  introduisit  dans 
les  Cévennes  l'industrie  séricicole,qui  fit  la  richesse  de  ces  montagnes. 
Le  Languedoc,  la  Provence,  le  Dauphiné,  le  Vivarais,  le  Lyonnais,  la 
Gascogne,  la  Saintonge,  la  Touraine,  se  couvrirent  de  mûriers.  Enfin 
Colbert,  après  avoir  porté  la  culture  du  mûrier  au  plus  haut  degré, 
tourna  ses  soins  du  côté  de  la  fabrication  des  soies  ;  il  fit  venir  un  nommé 
Benais,  de  Bologne,  pour  établir  un  tirage  de  soie  et  des  moulins. 

Benais  remplit  parfaitement  les  vues  du  ministre  ;  les  soies  de  son 
tirage  furent  bientôt  au  pair  avec  celles  de  sa  patrie.  Le  roi  lui  accorda 
des  gratifications  considérables,  avec  un  titre  de  noblesse;  il  donna  éga- 
lement, par  un  arrêt  du  conseil  du  30  septembre  1670,  des  grands  pri- 
vilèges aux  entrepreneurs  de  la  fabrique  des  soies  et  organsins  façon 
de  Bologne.  Louis  XV  ne  perdit  pas  de  vue  l'objet  important  qui  avait 
occupé  son  prédécesseur  ;  il  rendit  plusieurs  arrêts  pour  favoriser  l'éta- 
blissement des  manufactures  de  soie.  Des  pépinières  furent  également 
établies  dans  plusieurs  provinces,  particulièrement  en  17Zi5,  sous  Le 
Nain,  intendant  du  Poitou  ;  en  1756,  en  Gascogne,  sous  l'intendant  De 
Ligny.  Les  intendants  de  Tours,  de  Montauban  et  de  Grenoble  suivirent 
la  même  voie  :  les  arbres  de  ces  pépinières  furent  gratuitement  distri- 
bués. De  1700  à  1788,  la  France  produisait  environ  6  millions  de  kilo- 
grammes de  cocons.  La  production  tomba  de  moitié  sous  la  République, 
se  releva  sous  l'Empire  et  dans  les  premiers  années  de  la  Restauration, 
mais  sans  revenir  au  chiffre  précédent.  C'est  à  partir  de  1820  qu'elle  reprit 
un  mouvement  ascendant  considérable,  jusqu'en  185Zi,  où  se  font  sentir 
pour  la  première  fois,  d'une  manière  grave,  les  atteintes  de  l'épidémie. 
Quelques  chiffres  nous  serviront  à  démontrer  toute  l'importante  de 
l'industrie  qui  repose  sur  le  Bombycien  dont  nous  faisons  l'histoire. 
M.  Dumas,  rapporteur  au  Sénat  (9  juin  1865)  d'une  pétition  de  sérici- 
culteurs du  Midi,  réclamant  un  dégrèvement  d'impôt  en  raison  de  l'épi- 
démie, évalue  à  1100  millions  de  francs  la  production  annuelle  de  la 
soie  sur  toute  la  terre,  chiffre  dans  lequel  la  France  figurait,  en 
moyenne,  pour  100  millions,  et  qui  s'est  élevé  à  117  millions  en  1853, 
dernière  année  de  la  grande  production  indigène.  Une  once  de  graines 
ou  œufs  (30  grammes),  du  prix  normal  de  Zt  à  5  francs,  donne,  dans  les 
bonnes  années,  50  kilogrammes  de  cocons,  au  prix  moyen  de  5  francs 
le  kilogramme.  Avant  l'épidémie,  on  consommait,  année  commune, 
pour  3  à  4  millions  de  francs  de  graine,  représentant  un  poids  de 
33  000  kilogrammes,  et  600  millions  de  kilogrammes  de  feuilles  de 
mûrier.  Déjà,  en  1853,  on  avait  dû  importer  pour  5  millions  de  francs 
de  graine.  Les  feuilles  représentent,  année  commune,  une  valeur  de 
55  à  60  millions  de  francs.  Si  on  réfléchit  qu'en  outre  la  manufactura- 
tion  des  cocons  récoltés  produisait,  année  moyenne,  en  France,  pour 
160  millions  de  francs,  on  voit  à  quelle  valeur  énorme  se  montait, 
avant  l'épidémie  dont  la  sériciculture  française  n'a  pas  encore  pu 
se   relever,   le   résultat  de  l'élevage  d'une  seule  espèce  séricigène, 


392  LÊPIUOPTËRES. 

et  comment  les  connaissances  ëntomologiques  se  lient  à  des  intérêts 
nationaux  de  premier  ordre.  Quand  le  midi  de  la  France  produisait 
pour  IZi  millions  de  francs  de  cocons,  au  commencement  du  siècle, 
Lyon  mettait  en  mouvement  11  000  métiers  ;  plus  tard,  pour  une  produc- 
tion annuelle  de  50millionsde  francs,  38  000  métiers;  en  1853,  dernier  ef- 
fort de  la  sériciculture  indigène,  H 7  millions  de  francs  de  cocons, 72  000 
métiers.  En  1860,  on  importa  pour  plus  de  13  millions  de  francs  de 
graine,  10  millions  en  1863,  et  le  prix  de  l'once  de  graine  monta  à 
20  francs  pour  de  très  médiocres  races  du  Japon. On  arriva  à  dépenser, 
en  cherchant  à  lutter  à  tout  prix  contre  l'épidémie,  de  26  à  28  millions 
de  francs  par  an  en  achat  de  graines  très  sensiblement  le  bénéfice  net 
des  producteurs.  Dans  le  rapport  de  M.  Fabre  au  Corps  législatif  (17  juin 
1865), il  est  dit  que  la  récolte  de  1865  est  plus  désastreuse  que  jamais; 
que,  depuis  douze  ans,  on  perd  60  millions  par  an,  sans  compter  les 
achats  de  graines  importées,  et  qu'il  y  a  une  perte  d'un  milliard  depuis 
l'invasion  du  fléau. 

L'Italie  et  la  Grèce  ne  sont  pas,  avec  la  France,  les  seules  contrées  où 
pénétra  l'industrie  de  la  soie.  Elle  s'étend  en  Dalmatie,  dans  les  Princi- 
pautés unies  moldaves  et  valaques,  dans  les  provinces  méridionales  et 
caucasiennes  de  la  Russie,  -en Turquie  et  en  Syrie,  où  elle  fait  la  richesse 
desmontagnards  duLiban.  Des  tentatives  plus  ou  moins  heureuses  ont  été 
faites  dans  les  contrées  septentrionales  de  l'Europe,  et  nous  devons  remar- 
quer qu'en  France,  si  nous  n'avons  qu'une  vingtaine  de  départements 
franchement  séricicoles,  les  trois  quarts  du  pays  se  prêteraient  avec  succès 
à  l'industrie  de  la  soie.  Comme  l'a  dit  Olivier  de  Serres,  dans  tous  les  lieux 
où  vient  la  vigne  vit  le  mûrier,  et  encore  au  delà.  Elisabeth  a  essayé 
d'introduire  le  mûrier  en  Angleterre,  et  la  duchesse  d'Aschot,  à  peu  près 
à  la  môme  époque  (1593-1595),  éleva  des  Vers  à  soie  avec  des  mûriers 
plantés  aux  environs  de  Leyde  et  s'habilla  de  leurs  tissus,  ainsi  que  les 
dames  de  sa  suite.  En  1607,  des  plantations  de  mûriers  furent  créées 
près  de  Bruges.  Après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  les  protestants 
du  Midi,  dispersés,  cherchèrent  à  étabUr  dans  diverses  contrées  l'industrie 
qui  les  faisait  vivre.  Ces  tentatives  continuent  encore  en  Angleterre 
("Wallace,etc.).  Des  essais  furent  même  faits  en  Suède  et  en  Danemark, mais 
la  rigueur  des  hivers  opposa  des  obstacles  insurmontables.  En  1820,  la 
Bavière  entreprit  des  plantations  de  mûriers,  et  depuis  elle  a  été  imitée 
par  le  Wurtemberg  et  la  Prusse.  L'acclimatation  du  mûrier  et  du  Ver  à 
soie  a  eu  lieu  dans  les  pays  les  plus  lointains  :  arbres  et  insectes  ont  été 
introduits  en  Bolivie,  au  Pérou,  au  Chili,  prospèrent  au  Brésil  et  en 
Australie.  La  Nouvelle^-Zélande  leur  est  très  propice.  Dans  les  Antilles, 
on  peut  faire  jusqu'à  huit  récoltes  par  an  et  dépouiller  quatre  fois  le 
mûrier  de  ses  feuilles.  Les  Vers  à  soie  et  leur  arbre  ont  aussi  été  intro- 
duits à  Cayenne,  à  l'île  delà  Réunion,  à  Pondichéry.  Les  pluies  torren- 
tielles de  ces  pays  sont  un  grave  obstacle  aux  éducations. 

Les  contrées  qui  ont  toujours  produit  et  donnent  encore  la  plus  grande 


SEBICARIA.  393 

quantité  de  cocons,  et  par  suite  de  soies  filées,  sont  la  Chine  et  le  Japon  ; 
nous  connaissons  très  mal  les  races  de  Vers  à  soie  de  ces  vastes  régions, 
dans  lesquelles,  malgré  les  traités  arrachés  à  coups  de  canon  à  leurs 
gouvernements,  il  est  presque  impossible  à  l'Européen  de  pénétrer,  en 
raison  'de  l'hostilité  des  populations.  Dans  les  régions  chaudes  de  l'ex- 
trême Orient,  le  sud  de  la  Chine,  l'inde,  rindo-Chine,  où  le  mûrier  se 
développe  toute  l'année,  il  y  a  des  races  de  Vers  à  soie  polyvoltines,  se 
succédant  rapidement  dans  la  même  année.  Depuis  les  épidémies,  qui 
ont  rendu  très  peu  productives  les  éducations  dans  toute  l'Europe  et 
dans  l'Asie  occidentale,  c'est  presque  exclusivement  à  la  Chine  et  au 
Japon  que  l'industrie  demande  ses  soies.  Elle  a  beaucoup  moins  souffert 
que  les  producteurs  indigènes  et  a  modifié  la  fabrication  en  rappf/i  t 
avec  des  soies  inférieures^  les  étoffes  sont  moins  belles,  beaucoup  mcms 
solides,  contiennent  beaucoup  plus  d'apprêt  qu'autrefois  et  ofl'rent  de 
fréquents  mélanges  de  laine  ou  de  coton. 

Le  Ver  à  soie  a  été,  en  quelque  sorte,  créé  pour  le  mûrier,  et  récipro- 
quement ;  aussi  l'histoire  de  l'un  et  de  l'autre  estcorrélative.  On  a  pro- 
posé divers  succédanés  du  mûrier,  mais  on  n'a  pas  tardé  à  les  recon- 
naître impossibles.  C'est  à  peine  si,  nourrie  avec  des  feuilles  de  Scorzo- 
nère,  une  première  génération  de  Vers  parvient  à  filer  de  détestables 
cocons;  la  race  s'éleint  en  général  à  la  seconde  génération.  Avec  l'ortie, 
la  laitue,  la  ronce  et  quelques  autres  plantes,  les  Vers  cessent  de 
manger  au  bout  de  peu  de  jours.  En  etl'et,  en  naissant  le  jeune  Ver 
mange  à  peu  près  tout,  ainsi  des  feuilles  tendres  de  laitue  ;  mais  on  ne 
prolongerait  pas  longtemps  impunément  une  pareille  nourriture  ;  bien- 
tôt la  dysenterie  enlève  les  jeunes  chenilles.  Des  Vers  nourris  avec  de 
jeunes  feuilles  de  chêne  ont  élé  présentés  à  M.  E.  Blanchard.  Je  n'ai 
pas  appris  que  ces  essais  aient  élé  renouvelés.  Au  Muséum,  en  18G0, 
M.  Vallée  a  élevé  des  Vers  à  soie  sur  le  chardon  à  foulon,  avec 
lequel  il  nourrissait  avec  succès  VAttacus  Cynthia  Vera  G.  Mén.; 
il  a  obtenu  des  cocons,  médiocres  il  est  vrai.  Les  chenilles  de  Sericaria 
won  élevéesjusqu'à  la  troisième  mue  avec  le  chardon  à  foulon,  puis  ter- 
minées au  mûrier,  ont  donné  de  beaux  cocons.  Le  mûrier  des  Usages, 
{Maclura  aurantiaca),  de  l'Amérique  boréale,  a  prolongé  les  Vers  plus 
longtemps  que  la  laitue. 

Le  mûrier  à  papier  {Broussonetia  papijrifera),  l'érable  de  Tartarie, 
sont  aussi  mangés  pendant  quatre  à  cinq  jours,  puis  rejetés. 

Les  auteurs  chinois  prétendent  qu'à  défaut  de  feuille  de  mûrier 
fraîche,  on  peut  nourrir  les  Versa  soie  avec  de  la  feuille  sèche  pilée, 
ou  de  la  feuille  saupoudrée  de  farine  de  riz;  jamais  de  [pareils  essais 
n'ont  réussi  en  France.  Loiseleur-Deslongchamps  s'en  est  beaucoup 
occupé,  et  a  vu  que  les  Vers  bien  portants  etvoraces  mangent  ces  sub- 
stances avec  les  feuilles  comme  beaucoup  de  matières  inertes  non  nutri- 
tives, dont  on  peut  les  saupoudrer,  ainsi  la  craie,  la  poussière  des  che- 
mins, le  charbon  pilé,  la  poudre  même  de  leurs  excréments  desséchés. 


39/i  LÉPIDOPTÈRES. 

Dans  des  essais  en  petit,  M.  E.  Blanchard ,  suivant  en  cela  le  procédé 
des  entomologistes  pour  l'éducation  des  chenilles  indigènes,  a  donné 
aux  Vers  à  soie  des  feuilles  de  miirier  imprégnées  de  gouttelettes  d'eau, 
car  les  chenilles  boivent  volontiers;  les  cocons  ont  été  plus  forts. 
Allant  plus  loin  encore,  M.  Robinet  n'a  pas  craint  de  préconiser  et  d'en- 
treprendre en  grand  l'éducation  à  la  feuille  mouillée  ;  mais  celte  prati- 
que n'a  pas  prévalu;  c'est  généralement  au  moyen  de  la  feuille  fraîche 
et  séchée  à  sa  surface  que  se  font  les  éducations. 

Comme  la  première  condition  de  l'élevage  des  Vers  à  soie  est  le 
mûrier,  nous  devons  donner  de  brèves  indications  sur  cet  arbre.  Il 
appartient  à  la  Monoëcie  tétrandrie,  de  Linnœus,  et  aux  Urticées,  de 
de  Jussieu.  Ce  sont  spécialement  trois  espèces  du  genre  Morus  qui  sont 
cultivées  en  Europe  pour  la  nourriture  des  Vers  à  soie  :  la  principale 
est  le  mûrier  blanc  {Morus  alba),  offrant  de  nombreuses  variétés. 
Le  mûrier  noir  {Morus  nigra),  plus  haut  que  le  précédent,  est  beaucoup 
moins  avantageux  pour  la  nourriture  des  Vers  à  soie.  C'est  le  premier 
introduit  en  Europe  ;  sa  reproduction  est  moins  rapide  que  celle  des 
autres  espèces.  Enfin  le  mûrier  multicaule  {Morus  multicaulis)  offre 
l'avantage  d'une  facile  reproduction,  et  c'est  lui  qui  se  prête  le  mieux 
aux  éducations  annuelles  multiples. 

On  fait  les  semis  de  mûriers  à  la  fin  de  février,  en  mars,  en  avril, 
selon  qu'on  remonte  du  sud  au  nord  de  la  France  et  qu'on  craint  plus 
ou  moins  les  gelées.  Ces  semis  donnentdes  sauvageons  de  mûrier  blanc, 
qui  sont  transplantés  à  demeure  ou  en  pépinière,  quand  les  grands 
froids  sont  passés,  et,  sur  ces  sauvageons,  on  greffe  en  écusson  une 
foule  de  variétés,  reconnues,  d'une  localité  à  l'autre,  les  plus  favorables 
à  l'éducation  des  Vers.  Les  boutures  et  marcottes  ne  valent  rien,  ne 
donnant  que  des  arbres  dégénérés.  La  taille  des  mûriers,  qui  se  fait 
depuis  la  chute  des  feuilles  jusqu'en  hiver,  doit  tendre  à  rapprocher 
ces  arbres  le  plus  possible  de  l'état  naturel,  celui  où  les  branches  font 
avec  la  tige  un  angle  de  hO"  à  ZiS",  ce  qui  est  la  meilleure  position  pour 
que  le  soleil  fasse  développer  le  plus  de  feuilles  possible.  Les  habitants 
de  la  province  de  Grenade  ne  taillent  jamais  leurs  mûriers,  et  leur  soie 
est  la  plus  fine  de  toute  l'Espagne;  ce  qui  prouve  qu'il  faut,  autant 
qu'on  peut,  se  rapprocher  de  la  nature.  Les  mûriers  aiment  les  endroits 
élevés  et  bien  abrités,  au  midi  ou  au  levant.  Les  sols  crayeux  et  argileux 
qui  retiennent  l'eau,  et  surtout  les  sols  marécageux,  leur  conviennent 
peu,  car  ils  donnent  alors  de  larges  feuilles,  mais  pauvres  en  sucs  et 
nourrissant  mal  les  Vers  à  soie.  Il  faut  un  terrain  léger,  graveleux, 
sablonneux,  où  les  racines  peuvent  se  fasciculer  et  s'étendre  au  loin; 
alors  les  feuilles  sont  tendres  et  nourrissantes  pour  les  Vers.  On  rem- 
place parfois  les  mûriers  à  haute  tige  par  des  mûriers  nains,  plus  pré- 
coces en  feuilles  et  plus  commodes  pour  la  récolte;  le  nombre  final  de 
feuilles  est  moindre  pour  la  même  étendue  de  terrain,  ce  qui  compense 
es  avantages.  On  fait  aussi  des  haies  de  mûriers,  en  forçant  les  bran- 


SERICARIA.  395 

ches  latérales  à  s'incliner.  Enfin  on  cultive  encore  les  mûriers  en 
taillis. 

En  France,  la  nourriture  à  la  feuille  est  presque  seule  usitée.  On  fait 
ordinairement  la  première  cueillette,  suivant  la  force  du  sujet,  de  la 
troisième  à  la  quatrième  année  de  la  transplantation.  Quand  les  arbres 
sont  trop  jeunes,  la  feuille,  aqueuse  et  peu  nourrissante,  ressemble  à 
celle  des  mûriers  plantés  dans  des  fonds  bas  et  humides.  Pour  enlever 
la  feuille,  on  prend  la  branche  d'une  main  et  on  glisse  l'autre  de  bas  en 
haut,  et  non  à  l'inverse,  car  on  ferait  sauter  les  bourgeons  et  on  déter- 
minerait des  plaies  à  l'écorcc.  Il  faut  cueillir  feuille  à  feuille,  en  respec- 
tant les  bourgeons,  et  laisser  les  deux  feuilles  les  plus  élevées  du  bou- 
quet, afin  qu'elles  facilitent  le  prolongement  du  bourgeon  terminal.  A 
mesure  qu'on  effeuille  un  arbre,  on  doit  séparer  les  mûres  et  ne  pas  les 
mêler  avec  les  feuilles  dans  les  sacs,  de  peur  d'allérer  celles-ci.  Aussitôt 
les  charges  de  feuilles  rendues  à  la  magnanerie,  il  faut  ôter  les  feuilles 
des  sacs,  les  étendre  dans  un  lieu  aéré  et  ne  pas  les  laisser  amoncelées, 
car  elles  s'échaufferaient,  fermenteraient  et  donneraient  des  maladies 
aux  Vers.  Une  fois  qu'on  a  commencé  à  cueillir  les  feuilles,  il  faut  en 
dépouiller  l'arbre  en  entier  ;  si  on  en  laissait  sur  certains  rameaux, 
toute  la  sève  s'y  porterait  au  détriment  du  reste  du  végétal.  Si  la 
feuille  est  rouilles  et  languissante,  on  le  laisse,  et  on  répare  l'arbre 
par  des  engrais  ou  des  labours.  La  cueillette  achevée,  on  émonde 
l'arbre  pour  le  débarrasser  des  chicots  et  des  branches  rompues  ;  opé- 
ration différente  de  la  taille,  pour  laquelle  on  attend  la  chute  naturelle 
des  feuilles. 

L'exploitation  des  mûriers  est  toute  différente  en  Orient,  où  en  nour- 
rit les  Vers  sur  des  rameaux  garnis  de  leurs  feuilles.  Cet  élevage,  dit  à 
la  turque,  a  été  préconisé  comme  un  des  moyens  préventifs  de  l'épidé- 
mie. Son  grave  inconvénient  industriel  est  d'exiger  une  place  consi- 
dérable; mais  on  comprend  que  cette  méthode  est  bien  plus  hygié- 
nique pour  les  chenilles;  l'air  circule  partout  entre  les  feuilles,  les  larves 
ne  séjournent  pas  sur  des  litières  compactes,  au  milieu  de  leurs  déjec- 
tions; les  émanations  putrides  sont  nulles  ou  rares.  On  consultera  l'ar- 
ticle Mûrier,  de  Loiseleur-Deslongchamps  {Dict.  des  sciences  natur.  de 
Delerville,  Paris,' iS2U,  t.  XXXUI). 

Dans  le  midi  de  la  France,  on  donne  le  nom  de  magnans  ou  magnas 
aux  Vers  à  soie,  de  magnaneries  aux  locaux  où  se  fait  l'élevage  de  cette 
espèce,  qui  est  domestiquée  et  non  acclimatée,  de  magnaniers,  aux  per- 
sonnes qui  entreprennent  et  dirigent  ces  exploitations.  Les  magnane- 
ries ont  reçu  des  perfectionnements  successifs  et  sont  devenues  de  vastes 
édifices,  où  la  science  moderne  a  appliqué  ses  procédés  les  plus  parfaits 
de  ventilation,  par  les  tarares  et  les  cheminées  d'appel.  C'est  surtout 
Dandolo  qui  a  opéré  en  Italie  ces  perfectionnements  qui  ont  été  ensuite 
importés  en  France.  Ici  il  faut  remarquer  que  l'épidémie  terrible  qu'on 
traverse  doit  faire  profondément  réfléchir  :  n'a-t-on  pas  eu  tort  d'enti-e- 


S9()  i.tPinoPTfenES 

prendre  ces  éducations  grandioses?  On  s'est  trop  laissé  entraîner  par 
analogie  avec  ce  qui  se  passe  dans  les  autres  industries  où  le  gain  est 
en  raison  directe  de  l'étendue  des  élablissements,  parce  que  les  frais 
généraux  croissent  moins  que  l'augmentation  du  produit.  On  a  trop 
méconnu  qu'il  s'agit  ici  d'un  être  vivant,  ne  se  pliant  pas  aux  conditions 
manufacturières  comme  une  matière  inerte,  et  que  l'entassement,  le 
chauffage  pour  hâter  le  développement,  ont  affaibli  les  races  et  les  ont 
prédisposées  aux  épidémies  foudroyantes.  Les  Chinois  n'ont  pas  de 
magnaneries  :  ce  sont  des  éducations  de  ménage,  en  petit,  sous  des  han- 
gars, quand  le  climat  le  permet,  avec  de  très  grands  soins  pour  l'aérage 
et  pour  maintenir  la  pureté  de  l'air.  Peut-être  devra-t-on  revenir  en 
partie  aux  locaux  rustiques  dont  parle  Boissier  de  Sauvages,  se  ventilant 
naturellement  par  le  toit,  les  murs,  les  joints  incomplets  des  portes  et 
des  fenêtres. 

M.  de  Quatrefages  a  remarqué  dans  les  Cévennes  que  les  éducations 
qui  ont  le  mieux  résisté  au  fléau  sont  celles  qui  sont  installées  dans  des 
étables,  dans  des  cabanes  à  sécher  les  châtaignes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  examinons  la  disposition  de  la  magnanerie.  On 
doit  éviter  le  voisinage  des  cours  d'eau  et  surtout  des  eaux  stagnantes, 
les  fonds  des  vallées,  à  fenipératures  trop  inégales.  Il  faut  un  petit  mon- 
ticule où  règne  un  grand  courant  d'air.  Le  mieux  est  de  disposer  le  bâti- 
ment du  nord  au  sud,  ayant  sa  plus  grande  face  au  levant  et  percé  de 
nombreuses  fenêtres.  Ces  précautions  sont  au  reste  peu  importances 
aujourd'hui,  avec  les  moyens  modernes  d'aérage  et  de  chauffage.  Au 
rez-de-chaussée  se  fait  le  dépôt  des  feuilles,  au  premier  est  l'atelier; 
au  second,  un  grenier  pour  sécher  les  feuilles  mouillées.  Pour  une 
bonne  éducation,  un  gramme  de  graine  exige  un  mètre  carré  de  sur- 
face; en  général  et  à  tort,  on  lui  accorde  moins.  Une  once  de  graine  de 
30  grammes  contient  environ  /|0  000  œufs  et  demande,  en  nombres 
ronds,  1000  kilogrammes  de  feuilles,  pour  donner,  comme  plus  haut 
produit  possible,  mais  très  rarement  obtenu,  100  kilogrammes  de  co- 
cons. En  moyenne  ordinaire,  la  feuille  ne  donne  que  5  pour  100  de 
son  poids  de  cocons. 

L'atelier  offre  une  pièce  servant  de  chambre  d'incubation  pour  les 
œufs  et  où  on  élève  les  Vers  jusqu'à  la  première  mue.  Puis  vient  la 
chambre  d'élevage  pour  le  reste  de  la  vie  de  la  chenille,  et  enfin  une 
infirmerie  pour  les  vers  malades.  Des  hygromètres,  et  surtout  des  ther- 
momètres, fréquemment  consultés,  sont  suspendus  dans  les  salles.  Le 
chauffage  si  vicieux  des  anciennes  magnaneries,  par  des  feux  intérieurs 
qui  remplissaient  l'édifice  d'acide  carbonique  et  d'acres  produits  vola- 
tils, est  remplacé  par  des  calorifères  à  bon  tirage;  ce  qui  constitue  le 
moyen  préférable. 

Il  faut  proscrire  les  poêles  de  fonte,  dégageant  de  l'oxyde  de  carbone 
(Boussingault). 

Des  montants,  enclavés  dans  le  carrelage  de  la  magnanerie,  portent 


SERIGARIA.  S97 

dés  tablettes  en  bois,  ou  en  roseaux,  ou  en  cannes  entrelacées,  sur  les- 
quelles sont  placés  les  Vers.  Des  corbeilles  d'osier,  ou  clayons,  servent 
au  transport  des  Vers  sur  les  tablettes,  et  aussi  à  les  contenir  jusqu'à 
la  premic^re  mue.  Le  dclitage  est  l'opération  par  laquelle  on  change  les 
Vers  de  litiùre  en  leur  apportant  des  feuilles  nouvelles,  et  les  dédouble- 
ments consistent  à  transporter  une  partie  des  Vers  sur  de  nouvelles 
tablettes,   à  mesura  qu'ils  grandissent.  On  se  sert  pour  cela  de  filets 
de  fd  ou  de  papier  percés  de  trous  proportionnés  à  la  grosseur  des 
Vers,  on  y  place  les  feuilles  fraîches,  les  Vers  passent  à  travers  les  in- 
terstices pour  gagner  les  feuilles;  on  les  enlùve  alors  d'un  seul  coup  et 
on  se  débarrasse  des  litières  putrides;  cette  méthode  est  bien  meilleure 
que  le  délifage  à  la  main,  très  long  et  où  l'on  blessait  beaucoup  de 
Vers.  Quand  la  graine  cclot,  on  jette  dessus  des  bourgeons  de  mûrier  et 
on  les  ramasse  bientôt  chargés  de  petits  Vers;  ou  mieux  on  •verse  de  la 
feuille,  hachée  menu,  sur  des  papiers  percés  de  petits  trous  dont  on 
recouvre  les  œufs  dans  la  chambre  d'incubation.  11  est  recommandé  de 
hacher  les  feuilles  dans  les  premières  périodes  de  l'élevage,  car  on  pré 
sente  ainsi  aux  jeunes  chenilles,  avec  moins  de  fatigue,  les  aliments 
disponibles  sur  une  bien  plus  grande  étendue,  en  multipliant  des  bords 
artificiels.  C'est  toujours  par  les  bords,  en  effet, que  les  feuilles  sont  at- 
quées  par  les  chenilles  des  Lépidoptères  (à  l'excepfson  des  petites 
espèces  qui  sont  mineuses  de  feuilles  entre  les  deux  épidermes).  Pour 
distribuer  la   feuille  hachée  à  divers  degrés  variables,  on  se  sert  de 
tamis  de  différents  périmètres  de  réseau,  ce  qui  donne  une  distribution 
bien  plus  régulière  que  celle  opérée  à  la  main. 

Les  races  les  plus  habituellement  élevées  de  Vers  à  soie  sont  univoî- 
tines  ou  annuelles,  ne  donnant  par  an  qu'une  éclosion  de  papillons, 
dont  les  œufs  passent  sans  éclore  le  reste  de  l'été,  l'automne  et  l'hiver, 
ne  donnant  les  chenillettes  qu'au  printemps  de  l'année  suivante.  Cer- 
tains éducateurs,  contre  l'opinion  commune,  ont  préconisé  l'éducation 
en  automne,  en  retardant  à  la  glacière  l'éclosion  des  œufs  jusqu'à  cette 
époque.  On  risque  d'abord  d'eu  détruire  un  certain  nombre  ;  mais  le 
plus  grave  inconvénient,  c'est  l'état  de  la  feuille  en  cette  saison.  Les 
Chinois  ne  font  ces  éducations  d'automne  que  quand  celle  du  printemps 
a  manqué.  On  a  essayé  aussi  les  éducations  multiples,  au  nombre  de 
deux  ou  trois  par  an,  en  se  servant  de  races  polyvoltines.  Il  y  a  alors  le 
danger  des  touffes  (a?phyxie  foudroyante  des  Vers)  aux  fortes  chaleurs 
de  juillet  et  d'août;  en  outre,  les  mûriers  sont  très  fatigués  par  des  cueil- 
lettes répétées;  il  est  vrai  qu'on  atténue  beaucoup  cet  inconvénient  si 
on  se  sert  du  mûrier  multicaule,  qu'on  peut  recéper  tous  les  ans  et  qui 
supporte  bien  un  second  effeuillage;  mais  il  reste  toujours  le  fait  de  la 
dureté  de  la  feuille,  à  partir  du  mois  de  juillet.  Le  mieux,  dans  ce  cas, 
est  de  suivre  la  méthode  de  Loiseleur-Deslongchamps,  en  divisant  la 
graine  en  troislots  successifs,  faisant  éclore  le  second  quand  le  premier 
est  au  quatrième  âge,  etc.,  de  telle  sorte  que  les  Vers  se  succèdent  pour 


398  LÉPIDOPTÈRES. 

la  montée  dans  le  mâme  atelier,  et  que  la  troisième  éducation  soit  ter- 
minée aux  premiers  jours  de  juillet,  la  première  ayant  commencé  en 
avril.  On  a  essayé  les  éducations  en  plein  air,  sur  les  arbres.  Les  résul- 
tats sont  très  contradictoires.  Un  argument  très  important  contre  ce 
mode  d'éducation,  c"est  que  les  Chinois  n'élèvent  nulle  part  en  plein 
air  sur  les  mûriers  leurs  races  si  diverses  de  Vers  à  soie  ;  ce  sont  d'au- 
tres espèces,  les  Attacus  Cynthia  Vera  G.  Mén.  et  Pernyi  G.  Mén.,  qui 
sont  les  sujets  des  éducations  chinoises  à  découvert  sur  les  arbres. 

Un  point  capital  pour  les  magnaniers,  c'est  une  égalité  parfaite  dans 
l'éducation  des  Vers;  il  faut  que  les  mues,  pendant  lesquelles  les  Vers 
ne  mangent  pas  et  permettent  d'économiser  la  feuille,  se  fassent  en 
même  temps  pour  tous;  on  laisse  jeûner  les  premiers  vers  éclos,  pour 
assurer  cette  précieuse  uniformité  de  transformation.  L'étude  de  l'éclo- 
sion  des  œufs  et  des  diverses  périodes  de  la  vie  de  chenille  va  com- 
pléter les  notions  générales  sur  les  magnaneries,  et  aidera  à  les  bien 
comprendre. 

Les  œufs  des  Vers  à  soie,  ce  qu'on  nomme  la  graine,  ont  été  pondus 
par  les  papillons  femelles,  soit  sur  des  étoffes  de  laine,  soit  sur  toile, 
soit,  mieux  encore,  sur  des  cartons  ou  de  forts  papiers,  car  les  cartons 
produisent  bien  moins  réchauffement  de  la  graine  et  ne  sont  pas  atta- 
qués par  les  teignes,  comme  les  étoffes  de  laine.  Les  œufs  adhèrent  au 
moyen  de  l'enduit  collant  habituel  aux  œufs  de  papillons,  et  qui  est  très 
faible  dans  certaines  races  de  Vers  à  soie,  ainsi  des  races  grecques  ;  de 
sorte  qu'alors  les  œufs  sont  toujours  en  petits  sachets.  Il  est  très  facile 
de  peser  les  œufs  adhérents  à  un  carton  au  moyen  d'un  carton  servant 
de  tare.  On  peut  laisser  les  œufs  éclore  sur  les  cartons,  ou  les  détacher 
après  une  immersion  dans  l'eau.  Les  œufs  fécondés  tombent  au  fond, 
les  œufs  stériles  restent  à  la  surface.  11  est  important  de  pouvoir  recon- 
naître les  œufs  féconds  :  d'un  jaune  clair  au  moment  de  la  ponte,  ils 
passent  au  bout  de  peu  de  jours,  s'ils  sont  féconds,  à  la  couleur  gris 
cendré.  Quand  le  travail  de  la  chambre  d'incubation  s'opère,  la  couleur 
gris  cendré  se  rapproche  peu  à  peu  du  bleu  de  ciel,  ensuite  du  violet  ; 
elle  redevient  cendrée,  puis  tirant  sur  le  jaunâtre,  et  enfin  d'un  blanc 
sale,  au  moment  où  le  Ver  à  soie  va  sortir.  Il  est  alors  entièrement 
formé  ;  à  la  loupe,  on  l'aperçoit  courbé  en  arc,  avec  sa  tête  pareille  à 
un  point  noir.  On  conserve  les  œufs  à  la  cave  ou  à  la  glacière  pour  les 
empocher  d'éclore  avant  l'époque  où  la  feuille  de  mûrier  est  suf- 
fisamment développée.  11  ne  faut  pas  les  mettre  en  contact  avec  la 
glace,  ni  même  les  laisser  exposés  à  l'air  humide  saturé  de  la  gla- 
cière. On  suspend  les  sachets,  les  toiles  ou  les  cartons,  dans  des 
caisses  de  fer-blanc  ou  dans  de  grands  bocaux  de  verre  réfrigérés  exté- 
rieurement. De  temps  à  autre  on  les  débouche  un  moment,  afin  de  re- 
nouveler la  provision  d'air  nécessaire  à  la  respiration  des  embryons.  On 
peut  se  faire  à  peu  de  frais  une  glacière  à  œufs,  très  commode,  qui 
peut  servir  pour  les  élevages  de  beaucoup  de  Lépidoptères.  On  prend 


SERICARIA.  399 

une  fontaine  de  grès  au  centre  de  laquelle  sont  disposées  les  boites  de 
métal  ou  les  bocaux  à  œufs,  et,  autour  d'eux,  des  morceaux  de  glace 
dont  l'eau  de  fusion  sort  par  le  robinet  de  la  fontaine.  Celle-ci  est  dans 
un  tonneau  et  entourée  d'une  couche  épaisse  de  coton  cardé,  très 
mauvais  conducteur. 

L'époque  propice  arrivée,  on  procède  à  l'incubation  des  œufs.  Elle  se 
faisait  anciennement  à  la  chaleur  du  fumier;  on  y  substitua  ensuite,  et 
pendant  longtemps,  la  chaleur  humaine  ou  celle  des  lits;  enfin,  on 
s'est  servi  de  couveuses  artificielles,  ou  mieux,  de  chambres  d'incuba- 
tion échauffées  par  des  poêles.  Les  Chinois  attachent  une  grande  im- 
portance à  baigner  les  œufs  des  Vers  à  soie,  avant  de  les  faire  éclore, 
dans  des  liquides  de  différentes  natures  :  de  l'eau  salée,  de  l'eau  de 
chaux,  de  l'urine  de  vache.  Ces  lotions  ne  sont  pas  usitées  en  Europe  ; 
pourtant,  Dandolo  recommande  le  vin;  d'autres,  une  solution  légère  de 
sulfate  de  cuivre,  préservatif  contre  la  muscardine.  D'après  M.  Corna- 
lia,  le  travail  de  l'organisation  de  l'œuf  du  Ver  à  soie  commence  presque 
aussitôt  après  la  ponte;  l'embryon  est  constitué  sur  le  vitellus  dès  le 
sixième  jour,  et  vers  le  milieu  de  l'hiver  il  présente  tous  les  caractères 
d'un  animal  annelé  reconnaissable.  Donc,  le  transport  et  les  moyens  de 
conservation  agissent  sur  des  animaux  déjà  formés  plutôt  que  sur  des 
œufs  proprement  dits.  Cependant  le  Ver  tout  formé,  mais  protégé  parla 
coque,  est  très  robuste  et  peut  éprouver  impunément  de  grandes  varia- 
tions de  température.  Robinet  a  vu  que  les  œufs  peuvent  supporter  jus- 
qu'à-)- 55  degrés  sans  cesser  d'éclore.  Loiseleur-Deslongcbamps,  d  autre 
part,  a  constaté  que  les  œufs  ne  périssent  pas,  bien  qu'exposés  à  l'air  libre, 
pendant  toute  la  durée  des  hivers  parisiens,  à  des  températures  qui  ont 
parfois  atteint—  18  degrés.  11  a  reconnu  aussi  que  les  œufs  résistent  à  des 
submersions  dans  l'eau  pendant  quarante-huit  heures,  et,  d'après  l'ou- 
vrage de  Stanislas  Julien,  les  Chinois,  avant  de  les  mettre  à  l'éclosion, 
les  laissent  dans  l'eau  salée  ou  dans  l'eau  de  chaux  pendant  douze  et 
même  pendant  vingt-quatre  jours,  pratiques  qui  n'ont  jamais  été  em- 
ployées dans  les  éducations  européennes,  qui  ont  offert,  avant  l'épidé- 
mie qui  portera  le  nom  du  dix-neuvième  siècle,  des  races  robustes  et 
magnifiques.  Quand  le  Ver  est  sur  le  point  d'éclore,  il  ronge  la  pellicule 
interne  de  la  coque,  qui  prend  alors  un  aspect  blanchâtre  et  trouble; 
puis  le  Ver  attaque  la  coque  elle-même,  à  l'ouverture  micropylaire,  et 
on  voit  à  la  loupe  son  bec  noir  (mandibules)  en  train  d'user  lentement 
le  chorion  corné. 

Les  éclosions  se  font  à  toutes  les  heures,  mais  principalement,  et 
dans  une  proportion  considérable,  de  cinq  heures  à  dix  heures  du 
matin,  et  la  plus  forte  partie,  de  cinq  heures  à  sept  heures,  circon- 
stance fort  commode  pour  le  premier  travail  de  la  magnanerie.  On 
donne  le  nom  d'dges  du  Ver  à  soie  aux  périodes  de  son  existence  sépa- 
rées par  des  mues  ou  changements  de  peau.  Le  premier  âge  (dans  une 
éducation  de  trente-deux  jours,  à  19  degrés)  comprend  cinq  jours  ;  le 


^00  l.tPlDOPTÈRES. 

deuxième,  quatre;  le  Iroisième,  six;  le  quatrième,  sept,  et  le  cin 
quiôme,  dix.  Dans  une  éducation  de  vingt-six  jours,  le  premier  flge  est 
de  quatre  jours;  le  deuxième,  trois;  le  troisième,  six;  le  quatrième, 
cinq,  et  le  cinquième,  huit.  Ces  âges  sont  séparés  par  les  mues  pendant 
lesquelles  l'animal  reste  immobile,  le  corps  à  demi  relevé,  comme  les 
chenilles  de  Sphinx,  auxquelles  il  ressemble  par  sa  tète  petite,  son  pre- 
mier anneau  très  l'en  fié  et  sa  corne  anale.  En  mue,  le  Ver  ne  mange 
pas,  de  sorte  qu'on  ne  donne  pas  de  feuille  dans  chaque  jour  de  pas- 
sage d'un  âge  à  l'autre;  c'est  ce  qui  explique  la  haute  importance  de 
l'égalité  dans  l'éducation  des  vers,  obtenue  par  une  éclosion  aussi  si- 
multanée que  possible,  suivie  de  l'identité  des  conditions  alimentaires 
et  thermiques.  La  tète  du  Ver,  qui  ne  grossit  pas,  paraît  allongée  et 
noire  quand  il  se  dispose  à  muer,  et,  au  contraire,  grosse  et  peu  foncée 
après  la  mue.  Le  Ver  jette  autour  de  lui  des  fils  qu'il  attache,  comme 
supports,  aux  objets  voisins,  et,  appuyé  sur  ces  fils,  il  sort  de  son  an- 
cienne peau  qui  se  fend  au  milieu  du  dos.  Dans  ces  sommeils,  j'ai  re- 
connu que  la  température  du  Ver,  du  moins  pour  la  surface  du  corps, 
devient  celle  du  milieu  ambiant  et  même  peut  s'abaisser  au-dessous, 
tandis  que  dans  les  frèzes,  ou  périodes  de  voracité,  elle  se  relève  au- 
dessus. 

La  chenille  du  Sericaria  mori  porte  un  éperon  sur  le  onzième  anneau, 
à  la  façon  des  chenilles  de  Sphingiens  et  de  VEndromis  versicolora  Linn. 
Au  premier  âge,  le  Ver  à  soie  est  noir,  poilu,  puis  de  couleur  noisette 
au  moment  où  va  s'opérer  la  première  mue.  Il  faut  alors,  selon  Bona- 
fous,  3  kilogrammes  et  demi  de  feuilles  par  once  de  graine  (30  gram- 
mes). Lors  du  deuxième  âge,  le  Ver  est  presque  glabre,  d'un  cendré 
foncé,  H  anneaux  apparents;  il  devient  bientôt  d'un  gris  clair,  et  enfin 
d'un  blanc  jaunâtre  avec  apparition  des  croissants  sur  les  second  et  cin- 
quième anneaux  de  l'abdomen.  Il  consomme  alors  plus  de  10  kilo- 
grammes de  feuilles  par  once  de  graine.  Le  Ver  est  sans  aucune  villosité 
dans  le  troisième  âge,  d'un  blanc  terne  allant  en  s'éclaircissant,  la  tète 
rousse;  quelques-uns,  qu'on  nomme  moricauds  ou  bouchnrds,  et  qui 
constituent  une  race  robuste,  restent  toujours  bruns  ou  noirâtres.  Il 
demande  alors  35  kilogrammes  de  feuilles.  Au  quatrième  âge,  il  est  né- 
cessaire d'opérer  le  dédoublement  peur  donner  aux  Vers  une  plus 
grande  surface.  La  nourriture  exige  100  kilogrammes  de  feuilles,  en 
tout  jusqu'ici  150  kilogrammes  environ.  Le  cinquième  âge  est  celui  des 
maladies  graves  et  subites  ;  les  Vers  ont  alors  une  très  grande  voracité  et 
consomment  plus  de  650  kilogrammes  de  feuilles.  Au  septième  jour  de 
cet  âge,  leur  faim  est  insatiable;  c'est  la  grande  frèze  ou  briffe,  la  furia 
des  Italiens.  En  ce  jour,  les  Vers  issus  de  30  grammes  de  graine  con- 
somment en  poids  autant  que  quatre  chevaux,  et  le  bruit  de  leurs  mâ- 
choires ressemble  à  celui  d'une  forte  averse.  A  la  fin  de  cet  âge,  le  Ver, 
prêt  à  filer,  va  récompenser  le  travail  et  la  dépense  du  magnanier.  On 
reconnaît  la  maturité  ou  montée  aux  caractères  suivants  :  les  Vers  mon- 


si:ri(;ai;ia.  /jOI 

tent  sur  la  feuille  sans  la  mordre  et  dressent  la  tète;  leur  corps  est 
translucide,  de  la  couleur  d'une  prune  jaune  ou  d'un  raisin  blanc  très 
mur;  ils  cherchent  à  grimper  sur  les  bords  des  claies;  leurs  anneaux 
se  raccourcissent  et  la  peau  de  leur  cou  se  ride;  le  corps  devient  mou 
comme  de  la  pite  ;  enfin  l;i  plupart  des  Vers  traînent  après  eux  un  long 
fil,  qui  sort  de  leur  filière  buccale. 

Voici,  d'après  Bonafous,  les  dimensions  les  plus  ordinaires  des  Versa 
soie  aux  différents  âges  :  1  millimètre  au  moment  de  l'éclosion,  et  2  mil- 
limètres |jeu  d'instants  après;  au  début  du  deuxième  âge, 9 millimètres; 
du  troisième,  l/i;  du  quatrième,  '27;  du  cinquième,  hO,  et  à  la  fin  du 
cinquième  Age,  92  à  96.  Le  poids  des  Vers  varie  notablement  selon  les 
races. 

Dans  l'art  du  magnanier,  un  point  d'une  importance  capitale  est  la 
régularité  et  l'élévation  graduelle  de  la  température,  aux  périodes  suc- 
cessives de  la  vie  de  la  chenille,  en  même  temps  qu'une  répartition  des 
repas  proportionnée  à  son  accroissement.  On  ménage  habituellement 
pour  la  fin  des  éducations  des  températures  de  23  à  25  degrés  centigrades. 
Réaumur  indique  une  température  qu'on  peut  évaluer  à  16  degrés  de  l'in- 
strument qui  porte  son  nom,  mais  dont  l'échelle  n'est  pas  de  lui,  car  elle 
est  du  physicien  genevois  Deluc.  Boissier  de  Sauvages  dit  qu'on  peut 
aller  à  18  degrés  R.,  et  même  plus.  Autrefois,  les  Vers  à  soie  étaient  tou- 
jours élevés  à  une  température  assez  modérée,  20  degrés  centigrades  en- 
viron, et  on  leur  distribuait  quatre  repas  par  jour,  de  six  heures  en  six  heu- 
res, puis  un  plus  grand  nombre,  six  à  huit,  aux  quatrième  et  cinquième 
âges.  Les  éducateurs  modernes  ont  reconnu  l'avantage,  au  point  de  vue 
des  bénéfices,  d'augmenter  la  température  et  le  nombre  des  repas,  afin 
de  faire  arriver  plus  tôt  les  Vers  à  soie  à  leur  coconnage.  Les  auteurs 
chinois,  grands  partisans  des  éducations  accélérées,  indiquent  jusqu'à 
vingt-quatre  repas  au  début.  Selon  certains  éducateurs  (ainsi  Edouard 
Perris,  entc.nologiste  distingué),  il  faut  donner  plus  de  repas  aux  jeunes 
Vers  ayant  besoin  d'une  nourriture  plus  fraîche  et  mangeant  peu  à  la 
fois,  mais  souvent,  en  quelque  sorte  comme  des  enfants.  Perris  recom- 
mande, pour  l'éducation  à  25  degrés,  douze  repas  aux  premier  et  deuxième 
âges,  dix  aux  troisième  et  quatrième,  huit  au  cinquième;  l'éducatian 
dure  en  moyenne  quarante-cinq  jours  à  16  degrés,  trente-quatre  à 
21  degrés,  trente  à  23  degrés,  vingt-huit  cà  25  degrés,  dix-huit  seule- 
ment à  UO  degrés.  Les  éducations  de  très  courte  durée,  maintenues 
pour  cela  au-dessus  de  25  degrés,  ne  sont  pas  à  recommander.  Il  est 
difficile  d'abord,  à  moins  d'un  outillage  coûteux,  de  maintenir  pen- 
dant tout  le  temps  ces  températures  élevées.  En  outre,  ces  hautes 
températures  débilitent  les  races  et  les  prédisposent  aux  épidémies. 
Aussi  M.  de  Quatrefages  a  recommandé  avec  raison  des  tempé- 
ratures moins  exagérées,  se  rapprochant  de  l'état  naturel,  où  la  chaleur 
croît  avec  le  développement  des  feuilles  du  mûrier  et  avec  l'âge  du  Ver, 
suivant  le  passage  ordinaire  du  printemps  à  l'été,  à  savoir  10  à  12  degrés 

GIRARD.  m.  —  26 


602  LÉPIDOPTÈRES. 

pour  l'éclosion  de  la  graine,  au  lieu  de  18  degrés  qu'on  indique  liabi 
tuellement,  12  à  iU  degrés  aux  premier  el  deuxième  âges  (Dandolo 
conseillait  22  degrés),  lli  à  16  degrés  au  troisième,  16  à  18  degrés 
au  quatrième,  18  à  22  degrés  au  cinquième.  Nous  verrons  d'autre 
part  que,  lorsque  l'on  trouve  à  redouter  la  flacherie,  qui  reste  à 
peu  près  la  seule  épidémie  en  ce  moment,  il  est  bon  de  faire  des 
éducations  en  entier  printanières,  de  sorte  qu'il  faut  chauffer  assez 
fortement.  Le  précepte  de  M.  de  Quatrefages  suppose  une  région  saine, 
comme  se  trouvait  la  France  autrefois;  actuellement,  on  tâtonne,  on 
Tarie  d'une  région  à  une  autre;  il  semble  qu'on  n'évite  un  danger  que 
pour  en  rencontrer  d'autres.  M.  de  Quatrefages  recommande  un  surcroît 
de  chaleur  aux  mues,  époque  d'abaissement  de  température  des  Vers, 
comme  je  l'ai  constaté  dans  mes  expériences,  et,  au  contraire,  certains 
magnaniers  éteignent  alors  les  feux.  Il  indique  aussi  d'élever  la  tempé- 
rature lors  de  la  montée,  afin  de  la  favoriser  et  de  conserver  la  même 
chaleur  pour  le  coconnage  de  la  chenille,  sa  nymphose,  l'éclosion  et  la 
ponte  du  papillon,  toujours  comme  dans  la  nature,  où  ces  actes  doivent 
s'accomplir  en  été,  et  ne  pas  éteindre  les  feux  dans  ces  périodes.  11  re- 
commande de  très  larges  ventilations,  des  éducations  même  sous  han- 
gar, le  grainage  par  petites  éducations  isolées,  avec  tous  les  soins  men- 
tionnés plus  haut. 

A  l'état  sauvage,  le  Ver  à  soie  établissait  son  cocon  dans  les  branches 
mêmes  du  mûrier,  en  l'entourant  de  fils  grossiers  entrecroisés,  les  pre- 
miers filés  servant  d'attache,  et  qu'on  appelle  bave.  Domestique,  il  ne 
procède  pas  autrement  ;  il  faut  donc  lui  donner  les  moyens  d'attacher 
son  cocon,  construire  ce  qu'on  nomme  des  encabanages.  La  première 
idée,  et  c'est  celle  des  Chinois,  fut  de  lui  fournir  des  branches  artifi- 
cielles auxquelles  il  pût  monter.  On  prend  des  branches  de  diverses 
bruyères,  de  genêt,  de  petit  houx,  de  buis;  des  tiges  de  navet,  de  colza, 
de  chicorée  sauvage;  des  sarments  de  vigne,  etc.,  selon  les  pays.  Géné- 
ralement on  dispose  les  branches  en  lignes  transversales  sur  les  claies, 
à  50  centimètres  de  distance  ;  les  extrémités  pressées  par  la  claie  supé- 
rieure s'inclinent  et  l'élasticité  produite  maintient  ces  branches  debout. 
On  incline  alors  légèrement  les  branches  des  deux  rangées  les  unes 
vers  les  autres,  de  sorte  qu'il  se  forme  un  arceau  ou  cabane.  Quelques 
éducateurs  disposent  les  bruyères  dans  le  sens  longitudinal,  soit  sur  les 
deux  bords  des  claies,  ce  qui  empêche  souvent  de  monter  les  vers  du 
milieu  trop  éloignés,  soit  au  milieu,  sur  deux  lignes  contiguës,  en  re- 
courbant alors  les  arceaux  en  sens  contraire  ;  il  y  a  dans  ce  cas  des  Vers 
qui  restent  errants  sur  les  bords  des  claies.  Comme  il  faut  encabaner  très 
rapidement,  parce  que  les  Vers  montent  toujours  en  même  temps  dans 
une  éducation  bien  conduite,  le  mieux  est  de  disposer  à  l'avance  les  ra- 
meaux dans  des  tasseaux  ou  tringles  de  bois.  Il  faut  que  les  rameaux 
soient  touffus,  pour  que  les  Vers  y  filent  volontiers  en  trouvant  plus  de 
points  d'attache,  et  qu'ils  offrent  des  fourches  dès  la  base,  pour  que  les 


SERICARIA.  /t03 

Vers  y  montent  plus  facilement.  Dans  les  vides  on  intercale  quelques 
rameaux  supplémentaires.  Les  encabanages  de  colza  ou  de  chicorée  ne 
peuvent  servir  qu'une  année;  ceux  de  genêt  ou  de  bruyère  durent  plus 
longtemps.  On  les  passe  à  la  flamme  pour  enlever  les  bourres,  et  on  les 
sèche  au  soleil  au  moment  de  s'en  servir. 

Les  encabanages  ont  l'inconvénient  de  multiplier  les  chances  d'in- 
cendie, d'intercepter  la  circulation  de  l'air  et  de  faciliter  la  formation 
des  cocons  doubles,  non  dévidables,  perte  pour  le  producteur.  On  a 
cherché  à  parer  à  ces  défauls  au  moyen  de  coconnières,  appareils  indé- 
pendants des  claies  et  souvent  de  l'atelier  lui-même  et  dans  lesquels  ou 
installe  les  Vers  pour  les  faire  filer.  On  n'a  dès  lors  plus  de  litières  à 
émanations,  et  on  a  soin  d'établir  une  ventilation  puissante  dans  ces 
coconnières,  qui  accumulent  les  Vers  dans  un  très  petit  espace.  Les 
coconnières  des  Chinois  sont  des  claies  de  bambous,  placées  sous  des 
hangars  et  recouvertes  d'une  couche  de  branches  sèches  ou  de  cônes  à 
claire-voie  en  paille  de  riz  ou  de  blé.  On  emploie  encore  en  Chine,  de 
même  qu'en  France  chez  certains  éleveurs,  des  bottes  coconnières  de 
paille,  serrées  à  une  extrémité,  élargies  à  l'autre  en  base  de  cône  et 
disposées  sur  des  tablettes.  On  a  imaginé  aussi  des  casiers  en  carton, 
ou  mieux  en  petites  planchettes  de  bois,  comme  étaient  les  châteaux 
Delprino,  qui  figuraient  en  1867  à  l'Exposition  universelle  de  Paris.  On 
a  ainsi  des  cellules  carrées  dans  chacune  desquelles  se  loge  un  Ver  et 
son  cocon  ;  c'est  là  le  meilleur  moyen  d'éviter  le  déchet  causé  par  les 
cocons  doubles,  car  il  est  difficile  à  deux  Vers  de  s'associer  dans  la  petite 
case;  mais  le  déramage  est  long. 

Les  coconnières  dont  nous  venons  de  parler  exigent  un  local  à  part  de 
celui  de  la  magnanerie,  local  qu'il  faut  chauffer  et  ventiler.  Le  mieux 
est  de  se  servir  de  claies  coconnières,  ayant  la  même  destination,  dans  le 
même  local,  de  l'élevage  du  Sericaria  mort  en  chenilles  et  de  la  confec- 
tion des  cocons.  Les  claies  coconnières  Davril  sont  les  meilleures.  On  les 
établit  sur  des  tasseaux  de  bois  placés  selon  la  largeur  de  la  claie  où 
s'élèvent  les  Vers.  On  en  met  en  générel  trois,  une  au  milieu,  deux  aux 
extrémités  de  la  claie;  il  en  faut  d'intermédiaires  si  la  claie  est  très 
longue.  Sur  les  tasseaux  sont  fixés  de  champ,  sur  les  faces  opposées  des 
traverses,  des  tringles  en  bois  de  6  millimètres  d'épaisseur  sur  15  de 
largeur,  s'élevant  parallèlement  et  de  telle  sorte  qu'une  tringle  d'une 
des  faces  du  tasseau  correspond  au  vide  formé  par  deux  tringles  de 
l'autre  face.  Pour  arriver  à  ces  claies  horizontales,  les  Vers  montent  par 
des  échelles  qui  sont  des  claies  coconnières  à  tringles  verticales.  Ces 
échelles  descendent  dans  la  litière  d'une  part,  et  de  l'autre  atteignent 
les  claies  coconnières  horizontales.  Les  Vers  montent  très  vite  entre  les 
tringles  rapprochées  des  échelles,  et  se  fixent,  pour  filer  plus  facilement 
et  plus  promptementjdans  les  bruyères;  l'intervalle  des  tringles  est  tel, 
qu'il  est  difficile  qu'il  se  forme  des  cocons  doubles.  Le  décoconnage  est 
prompt,  et  on  voit  immédiatement  les  Vers  morts  et  les  chiques  ou  cocons 


l\Oll  LÉPIDOPTÈRES. 

inachevés  et  imparfaits,  tandis  qu'ils  sont  souvent  masqués  par  d'autres 
cocons  dans  les  encabanages;  on  peut  alors  les  retirer  pour  qu'ils  ne 
palissent  pas  la  soie. 

Après  les  fils  rameux  de  la  bave  d'attache, vient  le  cocon,  formé  d'un 
fil  continu,  mais  non  homogène,  constituant  des  couches  ou  robes  su- 
perposées, pouvant  aller  jusqu'à  six,  selon  la  vigueur  et  la  gros- 
seur de  la  chenille.  Les  premières  couches  sont  floconneuses,  s'en- 
lèvent facilement  et  forment  la  bourre,  qui  sera  cardée  avec  les  déchets 
du  filage;  puis  vient  la  soie  proprement  dite,  qui  doit  être  dévidée  sur 
le  tour,  et  enfin  le  tissu  interne,  contre  la  chrysalide,  si  serré  qu'il  de- 
vient une  mince  pellicule  ou  pelette,  qui  finit  par  n'être  plus  dévidable, 
d'autant  plus  tôt  que  l'ouvrière  est  moins  adroite.  Voici  le  résultat  d'une 
analyse  immédiate  de  soie  jaune  :  sur  100  kilogrammes,  matière 
soyeuse  (fibrine  principalement),  7Zi,280;  matière  agglutinante  lustrée, 
21;  matière  colorante,  k;  huile,  0,220;  adipocire,  0,500.  La  longueur 
du  fil  du  cocon  du  Ver  à  soie  a  été  autrefois  évaluée  par  Lyonnet  et 
Malpighi  à  environ  300  mètres  ;  les  recherches  de  Loiseleur-Deslon- 
champs,  toutefois  par  un  dévidage  bien  plus  parfait  que  le  dévidage  in- 
dustriel, ont  donné  des  nombres  bien  plus  grands,  ainsi  plus  de 
1000  mètres  pour  certaines  races,  comme  longueur  totale  du  fil,  dévi- 
dable et  non  dévidable.  Il  est  important  pour  l'industrie  de  choisir  les 
races  qui  donnent,  à  poids  égal,  les  fils  les  plus  longs  et  les  plus  fins, 
pour  avoir  moins  de  frais  et  de  déchets.  Le  fil  du  cocon  est  maintenu 
accolé  dans  tous  ses  replis  par  une  sorte  de  glu  naturelle  ou  grès,  bien 
moins  épaisse  et  moins  tenace  toutefois  que  celle  qu'on  trouve  dans  la 
plupart  des  cocons  du  genre  Attacus;  c'est  l'eau  chaude,  ou  même  bouil- 
lante, qui  doit  la  dissoudre  en  partie  et  permettre  le  dévidage. 

La  couleur  du  cocon  est  un  des  caractères  des  races  de  Vers  à  soie  ; 
au  moment  de  la  montée,  on  reconnaît  aisément.par  lati'anslucidité  du 
Ver,  si  les  glandes  séricigènes  sont  pleines  d'un  liquide  blanc  ou  jaune; 
en  outre,  d'ordinaire,  les  pattes  membraneuses  sont  blanchâtres  dans 
les  races  à  cocon  blanc,  jaunâtres  dans  celles  à  cocon  jaune.  Les  races 
élevées  en  France  les  plus  importantes  (malheureusement  pour  la  plu- 
part à  l'état  de  souvenir  aujourd'hui),  sont  les  Sma*,  qui  produisent  une 
soie  blanche  très  pure,  et  dont  les  plus  beaux  cocons  sont  mis  à  part 
pour  la  fabrication  directe,  sans  blanchiment  ni  teinture,  des  blondes 
ou  tulles  de  soie;  les  Milanais  (soie  jaune), en  retard  sur  les  précédentes 
de  trois  ou  quatre  jours  ;  les  petits  Espagnols  (soie  jaune);  la  race  de 
Loudun  (jaune);  la  race  Cora  {id.);  la  race  très  robuste  de  Sainte-Tulle  ; 
les  races  d'Aubenas,  Datidolo,  Novi,  Ardéche  (blanche  et  jaune),  Bourg- 
Argental,  Loire,  etc.  ;  une  foule  de  races  locales  :  tout  cela  en  rapport 
avec  une  domestication  bien  ancienne  du  Ver.  Les  races  japonaises,  si 
employées  en  France  depuis  l'épidémie,  ont  despetits  Vers  et  des  petits 
cocons,  blancs,  jaunes  ou  d'un  vert  jaunâtre,  d'une  soie  assez  faible, 
bien  laits,  souvent  étranglés  au  milieu,  surtout  chez  les  mâles;  les  races 


SERICARIA.  ZiU5 

de  Grèce  ont  des  œufs  qui  ne  se  collent  pas  aux  objets  sur  csquels  ils 
sont  pondus;  celles  de  Perse  ont  des  cocons  très  gros,  mais  satinés,  d'un 
grain  médiocre.  Il  existe  des  races  à  cocons  d'un  blanc  verdàtre  (céla- 
dons); on  dit  qu'il  en  est  en  Chine  à  cocons  tout  à  fait  verts.  Il  y  a  des 
races  à  cocons  nankin  ou  jaune  roussâtre;  en  Toscane,  près  de  Pistoie, 
était  éleve'e  une  race  à  cocons  d'un  rose  pâle.  On  a  mentionné  des  cocons 
couleur  de  pourpre.  Il  existe  en  Italie  une  race  de  Vers  à  trois  mues, 
au  lieu  de  quatre,  à  cocons  petits,  d'une  jaune  roussâtre  ou  nankin; 
cette  race,  d'éducation  rapide,  de  soie  médiocre,  a  été  créée  en  prenant 
comme  reproducteurs  des  papillons  dont  les  Vers  n'ont  eu  accidentelle- 
ment que  trois  mues,  par  nutrition  plus  rapide.  On  ne  mettait  habituel- 
lement cette  race  en  incubation  que  lorsque  les  races  ordinaires  avaient 
péri  au  début  de  l'éducation,  par  quelque  circonstance  atmosphérique 
faisant  manquer  la  feuille. 

Le  Ver  à  soie  met  trois  ou  quatre  jours  à  filer  son  cocon  sans  muer; 
seulement  ses  anneaux  se  resserrent  et  il  se  raccourcit  beaucoup,  outre 
la  perte  de  poids  qu'il  subit  à  mesure  que  se  vident  ses  glandes  sérici- 
gènes.  En  outre,  il  faut  deux  ou  trois  jours  pour  la  transformation  en 
chrysalide  (cinquième  mue)  ou  le  passage  au  sixième  âge.  Les  sexes 
existent  déjà  dans  les  chrysalides,  comme  on  le  reconnaît  à  leurs  mou- 
vements sion  en  rapproche  de  sexes  différents.  Les  chrysalides  formées, 
on  opère  le  déramage  ou  décoconnage,  c'est-à-dire  on  retire  les  cocons 
des  encabanages  ou  des  claies  coconnières.  Il  faut  avoir  grand  soin  de 
séparer  les  Vers  morts  et  putréfiés  qui  tacheraient  la  soie  des  cocons. 
On  procède  alors  au  triage  des  cocons.  11  est  en  effet  des  cocons  qui 
ne  peuvent  être  filés  et  doivent  être  réunis  aux  frisons  et  aux  bourres 
et  subir  le  cardage  ;  d'autres  qui  sont  remplis  de  Vers  muscardinés  ou 
dragées,  et  qui,  trop  légers,  remontent  à  la  bassine  jusqu'à  la  filière, 
et  qui  font  casser  le  brin.  Il  faut  séparer  les  percés  ou  uiires,  c'est-à-dire 
les  cocons  pointus  et  ouverts,  ou  du  moins  très  faibles  à  un  des  bouts; 
les  chiques,  qui  ne  sont  formées  qued'une  mince  couche  de  soie  et  rappel- 
lent les  cocons  de  Bombijxneusiria,  Odovestis  potatoria,  lasiocampa,  etc. 
Il  y  a  des  cocons  ouverts  en  nasse  à  une  extrémité,  comme  le  sont 
naturellement  ceux  des  Attacus  piri,  carpini,  Cijnthia  Vera,  Arrindia, 
Cecropia,  etc.  11  y  a  des  cocons  très  petits  et  subpolyédriques  ;  d'autres, 
dits  satinés,  dont  la  surface,  d'un  grain  lâche  et  inégal,  paraît  bour- 
soufflée.  Enfin  viennent  les  doubles  ou  douppions,  filés  par  deux  vers  as- 
sociés et  qui  entrecroisent  leurs  fils  en  commun.  Tantôt  ils  sont  ovoïdes 
et  très  gros,  ne  montrant  pas  de  duplicité  à  l'extérieur;  il  en  est,  au 
contraire ,  de  trigones ,  de  tétragones  ;  d'autres  très  irréguliers  de 
forme,  avec  accotement  et  bordure  visibles  de  deux  cocons  séparés;  par- 
fois môme  les  deux  cocons  restent  distincts,  unis  seulement  par  quelques 
fils  communs.  On  avait  annoncé  que  les  deux  chenilles  d'un  douppion 
sont  toujours  de  sexes  différents;  mais  on  a  reconnu,  sur  de  nombreux 
exemplaires,  qu'il  n'y  a  rien  de  régulier  à  cet  égard  ;  tantôt  il  y  a 


405  LÉPIDOPTÈRES. 

même  sexe,  tantôt  sexes  difl'érents.  Il  reste  à  éclaircir  s'il  y  a  prédo- 
minance d'un  des  deux  cas  et  duquel.  Si  tous  ces  cocons  de  rebut 
étaient  filés  avec  les  bons,  il  arriverait  constamment  qu'un  des  brins 
du  fil  multiple  qu'on  veut  obtenir  casserait;  de  là  des  bouchons,  des ma- 
riages,  tous  accidents  qui  font  perdre  beaucoup  à  la  qualité  de  la 
soie. 

Après  le  décoconnage  on  procède  au  débourrage,  qui  se  fait  mieux 
avec  les  doigts  qu'avec  les  machines.  Quand  on  vend  les  cocons,  il  faut 
vendre  le  plus  tôt  possible  après  le  déramage,  car  l'éclosion  d'un 
seul  papillon  détournerait  l'acheteur,  qui  pourrait,  à  bon  droit,  croire 
à  l'existence  de  beaucoup  de  cocons  percés.  On  ne  peut  vendre  après 
l'étouffage,  vu  la  prompte  dessiccation  des  chrysalides  tuées  et  la  perte 
de  poids,  qui  est  des  plus  variables.  Il  faut  vendre  avec  les  chrysalides 
vivantes;  or,  selon  Dandolo,  sur  1000  de  cocons  vivants  en  poids,  il  y  a 
842  de  chrysalides  vivantes;  Zi,5  de  dépouilles  des  Vers  et  153,5  de  ma- 
tière soyeuse.  Il  faut  vendre  le  plus  tôt  possible  après  le  déramage,  car 
les  cocons  perdent  de  leur  poids,  mûme  avant  l'étoutlage.  D'après  Dan- 
dolo, des  cocons  qui,  le  jour  du  déramage,  pèsent  1000,  ne  pèsent  plus, 
le  quatrième  jour,  que  970;  le  septième  jour,  953;  le  dixième  jour,  925. 
Cela  est  dû  à  la  perte  de  poids  des  chrysalides  parévaporation,  qui  s'ac- 
complit sans  cesse  et  que  le  cocon  n'empêche  pas  complètement.  Il  est 
destiné  par  la  nature  à  s'opposer  au  refroidissement  superficiel  qui  est 
la  conséquence  de  cette  évaporation.  Les  chrysalides,  au  moment 
même  où  on  les  retire  du  cocon,  sont  toujours  notablement  plus  chaudes 
que  l'air  ambiant  ;  mises  à  l'air  libre,  elles  s'abaissent  promptement  à  sa 
température  et  même  au-dessous  (Maurice  Girard),  en  même  temps  que 
l'évaporation  surperficielle  amène  des  pertes  de  poids  croissantes,  que 
constate  la  balance. 

On  a  employé  un  grand  nombre  de  moyens  pour  l'étouffage  des 
chrysalides.  Les  procédés  des  Chinois  sont  :  i"  le  soleil,  2"  l'eau  salée, 
3'  la  vapeur  d'eau  bouillante.  Le  soleil  altère  la  soie.  La  vapeur  d'eau, 
parfois  usitée  dans  le  midi  de  la  France,  détrempe  la  soie  et  fait  couler 
les  vers  fondus.  On  se  sert  plus  souvent  du  four  à  pain,  quand  il  n'est 
plus  assez  chaud  pour  roussir  ou  crisper  la  soie  ;  on  ne  doit  pas  donner 
plus  de  15  centimètres  d'épaisseur  à  la  couche  de  cocons.  On  a  essayé 
aussi  divers  gaz,  notamment  l'acide  sulfhydrique  et  l'acide  sulfureux. 
Le  mieux  paraît  être  un  courant  d'air  chaud,  alimenté  au  moyen  d'un 
poêle  ou  du  calorifère  de  la  magnanerie  (procédé  Camille  Beauvais). 
Avan'.  de  cesser  l'air  chaud,  on  essaye  sur  des  chrysalides  refroidies,  si 
la  mort  a  eu  lieu. 

Le  dévidage  des  cocons  se  fait  au  moyen  d'eau  chaude,  qui  ramollit 
la  matière  gommeuse  collant  le  fil.  Autrefois  chaque  fileuse  avait  de- 
vant elle  une  bassine  de  cuivre,  large  et  peu  profonde,  établie  sur  un 
fourneau.  En  1805,  on  substitua  à  cet  outillage  isolé  l'appareil  Gensoul, 
qui  amène  dans  les  bassines  la  vapeur  d'eau  à  haute  pression,  à  volonté, 


SERICARIA.  i07 

au  moyen  de  robinets.  'Pour  chercher  les  bouts  de  soie  des  cocons,  les 
Chinois  agitent  dans  l'eau  chaude  de  petits  bâtons  de  bambou.  En  Eu- 
rope, on  se  sert  de  petits  balais  de  bruyère,  avec  lesquels  on  bat  les 
cocons  jusqu'à  ce  que  les  brins  de  tils  s'y  accrochent.  Ce  battage  est  une 
opération  trùs  délicate  et  qui  exige  une  grande  habileté,  pour  accrocher 
tous  les  cocons  sans  les  percer.  On  commence  par  faire  la  purge  des 
cocons,  c'est-à-dire  enlever  d'abord  les  fils  multiples  et  les  bouchons. 
La  fileuse  reçoit  dans  sa  main  gauche  tous  ces  fils  dits  frisons,  et  qui 
seront  cardés  avec  la  bourre  ou  première  veste  des  cocons.  On  arrive 
ainsi  à  avoir  un  seul  fil  par  cocon.  11  serait  difficile,  presque  impossible, 
de  filer  en  grand  les  cocons  un  par  un,  et  d'ailleurs  la  soie  serait  trop 
fine.  Il  faut  réunir  les  fils  de  plusieurs  cocons  pour  en  former  un  brin 
unique,  en  profitant  de  ce  qu'ils  conservent  encore  une  partie  de  leur 
grès  naturel.  C'est  pourquoi  la  fileuse  les  fait  converger  vers  un 
orifice  unique  de  réunion,  dit  filière.  L'industrie  imite  ici  ce  qui  se 
passe  dans  la  nature,  où  chaque  fil  de  la  chenille  résulte  de  l'accole- 
ment  dans  la  filière  buccale  de  deux  fils,  un  pour  chaque  glande  séri- 
cigène. 

En  Chine,  on  se  sert  d'une  monnaie  percée  d'un  trou;  en  France, on  a 
des  filières  de  verre,  d'agathe,  surtout  de  fer,  en  forme  de  spatule  percée 
de  trous  à  sa  partie  large  et  fixée  par  l'autre  bout  au-dessus  de  la  bas- 
sine. Le  nombre  des  fils  de  cocon  qu'on  a  associe,  varie,  selon  l'usage 
futur,  de  3  à  10,  12,  15,  etc.,  et  môme  plus,  ainsi  jusqu'à  50  pour  faire 
le  fil  de  soie  des  grosses  cordes  de  contrebasse.  Les  fils  se  collent  en- 
semble dans  la  filière,  car  l'eau  chaude  n'a  fait  que  ramollir  leur  mai^ 
tière  glutineuse;  mais  ce  rapprochement  en  un  seul  point  à  la  fois  dans 
un  instant  très  court  serait  insuffisant  pour  donner  un  fil  unique,  homo- 
gène, arrondi  partout  également.  On  a  imaginé  alors  de  filer  deux  fils 
composés  à  la  fois,  chaque  bassine  portant  deux  filières,  puis  de  les 
tordre  ou  croiser  ensemble  un  certain  nombre  de  fois,  de  manière  à  les 
bien  accoler,  non  sur  un  seul  point  à  la  fois,  mais  sur  une  certaine  lon- 
gueur; c'est  ce  qu'on  nomme  faire  une  croisade  ou  encroisure.  Les  deux 
fils,  écartés  au  départ,  puis  croisés,  puis  écartés  de  nouveau  pour  se 
rendre  au  dévidoir,  où  ils  formeront  deux  écheveaux  séparés,  ont  la 
forme  d'un  X.  Jusqu'à  Vaucanson,  les  fileuses  croisaient  à  la  main,  en 
tordant  les  deux  brins  avec  les  doigts  ;  on  a  maintenant  des  croiseurs  qui 
opèrent  une  torsion  commune,  régulière  et  déterminée.  Les  deux  fils, 
après  la  croisade,  sont  reçus  en  deux  écheveaux  sur  les  bras  ou  /âmes  de 
Vasple  ou  dc'yidoî'r.  On  obtient  ainsi  les  flottes  de  soie  grège,  à  3,  8, 10,  etc., 
brins. 

Le  degré  de  finesse  de  la  soie  constitue  son  titre.  Pour  l'obtenir  on 
pèse  au  trébuchet  un  petit  écheveau  de  500  mètres  de  longueur,  obtenu 
sur  un  dévidoir  spécial,  et,  selon  le  poids,  on  aura  de  la  soie  au  titre  de 
580,  730,  856,  etc.  milUgrammes.  Le  titre  sert  aussi  à  s'assurer,  quand 
il  ne  varie  que  peu  sur  divers  écheveaux,  de  la  régularité  de  la  filature. 


^08  LÉPIDOPTÈRES. 

Le  plus  avantageux  est  d'expédier  les  cocons  à  une  filature  centrale, 
au  lieu  de  filer  chez  soi  en  petit.  On  n'est  plus  du  tout  ici,  en  effet,  dans 
les  conditions  de  l'éducation;  on  opère  sur  de  la  matiùre  brute,  on 
rentre  dans  les  lois  industrielles  ordinaires. 

Comme  la  soie  est  très  hygrométrique  et  que  son  poids  peut 
varier  jusqu'à  12  pour  100  par  des  additions  d'eau,  ce  qui  permettrait  des 
fraudes,  on  nomme  conditionnement  des  soies  l'opération  qui  les  ramène 
toutes  uniformément  à  la  même  dessiccation.  A  Lyon,  àSaint-Étienne,  à 
Saint-Chamond,  etc.,  à  Paris  même,  existent  des  établissements  spéciaux 
autorisés,  soumettant  toutes  les  soies  à  cette  opération,  en  prélevant  une 
taxe;  elles  ne  sont  achetées  qu'à  cette  condition.  Enfin  on  mesure,  en 
général  dans  les  mêmes  établissements,  la  ténacité  du  fil  de  soie  grège, 
au  moyen  de  l'instrument  appelé  sérimètre  de  Froment,  fondé  sur  le 
principe  de  tous  les  mesures  de  ténacité,  en  déterminant  le  poids  qui, 
sous  une  longueur  donnée,  produit  la  rupture  du  fil  fixé  par  une  extré- 
mité. Persoz  a  reconnu  au  sérimètre  que  la  soie  de  certaines  races  du 
Sericaria  mori  est  la  plus  tenace  de  toutes,  l'emportant  sur  la  soie  des 
à\sQV%  Atlacus  o\x  Vers  à  soie  auxiliaires,  comme  Cynthia  Vera,  Perniji, 
Yama-maï,  etc.  Cet  instrument  permet  de  reconnaître  que  les  deux  tils 
dédoublés  et  presque  invisibles  d'un  seul  fil  de  cocon  ont  une  ténacité 
très  appréciable,  que  les  cocons  mâles  fournissent  une  soie  plus  fine  et 
cependant  plus  tenace  que  les  cocons  femelles.  En  effet,  à  égale  lon- 
gueur, le  poids  des  cocons  mâles  est  représenté  par  1128  et  celui  des 
cocons  femelles  par  1159;  la  ténacité  a  été  pour  les  cocons  mâles  10,63 
et  pour  les  cocons  femelles  9,80  (moyenne  de  200  cocons).  M.  Aubenas, 
de  Loriol  (Drôme),  dans  une  usine  considérable,  a  inventé  un  appareil 
de  torsion  à  dévidage  régulier  et  simultané,  au  moyen  duquel  il  peut 
tirer  des  cocons  doubles  une  soie  de  première  qualité.  Ces  douppions,  qui 
entrent  dans  la  production  indigène  et  étrangère  pour  une  moyenne  de  5 
à  10  pour  100,  ne  produisaient  jusque-là  (1)  que  delà  soie  dont  le  prix  va- 
rie de  20  à  25  francs  le  kilogramme.  M.  Aubenas  parvientà  en  tirer  un  fil 
de  la  valeur  de  45  à  55  francs  le  kilogramme.  La  routine  a  conservé 
dans  les  filatures  de  grège  une  vieille  mesure  de  poids,  le  denier,  qui 
équivaut  à  03%053.  Les  flottes  actuelles  d'essai  de  titrage  sont  de  500  mè- 
tres ;  anciennement  elles  étaient  de  476  mètres.  Supposons  une  soie 
fine,  où  500  mètres  de  fil  pèsent  4'J',70;  elle  vaut  en  deniers  8,84,  et  ce 
titre  éclaire  etlemoulinier  et  le  tisseur,  suivant  l'emploi  qu'ils  veulent 
faire  de  la  soie.  Nos  anciennes  soies  des  Cévennes  avaient  comme  titres 
les  plus  courants  11  à  12  deniers. 

La  soie  grège  des  flottes  est  soumise  au  moulinage  ou  à  Vouvraison,  qui 
la  convertit  en  soie  ouvrée.  La  première  opération  est  un  dévidage  des 
écheveaux  des  flottes  sur  des  bobines  appelées  roquets,  avec  purge  des 
nœuds  mal  faits,  des  bouchons,  des  mariages,  dus  à  une  rupture  après 

(1)   Compt.  rend.  Acad.  des  scz.,  1863,  LVI,  p.  364. 


SERICAIUA.  1x09 

croisade  d'un  fil  qui  se  jette  sur  le  voisin.  Puis  on  fait  le  fil  dit  organ- 
sin, à  deux  brins  tordus  en  sens  inverse,  servant  à  faire  la  chaîne  des 
tissus  de  soie,  et  le  fil  dit  trame  double,  à  deux  brins  tordus  de  même 
sens,  servant  à  faire  leur  trame. 

Le  décreusage  enlève  ensuite  la  matiùre  glutineuse  de  la  soie,  qui  a 
permis  la  croisade  des  soies  grèges,  au  moyen  de  bains  d'eau  de  savon 
à  80  degrés;  puis  vieat  la  cuite,  qui  consiste  à  plonger  les  écheveaux  dé- 
creusés dans  des  sachets  de  toile  maintenus  dans  un  bain  d'eau  de  savon 
bouillante.  Vient  après  cela  le  blanchiment  de  la  soie  dans  le  soufroir, 
au  moyen  de  l'acide  sulfureux  gazeux.  On  teint  parfois  les  soies  grèges; 
mais,  le  plus  souvent,  on  teint  les  soies  ouvrées  cuites.  Les  douppions 
et  les  cocons  percés  donnent,  par  le  cardage,  un  fil  dit  galette.  Le  fil 
tiré  de  la  galette,  savonné  et  cuit,  est  appelé  filoselle.  Les  bourres  ou 
bavettes,  les  frisons  ou  déchets  du  dévidage  en  soie  grège,  les  bassinats 
ou  cocons  tombés  au  fond  de  la  bassine,  sont  ensuite  cardés  tous  en- 
semble et  donnent  le  fleuret  ou  chappe,  et  le  fil  qui  en  est  tiré,  savonné 
et  cuit,  est  la  fantaisie.  La  fantaisie  et  la  filoselle  servent  souvent  de 
trame  aux  tissus  de  soie,  pour  les  qualités  à  bon  marché. 

Les  plus  beaux  cocons  sont  d'habitude  mis  à  part  pour  donner  les 
reproducteurs  réservés  pour  le  grainage.  Le  septième  âge,  qui  s'accom- 
plit après  la  sixième  mue  ou  éclosion  de  la  chrysalide,  est  l'âge  adulte 
ou  de  reproduction  du  Ver  à  soie.  Les  chrysalides  éclosent  au  bout  de 
quinze  à  vingt  jours  après  la  confection  du  cocon  ;  dans  les  cocons  en 
nasse  ou  naturellement  ouverts,  comme  ceux  de  l'Attacus  pivi,  c'est 
toujours  par  l'ouverture  prédisposée  que  sort  l'adulte.  Dans  les  cocons 
fermés  aux  deux  pôles  (Sericaria  mori,  Attacus  Yama-maï,  Pernyi,  etc.), 
il  y  a  à  la  tête  de  la  chrysalide  un  réservoir  particulier  de  sécrétion, 
découvert  par  Guérin-Méneville,  servant  au  papillon  à  ramollir  et  à 
écarter  les  fils  d'un  des  bouts,  de  façon  à  ce  qu'il  n'a  plus  qu'à  pousser 
avec  sa  tête  pour  sortir,  à  la  façon  d'un  enfant  qui  passe  à  travers  une 
haie.  Il  n'y  a  pas  d'organe  de  section  à  la  tête  du  papillon  de  Sericaria 
mori,  dont  la  bouche  est  rudimentaire.  On  a  dit  longtemps  à  tort  que 
les  fils  du  cocon  percé  étaient  coupés,  d'après  cette  assertion  inexacte 
et  bizarre  de  Latreille,que  le  papillon  les  limait  avec  les  yeux  à  facettes, 
comme  avec  une  râpe.  En  filant  le  cocon  mouillé  à  la  main  et  avec 
précaution,  on  voit  que  le  fil  est  resté  continu.  Ce  qui  fait  qu'on  ne  peut 
filer  ces  cocons,  c'est  qu'étant  percés  ils  se  remplissent  d'eau  et  tombent 
au  fond  de  la  bassine,  comme  les  cocons  vitrés.  Il  faudrait  filer  à  sec  ; 
mais  le  fil,  altéré  par  le  liquide  naturel  de  décreusage  fourni  par  la  chry- 
salide, a  perdu  de  sa  solidité  et  casse. 

On  a  fait  de  nombreux  essais  pour  filer  ces  cocons  ouverts  à 
la  sortie  du  papillon,  au  lieu  de  les  carder.  Christian  Le  Doux  a 
imaginé  des  ampoules  ou  chrysalides  en  caoutchouc,  qu'on  introduit 
dans  les  cocons  percés  et  qui  permettent  de  les  mettre  à  la 
bassine  avec  les  cocons  ordinaires;   seulement  il  faut  de  fréquentes 


410  LÉPIDOPTÈRES. 

rattaches  par  le  défaut  de  solidité  du  fil.  Pour  simplifier  la  main- 
d'œuvre,  il  s'est  ensuite  contenté  de  placer  ces  cocons  percés  à  la  bas- 
sine ordinaire,  mais  sur  un  treillis  métallique  intérieur  qui  oblige  les 
cocons  à  rester  dans  l'eau  superficielle,  en  étant  seulement  recouverts 
d'une  très  faible  couche  d'eau  nécessaire  pour  leur  décreusage. 

En  général,  les  cocons  mâles  sont  moyens  et  étranglés  au  milieu;  les 
cocons  femelles  sont  plus  gros, plus  renflés,  plus  arrondis  aux  extrémités. 
On  dépose  les  cocons  dans  une  chambre  entre  21  et  2/i  degrés,  en  ayant 
soin  de  les  fixer  par  un  fil  commun,  de  sorte  que  le  papillon  ne  puisse 
les  entraîner.  On  constitue  ainsi  des  ^/anes.  C'est  le  matin,  de  cinq  heures 
à  huit  heures,  qu'éclosent  les  papillons,  comme  les  œufs.  On  a  soin  d'é- 
tablir alors  l'obscurité,  car  la  lumière  les  blesse  et  ils  se  fatiguent  en 
cherchant  à  l'éviter.  On  met  les  mâles  à  part  dans  une  boîte,  assez  loin 
des  femelles  pour  qu'ils  ne  soient  pas  excités  par  leur  odeur,  s'agitent 
et  perdent  leurs  forces.  En  outre,  il  faut  éviter  les  accouplements  pré- 
maturés, afin  que  les  papillons  aient  le  temps  de  rejeter  le  méconium 
nympbal,  accumulé  dans  le  cœcum,  tout  le  reste  du  tube  digestif  de  la 
chenille  étant  devenu  rudimentaire  ;  si  le  papillon  est  bien  portant,  ce 
méconium  est  un  liquide  urique  de  couleur  jaune  nankin.  On  fait  en- 
suite accoupler,  en  rejetant  tous  les  sujets  faibles  ou  à  ailes  avortées. 
Les  mâles,  en  agitant  les  ailes,  tournent  autour  des  femelles,  qui  ne  font 
que  peu  de  mouvements.  La  majorité  des  éducateurs  ne  laisse  pas  l'ac- 
couplement durer  au  delà  de  six  heures  ;  on  dépapillonne  en  séparant 
les  sujets.  Les  Chinois,  à  ce  qu'il  paraît,  laissent  encore  bien  moins  de 
temps.  Au  contraire,  pour  obtenir  dans  les  conditions  les  plus  natu- 
relles la  graine  destinée  à  donner  des  races  capables  de  résister  aux 
épidémies,  M.  de  Quatrefages  recommande  de  laisser  les  accouplements 
se  terminer  d'eux-mêmes.  On  fait  pondre  les  femelles  fécondées  sur  des 
carions  ou  sur  des  toiles.  Les  œufs,  d'abord  d'un  jaune  tendre,  passent 
en  huit  ou  dix  jours  au  jonquille,  puis  au  gris  roussàtre,  enfin  an  gris 
d'ardoise,  avec  une  légère  dépression  au  centre.  Nous  avons  vu  que,  de 
môme  que  dans  d'autres  espèces  de  Bombyciens  et  d'Attaciens,  on  a 
signalé  des  femelles  donnant  des  œufs  féconds  sans  accouplement,  et 
d'où  proviennent  des  chenilles,  puis  des  adultes  des  deux  sexes.  Ce  fait, 
déjà  connu  de  Malpighi,  est  très  exceptionnel;  les  œufs  des  femelles 
vierges,  presque  toujours  stériles,  sont  pondus  comme  les  œufs  féconds, 
mais  restent  longtemps  jaunes,  et  finissent  par  s'obscurcir  et  se  dessé- 
cher. 

On  conserve  les  toiles  ou  les  cartons  à  œufs  dans  des  filets  suspendus 
dans  un  lieu  à  12  ou  IZi  degrés  au  plus.  Au  printemps,  quand  la  température 
commence  à  s'élever,  on  porte  la  graine  à  la  cave  ou  à  la  glacière,  de 
peur  d'éclosions  prématurées,  avant  que  la  feuille  de  mûrier  ne  soit  en 
quantité  suffisante  et  certaine. 

Jusqu'à  présent  nous  avons  supposé  que  l'éducation  du  Ver  à  soie 
s'est  accomplie  dans  les  conditions  normales;  mais  un  animal  aussi 


SERICARIA.  U\\ 

complètement  domestique  est  assujetti  par  cela  mfme  à  de  graves  et 
fréquentes  maladies,  prenant  môme  les  formes  épidémiques  les  plus 
tenaces  et  les  plus  redoutables,  au  point  de  compromettre  la  production 
dans  un  pays  donné,  peut-être  même  d'anéantir  la  race,  comme  cela 
arrive  en  Europe  depuis  une  trentaine  d'années.  Nous  nous  garderons 
bien  de  présenter  au  lecteur  l'historique  des  innombrables  recettes  de 
guérison  ou  de  préservation  qui  ont  été  proposées,  presque  toujours 
sans  aucun  principe  rationnel  et  par  des  personnes  étrangt'res  aux  mé- 
thodes expérimentales,  oubliant  notamment  d'étudier  séparément  les 
diverses  causes  d'un  phénomène  par  les  éliminations  successives  et  d'é- 
tablir des  contrôles. 

Nous  laisserons  à  part  des  maladies  proprement  dites  un  accident  trùs 
redouté  au  moment  de  la  montée  et  qu'on  appelle  touffe.  Quand  un 
orage,  un  vent  très  chaud,  rendent  l'air  du  dehors  plus  chaud  et  moins 
dense  que  celui  de  l'atelier,  ce  dernier  ne  peut  sortir,  et  le  Ver,  subite- 
ment empoisonné  par  les  miasmes  putrides  des  litières,  tombe  de  la 
feuille  et  des  encabanages,  à  la  façon  d'un  Vertébré  supérieur  frappé  de 
congestion.  Cet  accident  préoccupe  fortement  les  magnaniers  à  la  lin 
des  éducations, et  fait  perdre  des  chambrées  entières.  11  oblige  à  ne  pas 
trop  retarder  les  éducations,  à  les  terminer  avant  la  saison  des  orages 
et  des  fortes  chaleurs.  Le  remède  est  de  ventiler  à  tout  prix  et  d'ouvrir 
les  trappes  ;  le  mieux  est  une  puissante  cheminée  d'appel.  On  peut  par- 
fois y  suppléer  par  de  grands  feux  qu'on  allume  aux  orifices  supérieurs 
de  la  magnanerie  ;  ou  bien  on  jette  de  l'eau  dans  l'atelier,  ce  qui  abaisse 
rapidement  la  température  par  le  froid  dû  à  l'évaporation.  Je  fus  té- 
moin d'une  touffe  qui  fit  périr  presque  tous  les  Vers  d'une  belle  cham- 
brée à  la  magnanerie  expérimentale  du  Jardin  d'acclimatation,  cà  Paris. 
Elle  eut  lieu  en  juin,  par  un  dimanche  très  orageux  où  la  magnanerie 
fut  remplie  pendant  cinq  à  six  heures  d'une  foule  compacte  de  visiteurs, 
sans  qu'on  pût  renouveler  l'air. 

D'après  M.  Pasteur,  les  maladies  du  Ver  à  soie  se  ramènent  à  quatre 
entités  morbides  :  la  grasserie,  la  rauscardine,  la  maladie  des  corpus- 
cules et  la  flacherie.  Les  anciens  auteurs  ont  beaucoup  augmenté  la 
liste  des  maladies,  en  prenant  pour  des  affections  spéciales  des  sym- 
ptômes, plus  ou  moins  réguliers  et  constants,  des  quatre  maladies  prin- 
cipales. 

La  grasserie,  qu'on  nomme  encore  le  gras,  la  jaunisse,  les  vaches,  est 
une  infiltration  générale  de  la  chenille  par  une  graisse  huileuse  et  jau- 
nâtre. Ce  mal  est  dû  aux  miasmes  des  litières  et  débute  ordinairement 
au  troisième  âge  ;  il  est  presque  iiupossible  que,  dans  les  grandes  édu- 
cations, il  n'atteigne  pas  certains  sujets;  mais  il  constitue  rarement 
une  épidémie.  On  séquestre  les  Vers  attaqués  à  l'infirmerie,  et,  là,  par- 
fois on  les  rétablit  par  l'aérage.  On  doit  enterrer  les  cadavres,  de  peur 
que  les  poules  ne  les  mangent,  ce  qui  les  empoisonnerait.  Nous  ratta- 
cherons à  cette  affection  d'autres  maladies  également  accessoires.  La 


/jt2  LÉPlDOPTtl'.tS. 

rouge  se  reconnaît  dès  la  sortie  de  l'œuf,  à  une  teinte  rougeâtre  de  la 
larve  ;  elle  est  due  à  une  incubation  à  trop  forte  chaleur  ou  à  un  pas- 
sage trop  subit  du  froid  au  chaud.  Dans  les  affections  qui  précèdent  le 
Ver  vit  jusqu'à  la  montée,  donne  des  cocons  très  minces  et  très  faibles 
qu'on  appelle  des  peaux,  et  ne  se  change  pas  en  chrysalide.  La  luzette, 
ou  luisette,  ou  clairéne,  se  manifeste  en  général  au  cinquième  âge.  Le 
Ver  devient  d'un  rouge  clair,  puis  d'un  blanc  sale,  à  corps  transparent, 
raccourci  dans  ses  anneaux  et  rendant  du  liquide  par  la  filière.  Les 
chenilles  mangent  sans  coconner  et  tapissent  les  litières  d'une  couche 
plate  de  leurs  fils  {Vers  tapissiers);  il  faut  les  jeter.  En  faisant  macérer 
ces  larves  dans  le  vinaigre,  les  ouvrant  et  étirant  au  dehors  avec  les 
doigts  le  liquide  de  chaque  glande  séricigène,  on  obtient  par  l'action 
siccative  de  l'oxygène  de  l'air  ces  fils  si  résistants  employés  pour  pêcher 
à  la  ligne  et  connus  sous  le  nom  de  fils  de  Florence. 

Dans  la  Uentérie,  ou  dysenterie,  ou  flusso  de  Cornalia,  les  excréments 
du  Ver  à  soie  ont  l'aspect  d'un  liquide  visqueux  tenant  en  suspension 
des  fragments  de  feuilles  non  digérés.  Cet  accident,  qui  se  produit  sur- 
tout dans  les  années  humides  et  froides,  est  dû  à  la  nourriture  à  la 
feuille  mouillée,  ou  à  des  feuilles  à  sécrétion  gommeuse  acre. 

Lorsque,  à  l'imitation  dés  industriels  italiens,  les  éducations  en  grand 
de  Vers  à  soie  sont  devenues  prédominantes  en  France,  à  la  place  des 
petites  éducations  dans  chaque  maison,  on  a  eu  à  subir  une  épidémie 
redoutable,  surtout  de  1830  à  1837:  la  m«scar(///ie,  ainsi  appelée  d'après  le 
nom  de  muscardin,  qui  est,  en  Provence,  celui  d'une  dragée  blanche. 
Toutefois  cette  épidémie  a  eu  moins  d'extension  et  moins  de  gravité 
queles  épidémies  des  corpuscules  et  de  la  flacherie,  qui  lui  ont  succédé 
après  un  intervalle  de  quelques  années.  Le  \'er  prend  une  teinte  d'un 
jaune  rougeâtre  ou  brunâtre,  offrant  çà  et  là  des  plaques  plus  foncées. 
La  montée  se  produit,  ainsi  que  le  cocon,  et  par  suite  s'effectue  la 
récolte  de  soie;  mais  toute  reproduction  est  arrêtée,  car  l'insecte  reste 
ordinairement  dans  le  cocon  ;i  l'état  de  chenille,  parfois  de  chrysalide; 
mais  avec  le  corps  durci,  raccorni,  momifié  (voir  pi.  xcin,  fig.  7),  ne 
pourrissant  pas.  Le  Ver,  ainsi  que  l'a  reconnu  Bassi  en  1835,  a  été 
envahi  par  un  Cryptogame,  Botrylis  Bassiana ,  développé  dans  le  tissu 
adipeux.  Après  la  mort  de  l'insecte,  l'hymenium  du  Cryptogame  sort 
des  trachées,  se  répandant  au  dehors  par  les  stigmates,  et  recouvre  le 
corps  d'une  moisissure  cotonneuse  ou  farineuse  blanche,  ce  qui,  avec  le 
durcissement,  le  fait  appeler  dragée. 

Audouin  a  étudié  en  France  cette  maladie,  et  a  démontré  son  mode  de 
contagion  en  inoculant  par  piqûres  à  des  Vers  sains,  à  des  chenilles  di- 
verses de  Lépidopètres,  ou  des  larves  de  Coléoptères  (Buprestes,  Sa- 
perdes,  etc.),  le  sang  de  Vers  muscardinés,  et  voyant  se  développer  le 
Cryptogame  dont  il  a  suivi  et  dessiné  toutes  les  phases.  Réciproquement, 
la  muscardine,  développée  par  inoculation  sur  les  larves  de  Lépidoptères 
et  de  Coléoptères  au  moyen  du  Ver  à  soie,  a  été  ensuite  reportée  de  ces 


SERICARIA.  413 

larves  sur  les  Vers  à  soie  sains.  La  muscardine  peut  se  montrer  sponta- 
nément et  en  tout  lieu,  dans  certaines  circonstances  favorables.  Ce  n'est 
pas  une  maladie  particulière  au  Ver  à  soie,  mais  générale,  spéciale  peut- 
être  à  la  classe  des  insectes.  On  sait  que  ceux-ci  sont  souvent  envahis 
par  des  Cryptogames,  ainsi  les  Entoviophthor a  de  la.  mouche  des  maisons, 
les  Isaria  de  beaucoup  de  chenilles,  devenant  des  Sphœria  cala  phase  de 
fructiticalion.  La  muscardine  peut  se  propager  non  seulement  des  Vers 
à  soie  à  des  insectes  d'espèces  très  différentes,  mais,  développée  spon- 
tanément, ainsi  lors  des  éducations  à  l'humidité,  chez  ces  insectes,  elle 
peut  se  transmettre  aux  Vers  à  soie.  Dans  tous  ces  transports  le  Crypto- 
game et  la  maladie  ne  changent  pas  ;  un  moucheron  peut  inoculer  la 
muscardine  dans  une  magnanerie  en  volant  sur  les  Vers  d'une  tablette 
à  l'autre.  Si  les  sporules  sont  le  moyen  de  propagation  habituel,  ce  qui 
fait  que  l'infection  a  lieu  généralement  par  les  cadavres  àefflorescences 
{hijmenium),  on  peut  cependant  obtenir  son  développement  artificiel 
par  greffe  de  son  thallus  ou  mycélium  surle  tissu  graisseux  d'un  insecte, 
et  même,  par  cette  voie,  l'infection  est  plus  rapide  et  la  mort 
plus  prompte.  La  connaissance  exacte  de  la  muscardine  fait  que 
cette  afl'ection  n'est  plus  à  craindre  maintenant  à  l'état  épidémique.  En 
effet,  si  elle  est  introduite  par  accident  dans  une  magnanerie,  elle  ne  fait 
pas  perdre  la  dépense  de  l'année,  puisqu'elle  permet  la  récolte  de  soie. 
On  peut  arrêter  avec,  certitude  la  reproduction  du  mal  pour  l'année 
suivante,  en  détruisant  comme  il  suit  toute  trace  des  sporules.  On  passe 
au  chlorure  de  chaux  tout  le  matériel  mobile.  En  outre,  fermant  bien 
toutes  les  issues  de  la  magnanerie,  on  y  fait  brûler  le  mélange  qui  ser- 
vait à  donner  l'acide  azotique  dans  les  anciennes  chambres  de  plomb, 
le  feu  blanc  des  artificiers,  formé  de  2  parties  de  salpêtre  en  poudre 
et  1  partie  de  soufre  en  poudre.  Après  l'action  d'un  acide  aussi  éner- 
gique, la  muscardine  ne  peut  plus  reparaître  que  par  une  nouvelle 
contagion  venant  du  dehors,  en  raison  d'une  négligence  et  d'un  manque 
d'information  et  de  surveillance. 

Une  maladie  plus  grave  a  commencé  à  sévir  en  France,  d'une  ma- 
nière épidémique,  d'abord  par  points  isolés,  environ  vers  1840.  En  l8/i5 
le  mal  n'avait  pas  dépassé  la  vallée  inférieure  du  Rhône.  Les  années 
suivantes,  il  gagnait  le  bas  Languedoc,  remontant  vers  Lyon.  En  18/i9, 
il  atteint  soudainement  le  bas  des  vallées  des  hautes  Cévennes,  qui 
avaient  eu  une  magnifique  récolte  en  1848,  et  pénètre  dans  l'Ardèche. 
Les  points  culminants  de  ces  contrées  sont  successivement  atteints, 
mais,  avant  eux,  des  points  bien  plus  élevés  avaient  été  attaqués  dans 
la  Lozère.  Les  environs  de  Castres,  de  Lavaux,  de  Montauban,  et  l'Al- 
gérie, résistent  jusqu'en  1836,  et  sont  contagionnés  à  divers  degrés  en 
1857.  L'Espagne  fut  atteinte  en  1852,  la  Lombardie  en  1855,  le  royaume 
de  Naples,de  1857  à  1858  ;  à  cette  môme  époque,  l'Archipel  et  la  Syrie. 
Au  bout  de  quelques  années  d'observation,  il  fut  bien  avéré  que  la 
maladie  était  indépendante  du  sol  et  de  l'altitude.  On  reconnut  que  les 


614  LÉPIDOPTÈRES. 

points  épargnés  peuvent  être  entourés  de  points  frappés;  ainsi  un  très 
ancien  foyer  existait  à  Cavaillon,  dans  la  vallée  de  la  Durance;  on  était 
obligé  de  grainer  ailleurs.  Le  mal  était  endémique  en  1843  à  Saiut- 
Bauzile,  près  de  Gangas  (Hérault),  et  à  Poitiers  en  1841,  chez  M.  Robinet; 
il  devient  épidémique  dès  18/i6.  En  1849,  dans  l'invasion  générale  des 
Cévennes,  quelques  îlots  furent  respectés,  ainsi  la  vallée  d'Argent  jus- 
qu'en 1852,  les  cantons  de  Luc  et  d'Hyènes  jusqu'en  1854.  Les  graines 
d'Italie  réussirent  pendant  trois  ou  quatre  ans,  puis  les  graineurs  furent 
obligés  d'aller  chercher  plus  loin  des  graines  saines.  Les  individus  pro- 
venant de  graine  saine  étaient  atteints  quand  on  les  portait  dans  une 
localité  infectée,  ce  qui  démontrait  la  contagion;  il  parut  établi 
parfois  que  l'épidémie  peut  agir  sur  une  bonne  graine  portée  dans  un 
pays  contaminé  et  y  séjournant  longtemps,  et  cette  infection  dès  l'œuf 
même  s'explique  par  la  rapide  formation  de  l'embryon  (Cornalia). 
La  maladie  dont  nous  parlons  est  celle  des  corpuscules  et  due  à  la  con- 
tagion par  un  organisme  parasitaire,  ainsi  que  l'ont  rigoureusement 
établi  les  expériences  de  M.  Pasteur,  notamment  en  1865  et  1866.  Ils 
ont  été  signalés  pour  la  première  fois  en  1849  par  Guérin-Méneville, 
qui  reconnut  leur  présence  dans  le  sang  des  Vers  à  soie  affaiblis  par  di- 
verses maladies  autres  que  la  muscardine.  On  les  voit  très  bien,  sous 
un  grossissement  de  250  à  300  diamètres,  comme  des  corps  ovalaires  ou 
réniformes'(voir  pi.  xciii,  fig.  3),  brillants,  translucides,  plus  petits  que 
les  hématies  ou  globules  normaux  et  sphéroïdes  du  sang  des  insectes,  et 
bien  distincts.  Guérin-Méneville,  les  croyant  à  tort  doués  d'un  mouve- 
ment propre,  les  nomma  hématozoïdes ;  il  ne  sut  pas  reconnaître  en  eux 
la  cause  de  l'épidémie,  au  sujet  de  laquelle  il  ne  cessa  de  commettre 
de  fréquentes  erreurs.  En  1853,  M.  Leydig  retrouva  ces  mêmes  corpus- 
cules chez  les  Coccus,  Hémiptères  homoptères  dont  les  femelles  sont  pa- 
rasites des  végétaux  et  auxquels  appartient  la  cochenille  ;  puis  chez 
d'autres  insectes,  chez  des  araignées  et  des  écrevisses.  Il  les  reconnut 
comme  analogues  à  de  singuliers  parasites  attribués  au  règne  végétal, 
regardés  comme  des  algues  unicellulaires,  décrits  en  18/il  par  Jean 
MuUer  sous  le  nom  de  psorospermies,  existant  chez  des  poissons,  notam- 
ment le  brochet.  M.  Balbiani  range  dans  les  psorospermies  les  corpus- 
cules de  M.  Pasteur.  En  1856,  M.  Cornalia,  en  1856  et  1858,  MM.  Lebert 
et  Frey,  signalent  de  nouveau  ces  corpuscules  dans  les  sujets  malades 
AnSericaria  mori  aux  divers  états,  et,  en  1857,  le  docteur  Osimo  fit  la 
découverte  intéressante  de  leur  existence  dans  les  œufs.  D'après  cela, 
MM.  Cornalia  et  Vittadini  établirent  une  importante  méthode  préventive 
qui  fut  employée  pendant  plusieurs  années,  jusqu'au  procédé  décisif  de 
grainage  cellulaire  de  M.  Pasteur.  Ces  auteurs  conseillèrent  l'examen 
microscopique  des  graines  avant  la  mise  à  éclosion,  ou  mieux  des  jeunes 
Vers  après  une  éducation  d'essai  faite  en  serre  en  février  et  en  mars. 
Ces  éducations  précoces  îurent  tvès  usitées  pendant  plusieurs  années  en 
France  et  en  Italie,  et  on  n'admettait  à  léclosion  et  à  l'élevage  en  ma- 


SER[CARIA.  itf5 

gnanerie  que  les  graines  ayant  donné  des  vers  exempts  de  psorosper- 
mies  dans  ces  petites  éducations  préliminaires. 

On  comprend  que  les  psorospermies  du  sang  qui  causent  l'épidémie 
se  traduisent  au  dehors  par  des  caraclères  extérieurs,  étudiés  avec  soin 
dans  les  recherches  de  M.  de  Quatrefages,  de  1858  à  1860.  Le  principal, 
et  qui  pour  ce  savant  était  la  partie  nécessaire  et  fondamentale  de  l'in- 
fection, était  la  présence  de  taches  noirâtres  sur  les  chenilles  (pi.  xcni, 
fig.  5),  les  chrysalides  et  les  papillons  (pi.  xciii  fig.2);  de  là  l'appellation 
de  pébrine  donnée  à  la  maladie  psorospermique  par  M.  de  (Juatrefages, 
du  nom  de  pébrats  ou  poivrés  usité  par  les  paysans  du  Languedoc  pour 
les  vers  tachés.  La  maladie  a  été  aussi  appelée  pébré  {çoi\Te),patosnegros 
(pattes  noires),  la  taco  (la  tache).  Cette  maladie  fut  encore  nommée 
(jatline  en  Italie,  du  mot  gattino  (jeune  chat),  car,  dans  beaucoup  de 
cas,  le  cadavre  du  ver  se  renverse  sur  la  litière,  présentant  la  partie  an- 
térieure du  corps  redressée,  la  tête  presque  retournée  sur  le  dos,  les 
crochets  des  vraies  pattes  projetés  en  avant,  comme  un  jeune  chat  cher- 
chant à  égratigner;  en  outre,  ce  cadavre,  au  lieu  de  se  putréfier  rapi- 
dement, comme  cela  arrive  après  la  grasserie  ou  la  flacherie,  se  momi- 
fie sans  efflorescence  blanche,  fait  connu  des  anciens  magnaniers  et 
qui  prouve  l'ancienneté  de  la  maladie  à  l'état  sporadique;  ils  ci- 
taient des  muscardins  noirs  ou  rouges  qu'on  ne  voyait  jamais  blanchir 
et  qui  étaient  des  pébrinés,  alors  qu'on  ne  connaissait  pas  encore  l'ori- 
gine cryptogamique  de  la  muscardine  ;  avant  de  se  dessécher,  le  cadavre 
présente  des  tissus  qui  restent  élastiques  et  reviennent  à  leur  première 
place  après  les  tiraillements  et  les  pressions,  tandis  que  le  cadavre  du 
vrai  muscardin,  au  contraire,  est  mou  et  flasque.  En  1857  {Compt.  rend. 
Acad.  des  se,  et  Bull,  de  la  Soe.  d'encouragement),  dans  le  rapport 
sur  les  procédés  d'élevage  proposés  par  M.  André  Jean,  M.  Dumas  pro- 
posa pour  la  maladie  le  nom  d'^i^ïs/e,  la  rapprochant  de  l'atrophie  des 
auteurs,  avec  plusieurs  signes  distinctifs  très  importants,  notamment 
l'hérédité. 

Les  taches,  qui  ne  sont  pas  les  causes  du  mal  et  suivent  presque  tou- 
jours l'invasion  des  psorospermies  dans  le  sang,  sont  d'abord  très  petites, 
visibles  seulement  à  une  forte  loupe,  ce  qui  explique  l'erreur  de  beau- 
coup de  magnaniers  qui  croyaient  leurs  chambrées  saines.  Elles  appa- 
raissent d'abord  à  l'éperon  du  onzième  anneau  et  entre  les  crochets  de  la 
couronne  des  fausses  pattes;  après  la  quatrième  mue,  les  taches  se  mul- 
tiplient beaucoup,  atteignent  les  ongles  des  vraies  pattes,  les  crochets  des 
fausses  pattes  et  les  poils.  Parfois  les  taches  se  réunissent  en  larges  pla- 
ques, en  ceintures,  en  tramées  ;  elles  commencent  par  des  surfaces  cir- 
culaires ou  ovalaires,  qui  prennent  une  teinte  jaunâtre  plus  foncée  au 
centre.  Puis,  la  tache  s'organisant  devient  brune  et  même  noirâtre  au 
centre,  avec  augmentation  d'épaisseur  de  la  peau,  formée  dans  le  réseau 
muqueux  de  Malpighi  ;  pouvant,  à  la  fin,  envahir  l'épiderme  et  le  derme. 
Il  ne  faut  pas  confondre  ces  taches  morbides  avec  d'autres  taches  abords 


iilfi  LÉPIDOntRES. 

nets,  constantes  en  quelque  sorte  dans  les  éducations  industrielles,  et 
qui  sont  des  meurtrissures,  des  déchirures  causées  parles  crochets  des 
vraies  pattes  des  chenilles,  qui  montent  les  unes  sur  les  autres,  surtout 
aux  délitages.  Lors  des  mues,  la  nouvelle  peau  du  Ver  pébriné  paraît 
d'abord  parfaitement  saine;  mais  bientôt  les  taches  s'y  forment.  On  re- 
trouve les  taches  dans  les  tissus  internes  de  la  chenille,  mais  moins  que 
sur  la  peau,  très  rarement  sur  les  trachées,  près  des  stigmates,  sur  les 
glandes  séricigùnes  et  dans  le  tissu  adipeux.  Les  Vers  tachés  conservent 
d'abord  leur  appétit  et  leur  activité,  puis  deviennent  paresseux,  se  traî- 
nant avec  peine;  les  crottins  sortent  difficilement  et  se  desséchent  len- 
tement; les  deux  fausses  pattes  anales  se  rapprochent  l'une  de  l'autre 
et  se  meuvent  avec  peine,  au  lieu  de  s'étaler  largement  sur  la  feuille; 
ce  sont  les  quiouls  serrais  (culs  serrés)  des  magnaniers;  les  con- 
tractions du  vaisseau  dorsal  deviennent  très  irrégulières,  tantôt  ra- 
lenties, tantôt  accélérées,  moins  nombreuses  que  dans  l'état  normal,  de 
36  à  Zi6  par  minute,  au  lieu  de  50  à  52.  Le  Ver  semble  s'atrophier;  sa 
peau  se  ride,  se  plisse,  prend  une  teinte  jaunâtre  tirant  sur  la  rouille, 
plus  foncée  dans  les  races  jaunes  que  dans  les  races  blanches.  Enfin  le 
Ver  devient  tout  à  fait  immobile  et  insensible  ;  ce  n'est  qu'en  le  plon- 
geant dans  l'alcool  qu'on  reconnaît  qu'il  y  a  encore  un  reste  d'existence  ; 
l'agonie  est  très  longue  et  la'mort  n'est  pas  brusque,  comme  lors  d'une 
touffe  ou  par  la  flacherie.  La  maladie  des  corpuscules  peut  permettre  à 
l'insecte  les  transformations  ultimes  de  la  larve.  La  chrysalide  est  sou- 
vent incomplètement  formée  par  arrêt  de  développement;  quand  elle 
est  complète,  la  peau  offre  des  taches  souvent  saillantes  ou  ombiliquées; 
parfois  il  y  a  sur  le  thorax  de  larges  plaques  noires,  et  l'extrémité  abdo- 
minale est  en  général  noire  et  comme  carbonisée.  En  outre,  ces  chry- 
salides sont  faibles  et  remuent  peu.  A  l'intérieur,  les  taches  existent  sur 
l'appareil  séricigène  à  demi  résorbé,  sur  le  tissu  adipeux,  toujours  sur 
les  trachées,  si  rarement  attaquées  dans  la  larve,  sur  l'appareil  digestif; 
le  sang  est  parfois  trouble  et  brun  rougeâtre,  le  cœcum  distendu  et  rem- 
pli de  matière  noire.  On  trouve,  chez  les  papillons,  des  taches  sur  la 
peau,  sur  les  écailles  et  sur  les  membranes  des  ailes,  (pi.  xcni,  fig.  2),  for- 
mant des  traînées  sur  les  nervures.  On  voit  parfois,  entre  les  deux  mem- 
branes de  l'aile,  des  poches  pleines  d'un  liquide  noir.  Le  liquide  alca- 
lin qui  a  servi  à  percer  le  cocon  le  tache  en  brun  ou  en  brun  rougeâtre  ; 
les  papillons  à  déjection  brune  à  l'éclosion  sont  à  rejeter;  cette  déjec- 
tion doit  être  d'un  nankin  rosé  chez  les  sujets  sains. 

Les  taches  peuvent  exister  sur  les  pattes,  atrophier  celles-ci,  ou  les 
ailes,  ou  l'œil,  ou  l'antenne.  Ces  papillons  sont  massifs,  ont  un  très 
large  abdomen,  avec  des  parties  sans  duvet,  des  taches  noires,  les 
anneaux  joints  par  une  peau  nue  et  lâche  {hydropisie  de  Cornalia),  très 
distendus  par  un  liquide.  Les  mâles  sont  moins  accablés  parla  maladie 
que  les  femelles  ;  toutefois  l'accouplement  est  lent,  pénible,  parfois 
impossible,  court  et  sans  ardeur  ;  la  ponte  des  œufs  est  difficile.  Al'in- 


SERICARIA.  un 

lérieur,  c'est  le  tissu  adipeux  qui  offre  le  plus  de  taches  ;  il  en  est 
criblé.  Les  femelles  sont  surtout  tachées  à  l'extrémité  de  l'abdomen, 
autour  des  orifices  génital  et  digestif.  Les  troncs  trachéens  et  leurs 
ramifications  sont  envahis  par  les  taches,  les  testicules  assez  rarement, 
les  ovaires  plus  rarement  encore,  parfois  la  poche  copulatrice  et  les 
glandes  annexes  ;  il  n'y  a  pas  de  taches  sur  les  glandes  mucipares. 

M.  le  D''  Chavannes  a  constaté  dans  le  sang  des  papillons  pébrinés, 
desséché  et  examiné  à  un  grossissement  de  250  diamètres,  des  cristaux 
d'acide  urique,  en  forme  de  gerbes  de  blé  resserrées  dans  le  milieu  chez 
les  insectes  légèrement  atteints  et  des  cristaux  d'acide  hippurique  en 
bâtonnets  entre-croisés  dans  les  papillons  plus  malades,  tandis  que  le 
sang  des  papillons  sains  n'a  pas  ces  acides.  Il  y  avait  là  un  moyen  île 
s'assurer  de  la  bonté  des  graines  en  examinant  le  sang  des  papillons 
reproducteurs.  M.  Chavannes  a  cherché  à  obtenir  ce  résultat,  de  garan- 
tir une  reproduction  robuste  et  saine,  en  élevant  les  Vers  sur  l'arbre 
à  l'état  sauvage,  tentatives  continuées  ensuite  par  M.  Roland,  à  Orbe 
(près  Lausanne).  On  n'a  jamais  eu,  au  reste,  de  moyen  distinctif  bien 
certain,  en  dehors  de  l'examen  microscopique  interne,  entre  la  bonne 
et  la  mauvaisegraine,  quand  il  y  a  eu  fécondation.  11  faut  que  les  graines 
aient  une  teinte  uniforme  ou  gris  de  lin,  ou  lilas,  ou  d'un  cendré  som- 
bre tirant  sur  le  violet,  selon  les  races.  En  général,  la  multiplicité  des 
teintes  dans  les  œufs  d'un  même  grainage  est  un  indice  de  l'existence 
du  mal.  Selon  M.  Ciccone,  quatre  nuances  décèlent  sa  présence  :  le 
jaune  rougeâtre,  le  verdâtre,  l'azuré  obscur,  le  jaune  verdâtre  obscur. 
On  savait,  au  reste,  déguiser  les  graines  en  les  colorant  uniformément 
avec  du  vin  rouge  très  chargé,  fraude  qui  se  reconnaissait  par  l'action 
d'une  solution  de  carbonate  de  potasse. 

Une  opinion,  qui  s'appuyait  sur  l'autorité  de  Guérin-Méneville,  attri- 
buait lapébrine  à  une  maladie  général  des  feuilles  de  mûrier.  On  invo- 
quait la  dégénérescence  de  l'arbre,  les  modes  de  culture  et  de  taille, 
etc.,  en  un  mot  ces  influences  mystérieuses,  sans  preuves  et  mal  défi- 
nies qui  furent  mises  à  la  charge  de  la  vigne  à  propos  de  l'Oïdium  et 
plus  tard  du  Phylloxéra.  L'obstination  systématique  de  certains  esprits 
n'a  jamais  voulu  tenir  compte  d'une  preuve  pèremptoire,  faite  nombre 
de  fois,  que  le  mal  tenait  au  Ver  à  soie  et  non  à  la  feuille  du  mûrier  ; 
deux  lots  de  Vers ,  les  uns  sains ,  les  autres  contagionnés  nourris  en 
même  temps,  à  la  même  feuille,  donnent  les  uns  une  bonne  récolte, 
les  autres  une  récolte  nulle  ou  détestable.  M.  de  Quatrefages  a  reconnu 
que  la  maladie  des  feuilles,  observée  dans  le  midi  delà  France  en  1858 
par  Guérin-Méneville,  n'a  été  qu'exceptionnelle  et  propre  à  certaines 
localités.  Dans  l'Ardèche,  le  Rhône,  le  Vaucluse,  le  Gard,  l'Hérault,  la 
feuille  de  mûrier  a  été  saine  en  1858,  et  cependant  les  ravages  de  la 
pébriney  furent  considérables.  L'examen  fait  par  M.  Decaisne  des  rares 
feuilles  tachées  recueillies  par  M.  de  Quatrefages  lors  de  sa  mission,  n'a 
constaté  que  des  cryptogames  anciennement  connus,  et  qu'on  sait  être 
GIRARD.  m.  —  27 


418  LÉPIDOPTÈRES. 

sans  action  sur  la  santé  des  Vers,  et  quelques  déjections  d'insectes 
"Vers  nourris  exclusivement  avec  ces  feuilles  malades  n'en  ont  aucune- 
ment souffert  (Commission  académique  :  Peligot,  Decaisne,  de  Quatre 
fages  rapporteur). 

Les  travaux  de  M.  Pasteur  ont  jeté  une  lumière  complète  sur  la 
maladie  des  corpuscules  et  donné  un  moyen  préventif  certain  par 
l'examen  des  papillons  reproducteurs.  11  n'y  a  pas  d'épidémie  à  la  façon 
du  choléra,  d'influence  délétère  et  mystérieuse  de  milieux  et  de  loca- 
lités; seulement,  dans  les  contrées  où  sévit  l'épizootie,ily  aun  parasite 
beaucoup  plus  multiplié  que  dans  les  pays  où  règne  encore  la  prospérité 
de  l'industrie  de  la  soie,  et  qui  ont  le  privilège  d'avoir  des  semences 
généralement  saines.  M.  Pasteur  a  prouvé  la  contagion,  soit  au  con- 
tact, soit  à  distance,  par  de  nombreuses  expériences,  toujours  garanties 
par  des  expériences  de  contrôle  où  manque  seule  la  cause  dont  on 
veut  étudier  l'influence.  Dans  toutes  les  éducations  où  certains  sujets 
atteints  de  pébrine  meurent  au  milieu  de  Vers  sains  et  laissent  leurs 
débris  dans  les  litières,  il  existe  des  corpuscules  récents.  La  contagion 
a  été  prouvée  par  des  expériences  directes  faites  à  Alais,  dans  le  Gard. 
Les  feuilles  étaient  mouillées  avec  de  l'eau  tenant  en  suspension  des 
corpuscules,  provenant  parfois  de  crottins  de  Vers  infectés,  plus  souvent 
de  vers,  chrysalides  ou  papillons  malades  ;  crottins  et  insectes  étaient, 
à  cet  effet,  délayés  dans  l'eau  après  écrasement.  Ainsi  s'explique  l'im- 
possibilité des  grainages  productifs  dans  les  pays  de  grande  culture, 
car,  dans  les  éducations  donnant  les  plus  belles  récoltes,  il  y  a  toujours 
quelques  vers  corpusculeux  qui  infectent  tous  les  autres  par  les 
feuilles,  de  manière  à  amener  l'insuccès  certain  de  la  production  de 
soie  de  la  génération  suivante.  M.  Pasteur  a  pu  produire  aussi  directe- 
ment la  contagion,  au  moyen  de  piqûres  par  une  aiguille  trempée  dans 
une  eau  imprégnée  de  corpuscules,  bien  moins  toutefois  que  par  le 
canal  intestinal,  à  la  suite  de  repas  de  feuilles  couvertes  de  corpuscules. 
Cela  explique  une  seconde  manière  dont  un  Ver  corpusculeux  peut  in- 
fecter les  autres,  par  l'effet  des  piqûres  des  crochets  de  ceux-ci  ayant  pé- 
nétré soit  dans  sa  peau,  soit  dans  ses  crottins;  ces  mêmes  pattes  anté- 
rieures ainsi  empoisonnées  peuvent  contagionner  certaines  chenilles.  On 
comprend,  d'après  ces  deux  modes  bien  démontrés  de  contagion  au  con- 
tact, qu'il  suffit  d'associer  dans  une  môme  éducation  des  vers  sains  à  des 
vers  malades  pour  amener  une  contagion  générale,  avec  une  intensité 
et  une  rapidité  proportionnelles  au  nombre  de  sujets  corpusculeux.  Enfin 
la  pébrine  est  infectieuse  à  distance  par  les  poussières  fraîches  des 
éducations  voisines.  Des  Vers  corpusculeux  amènent  la  maladie  chez 
des  vers  sains  des  tablettes  de  la  même  magnanerie  et  infectent  tous 
les  reproducteurs,  en  pouvant  permettre  cependant,  pour  l'année 
même,  une  belle  récolte  de  soie.  Bien  plus,  cette  contagion  peut  s'opé- 
rer dans  des  chambrées  différentes  de  la  même  maison,  et,  d'une 
maison  à  l'autre,  par  l'effet  des  vents,  par  les  poussières  transportées 


SERICARIA.  Z|1<J 

avec  les  mains,  les  vtHemeiits,  les  chaussures,  etc.  Cette  contagion 
toutefois  s'arrête  à  certaines  distances  qu'on  ne  peut  évaluer  avec  pré- 
cision, car  il  y  a  ici  une  intluence  considérable  et  variée  des  précau- 
tions pour  l'ouverture  et  la  direction  des  fenêtres,  la  propreté  inté- 
rieure, celle  des  personnes  de  service,  etc.  Il  faut  surtout  redouter  la 
contagion  par  les  poussières  de  la  chambrée  môme,  et  enlever  avec 
soin  tout  Ver  suspect,  qui  seulement  demeure  plus  petit  que  les 
autres. 

En  présence  de  ces  modes  multiples  de  contagion  se  présente  une 
question  qui  est  comme  la  pierre  angulaire  derédificc.  La  sériciculture 
est  perdue  si  la  graine  garantie  saine  peut  donner  une  éducation  ma- 
lade. C'est  là  le  problème  qu'on  se  posait  avec  anxiété,  sous  l'idée 
d'une  épidémie,  d'une  influence  de  milieu  impossible  à  conjurer.  Il 
résulte  des  expériences  que,  quand  une  graine  est  reconnue  saine 
d'après  la  méthode  de  sélection  de  M.  Pasteur,  c'est-à-dire  privée  de 
corpuscules  parce  qu'elle  est  née  de  reproducteurs  non  corpusculeux, 
il  est  impossible  que  les  Vers  issus  de  cette  graine  et  élevés  pendant 
la  durée  habituelle  des  éducations,  sans  prolongation  insolite  par  le 
froid  ou  la  diète,  puissent  périr  en  masse  avant  de  filer  leurs  cocons. 
Soit  par  la  contagion  au  contact,  soit  par  la  contagion  à  distance, 
jamais  la  pébrine,  dont  la  marche  est  lente,  n'atteint  les  Vers  assez 
jeunes  pour  qu'ils  ne  montent  pas  à  la  bruyère. 

Voici  la  méthode  efficace  de  M.  Pasteur,  dite  du  grainage  cellulaire. 
Elle  porte  sur  l'examen  des  femelles,  au  point  de  vue  de  la  présence 
des  psorospermies,  car  on  sait  qu'un  niAle  infecté,  d'après  les  recherches 
anatomiques  de  M.  Balbiani,  ne  communique  pas  l'infection  aux  œufs 
d'une  femelle  saine  lors  de  l'accouplement.  Cependant,  il  est  préférable 
de  rejeter  la  descendance  d'un  mâle  corpusculeux,  parce  que  son  état 
maladif  l'expose  à  engendrer  des  produits  affaiblis  et  prédisposés  aux 
contagions.  D'après  la  pratique  générale  de  toute  l'agriculture,  on 
choisit  les  reproducteurs  dans  les  éducations  les  mieux  réussies.  On 
dispose  dans  une  chambre  peu  éclairée,  assez  fraîche,  sans  soleil,  les 
chapelets  ou  filanes  de  cocons  choisis,  en  rangées  verticales  ;  dans  une 
chambre  à  côté,  offrant  les  mêmes  conditions,  sont  pendues  à  des 
ficelles  horizontales  des  rangées  de  petits  morceaux  de  toile  en  rec- 
tangle d'environ  1  décimètre  de  long  sur  5  centimètres  de  large.  On 
prépare  environ  100  toiles  par  once  de  25  grammes  de  graine  à  obtenir, 
et,  au  bout  de  trois  jours,  la  ponte  étant  finie,  on  peut  retirer  et  empa- 
queter les  toiles  et  en  mettre  de  nouvelles.  Les  papillons  sont  portés 
sur  des  tables  et  s'accouplent.  De  quatre  heures  à  six  heures  du  soir, 
on  met  séparément  tous  les  couples  sur  les  petits  linges  ;  bientôt  on 
les  désaccouple  et  souvent  on  jette  les  mâles  sans  examen;  on  laisse  la 
femelle  opérer  sa  ponte,  puis  on  l'enferme  dans  un  petit  sac  de  mous- 
seline qu'on  attache  à  la  toile  de  ponte,  ou  bien  on  la  place  au  bas  et 
dans  un  coin  de  la  toile,  repliée  et  fermée  avec  une  épingle;  le  mâle 


U20  LÉPJDOPTÈRES. 

est  conservé  et  mis  à  côté  de  la  femelle  si  l'on  veut  un  essai  plus  com- 
plet. Le  grainage  cellulaire  sera  encore  plus  rigoureux   si  l'on  met 
chaque  couple  dans  un  casier  formé  d'un  grand  nombre  de  cellules  de 
bois  ou  de  carton,  et  recouvrant  le  tout  d'une  toile  métallique  empê- 
chant les  papillons  de  passer  d'une  case  à  l'autre  ;  de  la  sorte  on  est 
certain  de  n'avoir  que  des  accouplements  uniques;  puis  on  porte  les 
couples  séparément  sur  les  petites  toiles,  on  désaccouple,  etc.  A  loisir, 
pendant  tout  l'hiver,  on  examine  au  microscope,  sous  250  à  300  dia- 
mètres, les  femelles  une  à  une  de  chaque  toile.  On  broie  l'insecte  dans 
un  petit  mortier,  avec  un  peu  d'eau;  on  prend,  au  bout  d'une  baguette 
de  bois  ou  de  verre,  une  faible  goutte  de  la  bouillie,  qu'on  place  sur 
le  porte-objet  du  microscope;  on  place  sur  la  goutte  une  mince  lame 
rectangulaire  de  mica,  de  manière  à  l'étaler  et  à  rendre  bien  fixe  son 
contenu  sous  le  champ  du  microscope  ;  on  compte  le  nombre  de  psoro- 
spermies  par  chaque  champ,  pi.  xcni,  fig.  3,  ou  leur  absence,  de  manière  à 
reconnaître  si  le  papillon  était  corpusculeux  et  à  quel  degré,  ou  entiè- 
rement sain.  Si  la  proportion  des  papillons  corpusculeux  pris  au  hasard 
reste  inférieure  au  dixième  dans  les  races  indigènes,  on  peut  employer 
la  graine  de  toute  la  chambrée  pour  une  éducation  industrielle  de 
l'année  suivante,  en  rejetant,  comme  toujours,  les  sujets  chétifs  et  mal 
conformés,  et  surtout  ceux  dont  le  duvet  du  corps  est,  même  par  places 
restreintes,  noir  et  velouté,  car  on  peut  affirmer,  sans  examen,  qu'ils 
sont  corpusculeux.  Il  ne  faut  pas  confondre  cette  couleur  avec  un  duvet 
gris  que  présentent  parfois  des  papillons  très  sains  dans  les  races  vigou- 
reuses, et  qu'on  voit  particulièrement  chez  les  mâles.  Si  la  graine  doit 
servir  à  de  petites  chambrées  pour  des  grainages  ultérieurs,  le  mieux 
est  de  rejeter  les  pontes  de  toute  femelle  corpusculeuse.  On  réunit 
toutes  les  bonnes  pontes   en  les  détachant  des  toiles  par  le  lavage;  on 
dessèche  la  graine  rapidement  à  l'air  et  on  la   conserve   dans  une 
chambre  située  au  nord,  sèche  et  aérée.  Une  graine  étant  reconnue 
saine,  il  reste  la  question  de  la  propager  indéfiniment  exempte  de 
psorospermies  par  de  petites  éducations  dites  de  grainage,  très  lucra- 
tives pour  ceux  qui  s'y  livrent  avec  succès,  afin  d'alimenter  de  semences 
toujours  saines  les  grandes  éducations  de  l'industrie.  Il  faut  avoir  soin 
de  bien  assainir  les  petites  magnaneries  où  se  feront  ces  éducations  de 
reproducteurs  :  ainsi,  laver  le  parquet  à  plusieurs  eaux,  blanchir  les 
murs  à  la  chaux,  désinfecter  pendant  vingt-quatre  heures,  toutes  ou- 
vertures closes,  à  l'aide  de  fragments  de  chlorure  de  chaux  recouvrant 
le  plancher,  aérer  la  salle,  badigeonner  les  agrès  de  sulfate  de  cuivre; 
enfin,  dans  le  cours  de  l'éducation,  enlever  les  poussières  avec  une 
éponge  humide  et  déliter  hors  de  la  magnanerie.  Ces  précautions  se- 
ront parfaitement  suffisantes  dans  les  départements  de  petite  culture. 
Il  faut  y  joindre  de  nouvelles  précautions  hygiéniques  dans  les  pays  de 
grande  culture,  où  l'on  est  partout  entouré  d'éducations  plus  ou  moins 
suspectes.  Il  est  nécessaire  de  fractionner  le  plus  possible  les  éduca- 


SERICAUIA.  !l2 

lions  de  grainage,  de  n'établir  leurs  magnaneries  qu'à  distance  des  locaux 
habités  où  se  font  les  éducations  ordinaires.  Évitez  par-dessus  tout  l'em- 
ploi de  personnes  qui  seraient  affectées  en  même  temps  au  soin  de 
grandes  magnaneries  industrielles,  toujours  plus  ou  moins  corpuscu- 
leuses,  et,  condition  plus  expresse  que  tout  le  reste,  dans  les  pays  de 
grande  culture  séricicole,  n'employez  que  des  graines  irréprochables, 
obtenues  par  la  méthode  du  grainage  cellulaire.  Une  précaution  im- 
portante est  de  soustraire  les  papillons  secs  des  toiles  au\  attaques  des 
Dermestiens,  principalement  du  Dermestes  lardarius,  Linn.  11  faut, 
par  des  toiles  métalliques  serrées  garnissant  les  ouvertures  de  la  pièce 
où  l'on  conserve  les  pontes  avec  les  femelles,  empêcher  l'insecte  de 
pénétrer  au  vol.  En  outre  ce  Oermeste  dévore  aussi  très  bien  les  chry- 
salides,  non  seulement  sèches,  mais  également  vivantes. 

La  méthode  de  sélection,  si  éminemment  rationnelle,  destinée  à  rester 
un  des  titres  de  gloire  de  M.  Pasteur,  aurait  rendu  aux  races  indigènes  de 
toute  l'Europe  leur  ancienne  vigueur  et  rétabli  la  prospérité  de  la  séri- 
ciculture, si  une  autre  affection  beaucoup  plus  redoutable,  sans  pré- 
servatif certain,  n'était  survenue.  Elle  continue  ses  ravages,  la  maladie 
psorospermique  ayant  disparu  ou  à  peu  près,  et  rien  ne  prouve  qu'on 
ne  sera  pas  vaincu  définitivement  et  réduit  pour  l'industrie  à  la  pro- 
duction séricicole  de  l'extrême  Orient.  Cette  maladie,  anciennement 
connue,  confondue  souvent  avec  d'autres,  surtout  avec  la  pébrine,  a 
été  démontrée  être  une  affection  indépendante  par  M.  Pasteur,  en  1867, 
tant  par  des  essais  précoces  que  par  des  éducations  en  avril  et  mai.  On 
la  nomme  flacherie,  morts- flats,  morts-blancs,  tripes,  négrone  (à  cause 
des  cadavres  noircis).  Elle  s'accompagne  habituellement  de  symptômes 
qui  avaient  été  pris  pour  des  maladies  spéciales,  comme  la  menuaitle, 
les  petits,  la  maladie  des  petits,  l'atrophie.  Les  Vers,  tout  en  continuant 
à  manger  et  à  muer,  deviennent  très  inégaux;  une  partie  se  rabougrit, 
garde  de  petites  dimensions  et  ne  donne  pas  de  cocons  ou  seulement  de 
très  chétifs.  Souvent  aussi  les  Vers  deviennent  arpians,  ou  harpions,  ou 
passis;  ils  sont  grêles  et  maigres,  tout  en  conservant  leurs  forces  mus 
culaires,  le  corps  flasque,  vidé  et  comme  huilé  par  places,  les  déjections 
liquides  ;  ils  s'accrochent  avec  force  par  les  couronnes  de  leurs  fausses 
pattes,  raclant  la  peau  de  la  main  si  on  les  promène  dessus,  se  déta- 
chant difficilement  des  feuilles  ou  des  brindilles  de  bruyère;  beaucoup 
après  la  mort  pendent  renversés,  retenus  par  les  fausses  pattes.  Dans 
les  nombreuses  éducations  industrielles  examinées  dans  le  Gard,  en 
1867,  par  M.  Pasteur,  il  fut  reconnu  qu'il  est  très  rare  de  rencontrer 
une  chambrée  décimée  par  la  pébrine  qui  n'offre  pas,  en  même  temps, 
des  Vers  llats.  On  peut  avoir  des  éducations  exclusivement  atteintes  de 
pébrine  et  d'autres,  au  contraire,  exclusivement  de  flacherie.  En  1867, 
la  pébrine  était  encore  la  maladie  la  plus  répandue,  mais  la  flacherie 
s'y  associait  déjà  pour  une  proportion  considérable,  dans  les  départe- 
ments de  grande  culture.  Dans  les  années  suivantes,  la  flacherie  prit  de 


422  LÉPIDOPTÈRES. 

plus  en  plus  le  dessus  partout  où  on  élevait  des  Vers  à  soie.  Cette  afTec- 
tion  est  d'autant  plus  cruelle  qu'elle  frappe  le  plus  souvent  les  che- 
nilles au  moment  de  la  montée,  alors  que  toutes  les  dépenses  sont  faites 
et  que  le  magnanier  est  en  droit  d'espérer  un  bénétice  certain.  Soit  au 
moment  de  la  montée,  soit,  plus  rarement,  à  une  époque  antérieure, 
les  Vers  deviennent  languissants,  immobiles,  ne  mangeant  plus.  La 
mort  arrive,  rapide,  foudroyante  même.  Les  cadavres  récents  ont  con- 
servé la  couleur  normale  qui  convient  à  l'âge  du  Ver;  bientôt  ils 
deviennent  ardoisés ,  pourrissent ,  prennent  une  couleur  noirâtre 
(pi.  xcni,  fig.  6),  flasques  et  pareils  à  des  boyaux  vidés,  l'intérieur  de 
leur  corps  s'écoulant  en  une  sanie  brunâtre.  Une  odeur  aigre,  intense, 
due  aux  acides  gras  volatils  que  dégagent  les  Vers  malades,  se  fait 
sentir  dans  la  magnanerie.  Nous  trouvons  une  bonne  observation  de  ce 
genre  dans  une  lettre  de  notre  collègue  et  ami  M.  J.  Fallou,  qui  visi- 
tait à  Celles-les-Bains  (Ardôche),  en  1868,  la  magnanerie  de  M.  Chal- 
vet.  L'éducation  se  composait  de  Vers  japonais,  graine  de  1867,  de  pre- 
mière génération,  qui  restèrent  beaux  et  sains,  avec  cocons  mélangés 
verts  et  blancs,  et,  d'autre  part,  de  Vers  japonais  de  1866,  qui  avaient 
bien  réussi  en  1867,  ot  de  Vers  de  graine  du  pays,  de  race  superbe, 
qui  échouèrent  en  1868.  Les  Vers  de  cette  seconde  série  restèrent  très 
beaux  jusqu'à  la  troisième  mue  inclusivement.  A  la  quatrième  et  der- 
nière mue  de  l'état  de  chenille,  les  Vers  furent  lents  à  quitter  leur 
peau,  puis  refusèrent  de  manger,  devinrent  flasques  et  d'un  jaune- 
noirâtre,  sans  taches  aux  pattes  ni  à  la  région  anale,  et  moururent. 
Comme  ou  élevait  côte  à  côte,  avec  la  même  feuille,  les  Vers  japonais 
beaux  et  sains  de  la  première  génération,  tandis  qu'on  dut  jeter  toute 
l'autre  série,  il  était  bien  difficile  de  placer  la  cause  de  la  maladie  dans 
la  feuille  du  mûrier,  qui  eût  dû  empoisonner  indistinctement  tous  les 
Vers.  Parfois,  et  sur  le  cadavre  seulement  des  Vers  flats,  la  peau  désor- 
ganisée se  couvre  do  petits  points  blancs  ressemblant  à  de  la  pébrine 
commençante  ;  mais  la  différence  est  nettement  établie  par  la  momifl- 
cation  du  cadavre  des  pébrinés,  d'une  part,  l'absence  de  taches  sur  les 
négroncs  vivants,  de  l'autre. 

Cette  maladie,  ou  du  moins  la  mort  précédée  et  suivie  de  pareils  sym- 
ptômes, se  rencontre  assez  souvent  sur  un  grand  nombre  de  nos  che- 
nilles indigènes  d'espèces  variées,  soit  dans  la  nature,  soit  élevées  chez 
des  amateurs;  elle  est  fréquente  dans  les  éducations  faites  dans  la  ré- 
gion de  Paris  des  Vers  à  soie  du  chêne,  Attacus  Pernyi,  0.  Mén.,  et 
Yama-maï,  G.  Mén.  Je  me  souviens  notamment  avoir  observé  de  sem- 
blables phénomènes  sur  les  chenflles  de  Bombyx  Neustria,  Linn.,  et  de 
Liparis  Chrysorrhœa,  Linn. 

De  quels  désordres  internes  s'accompagne  ce  second  fléau  de  la  séri- 
ciculture? Les  fonctions  digestives  subissent  une  altération  profonde, 
attestée  par  diverses  productions  insolites  que  le  microscope  permet 
de  constater  dans  les  matières  qui  remplissent  le  canal  intestinal  des 


SERICARIA.  423 

Vers  morts-flats.  Ce  sont  principalement,  d'une  part,  des  Vibrions  (ana- 
logues aux  Anguillules  du  vinaigre,  de  la  colle  d'amidon  aigrie,  etc.), 
d'autre  part,  un  ferment  en  chapelets  flexibles,  formés  d'un  nombre 
variable  de  grains,  sphériques  ou  subsphériques,  chacun  d'un  dia- 
mètre d'environ  un  millième  de  millimètre,  et  très  analogue  aux  fer- 
ments organisés  de  diverses  fermentations,  notamment  de  la  fermenta- 
tion acétique.  La  flacherio  est  donc  une  maladie  de  l'appareil  digestif, 
le  Ver  ne  digère  plus  ;  car  ce  sont  précisément  les  mûmes  organismes 
qu'on  retrouve  dans  la  décomposition  des  feuilles  de  mûrier  triturées  et 
abandonnées  à  elles-mêmes.  La  présence  des  Vibrions  dans  les  matières 
du  tube  digestif  est  le  signe  d'un  état  avancé  de  la  flacherie  et  s'observe 
surtout  sur  les  Vers  après  la  quatrième  mue  ou  à  la  bruyère,  trop  ma- 
lades pour  faire  leurs  cocons;  le  ferment  en  chapelets  de  grains  cor- 
respond à  un  état  bien  moins  grave  de  l'affection,  et,  quand  il  ne  s'est 
développé  que  dans  les  derniers  jours  de  la  vie  de  la  chenille,  il  per- 
met la  filature  du  cocon,  la  nymphose  et  l'éclosion  du  papillon  ;  la 
récolle  industrielle  reste  bonne,  mais  le  grainage  très  compromis,  car 
il  donnera  vine  race  affaiblie,  très  prédisposée  à  la  contagion. 

Le  ferment  en  chapelets  de  grains  détermine  dans  le  tube  digestif  des 
Vers  une  fermentation  de  la  feuille  ingérée,  d'où  résultent  le  manque 
d'appétit,  l'immobilité,  la  lenteur  à  filer.  C'est  alors  que  nos  vieux  ma- 
gnaniers  brûlaient  de  l'encens,  du  thym,  des  parfums,  faisaient  des 
feux  de  flamme,  qui  élevaient  de  plusieurs  degrés  la  température  de 
la  magnanerie,  afin  de  ranimer  les  Vers.  Quand  ces  symptômes  se  sont 
montrés  à  la  fin  d'une  éducation,  quelle  que  soit  d'ailleurs  sa  réussite 
en  cocons,  il  y  aurait  une  grande  imprudence  à  faire  grainer  les  papil- 
lons; l'année  suivante,  la  flacherie  décimerait  l'éducation.  Quand  on  a 
eu  la  négligence  de  ne  pas  observer  ses  Vers,  surtout  dans  les  derniers 
jours  de  leur  vie,  ce  que  doit  toujours  faire  un  magnanier  intelligent, 
ou  quand  on  reçoit  des  cocons  sans  renseignement,  il  faut  étudier  au 
microscope  le  tube  digestif  des  chrysalides,  notamment  l'estomac  et  la 
poche  cœcale,  et  voir  si  les  matières  internes  offrent  les  chapelets  de 
gri^ins  ou  les  Vibrions.  On  peut  se  contenter  du  caractère  suivant  :  les 
matières  des  poches  cœcales  des  chrysalides  malades  sont  abondantes  et 
d'une  teinte  verdâtre  foncée,  le  méconium  des  papillons,  au  lieu  d'âtre 
d'un  jaune  plus  ou  moins  orangé,  est  d'un  gris  ou  d'un  brun  noirâtre, 
et  très  tachant  pour  les  linges  qui  servent  au  grainage.  On  peut  en- 
core, quand  on  veut  se  précautionner  contre  la  flacherie  dans  une  édu- 
cation de  grainage,  observer  si  les  Vers  n'ont  pas  extérieurement  une 
peau  rosée,  au  lieu  de  la  teinte  blafarde  de  l'état  normal. 

La  flacherie  est  très  souvent  accidentelle.  En  effet,  elle  provient  d'un 

trouble  dans  la  digestion,  sous  l'influence  du  ferment  en  chapelets  de 

grains  dans  la  feuille  ingérée.  D'après  cela,  elle  peut  avoir  pour  cause 

occasionnelle  une  trop  grande  accumulation  des  Vers  aux  divers  âges 

l'insecte,  une  trop  forte  chaleur  lors  des  mues,,  la^suppression  de  la 


h2!l  LÉPIDOPTÈRES. 

transpiration,  le  manque  d'aérage,  l'emploi  d'une  feuille  échauffée,  ou 
trop  dure,  ou  mouillée  par  le  brouillard.  M.  Pasteur  regarde  la  feuille 
des  mûriers  non  taillés  ou  des  sauvageons  comme  bien  préférable  aux 
feuilles  larges  et  épaisses  des  mûriers  taillés  chaque  année.  Les  feuilles 
durcies  par  la  chaleur  sont  aussi  d'un  emploi  funeste.  Il  y  a  avantage 
à  accélérer  les  éducations,  afin  d'avoir  toujours  une  feuille  plus  jeune 
et  plus  digestive.  Les  recherches  de  M.  Raulin  ont  fait  voir  que  la  fla- 
cherie  sévit  surtout  vers  le  15  juin,  de  sorte  qu'il  importe,  avec  l'épi- 
démie actuelle,  de  commencer  les  élevages  le  plus  tôt  possible  et  de 
les  mener  rapidement,  afin  d'être  à  la  montée  à  la  fin  de  mai.  MM.  Rau- 
lin et  Duclaux  ont  aussi  constaté  une  influence  très  favorable  du  gla- 
çage des  œufs  pendant  l'hiver,  [pour  fortifier  les  races  et  les  rendre 
moins  accessibles  soit  à  l'influence  héréditaire,  soit  à  la  contagion.  C'est 
là  un  fait  général  bien  constaté,  notamment  après  l'hiver  rigoureux 
de  1879-1880  ;  loin  de  tuer  les  insectes,  le  froid  les  fortifie. 

M.  Pasteur  émit  pour  la  première  fois  l'idée,  en  1868,  contrairement 
à  l'opinion  des  magnaniers,  que  la  flacherie  pouvait  être  héréditaire, 
il  résulte  de  ses  propres  expériences,  ou  de  celles  entreprises  sous  son 
influence,  soit  en  essais  précoces,  soit  en  éducations  normales,  que  des 
graines  provenant  de  parents  affaiblis  par  un  commencement  de  fla- 
cherie, rigoureusement  exemptes  de  corpuscules  par  le  procédé  du 
grainage  cellulaire,  conduisent  à  des  chambrées  complètement  enva- 
hies par  la  flacherie,  au  point  de  ne  pas  donner,  le  plus  souvent,  un 
seul  cocon.  Depuis  bien  longtemps  les  éducateurs  auraient  connais- 
sance de  cette  hérédité,  s'il  n'était  pas  de  règle  d'exclure  du  grainage 
tout  élevage  qui  a  présenté,  entre  la  quatrième  mue  et  la  montée  à  la 
bruyère,  des  Vers  languissants  ou  atteints  d'une  mortalité  plus  ou 
moins  grande.  La  maladie  des  corpuscules  peut  être  impossible  à  pré- 
voir à  l'aspect  des  Vers  à  la  montée  et  exiger  l'emploi  du  microscope  ; 
il  n'en  est  pas  de  môme  de  la  flacherie,  toujours  reconnaissable  à 
l'aspect  extérieur  des  Vers,  de  sorte  qu'une  petite  éducation  d'essai 
bien  surveillée  indiquera  avec  certitude  si  l'on  doit  livrer  tous  les 
cocons  à  la  filature,  ou  si  l'on  peut  se  servir  de  certains  d'entre  eux 
pour  grainer. 

Enfin,  M.  Pasteur  a  établi,  par  des  expériences  conduites  avec  une 
méthode  rigoureuse,  que  la  flacherie  est  contagieuse  et  d'un  grand 
nombre  de  manières.  Toujours  un  lot  témoin,  parfaitement  intact,  a 
servi  à  établir  que  la  maladie  des  autres  lots  est  due  à  la  cause  seule 
dont  on  veut  prouver  l'existence.  On  a  pu  contagionner  de  bien  des 
manières  différentes  les  Vers  à  soie  reconnus  exempts  de  pébrine  et  de 
flacherie  héréditaire  ;  ainsi  :  avec  la  poussière  d'une  magnanerie  infec- 
tée l'année  précédente  par  la  pébrine  et  la  flacharie,  cette  poussière 
tantôt  répandue  sèche  sur  les  feuilles,  tantôt  les  imprégnant  en  sus- 
pension dans  l'eau  ;  au  moyen  des  feuilles  recouvertes  par  la  matière 
pleine  de  Vibrions  du  canal  digestif  d'une  chenille  en  flacherie,  par 


SERICAREA.  kib 

des  fragments  de  Ver  flat  délayés  dans  l'eau,  par  des  Vibrions  retirés 
du  tube  digestif  d'une  chenille  morte,  par  des  Vibrions  provenant  de 
feuilles  de  mûrier  fermentées.  Le  ferment  en  chapelets  de  grains 
relire  du  canal  intestinal  provoque  aussi  la  maladie,  et  de  même  le 
contact  de  Vers  malades  placés  au  milieu  de  vers  sains.  On  trouve  dans 
le  plus  grand  nombre  des  chenilles  contagionnées  le  ferment  en  cha- 
pelets de  grains  ou  les  Vibrions,  ou  tous  deux,  et  aussi  dans  les  chrysa- 
lides. 11  résulte  de  ces  expériences  que  la  contagion  est  encore  plus 
facile  pour  la  flacherie  que  pour  la  pébrine,  puisque  les  corpuscules 
ou  germes  de  la  pébrine  meurent  et  deviennent  inoffensifs  dans  un 
temps  assez  court,  tandis  ■  que  ceux  de  la  flacherie  conservent  leur 
activité  pendant  des  années.  La  poussière  des  magnaneries  infectées 
est,  en  effet,  remplie  de  Vibrions  enkystés  qui  reprennent  vie  quand 
ils  sont  humectés. 

M.  Pasteur  a  donné  une  méthode  de  sélection,  lente  et  exigeant  des 
soins  minutieux,  il  est  vrai,  mais  qui  peut  permettre  de  régénérer  une 
race  à  l'aide  d'une  graine,  quelque  mauvaise  qu'elle  soit,  atteinte  de 
pébrine  ou  de  flacherie,  ou  de  ces  deux  maladies  réunies,  même  au 
plus  haut  degré.  Ainsi  se  trouvera  réalisé  le  désir  ardent  de  bien  des 
éducateurs,  désolés  de  voir  s'éteindre  entre  leurs  mains  des  races  re- 
marquables par  la  beauté  de  leurs  cocons,  la  force  et  la  finesse  de  leur 
soie.  Les  deux  maladies  qui  désolent  la  sériciculture  sont  à  la  fois 
héréditaires  et  contagieuses.  Supposons  que  dans  une  graine, 'et  c'est  ce 
qui  arrive  toujours  dans  les  graines  suspectes,  il  y  ait  une  certaine 
fraction,  forte  ou  faible,  d'œufs  exempts  de  psorospcrmies  ou  de  leurs 
germes,  ou  privés  de  la  prédisposition  héréditaire  à  la  flacherie.  Si  on 
élève  en  commun  tous  les  Vers  issus  de  cette  graine,  une  contagion 
générale  anéantira  l'éducation,  comme  si  tous  les  œufs  sans  exception 
avaient  été  infectés,  et  les  cocons,  si  quelques-uns  sont  filés,  ne  don- 
neront que  des  papillons  impropres  à  la  reproduction.  On  voit  que 
c'est  la  contagion  qui  achève  le  mal  commencé  par  l'hérédité.  Il  suffit 
de  séparer  ces  deux  causes  et  de  supprimer  la  première,  puis  de  faire 
un  triage  entre  les  sujets  sains  et  ceux  atteints  par  le  mal  héréditaire. 
On  y  arrive  par  le  procédé  de  l'éducation  cellulaire.  Avant  que  les 
Vers,  au  moment  où  ils  sortent  de  l'œuf,  aient  pu  se  nuire  les  uns  aux 
autres,  il  faut  lever  séparément  chacun  d'eux,  à  l'aide  d'un  menu  frag- 
ment de  feuille  de  mûrier  qu'on  lui  présente  avec  une  petite  pince  jus- 
qu'à ce  qu'il  s'y  soit  attaché;  les  entomologistes  savent,  en  effet,  qu'il 
ne  faut  jamais  toucher  les  jeunes  chenilles  avec  les  doigts.  On  place 
alors  chaque  Ver  dans  une  cellule  isolée,  formée  au  moyen  des  subdi- 
visions et  carrés  obtenus  dans  un  casier  de  bois  ou  de  carton,  chaque 
case  ayant  6  à  7  centimètres  de  haut  et  8  à  10  de  côté.  Comme  les 
Vers  à  soie  ont  un  remarquable  instinct  social  et  chercheraient  à  se 
réunir,  il  est  indispensable  de  couvrir  chaque  case  d'un  morceau  de 
canevas;  le  fond  du  casier  doit  être  pareillement  en  canevas,  afin  de 


^26  LÉPIDOPTÈRES. 

faciliter  Taérage  des  cellules.  On  trouvera,  à  la  fin  de  cette  éducation 
cellulaire,  certains  cocons  à  chrysalides  et  à  papillons  sains,  soit  sous 
le  rapport  des  psorospermies,  soit  privés  de  ferment  en  chapelets  de 
grains.  Ils  donnent  une  graine  sûre  et  intacte.  Si  l'on  craint  encore, 
malgré  tout,  quelque  influence  héréditaire,  on  recommencera  l'élevage 
cellulaire  sur  la  seconde  génération,  et  cela  pourra  servir  en  outre  de 
contrôle  pour  la  bonté  de  la  méthode.  Celte  méthode  a  donné  à 
M.  Pasteur  des  reproducteurs  parfaitement  sains,  en  partant  de  graines 
ou  corpusculeuses,ou  atteintes  de  tlacherie  et  conduisant  à  des  échecs 
complets,  en  petites  éducations  générales,  môme  fort  soignées. 

Un  grand  intérêt  qui  découle  de  ces  faits,  c'est  l'influence  de  l'isole- 
ment pour  diminuer  les  ravages,  soit  de  la  pébrine,  soit  de  laflacherie, 
en  diminuant  la  contagion.  Il  faut,  dans  les  éducations,  se  rapprocher 
le  plus  possible  des  conditions  de  l'élevage  cellulaire,  en  donnant  aux 
Vers  une  grande  surface,  surtout  dans  les  premiers  âges,  en  raison  de 
la  lenteur  des  effets  de  la  contagion,  qui  est  bien  moins  dangereuse 
quand  elle  commence  à  sexercer  à  la  fin  de  la  vie  de  la  larve.  Il  faut 
espacer  le  plus  possible  les  Vers  dès  leur  naissance,  étendre  la  graine 
au  lieu  de  l'accumuler  en  épaisseur;  puis,  tous  les  jours,  augn^enter  la 
surface  de  l'éducation,  au  risque  d'augmenter  un  peu  la  quantité  de 
nourriture  et  l'étendue  des  locaux.  Les  éducateurs  japonais  ont  grand 
Boin  de  séparer  les  Vers  le  plus  possible  et  d'empêcher  de  trop  fréquents 
contacts,  en  écartant  les  Vers  les  uns  des  autres  avec  de  petits  bâtons. 
Les  Vers  des  Japonais  n'occupent  pas  moins  de  5  mètres  carrés  au  mo- 
ment du  premier  sommeil,  pour  25  grammes  environ  de  graine;  en 
France,  nous  ne  leur  donnons  guère  que  le  cinquième  de  cette  super- 
ficie. En  outre,  comme,  dans  l'éducation  cellulaire,  les  Vers  morts  sont 
d'eux-mêmes  isolés  des  autres,  il  faut  commettre  une  personne  intelli- 
gente à  enlever  des  claies  les  Vers  morts  ou  rnourants,  et,  en  général, 
tous  ceux  qui  ne  paraissent  pas  en  état  de  pouvoir  faire  leurs  cocons  ; 
c'est  autant  de  chances  qu'on  ôte  à  la  contagion. 

D'après  le  comte  Castellanij  on  connaît  en  Chine  toutes  les  maladies 
de  nos  Vers  à  soie,  sauf  peut-être  le  pébrine,  qui,  au  moins  il  y  a  quel- 
ques années,  n'y  avait  pas  encore  pénétré.  Il  cite,  en  outre,  la  maladie 
de  la  mouche  ou  de  la  grosse  mouche;  c'est  celle  que  les  Japonais  nom- 
ment mal  de  Vuji  ou  ougi  ou  oudgi,  qui  étend  aussi  ses  ravages  à  VAtta- 
cus  Yama-maï,  G.  Alén.,  objet  d'une  production  importante  de  soie  dans 
certaines  parties  du  Japon.  (1)  Cette  maladie  n'est  autre  que  la  mortalité 
des  chenilles  ou  des  chrysalides  par  les  attaques  de  divers  Hymé- 
noptères entomophages  ou  d'Entomobies  (Diptères,  Brachycères),  qui 
font  périr  les  chenilles  du  Sericaria  mori  des  éducations,  comme  toutes 

(2)  Maurice  Girard,  Notes  relatives  au  parasite  appelé  ouji,  destructeur  des 
Vers  à  Soie  (Bull.  Soc.  d'Acclim.,  2"  sér.,  1870,  t.  VU,  p.  167,  et  Ann. 
Soc,  Ent.  fr,,  4'  pér.,  1870,  t,  X,  Bull.  p.  53  et  61), 


SERICARIA..  Û27 

les  chenilles  indigènes.  En  France,  les  Entomobies  ou  Tachinaires 
pondent  aussi  leurs  œufs  sur  les  Vers  à  soie  en  magnanerie  ;  le  cocon 
n'est  pas  moins  filé  et  on  trouve  à  l'intérieur  les  pupes  mortes  provenant 
des  larves  de  Diptères  issues  de  la  chrysalide  ;  elles  n'ont  pu  sortir  au 
dehors,  car  le  cocon  est  trop  soyeux  et  trop  serré  et  sans  orifice  pré- 
disposé. Je  crois  avoir  été  le  premier  à  publier  ce  fait,  que  j'ai  observé 
en  ouvrant  des  cocons  qui  ne  donnaient  pas  de  papillons  et  provenaient 
de  la  magnanerie  de  grainage  de  M.  Caillas,  à  Passy  (Paris  actuel).  On 
ne  savait  pour  quelie  cause  des  cocons  paraissant  aussi  beaux  que  les 
autres  ne  produisaient  pas  do  papillons.  Les  larves  des  Diptères  vivant 
à  l'intérieur,  avaient  évidemment  respecté  les  glandes  séricigènes  (1). 

Nous  ne  connaissons  que  des  indications  très  incomplètes  sur  les  es- 
pèces de  Sericaria  autres  que  S.  mari,  Linn.  Celui-ci  paraît  originaire 
des  provinces  montueuses  de  la  Chine  septentrionale  et  il  est  probable 
que  trois  ou  quatre  prétendues  espèces,  habitant  aussi  la  Chine,  n'en 
sont  que  des  races  (S.  Texlor,  Crcèsi,  Fortunata,  etc.).  Il  y  a  six.  espèces 
paraissant  réellement  bien  séparées  et  dont  la  soie  peut,  dit-on,  riva- 
liser avec  celle  du  .S.  mori.  Nous  citerons  d'abord  S.  Huttuni,  Westwood, 
L'adulte  du  6'.  HiiUoni  est  de  la  taille  des  gros  papillons  dii  S.  mori  ; 
le  corps,  ainsi  que  le  fond  des  ailes,  sont  d'un  gris  brunâtre,  avec  une 
fine  ligne  blanche,  à  peu  près  parallèle  au  corps,  traversant  les  deux 
ailes  ;  les  ailes  antérieures  sont  fortement  falquées  au  sommet,  avec 
une  demi-lune  d'un  brun  noir.  La  chenille  de  S.  Huttoni  a  une  très 
grosse  tête,  le  fond  d'un  gris  jaunâtre  avec  des  marbrures  brunes,  les 
pattes  écailleuses  d'un  brun  fauve,  une  double  épine  noire  sur  le  dos, 
sur  chacun  des  anneaux  5,  6,  7,  8,  9, 10,  l'anneau  11  ayant  la  corne  ty- 
pique du  genre  Sericaria  noire  et  très  recourbée  en  arrière,  et  une  corne 
noire  fourchue,  en  forme  de  x  minuscule,  sur  le  douzième  anneau. 
L'espèce  est  du  nord-ouest  de  l'Himalaya,  à  plus  de  2  000  mètres  d'alti- 
tude. On  a  essayé  d'élever  S.  Huttoni  en  domesticité  près  de  Cachemire; 
on  a  accouplé,  avec  de  grandes  difficultés,  S.  mori  cf  avec  S.  Huttoni  ^, 
et  réciproquement,  S.  Huttoni  çf  avec  S.  mori  ^  ;  les  œufs  ont  été  sté- 
riles. En  1858  et  1859,  ont  été  continuées  des  tentatives  d'éducation  ; 
mais  les  sujets  sauvages  du  dehors  refusaient  de  s'accoupler  aux  sujets 
captifs,  de  sorte  que  la  nature  intraitable  de  cette  espèce  a  dû  faire 
renoncer  à  l'espoir  de  sa  domestication. 

Viennent  ensuite  S.  Horsfieldi,  de  Java,  à  chenille  inconnue  ;  S.  Sher- 
villi,  de  l'Himalaya,  de  taille  au  moins  double  de  S.  mori,  i^vec  ^es 
couleurs  et  dessins  complètement  difTérents;  S.  Benyalensis,  Moore,  des 
environs  de  Calcutta,  dont  la  chenille,  de  couleur  jaune-nankin,  est 
munie  sur  le  dos  de  longs  filaments  noirs  ;  S.  Subnotata,  Walker,  espèce 
mal  précisée,  dont  la  chenille  aurait  également  deux  rangs  d'épines  j 
S.  religiosœ,  Helfer,  de  l'Assam,  dont  la  chenille  vit  sur  l'arbre  fipul, 

(1)  Maurice    Girard,  Note   sur    des  Diptères    parasites  de  Sericaria   mori 
Ann.  Soc.  entom.  Fr.  186/1,  li'  série,  t.  IV,  p.  155). 


klS  LÉPIDOPTÈRES. 

scientifiquement  le  Ficus  religiosa,  très  répandu  dans  l'Inde.  C'est  le 
ver  à  soie  yoj-ee  de  Helfer  (Bombyx),  le  Deo  mooga  de  Hugon,  ver  sau- 
vage il  peine  connu  des  habitants  de  l'Assam.  D'après  Hell'er,  le  thorax 
est  d'un  brun  grisâtre,  séparé  de  l'abdomen  par  une  bande  noire,  les 
ailes  supérieures  aiguës  au  sommet,  la  couleur  d'un  gris-clair  se  fon- 
çant vers  l'extrémité,  une  bande  blanche  interrompue  le  long  du  bord 
externe,  avec  une  grande  tache  blanchâtre  au  sommet  ou  angle  ex- 
terne, les  ailes  inférieures  uniformément  brunes.  Le  cocon  est  formé 
de  fils  très  fins,  d'un  lustre  très  soyeux,  très  doux  au  toucher,  d'une 
soie  sinon  supérieure,  au  moins  égale  à  celle  du  S.  ?ncn.  Un  petit  genre 
Ocinara,  voisin  des  Sericaria,  habite  aussi  le  continent  Indien  et  l'île 
de  Java,  et  renferme  cinq  ou  six  espèces,  qui  vivent  également  dans  les 
montagnes  sur  des  arbres  du  genre  Ficus.  Elles  filent,  paraît-il,  de 
petits  cocons  composés  d'une  très  belle  soie,  mais  qui  ne  semblent  pas 
avoir  été  encore  utilisés. 

Bibliographie  des  séricarides».  —  Les  ouvrages  et  mémoires  sur  le 
Ver  à  soie  du  mûrier  sont  très  nombreux,  en  raison  de  l'industrie  de 
premier  ordre  à  laquelle  il  donne  naissance.  Nous  citerons  seulement 
les  principaux  et  plus  récents,  surtout  en  français  : 

Malpighi,  Traité  du  Ver  à  soie  (en  latin),  avec  fig.  Londres,  1869  ; 
traduction  et  notes  par  E,  Maillot.  1878.  Coulet,  Montpellier,  in-Zj".  — 
Annales  de  la  Soc.  séricicole;  16  vol.  in-S",  1837  à  1851.  Bouchard-Hu- 
zard,  Paris  (parmi  ces  volumes  :  De  la  muscardine,  par  Guérin-Méne- 
ville,  1  vol.,  18/i8,  fig.  col.).  —  Bonaibus,  Traité  de  l'éducation  du  Ver 
à  soie  et  de  la  culture  du  marier,  etc.  Paris,  Bouchard-Huzard,  /i*  édit. , 
1  vol.  in-8°,  avec  fig.  col.  —  Edouard  Perris,  Traité  de  la  culture  du 
mûrier,  de  l'établissement  des  magnaneries  et  de  l'éducation  des  Vers  à 
soie,  1  vol.  in-8".  Leclercq,  Mont-de-xMarsan,  18/|6.  —  Robinet,  Mémoires 
sur  l'industrie  de  la  soie.  Paris,  Bouchard-Huzard,  1845  à  1861  (mûriers, 
ventilation,  muscardine,  filature,  battage  des  cocons,  bonté  des  œufs  de 
Vers  à  soie).  —  Dandolo,  Art  d'élever  les  Vers  à  soie,  1"  édit.  (trad.  de 
l'italien),  suivi  du  tableau  d'une  magnagnerie  modèle.  Paris,  Bouchard- 
Huzard,  1861,  avec  tig.  —  Stanislas  Julien,  Résumé  des  principaux  traités 
chinois  sur  la  culture  du  mûrier  et  l'éducation  des  Vers  à  soie.  Paris,  Bou- 
chard-Huzard, 1H37,  1  vol.  in-S",  avec  pi.  —  Brunet"  de  Lagrange,  Ta- 
bleaux synoptiques  :  1°  Éducation  des  Vers  à  soie  d'après  la  méthode  de 
Camille  Beauvais  et  les  procédés  de  ventilation  de  Darcet  ;  2°  Magna- 
gnerie salubre,  systèmes  de  ventilation  de  Darcet;  3»  Culture  et  taille 
du  mûrier.  Paris,  Bouchard-Huzard.  —  L.-J.  Boucher,  Industrie  sérici- 
cole, instruction  sur  le  tirage  de  la  soie  grège  ou  la  filature  des  cocons. 
Paris,  Bouchard-Huzard,  in-S",  1839.  —  Bourcier  et  Poortman,  Sur 
confection  de  la  soie,  Mémoire  destiné  à  réfuter  l'erreur  de  Straus- 
Durkheim  que  la  soie  existe  en  fil  et  roulée  en  écheveau  dans  le  corps 
des  chenilles  (Ann.  Soc.  séricicole,  1839,  n°  3,  et  Revue  zool.  de  la  Soc. 


SERICARIA.  429 

Cuoiérienne,  18A2,  p.  080).  —  Robinet,  Sur  la  formation  de  la  soie  {Revue 
zool.  de  la  Soc.  Cuviérienne,  iShli,  p.  27).  —  Audouin,  Histoire  naturelle 
du  Ver  à  soie.  Paris,  dans  la  Maison  rustique.  —  Loiscleur-Deslong- 
champs,  Rapport  sur  la  culture  du  mûrier  et  les  éducations  de  Vers  à  soie 
dans  les  environs  de  Paris,  en  I806  (Extrait  des  Mém.  de  la  Soc.  royale  et 
centrale  d'Aijric,  1837).  —  Nouvelles  considérations  sur  les  Vers  à  soie, 
pour  servir  à  l'histoire  de  ces  insectes  (Extrait  des  Ann.  de  l'Agric.  fran- 
çaise, 1838). —  De  Gasparin,  Essai  sur  l'histoire  de  l'introduction  du  Ver 
à  soie  en  Europe  :  Mémoire  sur  la  culture  du  mûrier  et  l'éducation  des 
Vers  à  soie.  Paris,  Bouchard-Muzard,  1  vol.  in-8%  I8Z1I.  —  Boitard, 
Traité  de  la  culture  du  mûrier  et  de  l'éducation  des  Vers  à  soie.  Paris, 
Bouchard-Huzard,  1  vol.  in-8°  (sans  date).  —  E.  Cornalia,  Monofjraphia 
del  Bombice  del  Gelso  {Bombyx  mori,  Linu.).  Milan,  1856,  hi-h",  avec 
15  pi.  —  Guérin-Méneville,  Revue  de  sériciculture  comparée.  !x  vol.  in-S". 
Paris,  1863,  I86Z1,  1865,  1866.  Ce  recueil  contient  de  nombreux  mé- 
moires de  son  directeur  sur  le  Ver  à  soie  du  mûrier  et  ses  maladies; 
ils  ont  été  continués,  pour  les  années  qui  suivent,  daus  la  Revue  et 
Mayasin  de  zooloyie  :  Production  de  la  soie,  situation,  maladie  et  amé- 
lioration des  races  de  Vers  à  soie.  Paris,  Bouchard-Huzard,  1857,  br.  — 
Sur  l'état  de  la  sériciculture  et  sur  les  maladies  des  Vers  à  soie  {Conyrès 
scient,  de  France  à  Montpellier,  3  décembre  1868  ;  Rev.  et  Magas.  de 
zooL,  janvier  1869;  Rapport  fait  à  la  Soc.  d'Ayric.  de  France  sur  la  sta- 
tion séricicole  de  Châlons-sur-Marne,  br.  in-li",  autogr.  —  De  Quatre- 
fages,  Essai  sur  l'histoire  de  la  sériciculture  et  sur  la  maladie  actuelle  des 
Vers  à  soie  (Extrait  de  la  Revue  des  Deux-Mondes.  Paris,  Victor  Masson, 
in-12,  1860).  —  Ernest  Pariset,  Histoire  de  la  soie  ;  temps  antérieurs 
au  septième  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Paris,  A.  Durand,  1862;  2"  par- 
tie, du  septième  au  douzième  siècle,  id.,  1865  (cet  ouvragen'a  pas  été 
étendu  aux  époques  postérieures).  —  Maurice  Girard  ;  sur  le  Sericaria 
mort,   conférence;  bull.  Soc.   d'Acclim.,  1862,  t.  IX,  p.  903  et  1050. 

—  R.  P.  Lesson,  Histoire  de  la  soie  considérée  sous  tous  ses  rapports, 
depuis  sa  découverte  jusqu'à  7ios  jours.  Rochefort,  18/i6,    1  vol.  in-8". 

—  Castellani,  Dell'  allevamento  dei  Bachi  di  Seta  in  China,  fatto  ed 
osservato  sut  Leioyohi  da  G.  R.  Castellani.  Firenze,  typ.  Barbera, 
Blanchi  et  C»,  1860,  1  vol,  in-18,  avec  pi.  —  Gagnât,  à  Joyeuse  (Ar- 
dèche),  les  Vers  à  soie  en  1867,  1  vol.  in-8",  1868.  —  Léon  de  Rosny 
(traduit  par),  Traité  de  l'éducation  des  Vers  à  soie  au  Japon,  par  Sira- 
Kawade  Sendai  (Osyou).  Paris,  Imprimerie  impériale,  1868,  1  vol.  in-8''. 

—  Duseigneur-Kléber,  Monographie  du  cocon  de  soie.  Lyon,  1860,  1  vol. 
gr.  in-8°,  avec  28  planches  photographiques.  —  B.  J.  Dufour,  Séricicul- 
ture simplifiée.  Lyon  et  Paris,  Eug.  Lacroix,  1868,  1  vol.  gr.  in-8'',  avec 
grav.  —  E.  Nourrigat,  Nouvelles  considératio7is  sur  la  nécessité  d'aug- 
menter la  production  de  la  soie  en  France  et  sur  les  causes  qui  ont  amené 
la  maladie  des  insectes  et  les  moyens  de  la  prévenir  (Extrait  de  divers  mé- 
moires adressés  à  l'Acad.  des  se).  Montpellier,  1858,  1  vol.  in-Zj"; 


ÛÎO  LÉPIDOPTÈRES. 

Mémoire  sur  la  sériciculture  présenté  au  Congrès  de  Montpellier.  Lunel, 
1874,  1  vol.  gr.  in-8°.  —  Rapport  publié  par  le  ministère  de  l'ayricult. 
ducomm.;  conseils  aux  magnaniers.  Paris,  G.Masson,  1  vol.  gr.  in-S".  — 
P.  Duplat,  Séricictilture,  soie  et  soieries,  inventaire  de  1873.  Lyon, Moni- 
teur des  soies,  I81k,  1  vol.  in-8°.  —  A  Gobin,  Mûriers  et  vers  à  soie. 
Paris,  Niclaus  et  G',  1875,  i  vol.  in-18,  avec  fig.  —  E.  Maillot,  Mémoires 
et  documents  sur  la  sériciculture;  station  séricicole  de  Montpellier, 
!'■«  série.  Monlpellier,  Imprim.  centrale,  1  vol.  gr.  in-8°,  1875.  — 
l<'r.  de  Boullenois,  Conseils  aux  nouveaux  éducateurs  de  Vers  à  soie. 
Paris,  Bouchard-Huzard,  1875,  3^  édit.,  i  vol.  in-8'',  avec  fig.  —  A.  Ro- 
land, Traité  pratique  d'éducation  en  plein  air  sur  le  mûrier  et  en  magna- 
nerie, in-18.  Lausanne,  1873. —  L.  Roman,  Manuel  du  magnamer.  Paris, 
Gautliier-Villars,  1  vol.  in- 12,  1876  (cet  ouvrage  est  un  excellent  exposé 
des  méthodes  de  M.  Pasteur).  —  P.  Sirand,  Le  procédé  Pasteur  appliqué 
aux  éducations  de  1872.  Prudhomme.  Grenoble,  1873,  br.  —  M.  Del- 
prino,  La  nouvelle  sériciculture,  br.  in-8°,  avec  pi.,  en  français.  Acqui, 
1867;  Perte  dans  le  produit  de  la  soie  par  suite  des  défauts  des  systèmes 
usuels,  etc.,  br.  in-8°,  en  français.  Acqui,  1867;  Le  peripezie  d'Ualia 
et  loro  tristi  effetti,  etc.,  bf.  în-8°.  Acqui,  1867;  liésultat  du  nouveau 
système  de  l'éducation  des  Vers  à  soie,  br.  in-8",  en  français.  Acqui,  1867. 
—  Rapport  de  la  Commission  chargée  d'observer  les  éducations  de  Vers 
à  soie  faites  selon  les  systèmes  Delprino  (Extrait  du  n"6  du  Journal  d'agri- 
culture, 1867).  —  M'"'  de  Pages,  née  deCorneillan,Z)u  transport  des  cocons 
et  graines  de  Vers  à  soie  {Bull.  Soc.  d'acc/tm.,  numéro  de  juin  1867).  — 
Nachet,  Instruction  sur  V application  du  microscope  dans  la  production  de 
la  graine  des  Vers  à  soie.  Paris,  br.  in-S".  —  Ghristian  Le  Doux,  Dévi- 
dage des  cocons  de  graine  (brochure-prospectus  à  l'Exposition  de  Lyon, 
1872).  —  De  Kercado  et  Trimoulet,  De  la  sériciculture  dans  la  Gironde 
(Congrès  scient,  de  Fr.,  28^  session),  t.  IV,  br.  Bordeaux,  1863. —  A.  De- 
londre.  De  la  sériciculture  dans  la  Silésie  autrichienne  et  dans  l'empire 
austro-hongrois  {Revue  et  Magas.  de  zool.,  avril  et  mai  1870).  —  Michel 
Médawar,  Mémoire  sur  l'éducation  des  Vers  à  soie  en  Syrie,  br.  in-S". 
Beyrouth,  1873.  —  J.  Ghamsin^  La  sériciculture  en  Cochinchinc,  son  pré- 
sent, son  avenir.  Lyon,  Moniteur  des  soies,  br.  gr.  in-8",  l87/t.  —  La  fila- 
ture de  la  soie  dans  le  Trentin,  br.  in-8",  publiée  par  la  Chambre  de 
commerce  et  d'industrie  de  Rovereto.  Rovereto,  1878.  —  V.  Audouin, 
Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  la  maladie  contagieuse  qui 
attaque  les  Vers  à  soie  et  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  Muscardine  {Ann. 
scient,  nat.,  2^  série,  1837^  t.  VIII,  p.  229-2/i5,  2  pi.)  Comptes  rendus,  Acad. 
des  se,  1836,  t.  lil,  p.  82-89  ;  Expériences  sur  la  muscardine  {Ann. 
se.  nat,  2^  série,  1838,  t.  VIII,  p.  257-270;  Comptes  rendus,  Acad.  des  se, 
1837,  t.  V,  p.  712-717);  Quelques  remarquées  sur  la  contagion  de  la  mus- 
cardine [Comptes  remlus,  Acad.  des  se,  1839,  t.  VIII,  p.  612-625).  — 
Johanys,  De  la  muscardine,  des  moyens  de  la  développer  artificiellement, 
de  modifier  ou  de  détruire  les  effets  de  la  [contagion  {Ann.  se.  natur., 


SERICARIA.  ti%i 

série,  ZooL,  1839,  t.  XI,  p.  65).  —  Muscardine;  mission  confiée  par 
M.  Cunin-Gridaine  à  M.  Guérin-Méneville;  rapport  avec  planches.  — 
Ciccone,  De  la  muscardine  et  des  moyens  d'en  prévenir  les  ravages  dans 
les  magnaneries.  Paris,  veuvo  Bouchard-Huzard,  1858,  1  vol.  in-S",  avec 
fig.  —  E.  Robert,  Observations  sur  la  muscardine.  Paris,  Bouchard-Hu- 
zard, br.  in-S",  18Zi2.  —  N.  Joly,  Sur  les  maladies  des  Vers  à  soie  et  srir 
la  coloration  des  cocons  par  V alimentation  an  moyen  du  chica  (Extrait  du 
Journal  d'agric.  pratique  pour  le  midi  de  la  France,  octobre  1858.  —  De 
Uuatrefages,  Etudes  stir  les  maladies  actuelles  du  Ver  à  soie.  Paris, 
Victor  Masson,  1859;  Nouvelles  recherches  faites  en  1869  sur  les  maladies 
actuelles  du  Ver  â  soie,  Paris,  Victor  Masson,  1860.  —  A.  Chavannes,  les 
principales  maladies  du  Ver  à  soie  et  leur  guérison,  br.  in-8°,  1862.  Cher- 
buliez,  Genève  et  Paris.  —  Balbiani,  Etudes  sur  la  maladie  psorosper- 
mique  des  Vers  à  soie  (Extrait  du  Journal  d'anal,  et  de  physiol.  de 
Ch.  Robin,  numéro  du  1"''  mai  1867).  —  L.  Pasteur,  Nouvelles  études  sur 
la  maladie  des  Vers  à  soie  {Comptes  rendus  Acad.  des  se,  t.  LXIII, 
23  juillet  1866).  —  G.  Brouzet,  Recherches  sur  les  maladies  des  Vers  à 
soie,  1  vol.  in-S".  Nîmes,  1863.  —  L.  Pasteur,  Rapport  au  ministre  de 
l'agriculture  sur  la  maladie  des  Vers  a  soie  en  1865,  1866,  1867  ;  Les 
maladies  des  Vers  à  soie,  2  vol.  in-8'',  avec  planches,  lithochromies, 
photographies.  Paris,  Gauthier-Villars,  1870.  —  Maurice  Girard,  Ana- 
lyse et  compte  rendu  de  l'ouvrage  de  M.  L.  Pasteur  (Bull.  Soc,  d'acclim., 
numéros  de  mai  et  juin  1871).  —  E.PéVigol,  Études  chimiques  et  physio- 
logiques sur  les  Vers  à  soie;  Soc.  centr.  d'agric.  de  France,  1853  (An- 
nales du  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  1865;  Etudes  sur  les  feuilles 
de  mûrier  [Bull., Soc.  des  agriculteurs  de  France,  l*^'  septembre  1880, 
p.  160)  ces  deux  mémoires  de  M.  Pcligot  sont  destinés  en  partie  à 
prouver  que  la  cause  de  la  maladie  des  Vers  à  soie  ne  consiste  pas  en 
une  prétendue  maladie  de  la  feuille  des  mûriers).  —  L.  Pasteur  et 
J.  Raulin,  Note  sur  la  pébrine  (Ann.  scient,  de  l'École  normale,  2"  série, 
1872,  t.  I)  n"  1).  —  J.  Raulin,  Mémoire  sur  les  éducations  de  Vers  à  soie  en 
vue  du  grainage  {Bull,  des  séances  de  la  Soc.  centr.  d'agric.  de  France, 
1873)  ;  De  l'influence  propre  de  la  saison  sur  le  phénomène  de  la  fla- 
cherie  (môme  Bull.,  1873).  —  Duseigneur,  La  maladie  des  Vers  à  soie, 
inventaire  de  1869,  br.  in^8°.  Lyon,  1870.  —  E.  Maillot,  Rapport  sur 
l'établissement  de  production  industrielle  des  graines  cellulaires  de  \'ers  à 
soie,  par  M.  Susani,  à  Rancate  (province  de  Milan).  Paris,  br.  in-8", 
G.  Masson.  —  Station  séricicole  de  Montpellier,  Mémoires  et  documents 
sur  la  sériciculture,  publiés  chez  E.  Goulet,  à  Montpellier,  comprenant  : 

1874,  Recherches  sur  la  gattine  et  la  flacherie,  par  Verson  et  Vlacovich  ; 

1875,  Production  des  graines  de  Vers  à  soie,  chauffage  des  magnaneries, 
accouplement  des  papillons,  par  Cornalia  ;  De  la  soie  en  Europe;  1876, 
De  l'art  d'élever  les  Vers  à  soie,  par  E.  Maillot;  Gongrès  séricicole 
international  de  Milan,  De  l'éclosion  des  graines  de  Vers  à  soie  par  le 
frottement,  l'élcclritité  et  l'hivernation  artificielle,  par  E.  Maillot;  Mé- 


^32  LÉPIDOPTÈRES. 

thodes  de  sélection  pour  la  confection  des  graines  de  Vers  à  soie,  par 
E.  Maillot;  1877,  La  façon  de  faire  et  semer  la  graine  de  meuriers  et 
nourrir  les  Vers  à  soye,  etc.,  par  Barthélémy  de  LafFémas,  nouvelle  édi- 
tion ;  Essai  historique  sur  l'industrie  de  la  soie  en  France  du  temps  de 
Henri  IV,  par  Auguste  Poirson  ;  1879.  Observations  anatomico-physiolo- 
giques  sur  les  insectes  en  général  et  en  particulier  le  Ver  à  soie  du  mûrier, 
par  le  D'  de  Filippi,  trad.  de  l'italien  par  E.  Maillot;  Des  soieries  et  des 
Vers  à  soie  en  Chine,  par  le  Père  J.-B.  du  Halde.  —  Victor  Rollat, 
Méthode  pratique  contre  les  maladies  des  Vers  à  .soie,hr.  in-8°.  Perpignan, 
1875.  —  Les  Congrès  séricicoles  internationaux.  Montpellier,  Stat. 
série,  br.  gr.  in-S",  187Zi.  —  De  Ferry  de  la  Bellone,  Conférence  sur  la 
sériciculture  au  concours  régional  d'Avignon  de  i%lb.  Avignon,  br.,  1876; 
Contribution  à  l'étude  de  la  flacherie,  causes  et  traitement,  br.  in-S".  Paris, 
A  Gouin,  et  Lyon,  Moniteur  des  soies,  ISllx.  —  Helfer,  Sur  les  Vers  à  soie 
indigènes  de  l'Inde  (trad.)  (Ann.  des  se.  nat.,  2"^  série,  ZooL,  1839,  t.  XI, 
p.  l/i2).  —  Hugon,  Observations  sur  les  Vers  à  soie  et  les  soies  de  la  pro- 
vince d'Assam  (trad.)  {Ann.  des  se.  nat. ,2"  série,  ZooL,  1839,  t.  XI,  p.  155). 
Ces  deux  mémoires,  publiés  par  des  voyageurs  étrangers  à  l'entomolo- 
gie, sont  très  confus.  —  J.  0.  Westwood,  The  Cabinet  of  Oriental  EntO' 
mology.  London,  1848  ;  Sericaria  Huttoni,  pi.  xir,  fig.  Zi,  femelle.  — 
Thomas,  Hutton,  On  the  Reversion  and  Restoration  of  the  Silkworm, 
wich  Distinctive  Characters  of  Eighteen  species  of  Silk-producing  Bomby- 
cidœ  {Trans.  Entomol.  Soc.  of  London,  1866,  3"  série,  t.  II,  p.  295  et 
suiv.,  pi.  xix).  Cette  planche  coloriée  renferme  les  figures  des  chenilles, 
toutes  à  corne  sur  le  onziène  anneau,  de  Trilocha  varians,  Moore, 
Bombyx  fortunatus,  Huttoni,  Bengalensis  (ce  sont  des  Sericaria),  enfin, 
Ocinara,  Walker  lactea,  Hutton,  B.  mori  ou  Ver  k  soie  du  mûrier  rede- 
venu sauvage,  ressemblant  beaucoup  à  la  race  des  moricauds,  et  une 
chenille  du  Ver  à  soie  domestique. 

Parmi  les  publications  périodiques  relatives  à  la  sériciculture,  mais 
qui  sont  principalement  industrielles  et  commerciales,  nous  devons 
citer  le  Moniteur  des  soies,  publié  à  Lyon,  et  le  Progrés  agricole  et 
industriel,  journal  spécial  de  la  sériciculture,  de  la  viticulture,  etc., 
Avignon,  directeur,  M.  Aubenas  aîné,  qui  était  précédemment  le  Progrès 
séricicole,  de  Valréas  (Vaucluse).  N'oublions  pas  la  Société  séricicole 
de  (sic)  Montpellier. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  l'étude  des  espèces  de  Lépidoptères  Hé- 
térocères  qui  produisent  des  cocons  assez  soyeux  pour  que  l'industrie 
puisse  les  utiliser  ne  conduit  pas  à  un  groupement  zoologique  naturel 
et  unique.  Les  chenilles  séricigènes  qui  méritent  le  nom  de  Fers  à  soie 
appartiennent  d'abord  et  par  excellence  aux  Séricarides  dans  les  Bom- 
byciens.  Nous  retrouverons  bientôt  d'autres  auxiliaires  séricigènes  dans 
des  Bombycides  des  genres  annexés  au  genre  Bombyx,  puis  des  espèces 
qui  méritent  le  nom  de  Vers  à  soie  auxiliaires  et  qui  appartiennent  à  la 
tribu  des  Attaciens. 


liNDROMlS.  ^33 


ENDROMIDES. 


Cette  famille  établit  un  passage  entre  les  Séricarides  et  les  Attaciens, 
en  raison  du  genre  Aglia  parmi  les  Attaciens.  Les  antennes  sont  pecti- 
nées  dans  les  deux  sexes,  la  pectination  de  la  femelle  moins  large  que 
celle  du  mâle;  spiritrompe  nulle;  pas  de  frein;  chenilles  sans  poils, 
au  moins  à  leur  état  de  développement  avancé;  chrysalides  à  cocons 
grossiers  et  presque  nuls,  formés  de  quelques  fils  soyeux. 

E}.\DRO.lllS,  Ochsenheimer.  —  Antennes  contournées,  terminées  en  pointe 
obtuse,  unipectinées,  à  lamelles  rapprochées,  peu  allongées,  même  chez  les 
mâles;  pas  de  spiritrompe;  palpes  presque  nuls,  très  velus,  à  articles  indis- 
tincts; tête  petite,  engagée  dans  un  thorax  laineux;  ailes  minces,  les  posté- 
rieure? arrondies  et  assez  courtes,  les  antérieures  un  peu  aiguës  et  subfalquées 
au  sommet,  la  frange  des  ailes  presque  nulle;  abdomen  à  longs  poils.  —  Che- 
nille lisse,  sphingiforme,  se  renflant  peu  à  peu  de  la  tête  à  la  queue,  avec  une 
élévation  pyramidale  sur  le  onzième  aimeau.  —  Chrysalide  chagrinée,  avec  sa 
partie  postérieure  terminée  par  une  pointe  conique  et  recourbée. 

Une  seule  espèce  de  France,  de  Belgique,  du  sud  de  l'Angleterre, 
d'Allemagne,  volant  au  soleil  avec  beaucoup  de  vivacité  dans  les  ave- 
nues des  grands  bois,  fin  mars  et  commencement  d'avril,  rare  partout, 
VE.  Versicolora,  Linn.,  le  Versicotore  d'Engram.,  the  Kentish  Glory  ; 
c'est  le  papillon  d'Europe  qui  se  rapproche  le  plus  du  Sericaria  mori. 
Mâle  environ  60  millimètres  d'envergure,  le  corps  velu,  d'un  jaune 
brun,  avec  le  devant  et  les  bords  du  thorax  blancs;  antennes  noires; 
ailes  supérieures  ferrugineuses,  lavées  de  blanc  par  places,  avec  deux 
lignes  noirâtres  transverses  flexueuses,  un  croissant  noirâtre  à  l'extré- 
mité de  la  cellule  discoïdale;  ailes  inférieures  d'un  jaune  roux,  avec 
une  ligne  noirâtre  très  ondulée  ;  quelques  petites  taches  brunâtres 
vers  les  bords  des  ailes;  femelle  pareille  au  mâle  pour  les  dessins,  les 
ailes  supérieures  d'un  ferrugineux  terne,  les  inférieures  d'un  blanc 
sale  ;  chenille  glabre,  à  tète  petite,  d'un  vert  brunâtre,  avec  des  lignes 
obliques  blanches  sur  le  dos,  ayant  au  repos  une  attitude  qui  rappelle 
celle  de  certains  Sphinx,  vivant  surtout  sur  le  bouleau,  aussi  sur  le 
saule,  l'aulne,  le  noisetier,  etc.,  se  chrysalide  en  juillet  et  aovit  à  la 
surface  de  la  terre,  dans  une  coque  très  légère,  consolidée  par  des 
brins  de  mousse  ou  de  feuilles  sèches;  la  chrysalide  passe  l'hiver. 
Les  œufs  sont  pondus  sur  les  branches,  serrés  les  uns  contre  les 
autres. 

BOMBYCIDES. 

Papillons  velus  et  lourds,  au  moins  chez  les  femelles;  antennes 
épaisses,  serrées,  fortement  bipectinées  chez  les  mâles,  parfois  fili- 
formes chez  les  femelles  ;  pas  de  spiritrompe  ;  pas  de  stemmates  ;  pas 

GIRARD.  "!• —    28 


ftSft  LÊPidOPTÈRES. 

de  frein;  ailes  assez  robustes  et  fortement  charpentées,  en  toit  au 
repos,  toujours  complet  pour  les  supérieures.  Nous  prendrons  pour 
type  de  leur  nervulation  celle  du  Bombyx  quercus  mâle  (voir  le  détail 
de  cette  nervulation  à  la  fin  de  la  tribu  des  Bombyciens,  où  nous  la 
comparons  à  celles  d'un  Chélonien  type,  Chelonia  caja).  Pattes  courtes 
et  sans  éperons  ;  abdomen  des  femelles  gros  et  peu  allongé.  Chenilles 
ordinairement  sans  tubercules,  à  seize  pattes  normales,  sans  déforma- 
tions en  appendices  prolongés,  allongées,  cylindriques,  garnies  de  poils 
variés,  parfois  drapés,  jamais  complètement  verticillés,  ordinairement 
disposés  sur  tout  le  corps,  souvent  plus   nombreux  sur  les  parties 
latérales  que  sur  le  dos,  rarement  en  aigrettes  ou  rayonnants  (Pannosœ 
de  M.  Guénée);  chrysalides  renfermées  dans  des  cocons  bien  construits, 
ou  papyracés,  ou  feutrés,  ou  soyeux,  très  rarement  enfouis  en  terre. 
Les  chenilles  sont  pour  la  plupart  arboricoles  et  polyphages;  un  petit 
nombre  vit  de  plantes  herbacées.  Un  certain  nombre  d'espèces  offrent  les 
mâles  volant  en  plein  jour  avec  rapidité,  surtout  par  le  beau   temps. 
Ces  mâles,  en  raison  de  leurs  antennes  très  pectinées,  ont  l'odorat  très 
développé  ;  ils  accourent  de  très  loin  à  la  recherche  de  la  femelle, 
môme  renfermée  dans  les -appartements  au  milieu  des  villes;  les  ama- 
teurs qui  ont  une  femelle  fraîche  à  leur  disposition  s'en  servent  pour 
faire  d'abondantes  captures  de  mâles  ;  ils  suivent  dans  les  bois  la  per- 
sonne qui  a  dans  sa  poche  une  femelle  dans  une  boîte  ou  dans  une 
petite  cage  en  filet,  et  s'accrochent  même  à  ses  vêtements.  Les  Bomby- 
cides  ne  se  posent  jamais  sur  les  fleurs;  ils  n'ont  rien  à  y  faire,  étant 
dépourvus  de  spiritrompe. 

BOMBYX,  Linn.  —  Antennes  des  mâles  fortement  pectinées,  celles  des  femelles 
dentées  ou  même  filiformes  [B.  populi,  Linn.,  s.  g.  Pœcilocampa,  Steph.); 
palpes  velus,  très  courts  ;  tliorax  très  velu,  un  peu  globuleux  ;  ailes  supérieures 
offrant  toujours  un  petit  point  ou  tache  discoïdale,  les  quatre  ailes  en  toit  com- 
plet au  repos,  les  inférieures  entièrement  sous  les  supérieures;  abdomen  gros, 
très  développé  chez  les  femelles,  quelquefois  pourvu  à  son  extrémité,  parti- 
culièrement chez  les  femelles,  d'un  paquet  de  poils  laineux.  —  Chenilles 
velues,  garnies  de  poils  plus  moins  serrés,  tantôt  disposés  sans  ordre  sur  tout 
le  corps,  tantôt  disposés  par  petites  touffes,  dépourvues  d'appendices  pédi- 
formes. 

Le  genre  Bombyx,  tel  que  nous  l'adoptons,  déjà  bien  restreint  compa- 
rativement à  l'acception  de  Linnseus,  a  été  divisé  en  plusieurs  genres 
dont  nous  ferons  des  sous-genres.  Dans  le  sous-genre  Clisiocampa,  Cur- 
tis,  Stephens,les  papillons  femelles  n'ont  pas  de  bourre  anale,  les  che- 
nilles vivent  en  société  et  sont  longues,  molles,  sans  verrues,  rayées  de 
lignes  longitudinales  viyetïient  colorées,  se  filant  des  cocons  soyeux, 
minces  et  mous,  entremêlés  d'une  substance  farineuse  (acide  urique). 
L'espèee  la  p^lus  importante,  vu  les  dégâts  qu'elle  cause,  est  le  B.  Neus- 


•bombyx.  ^35 

tria,  Liiin.,  la  Livrée,  Réuumur,  Geoffr.,  Engr.,  the  Lackey  des  auteui-s 
anglais,  ces  noms  d'après  les  bandes  colorées  de  la  chenille  comparées 
à  des  galons  de  livrée;  l'adulte,  commun  partout  en  juillet  et  août,  de 
25  à  28  millimètres  d'envergure,  ayant  le  plus  souvent  les  ailes  d'un 
ferrugineux  plus  ou  moins  foncé,  avec  deux  lignes  blanchâtres,  trans- 
verses, un  peu  arquées  aux  supérieures,  et  une,  peu  apparente,   au 
milieu  des  inférieures  ;  dans  l'autre  variété  les  ailes  sont  d'un  jaune 
terne,  les  supérieures  traversées  par  deux  lignes  brunes;  dans  les  deux 
variétés  la  frange  est  blanche,  irrégulièrement  entrecoupée  de  brun, 
le  corps  de  la   couleur  des  ailes,    les  antennes  à  tige  jaunâtre  et  à 
barbes  brunes.  La  femelle  est  toujours  plus  grande  que  le  mâle,  d'un 
ton  plus  terne,  avec  une  bande  médiane  d'un  brun  plus  ou  moins 
rougeàtre;   elle  pond  ses  œufs  en  spirale  régulière  et  serrée  autour 
d'une  branche,  par  quatre  ou  cinq  cents,  collés  par  une  gomme  bru- 
nâtre, très  dure  et  insoluble,  formant  les  bagues  si  connues  des  horti- 
culteurs, passant  l'hiver  et  éclosant  au  printemps  ;  les  chenilles  échap- 
pent à  la  loi  de  Téchenillage,  car  elles  éclosent  trop  tard.  Il  faut  couper 
et  brûler   les    bagues;  mais,  comme  par    leur  couleur  analogue  à 
l'écorce  elles  se  dérobent  souvent  au  regard,  il  vaut  mieux  détruire  les 
chenilles  sociales,' formant  de  vrais  troupeaux,  que  trahissent  les  feuilles 
dépouillées.  En  juin,  elles  se  dispersent  et  sont  alors  bleues,  rayées  de 
noir  et  de  fauve,  avec  la  vasculaire  blanche.  Elles  sont  très  redoutables 
aux  arbres  fruitiers,  et,  en  certaines  années,  aux  arbres  forestiers.  Je 
lésai  vues,  en  187â,  ravager  tous  les  bois  de  la  Charente.  Elles  filent  à 
la  fin  de  juin,   sous  les  corniches  des  murs,  entre  les  feuilles,  des 
cocons  clairs  et  mous,   d'une  jolie   soie  blanche,   saupoudrés  d'une 
poussière  qui  ressemble  à  de  la  fleur  de  soufre  et  que  Réaumur  com- 
pare à  de  la  poudre  à  poudrer;  B.  Castrensis,  Linn.;  la  Livrée  des  prés, 
Geoffr  ,  Engr.  ;  theGround  Lackey,  des  régions  calcaires,  prés  et  collines 
herbues,  espèce  beaucoup  moins  commune  que  la  précédente  et  non 
nuisible,  car  la  chenille  vit  de  plantes  basses  (hélianthème,  jacée, 
euphorbe,  bruyère)  ;  à  peu  près  la  taille  de   l'espèce  précédente,  le 
dessus  de  l'abdomen  et  l'extrémité  des  antennes  brunâtres,  le  corps 
d'un  jaune  terne,  les  ailes  supérieures  du  mâle  d'un  jaune  d'ocre,  avec 
deux  lignes  médianes  transverses  feri"ugineuses  et  une  bande  ferrugi- 
neuse très  indécise,  les  ailes  inférieures  d'un  brun  ferrugineux  sombre, 
avec  le  milieu  traversé  par  une  ligne  plus  claire,  la  frange  des  ailes 
jaunâtre  et  irrégulièrement  entrecoupée  de  ferrugineux.  La  femelle 
est  d'un  ferrugineux  clair  ainsi  que  le  corps  et  le  dessus  des  antennes 
jaunâtre,  une  bande  médiane  plus  foncée  sur  les  ailes,  bordée  des  deux 
côtés  par  deux  lignes  d'un  jaune  d'ocre;  elle  pond  ses  œufs  en  bracelet 
autour  des  tiges  des  graminées;  les  chenilles,  qui  éclosent  au  prin- 
temps, vivent  dans  leur  jeune  âge  sous  des  tentes  de  soie,  puis  se  dis- 
persent et  sont  solitaires  en  juin  et  au  commencement  de  juillet, 
bleues,  à  bandes  fauves  ponctuées  de  noir.  On  les  élève  avec  succès  au 


hZ()  LtPlDOl'TÈUtS. 

moyen  de  l'euphorbe  tithynale,  en  ayant  soin  de  ne  mettre  qu'un  petit 
nombre  de  chenilles  ;  ces  éducations  donnent  la  chance  d'obtenir  par- 
ibis  l'aberratiorx  femelle  Taraxacoïdes,  Bellier  de  la  Chavignerie,  ailes, 
corps  et  antennes  en  entier  d'un  jaune  d'ocre  trùs  pâle,  sans  aucune 
li"ne  aux  ailes  supérieures  et  inférieures.  L'adulte  paraît  en  août.  Nous 
placerons  à  côté  des  deux  Livrées,  d'après  la  chenille  pi.  xciv,  fig.  5, 
le  B.  Pensylvanica,  Boisd.,  de  l'Amérique  du  Nord,  dont  la  chenille  est 
bleue,  avec  vasculaire  blanche  interrompue  et  lignes  longitudinales 
jaunes,  ainsi  que  les  pattes  membraneuses. 

Dans  le  sous-genre  Eriogaster,  Germar,  les  papillons  femelles  ont  une 
bourre  abondante  à  l'extrémité  de  l'abdomen,  les  chenilles  ont  deux 
verrues  dorsales  par  anneau  et  se  filent  des  cocons  serrés  et  consistants 
comme  un  carton,  n'ayant  que  la  dimension  rigoureusement  néces- 
saire pour  contenir  la  chrysalide.  Le  type  est  le  B.  Lanestris,  Linn.,  la 
Laineuse  du  cerisier,  Engram.,  Ihe  Small  Eggar,  32  à  35  miUimctres 
chez  le  mâle,  antennes  brunes  avec  la  tige  blanchâtre  ;  corps  ferrugi- 
neux; ailes  supérieures  ferrugineuses,  avec  une  ligne  transverse 
blanche  flexueuse  et  deux  gros  points  blancs,  l'un  discoïdal,  l'autre  à 
la  base,  les  ailes  inférieures  plus  pâles,  avec  une  ligne  blanchâtre,  un 
peu  courbe;  femelle  plus  grande,  avec  l'extrémité  de  l'abdomen  noire, 
garnie  d'une  bourre  grisâtre.  Les  chenilles  vivent  en  nombreuses 
sociétés,  d'avril  à  juin,  sur  les  aubépines  et  les  prunelliers,  aussi  sur 
les  pruniers,  les  cerisiers,  les  saules,  etc.;  dans  une  tente  soyeuse  divi- 
sée en  cellules,  où  elles  se  retirent  pendant  la  forte  chaleur  du  jour. 
En  juin  et  à  toute  leur  taille,  elles  se  dispersent  pour  se  chrysalider  ; 
elles  sont  alors  noires,  à  sous-dorsales  jaunes  et  crénelées,  les  pattes 
membraneuses  rouges.  Elles  se  filent  des  cocons  ovales,  d'un  tissu 
serré,  jaunâtres  en  dehors,  blanchâtres  en  dedans  ;  les  adultes  ont,  le 
plus  souvent,  deux  époques  d'éclosion,  mars  et  avril,  puis  septembre 
et  octobre.  Si  on  élève  une  famille  de  ces  chenilles,  il  y  a,  d'ordinaire, 
un  certain  nombre  de  chrysaUdes  dont  le  papillon  ne  sort  qu'au  bout 
de  deux,  trois  ou  quatre  ans  et  même  plus.  Le  B.  Lanestris  est  très 
abondant  en  certaines  années,  et  ses  chenilles  achèvent  les  feuilles 
épargnées  par  celles  des  Neustria  et  Chrysorrhœa;  l'espèce  devient 
extrêmement  rare  pendant  plusieurs  années  de  suite. 

Dans  le  genre  5om6î/x  propre,  syn.  ;  Lasiocampa,  Schrank,  les  papil- 
lons ont  les  quatre  ailes  semblables,  épaisses  et  velues;  les  mâles 
volent  avec  vivacité  pendant  le  jour  et  ont  les  antennes  fortement  et 
régulièrement  bipectinées.  Les  chenilles,  qui  vivent  solitaires,  sont 
garnies  de  poils  drapés  ou  satinés  et  se  filent  des  cocons  subellipsoïdes, 
ou  consistants  et  papyracés  (B.  quercus  et  trifolii),  ou  soyeux  (B.  rubi). 
Le  B.  qwercws,  Linn.,  \&,  Minime  à  bande,  Geoffr.,  Engram.,  ihe  Oak 
Eggar,  ayant  dans  les  deux  sexes  le  corps  et  les  antennes  de  la  couleur 
des  ailes,  50  à  55  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle,  les  quatre 
ailes  d'un  brun  ferrugineux,  avec  une  ligne  coudée  arquée  d'un  jaune 


BOMBYX.  U%1 

fauve,  nettement  coupée  à  l'intérieur,  peu  à  peu  fondue  extérieure- 
ment dans  l'espace  terminal,  qui  est  moins  foncé  que  le  fond  des  ailes, 
un  point  blanc  cerclé  de  noirâtre  sur  le  disque  des  ailes  supérieures  ; 
femelle  beaucoup  plus  grande,  avec  le  même  point  blanc  discoïdal 
que  le  mâle,  les  ailes  d'un  jaune  paille  plus  foncé  jusqu'à  la  ligne  cou- 
dée, prenant  parfois  par  aberration  les  couleurs  du  mâle  ;  il  y  a  de 
nombreuses  variétés.  Toute  la  France  et  la  Belgique,  les  adultes  en 
juillet,  le  mâle  volant  avec  rapidité  dans  la  journée,  même  dans  les 
villes,  car  l'insecte,  des  jardins  comme  des  bois,  vient  chercher  sa 
femelle  jusque  dans  les  maisons.  La  chenille  passe  l'hiver  engourdie 
sur  les  tiges  des  arbustes,  noire,  à  poils  drapés  blonds  et  sous-dorsale 
blanche,  se  chrysalide  à  la  fin  de  juin  dans  un  cocon  de  la  forme  d'un 
gland  de  chêne,  d'un  tissu  papyracé  très  serré,  gommé  et  d'un  brun 
noirâtre,  non  dévidable  ;  sur  les  arbres  et  arbustes  des  bois,  les  lilas, 
lesgenêls;  B.  trifolii,  cat.  de  Vienne,  et  var.  medicaginis,  Borckhau- 
sen,  le  fctit  Minime  à  bande,  d'Engram.,  de  France,  de  Belgique  (très 
rare),  d'Angleterre,  the  Grass  Eggar,  l'adulte  en  août  et  septembre  dans 
les  champs  et  prairies  artificielles,  attiré  pendant  la  nuit  par  les 
lumières,  bien  moins  commun  que  B.  quercus,  plus  petit  et  de  dessin 
très  analogue,  la  même  coloration  dans  les  deux  sexes;  dans  la  var. 
medicaginis,  bien  plus  fréquente  que  le  type  aux  environs  de  Paris,  les 
ailes  supérieures  sont  d'un  brun  tanné  pâle,  avec  la  ligne  transverse 
d'un  rouge  brun  à  l'intérieur,  fondue  extérieurement,  les  ailes  infé- 
rieures d'un  brun  rouge  uni.  La  chenille  noire  et  bleue,  à  poils  fauves 
et  collier  orangé,  vit  en  mai  et  juin  sur  les  trèfles,  les  luzernes,  les 
genêts  et  aussi  les  graminées,  Klle  passe  l'hiver  très  petite,  sous  les 
plantes  basses;  elle  file,  i\  la  fin  de  juin,  un  cocon  jaunâtre-de  mômes 
forme  et  consistance  que  celui  de  quercus  ;  elle  est  délicate  à.  élever  et 
donne  ordinairement,  avec  medicaginis,  quelques  individus  du  type 
trifolii,  d'un  ferrugineux  foncé;  B.  rubi,  Linn.;  la  Polyphage  d'Engr., 
de  toute  la  France,  de  Belgique,  d'Angleterre  ;  the  Fox  Moth,  50  milli- 
mètres d'envergure  chez  le  mâle,  les  ailes  inférieures  d'un  brun  roux 
plus  intense  au  bord,  avec  deux  lignes  blanchâtres  transverses,  peu 
sinuées,  et  une  bande  flexueuse  d'atomes  grisâtres  vers  le  sommet,  les 
ailes  inférieures  de  la  couleur  des  supérieures,  avec  la  frange  blan- 
châtre ;  femelle  plus  grande,  les  ailes  supérieures  d'un  brun  grisâtre  ou 
roussâtre,  avec  les  mômes  dessins  que  le  mâle;  les  adultes  en  mai  et  com- 
mencement de  juin,  la  femelle  restant  cachée  dans  les  herbes  ou  les 
bruyères,  le  mâle  volant  très  vite  et  très  difficile  à  capturer,  à  cause  de 
ses  nombreux  crochets,  de  trois  heures  après  midi  jusqu'au  coucher  du 
soleil,  s'abattant  parfois  brusquement  dans  les  gazons.  La  chenille  est 
noire,  d'abord  à  bandes  orangées,  plus  tard  à  poils  drapés  d'un  brun 
fauve,  sur  la  ronce,  les  trèfles,  les  carex,  etc.,  des  prés  et  clairières, 
dite  Vannemi  du  diable,  car  elle  se  roule  en  cercle  dès  qu'on  la  louche; 
de  juillet  à  novembre,  passant  l'hiver  à  demi-enterrée.  Elle  est  presque 


Z|38  I.ÉPIPOPTÈRES. 

impossible  à  élevftr  ;  presque  toutes  se  dessèchent  ou  se  couvrent  d'ef- 
florcscences  dlsaria;  on  en  réussit  parfois  qnolqucs-unes  en  les  pla- 
çant dans  de  grandes  caisses  avec  des  plantes  basses,  non  à  l'air  libre, 
mais  dans  une  pièce  aérée,  non  chauiïée.  Dans  la  nature  beaucoup 
périssent  en  hiver,  car  les  papillons  sont  beaucoup  moins  communs 
que  les  chenilles  d'automne.  Les  amateurs  doivent  chercher  en  mars 
les  chenilles  de  B,  rubi  réveillées  qui  grimpent  sur  les  grandes  herbes 
pour  se  chauffer  au  soleil;  elles  ne  tardent  pas  à  se  chrysalider,  sous 
les  mousses  et  les  plantes  basses,  dans  des  cocons  grisâtres,  allongés  et 
mous,  d'un  tissu  léger. 

Le  sous-genre  Crateronyx,  Duponchel,  offre  les  palpes  courts,  velus 
et  obtus,  le  dernier  article  des  tarses  renflé,  avec  les  ongles  très  forts 
aux  pattes  antérieures  ;  l'abdomen  de  la  femelle  est  très  gros  et  velu 
seulement  entre  les  incisions  des  anneaux.  Les  chenilles  sont  obèses  et 
à  mouvements  très  lents,  de  couleur  livide  et  peu  velues,  vivant  sur 
les  Chicoracées  et  se  transformant  à  la  surface  du  sol  dans  des  cocons 
légers  environnés  de  mousse;  la  chrysalide  est  allongée  avec  l'extré- 
mité anale  bifide.  Nous  citerons  le  B.  dumeti,  Linn.,  la  Brune  du  pissen- 
lit, d'Engr.,  de  k&  à  50  millimètres  dans  les  deux  sexes,  les  quatre  ailes 
d'un  ferrugineux  noirûtre  pu  brunâtre,  un  peu  luisant,  avec  des  poils 
à  la  base,  un  gros  point  sur  le  disque  d'un  jaune  fauve  et  une  bande 
sinuée  transverse  au-delà  du  milieu  de  même  couleur,  ainsi  que  la 
frange,  la  bande  transverse  plus  large  aux  ailes  inférieures,  le  corps  de 
la  couleur  des  ailes,  avec  le  thorax,  les  incisions  de  l'abdomen  et  l'anus 
d'un  jaune  fauve;  femelle  pareille,  d'un  ton  plus  clair;  adulte  en  octobre 
et  novembre,  le  mftle  volant  vivement  au  soleil  dans  les  clairières  et 
allées  de  bois.  La  chenille  est  noirâtre,  à  taches  transversales  noires, 
plus  claires  en  avant  et  poils  roux;  en  juin  sur  les  Chicoracées,  surtout 
le  pissenlit  et  la  piloselle,  difficile  à  trouver,  car  elle  se  cache  ;  à  cher- 
cher le  matin  dans  les  allées  et  clairières  des  bois  sous  les  plantes,  les 
pierres,  etc.,  se  filant  un  cocon  soyeux,  brun  et  régulier,   à  demi- 
enlerré.   L'espèce,  de  France,    de  Belgique  (très   rare),  manquant 
aux  îles  Britanniques,  est  toujours   rare;  c'est   un  des  plus   beaux 
Bombyx. 

Nous  rattacherons  au  genre  Bombyx  ou  à  des  genres  voisins  des 
espèces  exotiques  dont  la  soie  est  utilisée,  après  cardage,  dans  divers 
pays.  La  grande  île  de  Madagascar  paraît  riche  en  espèces  productrices 
de  soie  et  des  plus  variées.  11  peut  y  avoir  là  une  source  d'exportations 
intéressantes  ;  les  exigences  multiples  de  la  mode  doivent  engager  les 
fabricants  à  tenter  des  mélanges  de  soies  nouvelles  avec  la  soie  du 
Sericaria  mon,  le  coton  ou  la  laine,  mélanges  qui  offriront  peut-être 
des  étoffes  douées  de  propriétésparticulières.  On  doit  distinguer  à  Mada- 
gascar des  espèces  formant  des  cocons  isolés  et  d'autres,  comme  notre 
Processionnaire  du  chêne  {Cnethocampa  Processionea,  Linn.),  dont  les  co- 
cons sont  contenus  dans  de  grandes  bourses  de  soie  servant.de  nid  à  des 


BOMBYX.  439 

colonies  de  chenilles.  Le  R.  P.  Jouen,  préfet  apostolique  de  Madagascar, 
a  signalé  deux  espèces  du  premier  groupe:  l'une  noire,  dit-il,  d'ui^ 
déciratHro  de  longueur,  est  élevée  par  les  Hovas,  en  plein  air,  sur  les 
arbres  ;  les  cocons,  non  dévidables,  donnent  une  soie  très  forte.  Les 
Hovas  enveloppent  leurs  morts  de  qualité  de  vêtements  fabriqués  avec 
cette  soie,  et  l'on  a  trouvé  de  ces  étoffes  dans  des  tombeaux  parfaite- 
ment intacts  au  bout  de  soixante  ans.  L'autre  espèce  vit  dans  les  herbes 
et  y  fait  des  cocons  qui  donnent  une  soie  récoltée  par  les  indigènes  et 
propre  à  faire  des  tissus  légers.  Il  est  très  probable,  sinon  certain,  que 
la  première  espèce  appartient  au  genre  Boroccra,  Boisduval,  et  que  c'est 
celle  qui  a  été  décrite,  sous  le  nom  de  B.  cajani,  par  le  docteur  Vinson, 
qui  faisait  partie  de  l'ambassade  française  envoyée  au  couronnement 
de  Radama  II.  Cette  espèce  est  abondante  dans  la  province  d'Emyrne, 
aux  environs  de  Tananarive.  Les  cocons  recueillis  Bur  les  arbres  sont 
ouverts  et  les  chrysalides  retirées,  soit  pour  la  reproduction,  soit,  sin- 
gulier usage,  pour  l'alimentation.  Les  Malgaches,  en  effet,  mangeut, 
frites  à  l'huile,  diverses  espèces  de  chenilles,  blanches,  grasses  et  saas 
poils,  et  des  chrysalides,  ainsi  celles  qui  nous  occupent.  Le  docteur 
Vinson,  à  l'audience  de  réception,  vit  le  fils  du  roi,  enfant  de  dix  ans, 
en  manger  avec  grand  plaisir.  Les  indigènes  surveillent  l'accouple- 
ment des  papillons,  la  ponte,  l'éclosion  des  jeunes  chenilles.  Celles-ci 
sont  aussitôt  portées  en  plein  champ  ou  à  couvert  sous  des  hangars,  sur 
des  pieds  d'ambrevate  [Cytisus  Cajanus).  En  effet,  la  plupart  des  cocons 
sont  recueillis  il  l'état  sauvage  ;  mais  certains  propriétaires  Hovas  (les 
Hovas  forment  la  race  conquérante,  riche  et  civilisée  de  Madagascar) 
élèvent  ces  chenilles  en  liberté  dans  des  taillis  d'ambrevate  dans  la 
belle  saison  et  les  rentrent  dans  les  cases  dans  la  saison  des  pluies.  On 
fait  de  deux  à  quatre  récoltes  par  an.  Les  chenilles,  qui  atteignent 
45  millimètres  sont  hérissées,  de  piquants  raides  et  noirs  et  présentent, 
près  de  la  tète,  des  houppes  rétractiles  de  fortes  épines.  Le  corps,  d'un 
brun  marron  foncé,  offre  deux  bandes  latérales  d'un  rouge  carné.  Les 
chrysalides  sont  grosses  et  d'un  brun  marron.  Les  papillons  diffèrent 
beaucoup  dans  les  deux  sexes.  Le  mâle,  à  antennes  doublement  pecti- 
nées,  est  d'une  teinte  rougeàtre,  variant  du  rouge  brique  au  rquge 
cannelle;  la  femelle,  presque  moitié  plus  grande,  est  d'un  gris  perle; 
dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supérieures  ont  deux  raies,  brunes  chez  le 
mâle,  d'un  gris  obscur  chez  la  femelle.  Les  cocons,  de  Zi5  millimètres 
de  long,  d'une  forme  ovalaire,  d'un  gris  sale,  pleins  des  poils  des  che- 
nilles, sont  bouillis  dans  l'eau,  cardés,  filés  au  rouet.  La  soie  est  très 
solide,  et  les  étoffes  qu'on  en  fabrique  sont  d'une  agréable  nuance  d'i^î^ 
gris  clair  qui  permet  souvent  de  se  passer  de  teinture.  Au  reste,  les 
Malgaches  savent  teindre  cette  soie  en  rouge  avec  les  graines  du  rocou, 
en  jaune  avec  le  safran,  en  bleu  avec  l'indigo,  en  brun  en  enfouissant 
la  soie  dans  les  marais.  Le  docteur  Vinson  a  beaucoup  recommandé 
l'introduction  de  cette  espèce  dans  l'île  de  la  Réunion,  où  croît  sponta- 


UkO  LÉPIDOPTÈRES. 

nément  l'ambrevate  et  où  le  ver  à  soie  du  mûrier  réussit  mal,  à  cause 
des  pluies  diluviennes  du  tropique.  Il  y  a  probablement  plusieurs 
espèces  voisines,  indiquées  vaguement  par  les  R.  P.  Jouen  et  Finaz, 
qui  vivent  sur  l'ambrevate  et  produisent  la  soie  lamba.  Il  est  à  présumer 
qu'on  doit  y  rapporter  le  Bombyx  Fleurioti,  G.  Mén.,  dont  la  coupe  des 
ailes  rappelle  plutôt  les  Lasiocampa  et  Odonestis,  mais  dont  la  chenille, 
le  cocon  et  sans  doute  la  soie  sont  très  analogues  à  ceux  du  cajani.  Le 
mâle  du  B.  Fleurioti  est  d'un  jaune  doré  assez  clair,  un  peu  plus  foncé 
aux  ailes  supérieures,  avec  une  fine  bande  grise  transverse  et  deux 
points  noirs  ;  la  femelle,  du  double  plus  grande,  dont  les  antennes  à 
peine  pectinées  s'atténuent  peu  à  peu  jusqu'à  l'extrémité,  est  bien  plus 
foncée,  d'un  jaune  roussâtre,  avec  une  large  bande  transverse  brune. 
La  chenille,  très  velue,  a  des  poils  urticants  et  caducs.  Les  cocons, 
filés  sous  terre,  comme  ceux  de  notre  B.  dumeti,  sont  gros  et  soyeux  et 
gris.  Les  Malgaches  les  déterrent  en  évitant  de  les  toucher  avec  les 
doigts,  de  peur  d'urtication,  les  laissent  fermenter,  les  lavent  dans  des 
lessives  bouillantes  pour  détacher  les  poils  et  décreuser,  les  cardent  et 
les  filent. 

Le  second  groupe  des  espèces  séricigènes  de  Madagascar  comprend 
des  Lépidoptères  à  bourses,  soyeuses,  réceptacles  communs  de  nom- 
breuses chenilles.  Coquerel  a  décrit  les  B.  Diego  et  Radama,  ce  dernier 
donnant  une  bonne  soie  exploitée  par  les  naturels  ;  les  chenilles,  de 
môme  que  celles  du  B.  Panda,  de  Port-Natal,  découvert  par  Delegorgue, 
filant  ensemble  une  énorme  poche,  qui  atteint  de  50  centimètres  à 
1  mètre  de  hauteur  et  renferme  à  l'intérieur  les  cocons  individuels. 
Ces  poches  servent  à  tisser  des  étoffes  remarquables  par  leur  éclat  et 
leur  solidité.  C'est  peut-être  de  la  môme  espèce  que  parle  le  R.  P.  Jouen, 
quand  il  signale  ces  cocons  multiples  pendants  aux  arbres  comme  des 
nids,  que  les  Malgaches  filent  au  rouet  après  les  avoir  déchirés  et 
ramollis  dans  l'eau.  Le  Mexique  présente  une  espèce  du  genre  Bombyx 
dont  les  mœurs  et  l'utilité  sont  analogues.  C'est  leB.psidii,  Salle,  ressem- 
blant pour  le  port,  la  taille  elles  couleurs  au  B.  rubi  d'Europe.  Les  che- 
nilles se  trouvent  dans  la  région  tempéréedu  Mexique,  ainsi  près  de  Cor- 
dova(État  de  la  Vera-Cruz),  par  900  mètres  d'altitude. Les  chenilles,  qui 
passent  environ  huit  mois  avant  de  se  chrysalider,  vivent  sur  le  goyavier 
et  sur  une  espèce  de  chêne,  tissant  un  nid  commun  d'environ  80  centi- 
mètres de  hauteur,  d'une  blancheur  souvent  éclatante  et  dans  lequel 
chaque  chenille  se  fait  un  cocon.  On  file  au  fuseau  les  grands  cotons 
ou  poches  et  on  obtient  des  tissus  très  réguliers.  L'anarchie  chro- 
nique qui  règne  au  Mexique  a  empêché  l'établissement  de  filatures  en 
grand,  de  sorte  que  ces  bourses  soyeuses,  qui  pourraient  fournir  au 
moins  un  bon  article  d'exportation,  sont  à  peu  près  abandonnées.  A 
consulter  pour  les  Bombycides  séricigènes  :  Coquerel;  sur  deux  Bom- 
byx sérigènes  de  Madagascar  (Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1855,  p.  529,  et 
Bull.  Soc.  d'Acclim.,  1855,  p.  25). —  A.  Salle;  sur  le  Bombyx  psidii  et  la 


LASIOCAMPA.  UU\ 

soie  sauvage  du  Mexique  (Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1857,  p.  15).  —  Guérin- 
Méneville;  sur  un  nouveau  ver  à  soie  observé  par  M.  le  capitaine  de 
vaisseau  Fleuriot  de  Langle  pendant  une  station  à  Madagascar  (R<-v.  et 
magas.  de  zooL,  septembre  1862).  —  D""  Vinson,  Note  sur  le  ver  à  soie 
deTambrevate  [C.  R.  Acad.  des  Se,  1863,  23  mars,  p.  58^),  —  E.  Blan- 
chard ;  Rapport  sur  la  communication  de  M.  le  D""  Vinson  au  sujet  du 
ver  à  soie  de  l'ambrevate  {C.  R.  Acad.  des  Se,  1863,  6  avril, p.  G20). 

Nous  représentons  (pi.  xciv,  fig.  h)  un  très  joli  petit  Bombycide  de 
Java,  le  B.  Digramma,  Boisd.,  envergure  26  millimètres,  jaune,  le  des- 
sus du  thorax  et  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  vif,  avec  deux  lignes 
hansverses  ondulées  blanches  et  au  sommet  deux  petits  points  noirs 
bordés  de  blanc,  les  ailes  inférieures  et  l'abdomen  sans  taches,  d'un 
jaune  plus  pdlc,  l'extrémité  de  l'abdomen  noirâtre  en  dessus,  terminée 
par  un  épais  faisceau  de  poils  jaunes. 

l..%<!iioc.%iuP.%,  Boisd.,  syn.  Gastropacha,  Ochs.  (nom  plus  ancien,  pas  usité 
en  France). —  Antennes  médiocrement  longues,  pectinées  dans  les  deux  sexes, 
plus  fortement  chez  les  mâles  ;  palpes  velus,  tantôt  assez  courts,  tantôt  allon- 
gés en  forme  de  bec  plus  ou  moins  prononcé,  soit  incliné,  soit  droit  et  dépas- 
sant la  tête  ;  tliorax  très  velu,  un  peu  globuleux  ;  ailes  plus  ou  moins  dentelées, 
en  toit  dans  le  repos,  les  inférieures  débordant  les  supérieures;  abdomen  très 
développé,  surtout  chez  les  femelles.  —  Chenilles  allongées,  pubescentes  en 
dessus,  très  aplaties  en  dessous,  pourvues  de  chaque  côté  d'appendices  pédi- 
formes  qui  cachent  les  pattes  et  qui  sont  hérissés  de  poils,  et,  sur  les  premiers 
segments,  d'un  ou  deux  celliers  de  couleurs  tranchées,  ordinairement  d'un 
bleu  foncé  ou  d'un  jaune  d'or.  —  Chrysalides  dans  des  cocons  soyeux,  mous, 
allongés,  saupoudrés  à  l'intérieur  d'une  poudre  blanchâtre. 

Les  Lasiocampes  sont  des  Bombycides  de  taille  grande  ou  moyenne 
et  qui  ont  été  appelés  feuilles  mortes  par  Geoffroy  et  Engramelle  d'après 
les  particularités  suivantes  :  leurs  ailes  au  repos  ont  l'apparence  d'un 
paquet  de  feuilles  mortes,  de  différents  végétaux,  par  leurs  couleurs, 
leurs  dentelures,  leur  position  relative,  les  supérieures  relevées  en  toit 
aigu,  tandis  que  les  inférieures  ne  forment  qu'un  toit  très  aplati,  de 
sorte  qu'elles  débordent  en  dessous  et  presque  horizontalement  les 
supérieures.  Les  papillons  ne  volent  qu'au  début  de  la  nuit.  Les  che- 
nilles vivent  solitaires  sur  les  arbres;  de  même  que  les  adultes,  elles 
ont  une  faculté  de  protection  défensive  par  imitation  végétale.  Elles 
éclosent  à  la  fin  de  l'été  et  passent  l'hiver  sur  les  branches,  en  plein 
air,  sans  aucun  abri,  gelant  et  dégelant  alternativement  selon  la  tem- 
pérature, sans  en  ressentir  d'inconvénient.  Bien  qu'elles  ne  soient  nul- 
lement cachées,  mais  collées  à  plat  dans  leur  longueur  entre  les  fentes 
des  écorces,  il  faut  la  plus  minutieuse  attention  pour  les  apercevoir, 
même  sur  les  rameaux  dépouillés  ;  car,  outre  que  leur  couleur  s'har- 
monise parfaitement  avec  l'écorce,  elles  ont  une  forme  déprimée,  sur- 


fik2  LÉPIDOPTÈRES. 

tout  en  dessous,  sont  munies  d'appendices  charnus  pédiformes  qui 
prolongent,  de  chaque  côté,  la  surface  de  leur  dos,  en  dissimulant  par- 
faitement leurs  pattes,  et  sont  si  exactement  appliquées  sur  l'écorce 
qu'elles  s'identifient,  pour  ainsi  dire,  avec  elle  et  paraissent  une  pro- 
tubérance fortuite  de  la  branche;  elles  ne  se  déplacent  que  la  nuit 
pour  chercher  leur  nourriture.  Le  type  et  la  seule  espèce  assez  com- 
mune est  L.  QuercifiAia,  Linu-,  la  Fe.uiUe-morte  d'Engram.,  de  toute  la 
France,  d'Angleterre,  theOak  Lappef,  de  Belgique,  etc.,  55  millimètres 
d'envergure  chez  le  mâle,  corps  ferrugineux,  avec  les  palpes  et  la  tige 
des  antennes  d'un  bleu  foncé,  ailes  très  dentelées,  d'un  ferrugineux 
plus  ou  moins  foncé,  avec  glacis  violet  à  l'extrémité  ,  portant  trois 
lignes  noirâtres,  transverses,  ondulées,  la  basilaire  plus  courte  aux 
ailes  inférieures,  un  point  noir  discoïdal  sur  les  supérieures  ;  femelle 
semblable,  beaucoup  plus  grande.  L'adulte  paraît  en  juillet  dans  les 
vergers  et  jardins  ;  en  Belgique,  Allemagne,  Angleterre  et  dans  le  nord 
de  la  France  est  une  variété  Alnifolia,  Ochs,  de  même  taille  et  de  même 
port,  à  ailes  plus  obscures.  En  mai  et  juin  on  trouve  la  chenille  sur 
presque  tous  les  arbres  fruitiers  et  aussi  sur  l'aubépine,  le  prunellier, 
le  saule,  l'épine-vinette,  etc.  Elle  est  grise  ou  brune,  avec  une  caron- 
cule dirigée  en  arrière  sur- le  onzième  anneau,  et  deux  colliers  noirs  et 
d'un  bleu  sombre,  paraissant  comme  deux  espèces  d'entailles,  s'ou- 
vrant  et  se  fermant  à  la  volonté  de  l'animal,  placées  sur  les  anneaux 
deux  et  trois  et  garnies  h  l'intérieur  de  longs  poils  d'un  bleu  foncé.  Elle 
file  une  coque  feutrée,  noirâtre,  pulvérulente  et  molle,  ressemblant  à 
un  fourreau  allongé.  C'est  encore  une  ennemie  de  l'horticulture,  car 
elle  est  grosse  et  consomme  beaucoup,  mais  heureusement  n'est  pas 
1res  commune  ;  elle  dépouille  les  jeunes  espaliers  et  est  difficile  à 
découvrir,  tant  elle  se  confond  avec  la  couleur  et  l'aspect  de  l'écorce; 
il  n'y  a  d'autre  moyen  de  destruction  que  la  recherche  directe.  Il  y  a 
quelques  autres  feuilles-mortes,  mais  toujours  rares;  ainsi  L.  pruni, 
Linn.,  de  France  et  de  Belgique;  L.  Ilicifolia,  de  France,  d'Angleterre, 
de  Belgique  (très  rare);  L.  Populifolia,  cat.  de  Vienne,  et  L.  Betulifolia, 
Ochs.,  de  France  et  de  Belgique,  très  rare  dans  ce  dernier  pays  ;  L.  Su- 
berifolia,  Rambur,  du  midi  de  la  France,  très  rare  ;  aussi  d'Algérie,  en 
juin,  sur  les  chênes-lièges  des  bois  du  lac  Tonga,  du  cercle  de  La  Galle 
(H.  Lucas). 

Dans  un  genre  voisin,  Odonestis,  Germar,  les  papillons  diffèrent  beau- 
coup selon  le  sexe,  ont  les  palpes  très  prolongés  enbec,les  ailes àpeine 
dentées.  Les  chenilles  sont  cylindriques,  sans  appendices  latéraux  et 
avec  deux  pinceaux  de  poils.  L'O.  l'otatoria,  Linn.,  la  Buveuse  d'Engr., 
the  Driuker  des  Anglais,  ofl're  l'adulte  assez  commun  en  juillet  dans  les 
prés  marécageux  ;  mâle,  envergure  60  millimètres  environ,  à  ailes  supé- 
rieures brunâtres  et  un  peu  violacées  au  bout,  le  milieu  d'un  jaune 
fauve  avec  deux  lignes  transverses  ferrugineuses  et  deux  points  blancs 
médians,  les  ailes  inférieures  de  la  couleur  des  supérieures,  mais  sans 


0D0NESTI5,    PLATYPTERYX.  UkZ 

taches;  Ccmelle  beaucoup  plus  grande,  avec  le  fond  d'un  jaune  paille 
plus  foncé  à  la  partie  postérieure  des  ailes  inférieures,  parfois  pareille 
de  couleur  au  mCdc  par  aberration;  chenille  noirâtre,  à  sous-dorsales 
jaunes  et  poils  latéraux  blancs,  en  mai  et  juin  sur  diverses  Graminées, 
Carex,  Bromus,  Festuca,  Alopecurus ,  etc.,  se  plaisant  dans  les  lieux 
frais  et  humides,  au  bord  des  étangs  et  des  petits  ruisseaux,  à  recher- 
cher le  matin,  à  la  rosée  ou  après  la  pluie,  car  elle  aime  à  grimper  sur 
les  tiges  pour  boire  les  gouttes  d'eau,  s'élève  aisément,  surtout  avec 
des  Bromus,  file  un  coton  assez  soyeux  et  allongé  d'un  brun  roussàtre, 
Nous  placerons  à  côté  0.  ou  Dendrolimus  pim,  Linn.,  the  Pine  Lappet. 
espèce  des  pins  et  aussi  des  sapins,  de  grande  taille,  de  couleur  très 
variable,  existant  en  Angleterre  et  aussi  en  Hollande,  manquant  en 
Belgique,  de  France  dans  la  Gironde,  l'Auvergne,  le  Jura,  les  Vosges, 
l'Alsace,  très  commune  dans  le  Var  et  les  Alpes-Maritimes,  sur  les 
pins  d'Alep  et  les  pins  pignons.  C'est  à  ce  genre  Odonestis,  ou  à 
un  genre  très  voisin,  que  nous  pensons  devoir  rapporter  le  Lasiocampa 
Proboscidea,  Roisd.,  pi.  xciv,  fig.  6,  mâle,  du  Sénégal,  35  milliniètres, 
d'envergure,  à  palpes  très  avancés  en  bec,  le  corps  et  les  ailes  d'un 
brun  roussàtre,  celles-ci  avec  quelques  traces  de  fines  lignes  transver- 
sales grisâtres. 

DRÉPANULIDES  ou  PLATYPTÉRYGIDES. 

La  petite  famille  qui  comprend  les  genres  Platijpteryx  et  Cilix  a  des 
adultes  ressemblant  aux  Phaléniens,  h  la  suite  desquels  les  place  le 
catalogue  de  British  Muséum.  Ce  sont  des  papillons  petits,  peu  velus,  à 
corps  grêle  et  court,  à  ailes  relativement  larges  et  faible,  l'angle  externe 
des  supérieures  souvent  très  prolongé  et  recourbé  en  arrière  ou  falqué, 
en  façon  de  lame  de  serpette.  La  tête  est  large,  aplatie  sur  le  vertex, 
les  yeux  écartés,  les  palpes  très  petits,  presque  coniques,  la  spiritrompe 
courte  et  membraneuse,  quand  elle  existe,  les  antennes  pectinées  dans 
les  mâles,  ciliées  ou  filiformes  dans  les  femelles.  Les  papillons  volent 
très  bien  pendant  le  jour,  mais  sont  paresseux,  quoique  légers.  La  con- 
figuralion  des  chenilles  empêche  complètement  de  ranger  cette  famille 
dans  les  Phaléniens;  elles  sont  fréquemment  garnies  de  petites  aspé- 
rités, mais  jamais  de  poils  touffus,  et  n'ont  que  quatorze  pattes,  la  paire 
de  pattes  anales  étant  reniplacée  par  une  pointe  ou  queue  relevée, 
simple  ou  bifide,  qui  termine  le  dernier  anneau  {Cuspidatœ  de  M.  Guenée). 
Au  moins  pour  les  espèces  d'Europe,  ces  chenilles  vivent  sur  les  arbres 
forestiers  et  subissent  la  nymphose  dans  un  cocon  à  claire-voie,  fixé 
dans  le  pli  d'une  feuille  à  demi  roulée;  les  chrysalides  sont  recouvertes 
d'une  poussière  blanchâtre  ou  bleuâtre.  Les  espèces  ne  sont  jamais 
très  communes. 

PLATYPTERTX,  Laspeyres  (en  partie  syn.  :  Drepana,  Schrank).  —  Antennes 
pectinées  dans  le  mâle,  dentées  ou  ciliées  dans  la  femelle;  spiritrompe  courte, 


644  LtPIDOPTÈUliS. 

membraneuse,  à  filets  disjoints;  un  frein;  ailes  étendues  horizontalement  dans 
le  repos,  les  inférieures  à  peine  cachées  par  les  supérieures,  dont  le  sommet 
est  aigu  et  courbé  en  faucille. 

Les  deux  espèces  les  plus  répandues  en  France,  en  Angleterre,  en 
Belgique,  sont  :  P.  Binarla,  Hufnagel,  syn.  :  Hamnla,  cat.  de  Vienne, 
la  Serpette,  Devillers,  l'Hameçon,  Engram.,  the  Oak  Hooktii/^  25  à  28  mil- 
limètres d'envergure,  l'angle  apical  peu  aigu,  en  faucille  peu  recourbée, 
les  quatre  ailes  d'un  jaune  fauve,  parfois  brunâtre,  avec  deux  lignes 
jaunes,  entre  lesquelles  on  voit  deux  points  d'un  noir  bleuâtre;  tète, 
antennes  et  corps  de  la  couleur  des  ailes  ;  femelle  beaucoup  plus  grande, 
d'un  fauve  pâle,  les  lignes  transverses  souvent  peu  prononcées;  adulte 
en  juin  sur  les  lisières  des  bois  et  les  buissons;  chenille  festacée,  à  man- 
teau plus  clair,  à  pointe  anale  très  longue  et  à  double  épine  sur  le  troi- 
sième anneau;  en  septembre  sur  le  chêne.  D'après  M.  Millière,  l'espèce 
n'est  pas  rare  en  mai  dans  les  forêts  de  chênes  verts  des  Alpes-Mari- 
times, sur  lesquels  vit  la  chenille  en  mars  et  avril,  après  avoir  passé 
l'hiver  très  petite  dans  une  gerçure  d'écorce  ;  P.  Falcat aria,  Lin.,  syn.  : 
Falcula,  cat.  de  V.,  la  Phalène  faucille,  de  Geer,  la  Faulx,  Devillers, 
the  Pehhle  Hooktip,  30  à  3'3  millimètres  chez  le  mâle,  les  quatre  ailes 
d'un  jaune  feuille-morte  avec  cinq  lignes  brunes  ondulées,  une  raie 
ferrugineuse  oblique  le  long  du  bord  externe,  une  tache  et  des  points 
bruns  sur  le  disque,  le  sommet  des  ailes  supérieures  aigu  et  très  re- 
courbé, ombré  de  noir  bleuâtre;  femelle  pareille,  plus  grande,  parfois 
blanchâtre;  adulte  en  mai  et  juin,  puis  en  juillet  et  août,  dans  les  bois 
humides,  les  prés  et  lieux  ombragés;  chenille  verte,  à  manteau  d'un 
gris  vineux  et  tubercules  roussâtres,  en  mai,  puis  en  septembre  et 
octobre  sur  l'aulne,  aussi  sur  le  bouleau,  le  tremble,  le  saule.  Nous 
représentons,  pi.  xci,  fig.  9  :  papillon,  9  a;  chenille,  9  b;  chrysalide, 
une  espèce  de  l'Amérique  du  Nord,  P.  globulariœ,  Boisd.,  à  ailes  supé- 
rieures peu  falquées,  d'un  jaune  cannelle  piqueté  de  ferrugineux,  avec 
des  bandes  transverses  ferrugineuses,  quatre  aux  premières  ailes,  une 
aux  secondes,  le  bord  externe  tacheté  de  brun. 

Le  genre  Cilix  Leach  ne  ressemble  au  précédent  que  par  la  che- 
nille, les  papillons  ayant  les  ailes  arrondies,  non  falquées,  pas  de  spiri- 
trompe,  pas  de  frein,  les  ailes  au  repos  en  toit  très  aigu,  de  sorte  que 
l'insecte  paraît  comprimé.  Une  seule  espèce,  assez  commune  dans  toute 
la  France,  en  Belgique,  en  Angleterre,  C.  spinula,  cat.  de  V.,  syn.  : 
Compressa,  Fabr.,  la  Verdâtre,  Devillers,  the  Chinese  Character,  les  deux 
sexes  pareils,  22  millimètres  d'envergure  (un  peu  plus  pour  la  femelle); 
ailes  supérieures  blanches,  avec  double  rangée  de  lunules  marginales 
d'un  gris  bleuâtre,  une  tache  brune  bordée  de  fauve  au  miheu  du  bord 
interne  et  surmontée  d'une  autre  tache  grise  s'avançant  obliquement 
jusqu'au  milieu  de  l'aile,  et  sur  laquelle  les  nervures  dessinent  en 
blanc  une  sorte  de  petite  branche  épineuse  (spinula)  ou  des  caractères 


CILIX,    NOTODONTIDES,  ft/iS 

chinois  ;  ailes  inférieures  d'un  blanc  sale,  bordées  de  gris  bleuâtre  au 
bout;  antennes,  tôte  et  corps  de  la  couleur  des  ailes;  vole  au  crépus- 
cule dans  les  allées  des  bois,  le  long  des  haies,  dans  les  jardins,  en 
avril  et  mai,  puis  en  juillet  et  août  ;  chenille  d'un  gris  violàtre,  à  épines 
inégales  et  à  pointe  anale  longue,  sur  le  prunellier  et  sur  l'aubépine, 
en  juin  et  juillet,  puis  en  septembre,  passant  l'hiver  après  avoir  atteint 
sa  troisième  mue. 

NOTODONTIDKS. 

Cette  famille  correspond,  au  moins  en  grande  partie,  aux  Pseudo- 
Bombyces  de  Latreille,  certains  genres  se  rapprochant  des  Noctuéliens. 
L'aspect  des  adultes  n'a  rien  d'anormal  :  ce  sont  des  papillons  ro- 
bustes, à  thorax  plus  souvent  squameux  que  velu,  tantôt  uni,  tantôt 
huppé  ou  crété;  les  antennes  sont  pectinées,  plumeuses  ou  dentées 
dans  les  mâles,  simples  ou  filiformes  chez  les  femelles,  les  palpes  de 
forme  et  de  grandeur  diverses;  il  y  a  en  général  une  spiritrompe  peu 
développée  et  un  frein;  les  ailes  épaisses  et  oblongues,  en  toit  dans  le 
repos,  et  le  vol  est  exclusivement  nocturne.  Les  chenilles  ont  au  con- 
traire souvent  des  formes  anormales;  elles  sont  du  type  des  chenilles  à 
seize  pattes,  mais  avec  des  déformations  de  certaines  paires.  Souvent 
elles  portent  le  dernier  anneau  relevé  et  ne  s'appuyant  pas  sur  les 
pattes  anales  quand  celles-ci  existent  {Erectœ  de  M.  Guenéej;  ces 
pattes  anales  peuvent  être  transformées  en  filets"  impropres  à  la  marche, 
les  pattes  écailleuses  sont  parfois  très  allongées;  enfin  les  chenilles 
peuvent  porter  des  épines  ou  des  protubérances  sur  certains  anneaux. 
Elles  vivent  le  plus  souvent  sur  les  arbres  et  se  chrysalident,  soit  dans 
la  terre,  soit  dans  des  cocons  soyeux  attachés  aux  feuilles, soit  enfin  dans 
des  coques  dures,  formées  de  débris  ligneux,  assemblées  par  une  gomme 
tenace,  incrustées  dans  les  crevasses  des  écorces,  couvertes  de  frag- 
ments de  lichens  on  de  mousses  qui  les  rendent  pareilles  à  la  substance 
même  de  l'écorce.  Les  Pseudo-Bombyx  exotiques  sont  très  nombreux 
et  variés,  et  abondent  en  espèces  de  formes  bizarres,  surtout  à  l'état 
de  chenilles  :  c'est  l'Inde  et  l'Australie  qui  offrent  les  espèces  les  plus 
remarquables.  Nous  diviserons,  avec  Duponchel,  cette  famille  en  trois 
groupes  :  les  Dicranurides  ou  Queues-fourchues,  les  Notodontides 
propres  (dos  denté)  et  les  Pygérides.  On  ne  trouve  ces  insectes 
adultes  qu'assez  accidentellement;  le  mieux  est  la  recherche  des  che- 
nilles. 

Chez  les  Dicranurides,  le  corps  est  gros  et  velu,  les  ailes  supérieures 
longues,  assez  étroites,  à  sommet  plus  ou  moins  aigu,  les  inférieures 
courtes  et  arrondies.  Les  chenilles  qui  vivent  sur  les  arbres  sont  glabres, 
avec  le  segment  anal  diversement  modifié,  soit  par  un  double  appen- 
dice rétractile,  soit  relevé  en  croupion.  Elles  subissent  la  nymphose, 
soit  en  terre,  soit  dans  des  coques  dures  et  ligneuses. 


6^6  LÉPIDOrTÈULS. 

UlCRA.It'RA,  Latr.  (syn.  :  HarpyIa,  Oclis.;  Cerura,  Schrank).  —  Antennes 
pectirtées  ou  plumeuses  jusqu'au  bout,  les  barbes  plus  longues  chez  les  niàics, 
la  pointe  se  recourbant  dans  les  deux  sexes  après  la  dessiccation;  tôte  sur- 
montée d'une  touffe  bifide  de  poils  entourant  la  base  des  antennes;  spiritrompc 
peu  visible,  composée  de  deux  petits  filets  membraneux  disjoints;  palpes  courts 
et  velus;  ailes  supérieures  longues,  à  sommet  assez  aigu,  les  inférieures  courtes 
et  arrondies;  corps,  cuisses  et  jambes  très  velus,  une  seule  paire  d'éperons  aux 
jambes  postérieures.  —  Chenilles  à  peau  fine  et  lisse,  les  pattes  anales  trans- 
formées en  appendices  rétracliles.  —  Chrysalides  courtes,  dans  des  coijues 
ligneuses  dures. 

Les  papillons  du  genre  Dicranura  ont  lès  antennes  garnies  de  lames 
jusqu'à  rexlrémité  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supérieures  chargées 
de  dessins  fortement  dentés,  avec  Une  aréole  au  bout  de  la  ciellulc  dis- 
coïdale,  les  inférieures  bordées  de  points.  LêS  chenilles  n'ont  que  qua- 
torze pattes,  comme  celles  des  Drépanulides;  dans  le  repos,  elles  ren- 
trent leur  tète  sous  le  premier  anneau,  comme  sous  un  capuchon,  et 
relèvent  la  partie  postérieure  de  leur  corps  terminée  par  deux  appen- 
dices ïistuleux  et  cornés,  assez  longs,  divergents  et  dirigés  en  haut; 
chacun  renferme  un  fin  filet  charnu  et  rétractile,  de  couleur  jaune  ou 
orangée,  et  la  chenille  les  fait  sortir  à  volontés,  dès  qu'elle  est  inquiétée 
par  le  contact  d'un  corps  étranger,  et  les  porte  rapidement  en  les  agi- 
tant sur  l'endroit  menacé,  ainsi  sur  les  points  de  son  corps  où  les  cnto- 
mophages  veulent  pondre^  sans  cependant  les  en  empêcher  toujours; 
ces  chenilles  sont  vertes,  avec  une  sorte  de  manteau  d'une  autre  cou- 
leur interrompu  sur  le  quatrième  anneau,  qui  porte  une  éminehce  ; 
elles  fixent  aux  écorces  des  arbres  des  coques  formées  d'un  rriélange  de 
rognures  de  bois  ou  d'écorce  et  d'une  gomme  très  consistante.  L'espèce 
la  plus  répandue  en  France,  en  Angleterre,  en  Belgique,  est  D.  Vinula, 
Linn.,  la  Qmue- four  chue,  Geoft".,  Engr.,  the  Puss  Moth,  55  à  60  milli- 
mètres d'envergure,  corps  d'un  blanc  grisâtre;  antennes  avec  là  tige 
blanche  et  les  barbes  brunes;  thorax  avec  six  points  noirs  sur  deux 
lignes  longitudinales;  ailes  supérieures  blanches  à  la  base  avec  une 
ligne  de  points  noirs  et  une  bande  transverse  cendrée,  sinuée  sur  les 
côtés  et  bordée  de  noir,  le  reste  de  l'aile  d'un  gris  blanchâtre,  avec 
deux  lignes  noirâtres  transverses  très  anguleuses  et  des  points  hoirs 
marginaux;  ailes  inférieures  un  peu   transparentes,  d'un  gris  blan- 
châtre, avec  la  frange  blanche  et  des  points  noirs  le  loiig  du  bord  pos- 
térieur; abdomen  avec  cinq  raies  noires  sur  chaque  côté  et  une  ligne 
de  chevrons  noirs  sur  le  dos;  femelle  pareille,  mais  partout  d'un  gris 
plus  foncé;  adulte  de  là  fin  d'avril  au  niîlieu  de  juin  dans  tous  les  lieux 
plantés  de  saules  et  de  peupliers;  chenille  verte;  à  manteau  Vineux 
bordé  de  blanc,  Sur  les  peupliers  et  les  saules  en  août,  septembre  et 
octobre,  fixant  une  coque  très  dure  et  très  gommée  entre  les  rides  des 
écorces  et  souvent  très  près  de  terre,  très  adhérente,  fort  difficile  à  dé- 


DICRANURA,   HYB0GAMI5A,   STAUROPUS,  hkl 

couvHr,  car  elle  est  recouverte  de  petits  copeaux  ou  de  morceaux  de 
liclieu  mâché.  Tne  espèce  moius  commune  est  D.  Furcnla,  Linn.,  la 
petite  Queue-fourchue  d'Engr.,  the  Kitten,  envergure,  38  à /lO  millimètres, 
les  deu\  sexes  pareils,  le  thorax  noirâtre  avec  un  collier  blanchâtre  et 
deux  lignes  transverses  orangées,  les  ailes  stipérieures  d'un  gris  de 
perle,  avec  hande  d'un  gris  noirâtre  bordée  de  noir  et  d'orangé,  et  des 
points  noirs  marginaux  précédant  la  frange;  ailes  inférieures  d'un 
blanc  grisâtre,  aVcc  un  petit  arc  central  noirâtre,  une  bande  postérieure 
obscure  et  des  points  marginaux  rioirs  ;  chenille  verte  à  mantcsau  ferru- 
gineu.t  bdrdc  de  jaune,  ëur  les  peupliers,  les  trembles,  et  surtout  sur  le 
saule  marsault,  en  juin  et  juillet,  puis  en  septembre  et  octobre,  filant 
entre  les  rides  des  écorces  une  coque  très  dure,  très  gommée,  avec 
débris  de  bois  ou  lichens,  dans  laquelle  la  future  chrysalide  hivernera. 
Nous  représentons  une  espèce  très  voisine,  D.  Borealis,  Boisd.,  pi.  xci, 
fig.  5,  femelle,  5  a;  chenille  sur  branche  de  Saule,  de  l'Amérique  du 
Nord  :  ce  n'est  probablement  qu'une  race  américaine  de  D.  Furcula. 
Viennent  ensuite  des  genres  dont  les  adultes  n'ont  rien  de  remar- 
quable :  ce  sont  en  effet  des  papillons  à  fond  grisâtre,  avec  des- 
sins noirâtres;  les  chenilles,  au  contraire,  sont  très  singulières.  Ces 
genres  ne  contiennent  chacun  qu'une  espèce,  toujours  rare  en  France, 
moins  rare  en  Allemagne.  Ainsi  le  genre  Hybocampa,  Lederer, 
présenté  le  très  rare  H.  Milhauseri,  Fabr.,  syn.  :  Telirificà,  cat.  de 
Vienne,  le  Dragon  d'Engr,,  manquant  aui  îles  Britanniques;  le  pa- 
pillon, qui  paraît  en  mai  et  juin  dans  les  forets  de  chênes,  a  les  antennes 
pectinées  dans  les  deux  sexes,  avec  l'extrémité  brusquement  filiforme, 
les  ailes  sans  aréole  au  bout  de  la  cellule  discoïdale,  ni  points  termi- 
naux. La  chenille,  qui  vit  en  août  et  septembre  sur  le  chêne,  est  verte, 
avec  des  épines  dorsales  et  une  tache  latérale  carnée  ;  elle  n'a  plus  les 
filets  anaux  ni  la  tête  rétractile,  mais  tient  la  tôte  et  le  dernier  anneau 
relevés  dans  une  attitude  menaçante.  A  partir  du  quatrièrne  anneau 
jusqu'au  huitième,  sont  une  rangée  d'épines  courbées  en  arrière,  la 
première,  sur  l'anneau  U,  beaucoup  pliiS  longue  et  fourchue,  le  der- 
nier anneau  relevé,  formant  une  sorte  de  croupion  que  terrnine  une 
pointe  aiguë.  On  s'explique  par  cet  aspect  les  épithètes  de  Fabi'icius  et 
d'Engramelle,  d'autant  plus  que  cette  chenille  se  sert  très  bien  de  ses 
robustes  mandibules  pour  mordre  la  main  qui  la  saisit.  Elle  colle  sur 
l'écorce  du  chêne,  ou  parfois  du  hêtre,  une  coque  ligneuse  si  épaisse 
et  si  dure  qu'on  a  peine  à  la  détacher.  Ces  coques  sont  souvent  percées 
par  les  Pics,  très  friands  de  la  chrysalide,  ce  qui  explique  peut-être  la 
grande  rareté  de  l'espèce.  Il  faut  rechercher  ces  coques  sur  les  troncs 
en  octobre  et  novembre,  et  enlever  tout  le  morceau  d'écorce  qui  porte 
la  coque,  qu'on  aura  soin  d'humecter  de  temps  en  temps,  surtout  à 
l'époque  de  léclosion.  Le  genre  Stauropus,  Germàr,  a  une  des  plus 
étranges  chenilles  qu'on  puisse  voir.  La  seconde  et  la  troisième  paire 
de  Ses  pattes  écailleuses  sont  d'une  longueur  démesurée  et  arliculéea 


UUS  LÉPIDOPTÈUES. 

comme  des  pâlies  d'adultes;  les  anneaux  sont  séparés  par  de  profondes 
incisions,  do  quatre  à  neuf,  surmontés  chacun  d'une  bosse  triangulaire 
terminée  en  crochet,  les  deux  derniers  renflés  en  croupion  que  ter- 
minent les  pattes  anales  modifiées  en  deux  queues  fistuleuses  cornées 
non  rétractiles  ;  au  repos,  la  chenille  redresse  ses  deux  extrémités,  en 
laissant  pendre  ses  longues  pattes,  et  cette  attitude  explique  le  nom 
de  l'Écureuil  donné  à  l'espèce  par  Engramelle.  C'est  le  S.  fagi,  Linn., 
the  Lobster  Motli,  des  bois  en  mai  et  juin,  le  papillon  ayant  les  antennes 
pectinées  chez  le  mâle,  sauf  à  l'extrémité,  filiformes  chez  la  femelle, 
l'abdomen  très  long,  velu  et  crête  sur  le  dos,  les  ailes  supérieures  très 
épaisses  à  franges  fournies,  et,  çà  et  là,  des  écailles  ou  poils  relevés,  les 
ailes  inférieures  très  opaques  ;  la  chenille  testacée,  à  traits  obliques  et 
deux  points  noirs  latéraux,  vit  en  juillet,  août,  septembre,  principale- 
ment sur  le  chêne  et  sur  le  hêtre,  aussi  sur  le  bouleau,  le  noisetier, 
l'aulne,  le  prunier,  le  tilleul  et  le  sumac  ;  la  chrysalide  est  contenue 
dans  un  cocon  soyeux  assez  léger,  placé  entre  les  feuilles.  Enfin,  le 
genre  Urupus,  Boisduval,  offre  encore  d'autres  déformations  de  la  che- 
nille; cette  chenille  à  peau  lisse  porte,  sur  le  quatrième  anneau,  un 
tubercule  conique.  Les  pattes  anales  sont  fort  longues,  écailleuses, ayant 
à  l'extrémité   une   partie  molle,   entièrement  rétractile,  portant  une 
demi-couronne  de  crochets.  Elle  se  trouve  en  juin  et  juillet  sur  l'orme, 
et  se  nymphose  en  terre,  sans  faire  de  vraie  coque;  on  trouve  facile- 
ment la  chrysalide  en  grattant  la  terre  à  quelques  centimètres  au  pied 
des  ormeaux.  Le  papillon  a  les  antennes  très  longues,  pectinées  chez  le 
mâle,  avec  le  tiers  terminal  filiforme,  celles  de  la  femelle  légèrement 
dentées,  paraissant  filiformes  à  la  vue  simple,  la  spiritrompe  épaisse  et 
assez  longue,  les  palpes  courts,  très  velus,  comprimés,  le  thorax  large 
et  très  velu,  les  ailes  supérieures  étroites  et  presque  lancéolées;  c'est 
l'L'^.  ulini,  cat.  de  Vienne,  éclosant  en  mai,  assez  répandu  en  Autriche 
et  en  France,  dans  le  Languedoc;  trouvé  aussi  dans  le  Lot  et  le  Cantal 
(Maurice   Sand).  Nous  placerons  ici  le  genre  As  ter  oscopus,  Boisd.,syn.  : 
Pelasia,  Steph.,  à  antennes  très  allongées,  deux  fois  aussi  longues  que 
le  thorax,  pectinées  dans  le  mâle,  filiformes  chez  la  femelle,  le  corps 
épais  et  velu,  les  ailes  sans  dent,  les  chenilles  molles,  vertes,  à  lignes 
claires,  à  onzième  anneau  relevé  en  bosse,  formant  des  cocons  enfoncés 
en  terre.  Ex.  :  A.  Cassinia,  cat.  de  Vienne,  à  ailes  antérieures  grises 
avec  quelques  lignes  noires,  ayant  vers  leur  bord  postérieur  une  ligne 
pâle  anguleuse,  les  ailes  postérieures  d'un  gris  pâle;  chenille  verte, 
semi-transparente,  à  lignes  jaunes,  en  mai  et  juin  sur  l'orme  et  le  chêne  ; 
pas  très  rare,  diflicile  à  élever;  l'adulte  en  octobre  et  novembre  et  en 
mars  et  avril  pour  quelques  sujets  qui  ont  hiverné,  boulevards  et  Ueux 
plantés  d'ormes,  près  de  Paris,  dans  la  plaine  Saint-Denis;  Allemagne, 
France,  Belgique,  Angleterre,  the  Sprawier. 

Les  Notodontides  propres  ont  le  corselet  souvent  squameux,  uni  ou 
crête,  les  antennes  plumeuses  ou  dentelées  dans  les  mâles,  filiformes 


NOTODONTA.  Zj^Q 

en  général  dans  les  femelles,  la  spiritrompe  nulle  ou  rudimentaire,  les 
ailes  en  toit  dans  le  repos,  les  supérieures  ayant  souvent  un  lobe  den- 
liforme  ou  une  crête  de  poils  au  milieu  du  bord  interne.  Les  chenilles 
ont  seize  pattes,  sont  glabres  ou  parsemées  de  quelques  poils  rares, 
parfois  gibbeuses  sur  les  anneaux  intermédiaires  et  sur  le  onzième. 
Elles  vivent  sur  les  arbres  et  se  métamorphosent  le  plus  souvent  en 
terre,  parfois  dans  des  cocons  attachés  aux  feuilles  ou  aux  branches.  Il 
faut  rechercher  les  chenilles  en  battant  en  automne  leurs  arbres  de 
prédilection,  chênes,  peupliers,  saules,  aulnes  et  bouleaux,  car  on  ne 
trouve  les  adultes  qu'assez  rarement. 

il'OTODO.%T.% ,  Ochsenheimer.  —  Antennes  des  mâles  pectinées,  mais  non  jus- 
qu'au sommet,  filiformes  chez  les  femelles  ;  spiritrompe  nulle  ;  palpes  grêles  et 
velus;  thorax  uni,  avec  d'étroits  ptérygodes,  séparés  par  un  grand  intervalle; 
ailes  entières,  à  frange  plus  ou  moins  dentelée,  les  supérieures  ayant  au  bord 
interne  une  dent  relevée  sur  le  dos  quand  l'insecte  a  les  ailes  au  repos,  abdomen 
long.  —  Chenilles  glabres,  ayant  pour  la  plupart  des  bosses  pyramidales  sur  le 
pénultième  anneau  et  sur  plusieurs  anneaux  intermédiaires. 

Les  chenilles  des  Notodontes  sont  remarquables  par  leur  forme  bi- 
zarre. Les  anneaux  intermédiaires,  au  nombre  de  deux  ou  trois  à  partir 
du  quatrième,  sont  surmontés  chacun  d'une  bosse  plus  ou  moins  pro- 
noncée, et  le  onzième  est  toujours  relevé  en  pyramide.  Pendant  le 
repos  elles  ne  s'appuient  que  sur  les  quatre  pattes  du  milieu,  parce 
qu'alors  elles  relèvent  les  deux  extrémités  de  leur  corps,  en  tenant  leur 
tête  renversée  en  arrière.  Ces  postures,  qui  rappellent  le  genre  Hybo- 
campa,  nous  expliquent  les  noms  spécitiques  de  Zic-zag  et  de  Torva, 
et  les  bosses  prononcées  de  certaines  de  ces  chenilles  les  dénominations 
vulgaires  de  dromadaire  et  de  chameau  données  par  les  anciens  ama- 
teurs. Le  type  et  l'espèce  la  plus  fréquente,  de  toute  la  France,  de 
Belgique,  d'Angleterre,  est  le  N.  Zic-zag,  Linn.,  le  Bois-veiné,  GeofÏT., 
Engr.,  the  Pebble  Prominent,  pi.  xcii,  fig.  3,  femelle,  dont  les  couleurs 
et  le  dessin  rappellent  les  veines  des  bois  d'ornement  ;  38  millimètres 
d'envergure,  antennes  d'un  brun  jaunâtre  ;  corps  d'un  gris  jaunâtre,  les 
ptérygodes  bordés  de  noir;  ailes  supérieures  d'un  jaune  chamois,  avec 
des  lignes  ferrugineuses  transverses  et  de  fines  lignes  blanches  très 
ondulées  et  une  demi-lune  brune,  bordée  dun  croissant  noir,  convexe 
du  côté  du  corps,  la  dent  du  bord  interne  noire,  coupée  par  un  trait 
blanc  jaunâtre,  que  surmonte  une  raie  longitudinale  ferrugineuse; 
ailes  inférieures  blanchâtres,  avec  le  bord  abdominal  lavé  de  brunâtre, 
et  une  bande  transverse  plus  claire,  au-delà  du  milieu  du  disque; 
femelle  pareille  de  taille  et  de  dessin,  mais  d'un  ton  plus  foncé  que  le 
mâle,  surtout  aux  ailes  inférieures  ;  chenille  lilas,  à  partie  postérieure 
renflée  et  à  trois  bosses  dorsales,  en  juin  et  juillet,  puis  en  septembre 
et  octobre,  sur  les  peupliers,  les  saules,  les  aulnes  et  les  chênes,  se 
cifiAUD.  ni.  —  29 


450  LÉPIDOPTÈRES. 

chrysalidant  entre  les  feuilles  dans  un  cocon  assez  léger-,  adulte  en  mai 
et  juin,  puis  en  août  et  septembre. 

Le  genre  Notodonta,  de  l'auteur  allemand,  a  été  dédoublé  en  plu- 
sieurs genres,  qui  sont  réellement  des  sous-genres.  Chez  les  Leiocampa, 
.  Stephens,  les  papillons  ont  l'abdomen  très  long,  la  tête  presque  cachée 
sous  le  thorax,  toutes  les  ailes  triangulaires,  prolongées  à  un  angle  et 
un  peu  dentées,  la  dent  du  bord  interne  étant  très  faible  ;  ils  ressem- 
blent aux  Cucullia  (Noctuéhens);  les  chenilles  sont  longues,  lisses,  lui- 
santes, à  onzième  anneau  seul  relevé  en  bosse;  exemple  :  L.  Dictœa, 
Linn.;  la  Porcelaine,  Engr.,  the  Swallow  Prominent ,  les  ailes  antérieures 
brunâtres,  avec  un  large  espace  longitudinal  blanc  et  une  tache  noire 
à  l'angle  anal,  espèce  assez  commune  en  mai  et  en  août  sur  les  bouleaux  et 
sur  les  peupliers  des  prés  et  des  routes;  chenille  verte  ou  carnée,  très 
luisante,  en  juin,  puis  en  septembre  et  octobre,  se  chrysalide  en  terre. 
Dans  les  Lophoptenjx,  Steph.,  les  papillons  ont  les  antennes  simplement 
dentées  dans  les  deux  sexes,  le  thorax  hérissé  et  relevé  en  crête,  la  spi- 
ritrompe  presque  nulle,  les  ailes  dentées,  avec  la  dent  du  bord  interne 
bien  développée,  ces  ailes  relevées  en  crête  au  repos;  chenilles  fusi- 
formes,  luisantes,  à  pattes  postérieures  très  courtes,  le  onzième  anneau 
relevé  et  surmonté  d'un  tubercule  bifide  et  poilu  ;  ex.  :  L.  Camelina, 
Linn.,  la.  Crête  de  Coq,  Engram.,  d'après  la  forme  de  l'insecte  parfait  au 
repos,  the  Coxcomb  Prominent  ;  envergure  35  à  /iO  millimètres,  les  ailes 
antérieures  d'un  jaune  brunâtre,  avec  une  ligne  longitudinale  à  la  base 
et  deux  bandes  obliques  vers  l'extrémité  d'un  ferrugiueux  foncé,  les 
postérieures  d'un  jaune  grisâtre,  avec  une  ligne  plus  pâle  divisant  une 
tache  noire,  assez  commun  sur  les  haies  et  dans  les  bois  en  mai  et  en 
juin,  puis  en  août,  souvent  appliqué  contre  le  tronc  des  arbres,  se  pre- 
nant facilement,  ainsi  que  sa  chenille,  en  battant  les  arbres  avec  la 
mailloche;  chenille  verte  ou  rose,  à  stigmatale  jaune,  coupée  de  points 
rouges,  sur  le  chêne,  l'orme,  etc.,  en  juin,  puis  en  septembre  et  oc- 
tobre, se  nymphose  en  terre.  Les  papillons  ont  les  palpes  démesuré- 
ment longs  dans  le  genre  Pterostoma.   Germar,  les  antennes  pectinécs 
dans  les  deux  sexes,  la  spiritrompe  nulle,  l'abdomen  très  long  et  four- 
chu chez  les  mâles  par  deux  faisceaux  de  poils  divergents,  les  ailes 
supérieures   fortement  dentelées    et   ayant  une   large  dent  au  bord 
interne;  les  chenilles  sont  fusiformes,  raides,  granulées,  à  dos  aplati. 
L'unique  espèce,  de  France,  de  Belgique,  d'Angleterre,  est  le  P.  Palpina, 
Linn.,  le  Museau  d'Engr.,  the  Pale  Prominent;  envergure,  Z|0  à  Zi5  milli- 
mètres, le  thorax  crête,  les  ailes  antérieures  d'un  gris  jaunâtre,  avec  les 
deux  nervures  mouchetées  de  noirâtre  et  deux  rangées  transversales 
de  petits  points  blancs  séparés  par  une  bande  obscure,  les  inférieures 
d'un  gris  pâle  uniforme,  assez   commun  partout  en  avril  et  mai,  puis 
en  juillet  et  août,  dans  les  prés  et  bois  et  sur  les  arbres  d'avenue  ;  che- 
nille d'un  vert  blanchâtre,  à  double  ligne  dorsale  élevée,  en  juin,  puis 
en  septembre  et  octobre,  sur  le  saule,  le  peuplier,  le  tremble,  quel- 


NOTOUONTIDES.  451 

quefois  le  tilleul,  se  chrysalide  en  terre  dans  un  cocon  mou  et  blan- 
châtre. Le  genre  Ptilophora,  Sleph.,  a  pour  unique  espèce  le  P.  Plu- 
migera,  cat.  de  Vienne,  the  Plumed  Piominent,  les  antennes  très 
plumeuses,  comme  des  panaches  et  deux  fois  aussi  longues  que  le  thorax 
chez  le  mâle,  moniliformes  chez  la  femelle,  la  spiritrompe  nulle,  la  tête 
hérissée  de  longs  poils  parmi  lesquels  il  est  impossible  de  distinguer 
les  palpes,  sïls  existent,  le  Ihorax  très  velu,  l'abdomen  assez  court,  les 
ailes  étroites,  un  peu  transparentes,  le  bord  interne  des  supérieures 
sans  dent,  mais  garni  d'une  longue  frange,  ces  ailes  d'un  ferrugineux 
jaunâtre,  avec  deux  lignes  médianes  ondulées,  d'un  jaune  pâle,  les 
ailes  inférieures  d'un  gris  rougeàtre.  Ce  papillon  a  assez  l'aspect  des 
Phaléniens  du  genre  Fidonia;  il  éclot  en  octobre  et  novembre,  sur  les 
haies  et  dans  les  bois  (Suisse,  Angleterre,  Allemagne,  Alsace  et  Lor- 
raine), par  places  dans  le  centre  de  la  France  (Eure-et-Loir,  Indre,  Cher, 
Auvergne);  chenille  verte,  à  deux  lignes  blanches  dorsales  écartées,  en 
main  et  juin,  surtout  sur  l'érable,  aussi  sur  le  bouleau;  on  la  trouve  en 
battant  les  buissons  d'érable  qui  bordent  les  chemins  creux  du  Perche 
(Guenée). 

Les  Pygérides  {Diloba,  Pygœra,  Closterà)  ont  la  tête  retirée  sous  le 
corselet,  qui  est  convexe  et  robuste,  les  antennes  pectinées  ou  créne- 
lées chez  les  mâles,  dentées  ou  filiformes  chez  les  femelles,  la  spiri- 
trompe rudimentaire  ou  très  peu  développée,  le  thorax  court  et  velu, 
les  ailes  en  toit  arrondi,  dépassé  par  l'abdomen  dans  le  repos,  cet 
abdomen  terminé  par  un  bouquet  de  poils  carré  ou  bifide  ;  les  che- 
nilles ne  sont  jamais  fusiformes,  à  pattes  anales  courtes,  mais  jamais 
absentes,  velues,  la  plupart  avec  des  tubercules  piligères,  quelques- 
unes  ayant  en  outre  des  mamelons  charnus  garnis  de  poils,  la  nym- 
phose ayant  lieu  en  terre  ou  dans  des  cocons  placés  entre  les  feuilles 
des  arbres. 

Un  genre  faisant  le  passage  entre  les  Notodontides  propres  et  les 
Pygérides  est  celui  des  Diloba,  Boisd.  Le  papillon  a  les  antennes  très 
pectinées  jusqu'au  sommet  dans  les  mâles,  finement  crénelées  au  côté 
interne  ou  subfiliformes  chez  la  femelle,  la  spiritrompe  nulle,  les 
palpes  grêles,  hérissés  de  longs  poils,  avec  le  dernier  article  nu  et 
cylindrique,  le  thorax  lisse,  les  ailes  supérieures  assez  larges  et  sans 
dent  au  bord  interne,  l'abdomen  de  la  femelle  terminé  par  une  bourre 
écailleuse;  chenille  épaisse,  cylindrique,  à  points  saillants,  mais  sans 
autre  élévation  ;  chrysalide  pruineuse,  courte  et  terminée  carrément. 
Une  seule  espèce,  D.  Cœruleocephala,  Linn.,  le  Double  Oméga,  Geoffr., 
Engr.,  le  Bombyx  Téte-blme ^  Oliv.,  the  Figure-of-Eight Mothd.es  Anglais; 
37  millimètres  d'envergure  dans  les  deux  sexes,  tête  et  antennes  grises, 
thorax  très  velu,  d'un  gris  bleuâtre,  avec  sa  partie  antérieure  d'un 
brun  ferrugineux,  ailes  supérieures  d'un  gris  brunâtre,  deux  lignes 
médianes  noires  sinueuses  et  deux  taches  obliques  jaunûtres  imitant 
deux  <i>  ou  deux  8  réunis  ;  ailes  inférieures  d'un  gris  cendré,  avec  une 


452  LLPIDOPIÈKES. 

bande  plus  obscure  dans  son  milieu  et  une  tache  noire  à  l'angle  anal  ; 
femelle  semblable;  espèce  commune  partout,  jardins,  haies,  bois; 
adulte  en  septembre  et  octobre  ;  chenille  paresseuse,  courte  et  cylin- 
drique, garnie  de  points  tuberculeux  surmontés  chacun  d'un  petit  poil 
court,  d'un  gris  bleu,  à  bandes  citron  et  points  noirs,  en  mai  sur  l'au- 
bépine et  sur  le  prunellier  et  aussi  sur  tous  les  arbres  fruitiers,  auxquels 
elle  cause  souvent  des  dégâts  notables,  car  elle  est  vorace  et  très  grosse 
relativement  au  papillon  ;  mais  comme  elle  n'est  pas  velue,  les  oiseaux 
en  font  une  assez  grande  consommation.  Cette  espèce  est  le  seul  Noto- 
dontide  réellement  nuisible. 

Pl'GiERA,  Ochs.,  syn.  :  Phalera,  Hubn.  —  Antennes  longues,  plutôt  crénelées 
que  pectinées  dans  les  mâles,  simples  ou  filiformes  chez  les  femelles,  leur  article 
basilaire  environné  d'un  faisceau  de  poils  en  forme  d'oreille  ;  spiritrompe  rudi- 
mentaire,  composée  de  deux  filets  membraneux  disjoints  ;  palpes  courts^  obtus, 
réunis,  squameux;  thorax  épais,  arrondi,  laineux,  à  ptérygodes  très  rétrécis; 
ailes  supérieures  oblongues,  à  écailles  luisantes  ;  abdomen  très  long  et  cylin- 
droïde.  Chenilles  longues,  subcylindriques,  molles,  demi-velues  et  rayées  longi- 
tudinalement,  avec  la  tête  forte  et  globuleuse. 

Les  Pygères  ont  des  chenilles  qui  vivent  sur  différents  arbres,  en 
familles  dans  leur  jeune  âge,  et  se  séparent  en  grandissant;  elles  se 
chrysalident  en  terre  sans  former  de  cocons.  Le  type  très  répandu  en 
Europe  est  le  P.  Bucephala,  Linn.,  la  Lunulée,  Geoffr.,  Engr.,  le  Porte- 
Écu  jaune,  Godart,  the  Buff-tip,  grande  et  belle  espèce  ;  mâle  55  milli- 
mètres d'envergure,  antennes  d'un  brun  jaunâtre  ;  thorax  d'iin  gris 
argenté  avec  toute  la  partie  antérieure  d'un  jaune  paille,  les  ptérygodes 
bordés  d'une  double  ligne  ferrugineuse  ;  ailes  supérieures  légèrement 
dentées,  d'un  gris  argenté  avec  trois  lignes  longitudinales  noires,  et  au 
sommet  une  grande  tache  subeUiptique  d'un  jaune  d'ocre  pâle  maculée 
de  brun  clair,  une  tache  centrale  blanchâtre  avec  un  peu  de  brun,  le 
bord  terminal  longé  par  une  double  ligne  ferrugineuse  et  liséré  de  blanc 
aux  dentelures  ;  ailes  inférieures  d'un  blanc  jaunâtre  luisant,  avec  la 
partie  abdominale  mêlée  de  grisâtre  ;  abdomen  d'un  jaune  d'ocre  sale 
avec  une  ligne  de  points  noirâtres  de  chaque  côté;  adulte  en  mai  et 
juin  dans  les  bois,  les  prés,  les  jardins  ;  chenille  jaune,  à  lignes  et 
bandes  noires  ponctuées  et  interrompues  et  poils  blancs,  sur  beaucoup 
d'arbres  en  septembre  et  octobre,  surtout  les  chênes,  très  abondante 
dans  le  nord  de  la  France  sur  les  saules,  les  aulnes,  les  ormes,  et  qui  les 
fait  parfois  périr  en  les  dépouillant  complètement  de  leurs  feuilles  (catal. 
Foucart);  s'élève  aisément  avec  le  saule  (catal.  Le  Roi).  Dans  la  bordure 
méditerranéenne  de  la  France,  cette  espèce  est  remplacée  par  une  très 
voisine,  P.  Bucephaloides^  Ochs.  ;  la  chenille  aux  mômes  époques  sur 
les  Quercus  ilex  et  suber  et  sur  VArbutus  unedo.  Un  genre  voisin  est  celui 
des  Clostera,  Hoffmansegg.  Les  papillons  ont  les  antennes  courtes,  con- 


CLOSTERA.  ,  h5o 

tournées,  garnies  de  lamelles  dans  les  deux  sexes,  plus  grandes  chez  es 
mâles,  la  spiritrompe  très  courte  et  très  grêle,  mais  visible,  les  palpes 
épais,  sans  articles  distincts,  plus  squameux  que  velus,  débordant  peu 
le  chaperon,  le  thorax  crête,  avec  une  bande  médiane  brun,  d'où  le 
nom  général  de  Chocolate-tip,  que  les  amateurs  anglais  donnent  aux 
Closteroy  les  ailes  courtes,  dépassées  par  l'abdomen  qui  se  relève  en 
queue  quand  elles  le  recouvrent  en  partie  dans  l'état  de  repos  (les 
Hausse-queues  de  de  Gécr),  cet  abdomen  terminé  par  une  brosse  de  poils 
dans  les  deux  sexes,  bifurqué  chez  les  mâles.  Les  chenilles  sont  courtes, 
avec  la  tète  assez  forte,  chargées  de  tubercules  hérissés  de  poils,  ayant 
en  outre  des  éminences  charnues  et  munies  de  poils  sur  les  quatrième 
et  onzième  anneaux.  Elles  ont  deux  générations  par  an  et  vivent  sur 
les  arbres,  solitaires  dans  le  pli  d'une  feuille  qu'elles  roulent  autour 
d'elles,  changeant  de  demeure  à  mesure  qu'elles  dévorent  les  parois 
de  leur  retraite  et  restant  toujours  parfaitement  cachées;  de  là  sans 
doute  les  dénominations  monacales  données  à  certaines  espèces  {Ana- 
choreta,  Reclusa):  elles  se  chrysalident  dans  des  cocons  lâches  ou  à 
claire-voie,  entre  les  feuilles.  11  y  en  a  en  France,  en  Allemagne  et  en 
Belgique  quatre  espèces  :  C.  Reclusa,  cat.  de  Vienne,  la  Hausse-queue 
brune,  C.  Curtula,  Linn.;  la  Hausse-queue  blanche,  C.  Anachoreta,  cat.  de 
Vienne;  la  Hausse-queue  fourchue,  Engr.,  enfin  C.  Anastomosis,  Linn.,  la 
Hausse-queue  grise,  cette  dernière  espèce  manquant  aux  îles  Britan- 
niques, très  commune  par  places  en  certaines  années,  ainsi  près  de 
Paris  et  près  de  Nangis,  dans  Seine-et-Marne  (J.  Fallou),  mais  ordinai- 
rement rare  et  ne  se  rencontrant  que  de  loin  en  loin.  Les  espèces  les 
plus  fréquentes  sont  les  C.  Reclusa  et  Curtula,  des  prés,  des  oseraies, 
sur  les  saules,  les  peupliers,  etc.  ;  adultes  en  mai,  puis  en  juillet  et 
août;  chenilles  en  mai  et  juin,  puis  en  août,  septembre,  octobre.  C.  Re- 
clusa, la  plus  petite  espèce  du  genre,  est  d'un  gris  lilas,  avec  trois  lignes 
blanchâtres,  transverses,  ondulées  aux  ailes  supérieures  et  un  trait 
blanchâtre  dans  l'espace  médian,  l'extrémité  de  l'abdomen  noirâtre  ; 
chenille  roussâtre,  avec  une  bande  latérale  et  les  deux  tubercules  dor- 
saux d'un  brun  foncé  ;  C.  Curtula  est  d'un  gris  rougeàtre,  avec  trois 
lignes  transverses  blanchâtres,  dont  la  postérieure  suivie  d'une  grande 
tache  apicale  ferrugineuse,  l'extrémité  de  l'abdomen  d'un  brun  ferru- 
gineux; chenille  grise,  à  trapézoïdaux  orangés  et  deux  verrues  noires. 
Il  y  a  en  Europe  une  cinquième  espèce  de  Clostera,  C.  Timon,  Hubner, 
de  Moravie  et  de  Russie,  et  qui  est  une  des  grandes  raretés  des  collec- 
tions des  amateurs. 

Latreille  avait  établi  {Classif.  du  R.  anim.en  fam.  natur.,  1825,  Ulk) 
un  genre  Sericaria  qui  n'a  pas  été  conservé  dans  cette  acception  et  se 
rapportait  à  des  espèces  appartenant  à  nos  Pygœra  et  Clostera  (voir  plus 
haut,  p.  386). 


^5Zi  ^  F.ÉPinOPTÈRES. 

NYCTÉOLIDES. 

Cette  petite  famille  est  d'une  place  fort  difficile.  Les  entomologistes 
de  France  l'ont  rangée  longtemps  dans  les  Tortriciens,  dont  elle  se  rap- 
proche par  les  formes  des  adultes  et  dont  certaines  chenilles  (genre 
Earias,  Hubn.)  vivent  dans  les  feuilles  roulées,  comme  de  véritables 
Tordeuses.  M.  Guenée  en  forme  la  tribu  des  Tortriciformos,  Les  auteurs 
allemands,  d'après  Herrich-Schaiffer,  les  rangent  dans  les  Bombyciens, 
en  considérant  les  caractères  des  chenilles  et  la  taille  des  adultes,  attei- 
gnant parfois  la  dimension  moyenne  et  qu'on  ne  peut  guère  mettre 
dans  les  Microlépidoptères,  Les  espèces  d'Kurope  sont  peu  nombreuses 
et  ont  le  plus  souvent  les  ailes  supérieures  ornées  d'une  très  belle  cou- 
leur vert  tendre  ;  elles  n'habitent  que  les  bois  et  ne  volent  que  la  nuit. 
Les  antennes  sont  filiformes  dans  les  deux  sexes  des  genres  européens; 
ce  caractère  n'est  pas  général.  Ainsi  elles  sont  pectinées  dans  des  genres 
exotiques,  comme  le  genre  Rosema,  de  l'Amérique  méridionale,  et  dont 
Stoll  nous  a  fait  connaître  les  chenilles,  dont  une  vit  sur  l'ananas,  et  qui 
ont  beaucoup  de  rapport  avec  les  nôtres.  La  spiritrompe  est  grêle  et 
plus  ou  moins  longue,  les  palpes  sont  visibles,  droits  et  écartés,  les  ailes 
lisses,  non  échancrées,  les  supérieures  terminées  presque  carrément 
et  plus  ou  moins  arquées  à  l'origine.  Les  chenilles  sont  nues  et  molles, 
à  pattes  anales  prolongées,  mais  servant  à  la  marche;  en  général,  ces 
chenilles,  un  peu  renflées  dans  le  milieu,  s'amincissent  insensiblement 
jusqu'à  l'anus,  dont  le  clapet  très  aplati  se  trouve  débordé  par  les  der- 
nières pattes,  figurant  d'après  leur  divergence  une  nageoire  caudale; 
d'où  le  nom  que  leur  donne  Réaumur  :  chenilles  à  forme  de  poisson.  Les 
chrysalides  sont  obtuses,  à  peau  mince,  renfermées  dans  des  coques 
d'un  tissu  parcheminé,  toujours  collées  sur  le  revers  d'une  feuille  et 
en  forme  de  nacelle  renversée  {Cymbidœ,  A.  Guenée,  famille  compre- 
nant tous  les  genres  européens). 

HYLOPBIIi/t,  Hubner.  —  Antennes  filiformes,  robustes;  tête  petite,  enfoncée 
dans  le  thorax;  spiritrompe  grêle  et  assez  longue  ;  palpes  ayant  les  deux  pre- 
miers articles  velus  ou  squameux,  le  troisième  nu  et  cylindrique  ;  thorax  très 
large  et  velu;  ailes  supérieures  aiguës,  mais  non  coudées,  à  frange  épaisse,  les 
inférieures  courtes  et  luisantes.  —  Chenilles  de  forme  normale  cylindrique,  à 
pattes  longues. 

Les  chenilles  de  ce  genre  vivent  en  automne,  à  découvert  sur  les 
feuilles.  Une  espèce,  H.  Prasinana,  Linn.,  syn.  :  Fagana,  G.  Mén.,  la 
Phalène  verte  ondée,  Geoffr.,  la  Pyrale  du  hêtre,  Encycl.  méth.,  pi.  icvi, 
fig. 5, mâle  ;  5 a, chenille;  5 6, cocon; 29  à 32  millimètres  d'env.;  antenne 
roses  ou  orangées  ;  tête  et  thorax  verts  ;  ailes  supérieures  d'un  joli  vert, 
avec  la  côte,  la  frange  et  le  bord  interne  roses,  et  trois  lignes  obliques 
et  parallèles  blanches,  bordées  de  vert  plus  intense  ;  ailes  inférieures 


HYLOPHILA,     HALIAS,  EARIAS.  &55 

d'un  blanc  jaunâtre  ou  roussAtrc,  lavé  d'orangé  au  bord  abdominal; 
abdomen  d'un  blanc  jaumltre;  femelle  à  ailes  supérieures  peu  ou  point 
bordées  de  rose,  n'ayant  souvent  que  deux  lignes  obliques  blanches, 
les  ailes  inférieures  entièrement  blanches,  l'abdomen  leinté  de  ver 
dûtre;  adulte  en  mai  et  juin,  commun  dans  les  bois  de  chênes  et  de 
hêtres  ;  chenille  verte,  avec  lignes  et  points  jaunes,  en  septembre  et 
octobre  sur  le  chêne  et  sur  le  hêtre,  parfois  sur  le  bouleau  ;  la  chrysa- 
lide hiverne.  M.  Milliêre  figure  deux  remarquables  variétés  de  //.  Prasi- 
nana,  dont  l'une,  obtenue  de  chenille,  entièrement  blanche  (/con.,, III, 
pi.  116). 

Dans  le  genre  très  voisin,  Halias,  Treitscke,  les  papillons  ont  les  an- 
tennes très  minces,  le  thorax  très  étroit,  très  court  et  nullement  velu, 
les  ailes  planes,  les  supérieures  coudées  et  finement  rentrantes  à  l'angle 
interne  ;  les  chenilles,  qui  vivent  au  printemps  à  découvert  sur  les 
feuilles,  sont  aplaties  en  dessous,  bossuées  en  dessus,  non  cylindriques, 
à  tête  petite,  à  pattes  courtes.  L'espèce  d'Europe,  moins  commune  que 
la  précédente,  est  VH.  Qucrcana,  cat.  de  V.;  la  Chape  verte  à  bandes,  de 
Geoffroy;  la  Livrée  verte,  Devillers;  la  Pyrale  prasinaire,  Walckenaer,  la 
plus  grande  des  Nyctéolides  d'Europe,  de  38  à  ZiO  millimètres  dans  les 
deux  sexes,  qui  sont  pareils;  tête  et  thorax  verts  avec  un  collier  jaune; 
palpes  et  antennes  lavés  de  rose  ;  ailes  supérieures  d'un  beau  vert  avec 
la  côte  et  deux  lignes  obliques  d'un  blanc  un  peu  jaunâtre,  la  frange 
blanche;  ailes  inférieures  d'un  blanc  luisant  ;  adulte  en  juin  et  juillet, 
se  prenant  à  la  miellée  ;  chenille  sur  le  chêne  blanc  près  de  Paris,  sur 
le  chêne  rouvre  dans  le  Midi,  passant  l'hiver  très  petite  et  se  chrysali- 
dant  en  mai;  elle  est  verte  avec  trois  lignes  longitudinales  d'un  vert 
jaunâtre  et  un  tubercule  jaune  sur  le  dos  du  deuxième  anneau.  Réau- 
mur  décrit  la  construction  de  sa  coque  parcheminée,  qui  est  la  même 
pour  H.  Prasinana.  Elle  commence  par  couvrir  de  soie  l'espace  que  sa 
coque  en  nacelle  doit  occuper  sur  le  revers  d'une  feuille;  sur  les  bords 
de  ce  plancher  de  soie,  elle  élève,  comme  les  valves  d'une  coquille, 
deux  murs  cintrés  qui  se  joignent  par  les  deux  bouts.  Renfermée  entre 
ces  valves,  elle  en  réunit  les  bords  supérieurs  par  des  flls  de  soie  et 
consolide  son  ouvrage  par  une  nouvelle  couche  de  soie  à  l'intérieur; 
celui  des  bouts  de  la  coque,  qui  est  obtus  et  tronqué,  représente  assez 
bien  la  poupe  d'un  bateau,  tandis  que  l'autre,  plus  ou  moins  aigu, 
figure  la  proue;  la  carène  est  représentée  par  trois  nervures  saillantes 
et  longitudinales  ;  cette  coque  est  jaune  et  garde  la  chrysalide  environ 
un  mois.  Il  y  a  une  Halias  exotique  très  voisine  de  Quercana.  Le  genre 
Earias,  Hubner,  ne  comprend  que  des  NyctéoUdes  de  petite  taille,  avec 
des  papillons  à  ailes  supérieures  entières,  à  bords  droits,  sans  hgnes 
blanches,  des  chenilles  molles,  de  la  forme  de  celles  des  Halias,  c'est- 
à-dire  renflées  vers  le  milieu  du  corps  et  s'amincissant  régulièrement 
vers  les  deux  bouts,  avec  les  pattes  anales  divergentes.  Ces  chenilles 
ont  des  mœurs  de  Tordeuses,  vivant  cachées  entre  les  feuilles  termi- 


/|56  LfiPlDOPTilKtS. 

nales  des  arbrisseaux,  réunies  en  paquets  avec  de  la  soie.  Ce  genre 
CDmpte  de  nombreuses  espèces,  deux  seulement  en  Europe,  dont  le 
type  est  E.  Chlorana,  Linn.:  la  Bordée,  Devillers  ;  la  Pyrale  Chlorane, 
Encyc.  méth.;  22  millimètres  d'envergure,  tête  et  ses  appendices  blancs, 
ainsi  que  le  devant  du  thorax,  la  base  de  celui-ci  verte,  ainsi  que  les 
ailes  supérieures,  la  côte  et  la  frange  d'un  blanc  luisant,  les  ailes  infé- 
rieures blanches  dessus  et  dessous,  l'abdomen  noirâtre  en  dessus,  blanc 
en  dessous  ;  oseraies  et  bords  des  prés  en  juin  ;  chenille  grise,  à  bande 
dorsale  blanche,  étranglée  au  cinquième  anneau,  et  tête  noire,  en  mai 
puis  en  septembre  sur  les  osiers  et  saules  ;  s'élève  très  aisément.  La 
chrysalide  passe  l'hiver  au  pied  des  saules.  Dans  les  Alpes-Maritimes 
cette  chenille  cause  souvent  de  notables  dommages  aux  saules  (Mil- 
lière).  Une  espèce  du  genre  Earias  ravage  en  Egypte  les  cotonniers, 
dans  la  capsule  desquels  la  chenille  vit  renfermée  ;  elle  est  munie  sur 
les  premiers  anneaux  de  caroncules  spiniformes  dont  nos  chenilles  de 
Nyctéolides  sont  entièrement  privées.  Entin  le  genre  Sarrothripa,  Cur- 
tis,  renferme  une  espèce  assez  rare,  qu'on  trouve  çà  et  là  un  peu  par- 
tout dans  les  bois,  le  S.  Revayana,  cat.  de  V.,  de  septembre  à  novembre  ; 
envergure  2û  à  26  millimètres,  espèce  des  plus  variables,  en  quelque 
sorte  non  fixée,  grise  ou  v-erdâtre,  ou  blanchâtre,  avec  des  bandes 
brunes.  La  chenille  est  probablement  très  polyphage,  car  on  l'indique 
des  saules,  des  chênes,  des  pins,  des  sapins  et  des  genévriers;  la 
nymphose  a  lieu  entre  les  feuilles,  dans  une  coque  d'un  tissu  blanc  de 
neige,  très  brillant,  ayant  la  forme  d'une  nacelle  tronquée  à  ses  deux 
extrémités. 

LIMACODIDES. 

Le  nom  de  la  petite  tribu  des  Limacodides  signifie  :  en  forme  de 
Limace.  Sous  leur  premier  état  ces  insectes  s'éloignent  par  leur  struc- 
ture de  tout  ce  que  nous  connaissons  en  fait  de  Lépidoptères.  Leurs 
chenilles  sont  courtes,  déprimées,  glabres,  semi-ovoïdes,  absolument 
dépourvues  de  pattes.  Leur  dos  arrondi  rappelle  vaguement  celui  d'un 
Cloporte,  et  leur  ventre  déprimé  ressemble  à  celui  des  Gastéropodes  ter- 
restres nommés  vulgairement  Limaçons.  Elles  adhèrent  assez  solidement 
aux  surfaces  sur  lesquelles  elles  se  tiennent,  mais  elles  semblent  n'y 
être  maintenues  que  par  le  moyen  d'une  sorte  de  succion  produite  par 
un  système  de  spongioles  charnues,  sans  couronnes  de  crochets,  situées 
à  la  face  inférieure  du  corps,  et  qui  sont  presque  continuellement  ani- 
mées d'un  mouvement  d'ondulation  vermiculaire,  et  cette  adhésion  est 
aidée  par  le  suintement  d'une  matière  visqueuse,.  Aussi  elles  s'attachent 
sans  peine  à  des  objets  très  polis,  sur  lesquels  toute  autre  chenille  ne 
pourrait  se  soutenir.  Nous  n'avons  en  Europe  que  deux  représentants 
de  la  tribu  des  Limacodides.  Ce  sont  des  Lépidoptères  de  petite  taille, 
d'aspect  de  Bombyciens  et  à  nervulation  particulière,  ne  volant  que  la 
nuit  et  se  cachant,  pendant  le  jour,  dans  l'épaisseur  du  feuillage;  on 


LIMACODES.  457 

les  fait  tomber  aisément,  et  très  souvent  accouplés,  en  ébranlant  les 
arbres  qui  les  recèlent.  Les  chenilles,  qui  vivent  sur  les  arbres  à  dé- 
couvert, se  construisent,  vers  la  fin  de  l'été,  une  petite  coque  bien  mo- 
delée, parfaitement  ellipsoïde,  d'un  tissu  très  solide,  et  que  le  papillon 
ouvre  comme  un  œuf  lors  de  l'éclosion.  Elles  y  passent  plus  de  la  moitié 
de  l'année,  de  septembre  à  avril,  à  l'état  de  chenille  avant  de  se  chry- 
salider,  et  n'en  sortent  adultes  qu'au  mois  de  mai  et  de  juin  suivant. 
Cette  tribu,  qui  forme  les  Coclwpodœ  de  Boisduval,  les  Apodœ  de 
M.  Guenée,  est  très  nombreuse  en  espèces  exotiques,  surtout  de  l'Amé- 
rique septentrionale.  Les  chenilles  prennent,  dans  certaines  contrées, 
des  formes  tout  à  fait  fantastiques,  couvertes  de  piquants  comme  des 
hérissons.  C'est  ce  qui  arrive  notamment  pour  l'une  d'elles,  qui  habite 
Madagascar,  l'Euphaga  jlorifera.  Elle  sert  de  nourriture  aux  habitants, 
qui  la  font  frire  dans  l'huile  et  la  tiennent  pour  un  mets  délicieux.  Elle 
se  forme  une  coque  à  peu  près  pareille  à  celle  de  nos  Limacodes  d'Eu- 
rope, et  qui  ressemble  à  une  noisette  pour  la  couleur  et  la  grosseur; 
ausi  l'appelle-t-on  la  Noisette  de  Madagascar.  Le  papillon  est  aussi  joli 
que  les  nôtres  sont  insignifiants. 

Les  deux  espèces  d'Europe  sont  du  genre  Limacodes. 

I-IMACODES,  Latr.  —  Antennes  longues,  à  peine  dentées  dans  le  mâle,  presque 
fdiformes  chez  la  femelle;  spiritrompe  presque  nulle;  palpes  légèrement  écartés 
entre  eux  et  séparés  de  la  tète,  peu  velus,  à  dernier  article  distinct;  ailes 
courtes  et  épaisses,  beaucoup  plus  grandes  dans  la  femelle;  abdomen  terminé 
par  une  brosse  de  poils.  —  Chenilles  et  chrysalides  (caractères  de  la  famille). 

L'espèce  la  plus  répandue  est  le  L.  Testudo,  cat.  de  V.,  syn.  :  Bufo, 
Fabr.  pour  le  mâle,  la  Tortue  et  le  Cloporte  d'Engr.,  the  Festoon  :  mille, 
21  millimètres  d'envergure,  antennes  jaunes;  corps  d'un  jaune  fauve 
ou  brunâtre;  ailes  supérieures  d'un  jaune  fauve  ou  d'un  brun  jaunâtre, 
avec  deux  lignes  noirâtres,  obliques  et  convergentes  vers  la  côte,  une 
petite  tache  d'un  jaune  plus  clair  que  le  fond  à  l'angle  interne;  ailes 
inférieures  d'un  brun  noirâtre,  avec  l'angle  anal  fauve;  femelle  plus 
grande,  d'un  jaune  fauve,  avec  les  lignes  obliques  ordinairement  bien 
marquées;  adulte  commun  dans  tous  les  bois  de  chêne  en  mai  et  juin, 
à  rechercher  en  battant  les  arbres,  et,  mieux,  à  élever  de  chenille  ;  che- 
nille verte,  à  quatre  lignes  et  points  jaunes,  en  septembre  et  octobre, 
surtout  sur  le  chêne  et  aussi  sur  le  hêtre,  tombe  souvent  avec  les  feuilles 
et  se  trouve  alors  facilement  sur  les  routes  et  chemins  de  bois; 
L.  Asellus,  cat.  de  V.,  du  genre  Heterogenea,  Knoch,  the  Triangle  des 
amateurs  anglais;  16  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle,  les  ailes 
supérieures  très  anguleuses  à  l'angle  apical,  d'un  brun  noirâtre  luisant, 
sans  aucune  tache;  femelle  beaucoup  plus  grande  et  d'un  brun  jau- 
nâtre; adulte  en  juin,  dans  les  bois  de  chênes  et  de  bouleaux;  chenille 
verte,  à  large  manteau  rouge,  liseré  de  jaune,  en  septembre  sur  le 


U5S  LÉPIDOPTÈRES. 

chûne  et  le  bouleau,  indiquée  aussi  sur  le  htHre  et  sur  le  peuplier; 
chrysalide  brune  dans  un  cocon  soyeux.  Cette  petite  espèce  est  surtout 
d'Allemagne  et  de  Suède,  et  se  prend  souvent  accouplée  en  battant  les 
taillis.  Elle  passe  pour  rare  en  France,  sans  doute  parce  qu'on  ne  la 
recherche  pas  assez.  On  la  cite  des  départements  du  iNord,  d'Eure-et- 
Loir,  du  Doubs,  du  Cher,  etc.  Elle  est  probablement  des  environs  de 
Paris. 

Nous  figurons  plusieurs  Limacodes  de  l'Amérique  du  Nord.  Le  L.  del- 
phinii,  Boisd.,  pi.  xcii,  fig.  6,  27  millimètres  d'envergure,  est  d'un  brun 
ferrugineux  plus  ou  moins  foncé,  suivant  les  sexes.  Les  ailes  supé- 
rieures ont,  près  de  la  base  et  du  bord  inférieur  et  près  du  sommet,  deux 
taches  vertes,  suivies  extérieurement  d'une  assez  grande  tache  d'un 
rouge  ferrugineux;  leur  milieu  est  marqué  d'un  point  oblong  et  noi- 
râtre; les  ailes  inférieures  sans  taches,  le  dessous  uniformément  d'un 
brun  ferrugineux.  Chez  leL.  Strigata,  Boisd.,  envergure,  20  millimètres, 
l'insecte  parfait  est  d'un  jaunâtre  luisant  et  soyeux,  avec  les  quatre  ailes 
marquées  de  stries  luisantes,  transversales  et  visibles  sous  certaines 
incidences,  comme  de  la  moire;  sa  chenille,  pi.  xcii,  fig.  7.  Enfin, 
pi.  xcn,  fig.  8,  chenille  de  Limacodes  indéterminée. 

PSYCHIDES. 

Les  Psychides  forment  une  famille  aberrante,  dont  la  place  parmi  les 
Lépidoptères  a  été  très  controversée.  Nous  les  plaçons  dans  les  Bomby- 
ciens,  d'après  notre  principe  de  donner  la  prédominance  à  la  forme  la 
plus  parfaite,  le  mâle  adulte,  comme  représentant  l'espèce  par  ses 
caractères  les  plus  élevés.  Or  les  mâles  de  certains  Psychides,  tels  ceux 
de  Graminella,  Pulla,  etc.,  sont  incontestablement  des  Bombyciens  voi- 
sins des  Liparides  par  les  antennes  pectinées,  la  villosité  du  corps,  le 
pinceau  anal,  la  ncrvulation,  la  forme  et  le  port  des  ailes.  Il  est  vrai 
que  la  famille  constitue  d'autre  part  un  chaînon  de  passage  avec  les 
Tinéiniens,  ainsi  par  Triquetrella,  Claiisfrella,  etc.,  qui  ressemblent  beau- 
coup à  certaines  espèces  du  genre  Tinea.  Le  rapprochement  est  encore 
beaucoup  plus  grand  si  on  considère  les  femelles  et  les  larves,  formes 
inférieures.  Il  y  a  une  certaine  ressemblance  par  l'avortement  des  ailes 
avec  les  femelles  de  quelques  Liparides,  comme  celle  de  Liparis  Morio  à 
ailes  incomplètes,  et  plus  encore  les  femelles  presque  aptères,  mais 
ovo'ides  et  velues,  des  Orgya  Antiqua,  Gonostigma,  Aurolimbata,  etc.  ; 
cependant,  elles  sont  encore  assez  loin  des  femelles  de  presque  tous  les 
Psychides,  complètement  sans  ailes  (sauf  les  Typhonies),  ayant  l'appa- 
rence de  vers  allongés,  luisants,  à  peine  pourvus  d'antennes  et  munis 
d'un  oviscapte  térébriforme.  Si  nous  prenions  les  caractères  domina- 
teurs dans  les  larves,  nous  mettrions  les  Psychides  dans  les  Tinéiniens, 
comme  le  fait  Th.  Bruand  d'Uzelle,  car  toujours  les  chenilles  {Sacco- 
phorœ  de  M.  Guenée)  vivent  dans  des  sacs  ou  fourreaux  qu'elles  con- 


PSYCHTDES.  459 

struisent  avec  des  pailles,  des  débris  de  feuilles  ou  m(!'me  du  sable  ; 
c'est  le  caractère  des  chenilles  des  Teignes  vraies  de  Réauniur.  Il  faut 
remarquer  qu'il  y  a  là  aussi  un  rapprochement  entre  les  Psychides  et 
les  Phryganiens  (Névroptères  propres),  dont  les  larves,  vraies  chenilles 
d'eau,  sont  toujours  dans  des  fourreaux,  revêtus  de  matières  analogues 
à  ceux  des  Psychides.  11  y  a,  de  même  que  des  Phryganes  à  fourreaux 
pierreux  et  héliciformes,  des  Psychides  dont  le  fourreau  semble  un 
petit  colimaçon  de  grès  ou  de  calcaire  siliceux;  ainsi  chez  Epichnop- 
teryx  Helicinella. 

Tandis  que  les  chenilles  des  autres  Bombyciens,  tantôt  arboricoles, 
tantôt  herbivores  ou  lichénivores,  vivent  toutes  à  découvert  ou  proté- 
gées seulement  par  le  pli  d'une  feuille,  celles  des  Psychides  se  con- 
struisent, aussitôt  écloses,  un  fourreau  qu'elles  s'ajustent  autour  du 
corps  et  d'où  elles  ne  sortent  même  pas  toujours  à  l'état  adulte.  Ces 
fourreaux,  de  forme  très  variée,  sont  ouverts  à  chaque  extrémité, 
tapissés  de  soie  à  l'intérieur  et  garnis  à  l'extérieur  de  débris  végétaux 
ou  minéraux.  Les  uns  sont  recouverts  de  pailles  placées  tantôt  longitu- 
dinalement,  tantôt  transversalement,  tanlôt  imbriquées  les  unes  sur  les 
autres  ou  hérissées  dans  tous  les  sens.  Ceux-ci  sont  revêtus  de  feuilles 
sèches,  ceux-là  de  débris  de  tiges  herbacées  ou  de  fragments  ligneux, 
quelques-uns  de  mousses  ou  de  lichens.  D'autres  sont  unis,  ou  bien  à 
peine  saupoudrés  de  poussière  terreuse  ou  de  graviers  extrêmement 
fins,  tantôt  mous  (comme  chez  Psyché  Nudella),  tantôt  durs  et  solides 
(les  Typhonia,  ainsi  Melanosella)  :  ils  affectent  la  forme  d'un  cornet, 
d'un  tube  cylindrique,  d'un  cône  recourbé,  d'un  grain  de  seigle 
allongé,  d'une  coquille  d'Hélice  (Helicinella),  etc.  A  mesure  qu'elle 
grandit,  la  chenille  allonge  son  fourreau  et  ne  le  quitte  jamais  un  seul 
instant,  le  traînant  partout  avec  elle  et  ne  laissant  voir  au  dehors  que  la 
tête  et  les  trois  anneaux  tlioraciques  où  sont  attachées  les  six  pattes 
antérieures,  qui  seules  servent  à  sa  marche.  Ces  chenilles  sont  glabres 
ou  à  peine  pubescentes,  les  trois  anneaux  antérieurs  couverts  d'une 
peau  presque  aussi  dure  que  celle  de  la  tête,  et  portant  seuls  des  des- 
sins, la  peau  des  neuf  autres  anneaux  étant  mince  et  molle,  ce  qui  fait 
qu'elle  a  besoin  d'être  protégée  par  un  étui  portatif.  Les  pattes  mem- 
braneuses, courtes,  très  peu  développées,  ont  une  existence  souvent 
méconnue  (Guenée,  Catal.  d'Eure-et-Loir,  p.  55)  ;  elles  servent  seule- 
ment à  ces  chenilles  à  se  tenir  cramponnées  aux  parois  internes  du 
fourreau,  au  moyen  de  la  couronne  de  crochets.  Au  moindre  bruit,  à  la 
moindre  secousse,  la  chenille  se  cramponne  avec  ses  mandibules  à  la 
surface  qui  la  supporte,  tronc,  feuille,  palissade,  rocher,  etc.,  ramène 
son  fourreau  sur  sa  tête  par  un  brusque  mouvement  de  son  corps,  et 
demeure  ainsi  immoble  et  invisible  jusqu'à  ce  qu'elle  suppose  que  le 
danger  a  cessé.  Ces  fourreaux  de  débris  inanimés  sont  un  puissant 
moyen  défensif  par  imitation.  Pour  la  transformation  en  adulte,  la  che- 
nille fixe  solidement  l'ouverture  antérieure  du  fourreau,  à  l'aide  de 


U(yt  LÉi'inoPTkRE?. 

nombreux  fils  de  soie,  au  support  quelconque  sur  lequel  elle  se  trouve, 
se  retourne  ensuite  en  sens  inverse,  si  l'adulte  doit  sortir  hors  du  four- 
reau, par  l'extrémité  qui  était  la  postérieure  pour  la  chenille.  Des  dilVé- 
rences  se  présentent  au  point  de  vue  des  dernières  métamorphoses.  Les 
chrysalides  des  individus  mâles  se  fendent  sur  le  dos  et  sur  la  poitrine, 
comme  celles  des  Cossus  et  des  Sésies,  tandis  que  les  chrysalides  des 
individus  femelles,  sauf  pour  les  Typhonies,  sont  sans  marque,  c'est-à- 
dire  sans  enveloppe  propre  des  ailes,  de  la  tôle  et  des  pattes.  La  chry- 
salide de  la  femelle  n'a  pas  de  mouvement,  tandis  que  celle  du  mâle 
s'agite  en  revanche  avec  grande  activité. 

Certains  Psychides  paraissent  dès  le  commencement  du  printemps, 
d'autres  seulement  à  la  fin  de  l'été  ;  mais,  chez  toutes  les  espèces,  les 
jeunes  chenilles  éclosent  en  été  ou  en  automne  et  hivernent  cachées 
dans  des  trous,  dans  des  fissures  de  rochers,  sous  les  écorces,  pour 
reparaître  aux  premiers  beaux  jours  et  se  chrysalider.  On  peut  savoir  à 
l'avance,  en  examinant  une  chrysahde,  si  on  obtiendra  un  mâle  ou 
une  femelle,  dans  les  genres  où  celle-ci  est  aptère.  La  chrysalide  du 
mâle  ressemble  à  celle  de  tous  les  autres  Lépidoptères  ;  celle  de  la 
femelle,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  n'offre  et  ne  peut  offrir 
aucune  trace  des  ailes  qui  n'existent  pas.  Obtuse  aux  deux  extrémités, 
elle  ne  présente  qu'une  suite  d'anneaux  qui  rappelle  les  formes  des 
nymphes  de  quelques  Diptères.  L'accouplement  offre  quelques  diffé- 
rences suivant  les  groupes.  Il  y  a  des  femelles,  que  Bruand  nomme 
aranéiformes,  qui  sortent  du  fourreau  aussitôt  qu'elles  sont  écloses, 
grâce  à  leurs  pattes  thoraciques,  et  qui  attendent  l'accouplement, 
cramponnées  sur  l'extrémité  même  du  fourreau.  Si  on  les  dérange  alors 
par  un  petit  bruit  quelconque  ou  par  un  léger  attouchement  du  four- 
reau, elles  rentrent  immédiatement  dans  la  coque  pour  un  certain 
temps.  Les  femelles  de  ce  groupe  sont  munies  d'un  oviscapte  très 
allongé,  pouvant  atteindre  environ,  dans  toute  son  extension,  la  lon- 
gueur du  corps  entier  de  la  femelle,  composé  de  trois  pièces  cylin- 
driques, dont  deux  sont  rétractiles  comme  les  tubes  d'une  lorgnette,  et 
qui  sert  à  l'insecte  à  déposer  ses  œufs  jusqu'au  fond  du  fourreau.  D'au- 
tres femelles,  dites  vermiformes  par  Bruand,  ne  quittent  jamais  l'inté- 
rieur du  fourreau.  Après  l'éclosion  elles  se  retournent  dans  l'enveloppe 
de  la  chrysalide,  dont  leur  corps  reste  entouré,  de  façon  à  présenter  la 
région  anale  à  l'ouverture  libre  du  fourreau  où  se  présente  le  mâle 
ailé.  Le  coït  ne  dure  que  quelques  secondes,  après  quoi  la  femelle  se 
met  à  pondre  ses  œufs  dans  l'intérieur  de  la  pellicule  même  de  la 
chrysalide.  Cette  opération  terminée,  il  ne  reste  de  la  femelle  qu'un 
petit  paquet  de  peau  ridée  et  les  écailles  de  la  tête,  le  tout  réduit 
presque  au  volume  d'une  grosse  tête  d'épingle.  Si  l'accouplement  n'a 
pas  lieu,  la  femelle  sort  du  fourreau  au  bout  de  quelques  jours  et  se 
laisse  tomber  à  terre  pour  mourir. 

Dans  tous  les  genres  dont  les  femelles  sont  aptères,  on  comprend 


rsYcniDES.  ^61 

que,  dès  qu'on  rencontre  une  chenille  à  fourreau,  on  peut  être  à  peu 
près  certain  qu'il  eu  existe  d'autres  aux  environs.  On  pourrait  conclure 
de  cette  particularité  que  les  localités  habitées  par  les  Psychides  doi- 
vent être  fort  restreintes,  puisque  la  chenille  marche  lentement  et 
que,  la  femelle  ne  volant  pas,  ne  peut  s'éloigner  de  l'endroit  où  elle 
est  née  ;  mais  la  nature  a  remédié  à  cet  inconvénient  par  un  moyen 
bien  simple.  Lorsqu'une  chenille  est  en  marche,  si  elle  est  dérangée, 
elle  rentre  si  brusquement  dans  son  fourreau  que  souvent  elle  n'a  pas 
le  temps  de  le  fixer  à  un  corps  solide.  Dans  ce  cas,  si  un  coup  de  vent 
survient,  il  peut  entraîner  le  fourreau  à  une  distance  assez  grande. 
Bruatid  dit  avoir  vu  des  fourreaux  de  Psyché  Albida,  Saiicolella,  etc., 
enlevés  par  un  vent  violent  quand  il  allait  les  recueillir,  transportés 
quelquefois  fort  loin,  surtout  lorsqu'il  chassait  sur  les  cimes  des  rochers. 
Il  y  a  des  espèces  qui  vivent  sur  les  graminées,  dans  les  prés  secs  et 
montagneux,  et  qui  seraient  enlevées  lors  de  la  fauchaison  si  elles  se 
chrysalidaient  contre  les  tiges  herbacées  ;  mais,  à  l'époque  de  la  trans- 
formation,   la  chenille  va  chercher  un  corps  solide    pour  s'y  fixer, 
grosse  pierre,  arbre,  rocher,  etc.  Les  chenilles  des  Psychides  vivent  de 
toutes  sortes  de  plantes  phanérogames  ou  cryptogames.  Elles  sont  diffi- 
ciles à  découvrir,  car  elles  se  confondent  avec  une  foule  de  débris  et  de 
détritus  ;  on  les  trouve  le  plus  aisément  sur  les  pieux,  les  clôtures  en 
planches  ou  en  lattes,  les  troncs  d'arbres  lisses.  Elles  sont  difficiles 
aussi  à  élever,  parce  que  leur  croissance  est  très  lente  et  que  leur  éclo- 
sion  demande  des  soins  particuliers.  D'après  M.  Constant,  elles  exigent, 
pour  cette  opération  importante,  un  endroit  aéré  et  surtout  exposé  aux 
rayons  du  soleil  levant  ;  sans  cette  précaution,  on  risque  de  perdre  plus 
des  trois  quarts  des  chenilles  qu'on  a  élevées.  Les  Psychides  d'Europe 
sont  de  taille  petite  et  souvent  très  petite,  dans  les  dimensions  de  beau- 
coup de  Microlépidoptères.   Ces  papillons  éclosent  toujours  le  matin, 
jamais  après  onze  heures  et  souvent  beaucoup   plus  tôt.   Le  caractère 
des  fourreaux  pour  les  chenilles  est  le  seul  entièrement  général  chez 
les  Psychides.  Dans  les  Typhonies,  les  mâles  et  les  femelles  sont  ailés; 
dans  les  autres  Psychides,  les  mâles  seuls  sont  pourvus  d'ailes,  qui  sont 
de  coloration  d'un  brun  noirâtre  ou  enfumé,  généralement  transpa- 
rentes, peu  colorées,  d'où  le  nom  de  Pelbicidœ  que  donne  M.  Guenée  à 
cette  légion,  arrondies,  relativement  assez  courtes  ;  les  antennes  sont 
pectinées,  quelquefois  avec  des  barbes  qui  les  rendent  très  plumeuses; 
le  corps  est  souvent  garni  de  poils  longs  et  soyeux  et  avec  pinceau  étalé 
au  bout  de  l'abdomen.    Ils  ont  le  vol  irrégulier,  mais  assez  rapide  et 
essentiellement   diurne,  et  viennent  de  très  loin  chercher  les  femelles, 
attirés  par  l'odeur.  On   doit  surveiller  attentivement  les  éclosions  do- 
mestiques, car  les  mâles  s'envolent  peu  de  minutes  après  la  sortie  de 
la  chrysalide  et  perdent  écailles   et  poils  en  se  débattant  ;  il  faut  tenir 
tout  prêt  le  flacon  à  cyanure  si  l'on  veut  les  conserver  intacts  pour  les 
collections.  Quant  aux  femelles,  ce  sont  des  insectes  dégradés,  presque 


ft&2  LÉPIDOPTÈRES. 

difformes  et  qui  n'ont  rien  qui  rappelle  les  Lépidoptères.  Tantôt  (genre 
Fumea,  Steph.)  les  femelles  aptères  (aranéiformes)  ont  encore  des 
antennes  et  six  pattes  rudimentaires  avec  tarses,  le  corps  plus  ou  moins 
écailleux,  l'abdomen  d'une  grosseur  disproportionnée;  tantôt  elles  sont, 
outre  l'absence  des  ailes,  complètement  apodes,  vermiformes,  molles, 
non  recouvertes  de  poils  ni  d'écaillés,  sans  apparence  d'appendices 
extérieurs,  pattes  ou  antennes  (genre  Psyché,  Schrank).  Ces  dernières 
femelles  s'accouplent  et  pondent  dans  leur  fourreau  sans  jamais  le  quit- 
ter; quelques  jours  plus  tard,  les  petiteschenilles  provenant  de  leurs  œufs, 
dès  qu'elles  sont  écloses,  commencent,  comme  chez  les  Heteroyynis,  par 
dépecer  le  corps  de  leur  mère,  qui  n'est  pas  très  dur  ;  elles  s'en  par- 
tagent fraternellement  les  débris,  avec  lesquels  elles  se  construisent 
leur  indispensable  vêtement;  puis  elles  sortent  de  leur  enveloppe  com- 
mune et  se  dispersent  pour  ne  plus  se  réunir.  Le  plus  grand  nombre  des 
chenilles  des  Psychides  d'Europe  vit  sur  les  Lichens  des  arbres  et  même 
sur  ceux  des  pierres  et  sur  les  plantes  basses,  particulièrement  les 
graminées,  mais  quelques-unes  se  trouvent  sur  les  arbres,  tels  que  le 
chêne,  le  saule,  le  cormier,  etc.  Elles  ne  sont  jamais  assez  nombreuses 
pour  être  nuisibles. 

Il  y  a  des  particularités  curieuses  et  encore  mal  éclaircies  pour  la 
reproduction  des  Psychides.  Souvent  les  chenilles  d'une  ponte,  ou  celles 
recueillies  ensemble  au  même  endroit,  ne  donnent  que  des  mâles,  ou 
bien  au  contraire  que  des  femelles,  par  une  sorte  d'alternance  sexuelle 
destinée  peut-être  à  parer  aux  inconvénients  de  la  consanguinité.  Enfin 
certaines  espèces  offrent  une  série  de  générations  de  femelles  sans  ac- 
couplement, en  raison  d'un  fait  de  parthénogenèse  qui  n'est  pas  admis  par 
beaucoup  d'auteurs.  Th.  de  Siebold  (.4nn.  se.  nattir.  zool.,  1856,  t.  VI, 
p.  193)  dit  avoir  démontré  la  parthénogenèse  dans  les  Psyché  Hélix 
{Epichnopteryx)  et  les  Solenobia  Clathrella  et  Lichenella.  Ces  espèces 
lui  ont  donné  des  générations  successives,  toutes  femelles,  sans  le  con- 
cours des  mâles.  Le  P.  Hélix  mâle  notamment  a  été  cherché  inutile- 
ment pendant  sept  ans.  De  Siebold  pense  que,  contrairement  aux 
Abeilles,  ces  Psychides  ne  donnent  de  mâles  que  par  accouplement 
avec  des  mâles.  Zinke  (Germar  ;  Magaz.  des  Entomol.,  1813,  t.  I,  p.  31) 
dit  que  ces  Lépidoptères,  à  l'état  de  chenilles  et  de  chrysalides,  vivent 
séparément  suivant  les  sexes,  qu'il  y  a  des  localités  où  l'on  ne  trouve 
que  des  mâles  et  d'autres  l'on  ne  trouve  que  des  femelles.  Cet  isole- 
ment de  chaque  sexe  s'accorderait  bien  avec  la  parthénogenèse  admise 
parSieboîd.  M.  J.  Fallou,  excellent  observateur  qui  mérite  la  plus'entière 
confiance,  a  constaté  la  parthénogenèse  sur  une  de  nos  plus  petites 
espèces,  non  mentionnée  parles  auteurs  allemands.  Une  éclosion  de 
chry^alides  de  P.  Nitidella,  Hubn.,  faite  chez  lui  dans  une  boîte  bien 
close,  ne  donna  que  des  femelles.  Celles-ci  pondirent  des  œufs  dans  la 
boîte  fermée,  où  aucun  mâle  du  dehors  n'avait  pu  entrer,  en  supposant 
même  l'existence  de  cette  espèce  à  rintérieur  de  Paris.  Au  bout  de 


PSYCHK.  468 

quatre  jours  naquirent  de  petites  chenilles,  s'empressant  de  se  l'aire 
des  fourreaux  avec  les  débris  des  fourreaux  maternels.  Le  raàle  de 
cette  espèce  est  bien  connu  ;  il  est  probable  qu'il  éclôt  par  intermit- 
tences et  renouvelle,  pour  plusieurs  générations,  la  fécondité  des  femelles 
qu'il  rencontre. 

Nous  donnerons  les  caractères  suivants  pour  la  famille  des  Psychides  : 
port  des  ailes  et  nervulation  de  Bombyciens  chez  les  mâles,  dont  les 
ailes  sont  plus  ou  moins  arrondies  eu  sommet  ;  femelles  aptères,  excepté 
dans  le  genre  Tijphonia,  Boisd.,  qui  forme  passage;  antennes  pectinées 
ou  ciliées  chez  les  mâles,  très  peu  développées  chez  les  femelles  ara- 
néiformes  ou  semi-vermiformes,  nulles  chez  les  vermiformes  ;  pas  de 
slemmates;  spiritrompe  nulle;  palpes  velus,  souvent  rudimentaire  et 
cachés  par  des  poils  plus  ou  moins  longs  et  nombreux;  tète  générale- 
ment velue,  au  moins  chez  les  mâles;  chenilles  vivant  dans  des  four- 
reaux mobiles,  de  formes  très  variées.  U  faut  bien  distinguer  ces  four- 
reaux mobiles  des  fourreaux  fixes  d'un  certain  nombre  de  Tinéiniens, 
que  la  chenille  accroît  et  répare  sur  place,  sans  se  mouvoir  avec  eux, 
comme  cela  a  lieu  pour  les  Psychides.  On  peut  même  dire  pour  beau- 
coup de  Tortriciens  et  de  Tinéiniens  que  les  replis  de  feuille  enroulée, 
où  vivent  beaucoup  de  leurs  chenilles  qui  rongent  l'intérieur,  sont 
aussi  de  véritables  fourreaux  fixes. 

Nous  laisserons  de  côté  le  genre  Ttjphonia,  à  femelles  ailées  comme 
les  mâles,  les  ailes  seulement  plus  courtes.  Ce  sont  des  Lépidoptères 
très  rares,  surtout  propres  aux  montagnes,  ayant  le  corps  et  les  ailes 
noirs  ou  d'un  brun  foncé,  d'où  les  épithètes  spécifiques  Lugubris, 
Mêlas,  etc.  Les  femelles  ont  un  oviscapte  plus  ou  moins  saillant  ;  les 
chenilles  vivent  dans  des  fourreaux  tubuleux,  allongés,  ressemblant  à 
ceux  de  certains  Phryganiens  et  recouverts  de  petits  graviers  pierreux. 
Nous  ne  ferons  qu'un  seul  genre,  celui  des  Psyché,  d'après  Bruand 
d'Uzelles,  pour  toutes  les  espèces  à  femelles  absolument  sans  ailes. 

PSYCHE,  ScHRANK.  —  Corps  grêle  ou  épais  chez  les  mâles,  très  velu,  parfois 
avec  poils  en  pinceau  divergent  à  l'extrémité,  les  antennes  pectinées  ou  plu- 
nieuses,  les  ailes  chargées  de  peu  d'écaillés,  souvent  presque  diaphanes; 
femelles  aptères,  aranéiformes,  semi-vermiformes.  —  Chenilles  glabres^  déco- 
lorées, ayant  les  trois  premiers  anneaux  cornés  et  les  autres  mous,  vivant  el  se 
transformant  dans  des  fourreaux  portatifs,  en  soie  recouverte  de  substances 
variées.  —  Chrysalides  des  mâles  normales,  celles  des  femelles  en  sac  ou  pel- 
licule sans  marque. 

Le  grand  genre  Psyché  a  des  synonymes  assez  nombreux,  mais  qui  ne 
conviennent  qu'à  des  sous-genres  ;  ce  sont  :  Psyché,  Schrank;  Fumea,  tla- 
worth;  Epichnoptenjx,  Hubner;  Talœporia?  Zeller  ;  Solenobia?  Dupon- 
chel;  ces  deux  derniers  rangés  dans  les  Tinéiniens  par  Herrich-Schœffer, 
par    MM.    Standhiger   et    Zeller,    d'après    quelques    différences    de 


UCflx  LÉPIDOPTÈRES. 

nervulation  des  ailes  des  mâles,  d'après  leurs  palpes,  qui  sont  pareils  à 
ceux  des  Tinéiniens,  tandis  qu'ils  laissent  les  autres  Psychides  dans  les 
Bombyciens,  ce  qui  a  l'inconvénient  grave  de  scinder  en  deux  un 
groupe  naturel.  Le  catalogue  Depuiset  compte  soixante-quatorze  espèces 
européennes  du  genre  Psyché  tel  que  nous  l'entendons  ;  le  nombre  exact 
est  difficile,  à  établir  à  cause  des  espèces  nouvellement  décrites  (MM.  P. 
Minière,  Heylaerts),  des  synonymies  nombreuses  de  certaines  espèces  et 
de  l'incertitude  de  déterminationqui  règne  sur  quelques  espèces  fort  rares. 
Bruand  d'Uzelle  a  multiplié  les  subdivisions  dans  le  grand  genre 
Psyché.  Un  premier  groupe,  formé  d'un  petit  nombre  d'espèces  qui 
vivent  de  lichens,  offre  les  fourreaux  allongés,  papyracés  et  unis, 
les  femelles  tubiliformes,  velues,  munies  de  pattes  et  d'antennes,  à 
oviscapte  saillant  et  allongé,  sortant  du  fourreau  après  l'éclosion  et  s'y 
cramponnant  pour  attendre  le  mâle  ;  ex.  :  P.  Pseudobombycella,  Hub- 
ner.  Un  groupe  plus  considérable  présente  des  femelles  vermiformes, 
molles,  non  recouvertes  de  poils  ni  d'écaillés,  privées  de  pattes  et 
d'antennes,  à  oviscapte  court.  Le  corps  du  mâle  est  pelucheux,  assez 
long,  et  ses  antennes  sont  pectinées.  Il  en  est  où  les  femelles  ont  les 
chrysalides  bicolores,  d'où  elles  ne  sortent  pas,  même  lorsque  l'accou- 
plement n'a  pas  eu  lieu.  Le  fourreau  est  composé  de  pailles  transverses. 
Ex.  :  P.  Atribombycella,  Bruand,  syn  :  Atra,  Linn.  ?  espèce  polyphage, 
vivant  de  plantes  basses,  notamment  de  bruyères,  du  midi  et  de  l'est 
de  la  France;  la  chrysalide  de  la  femelle  est  d'un  noir  légèrement  lui- 
sant au  milieu  et  de  couleur  de  rouille  aux  deux  bouts.  Viennent  ensuite 
des  espèces  à  chrysalide  de  la  femelle  unicolore  et  d'où  elle  ne  sort  pas, 
même  quand  l'accouplement  n'a  pas  eu  lieu.  Les  ailes  du  mâle  sont 
vitrées  et  paraissent  privées  d'écaillés  ;  les  fourreaux  sont  gros  et  courts, 
presque  globuliformes,  revêtus  de  brins  de  mousse  ou  de  tiges  herba- 
cées placées  longitudinalement.  Nous  citerons  P.  Albida,  Esper,  syn.  : 
Albivitrella,  Bruand,  espèce  du  midi  de  la  France,  remontant  jusqu'en 
Saône-et-Loire.  Le  mâle,  de  18  millimètres  d'envergure,  est  d'un  blanc 
laiteux  et  vitré,  la  côte  et  les  nervures  noirâtres,  le  corps  et  la  tête 
noirs,  recouverts  de  poils  blanchâtres  et  soyeux ,  en  deux  faisceaux 
divergents  à  l'abdomen,  les  antennes  très  pectinées  et  les  pattes  grises. 
La  femelle  est  grosse  et  courte,  très  molle,  d'un  blanc  sale  un  peu 
ocreux,  la  chrysalide  jaune.  Pour  s'accoupler,  la  femelle  n'en  sort  pas, 
mais  se  contente  d'en  fendre  l'extrémité,  après  s'être  retournée.  Le 
mâle  se  pose  sur  le  fourreau  en  battant  vivement  des  ailes,  y  introduit 
son  abdomen  jusqu'à  la  naissance  des  ailes  et  se  retire  épuisé,  après  un 
coït  qui  a  duré  moins  d'une  minute.  La  femelle  remplit  d'œufs  tout 
l'intérieur  du  fourreau,  puis  il  ne  reste  d'elle  que  la  tête  et  une  pelli- 
cule sèche  et  ridée,  pareille  à  une  vessie  dégonflée.  La  chenille  a  la 
tête  noire  et  très  luisante,  les  premiers  anneaux  d'un  brun  noirâtre, 
bordés  de  lilas  très  clair,  le  reste  du  corps  d'un  brun  clair  un  peu 
vineux,  les  pattes  écailleuses  noires.   On  la  trouve  dans  les  localités 


PSYCHE.  66<r) 

arides  et  rocailleuses,  surtout  de  montagne,  même  aussi  en  plaine,  sur 
diverses  graminées  du  genre  Poa.  Le  fourreau  est  ordinairement  recou- 
vert de  mousse,  de  sorte  que  la  ctienille  semble  un  flocon  de  mousses 
qui  marche;  à  défaut  de  mousse  la  chenille  se  sert  de  petites  esquilles 
de  bois  ou  de  brindilles  de  ronce. 

11  y  a  des  Psyché  ayant  des  chrysalides  de  femelles  utiicolores,  mais 
dont  l'insecte  sort  pour  se  laisser  tomber  à  terre  s'il  n'a  pas  subi  l'ac- 
couplement Les  mâles  ont  le  corps  robuste  et  les  ailes  supérieures 
moins  arrondies  au  sommet  que  dans  les  espèces  précédentes,  les  four- 
reaux allongés,  couverts  de  corps  variés.  Il  faut  citer  une  grande  espèce 
de  Provence,  /'.  Febretta,  Boyer  de  Fonscolombe,  le  mâle  d'environ 
25  millimètres  d'envergure,  d'un  brun  fuligineux,  avec  des  poils  en 
partie  blonds  sur  le  corps,  la  femelle  molle  en  entier,  d'un  jaune  pâle 
ocreux,  la  chenille  vivant  sur  diverses  Scorçonnères,  même  celle  cul- 
tivée dans  les  jardins  et  entourée  d'un  fourreau  de  pailles  d'au  jaune 
très  clair.  Elle  est  d'un  gris  livide,  avec  la  tète  et  le  premier  anneau 
noirs,  ainsi  que  les  pattes  écailleuses;  elle  a  attiré  l'attention  des 
paysans  provençaux,  qui  lui  attribuent  des  propriétés  efficaces  pour 
combattre  les  fièvres  intermittentes,  et  la  prennent  comme  remède. 
On  la  nomme  Fébrette  dans  les  environs  d'Albi.  La  chrysalide  de  la 
femelle  est  allongée,  molle  et  d'un  roux  doré,  ayant  la  tète  et  le  cor- 
selet recouverts  d'un  duvet  cotonneux,  beaucoup  moins  fort  dans  la 
chrysalide  du  mâle,  qui  ressemble  à  une  chrysalide  de  Bombyx, 
avec  les  anneaux  de  l'abdomen  épineux,  la  queue  large  et  carrée, 
les  étuis  des  ailes,  des  antennes  et  des  pattes  de  couleur  rousse. 
Les  chrysalides  des  deux  sexes  sortent  en  partie  du  fourreau,  peu  de 
jours  avant  l'éclosion,  celle  de  la  femelle  pouvant  môme  tomber  à 
terre,  probablement  si  la  femelle  qui  y  demeure  incluse  n'a  pas  été 
fécondée.  Dans  d'autres  Psyché  très  voisines,  le  corps  du  mâle  est  moins 
robuste,  les  barbules  des  antennes  plus  longues,  les  fourreaux  de  forme 
variée  et  recouverts  d'éléments  divers,  paille,  mousse,  débris  de  co- 
quilles, feuilles  sèches.  Une  espèce  de  grande  taille,  envergure  du  mâle 
de  26  à  28  millimètres,  est  P.  Unicolor,  Hufnagel,  syn.  :  Graminella,  cat. 
de  Vienne,  la  Teigne  à  fourreau  de  paille  composé  de  Geoffroy,  assez  com- 
mune près  de  Paris,  se  prenant  abondamment  à  Compiègne  en  certaines 
années  sur  les  palissades  qui  entourent  le  parc  réservé,  manquant  en 
Angleterre  et  dans  l'extrême  nord  de  la  France,  excessivement  rare  en 
Belgique.  Le  mâle  a  les  ailes  en  entier  d'un  noir  demi-transparent, 
avec  la  frange  chatoyant  en  blanchâtre,  les  pattes  roussâtres,  le  corps 
grêle,  assez  velu,  aplati  postérieurement,  noir,  avec  les  ptérygodes  cen- 
drés et  le  dessous  de  l'abdomen  blanchâtre.  La  chrysalide  de  la  femelle 
est  d'un  brun  jaunâtre,  ovoïde,  pareille  aux^  deux  bouts.  La  femelle 
qu'elle  renferme  est  d'un  blanc  jaunâtre,  avec  la  tête  brune,  ainsi  que 
les  plaques  cornées  dorsales  des  premiers  anneaux.  La  tête  montre  il  la 
loupe  deux  rudiments  d'appendices  charnus,  tenant  place  des  antennes. 
r.iR.vnn.  m.  —  oO 


Û66  LÉPIDOPTÈRES. 

Elle  ne  quitte  pas  son  fourreau  pour  s'accoupler,  naais  se  retourne,  et, 
de  temps  en  temps,  fait  sortir  un  peu  du  fourreau  la  partie  anale.  Si  la 
copulation  n'a  pas  lieu,  au  bout  de  deux  ou  trois  jours,  la  femelle  aban- 
donne le  fourreau  et  se  laisse  tomber  à  terre  où  elle  meurt  bientôt. 
P.  Graminella,  d'après  M.  Millière,  est  très  rare  en  Provence,  et  cette 
espèce  est  remplacée,  près  de  Marseille,  de  Cannes,  d'Hyères,  de  Nice, 
par  une  espèce  très  \oisine,  P.  Cinerella,  Dup.  Le  fourreau,  qui  varie 
beaucoup  comme  celui  de  Graminella,  est  construit,  soit  avec  des  pailles 
assez  longues  placées  les  unes  à  côté  des  autres,  soit  avec  des  feuilles 
sèches.  La  chenille  se  rencontre  dans  la  plaine  comme  sur  les  petites 
montagnes,  dans  les  lieux  humides  comme  dans  les  bois  de  Pins  bien 
exposés  et  très  secs  (Millière,  Iconogr.,  t.  111,  p.  12). 

La  chenille  de  P.  Graminella  est  une  des  plus  communes  parmi  les 
Psychides,  et  se  trouve  un  peu  partout,  fin  avril  et  en  mai,  sur  les 
arbres  des  bois,  les  rochers,  les  vieux  murs,  les  palissades,  etc.  Elle  a 
la  tète  d'un  noir  luisant,  avec  plusieurs  lignes  d'un  jaune  pâle,  les  trois 
premiers  anneaux  sont  couverts  d'écussons  cornés  jaunes,  avec  six  raies 
longitudinales  d'un  brun  noir,  les  pattes  écailleuses  annelées  de  brun 
et  de  jaune  sale,  les  pattes  membraneuses  très  courtes  et  peu  distinctes, 
le  reste  du  corps  d'un  gris  livide  ou  brunâtre.  Elle  se  nourrit  de  Gra- 
minées, surtout  des  Poa  annua  et  perennis.  Les  fourreaux  sont  de  deux 
sortes.  Les  plus  fréquents,  du  moins  aux  environs  de  Paris,  sont  recou- 
verts de  fragments  imbriqués  de  feuilles  d'un  brun  noirâtre,  et  se  trou- 
vent surtout  dans  les  bois;  d'autres,  plus  communs,  dans  le  Doubs 
(Bruand),  sont  revêtus  de  pailles  placées  longitudinalement,  ou  de 
feuilles  de  Graminées,  de  quelques  esquilles  de  bois,  de  grains  de  sable. 
Les  chenilles  qui  les  portent  se  tiennent  sur  les  Ronces,  sur  les  Orties 
et  sur  les  hautes  Graminées. 

Vient  ensuite  dans  la  classification  de  Bruand  d'Uzelle  un  groupe  de 
Psyché,  où  nous  retrouvons  la  chrysalide  de  la  femelle  bicolore,  les  an- 
tennes du  mâle  brièvement  pectinées,  le  corps  grêle,  les  yeux  gros,  les 
ailes  moins  arrondies  à  l'extrémité.  Le  type  est  P.  Fusca,  Haworth, 
syn.  :  Calvella,  Ochs.,  nom  beaucoup  meilleur,  syn.  :  Hirsutella, 
Hubner,  ihe  Brown  Muslin  des  Anglais;  espèce  de  France,  de  Belgique, 
d'Angleterre,  où  l'espèce  acquiert  une  plus  grande  taille.  Le  mâle,  de 
20  millimètres  d'envergure  environ,  est  d'un  gris  blond  uniforme,  mat, 
un  peu  transparent  et  si  uni  que  les  ailes  semblent  privées  d'écaillés, 
la  côte  étant  garnie  de  poils  couchés;  le  corps  est  grêle,  légèrement 
pelucheux,  couvert  de  poils  courts,  bruns  au  corselet,  d'un  blond  clair 
vers  l'extrémité  abdominale,  pi.  xcii,  fig.  9.  La  femelle  est  renfermée 
dans  une  pellicule  nymphale  bicolore.  La  chenille  est  d'une  couleur  de 
corne  claire  avec  des  taches  noirâtres,  la  sous-dorsale  passablement 
indiquée,  les  autres  raies  formées  par  une  réunion  de  petites  taches 
agglomérées,  la  tète  et  les  plaques  dorsales  thoraciques  d'un  noir  brun, 
avec  des  lignes  et  des  taches  jaunâtres,  les  pattes  écailleuses  brunes, 


PSYCHE.  ^67 

annelées  de  clair.  Lorsque  cette  chenille  entend  quelque  bruit  alar- 
mant, elle  se  cramponne  fortement  à  la  feuille  ou  à  la  branche  sur 
laquelle  elle  est  placée,  tandis  qu'en  pareille  occurrence  celle  de  Gra- 
minella  se  laisse  souvent  tomber  à  terre.  Le  fourreau  varie  beaucoup, 
tantôt  recouvert  de  pailles  transverses  irrégulièrement  disposées,  tantôt 
de  brindilles  de  bois  ou  de  parcelles  d'écorce.  Dans  presque  tous  on 
aperçoit  à  l'extrémité  inférieure  trois  petites  raies  blanchâtres  placées 
triangulairement,  et  qui  ne  sont  autres  que  la  soie  du  sac  ou  fourreau 
réel  dénudé  en  ces  endroits.  On  rencontre  ces  fourreaux  sur  les  arbres 
forestiers,  surtout  le  cht^ne  et  le  noisetier,  aussi  sur  le  saule  marsault 
et  sur  le  tremble.  La  nymphose  s'opère  en  mai  et  les  adultes  paraissent 
en  juin.  Les  fourreaux  sont  assez  abondants  en  automne,  la  chenille  se 
préparant  à  hiverner.  Nous  devons  citer  une  espèce  fort  singulière, 
connue  de  Réaumur  à  l'état  de  fourreau,  dans  laquelle  le  fourreau  est 
en  forme  de  coquille  d'Hélice,  la  chenille  et  la  femelle  ayant  le  corps 
contourné  de  la  même  façon,  le  mâle  avec  les  ailes  allongées  et  oblongues. 
Cette  P.  Helicinella,  Herr.  Sch.  (Epichnoptertjx)  est  de  toute  la  France, 
sauf  peut-être  l'extrême  nord,  de  plaine  et  de  montagne,  ainsi  au  cirque 
de  Gavarnie,  près  des  glaces.  Les  chenilles  vivent  sur  un  grand  nombre 
de  plantes  ligneuses  et  sous-ligneuses,  surtout  les  Lavandula,  Thymus, 
Cheiranthus,  Teucrium,  Cistus,  et  rongent,  en  les  blanchissant,  la  sur- 
face inférieure  des  feuilles.  Le  mâle,  de  iU  à  15  millimètres  d'enver- 
gure, a  les  ailes  d'un  fuligineux  mat,  devenant  ocreux  par  dessiccation, 
à  demi  transparentes,  paraissant  dépourvues  d'écaillés,  tant  leur  sur- 
face est  unie.  Lors  de  l'éclosion,  il  sort  du  fourreau  par  un  petit  trou 
ménagé  dans  la  moitié  de  la  longueur  de  la  spire,  et  où  la  chrysalide 
vide  demeure  engaînée  aux  deux  tiers  après  le  dépapt  du  mâle. 
D'après  Bruand,  comme  les  chenilles  ne  peuvent  s'élever,  il  faut  cap- 
turer ces  mâles  au  vol  dans  les  matinées  de  juillet,  aux  lieux  où  l'on 
a  vu  des  fourreaux.  M.  Millière  dit  que,  près  de  Cannes,  ce  mâle  vole 
abondamment  pendant  la  nuit,  dans  la  seconde  quinzaine  de  juin,  et 
se  prend  au  réflecteur;  son  vol  est  très  rapide  et  très  saccadé.  La  fe- 
melle, qui  a  le  corps  contourné  en  hélice  comme  le  fourreau  lui-même, 
est  d'un  gris  brun  livide  avec  la  portion  supérieure  des  premiers 
anneaux  plus  foncée.  La  chenille,  sortie  du  fourreau  et  déroulée,  est 
allongée,  cylindroïde,  tantôt  d'un  brun  rougeâtre,  tantôt  d'un  gris  ver- 
dàtre,  la  tête  petite,  noire  et  luisante,  ainsi  que  les  écussons  cornés  qui 
occupent  la  partie  supérieure  des  anneaux  thoraciques;  les  pattes  écail- 
leuses  sont  grosses,  noires  et  luisantes,  et  un  écussou  corné  noirâtre  est 
placé  sur  le  clapet  anal.  Ces  chenilles,  contrairement  à  celles  des  autres 
Psychides,  se  suspendent  par  un  fil  de  soie  pour  descendre  à  terre,  ainsi 
que  beaucoup  de  chenilles  de  Phaléniens,  de  Tortriciens  et  de  Tinéi- 
niens.  Elles  s'entourent  de  fourreaux  mous,  brunâtres,  recouverts  de 
grains  de  terre  ou  de  sable,  ayant  la  forme  dune  petite  Hélice  présen- 
tant trois  ou  quatre  tours  de  spirale.  Ces  fourreaux  se  trouvent  en  ma 


668  LÉPIDOPTÈRES. 

et  juin,  parfois  sur  le  sol,  le  plus  souvent  attachés  à  des  rochers  ou  à 
des  pierres.  On  les  recherchera  près  de  Paris,  à  Lardy,  à  Bouray,  sur  la 
vieille  tour  de  Poquency,  etc.  Consultez,  pour  cette  curieuse  Psyché  en 
hélice  :  P.  Millière,  Icon.,  t.  III,  p.  371,  pi.  1Z|7,  flg.  1  à  û. 

Nous  ajouterons  aux  espèces  précédentes  deux  espèces  des  environs 
de  Paris,  du  sous-genre  Fumea,  qui  sont  aussi  d'Angleterre  et  de  Bel- 
gique. L'une  est  P.  Pulla,  Esper.,  syn.  :  Radiella,  Curtis,  dont  le  mâle, 
de  15  millimètres  d'envergure,  a  les  ailes  d'un  noir  peu  intense,  opaque, 
tirant  sur  le  roux,  non  luisant  et  comme  pelucheux,  le  corps  noir,  peu 
velu,  les  antennes  pectinées  par  des  barbules  tines,  non  serrées.  On  le 
voit  fréquemment  voler,  du  15  mai  au  15  juin,  dans  les  bois  herbus  et 
dans  les  prairies.  La  femelle  vermiforme  est  grosse,  courte,  avec  la  tête 
très  petite  et  recourbée,  les  pattes  à  peine  distinctes;  elle  est  d'un 
jaune  brun  et  ocreux,  avec  le  sommet  des  trois  premiers  segments 
blanchâtre,  comme  cotonneux.  La  chenille  est  d'un  blanc  sale,  tirant 
sur  le  vineux,  avec  deux  raies  latérales  d'un  brun  noirâtre  bien  indi- 
quées de  chaque  côté,  la  tête  noirâtre,  luisante,  ainsi  que  les  pattes 
écailleuses;  son  fourreau  est  revêtu  de  pailles  plates,  longitudinalement 
et  régulièrement  placées..  Il  est  cylindroïde,  d'un  diamètre  uniforme, 
quelques-unes  des  pailles  dépassant  un  peu  l'extrémité  inférieure  du 
sac  ou  vrai  fourreau.  La  chenille  vit  de  Graminées,  et  n'est  pas  rare 
dans  les  prairies^  mais  se  lient  très  près  du  sol  ;  on  ne  la  voit  bien  avec 
son  fourreau  que  lorsqu'elle  est  voisine  de  la  transformation;  car  elle 
grimpe  alors,  pour  fixer  son  fourreau,  à  quelque  haute  tige  de  Gra- 
minée  ou  après  un  tronc  d'arbre.  L'autre  espèce,  des  mêmes  localités, 
est  P.  Nitideila,  Hoffm.,  Hubn.,  le  mâle,  analogue  au  précédent,  noir 
et  opaque,  très  difficile  à  rencontrer  (Calai.  Alfred  Foucart).  La  che- 
nille est  d'un  brun  très  clair,  tirant  un  peu  sur  le  vineux,  avec  des 
raies  d'un  brun  jaunâtre  et  sort  du  fourreau  pour  attendre  le  mâle. 
Elle  est  entourée  d'un  fourreau,  très  petit,  cylindrique,  formé  de 
petites  pailles  cylindriques  placées  en  long  et  parallèlement,  pi.  son, 
tig.  10  ;  tîg.  10  a,  lobes  globuleux  représentant  les  palpes  labiaux, 
tig.  10  b,  tête  vue  de  profil;  flg.  10  c,  antenne  du  mâle  (base  et  extré- 
mité). On  trouve  le  fourreau  de  P.  Nitideila, 'a\&c  les  chrysalides,  abon- 
dant en  mai  sur  les  troncs  des  saules,  des  osiers,  dés  peupliers,  des 
ormes  et  aussi  sur  les  vieux  murs  et  les  rochers.  Dans  le  midi  de  la 
France,  cette  espèce  est  remplacée  par  P.  Intermediella,  Boisd.,  qui  en 
est  très  voisine,  ainsi  que  son  Iburreau. 

Les  sous-genres  Talœporia  et  Solenobia  sont  placés,  comme  nous 
l'avons  dit,  dans  les  Tinéiniens  par  les  lépidoptérisles  allemands.  Bois- 
duval  et  M.  Guenée  les  maintiennent  dans  les  Psychides.  Ils  sont  com- 
pris par  Bruand  dans  son  groupe  des  Psyché  à  femelles  aranéiformes. 
Leurs  chenilles  constituent  leurs  fourreaux  avec  des  Lichens  des  rochers 
exposés  au  soleil  et  aussi  des  troncs  des  hêtres  et  des  charmes.  Dans  le 
sous-genre  Solenobia,  nous  citerons  P.  Triquetrella,  Hiibner,  la  Teigne  à 


PSYCHE.  ^(>9 

fourreau  triangulaire  de  Réaumur  et  de  Geoffroy,  se  trouvant  aux  envi- 
rons de  Paris.  Le  mâle,  de  12  millimètres  d'envergure,  a  les  ailes  supé- 
rieures oblongues,  d'un  gris  clair,  avec  des  nervures  plus  foncées,  ainsi 
que  des  stries  transversales;  il  y  a  un  trait  noirâtre  sur  la  cellule  dis. 
coïdale.  Les  secondes  ailes  sont  d'un  gris  blanchâtre  et  le  corps  gri- 
sâtre. La  femelle  est  de  couleur  gris  noirâtre  uniforme.  La  chenille  est 
de  couleur  grise,  avec  les  pattes  écailleuses  noirâtres,  la  tête  noire  et 
luisante,  et  deux  écussons  cornés  rectangulaires  sur  le  dos  des  deux 
premiers  anneaux.  Klle  hiverne,  atteint  toute  sa  taille  en  avril,  se  chry- 
salide alors  pour  donner  l'adulte  au  mois  de  mai.  Le  fourreau  est  trian- 
gulaire et  peu  allongé,  composé  de  trois  pans  égaux  qui  s'élargissent 
au  milieu  et  se  terminent  en  pointe  à  chaque  extrémité,  pointe  plus 
aiguë  à  l'extrémité  inférieure  qu'à  la  supérieure  où  se  trouve  la  tête  de 
la  chenille.  Ce  fourreau  est  mou,  de  couleur  grise  plus  ou  moins  foncée, 
revêtu  de  particules  pierreuses  ou  terreuses,  de  sable  ou  de  petits  dé- 
bris de  lichen.  On  trouve  fréquemment  ce  fourreau  contre  les  rochers 
des  friches  montagneuses,  sur  les  vieux  murs  exposés  au  nord,  sur  les 
lichens  des  barrières  et  des  palissades  toujours  près  de  terre;  à  recher- 
cher en  janvier  et  février  (Jourdheuille). 

Il  est  impossible  de  passer  sous  silence  une  grande  et  remarquable 
Psyché,  qui  n'est  pas  d'Europe,  mais  du  sud  de  l'Algérie  et  de  la  Perse 
Ce  l*.  Quadraîigularis,  Christophe,  a  d'abord  été  connu  par  son  four- 
reau, qui  mesure  h  centimètres  de  long  sur  1  dans  sa  plus  grande 
largeur.  11  est  allongé,  en  forme  de  pyramide  quadrangulaire,  dont  les 
quatre  pans  égaux  sont  recouverts  de  bûchettes  ou  de  brindilles  paral- 
lèles, placées  perpendiculairement  à  l'axe.  On  dirait  un  très  élégaut 
panier  allongé.  L'intérieur  est  tapissé  d'une  épaisse  couche  de  soie 
grise,  et,  pour  la  nymphose,  il  est  solidement  fixé  par  un  faisceau  de 
nombreux  fils  de  soie  à  une  tige  de  la  plante  qui  a  nourri  la  chenille, 
celle-ci  paraît  polyphage.  Le  mâle,  de  grande  taille,  est  le  plus  beau 
qui  soit  connu  parmi  les  Psyché.  Les  ailes  sont  d'un  blanc  un  peu  gri- 
sâtre, semi-vitreuses,  les  supérieures  aiguës  au  sommet,  la  côte  noire, 
ainsi  que  la  frange  des  quatre  ailes.  Les  antennes  à  tige  noire  ont  de 
fortes  pectinations  grisâtres,  le  thorax  est  robuste  et  recouvert  de  longs 
poils  grisâtres,  et  l'abdomen,  dépassant  de  beaucoup  les  ailes  infé- 
rieures, est  hérissé  de  grands  poils  noirâtres.  On  consultera  :  H.  Lucas 
{Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1866,  pi.  m);  P.  Millière,  Iconoyr.,  t.  III,  p.  373 
pi.  lZi7,  fig.  5  à  7.  Cette  espèce  appartient  typiquement  à  la  faune 
européenne.  11  n'en  est  pas  de  même  pour  d'autres  Psychides,  de  grande 
taille  comparativement  à  nos  Psyché,  et  connus  principalement  par 
leurs  fourreaux  rapportés  surtout  de  l'Australie  et  aussi  de  l'Afrique. 
Ces  insectes  constituent  le  genre  Oiketicus  ou  OEceticus,  Guilding.  On 
ne  connaît  encore  que  les  adultes  de  très  peu  d'espèces,  et  il  est  dou- 
teux qu'on  sache  exactement  y  rapporter  les  fourreaux.  Les  papillons 
ont  de  longs  oviscaptes  saillants  chez  les  femelles,  les  ailes  étroites. 


470  LÉPIDOPTÈRES. 

sinuées  intérieurement,  un  aspect  intermédiaire  entre  les  Macroglosses 
et  les  Bombyx.  M.  Guenée  dit  posséder  le  fourreau  d'une  espèce  exo- 
tique qui  a  presque  1  décimètre  de  longueur,  et  qui  est  composé  avec 
de  grosses  branches  de  bois  au  lieu  de  pailles.  M.  Goossens  m'a  donné 
plusieurs  grands  et  curieux  fourreaux  de  diverses  espèces  provenant  de 
la  Plata.  Il  a  obtenu  des  adultes,  le  mâle  coloré  de  dessins  variés  et  non 
complètement  de  teinte  uniforme,  comme  cela  a  lieu  dans  nos  Psychides 
d'Europe,  mais   la    femelle  larviforme,   ainsi  que  pour  nos  espèces. 
M.  Grenier  a  fait  connaître  des  fourreaux  gigantesques,  provenant  du 
Mexique  septentrional  (Monterey),  mesurant  IS  k  là  centimètres  de 
longueur,  formés  de  petites  bûchettes  placées  en  travers  et  réunies 
les  unes  aux  autres  par  des  fils  de  soie,  l'intérieur  plus  lisse,  tapissé 
d'une  couche  épaisse  d'un  tissu   soyeux   de  couleur  grise  ;  à  l'exté- 
rieur les  petites  bûchettes  sont  aussi  revêtues  d'un  tissu  analogue  à 
celui   de  l'intérieur,   mais  plus   fin   et  moins  uni.   La  chenille,   qui 
ressemble  tout  à  fait,  sauf  la  taille,  à  celle  de  nos  Psyché,  et  qui  a  les 
pattes  membraneuses  en  mamelons rudimentaires,  est  glabre,  de  couleur 
jaunâtre,  les  trois  premiers  anneaux  offrant  des  taches  noirâtres  triangu- 
laires. Elle  vit  dans  les  jardins  sur  les  rosiers,  peut-être  aussi  sur  l'ar- 
bousier elle  peuplier,  où  l'on  rencontre  également  ses  fourreaux.  Les 
chenilles  attachent  à  une  des  branches  de  l'arbuste,  par  un  anneau 
soyeux,  la  partie  supérieure  de  leurs  fourreaux,  qui  sont  libres  et  flottants  ; 
comme  il  leur  serait  pénible  de  déplacer  ces  lourds  fourreaux  fréquem- 
ment,   elles   mangent    d'abord    toutes  les   feuilles   qu'elles    peuvent 
atteindre  aux  alentours,  puis  coupent  le  lien  d'attache  et  vont  se  fixer 
à  une  autre  branche  ;  on  voit  à  l'intérieur  du  fourreau  les  traces  de 
ces  divers  anneaux  de  suspension.  Pour  allonger  son  fourreau  au  fur 
et  à  mesure  de  sa  propre  croissance,  la  chenille  fait  un  trou  à  son 
enveloppe  juste  au-dessus  de  la  dernière  bûchette  posée,  passe  sa  tête 
par  cette  ouverture  et  prend  de  la  branche  la  plus  voisine  un  petit 
rameau  qu'elle  coupe  de  la  longueur  voulue,  puis  le  fixe  à  son  enve- 
loppe, dont  elle  augmente  ainsi  peu  à  peu  la  longueur  et  la  solidité. 
Une  fois  la  bûchette  bien  placée  et  solidement  fixée,  l'animal  rentre  sa 
tête  et  bouche  le  trou  qu'il  avait  fait,  pour  recommencer  plus  tard  la 
môme  manœuvre.  Il  est  assez  probable  que  cette  espèce  appartient  aux 
Psyché  plutôt  qu'aux  OEceticus,   car  M.  J.  Fallou   a  fait  la  remarque 
qu'une  Psyché  de  France,  très  commune  dans  les  Landes,  le  P.  Constan- 
cella,  Minière,  a  un  fourreau  de  construction  analogue,  mais  bien  plus 
petit.  Les  fourreaux  envoyés  de  Montevideo  à  M.  Goossens  sont  très  voi- 
sins de  celui  de  l'espèce  mexicaine. 

Nous  citerons  parmi  les  travaux  spéciaux  à  consulter  sur  les  Psy- 
chides :  A.  Guenée,  Note  monographique  et  rectificative  sur  le  genre 
Talœporia,  Zeller  (Solenohia,  Duponchel)  ;  Ann.  soc.  entom.  Fr.,  1846, 
p.  5.  —  Th.  Bruand  d'Uzelle,  Essai  monographique  sur  la  tribu  des 
Psychides,  Comptes  rendus  de    la  Soc.  d'émulation  du  Doubs,    1856.  — 


PSYCHE,    BOMBYCIENS.  /l71 

Docteur  Breyer,  Quelques  mots  sur  le  groupe  ou  la  famille  des  Psychides 
{Ann.  Soc.  entomol.  de  Belgique,  1861,  t.  V,  page  1).  —  G.  Rouast.  Les 
chenilles  connues  , des  Psychides;  Feuille  des  jeunes  naturalistes,  no- 
vembre  et  décembre  1876,  numéros  73  et  lU- 


Nous  terminerons  ici  notre  étude  de  la  grande  tribu  des  Bombyciens, 
en  regrettant  qu'il  n'y  ait  pas  en  France  d'ouvrages  généraux  récents 
qui  la  concernent.  Nous  omettons  à  dessein  un  certain  nombre  de 
familles  exotiques  en  dehors  de  notre  cadre  élémentaire.  Nous  ter- 
minerons par  un  résumé  des  caractères  généraux,  qui  se  vérifient  sur- 
tout sur  les  types  des  Bombyx  actuels  : 

Ailes  épaisses,  à  écailles  fortes,  épaisses,  nombreuses  et  fragiles  ; 
antennes  pectinées  chez  le  mâle,  à  lames  assez  larges,  moins  pectinées 
chez  la  femelle,  et  alors  à  lames  courtes  et  étroites,  ou  bien  crénelées  ; 
spiritrompe  nulle  ou  rudimentaire;  thorax  globuleux,  très  velu,  parfois 
laineux;  abdomen  des  femelles  très  gros,  lourd,  parfois  terminé  par 
des  touffes  laineuses.  La  nervulation  est  assez  régulière  aux  premières 
ailes  :  la  composée  postérieure  émet  trois  rameaux,  la  cellule  discoïdale 
est  courte  et  son  extrémité  presque  toujours  marquée  d'un  point  épaissi 
revêtant  ua  petit  œil.  —  Chenilles  non  tuberculeuses,  à  poils  plus 
denses  sur  les  flancs,  vivant  tantôt  en  familles,  tantôt  en  grande  tribu, 
placées  sous  une  toile-abri,  tantôt  solitaires.  Le  cocon,  qui  est  très 
habituel  aux  Bombyciens,  a  une  forme  variable;  quelques  espèces  ne 
font  pas  de  cocons  soyeux  aériens,  mais  s'enterrent  pour  se  chrysalider 
(ainsi  Bombyx  dumeti,  taraxaci). 

Pour  bien  faire  comprendre  la  nervulation  des  Bombyciens,  nous 
comparerons  deux  types  fondamentaux,  l'un  de  cette  tribu,  l'autre  des 
Chéloniens,  pour  l'aile  antérieure  :  Bombyx  quercus,  çf;  nervure  simple 
antérieure  ou  costale  libre,  aboutissant  aux  deux  tiers  de  la  côte;  ner- 
vure composée  antérieure  émettant  six  rameaux,  les  deux  supérieurs 
aboutissant  à  la  côte,  les  quatre  autres  au  bord  externe,  le  deuxième  et 
et  le  troisième  supérieurs  naissant  d'un  tronc  commun  et  formant  une 
fourche;  nervure  composée  postérieure  naissant  de  la  base  de  la  précé- 
dente et  fournissant  quatre  rameaux,  les  deux  extérieurs  à  point  d'in- 
sertion rapproché,  les  deux  intérieurs  écartés,  presque  équidistants  ; 
cellule  discoïdale  courte  et  réduite;  pas  d'aréole.  Prenons,  par  opposi- 
tion, C7te/om'aca/'a;  nervure  simple  antérieure  libre  ;  nervure  composée 
antérieure  à  six  rameaux,  les  quatre  supérieurs  très  rapprochés,  s'ab- 
sorbant  parfois  entre  eux,  touchant  la  côte,  les  deux  inférieurs  tou- 
chant le  bord  externe;  une  aréole  très  variable  entre  les  rameaux 
supérieurs;  nervure  composée  postérieure  à  quatre  rameaux,  le  qua- 
trième écarté,  inséré  à  peu  près  au  milieu  du  tronc,  les  trois  autres 
naissant  presque  du  môme  point  en  éventail.  Les  Liparides,  les  Litho- 
siens présentent  la  même  disposition  et  se  séparent  par  là  nettement 


472  LÉPiDOPTËKES. 

des  Bombyx.  La  cellule  discoïdale  est  très  longue,  ce  qui  ren  les 
rameaux  plus  courts.  Pour  bien  se  rendre  compte  de«  détails  qui  pré- 
cèdent, il  faut  prendre  l'aile  de  chacune  de  ces  deu>:  espèces  très  com- 
munes et  bien  enlever  les  écailles  en  la  brossant  au  pinceau. 


Tribu  des  ATTACIEMS. 

I,es  Attaciens  sont  les  Lépidoptères  appelés  par  certains  auteurs  Sa- 
kirniens.  On  les  reconnaît  tout  de  suite  parce  qu'ils  renferment  dans 
chaque  pays  les  plus  grands  Lépidoptères  comme  largeur  des  ailes, 
chacune  de  celles-ci  ayant  toujours  vers  le  milieu  une  tache  vitrée  ou 
translucide,  le  plus  souvent  ronde  ou  ocellée,  parfois  trigone  ou  en 
croissant,  entourée  de  diverses  colorations.  Linnœus  désigne  sous  le 
nom  d'Attacus,  d'après  le  mot  employé  par  la  Bible  pour  nommer  un 
insecte  qu'on  n'a  pu  déterminer,  la  première  division  de  son  grand 
genre,  Phalœna,  qui  embrassait  tous  les  Nocturnes  de  Latreille.  Cette 
division  comprenait  des  Nocturnes  ayant  les  quatre  ailes  presque  tou- 
jours étendues  dans  le  repos  à  plat  sur  le  plan  de  position,  avec  les  an- 
tennes tantôt  pectinées,  tantôt  sétacées,  et  dont  les  uns  ont  une  spiri- 
trompe  (des  Phaléniens),  tandis  que  les  autres  n'en  ont  pas.  Latreille, 
dans  ses  Familles  naturelles  (1825),  indique  cette  division  comme  devant 
former  un  genre  ayant  pour  type  le  Grand  Paon  de  nuit  ou  Attacus  Pa- 
vonia  major.  Dans  le  liègne  animal,  il  place  cette  espèce  et  les  autres 
analogues  dans  le  grand  genre  Bombyx.  Les  entomologistes  allemands, 
à  l'exemple  de  Schrank,  d'Ochsenheimer,  d'Hubner,  etc.,  ont  formé  de 
ces  mêmes  espèces  le  genre  Saturnia,  adopté  par  Boisduval  dans  son 
Index  metkodicus.  Au  contraire,  Duponchel,  en  conservant  ce  même 
genre  dans  son  Histoire  naturelle  des  Lépidoptères  d'Europe,  lui  a  l'esti- 
tué  le  nom  linnéen  à'Atlacus,  et  il  a  été  suivi  dans  cette  voie  par  M.  E. 
Blanchard,  en  ses  diderenls  ouvrages. 

Nous  inspirant  de  l'opinion  de  M.  P.  Mabille,  et  bien  que  les  ouvrages 
et  catalogues  de  divers  pays  ne  séparent  pas  le  genre  Attacus  des  Bom- 
byciens,  nous  avons  cru  devoir  en  faire  une  tribu  à  part,  en  raison  des 
difl'érences  dans  la  nervulation,  le  port  des  ailes  au  repos,  les  caractères 
des  chenilles,  les  cocons  ouverts  en  nasse  à  un  bout  dans  beaucoup  d'es- 
pèces. Voici  les  caractères  généraux  de  nos  Attaciens  :  antennes  pecti- 
nées dans  les  deux  sexes,  mais  à  barbes  ou  dents  robustes, et  beaucoup 
plus  longues  dans  les  mâles  que  dans  les  femelles;  spiritrompe  nulle 
ou  rudimentaire;  palpes  courts,  très  velus  ;  thorax  arrondi,  laineux, 
ayant  souvent  un  collier  de  la  couleur  de  la  côte  des  ailes  supérieures 
ailes  larges,  chacune  avec  une  tache  vitrée  sub-centrale,  soit  ronde  ou 
ocellée,  soit  trigone  ou  en  croissant  (comme  types  de  nervulation  de 
l'aile  antérieure  Attacus  piri  et  Cynthia)  ;  nervure  simple  antérieure 


ATTACIEWS.  kl'à 

libre,  atteignant  les  deux  tiers  de  la  côte;  nervure  composé  antérieure 
émettant  un  seul  rameau  costal  ou  supérieur,  presque  absorbé  par  la 
costale  {Cynthia);  tronc  de  la  composée,  long,  continu,  bordant  presque 
la  côte  et  aboutissant  au-dessous  de  l'apex,  émettant  deux  rameaux  in- 
férieurs équidistants  dont  l'intérieur  bifurqué  ;  nervure  composée  pos- 
térieure à  trois  rameaux  ;  cellule  discoïdale  grande  et  ouverte  ;  nervure 
simple  postérieure  forte;  pas  d'aréole.  L'Afilia  Tau  a  la  nervure  com- 
posée antérieure  plus  écartée  de  la  côte,  puis  remontant  brusquement 
au  delà  de  la  cellule  discoïdale  qui  est  ainsi  rétrécie  à  son  ouverture  et 
fermée  par  une  faible  nervule  ;  la  costale  est  plus  dégagée  ;  le  rameau 
inférieur  est  bifurqué  tout  près  de  son  point  d'insertion  à  la  composée 
postérieure.  Cette  nervulation  remarquable  n'a  d'analogue  que  parmi 
les  Phaléniens  ou  Géomètres.  Pas  de  crin  ni  de  frein,  d'où  les  ailes  in- 
dépendantes ;  abdomen  en  général  court  et  très  gros.  —  Chenilles 
grosses  et  massives,  avec  la  tète  petite  et  globuleuse,  les  anneaux  bien 
séparés  et  très  renflés,  ayant  presque  toujours  des  verrues  ou  tuber- 
cules saillants  d'où  partent  soit  des  épines  rameuses,  soit  des  poils  ran- 
gés circulairement  {Stellatœ  de  Guenée). — Chrysalides  courtes,  ovoïdes, 
avec  l'extrémité  anale  garnie  d'un  très  petit  faisceau  de  poils  raides, 
contenues  le  plus  souvent  dans  des  cocons  de  soie  plus  ou  moins  incrus- 
tée ou  gommée,  tantôt  fermés  aux  deux  bouts,  comme  ceux  du  Serica- 
r/a  mon,  souvent  avec  un  pédicule  d'attache  à  un  pôle,  tantôt  ouverts 
en  nasse  àpn  bout  pour  la  sortie  du  papillon,  les  fils  élant  repliés  par 
la  chenille. 

Les  Attaciens  sont  principalement  répandus  dans  les  régions  chaudes 
des  deux  hémisphères,  et  l'Australie  n'en  est  pas  dépourvue.  Les  ré- 
gions circumpolaires  en  manquent  également.  Outre  l'intérêt  entomo- 
logique  qu'ils  présentent,  les  cocons  d'un  grand  nombre  de  leurs  espèces 
peuvent  être  utilisés  soit  pour  la  filature  en  soie  grège,  soit  pour  obte- 
nir des  filoselles  après  cardage,  et,  parmi  les  espèces  de  l'extrême  Orient, 
il  en  est  dont  les  soies  figurent  dans  le  commerce  et  fournissent  des  tis- 
sus utilisés  surtout  dans  le  pays;  ou  bien  ces  soies  y  sont  à  l'état  de 
pureté,  ou  bien  mêlées  à  la  soie  du  Ver  du  mûrier,  ou  bien  à  la  laine, 
ou  au  coton.  Leur  soie  est  plus  grossière  que  celle  des  Sericaria,  mais 
produit  des  étoffes  très  solides,  employées  surtout  par  les  classes  ou- 
vrières de  la  population.  Certains  de  ces  tissus  parviennent  depuis  long- 
temps sur  le  marché  européen,  et  on  a  longtemps  ignoré  leur  origine. 
Les  cocons,  soit  ouverts,  soit  fermés,  ne  sont  pas  en  rapport  avec  des 
différences  notables  chez  les  adultes,  bien  qu'il  y  ait  dans  cette  organi- 
sation du  cocon  une  importance  capitale  au  point  de  vue  de  la  filature, 
qui  est  plus  aisée  quand  les  cocons  sont  fermés  aux  deux  bouts  et  s'o- 
père de  la  même  façon,  après  décreusage  convenable,  que  pour  le  cocon 
fermé  du  Ver  à  soie  du  mûrier.  Les  chrysalides  des  cocons  fermés  ont  à 
la  tête  la  vésicule  contenant  le  liquide  dissolvant  qui  sert  au  papillon  à 
percer  le  pôle  de  sortie,  en  écartant  les  fils  après  ramollissement  de  la 


474  LÉPIDOPTÈRES. 

gomme  qui  les  incruste;  cette  vésicule  manque  quand  il  y  a  une  ouver- 
ture naturelle  pour  donner  passage  à  l'adulte;  cette  ouverture  en  nasse 
présente  des  faisceaux  de  fils  repliés  qui  s'aplatissent  de  dedans  en  de- 
hors et  se  redressent  dans  le  sens  inverse,  de  façon  à  s'opposer  à  l'in- 
troduction  des  corps  étrangers  et  des  insectes  ennemis.  Certaines  es- 
pèces, en  petit  nombre  toutefois,  peuvent  s'acclimater  en  Europe,  sur- 
tout dans  le  Midi,  et  donner  des  auxiliaires  du  Ver  à  soie  du  mûrier-,  la 
plupart,  cependant,  proviennent  de  régions  très  chaudes  et  leur  éduca- 
tion en  France  ne  peut  être  qu'un  objet  de  curiosité.  Il  faut,  au  con- 
traire, encourager  l'éducation  de  certaines  espèces  et  surtout  la  récolte 
des  cocons  sauvages  dans  les  pays  d'origine,  les  utiliser  sur  place  et  ex- 
porter leur  soie.  Le  commerce,  en  effet,  ne  saurait  rester  indifférent  à 
la  production  de  substances  textiles  animales  nouvelles,  bien  qu'ayant 
moins  d'éclat  et  de  finesse  que  la  soie  du  Sericariamori.  Il  pourrait  ar- 
river qu'une  épidémie  générale  vienne  à  interrompre,  même  dans  les 
régions  les  plus  favorables,  l'éducation  de  cette  précieuse  espèce,  et  les 
espèces  succédanées  auraient  alors  une  importance  capitale.  D'autre 
part, les  exigences  de  la  mode  ne  sont  pas  à  dédaigner  pour  l'industrie; 
des  soies  moins  belles  que  la  soie  ordinaire,  mais  produisant  certaines 
nuances,  ou  reflets,  ou  certaines  textures  spéciales  d'étoffes,  auront  tou- 
jours leur  prix  et  leur  emploi. 

GENRES    PRINCIPAUX.  . 

AGL.IA,  Hubner.  —  Antennes  très  largement  bipectinées  et  en  panache  chez  le 
mâle,bidentées  chez  la  femelle;  palpes  écartés,  peu  velus,  incombants,  le  der- 
nier article  bien  distinct;  ailes  arrondies,  à  taches  ocellées;  abdomen  du 
mâle  grêle. —  Chenille  chagrinée,  sans  tubercules,  épineuse  dans  le  jeune  âge, 
à  anneaux  très  renflés,  —  Chrysalide  courte  ;  avec  l'extrémité  anale  garnie  de 
petites  pointes  crochues. 

Ce  genre,  dont  le  nom  veut  dire  en  grec  :  taie  blanche  dans  rœil,  est 
éminemment  de  passage  et  rangé  par  beaucoup  d'auteurs  et  de  cata- 
logues dans  les  Attaciens  ou  Saturniens;  M.  E.  Blanchard  le  place  dans 
les  Endromides,  à  côté  du  genre  Endromis.  L'espèce  unique,  des  grands 
bois  de  toute  la  France  et  de  la  Belgique,  manquant  dans  les  îles  Bri- 
tanniques, est  1'^.  Tau,  Linn.,  la  Hachette  d'Engr.,  60  à  65  millimètres 
d'envergure  chez  le  mâle,  les  antennes  ferrugineuses,  le  corps  de  la 
couleur  des  ailes,  celles-ci  d'un  jaune  fauve,  avec  une  bordure  et  le 
bord  interne  des  supérieures  noirs,  chaque  aile  ornée  d'un  œil  discoï- 
dal,  noir,  chatoyant  en  bleu,  avec  une  prunelle  blanche,  à  peu  près  de 
la  forme  du  T  grec  (Tau)  ;  femelle  plus  grande,  80  à  90  millimètres,  les 
ocelles  pareils,  le  fond  d'un  jaune  d'ocre  pâle,  la  bordure  des  ailes 
étroite,  peu  prononcée  aux  supérieures,  l'espace  marginal  saupoudré 
d'atomes  noiràtr es, l'angi e  apical  maculé  de  blanchâtre;  par  aberration. 


AGr.lA,    VTTACUS.  475 

cette  femelle  est  parfois  de  la  couleur  du  mâle.  On  a  signalé  des  her- 
maphrodites bilatéraux  et  aussi  d'autres  ;  il  en  existe  un,  mélangé  par 
places  des  deux  sexes,  dans  la  collection  J.  Fallou  ;  chenille  verte  à  traits 
obliques  jaunes,  avec  cinq  longues  épines  d'un  brun  rougeàtre  au  pre- 
mier âge,  qui  disparaissent  après  la  troisième  mue,  vivant  principale- 
ment sur  le  hêtre  et  le  charme,  aussi  sur  le  chêne,  le  bouleau,  le  til- 
leul, etc.,  en  juin  et  juillet,  se  chrysalidant  en  août  à  la  surface  du  sol, 
dans  une  coque  informe,  composée  de  mousses  ou  de  feuilles  sèches, 
retenues  par  quelques  fils  de  soie  ;  le  papillon  éclôt  l'année  suivante,  en 
avril  ou  en  mai,  si  le  printemps  est  froid  et  tardif.  Le  mâle  vole  vive- 
ment au  soleil,  toute  la  matinée,  avec  de  nombreux  crochets,  dans  les 
clairières  des  bois,  commun  près  de  Paris,  à  Maisons-Laffitte,à  Saint-Ger- 
main, etc.,  abondant  dans  la  forêt  de  Compiègne.  Au  repos,  les  deux 
sexes  ont  les  ailes  dressées  l'une  contre  l'autre,  perpendiculairement  au 
corps,  à  peu  près  aussi  complètement  que  chez  les  Diurnes.  La  femelle 
ne  vole  pas  et  reste  immobile,  soit  à  terre,  dans  les  feuilles  sèches,  soit 
contre  les  troncs  d'arbre,  de  30  centimètres  à  1  mètre  au-dessus  du  sol, 
remontant  le  long  du  tronc  pour  se  sécher,  car  la  chrysalide  d'où  sort 
l'adulte  se  trouve  au  pied  de  l'arbre,  dans  la  mousse  ou  les  herbes 
sèches.  11  faut  bien  remarquer  que  ce  genre  à  cocon  presque  nul  est 
cependant  voisin  du  genre  Attacus  à  cocons  très  soyeux.  Cela  confirme 
cette  loi  qu'il  existe  bien  rarement  un  caractère  réellement  domi- 
nateur. 

.%TTACi;s,  Linn.  (syn.,  Saturnia,  Schrank).  —  Antennes  bipectinées,  à  larges 
lamelles  chez  .les  mâles,  bien  moins  développées  le  plus  souvent  chez  les  fe- 
melles ;  spiritrompe  très  rudimentaire  ;  corps  épaia,  laineux  ;  les  quatre  ailes  le 
plus  souvent  grandes  et  larges,  chacune  avec  une  tache  vitrée  subcentrale,  plus 
ou  moins  transparente,  de  forme  variable. —  Chenilles  munies  ta  tous  leurs  âges 
de  tubercules  arrondis,  d'où  partent  des  poils  ou  des  épines  rameuses,  se  ren- 
fermant pour  se  chrysalider  dans  des  cocons  soyeux  et  incrustés,  tantôt  fermés 
aux  deux  pôles,  tantôt  ouverts  en  nasse  à  l'un  d'eux,  assez  souvent  avec  un  pé- 
dicule d'attache  au  bout  opposé  à  celui  de  la  sortie  du  papillon. 

Le  grand  genre  Attacus  ou  Saturnia  a  été  subdivisé  en  un  assez 
grand  nombre  de  genres,  auxquels  nous  n'accorderons  que  la  valeur 
de  sous -genres.  Dans  le  type  propre  Saturnia  se  trouvent  d'abord  les 
deux  principales  espèces  d'Kurope.  L'^.  Pavonia  major,  Linn.,  Esp., 
Fabr.,  syn.  :  piri,  cat.  de  Vienne;  le  Grand  Paon,  de  Geoffroy  et  d'En- 
gramelle,  est  le  plus  grand  des  papillons  d'Europe.  Envergure  du  mâle 
110  à  120  millimètres;  antennes  d'un  jaune  un  peu  tanné  ;  thorax  brun, 
avec  un  collier  antérieur  d'un  blanc  roussâlre,  comme  la  côte  de  l'aile 
supérieure  ;  les  quatre  ailes  d'un  gris  plus  ou  moins  roussâtre,  bordées 
de  blanc  jaunâtre,  les  antérieures  arrondies  au  sommet,  avec  les 
espaces  terminaux  d'un  blanc  sale  ou  jaunâtre  au  sommet,  d'un  brun 


^76  LÉPl'JMPTi  KES. 

noiriître  à  l'extrémité  inférieure  ;  chacune  a  sur  le  disque  un  œil 
enfermé  dans  un  cercle  noir,  avec  la  prunelle  en  croissant  et  presque 
transparente,  l'iris,  d'un  fauve  obscur,  est  entouré  du  côté  du  corps  de 
l'insecte  d'un  arc  blanc,  embrassé  lui-même  extérieurement  par  une 
demi-circonférence  d'un  rouge  pourpre  ;  extérieurement  à  ces  yeux,  et 
les  enfermant,  serpentent  sur  les  ailes  deux  lignes  obliques  et  polyan- 
guleuses,  noirâtres,  lavées  de  rougeâtre;  anneaux  de  l'abdomen  d'un 
gris  cendré  un  peu  jaunâtre;  le  dessous  plus  clair,  sans  espace  noirâtre 
aux  ailes  supérieures;  femelle  pareille,  mais  plus  grande,  avec  les 
antennes  biciliées.  L'adulte  varie  très  peu;  c'est  à  peine  si  l'on  trouve 
de  très  légères  différences  dans  les  sujets  éclos  par  centaines  des  che- 
nilles recueillies  et  aisées  à  élever.  Uuponchel  cite  une  très  rare  aber- 
ration qu'il  avait  trouvée  d'une  éclosion  spontanée  dans  le  parc  de 
Vanves  près  Paris  :  c'était  un  mâle,  avec  le  fond  des  ailes  presque 
entièrement  noir,  la  bordure  plus  sombre  extérieurement,  les  deux 
lignes  obliques  qui  renferment  les  yeux,  la  demi-circonférence  ordinai- 
rement rouge  de  ceux-ci  et  les  arcs  du  sommet  des  ailes  supérieures 
d'un  bleu  violet.  La  chenille  à  toute  sa  taille  est  longue  de  plus  de 
80  millimètres,  d'un  vert  teridre,  avec  des  tubercules  d'un  bleu  de  tur- 
quoise et  de  chacun  desquels  s'élèvent  sept  poils  noirs  et  raides,  iné- 
gaux, disposés  en  étoile  et  dont  celui  du  milieu,  beaucoup  plus  long 
que  les  autres,  se  termine  par  un  petit  bouton  ou  massue,  et  rappelle 
ainsi  l'antenne  d'un  Rhopalocère. 

Les  tubercules  sont  au  nombre  de  quatre  sur  le  premier  et  sur  la 
dernier  anneau,  de  six  sur  tous  les  autres.  Les  pattes  écailleuses  sont 
fauves,  les  pattes  membraneuses  vertes,  avec  une  lunule  noire  placée 
au-dessus  de  la  couronne  qui  est  ferrugineuse.  Les  stigmates  sont 
blancs  et  bordés  de  noir;  le  clapet  anal  et  l'arrière  des  deux  pattes 
membraneuses  postérieures  sont  d'un  rouge  brun  luisant.  Avant  la 
première  mue  la  jeune  chenille  était  noirâtre  ou  d'un  bleu  foncé 
avec  les  tubercules  rougeâtres.  Dans  les  jours  qui  précèdent  la  filature 
du  cocon,  dans  le  courant  d'août,  le  corps  de  la  chenille  passe  au 
jaune  sale.  Le  cocon  est  filé  sous  les  rebords  des  murs  et  des  toits, 
sous  les  bosselures  des  écorces  ou  aux  fourches  des  grosses  branches 
des  arbres,  au  pied  des  arbres  entre  les  mousses  ou  les  herbes  sèches. 
Ce  cocon  est  brun,  très  dur  et  très  gommé,  en  forme  de  poire,  avec  le 
petit  bout  fermé  par  des  fils  élastiques  repliés  et  convergeant  vers 
l'intérieur  de  façon  à  laisser  sortir  le  papillon,  à  l'inverse  des  brins 
d'osier  formant  les  ouvertures  d'une  nasse  à  poissons.  La  chrysalide 
que  termine  postérieurement  un  petit  bouquet  de  poils  raides  et  iné- 
gaux, est  cylindroïde,  brune,  avec  le  fourreau  des  antennes,  le  haut 
du  thorax  et  les  incisions  de  l'abdomen  plus  clairs. 

C'est  en  général  au  bout  d'environ  neuf  mois,  à  la  fin  d'avril  ou  dans 
la  première  semaine  de  mai,  que  l'adulte  éclôt;  parfois  des  sujets  retar- 
dé;^ paraissent  en   septembre  ou  même  au  printemps  de  la  seconde 


ATT A eus.  hll 

année,  el  parfois  môme  après  plusieurs  années.  La  femelle  pond  des 
oeufs  sphéroïdes,  blanchâtres,  collés  sur  le  support  au  moyen  d'une  glu 
bleuâtre.  M.  J.  Fallou  a  très  bien  observé  comment  s'opère  cette  ponte 
en  liberté.  Après  avoir  constaté  certains  préparatifs  qui  lui  parurent 
laborieux,  il  vit  la  femelle  voltiger  au-dessus  d'un  noyer  sur  lequel 
elle  avait  été  posée  et  ne  pas  paraître  disposée  à  y  pondre  ;  on  la  trans- 
porta ensuite  sur  un  cerisier,  dont  elle  ne  parut  pas  s'accommoder 
davantage.  Sachant  que  cette  espèce  vit  ordinairement  sur  le  poirier, 
ou  sur  l'orme,  ou  sur  le  frêne,  M.  J.  Fallou  transporta  la  femelle  sur 
un  poirier  de  son  jardin;  il  la  vit  alors  chercher  les  endroits  conve- 
nables. Elle  choisit  le  dessous  des  premiers  coursons  près  de  la  tige 
principale,  ne  déposant  que  de  sept  à  onze  œufs  par  chaque  courson  ; 
la  ponte,  ainsi  disséminée  par  petits  tas,  fut  achevée  au  bout  d'une 
heure  et  demie  et  se  composait  en  tout  de  soixante-quinze  œufs  envi- 
ron. 11  est  probable  que  beaucoup  d'Attaciens  exotiques  doivent  agir 
de  même  et  que  leur  instinct  les  porte  à  chercher,  pour  y  déposer 
leurs  œufs,  la  plante  sur  laquelle  doivent  vivre  les  jeunes  chenilles. 
Ainsi  s'explique  la  ponte  souvent  difficile  de  ces  espèces  élevées  en 
captivilé,  et  l'utilité  de  présenter  aux  femelles  fécondées,  quand  on  le 
peut,  des  rameaux  des  espèces  préférées  par  leurs  chenilles. 

Les  chenilles  de  l'Attacun  pirl  sortent  promptement  des  œufs  et  sont 
polyphages  avec  prédilection  de  certains  végétaux,  ainsi  les  arbres 
fruitiers  et  surtout  le  poirier  et  les  ormes;  on  les  rencontre  aussi  près 
de  Paris  et  à  Paris  même,  sur  les  platanes  de  certaines  avenues.  L'es- 
pèce remonte  peu  au  delà  de  Paris;  on  la  trouve  encore  à  Compiègne, 
n^.ais  non  dans  l'extrême  nord  de  la  France,  ni  dans  le  nord-est,  ni  en 
Angleterre.  Des  amateurs  ont  cherché  à  acclimater  l'espèce  aux  environs 
de  Valenciennes  et  de  Lille,  mais  sans  réussir.  L'espèce  manque  en 
JSelgique,  mais  a  été  indiquée  de  Hollande.  Parfois,  rarement  il  est  vrai, 
l'énorme  chenille  du  Grand  Paon  est  nuisible  aux  poiriers  ;  il  faut  alors 
la  détruire  et  écraser  les  papillons  femelles;  d'ordinaire  ces  chenilles  ne 
sont  pas  assez  nombreuses  sur  le  môme  arbre  pour  causer  du  dom- 
mage; c'est  en  observant  en  juillet  les  énormes  crottins  qui  tombent 
sur  le  sol  au  pied  des  arbres  qu'on  s'assure  qu'il  y  a  des  chenilles, 
faciles  à  recueillir  et  à  amener  à  faire  leur  cocon  en  les  plaçant  cha- 
cune dans  un  cornet  de  papier  rugueux.  La  soie  est  brune  et  très 
incrustée,  assez  abondante  par  cocon,  mais  trop  grossière  pour  être 
réellement  utilisable.  J'ai  vu  autrefois,  dans  la  collection  publique 
de  Lépidoptères  du  Muséum,  faite  par  M.  Latreille,  une  paire  de  gants 
bruns  tricotés  avec  de  la  soie  cardée  du  Grand  Paon. 

Une  seconde  espèce,  également  commune,  est  l'A.  Pavonia  minor, 
Linn.,  Esp,,  Fabr.,  syn.  :  corpmi,. cat.  de  Vienne,  le  Petit  Paon,  Geof- 
froy, le  Petit  Paon  de  nuit,  Engrara.,  le  seul  Attacien  d'Angleterre, 
the  Ëmperor  Moth.  Ici  les  deux  sexes  diffèrent  beaucoup  l'un  de  l'autre 
par  la  couleur  du  fond  des  ailes,  mais  se  ressemblent  par  les  dessins  et 


^^78  LÉPIDOPTÈRES. 

les  fâches  ocellées;  envergure  du  mâle  60  millimètres;  antennes  très 
pectinées  de  chaque  côté  de  la  tige  et  d'un  brun  tanné;  corps  d'un 
brun  légèrement  tanné,  avec  les  anneaux  de  l'abdomen  un  peu  plus 
clairs  en  dessus,  d'un  gris  blanchâtre  en  dessous  ;  ailes  supérieures  d'un 
brun  nébuleux  en  dessus,  sablé  de  rougeâtre  dans  son  milieu,  tandis 
que  le  dessous  est  jaunâtre,  avec  bordure  blanchâtre  intérieurement, 
obscurcie  extérieurement,  une  tache  cramoisie  au  sommet  sur  laquelle 
est  un  chevron  blanc,  convexe  en  dehors  et  embrassant  un  gros  point 
noir  ovale  ;  un  œil  central  entouré  de  blanc  dessus  et  dessous,  bordé 
d'un  cercle  noir  et  plus  en  dedans  d'un  cercle  rouge  incomplet;  ailes 
inférieures  d'un  jaune  fauve  en  dessus,  d'un  rouge  vineux  en  dessous, 
la  bordure  souvent  lavée  de  rouge,  l'œil  médian  pareil  en  dessous  à 
celui  de  l'aile  supérieure,  manquant  en  dessus  de  la  tache  blanche;  les 
deux  yeux  de  chaque  côté  sont  enfermés  entre  deux  lignes  obliques 
sinueuses;  femelle  beaucoup  plus  grande  (70  à  80  millimètres  d'en- 
vergure), ressemblant  à  celle  du  Grand  Paon  très  rapetissée,  d'un  gris 
cendré  plus  ou  moins  foncé,  quelquefois  d'un  gris  rosé,  quelquefois 
avec  la  bordure  des  secondes  ailes  lavée  de  rouge,  les  dessins  et  les 
yeux  comme  ceux  du  mâle;  chenille  cà  toute  sa  taille  d'un  vert  pomme 
foncé,  et  elle  a  sur  chaque  anneau  une  bande  transverse,  d'un  noir  de 
velours,  sur  laquelle  sont  des  tubercules  tantôt  roses,  tantôt  orangés, 
selon  les  sujets,  et  de  chacun  desquels  partent  sept  poils  noirs, 
raides  et  inégaux;  la  couleur  différente  de  ces  tubercules  n'est  pas 
liée  à  la  sexualité,  car  on  obtient  indistinctement  des  mâles  et  des 
femelles  des  individus  à  tubercules  roses  ou  orangés;  les  tubercules 
sont  alignés  sur  le  dos  de  la  chenille,  deux  sur  la  bande  du  premier 
anneau,  quatre  sur  le  dernier,  six  sur  tous  les  autres;  d'après  Dupon- 
chel,  ces  tubercules  laissent  échapper,  quand  on  les  touche,  des  gout- 
telettes d'une  liqueur  claire  et  fétide;  ils  sont  munis  de  sept  épines 
noires,  raides,  courtes  et  d'inégales  longueurs,  mais  non  terminées 
par  un  bouton;  pattes  écailleuses  d'un  brun  tanné,  pattes  membra- 
neuses vertes,  avec  une  lunule  noire  au-dessus  de  la  couronne  ;  stig- 
mates fauves  et  clapet  anal  du  même  vert  que  le  fond  du  corps  ;  au 
premier  âge  les  chenilles  sont  d'un  noir  brun,  avec  une  ligne  orangée 
étendue  en  long  de  chaque  côté,  de  sorte  que,  en  raison  des  poils  épi- 
neux de  leurs  tubercules,  on  les  confondait  aisément  avec  des  chenilles 
de  Vanesses  ou  de  Mélitées. 

Les  chenilles  du  Petit  Paon  de  nuit  vivent  en  société  jusqu'à  la  fin 
de  la  seconde  mue,  puis  se  dispersent  et  vivent  isolées  après  la  troi- 
sième; on  les  trouve,  du  commencement  de  mai  à  la  fin  de  juillet,  sur 
la  ronce,  le  prunellier  et  rarement  le  prunier  cultivé,  le  chêne,  l'orme, 
le  hêtre,  le  charme,  rarement  la  bourdaine,  le  frêne,  le  bouleau,  le 
saule  et  l'osier,  enfin  sur  le  genêt  et  la  bruyère  quand  elles  approchent 
du  terme  de  leur  croissance;  en  captivité  on  les  élève  très  bien  avec 
des  feuilles  de  fraisier,  de  pommier  et  de  poirier.  Quoique  ces  chenilles 


ATTACUS.  /l79 

soient  plus  communes  que  celles  du  Grand  Paon,  elles  ne  sont  pas 
nuisibles  et  vivent  surtout  sur  des  arbres  et  des  arbustes  des  bois  et  des 
haies; 'vers  la  fin  de  juillet,  elles  filent,  dans  les  buissons  ou  entre  les 
branches  des  arbres  nourriciers,  des  cocons  piriformes  et  ouverts  en 
nasse  à  un  bout,  comme  ceux  du  Grand  Paon,  pi.  xciv,  fig.  3;  la  soie  est 
plus  fine,  mais  moins  abondante;  le  cocon,  d'abord  presque  blanc,  devient 
ensuite  roussâtre  à  la  fin  de  sa  filature,  par  une  gomme  que  dégorge 
alors  la  chenille.  Je  possède  un  douppion  de  cette  espùce  filé  par  deux 
chenilles  associées;  la  chrysalide,  pi.  xciv,  fig.  3  a,  est  d'un  noir  brun 
avec  les  bords  des  étuis  des  ailes,  des  antennes  et  des  yeux  et  les  incisions 
abdominales  ferrugineux;  elle  a  l'anus  terminé  par  un  bouquet  de  poils 
raides,  dont  les  intermédiaires  sont  les  plus  longs,  tandis  que,  chez  la 
chrysalide  du  Grand  Paon,  les  poils  du  milieu  de  ce  bouquet  sont  plus 
courts  que  ceux  des  côtés, le  papillon,  qui  se  trouve  dans  toute  la  France, 
éclôt  vers  la  fin  de  mars  ou  au  comencement  d'avril  de  l'année  suivante, 
la  chrysalide  ayant  passé  l'hiver  ;  parfois  elle  demeure  deux  ou  trois  ans 
avant  de  produire  l'adulte.  La  femelle,  dans  le  courant  d'avril,  pond  ses 
œufs,  au  nombre  de  plus  de  cent,  sous  la  forme  d'un  amas  annulaire 
grossier  autour  d'une  branche,  soit  de  ronce,  soit  d'autre  arbre  à  la  lisière 
des  bois,  sans  la  régularité  de  la  bague  spiralée  du  Bombyx  Neustria. 
Une  troisième  espèce,  qui  ne  paraît  pas  exister  en  France,  est  l'.i. 
Pavonia  média,  Fabr.,syn.  :  spini,  Hubner,  le  Moyen  Paon  d'Engramelle, 
dont  les  deux  sexes  se  rapprochent  beaucoup  du  Grand  Paon,  avec  le- 
quel ils  produisent  des  hybrides.  La  taille  est  moindre,  les  antennes  du 
mâle  plus  longues  et  moins  pointues,  les  yeux  du  milieu  des  ailes  dé- 
pourvus de  l'arc  blanc  placé  avant  la  demi-circonférence  rouge.  La  che- 
nille, qui  vit  sur  le  prunier  épineux  et  sur  le  pommier  sauvage,  est 
noire  ou  d'un  brun  noirâtre;  avant  la  troisième  mue,  ses  tubercules 
sont  d'un  bleu  pâle  avec  les  poils  jaunâtres,  puis  ils  deviennent  d'un 
jaune  orangé,  ainsi  que  leurs  poils  et  le  clapet  anal  ;  chrysalide  et  co- 
con analogues  à  ceux  d'^.  piri,  ce  dernier  plus  pâle  ;  mêmes  époques 
d'éclosion  et  de  transformations;  de  Hongrie,  d'Autriche  et  du  midi  de 
la  Russie.  Une  autre  espèce  est  très  localisée  et  très  rare,  surtout  main- 
tenant, la  plupart  des  éleveurs  ayant  perdu  la  race  ;  c'est  VA.  Cœcigena, 
Hubner,  de  Dalmatie,  dont  la  chenille  vit  sur  le  chêne  et  dont  le  papil- 
lon sort  du  cocon  en  automne  de  la  même  année;  les  antennes  sont 
d'un  jaune  ferrugineux  chez  le  mâle  qui  a  les  quatre  ailes  jaunes  avec 
la  côte  rose  ainsi  que  des  bandes  transversales  mal  limitées  de  la  même 
couleur;  en  outre,  elles  sont  traversées  par  deux  lignes  sinueuses  noi- 
râtres ou  d'un  gris  violâtre,  et  entre  elles,  sur  le  disque  de  chaque  aile, 
se  trouve  une  tache  ocellée  rose, bordée  de  noirâtre,  marquée  au  centre 
d'un  très  petit  croissant  transparent,  cet  ocelle  beaucoup  plus  petit  sur 
les  ailes  inférieures  que  sur  les  supérieures;  la  femelle,  plus  petite  que 
le  mâle,  a  les  antennes  jaunes  et  les  ailes,  du  même  dessin  que  le  mâle, 
entièrement  lavées  de  rose,  sauf  la  base  et  la  frange^  qui  conservent  la 


^80  LÉPIDOPTÈRES. 

couleur  jaune  du  mâle.  L'Europe  possède  encore  une  autre  espèce  d'At- 
tacus,  également  très  localisée  et  très  différente  des  trois  Paons  de  nuit 
et  dont  nous  parlerons  à  propos  du  curieux  sous-genre  Actias,  Boisd.  En 
Algérie,  1'^.  piri  esi  remplacé  par  une  très  rare  espèce,  VA.  Atlanticus, 
Lucas,  découverte  par  M.  H.  Lucas  sur  les  chênes-lièges  du  bois  du  lac 
Tonga,  dans  le  cercle  de  la  Galle.  La  taille  est  moindre  que  celle  du 
Grand  Paon  ;  chez  le  mâle,  les  bandes  transversales  des  quatre  ailes  sont 
en  dent  de  scie,  l'iris  des  taches  ocellées  d'un  jaune  foncé,  embrassé  du 
côté  du  corps  par  trois  demi-circonférences,  deux  rouges  et  une  blan- 
che, la  bordure  blanchâtre  des  quatre  ailes  bien  plus  prononcée  que 
chez  A.  piri,le,  collier  antérieur  du  thorax  d'un  beau  blanc,  l'abdomen 
taché  de  rougeàtre  sur  les  côtés,  avec  le  dernier  segment  de  cette 
couleur. 

Parmi  les  Attacus  exotiques,  nous  étudierons  seulement  les  espèces 
offrant  de  l'intérêt  par  la  soie  de  leurs  cocons,  et,  avant  tout,  trois  es- 
pèces asiatiques  de  l'extrême  Orient,  du  sous-genre  Antherea,  Hubner, 
et  qu'on  peut  appeler  les  Vers  à  soie  du  chêne,  diverses  espèces  du  genre 
Quercus  servant  principalement  de  nourriture  à  leurs  chenilles.  La  pre- 
mière dont  nous  parlerons  est  VA.  Yama-maï,  G.  Mén.,  ou  Ver  à  soie  du 
chêne  du  Japon.  Cette  espèce  est  univoltine.  comme  l'est  le  plus  habi- 
tuellement le  Sericaria  mon  ;  ses  œufs,  qui  sont  pondus  généralement 
de  la  fin  de  juillet,  à  une  époque  plus  ou  moins  avancée  du  mois  d'août, 
du  moins  dans  les  éducations  faites  en  Europe,  passent  l'hiver  et  don- 
nent les  petites  chenilles  au  commencement  du  printemps.  Envergure 
du  mâle  15  à  18  centimètres  ;  antennes  très  largement  plumeuses,  à 
peu  près  de  la  couleur  du  fond  des  ailes;  yeux  d'un  vert  glauque,  avec 
reflet  irisé  ;  ailes  étalées  à  plat  au  repos,  les  antérieures  assez  forte- 
ment falquées  au  sommet,  à  pointe  allongée  aiguë,  les  postérieures  ar- 
rondies et  à  contour  unisinueux;  couleur  du  fond  d'un  jaune  brillant 
en-dessus  (du  moins  dans  une  des  variétés  les  plus  fréquentes),  pi.  xc.ui, 
fig.  8,  la  côte,  très  large,  d'un  gris  moucheté  de  blanc;  quelques  stries 
anguleuses  et  transversales  plus  formées  sur  le  premier  quart  des  ailes 
à  partir  de  la  base  ;  à  peu  près  au  milieu  de  chacune  des  quatre  ailes  se 
trouve  un  œil  subtrigone,  à  angles  arrondis,  la  prunelle  centrale  vitrée 
par  absence  d'écaillés,  entourée  d'un  iris  rougeàtre,  puis  d'un  arc  con- 
cenlrique  blanc  du  côté  du  corps,  d'un  arc  noir  du  côté  externe,  enfin 
d'un  arc  rouge  extérieur  à  l'arc  blanc;  dans  son  ensemble  l'œil  mesure 
de  6  à  8  millimètres  de  diamètre,  selon  les  sujets,  un  peu  plus  grand 
sur  les  ailes  inférieures  que  sur  les  supérieures;  entre  les  yeux  et  le 
bord  externe  s'étend  transversalement  sur  les  quatre  ailes  une  étroite 
bande  blanchâtre,  bordée  intérieurement  de  gris  noirâtre  et  souvent 
extérieurement  de  lilas  rosé,  cette  bande  partant  à  peu  près  du  sommet 
sur  l'aile  supérieure  pour  aboutir  au  bord  interne  à  peu  près  au  quart 
de  sa  longueur,  et  suivant,  sur  les  ailes  inférieures,  à  peu  près  le  con- 
tour du  bord  externe,  au  quart  environ  de  la  hauteur  de  l'aile  ;  des- 


ATTACUS.  481 

SOUS  des  ailes  jaunâtre,  un  peu  lavé  de  deux  ou  trois  bandes  plus  fon- 
cées et  de  macules  d'un  gris  noirâtre,  les  yeux  reproduits  vaguement, 
avec  la  partie  vitrée  très  visible  ;  corps  de  la  couleur  des  ailes  dans  les 
diverses  variétés  ;  pattes  courtes  avec  des  poils  de  la  couleur  du  corps, 
les  tarses  d'un  brun  noir,  ainsi  que  les  deux  crochets  assez  courts  qui 
les  terminent;  Cemelle  à  antennes  seulement  bipectinées,  à  barbes 
courtes  et  non  plumeuses  ;  les  ailes,  ordinairement  plus  grandes  que 
chez  le  mâle,  ont  la  coupe  des  supérieures  moins  échancrée  au  bord 
externe  près  du  sommet,  les  inférieures  plus  larges,  l'abdomen  plus 
gros  et  plus  long  ;  mêmes  ocelles  des  ailes,  mêmes  bandes  et  stries 
angulaires  que  chez  le  mâle.  Le  papillon  de  1'^.  Yama-maï  varie  d'une 
manière  considérable  pour  la  couleur  du  fond,  au  point  qu'en  collec- 
tion une  centaine  d'individus  serait  nécessaire  pour  donner  une  gamme 
complète  des  couleurs.  La  plupart  des  femelles  ont  le  fond  des  ailes 
d'un  beau  jaune  citron,  comme  l'indique  notre  description,  cette  cou- 
leur étant  au  contraire  assez  rare  dans  les  mâles;  les  mâles  ont  le  plus 
souvent  les  ailes  d'un  gris  un  peu  jaunâtre,  ce  qui  est  au  contraire  peu 
fréquent  chez  les  femelles  ;  les  mâles  sont  parfois  rougeâfres  et  très 
rarement  les  femelles;  enfin  on  obtient,  mais  rarement,  des  mâles  dont 
le  fond  des  ailes  est  couleur  lie  de  vin. 

Les  œufs  de  VA.  Yama-maï  sont  subsphéroïdaux,  un  peu  aplatis, 
convexes  sur  les  deux  formes,  cet  aplatissement  s'exagérant  dans  les 
œufs  non  fécondés  ;  ils  sont  d'un  blanc  très  légèrement  grisâtre,  cette 
couleur  ordinairement  masquée  par  un  enduit  gommeux  d'un  brun 
foncé,  servant  à  fixer  l'œuf  sur  les  petites  branches  de  chêne;  la  coque 
est  opaque  et  friable,  quand  elle  est  sèche,  comme  celle  d'un  œuf  d'oi- 
seau très  mince;  la  surface  extérieure,  examinée  à  la  loupe,  est  fine- 
ment ponctuée,  ce  qui  est  dû  aux  pores  destinés  à  laisser  passer  l'air. 
La  petite  chenille  est  toute  formée  dans  l'œuf,  un  mois  à  peine  après  la 
ponte,  par  conséquent  bien  avant  l'hiver,  et  aucun  changement  de 
forme  ou  de  couleur  de  l'œuf  ne  fait  pressentir  le  moment  de  l'éclosion 
qui  a  lieu  du  commencement  à  la  fin  d'avril  selon  le  climat,  en  rapport 
avec  l'épanouissement  des  bourgeons  de  chêne;  le  retard  étant  ou  na- 
turel et  amené  par  le  climat  à  la  suite  de  nombreuses  années  d'éduca- 
tion, comme  cela  a  eu  lieu  à  Metz  dans  les  élevages  de  M.  Saulcy,  ou 
bien  le  retard  étant  dû  à  un  glaçage  artificiel  des  œufs,  dès  qu'on  peut 
redouter  l'influence  des  premières  chaleurs  du  printemps,  qui  amène- 
raient des  Gclosions  prématurées  et  suivies  de  la  mort  des  chenilles., 
avant  l'apparition  des  premières  feuilles  de  chêne,  le  plus  tardif  de  nos 
arbres  forestiers.  Lorsque,  après  l'hiver,  les  conditions  de  température 
et  d'humidité  sont  devenues  favorables,  la  jeune  chenille  ronge  sa  coque 
au  micropyle,  ce  qui  lui  procure  un  premier  repas,  et  produit  ainsi  un 
trou  circulaire  delà  grosseur  de  son  corps  par  lequel  elle  sort  et  gros- 
sit promptement  par  son  contact  à  l'air;  elle  est  vagabonde,  semblant 
avoir  besoin  d'un  exercice  continu  pour  favoriser  sa  respiration.  Les 
GIRARD.  m.  —  31 


482  LÉPIDOPTÈRES. 

tubercules,  d'abord  nuls  ou  peu  prononcés,  se  soulèvent  en  relief  et 
leurs  poils  se  redressent  et  divergent,  de  façon  à  entourer  à  peu  près 
tout  le  corps.  Ils  étaient  d'abord  couchés  en  avant  autour  de  la  tête,  cou- 
chés en  arrière  sur  le  reste  du  corps.  La  jeune  chenille  s'arrête  de 
temps  en  temps,  et,  redressant  la  moitié  antérieure  de  son  corps,  la  re- 
jette complètement  en  arrière  sur  la  moitié  postérieure;  ainsi  pliée  en 
deux,  elle  roule,  dos  à  dos,  les  deux  régions  de  son  épiderme  l'une  sur 
l'autre,  et,  par  ce  frottement,  arrive  à  redresser  les  tubercules  et  les 
poils  avant  que  la  surface  de  son  corps  soit  entièrement  sèche,  ce 
qui  maintiendrait  les  poils  collés  à  la  peau;  cette  manœuvre  est,  au 
reste,  celle  de  toutes  les  jeunes  chenilles  poilues  dès  la  naissance.  A  la 
sortie  de  l'œuf,  le  jeune  Ver,  mesuré  pendant  la  marche,  a  8  à  10  mil- 
limètres de  longueur  ;  la  tête  est  d'un  roux  brun,  ainsi  que  le  premier 
segment  du  thorax  et  les  pattes  écailleuses,  le  reste  du  corps  d'un  jaune 
plus  ou  moins  vif;  du  second  au  onzième  anneau,  régnent  sept  lignes 
noires  ou  d'un  brun  fonce',  passant  par  la  base  des  tubercules,  et  le 
douzième  segment  présente  trois  taches,  noires  ou  brunes  ;  les  tubercules 
saillants  surmontés  de  poils,  au  nombre  de  six,  du  segment  2  au  seg- 
ment 11,  les  quatre  supérieurs  jaunes,  les  inférieurs  noirs,  le  segment 
12  n'ayant  que  quatre  tubercules  jaunes  bien  développés.  Au  bout  de 
dix  jours  environ,  la  chenille  se  fixe  à  une  nervure  de  feuille  par  un  peu 
de  bave  soyeuse,  au  moyen  des  pattes  anales,  rentre  la  tête  dans  le  cou 
et  reste  immobile,  fortement  contractée.  Après  un  sommeil  variant  de 
quarante-huit  à  soixante  heures,  selon  la  température,  s'opère  la  pre- 
mière mue.  La  chenille  au  second  âge  a  environ  14  millim.  de  longueur  ; 
elle  est  d'un  vert  clair  avec  une  ligne  stigmatale  jaunâtre  ;  tous  les  tu- 
bercules sont  devenus  jaunes,  les  pattes  écailleuses,  le  bord  des  pattes 
membraneuses,  et  les  taches  du  douzième  segment  sont  d'un  roux  brun, 
la  tête  restant  d'un  roux  plus  foncé,  presque  couleur  de  brique,  les 
tubercules  latéraux  inférieurs  commencent  à  prendre  une  teinte  bleue. 
Au  bout  de  douze  jours  environ,  dont  trois  de  sommeil,  se  produit  la 
seconde  mue.  Au  troisième  âge,  le  Ver  a  environ  35  millimètres  de 
long;  la  tête  est  rousse,  teintée  de  vert  au  milieu  du  front,  la  robe  en- 
tière d'un  vert  clair  avec  les  stigmates  jaunes,  les  pattes  écailleuses 
et  les  bords  des  pattes  membraneuses  d'un  roux  foncé,  les  tubercules 
jaunes,  sauf  ceux  de  chaque  rang  latéral  inférieur  qui  sont  d'un  beau 
bleu;  les  teintes  sont  moins  intenses,  plus  fondues  chez  les  Vers  ayant 
déjà  plusieurs  générations  européennes  que  chez  ceux  d'importation 
japonaise  directe.  Les  segments  2,  3,  à,  se  renflent,  de  sorte  que  la 
chenille,  vue  de  front,  semble  prismatique;  cette  particularité  se 
conserve,  en  devenant  plus  accentuée,  dans  la  suite  des  âges. 
Le  Ver,  après  dix  à  onze  jours  de  nourriture,  s'endort  pendant 
soixante  à  soixante-douze  heures,  et  opère  sa  troisième  mue.  Au  com- 
mencement du  quatrième  âge,  la  chenille  n'a  guère  plus  de  /jS  milli- 
mètres de  longueur,  mais  elle  triple  de  volume  pendant  cet  âge.  Elle 


ATTACUS.  48  S 

est  d'un  beau  vert,  un  peu  transparent;  la  peau  se  gontle  beaucoup,  de 
sorte  que  les  tubercules  disparaissent  presque  entièrement.  Du  qua- 
trième au  onzième  segment  règne  une  étroite  bande  stigmatale  jau- 
nâtre qui  aboutit  à  une  grande  tache  brune  triangulaire  située  de 
chaque  côté  du  dernier  segment,  la  tète  et  le  bord  des  pattes  membra- 
neuses sont  encore  d'un  brun  roussâtre  lavé  de  vert,  et,  de  chaque  côté, 
sur  les  segments  5  et  souvent  6,  au-dessus  du  stigmate,  on  observe  une 
belle  tache  de  couleur  argentée  et  d'un  reflet  métallique;  dans  les  Vers 
qui  ont  eu  plusieurs  générations  en  France,  les  points  métalliques 
manquent,  la  bande  stigmatale  est  à  peine  indiquée,  et  ces  décolora- 
tions me  semblent  indiquer  un  commencement  de  dégénérescence.  Les 
tubercules  latéraux  sont  d'un  bleu  foncé  et  des  taches  de  même  cou- 
leur, fondues  de  vert  sombre,  se  montrent  souvent  vers  la  naissance 
des  pattes  membraneuses.  Cet  âge  dure  environ  dix-sept  jours,  dont 
quatre  pour  le  sommeil  qui  précède  la  quatrième  mue,qui  est  la  plus  pé- 
nible et  la  plus  douloureuse.  Au  cinquième  âge,  le  Ver  devient  énorme 
et  atteint  juqu'à  90  et  95  millimètres  de  longueur,  avec  une  grosseur 
proportionnée  ;  la  couleur  est  d'un  beau  vert  un  peu  pâle,  les  tuber- 
cules ont  disparu  sous  la  turgescence  de  la  peau.  Dans  les  chenilles 
provenant  d'œufs  importés  directement  du  Japon,  les  points  métalliques 
argentés  se  font  remarquer  de  chaque  côté  du  corps,  au  nombre  de 
trois,  quatre  et  jusqu'à  sept,  un  par  segment  d'un  côté,  et  restent  nuls 
ou  rudimentaires  chez  les  individus  français.  Au  bout  de  seize  à  dix- 
huit  jours,  selon  la  température,  la  chenille,  après  avoir  considérable- 
ment mangé,  devient  translucide,  d'un  vert  pâle  et  presque  jaunâtre,  à 
mesure  qu'approche  le  moment  où  elle  doit  filer.  Elle  se  montre  très 
vagabonde,  cherchant  un  endroit  propice  pour  attacher  son  cocon;  son 
choix  fait,  elle  se  vide,  en  rendant  une  grosse  goutte  d'un  liquide  trans- 
parent, et,  pliant  en  long  une  large  feuille  de  chêne,  ou  en  réunissant 
deux  ou  trois  feuilles  pour  se  garantir  du  jour,  elle  les  tapisse  d'un  ré- 
seau de  bave  ou  soie  grossière,  les  attache  à  la  branche  avec  un  cordon 
court,  aplati,  formé  de  quelques  brins  de  soie,  et  se  met  à  filer  sans  re- 
pos; le  pédicule  soyeux  d'attache  devient  souvent  rudimentaire  ou  nul. 
Le  cocon  del'^.  Yama-mat  e&t  celui  qui  se  rapproche  le  plus  de  celui 
du  Sericaria  mort,  dont  il  a  souvent  même  toute  l'apparence,  de  forme 
oblongue  allongée,  complètement  fermé  aux  deux  bouts  et  d'une  belle 
couleur  jaune  dorée,  et  plus  souvent  jaune  verdàtre,  rappelant  les  co- 
cons dits  céladons  du  Ver  à  soie  du  mûrier  (pi.  xciii,  fig.  9).  Il  est  sensi- 
blement plus  gros  que  celui  de  cette  dernière  espèce,  ayant  de  Z|5  à 
53  millimètres  de  longueur,  23  à  27  en  diamètre  équatorial.  Le  Ver 
commence  à  tisser  tout  autour  de  lui  un  réseau  transparent,  à  travers 
les  mailles  duquel  on  le  voit  travailler,  et  qui  devient  opaque  en  s'é- 
paississant,  à  mesure  que  de  nouvelles  couches  de  fil  sont  ajoutées  aux 
premières.  Le  fil,  composé  d'un  double  fil,  en  raison  des  deux  glandes 
séricigènes  donnant  chacune  un  fil  s'accolant  à  son  congénère  dans  la 


USU  tfePlDOPTÈREF. 

filière  de  la  chenille,  a  de  800  a  1000  mètres  de  longueur,  faisant  à  peu 
près  uniformément  le  tour  du  cocon  dans  les  couches  extérieures,  tan- 
dis que  dans  les  internes,  il  forme  des  circuits  plus  ou  moins  nombreux  à 
un  bout,  avant  de  passer  a  l'autre  extrémité  où  la  même  disposition  se  re- 
produit. Cette  particularité  a  pour  objet  d'accélérer  le  travail  en  déran- 
geant moins  le  Ver  et  de  faciliter  la  sortie  du  papillon,  en  permettant 
aux  fils  qu'il  désagrège,  lors  de  son  éclosion,  de  se  développer  en  lon- 
gueur, de  se  distendre,  pour  ne  pas  entraver  le  passage  du  corps  de 
l'insecte.  iJ'un  vert  plus  ou  moins  foncé  ou  d'un  beau  jaune  verdâtre 
dans  les  couches  extérieures,  ce  fil  passe  au  blanc  d'argent  dans  les  cou- 
ches internes  et  devient  aussi  plus  fin  et  plus  brillant.  Un  cocon  femelle 
du  Ver  du  chêne,  avec  sa  chrysalide,  pèse  en  moyenne  de  7  à  8  gram- 
mes, tandis  que  le  cocon  du  Ver  du  mûrier  ne  pèse  que  2,5  à  3  grammes. 
Le  cocon  vide  de  la  première  espèce  pèse  de  70  à  80  centigrammes,  celui 
du  Ver  du  mûrier  25  à  35  centigrammes  seulement.  La  gomme  qui  in- 
cruste le  cocon  de  1'^.  Yama-mài  est  assez  épaisse,  mais  se  ramollit  très 
bien  à  l'eau  bouillante.  Ce  cocon  se  dévide  aussi  aisément  que  celui  du 
Sericaria  mori  et  exige  seulement  une  eau  plus  chaude  ;  la  gomme  ne 
se  dissolvant  pas  complètement,  deux  ou  plusieurs  brins  peuvent  s'as- 
socier par  la  croisade,  de  façon  à  donner  un  fil  unique  de  soie  grège.  La 
soie  est  d'un  brin  moins  fin  que  celle  du  Ver  du  mûrier,  mais  elle  a, 
après  décreusage,  autant  de  brillant,  de  souplesse  et  d'élasticité,  de  sorte 
qu'en  dévidant  à  trois  ou  quatre  cocons  on  aura  une  grège  analogue  à 
celle  du  Ver  à  soie  ordinaire  dévidé  à  huit  ou  dix  cocons,  et  cette  soie 
devient  aussi  blanche  par  les  opérations  d'usage.  Elle  est  très  estimée 
au  Japon,  et  employée,  pour  les  parties  blanches,  dans  les  crêpes  de 
soie  japonais,  si  recherchés  en  Europe;  aussi  la  culture  de  ce  Ver  du 
chêne  constitue  un  monopole  dont  le  gouvernement  du  .lapon  est  extrê- 
mement jaloux,  et  le  kilogramme  de  cette  soie  se  paye  sur  le  marché  de 
Yokohama  de  75  à  83  francs,  d'après  M.  Pompe  van  Meerdervoorl,  prix 
très  peu  intérieur  à  celui  des  plus  belles  soies  du  mûrier.  La  couche  su- 
perticielle  du  cocon  n'est  pas  dévidable  ;  c'est  de  la  bourre  qui  ne  peut 
s'utiliser  qu'en  filoselle,  aprèscardage.  A  la  séance  de  la  Société  d'accli- 
matation du  21  janvier  1881,  ont  été  présentées  de  fort  belles  dentelles 
de  soie  fabriquées  à  Bruxelles  avec  la  soie  grège  de  VA.  Yama-niaï,  pro- 
venant des  éducations  faites  dans  ce  pays  par  M""'  veuve  Simon  et 
M.  Simon  fils,  et  ces  personnes  la  déclarent  préférable  pour  cet  usage  à 
la  soie  du  Sericaria  mori.  Au  Japon,  on  fabrique  avec  la  soie  du  Yama- 
maVdes  tissus  très  solides,  dans  lesquels  entrent  quelquefois  des  matières 
Éextiles  d'un  prix  moins  élevé,  principalement  du  coton. 

Le  Ver  file  pendant  quatre  ou  cinq  jours,  en  se  rapetissant  peu  à  peu 
dans  les  limites  de  son  étroite  prison,  puis  demeure  immobile  pendant 
cinq  à  six  jours,  au  bout  desquels  il  devient  chrysalide,  d'abord  molle 
et  blanchâtre,  se  séchant  peu  à  peu  par  le  contact  de  l'air  qui  tiltre  à 
travers  le  cocon,  prenant  une  teinte  roussùtre,  puis  bistrée,  enfin   d'un 


ATTACUS.  485 

brun  noir,  deux  ou  trois  jours  après  la  transformation.  D'après  la  sus- 
pension môme  du  cocon,  la  chrysalide  s'y  trouve  placée  à  peu  près  ver- 
ticalement, la  tête  en  haut,  ayant  à  la  partie  antérieure  un  réservoir 
plein  d'une  liqueur  particulière  destinée  à  dissoudre  la  gomme  du  co- 
con, à  en  ramollir  les  fils  et  à  humecter  le  corps  du  papillon  pour  lui 
permettre  de  se  frayer  un  passage  au  travers  de  sa  prison.  L'éclosion  du 
papillon  a  lieu  environ  quarante  jours  après  que  le  cocon  a  été  com- 
mencé par  la  chenille,  au  mois  d'août  habituellement  chez  nous,  plus 
ou  moins  tôt,  suivant  l'époque  d'éclosion  des  œufs  et  selon  les  tempé- 
ratures du  printemps  et  de  l'été. 

La  chenille  de  1'^.  Yama-mai  est  réellement  polyphage,mais  avec  un 
végétal  de  prédilection,  constitué  par  les  diverses  espèces  du  genre 
Quercus.  Les  meilleures  espèces  dans  l'Europe  centrale  sont  le  chêne 
blanc  {Quercus  pedunculata),  commun  dans  toute  la  France,  l'espèce  do. 
minante  du  nord  de  la  France,  de  la  Normandie, des  environs  de  Paris, 
dont  les  feuilles  sont  les  plus  précoces;  le  chêne  pubescent  (Qwercus  pu- 
bescens),  à  feuilles  un  peu  velues  dans  leur  jeunesse  et  qui  croît  plus  par- 
ticulièrement dans  les  terrains  calcaires,  aux  expositions  méridionales  ; 
le  Quercus  sessiliflora  ou  Quercus  robur,  le  chêne  rouvre,  essence  domi. 
nante  des  forêts  du  centre  de  la  France,  à  feuilles  d'un  vert  sombre, 
lisses  et  luisantes,  conservant  longtemps  leur  fraîcheur  après  avoir  été 
cueillies;  le  Quercus  Cerris,  à  feuilles  distantes  les  unes  des  autres;  le 
Quercus  Tauza  ou  chêne  Tauzin,  chêne  noir,  propre  à  l'Angoumois  et  au 
sud-ouest  de  la  France;  le  chêne  vert  {Quercus  ikx)  et  le  chêne-liège 
{Quercus  suber)  sont  moins  favorables  aux  éducations  de  VA.  Yama-maï, 
à  cause  de  la  dureté  de  leurs  feuilles  dès  le  milieu  du  printemps.  Au 
Japon,  la  chenille  se  nourrit  de  plusieurs  chênes  spéciaux,  qui  sont  le 
chêne  blanc  ou  farineux,  et  surtout  le  Quercus  dentata  et  le  Quercus  ser- 
ruUi,  Thunberg,  chênes  dont  les  feuilles  ont  un  aspect  de  feuilles  de 
châtaignier;  les  chenilles  nourries  avec  les  feuilles  des  deux  premiers 
chênes  donnent  des  cocons  très  fournis  en  soie,  la  dernière  espèce  de 
chêne  fournissant  des  cocons  moelleux,  forts  et  d'un  fil  supérieur.  On  a 
pu  élever  jusqu'au  coconnage  les  chenilles  de  1'^.  Yama-maï  avec  les 
feuilles  du  coignassier  commun;  elles  mangent  aussi  les  feuilles  de 
l'alisier,  de  l'azérolier,  du  Pliotinia  g labr a  de  Chine;  au  premier  âge, 
quand  les  feuilles  de  chêne  ne  sont  pas  encore  parues,  on  a  pu  alimen- 
ter les  chenilles  avec  les  fleurs  rouges  du  coignassier  du  Japon  ;  en- 
fin, au  dernier  âge,  on  en  a  vu  mangeant  les  feuilles  de  châtaignier.  En 
général,  les  chenilles  âgées,  à  estomac  plus  robuste, supporteront  mieux 
le  changement  de  nourriture. 

I;e  Japon  est  le  pays  d'origine  de  VA.  Yama-maï,  mot  japonais  qui 
veut  dire  Ver  de  montagne,  et  son  éducation  se  fait  dans  diverses  régions 
de  ce  vaste  pays  par  des  procédés  tout  à  fait  analogues  à  ceux  qui  ont 
été  employés  en  Europe,  depuis  l'acclimatation  plus  ou  moins  complète 
de  cette  précieuse  espèce.  Un  premier  mode  d'élevage  est  celui  sur 


486  LÉPIDOPTÈRES. 

branches  de  chêne  en  baquets  et  convient  surtout  aux  trois  premiers 
âges.  Vers  le  milieu  du  mois  d'avril  on  établit,  sous  des  arbres  élevés 
donnant  de  l'ombre  avec  circulation  d'air,  des  hangars  entourés  de 
paillassons  et  de  joncs,  et  au  milieu,  sous  une  estrade  de  bois,  sont  dis- 
posés des  baquets  munis  d'un  couvercle,  avec  des  trous  au  milieu. 
Contre  le  fond  de  chaque  baquet  est  établi  un  tuyau  bouché,  permet- 
tant de  faire  écouler  l'eau  du  baquet,  qui  doit  être  renouvelée  tous  les 
deux  jours.  Sur  l'estrade  el  sur  de  légers  paillassons  de  paille  fine,  sont 
déposés  les  œufs  dans  de  petits  godets  de  bois.  Dès  que  les  chenilles 
viennent  à  éclore,  on  place  des  brandies  de  chêne  dans  les  trous  d'un 
nombre  de  baquets  convenable,  et,  ouvrant  le  paillasson,  on  attache  un 
godet  à  œufs  à  une  des  branches  du  bouquet  de  chaque  baquet.  Au 
bout  de  trois  jours,  on  enlève  la  branche  chargée  de  jeunes  chenilles 
que  les  Japonais  nomment  petits  chevelus,  à  cause  de  leur  aspect,  ou  la 
couche  sur  un  paillasson  avec  beaucoup  de  précautions  pour  ne  pas 
blesser  les  chenilles,  et  l'on  applique  par-dessus  une  branche  fraîche  sur 
laquelle  les  chenilles  passent  d'elles-mêmes  en  une  demi-journée  envi- 
ron. On  remet  la  branche  dans  le  trou  du  couvercle  du  baquet,  en  ayant 
bien  soin  de  ne  jamais  toucher  les  chenilles  avec  les  doigts.  En  temps 
secs,  on  fait  plusieurs  arrosages  par  jour  avec  une  fine  pluie  artificielle 
obtenue  à  l'arrosoir  ou  avec  un  tuyau  de  bambou  percé  de  petits  trous- 
A  partir  de  la  seconde  mue  on  peut  enlever  les  paillassons  qui  couvrent 
les  hangars  quand  il  pleut,  ces  pluies  du  mois  de  mai  étant  favorables  à 
la  chenille.  La  clôture  et  la  couverture  des  hangars  au  moyen  de  pail- 
lassons ayant  surtout  pour  objet  de  garantir  les  chenilles  contre  les  oi- 
seaux, les  guêpes  et  d'autres  insectes  nuisibles,  on  enlève  ces  paillas- 
sons de  temps  à  autre  pour  aérer  les  Vers.  A  mesure  que  la  chenille 
grandit,  le  nombre  des  baquets  requis  augmente  à  chaque  renouvel- 
lement des  branches;  tandis  qu'au  début  on  compte  cinq  cents 
chenilles  par  baquet,  le  nombre  n'en  est  plus  que  de  cinquante 
après  la  quatrième  mue.  Au  bout  de  soixante  jours  environ,  et  plus 
même  si  la  contrée  est  froide,  les  chenilles  commencent  à  filer  leurs 
cocons. 

Un  autre  mode  d'éducation,  qui  au  fond  diffère  peu  du  précédent,  est 
l'éducation  sur  le  sol,  se  pratiquant  sur  les  chenilles  qui  ont  subi  la 
troisième  mue.  On  forme  des  fosses  d'environ  un  demi-mètre  de  profon- 
deur qu'on  remplit  de  balles  de  riz  imbibées  d'eau  et  qu'on  recouvre 
d'un  paillasson;  à  traversée  paillasson  on  enfonce  jusqu'au  fond  de  la 
fosse  les  branches  de  chêne  sur  lesquelles  on  place  les  chenilles,  en  y 
attachant  les  branches  sur  lesquelles  elles  se  trouvent  déjà.  Chaque  jour 
on  renouvelle  largement  l'eau  de  la  fosse,  afin  que  le  feuillage  se  con- 
serve longtemps  frais.  On  renouvelle  les  branches  en  y  faisant  monter 
les  chenilles,  comme  dans  le  procédé  précédent.  On  ne  met  plus  de 
couverture  sur  l'enclos,  les  chenilles  pouvant  supporter  la  pluie. 

Enfin  vient  l'éducation  libre  dans  les  champs  elles  forêts.  Là  où  elle  est 


A.TTACUS.  487 

pratiquée,  après  la  troisième  mue,  on  nettoie  àl'avance  l'emplacement  des 
herbes,  arbrisseaux  et  arbres  impropres  à  nourrir  la  chenille  du  Yama- 
mat.  On  coupe  les  branches  de  chêne  trop  élevées  des  arbres  de  haute 
tige,  de  manière  à  ne  conserver  de  branches  qu'à  une  hauteur  de  moins 
de  trois  mètres,  afin  qu'on  puisse  toujours  aisément  atteindre  les  bran- 
ches où  seront  les  chenilles  et  les  cocons.  Si  l'endroit  choisi  est  dans  le 
voisinage  des  habitations,  on  veillera  surtout  à  le  garantir  de  la  fumée 
des  cuisines.  Les  chenilles  se  transportent  d'elles-mêmes  et  rapidement 
sur  les  taillis  de  chênes,  lorsqu'on  y  attache  les  branches  détachées  sur 
lesquelles  elles  se  trouvent.  Pour  empêcher  les  attaques  des  fourmis, 
on  mouille  le  bas  des  tiges  avec  la  gelée  visqueuse  d'une  espèce  de 
varech,  et  l'on  fait  garder  les  arbustes  contre  les  oiseaux  par  des  sur- 
veillants. Quand  les  cocons  sont  formés,  il  faut  les  défendre  contre  les 
souris,  les  corbeaux  et  les  renards.  On  coupe  les  branches  chargées  de 
cocons  et  on  les  suspend  à  des  cordes  tendues.  Au  centre  de  l'île  de 
Niphon,  dans  la  province  de  Sinshiu,  on  élève  uniquement  VA.  Yama- 
maï  en  plein  air,  et  sur  le  Quercus  serrata,  ou  chêne  à  feuille  de  châ- 
taignier, dont  les  plantations  s'étendent  dans  toute  la  vallée.  Elles  sont 
faites  très  serrées,  et  l'on  recèpe  les  arbres  tous  les  cinq  ans,  atin  d'a- 
voir constamment  de  jeunes  pousses.  Les  semis  se  font  en  pépinières. 
Le  terrain  est  léger  et  sablonneux,  le  climat  assez  froid,  car  les  feuilles 
sont  souvent  atteintes  par  la  gelée.  Dès  que  les  bourgeons  du  chêne  se 
sont  développés,  les  œufs  sont  collés  par  dix  environ  à  la  fois,  avec  de 
la  farine  de  sarrasin,  sur  des  bandes  de  papier  de  15  centimètres  de 
long  sur  1  centimètre  de  large,  et  ces  bandes  sont  nouées  aux  branches, 
les  œufs  en  dehors  et  non  contre  l'écorce  et  exposés  au  nord,  afin  d'é- 
viter l'action  des  rayons  solaires.  L'éclosion  de  la  graine  commence  au 
bout  de  quatre  à  cinq  jours  et  dure  à  peu  près  autant.  Au  sortir  de 
l'œuf,  les  jeunes  chenilles  gagnent  immédiatement  les  feuilles  des 
arbres.  On  compte  une  soixantaine  de  jours  entre  l'éclosion  de  la  graine 
et  la  confection  du  cocon,  période  pendant  laquelle  la  chenille  reste 
constamment  à  l'air  libre  et  y  subit  ses  quatre  mues.  Trois  jours  après 
que  la  filature  du  cocon  est  entièrement  terminée,  sa  partie  inférieure 
prend  une  teinte  blanchâtre, due  à  une  sécrétion  urique  de  la  chenille, 
qui  avide  ses  glandes  séricigènes.  C'est  alors  que  les  cocons  sont  enle- 
vés des  arbres,  avec  les  feuilles  auxquelles  ils  adhèrent,  et  même,  au 
besoin,  avec  un  petit  morceau  de  la  branche.  On  les  apporte  dans  les 
habitations  pour  les  élaler  sur  des  tablettes  ou  dans  des  corbeilles  plates, 
où  on  les  conserve  à  l'abri  de  toute  fumée.  Au  bout  d'une  dizaine  de 
jours,  après  avoir  détaché  les  feuilles  adhérentes,  on  secoue  les  cocons 
un  à  un,  en  les  tenant  entre  les  doigts  par  les  deux  bouts,  afin  de  s'as- 
surer de  la  vitalité  de  la  chrysalide  d'après  le  bruit.  On  réserve  pour  le 
grainage  les  plus  beaux  cocons  à  chrysalides  vivantes;  tous  les  autres, 
destinés  au  dévidage,  sont  séchés  à  la  chaleur  d'un  brasier  de  charbon. 
Dans  d'autres  localités  du  Japon,  c'est  au  moyen  d'étuves  à  vapeur  d'eau 


Zl88  LÉPIDOPTÈRES. 

bouillante  qu'on  tue  les  chrysalides  des  cocon    de  dëvidage,  moyen 
beaucoup  moins  bon  que  l'étoufFage  à  l'air  chaud. 

N'importe  de  quelle  manière  ait  été  faite  l'éducation,  les  papillons 
sortent  environ  vingt-cinq  jours  après  la  confection  des  cocons,  à  une 
époque  variable  selon  la  température,  parfois  même  après  le  1^'  sep- 
tembre. Ils  font  généralement  leur  apparition  entre  quatre  heures  du 
soir  et  la  nuit,  et  les  mâles  édosent  les  premiers  en  grande  majorité. 
On  les  met  immédiatement  sous  des  paniers  renversés,  en  treillis  de 
bambou  et  en  forme  de  cloche,  munis  d'un  couvercle,  et  dont  le  fond 
est  fermé  avec  du  papier;  puis  on  répartit  les  femelles  entre  les  mâles, 
dans  les  paniers,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  apparition.  L'accouplement 
commence  dès  le  soir  et  dure  dix  à  douze  heures.   Parfois  des  mâles 
libres  arrivent  du  dehors  et  s'accouplent,  entre  les  barreaux  des  cages, 
avec  les  femelles  qui  y  sont  renfermées;  les  accouplements  terminés  en 
peu  de  jours,  on  enlève  les  couvercles.  Les  mâles  s'envolent  ou  sont  re- 
tirés et  meurent,  et  on  ne  laisse  dans  les  paniers  de  bambou   que  les 
femelles  occupées  à  la  ponte  et  qui  déposent  leurs  œufs  sur  les  treillis 
des  parois.  Les  paniers  sont  mis  à  l'ombre  et  arrosés  d'une  pluie  fine 
jusqu'à  ce  que  toutes  les  femelles  aient  péri.  La  ponte  dure  quatre  à 
cinq  jours  et  le  nombre  des  œufs  pondus  par  chaque  femelle  varie  de 
cent  cinquante  à  deux  cents.  Les  cages  sont  empilées  les  unes  sur  les 
autres  après  la  ponte  et  accrochées  par  rangées  sous  les  rebords  du  toit 
des  habitations,  où  les  œufs  se  trouvent  recevoir  une  ventilation  néces- 
saire, sans  être  exposés  à  la  pluie,  au  soleil  ou  à  la  fumée.  A  la  fin  de 
l'automne  on  détache  avec  un  grattoir  de  bambou  les  œufs  collés,  sur 
les  paniers  et  on  les  étale  dans  des  plateaux  ou  tamis  en  toile  de  chan- 
vre, garnis  de  rebords  de  bois,  en  évitant  de  mettre  plusieurs  couches 
d'œufs  les  unes  sur  les  autres.  Les  tamis  sont  rangés  au-dessus  des  mai- 
sons, de  sorte  que  les  œufs  sont  exposés  aux  intempéries  de  l'hiver,  la 
neige  et  la  pluie  ne  faisant  périr  que  les  petits  Vers  très  chétifs,  tandis 
que  les  Vers  forts  résistent  et  donnent  pour  l'année  suivante  une  race 
vigoureuse.  Certains  éducateurs  ne  détachent  pas  les  œufs  des  paniers, 
mais  placent  ceux-ci  dans  des  petites  cabanes  bien  aérées,  faites  avec 
de  gros  paillassons  en  roseaux.  Vers  le  commencement  d'avril,  les  œufs 
sont  ramassés  et  placés  dans  de  petits  sacs  en  toile  de  chanvre,  qu'on 
enferme  dans  des  boîtes,  aux  parois  desquelles  se  trouvent  ménagées 
des  ouvertures  pour  laisser  aux  œufs  une  aération  suffisante.  Ces  boîtes 
sont  suspendues  en  plein  air,  à  des  arbres  par  exemple,  mais  de  façon 
à  ce  qu'elles  se  trouvent  constamment  à  l'ombre;  ou  bien  on  les  garde 
dans  un  cellier  froid,  ou  bien  on  les  enterre  dans  un  trou  profond  ;  ces 
dernières  opérations  ne  sont  indispensables  que,  lorsque  le  printemps 
étant  froid,  l'apparition  des  feuilles  de  chêne  se  fait  attendre,  et  qu'il 
est,  par  suite,  indispensable  de  retarder  l'éclosion  des  œufs. 

Le  dévidage  des  cocons  se  fait  au  Japon  à  l'eau  bouillante.  Les  cocons 
de  premier  choix  sont  trempés  dans  l'eau  froide  pendant  vingt  minutes, 


ATTACUS.  489 

de  manière  à  permettre  le  détachement  des  fils;  on  lève  les  fils  d'une 
centaine  de  cocons  qu'on  attache  à  une  baguette  et  on  les  porte  dans  un 
autre  bain  d'eau  qu'on  soumet  à  l'ébullition.  On  dévide  à  trois  brins 
pour  les  cocons  des  Vers  élevés  à  l'air  libre,  à  si.v  ou  sept  pour  les  cocons 
des  éducations  en  chambre,  à  soie  plus  fine.  Les  codons  de  qualité  infé- 
rieure subissent  un  décreusage  avant  d'être  dévidés.  On  les  trempe  dans 
un  bain  de  lessive  potassique  obtenue  en  versant  de  l'eau  bouillante 
sur  des  cendres  de  paille  de  sarrasin,  ou  de  branches  et  de  feuilles  brû- 
lées pour  les  cocons  de  dernière  qualité. 

En  ce  qui  concerne  les  maladies  qui  sévissent  parfois  sur  le  Yanm- 
maï,  les  éducateurs  japonais  disent  qu'on  voit,  dans  certaines  années, 
apparaître  des  taches  noires  sur  les  Vers  après  la  quatrième  mue,  et, 
dans  ce  cas,  l'insecte  meurt  avant  d'avoir  pu  filer  son  cocon.  Les  Vers 
Sont  également  sujets  à  une  autre  maladie  qui  a  pour  symptôme  une 
transpiration  abondante,  pendant  laquelle  l'insecte  prend  une  couleur 
brunâtre,  et  la  mort  arrive  très  promptement;  il  y  a  là  probablement 
de  laflacherie.  Les  Vers  sont  aussi  attaqués  parfois  d'une  sorte  de  diar- 
rhée dont  les  conséquences  sont  toujours  fatales.  Les  éducateurs  affir- 
ment que,  lorsque  des  pluies  abondantes  surviennent  au  moment  où  les 
œufs  sont  attachés  aux  chênes  avec  les  bandes  de  papier,  il  peut  en  pé- 
rir un  grand  nombre.  Enfin,  dans  les  années  pluvieuses,  se  montre  sur- 
tout le  parasite  appelé  ovji,  probablement  une  mouche  Tachinaire, 
dont  on  trouve  parfois  jusqu'à  dix  pupes  dans  une  même  chrysalide. 

Dans  l'ouest  du  Japon,  sur  l'île  Kiousou  et  dans  l'intérieur  de  Nippon, 
il  y  a  plusieurs  régions  où  V  Yama-maï  se  trouve  seulement  à  l'état  sau- 
vage dans  les  forets,  et  l'on  y  rencontre  maint  endroit  où  les  femmes  et 
les  enfants  s'occupent  à  ramasser  les  cocons  dans  les  forêts  des  mon- 
tagnes, occupation  qui  fait  la  fortune  de  bien  des  familles. 

C'est  en  1861  que  les  premiers  œufs  de  VA.  Yama-maï  furent  envoyés 
du  Japon  en  France  par  M.  Duchesne  de  Bellecourt.  Les  premières 
chenilles  nées  de  ces  œufs  furent  élevées  à  Paris,  au  Muséum,  dans  la 
ménagerie  des  reptiles,  par  le  gardien  Vallée,  sous  la  direction  d'A. 
Duméril.  Elles  furent  nourries  avec  des  feuilles  de  chêne  de  diverses 
espèces  et  refusèrent  tout  autre  aliment.  Cette  éducation  ne  put  arriver 
à  bien,  car  on  n'obtint  que  quatre  cocons  dont  les  chrysalides  mou- 
rurent; cela  doit  tenir  à  l'air  confiné  du  local,  car  l'espèce  exige  l'air 
libre.  En  même  temps  et  avec  la  même  graine,  Guérin-Méneville 
essaya  l'éducation;  les  petites  chenilles  moururent  de  faim,  par  suite 
d'éclosion  précoce,  avant  l'apparition  des  feuilles  de  chêne;  une  seule 
chenille,  née  en  retard,  fut  élevée  à  Passy  chez  un  horticulteur, 
M.  Année,  et  donna  le  seul  papillon  de  l'espèce  existant  en  Europe 
avant  1863,  une  magnifique  femelle  à  fond  jaune.  On  observa,  dans 
ces  premières  tentatives,  que  les  chenilles  de  l'espèce  japonaise  n'é- 
taient pas  farouches  et  craintives  comme  celles  de  VA.  MijlUta,  tou- 
jours élevées  au  Bengale  à  l'état  sauvage  ;  elles  semblaient  appartenir 


490  f.ÉPinOPTÈRES. 

à  une  espèce  habituée  à  l'homme  et  déjà  presque  domestique.  On  étu- 
dia la  soie  des  cocons  obtenus  ;  la  finesse  du  brin,  mesurée  au  mici'o- 
mètre  sous  le  microscope,  varia  de  5  à  2,5  centièmes  de  millimètre, 
suivant  la  région  du  cocon,  se  rapprochant  beaucoup  de  celle  du  Seri- 
caria  mori,  qui  est  d'environ  2  centièmes  de  millimètre,  tandis  que 
les  fils  plus  grossiers  des  A.  Mylitta  et  Pernyi  atteignent  des  largeurs 
de  6  à  7  centièmes  de  millimètre.  En  1862  furent  remises  à  la  Société 
d'Acclimatalion  des  graines  rapportées  par  M.  Pompe  van  Meerdervoort, 
et  qui  donnèrent  d'excellents  résultats.  Cette  graine  avait  été  obtenue 
en  secret,  car  le  gouvernement  japonais  en  prohibait  l'exportation 
sous  peine  de  mort.  En  186/i  et  1865,  après  la  liberté  du  commerce 
obtenue  sous  la  menace  du  canon,  les  graines  librement  achetées  et 
probablement  altérées  à  dessein  ne  procurèrent  que  des  insuccès. 
M.  Pompe  van  Meerdervoort  donna  connaissance  d'un  fait  important 
qui  montrait  l'absolue  nécessité  de  l'air  libre  si  l'on  ne  voulait  pas 
perdre  la  race  par  une  prompte  dégénérescence.  Au  Japon,  disait-il, 
le  Yama-maï  est  élevé  de  deux  manières  sur  toutes  les  espèces  de 
chêne,  soit  en  chambre,  sur  chênes  en  pots  ou  sur  rameaux  coupés, 
soit  en  plein  air,  et  les  cocons  du  second  mode  d'éducation  sont  plus 
grands  et  plus  lourds  que  les  autres  et  leur  soie  est  autrement  colorée. 
Si  déjà  une  telle  différence  se  manifeste  au  Japon,  elle  doit  se  pro- 
duire, à  plus  forte  raison,  dans  un  climat  nouveau.  Ce  fait  acquiert 
une  valeur  capitale  pour  la  question  d'acclimatation,  et  montre  qu'on 
doit  encourager  seulement  les  éducations  à  l'air  libre.  Cela  es't  général 
pour  tous  les  Lépidoptères  ;  les  éducations  à  la  chambre  ne  peuvent  se 
tolérer  qu'au  début,  pour  voir  si  l'on  obtient  une  reproduction  et  faire 
des  grainages;  ensuite  il  faut  l'éducation  libre,  sous  peine  d'une 
prompte  dégénérescence.  En  1863,  une  éducation  provenant  des  œufs 
dont  nous  venons  de  parler  fut  faite  à  la  magnanerie  expérimentale 
du  Jardin  d'acclimatation,  les  chenilles  étant  dans  une  vaste  cage  en 
treillis  de  toile;  Guérin-Méneville  les  éleva  dans  une  cage  de  filet  au 
milieu  d'un  jardin,  et  recommandait  avant  tout  l'aérage.  En  même 
temps,  et  grâce  aux  envois  de  ces  premiers  œufs  japonais,  des  élevages 
étaient  fails  dans  divers  points  de  la  France  et  avec  des  feuilles  de  nos 
diverses  espèces  de  chêne,  ainsi  à  Sainl-Maur  par  M.  Roger-Desge- 
nettes,  à  Uzès  par  M"'^  veuve  Boucarut,  à  Toulon  par  M.  Auzende,  à 
Nice  par  M.  l'abbé  Bermont,  à  Privas  par  M.  Personnat  ;  les  vers  à  soie 
Yama-maï,  exposés  par  ce  dernier  au  concours  régional  agricole  de 
Valence  et  prêts  à  faire  leurs  cocons,  excitèrent  le  plus  vif  intérêt  dans 
ce  pays  de  haute  industrie  séricicole.  Une  éducation  en  plein  air  était 
faite  par  M.  le  comte  de  Lamote-Baracé;  d'autres  élevages  étaient  opé- 
rés à  Alger  par  M.  Hardy,  à  Barcelone  par  M.  Sacc,  à  Madrid  par 
M.  Graëlls,  à  Lausanne  par  M.  le  docteur  Chavannes,  à  Trieste  par 
M.  Tominz,  etc.  A  partir  de  cette  année  1863,  le  Ver  à  soie  du  chêne  du 
Japon  fut  bien  connu  et  son  éducation  n'a  pas  cessé  dans  les  divers 


AirAGUS.  491 

pays  de  l'Europe.  On  doit  d'abord  citer  les  éducations  heureuses,  pen- 
dant plusieurs  années,  par  M.  de  Bretton,  près  de  Vienne  en  Autriche, 
et  d'autres  à  Bamberg  en  Bavière;  l'espèce  l'ut  élevée  dans  diverses 
régions  de  l'Allemagne,  même  dans  le  Nord  et  jusqu'à  Riga,  «et  à 
Londres  en  187/i  par  M.  A.  Wailly.  En  France,  un  instituteur,  M.  Vote, 
maintint  l'espèce  pendant  cinq  années  à  Homorantin  (Loir-et-Cher)  et 
envoya  12000  cocons  à  l'Exposition  de  Lyon.  Berce,  habile  éducateur 
de  chenilles,  fit  de  bonnes  éducations  à  Fontainebleau  en  1865,  et 
M.  E.  Deyrolle  obtint  un  bon  résultat  à  Clamart  en  1870,  et  ne  fut 
interrompu  dans  ses  tentatives  que  par  la  guerre.  Berce  continua 
ensuite  avec  succès  les  élevages  dans  la  même  localité  pendant  trois 
années.  M.  J.  Fallou  réussit  plusieurs  fois  à  Champrosay  (Seine-et-Oise) 
sur  des  taillis  de  chêne  de  la  forêt  de  Sénart,  et  M.  Clément,  à  Mont- 
rouge,  sur  branches  de  chêne  en  carafes  dans  une  chambre  ouverte. 
Une  série  d'éducations  fut  continuée  pendant  neuf  années  par  M.  de 
Saulcy,  à  Metz,  malgré  le  climat  défavorable  et  avec  une  persévérance 
digne  des  plus  grands  éloges;  il  a  reconnu  un  véritable  commence- 
ment d'acclimatation,  en  ce  sens  que  l'espèce  a  été  successivement 
amenée  à  éclore  un  peu  plus  tard  qu'au  début,  de  manière  à  atteindre, 
en  années  ordinaires,  la  foliation  du  chêne  dans  le  nord  de  la  France, 
sans  glaçage  artificiel  préalable  des  œufs,  qui  affaiblit  la  race  quand 
il  est  trop  prolongé  et  surtout  exécuté  sans  précaution  contre  l'hu- 
midité. 

Toutes  ces  éducations,  il  faut  le  dire,  étaient  plus  ou  moins  faites 
sur  une  petite  échelle  et  n'étaient  pas  réellement  industrielles;  un 
autre  caractère  se  présente  dans  les  élevages  en  grand  de  M.  de  Amé- 
zaga,  marquis  de  Riscal,  sur  de  vastes  taillis  de  chênes  dans  l'Estrama- 
dure,  en  Espagne.  Après  des  insuccès  presque  complets,  tant  par  la 
flacherie  que  par  les  attaques  des  oiseaux,  des  fourmis  et  des  guêpes, 
la  race  fut  bien  fixée  dans  le  pays  et  les  pertes  par  les  causes  indiquées 
devinrent  insignifiantes  quand  on  put  opérer  sur  un  nombre  considé- 
rable de  chenilles.  Aussi  M.  de  Amëzaga  obtint  en  1879  le  prix  de 
1000  francs  fondé  par  M.  Drouyn  de  Lhuys  et  décerné  par  la  Société 
d'acclimatation  pour  avoir  pu  présenter  le  premier  une  quantité  con- 
sidérable de  cocons  et  des  pièces  entières  d'étofTes  tissées  avec  la  soie 
grège  de  1'^.  Yama-7nat.  Une  grande  vitrine,  dans  la  section  espagnole, 
montrait  au  public,  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1878,  les 
cocons  et  les  soies  provenant  des  élevages  de  M.  de  Amézaga.  Le  prix 
fondé  en  1864  portait  dans  sa  teneur  qu'il  fallait  avoir  obtenu,  dans 
une  seule  saison,  une  récolte  assez  considérable  pour  pouvoir  livrer 
à  la  filature  et  transformer  en  soie  grège  de  belle  qualité  au  moins 
100  kilogrammes  de  cocons  pleins  ou  10  kilogrammes  de  cocons  vides, 
et  ces  conditions  furent  sensiblement  dépassées  par  le  lauréat.  Il 
faut  reconnaître  que  le  climat  de  l'Espagne  se  prête  mieux  que 
celui  de  la  France  aux   éducations  de  cette  espèce,  ainsi  qu'à  celles 


492  LtPIUOITtHliS. 

de  l'espèce  congénère,  A.  Pernyi,  G.  Mén.  En  France,  il  y  a  fréquem- 
ment en  été  de  longues  périodes  de  pluies  froides,  qui  suspendent 
en  quelque  sorte  la  vitalité  de  la  chenille  ;  celle-ci  cesse  de  manger, 
s'affaiblit  et  prend  souvent  la  flacherie.  L'avenir  industriel  de  ces 
précieuses  espèces  n'est  peut-être  pas  réservé  à  notre  pays.  Il  est  même 
douteux  qu'on  puisse  jamais  espérer  une  acclimatation  assurée  à  l'in- 
térieur du  continent  européen.  En  effet,  dans  une  lettre  lue  à  la  So- 
ciété d'acclimatation  le  15  mars  1881,  M.  d'Amézagafait  connaître  qu'en 
1880,  sous  le  climat  chaud  et  sec  de  l'Estramadure,  il  a  entièrement 
perdu  ses  A.  Yama-mai  par  les  mauvais  temps  et  se  croit  obligé  de 
renoncer  >à  leur  élevage  après  dix  ans  d'efforts.  La  longue  durée  de  la 
vie  de  l'insecte  à  l'état  de  chenille  sera  toujours  en  Europe  un  obstacle 
considérable  à  l'acclimatation,  en  raison  des  variations  de  climat.  Cette 
espèce  n'a  pas  été  introduite  en  Chine,  à  climat  essentiellement  conti- 
nental, malgré  les  avantages  qu'elfe  présente,  et  n'a  jamais  remplacé 
1'^.  Pernyi.  Il  est  probable  que  le  climat  essentiellement  tempéré,  joint 
à  une  grande  et  continuelle  humidité  des  îles  du  Japon,  sont  des  con- 
ditions essentielles  à  la  vie  de  cette  espèce,  ces  conditions  bien  diffi- 
ciles à  retrouver  ailleurs. 

Nous  pouvons  nous  borner  à  de  brèves  indications  sur  l'élevage  de 
VA.  Yamu-maï  en  France,  qui  ressemble  nécessairement  beaucoup  à 
ce  qui  se  fait  au  Japon,  et  dont  la  description  a  été  donnée.  Les  œufs 
pondus  en  août  seront  ensuite  renfermés  dans  des  boîtes  de  carton 
percées  de  trous  destinés  à  laisser  passer  aisément  l'air,  ces  œufs  étant 
en  couche  très  mince,  d'un  demi-centimètre  au  plus.  Il  faut  avoir 
soin  de  les  remuer  légèrement  dans  les  boites,  tous  les  huit  ou  dix 
jours,  afin  de  renouveler  l'air  autour  de  chaque  graine;  on  se  gardera 
bien  de  laver  ces  œufs,  car  il  importe  de  laisser  autour  d'eux  l'enduit 
brun  destiné  à  les  fixer.  Cette  glu  naturelle  est  très  hygrométrique  et 
conserve  à  la  petite  chenille  incluse  une  humidité  salutaire.  On  pla- 
cera les  boîtes  à  œufs  dans  une  chambre  au  nord,  aérée,  parfaitement 
sèche,  sans  feu,  mais  où  il  ne  gèle  pas.  Les  soins  consistent,  jusque 
vers  la  fin  de  février,  à  remuer  de  temps  à  autre  les  œufs  pour  les 
aérer  et  à  les  soustraire  à  toute  température  inférieure  à  0"  ou  supé- 
rieure à  -1-  10"  centigrades.  Au  mois  de  mars  on  désagrège  les  paquets 
d'œufs  en  les  froissant  légèrement  à  la  main  après  les  avoir  humectés, 
afin  que  la  sortie  d'aucune  chenille  ne  soit  empêchée  par  adhérence 
des  coques.  Les  jeunes  chenilles  sont  alors  très  disposées  à  une  éclo- 
sion  prématurée.  Aussi,  dès  que  la  température  extérieure  sera  seule- 
ment de  8°,  on  transportera  les  œufs  dans  un  mih"eu  plus  froid,  dans 
un  cellier,  par  exemple,  ou  à  l'entrée  d'une  cave,  en  évitant  avec  soin 
un  lieu  trop  humide.  Si  les  premières  chaleurs  du  printemps  sont 
intenses,  ce  qui  arrive  en  certaines  années,  nous  conseillons  de  placer 
les  boîtes  à  œufs  dans  la  glacière  artificielle  si  simple  et  à  1  abri  de 
l'humidité  dont  nous  avons  parlé  à  propos  de  la  réfrigéi'ation  des  œufs 


ATTACUS.  i9S 

du  Ver  à  soie  du  mûrier.  Il  faut  à  celle  époque  remuer  les  œufs  plus 
fréquemment.  Ces  précautions  serviront  à  ne  laisser  éclore  les  œufs 
qu'à  la  foliation  première  des  bourgeons  des  chênes,  variant,  suivant 
les  régions  de  la  France,  du  commencement  à  la  tin  d'avril.  Les  éle- 
vages d'amateur  se  font  d'ordinaire  sur  branches  coupées,  maintenues 
dans  des  carafes  ou  dans  des  baquets,  en  ayant  som  de  les  recouvrir  de 
planchettes  ou  de  cartons  percés,  atin  que  les  chenilles  qui  tombent 
des  feuilles  ne  se  noient  pas.  On  aura  soin  de  casser  les  branches  ou  de 
les  couper  avec  un  couteau  de  bois,  car  l'odeur  du  métal  dégoûte  les 
chenilles.  Les  œufs  sont  disposés  entre  les  bouquets'  de  feuilles  dans 
des  petits  godets  de  carton,  et  les  chenilles  gagnent  d'elles-mêmes  les 
feuilles.  Le  mieux  est  de  placer  les  branches  coupées  au  milieu  d'un 
bois  ou  d'un  jardin,  à  l'ombre  d'un  léger  hanyar,  avec  la  proteclion 
de  filets  contre  les  oiseaux.  Les  guêpes  sont  peu  à  craindre,  parce  que 
les  éducations  se  terminent  k  la  fin  de  juillet,  époque  où  les  guêpiers 
sont  encore  mal  peuplés,  du  moins  dans  le  nord  de  la  France.  On  fera 
bien  de  mettre  dans  des  vases  pleins  d'eau  les  pieds  de  la  table  ou  des 
tréteaux  sur  lesquels  sont  les  vases  à  branches  coupées  ;  on  évitera 
ainsi  les  attaques  des  fourmis  et  on  limitera  beaucoup  le  vagabondage 
des  chenilles  quand  la  faim  les  presse  et  qu'elles  n'ont  pas  à  leur  por- 
tée de  feuilles  assez  fraîches  pour  leur  plaire.  Les  branches  de  chêne 
doivent  être  renouvelées  tous  les  jours;  il  est  bon  de  mêler  à  l'eau  un 
peu  de  poussière  de  charbon  de  bois  pour  retarder  son  altération. 
Pour  changer  les  Vers  de  feuilles  (tout  ceci,  bien  entendu,  dans  les  édu- 
cations d'amateur,  en  petit),  on  dispose  un  système  de  bouquets  de 
feuilles  fraîches  pareil  à  celui  qui  vient  de  servir,  on  retire  avec  pré- 
caution et  sans  secousse  les  anciens  de  leurs  flacons,  et,  prenant  les  bou- 
quets branche  à  brancbe,  on  coupe  avec  des  ciseaux  chaque  feuille  ou 
reste  de  feuille  qui  porte  un  ou  plusieurs  Vers,  et  l'on  fait  tomber  Ver  et 
feuille  sur  les  feuilles  fraîches.  6'i  un  grand  nombre  de  chenilles  se  trou- 
vent sur  un  bout  de  branche,  on  coupe  ce  bout,  on  enlève  avec  des  ciseaux 
toutes  les  feuilles  ou  bouts  de  feuilles  où  il  y  a  des  Vers,  et  l'on  dépose 
ce  petit  rameau  ainsi  élagué,  avec  ses  chenilles,  au  milieu  du  feuillage 
frais.  Les  chenilles  passent  d'elles-mêmes  et  assez  promptement  sur 
les  feuilles  nouvelles  ;  on  a  l'avantage  ainsi  de  ne  jamais  les  déranger 
ni  les.toucher.  Quel  que  soit  le  mode  d'éducation,  même  en  plein  air 
sur  chênes  et  taillis,  lors  des  sécheresses,  on  ne  négligera  jamais  d'ar- 
roser les  Vers  tous  les  jours,  au  moyen  d'un  pulvérisateur  à  eau  quand 
ils  sont  très  jeunes,  avec  l'arrosoir  ou  la  pompe  à  main  s'ils  sont  plus 
avancés  et  plus  robustes.  Ils  semblent  même  se  complaire  à  être  entiè- 
rement immergés.  Les  heures  les  plus  propices  pour  cette  opération 
sont  le  milieu  du  jour  et  le  soir,  après  le  coucher  du  soleil.  Il  faut 
prendre  garde  que,  pendant  la  journée,  les  Vers  arrosés  ne  se  trouvent 
au  grand  soleil;  ils  seront  mieux  à  l'ombre,  à  moins  que  les  faisceaux 
de  feuillage  ne  soient  très  touffus.  Quand  les  Vers  manquent  soit  de 


'49ll  LÉPIDOPTÈRES. 

nourriture,  soit  de  fraîcheur,  ils  se  mettent  à  fuir  par  centaines,  par 
milliers  même,  de  sorte  que  le  sol  est  comme  jonché  de  chenilles, 
inquiètes  et  souffrantes.  Le  mieux  est  de  les  relever  sur  de  petites 
soucoupes  de  carton  ou  de  fort  papier  qu'on  glisse  avec  précaution 
sous  leur  corps,  et  on  les  replace  au  milieu  des  branches  à  feuilles 
fraîches.  A  partir  du  quatrième  âge,  il  faut  les  mettre  complètement 
en  plein  air,  jour  et  nuit  ;  ils  ne  peuvent  plus  supporter  l'air  raréfié 
d'une  chambre,  les  fenêtres  en  fussent-elles  toujours  ouvertes.  A 
mesure  qu'ils  grossissent,  leur  activité  respiratoire  augmente,  et  ils  ont 
besoin,  surtout  la  nuit,  que  la  brise  se  joue  constamment  autour  de 
leur  corps.  Ils  sont  assez  forts  pour  supporter  de  grands  abaissements 
de  température,  même  des  gelées  blanches,  qui,  dans  le  nord  de  la 
France,  ont  lieu  quelquefois  jusqu'à  la  fin  de  mai.  On  en  a  même  vu 
devenir  raides  et  congelés  à  la  surface,  quoique  encore  accrochés  aux 
branches  et  aux  feuilles,  pendant  la  nuit  à  l'air  libre;  les  rayons  du 
soleil  les  raniment  peu  à  peu  et  les  font  revenir  à  la  vie,  et  on  les  voit 
bientôt  manger  les  feuilles  avec  avidité. 

Le  meilleur  mode  d'éducation  de  cette  espèce  éminemment  rustique, 
surtout  en  vue  d'un  bon  grainage,  c'est  l'élevage,  toujours  en  plein  air 
et  dès  la  sortie  de  l'œuf,  sut*  des  taillis  de  chêne.  Les  œufs  sont  placés 
au  fond  de  petits  cornets  en  léger  carton  emboîtant  les  branches,  de 
sorte  que  les  petites  chenilles  gagnent  d'elles-mêmes  les  feuilles  les 
plus  voisines,  en  ayant  soin  de  proportionner  le  nombre  des  œufs  à 
l'étendue  des  taillis,  afin  que  les  Vers  ne  soient  jamais  exposés  à  man- 
quer de  feuilles.  S'il  y  a  des  sécheresses,  on  arrosera  les  taillis  à  la 
pompe,  en  pluie  fine;  ils  sont  avides  d'eau,  et  c'est  un  plaisir  de  les 
voir  le  matin,  avant  le  lever  du  soleil,  perchés  au  sommet  des  branches 
et  dévorant  les  feuilles  de  chêne  ruisselantes  de  rosée.  Aussi  les  pluies 
ne  font  aucun  mal  aux  éducations,  à  moins  qu'elles  ne  soient  très 
froides,  auquel  cas  les  chenilles  s'engourdissent,  cessent  de  manger  et 
peuvent  périr  d'inanition.  Un  fera  bien  alors  de  recouvrir  le  taillis 
d'une  toile  ou  d'un  mince  paillasson  porté  par  des  piquets,  et  c'est  ce 
qu'on  fera  aussi,  aux  deux  premiers  âges  de  l'éducation,  quand  les 
nuits  deviennent  trop  froides;  enfin  des  paillassons,  posés  obliquement 
sur  les  côtés  opposés  au  midi  ou  au  nord,  serviront  en  cas  de  besoin 
à  proléger  les  chenilles  contre  un  soleil  trop  ardent  ou  un  vent  de  bise 
trop  vif. 

Divers  ennemis  sont  à  redouter  pour  ces  éducations  en  plein  air.  Les 
oiseaux  sont  principalement  à  craindre,  en  raison  même  de  l'époque 
printanière  où  vit  la  chenille  de  VA.  Yama-maï,  car  c'est  alors  que  les 
nichées  exigeant  une  nourriture  azotée  sollicitent  leur  voracité.  Il  faut 
s'éloigner  des  villes  et  villages  à  cause  des  moineaux  qui  y  pullulent  et 
qui  tuent  les  chenilles  pour  les  enlever,  en  leur  cassant  la  tête  d'un 
coup  de  bec.  Les  becs-fins  divers  et  également  les  mésanges  sont  assez 
dangereux  aux  troisième  et  quatrième  âges  ;  celles-ci  surtout  sont  très 


ATTACUS.  695 

avides  des  chenilles  et  trouent  même  le  cocon,  un  jour  après  que  le 
Ver  s'y  est  enfermé,  afin  d'enlever  l'insecte.  Il  faut  recouvrir  les  taillis 
de  chêne  d"un  grillage  de  fils  de  fer  assez  serré  ou  de  filets  à  mailles 
étroites.  Si  l'éducation  se  fait  sur  une  trop  grande  étendue  pour  que 
cette  couverture  soit  possible,  il  faudra,  surtout  de  grand  matin,  se 
munir  d'un  gardien  effrayant  les  oiseaux  par  des  coups  de  fusil  et  au 
moyen  d'épouvantails,  comme  on  le  fait  au  Japon.  On  suspendra  çà  el 
là  des  fragments  de  fer-blanc  qui  brillent  au  soleil  et  s'entre-choqiient; 
il  est  bon  aussi  de  disposer  des  carcasses  emplumées  d'oiseau.\  de  proie 
à  ailes  étendues,  ou  simplement  de  suspendre  des  pommes  de  terre 
hérissées  de  longues  plumes,  comme  on  le  fait  en  automne  le  long  des 
espaliers  à  pèches  ou  à  raisins.  Les  fourmis  sont  les  ennemis  les  plus 
redoutables  des  chenilles  du  Yama-maï.  Si  elles  se  mettent  dans  un 
arbre  couvert  de  Vers,  leurs  innombrables  bataillons,  rapidement  dissé- 
minés sur  toutes  les  branches,  en  rendent  le  nettoyage  presque  impos- 
sible. Elles  attaquent  alors  et  tuent  les  chenilles,  soit  au  moment  des 
mues  pendant  qu'elles  sont  malades  et  engourdies,  soit  quand,  prêtes 
à  filer,  elles  sont  moins  alertes,  moins  promptes  à  se  défendre.  On 
écarte  préventivement  ces  hôtes  nuisibles  en  répandant  au  pied  des 
arbustes,  ou  autour  des  vases  où  l'on  fait  des  éducations  sur  des  bran- 
ches coupées,  de  la  sciure  de  bois  imprégnée  de  coaltar,  ou  en  entou- 
rant le  collet  des  tiges  de  tampons  de  crin  couverts  de  la  môme 
substance.  Il  sera  également  boii  d'enduire  le  bas  des  tiges  de  glu  ou 
de  goudron  très  liquide,  empêchant  les  fourmis  de  grimper.  On  a  soin 
aussi  d'isoler  les  taillis  de  tout  arbre  étranger  par  où  les  fourmis  pour- 
raient passer  aisément  sur  les  chênes  en  taillis  dont  les  branches 
seraient  entremêlées.  Il  faut  aussi  se  mettre  en  garde  contre  les  arai- 
gnées pendant  le  premier  âge  des  chenilles.  Les  jeunes  feuillage?  de 
chêne,  au  printemps,  sont  habités  par  un  grand  nombre  de  Thomises 
vertes  ou  verdàtres;  elles  peuvent  détruire  en  peu  de  temps  beaucoup 
de  vers,  dont  elles  ne  font  qu'aspirer  le  sang  pour  abandonner  ensuite 
le  corps.  On  s'en  débarrasse,  avant  de  placer  les  œufs  ou  de  porter  sur 
les  taillis  les  rameaux  coupés  chargés  de  jeunes  chenilles,  en  brûlant 
du  soufre  sous  les  taillis,  de  façon  à  tuer  les  araignées  par  l'acide  sul- 
fureux; on  a  soin  de  remuer  le  sol  avec  un  râteau  pour  enterrer  les 
araignées  tombées,  ou  bien  on  le  recouvre  de  sciure  de  bois  imbibée 
de  coaltar.  On  aura  soin,  avant  de  placer  les  cornets  à  œufs  autour  des 
branches,  ou  de  mettre  les  petites  chenilles  sur  les  feuilles,  et  s'il  n'est 
pas  tombé  une  forte  pluie  depuis  le  soufVage,  d'arroser  abondamment 
les  taillis  avec  une  pompe  à  main,  afin  de  dissoudre  et  d'enlever  toute 
trace  d'acide  sulfureux,  qui  pourrait  faire  périr  les  Vers.  Les  forflcules 
ou  perce-oreilles  sont  encore  des  insectes  qui  s'introduisent  dans  le 
cocon  au  moment  où  le  ver  va  le  fermer,  et  qui  tuent  ce  dernier  quand 
il  est  prêt  à  se  chrysalider  ou  qu'il  est  trop  engourdi  pour  pouvoir  se 
défendre;  heureusement  que  ces  insectes  sont  peu  abondants  lorsque 


/!|96  r.ÉPlDOPTÈRES. 

les  éducations  se  font  en  plein  bois.  Les  guêpes  sont  peu  redoutables 
chez  nous  pour  des  élevages  où  l'état  de  chenille  se  prolonge,  au  plus 
tard,  jusqu'à  la  fin  de  juin.  Le  mieux  pour  les  détruire  est  de  suspendre 
dans  les  taillis  de  chêne  des  carafes  contenant  de  l'eau  miellée,  en 
ayant  soin  d'enduire  de  miel  le  bord  et  l'intérieur  du  goulot.  Attirées 
par  l'odeur  du  miel,  les  guêpes  voraces,  après  avoir  mangé  le  miel  qui 
sert  d'appât  extérieur,  pénètrent  dans  les  carafes,  ne  peu\ent  plus  sor- 
tir et  se  noient  dans  le  liquide.  Dans  les  années  à  hannetons,  ces  coléop- 
tères peuvent  nuire  indirectement  en  dévorant  les  feuilles  de  chêne; 
le  mieux  est  de  laisser  dans  le  taillis,  de  distance  en  dislance,  des  bali- 
veaux plus  élevés  qui  attirent  de  préférence  les  hannetons,  recherchant 
surtout  les  hautes  feuilles  terminales.  iJans  l'éducation  de  M.  de  Amé- 
zaga,  en  Estramadure,  en  1878,  les  grands  ennemis  des  chenilles  de 
VA.  Yama-mdt  étaient  les  fourmis  et  les  araignées  déjà  citées,  et,  à  un 
degré  beaucoup  moindre,  les  guêpes,  le  Rêduve  masqué  (Hémiptère 
hétéroptère)  et  le  Calosome  Sycophante  (Culéoptère). 

Seize  à  dix-huit  jours  après  leur  dernier  réveil,  les  Vers  approchent 
du  moment  où  ils  vont  filer  leur  cocon.  Leur  corps  prend  une  teinte 
translucide  d'un  vert  jaunâtre  ou  blanchâtre  ;  ils  semblent  agités  d'une 
sorte  d'inquiétude,  en  cherchant  des  endroits  propices  pour  suspendre 
leur  prison  soyeuse,  et  rendent  une  grosse  goutte  d'un  liquide  vis- 
queux. Il  faut  dès  lors  avoir  grand  soin  de  ne  plus  les  changer  de 
branches,  car  on  courrait  grand  risque  de  désassembler  les  feuilles 
qu'ils  ont  déjà  réunies,  d'arracher  les  fils  posés  et  de  déranger  les  Vers, 
ce  qui  les  porterait  alors  à  abandonner  leur  cocon  et  à  n'en  plus  faire. 
Rarement  un  Ver  dérangé  recommence  à  filer  ;  il  court  de  tous  côtés, 
eu  perdant  sa  soie  le  long  des  branches,  et  finit  par  tomber  ou  se  reti- 
rer à  terre,  où  il  se  raccourcit  et  meurt  ;  quelquefois  il  se  change  en 
une  chrysalide  atrophiée.  On  ne  doit  plus  arroser  les  feuilles  en  pots 
ou  les  taillis  une  fois  la  filature  des  cocons  commencée,  car  ce  serait 
jeter  dans  le  cocon  un  excès  d'humidité  contraire  à  la  santé  du  Ver  ou 
de  sa  chrysalide.  Au  bout  de  quinze  à  vingt  jours,  les  cocons  sont  ache- 
vés et  la  chrysalide  bien  formée  et  durcie  ;  on  cueille  les  cocons  avec 
des  ciseaux  et  on  les  dispose  en  filanes,  la  tête  de  la  chrysalide  en 
haut,  en  ayant  soin  de  ne  pas  les  attacher  par  le  bout  que  le  papillon 
doit  percer,  car  on  gênerait  sa  sortie,  et  l'on  suspend  les  chapelets  de 
cocons.  Quand  on  veut  utiliser  industriellement  les  cocons,  on  les  dé- 
pouille, quinze  ou  vingt  jours  après  qu'ils  ont  été  commencés,  des 
feuilles  d'enveloppe  ou  d'attache.  On  opère  l'étouffage  comme  pour 
les  cocons  du  Sericariamori,  et  on  les  livre  à  la  filature.  Si  l'éducation 
est  réservée  au  grainage,  il  faut  continuer  à  donner  aux  cocons  des 
soins  assidus,  de  peur  de  nuire  à  la  chrysalide.  Habituellement  chez  le 
Yama-mdt,  comme  chez  les  autres  Attaciens,  les  mâles  naissent  avant 
les  femelles,  de  sorte  qu'on  est  exposé  à  perdre  des  mâles  au  com- 
mencement de  la  naissance  des  papillons  et  des  femelles  à  la  fin.  Pour 


ATTACUS.  497 

obvier  à  cet  inconvénient,  qui  peut  réduire  notablement  la  récolte  en 
graines,  il  faut  égaliser  les  cocons,  c'est-à-dire  retarder  ceux  qui  sont 
filés  les  premiers  et  hâter  les  derniers,  afin  de  resserrer,  autant  que 
possible,  les  naissances  dans  un  petit  nombre  de  jours.  Les  cocons 
resteront  toujours  suspendus  en  filanes;  on  placera  les  premiers  dans 
un  lieu  moins  chaud,  un  peu  frais,  mais  non  humide,  tandis  que  les 
derniers  seront  gardés  à  une  exposition  méridionale.  On  peut,  si  l'on 
veut,  séparer  approximativement  les  cocons  à  m<lles  de  ceux  à  femelles, 
les  premiers  étant  les  moins  lourds,  les  seconds  les  plus  pesants;  en 
mettant  les  cocons  mâles  au  froid,  les  autres  à  une  température  plus 
élevée,  on  peut  espérer  de  voir  éclore  les  uns  et  les  autres  à  peu  près 
simultanément. 

Lorsque  approche  l'époque  de  la  naissance  des  papillons,  qui  a  lieu, 
en  moyenne,  environ  quarante  jours  après  le  commencement  des 
cocons,  il  faut  les  réunir  dans  les  appareils  où  s'opéreront  les  accouple- 
ments et  le  grainage.  Les  papillons  naissent  le  soir  et  sont  très  vaga- 
bonds pendant  la  nuit,  tandis  qu'ils  restent  en  repos  dans  le  jour.  Le 
meilleur  appareil  est  une  cage  en  châssis  de  bois  tendue  de  canevas,  ou 
mieux  de  grosse  mousseline  un  peu  vieille  et  râpée,  afin  que  le  poil  de 
l'étoffe  ne  gêne  pas  les  papillons.  Le  tissu  a  été  trempé  dans  une 
décoction  de  tan,  afin  que  sa  couleur  terne  n'éblouisse  pas  les  papillons 
et  ne  les  effarouche  pas;  le  bois  des  châssis  est  teint  de  même  avec  du 
tan.  La  cage  est  étroite  et  d'une  longueur  indéfinie,  suivant  la  quantité 
de  cocons  qui  doivent  y  être  déposés.  Le  fond  a  environ  30  centimètres 
de  large,  les  côtés  50  centimètres  de  haut  et  le  couvercle  55  à  65  centi- 
mètres de  large.  De  cette  façon  les  côtés  sont  obliques,  en  divergeant 
de  la  verticale,  ce  qui  facilite  singulièrement  le  repos  des  papillons, 
lorsqu'ils  sortent  du  cocon  et  cherchent  à  grimper  quelque  part  pour 
se  baigner  dans  l'air  en  laissant  développer  leurs  ailes,  ou  lorsque,  soit 
pour  l'accouplement,  soit  pour  la  ponte,  ils  veulent  demeurer  cram- 
ponnés à  la  mousseline,  à  travers  laquelle  passe  l'air  libre  du  dehors. 
Les  deux  bouts  de  la  cage  divergent  de  môme  obliquement.  Si  l'on  em- 
ploie des  cages  à  parois  de  toile  verticales,  les  papillons,  après  avoir 
volé  pendant  une  nuit  seulement  contre  les  parois,  effrayés  ou  pour- 
suivis les  uns  par  les  autres  et  faisant  de  grands  efforts  pour  s'y  cram- 
ponner, ont  perdu  à  peu  près  tous  les  crochets  de  leurs  pattes,  surtout 
les  femelles,  qui,  plus  vite  fatiguées,  tombent  au  bas  de  la  cage  et  meu- 
rent avant  d'avoir  fait  leur  ponte,  tandis  que  si  les  côtés  sont  bien  ten- 
dus et  obliquement  évasés,  ces  femelles,  ayant  l'abdomen  soutenu  et 
soulagé,  pondent  plus  facilement,  et  sont  encore  très  vigoureuses 
lorsqu'elles  se  sont  complètement  vidées.  Au  couvercle,  aussi  en  étoffe, 
on  ménage,  de  mètre  en  mètre,  des  regards  en  canevas,  en  forme  de 
carrés  de  20  centimètres  de  côté,  afin  ^de  pouvoir  visiter  au  besoin 
l'intérieur  de  la  cage  et  d'enlever  les  cocons  vides,  les  corps  des 
papillons  morts  et  les  papillons  vivants  qui,  ayant  terminé  l'accou- 
ciKAni).  ni.—  32 


U9S  LÉPIDOPTÈRES. 

plement  et  la  ponte,  ne  feraient  que  troubler  les  autres,  lin  outre, 
on  suspend  au  couvercle,  sur  deux  rangées  également  distantes  entre 
elles  et  des  côtés,  espacés  de  30  à  35  centimètres,  des  rubans  de 
ganse  de  fil  gris,  assez  larges  et  d'un  tissu  très  lâche,  afin  que  les 
papillons  puissent  aisément  s'y  suspendre.  Les  accouplements  s"y 
ell'ectuent  avec  beaucoup  de  facilité,  et  les  femelles  fécondées  aiment 
à  y  déposer  leurs  œufs.  Aucun  obstacle  voisin  n'y  contrarie  en  etfet 
le  battement  d'ailes,  qui,  chez  les  femelles,  accompagne  la  ponte, 
sans  doute  pour  l'accélérer.  On  suspend,  de  place  en  place,  de  grosses 
éponges  imbibées  d'eau,  atîn  d'entretenir  dans  la  cage  la  fraîcheur 
dont  les  papillons,  comme  les  chenilles,  ont  un  besoin  absolu.  Les 
deux  bouts  de  la  boîte  sont  mobiles,  c'est-à-dire  fixés  aux  autres  châssis 
avec  des  vis  ou  des  crochets,  afin  de  pouvoir  débarrasser  de  temps  en 
temps  l'intérieur  de  la  cage  de  la  grande  quantité  de  duvet  dont  les 
papillons  la  remplissent  en  se  débattant;  pour  cela,  les  deux  bouts  étant 
ouverts  quand  tous  les  papillons  sont  au  repos  pendant  le  jour,  on 
chasse,  avec  un  puissant  soufflet,  tout  le  duvet  accumulé.  Pour  mille 
cocons,  une  cage  de  2  ",5  à  3  mètres  de  long  est  suffisante.  Les  cocons 
sont  disposés  dans  la  cage  par  chapelets  égaux  en  longueur  au  petit 
côté,  qui  sont  attachés  aux  longs  châssis  latéraux  à  peu  de  distance  du 
fond,  sans  le  toucher,  afin  que  les  ailes  des  papillons  aient  la  place 
nécessaire  pour  se  développer  en  dessous,  s'ils  restent,  en  naissant, 
accrochés  à  leur  cocon. 

La  cage  sera  placée  dans  un  lieu  aéré,  assez  chaud  et  ombragé. 
Comme  c'est  ordinairement  au  commencement  d'août  que  naissent  les 
papillons,  on  pourra  l'établir  en  plein  vent,  sur  des  piquets  qui  la  sou- 
tiendront en  l'air,  à  l'ombre  d'un  grand  mur  ou  d'un  arbre,  de  telle 
sorte  qu'elle  soit  à  l'abri  des  rayons  directs  du  soleil.  En  effet, 
l'A.  Yama-maï  sera.it  vivement  blessé  et  effarouché  par  leur  éclat,  car 
c'est  un  papillon  nocturne,  qui,  dans  la  nature,  se  retire,  dès  que 
l'aube  arrive,  en  un  lieu  obscur,  et  n'en  sort  qu'au  crépuscule.  La  cage 
devra  être  assez  élevée  au-dessus  du  sol  pour  que  les  rats  et  autres 
animaux  n'y  puissent  porter  le  trouble  et  le  dégât.  Les  chats  surtout 
sont  à  redouter  :  attirés  par  les  battements  d'ailes  des  papillons  qu'ils 
prennent  probablement  pour  des  oiseaux,  ils  sont  enclins  à  se  jeter  sur 
la  cage  et  à  mettre  la  mousseline  en  pièces  pour  s'emparer  des  papil- 
lons. On  fera  prudemment  d'établir  la  cage  sur  de  hauts  et  grêles 
piquets  en  fer,  à  une  hauteur  telle  que  les  chats  ne  puissent  l'atteindre 
en  sautant.  Rarement  il  pleut  dans  le  mois  d'août;  mais  comme  des 
pluies  abondantes  nuiraient  aux  cocons  en  leur  donnant  une  trop 
grande  humidité  funeste  à  l'éclosion  de  l'insecte,  on  dispose  au-dessus 
de  la  boîte,  dans  le  sens  de  sa  longueur,  une  tringle  ou  baguette  sur 
laquelle  on  met,  en  cas  de  pluie,  un  toit  de  toile  cirée  ou  de  papier 
goudronné,  qui  repose  de  chaque  côté  sur  les  angles  supérieurs  de  la 
cage,  en  les  dépassant  un  peu  pour  protéger  également  les  parois  laté- 


ATTACDS.  ^99 

raies.  Il  ne  faut  jamais  employer  la  toile  métallique  au  lieu  de  canevas 
pour  la  confection  des  cages.  Outre  que  les  papillons  s'y  briseraient 
promptement  les  crochets  des  pattes,  le  métal  pourrait  se  rouiller  sous 
l'influence  de  l'humidité  dégagée  par  les  œufs  qui  y  seraient  déposés, 
et  exercer  une  funeste  action  chimique  sur  ces  semences.  Il  faut  se 
garder  de  faire  grainer  en  se  bornant  à  laisser  les  cocons  dans  une 
grande  chambre,  sans  s'occuper  des  papillons  et  jusqu'à  ce  que  les 
pontes  soient  achevées.  Les  accouplements  seraient  infailliblement 
moins  nombreux,  car  beaucoup  de  papillons  ne  se  rencontreraient  pas, 
ou  ne  se  joindraient  qu'après  épuisement  de  leurs  forces  par  un  vol 
prolongé;  ensuite  l'absence  d'air  renouvelé  nuirait,  sans  aucun  doute, 
à  la  santé  des  papillons  et  à  la  qualité  du  grainage.  Comme  il  est  inu- 
tile de  classer  les  semences  par  jour  de  ponte,  puisque  les  œufs  n'éclo- 
sent  qu'au  printemps,  alors  que  les  chenilles,  depuis  longtemps  for- 
mées, ne  sont  pas,  pour  la  naissance,  influencées  par  l'âge  de  l'œuf; 
comme,  d'autre  part,  ces  œufs  n'ont  rien  à  craindre  de  la  température 
de  la  fin  de  l'été  et  de  l'automne,  on  fera  bien,  avant  de  les  récolter, 
de  les  laisser  attachés  aux  parois  de  la  cage,  pendant  le  mois  qui 
suit  la  ponte.  De  cette  façon  ils  resteront  dans  un  repos  complet  et 
dans  leur  position  naturelle,  pendant  tout  le  temps  que  se  forme  la 
jeune  chenille;  il  n'y  aura  dès  lors  plus  de  danger  de  la  blesser, 
quand  on  procédera  à  la  récolte.  On  se  servira,  pour  cela,  d'un  grattoir 
ou  couteau  de  bois,  et  on  les  détachera  avec  précaution  pour  ne  pas 
les  écraser,  bien  que  la  coque  soit  résistante,  mais  parce  que  les  œufis 
adhèrent  fortement.  On  pourra  les  laisser  tomber  au  fond  de  la  cage, 
après  quoi  on  n'aura  plus  qu'à  les  mettre  dans  des  boîtes  aérées  et  à  les 
conserver  en  couches  minces  jusqu'au  printemps  suivant,  comme  il  a 
été  dit. 

Une  seconde  espèce  asiatique  du  même  groupe  est  VA.  Pemyi, 
G.  Mén.,  ou  Ver  à  soie  du  chêne  de  la  Chine.  Le  papillon  ressemble  beau- 
coup à  celui  du  Yama-maï,  seulement  la  couleur  du  fond  des  ailes  est 
beaucoup  plus  constante;  c'est  très  ordinairement  un  ton  de  feuille 
sèche  pâle,  qui,  chez  quelques  individus,  est  plus  ou  moins  lavé  de 
carminé,  surtout  sur  le  disque  des  quatre  ailes.  La  forme  des  ailes 
antérieures  du  mâle  est  plus  falquée  que  chez  le  Yama-maï;  quant  à 
la  femelle  de  Pernyi,  cette  différence  est  à  peine  sensible  comparative- 
ment à  la  femelle  du  Yama-mm.  On  peut  encore  remarquer,  quoique 
ce  ne  soit  peut-être  pas  tout  à  fait  général,  que  la  ligne  blanchâtre 
transversale  des  ailes  supérieures  est  courbe,  comme  chez  A.  Mylitta, 
et  non  droite  comme  dans  Yama-maï.  Chez  Pernyi,  les  fenêtres  vitrées 
des  ailes  sont  intermédiaires  pour  les  dimensions  entre  celles  de  Mylitta 
et  de  Yama-ma:i,  qui  disparaissent  parfois  presque  en  entier  dans  cette 
dernière  espèce,  ne  laissant  plus  voir  nettement  que  les  cercles  colorés 
et  concentriques  qui  les  entourent;  les  antennes  du  mâle  sont  moins 
larges  que  dans  les  deux   autres  espèces.  En  dessous  VA.  Pernyi  et 


500  LÉPIDOPTÈRES. 

marqué  sur  chacune  des  quatre  ailes  d'une  rangée  de  sept  à  huit  taches 
triangulaires  brunâtres,  placées  entre  les  yeux  vitrés  et  le  bord  externe, 
tandis  que  chez  Yama-mat  ces  taches  sont  plus  rapprochées  du  bord 
externe  et  ont  la  forme  de  croissants.  Ces  taches,  dans  les  deux 
espèces,  sont  plus  ou  moins  apparentes,  et  disparaissent  même  com- 
plètement chez  certains  individus  du  Peîuyi.  Les  trois  espèces  congé- 
nères Yama-mm,  Pernyi,  Mylitta,  varient  beaucoup  de  taille  et  de  cou- 
leur, mais  pourtant  Pernyi  est  ordinairement  plus  petit  que  les  deux 
autres,  et  Mylitta  atteint  parfois  des  dimensions  énormes. 

Des  aberrations  singuHères  portant  sur  le  contour  des  ailes  ont  été 
observées  sur  yl.  Yam a-mai  et  Pernyi;  ce  sont  des  échancrures  régu- 
lières et  symétriques  de  chaque  côté,  ce  qui  exclut  l'idée  d'un  accident 
d'éclosion.  Une  femelle  de  Yama-mat,  provenant  de  la  Silësie  autri- 
chienne, présentait  les  deux  ailes  supérieures  tronquées  au  sommet  en 
ligne  presque  droite,  et,  aux  ailes  inférieures,  vers  le  milieu  du  bord 
externe,  une  forte  dent  en  crochet.  Dans  la  collection  Guérin-Méne- 
ville,  actuellement  au  Muséum,  se  trouve  une  femelle  d'^.  Pernyi,  où 
l'aile  inférieure  est  fortement  concave  à  son  bord  supérieur,  l'aile  su- 
périeure offrant  un  indice  de  troncature  au  sommet  (J.  Odstreïl  et 
Maurice  Girard,  Rapport  sur  des  éducations  d'Attacus  Yama-mai,  G.  Mé- 
nev.,  et  Note  sur  les  vari  ations  de  cette  espèce,  in  Bull,  de  la  Soc.  d'ac- 
climat.,  avec  deux  figures,  décembre  1876).  M.  A.  Clément,  dans  une 
seconde  éducation  d'automne  de  VA.  Pernyi,  faite  à  Montrouge-Paris, 
non  avec  le  chêne,  mais  avec  des  feuilles  de  prunier,  obtint  quatre 
aberrations  à  ailes  diversement  échancrées,  pour  deux  aberrations  seu- 
lement d'un  côté,  (A.  Clément,  Remarques  sur  des  aberrations  de  l'A. 
Pernyi,  in  Ann,  de  la  Soc.  entom.  de  France,  1880,  page  181,  avec  un 
bois).  Une  certaine  importance  s'attache  à  ces  faits,  en  apparence  si 
minimes.  Au  point  de  vue  de  la  grande  question  de  la  variabilité  des 
espèces,  chez  une  simple  aberration  qui  ne  deviendrait  variété  que  si 
beaucoup  de  papillons  la  présentaient  dans  des  conditions  déterminées, 
il  est  curieux  de  voir  se  produire  naturellement  des  caractères  de 
découpure  du  contour  des  ailes,  qui  ont  motivé,  en  entomologie,  non 
seulement  des  distinctions  spécifiques,  mais  l'établissement  de  genres 
très  légitimes  et  adoptés  par  tous,  comme  les  genres  Platypteryx,  Las- 
peyres;  Gonoptera,  Latr.,  etc. 

La  chenille  d'^.  Permji  présente  des  différences  bien  plus  nettes  que 
l'adulte.  La  chenille  en  naissant  est  noire  et  non  jaune,  épineuse  avec 
la  tête  rougeâtre;  dès  la  seconde  mue  elle  devient  d'un  vert  d'abord 
jaunâtre,  puis  franc.  A  partir  de  la  troisième  mue,  elle  est  d'un  beau 
vert,  avec  une  bande  latérale  blanche  bordée  de  roux.  Chez  la  che- 
nille à  toute  sa  taille  cette  bande  s'élargit  beaucoup  postérieurement 
sur  les  flancs  du  dernier  anneau.  Les  stigmates  sont  roux  avec  la  fente 
blanche,  la  tête  et  les  pattes  écailleuses  fauves,  les  pattes  membra- 
neuses vertes.  D'une  manière  bien  plus  constante  que  pour  le  Yama- 


ATTACUS.  501 

mat,  il  existe  deux  rangées  et  parfois  quatre  de  taches  nacrées  argen- 
tées près  de  la  base  des  tubercules,  ceux-ci  de  la  couleur  du  fond;  les 
taches  nacrées  sont  en  nombre  très  variable.  Il  règne  un  pointillé  blanc 
sur  les  côtés  des  anneaux.  Les  tubercules  sont  analogues  à  ceux  du 
Yama-maï;  il  y  a  deux  rangées  dorsales  de  tubercules  à  poils  étoiles, 
ceux  des  premiers  anneaux  beaucoup  plus  développés,  et  deux  rangées 
ventrales  sous  les  stigmates;  outre  cette  double  rangée,  les  trois  an- 
neaux thoraciques  et  le  pénultième  en  offrent  d'intermédiaires;  les 
trois  premiers  anneaux  n'ont  pas  la  bande  latérale,  mais  ont  la  tache 
nacrée  et  les  points  blancs.  Le  cocon  de  l'.-!.  Pernyi  (pi.  xciii,  fîg.  10) 
d'une  soie  moins  tine  que  celle  du  Yama-maï,  est  de  couleur  grise  plus 
ou  moins  claire  et  un  peu   roussàtre;  il  est   fermé  aux  deux  bouts, 
entouré  d'une  bave,  lâche  et  vague,  au  moyen  de  laquelle  le  cocon  est 
fixé  entre  plusieurs  feuilles,  et  présentant  en  outre  comme  pédicule 
d'attache,  à  un  de  ses  pôles  un  cordon  de  soie  aplati  et  à  extrémité  plus 
large;  le  tissu  est  moins  serré  que  celui  de  l'espèce  précédente,  et  la 
forme  générale  ovoïde  est  plus  renflée.  On  a  obtenu  d'accouplements 
convenables  des  métis  entre  les  A.   Yama-maï  et  Pernyi:  en  France, 
notamment,  Berce  et  M.  Bigot,  de   Pontoise,  ont  suivi  ces  hybrides 
pendant  plusieurs  générations;  le  croisement  de  1'^.  Fama-maï  mâle 
avec  VA.  Pernyi  femelle  est  assez  aisé  à  réaliser  et  donne  un  assez  grand 
nombre  d'œufs  féconds;  au  contraire,  l'accouplement  inverse  est  diffi- 
cile, et  l'on  n'obtient  qu'un  faible  nombre  d'œufs  fécondés  de  la  ponte 
de  Yama-maï  femelle,  copulée  par  Pernyi  mâle;  le  cocon,  plus  petit  que 
celui  d'^.  Pernyi  type,  se  rapproche  par  les  dimensions  du  cocon  de 
Yama-maï,  mais  par  la  couleur  de  la  soie  et  la  forme  il  ressemble  beau- 
coup plus  à  celui  à' A.  Pernyi.  Au  bout  de  peu  de  générations,  l'espèce 
revient  au  type  Pernyi;  ce  retour  à  une  des  deux  formes  spécifiques 
est  général  pour  les  hybrides  féconds  entre  espèces  très  voisines;  il  n'y 
a  donc  pas  d'intérêt  industriel  à  poursuivre  des  éducations  métisses  des 
deux  Attaciens,  mais  seulement  une  curiosité  entomologique.  Enfin,  ce 
qui  achève  la  séparation  spécifique  tranchée  entre  les  A.  Yama-maï 
et  Pernyi,  c'est  que  la  seconde  espèce  est  bivoltine  et  donne  deux  édu- 
cations par  an,  une  au  printemps,  l'autre  en  été,  et  même  au  commen- 
cement de  l'automne,  les  chrysalides  de  cette  dernière  passent  l'hiver 
dans  les  cocons  pour  produire  au  .printemps  les  papillons  d'un  premier 
grainage.  Il  y  a  là  un  inconvénient  grave  pour  la   France,  la  seconde 
éducation  trop  tardive  eu  égard  à  la  faible  température  de  l'automne, 
ne  pouvant  être  que  de  grainage  et  non  industrielle,  car  beaucoup  de 
chenilles  meurent  engourdies  sans  arriver  au  coconnage.  Il  faudrait 
arriver  à  rendre  l'espèce  univoltine  en  retardant  par  le  froid  les  chry- 
salides de  l'hiver,  de  façon  que  les  papillons  ne  sortent  qu'à  la  fin  de 
juin,  et  qu'on  puisse  obtenir  les  cocons  des  chenilles  issues  de  leurs 
œufs  assez  tard  pour  qu'ils  puissent   être  mis  en  lieu  frais  jusqu'à 
l'hiver.  Si  l'on  veut  faire  la  seconde  éducation  de  l'année  avec  quelque 


502  LÉPIDOPTÈRES. 

chance  de  succès,  il  faut,  au  contraire,  hâter  les  éclosions  des  cocons 
qui  ont  passé  l'hiver,  en  les  tenant  dans  un  lieu  chaud  dès  que  les 
chênes  auront  des  feuilles;  de  cette  manière,  si  les  chenilles  du  second 
élevage  éclosent  à  la  fin  de  juillet  ou  au  début  d'août,  on  aura  des 
reproducteurs  assurés  pour  l'année  suivante.  En  Espagne,  en  Italie,  en 
Algérie,  le  climat  permettra  au  contraire  d'obtenir  deux  éducations 
industrielles  à  coconnage  certain  dans  la  période  chaude  de  chaque 

année. 

Nous  avons  beaucoup  moins  de  renseignements  sur  1'^.  Pernyi  que 
surr.4.  Yama-mat.  Il  existe  sur  les  chênes,  dans  la  Chine,  à  partir  de 
la  Mandchourie  au  nord,  sans  qu'on  puisse  actuellement  préciser  ses  li- 
mites au  sud  ;  des  espèces  voisines  ou  des  races  méridionales  de  l'espèce 
s'étendent  jusqu'à  l'Assam  et  la  Cochinchine.  On  possède  quelques  in- 
dications d'un  consul  anglais,  M.  Taylor  Meadows,  sur  l'éducation  de 
l'A.  Permji  dans  les  régions  montagneuses  du  nord  de  la  Chine.  On  fait 
deux  récoltes  de  cocons  par  an,  celle  du  printemps,  le  Chun,  celle  d'au- 
tomne, le  Tsew.  La  seconde  récolte  a  lieu  dans  la  dernière  moitié  de 
septembre  et  le  commencement  d'octobre;  c'est  à  cette  époque  que  les 
cocons  sont  apportés  sur  le  marché,  et  les  éleveurs  font  trier  les  cocons 
de  meilleure  qualité  pour  les  employer,  au  printemps,  à  la  production 
du  papillon  et  de  la  chenille  destinés  à  la  récolte  du  printemps.  On 
conserve  ces  cocons  dans  des  paniers  que  les  Chinois  suspendent  dans 
leurs  maisons  d'habitation,  exposées  presque  toujours  au  midi  et  ne 
présentant  aux  vents  froids  qui  soufflent  du  nord  pendant  l'hiver  qu'un 
mur  sans  ouverture,  de  manière  à  profiter  de  l'avantage  d'un  soleil  ha- 
bituellement sans  nuages  pendant  la  saison  d'hiver;  en  outre,  les  appar- 
tements sont  chauffés  par  des  sortes  de  fours  en  briques  dont  on  se  sert 
pour  s'asseoir  pendant  le  jour  et  pour  dormir  la  nuit;  malgré  toutes  ces 
précautions,  la  température  des  habitations  chinoises  dans  les  districts 
séricicoles  des  montagnes  s'abaisse,  pendant  la  plus  grande  partie  de 
l'hiver,  au-dessous  de  zéro.  La  chaleur  naturelle  du  printemps  suffit 
pour  amener  la  transformation  de  la  chrysalide  en  papillon.  Les  papil- 
lons s'accouplent  alors,  et,  quatre  ou  cinq  jours  après,  la  femelle  fait  sa 
ponte.  Les  œufs  .sont  étendus  sur  le  papier  du  pays,  déroulé  sur  des 
nattes,  des  tables,  etc.  Au  bout  de  cinq  ou  six  jours,  sortent  des  œufs  de 
petites  chenilles  noires  de  la  grosseur  d'une  fourmi  ;  cette  éclosion  a 
lieu  au  moment  où  les  bourgeons  des  jevmes  chênes  ont  commencé  à 
paraître,  à  peu  près  vers  la  fin  d'avril.  On  pousse  alors  les  jeunes  feuilles 
à  leur  développement,  en  coupant  des  rameaux  que  l'on  met  dans  l'eau, 
soit  dans  les  ruisseaux  de  la  montagne,  soit  dans  des  vases  à  l'intérieur 
des  maisons.  On  dépouille  ces  branches  de  la  feuille  jeune  et  tendre,  et 
on  la  répand  sur  le  papier  au  fur  et  à  mesure  de  l'éclosion  des  Vers.  Ils 
sont  nourris  de  la  sorte  pendant  quelques  jours,  jusqu'au  moment  où 
l'on  opère  leur  transport  sur  les  buissons  de  chêne  les  plus  jeunes  et  dont 
les  feuilles  sont  les  plus  tendres,  les  Vers  étant  encore  noirs,  vers  la  fia 


ATTACUS.  503 

de  leur  premier  cage.  Au  printemps,  l'éducation  totale  dure  environ 
soixante  jours  jusqu'à  la  sortie  des  papillons  hors  des  cocons;  l'éduca- 
tion d'automne  nécessite  environ  cent  jours.  Aux  deux  époques,  aussi- 
tôt que  les  Vers  ont  consommé  les  feuilles  d'un  buisson,  les  préposés  à 
l'élevage  les  transportent  sur  un  autre,  en  commençant  toujours  par  le 
buisson  le  plus  jeune.  M.  Taylors  Meadows,  lors  de  son  voyage  dans  les 
vallées  séricicoles,  a  vu  qu'au  milieu  de  septembre  la  moitié  environ 
des  chenilles  étaient  déjà  renfermées  dans  leurs  cocons  ou  occupées  à 
les  construire,  les  retardataires  ayant  fait  leur  dernière  mue.  Lorsque  le 
Ver  commence  son  cocon,  il  choisit  deux  ou  plusieurs  feuilles  de  chêne 
plus  ou  moins  en  regard  les  unes  des  autres  et  situées  au-dessous  de  la 
branche  où  elles  poussent,  et  l'insecte  réunit  ces  feuilles  par  un  tissu  de 
tils  de  soie,  en  portant  sans  relâche  la  tête  d'une  feuille  à  l'autre.  Ces 
chenilles  se  nourrissent  de  trois  espèces  différentes  de  chêne  du  pays 
et  aussi  d'un  arbrisseau  d'une  autre  famille,  qui  donne  même  une  soie 
de  meilleure  qualité  que  les  feuilles  des  divers  chênes.  Le  rendement 
de  la  récolte  du  printemps  passe  pour  être  beaucoup  plus  faible  que 
celui  de  la  récolte  d'automne, de  moitié  même;  maisau  contraire  la  qua- 
lité de  la  récolte  du  printemps  est  considérée  comme  supérieure,  don- 
nant une  soie  plus  blanche,  plus  fine,  plus  appropriée  à  la  teinture  ; 
toutefois,  le  noir  à  reflet  brun  rougeâtre  ou  violacé  semble  la  seule  tein- 
ture applicable  à  l'une  ou  à  l'autre  des  récoltes.  Les  Chinois  emploient 
comme  comestibles  les  chrysalides  qui  no  sont  pas  destinées  à  la  repro- 
duction. 

VA.Pernyi  fut  envoyé  en  France  de  1850  à  1851 ,  à  la  fois  par  M^''  Perny, 
évêque  missionnaire,  et  par  M.  de  Montigny.  Il  faut  dire  qu'à  côté  de 
quelques  élevages  heureux,  un  grand  nombre  d'insuccès  se  produi- 
sirent, de  sorte  que  beaucoup  d'amateurs  ne  tardèrent  pas  à  perdre 
l'espèce  chinoise  du  chêne,  probablement  par  la  dégénérescence  rapide 
qui  résulte  de  l'élevage  exclusif  à  la  chambre.  A  l'Exposition  univer- 
selle de  1855,  furent  exposés  des  cocons  et  des  papillons  de  VA.  Pernyi, 
provenant  d'une  éducation  faite  par  M.  Jourdan,  de  Lyon,  à  la  suite 
d'un  envoi  de  cocons  chinois  par  les  missionnaires.  On  a  observé  ce  fait, 
propre  aux  espèces  demi-sauvages  des  Antherea  asiatiques,  qu'il  faut 
pour  la  fécondation  une  éclosion  presque  simultanée  des  mâles  et  des 
femelles;  les  individus  de  sexe  différent  se  repoussent,  s'ils  sont  nés  à 
quelques  jours  de  distance.  La  soie  de  l'A.  Pernyi  a  été  dévidée  avec  fa- 
cilité, d'un  bout  à  l'autre,  sans  rupture,  par  M.  Deschamps,  fîlateur  à 
Sumène,  dans  les  Cévennes.  Cette  soie,  d'une  ténacité  médiocre,  était 
d'une  élasticité  remarquable,  20  pour  100,  celle  du  Sericaria  mori  n'é- 
tant que  de  19  pour  100.  D'après  Guérin-Méneville,  un  fil  de  celte 
soie  vaut  cinq  à  six  fils  réunis  de  la  soie  ordinaire.  Les  tissus  de  cette 
soie  tiennent  à  la  fois  de  la  soie  ordinaire,  de  la  laine  et  du  coton. 
M.  Torne  a  fabriqué,  à  Paris,  des  étoffes  avec  ces  soies,  et  est  parvenu 
à  les  blanchir  et  à  les  teindre  très  solidement,  en  leur  donnant  les  &ou- 


504  Ll'PlDOPTÈBES. 

leurs  les  plus  délicates  et  les  plus  variées.  Eu  1872,  M.  Benvenuto 
Comba  et  G.  Baraldi,  au  domaine  royal  de  la  Mandria,  près  de  Turin, 
ont  fait  une  éducation  en  grand  de  l'yl.  Pcrnyi.  Quoique  l'éducation  ait 
été  décimée  en  partie  par  la  flachcrie,  ou  a  oljtenu  la  filature  par  les 
chenilles  d'un  grand  nombre  de  cocons.  Ils  ont  été  dévidés  en  soie  grège 
qui  a  pu  recevoir  toutes  les  teintures,  et  de  très  beaux  crépes-foulards, 
tissés  avec  ces  soies,  ont  été  présentés  k  la  Société  d'acclimatation  de 
Paris.  En  187Zi,  l'espèce  a  été  élevée  à  Pontoise  par  M.  Bigot  ;  en  1875,  à 
Clamart,  par  M.  Berce  ;  en  1878  et  1879,  à  Champrosay,  près  Draveil 
(Seine-et-Oise),  par  M.  J.  Fallou,  à  l'air  libre  dans  son  jardin,  par  M.  A. 
Clément,  à  Montrouge-Paris,  etc. 

Ces  éducations  en  petit  n'étaient  pas  faites  au  point  de  vue  industriel, 
auquel  il  faudra  probablement  renoncer  pour  la  France,   en  raison  de 
la  grande  difficulté  de  mener  à  bien  la  seconde  génération  d'automne. 
Ainsi,  près  de  Lille,  M.  Le  Roi  a  essayé  d'élever  en  grand  1'^.  Pernyi; 
mais  les  chenilles  de  la  seconde  génération,  parvenues  à  leur  troisième 
ou  quatrième  mue  à  la  fin  d'octobre,  périssaient  de  faim;  car  les  chênes, 
dans  cette  région  septentrionale,  perdent  leurs  feuilles  vertes  à  cette 
époque  de  l'année,  tandis  qu'ils  les  gardent  plus  longtemps  dans  le 
Midi,  où  l'on  a  chance  dès  lors  de  voir  la  seconde  génération  de  Permji  se 
transformer  au  plus  tard  en  novembre,  donnant  ainsi  des  cocons  pour 
l'hiver.  C'est  ce  qui  est  parfaitement  arrivé  en  Espagne,  où  l'on  peut  dire 
que  le  problème  de  l'acclimatation   et  de  l'exploitation  industrielles  a 
été  résolu.  M.  Perez  de  Nueros  a  d'abord  élevé  en  Catalogne,  et  sur  une 
grande  échelle,  les  A.  Yama-mdi  et  Permji,  et,  d'après  les  résultats  ob- 
tenus, a  donné  la  préférence  à  la  seconde  espèce,  dont  il  a  organisé  l'é- 
ducation industrielle  en  Biscaye,  dans  le  Guipuscoa,  près  de  Saint-Sé- 
bastien, contre  la  frontière   française.  Le  gouvernement   espagnol  a 
secondé,  avec  une  grande  intelligence,  les  elTorts  tentés  par  la  Société 
de   a  Granja  sericicola  de  Yrisasi  pour  doter  TEspagne  d'une  industrie 
nouvelle.  Une  concession  de  300  hectares  de  bois  de  chênes  a  été  faite  à 
cette  Société,  pour  une  période  de  quarante-cinq  ans,  avec  exemption 
de  toutes  impositions  pendant  les  dix  premières  années  pour  le  terrain 
et  les  bâtiments  à  construire  destinés  aux  filatures.  Des  conditions  sont 
imposées  à  la  Société  dans  l'intérêt  général.  La  graine  de  1'^.  Pernyi  ne 
peut  être  vendue  plus  de  50  centimes  le  gramme  et  la  Société  n'a  pas  le 
monopole  des  éducations.  M.  Perez  de  Nueros  ne  l'a  du  reste  pas  ré- 
clamé, car  il  pense,  au  contraire,  que  la  filature  qu'il  monte  sera  nen 
seulement  utilisée  pour  la  filature  et  le  tissage  des  cocons  obtenus  sur 
la  concession,  mais  aussi  pour  les  cocons  qui  pourront  être  produits  par 
les  éducateurs  des  environs  et  même  de  toute  l'Espagne.  En  attendant 
cet  approvisionnement  national,  on  dévidera  les  cocons  exotiques  que  la 
Société  se  procurera.  A  l'atelier  de  dévidage  se  joindra  une  filature  pour 
utiliser  les  bourres  et  les  déchets  des  bassines.  Les  premières  éducations 
de  M.  Pei'ez  de  Nueros  lui  ont  valu  en  1878  le  prix  de  1000  francs  fondé 


ATTACUS.  505 

par  la  Société  d'acclimatation  de  Paris  en  1873,  pour  la  meilleure  édu- 
cation en  grand  de  VA.  Pernyi,  à  la  condition  d'avoir  obtenu,  dans  une 
seule  saison,  une  récolte  assez  considérable  pour  pouvoir  livrer  à  la  fila- 
ture et  transformer  en  soie  grùge  de  belle  qualité  au  moins  50  kilo- 
grammes de  cocons  pleins,  ou  5  kilogrammes  de  cocons  vides.  A  l'Ex- 
position universelle  de  Paris,  en  1878,  figuraient  des  cocons,  des  soies 
grèges  et  des  tissus  de  la  fabrication  de  M.  Parez  de  Nueros.  On  peut 
voir  dans  la  collection  de  la  Société  d'acclimatation  un  beau  foulard  en 
soie  grège  écrue  ou  naturelle  de  VA.  Pernyi,  d'un  très  joli  gris  jaunâtre, 
tissé  avec  un  fil  à  douze  brins  pour  la  chaîne,  à  vingt  brins  pour  la 
trame.  Les  cocons  d'A.  Pernyi  qui  ont  été  récollés  sur  la  concession  près 
de  Saint-Sébastien,  sont  plus  fournis  en  soie  que  ceux  qui  avaient  été 
obtenus  précédemment  par  M.  Perez  de  Nueros  en  Catalogne.  Il  évalue 
à  mille  le  nombre  de  cocons  nécessaires  pour  obtenir  une  livre  de  soie 
grège.  Les  chênes  sur  lesquels  on  élève  les  Vers  en  Biscaye  sont  le 
Quercus  robur  et  le  Quercus  pedunculata,  et  VA.  Pernyi  se  développe  plus 
rapidement  sur  ce  second  chêne  que  sur  le  premier  ;  les  Vers  vivent 
d'abord  sur  les  branches  les  plus  élevées,  ne  descendant  sur  les  infé- 
rieures qu'au  fur  et  à  mesure  que  les  feuilles  du  sommet  des  arbres 
sont  consommées.  Jusqu'à  présent  les  éducations  se  sont  faites  sur  les 
chênes  à  haute  tige  de  la  concession;  mais  on  va  établir  des  taillis  pour 
rendre  plus  facile  le  travail,  tant  de  surveillance  que  de  récolte.  Quant 
à  la  protection  des  Vers  contre  leurs  ennemis  bien  connus,  les  oiseaux 
et  les  insectes,  on  a  recours  pour  les  premiers  aux  moyens  employés 
partout  :  les  épouvantails  et  les  coups  de  fusil.  Pour  détruire  les  four- 
mis, les  araignées,  etc.,  on  emploie  de  l'eau  saturée  de  savon  noir.  Lors- 
que les  Vers  ont  acquis  un  certain  développement,  les  becs-fins,  qui  ne 
peuvent  plus  les  avaler,  se  bornent  aies  piquer,  mais  ces  blessures  suf- 
fisent pour  amener  la  perte  des  chenilles,  qui  se  laissent  tomber  au 
pied  du  chêne  sur  lequel  elles  vivaient,  et  là,  le  soir  ou  dans  la  nuit, 
des  taupes  sorties  de  terre  viennent  faire  leur  péiture  de  ces  chenilles 
blessées  par  les  oiseaux.  Pour  le  dévidage,  on  désagrège  la  soie  des  co- 
cons avec  le  jus  des  chrysalides  (sic),  et  l'on  emploie  de  l'eau  à  80  degrés 
centigrades  environ.  Dans  une  lettre  lue  à  la  séance  du  18  février  1881 
de  la  Société  d'acclimatation,  M.  Perez  de  Nueros  se  dit  en  mesure, 
d'après  le  nombre  de  ses  cocons  de  grainage,  de  livrer,  au  printemps 
de  1881,  de  50  à  60  kilogrammes  de  graines.  De  tels  résultats  nous  sem- 
blent de  nature  à  faire  essayer  l'introduction  en  grand  de  1'^.  Pernyi 
dans  certaines  parties  de  l'Algérie. 

Les  soins  à  donner  à  l'éducation  de  1'^.  Pernyi,  ainsi  que  la  pose  des 
graines  dans  des  cornets  sur  les  branches  des  chênes,  sont  pareils  à  ce 
que  nous  avons  dit  pour  VA.  Yama-maï;  il  est  nécessaire,  pour  la  se- 
conde éducation  de  la  fin  de  l'été,  de  se  garantir  contre  la  voracité  des 
guêpes,  qui  sont  très  communes  en  cette  saison.  M.  A.  Clément  a  observé 
que,  pour  cette  seconde  éducation  souvent  languissante  qui  se  prolonge 


506  LÉPIDOPTÈRES. 

en  automne,  on  peut  remplacer  avec  avantage  les  feuilles  de  chêne, 
dures  et  sèches  en  cette  saison,  par  celles  du  prunier;  tous  les  Atta- 
ciens  paraissent  être,  comme  on  sait,  plus  ou  moins  polyphages. 

Une  troisième  espèce  de  sous-genre  Antherea,  plus  anciennement 
connue  par  les  auteurs  que  les  deux  précédentes,  est  l'A.  Mylitta, 
Drury,  Fabr.,  syn.  :  Paphia,  Cramer,  non  Linn.,  le  Ver  à  soie  du  chêne 
de  l'Inde.  Les  papillons  femelles  de  cette  espèce  ont  une  envergure  de 
16  à  17  centimètres,  celle  des  mâles  étant  d'ordinaire  plus  petite  de 
Zi  à  5  centimètres.  Ces  derniers  ont  le  fond  des  ailes  généralement  d'un 
rouge  brun  foncé,  surtout  quand  ils  proviennent  des  plaines;  les 
femelles  sont  habituellement  d'une  couleur  moins  foncée,  et,  le  plus 
souvent,  d'un  jaune  gai  ;  au  reste,  il  y  a  tout  autant  de  variations  dans 
la  couleur  du  fond  que  chez  VA.  Yama-maï.  Les  ailes  supérieures  sont 
un  peu  falquées  au  bout,  surtout  chez  les  m.lles,  les  bandes  violacées 
ou  carminées  des  quatre  ailes  sont  plus  rapprochées  du  bord  extérieur 
que  chez  le  Yama-maï;  la  ligne  blanche  transversale  des  ailes  supé- 
rieures est  courbe,  comme  chez  A.  Pernyi.  La  coloration  grise  de  la 
côte  des  ailes  supérieures  est  très  foncée,  ainsi  que  la  bande  de  même 
couleur  qui  traverse  le  corselet  et  réunit  la  côte  des  deux  ailes  sus- 
dites; en  outre,  cette  coloration  atteint  toujours  l'angle  apical,  ce  qui 
n'a  pas  lieu  chez  Yama-nmi  et  Pernyi.  Les  antennes  du  mâle  sont  très 
larges,  au  moins  autant  que  chez  Yama-maï.  Le  caractère  saillant,  qui 
empêche  à  première  vue  de  confondre  le  papillon  Mylitta  a\ec  ceux 
des  deux  autres  espèces,  c'est  que  les  taches  ou  fenêtres  vitrées  du 
milieu  des  quatre  ailes,  sont  plus,  rondes,  parfaitement  transparentes, 
coupées  transversalement  à  l'aile  par  une  petite  nervure,  et  surtout 
d'une  grandeur  double  de  celles  du  Yama-maï,  très  grande  principale- 
ment chez  la  femelle.  Les  œufs,  d'après  une  observation  de  M.  A.  Wailly, 
faite  à  Londres  en  1879,  sont  blanchâtres,  légèrement  comprimés  et 
généralement  entourés  de  deux  lignes  noires;  ils  sont  plus  gros  que  les 
œufs  des  A.  Yama-maï  et  Pernyi.  H  y  a  des  œufs  plus  petits  que  les 
autres  qui  donnent  naissance  aux  chenilles  mâles,  intéressante  remarque 
pareille  à  celle  qui  a  été  faite  sur  les  œufs  du  Liparis  Dispar.  La  che- 
nille, du  même  type  que  celle  des  Yama-maï  et  Pernyi,  offre  aussi  des 
différences  notables.  Au  premier  âge,  d'un  brun  noirâtre  à  sa  sortie  de 
l'œuf,  avec  la  tête  d'un  noir  brillant,  elle  devient  peu  à  peu  jaune  en 
grossissant;  le  premier  segment  thoracique  est  jaune,  comme  tous  les 
autres,  avec  une  grande  tache  transversale  noire  en  dessus.  Les  tuber- 
cules du  rang  inférieur  sont  tous  jaunes,  comme  les  autres;  tout  le 
corps  est  d'un  jaune  vif,  presque  orangé,  au  moins  à  la  partie  supé- 
rieure, et  ses  segments,  au  lieu  de  porter  des  lignes  longitudinales  noi- 
râtres, comme  dans  la  jeune  chenille  de  Yama-maï,  ont  chacun  six 
petits  traits  noirs,  courts  et  transversaux,  alignés  l'un  au  milieu,  en 
dessus,  et  un  autre  de  chaque  côté,  ce  qui  produit  trois  bandes  longi- 
tudinales de  petites  taches  noires.  Les  pattes  membraneuses,  au  lieu 


ATTACUS.  507 

d'être  marquées  de  trois  petites  bandes  brunes,  sont  d'un  jaune  un  peu 
sale,  avec  une  forte  tache  noire  au  côté  externe;  comme  celle  du 
Yama-mai,  cette  chenille  a  les  deux  tubercules  médians  des  anneaux  3 
et  11  noirs,  ainsi  que  les  taches  de  l'extrémité  et  des  deux  pattes 
anales.  Au  deuxième  âge,  il  y  a,  sur  le  premier  segment,  quatre  taches 
noires  distinctes;  tous  les  tubercules  sont  d'un  jaune  orangé  vif,  avec 
l'extrémité  de  ceux  des  quatre  rangs  supérieurs  noirs,  et  encore  une 
grande  tache  noire  au  côté  externe  des  pattes  membraneuses.  La  cou- 
leur du  fond  passe  aux  divers  âges  du  jaune  au  vert,  comme  dans  la 
chenille  du  Yama-maï,  la  couleur  verte  s'accentuant  de  plus  en  plus 
et  d'une  belle  nuance  verte  au  troisième  âge;  alors  tous  les  tubercules 
sont  d'un  beau  jaune  orangé  vif,  avec  la  base  à  reflet  métallique  d'un 
rouge  cuivreux,  les  deux  supérieurs  des  segments  3  et  Zi  ont  leur 
extrémité  noire.  La  tête,  les  pattes  écailleuses  et  le  bord  des  pattes 
membraneuses  sont  d'un  brun  roussâtre,  et  le  côté  externe  de  ces  der- 
nières pattes  porte  huit  ou  dix  points  noirs  très  distincts  qui  remplacent 
la  tache  noire  des  deux  premiers  âges;  une  mince  ligne  noire  repré- 
sente alors  seule  la  tache  noire  du  dessus  du  dernier  segment,  et  un 
long  triangle  noir  se  voit  sur  les  côtés  des  dernières  pattes  membra- 
neuses; à  la  fin  de  cet  âge  on  distingue  en  outre  bien  la  chenille  de 
VA.  Mylitta  de  celle  du  Fama-moV  par  sa  forme  moins  trapue,  carac- 
tère qui  se  prononcera  de  plus  en  plus.  Au  quatrième  âge,  tandis  que 
la  chenille  du  Yama-maï  montre  à  peine  quelques  vestiges  de  ses 
tubercules,  la  chenille  du  Mylitta  en  est  splendidement  ornée;  les 
deux  rangs  de  tubercules  dorsaux  sont  bien  saillants,  d'une  belle  cou- 
leur orangée  à  reflets  dorés,  les  deux  rangs  des  tubercules  des  côtés 
sont  d'un  beau  bleu  d'outremer  très  luisant,  et  il  y  a,  mais  rarement, 
des  taches  argentées  aux  côtés  des  segments  5  et  6.  Au  cinquième  âge, 
après  la  quatrième  mue,  la  chenille  a  conservé  sa  forme  allongée  et 
ses  tubercules,  qui  sont  alors  tous  dorés,  avec  l'extrémité  d'un  beau 
violet,  couronnée  de  longs  cils  blancs.  Les  taches  argentées  des  côtés 
sont  grandes  et  très  brillantes  ;  ces  taches  sont,  comme  on  voit,  un 
caractère  commun,  à  divers  degrés,  aux  chenilles  des  A.  Yama-ma't', 
Pernyi  et  Mylitta.  Enfin,  chez  cette  dernière,  on  voit  encore,  comme  à 
l'âge  précédent,  les  points  noirs  persister  au  côté  externe  des  pattes 
membraneuses,  dont  le  bord  est  devenu  vert.  Les  magnifiques  che- 
nilles d'A.  Mylitta  offrent  de  nombreuses  variétés  dans  les  couleurs  et 
les  reflets  métalliques  de  leurs  tubercules.  Dans  le  plus  grand  nombre, 
il  n'y  a  que  les  tubercules  supérieurs  qui  soient  dorés,  et  tous  les  autres 
sont  d'un  bleu  pur  ou  d'un  violet  plus  ou  moins  rouge.  Chez  d'autres, 
il  y  a  une  plaque  d'argent  sous  les  tubercules  latéraux  des  segments  5 
et  6  ;  chez  certains,  cet  argent  se  montre  sous  les  mêmes  tubercules, 
depuis  le  segment  3  jusqu'aux  segments  7  et  8.  Quelques  sujets  ont  les 
tubercules  supérieurs  dorés  comme  d'habitude  en  avant  et  en  dedans, 
argentés  en  outre  au  côté  externe.  Enfin,  chez  quelques-uns  ayant  aussi 


508  LÉPIDOPTÈRES. 

des  reflets  argentés  sous  les  tubercules  des  deux  rangs,  il  y  a  du  noir 
au  sommet  de  tous  les  tubercules,  qui  sont  rouges  à  leur  base.  Le 
cocon  établit  une  difîérencc  spécifique  très  tranchée;  il  est  fermé  et 
ovoïde,  sans  bourre,  d'une  fermeté  et  d'un  poids  considérables;  il  est 
ordinairement  d'un  gris  argenté  ou  jaimâtre.  Ce  cocon  est  suspendu  à 
une  branche  d'arbre,  non  plus  par  un  cordon  de  soie  mince  et  aplati, 
mais  par  une  vraie  corde  soyeuse  d'aspect  corné  et  noirâtre  à  l'extré- 
mité, qui  au  lieu  de  s'étaler  en  quelques  fils  lâches,  forme  un  anneau 
complet  autour  de  la  branche.  Les  cocons  des  grandes  races  ont  jusqu'à 
55  et  60  centimètres  de  longueur  sur  plus  de  30  de  largeur,  tandis  que 
ceux  des  petites  races  sont  de  dimensions  moindres,  et  les  cocons 
des  femelles  sont  notablement  plus  gros  que  ceux  des  mâles. 

L'A.  Mylitta,  répandu  dans  toutes  les  parties  de  l'Inde,  et  dans  l'île 
de  Ceylan,  est  une  espèce  très  polyphage,  vivant  sur  un  grand  nombre 
d'arbres  et  d'arbustes,  sur  le  chêne  seulement  dans  les  parties  les  plus 
montagneuses  du  Nord,  sur  le  jujubier  {Zizyphus  jujuha),  qui  croît  en 
pleine  terre  également  en  Algérie,  sur  le  Lagerstrœmia  Indica,  sur  les 
Ficus  Benjamina,  Carissa,  Guidia,  sur  le  Terminalia  alata.  Les  arbres  de 
cette  dernière  espèce  croissent  autour  des  habitations  dans  la  province 
de  Calcutta,  et  le  peuple  recueille  les  chenilles  du  Mylitta  à  l'état  sau- 
vage sur  divers  arbres  pour  les  porter  sur  les  Terminalia  ou  arbre 
assem,  près  des  maisons,  de  sorte  que  la  surveillance  est  plus  facile, 
car  les  chenilles  sont  recherchées  par  les  corneilles  pendant  le  jour  et 
par  les  chauves-souris  pendant  la  nuit.  On  ne  fait  pas  aux  Indes  de 
véritable  éducation  domestique  de  cette  espèce,  mais  les  cocons  sont 
recueillis  de  toute  part  sur  les  arbres  et  arbrisseaux  et  envoyés  à  des 
comptoirs  où  les  achète  le  commerce  pour  la  filature.  Au  Bengale,  les 
naturels  élèvent  VA.  Mylitta  sur  les  jujubiers  taillés  en  buissons,  et  y 
portent  les  petites  chenilles;  les  arbres  sont  gardés,  surtout  pour 
écarter  les  oiseaux.  Les  cocons  ramassés  aux  branches,  où  ils  pendent 
comme  des  fruits,  puis  étouffés  à  l'eau  bouillante,  sont  portés  au  marché 
et  dévidés  comme  ceux  du  Ver  à  soie  du  mûrier.  La  récolte  de  ces 
cocons  sauvages,  très  abondants  dans  les  jungles,  a  dû  se  faire  dès  une 
très  haute  antiquité;  c'était  une  tradition,  selon  les  anciens  historiens 
persans,  que  les  habitants  de  la  Sérique  (Indoustan,  sud  de  la  Chine) 
ramassaient  la  soie  au  pied  des  arbres,  et  de  là  l'opinion  des  Grecs  et 
des  Romains  qu'elle  provenait  d'un  fruit.  Ce  cocon  produit  beaucoup 
plus  de  soie,  parfois  dix  fois  plus,  que  celui  du  Sericaria  mori.  On  ren- 
contre l'espèce  dans  toutes  les  parties  du  Bengale,  de  Calcutta  à  Lahore, 
et  même  sur  les  monts  Himalaya,  jusqu'à  2000  mètres  d'altitude;  peut- 
être  s'étend-elle  aussi  dans  l'Assam  et  môme  dans  les  Moluques,  ou  au 
moins  des  espèces  très  voisines.  C'est  dans  la  partie  montagneuse  du 
Bengale,  au  sud  du  Gange  et  de  la  rivière  Soane,  qu'on  cultive  l'espèce 
avec  plus  de  succès  que  dans  les  plaines  trop  chaudes  de  l'Indoustan- 
11  est  possible  que  la  sécheresse  et  la  chaleur  soient  la  cause  principale 


ATTACUS.  509 

qui  amène  la  petitesse  de  la  race  de  1'^.  Mylitta  dans  les  régions  chaudes, 
tandis  que  dans  les  forêts  de  l'Himalaya  et  dans  d'autres  parties  de  l'Inde 
où  le  feuillage  conserve  longtemps  sa  fraîcheur,  les  Vers  atteignent  une 
taille  considérable.  Peut-être  les  diverses  races  produiraient-elles  toutes 
de  gros  cocons,  si  l'éducation  était  toujours  dirigée  par  un  habile  séri- 
ciculteur, mettant  toujours  à  la  disposition  des  chenilles  une  quantité 
suffisante  d'arbustes  en  bon  état;  ainsi,  pendant  plusieurs  années,  le 
major  G.  Coussmaker  a  toujours  obtenu  d'énormes  cocons  dans  une 
localité  de  la  présidence  de  Bombay,  où  le  climat  est  beaucoup  plus 
chaud  que  dans  les  montagnes  de  l'Himalaya.  D'après  les  renseigne- 
ments de  la  mission  russe  de  Pékin,  VA.  Mylitta,  ainsi  que  1'^.  Cynthia 
vera,  G.  Mén.,  sont  très  communs  dans  les  montagnes,  et  les  Chinois 
les  élèvent  en  quantité  à  l'état  sauvage,  les  premiers  avec  la  feuille  de 
chêne,  les  seconds  sur  le  frêne.  La  race  Mylitta,  de  l'Himalaya,  qui  est 
une  des  plus  grandes,  est  univoltine  et  léclosion  des  papillons  a  lieu  à 
la  fin  de  juin  ou  au  commencement  de  juillet;  les  races  du  sud, 
comme  cela  est  fréquent  pour  tous  les  insectes  des  pays  tropicaux,  sont 
polyvoltines.  La  soie  de  VA.  Mylitta  porte  aux  Indes  les  noms  de  tussah, 
tusseh,  tussor,  ainsi  que  les  tissus  qu'on  en  fabrique.  Il  s'en  fait  une 
grande  importation  en  Europe,  beaucoup  moindre  toutefois  que  celle 
des  soies  et  des  soieries  de  la  Chine  et  du  Japon;  mais,  dans  l'Inde 
anglaise,  ce  sont  les  étoffes  de  cette  soie  qui  sont  portées  le  plus  com- 
munément. Les  fils  de  soie  tussah  grège  sont  employés  purs  ou  mêlés 
au  coton  ;  sans  mélange,  ils  donnent  une  étoffe  dure  et  brunâtre,  dite 
Korah,  usitée  pour  vêtements  d'été  ou  pour  meubles,  pleine  de  fermeté 
et  de  brillant,  mais  finissant  par  se  couper  après  les  lavages.  Mêlée  à  un 
peu  de  coton,  la  soie  tussah,  décreusée,  fournit  un  tissu  plus  souple, 
un  usage  plus  général,  et  est  l'objet  d'un  grand  commerce. 

Les  premières  notions  sur  VA.  Mylitta  ont  été  données  dans  les  écrits 
des  docteurs  Buchanan  et  Roxburg,  puis  dans  le  mémoire  de  Helfer 
(voy.  Bibliographie  du  Ver  à  soie  du  mûrier).  En  1831,  Lamare-Picquot 
adressa  sur  cet  insecte  un  mémoire  à  l'Académie  des  sciences,  dans 
lequel  il  proposait  d'introduire  l'espèce  à  l'île  Bourbon,  dans  les  posses- 
sions françaises  des  Antilles,  dans  l'île  de  Corse,  en  Algérie  et  même 
dans  les  départements  méridionaux  de  la  France;  mais  le  goût  de  l'é- 
poque n'était  pas  à  l'acclimatation,  les  éducations  du  Ver  du  mûrier 
étaient  florissantes;  on  n'avait,  disait-on,  nul  besoin  d'un  nouvel 
insecte  séricigéne  ;  aussi  les  idées  de  Lamare-Picquot,  combattues  par 
Latreille,  n'obtinrent  pas  la  sanction  de  l'Académie  des  sciences.  C'est 
l'espèce  rapportée  par  Lamare-Picquot  qui  fut  figurée  et  décrite  dans 
un  mémoire  de  Loiseleur-Deslongchamps  sur  les  Vers  à  soie  (voy. 
Bibliographie  du  Ver  à  soie  du  mûrier).  En  ISZjO,  Isidore  Geoffroy-Saint- 
Hilaire,  qui  devait  fonder  en  185Z»  la  Société  d'acclimatation,  déplorait 
la  décision  académique  au  sujet  d'un  insecte  dont  la  soie  est  recueillie 
et  employée  dans  l'Inde  de  temps  immémorial,  et  qui  es!  élevé  spécia- 


510  LÉPIDOPTÈRES. 

lement  dans  certaines  provinces,  de  même,  disait-il,  que  le  Bombyx 
(Attacus)  Cynthia,  plus  complètement  domestique.  Cette  soie,  ajoutait- 
il,  ne  saurait,  certes,  remplacer  celle  du  Sericaria  mort,  mais  rien 
ne  prouve  qu'elle  ne  puisse  prendre  place  à  côté  et  avoir  dans  l'indus- 
trie des  utilités  spéciales.  En  1855,  lAI.  Chavannes  essaya  de  nouveau 
l'intruduction  en  Europe  de  cet  A.  Mylilta,  et  l'éleva  en  plein  air,  près 
de  Lausanne,  sur  le  chêne  et  aussi  sur  l'alisier,  le  cognassier,  le  néflier. 
Ces  générations  en  plein  air  réussirent  parfaitement  sans  dégénéres- 
cence pendant  plusieurs  années;  puis  tout  périt,  soit  par  suite  d'une 
dill'érence  de  climat  trop  considérable,  soit  eu  raison  de  ces  accidents 
auxquels  succombent  parfois  les  générations  des  Lépidoptères  indi- 
gènes, môme  en  plein  air.  Ainsi  Guillemot  cite  un  cas  remarquable  de 
ce  genre  pour  un  Bombycien,  le  Lasiocampa  pruni,  dépérissant  tout  à 
coup,  malgré  l'élevage  en  plein  air  opéré  avec  succès  pendant  cinq 
générations  antérieures  (premier  supplément  au  Catal.  des  Lépid.  du 
Puy-de-Dâine,  page  18;  Clermont,  1858).  La  Société  d'acclimatation 
reçut  1'^.  Myiitta  de  Pondichéry,  par  les  soins  de  M.  Perrottet,  qui  éle- 
vait l'insecte  aux  environs  de  cette  ville.  11  obtenait  dans  l'Inde,  comme 
M.  Chavannes  en  Suisse,  la  fécondation  des  femelles  en  les  attachant 
aux  arbres,  tandis  que  les  mâles  volaient  en  liberté;  une  éducation 
fut  faite  au  jardin  du  bois  de  Boulogne;  Hardy,  à  Alger,  essaya  aussi 
des  tentatives  d'éducation  sur  la  môme  espèce.  M.  A.  Wailly,  à  Lon- 
dres, reçut  de  Calcutta  une  caisse  contenant  des  cocons  énormes  de  la 
race  Myiitta  de  l'Himalaya  ;  quelques-uns,  qui  avaient  survécu  au 
voyage,  produisirent  de  magnifiques  papillons,  qui  s'accouplèrent  avec 
une  grande  facilité,  dans  un  coït  durant  environ  deux  jours,  et  presque 
sans  déchirure  des  ailes.  Deux  femelles  produisirent  environ  /iôO  œufs, 
dont  l'éclosion  se  fit  trois  semaines  après,  et  les  petites  chenilles  nées 
au  commencement  d'août  furent  élevées  sur  branches  de  chêne  coupées 
sur  vieux  bois,  ainsi  que  le  fait  habituellement  M.  A.  Wailly  pour  ses 
éducations  des  A.  Yama-mai  et  Pernyi ;  l'éiUication  ne  réussit  pas,  sans 
doute  en  raison  de  la  détestable  température  de  l'été  de  1879;  M.  Hues- 
mann  réussit,  au  contraire,  à  mener  des  chenilles  de  cette  espèce  jus- 
qu'au coconnage,  en  les  nourrissant  avec  des  feuilles  de  chêne  plus 
tendres  provenant  des  jeunes  pousses  de  l'année.  L'éducation  de  1'^. 
Myiitta  restera  toujours  en  France  une  curiosité  d'amateurs.  On  doit 
chercher  à  encourager  aux  Indes  le  maintien  des  meilleures  races  par 
la  sélection,  et  chercher  de  nouvelles  applications  industrielles  de  la 
soie  tussah;  l'acclimatation  des  espèces  de  régions  trop  chaudes  est 
une  utopie  au  point  de  vue  pratique  et  ne  peut  amener  que  des 
déceptions. 

Nous  devons  encore  signaler,  parmi  les  Attacus  asiatiques,  VA.  Assa- 
mentis,  Helfer,  sur  lequel  Hugon  {op.  cit.,  Bibliogr.  du  Ver  à  soie  du 
mûrier)  a  donné  des  détails  biologiques.  Les  habitants  de  l'Assam  atta- 
chent une  grande  importance  à  cette  espèce,  qui  fournit  une  excel- 


ATTACDS.  511 

lente  soie  grège  employée  aux  Indes,  et  que  les  habitants  de  l'Assam 
nomment  mooga.  Les  chenilles,  qui  donnent  cinq  générations  dans 
l'année,  sont  élevées  en  plein  air  sur  sept  espèces  d'arbres  diflerenles, 
fournissant  des  soies  de  coloration  variée,  de  la  couleur  blanche  à  la 
couleur  chamois,  selon  les  végétaux  qui  ont  nourri  la  chenille,  et  qui 
croissent  en  général  spontanément  ou  sont  cultivés  près  des  villages. 
Les  guêpes  et  les  ichneumons  détruisent  beaucoup  de  vers  ;  des  vieilles 
femmes  sont  chargées  de  veiller  constamment  les  plantations  pour  en 
chasser  les  rats,  les  chauve-souris  et  une  foule  d'oiseaux  qui  en  sont 
très  friands.  Le  cocon  fermé  ressemble  beaucoup  à  celui  de  l'A.  Pernyi; 
le  papillon  diflère  surtout  par  l'absence  de  partie  vitrée  aux  taches 
ocellées  des  ailes;  le  même  caractère  se  retrouve  dans  une  autre  espèce, 
VA.  Perrutetti,  G.  Méu.,  découverte  par  Perrottet  près  de  Pondichéry, 
décrite  et  figurée  dans  le  Magasin  de\zoologic  (18Zi3,  Insectes,  pi.  123); 
le  cocon  est  ovoïde,  sans  pédicule,  rugueux  à  la  surface,  comme  celui 
du  Sericaria  mort,  et  d'un  jaune  tirant  un  peu  sur  le  fauve.  Ces  espèces 
n'ont  jamais  été  introduites  vivantes  en  Europe,  et  elles  habitent  un 
climat  trop  chaud  pour  qu'il  y  ait  lieu  de  faire  aucune  tentative  d'ac- 
climatation. Nous  pouvons  encore  citer,  à  titre  d'Attacus  indiens  dont 
on  retire  une  excellente  soie  :  A.  Silhetica,  Helfer,  du  Silhet,  où  l'on 
file  la  soie  de  ses  grands  cocons,  et  un  Attacus  vivant  à  l'état  sauvage 
sur  le  mango,  dont  les  habitants  de  Malda  recueillent  les  cocons  dont 
ils  mêlent  la  soie  à  celle  de  VA.  Arrindia,  ou  Ver  à  soie  du  ricin. 

Les  mêmes  régions  de  l'Asie  qui  nous  offrent  plusieurs  Atlaciens  à 
cocons  fermés  ont  un  autre  type  présentant  deux  espèces,  ou  plus  pro- 
bablement deux  races  bien  fixées  par  de  longues  générations,  Tune  de 
la  Chine,  l'autre  des  Indes,  et  produisant  des  métis  indéfiniment 
féconds,  caractère  presque  exclusivement  spécifique  :  ce  sont  les  A. 
Cynthia,  Diury^  vera,  G.  Mén.,  le  Ver  à  soie  de  Vailante,  et  A.  Arrindia^ 
Milne  Edwards,  le  Ver  à  soie  du  ricin.  Le  premier,  propre  à  la  Chine,  a 
été  signalé  par  les  missionnaires  vers  le  milieu  du  dix-huitième  siècle; 
c'est  le  P.  d'Incarville  qui  semble  l'avoir  indiqué  le  premier  dans  un 
mémoire  sur  les  Vers  à  soie  sauvages,  écrit  vers  l'année  17/iO,  pour 
répondre  sur  ce  sujet  aux  questions  que  le  ministre  et  plusieurs  savants 
lui  avaient  adressées.  En  1760  ou  1761,  d'Aubenton  (le  jeune),  dans 
l'ouvrage  intitulé  :  Planches  d'histoire  naturelle  enluminées  (t.  X,  pi.  42, 
Ins.),  donnait  une  figure  assez  reconnaissable  de  cet  Attacien  et  l'appe* 
lait  le  Croissant,  à  cause  des  lunules  transparentes,  arquées  en  forme 
de  croissant,  qui  se  voient  au  milieu  des  ailes  et  forment  un  type  spé- 
cial parmi  les  Attaciens.  C'est  en  1773  que  Drury  donna  à  ce  Lépidop- 
tère le  nom  de  Bombyx  Cynthia  {Illustrations  of  natural  History,  H, 
p.  10,  pi.  VI,  fig.  2),  et  ce  nom  fut  conservé  par  Cramer,  1779,  et  par 
Olivier,  1790,  ces  auteurs  ignorant  tous  qu'il  était  question  du  fameux 
Ver  à  soie  sauvage  chinois  du  P.  d'Incarville,  et  ne  connaissant  ni  le 
cocon,  ni  la  chenille j  ni  la  plante  nourricière.  En  180/»,  le  botaniste 


512  LÉPIDOPTÈRES. 

anglais  Roxburg  {Trans.  Soc.  linn.  de  Londres,  VI,  p.  Zj'i,  pi.  m)  signala 
une  autre  espèce  ou  race  trùs  voisine,  élevée  dans  l'Indoustan,  où  elle 
est  à  l'état  domestique,  avec  la  feuille  du  ricin  (Ricinus  palma  Christi), 
et  la  confondit  avec  l'espèce  chinoise.  Guérin-Méneville,  en  1858,  éta- 
blit nettement  la  séparation,  pressentie  du  reste  par  Boisduval  en  iSbk 
{Ann.  Soc.  entom.  fr.,  185/i,  VI,  p.  755),  disant  que  les  exemplaires  du 
véritable  Cynthia  diffèrent  autant  de  Saturnia  (Attacus)  ricini  que 
Saturnia  piri  se  distingue  de  spiiii.  Aussi  l'espèce  cliinoise  doit  prendre 
le  nom  d'.4.  Cynthia  vera,  G.  Mén.,  l'espèce  ou  race  indienne  à'A.Arrin- 
dia,  Wilne  Edwards,  nom  qui  lui  fut  donné  pour  la  première  fois  dans 
les  Bulletins  de  la  Soc.  impér.  et  cenlr.  d'agriculture  (séance  du  15  no- 
vembre 185Zi),  parce  que  la  chenille  est  appelée  aux  Indes  Arrindy  aria 
ou  Ver  à  soie  Eria.  La  description  exacte  du  papillon  de  VA.  Cynthia 
vera  est  difficile,  tant  les  couleurs  se  fondent  insensiblement  avec  har- 
monie. L'espèce  est  aujourd'hui  tout  à  fait  acclimatée  en  France  et 
fait  partie  du  catalogue  de  nos  espèces,  car  on  la  trouve  se  reprodui- 
sant spontanément  sur  les  allantes  (faux  vernis  du  Japon,  Ailantus 
glandulosa),  provenant  de  papillons  échappés  aux  éducations  d'ama- 
teurs ou  mis  en  liberté  par  eux;  c'est  d'après  des  sujets  parisiens,  tout 
à  fait  semblables  du  reste  comme  taille  et  comme  coloration  à  ceux 
qui  nous  viennent  du  sud  de  la  Chine,  que  nous  donnons  la  description 
suivante  :  les  deux  sexes  pareils  de  teinte  et  de  dessin,  envergure 
moyenne  11  centimètres  pour  le  mâle,  12  centimètres  pour  la  femelle; 
antennes  jaunes,  pectinées  dans  les  deux  sexes,  les  barbules  des  mâles 
plus  larges  ;  thorax  d'un  brun  jaunâtre,  avec  petit  collier  antérieur 
blanc  et  une  assez  large  bande  blanche  à  la  base;  fond  des  quatre  ailes 
d'un  jaune  gris,  partagées  par  une  bande  transverse  grise,  nuancée  de 
rose,  bordée  de  blanc  intérieurement  et  de  noir  plus  intérieurement 
encore  ;  à  l'angle  apical  de  l'aile  supérieure,  qui  est  arrondi-falqué, 
surtout  chez  le  mâle,  se  trouve  une  tache  noire  ovale,  finement  poin- 
lillée  de  bleu,  surmontée  d'une  petite  ligne  courbe  blanche;  entre 
cette  tache  et  le  bord  supérieur  est  un  espace  lavé  de  gris  violacé; 
bordure  des  quatre  ailes  formée  de  plusieurs  lignes  grises;  les  quatre 
ocelles  médians,  un  par  aile,  internes  à  la  bande  transversale  médiane, 
sont  des  lunules  ou  croissants,  vitrés  au  milieu,  surmontés  d'une  ligne 
noire,  bordés  inférieurement  d'une  bande  diffuse  d'un  jaune  d'ocre; 
en  dessus,  à  l'aile  supérieure  seulement,  une  bande  blanche  angu- 
leuse, bordée  de  noir,  part  de  la  côte,  atteint  la  partie  inférieure  de 
la  lunule,  fait  un  crochet  et  vient  se  prolonger  sur  la  base  du  corselet, 
dont  cette  bande  blanche  réunit  ainsi  les  bandes  blanches  anguleuses 
des  supérieures;  aux  ailes  inférieures  la  côte  est  blanche,  dans  la  région 
comprise  entre  le  corps  et  la  bande  transverse  blanche  ;  en  outre  il  y  a 
une  bande  blanche  analogue  à  celle  des  ailes  supérieures,  courbe, 
presque  parallèle  à  la  lunule,  placée  entre  la  lunule  et  la  base  de 
l'aile;  dessous  des  quatre  ailes  d'un  ton  plus  clair  que  le  dessus,  comme 


ATTACUS.  512 

lavé,  les  lunules  pareilles,  moins  vives  ;  pattes  d'un  gris  jaune  avec  un 
anneau  blanc  à  chaque  articulation;  abdomen  d'un  gris  jaunâtre,  une 
bande  blanche  longitudinale  au  milieu,  de  chaque  côté  deux  rangées 
de  houppes  de  poils  blancs,  dessous  de  l'abdomen  d'un  jaunâtre 
plus  foncé,  offrant  au  milieu  deux  lignes  blanches  longitudinales  ; 
voyez  pi.  xcv,  fig.  5,  Attacus  Cynthia,  femelle  ;  fig.  6,  tôte  du  mâle, 
fig.  7,  cocon;  fig.  8,  une  patte  grossie;  œufs  deux  fois  plus  gros  que 
ceux  du  Ver  à  soie  ordinaire,  ellipsoïdes,  également  gros  aux  deux 
bouts,  blancs,  avec  des  mouchetures  noires  dues  à  des  particules 
de  cette  couleur  répandues  dans  la  gomme  qui  les  enduit;  sept  à 
huit  jours  après  la  ponte,  quand  ces  œufs  approchent  du  moment 
de  Téclosion  des  chenilles,  ils  tendent  à  s'aplatir  un  peu,  perdent  de 
leur  poids  et  prennent  une  teinte  grisâtre  bien  marquée,  produite  par 
la  couleur  noire  de  la  chenille  qu'ils  renferment,  et  qui  se  voit  un  peu 
par  translucidité  de  la  coque;  de  huit  à  douze  jours  après  la  ponte,  selon 
la  température,  éclosent  les  chenilles,  en  rongeant  le  côté  de  la  coque 
opposé  à  celui  qui  était  collé  sur  la  surface  de  position.  Elles  sont  alors 
longues  de  4  à  Zi,5  millimètres  et  paraissent  noires,  parce  que  leurs 
anneaux  portent  chacun  dix  taches  noires  et  six  tubercules  de  même 
couleur  ;  mais,  vues  à  la  loupe,  on  reconnaît  que  leur  peau  est  d'un 
jaune  plus  ou  moins  pâle,  avec  la  tète  noire  et  une  grande  plaque 
transversale  noire  occupant  presque  tout  le  dessus  du  prothorax.  Ces 
chenilles  sont  à  cinq  âges  et  à  quatre  mues,  chacune  de  ces  mues  pré- 
cédée d'un  sommeil  de  vingt-quatre  à  quarante-huit  heures  selon  la 
température;  avant  de  s'endormir  pour  quitter  leur  ancienne  peau, 
elles  tapissent  la  partie  du  dessous  de  la  feuille  qui  les  porte  avec  un 
réseau  invisible  de  fils  de  soie  et  y  accrochent  solidement  leurs  pattes 
membraneuses,  afin  que  la  vieille  peau  demeure  attachée  en  arrière 
aux  fils  en  question  et  ne  reste  pas  fixée  à  la  partie  postérieure  du  corps 
de  la  chenille,  qui  périrait  étouffée  par  ses  déjections;  lors  des  mues 
les  chenilles  de  1'^.  Cynthia  vera,  au  lieu  de  se  dresser,  ainsi  que 
le  font  les  Vers  à  soie  du  mûTTer,  restent  immobiles  à  plat  sur  les 
fj  ailles. 

Au  second  âge,  le  corps  de  ces  chenilles  est  long  de  8  à  10  millimètres; 
il  est  encore  jaune,  avec  la  tète,  les  tubercules  et  les  points  épars  sur 
les  segments  noirs,  mais  il  n'y  a  plus  de  plaque  noire  sur  le  premier 
anneau.  Au  troisième  âge  tout  change;  la  chenille,  devenue  longue  de 
15  à  17  millimètres,  ne  tarde  pas  à  devenir  entièrement  blanche.  A  cet 
Age  et  aux  suivants,  tout  son  corps  se  couvre  bientôt  d'une  sécrétion 
cireuse,  formant  une  sorte  de  farine  blanche,  destinée  à  le  garantir  de 
la  pluie  et  de  la  rosée;  c'est  un  enduit  hydrofuge  sur  lequel  l'eau  ne 
peut  adhérer.  Au  quatrième  âge  la  chenille  atteint  20  à  2li  millimè- 
tres de  longueur;  son  corps  est  d'abord  blanc,  puis  il  devient  graduel- 
lement vert,  avec  les  tubercules  de  la  même  couleur,  et  bientôt  la  tôte, 
les  pattes  el  le  dernier  segment  deviennent  d'un  beau  jaune  d'or;  il  y  a 
GiiiAiiD.  ni.  —  33 


514  LÉPIDOPTÈRES. 

toujours  les  points  noirs  sur  les  segments  ou  anneaux,  et  la  sécrétion 
farineuse  blanche.  Au  cinquième  âge  la  coloration  vert  émeraude  est 
la  même,  mais  plus  intense,  et  l'extrémité  des  tubercules  prend  la  cou- 
leur de  bleu  d'outre-mer.  La  chenille  est  longue  de  32  à  35  millimètres, 
mais  elle  s'accroît  rapidement,  et,  suivant  l'abondance  et  la  qualité  de 
la  nourriture,  elle  atteint  une  longueur  de  65  à  80  millimètres.  Arrivée 
à  ce  développement,  elle  commence  à  moins  manger,  et  devient  peu  à 
peu  d'un  vert  moins  intense,  tirant  sur  le  jaunâtre.  Après  s'être  vidée 
de  tous  ses  excréments  et  d'une  très  grosse  goutte  d'un  liquide  plus  ou 
moins  transparent,  elle  ne  tarde  pas  à  commencer  son  cocon,  après 
avoir  solidement  fixé  deux  ou  trois  folioles  d'allante  à  la  tige  principale 
avec  de  la  soie,  afin  que  le  cocon  ne  tombe  pas  au  commencement  de 
l'hiver,  époque  de  la  chute  des  feuilles.  Il  y  a  quelques  différences  dans 
la  filature  de  ce  cocon,  comparée  à  celle  du  Ver  à  soie  du  mûrier,  car 
la  chenille  doit  ménager  une  ouverture  élastique  pour  la  sortie  du 
papillon.  Pour  la  partie  latérale  du  cocon  et  pour  le  pôle  opposé  à 
l'ouverture,  la  chenille  pose  son  fil  en  zig-zag  et  en  fait  de  petits  pa- 
quets en  tous  sens,  comme  la  chenille  du  Sericaria  mort;  de  temps  à 
autre  elle  s'arrête  pendant  quelques  secondes  et  se  gonfle,  comme  pour 
pousser  les  parois  du  cocon  et  se  faire  la  place  nécessaire.  (Juand  elle 
travaille  du  côté  de  l'ouverture,  elle  fait  des  mouvements  de  tête  beau- 
coup plus  allongés,  et  pose  alors  ses  fils  dans  le  sens  longitudinal,  en 
avançant  sa  filière  jusqu'à  l'extrémité  de  l'ouverture,  collant  son  fil  aux 
fils  précédents  et  revenant  parallèlement  à  ces  premiers  fils,  de  sorte 
que  les  fils  de  l'ouverture  en  nasse  du  cocon  sont  repliés  et  nullement 
coupés.  Puis  la  chenille  pose  en  dedans  du  cocon  d'autres  fils  en  tous 
sens,  revient  ensuite  à  l'ouverture,  travaille  de  nouveau  dans  le  sens 
longitudinal,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  que  le  cocon  soit  terminé; 
pendant  tout  le  travail  les  antennes  et  les  palpes  de  la  chenille  sont  en 
mouvement,  ainsi  que  les  mandibules  qui  semblent  servir  de  polissoirs, 
car  elles  ne  mordent  et  ne  coupent  rien.  Comme  les  fils  qui  forment 
l'ouverture  des  cocons  ne  sont  pas  coupés,  mais  seulement  bouclés  et 
repliés  sur  eux-mêmes,  on  s'explique  très  bien  comment,  en  septem- 
bre 185/i,  Guérin-Méneville  a  pu,  après  décreusage,  dévider  à  la  main 
les  cocons  de  l'espèce  ou  race  du  ricin,  très  voisine  àeVA.Cyjithia  vera. 
Les  cocons  du  Ver  de  l'allante,  de  forme  allongée  et  effilée  aux  deux 
bouts,  souvent  avec  un  pédicule  d'attache  aplati  au   bout  opposé   à 
celui  par  où  doit  se  faire  la  sortie  du  papillon,  d'une  couleur  grise  plus 
ou  moins  pâle,  et  d'un  tissu  très  serré,  sont  longs  en  général  de  àO  à  àô 
millimètres  et  larges  de  l/i  à  15.  Ils  varient  beaucoup  pour  la  grosseur 
et  le  poids,  suivant  la  manière  dont  ils  ont  été  obtenus  et  suivant  leur 
degré  de  dessication;  on  peut  dire  qu'en  général  ils  sont  plus  lourds 
que  ceux  du  Ver  à  soie  du  mûrier.  Un  cocon  frais,  terminé  depuis  huit 
à  dix  jours  et  contenant  sa  chrysalide  vivante,  pèse  en  moyenne  29''50,  ce 
qui  fait  à  peu  près  Zi20  cocons  frais  au  kilogramme.  Il  est  reconnu  qu'e 


ATTACUS.  515 

moyenne  le  cocon  frais  du  Ver  du  mûrier  pèse  près  de  2  grammes  et 
qu'on  en  compte  généralement  500  au  kilogramme. 

L'Attacus  Cynthia  vera  a  normalement  en  France  deu\  générations 
dans  la  même  année  et  passe  l'hiver  dans  l'inaction,  à  l'état  de  chrysa- 
lide dans  le  cocon.  On  pourrait  obtenir,  dans  le  iMidi  et  en  Algérie,  trois 
générations  par  an,  mais  il  est  préférable  de  ne  faire  que  deux  récoltes, 
qui  coïncident  avec  les  deux  mouvements  de  sève  sous  notre  climat. 
Abandonnés  cnniplèfemcnt  à  la  température  ordinaire,  dans  notre  pays, 
les  cocons  donnent  leurs  papillons,  du  premier  au  dernier  jour  de  juin, 
suivant  la  précocité  de  la  saison.  Il  faut  s'arranger,  par  l'aide  d'un  peu 
de  chaleur  factice  si  la  saison  est  froide  et  en  retard,  pour  faire  éclore 
les  papillons  du  5  au  10  juin  au  plus  tard,  et  comme  il  s'écoule  à  peu 
près  de  quarante  à  quarante-cinq  jours  entre  la  ponte  des  œufs,  l'éclo- 
sion  des  chenilles  et  la  production  des  cocons,  on  aura  terminé  la  pre- 
mière récolte  du  25  au  30  juillet.  Les  chrysalides  demeurant  environ 
vingt-six  jours,  à  la  température  normale  de  20  à  25  degrés  centigrades, 
ne  donneront  leurs  papillons  que  vers  le  26  août  au  plus  tard;  quelques- 
unes,  environ  6  pour  100,  n'écloront  pas  et  passeront  l'hiver  avec  celles 
des  cocons  de  la  génération  d'automne.  Il  y  a  là,  comme  pour  beaucoup 
d'autres  espèces  de  Bombyciens  ou  d'Attaciens,  une  prévoyance  de  la 
nature,  dans  ces  retards  sur  l'éclosion  normale,  afin  que,  si  la  seconde 
génération  de  l'année  venait  à  manquer  son  développement,  l'espèce 
ne  soit  pas  anéantie  par  cette  cause.  La  ponte  des  papillons  éclos  en 
été,  l'incubation  des  œufs  et  l'éducation  des  chenilles  prenant  encore 
en  tout  quaranle-cinq  jours  au  plus,  on  aura  les  seconds  cocons  de 
l'année  du  30  septembre  au  5  octobre  au  plus  tard.  Si  on  ne  juge  pas 
à  propos  de  laisser  sur  les  allantes  les  cocons  pour  grainage,  on  les  en- 
filera légèrement,  sans  percer  la  chrysalide,  en  chapelets  d'une  cen- 
taine, qu'on  gardera  tout  l'hiver  suspendus  dans  des  chambres  sans  feu, 
jusqu'en  juin  de  l'année  suivante,  en  portant  en  lieu  frais  si  cela  est 
nécessaire  pour  éviter  une  éclosion  trop  prématurée  qui  pourrait  con- 
duire à  une  troisième  génération  impossible  à  mener  à  bonne  fin.  On 
trouve  maintenant  en  France,  dans  les  localités  à  allantes,  des  papillons 
sauvages  qui  volent  le  soir  en  juillet  et  août;  ils  se  posent  sur  les  troncs 
d'arbre  en  tenant  au  repos  les  ailes  à  plat,  parfois  relevées,  un  peu  bien 
moins  toutefois  que  VAglia  Tau.  Dans  beaucoup  de  promenades  et  de 
jardins  de  Paris  et  de  sa  banlieue,  on  voit  en  hiver  des  cocons  gris  de 
VA.  Cyiithia  vera  qui  pendent  aux  plus  hautes  branches  des  allantes  et 
on  en  a  même  observé  sur  quelques  allantes  du  boulevard  des  Italiens. 
Les  feuilles  de  l'allante  sont  la  nourriture  habituelle  de  cette  espèce, 
polyphage  avec  prédilection  d'un  végétal,  comme  cela  a  lieu  pour  la 
plupart  des  Attaciens;  les  feuilles  de  ricin  conviennent  tout  aussi  bien 
et  sont  celles  que  mange  habituellement  VA.  Arrindia,  c'est-à-dire  l'es- 
pèce ou  race  succédanée  des  régions  méridionales  ou  indiennes.  On  a 
élevé  aussi  avec  succès  (Vallée,  au  Muséum,  à  la  ménagerie  des  Reptiles) 


516  LÉPIDOPTtRES. 

l'A.  Ci/nî/i/auera  sur  les  feuilles  du  chardon  à  foulon  {Dipsacus  fullonnm, 
Linn),  et  Christian  Le  Doux  a  obtenu  de  beaux  cocons,  présentés  à  la 
Société  d'acclimatation,  en  nourrissant  les  chenilles  en  liberté  avec  les 
feuilles  du  lilas;  ces  indications  peuvent  être  utiles  afin  de  conserver  la 
race,  si  l'on  n'a  pas  en  temps  utile  des  allantes,  mais  il  est  préférable  de 
s'en  tenir  à  ces  derniers  végétaux,  car  il  n'est  pas  prouvé,  qu'après  plu- 
sieurs générations  sur  d'autres  plantes,  il  n'y  ait  pas  dégénérescence 
des  cocons  et  des  papillons.  Rien  de  pareil  n'est  à  craindre  avec  l'allante  ; 
je  possède  une  paire  de  papillons  de  la  première  éducation  faite  en 
France,  et  ils  sont  bien  plus  petiis  et  moins  colorés  que  les  sujets 
actuels,  que  nous  obtenons  sauvages  ou  dans  les  grandes  éducations 
libres  et  en  plein  air  sur  les  allantes. 

D'après  le  P.  d'Incarville,  ces  Vers  sont  une  source  de  richesse  pour 
la  Chine,  quoique,  écrit-il,  «  on  recueille  chaque  année  une  si  prodi- 
gieuse quantité  de  soiedumûrier,  qu'au  dire  d'un  écrivain  moderne, on 
pourrait  en  faire  des  montagnes  ».  Cette  éducation  se  fait  en  plein  air, 
sur  des  plantations  d'allantes,  que  le  P.  d'Incarville  avait  pris  pour  une 
espèce  de  frêne,  et  sur  des  plantations  de  Fagara,  arbre  nommé  tché ou 
ye-sang  par  les  Chinois,  qui  est  également  cultivé  dans  ce  but.  D'après 
un  traité  chinois  sur  la  manière  d'élever  et  de  nourrir  les  Vers  à  soie, 
ce  sont  de  petits  arbres  qui  n'ont  ni  la  feuille  ni  le  fruit  du  mûrier.  Le 
fruit  ressemble  au  poivre  [Fagara  piperata).  Les  branches,  épineuses  et 
épaisses,  viennent  naturellement  en  forme  de  buissons.  Ces  arbres  se 
trouvent  bien  d'être  sur  des  coteaux  et  y  forment  une  espèce  de  forêt.  Il 
y  a  des  Vers  à  soie  qui  ne  sont  pas  plus  tôt  éclos  dans  la  maison  qu'on 
les  porte  sur  ces  arbres,  où  ils  se  nourrissent  et  font  leurs  cocons.  Ces 
Vers  campagnards  et  moins  délicats  deviennent  plus  gros  et  plus  longs 
que  les  Vers  domestiques,  et  quoique  leur  travail  n'égale  pas  celui  de 
ces  derniers  (les  Vers  à  soie  du  mûrier),  il  a  pourtant  son  prix  et  son 
utilité;  c'est  de  la  soie  produite  par  ces  Vers  qu'on  fait  les  cordes  des 
instruments  de  musique,  parce  qu'elle  est  forte  et  résonnante.  Les 
arbres  tché  ou  mûriers  sauvages  ne  sont  pas  sans  demander  certains 
soins.  Il  faut  ménager,  dans  ces  petites  forêts,  quantité  de  sentiers  en 
forme  d'allées,  afin  de  pouvoir  arracher  les  mauvaises  herbes  qui  crois- 
sent sous  les  arbres.  Ces  herbes  sont  nuisibles  en  ce  qu'elles  cachent  des 
insectes  et  surtout  des  reptiles,  friands  de  ces  gros  Vers.  Ces  sentiers 
sont  encore  nécessaires  afin  que  les  gardes  parcourent  sans  cesse  le 
bois,  ayant,  le  jour,  une  perche  à  la  main  ou  un  fusil  pour  écarter  les 
oiseaux  ennemis  de  ces  Vers,  et  battant,  la  nuit,  un  large  bassin  de 
cuivre,  ou  un  tam-tam,  pour  éloigner  les  oiseaux  nocturnes.  On  doit 
prendre  cette  précaution  chaque  jour,  jusqu'au  temps  où  l'on  recueille 
les  cocons  travaillés  par  les  Vers.  Ces  citations  du  P.  d'Incarville  nous 
montrent  que  1*^4.  Cynthia  vera  est  en  Chine  l'objet  d'éducations  à  demi- 
domestiques  et  surveillées. 
Il  faut  de  2390  à  2440  cocons  du  Ver  de  l'allante  pour  faire  un  poidi 


AITACUS.  517 

de  1  kilog.  comprenant,  outre  la  soie,  de  la  gomme  et  les  peaux  de 
chenille  et  de  chrysalide.  Il  paraît  qu'en  Chine  on  a  quelquefois  obtenu 
une  véritable  filature  en  soie  grt'-ge  de  ces  cocons,  car,  parmi  les  échan- 
tillons de  tissus  envoyés  autrefois  à  Turin  par  le  P.  Fantoni,  il  y  en  a 
plusieurs  qui  sont  tissés  avec  de  la  soie  continue  ou  grège  demeurée  à 
l'état  écru  et  qui  a  conservé  la  couleur  grise  de  la  bourre  des  cocons  de 
l'allante.  En  général  on  traite  les  cocons  naturellement  percés  des 
A.  Cynihia  vera  et  Arrindia  comme  les  cocons  percés  du  Ver  à  soie  ordi- 
naire, on  les  carde  et  on  en  obtient  de  la  bourre  de  soie  tout  à  fait 
analogue  à  celle  que  donnent  les  cocons  de  Snicaria  mori  qui  ont  servi 
à  faire  de  la  graine  et  dont  les  papillons  sont  sortis,  en  trouant  un  des 
bouts.  Cette  bourre,  de  couleur  gris  de  lin,  filée  à  la  quenouille  ou  avec 
des  machines,  donne  un  fil  tordu  ou  liloselle,  semblable,  mais  plus 
lustré,  à  celui  que  les  fabricants  connaissent  sous  les  noms  de  galette  et 
de  fantaisie,  et  dont  notre  industrie  fait  une  grande  consommation  pour 
fabriquer,  en  le  mêlant  au  coton,  au  lin  et  à  la  laine  des  tissus  d'un 
emploi  universel,  connus  sous  le  nom  d'étoffes  de  fantaisie,  fabrication 
surtout  très  considérable  à  Roubaix,  à  Nîmes  et  à  Lyon.  On  sait  que  la 
galette  est  le  fil  fabriqué  avec  toidela.  matière  soyeuse  des  cocons  percés 
du  Ver  du  mûrier,  après  cardage.  Cette  matière  soyeuse  est  composée, 
par  conséquent,  des  couches  externes  et  grossières  des  cocons,  et  aussi 
des  couches  intermédiaires  et  internes,  qui  constituent  la  plus  belle 
soie.  La  fantaisie  ou  chappe  est  le  fil  que  l'on  fabrique  avec  les  déchets 
de  filature  appelés  frisons  et  bassinais.  Les  premiers  sont  la  portion 
extérieure  la  plus  grossière  des  cocons,  que  la  fileuse  enlève  à  la  main 
avant  d'arriver  à  trouver  le  brin  de  soie  fine,  et  les  bassinais  sont  les 
restes  des  cocons  dévidés  qui  tombent  au  fond  des  bassines  quand  toute 
la  belle  soie  a  été  convertie  en  grège.  Après  cardage  et  fermentation 
décolorante  on  obtient  une  bourre,  qui  est  filée  mécaniquement,  mais 
qui  est  de  qualité  inférieure  et  de  moindre  prix  que  la  galette,  puis- 
qu'elle n'est  presque  entièrement  composée  que  des  parties  les  plus 
grossières  des  cocons.  Guérin-Méneville  avait  établi,  à  Joinville-le-Pont, 
près  de  Paris,  un  établissement  qui  comprenait  une  plantation  d'al- 
lantes et  une  petite  filature  pour  la  production  de  Vailaniine  ou  filoselle 
des  cocons  cardés  du  Ver  de  l'ailante.  On  peut  voir,  à  la  Société  d'accli- 
matation et  ailleurs,  des  étoffes  tissées  avec  cette  ailantine.  La  bave  des 
cocons  d'allante  est  double,  comme  celle  du  Sericaria  mori,  mais  d'un 
diamètre  inférieur,  le  plus  souvent  à  deux  centièmes  de  millimètre 
(Duseigneur);  elle  est  aussi  plus  plate,  ce  qui  prête  à  plus  de  reflets. 
D'après  M.  Cornalia,  le  diamètre  du  brin  de  soie  ordinaire  ou  du  Ver  du 
mûrier  est  aussi  de  deux-centièmes  de  millimètres,  et  celui  du  brin  de 
la  soie  du  ricin,  ou  A.  Arrindia  est  de  trois-centièmes  de  millimètres. 
La  force  de  la  soie  du  type  Cynthia  est  considérable  et  pour  ainsi  dire 
proverbiale,  puisqu'on  lui  attribue  la  grande  durée  des  vrais  foulards 
(iç  l'Inde,  qui  en  sont  presque  exclusivement  composés.  On  lit  à  ce 


518  LÉPIDOPTÈRES. 

sujet,  dans  le  journal  de  la  Société  asiatique  du  Bengale,  janvier  1837  : 
«La  soie  de  cette  espèce  (Ver  du  ricin)  n'a  pas  encore  été  dévidée  et  on 
a  été  obligé  de  la  filer  comme  du  coton.  L'étoffe  qui  en  est  faite  est,  en 
apparence,  lûche  et  grossière,  mais  elle  est  d'une  durée  incroyable.  La 
vie  d'une  seule  personne  suffit  rarement  pour  user  un  vêtement  de 
cette  espèce,  de  telle  sorte  qu'une  même  pièce  d'étoffe  passe  souvent  de 
la  mère  à  la  fille  (lettre  d'Atkinson  à  M.  Roxburg,  1802).  »  Le  P.  d'In- 
carville,  en  17Z|0,  dit,  en  parlant  de  la  soie  produite  par  les  Vers  de 
l'ailante  :  «  la  soie  qu'ils  donnent  est  d'un  gris  de  lin,  dure  le  double 

de  l'autre  au  moins  et  ne  se  tache  pas  si  aisément Les  étoffes  qu'on 

en  fait  se  lavent  comme  le  linge.  Si  l'on  se  met  en  France  à  élever  des 
Vers  sauvages,  l'industrie  française  trouvera  bientôt  tout  ce  qui  est 
propre  à  faire  tirer  un  excellent  parti  de  leur  travail.  »  Comme  l'accli- 
matation en  Europe  et  particulièrement  en  France  de  VA.  Cynthia  vera 
est  parfaitement  établie  aujourd'hui,  on  voit  tous  les  avantages  que 
peut  nous  procurer  cette  nouvelle  matière  textile.  Il  ne  faut  attribuer 
son  manque  d'emploi  qu'à  l'apathie  et  à  la  routine  si  enracinées  chez 
nos  filateurs  du  midi  de  la  France. 

Il  paraît,  avons-nous  dit,  que  les  Chinois  ne  savent  pas  dévider  en  soie 
grège,  du  moins  dans  la  plupart  des  régions  de  leur  vaste  pays,  les 
cocons  de  l'J.  Cynthia  vera.  Le  dévidage  continu  est  cependant  possible; 
il  a  été  réalisé,  sur  les  cocons  à  sec  et  non  dans  l'eau,  au  moyen  d'ap- 
pareils spéciaux  et  des  brevets  ont  été  pris  par  M.  le  docteur  Forgemol 
et  par  madame  de  Pages,  née  de  Corneillan  ;  ces  brevets,  tombés  main- 
tenant dans  le  domaine  public,  sont  restés  lettre-morte  pour  l'industrie. 
Une  découverte  capitale  de  Christian  le  Doux,  permet  de  rendre  ce 
dévidage  pratique  et  de  l'opérer  à  la  même  bassine  et  avec  les  mêmes 
ouvrières  que  pour  les  cocons  de  Sericaria  mon.  Il  s'est  d'abord  servi 
d'ampoules  ou  chrysalides  en  caoutchouc,  introduites  dans  les  cocons 
ouverts  et  les  faisant  tomber  au  fond  de  la  bassine,  de  sorte  qu'on  les 
agite  et  qu'on  saisit  le  fil  à  la  façon  ordinaire  ;  mais  il  y  avait  là  une 
main  d'œuvre  de  plus,, et  cela  suffisait  pour  rebuter  nos  filateurs  du 
midi  de  la  France,  qui  sont  les  plus  routiniers  de  fous  les  industriels. 
Christian  le  Doux  est  arrivé  à  résoudre  complètement  le  problème  ;  les 
cocons  ouverts  sont  maintenus  à  la  surface  des  bassines,  dans  la  couche 
d'eau  chaude  supérieure,  au  moyen  d'une  toile  métallique,  qui  les 
empêche  de  tomber  au  fond  dès  qu'ils  sont  remplis  d'eau,  ce  qui  ferait 
casser  le  fil.  Le  dévidage  est  très  aisé,  après  un  décreusage  convenable. 
En  avril  1879,  Christian  Le  Doux  a  montré  à  la  Société  d'acclimation 
des  cocons  du  Ver  de  l'allante,  préparés  par  son  procédé  de  décreusage 
et  sur  lesquels  on  pouvait  voir,  formant  comme  une  frange,  les  fils,  re- 
pliés qui  obstruent  la  partie  du  cocon  laissée  ouverte  par  la  chenille 
pour  la  sortie  du  papillon,  établissant  une  fois  de  plus  que  le  fil  du 
Cynthia  est  continu,  comme  celui  des  cocons  fermés  du  Sericaria  mori, 
des  Attacus  Yama-maï,  Pernyi,  Mylitta,  Polyphemus,  etc.  Le  fil  de  ces 


ATTACUS.  519 

cocons  préparés  se  détachait  au  simple  contact  des  doigts  ;  il  y  avait  en 
outre  des  peletles  ou  tins  de  cocons,  pour  démontrer  que  le  cocon  peut 
se  désagréger  entièrement,  des  frisons  pour  filateurs  de  bourre  de  soie, 
et  enfin  une  4clievette  de  soie  grège  tirée  à  la  bassine.  Il  est  fort  à  dé- 
sirer qu'une  compagnie  industrielle  exploite  le  procédé  Christian  Le 
Doux,  car  elle  aura  le  double  profit  de  tirer  parti  d'une  fort  belle  soie 
et  de  mettre  en  culture  d'uilantes  des  terrains  négligés  jusqu'ici  et  de 
très  faible  valeur,  qui  pourront  acquérir  ainsi  un  prix  élevé. 

Un  fait  important  et  qui  tend  à  prouver  que  les  A.  Cynthia  vera  et  Ar- 
rindia  sont  deux  races  d'une  même  espèce,  c'est  qu'on  a  pu  obtenir  des 
hybrides  indéfiniment  féconds,  en  prenant  le  mâle  et  la  femelle  soit  dans 
un  type  soit  dans  l'autre.  Les  premiers  essais  d'accouplement  furent  faits 
en  septembre  1858,  au  Muséum,  dans  la  ménagerie  des  Reptiles  et  sous 
les  soins  du  gardien  Vallée,  et,  le  2  novembre  1858,  Guérin-Ménerville 
présentait  à  l'Académie  des  sciences  des  métis  à  l'état  de  chenilles  et 
filant  leurs  cocons.  Au  premier  croisement,  les  oeufs  pondus  par  la  fe- 
melle de  Cynthia  vera,  fécondés  par  un  mâle  Arrindia,  ont  ressemblé 
complètement  à  ceux  de  Cynthia,  car  ils  étaient  tous  tachetés  de  noir, 
tandis  que  ceux  qui  ont  été  pondus  par  la  femelle  Arrindia^  accouplée 
avec  le  mâle  Cynthia,  étaient  demeurés  entièrement  blancs.  Les  che- 
nilles des  deux  pontes  présentaient  toutes  l'ensemble  des  caractères  de 
l'espèce  Cynthia  vera,  la  couleur  des  cocons  produits  par  ce  premier 
croisement  a  tenu  beaucoup  plus  de  celle  du  vrai  Cynthia,  les  papil- 
lons ressemblaient  presque  entièrement  à  ceux  du  type  Cynthia,  sauf  le 
ventre,  dont  les  touffes  blanches  étaient  plus  grandes,  comme  s'il  y  avait 
là  une  tendance  à  prendre  le  caractère  d' Arrindia,  qui  a  l'abdomen  tout 
recouvert  de  poils  blancs.  Ces  papillons  métis  ont  été  féconds  entre  eux 
et  leurs  produits  n'ont  pas  tardé,  après  quelques  générations,  à  revenir 
au  type  Cynthia  vera.  Comme  ils  étaient  plus  vigoureux  que  les  deux 
types  purs.  Vallée,  dans  ses  éducations  au  Muséum,  leur  donnait  la  pré- 
férence et  en  a  élevé  la  descendance  pendant  plus  de  dix  ans;  il  a  lâché 
en  liberté  beaucoup  de  papillons  dans  le  jardin,  de  sorte  qu'on  peut 
dire  que  les  papillons  sauvages  de  l'allante  qu'on  trouve  encore  dans  les 
squares  et  jardins  de  tout  le  quartier  du  Jardin  des  Plantes  et  dans  ce 
jardin  lui-même,  probablement  aussi  ceux  de  Montrouge  et  d'autres  loca- 
lités de  la  rive  gauche  de  la  Seine  ont  pour  originecesmétis.Le  Ver  à  soie 
métis  de  l'allante  et  du  ricin  a  été  introduit  à  Montevideo  par  les  soins 
de  Guérin-Méneville,  et  on  peut  dire  qu'il  y  a  là  un  des  beaux  succès 
dont  la  Société  d'acclimation  de  Paris  doive  se  glorifier.  L'insecte  s'y  est 
multiplié  d'une  manière  inouie  et  s'accommode  fort  bien  des  deux  espèces 
de  ricins  naturelles  au  pays.  Les  cocons  présentent  une  consistance  et  un 
poids  supérieurs  aux  cocons  provenant  d'Europe  et  même  de  Chine,  et 
leur  soie  est  devenue  une  branche  commerciale  du  marché  de  la  région. 
Ces  croisements  n'ont  pas  été  repris  en  France  et  n'y  ont  pas  d'impor- 
tance. En  effet,  bien  que  la  chrysalide  du  métis  reste  inactive  tout  l'hi- 


yH)  I.ftPÎDOPTfeRliS. 

ver,  ce  qui  permet  de  conserver  la  race  sans  être  obligé  de  faire  des 
éducations  en  serre  encettesaison,  ces  métis  ont  tendance  à  reproduire 
plus  souvent  que  l'espùce  chinoise  et  on  serait  exposé,  dans  les  années 
chaudes,  à  avoir  trois  ou  quatre  générations,  ce  qui  serait  très  incom- 
mode, vu  l'arrivée  de  la  mauvaise  saison. 

C'est  environ  quatre  ans  après  le  premier  élevage  de  r.4.  Arrindia  en 
France  que  commença  l'introduction  de  1'^.  Cynthia  vera.  En  novem- 
bre 1856,  le  P.  Fantoni,  missionnaire  piémontais  dans  la  province  de 
Hun-Tung,  en  Chine,  immédiatement  après  la  seconde  récolte  de  cette 
espèce,  envoya  des  cocons  à  chrysalides  vivantes  à  MM.  Comba  et  Griseri, 
à  Turin.  Ils  obtinrent  des  papillons  en  mai  1857,  quelques  œufs  fécondés 
vers  la  mi-juin  et  de  jeuneschenilles  quelques  jours  après.  D'après  quel- 
quesindicationsdu  P.  Fantoni,  etsurl'aspect  des  folioles  sèches  qui  recou- 
vraient certains  des  cocons  chinois,  ils  présentèrent  des  feuilles  d'allante 
aux  Vers  naissants,  ce  qui  réussit  parfaitement;  les  feuilles  de  ricin  fu- 
rent mangées  également  bien.  Des  cocons  de  la  seconde  éducation  pié- 
montaise   de  1857  furent   conservés  jusqu'au  printemps  de  1858  et 
donnèrent  des  papillons.  Le  5  juillet  1858  Guérin-Méneville  présentait 
à  l'Académie  des  Sciences  des  œufs  et  quelques  papillons  femelles  de 
cette  espèce  opérant  leur  ponte.  L'éducation  des  chenilles  provenant  de 
ces  œufs  fut  confiée  à  Vallée,  gardien  de  la  ménagerie  des  reptiles  au 
Muséum,  qui  obtint  une  seconde  génération  en  automne.   En  1859, 
Vallée  en  obtint,  à  la  chaleur  constante  de  cette  ménagerie,  trois  géné- 
rations, de  mai  à  juin,  de  juillet  à  août,  de  septembre  à  octobre.  C'est 
par  milliers  d'individus  que  dès  cette  année  1859,  l'espèce  fut  élevée  en 
France  par  diverses  personnes.  En  1859  et  1860,  le  comte  de  Lamote- 
Baracé  consacra  à  l'élevage   en  plein  air  plusieurs  hectares  de  terrain. 
Des  essais  furent  entrepris,  sur  une  vaste  échelle,  au  domaine  impérial 
de  Laraotte-Reuvron.  En  1861,  on  avait,  sur  un  grand  nombre  de  points 
de  la  France,  plusieurs  centaines  de  mille  individus  et  plus  d'nn  million 
d'œufs.  Guérin-Méneville  opérait  des  éducations  au  bois  de  Boulogne 
sur  un  taillis  d'allantes,  puis  les  continuait  définitivement  dans  un  éta- 
blissement spécial  destiné  à  la  production  de  Yailanline,  ou  soie  cardée 
de  VA.  Cynthia  vera,  à  Joinville-le-Pont,  près  de  Vincennes.  On  pouvait 
y  remarquer  avec  quelle  facilité  les  allantes  se  développaient  dans  un 
très  mauvais  terrain;  à  la  fin  de  1862  des  ailaufes    taillés   au   pied  au 
printemps,  avaient   crû  de  1  à  2  mètres.  Des  semis   d'allantes,  qu'on 
avait  soin  de  tenir  à  l'état  nain,  étaient  disposés  en  rangées  parallèles. 
Les  Vers  s'y  nourrissaient  en  liberté,  et  des  allées,  ménagées  entre  les 
rangées,  permettaient  de  récolter  facilement  les  cocons.  On  avait  soin, 
à  Joinville-le-Pont,  de  faire  la  chasse   aux  Guêpes  avec  de  grands  filets 
de  toile,  car   ce  sont  les  seuls  ennemis  redoutables  des  chenilles,  et 
aussi  des  papillons  qu'on  rentrait  à  la  chambre  pour  la  ponte.  Ce  sont 
les  jeunes  chenilles  qui  sont  dévorées,  une  fois  fortes,  elles  ne  craignent 
plus  ces  insectes.  Les  (luépes,  peu  redoutables  pour  la  première  éduca- 


ATTACUS.  521 

tion,  constituent,  au  contraire,  un  obstacle  considérable  à  la  seconde. 
Au  printemps  elles  sont  très  peu  nombreuses,  car  il  n'existe  alors  que 
les  mères  qui  ont  hiverné;  mais,  en  été  et  en  automne,  leur  innombrable 
postérité  exerce  sesdévastutions.  L'eiTet  désastreux  des  Guêpes,  très  grave 
pour  les  petites  éducations  près  des  lieux  habités,  devient  insignifiant 
pour  les  grands  élevages  loin  des  villes.  En  1862  une  éducation  de 
l'A.  Cynthia  vera  fut  faite  avec  succès  par  M.  Gaze,  près  de  Barcelone,  sur 
des  allantes  plantés  au  bord  d'une  des  promenades  les  plus  fréquentées. 
En  omettant  beaucoup  d'essais  en  petit, nous  devons  signaler  M.  de  Milly, 
dans  les  Landes,  près  de  Mont-de-Marsan.  En  1862,  il  faisait  placer  sur 
une  haie  d'allantes,  longue  de  500  mètres  et  bordant  une  grande  route 
environ,  cinquante  mille  Vers,  et,  malgré  quelques  larcins,  il  obtenait 
97  kilogrammes  de  cocons  frais.  11  consacra  pendant  plusieurs  années 
de  grands  terrains  à  la  culture  de  l'allante  et  de  son  insecte  et  ne  cessa 
ses  tentatives  que  rebuté  par  la  routine  de  nos  fîlateurs  et  l'absence  de 
débouché  industriel  pour  la  matière  produite.  Des  éducations  en  grand 
furent  également  faites  pendant  plusieurs  années  par  M.  Givelet,  au 
château  de  Flamboin  (Seine-et-Marne),  avec  de  vastes  plantations  d'al- 
lantes. Il  obtint  une  médaille  d'or  à  l'exposition  des  insectes  de  1865;  il 
avait  evposé  une  sorte  de  chalet  en  treillis  de  toile  contenant  plus  de 
vingt  mille  papillons  de  Cynthia,  qui  excitaient  une  curiosité  générale, 
des  allantes  en  caisse,  des  boîtes  de  ponte,  etc.  Les  élevages  cessèrent, 
par  cause  majeure,  à  la  guerre  de  1870.  D'après  M.  Givelet,  la  culture 
de  l'allante  en  sol  convenable,  mais  non  en  mauvais  sol,  peut  donner 
un  bénéfice  en  production  d'ailnutine  qu'on  peut  évaluer,  selon  ses 
essais  à  600  francs  par  hectare.  En  186Zi  le  docteur  Forgemol,  de  Tournan 
(Seine-et-Marne),  faisait  connaître  un  moyen  de  dévidage,  en  fil  continu 
mais  non  en  soie  grège,  des  cocons  de  1'^.  Cynthia  vera.  Après  décreu- 
sage, le  cocon  humide  était  enfilé  sur  une  aiguille  verticale  (brevetée) 
et  le  brin  soyeux  sur  un  tour  ;  comme  la  résistance  du  brin  est  bien 
plus  grande  que  le  frottement  du  cocon  contre  l'aiguille,  le  cocon  tourne 
jusqu'à  ce  qu'il  soit  épuisé  de  tous  ses  brins.  L'appareil  Forgemol,  expé- 
rimenté en  public  dans  diverses  expositions,  n'a  jamais  été  appliqué  en 
grand  et  son  brevet  est  périmé.  Nous  avons  vu  que  {.hristian  Le  Doux 
au  contraire  a  su  dévider  en  soie  grège,  avec  croisade  d'un  nombre  dé- 
terminé de  brins  et  au  moyen  des  bassines  ordinaires  les  cocons  de  VA. 
Cynthia  vera. 

Tout  ce  qui  a  été  dit  précédemment  pour  d'autres  Attaciens  nous 
permet  d'être  très  bref  relativement  à  l'élevage  en  France  du  Ver  de 
l'allante  qui  doit  s'opérer  à  l'air  libre  sur  taillis  d'allantes,  ce  qui  est 
bien  préférable  à  l'éducation  sur  rameaux  d'allante  dans  des  carafes 
d'eau  surtout  si  elle  se  fait  en  chambre  ;  elle  serait  suivie  ou  de  flacherie 
ou  de  dégénérescence.  Les  œufs  sont  placés  dans  des  cornets  de  léger 
carton,  adaptés  çà  et  là  autour  des  branches,  et  le  mieux  est  d'aban- 
donner dès  réclusion  les  petites  chenilles  à  leur  instinct. 


522  LÉPIDOPTÈRES. 

Une  seconde  espèce  très  voisine,  probablement  une  race  méridionale, 
est  VA.   Arrindia.  Milne-Edwards,  le  Ver  à  soie  du  ricin.  Il  y  a  peu  de 
différences  comparativement  à  l'insecte  précédent.  L'œuf  est  entière- 
ment blanc   et  la  chenille  entièrement  et  uniformément  verte,  sans 
points  noirs,  ni  coloration  d'un  jaune  vif  à  la  tête,  aux  pattes  et  au  der- 
nier segment;  le  cocon,  ouvert  et  de  même  forme  que  celui  de  l'espèce 
précédente,  est  un  peu  plus  petit  et  plus  faible  en  soie,  et  d'un  roux 
très  vif  et  non  d'un  gris  de  lin.  Le  papillon  est  aussi  de  dimensions  un 
peu  moindres,  l'abdomen  entièrement  couvert  de  poils  blancs  en  dessus 
uniformément  et  non  par  petits  bouquets,  la  large  ligne  qui  suit  exté- 
rieurement la  ligne  blanche  partageant  les  ailes  en  deux  portions  est 
d'un  gris  terne,   et  les  quatre  lunules  centrales  des  quatre  ailes  plus 
étroites  et  plus  courtes.   Cette  race  ou  espèce  vit  normalement  et  de 
préférence  sur  les  feuilles  de  ricin  et  ses  générations  se  succèdent  conti- 
nuellement de  sept  à  douze  fois  dans  la  même  année,  selon  la  tempéra- 
ture. Hugon  et  Helfer  ont  donné  quelques  détails  sur  l'éducation  du  Ver 
de  ricin  dansl'lndoustan  etl'Assam.  Comme  pour  la  chenille  du  Sericaria 
mort,  elle  a  lieu   dans  des  endroits  fermés  et  principalement  avec  les 
feuilles  du  Ricinus  palrna  Christi,  qui  donne  les  chenilles  les  plus  fortes 
et  les   cocons  les  plus  soyeux.  La  chenille  mange  aussi  la  feuille  du 
mûrier  et  celle  de  divers  arbes  spontanés  de  l'Indoustan  et  de  l'Assam, 
mais  avec  moins  de  prédilection  que  le  ricin,  qui  est  la  seule  plante 
qu'on  cultive  dans  cette  intention.  Il  n'est  guère  de  paysan  qui  n'en 
possède  une  petite  plantation  auprès  de  sa  maison  ou  dans  les  haies  qui 
entourent  ses  champs.  L'arbuste  n'exige  que  quelques  sarclages  et  doit 
être  renouvelé  tous  les  trois  ans.  Hugon  a  donné  quelques  renseigne- 
ments relatifs  à  l'Assam  ;  d'après  lui  les  tribus  des  montagnes  qui  vien- 
nent s'établir  dans  la  plaine  aiment  beaucoup  à  manger  les  chrysalides 
de  1'^.  Arrindia;  on  perfore  les  cocons,  trois  jours  après  qu'ils  sont  ter- 
minés, pour  les  en  retirer.  On  obtient  la  soie  en  faisant  bouillir  les 
cocons  à  feu  lent  dans  nne  solution  potassique,  jusqu'à  ce  que  la  soie  se 
détache  avec   facilité.  On  les  retire  alors  du  feu,  on  en  exprime  l'eau 
doucement,  puis  on  les  prend  un  à  un  à  la  main  et  on  les  dévide  par  une 
extrémité.  On  convertit  cette  soie  en  échevaux,  à  l'aide  d'un  petit  instru- 
ment de  bois,  et  elle  est  prête  à  être  tissée  ou  teinte.  Le  tissage  de  cette 
soie  est  pareil  à  celui  du  coton,  et  les  étoffes  ainsi  obtenues  se  consom- 
ment presque  exclusivement  dans  le  pays. 

Le  Ver  du  ricin,  à  générations  rapprochées,  est  venu  par  étapes  de 
l'intérieur  de  l'Inde  à  Calcutta,  de  Calcutta  en  Egypte,  de  l'Egypte  à 
Malte,  de  Malte  à  Turin  et  enfin  en  France,  où  l'insecte  fut  élevé  pour 
la  première  fois  chez  !\I.  Milne-Edwards  et  provenait  d'œufs  envoyés 
d'Italie  à  M.  Decaisne.  L'éducation  eut  lieu  avec  la  feuille  de  ricin  dans 
le  premier  semestre  de  18ô/i,  et,  le  28  août,  M.  Milne-Edwards  présen- 
tait à  l'Académie  des  Sciences,  des  cocons  français  de  cette  espèce  et 
d'autres,  dus  à  M.  Griseri  et  adressés  par  M.  le  duc  de  Guiche,  ambassa- 


ATTACUS.  525 

deur  de  France  à  Turin,  M.  Griseri  avait  nourri  ses  chenilles  avec  la 
laitue,  le  saule  et  la  chicorée  sauvage,  aussi  bien  qu'avec  le  ricin.  Ces 
premiers  essais,  auxquels  coopérait  M.  H.  Lucas,  furent  communiqués 
par  ce  savant  entomologiste  à  la  Société  entomologique  de  France  (9  août 
et  2U  septembre  185/i).  La  même  année  était  fondée  la  Société  d'accli- 
mation,  et  l'importation  du  Ver  à  soie  du  ricin  appela  immédiatement 
son  attention.  Les  premières  éducations  entreprises  par  cette  société 
datent  d'octobre  185Zi  et  furent,  avec  l'autorisation  administrative  du 
Muséum,  confiées  à  Vallée,  sous  la  direction  de  Guérin-Mëneville,  en 
profitant  de  la  température  constante  de  la  ménagerie  des  reptiles.  La 
Société  d'acclimatation  fit  faire  des  envois  successifs  de  cette  espèce,  ainsi 
à  Fernambouc  en  1856,  et  en  1857,  cinq  générations  brésiliennes  étaient 
obtenues,  en  Algérie  en  1856  et  1857,  aux  îles  Canaries,  au  Sénégal,  à 
la  Nouvelle-Grenade,  en  Egypte,  à  la  Havane,  en  Portugal,  en  Syrie  en 
1857,  sans  parler  de  nombreux  dons  eu  France  et  en  Europe;  en  1857 
la  Société  fit  distribuer  vingt-cinq  mille  œufs.  Ces  essais  n'ont  absolu- 
ment qu'un  intérêt  historique,  car  l'espèce  ou. race  Arrindia  a  depuis 
longtemps  disparu  de  l'Europe,  par  l'impossibilité  de  nourrir  en  hiver 
les  générations  polyvoltines  et  de  conserver  le  ricin.  Ce  végétal,  qui  vit 
à  l'état  d'arbuste  et  même  d'arbre  dans  les  pays  tropicaux,  ne  peut  se 
cultiver  en  France  qu'à  l'état  annuel  et  herbacé  et  périt  vers  la  fin  de 
l'automne. 

Les  îles  de  la  Sonde  nourrissent  un  Attacien  du  type  Cynthia,  très 
voisin  des  A.  Cynthia  vera  et  Arrindia,  mais  notablement  plus  grand,  et 
dont  Snellen  van  Vollenhoven  a  fait  une  espèce  sous  le  nom  d'^.  Insu- 
laris,  décrite  et  figurée  par  Guérin-Méneville  (Revue  et  Magas.  de  zool. 
septembre  1862).  Il  est  très  possible  qu'il  n'y  ait  encore  là  qu'une  race 
locale.  Le  Ver  des  îles  de  la  Sonde  a  pour  végétal  de  prédilection  l'Ery- 
thrina  indica. 

Nous  avons  encore  à  parler  d'un  Attacien  asiatique  très  répandu  et 
qui  atteint  une  taille  gigantesque  dans  certaines  de  ses  races.  C'est  l'A. 
Atlas,  Linn.,  la  Phalène  porte -miroir  de  la  Chine  et  de  diverses  régions 
de  rinde  et  de  l'Iudo-Cliine,  des  îles  Sondaïques  et  Moluques,  des  Philip- 
pines, manquant  dans  la  Mélanésie,  c'est-à-dire  la  Nouvelle-Guinée,  la 
Nouvelle-Irlande,  les  Nouvelles-Hébrides,  les  Fidji,  et  aussi  en  Australie. 
Le  papillon  est  figuré  par  les  anciens  iconographes,  Linnœus,  Séba,  Pé- 
tirer,  etc.,  enfin  par  Cramer  et  Olivier,  qui  signalent  la  variété  à  deux 
taches  nacrées  aux  ailes  supérieures  et  remarquent  que  le  corps  est 
très  petit  par  rapport  aux  ailes,  et  les  antennes  très  dissemblables  dans 
les  deux  sexes,  celles  des  mâles  beaucoup  plus  touffues  que  celles  des 
femelles.  Cramer  dit  que  cette  grande  et  belle  Phalène  semble  être  fort 
commune  à  la  Chine  méridionale,  car  on  trouve  ordinairement  deux  et 
souvent  plus  de  ces  porte-miroirs  dans  les  boîtes  à  papillons  qu'on  reçoit 
de  ce  pays.  Le  port  de  Canton  est  le  siège  d'un  grand  commerce  d'objets 
dits  de  curiosité,  et  où  sont  les  boîtes  de  ce  genre.  L'adulte  varie  beau- 


52^  lÉPlDOPTÈRES. 

coup  pour  la  f^rHiideur,  le  mâle,  d'ordinaire  plus  petit  que  la  femelle, 
ayant  de  '22  à  27  centiiiuHres  d'envergure.  Le  corps  est  d'un  fauve  rou- 
geâtre  annelé  de  bandes  noirâtres;  le  thorax  fauve,  à  hase  très  velue  et 
blanche;  les  antennes  sont  rougeâtres  et  bipectinées  très  inégalement 
dans  les  deux  sexes.  Les  ailes  supérieures  ont  un  fort  crochet  recourbe 
en  faucille  à  leur  sommet  et  dont  la  couleur  est  d'un  jaune  fauve,  la 
base  est  d'une  couleur  ferrugineuse  un  peu  grisâtre  et  se  termine  par 
une  petite  base  inégale  blanchâtre,  le  bord  postérieur  des  mêmes  ailes 
a  une  ligne  noire  ondée:  le  disque  de  l'aile  est  fauve,  ferrugineux;  au 
milieu  se  voit  une  tache  transparente,  sans  couleur  ni  écailles,  grande 
et  triangulaire,  bordée  de  noir;  parfois  cette  même  aile  a  um;  seconde 
tache  vitrée,  plus  petite,  oblongue,  transparente  et  sans  couleur,  éga- 
lement bordée  de  noir,  placée  vers  le  bord  externe  de  l'aile;  on  aper. 
çoit  une  bande  blanchâtre,  que  sépare  et  divise  en  deux  le  disque  ferru- 
gineux; elle  offre  extérieurement  une  bande  rosée  et  intérieurement 
une  bande  noire;  enfin  elle  est  suivie  extérieurement  d'une  large  bande 
d'un  noir  bleuâtre  pointillée  de  blanc.  Les  ailes  inlérieures,  assez  pro- 
longées à  leur  angle  postérieur,  ressemblent  beaucoup,  par  le  dessin  et 
la  couleur  aux  ailes  supérieures.  On  y  voit  la  même  tache  transparente 
ou  vitrée,  triangulaire  et  bordée  de  noir,  placée  au  milieu  de  la  partie 
rougeâtre,  et,  de  même  qu'à  l'aile  supérieure,  entre  deux  bandes 
noires  sinnées.  On  trouve  au  bord  postérieur  une  bande  ondulée  d'un 
même  jaune  fauve  que  le  crochet  supérieur  des  ailes  de  devant,  et  aussi 
une  ligne  noire  ondulée  analogue  à  celle  du  bord  postérieur  de  l'aile 
supérieure.  La  coloration  et  le  dessin  du  dessous  des  ailes  ont  une  grande 
ressemblance  avec  le  dessus,  mais  les  tons  sont  plus  clairs.  La  bande 
blanche  du  disque  est  plus  large  et  marquée  tout  le  long  d'une  ligne 
rouge-fauve.  En  outre,  la  portion  du  disque  de  l'aile  au  delà  de  cette 
bande  est  parsemée  de  petits  points  jaunâtres,  plus  abondants  et  mieux 
marqués  qu'au-dessus  de  l'aile.  La  femelle  est  d'un  ton  général  plus 
pâle  que  celui  du  mâle,  avec  les  bandes  et  les  lignes  moins  accusées. 

Les  œufs  de  cette  espèce  sont  elliptiques,  légèrement  déprimés,  ayant 
3  millimètres  dans  leur  plus  grand  diamètre  et  2,5  dans  leur  plus  petit, 
ce  qui  nous  les  montre  un  peu  plus  petits  que  ceux  de  VA.  Yama-mat, 
Ils  sont  d'une  teinte  rosée,  avec  de  larges  taches  longitudinales  brunes. 
Leur  surface,  vue  à  la  loupe,  est  criblée  de  points  enfoncés  très  serrés 
et  très  réguliers.  Les  chenilles  paraissent  très  polyphages;des  amateurs 
les  ont  nourries  aux  Indes  et  avec  succès  avec  des  feuilles  de  pommier. 
En  France  et  en  Angleterre  elles  ont  été  élevés  avec  des  feuilles  de  Ber- 
béris  épine-vinette,  de  saule,  de  prunier  cultivé.  En  éclosant,  les  petites 
chenilles,  longues  d'environ  5  millimètres,  paraissent  noires,  avec  de 
très  nombreuses  épines  blanches;  mais  en  réalité  elles  présentent  sur 
un  fond  blanc  des  bandes  transverses  noires  disposées  par  paires  sur 
chaque  segment  et  interrompues  sur  le  dos.  Plus  tard,  après  les  mues, 
ces  chenilleB  ont  un  autre  aspect.  Le  fond  est   d'un  vert  grisâtre,  les 


ATTACUS.  525 

épines  épaisses  et  d'un  blanc  bleuâtre,  le  corps  tout  recouvert  d'une 
sécrétion  cireuse  d'une  blancheur  éclatante.  Il  y  a  des  taches  rouées 
autour  des  épines  de  certains  segments,  taches  qui  disparaissent  au 
dernier  flge  ;  après  la  quatrième  mue  les  quatre  épines  du  premier  an- 
neau et  les  épines  caudales  ont  disparu,  les  épines  du  milieu  des  deux 
segments  suivants  ayant  déjà  disparu  après  la  troisième  mue  ;  à  leur 
place  sont  des  tubercules  qui  sécrètent  par  de  petits  trous,  si  on  irrite 
la  chenille,  un  liquide  clair  un  peu  verdâlre,  d'odeur  analogue  à  celle 
du  feuillage  qui  a  nourri  la  chenille;  lors  des  mues  on  voit  très  bien  les 
nouvelles  épines  se  séparer  des  anciennes  dans  lesquelles  elles  étaient 
emboîlées.  Uy  a  deux  taches  remarquables  qui  persistent  toujours  sur  les 
pattes  anales;  elles  sont  bleuâtres,  bordées  d'un  triangle  d'un  rouge  or- 
angé vif.  A  toute  sa  taille  la  chenille,  prête  à  filer,  est  un  peu  plus  grosse 
que  celle  de  VA.  Yama-maï  et  longue  de  8à  9  centimètres.  D'après  M.  Pou- 
jade,  qui  a  eu  soin  de  recueillir  et  de  bien  compter  toutes  les  dépouilles, 
la  chenille  de  1'^.  Allas  a  cinq  mues  et  par  suite  six  âges  avant  la  chry- 
salide. Pendant  toute  l'éducation  il  est  bon  d'arroser  les  chenilles  plu- 
sieurs fois  par  jour  avec  de  l'eau  pulvérisée.  Elles  sont  très  lentes  et 
demeurent  très  tranquilles,  ne  passant  d'une  branche  à  l'autre  que 
lorsque  les  feuilles  de  la  première  sont  épuisées.  Soit  qu'elles  mangent, 
soitqu'elles  se  reposent,  elles  se  placent  toujours sousles  branches  et  très 
souvent  la  tête  en  bas.  Comme  beaucoup  d'autres  chenilles,  elles  dévorent 
presque  toujours  la  vieille  peau  qu'elles  viennent  de  quitter.  Pour  faire 
son  cocon,  la  chenille  choisit  une  ou  plusieurs  feuilles  dont  elle  fixe  soli- 
dement les  pédicules  en  les  entourant  de  soie,  absolument  comme  la 
chenille  de  1'^.  Cynthia  vera.  Le  cocon  très  opaque,  assez  dur,  et  d'une 
sf  il'  brillante,  d'abord  blanche,  puis  devenant  terne  et  d'un  i-oux  clair, 
d'une  couleur  analogue  à  celui  du  ver  de  l'ailante.  La  forme  du  cocon, 
assez  irrégulier  et  bien  plus  gros,  est  également  analogue  ;  l'ouverture 
en  nasse  est  placée  du  côté  du  pédoncule  de  la  feuille  d'enveloppe.  Le 
poids  du  cocon  vide  est,  en  moyenne,  de  2  grammes.  La  soie  qui  com- 
pose ce  cocon  est  très  solide,  et,  d'après  le  P.  Armand  David,  les  Chinois 
s'en  confectionnent  des  ceintures  très  résistantes.  La  chrysalide  de 
1'^.  Atlas  est  d'un  brun  rougeàtre  assez  vif;  elle  offre  l'abdomen  comme 
renflé, plus  large  que  le  milieu  du  thorax,  terminé  brusquement  en  une 
petite  pointe  obtuse.  Le  cocon  qui  l'entoure  a  été  figuré  pour  la  pre- 
mière fois  eu  France  par  Laporte.  (Actes  de  la  Soc.  linn.  de  Bordeaux, 
1830,  t.  IV,  p.  153,  pi.  I,  fig.  2  et  3.) 

L'A.  Atlas  a  été  élevé  en  France,  à  Arras,  par  M.  Braine,  de  1869  à 
1872,  provenant  de  cocons  envoyés  de  Mussorée,  dans  les  monts  Hima- 
laya; les  papilluns,  éclos  en  juillet  1868,  eurent  quelques  accouple- 
ments. Les  œufs,  qui  passèrent  l'hiver,  donnèrent  des  chenilles  au  com- 
mencement de  juillet  1869,  et  l'éducation,  qui  dura  deux  mois,  à  l'état 
de  chenille,  produisit  de  magnifiques  cocons,  admirés  à  l'Exposition  des 
Insectes  de  1872.  Pendant  les  années  1869,  1870,  1871  et  1872,  les  éle- 


526  LÉPIDOPTÈRES. 

vages  furent  faits  en  plein  air,  en  été,  sur  des  pieds  d'épine-vinette  à 
fleur  rose.  M.  Braine  élevait  une  race  à  deux  taches  vitrées  à  l'aile  su- 
périeure. En  1878  l'espèce  fut  élevée  à  Londres  par  M.  P.  H.  Gosse,  en 
juillet,  avec  des  œufs  provenant  de  papillons  issus  de  cocons  envoyés  de 
Bangalore,  au  sud  de  l'Inde.  En  1878  également,  M.  Poujade,  à  Paris, 
tenta  une  éducation  avec  des  œufs  de  la  même  provenance,  envoyés  par 
M.  A.  Wailly,  et  qui  furent  confiés  à  M.  Poujade  par  la  Société  d'accli- 
matation. L'élevage,  contrarié  par  le  climat,  dura  du  commencement 
d'août  à  la  (in  d'octobre.  Dans  ces  deux  éducations  on  alla  jusqu'au  co- 
con et  à  la  chrysalide,  mais  on  n'obtint  pas  de  papilons.  Il  y  a  un  grand 
intérêt  à  remarquer  que  l'espèce,  dans  les  régions  chaudes  comme  celles 
du  sud  de  l'Inde,  se  comporte  comme  chez  nous  les  A.  piri  et  carpini. 
Les  œufs  éclosent  peu  de  temps  après  la  ponte,  et  la  vie  latente  de  longue 
durée  est  celle  de  la  chrysalide.  Au  contraire,  dans  les  sujets  de  l'édu- 
cation de  M.  Braine,  ce  sont  les  œufs  qui  ont  persisté  longtemps,  comme 
pour  le  Ver  à  soie  du  mûrier  et  pour  1'^.  Yama-maï.  Cela  doit  tenir  à 
un  climat  plus  froid  et  appartient  peut-être  en  propre  à  la  race  de  l'Hi- 
malaya. Il  est  bien  peu  probable,  en  raison  de  la  provenance  de  pays  à 
climats  bien  plus  chauds,  qu'on  puisse  acclimater  cette  magnifique  es- 
pèce en  Europe. 

Nous  ne  devons  pas  quitter  les  Attaciens  asiatiques  sans  dire  un  mot 
d'une  quatrième  espèce  de  Ver  à  soie  du  chêne,  qu'on  peut  appeler 
Ver  à  soie  du  chêne  de  l'Himalaya,  et  dont  le  papillon  ressemble  àl'^. 
Yama-maï;  c'est  1'^.  Roylei,  Moore.  En  avril  186Zi  (C.  R.,  186Z|,  lvui, 
p.  7[i2)  vingt  cocons  de  cette  espèce  furent  présentés  à  l'Académie  des 
sciences  par  Guérin-]Vléneville,à  qui  ils  avaient  été  envoyés  par  le  capi- 
taine Hutton.  Us  provenaient  des  hauts  plateaux  de  l'Himalaya,  sur  les 
frontières  du  Cachemire.  La  chenille  vit  sur  un  chêne  à  feuilles  épaisses, 
le  Quercus  incana,  qui  a  beaucoup  d'analogie  avec  nos  chênes  liège 
et  yeuse.  Le  cocon  dilfère  de  celui  des  A.  Mylitta,  Pernyï,  Yama-maï ça.v 
son  plus  grand  volume  et  surtout  parce  que,  à  la  façon  de  VA.  Cecropia 
d'Amérique,  il  est  entouré  d'une  enveloppe  extérieure  {chemise  de 
M.  Chavannes)  également  formée  de  soie,  d'un  joli  gris  clair.  Guérin- 
Méneville  dit  avoir  obtenu  108  œufs,  après  accouplement  des  papillons, 
et  il  fait  remarquer  que,  le  climat  des  parties  élevées  de  l'Himalaya 
étant  assez  froid,  on  pourra  peut-être  acclimater  l'espèce  dans  le  centre 
et  le  nord  de  la  France.  M.  A.  Wailly,  à  Londres,  a  essayé  plusieurs  fois 
d'introduire  cette  espèce,  mais  il  n'a  pu  réussir  les  accouplements.  On 
peut  dire  que  l'^l.  Roylei  est  à  expérimenter  presque  entièrement  à 
nouveau. 

Les  Attaciens  sont  représentés  par  d'assez  nombreuses  espèces  dans 
les  diverses  régions  du  continent  africain.  On  avait  conçu  quelques  espé- 
rances d'utilité  commerciale  par  la  découverte  d'une  espèce  du  Sénégal, 
dont  la  chenille  vit  sur  le  Bauhinia,  ce  qui  a  fait  nommer  l'espèce 
A.  Bauhiniœ,  Boisduval,  [Guérin  Méneville.  Le  cocon,  très  soyeux  et  à 


ATTACCS.  527 

deux  robes,  est  d'un  gris  perle.  Ces  cocons  ont  figuré  dans  diverses  expo- 
sitions d'insectes  séricigènes.  Nous  représentons  le  mâle  de  cette  espèce 
du  Sénégal,  pi.  xciv,  fig.  1.  L'envergure  est  de  125  millimètres.,  les  an- 
tennes et  les  pattes  sont  jaunes,  le  corps  d'un  brun  vineux,  avec  le  cor- 
selet piqueté  de  blanc  et  l'abdomen  annelé  de  blanc  et  de  brun  en 
dessus,  blanc  en  dessous,  avec  une  ligne  au  milieu,  et  trois  tacbes  de 
chaque  côté,  sur  chaque  segment,  d'un  brun  vineux.  Les  ailes  supé- 
rieures sont. d'un  rougeàtre  vineux  couvert  d'atomes  blancs,  avec  l'ex- 
trémité d'un  brun  uni  et  le  bord  jaune-verdAtre,  traversé  par  une  fine 
ligne  longitudinale  très  sinueuse  et  noirritre.  Il  y  a,  au  delà  du  milieu, 
une  bande  transverse  blanche,  qui  \ient  se  réunira  un  grand  espace 
blanc,  occupant  presque  toute  la  partie  inférieure  de  l'aile.  Au  milieu 
du  disque  et  dans  l'angle  formé  par  le  blanc,  se  trouve  une  grande 
tache  ovale,  en  partie  jaune,  en  partie  transparente,  cerclée  de  noir.  Un 
petit  œil  noir,  bordé  d'atomes  blancs  et  bleus  en  dedans,  se  voit  à 
l'extrémité  de  l'aile  et  porte,  au-dessus  de  lui,  un  zig-zag  blanc.  Les 
ailes  inférieures  sont  blanches  à  la  base,  puis  vineuses,  puis  couvertes 
ensuite  d'atomes  blancs,  avec  une  bordure  orangée  dentelée,  dans  la- 
quelle il  y  a  une  rangée  de  taches  noires  et  une  ligne  noire  plus  exté- 
rieure. Le  bord  et  la  frange  sont  d'un  brun  jaunâtre.  11  y  a  une  large 
bande  blanche  au  delà  du  milieu,  et,  avant  cette  bande,  une  grande 
tache  ronde  et  transparente,  bordée  de  bleu,  de  jaune  et  de  noir.  Le 
dessous  des  ailes  est  semblable  au  dessus.  En  juillet  186Zi,  le  Muséum 
de  Paris  reçut  de  M.  Aubry-Lecomte  des  cocons  de  l'A.  Bauhiniœ,  venant 
du  Sénégal.  Les  papillons  arrivèrent  à  l'éclosion,  maison  ne  put  obtenir 
d'accouplement. 

Un  Attacien  de  l'Afrique  australe,  des  environs  de  Port-iNatal,  a  été 
signalé  à  la  Société  entomologique  de  brauce  par  M.  Signoret  (séance 
du  8  octobre  18Zi5)  sous  le  nom  û'A.  (Bombyx)  Campiona.  La  chenille  vit 
sur  des  Mimosa  et  se  construit  un  cocon  ovale,  presque  de  la  grosseur 
d'un  petit  œuf  de  poule,  et  qui  doit  être  d'un  tissu  dur  et  serré,  car  les 
naturels  l'emploient  pour  se  faire  des  tabatières. 

D'autres  espèces  d'Attaciens  séricigènes  ont  été  demandées  à  l'Amé- 
rique, mais  ne  paraissent  pas  jusqu'ici  offrir  sous  le  rapport  de  la  soie 
autant  d'avantages  que  les  espèces  asiatiques  et  surtout  que  les  Bom- 
byciens  du  genre  Sericaria.  Il  faut  établir  une  distinction  suivant  que 
l'on  considère  les  espèces  de  l'Amérique  du  Sud  ou  celles  de  l'Amé- 
rique du  Nord.  Les  premières  appartiennent  à  des  climats  trop  chauds 
pour  qu'on  puisse  tenter  avec  avantage  leur  acclimatation  en  France;  il 
faut  se  contenter  pour  ces  espèces  d'encourager  leur  culture  sur  place 
et  l'exportation,  s'il  y  a  lieu  de  l'opérer  avec  profit.  Au  contraire  les 
Attaciens  de  l'Amérique  du  Nord,  surtout  ceux  des  États-Unis  du  Sud, 
peuvent  être  l'objet  de  tentatives  raisonnables  d'introduction  en  Europe, 
tentatives  qui  ont  déjà  réussi  pour  plusieurs  d'entre  eux,  principalement 
pour  les  A.  Polyphemus  et  Cecropia.  Cette  dernière  espèce  est  essayée 


5^8  I.ÉPIDOPTÈr.LS. 

depuis  assez  longtemps  et  avec  grande  chance  de  succès  complet  et 
prochain,  à  la  façon  de  l'^l.  Cynthia  vera  si  parfaitement  acclimaté  en 
France.  Comme  pour  VA.  Arrindia,  c'est  au  Muséum  qu'appartient 
l'initiative.  En  I8Z1O  furent  envoyés  de  la  Nouvelle-Orléans  seize  cocons 
à'A.  Cecropia,  qui  furent  remis  à  Audouin.  Ils  étaient  en  nasse,  c'est-à- 
dire  <à  ouverture  naturelle  de  sortie  du  papillon,  ressemblant  à  ceux  de 
notre  grand  Paon  de  nuit  pour  la  couleur,  mais  d'une  soie  plus  fine  et 
moins  incrustée,  et  fixés  selon  leur  longueur  à  des  branches  d'arbre, 
parfois  avec  pédicule  aplati.  Ils  ne  provenaient  nullement  d'une  édu- 
cation en  magnanerie,  comme  le  montra  avec  beaucoup  de  probabilité 
à  Audouin  l'éclosion  d'un  grand  Ichneumonien  parasite,  un  Ophionide 
Ichneumon  Macrurus,  Linn.,  ou  Ophion  Macrurum,  Westw,  mais  avaient 
été  ramassés  à  l'état  sauvage.  En  etfet  les  A.  Cecropia  ne  sont  pas  élevés 
à  la  Nouvelle-Orléans,  mais  vivent  en  abondance  dans  les  bois  et  leurs 
cocons  sont  apportés  en  grande  quantité  par  les  gens  de  la  campagne, 
et  fournissent  une  soie  très  estimée,  avec  laquelle  on  fabrique  des  étoffes 
d'excellente  qualité.  I-es  papillons  vinrent  à  éclosion  en  mai  I8/1O,  s'ac- 
couplèrent,et  leurs  œufs  donnèrent  presque  aussitôt  des  chenilles,  à  une 
température  qu'on  maintint  toujours  de  15  à  20  degrés  centigrades. 
Ce  sont  les  feuilles  de  prunier,  qui,  dans  de  nombreux  essais,  furent 
préférées  par  les  jeunes  chenilles,  celles  des  pruniers  de  France  tout 
aussi  bien  que  celles  des  pruniers  de  l'Amérique  du  Nord,  qu'ofl'rit 
l'École  de  botanique  du  Muséum.  Ces  chenilles,  tuberculeuses  et  épi- 
neuses comme  celles  de  nos  Attacus  indigènes,  vécurent  cinquante-six 
jours.  Audouin  éleva  l'année  suivante  une  seconde  génération  prove- 
nantdes  œufs  des  papillons  issus  de  sa  première  éducation  de  chenilles; 
mais  la  mort  l'empêcha  de  continuer  son  entreprise,  dont  il  ne  resta  au 
Muséum  que  le  souvenir.  En  18/i5,  M.  H.  Lucas,  dans  le  môme  établis- 
sement, reprit  ces  essais  au  moyen  à'A.  Cecropia,  dont  quatre  cocons 
lui  furent  donnés  par  Doyère  et  venaient,  comme  les  précédents,  de  la 
Nouvelle-Orléans.  11  obtint  environ  trois  cent  cinquante  œufs,  d'une 
ponte  et  les  trois  quarts  vinrent  à  éclosion.  L'éducation  dura  un  peu 
plus  longtemps  que  celle  d'Audouin;  M.  H.  Lucas  observa  que,  lors  des 
mues,  les  chenilles  tapissaient  de  soie  le  lieu  où  elles  se  trouvaient  et 
cramponnaient  à  cette  soie  leurs  pattes  anales  pour  se  débarrasser  de 
leur  peau.  En  18Zi7,  Jes  tentatives  furent  reprises  en  commun  par 
MM.  E.  Blanchard  et  H.  Lucas  sur  les  A.  Cecropia  et  Polyphemus.  Ils 
constatèrent  que  la  soie  de  r.4.  Cecropia  est  moins  belle  que  celle  du 
Sericaria  mori,  et  que  la  soie  de  l'A.  Polyphemus  est  presque  aussi  bril- 
lante. Les  deux  espèces  donnèrent  des  papillons  et  les  œufs  pondus 
furent  féconds.  MM.  E.  Blanchard  et  H.  Lucas  reconnurent  que  les  che- 
nilles de  1'^.  Cecropia  se  nourrissent  volontiers  des  feuilles  du  mûrier 
sauvage,  de  l'aubépine,  du  prunier  sauvage  et  cultivé,  du  prunellier  et 
du  pommier.  C'est  le  prunier  cultivé  qu'elles  ont  paru  préférer,  sans 
toutefois   qu'elles  ne  puissent  très  bien  s'accommoder  des  végétaux 


ATTACUS  529 

précédents.  Les  feuilles  d'alisier,  d'abricotier,  de  poirier  leur  convien- 
nent beaucoup  moins,  et  Userait  fort  difficile  de  les  élever  avec  l'orme, 
le  cerisier,  le  saule.  Les  chenilles  de  l'.l.  Polyphemiis  vivent  particuliè- 
rement sur  les  chênes  et  mangent  aussi  les  feuilles  de  peuplier.  A  propos 
de  ces  essais  communiqués  à  l'Académie  des  sciences,  M.  E.  Blanchard 
lit  remarquer  avec  beaucoup  de  raison  le  côté  avantageux  de  l'introduc- 
tion de  nouvelles  espèces  séricigènes.  Le  Ver  à  soie  ordinaire  se  nour- 
rissant exclusivement  des  feuilles  de  mûrier,  il  faut  avant  tout  cultiver 
cet  arbre  et  y  consacrer  de  vastes  terrains  qui  représentent  une  valeur 
considérable.  Au  contraire,  les  Attacus  de  l'Amérique  du  Nord  vivant 
parfaitement  de  végétaux  à  feuilles  inutiles  jusqu'ici,  on  pourrait  faci- 
lement les  élever  au  voisinage  des  bois  ou  dans  les  endroits  à  nom- 
breuses haies  de  clôture.  Ue  la  sorte  les  gens  les  plus  pauvres  pourraient 
nourrir  sans  frais  les  nouveaux  Vers  à  soie,  car  les  soins  à  donner  aux 
chenilles  ne  demandent  que  bien  peu  de  temps  chaque  jour,  pendant 
quelques  semaines  seulement,  et  seraient  l'affaire  de  femmes  et  d'en- 
fants ou  autres  personnes  incapables  de  se  livrer  à  un  labeur  pénible. 
Ces  Attacus  restant  en  chrysalides  de  la  fin  de  l'été  au  mois  d'avril  ou 
de  mai  de  l'année  suivante,  on  peut  les  apporter  très  facilement  d'Amé- 
rique en  hiver,  ou  les  conserver  en  France  sans  frais  dans  la  saison  où 
il  n'y  a  pas  de  feuilles.  Les  œufs  pondus  au  printemps  éclosent  en 
quelques  jours,  et  les  chenilles  croissent  rapidement  en  été. 

IM.  Cecropia,  Linn.,  du  sous-genre  Hyalophom  oa  Samia,  le  Ver  à 
soie  du  prunier,  offre  un  papillon  à  peu  près  de  la  taille  de  notre  Grand 
Paon  de  nuit  et  d'un  très  bel  aspect.  Les  antennes,  bipectinées  dans  les 
deux  sexes,  sont  presque  noires,  la  tête  rouge,  les  yeux  bruns,  le  corselet 
entièrement  rouge  avec  le  collier  d'un  blanc  un  peu  jaunâtre.  En  dessus 
le  fond  des  ailes  est  très  foncé;  la  bande  transversale  des  supérieures 
est  presque  entièrement  d'un  rouge  brique  vif;  on  distingue  à  peine  une 
partie  interne  d'un  jaune  d'ocre  clair  ou  blanche,  plus  développée  à  la 
base.  A  la  base  de  chacune  des  ailes  supérieures,  on  observe  encore  une 
tache  rouge  fondue,  partant  du  corselet  et  semblant  continuer  les  pté- 
rygodes,  s'étendant  jusqu'à  la  première  bande  transversale,  qui  est  d'un 
gris  perle  foncé  et  bordée  en  dehors  de  noir.  La  base  des  ailes  infé- 
rieures est  plus  large  et  plus  nette  de  coloration  qu'aux  supérieures, 
plus  franchement  double,  rouge  en  dehors,  blanche  en  dedans;  elle 
olfre  souvent  des  rappels  des  tons  rouges  et  des  bandes  grises  de  la  base 
des  ailes  supérieures.  Les  quatre  taches  vitrées  discoïdales  sont  en 
forme  de  lunules  ou  croissants,  d'un  blanc  jaunâtre  au  centre,  rouges 
en  dehors  et  presque  entièrement  bordées  de  noir.  L'angle  apical  des 
ailes  supérieures  porte  une  tache  noire  ovale,  entrecoupée  par  une 
demi-circonférence  fine,  d'un  bleu  cendré.  De  cette  tache  part  une 
ligne  sinueuse  blanche,  atteignant  à  peu  près  le  sommet  de  l'aile;  sur 
cette  ligne  blanche,  s'appuient  des  taches  carminées  dift'uses,  et  en 
haut,  presque  sur  la  côte,  une  petite  tache  noire  subtriangulaire.  Les 

(ilRARD.  ni.  —   34 


530  LÉPIDOPTÈRES. 

bandes  et  lignes  marginales  des  quatre  ailes  sont  d'un  gris  jaunStre  ou 
verdâtre,  et  rappellent,  par  la  couleur  et  le  dessin,  celles  des  Attacus 
du  groupe  Cynthia.  Les  pattes  sont  rouges  avecles  crochets  noirs.  L'ab- 
domen est  fort  joli;  chaque  anneau  présente  en  dessus  une  bande  rouge 
et  une  bande  blanche,  séparées  par  un  filet  noir,  excepté  le  premier  qui 
est  entièrement  rouge  et  le  dernier  qui  est  gris  et  parsemé  de  poils 
rouges  et  de  poils  noirs.  Sur  les  côtés  de  cet  abdomen,  se  trouve  une 
rangée  de  belles  taches  brunes,  avec  le  tour  noir.  En  dessus  de  cet  ab- 
domen les  anneaux  sont  bordés  de  blanc,  avec  une  série  de  taches 
rouges  entourées  de  noir.  Le  dessous  du  fond  des  quatre  ailes  est  plus 
gris  que  le  dessus,  et  entièrement  pointillé  de  gris  jaunâtre  clair.  La 
côte  des  ailes  inférieures  montre  une  large  bande  d'un  blanc  jaunâtre 
qui  les  sépare  nettement  des  supérieures.  Les  deux  sexes  diffèrent  fort 
peu,  si  ce  n'est  que  les  antennes  sont  beaucoup  moins  larges  chez  les 
femelles,  et  à  part  quelques  individus  chez  lesquels  le  noir  semble 
envahir  le  fond  et  où  les  lunules  discoïdales  sont  plus  petites  qu'à 
l'ordinaire,  l'espèce  ne  paraît  pas  varier  beaucoup. 

Les  œufs  sont  pondus  d'habitude  au  commencement  par  des  papillons 
éclos  peu  de  jours  auparavant  et  provenant  de  chrysalides  qui  ont  passé 
l'hiver  dans  les  cocons.  Ces  œufs  sont  d'un  ton  jaunâtre,  tachés  irrégu- 
lièrement de  brun  rougeâtre,  comme  ceux  de  la  plupart  des  grands 
Attaciens,  tels  que  Yama-maï  et  Pernyi,  dont  ils  ont  d'ailleurs  à  peu 
près  la  forme  et  le  volume.  Les  petites  chenilles,  qui  en  sortent  vers  le 
milieu  de  juin,  sont  entièrement  noires  avec  des  tubercules  épineux  de 
même  couleur.  Après  avoir  rongé  la  coque  de  l'œuf,  elles  commencent 
à  errer  sur  les  branches  et  les  feuilles,  entament  bientôt  celles-ci  par  le 
bord,  mangeant  peu  à  la  fois,  faisant  toujours  de  nouvelles  entailles. 
Bientôt,  d'après  MM.  Clément  et  Berce,  qui  opéraient  en  même  temps  des 
éducations  de  même  provenance,  s'opère  une  première  mue;  les  che- 
nilles sont  encore  noires,  avec  les  mêmes  tubercules  épineux,  mais  elles 
présentent  déjà  deux  rangées  de  petites  taches  dorsales  d'un  rouge 
orangé  foncé.  Elles  diffèrent  par  conséquent  assez  peu  de  celles  du  pre- 
mier âge,  de  sorte,  que,  si  l'on  n'a  pas  observé  attentivement  cette  pre- 
mière mue,  elle  a  pu  échapper,  ce  qui  expliquerait  comment  Audouin  et 
M.  H.  Lucas  n'auraient  vu  que  quatre  mues  et  cinq  âges,  selon  la  loi  ordi- 
naire, tandis  qu'il  y  aurait  réellement  cinq  mues  et  six  âges,  selon  M.  Clé- 
ment, ainsi  que  pour  VA.  Atlas.  11  faut  remarquer  que  des  erreurs  sont 
assez  aisées  à  commettre  sur  ces  points  ;  souvent  une  chenille  qui  paraît 
toute  noire  à  l'éclosion,  montre  ensuite  en  grandissant  une  coloration 
qui  devient  visible  par  l'allongement  des  anneaux  entre  les  tubercules, 
car  ceux-ci  ne  grandissent  pas.  Il  ne  faut  au  reste  pas  attacher  une  im- 
portance capitale  au  nombre  des  mues  de  chenille,  qui  peut  varier  quel- 
quefois pour  une  même  espèce,  sans  doute  d'après  la  nourriture  ou 
d'autres  causes.  Une  chenille  abondamment  nourrie  trouvera  plus  de 
matériaux  pour  se  faire  de  nouvelles  peaux.  Il  y  a  dans  le  Sericaria 


ATTACUS.  531 

mori  des  races  hâtives  à  trois  mues,  tandis  que  le  cas  ordinaire  est  celui 
de  chenilles  à  quatre  mues.  Toujours  d'aprèsM.  Clément, la  seconde  mue 
a  lieu  h  la  fin  de  juin.  Les  chenilles  ont  alors  changé  considérablement 
d'aspect;  elles  sont  d'un  beau  jaune  orangé.  Les  tubercules,  terminés 
par  un  verticille  d'épines,  sont  encore  noirs,  ainsi  que  la  tête,  les  stig- 
mates et  les  pattes  écailleuses,  tandis  que  les  pattes  membraneuses 
sont  verdâtres,  souvent  tachées  de  noir.  La  troisième  mue  a  lieu  vers  la 
fin  de  la  première  semaine  de  juillet.  La  chenille,  encore  jaune  immé- 
diatement après,  devient  bientôt  d'un  vert  jaune,  avec  le  dos  bleu  de 
ciel  clair.  Elle  présente  alors  deux  rangées  dorsales  de  tubercules,  dont 
les  quatre  premiers  sont  gros,  sphériques,  d'un  rouge  de  corail  ou  car- 
miné, avec  une  rangée  de  six  épines  noires  verticillées  et  une  septième 
épine  de  même  couleur  au  sommet.  La  base  de  ces  tubercules  est  en- 
tourée de  gros  points  noirs  saillants,  quelquefois  confluents  et  ordinai- 
rement en  même  nombre  que  les  épines.  Les  tubercules  dorsaux  des 
segments  Zi,  5,  6,  7,  8,  9  et  10  sont  subcylindriques,  d'un  beau  jaune 
orangé  avec  des  épines  noires  un  peu  plus  petites  que  celles  des  tuber- 
cules rouges  et  disposées  d'une  façon  analogue.  Le  onzième  anneau  ne 
porte  qu'un  tubercule  jaune  un  peu  plus  gros  que  les  précédents  et 
placé  au  milieu,  sur  le  vaisseau  dorsal.  Les  régions  latérales  offrent 
deux  rangées  de  tubercules  d'un  beau  bleu  turquoise,  un  peu  plus 
petits  que  ceux  de  la  région  dorsale,  et,  comme  eux  aussi,  garnis  d'épines 
noires.  Les  anneaux  Zi  et  5  portent  trois  tubercules  bleus  de  chaque 
côté  ;  la  couronne  des  pattes  membraneuses  est  également  bleue.  A  la 
quatrième  mue,  vers  le  milieu  de  juillet,  la  chenille  a  peu  changé;  elle 
est  d'un  vert  plus  bleu,  les  tubercules  jaunes  sont  un  peu  plus  clairs, 
les  stigmates  foncés,  la  tête  et  les  pattes  d'un  vert  jaune,  celles-ci  ayant 
à  leur  base  une  tache  noire  qui  manque  souvent;  la  couronne  des 
pattes  membraneuses  est  toujours  bleue.  Tout  au  commencement  d'août 
a  lieu  la  cinquième  mue.  Le  fond  de  la  couleur  des  chenilles  diffère 
peu  comparativement  aux  mues  précédentes,  mais  les  tubercules  se 
sont  modifiés  sensiblement.  Les  quatre  premiers  dorsaux  sont  d'un  rouge 
beaucoup  moins  vif,  seulement  d'un  grenat  clair,  les  épines  sont  beau- 
coup plus  courtes  et  ont  l'aspect  de  petits  cônes  obtus,  tandis  que  les 
taches  noires,  situées  en  dessous  de  ces  épines,  sont  au  contraire  beau- 
coup plus  grandes.  Les  deux  premiers  tubercules  jaunes  sont  beaucoup 
plus  volumineux  que  les  suivants  ;  ils  ont  la  même  forme  que  les  tuber- 
cules d'un  rouge  grenat  et  portent  des  taches  noires  analogues  en 
dessous  des  épines,  et  il  en  est  de  même  du  onzième  segment.  De  chaque 
côté  des  tubercules  grenats  on  rencontre  quatre  tubercules  bleus  plus 
gros  que  les  autres  et  plus  sphériques,  ainsi  que  sur  le  dernier  seg- 
ment. Les  autres  tubercules  bleus  sont  allongés  et  ne  présentent,  le  plus 
souvent,  qu'une  seule  petite  épine  noire  à  l'extrémité.  La  tête  et  les 
pattes  sont  verdâtres,  les  crochets  des  pattes  écailleuses  et  la  couronne 
des  pattes  membraneuses  sont  noirs,  et  les  stigmates  d'un  blanc  bleuâtre 


532  LÉPIDOPTÈRES. 

entouré  de  noir.  Au  moment  de  la  filature  du  cocon,  la  chenille  est  de- 
venue plus  verte,  avec  un  enduit  blanchâtre  sur  la  région  dorsale  et 
l'extrémité  des  tubercules  bleus.  La  filature  des  cocons  a  lieu  dès  le 
commencement  d'août.  Ils  sont  d'un  type  très  remarquable  en  ce  qu'ils 
sont  doubles;  il  y  a  toujours  à  l'intérieur,  quelle  que  soit  la  forme  du 
cocon  externe,  un  cocon  ovoïde,  d'un  fauve  un  peu  brunâtre,  ouvert  en 
nasse  à  une  extrémité,  comme  ceux  des  A.  piri  et  Cynthia.  Autour  de 
ce  cocon  est  une  enveloppe  extérieure,  dont  la  forme  peut  varier  beau- 
coup et  dont  la  couleur  est  parfois  la  môme  que  celle  du  cocon  intérieur, 
parfois  notablement  plus  claire,  surtout  dans  les  cocons  très  volumi- 
neux. Le  cocon  extérieur  semble  approprié  à  l'espace  plus  ou  moins 
grand  qui  se  trouve  à  la  disposition  de  la  chenille,  à  la  place  qu'elle  a 
choisie.  Il  y  a  des  cocons  fusiformes,  d'un  tissu  serré,  très  allongés  à 
leurs  extrémités  et  adhérents  dans  toute  leur  longueur  aux  branches  et 
aux  feuilles;  d'autres,  d'un  tissu  plus  lâche,  très  élargis,   de   forme 
irréguliôre,  parfois  polyédroïde,  parfois  sphéroïde,  atteignant  le  volume 
d'un  œuf  de  poule  et  même  au  delà.  Outre  le  volume  très  variable,  les 
cocons  peuvent  difl'érer  encore  par  la  couleur;  au  moment  où  ils  vien- 
nent d'être  filés,  ils  sont  d'un  blanc  nacré  et  ne  se  colorent  qu'au  bout 
de  quelques  jours  et  quand  ils  ont  acquis  une  certaine  consistance.  La 
coloration,  d'un  brun  ferrugineux  ou  d'un  brun  clair  vif,  commence 
par  le  fond  du  cocon  et  s'élève  lentement,  mettant  plusieurs  jours  à  se 
développer  complètement.  Cette  coloration  paraît  produite  en  partie  par 
les  déjections  de  la  chenille,  car  le  cocon  semble  généralement  d'autant 
plus  clair  que  la  chenille  s'est  vidée  complètement  avant  de  filer;  en 
outre  les  premiers  fils,  qui  entourent  le  plus  extérieurement  le  cocon, 
se  colorent  à  peine.  Le  haut  du  cocon  est  ordinairement  plus  clair  que 
le  fond,  et,  dans  tous  les  cas,  il  ne  se  colore  que  longtemps  après.  La 
chrysalide  ne  présente  rien  de  particulier;  elle  est  d'un  brun  noirâtre, 
comme  celles  de  la  plupart  des  Attaciens. 

Nous  avons  indiqué  au  début  les  premières  tentatives  d'élevage  en 
France  der.4.  Cecropia,  forcément  interrompues  bientôt  par  la  dégéné- 
rescence des  élevages  en  chambre.  Il  en  est  tout  autrement  des  éduca- 
tions à  l'air  libre,  et  l'on  peut  assurer  que  cette  belle  espèce  ne  peut 
tarder  à  s'acclimater  chez  nous,  à  y  devenir  sauvage  et  à  prendre  place 
dans  la  faune  de  nos  Lépidoptères  indigènes,  comme  VA.  Cynthia  vera. 
En  opérant  dans  de  meilleures  conditions,  M.  P.  Millière  fit  un  essai 
d'élevage  à  Lyon.  Les  chenilles  écloses  d'œufs  fécondés  furent  mises 
en  plein  air  sur  un  abricotier,  dont  le  tronc  était  entouré  d'eau  pour 
les  empêcher  de  descendre.  Les  pluies  précoces  et  froides  qui  eurent 
lieu  cette  année  (1851)  en  septembre,  les  firent  presque  toutes  périr 
dans  le  cocon  lors  de  la  transformation  en  chrysalides.  De  quelques 
accouplements  qui  s'effectuèrent  au  printemps  de  1852  provinrent  des 
oeufs  d'où  les  chenilles  sortirent  en  juillet.  Elles  furent  élevées  sur  le 
peuplier  d'Italie  et  produisirent  des  cocons  tout  à  fait  pareils  à  ceux 


ATTACUS.  533 

venus  d'Amérique;  cette  seconde  génération  en  France  n'avait  subi 
aucune  dégénérescence  et  la  soie  était  très  forte  et  très  abondante. 
J'ignore  par  quels  accidents  cette  tentative  n'eut  pas  de  suite,  et  je  ne 
puis  qu'indiquer  que  M.  Sommer,  à  Altona,  a  obtenu  de  cette  espèce 
trois  générations  successives  trois  ans  de  suite.  En  mai  1861,  Vallée 
éleva  1'^.  Cecropia  au  Muséum,  et,  eu  1863,  une  petite  éducation  de 
cette  espèce  eut  lieu  au  Jardin  d'acclimatation  du  bois  de  Boulogne. 
Les  éducations  ont  été  reprises  en  France  avec  succès  dans  ces  dernières 
années,  grâce  aux  actifs  efl'orts  de  M.  A.  Wailly,  de  Londres,  qui  con- 
sacre tous  ses  soins  à  l'introduction  en  Europe  des  espèces  séricigènes 
exotiques.  En   1877,  M.  Bigot  a  élevé  à  Pontoise  (Seine-et-Oise)  VA.  Ce- 
cropia, sur  des  branches  coupées  de  prunellier  et  d'aubépine,  et,  en 
1878,  sur  des  buissons  de  ces  arbustes  à  l'air  libre;  le  résultat  fut  très 
satisfaisant,  l'éducation  totale  s'opérant  en  soixante-seize  jours,  finissant 
le  14  septembre,  époque  un  peu  tardive  vu  le  climat  du  nord  de  la 
France.  En  1878,  M.  J.  Fallou  ayant  reçu  quelques  cocons  provenant  de 
M.  A.  Wailly,  qui  lui  furent  confiés  par  la  Société  d'acclimatation,  obtint 
quelques  accouplements  et  éleva  les  chenilles  qui  en  provinrent  à  Cham- 
prosay,  par  Draveil  (Seine-et-Oise).  Il  essaya  diverses  espèces  de  Rosa- 
cées, le  Prunus  spinosa,  le  Prunus  domestica,  le  Prunus  Mahaleb,  dont 
les  feuilles  ne  furent  pas  du  tout  entamées,  puis  les  pommier,  poirier, 
cerisier  et  rosier  cultivé,  l'églantier  et  l'aubépine  {Cratœgus  oxyacantha). 
Les  petites  chenilles  attaquèrent  d'abord  les  feuilles  tendres  des  rosiers, 
puis  les  délaissèrent  pour  le  prunier  domestique  et  pour  le  cerisier, 
pour  lequel  elles  montrèrent  toujours  de  la  préférence.  Elles  furent  dès 
lors  mises  en  plein  air  sur  des  cerisiers  de  petite  taille,  exposés  au 
midi.  Les  oiseaux  ou  les  guêpes  en  détruisirent  un  grand  nombre,  et 
M.  J.  Fallou  fut  obligé  de  placer  les  survivantes  dans  une  grande  cage 
de  toile  métallique,  placée  elle-même  dans  un  pavillon  constamment 
ouvert.  Elles  atteignirent  jusqu'à  neuf  centimètres  de  longueur,  mal- 
gré un  temps  froid  et  pluvieux  qui  les  retarda  jusqu'à  la  fin  de  septem- 
bre, et  les  cocons  filés  furenj;  aussi  grands  et  aussi  forts  que  ceux  d'où 
provenaient  les  papillons.  La  môme  année,  et  avec  des  cocons  de  même 
origine,  eurent  lieu  des  éducations  réussies  par  Berce,  à  Paris  môme, 
et  par  M.  A.  Clément,  à  Paris-Montrouge  dans  une  chambre  ouverte 
d'abord,  plus  tard  au  jardin  à  l'air  libre,  ces  éducations  n'ont  pas 
cessé.  Continuées  en  1879  et  1880,  elles  ont  donné,  sans  aucune  dégé- 
nérescence, des  cocons  et  des  papillons  pareils  aux  sujets  américains. 
Les  chrysalides,  à  l'air  dans  les  cocons,  ont  parfaitement  supporté  le 
rigoureux  hiver  1879-1880.  M.  A.  Clément  a  vu  que  les  chenilles  ne  res- 
tent volontiers  sur  les  branches  qu'autant  qu'elles  ont  toujours  une 
nourriture  fraîche  et  abondante.  Au  moment  de  filer  elles  marchent 
beaucoup,  et,  si  on  les  élève  en  liberté  dans  une   chambre  ouverte, 
comme  il  le  fit  en  1878,  on  retrouve  des  cocons  derrière  les  meubles  et 
les  objets  que  l'on  déplace  peu  souvent.  Les  chenilles  furent  nourries 


53i  LÉPIDOPTÈRES. 

avec  diverses  espèces  de  pruniers  et  semblèrent  préférer  le  prunier 
non  greffé.  Elles  ont  aussi  mangé  les  feuilles  d'autres  arbres  fruitiers, 
tels  que  :  abricotier,  pommier,  cerisier,  pécher  et  même  du  rosier  ;  mais, 
quand  elles  avaient  le  choix,  elles  revenaient  toujours  au  prunier.  Les 
auteurs  américains  indiquent  pour  cette  espèce  le  Prunus  Pensilvanicus, 
comme  nourriture  de  prédilection.  En  1878  et  toujours  avec  les  cocons 
importés  par  M.  A.  Wailly,  un  amateur,  M.  Delahaye,  essaya  les  feuilles 
de  peuplier  et  de  prunellier;  mais  l'éducation  éprouva  une  dégéné- 
rescence par  suite  de  cette  nourriture  ou  par  d'autres  causes. 

Nous  rattacherons  au  môme  type,  dans  les  espèces  de  l'Amérique  du 
nord,  du  sous-genre  Samia,  VA.  Prometheiis,  Drury,  qui  a  été  élevé  avec 
succès  à  Arras,  par  M.  Charles  Bureau,  en  1880,  sur  le  lilas  et  à  l'air  libre  ; 
l'éducation,  commencée  le  l^""  août,  donnait  des  cocons  dans  la  pre- 
mière semaine  de  septembre,  ces  cocons  attachés  aux  feuilles.  On  peut 
aussi  fournir  aux  chenilles  des  feuilles  de  cerisier;  une  très  belle  paire 
d'adultes,  provenant  de  cet  élevage  à  Arras,  se  trouve  à  la  Société  d'ac- 
climatation, aussi  grands  et  aussi  bien  colorés  que  les  sujets  d'Amérique  ; 
l'envergure  du  mâle  est  d'environ  8  centim.,  les  antennes,  noires,  très 
bipectinées,  le  fond  des  ailes  d'un  noir  brunâtre,  ainsi  que  le  corps, 
sauf  le  bout  de  l'abdomen,  d'un  brun  rosé;  ailes  antérieures  arrondies 
falquées,  traversées  par  une  ligne  transverse  parallèle  au  corps,  un  peu 
sinueuse,  noire,  doublée  de  blanchâtre  extérieurement;  pas  de  lunules 
centrales  ;  une  large  bordure  d'un  gris  jaunâtre,  avec  des  lignes  ondu- 
lées d'un  gris  noirâtre  ;  à  l'angle  apical  lavé  de  rosâtre  de  l'aile  supé- 
rieure, un  œil  noir,  bordé  de  demi-circonférences  blanche  et  noire  exté- 
rieurement, surmonté  d'un  zig-zag  blanc;  femelle  un  peu  plus  grande, 
d'aspect  très  différent,  avec  le  fond  bien  plus  clair,  d'un  brun  rosé  entre  la 
base  et  la  ligne  transverse,  puis,  en  dehors  de  celle-ci,  d'un  gris  rosé  ; 
mêmes  bordure  et  œil  apical;  quatre  taches  blanchâtres,  en  hachette, 
non  vitrées,  vers  le  milieu  du  disque  de  chaque  aile,  dans  la  par- 
tie foncée,  contre  la  ligne  sinueuse  transverse;  antennes  bi-pectinées, 
moins  que  chez  le  mâle,  rougeâtres  ainsi  que  l'abdomen  ;  corselet  à  longs 
poils  rougeâtres. 

Dans  le  même  type,  est  un  Attacien  de  Californie,  VA.  ceanoti,  Béer,  syn 
Euryalus,  ressemblant  beaucoup  à  A.  Cecropia,  mais  de  taille  moindre, 
vivant  sur  le  Ceanotus  Californica.  Les  antennes  du  mâle  sont  énormes, 
brunes,  à  très  longues  lamelles  birameuses,  celles  de  la  femelle  à  la- 
melles plus  courtes,  le  fond  des  ailes  d'un  brun  rouge,  avec  l'œil  apical 
noir  pareil  à  celui  de  Cecropia,  les  lunules  blanches,  non  vitrées.  Le  co 
con  intérieur  est  brun  et  assez  petit,  comparé  îi  l'enveloppe  extérieure, 
qui  a  la  forme  d'une  poire  et  dont  la  couleur  est  gris  de  fer  ;  on  pourra 
élever  les  chenilles  en  Europe  sur  les  arbrisseaux  du  genre  Rhamnus,  le 
nerprun  par  exemple,  et  aussi  sur  le  prunier,  le  rosier,  l'aubépine  ; 
VA.  Gloveri,  est  une  rare  et  magnifique  espèce,  de  l'Arizona  et  de  l'Utah, 
où  la  chenille  vit  sur  le  saule  à  petites  feuilles  étroites.  M.  A.  "Wailly  a  pu 


ATTACUS.  535 

en  obtenir  trois  cocons  à  chrysalides  vivantes,  en  1 879.  Un  entomologiste 
américain  l'a  élevé  sur  le  groseillier  ;  on  indique  encore  le  prunier  et  le 
rosier  comme  arbrisseaux  avec  lesquels  on  pourra  probablement  l'ali- 
menter, ainsi  qu'avec  le  saule.  Le  papillon,  qui  a  de  14  à  15  centimètres 
d'envergure,  ressemble  beaucoup  à  1'^.  Cecropia;  la  principale  diffé- 
rence est  que  la  bande  du  milieu  des  ailes  est  d'un  beau  blanc  ,  entouré 
de  noir,  et  que  les  lunules  aussi  sont  blanches.  Le  cocon  a  la  môme 
forme  que  celui  de  VA.  Cecropia  ;  il  est  plus  petit  et  d'un  tissu  serré, 
avec  l'enveloppe  extérieure,  d'un  gris  argenté  touchant  le  cocon  interne 
qui  est  d'un  brun  très  foncé,  M.  Emile  Deschange,  de  Longuyon  (Meur- 
the-et-Moselle) indique,  dans  les  annonces  de  la  Feuille  des  jeunes  natu- 
ralistes, du  1^''  Avril  1881,  avoir  obtenu  des  hybrides  des  A.ceanotiQi  Glo- 
veri,  avec  œufs  féconds  et  dont  les  chenilles  s'élèvent  sur  le  prunier. 

L'Amérique  du  Nord  nous  offre  encore  un  Altacien  très  intéressant 
pour  nous  à  divers  titres  et  que  nous  devons  décrire,  comme  nous  le  fai- 
ons  pour  toutes  les  espèces  séricigènes  qui  ont  déjà  été  élevées  en  Eu- 
rope. Il  appartient  au  sous-genre  Telea.  C'est  l'/l.  Polijphemus,  Linn.,  ob- 
jet de  tentatives  d'éducation  en  1847  par  MM.  E.  Blanchard  et  H.  Lucas. 
Il  présente  un  cocon  fermé  au  deux  bouts  et  dévidable,  à  la  façon  de  ceux 
des  A.  Yama-maï ei  Pernyi;  tandis  que  la  soie  de  ces  deux  espèces  asia- 
tiques est  légèrement  verte  ou  légèrement  brune,  celle  de  l'yl.  Polyphe- 
mus  est  blanche  sur  le  cocon.  On  peut  regarder  cette  espèce  comme  uni- 
voltine  dans  la  région  du  Nord,  ainsi  le  Michigan  et  l'Illinois,  où  les 
chenilles  vivent  sauvages  à  l'air  libre,  et  comme  bivoltine  dans  les  ré- 
gions plus  chaudes  ou  dans  les  éducations  en  captivité  à  la  chambre. 
Ainsi  que  le  nom  l'indique,  la  chenille  est  essentiellement  polyphage, 
vivant  principalement  sur  le  noisetier  et  le  chêne,  se  nourrissant  bien 
aussi  avec  le  saule,  le  bouleau,  le  noyer,  le  hêtre,  l'orme,  etc.  VA.  Poly- 
phemus  a  été  élevé  à  Pontoise  par  M.  Bigot  en  1877  et  1878,  au  moyen 
de  feuilles  de  chêne  sur  branches  coupées,  que  les  chenilles  parurent 
préférer  à  celles  de  saule  et  de  noisetier.  En  1877,  M.  Bigot  avait  reçu 
douze  cocons,  dont  les  papillons  vinrent  à  éclosion  au  début  de  juin. 
Une  femelle  de  Polyphemus  fut  mise  en  accouplement  avec  un  mâle 
d'^.  Pernyi  ;  maiis  les  œufs  ne  furent  pas  féconds.  De  trois  accouplements 
résultèrent  448  œufs.  Les  jeunes  chenilles  vinrent  à  éclosion  du  9  au  15 
juillet.  Il  y  eut  un  peu  de  maladie  à  la  fin  de  l'éducation.  Le  coconnage 
eut  lieu  dans  la  première  semaine  de  septembre  et  on  obtint  220  cocons. 
M.  Bigot  remarque  que  le  cocon  est  fermé,  de  la  grosseur  de  celui  de 
l'A.  Yama-maï,  moins  allongé,  moins  bien  tourné,  très  aisément  dévi- 
dable, avec  la  soie  en  médiocre  abondance,  mais  de  très  belle  et  bonne 
qualité.  Elle  n'est  pas  précisément  blanche,  comme  on  l'a  dit  d'après  la 
couleur  du  cocon  d'un  blanc  sale,  couleur  propre  à  la  matière  gom- 
meuse  qui  le  recouvre  et  qui  est  sécrétée  en  très  grande  quantité  ;  en 
réalité  la  soie  garde  une  nuance  qui  se  rapproche  beaucoup  de  celle  de 
1'^.  Pernyi.  M.  Bigot  pense  que  ce  nouveau  séricigène,  cultivé  dans  le 


536  LÊPIDOPTfcRES. 

Midi,  donnerait  des  résultats  bien  supérieurs  à  ceux  qu'on  peut  obtenir 
sous  le  climat  froid  et  humide  du  nord  de  la  France.  I/éducation 
de  1878  se  fit  également  sur  branches  coupées.  Cinquante  cocons  pro- 
duisirent leurs  papillons  dans  la  première  quinzaine  de  juin,  et  environ 
mille  chenilles  provenant  des  œufs  pondus  firent  éclosion  du  27  juin 
au  5  juillet.  On  n'obtint  dans  les  dix  premiers  jours  de  septembre  que 
50  mauvais  cocons.  Presque  toutes  les  chenilles  sont  mortes,  soit  de  pé- 
brine,  soit  d'une  maladie  indéterminée  qui  les  tue  au  cinquième  àgc, 
sans  caractères  extérieurs;  la  chenille  morte  ressemblait  tout  à  fait  à 
une  chenille  endormie,  les  pattes  écailleuses  fermées  et  très  rap- 
prochées les  unes  des  autres,  la  couleur  verte  conservée  jusqu'à 
la  mort,  après  laquelle  la  couleur  devient  grisâtre.  Nous  espérons 
bien,  vu  l'intérêt  qu'offre  cette  espèce,  que  les  tentatives  d'éduca- 
tion seront  continuées  moins  au  nord  de  la  France  et  entièrement  à 
l'air  hbre. 

En  1878,  en  juillet,  M.  A.  Wailly  a  élevé  à  Londres,  dans  son  jardin, 
quelques  chenilles  de  cette  espèce  sur  de  petits  noyers,  saules  et  bouleaux, 
et  il  put  voir  en  septembre,,  sur  ces  arbres,  leurs  cocons  de  soie  fine, 
bien  que  les  feuilles  fussent  de  médiocre  qualité.  La  chenille  est  réelle- 
ment magnifique;  à  son  dernier  âge  elle  est  couverte  de  quarante-huit 
taches  argentées  et  de  huit  taches  dorées,  ces  taches  d'aspect  métal- 
lique, celles  qui  paraissent  en  dernier  étant  sur  les  deux  premiers  seg- 
ments. Quand  le  soleil  éclaire  cette  chenille,  dont  le  fond  du  corps  est 
d'un  vert  délicat,  avec  de  petites  mouchetures  sur  le  dos,  elle  semble 
couverte  de  diamants.  Le  papillon  de  l'A.  Polyphemus  est  sensiblement 
de  la  taille  des  A.  Yama-maï  et  Pernyi;  le  mâle  a  les  antennes  à  énormes 
lamelles  bi-rameuses jaunâtres;  le  fond  des  ailes  est  d'un  grisrougeàlre; 
l'aile  antérieure  offre  un  petit  œil  noir  à  l'angle  apical  et  au  centre  une 
tache  vitrée  bien  elliptique,  le  grand  axe  de  l'ellipse  parallèle  au  corps» 
cette  ellipse  cerclée  de  jaune;  à  l'aile  inférieure  est  une  taclie  vitrée 
tout  à  fait  analogue,  mais  entourée  en  outre  du  côté  interne  d'un  large 
ocelle  noir  saupoudré  de  gris  bleuâtre  ;  la  femelle  a  des  antennes  jaunes 
bien  moindres  que  celles  du  mâle  à  peine  bipectinées,  le  fond  des  ailes 
d'un  ocreux  grisâtre  bien  plus  clair  que  chez  le  mâle,  les  quatre  taches 
vitrées  plus  grandes,  subcirculaires  et  non  elliptiques. 

Parmi  les  Attaciens  séricigènes  de  l'Amérique  du  Sud  se  présente  tout 
d'aboi d  une  espèce  importante  par  l'éclat  et  la  finesse  de  la  soie  d'un 
cocon  très  aisément  dévidable;  c'est  1'^.  Aurota,  Cramer,  plus  petit  dans 
les  deux  sexes  que  1'^.  Atlas,  auquel  il  ressemble,  l'envergure  des  ailes 
variant  de  190  à  215  millimètres;  antennes  bipectinées,  roussàtres;  cor- 
selet poilu,  d'un  rouge  fauve,  ayant  postérieurement  un  large  anneau  de 
poils  blancs;  ailes  supérieures  faiblement  recourbées  en  faucille  à  leur 
extrémité,  d'un  fauve  rougeâtre,  avec  une  petite  bande  blanche  coudée 
vers  leur  base,  doublée  extérieurement  de  noir,  et  une  autre,  courte  et 
arquée,  au  bord  interne,  sans  bordure  noire;  une  tache  triangulaire 


ATTACUS.  537 

vitrée,  sans  couleur  ni  écailles,  assez  grande,  est  placée  vers  le  milieu 
de  l'aile,  le  sommet  externe  empiétant  un  peu  sur  la  bande  légèrement 
sinueuse  qui  coupe  l'aile  à  peu  près  parallèlement  au  corps;  elle  est 
formée,  en  allant  de  dedans  en  dehors,  de  quatre  couleurs  distinctes, 
savoir:  noire,  blanche,  rougeâtre  et  obscur;  ensuite  une  série  détaches 
triangulaires  d'un  rose  rougeâtre,  placées  à  côté  les  unes  des  autres, 
confondues  ensemble  par   leurs  bases,  les  sommets  libres;  une  petite 
bande  irrégulière,  d'un  jaune  fauve,  vers  le  bord  postérieur  de  l'aile  ; 
ailes  inférieures  d'un  rouge  fauve,  comme  les  supérieures,  ayant  vers  la 
base  une  petite  bande  blanche,  convexe  vers  l'intérieur,  bordée  exté- 
rieurement de  noir;  une  tache  vitrée  transparente  au  milieu,  trigone  à 
sommets  arrondis,  le  sommet  externe  largement  tronqué  par  la  bande 
transverse  sur  laquelle  il  s'appuie  ;  extérieurement  à  ce  miroir,  comme 
disent  les  anciens  entomologistes,  la  même  bande  parallèle  au  corps, 
quadruple  et  un  peu  sinueuse,  qu'aux  ailes  supérieures,  puis  la  même 
série  de  taches  triangulaires  d'un  rose  rougeâtre,  enfin,  plus  extérieu- 
rement, la  môme  bande  d'un  jaune  fauve,  mais  parsemée  de  petites 
taches  noires  subovales  à  la  suite  les  unes  des  autres,  comme  à  l'aile  su- 
périeure ;  les  quatre  ailes  offrent  aux  bords  latéraux  une  assez  large 
bande  brune  et  leur  dessous  est  presque  de  la  môme  couleur  que  le 
dessus.  La  chenille  à  toute  sa  taille  est  verte,  avec  des  lignes  transver- 
sales d'un  jaune  vif  aux  bords  antérieur  et  postérieur  de  chaque  anneau  ; 
ceux-ci  n'ont  pas  d'épines,  mais  portent  chacun  quatre  tubercules  d'un 
rouge  orangé,  entourés  de  petits  poils;  les  stigmates  ovales  se  détachent 
en  blanc,  et,  au-dessous  d'eux,  règne  une  large  bande  blanche  sur  les 
côtés   des    anneaux  abdominaux,  au-dessus  de  l'insertion  des  pattes 
abdominales,  qui  sont  vertes  et  ornées  de  poils  noirs;  cette  bande  laté- 
rale est  jaune  sur  les  derniers  segments.  Le  cocon  de  cette  espèce  est 
d'un  gris  plus  ou  moins  ocreux,  oblong,  avec  un  pédicule  d'attache 
plus  ou  moins  développé,  entièrement  soyeux  et  non  corné,  faisant  parfois 
à  sa  terminaison  plusieurs  tours  de  spire  sur  la  branche  ou  sur  le  pétiole 
de  feuille  où  il  s'enroule  ;  sa  longueur  varie  de  25  à  75  millimètres, 
et  il  fait  corps  avec  la  partie  supérieure  de  la  première  enveloppe  du 
cocon,  qui  est  à  deux  robes,  comme  celui  de  VA.  Cecropia.  Cette  pre- 
mière enveloppe  est  irrégulièrement  ovoïde,  et  son  tissu,  d'un  fil  gros- 
sier, assez  lâche  pour  se  laisser  aisément  déchirer  à  la  main  et  séparer 
du  cocon  proprement  dit,  qui  est  intérieur;  ce  dernier  est  ovoïde,  long 
de  55  millimètres  environ  sur  25  à  30  de  large,  appointé  à  une  extré- 
mité naturellement  ouverte  pour  la  sortie  du  papillon  ;  à  la  façon  des 
cocons  de  nos  A.  piri,  carpini  et  siritii  et  du  cocon  interne  de  Cecropia; 
c'est  à  cette  extrémité  que  correspond  la  tète  de  la  chrysalide,  afin  que 
le  papillon  n'ait  pas  à  se  retourner,  ce  qui  l'exposerait  à  blesser  son 
corps  très  mou  lors  de  l'éclosion;  à  ce  bout,  comme  d'ordinaire,  les  fils 
de  soie  sont  repliés  en  anses,  à  la  façon  d'une  nasse,  ouverture  que  le 
papillon  force  aisément  pour  sortir.  Les  parois  de  ce  cocon  se  laissent 


538  LÉPIDOPTÈRES. 

assez  facilement  déprimer  entre  les  doigts,  car  il  est  peu  incrusté  ;  on  y 
distingue  cinq  couches  concentriques,  dont  les  plus  internes  sont  plus 
serrées  et  d'un  fil  plus  fin.  Le  cocon  est  luisant  à  l'intérieur  et  parfois 
saupoudré  d'une  poussière  blanche,  qui  est  de  l'acide  urique,  provenant 
des  dernières  évacuations  de  la  chenille,  quand  elle  a  terminé  sa  fila- 
ture ;  la  chrysalide  est  d'un  brun  rougeàtre  et  ressemble  beaucoup  à 
celle  de  notre  Grand  Paon  de  nuit. 

II  est  certain  que  Linnœus  et  Fabricius  connaissaient  l'Attacien  que 
nous  venons  de  décrire,  et  qui  devait  venir  assez  souvent  chez  les  ama- 
teurs d'histoire  naturelle  ;  mais  ils  le  regardaient  comme  une  variété  de 
petite  taille  de  l'A.  Atlas,  espèce  asiatique.  L'espèce  brésilienne  est 
figurée  dans  l'ouvrage  de  Séba  (t.  IV,  pi.  57,  fig.  56),  iconographie  con- 
fuse où  ce  curieux  de  la  nature  a  représenté,  à  peu  près  pêle-mêle,  tous 
les  objets  d'histoire  naturelle  de  son  riche  cabinet.  Sibylle  Mérian  a 
assez  bien  dessiné  la  chenille,  qu'elle  observait  sur  l'oranger  dans  un 
jardin  de  Surinam,  fort  médiocrement  représenté  le  cocon,  et  figuré 
aussi  le  papillon,  sans  aucun  nom,  comme  tous  les  insectes  et  autres 
animaux  de  sa  célèbre  iconographie  (1).  L'espèce  est  désignée  pour  la 
première  fois  sous  le  nom  d'^uroio,  par  Cramer  (Pa/5i;7/o?isea;o«2gues,  1779, 
1. 1,  p.  11 ,  pi.  8,  fig.  1)  et  assez  exactement  figurée,  avec  les  belles  bandes 
roses  dentelées  des  ailes  bien  visibles.  Dans  son  Mantissa  insectorum, 
Fabricius  indique,  dans  son  genre  bombyx,  une  espèce  qu'il  nomme 
B.  Aurotus  et  qu'il  place  après  ses  B.  Atlas  (1),  et  Hesperus,  mais  sa  diagnose 
confuse  s'applique  aussi  bien  aux  Attacus  OEthra,  Augias,  Spéculum 
qu'au  véritable  Aurota.  Fabricius  dit  seulement  que  son  B.  Aurotus  fait 
partie  de  la  collection  de  Hunter.  Olivier  (^ncycL  méth.;hist.deslns;  1790, 
t.  V,  p.  25)  ne  fait,  pour  son  Bombyx  Aurote,  que  traduire  le  latin  du 
Mantissade  Fabricius  pour  le  B.  Aurotus,  et  dit  vaguement  que  l'insecte 
se  trouve  en  Amérique  ;  en  réalité  il  lui  est  resté  inconnu.  Il  se  trompe 
également,  par  interversion  des  caractères,  en  confondant  Aurota  de 
Cramer  avec  OEthra  de  Fabricius. 

VA.  Aurota,  un  des  plus  grands  représentants  du  genre  en  Amérique, 
est  l'espèce  la  plus  répandue  au  Brésil,  commune  sur  tout  le  littoral 
depuis  Rio  de  Janeiro,  jusqu'au  nord  de  l'empire  et  au  delà,  puisqu'il 
existe  à  la  Guyane  hollandaise,  se  trouvant  aussi  dans  les  provinces 
centrales,  ainsi  celle  de  Minas-Geraes,  mais  ne  s'élevant  pas  sur  les  mon- 
tagnes, du  moins  celles  de  la  province  de  Rio-de-Janeiro.  L'insecte  est 
polyphage,  comme  presque  tous  les  Attacus,  avec  quelques  végétaux  de 
prédilection.  Tels  sont  d'abord  le  ricin,  arbre  ou  arbuste  selon  le  climat, 
et  qui  croît  en  abondance  et  spontané  dans  les  pays  chauds  des  deux 
mondes,  supportant  des  températures  moyennes  diurnes  de -|- 36°  à -f 

(1)  Sibylle  Mérian,  Dissertatio  de  generatione  et  metamorphosihus  insectorum 
Surinamensium,  1719  ;  Amsterdam,  p.  52,  pi.  lu,  et  (latin  et  français)  Histoire 
générale  des  insectes  de  Surinam,  etc.  Paris,  1861,  p.  52,  pi.  lh. 


ATTACtS.  539 

12".  La  chenille  aime  aussi  beaucoup  la  feuille  de  deux  Euphorbiacées  : 
l'une  est  le  Jatropha  inanihot,  vulgairement  le  manioc,  dont  la  racine  pilée 
et  privée  par  le  lavage  de  son  suc  vénéneux  donne  la  fécule  nutritive 
connue  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  tapioca;  l'autre  est  VAnda 
Gomesi,  très  énergique  purgatif,  grand  arbre  ayant  le  port  du  noyer  et 
nommé  au  Brésil  Andou  su  ou  Anda  jassou.  Un  auteur  brésilien,  qui  a 
écrit  sur  VA.  Aurota  {Memoria  sobre  o  bicho  da  seda  indigena  da  provincio 
do  Espirito  santo,  par  J.  J.  Machado  do  Oliveira,  travail  inséré  dans  le 
journal  mensuel  ;  0  auxiliador  da  industria  nacional,publica  do  pela  Socie- 
tade  auxiliadore  da  industria  nacional,  Rio  de  Janeiro,  IX,  p.  361),  indique 
encore  divers  végétaux  brésiliens  appartenant  aux  Loranthacées,  aux 
Malvacées,  aux  Rutacées.  Il  faut  y  joindre  l'acajou  {Anacardium  oc- 
cidentale), le  bambou,  le  pêcher,  le  fusain,  l'oranger,  etc.  Le  papillon 
paraît  pendant  toute  l'année,  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  et  par- 
court les  phases  de  son  existence  en  été  en  28  jours,  en  hiver,  par  une 
température  moyenne  de  16°,  en  ZiO  jours.  En  trois  ou  quatre  nuits  suc- 
cessives, les  femelles  pondent  chacune  de  200  à  /lOO  œufs,  en  rangées 
isolées  de  5  à  10  œufs.  Ils  sont  blancs^  ovales,  aplatis,  offrant,  après  quel- 
ques jours,  une  légère  dépression  au  centre;  du  huitième  au  neuvième 
jour  ils  prennent  une  teinte  bleuâtre,  la  dépression  centrale  disparaît, 
et  ils  éclosent  du  dixième  au  onzième  jour,  surtout  le  matin,  fait  général 
pour  les  Bombyciens  et  Attacicns  et  bien  connu  pour  le  Ver  à  soie  du 
mûrier;  l'éclosion  est  retardée  de  quelques  jours  si  la  température 
s'abaisse  au-dessous  de  15°.  Pour  peser  1  gramme  il  faut  210  de  ces 
œufs  fraîchement  pondus. 

L'éducation  de  cette  espèce  n'a  pas  encore  été  tentée  sur  une  grande 
échelle,  mais  a  été  essayée  par  diverses  personnes  en  petite  proportion, 
notamment  par  M.  A.  Chavannes(l),  de  ISZiO  à  18/iZi,  pendant  son  séjour 
au  Brésil,  et,  plus  tard,  par  M.  de  Capanema.  Elle  a  l'avantage  de  durer 
toute  l'année  et  par  suite  de  donner  un  produit  rémunérateur  conti- 
nuel. On  peut  opérer  à  la  chambre,  comme  pour  le  Ver  à  soie  du 
mûrier,  ou  bien  faire  éclore  les  chenilles,  à  proximité  de  la  maison,  sur 
les  arbres  qui  leur  conviennent.  M.  de  Capanema  conseille  dans  ce  der- 
nier cas  {Bull.  Soc.  d'acclim.  1872,  p.  524  et  1873  p.  500),  pendant  les 
premiers  quatre  à  six  jours,  d'élever  les  petites  chenilles  sur  des  plantes 
en  pots  pour  les  protéger  contre  des  ennemis  acharnés,  les  fourmis, 
les  guêpes  et  les  araignées,  qui  les  détruisent  complètement.  M.  A.  Cha- 

(1).  D'A.  Chavannes,  Mémoire  sur  les  Saturnies  séricigènes  qu'il  serait  conve- 
nable d'introduire  en  France  {Bull.  Soc.  d'acclim.,  1855,  t. II,  p.  36/i).  — Sur 
lès  Saturnies  séricigènes  (même  bull.  p.  370).  — Notice  sur  les  Saturnies  sérici- 
gènes et  sur  leur  introduction  en  Europe  {Bull.  Soc.  Vaudoise  des  se.  natur., 
séance  du  17  janvier  1855).  —  Mémoire  sur  quelques  espèces  de  Saturnies  séri- 
cigènes du  Brésil  {.tournai  de  la  Soc.  Vaudoise  d'utilité  publique.  Lausanne, 
février  1844,  n»  437,  p.  46). 


540  LÉPIDOPiÈKES. 

vanne  ç  rapporte  que  le  grand  ennemi  de  ces  éducations  libres,  plus 
commodes  que  celles  en  magnanerie,  est  une  guôpe  brune,  très  commune 
à  Hio  de  Janeiro  et  dans  toutes  les  sucreries,  et  qui  emporte  d'un  seul 
coup  les  jeunes  chenilles,  tandis  qu'elle  dépèce  en  plusieurs  morceaux 
les  grandes  ;  ce  sont  les  mêmes  mœurs  que  celles  de  notre  guêpe  com- 
mune et  de  la  guêpe  frelon.  Les  premiers  âges  exigent  beaucoup  de  soins, 
et  il  est  bon  d'entourer  les  jeunes  chenilles  de  manchons  de  gaze  empê- 
chant l'attaque  des  guêpes.  Ces  chenilles  d'^l.  Aurota,  remarquablement 
sédentaires  en  liberté,  vagabondent  beaucoup  plus  que  le  Ver  à  soie  du 
mûrier,  si  on  les  élève  dans  les  chambres,  absolument  comme  celles  de 
l'A.  Yama-maï;  c'est  que  ces  chenilles  sont  tourmentées  et  inquiètes  de 
leur  captivité.  M.  Chavannes  cite  encore  d'autres  ennemis  que  les  guêpes. 
De  minimes  Braconiens  ouChalcidiens  (Hyménoptères)  piquent  les  che- 
nilles de  petites  taches  brunes  et  leurs  larves  jaunâtres,  dévorant  le 
tissu  graisseux,  affaiblissent  la  chenille  au  point  de  l'empêcher  de  filer 
son  cocon.  En  outre  des  Entomobies  (Diptères)  attaquent  ces  chenilles 
en  nombre  considérable,  mais  permettent  la  filature  du  cocon,  non 
nuisibles  sous  le  rapport  de  la  soie,  mais  arrêtant  la  reproduction;  pres- 
que tous  les  cocons  envoyés  par  M.  de  Capanema  en  1873  à  la  Société 
d'acclimatation  étaient  remplis  despupes  de  cesMuscides,  ce  qui  explique 
la  non- apparition  des  papillons.  Les  adultes  de  l'A.  Aurota  ne  s'accou- 
plent que  rarement  en  captivité.  11  faut  laisser  les  mâles  s'envoler  en 
liberté  et  exposer  les  femelles  en  plein  air.  A  l'instar  de  ce  qui  se  fait 
au  Bengale  pour  les  femelles  de  l'^l.  Mylitta,  M.  A.  Chavannes  attachait 
les  femelles,  sans  les  blesser,  au  moyen  d'une  ficelle  passée  autour  du 
corselet,  entre  les  deux  paires  d'ailes  et  dont  les  deux  bouts  sont  cloués 
avec  une  épingle  sur  un  morceau  d'agave,  que  l'on  suspend  à  l'entrée 
de  la  nuit,  à  une  branche  d'arbre,  dans  un  lieu  abrité  du  vent.  L'accou- 
plement a  lieu  ordinairement  de  grand  matin,  bien  que  les  mâles 
commencent  à  voler  au  crépuscule,  et  il  dure  ordinairement  jusqu'au 
soir,  si  les  papillons  ne  sont  pas  dérangés.  Les  mâles  qui  fécondent  les 
femelles  sont,  ou  bien  ceux  qui  ont  été  rendus  libres  à  cet  effet,  ou  bien 
des  mâles  sauvages,  surtout  si  on  opère  à  la  lisière  d'un  bois.  M.  Cha- 
vannes a  vu  que  le  même  mâle  peut  accomplir  plusieurs  accouple- 
ments, et  féconder  jusqu'à  quatre  femelles;  celles-ci  doivent  être 
fraîchement  écloses,  car  dès  le  second  jour  elles  commencent  à  pon- 
dre, et  dès  lors  n'attirent  plus  les  mâles.  Il  convient  de  retirer  pendant 
le  jour  les  femelles  attachées,  de  peur  qu'elles  ne  soient  dévorées  parles 
guêpes  ou  les  fourmis.  Une  basse  température,  telle  que  -j- 12  degrés,  une 
forte  pluie  ou  un  grand  vent  empêchent  les  mâles  de  voler  et  dès  lors 
rendent  infructueuses  les  expositions  des  femelles.  Les  femelles  fécon- 
dées sont  ensuites  placées  dans  des  boîtes  fermées  contenant  des  feuilles 
de  papier  flottantes  ou  des  toiles,  et  elles  pondent  pendant  trois  nuits 
consécutives.  On  peut  encore  décoller  les  œufs,  comme  on  le  fait  pour 
le  Sericaria  mari.  L'éclosion  des  clirysalides  renfermées  dans  les  cocons 


ATTACUS.  541 

exige  une  température  de  +  25  à  +  27  degrés;  c'est  ce  qui  explique 
pourquoi  les  cocons  envoyés  à  Paris  par  M.  de  Capaneraaet  arrivés  en 
octobre  1873,  n'ont  pu  donner  de  papillons,  pour  ceux  qui  n'étaient  pas 
attaqués  par  les  Entomobies.  Si,  d'ordinaire,  les  papillons  écloscnt  au 
bout  de  deux  mois  à  deux  mois  et  demi,  cette  éclosion  peut  être  retardée 
pendant  de  nombreux  mois  et  même  des  années,  d'après  un  fait  fré- 
quent pour  les  Bombyciens  et  les  Attaciens.  Auparavant,  en  1867,  lors 
de  l'Exposition  universelle,  une  grande  quantité  de  cocons  d'^.  Aurota 
avaient  été  envoyés  à  la  magnanerie  expérimentale  du  bois  de  Bou- 
logne par  M.  Dionisio  Martins,  commissaire  du  Brésil  à  l'Exposition. 
Ceux-là  vinrent  parfaitement  à  éclosion,  grâce  à  la  chaleur  de  l'été,  et 
les  visiteurs,  au  mois  de  juillet,  contemplèrent  avec  plaisir  de  magnifi- 
ques papillons  aux  larges  ailes  marquées  de  taches  nacrées  trigones, 
transparentes  comme  du  mica  et  veinées  d'une  belle  bande  pourpre.  La 
reproduction  eut  lieu  pour  la  première  fois  en  France,  et  les  petites 
chenilles  qui  sortirent  des  œufs  dus  à  la  ponte  de  ces  papillons  furent 
nourries  avec  des  feuilles  de  fusain.  On  ne  parvint  pas  à  les  élever,  ce 
qui  fut  dû  certainement  aux  froids  de  l'automne,  car  l'espèce,  qui  se 
reproduit  toute  l'année,  exige  un  climat  chaud  en  toute  saison,  ce  qui 
rend  chimériques  les  tentatives  d'acclimatation  en  Europe,  môme  dans 
le  midi  de  la  France  ou  en  Algérie. 

Parmi  les  espèces  d'Attaciens  à  cultiver  et  à  récolter  sur  place  dans 
les  climats  chauds,  1'^.  Aurota  est  certainement  une  des  plus  impor- 
tantes pour  l'abondance  et  la  belle  qualité  de  sa  soie.  Il  y  a  longtemps 
qu'on  en  a  été  frappé,  car  M"^  Sibylle  Mérian  nous  a  fait  connaître,  il  y 
a  plus  d'un  siècle  et  demi,  qu'elle  a  obtenu  à  Surinam  de  la  soie  de 
cette  espèce,  qu'elle  observait  dans  les  jardins  sur  les  orangers.  Elle 
ajoute  avoir  rapporté  un  grand  nombre  de  cocons  en  Hollande  et  qu'on 
pourrait  tirer  un  très  grand  bénéfice  de  ce  Ver  à  soie.  Le  poids  des  co- 
cons frais  est  assez  variable,  ce  qui  tient  surtout  à  la  différence  de  poids 
qui  existe  entre  les  chrysalides  mâles  et  femelles,  et  peut  s'évaluer  en 
moyenne  à  5  grammes.  Après  l'étoutfage  de  la  chrysalide  et  sa  dessicca- 
tion, chaque  cocon  pèse  environ  2  grammes.  Si  les  cocons  à  chrysalide 
sèche  ont  été  débarrassés  de  la  première  enveloppe,  propre  seulement 
au  cardage,  il  y  en  a  mille  au  kilogramme.  Si  la  dépouille  de  la  che- 
nille et  les  débris  ont  été  enlevés,  le  kilogramme  en  renferme  1200  à 
1500,  ce  qui  met  le  poids  du  cocon  interne  à  OO', 7  ouO'J',8  de  soie  ;  mais 
en  défalquant  de  ce  poids  la  matière  glutineuse  qui  colle  les  fils  et  l'acide 
urique,  il  reste  O^'  ,35  à  0'J'',40  de  soie  pure,  c'est-à-dire  qu'il  faut  2500  cocons 
environ  pour  donner  1  kilogramme  de  bourre  de  soie  plus  ou  moins 
cuite.  Or  il  faut  environ,  pour  donner  le  même  poids,  8000  cocons  de  Ver 
à  soie  du  mûrier  dans  les  mêmes  conditions;  nous  voyons  donc  que 
VA.  Aurota  oll're  trois  fois  plus  de  soie  que  le  Ver  à  soie  du  mûrier,  en  ne 
considérant  que  les  cocons  de  qualité  moyenne.  L'épaisseur  du  brin  est 
de  0,035  à  0,0/iO  millimètres;  il  supporte  sans  se  rompre  un  poids  de 


5Û2  LEPIDOPTERES. 

15  à  20  grammes,  ou,  en  d'autres  termes,  le  brin  est  deux  fois  plus  épais 
que  celui  du  Ver  à  soie  du  mûrier  et  trois  fois  plus  fort.  M.  Chavannes 
n'a  fait,  pour  le  dé  vidage  de  ce  remarquable  cocou,que  quelques  essais 
non  industriels;  il  s'est  surtout  occupé  de  leurcardage.  Il  faut,  au  préa- 
lable, opérer  un  décreusage  du  gluten  des  fils,  ce  qu'il  obtenait  soit  par 
l'eau  de  savon  chaude,  soit  par  une  lessive  de  cendres  de  bois  addi- 
tionnée d'un  supplément  de  carbonate  de  potasse.  On  enferme  les  co- 
cons dans  un  sac  qu'on  place  au  milieu  de  la  dissolution  bouillante; 
jusqu'à  ce  qu'on  puisse  facilement,  à  la  main,  étirer  les  fils  des  couches 
les  plus  profondes  ;  puis  on  retire  les  cocons  pour  les  laver  plusieurs 
fois  dans  l'eau  pure;  enfin  on  fait  sécher  la  masse,  prête  alors  à  être 
cardée.  Il  faut  remarquer  que  l'éclosion  du  papillon  ne  nuit  en  rien  au 
dévidage,  le  cocon  étant  naturellement  ouvert.  M.  de  Capanema  indique 
aussi  un  décreusage  potassique  pour  le  dévidage  et  dit  que  la  soie  obtenue 
se  blanchit  parfaitement  au  chlore,  sans  perdre  son  lustre;  l'acide  sul- 
fureux est  préférable.  Le  D""  Forgemol  a  soumis  les  cocons  de  VA.  Au- 
rota,  après  dégommage,  sur  les  épingles  à  olives  qui  lui  servaient  à 
dévider  les  cocons  ouverts  du  type  Ctjnthia,  et  il  a  obtenu  une  soie 
continue,  très  belle  et  élastique,  tenant  le  milieu  entre  celle  des  A. 
Arrindia  et  Permji,  d'un  éclat  bien  supérieur  à  la  soie  à' A.  Arrindia; 
des  écheveaux  de  cette  soie  furent  présentés  à  l'Académie  des  sciences 
le  30  décembre  1861.  Le  dé  vidage  de  ces  cocons  est  très  aisé  et  s'opère 
bien  plus  vite  que  pour  ceux  de  VA.  Arrindia.  Le  D-"  Forgemol,  avec 
75  cocons  passables,  a  obtenu  le  rendement  remarquable  de  20  grammes 
de  soie,  beaucoup  plus  belle  que  celle  du  type  Cynthia.  Au  condition- 
nement des  soies  de  Paris  fut  présenté  une  échantillon  de  cette  soie  de 
VA.  Aurota,  de  383  885  mètres  au  kilogramme.  Au  sérimètre  la  ténacité 
moyenne  a  été  de  6/i,6  grammes  et  l'allongement  moyen  de  lZi,5  pour 
100.  Voici  les  observations  de  la  dévideuse  :  n°  2817,  grège  sauvage,  se 
dévide  bien;  déchet  très  peu,  nette;  un  peu  de  duvet.  Christian  le  Doux, 
plus  de  quinze  ans  après  les  faits  qui  précèdent,  avec  le  procédé  qu'il 
a  inventé  pour  opérer  en  soie  grège  le  dévidage  des  cocons  du  Ver  à 
soie  de  l'allante,  a  obtenu  très  aisément  de  petites  flottes  de  soie  grège 
de  VA.  Aurota,  qui  ont  été  présentées  à  la  Société  d'acclimatation.  Avec 
l'assurance  qu'ont  donc  les  sériciculteurs  de  retirer  de  ces  cocons  une 
fort  belle  soie  grège,  on  peut  affirmer  que  l'éducation  en  grand  de  cet 
Attacien  peut  devenir  une  source  réelle  de  grande  richesse.  Au  Brésil 
particulièrement  où  la  plante  du  ricin  croît  spontanément  et  en  toute 
saison,  le  Ver,  trouvant  constamment  des  feuilles  pour  se  nourrir,  donne 
des  récoltes  continues;  comme  la  main  d'oeuvre  est  d'un  prix  très  peu 
élevé,  le  sériciculteur  trouvera  dans  ces  éducations  une  rémunération 
fructueuse.  Il  serait  avantageux  pour  la  France  d'encourager  dans  sa 
colonie  de  la  Guyane,  comme  le  gouvernement  du  Brésil  chez  lui,  des 
éducations  de  1'^.  Atirola,  à  demi  sauvages,  à  demi  domestiques,  à  la 
façon  de  1'^.  Mylitta  au  Bengale.  Au  Brésil  aussi,  les  cocons  de  cet  in- 


ATTAGUS.  5UZ 

secte  doivent  être  récoltés  dans  les  forêts,  indépendamment  des  éduca- 
tions surveillées  en  enclos. 

Il  y  a  quelques  autres  Attacus  de  l'Amérique  du  Sud  dont  la  distinc- 
tion d'avec  l'A.  Aurota  ofire  quelques  difficultés.  L'espèce  qui  s'en  rap- 
proche le  plus  à  l'état  parfait  est  VA.  OFAhra,  Fabr.,  papillon  commun 
en  Colombie,  aux  Guyanes,  à  Bahia,  rare  à  Rio  de  Janeiro.  Chez  OEthra 
comme  chez  Aurota,  il  existe  prés  de  la  pointe  de  l'aile  supérieure  un 
ocelle  noirâtre,  entouré  de  fauve;  dans  ces  deux  espèces  les  antennes 
du  mâle  sont  très  pectinées,  celles  de  la  femelle  l'étant  moins.  Le  fond 
de  la  couleur  d'OEthra  est  d'un  roux  jaunâtre,  tandis  qu'il  est  plus  rou- 
geàtre  dans  Aurota.  Les  ailes  de  VA.  OEthra  ont  une  bande  transverse 
moitié  noire  du  côté  interne,  puis  mi-transparente  et  à  bord  externe 
rougeàtre  ;  on  n'y  trouve  pas  la  garniture  de  taches  triangulaires  roses, 
qui  est  remplacée  par  un  espace  olivâtre  et  pointillé.  La  forme  des  ailes 
diffère  notablement  entre  ces  deux  papillons  ;  OEthra  a  les  ailes  anté- 
rieures subf'alquées  comme  Aurota;  mais  les  ailes  inférieures  du  mâle 
A'OEthra  sont  bien  plus  arrondies  que  celles  du  mâle  à" Aurota,  où  elles 
tendent  à  la  pointe  mousse.  Le  bord  costal  de  l'aile  antérieure  de 
VA.  OEthra  est  grisâtre,  tandis  qu'il  est  de  la  couleur  du  fond  chez 
Aurota.  Enfin  les  taches  fenestrées  à' Aurota  sont  triangulaires  aux  ailes  in- 
férieures, tandis  qu'elles  sont  subovales,  plus  grandes  que  les  antérieures 
et  à  sommet  aplati  chez  OEthra.  La  chenille,  d'après  M.  A.  Chavannes, 
au  lieu  d'être  verte  comme  celle  à' Aurota,  est  d'un  rouge  orangé,  avec 
les  incisions  des  anneaux,  ainsi  que  les  tubercules  d'un  noir  velouté , 
elle  vit  sur  les  Térébinthacdes.  Je  crois  fort  que  c'est  la  chenille  (VA. 
OEthra,  son  cocon  et  son  papillon  qui  sont  représentés  par  Sibylle  Mérian 
{op.  cit.,  p.  65  et  pi.  Lxv);  la  chenille  a  une  bande  blanche  entre  les 
anneaux  et  un  angle  blanc  dessiné  en  dessus  sur  les  trois  derniers  seg- 
ments. Mérian  dit  que  l'insecte  vit  sur  le  citronnier,  mais  est  rare,  ce  qui 
doit  s'entendre  des  jardins  des  environs  de  Surinam,  où  elle  observait 
et  dessinait  les  insectes.  Le  cocon  est  allongé,  d'un  jaunâtre  pâle  pour 
l'enveloppe  externe,  de  môme  forme  et  de  môme  valeur  soyeuse  que 
celui  A' Aurota,  la  soie  du  cocon  interne  étant  un  peu  plus  brune 
Nous  remarquerons  que  les  A.  Atlas,  Aurota,  OEthra,  espèces  analogues 
toutes  trois  à  cocon  ouvert,  ont  été  l'objet  de  quelques  essais  d'éducation, 
ainsi  que  VA.  Spéculum,  Boisd.,  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

L'Amérique  méridionale  a  encore  d'autres  Attacus  très  voisins  des  pré- 
cédents. On  trouve  principalement  à  la  Guyane  et  aussi  au  Brésil, 
r^.  Hesperus,  Fabr.,  analogue  à  OEthra  pour  les  quatre  taches  vitrées,  mais 
dont  le  sommet  des  ailes  supérieures  est  très  différent  de  celui  d'OEthra 
et  d' Aurota  en  ce  qu'il  manque  de  l'ocelle  noirsubapical.  La  chenille  est 
glabre,  mais  tuberculeuse,  donnant  un  cocon  d'un  jaune  pâle  ou  nankin, 
très  serré  et  très  épais,  d'une  soie  très  forte,  incrusté,  ouvert  en  nasse 
et  d'un  dévidage  très  difficile.  La  chenille  vit  dans  le  pays  sur  un  arbris- 
seau nommé  Café-diable  {Caseana  ramiflora),  et  aussi  sur  le  palétuvier. 


56 /i  LÈPIDOPTliRES- 

En  enlevant  par  les  alcalis  la  résine  du  cocon,  on  obtient  au  cardage 
une  filoselle  roussâtre  très  solide.  On  a  môme  pu  dévider,  en  ne  décreu- 
^ant  que  par  une  faible  solution  de  carbonate  de  potasse.  Cette  espèce 
vivant  sauvage  en  abondance  près  deCayenne,  peut  fournir  une  branche 
intéressante  d'exportation.  L'.l.  Aiujias,  Boisd.,  ressemblant  aux  précé" 
dents  pour  le  dessin,  en  est  très  différent  pour  la  couleur  du  fond,  qui 
est  d'un  jaune  orangé,  nullement  rougeâtre.  l'A.  Aurota,  au  contraire, 
se  distingue  tout  de  suite  par  la  riche  nuance  pourprée  du  fond,  bien 
moins  sensible  chez  OEthra  et  Hesperus.  Boisduval  avait  reçu  A.  Aiigias 
du  Brésil  intérieur  [Minas  Geraes)  ;  il  existe  aussi  dans  la  province  de 
Saint-Paul  et  probablement  dans  d'autres  parties  du  Brésil.  I.e  papillon, 
de  la  taille  A.' Aurota,  a  la  bande  transversale  des  ailes  supérieures  en 
général  plus  noirâtre,  et  n'offrant  d'atomes  roses  qu'à  sa  partie  infé- 
rieure. Le  croissant  du  sommet  des  ailes  supérieures  est  noir,  comme 
la  tache  ovoïde  anale,  celle-ci  beaucoup  plus  grande  que  les  autres.  La 
chenille  n'est  que  très  incomplètement  connue,  car  M.  A.  Chavannes 
n'en  a  vu  que  la  dépouille  dans  le  cocon.  H  la  suppose  verte,  garnie 
de  poils  clairsemés,  sans  tubercules,  la  tête  avec  deux  lignes  noires 
incomplètes;  on  trouve  à  la  partie  antérieure  et  latérale  du  corps 
deux  taches  ovales  probablement  noires;  les  pattes  membraneuses 
sont  noires.  Le  cocon  ressemble  à  celui  à' Aurota,  mais  plus  arrondi 
à  l'extrémité  céphalique,  avec  la  première  enveloppe  plus  adhérente, 
le  tissu  plus  compact,  plus  gommé,  plus  brun,  quelquefois  de  couleur 
un  peu  dorée.  Il  y  autant  de  soie  que  dans  le  cocon  d'^.  Aurota,  et 
il  ne  me  paraît  pas  impossible  que  cette  espèce  ne  soit  une  variété 
fortement  caractérisée  à'Aurota.  Au  Nicaragua,  et  dans  différentes 
provinces  du  Brésil,  celles  de  Rio,  d'Esperito  Sancto,  dos  Minas,  etc., 
on  rencontre  Y  A.  Spéculum,  Boisd.  Le  papillon  paraît  toute  l'année  en 
plus  ou  moins  grand  nombre.  La  femelle  dépose  en  paquets  des  œufs 
de  couleur  jaunâtre,  nuancés  de  quelques  taches  brunes,  au  nombre  de 
300  à  500  par  ponte.  Au  bout  de  sept  à  huit  jours  ces  œufs  deviennent 
d'un  gris  verdâtre  uniforme,  et  ils  éclosent  le  huitième  ou  le  neuvième 
jour.  La  petite  chenille,  qui  sort  de  son  œuf  le  matin,  a  environ  h  mil- 
limètres de  longueur.  Elle  est  noire,  et  les  couleurs  qu'elle  prend  après 
la  première  mue  persistent  jusqu'à  son  entier  développement.  Elle  vit 
trente  à  quarante  jours  avant  de  filer  son  cocon,  et  le  nombre  de  jours 
de  ses  différents  âges  correspond  à  peu  près  à  ceux  du  Ver  à  soie  du 
mûrier.  Parvenue  à  toute  sa  taille,  elle  est  longue  d'environ  70  milli- 
mètres, cylindrique,  les  premiers  et  les  derniers  anneaux  un  peu 
amincis.  Leur  couleur  générale  est  d'un  noir  mat,  et  chacun  offre  deux 
lignes  transversales  orangées,  qui,  sur  les  anneaux  U  et  5,  s'étendent 
jusque  sous  le  ventre;  sur  le  douzième  segment,  deux  traits  de  cette 
même  couleur  forment  un  V  ouvert  au  sommet.  Le  corps  est  parsemé 
de  poils  courts,  lanugineux,  blanchâtres;  le  ventre,  la  tête,  les  pattes 
et  les  stigmates  sont  noirs.  Cette  chenille  vit  en  société  jusqu'au  moment 


ATTACUS.  545 

de  filer  son  cocon  et  se  nourrit  de  feuilles  d'arbres  appartenant  aux 
Loranthacées,  aux  Laurinées,  et  quelquefois  se  trouve  sur  le  ricin.  Le 
cocon  est  grisâtre  et  beaucoup  plus  effilé  que  celui  des  espèces  précé- 
dentes. Il  n'offre  pas  de  bourre  extérieure  et  se  termine  par  un  long 
cordon.  La  soie  est  plus  fine  et  aussi  moins  tenace  que  celle  des  cocons 
déjà  cités;  elle  est  aussi  un  peu  moins  abondante.  Le  tissu  de  ce  cocon 
est  très  serré,  compacte,  résistant  à  la  pression  et  d'une  couleur  plus 
ou  moins  brune.  Sa  longueur  varie  de  /|0  à  5li  millimètres,  et  son  dia- 
mètre transversal  de  12  à  16.  La  première  enveloppe  est  très  adhérente 
aux  couches  sous-jacentes;  on  ne  peut  l'en  séparer  qu'avec  difficulté. 

Le  papillon  éclot  en  général  au  bout  de  deux  à  quatre  semaines; 
d'autres  après  beaucoup  plus  de  temps,  retardés  parfois  même  d'une 
année,  suivant  une  loi  fréquente  dans  le  genre  Attacus.  11  est  plus  petit 
que  les  précédents,  d'un  dessin  analogue,  d'une  envergure  de  108  à 
130  millimètres.  Le  fond  est  d'un  fauve  plus  paie,  plus  blâme,  les  taches 
vitrées,  en  général,  moins  angulaires,  et,  dans  certains  individus,  très 
petites  et  allongées.  La  bande  transversale  des  ailes  supérieures  n'offre 
d'atomes  roses  qu'à  sa  moitié  inférieure.  Au  sommet  des  ailes  supé- 
rieures, il  n'y  a  pas  de  croissant,  mais  des  taches  noirâtres  semblables 
aux  suivantes  par  la  forme  ;  ces  dernières  ne  sont  pas  circonscrites  exté- 
rieurement par  un  filet  noir,  mais  par  une  ligne  brune  moins  arrêtée. 
La  tache  anale,  seulement  un  peu  plus  grande  que  les  autres,  n'est 
pas  te  at  à  fait  noire. 

Nous  trouvons  au  Brésil,  dans  la  province  de  Rio,  1'^.  Encelades, 
Boisd.  La  chenille  est  verte,  avec  des  lignes  blanches  et  des  tubercules 
bleus,  et  vit  sur  les  Jacobées.  Elle  file  un  cocon  accolé  aux  tiges  ;  la 
soie  est  d'un  gris  jaunâtre,  comme  celle  de  l'A.  Spéculum,  et  n'est  pas 
en  grande  quantité.  Il  y  a  encore  au  Brésil  plusieurs  autres  espèce 
d'Attacus,  mais  plus  rares,  à  cocons  plus  petits  et  moins  soyeux,  et  que 
nous  ne  mentionnerons  pas.  Les  régions  chaudes  de  l'Amérique,  autres 
que  le  Brésil,  ont  aussi  d'assez  nombreux  Attacus,  ainsi  le  Mexique,  ré- 
gion qui  appartient  réellement  par  sa  faune  à  l'Amérique  méridionale, 
et  qui  nous  a  présenté  un  Morpho  dans  sa  partie  occidentale,  sur  le 
versant  du  Pacifique.  On  trouve,  jusque  dans  les  rues  de  Mexico,  une 
espèce  qui  est  probablement  1'^.  Orbygnianus,  G.  Mén.,  dont  le  cocon 
fournit  une  soie  gris  de  lin,  très  brillante  et  résistante.  Il  ressemble  à 
celui  de  VA.  Aurota,  mais  la  bourre  ou  première  enveloppe  est  liée  plus 
intimement  au  cocon;  elle  forme  à  l'extrémité  supérieure  une  ouver- 
ture ovale  au  fond  de  laquelle  on  aperçoit  le  goulot  du  cocon.  M.  A. 
Chavannes  pense  que  la  soie  tissée  par  les  anciens  Mexicains  provenait 
de  cette  espèce.  On  trouve  à  la  Havane  le  cocon  d'une  autre  espèce,  qui 
est,  pour  la  forme  et  la  soie,  très  voisin  de  celui  de  VA.  Spéculum.  Il  est 
effilé  et  sans  bourre  distincte.  Son  pédicule  n'a  que  quelques  millimè- 
tres de  longueur  et  se  termine  par  un  petit  anneau  qui  enveloppe  la 
branche,  à  l'instar  de  l'anneau  corné  du  pédicule  du  cocon  fermé  de 

GIRAUD.  m.   —  35 


546  LÉPIDOPTÈRES. 

VA.  Mylitta,  de  l'Inde.  Enfin,  comme  dans  l'espèce  précédente,  la  pre- 
mière enveloppe,  ouverte  en  haut,  laisse  apercevoir  l'extrémité  appointie 
du  cocon. 

Nous  avons  tenu  à  faire  cette  énumération  un  peu  longue  des  Atta- 
ciens  scricigènes  de  l'Amérique  chaude  et  surtout  du  Brésil.  En  effet, 
en  présence  des  nombreuses  richesses  textiles  que  nous  négligeons 
encore,  on  peut  dire  que  la  sériciculture  est  dans  l'enfance.  Un  jour 
viendra,  nous  l'espérons,  où  l'on  recherchera  partout  les  cocons  soyeux. 
L'industrie  a  besoin,  non  seulement  de  belles  soies,  mais  aussi  de  soies 
variées,  même  de  qualités  inférieures,  pour  satisfaire  à  toutes  les  exi- 
gences; les  caprices  de  la  mode  sont  le  pain  de  milliers  de  familles. 

L'Australie  compte  un  assez  grand  nombre  d'Attacus,  et  tout  n'est  pas 
encore  connu  en  ce  genre,  la  partie  nord,  la  plus  chaude,  de  ce  vaste 
continent  étant  encore  à  peine  explorée.  E.  Verreaux  en  a  rapporté 
plusieurs  espèces  pour  la  collection  du  Muséum  et  indiquait  que  les  co- 
cons soyeux  de  certaines  d'entre  elles  pourraient  être  utilisés.  La  collec- 
tion du  Muséum  contient  actuellement  huit  espèces  d'Attacus  austra- 
liens, les  A.  Antipodus,  Boisd.,  Pluto,  Boisd.,  Helena,  White,  Laplacei, 
Feisthamel,  Pelœus,  Boisd.,  et  trois  espèces  peut-être  inédites,  qui 
n'ont  que  des  noms  de  collection  :  Ocellinus,  Nigrodentatus,  Fenestralis. 

Nous  avons  laissé  à  part  un  type  d'Attacus  très  remarquable  par  la 
singularité  de  la  forme  des  ailes  inférieures,  prolongées  le  plus  souvent 
en  queues  plus  ou  moins  longues,  parfois  démesurées  et  contournées  au 
bout  ou  élargies  en  spatule,  qui  forment  des  sous-genres  sous  les  noms 
d'Actias,  Boisd.  et  Aricia,  Boisd.;  ces  singulières  espèces  existent  dans 
les  parties  chaudes  et  tempérées  de  l'ancien  et  du  nouveau  monde,  et 
n'ont  pas  encore  été  rencontrées,  à  notre  connaissance,  en  Australie. 
Une  des  belles  découvertes  entomologiques  de  notre  époque  est 
celle  d'une  de  ces  espèces  très  localisée  au  centre  de  l'Espagne, 
sur  les  collines  qui  entourent,  non  loin  de  Madrid,  la  résidence 
royale  de  TEscurial.  11  y  a  là  un  fait  de  localisation  analogue  à 
celui  de  r.4.  Cœcigena,  près  de  Fiume,  en  Dalmatie.  Le  docteur  Graëlls, 
professeur  à  Madrid,  avait  été  informé  par  le  botaniste  Jean  Mieg  que 
1'^.  Lima,  espèce  caudataire,  existait  dans  la  faune  lépidoptérologique 
d'Espagne,  ce  qui  lui  semble  fort  étrange  pour  une  espèce  de  l'Amé- 
rique du  Nord,  et  le  détermina  à  de  minutieuses  recherches.  Au  prin- 
temps de  18/i8,  il  découvrit  une  chenille  ayant  les  caractères  des  che- 
nilles du  genre  Attacus,  mais  différente  de  celle  des  quatre  ^4f <aci<s  euro- 
péens connus.  Au  printemps  de  18Zi9  il  découvrit  l'insecte  adulte,  ayant 
en  effet  quelque  ressemblance  avec  A.  Luna,  mais  constituant  une  espèce 
nouvelle  et  très  distincte  qu'il  dédia  à  la  reine  Isabelle  II.  Il  publia  la 
description  et  les  figures  de  la  femelle  et  de  la  chenille  dans  les  Annales 
de  la  Société  entomologique  de  France  (1850),  et  plus  tard  figure  le  mâle 
dans  un  recueil  géologique  espagnol.  Ce  mâle  fut  représenté  dans  mes 
Métamorphoses   des  insectes,  h  partir  de   la  seconde  édition.  M.  Graèlls, 


ATTACUS.  547 

par  une  jalousie  anti-scientifique,  ayant  cru  devoir  garder  un  secret 
complet  sur  les  localités  de  cette  magnifique  espèce  et  sa  plante  nourri- 
cière, des  doutes  s'élevèrent  sur  la  provenance  réelle  de  l'espèce. 
M.  Staudinger  se  rendit  en  Espagne  pour  en  opérer  la  recherche  et 
réussit,  à  son  second  voyage,  à  se  procurer  la  chenille  qu'il  élève  depuis 
lors  avec  des  sujets  qui  lui  sont  envoyés  d'Espagne,  et  non  sans  peine, 
car  la  chenille  est  fort  délicate.  Aussi  l'espèce,  d'abord  d'un  prix  exces- 
sif, s'introduit  peu  à  peu  dans  les  collections.  M.  P.  Millière  a  donné  une 
étude  complète  de  cette  belle  espèce,  le  seul  représentant  européen  des 
Caudatœ  de  Cramer  et  a  figuré  la  chrysalide  pour  la  première  fois  {Ico- 
nographie, 1869,  t.  in,  p.  1  et  pi.  101,  mâle,  femelle,  chenille,  chrysa- 
lide et  cocon). 

L'A.  Isabellœ,  Graëlls,  offre   une  envergure  de   80  millimètres,  les 
antennes  entièrement  d'un  brun  ferrugineux,  médiocrement  longues, 
mais  très  pectinées,  terminées  en  pointe  fine,  les  barbures  réunies  deux 
par  deux  et  non  disjointes  à  l'extrémité  ;  tète  jaune,  avec  les  yeux  noirs  ; 
thorax  fourni  de  longs  poils,  de  couleur  vineuse,  le  prothorax  jaune 
ainsi  que  les  ptérygodes;  ailes  grandes,  bien  développées,  d'un  beau 
vert  clair,  qui  se  fonce  un  peu  sur  les  spécimens  desséchés,  à  demi 
diaphane,  avec  les  bords  et  les  nervures  d'un  rouge  ferrugineux,  qui 
donnent  au  papillon  un  aspect  magnifique,  pi.  xcv,  fig.  1,  et  le  distinguent 
tout  de  suite  des /l.Lw/ia  et  Se/ene,  dont  la  couleur  du  fond  est  analogue; 
ailes  inférieures  ornées  d'une  longue  queue,  dont  la  pointe  se  dirige  exté- 
rieurement et  donne  à  l'insecte  un  aspect  exotique  des  plus  caractéris- 
tiques ;  au  centre  de  chacune  des  quatre  ailes,  une  grande  tache  ocellée 
parée  des  plus  riches  couleurs,  la  pupille  diaphane  entourée  d'une  belle 
couleur  pourpre,  l'anneau  suivant  partagé  en  deux  couleurs,  extérieu- 
rement jaune  de  chrome,  intérieurement  d'un  blanc  bleuâtre  vif,  le 
tout  enfin  entouré  d'un  anneau  noir,  un  peu  plus  large  intérieurement 
qu'extérieurement;  base  des  ailes  supérieures  d'un  jaune  vif,  une  large 
bande  d'un  vert  jaunâtre  précédant  le  limbe,  qui  est  d'un  rouge  ferru- 
gineux, cette  bande  précédée  elle-même  par  une  ligne  noire  qui  la 
borde  de  chaque  côté  et  se  double  intérieurement,  cette  bande  noire 
étant  simple  aux  ailes  inférieures;  ces  larges  bandes  d'un  noir  lavé  de 
jaunâtre  coupées  aux  quatre  ailes  par  les  nervures  ferrugino-vineuses 
qui  viennent  aboutir  à  la  frange  ;  dernières  nervures  des  secondes  ailes, 
celles  de  la  queue,  presque  entièrement  jaunes,  le  bord  interne  des 
ailes  inférieures  orné  de  longues  franges  jaunes;  dessous  des  quatre 
ailes  répétant  à  peu  près  le  dessus,  avec  le  bord  supérieur  des  ailes 
inférieures  d'un  jaune  vif;  abdomen  très  poilu,  jaunâtre,  marqué  de 
vineux  en  dessus  et  finement  annelé  de  noirâtre;   femelle  de  même 
envergure  que  le  mâle,  ou  même  plus  petite,  les  antennes  seulement 
légèrement  biciliées,  les  queues   des  ailes  inférieures  très  courtes  et 
anguleuses  (pi.  xcv,  fig.  2,  tète  de  la  femelle). 

La  chenille  a  toute  sa  taille  (pi.  xcv,  fig.  3),  est  cylindroïde,  avec  le 


5Û8  LÉPIDOPTÈRES. 

fond  d'un  beau  vert  pomme  ;  la  région  du  dos  est  marquée  d'une  large 
bande  continue  d'un  brun  rougeâtre,  le  long  du  vaisseau  dorsal,  lisérée 
de  blanchâtre  de  chaque  côté  ;  de  l'anneau  à  à  l'anneau  10  inclusivement, 
ces  mêmes  segments  sont  entourés  de  pourpre  obscur,  chaque  cercle 
offrant  de  chaque  côté  deux  taches  quadrangulaires  jaunâtres;  le  pro- 
thorax offre  en  dessus  une  plaque  écailleuse  noire,  piquetée  de  blan- 
châtre, bordée  de  jaunâtre,  le  mésothorax  et  le  métathorax  sont  cerclés 
de  jaunâtre;  la  tête,  globuleuse,  noire  etluisante,  présente  de  nombreuses 
stries  jaunâtres;   les  stigmates  placés  au  milieu  des  cercles  pourprés, 
entre  leurs  deux  taches  latérales,  sont  elliptiques,  fauves,  bordés  de 
noir  ;  les  pattes  écailleuses  sont  robustes  et  d'un  pourpre  obscur,  les 
membraneuses  à  bandes  alternées  jaunes  et  rougeâtres;  la  structure  de 
leur  couronne  n'est  pas  cerclée  de  petites  épines,  comme  dans  la  che- 
nille â'A.  phi;  chez  celle  à' A.  Isabellœ,  elles  sont  terminées  par  une 
sorte  de  ventouse  ayant  le  bord  divisé  en  deux  parties  et  garni  d'un  rang 
d'épines  courtes,  brunes,  dont  les  pointes  du  bord  supérieur  sont  diri- 
gées en  haut,  celles  du  bord  inférieur  étant  dirigées  en  bas;  une  mem- 
brane charnue,  garnie  de  poils  très  courts,  dépasse  les  pattes  et  semble 
protéger  extérieurement  leurs  épines;  cette  conformation  des  pattes 
membraneuses,  analogue  à  celle   des   chenilles  de  Lasiocampa  pini 
(P.  Minière),  indique  une  chenille  destinée  à  vivre  sur  des  feuilles  aci- 
culaires,  longues  et  grêles,  qu'elle  n'abandonne  pas  au  repos  pour  se 
cramponner  aux  branches;  les  deux  pattes  anales  ont  à  peu  près  la 
même  forme  que  les  ventrales  ;  en  outre,  le  corps  de  la  chenille  est 
garni  de  points  tuberculeux  surmontés  de  poils  d'un  brun  fauve,  sensi- 
blement plus  longs  sur  les  segments  2  et  11  que  sur  les  autres. 

Cette  chenille  se  nourrit  des  feuilles  du  pin  maritime,  arbre  très 
abondant  sur  les  hauteurs  qui  avoisinent  Madrid,  d'après  M.  Staudinger. 
Quand  cette  chenille  est  inquiétée,  elle  fait  entendre  un  petit  bruit  par- 
ticulier. La  vie  de  cette  chenille  est  d'environ  deux  mois;  à  la  fin  de 
juin  elle  file  un  cocon  piriforme,  pi.  xcv,  fig.  U,  ouvert  en  nasse  à  un 
bout,  ressemblant  à  celui  d'^.  carpini,  par  l'aspect  extérieur,  placé 
entre  les  feuilles  de  pin  ou  dans  les  gerçures  de  l'écorce,  cocon  dont  la 
couleur  varie  du  brun  rougeâtre  au  blond  presque  blanc;  la  chrysalide 
demeure  en  vie  latente  près  de  dix  mois  avant  de  donner  le  papillon, 
qui  n'a  qu'une  génération  par  an,  comme  ^.;3iV»  eicarpini.  Cette  chrysa- 
lide est  assez  courte,  d'un  brun  foncé  mat,  avec  le  dernier  anneau  garni 
de  plusieurs  pointes  courtes  et  noires.  Ce  n'est  qu'extérieurement  que 
le  cocon  d'^.  Isabellœ  ressemble  à  celui  d'^.  carpini,  car,  en  dedans,  il 
offre  un  réseau  à  mailles  lâches,  distinct  du  cocon  externe,  mailles  aux- 
quelles la  chrysalide  doit  s'attacher  par  les  nombreux  crochets  dont 
elle  est  pourvue  (Clément,  Poujade). 

Nous  indiquerons  avec  quelques  détails  une  autre  espèce  à  ailes  cau- 
dées,  du  sous -genre  Actias,  parce  qu'elle  est  élevée  facilement  en  Europe 
depuis  quelques  années  par  divers  amateurs;  c'est  1'^,  Selene,  Fabr.j 


ATTAGUS.  549 

des  Indes  orientales  (Silhet,  Macao),  du  sud  et  même  du  nord  de  la 

Chine.  Le  papillon  mâle,  de  la  taille  des  grands  A.  Yama-mat  et  Cyn- 

thia,  offre  la  tète  rouge,  avec  le  front  d'un  gris  clair  et  les  yeux  noirs; 

les  antennes,  assez  courtes  mais  largement  bipectinées,  sont  d'un  jaune 

verdàtre;  le  thorax  offre  un  collier  blanc  légèrement  jaunâtre  et  une 

bande  pourpre  prolongeant  les  côtes  des  deux  ailes  supérieures;  il  est 

couvert  de  poils  blancs  laineux  et  offre  à  la  poitrine  une  belle  tache 

brune  qui  s'étend  entre  la  tète  et  les  premières  pattes  ;  les  quatre  ailes 

sont  en   dessus  d'un  vert  très  tendre,  avec  des  bandes   diffuses  d'un 

jaune  olivâtre;  la  côte  des  ailes  supérieures  est  d'un  beau  pourpre 

foncé  et  la  base  des  quatre  ailes  est  couverte  de  poils  blancs  laineux 

comme  tout  le  corps;  les  quatre  lunules  sont  semblables;  on  y  trouve, 

en  partant  du  côté  du  corps,  un  croissant  noir,  entrecoupé  longitudi- 

nalement  par  un  filet  bleu  cendré,  puis  une  bordure  d'un  pourpre 

carminé,  plus  apparente  aux  ailes  inférieures  ;  vient  ensuite  une  partie 

transparente  peu  étendue  et  enfin  une  demi-circonférence  d'un  jaune 

orangé  nuancé  légèrement  de  carmin  et  bordée  de  jaune  olivâtre  ;  à  la 

base  des  ailes  inférieures  s'étend  une  belle  tache  d'un  rose  tendre,  qui 

se  fond  d'une  part  sur  l'aile  et  d'autre  part  sur  la  queue,  laquelle  est 

toujours  un  peu  contournée  ;  les  quatre  ailes  sont  très  finement  bordées 

de  jaune  orangé,  cette  bordure  plus  apparente  en  dessous,  surtout  à  la 

côte  des  ailes  inférieures;  ce  dessous  diffère  d'ailleurs  peu  du  dessus;  il 

est  plus  lavé  de  jaunâtre,  et  la  côte  des  ailes  supérieures  est  seulement 

un  peu  rosée,  les  lunules  étant  plus  roses  et  leur  bordure  noire  tendant 

à  disparaître  ;  les  pattes  sont  rouges  avec  le  dessous  des  cuisses  blanc  ; 

l'abdomen  est  gris  au  milieu  et  couvert  de  poils  blancs  sur  les  côtés  ; 

femelle  bien  plus  grande,  à  antennes   un  peu  moins  bipectinées  et 

queues  subégales. 

La  chenille,  en  sortant  de  l'œuf,  au  premier  âge,  d'environ  7  mil- 
limètres de  longueur,  est  d'un  jaune  orangé,  avec  une  zone  noire 
comprenant  les  anneaux  ù,  5,  6;  la  tète,  le  prothorax  et  une  partie  du 
dernier  segment,  les  pattes  et  les  tubercules  sont  également  noirs, 
ainsi  que  les  points  parsemés  sur  les  parties  jaunes;  après  la  pre-f 
mière  mue,  difficile  à  observer,  comme  celle  de  Cecropia,  car  la  jeune 
chenille  mange  entièrement  sa  vieille  peau,  la  chenille  de  second 
âge  est  complètement  d'un  beau  rouge  brique  tirant  sur  l'orangé, 
les  anneaux  noirs  ayant  disparu;  les  tubercules  seuls  sont  noirs  à 
l'extrémité,  ainsi  que  leurs  épines,  les  pattes  et  la  tète.  La  couronne 
des  pattes  membraneuses  est  d'un  gris  rouge,  de  même  que  le  ventre; 
les  quatre  premiers  tubercules  dorsaux  portent,  chacun  à  leur  som- 
met, un  poil  beaucoup  plus  long  que  les  autres,  noir  à  la  base,  blanc 
à  l'extrémité  ;  les  stigmates  sont  noirs.  Au  troisième  âge,  après  la 
deuxième  mue,  la  'chenille  est  devenue  d'un  beau  vert  d'eau,  avec 
les  tubercules  orangés  ou  quelquefois  rosés;  les  quatre  premiers 
tubercules  dorsaux  sont  très  développés  :  leur  extrémité,  d'un  beau 


550  LÉPIDOPTÈRES. 

jaune  prile,  est  nettement  limitée  par  un  anneau  noir,  et  ils  portent 
toujours  un  long  poil;  la  tête  est  jaunâtre,  ainsi  que  les  pattes  écail- 
leuses,  les  pattes  membraneuses  étant  roses,  les  plaques  anales  d'un 
grenat  foncé;  les  stigmates,  d'un  brun  orangé,  sont  placés  sur  une 
bande  claire,  ce  qui  donne  à  la  chenille  une  ressemblance  avec  celle 
d'A.  Pernyi,  ressemblance  qui  augmentera  aux  âges  suivants.  Après  la 
troisième  mue,  au  quatrième  âge,  il  y  a  peu  de  changement  ;  les  tuber- 
cules sont  plus  clairs,  les  latéraux  et  tous  ceux  des  derniers  anneaux  sont 
d'un  beau  vert  ;  la  bande  claire  qui  porte  les  stigmates  s'est  accentuée 
davantage  et  est  bordée  de  roux  carminé  ;  les  stigmates  sont  orangés, 
les  plaques  anales  d'un  grenat  très  foncé,  la  tête  plus  foncée  que  précé- 
demment, les  pattes  membraneuses  roses  n'ayant  plus  de  bande  noire 
et  les  longs  poils  persistant  à  l'extrémité  de  chaque  tubercule;  au 
cinquième  âge,  après  la  quatrième  mue,  il  y  a  encore  peu  de  change- 
ment; la  chenille  est  d'un  beau  vert  tendre,  avec  une  bande  latérale 
rappelant  tout  à  fait  la  chenille  de  Pernyi,  d'un  rouge  d'ocre  bordé  de 
blanc,  partant  du  troisième  anneau  et  s'arrôtant  à  l'avant-dernier  ;  la 
tête  est  fauve,  ainsi  que  les  pattes  écailleuses,  les  stigmates  roux  avec 
la  fente  blanche,  les  fausses  pattes  vertes  avec  une  bande  violacée  et  la 
couronne  plus  claire. 

Lors  de  la  filature  du  cocon,  la  chenille  parvenue  à  toute  sa  taille  a 
plus  d'un  décimètre  de  longueur.  Les  cocons  sont  ovoïdes,  complète- 
ment enveloppés  dans  les  feuilles  et  sans  aucune  attache  ;  ils  sont  blancs 
au  moment  où  ils  viennent  d'être  filés  et  se  colorent  ensuite  plus  ou 
moins,  les  uns  restant  presque  blancs,  les  autres  prenant  un  ton  gris- 
chamois  plus  ou  moins  jaunâtre.  La  paroi  du  cocon  est  mince,  quoique 
d'un  tissu  serré  et  très  difficile  à  déchirer.  Sa  structure  interne,  signalée 
par  M.  A.  Clément,  est  très  remarquable.  En  l'ouvrant,  on   trouve  à 
l'intérieur  un  réseau  à  larges  mailles  de  soie  rousse,  qui  ne  tient  au 
cocon  lui-même  que  par  quelques  fils  et  auquel  la  chrysalide  est  soli- 
dement attachée  par  la  partie  anale.  Cette  chrysalide  est  de  forme  tout 
,à  fait  particulière,  qu'on  peut  comparer  à  un  cône  terminé  par  un  hé- 
misphère, la  partie  la  plus  large  correspondant,  comme  chez  le  papillon, 
à  la  région  qu'on  peut  comparer  aux  épaules;  la  région  terminale  de 
la  chrysalide  est  fortement  fixée  au  fond  du  réseau  interne  par  un 
faisceau  de  fils  de  soie  serrés,  et  cette   pointe  d'appui  est  ©n  outre 
étfoitement  entourée  par  la  dépouille  de  la  chenille,  qui  la  cale  en 
quelque  façon,  de  sorte  que  la  chrysalide  se  trouve  isolée  et  debout  au 
milieu  du  cocon,  dont  elle  ne  touche  pas  les  parois;  en  examinant  à  un 
fort  grossissement  le  dernier  segment  de  cette  chrysalide,  on  le  trouve 
garni  de  très  nombreux  crochets,  très  difficiles  à  compter,  et  formant 
autant  de  petites  boucles  dans  chacune  desquelles  passe  un  fil;  ils  sont 
fort  peu  réguliers,  plus  ou  moins  contournés  sur  eux-mêmes,  mais  tous 
d'une  manière  un  peu  différente,  certains  même  à  peine  Tephés,  la 
boucle  restant  ainsi  complètement  ouverte.  Il  est  probable  qu'au  mo- 


AÏTACUS.  551 

ment  de  la  métamorphose  nymphale  ces  crochets  étaient  de  petites 
épines  molles,  à  peu  près  droites,  qui,  en  se  desséchant,  se  contournent 
sur  elles-mêmes  et  accrochent  les  fils  du  fond  du  cocon. 

Un  point  très  digne  d'intérêt  dans  l'histoire  de  VA.  Selene,  c'est  que 
la  soie  du  cocon  est  fine,  brillante  et  d'une  grande  douceur  au  toucher. 
A  l'Exposition  universelle  de  1878,  dans  la  section  de  Indes  anglaises, 
étaient  de  belles  soies  grèges  de  cette  espèce,  dont  l'introduction  en 
France  serait  désirable.  En  1878,  à  Pontoise,  M.  Bigot  éleva  les  chenilles 
d'^.  Selene  sur  branches  coupées  de  noyers.  Vingt  œufs  fécondés  qu'il 
avait  reçus  lui  donnèrent  à  la  fin  de  juin  vingt  chenilles,  qui  firent 
leurs  cocons  du  6  au  10  août.  Il  y  eut  quelques  éclosions  de  papillons 
du  15  au  20  septembre,  mais  on  ne  put  obtenir  d'accouplement,  la 
saison  étant  trop  froide.  Cette  rapide  évolution  indique  une  espèce 
polyvoltine  ;  d'autres  œufs,  fournis  par  M.  A.  Wailly,  de  Londres,  vin- 
rent à  éclosion  du  20  au  25  juillet;  mais  bientôt  toutes  les  chenilles 
moururent  de  diarrhée.  M.  A.  Clément,  à  Paris-Montrouge,  éleva  des 
chenilles  de  cette  espèce  à  leur  sortie  de  l'œuf  à  la  fin  de  juillet;  l'édu- 
cation se  termina  rapidement  en  vingt-six  jours,  sur  branches  de  noyer 
coupées,  plongées  dans  l'eau  et  toujours  à  l'air  libre,  les  chenilles  ne 
quittant  jamais  les  branches  sur  lesquelles  elles  étaient  placées.  Elles 
ont  l'allure  des  chenilles  d'.-l.  Cxjnthia  vera,  et,  comme  elles,  se  cram- 
ponnent fortement  aux  branches,  mangeant  avec  une  rapidité  extraor- 
dinaire les  folioles,  leurs  nervures,  leurs  pétioles  et  même  les  jeunes 
tiges  de  noyer,  dont  elles  se  nourrissent  aussi.  Elles  sont  très  voraces, 
et  une  chenille  en  bonne  santé  consomme  chaque  jour  une  quantité 
considérable  de  feuilles.  Ces  chenilles  sont  très  robustes  et  résistent  à 
des  chutes  graves.  On  eut  un  papillon  mâle  en  septembre,  parfaitement 
développé.  Les  autres  cocons  passèrent,  sans  accident  pour  les  chrysa- 
lides, le  rude  hiver  1879-1880,  dans  une  pièce  sans  feu,  mais  les  papil- 
lons retardés  ne  vinrent  à  éclosion  qu'en  juin  1880,  ce  qui  peut  faire 
espérer  que  chez  nous  cet  Attacien  n'aura  qu'une  génération,  tandis 
qu'aux  Indes  il  en  a  ordinairement  deux,  une  en  mai,  une  en  juillet. 
Les  papillons  de  cette  génération  française  se  montrèrent  à  intervalles 
trop  éloignés  pour  qu'on  pût  les  faire  accoupler;  mais  il  est  important 
de  remarquer  qu'il  n'y  eut  aucune  dégénérescence.  Ils  étaient  aussi 
beaux  que  les  spécimens  indiens. 

L'Amérique  du  Nord  présente  une  espèce  de  sous-genre  Actias, 
Y  A.  Luna,  Linn.,  assez  voisine  de  la  précédente,  mais  beaucoup  plus 
petite  que  Selene,  le  fond  d'un  vert  jaunâtre  chez  le  mâle,  d'un  vert 
d'eau  chez  la  femelle,  dont  la  queue  de  l'aile  inférieure  est  peu  diffé- 
rente en  longueur  de  celle  du  mâle,  tandis  que  chez  habellœ  la  femelle 
a  la  queue  bien  plus  courte;  les  taches  ocellaires  sont  elliptiques  à  l'aile 
supérieure,  plus  grandes  et  plus  voisines  du  cercle  à  l'aile  inférieure; 
leur  iris  est  vitré,  tout  entouré  de  jaunâtre  et  avec  un  assez  large  arc 
brun  du  côté  intérieur.  La  chenille  de  cet^.  Lima  figurée  pi.  xciv,  fig.  2, 


552  LÉPIDOPTÈRES. 

est  d'un  vert  jaunâtre,  avec  des  tubercules  piligères  d'un  brun  rou- 
geàtre,  très  peu  saillants.  Cette  espèce  a  été  l'objet  de  beaucoup  moins 
de  tentatives  d'élevage  que  VA.  Selene,  du  moins  en  France;  on  essaya 
l'éducation  de  la  chenille  au  Muséum,  mais  on  ne  trouvapas  de  feuilles  à 
sa  convenance  ;  M.  KaufFmann  l'a  fait  vivre  à  Berlin  avec  la  feuille  de 
noyer,  la  même  qui  est  appliquée  maintenant  avec  succès  à  la  chenille 
de  VA.  Selene. 

Si  nous  poursuivons  rapidement  notre  revue  des  singuliers  Attaciens 
à  ailes  inférieures  caudées,  nous  trouverons  l'A.  Comètes,  Boisduval,  de 
Madagascar,  dont  les  queues  sont  très  longues  et  très  grêles,  1'^.  mimosœ, 
Boisd.,  espèce  qui  s'étend  de  Port-Natal  à  l'Abyssinie,  et  ressemble  à 
Comètes,  mai?,  avec  les  queues  moins  longues.  Les  queues  àeVA.  Comètes 
sont  teintées  de  vineux  au  milieu,  le  fond  des  ailes  du  mâle  d'un  jaune 
un  peu  verdâtre,  avec  les  ocelles  circulaires  très  grands,  non  vitrés  au 
milieu,  mais  offrant  en  ce  milieu  un  point  noir  entouré  d'un  large 
cercle  fauve,  avec  un  arc  blanc  et  le  contour  noir;  les  antennes  du 
mâle  sont  très  bipectinées.  L'A.  mimosœ  offre  les  deux  sexes  peu  diffé- 
rents comme  antennes  et  queues,  la  femelle  ayant  seulement  les  ailes 
plus  arrondies,  le  fond  des  ailes  est  d'un  vert  un  peu  jaunâtre,  les 
ocelles  presque  ronds,  à  iris  vitré  entouré  de  jaune,  l'ocelle  supérieur 
touchant  la  côte,  les  queues  teintées  de  vineux  au  milieu.  Deux  espèces 
fort  rares  sont  A.  Mœnas,  Doubleday,  du  Silhet  (J.  0.  Westwood,  the 
Cabinet  of  oriental  Entomologxj,  18Zi8,  pi.  xii),  très  grand,  presque  double 
en  taille  d'A.  Selene,  ayant  le  fond  des  ailes  jaune,  avec  la  ligne  trans- 
verse très  sinuée,  une  large  côte  grisâtre  aux  ailes  antérieures,  le  thorax 
ayant  un  collier  rouge  brun  et  la  frange  des  ailes  de  môme  couleur, 
les  longues  et  larges  queues  des  ailes  inférieures  courbées  extérieure- 
ment, les  ocelles  des  ailes  supérieures  en  demi-lune,  ceux  des  ailes 
inférieures  circulaires,  de  diamètre  environ  moitié  ;  A.  Phœnix,  Em.  Dey- 
rolle,  du  Brésil  intérieur  {Ann.  Soc.  entom.  de  Belgique,  t.  XII,  p.  257, 
pi.  i),  à  longues  queues  à  demi  enroulées  et  spatulées  au  bout,  avec  le 
fond  des  ailes  d'un  fauve  gai.  Le  sous-genre  Aricia,  Boisd.,  est  celui  des 
Attaciens  le  plus  éloigné  du  type  Attacus  {A.  piri  et  carpini)  par  les 
formes  et  contours  des  taches  vitrées,  et  contient  d'assez  nombreuses 
espèces  offrant  tous  les  degrés  de  variation  pour  les  queues  des  ailes 
inférieures.  L'espèce  la  plus  étrange  de  ce  sous-genre  est  VA.  Semira- 
mis.  Cramer,  de  l'Amérique  méridionale  chaude,  avec  des  queues  de 
longueur  véritablement  démesurée,  ondulées,  terminées  en  spatule, 
VA.  Cleopatra,  Lucas,  du  Brésil  et  de  la  Guyane,  l'.l.  Imperialis,  catal. 
Mus.,  des  mêmes  régions,  ces  deux  espèces  à  queues  moins  démesurées 
que  la  première  ;  les  trois  espèces  sont  voisines,  marbrées  de  fauve  fer- 
rugineux sur  fond  jaunâtre,  et,  dans  ces  trois  espèces,  avec  des  dimen- 
sions différentes,  les  taches  vitrées  des  ailes  ne  sont  pas  arrondies,  mais 
très  irrégulièrement  subpolygonales  ;  il  y  en  a  deux  à  chacune  des  ailes 
supérieures,  une  plus  haut  que  l'autre  et  dédoublée  près  de  la  côte, 


ATTACUS.  553 

une  seule  tache  vitrée  un  peu  trigone  à  chaque  aile  inférieure.  Men- 
tionnons encore,  dans  le  sous-genre  Aricia,  VA.  Caligula,  Lucas,  du 
Brésil  intérieur,  à  queues  très  petites,  l'A.  Boreas,  Cramer,  du  Brésil, 
ayant  très  peu  de  queues,  ainsi  que  l'A.  Orsilochus,  Hubner,  de  la 
Guyane,  enfin  A.  Scijlla,  Cramer,  du  Brésil  intérieur,  espèce  dépourvue 
de  queues;  VA.  Erythrina,  Fabr.  de  la  Vera-Cruz,  de  la  Guyane,  du 
Brésil,  offre  à  peine  un  indice  de  queues  aux  ailes  inférieures,  et 
VA.  Xanthopus,Boisd.,d.e  Bolivie,  n'a  pas  de  queues;  nous  ne  connais- 
sons pas  jusqu'à  présent  à'Attacus  caudataire  en  Australie. 

En  terminant  le  grand  genre  Attacus,  il  convient  de  rappeler,  au 
point  de  vue  séricicole,  des  expériences  faites  autrefois  par  le  chimiste 
Persoz,  sur  le  dévidage  plus  ou  moins  aisé  des  cocons  des  Attaciens.  Il 
a  reconnu  que  les  cocons  des  A.  Cynthia  vera,  Arrindia  et  du  métis  de 
ces  deux  races  ou  espèces  très  voisines  se  dévident  à  la  main,  que 
celui  de  VA.  Aurota  se  dévide  très  bien,  tandis  que  celui  de  VA.  Prome- 
theus  ne  se  dévide  pas,  non  plus  que  celui  du  Grand  Paon  de  nuit,  ou 
A.  piri.  Les  cocons  des  A.  Cecropia  et  ceanothi  sont  très  difficiles  à  dévi- 
der, ainsi  que  celui  de  VA.  Selene;  celui  de  l'A.  Luna  n'a  pu  être  dé- 
vidé; mais  le  cocon  d'A.Mylitta  se  dévide  très  bien;  ceux  des  A.  Pernyi, 
Assamensis  et  Polyphemiis,  bien;  celui  de  VA.  Bauhiniœ  ne  se  dévide  pas. 

HYPERCHIRIA,  Hubner,  Syn.  lo,  BoisduvaL  —  Antennes  des  mâles  pecti- 
nées,  celles  des  femelles  ciliées  ;  spiritrompe  rudimentaire,  impropre  à  la  nutri- 
tion ;  palpes  recouverts  de  poils  écailleux,  avec  le  dernier  article  obtus, 
squameux;  corps  robuste;  ailes  larges,  les  inférieures  toujours  marquées  au 
centre  d'un  œil  assez  grand.  —  Chenilles  cylindroïdes,  munies  de  bouquets  de 
poils  raides  ou  d'épines  hérissées  de  poils  rigides,  implantés  sur  des  tubercules. 
—  Chrysalides  obtuses,  entourées  de  cocons  soyeux  assez  grossiers. 

Le  genre  lo  est  spécial  à  l'Amérique,  et  principalement  à  l'Amé- 
rique méridionale  chaude.  Il  est  nombreux  en  espèces,  car  Boisduval 
en  décrit  soixante  et  onze  {Aperçu  moiiographique  du  genre  lo,  Aim.  Soc. 
entomol.  de  Belgique,  1875,  t.  XVIH,  p.  205,  pi.  iv),  et  il  en  reste  proba- 
blement encore  beaucoup  à  découvrir  dans  les  forêts.  Linnœus  n'a 
connu  aucune  espèce  de  ce  genre;  Sibylle  Mérian  en  a  représenté 
quatre,  avec  leurs  chenilles,  mais  d'une  manière  indéterminable. 
Cramer  en  figure  quatorze,  toutes  de  la  Guyane  hollandaise,  et  Stoll 
donne  les  images  de  six  chenilles  élevées  à  Surinam;  enfin  Fabricius 
{Entomologia  systematica)  établit  les  diagnoses  de  cinq  espèces.  Les  lo 
se  rattachent  aux  Attaciens  par  le  plus  grand  nombre  de  leurs  carac- 
tères, notamment  par  les  antennes  du  mâle  et  de  la  femelle,  par 
l'ocelle  discoïdal  de  l'aile  inférieure,  par  les  chenilles  tuberculeuses  et 
épineuses  ;  mais  ce  genre  a  des  affinités  incontestables  avec  la  tribu  des 
Bombyciens,  par  la  coupe  des  ailes,  surtout  des  supérieures  nullement 
falquées,  par  l'abdomen  plus  gros  et  plus  long  que  chez  les  vrais 


55/i  LÈPIDOPTÈUES. 

Attàcus,  et  surtout  par  ce  fait  qu'au  repos  les  ailes  supérieures  recou- 
vrent les  inférieures;  d'autre  part,  les  lo  ont  comme  une  analogie  avec 
les  Noctuéliens  par  la  constance  des  dessins  des  ailes.  Chez  toutes  les 
espèces,  on  voit  sur  les  ailes  supérieures  une  raie  transversale  en 
dehors  de  la  base,  une  marque  plus  ou  moins  nette  entre  le  milieu  de 
la  côte  et  l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale,  et  toujours  une  raie  ou 
ligne  oblique  partant  du  milieu  du  bord  interne  pour  aller  se  terminer 
plus  ou  moins  près  du  sommet;  dans  toutes  les  espèces  sans  exception, 
il  y  a  sur  le  disque  des  ailes  inférieures  un  œil  arrondi,  suivi  d'une 
raie  semi-circulaire  ;  en  dessous,  les  ailes  supérieures  offrent  un  œil 
correspondant  à  la  marque  du  dessus;  les  secondes  ailes,  au  contraire, 
n'ont  ordinairement  qu'un  point  central,  correspondant  à  l'œil  de  la  face 
opposée.  Les  chenilles  de  ces  Lépidoptères,  au  moins  celles  sur  les- 
quelles nous  avons  des  renseignements  certains,  sont  communes,  très 
faciles  à  élever,  et  vivent  en  société  dans  leur  jeunesse  sur  différents 
arbres  et  arbustes.  Au  rapport  de  divers  observateurs  qui  les  ont  éle- 
vées, on  ne  doit  les  toucher  qu'avec  précaution,  car  les  poils  dont  elles 
sont  hérissées  déterminent  aux  mains  des  cuissons  beaucoup  plus  fortes 
que  celles  que  font  éprouver  les  orties.  Il  est  probable  qu'il  se  produit 
là  un  fait  analogue  à  celui  des  chenilles  urticantes  de  notre  pays,  les 
Processionnaires  du  chêne  et  du  pin,  et,  à  un  degré  moindre,  la  Chry- 
sorrhée.  Ce  ne  sont  pas  les  poils  détachés  qui  se  fixent  dans  la  peau  et 
causent  les  rougeurs  et  démangeaisons.  L'urticalion  n'est  nullement  un 
fait  général  aux  chenilles  poilues,  et  tous  les  entomologistes  savent 
qu'on  peut  toucher  impunément  les  chenilles  de  beaucoup  de  Bomby- 
ciens,  comme  celles  de  Bombyx  quercus  et  rubi,  celles  des  Chelonia,  etc. 
D'après  M.  Goossens,  la  cause  des  éruptions  cutanées  produites  par  les 
chenilles  urticantes  provient  de  certaines  glandes  qui,  au  moment  où 
la  chenille  est  inquiétée,  sécrètent  une  sorte  de  Uquide  séchant  à  l'air 
presque  immédiatement,  et  se  transformant  en  une  poudre  impalpable 
et  corrosive  que  le  vent  emporte,  et  qui  cause  les  irritations  à  la  peau; 
les  chenilles,  même  séchées  depuis  longtemps,  qui  ont  cette  propriété, 
offrent  encore  du  danger,  car  la  poussière  urticante  reste  en  partie  fixée 
après  les  poils.  Ces  chenilles  des  lo  se  métamorphosent  dans  une  coque 
de  soie,  fixée  ordinairement  entre  les  feuilles  dont  elles  se  sont  nourries. 
Les  espèces  des/o  sont  plus  localisées  que  beaucoup  d'autres  Attaciens; 
ainsi  celles  du  Brésil  se  retrouvent  assez  rarement  à  Cayenne  et  à  Suri- 
nam; celles  de  la  Colombie  et  du  Mexique  sont  localisées  aussi. 

Nous  avons  cité  ce  genre,  qui  terminera  les  Attaciens,  à  cause  d'une 
espèce  qui  a  été  élevée  en  France  à  plusieurs  reprises  par  divers  ama- 
teurs. C'est  VH.  lo,  Fabr.,  non  Cramer,  ou  lo  Fabricii,  Boisd.,  décrite 
et  figurée  par  Smith-Abbot,  dans  ses  Lépidoptères  de  la  Géorgie  (États- 
Unis  du  Sud).  Le  mule,  d'une  envergure  de  60  centimètres  environ,  a 
les  antennes  jaunes,  fortement  bipectinées,  les  ailes  des  deux  paires  à 
fond  d'un  jaune  d'ocre  clair,  avec  les  dessins  d'un  gris  rosé  plus  ou 


ATTACUS.  555 

moins  foncé,  la  raie  extra-basilaire  obsolète,  une  marque  de  six  points, 
trois  de  chaque  côté,  entre  la  côte  et  la  cellule  discoïdale,  la  ligne 
ordinaire  sinuée  se  terminant  assez  loin  de  la  pointe  apicale  ;  sur  le 
disque  des  ailes  inférieures  seulement  se  trouve  un  œil  circulaire  noir, 
à  pupille  blanche  en  forme  de  lunule  et  à  iris  d'un  gris  bleuâtre,  en- 
touré à  distance  d'une  demi-circonférence  sinueuse  noire  et  d'une 
seconde,  d'un  gris  rosé,  plus  externe,  le  bord  anal  de  ces  ailes  infé- 
rieures couvert  de  poils  d'un  rouge  violacé.  La  femelle,  notablement 
plus  grande  que  le  mâle,  a  les  antennes  presque  filiformes,  les  ailes 
inférieures  pareilles  à  celles  du  mâle,  d'un  ton  affaibli  pour  le  rouge, 
les  ailes  supérieures  non  jaunes  pour  le  fond,  mais  de  couleur  lie  de 
vin,  avec  les  macules  en  zigzag  d'un  gris  jaunâtre.  Le  corselet  est  jaune 
chez  le  mâle,  ferrugineux  chez  la  femelle,  l'abdomen  jaune  dans  le 
mâle,  d'un  jaune  roussâtre  pour  la  femelle.  L'œuf  ellipsoïde  de  cette 
espèce  est  blanc,  avec  une  petite  tache  micropylaire  à  un  des  pôles, 
par  où  sortira  la  chenille.  Ce  point,  à  l'approche  de  l'éclosion,  devient 
de  plus  en  plus  foncé,  et  la  couleur  blanche  de  l'œuf  prend  une  teinte 
opaline,  laissant  presque  voir  le  ver  sous  la  coque.  La  chenille,  en 
naissant,  est  d'un  jaune  d'ocre  foncé  et  parsemée  de  petits  poils  noirs; 
sa  tête  est  noire  et  luisante.  Aux  diverses  mues,  les  teintes  vont  du 
jaune  d'ocre  au  gris  noirâtre,  et,  après  la  dernière  mue,  la  chenille 
est  d'un  joli  vert  pomme,  avec  quatre  petits  bouquets  de  poils  raides  et 
noirs  par  chaque  anneau,  la  tête  verte,  avec  une  petite  lâche  noire,  les 
pattes  écailleuses  d'un  brun  rouge;  au  premier  anneau  de  l'abdomen 
commence,  au-dessus  des  pattes,  une  ligne  d'un  brun  rougeâtre,  bordée 
de  blanc  inférieurement.  Le  cocon  est  médiocrement  fourni  d'une  soie 
d'un  brun  grisâtre  et  assez  grossière,  et  revêtu  extérieurement  de  débris 
de  mousse  ou  de  feuilles. 

D'après  cela,  il  n'y  a  pas  à  rechercher  en  France  l'introduction  de 
cette  espèce,  dont  l'éducation  n'est  qu'une  curiosité  entomologique. 
Elle  a  été  faite  plusieurs  fois  par  Boisduval,  avec  des  feuilles  de  pom- 
mier et  de  prunier,  et  les  papillons,  sortis  des  cocons  en  août,  ne  se  sont 
pas  accouplés.  En  1879,  M.  Charles  Bureau,  qui  avait  reçu  vingt-cinq 
œufs  de  M.  A.  Wailly,  de  Londres,  a  obtenu  à  Arras  vingt-cinq  chenilles 
et  vingt-cinq  cocons.  L'éducation  de  cette  espèce  polyphage  a  eu  lieu 
à  la  chambre,  de  22  à  26  degrés,  vu  la  saison  déjà  avancée,  et  sur 
branches  coupées  et  conservées  dans  l'eau  de  prunier  sauvage  à  mira- 
belles ;  l'élevage  jusqu'au  cocon  a  duré  du  16  août  au  12  octobre,  les 
chenilles  à  tous  leurs  âges  vivant  en  famille  sous  les  feuilles  qu'elles 
mangent,  en  restant  les  unes  contre  les  autres,  ne  se  séparant  un  peu 
qu'après  la  dernière  mue.  M.  Bureau  a  vu  que  leur  contact  pique 
comme  celui  des  orties,  d'une  manière  peu  appréciable,  jusqu'au  troi- 
sième âge;  mais,  au  dernier  âge  surtout,  quelques  personnes  ont  con- 
servé pendant  plusieurs  jours  des  ampoules  douloureuses.  Au  moment 
de  filer  les  cocons,  les  chenilles  sont  descendues  des  branches  feuillées 


556  LÉPIDOPTÈRES. 

qui  leur  servaient  de  nourriture,  et  ont  cherché  sur  la  terre  des  places 
propices,  en  rassemblant  des  feuilles  sèches  et  des  brindilles  de  mousse 
auxquelles  elles  attachaient  les  premiers  fils  de  la  coque;  elles  se  sont 
métamorphosées  l'une  contre  l'autre,  comme  si  elles  conservaient 
encore  la  tradition  de  leur  ancienne  existence  sociale;  les  papillons 
sont  éclos  vers  le  milieu  du  printemps  de  1880. 

Nous  devons  faire  connaître  qu'en  mai  1881,  M.  A.  Wailly,  de  Londres, 
a  envoyé  à  Paris  des  œufs  hybrides  des  A.  Pernyi  et  Roylei,  deux  espèces 
du  chêne. 

uibiiographio  des  Attaciens.  —  Nous  indiquerons  les  principaux 
travaux  et  les  plus  récents  publiés  sur  les  Attaciens  séricigènes,  et 
surtout  ceux  en  langue  française.  La  plus  grande  partie  se  trouvent 
dans  les  Bulletins  de  la  Société  d'acclimatation.  Nous  commençons 
par  eux. 

§  I.  —  Bulletins  de  la  Société  d'acclimatation. 

185Zi.  —  Hardy,  Naturalisation  du  Ver  à  soie  du  ricin  en  Algérie.  — 
E.  Blanchard,  Accliinatalion  des  Bombyx  qui  produisent  de  la  soie  {parti- 
culièrement  Cecropia,  Luna,  Polyphemus),  p.  Zil5. 

1855.  —  E.  Cornalia,  Sur  la  structure  du  cocon  de  la  Saturnia  (Attacus) 
Cynthia,  p.  211.  —  Chavannes,  Note  sur  les  Vers  à  soie  sauvages  de  la 
Chine,  p.  133;  Mémoire  sur  les  Satur nies  séri gènes  qu'il  serait  convenable 
d'introduire  en  France,  p.  36û.  —  Hardy,  Essai  de  dévidage  des  cocons  du 
B.  Cynthia;  Mémoire  sur  la  valeur  industrielle  du  B.  Cynthia  {ancien 
nom),  p.  Zi29.  —  W.  Payter,  Filature  de  la  soie  du  Ver  du  ricin  au  5en- 
gale,  p.  Zi08. 

185G.  —  Mëf  Verrolles,  Sur  le  Ver  à  soie  sauvage  du  chêne  de  Mand- 
chourie,  p.  3ZiO.  —  Guérin-Méneville,  Note  sur  les  éducations  du  Bombyx 
(Attacus)  Mylitta,  p.  356.  —  D'  Chavannes,  Sur  les  éducations  du  Bombyx 
Mylitta /'aîïes  en  Suisse.  Février  (et  aussi  mai  1857,  avril  1860,  mars  1861). 

1857.  —  Isidore  Geoffroy  Saint-Hilaire,  Sur  quelques  résultats  obtenus 
à  l'égard  du  Ver  à  soie  du  ricin.  Octobre. 

1858.  —  Vallée,  Notes  sur  les  éducations  des  Vers  à  soie  faites  avec  le 
chardon  à  foulon,  p.  211.  —  M^''  Perny,  Monographie  du  Ver  à  soie  du 
chêne  de  la  Chine,  p.  317.  —  Perrottet,  Sur  une  éducation  de  Vers  à  soie 
(B.  3Iylitta),  faite  à  Pondichéry,  p.  Zi85. 

1860.  —  P.  Jouen,  Notes  sur  diverses  espèces  de  Vers  à  soie  de  Mada- 
gascar. Novembre. 

1861.  —  A.  Duméril,  Note  sur  l'éducation  d'un  Ver  à  soie  sauvage  du 
Jupon,  élevé  avec  des  feuilles  de  chêne  par  M.  Vallée.  Juillet.  —  Guérin- 
Méneville,  Sur  le  Ver  à  soie  sauvage  Yama-maï.  Juillet.  —  L.  Maurice, 
Sur  une  éducation  de  Vers  à  soie  de  l'ailante  faite  avec  des  feuilles  de 
sumac.  Octobre. 

1862.  —  F,  Jacquemart,  Tentatives  d'éducation  du  Ver  à  soie  sauvage 


ATTAGUS.  557 

du  chêne  de  la  Chine.  Février.  —  E.  Simon,  Sur  une  nouvelle  race  de 
Ver  à  soie,  dite  Yama-maï  ou  Ver  à  soie  du  chêne  des  montagnes.  Juillet. 
—  Guérin-Méneville,  Du  Ver  à  soie  de  l'ailante  à  l'étranger  et  éducation 
du  Ver  à  soie  du  ricin.  —  De  Milly,  Éducation  de  Vers  à  soie  de  l'ailante 
dans  les  Landes.  Juin  1862  et  avril  1863. 

1863.  —  Pompe-van-Meert-der-Woort,  Sur  l'éducation  du  Ver  à  soie 
du  chêne,  ou  Yama-maï  du  Japon,  janvier,  et  sur  ses  œufs.  Octobre.  — 
Cottle,  Sur  les  Vers  à  soie  de  l'Amérique  du  Nord.  Avril.  —  Lawson  (M™"), 
Sur  le  Ver  à  soie  canadien  (B.  Cecropia).  Novembre.  —  Guérin-Méne- 
ville, Sur  les  progrès  de  l'acclimatation  du  Ver  à  soie  du  chêne  (Yama- 
maï).  Juillet.  —  F.  Jacquemart,  Rapport  sur  les  tentatives  faites  pour 
l'introduction  en  France  du  Ver  à  soie  du  chêne  de  Chine  (A.  Pernyi). 
Juillet.  —  J.  Pinçon,  Éducation  du  Bombyx  Yama-maï  au  Jardin 
d'acclimatation.  Juillet.  —  Chavannes,  Éducation  du  Bombyx  Yama- 
maï.  Octobre.  Modification  à  apporter  aux  éducations  du  B.  Cynthia. 
Décembre. 

1864.  —  F.  Jacquemart,  Rapport  sur  trente  éducations  de  Ver  à  soie 
du  chêne  du  Japon,  p.  81.  —  J.  Pinçon,  La  pébrine  observée  chez  les 
Yama-maï,  p.  3Zil.  —  F.  Blekman,  Sur  la  culture  du  Ver  à  soie  sauvage 
Yama-maï  au  Japon,  p.  522  et  592. 

'  1865.  —  Pompe-van-Meert-der-VVoort,  Notice  sur  l'éducation  du  Ver  à 
soie  du  chêne  ou  Yama-maï  du  Japon,  p.  21;  Notices  sur  la  conservation 
et  la  culture  des  œufs  de  Vers  à  soie  sauvages  du  Japon,  p.  606.  —  Guérin- 
Méneville,  Sur  les  progrès  de  f acclimatation  du  Ver  à  soie  du  chêne 
(B.  Yama-maï),  p.  428.  —  Fr.  Jacquemart,  Rapport  sur  les  tentatives 
faites  par  l'introduction  en  France  du  Ver  à  soie  du  chêne  de  Chine 
(B.  Pernyi),  p.  Zi30.  —  J.  Pinçon,  Éducation  du  B.  Yama-maï  au  Jardin 
d'acclimatation,  p.  Zi36.  —  E.  Simon,  Notice  sur  le  Ver  à  soie  du 
chêne  de  Chine,  p.  600.  —  A.  Chavannes,  Éducation  du  B.  Yama-maï, 
p.  609. 

1867.  —  G.  Personnat,  Rapport  sur  ses  éducations  du  B.  Yama-maï  en 
1866,  p.  85.  —  Taylor  Meadows,  Production  de  la  soie  et  éducation  du 
Ver  à  soie  du  chêne  dans  le  nord  de  la  Chine,  p.  201.  —  Am.  Ligounhe, 
Note  sur  des  éducations  du  B.  Y'ama-maï,  p.  333.  —  De  Saulcy,  Éduca- 
tions de  Vers  à  soie  du  mûrier  et  du  chêne  faites  à  Metz  en  1867, 
p.  58/i. 

1869.  —  C'^  J.  Taverna,  Éducations  de  B.  Yama-maï,  p.  680. 

1870.  —  C'^  G.  de  Montebello,  Notes  sur  les  Vers  à  soie  Yama-maï, 
p.  150. 

1872.  —  Guérin-Méneville  et  Maurice  Girard,  Instructions  et  questions 
relatives  aux  Vers  à  soie  du  mûrier  et  du  chêne,  p.  i33.  —  B.  Comba  et 
G.  Baraldi,  Expériences  faites  sur  le  B.  Pernyi  dans  le  parc  royal  de  la 
Mandria,  p.  705. 

1873.  —  E.  de  Saulcy,  Observations  sur  l'acclimatation  du  Ver  à  soie 
du  chêne  du   Japon,  p.  125;    Note    sur    l'éclosion  des  Vers  Yama-maï 


558  LÉPIDOPTÈRES. 

en  1873,  p.  Zi75.  —  A.  Draine  et  Maurice  Girard,  TAttacus  Allas,  le 
géant  des  papillons,  son  éducation  en  France,  son  histoire,  son  habitat. 
Juin. 

iSlU.  —  E.  de  Saulcy,  Observations  sur  l'éducation  de  TAttacus  Yama- 
maï  en  1873,  p.  106;  Éducation  de  l'A.  Yama-mali  faite  à  Metz  en  187Zi, 
p.  (J72.  —  F.  A.  Bigot,  Éducations  d'A.  Yama-maï  faites  à  Pantoise  de 
1870  à  1873,  p.  28Zi.  —  Maurice  Girard,  le  Ver  à  soie  brésilien;  Notice 
entomologique  sur  l'A.  Aurota,  Cramer,  et  son  éducation,  suivie  d'une 
note  sur  le  dévidage  de  ses  cocons,  par  le  D''  Forgemol.  Mars.  —  W.  Cari 
Berg,  Acclimatation  de  T  Anthère  a  Yama-maï  dans  les  provinces  bal- 
tiques,  p.  Zi69.  —  E.  Mongrand,  Dewûî  éducations  d'A.  Yama-maï  faites  en 
1873  et  187Zi,  p.  699.  —  A.  Wailly,  Éducation  de  l'A.  Yama-maï  à  Londres 
en  187Zi,  p.  738. 

1875.  —  Berce,  Notice  sur  les  éducations  d'un  Bombxjcien  séricigéne, 
métis  des  A.  Yama-maï  et  Pernyi,  p.  ZiO.  —  F.  A.  Bigot,  Éducations 
d'A.  Yama-maï  faites  à  Pontoise  en  187/4,  p.  100;  Éducation  de  métis 
d'A.  Yama-maï  et  Pernyi  faite  en  187Zi,  p.  172.  —  De  Amezaga,  Educa- 
tions d'A.  Yama-maï  faites  en  Espagne  pendant  les  campagnes  1871  à 
1874,  p.  217.  —  Christian  Le  Doux,  Les  Vers  à  soie  du  chêne  du  Japon 
et  de  la  Chine  dans  la  Lozère;"^.  391. 

1876.  —  Christian  Le  Doux,  Quelques  mots  sur  les  Vers  à  soie  du  chénk, 
p.  585. —  Raveret-Wattel,  ^ducaizon  de  l'A.  Yama-maï  au  Japon,  p.  711. 
—  J,  Odstreil  et  Maurice  Girard,  Éducations  d'A.  Yama-maï  et  note  sur 
les  variations  de  cette  espèce,  p.  8Zi7. 

1877.  —  A.  Wailly,  Éducations  de  divers  Bombyciens  séricigènes  faites 
à  Londres  en  1875,  p.  9.  —  F.  A.  Bigot,  Éducations  de  diverses  espèces  de 
Vers  à  soie  faites  à  Pontoise  en  1875,  p.  105.  —  De  Saulcy,  Éducations 
d'A.  Yama-maï  faites  à  Metz  en  1875  et  1876,  p.  Zi28.  —  Gorry-Bouteau, 
Éducation  d'A.  Yama-maï,  p.  528.  —  A.  Bernard,  Notice  sur  l'A.  Yama- 
maï  ou  Ver  à  soie  du  chêne  du  Japon,  p.  6Zil. 

1878.  —  J.  A.  Bonafé,  RapprM  sur  les  éducations  d'A.  Yama-maï  faites 
a  Alia,  province  de  Cacerès  (Espagne),  p.  29.  —  Morin,  Rapport  sur  les 
éducations  d'A.  Yama-maï  faites  à  Guadalupe,  province  de  Cacerès 
(Espagne,  p.  kO. 

1879.  —  A.  Clément,  Note  pour  servir  à  l'histoire  d'un  Bombycien 
séricigéne,  Hyalophora  Cecropia,  Linn.,  de  l'Amérique  septentrionale 
{États-Unis),  élevé  à  Paris  en  1878.  Février.  —  F.  P.  de  Nueros,  Relation 
des  expériences  faites  en  Espagne  pour  élever  à  l'air  libre  les  A.  Pernyi  et 
Yama-maï,  p.  226.  ^-  J.  B.  Huin,  Observations  sur  la  rusticité  de 
l'A.  Yama-maï,  p.  571. 

1880.  —  J.  Fallou,  Tentative  d'une  éducation  en  plein  air  des  A.  Pernyi 
et  Cecropia,  p.  7.  —  Ch.  Bureau,  Éducations  d'A.  Prometheus,  p.  3/i5; 
Une  éducation  de  /'Hyperchiria  lo  en  1879,  p.  Zil2.  —  A.  "Wailly,  Rapport 
sur  divers  Bombyciens  séricigènes  (principalement  A.  Mylitta),  p.  529.  — 
A.   Clément,   Éducations   de  Bombyciens  séricigènes  (Actias  Selene  et 


ATIACUS.  559 

Attacus  Cecropia),  p.  629.  —  J.  Fallou,  Éducation  de  divers  Lépidoptères 
séricigènes,  p.  716. 

1881.  —  De  Amézaga,  Éducation  du  Ver  à  soie  du  chêne  (A.  Yama- 
maï)  en  1878,  p.  9.  —  Veuve  Simon  et  fils,  Éducations  rf'A.  Yama-maï  et 
Pernyi  faites  en  Belgique  en  1879  et  filature  de  la  soie  du  chêne,  p.  113. 

§  II.  —  Ouvrages  divers. 

Lamare-Piquot,  Mémoire  sur  l'A..  Mylitta,  présenté  à  l'académie  des 
sciences  en  1831,  imprimé  ensuite  par  extrait  dans  le  cahier  de  mai  du 
Bulletin  des  sciences  agricoles  et  économiques  de  Férussac.  —  Loiseleur- 
Deslongchamps,  Nouvelles  considérations  sur  les  Vers  à  soie,  avec  figures 
{Ann.  de  l'agric.  française,  1838),  et  tirage  à  part  chez  Huzard,  1839, 
p.  119  et  suiv.  Ce  dernier  travail  mentionne,  outre  le  Mylitta,  un  Ver 
à  soie  du  Bengale,  connu  sous  le  nom  de  Koler-poka,  à  cocon  pédicule, 
moitié  plus  petit  que  celui  du  Mijlitta  et  sans  anneau.  —  Helfer,  Sur 
les  Vers  à  soie  indigènes  de  l'Inde  (trad.)  {Ann.  des  se.  natur.,  2^  série, 
Zool.,  1839,  t.  XI,  p.  142.  —  Hugon,  Observations  sur  les  Vers  à  soie  et 
sur  les  soies  de  la  province  d'Assam  (trad.),  op.  cit.,  même  vol.,  p.  145. 
Dans  ces  deux  mémoires,  fort  confus,  se  trouvent  d'intéressants  détails 
sur  le  Ver  à  soie  Mooga  (A.  Assamensis).  —  V.  Audouin,  Éducation  de 
l'A.  Cecropia  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  18/iO,  p.  96).  — 
H.  Lucas,  Sur  l'A.  Cecropia  {Bull,  de  la  Soc.  entom.  de  France,  18Zi5. 
p.  51,  60,  73,  8li).  —  E.  Blanchard,  De  l'acclimatation  de  divers  Bombyx 
qui  produisent  de  la  soie  {Comptes  rendus  de  VAcad.  des  sciences,  18Zi9, 
décembre,  p.  670).  —  P.  Millière,  Éducation  de  l'A.  Cecropia  {Ann.  de  la 
Soc.  entom.  de  France,  1851,  Bull.,  p.  6Z|).  —  J.  0.  Westwood,  Monograph 
of  the  large  African  species  of  Nocturnal  Lepidoptera  belonging  or  allied 
to  the  Genus  Saturnia  {Zool.  Soc.  Proceed.,  t.  XVII,  18/i9,  p.  33-66; 
Descriptions  ofsome  new  species  of  exotic  Moths  belonging  or  allied  lo  the 
Genus  Saturnia  {Zool.  Soc.  Proceed.,  t.  XXI,  1853,  p.  157-167). —  Guérin- 
Méneville,  Essai  sur  les  Lépidoptères  du  genre  Bombyx  (extrait  de 
V Encyclopédie  moderne,  t.  VI,  p.M8  à  à82, 1847).  Cet  article  traite  princi- 
palement de?i  Attacus  Atlas,  Arrindia  (Ver  à  soie  du  ricin),  Mylitta,  Assa- 
mensis, Cecropia,  enfin  du  Sericaria  mori,  avec  de  nombreux  détails 
historiques  sur  cette  dernière  espèce  et  une  bibliographie  importante; 
Éducation  des  Vers  à  soie  de  l'ailante  et  du  ricin  et  culture  des  végétaux 
qui  les  nourrissent,  in-12,  Paris,  1860,  Bouchard-Huzard  ;  Rapport  à 
S.  M.  l'Empereur  sur  les  travaux  entrepris  par  ses  ordres  pour  introduire 
le  Ver  à  soie  de  l'Aylanthe  {sic)  en  France  et  en  Algérie,  Imprimerie 
impériale,  Paris,  1860  ;  Sur  le  Ver  à  soie  du  chêne  et  son  introduction  en 
Europe  {Rev.  et  Magas.  de  zool.,  n°  6,  1855,  p.  292,  pi.  vi).  Il  s'agit,  dans 
ce  mémoire,  des  A.  Permji  et  Mylitta;  Description  d'un  nouveau  Ver  à 
soie  du  chêne  (Yama-maï)  provenant  du  Japon  {Rev.  et  Magas,  de  zool., 
1861;  Nouveaux  Vers  à  soie  {Rev.  et  Mag.  de  zool.,  sept.  1862)  ;  le  mémoire 


560  LÉPIDOPTÈRES. 

traite  de  VA.  Insularis;  Flottes  de  soie  grège  des  cocons  du  Ver  à  soie  de 
Vailante  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  février  1863,  p.  36Zi)  ; 
Sur  l'introduction  d'une  quatrième  espèce  de  Ver  à  soie  du  chêne  (A.  Roylei) 
{Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  avril  186i,  p.  742)  ;  Sur  la  Saturnia 
(Attacus)  Perrottetti  (Magas.  de  zooL,  2^  série,  1843,  t.  V,  Insectes, 
pi.  C5XIII.  —  Is.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  Acclimatation  et  domestication 
des  animaux  utiles,  Paris,  1861,  Librairie  agricole,  p.  Zi36  et  suiv.  — 
D''  Rouclier,  Sur  l'industrie  de  la  soie  en  Algérie  et  sur  le  Ver  à  soie  du 
Vernis  du  Japon  (journal  VAkhbar  du  29  septembre  1859).  —  T.  Horsfield 
et  F.  Moore,  Catalogue  on  the  Lepidopterous  insects  in  the  Muséum  of 
natural  Histortj  at  the  East-India  House,  London,  1858-1859.  Il  y  a  quel- 
ques indications  sur  les  premiers  états  de  l'A.  Atlas,  t.  II,  p.  Zi05,  et 
pi.  XX,  fig.  2  :  chenille,  2  a,  cocon.  —  D''  Forgemol,  Notice  sur  la  cul- 
ture en  grand  de  Vailante,  en  vue  de  l'éducation  du  Bombyx  Cynthia,  etc.  ; 
Découverte  d'un  nouveau  procédé  de  dévidage  en  soie  grège  des  cocons 
ouverts;  Concours  régional  de  Melun  (broch.  autograph.).  —  Henri  Givelet, 
Culture  de  Vailante  et  éducation  du  B.  Cynthia  (extrait  de  la  Revue  de 
séricic.  comparée,  1864,  n°  10;  VAilante  et  son  Bombyx,  1  vol.  in-S",  avec 
plans  et  14  grav.  coloriées  d'après  nature,  Paris,  Librairie  agricole  (sans 
date).  —  Camille  Personnat;  Conférence  sur  le  Ver  à  soie  du  chêne 
(B.  Yama-maï)  faite  au  Palais  de  Vlndustrie,  à  Parts,  le  28  aoiU  1865, 
br.  in-8*,  avec  3  planches  bistres,  Librairie  agricole,  1866;  le  Ver  à  soie 
du  chêne  (B.  Xama-maa),  histoire,  description,  mœurs,  éducation,  produits, 
1  vol.  in-8°,  1866,  3'  édit.,  avec  3  pi.  col.,  Paris,  Librairie  agricole.  — 
Al.  Wallace,  Ailanthiculture  ;  or  the  Prospect  of  a  new  English  Industry 
{Trans.  Entom.  Soc.  of  London,  1865-67,  p.  185);  On  the  oak  feeding 
Silkivorm  from  Japan,  Bombyx  Yama-maï,  G.  Mén.,  p.  355-428;  On 
some  variations  observed  in  Bombyx  Cynthia,  in  1866,  p.  485-492.  — 
Captain  T.  Hutton,  On  the  Reversion  and  Restoration  of  the  Silkworm 
{Trans.  of  the  Entom.  Soc.  of  London,  t.  lll,  3«  série,  1864-1869,  p.  143, 
et  (part.  2)  With  distinctive  Characters  of  Eighteen  Species  of  Silk  pro- 
ducing  Bombycidœ,  p.  295).  —  Captain  J.  Mitchell,  Remarques  sur  le  pré- 
cédent mémoire  de  Hutton  {ibid.,  p.  443).  —  Fr.  Moore,  Papillons  asia- 
tiques producteurs  de  soie  {Trans.  Entom.  Soc.  of  London,  t.  I,  3^  série, 
d862-1864,  p.  313). —J.  Wullschlegel,  Sur  Saturnia  Cynthia  et  ses 
hybrides  (en  allemand)  {Ann.  de  la  Soc.  entomol.  suisse,  1871,  p.  327).  — 
3.  Geoghegain,  Some  accountofSilkinlndia,especiallyofihevariousattempts 
to  encourage  and  extend  Sériciculture  in  that  Country,  Calcutta,  1872, 
office  of  the  superintendent  of  Government  printing.  —  P.  Millière, 
Attacus  Pernyi,  Iconogr.  et  descript.  de  chenilles  et  Lépidoptères  iné- 
dits {Ann.  Soc.  Linnéenne  de  Lyon,  avec  1  pi.  col.).  —  Alfred  Wailly,  de 
Londres,  Notes  of  certain  Silk-producing  Bombyces  {the  Entomologist, 
décembre  1878,  p.  263;  Silk-producing  Bombyces  {Journal  of  the  Society 
of  Arts,  août  1879,  p.  813).—  Ph.  H.  Gosse,  The  great  Atlas,  Moth  ofAsia 
{A.  Atlas,  Linn.),  avec  pi.  col.,  Londres,  br.  in-8°,  1879.  —  G.  A.  Poujade, 


URANIENS.  561 

Observations  sur  les  métamorphoses  de  l'A.  Atlas  (Ann.  Soc.  entom.  Fr., 
1880,  p.  183,  avec  pi.  col.).  —  A.  L.  Clément,  Note  pour  servir  à  l'his- 
toire du  Bombyx  (Actias)  Selene,  avec  fig.  (/Inn.  Soc.  entom.  Fr.,  1880, 
p.  161).  — Iluin,  Instruction  pour  l'éducation  de  l'A..  Pernyi,  G.  Mén. 
{Bull.  d'Insectologie  agricole,  1880,  p.  173). 


Tribu  des  URAMIEMS. 

Les  Uraniens  constituent  un  groupe  de  position  très  controversée  et 
dont  nous  rapprocherons  toutes  les  espèces  en  réunissant  ensemble  les 
Cydimoniens  et  les  Uraniens  de  M.  E.  Blanchard,  d'après  les  analogies 
incontestables  et  reconnues  de  tous  qui  existent  pour  les  adultes  et  en 
laissant  de  côté  une  chenille  fort  douteuse  du  Rhipheus.  En  adoptant 
les  idées  de  M.  P.  Mabille,  et  d'après  la  nervulation,  le  corps,  les  pulpes 
et  les  pattes,  nous  placerons  cette  tribu  dans  le  voisinage  des  Noctué- 
liens,  formant  un  rameau  singulier  qui  part  à  la  fois  des  Attaciens  et 
des  Phalémiens  réunis  pour  se  rapprocher  du  type  Erebus,  des  Noc- 
tuelles. C'est  sans  doute  à  cause  du  vol  diurne  des  splendides  espèces 
de  ce  groupe  que  M.  E.  Blanchard  les  met  à  la  suite  des  Hespériens  et 
termine  par  eux  ses  Achalinoptères,  bien  que  ses  Cydimoniens,  de  même 
que  ses  Uraniens  n'aient  pas  de  frein  aux  ailes  inférieures,  et  que  les 
antennes  sans  renflements  ou  à  peu  près  soient  aucunement  celles  d'un 
Diurne,  même  d'un  Hespérien.  Les  chenilles  authentiques  de  cette 
tribu  n'ont  pas  le  cou  étranglé  des  chenilles  des  Hespériens,  et  si  la 
chrysalide  est  renfermée,  à  la  façon  de  celle  des  Hespériens,   dans  une 
coque  lâche,  filée  entre  les  feuilles,  il  ne  faut  pas  oublier  que  ce  mode 
de  chrysalidation  a  peu  d'importance.  D'une  part,  outre  les  Hespériens, 
il  y  a  les  Parnassiens,  autres  Diurnes,  qui  le  présentent,  et,  d'autre 
part,  c'est  celui  des  Ennomos  et  de  beaucoup  d'autres  Phaléniens.  La 
nervulation  et  les  antennes  sétacées  des  Uraniens  les  rapprochent  sur- 
tout des  Phaléniens,  notamment  des  Urapieryx  ;  il  en  est  de  même  de 
l'absence  des  slemmates  et  des  taches  typiques  orbiculaire  et  réniforme, 
ce  qui  les  éloigne  des  Noctuéliens  ;  mais  les  palpes  sont  ceux  des  Erebus 
et  les  pattes  celles  des  Noctuelles.  C'est  abusivement,  dit  Guenée,  que 
le  crochet  qui  termine  souvent  les  antennes  a  été  comparé  à  celui  des 
Hespéries;  il  se  borne  à  une  légère  flexion  au  heu  de  représenter  une 
épine  implantée  sur  une  massue,  et  si  quelques  Uraniens  ont  les  an- 
tennes très  légèrement  renflées  près  du  sommet,  la  plupart  les  offrent 
décroissantes  en  diamètre  de  la  base  au  sommet.  Peut-être  le  crochet 
terminal  est-il  dû  à  la  dessiccation.  Les  queues  des  ailes  tendraient  à  un 
rapprochement  avec  les  Papilioniens,  ainsi  que  le  vol  diurne  ;  mais 
nous  savons  combien  le  fait  d'un  vol  diurne  ou  crépusculaire  est  sans 
valeur,  et  l'on  trouve  également  des  queues  aux  ailes  inférieures  dans 
GiiiAHD.  m.  —  36 


562  LÉPIDOPTÈRES. 

les  Attaciens  {Actias,  Aricia)  et  dans  les  Urapteryx  (Phaléniens).  M.  P. 
Mabille  a  fait  valoir  un  caractère  qui  rend  les  Crâniens  voisins  des 
Nocluéliens,  surtout  du  genre  Erebus.  L'œuf,  sauf  peu  d'exceptions,  a 
une  forme  semblable  dans  chaque  grande  division  des  Lépidoptères.  11 
est  sphérique  et  lisse  chez  les  Attaciens,  en  bassin  et  lisse  chez  les 
Phaléniens,  ovoïde  ou  sphéroïde  et  Usse  dans  les  Chélonides  et  Agaris- 
tides.  Dans  les  Noctuelles  il  est  conique,  à  côtes  plus  ou  moins  accusées, 
quelquefois  rond  et  imitant  un  Oursin.  Or,  l'œuf  de  VUrania  Rhipheus 
est  un  cône  un  peu  allongé,  évidé  en  dessous  et  pourvu  de  quatorze  ou 
quinze  côtes  peu  saillantes.  Toute  cette  discussion  nous  démontre  une 
fois  de  plus,  pour  les  Uraniens  comme  ailleurs,  que  la  nature  n'a  pas 
fait  de  classificalions  et  que  les  classifications  naturelles  rentrent  dans 
les  utopies  approximatives. 

Nous  donnerons  aux  Uraniens  les  caractères  suivants  :  papillons  de 
grande  taille,  à  antennes  sans  ciliation,  minces,  sétacées,  très  rappro- 
chées à  leur  insertion,  souvent  un  peu  renflées  au  bout  et  avec  un  léger 
crochet  terminal;  tête  large  ou  petite,  avec  les  yeux  très  gros  et  très 
saillants,  le  front  très  étroit  et  sans  stemmates  ;  spiritrompe  bien  déve- 
loppée et  bien  roulée,  lisse,  robuste,  à  filets  tendant  à  se  disjoindre; 
palpes  divergents,  avec  le  dernier  article  presque  toujours  nu,  filiforme 
et  plus  ou  moins  coudé  sur  le  précédent  ;  corps  robuste,  velu  en  dessous, 
le  thorax  très  large,  rayé  longitudinalement,  l'abdomen  n'atteignant  pas 
l'angle  anal  des  ailes  inférieures;  ailes  très  développées,  épaisses,  ve- 
loutées, les  supérieures  entières,  triangulaires,  avec  la  nervure  sous- 
médiane  garnie  de  poils  en  dessous,  offrant  à  la  base,  sous  la  nervure 
médiane,  un  bourrelet  velu,  n'ayant  pas  de  crin  pour  recevoir  un  frein 
qui  manque  aux  ailes  inférieures;  celles-ci  dentées,  allongées  dans  le 
sens  du  corps,  munies  d'un  appendice  en  forme  de  queue,  ou  de  plu- 
sieurs queues  ou  au  moins  très  longues  dentelures  ;  pattes  robustes,  peu 
ou  point  velues,  de  longueur  moyenne  et  à  tarses  épaissis,  les  jambes 
jamais  renflées  ni  canaliculées.  —  Chenilles  (pour  celles  qui  sont  bien 
authentiques)  à  seize  pattes  bien  développées,  épaisses,  submonili- 
formes,  lisses,  garnies  de  poils  assez  longs  et  isolés,  avec  la  tête  large, 
le  prothorax  non  étranglé,  portant  un  écusson  corné  et  luisant.  — 
Chrysalides  courtes,  obtuses,  à  partie  antérieure  arrondie,  avec  l'enve- 
loppe des  ailes  saillante. 

Les  Uraniens  se  rencontrent  dans  les  deux  continents,  l'Europe  en 
étant  dépourvue.  Ce  sont  de  magnifiques  papillons  des  régions  tropi- 
cales, à  ailes  mélangées  de  noir,  de  vert  éclatant,  de  tons  cuivreux  ou 
dorés.  Ils  volent  pendant  le  jour  avec  rapidité  et  s'élèvent,  pendant  les 
heures  chaudes  de  la  journée,  jusqu'au  sommet  des  plus  hauts  arbres 
des  forêts.  Au  repos,  ils  tiennent  les  ailes  étendues  à  plat.  La  richesse 
de  leurs  couleurs  a  attiré  l'attention  des  anciens  collectionneurs,  et,  à  ce 
titre,  ils  figurent  dans  les  iconographies  de  Séba,  Pétiver,  Sibylle  Me- 
rlan, Daubenton,  etc.  Il  est  peu  probable   qu'on  fasse   beaucoup  de 


CYDIMON.  563 

nouvelles  découvertes  pour  leurs  espèces,  car  ces  brillants  papillons, 
d'une  valeur  commerciale  souvent  fort  élevée,  ne  sont  jamais  négligés 
par  les  chasseurs  d'insectes. 

CYDIMOIV,  Dalman,  Syn.  :  Urania,  Fabr.,  Leilus,  Swainson,  Uranidia  Westw. 

—  Antennes  filiformes,  sans  ciliation,   grossissant   un   peu  [avant  le   sommet. 

—  Corps  rayé,  un  peu  velu.  Front  hérissé  et  arrondi,  mais  sans  toupet.  —  Ailes 
oblon-gues,  veloutées,  noires,  marquées  de  raies  et  de  taches  d'un  vert  métallique 
brillant^  à  franges  cotonneuses,  les  inférieures  à  bords  terminal  et  abdominal 
presque  parallèles  et  munies  d'une  seule  queue  linéaire,  peu  courbée,  fortement 
frangée. — Pattes  mutiques,  les  jambes  postérieures  coniques,  à  peine  plus  lon- 
gues que  les  cuisses. 

Nous  représentons  dans  ce  beau  genre  (pi.  lxxxvi,  fig.  1)  le  C.Bois- 
duvali,  G.  Mén.,  de  la  Havane,  espèce  assez  répandue  dans  les  collections 
françaises.  Les  antennes  sont  noires  en  dessus,  fauves  en  dessous,  le  front 
rayé  de  noir  et  de  vert,  avec  les  côtés  de  la  tète  et  des  palpes  d'un  beau 
vert  doré  ;  le  corps  est  noir,  avec  trois  lignes  vertes  sur  le  thorax,  dont 
l'intermédiaire  se  prolonge  sur  le  milieu  de  l'abdomen,  les  côtés  de  ce 
thorax  étant  noirs,  garnis  de  longs  poils  d'un  gris  blanchâtre  ;  le  dessous 
de  l'abdomen  est  vert,  avec  quelques  taches  latérales  noires,  l'anus  des 
mcàles  garni  d'une  brosse  blanche  ;  les  ailes,  de  7  ù  9  centimètres  d'en- 
vergure, selon  les  sujets,  sont  noires,  les  supérieures  ayant  de  chaque 
côté  dix  à  douze  lignes  transverses  d'un  beau  vert  doré,  dont  une  ou 
plusieurs  bifides,  les  inférieures  ayant  tout  le  côté  interne  vert,  à  reflets 
bleus  et  dorés,  coupé  par  une  bande  longitudinale  noire  qui  se  ter- 
mine au  milieu,  offrant  ensuite  plusieurs  taches  noires,  oblongues  et 
transverses,  et  présentant,  au  côté  externe,  six  à  huit  bandes  vertes  et 
transverses,  qui  ne  touchent  pas  le  bord  ;  la  frange  des  ailes  supérieures 
est  droite,  blanche  et  noire,  celle  des  inférieures  échancrée  et  à  échan- 
crures  blanches;  chaque  aile  inférieure  est  munie  d'une  longue  queue 
noire,  tachée  de  vert  ou  de  bleu  à  la  base,  en  dessus,  offrant  en  dessous 
une  large  ligne  d'un  vert  bleu,  prolongée  presque  jusqu'à  l'extrémité  ; 
en  dessous,  au  lieu  du  noir,  c'est  le  vert  qui  domine,  surtout  aux  ailes 
inférieures,  en  sorte  qu'elles  sont  vertes  et  bleues,  avec  des  bandes 
noires  et  une  série  de  taches  terminales  obliques  de  la  même  couleur; 
les  pattes  sont  noires,  avec  des  raies  vertes  ;  la  femelle  est  semblable  au 
mâle,  mais  avec  les  bandes  fréquemment  teintées  de  rougeâtre  ;  il  y  a 
de  fréquentes  variations  dans  les  bandes  vertes  des  quatre  ailes.  La 
chenille  est  d'un  blanc  jaunâtre  ou  verdàtre,  avec  des  linéaments  lon- 
gitudinaux, noirâtres,  interrompus,  et  quelques  taches  noires  latérales, 
la  tête  d'un  rouge  sombre,  la  plaque  cornée  du  cou  noire,  avec  deux 
taches  rouges;  la  chrysalide  est  d'un  brun  jaunâtre,  marquée  de  quel- 
ques atomes  noirs.  Les  mœurs  et  métamorphoses  de  cette  espèce  ont 
été  étudiées  avec  soin  par  Mac  Leay  {Trans.  Soc.  Zool.  of  London,  183Zi, 


56i  LÉPIDOPTÈRES. 

I,  p.  179).  L'insecte  parfait,  complètement  diurne,  vole  avec  beaucoup 
de  rapidité,  à  la  façon  de  nos  Apatura  ;  la  chenille  vit  pendant  une  par- 
tie de  l'été  sur  les  feuilles  de  VOmphalea  triandra,  arbre  qui  croît  sur 
les  côtes  de  la  Havane;  elle  reste  endormie  pendant  le  jour  sous  une 
toile  transparente,  filée  au  milieu  des  feuilles,  pour  éviter  la  grande 
ardeur  du  soleil.  La  nuit  lui  rend  son  activité,  et  elle  dépouille  alors 
l'arbre  de  la  plus  grande  partie  de  ses  feuilles-,  pour  se  chrysalider, 
elle  file  entre  les  branches  ou  entre  les  feuilles  un  cocon  ovoïde,  de  soie 
brunâtre,  lâche,  laissant  voir  la  chrysalide  à  l'intérieur.  Il  est  facile  de 
recueillir  sur  les  feuilles  les  œufs  delà  femelle,  collés  isolément  et  assez 
gros  pour  frapper  la  vue. 

L'espèce  la  plus  anciennement  connue  des  Cydimon  est  le  C.  Leilus, 
Linn.,  syn.  :  Papilio  Leilus,  Linn.,  Urania  Leilus,  Fabr.,  Leilus  Surina- 
mensis,  Swainson,  qui  vole  avec  rapidité  et  par  centaines,  dit  Lacor- 
daire,  dans  les  bois  près  de  Cayenne  et  aussi  à  la  Guyanne  hollandaise, 
et  qui  varie  beaucoup  selon  les  localités.  Malgré  son  abondance,  ce 
beau  papillon  nous  arrive  assez  rarement  pour  les  collections.  Une  se- 
conde espèce,  capturée  au  Brésil  par  Swainson  près  de  Fernambouc,  est 
le  C.  Brasiiiensis,  Swainson,  syn.  Leilus  Brasiliensis ;  ces  deux  espèces 
très  voisines  sont  à  fond  noir,  avec  bandes  longitudinales  d'un  vert  doré 
et  bordure  des  ailes  inférieures  blanche.  Les  deux  espèces  suivantes 
offrent  de  larges  teintes  rouges  aux  ailes  inférieures  :  ce  sont  le  C.  Sloa- 
neus.  Cramer,  Papilio  Leilus,  var.  Fabr.,  Leilus  Occidentalis,  Swainson, 
des  Antilles  (Jamaïque),  très  rare  espèce  décrite  d'abord  par  Sloane  dans 
son  Histoire  de  la  Jamaïque,  figurée  au  repos  sur  une  banane  dans  l'ico- 
nographie  de  Swainson,  et  le  C.  Orientalis,  Swainson  (Leilus),  s^n. Papilio 
Rhipheus,  Cramer,  non  Drury,  des  environs  de  Chandernagor  au  Bengale. 
Guenée  cite  encore  deux  espèces  de  Cydimon,  l'une  du  Mexique,  l'autre 
de  Colombie. 

I]R.%11IA.  Latr.,  syn.  :  Crysiridia,  Hubner,  Rhipheus,  Swainson.  Antennes  sans 
ciliation,  filiformes  et  nullement  renflées  au  sommet;  tête  petite,  palpes  assez 
épais,  plus  ou  moins  incumbants  et  dont  le  dernier  article  est  court;  thorax  large 
velu,  sans  lignes  dorées,  avec  des  ptérygodes  larges  et  soyeux,  la  poitrine  très 
velue;  ailes  larges,  veloutées,  métalliques,  les  inférieures  munies  de  plusieurs 
dentelures  prolongées  ou  queues,  entourées  d'une  frange  longue  et  plumeuse  ; 
pattes  robustes  ;  abdomen  renflé  mais  non  ovoïde  chez  la  femelle . 

Le  genre  Urania  ne  contient  qu'une  seule  espèce  authentique,  U.  Rhi- 
pheus, Drury,  dont  Guenée  écrit:  «  ce  n'est  pas  aller  au  delà  de  la  vérité 
que  de  dire  que  l'unique  espèce  de  ce  genre  est  le  plus  beau  de  tous 
les  Lépidoptères  connus.  »  Cette  espèce  est  de  Madagascar  et  a  aussi  été 
trouvée  à  Tîle  Bourbon,  mais  probablement  par  suite  d'une  importation 
accidentelle.  La  taille  du  mâle  est  à  peu  près  celle  de  notre  Machaon, 
l'envergure  d'environ  20  centimètres.  Les  ailes  sont  d'un  noir  de  velours 


URANIA.  565 

avec  la  frange  blanche.  Les  supérieures,  prolongées  au  sommet,  à  peu 
près  rectiligncs  au  bord  terminal,  ont  des  bandes  et  stries  transverses 
d'un  vert  métallique  brillant,  celles  de  la  base  étroites  et  allant  de  la 
côte  au  bas  de  la  cellule  discoïdale,  celle  du  milieu  large  et  régulière 
depuis  le  bord  interne  jusqu'à  la  cellule  médiane,  puis  séparée  par  du 
noir  en  deux  tranches,  dont  l'extérieure  divisée  elle-même  à  la  côte.  Les 
ailes  inférieures  ont  une  seule  bande  verte  occupant  la  moitié  de  l'aile, 
ayant  la  partie  supérieure  bleue  et  divisée  profondément  par  une  grande 
tache  noire  et  la  partie  inférieure  occupée  par  une  plaque  métallique, 
chatoyante  de  violacé  et  d'or  brillant,  fondue  sur  les  bords,  rutilante 
au  centre,  avec  quelques  taches  noires  vers  l'angle  anal  ;  tout  le  bord 
de  ces  ailes  inférieures  est  divisé  par  six  profondes  échancrures  arron- 
dies au  bout  et  bordées  de  cils  blancs,  la  troisième  à  partir  de  l'angle 
anal  assez  longue  pour  mériter  le  nom  de  queue;  le  dessous  des  ailes 
supérieures  ressemble  au  dessus,  celui  des  inférieures  entièrement 
métallique  avec  des  taches  noires,  la  base  verte  et  bleue,  l'espace  ter- 
minal d'un  blanc  bleuâtre  ou  verdâtre,  la  partie  médiane  d'un  rouge 
doré,  à  reflets  très  brillants,  nuancée  de  bleu  violet  vers  la  base  ;  les 
antennes  sont  noirâtres;  le  corps  du  papillon  est  noir  en  dessus,  ferru- 
gineux en  dessous,  l'abdomen  noirâtre,  offrant  en  dessous  de  nombreux 
atomes  blanchâtres.  La  femelle  est  d'un  tiers  plus  grande  que  le  mâle, 
son  envergure  dépassant  25  centimètres;  elle  a  les  mêmes  dessins, 
mais  la  tache  du  dessus  des  ailes  inférieures  est  plus  grande,  moins 
pourprée  et  plus  dorée. 

On  dit  que  ce  splendide  papillon  se  développe  complètement  en  deux 
ou  trois  heures,  s'il  est  exposé  au  soleil,  mais  que  les  sujets  qui  éclosent 
à  l'ombre  mettent  près  d'une  journée  pour  se  sécher  et  s'étaler  et  sont 
d'ordinaire  moins  brillants.  Nous  ne  parlerons  pas  des  métamorphoses, 
décrites  par  Boisduval  d'après  le  voyageur  Sganzin  {Note  sur  l'anomalie 
du  genre  Urania,  in  Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1833,  t.  II,  p.  2Zi8),  et  qui  ont  fait 
séparer  profondément  par  M.  E.  Blanchard  les  Crâniens  des  Cydimo- 
niens,  dont  les  adultes  sont  si  voisins  qu'on  admet  à  peine  la  séparation 
en  deux  genres  ;  nous  penchons  à  croire,  avec  M.  P.  Mabille,à  l'existence 
d'un  roman,  jusqu'à  l'arrivée  d'une  preuve  indiscutable,  comme  che- 
nille et  chrysalides  soufflées  ou  conservées  dans  l'alcool.  On  a  longtemps 
cru  à  l'existence  d'une  seconde  espèce  â'Urania,  entièrement  dépourvue 
de  prolongements  caudiformes  aux  ailes  inférieures,  d'après  un  individu 
envoyé  à  Drury  en  1773,  comme  venant  de  la  Chine  et  dont  on  n'a  ja- 
mais revu  un  second  exemplaire.  Il  paraît  probable  que  c'est  un  Rhi- 
pheus  de  Madagascar,  dont  les  ailes  inférieures  ont  été  tronquées  aux 
ciseaux  et  repeintes  à  la  bordure.  Guenée  admet  qu'en  outre,  à  la  place 
de  la  tête  manquante,  on  avait  recollé  une  tête  de  Papilio,  à  antennes 
renflées  en  massue  au  bout  et  avec  un  épais  toupet  de  poils,  ce  qui  a 
déterminé  le  nom  de  Rhipheus  Dasycephalus  que  Swainson  donne  à  ce 
fallacieux  insecte. 


566  LÉPIDOPTÈRES. 

On  consultera  spécialement  pour  les  Uraniens  :  Swainson,  Zoological 
illustrations  (Lépidoptères),  pi.  125,  126,  129,  130  et  131.  —  Guenée, 
Species  général  des  Lépidoptères,  1857,  t.  I,  Uranides  et  Phalénites.  — 
J.  0.  Westwood,  Observations  on  the  Uranidœ,  with  a  Synopsis  of  the 
Famihj,  and  a  Monograph  ofCoronidia,  br.  in-i",  Ix  pi.  noires  et  col., 
Trans.  of  zoolog.  Soc.  of  London,  1879).— P.  Mabille,  Lépidoptères  hétéro- 
cères  de  Madagascar  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1879,  5"  série,  t.  IX,  p.  318). 


Tribu  des  WOCTUEIilEMS. 

On  donne  en  général  le  nom  de  Noctuelles  en  France,  d'Eule  en  Alle- 
magne, de  Moth  en  Angleterre,  à  des  papillons  qu'une  sorte  d'instinct 
commun  aux  plus  vulgaires  observateurs  a  fait  comparer  aux  Rapaces 
nocturnes,  les  Hibous  et  les  Chouettes,  en  raison,  non  pas  seulement 
d'habitudes  en  général  nocturnes  ou  plutôt  crépusculaires,  mais  d'après 
des  couleurs  souvent  sombres,  surtout  aux  ailes  supérieures,  qui  recou- 
vrent presque  toujours  les  autres  au  repos,  par  les  poils  écailleux  for- 
mant comme  une  fourrure  plus  épaisse  que  chez  les  Diurnes,  et  de  gros 
yeux  composés  qui  brillent  dans  l'obscurité,  d'après  une  organisation 
qui  a  été  expliquée  dans  les  généralités  sur  les  Lépidoptères.  Le  genre 
Noctua  de  Linnœus  forme  la  troisième  division  de  son  grand  genre 
Phaîœna.  Il  correspond  à  peu  près  à  nos  Noctuéliens,  à  la  condition  d'en 
retirer  les  Hépialiens  et  les  Lithosiens  et  d'y  adjoindre  certains  Bombyx 
de  Linnœus. 

Les  Noctuéliens  à  l'élat  adulte  sont  généralement  des  papillons  à 
couleurs  peu  brillantes,  surtout  pour  les  ailes  supérieures  qui  recou- 
vrent les  inférieures  au  repos,  souvent  complètement;  ces  dernières  ont 
parfois  des  teintes  vives,  mais  à  nuances  délicates  et  très  vite  altérées 
par  la  lumière,  qu'elles  ne  sont  pas  destinées  à  affronter.  Il  y  a  toute- 
fois des  exceptions,  même  pour  les  ailes  supérieures,  ayant  parfois  des 
couleurs  vertes,  ou  d'un  riche  vert  doré,  pouvant  être  marquées  de 
taches  d'or  ou  d'argent,  de  signes  en  forme  de  lettres  d'un  éclat  métal- 
lique ou  d'un  \ïï  blanc  jaunâtre  (genres  Cucullia,  Plusia,  Dianthœcia, 
Chariclea,  etc.).  Le  corps  des  Noctuelles  est  gros  proportionnellement 
aux  ailes,  et,  sous  ce  rapport,  elles  se  rapprochent  des  Bombyciens; 
mais  il  y  a  une  série  de  caractères  qui  les  séparent  à  la  fois  des  Bom- 
byciens et  des  Phalcniens.  La  tête  est  plus  grosse  et  moins  enfoncée 
sous  le  thorax  que  chez  les  Bombyx,  celui-ci  étant  garni  de  poils  plus 
soyeux  que  laineux,  plutôt  lisses  que  hérissés.  L'abdomen  est  aussi  plus 
nu,  plus  comprimé  et  beaucoup  moins  gros,  surtout  chez  les  femelles, 
et  l'on  remarque  fréquemment,  sur  le  thorax  et  sur  l'abdomen,  des 
crêtes  ou  petites  brosses  de  poils  relevés.  L'abdomen  ne  les  offre  ordi- 
nairement que  sur  les  trois  ou  quatre  premiers  anneaux.  Le  collier  est 


ISOCTUÉLIENS.  567 

toujours  bien  distinct,  et  parfois  relevé  et  comme  échancré  antérieure- 
ment. 

Les  ptérygodes  sont  bien  visibles,  larges  et  souvent  comprimés  sur 
les  côtés,  ce  qui  donne  au  tborax  un  aspect  subcarré  ou  subrectangle. 
Un  aspect  propre  caractérise  les  antennes  des  Noctuelles.  Quand  elles 
ne  sont  pas  simples,  et  cela  chez  les  mâles  presque  exclusivement,  elles 
ne  forment  pas,  comme  chez  certains  Phaléniens,  des  plumes  à  barbules 
minces,  longues  et  ondulées,  ni,  comme  chez  les  Bombyciens  et  les 
Attaciens,  un  peigne  raide  et  bidenté  des  deux  côtés.  Leur  tige  est 
garnie  de  lames  ou  cils  presque  droits,  clairs  et  flexibles.  Quand  elles 
sont  simples  dans  les  deux  sexes,  le  mâle  les  offre  plus  épaisses  que  la 
femelle,  et  l'on  y  distingue  à  la  loupe  soit  des  cils  très  courts,  soit  des 
dentelures  plus  ou  moins  longues,  ou  bien  leur  côté  interne  est  comme 
spongieux  ou  velouté.  Enfin  si  ces  caractères  manquent,  si  les  antennes 
sont  complètement  filiformes  dans  les  deux  sexes,  elles  diffèrent  encore 
de  celles  des  Phaléniens  qui  sont  plutôt  sétacées  ou  analogues  à  des 
cheveux.  Beaucoup  de  Noctuelles  ont  des  stemmates  sur  le  vertex,  mais 
qu'on  n'aperçoit  qu'en  épilant  cette  partie  très  velue,  sauf  dans  de 
grandes  espèces  exotiques,  comme  les  Ophideres,  les  Erebus,  etc. ,  où  ces 
stemmates  sont  assez  gros  pour  être  visibles  à  travers  les  poils.  La  spiri- 
trompe,  qui  manque  aux  Attaciens  et  à  presque  tous  les  Bombyciens, 
est  ici  bien  visible,  plus  ou  moins  longue;  toujours  forte,  cornée  et 
bien  roulée  en  spirale,  car  les  adultes  sucent  le  nectar  des  fleurs  et 
divers  jus  sucrés.  Les  palpes,  au  lieu  d'être  oblitérées,  comme  chez  la 
plupart  des  Bombyciens,  sont  régulièrement  développées,  en  rapport  avec 
une  nutrition  effective.  Leurs  deux  premiers  articles  sont  généralement 
épais,  comprimés  sur  les  côtés,  velus  ou  squameux,  le  troisième  et  der- 
nier étant  notablement  plus  menu,  très  visible,  le  plus  souvent  entiè- 
rement dégarni  de  poils.  L'abdomen  n'est  ni  court  et  laineux,  comme 
dans  les  Bomhjx,  ni  grêle  et  démesurément  long  comme  chez  les  Pha- 
léniens et  les  Pyraliens.  11  offre  sept  anneaux  bien  distincts,  quoiqu'en 
réalité  il  y  en  ait  neuf.  Sur  les  insectes  secs  des  collections,  l'abdomen 
conserve  parfois  sa  forme  pleine  et  cylindroïde;  d'autres  fois  il  est  ca- 
réné, c'est-à-dire  déprimé,  sauf  une  saillie  longitudinale  sur  le  vaisseau 
dorsal.  Dans  beaucoup  de  mâles  il  est  conoïde,  les  anneaux  diminuant 
régulièrement  de  diamètre  de  la  base  à  l'anus  ;  le  plus  souvent  il  est 
cylindrico-conique,  la  pointe  ne  se  dessinant  qu'à  partir  des  trois  der- 
niers anneaux,  et  c'est  cette  forme  qu'il  offre  presque  toujours  chez  les 
femelles,  avec  l'extrémité  généralement  obtuse  et  irrégulière  ;  parfois, 
au  contraire,  cette  pointe  est  plus  aiguë  que  chez  les  mâles,  quand 
l'appareil  génital  se  termine  par  un  oviscapte  saillant,  corné» 
en  tarière  rétractile  composée  de  tubes  qui  rentrent  l'un  dans 
l'autre  et  que  la  femelle  darde  à  volonté  dans  les  parties  profondes 
où  elle  veut  placer  son  œuf.  Chez  les  mâles,  l'extrémité  anale  est 
munie   de    deux   valves  copulatrices,   qui    s'écartent  souvent  après 


568  LÉPIDOPTÈUES. 

la  mort,  et  garni  d'un  faisceau  de  poils  coupés  plus  ou  moins  car- 
rément. 

Si  nous  passons  au  système  appendiculaire,  nous  voyons  d'abord  que 
les  ailes  ont  leurs  caractères  propres.  Les  supérieures  sont  d'une  forme 
qui  varie  approximativement  entre  le  triangle  et  le  trapèze.  Le  bord 
terminal,  garni  d'une  frange  dense  et  velue,  est  souvent  arrondi,  parfois 
divisé  en  denticulations  assez  légères,  dont  les  sinus  correspondent  aux 
nervures  {Mania,  Spintherops,  Amphipyra,  certaines  espèces  du  genre 
Pltisia,  Catephia,  Ophiodes,  Grammodes,  Catocala,  etc.),  parfois  même 
façonné  en  angles  aigus  ou  en  découpures  profondes  (Gonoptera).  Les 
ailes  inférieures  sont  plus  larges  dans  le  sens  longitudinal  que  les  supé- 
rieures et  presque  toujours  arrondies  au  bord  terminal.  Dans  la  grande 
majorité  des  Noctuelles  d'Europe  ces  ailes  inférieures  sont  de  couleurs 
insignifiantes  et  presque  toujours  sans  dessins,  plissées  en  partie  au 
repos  au  bord  anal,  le  long  du  corps,  et  recouvertes  en  entier  par  les 
ailes  supérieures,  qui  sont  alors  dites  e?i  toit,  c'est-à-dire  que,  chez  le 
papillon  au  repos,  la  partie  du  bord  interne  d'une  aile  qui  rejoint  le 
bord  interne  de  l'autre  au-dessus  de  l'abdomen  est  plus  élevée  que  la 
côte,  qui  touche  d'ordinaire  la  surface  de  position.  Dans  d'autres  genres 
au  contraire,  qui  comprennent  surtout  beaucoup  de  Noctuelles  exotiques 
et  de  grande  taille,  les  ailes  inférieures  sont  destinées  à  être  exposées 
au  moins  en  partie  à  la  lumière  comme  les  supérieures. 

Tantôt  les  ailes  inférieures  ressemblent  absolument  aux  supérieures 
{Homoptera,  Erebus,  Ommatophora,  etc.),  et  ont  des  dessins  analogues, 
à  la  façon  des  Phaléniens,  alors  aussi  le  papillon  au  repos  les  tient 
étendues,  ce  qui  est  une  autre  ressemblance  avec  les  Phaléniens,  sans 
les  recouvrir  par  les  supérieures,  tantôt  les  ailes  inférieures  ont  des 
couleurs  beaucoup  plus  vives  que  les  supérieures,  avec  des  bandes  bien 
tranchées  {Ophideres,  Catocala,  Catephia,  etc.),  et  alors,  quoique  recou- 
vertes en  entier  par  les  ailes  supérieures,  elles  ne  sont  pas  plissées  le 
long  du  corps,  de  manière  à  donner  à  l'insecte  une  forme  allongée,  mais 
sont  appliquées  contre  la  surface  de  position  et  forment,  comme  les 
supérieures,  un  toit  à  peine  déclive.  L'appareil  du  frein  et  du  crin  existe 
chez  les  Noctuelles.  Chez  les  femelles,  à  crins  multiples  à  l'aile  infé- 
rieure, dans  les  genres  dérivés  de  l'ancien  genre  Noctua,  tels  que  Hadena, 
Agrotis,  Triphœna,  etc.,  et  aussi  dans  le  genre  Plusia,  il  y  a  trois  longs 
crins,  l'un  des  trois  mince  et  plus  pâle,  trois  crins  longs  et  forts  dans 
les  genres  Erebus  et  Catocala,  et  deux  dans  le  genre  Herminia. 

Des  caractères  très  importants,  en  raison  de  leur  grande  généralité, 
sont  fournis  par  les  dessins  des  ailes  supérieures  des  Noctuelles,  les 
seules  visibles  dans  la  plupart  des  cas,  quand  l'insecte  se  tient  au  repos. 
Ce  sont  d'abord  deux  taches  placées  l'une  vers  le  milieu,  l'autre  à 
l'extrémité  externe  de  la  cellule  discoïdale,  et  qu'on  peut  nommer  les 
taches  ordinaires,  car  elles  ne  manquent  que  chez  un  petit  nombre 
d'espèces.  La  première,  dite  orbiculaire,  est  en  forme  d'anneau,  circu- 


NOGTUÉLIENS.  569 

.aire,  elliptique  ou  ovale;  la  seconde,  généralement  plus  grande,  a  la 
forme  de  contour  d'un  rein  ou  d'une  oreille,  ce  qui  lui  a  valu  le  nom 
de  roni forme.  Outre  ces  deux  taches,  il  en  existe  une  troisième,  beau- 
coup moins  constante,  placée  au-dessous  de  l'orbiculaire,  et  qui  est  le 
plus  souvent  oblongue  et  arrondie  à  son  extrémité  ;  on  l'appelle  tache 
claviforme,  tache  en  bouchon  ou  en  cheville,  Zapfermackel  des  entomolo- 
gistes allemands.  Les  dessins  des  ailes  supérieures  sont  asservis  à  des 
règles  à  peu  près  aussi  constantes  que  celles  des  taches  ordinaires,  et 
qui  deviennent,  aussi  rarement  que  celles-ci,  obsolètes  ou  invisibles  ;  ce 
sont  quatre  lignes,  plus  ou  moins  sinueuses,  qui  traversent  ces  ailes  à 
peu  près  perpendiculairement  à  la  côte.  Quant  à  la  nervulation  des 
ailes  des  Noctuelles,  nous  nous  contenterons  de  dire  avec  Guenée, 
qu'elles  offrent  cinq  nervures  principales  :  la  costale,  la  sous-costale, 
la  médiane,  la  sous-médiane  et  Yinterne,  dont  trois  seulement  bien  con- 
stantes et  communes  aux  quatre  ailes  :  la  sous-costale,  la  médiane  et 
la  sous-médiane,  et  deux  constantes  seulement  pour  deux  des  ailes  et 
variables  pour  les  deux  autres,  mais  toujours  simples,  à  savoir  :  la  cos- 
tale, pour  les  ailes  supérieures  et  Finterne  aux  inférieures.  Les  pattes 
des  Noctuelles  ne  sont  ni  velues  ni  courtes,  comme  chez  les  Bombyciens, 
ni  grêles  et  très  longues,  à  la  façon  des  Phaléniens  et  des  Pyraliens.  lilles 
sont  fortes,  de  grandeur  moyenne,  avec  la  cuisse  et  la  jambe  velues. 
Les  jambes  antérieures  manquent  d'éperons  et  ont,  dans  les  deux  sexes, 
au  côté  interne,  une  petite  pièce  cornée,  d'usage  inconnu,  aiguë  au 
bout  et  couchée  dans  une  sorte  de  rainure  garnie  de  poils  courts.  Les 
paires  de  pattes  intermédiaires  et  postérieures  se  ressemblent  beaucoup 
plus  entre  elles  qu'aux  antérieures  ;  la  jambe  est  garnie,  ainsi  que  le 
tarse,  de  petites  épines  disposées  par  rangs  longitudinaux,  et  c'est  à  son 
extrémité  interne  que  sont  insérés  les  éperons,  qui  sont  très  visibles, 
de  longueur  inégale,  filiformes,  aigus  à  l'extrémité  et  recouverts  de 
poils  écailleux  très  courts.  La  jambe  de  la  patte  postérieure  en  porte  en 
outre  une  seconde  paire,  située  au-dessus  de  la  première  et  tout  à  fait 
semblable.  Le  tarse  de  toutes  les  pattes  est  uniformément  grêle,  garni 
d'épines  et  formé  de  cinq  articles,  le  premier  au  moins  deux  fois  plus 
long  qu'aucun  des  suivants  ;  ces  tarses,  au  moins  dans  les  Noctuelles 
d'Europe,  sont  ordinairement  annelés  de  brun  et  de  couleur  claire,  et 
terminés  par  des  crochets  bien  visibles.  Il  y  a  des  Noctuelles  exotiques 
dont  les  pattes  antérieures  sont  très  velues,  les  jambes  souvent  garnies 
de  poils  si  serrés  qu'elles  acquièrent  une  forme  presque  ovoïde.  Les 
pattes  intermédiaires  ont  fréquemment,  chez  les  mâles,  à  la  jonction  de 
la  cuisse  et  de  la  jambe,  des  fascicules  de  poils  peu  épais,  mais  allongés 
et  soyeux,  ordinairement  dissimulés  et  couchés  le  long  de  la  jambe, 
mais  qui  s'épanouissent  en  larges  pinceaux,  et  dans  des  circonstances 
inconnues,  à  la  volonté  de  l'insecte  ;  enfin  les  pattes  postérieures  por- 
tent les  poils  les  plus  longs,  sinon  les  plus  denses,  et  ces  poils  s'éten- 
dent parfois  sur  les  côtés  des  tarses,  de  façon  à  leur  donner  une  forme 


570  LÉPIDOPTÈRES. 

large  et  aplatie,  comme  celle  d'un  aviron,  ce  qui  les  a  fait  appeler 
pattes  en  rames.  En  terminant  cette  étude  de  l'anatomie  externe  des 
Noctuelles,  nous  rappellerons  cette  juste  remarque  de  Guenée,  que  la 
multiplicité  et  la  variation  de  leurs  différences  rend  impossible  de  tra- 
duire, en  caractères  brefs  et  absolus,  une  diagnose  qui  les  sépare  des 
Bombyciens,  des  Phalènes  et  des  Pyrales,  et  la  phrase  de  Linnœus, 
comme  caractère  général  des  Noctuelles  :  alis  incumbentibus,  antennis 
setaceis  nec  pectinatis,  n'en  donne  qu'une  idée  incomplète. 

Les  mœurs  des  Noctuelles  à  l'état  adulte  sont  en  général  celles  du 
grand  sous-ordre  des  Hétérocènes  (anciens  Crépusculaires  et  Nocturnes). 
Il  en  est  qui,  en  dépit  de  leur  nom,  volent  en  plein  jour  et  au  soleil, 
butinant  sur  les  fleurs  à  la  façon  des  Sésies  et  des  Zygènes  ;  telles  sont, 
dans  nos  environs,  Chariclea  Delphinii,  plusieurs  Plusia,  notamment 
Plusia  Gamma,  qui  abonde  dans  les  prairies  et  surtout  dans  les  champs 
de  trèfle  et  de  luzerne, ^confm  Solaris  et  Luctuosa,  Euclidia  Mi  et  Ghj- 
phica,  les  petites  esT^èces  Anarta  myrtilli,  Heliodes  arbuti,  etc.;  quelques 
Noctuelles,  bien  qu'ordinairement  au  repos  pendant  le  jour  sur  les  troncs 
d'arbres  ou  sur  les  murs,  s'envolent  au  moindre  bruit,  ainsi  les  Cato- 
cala.  La  plus  grande  partie  ne  commencent  leur  vie  active  qu'après  le 
coucher  du  soleil.  On  les  voit  alors  décroiser  lentement  leurs  ailes  cou- 
chées, les  relever  jusqu'à  ce  qu'elles  deviennent  parallèles  au  corps, 
leur  imprimer  un  tremblement  presque  imperceptible,  puis  s'élancer  à 
la  recherche  des  fleurs,  d'un  vol  tourbillonnant  et  à  mouvements  d'ailes 
si  précipités,  que  la  rétine  garde  la  sensation  confuse  d'un  corps  qui  vibre. 
C'est  à  peine  si  elles  se  posent  sur  les  fleurs  et  si  elles  ont  le  temps  de 
dérouler  leur  spiritrompe  ;  quittant  leur  place  comme  capricieuse- 
ment, elles  repartent  d'un  vol  violent  et  saccadé,  pour  s'abattre  sur  une 
autre  fleur  ;  mais,  à  mesure  que  la  nuit  gagne  en  obscurité  et  en  fraî- 
cheur, les  Noctuelles  deviennent  moins  inconstantes  et  plus  calmes; 
elles  se  posent  sur  les  fleurs,  accrochées  sur  leurs  pattes,  replient  leurs 
ailes  et  sucent  longuement  le  nectar  par  leur  spiritrompe  déroulée. 
Elles  marchent  sans  voler  de  fleurs  en  fleurs,  quand  celles-ci  sont  assez 
rapprochées.  Enfin,  gorgées  de  nectar  et  engourdies  par  le  froid,  elles 
restent  en  quelque  sorte  endormies  sur  la  dernière  corolle  qu'elles  ont 
choisie,  se  laissant  tomber  lourdement  si  l'on  secoue  les  fleurs,  pouvant 
être  piquée  sur  place,  si  le  chasseur  a  un  peu  d'adresse.  Elles  affection- 
nent naturellement  les  fleurs  à  corolle  simple,  celles  des  champs  bien 
plus  que  celles  des  jardins,  et  comme  les  Hyménoptères  mellitîques, 
savent  très  bien  choisir  les  espèces  les  plus  nectarifères  ;  peut-être  leurs 
stemmates  sont-ils  destinés  à  leur  faire  bien  apercevoir,  dans  la  demi- 
obscurité,  l'intérieur  des  fleurs  et  la  place  des  nectaires.  Outre  ces  fleurs 
les  Noctuelles  sucent  le  jus  sucré  des  fruits  fendus  par  la  pluie,  ou 
entamés  par  les  Oiseaux  ou  par  certains  Insectes,  les  feuilles  qui  laissent 
exsuder  des  miellats,  lasève  extravasée  sur  les  troncs  d'arbres  malades. 
On  voit  les  Noctuelles  rechercher  les  branches  chargées  de  Pucerons  ou 


NOCTUÉLIENS.  571 

de  Cochenilles,  à  éjaculations  sucrées,  et  partager  avecles Fourmis  cette 
étrange  nourriture  ;  enfin  les  Noctuelles  sont  les  papillons  que  les  ento- 
mologistes prennent  à  la  miellée  en  plus  grand  nombre. 

Le  soleil,  en  s'élcvant  sur  l'horizon,  fait  rentrer  la  grande  majorité 
des  Noctuelles  dans  une  immobilité  complète.  Alors  elles  se  cachent 
sous  les  broussailles,  à  l'entrée  des  grottes  ou  dans  des  trous  de  rochers, 
sous  les  écorces  à  demi  détachées  ou  dans  leurs  fissures,  ou  simple- 
ment accrochées  aux  troncs  des  arbres,  aux  parois  de  rochers,  aux  aspé- 
rités des  murs;  elles  restent  ainsi  dans  un  engourdissement  continu,  à 
la  façon  des  Chauves-souris,  des  Rapaces  et  des  Fissirostres  nocturnes, 
jusqu'au  retour  du  crépuscule.  Si  elles  entendent  l'approche  de  quelque 
danger,  et  surtout  si  un  choc  vient  ébranler  leur  appui,  quelques  espè- 
ces s'envolent;  mais  la  plupart,  repliant  leurs  pattes,  se  laissent  tomber 
et  simulent  pendant  quelques  instants  la  mort,  dans  la  position  où  leur 
chute  les  a  placées,  se  confondant,  par  le  peu  d'éclat  de  leurs  couleurs 
et  par  leur  immobilité,  avec  les  pierres  ou  les  débris  qui  jonchent  le 
sol.  On  peut  souvent  piquer  sur  place  les  Noctuelles  qu'on  rencontre 
posées  au  repos  pendant  le  jour;  mais  il  faut  enfoncer  l'épingle  bien 
droit  et  vivement,  car  souvent  elle  glisse  sur  le  corselet  et  l'insecte 
s'envole  ou  tombe.  Les  poils  du  corselet  tiennent  peu  en  général,  et  si  l'in- 
secte s'agite  ou  si  on  le  touche  il  ne  reste  plus  qu'une  surface  de  chitine 
dénudée.  Aussi  on  doit  se  hâter  de  tuer  les  Noctuelles  pour  collection 
dans  le  flacon  à  chloroforme  ou  à  cyanure  de  potassium.  Quand  le  danger 
est  passé,  les  Noctuelles  tombées  se  glissent  sous  les  herbes  ou  remon- 
tent sur  les  troncs.  Il  en  est  qui  aiment  les  retraites  humides,  comme 
les  voûtes  des  aqueducs  ou  des  ponts,  ainsi  Mania  'Maura.  Plusieurs 
viennent  chercher  un  asile  dans  les  maisons,  s'introduisant  de  préfé- 
rence dans  les  gonds  et  les  jointures  des  portes,  entre  les  fentes  des 
volets  et  les  lames  des  jalousies  et  des  persiennes,  sous  les  corniches 
des  murs  et  des  auvents  des  toits,  partout  où  elles  espèrent  trouver  un 
abri  contre  le  froid,  la  pluie,  le  vent  et  la  lumière.  Il  en  est  qui  hiver- 
nent dans  les  granges,  les  écuries  et  étables,  et  surtout  les  greniers, 
ainsi  Gonoptera  Libatrix. 

Les  Noctuelles  ont  des  tailles  très  variées.  11  en  est  de  très  grandes 
dans  les  espèces  exotiques  des  pays  chauds,  ainsi  les  Ophideres  et  sur- 
tout les  Erebus^  ces  derniers  comptant  parmi  les  plus  grands  papillons.- 
En  Europe  sont  quelques  Noctuelles  d'assez  forte  taille  et  large  enver- 
gure, comme  Catocala  fraxini  et  Nupta,  Spintherops  Spectrum,  Mania 
Maura,  etc.  La  plupart  des  espèces  sont  de  taille  moyenne  et  petite  ;  il 
en  est  môme  de  très  faibles  dimensions,  analogues  à  celles  d'une 
partie  des  Microlépidoptères,  comme  les  Botys,  les  Crambus,  les  Aglossa, 
certaines  Tordeuses  et  Teignes,  ou  comme  les  petits  Phaléniens  des 
genres  Acidalia  ei  Eupithecia  ;  telles  sont,  comme  types  communs  et 
connus  de  Noctuelles,  Anarta  myrtilli,  Heliodes  arbuti,  etc.  On  trouve  des 
Noctuelles  dans  toutes  les  parties  de  la  terre,  aussi  bien  dans  les  hautes 


572  LÉPIDOPTÈRES. 

montagnes,  près  des  neiges  perpétuelles,  comme  dans  les  régions  po- 
laires arctiques,  le  nord  de  la  Suède  et  de  la  Norvège,  le  Groenland, 
l'Islande.  Dans  cette  dernière  île,  il  ne  paraît  plus  y  avoir  de  Diurnes, 
mais  seulement  des  Noctuéliens,  des  Phaléniens  et  des  Microlépidop- 
tères. Il  existe  encore  beaucoup  de  Noctuelles  à  découvrir,  même  en 
Europe,  où  l'on  en  connaît  aujourd'hui  plus  de  mille  espèces,  dont  un 
grand  nombre  en  France. 

Les  chenilles  des  Noctuelles  sont  les  premières,  parmi  les  larves  de 
Lépidoptères,  en  laissant  de  côté  les  cas  exceptionnels  des  Limacodes  et 
des  Psychés,  qui  nous  présentent  un  caractère  de  dégradation  par  ré- 
duction ou  de  la  grandeur  des  pattes  membraneuses,  ou  de  leur  nom- 
bre. Beaucoup  conservent  l'état  normal  de  cinq  paires  de  pattes 
membraneuses  développées  ;  mais  il  en  est  qui  n'ont  plus  que  la  paire 
de  pattes  anales  et  celle  qui  précède,  en  tout  dix  pattes,  de  sorte  qu'elles 
marchent  tout  à  fait  comme  les  chenilles  arpenteuses  complètes,  celles 
de  la  plupart  des  Phaléniens,  en  relevant  le  milieu  du  corps  en  boucle 
complète,  ainsi  le  genre  Bankia,  Guenée,  ayant  deux  paires  de  pattes 
ventrales  et  seulement  les  rudiments  d'une  troisième.  D'autres  ont  trois 
paires  de  pattes  membraneuses  seulement,  les  trois  dernières,  et  mar- 
chent en  (lemi~arpenteuses  ;  ainsi  dans  le  genre  Pliisia,  Grammodes, 
Eudidia,  une  partie  des  Anthophilides,  etc.  ;  il  en  est  qui  ont  quatre 
paires  de  pattes  membraneuses  complètes,  manquant  seulement  de  la 
première  paire  et  ne  faisant  alors  que  courber  légèrement  le  milieu  du 
corps  en  marchant;  telles  sont  les  chenilles  de  certaines  Anthophilides, 
et  du  genre  Abrostola.  Enfin,  il  y  a  de  ces  chenilles  ayant  leurs  cinq 
paires  de  pattes  membraneuses,  mais  dont  les  deux  premières  paires 
sont  plus  courtes  que  les  autres,  ainsi  dans  le  genre  Ophiodes,  dans  les 
Catocala,  ou  tellement  courtes  qu'elles  sont  impropres  à  la  marche  et 
rendent  les  chenilles  demi-arpenteuses,  ce  qui  a  lieu  dans  le  genre 
Brephos,  qui  est  un  passage  entre  les  Noctuéliens  et  les  Phaléniens. 
M.  Goossens  a  observé  qu'un  certain  nombre  de  chenilles  de  Noctuelles 
sortent  de  l'œuf  ayant  seulement  les  trois  dernières  paires  de  pattes 
membraneuses  et  n'acquièrent  les  deux  autres  qui  complètent  le 
nombre  normal  qu'au  troisième  âge  ;  nous  citerons,  entre  autres  espèces 
qui  présentent  cette  particularité,  Pulia  Flavocincta  et  Dipterygia  pi- 
nastri,  dont  les  chenilles  ont  été  élevées  à  partir  de  l'œuf  par 
M.  Goossens.  M.  Goossens  assure  même  que  c'est  là  le  cas  normal  des 
Noctuelles,  indiqué  jadis  par  Bonnet,  et  que  les  divers  cas  de  pattes 
incomplètes  que  nous  avons  signalés  chez  les  chenilles  âgées 
sont  dus  à  des  arrêts  variables  de  développement.  Il  a  observé  que 
la  chenille  de  Xylomyges  Conspicillaris  est  d'abord  une  arpenteuse 
à  douze  pattes,  puis,  qu'après  la  première  mue,  on  voit  apparaître 
quatre  mamelons  ne  pouvant  servir  à  la  chenille  à  se  cramponner 
sur  les  feuilles,  enfin  qu'au  troisième  âge,  après  la  seconde  mue, 
elle  a  les  seize  pattes  normales.   Il  fit  ensuite  la  môme  remarque 


NOCTUÊLIENS.  575 

chez  Pachetra  Lexicophcca,  puis  sur  Triphœna  Promiba,  Mamestra  bras- 
sicœ,  etc. 

11  y  a  des  chenilles  de  Noctuelles  qui  sont  grosses  et  trapues,  avec 
une  tête  proportionnée,  quelquefois  éch ancrée  au  sommet,  ou 
aplatie  et  comme  écrasée  antérieurement.  D'autres  sont  longues,  ren- 
flées au  milieu  et  amincies  aux;  deux  extrémités,  avec  la  tête  petite 
et  lenticulaire  ;  chez  quelques-unes  les  incisions  des  anneaux  sont  si 
marquées,  que  la  série  de  ces  anneaux  ressemble  à  des  grains  de  cha- 
pelet, tandis  que  d'autres  de  ces  chenilles  ont  au  contraire  un  aspect  de 
chenilles  de  Phaléniens,  à  voir  leur  corps  uni  et  effilé,  où  l'on  distingue 
à  peine  les  incisions  ;  le  plus  généralement  les  chenilles  des  Noctuelles 
sont  allongées,  cylindroïdes,  roses,  à  peau  bien  tendue  et  sans  plis,  à 
incisions  très  extensibles,  de  sorte  que  la  chenille  en  marche  paraît 
bien  plus  allongée  qu'au  repos,  ce  qui  est  le  contraire  des  chenilles  de 
Phaléniens,  dont  la  peau  est  en  général  bien  plus  rigide,  de  sorte  que 
la  chenille  a  l'aspect  d'une  petite  baguette  ;  la  tête  est  globuleuse,  de 
grosseur  moyenne  et  en  partie  rétractile  sous  le  prothorax.  Il  y  a  de  ces 
chenilles  qui  sont  munies,  sur  le  onzième  anneau,  de  caroncules  rap- 
pelant la  corne  des  Sphingiens;  d'autres  sont  garnies  de  filaments 
latéraux  charnus,  à  la  façon  des  appendices  pédiformes  des  Lasiocampa. 
Parfois  elles  sont  couvertes  de  poils  verticillés,  portés  sur  les  mamelons 
charnus  dont  nous  parlerons,  rappelant  alors  l'aspect  des  chenilles  de 
Liparis;  d'autres  ne  présentent  que  des  pinceaux  ou  bouquets  de  poils 
allongés,  et  beaucoup  n'ont  que  des  poils  isolés  partant  des  tubercules 
réguliers  caractéristiques.  Parfois  ces  tubercules  sont  à  peine  visibles, 
sans  saillie,  et  se  confondent  de  couleur  avec  le  fond  du  corps,  tandis 
que,  d'autres  fois,  ils  forment  des  petits  boutons  cornés  et  luisants,  dont 
la  couleur  foncée  tranche  vivement  sur  un  fond  pâle  ou  gris,  ou  bien 
ils  se  développent  en  pyramides  charnues,  ou  encore  s'arrondissent  en 
mamelons  réguliers. 

De  môme  que  les  ailes  supérieures  des  adultes  ont  des  taches  carac- 
téristiques, la  presque  totalité  des  chenilles  des  Noctuelles  offrent  des 
lignes  et  des  points  formant  des  dessins  qui  permettent  de  reconnaître 
tout  de  suite  les  chenilles  de  la  tribu.  Ces  chenilles  présentent  la  ligne 
vasculaire,  le  long  du  vaisseau  dorsal,  et  sur  les  côtés,  un  peu  au-dessus 
des  pattes  et  à  la  hauteur  des  stigmates,  la  ligne  stigmatale,  et  souvent, 
à  peu  près  à  égale  distance  entre  ces  deux  lignes,  la, ligne  sous-dorsale. 
Entre  les  lignes  vasculaire  et  sous-dorsale,  se  trouvent  presque  constam- 
ment sur  chaque  anneau  quatre  points,  plans  ou  saillants,  dont  chacun 
donne  naissance  cà  un  ou  plusieurs  poils  plus  ou  moins  visibles;  ces 
points  sont  en  ligne  transverse  sur  les  anneaux  2  et  3,  en  trapèze  régu- 
lier sur  chacun  des  suivants  jusqu'au  onzième,  en  carré  ou  en  rectangle 
sur  ce  onzième.  D'après  leur  constance  et  la  configuration  la  plus  ha- 
bituelle de  la  figure  dont  ils  forment  les  sommets,  Guenéc  nomme  ces 
points  ordinaires  ou  trapézoïdaux.  Habituellement,  au  dessous  de  la 


574  LÉPIDOPTÈRES. 

ligne  sous-dorsale,  on  voit  deux  autres  points,  dits  latéraux ,  près  du 
stigmate,  et,  parfois,  deux  autres  obliques,  dits  ventraux,  sous  la  ligne 
stigmatale.  Souvent  les  points  dont  nous  venons  de  parler  semblent 
manquer  complètement,  ce  qui  tient  à  ce  que,  étant  extrêmement 
petits  et  de  la  même  couleur  que  le  fond,  on  ne  les  distingue  pas  faci- 
lement à  l'œil  nu  ;  mais  le  poil  qui  y  est  constamment  implanté  en 
marque  toujours  la  place  et  on  les  retrouve  à  l'aide  d'un  grossissement 
convenable.  Ce  sont  ces  points  qui  portent  toujours  ou  les  poils  verti- 
cillés,  quand  ceux-ci  existent,  ou  les  épines  ou  les  éminences  du  dos 
des  anneaux,  principalement  du  onzième;  ces  points  non  rétractiles 
résultent  d'une  disposition  anatomique  ayant  son  importance. 

Les  chenilles  des  Noctuelles  se  roulent  habituellement  en  spirale, 
quand  on  veut  les  saisir,  et  restent  quelque  temps  immobiles.  On  les 
trouve,  selon  les  espèces,  soit  sur  les  arbres,  soit  sur  les  plantes  basses  ; 
dans  le  premier  cas,  elles  ne  fontpas  des  ravages  comparables  à  ceux  des 
chenilles  de  Bombyciens  sur  les  arbres  fruitiers  ou  forestiers,  mais,  dans 
le  second  cas,  des  espèces  causent  des  dégâts  sérieux  aux  plantes  pota- 
gères et  d'ornement,  aux  betteraves  {Hadena,  Mamestra,  Agrotis,  etc.), 
aux  Graminées  (C/iarœas,  des  Leucania),  aux  prairies  artificielles  {Plusia 
Gamma  en  certaines  années);  beaucoup  sont  inofîensives,  soit  par  leur 
petit  nombre,  soit  parce  qu'elles  ne  mangent  que  des  plantes  basses 
sauvages,  inutiles  pour  nous  ;  quelques-unes  s'entourent  pour  la  nym- 
phose de  cocons  d'une  soie  très  blanche,  mais  toujours  trop  peu  fournis 
pour  que  nous  en  puissions  tirer  aucun  parti  ;  la  plupart  se  chrysali- 
dent  sur  la  terre  même  ou  à  une  profondeur  variée,  s'enferment  dans 
une  cavité  ovoïde  terreuse,  souvent  sans  aucuns  liens  soyeux.  En  outre, 
beaucoup  de  chenilles  de  Noctuelles  s'enfoncent  en  terre  pour  hiverner, 
ou  se  cachent  sous  les  feuilles  sèches  et  les  herbes,  roulées  en  spirale, 
et  reparaissent  au  printemps.  On  en  prend  souvent  en  secouant  les 
feuilles  sèches  en  hiver  sur  le  parapluie.  C'est  surtout  le  matin  et  aux 
approches  de  la  nuit  qu'elles  mangent  les  feuilles  des  plantes  basses  et 
des  arbres,  car,  pendant  la  chaleur  du  jour,  elles  descendent  au  pied 
de  la  plante  et  s'abritent  sous  les  feuilles  ou  entre  les  écorces,  rensei- 
gnements utiles  pour  les  entomologistes  qui  recherchent  les  chenilles 
pour  obtenir  des  sujets  de  collection  bien  frais. 

Il  y  a  des  chenilles  de  Noctuelles,  dans  le  genre  Nonagria  et  chez 
quelques  espèces  du  genre  Leucania,  qui  sont  endophytes,  vivant  dans 
l'intérieur  des  tiges,  à  la  façon  des  chenilles  de  Sésies,  de  Cossus,  de 
Zeuzères.  Les  chenilles  des  Nonagria  subissent  toutes  leurs  métamor- 
phoses dans  l'intérieur  des  tiges  des  Graminées,  Cypéracées,  Typha- 
cées  aquatiques,  dont  elles  mangent  la  moelle  et  où  elles  ménagent 
une  ouverture  latérale,  fermée  seulement  par  un  mince  épiderme  pour 
la  sortie  du  papillon.  Les  chenilles  des  Leucania  phragmitidis  et  Obso- 
leta  se  retirent  pendant  le  jour  dans  les  tiges  sèches  et  coupées  du 
roseau  {Arundo  p/tmf/v/wto),  y  passent  l'hiver  et  se  chrysalident  auprin- 


NOCTUÉLIENS.  575 

temps;  la  chenille  de  Sesamia  Nonagrioides  vit,  dans  le  midi  de  France, 
à  l'intérieur  des  chaumes  du  maïs  et  du  sorgho,  qu'elle  ronge.  Quelque- 
fois ces  chenilles  endophytes  sont  vermiformes,  molles  et  décolorées 
ou  livides,  ainsi  chez  Nonagria  typhœ  et  cannœ;  mais  ce  fait  est  souvent 
cité  à  tort  comme  général.  Ainsi  la  chenille  de  Nonagria  Paludicola  est 
d'une  couleur  jaune  bien  nette,  celle  de  Zeuzera  œsculi  d'un  ton  encore 
plus  chaud,  celle  du  Cossus  ligniperda  devenant  parfois  avec  l'âge  d'un 
ton  de  terre  de  Sienne  carminé  et  luisant.  La  chenille  de  Nonagria 
sparganii  est  d'un  vert  d'herbe,  comme  bien  des  chenilles  aériennes,  la 
chenille  de  Gorhjna  Cynarœa,  var.  Goossens,  qui  vit  dans  la  tige  de  l'ar- 
tichaut, est,  comme  celle  de  Gortyna  Flavago,  de  l'yèble,  d'un  ton  très 
chaud  de  jaune  rougeâtre,  avec  la  tète  rouge.  La  chenille  de  la  Carpo- 
capse  des  pommes  est  souvent  d'un  rose  assez  vif,  comparable  de  cou- 
leur à  des  chenilles  vivant  à  la  lumière.  M.  Goossens  a  fait  d'intéressantes 
remarques  sur  la  couleur  brune  que  prennent  certaines  chenilles  ver- 
tes ;  parfois  c'est  une  variété,  mais  souvent  la  chenille  est  ichneumonée, 
et  sa  teinte  d'un  brun  louche  résulte  de  la  présence  des  larves  para- 
sites, de  même  que  les  Pucerons  verts  du  rosier,  piqués  par  des  Chalci- 
diens,  deviennent  d'un  violet  noirâtre.  M.  Goossens  a  eu  une  chenille  de 
Spintherops  Spectrum  (Noctuélien),  toute  tigrée  de  taches  brunes  ;  tout  à 
coup,  à  chaque  tache,  il  vit  se  révéler  un  trou,  d'où  sortit  une  larve 
de  Diptère.  Le  même  entomologiste  fait  cette  remarque,  que,  près  de 
la  nymphose,  beaucoup  de  chenilles  perdent  leur  couleur  franche  et 
pure  pour  prendre  des  teintes  glauques  ou  rougeâtres.  On  a  souvent 
dit,  à  la  légère,  que  c'était  la  chrysalide  qui  se  laissait  déjà  voir  par 
transparence  sous  la  peau,  sans  réfléchir  que,  au  moins  chez  les 
Hétérocères,  la  chrysalide,  qui  apparaît  quand  la  chenille  quitte  sa 
dernière  peau,  est  d'abord  blanche  et  ne  se  colore  en  brun  ou  en 
rougeâtre  qu'après  un  certain  temps.  C'est  la  matière  grasse  elle-même 
qui  se  colore  soit  en  brun,  soit  en  jaune  foncé. 

D'autres  chenilles,  de  couleur  grisâtre,  bien  que  ce  fait  de  coloration 
ne  soit  pas  général,  ressemblent  à  des  larves  de  Diptères  Tipuliens,  et 
vivent,  comme  elles,  enfermées  dans  des  trous  en  terre  ou  cachées  entre 
les  racines  des  plantes  qu'elles  dévorent;  tels  sont  les  Vers  gris  des 
agriculteurs,  chenilles  des  Agrotis  segetum  et  Exclamationis,  celles  des 
Agrotis  Saucia,  Suffusa,  etc.  Il  en  est  (Bryophila)  qui  se  nourrissent  de 
Lichens,  à  la  façon  des  Lithosiens,  et  se  construisent  de  petites  coques 
de  débris  de  ces  Cryptogames,  d'où  elles  ne  sortent  que  le  soir  ou  le 
matin.  Un  petit  nombre  passent  leur  vie  dans  l'intérieur  des  fruits  de 
certaines  plantes,  vivant  exclusivement  des  graines  qu'ils  renferment 
[Polia,  Dianthœcia).  Il  y  a  des  chenilles  de  Noctuelles  qui  sont  véritable- 
ment carnassières  (genre  Cosmia),  dévorant,  outre  les  feuilles  des 
arbres  forestiers  ou  fruitiers,  les  chenilles  de  leur  propre  espèce  ou 
d'autres  espèces,  et  cela  en  liberté,  dans  la  nature,  et  non  pas  seule- 
ment dans  la  captivité,  qui  pervertit  les  instincts   de  beaucoup  d'in- 


576  LÉPIDOPTÈRES. 

sectes.  Certaines  chenilles  vivent,  dans  leur  jeune  âge,  cachées  dans  les 
chatons  des  saules  et  des  peupliers,  avant  l'apparition  des  feuilles,  sur 
lesquelles  elles  passent,  plus  âgées;  il  y  a  des  Noctuelles  dont  les  che- 
nilles, à  la  façon  des  Tortriciens,  lient  ensemble  plusieurs  feuilles  avec 
des  fils  de  soie,  trouvant  ainsi,  dans  cette  retraite,  le  vivre  et  le  couvert. 
On  en  voit  qui,  protégées  par  des  couleurs  imitatives,  passent  toute  la 
journée  collées  au  repos  sur  le  tronc  des  arbres,  dont  l'œil  ne  les  dis- 
tingue pas.  Il  n'y  a  qu'un  très  petit  nombre  de  chenilles  de  Noctuelles  qui 
soient  sociales  toute  leur  vie,  à  la  façon  des  Processionnaires,  des  Ypo- 
nomentes,  etc.,  ainsi  les  chenilles  des  Colocasia  sur  les  Euphorbes; 
mais  souvent  elles  vivent  réunies  dans  le  jeune  âge,  comme  beaucoup 
de  chenilles  de  tous  les  groupes  lépidoptériques,  l'association  étant 
un  caractère  des  êtres  faibles. 

Berce,  dans  ses  Généralités  sur  les  chenilles  des  Noctuelles  rappelle 
un  petit  organe,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  découvert  par  Bonnet  en 
1739,  et  dont  l'usage  réel  est  inconnu.  11  est  situé  entre  la  lèvre  infé- 
rieure et  les  pattes  écailleuses;  en  pressant  légèrement  la  chenille  entre 
les  doigts,  on  le  fait  sortir  d'une  petite  fente  transversale,  dans  laquelle 
il  rentre  lorsque  la  pression  ne  s'exerce  plus.  Selon  Bonnet,  cet  organe 
est  composé  de  trois  pièces  s'emboîtant  les  unes  dans  les  autres,  à  la 
manière  des  yeux  rétractiles  des  Colimaçons;  quelquefois  il  est  hémi- 
sphérique, en  général  simple,  et,  dans  certains  cas,  double;  le  plus 
souvent,  néanmoins,  il  est  grêle  et  conique,  et,  dans  ce  cas,  il  est  quel- 
quefois quadruple.  Réaumur  croyait  que  c'était  une  seconde  filière, 
destinée  à  la  fabrication  des  coques  terreuses  enfouies  ;  Lacordaire  incline 
à  croire  à  la  sécrétion  de  quelque  fluide  protecteur.  Nous  engageons  les 
observateurs  à  rechercher  l'usage  réel  de  cet  organe,  par  une  étude 
comparative  des  mœurs  des  chenilles  chez  lesquelles  il  existe  et  de  celles 
où  il  manque,  car,  sur  soixante-deux  chenilles  observées  par  Bonnet, 
une  trentaine  seulement  lui  ont  paru  en  être  pourvues. 

Les  chrysalides  des  Noctuelles  sont  parfois  entourées  de  cocons  soyeux 
toujours  légers,  de  soie  blanche  ou  grisâtre,  celles  des  Bryophila  dans 
des  cocons  de  soie  avec  intercalalion  de  Lichens,  chez  les  Brephos  ces 
coques  de  soie  sont  à  la  surface  de  la  terre,  ou  entre  les  mousses  et 
les  écorces;  chez  les  Noctuelles  bombyçoïdes,  ainsi  les  Diphtera,  les 
Colocasia,  les  Acronycta,  les  cocons  sont  filés  entre  les  branches  ou  les 
mousses,  ou  sous  divers  abris,  parfois  mêlés  des  poils  de  la  chenille 
(Acronycta  aceris).  Dans  les  Plusides,  les  chrysalides  du  genre  Abrostola, 
sont  renfermées  dans  des  coques  de  soie  mêlée  de  mousse,  et,  chez  les 
Plusia,  dans  des  cocons  d'un  tissu  léger,  fixés  aux  feuilles  ou  aux  tiges 
des  plantes  qui  ont  nourri  la  chenille.  La  chenille  de  Gonoptera  Lihatrix 
genre  si  curieux  par  les  découpures  des  ailes,  s'entoure  pour  la  nym- 
phose d'un  cocon  soyeux  oblong,  filé  entre  les  feuilles  à  l'extrémité  des 
branches  ;  les  chrysalides  des  Amphipyra  sont  contenues  dans  des  coques 
de  soie  ou  de  débris  à  la  surface  de  la  terre,  celle  du  SpintJierops  Spec- 


^0(.:TUÉLIE^'s.  577 

trum  dans  un  long  cocon  d'un  joli  mais  clair  tissu  de  soie  blanche, 
accolé  le  long  d'une  tige  de  genêt  qui  a  nourri  la  chenille.  C'est  contre 
les  troncs  d'orme  ou  de  chêne  qu'on  trouve  accolé  le  léger  cocon  du 
rare  Catephia  Alchymista,  et,  dans  des  cocons  à  la  surface  de  la  terre, 
les  chrysalides  des  Anophia. 

Les  chrysalides  du  genre  Bolina  sont  renfermées  dans  de  légères  co- 
ques de  soie  grisâtre,  celles  de  Catocala  dans  de  minces  cocons  filés  entre 
les  feuilles  ou  dans  les  rides  et  les  déchirures  des  écorces;  chez  les 
Ophiusides,  celles  des  Ophiodes  sont  dans  des  coques  imparfaites  filées 
entre  les  broussailles,  celles  des  Grammodes  dans  des  coques  de  soie  et 
de  débris,  placées  à  la  surface  du  sol  entre  les  herbes  ou  les  mousses. 
Enfin,  dans  le  genre  Euciidia,  à  vol  diurne,  les  chrysalides  sont  dans 
des  cocons  assez  soUdes,  de  soie  mêlée  à  des  débris  de  mousse.  Il  y  a 
enfin  des  chrysalides  poui"  lesquelles  les  légers  cocons  qui  les  entou- 
rent sont  enterrés  assez  profondément,    ainsi  dans' le  genre  Eriopus. 

Beaucoup  d'autres  chrysalides  de  Noctuelles  sont,  au  contraire, 
dépourvues  de  cocons,  parfois  posées  à  nu  sur  le  sol,- parfois  sous  la 
surface  du  sol,  dans  des  cavités  ovoïdes  terreuses,  et  pouvant  même 
être  enterrées  assez  profondément  (Triphœna).  Ce  sont  des  chrysalides 
de  ÎNoctuelles  des  plantes  basses  que  les  jardiniers  trouvent  souvent  en 
bêchant  la  terre,  et  qu'ils  appellent  des  fèves,  par  allusion  à  leur  forme, 
à  leur  couleur  et  à  l'espèce  de  vernis  qui  les  recouvre.  En  eft'et,  les 
chrysalides  des  Noctuelles  sont  lisses,  rases  et  comme  vernissées,  d'une 
couleur  brune,  tirant  plus  ou  moins  sur  le  rougeâtre;  les  anneaux  de 
leur  abdomen  ne  sont  jamais  soudés,  et  elles  leur  impriment,  au  moindre 
attouchement,  de  vifs  mouvements  de  flexion  ou  même  de  rotation, 
comme  pour  se  débarrasser  du  contact  qui  les  gêne;  cet  abdomen  est 
fortement  conique,  et  se  termine  ordinairement  en  une  pointe  aiguë, 
garnie  de  petites  soies  raides,  en  nombre  variable,  le  plus  souvent 
courbes  et  crochues.  Parfois,  comme  chez  certains  Sphingiens,  les 
chrysalides  ont  l'enveloppe  de  la  spiritrompe  saillante  et  prolongée. 
Certaines  chrysalides  de  Noctuelles  ont  le  vernis  du  corps  dissimulé 
par  une  exsudation  de  poussière  cireuse,  analogue  à  ce  glacis  qu'on 
appelle  la  fleur  des  .prunes,  de  certains  choux,  etc.,  efflorescences  de 
couleur  blanche  (Grammodes),  bleue  [Catocala)  ou  violette.  Ce  sont  là 
des  faits  très  généraux  chez  les  insectes  :  ainsi,  dans  les  Coléoptères 
Curculioniens  des  genres  Lixus  et  Larinus,  chez  des  Hémipt-ères  homo- 
ptères  {Lystra,Phenax,Fulgora),  divers  Aphidiens  et  la  grande  majorité 
des  Cocciens,  sur  la  face  supérieure  de  l'abdomen  des  mâles  de  cer- 
taines Libellules,  ainsi  Depressa,  etc.  Ce  fait  est  analogue  à  celui  de  la 
sécrétion  sous-abdominale  de  la  cire  chez  les  Abeilles  et  les  Bourdons, 

Le  temps  de  la  durée  du  stade  nymphal,  chez  les  Noctuelles,  varie 

avec  les  espèces  et  les  climats;  mais,  en  général,  celles  qui  se  son 

chrysalidées  au  printemps  éclosent  dans  le  courant  de  l'été,  tandis  que 

les  chrysalides  d'été  et  d'automne  passent  d'ordinaire  l'hiver,  pour 

GH'./viti).  m.  — 37 


578  i.ÉPiDOPTtaES. 

donner  les  adultes  au  printemps  ou  à  l'été  de  l'année  suivante.  Un 
assez  grand  nombre  de  Noctuelles  qui  se  nympbosent  en  apparence  en 
automne,  passent  l'hiver  dans  le  cocon  ou  en  terre  à  l'état  de  chenille 
et  non  de  chrysalide,  fait  analogue  à  ce  qui  se  produit  pour  les  fausses 
chenilles  de  beaucoup  de  Tenthrédiniens.  Seulement  ces  chenilles  se 
sont  décolorées,  sont  devenues  courtes,  obtuses  et  ramassées  et  se  sont 
vidées  de  tous  les  résidus  digestifs.  liUes  rentrent  au  printemps  dans  la 
loi  commune,  en  subissant  une  dernière  mue  qui  en  fait  des  chrysa- 
lides. M.  Goussens  regarde  cet  état  comme  celui  d'une  chrysalidation 
interne,  la  chenille  ne  pouvant  plus  manger,  étant  privée  des  glandes 
dissolvantes,  ayant  l'intestin  rompu,  les  excréments  expulsés,  etc.  Il 
cite  l'exemple  suivant  :  Près  de  Paris,  on  prend  sur  les  Ijords  de  la 
Marne,  vers  le  mois  de  septembre,  la  chenille  de  Leucania  Obsoleta  sur 
VArundo  phraijmites.  Elle  est  alors  d'un  gris  ambré,  avec  des  lignes 
dorsales  assez  visibles;  mais,  à  C4ette  époque,  elle  quitte  les  feuilles,  va 
vers  un  roseau  cassé,  entre  dedans,  fait  une  cloison  en  soie,  se  retourne 
la  tête  en  haut,  fait  une  cloison  supérieure  serrée,  qui  défiera  les  inon- 
dations certaines,  et  reste  ainsi  jusqu'en  mars.  A  cette  époque,  les 
lignes  ont  disparu,  la  chenille  est  de  couleur  livide,  méconnaissable. 
Elle  se  chrysalide  dans  le  courant  d'avril,  et  le  papillon  parait  quelques 
semaines  plus  tard.  M.  Goossens  regarde  les  six  premiers  mois  passés 
sans  aucun  aliment  et  sans  mouvement  possible,  comme  appartenant 
pliysiologiquement,  non  anatomiquement,  à  la  chrysalide,  qui  se  pro- 
longe encore  un  ou  deux  mois  sous  une  seconde  forme,  la  forme  or- 
dinaii'e. 

Dans  l'obligation  où  nous  sommes  d'abréger  notre  long  ouvrage,  nous 
nous  contenterons  d'indiquer  un  certain  nombre  de  genres  et  d'espèces 
d  e  Noctuéliens,  sans  les  diviser  didactiquement  en  familles. 

'OPlilOEnES,  Boisdiival.  —  Antennes  assez  longues,  épaisses,  cylindriques, 
simples  dans  les  deux  sexes  ;  palpes  très  longs,  ascendants,  à  troisième  article 
comprimé,  de  forme  oblongue;  spiritrompe  assez  courte,  rigide,  en  forme  de 
tarière,  pouvant  tarauder  les  enveloppes  les  plus  résistantes,  procédant  à  la 
fois  pour  sa  structure  de  la  lance  barbelée,  du  foret  et  de  la  râpe  ;  corps  robuste, 
velu  ;  ailes  épaisses,  les  supérieures  aiguës  au  sommet,  avec  le  bord  interne 
ordinairement  sinué  et  éehancré  ;  ailes  inférieures  jaunes,  avec  des  taches  ou 
bordures  noires  ;  nervure  sous-médiane  des  ailes  supérieures  très  coudée,  soudée 
à  l'interne  qui  est  rudimentaire,  et,  sous  cette  dernière,  une  poche  glanduleuse, 
ovale-oblougue  ;  pattes  fortes,  de  longueur  moyenne,  garnies  de  poils  serrés. 
—  Chenilles  à  14  pattes  fonctionnelles  «t  corne  sur  le  onzième  anneau. 

Les  Ophidères  sont  des  Noctuelles  caractérisées  d'une  façon  fort  tran- 
chée et  en  rapport  avec  des  mœurs  insolites  et  spéciales.  €e  sont  de 
belles  espèces,  presque  toutes  de  grande  taille,  propres  aux  Indes  orien- 
tales, au  sud  de  la  Chine,  aux  îles  Sondaïques,  à  la  Nouvelle-Guinée,  à 


opniofeRBS,  579 

l'Australie,  à  Madagascar,  au  Brésil,  à  la  Colombie,  à  la  Guyane  hollan- 
daise. Les  couleurs  et  les  formes  des  ailes  sont  très  différentes  dans  les 
deux  sexes,  et  comme,  d'autre  part,  les  antennes  et  l'abdomen  sont  très 
semblables,  il  y  a  là  matière  à  établir  fréquemment  de  fausses  espèces, 
si  l'on  n'a  pas  soin  d'examiner  de  nombreux  individus,  chose  souvent 
difficile,  car  on  rapporte  assez  rarement  les  Ophideres.  Les  milles,  qui 
ont  les  ailes  supérieures  entières,  ont,  en  général,  des  femelles  à  ailes 
subdentées,  et,  si  elles  sont  subdentées  chez  les  mâles,  elles  sont  d'or- 
dinaire dentées  dans  l'autre  sexe.  Les  Ophideres  présentent  l'exemple 
encore  unique  de  Lépidoptères  directement  nuisibles  à  l'état  adulte  (1). 
\]u.ii  des  principales  productions  de  l'Australie  consiste  dans  la  récolte 
des  oranges;  mais  une  quantité  considérable  de  ces  fruits  se  dessèche 
chaque  année  sur  l'arbre  même  et  tombe  flétrie,  par  une  cause  qui 
était  restée  inconnue  jusqu'à  ces  derniers  temps.  En  examinant   les 
fruits  gisant  sur  le  sol,  on  s'aperçoit  que  la  peau  de  l'orange  est  percée 
d'une  ou  plusieurs  petites  ouvertures  circulaires,  et  que  le  suc  contenu 
dans  les  cellules  correspondant  à  ces  trous  a  été  aspiré,  formant  ainsi 
un  creux  qui  laisse  un  libre  accès  à  l'air,  ce  qui  fait  que  l'écorce  se  ride 
et  se  déprime.   En  pressant  des  fruits   encore  sur  la  branche  et  qui 
paraissent  sains,  on  voit  jaillir  un  petit  filet  de  liquide,  ce  qui  prouve 
qu'ils  ont  été   également  percés  et  qu'ils  vont  tomber  bientôt.  Cette 
cause  de  destruction  prit,  en  1875,  les  proportions  d'un  véritable  fléau. 
On  était  obligé  de  l'attribuer  aux  piqûres  d'un  animal.  Chauve-souris 
frugivore,  ou  plutôt  d'un  insecte  adulte,  cherchant  à  se  nourrir  du  jus 
de  l'orange,  car  on  ne  retrouvait  dans  le  fruit  aucune  trace  de  larve  ni 
de  nymphe.  En  1869,  M.  Thozet,  botaniste  français,  établi  à  Rockhampton 
(Australie),  affirma  que  la  destruction  des  orangeries  était  due  à  une 
grosse  Noctuelle  appartenant  au  genre  Ophideres.  Il  envoya  notamment 
une  note  en  ce  sens  à  la  Société  d'acclimatation,  avec  des  exemplaires 
des  papillons  maraudeurs.  M.  Thozet   ne  rencontra  d'abord  que  des 
incrédules,  tant  en  Australie  qu'en  Europe  ;  on  lui  affirmait  que  les 
Ophideres,  comme  les  autres  papillons,  ne  devaient  avoir  qu'une  spiri- 
trompe  flexible,  incapable  de  traverser  la  peau  des  fruits,  et  que,  gi 
réellement  ils  suçaient  le  jus  des  oranges,  ce  ne  pouvait  être  que  sur 
des  plaies  déjà  produites  par  la  piqûre  d'autres  insectes.  En  1871  et 
1875,  M.  Thozet  renouvela  ses  affirmations.  Il  suffit,  disait-iL  pour  se 
convaincre,  d'examiner  les  orangers  avec  une  lumière  vers  neuf  heures 
du  soir.  On  ne  tarde  pas  à  apercevoir  le^  voleur  aérien  grimpant  sur 
l'objet  de  ses  convoitises.  Si  on  place  le  flambeau  derrière  l'orange  et 
l'insecte,  on  peut  l'examiner  à  son  aise,  car  le  glouton,  avec  sa  trompe 
fortement  enfoncée  dans  le  fruit,  est  trop   occupé  pour  s'envoler,  et  il 
est  aisé  de  saisir  le  papillon  avant  qu'il  ait  eu  le  temps  de  retirer  le 

(1)  Aimé  Dufort,  Un  Lépidoptère  à  trompe  perforante,  ravageur  des  oranges 
en  Australie  {Bull.  Soc.  d'acclim.,  numéro  de  juillet  1876). 


580  LÉPIDOPTÈRES. 

long  tube  avec  lequel  il  suce  le  suc  de  l'orange.  Si  on  lui  ouvre  l'ab- 
domen avec  un  canif  ou  des  ciseaux,  on  peut  en  extraire  plusieurs 
gouttes  de  jus  d'orange.  M.  Thozet  rapporte  que,  pendant  toute  la 
saison,  il  tuait  chaque  soir  une  vingtaine  d'Ophidères,  que  ces  papil- 
lons, dans  son  orangerie,  n'attaquaient  que  rarement  les  mandarines 
(oranges  de  Java),  semblant  préférer  les  oranges  ordinaires,  indiennes 
ou  européennes;  mais  il  ne  met  pas  en  doute  que,  s'ils  n'avaient  pas 
le  choix,  ils  perforeraient  les  mandarines  avec  la  môme  avidité.  Il  y  a 
bien  d'autres  papillons  plus  petits,  qu'on  trouve  presque  toujours  avec 
rOphidère,  mais  qui  ne  viennent  que  pour  boire  le  jus  qui  s'écoule 
des  fruits,  après  que  les  trous  ont  été  perforés  par  le  gros  papillon. 
M.  J.  Kunckel  d'Herculais,  convaincu  que  ces  affirmations  précises 
avaient  un  fond  de  vérité,  examina  alors  avec  soin  les  trompes  de 
ÏO.  Fullonica,  Linn.,  de  ÏO.  Materna,  Linn.,  de  VO.  Imperator,  Boisd., 
de  l'O.  Salaminia,  Cramer,  et  reconnut  qu'elles  sont  rigides,  nullement 
spiralées  ou  en  spiritrompes,mais  en  forme  de  véritables  tarières,  d'une 
perfection  encore  inconnue,  capables  de  transpercer  la  peau  des  fruits, 
de  tarauder  même  des  enveloppes  très  résistantes  et  très  épaisses,  et 
qui  seraient  d'excellents  modèles  pour  des  outils  nouveaux,  que  l'in- 
dustrie emploierait  pour  le  forage  des  trous  dans  des  matières  diverses. 
Cette  tarière,  procédant  à  la  fois  de  la  lame  barbelée,  du  foret  et  de  la 
râpe,  peut  inciser,  tarauder,  arracher,  tout  en  permettant  aux  liquides 
de  passer  sans  obstacle  par  le  canal  interne.  Les  deux  mâchoires  acco- 
lées se  terminent  par  une  pointe  triangulaire  acérée,  garnie  de  deux 
barbelures  latérales  ;  elles  se  renflent  ensuite  et  présentent  à  la  face 
inférieure  de  la  trompe  trois  portions  de  filet  de  vis,  tandis  que  leurs 
côtés  et  leur  face  supérieure  sont  revêtus  d'épines,  courtes,  fortes,  fai- 
sant saillie  au  centre  d'une  dépression  à  bords  durs  et  abruptes.  Ces 
épines  ont  pour  objet  de  déchirer  les  cellules  de  la  pulpe  des  oranges, 
comme  la  râpe  sert  à  ouvrir  les  cellules  des  betteraves,  afin  d'en  faire 
couler  le  jus  sucré.  La  région  supérieure  de  la  trompe  est  couverte  en 
dessous  et  sur  les  côtés  de  stries  fines  et  serrées,  disposées  en  demi- 
hélice,  et  qui  lui  donnent  les  qualités  d'une  lime.  Les  stries  sont  inter- 
rompues, de  distance  en  distance  par  de  petites  épines  sans  consistance, 
servant  probablement  au  papillon  à  percevoir  des  sensations  tactiles. 
L'orifice  du  canal  par  lequel  montent  les  liquides  est  situé  à  la  face 
inférieure,  au-dessous  du  premier  filet  de  la  vis. 

Pendant  que  M.  Thozet  signalait  les  ravages  de  l'O.  Fullonicn  dans 
les  plantations  d'orangers  de  Rockhampton,  M.  Trimen,  au  Cap  de 
Bonne-Espérance,  faisait  des  constatations  analogues  {Annales  and 
Magas.  of  nat.  history^  septembre  1869)  sur  des  papillons  faisant  beau- 
coup de  mal  aux  pèches  et  aux  prunes,  en  perçant  la  peau  de  ces  fruits 
sur  des  points  qui  n'ont  subi  aucune  rupture.  Il  ne  serait  pas  étonnant 
qu'il  ne  s'agisse  d'un  Miniodes,  Guenée,  genre  africain  voisin  des  Ophi- 
dères  {M.  Discolor,  Guenée,  de  la  côte  de  Guinée),  et  auquel  cet  auteur, 


OPHIDÈRES.  581 

à  qui  la  sti-ucture  de  la  tri)mpe  est  restée  inconnue,  assigne  ce  carac- 
tère :  trompe  courte,  mais  robuste.  Dans  le  numéro  de  mai  1874  du 
Monthly  microscopical  Jowma/,  M.  Mac  Intire  publia  un  article  sur  les 
insectes  du  Cap,  en  y  joignant  des  dessins  représentant  leur  trompe 
perforante.  liUe  olîre  une  très  grande  similitude  de  structure  avec  celle 
de  VO.  Fullonica,  figurée  par  M.  Kunckel  (Comptes  rendus  de  r Académie 
des  sciences,  séance  du  30  août  1875).  Il  résulte  de  ces  faits  que  certains 
Lépidoptères  adultes  sont  réellement  des  insectes  nuisibles,  très  redou- 
tables même  pour  les  vergers  des  régions  tropicales.  Il  est  probable  que 
les  observations  nouvelles  nous  renseigneront  plus  complètement  sur 
les  chenilles  et  les  chrysalides  des  Ophideres  et  genres  voisins,  afin  de 
pouvoir  procéder  sous  leurs  diverses  formes  à  la  destruction  de  ces 
espèces.  On  sait  que  les  chenilles  des  Ophideres  ont  la  première  paire 
de  pattes  membraneuses  atrophiée,  ressemblant  d'autre  part  à  celles 
des  Deilephila,  portant  comme  elles  de  grandes  taches  latérales  ocel- 
lées et  une  éminence  sur  le  onzième  anneau. 

Guenée  décrit  dix-sept  espèces  du  genre  Ophideres,  qui,  malgré  leur 
grande  taille  et  leurs  belles  couleurs,  sont  encore  peu  répandues  dans 
les  collections.  Une  des  plus  grandes  et  anciennement  connue  est 
l'O.  Fullonica,  Linn.,  des  Indes  orientales  et  de  l'Australie,  l'espèce  de 
M.  Thozet.  Les  plus  grands  sujets  ont  jusqu'à  120  miUimètres  d'enver- 
gure et  près  de  50  de  longueur  du  corps;  les  ailes  supérieures,  entières 
chez  le  mâle,  subdentées  chez  la  femelle,  marbrées  en  dessus  de  vert 
eau-de-mer,  de  blanc,  de  noir  et  de  brun,  avec  un  triangle  de  trois 
taches  noires  très  irrégulières  vers  le  milieu  du  bord  externe  et  des 
bandes  peu  marquées  d'un  gris  cendré,  vers  le  milieu  et  vers  le  bord 
antérieur  de  l'aile;  ailes  inférieures  d'un  fauve  vif,  avec  une  grosse 
lunule  noir  vers  le  milieu  et  une  large  bordure  noire  s'arrêtant  avant 
la  lunule  et  remontant  en  petite  sailUe,  cette  bordure  noire  frangée  de 
blanc  entre  les  nervures;  tète  et  thorax  bruns;  abdomen  jaune  orangé 
en  dessus  et  nankin  en  dessous;  pattes  postérieures  et  intermédiaires 
armées  de  forts  éperons.  Le  coloris  varie  tellement,  non  seulement 
entre  mâle  et  femelle,  mais  môme  entre  individus  du  même  sexe, 
qu'on  pourrait  croire  à  l'existence  de  plusieurs  espèces  distinctes.  Une 
très  rare  espèce  de  Madagascar  est  l'O.  Imperator,  Boisd.,  de  100  milli- 
mètres d'envergure  :  mâle,  ailes  supérieures  entières,  d'un  brun  cho- 
colat soyeux,  avec  le  bord  terminal  d'un  gris  rosé  fondu,  strié  de  brun 
et  deux  lignes  du  môme  gris  rosé,  ombrées  de  brun,  mal  limitées, 
allant  du  bord  interne  au  sommet,  l'espace  médian  nuancé  de  gris 
rosé;  ailes  inférieures  d'un  fauve  vif,  avec  une  bordure  noire,  large, 
entière,  continue,  projetant  un  rameau  qui  se  lie  avec  une  grosse  tache 
noire  discoïdale  arrondie,  la  frange  coupée  entièrement  de  noir  et  de 
blanc  jaunâtre;  femelle  (pi.  xcvi,  fig.  1),  ailes  supérieures  mélangées  de 
griï  violâtre  luisant,  de  verdàtre  et  d'ocracé,  fortement  nuage  et  strié 
de  brun  noir,  sans  lignes  bien  visibles,  une  tache  irrégulière,  allongée, 


582  LÉPIDOPTÈRES. 

d'un  vert  clair  près  de  la  base,  la  tache  réniforme  mal  arrêtée,  ver- 
dâtre  et  mate,  tranchant,  sous  certaines  incidences  de  la  lumière,  sur 
le  luisant  de  l'espace  médian;  ailes  inférieures  dentées,  de  coloration 
analogue  à  celles  du  mâle.  Nous  citerons  encore,  parmi  les  espèces  les 
moins  rares,  0.  Materna,  Linn.,de  Java  et  des  Indes  orientales,  0.  Sala- 
minia,  Cramer,  des  Indes  orientales  et  du  sud  de  la  Chine,  ressemblant 
à  Fnllonica;  plusieurs  espèces  du  Brésil  et  de  Colombie. 

Les  Érébides  sont  une  famille  de  Noctuelles  bien  connues  à  l'état 
parfait,  car  la  taille  gigantesque  de  certaines  espèces  semble  en  faire 
les  analogues  des  Oiseaux,  et  appelle  sur  elles  l'attention  des  chasseurs, 
de  sorte  qu'elles  figurent  dans  la  plupart  des  envois  de  papillons  exo- 
tiques. Ce  sont  des  papillons  de  grande  taille,  à  antennes  minces, 
longues  et  pubescentes,  fi  palpes  très  ascendants  et  à  articles  bien  dis- 
tincts, les  yeux  très  gros  et  apparents,  surtout  dans  les  mâles,  la  spiri- 
trompe  forte,  le  thorax  lisse  et  peu  convexe,  l'abdomen  plus  ou  moins 
allongé,  se  terminant  toujours  en  pointe,  les  ailes  larges,  bien  garnies 
d'écaillés,  le  plus  souvent  dentées^  â  lignes  distinctes,  à  frange  écail- 
leuse  bien  fournie,  les  pattes  fortes,  rarement  très  velues,  mais  à  épines 
bien  prononcées.  Les  chenilles  ne  sont  connues  que  dans  très  peu  d'es- 
pèces, de  sorte  que  nous  devons  nous  gai-der  de  généraliser;  celles  qui 
ont  été  observées  sont  cyllndroïdes,  épaisses,  à  tête  globuleuse,  à  sei«e 
pattes  égales;  elles  vivent  cachées  sous  les  feuilles  et  les  débris,  et 
deviennent  chrysalides  dans  des  coques  molles  et  peu  serrées,  placiée& 
soit  dans  la  terre  même»  soit  près  de  sa  surface  parmi  les  broussailles. 
Le  plus  grand  nombre  d'espèces  provient  des  deux  Amériques.  Le  genre 
Erebus,  Latr.)  est  actuellement  restreint  à  une  grande  espèce  de  136  mil- 
limètres d'envergure  dans  les  deux  sexes,  l'E.  Odora,  Linn.,  avec 
^diverses  variétés,  très  communes  dans  les  collections,  venant  de  la  Gua- 
deloupe, de  la  Jamaïque,  des  Guyanes  et  du  Brésil,  les  ailes  dentées, 
concolores  et  à  dessins  communs  aux  deux  paires,  d'un  brun  de  terre- 
d'ombre,  sablé  de  gris  ocreux  et  teinté  de  lilas,  surtout  sur  les  bords, 
âvec  un  feston  terminal  clair,  et  au-dessus  une  ligne  noire  subtermi- 
Mle,  et  une  bande  médiane  commune,  dentée,  d'un  blanc  lilas;  les 
liîles  supérieures  triangulaires,  avec  la  tache  réniforme  ocellée,  en 
Ibfme  de  virgule,  épaisse,  noire,  lisérée  de  fauve,  et  portant  dans  le  bas 
une  ligne  d'un  blanc  bleuâtre,  qui  forme,  en  remontant,  un  filet  vitré 
très  étroit  ;  ailes  inférieures  très  velues  au  bord  abdominal,  avec  un 
crin  double,  offrant,  près  de  l'angle  anal,  une  large  tache  palmée, 
arrondie  en  haut,  tridentée  vers  le  bas,  l'intérieur  offrant  toutes  les 
couleurs  de  l'acier  recuit,  avec  un  filet  blanc  contournant  les  sinus, 
dont  l'extérieur  est  rempli  de  noir;  abdomen  très  court,  très  velu  en 
tlessus,  conique  dans  les  deux  sexes;  pattes  glabres.  Le  papillon  a  les 
ffioeurs  de  notre  Mania  Maura,  c'est-à-dire  fuit  la  lumière  du  jour, 
«^applique  contre  les  mura  et  les  rochers  dans  les  parties  les  plus  abri- 
tée, et  pénètre  jusque  dans  les  maisons.  Un  g-enre  voisin  nous  présente 


THYSANIA,    MAMA.  583 

la  plus  grande  Noctuelle  connue,  Thysania  Agrippina,  Cramer,  syn.  : 
Strix,  uuot.,  à  tortLinn.,  par  analogie  avec  une  Chouette.  Le  papillon, 
réellement  gigantesque,  le  plus  grand  des  papillons  connus,  assez  fré- 
quent dans  les  Guyanes,  figuré  à  Surinam  par  Sibylle  Mérian,  atteint 
de  2  à  3  décimètres  d'envergure  dans  les  deux  sexes,  qui  sont  pareils, 
les  ailes  largement  dentées,  d'un  blanc  jaunâtre,  avec  de  nombreuses 
lignes  noirâtres,  communes  aux  deux  ailes,  dentées  en  zigzag,  très  rap- 
prochées aux  ailes  inférieures,  les  taches  ordinaires  très  visibles  et 
rapprochées,  l'orbiculaire  en  anneau,  la  réniforme  très  grosse,  irrégu- 
lière, remplie  de  noii'àtre;  dessous  des  quatre  ailes  d'un  noir  violet,  avec 
des  séries  de  taches  blanches,  dont  les  terminales  en  figure  de  spatules, 
alternant  avec  d'autres  spatules  noires,  découpant  les  dents  encore  plus 
profondément,  les  taches  ordinaires  des  ailes  supérieures  noires,  sur 
un  fond  blanc,  ainsi  qu'une  lunule  sur  les  ailes  inférieures;  abdomen 
blanc,  zone  de  noir,  avec  l'extrémité  anale  fauve. 

Parmi  les  genres  européens,  le  genre  Mania,  Treitscke,  a  certaines 
analogies  avec  les  Érébides.  Les  papillons  ont  les  antennes  filiformes 
dans  les  deux  sexes,  le  thorax  large,  subcarré,  convexe  et  velu,  forte- 
ment crête,  l'abdomen  un  peu  déprimé,  caréné  et  terminé  dans  les 
mâles  par  un  bouquet  de  poils,  élargi  et  coupé  carément,  les  ailes  assez 
fortement  dentées,  à  lignes  et  taches  bien  marquées.  L'espèce  type,  de 
toute  la  France,  jamais  bien  commune,  est  une  de  nos  grandes  iNoc- 
tuelles,  M.  Maura,  Linn.,  la  Maure  d'Engramelle,  de  70  millimètres 
d'envergure,  les  deux  sexes  pareils,  la  femelle  moins  foncée,  les  quatre 
ailes  ayant  le  fond  d'un  gris  brun  foncé,  les  lignes  médianes  noires  aux 
ailes  supérieures,  l'espace  terminal  avec  une  grande  tache  d'un  gris 
blanchâtre  à  l'angle  apical,  la  nervure  médiane  et  les  taches  ordinaires 
se  dessinant  en  gris  clair  sur  le  fond,  la  frange  précédée  d'un  feston 
noirâtre,  les  ailes  inférieures  ayant  une  large  bande  terminale  plus 
foncée  el  la  frange  précédée  d'une  ligne  ondulée  noirâtre.  On  trouve 
cette  grande  iNoctuelle  en  juillet  et  août,  appliquée  pendant  le  jour 
dans  les  endroits  les  plus  humides  qu'elle  peut  trouver,  comme  les 
entrées  des  grottes  et  des  caves,  les  voûtes  des  ponts  et  des  aqueducs, 
les  berges  des  rivières,  ne  s'éloignant  jamais  du  voisinage  de  l'eau.  La 
chenille,  à  seize  pattes  égales,  à  tète  petite  et  globuleuse,  est  rase,  épaisse, 
veloutée,  les  anneaux  allant  en  grossissant  de  1  à  11,  celui-ci  marqué 
d'une  arête;  elle  est  noirâtre,  rappelant  la  couleur  du  papillon,  avec 
des  traits  obscurs  et  des 'stigmates  orangés;  de  mêmes  goûts  que 
l'adulte,  elle  vit  cachée  sous  les  plantes  pendant  le  jour,  dans  les  val- 
lées basses  et  humides,  arrosées  par  quelque  ruisseau,  vivant  en  avril 
et  mai  de  diverses  plantes  basses,  oseille,  mouron,  cynoglosse,  etct,  et 
aussi  de  divers  arbustes,  tels  que  aulne,  saule  et  surtout  prunellier  ; 
la  chrysalide,  saupoudrée  de  bleuâtre,  comme  celle  des  Catocala, 
est  entourée  d'une  coque  molle,  légèrement  enterrée  à  la  surface 
du  sol. 


584  LÉPIDOPTÈRES. 

Les  Ommatophorides  sont  des  Noctuelles,  de  taille  grande  ou  moyenne, 
aisées  à  reconnaître,  même  pour  les  yeux  les  moins  exercés,  car  les 
ailes  supérieures  ont  un  grand  dessin  oculé  qui  rappelle  les  Attacions 
et  attire  l'attention  de  prime  abord.  Cet  œil,  placé  à  l'extrémité  de  la 
cellule  discoïdale,  occupe  tout  l'espace  compris  entre  la  sous-costalc  et 
la  dernière  nervule  de  la  médiane,  et  est  circonscrit,  au  moins  d'un 
côlé,  par  une  ligne  noire  arquée,  presque  toujours  entourée  elle- 
même  d'une  bordure  ou  iris  plus  clair  que  le  fond;  le  dessin  constitutil' 
de  l'œil  est  pirilorme,  consistant  en  une  partie  renflée,  du  haut  de 
laquelle  part  une  sorte  de  queue,  diversement  recourbée;  ce  dessin  est 
finement  liséré  de  jaune  à  linlérieur,  et  extérieurement  de  petites 
écailles  fines,  d'un  bleu  luisant  et  souvent  métallique.  Les  aniennes,  de 
longueur  moyenne,  sont  presque  toujours  filiformes  dans  les  deux 
sexes;  il  y  a  un  toupet  frontal,  comme  dans  les  Érébides,  des  yeux  gros 
et  saillants,  surtout  chez  les  milles,  des  palpes  très  ascendants,  la  spiri- 
trompe  de  grandeur  moyenne.  Le  thorax  est  lisse,  l'abdomen  de  lon- 
gueur moyenne,  renflé,  cylindroïde  ou  conoïde,  jamais  aplati,  parfois 
velu  en  dessus,  mais  jamais  crête.  Les  ailes  sont  larges,  assez  épaisses, 
concolores  et  à  dessins  communs,  à  part  le  grand  ocelle  des  ailes  supé- 
rieures, les  lignes  bien  distinctes,  les  franges  squameuses,  bien  four- 
nies. Les  Ommalophoridcs,  de  même  que  les  Érébides,  manquent  en 
Europe,  et,  jusqu'à  présent,  au  nouveau  continent.  On  rencontre  leurs 
espèces  en  Afrique,  à  Madagascar,  aux  îles  Mascareignes,  dans  les  Indes 
orientales,  aux  îles  Sondaiques  et  Philippines,  en  Australie,  en  Tas- 
manie,  en  Chine,  au  Japon. 

CTl>lGRAillM.%,  Boisd.  —  Antennes  longues,  très  minces,  sélacées  dans  les 
deux  sexes;  veux  très  gros  dans  les  mâles,  si  rapprochés  qu'ils  réduisent  le 
toupet  frontal  à  un  espace  linéaire;  spirilrompe  assez  longue;  palpes  grêles  et 
ascendants  ;  corps  très  grêle,  le  thorax  peu  convexe,  un  peu  oblong,  l'abdomen 
n'atteignant  pas  l'angle  anal  des  ailes  inférieures,  conique,  finissant  en  pointe 
très  aiguë  chez  le  mâle,  moins  aiguë  chez  la  femelle;  ailes  larges,  peu  ou 
point  déniées,  les  supérieures  triangulaires,  à  œil  bien  complet,  à  côte  très 
mince  dans  toute  sa  longueur,  sans  aréole  (caractère  de  Bombyx),  les  infé- 
rieures un  peu  prolongées  d;ins  le  sens  du  corps,  à  cellule  discoïdale  courte, 
sous  les  qualre  ailes  un  arc  géminé,  formé  par  deux  lignes  saillantes  de  poils, 
plus  foncés  par  le  fond;  pattes  longues,  grêles,  non  épineuses.  —  Chenilles  et 
chrysalides  inconnues. 

Le  genre  Cyliijramma  est  essentiellement  d'Afrique,  des  côtes  occi- 
dentales et  orientales  de  ce  continent,  de  Madagascar,  de  l'île  Maurice, 
rare  dans  les  collections,  quoique  certaines  espèces  soient  ancienne- 
ment connues.  Il  est  naturel,  à  caractères  tranchés,  par  la  forme  des 
ailes  surtout  et  la  gracilité  du  corps;  les  ailes  supérieures  ont  le  bord 
terminal  presque  droit,  à  peine  sensiblement  denté,  les  inférieures  sont 


CYLIGRAMMA,    HOMOPTÉRIDES.  585 

denticulées.  Les  supérieures  ont  à  la  base  deux  lignes  noires  angu- 
leuses, le  dessin  piriforme  de  l'œil  n'y  est  pas  très  net  et  supporte  une 
tache  noire  qui  comble  toute  sa  partie  étroite  ;  une  ligne  centrale  com- 
mune aux  quatre  ailes,  nullement  ondée,  souvent  droite  et  blanche, 
parfois  un  peu  arquée  et  peu  distincte,  les  traverse  dans  toute  leur 
étendue.  Les  femelles  diflerent  des  mâles  par  des  yeux  moins  gros,  les 
ailes  inférieures  plus  arrondies,  une  couleur  plus  claire  et  les  bandes 
mieux  exprimées,  surtout  en  dessous.  Nous  représentons  une  espèce  du 
Sénégal,'/'.  Limacina,  Boisd.(pL  xcvi,  fig,  2),  de  63  millimètres  d'enver- 
gure, le  fond  d'un  brun  assez  foncé,  les  ailes  ayant  leur  extrémité, 
au  delà  du  milieu,  pâlie  par  une  multitude  de  petits  atomes  gris;  aile? 
supérieures  offrant,  au  milieu  et  contre  la  cOte,  un  grand  œil,  d'un 
brun  jaunâtre  à  reflets  dorés,  entouré  de  noirâtre,  contenant  deux 
taches  plus  foncées,  dont  la  supérieure  d'un  noir  vif,  bordée  du  côté 
interne  d'un  fin  liséré  bleuâtre,  la  seconde  plus  vague,  brune  et  en- 
tourée, du  côté  externe  et  inférieur,  d'une  ligne  sinueuse  blanche; 
entre  cet  œil  et  la  base  sont  deux  lignes  transversales  brunes  et 
sinueuses,  qui  se  prolongent  sur  les  ailes  inférieures,  celles-ci  ayant  au 
milieu  une  ligne  transversale  arquée,  d'un  gris  pâle,  et  les  quatre  ailes 
présentant,  dans  la  large  bordure  externe,  des  taches  brunes  arquées, 
peu  visibles. 

La  famille  des  Homoptérides  présente  des  papillons  chez  lesquels, 
par  un  caractère  assez  exceptionnel  pour  des  Noctuelles,  les  quatre 
ailes  sont  semblables  de  couleurs  et  de  dessins.  Ces  couleurs  sont 
généralement  peu  brillantes,  le  brun  de  feuille  sèche  et  le  noirâtre  y 
jouant  presque  le  seul  rôle.  Les  dessins  consistent  dans  les  lignes  ordi- 
naires, et  souvent  quelques  autres,  accessoires;  la  ligne  subterminale 
est  celle  qui  joue  le  principal  rôle,  formant,  dans  beaucoup  d'espèces, 
deux  grands  arcs  qui  se  rejoignent  au  miheu  du  bord  terminal  et  s'y 
perdent  dans  une  ombre  vague.  Les  chenilles  connues  se  rapprochent 
beaucoup  de  celles  des  Catocales  d'Europe;  elles  sont  allongées,  à  tète 
aplatie,  à  seize  pattes,  mais  ayant  la  première  paire  de  pattes  membra- 
neuses plus  courte  que  les  autres,  ce  qui  les  rend  impropres  à  la  pro- 
gression, et  fait  que  ces  chenilles  sont  demi-arpenteuses.Le%  chrysalides 
sont  arrondies  antérieurement,  aiguës  postérieurement,  le  plus  souvent 
recouvertes  d'une  efflorescence  violàtre  ou  bleuâtre.  Si  les  deux  pre- 
miers états  sont  très  analogues  à  ceux  des  Catocales,  la  ressemblance 
s'arrête  là,  car  les  adultes  du  genre  Catocala  ont  les  ailes  très  dissem- 
blables de  dessins  et  de  couleurs,  les  inférieures  richement  colorées. 
Ceci  est  encore  un  exemple  qui  nous  prouve  que  la  nature  n'a  pas  fait 
de  classifications,  et  que  les  classifications  naturelles  planes  sont  une 
chimère,  si  l'on  ne  se  contente  pas  de  n'y  voir  que  des  approximations. 
Les  Homoptérides  sont  formés  en  majeure  partie  d'espèces  américaines; 
les  autres  espèces,- qui  constituent  un  genre  spécial,  .f/«m«'s,  (ùienée, 
sont  des  Indes  orientales  et  de  Java,  sauf  une  espèce  d'Europe,  très 


586  LÉPIDOPltJîES. 

rare,  A.  Albidens,  Herr.  Schœff.,  de  Russie  méridionale,  et  une  autre 
du  Chili,  région  qui  a  des  affinités  fauniques  avec  l'Europe. 

HOMOi>TKn.%,  Bolscl.  —  Antennes  assez  longues,  crénelées  de  cils  fins  et  ver- 
ticillés  dans  les  mâles,  simples,  très  courts  et  très  écartés  dans  les  femelles; 
spjritrompe  moyenne;  palpes  très  ascendants;  thorax  large,  subcarré,  velu, 
avec  ptérygodes  poilus  et  relevés  ù  l'extrémité  en  crête  coupée  carrément; 
abdomen  lirge,  un  peu  aplati,  avec  une  large  crête  aplatie  sur  le  premier 
anneau  et  de  très  petites  sur  les  aimeaux  suivants  ;  les  quatre  ailes  concolores. 
également  chargées  de  dessins,  un  peu  coudées  au  milieu  du  bord  terminal; 
pattes  velues  dans  les  mâles,  avec  les  cuisses  intermédiaires  très  grosses  et  très 
garnies  de  poils  serrés.  —  Chenilles  à  tète  petite,  rases,  allongées,  atténuées 
antérieurement,  munies  d'une  éminence  bifide  sur  le  onzième  anneau,  à  seize 
pattes,  la  première  paire  de  pattes  membraneuses  plus  courte  et  impropre  à  la 
marche.  —  Chrysalides  obtuses  antérieurement,  coniques  et  aiguës  postérieu- 
rement, couvertes  d'une  efflorescence  d'un  blanc  bleuâtre  ou  violâtre. 

Les  Homoptera  sont  propres,  en  grande  majorité,  à  l'Amérique  sep- 
tentrionale. Les  femelles,  un  peu  plus  petites  que  les  mâles,  ont  les 
ailes  un  peu  plus  arrondies,  mais  n'en  diffèrent  pas  pour  les  dessins.  La 
ressemblance  de  leurs  chenilles  avec  celles  des  Catocala  ne  va  pas  au  delà 
des  caractères  indiqués;  elles  n'ont  pas  de  franges  latérales  furfuracées,. 
ni  de  saillie  sur  le  huitième  anneau  ;  indépendamment  de  l'atrophie  de 
la  première  paire  de  pattes  membraneuses,  qui  force  la  chenille  à  boucler 
en  marchant  le  sixième  anneau,  les  anneaux  Zi  etô  sont  presque  toujours 
courbés  en  arc,  en  sorte  qu'on  les  dirait  renflés  sur  le  dos  ;  entin,  un 
caractère  constaté  sur  les  chenilles  connues  des  Homoptera,  c'est  que 
l'incision  du  cinqiriùme  anneau  est  toujours  occupée  en  grande  partie 
par  un  espace  jaune  ou  fauve,  précédé  de  deux  taches  ocellées  ou 
annulaires.  Nous  citerons  une  espèce  dont  le  papillon  est  assez  fréquent 
en  octobre  dans  l'Amérique  septentrionale,  l'H.  Edusa,  Drury,  syn.  : 
Putrescens,  G.  Mén.,  de  50  à  55  millimètres  d'envergure,  les  ailes  d'un 
brun  de  bois  nuancé  et  strié  de  foncé,  un  point  blanc  à  la  partie  infé- 
rieure de  la  tache  réniforme,  qui  est  remplacée  par  un  espace  obscur, 
tout  l'espace  terminal  d'un  blanc  grisâtre  ou  bleuâtre  aux  quatre  ailes, 
formant  aux  ailes  supérieures  deux  grandes  lunules  circonscrites  par 
les  deux  arcs  que  nous  avons  indiqués  comme  généraux  aux  ailes  supé- 
rieures des  liomoptérides.  Le  dessous  est  d'un  gris  jaunâtre  pâle,  avec 
quelques  traces  de  lignes  obliques.  La  chenille  vit  en  août  sur  la  Verge 
d'or  et  probablement  sur  les  chênes,  et  tile  un  léger  cocon  vers  le 
milieu  de  septembre.  Il  est  vraisemblable  qu'il  y  a  une  première  géné- 
ration prinlanière.  La  chenille,  à  toute  sa  taille  (pi.  xcvi,  fig.  o),  est  de 
couleur  de  chair,  avec  toutes  les  lignes  interrompues,  festonnées,  noi- 
râtres, ainsi  que  les  points  trapézoïdaux  et  latéraux,  et  les  deux  émi- 
nences  du  onzième  anneau  ;  dans  les  incisions  des  quatrième  et  cin- 


GATOCALA  587 

quième  anneaux,  est  une  large  tache  orangée,  et,  sur  le  dos  du  quatrième, 
on  voit  deux  cercles  noirâtres,  qui  renferment  les  trapézoïdaux;  la  tète 
et  les  pattes  sont  concolores. 

Le  groupe  exotique  dont  nous  venons  de  parler  nous  amène  à  un 
genre  très  intéressant  par  les  belles  Noctuelles,  de  taille  grande  et 
moyenne  qu'il  renferme,  et  qui  sont  de  notre  faune  et  à  pou  près  de 
toute  l'Europe. 

CATOCA1..4,  Schrank.  —  Antennes  longues,  grêles,  pubeacentes  dans  les  mâles, 
sétacées  dans  les  femelles;  spiritronipe  longue  et  forte;  palpes  ascendants, 
connivenls,  le  second  article  épais  et  squameux,  le  troisième  très  distinct; 
thorax  convexe,  squameux,  subcarré,  muni  d'une  crête  courte  et  bifide  entre 
les  plérygodes;  abdomeu  long,  conique,  crête  ou  velu  en  dessus  et  terminé  par 
un  bouquet  de  poils  rétréci  dans  les  deux  sexes;  ailes  larges,  épaisses,  les 
supérieures  à  bord  externe  denticulé,  à  écailles  pulvérulentes,  grises,  avec 
lignes  ondulées  plus  foncées,  les  inférieures  denticulées,  de  couleurs  bleues, 
rouges  ou  jaunes  (espèces  européennes),,  avec  deux  bandes  noires  et  la  frange 
blanche;  pattes  longues,  robustes,  squameuses.  —  Chenilles  à  tète  aplatie  et 
coupée  obliquement,  à  seize  pattes,  la  première  paire  de  pattes  membraneuses 
raccourcie,  allongées,  atténuées  aux  deux  extrémités,  bombées  en  dessus,  apla- 
ties en  dessous,  garnies  latéralement  de  petits  filaments  charnus  et  comme 
écailleux,  marquées  sous  le  ventre  d'une  large  tache  noire  par  anneau.  — 
Clirj'salides  renfermées  dans  de  légères  coques  soyeuses  et  couvertes  d'une 
efflorescence  bleuâtre,  grise  ou  rosée. 

Les  Catocala  constituent  un  genre  très  homogène  dans  la  grande 
tribu  des  Noctuéliens,  chenilles  et  papillons  ayant  tous  un  air  de  famille 
très  reconnaissable,  même  pour  les  yeux  les  moins  habitués  à  l'obser- 
vatioQ  entomologique.  Les  papillons  des  Catocales  sont  des  Noctuelles 
de  taille  généralement  grande,  parfois  moyenne,  dont  les  ailes  supé- 
rieures forment  au  repos  un  toit  aplati  et  triangulaire,  recouvrant  com- 
plètement les  inférieures.  Elles  sont  toujours  grises,  nuancées  Çe\  et  là 
de  blanc,  de  brun,  de  jaunâtre  et  de  verdâtre,  avec  des  atomes  les  uns 
plus  clairs,  les  autres  plus  foncés  et  des  lignes  ondulées  noirâtres,  cou- 
leurs et  dessins  qui  les  ont  fait  appeler  Likénées  ou  Lichénées  par  les 
anciens  auteurs,  car  ces  papillons  au  repos  se  confondent  pour  la  vue 
avec  les  Lichens  des  troncs  d'arbre,  des  rochers  et  des  murailles,  de 
sorte  qu'il  arrive  souvent  qu'on  les  voit  se  reposer  sur  le  tronc  d'un 
arbre,  à  quelques  pas  de  distance,  et  qu'on  ne  peut  les  retrouver  s'ils 
ne  font  pas  de  mouvements;  mais  d'ordinaire,  dès  qu'on  passe  près 
d'eux,  ils  prennent  leur  vol,  même  en  plein  jour,  pour  peu  de  temps, 
car  ils  vont  en  général  se  poser  à  faible  distance  du  point  dont  ils  sont 
partis;  les  vives  nuances  de  leurs  ailes  inférieures  les  font  alors  très 
aisément  reconnaître.  On  trouve  ces  papillons  à  peu  près  partout,  dans 
les  bois,  dans  les  prairies  plantées  d'arbres,  dans  les  jardins  et  jusque 


588  LÉPIDOPTÈRES. 

dans  les  maisons,  où  ils  s'accrochent  souvent  aux  murs  ombragés  et 
sous  les  rebords  des  toils.  Les  ailes  inférieures  ont  toujours  une  large 
bordure  noire,  assez  souvent  interrompue  vers  les  trois  quarts  de  son 
parcours,  et  reparaissant  seulement  en  taclie  noire  à  l'angle  anal.  Outre 
cette  bordure,  une  seconde  bande  noire  plus  étroite,  partant  du  milieu 
de  l'aile,  subit  des  inflexions  qui  varient  selon  les  espèces;  parfois  cette 
seconde  bande  noire  manque  absolument,  parfois  elle  se  réunit  à  la 
couleur  de  la  base,  ne  laissant  qu'une  bandelette  rouge  ou  jaune  au 
milieu  de  l'aile,  enfin  toute  l'aile  inférieure  peut  être  d'un  noir  de 
velours  uni  {C.  Lacrymosa  et  Epione,  de  l'Amérique  septentrionale);  la 
couleur  noire  du  fond  est  bleue,  ou  passe  par  toutes  les  nuances,  soit 
du  rouge  minium  au  rouge  carmin  le  plus  pur,  soit  du  jaune  serin  à 
l'orangé  le  plus  foncé  et  au  fauve  ;  aux  vapeurs  des  acides  chlorhydrique 
ou  azotique  le  rouge  des  ailes  inférieures  devient  immédiatement  jaune 
(je  l'ai  bien  vérifié  pour  C.  Nupta),  la  couleur  rouge  reparaissant  im- 
médiatement par  le  gaz  ammoniac,  ou  peu  à  peu,  à  mesure  que  le 
gaz  acide  se  dégage;  c'est  le  même  fait  que  pour  les  Euchélies,  Chélo- 
nies  et  Callimorphes  rouges.  Le  dessous  de  toutes  les  ailes  des  Catocala 
est  invariablement  d'une  couleur  claire,  avec  des  bandes  noires,  même 
chez  celles  à  ailes  inférieures  entièrement  noires  en  dessus,  seulement 
tantôt  la  couleur  claire  est  la  même  que  celle  du  dessus  des  ailes  infé- 
rieures, tantôt  elle  est  remplacée  par  du  blanc,  qui  est  alors  plus  ou 
moins  lavé  de  rouge  ou  de  jaune,  dans  le  tiers  ou  la  moitié  interne  de 
laile  inférieure.  Les  femelles  des  Catocales  sont  ordinairement  un  peu 
plus  nébuleuses  que  les  mâles  aux  ailes  supérieures.  L'abdomen,  dans 
certaines  espèces,  se  recouvre  accidentellement  d'une  nuance  d'un 
beau  rouge  rosé;  c'est  sa  couleur  normale  chez  C.  Pasta,  rare  espèce 
du  nord  de  l'Europe;  on  l'observe  souvent  dans  C.  Optata,  et  parfois 
dans  les  C.  Promissa  et  Electa. 

Les  chenilles  des  Catocala  ne  sont  pas  moins  bien  caractérisées  que 
les  adultes.  Elles  vivent  toutes  sur  les  arbres,  et  leurs  couleurs,  ordi- 
nairement marbrées  de  brun,  de  gris  et  de  verdàtre,  s'allient  si  parfai- 
tement avec  les  Lichens  et  autres  cryptogames  qui  croissent  sur  les 
troncs,  qu'il  y  a  là  une  imitation  défensive,  l'accord  des  nuances  les 
dissimulant  tout  à  fait  lorsqu'elles  sont  blotties  dans  les  crevasses  de 
l'écorce,  où  elles  restent  cachées  pendant  une  grande  partie  du  jour. 
On  a  beaucoup  de  peine  à  les  arracher  de  leurs  retraites,  les  franges 
latérales  servant  sans  doute  à  compléter  l'adhérence  qui  a  lieu  par  les 
crochets  des  pattes  membraneuses.  Ces  chenilles  sont  demi-arpenteuses 
et  courbent  légèrement  leurs  anneaux  médians  quand  elles  marchent. 
On  se  tromperait  grandement  si  l'on  jugeait  de  leur  activité  par  leur  im- 
mobilité habituelle  :  elles  sont,  au  contraire,  des  plus  vives,  et,  quand 
on  les  touche,  elles  échappent  souvent  à  la  main,  avec  une  agilité  mer- 
veilleuse, en  exécutant  des  frétillements  multipliés  et  de  véritables  sauts. 
La  croissance  de  ces  chenilles  est  assez  lente;  elles  se  métamorphosent 


CATOCALA.  589 

dans  un  cocon  h  réseau  peu  serré,  entouré  de  feuilles  ou  fixé  dans  une 
crevasse  d'écorcc,  imprégné  d'une  poussière  jaune  ou  grise  sécrétée 
par  l'insecte;  les  chrysalides,  très  arrondies,  de  forme  ordinaire,  sont 
couvertes  d'une  épaisse  poussière  bleuâtre,  grise  ou  rosée. 

Le  genre  Catocala  est  propre  à  l'hémisphère  boréal  et  surtout  à  ses 
régions  tempérées  et  froides.  On  en  trouve  environ  vingt-cinq  espèces 
en  Europe,  bien  plus  encore  dans  l'Amérique  du  Nord,  et  certaines  en 
Sibérie.  Le  genre  paraît  manquer  en  Afrique,  dans  l'Asie  et  l'Amérique 
méridionales  et  en  Australie. 

Nous  citerons  seulement  les  principales  espèces  de  France  :  C  fraxini, 
Linn.,  la  Likénée  bleue,  de  Geoffroy,  the  Clifden  Nonpareil,  de  toute  l'Eu- 
rope centrale  et  boréale,  aussi  de  l'Amérique  du  Nord,  pareille  aux  sujets 
européens,  la  plus  grande  des  Noctuelles  d'Europe,  ayant  parfois  près 
d'un  décimètre  d'envergure,  la  seule  Catocale  dont  les  ailes  inférieures 
soient  bleues,  jamais  commune,  l'adulte  de  la  fin  d'août  au  commence- 
ment d'octobre,  sur  les  troncs  des  peupliers  et  des  trembles,  aussi  sous 
les  chaperons  des  murs;  chenille  d'un  gris  blanchâtre  couleur  d'asperge 
vivant  en  juin  et  juillet  des  feuilles  de  peuplier  et  les  abandonnant 
volontiers,  après  sa  dernière  mue,  pour  celles  du  tremble.  Le  meilleur 
moyen  d'obtenir  fraîche  cette  belle  Noctuelle,  toujours  recherchée  des 
amateurs,  est  de  capturer  quelque  femelle,  de  la  piquer  vivante  et  de 
recueillir  les  œufs  dont  elle  se  débarrasse,  et  que  l'on  conserve  l'hiver  à 
l'air  libre;  ils  éclosent  après  l'apparition  des  feuilles  de  peuplier,  et  l'on 
enferme  les  jeunes  chenilles  dans  un  sac  de  mousseline  dans  lequel  on 
a  enfilé  une  branche  feuillue;  il  faut  bien  surveiller  ces  jeunes  che- 
nilles, car  elles  aiment  à  s'échapper  en  faisant  des  sauts  à  la  manière 
des  poissons;  la  chrysalide  se  forme  au  milieu  de  juillet;  ce  procédé 
d'élevage  s'applique  à  beaucoup  d'autres  Catocala,  dont  les  œufs  pas- 
sent aussi  l'hiver;  C.  Nupta,  Linn.,  la  Likénée  rouge  de  Geoffroy,  la 
Déplacée  d'Engramelle,  la  Mariée,  the  Red  Underwing,la.  plus  commune 
de  nos  Catocala,  fréquente  dans  toute  la  France,  de  juillet  à  septembre 
inclusivement,  sur  les  troncs  des  arbres,  les  murs  et  clôtures;  chenille 
en  mai  et  juin  sur  les  trembles,  les  peupliers  et  les  saules,  d'un  gris 
cendré  un  peu  jaunâtre,  avec  deux  bandes  irrégulières,  ondées,  inter- 
rompues, plus  ou  moins  visibles,  souvent  nulles,  d'un  gris  plus  foncé, 
noirâtre  ou  verdâtre,  la  frange  latérale  d'un  gris  blanc,  le  ventre 
bleuâtre,  avec  des  taches  noires;  C.  Sponsa,  Linn.,  la  Likénée  rouge 
d'Engramelle,  the  Dark  Crimoon  Underwing,  de  65  millimètres  d'enver- 
gure, les  ailes  inférieures  d'un  rouge  cramoisi,  avec  deux  bandes  noires, 
la  première  sur  le  disque,  de  largeur  inégale,  en  forme  de  M,  la  seconde 
marginale,  large  à  la  côte,  plus  étroite  à  l'angle  anal,  suivant  intérieu- 
rement les  contours  de  la  première,  la  frange  noirâtre,  entrecoupée  de 
points  blancs.  Cette  espèce,  beaucoup  plus  rare  que  la  précédente,  ne 
se  trouve  que  dans  les  grandes  forêts  de  chênes,  appliquée  au  repos  sur 
le.s  troncs  de  ces  arbres.  La  chenille  (pi.  xcvi,  fig.  U)  est  grise  et  marbrée. 


590  l.tPJDOPIÈKKS. 

avec  deux  tubercules  sur  les  huifit^me  et  onzième  anneaux,  et  vit  en 
mai  sur  les  chênes.  Pour  se  la  procurer,  il  faut  battre  fortement  les  bali- 
veaux ou  les  branches  des  gros  chênes,  car  elle  ne  descend  pas  sur 
les  troncs,  comme  les  chenilles  de  Nupta  et  de  Promissa.  La  chrysalide 
(pi.  xcvi,  fig,  4,tf)se  forme  au  commencement  de  juin,  dans  une  coque 
légère,  filée  entre  les  feuilles.  Citons  encore,  parmi  les  espèces  à  ailes 
inférieures  rouges,  C.  Promissa,  cat.  de  Vienne,  la  Promise,  d'Engra- 
melle,  the  IJght  Crîmoon  Underwing,  mêmes  localités  et  époques  que 
Spoma,  de  56  ;i  60  millimètres  d'envergure,  les  ailes  inférieures  d'un 
rouge  cramoisi,  avec  deux  bandes  noires,  la  première  étroite,  flexueuse, 
non  en  M,  en  crocheta  son  extrémité  inférieure,  la  seconde  marginale, 
sinuée  intérieurement,  non  anguleuse,  comme  chez  Sponsa;  chenille 
verte,  marbrée  de  noir,  à  place  noirâtre  entre  les  huitième  et  neu- 
vième anneaux,  à  rechercher  en  mai  sur  les  troncs,  entre  les  crevasses 
des  écorces  de  chêne.  Il  y  a  en  France  plusieurs  Catocala  à  ailes  infé- 
rieures jaunes,  principalement  méridionales;  celle  qui  remonte  le  plus 
au  nord,  toujours  rare,  dans  l'est  jusqu'en  Alsace,  près  de  Paris  dans 
Seine-et-Marne  (Kallou),  dans  l'Indre  (Maurice  Sand),dans  l'Aube  (Jour- 
dheuille),  etc.,  est  C.  Paramjmpha,  Linn.,la  Paranymphe  d'EngrameUe, 
de  52  millimètres  d'envergure,  les  ailes  inférieures  d'un  jaune  fauve, 
avec  deux  bandes  noires,  celle  du  disque  formant  un  anneau  allongé, 
celle  du  bord  terminal  fortement  échancrèe  k  l'angle  externe  et  inter- 
rompue avant  l'angle  anal,  la  frange  d'un  jaune  pâle,  chargée  dans  son 
milieu  de  cinq  lunules  obscures;  papillon  en  juillet  et  août,  chenille 
en  mai  sur  le  prunellier  (Prunus  spinosa). 

Dans  la  revue  rapide  que  nous  ferons  des  autres  Noctuelles,  nous 
indiquerons  surtout  les  espèces  dont  les  chenilles  sont  nuisibles  aux 
champs,  aux  forêts,  aux  jardins. 

Les  auteurs  systématiques  placent  naturellement  en  tête  des  Noc- 
tuelles des  groupes  de  papillons  qui  établissent  un  passage  avec  les 
Bombyciens.  Tels  sont  d'abord  les  Cymatophorides  que  les  Allemands 
mettent  dans  les  Bombyciens,  à  la  suite  des  Xotodontides.  En  réalité, 
les  adultes  se  rapprochent  beaucoup  des  Noctuelles  par  les  dessins  des 
ailes,  tandis  que  les  chenilles  à  seize  pattes  ont  un  aspect  et  surtout 
des  mœurs  très  voisines  de  celles  des  Clostera.  Ce  sont  les  Noctuo- 
Bombycides  de  Boisduval.  Le  genre  Thyathyra,  Ochsenh.,  ofl're  des 
papillons  à  antennes  simples,  à  spiritrompe  assez  courte,  à  thorax  velu, 
crête  et  comme  boursouflé,  à  ailes  entières,  ornées  de  dessins  très 
élégants;  les  chenilles,  qui  vivent  sur  les  Ronces,  relèvent  leur  partie 
postérieure  comme  celles  des  Notodontes;  à  citer  :  T.  Derasa,  Linn.,  la 
Ratissée  d'iùigramelle,  T.  Bâtis,  Linn.,  la  Noctuelle  Bâtis  d'Olivier. 
Dans  le  genre  Cymatophora,  Treitscke,  les  papillons  ont  les  antennes 
épaisses  et  veloutées,  la  spiritrompe  courte,  les  palpes  grêles,  le  corps 
laineux,  les  ailes  entières,  à  lignes  nombreuses;  les  chenilles  sont  rases, 
à  peau  fine  et  plissce,  sans  éminences,  aplaties  en  dessous,  à  seize 


NOCTUÉLIENS.  591 

pattes  développées,  et  à  tète  grosse;  elles  vivent  renfermées  entre  des 
feuilles.  Ex.  :  C  Flavicornis,  Linn.,  la  Flavicorne,  Engr.,  la  Bisulfurée, 
Devillers,  the  Yelloïc  Horned  des  entomologistes  anglais,  dans  les  bois, 
sur  les  troncs,  en  mars  et  avril;  chenille  jaunâtre,  à  points  blancs 
et  tête  fauve,  en  mai,  renfermée  entre  deux  feuilles  de  bouleau; 
C.  Ridens,  Fabr.,  la  Tête  rouge,  Engr.,  la  Noctuelle  moqueuse,  Oliv.,  the 
Frosted  Green,  en  avril  et  mai  sur  les  troncs,  dans  les  bois  de  chêne  ; 
chenille  en  juin  sur  le  chêne,  entre  deux  feuilles,  surtout  sur  les  vieux 
arbres;  elle  est  jaune,  ponctuée  de  blanc,  à  tête  fauve,  et  s'élève  assez 
facilement.  Les  Bryophilides  forment  une  famille  bien  tranchée,  dont 
\ui  seul  genre  européen,  Bryophila,'lv.,  ù  papillons  de  petite  taille,  avec 
les  antennes  simples,  la  spirilrompe  courte  et  grêle,  l'abdomen  crête. 
Les  chenilles  sont  cylindroïdes,  courtes  et  rases,  à  points  trapézoïdaux 
luisants  et  verruqueux  ;  elles  habitent  toutes  les  vieux  murs  et  le  tronc 
des  arbres  couverts  de  Lichens,  dont  elles  font  leur  unique  nourriture. 
Les  plus  microscopiques  de  ces  plantes  semblent  être  celles  qui  leur 
conviennent  le  mieux;  quelquefois  elles  mangent  des  Lepra  et  des 
Imbricaria  si  peu  appax*entes,  qu'on  croirait  voir  la  chenille  rongeant 
la  pierre  elle-même:  il  faut  chercher  ces  chenilles  le  soir,  très  tard,  ou 
de  grand  matin,  car  elles  se  cachent  pendant  le  jour  dans  des  trous 
qu'elles  bouchent  avec  un  opeixule  de  soie,  et  ne  mangent  que  quand 
la  rosée  a  ramolli  et  humecté  les  Lichens;  les  chrysalides  ù  peau  fine, 
parfois  efflorescentes,  ne  sont  pas  enterrées,  mais  contenues  dans  des 
cocons  de  soie  mêlée  de  débris  de  Lichens,  ou  dans  des  creux  couverts 
de  Lichens  et  qu'elles  tapissent  intérieurement  de  fils  de  soie.  Deux 
espèces  communes,  se  trouvant  dans  les  villages  et  les  villes,  sont 
B.  Glandifera,  cat.  de  Vienne,  la  Noctuelle  du  Lichen  d'Olivier,  the  Mar- 
bled  Green  des  Anglais,  de  28  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supé- 
rieures d'un  vert  grisiltre  pAle,  avec  dessins  ondulés  noirs,  en  juillet  et 
août,  très  commun  autour  de  Paris,  sur  les  murailles,  les  ponts,  les 
rochers,  volant  le  soir  aux  lumières;  chenille  d'un  gris  noir,  avec  ligne 
dorsale  et  traits  blancs,  en  mai  sur  les  Lichens  des  pierres;  B.  Perla, 
cat.  de  Vienne,  la  Noctuelle  Perle  d'Olivier,  the  Marbled  Beaufy,  de 
25  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  blanc  un  peu 
jaunâtre  ou  bleuâtre,  avec  les  lignes  ordinaires  noirâtres,  onduleuses  et 
dentelées,  espèce  commune  en  juillet  dans  toute  la  France,  dans  l'inté- 
rieur des  villes,  attirée  par  les  lumières  des  appartements,  des  illumi- 
nations, etc.,  se  trouvant  abondamment  au  haut  de  la  flèche  de  la 
cathédrale  de  Strasbourg,  etc.,  le  papillon  souvent  appliqué  contre  les 
murs,  les  quais,  les  parapets  des  ponts;  chenille  grise,  à  bande  dorsale 
orangée,  marquée  de  points  noirs,  en  mai  et  juin,  sur  les  Lichens  des 
murs  et  des  pierres  exposées  au  soleil.  Les  Bombyco'ides,  Boisd.,  ou 
Acronyctides,  Guenée,  ont  les  antennes  courtes  ou  moyennes;  la  spiri- 
trompe  grêle  et  courte,  les  palpes  courts  et  velus,  le  thorax  arrondi, 
velu  ou  laineux,  les  ailes  épaisses  et  pulvérulentes,  en  toit  assez  aigu 


592  LÉPIDOPTÈRES. 

dans  le  repos;  chenilles  ressemblant  à  celles  des  Bombyx,  à  seize  palte 
égales,  épaisses,  cylindroïdes,  les  trapézoïdaux  verruqueux,  plus  ou 
moins  garnis  de  poils  verlicillés,  vivant  à  découvert  sur  les  arbres  ou 
les  plantes  basses;  les  chrysalides  non  enterrées,  courtes,  obtuses,  ren- 
fermées dans  des  cocons  filés  entre  les  branches  ou  les  mousses.  Le 
genre  Diphthera,  Ochs.,  offre  des  papillons  à  ailes  supérieures  de  cou- 
leurs vives,  avec  de  jolis  dessins  hiéroglyphiques  noirs,  le  thorax  uni, 
l'abdomen  crête,  les  chenilles  ressemblant  à  celles  des  Liparis.  Ex.  : 
D.  Orlun,  Esper,  VAvriliére  d'Engramelle,  assez  fréquent  dans  les  bois 
de  chênes  en  mai  et  juin,  les  ailes  supérieures  d'un  très  beau  vert  à 
dessins  noirs;  chenille  à  larges  taches  dorsales  jaunes,  avec  les  verrues 
rousses,  vivant  sur  le  chêne  en  août  et  septembre.  Il  y  a  des  espèces  de 
l'Amérique  du  Nord  et  des  Indes,  non  moins  jolies  que  les  nôtres.  Dans 
le  genre  Acronycta,  Ochs.,  les  antennes  sont  assez  courtes  et  filiformes 
dans  les  deux  sexes,  la  spiritrompe  longue,  l'aspect  des  papillons  bom- 
byciforme,  avec  les  pattes  courtes,  l'abdomen  épais  et  velu,  long,  obtus 
au  bout  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supérieures  grises,  à  dessins  noirs, 
nuageux,  à  frange  entrecoupée,  les  ailes  inférieures  peu  développées. 
Ce  genre  est  abondant  en  espèces  et  habile  tout  le  globe.  Nous  citerons 
A.  aceris,  Linn.,  Y  Omicron- ardoisé,  Engr.,  la  Noctuelle  de  rérable,  Oliv., 
the  Sycamore,  dans  les  promenades,  jardins  et  bois,  de  ZiO  milUmètres 
d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  noirâtre  ou  blanchâtre,  avec 
les  dessins  et  lignes  ordinaires  noirâtres;  belle  chenille,  commune  en 
juillet  et  août,  jaune,  avec  de  longs  pinceaux  de  poils  mêlés  de  rose  et 
des  taches  blanches  dorsales,  sur  l'érable,  l'orme,  le  tilleul,  et  princi- 
palement le  marronnier  d'Inde,  dépouillant  parfois  de  toutes  leurs 
feuilles  les  jeunes  plantations  de  cet  arbre,  et  réduites,  faute  de  nour- 
riture, à  courir  à  terre  de  tous  côtés;  secouer  vigoureusement  chaque 
sujet  et  écraser  les  chenilles  qui  en  tombent;  se  chrysalide  en  août 
sous  quelque  abri  ou  dans  un  trou  de  mur,  dans  un  léger  cocon  mêlé 
des  poils  de  la  chenille;  chrysalide  hivernant  et  papillon  l'année  sui- 
vante; A.  Psi,  Engr.,  ihe  Gray  Dagger,  en  mai  et  juin,  bois,  jardins, 
boulevards,  haies,  envergure  36  millimètres,  ailes  supérieures  d'un 
gris  plus  ou  moins  blanchâtre,  avec  plusieurs  lignes  noires,  dont  deux 
simulant  par  croisement  avec  une  nervure  la  lettre  grecque  psi  (T)  ; 
chenille  portant  une  pyramide  noire  sur  le  quatrième  anneau,  à  bande 
dorsale  d'un  jaune  citron,  en  juillet  sur  l'aubépine,  le  prunellier,  l'orme, 
les  arbres  fruitiers;  A.  Tridens,  cat.  de  V.,  le  Trident,  Engr.,  the  Dark 
Dayger,  espèce  ressemblant  beaucoup  à  la  précédente  pour  le  papillon, 
avec  des  sortes  de  tridents  noirs  sur  les  ailes  supérieures,  dont  le  fond 
est  d'un  gris  vineux  ou  rougeàtre  ;  chenille  noire,  à  dessins  rouges  et 
blancs,  eu  août  et  septembre  sur  le  saule,  l'aubépine,  le  poirier,  l'orme, 
le  prunellier,  l'églantier,  la  ronce,  etc.,  passant  l'hiver  en  chrysalide, 
qui  produit  le  papillon  en  mai  et  juin. 
Vient  ensuite  le  groupe  des  Noctuelles  proprement  dites  (Genuinœ  de 


NOCTUÉLIENS.  593 

Guenée),  qui  comprend  la  très  grande  majorité  des  espèces  de  notre 
pays.  Les  papillons  ont  les  palpes  bien  développés,  le  corps  robuste,  les 
ailes  supérieures  épaisses;  les  chenilles  sont  rases,  jamais  arpenteuses 
à  leur  entier  développement,  à  seize  pattes  bien  complètes,  sans  émr- 
nences;  elles  ne  vivent  jamais  en  familles.  Les  Leucanides  offrent  des 
papillons  dont  l'abdomen  est  lisse,  les  ailes  souvent  de  couleurs  pâles, 
avec  les  lignes  et  les  taches  peu  distinctes;  c'est  une  famille  tr^s  nom- 
breuse et  d'aspect  analogue  dans  tous  les  pays  de  la  terre.  Les  chenilles 
sont  rases,  lisses,  peu  colorées,  se  nourrissant  surtout  de  Graminées  et 
de  Gypéracées;  la  plupart  vivent  à  découvert  sur  ces  plantes;  d'autres 
se  renferment  dans  l'intérieur  des  tiges.  Dans  le  genre  Leucania,  Ochs., 
proprement  dit,  les  antennes  sont  courtes  et  pubescentes,  les  palpes 
épais,  velus,  serrés  contre  la  tète,  la  spiritrompe  longue,  le  thorax  lisse 
et  subcarré,  l'abdomen  court,  les  ailes  de  couleurs  ternes,  souvent  pâles, 
les  supérieures  entières,  avec  les  lignes  et  les  taches  rarement  bien 
distinctes,  l'abdomen  lisse,  terminé  carrément  dans  les  mâles,  en  pointe 
obtuse  chez  les  femelles.  Ge  genre  offre  beaucoup  d'espèces  et  se  trouve 
répandu  partout,  comme  les  plantes  gui  le  nourrissent;  certains  mâles 
ont  un  bouquet  de  poils  noirs  sous  l'abdomen,  et  en  outre  le  dessous 
des  ailes  inférieures  luisant  et  comme  argenté;  chez  certaines  espèces 
exotiques,  cette  couleur  devient  tout  à  fait  métallique  et  d'un  éclat 
extraordinaire.  Les  chenilles  sont  très  difficiles  à  distinguer  entre  elles; 
elle  ont  la  tète  subglobuleuse  et  un  peu  rétractile,  sont  cylindroïdes  et 
parées  de  nombreuses  lignes  longitudinales  de  diverses  nuances,  vivant 
à  l'air  libre,  rarement  dans  la  tige  des  plantes,  mais  se  cachant  pendant 
le  jour,  soit  entre  les  touffes  des  Graminées,  soit  sous  les  feuilles 
sèches;  elles  se  métamorphosent  le  plus  souvent  sur  la  terre,  entre  les 
chaumes,  parfois  dans  une  coque  légère,  et  les  chrysalides  sont  lisses 
et  luisantes.  Parmi  les  espèces  les  plus  répandues  en  France,  il  faut 
citer  L.  Albipuncta,  cat.  de  V.,  le  Point  blanc,  Lngr.,  manquant  en 
Angleterre,  espèce  commune  en  France,  de  juin  à  septembre,  fréquente 
sur  les  bruyères,  dans  les  prairies  et  les  jardins,  'àk  millimètres  d'en- 
vergure, les  ailes  supérieures  d'un  gris  très  ferrugineux,  avec  un  poin 
blanc  se  fondant  par  le  haut  dans  une  lunule  claire,  qui  forme  avec  lui 
la  tache  réniforme;  chenille  d'un  gris  carné,  à  lignes  fines,  sur  toutes 
les  Graminées  en  mars,  avril  et  mai,  très  facile  à  élever,  se  récolte  en 
secouant  les  feuilles  sèches  à  la  nappe  ou  au  parapluie,  en  février  et 
mars,  ainsi  que  celle  de  beaucoup  d'autres  Noctuelles,  car  elle  vit 
cachée  pendant  le  jous;  L.  Pallens,  Linn.,  la  Blême,  Engr.,  the  Common 
Wainscot  des  Anglais,  32  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures 
d'un  ocracé  roussàtre  pâle,  en  jgénéral  avec  trois  petits  points  noirs  ^i 
triangle,  commune  partout  en  juin,  puis  en  septembre;  chenille  d'un 
gris  jaunâtre,  à  incisions  carnées  et  stigmates  noirs,  sur  les  Graminées 
des  prairies  et  clairières  des  bois,  sur  les  avoines,  aussi  sur  les  luzernes, 
en  mars,  puis  à  la  fin  de  juillet,  cachée  au  pied  des  plantes  pendant  le 
GIRARD.  ni.  —  38 


5M  LÉPIDOPTËKliS. 

jour;  L.  Obsoleta,  Hnbner,  le  Crochet  blanc,  lùigram.,  thoObscure  Wainscot, 
3/i  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  jaunAtre  et 
striées  de  brun  entre  les  nervures,  avec  un  point  blanc  au  bout  de  la 
cellule  disco'idale,  et  deux  lignes  transverses  de  points  noirs,  en  juin 
dans  les  prés  humides,  reparaissant  en  septembre  dansl'ladre  (Maurice 
Sand);  chenille  d'un  gris  jaunâtre,  avec  des  lignes  fines,  vivant  en  mai 
sur  VArundo  phraginites,  dont  elle  mange  les  feuilles,  et  une  seconde 
génération  en  août  et  septembre;  celle-là  se  réfugie  pendant  le  jour 
dans  les  tiges  coupées  des  roseaux,  qu'elle  remplit  de  ses  excréments 
rerdâtres;  elle  y  passe  l'hiver  entre  deux  planchers  de  soie  mêlée  d'ex- 
créments, s'y  décolore  et  y  devient  chrysalide  seulement  au  printemps. 
Une  Leucanie  fort  importante,  d'une  distribution  géographique  des 
plus  étendues,  est  L.  Unijmncta,  Haworth  (Lepiduptera  Britannica,  1810), 
syn.  :  Extranea,  Guenée,  espèce  trouvée  plusieurs  fois  en  Angleterre, 
sans  doute  par  importation,  et  qu'il  est  très  à  désirer  qu'on  ne  rencontre 
pas  en  France.  Klle  est  indiquée  comme  très  commune  dans  l'Amé- 
rique septentrionale,  le  Brésil,  la  Colombie,  etc.,  et  une  variété  sans 
point  blanc  se  trouve  aux  Indes  orientales,  à  Java,  en  Australie  et  à  la 
Nouvelle-Zélande.  Les  ailes  supérieures  du  papillon  sont  très  aiguës  au 
sommet,  d'un  gris  plus  où  moins  rousscitre,  parfois  blanchâtre,  couleur 
faon,  plus  ou  moins  fortement  sablées  d'atomes  noirs;  les  deux  taches 
ordinaires  se  détachent  dans  la  cellule  en  couleur  claire,  plus  ou  moins 
lavée  de  roussâtre,  et  sous  la  réniforme  est  un  point  blanc,  vaguement 
entouré*  de  noirâtre,  et  d'où  vient  le  nom  spécifique  de  Haworth.  La 
chenille  est  d'une  couleur  générale  brun  noirâtre;  il  existe  sur  le  dos 
une  large  raie  centrale  foncée,  puis,  de  chaque  côté,  une  étroite  ligne 
noire,  puis  une  étroite  ligne  blanche,  puis  une  raie  jaune,  puis  une 
étroite  ligne  blanche  subobsolète,  puis  une  raie  jaune  et  enfin  une 
raie  blanche  subobsolète,  le  ventre  étant  d'un  vert  obscur.  La  chry- 
salide, qui  se  forme  sur  le  sol,  est  d'une  brillante  couleur  d'un  brun 
acajou,  avec  deux  épines  dures  convergentes  à  l'extrémité,  terminées 
chacune  par  un  crochet  bouclé.  Cette  espèce  est  célèbre  par  les  désastres 
■qu'elle  cause  dans  les  régions  du  nord  de  l'Amérique  septentrionale, 
dans  la  Nouvelle-Angleterre  et  le  sud  du  Canada,  et,  d'après  M.  Charles 
Riley,  constitue  l'insecte  le  plus  nuisible  de  ce  pays,  après  les  Acridiens 
•migrateurs  des  montagnes  Rocheuses.  Les  chenilles  ont  reçu  le  nom  de 
■Ver  de  l'armée  (Army  Worni),  ou  mieux  Ver  en  armée,  car  elles  par- 
courent le  sol  par  troupes  énormes,  et  s'avancent  à  la  façon  d'une 
armée  dévastatrice,  dévorant  en  moins  d'une  semaine  foules  les  Grami- 
nées, prairies,  blé,  avoine,  seigle,  orge  et  sorgho,  laissant  les  champs 
nus  après  leur  passage,  comblant  de  leurs  cadavres  amoncelés  les 
■tranchées  profondes  dont  on  essaye  en  vain  d'entourer  les  champs, 
■tombant  dans  les  puits  dont  elles  corrompent  l'eau,  pénétrant  dans  les 
maisons,  où  elles  grimpent  dans  les  armoires  et  les  huches.  La  popula- 
tion souffre  parfois  beaucoup  de  leurs  ravages,  et  de  véritables  famines 


NOCTUÉLIENS.  Sid$ 

en  seraient  la  conséquence  si  elles  ne  respectaient  les  pommes  de  terre 
■et  divers  légumes.  Les  apparitions  du  Ver  de  l'armée  sont  aussi  sou- 
daines et  mystérieures  que  son  départ;  il  dure  parfois  plusieurs  années 
de  suite,  bien  que  d'ordinaire  il  ne  se  manifeste  qu'à  intervalles  irré- 
guliers et  souvent  éloignés  d'un  grand  nombre  d'années.  C'est  en  17/i3 
que  les  fermiers  américains  ont  commencé  à  signaler  les  déprédations 
du  Ver  de  l'armée,  mais  ce  n'est  qu'à  partir  de  1861,  année  de  grands 
désastres,  qu'il  a  été  connu  et  déterminé  entomologiquement.  On  con- 
sultera à  cet  égard  :  €h.  Riley,  On  the  Noxious,  bénéficiai,  and  other 
Insects  of  the  State  of  Missouri,  Jefferson  city,  1876,  p.  22  à  57,  avec  fig. 
A  côté  des  Leucanies  se  place  le  genre  iVoria^r/a,  Treitscke,  dont  les 
papillons  sont  peu  brillants  par  les  couleurs  et  par  les  dessins;  les 
femelles  ont  l'abdomen  long  et  pesant,  ce  qui  fait  qu'elles  ne  volent  que 
■fort  peu.  Ces  insectes  habitent  de  préférence  les  régions  septentrionales 
de  l'Europe  et  de  l'Amérique,  où  abondent  les  marais,  et  sont  très  com- 
muns dans  certains  pays.  Les  mâles  voltigent  au  crépuscule,  entre  les 
roseaux,  dans  les  lieux  humides;  ils  sont  beaucoup  plus  petits  que  les 
femelles,  et,  d'ordinaire,  plus  vivement  colorés,  avec  l'abdomen  ter- 
miné par  un  pinceau  de  poils  écartés.  Les  chenilles  des  Nonagries  sont 
plus  intéressantes  que  les  adultes.  Plus  longues  que  celles  des  Leuca- 
nia,  plus  molles,  plus  ridées  et  moins  consistantes,  elles  offrent  les 
lignes  ordinaires  peu  marquées,  sont  assez  souvent,  mais  pas  toujours, 
décolorées  et  comme  vermiformes,  -sauf  la  présence  des  pattes,  qui 
restent  très  apparentes.  Les  points  trapézoïdaux  sont  bien  saillants, 
verruqueux,  luisants,  comme  cornés,  surmontés  d'un  poil  bien  visible 
les  plaques  du  cou  et  de  l'anus  larges,  luisantes,  cornées,  tranchant 
■souvent  avec  la  couleur  pâle  du  corps.  Ces  chenilles  se  nourrissent  de 
plantes  aquatiques  ou  marécageuses,  Cypéracées,  Joncées,  Typhacées 
•et  Graminées;  mais,  tandis  que  la  plupart  des  autres  chenilles  atta- 
quent les  feuilles  des  végétaux,  celles-ci  sont  endophytes  pendant  toute 
leur  vie,  rongeant  exclusivement  le  centre  de  la  tige.  Au  sortir  de  l'œuf 
les  petites  chenilles  vivent  ordinairement  sur  une  même  tioe.  au 
sommet,  où  la  partie  à  perforer  est  plus  en  rapport  avec  la  faiblesse  de 
leurs  mandibules,  mais  elles  ne  tardent  pas  à  se  séparer  et  à  habiter, 
en  général,  des  tiges  distinctes.  La  chenille  s'enfonce  en  perçant  une 
tige,  souvent  de  bas  en  haut,  et  y  creusant  un  long  tuyau  vertical,  bou- 
chant le  trou  d'entrée  avec  des  rognures  et  remplissant  de  ses  excré- 
ments la  partie  vidée;  dans  les  roseaux  le  tuyau  descend  souvent  jus- 
qu'à la  partie  submergée, au-dessous  de  la  surface  de  l'eau.  Si  la  plante 
est  une  Graminée,  et  qu'un  nœud  vienne  arrêter  la  chenille,  sans 
•qu'elle  puisse  parvenir  à  le  percer,  elle  pratique  une  ouverture  circu- 
laire par  laquelle  elle  sort,  et  recommence  son  opération,  soit  au-dessus 
•du  nœud,  soit  sur  une  tige  voisine.  En  effet,  lorsqu'une  première  tige 
ne  suffit  pas  à  la  croissance  des  chenilles  de  Nonagries,  elles  passent  à 
une  seconde,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  leur  nymphose,  qui  s'opère  dane 


596  LÉPIDOPTÈRES. 

la  lige  même  où  elles  ont  passé  tout  ou  partie  de  leur  vie.  Elles  se  con- 
struisent alors  une  coque  peu  apparente,  formée  des  détritus  intérieurs 
de  la  plante  réunis  par  quelques  fils  de  soie,  et  protégée,  en  dessus  et 
en  dessous,  par  un  double  coussinet  de  débris  fortement  pressés  les  uns 
sur  les  autres.  La  chrysalide  est  très  oblongue,  surtout  à  la  partie  abdo- 
minale très  allongée  et  obtuse  à  rextrémilé,  qui  est  garnie  de  crochets 
assez  nombreux,  mais  dépourvue  de  ces  rangs  circulaires  d'épines,  qui, 
dans  les  chrysalides  de  Sésies  et  de  Gossiens,  servent  à  hisser  la  chrysa- 
lide jusqu'au  trou  de  sortie  pour  l'éclosion  du  papillon  ;  ici  la  chrysalide 
demeure  à  sa  place  dans  la  tige,  quand  sort  le  papillon.  La  chrysalide 
est  toujours  située  dans  une  position  verticale;  sa  tète,  indistinctement 
tournée  en  haut  ou  en  bas,  est  placée  vis-à-vis  un  trou  ovale,  assez 
grand,  pratiqué  dans  les  parois  de  la  lige  par  la  chenille,  et  recouvert 
seulement  par  une  mince  pellicule  d'épiderme,  ménagée  par  elle  dans 
son  travail,  de  sorte  que  le  papillon  n'aura  qu'une  résistance  facile  à 
vaincre,  lorsqu'il  voudra  sortir  de  sa  retraite.  Quelques  auteurs  ont  pré- 
tendu qu'une  tige  n'était  jamais  habitée  que  par  une  seule  chenille. 
M.  Constant  a  vérifié  plusieurs  fois  l'inexactitude  de  cette  assertion,  car 
il  lui  est  arrivé  de  trouver  jusqu'à  cinq  chrysalides  dans  la  même  tige 
de  Typha.  Nous  citerons  seulement  deux  espèces  de  N'onagries  :  N.  Gemi- 
nipuncta,  Hatchel,  syn .  :  Paludicola,  Hubner,  the  Twin-spotted  Wainscot, 
environ  30  millimètres,  le»  ailes  supérieures  d'un  fauve  testacé  ou  fer- 
rugineux, plus  ou  moins  lavé  de  brun,  avec  le  milieu  marqué  d'un 
point  blanc  entouré  de  noirâtre,  avec  les  lignes  ordinaires  presque  tou- 
jours obsolètes;  la  chenille,  blanchâtre,  à  points  trapézoïdaux  noirs, 
parvient  à  toute  sa  taille  dans  les  premiers  jours  de  juillet,  et  vit  dans 
les  tiges  du  roseau  à  balais  {Arundo  phragmites),  qui  croît  au  bord  des 
fossés  et  dans  les  lieux  humides;  on  reconnaît  sa  présence  dans  une 
tige  à  l'aspect  mort  ou  flétri  que  présente  le  sommet;  papillon  dans  les 
premiers  jours  d'août,  nord,  ouest  et  centre  de  la  France,  environs  de 
Paris;  N.  typhœ,  Esper,  the  Bullrush  des  Anglais,  ZiO  millimètres  d'en- 
vergure chez  le  mâle,  hS  chez  la  femelle,  ailes  supérieures  d'un  brun 
marron  clair,  avec  les  nervures  blanches,  les  taches  ordinaires  un  peu 
plus  claires,  lisérées  de  noir,  se  rejoignant  par  le  bas,  la  réniforme 
seule  bien  marquée;  en  septembre,  volant  très  peu,  mêmes  localités 
que  l'espèce  précédente;  chenille  très  longue,  vermiforme,  décolorée, 
en  juin  et  juillet,  surtout  dans  les  tiges  de  Typha  latifolia,  aussi  quel- 
quefois dans  celles  des  Typha  intermedia  et  angustifolia;  la  meilleure 
manière  d'obtenir  le  papillon  est  de  prendre  la  chrysalide  dans  les  tiges 
de  massettes,  dans  les  derniers  jours  de  juillet  et  les  premiers  jours 
d'août;  on  choisit  celles  qui  ont  un  aspect  languissant  et  dont  une  partie 
des  feuilles  est  morte,  on  les  coupe  par  le  pied  et  l'on  voit  si  leur  inté- 
rieur offre  le  tuyau  cylindrique  de  la  chenille;  il  ne  reste  plus  qu'à  les 
emporter  et  à  attendre  l'éclosion  du  papillon,  que  les  amateurs  ne  se 
procurent  pas  autrement.  Le  genre  Gortyna,  Ochs.,  présente  les  adultes 


NOCTUÉLIENS.  597 

avec  les  palpes  courts  et  ascendants,  l'abdomen  allongé,  les  ailes  supé- 
rieures avec  toutes  les  lignes  et  taches  bien  marquées,  même  la  clavi- 
forme;  les  chenilles  vivent  dans  l'intérieur  des  tiges,  à  la  manière  des 
Nonagries.  L'espèce  la  plus  répandue,  toutefois  assez  rare,  existant  aux 
environs  de  Paris,  est  G.  Flavago,  cat.  de  V.,  the  Frostcd  Orange,  des 
alentours  des  fermes,  près  des  bois,  en  août  et  septembre;  envergure, 
38  à  [\0  millimètres,  ailes  supérieures  d'un  beau  jaune  d'or,  sablé  de 
brun  rouge,  avec  deux  larges  bandes  d'un  brun  pourpré,  les  lignes 
ordinaires  et  nervures  d'un  rouge  brun,  les  trois  taches  ordinaires  un 
peu  plus  claires,  bien  nettes  et  cerclées  de  brun,  l'orbiculaire  circulaire, 
la  réniforme  grande  et  à  centre  roux;  ailes  inférieures  d'un  fauve  pâle, 
avec  une  lunule,  une  ligne,  puis  une  bande  noirâtres;  tête  et  thorax 
d'un  rouge  brun,  ce  dernier  relevé  en  crête.  La  chenille  vermiforme, 
grise  et  rougeâtre,  avec  des  tubercules  noirs,  vit,  en  juin  et  juillet,  dans 
l'intérieur  des  tiges  du  sureau,  de  l'yèble,  de  la  bardane,  du  bouillon- 
blanc,  etc.,  et  aussi  du  Cirsium  palustre.  Une  race,  découverte  par 
M.Goossens,  habite  les  tiges  d'une  autre  Carduacée,  l'artichaut  cultivé, 
et  compte  parmi  les  insectes  nuisibles.  Le  fond  des  ailes  supérieures  est 
d'un  jaune  beaucoup  plus  clair,  avec  les  trois  taches  peu  visibles,  les 
ailes  inférieures,  grises  ou  blanches,  sans  dessins.  La  chenille,  pareille 
à  celle  du  type,  vit  dans  l'intérieur  de  la  tige  de  l'artichaut.  On  la 
trouve  surtout  dans  les  artichauts  d'Algérie,  qui  fournissent  exclusive- 
ment les  halles  de  Paris,  de  février  jusqu'à  la  fin  d'avril,  et  la  plante 
répand  bientôt  une  odeur  infecte,  due  aux  déjections  de  la  chenille _ 
C'est  en  septembre  et  octobre  qu'éclôt  le  papillon  :  Flavago,  var.  Cyna- 
rœa,  Goossens.  Une  autre  Noctuelle,  à  chenille  endophyte,  cause  des 
ravages  dans  le  midi  de  la  France,  dans  les  champs  de  maïs,  e(,  aussi, 
paraît-il,  de  sorgho.  C'est  le  Sesamia  Nonagrioides,  Lefebvre,  dont  la 
chenille,  médiocrement  allongée,  à  tête  petite,  de  couleurs  ternes,  à 
trapézo'idaux  non  verruqueux,  à  plaques  cornées  distinctes,  vit  dans 
l'intérieur  des  tiges,  ainsi  que  les  chrysalides,  la  tète  en  bas,  souvent 
deux  ou  trois  dans  la  mc'me  tige  de  mais,  le  papillon  sortant  par  un 
trou  pratiqué  sur  le  côlé;  deux  ou  trois  générations  se  succèdent  dans 
la  même  saison,  ce  qui  explique  les  dommages  produits  par  cette  espèce. 
Les  Apamides  nous  offrent  des  papillons  à  antennes  crénelées  ou 
ciliées,  avec  les  palpes  assez  courts,  l'abdomen  long,  les  ailes  à  dessins 
bien  marqués,  avec  la  ligne  subterminale  brisée  et  suivie  de  foncé.  Le 
genre  Apamea,  Ochs. ,  présente  des  papillons  de  moyenne  taille,  à  thorax 
velu,  mêlé  d'écailles,  avec  crête  bifide  derrière  le  collier,  l'abdomen 
long,  crête,  terminé  carrément  chez  les  mâles.  Ces  papillons  sont  de 
couleur  sombre,  mais  à  dessins  très  nets,  avec  les  taches  ordinaires 
bien  marquées,  souvent  blanches  ou  jaunes;  ils  sont  très  vifs  et  volent 
au  crépuscule  avec  une  grande  ardeur;  les  deux  sexes  ne  difl'èrent  pas 
entre  eux.  Les  chenilles  de  ce  genre,  généralement  de  couleurs  grises 
ou  sales,  à  peau  épaisse  et  luisante,  sont  courtes  et  raides,  avec  les 


598  LÉPIDOPTÈRES. 

plaques  cornées  bien  développées  et  les  trapézoïdaux  noirs.  Elles  virent 
principalement  sur  les  Graminées  et  les  familles  voisines,  dont  elles 
mangent  les  racines  et  les  feuilles  basses,  se  cachent  avec  soin  pendant 
le  jour  et  se  retirent  même  dans  les  chaumes  et  les  tiges  coupées;  mais, 
de  même  que  Leucania  Obsoleta,  elles  ne  sont  pas  réellement  endo- 
phytes,  ne  cherchant  dans  ces  tiges  qu'un  abri  et  non  une  nourriture  ; 
enfin  elles  se  chrysalident  toujours  hors  de  ces  tiges  et  n'y  font  pas 
d'ouvertures  particulières.  Une  espèce  très  commune  partout  à  la  fin 
de  mai  et  en  juin,  et  qu'on  cherchera  autour  des  granges  dans  les- 
quelles on   a  rentré   du  blé  en   gerbes,  est  VA.  Basilinea,  cat.  de  V., 
iO  millimètres  d'envergure  ;  ailes  supérieures  d'un  gris  ferrugineux, 
avec  les  taches  ordinaires  jaunâtres,  et  une  ligne  noire  basilaire  par- 
tant du  thorax  et  trois  petits  points  blancs  vers  l'angle  apical  de  la  côte  ; 
ailes  inférieures  d'un  gris  obscur.  La  chenille   est  dangereuse  pour 
l'agriculture,  occasionnant  parfois  de  véritables  dégâts  dans  les  fro- 
ments.  Elle  éclôt  par  petites  familles^  sur  un  seul  épi,  et  les  petites 
chenilles  percent  les  grains,  pour  se  nourrir  de  la  farine,  qui  commence 
â  cette  époque  à  se  solidifier;  tout  l'intérieur  est  rongé,  l'enveloppe  du 
grain  et  les  glumes  restant  intacts.  Quand  la  chenille  est  trop  grosse 
pour  qu'un  grain  de  blé  puisse  la  contenir,  elle  se  fourre  entre  les 
glumes  ou  les  barbes  des  épis,  et  on  l'y  distingue  difficilement,  vu 
l'analogie  de  couleur,  et  la  moisson  arrive  quand  elle  est  dans  cet  état. 
Elle  se  laisse  envelopper  alors  dans  les  gerbes,  et,  si  l'on  examine  l'aire 
de  la  grange  au  moment  où  l'on  décharge  ces  dernières,  on  voit  se  pro- 
mener par  centaines  des  vers  sortis  des  fétus,  et  qui  sont  les  chenilles 
d'il.  Basilinea,  qu'il  est  inutile  de  chercher  à  détruire  alors,  ses  dégâts 
étant  accomplis,  et  qui  était  si  bien  cachée  en  sa  jeunesse,  dans  les  épis 
en  formation,  qu'on  ne  pouvait  la  découvrir.  Les  chenilles  qui  restent 
dans  les  chaumes  s'engourdissent  en  hiver,  enveloppées  dans  une  coque 
sommairement  construite.  Le  printemps  arrivé,  elles  changent  de  ma- 
nière de  vivre  et  se  portent  sur  les  racines  et  les  feuilles  basses;  elles 
grossissent  et  prennent  alors  la  livrée  des  Aparnea,  car  jusqu'alors  elles 
ressemblaient  à  des  Leucania  ou  à  déjeunes  Dianthœcia.  Enfin,  en  mars, 
elles  s'enfoncent  définitivement  en  terre  pour  se  chrysalider,  et  donner 
à  la  fin  du  printemps  un  papillon  qui  pondra  sur  les  épis.  Le  genre 
Mamestra,  Ochs,,  offre  des  papillons  à  antennes  simples,  à  spiritrompe 
moyenne,  à  palpes  courts  et  épais,  les  ailes  épaisses,  squameuses  et 
nébuleuses,  avec  les  taches  et  lignes  distinctes,  les  pattes  robustes,  à 
jambes  velues,  le  thorax  convexe  et  subcarré,  velu,  mêlé  d'écaillés, 
l'abdomen  assez  long,  robuste,  plus  ou  moins  caréné  et  velu  latérale- 
ment, crête  dans  les  deux  sexes  au  moins  sur  le  premier  segment,  le 
mâle  et  la  femelle  pareils.  Les  chenilles,  allongées  et  rases,  sont  de 
couleurs  livides  et  vivent  cachées  sous  les  plantes  basses;  les  chrysa- 
lides sont  renfermées  dans  des  coques  de  terre  et  enterrées.  Les  espèces 
de  Mamestra,  assez  nombreuses,  sont  répandues  sur  une  grande  partie 


«OCTLÉLIENS.  599 

du  globe.  La  plus  importante  est  M.  bmssicœ,  Linn.,  la  Brassicaire,  Engr., 
the  Cabbage  Moth,  de  liO  à  à5  millimètres  d'envergure,  d'un  brun  plus 
ou  moins  nuancé  de  jaunâtre,  avec  lignes  trc^s  sinueuses  et  taches  bien 
marquées,  la  réniformc  bordée  de  blanc,  la  claviforme  bordée  de  noir, 
les  ailes  inférieures  d'un  gris  enfumé,  avec  une  lunule  discoïdale 
brune,  espèce  commune  partout  de  mai  en  août;  chenille  grise,  verte 
ou  noirâtre,  avec  la  stigmatale  d'un  jaune  clair  et  des  li'aits  dorsaux, 
vivant  sur  beaucoup  de  plantes  potagères,  principalement  sur  les 
choux,  se  partageant  avec  Triphœna  Prunuba,  une  partie  de  nos  plantes 
maraîchères.  C'est  une  ennemie  acharnée  des  jardiniers,  qui  l'appel- 
lent y'er  de  cœur,  car  elle  pénètre  jusqu'au  fond  de  la  pomme  des  choux, 
où  on  la  trouve  souvent  au  nombre  de  quatre  à  cinq  individus,  sans 
que  rien  paraisse  au  dehors.  La  destruction  de  cette  chenille  est  très 
difficile,  sinon  impossible;  en  effet,  elle  ne  vit  jamais  en  société,  même 
dans  sa  jeunesse,  et  ne  signale  pas  sa  présence  par  des  toiles  ou  des 
agglomérations  de  feuilles.  Les  injectigns  de  suie,  de  chaux,  de  cendre 
ne  l'atteignent  guère  de  sa  retraite,  salissent  les  choux  et  altèrent  leur 
saveur;  les  poulet;  savent  mieux  la  trouver;  mais  leur  présence  a  bien 
des  inconvénients  dans  les  potagers.  Le  plus  simple  est  d'écraser  une  à 
une  les  chenilles  à  mesure  qu'on  les  rencontre;  mais  beaucoup  échap- 
pent aux  investigations.  Le  genre  voisin  Xylophasia,  .Stephens,  d'Eu- 
rope et  d'Amérique  du  Nord,  est  net  et  facile  à  reconnaître.  Les  papil- 
lons ont  les  ailes  oblongues,  denticulées,  à  dessins  longitudinaux, 
l'abdomen  long  et  crête;  les  chenilles  sont  luisantes,  vermiformes,  à 
points  tuberculeux,  et  vivent  de  racines.  Ex.  :  X.  Polyodon,  Linn.,  la 
Monofihjphe,  Engr.,  papillon  assez  commun  partout  en  juin  et  juillet, 
bois,  jardins^  cours,  murailles  des  lieux  habités,  troncs  d'arbres,  etc.; 
chenille  grasse,  vermiforme,  luisante,  grise,  à  trapézoïdaux  noirs,  gros 
et  luisants,  vivant  on  avril  et  mai  de  racines  d'herbes  et  se  cachant 
sous  les  pierres. 

La  famille  des  Noctuides  est  nombreuse  et  habite  toute  la  terre,  les 
espèces  exotiques  très  semblables  aux  nôtres.  Elle  ofl're  beaucoup  d'es- 
pèces nuisibles,  et  même  presque  toutes  sont  nuisibles  à  cause  du  tra- 
vail souterrain  des  chenilles.  Ce  sont  elles  dont  les  jardiniers  trouvent 
les  chrysalides  en  bêchant  la  terre,  et  il  est  à  propos  de  les  écraser  ou 
de  les  donner  aux  volailles  qui  en  sont  très  friandes.  Les  papillons  ont 
les  antennes  pectinées  ou  ciliées,  les  pattes  robustes,  à  jambes  anté- 
rieures épineuses,  l'abdomen  jamais  crèté,  les  ailes  lisses  ou  luisantes, 
les  supérieures  oblongues,  recouvrant  les  inférieures  au  repos  et  sou- 
vent même  croisées  et  disposées  en  toit  très  aplati.  Les  chenilles,  géné- 
ralement de  couleurs  ternes  et  souvent  translucides,  vivent  cachées 
pendant  le  jour,  soit  dans  la  terre,  soit  entre  les  racines  des  plantes. 
Elles  ne  filent  pas  de  cocons  et  s'enterrent  en  général  pour  se  chrysa- 
lider.  Un  genre  mal  délimité,  à  très  nombreuses  espèces,  répandues 
surtout  en  Europe  et  en  Amérique,   est  celui  des  Âgrotis,  Ochs.  Les 


600  LÉPIDOPTÈRES. 

papillons  ont  un  toupet  frontal,  la  spiritrompe  assez  longue  et  le  collier 
du  thorax  redressé,  les  pattes  longues,  à  éperons  prononcés,  servant  à 
l'insecte  à  sortir  de  terre  à  l'éclosion,  l'abdomen  plus  ou  moins  dé- 
primé, lisse,  velu  latéralement  chez  les  mâles,  les  ailes  supérieures 
oblongues,  épaisses,  lissées  et  souvent  luisantes,  avec  les  lignes  et 
taches  distinctes,  les  ailes  inférieures  assez  développées,  souvent  irisées 
ou  demi-hyalines;  au  repos  elles  sont  plissées  et  entièrement  recou- 
vertes par  les  supérieures,  qui  se  croisent  même  en  partie  et  donnent 
à  l'insecte  une  forme  allongée;  chenilles  allongées,  cylindriques, 
épaisses,  à  plaques  cornées  distinctes,  parfois  livides  et  à  trapézoïdaux 
luisants  et  pilifères,  parfois  glabres,  avec  des  lignes  distinctes  et  les 
trapézoïdaux  de  la  couleur  du  fond;  elles  vivent  toujours  cachées  près 
des  racines  des  plantes  basses,  parfois  même  parmi  ces  racines  et 
enfoncées  en  terre;  chrysalides  enterrées.  Berce  décrit  cinquante-sept 
espèces  d'Agrotis  de  France,  avec  de  nombreuses  variétés,  ce  qui  montre 
la  difficulté  de  l'étude  de  ce  genre.  11  y  a  deux  espèces  malfaisantes 
qu'on  doit  envelopper  dans  la  même  léprobation.  Leurs  chenilles  sont 
connues  sous  le  nom  de  Vers  gris  par  les  cultivateurs  et  les  jardiniers; 
elles  se  ressemblent  extrêmement,  vivent  très  cachées  et  enterrées,  et 
dévorent  indistinctement  toutes  les  racines  dans  les  champs  et  les  jar- 
dins, causant,  sur  une  plus  petite  échelle,  des  dégâts  analogues  à  ceux 
des  larves  de  Hannetons,  dont  elles  ont  la  manière  de  \ivre  ;  on  les  ren- 
contre très  fréquemment,  ainsi  que  leurs  chrysalides,  en  bêchant  ou 
en  labourant.  L'A.  Clavis,  Hufnagel,  syn.  :  Segehrm,  cat.  de  V.,  la  Tes- 
tacée  et  la  AJoissojmeiise  d'Engramclle,  the  Common  Dart  des  Anglais, 
ZiO  à  Zi2  millimètres  d'envergure,  un  peu  plus  chez  la  femelle,  les 
antennes  du  mâle  subpectinées  jusqu'à  la  moitié,  puis  filiformes,  la 
couleur  des  ailes  supérieures  très  variable,  d'un  gris  roussâtre  plus  ou 
moins  toncé  et  légèrement  réticulé  de  brun,  les  taches  ordinaires  bor- 
dées de  noir,  les  ailes  inférieures  blanches  avec  une  ligne  terminale 
noirâtre;  femelle  à  antennes  filiformes,  avec  une  coloration  notable- 
ment plus  foncée,  parfois  même  noire  aux  ailes  supérieures,  les  ailes 
inférieures  rembrunies;  très  répandu  de  mai  à  septembre  dans  toute 
l'Europe,  aussi  des  Indes  orientales  et  du  Cap  de  Bonne-Espérance; 
chenille  grise,  à.  trapézoïdaux  luisants,  vivant  dans  la  terre  à  la  racine 
de  toutes  les  plantes,  en  avril,  mai,  juin.  Celle  chenille  cause  parfois 
des  dommages  considérables  dans  les  cultures  de  betteraves  du  nord 
de  la  France,  au  point  de  compromettre  gravement  la  sucrerie  indi- 
gène; elle  ronge  et  creuse  les  racines,  n'allant  parfois  sur  les  feuilles 
que  la  nuit.  M.  E.  Blanchard  a  conseillé  de  tasser  la  terre  très  fortement 
autour  des  betteraves,  surtout  pour  empêcher  les  papillons  de  sorlir 
des  chrysalides  enterrées;  on  pourrait  essayer  des  solutions  insecti- 
cides de  sulfocarbonate  de  potasse.  Dans  les  jardins,  celle  chenille 
attaque  les  racines  de  turneps,  de  dahlias,  de  balsamines,  de  reines- 
marguerites,  etc.  L'A.  Exclamationis,  Linn.,  la  Double  lâche,  Engr.,   the 


NOCTUÉLIENS.  ()01 

Heart  and  Dart,  environ  /|0  millimètres  d'envergure,  antennes  faible- 
ment pectinées  chez  le  mâle,  filiformes  chez  la  femelle,  ailes  supé- 
rieures d"un  gris  plus  ou  moins  foncé  ou  d'un  gris  roussàtre,  la  tache 
réniforme  grande  et  brune,  l'orbiculaire  circulaire  et  de  la  couleur  du 
fond,  la  claviforme  allongée,  toujours  d'un  noir  profond;  ailes  infé- 
rieures blanches  ;  femelle  plus  brune,  avec  les  lignes  géminées  et 
mieux  dessinées,  ainsi  que  les  taches,  les  ailes  inférieures  d'un  gris 
bleuâtre,  avec  l'extrémité  plus  obscure  et  la  frange  blanche.  L'espèce 
est  très  commune  dans  toute  l'Europe  et  se  retrouve  au  Canada,  sans 
aucune  modification;  bois,  prairies,  champs  et  surtout  jardins,  où  le 
papillon  est  encore  plus  abondant  que  le  précédent,  et  vole  pendant 
presque  toute  l'année  volontiers  en  plein  jour.  La  chenille,  très  sem- 
blable à  la  précédente,  vit,  comme  elle,  au  printemps  et  en  automne, 
rongeant  les  racines  de  turneps,  de  raves,  de  choux,  des  colzas,  des 
oeillets,  des  reines-marguerites,  des  laitues,  des  chicorées,  des  scaroles, 
des  artichauts,  etc.  L'A.  Aquilina,  cat.  de  V,,  the  Streaked  Dart,  a  une 
chenille  voisine  des  précédentes  et  vivant  de  même;  le  papillon  se 
trouve  en  France,  en  juillet  et  août,  sur  les  haies,  dans  les  champs  et 
jardins,  très  commun  par  certaines  années,  très  rare  dans  d'autres.  La 
chenille  cause  parfois  beaucoup  de  dégâts  dans  les  vignes,  près  de 
Vienne,  en  Autriche,  en  dévorant  les  feuilles  et  les  bourgeons. 

Le  genre  Triphœna,  Ochs.,  présente  les  antennes  déliées,  brièvement 
pubescentes  chez  le  mSle,  filiformes  chez  la  femelle;  le  thorax  est  lisse 
et  arrondi,  à  collier  étroit,  l'abdomen  déprimé,  terminé  par  une  brosse 
de  poils  coupée  carrément  dans  les  deux  sexes;  les  ailes  supérieures 
sont  étroites,  allongées,  se  croisent  mutuellement  par  leur  bord  interne 
dans  l'état  de  repos,  et  presque  parallèlement  au  plan  de  position, 
l'insecte  ayant  alors  une  forme  trèsallongée,  lesailesinlérieures  sonttrès 
développées,  jaunes,  avec  une  large  bordure  d'un  noir  velouté;  chenilles 
épaisses,  cylindroïdes,  renflées  postérieurement,  à  lignes  distinctes  sur- 
montées de  taches  noires  et  deux  taches  cunéiformes  sur  le  onzième 
anneau;  elles  vivent  presque  toujours  sur  les  plantes  basses  et  ne  s'en- 
terrent pas,  comme  celles  de  certains  Agrotis,  se  cachant  seulement 
pendant  le  jour  sous  les  pierres,  les  feuilles,  les  débris;  chrysalides 
enterrées.  Les  deux  sexes  dill'èrent  à  peine  l'un  de  l'autre  et  sont  sou- 
vent très  difficiles  à  distinguer.  Une  espèce  très  commune  ptirtout,  du 
milieu  de  juin  à  octobre,  souvent  grande,  de  55  à  60  millimètres  d'en- 
vergure, est  T.  Pronuba,  Linn.,  la  Fiancée,  Engr. ,  the  large  Yeilow 
L'nderwing,  abdomen  d'un  gris  jaunâtre,  avec  une  tache  noire  sur  le 
dernier  segment  dans  les  mâles;  ailes  supérieures  d'un  brun  mêlé  de 
gris  jaunâtre,  parfois  d'un  brun  foncé,  parfois  d'un  jaune  d'ocre  testacé, 
les  lignes  et  la  tache  orbiculaire  d'un  gris  jaunâtre,  la  tache  réniforme 
grande,  plus  sombre  que  le  fond  et  bordée  de  clair,  les  ailes  inférieures 
d'un  jaune  ocreux,  avec  le  bord  antérieur  noirâtre  et  une  bordure 
assez  large,  sinuée  intérieurement  et  dentelée  extérieurement,  d'un 


602  LÉPIJJOPTLUtS. 

noir  vif;  vole  par  échappées  pendant  le  jour  et  s'abat  dans  les  brous- 
sailles, si  abondant  dans  certains  bois  qu'on  en  voit  voler  presque  à 
chaque  pas,  et  aussi  dans  les  jardins;  chenille  épaisse,  verte,  grise  ou 
noirâtre,  à  lignes  noires  interrompues,  éclosant  en  automne,  passant 
l'hiver,  a  toute  sa  {aille  en  mais  et  avril,  très  polyphage,  attaquant 
toutes  les  plantes  basses  des  bois  et  jardins,  un  fléau  de  ces  derniers, 
où  elle  ronge  le  collet,  le  cœur  et  les  feuilles  radicales  de  tous  le& 
légumes,  principalement  laitues,  oseille,  épinards,  choux;  d'hiver,  choux- 
fleurs,  etc.  Ces  chenilles  mangent  beaucoup,  comme  le  prouve  leur 
corps  gonflé  et  dont  la  peau  semble  tendue;  écraser  avec  soin  papillons, 
chenilles  et  chrysalides,  qui  sont  celles  que  les  jardiniers  trouvent  le 
plus  souvent  en  bêchant  les  plates-bandes  et  les  carrés  de  légumes;  le 
papillon  a  les  pattes  très  longues  et  robustes,  surtout  les  postérieures, 
pour  émerger  hors  du  sol  quand  il  sort  de  sa  chrysalide  enterrée.  Plus 
nuisible  encore  est  T.  Coines,  Hubner,  syn.  :  Orbona,  Fabr.,  tha  lesser 
Yellow  Underwing,  espèce  de  taille  moindre  que  la  précédente,  le 
papillon  ayant  de  Z|2  à  UQ  millimètres  d'envergure,  le  thorax  de  la  cou- 
leur des  ailes  supérieures,  l'abdomen  d'un  gris  jaunâtre;  ailes  supé 
rieures  ayant  diverses  variétés  de  coloration  {Connuba,  Prosequa,  Adse- 
qua),  d'un  jaune  feuille-morte,  ou  d'un  gris  jaunâtre,  souvent  teinté  de 
verdàtre,  surtout  à  la  base  et  le  long  de  la  côte,  les  lignes  ordinaires 
brunes,  les  taches  ordinaires  bordées  de  gris  clair,  les  ailes  inférieures 
jaunes,  avec  une  bordure  marginale  noire,  sinuée,  assez  étroite,  une 
lunule  centrale  et  les  nervures  vers  le  bord  antérieur,  noirâtres  ;  pa- 
pillon commun  partout  de  juin  à  septembre,  entrant  souvent  dans  les 
maisons  et  se  cachant  dans  les  feuillures  des  volets  et  les  interstices  des 
portes;  chenilles  hivernantes,  grises,  avec  la  bande  latérale  et  les  che- 
vrons dorsaux  foncés,  très  polyphages,  en  avril  et  mai,  très  aisées  à 
élever;  outre  les  légumes,  elles  attaquent  encore  les  arbres  fruitiers, 
dont  elles  dévorent  pendant  la  nuit  les  bourgeons  naissants.  Celles  qui 
ont  choisi  cette  nourriture  habitent  principalement  les  espaliers,  car 
elles  trouvent  dans  les  crevasses  des  murailles  une  retraite  facile  pen- 
dant le  jour.  M.  Constant  dit  qu'il  lui  est  arrivé  d'en  trouver  souvent 
une  trentaine  sur  un  même  arbre,  en  les  cherchant  à  la  lanterne.  Dans 
les  jardins,  cette  chenille  est  nuisible  aux  primevères,  oreilles-d'ours, 
juliennes,  giroflées,  etc.;  écraser  l'insecte  à  tous  ses  états.  Une  espèce 
très  voisine,  mais  beaucoup  moins  commune,  surtout  dans  les  régions 
non  calcaires,  est  T.  Subsequa,  cat.  de  V.,  syn.  :  Orbonu,  Ikiliiagel,  la 
Suivante,  Engr.,  ressemblant  beaucoup  à  Cornes  et  de  même  taille, 
mais  les  ailes  supérieures  plus  étroites  et  toujours  marquées  de  deux 
points  apicaux  noirs;  chenille  en  avril  et  mai  sur  les  Graminées  et  quel- 
quefois sur  les  plantes  basses,  dans  les  bois  secs,  se  cachant  sous  les 
pierres;  papillon  en  juin  et  juillet.  Nous  citerons  encore,  pour  leur 
beauté  et  leur  élégance,  les  T.  Fiinbria,  Linn.,  la  Frangée,  Engr.,  des 
bois,  à  la  fin  de  juin,  chenille  en  mars  et  avril,  sur  les  primevères,  et 


NOCTUÉLIENS.  60S 

T.  Janthina,  cat.  de.  V.,  le  Casque,  Engr.,  des  bois,  haies,  charmilles,  en 
juin,  juillet,  août,  parfois  octobre,  volant  avec  une  grande  rapidité 
quand  il  est  dérangé,  surtout  vers  cinq  heures  du  soir,  se  cachant 
volontiers  dans  les  touffes  de  lierre;  chenille  nocturne,  comme  toutes 
celles  du  genre,  vivant  en  murs  et  avril  dans  les  haies,  au  sommet  des- 
quelles elle  monte  parfois  le  soir,  se  nourrissant  des  feuilles  des 
Rumex,  et  surtout  du  gouet  ou  pied-de-veau  {Arum  maculatum),  dans 
les  feuilles  duquel  elle  fait  des  trous  orbiculaires  qui  révèlent  sa  pré- 
sence ;  pendant  le  jour  elle  se  cache  au  pied  de  la  plante  ou  sous  les 
feuilles  environnantes;  on  la  trouve  aussi  dans  les  jardins  sur  les  prime- 
vères. Les  amateurs  relèvent  très  aisément  en  captivité,  avec  toutes 
sortes  de  plantes  basses. 

Les  Orthosides  habitent  toutes  les  régions  de  l'Europe  et  les  parties 
tempérées  du  nouveau  monde.  On  reconnaît  les  papillons  à  leurs  palpes 
grêles  et  incombants  et  à  la  tache  réniforme,  dont  la  partie  inférieure 
est  presque  toujours  salie  de  noirâtre  ;  les  antennes  sont  pubescentes 
ou  ciliées  dans  les  mâles,  garnies  de  cils  isolés  dans  les  femelles,  la  spi- 
ritrompe  courte  ou  moyenne,  l'abdomen  souvent  déprimé,  les  pattes 
moyennes,  rarement  épineuses,  les  ailes  entières,  plus  ou  moins  aiguës 
au  sommet,  les  lignes  et  taches  ordinaires  bien  marquées.  Les  che- 
nilles, à  seize  pattes  égales,  cylindroïdes,  veloutées,  bien  colorées,  sans 
tubercules  ni  éminences,  vivent  des  feuilles  des  arbres  ou  des  plantes 
basses,  et  se  tiennent  cachées  ou  abritées  pendant  le  jour.  Les  chry- 
salides sont  lisses  et  luisantes,  cylindrico-coniques,  à  peau  généralement 
fine,  et  sont  renfermées  dans  des  coques  ovoïdes,  lâches,  composées  de 
soie  et  de  terre  et  enfouies  dans  le  sol.  Le  genre  Trachca,  Ochs.,  syn.  : 
Panolis,  Hubner,  ne  présente  jusqu'ici  qu'une  espèce,  que  Fabricius 
prenait  pour  un  Bombyx,  à  cause  de  la  tête  petite  et  cachée,  de  la  briè- 
veté extrême  des  palpes,  de  l'épaisse  vestiture  du  thorax  et  de  l'abdo- 
men; mais  la  spiritrompe,  distincte  quoique  courte,  le  port  et  le  dessin 
des  ailes,  et  surtout  la  chenille  et  la  chrysalide,  font  de  l'insecte  une 
Noctuelle.  Le  papillon,  de  32  à  o5  millimètres  d'envergure,  est  le 
T.  Pmiperda,  Panzer,  la  Pityphage,  Engr.,  the  Pine  Beauty  des  auteurs 
anglais;  c'est  en  efTet  une  belle  Noctuelle,  ayant  dans  les  deux  sexes 
les  ailes  supérieures  d'un  rouge  de  tuile  vif,  avec  les  nervures  d'un  gris 
blanc,  et  quelques  nuances  olivâtres  ou  ocreuses  sur  l'espace  médian 
et  l'espace  terminal;  les  taches  ordinaires  sont  très,  nettes,  blanches, 
salies  d'olivâtre  intérieurement,  les  ailes  inférieures  dun  noirâtre  uni, 
avec  la  frange  claire,  le  thorax  rouge  mêlé  de  blanc;  en  mars  et  avril 
dans  les  bois  de  pins  et  aussi  de  sapins,  se  prend  aisément  en  battant  les 
branches  sur  un  drap  ou  sur  le  parapluie,  butine  volontiers  sur  les 
chatons  des  saules;  Vosges,  Bourgogne,  Auvergne,  assez  commun  à 
Fontainebleau;  une  variété  offre  la  couleur  rouge  remplacée  par  du 
gris  verdâtre,  couleur  à  peine  marquée  sur  les  taches;  plus  rare  que 
le  type,  sauf  dans  le  nord  de  l'Europe,  en  Dalécarhe  et  en  Laponie.  La 


604  LÉPIDOPTÈRES. 

chenille,  très  jolie,  est  d'un  vert  vif  et  foncé,  avec  les  lignes  dorsales  et 
sous-doi'sales  blanches,  larges  et  continues  et  la  stigmatale  d'un  rouge 
ferrugineux,  la  tète  et  les  pattes  écailleuses  rousses;  en  mai  et  juin  sur 
les  pins  et  sapins,  auxquels  elle  cause  parfois  de  grands  dommages  en 
Allemagne  ;  plus  rare  et  non  sensiblement  nuisible  en  France.  Le  genre 
typique  Orthosia,  Treilscke,  a  des  chenilles  vivant  sur  les  arbres  et 
aussi  sur  les  plantes  basses;  les  papillons  n'éclosent  qu'au  début  de 
l'automne  et  se  prolongent  jusqu'en  novembre,  et  cette  époque  d'éclo- 
sion  fait  qu'on  ne  les  rencontre  guère  que  sur  les  fleurs  de  lierre,  sou- 
vent en  grande  quantité;  le  genre  voisin  Tœfiiocampa,  Guenée,  ofl're  au 
contraire  des  papillons  qui  éclosent  au  début  du  printemps,  de  sorte 
qu'ils  butinent  sur  les  chatons  des  saules  à  fleurs  très  printanières,  et 
qu'on  les  fait  tomber  en  battant  les  arbres  à  la  mailloche;  ils  ont  le 
corps  velu,  un  peu  bombyciforme,  la  trompe  courte  et  les  antennes 
ordinairement  subpectinées.  Les  chenilles,  bien  colorées,  de  teintes 
claires  et  à  lignes  et  dessins  très  nets,  dépouillent  en  mai  de  leurs  pre- 
mières feuilles  les  arbres  et  arbrisseaux  des  bois  et  les  arbres  fruitiers 
des  vergers.  A  citer  les  espèces  les  plus  communes,  dont  les  chenilles 
deviendraient  très  nuisibles,  si  leur  vie  à  découvert  ne  les  rendait  la 
proie  de  nombreux  ennemis  :  T.  Cruda,  cat.  de  V.,  ?,^i\..  :  Amhigua, 
Hubner,  la  Petite,  tngr.,  ihe  Small  Quaker,  ayant  la  plus  petite  taille  des 
Tœniocampa,  la  femelle  munie  d'un  oviscapte  rétractile,  la  chenille 
d'un  noir  violàtre  ou  verte,  à  lignes  blanches,  sur  les  chênes  en  juin  et 
juillet,  devenant  parfois  un  fléau  pour  ces  arbres;  T.  Miniosa,  cat. 
de  V.,  la  Gracieuse,  lingr.,  tJie  Blossoin  Undencing,  la  chenille  d'un  gris 
bleu,  à  larges  lignes  jaunes  ou  fauves,  en  juin,  souvent  très  commune 
sur  les  chênes  et  en  nombreuses  familles  dans  sa  jeunesse;  T.  Stabilis, 
cat.  de  V.,  Y  Ambiguë,  Kngr.,  the  Commun  Quaker,  la  chenille  très  com- 
mune sur  tous  les- arbres,  en  juin  et  juillet,  d'un  vert  jaunâtre,  à  atomes 
et  lignes  jaunes,  avec  un  trait  transversal;  D.  Inccrta,  Hufnagel,  syn.  : 
Instabilis,  cat.  de  V.,  l'Inconstante,  Lngr.,  dont  le  papillon,  qui  éclùt 
souvent  dès  le  milieu  de  février,  a  des  variétés  presque  innombrables; 
chenille  verte,  à  lignes  blanches,  sans  trait  transversal,  commune  en 
juin,  juillet,  août,  sur  le  chêne,  l'orme,  le  peuplier,  etc.  Le  genre  Sco- 
pelosoma,  Curtis,  mérite  d'être  indiqué  pour  son  espèce,  6'.  Satellitia, 
Linn.jla  Satellite,  Engr.,  commune  en  octobre  dans  les  bois,  les  jar- 
dins, les  avenues  d'ormes,  etc.,  ZiO  millimètres  d'envergure,  le  thorax 
crête,  à  collier  saillant  et  caréné,  l'abdomen  lisse,  très  déprimé  et  velu 
latéralement,  les  ailes  supérieures  très  oblongues  et  fortement  feston- 
nées, d'un  brun  roux  ou  d'un  fauve  roux,  avec  quelques  teintes  vio- 
lâtres,  les  lit;nes  ordinaires  fines  et  noires,  la  tache  réniforme  seule 
visible,  formée  d'un  gros  point  blanc,  au-dessus  et  au-dessous  duquel 
on  en  voit  deux  autres  très  petits,  ces  points  quelquefois  d'un  jaune 
rougeâtre  ou  safrané;  ailes  inférieures  d'un  gris  noirâtre  uni,  avec  la 
frange  claire.  L'intérêt  de  cette  espèce  est  dans  sa  chenille,  noire,  à 


^ocTlJÉLIE^s.  605 

taches  latérales  blanches,  vivant  dans  sa  jeunesse  entre  les  samarres 
des  ormes,  ou  renfermée  entre  des  feuilles  sur  le  chêne,  l'aubépine,  la 
ronce,  etc.,  et  de  plantes  basses  quand  elle  est  parvenue  à  tout  son  déve- 
loppement; on  la  trouve,  le   plus  communément,  au  pied  des  ormes, 
entre  les  feuilles  sèches  et  les  broussailles.  Elle  est  très  vorace  et  en 
captivité  dévore  les  autres  chenilles, sans  épargner  celles  deson  espèce. 
Viennent  ensuite  des  Noctuelles  qui  se  reconnaissent  aisément  à  leurs 
ailes  supérieures  formant  un  toit  très  incliné  dans  le  repos,  et  dont  la 
couleur  du  fond  est  toujours  fauve  ou  jaune,  avec  les  lignes  ondulées 
et  taches  de  couleur  grisâtre.  Citons  :  Hoporina  Croceago,  cat.  de  V.,  la 
Safranée,   Kngr.,  the  Orange  Upperioing,  le  fond  des  ailes  supérieures 
d'un  fauve  rougeàtre  saupoudre  de  ferrugineux,  en  septembre  et  oc- 
tobre dans  les  bois  de  chênes,  l'adulte  hivernant  et  reparaissant  en  mars 
et  avril.  A  cette  époque,  où  l'on  trouve  le  papillon  butinant  au  soleil  sur 
les  chatons  des  saules,  on  le  fait  souvent  tomber,  par  les  temps  cou- 
verts, en  battant  les  jeunes  chênes  qui  ont  conservé  leurs  feuilles 
sèches;  chenille    fauve,  à    chevrons  bruns,  épaisse,  non   atténuée,  à 
onzième  anneau  saillant,  en  mai  et  juin  sur  le  chêne.  Le  genre  Xan- 
thia,  Ochs.,  habitant  toutes  les  régions  tempérées  ou  froides,  doit  son 
nom  à  la  coloration  jaune  du  fond  des  ailes  supérieures.  Les  chenilles 
des  Xanthies  sont  épaisses,  courtes,  à  tête  le   plus  souvent  fauve;  elles 
vivent,  dans  leur  premier  Tige,  parmi  les  chatons  ou  les  samarres  de 
certains  arbres,  saules,  peupliers,  cliênes,  ormes;  elles  rongent  d'abord 
l'axe  et  les  étamines  des  fleurs.  Puis,  lorsque  les  chatons  se  dessèchent 
et  tombent  avec  les  chenilles  qu'ils  renferment,  celles-ci,  qui,  à  cette 
époque,  ont  atteint  à  peu  près  le  tiers  de  leur  croissance,  abandonnent 
ce  genre  de  vie,  se  dispersent  autour  de  l'arbre,  et  se  nourrissent  des 
plantes  basses  qu'elles  trouvent  à  leur  portée.  Le  moyen  le  plus  simple 
de  se  les  procurer  consiste  donc  à  recueillir  les  chatons  de  ces  arbres 
au  moment  où  ils  se  détachent,  avant  que  la  chenille  les  ait  abandon- 
nés.   Elles  se  métamorphosent  dans  une  coque  assez  solide,  enfoncée 
dans  la  terre,  et  l'insecte  parfait  éclôt  dans  la  seconde  moitié  de  l'été. 
Les  espèces  les  plus  répandues  sont  :  A'.  Citrago,  Linn.,  la  Citronelle, 
Engr.,  the  Orange  Salloir,  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  citron  fine- 
ment sablé  de  rouge  ferrugineux,  les  ailes  inférieures  d'un  jaune  très 
pâle,  ainsi  que  la  frange  et  l'abdomen;  en  septembre,  dans  les  allées 
de  tilleuls;  chenille  vivant,  par  exception,  en  mai,  entre  les  feuilles  de 
tilleul  qu'elle  crible  de  trous;  X.  Fulvago,  Linn.,  syn.  :  Cerago,  cat. 
de  V.,  la  Sulphurée,  Engr.,  the  Sallow,  espèce  commune  dans  tous  les 
lieux  où  croît  le  saule  marsault;  papillon  en  juillet  et  août;  chenille 
d'un  brun  violâtre,  à  ventre  clair,  dans  les  chatons  du  saule  marsault,  en 
mars  et  avril;  X.  Aurago^  cat.  de  V.,  V Eblouissante,  Engr.,  the  Barred 
Sallow,  le  fond  des  ailes   supérieures  d'un  jaune  d'or,  les  lignes  et 
taches  d'un  brun  rouge,  ainsi  que  les  espaces  basilaire  et  terminal; 
papillon  d'août  à  octobre,  commun  dans  le  Nord  et  en  Auvergne,  où  il 


606  LÈPlDOl'TiiUtS. 

vole  le  soir  en  grand  nombre  à  la  cinae  des  hêtres;  chenille  grise,  à 
lignes  noirâtres,  en  mai  sur  le  hêtre,  entre  les  feuilles  qu'elle  lie 
ensemble  par  quelques  fils  de  soie,  ce  qui  la  rend  très  difficile  à  trouver  ; 
X.  Gilvago,  Esper.,  la  Cirée,  Engr.,  le  fond  des  ailes  supérieures  d'un 
jaune  fauve,  le  papillon  trt's  commun  en  septembre  et  octobre  dans 
tous  les  lieux  plantés  d'ormes;  chenille  roussâtre,  à  chevrons  obscurs, 
en  mai  dans  les  samarres  des  ormes,  puis,  à  tout  son  développement, 
dans  les  plantes  basses,  en  juin;  à  rechercher  alors,  entre  les  feuilles 
sèches  et  les  broussailles,  partout  où  il  y  a  des  ormes  en  massifs  ou  en 
allées. 

Les  Cosraides  nous  présentent  des  papillons  à  tête  petite,  ayant  des 
formes  assez  élégantes,  une  taille  ordinairement  au-dessous  de  la 
moyenne,  l'abdomen  court  et  conique,  les  femelles  pareilles  aux  mâles, 
tantôt  munies  d'un  oviscapte  saillant  (Tethea,  Ochs.,  Euperia,  Guenée, 
Dmjcla,  Guenée),  tantôt  dépourvues  (Cosmia,  Ochs.),  les  ailes  lisses  et 
soyeuses,  à  dessins  bien  marqués;  ils  volent  avec  vivacité  au  coucher 
du  soleil.  Les  chenilles  sont  allongées,  de  couleurs  vives,  plus  ou  moins 
aplaties  en  dessous,  à  tête  globuleuse,  à  écusson  du  prothorax  luisant; 
elles  vivent,  surtout  celles  des  Cosmia,  renfermées  entre  les  !euilles  des 
arbres,  qu'elles  relient  par  des  fils  de  soie.  Le  genre  Cosmia,  Ochs., 
syn.  :  Cahjmnia,  Hubner,  a  les  antennes  filiformes  dans  les  deux  sexes, 
le  thorax  gros,  lisse  et  globuleux,  la  spiritrompe  courte.  Les  chenilles 
sont  fusilbrmes,  molles,  ridées,  à  trapézoïdaux  saillants.  Elles  sont 
toutes  carnassières  (et  c'est  ce  qui  nous  fait  citer  les  Cosmides),  surtout 
celles  de  l'espèce  type,  C.  Trapezina.  En  liberté  ces  chenilles  dévorent 
les  chenilles  plus  faibles  qu'elles,  et  si  l'on  renferme  dans  la  boîte  de 
récolte  des  chenilles  de  la  même  espèce  de  Cosmies,  elles  se  font  entre 
elles  une  guerre  à  outrance,  au  point  qu'on  n'en  rencontre  quelquefois 
pas  11  ne  seule  intacte.  Ce  détail  de  mœurs  est  bon  à  rappeler  aux  jeunes 
amateurs  pour  certaines  chenilles  de  Noctuelles,  qu'il  est  important 
d'isoler,  comme  lorsque  l'on  chasse  aux  Araignées.  Les  chrysalides  sont 
eftlorescentes,  renfermées  dans  un  cocon  très  léger  placé  entre  les 
feuilles  ou  sur  le  sol.  Le  C.  Trapezina,  Linn.,  le  Trapèze,  Engr.,  the  Dun 
Bar  des  Anglais,  a  32  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  de 
couleur  très  variable,  ordinairement  d'un  gris  chamois,  souvent  fauve 
et  allant  quelquefois  jusqu'au  brun  carmélite,  l'espace  médian  toujours 
plus  foncé,  limité  par  des  lignes  qui  forment  un  trapèze,  les  taches 
ordinaires  marquées  en  clair,  la  réniforme  ayant  un  point  noirâtre  à 
sa  partie  inférieure,  les  ailes  inférieures  de  la  couleur  des  supérieures, 
lavées  de  noirâtre,  à  frange  d'un  jaune  clair.  Ce  papillon  est  très  com- 
mun dans  tous  les  bois  en  juillet.  La  chenille  est  verte,  à  trapézoïdaux 
noirs  entourés  de  blanc,  vivant  en  mai  sur  tous  les  arbres  forestiers, 
surtout  sur  le  chêne.  Il  y  a  deux  très  jolies  Cosmies,  que  l'on  trouve 
en  juillet  dans  tous  les  lieux  plantés  d'ormes,  sur  les  troncs  des  ormes, 
les  barrit'res,  les  clôtures,  etc.  L'une  est  C.  Diffmis,  Linn.,  the  White- 


NOCrOÉLÏENS.  607 

spotted  Pinion,  de  32  millimètres,  les  ailes  supérieures  d'un  brun  rouge, 
rosé  aux  bords,  avec  quatre  taches  d'un  blanc  mat  à  la  côte,  situées  à 
l'origine  des  lignes  ordinaires,  qui  sont  roses  ou  d'un  rouge  clair,  les 
deux  médianes  formant  une  sorte  de  trapèze,  comme  chez  les  autres 
espèces  du  genre;  il  y  a  deux  points  noirs  à  l'angle  apical;  ailes 
inférieures  d'un  brun  foncé,  à  frange  fauve;  chenille  verte,  à  tète 
noire,  renfermée  en  mai  et  juin  dans  un  paquet  de  feuilles  d'orme. 
L'autre  espèce  a  une  chenille  verte,  à  tête  verte,  vivant  à  la  façon  de 
la  précédente,  aux  mêmes  époques,  sur  l'orme.  Le  papillon  de  cette 
C.  Af finis,  Linn.,  the  leaser-spotted  Pinion,  est  plus  petit,  de  28  milli- 
mètres d'envergure  seulement,  mais  très  analogue,  les  ailes  supérieures 
d'un  brun  marron,  avec  deux  points  noirs  au  sommet,  les  taches  blan- 
ches de  la  côte  plus  petites,  souvent  nulles,  les  lignes  ordinaires  blan- 
ches et  non  rougeàtres,  l'orbiculaire  avec  un  et  la  réniforme  avec  deux 
points  noirâtres;  ailes  inférieures  noires,  à  frange  jaune;  chenille  et 
papillon  tous  deux  plus  communs  que  pour  Diffinis. 

Les  Hadénides  constituent  une  immense  famille  de  Noctuelles,  qui 
habite  toute  la  terre,  à  toutes  les  latitudes  et  altitudes,  surtout  dans  les 
contrées  tempérées  et  froides  de  l'Europe  et  de  l'Amérique,  et  dont  on 
•découvre  tous  les  jours  de  nouvelles  espèces.  Les  papillons  ont  les 
antennes  de  longueur  moyenne,  rarement  ciliées  dans  les  mâles,  les 
palpes  courts  et  droits,  le  thorax  plus  ou  moins  carré  et  crèté,  ainsi 
que  l'abdomen,  les  pattes  de  longueur  moyenne,  les  ailes  supérieures 
épaisses,  marquées  des  lignes  et  taches  ordinaires,  la  ligne  subtermi- 
nale jamais  complètement  droite  et  souvent  brisée  en  g  dans  son 
milieu;  au  repos  elles  recouvrent  les  inférieures  en  toit  très  incliné. 
Ces  papillons  volent  au  crépuscule  et  s'accrochent  pendant  le  jour  au 
tronc  des  arbres  ou  aux  murs  de  clôture.  Les  chenilles  sont  allongées, 
bien  cylindroïdes,  lisses,  non  luisantes  et  sans  trapézoïdaux  saillants, 
ayant  parfois  le  onzième  anneau  relevé;  elles  sont  généralement  de 
couleurs  assez  vives  et  avec  les  dessins  bien  marqués,  se  tenant  à 
■découvert  ou  simplement  abritées  sous  les  feuilles  des  arbres  ou  des 
plantes  basses.  Elles  vivent  généralement  pendant  le  cours  de  la  belle 
saison;  quelques-unes  pourtant  passent  l'hiver.  Toutes  s'enfoncent  en 
terre  pour  se  chrysalider,  et  rarement  elles  prennent  la  peine  de  con- 
struire une  coque  avec  de  la  soie;  une  cavité  ovoïde,  lissée  en  dedans 
et  facile  à  briser  au  moindre  contact,  suffit  pour  les  contenir.  Ces  chry- 
salides sont  luisantes  et  non  efflorescentes. 

Le  genre  Dianthœcia,  Boisd.,  forme  un  genre  très  naturel  de  jolies 
Noctuelles,  h  dessins  aussi  délicats  que  leurs  couleurs  sont  vivement 
tranchées,  à  ailes  supérieures  festonnées,  à  dessins  marbrés,  les  infé- 
rieures avec  une  tache  claire  à  l'angle  anal,  l'abdomen  caréné  et  crèté 
à  sa  base,  et  muni  chez  les  femelles  d'un  oviscapte  dont  la  saillie  varie 
suivant  les  espèces,  et  qui  est  destiné  à  pondre  dans  les  fleurs  des 
Caryophy liées,  les  fruits  capsuleux  de  celles-ci  formant  la  nourriture 


608  LÉPIDOPTÈRES. 

des  chenilles,  de  sorte  que  partout  où  croissent,  dans  les  régions  tem- 
pérées des  deux  hémisphères,  les  plantes  des  genres  Silène,  Lyclmis, 
Dianthus,  Saponaria,  etc.,  on  trouve  des  Dianthécies,  les  espèces  parti- 
culières de  ces  genres  ayant  môme  souvent  leurs  Noctuelles  correspon- 
dantes. Les  œufs  sont  déposés  par  les  femelles  soit  sur  les  boutons  de 
Caryophyllées,  soit  sur  la  corolle  des  fleurs,  soit  sur  l'extrémité  du 
calice,  et  donnent  leurs  chenillettes  au  bout  d'une  huitaine  de  jours. 
Celles-ci  percent  aussitôt  tout  ce  qui  les  sépare  de  l'ovaire,  mangent  les 
jeunes  pétales  et  l'ovaire  lui-même,  si  la  fleur  est  en  bouton,  percent 
l'ovaire  et  s'y  introduisent  si  la  fleur  est  plus  avancée.  La  chenille  y 
séjourne  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  consommé  toutes  les  graines,  puis  sort 
pour  recommencer  l'opération  sur  une  autre  capsule,  même  sur  un 
fruit  à  demi  desséché  et  plein  de  graines  dures.  Sur  les  grandes  Caryo- 
phyllées la  chenille  passe  toute  sa  vie  dans  le  fruit;  mais  les  chenilles 
qui  vivent  sur  les  genres  à  fruits  petits,  comme  les  Dianthus,  les  Si- 
lène, etc.,  ne  peuvent  continuer  à  s'y  loger;  elles  se  retirent  alors  au 
pied  de  la  plante  et  viennent  prendre  leur  nourriture  la  nuit  sur  les 
feuilles.  Ces  mœurs  exceptionnelles  permettent  de  découvrir  aisément 
les  chenilles  des  Dianthœcia.  Ou  bien  on  inspecte  pendant  la  nuit  les 
ombelles  des  Caryophyllées- à  la  lanterne,  en  parcourant  les  prairies,  et 
l'on  découvre  aisément  les  chenilles  grimpées  au-dessus  des  inflores- 
cences, le  corps  souvent  à  demi  enfoncé  dans  les  capsules,  ou  bien  on 
emporte  les  bouquets  de  fleurs  et  on  les  visite  à  l'intérieur.  Ces  che- 
nilles, qui  croissent  rapidement,  sont  cylindroïdes,  rases,  atténuées  aux 
deux  extrémités,  avec  la  tête  globuleuse,  ordinairement  de  couleur 
terne  et  marquées  de  traits  obliques  ou  de  chevrons  sur  la  région  dor- 
sale. Quand  le  moment  de  la  nymphose  est  arrivé,  elles  quittent  les 
sommités  des  plantes  pour  entrer  en  terre,  et  se  chrysalident  dans  une 
coque  peu  solide  formée  de  graviers  agglutinés  ou  reliés  entre  eux  par 
des  fils  de  soie;  les  chrysalides  ont  une  saillie  abdominale  qui  est  la 
gaine  de  la  spiri trompe.  Les  insectes  parlaits  n'en  sortent  qu'au  prin- 
temps de  l'année  suivante;  fidèles  à  leur  origine,  on  les  trouve  toujours 
butinant  le  soir  sur  les  fleurs  des  Caryophyllées. 

Nous  citerons,  au  point  de  vue  horticole,  D.  Compta,  cat.  de  V.,  l'Ar- 
rangée, Engr.,  de  31  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un 
noir  bleuâtre,  ayant  à  la  base  une  légère  tache  blanche  et  au-dessous 
une  petite  tache  ronde  d'un  jaune  orangé,  l'espace  médian  entièrement 
traversé  par  une  bande  blanche,  irrégulière,  plus  ou  moins  large  sui- 
vant les  individus,  sur  laquelle  l'orbiculaire  et  la  réniforme  se  dessinent 
finement  en  noir;  les  deux  lignes  médianes  sont  noires,  géminées, 
éclairées  de  blanc  vers  le  bord  interne,  la  subterminale  très  brisée  et 
d'un  jaune  orangé,  la  frange  d'un  blanc  jaunâtre  entrecoupé  de  noi- 
râtre, les  ailes  inférieures  d'un  gris  noirâtre,  avec  un  point  jaunâtre 
près  de  l'angle  anal;  tête  et  thorax  variés  de  noir  et  de  blanc;  femelle 
ne  différant  du  mâle  que  par  l'oviscapte.  Le  papillon  vole  en  mai  et 


NOCTUÊLIENS.  60D 

juin  dans  les  lieux  secs  et  rocailleux  et  dans  les  jardins.  La  chenille, 
d'un  gris  clair,  avec  la  ligne  vasculaire  foncée,  vit  en  juillet,  très  com- 
mune dans  les  jardins  des  environs  de  Paris  et  du  centre  de  la  France, 
dévorant  la  nuit  les  graines  des  œillets  champêtres  et  des  jardins 
(Dianthus),  se  cachant  le  jour  au  pied  de  la  plante;  on  peut  guetter  la 
nuit  les  chenilles  et  les  écraser,  ou  arroser  les  ombelles  avec  une  solu- 
tion de  tabac  ou  de  savon  noir  concentré,  ou  de  sulfocarbonate  de 
potasse.  Dans  le  genre  Pulia,  Ochs.,  les  papillons  ont  les  antennes  cré- 
nelées, les  palpes  courts,  le  thorax  épais  et  hérissé,  les  ailes  nébu- 
leuses, ordinairement  à  fond  blanchâtre.  Les  chenilles  sont  longues, 
verdâtres,  roses,  et  se  tiennent  allongées  sur  les  figes  des  plantes  basses. 
Dans  le  sous-genre  Hecatera,  Guenée,  les  femelles  n'ont  pas  d'oviscapte, 
les  chenilles  vivent  dans  les  fleurs  des  Composées  et  à  découvert  ;  elles 
ont  la  tête  petite  et  leurs  chrysalides,  qui  n'ont  point  de  saillie  abdomi- 
nale, sont  renfermées  dans  des  coques  molles  et  enterrées.  Il  faut  citer 
P.  Dysodea,  cat.  de  V.,  la  Cerisière,  Engr.,  the  Ranunculus  des  Anglais, 
de  30  à  32  millimétrés  d'envergure,  les  papillons  pareils  dans  les  deux 
sexes,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  clair  ou  jaunâtre,  les  deux  taches 
ordinaires  en  clair,  entourées  d'orangé,  les  lignes  médianes  noires  et 
festonnées,  la  sublerminale  formée  de  taches  orangées,  une  ligne  de 
petites  lunules  noires  précédant  la  frange,  qui  est  entrecoupée  de  gris 
et  d'olivâtre  ;  thorax  mêlé  de  gris  et  d'olivâtre^  avec  le  collier  et  les  pté-  _ 
rygodes  bordés  d'orangé  et  d'une  petite  ligne  noire.  Le  papillon  vole  ' 
dans  les  prairies  et  les  jardins,  de  mai  en  juillet;  on  le  trouve  sur  les 
troncs  des  arbres,  les  clôtures,  les  touffes  de  lierre,  etc.  La  chenille  de 
cette  petite  espèce,  d'un  gris  verdâtre  ou  rougeâtre,  à  ventre  pâle,  se 
trouve  en  juillet  et  août  sur  la  laitue  vivace  {Lactuca  perennis),  la  laitue 
cultivée  {Lactuca  sativa)  et  autres  Chicoracées  dont  elle  mange  les  fleurs 
et  les  boutons.  Elle  cause  des  dégâts  sérieux  en  s'installant  par  petites 
sociétés  dans  les  ombelles  des  laitues  et  des  romaines,  dévorant  les  bou- 
tons comme  les  graines,  au  point  de  rendre  parfois  la  récolte  nulle.  Il 
faut  secouer  légèrement  ces  plantes  sur  un  drap  ou  dans  un  parapluie 
renversé,  et  écraser  les  chenilles,  excellent  moyen  dont  s'avisent  bien 
peu  de  jardiniers.  C'est  en  août  que  la  chrysalide  se  forme  en  terre, 
pour  donner  habituellement  l'adulte  en  juin  de  l'année  suivante.  11  y  a 
parfois  une  seconde  génération  en  septembre  et  des  chenilles  jusqu'en 
octobre.  Une  espèce  voisine,  de  môme  taille,  est  P.  Serena,  cat.  de  V. 
(Hecatera),  la  Joeonde,  Engr.,  espèce  moins  nuisible,  commune  dans 
presque  toute  la  lù-ance,  sur  les  arbres  des  routes,  les  murs  de  clô- 
ture, etc.,  butinant  en  mai,  juin  et  juillet,  sur  les  fleurs  des  Rubus,  des 
Silène,  etc.,  se  prenant  à  la  miellée.  La  chenille,  d'un  vert  foncé  ou 
brune,  à  chevrons  noirâtres,  se  trouve  sur  les  fleurs  des  Chicoracées  en 
mai  puis  en  août,  car  il  y  a  habituellement  deux  générations,  dans  les 
prairies  élevées  et  dans  les  jardins,  sur  les  fleurs  des  Chicoracées,  laitue 
vivace,  épervière  à  ombelles,  léontodons,  crépide  des  toits,  etc. 

GIRARD.  m.  —   39 


610  LÉPIDOPTÈRES. 

Le  genre  Hadena,  Och.,  est  nombreux  en  espèces  appartenant  à  toutes 
les  parties  du  monde,  mais  préférant  les  contrées  tempérées  ou  froides. 
Les  antennes  sont  pubescentes,  rarement  subpectinées  dans  les  mâles, 
le  tliorax  est  carré,  convexe,  velu,  avec  le  collier  court,  un  peu  relevé 
et  suivi  d'une  crête  bifide,  l'abdomen  souvent  crête,  terminé  carrément 
dans  les  mâles,  robuste  et  terminé  en  pointe  obtuse  dans  les  femelles; 
les  ailes  supérieures  sont  épaisses  et  subdentées,  à  taches  bien  distinctes, 
offrant  souvent  sous  la  réniforme  une  tache  bidentée  plus  claire  que  le 
fond,  la  ligne  siibterminale  anguleuse,  formant  dans  son  milieu  la  lettre 
S  couchée  bien  visible  ;  chenilles  rases,  cylindroïdes,  à  tête  globuleuse, 
de  couleurs  assez  vives,  vivant  sur  les  arbres  et  les  plantes  basses; 
chrysalides  enterrées. 

Une  espèce  nuisible  de  ce  genre  est  H.  Oleracea,  Linn.,  la  Potagère, 
Engr.,  the  Bright-line  Brown-eye,  de  Zh  à  38  millimétrés  d'envergure, 
les  deux  sexes  pareils,  les  ailes  supérieures  d'un  brun  ferrugineux  assez 
uniforme,  avec  les  lignes  médianes  perdues  dans  la  couleur  du  fond, 
la  subterminale  blanche  et  bien  distincte,  formant  en  son  milieu  un  s 
dont  les  angles  n'atteignent  pas  la  frange,  la  tache  réniforme  couleur 
de  rouille,  l'orbiculaire  pupillée,  bordée  de  blanc,  les  ailes  inférieures 
d'un  gris  jaunâtre  clair,  avec  un  point  cellulaire  et  le  bord  externe 
noirâtre;  papillon  commun  partout,  dans  les  prés  et  surtout  dans  les 
jardins,  de  mai  à  novembre,  ayant  deux  générations  par  an;  chenille 
verte  ou  parfois  d'un  rouge  obscur,  avec  lastigmatale  blanche  ou  jaune, 
se  trouvant  principalement  en  juin,  puis  en  septembre,  sur  une  foule 
de  plantes  basses  des  prairies  et  des  potagers,  surtout  sur  les  dahlias,, 
mangeant  aussi  les  feuilles  de  framboisier  et  de  groseillier;  elle  est  très 
polyphage;  ainsi  je  l'ai  trouvée  fréquemment  en  septembre  dévorant 
les  feuilles  des  Tamarix  de  nos  côtes  normandes.  Une  espèce  nuisible 
aux  épinards,  aux  œillets  d'Inde,  aux  reines-marguerites,  aux  géra- 
niums, etc.,  est  H.  chenopodii,  cat.  de  V.,  la  Triste,  Engr.,  the  Nutmeg, 
de  32  à  35  millimètres,  offrant,  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supé- 
rieures d'un  gris  cendré,  avec  des  nuances  mélangées  de  roussâtre,  des 
taches  costales  noires  et  toutes  les  lignes  d'un  gris  clair,  bordées  de 
noirâtre,  la  subterminale  dentée,  bien  marquée  en  s  dans  son  milieu  ; 
ailes  inférieures  d'un  gris  pâle,  avec  le  bord  externe  largement  noi- 
râtre. Le  papillon  se  trouve  dans  les  jardins  potagers,  les  prés,  les 
champs,  les  bruyères,  dans  toute  la  France,  en  mai,  puis  en  juillet, 
août,  septembre,  plus  ou  moins  commun  selon  les  localités.  La  che- 
nille est  verte,  avec  la  ligne  vasculaire  blanche  teintée  de  rouge,  et  vit 
de  juillet  en  octobre  sur  beaucoup  de  plantes  basses.  Moins  commime 
et  par  suite  peu  nuisible  est  une  belle  Noctuelle  nommée  H.  atripUciSj 
Linn.,  l'Arrochière,  Engr.,  non  indiquée  dans  les  catalogues  anglais,  de 
Zi2  millimètres  d'envergure,  les  deux  sexes  pareils,  les  ailes  supérieures 
d'un  brun  chatoyant  en  violet,  avec  la  base,  l'espace  subterminal  et  les 
deux  taches  ordinaires  d'un  vert  brillant,  les  lignes  médianes  d'un  gris- 


NOCTUÉLIENS.  6H 

violAtre,  bordées  de  lunules  noires  des  deux  côtés,  la  subterminale 
blanche,  très  distincte,  largement  ondulée;  le  caractère  saillant  de  cette 
espèce  est  la  tache  bidentée,  partant  de  la  tache  orbiculaire,  et  qui  est 
grande,  blanche  ou  rosée;  ailes  inférieures  noirâtres,  ;i  frange  jaunâtre  ; 
papillon  en  juin  et  juillet,  puis  en  septembre,  dans  les  jardins,  les 
fermes,  près  des  habitations;  souvent  appliqué  le  long  des  murs  de 
clôture  ou  au  pied  des  arbres;  chenille  épaisse,  rougeàtre,  à  lignes 
perlées,  en  août,  septembre  et  octobre  sur  les  plantes  basses,  au  bord 
des  mares  et  des  ruisseaux,  près  des  fermes  et  dans  les  basses-cours, 
dans  les  jardins,  sur  l'oseille,  les  chénopodes,  les  amaranthes,  la  persi- 
caire  (Polygonum  persicaria),  l'arroche  des  jardins  {Atriplex  horten- 
sis),  etc.,  parfois  assez  commune.  Cette  chenille  est  nocturne  et  se 
cache  pendant  le  jour  sous  les  plantes  dont  elle  se  nourrit. 

Les  Xylinides  présentent  des  papillons  à  antennes  presque  toujours 
simples,  avec  une  longue  spiritrompe  et  des  palpes  bien  développés,  le 
thorax  robuste  et  très  carré,  les  ailes  supérieures  longues  et  étroites,  à 
dessins  longitudinaux,  les  lignes  transverses  ordinaires  peu  nettes  et 
confuses,  les  ailes  très  repliées  au  repos  le  long  du  corps,  de  façon  à 
donner  à  l'insecte  une  forme  allongée;  chenilles  à  seize  pattes  égales, 
cylindroïdes,  allongées,  rases,  parées  de  vives  couleurs,  se  tenant  à 
découvert  sur  les  feuilles  ou  les  fleurs  des  plantes  basses  et  des  arbres. 
Le  genre  Xyltna,  Ocbs.,  a  des  papillons  dont  le  thorax  est  muni  d'une 
crête  bifide,  l'abdomen  plat  et  garni  de  poils  sur  les  côtés,  les  ailes 
oblongues,  mais  arrondies  au  bout,  croisées  et  presque  parallèles  au 
plan  de  position  dans  le  repos,  les  pattes  épaisses,  le  front  muni  d'un 
toupet  bifide  ;  chenilles  courtes  et  molles,  ayant  toutes  les  lignes  dis- 
tinctes, vertes  au  moins  dans  le  jeune  âge,  vivant  sur  les  grands  arbres; 
chrysalides  enterrées.  L'espèce  la  plus  importante  est  A'.  Ornithopus, 
Hufnagel,  syn.  :  Rhizolitha,  cat  de  V.,  la  Nébuleuse,  Kngr.,  the  Graïf 
Shoulder-Knot,  deiO  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un 
gris  blanchâtre,  la  réniforme  roussàtre,  l'orbiculaire  peu  visible,  la 
claviforme  petite,  un  trait  basilaire  noir,  trifurqué,  la  frange  grise,  fes- 
tonnée, précédée  d'une  série  de  points  noirs,  les  ailes  inférieures  d'un 
gris  noirâtre;  papillon  dans  les  bois  de  septembre  à  novembre,  repa- 
raissant de  mars  à  avril  de  l'année  suivante,  après  hibernation,  se 
prend  aisément  en  battant  les  arbres,  ou  sur  les  troncs  des  grands 
arbres,  surtout  des  ormes;  chenille  à  la  fin  de  mai,  sur  le  chêne, 
l'orme,  etc.,  commune  partout,  ainsi  que  l'adulte,  d'un  vert  pomme 
très  clair,  semée  de  quelques  poils.  Dans  le  genre  Calocampa,  Ste- 
pliens,  la  spiritrompe  est  robuste,  le  thorax  velu  et  peu  convexe,  à  col- 
lier sinué  et  caréné,  l'abdomen  très  déprimé,  lisse,  velu  latéralement, 
semblable  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supérieures  dentées,  épaisses, 
très  oblongues,  à  bords  subparallèles,  à  dessins  rayonnes  et  à  taches 
distinctes;  bien  que  les  ailes  soient  assez  larges,  surtout  les  inférieures, 
elles  sont  au  repos  tellement  plissées  et  repliées  les  unes  sur  les  autres. 


612  LÉPIDOPTÈRES. 

que  le  papillon  a  une  forme  très  allongée,  et  ressemble  beaucoup 
moins  à  un  Lépidoptère  qu'à  une  feuille  sèche  roulée  ou  à  un  fragment 
de  bois  mort;  leur  couleur  brune  et  les  stries  nombreuses  des  ailes 
ajoutent  tellement  à  l'illusion  qu'il  faut  les  toucher  pour  s'assurer  que 
ce  sont  bien  des  êtres  vivants;  c'est  une  puissante  protection  par  imi- 
tation défensive;  les  papillons  ne  volent  que  la  nuit.  Ce  genre  est  un 
des  plus  beaux  des  xNoctuéliens,  surtout  par  la  taille  et  les  couleurs 
vives  et  bigarrées  des  chenilles,  très  longues,  cylindroïdes,  à  tête  petite 
et  globuleuse;  elles  vivent  de  plantes  basses  et  s'enterrent  profondément 
pour  se  chrysalider.  Nous  devons  citer  C.  Exolela,  Linn.,  l'Antique, 
Engr.,  the  Sicord  Grass,  de  58  à  62  millimètres,  les  deux  sexes  pareils, 
les  ailes  supérieures  d'un  jaune  ocreux  pâle  teinté  de  verdâtre  vers  le 
bord  interne,  avec  la  côte  et  de  nombreuses  Ugnes  longitudinales  d'un 
brun  rougeâtre,  les  ailes  inférieures  grises,  jaunâtres  au  bord  abdomi- 
nal, la  tète  d'un  jaune  fauve,  ainsi  que  la  partie  antérieure  du  thorax, 
qui  est  en  outre  bordé  de  deux  lignes  rousses;  dessus  du  thorax  gris 
brunâlre,  dessus  de  l'abdomen  teinté  de  noir;  partout,  sans  être  jamais 
très  commun,  en  septembre  et  octobre,  et  certains  individus  en  mars 
et  avril  de  l'année  suivante,  provenant  de  chrysalides  retardées  qui 
ont  passé  l'hiver.  La  chenille  est  très  belle,  tantôt  d'un  vert  pomme, 
tantôt  d'un  beau  vert  glauque,  avec  la  stigmatale  rouge,  ainsi  que  des 
taches  dorsales  bipupillées,  et  une  raie  jaune  de  chaque  côté  du  dos; 
elle  vit  en  juin,  juillet  et  août  sur  un  grand  nombre  de  plantes  basses, 
l'œillet  des  jardins,  la  scabieusedes  champs,  le  cucubale,les  pavots,  les 
genêts,  le  Silène  otites,  l'arrète-bœuf  {Ononis  arvensis),  et  surtout  sur  les 
trèfles  et  les  luzernes;  en  outre,  dans  les  potagers  et  les  jardins,  elle 
dévore  les  laitues,  les  pavots  et  scabieuses  cultivés,  etc.,  parfois  nuisible 
en  raison  de  sa  grande  taille.  Une  seconde  espèce  très  voisine  est 
C.  Vetusta,  Hubner,dont  le  papillon,  à  ailes  supérieures  ocreuses,  veinées 
de  brun  rougeâtre  clair,  présente  la  moitié  du  bord  interne  et  les  deux 
tiers  du  bord  terminal  d'un  brun  rouge,  ce  qui  explique  le  nom  des 
auteurs  anglais,  the  Bed  Sword  Grass;  l'espèce,  de  toute  la  France, 
jamais  très  commune,  se  retrouve  au  Canada  sans  aucune  modification; 
chenille  d'un  vert  foncé,  à  stigmatale  jaune,  vivant  en  mai  et  en  juin 
dans  les  prés  marécageux,  se  nourrissant  de  Graminées  et  surtout  de 
Carex,  ce  qui  fait  que  l'espèce  n'est  jamais  nuisible  ;  on  se  procure  cette 
chenille  en  fauchant  dans  les  prairies  basses  ;  mêmes  mœurs  et  époques 
d'éclosion  du  papillon  que  pour  l'espèce  précédente. 

Les  Héliothides  sont  des  papillons  de  taille  petite  ou  moyenne,  qui 
volent  presque  aussi  bien  pendant  le  jour  que  le  soir,  et  qu'on  recon- 
naît aisément  à  leurs  ailes,  qui  sont  en  dessous  tachées  de  noir  sur  fond 
clair.  Les  antennes,  non  pectinées,  sont  presque  complètement  fili- 
formes dans  les  deux  sexes,  le  thorax  robuste,  l'abdomen  lisse,  sub- 
conique, et  les  jambes  munies  soit  d'épines,  soit  d'onglets.  Les  ailes 
supérieures  ne  sont  jamais  oblongues,  ni  rayonnées  dans  le  sens  de  la 


NOGTUÉLIENS.  615 

longueur,  avec  les  lignes  et  les  taches  ordinaires  visibles.  Les  chenilles 
sont  cylindroïcies,  moniliformes,  luisantes,  non  atténuées,  à  seize  pattes 
égales,  vivant  à  découvert  au  sommet  des  tiges  des  plantes  basses,  man- 
geant les  fleurs  et  les  jeunes  feuilles;  chrysalides  très  aiguës  et  sans 
gaîne  ventrale  de  la  spiritrompe,  souvent  enterrées  superficiellement 
dans  des  coques  peu  solides.  Le  genre  Chariclea,  Steph.,  syn.  :  Ppî'ï- 
phanes,  Hubner,  ne  renferme  en  Europe  qu'une  seule  espèce,  importée 
d'Orient,  d'après  certains  auteurs,  le  C.  delphinii,  Linn.,  l'Incarnat, 
iMigr.,  the  Pease-blossoin,  la  plus  jolie  de  nos  Noctuelles,  de  30  à  32  mil- 
Uraètres  d'envergure, la  spiritrompe  longue,  le  thorax  proéminent,  avec 
le  collier  relevé  en  pointe  obtuse  et  une  crête  bifide  à  sa  base,  l'abdo- 
men crèté  sur  le  premier  anneau,  les  ailes  supérieures  d'un  charmant 
rose  tendre,  avec  les  espaces  basilaire  et  subtermiual  d'un  rose  vineux 
ou  violet,  les  lignes  médianes  très  distinctes,  d'un  ton  plus  clair,  lisé- 
rées  de  violet  noir,  la  tache  réniforme  visible,  l'orbiculaire  souvent 
nulle,  la  frange  jaunâtre,  les  ailes  inférieures  blanchâtres,  plus  foncées 
chez  la  femelle,  pareille,  quant  au  reste,  avec  un  peu  de  rose  au 
bord  terminal,  les  nervures  et  une  bordure  noirâtres,  les  pattes  fortes, 
sans  épines,  mais  avec  des  onglets.  Le  papillon  est  assez  commun  près 
de  Paris  et  dans  le  nord  de  la  France,  peu  commun  au  contraire  dans  le 
centre,  paraissant  manquer  dans  nos  départements  de  l'Est;  il  vole  en 
plein  jour  en  mai  et  juin,  dans  les  jardins  et  dans  les  champs,  butinant 
souvent  sur  les  trèfles  et  les  luzernes  aux  environs  de  Paris.  La  che- 
nille, non  moins  belle  que  l'adulte,  de  la  fin  de  juin  à  la  fin  d'août, 
mange  les  fleurs  et  surtout  les  fruits  du  pied-d'alouette,  cultivé  dans 
les  jardins,  et  de  l'espèce  de  Delphinimn,  spontanée  dans  les  blés,  se 
trouve  aussi  parfois  sur  les  aconits  des  jardins  et  des  champs.  Elle  est 
rose  ou  bleue,  avec  de  gros  points  noirs,  vit  par  groupes  dans  sa  jeu- 
nesse, et  se  chrysaUde  enterre,  en  coque  terreuse,  pour  donner  l'adulte 
l'année  suivante.  Les  variétés  roses  ou  bleues  semblent  assorties  h.  ces 
deux  mêmes  couleurs  des  fleurs  du  pied-d'alouette.  Les  jardiniers  doivent 
détruire  cette  chenille,  qui  est  diurne.  Dans  le  midi  de  la  France,  où 
l'espèce  manque,  c'est  la  chenille  verte  de  Polia  Cappa,  Hubner,  qui 
dévore  les  pieds-d'alouette  des  jardins.  Nous  dirons  aux  amateurs  qui 
veulent  élever  les  chenilles  de  C.  delphinii,  de  ne  les  chercher  que  sur 
les  pieds-d'alouette  simples,  et  d'avoir  soin  de  les  isoler,  car  elles  sont 
très  carnassières  et  dévorent  même  les  chrysalides  de  celles  qui  se  sont 
métamorphosées  les  premières.  Le  genre  Heliothis,  Ochs.,  nous  oHVe 
des  papillons  ayant  le  Iront  uni,  le  thorax  saillant,  les  jambes  épineuses, 
les  ailes  épaisses,  à  taches  et  lignes  distinctes  et  bordées  de  noir  en 
dessous;  l'abdomen,  obtus  à  l'extrémité  dans  les  deux  sexes,  se  termine 
dans  les  mâles  par  un  faisceau  de  poils.  Les  chenilles  sont  lisses,  allon- 
gées, moniliformes,  à  points  trapézoïdaux  petits,  mais  saillants  et  gar- 
nis de  quelques  poils  isolés,  la  tête  grosse,  un  peu  aplatie,  et  vivent 
sur  les  plantes  basses,  principalement  aux  dépens  des  fleurs;  chrysa- 


<5H  LÉPIDOPTÈRES. 

lides  enterrées.  On  trouve  :dans  tous  les  pays  du  globe  ÏH.  Armtgera, 
Hubner,  the  Source  liordcred  Strate,  de  38  millimètres  d'envergure,  les 
ailes  supérieures  d'un  ocreux  brunâtre  assez  clair  et  quelquefois  d'un 
brun  plus  ou  moins  foncé,  avec  l'espace  subterminal  en  bande  plus 
obscure,  les  lignes  médianes  brunes  peu  marquées,  la  tache  orbicu- 
laire  indiquée  par  un  petit  point,  la  réniforme  peu  marquée,  les  ailes 
inférieures  d'un  jaune  pâle,  avec  une  large  bordure  terminale,  les  ner- 
vures et  un  trait  cellulaire  noirâtres.  Le  papillon  éclôt  de  juin  jusqu'en 
septembre,  et  vole  en  plein  soleil  dans  les  champs  et  les  jardins,  un 
peu  partout,  comme  dans  le  midi  de  la  France.  La  chenille  est  d'un 
brun  rougeàtre,  à  ventre  plus  clair  et  points  trapézoïdaux  noirs,  et  se 
trouve  en  juin  et  juillet  sur  une  foule  de  plantes  basses,  plantain,  ajonc, 
tabac,  fleurs  et  feuilles  de  courge,  luzerne,  réséda  jaune,  etc.  Dans  le 
midi  de  la  l<'rance,  elle  cause  de  grands  ravages  dans  les  jardins  et  les 
champs.  Guenée  dit  avoir  vu  autour  de  La  Voulte  (Ardèche)  des  cul- 
tures entières  de  pois  chiches,  dont  chaque  gousse  contenait  une  che- 
nille, de  sorte  que  la  récolte  a  dû,  cette  année-là,  être  complètement 
nulle.  Elle  cause  souvent  de  grands  dommages  dans  les  champs  de 
chanvre,  dont  elle  dévore  les  graines,  et  encore  plus  dans  les  champs  de 
maïs,  en  s'introduisant  dans  les  épis  qu'elle  dévore,  au  point  de  n'y  pas 
laisser  un  seul  grain.  Une  espèce  plus  petite  et  commune  dans  les 
lieux  arides  où  croissent  les  chardons  et  dans  les  champs  de  trèfle  et 
de  luzerne,  où  elle  vole  à  l'ardeur  du  soleil,  d'un  vol  assez  rapide,  mais 
peu  soutenu,  en  mai,  puis  en  juillet  et  août,  est  r.4.  Dipsacea,  Linn., 
la  Dipsacée,  Engr.,  the  Marbled  Clover,  de  30  millimètres  d'envergure, 
ailes  supérieures  d'un  ocracé  olivâtre,  avec  deux  bandes  transverses 
d'un  brun  roussâtre,  se  réunissant  inférieurement,  la  première  conte- 
nant la  tache  réniforme,  qui  est  grande;  orbiculaire  indiquée  par  un 
point,  lignes  très  fines,  très  souvent  formées  de  points,  frange  brune  ; 
■ailes  inférieures  d'un  blanc  légèrement  verdàtre,  avec  la  base,  une 
grande  tache  cellulaire  et  une  large  brodure  noires,  cette  dernière 
ornée  dans  son  milieu,  près  du  bord  terminal,  d'une  tache  allongée  de 
la  couleur  du  fond;  femelle  semblable,  souvent  plus  brune.  La  chenille 
varie  beaucoup  pour  la  couleur  du  fond,  qui  est  paille,  verte,  violette 
ou  rougeàtre,  avec  les  sous-dorsales  blanches  ;  elle  vit  sur  une  foule  de 
plantes  basses  des  champs,  surtout  sur  les  Unaires  (Scrophulariées),  en 
mai  et  juin,  puis  en  août  et  septembre;  on  se  la  procure  aisément  en 
fauchant. 

Dans  la  méthode  de  Guenée  vient  ensuite  une  tribu  de  Noctuelles 
qu'il  nomme  Minores  (cat.  d'Eure-et-Loir,  p.  223),  dont  les  papillons 
sont  de  petite  taille,  à  corps  peu  veln,  à  pattes  non  épineuses;  ils  volent 
généralement  en  plein  jour.  Les  chenilles  ont  de  10  à  16  pattes,  par 
dégradation  des  caractères  des  Noctuelles  propres,  et  imitent  celles  des 
Phaléniens  ou  des  Tortriciens.  La  famille  des  Acontides  présente  des 
papillons  à  corps  robuste,  très  squameux,  le  thorax  large,  globuleux,  à 


.^çfO  V 


fKVX- 


NOCTUÉLIENS.  C15 

collier  court,  l'abdomen  peu  velu,  non  déprimé,  les  antennes  moyennes, 
minces,  filiformes  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  épaisses,  squameuses, 
un  peu  luisantes,  les  supérieures  recouvrant  entièrement  les  infé- 
rieures au  repos  et  en  toit  très  incliné.  Chenilles  à  dix,  douze  ou  qua- 
torze pattes,  et  marchant  par  suite  en  arpenteuses,  effilées,  un  peu  ren- 
flées postérieurement  ;  chrysalides  enterrées.  Dans  le  genre  Acontia, 
ïreitsclie,  les  antennes  sont  courtes  et  cylindriques,  la  tète  petite,  la 
spiritrompe  moyenne,  les  palpes  courts,  le  thorax  globuleux,  lisse, 
squameux,  l'abdomen  grêle,  cylindroïde,  lisse,  squameux,  l'abdomen 
grêle,  cylindroïde,  lisse,  terminé  en  pointe  obtuse,  les  ailes  supérieures 
larges,  luisantes,  à  fond  blanc  ou  jaunâtre,  marbré  de  noir,  avec  la 
frange  longue,  double,  bicolore,  les  ailes  inférieures  à  bord  flexueux, 
souvent  avec  bordure  noire.  Les  chenilles,  très  longues  et  très  effilées, 
sont  tout  à  fait  arpenteuses  (sauf  celle  de  Luctuosa),  n'ayant  que  deux 
paires  de  pattes  membraneuses,  la  tête  petite  et  un  peu  carrée,  vivant 
sur  les  plantes  basses,  les  chrysalides  dans  de  petites  coques  terreuses. 
Ce  genre  nombreux  et  qui  habite  tous  les  pays  de  la  terre,  a  des  espèces 
souvent  très  jolies.  Nous  citerons  :  A.  Lucida,  Hufnagel,  syn.  ;  Solaris, 
cat.  de  V.,  nom  plus  répandu,  la  Rupicole,  Engr.,  the  Pale  Schoulder,  de 
26  millimètres  d'envergure,  pareil  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supé- 
rieures à  base  blanche  avec  un  point  noir  et  nuagée  de  gris  bleuâtre, 
le  reste  de  l'aile  d'un  brun  noirâtre  mêlé  de  gris,  et  avec  quelques 
taches  noires,  une  grande  tache  costale  carrée  et  blanche,  le  bord  ter- 
minal blanc  dans  sa  moitié  inférieure,  avec  une  série  de  taches  irrégu- 
lières d'un  gris  plombé;  tache  réniforme  très  fine,  en  forme  d'un  petit 
8  blanchâtre;  frange  ayant  sa  moitié  inférieure  blanche;  ailes  infé- 
rieures blanches  à  la  base,  avec  trois  ou  quatre  rayons  noirâtres  et  une 
large  bordure  marginale  noire  ;  tout  le  corps  d'un  gris  plombé  ;  deux 
éclosions  du  papillon,  en  mai  et  juin,  puis  en  juillet  et  août,  mais  moins 
abondamment;  l'espèce  est  surtout  des  pays  calcaires  et  ne  vole  que 
durant  les  heures  les  plus  chaudes  du  jour,  charmante  Noctuelle 
quand  elle  est  bien  fraîche,  aimant  les  coteaux  secs  et  arides,  là  sur- 
tout où  croît  le  chardon  roland  (Erijngium  campestre),  volant  souvent 
^ussi  sur  les  luzernes  exposées  au  midi;  chenille  verte  ou  d'un  gris  vio- 
lâtre,  à  anneaux  anguleux,  avec  une  pyramide  anale,  en  juin,  puis  en 
septembre,  sur  les  mauves  et  sur  les  liserons  sauvages;  A.  Luctuosa. 
cat.  de  V.,  la  Funi'bre,  Engr.,  Vltalique,  Oliv.,  the  Four-spo'Ited,  24  milli- 
mètres d'envergure,  ailes  supérieures  d'un  noir  plus  ou  moins  marbré  de 
brun  et  de  bleuâtre,  la  côte  offrant  une  grande  tache  blanche  allongée 
et  parfois  teintée  de  rosé,  les  lignes  ordinaires  fines,  noires,  souvent  peu 
visibles,  la  frange  blanche  entrecoupée  de  gris;  ailes  inférieures  noires, 
avec  une  bande  transverse  blanche  étranglée  dans  son  milieu  et  un 
petit  point  blanc  au  bord  marginal,  la  frange  blanche  avec  un  peu  de 
noir  en  son  milieu  ;  abdomen  d'un  brun  noir,  avec  des  zones  grises  ;  ce 
papillon,  bien  plus  commun  et  moins  localisé  que  le  précédent,  offre 


616  LÉPIDOPTÈRES. 

les  mômes  mœurs,  volant,  de  mai  à  septembre,  en  plein  soleil,  et  aussi 
au  crépuscule,  dans  les  terrains  arides  et  calcaires,  sur  les  prairies 
artificielles,  etc.  ;  chenille  grise  et  rayée,  cylindroïde,  à  seize  pattes, 
exception  remarquable  comparativement  à  l'espèce  précédente  si  ana- 
logue pour  l'adulte;  cette  chenille  vit,  en  mai  et  juin,  sur  les  liserons 
qui  bordent  les  chemins,  et  aussi,  d'après  M.  Trimoulet,  sur  le  plan- 
tain et  la  mauve.  Dans  le  genre  voisin,  Agrophila,  Boisd.,  syn.  :  Emme- 
lia,  Hubner,  l'abdomen  est  long,  lisse,  caréné,  subconique  dans  les 
raàles,  avec  des  zones  noires,  les  ailes  supérieures  oblongues,  bigarrées 
et  à  frange  fortement  entrecoupée,  les  ailes  inférieures  unicolores  en 
dessus;  les  papillons  sont  très  petits  et  volent  avec  vivacité  en  plein 
soleil;  les  chenilles,  à  douze  pattes,  rases,  effilées,  à  tète  petite  et  glo- 
buleuse, vivent  dans  les  lieux  secs,  sur  les  plantes  basses,  et  les  chry- 
salides se  font  dans  de  petites  coques  de  terre.  Le  type  est  A.  Sulpha- 
ralis,  Linn.,  VArlequinette  jaune,  Engr.,  ihe  Spotled  Sulphur,  de  20  mil- 
limètres d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  de  soufre,  avec 
des  taches,  points  et  bandelette  ondulée  noirs,  les  ailes  inférieures  noi- 
râtres, à  frange  jaune.  Ce  petit  papillon  est  commun  presque  partout, 
au  printemps  et  en  automne,  particulièrement  abondant  dans  les 
champs  de  trèfle  et  de  luzerne  et  sur  les  chardons;  on  le  fait  partir 
aisément  pour  peu  qu'on  agite  les  plantes,  car  il  s'envole  alors  rapide- 
ment pour  aller  se  reposer  à  peu  de  distance.  La  chenille  est  verte  ou 
brune,  à  stigmatale  pâle,  et  vit  en  juillet  sur  les  liserons  qui  croissent 
au  bord  des  chemins  {Convolvulus  arvensis  et  sepium). 

Les  Euclidides  sont  constitués  par  des  papillons  assez  petits,  et  qui 
volent  en  plein  jour,  avec  les  antennes  pubescentes,  la  tète  petite,  la 
spiritrompe  grêle,  les  palpes  courts,  l'abdomen  court,  les  ailes  entières 
et  arrondies,  les  supérieures  bigarrées  de  larges  taches  foncées,  les 
inférieures  bicolores,  les  jambes  postérieures  épineuses.  Les  chenilles 
sont  très  allongées,  à  tête  grosse,  et  atténuées  postérieurement;  par 
arrêt  de  développement,  elles  semblent  n'avoir  que  quatorze  pattes,  la 
première  paire  de  leurs  pattes  membraneuses  étant  très  petite;  elles 
vivent  à  découvert  sur  les  plantes  basses,  et,  au  repos,  tiennent  toute 
la  partie  antérieure  du  corps  repliée  en  hélice.  Les  chrysalides  sont 
renfermées  dans  des  coques  assez  solides,  construites  avec  des  débris 
de  mousses  à  la  surface.  Ces  caractères  sont  ceux  du  genre  unique 
Euclidia,  Treitscke  ;  les  insectes  parfaits  volent  très  bien  en  plein  jour, 
surtout  la  première  espèce,  E.  Mi,  Linn.,  \'E.  noire,  Engr.,  Ihe  Shipton, 
32  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  noir  à  lignes 
blanchâtres,  les  ailes  inférieures  noires,  avec  une  tache  cellulaire  et 
deux  séries  sinueuses  de  taches  blanches;  abdomen  noirâtre,  annelé  de 
blanc;  papillon  commun  partout,  en  mai,  volant  dans  les  prairies 
sèches;  les  luzernes,  les  clairières  des  bois,  facile  à  confondre  d'aspect 
avec  certains  Syrichthus;  chenille  longue,  d'un  jaune  clair,  à  lignes 
roussâtres,  en  juillet  et  août  sur  les  trèfles,  le  Myrica  gale  (Goossens)  et 


NOCTUÉLIENS.  617 

diverses  plantes  basses  ;  E.  Glyphka,  Linn.,  la  Doublure  jaune,  Kngr., 
the  Burnet,  30  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  gris 
brunâtre,  avec  deux  bandes  transverses  et  une  tache  à  la  côle,  d'un 
brun  marron;  ailes  inférieures  d'un  noir  brun  de  la  base  jusqu'au 
milieu,  puis  d'un  jaune  fauve,  avec  deux  lignes  noires  transverses  et 
ondulées;  papillon  en  mai,  puis  en  juillet  et  août,  dans  les  champs  de 
trèfle  surtout, et  les  prairies  chaudes,  commun;  chenille  roussâtre,  fine- 
ment rayée,  à  stigmatale  jaune,  en  juin,  puis  en  août  et  septembre, 
sur  les  Vicia,  sur  les  divers  trèfles,  sur  la  bugrane  {Ononis  spinosa),  dif- 
ficile à  trouver,  parce  qu'elle  se  tient  cachée  entre  les  feuilles  infé- 
rieures de  ces  plantes. 

Les  Plusides  à  papillons  pareils  dans  les  deux  sexes,  ont  les  antennes 
presque  toujours  grêles  et  filiformes  dans  les  deux  sexes,  la  spiritrompe 
longue,  les  palpes  ascendants,  bien  développés,  avec  le  troisième 
article  souvent  long,  le  thorax  à  ptérygodes  saillants  et  muni  d'une 
crête  bifide  très  développée,  l'abdomen  velu,  crété  sur  les  premiers 
anneaux,  conique  dans  les  deux  sexes,  les  pattes  longues,  avec  des  épe- 
rons prononcés,  les  ailes  supérieures  luisantes,  généralement  ornées  de 
places  brillantes  (sauf  chez  les  Abrostola,  Ochs.),  ou  de  signes  éclatants 
d'or  ou  d'argent,  les  ailes  inférieures  unies,  au  contraire;  les  chenilles 
sont  généralement  {Plusia)  à  douze  pattes,  manquant  des  deux  pre- 
mières paires  de  pattes  ventrales,  et  marchant  en  arpenteuses,  bouclant 
les  anneaux  du  milieu;  elles  sont  atténuées  en  avant,  à  tète  petite  et 
globuleuse,  généralement  de  couleur  verte  ou  blanchâtre,  vivant  à 
découvert  et  souvent  en  plein  jour  sur  diverses  plantes  basses  et  sur 
quelques  arbrisseaux  ;  les  chrysalides,  brunes  et  d'une  consistance  très 
molle,  sont  renfermées  dans  des  cocons  d'un  tissu  de  soie  léger,  plus 
ou  moins  blanc,  sans  corps  étranger,  fixés,  à  peu  de  dislance  du  sol, 
aux  feuilles  ou  aux  tiges  des  plantes  qui  ont  nourri  la  chenille.  Les  Plu- 
sia, Ochs.,  sont,  à  l'état  adulte,  les  plus  brillants  des  Noctuéliens;  les 
espèces  d'Europe,  au  nombre  d'environ  quarante,  volent  habituelle- 
ment à  l'entrée  de  la  nuit;  mais  les  espèces  qui  habitent  les  hautes 
montagnes,  dans  le  voisinage  des  glaciers,  volent  très  activement  en 
plein  soleil,  et  butinent  sur  les  fleurs,  en  même  temps  que  les  Diurnes. 
L'espèce  la  plus  commune  est  /'.  Gamma,  Linn.,  le  Lambda,  GeotTroy, 
Engr.,  the  Silver  Y,  de  àO  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures 
d'un  gris  un  peu  rosé,  satiné  et  nuancé  de  gris  plus  foncé,  de  noirâtre, 
de  gris  verdàtre,  avec  des  reflets  métalliques,  avec  une  ligne  subcellu- 
laire de  couleur  d'or  pâle,  sur  un  fond  brun,  ayant  la  forme  de  la  lettre 
grecque  gamma  (7),  couchée;  volant  presque  toute  l'année,  soit  le 
jour,  soit  au  crépuscule,  dans  les  jardins,  les  champs,  les  prairies  natu- 
relles et  artificielles;  en  certaines  années,  il  y  a  des  apparitions  très 
nombreuses  de  ce  papillon  si  commun,  qui  sont  peut-être  dues  à  des 
migrations;  ainsi  en  1879,  en  même  temps  que  la  grande  migration  de 
Pyrameis  cardui;  la  chenille,  qui  s'accommode  de  toutes  les  plantes,  est 


018  LÉPIDOPTÈRES. 

d'un  vert  pomme  ou  d'un  vert  pdle,  avec  le  onzième  anneau  un  peu 
relevé,  marquée  dans  toute  sa  longueur  de  six  lignes  fines,  très  si- 
nueuses, blanches  ou  d'un  blanc  jaunâtre;  à  la  hauteur  des  stigmates, 
il  y  a  une  raie  fine,  longitudinale,  d'un  jaune  blanchâtre,  bordée  supé- 
rieurement par  une  teinte  plus  foncée  ;  tout  le  reste  est  vert.  Cette  che- 
nille peut  devenir  très  nuisible,  mais  de  loin  en  loin,  en  certaines 
années.  Réaumur  parle  des  ravages  qu'elle  fit  dans  les  jardins  pota- 
gers, en  1735.  Citons  encore  P.  Chrysitis,  Linn.,  le  Vert  Doré,  Engr., 
the  Burnished  Brass,  de  36  à  ZiO  millimètres  d'envergure,  avec  les  ailes 
supérieures  d'un  brun  violâtre,  ornées  de  deux  larges  bandes  brillantes 
d'un  vert  doré  métallique,  quelquefois  cuivreux  ;  des  prés  et  jardins, 
comme  partout,  en  mai  et  juin,  quand  il  provient  de  chrysalide  ayant 
passé  l'hiver;  en  juillet  et  août  s'il  est  de  la  seconde  génération;  che- 
nille d'un  vert  clair,  à  traits  blancs  obliques,  en  avril,  puis  septembre, 
sur  les  orties,  les  menthes  au  bord  des  ruisseaux,  le  lamier  blanc,  la 
bardane,  etc.,  aimant  les  lieux  frais  et  humides;  le  papillon  vole  au 
crépuscule  et  se  prend  aisément  à  la  miellée  ;  P.  festucœ,  Linn.,  la  Riche, 
Engr.Jhe  Gold  Spot,  de  34  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures 
d'un  brun  rougeàtre,  sablé  d'or,  décorées  de  trois  taches  d'argent  un 
peu  jaunâtre,  les  ailes  inférieures  d'un  gris  jaunâtre,  avec  la  frange 
rougedtre,  la  tête  et  le  thorax  d'un  fauve  vif,  les  ptérygodes  bruns; 
vole  le  soir  en  juin,  et  surtout  en  août,  et  parfois  dans  l'après-midi, 
sur  les  fleurs  des  Labiées,  dans  les  jardins  humides  et  les  prairies  maré- 
cageuses; partout,  mais  peu  commun,  se  prend  à  la  miellée;  chenille 
sans  éminence,  verte,  avec  lignes  d'un  vert  foncé,  blanches  et  jaunes, 
en  juin  et  juillet  sur  plusieurs  plantes  aquatiques,  la  fétuque,  les  carex, 
les  Sparganium,  etc. 

D'après  l'opinion  de  la  grande  majorité  des  auteurs,  nous  rattache- 
rons aux  Noctuéliens  la  légion  des  Deltoïdes  de  Latreille,  qui  tire  son 
nom  de  la  forme  des  ailes  au  repos  chez  les  papillons  ;  les  ailes  supé- 
rieures ne  sont  ni  relevées,  ni  roulées  autour  du  corps,  ni  étalées  cà  plat 
et  découvrant  bien  les  inférieures,  comme  chez  les  Phaléniens;  elles 
sont  étroitement  appliquées  aux  corps  et  un  peu  inclinées,  ne  se  recou- 
vrant jamais  entre  elles,  rapprochées  simplement  l'une  de  l'autre  par  les 
bords  anaux,  laissant  parfois  un  peu  voir  les  ailes  inférieures,  qui  sont 
bien  développées,  peu  ou  point  plissées.  Le  papillon  au  repos  offre 
ainsi  la  forme  d'un  triangle  ou  delta  majuscule  (A).  Les  Deltoïdes  sont 
des  papillons  de  taille  moyenne,  de  couleurs  peu  éclatantes,  habitant 
généralement  les  bois  et  les  lieux  ombragés  qu'ils  semblent  préférer 
aux  lieux  secs;  leurs  habitudes  ressemblent  à  celles  des  Phaléniens, 
comme  eux  ils  s'appliquent  presque  toujours  sur  la  surface  inférieure 
des  feuilles,  où  ils  restent  immobiles  pendant  le  jour,  à  moins  qu'un 
choc  imprévu  ne  vienne  à  les  déranger  de  leur  paisible  retraite;  dans 
•ce  cas,  ils  s'envolent  avec  assez  de  rapidité,  mais  leur  vol  est  court,  et 
ils  ne  tardent  pas  à  trouver  un  nouvel  abri.  Ils  ne  commencent  guère  à 


DELTOIDES.  619 

Yoler  qu'au  crépuscule,  mais  cependant  un  peu  avant  les  Noctuéliens 
d'habitudes  nocturnes,  les  uns  dans  les  allées  onabragées  des  bois  (type 
Herminia),  les  autres  autour  des  plantes  qui  nourrissent  les  chenilles 
(type  Hijpena).  Tous  les  Deltoïdes  sont  vivement  attirés  par  les  feux  et 
les  lumières,  ce  qui  permet  aux  amateurs  d'en  capturer  beaucoup  à  la 
lanterne  ou  aux  miroirs  réflecteurs.  Ce  groupe  de  Lépidoptères  est  bien 
connu  aujourd'hui  pour  les  espèces  d'Europe,  du  moins  à  l'état  adulte, 
car  il  reste  encore  beaucoup  à  faire  pour  l'étude  des  chenilles;  il  est 
abondant  en  espèces  exotiques,  répandu  sur  tout  le  globe,  principale- 
ment le  continent  Indien  et  les  deux  Amériques. 

Les  papillons  des  Deltoïdes  ont  les  antennes  longues,  à  tige  mince, 
cylindrique,  pubescente,  ciliée  ou  subpectinée  chez  les  mâles,  garnie 
de  cils  isolés  chez  les  femelles,  souvent  déviée,  renflée  ou  garnie,  au 
■delà  du  milieu,  de  nodosités  velues  ou  squameuses.  I.a  spiritrompe  est 
'toujours  bien  développée,  quoique  grêle  et  de  moyenne  longueur,  les 
palpes  labiaux  très  visibles,  comprimés,  jamais  incombants,  à  second 
article  long,  dépassant  toujours  et  de  beaucoup  la  tête,  soit  qu'ils  s'éten- 
dent en  avant,  soit  qu'ils  la  contournent  pour  s.'élever  au-dessus.  Le 
corps  est  habituellement  grêle,  lisse,  avec  le  thorax  court,  arrondi,  peu 
convexe,  couvert  de  poils  légers  peu  adhérents  ou  d'écaillés,  avec  le 
«collier  non  relevé  et  les  ptérygodes  minces,  sans  poils  redressés,  l'ab- 
domen peu  consistant,  jamais  crête,  long,  peu  velu,  n'ayant,  chez  les 
femelles,  ni  oviscapte  saillant,  ni  bourre  anale  dépassant  sa  largeur. 
Les  ailes  sont  proportionnellement  larges,  minces,  rarement  dentées, 
peu  squameuses,  leurs  écailles  fines  et  peu  adhérentes,  ces  ailes  bien 
développées  aux  deux  paires,  les  supérieures  habituellement  saupou- 
drées d'atomes  bruns  sur  un  fond  gris  ou  testacé,  marquées  des  lignes 
ordinaires,  et  aussi,  quoique  avec  moins  de  constance,  des  taches  ordi- 
naires des  Noctuéliens,  les  inférieures  tantôt  unies  et  sans  dessins,  tan- 
tôt reproduisant  ceux  des  supérieures,  rarement  marquées  de  dessins 
ou  couleurs  distincts.  Les  pattes  sont  longues,  non  velues,  les  anté- 
rieures, à  jambes  beaucoup  plus  courtes  que  les  cuisses,  ont  ces 
jambes  souvent  renflées  et  munies  de  poils  disposés  en  pinceaux  ou 
palettes,  les  intermédiaires  pourvues  d'une  paire  et  les  postérieures 
■de  deux  paires  d'éperons  toujours  longs  et  robustes,  surtout  l'in- 
terne. 

Les  chenilles  des  Delloïdes  sont  moniliformes,  à  incisions  profondes, 
jamais  velues  ni  complètement  glabres,  les  points  trapézoïdaux  souvent 
verruqueux  et  pilifères,  ayant  six  pattes  écailleuses  et  deux  anales  con- 
stantes, les  ventrales  ne  variant  que  de  six  à  huit,  ce  qui  donne  un 
total  de  quatorze  ou  seize  pattes;  elles  ne  sont  jamais  renfermées  dans 
des  fourreaux,  mais  vivent  à  découvert  sur  les  arbres  ou  les  plantes 
basses.  Dans  le  type  Hypcna,  les  chenilles  sont  cylindroïdes,  allongées, 
vives  et  frétillantes,  et  se  trouvent  souvent,  sinon  en  familles,  du  moins 
groupées  en  assez  grand  nombre  sur  la  même  touffe  de  plantes;  celles 


620  LÉPIDOPTÈliES. 

du  type  Herminiu  sont  fort  lentes,  et  passent  leur  vie  cachées  sous  les 
feuilles  sèches,  dans  les  endroits  humides  des  bois,  du  moins  d'une  ma- 
nière générale.  Les  chrysalides  sont  rautiques,  rases,  à  anneaux  abdo- 
minaux libres,  de  forme  conique,  et  terminées  par  des  crochets  ou 
épines;  elles  sont  contenues  dans  des  cocons  filés  entre  les  feuilles,  ou 
parfois  en  terre,  mais  peu  profondément. 

TRlGO.\lA,  Giienée.  —  Antennes  légèrement  pubescentes,  avec  deux  cils  plus 
longs  par  articles;  palpes  ascendants  perpendiculaires;  thorax  large  et  velu  ; 
abdomen  dépassant  beaucoup  les  secondes  ailes,  effilé  et  terminé  en  pointe 
aiguë;  ailes  étroites,  assez  épaisses, les  antérieures  prolongées  carrément  dans 
leur  moitié  supérieure,  les  postérieures  subcarrées,  fortement  coudées  et  même 
prolongées  au  milieu  ;  pattes  moyennes,  à  jambes  renflées,  les  antérieures  plus 
courtes,  garnies  d'une  masse  de  poils  laineux,  les  postérieures  à  tarses  épineux. 

Ce  genre  appartient  à  la  famille  des  Platydides,  Guenée,  qui  relie 
très  bien  les  Deltoïdes  aux  Noctuelles  ordinaires,  et  qui  se  composent 
d'insectes  de  TAmérique  méridionale  et  des  Indes  orientales.  Le  genre 
Trigonia,  Guenée,  est  remarquable  par  la  curieuse  structure  de  toutes 
les  pattes.  Les  antérieures  ont  la  jambe  courte  et  recouverte  d'un  man- 
teau triangulaire  de  poils,  qui  cachent  complètement  l'épiphyse,  et  la 
cuisse  garnie  de  longs  poils  laineux  et  frisés;  les  intermédiaires  ont  la 
jambe  longue,  renflée  et  comme  vésiculeuse;  aussi  est-elle  creuse  et 
renferme -t-elle  un  faisceau  de  longs  poils  soyeux  que  le  papillon  fait 
épanouir  à  volonté;  enfin  les  posiérieures  ont,  à  l'extrémité  de  la  jambe, 
une  sorte  de  manchette  de  poils  qui  cache  en  partie  la  dernière  paire 
d'éperons.  Nous  représentons,  pi.  xcvii,  fig.  5,  T.  Cydonia,  Cramer, 
G.  Mén.,  syn.  :  Cydionialis,  Guenée,  de  Ixô  millimètres  d'envergure,  les 
ailes  d'un  gris  blanc  foncé,  varié  de  lignes  et  de  points  d'un  blanc  oli- 
vâtre, aux  ailes  supérieures  une  tache  costale  blanche  et  triangulaire, 
et,  au  milieu  de  la  côte,  une  tache  d'où  descend  un  grand  trait  lunule 
cellulaire,  puis  deux  lignes  qui  divergent,  en  se  rendant  au  bord 
interne;  ailes  inférieures  avec  une  bande  discoïdale  irrégulière  d'un 
blanc  violacé,  divisée  par  une  ligne  foncée  et  dentée;  pattes  brunes  à 
tarses  blancs;  du  Bengale  et  de  Java,  d'après  Guenée;  de  Cayenne, 
selon  Guérin-Méneville. 

HVPEX.t,  Sclirank.  —  Antennes  longues,  minces,  pubescentes,  à  cils  fascicules 
chez  les  mâles,  à  cils  isolés  chez  les  femelles;  spiritrompe  courte  et  grêle;  palpes 
droits,  étendus,  squameux,  épais  et  très  longs;  front  pourvu  de  stemmates; 
thorax  globuleux,  squameux;  abdomen  elfiié,  muni  d'une  petite  crête  sur  le 
premier  anneau;  ades  supérieures  minces,  souvent  falquées  à  l'angle  apical, 
munies  d'une  aréole  portant  de  petites  crêtes  d'écaillés  redressées;  les  infé- 
rieures très  larges,  minces,  un  peu  plissées,  à  franges  longues.  —  Chenilles 
allongées,  minces,  cylindriques,  à  tête  assez  grosse  et  globuleuse,  à  points  tra- 


HYPENA.  621 

pézoïdaux  munis  de  poils  distincts,  à  quatorze  pattes  seulement.  —  Chrysalides 
allongées,  contenues  dans  des  coques  de  soie. 

Le  genre  Htjpena  est  le  type  de  la  famille  des  Hypénides,  constituée 
par  des  papillons  phaléniformes,  volant  le  soir  dans  les  prairies,  les  lieux 
garnis  de  broussailles,  le  voisinage  des  habitations  de  campagne  et 
même  dans  l'intérieur  des  appartements;  les  chenilles  vivent  à  décou- 
vert dans  les  lieux  frais  et  ombragés,  sur  les  saules,  les  orties,  le  hou- 
blon, etc.,  et  filent  de  très  légers  cocons  entre  les  feuilles  on  les 
mousses.  Les  papillons  du  genre  Hypena  sont  très  reconnaissables  au 
second  article  de  leurs  palpes  démesurément  long,  droit  et  étendu  en 
avant.  II  y  a  deux  espèces  très  communes  partout  et  pareilles  dans  les 
deux  sexes  :  H.  Proboscidalts,  Linn.,  le  Museau,  Devillers,  the  Snoiit,  de  30 
à  38  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieuresaiguësà  l'angle  apical, 
falquées  au  bord  terminal,  d'un  gris  jaunâtre  ou  roussâtre  strié  de  brun, 
traversées  par  trois  lignes  brunes,  les  ailes  inférieures  d'un  gris  clair; 
le  caractère  essentiel  de  l'espèce  est  dans  les  palpes,  plus  longs  que  le 
thorax,  très  comprimés,  droits  et  dirigés  en  avant  en  forme  de  trompe 
(d'où  le  nom  spécifique)  sur  l'insecte  vivant,  sauf  les  articles  terminaux 
qui  divergent,  écartés  dans  toute  leur  longueur  lorsque  l'insecte  est 
mort  ;  papillon  très  commun  en  juin,  puis  en  août,  volant  le  soir  autour 
des  orties  qui  nourrissent  la  chenille  ;  celle-ci,  qu'on  trouve  en  mai  et 
juillet,  est  effilée,  d'un  vert  velouté,  plus  clair  en  dessous,  avec  la  ligne 
vasculaire  plus  foncée  et  les  sous-dorsales  plus  claires,  la  tête  et  les 
pattes  vertes:  H.  Rostralis,  Linn.,  le  Toupet,  Devillers,  the  Buttoned  Snout, 
espèce  plus  petite,  de  25  à  28  millimèires  d'envergure,  variant  beaucoup 
pour  la  couleur  du  fond,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  brunâtre  nuancé 
de  fauve,  avec  la  moitié  de  leur  surface,  à  partir  de  la  base  jusqu'à  la 
ligne  médiane,  d'une  teinte  plus  foncée,  cette  ligne  médiane  noire, 
flexueuse,  bordée  de  blanchâtre  extérieurement,  l'espace  médian  tra- 
versé perpendiculairement  au  corps  par  un  trait  noir,  ayant  quatre 
points  noirs  en  relief,  deux  à  chaque  extrémité,  les  ailes  inférieures 
d'un  gris  noirâtre  uni;  papillon  en  juillet,  puis  en  septembre  et  oc- 
tobre, commun  partout  sur  les  haies,  les  broussailles,  les  murs  de  jar- 
din, et  jusque  dans  les  appartements;  il  est  probable  qu'un  certain 
nombre  de  ces  papillons  hivernent,  car  on  en  voit  voler  dès  les  pre- 
miers jours  d'avril;  chenille  verte,  avec  lu  vasculaire  fine  et  brune  et 
les  stigmatales  blanches,  la  tête  et  le  corps  garnis  de  petites  verrues 
noires,  très  vive,  se  trouvant  en  mai,  puis  en  août  et  septembre  sur  le 
houblon,  et  principalement  sur  la  vigne  vierge.  Nous  représentons  des 
détails  d'une  espèce  voisine,  A.  Obesalis,  Treitscke,  syn.  :  CrassaUs, 
Hubner,  Fabr.?,  the  Beautiful  Snout,  (pi.  xcvn,  fig.  6),  tète  vue  de  profil 
et  trois  articles  de  l'antenne;  cette  espèce,  très  localisée  et  jamais  com- 
mune dans  le  centre  de  la  France,  plus  fréquente  dans  le  nord  et  dans 
les  montagnes,  vole  avec  beaucoup  ai  vivacité  en  mai  et  juin,  puis  en 


622  LÉPIDOPTÈRES. 

août,  et  il  est  rare  de  la  prendre  en  bon  état;  la  chenille  vit,  dit-on ,^ 
sur  les  orties,  comme  celle  des  Proboscidalis. 

Les  Hermiuides,  qui  terminent  la  légion  des  Deltoïdes,  ont  les  antennes 
dont  la  tige  est  souvent  fléchie  ou  garnie  de  nodosités  chez  les  mâles, 
ou  de  paquets  de  poils  où  d'écaillés,  les  palpes  variables,  les  jambes 
antérieures  souvent  renflées  et  contenant  des  pinceaux  de  poils  soyeux 
ou  munis  de  poils  laineux  ou  écailleux;  les  ailes  supérieures  sont 
épaisses  et  saupoudrées,  sans  fascicules  d'écaillés  saillantes,  les  infé- 
rieures ayant  toujours  traces  des  lignes  des  supérieures;  les  papillons 
sont  répandus  un  peu  partout,  sappliquant  pendant  le  jour  sous  les 
feuilles,  comme  les  Phaléniens,  se  déplaçant  le  soir  d'un  vol  rapide, 
mais  court,  préférant  les  endroits  humides  et  ombragés  des  bois,  bien 
qu'on  en  trouve  aussi  dans  les  lieux  secs;  chenilles  rugueuses,  épaisses,^ 
ramassées,  aplaties  en  dessous,  ayant  les  trapézoïdaux  plus  ou  moins 
verruqueux  et  quatorze  pattes  (Sophronia,  Guenée,  ou  seize  pattes  {Her- 
minia,  etc.);  elles  vivent  plus  ou  moins  cachées  et  filent  pour  la  nym- 
phose des  cocons  variables.  Les  Uerminia,  Latreille,  Guenée.  ont  la  spi- 
ritrompe  moyenne,  les  palpes  très  ascendants,  longs  et  comprimés,  les 
pattes  longues,  les  antérieures  ayant  souvent  la  jambe  élargie  et  garnie 
chez  les  mâles  de  pinceaux  de  poils  extensibles,  les  ailes  supérieures 
mates  et  pulvérulentes,  traversées  par  trois  lignes,  dont  celle  du  milieu 
sinueuse;  les  chenilles,  à  seize  patles,  sont  rases, courtes,  très  atténuées 
auï  extrémités,  à  incisions  profondes,  aplaties  en  dessous,  à  tête  petite, 
ainsi  que  le  premier  anneau,  et  vivent  cachées  dans  les  lieux  herbus 
parmi  les  feuilles  sèches  ;  les  chrysalides  sontr  enfermées  dans  des  co- 
cons filés  dans  les  plis  des  feuilles.  L'espèce  de  beaucoup  la  plus  com- 
mune est  H.  Barbalis,  Linn.  (sous-genre  Pechipogon,  Stephens),  VHer- 
minie  barbue,  de  Latreille,  the  Common  Fan-foot,  de  28  à  30  millimètres 
d'envergure,  les  deux  sexes  pareils,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  testacé 
ou  jaunâtre,  avec  trois  lignes  brunâtres  peu  marquées,  les  inférieures 
plus  claires,  traversées  par  deux  lignes  courbes,  un  peu  sinuées,  les  an- 
tennes fortement  ciliées  chez  le  mâle,  filiformes  chez  la  femelle,  les 
jambes  antérieures  des  mâles  garnies  intérieurement  d'une  épaisse  toufTe 
de  poils  ;  le  papillon  vole  môme  pendant  le  jour,  en  mai  et  juin  dans  tous 
les  bois,  non  seulement  dans  les  clairières,  mais  même  dans  les  fourrés 
les  plus  épais  ;  chenille  à  anneaux  coupés  carrément,  d'un  brun  can- 
nelle clair  ou  ferrugineux,  très  aplatie  en  dessous,  à  ligne  vasculaire 
fine  et  noire,  à  trapézoïdaux  petits  et  noirs,  les  stigmates  petits  et  noirs, 
la  tète  rousse,  pai-semée  de  poils,  ainsi  que  la  plaque  du  cou  et  celle  de 
l'anus;  elle  vit  sur  le  chêne,  la  ronce,  et  aussi  de  feuilles  sèches,  comme 
d'autres  espèces  de  la  famille,  se  trouve  aisément  en  octobre  et  no- 
vembre en  battant  les  chênes,  passe  l'hiver  et  arrive  à  toute  sa  taille 
en  février  et  mars. 

Nous  devons  faire  mention  d'un  genre  curieux,  qu'on  ne  sait  où 
placer  parmi  les  Noctuelles  européennes  ;  mais,  dans  la  classification 


GONOPTJiRA,    BHÉPHIDES.  623 

générale,  beaucoup  de  genres  exotiques  viennent  combler  les  lacunes. 
C'est  le  genre  Scoliopteryx,  Germar,  ou  Gonopfora,  Latr.,  dont  les  papil- 
lons ont  les  antennes  ciliées,  les  palpes  très  longs,  droits  et  relevés,  un 
toupet  frontal  saillant,  le  thorax  subcarré,  l'abdomen  déprimé,  les 
ailes  anguleuses  et  souvent  découpées,  les  pattes  très  fortes,  tachées 
de  blanc.  Les  chenilles  sont  longues,  lisses  et  veloutées,  à  seize  pattes, 
vivant  à  découvert,  étendues  sur  les  feuilles,  les  chrysalides  coupées 
carrément  à  la  partie  postérieure,  non  enterrées,  mais  dans  un  cocon 
soyeux  filé  entre  les  feuilles.  Une  seule  espèce  européenne,  G.  Libatrix, 
Linn.,  la  Découpure,  Geoffr.,  Engr.,  tJie  Herald,  de  k^  millimètres  d'en- 
vergure, les  ailes  supérieures  très  anguleuses  et  profondément  dentelées 
au  bord  terminal,  d'un  gris  rougeàtre,  mêlé  de  blanc  vers  la  côte,  avec 
un  point  blanc  à  la  base,  l'espace  basilaire  et  la  plus  grande  partie 
de  l'espace  médian  d'un  jaune  rougeàtre,  les  lignes  médianes  blan- 
châtres, bien  distinctes,  sinueuses,  la  tache  orbiculaire  figurée  par  un 
point  blanc  et  la  réniforme  par  deux  points  noirs,  les  ailes  inférieures 
grises,  avec  une  ligne  transverse  obscure.  Le  papillon  se  trouve  partout, 
jamais  très  commun,  plus  abondant  près  de  Paris  en  septembre,  octobre 
et  novembre,  bien  qu'on  le  trouve  à  peu  près  toute  l'année.  Il  ne 
vole  qu'au  crépuscule  et  passe  l'hiver  dans  les  trous  des  murs,  les 
caves,  les  grottes  et  souvent  les  greniers  des  maisons  de  campagne.  La 
chenille  est  effilée,  d'un  beau  vert  velouté,  avec  les  incisions  jaunâtres, 
la  ligne  vasculaire  foncée  et  la  sous-dorsale  jaune,  lisérée  intérieure- 
ment de  noir;  elle  vit  à  découvert,  en  juillet  et  août,  sur  les  feuilles 
des  saules  et  des  peupliers,  et  lie  ensemble  des  feuilles  à  l'extrémité 
d'une  branche  pour  y  filer  un  cocon  d'une  belle  soie  blanche. 

Les  Noctuéliens  se  terminent  naturellement  par  une  famille  aber- 
rante, les  Bréphides  ou  Phalénoides  (Guenée),  faisant  un  passage  évi- 
dent aux  Phaléniens.  La  plupart  des  organes  de  l'adulte  sont  avortés, 
la  spiritrompe  très  courte  et  sans  usage,  les  palpes  indistincts,  réduits  à 
un  moignon  couvert  de  poils,  le  thorax  court,  sans  collier  ni  ptérygodes 
distincts,  les  éperons  des  pattes  rudimentaires  ;  mais  les  ailes  sont  bien 
développées,  ainsi  que  les  antennes,  plus  épaisses  et  subpectinées  dans 
les  milles,  filiformes  chez  les  femelles,  quoique  sensiblement  dentées 
et  non  rétrécies  d  l'extrémité;  le  corps  est  grêle,  entièrement  velu  et 
hérissé.  Les  valves  anales  des  mâles  et  les  organes  génitaux  conservent 
une  singulière  vitalité,  qui  persiste  plusieurs  jours  après  la  mort  de 
l'insecte  (Edouard  Bureau).  Les  chenilles  vivent  à  découvert  sur  les 
arbres  des  forêts,  et  pendent  parfois  suspendues  à  un  long  fil  de  soie, 
comme  celle  des  Phaléniens;  elles  sont  rases,  lisses,  allongées,  à  seize 
pattes,  mais  dont  les  deux  premières  paires  des  pattes  membraneuses 
sont  plus  courtes  que  les  autres  et  impropres  à  la  marche,  de  façon  que 
ces  chenilles  progressent  en  arpentant.  Les  chrysalides  qui  se  forment 
à  la  fin  de  l'été  sont  renfermées  dans  de  légers  cocons,  placés  entre  les 
mousses  contre  la  surface  du  sol,  ou  dans  les  fissures  des  écorces  des 


624  LÉPlUOPTÈRtS. 

arbres.  I.a  famille  des  Bréphides  habile  exclusivement  l'Europe.  Les 
insectes  parfaits  éclosent  à  la  fin  de  l'hiver  ou  au  commencement  du 
printemps;  leur  vol  est  vif  et  élevé,  saccadé,  exigeant  les  rayons  du 
soleil,  car,  à  peine  l'astre  est-il  voilé,  même  pour  un  instant,  que  ces 
papillons  suspendent  leur  vol,  pour  le  reprendre  aussitôt  qu'il  recom- 
mence à  briller;  ils  se  posent  volontiers  sur  la  terre  humide  ou  sur  les 
troncs  des  bouleaux.  La  famille  ne  comprend  qu'un  seul  genre,  Bre- 
phos,  Ochs.,  et  les  couleurs  de  ses  jolis  papillons  les  font  un  peu  res- 
sembler d'aspect  à  des  Catocala  en  miniature.  Nous  possédons  en  France 
deux  espèces  :  B.  Parthenias,  Linn.,  V Intruse,  Engr.,  the  Orange  Un- 
denving  des  entomologistes  anglais,  35  millimètres  d'envergure  chez  le 
mâle,  les  ailes  supérieures  d'un  brun  obscur,  saupoudré  d'écaillés  cen- 
drées, avec  les  espaces  médian  et  subterminal  teintés  de  ferrugineux, 
deux  taches  blanchâtres  à  la  côte,  la  tache  réniforme  arrondie,  noi- 
râtre, entourée  de  blanchâtre,  les  ailes  inférieures  d'un  jaune  fauve, 
avec  une  étroite  bordure  noire  et  une  grande  tache  triangulaire  noire 
longeant  le  bord  abdominal  et  s'avançant  vers  le  milieu  de  l'aile; 
femelle  plus  grande,  plus  saupoudrée  de  blanc,  à  lignes  plus  distinctes, 
et  pour  laquelle  M.  G. -A.  Poujade  a  fait  connaître  un  caractère  dislinc- 
tif,  qui  manque  dans  les  femelles  des  deux  autres  espèces,  Nolha  et 
Puella  :  en  examinant  la  partie  ventrale,  on  aperçoit  les  cinquième  et 
sixième  segments  munis  d'une  sorte  de  brosse  de  couleur  rousse,  qui 
tranche  sur  les  poils  gris,  et  qui  est  formée  de  longues  écailles  dirigées 
obliquement  vers  la  partie  anale,  chacune  de  ces  écailles,  vue  au  mi- 
croscope, se  montrant  sous  la  forme  d'une  longue  lame  qui  s'élargit 
graduellement  de  la  base  à  l'extrémité  fortement  recourbée  en  crochet, 
la  courbure  dirigée  en  dehors;  rien  d'analogue  chez  les  mâles,  cette 
partie  tenant  peut-être  à  quelque  détail  de  la  ponte;  papillon  en  mars 
et  même  dès  la  fin  de  février  dans  les  clairières,  allées  et  chemins  des 
bois;  chenille  verte,  à  lignes  et  trapézoïdaux  jaunes,  en  juin  et  juillet 
sur  le  bouleau,  parfois  sur  le  chêne  et  le  hêtre;  B.  Notha,  Hubner,  the 
Ligt  Orange  Underwing,  espèce  plus  petite,  très  analogue  de  coloration 
à  la  précédente,  un  seul  point  blanc  à  la  côte  des  ailes  supérieures,  la 
tache  noire  triangulaire  des  ailes  inférieures  plus  ondulée  à  son  bord 
inférieur  que  chez  les  Parthenias,  en  outre  les  antennes  du  mâle  gar- 
nies de  lames  spatulées  et  non  de  lames  simples,  comme  chez  les  Par- 
thenias; espèce  du  centre  et  du  nord  de  la  France,  moins  commune  et 
moins  répandue  que  la  précédente,  en  avril,  plus  tardive  par  consé- 
quent, de  sorte  que  les  premiers  Notha  éclosent  quand  les  derniers 
Parthenias  disparaissent  ;  chenille  en  juin  et  juillet  sur  le  bouleau,  verte, 
à  ligne  noire  latérale  et  tète  tachée.  Une  troisième  espèce,  B.  Puella, 
Lang., manque  en  France;  elle  est  d'Allemagne,  d'Autriche,  de  Hongrie. 

uibiiogi-aitbie  des  ii'uctuciicns.  —  A  consulter  :  A.  Guenée,  Notice 
sur  quelques  nouveaux  genres  à  établir  dans  l'ordre  des  Lépidoptères,  et 


PHALÉNIENS.  625 

principalement  dans  le  genre  Noctua,  Linn.  (Ann.  Soc.  entom.  France, 
t.  VI,  1837,  p.  219-228);  Essai  pour  servira  la  classification  des  Noctué- 
lides  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  t.  VI,  1837,  p.  311-368);  Matériaux  pour 
servir  à  la  classification  des  Noctuélides  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  t.  VII, 
1838,  p.  107-125,  201-239,  et  t.  VIII,  1839,  p.  473-522);  Essai  sur  la 
classification  des  Noctuélides  {Ann.  Soc.  entom,  Fr.,  t.  X,  ISZil,  p.  53-83, 
217-234);  Nocluarum  Europœarum  Index  methodicus,classifîcatio  in  Ann. 
Soc.  entom.  Gallicœ  tabulam  fimjens  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,t.  X,  iS/jl, 
p.  235-250)  ;  iVoc<we/«ïes  dans  le  s pecies  des  Lépidoptères,  3  vol.  in-8,  Paris, 
Roret,  1852  ;  Deltoïdes,  1  vol. ,  1851.  — J.  Lederer,  Versuch  die  Europaïschen 
Lepidopteren,  etc.  {Verhundlungen  Wien  zool.  botan.  Verein,  1852,  t.  II, 
p.  1 4-5/1,  65-126);  Die  Noctuinen  Europas,  mit  Zuziebung  einiger  bisher 
meist  dazu  gezdhlten  Arten  der  asiatischen  Russlands,  Kleinasiens,  Syriens 
und  Labradors  {Wien  Gerold,  1857,  t.  VllI,  p.  16  et  252,  tab.  h).  — 
E.  Berce,  Faune  française  des  Lépidoptères,  Noctuae,  t.  III  et  IV,  1870, 
Paris,  E.  Deyrolle;  Deltoïdes,  t.  VI,  1878. 


Tribu  des  PHALK.lîIEIlS. 


Les  espèces  de  la  tribu  des  Phaléniens  sont  celles  que  les  amateurs, 
transportant  à  tout  le  groupe  ce  qui  ne  convient  qu'à  la  chenille,  nom- 
ment Arpenteuses  ou    Géomètres,  la  réduction  du  nombre  des   pattes 
membraneuses,  qui  n'était  qu'une  assez  forte  exception  chez  les  iNoc- 
tuéliens,  devenant  ici  la  règle  presque  générale.  Les  papillons  de  cette 
tribu  ou  les  Phalènes  proprement  dites  ont,  en  immense  majorité,  le 
corps  grêle,  le  thorax  étroit  et  les  ailes  proportionnellement  larges,  ce 
qui  fait  que  leur  vol  est  plus  incertain,  plus  vacillant  que  celui  des 
autres  Hétérocères  de  même  taille.  Ce  vol  se  rapproche  notablement  de 
celui  des  Diurnes,  ce  qui  s'explique  par  l'analogie  de  conformation  que 
nous  venons  d'exposer  ;  mais  il  n'en  a  pas  l'énergie  et  la  durée  en  raison 
de  la  faible  charpente  nervulaire  et  de  la  minceur  de  la  membrane 
alaire.  Les  soirées  sereines  et  sans  vent  plaisent  particulièrement  aux 
Phalènes.  Il  n'y  en  a  qu'un  très  petit  nombre  qui  aient  réellement  un 
vol  diurne,  ainsi  les  Psodos,  dont  les]  papillons,  de   petite  taille  et  de 
couleurs  sombres,  volent  au  soleil  dans  les  régions  élevées  des  monta- 
gnes alpines  et  sous-alpines, le  Tanagra  Atrata,  Liun.,  syn.  Chœrophijllata, 
Linn.,  noir  dessus  et  dessous,  sauf  la  frange  blanche  à  l'angle  apical  de 
l'aile  supérieure    et  dont  le  mâle  vole  sans  cesse  en  plein  soleil  dans 
les  lieux  herbus  de  toutes  les  montagnes  de  la  France,  les  Aspilates, 
le  Lythria  Purpuraria,  Linn.,  commun  en  Beauce,  les  Oporabia  Dilutata 
et  Autumnata,  qui  volent  eu   octobre  et   novembre  dans  les  futaies  de 
nos  bois  parisiens  dès  que  le  temps  est  clair,  la  plupart  des  Fidonia,  à 

GIRARI*.  ,  m.   —   àO 


626  LÉPIDOPTÈRES. 

antennes  très  plumeuses,  à  aiks  agréablement  tachetées  de  points  et 
de  bandes  noires  sur  fond  clair,  janne  ou  rougeittre,  la  plupart  des 
Anaitis,  comme  A.  Plagiaria,  etc.  ;  toutefois  si  la  très  grande  majorité  des 
Phalènes  ne  vole  spontanément  qu'au  crépuscule,  on  peut  les  chasser 
en  plein  jour  tout  aussi  bien  qu'à  l'entrée  de  la  nuit.  Pendant  toute  la 
durée  du  jour  elles  demeurent  cachées  dans  l'épaisseur  du  feuillage, 
dans  les  crevasses  des  rochers,  ou  s'appliquent  sur  le  tronc  des  arbres, 
sur  les  murailles,  aux  rebords  dos  toits,  etc.  ;  mais  la  moindre  secousse 
ou  même  une  simple  commotion  de  Tair,  déterminée  par  un  bruit  de 
quelque  intensité,   comme  l'approche  d'un  homme  ou  d'un  animal, 
suffisent  pour  leur  faire  abandonner  leur  retraite,  afin  d'en  chercher 
une  autre  à  quelque  distance.  Dans  l'état  de  repos  quelques  Phalènes 
tiennent  les  ailes  relevées  perpendiculairement  au  corps  (la  plupart  des 
Fidonia)  à  la  façon  des  Diurnes;  mais  la  plupart  ont  une  attitude  très 
différente  et  caractéristique.  Elles  s'appliquent  étroitement  contre  les 
murs  et  les  troncs  d'arbres  ou  sous  les  feuilles,  les  quatre  ailes  étendues 
et  bien  découvertes,  presque  parallèles  au  plan  de  position,  leur  bord 
ayant  tout  juste  l'inclinaison  nécessitée  par  la  faible  épaisseur  de  la 
poitrine.  Cette  position  semble  si  naturelle  aux  Phalènes,  qu'elles  s'y 
placent  du  premier  coup,  tantôt  faisant  succéder  brusquement  une  im- 
mobilité absolue  à  l'agitation  du  vol,  tantôt  après  avoir  exécuté  quelques 
battements  d'ailes  et  décrit  un  demi-tour  sur  elles-mêmes,  comme  pour 
trouver  une  assiette  définitive.  Au  moindre  trouble,  ou  bien  elles  s'en- 
volent ou  bien  elles  se  laissent  tomber  dans  l'herbe  ou  les  feuilles  sè- 
ches ;  mais  tandis  que  les  Noctuelles,  en  pareil  cas,  se  bornent  à  retirer 
les  pattes  sous  le  corps,  font  une  si-mple  chute  verticale  par  leur  poids, 
en  restant  immobiles  dans  la  position  où  cette  chute  les  a  placées,  les 
Phalènes,  en  quittant  les  arbres,  les  rochers,  les  murs,  se  servent  de 
leurs  ailes  étalées  comme  d'un  parachute  et  vont  tomber  en  parabole 
dans  l'herbe   sous  laquelle  elles   se  glissent,  ou  sur  le  sol  où  elles 
étendent  de  nouveau  leurs  ailes  à  plat   avant  de  reprendre  l'immo- 
J)ilité. 

Les  Phaléniens  ont  des  dimensions  moyennes  ou  petites,  il  en  est  peu 
çui  mesurent  50  à  60  millimètres  d'envergure  (certains  Buarmia,  Am- 
phidasijs  et  surtout  Urapteryx),  et  presque  tous  ont  des  proportions 
beaucoup  moindres.  On  peut  dire  que  les  papillons  de  cette  tribu  se 
montrent  dans  toutes  les  saisons  de  l'année  ;  on  voit  souvent  éclore  en 
janvier  Phigalia  P//osana,Hubner,les  premières Hibernides apparaissent 
en  février  et  se  prolongent  en  mars,  d'autres  sont  de  la  fin  d'octobre  et 
de  novembre,  les  Oporabia  se  prolongent  jusqu'en  décembre,  qui  est  le 
mois  habituel  de  l'éclosion  à  l'état  parfait  de  la  nuisible  Phalène  hyé- 
male  (Cheimatobia  Brumata).  Il  faut  remarquer  que  tous  ces  papillons 
de  rhiver  (sauf  les  Oporabia)  ont  les  femelles  à  ailes  très  rudimentaires, 
impropres  au  vol  ou  tout  à  fait  nulles,  le  fait  est  général  dans  la  famille 
des  Hibernides  propres.  Les  mois  les  plus  favorables  à  l'apparitiun  des 


PHAiLËNlENâ.  627 

Phalène?  sont  ceux  de  juin  et  de  juillet,  et  c'est  en  mai  et  septembre 
qu'on  récolte  la  plus  grande  quantité  de  leurs  chenilles.  Les  doubles 
générations  annuelles  sont  fortement  subordonnées  à  la  latitude,  à 
l'altitude  et  surtout  aux  températures  du  printemps  et  de  l'automne  ; 
elles  n'ont  donc  qu'une  médiocre  importance  dans  les  catalogues.  Il  y 
a  des  espèces  qui  n'ont  pas  d'époque  iixe  d'apparition  et  se  succèdent 
sans  interruption  à  tous  leurs  états,  depuis  les  premiers  beaux  jours 
jusqu'à  l'arrière-saison  ;  telles  sont  :  Strenia  Clathrata  sur  les  luzernes  et 
les  trèfles,  Eubolia  Palumbaria  et  Anthena  Candidata,  aux.  ailes  d'un 
blanc  de  lait.  Les  Phaléniens  ont  certaines  espèces  qui  nuisent  à  nos 
végétaux  utiles,  bien  qu'en  proportion  moindre  que  les  Xoctuéliens  et 
les  Bombyciens.  Les  Ennonws,  les  Amphidasys,  les  Ephyra,  les  Cahci'a, 
les  Oporahia,  quelques  Hoarmides,  etc.,  dévorent  les  arbres  de  nos 
forêts  ;  les  Halia  et  les  Abraxas  dépouillent  souvent  nos  groseillers  de 
toutes  leurs  feuilles.  Les  arbres  fruitiers  sont  surtout  exposés  aux  ra- 
vages des  Phaléniens.  Les  Hibernides  propres  ont  des  espèces  qui  atta- 
quent fortement  nos  vergers  en  certaines  années,  ainsi  Hibernia 
Di'fnliaraa,  Linn.  ;  en  outre  une  Eupithecia  {E.  Rectantjulata,  Linn.)  et 
surtout  une  espèce  de  la  famille  des  Larentides,  qui  est  un  fléau  de 
l'horticulture,  le  Cheimatobia  Brumata,  Linn. 

Les  chenilles  des  Phaléniens  semblent,  dans  leur  progression,  me  • 
surer  combien  de  fois  l'espace  qu'elles  parcourent  contient  la  longueur 
de  leur  corps,  ce  qui  leur  a  valu  les  noms  d'Arpenteuses  et  de  Géomètres, 
appliqués  par  extension  à  leurs  papillons.  A  bien  peu  d'exceptions  près 
(les  chenilles  vivant  de  Lichens  du  genre  Aventia,  Duponchel,  ont  seize 
pattes,  mais  les  trois  premières  paires  de  pattes  membraneuses  beau- 
coup moins  longues  que  les  autres),  ces  chenilles  n'ont  que  dix  pattes, 
les  six  écailleuses  ou  thoraciques,  qui  vont  en  grandissant  du  premier 
au  troisième  anneau,  et  quatre  pattes  membraneuses  seulement  atta^ 
chées  aux  deux  derniers  anneaux,  latérales,  élargies,  trapéziformes  et 
montées  sur  de  robustes  mamelons,  ce  qui  les  rend  éminemment  propres 
à  la  préhension;  aussi  servent-elles  à  ces  chenilles  au  moins  autant 
pour  le  repos  que  pour  la  marche.  Les  six  anneaux  intermédiaires  dé- 
pourvus de  pattes,  ou  au  moins  les  cinq  premiers,  sont  beaucoup  plus 
grands  que  la  somme  des  longueurs  des  anneaux  extrêmes,  surtout  des 
trois  derniers,  qui  sont  extrêmement  ramassés.  En  général,  tous  ces 
anneaux  sont  plissés  transversalement,  surtout  près  des  incisions,  ce 
qui  est  nécessaire  pour  des  segments  qui  doivent  subir  des  flexions 
considérables  et  qui  peuvent  aussi  de  la  sorte  exécuter  des  torsions  la- 
térales et  permettre  à  la  chenille  de  porter  la  tète  en  tous  sens  pour 
chasser  des  ennemis.  Quand  une  chenille  de  Phalénien  veut  marcher, 
elle  fixe  d'abord  ses  six  pattes  thoraciques  aussi  loin  qu'elle  peut  trouver 
un  point  d'appui;  elle  ramène  ensuite,  en  recourbanten  boucle  tout  le 
milieu  du  corps,  ses  quatre  pattes  postérieures  aussi  près  que  possible 
des  six  premières,  de  sorte  qu'elle  se  trouve  avoir  parcouru,  sans  le 


628  LÉPIDOPTÈRES. 

toucher,  un  espace  presque  égal  à  sa  propre  longueur.  D'où  l'on  voit 
que  le  petit  nombre  des  pattes  des  chenilles  des  Géomètres,  loin  de 
ralentir  leur  marche,  sert  plutôt  à  l'accélérer,  et  ce  système,  en  mt^me 
temps  qu'expéditif,  leur  est  aussi  très  avantageux,  car  il  leur  permet  de 
circuler  aisément  parmi  les  herbes  et  les  broussailles;  partout  où  elle 
trouve  un  point  d'appui  dont  l'éloignement  n'excède  pas  la  longueur 
de  son  corps,  la  chenille  peut  passer  sans  être  arrêtée,  comme  le  serait 
une  chenille  à  seize  pattes  complètes,  par  les  solutions  de  continuité 
dans  l'espace  à  parcourir.  Si  nous  passons  de  la  marche  à  l'état  de 
repos,  nous  verrons  que  ce  sont  les  deux  paires  de  pattes  de  l'extrémité 
de  l'abdomen  qui  font  toute  la  besogne.  Les  pattes  anales  s'écartent,  se 
rejettent  en  arrière  et  forment  comme  une  base  sur  la  surface  de 
position,  tandis  que  les  ventrales  à  l'aide  de  leurs  longs  mamelons, 
de  leurs  crochets  recourbés  et  de  leurs  puissantes  couronnes  en 
entourent  les  parties  saillantes,  de  sorte  que  la  chenille  se  trouve  à 
la  fois  assises  sur  quatre  points  et  accrochée  par  deux.  Certaines  che- 
nilles se  tiennent  alors  recourbées,  la  tête  en  l'air,  en  arquant  leurs 
anneaux  intermédiaires;  beaucoup  d'autres  {Vrapteryx,  Ennomos, 
Boarmia,  etc.)  se  raidissent  et  tiennent  leur  corps  entièrement  rectili- 
gne,  les  pattes  écailleuses  dirigées  en  avant,  la  tête  ramenée  en  des- 
sous, les  trois  segments  thoraciques  ramassés  et  froncés  de  manière  à 
paraître  n'en  faire  qu'un  seul.  La  chenille  ainsi  cramponnée  au  support 
par  les  seules  pattes  postérieures  est  en  situation  verticale,  ou  oblique, 
ou  horizontale,  ou  renversée  et  conserve  ainsi  une  immobilité  et  une 
rigidité  parfaites  pendant  de  longues  heures,  et  parfois  durant  la 
journée  entière. 

C'est  là  un  des  nombreux  exemples  des  harmonies  naturelles 
entre  les  animaux  et  les  milieux  où  ils  sont  destinés  à  passer 
leur  existence.  Généralement  revêtues  des  formes  et  des  nuances  des 
objets  qui  les  environnent,  ces  chenilles  échappent  aisément,  à  l'aide 
de  cette  ressemblance  souvent  frappante,  aux  recherches  de  leurs 
nombreux  ennemis.  Ce  sont  surtout  les  espèces  arboricoles  qui  possè- 
dent cette  précieuse  faculté  imitative  {mimicry)  qui  leur  permet  de  se 
dissimuler  aux  regards  sans  prendre  la  peine  de  se  cacher  :  leur  corps 
arrondi,  de  couleur  d'écorce  ou  de  Lichen,  bosselé  çà  et  là  par  des 
protubérances  charnues  simulant  des  bourgeons,  imite  si  parfaitement 
un  petit  rameau  de  bois  sec,  que,  lorsqu'elles  se  tiennent  immobiles  et 
rigides,  formant  un  angle  avec  la  branche  qui  les  supporte,  l'œil  hu- 
main le  plus  exercé  est  presque  toujours  impuissant  à  les  distinguer 
des  mille  brindilles  qui  garnissent  les  rameaux  des  arbres  et  des  ar- 
bustes; les  chenilles  de  leur  espèce  ou  d'autres  Phaléniens  partagent 
même  l'erreur  ;  on  en  voit,  qui  trompées  par  cette  fallacieuse  rigidité, 
montent  sur  leurs  semblables,  et  s'y  implantent  comme  sur  une  bran- 
che, jusqu'à  ce  que  fatiguée  du  contact,  la  patiente  prenne  le  parti  de 
secouer  cette  incube  d'une  nouvelle  espèce;  il  est  bien  probable  que 


PHALÉNIENS.  629 

les  insectes  ennemis  et  même  la  vue  perçante  des  Oiseaux  sont  souvent 
en  défaut. 

Les  couleurs  et  les  dessins  sont  beaucoup  moins  remarquables,  moins 
compliqués  et  moins  constants  chez  les  chenilles  des  Phaléniens  que 
chez  celles  des  lîombyciens  et  des  Noctuéliens.  Quand  ces  dessins  sont 
biens  accusés  on  y  retrouve  les  lignes  ordinaires  des  chenilles  d&  Noc- 
tuelles et  les  points  trapézoïdaux,  très  écartés  et  plutôt  en  rectangle 
qu'en  trapèze,  sur  les  longs  anneaux  intermédiaires  dépourvus  de 
pattes.  La  dernière  paire  du  onzième  anneau  est  presque  toujours  plus 
saillante  et  forme  fréquemment  deux  pointes  pyramidales  ou  une  arête 
transversale;  ce  qui  est  spécial  aux  Phaléniens,  c'est  que  les  chenilles 
ont  souvent  sous  le  ventre  des  dessins  analogues  à  ceux  de  la  région 
dorsale,  en  particulier  une  vasculaire  médiane  fortement  accusée, 
quoiqu'elle  ne  recouvre  pas  ici  une  série  de  cœurs  artériels  comme 
en  dessus.  Des  points  correspondants  aux  trapézoïdaux  y  existent  aussi, 
également  verruqueux  et  portant  un  poil  raide  et  court.  Ces  chenilles 
sont  plus  sujettes  que  dans  les  autres  tribus  à  offrir  des  excroissances 
charnues,  comme  des  bourgeons  appendiculaires.  Indépendamment  des 
excroissances  sur  le  onzième  anneau  que  nous  venons  d'indiquer,  on 
en  rencontre  fréquemment  sur  le  dessus  des  anneaux  Zi  et  8  et  sur  les 
côtés  de  l'anneau  5.  Ces  excroissances  sont  surtout  l'apanage  des  che- 
nilles qu'on  a  nommées  Arpenteuses  en  bâton,  c'est-à-dire  qui  présentent 
le  plus  de  ressemblance  avec  des  brindilles  de  bois  sec,  ce  qui  complète 
l'illusion  de  coloration  et  de  raideur  qui  assure  leur  sécurité,  ainsi 
dans  la  famille  formée  du  genre  Ennomos  et  des  genres  dérivés. 

Les  mœurs  des  chenilles  de  Phaléniens  sont  moins  variées  que  celles 
des  chenilles  de  Bombyciens  et  Noctuéliens.  Nous  n'y  trouvons  pas  de 
chenilles  à  fourreaux,  comme  chez  les  Psyché  et  chez  beaucoup  de 
Microlépidoptères,  ni  de  chenilles  souterraines,  ou  endophytes  (Cossiens, 
Sésiens),  ou  aquatiques,  à  la  façon  de  certains  genres  de  Pyraliens 
(Catadysta,  Hubner,  Nymphula,  Hubner  ou  Hydrocampa,  Steph.,  Latr., 
Cn.).  La  plus  grande  partie  de  ces  chenilles,  qu'elles  soient  herbivores, 
arboricoles  ou  lichénivores,  vivent  à  découvert  sur  les  feuilles  des  ar- 
bres ou  des  plantes  basses,  mangeant  soit  pendant  le  jour,  soit  pendant 
la  nuit.  A  la  moindre  secousse,  elles  se  laissent  tomber  en  émettant 
un  long  til,  soit  qu'elles  se  laissent  tomber  jusqu'au  sol,  soit 
qu'elles  attendent,  suspendues  en  l'air,  que  le  danger  soit  passé. 
Elles  remontent  à  volonté  avec  ce  fil  qu'elles  pelotonnent  rapidement 
entre  les  pattes  thoraciques  intermédiaires.  Il  en  est  qui  se  cachent 
entre  les  écorces,  d'autres  qui  se  roulent  dans  la  corolle  des  fleurs,  ou 
rongent  les  folioles  des  bourgeons,  ou  passent  toute  leur  vie  dans  les 
fruits  capsuleux;  ainsi  beaucoup  d' Eupithecia,Sinsdogiies  par  ces  mœurs 
aux  Dianthœcia  des  Noctuéliens.  Le  mode  de  transformation  en  chrysa- 
lides n'est  pas  très  varié  :  ou  bien  celles-ci  sont  renfermées  dans  un 
cocon  lâche  et  peu  défini,  filé  entre  les  feuilles  ou  les  broussailles  ou 


630  r.ÉPIDOPTÈRliS. 

entre  les  brins  de  mousse,  ou  bien  elles  s'enlen-ent  dans  une  cavité 
très  fragile  qui  mérite  à  peine  le  nom  de  coque  terreuse.  Il  est  aisé  eu 
général  de  distinguer  ces  chrysalides  de  celles  des  Noctuelles  par  leur 
partie  abdominale  plus  conique  et  plus  aiguë,  l'enveloppe  des  ailes  plu? 
courte,  la  couleur  d'un  brun  rougeàtre  moins  dominante  et  plus  sou- 
vent nlélée  de  vert  ou  de  noir,  la  peau  chilineuse  moins  épaisse  et  plus 
translucide.  Il  n'y  a  que  peu  d'exceptions  aux  modes  de  nymphose  que 
nous  venons  d'indiquer  :  les  Ephyra  suspendent  leurs  chrysalides  à  la 
façon  des  Diurnes  du  genre  Thaïs,  par  un  lien  caudal  fixé  à  une  feuille, 
sans  coque  ni  réseau,  parfois  en  outre  avec  une  ceinture  de  soie;  ces 
chrysalides  sont  vertes  ou  testacées,  marquées  de  petites  lignes  élevées, 
la  partie  antérieure  tronquée  presque  carrément  ;  VUrapteryx  Sambu- 
caria,  Linn.,  enferme  sa  chrysalide  dans  un  élégant  hamac  de  soie, 
suspendu  à  une  bninche  de  l'arbuste  qui  a  nourri  la  chenille  et  balancé 
par  le  \ent;  dans  le  genre  Pericallia,  Stéphens,  des  linnomides,  les 
chrysalides  sont  courtes,  renflées  au  milieu,  renfermées  dans  un 
léger  réseau,  attaché  et  suspendu  aux  branches  par  les  parties  supé- 
rieures. 

Nous  résumons  comme  il  suit  les  caractères  généraux  de  l'anatomie 
externe  des  Phaléniens  :  antennes  variables,  à  tige  mince,  sans  nodo- 
sités, parfois  pjumeuses  dans  les  milles  par  exagération  des  antennes 
ciliées  de  certains  Noctuéliens,  formées  comme  elles  de  lames  pu- 
bescentes,  mais  plus  minces,  plus  longues,  plus  contournées,  moins 
régulières,  garnies  de  cils  plus  ténus;  ces  lames  ne  vont  pas  en  dé- 
croissant régulièrement  du  quart  ou  de  la  moitié  de  l'antenne  jusqu'au 
sommet,  celles  de  l'extrémité  étant  au  contraire  fort  longues  et  la 
hampe  comme  perdue  au  milieu  d'elles;  en  général,  les  antennes  des 
mâles  se  rapprochent  de  la  ciliation  ordinaire  des  Noctuéliens,  mais 
avec  les  lames  plus  grêles  et  les  poils  plus  fins  ;  les  écailles  de  la  hampe 
et  parfois  aussi  celles  des  lames  sont  entremêlées  de  gris  blanchâtre 
et  de  brun,  d'où  résulte  un  aspect  farineux  ou  pulvérulent  tout  particu- 
lier, bien  visible  chez  les  Boarmides,  les  t'idonides  et  beaucoup  d'En- 
nomides;  parfois  enfin  les  antennes  sont  simples  dans  les  deux  sexes; 
front  dépourvu  de  stemmates  ;  spiritrompe  généralement  grêle,  plus 
souvent  membraneuse  que  cornée,  sans  écailles  à  la  base  comme  chez 
les  Pyraliens,  formée  de  deux  gouttières  de  couleur  pâle  tendant  à  se 
disjoindre,  parfois  nulle  ou  presque  nulle  dans  certaines  espèces  ;  palpes 
assez  courts,  rarement  velus;  corps  grêle;  thorax  très  court,  très  sou- 
vent arrondi,  jamais  huppé,  ni  crêlé,  à  courts  ptérygodes  ;  abdomen  des 
mâles  presque  toujours  grêle,  allongé,  peu  velu,  sans  crêtes;  l'abdomen 
est  marqué,  chez  beaucoup  de  Phaléniens,  de  deux  séries  dorsales  de 
taches  noires;  il  y  a  exception  pour  la  forme  du  corps  dans  les  Amphi- 
dasydes  (ainsi  Amphidasys  betularia,  Linn. ,  Prodromaria,  cat.  de  V.,  etc.), 
chez  lesquels  le  corps  est  beaucoup  plus  renflé,  le  thorax  se  rappro- 
chant de  celui  des  Bombyx,  l'abdomen  de  celui  des  Noctuelles;  ailes 


LKAPTERYX.  631 

munies  de  l'appareil  du  frein,  miuces,  délicates,  les  inférieures  non 
plissées,  participant  souvent  aux  couleurs  et  aux  dessinsdes  supérieures; 
ces  ailes  ont  d'ordinaire  les  trois  lignes  principales  des  Noctuelles 
{Vextrabasilaire,  la  coudée  et  la  subterminale  de  Guenée),  la  coudée,  la 
plus  constante  des  trois,  existant  souvent  seule  et  étant  presque  toujours 
commune  aux  quatre  ailes  (caractère  spécial  aux  Phaléniens)  ;  parfois, 
au  contraire,  les  trois  lignes  se  multiplient,  en  se  dédoublant,  dans  la 
majeure  partie  des  Larentides  ;  les  taches  orbiculaire  et  claviforme 
manquent,  la  réniforme  s'est  transformée  en  un  simple  point,  nommé 
cellulaire  ou  discoïdal,  ou  en  un  petit  anneau  ovale,  point  ou  anneau 
se  reproduisant  presque  toujours  sur  les  ailes  inférieures;  quant  au 
contour  des  ailes,  caractère  qui  reste  constant  dans  les  variétés  d'une 
espèce,  il  oiîre  fréquemment  une  dent  ou  échancrure  plus  profonde 
que  les  autres  aux  ailes  inférieures,  reproduite  parfois  aussi  aux  ailes 
supérieures;  ces  mêmes  ailes  ont  encore,  chez  beaucoup  d'espèces,  une 
particularité  assez  curieuse;  c''est  une  petite  vésicule,  placée  près  de 
leur  base,  au-dessus  de  la  nervure  sous-médiane  qu'elle  fait  parfois 
dévier;  cette  vésicule  n'est  pas,  comme  chez  les  Satyrides,  un  renflement 
de  cette  nervure,  mais  seulement  une  légère  convexité  en  dessus  de  la 
membrane  alaire,  à  laquelle  répond  en  dessous  une  fossette  de  même 
étendue  ;  pattes  longues,  peu  ou  point  renflées,  les  postérieures  à 
jambes  souvent  renflées  et  presque  toujours  munies,  au  moins  dans  l'un 
des  sexes,  de  deux  paires  d'éperons;  le  renflement  des  jambes  posté- 
rieures forme  souvent  une  gaine  ou  étui  dans  lequel  est  renfermé  un 
faisceau  de  poils  susceptibles  de  s'épanouir  dans  des  circonstances 
données;  parfois  il  y  a  atrophie,  qui  peut  devenir  presque  complète,  des 
tarses  postérieurs,  ainsi  dans  la  majorité  des  Acidalides;  enfin  les  cuisses 
antérieures  de  certains  genres  sont  armées  d'un  ongle,  ou  épine  re- 
courbée très  robuste,  analogue  à  celle  qu  on  observe  chez  certains 
Noctuelles,  comme  les  Héliothis.  —  Chenilles  à  incisions  peu  profondes, 
lisses,  ayant  les  trois  premières  paires  de  pattes  membraneuses 
presque  coustamaient  absentes,  et  dans  tous  les  cas  plus  courtes  que 
les  autres.  —  Chrysalides  rases,  mutiques,  à  anneaux  abdominaux 
libres. 

Nous  nous  contenterons  d'indiquer  quelques  types  intéressants  de  la 
tribu  des  Phaléniens. 

URAPTERTX,  Leach.  —  Antennes  simples  dans  les  deux  sexes,  plus  épaisses 
chez  le  mâle  ;  spiritronipe  longue  ;  dernier  article  des  palpes  très  petit,  ne  dépas- 
sant pas  le  chaperon,  qui  est  large  et  velu  ;  thorax  robuste  et  velu  ;  ailes  assez 
épaisses,  cotonneuses,  à  nervuj'es  refoulées  vers  la  côte,  l'angle  apical  des  ailes 
supérieures  très  aigu;  milieu  du  bord  terminal  des  inférieures  prolongé  en 
queue;  pattes  robustes.  —  Chenille  très  allongée,  ramiforme,  à  tête  lenticulaire, 
l'anneau  3  renflé,  munie  de  caroncules  et  d'éminences  sur  les  anneaux  5  et  7.  — 
Chrysalide  renfermée  dans  un  léger  réseau  suspendu  par  des  fils. 


632  LÉPIDOPTÈRES. 

Nous  n'avons  en  Europe  qu'une  seule  espèce  U.  Sambucata,  Linn.,  la 
Soufrée  à  queue  de  GeoflVoy,  the  Swalloiv-tailed  Moth..  de  Zi5  à  60  milli- 
mètres d'envergure,  les  deux  sexes  pareils;  corps  soufré,  avec  le  devant 
de  la  tête  d'un  brun  cannelle  ;  antennes  et  tarses  blancs  ;  ailes  d'un 
jaune  soufré,  avec  quelques  stries   oblongues  olivâtres,  les  supérieures 
à  sommet  aigu,  un  peu  falqué  au  bord  terminal,  qui  est  un  peu  denté, 
avec  deux  lignes  olivâtres,  écartées  et  un  trait  cellulaire,  les  inférieures 
avec   une   seule  ligne   olivâtre  et  une  queue   amincie  et  arrondie    au 
bout,  au-dessus  de  laquelle  est  une  tache  rouge  entourée  de  noir  et  une 
tache  ou  un  trait  noir;  frange  d'un  rouge  ferrugineux.  Ce  remarquable 
papillon  vole  avec  rapidité  au  crépuscule  autour  des  buissons,  dans  les 
prairies  et  surtout  dans  les  grands  jardins,  à  la  fin  de  juin  et  en  juillet; 
il  n'est  jamais  très  commun  près  de  Paris  et  l'est  davantage  dans  les 
régions  boréales  de  l'Europe.  La  chenille,  qui  passe  l'hiver  et  se  chry- 
salide  en    avril    et  mai,  se  trouve  de  septembre  à  mai,  surtout  sur  le 
chèvrefeuille  et  le  sureau,  aussi  sur  le  lierre,  la  ronce,  le  prunellier,  etc. 
Elle  est  très  longue, aplatie  et  effilée  antérieurement,  d'un  brun  de  bois, 
la  tête  lenticulaire,  élargie  et  coupée  carrément  en  avant,  la  vasculaire 
plus  foncée  et  deux  autres  lignes  plus  claires  et  vagues,  les  pattes 
écailleuses  portées  sur  deux  forts  mamelons,  deux  caroncules  latérales 
sur  le  cinquième  anneau,  une  caroncule  dorsale  recourbée  en  avant 
sur  le  septième;  elle  a  la  fréquente  habitude  de  rester  suspendue  par 
un  fil  pendant  de  longues  heures;  chrysahde  d'un  ochracé  pâle,  striée, 
avec  une  ligne  vasculaire  plus  sombre. 

Cette  espèce  est  le  type  d'une  famille,  décomposée  par  Guenée  en 
plusieurs  genres,  offrant  de  nombreuses  espèces  exotiques,  la  plupart 
de  la  plus  grande  taille  des  Phaléniens,  et  faisant  comme  un  passage 
aux  Uraniens.  Elles  sont  principalement  de  l'Amérique  méridionale 
chaude  et  du  Mexique,  et  aussi  du  continent  Indien,  de  Chine,  d'Ays- 
tralie,  de  Tasmanie.  Nous  représentons,  pi.  xcvii,fig.  1,  Z7.i|/ac/iaonono, 
Boisd.,  de  Colombie,  52  millimètres  d'envergure,  entièrement  d'un 
blanc  mat,  avec  trois  bandes  transversales  brunes  aux  ailes  supérieures, 
deux  aux  inférieures,  celles-ci  prolongées  en  une  petite  queue,  dont  la 
base  est  marquée  de  deux  gros  points  noirâtres;  frange  des  quatre  ailes 
brune,  jaunâtre  à  l'angle  anal  des  inférieures;  dessous  sans  taches  ni 
bandes.  Contrairement  à  l'opinion  de  Boisduval  et  de  Guérin-Méneville, 
Guenée  a  retiré  cette  espèce  et  d'autres  analogues  de  la  tribu  des  Pha- 
léniens, pour  la  placer  dans  les  Attaciens,  en  raison  de  la  nervulation, 
des  antennes  bipectinées  et  à  lames  pubescentes  des  mâles,  de  l'absence 
de  spiritrompe,  de  l'abdomen  ramassé  et  velu,  des  pattes  courtes  et 
laineuses  ;  la  connaissance  exacte  des  premiers  états  décidera  la  ques- 
tion. (Voyez  à  ce  sujet  une  discussion  de  Guenée  à  propos  du  genre 
Micronia,  Phalénites,  II,  ou  X  du  Species,  1857,  p.  23.) 

Les  Ennomides  constituent  une  famille  de  belles  Phalènes  à  ailes 
généralement  dentées  ou  anguleuses,   avec  les  antennes  des  mâles 


PHALÉMEiNS.  633 

presque  toujours  garnies  de  lames  pubescentes,  qui  les  font  paraître 
pectinées,  l'abdomen  épais  chez  les  femelles  ;  les  chenilles,  rami- 
formesou  pédunculiformes,  ont  le  plus  souvent  10,  mais  parfois  12  ou 
ih  pattes  et  vivent  à  découvert  sur  les  arbres  et  arbrisseaux.  Le  genre 
Metrocampa,  Latr..  a  des  papillons  à  ailes  supérieures  anguleuses  et 
aiguës  au  sommet,  les  inférieures  dentées;  les  chenilles  allongées, 
aplaties  en  dessous,  garnies  d'appendices  filamenteux  sur  les  côtés  à  la 
façon  des  Catocala,  munies  de  12  pattes,  dont  10  seulement  servent  à  la 
marche.  Le  type  est  M.  Margaritata ,  Linn.,  le  Céladon,  Geoffr.,  the  Light 
Emerald,  les  quatre  ailes  d'un  joli  vert  tendre,  se  changeant  en  gris  de 
perle  sur  les  sujets  secs  ;  bois  de  chênes  et  surtout  de  hêtres  en  mai, 
et  sujets  de  Zi2  à  Zi5  millimètres  d'envergure,  puis  en  août,  et  alors  pa- 
reils, mais  beaucoup  plus  petits,  30  à  35  millimètres  d'envergure  ;  che- 
nille grise  cà  dessins  dorsaux  et  points  trapézoïdaux  du  onzième  anneau 
jaunâtres,  vit  en  avril,  puis  en  septembre  et  octobre  sur  le  chêne,  le 
hêtre,  l'aulne,  etc.  Dans  le  genre  Rumia,  Duponchel,  les  papillons  ont 
les  antennes  simples  dans  les  deux  sexes  et  les  aiies  entières,  sans 
angles  ;  les  chenilles  sont  ramiformes,  avec  un  tubercule  très  élevé  sur 
le  sixième  anneau,  ont  14  pattes  et  ne  portent  d'appendices  filamen- 
teux qu'entre  les  deux  dernières  paires.  Le  type  est  R.  Cratœgata,  Linn., 
la  Citronelle  roiiillée,  GeoR'r.,  the  Brinstone  iMoth,  de  32  millimètres 
d'envergure,  d'un  beau  jaune  citron,  avec  deux  lignes  flexueuses  com- 
posées de  lunules  grises  plus  ou  moins  bien  marquées,  très  commun  en 
mai,  puis  en  août,  dans  tous  les  bois  et  sur  les  haies,  vole  au  crépus- 
cule; chenille  sur  les  prunelliers,  les  aubépines,  les  alisiers,  etc.,  en 
mars  et  avril,  puis  de  juillet  à  décembre,  devenant  chrysalide  dans  une 
coque  assez  solide,  fixée  aux  branches  ou  entre  les  feuilles.  Les  Lnno- 
mides  qui  vont  suivre  ont  toutes  des  chenilles  à  dix  pattes.  Les  Venilia, 
Dup.,  ont  les  antennes  simples  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  aiguës  au 
sommet  et  volent  en  plein  jour;  les  chenilles,  sans  éminences,  vivent 
sur  les  plantes  basses.  Le  type,  très  commun  dans  tous  les  bois,  en  mai 
et  juin,  volant  avec  Thecla  rubi,,  est  V.  Macidala,  Linn.,  la  Panthère, 
Geoffr.,  the  Speckled  Yellow;  28  millimètres  d'envergure,  pareil  dans  les 
deux  sexes,  ailes  d'un  jaune  d'or,  parfois  ocreux,  parfois  au  contraire 
d'un  citron  pâle,  avec  beaucoup  de  taches  noires,  inégales,  irrégulières, 
formant  des  bandes  interrompues  ;  parfois  quatre  taches  costales  seule- 
ment, ou,  au  contraire,  toutes  les  ailes  envahies  par  le  noir;  chenille 
verte,  avec  les  incisions  et  la  ligne  vasculaire  plus  foncées,  celle-ci 
placée  entre  deux  filets  blancs,  la  tête  verte,  avec  deux  traits  latéraux 
blancs;  en  août  et  septembre  sur  divers  plantes  basses,  surtout  lesChi- 
coracées  et  les  Lamium  (Labiées);  chrysalide  enterrée.  Les  Angerona, 
Dup.,  ont  les  antennes  très  pectinées  dans  les  mâles,  la  spirilrompe 
longue,  les  ailes  larges,  striées,  sans  lignes  bien  distinctes,  les  infé- 
rieures échancrées.  Le  type  est  A.  Prunaria,  Linn.,  la  Phalène  du  pru- 
nier, Devillers,  the  Orange  Moth,  les  ailes  d'un  beau  jaune  orangé  vif, 


<i34  LÉPIDOPTÈRES. 

couvertes  de  petites  stries  noires,  avec  un  trait  épais,  noirâtre  sur  le 
disque  de  chaque  aile;  une  variété,  plus  rare,  a  les  ailes  envahies  pai* 
le  brun;  d'autres  présentent  des  albinisnies  partiels  et  irréguliers  par 
décoloration;  papillon  en  juin  dans  les  allées  des  bois  et  les  routes 
plantées  d'arbres;  chenille  allongée,  grise,  striée  et  marbrée  de  brun, 
avec  deux  tubercules  bifldes,  l'un  sur  le  quatrième,  l'autre,  plus  élevé, 
sur  le  huitième  anneau,  sortant  de  l'oeuf  en  septembre,  passant  l'hiver 
engourdie  sous  la  mousse  ou  dans  les  fentes  des  arbres,  arrivant  à  toute 
sa  taille  à  la  fin  de  mai  de  l'année  suivante,  vivant  surtout  sur  le  pru- 
nellier et  sur  les  pruniers  cultivés.  C'est  surtout  dans  les  jardins  qu'il 
faut  chercher  une  fort  belle  et  rare  Phalène,  en  mai  et  juin,  puis  eu 
août,  au  crépuscule,  PericalUa  (Steph.)  Syringaria,  Linu.,  la  Phalène 
jaspée,  (ieoffr.,  la  Phalène  du  lilas,  Encycl.  métli.,  the  Lilac  Beauty,  à 
ailes  larges  et  échancrées,  jaspées  de  rose,  de  lilas,  de  jaune  fauve  et  de 
verdâtre,  avec  les  antennes  pectinées  dans  les  deux  sexes,  plus  forte- 
ment chez  les  mâles,  la  spiritrompe  rudimentaire,  les  pattes  courtes; 
la  chenille  brune,  à  manteau  ferrugineux,  est  très  curieuse  pai- sa  forme 
et  sa  bizarre  attitude  au  repos;  elle  est  courte,  épaisse,  pubescente, 
amincie  en  avant,  munie  sur  le  dos  de  six  caroncules  saillantes,  dont 
deux  sur  le  septième  anneau  formant  de  longs  filaments  recourbés  en 
arrière;  elle  vit  au  printemps  et  en  automne  sur  les  chèvrefeuilles,  les 
lilas,  les  jasmins,  les  troènes.  Au  lieu  de  se  tenir,  au  repos,  ruide  ci 
en  bâton,  comme  ses  congénères,  elle  se  tient  repliée,  les  deux  jwrtics 
du  corps  appliquées  l'une  contre  l'autre,  la  tète  un  peu  relevée,  posi- 
tion qui  rend  fortement  saillantes  les  caroncules  dont  son  corps  est 
orné;  la  chrysalide  est  également  très  courte  et  logée  dans  un  réseau  ù 
larges  mailles  que  la  chenille  suspend  à  une  feuille  ou  à  un  rameau. 
Le  genre  Ennomos,  Treitscke,  a  les  antennes  très  pectinées,  à  lames 
longues  et  serrées  dans  les  mâles,  dentées  en  scie  par  de  courtes  lames 
chez  les  femelles,  la  spiritrompe  rudimentaire  ou  nulle,  les  palpes  sail- 
lants en  bec  aigu,  le  thorax  épais  et  velu,  l'abdomien  grêle  et  terminé 
par  un  bouquet  de  poils  chez  les  mâles,  épais  et  ovoïde  chez  les  fe- 
melles, les  ailes  dentées  avec  une  dent  plus  saillante  au  milieu  du 
bord  terminal  ;  les  chenilles,  k  tète  plus  large  que  le  cou,  globuleuse 
et  aplatie  en  avant,  sont  longues,  ramiforraes,  garnies  de  tubercules 
&ur  le  dos  et  sur  les  côtés  et  vivent  sur  les  arbres;  les  chrysalides,  ventes 
ou  lestacées,  sont  renfermées  dans  de  légers  réseaux  entre  les  feuilles. 
L'espèce  la  plus  commune  est  E.  Angularia,ca[..â.e  V.,  la  Zo?jr',  Geo(5V.,i/ie 
August  Thorn,  de  38  à  ZiO  millimètres  d'envergure,  variant  considérable- 
ment, d'un  fauve  jaunâtre  ou  rougeâtre,  avec  bandes  bruriùtres,dans  les 
bois  en  juillet,  août,  septembre,  très  abondant  à  Compiègne  dans  les  futaies 
de  hêtres  et  de  charmes,  appliqué  sur  les  troncs  ou  à  terre  sur  les  roules 
ou  les  feuilles  sèches,  le  mâle  volant  en  plein  jour  pour  peu  quïl  soit 
dérangé  ;  chenille  en  juin,  sur  la  plupart  des  arbres  forestiers,  très 
effilée,  d'un  brun  rougeâtre,  avec  une  petite  carène  dorsale  et  deux 


PHA-LÉiNIENS.  635 

latérales  sur  chacun  des  anneaux  5  el  6,  une  carène  dorsale  sur  8,  deux 
pointes  saillantes  écartées  sur  11,  Dans  le  genre  voisin  Himera.,  Dup., 
les  papillons  onl  les  antennes  plumeuses  jusqu'au  sommet  et  à  lames 
très  longues  chez  le  mâle,  la  spiritrompe  grêle,  les  palpes  très  courls,  le 
corps  velu,  les  ailes  minces,  peu  dentées,  avec  la  nervulation  ditlerente 
dans  les  deux  sexes,  les  chenilles  luisantes,  sans  éminences,  à  tête  glo- 
buleuse, les  chrysalides  enterrées.  Le  type  est  tf.  Pennaria,  Linn.,  la 
Phalène  emplumée,  Encycl.  méth.,  the  Feathered  Thorn,  de  42  millimètres 
d'envergure,  d'un  jaune  ocreux  chez  le  mâle,  plus  pâle  chez  la  femelle, 
avec  lignes  rougeâtres  et  pointillures  d'un  rouge  brique,  espèce  des 
jardins,  des  avenues  de  bois,  des  taillis,  en  septembre,  octobre  et  même 
novembre  en  battant,  si  commune  parfois  que  les  allées  des  bois  sont 
jonchées  de  ses  débris  abandonnés  par  les  oiseaux  et  surtout  les  chauves- 
souris  qui  cil  font  une  graude  destruction;  chenille  lisse,  d'un  gris  clair, 
avec  losanges  nuancés  de  brun  et  de  blanc,  le  ventre  bleuiUre  et  deux 
pointes  rouges  sur  le  onzième  anneau;  en  avril,  mai,  juin,  sur  le  chêne 
et  le  prunellier;  chrysalide  enterrée. 

Les  Amphidasydes  présentent  des  papillons  bombyciformes,  à  antennes 
pectinées  ou  plumeuses  dans  les  mâles,  sétacées  dans  les  femelles,  la 
tête  petite  et  cachée  sous  le  prothorax,  la  spiritrompe  nulle,  les  palpes 
rudimentaires  et  cachés  sous  les  poils  du  front,  le  thorax  robuste,  velu 
et  bombé,  l'abdomen  velu  chez  les  mâles,  picoté  de  noir  chez  les  fe- 
melles, les  ailes  épaisses,  les  supérieures  prolongées  au  sommet,  les 
inférieures  plus  courtes;  les  femelles  sont  souvent  aptères  ou  n'ayant 
que  des  moignons  d'ailes  rudimentaires.  Les  chenilles,  à  10  pattes,  sont 
allongées,  raides,  souvent  luisantes,  ramiformes,  vivant  le  plus  souvent 
à  découvert  sur  les  arbres,  parfois  sur  les  plantes  basses;  chrysalides  en- 
terrées. l>e  genre  PhigaUa,  Dup.,  présente  des  papillons  à  cuisseis  velues 
et  à  femelles  absolument  aptères,  les  chenilles  hérissées  de  petites 
pyramides  pilifères.  Citons  P.  Pitosaria,  Linn.,  la  Phalène  velue,  Encycl. 
méth.,  the  Pale  Brindled  Beauty,  le  mâle  de  /t2  millimètres  d'envergure, 
les  ailes  entières,  minces,  d'un  gris  verdâtre  comme  le  corps,  a\ec 
quatre  taches  d'un  brun  bistré  à.  la  côte  et  des  lignes  transverses  nébu- 
leuses et  flexueuses,  la  femelle  aptère,  k  tète  et  thorax  d'un  gris  ver- 
dâtre, à  abdomen  rougeâtre  et  zone  de  noir,  comme  celui  du  mâle; 
papillon  en  février  (parfois  janvier)  et  mars,  sur  le  tronc  des  arbres,  les 
palissades  des  jardins,  les  allées  des  bois,  les  promenades  publiques 
plantées  d'ormes  ou  de  tilleuls  ;  chenille  brune,  à  tubercules  subépi- 
neux sur  les  anneaux  h,  5,  6  et  H,  vivant  en  mai  et  juin  sur  le  chêne, 
l'orme  et  les  arbres  fruitiers,  très  délicate  à  élever,  ce  qui  explique 
pourquoi  le  papillon  est  assez  rare,  tandis  que  la  chenille  est  très  com- 
mune, et  nuisible  à  nos  vergers,  en  certaines  années,  à  la  façon  de 
YHibernia  IJefoliaria.  Le  genre  Nijssia,Dnp.,  est  analogue  au  précédent, 
avec  l'abdomen  court,  conique,  à  poils  hérissés,  les  ailes  oblongues, 
petites  relativement  au  corps,  demi-transparentes,  à  nervures  saillantes. 


636  LÉPIDOPTÈRES. 

les  femelles  n'ayant  que  des  moignons  d'ailes  arrondis,  à  peine  visibles, 
les  chenilles  vivant  sur  les  arbres  et  les  plantes  basses,  les  chrysalides 
enterrées.  L'espùce  la  plus  intéressante  est  N.  Zonaria,  cat.  de  V.,  the 
Uelted  Beauty,  30  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle,  les  ailes  blan- 
châtres, avec  la  côte,  les  nervures  et  l'espace  terminal  noirâtres,  et  deux 
lignes  blanches,  subparallèles,  la  femelle  avec  des  moignons  d'ailes 
très  courts,  noirs,  bordés  de   poils  blancs,  l'abdomen  large,  ovoïde, 
garni  de  poils  blancs,  terminé  en  pointe,  noir,  annelé  de  poils  roux, 
comme  celui  du  mâle;  papillon  à  la  fin  de  mars  et  en  avril,  sur  les 
plantes  basses  et  sur  le  tronc  des  arbres,  les  mâles  volant  à  l'entrée  de 
la  nuit  seulement,  a  la  recherche  des  femelles  toujours  immobiles  ;  en- 
virons de  Paris,  Compiègne,   France   centrale,  Alsace;  assez  rare.  Ce 
papillon  a  été  fort  abondant  pendant  un  assez  grand  nombre  d'années, 
contre  Paris,  dans  les  prairies  d'Ivry,  près  du  confluent  de  la  Seine  et 
de  la  Marne,  au  lieu  dit  Bosse-de-Marne.  C'est  vers  18/i3  que  cette  station 
fut  découverte  par  des  amateurs  de  Coléoptères  qui  allaient  dans  ces 
prairies,  au  premier  printemps,  pour  y  capturer  le  Meloe  Scabrosus;  on 
y  prit  des  milliers  de  Nyssia  Zojiano  pendant  plusieurs  années,  de  ma- 
nière à  fournir  toutes  les  collections  ;  il  y  a  quinze  à  dix-huit  ans,  j'en 
capturai  encore  quelques  spécimens  dans  cette  localité,  avec  mon  col- 
lègue et  ami  M.  J.  Fallo;  actuellement  les  constructions  et  les  petites 
cultures  ont  entièrement  détruit  l'espèce.  La  chenille,  lisse,  cylindrique, 
sans  éminences,  est  d'un  vert  pomme,  avec  la  ligne  stigmatale  large 
et  d'un  jaune  clair;  elle  habite  les  prés  humides,  vivant  en  mai  et 
juin  sur  différentes  plantes  basses,  la  sauge  des  prés,  la  mille-feuille, 
la  jacée,  etc.  ;  elle  se  change  en  terre,  sans  coque,  en  une  chrysalide 
qui  passe  l'hiver.  Le  genre  Biston,  Leach,o^re  des  femelles  ailées  comme 
les  mâles,  des  papillons  très  velus,  d'aspect  de  Bombyx,  les  antennes 
plumeuses,  le  corps  court  et  robuste,  le  thorax  très  développé,  hérissé 
de  poils  épais,  la  spiritrompe   et  les  palpes  atrophiés,  les  ailes  vigou- 
reuses et  fortement  charpentées,  pulvérulentes  et  à  demi  diaphanes; 
les  chenilles  sont  cylindroïdes,  sans  bourgeons,  à  lignes  longitudinales. 
Le  type  est  le  B.  Hirtarius,  Linn.,  la  Phalène  à  ailes  velues,  de  Geer,  la 
Phalène  hérissée,  Kncycl.   métli.,   the  Brindled  Beauty,  ZiO  millimètres 
d'envergure,  les  ailes  demi-transparentes,  surtout  chez  les  femelles,  où 
elles  sont  souvent  à  demi  développées  et  roulées  sur  les  bords,  d'un 
gris  roussâtre  fortement  saupoudré  de  noir,  avec  lignes  noires  ondulées, 
le  thorax  hérissé  de  poils  très  épais,  mêlés  de  gris  et  de  brun,  l'abdo- 
men très  velu  et  roussâtre;  chenille  d'un  gris  violâtre  ou  brunâtre,  à 
sous-dorsales  jaunes,  vivant  sur  plusieurs  arbres  ou  arbustes,  surtout 
l'orme  et  le  tilleul,  se  tenant  le  jo\ir  entre  les  rides  de  l'écorce,  descen- 
dant au  pied  des  arbres  en  août  et  septembre  et  se  changeant  sur  le 
sol,  entre  les  herbes,  sans  cocon  ni  coque,  en  une  chrysalide  courte, 
rugueuse,  d'un  brun  noir,  munie  d'une  pointe  très  fine  à  son  extrémité 
postérieure;  papillons  en  mars  et  avril,  sur  les  troncs,  ne  vivant  que 


PHALÈNIENS.  637 

peu  de  jours,  s'accouplant  tout  de  suite  et  pondant  des  petits  tasd'œufs; 
l'espèce  était  autrefois  très  commune  à  Paris,  sur  les  boulevards  exté- 
rieurs, plantés  en  ormes  ou  en  tilleuls;  on  n'avait,  en  hiver,  qu'à 
fouiller  au  pied  de  ces  arbres  pour  se  procurer  la  chrysalide.  Acciden- 
tellement cette  espèce  peut  être  nuisible  aux  poiriers  (1).  Le  genre 
Amphidasys,  Treitscke,  a  aussi  des  papillons  printaniers,  ailés  dans  les 
deux  sexes,  avec  la  tige  des  antennes  entrecoupée  de  blanc,  ces  antennes 
pectinées  et  non  plumeuses  chez  les  mâles,  filiformes  chez  les  femelles, 
les  palpes  et  la  spiritrompe  visibles,  le  thorax  large  et  robuste,  l'abdo- 
men court,  les  ailes  opaques,  épaisses,  grises,  pointillées  et  rayées  de 
noir,  triangulaires  ;  les  chenilles  très  longues,  à  tête  échancrée  et  aplatie, 
de  couleurs  très  variées,  vertes,  grises,  rougeàtres,  brunes,  avec  des  boutons 
sur  plusieurs  anneaux,  les  chrysalides  enterrées,  sans  coques.  L'espèce 
la  plus  commune  est  A.  betularia,  Linn.,  la  Phalène  du  bouleau,  Devil- 
1ers,  the  Peppeied  Moth,  de  ko  millimètres  d'envergure,  en  avril  et  mai, 
parfois  jusqu'en  juin,  dans  les  jardins,  les  avenues,  les  bords  des  routes, 
sur  les  haies,  etc.;  chenille  sur  presque  tous  les  arbres  forestiers,  ayant 
des  appendices  filamenteux  entre  les  fausses  pattes.  Une  espèce  beau- 
coup moins  commune,  qu'on  trouve  en  février  et  mars  sur  le  tronc  des 
arbres  qui  bordent  les  ''.hemins  et  avenues  et  parfois  sur  le  sol,  est 
A.  Strataria,  Hufnagel,  syn.  :  Prodromaria,  cat.  de  V.,  la  Printanière, 
Geoffroy,  the  Oak  Beauty,  un  peu  plus  petite  que  la  précédente;  che- 
nille en  été  sur  les  peupliers,  les  chênes,  les  trembles,  etc.,  sans  appen- 
dices filamenteux  entre  les  fausses  pattes. 

Nous  indiquerons,  dans  d'autres  familles,  les  Géométrides,  dont  les 
papillons  ont  les  palpes  grêles,  la  spiritrompe  grêle,  les  pattes  glabres, 
les  ailes  presque  toujours  vertes  et  délicates,  les  chenilles  raides,  ru- 
gueuses, plissées,  à  tête  bifide,  avec  deux  pointes  au  cou  et  deux  à 
l'anus,  les  chrysalides  renfermées  entre  les  feuilles  :  type  Geomefra 
(Linn.)  Papilionaria,  Linn.,  la  Grande  Naïade,  Fourcroy,  la  Papillonnairc, 
Devillers,  the  Large  Emerald  des  Anglais,  Zi5  à  50  millimètres  d'enver- 
gure, les  ailes  grandes,  larges,  d'un  beau  vert  de  pré,  avec  lignes 
blanches  ombrées  antérieurement  de  vert  plus  foncée  un  croissant 
discoïdal  vert  foncé,  tête  et  corps  verts,  antennes  et  pattes  jaunâtres; 
en  mai  puis  en  juillet,  au  crépuscule,  avenues  des  bois  humides,  bords 
des  eaux,  rare  ;  chenille  verte,  à  stigmatale  jaune,  en  juin,  puis  en 
septembre,  sur  le  bouleau,  l'aulne,  le  hêtre,  le  noisetier,  le  saule  mar- 
sault,  etc.,  très  adhérente  au  rameau  sur  lequel  elle  se  fixe,  au  point  de 
se  laisser  déchirer  en  deux  parties,  plutôt  que  de  lâcher  prise,  si  on 
veut  l'en  arracher.  Les  chenilles  de  seconde  génération  donnent  des 
chrysalides  qui  passent  l'hiver.  Les  Géométrides  ont  d'assez  nombreuses 
espèces  exotiques,  dont  plusieurs  très  remarquables  par  l'élégance  de 

(1)  Maurice  Girard,  Note  sur  la  Phalène  hérissée  [Journal  Soc.  centr.  d'horik. 
de  France,  1879,  3^série,  1,  p.  4340). 


638  LÉPIDOPTÈRES. 

leur  dessin,  la  vivacité  de  leurs  couleurs  et  parfois  l'étrangeté  de  leurs 
formes.  La  famille  des  Kphyrides  suspend  ses  chrysalides  comme  les 
Diurnes.  Le  genre  Ep}îyra,  Dup.,  syn.  Zo?ioso-mo,  Lederer,  est  formé 
d'élégantes  Phalènes  qui  paraissent  deux  fois  et  surtout  au  printemps, 
s'appliquent  sous  les  feuilles  les  ailes  étendues  et  se  laissent  tomber 
dans  l'herbe  au  moindre  choc.  Une  espèce  très  commune  dans  tous  les 
bois  est  E.  Punctaria,  Linn.,  la  Ponctuée,  Devillei"s,  the  Mai  den's  Blush, 
de  mai  puis  d'août,  22  à  28  millimètres  d'envergure,  pareille  dans  les 
deux  sexes,  variant  beaucoup  de  taille,  de  couleur,  de  sablé,  par  la 
présence  ou  l'absence  des  lignes,  etc.;  ailes  d'un  jaune  ocreux  pâle,  avec 
de  fins  atomes  bruns,  le  dis^que  des  supérieures  presque  toujours  sablé 
de  ferrugineux,  lignes  de  points  noirs,  ombrées  d'un  brun  rouge  ;  che- 
nille verte  ou  testacée,  avec  les  sous-dorsales  jaunes,  taches  rouges 
dorsales  du  quatrième  anneau  aux  suivants,  en  juillet  et  septembre  sur 
le  chêne  et  le  bouleau.  Les  Acidalides  forment  une  famille  considérable 
et  qui  s'augmente  tous  les  jours,  surtout  pour  les  espèces  exotiques  et 
l'on  peut  encore  y  espérer  des  découvertes  pour  nos  espèces  indigènes. 
Le  genre  principal  AcMalia,  Treitscke,  très  nombreux  en  espèces, 
est  formé  de  papillons  de  petite  taille  et  de  couleurs  peu  bril- 
lantes et  peu  variées,  à  palpes  peu  développées,  à  antennes  courtes, 
et  rarement  pectinées  chez  les  mâles,  à  spiritrompe  distincte,  à  pattes 
rautiques,  les  ailes  minces,  pâles,  à  lignes  communes  aux  deux  paires, 
le  corps  grêle.  Les  papillons  habitent  les  bois,  les  prés,  les  jardins  et  ne 
volent  que  quand  ils  sont  troublés.  Les  chenilles  sont  grêles,  carénées, 
raides,  plus  épaisses  postérieurement  et  vivent  cachées  sur  les  plantes 
basses.  Dans  le  genre  ffah'o,  Dup.,  syn.  :  Thamncmoma ,  Lederer,  les  pa- 
pillons ont  les  antennes  ciliées  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  veloutées, 
à  sommet  obtus,  les  chenilles  ont  les  trapézoïdaux  verruqueux  et  garnis 
de  poils.  Une  seule  espèce  européenne,  H.  Wavarin,  Linn.,  le  Damas 
cendré,  Geofl'r.,  the  V.  Mot  h  des  Anglais,  de  25  à  30  millimètres,  les  ailes 
d'un  cendré  jaunâtre  avec  quatre  taches  brunes  à  la  côte,  dont  la  se- 
conde descend  en  forme  de  >  jusque  vers  le  milieu  de  l'aile;  papillon 
en  juillet  dans  les  jardins  et  sur  les  haies;  chenille  verte  ou  rougeâtre, 
à  stigmatale  jaune  et  trapézoïdaux  noirs,  en  mai  et  juin  sur  le  prunel- 
lier et  beaucoup  plus  sur  les  divers  groseilliers  des  jardins,  qu'elle  dé- 
pouille souvent  de  toutes  leurs  feuilles;  aussi  il  faut  écheniller. 

Les  Fidonides  ont  les  antennes  des  mAles  tantôt  plumeuses,  tantôt 
plus  ou  moins  fortement  pectinées,  quelquefois  simplement  ciliées,  les 
palpes  courts  et  velus,  la  spiritrompe  grêle,  presque  toujours  courte, 
souvent  nulle,  le  thorax  étroit,  plus  souvent  squameux  que  velu;  abdo- 
men des  mâles  long  et  presque  toujours  un  peu  conique  ;  ailes  larges, 
entières,  presque  toujours  saupoudrées,  au  moins  sur  une  surface, 
d'atomes  plus  foncés.  Cette  famille  a  de  nombreux  genres,  surtout  en 
espèces  d'Europe.  Les  papillons  habitent  les  prairies  plutôt  que  les  bois 
et  principalement  les  lieux  secs  et  en  pente,  exposés  au  soleil  et  où 


SCODIONA.  63î> 

abondent  les  genêts.  Les  chenilles  sont  loBgues,  cylindroïdes,  ordinai- 
reBtient  sans  éminences,  à  tête  globuleuse,  a^ec  la  partie  anale  terminée 
par  deux  pointes  parallèles  au  corps. 

iiCOBlolVA,  Baisd.  —  Antennes  des  mâles  pectinées  jusqu'au  sommet;  palpes 
courts,  écarté*,  coniques;  spiritroin|ic  courte;  corps  velu  ;  ailes  entières,  pulvé- 
rulentes, avec  im  point  discoïdal  sur  chaque  aile,  les  supérieures  traversées  par 
deux  lignes  de  points  plus  ou  moins  bien  marqués  et  formant  un  trapèze,  les 
inférieures  avec  une  seule  ligne.  —  Chenilles  lisses,  épaisses,  cylindroïdes, 
avec  le  douzième  annean  bifide  et  un  tubercule  spiriforme  sur  le  onzième. 

Les  chenilles  de  ce  genre  vivent  de  plantes  basses  et  s'enterrent  pour 
sechrysalider.  Les  espèces  de  France  sont  méridionales,  àrexceptiou  de 
S.  Belgaria,  Huhn.,  ?,Yn.:Belglaria,  Guenée,  Fcwillacea,G.Mén.,  Favillor- 
cearia,  Guenée  ;  pi.  xcvii,  tig.  3,  tête  vue  de  protîl,  '6a,  id.  de  face,  ob, 
portion  de  l'antenne  du  mâle  très  grossie,  lyO  millimètres  d'envergure,  les 
ailes  entières  d'an  gris blanchûlre  ou  d'ungrisro'ux, chargé  d'atomes  bruns, 
avec  un  point  allongé  au  centre  de  chacune  d'elles,  les  supérieures 
traversées  par  deux  lignes  noiréltres  punctiformes,  les  inférieures  par 
une  ;  papillon  en  juin  et  juillet,  Angleterre,  ouest  de  la  France,  Vendée 
(Graslin),  Fontainebleau  (Berce);  la  chenille  éclôt  en  juillet,  hiverne, 
parvient  à  toute  sa  taille  en  mai  de  Tannée  suivante,  et  se  nymphose 
dans  un  léger  cocon  à  la  surface  de  la  terre. 

Le  genre  Strenia,  Boisd.,  syn.  :  Phasiane,  Dup.,  présente  des  papil- 
lons à  antennes  pubescentes,  les  ailes  de  couleur  uniforme  et  à  dessins 
coinmims  aux  deux  paires,  à  frange  fortement  interrompue  ;  ils  volent 
en  plein  jour  et  même  au  soleil.  Les  chenilles  sont  assez  courtes,  à  tra- 
pézoïdaux peu  saillants,  mais  surmontés  de  poils,  et  vivent  cachées  sous 
les  plantes  basses.  Le  type  est  S.  Clathrata,  Linn.,  la  Phalène  à  barreaux 
Encycl.  méth.,  tlie  Latticed  Heath,  de  25  à  30  millimètres  d'envergure, 
les  quatre  ailes  d'un  jaune  ocreux,  plus  ou  moins  mêlé  de  blanc,  tra- 
versées par  quatre  lignes  d'un  brun  noir  aux  supérieures  et  trois  aux 
inférieures,  lesquelles  coupées  à  angle  droit  par  les  nervures  de  même 
couleur,  simulent  un  grillage;  un  trait  cellulaire  noir  sur  le  di-sque  de 
chaque  aile;  papillon  très  commun  pendant  toxite  la  belle  saison  sur  les 
champs  de  trèfle  et  de  luzerne  et  dans  toutes  les  prairies  où  sont  inter- 
calées aux  Graminées  des  petites  Légumineuses;  chenille  à  tête  verte,  à 
corps  cylindroïde,  d'un  vert  pâle,  avec  deux  filets  dorsaux  blancs  liserés 
de  vert  foncé,  une  sous-dorsale  pareille  et  une  stigmatale  blanche;  au 
printemps  et  en  automne  sur  les  Medicago,  Hedysarum,  TrifoUum,Meli- 
lotiis,  etc.  Dans  les  Fidonia,  Treist.,  les  antennes  des  mâles  sont  pecti- 
nées, souvent  plumeuses,  celles  des  femelles  dentées,  la  spiritrompe 
nulle  ou  rudimentaire,  les  ailes  mates,  de  couleur  jaune  ou  fauve  sau- 
poudrée d'atomes  foncés,  avec  des  dessins  ou  des  taches  noires  ou 
brunes.  La  plupart  volent  en  plein  jour  dans  les  clairières  des  bois 


GiO  LÉPIDOPTÈRES. 

remplis  de  genêts  ou  de  bruyères,  et  portent  au  repos  les  ailes  relevées 
à  la  façon  des  Diurnes;  aussi,  comme  conséquence,  les  couleurs  sont 
elles  plus  vives  et  les  dessins  plus  nets  en  dessous  qu'en  dessus.  Che- 
nilles allongées,  cylindroïdes,  sans  éminences,  à  tête  globuleuse,  à 
lignes  ordinaires  distinctes,  vivant  sur  les  arbres  et  les  plantes  basses. 
Chrysalides  enterrées.  A  signaler  :  F.  Atomaria,  Linn.,  la  Rayure,  jaune, 
Geoffr.,  the  Common  Heatli,  de  27  à  32  millimètres  d'envergure  chez  le 
mâle,  les  antennes  très  plumeuses,  les  ailes  d'un  jaune  d'ocre  plus  ou 
moins  foncé,  sablé  de  brun,  les  supérieures  traversées  par  quatre  lignes 
brunes  dentées,  les  inférieures  par  trois;  femelle  plus  petite,  d'un 
jaune  pâle  ou  blanchâtre;  papillon  très  commun  dans  tous  les  bois  et 
sur  tous  les  coteaux  à  genêts  en  avril  et  mai,  puis  en  juillet  et  août; 
chenille  verte,  rose  ou  brune,  avec  dessins  en  losange  et  lignes  blan- 
châtres, sur  les  genêts,  les  scabieuses,  les  coronilles,  les  Lotus,  l'ar- 
moise, etc.,  en  juin,  puis  en  septembre;  F.  Piniaria,  Linn.  (sous-genre, 
Bupalus,  Leach),  la  Phalène  du  pin,  Devillers,  the  Bordered  White, 
35  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle,  qui  a  les  antennes  pectinées, 
les  ailes  d'un  jaune  pâle,  avec  bordures  et  bandelettes  d'un  brun  noi- 
râtre; la  femelle  plus  grande,  à  couleur  du  fond  variant  du  brun  roux 
au  fauve;  en  Angleterre,  on  trouve  fréquemment  une  variété,  très  rare 
en  France,  où  les  taches  jaunes  du  disque  sont  blanches;  dans  tous  les 
bois  de  pins  ou  sapins  en  avril  et  mai;  chenille  allongée,  verte,  à  lignes 
longitudinales,  dont  les  trois  médianes  blanches,  les  latérales  ou  stig- 
matales  jaunes;  d'août  en  octobre,  sur  les  pins  et  sapins.  On  se  la  pro- 
cure en  battant  au  parapluie;  elle  s'élève  aisément,  et  c'est  le  meilleur 
moyen  d'obtenir  le  papillon  bien  frais,  car  il  vole  ordinairement  au 
sommet  des  arbres  et  n'est  pas  facile  à  capturer.  Il  y  a  plusieurs  belles 
espèces  de  Fidonia  dans  la  France  méridionale.  Le  genre  Lythria,  Hubn., 
offre  les  antennes  des  mâles  plumeuses  et  courtes,  le  corps  velu,  les 
ailes  courtes  et  mates,  les  chenilles  vivant  de  plantes  basses.  Les  papil- 
lons sont  de  jolis  insectes  à  couleurs  vives,  volant  en  plein  jour  dans  les 
lieux  secs  et  chauds.  Le  type,  de  20  à  25  millimètres  d'envergure,  est 
L.  Purpuraria,  Linn.,  l'Ensanglantée,  Geoffr.,  les  ailes  variant  du  fauve 
au  fauve  olivâtre,  avec  deux  bandes  d'un  rose  pourpré  sur  les  supé- 
rieures, la  frange  des  quatre  ailes  roses;  toutes  les  collines  sèches  en 
mai,  puis  en  août,  commun  en  Beauce;  chenille  verte  ou  vineuse,  à 
ventre  clair,  sur  les  Rumex  et  les  Pulygonum,  en  juin  et  en  septembre, 
,  Les  Zérénides  offrent  des  papillons  dont  les  antennes  sont  presque 
toujours  simples,  épaissies  seulement  chez  les  mâles,  les  yeux  gros,  les 
palpes  très  courts,  la  spiritrompe  bien  développée,  le  thorax  court, 
demi-velu,  à  ptérygodes  écartés,  l'abdomen  des  mâles,  long,  effilé,  sou- 
vent marqué  de  taches  noires,  les  ailes  larges  et  entières,  soyeuses, 
molles,  à  fond  ordinairement  blanc  ou  jaune,  souvent  marquées  de 
taches  ou  lignes  noires,  très  apparentes,  les  pattes  rases.  Les  chenilles 
sont  épaisses,  assez  courtes,  non   atténuées,    sans  éminences.   Cette 


ARRAXAS.  (5^1 

famille  renferme  une  foule  d'espèces  remarquable.;,  sartout  (;n  exo- 
tiques. Celles  du  genre  Pantherodes,  qui  habitent  les  deux  Amériques 
portent,  sur  un  fond  d'un  beau  jaune,  des  taches  qui  imitent  exacte- 
ment celles  des  panthères  et  des  Jaguars,  certaines  Abra.ras  exotiques 
atteignent  trois  ou  quatre  fois  la  taille  de  notre  Grosmlarlata  et  de 
magnifiques  espèces  ont  été  découvertes  dans  l'Inde. 

ABll.iV.%*«,  Leacti,  syn.  :  Zerena,  Treitschlce,  Diiponchel,  etc.  —  Antennes 
courtes,  simplement  pubescentes  dans  les  mâles;  palpes  grêles,  écartés  à 
articles  intlistincls;  abilomen  long,  cylindrique,  marqué  de  plusieurs  ran^^ées 
de  tachiis  noires;  ailes  sans  aréole,  larges,  veloutées,  traversées  vers  leur  milieu 
par  une  seule  rangée  de  points  noirs  ou  gris  ou  par  deux.  —  Chenilles  "-labres 
courtes,  épaisses,  non  atténuées,  avec  le  dos  marqué  de  taches  ou  de  lii-ncs 
noires. 

Les  papillons  de  ce  genre  habitent  surtout  les  fourrés  et  volent  mol- 
lement pendant  le  jour,  quand  ils  sont  troublés.  Les  chenilles  vivent  à 
découvert  sur  les  arbrisseaux  et  les  arbres  et  se  chrysalident  entre  des 
feuilles  qu'elles  entourent  de  quelques  fils.  L'espèce  type  est  une  des 
Phalènes  les  plus  anciennement  connues  et  d'un  dessin  si  net  qu'on  la 
reconnaît  sur  les  planches  les  plus  grossières,  comme  celles  de  Moufet 
et  de  Goedart.  C'est   \'A.   Grossulariata,  Linn.,  la  Mouchetée,  Geoffroy 
the  Large  Magpie,  de  UO  millimètres  d'envergure,  les  deux  sexes  pareils 
la  tête  et  les  antennes  noires,  les  ailes  arrondies,  blanches,  avec  beau- 
coup de  taches  noires  arrondies,  dont  la  principale  série  est  terminale 
les  supérieures  avec  deux  lignes  d'un  jaune  fauve,  écartées,  bordées 
de  chaque  côté  de  taches  noires,  dont  plusieurs  sont  confluentes;  entre 
ces  lignes  sont  plusieurs  points  noirs,  dont  quelques-uns  forment  une 
grande  tache  qui  se  joint  à  la  côte,  les  inférieures  avec  deux  rangées  de 
taches  noires,  une   médiane,  l'autre  terminale,   et  quelques   taches 
noires  disséminées,  en  nombre   très   variable  ;  dessous  semblable  au 
dessus,  mais  sans  lignes  jaunes;  thorax  et  abdomen  jaunes,  tachetés  de 
noir,  cinq  rangées  de  points  noirs  sur  l'abdomen.  Papillon  commun 
partout,  parfois  rare  en  certaines  années,  dans  les  jardins,  sur  les  haies 
en  juillet  et  août.  Chenille  d'un  blanc  sale,  avec  le  dessus  des  trois  pre- 
miers anneaux  jaune  et  les  trois  derniers  verdàtres.  Sur  le  dos  rèo^ne 
une  série  de  taches  noires  inégalement  espacées  et  dont  les  intermé- 
diaires sont  subcarrées;  la  stigmatale  est  d'un  rouge  sombre  sur  les 
anneaux  dépourvus  de  pattes;  vit  par  groupes  en  mai,  principalement 
sur  le  groseillier  épineux,  aussi  sur  le  prunellier,  le  pécher,  l'abrico- 
tier, etc.,  dépouille  parfois  les  groseilliers  des  jardins  de  toutes  leurs 
feuilles.  Elle  éclôt  en  septembre,  hiverne  et  se  change  en  chrysalide 
à  la  fin  de  juin  entre  quelques  fils  de  soie  attachés  aux  feuilles  ou  aux 
branches.  Il  faut  ramasser  en  hiver   les   feuilles  sèches  tombées  des 
groseilliers  et  où  se  réfugient  les  chenillettes  et  les  brûler.  Nous  repré- 

GIRARD.  IH.  —   41 


6/»2  LtPIDOPTÈRliS. 

sentons  la  chenille  pi.  xcvii,  fig.  h,  et,  fig.  h  «,  le  cocon  et  la  chrysa- 
lide. Deux  autres  espèces,  A.  Ulmaria,  Fabr.,  ou  Silvata,  Scop.,  avec 
deux  grandes  taches  d'un  brun  ferrugineux  à  l'aile  supérieure,  une  à 
l'inférieure,  et  des  rangées  de  taches  d'un  gris  bleucàtre;  papillon  en 
juin  et  juillet  en  Angleterre  (the  Clouded  Magpie),  dans  le  nord  de  la 
France  aussi  près  de  Paris,  mais  rarement;  chenille  en  août  et  sep- 
tembre, sur  l'orme,  le  platane  et  probablement  le  hêtre;  .1.  Pantaria, 
Linn.,  d'Angleterre  {the  Panther)  et  du  midi  de  la  France. 

Un  i^enre  exotique  voisin,  Stalagmia,  Guenée,  présente  les  antennes 
(des  femelles)  longues,  très  minces  et  sétacées,  les  palpes  dépassant  le 
front,  grêles,  à  dernier  article  aigu,  le  corps  grêle,  à  abdomen  sans 
taches,  les  pattes  longues  et  très  grêles,  les  ailes  très  larges,  festonnées, 
blanches,  à  taches  noires.  Ex.  :  S.  Guttaria,  G.  Mén.,  du  Japon,  de 
Singapore,  50  millimètres  d'envergure,  pi.  xcvii,  fig.  2,  d'un  blanc 
un  peu  jauniltre,  les  premières  ailes  ayant  six  taches  et  l'extrémité 
noires,  les  secondes  ailes  offrant  au  bord  postérieur  un  double  rang  de 
gros  points  noirs  et  un  autre  point  de  la  même  couleur  au  milieu; 
dessous  semblable  au  dessus.  Le  genre  Lomaspilis,  Hubner,  présente 
des  papillons  à  antennes  courtes,  à  abdomen  sans  taches,  à  palpes 
grêles,  à  ailes  molles,  luisantes,  avec  de  larges  taches  un  peu  métal- 
liques, des  chenilles  raides,  rayées  longitudinalement,  à  grosse  tête.  Le 
type  est  L.  Marglnata,  Linn,,  la  Marginée,  De\illers,  la  Phalène  bordée, 
Walckenaer,  the  Clouded  Border,  20  à  25  millimètres  d'envergure,  les 
deux  sexes  pareils,  corps  d'un  brun  noir  métallique  uni,  ailes  avec  une 
laro-e  bordure  et  de  grandes  taches  d'un  noir  brun  luisant;  papillon 
commun  partout  en  mai  et  juin,  puis  en  août,  dans  les  lieux  frais, 
humides,  ombragés,  au  bord  des  rivières,  dans  les  oseraies,  etc.  ;  che- 
nille d'un  vert  foncé,  avec  les  diverses  lignes  longitudinales  jaunes  ou 
blanches,  la  tête  verte,  avec  deux  traits  noirs;  à  découvert  en  avril  et 
mai  sur  les  différentes  espèces  du  genre  Salix;  chrysalide  enterrée. 

Les  Hibernides  méritent  tous  le  litre  de  papillons  de  l'hiver,  car  ils 
éclosent  toujours  dans  la  saison  froide,  en  novembre  et  décembre,  et, 
pour  certaines  espèces  dont  les  chrysalides  passent  l'hiver,  en  février  et 
mars.  Les  papillons  tnàles  ont  la  tête  petite,  les  antennes  ciliées,  mais 
faibles,  les  palpes  courts,  la  spiritrompe  rudimentaire  ou  nulle  (ils  ne 
trouveraient  pas  de  nourriture  à  l'époque  de  l'éclosion),  les  ailes  supé- 
rieures plus  colorées  que  les  inférieures  qu'elles  recouvrent  dans  l'état 
de  repos  [Hibernia,  Latr.),  parfois  même  en  se  croisant  l'une  l'autre 
{Anisoptenjx,  Leacli).  Un  caractère  général  très  curieux  est  donné  par 
les  femelles  qui  sont  toutes  ou  complètement  aptères  on  n'ayant  que  de 
très  courts  moignons  d'ailes  impropres  au  vol.  Elles  vivent  dès  lors 
toutes  sur  le  sol  ou  immobiles  sur  les  troncs  des  arbres,  auxquels  elles 
grimpent  très  facilement;  pour  les  obtenir, il  faut  ou  les  chercher  avec 
beaucoup  d'attention,  ou  les  attirer  contre  des  lanternes  posées  sur  le 
sol  ou  appliquées  aux  arbres,  ou  élever  les  chenilles.  11  semble  qu'il  y 


HIBILRNIDES.  6^3 

a  là  une  précaution  de  la  nature  destinée  à  faciliter  la  ponte  des 
femelles  sur  l'arbre  même  qui  doit  nourrir  leurs  chenilles,  comme  une 
prévision  de  froids  rigoureux  qui  pourraient  empêcher  les  insectes  de 
voler;  chenilles  allongées,  cylindriques,  un  peu  carénées  sur  les  côtés, 
à  tête  globuleuse,  vivant  à,  découvert  sur  les  arbres  et  les  arbrisseaux 
des  jardins  et  des  bois  et  sur  les  arbustes  des  haies,  et  devenant  chry- 
salides dans  des  coques  terreuses.  L'espèce  la  plus  importante  est 
Hibernia  Defoliaria,  F^inn.,  la  Défeuillée,  Devillers,  la  Phalène  effeuillante, 
Encycl.  méth.,  the  Mottled  Umber,  de  àO  millimètres  d'envergure  chez  le 
mâle,  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  d'ocre  clair  strié  de  brun,  avec 
deux  bandes  brunes  ou  noirâtres  et  un  gros  point  cellulaire  noir;  ailes 
inférieures  d'un  blanc  jaunâtre,  saupoudré  d'atomes  noirs;  tête,  corps 
et  antennes  d'un  jaune  fauve;  une  race  presque  aussi  fréquente  que  le 
type  offre  les  ailes  supérieures  d'un  brun  roux  uniforme  ou  d'un  fauve 
foncé  pointillé  de  brun;  femelle  complètement  aptère,  d'un  jaune 
fauve,  avec  de  gros  points  noirs  sur  tout  le  corps,  les  pattes  annelées  de 
jaune  et  de  noir,  ressemblant  à  une  araignée  allongée  ;  papillon  fin 
octobre  et  en  novembre  et  même  décembre,  quelques  sujets  retardés 
jusqu'au  début  du  printemps,  dans  les  jardins,  les  vergers  et  les  forêts; 
chenille  d'un  brun  rouge  sur  la  région  dorsale,  avec  une  vasculaire 
géminée,  interrompue,  et  la  région  latérale  d'un  jaune  serin  très  net, 
par  la  stigmatale  sinuée  sur  les  anneaux  sans  pattes,  ventre  d'un  jaune 
pâle,  vit  en  mai  et  juin  sur  presque  tous  les  arbres  fruitiers  et  fores- 
tiers, et  causant  des  dégâts  aux  jeunes  pommiers  et  poiriers.  Certains 
horticulteurs  entourent  d'un  anneau  de  glu  ou  de  goudron  gras  le  pied 
des  arbres  à  préserver  et  que  ne  peut  franchir  la  femelle  privée  d'ailes; 
le  mieux  est  encore  d'écraser  les  chenilles  et  surtout  les  femelles,  car 
il  y  a  des  femelles  qui  franchiront  l'anneau  là  où  sera  un  peu  de  pous- 
sière et  des  femelles  et  des  chenilles  qui  arriveront  des  arbres  voisins 
secoués  par  le  vent.  Nous  ne  ferons  que  citer  :  H.  Leucophœaria,  cat. 
de  V.,  la  Phalène  noirâtre,  Encycl.  méth.,  the  Spring  UsJter,  plus  ou 
moins  marbré  de  noir,  espèce  assez  commune  dans  les  bois  encore 
dépourvus  de  feuilles,  en  février  et  mars,  le  mâle  volant  en  plein  jour, 
la  femelle  sans  ailes,  avec  l'anus  terminé  en  pointe,  //.  Aurantiaria, 
Hubner,  la  Phalène  orangée,  Encycl.  méth.,  the  Scarce  Umber,  les  ailes 
supérieures  d'un  fauve  orangé,  avec  deux  lignes  transverses  noirâtres, 
les  inférieures  d'un  jaune  pâle,  la  femelle  brune  avec  des  taches  fauves 
et  des  rudiments  d'ailes  fauves,  traversées  par  deux  lignes  noires;  des 
bois  en  pente  en  octobre  et  novembre,  se  posant  souvent  sur  les  feuilles 
sèches;  H.  Progemmaria,  Hubner,  the  Dotted  Border,  haies,  broussailles, 
forêts,  en  novembre,  puis  et  surtout  en  février  et  mars;  femelle  à  ailes 
très  courtes,  mais  bien  développées,  les  inférieures  plus  grandes.  Dans 
le  genre  Anisopteryx,  Leach,  les  femelles  sont  poilues,  cylindrico- 
coniques,  absolument  privées  d'ailes,  l'abdomen  terminé  par  un  fais- 
ceau de  poils  arrondi.  Deux  espèces  assez  rares  :  A.  Aceraria,  cat.  de  V., 


644  LÉPIDOPTÈRES. 

la  Phalène  de  l'Érable,  Encycl.  méth.,  intérieur  des  bois,  en  novembre; 
A.  JEsmlaria,  cat.  de  V.,  the  March  Moth,  des  bois  secs,  broussailles, 
jardins,  en  mars. 

Les  Larcntides  constituent  une  famille  considérable,  à  antennes  sim- 
ples dans  les  deux  sexes,  à  spiritrompe  bien  distincte,  les  ailes  lisses, 
non  anguleuses,  généralement  marquées  de  lignes  nombreuses,  les 
pattes  jamais  renflées  et  à  deux  paires  d'éperons  distincts;  les  chenilles 
sont  cylindriques,  non  atténuées,  sans  éminences,  à  lignes  générale- 
ment distinctes.  Dans  le  genre  Cheimatobia,  Stephens,  les  papillons  ont 
les  palpes  à  peine  visibles;  les  mâles  volent  pendant  le  jour,  mais  les 
femelles  n'ont  que  des  moignons  d'ailes  impropres  au  vol  ;  les  chenilles 
sont  courtes,  un  peu  déprimées,  et  vivent  renfermées  entre  des  feuilles. 
Une  trop  nuisible  espèce,  tléau  des  bois  et  surtout  des  vergers,  est 
C.  Brumata,  Linn.,  la  Phalène  hyémale,  the  Winter  Moth,  les  ailes  du 
mâle  d'un  brun  enfumé  clair,  soyeux,  traversées  par  beaucoup  de  lignes 
un  peu  plus  foncées;  femelle  à  ailes  rudimentaires,  d'un  gris  brunâtre, 
marquées  d'une  bandelette  noirâtre  commune;  chenille  d'un  vert  soit 
foncé,  soit  clair  ou  jaunâtre,  avec  la  vasculaire  d'un  vert  foncé,  la  sous- 
dorsale  d'un  blanc  jaunâtre,  continue,  la  stigmatale  de  même  couleur, 
mais  interrompue,  le  ventre  d'un  vert  bleuâtre,  se  chrysalidant  dans 
une  petite  coque  enterrée.  Les  papillons  sont  communs  dans  les  jardins 
et  les  bois  en  novembre  et  décembre,  et  se  rassemblent  quelquefois  le 
soir,  en  grand  nombre,  autour  des  réverbères  des  rues  et  places  pu- 
bliques. J'ai  pris  le  matin  et  par  quantités  les  femelles  aptères  sur  les 
candélabres  à  gaz  des  routes  du  bois  de  Boulogne.  Les  chenilles  abon- 
dent en  mai  sur  les  arbres  forestiers  et  fruitiers  et  causent  souvent  de 
grands  dommages.  Elles  attaquent  les  jeunes  feuilles,  les  bourgeons  à 
fruit  et  même  les  jeunes  fruits,  dans  lesquels  elles  pénètrent  par  l'œil. 
Ces  chenilles  ont  toujours  besoin  de  s'abriter,  et  appliquent  deux 
feuilles  l'une  contre  l'autre  ou  phent  une  feuille  ea  deux.  Le  mieux, 
pour  les  espaliers  et  les  pyramides,  est  d'écraser  la  chenille,  en  la  ser- 
rant avec  les  doigts  dans  sa  retraite,  sans  arracher  les  feuilles,  qui  ne 
tardent  pas  à  se  décoller  par  l'action  de  la  sève.  On  visite  aussi  les  bou- 
quets de  jeunes  fruits,  souvent  liés  ensemble  et  avec  des  feuilles  par  des 
fils  de  soie,  afin  de  ménager  une  retraite  à  la  chenille,  et  on  enlève 
les  jeunes  fruits  attaqués,  qui  se  détachent  aisément.  On  peut  aussi 
employer  le  collier  de  glu  au  pied  des  arbres,  pour  empêcher  les 
femelles  de  grimper,  comme  pour  les  Hibernides. 

Les  autres  genres  de  Larentides  sont  ailés  dans  les  deux  sexes.  Aux 
premiers  froids,  en  octobre  et  novembre,  on  voit  voler  au  soleil,  dans 
les  bois  et  autour  des  haies,  et  se  poser  sur  les  troncs  si  le  temps  est 
couvert,  les  Oporabia,  Stephens,  papillons  à  antennes  courtes,  à  ailes 
larges,  soyeuses,  velues  à  la  côte.  Ainsi,  0.  Dilutata,  cat.  de  V,,  the 
Xovember  Moth,  à  ailes  grisâtres,  avec  des  lignes  dentées,  sinueuses, 
plus  foncées,  la  chenille  vivant  en  mai  et  sur  le  chêne,  le  hêtre,  l'orme, 


OPORABIA,    LOBOPHORA,    EUPI  IHECIA.  645 

le  prunellier,  l'aubépine,  etc.;  0.  Aiitumnata,  Hoisd.,  the  Autanmal  ]futli, 
à  ailes  blatichcs,  avec  des  lignes  noires  en  partie  oblitérées,  la  clienille 
en  mai  et  juin  sur  les  bouleaux  exclusivement;  aussi  le  papillon  est  à 
rechercher  dans  les  futaies  à  bouleaux,  posé  souvent  sur  le  sol,  les  ailes 
étendues,  ou  sur  les  bouleaux.  Un  très  curieux  genre  est  celui  des  Lobo- 
phora,  Curtis,  qui  portent,  chez  les  mâles  (d'après  Berce),  un  petit  lobe 
membraneux  placé  à  la  base  de  chaque  aile  inférieure,  en  dessus,  de 
m^^me  nature  qu'elle  et  saillant,  garni  de  franges;  au  repos,  les  ailes 
supérieures  recouvrent  les  secondes.  Ces  papillons  semblent  avoir  six 
ailes.  Ex.  :  L.  Halterata,  Hufnagel,  syn.  :  Hexapterata,  cat.  de  V.,la 
Phalène  hexaptérate,  Encijcl.  méth.,  la  Phalène  du  hêtre,  Devillers,  llie 
Seraphim  des  Anglais.  Un  genre  considérable  est  celui  des  Eupithecia, 
Curtis,  à  antennes  des  mâles  grêles  et  pubescentes,  à  pattes  courtes,  les 
postérieures  à  deux  paires  d'éperons,  l'abdomen  muni  de  petites  crêtes 
et  marqué  d'une  bande  foncée  sur  le  premier  anneau,  qui  est  relevé, 
souvent  plus  clair  et  très  conique.  Les  ailes,  étendues  à  plat  au  repos, 
sont  lisses,  de  mêmes  couleurs  et  dessins  aux  deux  paires,  dessins  con- 
sistant en  lignes  tines  et  nombreuses;  ces  petites  espèces  sont  encore 
mal  connues,  souvent  difliciles  à  distinguer.  Les  chenilles,  qui  sont 
faciles  à  élever  en  captivité,  sont  plus  ou  moins  courtes,  raides,  caré- 
nées sur  les  côtés,  souvent  marquées  de  chevrons  dorsaux,  à  tête  petite 
et  globuleuse,  vivent  sur  les  arbres  et  sur  les  plantes  basses,  parfois 
dans  les  bourgeons,  dans  les  fleurs,  dans  les  fruits  capsuleux.  Les  chry- 
salides sont  effilées,  coniques,  aiguës,  renfermées  dans  de  petites  coques 
de  terre  ou  entre  les  feuilles.  Pendant  le  jour,  les  Eupithécies  se  tien- 
nent dans  les  buissons  ou  appliquées  contre  les  troncs,  les  murs  et  les 
rochers;  le  soir,  elles  volent  dans  les  bois,  les  prairies,  les  jardins.  Une 
des  espèces  les  mieux  caractérisées  est  E.  Rectanijulata,  Linn.,  la  Rec- 
tangulaire, Devillers,  tlie  Green  Pug,  20  à  22  millimètres  d'envergure, 
les  deux  sexes  pareils,  ailes  d'un  joli  vert  clair,  avec  les  lignes  bien 
marquées,  brunes  ou  noires,  la  coudée  formant  sur  les  quatre  ailes, 
mais  surtout  sur  les  inférieures,  un  angle  droit  bien  prononcé;  il  y  a 
un  petit  point  discoïdal  noir  sur  chacune  des  quatre  ailes;  papillon 
commun  en  juin  et  juillet  dans  les  jardins  et  vergers,  volant  souvent 
par  essaims  autour  des  pommiers.  Chenille  à  tête  petite  et  globuleuse, 
noire  et  luisante,  courte,  atténuée  aux  extrémités,  d'un  vert  pomme, 
avec  une  large  ligne  dorsale  d'un  rouge  pourpre  ou  brun,  maculaire 
sur  les  premiers  anneaux,  linéaire  sur  les  derniers,  continue  et  irrégu- 
lière sur  les  autres.  Cette  chenille  vit  en  avril  et  mai  dans  les  bour- 
geons des  poiriers  et  des  pommiers,  et  fait  surtout  du  tort  à  ces  der- 
niers; elle  entoure  de  soie  feuilles  et  boutons,  et  s'introduit  dans 
l'ovaire  du  jeune  fruit,  absolument  comme  la  larve  de  YAiithonoinvs 
pomorum  (Curculionien).  Il  faut  enlever  et  brûler  les  bourgeons  et  bou- 
tons attaqués;  sur  les  arbres  isolés  et  à  fruits  précieux  on  peut  écraser 
avec  une  pince  les  petites  chenilles  et  sauver  ainsi  quelques  fruits. 


()^l6  LÉPIDOPTÈRES. 

Dans  le  genre  Melanippe,  Dup.,  dont  les  Chenilles  vivent  renfermées 
entre  des  feuilles,  les  papillons  ont  les  antennes  simples,  l'abdomen 
zone  ou  ponctué,  les  ailes  blanches,  avec  des  lignes  et  des  bandes  fon- 
cées. Le  type  est  M.  Hastata,  Linn.,  la  Hachée,  Devillers,  the  Arfjent  and 
Sable  des  Anglais.  Les  espèces  de  ce  genre  volent  dans  les  allées  des 
bois  et  des  jardins,  et  se  reposent,  les  ailes  étendues,  sur  la  surface  des 
feuilles,  ou  contre  le  tronc  des  arbres  et  les  murs  de  clôture.  Le  type 
est  M.  Hastata,  Linn.,  la  Hachée,  Devillers,  the  Argent  and  Sable  des 
Anglais,  de  35  millimètres  d'envergure,  les  ailes  blanches  supérieures 
traversées  par  trois  bandes  noires  très  découpées,  la  troisième  ou  ter- 
minale interrompue  au  milieu  par  une  tache  blanche  en  forme  de  fer 
de  pique  ou  de  hallebarde,  les  dessins  continués  sur  les  ailes  infé- 
rieures. Espèce  peu  commune  des  bois  assez  étendus.  On  la  trouve  près 
de  Paris,  en  septembre,  sur  les  bords  des  routes  de  bois  de  la  Brie 
(Coubert,  Armainvilliers,  etc.),  partant  au  vol  au  bruit  du  promeneur. 
Dans  le  genre  Camptogramma,  Steph.,  se  trouve  une  des  Phalènes  les 
plus  communes,  qu'on  fait  partir  au  battage  des  haies,  des  broussailles, 
des  arbustes  de  jardin  pendant  tout  l'été.  C'est  C.  Bilineata,  Linn.,  la 
Brocatelle  d'or,  Geoffr.,  la  Bilinéaire,  Devillers,  the  Yellow  Shell,  25  à 
27  millimètres  d'envergure,  les  ailes  larges,  festonnées  et  à  dessins 
communs,  d'un  jaune  plus  ou  moins  vif,  traversées  par  des  lignes 
ondulées,  brunâtres,  souvent  en  deux  groupes.  Le  genre  Siona,  Dup., 
Scoria,  Steph.  (par  erreur  d'impression)  est  constitué  par  une  espèce 
mimétique,  volant  dans  le  jour  dans  les  bois  à  bruyères,  à  Compiègne, 
à  Fontainebleau,  dans  le  bois  Notre-Dame,  près  de  Paris,  et  ressemblant 
à  une  Piéride  (Diurnes),  Leucophasia  sinapis,'par  les  ailes  en  entier  d'un 
blanc  un  peu  jaunâtre,  sans  dessins,  avec  les  nervures  finement  mar- 
quées en  noirâtre.  C'est  le  S.  Lineata,  Scop.,  syn.  :  Dealbata,  Linn.,  the 
Blackveined,  les  antennes  cylindriques  et  sans  ciliation  dans  les  deux 
sexes,  la  spiritrompe  bien  développée,  l'abdomen  très  long  chez  les 
mâles,  comme  dans  Leucophasia. 

Bibliographie.  —  A  consulter  pour  ]es  Phaléniens  :  J.-C.  de  Laharpe, 

Catalogue  de  Phalénites  suisses,  1853,  in-8"  {Faune  suisse  ;  Lépidoptères, 
pi.  IV ;  Phalénides,  Zueric,  Zurcher,  etc.,  1853,  in-^",  160  p.,  1  pi.  col.). 
—  A.  Guenée,  Phalénites,  2  vol.  in-8",  1857,  Paris,  Roret.  —  E.  Berce, 
Geometridœ  {Faune  entom.  franc.,  Lépidop.,  t.  V,  1873;  E.  Deyrolle, 
1  vol.  in-12,  avec  pi. col.). 

Nous  arrêterons  ici  les  Macrolépidoptères.  Les  Microlépidoptères,  qui 
termineront  l'ordre  des  Lépidoptères,  comprendront  les  tribus  des  Pyra- 
liens,  des  Torlriciens,  des  ïinéiniens,  des  Ptérophoriens  et  des  Aluci- 
tiniens: 

Erratum  et  Addendum.  —  Page  Z|32,  ligne  35  :  N'oublions  pas  la  Société 


MICKOLÉPIDOPTÈRES.  647 

séricole  (sic)  de  Montpellier.  —  Page  530,  ligne  18  :  Les  œufs  sont  pondus 
d'iiabitude  au  commencement  de  juin... 


MIGROLÉPIDOPTÈRES 


A  l'imitation  des  auteurs  allemands,  après  les  Macrolépidoptères 
(grands  papillons),  dont  nous  venons  de  présenter  l'histoire,  nous  réu- 
nirons les  papillons  qu'il  nous  reste  à  étudier  sommairement  sous  le 
nom  de  Microlépidoptèrps,  mot  qui  signifie  petits  papillons.  On  comprend 
que  ce  nom  très  vague  ne  permet  pas  de  caractères  généraux  ;  il  s'ap- 
plique à  un  groupe  plus  nombreux  en  espèces  que  tous  les  Macrolépi- 
doptères réunis.  Il  offre  le  plus  grand  nombre  de  ses  espèces  formé 
d'insectes  presque  microscopiques,  au  moins  pour  les  dimensions  du 
corps  ;  mais  il  y  a  certaines  espèces  qui  atteignent  une  taille  compa- 
rable à  celle  des  petits  Noctuéliens  et  Phaléniens,  ainsi  dans  les  Aglossa, 
Hydrocampa,  Botys,  Tortrix^  Yponomeuta,  etc.,  et  même  parfois  arrivent 
à  peu  près  à  la  taille  moyenne,  comme  certaines  espèces  des  Ihjthia 
et  des  Crambus  et  genres  voisins,  la  grande  Gallérie  ou  Fausse-Teigne 
de  la  cire,  etc.  L'étude  de  ces  papillons  n'est  véritablement  qu'ébau- 
chée et  rebute  la  plupart  des  amateurs,  en  raison  du  grand  nombre 
des  sujets,  des  différences  souvent  peu  appréciables  d'une  espèce  à 
l'autre,  et  surtout  par  suite  des  difficultés  matérielles  de  récolter,  de 
piquer  et  surtout  d'étaler  des  papillons  très  délicats,  dont  les  écailles 
des  ailes  tiennent  en  général  si  peu  que  le  moindre  contact,  le  souffle 
même,  suffît  à  détacher  leur  fragile  poussière.  Cependant,  comme  le 
dit  si  bien  M.  A.  Constant,  c'est  dans  cette  immense  famille  que  la 
nature  a  déployé  le  plus  de  génie,  de  richesse  et  de  variété  ;  c'est  là 
qu'elle  a  caché,  pour  les  révéler  au  naturaliste  patient,  le  plus  de  mer- 
veilles et  le  plus  d'attraits.  Souvent  les  couleurs  sont  d'autant  plus 
éclatantes  que  la  taille  de  l'insecte  est  moindre;  ainsi  dans  les  Adèles, 
qui  brillent  au  soleil  comme  des  pierres  précieuses  vivantes;  \e?>Litho- 
coUetis,  rayés  de  bandes  ou  de  lignes  argentées  et  ressemblant  au  vol 
à  de  légers  flocons  de  duvet  ;  les  Nepticula,  presque  littéralement  mi- 
croscopiques, au  point  qu'on  peut  à  peine  les  saisir  au  vol,  offrant, 
sur  un  fond  sombre,  des  lignes  ou  des  taches  métalliques  du  plus  vif 
éclat. 

La  plupart  des  Microlépidoptères  adultes  sont  en  effet  des  insectes 
agiles  et  brillants;  beaucoup  d'entre  eux  volent  en  plein  soleil.,  sur  les 
fleurs  ou  sur  les  feuilles  des  végétaux  qui  les  ont  nourris;  leur  nombre 
est  si  considérable  qu'en  frappant  sur  une  haie  il  arrive  souvent  qu'on 
les  en  fait  sortir  par  essaims.  Ils  sont,  en  général,  difficiles  à  capturer, 


648  LÉPlDOPTklîtS. 

à  cause  de  l'exiguïté  de  leur  faille.  I.e  meilleur  moyen  de  les  obtenir 
en  bon  état  pour  les  collections  est  de  les  faire  éclore  en  captivité.  Il 
faut  toujours  les  tuer  au  moyen  du  flacon  à  cyanure  de  potassium,  car 
le  moindre  contact  des  doigts  brise  les  pattes  ou  enlève  les  écailles.  En 
général,  quand  ils  sont  bien  immobiles  après  l'action  du  gaz  toxique, 
on  les  pique  par-dessous  au  fil  de  platine,  qu'on  implante  sur  un  petit 
billot  de  moelle  de  sureau  piqué  à  l'épingle  ordinaire  dans  la  collec- 
tion. On  se  sert  souvent,  pour  l'étaloir,  de  plaques  de  cristal  qu'on 
pose  sur  les  ailes,  les  rugosités  des  plus  tins  papiers  suffisant  pour 
défraîcbir  les  ailes  des  plus  minimes  espèces. 

Les  chenilles  des  Microlépidoptères  sont,  à  très  peu  d'exceptions  près, 
munies  des  seize  pattes  normales.  Comme  elles  vivent  généralement 
cachées,  elles  sont  habillées  de  couleurs  unies,  peu  brillantes,  brunes, 
jaunâtres,  verdâtres,  grises  ou  terreuses.  Leur  existence,  comparée  à 
celle  des  chenilles  qui  vivent  à  découvert,  n'est,  d'un  bout  à  l'autre, 
qu'un  long  et  pénible  labeur.  Malgré  leurs  abris  qui  les  rendent  invi- 
sibles et  l'exiguïté  de  leurs  dimensions,  elles  sont  parfaitement  la  proie 
des  Hyménoptères  Ichneumonien?  de  petite  taille,  des  Draconiens,  des 
Chalcidiens  et  des  Proctotrupiens,  qui  savent,  à  force  d'investigations, 
les  découvrir  dans  leurs  retraites  et  leur  inoculer  une  ponte  meurtrière 
à  l'aide  de  leur  redoutable  oviscapte.  Il  y  a  de  ces  chenilles  qui  ont 
l'instinct  de  se  fabriquer  des  abris  ou  des  fourreaux  tellement  sem- 
blables à  différentes  parties  des  corps  sur  lesquels  elles  vivent,  qu'elles 
peuvent  y  séjourner  en  toute  sécurité  à  l'égard  de  l'homme,  qui  ne  les 
aperçoit  pas.  D'autres  sont  pourvues  d'organes  spéciaux  qui  leur  per- 
mettent de  passer  toute  leur  vie  larvaire  dans  l'eau,  comme  de  véri- 
tables poissons.  Presque  toutes  étant  destinées. à  vivre  cachées,  elles 
ont  reçu  de  la  nature,  à  un  degré  plus  ou  moins  développe,  l'Iiabileté 
nécessaire  pour  se  construire  une  demeure.  Les  matériaux  de  cette 
industrie  si  variée  dans  ses  applications  sont  les  mousses,  les  lichens, 
les  écorces,  les  lambeaux  de  cellulose  provenant  de  l'épiderme  des 
feuilles,  divers  débris  végétaux  ou  animaux,  les  feuilîes  pliées,  roulées 
en  cylindres  ou  en  cônes,  ou  réunies  en  paquets  par  des  fils  de  soie, 
les  résines,  la  cire,  les  étoffes  d'origine  animale,  etc.  11  est  de  ces  che- 
nilles, dites  mineuses  de  feuilles,  si  petites  et  si  délicates,  qu'elles  pas- 
sent toute  leur  vie  sous  cet  état  entre  les  deux  épidermes  d'une  feuille, 
soit  dans  des  galeries  plus  ou  moins  sinueuses,  soit  dans  des  mines  en 
larges  plaques  diffuses,  trachant  par  leur  couleur  jaunâtre  ou  brune 
avec  le  vert  habituel  des  feuilles.  Suivant  la  loi  ordinaire  des  très  petites 
espèces,  certains  Microlépidoptères  sont  d'une  excessive  fécondité; 
l'existence,  ou  au  moins  le  bien-être  de  populations  entières,  a  été  par- 
fois compromis  par  l'étendue  des  ravages  des  espèces  nommées  vulgai- 
rement Teigne  des  grains  ou  Alucite,  Pyrale  de  la  vigne,  Teigne  de  la 
grappe,  etc.  Les  Yponomeutes  et  les  Carpocapses  nuisent  de  la  manière 
la  plus  grave  à  la  récolte  de  fruits  précieux  pour  l'homme.  Tous  lés 


pyRAI.ILNS.  649 

pays  de  la  terre  nourrissent  un  (rès  grand  nombre  de  Microlépido- 
ptères. Comme  ils  tonl  beaucoup  moins  connus  spécifiquement  que 
les  Macrolépidoplires,  un  puissant  stimulant  pour  l'étude  des  petites 
espèces  du  dernier  groupe,  c'est  que  les  amateurs  peuvent  encore 
espérer  de  fréquentes  découvertes,  même  en  France,  dans  les  environs 
des  grandes  villes. 

Les  Microlépidoptéres  comprennent  nos  cinq  dernières  tribus  de  Lé- 
pidoptères :  Pyraliens,  Tortriciens,  Tinéiniens ,  Ptérophoriens ,  Alii- 
citiens. 


Tribu  des  PYRAMEMS. 


Le  nom  de  cette  tribu,  tiré  du  grand  genre  Ptjralis  de  Linnœus,  n'a 
aucune  signification  précise,  indiquant  seulement  que  les  insectes 
adultes  qui  en  font  partie  aiment  à  voler  autour  des  lumières,  habitude 
qui  se  montre  aussi  fréquemment,  non  seulement  chez  des  Microlépi- 
doptères d'autres  tribus,  mais  chez  des  Noctuéliens  et  des  Phaléniens, 
chez  les  nombreuses  espèces  en  un  mot  qui  se  capturent  aisément  à  la 
lanterne  ou  au  réflecteur.  Une  fâcheuse  confusion  a  été  amenée  par 
Fabricius,  qui  a  transporté  ce  nom  de  Pyraliens  aux  Tordeuses  ou  Tor- 
trix  de  Linnœus;  de  là  beaucoup  de  noms  vulgaires  mal  donnés, 
comme  celui  de  la  célèbre  Pyrale  de  la  vigne,  qui  n'appartient  pas  à 
nos  Pyraliens.  Les  difficultés  de  synonymie  sont  une  des  causes  qui 
détournent  de  l'élude  des  Microlépidoptères,  si  peu  aisée  en  elle-même. 
Les  Pyraliens  habitent  toutes  les  parties  du  monde  et  se  montrent  à 
toutes  les  époques  de  l'année,  notamment  quelques  espèces  des  mai- 
sons ;  on  ne  connaît  encore  qu'un  très  petit  nombre  de  leurs  chenilles. 
La  plus  grande  partie  de  leurs  espèces  vole  au  crépuscule  autour  des 
plantes  et  des  buissons,  se  portant  très  volontiers  aulour  des  lumières. 
Au  repos,  les  ailes  ne  sont  jamais  relevées  et  bien  rarement  roulées  au- 
tour du  corps  ;  tantôt  elles  sont  appliquées  à  plat,  sous  les  feuilles  ou  sur 
les  murs,  à  la  façon  des  Phaléniens,  mais  avec  l'abdomen  généralement 
redressé  entre  elles,  la  pointe  anale  relevée  {Agrotera,  Asopia);  parfois, 
au  contraire,  le  papillon  est  posé  sur  le  sol,  les  ailes  supérieures  croisées 
l'une  sur  l'autre  et  cacbant  les  inférieures,  parlant  d'un  vol  rapide, 
mais  de  courte  durée,  à  l'approche  du  passant;  chez  les  Botys  au  repos, 
les  ailes  sont  inclinées  en  triangle,  à  la  façon  des  Deltoïdes,  mais  moins 
complètement,  les  ailes  inférieures  un  peu  visibles  au-dessous  contre  la 
pointe  de  l'abdomen,  celui-ci  bien  dégagé  dans  sa  longueur,  au  moins  au' 
milieu.  Les  pattes  des  Pyraliens  au  repos  ont  aussi  une  position  spé- 
ciale; chez  les  Noctuéliens  et  Phaléniens,  à  l'exception  des  antérieures, 
les  pattes  demeurent  repliées  sous  le  ventre.  Les  pattes  des  Pyraliens, 
au  contraire,  qui  sont  longues  et  grêles,  lisses,  ou  squameuses,  ou 
soyeuses,  avec  des  éperons  habituellement  très  visibles,  restent  éten- 


650  LÉPIDOPTÈRES. 

dues,  lors  du  repos,  en  avant  et  en  arrière.  En  outre,  dans  le  type 
Botf/s  surtout,  les  fines  antennes  au  repos  sont  couchées  sur  le  dos  ou 
appliquées  en-dessous  des  ailes,  contre  le  thorax  et  l'abdomen;  à  l'ap- 
proche de  l'homme,  les  antennes  se  dégagent  de  leur  cachette,  les 
pattes  se  replient  contre  la  poitrine,  les  ailes  se  relèvent  vivement,  et 
l'insecte  s'envole  uniquement  pour  aller  chercher  à  peu  de  distance 
un  nouvel  abri.  Les  Hydrocampides  s'accrochent  aux  tiges  des  plantes 
aquatiques  et  s'y  laissent  bercer  par  le  vent,  jusqu'à  ce  qu'un  mouve- 
ment trop  violent  les  oblige  à  partir  pour  se  réfugier  plus  loin.  Les 
Pyraliens  du  type  des  Pijrausta  volent  en  plein  soleil,  avec  une  vivacité 
qui  rappelle  les  petites  iNoctuelles  des  genres  Heliothis  et  Anarta,  et 
aiment  les  lieux  herbus,  secs  et  chauds  ;  leurs  ailes  sont  agitées  avec 
tant  d'ardeur  qu'on  les  aperçoit  seulement  quand  l'insecle  se  pose  sur 
des  pierres  ou  sur  quelque  plante  basse  des  coteaux,  faisant  briller  au 
soleil  ou  des  bandes  fauves,  ou  des  tons  pourprés,  ou  bien  des  taches 
blanclies  tranchant  fortement  sur  un  fond  noir.  Les  Hercyna,  les  Ore- 
naia,  qui  ne  quittent  pas  le  sommet  des  hautes  montagnes,  scintillent 
sur  les  roches  dénudées  ou  sur  les  neiges,  les  Scoparia  s'accrochent 
dans  nos  bois  sur  les  troncs,  des  gros  chênes,  s'y  confondant  de  couleur 
avec  les  Lichens  qui  les  tapissent,  ne  s'envolant  d'ordinaire  que  lorsque 
la  main  les  touche  ou  qu'un  choc  violent,  comme  un  coup  de  mail- 
loche du  chasseur,  ébranle  leur  appui.  La  plus  grande  partie  des  Pyra- 
liens, et  principalement  la  nombreuse  famille  des  Botydes,  demeurent 
cachés  pendant  le  jour  dans  les  bois  ou  parmi  les  herbes.  Le  soir  seu- 
lement, les  fleurs  des  ronces,  les  orties,  les  fleurs  qui  bordent  les  fos- 
sés et  les  routes  les  attirent,  soit  pour  sucer  le  nectar,  soit  pour  dépo- 
ser leurs  œufs.  Après  quelques  heures  de  vie  active,  tous  ces  petits 
papillons  reviennent  au  repos. 

Les  Pyraliens  adultes  ont  des  antennes  généralement  longues,  minces, 
à  tige  déliée,  filiforme  ou  moniliforme,  sans  nodosités,  très  rarement 
à  lames  ciliées,  ayant  parfois  des  articles  élargis  en  avant  {Steniadœ), 
offrant  souvent  des  cils  courts,  que  dépassent  par  chaque  article  deux 
cils  plus  gros  et  plus  longs.  Les  stemmates  existent  le.  plus  souvent, 
manquant  toutefois  dans  certains  genres  de  Pyralides  propres  et  d'Hy- 
diocampides.  La  spiritrompe  se  rencontre  d'ordinaire,  souvent  robuste, 
toujours  couverte  à  sa  base  d'écaillés  imbriquées,  ayant  tendance  à  se 
redresser  et  à  tenir  les  palpes  écartés,  de  façon  à  être  visible  en  même 
temps  qu'eux.  Elle  manque  dans  certains  genres,  ainsi  les  Aglossa,  de 
Latreille.  Les  palpes  labiaux  sont,  le  plus  généralement,  avancés  en 
forme  de  bec  conique,  parfois  dépassant  la  tête  (Cledeobia),  le  troisième 
article  n'étant  jamais  coudé  sur  le  deuxième,  les  articles  au  reste  cachés 
sous  des  écailles  grossières;  plus  rarement,  les  palpes  sont  amincis, 
arqués  et  ascendants,  contournant  même  le  front;  toujours  ces  palpes 
labiaux  sontpareils  dans  les  deuv  sexes.  Un  caractère  important  est  fourni 
par  l'existence  fréquente  d'autres  palpes,  dits  supérieurs  par  les  anciens 


PYRALIENS.  651 

auteurs,  et  qui  sont  des  palpes  maxillaires,  toujours  nuls  ou  extrême- 
ment rudimentairos  dans  les  Macrolépidoptères,  mais  qui  apparaissent 
et  donnent  un  caractère  buccal  chez  les  Microlépidoplères,  caractère 
peu  important  du  reste,  car  les  genres  de  papillons  à  quatre  palpes  se 
trouvent,  dans  la  même  famille,  à  côté  de  genres  qui  n'ont  que  les  deux 
palpes  labiaux.  1-e  palpe  maxillaire  n'est,  le  plus  souvent,  qu'un  petit 
pinceau  peu  développé,  parfois  un  filou  une  aigrette  divergente;  quand 
les  palpes  labiaux  forment  le  bec,  les  palpes  maxillaires  sont  ordinaire- 
ment couchés  à  leur  base.  Le  plus  souvent,  leur  longueur  ne  dépasse 
pas  le  tiers  de  celle  des  labiaux,  mais  parfois  et  surtout  quand  ceux-ci 
sont  courts  et  divergents,  les  maxillaires  sont  aussi  longs  et  aussi 
visibles  qu'eux,  ainsi  dans  les  Hydrocampides. 

Le  corps  toujours  assez  grêle  des  Pyraliens  n'est  jamais  velu;  le 
thorax,  peu  bombé,  est  arrondi  et  recouvert  d'écaillés  grossières  et  lui- 
santes, avec  les  ptérygodes  ordinairement  peu  saillants,  l'abdomen 
presque  toujours  effilé,  très  conique,  luisant,  terminé  souvent  chez  les 
mâles  par  des  bouquets  de  poils  raides  au  dernier  segment,  jamais 
garni  de  bourre  dans  les  femelles,  où  il  finit  toujours  en  pointe  plus  ou 
•  moins  brusque.  Un  organe  spécial,  d'usage  inconnu,  une  lame  squa- 
meuse ou  valve,  que  Guenée  a  nommée  le  tablier^  s'observe  au-dessous 
du  premier  segment  de  l'abdomen,  contre  sa  jonction  avec  le  thorax, 
manquant  dans  beaucoup  de  genres,  mais  se  rencontrant  dans  les  deux 
sexes,  quand  il  existe.  Tantôt  le  tablier  est  une  lame  membraneuse, 
parallèle  aux  segments  abdominaux,  plus  ou  moins  incomplètement 
bilobée  en  arrière,  recouverte  d'écaillés  blanches  et  soyeuses;  tantôt,  au 
contraire,  c'est  une  lame  transparente,  dans  le  sens  de  l'axe  du  corps 
et  perpendiculaire  à  lui,  comme  le  gouvernail  à  un  navire,  avec  quel- 
ques poils  frisés  au  bout  {Odontia,  Hercyna,  etc.);  parfois  enfin  ce 
tablier  a  une  forme  intermédiaire,  celle  d'une  lame  allongée,  un  peu 
contournée,  dont  l'extrémité  est  garnie  d'écaillés  raides  et  hérissées  en 
aigrettes. 

Les  ailes  sont  entières,  luisantes,  souvent  irisées  ou  demi-transpa- 
rentes; leur  bord  terminal  n'est  presque  jamais  denté.  11  est  muni 
d'une  frange  squameuse,  luisante  comme  les  ailes,  bien  fournie,  mais 
n'ayant  jamais  l'exagération  qu'elle  acquiert  chez  beaucoup  de  Tiuéi- 
niens.  La  charpente  de  ces  ailes  est  à  la  fois  solide  et  légère.  Les  ailes 
supérieures,  en  triangle  allongé,  ne  sont  ni  plissées,ni  roulées,  ni  rele- 
vées, les  ailes  inférieures  toujours  moins  développées  que  les  supé- 
rieures, se  plient  parfois  un  peu  dans  le  voisinage  du  bord  abdominal. 
Elles  participent  fréquemment  aux  dessins  et  à  la  couleur  des  supé- 
rieures, les  couleurs  jaune,  blanche,  grise  ou  brune  étant  les  plus  ha- 
bituelles. Les  ailes  supérieures  sont  traversées  par  deux  lignes  mé- 
dianes à  peu  près  constantes,  l'extrabasilaire  simplement  arquée,  la 
coudée  plus  ou  moins  sinueuse,  la  ligne  subterminale,  si  importante 
chez  les  Deltoïdes,  étant  ici  presque  absolument  nulle.  Les  caractères 


652  LÉ  PI  DO  PTÈ  a  ES. 

généraux  de  la  nervulation  des  Pyraliens  sont  les  suivants  :  il  n'y  a 
jamais  d'aréole;  aux  ailes  supérieures,  la  nervure  composée  antérieure 
a  six  rameaux  et  la  composée  postérieure  est  quadrifide;  aux  ailes  infé- 
rieures la  costale  ou  nervure  simple  antérieure  est  presque  toujours 
bifide,  cette  nervure  simple  antérieure  se  croisant  avec  la  disco-cellu- 
lairc. 

Les  taches  alaires  typiques  des  Noctuéliens,  bien  diminuées  chez  les 
Phaléniens,  existent  presque  constamment  dans  les  Pyraliens,  mais 
réduites  bien  souvent  à  des  points  ou  à  des  traits,  surtout  l'orbiculaire. 
Les  pattes  des  Pyraliens  ont  des  éperons  qui  sont  habituellement  très 
visibles,  l'insecte  étendant  toujours  ses  longues  pattes  en  avant  et  en 
arrière,  de  sorte  qu'elles  frappent  tout  d'abord  la  vue,  ainsi  que  leurs 
appendices;  les  antérieures  ont  la  hanche  et  la  cuisse  longues,  presque 
égales,  la  jambe  plus  de  moitié  plus  courte,  le  tarse  très  long;  les  deux 
autres  paires  sont  très  longues,  soyeuses,  étendues  en  arrière  et  dépas- 
sant toujours  l'abdomen.  Tous  les  tarses  en  général  sont  très  longs  et 
elfilés,  surtout  leur  premier  article,  pas  ou  très  rarement  munis 
d"épines;  assez  souvent  on  trouve  la  disposition  de  la  jambe  intermé- 
diaire en  une  sorte  de  gaine  ou  d'étui  qui  contient  des  pinceaux  de 
poils  susceptibles  de  s'épanouir. 

Les  chenilles  connues  des  Pyraliens  sont  à  seize  pattes,  épaisses, 
courtes,  à  anneaux,  renflées,  atténuées  aux  deux  bouts,  à  tête  petite  et 
luisante,  moins  large  que  les  anneaux,  avec  des  écussons  cornés  plus 
ou  moins  marqués  sur  le  thorax,  celui  du  prothorax  toujours  distinct. 
La  peau  est  lisse,  rase,  luisante  et  plissée  sur  les  côtés,  portant  les 
points  trapézoïdaux  verruqueux  et  luisants,  tantôt  noirs,  tantôt  de  la 
couleur  du  reste  de  la  peau,  surmontés  chacun  d'un  poil  raido  et  court. 
Les  pattes  ventrales  et  anales  sont  toujours  assez  courtes,  et,  le  plus 
souvent,  très  grêles.  Leurs  mœurs  sont  variées.  La  piupart  vivent 
cachées  entre  les  feuilles,  qu'elles  roulent  en  cylindre  ou  en  cornet 
conique,  avec  la  même  manœuvre  que  la  grande  majorité  des  'l'orlri- 
ciens  et  un  certain  nombre  de  Tinéiniens.  Il  est  de  ces  chenilles  qui 
passent  leur  existence  entre  les  mousses,  d'autres  endophytes  à  l'inté- 
rieur des  tiges  de  divers  végétaux,  d'autres  dans  des  matières  animales 
ou  dans  des  fruits  secs,  dans  des  produits  animaux  ou  végétaux  manu- 
facturés et  dans  leurs  débris.  Quelques-unes  se  filent  de  longues  gale- 
ries de  soie  au  pied  des  plantes,  sous  les  mousses,  sous  les  lichens  des 
écorces.  Eu  lin,  dans  les  Hydrocampides,  les  chenilles  ont  un  genre  de 
vie  peu  fiéquent  chez  les  larves  des  Lépidoptères  ;  elles  restent  sub- 
mergées toujours  dans  l'eau,  le  plus  souvent  respirant  néanmoins  l'air 
en  nature,  parfois  pourvues  d'appareils  branchiaux,  absorbant  l'oxy- 
gène de  l'air  dissous  dans  l'eau  (Paraponyx  slratiotalus,  Linn.). 

C'est  en  général  dans  le  dernier  abri  qu'elles  ont  construit  que  les 
chenilles  des  Pyraliens  se  changent  en  chrysalide,  après  avoir  filé  un 
léger  cocon,  parfois  à  deux  enveloppes  soyeuses.  11  en  est  qui  descen- 


i'Yralii:ns.  653 

dent  jusqu'au  sol  et  consolident  leur  coque  avec  des  grains  de  terre; 
mais  jamais  elles  ne  s'enfoncent  dans  la  terre  comme  les  chenilles  de 
beaucoup  de  Noctuéliens.  Les  chrysalides  sont  de  forme  conoïde, 
mutiques,  rases,  à  peau  fine,  à  anneaux  abdominaux  libres. 

On  consultera  en  ouvrages  français  relatifs  aux  Pyraliens  :  A.  Guenée, 
Hisloire  natur.  des  Lépidoptères,  Deltoïdes  et  Pijralites.  l^aris,  Roret, 
185Zi.  —  E.  Berce,  Faune  entom.  franc.,  Lépidoptères,  Deltoïdes,  Pyra- 
lites.  Paris,  E.  Deyrolle,  1878. 

Un  premier  groupe  de  Pyraliens  bien  caractérisé  est  celui  des  Pyra- 
lides  de  Guenée.  Les  antennes  des  papillons  sont  simplement  pubes- 
centes,  ou  du  moins  sans  peclination  visible  à  l'œil  nu.  Les  stemmates 
manquent  ordinairement;  toutefois  il  en  existe  deux  dans  le  genre 
Stemmatophora,  Guenée,  dont  nous  possédons  deux  espèces  dans  les 
Alpes-Maritimes,  les  Pyrénées-Orienlales  et  la  Corse.  La  spiritrompe  est 
très  variable,  grande  dans  les  Stemmatophora,  bien  distincte  chez  les 
Pyralis,  Linn:,  nulle  dans  les  Aglossa,  Latr.,  genre  créé  d'après  ce  carac- 
tère. Les  pulpes  labiaux  sont  droits  et  peu  saillants,  les  palpes  maxil- 
laires à  peine  visibles.  Les  ailes  sont  entières,  luisantes,  épaisses,  gros- 
sièrement squameuses,  avec  les  franges  longues  et  bien  fournies,  les 
inférieures  avec  la  sous-costale  bifide,  presque  contiguë  à  la  costale; 
les  pattes  sont  épaisses,  avec  les  jambes  un  peu  velues.  Les  deux  sexes 
sont  pareils  et  se  rencontrent  assez  fréquemment  dans  les  maisons,  à 
cause  des  mœurs  des  chenilles.  Celles-ci  sont  vermiformes,  très  Jui- 
santes,  à  plaques  cornées  bien  distinctes,  plissées  surtout  latéralement. 
Elles  vivent  soit  de  matières  animales,  soit  de  matières  végétales  sèches 
et  azotées  (son,  paille,  etc.).  Ce  genre  de  nutrition  tend  à  rendre  les 
espèces  cosmopolites. 

Le  genre  Pyralis,  Linn.,  syn.  :  Asopia,  Treitschke,  Herrich-Schaiffer, 
offre  le  corps  luisant  et  squameux,  les  antennes  pubescentes  dans  les 
deux  sexes,  la  spiritrompe  bien  distincte,  les  palpes  labiaux  de  trois 
articles  nettement  visibles,  les  ailes  entières,  arrondies,  luisantes,  cà 
franges  longues,  ayant  aux  deux  paires  un  dessin  analogue,  constitué 
par  deux  lignes  médianes  écartées,  plus  ou  moins  parallèles.  Les  che- 
nilles, encore  peu  connues,  paraissent  vivre  de  débris  végétaux  produits 
par  l'industrie  humaine.  L'espèce  type  et  la  plus  commune  des  Pyralides 
est  /*.  Farinalis,  Linn.;  the  M  cal  Math,  ainsi  appelée  parce  que  les  anciens 
auteurs  auraient  trouvé  la  chenille  dans  la  farine  et  dans  la  poudre  à 
cheveux,  faits  qui  n'ont  du  reste  rien  d'invraisemblable.  On  trouve  fré- 
quemment ce  papillon  dans  les  appartements,  surtout  les  corridors,  les 
sous-sols,  les  cuisines,  c'est-à-dire  les  parties  médiocrement  balayées,  les 
cocons  des  chenilles  se  trouvant  probablement  dans  les  angles  obscurs, 
entre  les  interstices  des  planchers  et  des  pavés.  Geoffroy  l'appelle /a  Pha- 
lène à  ventre  relevé,  parce  que,  posée  contre  les  murailles  ou  les  plafonds, 
les  ailes  à  demi  étendues  et  inclinées  contre  le  plan  de  position  qu'elles 
touchent  par  leurs  bords,  elle  tient  les  derniers  anneaux  de  l'abdomen 


65i  LÉPIDOPTÈRES. 

redressés  bien  au-dessus  de  leur  niveau.  Ce  papillon,  de  22  à  25  mil- 
limètres d'envergure,  a  les  deux  sexes  pareils,  la  femelle  ordinaire- 
ment plus  grande.  Les  couleurs  sont  assez  vives,  les  antennes  et  les 
pattes  d'un  jaune  fauve,  la  tête  et  le  corps  d'un  brun  jaunâtre,  avec 
des  taches  latérales  brunes  sur  les  deux  premiers  anneaux  de  l'ab- 
domen. Les  ailes  supérieures  offrent  un  espace  médian  d'un  jaune 
testacé,  les  espaces  basilaire  et  terminal  d'un  brun  rougeàtre,  limités 
par  deux  lignes  transversales  blanches,  écartées,  la  première  arquée,  la 
seconde  large  à  la  côte,  puis  recourbée  en  lunule,  puis  fine  et  très 
sinuée;  un  point  cellulaire  à  peine  marqué;  ailes  inférieures  d'un 
blanc  grisâtre,  avec  marques  noirâtres,  traversées  par  deux  lignes  d'un 
blanc  rosé,  très  sinueuses,  terminées  par  une  bordure  de  petites  taches 
noires.  La  chenille  est  d'un  jaune  pâle,  plus  ou  moins  lavé  aux  deux 
extrémités  de  gris  foncé,  la  tête  d'un  rouge  brun,  la  plaque  du  pro- 
thorax et  le  clapet  anal  de  couleur  d'ambre.  Cette  chenille  est  plissée, 
avec  la  sligmatale  saillante,  entourant  fortement  les  stigmates  bruns. 
Elle  vit  de  diverses  matières  végétales  sèches,  hiverne  dans  la  paille 
des  granges  (Jourdheuille),  creuse  de  longues  galeries  au  fond  des 
caisses  de  son  (Goossens).  Llle  se  chrysalide  en  mai  et  le  papillon  paraît 
en  juin,  juillet,  août;  de  toute  l'Europe  et  d'Algérie  et  de  l'Amé- 
rique du  .Nord.  Guenée  l'a  reçu  aussi  du  Brésil  et  de  Taïti.  Une  très 
jolie  espèce,  un  peu  plus  petite  que  la  précédente  de  France,  d'Angle- 
terre, de  Hongrie,  d'Autriche  et  d'Algérie,  trouvée  dans  les  brous- 
sailles, près  d'Oran  (H.  Lucas),  en  novembre,  pareille  aux  sujets  d'Eu- 
rope, est  P.  Costalis,  Fabr.,  syn.  :  Fimbrialis,  eut.  de  V.,  the  Guld  Fringe, 
ayant  la  tête  et  le  corps  d'un  pourpre  violet,  avec  les  antennes,  les 
pattes  et  le  bout  de  l'abdomen  jaunes,  les  quatre  ailes  en  dessus  d'un 
pourpre  carminé,  quelquefois  un  peu  violet,  avec  la  frange  jaune  et  les 
deux  lignes  transversales  jaunes;  juillet,  août,  septembre,  commune 
dans  les  greniers  à  fourrages  (Goossens),  la  chenille  vivant  probablement 
de  plantes  sèches.  Citons  encore  P.  Glaucinalis,  Linn.,  tlie  Double-Stri- 
j:ed,  le  papillon  en  mai  et  juin,  puis  en  août  et  septembre,  dans  les  bois 
et  les  jardins,  au  voisinage  des  habitations,  la  chenille  en  avril  et  mai, 
vivant  dans  les  feuilles  pourries.  Un  certain  nombre  de  Pyralis  volent 
le  soir  sur  les  fleurs  ou  parmi  les  herbes,  à  la  manière  habituelle  des 
Pyraliens;  il  ne  s'ensuit  pas  que  les  chenilles  ne  fréquentent  pas  nos 
habitations,  car  dans  les  Anthrènes,  Coléoptères  Dermestiens,  dont  les 
larves  dévorent  dans  les  maisons  les  matières  animales  sèches  et  les 
collections  d'insectes,  les  adultes  fréquentent  les  fleurs,  non  seule- 
ment des  jardins,  mais  même  des  lieux  éloignés  de  nos  demeures. 

Dans  le  genre  Aglossa,  Lalr.,  la  spiritrompe  est  nulle,  les  palpes 
labiaux  droits  et  dépassant  la  tête,  les  stemmates  absents,  les  palpes 
maxillaires  réduits  à  un  mince  pinceau  de  poils,  les  antennes  des  mâles 
garnies  de  cils  Torts,  l'abdomen  terminé  dans  les  mâles  par  une  brosse 
anale,  chez  les  femelles  par  un  oviscapte  protractile,  les  ailes  entières, 


AGLOSSA.  655 

arrondies,  épaisses,  luisantes  et  squameuses,  à  longues  franges,  les 
pattes  longues  et  robustes,  à  jambes  épaisses,  avec  les  cuisses  anté- 
rieures élargies  et  squameuses.  Les  chenilles  sont  lisses  et  d'aspect  corné, 
luisantes  et  allongées,  ayant  les  côtés  plissés.  Elles  vivent  de  substances 
animales  ou  végétales  retirées  des  êtres  vivants,  principalement  de 
matières  grasses,  et  les  chrysalides  sont  renfermées  dans  de  légers 
cocons  de  soie.  La  principale  espèce  de  ce  genre,  VA.  Pinguinalis,  Linn., 
the  Tabby,  varie  notablement  par  la  coloration  plus  ou  moins  foncée  et 
la  taille,  allant  de  25  millimètres  d'envergure  dans  le  mâle  à  hO  chez 
certaines  femelles.  La  tète  et  le  thorax  sont  d'un  gris  jaunâtre  luisant, 
l'abdomen  d'un  gris  uni,  les  antennes  et  les  pattes  grises.  Les  ailes 
supérieures  sont  d'un  gris  jaunâtre  luisant  finement  saupoudré  d'atomes 
noirs,  traversées  par  deux  lignes  jaunâtres  très  ondulées,  plus  ou  moins 
bordées  de  noir  de  chaque  côté,  avec  un  point  noir  dans  l'espace  mé- 
dian; les  ailes  inférieures  sont  plus  claires,  les  lignes  à  peine  indiquées; 
des  traits  terminaux  noirâtres  précèdent  les  franges  des  quatre  ailes.  La 
chenille,  allongée  et  à  seize  pattes,  d'aspect  corné,  rase  et  luisante,  est 
d'un  brun  noirâtre,  avec  la  tête  et  l'écusson  prothoracique  d'un  brun 
rougeâtre.  La  chrysalide  est  d'un  brun  noirâtre.  La  chenille  vit  au  mi- 
lieu des  corps  gras  et  de  divers  débris  animaux,  ainsi  la  fiente  sèche 
des  Pigeons  (Berce)  ;  de  très  forts  plis  latéraux  abritant  les  stigmates, 
car  d'ordinaire  les  matières  grasses  asphyxient  les  insectes;  se  trouve, 
en  mars,  avril,  mai,  dans  les  cuisines  et  lieux  obscurs  et  malpropres 
des  habitations.  Elle  est  citée  par  les  anciens  auteurs  comme  trouvée 
dans  les  déjections  humaines  et  ayant  produit  de  graves  désordres  dans 
le  tube  digestif.  Les  accidents  étaient  certainement  dus  aux  matières 
alimentaires  altérées  qui  la  contenaient  accidentellement,  car  la  priva- 
tion d'air  et  l'action  du  suc  gastrique  ne  peuvent  laisser  vivre  une  che- 
nille. Le  papillon  est  de  toute  l'Europe,  de  la  fin  de  juin  à  la  fin  d'août, 
appliqué  sur  les  murs  et  les  plafonds,  dans  les  lieux  où  vit  la  chenille, 
comme  les  cuisines,  buanderies,  corridors,  etc.  La  femelle,  ainsi  que 
celle  des  autres  Aglosses  à  mœurs  analogues,  pond  avec  son  viscapte 
dans  les  matières  molles  et  dans  les  plus  étroites  fissures.  Une  seconde 
espèce  un  peu  moins  commune,  des  mêmes  lieux  et  des  mêmes  épo- 
ques que  la  précédente,  est  l'A.  Cuprealis,  Hubner,  the  Sinall  Tabby,  de 
taille  un  peu  moindre  que  Pinguinalis,  les  ailes  supérieures  plus  étroites 
et  plus  allongées.  Le  fond  de  ces  ailes,  ainsi  que  la  tête,  les  antennes,  le 
thorax  et  les  pattes,  sont  d'un  brun  rougeâtre  luisant  et  cuivreux,  les 
ailes  étant  en  outre  marbrées  de  taches  d'un  brun  noirâtre,  surtout  à  la 
base  et  à  la  côte;  deux  lignes  très  écartées,  en  zigzag,  d'un  rougeâtre 
clair,  les  traversent,  et,  entre  elles,  est  une  tache  d'un  rouge  pâle  portant 
un  point  noir,  une  série  de  points  d'un  rouge  pâle  le  long  de  la  côte; 
ailes  inférieures,  dessous  des  quatre  ailes  et  abdomen  d'un  rougeâtre 
pâle  et  luisant.  Elle  a  été  trouvée  en  juillet,  près  d'Alger  (H.  Lucas), 
pareille  au  type  d'Europe.  La  chenille  étudiée  par  M.  Goossens  a  de 


656  LÉPIUOPTfcRLS. 

25  à  30  niillimùlros,  sans  raies  au  corps,  le  fond  d'un  noir  luisant,  la 
tôte,  la  ijlaque  prothoracique  et  le  clapet  anal,  d'un  brun  rouge;  à 
droite  et  à  gauche  de  la  plaque  du  cou  est  une  petite  verrue  blonde, 
luii^ante,  transparente,  et,  sur  le  mésothorax,  de  cliaque  côté,  trois  ver- 
rues semblables,  visibles  seulement  à  la  loupe;  les  seize  pattes  sont 
blondes,  les  membraneuses  réduites  à  de  simples  boutons,  ce  qui  fait 
que  la  chenille  ressemble  à  une  larve  de  Coléoptère.  La  peau  forme 
sur  les  flancs,  le  long  des  stigmates,  un  bourrelet  saillant  et  très  plissé, 
dans  les  anfractuosités  duquel  les  stigmates  sont  en  partie  cachés.  Cette 
chenille  a  été  trouvée  par  M.  Goossens  dans  le  son  et  s'en  est  nourrie 
pendant  huit  mois,  passant  la  vie  dans  une  galerie  soyeuse,  revêtue  de 
son  e.\térieurement,'au  bout  de  laquelle  elle  se  fabrique  une  coque 
ovale  et  soyeuse,  dans  laquelle  elle  devient  chrysalide.  Comme  on  ren- 
contre souvent  le  papillon  dans  des  endroits  où  il  n'y  a  jamais  eu  de 
son,  cette  substance  n'est  certainement  pas  la  seule  nourriture  de  la 
chenille,  l^lle  a  été  trouvée  sous  des  écorces  de  bois  mort,  et  elle  est 
commune  dans  les  détritus  des  greniers  à  foin  (Maurice  Sand). 

Les  Ennychides  (Duponchel),  qu'Herrich-Schœffer  laisse  dans  la 
grande  famille  des  Botydeg,  forment  une  famille  très  naturelle  renfer- 
mant des  papillons  de  très  petite  taille,  mais  de  couleurs  agréablement 
nuancées  et  remarquables  par  leur  extrême  vivacité,  volant  pour  la 
plupart  en  plein' soleil,  si  rapidement  qu'on  a  peine  à  les  capturer.  Ils 
ne  renferment  qu'un  petit  nombre  d'espèces  exotiques.  Les  Pyrausta 
ont  le  fond  de  la  couleur  d'un  brun  pourpré  ou  carminé,  varié  de  taches 
et  de  bandes  jaunes  ou  orangées,  les  Eerbula  sont  grises  et  les  Ennychia 
noires.  Les  antennes  sont  minces,  iiliformes,  sans  ciliation  ou  simple 
ment  pubesccnles  chez  les  mâles,  la  spiritrompe  longue  et  robuste, 
couverte  d'écaillés  à  sa  base,  les  palpes  labiaux  droits  et  squameux, 
disposés  en  bec  et  connivents  à  l'extrémité,  les  palpes  maxillaires  petits 
et  formant  un  léger  pinceau  relevé.  Le  corps  est  grêle  avec  le  corselet 
ovoïde,  l'abdomen  des  mâles  toujours  conique,  effilé  et  terminé  en 
pointe,  le  tablier  est  constant,  hérissé  sur  les  bords.  Les  ailes  sont  lisses, 
soyeuses,  entières,  les  supérieures  toujours  prolongées  au  sommet,  avec 
les  lignes  médianes  peu  distinctes,  les  ailes  inférieures  participant  aux 
couleurs  et  dessins  des  supérieures;  les  pattes  sont  longues,  grêles  et 
toujours  glabres.  Les  chenilles  sont  courtes,  épaisses,  très  atténuées  aux 
extrémités,  à  tête  petite,  à  écussons  cornés  très  distincts,  avec  des  trapé- 
zoïdaux tuberculeux  et  de  couleurs  tranchées,  chacun  surmonté  d'un 
poil  raide.  Elles  vivent  renfermées  entre  les  feuilles  de  plantes  basses 
qu'elles  lient  ensemble  avec  de  la  soie  et  les  chrysalides  se  forment 
dans  le  même  tissu. 

Le  genre  Pyrausta,  Schranck  comprend  de  jolis  insectes  très  vifs,  vo- 
lant à  la  plus  grande  ardeur  du  soleil  parmi  les  herbes  des  bois  et  des 
coteaux.  Les  ailes  supérieures  sont  variées  de  points  et  de  taches  jaunes 
ou  orangées,  sur  un  fond  purpurin  ou  ferrugineux,  dont  le  fond  noir 


PYRALIENS.  657 

des  ailes  inférieures  fait  ressortir  l'éclat  et  l'aspect  de  laque.  Ces  ailes 
sont  agitées  si  rapidement  qu'elles  échappent  à  la  vue  et  qu'on  n'aper- 
çoit pas  leurs  riches  couleurs  tant  que  le  papillon  n'est  pas  au  repos; 
malheureusement  pour  les  collectionneurs  la  vitesse  du  vol  fait  dispa- 
raître bientôt  ces  belles  écailles  et  le  papillon  décoloré  passe  au  gris 
sale  ou  noirâtre.  Les  espèces  ont  deux  générations,  la  première  en  mai 
et  au  commencement  de  juin,  la  seconde  de  la  fin  de  juillet  à  la  fin 
d'août  et  même  en  septembre.  Les  chenilles  vivent  sur  des  Labiées  à 
feuilles  odorantes,  les  Menthes,  les  Origans,  renfermées  dans  un  léger 
réseau  entre  les  feuilles  de  l'extrémité  de  la  plante,  les  chrysalides  dans 
un  lissu  plus  serré.  Le  type,  très  commun  partout,  surtout  dans  les  prai- 
ries, abondant  à  Champigny,  à  Lardy,  à  Fontainebleau,  dans  la  Beauce, 
etc.,  est  P.  Purpwalis,  Linn.,  la  Pourprée,  Devillers,  the  Crimson  and 
Gold,  de  15  à  18  millimètres  d'envergure,  le  fond  des  ailes  supérieures 
d'un  rouge  pourpre  ou  d'un  brun  pourpre,  comme  la  tète  et  le  tliora.x, 
avec  trois  petites  taches  orangées  vers  la   base,  puis  une  bande  de 
grandes  taches  de  même  couleur,  les  ailes  inférieures  noires,  avec  une 
bande  arquée  jaune,  une  tache  sur  le  disque  et  deux  traits  longeant  le 
bord  abdominal  également  jaunes  ;  en  outre,  aux  quatre  ailes,  avant  la 
frange  brune,  une  série  de  petits  points  jaunes  pouvant  manquer;  des- 
sous des  quatre  ailes  pourpre  sur  le  bord,  noir  au  milieu,  avec  répétition 
des  taches  du  dessus;  abdomen  avec  des  zones  jaunes.  Chenille  en  juin 
et  juillet,  puis  en  automne,  sur  diverses  Menthes  et  sur  l'Origan  vul- 
gaire; elle  est  d'un  gris  obscur,  avec  la  tète  et  le  prothorax  d'un  brun 
jaunâtre  et  trois  lignes  noires  sur  cet  anneau,  les  lignes  vasculaires  et 
stigmatales  jaunes  et  le  corps  orné  de  taches  noires,  régulières,  cerclées 
de  blanc. 

Dans  le  genre  Herbula,  Guenée  figurent  des  espèces  qui  volent  en  plein 
jour,  mais  tout  différemment  des  Pyrausta,  fréquentant  les  lieux  her- 
bus, et  se  posant  fréquemment  à  terre.  Elles  sont  propres  aux  régions 
chaudes  et  tempérées  de  l'Europe  et  de  l'Amérique  septentrionale.  Les 
couleurs  varient  beaucoup,  suivant  la  saison,  la  latitude  et  l'altitude. 
Les  mâles  ont  les  antennes  filiformes  ou  pubescentes.  11  y  a  une  spiri- 
trompe  au-dessous  des  palpes  labiaux  hérissés  et  dont  elle  n'écarte  pas 
l'extrémité.  L'abdomen,  légèrement  zone,  porte  un  tablier  petit,  allongé, 
peu  saillant  et  un  peu  bifide  ;  cet  abdomen  est  grêle  et  terminé  en  pin- 
ceau obtus  chez  les  mâles,  gros,  aigu,  mais  terminé  par  un  oviscapte 
saillant  chez  les  femelles.  Les  ailes,  assez  épaisses  et  comme  pulvéru- 
lentes, sont  marquées  de  points  terminaux,  les  supérieures  grises,  avec 
des  dessins  ou  des  éclaircies  ocracés,  les  inférieures  très  développées, 
avec  les  mêmes  dessins  que  les  supérieures,  môme  plus  vifs;  les  femelles 
diffèrent  des  mâles  et  ont  toujours  les  ailes  inférieures  à  dessins  plus 
vifs  et  plus  tranchés.  L'espèce  la  plus  commune,  volant  sur  les  terrains 
secs,  les  bruyères,  les  prairies,  est/i.  Cespitalis,  cat.  de  V.,  laPyrak  des 
buissons,  Devillers,  thc  Slraiv  Barred,  très  commune  dans  toute  l'Lu- 
GihAuu.  ni.  —  i2 


658  LÉPIDOPTÈRES. 

rope,  en  mai  et  juin,  puis  en  août  et  septembre,  en  mars  et  avril  dans 
le  Midi,  de  16  à  20  millimètres  d'envergure,  le  mCde  h  ailes  supérieures  d'un 
gris  roussàtre  ou  brunâtre  et  nébuleuses,  avec  deux  lignes  jaunâtres,  peu 
distinctes,  et  deux  petites  lâches  brunes  dans  la  cellule,  les  inférieures 
avec  une  bande  médiane  et  une  ligne  subterminale  claires  et  jaunâtres. 
Le  dessous  des  quatre  ailes  est  d'un  ton  plus  roux  que  le  dessus,  avec 
les  mêmes  dessins  mieux  marqués;  femelle  plus  petite,  ressemblant 
aux  papillons  du  genre   Pijransta,    ayant  les   ailes   supérieures   plus 
rousses  que  le  mille,  avec  les  deux  lignes  jaunâtres  très  distinctes,  fines, 
très  sinuées,  les  inférieures  noires,  avec  les  bandes  d'un  jaune  nankin; 
dessous  des  quatre  ailes  d'un  jaune  d'ocre,  avec  tous  les  dessins  noirs 
très  distincts,  les  points  terminaux  et  les  taches  cellulaires  nets  et  iso- 
lés. Dans  les  deux  sexes  la  tête  et  le  corps  sont  d'un  gris  brunâtre  et 
l'abdomen  avec  de  faibles  zones  d'un  jaune  pâle.  Chenille  vivant  sous 
les  pierres  (Goossens),  plate,  longue,  d'un  brun  violâtre,  avec  la  ligne 
vasculaire  large,  et  sur  chaque  segment  deux  gros  points  verruqueux 
surmontés  d'un  poil,  chacun  de  ces  points  accompagné  d'un  autre  petit  ; 
tête  et  écusson  prothoracique  de  couleur  d'ambre. 

Le  genre  Ennijchia,  Treitschke  présente  les  antennes  des  mâles  sans 
ciliation,  les  palpes  maxillaires  peu  distincts,  les  palpes  labiaux  bico- 
lores, à  écailles  hérissées  sur  tous  les  articles.  L'abdomen  a  un  tablier 
écailleux,  subbifide,  réfléchi  et  un  peu  contourné;  cet  abdomen  dépas- 
sant toujours  les  ailes  inférieures,  orné  de  zones  blanches,  effilé  et  ter- 
miné en  pointe  aiguë  chez  les  mâles,  presque  cylindrique  et  terminé  en 
pointe  coupée  carrément  dans  les  femelles.  Les  ailes  sont  soyeuses,  de 
mêmes  couleurs  et  dessins  aux  deux  paires,  ayant  le  fond  noir,  quelque- 
fois teinté  de  roux,  le  plus  souvent  marquées  de  bandes  ou  de  taches 
blanches  très  tranchées.  Les  £'nyjî/c/ua  sont  de  très  jolis  petits  papillons, 
ressemblant  aux  Pyrausta  et  volant  en  plein  soleil  dans  les  lieux  her- 
bus. L'espèce  la  plus  répandue,  de  toute  l'Europe,  en  mai,  puis  en 
juillet,  volant  au  soleil  dans  les  endroits  secs,  arides  et  chauds,  est 
E.  Cingulata,  Linn.,  la  Ceinture,  Devillers,  the  Silver-barred  Sable,  la 
Zone  blanche,  Fourcroy,  de  16  à  18  millimètres  d'envergure,  la  tête  garnie 
de  poils  roux,  le  corps  noir,  l'abdomen  zone  de  blanc  et  terminé  par  un 
faisceau  de  poils  blancs,  les  quatre  ailes  noires  et  luisantes,  portant  au 
milieu  une  bandelette  commune,  blanche,  étroite,  un  peu  sinuée  sur 
les  supérieures  et  arquée  sur  les  inférieures,  la  frange  noire  anté- 
rieurement et  blanche  postérieurement;  dessous  de  mêmes  couleurs 
et  dessins  que  le  dessus;  pattes  jaunâtres;  femelle  semblable,  mais  plus 
petite,  à  ailes  supérieures  plus  courtes.  La  chenille  de  VE.  Cingulata  est 
vive,  un  peu  atténuée  aux  deux  bouts,  longue  de  12  à  13  millimètres, 
de  couleur  jaunâtre  pâle,  semi-transparente,  teintée  de  verdâtre  sur 
la  région  dorsale,  avec  de  gros  points  trapézoïdaux  en  relief  d'un  noir 
luisant,  la  tête  et  le  prothorax  de  couleur  d'ambre,  très  pointillés  de 
brunâtre,  la  ligne  vasculaire  verte.  Celte  chenille  vit  en  juin,  puis  en 


PYRALIENS.  659 

août,  sous  les  feuilles  radicales  de  la  sauge  des  prés  {Salvia  pratensis), 
qu'elle  assemble  au  moyen  de  quelques  fils  de  soie,  se  cachant  souvent 
aussi  sous  les  feuilles  sèches.  Elle  devient  chrysalide  dans  un  léger  cocon 
ovale,  en  soie  blanchâtre.  Une  autre  espèce  très  jolie  et  caractérisée, 
moins  commune,  est  E.  Octomaculata^  Linn.,  the  White  Spot,  volant  de 
mai  en  juillet  dans  les  bruyères,  les  terrains  secs,  les  lieux  herbus,  etc., 
de  18  à  20  millimètres  d'envergure,  très  reconnaissable  par  la  tête  et  le 
corps  noirs,  avec  des  ptérygodes  jaunes  et  l'abdomen  zone  de  blanc,  les 
ailes  noires  et  luisantes  en  dessus  comme  en  dessous,  avec  deux 
taches  blanches  arrondies  sur  chacune,  la  frange  noire,  avec  un  peu  de 
blanc  aux  angles  interne  et  anal,  les  pattes  blanchâtres. 

Une  famille  fort  remarquable  par  les  mœurs  de  ses  chenilles  est  celle 
des  Hydrocampides,  qui  paraissent  habiter  toutes  les  contrées  du  globe 
et  offrir  encore  un  vaste  champ  à  des  explorations  biologiques  très  cu- 
rieuses et  variées,  d'après  les  diflerences  que  nous  offrent  les  espèces 
européennes  à  premiers  états  connus.  Les  adultes  sont  de  jolis  papillons, 
ordinairement  à  fond  blanc,  avec  des  lignes  fines  bien  tranchées  et  imi- 
tant des  broderies,  que  rehaussent  encore  de  petits  filets  d'un  jaune 
fauve  ou  doré,  sur  les  deux  paires  d'ailes.  Comme  ces  insectes  ne  volent 
pas  beaucoup,  on  rencontre  les  mâles  habituellement  dans  un  grand 
état  de  fraîcheur.  Les  femelles,  qui  sont  beaucoup  plus  rares,  sont,  au 
contraire,  plus  ou  moins  frottées  ou  décolorées,  ce  qui  tient  probable- 
ment à  des  particularités  de  la  copulation.  La  membrane  alaire,  dans 
cette  famille,  est  très  délicate,  mais  les  écailles,  sur  plusieurs  couches, 
sont  nombreuses  et  solidement  attachées.  Ces  insectes  habitent  exclu- 
sivement le  bord  des  ruisseaux  et  des  étangs,  s'accrochant  à  l'aide  de 
leurs  longues  pattes  aux  feuilles  des  joncs,  des  carex,  des  roseaux  et 
autres  plantes  qui  s'élèvent  au-dessus  de  la  surface  des  eaux.  La  moindre 
agitation  causée  à  ces  plantes,  môme  celle  produite  par  le  vent,  suffit 
pour  faire  envoler  ces  insectes,  mais  avec  une  certaine  nonchalance  et 
comme  portés  par  la  brise;  puis,  bien  vite  fatigués,  ils  se  mettent  au 
repos  sur  une  nouvelle  feuille.  Les  antennes  de  ces  papillons  sont  assez 
longues,  minces,  filiformes,  sans  aucune  ciliation  ni  nodosité,  la  tète 
généralement  petite,  le  front  aplati  et  étroit,  la  spiritrompe  courte  et 
souvent  rudimentaire,  les  palpes  labiaux,  squameux  et  non  hérissés,  à 
articles  distincts,  non  réunis  en  bec,  les  palpes  maxillaires  le  plus  sou- 
vent très  distincts  et  isolés.  Le  corps  est  grêle,  l'abdomen  dépassant 
toujours  les  ailes,  très  effilé  et  comme  linéaire  chez  les  mâles,  renflé 
puis  terminé  en  pointe  aiguë  chez  les  femelles,  muni  à  sa  base  d'un  ta- 
blier toujours  plus  ou  moins  hérissé  sur  ses  bords;  ailes  très  minces, 
lisses,  soyeuses,  non  transparentes,  à  dessins  et  couleur  du  fond  com- 
muns aux  deux  paires,  le  fond  généralement  blanc,  avec  des  lignes 
brunes  formant  souvent  des  taches  ou  réseaux  et  de  fines  bordures  lisé- 
rées;  pattes  longues,  soyeuses,  glabres,  munies  d'éperons  longs  et 
minces. 


660  LÉPIDOPTÈRES. 

Les  chenilles,  étudiées  en  grands  détails  parr  nos  vieux  entomologistes 
Réaumur,  De  Géer,  Lyonnet,  forment  le  titre  principal  des  Hydrocam- 
pides  à  la  curiosité  scientifique.  A  une  exception  près  (genre  Parapo?i?/a;) 
leur  conformation  est  celle  des  chenilles  des  autres  Pyraliens;  elles 
sont  lisses,  luisantes,  à  16  pattes  plus  ou  moins  parfaites,  à  trapézoïdaux 
tuberculeux  et  garnis  chacun  d'un  poil;  les  teintes  sont  uniformes, 
pâles,  verdâtres,  blanchâtres  ou  terreuses,  ce  qui  est  en  rapport  avec 
un  mode  de  vie  qui  les  soustrait  en  grande  partie  à  l'action  de  la  lu- 
mière. En  eifet,  ces  chenilles  vivent  dans  l'eau,  tantôt  contenues  dans 
des  coques  de  soie  et  de  feuilles  qu'elles  traînent  avec  elles  et  qui  ren- 
ferment de  l'air  emprisonné  pour  la  respiration  de  la  chenille,  tantôt 
directement  submergées,  mais  alors  pourvues  de  branchies,  en  outre 
des  stigmates,  par  un  fait  analogue  à  la  double  respiration  des  Batra- 
ciens pérennibranches.  Les  stigmates  de  toutes  les  chenilles  des  Hydro- 
campides  sont  toujours  entourés  d'un  bourrelet  épais,  qui  doit  les  ga- 
rantir contre  le  contact  accidentel  et  momentané  de  l'eau;  en  outre, 
comme  l'a  vu  Réaumur,  ces  organes  obstrués  par  de  l'huile  amènent 
l'asphyxie  de  la  chenille  beaucoup  plus  tard  que  pour  les  chenilles 
à  vie  aérienne.  Les  chrysalides  sont  molles,  de  couleurs  claires,  avec 
une  gaine  ventrale  plus  ou  moins  prolongée,  et  des  stigmates  portés  sur 
des  mamelons  saillants;  elles  se  forment  au  milieu  de  l'eau  où  les  che- 
nilles ont  vécu  et  sont  enveloppées  de  cocons  filés  avec  de  la  soie,  associée 
à  des  débris  de  feuilles  de  plantes  aquatiques. 

Disons  d'abord  quelques  mots  du  genre  le  plus  aberrant  de  la  famille, 
celui  des  Paraponyx,  Stephens  ou  Nymphula,  Hûbner,  dont  il  n'existe 
qu'une  seule  espèce  en  Europe,  P.  Stratiotatus,  Linn.,  la  Phalène  aqua- 
tique, De  Géer,  la  Phalène  Stratiote,  Walckenaër,  theRinged  China  Mark, 
de  20  à  22  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle,  à  antennes  très  monili- 
formes,  à  articles  écailleux,  à  stemmates  existant,  la  spiritrompe  étant 
rudimentaire,  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  brunâtre  très  clair  avec 
deux  éclaircies  blanches,  un  anneau  noir  dans  la  cellule  discoïdale, 
toujours  bien  marqué  chez  les  deux  sexes,  une  ligne  blanchâtre,  enfin 
deux  filets  bruns  et  une  ligne  blanchâtre  précédant  la  frange;  ailes 
inférieures  blanches  traversées  par  une  ligne  médiane  noire,  bisinuée, 
interrompue  au  milieu,  la  frange  précédée  de  deux  filets  bruns  ;  femelle 
notablement  plus  grande,  les  ailes  plus  oblongues,  les  supérieures  plus 
roussâtres,  plus  unies,  à  dessins  moins  marqués,  la  bande  des  infé- 
rieures plutôt  brune  que  noire.  Près  de  Douai  (Nord),  d'après  M.  A. 
Foucart,  se  trouve  enjuillet,  mais  rare,  une  aberration  femelle,  ayant 
les  ailes  supérieures  d'un  brun  noir,  avec  l'espace  terminal  moins 
foncé,  les  ailes  inférieures  plus  blanches  que  chez  le  type,  avec  la 
bande  noire  plus  large.  Cette  espèce  n'est  jamais  très  commune  et  se 
trouve  sur  les  bords  des  étangs  et  marais  de  la  France  boréale  et  cen- 
trale, très  rare  dans  le  Midi,  paraissant  manquer  en  Provence;  en  juin 
et  juillet  et  aussi  en  septembre  (11.  Delamain),  se  retirant  dans  les  haies  et 


PARAPONYX,   CATACLYSTA.  661 

broussailles,  les  femelles,  beaucoup  plus  rares  que  les  maies,  restant  gé- 
néralement appliquées  contre  le  tronc  des  arbres  qui  bordent  les  marais. 
La  chenille  de  cette  espèce  reste  complètement  submergée  dans  l'eau 
sans  fourreau  protecteur;  elle  a  la  tête  brune  en  dessus  et  les  stigmates 
noirs,  la  peau  demi-transparente,  d'un  vert  blanchritre,  avec  le  vaisseau 
dorsal  bien  visible  et  verdàtre.  Bien  que  réellement  rase  comme  les 
autres  chenilles  de  Pyraliens,  elle  semble,  au  premier  aspect,  couverte 
de  poils  de  diverses  longueurs.  On  reconnaît  à  la  loupe,  que  ce  sont  des 
filets  charnus  et  transparents,  réunis  par  trois  à  quatre  sur  un  mame- 
lon commun,  et  constituant,  outre  la  respiration  aérienne  directe  par 
les  stigmates,  un  véritable  appareil  branchial  absorbant  par  osmose 
l'oxygène  de  l'air  dissous  dans  l'eau.  L'asphyxie  de  cette  chenille  est 
fort  difficile  à  réaliser  et  De  Géer  a  vu  qu'elle  peut  survivre  à  huit  jours 
d'immersion  dans  l'huile.  C'est  en  mars  et  avril  qu'on  la  trouve  ron- 
geant les  feuilles  de  plantes  d'eau  douce  entièrement  submergées,  les 
Stratiotcs,  les  Ceratophyllum,  les  Callitriche.  La  nymphose  s'opère  égale- 
ment sous  l'eau,  parmi  les  feuilles  Immergées,  dans  un  cocon  allongé, 
composé  de  deux  robes  de  soie,  la  première  blanche,  la  seconde  grise. 
La  chrysalide  est  jaune  avec  les  yeux  noirs;  le  papillon,  quand  il  est 
éclos,  est  obligé  pour  accomplir  les  phases  de  son  existence,  de  traver- 
ser la  couche  d'eau  qui  le  sépare  de  l'atmosphère. 

CATACLVSTA,  Herr.  Sch.  —  Papillons  dépourvus  de  stemmates  et  à  spiri- 
trompe  courte,  à  palpes  labiaux  grêles,  arqués,  ascendants,  à  palpes  maxillaires 
plus  ou  moins  visibles,  à  articles  indistincts;  on  reconnaît  surtout  ce  genre  à  la 
bande  noire  qui  borde  les  ailes  inférieures,  marquée  ou  de  petits  points  blancs, 
ou,  chez  plusieurs  espèces  exotiques,  d'iris  ou  anneaux  formés  par  des  écailles 
de  l'argent  ou  de  l'or  le  plus  brillant,  acquérant  encore  de  l'éclat  par  le  jeu  de 
la  lumière,  les  faisant  chatoyer  en  violet  pareil  au  recuit  de  l'acier  ou  étinceler 
comme  des  pierres  précieuses.  Chenilles  allongées,  moniliformes,  à  tête  plus 
claire  que  le  corps  et  se  retirant  sous  le  premier  anneau,  avec  deux  écussons 
distincts,  ne  s'enveloppant  pas  d'une  sorte  de  silique  formée  de  deux  feuilles  ac- 
colées, mais  s'entouranl  d'un  fourreau  de  soie  cylindrique  revêtu  de  débris  végé- 
taux et  caché  sous  les  feuilles  des  Lemnacées,  fourreau  dans  lequel  elles  de- 
viennent des  chrysalides  ovoïdes,  à  gaine  ventrale  très  longue. 

L'Europe  n'a  qu'une  seule  espèce  de  ce  genre  :  C.  lemnata,  Linn,,  la P/ia- 
lène  de  la  lenticule,  Devillers,  the  Small  China  Mark,  envergure  du  mâle 
18  millimètres,  antennes  brunes,  tête,  corps  et  pattes  blancs,  ailes  su- 
périeures blanches,  avec  linéaments  confus  brunâtres  et  un  point  cel- 
lulaire noir,  ailes  inférieures  à  linéaments  mieux  marqués,  avec  un 
point  cellulaire  noir  et  une  bordure  brune,  occupée  au  milieu  par  une 
bandelette  très  noire,  ornée  de  quatre  points  d'un  blanc  argenté; 
femelle  plus  rare  que  le  mâle,  plus  grande,  22  millimètres  d'envergure, 
les  ailes  supérieures  plus  aiguës,  d'un  brun  jaunâtre  pâle,  les  infé- 


6Ô2  LÉPIDOPTÈRES. 

rieures  avec  une  tache  médiane  grise,  en  forme  de  8  et  la  même  bor- 
dure terminale  que  le  mâle  ;  chenille  à  16  pattes,  allongée,  d'un  brun 
olivâtre,  veloutée,  avec  la  ligne  vasculaire  fine,  plus  foncée  et  les  tra- 
pézoïdaux très  petits  et  bruns,  la  tète  petite,  d'un  blanc  jaunâtre,  l'écus- 
son  corné,  d'un  noir  luisant  ;  à  partir  d'avril  elle  passe  sa  vie  parmi 
les  radicules  submergées  des  Lemna  ou  Lentilles  d'eau,  dont  elle  ronge 
la  surface  dans  son  jeune  âge  et  qu'elle  mange  plus  tard  entièrement; 
elle  est  couverte  d'un  fourreau  construit  par  elle,  qu'elle  traîne  par- 
tout dans  sa  marche,  comme  les  Psyché,  et  qui  contient  toujours  une 
petite  bulle  d'air  suffisante  pour  la  respiration  de  l'insecte;  ce  fourreau 
est  en  soie  blanche,  recouverte  de  feuilles  de  Lemna,  et  plus  souvent 
et  par  préférence  de  fragments  de  roseaux  (Goossens);  lors  delà  nym- 
phose, la  chenille  attache  son  fourreau  à  quelque  objet,  en  ayant  soin 
qu'un  des  bouts  soit  hors  de  l'eau,  afin  de  favoriser  la  sortie  du  papil- 
lon (Ragonot).  Ce  fourreau  sert  directement  de  coque  lors  de  la  nym- 
phose. On  trouve  les  adultes  de  C.  Lemnata  dans  toute  la  France,  sauf 
l'extrême  Midi,  plus  ou  moins  communs  selon  les  localités,  volant  au 
bord  des  ruisseaux,  des  étangs,  des  mares,  en  juin  et  juillet  aux  envi- 
rons de  Paris.  Il  est  probable  que  l'espèce  a  deux  générations  par  an 
dans  certaines  localités,  car  on  indique  les  papillons  en  mai  et  en  août 
dans  l'Indre  (Maurice  Sand),  en  juin,  juillet  et  septembre  dans  la  Cha- 
rente (H.  Delamain),  La  femelle  court  sur  l'eau  et  pond  trois  ou  quatre 
œufs  plats  sous  une  feuille  de  Lemna,  puis  se  déplace  et  recommence. 
C'est  avec  beaucoup  de  doute  que  nous  rapportons  au  genre  actuel 
une  espèce  indiquée  de  Java,  C.  aquatilis,  Boisduval,  pi.  xcvn,  fig.  9, 
le  papillon  de  25  millimètres  d'envergure,  le  corps  et  les  ailes  supé- 
rieures d'un  gris  jaunâtre,  les  ailes  supérieures  offrant  trois  taches 
blanches,  dont  l'extérieure,  plus  grande,  touchant  à  la  côte,  les  ailes 
inférieures  blanches,  avec  l'extrémité  seulement  d'un  jaune  grisâtre  ; 
dessous  semblable  au  dessus,  mais  plus  pâle.  Cette  espèce  me  parait  du 
genre  Glyphodes.'Vne  autre  espèce  exotique,  celle-ci  bien  certaine,  est 
C.  Dilucidalis,  Boisduval,  pi.  xcvii,  fig.  7,  de  Java,  et  probablement 
aussi  des  Indes  Orientales,  de  20  millimètres  d'envergure,  les  ailes 
supérieures  blanches,  avec  des  bandes  et  des  taches  d'un  jaune  fauve 
pâle,  la  dernière  bande  formant  bordure  et  précédée  d'une  bande 
partant  de  la  côte  où  elle  est  plus  large  et  venant  la  joindre  par  en 
bas;  ailes  inférieures  blanches,  avec  des  taches  jaunes  à  la  base  et  une 
bordure  sur  laquelle  s'espacent  quatre  gros  points  noirs,  surmontés  de 
lunules  très  blanches,  et,  au-dessus  de  ces  lunules,  de  taches  noires 
arquées,  plus  épaisses  antérieurement  ;  de  petites  lignes  noires  fines 
au-dessus  ;  pattes  antérieures  ayant  le  tarse  aussi  long  à  lui  seul  que  le 
corps  tout  entier  (Guenée). 

HYDROCAMPA,   Latr.  proprement  dit.  —  Papillons  à  antennes  pubescentes, 
les  palpes  labiaux  et  maxillaires  écartés,  à  articles  bien  visibles,  des  stemmates 


HYDROCAMPA.  665 

rapprocliôs  des  yeux,  la  spiritrompe  grêle  et  courte,  les  ailes  assez  larges, 
arrondies,  à  dessins  communs,  les  inférieures  à  deux  lignes  bien  distinctes,  sans 
dessins  terminaux  ocellés;  les  deux  sexes  semblables,  à  la  taille  près.  —  Che- 
nilles assez  épaisses,  atténuées  aux  extrémités,  aplaties  sous  le  ventre,  à  tête 
petite  et  rélractile,  à  pattes  membraneuses  très  atrophiées,  vivant  sous  les 
feuilles  aquatiques  dans  un  sac  en  forme  de  gousse,  formé  de  deux  morceaux  de 
feuilles  collées  par  leurs  bords.  —  Chrysalides  dans  les  mêmes  fourreaux,  pâles, 
molleS;  avec  la  gaine  ventrale  ne  dépassant  pas  le  milieu  de  l'abdomen,  les  stig- 
mates portés  sur  des  bourrelets  saillants. 

L'cspùce  la  plus  commune  de  ce  genre,  objel  des  investigations  de 
Réaumur,  est  VH.  nymphœata,  Linn.,  pour  le  mâle,  syn.  :  potamogata, 
Linn.  pour  la  femelle,  la  Phalène  de  l'Épi  d'eau,  Devillers,  ihe  Beauiifal 
China  Mark,  mâle  de  22  millimètres  d'envergure,  antennes  brunes,  tête, 
corps  et  pattes  blancs,  ailes  supérieures  d'un  brun  jaunâtre  clair,  avec 
beaucoup  de  taches  d'un  blanc  nacré,  trois  principales  subarrondies 
lisérées  de  brun  clair,  sept  autres  plus  petites  d'inégale  grandeur,  for- 
mantuue  bande  terminale  appuye'e  sur  un  liséré  brun  ;  ailes  inférieures 
blanches,  avec  une  double  ligne  busilaire,  une  grande  tache  cellulaire 
réniforme  et  une  ligne  flexueuse  suivie  d'une  bande  irrégulière  d'un 
brun  jaunâtre;  franges  grises,  précédées  d'un  liséré  d'un  jaune  doré; 
femelle  beaucoup  plus  grande  (26  à  30  millimètres)  avec  les  mômes 
dessins  et  les  taches  blanches  plus  grandes;  chenille  d'un  blanc  jau- 
nâtre, teintée  de  brunâtre  sur  les  premiers  anneaux,  avec  la  tète  et 
l'écusson  du  prothorax  d'un  noir  luisant.  Elle  vit  du  mois  d'avril  au 
mois  de  juin  immergée  sous  les  feuilles  des  Potamogeton,  des  Nymphœa 
alba  et  Nuphar  luteuni;  d'après  M.  Goossens,  elle  est  en  avril  et  mai 
sur  le  Pofaiiiogeton  natans,  et  à  la  fin  de  juin  sur  les  Nymphœacées.  Elle 
n'a  pas  de  branchies  et  ne  se  file  pas  de  coque  de  soie  ;  aussi  c'est  par 
un  mécanisme  nouveau  qu'elle  restera  entourée  de  l'air  nécessaire  à  sa 
respiration.  A  peine  sortie  de  l'œuf  la  jeune  chenille  découpe  au  milieu 
d'une  feuille  de  ses  plantes  nourricières  un  disque  qu'elle  colle  par  ses 
bords  et  du  côté  concave,  contre  la  surface  inférieure  de  la  feuille.  Plus 
tard,  quand  cet  abri  est  devenu  trop  étroit  et  qu'une  nourriture  plus 
abondante  est  devenue  nécessaire  à  la  chenille  nourrie  jusqu'alors  du 
parenchyme  de  la  feuille  repliée,  elle  se  fait  un  fourreau  formé  de  deux 
morceaux  de  feuilles  ordinairement  ovales,  qu'elle  colle  parleurs  bords, 
fourneau  renflé  au  milieu  et  imitant  une  gousse  de  pois  (pi.  xcvn, 
fig.  10).  Afin  de  pouvoir  se  déplacer  et  s»  nourrir,  cette  chenille  s'est 
ménagé  à  un  des  bouts  une  ouverture  élastique  par  laquelle  elle  sort 
sa  tète  et  ses  pattes  écailleuses,  de  sorte  que  le  reste  du  corps  portant 
les  stigmates  reste  dans  le  fourreau  où  se  trouve  l'air  nécessaire  à  la 
respiration.  C'est  ainsi  qu'elle  peut  passer  d'une  feuille  à  une  autre 
sans  craindre  que  l'eau  puisse  pénétrer  dans  sa  demeure.  Elle  traîne 
ce  fourreau  avec  elle  toutes  les  fois  qu'elle  change  de  place  et  en  con- 


66i  LÉPIDOPTÈRES. 

slruit  un  nouveau  aprùs  chaque  mue,  dont  la  laille  augmente  comme 
celle  de  la  chenille;  c'est  aussi  dans  ce  fourreau  qu'elle  devient  chrysa- 
lide, et  c'est  de  ce  fourreau  que  sort  le  papillon.  Il  est  très  commun,  de 
juin  à  septembre,  au  bord  des  ruisseaux,  étangs  et  mares  où  vivent  les 
plantes  aquatiques  qui  nourrissent  sa  chenille.  M.  Foucart  a  rencontré, 
aux  environs  de  Douai  (Nord),  les  deux  sexes  d'une  remarquable  aber- 
ration de  cette  espèce,  qu'il  nomme  nigra;  le  mâle  a  le  dessus  des  ailes 
presque    complètement    noir,    et    il   ne  reste   des  lunules  blanches 
ordinaires  que  quelques  vestiges  grisâtres;  on   le  prendrait  au  pre- 
mier abord  pour  une  variété  très  foncée  de  Botys  sambucalis.  Le  des- 
sous des  ailes   est  d'un   noir  profond.  La  femelle  est  complètement 
enfumée,  sans  aucune  trace  des  taches  blanches.  M.  de  Sélys-Long- 
champs  signale  une   aberration    mule  analogue  dans  son  Catalogue 
des  Lépidoptères  de   la  Belgique.    Une  autre  espèce  voisine  du  genre 
Hydrocampa    est   H.    Staynata,   Donovan,    la   Phalène    du    Nénuphar, 
Devillers,  un  peu  plus  petite  que  la  précédente  et  avec  des  taches 
analogues.  On   la  distingue  toujours  facilement  par    sa  bande  ter- 
minale, qui  est  d'une  seule  pièce,  tandis  qu'elle  est  divisée  en  taches 
inégales  chez  H.  nymphœata.  L'H.  stagnata  paraît  aux  mêmes  époques, 
et   sa  chenille   vit   sur  les  mêmes  plantes  que  sa   congénère;  cette 
espèce  est  tout  aussi  commune  dans  le  nord  de  la  France,  plus  rare 
dans  le  reste  du  pays,  mais  existant  dans  l'extrême  Midi,  ainsi  près  de 
Cannes  (M.  Millière),  en  juin  et  septembre,  localité  où  manque  H.  nym- 
phœata. 

La  famille  des  Botydes  est  la  plus  nombreuse  en  espèces  de  la  tribu 
des  Pyraliens  ;  elles  sont  répandues  dans  toutes  les  contrées  du  globe, 
et  cent  quarante  espèces  environ  habitent  l'Europe  et  se  trouvent 
presque  toutes  en  France.  Les  papillons  se  trouvent  partout,  dans  les 
bois,  les  champs,  les  jardins,  les  lieux  marécageux  comme  les  lieux 
très  secs,  certains  volant  en  plein  jour,  mais  pendant  peu  de  temps;  ils 
volent  au  crépuscule  autour  des  buissons  ou  des  plantes  qui  ont  nourri 
les  chenilles,  ainsi  que  le  soir  autour  des  lumières,  s'écartant  peu  du 
lieu  de  leur  naissance.  En  général,  ils  aiment  les  endroits  frais  et  om- 
bragés, bien  que  quelques-uns  préfèrent  les  lieux  secs  et  élevés.  On  se 
les  procure  facilement  en  battant  les  buissons  et  les  hautes  herbes.  Ces 
papillons  ont  la  tête  généralement  petite,  avec  des  antennes  moyennes, 
simples  ou  ciliées,  la  spiritrompe  moyenne,  squameuse  à  la  base,  deux 
ou  quatre  palpes,  les  labiaux  généralement  droits  et  en  bec,  le  corps 
lisse  et  luisant  squameux,  l'abdomen  plus  ou  moins  conique  et  effilé, 
ayant  rarement  un  tablier  bien  développé,  les  ailes  entières  et  luisantes, 
les  supérieures  triangulaires,  à  frange  luisante,  avec  les  deux  taches 
cellulaires  ou  au  moins  la  seconde  visibles  et  deux  lignes  médianes 
bien  marquées,  la  seconde  très  contournée,  faisant  croire  à  l'existence 
d'une  troisième  ligne,  les  ailes  inférieures  bien  développées,  ordinaire- 
ment sans  prolongement  notable  à  l'angle  anal,  les  pattes  glabres,  la 


ROTYS.  665 

jambe  anlérieure  deux  ou  trois  fois  plus  courte  que  la  cuisse.  Los  che- 
nilles (les  Botydes  sont  encore  mal  connues,  surtout  en  raison  de  leur 
absence  de  colorations  tranchées;  ce  sont  des  chenilles  assez  pâles,  lui- 
santes, n'ayant  souvent  que  la  ligne  du  vaisseau  dorsal  pour  tout  dessin, 
à  plaque  prothoracique  cornée,  à  trapézoïdaux  verruqueux,  noirs  ou 
de  la  couleur  du  corps,  et  surmontés  par  un  poil  raide.  Leurs  mœurs 
ont  plus  de  variations  que  leur  aspect  :  le  plus  souvent  elles  passent 
leur  vie  enfermées  dans  des  tubes  cylindriques  ou  coniques  qu'elles 
ont  construits  en  roulant  des  feuilles  dans  leur  longueur,  ou  bien  elles 
forment  à  l'extrémité  de  ces  feuilles  une  cavité  ovoïde,  ou  bien  encore 
se  bornent  à  en  attacher  plusieurs  avec  des  fils  de  soie  et  à  se  loger 
dans  leurs  interstices;  il  en  est  qui  profilent  des  boursouflures  natu- 
relles des  feuilles  de  beaucoup  de  Crucifères  pour  se  loger  à  l'intérieur 
sans  avoir  besoin  de  filer;  d'autres  se  font  une  toile  dans  les  embran- 
chements des  tiges  des  plantes  et  surtout  des  Crucifères;  enfin,  il  en  est 
une  réellement  endophyte,  creusant  les  tiges  des  Joncées  et  Typhacées 
à  la  façon  des  chenilles  des  Nonagries.  Les  chrysalides  des  Botydes  sont 
allongées,  molles,  lisses  et  luisantes,  et   renfermées  dans  de  légères 
coques  de  soie  filées  entre  les  feuilles  ou  dans  les  interstices  de  minces 
rameaux.  La  famille  des  Botydes  correspond  principalement  au  genre 
Botys,  de  Latreille,  qui  a  subi  ensuite  des  subdivisions  par  des  auteurs 
plus  récents,  d'abord  en  Botys  et  Scopula,  par  Duponchel  et  Stephens. 
Dans  le  genre  Botys,  Latr.,  tel  qu'il  est  restreint  aujourd'hui,  les 
papillons  ont  les  stemmates  distincts,  la  spiritrompe  forte,  les  palpes 
assez  courts,  les  maxillaires  confondus  avec   les    labiaux,   l'abdomen 
long,  effilé,  conique,  le  tablier  nul  ou  rudimentaire,  les  ailes  larges,  à 
franges  unicolores,  la  ligne  coudée  se  prolongeant  sur  les  inférieures; 
les  chenilles  vivent  dans  des  feuilles  roulées.  A  citer  comme  espèces 
très  répandues  :  B.  ruralis,  Scopoli,  syn.  :  verticalis,  catal.  de  Vienne, 
la   Verticale,  Uevillers,  the  Mother  of  Pearl,  envergure  32   à  35  milli- 
mètres, la  tête  et  le  corps  de  la  couleur  des  ailes,  celles-ci  d'un  blanc 
d'os  luisant,  à  légers  reflets  chatoyants,  plus  ou  moins  obscurcies  par 
places  de  gris  clair,  surtout  à  la  côte  et  au  bord  terminal  des  quatre  ailes, 
les  supérieures  aiguës  au  sommet,  traversées  par  deux  lignes  grises, 
épaisses  et  dentées,  l'une  formant  un  coude  très  prononcé  jusque  sous 
la  tache  réniforme,  h  laquelle  elle  se  joint  par  une  ombre  médiane 
vague,  les  ailes  inférieures  avec  un  point  cellulaire  et  une  ligne  dentée, 
grise,  en  forme  de  Mgrossier  et  très  prononcé  dans  son  milieu;  dessous 
plus  pâle;  femelle  semblable,  généralement  moins  obscurcie  de  gris; 
chenille  effilée,  verte,  luisante,  transparente,  avec  le  dos  blanchâtre  et 
les  côtés  d'un  vert  plus  foncé;  les  trapézoïdaux  ovales,  de  la  couleur  du 
corps,  à  poils  blancs,  la  plaque  prothoracique  de  la  couleur  du  corps 
avec  deux  points  noirs  ;  cette  chenille  vit  en  mai  sur  différentes  espèces 
d'Orties,  principalement  sur  la  grande  Ortie  (Urtica  dioïca),  dans  une 
feuille  roulée  en  forme  de  cornet  ouvert  aux  deux  bouts,  aussi  sur  la 


666  LÊPIDOPTÈliES. 

Pulmonaire,  du  moins  en  Italie  (Minière);  papillon  très  commun  par- 
tout le  soir  autour  des  Orties,  en  juin  et  juillet;  B.  urticata,  Linn., 
la  Queue  jaune,  Geoffroy,  the  Small  Magpie,  papillon  pareil  dans  les  deux 
sexes,  28  à  30  millimètres  d'envergure,  la  t6te  et  le  thorax  d'un  jaune 
orangé,  avec  un  point  noir  sur  chaque  ptérygode,  les  ailes  larges,  en- 
tières, d'un  blanc  satiné,  avec  toutes  les  taches  noires,  les  supérieures 
avec  la  base  teintée  de  jaune  orangé,  un  trait  basiiaire  épais  et  trois 
taches  arrondies,  une  au-dessus  et  deux  au-dessous,  un  gros  point  cel- 
lulaire touchant  la  côte  qui  est  également  noire,  une  bande  courbe, 
formée  de  taches  ovales,  dont  deux  plus  grosses  au  bord  interne,  et  une 
bande  terminale,  plus  large  au  sommet  et  également  composée  de 
taches  ovales,  ces  deux  bandes  se  continuant  sur  les  ailes  inférieures, 
qui  ont  en  outre  un  point  discoïdal;  frange  noire  aux  ailes  supérieures, 
blanche  aux  inférieures;  abdomen  noirâtre,  avec  son  extrémité  et  le 
bord  de  chaque  anneau  d'un  jaune  orangé;  chenille  allongée,  monili- 
forme,  transparente,  d'un  blanc  sale  ou  jaunâtre,  avec  la  ligne  vascu- 
laire  fine,  d'un  vert  brun,  placée  entre  deux  lignes  blanches,  la  tête 
noire,  marquée  de  trois  taches  blanches,  la  plaque  du  protliorax  ver- 
dàtre,  avec  une  tache  noire  de  chaque  côté,  les  points  verruqueux  blan- 
châtres, surmontés  d'un  poil  noir.  Cette  chenille  vit  sur  les  Orties,  dans 
une  feuille  roulée  en  cornet,  depuis  le  mois  d'avril  jusqu'au  mois  de 
septembre;  à  partir  de  cette  époque,  elle  hiverne  dans  les  tiges  sèches 
des  Orties.  Le  papillon  est  commun  partout,  dans  tous  les  lieux  où  il  y  a 
des  Orties,  en  mai,  juin  et  juillet. 

Dans  le  genre  Ebulea,  Guenée,  démembré  du  genreZJoij/s,  les  papillons 
sont  de  petite  taille,  ont  les  antennes  assez  courtes,  filiformes  et  glabres, 
lesstemmates  saillants,  la  spiritrompe  courte,  les  palpes  labiaux  droits, 
faisant  saillie  en  bec  au  delà  de  la  tète  et  recouverts  d'écaillés  raides,  les 
palpes  maxillaires  filiformes,  les  ailes  larges,  entières,  à  franges  non  en- 
trecoupées, les  supérieures  à  deux  lignes  distinctes,  les  inférieures  à  une 
ligne;  pattes  glabres,  à  ergots  assez  courts;  tablier  très  étroit  et  souvent 
hérissé  d'écailles;  abdomen  mince,  caréné,  un  peu  conique  et  terminé  en 
pinceau  obtus  chez  les  mâles;  chenilles  courtes,  im  peu  filiformes,  atté- 
nuées aux  extrémités,  plissées  transversalement,  à  tète  petite,  à  trapézoï- 
daux verruqueux,  vivant  entre  des  feuilles  réunies  par  des  fils  de  soie; 
chrysalides  allongées,  à  enveloppe  des  ailes  longue,  renfermées  dans  un 
léger  tissu  de  soie  filé  entre  les  feuilles.  Les  papillons  des  Ebulea  sont  très 
voisins  des  Botys,  volent  comme  eux  au  crépuscule,  autour  des  haies  et 
des  fleurs  des  prairies  et  des  jardins.  Nous  citerons  dans  ce  genre  E.  sain- 
bucalis,  cat.  de  V.,  la  Phalène  du  sureau,  Devillers,  the  Gardcn  China 
Mark,  de  22  à  25  millimètres  d'envergure,  les  deux  sexes  pareils,  l'ab- 
domen plus  court  et  plus  épais  chez  la  femelle,  la  tète  et  le  corps  d'un 
brun  foncé  saupoudré  de  jaunâtre,  les  ailes  de  cette  couleur,  avec 
Jrois  taches  principales  d'un  jaunâtre  clair  aux  ailes  supérieures  et 
inférieures  et  une  bordure  de  petites  taches  triangulaires  blanchâtres! 


EBULEA,    PIONEA.  667 

chenille  d'un  vert  paie  transparent  avec  la  vasculaire  d'un  vert  pur, 
bordée  de  chaque  côté  de  blanc,  la  tête  d'un  blanc  luisant,  les  troisième 
et  quatrième  anneaux  avec  un  point  noir  de  chaque  côté,  les  points  ver- 
ruqueux  de  la  couleur  du  corps,  surmontés  chacun  d'un  poil  blanchâtre, 
les  stigmates  noirs.  Cette  chenille  se  trouve  en  septembre  et  octobre,  et 
aussi,  paraît-il,  en  mai,  sur  le  Sureau  et  sur  l'Hyèble  (Sambucus  nigra  et 
ebuliis),  sous  les  feuilles  desquels  elle  se  tient  ordinairement,  couverte 
d'un  léger  réseau  de  soie.  En  automne  elle  se  réfugie  dans  quelque  fente 
d'écorce,  ou  sous  les  feuilles  sèches  et  s'y  fabrique  une  légère  coque  où 
elle  passe  l'hiver  et  dans  laquelle  elle  se  chrysalide  au  printemps.  I.e 
papillon  est  assez  commun  en  mai,  puis  en  juillet  et  août,  dans  le  voi- 
sinage des  haies  de  sureau. 

Dans  le  genre  Pionca,  Guenée,  les  papillons  ont  les  antennes  prisma- 
tiques, la  spiritrompe  grâle,  les  palpes  labiaux  étendus  en  bec,  les  palpes 
maxillaires  très  visibles  et  bien  détachés,  les  ailes  assez  larges,  les  supé- 
rieures aiguës,  souvent  même  falquées  au  sommet,  ayant  les  deux  lignes 
ordinaires,  subparallèles,  les  inférieures  arrondies,  habituellement  plus 
pâles  et  sans  lunule  cellulaire;  papillons  volant  au  crépuscule,  comme  la 
plupart  des  autres  Pyraliens,  dans  les  lieux  humides  et  ombragés;  che- 
nilles épaisses,  fusiformes,  à  tète  petite,  vivant  sur  les  Crucifères,  tantôt 
entre  des  feuilles,  tantôt  dans  une  toile  commune  filée  entre  les  tiges.  L'es- 
pèce de  ce  genre,  la  plus  commune  peut-être  de  toutes  les  Botydes  exis- 
tant dans  toute  la  France,  a  deux  générations  par  an,  la  première  donnant 
son  papillon  en  juillet  et  août,  la  seconde  passant  l'hiver  en  chrysalide 
pour  produire  son  papillon  au  mois  de  mai  de  l'année  suivante.  C'est 
P.  forficalis,  Linn.,  la  Bande  esquissée,  Geoffroy,  les  Pinces,  Devillers,  the 
Garden  Pebble,  de  26  à  28  millimètres  d'envergure,  variant  beaucoup  tant 
pour  la  taille  que  pour  l'intensité  des  atomes  bruns  sur  les  ailes  supé- 
rieures, les  deux  sexes  pareils,  les  ailes  supérieures  d'un  blanc  jaunâtre, 
finement  striées  de  jaune  brun  dans  le  sens  des  nervures,  traversées  par 
plusieurs  lignes  obliques,  subparallèles  et  un  peu  flexueuses,  partant  du 
sommet  de  l'aile  et  aboutissant  au  milieu  du  bord  interne,  les  deux  mé- 
dianes mieux  marquées  que  les  autres  ;  entre  ces  deux  lignes,  une  tache 
plus  ou  moins  étendue,  chargée  de  deux  points  d'un  noir  bleuâtre;  ces 
lignes  et  taches,  ainsi  que  la  côte, d'un  brun  plus  ou  moins  ferrugineux; 
ailes  inférieures  d'un  blanc  légèrement  jaunâtre,  sans  autres  dessins 
qu'une  ombre  terminale,  mal  déterminée  et  brune,  et  une  raie  médiane 
noirâtre,  atteignant  rarement  les  deux  bords  de  l'aile  ;  dessous  des  quatre 
ailes  d'un  roussàtre  pâle,  plus  ou  moins  strié  de  brun  dans  le  sens  des 
nervures,  avec  une  lunule  discoïdale  et  une  ligne  dentelée  sur  chacune 
d'elles;  chenille  courte,  épaisse,  rase,  atténuée  en  arrière,  d'un  vert 
jaunâtre,  avec  une  vasculaire  d'un  vert  foncé,  et,  de  chaque  côté,  une 
stigmatale  blanchâtre;  elle  vit  dans  toute  la  France  en  juin  et  juillet, 
puis  en  septembre  et  octobre  sur  les  Crucifères,  principalement  dans 
les  potagers,  à  l'intérieur  des  tètes  de  choux  cultivés,  ordinairement 


668  LÉPIDOPTÈRES. 

cachée  entre  deux  feuilles,  ou  au  bord  d'une  feuille  dans  un  repli.  Elle 
fait  des  dégâts  très  notables  dans  les  carrés  de  choux  ;  outre  qu'elle 
perce  des  trous  très  nombreux  dans  les  feuilles,  elle  les  infecte  par  ses 
excréments,  qui  restent  liquides  et  font  souvent  pourrir  les  feuilles.  On 
met  souvent  sur  son  compte  les  ravages  plus  réels  des  Triphœna  pro- 
nuba  et  Mamestra  brassicœ,  avec  lesquelles  elle  opère  de  compagnie. 
Pas  plus  de  remèdes  efficaces  que  pour  ces  dernières.  Si  elle  se  multi- 
pliait outre  mesure  dans  quelques  jardins,  il  serait  à  propos,  dans  les 
mois  d'apparition  de  l'adulte,  d'allumer  des  petits  feux  ou  de  disposer 
des  lumières  autour  desquelles  les  papillons  viendraient  se  brûler.  Dans 
le  genre  SpihJes,  Guenée,  les  antennes  sont  complètement  filiformes 
et  sans  ciliation  dans  les  deux  sexes,  la  spii'itrompe  moyenne  et  bien 
apparente,  les  palpes  labiaux  de  deux  couleurs,  étendus  en  bec  aigu 
triangulaire,  les  maxillaires  distincts  et  détendus  sur  les  labiaux,  dont 
ils  égalent  à  peu  près  moitié  de  la  longueur;  tablier  court,  perpendi- 
culaire au  corps,  terminé  par  des  écailles  hérissées;  abdomen  conique, 
terminé  en  pointe  velue;  ailes  entières,  assez  épaisses,  plutôt  mates 
que  luisantes,  les  supérieures  prolongées  au  sommet,  à  lignes  dis- 
tinctes, avec  taches  cellulaires  ordinairement  distinctes,  le  dessous 
constamment  marqué  de  dessins  noirs,  les  ailes  inférieures  larges  et 
bien  développées,  un  peu  sinuées  à  l'angle  apical  et  légèrement  pro- 
longées à  l'angle  anal;  chenilles  épaisses,  luisantes,  à  trapézoïdaux 
verruqueux,  vivant  enfermées  dans  des  coques  de  soie,  au  sommet  des 
tiges  et  parmi  les  fleurs  des  plantes  basses  et  des  sous-arbrisseaux; 
chrysalides  allongées,  ne  se  formant  qu'au  printemps  dans  les  coques 
de  soie  qui  les  contiennent.  Nous  citerons  :  S.  cinctaUs,  Linn.,  the  Les- 
serPearl,  syn.  (non  usité)  iVerticalis,  Linn.,  28  millimètres  d'envergure 
dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  pâle,  traver- 
sées par  trois  lignes  ondulées  et  dentées,  la  tache  réniforme  grande 
et  évidée,  l'orbiculaire  en  simple  point;  toutes  ces  lignes  et  taches 
sont  d'un  jaune  orangé  quand  l'insecte  vient  d'éclore,  mais  ne  tardent 
pas  à  devenir  d'un  grisâtre  pâle;  ailes  inférieures  un  peu  plus  pâles 
que  les  supérieures,  avec  deux  raies  transverses  noirâtres  souvent 
peu  prononcées;  dessous  des  quatre  ailes  d'un  jaune  pâle  luisant, 
avec  les  nervures,  les  mêmes  taches  et  lignes  qu'en  dessus,  mais 
fortement  marquées  au  noir,  ce  qui  rend  l'espèce  très  reconnais- 
sable;  tête  et  thorax  de  la  couleur  des  ailes  supérieures,  avec  un 
peu  d'orangé.  La  chenille  est  peu  connue,  et  vivrait,  d'après 
Schranck,  sur  le  Genêt  à  balais;  elle  doit  manger  au  moins  aussi  d'au- 
tres plantes,  car  Berce  dit  qu'il  prenait  abondamment  le  papillon  près 
de  Paris,  dans  un  jardin  inculte  où  il  n'existait  pas  de  genêt.  Le  papillon 
vole  en  juin,  juillet  et  août  et  se  trouve  dans  toute  la  France,  sauf  le 
nord;  S.  palealis,  cat.  de  V.,  la  Bande  à  V envers,  Geoffr.,  la  Verdâtre, 
Devillers,  joli  papillon  de  30  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supé- 
rieures un  peu  aiguës  au   sommet,  d'un  jaune  soufré  verdâtre  pâle, 


SPIL0DE5,    SCOPULA.  669 

avec  un  peu  de  noir  épaississant  plus  ou  moins  les  nervures  centrales 
{the  Siilplmr  des  Anglais),  les  ailes  inférieures  blanches,  peu  ou  à  peine 
soufrées;  dessous  des  ailes  supérieures  avec  la  côte,  une  lunule  cellu- 
laire et  une  ligne  courbe  incomplète,  d'un  brun  noirâtre,  dessous  des 
inférieures  avec  une  tache  costale;  tète  et  thorax  d'un  jaune  soufre, 
abdomen  blanc  ;  femelle  pareille  au  mille.  Ce  papillon  est  assez  commun 
en  juin  et  en  juillet,  dans  les  hautes  herbes,  les  prairies,  sur  les  buis- 
sons et  les  tleurs  des  Ombelliféres.  Chenille  d'un  blanc  d'os,  avec  la 
vasculaire  et  les  stigmatales  d'un  gris  violacé,  les  points  verruqucux 
gros,  noirs,  luisants,  la  tète  et  la  plaque  prothoracique  d'un  beau  noir 
brillant,  les  pattes  noires,  tachées  de  blanc.  Wle  vit,  de  la  tin  d'août  en 
septembre,  dans  les  ombelles  du  Peucédan  et  de  la  Carotte,  où  elle  se 
pratique  une  loge  de  soie;  dans  le  jeune  âge  souvent  plusieurs  s'asso- 
cient ensemble,  dans  des  tuyaux  de  soie  placés  sur  les  côtés  des  om- 
belles; tx'ouvée  aussi  en  mai  sur  la  Scabieuse  colombaire  (Maurice 
Sand);S.  œruginalis,  Hûbner,  très  belle  espèce  à  ailes  blanches  avec 
des  dessins  marginaux  et  obliques  d'un  gris  vert,  bronzé  ou  olivâtre. 
On  a  cru  longtemps  cette  espèce  uniquement  de  Hongrie,  en  mai  et 
juin;  cependant  Treitschke  assurait  en  avoir  vu  des  échantillons  pris 
en  France.  M.  H.  Delamain  a  découvert  cette  intéressante  espèce  dans 
la  Charente;  elle  se  prend  en  juin  sur  les  coteaux  calcaires  et  arides 
appelés  chaunes,  qui  se  trouvent  sur  la  rive  gauche  de  la  Charente, 
entre  Angoulême  et  Cognac  ;  ces  coteaux  ont  une  très  pauvre  végétation 
où  domine  une  Armoise  [Artemisia  camphorata),  qui  très  probablement 
nourrit  sa  chenille.  M.  Millière  rapporte  qu'on  lui  a  dit  que  cette  char- 
mante Bo(yde  se  rencontre  aux  îles  Lérins,  et  que  sa  chenille  devait 
y  vivre  sur  une  Armoise,  sans  doute  Artemisia  rjaUica,  abondamment 
répandue  à  l'ouest  de  l'île  Saint-Honorat. 

Nous  terminerons  les  Botydes  par  quelques  mots  sur  le  genre 
Scopula,  Schranck.  Les  papillons  ont  les  antennes  simples  et  sans  cilia- 
tion,  laspiritrompe  moyenne,  les  palpes  labiaux  en  bec,  les  maxillaires 
courts,  mais  visibles,  les  ailes  entières,  soyeuses  et  luisantes,  à  dessins 
difl'érents,  les  supérieures  nébuleuses,  à  dessins  peu  tranchés,  les 
inférieures  ayant  une  petite  ligne  ou  point  sombre  au-dessous  de  la 
nervure  médiane,  les  pattes  glabres;  chenilles  allongées,  à  lète  petite, 
globuleuse,  vivant  entre  des  feuilles,  liées  avec  de  la  soie  et  formant 
une  galerie  ouverte  à  ses  deux  extrémités  ;  chrysalides  dans  une  coque 
de  soie  entre  les  feuilles.  L'espèce  la  plus  commune  est  S.  ferrugnlis, 
Hûbner,  the  Rusty  Dot  des  Anglais,  de  18  à  20  millimètres  d'envergure, 
les  deux  sexes  pareils,  les  antennes,  la  tête  et  le  thorax  d'un  jaune 
ferrugineux,  l'abdomen  d'un  gris  cendré;  ailes  supérieures  aiguës 
au  sommet,  d'un  jaune  ferrugineux  ou  rouillé,  traversées  par  une 
ligne  brune  et  dentée,  suivie  d'une  série  subterminale  de  taches  obs- 
cures, les  taches  cellulaires  assez  grosses,  pleines  et  brunes,  un  petit 
trait  ou  deux  points  bruns  au-dessous  de  l'orbiculaire,  la  frange  brune 


670  LÉPIDOPTÈRES. 

précédée  d'une  ligne  de  petits  points  noirs  -,  ailes  inférieures  d'un  gris 
cendré,  avec  une  bordure  brunâtre  fendue  intérieurement  et  un  petit 
point  discoïdal  noirâtre,  la  frange  grise  précédée  d'un  liséré  jaune; 
dessous  des  quatre  ailes  d'un  jaune  pâle,  lavé  de  gris,  avec  dessins  du 
dessus  plus  ou  moins  oblitérés;  pattes  jaunâtres;  chenille  verte,  lui- 
sante, avec  la  région  dorsale  blanchâtre,  la  vasculaire  et  les  sous- 
dorsales  d'un  vert  plus  foncé,  d'un  jaune  paille  avec  lignes  vertes, 
d'après  M.  Millière,  la  tète  petite,  jaunâtre,  parsemée  d'atomes  noirs  et 
le  second  anneau  orné  de  deux  points  noirs;  en  juin,  puis  en  automne, 
sur  un  grand  nombre  de  plantes  herbacées  ou  sous-ligneuses,  Orties, 
Molénes,  Chardons,  etc.  Le  papillon  commun  presque  partout,  de  juin 
à  novembre,  dans  les  prairies,  les  bois  humides  et  ombragés,  le  bord 
des  ruisseaux,  etc.,  extrêmement  commun  dans  les  Alpes-Maritimes, 
du  commencement  du  printemps  à  la  fin  de  l'automne,  volant  dans 
tous  les  lieux  incultes;  dans  le  nord  de  la  France,  dans  les  bois  et 
glacis,  en  juillet,  plus  commun  en  octobre  et  novembre,  à  la  miellée. 
Nous  placerons  ici  une  espèce  d'un  genre  isolé,  Nomophila,  Hûbner, 
nom  meilleur  que  celui  de  Stenoptertjx  Guenée,  appartenant  déjà  à  un 
Diptère  pupipare.  Les  papillons  ont  les  antennes  longues  et  très  minces, 
les  stemmates  saillants,  les  palpes  maxillaires  à  peine  visibles,  l'abdo- 
men rayé  en  dessous,  avec  un  tablier  distinct,  les  ailes  supérieures 
longues,  étroites,  à  taches  ordinaires  très  grandes,  les  ailes  inférieures 
trois  fois  plus  larges  que  les  premières,  minces,  plissées,  recouvertes 
au  repos  par  les  supérieures,  qui  sont  en  outre  fortement  croisées  l'une 
sur  l'autre.  Une  seule  espèce  très  commune  existe  partout,  dans  l'ancien 
comme  dans  le  nouveau  continent.  Le  papillon  vole  pendant  le  jour 
et  se  pose  à  terre,  où  il  se  confond  avec  le  sol,  et  'par  ses  couleurs  et 
par  ses  ailes  aplaties,  appliquées  exactement  sur  la  terre.  Il  habite  de 
préférence  les  plaines  arides,  les  lieux  couverts  d'herbes  courtes,  les 
terrains  cultivés,  au  moment  de  leurs  jachères.  Souvent,  après  l'avoir 
vu  s'abattre  et  avoir  bien  reconnu  la  portion  de  terrain  où  il  s'est  posé, 
on  examine  longtemps  et  minutieusement  le  sol  sans  pouvoir  rien 
découvrir;  on  croit  s'être  trompé,  on  abandonne  la  place,  puis  tou 
à  coup  l'insecte  part  du  lieu  le  plus  exploré,  vous  faisant  reconnaître 
que  ce  n'est  pas  votre  mémoire  qui  s'est  trompée,  que  vos  yeux  seuls 
ont  failli.  Au  reste,  son  vol  n'est  jamais  long,  en  raison  du  peu  de 
largeur  de  ses  ailes  supérieures.  C'est  le  A'',  noctuella,  cat.  V.,  syn.  : 
hybridalis,  Hûbner,  tlie  Rush  Veneer  des  Anglais,  les  deux  sexes  pareils, 
de  25  à  30  millimètres  d'envergure,  variant  beaucoup,  tant  pour  la 
taille  que  pour  l'expression  des  dessins;  ceux-ci  sont  quelquefois  tout 
à  fait  nuls,  et  alors  le  fond  de  la  couleur  est  d'un  brun  jaunâtre  uni, 
d'autres  fois  très  marqués,  et  alors,  sur  un  fond  d'un  gris  clair,  appa- 
raissent des  taches  bien  brunes,  et  l'aile  est  en  outre  un  peu  jaspée  de 
blanchâtre,  qui  les  fait  encore  ressortir.  11  n'y  a  nulle  différence  entre 
les  individus  d'Europe,  ceux  de  l'Inde  et  ceux  des  deux  Amériques. 


SGOPLLA,    SCOPARIA.  671 

Tête  et  thorax  d'un  gris  brun,  abdomen  d'un  gris  plus  pâle,  blanc  en 
dessous,  avec  deux  bandes  latérales  et  une  double  ligne  médiane 
noirâtre;  ailes  supérieures  étroites,  allongées,  mais  non  aiguës  au 
sommet,  avec  deux  lignes  ondulées  plus  ou  moins  visibles  et  les  deux 
taches  ordinaires  grandes,  brunes  et  cerclées  de  noir,  la  frange  traversée 
par  deux  lignes  noirâtres  et  précédée  d'une  série  de  taches  triangulaires 
noirâtres;  ailes  inférieures  d'un  brun  fuligineux  uni,  avec  la  frange 
claire.  La  chenille,  qu'on  trouve  sous  les  pierres  et  dans  les  gazons,  est 
à  16  pattes,  allongée,  de  couleur  livide,  avec  les  trapézoïdaux  petits  et 
bruns,  la  tôte  noire,  le  prothorax  recouvert  d'une  large  'plaque  noire  ; 
elle  vit  dans  les  lieux  secs  et  sablonneux;  au  centre  des  racines  de 
Graminées,  où  elle  passe  sa  vie  et  où  elle  se  métamorphose  (Millière); 
aussi,  en  mai,  puis  en  août  et  septembre,  sur  le  Lotus  corniculatus 
(Maurice  Sand).  Dans  le  centre  de  la  France,  le  papillon,  qui  paraît 
presque  toute  l'année,  est  principalement  commun  sur  les  bruyères, 
à  l'époque  de  leur  floraison  (Constant).  Il  est  si  abondant  à  Cannes  que 
M.  Minière,  par  une  nuit  sombre  et  relativement  chaude  de  la  fin  de 
mars  1873,  en  a  vu  arriver,  en  moins  d'une  heure,  plus  de  cinq  cents 
sujets  à  son  réflecteur. 

Les  papillons  de  la  famille  des  Scoparides  habitent  les  bois  et  les 
lieux  plantés  d'arbres,  d'autres  les  endroits  herbus  ;  pendant  le  jour 
ils  ne  volent  que  quand  ils  sont  troublés  et  ne  tardent  guère  à  se  fixer 
de  nouveau,  soit  sur  la  terre,  soit  contre  les  écorces  des  arbres  et  ils 
partent  au  moindre  choc.  Leurs  yeux  sont  brillants  et  leurs  antennes 
courtes  et  squameuses,  presque  toujours  agitées.  Les  stemmates  sont 
très  petits,  écartés,  peu  distincts,  les  quatre  palpes  bien  visibles,  les 
labiaux  légèrement  écartés  par  une  spiritrompe  fine  et  assez  courte, 
les  maxillaires  très  écaillcux.  Les  ailes  supérieures  sont  longues  et 
étroites,  nébuleuses,  pulvérulentes,  très  difficiles  à  distinguer  spéci- 
fiquement, ayant  toutes  un  fond  grisâtre,  sur  lequel  on  voit,  plus  ou 
moins  distinctement,  deux  lignes  blanches,  transverses,  sinueuses  et 
dentelées;  on  y  trouve  aussi  les  trois  taches  des  Noctuelles,  nettes  mais 
petites.  Ces  ailes  cachent  les  inférieures  au  repos,  mais  ne  sont  pas 
croisées  complètement  l'une  sur  l'autre;  elles  se  recouvrent  en  partie, 
sans  être  inclinées  en  toit,  ni  moulées  autour  du  corps;  les  ailes 
inférieures  sont  bien  développées  et  un  peu  sinuées,  plissées  au  repos. 
Le  corps  est  grêle,  le  tablier  nul  ou  rudimentaire,  l'abdomen  des 
mâles  presque  linéaire,  un  peu  déprimé,  ayant  les  valves  anales 
longues,  saillantes,  garnies  de  poils  ècailleux  et  surmontées  d'un 
bouquet  redressé.  Les  chenilles,  de  couleur  livide  ou  terreuse,  sont 
allongées,  vermiformes,  à  trapézoïdaux  saillants  et  vivent  dans  des 
galeries  creusées  sous  les  mousses  qui  tapissent  les  pierres  et  les  troncs 
d'arbres,  ou  cachées  sous  les  écorces. 

Dans  le  genre  principal  de  cette  tribu,  Scoparici,  Ilaworth,  la  tache 
réniforme   affecte   une  figure  spéciale,    celle  d'un  8   dont   la  partie 


672  LÉPIDOPTÈRES. 

inférieure  est  ouverte,  c'est-à-dire  le  signe  par  lequel  les  anciens 
astronomes  désignaient  la  planète  Mercure,  d'où  le  nom  de  Mercuralis 
donné  par  Linnœus  à  la  seule  espèce  de  ce  groupe  qu'il  ait  connue. 
Parfois  le  8  est  ouvert  à  la  fois  en  haut  et  en  bas,  ce  qui  donne  à  la 
tache  la  forme  d'un  X.  L'espèce  la  plus  commune  est  S.  Mercuralis, 
Linn.,  syn.  :  truncicolella,  de  19  à  21  millimètres  d'envergure,  la  tète 
et  le  corps  de  la  couleur  des  ailes,  la  femelle  semblable  au  mâle,  mais 
plus  sombre.  Ailes  supérieures  arrondies  au  sommet,  d'un  gris  cendré 
légèrement  teinté  de, jaunâtre,  traversées  par  deux  lignes  blanches  très 
écartées,  dentelées,  finement  bordées  de  noir  fondu  intérieurement,  les 
taches  discoïdales  noirâtres,  la  réniforme  en  8  ouvert  par  le  bas, 
l'orbiculaire  et  la  clavil'orme  figurées  par  deux  points  noirs  superposés, 
la  frange  entrecoupée,  précédée  d'un  petit  feston  blanc,  très  net  et 
très  délié  ;  ailes  inférieures  d'un  gris  clair,  teinté  de  gris  noirâtre  au 
bord  terminal,  la  frange  d'un  blanc  jaunâtre;  ailes  en  dessous  d'un 
gris  roussâlre  luisant.  Les  sujets  varient  passablement  pour  l'intensité 
de  la  couleur  du  fond;  quelques  individus  sont  entièrement  d'un  gris 
noirâtre,  sur  lequel  les  deux  lignes  médianes  se  dessinent  seules  par 
deux  minces  filets  blancs,  ainsi  que  le  délicat  feston  terminal.  Chenille 
d'un  gris  terreux,  sous  les  mousses  qui  croissent  sur  les  pierres  et  les 
murailles.  Papillon  dans  toute  la  France,  plus  ou  moins  commun  sur 
les  troncs  des  arbres  et  autres  abris,  de  mai  jusqu'en  août,  très 
abondant  dans  Eure-et-Loir,  se  réfugiant  sous  les  couvertures  en 
chaume  des  murs  qui  limitent  les  jardins. 

Les  Phycides  (Staudinger)  sont  des  papillons  dont  les  ailes  supérieu- 
res sont  ornées  de  couleurs  assez  variées,  mais  peu  brillantes  et  géné- 
ralement sans  reflets  métalliques,  d'ordinaire  traversées  par  deux 
lignes,  avec  deux  points  dans  l'espace  médian.  Les  antennes  présentent 
des  caractères  remarquables.  Elles  sont  sétacées,  plus  courtes  que  le 
corps,  ni  dentées,  ni  pectinées,  fortes  à  leur  base  et  se  terminant  peu 
à  peu  en  pointe  fine,  plus  épaisses  dans  les  mâles  que  dans  les 
femelles,  très  rapprochées  à  leur  origine,  implantées  au-dessus  des 
yeux.  Au  repos,  les  Phycides  ne  cachent  pas  les  antennes  sous  leurs 
ailes,  comme  le  font  les  Grambides,  mais  elles  les  tiennent  couchées 
en  arrière,  au-dessus  du  dos.  De  plus,  chez  les  mâles,  ces  antennes  ont 
souvent  leur  premier  article  noduleux,  très  distinct  du  reste  de  la  tige, 
qui,  après  cet  article,  forme  une  courbe  dont  la  concavité  fait  face  à 
celle  de  l'antenne  opposée,  et  dont  le  creux  est  souvent  rempli  par  une 
petite  crête  formée  de  poils  ou  d'écaillés.  Les  palpes  labiaux  sont  seuls 
visibles,  ordinairement  arqués  et  ascendants.  Parfois,  si  l'on  enlève  les 
palpes  labiaux,  on  aperçoit  un  bouquet  de  poils  représentant  les  palpes 
maxillaires,  ainsi  un  joli  fascicule  de  poils  jaunes  chez  Pempelia  Palum- 
bella,  cat.  de  V.  Les  ailes  sont  oblongues,  plissées,  enroulées  au  repos 
autour  du  corps,  ainsi  que  dans  les  Grambides.  Les  couleurs  des  deux 
sexes  sont  pareilles.  Ces  papillons  volent  bien  et  souvent  en  plein  jour; 


PHYCIUES,    PEMPELIA.  673 

mais  en  général  ils  font  peu  usage  de  leurs  ailes  et  se  dérobent  aux 
recherches,  en  se  glissant  avec  une  rapidité  merveilleuse  entre 
les  plantes  et  les  gazons  qui  leur  servent  de  refuge.  C'est  pourquoi, 
selon  Duponchel,  Fabricius  a  donné  à  un  de  leurs  genres  principaux 
le  nom  de  Phycis,  qui  est  celui  d'un  genre  de  Poissons  gadoïdes, 
par  allusion  à  l'agilité  avec  laquelle  les  poissons  se  sauvent  dans 
l'eau. 

I.es  chenilles  des  Phycides  sont  à  16  pattes,  tantôt  glabres,  tantôt 
verruqueuses,  avec  les  mœurs  les  plus  variées,  n'ayant  qu'un  seul 
point  commun,  celui  de  vivre  cachées.  Tantôt  elles  s'enveloppent  dans 
des  feuilles  roulées  ou  se  creusent  des  galeries  dans  les  tiges  des 
végétaux  (genre  P/ij/cw,  Fabr.).  La  chenille  de  Myelois  Cribrum,  cat. 
de  V.,  le  Manteau  à  points,  Geoffroy,  vit  dans  l'intérieur  des  capitules 
des  grands  chardons,  celle  de  Nephopteryx  angustella,  Hubner,  dans 
les  graines  du  fusain.  La  chenille  de  Dioryctria  Abietella,  cat.  de  V., 
la  Teigne,  du  Sapin,  Devillers,  paraît  vivre  aux  dépens  des  graines  des 
cônes  des  pins  et  des  sapins  et  entre,  pour  la  nymphose,  dans  des 
tumeurs  de  résine  écoulée  des  plaies  des  Conifères.  Dans  le  genre 
Etiella,  Zeller,  les  chenilles  s'introduisent  dans  les  gousses  de  diverses 
Légumineuses,  baguenaudier,  haricot,  genêt,  etc.,  et  vivent  aux  dépens 
des  graines  vertes.  Le  genre  Rhodophœa,  Guenée,  a  des  chenilles 
renfermées  dans  des  tubes  composés  de  feuilles  d'arbustes  liées 
avec  de  la  soie.  Enfin  les  chenilles  de  plusieurs  espèces  d'Ephestia, 
Guenée  vivent  dans  les  maisons  et  magasins,  se  nourrissant 
de  substances  sèches  ou  manufacturées ,  surtout  d'origine  végétale 
(tiges,  fruits  ou  provisions  diverses).  Toutes  ces  chenilles  n'ont, 
en  général,  qu'une  génération  par  an  et  se  chrysalident  là  où  elles 
ont  vécu. 

PEllPELiIA,  Hubner,  Syn.  :  Ilythia,  Duponchel.  —  Antennes  noduleuses  près 
de  leur  base;  palpes  plaqués  contre  le  front;  ailes  antérieures  allongées,  plis- 
sées  sur  les  nervures,  à  lignes  très  écartées,  la  première  portant  des  écailles 
noires  relevées,  aisément  caduques  par  suite  de  vol;  ailes  inférieures  très 
développées. 

Les  papillons  sont  robustes  et  vifs,  et  n'ont,  le  plus  souvent,  qu'un 
génération  par  an;  leurs  deux  sexes  sont  semblables.  Les  chenilles  ont 
des  mœurs  très  variées,  vivant  tantôt  enveloppées  de  feuilles  roulées, 
tantôt  dans  des  galeries  creusées  dans  les  tiges  des  végétaux,  tantôt  dans 
leurs  fruits.  Une  espèce  commune  et  très  jolie  de  ce  genre  de  Phycides 
le  P.  semirubella ,  Scopoli,  syn.  :  camélia,  Linn.,  la  Rouyie,  Devillers, 
25  à  28  millimètres  d'envergure,  les  sntennes  avec  une  nodosité 
squameuse  au  deuxième  article,  les  palpes  labiaux  longs  et  ascendants, 
comme  chez  un  Crambus,  les  aibs  supérieures  antérieurement  d'un 
rose  carminé  plus  ou  moins  pur,  avec  le  bord  interne  et  la  frange  d'un 
GIFURD.  m.  —  io 


674  LÉPIDOPTÈRES. 

jaune  pâle,  les  ailes  inférieures  d'un  gris  jaunâtre,  avec  un  reflet  rosé 
et  la  frange  plus  claire;  tâte,  antennes,  palpes  et  thorax  d'un  jaune 
clair  ou  ocreux;  abdomen  d'un  gris  jaunâtre.  Une  variété,  sanguinella, 
Hûbner  (pi.  xcviii,  tig.  U),  souvent  aussi  commune  que  le  type,  ayant  une 
bande  costale  blanchâtre  ou  d'un  jaune  pâle;  une  autre  variété  entiè- 
rement grise,  se  rencontrant  dans  l'Indre  en  septembre  (Maurice  Sand). 
La  chenille  se  trouve  en  mai,  dans  une  toile  légère,  sur  le  soL  et  se 
nourrit  de  racines  de  Graminées.  Le  papillon  a  deux  éclosions  par  an, 
en  juin  et  juillet,  puis  en  août  et  septembre.  Il  est  commun  dans  les 
environs  de  Paris  et  à  peu  près  partout,  sauf  peut-être  l'extrême  nord 
de  la  France,  dans  les  lieux  vagues  et  incultes,  les  prairies  sèches,  les 
champs  de  trèfle  et  de  luzerne.  C'est  the  Rosy  Veneer  des  entomologistes 
anglais. 

EPHESTIA,  Guenée.  syn.  :  Phycis,  Duponchel.  —  Antennes  fines  et  unies; 
spiritrompe  longue;  palpes  labiaux  recourbés  ;  ailes  supérieures  très  étroites,  à 
lignes  transverses  distinctes,  écartées,  avec  un  double  point  cellulaire. 

Les  chenilles  connues  de  ce  genre  vivent  tantôt  dans  les  maisons  et 
les  magasins,  aux  dépens  de  matières  végétales  et  même  animales  des- 
séchées ou  manufacturées,  tantôt  en  pleine  liberté,  dans  des  fruits  secs, 
comme  ceux  des  Conifères  et  probablement  aussi  de  certaines  tiges 
desséchées. 

L'espèce  la  plus  commune  est  E.  elutella,  Hûbner,  the  Cinereous 
knot-horn  des  catalogues  anglais,  de  16  à  18  millimètres  d'envergure, 
les  deux  sexes  pareils,  les  ailes  supérieures  d'un  gris  cendré  saupoudré 
de  brunâtre,  traversées  par  deux  lignes  plus  claires  bordées  de  noir,  la 
frange  de  la  couleur  des  ailes,  les  ailes  inférieures  d'un  gris  clair  lui- 
sant, ainsi  que  la  frange  ;  tête  et  thorax  de  la  couleur  des  ailes  supé- 
rieures, abdomen  delà  couleur  des  ailes  inférieures;  chenille  allongée, 
d'un  jaune  terne,  avec  la  tête,  la  plaque  du  prothorax  et  les  pattes  d'un 
brun  jaunâtre.  Elle  vit  dans  l'intérieur  des  maisons  et  dans  les  maga- 
sins de  plantes  sèches  des  droguistes,  de  fruits  secs,  de  pain,  de  collec- 
tions d'insectes,  etc.  Le  papillon  est  commun  en  juin,  juillet,  août,  dans 
les  maisons,"plus  que  dans  la  campagne.  D'après  Fettig,  il  butine  souvent 
par  nuées  dans  les  fleurs  du  Lis  blanc,  le  soir  et  par  les  jours  couverts. 
Une  espèce  voisine,  plus  rare  et  plus  localisée,  est  E.  interpunctella, 
Hûbner,  du  sous-genre  Plodia,  Guenée,  the  Cloaked  knot-horn,  de  IZt  à 
16  millimètres  d'envergure,  les  deux  sexes  pareils,  les  ailes  supérieures 
d'un  blanc  jaunâtre  de  la  base  au  milieu,  d'un  brun  rougeâtre  sur  le 
reste,  traversées  par  deux  lignes  épaisses,  d'un  noir  à  reflets  plombés  ; 
ailes  inférieures  d'un  blanchâtre  luisant;  tête,  palpes  et  thorax  de  la 
couleur  des  ailes  supérieures,  abdomen  de  la  couleur  des  inférieures. 
Chenille  dans  les  maisons,  rongeant  les  biscuits,  le  pain,  les  amandes, 
les  raisins  secs,  etc.,  paraissant  préférer  les  figues  sèches  et  les  pruneaux- 


KPFIESTIA,    CRAMBUS.  675 

Pendant  le  siège  de  Paris  (1870-1871),  M.  J.  Fallou  reçut  une  boîte 
contenant  des  biscuits  de  mer  attaqués  par  la  chenille  de  1'^'.  inter- 
punctella.  Il  conserva  la  boîte  pendant  deux  ans  (1)  et  obtint  plusieurs 
générations  de  papillons.  On  donna  aux  chenilles  des  marrons  glacés  e 
des  petits  fours,  substances  qu'elles  préfèrent  beaucoup  aux  herbes 
sèches.  Lorsqu'elles  étaient  pour  se  chrysalider,  elles  cherchaient  par 
toute  la  boîte  un  endroit  propice  avant  de  se  fixer>  et  c'est  en  fai- 
sant ces  allées  et  venues  qu'elles  ont  tapissé  le  verre  de  la  boîte  d'un 
enduit  gommeux,  de  sorte  que  ce  verre  semble  avoir  été  dépoli  par  la 
main  de  l'homme.  Nous  devons  encore  citer  E.  Ficella,  Douglas,  dont 
la  chenille  vit  dans  les  figues  sèches.  Le  papillon  a  été  découvert  en 
Angleterre  et  observé  ensuite  en  France  en  plusieurs  endroits,  ainsi 
très  abondant  près  de  Cannes  et  aux  environs  de  Perpignan.  Dans  les 
espèces  non  domestiques,  nous  citerons  E.  pinguis,  Haworth,  the  Tabby 
knot-horn,  du  sous-genre  Euzophera,  Zeller,  de  22  à  24  millimètres 
d'envergure,  la  tète  et  le  corps  de  la  couleur  des  ailes,  les  ailes  supé- 
rieures étroites,  peu  allongées,  d'un  gris  rougeàtre  un  peu  corné  au 
milieu,  traversées  par  deux  lignes  plus  claires  que  le  fond,  épaisses, 
anguleuses,  largement  bordées  de  noir  des  deux  côtés,  surtout  au  côté 
interne,  avec  un  petit  point  discoïdal  blanc,  souvent  absolète,  la  frange 
de  la  couleur  de  l'aile,  précédée  par  une  série  de  petits  points  noirs  ;  ailes 
inférieures  d'un  blanc  sale,  ainsi  que  la  frange.  Nous  représentons  des 
détails  de  ce  papillon  (pi.  xcvui,  tig.  Zi.atète;  b,  la  spiritrompe  avec 
le  palpe  labial  et.partie  de  l'antenne).  La  chenille  n'est  pas  connue,  mai- 
vit  probablement  sur  les  arbres  résineux,  comme  celle  de  l'espèce  vois 
sine,  E.  terebrella,  Zincken.  Le  papillon  à'E.  pinguis  se  trouve  en  effet, 
mais  peu  commun,  au  mois  de  juillet  dans  les  bois  de  pins  et  de  sa- 
pins, à  Cannes  (Millière),  au  Mont-Dore-les-Bains  (Maurice  Sand),  en 
Alsace  et  dans  les  Vosges  (de  Peyerimhoff). 

Les  Crambides  présentent  des  papillons  à  antennes  dentées  ou  ciliées, 
couchées  au  repos  sous  les  ailes,  ne  présentant  jamais  ni  nodosités,  ni 
déviations,  à  quatre  palpes  bien  distincts,  les  lal)iaux  très  longs,  dépas- 
sant beaucoup  la  tète,  en  bec  arqué  en  dessous,  les  maxillaires  très 
courts,  à  tète  grosse,  à  corps  grêle  et  lisse,  l'abdomen  dépassant  rare- 
ment les  ailes  inférieures.  Les  ailes  supérieures  sont  oblongues,  avec 
des  lignes  plus  ou  moins  distinctes,  sans  taches  cellulaires,  les  infé- 
rieures très  développées,  sans  dessins,  avec  la  costale  franchement  tri- 
fide,  sans  traces  de  sous-costale;  au  repos,  toutes  les  ailes  se  recouvrent 
en  toit  très  déclive,  simulant  un  enroulement  autour  du  corps,  mais 
pas  d'une  façon  aussi  nette  et  aussi  complète  que  chez  beaucoup  de 
Tinéiniens.  Les  deux  sexes  sont  souvent  très  différents.  Les  chenilles,  à 
16  pattes  ou  à  ili  pattes,  de  couleurs  ternes,  vivent  cachées  dans  des 
galeries  sous  les  mousses,  où  elles  se  métamorphosent. 

(1)  Bulletin  d' insectologie  agricole,  1881,  p.  42. 


676  LÉPIDOPTÈRES. 

CRA!tlBU§i,  Fabr.  —  Antennes  simples  dans  les  deux  sexes;  tête  aussi  large 
que  le  tliorax,  celui-ci  étroit;  les  quatre  palpes  visibles,  les  labiaux  plus  ou 
moins  longs,  coniiivents.  dirigés  en  avant  en  forme  de  bec;  ailes  supérieures 
allongées  et  étroites,  souvent  ornées  de  bandes  et  de  taches  argentées;  les 
inférieures  bien  développées,  larges  et  de  consistance  molle,  plissées  au  repos 
en  éventail  et  entièrement  recouvertes  par  les  supérieures,  de  sorte  que  les 
quatre  ailes  s'enroulent  et  enveloppent  exactement  l'abdomen  ;  abdomen  effilé, 
dépassant  peu  ou  point  les  ailes;  femelles  ordinairement  plus  petites  que  les 
mâles.  —  Chenilles  vermiformes,  de  couleur  livide  ou  terreuse,  à  ià  pattes. 

Les  papillons  des  Crambus  sont  faciles  à  reconnaître  entre  tous  par 
leurs  longs  palpes  qui  s'avancent  beaucoup  au  delà  de  la  tôte  et  par 
leurs  ailes  enroulées  autour  de  l'insecte  au  repos,  de  sorte  qu'il  pré- 
sente à  peu  près  la  forme  d'un  demi-cylindre.  Us  ont  un  vol  faible  et  peu 
soutenu,  se  reposent  fréquemment  sur  les  tiges  des  Graminées,  parallè- 
lement à  leur  direction,  et,  le  plus  souvent,  la  tête  en  bas.  Certains  pré- 
fèrent les  contrées  montagneuses;  on  les  trouve  partout,  dans  les  bois, 
les  prairies  sèches,  les  hautes  herbes,  particulièrement  communs  dans  le 
voisinage  des  eaux  stagnantes  et  dans  les  prairies  humides  et  maréca- 
geuses, où  leurs  chenilles  trouvent  une  ample  nourriture;  quelques 
espèces  sont  si  abondantes  qu'elles  se  lèvent  par  essaims  des  herbes 
que  l'on  foule  aux  pieds.  On  connaît  déjà  en  Europe  plus  de  quatre- 
vingts  espèces  de  Crambus,  dont  un  grand  nombre  se  trouvent  en 
France,  et  c'est  un  des  genres  de  Lépidoptères  où  les  collectionneurs 
peuvent,  à  bon  droit,  espérer  la  capture  d'espèces  nouvelles.  Les  che- 
nilles de  ce  genre  ont  été  jusqu'ici  très  imparfaitement  étudiées;  celles 
qu'on  connaît  et  qui  ne  sont  qu'en  pelit  nombre,  vivent  dans  la  terre, 
où  elles  subissent  toutes  leurs  métamorphoses,  parmi  les  racines  des  tira- 
minées,  des  Cypéracées  et  des  Mousses  ;  elles  s'y  construisent  de  longues 
galeries  ou  boyaux  doublés  de  soie,  où  elles  circulent  avec  facilité. 

Les  Crambus  constituent  un  genre  à  espèces  multipliées  et  habitant 
tout  le  globe,  connues  surtout  d'Europe  et  d'Amérique  ;  l'Océanie  en 
possède  de  très  belles  espèces. 

Une  des  espèces  les  plus  communes  est  le  C.  pratellus,  Linn,,  Clerck, 
syn.  :  pratorum,  Fabr.  ;  la  Teigne  des  prairies,  Devillers,  the  Dark  In- 
laid  Veneer,  envergure  de  20  à  22  millimètres;  tête,  palpes,  antennes 
et  thorax  d'un  gris  brun,  ainsi  que  les  pattes;  ailes  supérieures  aiguës 
à  l'angle  apical,  légèrement  échancrées  au  bord  externe,  d'un  brun 
fauve  plus  ou  moins  foncé,  traversées  à  peu  près  dans  leur  milieu  par 
une  bande  longitudinale  d'argent,  bifurquée  avec  une  tache  blanche 
peu  déterminée  dans  la  bifurcation,  et  deux  autres  raies  d'argent  entre 
la  bande  du  milieu  et  la  côte,  ces  deux  raies  coupées  obliquement  à 
leur  extrémité  par  un  trait  brun;  en  outre,  une  petite  tache  blanche 
costale  et  deux  autres  taches  blanches  dans  le  triangle  de  l'angle  apical. 
Ainsi  que  dans  beaucoup  d'autres  espèces  de  Crambus,  le  fond  des  ailes 


CRAMBUS.  677 

est,  en  outre,  traversé  longitudinalement  par  plusieurs  lignes  de  cou- 
leur d'acier;  la  frange  est  brune  et  précédée  d'une  fine  ligne  argentée 
brillante;  ainsi  que  de  quatre  petits  points  noirs;  ailes  inférieures  d'un 
grisplus  ou  moins  foncé,  avec  la  frange  blanche  et  luisante  ;  abdomen 
de  la  couleur  de  ces  ailes  inférieures;  femelle  avec  les  ailes  supérieures 
d'un  fauve  pâle,  souvent  blanchâtre,  et  les  mêmes  dessins  que  chez  le 
mâle,  les  ailes  inférieures  d'un  gris  clair.  Ce  C.  pratellus,  qui  varie 
beaucoup  d'aspect,  vole  abondamment  de  mai  à  juillet  dans  tous  les 
lieux  herbus  et  les  prairies,  au  bord  des  chemins  et  aussi  dans  les  bois, 
môme  de  préférence  en  certains  pays,  comme  dans  Eure-et-Loir  (Gue- 
née).  Cette  espèce  s'élève  jusqu'aux  plus  hauts  plateaux  des  Vosges  et 
dans  les  Alpes  jusqu'à  2000  mètres;  les  individus  des  lieux  élevés  sont 
très  foncés;  elle  n'est  pas  citée  dans  le  Catalogue  des  Alpes-Maritimes 
(Minière).  A  côté  de  cette  espèce  et  un  peu  moins  commune,  de  mai 
en  juillet  et  des  mêmes  localités,  nous  citerons  C.  pascuellus,  Linn.,  la 
Teigne  des  pâturages,  Devillers;  les  individus  des  hauts  sommets  des 
Vosges  sont  rembrunis.  Le  C.  radiellus,  Hubner,  de  22  millimètres  d'en- 
vergure, les  deux  sexes  pareils,  les  ailes  supérieures  étroites,  d'un  brun 
olivâtre  bronzé  ou  légèremeot  doré,  avec  une  bande  médiane  et  lon- 
gitudinale d'un  blanc  argenté,  bande  étroite,  s'élargissant  insensible- 
ment jusqu'à  son  extrémité  qui  n'atteint  pas  la  frange  et  légèrement 
dentée  inférieurement,  la  frange  d'un  jaunâtre  très  clair,  entrecoupée 
de  quelques  petits  traits  blancs;  ailes  inférieures  d'un  gris  brun,  avec 
la  frange  d'un  jaunâtre  clair.  Tête,  palpes,  antennes  et  thorax  de  la 
couleur  des  ailes  supérieures,  l'abdomen  étant  de  la  couleur  des  ailes 
inférieures  (pi.  xcvii,  tig.  15,  base  de  la  spiritrompe  avec  le  palpe 
labial;  15,  a,  tête  de  profil,  avec  spiritrompe  et  palpe  maxillaire; 
15,  6, portion  de  l'antenne);  juin,  juillet,  août,  Alpes  et  contrées  monta- 
gneuses; Saône-et-Loire,  près  d'Autun,  prairies  humides  et  vallées  boi- 
sées (Constant).  Nous  représentons  (pi.  xcvii,  fig.  1^),  un  grand  et  beau 
Crarnbus,  C.  retusalis,  G.  Mén.,  les  ailes  supérieures  subfalquées  au 
sommet  et  fortement  sinuées  au  bord  externe.  C'est  probablement  une 
espèce  exotique.  D'après  Guérin-Méneville,  il  faut  placer  près  des  Crarn- 
bus le  genre  Diatrœa  de  Guilding  [Transact.Linn.  Soc.,  t.  XLVI,p,  i!i3), 
dont  l'espèce  type,  Diatrœa  sacchari,  Guild.,  cause  un  grand  tort  aux 
cannes  à  sucre  dans  les  Antilles,  sa  chenille  vivant  dans  le  centre  de  la 
tige  et  faisant  périr  la  plante.  Ce  Lépidoptère  est  probablement  la  même 
espèce  que  Phalœtia  saccharaiis,  Fabr.  iEntomol.  system.,  III,  p.  238). 

Le  genre  Leucinus,  Guenée,  fait  la  transition  des  Crambides  aux  Chi- 
lonides.  Il  est  formé  entièrement  d'espèces  exotiques,  d'Amérique,  du 
Bengale,  de  l'Australie  et  de  Port-Natal.  Ce  sont  de  jolies  petites  espèces 
d'un  blanc  pur  et  argenté,  ayant  pour  tout  dessin  la  frange  et  deux 
taches  costales  ferrugineuses,  dont  la  seconde  forme  parfois  une  bande, 

Les  Chilonides  (Staudinger)  présentent  des  papillons  de  grande  taile, 
pour  des  Pyraliens,  parfois  môme  gigantesques  dans  certaines  espèces 


678  LÉPIDOPTÈRES. 

exotiques,  ainsi  85  millimètres  d'envergure  cUans  la  femelle  d'une 
espèce  brésilienne  (Guenée).  Ils  ont  les  quatre  palpes,  dont  les  labiaux, 
souvent  très  longs  et  droits,  les  antennes  courtes,  l'abdomen  dépassant 
les  ailes,  celles-ci  larges,  presque  sans  dessins.  Les  femelles  ont  toujours 
l'abdomen  organiquement  différent  de  celui  des  mâles.  Les  chenilles 
sont  vermiformes  et  vivent  renfermées  à  la  manière  ides  Nonagries, 
dans  les  tiges  des  plantes  aquatiques.  Dans  le  genre  Scirpophaga, 
Treitschke,les  antennes  sont  longues  et  ciliées  dans  le  mâle,  courtes  et 
filiformes  dans  la  femelle,  la  spiritrompe  nulle  ou  rudimentaire.  Les 
chenilles  sont  glabres,  vermiformes,  vivant  et  se  métamorphosant  dans 
l'intérieur  des  tiges  des  Scirpus;  les  chrysalides  sont  cylindriques  et 
très  allongées  dans  là  partie  abdominale.  Une  seule  espèce  d'Europe, 
outre  des  exotiques,  des  marécages  d'Allemagne  et  de  Hongrie,  en 
juillet  et  août,  citée  aussi  de  France,  mais  très  rare,  et  que  nous  enga- 
geons les  amateurs  à  rechercher.  Les  papillons  sont  en  entier  d'un 
blanc  luisant  et  satiné;  S.  alba,  Cramer,  avec  un  peu  de  gris  roussàtre 
en  dessous  chez  le  mâle,  de  33  millimètres  d'envergure,  la  femelle  en 
ayant  Z|5,  l'abdomen  terminé  par  une  brosse  laineuse  d'un  blanc  gri- 
sâtre, beaucoup  plus  forte. chez  la  femelle  que  chez  le  mâle,  les  pattes 
postérieures  très  longues  dans  les  deux  sexes.  La  chenille,  brune  et 
rose,  vit  dans  l'intérieur  des  Scirpus.  La  femelle  a  pondu  ses  œufs  sur 
la  partie  supérieure  de  la  plante,  en  les  recouvrant  d'une  bourre  lai- 
neuse, à  la  façon  des  Liparis.  Ln  sortant  de  l'œuf,  la  petite  chenille  pé- 
nètre dans  l'inférieur  du  Scirpe  par  le  haut  de  la  tige,  s'y  creuse  un 
canal  jusqu'à  la  racine  exclusivement;  arrivée  là,  elle  élargit  sa  de- 
meure, de  manière  à  pouvoir  se  retourner  et  remonter  au  besoin. 
Quand  elle  est  à  toute  sa  faille,  elle  pratique  au-dessus  du  niveau  de 
l'eau  une  ouverture  sur  le  côté,  destinée  à  la  sortie  de  l'adulte  et  fermée 
jusque-là  en  dehors  par  une  simple  pellicule;  puis  elle  se  retire  plus 
ou  moins  au-dessous  de  l'eau  et  se  construit  une  coque  analogue  à  celle 
des  Nonagria,  dans  laquelle  elle  se  change  en  une  chrysalide  blan- 
châtre, à  peau  mince  et  transparente,  très  allongée  inférieurement. 

Le  genre  Schœnobius,  Duponchel,  présente  des  papillons  à  antennes 
filiformes,  plus  courtes  chez  les  femelles,  un  peu  subciliées  chez  les 
mâles,  les  palpes  extrêmement  longs  et  étendus  en  bec  ouvert,  la  spi- 
ritrompe presque  nulle,  les  ailes  larges  et  épaisses,  les  supérieures  peu 
aiguës  chez  les  mâles  qui  ont  l'abdomen  grêle,  les  ailes  supérieures, 
au  contraire,  lancéolées  dans  les  femelles,  dont  l'abdomen  est  épais  et 
terminé  par  un  faisceau  de  poils.  Ces  papillons  se  prennent  au  réflec- 
teur; les  femelles,  bien  plus  grandes  que  les  mâles,  sont  rares.  Les  che- 
nilles, lisses  et  allongées,  vivent  et  se  métamorphosent  dans  les  tiges 
des  Arunch  et  des  Carex.  Les  chrysalides  sont  longues  et  entourées  d'un 
tissu  transparent.  L'espèce  la  plus  répandue  en  France,  assez  com- 
mune dans  le  nord,  moins  fréquente  au  centre,  se  trouvant  sur  le  bord 
des  rivières  à  roseaux  et  dans  les  lieux  marécageux,  est  le  S.  Forfï- 


SCHŒNOBIUS,    CHILO.  679 

cellus,  Thunberg,  the  Pale  Hooktip  Veiieer;  envergure  du  mâle  de  22  à 
25  millimètres,  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  d'ocre  plus  ou  moins 
clair,  avec  la  côfe  plus  foncée  et  une  ligne  oblique  brune  partant  du 
sommet  et  n'atteignant  pas  le  bord  interne,  au  point  noir  discoïdal  et 
souvent  deux  ou  trois  petits  points  bruns  le  long  du  bord  interne  et  des 
petits  points  noirs  le  long  de  la  frange;  tâte,  palpes,  antennes  et  thorax 
de  la  couleur  des  ailes  supérieures;  abdomen  et  ailes  inférieures  d'un 
blanc  jaunâtre,  avec  une  faible  ligne  oblique  et  grise  vers  l'angle  externe  ; 
femelle  de  30  millimètres  d'envergure,  les  ailes  supérieures  lancéolées 
et  très  aiguës  au  sommet,  d'un  jaune  d'ocre  pâle,  les  inférieures 
blanches;  une  brosse  de  poils  d'un  gris  jaunâtre  au  bout  de  l'abdomen. 
La  chenille  est  d'un  gris  verdâtre,  avec  une  vasculaire  d'un  vert  foncé, 
la  tête  et  la  plaque  prothoracique  noires,  cette  plaque  partagée  par  une 
ligne  blanchâtre,  les  pattes  écailleuses  jaunes;  elle  vit  en  mai  dans  le 
bas  des  tiges  des  Carex,  de  Poa  aquatica  et  de  VArundo  phragnàtes  ou 
Roseau  à  balai.  La  chrysalide  se  fait  dans  un  tissu  transparent  et  cylin- 
droïde;  elle  est  cylindrique,  d'un  blanc  jaunâtre,  à  peau  fine,  avec  les 
fourreaux  des  ailes  et  des  pattes  très  longs,  et  s'étendant  jusqu'au  der- 
nier segment  de  l'abdomen.  Elle  donne  le  papillon  en  juin  et  juillet; 
son  trou  de  sortie  de  la  tige  est  parfois  placé  au-dessous  du  niveau  de 
l'eau,  mais  le  développement  des  ailes  n'a  lieu  que  lorsqu'il  est  remonté 
sur  la  tige,  au-dessus  de  l'eau.  Une  espèce  voisine  et  plus  grande,  sur- 
tout connue  des  marécages  d'Allemagne  et  de  Hongrie,  est  le  S.  Gigan- 
tellus,  cat.  de  V.,  le  mâle  de  25  à  28  millimètres  d'envergure,  la  femelle 
de  35  à  IxO.  La  chenille  est  d'un  jaune  d'argile,  avec  des  raies  transver- 
sales grises  ou  d'un  vert  olive,  la  tt^te  et  l'écusson  d'un  jaune  brunâtre 
luisant.  Elle  vit  depuis  la  fin  de  mai  jusqu'à  la  fin  d'août,  d'abord  dans 
les  jeunes  pousses,  puis  dans  la  tige  de  VArundo  phragmites,  se  creusant 
un  canal  jusqu'à  la  racine,  en  dévorant  l'intérieur.  D'après  Treitschke, 
pour  se  transporter  d'une  tige  dans  une  autre,  elle  coupe  un  morceau 
de  la  tige  qui  la  renferme,  de  la  grandeur  de  son  corps;  puis,  après  s'y 
être  introduite  et  en  avoir  fermé  les  deux  bouts,  elle  se  livre  au  mou- 
vement de  l'eau  dans  ce  bateau  improvisé.  Quand  il  arrive  près  d'une 
tige  qui  lui  convient,  elle  sort  de  son  étui  la  partie  antérieure  de  son 
corps,  grimpe  en  le  traînant  après  elle  contre  cette  tige,  et  l'y  attache 
à  l'endroit  qu'elle  a  choisi  pour  s'y  introduire.  La  chrysalide,  formée 
dans  une  mince  coque  allongée,  est  d'un  jaune  paille,  lisse,  cylindroïde, 
à  peau  fine  et  transparente,  donnant  le  papillon  en  juin  et  juillet;  il  est 
probable  qu'il  y  a  hibernation  des  chenilles  qu'on  trouve  après  ces 
époques.  Cette  espèce,  qu'il  faut  rechercher,  est  jusqu'à  présent  regar- 
dée comme  très  rare  en  France.  M.  F^oucart  la  prend  tous  les  ans  au 
réflecteur,  près  de  Douai,  et  M.  Maurice  Sand  l'a  trouvée  dans  les  marais 
et  étangs  du  Berri. 

Nous  terminerons  l'indication  de  ces  Pyraliens  à  mœurs  si  curieuses 
par  quelques  mots  sur  le  genre  Chilo,  Zincken.  Les  antennes  eont  fili- 


680  LÉPJDOPTÈRES. 

formes  et  d'égale  longueur  dans   les   deux  sexes,  les  quatre  palpes 
visibles,  les  labiaux  aussi  longs  que  la  tête  et  le  thorax  réunis  et  dirigés 
en  avant  en  forme  de  bec;  spiritrompe  courte  et  membraneuse;  som- 
met des  ailes  supérieures  aigu  dans  les  deux  sexes,  plus  fortement  dans 
les  femelles;  abdomen  grêle  chez  les  mâles,  allongé,  renflé  au  milieu 
et  terminé  en  pointe  chez  les  femelles.  L'espèce  la  plus  répandue  en 
France,  rare  du  reste  comme  tous  les  endophytes  aquatiques,  est  le 
C.  phragmitellus,  Hubner,  the  Wainscot  Veneer,  mâle  de  28  millimètres 
d'envergure,  à  ailes  supérieures  d'un  brun  marron  clair,  avec  un  point 
discoïdal  noir,  les  ailes  inférieures  blanches;  femelle  de  /i5  millimètres 
d'envergure,  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  paille  plus  ou  moins 
ocreux,  avec   un   point  discoïdal,  les   ailes  inférieures  blanches;  on 
trouve  quelquefois  des  mâles  de  la  couleur  des  femelles.  La  chenille 
est  effilée,  nue,  d'un  blanc  d'os,  avec  cinq  raies  longitudinales  couleur 
de  rouille,  la  tête  et  l'écusson  du  prothorax  d'un  jaune  brun,  le  ventre 
et  les  pattes  d'un  blanc  terne.  Elle  vit  depuis  l'automne  jusqu'au  mois 
de  juin  de  l'année  suivante  au  bas  des  liges  et  dans  les  racines  de 
VArundo  Phragmites ;  c'est  dans  la  tige  qu'elle  devient  chrysalide,  on 
trouve  ordinairement  celle-ci  dans  les  tiges  de  l'année  précédente  et 
presque  à  la  surface  de  l'eau.  Cette  chrysalide  est  longue  et  brune, 
avec  une  protubérance  en  forme  de  nez  au-devant  de  la  tête,  et  l'ab- 
domen terminé  par  une  pointe  obtuse,  garnie  de  dents  circulairement. 
Elle  hiverne  dans  une  portion  de  la  tige  fermée  en  dessus  et  en  dessous 
d'eau  par  un  tissu  soyeux.  Comme  elle  est  placée  la  tête  en  haut,  un 
peu  au-dessus  du  niveau  de  l'eau,  le  papillon  sort  aisément  par  un 
trou  ménagé  latéralement  et  bouché  seulement  par  la  cuticule  externe, 
qui  cède  sous  une  très  légère  pression.  Ce  papillon  se  trouve  en  juin  et 
en  août,  assez  commun  dans  les  marais  du  département  du  Nord  (Fou- 
cart),  dans  ceux  de  l'Aube  (Jourdheuille),  dans  les  marais  et  étangs  du 
Berri  (Maurice  Sand). 

Les  Gallérides,  famille  par  laquelle  nous  terminerons  les  Pyraliens, 
présentent  des  papillons  a  antennes  sétacées,  courtes,  simples,  avec  une 
petite  dent  squameuse  à  la  base;  la  spiritrompe  est  courte.  Il  n'y  a  que 
les  palpes  labiaux  visibles,  ceux  des  mâles  courts,  à  dernier  article  aigu, 
ceux  des  femelles  squameux,  allongés,  étendus.  Les  ailes  sont  allon- 
gées, ovales,  souvent  très  différentes  dans  les  deux  sexes,  tant  pour 
le  dessin,  la  couleur  ou  la  coupe  que  pour  la  nervulation.  Les  ailes 
supérieures  enveloppent  les  inférieures  qui  sont  fortement  plissées  et  se 
moulent  autour  du  corps.  Quoique  les  ailes  soient  bien  développées,  ces 
papillons  volent  peu,  mais  ont  une  démarche  vive,  rapide  et  sautil- 
lante. Us  glissent  entre  les  doigts  qui  cherchent  à  les  saisir,  en  raison 
des  écailles  graisseuses  dont  ils  sont  couverts.  Pendant  le  jour,  on  les 
trouve  souvent  endormis  dans  le  voisinage  des  ruches  ou  des  nids  de 
Bourdons  ou  de  Guêpes  dans  lesquels  les  chenilles  ont  vécu  et  où  elles 
subissent  toutes  leurs  métamorphoses. 


GALLERIA.  681 

Les  papillons  pondent  avec  une  extrême  rapidité  ;  en  outre,  ils  ont 
la  vie  tellement  tenace  que  si  on  coupe  en  deux  un  GaUeria  ou  un 
Achrœa  vivants,  en  séparant  l'abdomen  du  thorax,  on  voit  encore 
l'oviscapte  continuer  à  émettre  des  œufs  en  grand  nombre  longtemps 
après  l'opération.  Les  chenilles  à  16  pattes  sont  glabres,  vermiformes, 
épaisses  avec  des  points  verruqueux;  elles  vivent  de  diverses  matières 
organiques,  surtout  animales,  comme  la  cire  des  Abeilles  et  des 
Bourdons,  mangeant  parfois,  dit-on,  lecartondesGuêpes  etaussi  diverses 
substances,  vieux  papiers,  débris  de  liège,  etc.,  qui  se  trouvent 
dans  les  maisons. 

G.%L.liERl.%,  Fabr.  —  Front  proéminent;  palpes  dépassant  à  peine  le  front 
chez  les  mâles,  assez  longs  et  incombants  chez  les  femelles  ;  les  deux  sexes 
différents  ;  spirilrompe  membraneuse  et  à  peine  visible  ;  ailes  supérieures  avec 
la  nervure  sous-costale  appendiculée;  cellule  discoïdale  du  mâle  très  étendue, 
opaque  ;  ailes  inférieures  avec  la  nervure  médiane  quadrifide  ;  bord  postérieur 
des  ailes  supérieures  toujours  arrondi  dans  les  femelles,  quelquefois  fortement 
échancré  dans  les  mâles;  pattes  robustes  et  renflées;  tète  sessile;  corselet 
ovoïde;  abdomen  robuste,  aussi  long  quêtes  ailes  dans  l'état  de  repos. 

Les  auteurs  ont  longtemps  fait  des  espèces  distinctes  avec  les  deux 
sexes  des  Galleries,  jusqu'à  ce  que  l'observation  de  l'accouplement  et 
l'éducation  des  chenilles  aient  fait  reconnaître  l'erreur,  lîn  effet,  les 
mâles  diffèrent  des  femelles  non  seulement  par  la  coupe,  le  dessin  et 
la  couleur  des  ailes  supérieures,  mais  encore  par  la  forme  des  palpes 
labiaux  qui  sont  très  développés  dans  les  femelles,  tandis  qu'ils  sont 
très  courts  et  recouverts  par  la  voûte  du  front  dans  les  mâles.  L'espèce 
d'Europe  est  G.  mellunella,  Linn.  (femelle),  syn.  :  cerecma  Linn.  (mâle), 
cerella,  Fabr.,  Dup.  (les  deux  sexes),  la  Teigne  du  miel,  Devillers,  the 
Honey  comb  Moth  des  Anglais.  Cette  espèce  et  une  autre  plus  petite  du 
genre  Achrœa,  étaient  désignées  par  Réaumur  sous  le  nom  de  fausses 
Teignes  de  la  cire,  grande  et  petite.  Les  fausses  Teignes  étaient  dis- 
tinguées par  Réaumur  des  vraies  Teignes,  en  ce  que  leurs  chenilles 
ne  s'enveloppent  pas  de  fourreaux.  La  grande Gallerie  delà  cire,  qui  est 
plus  répandue  que  l'autre  dans  la  zone  parisienne,  est  plus  nuisible  en 
raison  de  sa  forte  taille,  peu  ordinaire  chez  les  Microlépidoptères. 
C'est  elle  que  les  paysans  apiculteurs  des  environs  de  Paris  nomment 
le  papillon.  Le  mâle  de  G.  mellonella,  de  28  à  30  millimètres  d'enver- 
gure, a  les  antennes,  la  tête  et  le  thorax  de  la  couleur  des  ailes 
supérieures,  l'abdomen  participant  à  la  coloration  des  inférieures; 
ailes  supérieures  arrrondies  à  la  côte  et  au  bord  interne,  très  échan- 
crées  au  bord  externe,  d'un  brun  cendré  ou  jaunâtre,  avec  des  stries 
longitudinales  et  des  taches  d'un  brun  pourpré  le  long  du  bord  interne, 
la  ligne  coudée  représentée  par  une  courbe  formée  de  petits  traits 
bruns  plus  ou  moins  visibles,  la  frange  courte  et  d'une  seule  couleur  ; 


fi82  LÉPIDOPTÈRES. 

ailes  inférieures  d'un  gris  brunûtre,  plus  clair  vers  la  base  et  le  bord 
abdominal,  avec  la  frange  d'un  gris  clair.  La  femelle  plus  grande,  de 
32  à  35  millimètres  d'envergure  (pi.  xvcii,  fig.  12),  a  les  ailes  supérieures 
plus  allongées,  peu  ou  point  échancrées  au  bord  externe,  d'un  brun 
rougcltre  ou  violàtre,  avec  plusieurs  lignes  ou  taches  longitudinales  d'un 
brun  noir  le  long  du  bord  interne;  la  coudée  est  mieux  marquée  et  la 
côte  près  du  sommet  est  ornée  de  plusieurs  petites  lignes  blanchâtres, 
la  frange  étant  entrecoupée  de  brun  ;  ailes  inférieures  d'un  blanc 
jaunâtre,  avec  le  limbe  très  légèrement  îeinté  de  noirâtre;  tète,  an- 
tennes, palpes  et  thorax  d'un  gris  roussàtre,  abdomen  d'un  blanc 
jaunâtre.  La  chenille  à  16  pattes  est  cylindrique,  [fusiforme,  épaisse, 
d'un  blanc  d'os,  la  tête  et  l'écusson  du  prothorax  d'un  brun  marron, 
celui-ci  partagé  longitudinalement  par  une  ligne  blanchâtre  se 
prolongeant  sur  le  dos,  mais  souvent  indistinctement;  elle  a  des  points 
verruqueux  isolés  et  bruns,  surmontés  chacun  d'un  poil  fin,  et  un 
clapet  anal  brunâtre. 

Les  papillons  de  G.  mellonella  ont  au  moins  deux  générations  par  an; 
ils  éclosent  d'ordinaire  en  mai,  puis  en  juillet  et  en  août,  ceux  de  la 
première  époque  provenant  de  chenilles  qui  naissent  en  août  et  qui 
hivernent  dans  les  ruches,  et  ceux  de  la  seconde  de  chenilles  écloses 
en  mai  et  qui  subissent  leur  évolution  totale  en  trois  mois,  tandis  qu'il 
en  faut  huit  à  neuf  pour  les  autres.  Cette  espèce,  et  de  même  la  petite 
Gallerie  du  genre  Achrœa,  ne  dépasse  pas  une  altitude  de  1200  mètres. 
Il  y  a  des  papillons  qui  pondent,  paraît-il,  sur  les  fleurs,  de  sorte  que 
les  Abeilles  butineuses  transportent  leurs  œufs  entre  les  poils  ou  inter- 
calés dans  le  pollen  mis  dans  les  cellules;  quand  vient  la  chaleur,  on 
voit  sortir  de  celui-ci  de  minuscules  chenilles,  comme  des  vers,  se 
tortillant  ainsi  que  des  petits  serpents.  En  outre,  les  papillons  s'intro- 
duisent à  l'intérieur  des  ruches,  et,  grâce  à  l'enveloppe  écailleuse  de 
leur  corps,  grâce  aussi  à  leur  démarche  vive,  rapide  et  sautillante, 
parviennent  à  échapper  à  l'aiguillon  meurtrier  et  à  déposer  très  promp- 
tenient  leurs  œufs  sur  les  gâteaux.  La  chenille  ne  vit  pas  aux  dépens 
du  miel,  mais  de  la  cire  ;  c'est  un  véritable  fléau  pour  l'apiculteur, 
car,  à  peine  sortie  de  l'œuf,  elle  s'enfonce  dans  les  gâteaux,  rongeant 
la  cire  et  bravant  l'aiguillon  en  se  construisant  un  long  tuyau  irré- 
gulier formé  de  soie,  dans  lequel  elle  se  développe  en  sécurité.  Ce 
fourreau,  tapissé  en  dedans  d'une  soie  blanche  très  serrée,  est  conso- 
lidé à  l'extérieur  par  des  granules  d'une  substance  qui  ne  paraît 
did'érer  en  rien  de  la  cire,  sauf  qu'elle  est  plus  blanche,  et  par  des 
excréments  noirs  et  granulés  de  la  chenille.  Le' tuyau  n'est  d'abord 
pas  plus  gros  qu'un  fil,  mais  il  s'élargit  et  s'allonge  en  même  temps 
que  la  chenille,  de  manière  à  ce  qu'elle  ait  toujours  assez  de  place 
pour  se  retourner  et  jeter  ses  excréments  au  dehors.  Ordinairement 
ces  tuyaux  ont  de  douze  à  quinze  centimètres  de  longueur;  mais  on 
en  trouve  parfois  de  beaucoup  plus  longs.  On  s'aperçoit  de  la  présence 


GALLERIA,    APHOMTA.  68^ 

de  ces  chenilles  dans  une  ruche  aux  déjections  noires,  pareilles  à  des 
grains  de  poudre,  qu'on  trouve  sur  le  tabher,  mêlées  à  de  nombreuses 
parcelles  de  cire  et  aussi  à  l'odeur  qui  s'exhale.  En  raison  de  la  combus- 
libihté  de  l'aliment  hydrocarboné  qu'elles  dévorent,  ces  chenilles 
entassées  dans  les  gâteaux  dégagent  une  chaleur  considérable  que  j'ai 
vue  s'éleveràplus  de  25 degrés  au-dessus  de  l'air  ambiant(l).  Parvenues 
à  toule  leur  taille,  les  chenilles  se  construisent,  dans  l'intérieur  des 
galeries,  des  cocons  d'une  soie  blanche,  comme  gommée,  épaisse  et 
résistante,  difficile  à  déchirer  entre  les  doigts,  cocons  agglomérés  les 
uns  conire  les  autres.  Elles  s'y  changent  en  chrysalides  d'un  brun 
rouge,  d'où  naissent  les  adultes  sortant  pour  s'accoupler;  après  quoi  les 
femelles  rentrent  bientôt  dans  la  ruche  et  pondent.  En  hiver  les 
chenilles  de  tout  âge  restent  engourdies,  jusqu'à  ce  que  la  chaleur  du 
printemps  leur  permette  de  reprendre  leur  activité  malfaisante. 

Les  chenilles  creusent  et  minent  les  rayons  de  cire  si  profondément 
qu'ils  se  détachent  et  entraînent  le  couvain,  le  miel  et  le  pollen,  eau. 
sant  un  tel  désastre  que  les  Abeilles  rebutées  abandonnent  la  ruche  si 
l'apiculteur  n'emploie  pas  les  moyens  nécessaires  (voy.  t.  II,  p.  693). 
Il  y  a  en  Amérique  deux  espèces  de  Galleria  très  voisines  de  la  nôtre. 

APHOHIA,  Hiibner.  —  Front  saillant;  dent  de  la  base  des  antennes  distincte; 
palpes  labiaux  rudinientaires  chez  les  mâles,  très  longs  et  étendus  chez  les 
femelles  à  la  façon  des  Ci-ambus;  ailes  supérieures  avec  la  nervure  sous-costalo 
sans  appendice,  la  cellule  discoïdale  du  mâle  opaque,  très  large,  s'étendant 
jusqu'au  bord  externe,  celle  de  la  femelle  petite  et  biûde  ;  ailes  inférieures  avec 
la  nervure  médiane  irifide  ;  pattes  longues  et  nues  ;  les  deux  sexes  à  dessins 
très  différents. 

L'espèce  d'Europe  présente  son  papillon  éclosant'de  mai  à  juillet, 
parfois  même  eu  septembre,  assez  abondant  par  places  et  se  capturant 
aisément  au  réflecteur.  C'est  l'A.  sociella,  Linn.,syn.  colonelle,  Linn. 
(femelle),  VAssociée,  Devillers,  the  green  shaded  Honey  Moth;  envergure 
du  mâle  26  à  28  millimètres, tête,  antennes  et  thorax  d'un  blanc  mat, abdo- 
men de  la  couleur  des  ailes  inférieures;  ailes  supérieures  entières, 
sans  échancrure  au  bord  externe,  d'un  blanc  mat  ou  d'un  blanc 
roussâtre  depuis  la  base  jusqu'au  delà  de  leur  milieu,  deux  lignes  très 
dentelées  enfermant  un  espace  d'un  brun  ferrugineux,  la  côte  et  le 
reste  de  l'aile  d'un  gris  verdâtre  ou  roussâtre,  et,  près  de  la  côte,  deux 
points  sur  une  parallèle  à  la  côte,  la  frange  d'un  gris  roussâtre,  pré- 
cédée par  une  ligne  de  points  noirs;  ailes  inférieures  d'un  blanc  sale 
ainsi  que  la  frange,  qui  est  précédée  d'un  filet  noir;  envergure  de  la 
femelle  30  à  34  millimètres,  ailes  supérieures  plus  larges  que  celles 
du  mâle,  d'un  gris  plus   ou   moins  verdâtre,  avec  les  deux   lignes  très 

(1)  Maurice  Girard,  Aim.  Soc.  entom.  de  Fr.^  1864,  p.  676. 


684  LÉPIDOPTÈRES. 

dentelées  ou  fulgurales  et  l'intervalle  entre  elles  d'un  gris  ferrugi- 
neux, les  deux  points  cellulaires  plus  éloignés  de  la  côte  et  le  second 
de  ces  points  beaucoup  plus  gros  que  le  premier,  la  frange  d'un  gris 
rougeâtre,  précédée  d'une  ligne  de  points  noirs;  ailes  ini'érieures  d'un 
gris  roussâtre  ainsi  que  la  frange;  tète,  antennes,  longs  palpes  et 
thorax  d'un  gris  rougeàtre  pâle,  abdomen  de  la  couleur  des  ailes 
inférieures. 

La  chenille  (pi.  xcvii,  fig.  13),  qui  ressemble  beaucoup  à  la  précé- 
dente, est  d'un  gris  jaunâtre,  avec  les  points  verruqueux  bruns,  la  tête 
rougeàtre,  les  plaques  des  premier  et  dernier  anneau  brunes.  Son  mode 
d'existence  est  très  polyphage  et  plus  varié  que  celui  de  la  chenille 
de  Galleria  inellonella.  Il  en  est  qui  vivent  dans  les  longs  boyaux  de 
soie  enterrés  dans  les  nids  d'Hyménoptères  souterrains,  comme  les 
Bombus  terrestris  et  lapidarius,  peut-être  aussi  des  Guêpes  à  nid  dans 
la  terre;  d'autres  vivent  dans  les  maisons  de  campagne,  là  où  on  ne 
trouve  pas  de  nids  de  Bombus,  et  se  nourrissent  de  fragments  de  liège, 
de  livres,  de  vieux  papiers,  de  fleurs  artificielles,  etc.  ;  ainsi  s'explique 
l'existence  de  papillons  très  frais  de  celte  espèce  qu'on  trouve  dans  des 
appartement  fermés  où  ils  n'ont  pu  s'introduire  du  dehors.  Au  terme 
de  leur  croissance  et  en  automne,  ces  chenilles  abandonnent  les  lieux 
où  elles  ont  vécu,  et  se  construisent  dans  quelque  coin,  à  la  façon  des 
Yponomeutes,  une  toile  commune  et  très  serrée,  formée  de  galeries 
courtes  qu'on  ne  déchire  que  difficilement  et  dans  lesquelles  elles 
passent  l'hiver  et  se  chrysalident. 

Le  dernier  genre  des  Gallérides  est  celui  des  Achrœa,  Zeller.  Les 
papillons  ont  les  palpes  labiaux  nuls  chez  les  mâles,  très  courts  chez  les 
femelles,  le  front  large  et  plat.  Les  deux  sexes  sont  pareils,  avec  les 
ailes  très  entières  etluisanlcs,  ovales,  lisses,  d'une  seule  couleur,  sans 
dessin,  avec  une  nervulation  très  différente  de  celle  des  Gallérides 
précédentes.  Les  ailes  supérieures  sont  sans  appendice  à  la  nervure 
sous-médiane,  la  cellule  discoïdale  étroite,  non  opaque;  les  ailes 
inférieures  ont  la  nervure  sous-dorsale  tritîde  et  la  première  sous- 
dorsale  obsolète.  L'espèce  d'Europe  est  A.  grisella,  Fabr,  syn.  :  alvearia, 
Fabr.,  la  Gallerie  alvéicole,  Walckenaër,  the  Honey  Moth  des  auteurs 
anglais;  envergure  du  mâle,  18  à  20  millimètres;  ailes  supérieures 
étroites,  allongées  au  sommet,  d'un  gris  roussâtre  luisant,  sans  hgnes 
ni  points;  ailes  inférieures  beaucoup  plus  claires;  franges  de  la 
couleur  des  ailes  ;  tête  fauve  ;  antennes  et  thorax  de  la  couleur  des 
ailes  supérieures,  abdomen  de  la  couleur  des  ailes  inférieures,  court 
et  obtus  dans  les  deux  sexes;  pattes  glabres  et  minces;  femelle  sem- 
blable au  mâle,  mais  plus  grande  (22  à  23  millimètres  d'envergure), 
à  ailes  supérieures  plus  larges  et  un  peu  moins  allongées  au  sommet.  Le 
papillon,  encore  plus  vif  et  plus  sautillant  que  G.  mellon^Ua,  a  au  moins 
deux  générations  par  an,  en  avril-mai,  puis  eu  juillet-août,  plus  com- 
mun dans  les  ruches  d'Abeilles  du  midi  que  du  nord  de  la  France,   ne 


ACHROEA,    TORTRICIENS.  685 

remontant  pas  à  plus  de  1200  mètres  d'altitude,  comme  celui  de  Galle- 
ria  mellonella. 

La  chenille  est  d'un  blanc  transparent,  à  tûte  brune.  Le  papillon 
femelle  a  pondu  en  septembre  et  octobre  des  œufs  assez  gros,  blancs 
et  disposés  en  chapelet.  La  petite  chenille  s'insinue  tout  de  suite  entre 
les  cellules  des  gâteaux  dont  le  miel  a  été  enlevé,  car  elle  vit  exclusive- 
ment de  cire.  Elle  se  place  donc  dans  l'épaisseur  du  gâteau,  sur  la 
mince  cloison  qui  sépare  les  rangs  des  cellules,  sans  jamais  s'avancer 
jusqu'à  l'ouverture  ;  elle  file  un  petit  fourreau  de  soie  blanche  et  fine 
qui  chemine  entre  les  cloisons  des  alvéoles,  et  qui  est  consolidé  à 
l'extérieur  par  des  grains  de  cire  et  les  granules  noirs  des  déjections. 
Ce  sont  en  petit  les  fourreaux  de  Galleria  7nellonella ;  l'espèce  est  moins 
nuisible  en  vertu  de  sa  taille  beaucoup  plus  petite.  En  général,  les 
gâteaux  ne  sont  envahis  que  partiellement,  de  sorte  que  souvent  on 
peut  sauver  la  ruche  par  des  amputations  de  rayons.  Arrivée  à  l'époque 
de  sa  transformation,  la  chenille  file,  à  l'endroit  môme  où  sa  galerie 
s'est  arrêtée,  une  coque  très  résistante,  blanche,  mêlée  de  grains  de 
cire  et  d'excréments,  d'une  forme  allongée  mais  aiguë  aux  deux  extré- 
mités. La  chrysalide  renfermée  dans  cette  coque  ressemble  à  celle 
de  la  grande  Gallerie  de  la  cire.  Elle  est  d'un  jaune  de  miel  avec  la 
partie  dorsale  d'un  brun  violâtre,  et  porte  sur  le  milieu  une  arête 
rugueuse  ou  canaliculée  d'un  brun  foncé  ;  l'extrémité  anale  est  obtuse, 
brune  et  garnie  d'aspérités  coniques  disposées  en  étoile  ou  astérisque; 
l'enveloppe  des  ailes  est  longue  et  celle  de  la  spiritrompe  se  prolonge 
en  un  appendice  assez  long,  mais  bifide  à  l'extrémité,  ce  qui  ne  se  voit, 
que  je  sache,  dit  Guenée,  chez  aucune  autre  chrysalide.  La  chenille 
d'^.  grisella  se  multiplie  avec  une  rapidité  prodigieuse  et  participe  aux 
mœurs  polyphages  de  la  chenille  de  sociella.  Elle  ne  vit  pas  exclusive- 
ment dans  les  ruches,  et,  à  défaut  de  cire,  dévore  une  foule  de  sub- 
stances animales  dans  nos  habitations.  Comme  elle  va  cacher  sa  coque 
dans  les  coins  les  plus  éloignés,  on  arrive  difficilement  à  se  débarrasser 
decette espèce  funeste, une  fois  qu'elle  s'est  introduite  dans  une  maison. 
J'ai  trouvé  cette  espèce  à  Bordeaux,  dans  les  nids  de  la  Mélipone 
scutellaire,  chez  M.  Drory. 

La  planche  xcvii  contient  les  figures  de  deux  papillons  qui  n'appar- 
tiennent pas  aux  Microlépidoptères:  l'un  est  un  Noctuélien,  Spintherops 
cataphanes,  Hûbner,  flg.  11;  l'autre  un  Phalénien,  Amphigonia  sidonia. 
Cramer,  fig.  5. 

Tribu  des  TORtriciems. 

La  tribu  des  Tortrlciens  ou  Tordeuses  correspond  en  partie  au  genre 
Tortrix  de  Linnœus,  nom  qui  était  donné  à  des  petits  papillons  dont  les 
Chenilles  vivent  dans  des  feuilles  pliées,  tordues,  roulées  ou  réunies  en 


686  LÉPIDOPTÈRES. 

paquet  terminal  à  l'extrémité  des  jeunes  rameaux.  Elles  rongent  ainsi 
les  parties  vertes  sous  un  abri  qui  les  défend  du  soleil,  et  les  cache  à 
leurs  ennemis.  Elles  passent  ordinairement  toutes  les  phases  de  leur 
existence  à  la  place  où  elles  trouvent  nourriture  et  abri,  se  bornant, 
pour  protéger  leur  chrysalide,  à  l'entourer  d'un  tissu  soyeux  plus  ou 
moins  serré,  mais  qui  n'a  pas,  en  général,  l'apparence  d'une  coque  pro- 
prement dite.  Il  en  est  quelques-unes  qui,  au  moment  de  la  nymphose, 
abandonnent  leur  retraite  pour  aller  s'installer  soit  dans  la  terre,  soit 
dans  tout  autre  lieu  où  elles  puissent  se  croire  en  sûreté.  Au  reste,  ce 
genre  de  vie  des  vraies  Tortrix  n'est  pas  absolument  général,  car  il  en 
est  qui  mangent  les  grappes  de  jeunes  fruits  qu'elles  enveloppent  de 
soie  [Cochxjlis),  et  certaines  vivent  à  l'intérieur  des  fruits  (Carpocapsa). 
Enfin  beaucoup  de  ces  chenilles,  quand  elles  soutiennes,  font,  au  prin- 
temps, des  toiles  sous  lesquelles  elles  se  tiennent  en  commun.  Toutes  ces 
chenilles,  tordeuses  ou  non,  se  laissent  prendre  aux  branches  à  l'aide 
d'un  fil  de  soie  qui  sort  de  leur  bouche  et  leur  sert  à  descendre  sans 
choc  sur  le  sol  ou  sur  les  branches  inférieures,  et  aussi  à  remonter 
quand  on  touche  ces  chenilles,  elles  se  roulent  comme  de  petits  ser- 
pents. Les  papillons  ont  presque  tous  le  vol  nocturne  ou  crépusculaire, 
et  se  tiennent  au  repos  pendant  le  jour,  appliqués  sous  les  feuilles  ou 
sur  les  tiges  des  végétaux  ;  mais  il  faut  peu  de  chose  pour  les  déranger 
et  les  faire  voler  en  plein  jour.  Ils  sont  généralement  d'assez  petite 
taille  ;  beaucoup  d'entre  eux  sont  ornés  de  vives  couleurs  et  de  taches 
nacrées  ou  métalliques.  La  nature,  en  les  formant,  fait  remarquer  Du- 
ponchel,  semble  s'être  complu  à  reproduire,  sur  une  plus  petite  échelle, 
les  plus  belles  espèces  des  divisions  supérieures  de  l'ordre  des  Lépidop- 
tères, les  Diurnes  principalement.  Les  jeunes  amateurs  peuvent  espérer 
avec  raison,  en  recherchant  spécialement  les  Tortriciens,  de  faire  dans 
cette  tribu  des  découvertes  d'espèces  nouvelles,  bien  rares  aujourd'hui 
et  peu  probables  en  France  dans  les  Macrolépidoptôres. 

Le  caractère  le  plus  saillant  des  papillons  des  Tortriciens  est  d'avoir 
la  côte  des  ailes  antérieures  plus  ou  moins  arquée  à  la  base.  11  en  ré- 
sulte pour  eux  une  physionomie  particulière,  qui  les  a  fait  appeler 
papillons  aux  larges  épaules  par  Réaumur,  P/m^ènes  chapes  par  Geoffroy, 
Platyomides  par  Duponchel,  ce  qui  est  la  traduction  grecque  du  nom 
de  Réaumur.  Les  antennes,  rarement  plus  longues  que  le  corps,  sont 
filiformes  dans  les  deux  sexes,  les  palpes  inférieurs  ou  '  labiaux  sont 
seuls  visibles  et  avancés,  à  premier  article  court,  mince,  un  peu  coni- 
que, presque  nu,  à  second  article  beaucoup  plus  grand,  habituellement 
en  massue  comprimée,  quelquefois  fusiforme,  toujours  garni  d'écaillés 
ou  velu,  le  troisième  et  dernier  article  court,  cylindroïde,  tronqué  ou 
obtus,  presque  toujours  nu  ;  spiritrompe  membraneuse,  très  courte, 
souvent  nulle  ou  invisible;  thorax  ovale,  lisse,  quelquefois  crêlé  à  sa 
base  ;  ailes  entières  ou  sans  fissure,  en  toit  plus  ou  moins  aplati  lors  du 
repos,  les   supérieures  cachant  alors  les   inférieures,   moins  larges 


TORTRICIF.NS.  C87 

qu'elles  et  qui  sont  plissées  en  éventail  sous  les  premières,  celles-ci 
plus  ou  moins  arquées  à  leur  base,  le  plus  souvent  coupées  carrément 
à  leur  extrémité,  ayant  leur  sommet  quelquefois  recourbé  en  faucille; 
pattes  courtes,  surtout  les  antérieures,  avec  les  cuisses  aplaties,  les  in- 
termédiaires et  les  postérieures  munies  chacune  de  quatre  épines  cour- 
tes et  obtuses;  abdomen  ne  dépassant  pas  les  ailes  dans  l'état  du  repos, 
cylindro-conique,  terminé  par  une  houppe  de  poils  chez  les  mâles,  en 
pointe  dans  les  femelles  ;  chenilles  à  seize  pattes  d'égale  longueur  et 
toutes  propres  à  la  marche,  ayant  le  corps  ras,  ou  garni  de  poils  courts 
et  isolés,  portés  sur  des  points  verruqueux;  chrysalides  coniques,  pres- 
que toujours  nues,  rarement  contenues  dans  une  coque. 

Les  papillons  des  Tortriciens  doivent  être  recherchés  dans  les  vergers, 
les  jardins,  les  allées  ombragées  des  bois  et  surtout  les  haies  et  les  char- 
milles; en  général  ils  s'éloignent  très  peu  des  lieux  qui  les  ont  vus 
naître.  La  plupart  se  tiennent  sur  les  feuilles,  quelques  espèces  seule- 
ment sur  les  troncs  des  arbres  couverts  de  Lichens,  où  leurs  teintes 
grises  ou  vertes  se  confondent  avec  celles  de  ces  Cryptogames  parasites. 
On  les  trouve  depuis  le  commencement  du  printemps  jusqu'à  la  tin  de 
l'automne  où  l'on  fait  tomber  certaines  espèces,  souvent  de  très  jolies 
couleurs,  en  battant  à  la  mailloche  les  jeunes  arbres  des  futaies,  par  la 
fraîcheur  ou  les  brouillards  du  mois  de  novembre  ;  mais  c'est  en  été  que 
ces  papillons  sont  le  plus  communs.  Leur  vol  est  vif,  mais  court  et  n'a 
lieu  qu'au  crépuscule  du  soir.  C'est  encore  aux  JNoctuéliens  que  les  Tor- 
triciens ressemblent  le  plus  parmi  les  Hétérocères.  Ils  en  diffèrent  prin- 
cipalement :  1°  par  la  forme  des  ailes  antérieures  dont  la  côte  est  plus 
ou  moins  arquée  à  sa  base;  2"  par  les  antennes  toujours  filiformes  dans 
les  deux  sexes  ;  3°  par  la  spiritrompe  extrêmement  courte  et  souvent  nulle  ; 
W  par  le  corselet  entièrement  lisse,  à  quelques  exceptions  près.  Une 
très  fâcheuse  confusion  a  été  introduite  dans  la  science  par  P'abricius, 
qui  a  changé  sans  motif  le  nom  de  Tortrix  de  Linnœus  en  celui  de  Pif- 
ralis.  Le  caractère  des  papillons  volant  après  les  lumières  ne  signifie 
rien,  car  il  appartient  à  beaucoup  d'Hétérocères  et  souvent  il  ne  sera 
pas  constaté  chez  bien  des  Tortriciens  qui  vivent  loin  des  lieux  habités. 
11  n'en  reste  pas  moins  ce  fait  regrettable  que  l'usage  a  consacré  ce  mot 
Pyrale  comme  nom  vulgaire  de  Tortriciens,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  nos  Pyraliens,  ainsi  pour  la  trop  célèbre  Pyrale  de  la  vigne. 

Les  habitudes  des  chenilles  des  Tortriciens  sont  assez  variées  ;  ce  n'est 
qu'à  un  certain  nombre  d'entre  elles  que  convient  le  nom  de  Tortri- 
ces  de  Linnœus,  de  Tordeuses  de  Latreille.  Ces  chenilles,  du  genre  ac- 
tuel Tortrix,  ne  vivent  que  dans  une  seule  feuille  à  la  fois,  se  nourris- 
sant du  parenchyme.  Elles  plissent  les  feuilles  sur  leurs  bords  ou  les 
roulent  en  cornet,  de  manière  à  s'en  former  un  abri  où  elles  restent 
cachées  depuis  leur  naissance  jusqu'à  leur  dernière  métamorphose. 
Ainsi  les  Tortrix  viridana,  xylosteana,  etc.  D'autres  vivent  au  centre  de 
plusieurs  feuilles,  qu'elles  lient  ensemble  par'des  fils  de  soie,  et  y  fon 


688  LÉPIDOPTÈKES. 

leurs  chrysalides;  ainsi  dans  le  genre  Penthina,  vivant  sur  les  saules, 
les  aubépines,  les  pruniers  et  prunelliers,  et  ainsi  encore  la  Pyrale  de 
la  vigne,  OEnophthira  Pilleriana.  I.es  chenilles  des  Car/)ocapsa  vivent 
dans  l'intérieur  des  fruits  à  pépins  {pomonana),  ou  à  noyaux,  comme  les 
noix,  les  châtaignes  (splendana).  11  en  est  qui  se  nourrissent  de  la  sève 
des  arbres  fruitiers  de  la  famille  des  Drupacées,  creusant  des  galeries 
entre  lécorce  et  l'aubier  et  s'y  transforment  en  chrysalide  destinée  à 
passer  l'hiver.  Elles  trahissent  leur  présence  par  des  poussières  li- 
gneuses, des  sucs  gommeux  extravasés,  parfois  des  excroissances  qui 
détruisent  l'écorce;  telle  est  Grapholitha  Wu'beriana, 

Les  arbres  verts  ont  beaucoup  à  souffrir  des  chenilles  du  genre  Coc- 
cyx, qui  détruisent  les  bourgeons  au  point  d'amener  la  mort  de  l'arbre, 
ou  qui  transforment  les  bourgeons  terminaux  des  Pins  en  boules  de  ré- 
sine sortie  de  l'arbre,  dans  lesquelles  elles  vivent.  Il  en  est  qui  atta- 
quent les  bourgeons  des  vignes  et  les  très  jeunes  grappes,  enlaçant  le 
tout  dans  des  fils  de  soie  et  causent  ainsi  de  grands  ravages,  comme 
Cochylis  Roserana,  vulgairement  la  Teigne  de  la  grappe.  Entin  il  y  a  de 
ces  chenilles  qui  vivent  à  découvert  sur  les  feuilles,  surtout  des  plantes 
basses,  se  réunissant  en  société  sous  des  toiles  communes  où  elles  as- 
semblent leurs  feuilles  nourricières  et  s'y  changeant  en  chrysalides,  à 
la  façon  des  Yponomeutes  (Tinéiniens);  ainsi  dans  le  genre  Aspidia. 

Dans  le  genre  Tortrix,  Linn.,  tel  qu'il  est  restreint  aujourd'hui,  les 
papillons  sont  de  taille  moyenne  pour  des  Tortriciens,  avec  le  corps 
mince,  la  tête  assez  forte  et  sur  le  même  plan  que  le  thorax,  les  an- 
tennes simples  dans  les  deux  sexes,  les  palpes  labiaux  épais,  à  second 
article  très  garni  d'écaillés  et  en  forme  de  massue,  le  troisième  à  peu 
près  conique,  la  spiritrompe  très  courte,  presque  nulle,  les  ailes  supé- 
rieures terminées  carrément,  parfois  légèrement  courbées  à  leur  som- 
met; chenilles  couvertes  de  points  tuberculeux  surmontés  chacun  d'un 
poil;  chrysalides  lisses,  en  forme  de  massue  ou  de  poire  allongée,  d'a- 
bord vertes  ou  jaunâtres,  puis  devenant  d'un  brun  noir,  le  dessous  de 
chaque  anneau  armé  de  deux  rangs  de  pointes  courtes  dirigées  en  ar- 
rière, l'abdomen  se  terminant  ordinairement  par  une  longue  pointe 
mousse  garnie  de  quelques  petits  crochets.  Les  chenilles  sont  essentiel- 
lement des  rouleuses  ou  tordeuses  des  feuilles  des  arbres,  des  arbris- 
seaux et  des  plantes  basses.  Aussi  vives  que  craintives,  au  moindre 
ébranlement  causé  à  l'arbre  ou  à  la  plante  qu'elles  habitent,  on  les  voit 
s'échapper  de  leur  rouleau  avec  la  plus  grande  agilité,  en  restant  sus- 
pendues au  bout  d'un  fil  qui  s'allonge  à  mesure  qu'elles  s'éloignent  de 
leur  demeure  et  qui  leur  sert  cà  y  remonter  quand  elles  supposent  le 
danger  passé.  Il  y  a  des  chenilles  rouleuses  propres  à  presque  tous  les 
arbres  ou  plantes  ;  cependant  où  elles  abondent  le  plus  c'est  sur  le 
chêne  et  Forme,  surtout  dans  la  première  quinzaine  de  mai.  Par  cer- 
taines années,  elles  sont  tellement  communes  sur  ces  arbres,  qu'il  y  en 
a,  pour  ainsi  dire,  une  logée  dans  chaque  feuille.  Presque  toutes  les 


TOUTniCIENS.  fi89 

espèces  sont  nuisibles  à  beaucoup  de  vegétcaux,  tant  aux  arbres  de  nos 
forêts,  de  nos  promenades,  de  nos  vergers,  qu'aux  plantes  basses  culti- 
vées dans  nos  jardins  et  nos  champs.  Le  parenchyme  des  feuilles  rou- 
lées est  rongé,  celles-ci  pouvant  même  être  réduites  aux  nervures,  de 
sorte  que  les  végétaux  seront  parfois,  sinon  tués,  au  moins  très  retardés 
dans  leur  accroissement.  La  pousse  des  arbres  peut  être  ralentie  de  plu- 
sieurs années,  quand  toutes  les  feuilles  mortes  sur  l'arbre  tombent  sur 
le  sol,  roulées  sur  elles-mêmes  et  tapissées  de  soie.  Dans  son  cinquième 
mémoire,  intitulé  :  de  la  mécanique  avec  laquelle  diverses  espèces  de  che- 
nilles plient,  roulent  et  lient  les  feuilles  de  plantes  et  d'arbres,  surtout  celles 
du  chêne,  Réaumur  décrit  avec  de  grands  détails  les  manœuvres  par 
lesquelles  les  chenilles  du  genre  Tortrix  réalisent  les  conditions  néces- 
saires à  leur  existence.  Chaque  chenille  habite  seule  un  rouleau  de 
feuille  et  y  trouve  à  la  fois  l'abri  et  la  nourriture.  Elle  commence  par 
ronger  le  bout  qui  a  été  contourné  le  premier  et  attaque  successivement 
les  autres  tours,  à  l'exception  du  dernier  qui  reste  intact;  cette  es- 
pèce de  tuyau  étant  ouvert  par  les  deux  bouts,  c'est  par  l'un  d'eux 
qu'elle  rejette  ses  excréments,  qui  sont  des  petits  grains  noirs  à  peu 
près  sphériques.  Comme  une  portion  de  feuille  et  même  une  feuille 
entière  peuvent  ne  pas  suffire  pour  la  nourriture  de  la  chenille  pendant 
toute  sa  vie,  elle  se  fabrique  de  nouveaux  rouleaux  à  mesure  que  son 
appétit  augmente  avec  sa  taille.  Le  dernier  diffère  habituellement  un 
peu  des  autres;  les  tours  en  sont  moins  serrés,  parce  qiie  la  chenille  de- 
venue plus  grosse  a  besoin  d'un  logement  plus  ample.  Cette  chenille  se 
transforme  en  chrysalide  dans  le  rouleau  même  de  feuille  où  elle  a 
passé  toute  ,sa  vie  ou  au  moins  la  dernière  période.  Elle  ne  se  file  pas 
de  véritable  cocon  et  se  contente  de  tapisser  l'intérieur  de  sa  demeure 
d'une  légère  couche  de  soie,  précaution  suffisante  pour  garantir  la 
jeune  chrysalide  du  contact  un  peu  rude  de  la  feuille  qui  l'entoure.  Les 
épines  et  crochets  de  cette  chrysalide  la  maintiennent  solidement  fixée 
à  l'enduit  soyeux. 

Une  des  espèces  les  plus  communes  de  Tortrix,  se  trouvant  en  abon- 
dance dans  toute  la  France,  est  le  T.  viridana,  Linn. ,  la  Chape  verte, 
Geoffroy,  la  Verte,  Devillers,  la  Ptjrale  verdâtre,  Encycl.  méthod.  et 
Walckeniier,  the  Pea  Green  T.,  envergure  20  miUimètres,  les  deux  sexes 
pareils,  ailes  supérieures  d'un  joli  vert  uni,  les  inférieures  d'un  gris 
cendré,  la  frange  des  quatre  ailes  blanchâtre,  leur  dessous  d'un  blanc 
luisant  et  comme  argenté,  avec  un  léger  reflet  verdâtre  aux  ailes  anté- 
rieures seulement;  la  tête,  les  antennes  et  les  pattes  sont  d'un  vert 
jaunâtre,  le  thorax  est  du  même  vert  que  les  ailes  antérieures  et  l'ab- 
domen participe  au  gris  des  postérieures.  La  chenille  est  tantôt  d'un 
vert  assez  pur,  tantôt  d'un  vert  sale,  avec  des  points  noirs  vcrruqueux 
portant  chacun  un  poil  noir  ;  la  tête,  l'écusson  du  prothorax  et  les  pattes 
thoraciques  d'un  noir  brillant,  les  pattes  anales  d'un  gris  jaunâtre  et 
une  tache  brune  sur  le  huitième  anneau.  Cette  chenille  vit  sur  les 

GIRARD.  lU.   —  44 


<390  LÉPIDOPTÈRl-S. 

chênes,  au,milieu  d'une  feuille  ror.lée  ;  elle  est  trrs  vive  et  dès  qu'on  l'in- 
quiète se  démène  brusquement  et  se  sauve  dans  son  tuyau.  Si  ou  la 
poursuit  dans  ce  refuge,  elle  se  laisse  tomber,  mais  reste  attachée  à 
sa  demeure  au  moyen  d'un  til  qui  lui  sert  à  y  remonter  dès  qu'on  l'a 
laissée  tranquille.  A  la  fin  du  mois  de  mai,  elle  se  change  en  chrysalide 
dans  la  feuille  roulée  et  le  papillon  paraît  de  huit  à  quinze  jours  après, 
selon  qu'il  fait  plus  ou  moins  chaud.  Cette  chrysalide  est  d'un  noir 
brun  avec  deux  rangées  de  dentelures  sur  chaque  anneau  de  l'abdomen, 
€t  son  extrémité  obtuse  et  très  allongée.  L'espèce  vit  sur  les  chênes  or- 
dinaires (Quercus  robur  et  pedunculata)  ;  c'est  la  plus  commune  du  genre, 
au  moins  aux  environs  de  Paris.  A  l'époque  de  son  apparition,  il  suffit 
de  secouer  les  branches  des  chênes  dans  la  première  quinzaine  de  juin 
sur  les  bords  des  allées,  pour  faire  partir  à  la  fois  des  centaines  de  pa- 
pillons de  T.  viridana,  qui  ne  tardent  pas  à  se  réfugier  sous  les  feuilles, 
après  avoir  voltigé  pendant  quelque  temps.  Kn  certaines  années,  au 
moins  dans  les  bois  de  chênes  des  environs  de  Paris,  on  trouve  quel- 
ques papillons  de  la  Tordente  verte,  sujets  isolés  provenant  soit  d'éclo- 
sions  précoces,  soit,  au  contraire,  de  chrysalides  retardées.  Certaines 
chrysalides  hivernent. 

Après  la  réunion  des  sexes,  les  femelles  pondent  un  grand  nom- 
bre d'œufs  dans  le  voisinage  des  bourgeons.  Ces  œufs  passent  l'hiver 
sans  éclore;  les  petites  chenilles  en  sortent  au  printemps,  dès  que 
les  bourgeons  de  chêne  commencent  à  s'épanouir.  C'est  à  tort  que  Du- 
ponchel  écrit  que  ces  petites  chenilles  éclosent  en  été,  et  se  cachent 
sous  les  écorces  et  dans  les  moindres  fissures,  pour  ne  prendi*e  leur 
activité  qu'au  printemps.  Va\  certaines  années,  quand  les  circonstances 
atmosphériques  favorisent  la  multiplication  de  T.  viridana,  les  chênes 
sont  dépouillés  de  toutes  leurs  feuilles,  au  point  de  présenter,  à  la  fin 
du  printemps,  l'aspect  qu'ils  offrent  en  plein  hiver.  Ce  fait  est  constaté 
de  temps  à  autre,  tout  contre  Paris,  dans  les  bois  de  Boulogne  et  de 
Vincennes,  J'en  ai  été  témoin,  une  année,  dans  une  jeune  futaie  de 
chênes  du  domaine  de  la  Marsaudière,  dans  la  forêt  d'Armainvilliers 
(Seine-et-Marne).  Le  jour  le  plus  clair  filtrait  à  travers  les  branches 
nues;  des  milliers  de  chenilles  pendaient  à  de  longs  fils  et  la  chute  des 
crottins  tombant  de  toute  part  sur  les  feuilles  sèches  simulait  le  bruit 
de  la  pluie.  Nous  sommes  tout  à  fait  désarmés  vis-à-vis  de  cette  espèce 
si  funeste  à  la  sylviculture  On  ne  peut  songer  à  un  échenillage  qui  se- 
rait impossible  à  exécuter,  vu  les  immenses  surfaces  atteintes;  elle  est 
habituellement  détruite  ou  plutôt  diminuée  pendant  plusieurs  années 
par  les  intempéries  atmosphériques  et  par  les  parasites.  C'est  contre 
cette  espèce  que  nous  serait  bien  utile  le  concours  des  oiseaux  insecti- 
vores, si  rares  aujourd'hui  en  raison  de  captures  insensées  et  par  la 
tolérance  avec  laquelle  on  agit  à  l'égard  du  dénichage.  Les  fauvettes  sur- 
tout, lors  de  leurs  couvées,  nous  rendent  les  plus  grands  services  en  vo- 
lant autour  des  arbres  des  futaies  et  saisissant  dans  leur  bec  les  chenilles 


TORTRIX.  691 

de  T.  viridana  pendues  à  leurs  fils  et  les  portant  aux  petits  de  la  nichée 
comme  nourriture  azotée  et  fortifiante. 

Un  assez  grand  nombre  d'espè'ces  du  genre  Tortrix  sont  nuisibles  aux 
arbres  et  arbustes.  Nous  ferons  seulement  quelques  citations  d'espèces 
qui  commettent  des  dégâts  dans  les  jardins  et  les  vergers,  où  l'échenil- 
lage  est  possible,  tandis  qu'il  est  impraticable  pour  les  espèces  fores- 
tières. Le  T.  xylosteana,  Linn.,  la  Tordeuse  du  chèvrefeuille  des  buissons, 
De\'û\eT?,,the  Forked  Rcd-bar  de?,  auleuvs  anglais,  offre  une  envergure  de 
20  millimètres,  la  tète,  les  antennes  et  le  thorax  de  la  couleur  des  ailes 
supérieures, l'abdomen  coloré  comme  les  inférieures;  ailes  supérieures 
à  sommet  un  peu  falqué,  en-dessus  d'un  gris  roux  soyeux,  avec  une 
large  bande  transverse  au  milieu  d'un  brun  ferrugineux,  se  dilatant  et 
se  partageant  en  deux  branches  avant  d'arriver  à  la  côte  ;  en  outre  deux 
petites  taches  ou  bandes  de  la  même  couleur,  dont  une  en  forme  d'S 
près  de  la  base  et  l'autre  partant  de  l'angle  supérieur  et  longeant  le 
bord  terminal,  toutes  ces  taches  cernées  de  blanc  jaunâtre  ;  ailes  infé- 
rieures en  dessus  d'un  gris  cendré,  avec  l'extrémité  teinte  de  roussâtre; 
dessous  des  quatre  ailes  d'un  gris  luisant,  avec  leur  extrémité  fauve; 
papillon  à  la  fin  de  juin  et  dans  le  commencement  de  juillet,  indiqué 
comme  commun  dans  les  catalogues  de  toutes  les  régions  de  la  France, 
se  prend  notamment  dans  tous  les  bois  secs  des  environs  de  Paris.  La 
chenille  très  polyphage  attaque  beaucoup  d'arbres  forestiers  et  fruitiers, 
et  ne  se  trouve  que  rarement  sur  le  chèvrefeuille  des  haies  {Lonicera 
xylosteum),  d'où  Tespèce  a  pourtant  tiré  son  nom.  Elle  est  très  com- 
mune en  certaines  années  dans  les  pépinières.  En  mai,  elle  roule  et 
met  en  paquet  les  feuilles  des  pruniers  et  des  poiriers,  et  réduit  leur 
parenchyme  en  dentelle.  Elle  devient  chrysalide  en  juin  et  adulte  en 
juillet. 

Nous  trouvons  encore,  dans  les  vraies  Tortrix,  la  Tordeuse  de  Berg- 
mann,  Tortrix  Bergmanniana,  Linn.,  la  Bergmann,  Devillers,  the  Berg- 
mannian  T.  des  entomologistes  anglais,  ayant  les  ailes  supérieures 
d'un  jaune-soufre  en  dessus,  finement  réticulées  de  rouge  brun, 
traversées  par  trois  lignes  argentées,  dont  l'une  très  près  de  la 
base,  celle  du  milieu  cintrée,  la  troisième  coupant  obliquement 
l'extrémité  de  l'aile  et  aboutissant  à  l'angle  postérieur;  enfin,  une 
autre  ligne  argentée  allant  à  la  côte  suit  tout  le  long  la  frange,  qui  est 
de  la  couleur  de  l'aile,  la  côte  étant  d'un  brun  rougeàtre;  ailes  infé- 
rieures d'un  gris  noirâtre  en  dessus;  tôte,  antennes  et  thorax  d'un 
jaune-soufre;  abdomen  de  la  couleur  des  ailes  inférieures.  La  chenille 
de  cette  Tordeuse  cause  souvent  beaucoup  de  dommages  aux  rosiers 
des  jardins,  paraissant  en  avril  avec  leurs  premières  feuilles.  D'abord 
d'un  verdûtre  pâle,  elle  est,  à  toute  sa  taille,  d'un  jaune  clair,  avec 
quelques  taches  vertes  sur  le  dos,  la  tète  et  les  pattes  écailleuses  d'un 
noir  brillant,  les  membraneuses  de  la  couleur  du  corps  et  l'anus  brun; 
le  prothorax  porte  deux  petites  plaques  cornées,  noires  et  contiguës,  et 


692  LÉPIDOPTÈUES. 

il  y  a  des  poils  clairsemés  sur  toute  la  surface  du  corps.  Elle  se  tient 
d'abord  cachée  au  bout  des  branches  dans  l'intérieur  des  jeunes  pousses 
qu'elle  ronge,  puis  réunit  en  paquets  les  feuilles  pliées  et  roulées  avec 
les  boutons.  Elle  tapisse  de  soie  l'intérieur  de  sa  demeure  avant  de  se 
chan^-er  en  chrysalide  dans  le  courant  de  mai,  celle-ci  d'abord  jaune, 
puis  d'un  jaune  brunâtre,  enfin  tout  à  fait  brune  au  bout  de  quelques 
jours,  avec  deux  rangées  d'épines  inclinées  vers  l'anus  sur  chaque 
anneau,  la  pointe  anale  étant  hérissée  de  plusieurs  petits  crochets 
divero-enls,  servant  à  la  suspension  de  la  chrysalide.  Le  papillon, 
répandu  dans  toute  l'Europe,  se  trouve  à  la  fin  de  juin  et  au  commen- 
cement de  juillet  dans  les  jardins  plantés  de  rosiers,  autour  desquels 
il  voltige  au  coucher  du  soleil.  Il  faut  couper  les  paquets  de  feuilles 
pliées,  les  brûler  ou  écraser  entre  les  doigts  les  chenilles  qu'ils  ren- 
ferment. 

Une  autre  espèce,  très  caractérisée  par  ses  couleurs,  est  le  T.  Hol- 
miana,  Linn.,  la  llolm,  Devillers,  the  Holmian  T.,  du  sous-genre  Lozo- 
tœnia,  de  Stephens,  ainsi  que  l'espèce  précédente,  ayant  les  ailes  supé- 
rieures en  dessus  d'un  jaune  ferrugineux,  teinté  de  brun  le  long  de  la 
côte  et  vers  l'extrémité,  avec  une  grande  tache  blanche  triangulaire 
au  milieu  de  la  côte;  entre  cette  tache  et  le  bord  terminal  sont  quel- 
ques stries  argentées,  dont  une  longe  la  frange  qui  est  d'un  jaune 
orangé;  une  tache  jaune  mal  limitée  vers  le  bord  inférieur  de  la  base; 
ailes  inférieures  d'un  gris  cendré  en  dessus  avec  la  frange  fauve;  tête, 
antennes  et  thorax  de  la  couleur  des  ailes  supérieures,  abdomen  de 
celle  des  inférieures.  La  chenille  de  la  Tordeuse  de  Holm  est  très  vive, 
marchant  souvent  à  reculons  et  se  laissant  pendre  à  un  fil  de  soie.  Elle 
est  d'un  jaune  uni,  avec  la  tète  rougeâtre  et  l'écusson  du  prothorax 
noir;  la  chrysalide  est  d'un  rouge  fauve.  Cette  chenille  se  rencontre 
en  mai  dans  les  feuilles  pliées  des  poiriers  et  surtout  des  pommiers,  se 
chrysalide  en  juin  et  devient  adulte  en  juillet;  elle  fait  parfois  beau- 
coup de  tort  aux  pommiers  sur  paradis.  Le  T.  sorbiana,  Hubner,  syn.  : 
rosana,  Schwartz,  the  Nazel  T.  des  Anglais,  est  un  des  plus  grands  de 
nos  Torlrix;  ailes  supérieures  à  sommet  légèrement  falqué,  en  dessus 
d'un  gris  jaunâtre  soyeux,  avec  deux  taches  brunes  à  la  côte  et  une 
bande  oblique  de  la  môme  couleur  interrompue  au  milieu  ;  ailes  infé- 
rieures en  dessus  d'un  gris  cendré,  avec  un  peu  de  jaunâtre  à  leur 
sommet;  abdomen  du  mâle  terminé  par  une  louffe  de  poils  jaunâtres; 
les  deux  sexes  pareils;  chenille  d'un  gris  bleuâtre  foncé,  avec  des 
points  verruqueux  plus  pâles,  la  tète  et  les  pattes  écailleuses  d'un  noir 
luisant,  les  pattes  membraneuses  brunes;  chrysalide  pareille  à  celle  de 
T.  viridana,  avec  la  pointe  abdominale  moins  obtuse;  cette  chenille  vit 
en  mai  sur  le  sorbier,  le  cerisier  et  le  chêne,  habite  les  bois  et  les  ver- 
gers, commune  aux  environs  de  Paris,  surtout  dans  l'ancien  boisdeBou- 
loo'ne;  papillon  en  juin.  Le  T.  rosana,  Linn.,  syn.  :  oxyacanthana, 
Duponchel,  the  liose  T.  des  Anglais,  du    sous-genre   Lozotœnia,  a  les 


roUTKlX,    OElSOPHTHIUA.  ()9H 

ailes  supérieures  légèrement  l'alquées  au  sommet,  en  dessus  d'un  gris- 
noisette  faiblement  réticulé  de  brun,  traversées  au  milieu  par  une 
bande  oblique  d'un  brun  obscur,  avec  une  tacbe  de  la  même  cou- 
leur; ailes  inférieures  d'un  gris  cendré,  avec  leur  extrémité  fauve; 
espèce  assez  commune  en  été  sur  l'aubépine  aux  environs  de  Paris. 
Une  espèce  très  voisine  est  le  T.  acerana,  Hubner,  très  analogue  à 
l'espèce  précédente,  et  dont  la  cbenille  vit  sur  des  arbres  et  arbustes 
de  genres  très  différents,  le  bouleau,  l'érable,  le  tilleul,  le  noisetier,  le 
tremble,  le  hûtre,  l'aubépine,  le  groseillier,  le  rosier.  Dans  son  jeune 
âge,  elle  vit  en  société  sous  une  toile  en  forme  de  tente,  au  milieu  de 
plusieurs  feuilles  réunies  confusément  en  paquet;  quand  elle  est  par- 
venue à  une  certaine  taille,  elle  se  renferme  dans  une  feuille  roulée  en 
cornet,  et  y  vit  isolée  jusqu'aux  états  de  nymphe  et  d'adulte.  Sa  couleur 
varie  du  blanc  sale  au  vert  pâle  et  au  vert  jaunâtre,  avec  la  tête  ainsi 
que  l'écusson  du  prothorax  d'un  fauve  châtain  ;  la  chrysalide  est  verte 
dans  sa  partie  antérieure,  d'un  vert  jaunâtre  sur  le  ventre  et  brune  sur 
le  dos;  deux  cercles  de  dentelures  entourent  chacun  de  ses  anneaux. 
On  trouve  la  chenille  parvenue  à  toute  sa  taille  dans  le  courant  de 
juin  et  le  papillon  pendant  tout  le  mois  de  juillet.  Il  est  assez  commun 
dans  tous  les  bois  des  environs  de  Paris,  principalement  dans  la  forêt 
de  Saint-Germain  en  Laye. 

On  a  longtemps  rangé  dans  les  Tortrix  un  insecte  qui  a  acquis  une 
très  fâcheuse  célébrité  sous  le  nom  de  Pyrale  de  la  vigne.  Duponchel 
décrit  le  papillon  sous  son  nom  le  plus  ancien  :  T.  Pilleriana,  catal.  de 
Vienne  [Hist.  nat.  des  Lépidoptères  ou  Papillons  de  France,  183Zi,  t.  IX, 
p.  91,  pi.  ccxxxix,  fig.  8),  et  donne  comme  localités  de  l'espèce  l'Au- 
triche, la  Hongrie,  et,  chez  nous,  la  Provence.  Il  dit  que  cette  Tordeuse 
se  distingue  de  toutes  les  autres  par  la  longueur  de  ses  palpes,  qui  sont 
légèrement  arqués  et  inclinés  vers  la  terre,  comme  ceux  des  Cledeobia, 
dans  là  tribu  des  Pyraliens.  Plus  tard,  dans  son  catalogue  (I8/16),  et 
après  avoir  été  témoin  des  grands  ravages  opérés  par  cette  espèce  dans 
les  vignobles  des  environs  de  Paris,  Duponchel  a  créé  pour  elle  le  genre 
OEnophthira  (destructeur  du  vin),  peu  après  que  Guenée  eut  établi  le 
genre  OEnectra  (18û5).  Ce  Lépidoptère  ne  se  nourrit  pas  exclusivement 
des  feuilles  de  la  ^igne  à  l'état  de  chenille,  mais  est  assez  polyphage. 
En  effet,  c'est  sur  le  Stachijs  ciermanica  (Labiées),  que  Pillérius  trouva 
d'abord  la  chenille  de  cette  Tordeuse,  en  Allemagne.  Elle  vit  très  com- 
munément, dans  les  Landes,  sur  le  Myrica  gale  (Constani),  et  se  trouve, 
dans  les  Alpes-Marilimes  et  aux  îles  Lérins,  sur  V Asclepias  vincetoxicum , 
dont  elle  lie  les  feuilles  terminales  dans  un  réseau  soyeux  (Millière). 
Ce  qu'il  y  a  de  curieux  pour  cette  espèce,  le  plus  grand  ennemi  de  la 
vigne  après  le  Phylloxéra,  c'est  qu'elle  disparaît  subitement  d'une  loca- 
lité, après  avoir  détruit  des  vignobles,  au  point  que  les  collectionneurs 
ont  peine  à  trouver  un  seul  exemplaire  d'un  papillon  qu'on  pouvait 
prendre  par  millions  l'année  précédente.  Ces  intermittences  doivent 


69/|  LÉPIDOPTÈRES. 

tenir  à  des  conditions  atmosphériques  plus  encore  qu'aux  parasites,  qui 
ne  détruisent  pas  d'ordinaire  les  espèces  d'une  manière  aussi  complète. 
On  comprend  que  la  synonymie  de  cette  espèce  doit  être  considérable. 
Citons  seulement  :  Pyrale  de  la  vigne,  Bosc,  1786  ;  Phalène  de  la  vigne, 
abbé  Roberjot,  1787;  Pyrulis  vilana,  Fabricius,  179/i,  et  plusieurs 
auteurs  subséquents;  Chape  de  la  vigne,  Faure-Biguet  et  Sionest,  1802  ; 
Pyrale  de  la  vigne,  Latreille,  1805,  1829  ;  Pyrale  de  Dantic,  Walckenaër, 
1836;  Pyrale  de  la  vigne,  Audouin,  18ZiO.  C'est  surtout  de  ce  dernier 
auteur  que  nous  devons  indiquer  l'ouvrage  capital  et  classique  :  His- 
toire des  insectes  nuisibles  à  la  vigne  et  particulièrement  de  la  Pyrale, 
in-Zi",  Paris,  1842,  avec  pi.  col.  Cet  insecte  existe  en  Angleterre  et  doit 
attaquer  les  vignes  de  treille  et  celles  des  grapperies  ou  serres  à  raisin, 
car  il  porte  dans  le  catalogue  des  Insectes  indigènes  de  British  Muséum 
le  nom  de  the  Vine  T.  Il  a  été  très  probablement  connu  des  anciens,  et 
désigné  par  les  Grecs  sous  le  nom  de  Campe,  par  les  Latins  sous  ceux 
de  Convolvulus  et  Involvulus,  mots  qui  expriment  une  des  particularités 
les  plus  remarquables  des  mœurs  de  ce  Lépidoptère,  l'enroulement 
que  sa  chenille  produit  sur  les  feuilles. 

Le  genre  Œnophthira  Dup.,  très  voisin  des  Tortrix  propres,  ne  s'en 
distingue  que  par  la  longueur  des  palpes  des  papillons  et  par  la  manière 
de  vivre  des  chenilles,  qui,  au  lieu  de  se  renfermer  comme  celles  des 
rorfrïo?  dans  des  feuilles  roulées  en  cornet,  enlacent  de  leurs  innombra- 
bles filsde  soie  les  bourgeons,  les  jeunes  feuilles  et  les  fleurs,  à  mesure 
de  leur  succession,  de  manière  à  s'en  former  un  réduit  inextricable  où 
elles  trouvent  à  la  fois  la  nourriture  et  l'abri.  Les  papillons  des  deux 
sexes  de  YOE.  Pilleriana  se  ressemblent  beaucoup,  et  ont  de  20  à 
24  millimètres  d'envergure.  Les  ailes  supérieures  sont,  en  dessus,  d'un 
jaune  fauve,  plus  ou  moins  clair  ou  plus  ou  moins  roussàtre  avec  des 
reflets  dorés  ou  cuivreux;  elles  sont  finement  réticulées  de  brun  et 
traversées  par  trois  bandes  étroites  brunes,  la  première,  placée  obli- 
quement au  milieu  de  l'aile,  la  seconde,  à  peu  de  distance  du  bord  ex- 
térieur auquel  elle  est  presque  parallèle,  la  troisième  terminant  l'aile 
et  précédant  immédiatement  la  frange  qui  est  de  la  couleur  du  fond  ; 
ailes  inférieures  en  dessus  d'un  gris  brun  violacé,  avec  la  frange  plus 
claire;  dessous  des  quatre  ailes  entièrement  d'un  gris  jaunâtre; 
tête,  antennes  et  thorax  de  la  couleur  des  ailes  supérieures,  ab- 
domen de  la  couleur  des  ailes  inférieures.  Des  variétés  nombreuses 
et  très  prononcées  se  remarquent  dans  ce  papillon  et  portent  prin- 
cipalement sur  la  coloration  des  ailes  antérieures  :  1°  différence 
dans  la  nuance  générale  du  fond  de  ces  ailes  ;  2°  différence  dans  la 
couleur  des  taches  et  des  bandes;  3°  différence  dans  leur  forme.  Comme 
ces  variations  peuvent  s'associer  les  unes  avec  les  autres,  et  même  se 
trouver  toutes  trois  à  la  fois,  il  en  résulte  que  certains  individus  sem- 
blent différer  spécifiquement  du  type;  c'est  par  la  nombreuse  série  des 
passages  qu'on  reconnaît  qu'il  n'y  a  qu'une  seule  et  même  espèce.  Les 


OENOPHTHIRA.  695 

mAles  sont,  en  général,  d'une  taille  plus  petite  que  les  femelles,  et,  chez 
eux,  les  taches  et  les  bandes  des  ailes  antérieures  sont  très  marquées, 
tandis  qu'elles  son  très  affaiblies  ou  môme  nulles  chez  les  femelles. 
C'est  au  coucher  du  soleil  que  ces  papillons  volent  en  plus  grand  nom- 
bre, ne  rentrant  au  repos  qu'à  la  nuit  close,  pour  recommencer  à  voler 
à  l'aurore  du  matin  et  rarement  pendant  le  jour.  Ils  s'élèvent  peu  dans 
le  vol  au-dessus  du  sol  et  ce  vol  n'est  jamais  de  longue  durée;  ils  par- 
tent d'un  cep  pour  aller  se  poser  sur  un  autre  peu  éloigné.  Par  les 
grands  vents  ces  papillons  se  déplacent  à  peine  et  demeurent  cram- 
ponnés aux  feuilles  et  aux  tiges. 

Les  papillons  s'accouplent  posés  sur  une  feuille,  les  corps  sur  la  même 
ligne,  les  têtes  inversement  tournées,  comme  chez  les  papillons  du  Ver 
à  soie,  les  ailes  du  mâle  recouvrant  en  partie  celles  de  la  femelle.  La 
fécondation  des  oeufs  s'opère  dans  une  immobilité  complète  et  dure 
près  de  vingt-quatre  heures.  Aux  environs  de  Paris  ou  dans  les  cli- 
mats analogues,  c'est  à  la  fin  de  juillet  qu'a  eu  lieu  l'éclosion  de  la  plus 
grande  quantité  des  papillons,  avec  un  intervalle  d'un  mois  environ 
pour  les  sujets  hâtifs  ou  retardés,  la  durée  moyenne  de  la  vie  du  pa- 
pillon étant  d'une  dizaine  de  jours.  Pendant  le  repos  ces  papillons  ont 
le  corps  un  peu  plus  élevé  eu  avant  qu'en  arrière,  les  ailes  en  toit  re- 
pliées postérieurement  un  peu  l'une  sur  l'autre,  les  antennes  placées 
sur  les  côtés  du  corps  et  en  partie  cachées  par  les  ailes,  les  pattes  peu 
écartées.  La  ponte  s'opère  surtout  au  commencement  d'août,  à  la  face 
supérieure  des  feuilles  et  non  en  dessous  ni  sur  les  tiges,  par  petites 
plaques  de  quinze  à  vingt  œufs.  La  femelle  expulse  ses  œufs  un  cà  un, 
en  reculant,  et  les  recouvre  de  son  corps,  passant  plusieurs  fois  l'extré- 
mité de  son  abdomen  sur  les  œufs,  qui  adhèrent  à  la  feuille  par  le 
liquide  gommeux  dont  ils  sont  enduits.  Ces  œufs,  longs  d'un  peu  moins 
d'un  millimètre,  sont  ovalaires,  amincis  vers  le  bout,  d'abord  d'unvert- 
pomme,  puis  grisâtres,  puis  jaunes  et  enfin  bruns,  laissant  voir,  par 
translucidilé,  la  tête  et  le  corps  de  la  chenille.  A  la  fin  d'août  ou  au 
commencement  de  septembre,  il  sort  des  plaques  d'œufs  de  minuscules 
chenilles  qui  se  dispersent  rapidement  dans  toutes  les  directions.  Par 
un  phénomène  étrange,  bien  que  les  vignes  soient  encore  couvertes  de 
feuilles  fraîches  et  tendres,  et  que  la  température  soit  élevée,  ces  che* 
nillettes  ne  mangent  pas  ou  à  peine,  et  cherchent  tout  de  suite  un 
abri  pour  leur  hivernation  future,  devant  subir  un  long  jeûne  de  neuf 
mois.  liUes  se  laissent  tomber,  soutenues  par  d'imperceptibles  fils  de 
soie,  auxquels  elles  remontent  quelquefois,  si  le  lieu  de  leur  première 
chute  n'a  pas  été  propice.  Elles  se  cachent  entre  les  écorces  des  ceps, 
surtout  aux  extrémités  des  sarments,  et  aussi  dans  toutes  les  fissures 
des  échabis  là  où  on  cultive  la  vigne  avec  ces  supports,  peut-être  même 
à  la  surface  du  sol.  Chaque  chenille  file  un  petit  cocon  ovoïde,  d'une 
soie  grisâtre  et  ténue  qui  n'est  nullement  un  cocon  de  nymphose,  et  dans 
lequel  elle  demeure  blottie  pendant  les  brumes  et  les  froids  de  l'iiiver. 


696  LÉPIDOPTÈRES. 

Celte  hivernation  des  chenilles  immobiles  est  un  fait  capital  pour  le 
traitement  des  vignes  attaquées.  C'est  l'abbé  Roberjot  qui  a  signalé  le 
premier  réclusion  rapide  et  estivale  des  œufs,  et  Audouin  a  reconnu 
l'hivernation  des  chenilles  eu  cocons.  Aux  chaleurs  naissantes  du  prin- 
temps, à  la  fin  d'avril  et  surtout  pendant  la  première  quinzaine  de  mai, 
alors  que  la  vigne  se  débourre,  les  chenilles  sortent  de  leur  sommeil 
léthargique  et  sont  aussitôt  sollicitées  par  la  faim.  Elles  entourent  de 
soie  les  petites  feuilles  et  grappes  qui  constituent  les  bourgeons  elcom- 
mencent  à  manger  dans  ces  premiers  abris.  Quand  elles  ont  atteint 
environ  un  centimètre  et  que  les  feuilles  sont  plus  développées,  elles 
quittent  l'extrémilé  des  pousses  et  descendent  au  milieu  des  tiges, 
gagnent  les  grandes  feuilles  et  les  grappes.  Une  fois  posée  sur  une  des 
feuilles  qui  doit  faire  partie  de  son  espèce  de  nid,  chaque  chenille  jette  de 
chaque  côté  de  son  corps,  des  fils  étroitement  bridésetentre-croisés  entre 
eux,  de  manière  à  former  au-dessus  d'elles  une  sorte  de  toit  surbaissé; 
puis  elle  grimpe  sur  cette  bâtisse  comme  sur  un  échafaudage  pour 
construireun  second  étage  à  sa  demeure,  ce  nouveau  travail  s'exécutant 
comme  le  précédent,  à  l'aide  de  fils  entre-croisés.  Quand  la  trame  est 
suffisamment  épaisse,  la  chenille  coupe  les  premières  brides  avec  ses 
mandibules,  rendant  ainsi  sa  retraite  plus  spacieuse,  et  tapisse 
de  soie  la  portion  de  la  surface  de  la  feuille  qui  constitue  le  plan- 
cher de  sa  loge.  Ces  fils  innombrables  jetés  dans  toutes  les  direc- 
tions, entravent  la  végétation,  arrêtent  complètement  la  floraison  et  la 
fructilicalion  des  grappes  qui  s'y  trouvent  mêlées,  et,  de  cet  enchevêtre- 
ment des  grappes,  des  feuilles  et  des  vrilles,  résulte  cet  aspect  de 
désolation  que  présentent  les  vignobles  attaqués  par  l'Œnophthire. 

Tant  que  les  chenilles  sont  jeunes,  elles  se  bornent  à  ronger 
les  feuilles  et  ne  mangent  pas  les  grappes  de  raisin,  qu'elles 
se  contentent  d'entailler;  ces  grappes,  en  se  fanant,  leur  servent 
simplement  de  retraite  et  offrent  un  soutien  à  leurs  fils;  mais,  lors- 
qu'elles ont  acquis  plus  de  force  et  aussi  lorsqu'elles  se  montrent  plus, 
nombreuses,  elles  ne  se  bornent  plus  à  inciser  les  pédoncules  des 
grappes,  elles  attaquent  les  grains,  en  les  coupant  et  en  les  rongeant; 
mais  elles  continuent  à  préférer  les  feuilles  aux  fruits,  car  il  est  très 
rare  de  les  voir  se  loger  dans  des  grappes  isolées  et  sans  y  être  attirées 
par  les  feuilles  environnantes.  C'est  ainsi  que  ces  petites  chenilles,  qui 
semblent  si  méprisables,  finissent  par  manger  une  grande  étendue  de 
vignoble  et  par  anéantir  en  quelques  jours  les  espérances  des  plus 
belles  récolles.  Ces  funestes  chenilles  sont  nommées  par  les  vignerons 
des  diverses  parties  de  la  France:  Ver  blanc,  Ver  de  la  vigne,  Ver  de  l'été. 
Ver  de  la  vendange,  Couque  et  Babota.  A  tout  leur  développement,  ces 
chenilles,  longues  d'environ  20  millimètres,  sont  d'un  vert  plus  ou 
moins  jaunâtre,  avec  la  tête  et  Técusson  de  prothorax  d'un  brun  ou 
d'un  vert  foncé  luisant.  Elles  marchent  avec  vitesse,  pouvant  parcourir 
environ  un  demi-mètre    en  une  minute,  faisant  avec  leur  corps  de 


OENOPHTIIIRA.  697 

petites  ondulations  qui  se  succèdent  très  rapidement  et  sont  difficiles 
à  suivre,  se  mouvant  aussi  très  vivement  à  reculons.  C'est  surtout  de 
grand  malin  que  ces  chenilles,  comme  celles  de  la  plupart  des  Lépi- 
doptères, redoublent  de  voracité,  et  on  assure  que,  dans  les  vignes  où 
elles  commettent  de  grands  dégâts,  on  peut  entendre  distinctement, 
à  ces  heures  de  la  journée,  le  bruit  que  font  leurs  mandibules. 

Quand  l'époque  de  la  nymphose  est  arrivée,  du  milieu  de  juin  à  la 
première  semaine  de  juillet,  les  chenilles  cherchent  un  abri  dans  les 
feuilles  rccoquillées  et  desséchées  qui  leur  ont  déjà  servi  de  refuge 
pour  leurs  mues.  Après  deux  ou  trois  jours  de  repos  sans  nourriture, 
une  fente  s'opère  le  long  de  la  tète  et  des  trois  premiers  anneaux, 
ainsi  qu'une  déchirure  transversale  entre  la  tète  et  le  premier  anneau, 
et  la  chrysalide  sort  de  la  peau  de  la  chenille.  Elle  est  d'abord,  dans 
toute  son  étendue,  d'un  vert  tendre;  bientôt  le  thorax  et  l'abdomen 
passent  au  jaune  pAle.  La  tète  et  les  fourreaux  des  ailes  restent  plus 
longtemps  veris,  et  ce  n'est  qu'au  bout  de  quelques  heures  que  la 
totalité  de  la  chrysalide  a  atteint  sa  couleur  permanente,  d'un  brun- 
chocolat.  Renfermée  dans  l'intérieur  du  fourreau  que  la  chenille  a 
filé  avant  de  se  métamorphoser,  la  chrysalide  s'y  trouve  soutenue  par 
les  épines  recourbées  qui  garnissent  l'extrémité  de  son  abdomen,  et 
qui,  s'accrochant  dans  les  fils  de  soie  qui  l'entourent,  la  maintiennent 
en  place,  malgré  les  secousses  occasionnées  par  le  vent.  Elle  y  reste 
habituellement  immobile;  mais  pourtant,  quand  on  secoue  sa  demeure, 
elle  contourne  son  abdomen,  en  contractant  et  dilatant  tour  à  tour  les 
anneaux  de  son  corps,  et  même  parfois  se  retourne  en  entier.  Le  papil- 
lon sort  de  la  chrysalide  au  bout  d'une  quinzaine  de  jours.  Celle-ci  se 
fend  sur  les  parties  latérales,  aux  sutures  formées  par  les  éminences 
sous-cutanées  des  ailes  et  des  antennes.  Les  pattes  sortent  d'abord, 
puis  la  tête,  puis  tout  le  corps.  Souvent  l'enveloppe  brune  de  la  chry- 
salide est  entraînée  hors  du  fourreau  soyeux  par  les  elforts  que  fait  le 
papillon  pour  s'en  dégager  et  reste  quelquefois  fixée  par  son  extrémité 
aux  fils  de  soie.  Le  papillon  éclos  recommence  le  cycle  biologique  que 
nous  venons  de  décrire. 

Il  n'est  pas  impossible,  quoique  bien  peu  probable,  qu'on  parvienne 
à  détruire  en  France  l'espèce  du  Phylloxéra.  Cet  llémiptère  dégradé 
est  en  effet  monophage  et  attaque  les  vignes  seules,  de  sorte  que  la 
suppression  totale  de  celles-ci,  d'une  manière  momentanée,  amène- 
rait au  moins  l'anéantissement  de  la  cause  unique  du  mal.  Au  contraire 
i'Œnophthire  est  essentiellement  un  insecte  polyphage.  V.  Audouin 
a  vu  les  papillons  pondre  sur  une  foule  de  piaules  de  toute  espèce 
voisines  des  vignobles  attaqués,  ainsi  sur  les  petits  saules,  les  frênes, 
les  ronces,  les  mauves,  les  fraisiers,  les  luzernes,  les  pommes  de 
terre,  etc.,  et  les  chenilles  trouver  une  alimentation  convenable  sur 
les  mêmes  végétaux.  Les  vignerons,  profitant  de  cette  observation, 
avaient   essayé  d'attirer  les  Œnophthires  sur   des  plantes   de   nulle 


098  LÉPIDOPTÈRES. 

valeur,  qu'ils  intercalaient  dans  leurs  vignes;  mais  l'expérience  ne  leur 
a  rien  donné,  de  même  que  celle  qu'ils  ont  tentée,  en  cultivant  près 
des  vignobles  des  plantes  qui,  comme  le  chanvre,  sont  antipathiques 
aux  Toririciens.  11  demeure  seulement  certain  que  YOE.  Pilleriana 
restera  toujours  en  France. 

Les  ravages  de  la  Pyrale  de  la  vigne  en  France  ont  été  constatés  d'une 
manière  bien  authentique,  dès  la  seconde  moitié  du  seizième  siècle, 
aux  environs  de  Paris,  sur  le  territoire  même  d'Argenteuil, cinquante  ans 
plus  tard  (1629)  dans  les  vignes  de  Colombes;  un  siècle  après  (1717  et 
surtout  17;i5)  la  Pyrale  se  présenta  en  Champagne,  sur  le  territoire 
d'Aï.  Dans  toutes  ces  anciennes  invasions  on  n'employa  contre  l'insecte 
destructeur  que  les  moyens  à  la  mode  du  temps,  les  prières  publiques, 
les  processions,  les  procès  ecclésiastiques  avec  exorcismes,  et  ordre 
exprès  aux  chenilles,  sous  peine  d'excommunication,  de  quitter  le  pays 
et  de  se  retirer  dans  un  lieu  particulier  qu'on  leur  désignait.  La  même 
localité  d'Aï  fut  encore  ravagée  beaucoup  plus  tard,  de  1779  à  1785. 
Le  Maçonnais  et  le  Beaujolais  devinrent  à  leur  tour  le  théâtre  des 
ravages  de  l'Œnophthire;  dès  17Zi6,  Romanèche  formait  déjà  un  foyer 
de  destruction.  En  général  les  ravages  dans  un  lieu  donné  durent  avec 
une  intensité  variable,  environ  une  dizaine  d'années,  suivis  de  périodes 
de  rémission  où  l'insecte  semble  disparaître  ou  du  moins  ne  demeurer 
qu  a  l'état  d'individus  rares  et  isolés.  Renouvelé  par  places  au  commen- 
cement de  ce  siècle,  le  mal  acquit  une  intensité  considérable,  de  1830  à 
ISZiO  environ.  A  la  demande  du  Gouvernement,  V.Audouinpassaplusieurs 
années  à  l'étudier,  de  1 837  à  18Z|0  ,  et  à  chercher  les  meilleurs  remèdes. 
11  explora  successivement  les  vignobles  atteints  dans  la  Côte-d'Or, 
Saône-et-Loire,  le  Rhône,  l'Hérault,  les  Pyrénées-Orientales,  la  Haute- 
Garonne,  la  Charente-Inférieure,  la  Marne  et  des  localités  de  Seine-et- 
Oise,  notamment  les  coteaux  d'Argenteuil,  aux  portes  de  Paris.  Depuis, 
l'insecte  ne  s'est  plus  montré  sur  d'aussi  vastes  surfaces,  mais  se 
retrouve  encore  fréquemment  désastreux  par  places,  ainsi  dans  les 
Pyrénées-Orientales,  à  File  de  Ré,  etc.  On  a  reconnu  qu'il  peut  par- 
faitement coexister  sur  les  vignes  avec  le  Phylloxéra,  ce  qui  se  com- 
prend très  bien,  puisque  le  Phylloxéra  s'altaque  aux  racines  et  FŒno- 
phthire  aux  feuilles. 

L'existence  aérienne  de  la  Pyrale  de  la  vigne  la  rend  accessible  à 
des  influences  destructives  qui  font  défaut,  malheureusement  pour 
nous,  quand  il  s'agit  des  Phylloxéras  souterrains,  protégés  par  le  sol 
qui  les  recouvre.  Les  agents  généraux  sont  de  deux  sortes  ;  1°  les 
intempéries  atmosphériques,  les  gelées,  non  pas  à  leur  époque  nor- 
male, quand  les  insectes  ont  pris  leurs  quartiers  d'hiver  dans  les 
abris  que  leur  instinct  leur  fait  trouver,  mais  venant  tardivement,  au 
printemps,  alors  que  les  insectes  sont  actifs  et  à  découvert,  et  aussi  en 
été,  les  orages,  soit  par  influence  électrique,  soit  par  les  pluies  torren- 
tielles qui  entraînent,  noient  et  brisent    les  frêles   créatures  tombant 


OENOPHTHIRA.  699 

des  feuilles;  2"  les  insectes  carnassiers,  soit  qu'ils  dévorent  directe- 
ment l'espèce  phytophage,  soit  que,  pondant  leurs  œufs  sous  sa  peau 
ou  à  la  surface  de  celle-ci,  ils  introduisent  insidieusement  dans  son 
corps  des  larves  qui  rongent  peu  à  peu  tous  ses  tissus  mous  et  amènent 
une  mort  lente  mais  certaine.  Voici  les  principaux  insectes  auxiliaires 
reconnus  par  V.  Audouin  :  divers  Carabiques  et  Malachia  œnea, 
Chrysopa  perla,  auct.,  syn.  ;  vulgaris,  Schneider,  parmi  les  Hymé- 
noptères, un  Euménien  Discœllus  zonalis  emportant  dans  son  terrier 
pour  ses  larves  les  chenilles  de  la  Pyrale  anesthésiées  par  un  coup  d'ai- 
guillon, le  Bethylus  furmicarius  hiani  directement  ces  chenilles,  que  ses 
larves  rongent  ensuite  à  l'extérieur,  attachées  à  leur  peau;  puis  de 
nombreux  Hyménoptères  en  tomophages  internes,  ainsi,  dans  les 
Ichneumoniens  Ichneiimon  melane  gonus,  Pimpla  inquisitor  et  alternans, 
Campoplex  majalis,  Anomalon  foveolatum,  à  abdomen  comprimé  et  en 
faucille,  quelques  Chalcidiens,  comme  Chalcis  minuta,  très  petit 
insecte  brillant,  à  cuisses  postérieures  énormes,  Pteromalus  larvarum, 
communis,  cupreus,  ovatiis,  etc.,  un  Eulophus,  dans  les  Proctotrupiens 
Ceraphron  formicarius,  Panzer.  Parmi  les  Diptères,  il  faut  citer  Syrphus 
/ij/a/mafws,Meigen,  à  larve  érucivore  et  Tachina  hortonim,  Meigen, 
mouche  qui  pond  ses  œufs  sur  la  peau  des  chenilles  de  l'Œnophtliire, 
les  larves  entrant  ensuite  dans  leurs  victimes  pour  en  manger  les 
tissus. 

Comme  ces  moyens  de  destruction  naturelle  ,  en  dehors  de  l'action  de 
l'homme,  peuvent  être  tout  à  fait  insuffisants,  on  a  cherché  à  fournir 
aux  vignerons  des  méthodes  rationnelles  défensives  plus  efficaces.  La  des_ 
truction  de  la  Pyrale,  à  l'état  de  papillon,  a  été  tentée  par  Roberjot,  en 
allumant,  dans  les  vignes,  de  grands  feux  clairs  et  élevés  auxquels  les 
papillons  venaient  se  brûler.  Plus  tard,  on  employa  des  feux  bas  d'une 
durée  d'environ  deux  heures,  des  sortes  de  lampions  formés  d'un  vase 
plat,  disposésur  le  sol,  et  dans  lequel  on  met  de  l'huile  et  une  mèche,  de 
sorte  que  de  nombreux  insectes  sont  brûlés  ou  asphyxiés  dans  l'huile. 
Une  diflicullé  presque  insurmontable,  c'est  qu'il  faudrait  que  l'opération 
pût  être  faite  partout  à  la  fois  dans  tous  les  vignobles  du  pays  ;  sans  cela 
on  attire,  des  alentours,  un  nombre  de  papillons  qui  peut  être  plus  con- 
sidérable que  celui  qu'on  détruit.  En  outre,  ces  feux,  qu'il  faut  prolonger 
une  vingtaine  de  jours,  exigent  une  dépense  assez  forte  et  ne  sont  effica- 
cesque  par  les  tempscalmes,  les  nuits  sans  pluie  ou  sans  clair  de  lune.  On 
a  eu  de  meilleurs  résultats  en  suivant  le  conseil  de  Draparnaud  et  fai- 
sant enlever  les  feuilles  portant  des  plaques  d'œufs.  Cette  cueillette,  des 
pontes  doit  s'exécuter,  dans  chaque  vignoble,  dès  l'apparition  des  pre- 
miers papillons.  Chaque  ouvrier,  muni  d'un  tablier  replié,  ou  même 
cousu  sur  les  côtés  en  forme  de  poche,  doit,  après  avoir  délié  le  cep, 
chercher  et  arracher  avec  soin  toutes  les  feuilles  chargées  de  plaques 
d'œufs;  à  mesure  que  les  tabliers  se  remplissent,  on  réunit  les  feuilles 
dans  des  sacs  bien  fermés.  Puis,  ces  feuilles  sont  brûlées  ou,  mieux 


700  LÉPIDOPTÈRES. 

encore,  enfouies  dans  des  trous  profonds  de  70  centimtjtres  à  1  mètre, 
qu'on  aura  soin  de  recouvrir  d'une  certaine  épaisseur  de  terre  bien 
tassée  avec  les  pieds.  La  cueillette  des  pontes  olfre  cet  avantage  sur  le 
procédé  précédent  de  destruction,  qu'elle  peut  être  partielle,  et  que  le 
propriétaire  qui  en  fait  la  dépense  peut  préserver  son  vignoble  lors  même 
que  ses  voisins  n'agiraient  pas  comme  lui;  seulement  cette  opération 
doit  se  répéter  annuellement  deux  ou  trois  fois  pour  donner  un  bon 
résultat,  car  les  pontes  des  papillons  sont  successives.  Le  moyen,  par 
conséquent,  devient  coûteux. 

Les  procédés  de  destruction  actuellement  en  usage  sont  Véchaudagc 
ou  ébouillantage  et  le  clochaue.  Le  premier  a,  pourpoint  de  départ,  l'hi- 
vernation  des  petites  chenilles  dans  des  cocons  sur  les  pieds  des  ceps  et 
sur  les  éclialas.  Audouin  avait  eu  l'idée  de  purger  les  échalas  infestés 
en  les  mettant  dans  un  fouràune  température  de  SOàlOO  degrés,  faisant 
périr  les  chenilles.  C'est  à  une  pensée  analogue  qu'obéit,  en  18Zi5,  un  viti- 
culteur de  la  Bourgogne,  Thomas  Raclet,  des  environs  de  Romanèche. 
Il  fit  construire  de  petites  chaudières  en  fonte  que  deux  hommes  por- 
taient dans  ses  vignes  et  dans  lesquelles  des  femmes  et  des  enfants 
venaient  prendre  l'eau  en  ébuUition  pour  arroser  les  souches  en  hiver. 
Comme  de  juste,  les  voisins  commencèrent  par  rire  et  se  moquer  de 
l'homme  à  la  bouilloire  et  de  ses  promenades  dans  es  vignes.  Il  n'en 
fut  plus  de  même  l'année  suivante  quand  ils  virent  son  vignoble  à  peu 
près  indemne  de  Pyrales.  Tout  le  monde  imita  cet  excellent  procédé  de 
l'ébouillantage,  et  on  le  pratique  aujourd'hui  partout  dès  que  reparaît 
l'Œnophlbire.  On  se  sert  aujourd'hui  de  chaudières  en  cuivre,  avec 
grille  tubulaire  n'exigeant  que  très  peu  de  charbon,  et  tous  les  chau- 
dronniers des  régions  viticoles  savent  les  fabriquer  bien  solides  et  peu 
coûteuses.  Il  faut  que  la  chaudière  soit  assez  voisine  des  vignes  pour  que 
l'eau  ne  se  refroisse  pas  trop,  car  il  est  nécessaire  qu'elle  soit  versée  sur 
les  ceps  et  échalas  à  une  température  au  moins  de  70  à  80  degrés  centi- 
grades. Quand  le  sifflet  de  la  chaudière  les  avertit,  les  femmes  employées 
à  ce  travail  remplissent  au  robinet  une  cafetière  d'un  litre  d'eau  chaude 
qui  est  aussitôt  remplacée,  litre  par  litre,  par  de  l'eau  froide,  afin  que 
l'ébuUition  ne  s'interrompe  jamais.  L'ébouillantage  se  fait  à  partir  du 
bas  de  la  souche  et  en  remontant  en  spirale,  assez  lentement  pour  que 
la  chaleur  ait  bien  le  temps  de  pénétrer  dans  toutes  les  fissures  d'è- 
corce.  On  a  imaginé  dans  ces  dernières  annés,  afin  de  réduire  la  main- 
d'œuvre  et  le  nombre  des  ouvrières,  de  supprimer  les  cafetières  et  de 
porter  directement  l'eau  bouillante  sur  les  souches  au  moyen  de  tuyaux 
en  caoutchouc  placés  directement  aux  robinets  de  la  chaudière,  munis 
chacun  d'une  petite  lame  en  fer-blanc  terminée  par  un  bec  recourbé. 
En  donnant  de  la  pression  dans  la  chaudière,  on  fait  jaillir  l'eau  chaude 
par  chaque  tuyau  à  50  ou  60  centimètres.  Un  carré  de  vignes  terminé, 
les  femmes,  chargées  des  tuyaux,  les  portent  ramassés  dans  la  main,  en 
ayant  soin  de  tenir  la  lance  bien  élevée  au-dessus  du  niveau  de  l'eau 


OENOPHTHIRA.  701 

dans  la  chaudière.  Quand  elles  commencent  un  nouveau  carré,  il  est 
bon  de  laisser  écouler  sur  le  sol  un  peu  d'eau ,  celle  qui  est  restée 
dans  le  tuyau  pendant  la  durée  de  la  nouvelle  installation  de  la  chau- 
dière ayant  pu  se  refroidir.  Dans  cette  méthode,  l'eau  se  maintient  à 
une  température  très  élevée,  de  95  degrés  à  la  sortie  des  tuyaux.  La 
force  avec  laquelle  elle  jaillit  fait'  pénétrer  plus  facilement  la  chaleur, 
et  permet  d'atteindre  aisément  la  partie  horizontale  des  ceps,  sur 
laquelle,  avec  les  cafetières,  l'eau  ne  peut  arriver  qu'en  glissant, 
et  très  imparfaitement  encore;  en  outre,  on  n'a  besoin  que  d'un  per- 
sonnel ouvrier  moins  nombreux.  Le  moment  le  plus  propice  d'échauder 
n'est  pas  dans  les  jours  les  plus  froids  de  l'hiver,  car  les  souches  trop 
refroidies  enlèvent  une  partie  de  la  chaleur  de  l'eau  au  détriment  des 
petiies  chenilles;  il  faut  opérer  du  commencement  de  février  à  la  tin 
de  mars,  et  cesser  lorsque  les  bourgeons  commencent  à  s'épanouir.  Par 
un  temps  calme  et  beau,  le  résultat  est  complet;  avec  un  vent  froid  et 
violent,  on  se  trouve  dans  de  mauvaises  conditions.  Quand  il  a  plu,  il 
est  prudent  d'attendre  que  les  écorces  soient  suffisamment  séchéespour 
reprendre  le  travail.  Il  est  bon  de  déchausser  un  peu  le  pied  des  ceps; 
sans  cette  précaution,  un  grand  nombre  de  chenilles  qui  s'y  logent  ne 
seraient  pas  atteintes. 

Une  autre  méthode  de  destruction,  très  employée  notamment  dans 
l'Hérault,  atteint  par  l'asphyxie  la  jeune  Pyrale  cachée  sous  les  écorces, 
en  la  mettant  dans  un  milieu  saturé  de  gaz  irrespirable.  On  a  choisi 
l'acide  sulfureux  comme  étant  aisé  et  peu  coûteux  à  produire.  On 
couvre  la  souche  au  moyen  d'une  cloche  en  métal,  dans  laquelle  on 
fait  brûler  du  soufre,  et,  au  bout  de  dix  minutes, les  CEnophthires  sont 
asphyxiées.  Ce  procédé  a  été  appelé  clochage,  sulfurisation.  Il  a  l'avan- 
tage de  n'exiger  qu'un  personnel  ouvrier  peu  nombreux  et  à  une 
époque  où  les  travaux  agricoles  n'ont  pas  une  urgence  quotidienne.  Un 
ouvrier  peut  aisément  manœuvrer  vingt  cloches  ;  chaque  cloche  res- 
tant dix  minutes  sur  la  souche,  fait  six  souches  à  l'heure  et  quarante- 
huit  par  journée  de  travail  de  huit  heures.  Les  vingt  cloches  feront 
par  conséquent  neuf  cent  soixante  souches  par  jour,  mettons  neuf  cents 
seulement;  si  on  fonctionne  pendant  trois  mois,  admettant  vingt  jours- 
de  travail  par  mois,  soit  soixante  jours,  une  équipe  de  vingt  cloches 
et  un  seul  ouvrier  traiteront  cinquante-quatre  mille  souches.  Les  cloches 
doivent  être  en  métal  inoxydable,  en  forme  de  cône  tronqué,  et  munies 
de  deux  poignées  pour  en  faciliter  la  manœuvre.  Leur  dimension  doit 
être  en  rapport  avec  le  développement  des  souches  du  vignoble  à  trai- 
ter; le  prix  de  chaque  cloche  est  de  10  à  12  francs.  Le  moins  cher  pour 
produire  l'acide  sulfureux  est  d'employer  du  soufre  en  canon  concassé. 
L'ouvrier,  après  avoir  rais  ses  vingt  cloches  en  hgne,  pose  sur  chacune 
d'elles  un  petit  vase  en  métal  ou  en  poterie  à  bas  prix,  dans  lequel  il  a 
mis  gros  comme  une  noix  de  morceaux  de  soufre.  On  emploie  généra- 
lement de  petites  casseroles  en  tôle,  du  prix  de  20  à  25  cent  mes.  Il  les 


702  LÉPIDOPTÈRES, 

allume  au  fur  et  à  mesure,  et,  lorsque  la  combustion  se  fait  bien,  il 
constate  l'heure  à  sa  montre,  puis,  prenant  le  premier  vase,  il  le  pose 
au  pied  de  la  première  souche  de  la  ligne  et  recouvre  aussitôt  le  tout 
avec  la  première  cloche;  il  fait  de  môme  pour  la  seconde,  et  ainsi  de 
suite,  l.e  changement  ne  dure  pas  plus  de  quatre  minutes.  Une  fois  la 
vingtième  cloche  en  place,  l'ouvrier  revient  vers  la  première,  et,  dans 
son  trajet,  si  quelqu'une  laisse  passer  le  gaz,  il  ramène  un  peu  de  terre 
avec  le  pied  pour  boucher  la  fuite.  Arrivé  à  son  point  de  départ,  à  la 
première  cloche  par  conséquent,  il  allume  le  soufre  d'un  vase  ou  d'une 
casserole  en  sus  des  vingt  qui  servent  à  la  manœuvre,  et,  dès  que  dix 
minutes  sont  écoulées,  il  la  dépose  au  pied  de  la  première  souche  de 
la  seconde  rangée  et  la  couvre  avec  la  première  cloche.  11  ramasse  la 
casserole  laissée  à  découvert  et  y  ajoute  20  à  25  grammes  de  soufre, 
la  met  au  pied  de  la  deu.vième  souche  de  la  seconde  rangée,  la  recouvre 
aussitôt,  et  ainsi  de  suite.  Le  changement  de  la  vingtième  cloche  fait, 
il  lui  reste  une  casserole  qu'il  alimente  et  qui  lui  servira  pour  la  pre- 
mière souche  de  la  troisième  rangée. 

Ces  opérations  sont,  comme  on  le  voit,  très  simples;  quelques  pré- 
cautions doivent  cependant  être  prises.  Quand  on  quitte  le  travail,  soit 
à  l'heure  des  repas,  soit  à  la  fin  de  la  journée,  il  faut  bien  se  garder  de 
laisser  les  cloches  sur  les  souches;  il  faut  les  enlever  et  les  déposer 
dans  les  intervalles.  Le  séjour  trop  prolongé  des  souches  dans  l'air  mêlé 
d'acide  sulfureux  leur  est  très  nuisible,  ce  gaz  devenant  peu  à  peu, 
par  l'action  de  l'oxygène  humide,  acide  sulfurique,  qui  corrode  forte- 
ment les  bourgeons.  On  a  constaté  bien  souvent  des  lignes  entières  de 
vignes  ne  poussant  pas  :  c'étaient  celles  qu'on  se  rappelait  très  bien 
avoir  laissé  couvertes  pendant  la  durée  du  repas.  11  faut  aussi  s'abstenir 
de  traiter  immédiatement  après  les  pluies;  l'eau  ayant  la  propriété 
d'absorber  une  très  grande  quantité  d'acide  sulfureux,  qui  est  assez 
soluble,  le  traitement  serait  peu  efficace.  Il  faut  laisser  la  terre  se  res- 
suyer à  la  surface,  et,  si  elle  est  encore  un  peu  humide,  augmenter  la 
production  d'acide  sulfureux.  Il  faut  cesser  le  traitement  dès  que  la 
vigne  pleure,  c'est-à-dire  que  la  sève  monte,  avant  même  que  le  bour- 
geon s'entr'ouvre;  sans  cela  tous  les  bourgeons  seraient  infailliblement 
brûlés.  11  est  bon  que  la  vigne  soit  déchaussée,  ou  bien  qu'on  y  fasse 
passer  la  gratteuse.  La  terre  étant  ameublie,  les  bords  de  la  cloche  y 
pénètrent  aisément,  les  fuites  sont  moins  considérables,  et,  si  l'ouvrier 
a  le  soin,  quand  la  cloche  est  posée,  de  lui  donner  un  petit  mouvement 
circulaire,  tout  en  appuyant  dessus,  l'obturation  est  aussi  complète 
que  possible. 

En  dehors  de  ces  deux  procédés,  il  en  est  d'autres  qui  n'ont  pas 
encore  fait  leurs  preuves  expérimentales  suffisantes  et  que  nous  n'indi- 
querons qu'à  titre  d'essai  et  d'étude  pour  l'avenir.  Le  plus  connu  est  un 
instrument  appelé  pyrophore,  inventé  par  M.  Bourbon,  constructeur  à 
Perpignan,  notamment  pour  détruire  les  œufs  d'hiver  du  Phylloxéra, 


OENOPHTHIRA,   COCHYLIS.  703 

pondus  sur  les  ceps.  Comme  son  nom  l'indique,  cet  instrument  produit, 
au  moyen  d'huik's  minérales,  une  flamme  très  vive,  que  l'on  promène 
sur  la  souche  pour  brûler  les  écorces,  ainsi  que  tous  les  insectes  qui 
s'y  sont  réfugiés.  Cette  idée  est  très  séduisante;  mais  il  faut  savoir  com- 
ment régler  la  flamme  pour  ne  pas  endommager  gravement  l'écorco, 
ni  calciner  les  bourgeons.  Les  résultats  acquis  sont  encore  tellement 
discutés  qu'il  est  prarlent  d'attendre  avant  de  se  prononcer  définitive- 
ment. Un  autre  instrument,  dû  encore  à.  un  autre  inventeur  de  Perpi- 
gnan, M.  Vallette,  a  fuit  son  apparition  en  1881.  Il  est  très  ingénieux 
aussi,  mais  attend  également  la  sanction  de  l'expérience.  On  s'en  sert 
au  mois  de  mai,  quand  les  Pyrales  sont  sur  les  bourgeons.  U  est  com- 
posé de  deux  plateaux  semi-circulaires,  avec  une  échancrure  au  milieu, 
de  façon  à  embrasser  le  corps  de  la  souche;  ils  sont  entourés  d'un  petit 
rebord  de  5  centimètres,  pour  empêcher  que  les  insectes  qui  y  seront 
tombés  puissent  s'échapper.  Sur  chacun  d'eux  est  un  petit  réchaud, 
destiné  à  brûler  des  matières  donnant  beaucoup  de  fumée.  Ces  réchauds 
allumés  et  les  plateaux  posés  au  pied  de  la  souche,  on  les  couvre  avec 
une  cloche  en  métal  d'un  diamètre  un  peu  inférieur  à  celui  des  pla- 
teaux. Après  une  demi-minute  on  l'enlève  et  on  voit  Pyrales  et  insectes 
divers  tomber  dans  le  plateau.  Cette  opération  pourrait  être  fort  utile 
dans  le  cas  où  les  traitements  des  petites  chenilles  en  hiver,  échaudage 
ou  clochage,  n'auraient  pas  réussi  ou  n'auraient  pu  être  effectués  II 
sera  bon  d'étudier  et  d'expérimenter  ce  moyen.  En  résumé,  nous  avons 
à  notre  disposition,  pour  combattre  l'fEnophthire,  deux  moyens  très 
efficaces,  l'échaudage  et  le  clochage;  exécutés  dans  des  circonstances 
favorables  et  avec  un  peu  de  soin,  ils  donnent  des  résultats  certains.  On 
consultera,  pour  tous  les  procédés  à  employer  contre  le  Lépidoptère 
ennemi  des  vignes,  un  mémoire  lu  au  Comice  agricole  de  Béziers,  par 
M.  L.  Jaussan,  son  vice-président,  dans  la  séance  du  5  février  1882 
{voy.  Bulletin  d'Insectologie  agricole,  année  188'2,  p.  -19,97,  113,  129). 

Le  genre  Cochijlia,  ïreitschke  nous  présente  d'autres  ennemis  de 
vignobles.  Les  antennes  sont  simples  dans  les  deux  sexes,  les  palpes 
touffus  et  sans  articles  distincts,  la  spiritrompe  à  peine  visible  ou  nulle, 
les  ailes  antérieures  étroiles,  allongées,  terminées  obliquement,  avec 
la  côte  presque  droite,  le  corps  long  et  mince.  La  plupart  des  papillons 
de  ce  genre  ont  pour  physionomie  commune  d'avoir  un  aspect  plus  ou 
moins  luisant  et  comme  nacré,  et  leurs  ailes  antérieures  traversées  obli- 
quement par  une  ou  deux  bandes  brunes.  L'espèce  la  plus  importante 
de  ce  genre  est  le  C.  ambiguella,  Hûhner,  syn.  :  Roserana,  Frolich,  vul- 
gairement la  Teigne  de  la  grappe,  espèce  qui  fait  parfois,  dans  certains 
•cantons  viticoles  de  la  France,  des  ravages  comparables  à  ceux  de 
l'Œnophthire  ou  Pyrale  de  la  vigne.  Il  est  très  probable  que  la  chenille 
est  assez  polyphage,  ou  du  moins  ne  vit  pas  exclusivement  sur  la  vigne, 
car  Duponchel  dit  avoir  souvent  trouvé  son  papillon  autour  de  Paris  en 
avril  et  en  mai,  dans  des  localités  très  éloignées  des  vignobles,  notam- 


70/l  LÊPIDOPTÈIIES. 

ment  dans  les  prairies  de  Gentilly,  où  il  était  très  commun;  l'espèce  est 
indiquée  sous  le  nom  de  thi'  Ainbiguous  T.  dans  le  catalogue  des  Lépi- 
doptères indigènes,  et  la  vigne  n'est  nullement  d'une  culture  libre  fré- 
quente aux  lies  Britanniques.  Le  papillon  a  une  envergure  de  ik  à  15 
millimètres  seulement,  les  ailes  antérieures  d'un  jaune  pâle,  avec  une 
bande  transversale  brune,  se  rétrécissant  un  peu  du  bord  externe  au 
bord  interne,  une  ligne  argentée  de  chaque  côté  de  la  ligne  brune, 
quelques  marbrures  plus  pTiles,  et  en  outre,  des  espaces  ferrugineux; 
les  ailes  postérieures  sont  d'un  gris-perle  uni,  avec  la  frange  plus  claire. 
Cette  espèce  nuisible  ne  s'attaque  pas  aux  feuilles  de  la  vigne,  mais 
seulement  aux  fleurs  et  aux  grappes.  La  femelle  dépose  ses  œufs,  tantôt 
sur  les  bourgeons  naissants,  tantôt  sur  les  jeunes  grappes,  tantôt  sur  la 
peau  même  du  grain  de  raisin;  ils  sont  très  petits,  ovalaires,  d'un  gris 
terne,  et  disposés  en  petites  plaques  analogues,  quant  à  la  forme,  à 
celles  de  l'Œnoplithire. La  chenille,  qui  porte  les  noms  de  Ver  rouge,  Ver 
coquin,  Ver  de  la  vendange,  longue  d'environ  8  millimètres,  ressemble 
un  peu  à  celle  de  la  Pyrale  de  la  vigne  par  sa  forme  générale;  mais 
elle  est  plus  épaisse  et  plus  grosse  eu  égard  à  sa  longueur.  Sa  tête  est 
d'un  brun  rougeâtre  foncé,  avec  le  premier  segment  du  corps  d'une 
teinte  plus  intense.  Le  reste  du  corps  est  grisâtre,  devenant  d'un  rose 
violacé  tendre,  quand  il  a  acquis  son  développement  complet. La  chrysa- 
lide, d'une  brun  uniforme,  ressemble  beaucoup  à  celle  de  Pilleriana 
sous  ce  rapport,  ainsi  que  par  les  rangées  d'épines  qui  garnissent  son 
abdomen  ;  mais  elle  en  diffère,  par  sa  forme  générale,  par  l'absence  de 
poils  sur  l'abdomen  entre  les  épines,  et  surtout  par  la  forme  du  dernier 
segment  et  des  poils  qui  le  terminent. 

Tandis  que  l'Œnophthire  n'a  qu'une  génération  par  an,  la  Cochylis 
en  proiuit  deux,  comme  toutes  les  espèces  de  son  genre,  et  passe 
l'hiver  à  l'état  de  chrysalide  et  non  de  chenille.  On  voit  apparaître  ses 
petits  papillons  dès  le  mois  d'avril,  ne  volant  guère  qu'au  crépuscule  et 
à  l'aurore.  Ils  s'accouplent  peu  après;  les  petites  chenilles  sortent  ordi- 
nairement des  œufs  dans  le  courant  de  mai,  au  commencement  de 
la  floraison  delà  vigne,  et  se  mettent  tout  de  suite  à  ronger  les  grap- 
pes naissantes.  Elles  tendent  des  fils  de  soie,  au  moyen  desquels  elles 
réunissent  entre  elles  les  fleurs  de  la  vigne  et  les  petits  grains  de  raisin. 
Cachées  sous  cet  abri,  elles  attaquent  les  fleurs  par  le -calice  et  en  dé- 
truisent bientôt  complètement  un  grand  nombre;  à  cette  époque,  trois 
chenilles  suffisent  pour  dévorer  entièrement  une  grappe  moyenne.  A  la 
fin  de  juin  ou  au  commencement  de  juillet,  la  chenille,  après  s'être 
réfugiée  entre  les  petits  grains  flétris  ou  desséchés  qu'elle  a  réunis  par 
des  fils,  se  construit  une  coque  soyeuse  dans  laquelle  elle  se  transforme 
en  chrysalide.  Elle  demeure  sous  cet  état  douze  ou  quinze  jours,  et, 
dans  la  seconde  quinzaine  de  juillet,  on  retrouve  de  nouveau,  sur  les 
vignes,  de  petits  papillons  qui  pondent  presque  aussitôt  leurs  œufs;  de 
ceux-ci,  placés  ordinairement  sur  les  grains  mômes  du  raisin,  sort. 


TORTRICIENS,  COCHYLIS.  705 

peu  de  jours  après,  une  nouvelle  génération  de  chenilles  non  moins 
voraces  que  celles  qui  les  précédaient.  Les  grains,  qui  ont  déjà  acquis 
à  cette  époque  une  certaine  grosseur,  sont,  tout  aussitôt,  perforés  par 
les  jeunes  chenilles  qui,  passant  la  tète  et  même  parfois  une  grande 
partie  de  leur  corps  par  le  trou  qu'elles  ont  pratiqué,  dévorent  toute 
lapulpe  charnue  et  acidulé  de  la  baie,  et  môme  jusqu'aux  pépins.  Chaque 
chenille  de  cette  seconde  génération  consomme  quatre  à  cinq  grains 
de  raisin  entiers  pendant  la  durée  de  sa  vie,  mais  en  détruit  réellement 
un  nombre  bien  plus  considérable.  En  effet,  elle  entame  souvent  plu- 
sieurs grains  qu"elle  laisse  à  moitié  rongés;  ceux-ci  se  moisissant  promp- 
tement,  surtout  si  la  saison  est  pluvieuse,  amènent  bientôt,  de  proche 
en  proche,  la  destruction  complète  de  la  grappe  par  suite  de  pourri- 
ture. La  seconde  génération  des  Cochylis  est  donc  à  peu  près  aussi  nui- 
sible que  la  première,  à  moins,  toutefois,  d'année  hâtive  où  l'on  puisse 
vendanger  de  très  bonne  heure,  ou  d'année  très  sèche  s'opposant  à  la 
pourriture.  Habituellement,  les  chenilles  atteignent  tout  leur  dévelop- 
pement vers  la  fin  de  septembre  ou  le  commencement  d'octobre.  Elles 
quittent  alors  les  grappes  et  cherchent  un  refuge  où  elles  se  changeront 
en  chrysalide  dans  les  fissures  des  écorces  des  ceps  de  la  vigae;  sous  les 
anfractuosités  des  échalas,  ou  à  leur  surface  même.  Dans  les  années 
hâtives,  la  maturité  du  raisin  arrivant  avant  que  les  chenilles  aient 
abandonné  les  grappes,  elles  sont  transportées  avec  celles-ci  jusqu'au 
pressoir,  où  elles  trouvent  la  mort;  en  cas  d'abondance  des  Cochylis, 
on  peut  recommander  aux  vignerons  de  commencer  les  vendanges 
avant  la  maturité  complète  du  raisin,  de  manière  à  détruire  ainsi  un 
grand  nombre  de  leurs  ennemis. 

Les  ravages  de  C.  amhiguella,  sans  être  aussi  étendus  en  France  que 
ceux  de  la  Pyrale  de  la  vigne,  sont  parfois  assez  graves  pour  anéantir 
du  quart  au  tiers  de  la  récolte.  On  les  signale,  en  Suisse,  dès  l'année 
1715/et  i\  plusieurs  reprises.  En  1799,  Pallas  les  fit  connaître  pour  les 
vignes  de  la  Crimée.  Les  vignobles  des  environs  de  Stuttgard,  dans  le 
Wurtemberg,  étaient  dévastés  depuis  longtemps,  lorsque,  en  1829, 
année  particulièrement  désastreuse,  M.  de  Roser  publia  un  rapport  cir- 
constancié sur  les  dégâts  occasionnés  en  ce  point  par  la  Cochylis,  et  ce 
travail  remarquable  fit  donner  son  nom  à  l'espèce  par  beaucoup  d'ento- 
mologistes. En  France,  l'abbé  Rozier  est  le  premier  qui  parla  de  ce 
papillon,  qu'il  signala  dans  les  provinces  de  Bourgogne,  de  Champagne, 
du  Dauphiné,  du  Lyonnais,  du  Beaujolais,  etc. 

Depuis  celte  époque,  la  Cochylis  s'est  constamment  montrée,  de  1816 
à  1835,  dans  une  grande  partie  des  locaUtés  citées  d'après  l'abbé  Rozier; 
on  l'a  aussi  observée  dans  d'autres  provinces,  ainsi  dans  le  Maçonnais, 
aux  environs  de  Paris,  surtout  à  Argenteuil,  etc.  V.  Audouin  l'a  étudiée 
.  avec  soin  dans  ses  missions  relatives  à  la  Pyrale,  en  1837  et  1838,  et  a 
consigné  ses  observations  dans  son  Histoire  des  insectes  nuisibles  à  la 
vigne.  Le  C.  ambiguella  ne  s'attaque  pas  seulement  aux  vignobles,  mais 

GIRARD.  UI.  —     llb 


706  LÉPIDOPTÈRES. 

aussi  aux  vignes  de  treilles.  J'ai  constaté  sa  présence,  il  y  a  peu  d'années, 
sur  des  vignes  exotiques  élevées  en  pots  dans  les  serres  de  l'École 
d'horticulture  de  Versailles. 

Cet  insecte  paraît  encore  être  plus  difficile  à  anéantir  qu'Œnophtira 
Pilleriunn.  Le  séjour  de  la  chenille  dans  les  bourgeons  floraux  ou  dans 
la  grappe  môme  ne  permet  pas  de  penser  à  un  échenillage,  déjà  fort 
difficile  pour  la  Pyrale  de  la  vigne.  Les  feux  crépusculaires,  très  peu 
efficaces  d'ailleurs,  entraîneraient  de  trop  grands  frais  pour  un  petit 
papillon  qui  a  deux  générations  par  an.  Enfin,  les  divers  endroits  où  le 
Cochylis  ambiguella  dépose  ses  œufs,  tantôt  au  printemps,  sur  le  bour- 
geon, tantôt  à  la  fin  de  l'été,  sur  le  grain  de  raisin,  et  la  petitesse 
extrême  de  ses  œufs,  ne  permettent  pas  d'avoir  recours  à  la  cueillette 
des  pontes.  Quand  il  s'agit  de  beaux  raisins  de  treille  ou  de  raisins  de 
serre,  on  peut,  en  septembre,  écraser  avec  des  pinces  les  chenilles  de 
seconde  génération  qui  sont  dans  les  grappes.  Le  meilleur  moyen  de 
conservation  des  vignobles  me  semble  être  la  destruction  des  chrysa- 
lides en  hiver  par  l'ébouillantage  des  ceps  et  des  échalas,  avec  asper- 
sion de  vapeur  chaude  sur  le  sol,  ou  le  raclage  des  écorces  suivi  de  la 
combustion  des  débris;  mais  il  y  a  toujours  des  chrysalides  qui  échap- 
peront à  la  mort,  surtout  celles  qui  se  trouveront  sur  d'autres  supports. 
Dans  le  genre  Ghjphiptera,   Duponchel  (aile  sculptée),  le  corps  est 
mince,  la  spiritrompe  nulle  ou  invisible,  les  palpes  épais,  leur  second 
article  très  garni  d'écaillés  ou  très  velu  et  en  forme  de  massue,  les 
ailes  supérieures  terminées  carrément,  et  dont  la  surface  est  plus  ou 
moins  rugueuse  ou  hérissée  de  plusieurs  fascicules  d'écaillés  relevées. 
Nous  citerons  G.   cerusana,    Duponchel,  la   Pyi-ale  blanche,  peut-être 
variété  de  G.  niveana,  Frdlich,  ou  de  G.  Boscana,  Fabr.,  the  Boscan  T., 
se  trouvant  aux  environs  de  Paris,  ayant  le  dessus  des  ailes  supérieures 
d'un  blanc  de  céruse  ou  de  craie,  légèrement  jaunâtre  et  marqué  de 
ti-ois  taches  grises,  la  frange  non  précédée  d'une  ligne  de  points  noirs. 
Les  chenilles  se  trouvent  en  mai  dans  les  bouquets  de  fleurs  des  ceri- 
siers, des  pommiers  et  des  poiriers,  donnant  les  adultes  en  juin  et 
juillet;  il  y  a  une  seconde  génération  en  septembre,  et  alors  les  che- 
nilles se  tiennent  entre  les  feuilles  et  leurs  chrysalides  hivernent.  Par- 
fois cette  espèce  attaque  les  ormes  d'avenue.  Le  genre  feras,  Treitschke, 
a  le  corps  mince,  la  spiritrompe  courte,  mais  visible,  les  palpes  larges, 
en  forme  de  losange,  sans  articles  distincts  et  très  garnis  d'écaillés,  les 
ailes  supérieures  recourbées  au  sommet  en  crochet  plus  ou  moins  aigu 
et  avec  la  côte  échancrée  quelquefois  dans  son  milieu.  Une  espèce  nui- 
sible aux  vergers  est  \QT.contaminana,  UùhneT^theChequered  Pebble  T., 
ayant  la  tête,  les  antennes  et  le  corselet  d'un  jaune  clair,  ainsi  que  les 
pattes,  l'abdomen  gris  avec  son  extrémité  jaune,  les  ailes  supérieures, 
à  côte  entière,  d'un  jaune  clair  en  dessus,  fortement  réticulé  de  ferru^ 
gineux,  avec  une  grande  tache  brune  au  milieu,  qui  se  divise  en  deux 
avant  d'arriver  à  la  côte,  le  dessous  des  mêmes  ailes  pareil,  mais  beau- 


TORTRICIENS,  GRAPHOLITH.  707 

coup  plus  pâle,  les  ailes  inférieures  d'un  blanc  jaunâtre  faiblement 
réticulées  de  gris  sur  leurs  deux  surfaces;  cette  description  s'applique 
aux  deux  sexes.  Les  chenilles  se  trouvent  sur  le  prunier,  l'abricotier,  le 
pommier  et  surtout  sur  le  poirier;  les  feuilles  sont  liées  et  pliées  avec 
des  fils  de  soie,  et  les  chenilles  s'accroissent  et  se  métamorphosent  dans 
cette  retraite.  Les  adultes  paraissent  en  juin  et  juillet.  Les  chenilles 
sont  d'un  vert  obscur,  avec  la  tête,  le  dessus  du  prothorax  et  les 
pattes  écaillcuses  d'un  brun  roux  ;  le  corps  est  couvert  de  très  petits 
points  noirs,  surmontés  chacun  d'un  poil  court,  le  dessous  du  ventre 
est  d'un  vert  pAle. 

Le  genre  Grapholitha,  Treitscke,  est  formé  d'un  très  grand  nombre 
d'espèces  des  Tortrix  et  Tinea,  de  Linnseus,  des  Pyralis,  de  Fabricius. 
Les  antennes  sont  simples  dans  les  deux  sexes,  la  spiritrompe  nulle,  les 
palpes  très  velus,  sécuriformes,  sans  articles  distincts;  le  corps  mince, 
les  ailes  supérieures  étroites,  avec  le  sommet  quelquefois  un  peu  courbé 
en  crochet,  la  côte  presque  droite,  marquées  à  l'extrémité  inférieure, 
dans  la  plupart  des  espèces,  d'un  écusson  offrant  plusieurs  raies  longi- 
tudinales métalliques.  Les  chenilles,  de  couleurs  livides,  vivent  de 
feuilles,  de  bourgeons  et  de  graines,  et  se  transforment  dans  un  tissu 
ferme,  revêtu  de  terre.  Nous  citerons  une  espèce,  G.  Weberiana,  Hùb- 
ner,  la  Wœber,  Devillers,  the  Wœberian  T.,  commune  dans  les  pépi- 
nières et  partout  où  on  cultive  les  arbres  à  noyaux,  souvent  très  nui- 
sible aux  cerisiers  et  aux  pruniers.  Le  papillon,  richement  coloré,  a  les 
ailes  supérieures  d'un  roux  ferrugineux  doré,  réticulées  de  brun,  tra- 
versées au  milieu  par  deux  raies  métalliques  bleuâtres  sinuées,  offrant 
à  l'angle  interne  une  tache  ronde,  marquée  dans  son  centre  de  quatre 
petits  traits  noirs  parallèles  et  entourée  de  deux  circonférences  de 
cercle,  dont  l'interne  est  noire  et  l'externe  d'une  couleur  métallique 
bleuâtre,  la  côte  est  brune  et  marquée  de  cinq  à  six  points  blancs;  le 
dessus  des  ailes  inférieures  est  d'un  brun  noirâtre,  ainsi  que  le  dessous 
des  quatre  ailes,  avec  la  frange  grise.  La  tête  et  le  thorax  sont  bruns, 
avec  le  collier  et  les  ptérygodes  bordés  de  fauve,  l'abdomen  est  d'un 
brun  noirâtre.  La  chenille  ne  vit  ni  sur  les  feuilles,  ni  dans  les  fruitSj 
mais  se  tient  entre  l'aubier  et  l'écorce  des  cerisiers,  pruniers,  pêchers, 
abricotiers,  amandiers,  creusant  des  galeries  cylindriques  d'où  s'échappe 
une  poussière  qui  trahit  sa  présence,  déterminant  le  plus  souvent,  dans 
le  voisinage  de  son  habitation,  une  sécrétion  gommeuse  qui  fatigue  et 
épuise  les  arbres,  et  des  excroissances  qui  entraînent  la  mort  de  l'écorce  ; 
il  faut  écorcer  et  goudronner  celle-ci.  Au  commencement  de  sep- 
tembre, la  chenille  a  atteint  toute  sa  croissance;  elle  est  alors  d'un 
vert  jaunâtre  pâle,  avec  la  tête,  les  pattes  écailleuses  et  l'écusson  du 
premier  anneau  d'un  brun  ferrugineux  ;  le  corps  est  parsemé  de  quel- 
ques poils  courts  implantés  sur  des  petits  mamelons  peu  sensibles.  Elle 
se  change  en  chrysalide  sous  l'écorce  où  elle  a  vécu,  chrysalide  pas- 
sant l'hiver  et  donnant  le  papillon  en  juin  et  juillet  de  l'année  sui- 


708  LÉPIDOPTÈKES. 

vante,  el  déposant  probablement  ses  œufs  entre  les  fentes  de  l'écorce. 
Une  autre  espèce  nuisible  du  même  genre,  mais  de  mœurs  très  diffé- 
rentes, est  la  Pyrale  des  pois  ou  G.  pisana,  Guenée.  La  petite  chenille 
vit  en  juillet  et  août,  dans  l'intérieur  des  petits  pois  et  les  rend  véreux. 
Quand  elle  est  à  toute  sa  taille,  elle  est  blanchâtre,  avec  la  tête  rousse 
et  le  corps  parsemé  de  quelques  poils  courts.  Quand  elle  a  fini  de 
dévorer  les  pois  tendres  contenus  dans  une  gousse,  elle  en  sort  par  un 
petit  trou  circulaire  et  s'introduit  dans  une  autre  où  elle  fait  le  même 
ravat^e.  A  la  fin  d'août,  quand  sa  croissance  est  terminée,  elle  descend 
et  file  dans  la  terre  une  petite  coque  de  soie,  dans  laquelle  elle  passe 
l'automne  et  l'hiver,  pour  se  transformer  en  chrysalide  au  printemps 
ef  en  papillon  dans  le  courant  de  juin.  Cette  éclosion  assez  tardive 
explique  parfaitement  pourquoi  les  petits  pois,  qui  arrivent  en  mai  et 
juin  sur  les  marchés,  ne  sont  jamais  véreux,  tandis  que  ceux  de  l'ar- 
rière-saison  le  sont  si  fréquemment.  Le  papillon  est  d'un  gris-de-souris 
satiné.  Ses  ailes  supérieures  ont,  le  long  de  la  côte,  quelques  petites 
taches,  et  leur  angle  interne  est  marqué  d'un  anneau  ovale  argenté 
renfermant  cinq  traits  noirs.  Il  ne  faut  pas  confondre  les  pois  véreux 
d'arrière-saison  dont  nous  v£nons  de  parler  avec  ceux  qui  sont  rongés, 
après  la  récolte,  par  la  Bruche  du  pois,  Coléoptère  Curculionien,  qui 
subit  toutes  ses  métamorphoses  dans  la  graine  et  n'en  sort  qu'au  prin- 
temps, à  l'état  d'insecte  parfait,  par  un  petit  trou  parfaitement  circu- 
laire. On  fera  bien  de  brûler  les  gousses  de  pois  attaquées,  et  d'ébouil- 
lanter en  hiver  le  sol  où  sont  les  chrysalides,  si  l'on  veut  ressemer  des 
pois  à  la  même  place. 

Le  genre  Penthina,  Treitschke,  est  encore  un  démembrement  des 
Tortrix.  Le  corps  est  assez  épais,  la  spiritrompe  courte  mais  visible,  le 
second  article  des  palpes  très  velu  et  triangulaire,  le  troisième  très 
court  et  en  forme  de  bouton,  les  ailes  supérieures  peu  larges,  avec  la 
côte  légèrement  arquée  dans  toute  sa  longueur.  On  trouve  principale- 
ment les  papillons  des  Penthina  sur  les  buissons  et  les  haies  d'aubépine 
et  de  prunellier.  Les  chenilles  vivent  entre  des  feuilles  qu'elles  retien- 
nent ensemble  par  des  fils  de  soie  et  y  subissent  leurs  métamorphoses. 
Une  espèce  importante  se  rencontre  dans  le  groupe  dont  les  ailes  supé- 
rieures ont  la  moitié  ou  les  deux  tiers  de  leur  longueur  à  partir  de  la 
base  d'un  noir-brun  ;  c'est  le  P.  pruniara,  Hûbner,  la  Teigne  bédaude  à 
tête  brune  de  Geoffroy,  the  Lesser  Long-doak  T.  des  Anglais,  espèce  très 
commune,  véritable  fléau  des  pruniers.  Dans  les  deux  sexes,  la  tête  et 
le  corselet  sont  d'un  brun-noir  en  dessus  et  gris  en  dessous,  ainsi  que 
les  pattes,  l'abdomen  participant  de  la  couleur  des  ailes  inférieures. 
Les  ailes  supérieures  en  dessus  ont  les  deux  tiers  de  leur  surface  à 
partir  de  la  base  d'un  brun  noirâtre,  l'extrémité  de  la  même  couleur, 
la  partie  intermédiaire  blanche;  le  bord  extérieur  de  la  partie  brune 
est  arqué  et  son  intérieur  est  strié  de  noir  et  de  bleuâtre,  sans  aucune 
tache  blanche.  La  partie  blanche  est  marquée,  vers  le  sommet,  d'une 


TORTRICIENS,  PENTHiNA.  709 

tache  grise  de  forme  ronde,  souvent  accompagnée  de  petits  atomes  gris 
ou  noirAtres.  La  côte  est  ponctuée  de  noir  et  la  frange  presque  entière- 
ment de  cette  couleur.  Le  dessous  des  mômes  ailes  est  d'un  gris  noirâtre 
luisant,  avec  la  côte  blanchâtre  etponctuée  de  gris  ;  les  ailes  inférieures 
sont  entièrement  d'un  gris  foncé  sur  leurs  deux  faces,  avec  la  frange 
plus  claire.  La  chenille  est  d'un  vert  sale  dans  son  jeune  âge;  mais  ce 
vert  devient  grisâtre  et  quelquefois  noirâtre  à  mesure  qu'elle  grandit, 
la  ligne  vasculaire  formant  une  raie  d'un  vert  plus  foncé.  Les  petites 
verrues  dont  son  corps  est  chargé  sont  d'un  noir  luisant  et  surmontées 
chacune  d'un  poil  d'un  brun  clair.  La  tête,  l'écusson  du  prothorax  et  le 
chaperon  de  l'anus  sont  également  d'un  noir  luisant,  ainsi  que  les 
pattes  écailleuses;  enfin  le  ventre  et  les  pattes  membraneuses  sont  d'un 
vert  sale.  Les  chenilles  se  trouvent  en  avril  et  en  mai  sur  les  cerisiers 
et  les  pruniers,  d'abord  dans  les  bouquets  de  fleurs  en  corymbes,  puis 
entre  les  feuilles  liées  en  paquet  et  tapissées  de  soie,  où  elles  se  chan- 
gent en  chrysalide,  celle-ci  d'un  brun  noirâtre,  épaisse  dans  sa  partie 
antérieure,  avec  les  anneaux  du  ventre  hérissés  de  pointes  fines.  Les 
adultes  paraissent  en  juin  et  juillet  et  donnent  une  seconde  génération 
de  chenilles  en  août,  se  tenant  entre  les  feuilles  liées,  produisant  des 
chrysalides  en  terre,  ou  entre  les  mousses  ou  les  herbes.  Ces  chrysalides 
hivernent  et  leurs  adultes  cclosent  au  printemps,  lors  des  bourgeons  à 
fruits  sur  lesquels  ils  pondent.  11  faut  couper  les  paquets  de  feuilles 
liées,  au  moyen  d'un  sécateur  emmanché  au  bout  d'une  perche,  et  les 
brûler.  Une  seconde  espèce,  très  voisine  dans  son  papillon  et  dans  sa 
chenille,  est  le  P.  variegana,  Hûbner,  espèce  à  laquelle  le  nom  de 
Geoffroy  s'applique  aussi  bien  qu'à  la  précédente.  Elle  est  également 
très  commune  près  de  Paris,  se  trouve  avec  elle  sur  les  buissons  de 
prunellier,  sur  tous  les  arbres  fruitiers,  ainsi  que  sur  le  chêne. 

Dans  les  genres  très  voisins  des  Penthina,  nous  trouvons  plusieurs 
espèces  de  Tortriciens  qu'on  voit  voler  dans  les  jardins  et  qui  sont  spé- 
cialement nuisibles  aux  rosiers  qu'on  y  cultive.  L'une,  du  genre  Gra- 
pholitha,  est  le  G.cynosbatella,  Linn.,  syn.  :  ocellana,  Duponchel,  syn.  : 
tripunctana,  Fabr.,  the  Rose  Long  Cloak  T.  des  auteurs  anglais,  peut-être 
la  Teigne  du  rosier  de  Devillers.  Cette  espèce  se  distingue  de  ses  congé- 
nères par  des  palpes  d'un  jaune  fauve,  portés  par  une  tête  noirâtre  ainsi 
que  le  thorax,  l'abdomen  étant  gris  et  les  pattes  blanchâtres.  Les  ailes 
supérieures  en  dessus  ont  la  moitié  de  leur  surface  à  partir  de  la  base 
d'un  brun  noirâtre,  l'extrémité  de  la  même  couleur,  la  partie  intermé- 
diaire blanche.  Sur  cette  partie  blanche,  on  remarque  trois  taches  d'un 
gris  bleuâtre  et  une  série  de  trois  petits  points  placés  sur  une  ligne 
transverse,  près  de  l'angle  anal;  les  ailes  inférieures  sont  en  dessus  d'un 
gris  cendré,  y  compris  la  frange.  Le  dessous  des  quatre  ailes  est  d'un 
gris  luisant,  avec  deux  points  jaunâtres  à  la  côte  des  supérieures.  Cette 
description  se  rapporte  aux  deux  sexes.  La  chenille  est  d'un  jaune  brun 
sale,  avec  des  lignes  longitudinales  noirAtres  sur  le  dos  et  sur  les  flancs 


710  LÉPIDOPTÈRES. 

et  des  lignes  transversales  de  la  môme  couleur  sur  la  séparation  des 
segments.  Une  tache  d'un  brun  foncé,  en  forme  de  selle,  se  remarque 
entre  le  septième  et  le  huitième  anneau.  Enfin,  la  tâte,  l'écusson  du 
prothorax  et  les  pattes  écailleuses  sont  d'un  brun  noirâtre.  Cette  che- 
nille n'attaque  que  les  boutons  de  rose,  dans  l'intérieur  desquels  elle 
se  cache  et  se  nourrit.  Au  commencement  de  juin,  elle  se  change  en 
une  chrysalide  d'un  vert  noirâtre  à  sa  région  antérieure  et  d'un  jaune 
sale  dans  sa  partie  postérieure,  avec  les  articulations  noires.  Le  plus 
ordinairement,  la  nymphose  a  lieu  dans  le  bouton  même,  qui  cesse  de 
s'accroître,  jaunit  et  se  fane,  ainsi  que  la  pédoncule  ;  mais  lorsqu'il  vient 
à  se  détacher,  la  petite  chenille  se  métamorphose  à  terre,  en  réunissant 
quelques  débris  de  plantes  avec  des  fils  de  soie.  Le  papillon  éclôt  à  la 
fin  de  juin;  il  est  très  commun  dans  les  jardins.  On  le  voit  voltiger  le 
soir  autour  des  rosiers,  en  compagnie  de  quelques  autres  Tortriciens 
nuisibles  à  ces  végétaux.  Lorsqu'un  jardinier  voit  les  boutons  de  ses 
rosiers  jaunir,  il  doit,  vers  la  fin  de  mai  et  même  encore  dans  les  pre- 
miers jours  de  juin,  les  enlever  et  les  brûler  pour  diminuer  la  propaga- 
tion de  cette  espèce. 

Dans  le  genre  des  Aspidia,  Duponchel,  le  corps  est  mince,  la  spiri- 
trompe  nulle,  le  second  article  des  palpes  très  large,  très  velu  et  spatuli- 
forme,  le  troisième  très  court  et  à  peine  visible,  les  ailes  supérieures  très 
larges  et  à  côte  très  arquée  dans  toute  sa  longueur.  Les  chenilles  vivent 
en  société  dans  des  feuilles  réunies  en  paquet  et  se  métamorphosent 
dans  un  tissu  commun  recouvert  de  mousse  et  de  feuilles  sèches.  Une 
espèce  attaque  surtout  les  églantiers  [Rasa  canina)  et  aussi  les  rosiers; 
c'est  VA.,  cynosbana,  Frôlich,  the  Brown-cloaked  T.,  ayant  la  tête,  le  tho- 
rax et  les  antennes  d'un  gris  brun,  l'abdomen  et  les  pattes  d'un  gris 
paie;  les  ailes  supérieures  sont  en  dessus  d'un  blanc  nuage  de  gris 
bleuâtre  ou  plombé,  avec  trois  taches  brunes,  une  à  la  base,  une  près 
du  bord  inférieur  au  milieu  et  une  au  sommet.  La  première  est  sur- 
chargée de  points  d'un  brun  plus  foncé,  la  seconde  est  marquée  très 
distinctement  de  trois  ou  quatre  points  ou  petites  lignes  noires,  entou- 
rées de  blanc  ;  la  troisième  est  coupée  par  une  ligne  blanche  ondulée. 
Enfin,  la  côte,  qui  est  d'un  gris  bleuâtre,  est  entrecoupée  dans  toute  sa 
longueur  de  lignes  blanches  ou  de  points  noirs;  les  ailes  inférieures 
sont  d'un  gris  pâle  luisant  sur  leurs  deux  faces.  La  chenille,  dans  tout 
son  développement,  est  courte  et  ramassée,  d'un  brun  terreux,  avec  la 
ligne  vasculaire  parfois  d'un  brun  plus  foncé,  la  tête  d'un  jaune  fauve, 
les  pattes  écailleuses  noirâtres,  le  chaperon  de  l'anus  et  l'écusson  pro- 
thoracique  d'un  noir  brillant,  ce  dernier  coupé  en  deux  par  une  ligne 
blanche.  Les  pattes  membraneuses  et  le  ventre  sont  d'un  brun  un  peu 
plus  clair  que  le  dos.  La  peau  paraît  plissée,  et  les  petites  verrues 
placées  dans  l'ordre  ordinaire,  et  surmontées  chacune  d'un  poil  brun, 
ne  sont  guère  visibles  qu'à  la  loupe.  Depuis  le  commencement  de  mai 
jusqu'aux  premiers  jours  de  juin,  on  trouve   cette  chenille  dans  les 


TORTRICIENS,  ASPIDIA,   TORTRIX.  711 

feuilles  réunies  en  paquet  des  églantiers  dans  les  bois  et  parfois  des 
rosiers  dans  les  jardins;  fort  nuisible  dans  certaines  localités.  Elle  s'en- 
veloppe d'un  tissu  blanc  revêtu  de  feuilles  sèches  ou  de  mousse  et  s'y 
change  en  une  chrysalide  brune,  avec  l'abdomen  un  peu  plus  clair  et 
plusieurs  petits  crochets  à  l'anus.  Le  papillon  paraît  du  milieu  de  juin 
au  milieu  de  juillet. 

Pour  terminer  ce  qui  a  rapport  aux  Tordeuses  ennemies  des  rosiers 
dans  les  jardins,  nous  signalerons  un  Tortrix  rosana,  Hûbner,  que 
Boisduval  dit  être  resté  inconnu  à  Duponchel.  Cette  Pyrale  des  roses  est 
commune  dans  la  Brie,  où  abondent  les  plantations  des  rosiéristes.  Le 
papillon  varie  beaucoup  pour  la  taille  :  ses  ailes  supérieures  sont  un 
peu  tronquées  au  sommet,  d'un  brun  grisâtre  plus  ou  moins  pâle,  tra- 
versées transversalement  par  de  petites  lignes  ou  raies  parallèles, 
courbes,  sinuées  très  légèrement  et  d'un  brun  obscur;  les  ailes  infé- 
rieures sont  d'un  jaune  d'ocre  pûle,  avec  le  bord  abdominal  largement 
noirâtre.  Boisduval  dit  avoir  vu  très  fréquemment  ce  papillon  à.  la  fin 
de  juin  dans  les  jardins  plantés  de  rosiers  de  Suines  et  de  Combs-la- 
Ville.  Il  faut  encore  compter  dans  les  espèces  très  nuisibles  aux  rosiers 
les  Tortrix  Bergmanniana,  Linn.,  et  Forskaelana,  Linn.  Les  chenilles  se 
tiennent  à  l'extrémité  des  jeunes  pousses,  entre  les  feuilles  qu'elles  rou- 
lent et  lient  par  des  fils  de  soie,  augmentant  la  dimension  des  paquets 
à  mesure  que  la  végétation  se  développe,  rongeant  les  feuilles  tendres 
et  les  boulons  qui  commencent  à  se  former;  souvent  elles  ne  mangent 
qu'une  partie  du  bouton  dont  elles  laissent  le  pédoncule  intact  ;  dans  ce 
cas,  on  n'a  que  la  moitié  ou  le  tiers  d'une  rose. 

Lors  de  la  nymphose,  à  la  fin  de  mai,  elles  tapissent  de  soie  l'intérieur 
de  leur  retraite  et  se  changent  en  chrysalides  brunes,  munies  sur  le 
bord  de  chaque  anneau  de  deux  rangées  de  petites  épines  qui  leur 
servent  à  s'avancer  sur  les  bords  des  paquets  des  feuilles,  quand  le 
moment  de  l'éclosion  approche  ;  on  voit  souvent  sur  les  rosiers  des 
chrysalides  vides  à  moitié  sorties  ou  presque  pendantes  entre  deux 
feuilles.  Il  faut  détruire  ces  chenilles,  soit  en  coupant  les  feuilles  liées 
et  les  brûlant,  ou  seulement  en  entr'ouvrant  au  soleil  les  feuilles 
réunies,  soit  enfin  en  les  pressant  entre  les  doigts  pour  écraser  les 
chenilles  dans  leur  domicile.  Les  papillons  éclosent  à  la  fin  de  juin  ou 
dans  les  premiers  jours  de  juillet  et  voltigent  le  soir,  après  le  coucher 
du  soleil,  dans  les  jardins  de  toute  l'Europe.  Ils  pondent  leurs  œufs 
isolément  à  la  base  des  rameaux  et  ceux-ci  passent  généralement 
l'hiver  ;  mais  dans  les  années  chaudes,  il  y  a  une  seconde  génération 
donnant  ses  papillons  en  septembre.  Ces  deux  espèces,  probablement 
par  importation  d'Europe  avec  nos  rosiers,  habitent  aussi  l'Amérique 
septentrionale.  Elles  vivent  sur  presque  tous  les  rosiers  cultivés  en 
France,  mais  attaquent  rarement  les  Bengales,  les  Thés  et  les  Banks. 

Un  groupe  de  Tortriciens  qui  compte  une  vingtaine  d'espèces  en 
Europe  s'attaque  spécialement  aux  Conifères,  causant  de  grands  ravages 


712  LÉPIDOPTÈRES. 

en  Allemagne  et  dans  le  nord  de  l'Europe,  à  cause  des  exsudations  de 
résine  provoquées  par  les  chenilles.  Deux  espèces  de  Pyrales  des  pins 
sont  assez  dangereuses  en  France  et  appartiennent  au  genre  Coccyx, 
Treitschke,  syn.  :  Betinia,  Guenée  (en  partie).  Les  papillons  de  ce  genre 
Coccyx  ont  le  corps  assez  fort,  le  second  article  des  palpes  large,  velu 
et  triangulaire,  le  troisième  très  petit  et  à  peine  visible,  la  spiritrompe 
nulle,  les  ailes  supérieures  plus  étroites  que  larges,  terminées  carré- 
ment et  dont  la  côte  est  à  peine  arquée  dans  toute  sa  longueur.  Les 
chenilles  vivent  dans  l'intérieur  des  bourgeons  des  arbres  résineux, 
principalement  des  pins,  et  s'y  métamorphosent  ;  la  chrysalide  est 
contenue  dans  un  tissu  blanc  et  serré.  Une  espèce  qui  intéresse  les 
forestiers  elles  jardiniers  paysagistes  pour  les  parcs  est  le  C.  turionella, 
Linn.,  syn.  :  turionana,  Hûbner,  la  Teigne  des  bourgeons  de  Pin,  Devil- 
1ers,  tke  Pale  Orange-Spot  T.,  envergure  18  à  20  millimètres.  Dans  les 
deux  sexes,  le  dessus  des  ailes  antérieures  est  d'un  roux  ferrugineux 
très  clair  ou  un  peu  violâtre,  traversé  par  uue  multitude  de  stries  très 
fines  d'un  blanc  bleuAtre,  sinuées  et  presque  toujours  géminées;  leur 
dessous  est  d'un  gris  noirâtre  luisant  ;  les  ailes  postérieures  sont  entiè- 
rement grises  en  dessus  comme  en  dessous,  avec  la  frange  plus  pâle. 
La  tête  et  le  thorax  sont  de  la  couleur  des  ailes  supérieures,  l'abdomen 
participant  de  celle  des  ailes  inférieures,  ainsi  que  les  pattes.  Ce  papil- 
lon se  tient  en  juillet  et  août  sur  l'écorce  du  pin  silvestre,  dont  la 
couleur  se  confond  tellement  avec  la  sienne  qu'on  ne  l'aperçoit  pas.  On 
le  prend  parfois  dans  la  forêt  de  Fontainebleau. 

La  chenille  est  d'un  rouge  brun  terreux^  avec  les  jointures  des  anneaux 
plus  foncées  et  la  tête  d'un  brun  luisant  couleur  de  poix,  ainsi  que  l'écus- 
son  du  prothorax  elles  pattes  écailleuses.  Le  corps  est  couvert  de  petits 
points  verruqueux  noirs,  donnant  naissance  chacun  à  un  petit  poil  raide. 
Cette  chenille  se  tient  dans  les  longs  bourgeons  terminaux  qu'elle  creuse 
pour  s'en  nourrir,  les  rongeant  si  profondément  qu'il  n'en  reste  que  les 
écailles.  Elle  se  forme  ainsi  une  espèce  de  grotte  où  elle  passe  l'hiver, 
se  changeant  en  avril  et  en  mai  en  une  chrysalide  d'un  rouge  brun, 
qui  éclôt  en  juillet  et  en  août.  L'aiguille  étant  détruite,  l'arbre,  au 
lieu  de  filer,  se  ramifie,  et,  l'année  d'aprô?,  la  plupart  dos  bourgeons 
latéraux  développés  à  la  suite  de  ce  ravage  subissent  le  même  sort.  La 
chenille  de  C.  turionana  et  celle  de  C.  buoliana  sont  les  grands  fléaux 
des  pineraies  en  Allemagne  et  combinent  souvent  leurs  dévastations, 
de  sorte  qu'on  ne  voit  souvent  pas  un  pin  qui  soit  droit  et  atteigne  sa 
hauteur  naturelle.  L'introduction  du  pin  silvestre  dans  les  forêts  de  la 
France  et  dans  les  parcs  nous  a,  dans  les  vingt  dernières  années,  grati- 
fiés de  la  seconde  et  redoutable  espèce,  qui  est  le  C.  buoliana,  cat.  de 
Vienne,  the  Silver  striped  Orange  Spot  T.  des  entomologistes  anglais. 
Le  papillon  se  confond  par  sa  couleur  avec  celle  de  l'écorce  des  pins; 
il  a  les  ailes  supérieures  d'un  jaune  rouge,  avec  des  bandes  ou  raies 
Iransverses  sinuées,  d'un  blanc  argentin,  dont  une  se  bifurque  près  de 


TORTRICIENS,    COCCYX.  713 

la  côte  comme  un  Y,  et  dont  une  autre,  qui  la  précède,  forme  dans  son 
milieu  une  sorte  d'O,  Les  ailes  inférieures  sont  d'un  gris  noirâtre  assez 
foncé.  La  chenille  ressemble  beaucoup  à  la  précédente.  Toute  jeune, 
elle  est  d'un  brun  foncé;  plus  tard,  elle  devient  d'un  brun  plus  clair, 
avec  la  tôte,  l'écusson  prothoracique  et  les  pattes  écaillouses  d'un  noir 
luisant;  son  corps  est  couvert  de  petits  points  verruqueux,  surmontés 
chacun  d'un  petit  poil  raide.  Elle  vit,  comme  la  précédente,  dans  les 
bourgeons  de  l'extrémité  du  pin  silvestre,  et  aussi,  en  Autriche,  dans 
le  maître-bourgeon  des  jeunes  pins  noirs  (Pinus  nigricans).  Elle  creuse 
les  bourgeons  de  la  même  façon  que  la  chenille  de  C.  tiirionana,  et 
détermine  à  l'endroit  où  elle  s'est  introduite  une  sorte  de  bosse  formée 
par  une  sécrétion  résineuse.  Elle  reste  cachée  sous  ce  tubercule  de 
térébenthine  jusqu'au  mois  de  mai,  où  elle  se  met  en  chrysalide,  et 
celle-ci  donne  son  papillon  en  juillet. 

On  trouve  encore,  plus  ou  moins  fréquemment,  sur  les  arbres  résineux, 
dans  toutes  les  contrées  de  l'Europe,  le  C.resinella,  Linu.,syn.  :  resinana, 
Hiibner,  la  Teigne  de  la  résine,  Devillers.  Le  papillon  paraît  à  la  fin  de  mai 
ou  en  juin  ;  dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supérieures  sont  en  dessus  d'un 
noir  ferrugineux  et  traversées  par  plusieurs  bandes  étroites  argentées  et 
sinueuses,  lesquelles  forment  autant  de  points  également  argentés  le  long 
de  la  côte;  ces  bandes  sont  au  nombre  de  six  et  rapprochées  deux  par 
deux.  Les  ailes  inférieures  sont,  en  dessus,  de  la  couleur  des  premières, 
mais  un  peu  moins  foncée,  avec  la  frange  grise.  La  femelle  dépose  ses  œufs 
sur  les  jeunes  pousses  des  arbres  résineux,  alors  qu'elles  ont  environ  la 
longueur  du  doigt.  Au  bout  de  huit  jours,  la  chenille  éclôt  et  pénétre 
dans  les  pousses  jusqu'à  la  moelle  et  trouve  sa  nourriture  dans  la  sève 
résineuse  qui  en  sort  ;  elle  entretient  l'écoulement  par  l'ouverture 
qu'elle  a  pratiquée,  de  sorte  que  la  tumeur  de  résine  grossit  de  plus  en 
plus,  en  durcissant  à  l'extérieur.  Cette  tumeur  arrête  l'accroissement 
de  la  branche  où  elle  existe.  Le  fond  de  la  couleur  de  la  chenille  est 
d'un  jaune  d'ocre  vif,  avec  la  tête  et  le  cou  d'un  rouge  brun  ;  elle  pos- 
sède la  faculté  de  marcher  à  volonté  en  avant  ou  en  arrière.  Cette 
chenille  ne  peut  supporter  le  grand  air  et  se  dessèche  si  on  la  tire  de 
la  tumeur  de  résine.  En  cas  de  danger,  elle  descend  le  long  d'un  fil, 
qui  lui  sert  également  à  remonler,  lorsqu'elle  croit  n'avoir  plus  rien  à 
craindre.  En  octobre  et  avant  l'hiver,  elle  atteint  toute  sa  taille  et 
s'enveloppe  alors  d'un  tissu  blanc,  serré,  dans  lequel  sa  métamorphose 
en  chrysalide  n'a  lieu  qu'au  printemps  suivant.  Celle-ci,  d'abord  jau- 
nâtre, passe  successivement  du  brun  au  noir,  à  l'exception  de  l'abdo- 
men, qui  reste  brunâtre.  D'après  Rœsel,  dans  certaines  contrées  de 
l'Allemagne,  on  coupe  ces  tumeurs  de  résine  en  juin  et  en  juillet,  et 
on  les  emploie  à  faire  du  noir  de  fumée. 

Le  dernier  genre  des  ïortriciens  dont  il  nous  reste  à  parler,  en  raison 
d'espèces  très  nuisibles  qu'il  renferme,  est  celui  des  Ca?'poca/)sa,Treit- 
schke.   Le  corps  des  papillons  est  mince,  la  spiritrompe  courte,  mais 


7U  LÉPIDOPTÈRES. 

visible,  le  second  article  des  palpes  courbe, long  et  peu  velu,  le  troisième 
article  court,  cylindrique  et  nu,  les  ailes  antérieures  plutôt  étroites  que 
larges,  terminées  carrément,  à  côte  presque  droite,  à  extrémité  infé- 
rieure présentant  un  écusson  ordinairement  circonscrit  par  une  bordure 
métallique  et  marqué  au  centre  de  plusieurs  lignes  ou  points  noirs.  Les 
chenilles,  qui  ressemblent  à  celles  des  Tortrix,  vivent  dans  l'intérieur 
des  fruits  à  pépins,  des  drupes  ou  des  akènes,  sortent  de  ces  fruits 
quand  elles  ont  atteint  tout  leur  développement,  et  se  changent  en 
chrysalides  soit  sur  le^  sol,  soit  entre  les  écorces.  L'espèce  la  plus 
anciennement  connue  est  le  C.  pomonella,  Linn.,  syn.  :  pomonana^  cat. 
de  V.,  la  Fruitière,  Devillers,  la  Pyrale  des  pommes  {Encycl.  méth.);  the 
Codling  T.  des  Anglais,  dont  on  trouve  assez  souvent  le  papillon  dans 
les  fruitiers  à  pommes  et  à  poires,  mais  qui  est  bien  plus  connue  dans 
les  vergers  et  les  jardins  où  sa  chenille  ronge  les  fruits  à  pépins  et  est 
fort  improprement  appelée  ver;  en  la  faisant  marcher  sur  une  assiette, 
quand  on  coupe  une  pomme  ou  une  poire  véreuse,  on  reconnaît  très 
bien  une  chenille  à  seize  pattes.  Le  papillon,  d'environ  18  millimètres 
d'envergure,  a  les  ailes  supérieures  d'un  gris  cendré  en  dessus  et  tra- 
versées par  un  grand  nombre  de  stries  brunes  ondulées,  présentant  à 
leur  angle  interne  un  écusson  semi-lunaire,  d'un  brun  chocolat,  et  dont 
les  contours  sont  irrégulièrement  arrêtés  par  une  ligne  d'or  rouge.  Les 
ailes  inférieures  sont  entièrement  brunes  en  dessus  ;  le  dessous  des 
quatre  ailes  est  brun,  avec  des  atomes  plus  foncés  à  leur  extrémité.  Les 
antennes,  les  palpes,  la  tète  et  le  thorax  sont  d'un  brun  foncé,  l'abdo- 
men d'un  brun  plus  pâle,  tenant  de  la  couleur  des  ailes  inférieures. 
La  chenille  vit  dans  les  pommes  et  les  poires ,  où  d'abord  on 
ne  soupçonne  nullement  sa  présence.  Elle  se  trouve  logée  au  centre 
du  fruit,  sans  qu'on  aperçoive  comment  elle  a  pu  y  entrer,  car  les 
pommes  ou  les  poires  dites  véreuses,  c'est-à-dire  présentant  un  trou  à 
l'entrée,  ne  contiennent  plus  de  chenille,  comme  nous  l'expliquerons. 
Un  de  ces  fruits  est  à  peine  noué  que  la  femelle  du  papillon  dépose  un 
œuf  dans  l'ombilic.  Il  ne  tarde  pas  à  éclore,  et  la  petite  chenille  qui 
en  sort  perce  un  trou  pour  pénétrer  dans  l'intérieur  du  fruit  et 
s'établir  autour  des  cloisons  renfermant  les  pépins.  Or  ce  trou  étant 
proportionné  au  diamètre  de  la  chenille,  qui  est  à  peine  grosse 
comme  un  crin  au  moment  de  son  éclosion,  on  conçoit  qu'il  s'obli- 
tère facilement  et  qu'on  n'en  trouve  plus  aucune  trace  à  l'extérieur. 
Lorsque  la  chenille  est  devenue  plus  forte,  elle  élargit  sa  demeure, 
creuse  une  galerie  latérale,  plus  ou  moins  tortueuse,  allant  du 
centre  à  la  périphérie,  communiquant  avec  le  dehors,  et  lui  ser- 
vant à  rejeter  une  partie  de  ses  excréments  et  à  laisser  entrer  un 
peu  d'air.  Les  fruits  attaqués  par  cette  chenille  continuent  de  gros- 
sir, malgré  leur  ver  rongeur,  et  offrent  souvent  l'apparence  d'une 
maturité  précoce,  sans  que  la  saveur  propre  à  leur  variété  soit  alté- 
rée. En  les  ouvrant,  on  voit  qu'une  grande  partie  de  la  pulpe  a  été 


TORTRICIENS,    CÂRPOCAPSA.  715 

dévorée  et  que  les  galeries  sont  remplies  de  déjections,  sous  forme 
d'une  matière  granuleuse,  rougeâtre  ou  brunâtre.  Cette  chenille  par- 
vient d'habitude  à  toute  sa  taille  à  la  fin  de  juillet  ou  au  commence- 
ment d'août,  c'est-à-dire  lorsque  les  pommes  ou  les'poires  sont  aux  deux 
tiers  de  leur  grosseur.  Elle  a  alors  environ  20  millimètres  de  longueur. 
Sa  couleur  varie  suivant  la  nature  du  fruit  qui  lui  a  servi  de  nourri- 
ture; elle  est  tantôt  d'un  blanc  jaunâtre,  tantôt  d'un  blanc  rougeâtre, 
ou  presque  couleur  de  chair.  Les  côtés  sont  marqués  irrégulièrement 
sur  chaque  anneau  de  plusieurs  petits  points  noirâtres,  disposés  deux 
par  deux.  Sur  la  partie  antérieure  du  premier  anneau,  on  voit  un 
écusson  gris  ou  brun  divisé  en  deux.  La  tête  est  d'.un  rouge  brun  lui- 
sant et  les  pattes  sont  de  la  couleur  du  corps.  / 

On  ne  trouve  jamais,  sauf  des  cas  très  rares,  qu'une  seule  chenille 
dans  un  fruit.  Elle  peut  passer  à  un  autre  fruit  dans  les  paquets  où  les 
pommes  ou  les  poires  sont  contiguës  -,  elle  peut  aussi  se  laisser  tomber 
par  un  fil  de  soie  d'un  fruit  à  un  fruit  inférieur.  Cette  chenille 
attaque  aussi  les  noix  et  les  amandes,  mais  assez  rarement.  En  général, 
les  fruits  véreux,  lorsque  la  chenille  est  arrivée  à  sa  grosseur,  ne  tien- 
nent plus  à  l'arbre,  se  détachent  et  tombent.  Alors  celle-ci  élargit  l'ou- 
verture dont  nous  avons  parlé  et  qui  ressemble  à  une  petite  tache  noi- 
râtre ou  d'un  brun  rougeâtre,  et  sort  de  sa  demeure  pour  se  préparer  à 
subir  sa  métamorphose.  Cette  sortie  a  lieu  ordinairement,  soit  du  fruit 
tombé,  soit  que  la  chenille  descende  par  un  fil  de  soie,  depuis  la  fin 
de  juillet  jusqu'en  septembre,  par  un  trou  à  la  surface  du  fruit;  c'est 
ce  qui  explique  pourquoi  les  pommes  et  les  poires  qui  ofi'rent  un  trou 
à  l'extérieur  ne  contiennent  plus  de  chenille.  Elle  se  retire  alors  dans 
les  écorces  ou  à  la  surface  de  la  terre,  où  elle  se  forme  une  coque  d'un 
tissu  blanc  et  serré,  mêlé  de  parcelles  de  bois  rongé  ou  de  débris  de 
feuilles  sèches.  Elle  passe  ainsi  toute  la  mauvaise  saison  et  ne  se 
change  en  chrysalide  qu'en  mai  ou  juin  de  l'année  suivante,  pour 
devenir  insecte  parfait  trois  semaines  après.  La  chrysalide  est  d'un  brun 
jaunâtre  avec  quelques  poils  raides  à  sa  partie  postérieure.  11  y  a  des 
années  où  le  Carpocapsa  pomonella  est  si  commun  que  la  plupart  des 
pommes  et  des  poires  sont  véreuses.  Il  faut  remarquer  toutefois  que 
l'espèce  n'attaque  pas  indistinctement  toutes  les  variétés.  Ainsi,  en 
Normandie,  on  rencontre  rarement  des  pommes  ou  des  poires  à  cidre 
véreuses.  La  Carpocapse  paraît  avoir  une  préférence  très  marquée  pour 
les  pommes  appartenant  au  groupe  des  Reinettes,  dont  la  pulpe  est 
acidulé,  telles  que  Rambour  d'été.  Reinette  de  Caux,  d'Angleterre,  du 
Canada,  Pigeonnet,  etc.  Dans  cette  même  partie  de  la  France,  les  Cal- 
villes sont  aussi  moins  exposées  à  la  voracité  de  la  chenille  que  les 
variétés  dont  nous  venons  de  parler.  Cette  Pyrale  des  pommes  se  trouve 
dans  tous  les  pays  de  l'Europe  où  l'on  cultive  le  pommier  et  le  poirier. 
Elle  existe  aussi,  pareille  à  l'espèce  d'Europe,  en  Californie  et  dans  les 
États-Unis  du  Nord. 


716     ,  LÉPIDOPTÈRES, 

Tl  est  très  important  de  s'opposer  tant  qu'on  peut  à  la  propagation  de 
cette  Carpocapse,  qui  fait  perdre  des  sommes  considérables  aux  horti- 
culteurs cultivant  les  fruits  pour  la  table.  Son  introduction  a  lieu  dans 
un  pays  par  les  fruits  véreux  importés  par  accident.  Ainsi,  après  le  siège 
de  Paris,  un  arboriculteur  de  Grenelle,  dont  les  vergers  avaient  été 
jusqu'alors  exempts  de  ce  fléau,  eut  ses  poires  gravement  attaquées 
par  cette  Carpocupse,  un  dépôt  considérable  des  immondices  des  halles 
de  Paris  ayant  été  établi^ contre  sa  propriété.  Il  est  nécessaire  de 
ramasser  avec  soin  les  fruits  véreux,  avant  la  sortie  de  la  chenille,  de 
les  porter  loin  du  verger  où  des  chenilles  se  rendraient,  de  les  brûler 
ou  de  les  écraser,  de  séparer  les  parties  attaquées  si  on  fait  de  la  com- 
pote avec  les  parties  saines.  On  fera  bien,  à  la  fin  de  l'hiver,  d'arroser 
à  l'eau  bouillante  ou  à  la  vapeur  les  troncs  d'arbre  et  le  sol  au-dessous 
des  arbres,  ou  bien  de  verser  une  solution  concentrée  de  sulfo-carbo- 
nate  de  potasse,  afin  de  tueries  chenilles  hivernantes.  Des  feux  entre 
les  arbres,  à  la  fin  de  mai,  serviront  à  détruire  un  certain  nombre  de 
papillons.  Pour  les  fruits  de  luxe,  on  peut  enlever  la  galerie  de  la 
chenille  avec  un  tube  de  fer-blanc  analogue  à  un  vide-pomme,  niais 
plus  étroit,  et  boucher  le  trou  avec  de  la  cire  ou  de  la  terre  glaise. 
Plus  la  tige  des  arbres  fruitiers  est  basse,  moins  leurs  fruits  ont  à  souf- 
frir des  ravages  de  la  Carpocapse.  Même  dans  les  plus  mauvaises 
années,  on  ne  trouve  qu'un  très  petit  nombre  de  fruits  véreux  sur  les 
arbres  en  cordons,  qui  ne  s'élèvent  qu'à  quelques  décimètres  du  sol. 

Une  seconde  espèce  se  comporte  comme  la  précédente  à  l'égard  des 
prunes  et  des  abricots  de  plein  vent.  C'est  à  cause  de  ses  mœurs  que 
nous  la  laissons  dans  les  Carpocapsa,  car  elle  appartient  entomologique- 
ment  au  genre  Grapholitha.  Au  reste,  tous  ces  genres  détachés  du 
grand  genre  Tortrix  sont  très  voisins.  Le  G.  funebrana,  Treitschke,  la 
Pyrale  des  prunes,  the  Plumtree  T.,  a  son  papillon  un  peu  plus  petit 
que  celui  de  la  Pyrale  des  pommes  et  lui  ressemblant  bien  peu,  malgré 
la  grande  similitude  qui  existe  entre  les  deux  chenilles.  Ses  ailes  supé- 
rieures ont  le  fond  brunfltre  ou  un  peu  roussâtre,  panaché  de  gris, 
avec  la  côte  marquée  de  petites  taches  blanches  lunulées,  et  le  bord 
interne,  ainsi  que  l'extrémité,  parsemés  de  petits  atomes  d'un  gris 
argenté  ;  outre  cela,  l'angle  interne  offre  une  tache  grisâtre,  arrondie, 
marquée  de  quatre  points  noirs  et  entourée  d'un  peu  de  gris  bleu;1.tre. 
Les  ailes  inférieures  sont  noirâtres.  C'est  dans  les  premiers  jours  de 
juillet  que  paraît  ce  papillon,  qu'on  trouve  très  rarement  aux  environs 
de  Paris,  quoique  sa  chenille  y  soit  commune  dans  la  pulpe  des  prunes 
et  des  abricots,  surtout  dans  les  prunes  de  Monsieur,  de  Reine-Claude 
et  de  Mirabelle,  ainsi  que  dans  les  abricots  hAlifs.  Elle  est  plus  rare 
dans  les  grosses  variétés  américaines  appelées  Washington,  Golden 
dropp,  etc.  Boisduval  dit  ne  l'avoir  jamais  observée  dans  la  variété  dite 
Dame  Aubert,  ni  dans  la  Reine-Claude  de  Bavey,  ni  même  dans  les 
abricots  en  espalier.  Il  y  a  des  années  où  l'espèce  est  si  abondante  que 


TORTRICIENS,   CARl'OCAPSA.  717 

beaucoup  d^i  ces  fruits  à  noyaux  sont  véreux  et  totalement  perdus.  Si 
on  les  ouvre,  on  trouve  la  chenille  nageant  pour  ainsi  dire  au  milieu 
d'une  marmelade  brune  et  répugnante  d'excréments  et  de  jus  de 
prune  ou  d'abricot,  lille  arrive  à  toute  sa  taille  à  l'époque  de  la  matu- 
rité des  fruits  dont  elle  se  nourrit.  Ceux-ci  tombent  un  peu  avant  les 
autres  et  la  petite  chenille  en  sort  pour  entrer  en  terre  et  filer  une 
coque  dans  laquelle  elle  reste  renfermée  tout  l'hiver,  pour  devenir 
chrysalide  en  juin  et  papillon  en  juillet.  Mêmes  remèdes  que  pour 
l'espèce  précédente. 

Une  troisième  espèce  nuisible  est  le  C.  splendana,  Hiibner,  the  Bright 
Marble  T.,  dont  le  petit  papillon  ne  dépassant  pas  15  millimètres  d'en- 
vergure, ressemble  beaucoup  à  celui  de  C.  pomonella.  Les  premières 
ailes  en  dessus  sont  d'un  gris  marbré  et  comme  argenté,  avec  un  écus- 
son  brun  semi-lunaire  à  leur  extrémité  inférieure.  Cet  écusson  est 
presque  entièrement  entouré  par  une  ligne  d'argent,  qui  est  bordée  de 
noir  ou  de  brun  du  côté  interne,  son  intérieur  étant  occupé  par  trois 
ou  quatre  petites  stries  noires  parallèles  aux  nervures.  Le  dessous  des 
mêmes  ailes  est  d'un  gris  brun,  qui  s'éclaircit  en  se  rappi'ochant  de  la 
base.  Les  ailes  inférieures  sont  brunes  en  dessus,  et  leur  dessous  est 
d'un  gris  jaunâtre  et  réticulé  de  brun.  La  tête,  le  thorax  et  les  antennes 
sont  de  la  couleur  des  ailes  supérieures,  l'abdomen  de  celle  des  ailes 
inférieures.  Ce  papillon  ne  se  rencontre  pas  très  rare  pendant  l'été 
dans  les  bois  de  Versailles  et  de  Meudon,  et  au  printemps  dans  les 
maisons  où  on  fait  provision  de  châtaignes  ou  de  noix  pour  l'hiver.  La 
chenille,  en  effet,  vit  dans  les  amandes,  les  noix  et  surtout  dans  les 
châtaignes;  c'est  elle  qui  produit  les  marrons  x^éreux,  faisant  perdre 
parfois  les  trois  quarts  de  la  récolte  de  ces  fruits.  Elle  est  blanchâtre, 
avec  la  tête  brune  et  le  dessus  du  prothorax  d'un  brun  plus  clair.  Les 
autres  segments  portent  des  points  verruqueux  surmontés  d'un  poil. 
Elle  prend  toute  sa  croissance  dans  la  châtaigne  et  la  perce  d'un  petit 
trou,  pour  rejeter  en  dehors  une  partie  de  ses  crottins,  comme  font  les 
chenilles  des  pommes  et  des  prunes.  Lorsqu'elle  a  atteint  toute  sa 
taille,  le  fruit  tombe  du  châtaignier  et  la  chenille  en  sort  pour  se  réfu- 
gier dans  le  sol  et  s'enfermer  dans  un  cocon  solide,  tissé  de  soie  et  de 
parcelles  de  terre  mélangées,  ce  qui  arrive  dans  le  mois  de  septembre, 
un  peu  avant  la  maturité  naturelle  des  châtaignes.  La  chenille  reste 
dans  son  cocon  pendant  l'automne  et  l'hiver,  et  se  change  au  prin- 
temps suivant  ou  pendant  l'été  en  chrysalide,  état  qui  dure  une  quin- 
zaine de  jours.  Les  papillons  les  plus  hâtifs  s'envolent  à  la  fin  du  mois 
de  mai  et  les  plus  tardifs  dans  les  premiers  jours  d'août.  Pour  diminuer 
la  propagation  de  cette  nuisible  espèce,  dans  les  pays  où  la  châtaigne 
est  une  récolte  importante,  il  faut  ramasser  les  châtaignes  véreuses, 
aussitôt  leur  chute,  avant  la  sortie  de  la  chenille,  et  les  brûler.  On 
trouve  encore  dans  les  bois  de  notre  pays  deux  autres  Carpocapsa,  l'une 
dont  la  chenille  vit  dans  les  faînes  du  hêtre,  c'est  C.  grossana,  Hawortli, 


718  LÉPIDOPTÈRES. 

syn.  :  fagiglandana,  Zeller,  the  Smolcy  Marble  T.,  l'autre  C.  amplaiia, 
Hiibner,  ayant  sa  chenille  dans  les  glands  du  chêne  et  assez  rare. 

Parmi  les  Carpocapses  exotiques  se  trouve  une  espèce  d'un  grand 
intérêt  entomologique  par  ses  mœurs.  Cette  espèce  nommée  C.  Deshai- 
siana,  H.  Lucas  (1),  vit  à  l'état  de  chenille  pendant  environ  sept  mois 
dans  les  fruits  d'une  Euphorbe  des  environs  de  Mexico.  Quand  les 
graines  ainsi  habitées  sont  exposées  graduellement  cà  la  chaleur,  elles 
commencent  par  se  mouvoir  d'une  manière  presque  imperceptible  ; 
puis,  la  chaleur  se  faisant  sentir,  leurs  mouvements  deviennent  brus- 
ques, rapides.  On  voit  alors  ces  graines  progresser,  marcher  par  sac- 
cades ;  enfin,  si  on  continue  à  les  laisser  exposées  à  la  chaleur,  elles  ne 
tardent  pas  à  sauter  et  à  s'élever  au-dessus  du  plan  d'appui,  à  une 
hauteur  de  5  à  6  millimètres  environ. 

Ces  mouvements  sont  dus  aux  contractions  musculaires  d'une  chenille 
qui  habite  l'intérieur  de  la  graine.  Si  on  perce  cette  graine  de  part  en 
part,  avec  une  très  fine  aiguille,  de  manière  à  tuer  son  habitant,  et  si 
on  l'expose  à  la  même  température  que  les  graines  contenant  des  che- 
nilles vivantes,  la  graine  transpercée  reste  sans  mouvement,  quel  que 
soit  le  degré  de  température  auquel  on  la  soumette.  Si  on  entame  la 
surface  de  cette  graine,  de  manière  à  mettre  la  chenille  un  peu  à 
découvert,  la  graine  reste  sans  mouvement  ;  si  on  l'examine  quelques 
jours  après,  on  voit  que  la  chenille  a  filé  un  réseau  de  soie  excessive- 
ment fin,  consistant,  non  transparent  et  à  mailles  très  .serrées.  La 
graine,  dont  l'ouverture  a  été  ainsi  fermée  par  son  habitant  lucifuge, 
exposée  de  nouveau  à  la  chaleur,  ne  tarde  pas  à  reprendre  ses  mouve- 
ments ordinaires.  La  chenille  reste  à  peu  près  sept  mois  dans  la  graine 
avant  de  se  transformer  en  chrysalide  à  la  fin  de  l'hiver.  Le  papillon 
éclôt  au  bout  de  peu  de  temps,  si  on  a  eu  le  soin  de  laisser  la  graine  à 
une  température  toujours  constante  de  18  à  20  degrés.  Un  peu  avant  la 
nymphose,  la  chenille  a  eu  la  précaution  d'entailler  sur  le  péricarpe 
un  opercule  parfaitement  circulaire,  très  peu  visible  au  dehors  et  que 
le  papillon  détache  pour  sortir,  les  spinules,  dont  l'abdomen  de  la 
chrysalide  est  muni,  l'aidant  à  se  hisser  à  moitié  au  dehors.  L'intérieur 
de  la  graine  est  tapissé  par  une  soie  très  fine,  à  mailles  serrées,  et,  au 
moment  de  sa  chrysalide,  la  chenille  se  file  en  outre  un  cocon  soyeux, 
grand  relativement  à  la  dimension  de  la  chrysalide.  Certaines  de  ces 
chenilles  étaient  attaquées  par  un  Ichneumonide. 

La  chenille  extraite  de  sa  cellule  paraît  craintive  et  embarrassée  et 
redoutant  beaucoup  la  lumière  ;  si  on  la  chauffe,  elle  devient  plus 
agile,  jette  sa  tête  à  droite  et  à  gauche  et  fixe  çà  et  là  quelques  fils  de 
soie.  Elle  est  longue  de  11  millimètres  et  large  de  3,  entièrement  d'un 
i.aune  clair,  la  tête  d'un  jaune  roussâtre,  ainsi  que  les  pattes  écailleuses 

(1)  Comptes  rendus,  Acad.  des  se,  t.  XLVl,  p.685,  avril  1858.—  Revue  et 
Magasins  de  Zoologie,  novembre  1858,  avec  planche  col. 


CAKPOCAl'SA,    TINÉINIENS.  719 

les  seize  pattes  bien  développées.  La  chrysalide  est  longue  de  10  milli- 
mètres, large  de  3,  entièrement  d'un  brun  ferrugineux,  ramassée  et 
trapue,  tous  les  segments  en  dessus  présentant  deux  rangées  transver- 
sales de  petites  épines  inclinées  en  arrière.  Elle  est  enveloppée  d'un 
cocon  d'une  soie  blanche  et  fine,  très  serrée  surtout  à  la  partie  anté- 
rieure. Le  papillon  femelle  (le  seul  sexe  obtenu  par  M.  H.  Lucas)  a  de 
20  à  23  millimètres  d'envergure  et  ressemble  à  celui  de  C.  splendana, 
Hiibner.  Les  ailes  supérieures  sont,  en  dessus,  d'un  gris  cendré,  traver- 
sées par  un  grand  nombre  de  stries  roussAtres  obscurément  accusées  ; 
l'écusson  de  l'extrémité  inférieure  est  d'un  gris  cendré,  bordé  de  brun 
roussàtre  extérieurement,  et  dont  l'intérieur  est  coupé  par  de  petits 
traits  d'un  noir  foncé  dans  le  sens  des  nervures  ;  au  côté  interne,  il  est 
limité  par  une  bande  transversale  brune,  qui  pari  du  sommet  et  atteint 
le  bord  postérieur;  où  elle  s'élargit  de  manière  à  gagner  l'angle  posté- 
rieur; dans  son  milieu  elle  est  interrompue  par  du  brun  roussàtre,  et, 
à  son  sommet,  elle  est  ornée  de  deux  petites  taches  ovalaires  d'un  gris 
cendré.  Le  bord  antérieur  de  l'aile,  d'un  gris  cendré,  est  marqué  de  petits 
traits  d'un  noir  foncé  ;  le  bord  externe  est  finement  liséré  de  gris  cen- 
dré clair,  et  la  frange,  d'un  gris  foncé,  est  interrompue  par  trois  ou 
quatre  points  noirs.  Les  ailes  inférieures  sont,  en  dessus,  d'un  gris 
noirâtre,  et  leur  frange  est  d'un  gris  roussàtre.  Les  antennes  sont  d'un 
brun  teinté  de  roux  ;  la  tête  est  ferrugineuse  avec  les  yeux  noirs,  les  palpes 
sont  roux,  avec  leur  extrémité  d'un  brun  foncé.  Le  thorax  est  d'un  gris 
cendré,  avec  son  bord  antérieur  teinté  de  brun.  L'abdomen  brun  est 
annelé  de  ferrugineux;  les  pattes  sont  d'un  gris  cendré  clair. 

Cette  espèce  paraît  fournir  le  seul  exemple  de  graines  sautantes  dues 
cà  un  Lépidoptère.  On  a  des  exemples  de  pareilles  graines  contenant 
des  larves  de  Coléoptères  ;  ainsi,  dans  la  province  de  Constantine,  en 
Algérie,  et  aux  environs  de  Montpellier,  pour  des  graines  de  Tamariscus 
habitées  par  la  larve  d'un  Curculionien,  le  Nanocles  tamarisci. 


Tribu  des  TIMEIMIEMS. 


Les  Tinéiniens,  ou  vulgairement  les  Teignes,  forment  la  tribu  la  plus 
nombreuse  de  l'ordre  des  Lépidoptères,  puisqu'on  eu  compte  bien 
quinze  cents  espèces  rien  qu'en  Europe,  et  que  certainement  ce  nombre 
s'accroîtra  de  plusieurs  centaines  quand  les  collectionneurs  s'attache- 
ront davantage  à  la  recherche  desMicrolépidoptcres,  dont  les  difficultés 
de  récolte  et  de  préparation  rebutent  les  entomologistes  débutants. 
Certaines  familles  de  Tinéiniens  renferment  les  plus  petits  papillons 
connus,  quelques-uns  presque  microscopiques.  Il  y  a  chez  eux  une 
variété  considérable  de  formes  et  les  mœurs  les  plus  diverses;  par 
Buite  est-il  fort  difficile  d'établir  des  caractères  généraux  pour  une  tribu 


720  LÉPIDOPTÈRES. 

aussi  étendue.  Ce  uest  guère  qu'en  tûte  des  genres  fondamentaux  qu'on 
peut  donner  des  généralités.  Les  chenilles  sont  à  seize  pattes,  mais 
certaines  ont  les  pattes  membraneuses,  très  courtes  et  même  rudimen- 
taires,  surtout  quand  elles  vivent  renfermées  dans  des  fourreaux.  Beau- 
coup marchent  vivement  à  reculons,  comme  celles  des  Tordeuses; 
souvent  elles  ne  vivent  pas  à  découvert.  Tantôt  (Yponomeutes)  elles 
demeurent  en  vastes  colonies  sous  une  tente  soyeuse  commune;  tantôt 
(chenilles  mineuses)  elles  sillonnent  le  parenchyme  des  feuilles  de 
galeries  ou  mines  placées  entre  les  deux  épidermes.  Ces  deux  catégo- 
ries, où  les  chenilles  ne  sont  pas  entourées  de  fourreaux  individuels, 
appartiennent  aux  Fausses-Teignes  de  Réaumur.  Ses  Teignes,  au  con- 
traire, ont  leurs  chenilles  vivant  dans  des  fourreaux  portatifs  empruntés 
aux  matières  qu'elles  dévorent,  les  Teignes  à  falbalas  étant  celles  où 
les  fourreaux  végétaux  de  cellulose  ou  de  débris  de  feuilles  sèches 
affectent  la  forme  de  collerettes  étagées  autour  du  corps  de  la  chenille. 
Les  fourreaux  peuvent  encore  être  en  substances  animales  plus  ou 
moins  graisseuses,  ce  qui  arrive  dans  les  Teignes  des  lainages,  des 
crins,  des  plumes.  Enfin,  les  chenilles  de  quelques  Tinéiniens,  se  rap- 
prochant alors  beaucoup  de  celles  des  Torlriciens,  vivent  dans  les 
fruits,  ou  dans  les  graines,  ou  dans  les  inflorescences,  ou  môme  dans 
les  feuilles,  qu'elles  enveloppent  de  fils  de  soie.  En  général,  les  che- 
nilles des  Tinéiniens  se  chrysalident  dans  le  fourreau  où  elles  ont  vécu, 
ou  sous  les  toiles  sociales;  les  mineuses  sortent  des  mines  pour  se  chry- 
salider  au  dehors. 

Les  papillons  des  Tinéiniens  ne  prennent  pas  de  nourriture  et  volent 
habituellement  le  soir  ou  au  crépuscule;  certains,  cependant,  ornés 
dans  leur  petitesse  des  plus  splendides  colorations,  volent  en  plein  jour 
et  même  à  l'ardeur  du  soleil,  véritables  pierres  précieuses  mobiles. 
L'extrême  délicatesse  des  écailles  de  ces  minuscules  papillons,  qui  s'en- 
lèvent sous  le  souffle,  rend  leur  préparation  délicate.  Il  faut,  après 
asphyxie  au  chloroforme,  les  piquer  par-dessous  avec  un  fil  de  platine, 
qu'on  fixe  ensuite  à  un  petit  billot  de  moelle  de  sureau;  on  les  étale 
également,  les  ailes  retournées,  sur  deux  lames  de  cristal,  au  moyen 
de  petits  prismes  de  cristal  (voy.  tome.  I,  Introduction,  p.  1()3). 

La  tribu  des  Tinéiniens  correspond  en  grande  partie  au  genre  Tinea 
de  Linnœus,  comprenant,  outre  les  Teignes  domestiques  proprement 
dites,  dont  les  chenilles  nous  sont  si  nuisibles,  une  foule  d'autres 
petites  espèces,  à  chenilles  d'habitudes  difTérentes,  soit  plus  ou  moins 
funestes  pour  nous,  soit,  au  contraire,  insignifiantes  pour  la  plupart. 
Latreille  les  divisait  en  sept  genres  :  Lithosie,  Phycide,  Yponomeute, 
QEcophorc,  Euplocame,  Teigne  et  Adèle.  Nous  séparons,  avec  Uupon- 
chel,  les  deux  premiers  genres  de  nos  Tinéiniens  actuels,  mais  nous  y 
laissons  les  Yponomeutes,  écartés  par  l'auteur  éminent  dont  nous  par- 
lons; le  genre  Teigne  sera  considérablement  subdivisé.  Les  antennes 
paraissent  grenues  ou  moniliformes  à  la  loupe  et  sont  presque  toujours 


TINÉINIENS.  721 

simples  dans  les  deux  sexes;  dans  le  genre  Lemmatophila,  et  en  partie 
dans  les  genres  Euplocamus  et  Incurvaria,  elles  sont  peclinées  ou  plu- 
meuses  chez  les  mâles,  ciliées  chez  les  femelles.  La  spiritrompe  est 
presque  toujours  nulle  ou  rudimentaire.  Les  palpes  labiaux  sont  seuls 
bien  développés,  de  forme  très  variée  et  généralement  relevés  au-dessus 
de  la  tête;  par  exception,  les  quatre  palpes  existent  dans  le  genre  Gra- 
cilaria.  La  tète  est  souvent  velue.  Le  thorax  est  lisse,  l'abdomen  plus 
ou  moins  court,  généralement  cylindroïde  et  déborde  par  les  ailes  dans 
l'état  de  repos.  Les  ailes  sont  entières  et  sans  fissures,  les  antérieures 
généralement  longues,  étroites,  avec  leur  bord  postérieur  de  formes 
très  variées,  les  postérieures  plus  étroites  encore,  largement  frangées, 
surtout  au  bord  interne,  entièrement  cachées  par  les  premières  dans 
l'état  de  repos,  sans  être  plissées,  les  unes  et  les  autres  couchées  alors 
le  long  du  corps  qu'elles  couvrent  en  toit  plus  ou  moins  arrondi,  sans 
l'envelopper  le  plus  souvent  sur  les  côtés,  parfois  entièrement  enroulées 
en  double  fourreau  autour  de  lui,  ainsi  dans  les  Vponomeutes.  Les 
pattes  postérieures  sont  très  longues,  armées  de  longs  éperons  et  plus  ou 
moins  velues  selon  les  genres.  Les  chenilles  sont  glabres  ou  seulement 
garnies  de  quelques  poils  rares,  à  peine  visibles  à  l'œil  nu,  et  implantés 
chacun  sur  autant  de  petits  points  verruqueux.  Les  unes  sont  vermi- 
formes,  les  autres  sont  fusiformes;  elles  sont  toujours  munies  d'une 
plaque  écailleuse  sur  le  prothorax  et  quelquefois  d'une  seconde  sur  le 
dernier  anneau  ;  elles  sont  très  variées  dans  leur  manière  de  vivre  et 
de  se  transformer. 

Duponchel,  en  1838,  établissait  trente-deux  genres  dans  notre  tribu 
actuelle,  moins  les  Yponomeutes.  Ce  nombre  est  naturellement  bien 
plus  considérable  aujourd'hui.  C'est  avec  les  Crambides  que  nos 
Tinéiniens  ont  le  plus  de  rapports.  Ils  en  diffèrent  cependant  sur 
plusieurs  points,  mais  surtout  par  la  forme  plus  ou  moins  étroite  de 
leurs  ailes  inférieures,  qui  n'ont  pas  besoin  de  se  plisser  en  éventail 
pour  être  cachées  par  les  supérieures  dans  l'état  de  repos,  et  en  outre 
par  la  frange  qui  borde  ces  mêmes  ailes,  laquelle  s'élargit  en  propor- 
tion de  ce  que  la  surface  de  celles-ci  se  rétrécit,  à  tel  point  que  sou- 
vent cette  surface  se  réduit  à  la  costale  ou  à  une  simple  tige  garnie  de 
barbes,  ce  qui  fait  ressembler  alors  les  ailes  inférieures  à  deux  plumes, 
comme  cela  se  voit  principalement  dans  les  genres  Elachista,  Ornix  et 
Gracilaria,  genres  qui  font  un  passage  des  Tinéiniens  aux  Pléropho- 
riens  et  aux  Alucitiniens,  tribus  par  lesquelles  nous  terminerons  l'étude 
des  Lépidoptères. 

Duponchel  donne  une  longue  énuméralioa  des  modes  d'existence  si 
variés  des  chenilles  des  Tinéiniens,  auxquels  nous  ajoutons  les  Ypono- 
meutes :  1"  les  chenilles  de  ceux-ci  vivent  sous  de  grandes  toiles  de 
soie,  dans  lesquelles  elles  enveloppent  de  place  en  place,  suivant  les 
besoins  alimentaires,  des  portions  d'arbres  ou  d'arbrisseaux,  devenant 
chrysalides  sous  ces  mêmes  toiles;  2"  d'autres  chenilles  vivent  cachées 

GHiARD.  m    —  à6 


722  LÉPlDOl'TÈKtS. 

entre  deux  feuilles  et  s'y  raétamorpliosenl  dans  un  double  tissu:  leurs 
papillons  appartiennent  surtout  au  genre  Chimabacche,  Zeller,  syn.  : 
Diurnea  et  Lemmatophila,  Duponchel.  Ils  sont  généralement  de  couleur 
grise  ou  brune,  et  ne  quittent  guère  le  tronc  des  arbres  où  ils  sont 
éclos;  souvent  leurs  femelles,  forcément  immobiles,  sont  difficiles  à 
trouver,  car  elles  sont  mi-aptères,  n'ayant  que  de  courtes  ailes  impro- 
pres à  les  porter  dans  le  vol;  3"  des  chenilles  se  nourrissent  de  cham- 
pignons ou  de  bois  pourri,  dans  lesquels  elles  se  pratiquent  des  galeries 
qu'elles  tapissent  de  soie,  et  où  elles  se  changent  en  chrysalide.  Leurs 
papillons  appartiennent  surtout  au  genre  Euplocamm,  dans  lequel  cer- 
taines espèces  sont  très  remarquables  par  leur  taille,  qui  est  grande 
pour  des  Microlépidoptères,  leurs  couleurs  vives  et  tranchées,  et  surtout 
leurs  antennes  largement  pectinées  chez  les  mâles;  Zi»  de  très  nuisibles 
chenilles  vivent  aux  dépens  des  pelleteries,  des  vêtements  et  meubles 
en  laine,  crin,  plumes,  et  de  toutes  les  substances  animales  et  végétales 
desséchées,  qu'elles  rongent  non  seulement  pour  s'en  nourrir,  mais 
aussi  pour  s'en  vêtir,  en  se  construisant  avec  ces  différentes  matières 
des  fourreaux,  tantôt  portatifs,  tantôt  fixes,  dans  lesquels  elles  sont  abri- 
tées à  la  fois  contre  les  intempéries  de  l'air  et  contre  les  attaques  de 
leurs  ennemis.  Ces  chenilles,  du  grand  genre  Tiiiea  et  de  ses  dérivés, 
sont  celles  auxquelles  on  donne  particulièrement  le  nom  de  Teignes,  et 
dont  les  dégâts  ne  sont  que  trop  connus  des  fourreurs,  des  tapissiers  et 
des  marchands  de  drap. 

A  côté  de  ces  chenilles  viennent  se  placer  celles  de  deux  espèces  très 
funestes,  surtout  autrefois,  à  l'époque  des  greniers  de  réserve  de 
céréales.  L'une  ronge  l'intérieur  des  grains  de  froment,  de  seigle  et 
d'orge  (genre  Tinea  des  auteurs  actuels),  dont  elle  lie  ensemble  plu- 
sieurs grains  par  des  lils  de  soie,  en  laissant  entre  eux  un  petit  inter- 
valle pour  y  construire  un  tuyau  de  soie  blanche,  qui  lui  sert  de  loge- 
ment, et  dont  elle  sort  pour  manger  le  grain  qui  se  trouve  à  sa  portée; 
une  autre  chenille,  plus  petite  encore,  du  genre  Sitotroga,  vit  dans  l'in- 
térieur d'un  grain  des  céréales  que  nous  venons  de  citer,  et  aussi  du 
maïs,  où  elle  acquiert  une  plus  grande  taille  ;  les  papillons  des  che- 
nilles dont  nous  venons  de  parler  sont  de  couleurs  assez  variées,  mais 
peu  brillantes,  dont  les  nuances  sont  surtout  empruntées  au  jaunâtre 
et  au  brunâtre  ;  5°  d'autres  chenilles,  du  genre  Depressaria,  Haworth 
ou  Hœmilis,  ont  beaucoup  d'analogie  pour  les  mœurs  avec  celles  des 
Tortriciens;  elles  vivent  entre  les  feuilles  réunies  en  paquets  par  des 
fils,  où  elles  se  métamorphosent  dans  un  léger  tissu  de  soie  ;  les  papil* 
Ions  ressemblent  assez  à  ceux  des  Platyomides  pour  la  coupe  des  ailes, 
mais  ils  s'en  éloignent  beaucoup  par  la  forme  des  palpes;  en  général 
leurs  couleurs  sont  assez  vives;  6"  des  chenilles,  genre  Caulobius,  vivent 
et  se  transforment  dans  l'intérieur  des  plantes  aquatiques,  à  l'instar 
des  Nonagries  (Noctuéliens)  ;  les  papillons  se  rapprochent  des  Crambides 
par  la  coupe  des  ailes,   mais    en  diffèrent  par  l'aspect  des  palpes;  ils 


TINÉLMENS.  12?i 

sont  d'une  couleur  tanncc  uniforme;  1°  des  chenilles,  dans  les  genres 
Hypsolopha  et  Harpipteryx,  habitent  principalement  les  arbres  fruitiers 
et  se  renferment  pour  la  nymphose  dans  une  coque  d'un  tissu  serré  et 
en  figure  de  nacelle  ;  les  papillons  sont  moins  remarquables  par  la 
vivacité  de  leurs  couleurs  que  par  la  forme  de  leurs  ailes  supérieures 
courbées  en  crochet  à  l'extrémité;  8"  les  chenilles  du  genre  Rhinosia 
vivent  entre  des  feuilles  et  s'y  métamorphosent  dans  un  mince  tissu; 
les  papillons  sont,  pour  la  plupart,  ornés  de  couleurs  assez  vives;  9"  le 
genre  Chauliodus  présente  des  chenilles  qui  se  tiennent  cachées  dans  un 
tissu  lâche  entre  les  feuilles  qui  leur  servent  de  nourriture  et  qu'elles 
quittent  pour  devenir  chrysalides  dans  une  coque  formée  de  mousse  et 
de  grains  de  terre;  10"  les  chenilles  du  genre  Plutella,  Scliranck,  syn.  : 
Alucita,  Duponchel,  attaquent  de  préférence  les  plantes  potagères 
quoiqu'elles  vivent  aussi  sur  les  arbrisseaux  ;  leur  chrysalide  se  forme 
dans  un  réseau  artistement  travaillé  en  treillis  qui  la  laisse  apercevoir, 
et  leurs  papillons  se  distinguent  plus  par  la  délicatesse  de  leur  dessin 
que  par  l'éclat  de  leur  couleur;  11°  dans  le  genre  Palpula  dont  les 
adultes  se  distinguent  surtout  par  la  longueur  et  l'épaisseur  de  leurs 
palpes,  les  chenilles,  de  couleurs  assez  variées,  vivent  à  découvert  sur 
les  arbrisseaux  et  suspendent  leurs  chrysalides  par  la  queue  et  par  un 
lien  ceinturai,  à  la  façon  des  chenilles  des  Piérides,  du  sous-ordre  des 
Rhopalocôres  ou  Diurnes;  12"  le  genre  Lampros  a  d'assez  grands  papil- 
lons avec  des  couleurs  vives  et  variées,  et  ses  chenilles  vivent  sous 
l'écorce  des  arbres  et  dans  le  bois  pourri  et  y  subissent  la  nymphose, 
ce  qu'elles  font  quelquefois  aussi  dans  la  mousse;  13°  d'autres  chenilles 
vivent  et  se  métamorphosent  dans  les  feuilles  roulées,  à  la  façon  des 
Tordeuses;  parmi  leurs  papillons,  les  uns  se  rapportent  aux  genres 
Hœmilis  et  Lampros  déjà  nommés,  les  autres  aux  genres  Anacampsis, 
Lita,  Acrolepia,  Acompsia;  ceux-ci,  sauf  quelques  exceptions,  sont 
généralement  de  couleurs  sombres,  mais  d'un  dessin  assez  varié 
quoique  peu  arrêté. 

1/iMlyades  chenilles,  appartenant  essentiellement  aux  Teignes 
vraies  de  Réaumur,  qui  vivent  sur  les  plantes  basses  et  sur  les 
arbres,  cachées  pendant  toute  leur  vie  dans  des  fourreaux  portatifs 
dans  lesquels  elles  se  métamorphosent.  Ces  fourreaux,  qu'elles  se 
fabriquent  avec  le  parenchyme  des  feuilles  dont  elles  se  nour- 
rissent, sont  de  forme  très  variée  ;  néanmoins  on  peut  les  ramener 
à  trois  types  principaux  :  ceux  qui  sont  plus  ou  moins  cylindroïdes, 
ceux  qui  sont  légèrement  déprimés  avec  une  arête  longitudinale  dentée 
en  scie  ;  ceux  qui,  en  forme  de  corne  recourbée,  sont  enveloppés  en 
outre,  depuis  leur  base  jusqu'à  la  moitié  de  leur  hauteur,  de  petites 
pièces  membraneuses  de  cellulose  rangées  par  étage  les  unes  au  dessus 
des  autres,  ce  qui  a  fait  donner  par  Réaumur  le  nom  de  Teignes  à 
falbalas  aux  chenilles  ainsi  vêtues.  Les  papillons  provenant  des  chenilles 
qui  vivent  dans  ces  divers  fourreaux  sont  généralement  parés  de  cou- 


724  LÊPlDOPTËRtS. 

leurs  brillaiiles,  souvent  métalliques.  11  en  est  qui  appartiennent  au 
genre  Adela,  I>atr.,  dont  les  mâles  de  beaucoup  d'espèces  ont  des 
antennes  démesurées,  comme  des  fils  de  soie  pouvant  avoir  plus  de  six 
fois  la  longueur  du  corps  et  qui  les  gênent  beaucoup  dans  leur  vol, 
d'autres  aux  genres  Inmvaria  et  Ornix;  15"  ce  dernier  genre  comprend 
aussi  des  chenilles  se  nourrissant  de  feuilles  d'arbres  et  de  plantes 
basses,  renfermées  encore  dans  des  fourreaux  portatifs  où  elles  devien- 
nent chrysalides;  ici  ces  fourreaux  sont  formés  de  soie,  les  uns  en 
forme  de  crosse  de  pistolet,  les  autres  cylindroïdes  et  enveloppés  à  leur 
base  de  deux  appendices  ressemblant  aux  deux  battants  d'une  coquille 
bivalve  ou  aux  deux  enveloppes  d'une  silique;  il  y  a  souvent  dans  ces 
formes  de  fourreaux,  ressemblant  à  divers  débris  de  plantes,  des 
imitations  protectrices  pour  la  défense;  Réaumur  appelle  les  chenilles 
qui  vivent  dans  ces  deux  espèces  de  fourreaux  :  Teignes  à  fourreaux  en 
crosse  et  Teignes  à  manteau;  16"  des  chenilles  de  Tinéiniens  vivent  de 
Lichens  croissant  sur  les  pierres;  elles  sont  renfermées,  comme  celles 
des  deux  classes  précédentes,  dans  des  fourreaux  portatifs  composés 
d'un  mélange  de  soie  et  de  molécules  pierreuses,  tantôt  à  trois  pans, 
tantôt  en  corne  avec  la  pointe  un  peu  courbée.  11  est  souvent  difficile 
de  décider  si  les  constructeurs  de  ces  fourreaux  sont  des  Tinéiniens 
ou  des  Psychides,  groupe  que  certains  auteurs  placent  en  entier  dans 
les  Tinéiniens.  Les  derniers  fourreaux  coniques  dont  nous  venons  de 
parler  sont  les  plus  communs,  et  comme  les  chenilles  qui  les  habitent 
se  tiennent  de  préférence  dans  les  pierres  cariées  ou  vermiculées,  les 
anciens  observateurs  croyaient  que  ces  creux  étaient  leur  ouvrage  et 
qu'elles  rongeaient  par  conséquent  les  pierres;  Réaumur  a  le  premier 
détruit  cette  erreur,  en  démontrant  que  ces  prétendues  rongeuses  de 
pierre  n'en  veulent  qu'aune  espèce  de  petit  Lichen  qui  tapisse  les  vieux 
murs  exposés  à  l'humidité,  et  que  les  creux  où  elles  trouvent  à  la  fois 
abri  et  nourriture  sont  l'effet  de  la  décomposition  de  la  pierre,  occasion- 
née parles  intempéries  des  saisons;  17°  un  grand  nombre  de  chenilles 
de  Tinéiniens  sont  appelées  mineuses,  parce  qu'elles  se  creusent  des 
galeries  ou  des  m//ies  dans  l'épaisseur  des  feuilles  dont  elles  ne  mangent 
que  le  parenchyme,  sans  toucher  aux  deux  épidermes  qui  leur  servent 
d'abri  et  entre  lesquels  elles  se  métamorphosent.  Tantôt  les  mines 
sont  en  forme  de  tache  blanchâlre  et  transparente,  qu'on  voit  grandir 
à  mesure  que  la  chenille  s'accroît;  tantôt  ce  sont  de  simples  lignes 
jaunâtres,  sinueuses,  courbées  et  brisées  en  tous  sens,  dont  la  largeur 
égale  à  peu  près  le  diamètre  de  la  chenille. 

Les  papillons  issus  de  ces  mineuses  sont  les  plus  petits  de  la  tribu; 
il  semble  que  la  nature  ait  voulu  dédommager  un  grand  nombre  de 
leurs  espèces  de  leur  petite  taille,  en  les  parant  des  couleurs  les  plus 
vives,  mêlées  à  l'éclat  des  métaux  les  plus  précieux;  ce  sont  comme  Jes 
Oiseaux-mouches  des  Lépidoptères,  ils  appartiennent  aux  genres 
OEcophora,  Elachista,   Gracilaria,  Litlwcolletis,  NeiAicula,  ce   dernier 


TIM'IINII'NS,    VPONOMEUTIDLS,  725 

genre  contenant  les  plus  petits  papillons  connus.  On  ne  peut  chasser 
ces  êtres  minuscules  qu'avec  le  flacon  à  chloroforme  ou  à  cyanure  de 
potassium,  et  mieux  encore  en  renl'ermant  les  feuilles  minées  dans  des 
boîtes  vitrées. 

Cette  longue  énumération  montre  que  les  chenilles  des  Tinéiniens 
■réunissent  à  elles  seules  les  divers  genres  de  vie  et  les  difterents  modes 
de  nymphose  de  toutes  les  autres  tribus  de  Lépidoptères.  Duponchel 
insiste  sur  ce  fait  pour  montrer  que  les  caractères  tirés  de  l'état  adulte 
sont  supérieurs,  comme  valeur  classificative,  à  ceux  provenant  des 
mœurs  et  des  formes  des  larves.  Dans  les  Tinéiniens  adultes,  ceux  du 
genre  Tinea  proprement  dit,  avec  les  dérivés,  ne  quittent  pas  l'intérieur 
des  habitations  et  viennent  voltiger  le  soir  autour  de  nos  lumières;  les 
autres  se  trouvent  un  peu  partout  et  pendant  toute  l'année,  l'hiver 
excepté  ;  c'est  principalement  pendant  les  mois  d'avril,  mai  et  juin,  dans 
les  bois,  les  jardins  et  les  vergers,  qu'ils  sont  le  plus  nombreux  et 
qu'on  rencontre  les  espèces  les  plus  brillantes.  Les  jeunes  amateurs 
peuvent  espérer  encore  de  nombreuses  découvertes,  même  en  France, 
dans  les  campagnes  les  plus  fréquentées  et  aux  environs  des  grandes 
villes,  s'ils  veulent  se  livrer  à  la  recherche  des  Tinéiniens,  qui  sont 
encore  fort  mal  connus. 

La  famille  des  Yponomeutides,   ou  plus  correctement  Hyponomcu- 
tides,  présente  une  livrée  qui  la  distingue  au  premier  coup  d'oeil  des 
Tinéiniens,  car  le  fond  des  ailes  supérieures  est  d'un    blanc  plus  ou 
moins  pur,  sur  lequel  tranchent  des  points  ou  des  taches  noirs   rangés 
symétriquement   et  plus  ou  moins  nombreux  suivant  chaque  espèce, 
les  inférieures  étant  grisâtres,  bordées  inférieurement  d'une  longue 
frange  de  poils.  Sur  ces  seuls  caractères  d'aspect  externe,  Godart  s'était 
fondé  pour  placer  ces  insectes  dans  les  Lithosiens,  contrairement  à 
toutes    leurs    affinités  naturelles.  Les  adultes   présentent  les  carac- 
tères qui  suivent  :  antennes  écartées  à  leur  base,  sétiformes  et  simples 
dans  les  deux  sexes;  spiritrompe   cornée  et  apparente;  palpes  labiaux 
seuls  visibles,  écartés  de  la  tête  et  plus  ou  moins  recourbés  au-dessus 
du  front  qu'ils  dépassent  très  peu  ;  thorax  uni  ;  abdomen  plus  ou  moins 
long  et  caché  néanmoins  entièrement  par  les  ailes  dans  l'état  de  repos; 
ailes  entières  ou  sans  tissures,    les  antérieures  longues  et  étroites,  les 
postérieures  peu  larges  et  plissées  en  éventail   sous  les  premières  qui 
les  recouvrent  en  totalité  dans  le  repos,  les  unes  et  les  autres  se  mou- 
lant alors  autour  du  corps  en  forme  de  demi-cylindre;    pattes  posté- 
rieures longues  et  munies  de  longs  éperons.  Les  chenilles  ont  seize 
pattes,  sont  cylindroïdes,    atténuées  aux  deux  extrémités,    glabres  ou 
couvertes  seulement  de  poils  isolés  et  clairsemés;  elles  vivent  les  unes 
solitairement,    les   autres  en  société   sous   des  toiles  communes.  Les 
chrysalides  sont  effilées  et  chacune  contenue   dans   une  coque  de  soie 
d'un   tissu    serré.    Les   Yponomeutides   diffèrent  essentiellement  des 
Crambides,  qui  ont  aussi  les  ailes  enroulées  en  fourreau  autour  du 


726  LÉPIDOPTÈRES. 

corps,  en  ce  que  les  Yponomeutides  ont  les  ailes  inférieures  moins 
larges  que  les  Crambides,  les  palpes  écartés  de  la  tête,  plus  ou  moins 
courbes  et  relevés  au-dessus  du  front,  les  antennes  écartées  à  la  base 
et  toujours  simples  ou  filiformes  dans  les  deux  sexes;  enfin,  les  mœurs 
des  chenilles  sont  très  différentes  de  celles  des  Crambides. 

Parmi  les  chenilles  des  Yponomeutides  il  en  est  qui  vivent  isolées, 
cachées  sous  la  surface  inférieure  des  feuilles  et  protégées  par  un 
léger  tissu  qu'elles  étendent  autour  d'elles  et  d'où  elles  s'échappent 
brusquement  à  la  moindre  apparence  de  danger.  D'autres  sont,  au 
contraire,  sociales,  se  réunissant,  soit  par  petits  groupes,  soit  en  nom- 
breuses familles,  principalement  aux  mois  de  mai  et  de  juin,  sous  une 
tente  commune,  d'un  tissu  soyeux  très  léger,  filée  sur  les  rameaux  des 
arbres  ou  des  arbustes,  et  dans  laquelle  elles  enferment,  pour  la  néces- 
sité de  leur  substance,  les  feuilles,  les  fleurs  et  les  fruits.  Ces  chenilles 
se  placent  ordinairement  très  près  les  unes  des  autres,  associées  par 
masses  compactes,  surtout  à  certaines  heures  de  la  journée,  à  la  graiule 
chaleur  du  jour,  pendant  les  intervalles  de  leurs  repas  ;  mais,  dès  qu'on 
imprime  une  secousse  à  la  branche  qui  les  supporte,  elles  entrent 
toutes  à  la  fois  en  mouvement,  les  unes  en  avant,  les  autres  à  reculons, 
et,  s'engageant  dans  les  passages  ménagés  par  elles  à  l'avance  à  travers 
les  fils  de  leur  construction,  elles  se  dispersent  de  toute  part  avec  la 
plus  grande  agilité;  puis,  une  fois  dégagées  de  latente  de  soie,  elles 
se  laissent  couler  sur  le  sol  ou  sur  une  branche  inférieure,  à  l'aide  d'un 
fil  qui  leur  permet  de  regagner  sûrement  l'inlérieur  de  la  toile  dès  que 
le  danger  a  disparu.  Les  chenilles  abandonnent  leur  tente  lorsque  les 
provisions  qui  y  sont  renfermées  sont  épuisées;  elles  vont  établir  leur 
campement  sur  une  autre  partie  de  l'arbre,  et  ainsi  de  suite  jus- 
qu'au moment  de  la  transformation  en  chrysalides,  ordinairement  en 
juillet. 

Cette  opération  importante  s'exécute  aussi  en  commun  :  une,  deux 
ou  plusieurs  familles  se  réunissent,  et,  descendant  le  long  des  rameaux 
les  unes  à  la  suite  des  autres,  s'en  vont  fixer  leurs  cocons  au-dessus  du 
tronc,  vers  rempâtement  d'une  des  principales  branches  de  l'arbre 
qu'elles  ont  dépouillé.  Ces  cocons  sont  très  allongés,  fusiformes,  attachés 
latéralement  les  uns  aux  autres,  dans  une  situation  toujours  verticale, 
la  tête  de  la  chysalide  en  bas,  réunis  quelquefois  par  milliers  et  pro- 
tégés par  une  vaste  toile  qui  les  enferme  tous  sous  un  même  tissu. 
Les  papillons  en  sortent  au  bout  de  peu  de  temps,  à  la  fin  de  juillet 
et  en  août  ;  ils  ont  le  vol  diurne,  mais  généralement  lourd  et  de  peu  de 
durée.  Plusieurs  espèces  d'Vponomeutides  sont  très  dangereuses  pour 
les  arbres  fruitiers,  car,  lorsqu'un  arbre  en  porte  quelques  pontes,  il 
est  rare  qu'il  lui  reste  une  seule  feuille  vivante.  Les  femelles  pondent 
leurs  œufs  par  paquet  sous  un  enduit  gommeux,  surtout  aux  bifurca- 
tions des  rameaux.  Les  chenilles  écloscnt  en  septembre,  mais  ne 
prennent  pas  de  nourriture  et  passent  l'hiver  engourdies  sous  la  petite 


ANESYCHIA.  727 

enveloppe  de  gomme  des  paquets  d'œufs,  et  elles  en  sortent  en  avril, 
actives  et  afTamées.  Les  Vponomeutides  dos  pruniers  et  des  pommiers 
sont  un  véritable  fléau  pour  la  récolte,  les  arbres  paraissant  couverts 
d'immenses  toiles  d'Araignées. 

(iCrtaines  espèces  des  Yponomeutidcs  ont  de  très  fortes  ressemblances 
entre  elles.  Il  en  résulte  de  grandes  difficultés  de  synonymie,  qui  sont 
surtout  un  inconvénient  quand  il  s'agit  de  caractériser  avec  précision 
des  insectes  très  nuisibles,  à  l'égard  desquels  les  horticulteurs  d'un 
pays  peuvent  avoir  à  se  concerter  pour  prendre  des  mesures  d'en- 
semble : 

AIVESYC'llIA,  Stephens,  syn.  :  Aedia,  Duponchel;  Psecadia,  Zeller.  —  Spiri- 
tronipe  assez  développée  ;  palpes  grêles,  très  arqués,  avec  le  dernier  article 
presque  filiforme  ;  thorax  robuste  ;  bord  supérieur  des  ailes  antérieures  plus  on 
moins  arrondi,  ces  ailes  tachetées,  mais  non  ponctuées  de  noir;  abdomen 
cylindroïde.  —  Chenilles  glabres,  cylindroïdes,  vivant  solitaires  sur  des  plantes 
herbacées,  et  se  métamorphosant  dans  un  tissu  soyeux. 

On  trouve  dans  le  midi  et  le  centre  de  la  France,  ainsi  dans  l'Indre, 
dans  le  Cher,  et  aussi  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  A.  pusiella, 
Rœmer;  la  Mignonne,  Devillers;  VYponometUe  mignonnette,  Godart,  un 
des  plus  grands  Tinéiniens,  pi.  xcviii,  fig.  5.  La  tête  est  blanche,  avec 
les  antennes  noires  en  dessus  et  blanchâtres  en  dessous,  les  palpes 
blancs  et  entrecoupés  de  noir,  le  thorax  blanc  et  marqué  de  sept  points 
noirs,  dont  un  sur  chaque  ptérygode,  un  au  milieu  du  collier,  deux  sur 
la  partie  médiane  du  thorax,  et  deux  à  sa  base,  ceux-ci  un  peu  allon- 
gés. L'abdomen  est  blanc,  ainsi  que  la  poitrine  et  les  pattes,  dont  les 
tarses  sont  entrecoupés  de  noirâtre.  Le  dessus  des  ailes  supérieures  est 
tantôt  d'un  blanc  de  neige,  tantôt  d'un  blanc  légèrement  rosé,  avec  une 
bande  noire  très  étroite,  flexueuse  et  crénelée,  qui  s'étend  longitudina- 
lement  sur  le  milieu  de  l'aile,  depuis  la  base  jusque  près  du  bord  ter- 
minal. Chaque  aile  est  en  outre  marquée  de  cinq  points  noirs,  dont 
trois  le  long  de  la  côte  et  deux  au  bord  interne  près  de  la  base,  indé- 
pendamment d'une  série  courbe  de  points  également  noirs,  plus  petits, 
qui  bordent  l'extrémité  de  l'aile  et  vont  se  réunir  à  ceux  de  la  côte.  La 
frange  est  blanche  et  marquée  au  sommet  d'une  petite  tache  noire.  Le 
dessous  des  mûmes  ailes  est  d'un  gris  plombé,  avec  la  frange  comme 
en  dessus.  Les  ailes  inférieures  sont  d'un  blanc  luisant  de  part  et 
d'autre,  y  compris  la  frange,  avec  le  bord  antérieur  légèrement  lavé  de 
gris.  Ce  papillon  se  prend  au  réflecteur.  La  chenille  est  noire,  avec  une 
bande  dorsale  et  longitudinale  d'un  jaune  citron,  qui  projette  deux 
crochets  blancs  sur  chaque  anneau,  un  de  chaque  côté,  et  qui  est  divisée 
dans  toute  sa  longueur  par  une  raie  noire.  Elle  est  marquée  en  outre, 
de  chaque  côté,  d'une  raie  longitudinale  blanche  et  jaune,  sur  laquelle, 
à  chaque  segment,  est  placé  un  point  noir.  Le  prothorax  est,  en  dessus, 


*/'2S  LÉPIOOPTÈRE?. 

d'un  noir  velouté,  encadré  de  blanc  et  partagé  dans  le  milieu  par  une 
raie  blanche.  La  t6te  est  noire,  avec  une  tache  triangulaire  d'un  blanc 
de  neige.  Les  pattes  écailleuscs  sont  également  noires  et  les  pattes 
membraneuses  sont  grises;  entln,  le  corps  est  parsemé  de  petits  poils 
isolés.  Cette  chenille  vit  en  mai  sur  le  grémil  violet  (Lithospernum 
cceruleum),  sur  les  orties  et  principalement  sur  la  pulmonaire  offîcinale 
(Pulmonaria  of/îcinalis),  et  en  Provence  sur  diverses  Borraginées.  Dans 
les  premiers  jours  de  juin,  elle  se  fabrique  une  coque  de  soie  blanche 
et  s'y  change  en  une  chrysalide  d'un  rouge  brun,  terminée  par  une 
pointe  anale  bifurquée.  Le  papillon  en  sort  à  la  fin  du  même  mois,  et 
ne  s'écarte  pas  de  la  plante  qui  a  nourri  sa  chenille. 

Une  espèce  voisine  est  A.  bipunctella,  Fabr.,  syn.  :  ec/i/e//a,  cat.  de 
Vienne;  la  biponctuée,  Devillers;  VYponomeute  de  la  vipérine,  Godari, 
espèce  qui  a  deux  éclosions  par  an,  en  mai  et  en  août.  Le  papillon  a  la 
bande  noire  des  ailes  supérieures  bien  plus  large  que  chez  le  précédent, 
les  ailes  inférieures  d'un  blanc  jaunâtre,  lavées  de  gris  au  sommet, 
l'abdomen  d'un  jaune  orangé  clair.  La  chenille  ressemble  beaucoup  à 
la  précédente,  et  vit  en  tre  les  touffes  de  fleurs  de  la  vipérine  {Echium 
vtilgare),  paraissant  deux  fois  l'an,  en  juillet  et  en  septembre  et  octobre. 
Les  chenilles  de  la  première  génération  subissent  toutes  leurs  méta- 
morphoses en  six  semaines,  celles  de  la  seconde  hivernent  et  se  chry- 
salident  au  printemps.  Cette  espèce  se  trouve  dans  une  grande  partie 
de  l'Europe,  dans  toute  la  France,  sauf  l'extrême  nord,  en  Angleterre, 
et  n'est  pas  rare  aux  environs  de  Paris.  La  chenille,  très  agile,  habite  des 
lieux  herbus,  dans  les  terrains  calcaires.  Le  papillon  se  tient  appliqué 
pendant  le  jour  contre  le  tronc  des  arbres,  principalement  des  peupliers 
qui  bordent  les  routes  boisées.  Une  autre  espèce  analogue,  répondant 
bien  par  son  aspect  funéraire  de  taches  noires  sur  fond  blanc  au  nom 
de  genre  de  Duponchel,  qui  signifie  tristesse,  est  A.  funerella,  Fabr., 
VYponommte  petit-deuil  de  Godart,  de  la  France  méridionale  et  cen- 
trale, d'Allemagne,  d'Angleterre.  La  chenille  vit  en  août  et  septembre 
sur  les  feuilles  du  Lithospermum  piirpureo-cœruleum  et  de  la  consoude 
(Symphitum  officinale). 

Dans  un  genre  voisin,  Myelophila,  Treitschke,  syn.  :  Myelois,  Zeller, 
à  spiritrompe  bien  développée,  à  bord  postérieur  des  ailes  antérieures 
droit,  se  trouve  une  seule  espèce  d'aspect  de  Lithosie,  de  grande  taille 
pour  un  Microlépidoptère  et  de  mœurs  spéciales  parmi  les  Yponomeu- 
tides.  Aui-'si  les  auteurs  plus  modernes  que  Duponchel  placent  avec 
raison  cette  espèce  parmi  les  Crambides,  ce  qui  est  mieux  en  rapport 
avec  ses  mœurs.  C'est  le  M.  cribrum,  cat.  de  V.,  syn.  icribrella,  Hiibner, 
Treits.,  Uw  Thistle  Krmine  des  auteurs  anglais,  le  Manteau  à  points  de 
Geoffroy,  la  Lithosie  tamis  de  Godart,  insecte  qui  habite  presque  toutes 
les  localités  où  croissent  les  grands  chardons,  surtout  le  Dipsacus 
arvensis,  la  chenille  vivant  dans  l'intérieur  de  leurs  capitules,  le  pa- 
pillon voiant  en  juin  et  juillet,  et  s'écartant  peu  des  grands  chardons  à 


YPONOMEUTA.  729. 

tiges  élevées  qui  croissent  dans  les  lieux  secs,  assez  commun  aux  envi- 
rons de  Paris,  dans  le  voisinage  des  carrières  abandonnées.  La  chenille 
rayée  de  gris  et  de  bleuverdàtre  passe  l'hiver  dans  la  tige  des  char- 
dons, et  se  change  en  avril,  dans  une  coque  de  soie,  en  une  chrysalide 
très  effilée  postérieurement  et  avec  une  pointe  anale.  Le  papillon,  dans 
les  deux  sexes,  a  les  palpes  cylindriques,  assez  épais,  légèrement  arqués, 
la  tête  et  le  corselet  blancs,  les  ailes  antérieures  en  dessus  d'un  blanc 
luisant,  avec  vingt  et  un  points  noirs  sur  chacune,  les  ailes  postérieures 
d'un  gris  plombé  avec  les  bases  blanches,  les  franges  des  quatre  ailes 
blanches.  Le  nom  du  genre  signifie  amateur  de  moelle. 

VPOWOiMElITA,  Latreille,  syn.  :  Hyponomeuta,  Zeller.  —  Spiritrompe  très  peu 
développée;  palpes  très  peu  arqués,  d'égale  grosseur  dans  toute  leur  longueur, 
avec  le  dernier  article  aussi  long  que  les  deux  précédents  ;  abdomen  grêle  et 
cylindroïde;  ailes  antérieures  légèrement  falquées  et  parsemées  de  points  noirs 
sur  un  fond  gris  ou  Manc  ;  frange  du  bord  interne  des  ailes  postérieures  très 
longue.  —  Cbenilles  glabres,  atténuées  aux  deux  extrémités,  habituellement 
de  couleurs  livides,  parsemées  de  points  noirs  et  de  quelques  poils  serrés,  vivant 
pour  la  plupart  en  sociétés  nombreuses,  sur  les  arbres  et  arbustes,  sous  une  toile 
commune,  et  s'y  changeant  en  chrysalide  chacune  dans  un  cocon  séparé. 

Les  espèces  des  Yponomeutes,  assez  nombreuses  en  Europe,  sont  dif- 
ficiles à  distinguer,  surtout  parce  qu'on  a  cru  longtemps  que  la  même 
espèce  pouvait  s'attaquer  à  des  arbres  différents,  ainsi  aux  pruniers  et 
aux  pommiers.  Une  Yponomeute  absolument  semblable  aux  nôtres  ha- 
bite la  Havane,  une  autre  se  trouve  en  Australie,  de  bien  plus  grande 
taille  que  les  espèces  européennes;  on  en  connaît  plusieurs  espèces  de 
l'Amérique  septentrionale,  d'autres  du  sud  de  l'Afrique,  un  plus  grand 
nombre  encore  du  Bengale,  de  Ceylan,  du  nord  de  la  Chine,  etc.  Au- 
cune n'a  été  étudiée  à  l'état  de  chenille,  mais  il  est  probable  que  la 
plupart  sont  des  fléaux  pour  les  arbres  de  ces  contrées  éloignées.  Des 
difficultés  considérables  de  détermination  se  présentent  pour  les  Ypo- 
nomeutes, en  ce  que  le  nombre  des  points  noirs  des  ailes  supérieures 
varie  beaucoup,  non  seulement  d'une  espèce  à  l'autre,  mais  môme  chez 
les  divers  individus  d'une  même  espèce. 

L'espèce  la  plus  nuisible  en  raison  de  la  valeur  des  fruits  dont  elle 
anéantit  la  récolte,  est  une  Teigne  du  prunier,  Y.padella,  Linn.,  syn.  : 
variabiiis,  Zeller  ;  la  Teigne  du  prunier  à  grappes,  Devillers  ;  la  Teigne 
padelle,  Walckenaëv;  V Yponoîneute  parfe//^^,  Latreille;  VYponomeute  du 
cerisier,  Godart.  Cette  espèce  varie  beaucoup  pour  la  couleur  du  dessus 
des  ailes  antérieures,  mais  toujours  la  couleur  du  dessous  de  ses  quatre 
ailes  est  d'un  gris  brunâtre  en  entier  et  celle  des  franges  d'un  gris 
foncé.  Le  dessus  des  ailes  antérieures  varie  beaucoup  :  tantôt  il  est 
entièrement  blanc,  avec  la  frange  seulement  légèrement  teintée  de 
gris,  tantôt  entièrement  d'un  gris  assez  foncé,  tantôt  avec  la  moitié 


730  LÉPIDOPTÈRES. 

antérieure  et  l'extrémité  seulement  grises,  le  reste  étant  blanc.  Dans 
tous  les  cas,  on  voit  trois  rangées  longitudinales  de  points  noirs,  savoir  : 
une  qui  borde  la  côte  et  deux  qui  longent  le  bord  interne,  indépen- 
damment d'une  agglomération  de  points  plus  petits  en  avant  de  la 
frange.  Dans  toutes  les  variétés,  le  dessus  des  ailes  inférieures,  comme 
le  dessous  des  quatre  ailes,  est  toujours  d'un  gris  plombé,  ainsi  que  la 
frange;  seulement  la  côte  est  finement  bordée  de  blanchâtre  dans  les 
individus  non  totalement  gris.  La  tète,  les  antennes  et  les  palpe?  sont 
toujours  blancs.  La  couleur  du  thorax  varie  avec  celle  des  ailes  anté- 
rieures; dans  tous  les  cas,  il  est  marqué  de  six  points  noirs,  comme 
dans  les  espèces  voisines.  L'abdomen  est  gris  en  dessus  et  blanc  en 
dessous,  ainsi  que  la  poitrine  et  les  pattes.  Cette  espèce  couvre  de  ses 
toiles  les  pruniers  cultivés  en  plein  vent  et  aussi,  sur  les  haies,  l'aubé- 
pine et  le  prunellier.  C'est  en  mai  qu'on  trouve  les  chenilles  sous  les 
toiles  ;  elles  sont  d'un  gris  plombé  et  ponctuées  de  noir.  Les  adultes 
paraissent  en  juillet.  On  trouve  cette  nuisible  espèce  dans  toute  la 
France,  notamment  très  commune  aux  environs  d'Agen,  où  l'on  fait 
beaucoup  de  pruneaux.  Depuis  que  le  prunier  est  cultivé  dans  la  petite 
comme  dans  la  grande-propriété,  qu'il  décore  les  vallées  et  les  coteaux, 
donnant  à  l'Agenais  l'aspect  d'un  immense  verger,  l'insecte  destructeur 
s'est  multiplié  d'une  manière  effrayante.  Ses  chenilles  rongent  le  feuil- 
lage pendant  les  mois  d'avril  et  de  mai,  soit  en  partie,  soit  totalement, 
et,  dans  ce  dernier  cas,  le  prunier  ne  fleurit  pas  l'année  suivante.  Les 
femelles  font  leurs  pontes,  principalement  dans  la  seconde  quinzaine 
de  juillet,  à  l'aisselle  des  feuilles,  à  côté  des  yeux,  sur  les  pousses 
récentes,  ou  à  la  base  des  branches  qui  seront  fruitières  l'année  sui- 
vante, ne  pondant  pas  sur  les  longues  tiges  gourmandes,  mais  sur  les 
sommités  des  branches  les  plus  faibles,  les  plus  rabougries,  pour  que 
la  chenille  y  trouve  plus  tard  des  feuilles  plus  tendres.  Une  fois  son 
poste  choisi,  la  femelle  élève  et  abaisse  alternativement  l'abdomen,  et, 
à  chaque  mouvement  descendant,  dépose  sur  le  bois  un  œuf  entouré 
d'une  matière  visqueuse  d'un  jaune  vif,  qui  durcit  et  brunit  en  peu  de 
jours.  La  ponte  terminée,  les  œufs  sont  immergés  dans  l'épaisseur  de 
cette  matière,  suivant  des  lignes  droites  coupées  en  losanges,  en  nombre 
de  trente  à  quatre-vingts.  A  la  fin  de  juillet,  le  dépôt  offre  la  couleur 
grisAlre  d'une  lentille  ou  d'une  pellicule  de  son,  avec  la  dimension  et 
la  forme  ovalaire  d'une  graine  de  lin.  Avant  et  surtout  après  la  chute 
des  feuilles,  on  peut  juger  du  degré  d'intensité  du  fléau  pour  le  prin- 
temps suivant,  en  inspectant  les  deux  dernières  générations  de  rameaux. 
Dans  les  années  désastreuses,  on  trouve  jusqu'à  quinze  dépôts  d'œufs 
sur  une  longueur  de  bois  de  10  à  15  centimètres;  cent  colonies  de  che- 
nilles suffisent  pour  ronger  un  prunier  moyen  et  le  stériliser. 

De  même  que  la  ponte,  réclosion  des  chenilles  n'a  pas  lieu  simulta- 
nément et  dure  tout  le  mois  d'août.  Dès  qu'elle  est  accomplie  dans 
chaque  dépôt  d'œufs,  la  toiture  gris  terne  se  creuse  intérieurement  sous 


YPONOMlîUTA.  731 

forme  d'une  voûte  ovalaire  surbaissée,  dont  les  bords  restent  solide- 
ment fixés  sur  le  bois.  Dans  ce  réduit  étroit,  d'un  volume  inférieur  à 
celui  d'une  tête  d'épingle  aplatie,  fourmillent  de  petites  chenilles  à 
peine  visibles  à  Tœil  nu  et  qui  braveront  pendant  sept  mois  les  intem- 
péries des  plus  rudes  hivers.  A  une  forte  loupe,  elles  sont  pareilles  à 
ce  qu'on  les  verra  au  printemps  quand  elles  sortent  de  l'enduit,  à  tète 
noire,  à  corps  jaune  et  glabre;  quand  elles  se  meuvent,  on  voit  qu'elles 
filent  déjà  une  soie  d'une  extrême  ténuité.  Par  les  grands  froids,  elles 
sont  tout  à  fait  engourdies;  elles  mangent  probablement  un  peu  de  la 
matière  azotée  de  l'enduit.  Les  chenilles  sortent  de  leur  retraite  par 
une  ou  deux  ouvertures  circulaires  de  la  largeur  do  leur  petit  corps, 
à  la  fin  de  mars,  dus  que  les  bourgeons  émettent  une  pointe  conique 
de  verdure.  Libre,  la  chenille  se  jette  sur  le  bourgeon  encore  enroulé 
le  plus  voisin,  en  tronque  le  sommet,  puis  s'infiltre  entre  les  feuilles 
que  fait  entr'ouvrir  la  force  végétative.  Chaque  famille  se  porte  ainsi 
en  masse  sur  le  même  point,  sans  que  ses  individus  se  séparent  jamais, 
pas  même  à  l'état  de  cocons;  les  papillons  seuls  se  dispersent.  Enfer- 
mées dans  leur  nouveau  séjour,  les  chenilles  rongent  le  parenchyme 
des  feuilles,  sans  toucher  aux  nervures,  quelque  molles  qu'elles  soient 
encore,  et  passent  ainsi  environ  quinze  jours.  On  voit  se  détacher  les 
bourgeons  envahis  sur  les  rosettes  voisines  de  six  à  sept  feuilles;  les 
folioles  du  l)ourgeon  attaqué  sont  retenues  par  une  toile  bleutltre, 
encore  interne  ;  on  reconnaît  au  dehors  ces  bourgeons  arrondis,  ma- 
culés, souvent  roux,  quelquefois  pourris.  11  faut  les  couper  et  les  mettre 
dans  des  sacs  ou  dans  des  paniers,  pour  les  brûler  aussitôt.  C'est  là 
Véchenillage  au  premier  bourgeon.  Une  fois  ce  premier  bourgeon  dévoré,, 
la  bande  de  chenilles  se  transporte  à  l'extrémité  du  rameau  sur  lequel 
elle  est  placée,  où  se  trouvent  des  rosettes  de  jeunes  feuilles  très  ten- 
dres, non  encore  étalées.  La  colonievit  encore  là  de  parenchyme  pendant 
une  huitaine  de  jours,  restant  rassemblée  en  un  point  dans  le  courant 
de  la  journée;  mais,  le  soir  et  le  malin,  et  chaque  fois  qu'il  pleut  dans 
le  courant  du  jour,  le  peloton  se  désunit.  Les  chenilles  se  promènent 
lentement  on  filant  et  circonscrivent  leur  nouveau  poste  d'un  réseau 
blanc  du  volume  d'une  pomme.  Lors  de  cette  deuxième  station  à  la 
seconde  quinzaine  d'avril,les  sommités  despruniersblanchiesindiquent, 
à  coup  sûr,  la  présence  des  larves;  c'est  l'instant  de  faire  le  second 
échenillage  dans  les  années  de  grande  abondance  des  Yponomeutes, 
ou  le  premier,  lorsque  le  mal  est  le  plus  bénin;  on  enlève  toiles  et 
insectes,  et  on  les  brûle. 

Le  bout  de  la  tige  récente  dévoré,  les  chenilles  font  un  mouvement 
de  retraite  et  se  blottissent  en  corps  sous  la  face  inférieure  d'une  seule 
feuille,  chaque  compagnie  ayant  alors  le  volume  d'un  gros  pois.  Au 
début,  rien  ne  décèle  extérieurement  cette  troisième  station;  bientôt  la 
face  supérieure  de  la  feuille  est  tachée  d'une  couleur  rousse,  teinte 
que  prennent  les  nervures  après  destruction  du  parenchyme  par  les 


782  i.fipiDOPTÈP.r.s. 

chenilles  sous-jacentes;  c'est  un  indice  infaillible,  el  on  doit  enlever 
toutes  les  feuilles  roussies,  qui  tranchent  si  vivement  sur  la  verdure 
saine,  qu'on  les  aperçoit  à  plusieurs  mètres  de  distance.  Dans  ce  troi- 
sième poste,  la  colonie  continue  ses  exercices  du  matin  et  du  soir,  filant 
circulairement  autour  du  nouveau  bouquet  de  feuilles,  l'enlaçant  d'un 
réseau  plus  fourré  que  le  précédent,  faisant  des  migrations  aux  alen- 
tours, d'où  résultent  de  nouvelles  feuilles  roussies.  Au  mois  de  mai, 
l'appélit  va  croissant,  les  stations  durent  peu.  Les  rameaux  se  dépouil- 
lent de  leur  feuillage  dans  le  sens  de  l'extrémité  vers  la  base,  et  sont 
couverts  d'un  voile  de  flloselle  salie  de  déjections  noirâtres.  Vers  le 
15  mai,  certaines  bandes  logent  dans  les  toiles  ou  sous  les  feuilles; 
d'autres  se  groupent  autour  des  petits  rameaux,  comme  des  essaims 
d'Abeilles,  sous  le  volume  d'une  amande.  Si  la  branche  est  légèrement 
choquée,  toutes  ces  chenilles  en  général,  les  essaims  surtout,  se  lais- 
sent couler  dans  l'espace,  chacune  suspendue  par  le  fil  qu'elle  sécrète 
dans  sa  chute.  Quelques-unes  remontent,  comme  les  Araignées,  mais 
péniblement;  d'autres  s'arrêtent  sur  les  feuilles  placées  verticalement 
en  dessous  et  y  demeurent- immobiles.  L'échenillage  est  alors  presque 
impossible;  mieux  armées,  plus  robustes,  plus  voraces  encore,  les  che- 
nilles dévorent  indistinctement  parenchyme,  nervures  et  fruits;  le 
feuillage  disparaît  à  vue  d'oeil,  l'arbre  blanchit  graduellement. 

Si  l'apparition  du  fléau  est  à  son  début,  il  reste  encore  quelques 
feuilles  à  la  fin  du  mois;  l'année  suivante,  pas  trace  de  végétation  à  la  fin 
de  mai;  à  la  troisième  année,  plus  de  feuillage  entre  le  15  et  le  20  mai. 
Le  propriétaire  qui  a  échenillé  est  moins  épargné  que  les  autres,  car 
tous  les  papillons  des  voisins  sont  venus  pondre  sur  ses  arbres,  revêtus 
d'un  splendide  manteau  de  verdure.  L'absence  d'une  loi  d'échenillage 
général,  ou  plutôt  la  non-exécution  des  lois  existantes,  fait  perdre  des 
millions,  tant  est  grande  la  réputation  des  pruneaux  d'Agen.  Quand  la 
totalité  des  feuilles  est  détruite,  le  pays  prend  le  plus  triste  aspect. 
Aussi  loin  que  peut  se  porter  la  vue  d'un  spectateur  placé  sur  un  coteau 
élevé,  il  n'aperçoit  que  des  lignes,  des  quinconces  semblables  à  des 
squelettes  blanchis.  Si  les  feuilles  suffisent  pour  alimenter  les  chenilles 
jusqu'au  commencement  de  juin,  celles-ci  restent  sur  les  pruniers  et 
s'y  chrysalident.  Si  les  feuilles  sont  toutes  rongées  vers  le  20  mai,  les 
chenilles,  non  encore  assez  développées  pour  se  métamorphoser,  cher- 
chent avec  activité  la  nourriture  nécessaire  pour  compléter  leur  évolu- 
tion. Les  groupes  se  désunissent,  les  individus  isolés  parcourent  plu- 
sieurs fois  les  branches  quelconques,  de  bas  en  haut,  de  haut  en  bas, 
sans  aucun  ordre,  mais  toujours  filant,  déposant  une  couche  soyeuse 
qui  ajoute  encore  à  l'éclat  des  anciens  réseaux.  ÏNe  trouvant  plus  que 
le  désert,  elles  émigrent  vers  le  sol.  Les  unes  descendent  par  le  tronc 
que  la  richesse  de  leur  soie  leur  permet  encore  de  blanchir.  Les  autres 
se  laissent  aller  dans  l'espace  le  long  d'un  câble  composé  d'autant  de 
fils  que  d'émigrantes.  11  se  forme  ainsi  plusieurs  colonnes  de  la  gros- 


YPONOMEUTA.  733 

seur  d'une  canne  et  longues  de  plusieurs  mètres,  qui  pendent  autour 
du  prunier  comme  des  cordons  bariolés  de  juune  et  de  noir  (couleurs 
des  deux  variétés  de  chenilles).  Le  vent  les  balance,  les  entrelace,  et 
d'affreuses  guirlandes  retombent  en  festons  autour  de  l'arbre.  Ces  bêtes 
restent  ainsi  suspendues  pendant  plusieurs  jours,  et  on  peut  alors  les 
exterminer  par  milliers,  en  rompant  le  câble  avec  une  perche  et  écra- 
sant la  colonne  qui  tombe  sur  le  sol  en  un  seul  bloc.  Après  une  station 
aérienne  de  cinq  à  six  jours,  les  chenilles  s'ébranlent  de  nouveau.  Elles 
rampent  les  unes  sur  les  autres,  allongent  la  chaîne  et  arrivent  à  terre. 
Là,  agiles  et  inquiètes,  elles  tournoient  autour  du  prunier,  blanchis- 
sant encore  soit  la  terre  nue,  soit  les  plantes  quelconques  qui  se  trou- 
vent aux  environs,  mais  ne  goûtant  absolument  à  aucune.  Bientôt  tous 
ces  insectes,  trop  peu  développés  pour  se  chrysalider,  périssent  de  faim 
et  de  misère;  c'est  par  son  extrême  multiplication  même  que  le  pays 
est  délivré  du  fléau  parasitaire. 

Les  chenilles  cessent  de  brouter  au  commencement  de  juin.  Dans  les 
premiers  jours  de  ce  mois,  elles  filent  une  toile  plus  forte,  plus  fourrée, 
plus  blanche  qu'auparavant.  Cette  toile,  tantôt  enveloppe  les  dernières 
rosettes  de  feuilles  qui  restent,  tantôt  est  disposée  dans  l'angle  que  for- 
ment deux  brindilles.  Chaque  bande  se  loge  dans  le  centre  du  réseau 
filé  en  commun  par  ses  chenilles,  et,  à  la  fin  de  la  première  qumzaine 
de  juin,  il  y  a  sur  l'arbre  des  groupes  de  cocons  aussi  parfaitement 
séparés  que  les  sociétés  de  chenilles.  Lors  de  la  nymphose,  elles  s'agitent 
convulsivement,  se  tordent,  serpentent  par  de  brusques  ondulations. 
Suspendues  la  tête  en  bas,  elles  se  revêtent  de  la  soie  déjà  existante 
autour  d'elles,  qu'elles  rassemblent  avec  leurs  pièces  buccales  et  leurs 
pattes  thoraciques.  Tantôt  elles  sortent  du  tube  en  voie  de  formation, 
tantôt  elles  y  rentrent  avec  précipitation.  Le  cocon  une  fois  terminé, 
du  10  au  15  juin,  la  chenille  s'y  tient  désormais  immobile.  Après  le  15, 
on  voit  un  petit  amas  noir  au  sommet  supérieur  du  cocon  transparent; 
c'est  la  vieille  peau  ratatinée  de  la  chenille,  refoulée  par  elle.  Dans  la 
partie  inférieure  du  cocon,  la  lête  en  bas,  est  la  chrysalide,  d'une 
couleur  jaune,  avec  la  tête  plus  foncée,  les  fourreaux  alaires  jau- 
nâtres ou  noirâtres.  Quelquefois  les  chrysalides  sont  situées  dans  un 
même  plan  vertical;  ailleurs  elles  sont  groupées  en  cercles,  jamais 
adhérentes  entre  elles  ni  au  bois  environnant.  Dans  les  années  à  grande 
abondance  d'Yponomeutes,  il  n'est  pas  rare  de  voir  de  longues  guir- 
landes de  cocons,  semblables  à  des  paquets  de  chapelets  qu'on  aurait 
attachés  aux  branches  par  les  deux  bouts,  et  dont  les  grains  retom- 
bants dessineraient  des  courbes  gracieuses.  La  structure  du  réseau  de 
suspension  des  cocons  permet  une  destruction  complète  et  très  expédi  • 
tive.  On  taille  le  bout  d'un  long  roseau  en  bec  de  flûte  ;  à  2  ou  3  cen- 
timètres au-dessous,  on  enroule  un  corps  rugueux,  chanvre,  drap, 
lisière,  etc.,  sur  une  longueur  de  12  à  15  centimètres,  et  on  serre  for- 
tement l'objet  avec  une  bonne  ficelle.  On  dirige  successivement  l'appa- 


73^  LÉPIDOPTËUES. 

reil  dans  le  centre  des  monceaux  de  cocons,  en  poussant  et  tournant. 
La  toile  est  si  rugueuse,  qu'elle  s'enroule  en  un  clin  d'oeil  autour  de 
l'armature,  entraînant  les  cocons,  qui  bientôt  forment  le  volume  d'un 
concombre.  Lors  l'instrument  est  trop  surchargé,  des  blocs  s'en  déta- 
chent; on  tourne  alors  la  pointe  contre  le  sol,  on  pousse  le  bloc  avec  le 
pied  et  on  l'écrase.  Il  s'accumule  autour  du  roseau  de  soixante  à  quatre- 
vingts  groupes  de  chrysalides.  Les  haies  d'aubépine  doivent  aussi  être 
inspectées  et  dccoconnées;  pour  cette  opération,  il  suffit  d'un  bâton 
armé  comme  le  roseau,  et  qu'on  promène  tour  à  tour  d'un  côté  et  de 
l'autre  de  la  haie.  Il  conviendrait  aussi  que  toutes  les  haies  fussent 
coupées  en  hiver,  afin  d'anéantir  les  dépôts  d'oeufs.  La  chasse  aux 
cocons  se  fait  du  15  au  25  juin. 

(Juinze  jours  après  la  troisième  métamorphose,  du  25  au  30  juin, 
il  se  dégage  de  toute  chrysalide  bien  constituée  un  petit  papillon 
blanc,  de  1  centimètre  de  longueur,  les  ailes  supérieures  tachetées 
de  points  noirs,  les  inférieures  d'un  bleuâtre  pâle.  L'éclosion  n'offre 
pas  de  particularité  spéciale.  Comme  tous  les  papillons,  il  secoue 
ses  ailes  repliées  en  travers;  bientôt  celles-ci  se  redressent,  et  il 
fournit  plutôt  un  bond  qu'un  premier  vol.  Pendant  deux  ou  trois 
jours,  il  stationne  sur  les  toiles  des  pruniers  ou  des  haies,  s'y  te- 
nant parfaitement  immobile.  Bientôt  il  prend  toutes  les  habitudes 
des  chenilles;  ainsi  on  l'aperçoit  tout  le  Jour  abrité  sous  les  feuilles, 
sous  les  rameaux,  toujours  à  l'ombre,  et  fuyant  les  rayons  du  soleil. 

Il  recherche  les  massifs  d'arbres,  notamment  les  ormes  les  plus 
ftairrés,  vers  lesquels  il  se  transporte  dans  un  moment  inconnu.  Dans 
tout  le  cours  de  la  journée,  on  n'en  voit  aucun  en  mouvement;  il  faut 
même  une  recherche  minutieuse  pour  les  découvrir;  mais,  si  les 
arbres  sont  secoués,  ou  les  branches  frappées  légèrement,  une  nuée  de 
ces  petits  papillons  voltige  lourdement  en  tournoyant  et  tombe  à  terre 
à  2  ou  3  mètres  du  pied  du  tronc;  là  l'insecte  se  tient  stupidement  im- 
mobile, se  laissant  saisir  comme  un  corps  inerte.  On  rencontre  cà  et  là 
des  papillons  accouplés,  les  corps  en  opposition.  Dans  la  région  de 
l'Agenais,  les  tempêtes  soufflent  dans  la  direction  sud-ouest  à  nord-est; 
il  est  probable  qu'elles  sont  le  véhicule  des  Yponomeutes  adultes,  qui 
envahissent  le  pays,  canton  par  canton,  dans  le  sens  indiqué.  On  a  fait 
éclore,  en  boîte  vitrée  et  à  l'ombre,  aux  derniers  jours  de  juin,  des 
cocons  du  prunier  et  de  l'aubépine,  et  aussi  du  pommier,  espèce  très 
voisine;  les  papillons  ont  vécu  sans  nourriture  jusqu'au  15  août;  cela 
fait  comprendre  comment  on  trouve  encore  des  papillons  en  liberté  au 
mois  de  septembre;  ce  sont  des  individus  qui  ne  se  sont  pas  accouplés. 
L'espèce  est  de  France,  d'Allemagne,  d'Angleterre. 

Des  difficultés  considérables,  au  point  de  vue  entomologique,  nous 
sont  offertes  par  les  espèces  qui  vivent  sur  le  pommier.  Elles  sont  au 
nombre  de  deux.  L'une,  qui  ressemble  beaucoup  à  Y.  variabilis  ou 
padella,  et  qui  a  été  confondue  avec  elle  par  presque  tous  les  auteurs, 


YPONOMKLTA.  735 

est  VY.  mallvorella,  (lueiiée,  espèce  très  valable  d'après  l'observation 
de  M.  Stainlon,  qu'elle  ne  peut  vivre  que  sur  le  pommier  et  non  sur  le 
prunier.  11  a  mis  sur  le  pommier  des  chenilles  de  padella  de  l'aubé- 
pine, et  elles  se  sont  laissées  mourir  plutôt  que  d'y  toucher,  M.  Bissière 
a  constaté  le  même  fait  dans  l'Agcnais,  où  des  chenilles  ont  passé  d'un 
grand  pommier  sur  deux  pruniers  et  s'y  sont  chrysalidées,  mais  sans 
toucher  aux  feuilles.  C'est  à  peine  si  l'année  suivante  les  papillons  ont 
déposé  quelques  œufs.  Ce  fait  important  de  la  localisation  végétale  des 
Yponomeutes  parait  être  général,  car  M.  Ragonot  l'a  constaté  par  les 
espèces  evomjmeUa,  cagnagella  et  mahalebella.  Les  adultes  d'F.  malivo- 
rella,  Guenée,  ont  la  côte  de  l'aile  supérieure  en  dessous  finement 
bordée  de  blanc  et  non  entièrement  grise,  comme  chez  padella.  Kn 
outre,  le  cocon  est  blanc,  plus  épais  et  plus  consistant  que  celui  de 
padella,  pas  autant  toutefois  que  celui  de  Y.  cagnagella,  Hûbner,  espèce 
qui  vit  sur  le  fusain.  Enfin,  les  chenilles  de  malivorella  vivent  en  petits 
groupes  éparpillés  sur  les  branches  des  pommiers,  et  ne  se  réunissent 
pas  en  grands  nids  lors  de  la  nymphose.  Les  dépôts  d'œufs  sur  le  pom- 
mier sont  plus  petits  et  plus  ronds  que  ceux  de  l'Yponomeute  du  pru- 
nier; la  chenille  qui  en  sort  est  plus  grêle  et  moins  longue  quand 
elle  a  toute  sa  taille.  Elle  pique  la  feuille  naissante  par  un  point  de  sa 
surface,  se  glisse  dans  l'épaisseur  du  limbe,  rejetant  nervures  et  épi- 
derme,  et  vivant  uniquement  de  parenchyme. 

Bientôt  on  aperçoit  les  feuilles  attaquées  oll'rir  une  tache  rousse  qui 
grandit  chaque  jour,  et  qui  en  envahit  toute  la  surface.  En  déchi- 
rant cette  feuille  on  trouve  les  épidémies  largement  séparés,  et  la 
chenille  logée  dans  la  poche  qu'elle  eut  l'art  de  se  creuser  dans 
un  organe  aussi  mince.  Pour  écheniller,  il  suffit  de  ramasser  les 
feuilles  tachées  de  roux,  et  qui  se  voient  très  bien,  et  de  les  brûler; 
en  ce  moment,  l'échenillage  est  bien  plus  facile  que  celui  du  prunier; 
mais  il  devient  presque  impossible  si  l'on  attend  les  autres  stations, 
car  les  chenilles,  au  lieu  de  marcher  par  pelotons  souvent  rassem- 
blés, sont  toujours  dispersées  et  peu  visibles,  bien  que  restant  dans 
l'étendue  d'une  même  rosette  de  feuilles.  La  chrysalidation  diffère 
encore  de  celle  des  chenilles  du  prunier  et  de  l'aubépine.  Si  les  co- 
cons se  forment  sur  l'arbre,  on  les  trouve  indifféremment  dans  les 
bouquets  de  feuilles,  ou  collés  avec  force  contre  les  grandes  bran- 
ches ou  même  contre  le  tronc.  Dans  les  années  où  le  feuillage  est 
rongé  de  bonne  heure,  soit  au  20  mai,  les  chenilles  qui  descendent 
parle  tronc  ou  en  cordons  se  chrysalidant  soit  à  la  base  de  l'arbre,  soit 
sur  les  plantes  qui  croissent  à  peu  de  distance.  Dans  cette  circon- 
stance, ce  sont  des  masses  énormes  de  cocons  à  côté  les  uns  des 
autres,  revêtus  chacun  d'une  toile  épaisse  et  très  blanche,  figurant,  par 
la  régularité  des  lignes,  les  gâteaux  d'une  ruche  d'Abeilles.  Les  cocons 
adhèrent  fortement  entre  eux  et  contre  le  bois,  et  on  ne  peut  les  en- 
lever qu'à  la  main  d'une  manière  efficace.  M.  Bissière  dit  que,  dans 


736  LÉPIDOPTÈRES. 

l'Agenais,  on  ne  dciruit  pas  cette  chenille,  vu  le  peu  d'importance  de 
la  culture  du  pommier,  mais  que,  depuis  une  dizaine  d'années,  on  n'a 
pas  récolté  une  seule  pomme.  M.  Ragonot  dit  avoir  reçu  d'Angleterre 
des  exemplaires  de  malivorella,  mais  que,  jusqu'à  présent,  on  n'a  pas 
trouvé  dans  ce  pays  le  véritable  Y.  malinella,  Zeller. 

Cette  espèce,  dont  le  nom  vient  de  malus,  pommier,  est  plus  répan- 
due et  plus  nuisible  en  France  que  la  précédente,  et  sa  chenille  fabrique 
de  grandes  toiles  communes,  à  la  façon  de  padella  sur  le  prunier,  et 
gui  couvrent  presque  annuellement  les  pommiers.  C'est  cette  espèce 
que  Duponchel  appelle  cognatella  {Lépidop.  de  France,  X,  1836,  p.  320), 
qu'il  dit  être  la  plus  commune  des  Vponomeutes  aux  environs  de  Paris, 
et  causer  beaucoup  de  ravages.  Le  dessus  des  ailes  antérieures  est  en- 
tièrement d'un  blanc  de  neige,  y  compris  la  frange,  avec  trois  rangées 
longitudinales  de  points  noirs,  dont  une  longe  la  côle  et  les  deux  autres 
le  bord  interne,  de  sorte  que  le  milieu  de  l'aile  reste  vide  de  taches- 
Les  deux  rangées  du  bord  interne  sont  très  rapprochées  l'une  de  l'autre, 
et  se  composent  chacune  de  cinq  à  six  points  plus  gros  que  ceux  de  la 
côte,  qui  sont  d'ailleurs  plus  nombreux.  Ces  trois  lignes  de  points  se 
confondent,  au  bord  postérieur,  dans  une  série  transverse  de  points 
beaucoup  plus  petits,  et  plus  ou  moins  nombreux  d'un  individu  à 
l'autre.  Les  ailes  inférieures  sont  en  dessus  d'un  gris  de  plomb  foncé, 
avec  leur  frange  presque  blanche.  Le  dessous  des  quatre  ailes  est  éga- 
lement d'un  gris  de  plomb,,  mais  la  côte,  aux  ailes  supérieures,  est 
toujours  finement  bordée  de  blanc  pur,  et  la  frange  est  blanche  ou 
presque  blanche;  la  frange  des  ailes  inférieures  est  d'un  gris  clair,  qui 
devient  blanc  au  sommet  et  à  l'angle  anal.  La  tête,  les  palpes  et  les 
antennes  sont  d'un  blanc  de  neige;  le  thorax  est  aussi  du  même  blanc, 
avec  six  points  noirs,  dont  quatre  au  milieu  et  un  sur  chaque  pléry- 
gode.  L'abdomen,  la  poitrine  et  les  pattes  sont  également  blancs,  mais 
d'un  blanc  moins  pur  que  les  autres  parties  du  corps. 

Dans  son  jeune  Age,  la  chenille  est  d'un  blanc  jaunâtre,  avec  des 
points  verruqueux  noirâtres,  la  tête  noire,  l'écusson  et  le  clapet  anal 
bruns.  En  grandissant,  elle  devient  d'un  gris  clair  velouté,  avec  la  ligne 
vasculaire  d'un  gris  plus  foncé  et  deux  séries  de  taches  d'un  noir  de 
velours  et  presque  carrées,  dont  deux  sur  chaque  anneau.  Entre  ces 
deux  taches,  on  aperçoit  les  points  verruqueux  d'un  gris  foncé  et  sur- 
montés de  poils  de  la  môme  couleur.  La  tête,  qui  est  ronde,  est  d'un 
noir  mat,  ainsi  que  l'écusson,  qui  est  partagé  dans  sa  longueur  par  une 
ligne  blanchâtre.  Le  ventre  et  les  pattes  sont  d'un  gris  clair.  Cette  che- 
nille vit  en  nombreuses  sociétés  sous  de  grandes  toiles  recouvrant  les 
pommiers.  Parvenue  à  toute  sa  taille,  à  la  fin  de  juin  ou  au  commence- 
ment de  juillet,  elle  se  change  alors  en  chrysalide  dans  une  petite 
coque  blanche  d'un  tissu  serré,  ayant  la  forme  d'un  grain  d'orge.  Cette 
coque  est  suspendue  verticalement  à  la  toile  commune;  elle  est  souvent 
réunie  aux  coques  voisines.  La  chrysalide  est  jaunâtre,  avec  la  tête. 


YPOSOMEUTA.  737 

l'enveloppe  des  ailes  et  la  pointe  anale  d'un  brun  foncé.  L'adulte  en 
sort  au  bout  de  trois  semaines,  c'est-à-dire  vers  la  fin  de  juillet.  Son 
corps,  presque  linéaire,  paraît  à  peine  de  force  à  soutenir  ses  longues 
ailes;  aussi  l'animal  ne  vole  pas  longtemps,  surtout  les  femelles.  Il  se 
laisse  plutôt  tomber  des   arbres,  et,  après  quelques  mouvements,  il 
replie  ses  ailes,  qui  enveloppent  complètement  son  abdomen.  Si  l'on 
passe  au  mois  de  juillet  sous  les  pommiers  attaqués,  on  se  trouve  par- 
fois couvert  de  ces  petils  papillons.  Ils  déposent  sur  les  écorces  des  œufs 
que  leur  exiguïté  rend  invisibles,  et  qui  passent  sans  éclore  l'automne, 
l'hiver  et  une  partie  du  printemps.  Leur  éclosion,  en  mai  et  juin,  se 
prolonge  à  peu  près  pendant  un  mois.  A  peine  sortie  de  l'œuf,  la  che- 
nille commence  à  filer  les  toiles  qui  vont  envelopper  les  pommiers.  Sa 
présence  se  décèle  par  la  couleur  teslacée  des  feuilles  qui  sont  le  siège 
de  ces  tentes,  couleur  due  à  l'absence  du  parenchyme  dévoré  par  les 
chenilles.  Chaque  paquet  est  l'ouvrage  d'une  ponte  et  devient  le  siège 
d'une  famille  entière  de  chenilles.  Certains  arbres  n'en  portent  que 
cinq  à  six;  sur  d'autres,  il  en  éclôt  plus  de  cinquante.  Il  n'y  a  là  que 
des  tentes  lâches  destinées  à  abriter  les  chenilles  contre  la  chaleur,  les 
rosées,  etc.,  et  nullement  des  réseaux  opaques  et   fortement  tissés, 
comme  ceux  qui  protègent  les  chenilles  de  Liparis  chrysorrhœa  contre 
les  froids  de  l'hiver.  A  mesure  que  les  chenilles  grossissent,  leurs 
ravages  s'étendent  et  se  rapprochent  de  plus  en  plus  de  la  base  des 
branches,  dont   elles  n'occupaient  d'abord  que  le  sommet,  et,  si  les 
familles  sont  nombreuses,  il  arrive  un  moment  où  l'arbre  entier  se 
trouve  envahi  et  dépouillé  de  toutes  ses  feuilles.  C'est  alors  qu'un 
curieux  phénomène  se  produit. 

11  ne  s'agit  plus  maintenant  de  la  communication  des  familles  entre 
elles,  mais  de  l'émigration  de  toute  la  colonie  d'un  arbre  à  un  autre, 
pour  trouver  de  nouvelle  nourriture,  et,  dans  ce  but,  il  lui  faut  des- 
cendre au  pied  de  l'arbre  et  se  frayer  un  chemin  sur  le  sol.  Les 
familles  rassemblées  font  alors  cause  commune  et  tissent  un  rail  de 
soie  tout  le  long  de  la  tige.  Si  elles  sont  nombreuses,  il  arrive  que  le 
tronc  tout  entier  se  trouve  enveloppé  d'un  fourreau  de  soie  blanche 
sans  solution  de  continuité.  Enfin,  si  beaucoup  de  familles  ont  à  suivre 
cette  voie  commune,  comme  chaque  chenille  laisse  à  sa  suite  un  fil 
particulier,  le  tissu  se  consolide  et  devient  une  véritable  étoffe  d'une 
certaine  consistance,  une  mousseline  délicate  susceptible  d'être  décou- 
pée en  bandes  et  ployée  comme  un  foulard.  On  a  essayé,  paraît-il,  en 
Allemagne,  d'obliger  ces  chenilles  à  se  mouvoir  sur  un  moule  donné, 
et  on  a  obtenu  ainsi  un  tissu  très  léger  et  en  même  temps  très  solide, 
dont  on  a  fait  des  fichus  pour  dames.  On  n'a  ici  ni  chaîne,  ni  trame, 
ni  entrelacement,  ni  feutrage  ;  les  fils  sont  simplement  juxtaposés,  et, 
s'ils  adhèrent  si  fortement  entre  eux,  c'est  par  la  propriété  agglutina- 
tive  des  fils  de  chenille  au  sortir  de  la  filière,  et  sur  laquelle  on  s'ap- 
puie pour  opérer  la  croisade  des  brins  de  cocon  dans  la  soie  grège.  On 
GIRARD.  ni.  —  47 


738  LÉPIDOPTÈRES. 

voit  à  la  loupe  que  les  fils  de  ces  tissus  sont  croisés  dans  tous  les  sens, 
ce  qui  vient  de  ce  que  les  chenilles  qui  ont  confectionné  ce  fourreau 
commun  venaient  de  branches  situées  de  différents  côtés.  A  l'époque 
de  la  nymphose,  les  familles  ne  se  séparent  pas  et  opèrent  leur  chrysa- 
lidation  en  commun,  chaque  chenille  dans  une  petite  coque  fusiforme 
de  soie  blanche.  Les  cocons  agglomérés  forment  des  paquets  souvent 
foi't  volumineux,  tantôt  placés  dans  le  nid  môme  où  ont  vécu  les  che- 
nilles, tantôt  attachés  aux  branches  ou  au  tronc  des  pommiers,  à  l'abri, 
le  plus  possible,  du  vent  et  de  la  pluie.  Il  y  a  de  ces  faisceaux  qui  éga- 
lent la  tête  en  grosseur,  et  qui  contiennent  des  milliers  de  chrysalides. 
Ces  énormes  agglomérations  sont  exclusivement  propres  à  la  Teigne  du 
pommier.  Les  faisceaux  des  chrysalides  des  Vponomeutes  du  prunel- 
lier égalent  rarement  la  grosseur  du  poing.  La  chenille  de  l'Ypono- 
meute  du  fusain  dispose  ses  chrysalides  par  groupes  isolés  de  trois  ou 
quatre,  et  même  parfois  reste  seule, 

L'Y.  malinella  cause,  en  certaines  années,  des  ravages  considérables 
en  Normandie,  et  compromet  gravement  la  récolte  du  cidre.  Notam- 
ment l'année  1838  fut  désastreuse.  Les  pommiers  des  campagnes  nor- 
mandes, entièrement  dénudés,  attristaient  les  regards;  en  outre,  les 
cultivateurs  avaient  le  spectacle  désolant  de  branches  dépouillées  et 
couvertes  de  milliers  de  chenilles,  qui,  n'ayant  plus  rien  à  dévorer, 
pendaient  çà  et  là  en  grappes  énormes,  de  plus  de  60  centimètres, 
grosses  à  proportion,  contenues  dans  une  coque  de  soie  blanche,  tandis 
que  le  tronc  de  l'arbre  était  enveloppé  d'un  blanc  et  soyeux  linceul  ne 
laissant  plus  apercevoir  l'écorce.  Non  seulement  la  récolte  fut  détruite 
pour  plusieurs  années  dans  divers  cantons,  mais  une  grande  quantité 
d'arbres  en  plein  rapport  moururent  par  le  fait  de  l'Yponomeute.  Les 
cultivateurs  ont  remarqué  qu'un  vent  brumeux  du  nord-ouest  est  tou- 
jours le  précurseur  immédiat  de  l'apparition  de  ces  chenilles,  tellement 
qu'ils  prétendent  qu'elles  sont  transportées  par  ce  vent.  Plus  ce  vent 
persiste,  plus  la  récolte  de  pommes  est  menacée.  D'après  A.  Guenée, 
une  opinion  analogue  existe  dans  l'Eure.  On  a  remarqué  que  les  éclo- 
sions  des  chenilles  sont  favorisées  par  les  brouillards  de  mai,  les  fumées, 
comme  les  appellent  les  paysans,  qui  les  accusent  même  de  produire 
les  chenilles.  Il  est  probable  que  l'humidité  des  brouillards  favorise 
l'éclosion  des  œufs  à' Y.  malinella.  A.  Guenée  pense  que  le  seul  éche- 
nillage  possible  est  celui  qui  profite  de  la  réunion  des  coques  de  chry- 
salydes  en  très  grand  nombre  au  même  point.  A  la  fin  de  juin  ou  au 
commencement  de  juillet,  dès  que  les  chenilles  disparaissent  des  toiles 
pour  faire  place  aux  chrysalides,  il  faut  enlever  les  paquets  de  chrysa- 
lides, soit  à  la  main,  soit  en  raclant  avec  un  outil,  les  jeter  dans  un 
sac  et  les  brûler.  On  détruit  ainsi,  d'un  seul  coup,  une  immense  quan- 
tité de  femelles,  et,  par  suite,  de  pontes  qui  écloraient  l'année  sui- 
vante. On  peut  affirmer  que  si  ce  moyen  était  employé  avec  quelque 
persistance,  et  surtout  par  tous  les  propriétaires  limitrophes  à  la  fois, 


YPONOMtUTA.  739 

la  Teigne  du  pommier  disparaîtrait  d'un  pays  au  bout  de  peu  d'années, 
ou  du  moins  y  deviendrait  assez  rare  pour  ne  commettre  que  d'insi- 
gnifiants dégâts.  Il  est  bon  d'allumer  des  petits  feux,  ainsi  des  lampions, 
dans  les  lieux  infectés,  mais  au  moment  môme  de  l'éclosion  des  papil- 
lons et  avant  les  accouplements.  On  détruit  ainsi  beaucoup  de  papil- 
lons, mais  surtout  des  mâles,  car  les  femelles  volent  à  peine,  princi- 
palement si  elles  sont  fécondées,  et  ont  l'abdomen  gonflé  d'œufs  ;'  elles 
ne  s'écartent  guère  des  troncs  et  des  grosses  branches,  où  elles  savent 
devoir  opérer  leur  ponte. 

Les  autres  Yponomeutes,  soit  moins  abondantes,  soit  s'attaquant  à  des 
végétaux  sans  importance  pour  nous,  sont  peu  nuisibles.  L'F.  plum- 
bella,  cat.  de  V.,  la  Plombée  de  Devillers,  de  France  et  d'Angleterre, 
présente  les  ailes  supérieures  d'un  blanc  sale   en  dessus,  avec  deux 
taches  d'un   brun  noir,  l'une  apicale   et  couvrant  une  partie  de  la 
frange  dont  le  reste  est  blanc,  l'autre  médiane  et  placée  prùs  du  bord 
interne.  Klles  sont  en  outre  parsemées  d'un  grand  nombre  de  petits 
points  noirs,  disposés  en  quatre  séries  longitudinales,  dont  deux  le  long 
de  la  côte  et  deux  le  long  du  bord  interne.  La  chenille  est  d'un  roux 
ferrugineux  sur  les  quatre  premiers  anneaux  et  d'un  gris  cendré  sur 
les  suivants,  avec  une  raie  dorsale  de  points  noirs  sur  toute  la  longueur 
du  corps,  et  une  tache  de  la  même  couleur  sur  les  côtés  de  chaque 
anneau.  Le  quatrième  anneau  est  en  outre  varié  de  blanc.  La  tête  est 
ferrugineuse,  avec  deux  lignes  noires.  Cette  chenille  vit  sur  le  Rham7ius 
frangula.  Parvenue  à  toute  sa  taille  dans  le  milieu  de  juin,  elle  se 
construit,  entre  deux  feuilles,  une  coque  d'un  tissu  lâche  qui  en  ren- 
ferme une  autre  d'un  tissu  plus  serré  et  dans  laquelle  elle  se  change 
en  une  chrysalide  d'un  jaune  brun.  Nous  représentons  cette  chenille 
et  cette  chrysalide,  pi.  xcviii,  fig.  5  a,  5  b.  Le  papillon  se  trouve,  au  mois 
de  juillet,  dans  les  bois  de  beaucoup  de  localités  de  la  France  centrale 
et  septentrionale;  il  est  assez  rare  près  de  Paris. 

Sur  le  cerisier,  Prunus  padus,  se  trouve  une  Yponomeute,  Y  padi, 
Zeller,  syn.  :  evonymella,  Linn.,  la  Teigne  blanche  à  points  noirs,  de 
Geoffroy,  espèce  de  France,  d'Angleterre,  d'Allemagne,  dont  les  ailes 
supérieures  sont  blanches,  avec  cinq  rangées  de  petits  points  noirs.  La 
chenille,  spéciale  au  cerisier,  présente  chacune  de  ses  grandes  taches 
ordinaires  suivie  d'une  autre  plus  petite  sur  la  même  ligne,  et  les  points 
verruqueux  plus  grands  et  bien  distincts,  principalement  sur  les  côtés. 
Exclusivement  sur  le  fusain,  Evonymus  Europœus,  et  sur  diverses 
espèces  des  jardins,  se  trouve  Y.  cagnagella,  Hubner,  la  Teigne  du 
fusain,  Devillers,  syn.  :  evonymella,  Scopoli,  dont  la  chenille  ronge 
parfois  les  fusains  jusqu'à  l'écorce,  après  les  avoir  dépouillés  de  toutes 
leurs  feuilles.  L'espèce  est  de  France,  d'Angleterre,  etc.  Chaque  nichée 
se  compose  d'individus  agglomérés  sous  une  toile  commune,  dont  le 
tissu  ressemble  à  du  crêpe.  Quand  toutes  les  feuilles  enveloppées  par 
cette  toile  se  trouvent  consommées,  les  chenilles  l'abandonnent  et  vont 


7Û0  LÉPIDOPTÈRES. 

en  filer  une  autre  plus  loin,  opération  qu'elles  répètent  jusqu'à  ce 
qu'elles  aient  atteint  toute  leur  taille.  De  Là  vient  qu'on  rencontre  sou- 
vent des  haies  de  fusain  tout  à  fait  privées  de  feuilles,  recouvertes  de 
place  en  place  des  toiles  dont  nous  venons  de  parler,  mais  vides  de 
chenilles,  qui  n'y  ont  laissé  que  leurs  excréments.  Ces  chenilles,  à  leur 
grosseur,  sont  jaunes,  avec  la  tête  et  les  pattes  écailleuses  d'un  brun 
noir,  ainsi  que  l'écusson  prothoracique,  qui  est  partagé  en  deux  par 
une  ligne  jaune.  Tout  le  corps  est,  en  outre,  parsemé  de  points  noirs, 
au  nombre  de  quatre,  placés  carrément  sur  chaque  anneau,  et  dont  les 
deux  antérieurs  sont  les  plus  gros;  les  points  verruqueux  sont  trùs 
petits,  presque  invisibles.  On  trouve  ces  chenilles  de  mai  en  juillet, 
époque  à  laquelle,  sans  abandonner  leur  toile,  elles  se  construisent 
séparément  et  l'une  à  côté  de  l'autre,  une  coque  blanche,  ayant  la 
forme  d'un  grain  d'orge  et  de  consistance  papyracée,  et  s'y  changent 
en  une  chrysalide  d'un  brun  foncé,  avec  l'enveloppe  des  ailes  très 
prolongée  et  séparée  de  l'abdomen.  Toutes  ces  coques  sont  suspendues 
verticalement  et  rangées  circulairement  les  unes  à  côté  des  autres.  Les 
papillons  ressemblent  beaucoup  à  ceux  à' Y.  malinella,  mais  sont  plus 
grands;  les  franges  des  ailes  supérieures,  tant  en  dessus  qu'en  dessous, 
sont  toujours  d'un  blanc  pur,  et  généralement  les  franges  des  ailes 
inférieures  sont  de  la  môme  couleur;  mais  certains  spécimens  les  ont 
teintées  de  gris.  Ils  mettent  trois  ou  quatre  semaines  à  se  développer, 
et  paraissent  en  août.  Cette  espèce  est  répandue  en  France  dans  beau- 
coup de  localités,  mais  assez  rare  près  de  Paris. 

Une  autre  Yponomeute  présente  ses  nombreuses  chenilles  sur  le  bois 
de  Sainte-Lucie  ou  Prunus  mahaleb.  C'est  Y.  mahalebella,  Guenée,  trouvée 
d'abord  sur  le  mahaleb  à  Enghien,  près  de  Paris.  Il  est  impossible,  dit 
M.  Ragonot,  de  séparer  le  papillon  de  cagnagella,  mais  la  distinction 
des  espèces  s'établit  par  les  arbustes  nourriciers  et  par  les  chenilles. 
La  chenille  d'y.  mahalebella  est  d'un  blanc  grisâtre,  avec  les  segments 
antérieurs  seulement  jaunâtres  et  les  points  verruqueux  plus  grands 
que  chez  cagnagella,  et  bien  distincts  principalement  sur  les  côtés. 
Cette  espèce  ne  paraît  pas  exister  en  Angleterre  ni  en  Allemagne  ;  on 
la  trouve  en  France  en  d'autres  lieux  qu'aux  environs  de  Paris,  ainsi, 
en  Alsace  (de  Peyerimhoff) ,  à  Bar-sur-Seine  (Gartereau),  dans  l'Indre 
(Maurice  Sand)  et  dans  la  Charente  (H.  Delamain)  où  elle  est  très  com- 
mune. En  certaines  années,  les  haies  de  Prunus  mahaleb  des  environs 
de  Jarnac,  sont  entièrement  dévorées,  et  leurs  branches  dénudées  sont 
couvertes  de  toiles  blanches,  brillantes  comme  de  la  soie.  M.  H.  Delamain 
dit  que  cette  espèce  est  bien  certainement  distincte  de  cagnagella,  car 
sa  chenille  meurt  plutôt  que  de  toucher  au  fusain. 

11  y  a  une  Yponomeute  dont  on  trouve  les  toiles  dans  beaucoup  de 
jardins,  sur  les  Sedum  cultivés  du  groupe  des  Telephium.  C'est  VY.  vi- 
gentipunctata,  Retzius,  syn.  :  sedella,  Treitschke,  Duponchel.  Le  pa- 
pillon a  18  millimètres  d'envergure;  les  quatre  ailes  sont  en  dessus 


YPONOMEUTA.  741 

d'un  gris  de  plomb  luisant,  avec  trois  rangées  longitudinales  de  points 
noirs  sur  les  antérieures,  dont  une  le  long  de  la  côte  et  deux  paral- 
lèles au  bord  interne.  La  frange  des  quatre  ailes  est  de  la  couleur  du 
fond;  seulement  celle  des  antérieures  est  marquée,  vers  le  sommet, 
d'une  petite  tache  noirâtre  à  peine  visible.  Le  dessous  des  quatre  ailes 
est  entièrement  du  môme  gris  que  le  dessus.  La  tôle,  le  corps,  les 
antennes  et  les  pattes  sont  de  la  couleur  des  ailes;  les  palpes  sont  gris 
à  la  base  et  noirs  à  l'extrémité.  Le  thorax  est  marqué  de  six  points 
noirs,  dont  un  sur  chaque  ptérygode  et  les  autres  au  milieu.  La  chenille 
est  blanchâtre,  avec  les  bords  des  premiers  et  derniers  anneaux  d'un 
jaune  soufre.  Sur  le  dos  règne  une  raie  d'un  gris  pâle,  à  droite  et  à 
gauche  de  laquelle  on  voit  sur  chaque  anneau  deux  grandes  taches 
rondes  d'un  noir  velouté.  Derrière  chacune  de  ces  taches  est  placé  un 
petit  point  noir,  et,  sous  celui-ci,  un  autre  dans  une  direction  oblique. 
Sur  les  côtés  et  près  des  pattes  membraneuses  sont  encore,  sur  chaque 
anneau,  deux  petits  points  noirs,  à  côté  l'un  de  l'autre,  dans  une  posi- 
tion oblique,  et,  entre  eux  et  les  points  dorsaux,  on  en  aperçoit  deux 
autres  beaucoup  plus  petits.  L'écusson  du  prothorax  est  marqué  de 
deux  petites  taches  noires  et  la  tête  est  d'un  jaune  clair.  Cette  chenille 
vit  entre  les  feuilles  et  les  tiges  du  Sedum,  qu'elle  revôt  d'un  tissu 
lâche,  analogue  à  une  toile  d'Araignée.  Il  y  en  a  ordinairement  plu- 
sieurs sous  la  môme  toile  filée  en  commun,  où  elles  se  changent  en 
chrysalides  d'un  brun  jaunâtre.  Cette  espèce,  de  France  et  des  environs 
de  Paris,  d'Angleterre,  d'Allemagne,  a  deux  générations  par  an,  en 
août,  puis  en  mai  de  l'année  suivante,  après  hivernation  des  chrysa- 
lides. 

On  consultera,  pour  les  Yponomeutes  :  A.  Guenée,  la  Teigne  du  pom- 
mier {Bull,  de  la  Soc.  Dunoise,  Châteaudun).  —  E.  Ragonot,  Noies  sur 
les  Yponomeutes  {Ann.  Soc.  entom.  de  Fr.,  année  1873,  Bull.,  p.  112 
432,  133).  —  Bissière,  les  Chenilles  du  prunier  et  du  pommier  {Bull, 
d' Insectologie  agricole,  1875-1876,  1"  année,  p.  6Zi  et  80). 

Un  genre  voisin  des  Yponomeutes  est  le  genre  Prays,  Hûbner.  Il 
présente,  dans  l'extrême  midi  de  la  France,  une  espèce  très  nuisible 
aux  oliviers,  le  P.  olcellus,  Boyor.  Cette  Teigne  de  l'olivier  a  été  décrite 
dans  un  mémoire  de  Boyer  de  Fonscolombe  {Ann.  Soc.  entom.  de  Fr., 
1837,  p.  179-187,  pi.  viii,  fig.  5  -.Notice  sur  deux  Teignes  qui  attaquent 
l'olivier),  et  a  deux  générations  par  an,  dans  des  stations  différentes,  ce 
qui  avait  fait  d'abord  croire  à  Boyer  à  deux  espèces  distinctes.  La  che- 
nille de  la  première  génération  vit  en  mineuse  dans  les  jeunes  pousses 
et  dans  les  feuilles  de  l'olivier  en  mars  et  avril;  la  chenille  de  la 
seconde  génération  ronge  en  août  et  septembre  les  noyaux  des  olives. 
Ces  chenilles  sont  verdâtres,  marbrées  de  lie  de  vin  sur  le  dos;  les 
chrysalides,  qui  se  forment  sur  la  terre  dans  de  légers  cocons  transpa- 
rents, sont  ou  vertes  ou  d'un  jaune  brun.  Les  papillons,  provenant  soit 
des  chenilles  des  feuilles  à  la  tin  d'avril,  soit  des  chenilles  sorties  en 


742  LÉPIDOPTÈRES. 

septembre  des  olives  tombées,  sont  en  entier  d'un  gris  de  fer,  avec  les 
ailes  longuement  frangées,  enroulées  au  repos  autour  du  corps,  les 
supérieures  marquées  de  traits  noirs  transversaux  et  de  points  noirs,  les 
inférieures  unies.  En  Provence,  où  les  arbres  sont  petits,  on  peut,  en 
mars,  rechercher  et  brûler  les  feuilles  tarées,  faciles  à  reconnaître  à 
leurs  taches  irrégulicres  d'un  brun  tirant  sur  le  jaune  ou  le  noirâtre, 
qui  abritent  la  chenille  mineuse;  mais  ce  mode  d'opérer  serait  d'un 
emploi  presque  impossible  dans  le  Var,  et  surtout  dans  les  Alpes-Mari- 
times, où  les  oliviers  atteignent  de  grandes  dimensions.  On  peut  allumer 
des  feux  à  la  nuit  dans  les  champs  d'olivier,  en  mars,  puis  en  août,  sep- 
tembre et  octobre,  afin  de  brûler  le  plus  de  Teignes  qu'on  pourra.  Le 
mieux  est  de  remuer  fréquemment  la  terre  sous  les  arbres,  principa- 
lement à  leur  pied,  ou  de  l'ébouillanter,  afin  de  détruire  les  chrysa- 
lides. Il  faut  surtout  ne  pas  laisser  sur  le  sol  les  olives  tombées  en  sep- 
tembre, car,  sauf  de  rares  exceptions,  elles  ont  été  détachées  parle  fait 
de  la  chenille  mineuse,  qui  a  rongé  la  base  du  pédoncule  du  fruit  et 
se  dispose  à  sortir  pour  se  transformer  en  terre.  On  ramassera  ces 
olives  avant  qu'elles  soient  desséchées,  et,  comme  elles  ne  contien- 
nent pas  encore  assez  d'huile  pour  qu'on  puisse  les  utiliser  avantageu- 
sement, il  faut  les  brûler  ou  les  noyer  immédiatement.  Consulter: 
A.  Peragallo,  VOlivier,  non  histoire,  sa  culture,  ses  ennemis,  ses  maladies 
et  ses  amis.  Nice,  1882,  p.  80  et  fig.  12. 

Le  genre  Prays  nous  présente  une  autre  espèce  dans  le  centre  et  le 
nord  de  la  France,  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  le  P.  Curtisellus, 
Donovan,  avec  var.  rusticus,  Haworth,  syn.  :  Aedia  cœnobitella,  Dupon- 
chel;  envergure,  18  millimètres;  tête  et  thorax  entièrement  blancs, 
ainsi  que  les  palpes  et  les  pattes,  abdomen  et  antennes  noirrUres;  ailes 
supérieures  blanches  en  dessus,  avec  deux  taches  noires,  l'une  mé- 
diane, l'autre  terminale  ;  la  première  forme  un  triangle  allongé,  dont 
le  côté  le  plus  grand  longe  la  tête,  la  seconde  est  plus  ou  moins  échan- 
crée  du  côté  interne;  en  outre,  la  partie  blanche  de  l'aile  est  parsemée 
d'atomes  noirs,  surtout  le  long  du  bord  interne,  et  la  frange  est  noi- 
râtre. Les  ailes  inférieures  sont  d'un  gris  noirâtre  de  part  et  d'autre, 
ainsi  que  le  dessous  des  premières,  avec  la  frange  de  la  même  couleur. 
La  chenille  à  toute  sa  taille  est  d'un  vert  foncé,  avec  les  sous-dorsales 
rembrunies.  Elle  est  parfois  nuisible  aux  frênes,  et  paraît  deux  fois,  en 
avril,  sous  les  écorces,  dans  les  bourgeons,  dans  les  fleurs  du  frêne,  en 
.automne  rongeant  les  feuilles  roulées  attachées  par  des  fils  de  soie.  Le 
j  papillon  se  trouve  près  de  Paris,  dans  les  baliveaux  et  dans  les  (ioupes 
de  frêne. 

La  famille  des  Tinéides  proprement  dites  comprend  des  espèces  dont 
les  chenilles  vivent  toujours  sous  des  abris  variés  :  tantôt  ce  sont  des 
galeries  fixes,  creusées  par  les  chenilles  dans  des  substances  diverses, 
vieux  bois,  bolets,  grains,  etc.,  ordinairement  d'origine  végétale,  et 
alors  elles  y  subissent  leurs  métamorphoses  sans  déplacement  ;  tantôt, 


EUPLOCAMUS.  7^3 

au  contraire,  les  abris  de  ces  Teignes  proprement  dites  sont  des  four- 
reaux mobiles,  emportés  par  la  chenille  dans  ses  déplacements,  et  qui 
sont  formés  par  les  substances,  souvent  d'origine  animale,  dont  se 
nourrit  la  chenille.  Parvenues  à  toute  leur  croissance,  elles  quittent  le 
tissu  qui  les  a  nourries,  viennent  s'accrocher  à  peu  de  distance  à  une 
muraille  ou  à  une  surface  quelconque,  et  attendent  là  paisiblement 
leur  éclosion  en  insectes  parfaits.  Certaines  de  ces  espèces  sont  très  nui- 
sibles et  habitent  de  préférence  l'intérieur  de  nos  habitations. 

ElJPIiOCAlMUfsi,  Latr.  —  Antennes  des  mâles  plumeuses  dans  quelques  espèces 
et  seulement  ciliées  dans  les  autres,  antennes  des  femelles  filiformes  dans 
toutes;  tête  velue;  spiritrompe  très  courte  ou  presque  nulle;  palpes  dont  les 
deux  premiers  articles  sont  garnis  de  longs  poils  formant  faisceau  dirigé  en 
avant  et  un  peu  incliné  vers  la  terre,  le  troisième  article  nu,  grêle,  et  relevé 
en  sens  contraire  ;  les  quatre  ailes  brièvement  frangées,  les  supérieures  longues, 
étroites,  légèrement  falquées,  avec  le  sommet  arrondi,  les  inférieures  ovalaires; 
pattes  postérieures  épaisses,  très  longues  et  très  velues;  abdomen  cylindroïde, 
terminé  par  un  bouquet  de  poils  dans  les  mâles,  en  pointe  chez  les  femelles. 
—  Chenilles  glabres,  livides,  vermiformes,  garnies  de  quelques  poils  isolés, 
implantés  sur  autant  de  points  verruqueux  peu  apparents.  —  Chrysalides  effi- 
lées, avec  les  anneaux  de  l'abdomen  hérissés  d'épines,  comme  celles  des  Sésies. 

Le  nom  de  ce  genre,  dû  à  Latreille,  signifie  belle  chevelure,  en  raison 
d'on  caractère  rare  chez  les  Tinéiniens,  les  antennes  des  mâles  plutôt 
en  forme  de  plumes  frisées  que  pectinées  dans  quelques  espèces,  remar- 
quables en  outre  par  leurs  couleurs  vives  et  tranchées,  les  antennes  des 
mâles  des  autres  espèces  étant  seulement  ciliées.  Les  chenilles  connues 
des  Euplocames  vivent,  soit  dans  le  bois  pourri,  soit  dans  les  agarics, 
bolets  et  autres  champignons  qui  croissent  dans  le  tronc  des  vieux 
arbres.  Elles  y  creusent  de  profondes  galeries  qu'elles  tapisseni  de  soie 
et  dont  elles  ferment  l'entrée  avec  la  même  matière  avant  de  s'y  changer 
en  chrysalides.  Ces  chenilles  ressemblent  beaucoup  à  celles  des  Sésies, 
et  l'éclosion  de  leurs  papillons  a  lieu  comme  chez  ces  dernières,  c'est- 
à-dire  que  la  chrysalide,  à  l'aide  des  épines  dont  son  abdomen  est 
garni,  et  qui  favorisent  les  mouvements  qu'elle  se  donne,  sort  à  moitié 
de  la  galerie,  avant  que  le  papillon  sorte  lui-même  de  la  chrysalide, 
qui  a  du  reste  la  même  forme  que  celle  des  Sésies.  Certaines  de  ces 
chenilles  se  trouvent  toute  l'année;  mais  c'est  principalement  au  com- 
mencement du  printemps  et  en  automne  qu'il  faut  les  chercher.  Les 
papillons  éclosent  d'avril  en  juillet,  et  s'écartent  peu  de  l'endroit  où 
ils  sont  nés.  On  les  fait  lever  en  battant  les  herbes  et  les  buissons  qu 
se  trouvent  dans  le  voisinage  des  vieux  arbres. 

Le  type  de  ce  curieux  genre,  dont  nous  représentons  le  mâle, 
pi.  xcvni,  fig.  2,  est  un  des  plus  grands  Tinéiniens  d'Europe,  atteignant 
une  envergure  de  près  de  30  millimètres,  VE.  anthracinalis,  Scopoli, 


lUli  LÉPIDOPTÈRES. 

syn.  :  anthracinus,  G.  Mén.,  syn.  :  anthracinellus ,  Teitschke.  La  tôte  est 
fauve  ;  la  tige  des  antennes  est  noire  et  annelée  de  blanc,  leurs  barbules 
sont  noires,  comme  frisées,  et  chacune  d'elles  est  doublement  pectine'e, 
comme  la  tige  elle-même;  les  palpes  sont  noirs,  à  l'exception  du  troi- 
sième article,  qui  est  blanc  au  milieu  et  à  son  extrémité;  thorax  noir, 
avec  les  ptérygodes  fauves;  les  quatre  ailes  d'un  noir  brunâtre  luisant 
sur  leurs  deux  faces  (d'où  le  nom  à'anthracinalis),  les  supérieures  ayant 
en  dessus  plusieurs  gros  points  blancs,  dont  cinq  le  long  de  la  côte, 
quatre  le  long  du  bord  interne  et  un  placé  au  milieu  et  vers  l'extrémité 
de  l'aile,  en  outre  deux  de  moyenne  dimension  qui  précèdent  la  frange 
et  deux  ou  trois  petits  à  l'angle  du  sommet.  La  plupart  de  ces  points 
reparaissent  en  dessous,  mais  diminués  de  grosseur;  ailes  inférieures 
toujours  sans  points  au-dessus,  mais  en  ayant  quelquefois  deux  en  des- 
sous; frange  des  ailes  supérieures  noire  et  entrecoupée  de  blanc  sur 
ses  deux  surfaces,  tandis  que  celle  des  ailes  inférieures  est  blanche  et 
entrecoupée  de  noir;  pattes  noires,  avec  les  tarses  entrecoupés  de 
blanc;  abdomen  noir,  avec  le  bord  des  segments  blanchâtre.  La  femelle 
ne  diffère  du  mâle  que  parce  que  ses  antennes  sont  filiformes.  Elle 
recouvre  sa  ponte  d'un  duvet  laineux  jaune,  à  la  façon  de  certains 
Bombyciens.  Cette  belle  Tinéide,  toujours  peu  commune,  se  rencontre 
dans  les  jardins,  dans  les  vignes,  et  surtout  dans  les  forêts,  partout  où 
il  y  a  de  vieux  bois  pourris,  surtout  de  chêne  et  de  hêtre,  des  champi- 
gnons ligneux,  etc.  L'espèce  a  été  trouvée  en  Alsace,  en  Auvergne,  au 
mont  Dore,  etc.,  paraît  manquer  en  Angleterre.  On  rencontre  la  che- 
nille en  avril  dans  les  troncs  et  souches  de  bois  pourri;  elle  est  d'un 
jaune  d'os,  avec  la  tête,  l'écusson  prothoracique  et  les  pattes  anales  de 
couleur  brune.  Elle  vit  dans  des  galeries  de  vieux  bois  tapissées  de  soie 
et  dont  elle  ferme  l'entrée.  La  chrysalide  ressemble  à  celle  des  Cossus 
et  des  Hépiales;  elle  est  d'un  jaune  brun  et  sort  à  moitié  de  sa  coque 
soyeuse,  au  moment  de  l'éclosion  du  papillon  qui  se  fait  en  mai,  et 
qu'on  obtient  ainsi  dans  un  très  bel  état  de  conservation. 

TIU'EA,  Linn.  —  Tète  aussi  large  que  le  thorax  et  très  velue;  antennes  simples 
dans  les  deux  sexes,  ou  tout  au  plus  ciliées  dans  les  mâles  seulement;  spiri- 
trompe  nulle  ou  très  courte;  palpes  labiaux  courts,  cylindroïdes,  presque  droits; 
thorax  ovale;  ailes  supérieures  longues,  étroites,  légèrement  falquées,  avec  leur 
angle  apical  légèrement  arrondi;  ailes  inférieures  elliptiques,  largement  fran- 
gées, surtout  au  bord  interne  ;  pattes  postérieures  longues  et  épaisses  ;  abdomen 
cylindroïde,  terminé  par  un  bouquet  de  poils  chez  les  mâles  et  en  pointe  dans 
les  femelles.  —  Chenilles  glabres,  vermiformes,  de  couleur  jaunâtre  ou  blan- 
châtre, avec  les  huit  pattes  membraneuses  intermédiaires  très  courtes,  une 
plaque  cornée  sur  le  prolhorax,  le  corps  parsemé  de  quelques  poils  isolés, 
visibles  seulement  à  la  loupe.  —  Chrysalides  piriformes. 

Les  Insectes  du  genre  Tinea  sont  en  partie  des  animaux  domestiques. 


TINEA,  745 

en. ce  sens  qu'ils  vivent  dans  les  maisons.  Leurs  chenilles  compensent 
leur  petite  taille  par  leur  grand  nombre  et  leur  voracité;  elles  semblent 
représenter  par  leurs  ravages  les  Rats  et  Souris  dans  la  classe  des 
Insectes,  en  détruisant  tout  ce  qui  se  trouve  à  leur  portée  en  lainage, 
crin,  pelleteries,  plumes,  collections  d'animaux  montés  ou  desséchés,  etc. 
Munies  de  fortes  mandibules,  elles  coupent,  rongent,  divisent  ces  diffé- 
rentes matières,  qui  leur  servent  à  la  fois  de  vcMements  et  de  nourri- 
ture. Elles  les  digèrent  sans  en  altérer  la  couleur,  comme  on  le  recon- 
naît en  comparant  leurs  excréments  aux  étoffes  qu'elles  ont  mangées. 
La  peau  nue  de  ces  chenilles  est  trop  tendre  pour  rester  exposée  au 
contact  de  l'air.  Aussi  elles  passent  toute  leur  vie  renfermées  dans  des 
fourreaux  qu'elles  se  fabriquent  avec  la  substance  dont  elles  se  nour- 
rissent. Ces  fourreaux,  tantôt  fixes,  tantôt  portatifs,  sont  fusiformes  et 
ouverts  par  les  deux  bouts.  Extérieurement,  ils  ont  la  couleur  des  objets 
avec  lesquels  ils  ont  été  construits;  intérieurement,  ils  sont  toujours 
doublés  d'un  tissu  de  soie  d'un  gris  blanc  filé  par  la  chenille. 

Réaumur  {Hist.  des  Ins.,  t.  III,  2«  mém.)  donne  de  minutieux  détails  sur 
les  moyens  employés  par  ces  chenilles  pour  construire  leur  fourreau, 
pour  l'allonger  et  l'élargir  à  mesure  qu'elles  grandissent,  pour  y  mettre 
des  pièces  s'il  a  subi  quelque  accident.  En  fournissant  à  des  chenilles 
de  Teignes  des  lainages  de  diverses  couleurs,  il  les  voyait  changer  la. 
nuance  des  portions  successives  du  fourreau,  de  manière  à  paraître 
vêtues  en  arlequins.  Comme  toutes  les  autres  chenilles,  celles  des 
Teignes  passent  l'hiver  dans  l'engourdissement;  lorsque  cette  saison 
arrive,  elles  attachent  tantôt  leur  fourreau  par  les  deux  bouts  à  l'étoffe 
ou  à  la  pelleterie  qu'elles  ont  rongée,  et  tantôt  elles  le  suspendent 
dans  les  angles  des  murs  ou  au  plafond.  Elles  se  changent  en  chrysalide 
au  printemps  suivant,  restent  sous  cette  forme  pendant  une  vingtaine 
de  jours,  au  bout  desquels  le  papillon  se  développe  et  vole  pour  cher- 
cher à  s'accoupler.  Après  une  copulation  de  sept  à  huit  heures,  la 
femelle  va  déposer  ses  œufs  sur  les  étoffes  ou  autres  matières  qui  lui 
conviennent  selon  son  espèce,  et  meurt  après  la  ponte;  quinze  jours 
après  les  petites  chenilles  éclosent.  Il  est  facile  de  comprendre  que  les 
Teignes  les  plus  communes  et  les  plus  nuisibles  sont  devenues  cosmo- 
polites. Réaumur  s'est  occupé  des  moyens  de  détruire  les  Teignes,  et 
qui  sont  tout  à  fait  analogues  à  ceux  usités  contre  les  Dermestiens  (Co- 
léoptères). Il  recommande  de  soumettre  les  objets  attaqués,  dans  des 
armoires  bien  closes,  à  l'essence  de  térébenthine,  cà  la  fumée  de  tabac, 
à  l'alcool.  Cette  dernière  substance  est  à  supprimer,  comme  d'un  emploi 
trop  dispendieux.  Il  indique  aussi,  à  titre  préventif,  pour  écarter  les 
femelles  pondeuses,  de  frotter  les  meubles  avec  une  toison  grasse  ou  de 
les  brosser  avec  des  brosses  trempées  dans  l'eau  dans  laquelle  on  a  fait 
bouillir  la  toison.  Il  dit  avoir  renfermé  des  chenilles  avec  des  morceaux 
de  drap  auxquels  il  avait  fait  subir  cette  opération,  qu'elles  n'y  ont  pas 
touché  et  ont  préféré  manger  l'extérieur  de  leur  fourreau,  dont  elles 


746  .  LÉPIDOPTÈRES. 

ont  ensuite  remplacé  la  matière  par  leurs  excréments.  Actuellement, 
nous  avons  des  vapeurs  encore  plus  actives,  celles  de  la  benzine  et 
surtout  du  sulfure  de  carbone,  en  mettant  les  objets  pendant  quelques 
jours  dans  des  caisses  de  zinc  bien  fermées.  Enfin,  on  se  trouve  bien 
de  saupoudrer  les  étoffes  entre  leurs  plis  avec  la  poudre  Vicat  ou  poudre 
insecticide  au  pyrèthre  du  Caucase.  Il  est  toujours  très  bon  de  battre, 
secouer  et  exposer  les  objets  attaqués  à  la  lumière,  car  les  chenilles  de 
Teignes,  très  lucifuges,  s'épouvantent  et  se  laissent  tomber  ou  quittent 
leurs  retraites  si  on  les  dérange  fréquemment. 

Une  espèce  type,  pi.  xcvm,  fig.  3,  papillon  mâle,  est  T.  tapezella, 
Linn.;  la  Teigne  bedeaude  à  tête  blanche,  Geoffroy;  la  Tapissière,  Devil- 
1ers;  la  Teigne  des  tapisseries,  Latreille,  envergure,  20  à  22  millimètres, 
la  tête  entièrement  blanche,  avec  les  antennes  brunes;  thorax  d'un 
brun  noir;  ailes  supérieures  d'un  brun  noirâtre  en  dessus,  plus  ou 
moins  foncé  depuis  la  base  jusqu'au  milieu,  cette  partie  brune  coupée 
obliquement  à  son  extrémité,  puis  d'un  blanc  terne  ou  jaunâtre  dans 
le  reste  de  leur  longueur,  cette  portion  blanche  plus  ou  moins  par- 
semée d'atomes  gris,  qui  s'agglomèrent  vers  le  sommet  de  l'aile,  où 
ils  forment  souvent  une  tache  surchargée  de  quelques  petits  points 
noirs.  La  frange  est  grise  dans  sa  partie  supérieure  et  blanchâtre 
dans  sa  partie  inférieure.  Les  mômes  ailes  sont  d'un  gris  jaunâtre 
luisant  en  dessous,  avec  leur  base  noirâtre.  Les  deux  surfaces  des 
ailes  inférieures  sont  d'un  gris  cendré,  y  compris  la  frange.  La 
femelle  diffère  du  mâle,  non  seulement  par  une  taille  plus  grande, 
mais  parce  que  ses  ailes  supérieures  sont  plus  surchargées  d'atomes 
gris,  en  môme  temps  que  leur  partie  basilaire  est  d'un  brun  moins 
foncé.  La  chenille  de  cette  espèce  a  absolument  l'aspect  d'un  ver.  Elle 
est  d'un  blanc  gras  et  luisant,  avec  quelques  poils  clairsemés  de  la 
môme  couleur,  une  ligne  dorsale  grise,  la  tète  en  cœur  d'un  jaune  bru- 
nâtre et  l'écusson  du  prothorax  jaunâtre.  Sa  peau  est  tellement  transpa- 
rente qu'on  aperçoit  à  travers  la  couleur  des  aliments  dont  elle  se 
nourrit.  Elle  ne  vit  pas,  comme  d'autres  Tinea,  dans  un  fourreau  por- 
tatif, mais  dans  un  tuyau  fixe  ;  aussi  Réaumur  l'a-t-il  classée  parmi  les 
Fausses-Teignes.  En  sortant  de  Tœuf,  elle  ronge  le  drap  sur  lequel  elle 
se  trouve,  file  ensuite  au-dessus  de  son  corps  une  espèce  de  berceau 
de  soie,  qu'elle  recouvre  d'une  partie  des  flocons  de  laine  qu'elle  a 
arrachés,  et  mange  l'autre.  Elle  creuse  la  place  qu'elle  occupe  dans 
l'épaisseur  du  drap,  et  cette  place,  quoique  assez  grande,  est  très  diffi- 
cile à  apercevoir,  parce  qu'elle  est  recouverte  de  débris,  de  manière  à 
sembler  un  endroit  défectueux  de  l'étoffe.  11  faut  savoir  que  celle-ci 
recèle  des  chenilles  et  la  brosser  rudement  pour  détruire  leurs  loge- 
ments et  les  en  extirper.  Cette  chenille  se  trouve  chez  les  drapiers,  sur 
les  laines  en  magasin;  elle  n'attaque  pas  seulement  les  étoffes  de 
laine,  mais  vit  aussi  aux  dépens  des  fourrures,  des  plumes  et  des  collec- 
tions de  papillons.  M.  Millière  l'a  vue,  à  Cannes,  se  nourrir  du  poil  des 


TINEA.  747 

petits  Mammifères  morts  et  des  pelotes  de  débris  animaux,  surtout  de 
poils  ou  de  plumes,  dégorgées  parles  oiseaux  de  proie.  Les  petites  che- 
nilles de  cette  espèce  ont  été  trouvées  en  grande  quantité,  ayant  perforé 
dans  toutes  les  directions  un  sabot  pourri  de  cheval,  sur  lequel  végétait 
un  Cryptogame  qu'on  nomme  Onygena  equina.  La  Teigne  des  tapisseries 
€st  répandue  dans  toute  l'Europe.  Sa  chenille,  après  avoir  passé  l'hiver 
dans  sa  demeure,  y  subit  sa  transformation  en  chrysalide  au  printemps 
suivant;  le  papillon  vole  en  mai  et  juin.  Il  paraît  deux  fois  dans  les 
Alpes-Maritimes,  en  juin  et  en  septembre. 

Une  espèce  de  Tinea,  très  commune  dans  les  maisons,  est  T.  pellio- 
nella,  Linn.  ;  la  Teigne  commune  de  Geoffroy  ;  la  Teigne  pelletière,  Devil- 
1ers;  la  Teigne  peUionelle,  Walckenaër;  la  Teigne  des  pelleteries.  La- 
treille,  vivant  principalement  aux  dépens  des  fourrures,  des  pelleteries, 
dont  la  chenille  rase  partout  le  poil  sur  son  passage.  Le  papillon,  de 
15,5  millimètres  d'envergure,  ne  présente  pas  de  différence  notable 
dans  les  deux  sexes.  Les  ailes  supérieures,  y  compris  la  frange,  sont 
en  dessus  d'un  gris  luisant,  tantôt  plombé,  tantôt  roussâtre,  avec  trois 
points  noirs  placés  triangulairement  sur  chacune  d'elles,  mais  dont  le 
supérieur  manque  quelquefois.  Les  ailes  inférieures,  y  compris  égale- 
ment la  frange,  sont  d'un  gris  plus  pâle  sur  leurs  deux  surfaces,  ainsi 
que  le  dessous  des  supérieures.  La  tête,  les  antennes  et  le  thorax  sont 
de  la  couleur  des  ailes  supérieures,  l'abdomen  et  les  pattes  de  celle  des 
inférieures.  La  chenille,  parvenue  à  toute  sa  taille,  a  environ  11  milli- 
mètres de  longueur.  Elle  est  d'un  blanc  jaunâtre,  ridée,  d'un  aspect  un 
peu  luisant,  sans  trace  de  points  verruqueux,  avec  la  tète  d'un  brun 
tantôt  clair,  tantôt  foncé.  L'écusson  du  prothorax  est  aussi  de  cette  cou- 
ler, et  divisé  longitudinalement  par  une  raie  blanche.  On  voit  sur  le 
milieu  du  dos,  à  travers  la  peau,  une  ligne  d'un  rouge  plus  ou  moins 
vif,  qui  s'étend  du  second  segment  au  sixième  inclusivement.  Le  ventre 
et  toutes  les  pattes  sont  de  couleur  blanche.  Les  ravages  que  cause 
cette  chenille  sont  plus  considérables  et  plus  rapides  que  ceux  de  la 
Teigne  des  tapisseries,  car  celle-ci  ne  ronge  que  ce  qui  est  nécessaire 
pour  se  nourrir  et  se  loger,  tandis  que  celle  des  pelleteries  coupe  et 
arrache,  non  seulement  les  poils  dont  elle  a  besoin  pour  son  vêtement 
et  sa  nourriture,  mais  encore  tous  ceux  qui  la  gênent  dans  ses  courses, 
de  sorte  qu'il  n'en  reste  aucun  dans  les  nombreux  endroits  où  elle  a 
passé,  et  que  la  peau  la  plus  fournie  de  poils  ne  tarde  pas  à  en  être 
entièrement  dégarnie.  Comme  beaucoup  d'autres  chenilles  de  Tinea, 
celle  des  pelleteries  se  fabrique  un  fourreau  aussitôt  sa  sortie  de  l'œuf. 
11  est  composé  d'un  mélange  de  poils  et  de  soie  qui  a  l'aspect  d'un  feutre 
à  l'extérieur  et  la  consistance  du  parchemin  à  l'intérieur.  Sa  forme  est 
celle  d'un  cylindre  aplati,  avec  un  petit  rebord  aux  deux  bouts,  clos 
chacun  par  un  opercule  qui  s'ouvre  et  se  ferme  à  la  volonté  de  la  che- 
nille. L'une  des  ouvertures  lui  sert  pour  sortir  la  partie  antérieure  de 
son  corps,  lorsqu'elle  veut  changer  de  place;  par  l'autre  elle  rejette 


748  LÉPIDOPTÈRES. 

ses  excréments,  qui  ont  la  forme  de  petits  grains  ronds  d'un  gris  blan- 
châtre. La  chrysalide  est  d'un  brun  jaune  et  n'a  rien  de  particulier 
dans  sa  forme.  On  voit  rarement  ces  chenilles  destructives  se  montrer 
au  grand  jour;  elles  se  tiennent  ordinairement  dans  les  endroits  som- 
bres, entourées  des  débris  de  fourreaux  qu'elles  ne  cessent  de  ronger, 
souvent  avec  la  complicité  de  la  larve  d'un  Coléoplère  Dermestien, 
VAttagenus  pellio.  Quoiqu'elles  paraissent  préférer  les  poils  des  ani- 
maux, elles  savent  fort  bien  s'en  passer  quand  elles  n'en  trouvent  pas, 
et  s'accommoder  d'autres  substances  animales.  Ainsi  Réaumur  en  a 
trouvé  dans  des  boîtes  qui  renfermaient  des  papillons  morts;  elles 
avaient  fait  leurs  fourreaux  avec  des  débris  d'ailes  de  ces  insectes,  et 
s'étaient  nourries  avec  leurs  corps  desséchés.  Les  papillons  volent  dans 
les  maisons  en  mai,  juin,  juillet,  puis  en  septembre  et  octobre.  Leur 
éclosion  a  eu  lieu  au  plafond  des  appartements  ou  sur  les  boiseries  et 
murailles,  où  s'est  fixée  la  chenille,  après  trois  semaines  d'état  de  chry- 
salide. 

On  trouve  aussi  fréquemment,  dans  les  maisons  et  aux  mômes  époques , 
une  espèce  très  voisine,  T.  fuscipunctella,  Hawort,  syn.  :  spretella,  cat. 
de  V.;  la  Teigne  fripière,  Devillers,  avec  des  points  bruns  sur  les  ailes 
supérieures,  et  dont  la  chenille  vit  dans  les  détritus  poussiéreux,  conte- 
nant souvent  des  débris  de  laine,  qui  s'accumulent  entre  les  fentes  des 
parquets  et  dans  les  recoins  des  appartements.  Elle  dévore  aussi  les  vête- 
ments de  laine  dans  les  armoires  et  se  fait  des  fourreaux  de  débris  lai- 
neux, de  sorte  que  les  chenilles  se  dérobent  ainsi  aux  regards;  si  elles 
se  transportent  sur  des  étoffes  de  couleurs  diverses,  elles  peuvent  paraître 
vêtues  d'une  sorte  d'habit  d'arlequin.  En  hiver,  cette  chenille  vit  aussi 
dans  les  fumiers  des  bergeries.  Le  mieux  qu'il  y  ait  à  faire  pour  dimi- 
nuer les  ravages  de  ces  Teignes,  est  de  battre  fréquemment  à  la 
lumière  les  vêtements  de  laine  et  les  fourrures  menacés.  On  est  dans 
l'habitude,  pour  préserver  les  étoffes  et  les  fourrures,  d'introduire 
dans  les  meubles  où  on  les  renferme  diverses  substances  à  odeur  acre 
ou  aromatique,  comme  le  tabac,  le  musc,  le  poivre,  le  camphre,  la 
benzine,  ou  des  plantes  desséchées  de  la  famille  des  Labiées,  thym, 
lavande,  sauge,  mélisse,  menthe,  etc.;  mais  on  nest  pas  toujours 
assuré  d'obtenir  un  succès  complet.  Un  flacon  rempli  de  chloroforme 
et  imparfaitement  fermé,  qu'on  place  auprès  des  étoffes,  est  un  excellent 
préservatif;  seulement  il  faut  avoir  soin  de  renouveler  le  liquide  quand 
il  est  évaporé.  Enfin,  on  peut  placer  de  la  poudre  insecticide  de  Vicat 
entre  les  replis  d'étoffe. 

Une  Teigne  fort  nuisible,  étendant  ses  ravages  à  l'agriculture,  est 
T.  granella,  Linn.  ;  la  Fausse-Teigne  du  blé,  Kéaumur;  la  Teigne  brune  à 
tête  blanche,  Geoffroy;  la  Teigne  des  greniers,  Devillers;  la  Teigne  des 
grains,  Latreille;  la  Teigne  granelle,  Walckenaër,  dont  le  papillon  vole 
d'avril  à  août  dans  les  greniers  et  magasins  de  céréales.  C'est  lui  qu'on 
rencontre  aussi  très  souvent  dans  les  appartements,  où  il  vole  aussi 


TINEA.  7^9 

bien  de  jour  que  de  nuit.  Il  a  une  envergure  assez  variable,  de  13,5 
à  15,5  millimètres,  avec  des  dessins,  et  surtout  un  éclat  de  coloration 
différent  d'un  sujet  à  l'autre,  mais  dont  on  reconnaît  l'identité  spéci- 
fique avec  un  peu  d'habitude.  Tous  ont  la  tôte  d'un  blanc  jaunâtre,  les 
ailes  supérieures,  marbrées  de  brun,  de  noir  et  de  blanc,  et  les  ailes 
inférieures  entièrement  d'un  gris  noirâtre,  de  sorte  que  les  différences 
individuelles  consistent  dans  les  marbrures  des  ailes  supérieures  plus 
ou  moins  prononcées,  variant  de  forme  et  de  disposition.  La  chenille 
est  allongée,  cylindroïde  et  atténuée  à  ses  deux  extrémités;  elle  a  de 
9  cà  11  millimètres  de  long  quand  elle  a  acquis  toute  sa  grandeur.  Elle 
est  d'un  jaune  d'ocre,  avec  la  tête  d'un  rouge  brun  luisant  et  deux 
demi-cercles  bruns  parallèles  et  interrompus  au  milieu  sur  le  premier 
anneau.  Les  pattes  sont  de  la  couleur  du  corps,  sur  lequel  on  aperçoit, 
avec  la  loupe,  quelques  poils  isolés.  Elle  se  nourrit  principalement  de 
blé,  de  seigle  et  d'orge,  c'est-à-dire  des  grains  qui  nous  sont  le  plus 
utiles.  Le  papillon  vient  pondre  ses  œufs  sur  les  grains  emmagasinés 
dans  les  greniers,  faisant  deux  pontes  par  an,  l'une  en  mai,  l'autre  en 
juillet  et  août,  après  la  moisson,  suivant  les  pays.  Les  chenilles  qui  pro- 
viennent de  la  première  ponte  subissent  toutes  leurs  métamorphoses  en 
six  semaines  ou  deux  mois;  celles  de  la  seconde  passent  l'hiver,  et  n'ar- 
rivent à  l'état  parfait  qu'au  printemps  suivant.  Ces  chenilles  ne  se  logent 
pas  dans  l'intérieur  des  grains,  comme  une  autre  espèce,  encore  plus 
nuisible,  dont  nous  parlerons.  C'est  une  Teigne  à  fourreau  fixe,  comme 
T.  tapezella;  la  chenille  réunit  plusieurs  grains  ensemble  par  des  fils 
de  soie,  en  laissant  entre  eux  un  espace  suffisant  pour  s'y  construire 
un  tuyau  de  soie  blanche,  dont  elle  sort  seulement  la  partie  antérieure 
de  son  corps  pour  ronger  les  grains  qui  l'entourent.  Avec  cette  précau- 
tion, elle  n'a  pas  à  craindre  que  le  grain  qu'elle  ronge  lui  échappe  en 
glissant  ou  en  roulant;  s'il  arrive  quelque  dérangement  dans  le  tas  de 
blé,  elle  suit  le  mouvement  avec  son  fourreau,  entraînant  avec  elle 
une  provision  plus  que  suffisante  pour  le  moment  où  elle  aura  besoin 
de  manger. 

Quand  il  y  a  dans  un  grenier  beaucoup  de  ces  chenilles,  on  voit  tous 
les  grains  de  la  surface  des  tas  liés  les  uns  aux  autres  par  des  fils  de 
soie,  de  façon  à  former  une  croûte  épaisse  quelquefois  d'environ  1  déci- 
mètre. Si  on  brise  cette  croûte  et  qu'on  remue  les  grains  qu'elle 
recouvre,  on  voit  les  chenilles  s'en  échapper  en  toute  hâte  et  grimper 
aux  murailles;  mais  elles  ne  tardent  pas  à  rentrer  dans  les  tas  de  blé, 
qui  se  trouve  dès  le  lendemain  recouvert  d'une  nouvelle  nappe 
soyeuse,  les  chenilles  ayant  reconstruit  leurs  remparts  et  magasins  à 
provisions.  La  métamorphose  en  chrysalide  a  lieu  dans  une  coque  que 
la  chenille  attache,  pour  plus  de  sûreté,  aux  poutres  ou  aux  solives  du 
grenier  qui  l'a  vue  naître.  Ceite  coque,  composée  de  soie  et  de  parcelles 
de  son  très  ténues,  a  la  forme  et  la  couleur  d'un  grain  de  blé  couvert 
de  poussière.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  par  erreur  à  certains  auteurs, 


750  LÉPIDOPTÈRES. 

notamment  à  Lalreille,  que  cette  chenille  se  transforme  à  l'intérieur 
du  grain.  La  chrysalide  est  effilée,  avec  l'enveloppe  des  ailes  se  prolon- 
geant en  pointe  jusqu'à  l'avant-dernier  segment  de  l'abdomen,  qui  est 
léi^èrement  arqué  et  terminé  par  deux  petites  épines.  Cet  abdomen  est 
d'un  fauve  luisant,  tandis  que  le  reste  de  la  chrysalide  est  d'un  marron 
foncé.  Le  papillon  se  développe  trois  semaines  après  que  la  chrysalide 
est  formée,  et  celle-ci  sort  à  moitié  de  sa  coque  avant  l'éclosion  du 
papillon.  Un  bon  moyen  de  limiter  les  ravages  de  cette  Teigne,  quand 
elle  a  envahi  un  grenier  à  céréales,  est  d'opérer  de  forts  et  fréquents 
pelletages  dans  les  tas  de  grains.  On  détache  ainsi  les  chenilles  des 
grains  liés  par  des  fils  de  soie,  et  elles  périssent,  soit  par  les  frottements 
ou  les  chocs,  soit  par  l'action  de  l'air.  Enfin,  quand,  arrivée  à  l'époque 
de  sa  transformation,  elle  abandonne  les  grains  pour  monter  le  long 
des  murs  et  des  planches  du  grenier,  afin  de  se  changer  en  chrysalide,, 
alors  que  le  ver  monte,  ainsi  que  disent  les  paysans,  et  môme  après 
que  le  papillon  est  éclos,  les  raclages  de  propreté  peuvent  encore  en 
détruire  beaucoup.  Si  ces  moyens  ne  suffisent  pas,  il  faudra  recourir 
aux  étuves,  aux  tarares  à  choc,  aux  silos,  etc.,  c'est-à-dire  aux  procédés 
usités  contre  la  Calandre  des  grains  (Coléoptère  Curculionien)  et  contre 
l'Alucite  des  grains,  autre  Tinéinien  dont  nous  ferons  l'histoire. 

On  doit  remarquer  que  T.  granella  n'est  nullement  une  espèce 
exclusive  aux  céréales.  Elle  vit  de  beaucoup  de  substances  végétales 
et  animales.  On  trouve  la  chenille  dans  les  bolets  ligneux  en  décompo- 
sition et  desséchés,  notamment  du  genre  Polyporus  qu'on  trouve  sur 
les  peupliers,  les  saules,  les  tilleuls,  etc.  Cette  chenille  se  nourrit  en 
outre  de  fruits  secs,  entre  autres  de  myrtilles,  d'amandes,  aussi  de 
moelle  de  plantes,  attaque  même  les  pinceaux  faits  de  soies  de  porc,  etc. 
Dans  les  fruitiers,  elle  se  chrysalide  dans  les  fentes  du  plancher  (Gou- 
reau).  Le  papillon  a  été  trouvé  dans  les  habitations,  dans  les  serres^ 
contre  les  clôtures  des  jardins,  les  troncs  des  peupUers,  etc.  En  Alsace, 
l'abbé  Fettig  l'a  pris  sur  un  cerisier  pourri,  envahi  par  les  Crypto- 
games, en  môme  temps  que  Scardia  boleti,  Fabr.,  Tinéide  des  bolets 
ligneux. 

Une  espèce  voisine,  mais  moins  commune,  est  T.  c/oace//a,  Haworth, 
syn.  :  infîmella,  Herr.  Sch.,  bien  étudiée  par  M.  l'abbé  Fettig.  La  chenille 
vit  sous  une  toile  qu'elle  recouvre  de  ses  excréments,  et  qui  prend 
ainsi  l'aspect  d'une  plaque  de  mousse  noirâtre,  à  l'abri  de  laquelle  la 
petite  larve  absorbe  la  moisissure  attachée  à  la  surface  du  bois  des 
vieux  tonneaux  à  vin,  dans  les  caves  par  trop  humides.  Longue  de 
5  millimètres,  elle  est  d'un  blanc  tirant  sur  le  jaune,  avec  la  tête  et  la 
plaque  prothoracique  d'un  brun  rougeâtre,  le  corps  verruqueux  por- 
tant sur  ses  verrues  des  poils  raides.  Elle  se  métamorphose  le  long  des 
douves.  Le  papillon  est  posé  sur  les  tonneaux,  se  prend  dans  l'intérieur 
des  maisons,  sur  le  bois  pourri,  etc.,  en  avril  et  mai,  se  trouve  aussi 
en  septembre,  dans  les  grains  (Maurice  Sand).  Dans  les  bois,  et  deux 


TINEA,    TINEOLA.  T51 

fois  par  an,  en  mai  et  juillet,  se  trouve  T.  lapella,  Hûbner,  syn.  :  gano- 
mella,  Herr.  Sch.,  envergure,  11  millimètres,  les  ailes  supérieures  en 
dessus  d'un  gris  rosé  luisant,  y  compris  la  frange,  avec  trois  points 
noirs,  le  dessous  des  mômes  ailes  d'un  gris  brun  sans  points,  les  ailes 
inférieures  d'un  gris  un  peu  plus  clair  que  les  premières,  tant  en 
dessus  qu'en  dessous,  la  frange  comprise  ;  tête  et  antennes  d'un  gris 
légèrement  fauve,  le  thorax  et  l'abdomen  participant  de  la  couleur  des 
ailes,  ainsi  que  les  pattes.  La  chenille  a  été  trouvée  notamment  dans 
les  vieux  nids  d'oiseaux,  aussi  en  octobre  dans  les  bolets.  Citons  encore 
T.  semifulvella,  Haworth,  de  printemps  et  d'automne,  sur  les  buissons 
et  les  haies,  se  prenant  au  réflecteur,  la  chenille  en  octobre,  dans 
l'intérieur  des  nids  d'oiseaux. 

Il  y  a  aussi  des  espèces  nuisibles  dans  les  genres  dérivés  voisins  du 
genre  Tinea.  Ainsi,  dans  le  genre  Tineola,  Herrich-Schœffer,  se  ren- 
contre T.  biselliella,  Humiiiel,  syn.  :  crinella,  Treitschke,  Duponchel, 
espèce  qu'on  trouve  dans  les  maisons  au  printemps  et  aussi  à  la  tin  de 
l'été  pour  la  seconde  éclosion,  le  papillon  souvent  posé  au  dossier  des 
fauteuils  et  canapés.  Envergure,  \k  millimètres,  les  quatre  ailes  entiè- 
rement d'un  fauve  pâle  luisant,  tant  en  dessus  qu'en  dessous,  y  com- 
pris la  frange.  Le  corps  est  également  de  la  même  couleur,  ainsi  que 
les  antennes  et  les  pattes;  la  tête  seule  est  d'un  fauve  plus  foncé  ou 
ferrugineux.  La  chenille  est  longue  de  8  à  9  millimètres,  cylindroïde, 
blanche,  sans  poils;  sur  le  dos  est  une  raie  longitudinale  brune  et  trans- 
lucide, la  tête  étant  d'un  brun  clair,  le  prothorax,  comme  chez  la  che- 
nille de  pellionella,  ayant  un  écusson  brun  partagé  en  deux  taches. 
Elle  vit  principalement  dans  le  crin  dont  on  rembourre  les  meubles  et 
les  matelas.  Parvenue  à  toute  sa  taille  en  mars,  elle  abandonne  sa 
demeure,  perce  l'étoffe  qui  recouvre  le  crin  et  se  construit  sur  cette 
étoffe  un  fourreau  de  soie  ouvert  seulement  du  côté  où  est  placée 
la  tête.  Au  commencement  d'avril,  elle  ferme  entièrement  ce  fourreau 
et  s'y  transforme  en  une  chrysalide  d'un  brun  jaune,  dont  l'enveloppe 
des  yeux  et  des  ailes  forme  un  peu  relief.  La  chenille  de  cette  Teigne 
file  un  couloir  dans  les  étoffes  et  matériaux  divers  qu'elle  attaque.  Il 
faut  souvent  les  remuer,  les  battre,  la  pourchasser  dans  les  coins 
des  tiroirs,  sur  les  plafonds,  [au  moyen  d'un  balai  en  crin.  Il  faut 
rechercher  et  détruire  les  chrysalides,  qu'on  trouve  abondamment 
dans  les  coins  et  les  enfoncements  des  meubles,  particulièrement  du 
côté  opposé  au  Jour.  On  peut  encore  se  servir,  comme  antidote,  du 
tabac,  des  tiges  de  chanvre  séchées  à  l'ombre,  quand  il  est  en  florai- 
son, etc.,  en  général  des  végétaux  et  produits  chimiques  à  odeur  forte. 
De  Peyerimhoff,  dans  ses  Matériaux  pour  la  Faune  entomologîque  du 
Bourbonnais,  recommande  d'envelopper  d'une  toile  double  ou  triple 
les  étoffes  de  laine  ou  les  meubles  en  crins  à  préserver,  de  placer  des 
assiettes  avec  un  peu  d'huile  dans  les  coins  des  appartements  infestés, 
le  reflet  de  l'huile  attirant  le  papillon  qui  s'y  noie.  Le  genre  voisin. 


752  LÈPIDOPTÈlltS. 

Blabophanes,  Zeller,  nous  présente  aussi  une  espèce  nuisible  très 
répandue.  C'est  B.  rusticellus,  Hûbner,  envergure,  19  millimètres,  tète 
fauve  ou  ferrugineuse  avec  les  antennes  brunes,  ailes  supérieures  en 
dessus  dun  gris  brun  parsemé  d'atomes  plus  foncés,  avec  la  frange 
plus  claire  et  un  point  central  d'un  jaune  luisant;  en  outre,  trois  petits 
points  noirs  à  l'extrémité  de  la  côte;  les  deux  surfaces  des  ailes  infé- 
rieures et  le  dessous  des  supérieures  entièrement  d'un  gris  brun  lui- 
sant; thorax  de  la  couleur  des  ailes  supérieures,  abdomen  de  celle  des 
ailes  inférieures  ainsi  que  les  pattes;  cette  description  concerne  les 
deux  sexes.  Cette  Teigne  se  trouve  à  l'état  adulte  en  mai,  juin,  juillet, 
dans  les  habitations  de  ville  et  de  campagne,  les  jardins,  les  vergers, 
les  bois,  et  vole  le  soir  autour  des  lumières.  Je  crois  que  c'est  la 
Teigne  à  front  jaune  de  certains  auteurs,  à  cause  d'un  toupet  frontal 
de  poils  fauves,  attaquant  fréquemment  les  plumes  et  très  nuisible  aux 
collections  d'oiseaux,  la  chenille  vivant  aussi  dans  les  fourrures,  les 
étoffes  de  laine  et  autres  matières  animales  et  peut-être  aussi  végé- 
tales. Enfin,  on  rencontre  cette  Teigne  dans  les  greniers,  les  clochers, 
les  trous  des  murailles  et  les  vieux  arbres,  car  la  chenille  se  trouve 
dans  les  pelotes  de  poils  ou  de  plumes  rejetées  par  les  Hiboux  et 
les  Chouettes. 

Les  Tinéides  ne  se  trouvent  pas  seulement  dans  les  matières  d'origine 
animale,  mais  peuvent  même  vivre  à  l'état  parasitaire  sur  des  animaux 
vivants.  Dans  les  forêts  profondes  de  la  Guyane  et  du  Brésil  habitent, 
cramponnés  aux  branches  des  arbres,  les  Paresseux  ou  Tardigrades, 
Mammifères  voisins  des  Édentés,  couverts  d'une  épaisse  fourrure  de 
longs  et  gros  poils,  ressemblant  à  de  l'herbe  fanée.  Il  est  de  ces  pelages 
qui  sont  remplis  de  Teignes  qui  y  passent  toute  leur  existence, 
car  on  les  y  rencontre  à  la  fois  à  l'état  de  chenilles,  de  chry- 
salides et  de  papillons.  Un  Tinéinien  a  aussi  été  trouvé  vivant 
en  parasite  sur  le  corps  d'un  Fulgore  de  la  Chine,  genre  d'Hémi- 
ptères homoptères  sécrétant  des  filaments,  ou  au  moins  des  enduits 
cireux.  Voy.  J.  0.  Westwood  :  On  a  Lepidopterous  parasite  occurring 
on  the  bodij  of  the  Fulgora  candelaria  {Brit.  assoc.  jRep.,  1860,  pi.  2, 
p.  12Û). 

Les  Plutellides  sont  des  Tinéiniens  dont  les  papillons  sont  générale- 
ment de  couleurs  peu  brillantes  (malgré  le  nom  de  la  famille).  Ce  sont 
des  Microlépidoptères  de  taille  moyenne,. les  uns  nocturnes,  les  autres 
diurnes.  A  l'état  de  chenilles,  ils  se  tiennent  sur  les  feuilles,  dévorant 
tantôt  le  dessus,  tantôt  et  surtout  le  dessous.  Plusieurs  de  ces  chenilles 
savent  se  protéger  en  s'entourant  d'un  léger  filet,  ou  en  rapprochant  les 
deux  bords  opposés  d'une  feuille.  Quelques-unes  des  espèces  de  cette 
famille,  notamment  celles  du  genre  Cerosloma,  Latr.,  se  construisent 
une  très  jolie  coque  blanche  ou  jaune,  de  consistance  papy- 
racée,  qu'elles  attachent  ordinairement  à  la  surface  inférieure  d'une 
feuille. 


CEROSrOMA.  753 

€EROSTOi1l.%,  Lalr.,  syii.  :  Hypsolopiia,  Treits.,  Dup.  — -  Auleniies  aussi 
longues  que  le  corps,  filiformes  dans  les  deux  sexes,  à  base  très  épaisse;  tête 
hérissée  d'écaillés  ;  spiritrompc  courte,  mais  visible;  palpes  labiaux  dont  les 
deux  premiers  articles  sont  garnis  de  lon^'s  poils  dirigés  eu  avant,  et  du  milieu 
desquels  surgit  le  troisième  article  nu  et  subuliforme  ;  thorax  arromli;  ailes 
supérieures  légèrement  talquées,  avec  l'angle  au  sommet  plus  ou  moins  courbé 
en  crochet;  ailes  inférieures  à  bord  postérieur  non  sinué  et  garni  d'une  frange 
assez  large;  pattes  postérieures  grêles;  abdomen  court  et  cylindroïde.  —  Che- 
nilles grêles,  fusiformes,  de  couleurs  nssez  vives,  se  renfermant,  pour  la  nym- 
phose, dans  une  coque  soyeuse  d'un  tissu  serré,  en  forme  de  nacelle.  —  Chry- 
salides ayant  l'enveloppe  des  ailes  longue  et  pointue. 

Un  cerlain  nombre  des  espùces  de  ce  genre  offre  des  aspérités  sur  la 
face  supérieure  des  premières. ailes,  aspérités  causées  par  des  faisceaux 
d'écaillés  plus  élevés  que  les  autres;  au  repos,  l'extrémité  de  ces  ailes 
est  relevée  en  crête.  Les  papillons  se  montrent  dans  les  bois  et  les  jar- 
dins fruitiers  en  juin,  juillet  et  août,  et  certains  reparaissent  en  oc- 
tobre, ce  qui  est  très  probablement  une  question  de  la  température  à 
laquelle  a  pu  être  soumise  la  chrysalide.  Les  chenilles  connues  vivent 
principalement  sur  les  arbres  fruitiers.  Nous  représentons,  pi.  xcvnr, 
fig.  1,  le  mâle  de  C.  asperellum,  Linn.,  de  France,  d'Angleterre,  d'Al- 
lemagne; la  Rude,  Devillers,  espèce  très  élégante  :  20  miUimèlres  en- 
vergure; palpes,  tête  et  thorax  d'un  blanc  légèrement  jaunâtre,  avec 
antennes  de  la  même  couleur  annelées  de  noir;  ailes  supérieures  avec 
l'angle  apical  plus  recourbé  et  le  bord  terminal  plus  échancré  que 
dans  les  autres  espèces  du  genre.  KUes  sont  en  dessus  d'un  blanc  légè- 
rement jaunâtre,  avec  une  grande  tache  triangulaire  qui  repose  sur  le 
milieu  du  bord  interne  et  dont  le  fond  est  un  mélange  de  brun  et  de 
bleuâtre.  On  voit  à  chaque  angle  de  cette  tache  un  faisceau  d'écaillés 
relevées  d'un  brun  noir.  D'autres  faisceaux  semblables,  mais  de  la 
couleur  du  fond,  se  remarquent  sur  le  reste  de  la  surface  de  l'aile  -, 
ce  sont  les  aspérités  dues  à  ces  écailles  qui  justifient  les  épithètes  de 
rudesse  que  porte  l'espèce.  Les  deux  ailes  sont  traversées,  en  dehors 
de  la  tache  dont  nous  venons  de  parler,  par  deux  petites  bandes  d'un  gris 
verdàtre,  qui  se  croisent  en  X  dans  le  milieu  de  leur  longueur;  elles 
sont,  en  outre,  parsemées  de  petits  atomes  noirs.  La  frange  est  de  la 
couleur  du  fond,  sauf  une  partie  noirâtre  placée  dans  l'échancrure  du 
bord  terminal.  Le  dessous  de  ces  mêmes  ailes  est  d'un  gris  noirâtre 
luisant,  avec  la  côte  et  la  frange  blanchâtres.  Les  ailes  inférieures 
sont  d'un  gris  luisant  des  deux  côtés,  ainsi  que  la  frange.  Les  pattes 
sont  blanches,  avec  les  tarses  entrecoupés  de  brun;  l'abdomen  est  de 
la  couleur  des  ailes  inférieures.  La  femelle  difTère  par  la  tache  du  bord 
interne  des  premières  ailes,  dont  le  fond  est  fauve  au  lieu  d'être  d'un 
gris  bleuâtre.  On  trouve  ce  papillon,  surtout  en  juin  et  juillet,  sur  les 
haies  et  buissons  et  dans  les  jardins  fruitiers,  aussi  en  octobre  et  en 
GIRARD.  ni.  —    48 


754  LÉPIDOPTÈRES. 

février  et  mars.  La  chenille  vit  sur  le  chêne,  mais  de  préférence  sur 
les  aubépines  et  sur  les  arbres  fruitiers,  prariiers,  poiriers  et  surtout 
pommiers.  Elle  est  grêle,  très  atténuée  aux  deux  extrémités,  d'un  beau 
vert  pâle,  et  ayant  deux  raies  longitudinales  blanches  de  chaque  côté 
du  dos.  On  la  trouve  parvenue  à  toute  sa  taille  à  la  fin  de  mai;  alors 
elle  ne  tarde  pas  à  se  transformer  dans  une  coque  soyeuse,  ayant 
presque  la  forme  d'une  nacelle.  La  chrysalide  est  d'un  vert  pâle,  avec 
sa  partie  postérieure  obtuse,  et  l'enveloppe  des  ailes  longue  et  pointue. 
La  grande  majorité  des  papillons  éclosent  à  la  fin  de  juin  et  au  com- 
mencement de  juillet. 

Une  espèce  voisine  est  C.  persicellum,  cat.  de  V.,  la  Teigne  du  pécher, 
Devillers,  le  Véreau  des  arboriculteurs,  parfois  nuisible  aux  pêchers, 
vivant  aussi,  mais  plus  rarement,  sur  le  chêne,  dans  les  bois  des  environs 
de  Paris.  L'envergure  est  de  20  millimètres,  les  ailes  supérieures,  dans 
les  deux  sexes,  d'un  jaune  soufre,  plus  ou  moins  parsemées  de  petits 
atomes  noirâtres  et  traversées  obliquement  par  deux  lignes  courbées, 
d'un  gris  obscur;  on  voit  poindre  çà  et  là,  sur  la  surface  des  mêmes 
ailes,  quelques  écailles  relevées,  comme  chez  C.  asperellum,  mais  d'une 
manière  moins  prononcée.  La  frange  est  entièrement  de  la  couleur  du 
fond.  Le  dessous  des  mêmes  ailes  est  d'un  gris  noirâtre,  avec  la  côte 
et  la  frange  d'un  jaune  soufre.  Les  ailes  inférieures  sont,  en  dessus 
comme  en  dessous,  d'un  gris  luisant,  avec  la  frange  blanchâtre.  La  tête, 
les  antennes,  les  palpes  et  le  thorax  sont  d'un  jaune  soufre  comme  les 
ailes  supérieures,  les  pattes  blanchâtres,  l'abdomen  d'un  gris  luisant, 
comme  les  ailes  inférieures.  La  chenille  est  d'un  vert  tendre,  avec  les 
sous-dorsaux  un  peu  plus  obscurs;  elle  est  atténuée  aux  deux  extré- 
mités, surtout  l'anale.  Elle  choisit  toujours  les  feuilles  les  plus  tendres 
des  verticilles  terminaux.  Quand  on  agite  les  arbres,  au  lieu  de  se 
laisser  choir  par  un  fil,  comme  beaucoup  de  Tinéiniens,  elle  se  cram- 
ponne dans  son  gîte,  au  centre  d'une  feuille  recourbée.  Le  cocon  est 
d'un  beau  jaune  soufre  pâle,  en  forme  de  carène,  attaché  aux  feuilles 
des  arbustes,  aux  troncs  d'arbre,  aux  clôtures  des  jardins.  Les  adultes 
paraissent  en  juillet,  et  une  seconde  génération  en  septembre,  dont  les 
chrysalides  passeront  l'hiver.  En  mai  et  juin,  il  faut  couper  et  brûler 
les  feuilles  de  pêcher  liées  avec  des  fils  de  soie  et  minées  à  l'intérieur 
par  les  Véreaux. 

Dans  le  genre  voisin,  Plutella,  Schranck,  se  place  d'abord  une  espèce 
qui  commet  quelquefois,  malgré  l'exiguïlé  de  sa  taille,  de  grands 
ravages  dans  les  potagers,  lorsqu'elle  vient  à  s'y  multiplier;  c'est 
P.  crxiciferarum,  Zeller,  syn.  :  œylosteUa,  Linn.?  Dup.;  la  Teùjne  à  ban- 
delettes blanches,  Ceoffr.;  la  Teigne  du  chèvrefeuille  des  buissons,  De- 
vill.;  YAlucite  xijlustelle  [Encycl.  méth.),  envergure,  IZi  millimètres. 
Dans  ,  les  deux  sexes,  les  ailes  supérieures  sont  en  dessus  d'un  brun 
plus  ou  moins  foncé,  avec  la  frange  noirâtre  et  une  bande  sinuée  d'un 
blanc  rosé,  qui  longe  le  bord  interne  et  devient  dorsale  quand  les  deux 


PLUTELLA.  755 

ailes  sont  rapprochées  à  l'état  de  repos;  le  dessous  des  mêmes  ailes  est 
entièrement  noirâtre.  Les  ailes  inférieures  sont  d'un  gris  noirâtre  lui- 
sant sur  leurs  deux  surfaces,  la  frange  comprise.  La  tète,  les  palpes  e< 
le  thorax  sont  d'un  blanc  rosé,  comme  la  bande  dorsale  des  ailes  supé- 
rieures ;  les  antennes  ont  leur  premier  article  de  cette  même  couleur, 
les  autres  alternativement  noirs  et  blancs.  L'abdomen  est  noirâtre, 
ainsi  que  les  pattes,  dont  les  tarses  sont  annelés  de  blanchâtre.  La 
chenille  est  fusiforme,  c'est-à-dire  renflée  au  milieu  et  atténuée  aux 
deux  extrémités,  d'un  vert  tendre,  tirant  quelquefois  sur  le  jaunâtre, 
avec  la  tête  grise  et  toutes  les  pattes  de  la  couleur  du  corps.  Llle  vit 
sur  différents  arbrisseaux,  principalement  les  chèvrefeuilles  et  aussi 
sur  un  grand  nombre  de  plantes  potagères,  parmi  lesquelles  elle 
attaque  de  préférence  les  choux  et  les  navets.  On  la  trouve  jusque  sur 
les  sables  maritimes  absolument  baignés  par  les  flots  de  l'Océan,  grou- 
pée par  petites  familles  sur  le  Cakile  maritima  (Crucifère).  La  chenille 
se  tient  renfermée  dans  un  léger  tissu  attaché  ordinairement  à  la  face 
inférieure  des  feuilles.  Lorsqu'elle  approche  de  sa  nymphose,  elle  se 
fabrique,  dans  l'intérieur  de  ce  même  tissu,  un  cocon  en  treillis.  La 
chrysalide  contenue  dans  ce  cocon  est  en  forme  de  massue,  d'un  jaune 
fauve  qui  brunit  à  mesure  que  l'ëclosion  du  papillon  approche.  On 
trouve  cette  chenille  à  peu  près  toute  l'année  et  le  papillon  également, 
de  mars  à  octobre. 

Une  espèce  voisine  est  assez  commune  dans  les  jardins;  c'est  P.  por- 
rectella,  Linn.;  le  Museau,  Devillers;  l'Alucite  de  la  Julienne,  Latr.  ; 
YYpsolophe  rayé,  Walckenaër,  d'envergure  de  près  de  18  millimètres, 
les  ailes  supérieures  dans  les  deux  sexes  d'un  blanc  jaunâtre,  avec  le 
bout  noirâtre,  des  stries  d'un  gris  brun  dans  le  sens  des  nervures  et 
une  bandelette  sinuée  de  cette  couleur  vers  leur  milieu,  des  points 
noirs  à  la  côte,  la  frange,  de  la  couleur  du  fond,  entrecoupée  de  brun 
et  de  noir  bleuâtre,  les  ailes  inférieures  d'un  gris  plombé  luisant  sur 
leurs  deux  surfaces,  avec  la  frange  de  la  même  couleur,  précédée  d'un 
liséré  jaunâtre.  Les  antennes  sont  d'un  banc  jaunâtre,  avec  l'extrémité 
entrecoupée  de  noirâtre;  la  tête  et  les  palpes  sont  d'un  blanc  jaunâtre, 
ainsi  que  le  miUeu  du  thorax,  dont  les  ptérygodes  sont  d'un  gris  brun. 
Les  pattes  et  l'abdomen  participent  de  la  couleur  des  ailes  inférieures. 
La  ciienille,  avec  la  tête  et  les  pattes  thoraciques  d'un  brun  clair 
ponctué  de  verdâtre,  est  d'un  vert  foncé  dans  son  jeune  âge,  devient 
d'un  vert  pâle  en  grandissant,  à  l'exception  de  la  ligne  dorsale  qui 
conserve  sa  première  couleur.  A  la  loupe,  on  voit  le  corps  couvert 
d'un  grand  nombre  de  points  noirs  verruqueux,  surmontés  chacun 
d'un  petit  poil  et  entourés  de  vert  clair.  Elle  vit  sur  dillérentes  espèces 
de  juliennes,  principalement  celle  qu'on  cultive  dans  les  jardins 
{Hesperis  matronalis).  Elle  se  tient  ordinairement  dans  les  feuilles  du 
centre  qu'elle  lie  ensemble  au  moyen  de  fils  de  soie.  On  la  trouve 
dès  le  mois  de  mars  ou  d'avril.  Vers  le  milieu  de  ce  mois,  lorsqu'elle 


756  LÉPiuoiTiiuts. 

est  sur  le  point  de  se  transformer,  elle  fabrique  une  jolie  coque  ovoïde 
à  réseau  blanc,  dont  les  mailles  en  losange  sont  aussi  régulières  que 
celles  d'un  filet  à  pêcher  et  à  travers  lesquelles  il  est  aisé  de  suivre  la 
nymphose.  La  chrysalide,  d'abord  d'un  vert  clair,  devient  jaunâtre  en 
vieillissant,  avec  deux  rangées  de  fâches  brunes  sur  le  dos.  Il  y  a  une 
première  éclosion  des  papillons  au  commencement  de  mai  et  une 
seconde  de  fin  juillet  à  septembre. 

La  famille  considérable  des  Géléchides  résume  à  elle  seule  les  mœurs 
de  presque  tout  le  groupe  des  Microlépidoptères.  Il  reste  encore  bien 
des  espèces  à  connaître;  leurs  papillons  sont  répandus  partout,  cer- 
tains très  communs,  rarement  au  point  de  devenir  réellement  dan- 
gereux. Quelques-uns  sont  très  élégants;  ils  volent,  en  général,  presque 
aussi  volontiers  le  jour  que  la  nuit.  Il  y  a  des  genres,  comme  les  De- 
pressaria  et  beaucoup  de  Geleckia,  dont  les  chenilles  vivent  enti'e  les 
feuilles  roulées,  tordues  ou  réunies  en  paquets,  à  la  façon  des  Tortri- 
ciens;  d'autres,  les  Phibalocera  et  les  Enicostoma,  se  cachent  à  la  sur- 
face inférieure  des  feuilles,  en  s'entourant  d'un  léger  tissu  ;  quelques 
espèces  habitent  l'écorce  des  arbres  morts  ou  les  bois  en  décomposi- 
tion :  ce  sont  les  Harpella,  les  Dasycera  et  les  Œcophora,  du  moins  pour 
les  espèces  dont  les  chenilles  sont  connues.  La  chenille  d'une  espèce 
d'Ypsolophus,  Fabr.  ;  leBubulceUus,  observée  par  M.  Standinger,  se  nourrit 
des  déjections  desséchées  de  l'espèce  bovine,  dans  lesquelles  elle  se 
creuse  de  longues  galeries  qu'elle  tapisse  de  soie,  connue  font  les 
Crambus  et  les  Eudorea,  dans  les  racines  des  Graminées  et  des  Mousses; 
enfin,  les  Chimabacche  vivent  simplement  h  l'air  hbre,  sur  les  feuilles, 
et  se  chrysalident  dans  une  coque.  Les  chenilles  des  Géléchides  habi- 
tent les  grands  arbres  aussi  bien  que  les  plus  petites  plantes,  de  soi  te 
qu'il  n'est  guère  de  végétal  qui,  pendant  la  belle  saison,  n'en  nourrisse 
quelques  espèces. 

Nous  devons  citer  deux  espèces  dans  le  genre  Chimabacche,  Zeller, 
syn.  :  Lemmalophila,  Dup.,  et  Diurnea,  Dup.  L'une  est  C.  phryganella, 
Uilbner,  syn.  :  Diurnea  novembris,  Haworth,  à  ailes  d'un  gris  roussàtre 
ou  testacé  obscur,  commune  dans  presque  tous  les  bois  en  novcmbie 
et  décembre,  et  justifiant  bien  son  nom  pour  l'aspect  comme  pour  le 
vol  du  mâle,  qui  ressemble  tellement  à  une  Phrygane  qu'on  s'y  mé- 
prend aisément,  soit  qu'il  reste  au  repos  sur  le  tronc  des  arbres,  dont 
sa  couleur  se  confond  avec  celle  de  l'écorce,  soit  qu'il  vole.  La  femelle, 
1res  rare,  est  miaptère;  ses  ailes,  impropres  au  vol,  étant  très  petites  et 
lancéolées.  Le  C.  fagella,  cat.  de  V.,  la  Teigne  du  /ieirp,  Devillers,  grande 
espèce  de  27  millimètres  d'envergure  chez  le  mâle,  qui  présente  des 
ailes  d'un  gris  clair  ou  blanchâtre,  les  supérieures  finement  sablées  de 
brun  et  avec  deux  lignes  transverses  d'un  brun  plus  foncé,  fréquent 
dans  les  bois  de  toute  l'Europe,  souvent  posé  sur  les  troncs,  du  milieu 
de  février  à  la  fin  de  mars.  La  femelle,  beaucoup  moins  commune, 
ollre  les  mêmes  dessins  avec  des  ailes  très  réduites,  terminées  aux 


CHIMABACCHE,   DEPRESSARIA.  757 

deux  paires  en  pointe  aiguë,  les  supérieures  en  écailles  larges  et  bom- 
bées au  milieu.  La  chenille  vit  en  août  et  septembre  sur  le  hêtre,  en- 
core plus  sur  le  chêne,  aussi  sur  le  tremble  et  l'églantier;  elle  est 
aplatie,  à  tête  et  écusson  du  prothorax  bruns,  le  fond  d'un  blanc  mat, 
avec  le  vaisseau  dorsal  tantôt  gris,  tantôt  d'un  vert  paie,  et  deux  ran- 
gées de  points  verruqueux  à  peine  visibles,  surmontés  chacun  d'un 
poil.  La  troisième  paire  de  pattes  écailleuses  est  allongée  en  forme  de 
palette.  La  chenille  les  écarte  beaucoup  en  marchant,  et,  lorsqu'on 
l'inquiète,  fait  avec  elles,  d'après  Treilschke,  un  bruit  qui  imite  en 
petit  le  roulement  d'un  tambour.  Elle  se  cache  entre  deux  feuilles 
réunies  par  des  fils  de  soie,  et  sa  nymphose  a  lieu  dans  un  double  tissu 
mince,  entre  les  feuilles  mêmes  où  elle  a  vécu.  La  chrysalide  est  grêle, 
d'un  brun  clair,  aver  l'enveloppe  des  ailes  d'un  brun  plus  foncé,  et  sa 
partie  postérieure  terminée  par  une  pointe  d'un  brun  obscur,  hérissée 
de  petits  crochets. 

Le  genre  Depressaria,  Havvorth,  syn.  :  Hœmilis,  Duponchel,  présente 
des  ailes  planes,  reposant  sur  un  abdomen  dilaté  et  aplati,  les  anté- 
rieures larges,  tronquées  ou  arrondies  en  arrière,  les  postérieures  lar- 
gement frangées,  et  dont  le  bord  postérieur  présente  une  lisière  échan- 
crée.  Les  antennes  sont  filiformes  dans  les  deux  sexes.  Les  grands  palpes 
labiaux  sont  arqués  et  relevés  au-dessus  de  la  tête,  cachant  une  spiri- 
trompe  assez  développée,  leurs  deux  premiers  articles  fortement  garnis 
de  poils  ou  d'écaillés,  le  troisième  nu;  ils  cachent  une  spiritrompe 
visible  et  le  sommet  de  la  tête,  dont  les  écailles  furment  une  sorte  de 
coussinet,  porte  des  slemmatôs.  Ces  Tinéiniens  s'envolent  quand  on  les 
dérange  pendant  le  jour,  ou  se  mettent  à  courir  pour  se  cacher;  plu- 
sieurs de  leurs  nombreuses  espèces  vivent  à  l'état  de  chenilles  sur  les 
Ombellifères  en  fleurs  ou  chargées  de  fruits.  La  nuit  ils  parcourent  les 
tiges  des  végétaux  ou  butinent  sur  les  tleurs;  ils  ne  volent  pas  beaucoup 
et  se  laissent  ordinairement  tomber  à  terre  à  la  moindre  secousse.  Beau- 
coup d'entre  eux  naissent  à  la  fin  de  Tété  ou  pendant  l'automme,  passent 
l'hiver  à  l'état  adulte  sous  les  mousses,  les  feuilles  sèches  ou  les  écorces, 
et  se  remettent  en  mouvement  dès  les  premiers  beaux  jours  du  prin- 
temps, quelquefois  même  pendant  l'hiver,  quand  la  température  n'est 
pas  trop  froide.  Une  espèce  parfois  très  nuisible  aux  potagers  est  la 
Teigne  de  la  carotte  et  du  cumin,  D.  nervosa,  Haworth,  syn.  :  daucelta, 
Treitschlce,  de  20  millimètres  environ  d'envergure  :  article  terminal  des 
palpes  portant  deux  anneaux  noirs,  l'avant-dernier  en  forme  de  brosse 
bifurquée  dans  le  sens  de  sa  longueur;  ailes  antérieures  d'un  gris  brun 
rougeâtre,  avec  les  nervures  saupoudrées  de  noir,  surtout  vers  la  base, 
ayant  vers  le  milieu  une  équerre  claire,  dont  le  sommet,  dirigé  vers  la 
pointe  de  l'aile,  est  voisin  de  cette  extrémité,  et  dont  la  branche  la 
plus  longue  longe  le  bord  antérieur  à  une  faible  distance;  ailes  posté- 
rieures d'un  brun  gritàtre.  La  femelle,  qui  a  passé  l'hiver,  pond  sur  les 
Ombellifères,  de  sorte  que  la  chenille  éclose  lors  de  leur  floraison,  sur 


758  LÉPIDOPTÈRES. 

les  carottes  ou  panais  dans  les  potagers,  sur  les  cumins,  qui  sont  cultivés 
en  Allemagne,  sur  les  Ombellifères  sauvages  des  bois,  comme  la  Ciguë 
d'eau,  la  Ciguë  vireuse,  l'OEnanthe,  etc.  Elle  repose  au  milieu  des  om- 
belles, qu'elle  lie  par  quelques  fils  de  soie,  puis  ronge  les  fleurs  et  les 
jeunes  semences,  puis,  si  cela  ne  suffit  pas,  le?  branches  les  plus 
tendres. Cette  chenille,  1res  vivace,  se  dérobe  en  tous  sens  quand  on  la 
trouble,  ou  descend  le  long  d'un  fil  jusqu'au  sol,  pour  s'esquiver  en 
toute  hclte.  A  toute  sa  taille,  d'environ  15  millimètres,  elle  est  très  ba- 
riolée, d'un  noir  bleucltre,  avec  des  lignes  orangées  latérales,  deux  ran- 
gées dorsales  de  points  verruqueux  noirs,  cerclés  de  blanchâtre,  la  tôle, 
l'écusson  prothoracique  et  le  clapet  anal,  d'un  noir  luisant,  entourés 
d'une  bordure  d'un  jaune  rouge,  chacune  de  ces  parties  étant  divisée 
en  outre  par  une  ligne  longitudinale  de  cette  couleur.  Pour  la  nym- 
phose ces  chenilles  percent  les  tiges  de  l'Ombellifère  nourricière, 
s'y  pratiquant  des  logettes  fermées  par  un  opercule  soyeux,  dans 
lesquelles  elles  deviennent  des  chrysalides  un  peu  aplaties,  maintenues 
dans  les  cavités  des  tiges  par  quelques  fils  soyeux  et  généralement  sus- 
pendues au-dessus  de  l'orifice  de  sortie.  11  faut  couper  et  brûler  les  om- 
belles des  carottes  et  panais  couvertes  de  toiles  par  les  chenilles. 

A  côté  de  ce  genre,  la  famille  des  Géléchides  nous  présente 
la  Teigne,  connue  vulgairement  sous  le  nom  d'Alucite  des  céréales, 
pui  a  été  rangée  successivement  dans  divers  genres  de  Tinéiniens,  et 
pour  laquelle  enfin  a  été  créé  le  genre  Sitotroga,  Hein.  Cette  Alucite 
des  céréales.  S.  cerealella,  Olivier,  présente  un  papillon  de  13  milli- 
mètres environ  d'envergure,  les  ailes  très  oblongues,  les  supérieures 
proiles  et  pointues  au  sommet,  formant  un  toit  arrondi  ou  écrasé  et  se 
croisant  l'une  sur  l'autre  a  leur  extrémité,  dans  le  repos;  ces  ailes  sont 
de  couleur  d'ocre  jaune,  souvent  avec  deux  bandes  longitudinales  plus 
ou  moins  apparentes  formées  d'atomes  noirâtres,  l'extrémité  apicale  de 
cette  dernière  couleur;  la  frange,  longue  et  soyeuse,  est  divisée  par 
une  bande  également  noirâtre.  Les  ailes  inférieures  sont  griscltres,  dia- 
phanes, terminées  brusquement  par  une  pointe  très  aiguë  et  ornées 
d'une  frange  également  longue  et  soyeuse.  La  tête  est  lisse,  les  an- 
tennes filiformes,  la  spiritrompe  longue  et  très  visible,  les  palpes  longs 
et  recourbés,  s'élevant  au-dessus  de  la  tète  comme  deux  cornes;  le 
corps  est  de  la  couleur  des  ailes  supérieures.  Celle  description  nous 
montre  un  insecte  très  différent  de  la  Teigne  des  grains  ou  Tmea  gra- 
nella,  Linn.,  qui  offre  la  tête  hérissée  de  poils,  la  spiritrompe  nulle  ou 
invisible,  les  palpes  courts  et  droits,  les  ailes  supérieures  n'étant 
jamais  d'une  couleur  uniforme,  mais  toujours  plus  ou  moins  marbrées 
de  brun,  légèrement  falquées  au  sommet,  formant,  au  repos,  un  toit 
aigu  et  se  relevant,  à  leur  extrémité,  en  crête  de  coq.  La  chenille  est 
rase  et  blanche,  la  tête  seule  noire  ou  brune;  elle  est  à  seize  pattes, 
dont  les  huit  intermédiaires  et  membraneuses  ne  sont  que  des  petits 
boutons,  visibles  seulement  avec  une  forte  loupe,  dont  le  bout  paraît 


SITOTROGA.  759 

alors  bordé  d'un  cordon  brun  qui  semble  être  une  couronne  de  cro- 
chets. Dans  la  génération  d'été,  le  cycle  vital  de  l'Alucite  dure  de  qua- 
rante à  cinquante  jours,  à  savoir  :  œuf,  huit  à  dix  jours;  ver  ou  che- 
nille, vingt  à  vingt-cinq  jours;  chrysalide,  huit  à  dix  jours. 

Les  papillons  vivent  plusieurs  jours,  s'accouplent  peu  après  l'éclosion; 
puis  commence  aussitôt  la  ponte  des  femelles,  vers  la  mi-juin,  alors  que 
les  épis  sont  jeunes.  Les  œufs  rouges  sont  déposés  un  à  un  entre  les 
balles  des  épis  de  blé,  de  seigle,  d'orge  ou  d'avoine;  ils  se  développent 
aussi  bien  que  les  récoltes  soient  sur  pied  ou  engrangées.  Chaque 
chenille,  à  peine  grosse  d'abord  comme  un  cheveu,  s'empare  d'un 
grain,  se  loge  dans  le  sillon  de  la  cariopse,  la  perce,  et  se  dirige  d'abord 
en  ligne  droite  par  un  petit  boyau  vers  l'embryon  qu'elle  commence 
par  dévorer,  fait  tout  à  fait  opposé  à  ce  que  produisent  les  Bruches 
des  graines  de  Légumineuses.  Voilà  pourquoi  le  blé  alucité  ne  germe 
jamais  et  comment  il  peut  se  conserver  longtemps  dans  le  sol  sans 
subir  aucune  des  transformations  qui   accompagnent  la  germination. 

La  chenille  ronge  peu  à  peu  la  farine  de  l'intérieur  du  grain, 
la  remplaçant  par  ses  excréments,  en  ayant  soin  de  respecter  la  partie 
corticale,  de  sorte  qu'on  ne  voit  au  dehors  aucune  trace  du  dégât.  Seule- 
ment les  grains  alucités,  mis  en  tas,  s'échauffent  beaucoup  et  éprouvent 
une  perte  notable  de  poids,  flottant  sur  l'eau  alors  que  les  grains 
sains  tombent  au  fond.  Souvent,  lors  de  la  moisson,  on  voit  déjà  sortir 
des  gerbes  un  grand  nombre  de  papillons  d'Alucite,  produits  par  les 
insectes  qui  étaient  contenus  dans  le  blé  de  semence;  ils  ont  passé 
l'hiver  dans  la  terre,  à  l'état  de  chenille  ou  de  chrysalide.  Dans  les 
greniers,  le  blé,  qui  lors  de  la  récolte,  pesait  75  à  80  kilogrammes 
l'hectolitre,  perd  de  10  à  50  pour  100,  et  plus  de  son  poids.  L'insecte, 
avant  de  quitter  le  las  de  blé,  y  dépose  les  germes  d'une  progéniture 
nombreuse,  qui  recommencera  les  mômes  ravages.  Un  seul  couple  d'Alu- 
cites,  ayant  chaque  année  deux  générations,  chacune  à  quatre-vingts 
œufs  environ,  peut  donner  naissance  à  plus  de  cent  mille  individus  en 
moins  de  trois  ans.  Les  chenilles  sont  quelquefois  si  nombreuses  qu'en 
serrant  avec  la  main  une  poignée  de  blé  ou  d'épis  alucités,  on  en 
exprime  un  liquide  blanchâtre  et  visqueux,  qui  est  la  substance  même 
des  corps  des  insectes  écrasés;  les  grains,  plus  ou  moins  vidés  et  aplatis 
par  la  pression  de  la  main,  restent  adhérents  et  agglomérés,  comme  le 
serait  du  son  mouillé.  D'après  Herpin,  le  pain  qui  provient  des  blés 
alucités,  et  surtout  lorsque  la  farine  n'a  pas  été  convenablement 
blutée,  contient  des  débris  de  cadavres  et  d'excréments  d'insectes.  Il  a 
un  goût  désagréable,  rebutant,  qui  prend  à  la  gorge;  il  manque  de 
liaison  et  se  laisse  aller  dans  l'eau,  comme  le  ferait  un  morceau  de 
terre.  On  attribue  à  l'usage  de  cette  nourriture  insalubre  un  mal  de 
gorge  très  dangereux,  avec  ulcérations  gangreneuses  dans  l'arrière- 
bouche,  et  amenant  une  prompte  mort.  Le  battage  même  des  gerbes 
ou  le  nettoyage  de  ces  blés  peuvent  donner  lieu  à  de  graves  maladies. 


760  LÉPIDOPTÈRES. 

L'Alucite  des  grains  a  été  importée  en  France  ou  observée  pour  la 
première  fois,  d'une  manière  publique  et  officielle,  vers  l'année  1750, 
dans  la  Charente-Inférieure.  Depuis,  les  ravages  de  l'insecte  se  sont 
successivement  étendus  dans  l'Aunis  et  la  Saintonge,  ensuite  dans  le 
Limousin,  dans  l'Indre,  dans  le  Cher,  le  Berry,  le  Nivernais,  le  Blaisois, 
la  Solo.^ne,  et,  en  1860,  apparaissaient  sur  les  confins  de  la  Beauce.  Le 
S.  cerealella  existe  au  dehors  de  la  France.  Lors  des  Expositions  univer 
selles  de  Londres  et  de  Paris  (1855),  Herpin  constata  que  beaucoup 
d'échantillons  de  blé  provenant  de  la  Turquie,  de  l'Afrique  septentrio- 
nale, étaient  attaqués  par  l'Alucite.  A  l'Exposition  universelle  de  Paris, 
en  1878,  M.  Poujade  trouva  cet  insecte  dans  les  mais  de  la  section  des 
États-Unis;  les  sujets  étaient  très  grands,  en  raison  d'une  nourriture 
plus  abondante  des  chenilles  que  dans  les  cariopses  des  céréales  propres 

l'Europe.  L'Alucite  se  répand  et  se  propage  de  proche  en  proche  de 
deux  manières  différentes  :  1"  par  la  migration  des  papillons  que  les 
vents  peuvent  transporter  à  plusieurs  centaines  de  mètres  de  distance  ; 
2"  principalement  par  le  transport  des  blés  attaqués  contenant  la  che- 
nille à  l'intérieur  du  grain,  ou  les  œufs,  dans  la  rainure,  si  fortement 
adhérents,  par  une  glu  particulière,  que  les  nettoyages,  le  pelletage, 
le  crible,  le  tarare  ordinaire  ne  les  atteignent  pas. 

Ily  a  maintenant  beaucoup  moins  de  dangers  à  redouter  qu'autrefois, 
tant  de  la  part  de  l'Alucite  que  de  la  Teigne  des  grains  ou  de  la  Ca- 
landre, en  raison  des  nouvelles  conditions  économiques  du  commerce 
des  grains,  vendus  dès  le  battage  terminé,  et  transportés  pour  une 
prompte  consommation  dans  tous  les  pays  où  la  récolte  est  en  déficit; 
mais  il  existe  des  pays  à  voies  de  communication  moins  aisées  qu'en 
Europe,  il  peut  se  présenter  des  cas  exceptionnels  où  il  serait  bon  de 
détruire  l'Alucite,  d'après  les  moyens  qui  résultent  des  investigations 
de  divers  auteurs,  notamment  de  Doyère  et  d'Herpin,  et  que  nous  pen- 
sons devoir  résumer  brièvement.  Il  y  a  trois  ordres  de  moyens  princi- 
paux. D'abord  l'asphyxie  par  défaut  d'air;  ainsi,  en  laissant  le  grain 
alucité  pendant  un  mois  environ  dans  des  tonneaux  où  on  a  enlevé 
l'oxygène  de  l'air,  en  y  faisant  brûler  quelques  charbons  ou  une  mèche 
soufrée.  A  ce  même  genre  de  procédés  se  rattache  l'empoisonnement 
par  les  gaz  délétères,  ainsi  la  mise  en  silos  bien  secs  avec  la  vapeur  de 
sulfure  de  carbone.  Le  second  moyen  est  l'action  prolongée  de  la  cha- 
leur, de  50  à  55  degrés,  incapable  d'altérer  la  farine  ou  de  détruire 
l'embryon  des  céréales  de  semence,  suffisante  en  raison  du  temps  pour 
tuer,  non  seulement  les  adultes  et  les  chenilles,  mais  les  œufs.  11  y  a 
d'abord  le  chauffage  à  feu  nu,  soit  dans  des  brûloirs  plus  ou  moins  ana- 
logues à  ceux  dont  on  se  sert  pour  torréfier  le  café,  soit  en  profitant  en  hiver 
de  la  chaleur  du  tuyau  d'un  poêle,  disposé  en  double  coude  incliné  et 
entouré  de  tubes  en  tôle  aplatis  dans  lesquels  on  fait  couler  lentement 
les  grains  par  un  effet  de  plan  incliné,  en  réglant  par  tâtonnement  la 
température.  On  peut  aussi  se  servir  de  la  chaleur  du  fourà  pain,  d'après 


SITOTHOGA.  761 

l'indication  de  Duhamel,  délégué  en  1760  par  l'ancienne  Académie  des 
sciences,  pour  visiter  les  campagnes  de  TAngoumois,  lors  des  grands 
dégâts  causés  par  l'Alucite.  Ce  chaufournage  rustique  offrait  de  grandes 
difficultés  pour  le  règlement  de  la  température;  il  y  a  été  perfectionné 
au  moyen  des  appareils  de  chauffage  à  air  chaud  ou  à  la  vapeur  d'eau, 
décrits  dans  le  premier  volume  de  notre  Traité  d'entomologie,  à  propos 
de  la  Calandre  des  grains. 

Enfin,  en  troisième  lieu,  se  présentent  les  moyens  mécaniques,  qui 
sont  :  1"  la  compression;  2°  le  choc.  On  a  essayé  d'écraser  les  Alucites 
en  soumettant  les  grains  à  la  compression  dans  un  cylindre  par  le 
moyen  d'un  mouton,  d'un  balancier  ou  d'une  presse,  ou  entre  deux 
cylindres  concasseurs  ou  laminoirs,  surmontés  d'une  trémie  et  conve- 
nablement espacés.  Il  y  a  toujours  des  insectes  qui  échappent  à  ces 
compressions.  En  18/il,  Herpin  a  imaginé  une  machine,  appelée  par 
son  auteur  tarare  brise-insectes  ou  tue-teignes,  imprimant  aux  grains  des 
chocs  mécaniques  assez  violents  pour  blesser  et  même  tuer  tous  les 
insectes  enfermés  à  l'intérieur  des  cariopses.  L'instrument  d'Herpin  a 
figuré  à  l'Exposition  universelle  de  1855,  et  a  valu  à  l'auteur  une  mé»- 
daille  de  1'^  classe.  Les  tarares  verticaux  dont  on  se  sert  pour  le  net- 
toyage des  blés  dans  lesquels  se  trouve  un  arbre  vertical  portant  des 
aubes  ou  ailettes  horizontales  qui  frappent  le  grain  tombant  de  la  partie 
supérieure,  peuvent  également  être  utilisés  pour  la  destruction  de 
l'Alucite  et  du  Charançon,  pourvu  que  la  vitesse  et  la  force  soient  assez 
grandes  pour  frapper  vivement  le  grain  et  blesser  les  insectes  qu'il  con- 
tient. Dans  toutes  les  fermes  où  il  existe  des  machines  à  battre,  on  peut 
très  simplement  modifier  celles-ci  de  manière  à  en  faire  des  appareils 
de  rotation  à  choc,  pouvant  s'employer  toujours,  outre  la  destruction 
des  insectes  inclus  dans  les  grains,  pour  opérer  un  pelletage  excellent  et 
très  économique,  même  pour  les  blés  sains.  Les  appareils  à  choc  laissent 
toujours  subsister  l'inconvénient  de  ne  pas  détruire  les  œufs  ou  de  les 
détruire  dans  une  faible  proportion. 

Relativement  au  Sitotraga  cerealella,  on  pourra  consulter  les  mé- 
moires suivants  :  Réaumur,  Chenille  qui  vit  dans  V intérieur  des  grains 
d'orge  et  de  froment  {Mémoires,  t.  Il,  p.  486-Zi97,  pi.  xxxix,  fig.  9  à  21, 
1736;  Mémoires  de  l'Acad.  des  se.  de  Paris,  année  1762.  —  Duhamel- 
Dumonceau  et  Tillet,  Histoire  d'un  insecte  qui  dévore  les  grains  de  l'An- 
youmois,  avec  les  moyens  que  l'on  peut  employer  pour  le  détruire,  1  vol. 
iii-12.  Paris,  1762.  —  Huzard  fils,  Rapport  fait  à  la  Soc.  royale  et  centrale 
d'agric.  de  Paris,  sur  les  moyens  de  prévenir  et  d'arrêter  les  ravages  de 
l'Alucite  des  grains  (extrait  des  Mémoires  de  ladite  Société,  année  1831). 
—  D""  Herpin,  de  Metz,  Recherches  sur  la  destruction  de  l'Alucite  ou  Teigne 
des  grains  [Annales  de  l'agriculture  française,  juin  1838.  Paris,  M"""  Hu- 
zard. —  Id.,  Mémoires  sur  divers  insectes  nuisibles  à  l'agriculture,  et  plus 
particulièrement  au  froment,  au  seigle,  à  l'orge  et  au  trèfle  (grande  mé- 
daille d'or  de  la  Soc.  d'agric,  18Z|2)   {Mém.  de  la  Soc.  roy.  et  cenlr. 


7G2  LÉPIDOPTÈRES. 

d'agric,  18Zi2,  in-8°,  avec  6  pi.  gravées.  Paris,  Bouchard-Huzard).  — 
Id.,  Destruction  économique  de  l'Atucite  et  du  Charançon  vivant  renfermés 
dans  l'intérieur  des  blés  au  moyen  du  tarare  à  grande  vitesse  ou  brise- 
insectes  {Mém.  de  la  Soc.  nation,  et  centr.  d'agric,  1850,  in-S".  Paris, 
Bouchard-Huzard)  (médaille  d'or  de  cette  Société,  1850).  —  Id.,  Tarare- 
tue-teigncs  (extrait  du  Génie  industriel,  par  M.  Armengaud,  t.  VIII,  avec 

fig.). ^S'ur  l'Alucite  ou  Teigne  des  blés  et  sur  les  moyens  de  la  détruire 

(extrait  des  Mém.  de  la  Soc.  du  Berry.  Paris,  Napoléon  Chaix,  1860,  br. 

in-S").   Doyère,   Recherches  sur    l'Alucite  des   céréales   {Annales   de 

l'Institut  agronomique,  t.  I,  1852). 

■.IT.%,  Treitschke,  Duponchel,  syn.  :  Gelechia,  Zeller.  —  Antennes  longues  et 
filiformes  dans  les  deux  sexes;  tête  courte  et  sessile;  spiritrompe  nulle;  palpes 
labiaux  arqués  et  relevés  au-dessus  de  la  tète,  les  deux  premiers  articles  légè- 
rement velus,  le  troisième  nu  et  subuliforme;  ailes  supérieures  très  étroites, 
avec  leur  sommet  prolongé  en  pointe  obtuse  et  garni  inférieurement  d'une 
longue  frange  ;  ailes  inférieures  plus  larges,  terminées  en  pointe  aiguë  et  lar- 
gement frangées,  surtout  au  bord  interne;  pattes  postérieures  longues  et 
velues;  abdomen  cylindroïde,  terminé  par  un  bouquet  de  poils  dans  les  mâles, 
en  pointe  dans  les  femelles. 

Le  genre  Lita  ou  Galechia  présente  en  général,  pour  les  papillons, 
des  couleurs  assombries  et  d'un  dessin  confus,  qui  les  rend  assez  diffi- 
ciles à  distinguer  entre  eux,  à  l'exception  de  quelques  espèces  dans 
lesquelles  le  noir  et  le  blanc  contrastent  d'une  manière  assez  agréable. 
Ces  papillons  se  tiennent  d'ordinaire  sur  le  tronc  des  arbres,  où  ils 
cherchent  à  se  cacher  dans  les  fentes  des  écorces  ;  ils  se  trouvent  dans 
les  bois,  comme  dans  les  jardins,  ne  paraissant  qu'une  fois  par  an,  depuis 
le  mois  de  mai  jusqu'à  la  fin  d'août,  en  plus  grand  nombre  en  juin  et 
juillet.  Les  chenilles  diffèrent  entre  elles  pour  la  manière  de  vivre  et  de 
se  métamorphoser.  Dans  le  groupe  des  espèces  à  ailes  sombres  et  dont  le 
dessin  est  plus  ou  moins  confus,  on  peut  citer  L.  longicornis,  Curtis, 
syn.  :  histrionella,  Hubner,  Duponchel,  envergure  de  13,5  à  15,5  milli- 
mètres, pi.  xcviu;  3a,  tête  de  profil,  avec  les  longs  palpes  recourbés; 
3  6,  tête  de  face.  La  tête  et  les  palpes  sont  d'un  gris  blanchâtre,  les 
antennes  noirâtres.  Les  ailes  supérieures  sont  en  dessus  d'un  gris  blan- 
châtre, avec  quatre  bandes  transverses  d'un  brun  noir,  dont  une  à  la 
base,  deux  au  milieu,  dont  une  en  S.  et  une  terminale  en  pointe  dans 
le  bas.  La  frange  est  d'un  gris  blanchâtre  et  entrecoupée  de  brun.  Le 
dessous  des  mêmes  ailes  et  les  deux  surfaces  des  inférieures  sont  d'un 
gris  cendré,  y  compris  la  frange.  Le  thorax  est  brun  ainsi  que  l'abdo- 
men, avec  les  segments  bordés  de  blanc.  Les  pattes  sont  blanchâtres  et 
entrecoupées  de  brun.  Cette  espèce  est  d'Angleterre,  de  diverses  ré- 
gions de  la  France,  de  Saxe,  de  Bohême,  de  Hongrie  ;  sur  les  bruyères 
et  les  coteaux  stériles,  en  mai  et  juin. 


HARPELLA.  763 

H.%RPEljr.%,  Schraiick,  syn,  :  L/vmpros,  Dup.  —  Antennes  filiformes  dans  les 
deux  sexes-,  tête  arrondie;  spiritronipe  très  courte  et  à  peine  visible;  palpes 
labiaux  lontjs,  falqnés,  relevés  au-dessus  de  la  tête,  avec  les  deux  premiers 
articles  aplatis  et  velus,  le  troisième  nu  et  subuliforme;  thorax  ovale;  ailes 
supérieures  larges  et  à  bord  terminal  presque  droit;  ailos  inférieures  oblongues 
avec  l'angle  au  sommet  assez  aigu,  toutes  les  quatre  garnies  d'une  frange  peu 
large;  pattes  postérieures  peu  longues  et  peu  épaisses;  abdomen  cylindroïde. — 
Chenilles  de  couleurs  livides,  à  poils  isolés  implantés  sur  des  points  verruqueux. 
—  Chysalides  de  forme  effilée. 

F.e  nom  de  Lampros ,  donné  à  ce  genre  par  Duponchel,  signifie  splen- 
ilicle,  brillant,  à  cause  de  l'éclat  des  couleurs  de  ses  papillons;  ce  sont 
des  Lépidoptères  assez  rares,  qui  n'habitent  que  les  bois  et  se  montrent 
d'ordinaire  à  la  tin  de  juin  et  au  commencement  de  juillet.  L'espèce 
la  plus  grande  du  genre,  atteignant  près  de  25  millimètres  d'enver- 
gure, est  H.  forficella,  Scopoli,  syn.  :  majorella,  cat.  de  V.;  la  Tranchée, 
Devillers,  pi.  xcvni;  6c,  tête  grossie  de  l'adulte,  de  face;  6d,  tète  de 
profil;  6  a,  chenille;  6  6,  chrysalide.  Les  ailes  supérieures  sont  en  dessus 
d'un  brun  doré,  avec  une  bande  longitudinale  jaune  qui  part  do  la 
base,  se  courbe  dans  le  milieu  de  sa  longueur  en  formant  deux  angles 
obtus,  et  vient  finir  en  pointe  très  aiguë  à  l'extrémité  inférieure  de 
l'aile;  en  outre,  une  tache  mal  arrêtée  de  la  même  couleur  se  trouve 
à  peu  près  au  milieu  de  l'espace  qui  existe  entre  cette  bande  et  le 
sommet  de  l'aile.  La  frange  est  d/un  jaune  fauve  doré  et  le  dessous  des 
mêmes  ailes  en  entier  d'un  brun  luisant.  Les  ailes  inférieures  sont  d'un 
gris  brun  luisant  de  part  et  d'autre,  y  compris  la  frange.  Les  palpes, 
très  comprimés,  sont  bruns  du  côté  externe  et  jaunes  du  côté  interne. 
I,a  tête  est  jaune,  ainsi  que  les  ptérygodes  du  thorax,  dont  le  milieu 
est  brun;  l'abdomen  est  de  la  couleur  des  ailes  inférieures.  Les  an- 
tennes sont  brunes  ainsi  que  les  pattes,  à  tarses  annelés  de  blanc 
roussâtre.  Cette  description  s'applique  aux  deux  sexes  de  cette  belle 
espèce. 

La  chenille,  mince  et  allongée,  e«t  d'un  gris  livide  et  luisant  sur  le 
dos,  avec  les  côtés  d'un  blanchâtre  transparent,  la  tête  et  la  plaque  pro- 
thoracique  brunes,  avec  des  points  verruqueux  noirs  surmontés  chacun 
d'un  puil  blanchAtre.  On  la  trouve  du  milieu  de  l'iiiver  à  la  fin  de  mai, 
sous  l'écorce  des  bouleaux,  des  aulnes,  des  noisetiers,  des  chênes  et 
surtout  des  souches  de  hêtre,  vivant  aux  dépens  de  l'aubier,  qui  tombe 
en  pourriture,  et  dans  lequel  elle  se  perce  une  galerie,  qu'elle  tapisse 
de  soie  blanche  à  l'intérieur.  Vers  la  fin  de  mai  ou  au  début  de  juin, 
elle  s'y  tr.msforme  en  chrysalide  dans  une  coque  assez  grosse,  celte 
chrysalide,  très  effilée,  d'un  brun  jaune  ou  d'un  brun  rouge.  Le  pa- 
pillon éclôt  environ  au  bout  d'un  mois,  il  est  commun  en  Alsace  dans 
tous  les  bois,  principalement  ceux  de  hêtres,  en  juin  et  juillet,  assez 
commun  dans  le  département  du  Nord,  se  rencontre  pas  très  rare  en 


76/l  LÈI'IUOPIÈRES. 

certaines  années  dans  SaOne-et-Loire  (Constant),  se  trouve  aussi  en 
Allemagne,  en  Angleterre,  etc.,  est  signalé  près  de  Cannes  dans  les 
aulnaies,  mais  rare  (Millière). 

(Ei'OPHOR.%,  Latr.,  sjn.  :  Akgyroseiia,  Curlis,  Stephens. —  Tète  velue  dans 
lo  plus  grand  nombre  des  espèces;  aniennes  filiformes  dans  les  deux  sexes; 
spiritrompe  nulle  ou  peu  distincte;  palpes  labiaux  courts,  garnis  de  peu 
d'écaillés,  inclinés  en  dessous,  le  troisième  article  en  arc,  dont  la  convexité 
regarde  la  tête;  thorax  étroit;  ailes  supéiieures  en  forme  d'ellipse  très  allongée, 
avec  une  longue  frange  à  l'extrémité  du  bord  interne;  ailes  inférieures  très 
étroites,  cultrifurmes,  entourées  d'une  longue  frange;  pattes  postérieures  longues 
et  grêles;  abdomen  cylinJroïde,  terminé  carrément  dans  les  mâles  et  en  pointe 
obtuse  chez  les  femelles. 

Beaucoup  d'espèces  d'Œcûphores  sont  ornées  de  couleurs  très  bril- 
lantes, mais  leur  petite  taille  fait  qu'elles  chappent  souvent  à  la  vue. 
On  trouve  les  papillons  dans  les  bois,  et  surtout  dans  les  vergers,  de- 
puis le  commencement  de  mai  jusqu'en  septembre;  quelques  espèces 
seulement  paraissent  deux  fois,  mais  les  autres  n'ont  qu'une  génération 
par  an,  et  celles  qu'on  voit  en  mai  ont  passé  l'hiver  en  chrysalide.  Les 
mœurs  des  chenilles  sont  très  variées  :  il  en  est  qui  s'entourent  de 
fourreaux  cylindroïdes  de  Lichen,  fixés  perpendiculairement  contre  les 
Ironcs,  ainsi  QE.  fîavifrontella,  Hûbner;  d'autres  vivent  sous  les  écorces 
d'arbres  fruitiers  et  forestiers,  ou  de  Conifères,  se  nourrissant  proba- 
blement de  bois  pourri,  il  en  est  qui  vivent  en  mineuses  entre  les 
deux  épidermes  des  feuilles,  ou  dans  des  feuilles  roulées  en  cornet, 
comme  les  Tordeuses,  ou  en  société,  sous  une  toile  commune,  ou  bien 
au  sommet  des  plantes  dont  elles  réunissent  les  feuilles  en  paquet  par 
des  fils  de  soie.  La  plupart  de  ces  chenilles,  parvenues  à  toute  leur 
taille,  quittent  la  plante  ou  larbre  qui  les  a  nourries,  pour  aller  se 
métamorphoser  en  chrysalides  cns  la  terre  ou  dans  la  mousse. 

Nous  représentons,  pi.  xcvni,  hg.  6,  6',  grandeur  naturelle,  le  mâle 
d'une  espèce  aux  riches  couleurs,  se  rencontrant  parfois  aux  environs 
de  Paris,  puisqu'elle  était  connue  de  Geoffroy,  se  trouvant  aussi  en 
Suède,  en  Allemagne,  en  Angleterre,  où  elle  a  fourni  à  M.  Stainton  le 
type  de  son  genre  Chrysoclista,  en  raison  de  l'éclat  de  sa  parure.  C'est 
Œ.  Linneella,  Clerck,  Linn.,  la  Teigne  dorée  à  quatre  points  d'argent  de 
Geoffroy,  se  trouvant  en  juin  principalement  dans  les  vergers,  in  poma- 
riis,  dit  IJnnieus,  et  pas  rare  aux  environs  de  Paris.  Envergure,  en- 
viron 12  millimètres.  Dans  les  deux  sexes,  les  ailes  supérieures  sont 
en  dessus  d'un  beau  fauve  doré,  avec  la  côte  argentée  et  trois  gros 
points  d'argent  élevés  et  entourés  de  noir,  disposés  en  triangle,  dont 
un  au  milieu  de  la  côte  et  les  deux  autres  au  bord  interne.  On  re- 
marque en  outre  une  tache  noirâtre  à  la  base,  confondue  sans  doute 
par  Geoiïroy  avec   une  tache  argentée.  La  frange  est  noire,  avec  un 


OECOPFJORA,    ACROLEPIA.  765 

reflet  bronzé  très  brillant.  Les  ailes  inférieures  sont  ou  d'un  fauve  doré, 
ou  d'un  noir  grisâtre,  selon  les  sujets,  avec  la  frange  noire.  Les  quatre 
ailes  sont  noircàtres  en  dessous.  Les  antennes  sont  noires,  le  thorax  et 
l'abdomen  couverts  de  poils  fauves,  les  pattes  d'un  noir  bronzé.  A  Cannes, 
M.  Minière  a  vu  éclcre  cette  espèce,  en  août,  des  fleurs  sèches  de  la 
petite  centaurée  {Erythrœa  centaurium),  plante  herbacée,  qui  avait 
probablement  nourri  la  chenille. 

La  famille  des  Acrolépides  contient  une  espèce  intéressante  par  les 
dommages  qu'elle  peut  causer  à  la  culture  maraîchère.  Dans  le  genre 
Acrolepia,  Curtis,  se  trouve  A.  assectella,  Zeller,  syn:  alliella,  Boisduval, 
la  Teigne  des  aulx  et  des  poireaux.  L'insecle  parfait,  de  très  petite  taille, 
voltige  dans  les  jardins  fleuristes  et  potagers  après  le  coucher  du  soleil. 
Il  est  d'un  gris  jaunStre,  les  ailes  supérieures  un  peu  pointues  au 
sommet,  d'un  gris  noirâtre  obscur  et  oIVrant  sur  le  milieu  une  petite 
tache  triangulaire,  blanche,  pointillée  de  brun,  les  ailes  inférieures  étant 
noirâtres.  La  chenille  est  blanchâtre,  parfois  un  peu  verdâlre  selon  les 
plantes  qu'elle  mange,  la  tète  et  la  plaque  du  prothorax  d'un  jaune  fer- 
rugineux ainsi  que  les  pattes  écailleuses;  les  trapézoïdaux  sont  gros  et 
noirs.  Elle  vit  en  mineuse  dans  les  feuilles  de  diverses  Liliacées,  où  elle 
creuse  de  longues  galeries  sans  entamer  l'épiderme,  et  finit  par 
pénétrer  dans  les  tuniques  de  la  bulbe.  Arrivée  à  toute  sa  grosseur, 
elle  sort  des  feuilles  et  attache  à  ces  feuilles  mêmes  ou  aux  objets 
voisins  un  cocon  en  fuseau  d'un  tissu  clair  et  d'une  jolie  soie  d'un 
gris  blanchâtre.  Cette  chenille  se  montre  en  mai,  puis  en  octobre;  il 
paraît  qu'une  partie  des  chrysalides  d'automne  hivernent  pour  donner, 
au  printemps,  les  adultes  qui  propagent  l'espèce.  Cette  Teigne  a  ré- 
cemment causé  beaucoup  de  ravages  dans  les  cultures  d'ail,  très  nom- 
breuses dans  les  jardins  du  Limousin  (Maurice  Girard  :  Note  sur  une 
chenille  qui  attaque  l'ail  et  le  poireau;  Journal  Soc.  cent,  d'horti- 
culture de  France,  1881,  298).  Elle  est  aussi  très  nuisible  aux  jeunes 
poireaux,  dont  elle  amène  le  dépérissement,  parfois  la  mort.  Les 
feuilles  sont  souillées  des  déjections  des  chenilles,  qui  coexistent  avec 
des  chrysahdes.  Quand  la  bulbe  est  encore  intacte,  il  faut  couper  à  la 
faucille  ou  aux  ciseaux  de  jardinier  les  tiges  avec  les  feuilles  infectées 
et  brûler  tous  ces  débris.  Si,  malgré  touî,  le  mal  persiste,  on  en  a 
raison  par  une  alternance  de  culture,  en  semant  des  Crucifères  ou  des 
Légumineuses  au  lieu  des  Liliacées;  la  Teigne  meui't  de  faim.  Dans  les 
jardins  fleuristes,  la  chenille  de  cette  même  Teigne  attaque  les 
Alstrœmeria,  les  Phalangium,  les  Asphodèles,  les  Hémérocalles,  etc. 
On  peut  dire  que  l'espèce  est  de  toute  la  France. 

La  famille  des  Gracilarides  (dont  le  nom  vient  de  l'adjectif  ,9rac//?'.s 
grêle)  présente  des  petits  papillons  ayant  les  antennes  filiformes  dans 
les  deux  sexes,  sans  faisceaux  de  poils  à  la  base,  comme  chez  les  Ornix. 
On  distingue  la  spiritrompe  et  les  palpes  maxillaires,  exceptionnels 
chez  les  Tinéiniens;  les  palpes  labiaux,    revêtus  d'écaillés  contiguës, 


766  LÉPIDOPTÈRES. 

paraissent  minces  et  se  dressent  en  foroie  de  glaives  au-devant  de  la 
tête  arrondie  et  lisse,  leur  article  terminal,  qui  correspond  à  toute  la 
moitié  de  leur  longueur,  s'effilant  en  pointe.  Les  ailes  supérieures  très 
allongées,  très  étroites,  sont  bordées  d'une  longue  frange;  les  infé- 
rieures, linéaires  et  ornées  d'une  longue  frange,  ressemblent  à  des 
plumes.  Les  chenilles  de  cette  famille  vivent  en  mineuses  dans 
l'épaisseur  des  feuilles;  qnelques-unes,  comme  les  Gracilaria  et  les 
Ornix,  en  sortent  lors^qu'elles  ont  atteint  à  peu  près  la  moitié  de  leur 
croissance  et  s'enferment  alors  dans  une  feuille  pliée.  Toutes  se  chry- 
salident  hors  de  leurs  mines,  dans  un  petit  cocon  attaché  à  une  partie 
quelconque  de  la  plante.  Les  délicats  papillons  des  Gracilaires  sont  de 
très  petite  taille,  et  beaucoup  sont  richement  ornés;  ils  volent  en 
plein  jour  autour  des  plantes  qui  ont  nourri  leurs  chenilles. 

L'espèce  la  plus  importante  de  cette  petite  famille,  très  commune 
partout,  est  la  Teigne  du  lilas,  Gracilaria  syringella,  Fabr.,  syn.  : 
ardeœpennella,  Dup.,  de  France,  d'Angleterre,  d'Allemagne.  I-e  papillon 
de  11  millimètres  environ  d'envergure,  a  la  tête  blanche  et  qui  en 
même  temps  otfre  les  antennes  atteignant  la  longueur  de  l'aile 
antérieure,  grises  et  annelées  de  blanc;  les  palpes  sont  blancs,  annelés 
de  noir.  Les  ailes  supérieures  paraissent  d'un  gris  poussiéreux  et  sont 
tachetées  par  la  présence  de  six  bandes  transversales  interrompues 
d'un  blanc  argenté,  dont  les  trois  postérieures  sont  plus  fines  et  moins 
complètes  que  les  antérieures.  Les  franges,  d'un  gris  foncé  comme  le 
thorax,  l'abdomen  et  le  fond  des  ailes  supérieures,  sont  d'une  longueur 
extraordinaire,  surtout  à  l'angle  interne.  Elles  font  saillie  en  forme  de 
peignes  lorsqu'au  repos  ces  ailes  couvrent  le  corps  à  la  façon  d'un  toit. 
Le  dessous  des  mêmes  ailes  est  d'un  brunâtre  luisant,  avec  quelques 
vestiges  des  taches  du  dessus.  Les  deux  surfaces  des  ailes  inférieures 
sont  d'un  gris  foncé,  y  compris  la  frange.  Les  pattes  sont  d'un  gris 
foncé  avec  les  tarses  entrecoupés  de  blanc.  La  chenille  vit  des  feuilles 
de  divers  arbustes,  défigurant  dans  les  jardins  les  lilas  et  les  lilas  de 
Perse,  attaquant  en  outre  le  frêne,  le  troène,  le  fusain,  parfois  l'aubé- 
pine. Cette  chenille  est  d'un  vert  clair,  avec  la  vasculaire  plus  foncée, 
la  tête  brune,  l'écusson  du  prothorax  et  le  clapet  anal  de  la  couleur  du 
reste  du  corps,  sur  lequel  sont  des  petits  points  verruqueux  avec  un 
poil  clair.  tUe  est  munie  de  seize  pattes,  vit  sur  chaque  feuille  en 
petites  colonies  d'une  vingtaine  d'individus.  Sur  le  lilas,  les  jeunes 
chenilles  rongent  d'abord  la  cuticule  supérieure,  puis  le  parenchyme 
situé  en  dessous.  La  cuticule  inférieure  persiste  toujours  et  brunit  peu 
à  peu;  de  là  une  large  mine  d'un  gris  rougeâtre.  Après  la  première 
mue,  les  chenilles  quittent  la  mine  qu'elles  ont  creusée  et  tendent  des 
fils  de  soie  de  telle  sorte  que  la  pointe  de  la  feuille  de  lilas  se  trouve 
rongée  et  s'enroule,  pliée  dans  le  sens  de  la  longueur  de  la  feuille. 
Sur  le  frêne  et  le  troène  ces  étuis  sont  coniques  et  faits  du  som- 
met des  feuilles.  C'est  là  le  travail  de   chaque  nuit;    le  jour,   les 


GRACILARIA,    ADÉLIDES.  767 

chenilles  rentrent  dans  le  tube  ainsi  formé  et  rongont  le  parenchyme 
de  la  feuille,  en  respectant  toujours  la  cuticule  inférieure.  Klles  muent 
tous  les  dix  ou  douze  jours  et  subissent  trois  mues;  elles  cherchent 
alors  une  feuille  fraîche  qu'elles  traitent  comme  la  précédente  et 
qu'elles  abandoiuieut  au  bout  d'un  mOme  temps  pour  effectuer  leur 
nymphose  dans  un  cocon  très  mince  entre  les  feuilles  desséchées, 
dans  les  gerçures  des  écorces  ou  bien  en  terre.  On  voit  parfois  des 
centaines  de  ces  minuscules  chenilles  suspendues  à  un  fil,  abandon- 
nant les  branches  pour  se  mettre  à  la  recherche  d'une  retraite.  La 
chrysalide,  fusiforme  et  d'un  brun  jaunâtre,  a  une  terminaison  obtuse; 
les  gaines  des  antennes  et  aussi  celles  des  ailes  arrivent  jusqu'à 
l'extrémité,  celles  des  pattes  n'allant  pas  tout  à  fait  aussi  loin.  Au  bout 
d'une  quinzaine  de  jours  éclosent  les  papillons,  à  la  fin  de  juin  ou  au 
commencement  de  juillet.  Ils  voltigent,  surtout  le  soir,  autour  de  la 
plante  nourricière,  et  s'accouplent.  Chaque  chenille  pond,  en  moyenne, 
une  centaine  d'oeufs,  et  de  là  une  seconde  génération  encore  plus 
nuisible  que  la  première,  au  point  que  toutes  les  feuilles  des  arbres 
sont  parfois  ravagées,  comme  si  le  feu  y  avait  passé  et  sans  qu'il  en 
reste  une  seule  intacte.  Ces  secondes  chenilles  arrivent  à  la  nymphose 
avant  le  début  de  l'hiver  et  les  chrysalides,  qui  passent  l'hiver, 
donnent,  au  mois  d'avril,  des  papillons  produisant  la  première  géné- 
ration de  chenilles.  Quand  cette  Teigne  dort  pendant  le  jour,  le 
corps,  dirigé  obliquement,  repose  sur  les  deux  longues  pattes  posté- 
rieures dont  les  genoux  se  trouvent  sur  la  même  verticale  que  le  front, 
les  tarses  s'étendant  par  derrière.  On  ne  voit  pas  les  autres  pattes  qui 
sont  cachées  entre  le  corps  et  les  ailes,  à  la  surface  desquelles  s'ap- 
pliquent les  antennes  annelées  qui  se  dirigent  directement  en  arrière. 
La  famille  des  Adélides  a  été  établie  par  Latreille  aux  dépens  des 
Alucites  de  Fabricius.  On  distingue  à  première  vue  les  papillons 
mâles  à  la  longueur  démesurée  de  leurs  antennes,  atteignant  environ 
six  fois  la  longueur  du  corps,  celles  des  femelles  ne  dépassant  pas  la 
longueur  du  corps.  Au  repos  les  Adèles  ont  tout  à  fait  le  port  d'ailes  de 
certaines  petites  Friganes,  et  les  ailes  réticulées  de  quelques-unes 
ajoutent  encore  à  cette  ressemblance.  Beaucoup  ont  de  splendides 
couleurs  métalliques,  qui  sontl'écueil  des  peintres  d'histoire  naturelle; 
on  peut  dire  que  ces  insectes,  comme  des  pierres  précieuses  vivantes, 
sont  les  plus  beaux  Microlépidoptères.  Leur  apparition  a  lieu  de  la  fin 
d'avril  au  commencement  de  juillet,  le  plus  grand  nombre  en  mai  et 
juin.  Leur  vol  a  lieu  pendant  le  jour,  sous  les  ardents  rayons  du 
soleil  qui  ajoutent  encore  à  leur  éclat,  souvent  sur  les  fleurs,  car  ils 
ont  une  spiritrompe  développée;  la  plupart  volent  dans  les  bois 
découverts,  autour  des  jeunes  arbres  et  des  buissons;  quelques-uns 
seulement  sur  les  plantes  basses,  dans  les  prairies;  quelques  espèces 
très  brillantes  sont  propres  aux  montagnes.  Au  genre  Adela  de 
Latreille  ont  été  ajoutés  deux  genres,  Nemophora,  Hûbner,  et  Nemotois, 


768  LÉPIDOPTÈRES. 

Hiibner,  qui  en  diiïèrent  peu.  Les  chenilles  de  ces  Adélides,  encore 
imparfaitement  connues,  vivent,  comme  celles  des  Incurvaria,  Haworth, 
dans  des  fourreaux  plats,  fabriqués  de  morceaux  de  feuilles  sèches, 
d'abord  dans  les  fleurs,  puis  à  terre  où  elles  passent  l'hiver.  Duponchel 
a  subdivisé  les  Adélides,  d'une  manière  commode  pour  les  collection- 
neurs, en  trois  sections  :  A.  ailes  supérieures  ornées  de  bandes  et  de 
taches  d'une  couleur  plus  claire  que  le  fond  (ex  :  Adela  Degeerella); 
B.  ailes  supérieures  d'une  couleur  uniforme,  et  à  reOets  métalliques 
(ex.  :  Adela  viridella)  ;  C.  ailes  supérieures  d'une  couleur  uniforme, 
réticulées  et  à  reflets  (ex  :  Nemophora  Swammerdammella).  lin  raison  de 
l'extrême  longueur  des  antennes  des  mâles  des  Adélides,  leur  vol  n'est 
pas  horizontal.  Il  a  lieu  de  haut  en  bas  et  réciproquement,  dans  les 
recherches  de  ces  papillons  pour  l'accouplement  par  les  beaux  jours  de 
printemps.  Dans  ces  descentes  et  ces  ascensions,  les  antennes,  dirigées 
en  avant,  semblent  servir  de  balanciers.  Degéer  a  remarqué  que  ces 
antennes,  outre  leur  longueur  extraordinaire,  offrent  cetie  particularité 
que  le  papillon  peut  en  mouvoir  le  bout  de  côté  et  d'autre  et  le  courber 
en  tous  sens,  sans  donner  le  moindre  mouvement  au  reste  de  leur 
étendue,  ce  qui  prouve  une  finesse  extrême  dans  les  muscles  logés  dans 
cette  extrémité,  qui  se  termine  en  fil  imperceptible. 

AUEliA,  Latreille.  —  Antennes  très  rapprochées  à  leur  base,  très  longues  et  se 
terminant  en  un  fil  imperceptible  dans  les  mâles,  beaucoup  plus  courtes  chez 
les  femelles  et  parais-sunt  comme  des  soies  amincies  au  bout,  car  elles  sont 
garnies  d'écaillés  qui  les  épaississent  dans  une  grande  partie  de  leur  longueur; 
spirilrompe  longue  ;  palpes  labiaux  grêles,  cylindriques,  de  la  longueur  de  la 
tête  et  très  garnis  de  poils;  tête  petite,  presque  pyiamidale  et  très  velue,  avec 
les  yeux  gros  etconligug;  thorax  ovoïde  ;  ailes  supérieures  elliptiques;  ailes 
inférieures  ayant  à  peu  près  la  même  forme,  mais  moins  longues,  les  quatre 
ailes  garnies  d'une  frange  courte  ;  pattes  postérieures  longues  et  plus  ou  moins 
velues,  selon  les  espèces;  abdomen  cylindroïde,  court  et  tronqué  dans  les 
mâles,  plus  long  et  conique  dans  les  femelles. 

Une  des  espèces  les  plus  répandues,  de  France,  d'Angleterre,  d'Al- 
lemagne, de  presque  toute  Tliurope,  est  A.  Degeerella,  Linn.,  syn  : 
Crœsella,  Scopoli,  la  Coquille  d'or,  Geoffroy,  la  Degéer,  Devillers,  la 
Crésus,  Devillers,  YAlucile  Degéerelle,  Walckenaër,  l'Adèle  Géérelle, 
Latreille.  Le  papillon,  de  20  millimètres  d'envergure,  pi.  xcviii,  fig.  7, 
mâle,  a  la  tête  noir  et  hérissée  de  poils  fauves.  Les  antennes  sont 
noires  depuis  leur  base  jusqu'au  quart  de  leur  longueur  et  blanchâtres 
pour  le  reste;  le  corselet  est  de  couleur  bronzée.  Les  ailes  supérieures 
sont  en  dessus  d'un  fauve  doré,  avec  des  stries  longitudinales  d'un  noir 
pourpre,  correspondantes  aux  nervures  et  interrompues,  un  peu  au 
delà  du  milieu  de  l'aile,  par  une  bande  transverse  et  légèrement 
sinuée  d'un  jaune  doré,  bordée  des  deux  côtés  par  une  ligne  d'un  bleu 


ADELA.  769 

d'azur,  bordée  elle-même  de  deux  lignes  noires;  la  l'range  est  delà 
couleur  des  stries.  Le  dessous  des  mômes  ailes  et  les  deux  surfaces  des 
ailes  inférieures  sont  d'un  noir  pourpre  luisant,  y  compris  la  frange, 
avec  la  répétition  de  la  bande  jaune  du  dessus,  mais  comme  effacée, 
sur  le  dessous  des  ailes  supérieures.  Les  pattes  sont  jaunâtres,  avec 
l'extrémité  des  jambes  noire.  L'abdomen  est  d'un  noir  pourpre.  Cette 
description  s'applique  aux  deux  sexes,  avec  les  différences  indiquées 
dans  la  diagnose  du  genre.  Le  papillon,  très  commun  aux  environs  de 
Paris,  voltige,  du  15  mai  au  15  juin,  autour  des  buissons  dans  les  bois 
taillis,  La  chenille  est  renfermée  dans  un  fourreau  formé  de  plusieurs 
feuilles,  oblong,  arrondi,  rétréci  au  milieu,  et  se  trouve,  jusqu'au 
printemps,  sur  des  plantes  basses,  Anémone  nemorosa,  Vaccinium, 
Rumex,  etc.  C'est  Linnœus  qui  a  dédié  cette  jolie  espèce  d'Adèle  ù  de 
Céer,  lequell'avaitle  premier  décrite  et  figurée  dans  ses  mémoires  sur 
les  insectes. 

Une  aulre  espèce  également  commune,  de  France,  d'Allemagne,  d'An- 
gleterre, etc.,  est  A.  viridella,  Scopoli,  syn.  :  Reaumurella,  Duponchel, 
la  Teigne  noire  bronzée  de  Geoffroy,  la  Réaumur,  la  Verdoyante,  VAlbi- 
corne,  Devillers,  l'Alucite  Réaumur  elle,  Walckenaër,  V  Adèle  Réaumurelle , 
Latreille.  Cette  espèce  est  très  commune  dans  presque  tous  les  bois  en 
France,  en  Angleterre,  en  Allemagne.  C'est  l'Adèle  la  plus  fréquente 
aux  environs  de  Paris.  L'envergure  est  de  16  millimètres  chez  le  mâle 
et  un  peu  moins  chez  la  femelle.  Le  mâle  a  les  antennes  blanches  dans 
toute  leur  étendue,  la  tète  noire  et  très  velue,  ainsi  que  les  palpes,  le 
thorax  noir,  peu  velu.  Les  ailes  supérieures  sont  en  dessus  d'un  vert 
noir  foncé  très  brillant,  avec  des  reflets  d'un  vert  blanchâtre,  y  compris 
la  range,  en  dessous  d'un  noir  violet  obscur,  ainsi  que  les  deux 
surfaces  des  ailes  inférieures  dont  la  frange  est  précédée  d'un  liséré 
d'un  vert  cuivreux  très  brillant.  Les  pattes  sont  noires,  avec  les  tarses 
annelés  de  blanc,  les  postérieures  seules  ayant  les  jambes  garnies  de 
longs  poils  ;  l'abdomen  est  lisse  et  d'un  noir  violet  obscur.  La  femelle 
a  les  mêmes  couleurs  que  le  mâle,  avec  les  antennes  d'un  noir  bronzé, 
très  épaisses  dans  leur  moitié  antérieure,  la  tête  et  le  thorax  lisses,  les 
ailes  antérieures  moins  longues  que  chez  le  mille,  avec  un  pli  arrondi  à 
l'extrémité,  très  visible  au  repos,  les  pattes  postérieures  moins  épaisses 
et  moins  poilues  que  chez  le  mâle.  Cette  Adèle  vole  par  troupes  au 
mois  de  mai  autour  des  prunelliers  et  des  jeunes  chênes.  La  chenille, 
dans  un  fourreau,  se  trouve  au  milieu  des  feuilles  sèches,  notamment 
de  chêne. 

Dans  le  troisième  type,  nous  citerons  Nemophora  Swammerdammella, 
Linn.,  la Swammerdam,  Devillers,  de  France,  d'Allemagne,  d'Angleterre  ; 
dans  tous  les  bois,  du  20  avril  au  10  mai  environ  ;  autrefois  assez 
commune  au  bois  de  Boulogne,  près  de  Paris;  se  trouvant  en  juillet 
dans  la  montagne,  près  de  Cannes  (Alpes-Maritimes),  probablement 
alors  de  seconde  éclosion.  Chez  le  mâle,  d'envergure  de  20  millimètres 
GIRARD.  ui.  —  49 


770  LÊPIDOPTtRES. 

environ,  les  antennes  sont  en  entier  d'un  blanc  jaunâtre.  Les  ailes 
supérieures  sont  en  dessus  d'un  blond  doré  et  finement  réticulées  de 
roux,  avec  la  frange  de  la  couleur  du  fond;  leur  dessous  ne  diffère  du 
dessus  que  parce  que  la  réticulation  en  est  à  peine  visible.  Les  deux 
surfaces  des  ailes  inférieures  sont  d'un  gris  clair  uniforme  ainsi  que  la 
frange.  La  tète  et  le  thorax  sont  de  la  couleur  des  ailes  supérieures, 
ainsi  que  les  pattes;  l'abdomen  participe  de  la  couleur  des  ailes 
inférieures.  D'après  M.  Fettig,  la  chenille,  dans  son  jeune  âge,  ronge 
le  parenchyme  d'une  feuille  de  hêtre  ou  de  chêne,  et,  dans  la  dernière 
période  de  sa  vie,  coupe  une  partie  de  cette  feuille  et  s'en  entoure. 
D'après  M.  Milliôre,  la  chenille  ronge  d'abord  les  feuilles  du  hêtre,  et 
vit  ensuite  de  plantes  basses  dans  un  petit  sac  portatif. 

La  famille  des  Coléophorides,  Staudinger,  se  réduit  presque  entière- 
ment au  genre  Coleophora,  Zeller,  et  se  rattache  très  bien  aux  Adélidcs 
par  les  chenilles  entourées  de  fourreaux,  parfois  formés,  comme  chez 
les  Adèles,  de  morceaux  de  feuille  ou  de  lambeaux  de  cellulose  étages 
en  collerettes,  ce  que  Réaumur  dans  son  langage  descriptif  imagé  et  s 
juste  appelait  Teignes  à  falbalas.  Les  papillons  des  Coléophorides  son 
aisément  reconnaissables  à  leurs  ailes  allongées  et  garnies  de  très 
longues  franges,  simulant  un  peu  des  ailes  d'oiseaux.  Ils  sont  générale- 
ment peu  riches  en  dessins  et  en  couleurs.  Plusieurs  espèces  sont  très 
voisines  entre  elles,  au  point  qu'il  est  impossible  de  les  distinguer  avec 
certitude  sans  le  secours  des  fourreaux  des  chenilles.  Ils  sont  répandus 
à  peu  près  partout  et  volent  en  plein  jour  ;  mais  ils  habitent  de  préfé- 
rence les  lieux  découverts,  secs,  arides  et  bien  exposés  aux  rayons  du 
soleil.  Dans  cette  famille,  comme  dans  les  dernières  familles  de 
Tinéiniens  qui  vont  suivre,  il  reste  encore  beaucoup  d'espèces  à 
découvrir,  ce  qui  nous  les  fait  fortement  recommander  aux  jeunes 
amateurs,  oculatissimi,  comme  disait  Boisduval,  condition  excellente 
pour  ces  minimes  Tinéiniens.  Toutes  les  chenilles  des  Coléophorides 
se  fabriquent,  avec  les  débris  des  plantes  dont  elles  se  nourrissent, 
des  fourreaux  dans  lesquels  elles  passent  leur  vie  jusqu'à  l'état  parfait, 
dont  elles  ne  sortent  jamais  et  qu'elles  traînent  partout  avec  elles  dans 
leur  marche.  Ces  fourreaux  affectent  des  formes  très  variées  :  on  en 
trouve  qui  ressemblent  à  des  gousses  de  Légumineuses  ou  à  des  siliques 
de  Crucifères,  à  des  fragments  de  tiges  de  plantes,  à  des  brindilles  de 
bois  sec,  à  des  coquilles  de  Limaçons  ou  de  Mollusques  bivalves;  d'au- 
tres sont  composés  de  glumes  ou  de  balles  qui  leur  donnent  une  res- 
semblance frappante  avec  les  épillets  des  Graminées,  d'autres  enfin 
simulent,  à  s'y  méprendre,  l'extrémité  d'un  jeune  rameau  de  bruyère; 
il  en  est  qui  ont  la  forme  d'un  pistolet,  avec  la  crosse  assez  bien  imi- 
tée, etc.  Quelle  que  soit  d'ailleurs  la  forme  de  ces  fourreaux,  on  peut 
remarquer  que  la  chenille  a  presque  toujours  l'instinct  de  leur  donner 
une  certaine  ressemblance  avec  une  partie  quelconque,  vivante  ou  des- 
séchée, de  la  plante  sur  laquelle  elle  vit,  précaution  qui  n'a,  sans  doute, 


COLEOPHORA.  771 

d'autre  but  que  de  mieux  dissimuler  l'insecte,  qui  échappe  ainsi  à  la 
vue  parmi  les  divers  organes  des  végétaux. 

Ainsi  que  les  chenilles  des  Psyché,  quand  la  chenille  dos  Coleophora 
veut  prendre  sa  nourriture,  elle  dégage  seulement  de  son  fourreau  la 
tête  et  les  trois  premiers  anneaux  portant  les  pattes  écailleuses,  elle  fixe 
le  fourreau  perpendiculairement  à  la  surface  d'une  feuille,  le  plus  sou- 
vent en  dessous.  Elle  découpe  dans  cette  feuille  une  ouverture  de  la 
grosseur  de  son  corps,  mais  qui  n'entame  que  la  membrane  sur  laquelle 
la  chenille  est  attachée,  sans  jamais  percer  la  feuille  de  part  en  part  ; 
puis  elle  commence  à  dévorer  autour  d'elle  le  parenchyme  entre  les 
deux  épidermes.  A  mesure  qu'elle  consomme,  elle  allonge  le  corps,  en 
le  dégageant  du  fourreau,  mais  sans  le  quitter  entièrement,  traçau 
ainsi  un  vide  à  peu  près  circulaire,  dont  l'ouverture  primitive  est  le 
centre.  Quand  elle  a  rongé  tout  ce  qui  se  trouvait  à  sa  portée,  elle 
rentre  à  reculons  dans  sa  gaîne,  la  détache,  et  va  la  fixer  sur  un  autre 
point  de  la  feuille,  pour  recommencer  le  même  manège.  Au  moment 
(le  la  nymphose,  la  chenille  attache  définitivement  son  fourreau  à  quel- 
que partie  de  la  plante  ou  à  un  corps  voisin,  se  retourne  en  sens 
inverse  po;ir  avoir  la  tête  dirigée  vers  l'extrémité  postérieure,  afin  que 
le  papillon  puisse  sortir  librement,  et,  ainsi  établie,  attend  Tépoquc  de 
sa  métamorphose  en  chrysalide. 

Nous  rencontrons  dans  le  genre  Coleophora,  Zeller,  une  espèce  nui- 
sible à  l'horticulture,  C.  hemerobiella,  Scopoli,  syn.  :  Anseripennella,  Dup., 
non  Herr.  Sch.,  de  France,  d'Allemagne,  d'Angleterre.  Le  papillon, 
d'environ  \lx  millimètres  d'envergure,  a  les  ailes  supérieures  en  dessus 
d'un  gris  de  plomb,  saupoudré  de  nombreux  atomes  bruns,  surtout  vers 
l'extrémité,  avec  un  point  un  peu  plus  gros  et  plus  obscur  sur  le  mi- 
lieu. I,e  dessous  des  mêmes  ailes  et  les  deux  faces  des  ailes  inférieures 
sont  d'un  gris  plombé  luisant.  La  frange  des  quatre  ailes  est  d'un  gris 
brun  des  deux  côtés.  Les  antennes,  la  tête  et  le  thorax  sont  de  la  cou- 
leur des  ailes  supérieures,  et  l'abdomen  de  celle  des  inférieures;  les 
pattes  sont  d'un  gris  blanchâtre.  La  chenille  habite  dans  sa  jeunesse 
un  fourreau  courbe,  qui,  plus  tard,  devient  un  fourreau  presque  droit. 
Le  fourreau  de  la  chenille  à  toute  sa  taille  est  légèrement  arqué,  pres- 
que cylindrique,  un  peu  renflé  au  milieu,  caréné  des  deux  côtés  dans 
le  sens  de  sa  longueur,  avec  trois  ou  quatre  dentelures  du  côté  convexe. 
Il  est  comprimé  triangulairemcnt  à  son  extrémité  inférieure  et  ouvert 
circulairement  à  l'autre  bout,  celui  par  lequel  le  papillon  est  sorti.  La 
couleur  de  ce  fourreau  est  d'un  brun  noirâtre  et  les  dentelures  sont 
roussâtres.  La  chenille  est  épaisse,  lourde,  d'un  gris  jaune  sale,  l'é- 
cusson  prothoracique  corné  et  brun,  avec  une  ligne  rougeûtre  au 
milieu.  Il  y  a  des  taches  d'un  brun  noir  sur  les  côtés  des  premiers  an- 
neaux. Les  pattes  membraneuses  sont  marquées  latéralement  d'une 
tache  ronde  d'un  brun  noir  ;  elles  sont  très  courtes  et  impropres  à  la 
marche,  la  dernière  paire,  encore  plus  courte  que  les  autres,  armée  en 


772  LÉPIDOPTÈRES. 

revanche  d'une  couronne  d'épines  très  forlc.  Quand  elle  est  parvenue  à 
toute  sa  taille,  à  la  fin  de  mai  ou  au  commencement  de  juin,  elle  quitte 
les  feuilles  et  attache  son  fourreau  aux  branches  des  arbres  ou  à  des 
objets  divers,  reste  quelque  temps  avant  de  se  chrysalider  et  donne  le 
papillon  en  juillet  et  août.  Elle  se  trouve  dans  les  jardins  et  vergers  sur 
les  arbres  fruitiers,  principalement  les  poiriers,  auxquels  elle  fait 
beaucoup  de  tort  dans  certaines  localités.  Les  feuilles  où  cette  petite 
chenille  s'est  étabhe  se  couvrent  de  taches  noires  vésiculeuses  ;  l'épi- 
derme  supérieur  se  boursoufle,  se  dessèche,  se  soulève  et  s'exfolie 
facilement.  Il  y  a  une  seconde  génération  de  chenilles  au  mois  de 
septembre,  dont  les  chrysalides  passent  l'hiver  pour  éclore  au  prin- 
temps suivant.  Pour  se  débarrasser  de  cet  insecte  destructeur,  il  faut 
enlever  et  brûler,  aux  mois  de  mai  et  de  septembre,  toutes  les  feuilles 
où  l'on  aperçoit  de  petits  tuyaux  noirâtres  redressés  perpendiculaire- 
ment à  la  surface  et  paraissant  immobiles. 

C'est  également  à  l'enlèvement  des  feuilles  minées  et  tachées  qu'il 
faut  recourir  si  l'on  veut  diminuer  beaucoup  les  ravages  de  la  Graci- 
laire  du  lilas  (voy.  p.  76Zi),.et  surtout  les  rendre  très  faibles  pour  l'année 
suivante.  On  peut  aussi  écraser  la  chenille  dans  les  mines  qui  com- 
mencent en  froissant  entre  les  doigts  les  feuilles  de  lilas  ;  mais  cela 
n'est  possible  que  pour  les  très  petits  jardins. 

La  famille  des  LithocoUétides,  qui  ne  contient  réellement  qu'un 
genre  à  nombreuses  espèces,  Lithocolletis,  Zeller,  est  formée  de  papil- 
lons très  petits,  assez  vifs,  brillants,  rayés  transversalement  de  bandes 
ou  de  lignes  argentées,  et  ressemblant,  au  vol,  à  de  légers  flocons  de 
duvet  ;  ils  habitent  principalement  les  bois.  Ce  sont,  par  leur  beauté 
et  leur  petitesse,  comme  les  oiseaux-mouches  des  Lépidoptères.  Leurs 
chenilles  minent  les  feuilles,  où  elles  donnent  naissance  à  une  tache 
blanchâtre  et  transparente,  qui  s'agrandit  à  mesure  que  la  chenille 
avance  en  Age.  Les  chrysalides  sont  enfermées  dans  une  petite  coque 
située  entre  les  deux  épidermes  de  la  feuille,  et  ordinairement  recou- 
verte des  déjections  de  la  chenille. 

Les  plus  petits  papillons  connus  appartiennent  à  la  famille  des  Nepti- 
culides,  formée  principalement  par  le  genre  Nepticula,  Zeller.  On  y 
compte  en  Europe  une  centaine  d'espèces  à  peu  près,  établies  surtout 
par  les  recherches  des  entomologistes  anglais,  et  dont  les  auteurs  an- 
ciens ne  font  aucune  mention.  Ce  sont  des  papillons  presque  littérale- 
ment microscopiques,  qu'il  est  à  peu  près  impossible  de  prendre  au  vol, 
mais  seulement  au  flacon  à  cyanure  de  potassium.  Le  mieux,  pour  les 
obtenir,  est  de  mettre  en  boîtes  vitrées  les  feuilles  minées  par  leurs 
chenilles  ;  mais  on  éprouve  souvent  des  mécomptes,  en  voyant  cclore, 
au  lieu  de  petits  papillons,  des  petites  espèces  d'Hyménoptères  ou  de 
Diptères,  qui  vivent  de  la  même  manière  que  les  Nepticula,  ou  qui  ne 
sont  peut-être  que  les  parasites  de  leurs  chenilles.  Les  papillons  des 
-Ncpliculidcs  oui  des  dessins  peu  varies  ;  ils  se  réduisent  ordinairement 


NKPTICULA,    PTÉROPHORIENS.  773 

à  quelques  points  ou  lignes  métalliques  très  brillants  sur  un  fond  plus 
ou  moins  foncé.  Les  chenilles  vivent  en  mineuses  dans  l'épaisseur  des 
feuilles,  comme  celles  de  beaucoup  d'autres  genres  ;  mais  les  galeries 
qu'elles  y  tracent  ne  ressemblent  nullement  à  celles  des  Lithocolletis  ou 
des  Tischeria.  Au  lieu  de  figurer  des  taches  ou  plaques  sur  le  disque  de 
la  feuille,  ce  sont  de  simples  lignes  jaunâtres,  sinueuses,  courbées  et 
brisées  en  tous  sens,  et  dont  la  largeur  égale  à  peu  près  le  diamètre  de 
la  chenille.  Celle-ci  ne  met  que  très  peu  de  jours  pour  atteindre  toute 
sa  taille;  elle  quitte  alors  sa  galerie  pour  aller  fixer  son  imperceptible 
coque  sur  une  autre  partie  du  végétal.  Aussi  faut-il  recueillir  un  assez 
grand  nombre  de  feuilles  pour  en  trouver  quelques-unes  encore  habi- 
tées par  l'insecte  ;  car,  le  plus  souvent,  la  galerie  qu'il  a  creusée,  à 
l'état  de  chenille,  ne  devient  visible  par  le  dépérissement  de  la  partie 
attaquée  qu'après  que  la  chenille  l'a  déjà  abandonnée. 


Tribu  des  PTEROPHORIEW.S. 


La  Iribu  des  Ptérophoriens  a  pour  origine  le  genre  de  Geoffroy,  P/<'- 
ro/j/(orws  (porteur  d'ailes  cà  plumes),  et  correspond  aux  Phalènes  Alucites, 
de  Linnœus,  et  aux  Phalènes  Tipules,  de  De  déer,  nom  qui  provient  des 
longues  pattes  très  grêles  et  se  détachant  très  aisément  du  corps  de  ces 
papillons,  à  la  façon  des  pattes  des  Tipules  (Diptères).  Ce  qui  distingue 
tout  de  suite  leurs  papillons  du  reste  des  Lépidoptères,  c'est  la  division 
de  leurs  ailes,  suivant  la  longueur,  en  lanières  frangées,  comparables 
aux  barbes  de  plusieurs  plumes  contiguès.  Le  plus  souvent,  il  y  a  de 
chaque  côté  cinq  divisions  ou  lobes,  deux  aux  ailes  supérieures,  ne  se 
séparant  que  plus  ou  moins  près  du  milieu  de  l'aile,  trois  aux  ailes 
inférieures,  séparés  dans  toute  leur  étendue  jusqu'à  leur  insertion  au 
thorax.  Ces  divisions  consistent  eu  une  simple  nervure,  garnie  de  chaque 
côté  d'une  longue  frange,  ce  qui  leur  donne  une  grande  analogie  avec 
des  plumes  d'oiseau.  Au  repos,  dans  quelques  espèces,  ainsi  chez  le 
Ptérophore  blanc,  toutes  les  divisions  sont  écartées  et  étalées,  tandis 
que,  chez  beaucoup  d'autres  espèces,  elles  sont  repliées  comme  un 
éventail  et  disparaissent  entièrement  sous  le  premier  lobe  des  ailes 
supérieures,  et,  celles-ci  conservant  de  chaque  côté  une  direction  per- 
pendiculaire à  celle  de  l'axe  du  corps,  il  en  résulte  que  l'insecte  pré- 
sente à  peu  près  laspect  d'une  croix.  La  tête  des  Ptérophoriens  est 
sphéroïde,  la  spiritrompe  très  développée,  tandis  qu'elle  est  nulle  chez 
les  Elachista  et  les  Coleophora  ou  Ornix,  qui  ont  quelques  rapports  avec 
les  Ptérophoriens  par  leurs  ailes  étroites  très  frangées.  D'autre  part, 
leur  abdomen  est  beaucoup  plus  long  que  chez  les  Tinéiniens  ;  il  en 
est  de  même  de  leurs  pattes  très  longues  et  à  très  longs  éperons,  surtout 


77Zi  LÉPIDOPTÈRES. 

les  postérieures.  Les  palpes  sont  saillants  et  pourvus  d'un  article  mé- 
dian fort  long;  il  y  a  des  Plérophoriens  qui  ont  des  yeux  accessoires 
ou  stemmates,  d'autres  qui  en  manquent.  Les  Plérophoriens  sont  noc- 
turnes; cependant  ils  volent  aussi  en  plein  jour,  pour  peu  qu'on  les 
dérange.  Leur  vol  est  paresseux,  peu  soutenu,  formé  d'une  série  d'évo- 
lutions de  haut  en  bas  et  réciproquement;  ils  vont  toujours  se  reposer 
à  peu  de  distance  de  l'endroit  qu'ils  ont  quitté.  On  trouve  surtout  ces 
papillons  à  l'état  parfait  en  juin  et  en  juillet,  dans  les  charmilles,  les 
haies  et  les  lieux  frais  des  bois  et  des  jardins;  quelques  espèces  fré- 
quentent de  préférence  les  prairies. 

Les  chenilles  à  seize  pattes  de  ces  insectes  vivent  souvent  à  découvert, 
principalement  sur  les  plantes  herbacées,  et  certaines,  au  contraire, 
dans  l'intérieur  des  tiges.  Elles  sont  courtes,  renflées,  lentes  à  se  mou- 
voir, et  garnies  de  poils  ou  d'épines  plus  ou  moins  rameuses.  Pour  se 
chrysalider,  elles  ne  s'enferment  pas  dans  un  cocon,  comme  la  plupart 
des  Hétérocères,  mais  beaucouo  d'entre  elles  se  fixent  avec  un  fais- 
ceau soyeux  par  la  région  anale  et  s'entourent  en  outre  d'un  lien  de  soie 
qui  passe  par  le  milieu  de  leur  corps,  à  la  façon  de  certains  Diurnes 
(Piérides,  Papilionides),  ou  comme  les  Phaléniens  du  genre  Zonosoma, 

Tous  les  anciens  auteurs,  et  jusqu'à  Duponchel  inclusivement,  n'é- 
tablissent que  le  genre  Pterophorus  dans  cette  famille.  Depuis,  et  prin- 
cipalement d'après  la  disposition  des  nervures,  un  assez  grand  nombre 
de  genres  ont  été  créés,  surtout  par  les  travaux  de  Zeller  (Isis,  I8Z1I). 
On  a  souvent  assez  de  peine  à  séparer  les  genres  et  les  espèces  dans  ces 
papillons  dégradés. 

PTEROPHORUS,  Geoffroy,  Zeller.  —  Antennes  peu  allongées,  filiformes  dans 
les  deux  sexes;  tcte  petite,  sphéroïde,  avec  les  yeux  très  petits  ;  pas  de  stem  • 
mates;  spiritrompe  très  longue;  palpes  labiaux  seuls  visibles,  droits,  écartés, 
nus  ou  peu  couverts  d'écaillés,  avec  le  dernier  article  bien  distinct;  thorax  assez 
robuste,  à  ptérygodes  très  larges;  ailes  très  étroites  et  divisées,  savoir:  les 
supérieures  en  deux  branches,  ne  se  bifurquant  qu'^à  partir  du  dernier  tiers, 
sous  forme  de  deux  plumes  effilées  dont  l'angle  interne  est  arrondi  ;  les  infé- 
rieures en  trois  branches,  chacune  de  ces  branches  garnie  sur  ses  bords  do 
franges  ou  de  barbules  qui  les  font  ressembler  à  des  plumes  ;  pattes  grêles  et 
très  longues,  surtout  les  postérieures,  avec  les  épines  ou  éperons  très  longs  ; 
abdomen  très  long,  linéaire  dans  les  mâles  et  légèrement  renflé  au  milieu  dans 
les  femelles.  —  Chenilles  à  seize  pattes,  velues  ou  pubescentes,  se  suspendant 
souvent  à  nu  pour  se  chrysalidcr,  à  la  façon  de  celles  des  Piérides.  —  Chysa- 
lides  allongées,  plus  ou  moins  velues,  et  participant  toujours  de  la  couleur  des 
chenilles. 

Une  des  espèces  les  plus  communes  est  le  P.  monodactylus,  Linn., 
syn.  :  Pterodactylus,  Hubn.,  Dup.,  Herr.  Schœf.,  la  Ptérodactyle,  T)e\\\- 
Icrs  (2i  millimètres  d'envergure).  Ailes  supérieures  légèrement  fal- 


PTEROPHORUS.  775 

quées  et  divisées  à  leur  extrémité  en  deux  parties  par  une  fente  assez 
large  qui  pénètre  jusqu'au  tiers  de  leur  longueur;  coloration  variant 
beaucoup,  tantôt  d'un  roux  testacé,  tantôt  d'un  gris  roussâtre  ou  jau- 
nâtre, parsemé  de  quelques  atomes  bruns  au  bord  interne  et  toujours 
avec  un  point  noirâtre  à  l'origine  de  la  fissure,  lequel  point  manque 
à  la  môme  place  en  dessous  ;  angle  au  sommet  de  la  première  division 
courbe  et  très  aigu  ;  ailes  inférieures  ayant  les  trois  divisions  en  forme 
de  spatule  très  étroite,  d'un  brun  noirâtre,  garnies  comme  celles  des 
premières  ailes  d'une  frange  assez  longue,  surtout  à  la  troisième  divi- 
sion. Les  antennes,  la  tète  et  le  corps  participent  de  la  couleur  des 
ailes,  les  pattes  étant  d'une  couleur  un  peu  plus  claire.  La  chenille  est 
couverte  de  petits  poils  grisâtres,  laissant  voir  la  couleur  du  fond,  d'un 
vert  de  mer  ordinairement,  parfois  d'un  brunâtre  clair.  Elle  est  mar- 
quée de  plusieurs  lignes  ou  raies  longitudinales,  savoir  :  une  médiane, 
ou  dorsale  blanche,  très  fine,  placée  entre  deux  raies  pourpres  plus 
larges,  bordées  elles-mêmes  par  une  ligne  blanche  ;  touchant  à  cette 
dernière,  et  sur  chaque  anneau  on  voit  un  petit  trait  oblique  plus  clair 
que  le  fond.  La  tète,  très  petite  et  globuleuse,  est  d'un  jaune  pâle,  avec 
de  petites  taches  d'un  brun  noir  sur  les  côtés  et  au-dessus  de  la 
bouche.  Les  pattes  sont  d'un  blanc  verdàtre.  Cette  chenille  vit  toute 
l'année  dans  les  jardins,  les  bois,  les  champs,  les  bruyères,  sur  diverses 
espèces  de  Convohndus,  Ypomea,  Pharbitis,  Quamoclit,  etc.  Elle  a  été 
observée  aussi  sur  les  Chenopodium  album  et  Atriplex  patula  (Jour- 
dheuille).  Elle  se  tient  presque  toujours  immobile  sur  les  feuilles,  et  se 
suspend,  comme  ses  congénères,  pour  se  changer  en  une  chrysalide 
allongée,  velue,  et  d'une  couleur  pâle  analogue  à  celle  de  la  chenille. 
Le  papillon  se  trouve  en  février  et  mars,  juin,  juillet,  et  surtout  sep- 
tembre et  octobre,  hivernant  dans  les  fagots,  les  tas  de  débris  végé- 
taux, etc.  Il  s'étend,  en  Europe,  de  la  Suède  méridionale  jusque  vers 
la  Sicile,  se  répandant  à  l'Est  jusqu'à  Kasan.  Le  nom  de  Monodactylus, 
donné  par  Linnœus  à  cette  espèce,  vient  probablement  de  ce  que  au 
repos,  alors  que  les  divisions  de  l'aile  inférieure  se  replient  sous  les 
ailes  supérieures,  en  croix  avec  le  corps,  il  semble  n'avoir  qu'un  doigt 
de  chaque  côté. 

Le  P.  fuscus,  Retzius,  syn.  :  Ptilodactylus,  Hûbner,  Dup.,  pi.  xcviii, 
fig.  8,  envergure  22""",5,  a  les  ailes  supérieures  spatuliformes  et 
divisées  en  deux  par  une  fissure  très  étroit'e,  qui  ne  s'étend  pas  au- 
delà  du  tiers  de  leur  longueur.  Elles  sont  en  dessous  d'un  testacé 
rougeâtre,  qui  s'éclaircit  au  bord  interne,  avec  une  lunule  noirâtre 
à  l'origine  de  la  fissure,  chaque  division  étant  garnie  d'une  frange  très 
courte,  de  la  couleur  du  fond  et  précédée  d'un  liséré  blanchâtre.  Les 
ailes  inférieures  sont  d'une  nuance  brune,  plus  foncées  que  les  supé- 
rieures, y  compris  la  frange.  Les  deux  premières  divisions  sont  un  peu 
spatuliformes  et  la  troisième  presque  linéaire,  avec  la  frange  très 
longue.  Le  dessous  est  entièrement  d'un  brun  roux,  sans  tache  à  l'ori- 


776  LÉPIDOPTÈRES. 

gine  de  la  fissure  des  ailes  supérieures.  Les  antennes,  la  tête,  le  coi-ps 
et  les  pattes  sont  d'une  couleur  uniforme,  qui  participe  de  celle  des 
ailes.  On  voit  voler  le  papillon  en  juin,  juillet  et  août;  assez  commun 
aux  environs  de  Paris,  à  Montmorency,  à  Bondy,  au  bois  de  Boulogne 
(autrefois).  On  le  signale  aussi  d'Autriche  et  d'Angleterre.  L'espèce  de 
Ptéropliore,  qui  atteint  la  plus  grande  taille  et  qui  est  la  mieux  connue 
de  tout  le  monde  par  son  aspect  caractéristique,  est  le  P.  pentadactylus, 
Linn.,  du  sous-genre  Aciptilia,  Hûbner,  le  Ptérophore  blanc,  Geoffroy, 
la  Pentadactyle,  Devillers  ;  envergure  :  près  de  30  millimètres.  La  cou- 
leur est  partout  d'un  beau  blanc  soyeux  et  les  ailes  sont  toujours  bien 
étalées  au  repos,  sans  recouvrement  de  leurs  divisions,  de  sorte  que 
l'insecte  tranche  très  bien  sur  le  vert  des  feuilles.  Leurs  divisions  sont 
très  distinctes  et  commencent  presque  à  partir  du  corselet  ;  leurs  tiges 
ou  côtes  linéaires  et  la  forme  des  barbules  qui  les  garnissent  leur 
donnent  une  très  grande  ressemblance  avec  des  plumes  blanches.  Il  y 
a  quelques  individus  chez  lesquels  le  blanc  est  sali  à  certaines  places 
par  des  atomes  gris,  qu'il  est  difficile,  au  reste,  de  bien  apercevoir.  La 
chenille  est  d'un  vert  pâle,  avec  cinq  raies  longitudinales,  dont  une 
médiane  ou  dorsale  blanche,  deux  vertes  et  deux  d'un  jaune  d'ocre 
clair,  ces  dernières  latérales.  En  outre,  à  l'exception  du  dernier,  chaque 
anneau  porte  une  petite  élévation  surmontée  de  petits  points  saillants, 
donnant  chacun  naissance  à  autant  de  faisceaux  de  poils  bruns.  La  tète 
est  jaunâtre  et  le  dernier  anneau  vert,  l'un  et  l'autre  étant  légèrement 
velus  Elle  vit  sur  les  liserons  des  champs  et  des  haies,  et  aussi  sur  ceux 
cultivés  dans  les  jardins.  Pour  se  métamorphoser,  elle  quitte  la  plante 
qui,  d'après  sa  nature,  ne  lui  offre  plus  une  solidité  suffisante  pour  sa 
sécurité,  et  se  porte  sur  quelque  support  voisin.  La  chrysalide  est  très 
allongée,  avec  la  partie  postérieure  de  l'abdomen  arquée.  Elle  a  la 
même  couleur  du  fond  que  la  chenille,  d'un  blanc  grisâtre,  le  dos  éga- 
lement garni  de  faisceaux  de  poils;  les  taches  noires  sur  trois  lignes, 
celle  du  milieu  du  dos  presque  continue  en  arrière  ;  ces  taches  tirant 
sur  le  rougeâtre  quand  elles  se  rapprochent  de  l'abdomen.  Fettig  dit 
avoir  trouvé  souvent  cette  chrysalide  enveloppée  d'un  léger  tissu  blanc 
sur  les  feuilles  de  prunier.  Cette  suspension  accidentelle  explique  pour- 
quoi d'anciens  auteurs  ont  dit  que  la  chenille  vivait  sur  le  prunier 
domestique  et  le  prunier  sauvage.  Le  Ptérophore  blanc  est  très  com- 
mun et  paraît  répandu  dans  toute  l'Europe,  sauf  les  régions  les  plus 
septentrionales  ;  il  vole  autant  le  jour  que  le  soir.  On  le  trouve  de  mai 
à  août,  surtout  dans  le  voisinage  des  charmilles  et  des  haies,  dans  les 
champs,  les  jardins,  les  prairies  et  les  bois. 

Une  espèce  très  voisine  par  la  forme  et  la  taille,  découverte  en  An- 
gleterre, est  le  P.  spilodactylus,  Curtis,  pi.  xcviii,  fig.  8,  a.  Tête  du  papil- 
lon ayant  ses  cinq  divisions  ou  branches  très  étroites  ou  linéaires,  gar- 
nies chacune  de  ft-anges  ou  plutôt  de  barbules  qui  les  font  ressembler 
à  des  plumes.  Le  fond  de  la  couleur  est  d'un  blanc  sale.  La  première 


PTEROPHORUS.  777 

division  ou  plume  des  ailes  supérieures  est  traversée  au  milieu  par  une 
raie  brune  oblique,  et  marquée  vers  l'extrémité  de  la  frange  inférieure 
par  deux  taches  grises.  La  seconde  plume  des  mômes  ailes  offre  deux 
taches  semblables  et  placées  de  la  même  manière.  Les  trois  plumes 
des  ailes  inférieures  sont  grises  dans  le  haut  et  blanches  seulement  à 
l'extrémité.  Au  surplus,  le  blanc  domine  plus  ou  moins  sur  les  trois 
plumes,  suivant  les  individus,  qui,  sous  ce  rapport,  diffèrent  entre  eux. 
Le  dessous  ne  se  distingue  du  dessus  que  parce  que  les  taches  en  sont 
d'un  gris  moins  foncé.  Les  antennes,  la  tète  et  le  thorax  sont  d'un  gris 
roussâtre  clair;  les  pattes  et  l'abdomen  sont  blancs.  Cette  description 
convient  aux  deux  sexes.  On  trouve  le  P.  spilodactylus  aux  environs  de 
Paris,  mais  beaucoup  plus  rarement  que  le  Ptérophore  blanc,  aux 
mêmes  époques  et  dans  les  mêmes  conditions.  Cette  espèce  a  été  trou- 
vée par  M.  H.  Lucas,  en  juin,  à  Kouba,  près  d'Alger,  pareille  aux  su- 
jets d'Europe,  avec  la  bande  des  ailes  supérieures  moins  foncée.  La 
chenille  de  cette  espèce,  découverte  par  A.  Guenée,  est  cylindroïde  en 
dessus,  aplatie  en  dessous,  d'un  vert  terne  un  peu  jaunâtre,  munie  de 
quatre  séries  longitudinales  de  tubercules  qui  la  font  paraître  carénée  ; 
ce  sont,  comme  toujours,  les  trapézoïdaux  qui  sont  élevés  et  garnis  de 
verticilles  réguliers  de  poils  blancs  et  raides,  de  manière  à  donner  à  la 
clienille  un  aspect  de  lige  de  cactus;  tête  petite,  globuleuse,  d'un  vert 
pâle  et  translucide  ;  ventre  et  pattes  d'un  vert  plus  pâle  que  le  dessus 
du  corps. 

Cette  chenille  se  trouve  en  mai  sur  le  marrube  noir  {Ballota  nigra), 
à  découvert  sur  les  feuilles  qui  sont  d'aspect  cotonneux,  très  difficile 
à  apercevoir,  car  elle  se  confond  avec  ces  feuilles  par  sa  couleur  et  ses 
poils.  Elle  a  un  instinct  de  défense  imitative  incontestable.  Tant  qu'elle 
est  jeune,  elle  se  tient  sur  les  petites  feuilles  du  sommet,  beaucoup 
plus  blanches  et  plus  velues  que  les  autres;  car  ses  poils  alors  plus 
longs  et  son  corps  moins  foncé  la  font  tout  à  fait  confondre  avec  ces 
feuilles.  Parvenue  à  toute  sa  taille  et  d'une  couleur  plus  intense,  elle 
descend  sur  les  feuilles  plus  foncées  et  moins  velues,  dont  elle  est  éga- 
ment  très  difficile  à  distinguer.  Très  lente  et  paresseuse,  cette  chenille 
s'enroule  sur  elle-même  au  moindre  contact.  Vers  la  fin  de  mai,  elle 
s'attache  par  la  partie  postérieure  et  se  change,  sur  la  feuille  même,  en 
une  chrysalide  pubescente  d'un  vert  sombre,  et  garnie,  comme  la  che- 
nille, de  tubercules  verticilles,  mais  plus  petits  et  moins  fournis  de 
poils.  On  voit  en  outre  de  chaque  côté  une  série  de  lignes  obliques  d'un 
vert  noir,  et,  sur  la  partie  la  plus  élevée  de  l'enveloppe  thoracique, 
deux  petites  taches  blanches  rapprochées,  qui  ne  sont  autre  chose  que 
deux  bouquets  de  poils  laineux  et  courts  ;  l'enveloppe  des  ailes  est  un 
peu  en  relief  et  garnie  de  petits  poils  régulièrement  disposés.  Le  papil- 
lon, rare  dans  les  collections,  éclot  dans  la  première  quinzaine  de  juin 
et  ne  quitte  guère  la  plante  quia  nourri  sa  chenille;  celle-ci  s'élève 
aisément. 


i78  LÉPIDOPTÈRES. 


Tribu  des  AUJCITIMIEMS. 


Une  seconde  tribu  a  dû  ûtre  établie  parmi  les  Lépidoptères  à  ailes 
divisées  en  plumes,  tant  par  les  caractères  de  l'adulte  que  par  les 
moeurs,  l'aspect  et  la  nymphose  des  cbenilles  ;  c'est  celle  des  Aluci- 
tiniens,  pour  laquelle  on  a  conservé  le  nom  à'Alucita,  étendu  par  Lin- 
nœus  aux  deux  tribus.  Chez  les  adultes  le?  ailes  deviennent  fasciculées 
par  suite  de  la  division  presque  linéaire  de  chacune  d'elles  en  six 
plumes,  de  sorte  que  le  nombre  total  des  subdivisions  des  ailes  est  de 
vingt-quatre,  tandis  qu'il  n'est  que  de  dix  pour  les  véritables  Ptéro- 
phoriens,  deux  à  l'aile  supérieure,  trois  à  l'inférieure.  Les  chenilles, 
également  très  différentes  de  celles  de  la  tribu  précédente,  sont  nues, 
très  agiles,  vivant  à  découvert  sur  les  plantes,  se  transformant  en 
chrysalides  dans  des  cocons,  tandis  qne  les  chenilles  des  Ptéroplio- 
riens  sont  velues,  lentes,  et  se  suspendent  en  général  à  l'air  libre  pour 
la  nymphose.  Les  Alucitiniens  renferment  huit  ou  dix  espèces  euro- 
péennes, très  voisines  les  unes  des  autres.  Nous  n'en  possédons  que 
deux  bien  répandues  en  France  :  quelques  espèces  de  l'extrême  Midi 
ou  de  l'Alsace.  Pour  ces  deux  espèces  principales,  les  chenilles  vivent 
sur  diverses  espèces  de  chèvrefeuilles,  cultivées  ou  spontanées.  La  tribu 
no  renferme  qu'un  seul  genre. 

ORiVEODEfi,  Latr.,  syn.  :  Alucita,  Stephens,  Zeller.  —  Antennes  filiformes 
dans  les  deux  sexes;  tôte  grosse,  globuleuse  ;  spiritrompe  rudimentaire,  mem- 
braneuse; palpes  labiaux  seuls  visibles,  sensiblement  plus  longs  que  la  tète, 
avancés,  le  second  article  très  garni  d'écaillés,  le  dernier  presque  nu,  relevé; 
thorax  pas  plus  large  que  la  tête  ;  chacune  des  quatre  ailes  divisée  dès  son  ori- 
gine en  six  rayons  barbus,  ressemblant  parfaitement  à  des  plumes;  pattes 
moins  longues  et  moins  grêles,  toute  proportion  gardée,  que  dans  les  Ptero- 
phorus;  abdomen  court  et  assez  épais.  —  Chenilles  glabres,  à  seize  pattes,  se 
métamorphosant  dans  un  cocon  à  claire-voie. 

L'espèce  typique  des  Orneodes  est  0.  pobjdactylus,  Hiibner,  syn.  ;  Hexa- 
dactylus,  Dup.  (1838),  le  Ptérophore  en  éventail,  de  Geoffroy,  VHexadac- 
lijle,  Devillers,  pi.  xcvju,  fig.  9,  de  13  millimètres  d'envergure;  ailes 
supérieures  d'un  gris  roux,  traversées  dans  leur  largeur  par  deux 
bandes  brunes  lisérées  de  blanc,  l'une  presque  médiane  et  l'autre  peu 
distante  du  bord  terminal;  côte  marquée  de  trois  taches  brunes,  un 
petit  point  brun  entouré  de  blanc  à  l'extrémité  de  chacune  des  six 
branches;  ailes  inférieures  également  d'un  gris  roux,  mais  un  peu  plus 
clair,  coupées  transversalement  par  trois  lignes  blanches  ondulées  ou 
dentelées,  parallèles  entre  elles,  équidistantes  ;  chaque  rayon,  ressem- 


0RNE0DE3.  779 

blant  parfaitement  à  une  plume,  se  termine  par  une  tache  ocellée, 
qui,  à  la  couleur  près,  est  comme  celle  qui  orne  la  queue  du  paon, 
circonscrite  dans  sa  partie  supérieure  par  un  arc  blanc,  marquée  au 
milieu  d'une  prunelle  brune  entourée  d'un  iris  blanc  ;  tige  de  chaque 
plume  ponctuée  de  noir  dans  toute  sa  longueur;  dessous  des  quatre 
ailes  pareil  au  dessus,  avec  nuance  plus  claire  ;  antennes,  palpes, 
tête  et  corps  do  la  couleur  du  fond  des  ailes;  pattes  avec  un  reflet  blau- 
chillre  luisant. 

La  chenille  vit  sur  le  chevroreuillo  des  jardins,  dans  les  fleurs  et  les 
fruits  qu'elle  empêche  de  parvenir  à  leur  entier  développement.  Le 
papillon  pond  seulement  un  ou  deux  œufs  sur  la  jeune  fleur  de  l'ar- 
buste, ïl  en  sort  une  petite  chenille  nue,  translucide,  de  couleur  car' 
née,  Elle  s'introduit  dans  le  calice  de  la  fleur,  dont  elle  dévore  les 
parties  intérieures  encore  vertes;  cette  nourriture  épuisée,  elle  va  so 
loger  dans  une  autre  fleur  qu'elle  dévore  de  la  même  façon.  Parvenue 
h  toute  sa  faille,  elle  cherche  un  abri  pour  se  chrysalider  dans  une 
coque  soyeuse  blanche  à  claire-voie.  On  rencontre  le  papillon  dans  les 
jardins  en  mars,  avril,  puis  juin,  enfin  septembre  et  octobre.  U  hiverne 
on  grand  nombre  dans  les  habitations  rustiques.  Il  se  tient  ordinaire' 
ment  au  repos  contre  les  murs  ou  sur  les  vitres  des  fenêtres,  les  divi- 
sions de  ses  ailes  repliées  sur  elles-mêmes,  comme  les  branches  d'un 
éventail  fermé,  de  sorte  que  l'on  se  doute  peu  de  la  forme  qu'elles  ont 
quand  elles  sont  étalées. 

Une  seconde  espèce  très  voisine  de  la  précédente,  mais  moins  com- 
mune, est  0.  Huhneri,  Wallgr.,  syn.  :  Hexadactylus,  Hiibner,  Duponchel 
(18Zi2),  ne  différant  du  précédent  que  parce  qu'il  est  d'un  gris  plus  clair, 
et  que  les  raies  brunes  qui  traversent  les  ailes  supérieures  ne  se 
continuent  pas  sur  les  inférieures  et  sont  un  peu  plus  étroites.  On 
trouve  le  papillon  volant  en  mai  dans  les  prairies  et  les  clairières, 
et  aussi,  avec  l'espèce  précédente,  dans  les  combles  des  constructions 
rurales,  à  la  fin  de  la  belle  saison  et  dès  les  premiers  beaux  jours  après 
l'hiver. 

Uibiiograpbic  jiiulipicinentaii'c.  —  Camille  Jourdheuille,  Liste  des 
MicroUpidopter es  recueillis  dans  le  département  de  T Aube,  Trojcs,  1865 
(extrait  du  Congrès  scient  if  que  de  France).  —  Id.,  Calendrier  du  Microp- 
térologiste,  recherches  des  chenilles  (extrait  des  Ann.  de  la  Soc.  entom.  de 
F.,  1869-1870.  —  Id.,  Catalogue  des  Lépidopti-res  du  département  de 
Aube,  in-S",  Troyes,  1883  (extrait  des  Mém.  de  la  Soc.  académique  de 
FAube.  Ce  dernier  travail  est  fort  important  pour  les  Microlépidcptères. 


780  HÉMIPTÈRES. 


ORDRE   DES   HEMIPTERES 


GEMEnALlTRS 


L'ordre  des  Hémiptères  comprend,  avec  l'ordre  suivant  des  Diptères, 
des  insectes  suceurs  à  tous  leurs  états  de  larve,  de  nymphe  et  d'adulte. 
Cet  ordre,  dont  les  espèces  n'ont  jamais  que  des  métamorphoses  in- 
complètes, a  été  appelé  par  Fabricius  ordre  des  Rhynchotes,  qui  veut 
dire  insectes  à  bec  ou  à  rostre  de  succion,  articulé,  plus  ou  moins  droit, 
et  s'étendant  sous  la  poitrine,  non  enroulé  au  repos  et  muni  de  quatre 
soies  internes.  Ce  caractère  reste  constant,  avec  des  formes  du  corps 
très  variées  et  des  modifications  alaires  importantes.  Le  rostre  propre- 
ment dit,  ou  lèvre  inférieure,  ressemble  à  un  demi-tube  profondément 
creusé  et  composé  de  quatre  articles  au  plus,  reposant  l'un  dans  l'autre 
par  leur  extrémité  postérieure  ;  il  est  ordinairement  partagé  en  deux 
moitiés  égales,  au  côté  inférieur,  par  un  sillon  longitudinal.  A  l'in- 
térieur de  ce  tube  sont  cachées  .quatre  soies  ou  lancettes,  les  deux 
extérieures,  représentant  les  mandibules  des  broyeurs,  engainant 
deux  soies  plus  internes,  analogues  aux  mâchoires.  Ces  deux  soies  se 
séparent  bien  moins  facilement  que  les  deux  précédentes,  de  sorte  que 
certains  auteurs  n'ont  vu  que  trois  soies,  deux  latérales  et  une  centrale. 
Les  liquides  montent  entre  ces  lancettes  perforantes  bien  plus  par  ca- 
pillarité que  par  une  véritable  succion,  l'ascension  étant  aidée  par  des 
mouvements  de  ces  soies,  dus  à  des  petits  muscles  de  leur  base.  Bur- 
meister  regarde  le  premier  article  de  la  lèvre  inférieure,  ordinaire- 
ment plus  court  et  plus  large  que  les  autres,  comme  représentant  seul 
cette  lèvre,  les  autres  articles  du  rostre  seraient  alors  des  palpes  la- 
biaux; mais  il  n'y  aurait  rien  pour  tenir  place  des  palpes  maxillaires. 
Il  paraît  préférable  de  supposer  l'absence  des  palpes  des  deux  espèces, 
la  nourriture  par  une  sorte  de  succion  dans  la  profondeur  des  tissus 
animaux  ou  végétaux  rendant  inutiles  des  appareils  tactiles  ou  ramas- 
seurs  de  miettes.  A  la  base  des  organes  précédents  et  s'appliquant  en 
dessus  pour  les  protéger,  est  la  lèvre  supérieure  ou  labre,  naissant  du 
bord  antérieur  de  la  tète,  ordinairement  court  et  triangulaire,  s'éten- 
dant parfois  comme  un  fil  grêle,  strié  transversalement,  jusqu'à  l'extré- 
mité du  rostre. 

Le  caractère  alaire  de  classification,  celui  de  Linnaeus,  ne  détermine 
pas  aussi  bien  les  Rhynchotes  ou  Arthrognathes(bec  articulé,  Spinola), 


HÉMIPTÈUES.  781 

que  les  piôces  buccales.  Linnaeus  réunissait  sous  le  nom  d'Hémiptères 
les  insectes  suceurs  actuels  et  les  Orthoptères,  qu'il  séparait  des  Coléo- 
ptères par  la  consistance  moindre  des  élytres  et  qu'il  nommait  spé- 
cialement Hémiptères  à  mâchoires.  Pour  rester  dans  la  nomenclature 
usitée  en  France,  qui  nomme  les  insectes  d'après  les  ailes,  nous  con- 
serverons le  nom  d'Hémiptères,  bien  qu'il  ne  s'applique  réellement 
qu'à  une  partie  de  l'ordre.  Les  Hémiptères  ont  quatre  ailes  à  l'état 
adulte  et  des  métamorphoses  incomplètes,  sont  actifs  et  de  môme  régime 
à  leurs  trois  états,  les  larves  dépourvues  de  tout  vestige  d'ailes,  les 
nymphes  offrant  des  fourreaux  de  ces  organes.  En  outre,  parfois  le 
nombre  des  articles  des  antennes  et  leur  épaisseur  sont  moindres  à  l'état 
larvaire  qu'à  l'état  parfait.  Plusieurs  espèces  de  ces  insectes  restent 
aptères  dans  les  deux  sexes,  c'est-à-dire  à  l'état  de  larves  pourvues 
d'appareil  sexuel,  fait  que  nous  offrent  aussi  des  insectes  d'autres  ordres, 
lels  que  les  Phasmiens  demeurés  aptères,  fait  qui  se  trouve  aussi 
chez  des  vertébrés,  comme  certaines  larves  fécondes  de  Tritons  dans 
les  Batraciens  et  les  Axolotls  non  transformés,  qui  sont  des  larves- ovi- 
gères  de  l'Amblystome.  Dans  d'autres  espèces,  les  femelles  seules  sont 
aptères  ;  c'est  le  cas  que  nous  ont  offert  les  Lampyres  et  les  Pachypes 
dans  les  Coléoptères,  les  Psychés  parmi  les  Lépidoptères.  Quand  les 
quatre  ailes  existent,  elles  peuvent  être  semblables  entre  elles,  ou  bien, 
le  plus  souvent,  minces  et  membraneuses,  parcourues  principalement 
par  des  nervures  longitudinales,  plus  rarement  formées  toutes  les 
quatre  par  une  membrane  plus  résistante  et  plus  coriace.  On  a  alors  le 
sous-ordre  des  Rhynchotes  ou  Hémiptères  (nom  mal  approprié  ici)  ho- 
moptères  ;  au  contraire,  les  ailes  peuvent  être  dissemblables,  les  infé- 
rieures, en  mince  membrane,  recouvertes  au  repos  par  les  supérieures, 
dites  alors  hémi-clytres  ou  hémélijtres,  parce  qu'elles  sont  plus  fermes  et 
chitineuses,  au  moins  dans  la  majeure  partie  de  leur  région  basilaire, 
membraneuses  en  général  seulement  vers  l'extrémité.  On  a  alors  le 
sous-ordre  des  Hémiptères  (nom  convenable  ici)  héléroptères.  Nous 
placerons  ce  sous-ordre  avant  l'autre,  en  raison  d'une  organisation 
supérieure,  le  sous-ordre  des  Homoptères  ayant  des  types  très  dégra- 
dés :  Aphidiens,  Phylloxériens  et  Cocciens. 

Les  antennes  des  Hémiptères  sont,  le  plus  souvent,  bien  apparentes 
et  formées  d'articles  successifs,  sans  présenter  :toutefois  la  longueur 
exagérée  ou  les  formes  pectinées  ou  digitées  des  articles  qu'elles  ont 
dans  certaines  familles  de  Coléoptères  ou  de  Lépidoptères  ;  parfois  les 
antennes  sont  très  petites  et  comme  cachées  dans  certains  Homoptères. 
Les  antennes  sont  insérées  en  avant  de  la  tète  ou  en  dessous  des  yeux. 
Les  yeux  composés  existent  généralement  chez  les  adultes,  plus  ou 
moins  saillants  et  arrondis,  constitués  par  un  réseau  à  mailles  plus  ou 
moins  fines  ;  entre  eux  sont  souvent  des  ocelles,  à  cornée  ordinairement 
jaunâtre,  dont  le  nombre  est  habituellement  de  deux,  parfois  de  trois, 
ainsi  dans  les  Cicadiens  et  dans  beaucoup  d'Aphidiens.  La  tête  est  plus 


782  HÉMIPTtRES. 

OU  moins  enclavée  dans  le  thorax.  Celui-ci  a  ses  trois  anneaux  plus  ou 
moins  distincts.  La  région  dorsale  offre  le  prothorax  propre,  qu'on 
nommait  autrefois  le  corselet,  le  mésothorax  prenant  quelquefois  un 
dévoppement  exagéré,  en  formant  un  écusson  qui  peut  recouvrir  une 
grande  partie  de  l'abdomen,  parfois  même  la  totalité  (Scutellérides), 
enfin  le  métathorax.  Dans  la  région  slernale  ou  inférieure  du  thorax, 
si  on  suppose  l'insecte  horizontal,  nous  trouvons  deux  stigmates  de 
chaque  côté,  la  première  paire  entre  le  presternum  et  le  métasternum, 
cachée  par  le  bord  des  hanches  autérieures,  la  seconde  paire  entre  le 
mésosternum  et  le  métasternum.  Les  pattes  sont  toujours  également 
développées  et  pourvues,  le  plus  souvent,  de  trois  articles  aux  tarses, 
parfois  de  deux  seulement.  Elles  sont  généralement  conformées  pour 
la  marche.  On  trouve  parfois  aussi  des  pattes  disposées  pour  la  préhen- 
sion, ainsi  les  pattes  antérieures  ravisseuses  des  Nèpes,  Ranâtres,  Bêlas- 
tomes,  ou  bien  pour  le  saut,  dans  les  Cicadelles  à  leurs  trois  états,  dans 
les  Psylles  adultes,  enfin,  pour  la  natation,  dans  les  Hydrocorises  ou 
Punaises  d'eau.  Le  dernier  article  du  tarse  est  terminé  par  deux  cro- 
chets fins  et  aigus,  plus  ou  moins  recourbés, ayant  quelquefois  entre  eux 
une  petite  pelote  arrondie,  membraneuse,  aidant  à  l'insecle  à  se  fixer 
aux  objets  lisses  et  servant  probablement  aussi  d'organe  tactile.  L'ab- 
domen des  Hémiptères  est  ordidairement  composé  de  six,  quelquefois 
de  huit  ou  neuf  segments  chitineux;  il  y  a  deux  stigmates  abdominaux 
par  segment,  en  exceptant  le  dernier  qui  n'en  présente  pas.  Us  sont 
placés  en  dessous,  en  forme  de  petits  trous  arrondis,  très  prés  du  bord 
latéral  de  chaque  côté.  Ils  sont  très  modifiés  dans  les  Nèpes  et  les 
Ranâtres.  Le  dernier  segment  abdominal  est  reçu  et  enchâssé  à  sa 
base  dans  le  précédent;  à  sa  suite,  eu  dessous,  à  l'extrémité  de  l'ab- 
domen, sont  les  organes  sexuels  externes.  Chez  la  femelle,  les  pièces 
vulvaires  sont  ordinairement  deux  plaques,  qui  semblent  n'en  former 
qu'une  seule  fendue  longitudinalement  au  milieu  ;  quelquefois  il  y  a 
quatre  plaques,  cinq  ou  même  sept.  Le  mâle  présente  une  seule  pièce, 
nommée  plaque  anale,  non  fendue  longitudinalement  et  ordinairement 
bombée.  La  femelle  a  quelquefois  une  tarière  ou  oviscapte,  plus  ou 
moins  développée,  sortant  entre  les  deux  plaques  vulvaires  par  la  fente 
longitudinale  qu'on  aperçoit  entre  elles.  Elle  sert  à  l'Insecte  à  percer 
le  parenchyme  des  plantes,  ou  même  la  surface  de  la  terre,  afin  d'y 
déposer  ses  œufs.  L.  Dufour  dit  à  ce  sujet  que  le  nombre  des  plaques 
vulvaires  diminue  à  mesure  que  l'oviscapte  se  perfectionne.  Ainsi  il  est 
de  sept  à  huit  dans  les  Hémiptères  à.  long  écusson  qui  n'ont  aucune 
trace  de  tarière;  chez  d'autres,  où  l'on  trouve  un  petit  oviscapte  caché, 
le  nombre  des  plaques  est  réduit  à  quatre  ;  enfin,  dans  certains  Hété •■ 
roptères  et  dans  les  Homoptères  en  général,  où  cet  instrument  a  acquis 
son  entier  développement,  il  n'y  a  que  deux  panneaux  de  la  vulve  ou 
plaques  vulvaires. 
Comme  l'a  reconnu  L.  Dufour,  l'anatomie  interne  des  Hémiptères 


HÉMIPTÈRES.  783 

est  plus  simple  que  celle  des  Broyeurs,  Coléoptères  ou  Orthoptères. 
Nous  renvoyons  à  son  ouvrage  :  Recherches  anatomiques  et  philosophiques 
sur  les  Hémiptères,  accompagnées  de  considérations  relatives  à  l'histuire 
naturelle  et  à  la  classification  des  Insectes.  Paris,  1833. 

Les  Hémiptères  vivent  du  suc  des  plantes,  dans  lesquelles  ils  enfoncent 
leur  rostre,  et,  en  moins  grand  nombre,  du  sang  d'animaux  variés 
piqués  par  le  rostre.  A  leur  naissance,  c'est-à-dire  au  sortir  de  l'œuf, 
ils  ont  la  forme  qu'ils  garderont  toute  leur  vie,  sauf  la  présence  des 
ailes  qui  manquent  totalement.  Los  antennes  sont  aussi  plus  grêles  et 
d'un  moindre  nombre  d'articles,  le  rostre  et  les  tarses  n'ont  pas  une 
forme  aussi  déterminée  que  chez  l'adulte,  et  le  nombre  des  articles  de 
ceux-ci  peut  être  moindre  ;  les  ocelles  peuvent  manquer  et  les  yeux  ne 
pas  présenter  un  réseau  aussi  complet  que  chez  l'adulte.  Après  deux, 
trois  ou  quatre  mues,  l'Insecte  paraît  avoir  de  courts  fourreaux  ou 
moignons  dans  lesquels  les  ailes  sont  renfermées  et  repliées.  Après  une 
dernière  mue,  ordinairement  la  cinquième,  la  nymphe  devient  adulte 
en  acquérant,  sauf  les  arrêts  de  développement,  quatre  ailes  com- 
plètes. Dès  lors,  quoique  l'Hémiptère  continue  à  manger  dans  ce  der- 
nier état,  comme  dans  les  deux  précédents,  l'accroissement  s'arrête. 
Souvent  il  n'y  a  pas  passage  brusque  entre  la  larve  et  la  nymphe,  et 
les  premiers  rudiments  d'ailes  commencent  à  paraître  dès  le  second 
ùge  ou  après  la  première  mue;  il  y  a  alors  des  transitions  insensibles, 
comme  chez  beaucoup  de  Névroptères  amphibiotiques.  Libellules, 
Éphémères,  Perles,  ÎNémoures.  Par  une  sorte  d'exception  plus  apparente 
que  réelle  à  l'activité  dans  tous  les  états,  on  voit  dans  les  Cocciens  et 
dans  certains  Psylliens  la  nymphe  demeurer  immobile  sous  un  enduit 
cotonneux;  mais,  comme  l'a  remarqué  Amyot,  si  l'on  vient  à  déranger 
cette  nymphe,  en  la  dépouillant  de  ses  filaments  cireux,  elle  se  met  à 
marcher,  comme  le  ferait  la  nymphe  de  tout  autre  Hémiptère  ;  elle 
n'a  donc  pas  acquis  réellement  un  état  pareil  à  celui  d'une  chrysalide 
ou  d'une  pupe. 

On  connaît  environ  douze  mille  espèces  d'Hémiptères,  réparties  sur 
toutes  les  régions  du  globe,  et  ce  chiffre  est  bien  au-dessous  de  la  réalité, 
car  il  y  a  encore  beaucoup  d'espèces  exotiques  à  rechercher  et  à  décrire. 
On  a  constaté  des  traces  d'Hémiptères  dans  les  formations  jurassiques, 
principalement  des  types  aquatiques,  Naucores,  Bélostomes,  Nèpes  ;  les 
terrains  tertiaires  et  le  succin  nous  offrent  des  espèces  de  cet  ordre 
plus  nombreuses  et  plus  variées. 

iBibiiographic.  —  Nous  croyons  bon  d'indiquer  dès  à  présent  quel^ 
ques  ouvrages  généraux  utiles  à  consulter,  comprenant  les  Hémip- 
tères des  deux  sous-ordres  Hétéroptères  et  Homoptères.  JNous  avons 
choisi  des  ouvrages  récents  ei  en  petit  nombre;  ils  contiennent  des 
indications  bibliographiques  plus  anciennes  qui  peuvent  avoir  de  la 
valeur  pour  les  étudiants  et  les  amateurs;  cela  nous  permet  d'abré- 


78/4  HÉMIPTÈRES. 

ger  beaucoup  les  citations  :  Amyot  et  Audinet-Serville,  Histoire  na- 
turelle des  Insectes,  Hémiptères,  i  vol.  in-S",  avec  planches  colo- 
riées. Paris,  Roret,  1863.  —  E.  Blanchard,  Histoire  natur.  des  Insectes, 
Hémiptères,  t.  III,  p.  85.  Paris,  Duménil,  1861.  —  Amyot,  Entomologie 
française,  Rhynchotes,  méthode  mononymique,  i  vol.  in-8°,  avec  pi. 
Paris,  J.-B.  Baillière,  1848.  —  Kirschbaum,  Rhynchoten  der  Umgebung 
von  Wiesbaden,  1856.  — Fieber,  die  Europaïschen  Hemiptera.  Wien,  1861. 

—  Douglas  and  Scott,  the  British  Hemiptera.  London,  1865.  —  D"^  A.  Puton, 
Catalogue  des  Hémiptères  d'Europe,  1^  éd.,  1875.  Remiremont,  Vosges 
(chez  l'auteur).  —  Reiber  et  D"^  A.  Puton,  Catalogue  des  Hémiptères  de 
l'Alsace  et  de  la  Lorraine,  1876  et  1880  (extrait  du  Bulletin  de  la  Soc. 
d'hist.  naturelle  de  Calmar).  —  Brehm,  les  Insectes,  édit.  française,  par 
J.  Kùnckel  d'Herculais,  p.  667  et  suiv.  Paris,  1883,  J.  B.  Baillière  et  fils, 

—  Flor,  die  Rhynchoten  Livlands  in  systematischen  Fodge  beschrieben  II, 
i  Archiv.  fur  Naturkunde  Liv.,  Ehst  und  Kurlands ;  ser.  ii,  band  IV. 
Dorpat,  1861.  —  Stal,  Hemiptera  Fabriciana,  Heteroptera.  Stockholm, 
1868,  in-6".  Ces  ouvrages  reprennent  toutes  les  espèces  d'Hémiptères 
publiées  par  Fabricius,  et  en  donnent  des  diagnoses  exactes  et  précises. 
Ib.,  Nya  Svenska  Homoptera,  i  Ofversight  afKongl.:  yetenskaps-Aka.- 
demiens.  Fôrhandlingar,X,1853.  Stockholm,  1856-  —  Ib.,  Nya  Swenska 
Hemiptera  i  Of  XV,  1858.  Stockholm,  1859.  —  Id.,  Hemiptera  A  fricana, 
in-8'',  Stockholm,  1866,  1865.  —  John  Sahlberg,  Hemiptera,  samlade  i 
Tornea  Lappmark  ar  1867,  pa  samma  stulle.  Helsingfors.  —  Buchanan 
White,  Contributions  to  a  Knowledge  of  the  Hemipterous  fauna  of  î'  //e- 
lena,  and  spéculations  on  its  origin  (une  planche), from  the  procee  dings 
of  the  zoological  Society  of  London,  May  7,  1878.  —  Lethierry,  Cata- 
logue des  Hémiptères  du  département  du  Nord,  in-8',  avec  deux  pi., 
2^  cdit.  Lille,  1876  (comprenant  les  Aphidiens  et  les  Cocciens). 


SoUS-ORDRE  DES   HÉMIPTÈRES   IIÉTÉROPTÉRES 


Geoffroy,  le  premier,  faisant  un  ordre  à  part  des  Orthoptères,  restrei- 
gnit le  nom  d'Hémiptères  de  Linnœus  aux  seuls  Insectes  à  rostre  et  à 
métamorphoses  incomplètes.  Latreille  les  sépara  en  deux  sous-ordres  : 
Hétéroptères  et  Homoptères.  Les  premiers  ont  pour  caractères  princi- 
paux le  rostre  naissant  du  front,  le  prothorax  beaucoup  plus  grand  que 
les  deux  autres  segments  du  thorax,  les  ailes  supérieures  ou  hémé- 
lytres  coriaces  dans  leur  région  antérieure  ou  basilaire,  membraneuses 
dans  le  reste  de  leur  étendue  ou  leur  région  postérieure  ou  terminale  ; 
les  ailes  inférieures,  qui  manquent  quelquefois,  sont  entièrement  mem- 
braneuses. Ces  Insectes  portent  le  nom  vulgaire  de  Punaises,  d'après  la 
mauvaise  odeur  que  répandent  les  espèces  de  certains  genres,  notam- 


HÉMIPÏÈRIiS.  785 

ment  la  punaise  des  lits,  qui  s'alimente  du  sang  de  l'homme  et  de  plu- 
sieurs animaux,  et  diverses  Punaises  des  jardins  et  des  vergers,  se  nour- 
rissant de  sucs  des  feuilles,  des  jeunes  tiges  et  des  fruits.  La  partie 
coriace  des  Hémélylres  se  nomme  corie,  et  la  région  apicale  membrane, 
d'après  sa  consistance.  La  corie  offre  ordinairement  quelques  nervures 
longitudinales,  avec  une  pièce  en  forme  d'appendice,  placée  à  la  base 
interne,  séparée  du  reste,  ou  champ  principal  de  la  corie,  par  un  sillon 
oblique  qui  part  de  l'angle  humerai  et  va  se  diriger  vers  le  point  basi- 
laire  interne  de  la  membrane.  Cette  espèce  de  marge  interne,  nommée 
davus  par  Fieber,  ordinairement  en  forme  de  trapèze,  ou  en  triangle 
allongé,  et  plus  ou  moins  développée  selon  les  difi'érentes  espèces,  tend 
à  former  un  pli  avec  le  champ  de  la  corie,  et  paraît  être  généralement 
mobile  dans  l'insecte  vivant.  La  membrane  ofire  aussi  des  nervures 
tic  forme  diverse,  dont  la  disposition  particulière  sert  à  caractériser 
certaines  tribus  ou  subdivisions  méthodiques. 

Les  Hétéroptères  ont  seuls,  et  principalement  parmi  eux  les  Pentato- 
miens,  la  faculté  d'exhaler  ces  odeurs  désagréables,  parfois  même 
repoussantes,  qui  sont  indiquées  par  le  nom  même  de  Punaise.  La  sé- 
crétion de  l'organe  odorifique  est  volontaire  et  n'a  lieu  que  lorsque 
l'animal  est  irrité  ou  menacé  de  quelque  danger.  Si  l'on  s'approche 
assez  de  la  Pentatome  grise  {Rhaphigaster  griseus,  Fabr.),  pour  la  flairer 
sans  en  être  aperçu,  on  ne  sent  aucune  mauvaise  odeur.  «  Saisissez 
avec  une  pince,  écrit  Léon  Dufour,  la  Pentatome  en  question,  et  plon- 
gez-la dans  un  verre  rempli  d'eau  claire  ;  armez  votre  œil  de  la  loupe, 
et  vous  verrez  s'élever  de  son  corps  d'innombrables  petites  bulles  qui, 
en  venant  crever  à  la  surface,  exhalent  à  l'instant  cette  effluve  qui 
affecte  si  désagréablement  l'odorat.  Cette  vapeur  essentiellement  Acre 
exerce  sur  les  yeux,  quand  elle  les  atteint,  une  action  irritante  très 
prononcée.  Lorsqu'on  tient  entre  les  doigls  un  de  ces  Insectes  vivants, 
de  manière  à  ne  point  boucher  les  orifices  odorifères  et  à  diriger  vers 
un  point  déterminé  de  la  peau  les  fusées  de  cette  vapeur,  on  voit  qu'il 
en  résulte  une  tache  ou  brunStre  ou  rutilante  que  les  lotions  répétées 
n'enlèvent  pas  d'abord,  et  qui  produit  dans  le  tissu  cutané  une  altéra- 
tion analogue  ;i  celle  qui  succède  à  l'application  d'un  acide  minéral.  » 
L'organe  odorifique  consiste  en  une  bourse  assez  grande,  rarement 
deux,  placée  dans  l'intérieur  et  à  la  base  de  l'abdomen,  immédiatement 
au-dessous  des  viscères  digestifs,  et  couchée  sur  la  paroi  ventrale  de 
cette  cavité.  Elle  est  d'une  forme  ovalaire  ou  arrondie,  d'un  tissu  en 
apparence  membraneux,  d'une  couleur  jaune  orangée  le  plus  souvent. 
Cette  bourse  est  logée  en  entier  dans  la  cavité  abdominale  chez 
l'adulte,  mais  les  deux  orifices  de  sortie  de  ia  sécrétion  appartiennent  à 
la  région  du  thorax,  de  chaque  côté  de  la  paroi  externe  du  métaster- 
num,  entre  l'insertion  des  pattes  intermédiaires  et  celle  des  pattes 
postérieures.  On  découvre  de  chaque  côté  de  cette  région  un  pore,  bien 
distinct  des  stigmates,  pratiqué  sur  une  éminence. 

GIRARD.  'Il-  —  50 


786  HÉMIPTÈRES. 

Chez  les  mêmes  Hémiptères  à  l'état  de  larves  ou  de  nymphes  cet 
organe  n'existe  pas,  et  cependant  ces  Insectes  émettent,  comme  les 
adultes,  l'odeur  caractéristique  dite  de  Punaise.  M.  J.  Kvinckel  d'Hercu- 
lais  {Recherches  sur  les  organes  de  sécrétion  des  Hémiptères,  in  Compt.  rend. 
Acad.  des  sciences,  1867)  a  reconnu  qu'elle  a  son  siège  d'ans  un  organe 
dont  la  position  est  tout  à  fait  ditîérente  de  celle  qu'elle  aura  à  l'âge 
adulte.  Depuis  la  naissance  jusqu'au  moment  de  la  dernière  transfor- 
mation, cà  la  partie  supérieure  de  l'abdomen,  au-dessous  du  tégument, 
se  trouvent  deux  glandes  présentant  les  mêmes  caractères  et  ayant  la 
même  fonction  que  la  glande  inférieure  des  adultes.  Deux  scutelles 
indiquent  sur  les  arceaux  de  la  région  dorsale  la  présence  de  ces 
glandes;  chacune  de  ces  scutelles  offre  deux  ostioles  servant  à  l'éjacu- 
lation  du  liquide  odorant.  Jusqu'à  la  dernière  mue,  l'appareil  odorifique 
est  donc  une  dépendance  de  la  région  supérieure  ;  après  la  dernière 
mue,  il  devient,  au  contraire,  une  dépendance  de  la  région  ventrale. 
En  effet,  l'écusson,  les  hémélytres  et  les  ailes  venant  couvrir  les  ar- 
ceaux supérieurs  de  l'abdomen  mettraient  obstacle  à  l'accomplissement 
de  la  fonction  de  l'organe.  Dans  les  derniers  moments  qui  précèdent  la 
mue  ultime,  les  glandes  de  la  larve  s'atrophient  peu  à  peu,  et  l'organe 
destiné  à  les  remplacer  commence  à  se  former  à  la  partie  inférieure  du 
corps;  il  y  a  là  quelque  chose  qui  rappelle  ces  poumons,  tout  à  fait 
rudimentaires  chez  la  larve,  qui  se  développent  dans  le  Batracien 
adulte,  tandis  que  les  branchies  de  la  larve  se  flétrissent  peu  à  peu  et 
disparaissent.  C'est  d'ailleurs  un  petit  sachet  opalin,  translucide,  encore 
dépourvu  de  sa  couleur  rouge  et  de  son  enveloppe  chitineuse  ;  mais  il 
prend  ses  caractères  définitifs  en  peu  de  jours.  Le  nouvel  organe  sem- 
blable au  premier  par  tous  ses  caractères,  identique  môme  dans  sa 
composition  histologique,  doit  occuper,  dans  tous  les  cas,  une  situation 
telle  qu'il  serve  efficacement  à  l'objet  auquel  le  destine  la  nature, 
c'est-à-dire  à  donner  un  moyen  de  défense  à  [l'animal  qui  en  est 
pourvu. 

Toutes  les  Punaises  n'exhalent  pas  la  même  odeur,  et  il  y  a  quel- 
ques espèces  où  l'on  ne  constate  aucune  odeur,  bien  que  l'appareil  pro- 
ducteur existe  à  sa  place  accoutumée.  Ainsi  VEurijfiaster  maurus, Linn., 
ne  dégage  une  odeur  sensible  que  lorsqu'on  l'irrite  fortement  ou  qu'on 
le  blesse;  le  Strachia  ornata,  Linn.,ne  donne  absolument  aucune  odeur 
appréciable,  quoi  qu'on  fasse  pour  l'exciter  et  bien  que  l'Insecte  soit 
muni  de  l'appareil  odorifique;  de  même  pas  d'odeur  chez  cette  espèce 
si  commune  dans  les  jardins  et  sur  les  tilleuls  et  ormes  des  avenues,  la 
Lygée  aptère  ou  Pyrrhocoris  apterus,  Linr..  Un  Capsien  que  Serville  et 
Lepelelier  Saint-Fargeau  nomment  Miris  Carceli  {Encxjcl.  méth.),  exhale, 
dit  L.  Dufour,  une  odeur  de  jacinthe.  11  le  prenait  fréquemment  dans 
les  prés  et  jardins  à  Saint-Sever  (Landes);  la  bourse  odorifique  est  piri- 
forme  et  d'un  jaune  vif.  Une  autre  espèce  qu'il  nomme  Capsus  tricolor 
rappelle  l'odeur  des  feuilles  du  groseillier  noir;  le  Phymata  crassipes, 


HÉMIPTÈRES.  787 

Fabr.,  n'a  pas  d'odeur.  Dans  les  Punaises  d'eau,  l'odeur  des  Naucores  a 
quelque  chose  d'àcrc,  et  l'odeur  des  Corises  rappelle  celle  des  Penta- 
tomes.  Les  Notonecles  émettent  une  émanation  anale  analogue  à  celle 
des  grands  Dytiques,  mais  plus  faible.  L.  Dufour  n'a  trouvé  en  elles 
aucun  vestige  d'organe  odorifique,  et  croit  que  l'odeur  fétide  qu'il  a 
remarquée  vient  d'un  appareil  des  sécrétions  excrémentitielles. 

Nous  avons  vu  que  chez  les  Orthoptères,  insectes  à  métamorphoses 
incomplètes  ainsi  que  les  Hémiptères,  il  y  a  dans  certaines  espèces, 
notamment  chez  les  Stenobothrus,  Pezotettix,  et  surtout  Tettix  un  véri- 
table dimorphisme  et  même  polymorphisme,  en  ce  qu'il  y  a  des  exem- 
plaires entièrement  privés  d'ailes,  d'autres  à  ailes  très  courtes,  certains 
au  contraire  à  système  alaire  bien  développé.  Des  faits  analogues  se 
présentent  chez  les  Hémiptères  hétéroptères  surtout,  où  certaines 
espèces  peuvent  apparaître  sous  trois  formes  :  macroptère,  intermédiaire 
et  brachyptère  ;  les  formes  brachyplères  ont  été  souvent  regardées  comme 
des  nymphes,  exceptionnellement  pourvues  des  organes  reproducteurs 
et  pouvant  accomplir  la  copulation,  ainsi  Fieber  dans  son  ouvrage  Dî'e 
Europaïschen  Hcmiptera.  Souvent  on  a  fait  des  espèces  distinctes  et  même 
des  genres  séparés  avec  les  formes  brachyptère  et  macroptère  d'une 
même  espèce.  Ces  faits  de  dimorphisme  ont  été  reconnus  par  MM.  Kirsch- 
baum  {fihyncholen  Wiesbaden,  1855),  Flor  (Die  Rhynchoten  Livland)  et 
Sahlberg  dans  divers  mémoires  sur  des  insectes  de  Scandinavie  et  de 
Finlande.  M.  Reuter,  qui  a  repris  l'étude  de  cette  question  iPolymur^ 
phisme  des  Hémiptères,  Ann.  Soc.  entoin.  de  France,  1875,  p.  225),  ne  croit 
pas  que  les  formes  brachyplères  soient  nécessairement  liées  à  l'in- 
fluence d'un  climat  plus  froid,  car  il  y  a  de  ces  formes  chez  des  Hémi- 
ptères tropicaux,  quoique  le  climat  puisse  toutefois  en  produire  qui  se 
transmettront  par  sélection  héréditaire.  Il  pense  que  la  forme  brachy- 
ptère est  plus  fréquente  chez  les  espèces  à  pattes  élargies  et  épaisses, 
destinées  à  courir  vite  ou  à  sauter,  ainsi  chez  des  Capsiens  et  des  An- 
thocoriens.  Dans  beaucoup  de  cas  la  femelle  seule  est  dimorphe,  le 
mâle,  qui  a  besoin  d'ailes  bien  développées,  gardant  toujours  la  forme 
macroptère.  M.  Reuter  fait  la  remarque  que  le  dimorphisme  alaire  se 
trouve  surtout  sur  des  espèces  habitant  sur  les  herbes  ou  près  des 
racines,  et  qu'aucune  espèce  dimorphe  n'habite  sur  les  arbres  et  sur  les 
arbustes,  qui  exigent  des  espèces  volant  bien.  Parfois  la  forme  brachy- 
ptère est  évidemment  liée  à  la  station  vitale  de  l'Hémiptère,  par  ur.e 
sorte  d'imitation  ou  mimétisme,  comme  cela  est  oflert  par  des  espèces 
vivant  au  milieu  des  Fourmis  ;  enfin,  parmi  les  nombreux  Orthoptères 
et  Hémiptères  fossiles,  on  n'a  pas  trouvé  d'espèces  à  dimorphisme  alaire. 
11  regarde  la  forme  macroptère  comme  la  forme  primitive,  les  formes 
brachyptères  s'étant  constituées  par  sélection  naturelle  à  des  époques 
plus  avancées^,  sous  l'action  réitérée  d'influences  diverses.  En  laissant 
de  côté  toute  doctrine  de  transformisme,  qui  doit  être  écartée  des 
ouvrages  élémentaires,  nous  rappellerons  les  formes  brachyptères  si 


788  IIÉMIPTÈRLS. 

communes  chez  nous  de  la  Punaise  des  lits  et  de  la  I.ygée  aptère, 
espèces  qui  peuvent  toutefois  très  rarement  acquérir  des  ailes  com- 
plètes. 

Certains  auteurs  ont  cherché  à  diviser  en  deux  groupes  les  Hémi- 
ptères hétéroptères  selon  leui-  régime  carnassier  ou  phytophage;  ce  qui 
rend  cette  division  impossible  c'est  le  régime  mixte  de  beaucoup 
d'espèce,  ainsi,  par  exemple,  la  Lygée  aptère  que  nous  venons  de  citer 
que  l'on  voit  enfoncer  son  rostre  dans  des  insectes  morts,  des  détri- 
tus ou  des  végétaux  vivants.  La  meilleure  division  est  celle  qui  résulte 
du  mode  général  de  station.  Certains  de  ces  Hémiptères  vivent  à  l'air 
libre  et  forment  les  Punaises  de  terre  ou  Géocorises,  de  l'ancien  genre 
Cimex  de  Linnœus,  nommées  aussi  Gymnocères  à  cause  de  leurs  an- 
tennes découvertes,  ayant  en  général  une  longueur  égale  à  la  moitié  du 
corps,  quelquefois  plus  longues  que  lui.  Les  autres  sont  les  Hydroco- 
rises  ou  Punaises  d'eau,  passant  la  plus  grande  partie  de  leur  vie  dans 
l'eau,  respirant  cependant  l'air  extérieur  au  moyen  de  divers  mécanis- 
mes. On  les  appelle  encore  Cryptocères,  parce  que  leurs  antennes  sont 
très  petites  et  cachées;  ce  caractère  forme  un  passage  naturel  avec  le 
sous-ordre  des  Homoptères  présentant  aussi  de  très  petites  antennes. 
Nous  laissons  dans  les  Géocorises  des  Punaises  qui  vivent  à  la  surface 
de  l'eau  oii  elles  courent  (Hydromètre,  Gerris,  Vélie,  etc.),  mais  ne  s'en- 
foncent pas  dans  son  intérieur. 


Thibu    des    PEUTATOlîIliW*. 


Le  nom  de  cette  tribu  vient  de  ce  que  la  plupart  des  espèces  ont  cinq 
articles  aux  antennes,  surtout  pour  les  espèces  d'Europe,  ces  antennes 
n'atteignent  pas  la  longueur  du  corps.  Le  nombre  d'articles  peut  être 
parfois  moindre,  se  réduisant  à  trois;  d'après  Burmeister  le  nombre 
véritable  paraît  être  de  huit  articles,  en  tenant  compte  de  petits  ar- 
ticles rudimentaires  placés  entre  les  autres.  On  peut  encore  appeler  ces 
insectes  Punaises  à  bouclier  (Scutati),  parce  que  leur  écusson  dépasse 
au  moins  la  moitié  de  l'abdomen  et  parfois  le  recouvre  entièrement. 
La  tête  est  triangulaire,  enfoncée  dans  le  prothorax,  au  moins  jusqu'au 
niveau  des  yeux,  présentant  l'insertion  des  antennes  sous  un  rebord 
latéral  de  la  tète,  offrant  constamment  des  ocelles.  La  surface  supé- 
rieure et  antérieure  présente  deux  sillons  longitudinaux  qui  limitent 
trois  lobes  distincts,  dont  l'intermédiaire,  le  plus  étroit,  ressemble 
ordinairement  aune  carène  plus  ou  moins  saillante.  Le  labre  ou  gaine 
du  rostre  est  tin,  très  long  et  strié  en  travers;  il  est  formé  de  quatre 
articles  dont  le  premier  est  ordinairement  le  plus  long.  Le  corps,  dans 
son  ensemble,  affecte  un  contour  elliptique  ou  en  forme  de  panonceau, 
en  raison  des  saillies   latérales  du  prolhorax,   irrégulièrement  hexa- 


PENTAT0MIIÎN5.  789 

gonal.  Le  mésolhorax,  toujours  très  grand,  présente  sur  les  côtés, 
entre  la  seconde  et  la  troisième  patte,  auprès  du  stigmate  aérien, 
un  grand  pli  frangé,  qui  correspond  à  l'orifice  de  la  glande  odo- 
rante. Le  dos  du  mésothorax  est  entièrement  recouvert  par  le  prédor- 
sum  et  celui  de  métatliorax  par  l'écusson.  Les  hémélytres  sont, 
en  général,  plus  longues  mais  plus  étroites  que  les  ailes.  Les  hémé- 
lytres et  les  ailes  ne  manquent  jamais  dans  l'adulte.  La  corie  des 
hémélytes  ofVre  quelques  nervures  saillantes,  mais  en  moins  grand 
nombre  que  la  membrane;  dans  les  espèces  qui  portent  un  écusson 
très  grand,  comme  les  Scutellères,  la  corie  est  limitée  au  bord  anté- 
rieur des  hémélytres  demeuré  libre.  La  membrane  offre  un  plus  grand 
nombre  de  nervures  que  la  corie,  ces  nervures,  le  plus  souvent  longitu- 
dinales, formant  quelquefois  des  cellules  plus  ou  moins  irrégulières.  Les 
pattes  sont  assez  courtes,  sans  marques  spéciales,  ayant  les  jambes  en 
général  fines  et  prismatiques,  avec  un  profond  sillon  au  côté  externe. 
Les  tarses  sont,  à  l'ordinaire,  de  trois  articles,  dont  le  premier,  grand 
et  fort,  muni  d'une  brosse  soyeuse  en  dessous,  le  second  habituellement 
le  plus  petit,  le  troisième  terminé  par  deux  crochets  comprimés  à  leur 
base  et  légèrement  courbés,  avec  une  petite  pelote  membraneuse  de 
forme  quadrangulaire  entre  eux.  L'abdomen  est  formé  de  six  grands  an- 
neaux, auxquels  s'en  ajoute  un  septième  représenté  par  l'organe  sexuel 
inséré  dans  une  échancrure  du  sixième  anneau.  La  face  dorsale  aplatie 
de  cet  abdomen  tranche  nettement  sur  sa  face  ventrale  bombée,  pour- 
vue parfois  d'une  rainure  longitudinale  médiane  et  parfois  d'une  carène 
tranchante.  Cette  carène,  prolongée  à  partir  du  second  segment  jusque 
contre  le  thorax,  dépasse  le  premier  segment,  et  son  extrémité  en  forme 
de  dague  atteint  souvent  le  bord  postérieur  de  la  patte  thoracique 
antérieure.  Sur  chaque  arceau  ventral,  à  peu  de  distance  des  bords 
latéraux,  on  trouve  de  chaque  côté  un  stigmate;  sur  le  premier  seg- 
ment seulement  il  est  parfois  dissimulé  dans  la  membrane  interannu- 
laire, sur  le  septième  il  disparaît  souvent  complètement.  Cet  anneau 
présente  les  différences  sexuelles  externes,  chez  la  femelle  une  fente 
longitudinale,  chez  le  mâle  une  valve  formant  le  fourreau  de  la  verge  et 
terminée  en  haut  et  en  arrière  par  un  crochet  incurvé. 

Dans  l'accouplement,  le  mâle  se  place  d'abord  sur  le  dos  de  la  femelle, 
puis  il  approche  le  bout  de  son  abdomen  de  l'extrémité  du  sien,  la 
saisissant  dans  cette  partie  à  l'aide  des  deux  crochets  copulateurs  qu'il 
fait  saillir,  en  même  temps  qu'il  introduit  son  pénis  dans  la  vulve 
ouverte  pour  le  recevoir.  Comme  en  général  les  pattes  sont  trop  courtes 
pour  que  le  mâle  puisse  se  tenir  longtemps  cramponné  sur  la  femelle, 
on  voit  bientôt  les  deux  insectes,  les  têtes  opposées,  se  tenant  bout  à 
bout  par  l'extrémité  de  l'abdomen  ;  dans  cet  état,  c'est  toujours  la 
femelle  qui  entraîne  le  mâle,  en  le  forçant  à  marcher  à  reculons,  parce 
qu'elle  est  plus  grosse  et  plus  forte  que  lui.  La  femelle  prête  à  pondre 
se  pose  sur  une  feuille  et  laisse  tomber  ses  œufs  un  à  un,  en  les  dispo- 


790  HÉMIPTÈRES. 

sant  d'une  manière  symétrique  sur  plusieurs  rangées  transversales. 
Ces  œufs,  au  nombre  d'une  vingtaine  et  plus,  sont  fixés  par  une  de 
leurs  extrémités,  à  l'aide  de  la  glu  qui  les  enveloppe.  Leur  forme, 
variable  d'une  espèce  à  l'autre,  est,  en  général,  ovalaire  ou  cylindrique, 
avec  les  deux  bouts  aplatis.  Ils  sont  lisses,  de  couleurs  diverses,  le  plus 
ordinairement  blanchâtres,  parfois  velus,  parfois  épineux  ou  ornés  de 
dessins  à  réseaux.  Leur  extrémité  libre  est  fermée  par  un  petit  opercule 
en  forme  de  calotte,  garni  presque  toujours  d'une  sorte  de  bourrelet, 
soit  continu,  soit  composé  de  petits  tubercules.  Quand  la  larve  veut  en 
sortir,  elle  n'a  qu'à  soulever  cet  opercule,  qui  reste  attaché,  comme 
par  une  charnière,  au  corps  de  l'œuf.  Les  larves,  presque  arrondies  au 
début  de  leur  vie,  croissent  en  effectuant  plusieurs  mues,  et  changent 
ainsi  graduellement  de  forme  et  de  coloration.  Dans  le  cours  de  l'été 
et  de  la  première  partie  de  l'automne,  elles  atteignent  leur  taille  défi' 
nitive.  Leur  existence  était  primitivement  indolente;  mais,  sous  les 
rayons  vivifiants  du  soleil  et  avec  le  développement  des  ailes,  elle  peut 
devenir  aussi  active  qu'elle  était  naguère  paresseuse.  Si  quelques 
espèces  continuent  à  vivre  cachées  à  l'état  adulte,  la  plupart  se  mon- 
trent alors  ouvertement,  attirant  parfois  les  regards  en  raison  de  leurs 
couleurs  tranchantes  et  bariolées  et  de  leur  taille;  elles  voltigent  au 
soleil  en  produisant  un  bourdonnement  sonore.  Les  adultes  passent 
l'hiver  sous  les  écorces  et  les  feuilles  sèches. 

Beaucoup  de  Pentatomiens  sont  remarquables  par  l'odeur  qu'ils 
exhalent  volontairement;  d'après  Brullé,  les  grandes  espèces  qu'on 
trouve  dans  les  régions  brûlantes  du  globe  ne  sont  pas  odorantes  en 
proportion  de  leur  taille.  Au  lieu  de  fuir  quand  on  les  approche,  ces 
Insectes  s'agitent  et  se  bornent  à  répandre  leur  odeur  désagréable 
comme  moyen  défensif.  Ils  vivent,  en  général,  sur  les  plantes  basses, 
parfois  sur  les  feuilles  des  arbustes  ou  sur  les  aiguilles  des  Conifères, 
sur  les  buissons  qui  offrent  à  leur  gourmandise  des  rameaux  et  des  baies 
savoureuses;  c'est  là  où  vivent  surtout  les  plus  grandes  espèces,  d'une 
couleur  généralement  verdàtre.  La  plupart  prennent  une  nourriture 
de  sève  ou  de  sucs  végétaux,  et  enfonçant  leur  rostre  dans  les  feuilles 
ou  dans  les  jeunes  tiges,  parfois  dans  les  fruits;  dans  quelques  cas  le 
régime  devient  animal,  le  rostre  piquant  des  larves  ou  des  chenilles. 

Lamarck,  puis  Latreille,  ont  divisé  cette  tribu  en  deux  types  fonda- 
mentaux, les  Scutellères  dont  l'écusson  atteint  l'extrémité  de  l'abdo- 
men, en  couvrant  tout  ou  partie  de  la  base  coriace  des  hémélytres, 
tandis  que  l'écusson  simplement  conique  dans  les  Pentatomes  propres 
n'atteint  pas  cette  extrémité  et  laisse  à  découvert  les  bases  des  cories. 
Ce  sont  les  Orbiscutes  et  les  Coniscutes  d'Amyot. 

Dans  les  Scutellères  proprement  dites  les  antennes  ont  toujours  cinq 
articles,  la  longueur  du  second  article  étant  toujours  beaucoup  plus 
petite,  trois  fois  au  moins  que  celle  du  troisième.  Le  lobe  médian  fron- 
tal dépasse  toujours  un  peu  les  lobes  latéraux;  l'écusson  recouvre  tout 


SCUTELLERA.  791 

l'abdomen,  sauf  un  léger  rebord  de  la  base  des  hémélytres.  Il  y  a  dans 
les  Punaises  de  ce  groupe  un  certain  nombre  d'espèces  des  îles  de  la 
Sonde  et  d'Ausfralie  qui  rivalisent  d'éclat  métallique  avec  les  plus 
beaux  Buprestes.  Elles  sont  d'un  bleu  d'acier  splendide  et  tacbetées 
de  jaune  (genres  Callidea,  Burm.,  Galostha,  km.,  etc.)  ;  elles  ont  un  dos 
bombé  et  présentent  un  sillon  longitudinal  à  leur  face  ventrale.  On 
on  monte  souvent  en  bijoux  ces  riches  espèces. 

SCrTELIiERA,  Lamarck,  syn.  :  Tetyra,  Fabr.  —  Corps  large,  ramassé,  ov&- 
laire,  très  bombé  en  dessus  ;  tête  allongée,  étroite,  finissant  en  pointe  mousse, 
à  bords  latéraux  non  sinués  ;  antennes  presque  aussi  longues  que  la  moitié  du 
corps,  ayant  le  premier  et  surtout  le  second  article  courts,  les  autres  subégaux; 
yeux  assez  petits,  globuleux,  touchant  le  bord  du  prothorax;  ocelles  rapprochés 
des  yeux;  rostre  dépassant  le  premier  segment  de  l'abdomen;  prothorax  légère- 
ment bombé,  incliné  en  avant,  hexagone,  à  bords  aplatis,  puis  un  peu  relevés 
de  chaque  côté  ;  écusson  très  bombé,  recouvrant  tout  l'abdomen,  sauf  un  léger 
bord  finement  ponctué  à  la  base  des  hémélytres;  membrane  des  hémélytres  offrant 
de  douze  à  seize  nervures  longitudinales  ;  pattes  assez  longues  et  fortes,  légère- 
ment velues,  les  postérieures  un  peu  plus  longues  que  les  autres  ;  crochets  ter- 
minaux longs  et  aigus  ;  abdomen  légèrement  bombé  en  dessous,  à  bords  tran- 
chants, dépassant  à  peine  les  hémélytres  de  chaque  côté. 

Ce  genre  Scutellère  tel  qu'il  est  restreint  paraît  exclusif  à  l'extrême 
Orient,  surtout  des  îles  Sondaïques,  et  à  l'Australie.  Le  ventre  offre 
latéralement  dans  les  mâles,  sur  les  trois  avant-derniers  segments,  une 
plaque  en  ovale  allongé,  de  couleur  sombre,  paraissant  formée  de  très 
légères  aspérités  ;  dans  le  même  sexe,  l'extrémité  de  l'abdomen  porte 
deux  plaques  anales  à  la  suite  l'une  de  l'autre,  la  dernière  sinuée  et 
échancrée  au  milieu..  Nous  représentons  une  espèce  très  commune  à 
Java,  qu'on  peut  prendre  comme  type  de  ce  genre,  le  S.  cyanipes, 
Fabr.,  pi.  XCIX,  fig.  1,  de  18  à  20  millimètres  de  long,  les  deux  sexes 
pareils,  le  mâle  un  peu  plus  petit  que  la  femelle.  Le  caractère  le  plus 
important  par  sa  constance  est  la  belle  couleur  d'un  bleu  métallique 
des  antennes  et  des  pattes,  celles-ci  ayant  parfois  la  base  des  cuisses 
rougeâtre.  Pour  le  reste,  cette  espèce  varie  beaucoup  quant  à  la  taille 
et  la  couleur  du  fond,  qui  peut  être  rouge,  orangé,  jaune  ou  d'un  blanc 
sale,  avec  des  taches  d'un  noir  bleu  très  variables,  pouvant  être  nulles, 
ou,  au  contraire  envahir  tout  le  tégument;  parfois  il  y  a  deux  de  ces 
taches  sur  le  corselet  (variété  diophtalmus,  Thunberg).  La  couleur  des 
taches  est  très  foncée  sur  les  sujets  secs  de  collection;  pendant  la  vie, 
elles  sont  dorées  et  on  fait  renaître  cette  coloration  sur  les  sujets  secs 
en  les  mouillant.  Elle  reste  visible  sur  les  sujets  conservés  dans  l'alcool 
La  membrane  et  les  ailes  sont  brunâtres. 

Nous  avons  en  France  quelques  Punaises  du  groupe  des  Scutellères. 
Les  Eurygastres  (large  ventre)  ont  un  écusson  notablement  plus  étroit 


792  HÉMIPTÈRES. 

que  l'abdomen,  dont  les  flancs  sont  laissés  largement  à  découvert.  Les 
articles  des  antennes  sont,  sans  exception,  au  nombre  de  cinq;  le  lobe 
médian  frontal  est  ordinairement  dépassé  par  les  lobes  latéraux  de  la 
lète.  Les  ocelles  sont  grands,  les  antennes  sont  insérées  sous  un  rebord 
lamelliforme  du  présternum,  assez  longues,  avec  les  deux  premiers 
articles  subégaux,  le  troisième  un  peu  plus  court  que  le  second  ;  le 
rostre  atteint  la  base  de  l'abdomen.  Le  prolborax,  à  bords  aplatis  et 
tranchants,  est  un  peu  incliné  en  avant,  avec  les  angles  postérieurs 
arrondis.  L'écusson  est  presque  plat,  faiblement  caréné  au  milieu, 
à  bords  en  ligne  droite,  arrondi  vers  le  bout.  Les  hémélytres  ont  la 
nase  de  la  corie  découverte  et  la  membrane  à  nombreuses  nervures. 
Les  pattes  sont  assez  courtes  et  à  tarses  grêles.  Une  espèce  très  com- 
mune dans  toute  la  France,  existant  en  Algérie,  du  genre  Eurygaster, 
Castelnau,  est  ^.mawrus,  Linn.,  de  10  millimètres  de  long,  la  Scutellère 
maure.  Faune  française,  la  Punaise  grise  à  bouclier,  de  StoU,  jaunâtre  ou 
brunâtre,  avec  les  côtés  de  l'abdomen  tachetés  de  brun,  pareille  dans 
les  deux  sexes,  avec  la  tête  subconvexe,  son  lobe  médian  frontal  attei- 
gnant le  bord  antérieur,  et  la  carène  de  l'écusson  à  peine  apparente, 
avec  deux  points  blancs  à  la  base  de  ce  dernier.  On  rencontre  fréquem- 
ment cette  espèce  sur  les  épis  de  froment,  dont  elle  pique  les  cariopses 
encore  tendres. 

Lorsque  l'insecle  est  surpris,  les  antennes  disparaissent  en  s'enfon- 
çant  sous  la  plaque  sternale  et  se  couchent  à  côté  l'une  de  lautre 
contre  le  rostre  dans  la  rainure  du  sternum  ;  le  premier  article  de  ces 
antennes  est  allongé,  aminci  vers  la  base,  légèrement  arqué  ainsi  que 
le  second,  afin  de  se  prêter  au  retrait  de  l'organe  dans  la  coulisse 
sternale.  Les  œufs  sont  globuleux,  glabres,  rangés  par  séries  continues 
sur  la  place  où  ils  ont  été  pondus,  de  couleur  vert  émeraude  quand  ils 
sont  récents.  La  circonscription  de  leur  opercule  est  marquée  par  une 
rangée  circulaire  de  petits  points  blancs,  bien  visibles  à  la  loupe.  Au 
moment  de  leur  éclosion  les  larves  sont  d'un  noir  foncé.  La  bourse 
odorifique,  large  environ  de  3  millimètres,  est  d'un  jaune  safrané.  On 
peut  manier  cet  Eurygastre  sans  qu'il  exhale  une  odeur  sensible,  et  on 
ne  parvient  à  développer  celle-ci,  encore  à  un  faible  degré,  qu'en  irri- 
tant fortement  ou  en  blessant  l'animal.  L'espèce  a  plusieurs  variétés, 
ainsi  grisâtre,  tachetée  de  brun  sur  les  côtés  de  l'abdomen,  ou  avec 
la  moitié  postérieure  du  prédorsum  d'un  noir  intense  et  tranchant,  ou 
entièrement  d'un  noir  mat,  ou  bien  grise  ou  brune,  avec  une  ligne 
dorsale  jaunâtre  plus  ou  moins  bifurquée  en  arrière  sur  l'écusson.  Une 
seconde  espèce  un  peu  plus  grande,  de  12  à  15  millimètres  de  long,  est 
E.  hottentola,  Fabr.,  les  Punaises  porte-chappe  brune  et  noire  de  Geoffroy, 
la  Scutellère  hottentute,  Faune  française,  commune  aussi  dans  toute 
l'Europe,  surtout  dans  le  Midi,  fréquente  aux  environs  de  Paris,  se 
trouvant  en  Algérie,  ainsi  que  sa  variété  noire,  jaunâtre,  brune  ou 
noire  selon  les  variétés;  la  tète  aplatie,   son  extrémité  échancrée  par 


CANTHECONA.  793 

la  réunion  des  lobes  latéraux  au  delà  du  lobe  médian  frontal,  la  carène 
de  l'écusson  très  prononcée  au  milieu  ;  les  deux  sexes  pareils.  Cette 
espèce  se  tient  moins  souvent  sur  les  buissons  que  sur  les  herbes,  les 
Ombellifères  et  les  autres  plantes  basses;  elle  se  cache  volontiers  aussi 
au-dessous  des  arbrisseaux,  des  pierres,  etc. 

Dans  le  genre  Graphosoma,  Castelnau,  la  tête  est  petite,  allongée,  très 
inclinée,  le  lobe  médian  frontal  dépassé  par  les  lobes  latéraux,  les 
antennes  assez  longues,  les  yeux  petits  et  les  ocelles  gros,  le  rostre 
atteignant  la  base  de  l'abdomen,  le  prothorax  à  bords  latéraux  tran- 
chants, l'écusson  bien  plus  étroit  que  l'abdomen,  se  rétrécissant  de 
plus  en  plus  vers  l'extrémité,  la  membrane  de  la  corie  n'ayant  que 
quatre  ou  cinq  nervures  longitudinales,  les  pattes  assez  longues  avec 
des  tarses  grêles,  l'abdomen  aplati  en  dessus.  L'espèce  principale,  du 
midi  de  l'Europe  et  du  nord  de  l'Afrique,  assez  rare  aux  environs  de 
Paris,  est  le  G.  lineatum,  Linn.,  de  10  millimètres  de  long,  la  Punaise 
siamoise  de  Geoffroy,  la  Scutellère,  la  Punaise  ronge  à  raies  noires  de 
StoU,  rouge,  avec  six  lignes  longitudinales  noires  sur  le  prothorax,  les 
deux  intermédiaires  prolongées  sur  la  tète,  quatre  lignes  semblables 
sur  l'écusson,  un  point  carré  noir  sur  chacun  des  segments  abdomi- 
naux, la  base  de  l'abdomen  presque  entièrement  noire  en  dessus.  Cette 
espèce  se  trouve  sur  les  pommiers  et  les  Ombellifères.  Habituellement 
les  pattes  et  les  antennes  sont  noires;  il  y  a  en  Corse  une  variété  dont 
les  pattes  et  les  antennes  sont  d'un  jaune  rougeâtre,  les  intervalles 
entre  les  lignes  noires  étant  d'un  jaune  pâle,  au  lieu  d'être  rouges. 
D'après  Léon  Dufour,  le  canal  digestif  de  ce  Graphosome  a  trois  fois 
environ  la  longueur  totale  du  corps.  A  la  région  anale  du  mâle  se 
trouve  en  dessous  une  excavation  semi-circulaire  et  deux  paires  d'apo- 
physes ;  chez  la  femelle  cette  même  région  anale  présente  en  dessous 
un  espace  non  stigmatifère  formé  par  une  mosaïque  de  sept  écailles 
vulvaires.  La  bourse  odorifique,  large  d'environ  3  millimètres,  est  de 
couleur  jaune  et  laisse  dégager,  au  moindre  attouchement,  une  sécré- 
tion dont  l'odeur  rappelle  celle  d'une  pomme  gâtée. 

La  famille  des  Pentatomides  (Coniscutes)  se  distingue  des  Scutellé- 
rides  par  un  écusson  triangulaire,  n'atteignant  pas  l'extrémité  de 
l'abdomen  et  laissant,  en  partie  au  moins,  à  découvert  la  base  des 
hémélytres.  Un  premier  groupe,  celui  des  Spissirostres  d'Amyot, 
formé  d'espèces  probablement  toutes  carnassières,  est  caractérisé  par 
un  rostre  libre,  pendant  dès  sa  base  et  renflé.  Nous  citei'ons  deux 
genres  : 

C.%MTnE€0.1IA,  Am.  et  Serville.  —  Antennes  longue.s,  à  articles  grêles  et  cylin- 
driques ;  lobes  de  la  têle  atteignant  tous  trois  le  bord  antérieur  sur  la  même 
ligne:  yeux  globuleux  et  saillants  et  ocelles  eu  arrière  des  yeux;  rostre  ayant 
les  deux  articles  terminaux  d'égale  longueur,  chacun  un  peu  plus  court  que  le 
second;  protliorax  avec  les  bords  latéraux  antérieurs  plus  ou  moins  distincte- 


19k  HÉMIPTÈRES. 

ment  crénelés  ou  transversalement  rugueux  et  les  angles  postérieurs  épineux  ; 
écusson  dépassant  un  peu  le  milieu  de  l'abdomen,  la  partie  marginale  qui  retient 
les  hémélytres  étendue  pou  au  delà  du  milieu  de  l'écusson  ;  corie  longue  et  large, 
la  membrane  ayant  huit  ou  dix  nervures  longitudinales  ;  abdomen  muni  à  sa  base 
d'un  tubercule  ou  d'une  courte  épine,  obtus  et  conique;  cuisses  antérieures 
armées  d'une  épine;  pattes  jaunâtres,  tachetées  de  brun  et  à  tarses  bruns^ 

Nous  représentons  une  espèce  du  Sénégal,  C.  yolofa,  Guér.  Mén. 
(pi.  XCIX,  fig.  2),  de  12  millimètres  de  longueur,  d'un  noir  bleucltre 
métallique  en  dessus,  avec  des  lignes  en  divers  sens  d'un  rouge  jau- 
nâtre, l'extrémité  de  l'écusson  d'un  jaune-soufre,  les  antennes  noires, 
les  côtés  du  prothorax  proéminents,  armés  d'une  épine  aiguë  tournée 
en  dehors,  la  membrane  brune  avec  le  bord  d'un  blanc  saie. 

Un  autre  genre  à  citer  est  le  genre  Zicrona,  Am.  et  Serv.,  offrant  le 
prothorax  court,  avec  les  angles  postérieurs  mousses,  les  pattes  assez 
courtes,  les  jambes  antérieures  non  dilatées.  L'espèce  de  France,  se 
trouvant  dans  le  Nord  sur  les  buissons  à  la  fin  de  l'été,  dans  les  lieux 
marécageux,  assez  rare  en  Alsace  et  Lorraine,  est  le  Z.  cœrulea,  Linn., 
Idi  Punaise  vert  bleuâtre  de  Geoffroy,  la  Punaise  bleue  de  Stoll,  de  7  mil- 
limètres de  long,  les  deux  sexes  pareils,  le  corps,  les  antennes  et  les 
pattes  d'un  bleu  verdàtre  métallique  brillant,  le  dessus  du  corps  fine- 
ment ponctué,  assez  fréquente  près  de  Paris,  commune  dans  les  vignes 
du  Midi  où  elle  fait  la  chasse  aux  Attises,  très  commune  en  Algérie,  où 
on  l'a  regardée  à  tort  comme  dévorant  la  vigne  ;  c'est  un  Hémiptère 
carnassier  utile. 

Les  Cydnes  sont  des  Punaises  de  mœurs  très  spéciales,  fouissant  les 
sols  sablonneux  pour  s'y  enterrer,  ayant  les  antennes  de  cinq  articles, 
les  pattes  épineuses,  avec  les  jambes  antérieures  généralement  larges 
et  aplaties,  présentant  de  fortes  dents  au  côté  externe  ;  le  corps  est 
généralement  ovalaire  ou  hémisphérique,  de  couleur  sombre,  luisant, 
d'où  résulte  un  aspect  particulier  qui  les  fait  ressembler  aux  Histérides 
(Coléoptères).  Dans  le  genre  Brachypelta,  Am.  et  Serv.,  le  corps  est  en 
ovale  allongé  et  assez  aplati,  le  rostre  court,  atteignant  l'insertion  des 
pattes  antérieures,  l'écusson  large,  court,  en  triangle  obtus,  ne  dépas- 
sant pas  ou  môme  atteignant  à  peine  le  milieu  de  l'abdomen  et  terminé 
en  petite  pointe  mousse  ;  corie  à  peu  près  de  la  longueur  de  la  moitié 
de  riiémélytre,  son  bord  extrême  sinué  de  manière  à  former  une  pro- 
fonde échancrure  à  la  base  de  la  membrane,  au-dessous  de  la  pointe 
de  l'écusson.  Une  espèce  de  ce  genre  commune  dans  toute  l'Europe, 
se  trouvant  en  Algérie, le  B.  aterrima,  Fœrster,  syn.  :  tristis,  Fabr.,  la 
Punaise  noire  de  Geoffroy,  la  Punaise  en  deuil  de  Stoll,  la  Punaise  triste, 
Faune  française,  de  10  millimètres  de  long,  d'un  noir  luisant  et  fine- 
ment ponctué  en  dessus,  brune  en  dessous.  Dans  les  Cydnus,  Fabr.,  le 
corps  est  ovalaire,  frangé  tout  autour,  le  rostre  atteignant  au  moins 
l'insertion  des  pattes  intermédiaires,  l'écusson  en  triangle  allongé,  dont 


RHAPHIGASTER.  795 

l'extrémité  dépasse  le  milieu  de  l'abdomen,  la  corie  des  hémélytres 
beaucoup  plus  longue  que  la  membrane,  ayant  en  dessous  une  aile 
transparente,  les  pattes  fortes,  propres  à  fouir,  les  cuisses  élargies, 
assez  renflées,  avec  des  cils  épineux,  les  jambes  antérieures  très  apla- 
ties, élargies  à  l'extrémité,  fortement  dentées  au  côté  externe,  avec  des 
épines  à  l'entour,  les  autres  jambes  armées  de  fortes  épines,  les  tarses 
grêles.  Une  espèce  de  toute  l'Europe,  longue  seulement  de  h  milli- 
mètres, est  le  C.  flavicornis,  Fabr.,  qu'on  trouve  souvent  au  printemps 
enterrée  dans  le  sable  et  dont  la  couleur  varie  du  jaunâtre  ferrugineux 
au  noir  le  plus  intense.  C'est  un  insecte  essentiellement  arénicole, 
qu'on  rencontre  dans  les  dunes  les  jours  où  le  grand  vent  soulevant 
les  sables  mobiles,  le  met  à  découvert  dans  sa  retraite.  Une  autre 
espèce  de  même  taille,  le  C.  nigritus,  Fabr.,  est  noire,  errant 
au  printemps  sur  les  sables.  Ces  espèces  passent  l'hiver  à  l'état 
parfait, 

Dans  le  groupe  des  Séhires  les  pattes  sont  encore  épineuses,  mais  ne 
sont  plus  propres  à  fouir,  ces  Punaises  se  tenant  sur  les  plantes.  La 
tête  est  petite,  comme  dans  les  Cydnes,  l'écusson  finissant  en  pointe 
assez  aiguè,  les  antennes  généralement  de  cinq  articles.  Nous  citerons 
le  Sehirus  hicolor,  Linn.,  de  toute  l'Europe,  de  7  millimètres  de  long, 
d'un  noir  luisant  finement  ponctué,  avec  des  taches  blanches,  une  au 
bord  antérieur  du  prothorax,  de  chaque  côté,  une  autre  en  croissant  à 
la  base  des  hémélytres,  une  autre,  plus  petite,  à  l'extrémité  de  la  corie . 
C'est  la  Punaise  noire  à  quatre  taches  blanches  de  Geoffroy,  la  Punaise  de 
deux  couleurs  de  Stoll,  commune  partout  sur  diverses  plantes  pota- 
gères et  aussi  sur  les  bourgeons  qu'elle  perce,  ainsi  que  les  fruits 
parfois. 

Dans  les  Pentatomes  propres,  le  corps  est  triangulaire  en  avant 
et  les  pattes  dépourvues  d'épines.  Un  groupe  particulier  se  dis- 
tingue des  autres  par  la  pointe  que  présente  l'abdomen  à  sa  base, 
pointe  dirigée  en  avant,  plus  ou  moins  saillante,  très  petite  quel- 
quefois. 

RIIAPHIG.%§>TKR,  Castelnau.  —  Tête  assez  petite,  arrondie  en  avant;  antennes 
assez  longues,  do  cinq  articles  cylindriques  :  yeux  globuleux  ;  ocelles  petits  , 
placés  derrière  les  yeux  ;  rostre  de  quatre  articles,  atteignant  l'insertion  des  pattes 
postérieures,  le  premier  article  reposant  tout  entier  dans  une  rainure  de  la  gorge  ; 
prothorax  en  trapèze,  un  peu  échancré  antérieurement  pour  recevoir  la  tête,  les 
angles  postérieurs  émoussés,  le  bord  postérieur  coupé  droit:  écusson  finissant 
en  pointe  arrondie  et  dépassant  un  peu  le  milieu  de  l'abdomen,  un  peu  sinué 
avant  son  extrémité  ;  hémélytres  avec  la  membrane  portant  six  à  sept  nervures 
longitudinales  et  dépassant  un  peu  l'extrémité  de  l'abdomen  ;  ailes  un  peu  plus 
courtes  que  les  hémélytres;  abdomen  à  bords  aplatis  et  tranchants,  le  ventre 
sans  carène  longitudinale,  avec  la  pointe  basilaire  grande,  atteignant  au  moins 
l'insertion  des  pattes  intermédiaires;  pattes  assez  fortes,  mutiques,  légèrement 


796  HÊMIPTÈRIiS. 

velues,  avec  les  jambes  cannelées  sur  leurs  quatre  côtés,  les  tarses  à  second  ar- 
ticle très  petit. 

L'espèce  principale  de  ce  genre  est  le  R.  grisent,  Fabr. ,  syn.  :  puncti- 
pennis,  Illig.,  pi.  xcix,  flg.  3,  tête  vue  en  dessus;  3  a,  id.  vue  en  des- 
sous; 3  6,  soies  du  rostre  isolées;  3c,  larse  antérieur  grossi;  3  d.  id.  vu 
en  dessus;  3  e,  hémélytre  et  aile  développés,  la  Punaise  brune,  à  antennes 
et  bords  panachés  de  Geoffroy,  la  Punaise  des  groseilliers  de  StoU,  le  Pen- 
tatome  gris,  Faune  franc.  Hémipt.,  de  15  millimètres  de  long  dans  les 
deux  sexes,  grisâtre,  ponctuée  de  brun,  l'extrémité  de  l'écusson  jau- 
nâtre, les  antennes  annelées  de  brun  et  de  jaune,  la  membrane  des 
béniélytres  blanche,  parsemée  de  petits  points  bruns,  les  pattes  gri- 
sâtres, pointillées  de  noir,  les  côtés  aplatis  de  l'abdomen  vivement  ta- 
chetés de  noir  et  de  jaune  pâle  en  dessus,  le  dessous  du  corps  jaune, 
parsemé  de  points  noirs.  Cette  espèce  est  de  toute  l'Europe  et  d'Algérie, 
très  rare  dans  le  nord  de  la  France,  commune  près  de  Paris,  sur  les 
plantes  et  sur  les  troncs  d'arbre,  dans  les  champs  et  les  jardins.  Cet  in- 
secte, après  avoir  hiverné  adulte,  est  une  des  premières  espèces  qui 
apparaissent  au  printemps  dès  les  premiers  jours  de  mars.  Son  odeur  est 
très  puante,  prompte  à  s'exhaler,  longue  à  se  dissiper;  la  bourse  odori- 
fique  est  d'un  jaune  orangé.  L'armure  copulatrice  du  mtile,  logée  dans 
le  dernier  segrnent,  offre  en  dessous  une  dépression  semi-lunaire  à 
angles  obtus,  brièvement  velus;  à  l'intérieur,  les  testicules  sont  d'un 
rouge  éclatant,  rehaussé  de  broderies  nacrées.  Les  sept  pièces  vul- 
vaires  de  la  femelle  sont  bien  apparentes  et  velues.  Elle  pond  ses  œufs 
en  contiguïté,  mais  jamais  entassés.  Ils  ont  une  couleur  gris  de  perle, 
une  forme  en  cylindre  court,  dont  le  bout  collé  sur  le  support  est  tron- 
qué, tandis  que  l'autre  est  arrondi.  Ce  dernier,  vuàla  loupe,  offre  une 
ligne  circulaire,  qui  est  le  contour  de  l'opercule,  bordé  de  cils  fort 
petits,  destinés  à  retenir  le  couvercle  avant  la  maturité  de  l'œuf. 

Dans  le  genre  voisin,  Tropicoris,  Hahn,  les  angles  postérieurs  du  pro- 
thorax sont  saillants  en  dilatation  aplatie  ;  l'espèce  principale  est  T.  ru- 
fipes,  Linn.,  le  Pentatome  à  pattes  fauves,  Faun.  franc.  Hémipt.,  de  15  mil- 
limètres de  long,  d'un  brun  obscur,  la  pointe  de  l'écusson  d'un  jaune 
orangé  vif,  la  membrane  des  hémély très  demi-transparente,  les  côtés  de 
l'abdomen  tachetés  de  noir  et  de  jaunâtre,  le  dessous  du  corps,  les 
pattes  et  les  antennes  roux.  Cette  espèce,  d'une  odeur  très  forte  et 
puante,  est  des  plus  communes  dans  toute  l'Europe,  dans  les  bois  et  les 
jardins,  sur  les  arbres.  C'est  un  insecte  carnassier  utile,  recherchant 
les  chenilles  pour  sucer  leur  sang.  Il  vit  sur  les  bouleaux  et  sur  d'au- 
tres arbres,  grimpant  sur  les  troncs.  Quand  on  secoue  fortement  un 
bouleau  pour  faire  tomber  les  insectes,  cette  Punaise,  au  lieu  de  se 
laisser  choir  comme  beaucoup  d'autres,  étend  ses  ailes  et  descend  en 
voltigeant  et  en  bourdonnant. 

Dans  les  Acanthosomes,  le  prothorax  a  les  angles  postérieurs  plus  ou 


RHAPHIGASTER.  797 

moins  saillants,  un  sternum  caréné  s'avançant  en  pointe  entre  les 
pattes  antérieures  et  la  pointe  ventrale  basilaire  très  longue  s'ajustant 
contre  la  carùne  sternale.  A  citer  :  Acanthosoma  hœmorrhoïdalp,  Linn.,  ' 
la  Punaise  verte  à  fointes  du  corselet  rouges  de  Geoffroy,  la  Punaise  ensan- 
glantée de  StoU,  le  Pentatome  hémorroïdal,  Faune  franc.  Hémipt.,  de 
15  millimètres,  d'un  vert  olivâtre  uniforme,  jaunâtre  en  dessous,  les 
antennes  brunAtres,  les  angles  postérieurs  très  saillants  du  prothorax  et 
l'extrémité  de  l'abdomen  rougeâtres,  mâle  et  femelle,  des  environs  de 
Paris,  d'Europe,  aussi  de  l'Amérique  septentrionale;  Elasmuthetus, 
Fieber  dentatus,  de  Géer,  de  12  millimètres  de  long,  habitant  les  saules 
dans  toute  l'Europe,  d'un  vert  jaunâtre,  avec  une  teinte  rougeàtre  au 
bord  interne  et  à  l'extrémité  de  la  corie,  ainsi  qu'au  bout  de  l'abdomen, 
la  Punaise  verte  lavée  de  rouge  de  Geoffroy,  le  Pentatome  effacé,  Faune 
franc.,  Hémipt. 

Une  espèce  plus  petite,  de  8  millimètres  de  long,  est  E.  interstinctus, 
Linn.,  syn.  :  griseus,  Linn.,  non  Fabr.,  syn.  :  betulœ  de  Géer,  verdâtre, 
ayant  ordinairement  une  bande  transversale  rougeàtre  au  bord  posté- 
rieur du  prédorsum,  espèce  commune  notamment  sur  le  bouleau,  dont 
les  feuilles  lui  servent  de  nourriture.  De  Géer  dit  qu'ayant  trouvé,  au 
commencement  de  juillet,  plusieurs  femelles  de  cette  espèce,  accom- 
pagnées chacune  de  leurs  petits,  au  nombre  de  vingt  à  quarante,  il  re- 
marqua que  la  mère  se  tenait  constamment  près  d'eux,  sur  les  chatons 
du  bouleau  ou  sur  une  feuille;  dès  qu'elle  se  mettait  en  mouvement 
pour  changer  de  place,  tous  les  petits  la  suivaient,  faisant  halte  quand 
elle  s'arrêtait.  Elle  les  promenait  ainsi  d'un  point  à  l'autre,  les  condui- 
sant comme  une  poule  mène  ses  poussins  et  veillant  pour  les  garantir. 
De  Géer  dit  qu'il  vit  une  fois  une  de  ces  mères  battre  des  ailes  avec  un 
mouvement  très  rapide,  sans  changer  de  place,  comme  pour  éloigner 
l'ennemi  qui  sapprochait.  C'est  surtout  contre  le  mâle  que  cette  mère 
inquiète  est  obligée  de  se  mettre  en  défense,  parce  qu'il  cherche  à  dé- 
truire sa  postérité.  Les  larves  quittent  la  tutelle  de  la  mère  quand  elles 
sont  assez  fortes  pour  n'avoir  plus  besoin  de  ses  secours. 

Dans  les  autres  Pentatomes  propres,  le  corps  est  triangulaire  en 
avant,  les  angles  postérieurs  du  prothorax  arrondis,  non  saillants,  point 
de  carène  sternale  ni  de  pointe  ventrale,  les  antennes  presque  toujours 
de  cinq  articles,  le  corps  peint  de  couleurs  vives  ou  de  dessins  variés  et 
tranchés.  Chez  le  genre  ^Eiia,  Fabr.,  la  tête,  plus  ou  moins  échancrée 
en  avant,  par  la  réunion  des  lobes  latéraux  qui  débordent  le  lobe  mé- 
dian, est  prolongée  et  inclinée  en  avant,  et  le  pré-sternum  s'avance  de 
chaque  côté  en  lame  mince  et  arrondie,  de  façon  à  recouvrir  quelque- 
fois la  base  des  antennes.  Une  espèce  fort  commune  en  été  dans  toute 
la  France,  aussi  d'Égyplc  et  d'Amérique  du  Nord,  répandant  une  très 
mauvaise  odeur,  se  tenant  souvent  à  la  pointe  des  céréales,  notamment 
sur  les  épis  d'orge,  sur  les  chaumes  des  lisières  de  bois  et  des  clairières, 
est  ^Elia  acuminata^  Linn.,  la  Punaise  à  tête  allongée  de  Geoffroy,  la 


798  HÉMIPTÈRES. 

Punaise  à  museau  de  Rat  de  StoU,  la  Pentatome  acuminée.  Faune  franc. 
Hémipt.  ;  longue  de  10  millimètres,  elle  est  jaunâtre,  rayée  de  brun  et 
de  jaune  vif  en  dessus.  Dans  le  genre  Palomena,  Rey  et  Mulsant,  nous 
rencontrons  le  P.  viridissima,  Poda,  syn.  :  prasina,  Linn.,  la  Punaise 
verte  des  choux  de  Stoll,  de  12  millimètres  de  long,  les  deux  sexes 
pareils,  avec  le  corps  et  les  pattes  d'un  vert-pré,  finement  ponctué  de 
brunâtre  en  dessus  et  en  dessous,  la  membrane  des  hémélytres  d'un 
vert  pâle,  le  lobe  médian  frontal  dépassé  par  les  lobes  latéraux;  le 
P.  dissimilis,  Fabr.,  la  Punaise  verte  de  Geoffroy,  le  Pentatome  dissem- 
blable, Faune  franc.,  Hémipt.,  de  12  millimètres,  verte  en  dessus,  avec  le 
ventre  d'un  vert  jaunâtre,  parfois  rougeâtre,  les  lobes  latéraux  de  la 
tête  dépassant  le  lobe  médian  frontal.  Cette  Punaise  des  jardins,  comme 
lairomment  les  borticulteurs,  communique  aux  fruits  sur  lesquels  elle 
a  passé  une  odeur  infecte.  Nous  trouvons  dans  le  genre  Carpocoris, 
Kolenati,  le  C.  baccarum,  Linn.,  le  Pentatome  des  baies,  Faune  franc., 
Hémipt.,  de  12  à  l/i  millimètres  de  long,  pareil  dans  les  deux  sexes,  la 
tête  écbancrée  au  bord  antérieur,  car  ses  lobes  latéraux  dépassent  le 
lobe  médian  sans  se  rejoindre  au  delà,  les  côtés  du  pro thorax  coupés 
droit,  les  antennes  anneléés  de  noir  et  de  jaune,  la  pointe  de  lecusson 
jaune,  le  corps  d'un  brun  rougeâtre  en  dessus,  les  côtés  de  l'abdomen 
tachetés  de  noir  et  de  jaune  en  dessus,  le  dessous  du  corps  et  les  pattes 
jaunâtres,  avec  des  points  noirs  assez  rares.  Cette  Punaise  est  commune 
dans  toute  l'Europe  pendant  la  belle  saison.  C'est  la  Punaise  grise  des  jar-^ 
diniers,  n'occasionnant  pas  de  dégâts  bien  appréciables,  mais  répandant 
une  odeur  très  infecte  qu'elle  communique  aux  fruits  qu'elle  a  touchés; 
elle  se  tient  de  préférence  sur  les  framboisiers  et  les  groseilliers. 

Dans  le  genre  Strachia,  Hahn.,  syn.  :  Eurydema,  Cast,  se  trouvent 
deux  espèces  souvent  nuisibles  aux  Crucifères  des  potagers.  L'une  est  le 
S.  ornata,  Linn.,  la  Punaise  rouge  du  chou  de  Geofl'roy,  la  Punaise  mi- 
gnonne des  choux  de  Stoll,  le  Pentatome  orné,  Faun.  franc.  Hémipt.,  de 
10  millimètres  de  long,  rouge,  avec  six  points  sur  le  prédorsum,  une 
tache  semi-lunaire  à  la  base  de  l'écusson  et  des  lignes  sur  les  hémé- 
lytres, noirs.  Cette  espèce  est  commune  dans  toute  l'Europe  et  existe 
en  Algérie;  elle  présente  de  nombreuses  variétés,  soit  envahies  par  le 
noir,  soit  où  le  rouge  devient  carné.  Elle  ne  répand  pas,  quand  on  la 
touche,  d'odeur  infecte,  bien  qu'elle  ait  une  petite  bourse  odorifique 
safranée.  La  femelle  place  ses  œufs  sous  la  face  inférieure  des  feuilles 
par  petites  bandelettes  serrées;  ces  œufs,  d'aspect  très  élégant,  imitent 
un  petit  barillet  dont  le  haut  et  le  bas  seraient  entourés  de  bandes 
brunes,  tandis  que  le  milieu  est  gris,  avec  de  petits  points  noirs  très 
ronds.  Au  moment  de  l'éclosion  la  jeune  larve  soulève  la  partie  supé- 
rieure de  la  coquille  comme  un  petit  couvercle  et  se  met  immédiate- 
ment à  piquer  les  feuilles  de  chou  de  son  rerost. 

La  seconde  espèce,  plus  petite,  moins  commune  que  la  précédente 
chez  les  maraîchers,  de  7  à  8  millimètres  de  long,  est  le  S.  oleracea, 


STRAGHIA,   TESSEBATOMA,    PHLOEA.  799 

Linn.,  la  Punaise  verte  à  raies  et  taches  ruuycs  ou  blanches  de  Geoll'roy, 
la  Punaise  des  potagers  à  taches  rouges  de  StoU  et  la  Punaise  des  pota- 
gers à  taches  blanches  de  SloU,  d'un  vei't  noirâtre  bronze  luisant,  avec 
une  ligne  longitudinale  médiane  sur  le  prédorsum  et  une  tache  à  l'ex- 
trémité de  l'écusson  et  de  la  corie,  rouges  ou  jaunes  dans  les  deux 
sexes,  ou  parfois  blanches.  Celte  Punaise  potagère  est  souvent  nuisible, 
comme  la  précédente.  On  la  voit,  de  mai  en  août,  sur  les  différentes 
variétés  de  choux,  sur  les  navets,  les  l'aves  et  sur  les  giroflées  cultivées 
dans  les  jardins.  L'accouplement  de  cette  espèce,  bout  à  bout,  dure 
très  longtemps,  et  l'un  entraîne  l'autre,  soit  le  mâle,  soit  la  femelle;  de 
môme  pour  l'autre  espèce.  Cette  Punaise  enfonce  son  bec  dans  le 
parenchyme  des  feuilles  pour  y  puiser  la  sève,  et,  comme  elle  change 
souvent  de  place,  elle  les  crible  do  petites  plaies  qui  les  rendent  ru- 
gueuses et  les  dessèchent.  Ces  deux  Pentatomiens  des  potagers  sont 
assez  gros  et  bien  visibles  par  le  bariologe  tranché  de  leurs  couleurs; 
il  faut  les  ramasser  à  la  main  et  les  écraser  ou  les  brûler,  en  ayant  soin 
en  outre  de  visiter  les  revers  des  feuilles  et  arracher  et  brûler  celles-ci, 
si  elles  portent  des  plaques  d'œufs. 

Il  y  a  quelques  Pentatomiens  qui  ont  moins  de  cinq  articles  aux 
antennes,  ainsi  le  genre  : 

TTESSERATTOMA,  Serv.  ct  Lep,  Saint  Farg. —  Tcte  petite,  triangulaire,  les  lobes 
latéraux  se  rejoignant  au  delà  du  lobe  médian;  antennes  assez  courtes,  de  quatre 
articles,  gros  et  ramassés  ;  yeux  globuleux  et  saillants  :  ocelles  très  distincts;  pro- 
thorax à  angles  latéraux  et  postérieurs  arrondis,  le  bord  postérieur  coupé  droit 
et  se  prolongeant  notablement  sur  l'écusson  ;  écusson  ne  dépassant  pas  le  milieu 
de  l'abdomen  et  se  terminant  en  pointe  arrondie  ;  bémélytres  larges,  leur  mem- 
brane ayant  une  quinzaine  de  nervures  longitudinales  dépassant  à  peine  l'extré- 
mité de  l'abdomen  ;  pattes  courtes  et  fortes,  avec  tarses  de  trois  articles;  abdo- 
men un  peu  élargi  de  chaque  côté,  ovalaire,  légèrement  denticulé  sur  les  côtés 
par  les  angles  des  segments,  avec  le  ventre  sans  carène. 

Une  des  principales  espèces  de  ce  genre  de  l'extrême  Orient  est  le 
T.  papillosuni,  Drury,  long  de  25  à  30  millimètres,  d'un  testacé  ferru- 
gineux dans  les  deux  sexes,  avec  les  pattes  et  les  antennes  brunes;  de 
Java,  de  Chine,  et  probablement  aussi  des  Philippines.  Nous  figurons 
cette  espèce  planche  xcix,  figure  k. 

PIIIi<Ii:%,  Serv.  et  Lep.  Saint  Farg. —  Corps  très  plat  ct  foliacé  tout  autour,  sem- 
blable à  certaines  écorces  ;  antennes  très  petites,  de  trois  articles  apparents  ; 
yeux  globuleux  ;  ocelles  petits,  placés  près  des  yeux  ;  rostre  long  et  fin,  attei- 
gnant au  moins  le  troisième  segment  ventral,  le  premier  article  reposant  dans 
une  rainure  de  la  gorge  à  bords  élevés,  le  troisième  le  plus  long,  le  i:iuatrième 
le  plus  petit:  prolhorax  large  et  assez  court  ;  bémélytres  à  large  corie,  la  mem- 
brane à  nervures  formant  des  cellules  irrégulières;  ailes  plus  courtes  que  les  hé- 


800  HÉMIPTÈRES. 

mélylres;  pallcs  assez  forles^  déliées,  snns  épines;  abdoniea  concave  en  dessous, 
avec  un  sillon  longiluilinal  profond  au  milieu  du  ventre. 

Ce  genre  doit  trouver  une  imitation  défensive  dans  sa  ressemblance 
avec  l'ecorce  des  arbres.  Nous  représentons  l'espèce  type,  du  Brésil,  le 
P.  corticola,  Driiry  (pi.  xcix,  fig.  5),  en  dessus,  5  a,  en  dessous,  5  6 
tète  grossie  et  vue  en  dessous,  6  c,  id.  en  dessus.  Cette  Punaise, 
longue  de  25  à  30  millimètres,  est  d'un  jaune  verdàtre,  ponctué  de 
noir,  avec  de  légères  aspérités  sur  la  tête  et  sur  le  thorax  ;  lobes  de  la 
léte  se  croisant  l'un  sur  l'autre  ;  écusson  triangulaire,  atteignant  à  peine 
le  milieu  de  l'abdomen. 


Tribu  des  CORÉEIVS 


I,a  tribu  des  Coréens  ne  comprend  qu'un  nombre  assez  restreint  de 
représentants  en  Europe.  Ce  sont  des  Punaises  dont  le  rostre  est  formé 
de  quatre  articles  et  chez  lesquelles  l'écusson  n'atteint  pas  le  milieu 
de  l'abdomen.  La  membrane  des  hémélytres  porte  de  nombreuses 
nervures  saillantes  à  divisions  dichotomiques.  Les  ocelles  existent 
constamment;  les  antennes  ont  le  plus  souvent  quatre  articles.  Llles 
sont  insérées  en  général  au  côté  supérieur  de  la  tète  (Supéricornes 
d'Amyol),  au-dessus  d'une  ligne  fictive  allant  du  milieu  d'un  œil  com- 
posé à  la  base  du  rostre  ou  sur  cette  ligne  môme.  La  forme  du  dernier 
arceau  abdominal  permet  de  distinguer  facilement  les  sexes  ;  il  est  épaissi 
chez  le  mâle  et  comme  recouvert  en  dessous  par  une  valve,  tandis  que, 
chez  la  femelle,  il  présente  une  fente  longitudinale.  Par  leur  taille 
et  par  leur  conformation  les  Coréens  frappent  en  général  plus  forte- 
ment les  yeux  que  les  Pentatomiens;  parfois  le  prothorax  est  orné  de 
cornes  ou  élargi  par  des  lobes,  les  bords  tranchants  et  relevés  de  l'ab- 
domen dépassent  les  hémélytres,  certains  articles  des  antennes  devien- 
nent foliiformes  ou  bien  les  cuisses  des  pattes  postérieures  (^nwosce/Kv). 

Les  Coréens,  en  compagnie  des  Pentatomiens,  offrent  souvent  un 
intéressant  spectacle  à  Farrière-saison.  Par  les  mauvais  temps  de  l'au- 
tomne, les  Punaises  de  ces  deux  tribus  quittent  le  théâtre  de  leur 
activité  pour  se  retirer  dans  les  lieux  abrités  ou  se  cacher  sous  les 
feuilles  mortes  qui  jonchent  le  sol,  pour  y  installer  leurs  quartiers 
d'hiver.  Avant  qu'elles  soient  entrées  dans  le  repos  et  l'engourdisse- 
ment de  l'hiver,  si  l'on  vient  à  troubler  leurs  colonies,  par  quelque 
après-midi  bien  ensoleillée  telle  qu'en  offrent  parfois  les  beaux  jours 
de  l'arrière-saison,  ces  insectes,  désagréablement  surpris  dans  leur 
repos,  produisent  une  crépitation  et  un  bruissement  particuliers; 
quelques-uns,  sous  l'influence  des  tièdes  rayons  du  soleil  automnal, 
essayent  de  s'élever  dans  l'air  avec  un  bourdonnement  sonore,  afin  de 


VERLUSIA,    ENOPLOPS.  801 

s'éloigner  de  l'ennemi  plus  sûrement  et  plus  vite  qu'elles  ne  pourraient 
le  faire  en  marchant  ou  en  grimpant.  Les  Coréens  se  tiennent  en  été 
dans  les  buissons  et  dans  les  herbes,  voltigeant  au  soleil  avec  activité 
et  cherchant  surtout  dans  cette  locomotion  les  plantes  qui  conviennent 
le  mieux  à  leur  appétit. 

Le  groupe  des  Verlusies  se  distingue,  à  première  vue,  par  un  pro- 
longement du  front  en  forme  de  lamelle  ou  de  pointe,  entre  les  deux 
tubercules  antennifères. 

verIjUSIA,  Spinola.  —  Front  prolongé  en  une  espèce  de  pointe  ou  de  lamelle 
entre  les  antennes;  tubercules  antennifères  sans  épines  au  côté  interne  ou  ex- 
terne; antennes  de  quatre  articles, plus  longues  que  la  moitié  du  corps,  le  der- 
nier article  épaissi  et  fusiforme,  le  premier  plus  gros,  mais  à  peu  près  de  la 
longueur  des  deux  suivants;  rostre  fin  et  long;  prolhorax  trapézoïdal^  élargi  en 
arrière,  les  angles  postérieurs  aplatis  et  arrondis;  héméiytres  plus  étroites  que 
l'abdomen  qu'elles  ne  débordent  pas  à  l'extrémité;  pattes  grêles  et  mutiques, 
les  cuisses  de  même  grandeur  entre  elles,  à  peine  épaissies  ;  côtés  de  l'abdomen 
très  dilatés,  de  manière  à  former  un  rhombeà  angles  plus  ou  moins  arrondis, 
son  extrémité  découpée  en  petites  folioles  ou  denticulations  dans  la  femelle, 
entière  dans  le  mâle. 

Nous  représentons  pi.  xcix,  tig.6,  a,  l'antenne  de  V.  sulcicornis,  Fabr., 
espèce  de  la  France  méridionale.  Nous  avons  aux  environs  de  Paris 
une  autre  Verlusie  qui  se  tient  volontiers  dans  les  fossés  qui  bordent 
les  bois;  elle  grimpe  le  long  des  tiges  d'herbes  ou  des  autres  plantes, 
sous  les  rayons  du  soleil,  et,  lorsque,  en  l'absence  du  soleil,  on  vient  à 
troubler  le  feuillage  où  elle  se  cache,  elle  fuit  avec  une  agilité  et  une 
frayeur  extraordinaires. 

Cette  espèce  est  très  commune  partout  sur  les  plantes  et  sa  larve 
est  poilue;  c'est  le  V.  qua'Jrata,  Fabr.,  de  10  millimètres  de  long, 
jaunâtre,  plus  foncé  en  dessus.  C'est  la  Punaise  à  abdomen  carré  de 
Stoll. 

Dans  le  genre  voisin  lynoplops,Am.  etServ.,la  tète  présente  une  petite 
pointe  saillante  entre  les  antennes,  et  il  y  a  une  épine  derrière  la  base 
de  celles-ci,  au  côté  externe  ;  elles  ont  quatre  articles  ;  la  plu- 
part des  caractères  sont  ceux  des  Syromaste.s.  L'espèce  de  France  est 
E.  scapha,  Fabr,,  la  Punaise  à  ailerons  de  Geoffroy,  passant  l'hiver  à 
l'état  d'adulte,  de  13  à  15  millimètres  de  long,  le  vertex  et  le  prédor- 
sum  mutiques,  le  prothorax  et  l'abdomen  dilatés  de  chaque  côté, 
d'un  brun  grisâtre  en  dessus,  jaunâtres  en  dessous,  un  point  blanc, 
à  chaque  segment  abdominal,  de  chaque  côté,  les  articles  2  et  3 
des  antennes  rougeâlres,  à  noir  ;  surtout  l'Europe  méridionale, 
était  très  commune  au  printemps  et  en  automne  dans  les  anciennes 
fortifications  de  Lille,  grimpant  sur  les  plantes  basses  au  pied  des 
murs,  rare  aux  environs  de  Paris,  commune  en  Algérie  au  prin- 
CIRARD.  m.  —  51 


802  HÉMIPTÈRES. 

temps  ot  au  commencement  de   l'été,  sur  les  fleurs  de  VAspJwdelun 
ramosus. 

SVROMASTKS,  Lalr.  —  Tète  subcarrée,  non  prolongée  entre  les  antennes^ 
celles-ci  portées  sur  des  tubercules  saillants,  munis  au  côté  interne  d'une  épine 
fuie,  dirigée  en  dedans  et  convergeant  vers  celle  de  l'antenne  opposée,  ces  antennes 
de  quatre  articles  ayant  à  peu  près  la  longueur  de  la  moitié  du  corps,  le  premier 
article,  gros,  légèremenl  prismatique,  à  peu  près  aussi  long  que  chacun  des  deux 
suivants,  qui  sont  grêles  et  cylindriques,  le  dernier  en  ovale  allongé,  un  peu 
épaissi,  plus  court  que  le  troisième;  yeux  et  ocelles  très  apparents;  prothorax  et 
abdomen  très  dilatés  de  chaque  côté  :  écusson  en  triangle  à  peu  près  équilatéral  ; 
membrane  des  hémélytres  chargée  de  nombreuses  nervures  longitudinales,  fines, 
saillantes;  pattes  assez  courtes  et  fortes,  les  cuisses  à  peine  épaissies,  d'égale 
grosseur  entre  elles,  légèrement  denliculées  en  dessous,  les  jambes  légèrement 
contournées  en  S  dans  le  mâle. 

Le  type  de  ce  genre  est  une  espèce  commune  dans  loute  l'Europ  o, 
le  S.  marginatus,  Linn.,  la  Punaise  à  bec  de  Geoffroy,  la  Punaise  brune 
de  StoU,  de  12  à  15  millimètres  de  long,  d'un  brun  jaunâtre  ou  ferru- 
gineux, se  trouvant  sur  beaucoup  de  plantes,  notamment  la  ronce, 
l'ancolie  et  les  oseilles,  dont  la  larve  est  rugueuse  et  ramassée,  avec 
les  articles  des  antennes  triangulaires.  La  femelle  a  un  oviscapte  peu 
développé  et  non  apparent  extérieurement.  Elle  passe  l'hiver  à  l'état 
adulte,  perpétuant  son  espèce  au  printemps.  Les  œufs  sont  remar- 
quables par  leur  grandeur;  ils  ont  la  forme  d'un  sphéroïde  comprimé 
et  tronqué  d'un  côté,  sont  roussâtres,  glabres  et  lisses,  parfois  irisés, 
paraissant  finement  chagrinés  à  la  loupe,  leur  coque  présentant  au 
microscope  un  tissu  aréolaire.  La  bourse  odorifique  ressemble  à  celle 
des  Penlatomes. 

l*llVLi,OMORPH.%,  Castelnau.  —  Corps  dilaté  latéralement  en  forme  de  feuille 
découpée  et  plus  ou  moins  épineux  ;  tête  de  forme  presque  triangulaire,  en  partie 
cachée  par  les  épines  qui  la  couvrent  ;  antennes  longues,  le  premier  article  très 
long  et  très  épineux,  plus  gros  que  les  autres,  les  articles  2  et  3  très  grêles  et 
cylindroïdes,  3  presque  double  de  2  en  longueur,  à  très  petit,  ovale  et  épaissi  ; 
prothorax  élargi  en  une  grande  membrane  plus  ou  moins  épineuse,  en  forme 
d'aile  de  chaque  côté,  son  bord  postérieur  divisé  en  lobes  prolongés  sur  la  base 
de  l'écusson,  celui-ci  très  petit  et  triangulaire;  corie  plus  courte  que  la  mem- 
brane, celle-ci  très  transparente  et  à  nervures  nombreuses,  ne  dépassant  pas 
l'abdomen  ;  pattes  longues  et  grêles,  plus  ou  moins  épineuses,  à  cuisses  non  ren- 
flées ;  abdomen  dilaté  de  chaque  côté  en  membrane  découpée  et  foliacée  comme 
le  prothorax. 

Ce  genre  présente  l'exagération  des  apparences  foliacées  de  beau- 
coup de  Coréens.  L'espèce  de  France  est  P.  laciniata,  Devillers,  pi.    r.ix. 


PHYLLOMORPHA,    COREUS.  803 

tig.  G,  6,  antenne  de  8  millimètres  de  long,  pareille  dans  les  deux 
sexes,  jaunâtre,  la  tête  et  la  partie  antérieure  du  prothorax  et  de  ses 
lanières,  brunes  ou  rougeûtres,  les  dilatations  de  l'abdomen  découpées 
de  chaque  côté  en  quatre  folioles,  tantôt  pointues,  tantôt  arrondies  au 
bout,  épineuses  à  leur  surface.  I.atreille  avait  nommé  cette  espèce 
hystrix,  à  cause  de  son  aspect  hérissé.  On  la  trouve  dans  le  midi  de  la 
France  ;  c'est  une  des  plus  rares  captures  qu'on  puisse  faire  quelquefois 
dans  les  jardins  des  environs  de  Paris.  Latreille  dit  l'avoir  trouvée  en 
1780  dans  un  jardin  de  Paris,  sur  des  feuilles  d'ormes,  et  remarqua 
qu'elle  agitait  son  corps  avec  beaucoup  de  célérité  et  qu'elle  faisait 
entendre  un  petit  son.  Cette  espèce  existe  aussi  en  Portugal  et  en 
Algérie,  dans  les  lieux  arides  et,  en  hiver,  sous  les  pierres.  Dans  nos 
Métamorphoses  des  Insectes  (Paris,  Hachettte  et  C"',  6*^  édit.,  1886)  se 
trouve  représentée,  aux  Hémiptères,  la  Phyllomorphe  de  Madagascar,  où 
l'extension  des  appendices  foliacés  du  thorax  et  de  l'abdomen  semble 
poussée  jusqu'à  l'extravagance. 

L'ancien  genre  Coreus,  Fabr.,  était  très  étendu.  11  est  restreint  actuel- 
lement à  des  espèces  ayant  le  corps  assez  allongé  et  velu,  la  tête  en 
triangle  et  le  front  saillant,  les  antennes  munies  d'un  tubercule  à  la 
base,  le  prothorax  en  trapèze,  avec  les  bords  latéraux  épineux  et  dentés 
et  les  angles  postérieurs  saillants,  Fécusson  très  petit,  les  hémélytrcs 
atteignant  au  plus  l'exfrémité  de  l'abdomen,  la  corie  opaque,  la  mem- 
brane n'ayant  que  quelques  nervures  longitudinales  fourchues,  et 
offrant  quelques  cellules,  les  pattes  assez  fortes  et  velues,  les  cuisses 
assez  épaisses,  les  postérieures  avec  quelques  épines  vers  le  bout, 
l'abdomen  à  bords  aplatis,  puis  relevés  et  dépassant  un  peu  les  hémé- 
lytrcs de  chaque  côté.  Une  espèce  commune  à  peu  près  partout  sur  les 
plantes,  peu  répandue  toutefois  dans  le  nord  de  la  France,  est  le  Coreus 
hirticornis,  Fabr<,  syn.  :  denticulatus,  Scopoli,  le  corps,  long  de  8  à 
10  millimètres,  d'un  ferrugineux  cannelle  dans  les  deux  sexes,  très 
velu,  assez  rugueux  en  dessus,  les  épines  latérales  du  prothorax  très 
fortes.  L'abdomen  de  la  femelle  offre  quatre  pièces  vulvaires  et  un 
petit  oviscapte  caché.  Dans  le  genre  Stenocephahis,  Latr.  (tête-étroite), 
la  tête  est  triangulaire,  son  extrémité  bifide  prolongée  antérieurement 
entre  les  antennes,  les  antennes  au  moins  aussi  longues  que  la  moitié 
du  corps  et  velues,  le  prothorax  trapézoïdal,  ses  angles  postérieurs 
arroiulis,  non  saillants,  les  hémélytres  ayant  la  corie  plus  longue  que 
la  membrane,  les  ailes  inférieures  aussi  longues  qu'elles;  pattes  assez 
longues  et  grêles,  velues,  sans  épines,  les  cuisses  à  peine  renflées; 
abdomen  en  ovale  allongé,  dépassant  un  peu  les  hémélytres  de  chaque 
côté.  L'espèce  de  France,  le  S.  nugax,  Fabr.,  la  Punaise  brune  à  an- 
tennes et  pattes  panachées  de  Geoffroy,  la  Punaise  à  antennes  bigarrées 
de  Stoll,  est  une  longue  Punaise  de  20  à  22  millimètres,  d'un  brun  fer- 
rugineux, les  pattes  et  les  antennes  annelées  de  noir  et  de  blanc,  un 
point  blanc  sur  les  angles  postérieurs  du  prédorsumet  sur  l'écusson,  un 


HOi  IJÉMIPLTÈUES. 

petit  anneau  noir  au  milieu  du  second  article  des  antennes,  commune 
dans  les  environs  de  Paris  et  la  plus  grande  partie  de  lEuropc,  notam- 
ment sur  les  euphorbes,  se  trouvant  en  Algérie  en  hiver  et  au  prin- 
temps dans  les  lieux  frais  et  ombragés,  aussi  dans  l'Amérique  du  Nord. 
La  femelle  n'a  que  deux  plaques  vulvaires,  formant  une  carène  très 
prononcée  et  fendue  pour  donner  passage  à  un  oviscaptc  court  mais 
visible  de  l'extérieur,  le  développement  de  cet  organe  étant  comme 
inverse  du  nombre  des  plaques  vulvaires. 

Le  genre  Therapha,  Amyot,  est  formé  de  Punaises  à  très  gros  ocelles, 
ayant  le  prothorax  en  trapèze,  ses  angles  postérieurs  arrondis  et  non 
saillants,  l'écusson  en  triangle  assez  allongé,  les  héméljtres  à  membrane 
sombre,  offrant  de  nombreuses  nervures  longitudinales,  les  pattes  assez 
grêles,  les  cuisses  légèrement  renflées  et  sans  épines,  l'abdomen  allongé, 
presque  linéaire  ou  très  peu  élargi  postérieurement,  à  bords  aplatis, 
puis  un  peu  relevé.  L'espèce  de  France,  d'un  rouge  écarlate  bigarré  de 
noir,  longue  de  9  à  10  millimètres,  a  été  longtemps  prise  pour  une 
Lygéc,  d'après  sa  coloration.  C'est  le  Therapha  hyosciami,  Linn.,  la  Pu- 
naise rouye  à  croix  de  chevalier  ào,  Geofl'roy,  la  Lygée  de  la  jusquiame, 
Faun.  franc.,  rare  dans  le  nord  de  la  France,  très  commune  dans  le 
reste  du  pays,  d'Algérie  au  printemps  et  en  été  sur  VAsphodelus  ra- 
mosus,  en  outre  errant  sur  le  sol  ou  sous  les  pierres.  Elle  vit  sur  di- 
verses plantes,  notamment  sur  la  jusquiame,  dont  elle  se  nourrit  bien 
que  la  plante  soit  très  vénéneuse,  marchant  aussi  à  terre  entre  les 
pierres.  De  Géer  dit  qu'elle  exhale  une  agréable  et  assez  forte  odeur  de 
thym.  Elle  pond  au  mois  de  juin  des  œufs  rouges  et  oblongs.  La  larve 
semble  monstrueuse,  à  cause  de  la  disproportion  de  ses  membres  ;  les 
antennes  et  les  pattes,  plus  longues  que  le  corps  et  velues,  sont,  ainsi 
que  le  rostre,  d'une  grosseur  énorme. 

P.\Cll¥ni$,  And.  Sei'v.  et  Lep.  Saint  Farg.  — Tête  petite  ;  tubercules  antennifères 
peu  saillants,  avec  une  lamelle  qui,  vue  en  dessus,  paraît  presque  comme  une 
pointe  mousse  entre  eux  ;  antennes  grandes^  un  peu  plus  courtes  que  le  corps  ; 
premier  article  très  grand  et  un  peu  épaissi ,  le  second  un  peu  plus  court  que  lui, 
grêle  et  cylindroïde,  le  Iroisième  encore  plus  court,  mais  dilaté  en  ovale  à  son 
extrémité,  le  dernier  article  beaucoup  plus  long  qu'aucun  des  autres  et  pointu  ; 
prothorax  trapézoïdal,  à  angles  postérieurs  peu  ou  point  saillants  ;  écusson  trian- 
gulaire, hémélytres  au'moins  aussi  longues  que  l'abdomen,  avec  la  membrane 
obscure  ;  pattes  fortes  et  assez  courtes,  à  jambes  et  cuisses  postérieures  épineuses 
dans  les  mâles,  ces  dernières  très  renflées  ;  abdomen  ovalaire,  à  bords  aplatis, 
dépassant  les  hémélytres  de  chaque  côté,  épineux  dans  les  mâles. 

L'espèce  type  de  ce  genre,  de  Cayenne,  est  le  P.  Pharaonis,  Fabr., 
la  Punaise  de  Pharaon  de  Stoll,  de  35  millimèlres  de  long,  brune,  bordée 
et  barrée  de  rouge  ferrugineux  dans  les  deux  sexes  sur  tous  les  con- 
tours des  organes  extérieurs.  Nous  figurons  son  antenne,  pi.  xcix,  fig.  8. 


PAGHYLIS,    MIGTIS,    ALYDDS.  805 

Dans  un  genre  voisin,  Holymenia,  Latr.,  nous  citerons  //.  Lalreillei, 
And.  Serv.  (EncycL),  espèce  du  Brésil,  dont  nous  représentons  l'an- 
tenne, pi.  xcix,  fig.  7,  offrant  les  articles  2  et  3  élargis  en  massue  ovale, 
f/ouvrage  de  Stoll  a  de  nombreux  exemples  de  ces  antennes  à  articles 
en  folioles  variées. 

IMIC'TIS,  Leach.  —  Tête  subcarrée,  avec  tubercules  antennifères  très  saillants, 
ayant  une  écliancrure  plus  ou  moins  prononcée  entre  eux  ;  yeux  globuleux  et 
saillants;  antennes  longues,  à  articles  cylindroïdes  ;  corps  allongé;  prothorax 
rétréci  en  avant;  écusson  triangulaire;  hémélytres  à  peu  près  de  la  longueur  de 
l'abdomen,  ayant  la  membrane  à  nervures  longitudinales  assez  peu  nombreuses, 
quelques-unes  fourchues  ;  pattes  assez  longues  et  fortes,  les  cuisses  épineuses 
vers  l'extrémité  dans  les  deux  sexes,  les  postérieures  plus  épaisses  que  les  autres, 
surtout  dans  les  milles,  les  jambes  postérieures  assez  aplaties;  abdomen  allongé, 
à  bords  latéraux  parallèles  dans  les  mâles,  plus  ovalaire  chez  les  femelles,  avec 
les  bords  aplatis  et  dépassant  un  peu  les  hémélytres  de  chaque  côté. 

Nous  représentons,  pi.  xcix,  fig.  9,  une  grande  espèce  de  l'île  d'Am- 
boine,  le  .'1/.  profanus,  Fabr.,  syn.  :  cruciferus,  Leach,  brun,  avec  les 
bords  internes  des  hémélytres  d'un  jaune  vif,  dessinant  une  croix  par 
leur  rapprochement.  C'est  une  espèce  peu  éloignée,  d'un  brun 
ferrugineux,  qui  est  représentée,  pi.  xcix,  fig.  6,  et  qui  est  désignée 
par  Guérin-Méneville  sous  le  nom  de  Coreus  rubicjinosus  et  indi- 
quée de  la  Nouvelle-Hollande,  dans  l'entomologie  du  voyage  de  la 
Coquille. 

AliVDUS,  Fabr.  —  Corps  allongé;  tête  triangulaire,  large  à  la  base  et  s'avan- 
çant  en  une  pointe  mousse  allongée  entre  les  antennes,  celles-ci  longues  et 
grêles;  yeux  globuleux,  presque  pédoncules,  tressaillants;  rostre  long  et  grêle; 
protliorax  un  peu  plus  large  en  arrière  qu'on  avant;  hémélytres  ayant  la 
corie  peu  opaque,  la  membrane  à  nervures  longitudinales  peu  nombreuses; 
pattes  longues  et  grêles,  les  postérieures  plus  grandes  que  les  autres,  les 
cuisses  postérieures  à  peine  plus  renflées  que  les  quatre  premières,  épineuses 
en  dessous,  les  jambes  postérieures  droites,  sans  aucune  courbure,  finement 
velues. 

VA.  calcaratus,  Linn.,  de  10  millimètres  de  long,  est  noirâtre  et  velu 
dans  les  deux  sexes,  le  prédorsum  et  les  cories  quelquefois  grisâtres, 
les  membranes  d'un  brunâtre  translucide,  les  jambes  ordinairement 
pâles,  les  trois  premiers  articles  des  antennes  pâles,  leur  extréinité  et 
le  dernier  article  noirs;  mâle  et  femelle.  Cette  espèce,  peu  commune 
dans  le  nord  de  la  France,  est  commune  près  de  Paris  et  dans  beaucoup 
de  régions  de  l'Europe;  en  été  sur  beaucoup  de  plantes,  notamment 
les  euphorbes  et  les  genêts.  Nous  représentons  une  espèce  exotique, 
pi.  xcix,  fig.  10,  VA.  annulicornis,  G.  Mén.,d'un  brun  fauve,  à  aniennes 


806  HÉMIPTÈRES. 

anneléesde  blanc,  d'Offak,  à  la  Nouvelle-Guinée  (entomol.  du  voyage 
de  la  Coquille). 

IVKIDF.S,  Latr.  —  Corps  très  fluet,  allongé,  cylindroïde  ;  tête  petite,  se  prolon- 
geant de  chaque  côté  en  pointe  comprimée  ou  lamelle  entre  les  antennes,  celles- 
ci  longues  et  très  fines,  le  premier  article  plus  long,  le  second  faisant  coude  avec 
lo  premier,  environ  moitié  plus  court  que  le  troisième  et  cylindrique  comme  lui, 
le  quatrième  assez  petit,  ovalaire  et  rétréci  ;  yeux  petits,  globuleux,  saillants  ; 
rostre  de  quatre  articles,  atteignant  le  milieu  du  sternum;  prolhorax  grèlc, 
grossissant  en  arrière,  sans  angles  latéraux,  avec  trois  carènes  longitudinales; 
écusson  à  peine  visible;  hémélytres  de  la  longueur  de  l'abdomen,  étroites  et 
linéaires  comme  lui,  la  corie  peu  opaque,  la  membrane  n'ayant  que  quatre  à  cinq 
nervures  longitudinales  ;  pattes  très  longues  et  grêles,  les  postérieures  plus 
grandes  que  les  autres,  les  cuisses  épaissies  en  massue  à  leur  extrémité. 

Le  type  de  ce  curieux  genre,  qui  ressemble  à  une  Tipule  (Diptères 
némocères),  est  le  N.  tipularms,  Linn.  (forme  macroptère),  de  12  milli- 
mètres  environ  de  longueur,  d'un  jaune  verdàtre  pâle  ou  grisâtre,  avec 
quelques  points  noirs  aux  articulations  des  pâlies,  sur  la  nervure  qui 
sépare  la  membrane  de  la  corie,  le  dernier  article  des  antennes  noir; 
mâle  et  femelle.  Nous  représentons,  pi.  xcix,  fig.  11,  cet  insecte,  rare 
dans  le  nord  de  la  France  et  aux  environs  de  Paris,  paraissant  en 
automne,  dans  les  lieux  humides,  se  traînant  lentement  sur  les  hautes 
herbes  ou  dans  le  sable,  à  la  racine  des  plantes.  On  voit  ce  singulier 
Coréen  s'agiter  sous  les  genévriers,  sous  les  bruyères,  sous  diverses 
plantes  basses;  ses  longues  pattes  filiformes  semblent  l'entraver  plulôt 
que  lui  venir  en  aide,  lorsqu'il  veut  accélérer  sa  marche;  il  est  du  resie 
assez  indolent  et  se  laisse  saisir  avec  facilité.  D'après  le  D''  Puton,  le 
A'',  parnllolus,  Fieber,  n'est  que  la  forme  brachyptère  do  la  même 
espèce;  cette  forme  n'est  pas  rare,  en  mai  et  juin,  dans  les  dunes  de 
Dunkerque  et  de  Calais,  sur  les  fleurs  des  Erodium,  où  on  la  trouve 
accouplée  (I.ethierry),  ce  qui  est  la  preuve  qu'on  n'a  pas  affaire  à  un 
état  nymphal;  il  est  bon  de  constater  de  pareils  faits  pour  les  Hémi- 
ptères brachyptères,  sujets  de  fréquentes  discussions  à  cet  égard. 


Tribu  des  lygkews. 

Les  Lygéens  ont  le  corps  plus  ou  moins  allongé  ou  ovalaire,  de  con- 
sistance coriace.  Les  antennes  sont  de  quatre  articles,  filiformes  ou 
légèrement  renflées  au  sommet,  insérées  au-dessous  d'une  ligne  fictive, 
allant  du  milieu  de  l'œil  composé  à  la  base  du  roste  (Inféricornes 
d'Amyot).  La  tête  est  triangulaire,  sans  rebord  et  sans  étranglement 
au-devant  des  yeux.  Les  ocelles  existent  le  plus  souvent,  à  l'exception 


LYGOEUS,  807 

(lu  type  (les  Pyrrliocoris.  I.e  rostre  est,  le  plus  souvent,  de  quatre 
articles.  Le  pronotum  est  habiluellement  divisé  en  deux  lobes  par  un 
sillon  ou  dépression  iransverse.  L'écussou  est  petit  ou  médiocre,  trian- 
gulaire. Les  hémclytres  sont  composées  d'une  corie,  d'un  clavus  et 
d'une  membrane,  celle-ci  ayant  au  plus  cinq  nervures  longitudinales 
(excepté  type  Pyrrliocoris).  La  membrane  est  souvent  nulle  ou  rudi- 
mentaire.  Les  tarses  ont  trois  articles  dont  le  médian  est  le  plus  court; 
les  crocbets  sont  forts,  élargis  à  la  base,  avec  une  pelote  ou  ambulacre 
entre  eux.  L'abdomen  présente  six  segments  non  génitaux.  Les  Lygéens 
vivent  pour  la  plupart  en  colonies  nombreuses,  tantôt  sur  certaines 
espèces  de  végétaux,  tantôt  sous  les  pierres,  sous  les  feuilles  sèches  et 
agglomérées,  sous  les  mousses  à  la  base  des  troncs  d'arbre.  Ils  rccber- 
chent  pour  leur  nourriture,  soit  des  sucs  végétaux  de  bourgeons,  soit 
des  cadavres  d'Insectes,  de  Cloportes,  de  Lombrics,  et  sont  souvent  luci- 
fuges,  un  petit  nombre  d'espèces  paraissant  au  grand  jour. 

tYftWUS,  Fabr.  et  Fallen.  —  Corps  allongé,  aplati  en  dessus,  légèrement  velu; 
tête  triangulaire,  s'avançant  en  pointe  mousse  entre  les  antennes  ;  antennes  de 
quatre  articles^  le  premier  court,  le  dernier  légèrement  fusiforme ;  yeux  assez 
petits,  globuleux,  saillants,  mais  non  pédoncules;  ocelles  gros,  éloignés  l'un  de 
l'autre,  rapprochés  des  yeux;  protliorax  en  trapèze,  avec  double  impression  près 
du  bord  antérieur;  écusson  triangulaire;  hémélytres  à  membrane  présentant 
quatre  nervures  longitudinales,  dont  les  deux  internes  sont  réunies  par  une  ner- 
vure transverse  ;  pattes  assez  grandes,  les  postérieures  un  peu  plus  longues  que 
les  autres,  toutes  les  cuisses  d'égale  grosseur  ;  abdomen  de  la  longueur  et  de  la 
largeur  des  hémélytres. 

Dans  ce  genre  Lygœus,  type  de  la  famille  des  Lygœides,  la  nervure 
transverse  de  la  membrane  forme  à  la  base  de  celle-ci  un  quadrilatère; 
les  nervures  de  cette  membrane  sont  quelquefois  peu  distinctes  à  cause 
de  son  opacité  et  de  son  obscurité  dans  certaines  espèces.  Les  Punaises 
de  ce  genre  n'ont  pas  d'odeur  appréciable.  Une  espèce  très  répandue 
est  le  L.  equestris,  Linn. ,  la  Punaise  rouge  à  bandes  noires  et  taches  blanches 
de  Geoffroy,  de  10  à  12  millimètres,  les  deux  sexes  pareils,  le  pronotum 
noir  en  avant  et  en  arrière,  au  milieu  une  bande  rouge  transverse, 
irrégulière,  trifide  ;  corie  rouge,  une  bande  noire  sur  le  milieu  ;  un  point 
noir  au  milieu  du  clavus  qui  est  rouge  avec  le  sommet  rembruni,  tous 
ces  dessins  formant  au  milieu  du  corps  une  espèce  de  croix  de  cheva- 
lier (d'où  le  nom  cV equestris);  membrane  noire,  avec  une  tache  centrale 
ronde,  une  à  la  base  et  le  bord  arqué  blancs;  ventre  rouge,  chaque 
segment  avec  deux  taches  noires  de  chaque  côté,  à  la  base,  l'une  au 
côté  externe,  l'autre  près  du  milieu  ;  dernier  segment  noir,  antennes 
et  pattes  noires.  Cette  belle  espèce  est  commune  dans  toute  la  France, 
sauf  dans  le  nord,  où  elle  est  rare;  elle  se  trouve  en  Suède.  Elle  se  ren- 
contre sur  les  plantes,  vivant  en   colonies  sur  les    troncs  cariés  des 


'"^^'S  HÉMIPTÈRES. 

chênes,  aussi  dans  les  vieux  bAtiments,  entre  les  pierres,  parmi  les 
décombres.  Elle  est  assez  commune  toute  l'année  en  Algérie.  Le  L.  saxa- 
tilis,  Scopoli,  de  10  à  11  millimètres  de  longueur,  la  Punaise  rouge  à 
damier  de  Geofl'roy  a  le  pronotum  noir  avec  une  ligne  rouge  latérale 
souvent  interrompue  et  une  médiane  raccourcie  avant  le  bord  anté- 
rieur; cories  noires  sur  les  bords,  le  centre  irrégulièrement  rouge  et 
portant  une  tache  noire  souvent  continente  avec  les  bords;  clavus 
rouge  à  la  base,  obscur  à  l'extrémité,  avec  une  tache  noire  ronde  vers 
le  dernier  tiers  ;  membrane  obscure;  ventre  rouge,  la  base  des  seg- 
ments noire  au  milieu  au  moins,  une  tache  triangulaire  à  la  base  au 
côté  externe  et  une  arrondie  sur  chaque  stigmate.  Cette  espèce,  moins 
commune  que  la  précédente,  est  de  toute  la  France,  très  rare  dans  le 
nord,  peu  commune  en  Algérie  et  au  printemps.  Je  la  prenais  autrefois 
en  colonies  sur  les  menthes,  dans  les  fossés  des  chemins  d'exploitation, 
près  de  Chevry-Cossigny,  canton  de  Brie-Comte-Robert  (Seine-et-Marne) 
Elle  a  des  variétés  de  coloration,  et  se  trouve,  outre  la  France,  au 
Sénégal,  à  Java,  et  même  dans  la  Nouvelle-Hollande.  Nous  avons  encore 
en  France  d'autres  Lijgœus,  à  dessins  rouges  et  noirs,  manquant  au 
nord,  rares  près  de  Paris,  commnns  dans  le  midi.  Tels  sont  :  L.  venustus, 
Ilerr.  Sch.;  L.  apuans,  Rossi,  syn.  :  punctum,  Fabr.,  la  Punaise  rouge  à 
point  noir  et  taches  blanches  de  Geotl'roy;  L.  punctato-guttatus,  Fabr., 
très  rare  aux  environs  de  Paris  ;  L.  militaris,  Rossi,  manquant  aux  envi- 
rons de  Paris,  commun  dans  le  midi  de  la  France,  très  commun  en 
Algérie,  sous  les  pierres,  aussi  de  toutes  les  régions  méridionales  de 
l'ancien  monde,  Egypte,  Sénégal,  cap  de  Bonne-Espérance,  îles  Philip- 
pines, etc.  L.Dufour  dit  que  cette  espèce  répand,  quand  on  l'irrite,  une 
assez  agréable  odeur  d'éther  acétique. 

Nous  représentons  un  Lygœus  exotique,  pi.  c,  fig.  1,  le  L.  Poey,  Guér. 
Mén.,  de  la  Havane,  d'environ  10  millimètres  de  long,  et  dont  les  tégu- 
ments sont  variés  de  jaune  et  de  brun.  On  consultera,  pour  cette 
espèce  :  Ramon  de  la  Sagra,  Histoire  naturelle  de  Vile  de  Cuba,  gr.  in-Zi" 
Paris,  1864,  et,  pour  le  genre  Lygœus,  C.  G.  Thomson  :  Ofoersigt  of  de  i 
SverigeFunna  arter  af  slôgtet  Lygœus,  Fallen,  in  Opuscula  entomulogica, 
in-8",  Zi  fascic,  Lund.,  1869.  Ce  mémoire  contient  la  description  de 
cinquante-sept  Lygœus  de  Suède. 

niYODOCUA,  Latr.  —  Tête  en  ovale  allongé,  prolongée  et  conique  antérieu- 
rement, portée  sur  un  cou  très  long,  cylindroïde,  étroit;  antennes  à  peu  près 
du  tiers  de  la  longueur  du  corps,  de  quatre  articles,  le  premier  court  et  épaissi, 
les  autres  grêles  ;  yeux  assez  petits,  globuleux,  peu  saillants  ;  ocelles  rappro- 
chés des  yeux,  distants  l'un  de  l'autre;  prottiorax  divisé  en  deux  lobes  par  un 
étranglement  médian,  s'élargissant  un  peu  postérieurement  et  s'arrondissant  en 
dessus  ;  écusson  assez  grand,  triangulaire  ;  hémélytres  dépassant  l'extrémité  de 
l'abdomen,  leur  membrane  à  quatre  nervures  très  courbéfis  à  la  base;  pattes 
grêles,  fines,  assez  velues,  à  peu  près  d'égale  longueur  entre  elles,  les  cuisses 


PYRRHOCORIS.  809 

antérieures  renflées  et  épineuses,  les  tarses  de  trois  articles,    le  dernier  avec 
deux  forts  crochets  ;  abdomen  allongé,  linéaire,  cylindrique  en  dessous. 

Nous  rcpréscntoas,  pi.  c,  fig.  5,  la  lêlo  grossie  de  M.  tipuloides,L<i[.v., 
espèce  de  l'Amérique  septentrionale. 

La  famille  des  Pyrrhocorides,  tout  en  conservant  l'aspect  général  des 
Lygéens,  se  distingue  essentiellement  des  Lygœides  par  l'absence 
docelles  (Cécigènes  d'Amyot).  Les  antennes  ont  la  mûme  insertion  que 
dans  les  Lygœides,  et  leur  premier  article  est  toujours  plus  long  ou  au 
moins  aussi  long  que  la  tète,  et  non  plus  court  qu'elle,  comme  il  l'est 
en  général  dans  les  Ligœides.  La  membrane  des  hémélytres,  de  nature 
coriacée,  a  toujours  plus  de  cinq  nervures,  offrant  deux  ou  trois  cellules 
basales,  d'où  partent  d'assez  nombreuses  nervures  plus  ou  moins  four- 
chues. Le  ventre  présente  plusieurs  sutures  courbées  ou  sinuées  exté- 
rieurement, le  dernier  segment  ventral  n'étant  pas  échancré  en  angle 
chez  la  femelle;  les  orifices  odorifiques  sont  indistincts.  Le  corps  est 
généralement  ovalaire  et  épaissi.  La  tête  est  triangulaire,  les  antennes 
ont  quatre  articles,  dont  le  dernier  est  filiforme,  plus  ou  moins  épais; 
le  rostre,  de  quatre  articles,  a  toujours  le  troisième  plus  long  que  le 
quatrième.  Le  nom  de  cette  famille  signifie  Punaise  rouge. 

PYRRHOCORIS,  Fallen.  —  Corps  en  ovale  allongé;  tête  triangulaire;  an- 
tennes de  quatre  articles;  rostre  atteignant  l'insertion  des  pattes  intermédiaires; 
prothorax  un  peu  rétréci  en  avant,  presque  quadrangulaire,  à  angles  arrondis 
et  à  bords  tranchants  relevés,  avec  un  bourrelet  antérieur  étroit  ;  membrane 
des  hémélytres  (dans  les  formes  macroplères)  présentant  à  la  base  deux  cellules 
irrégulières,  coupées  obliquement  par  l'extrémité  de  la  corie,  du  contour  des- 
quelles partent  en  s'irradiant  des  nervures  droites  ou  fourchues  en  nombre  va- 
riable ;  pattes  subégales  en  longueur  et  assez  courtes,  les  cuisses  antérieures 
renflées,  les  jambes  mutiques,  les  tarses  longs. 

L'espèce  importante  de  ce  genre  est  le  P.  aplerus,  Linn.,  la  Punaise 
rouge  des  jardins  de  Geoffroy,  la  Punaise  sociable  de  Stoll,  la  Lygée  aptère. 
Faune  franc.,  de  9  à  11  millimètres  de  long,  les  deux  se.\es  pareils,  le 
corps  varié  de  noir  et  de  rouge  écarlate,  la  tête,  le  milieu  du  pronotum, 
l'écusson,  le  clavus  et  la  membrane  (quand  elle  existe)  noirs,  deux 
taches  rondes  et  noires  sur  la  corie,  l'une  grande,  sur  le  milieu  du 
disque,  l'autre  plus  petite,  près  de  la  base,  entre  le  clavus  et  le  bord 
externe;  les  pattes  et  les  antennes  sont  noirs,  ainsi  que  le  dessous  du 
corps;  les  bords  de  l'abdomen,  un  collier,  une  bande  étroite  à  chaque 
segment  du  sternum,  les  hanches  et  l'extrémité  du  dernier  segment 
ventral  rouges.  Les  sujets  brachyptères,  où  le  système  alaire  se  réduit 
aux  cories,  sont  les  plus  nombreux  et  existent  seuls  dans  les  pays  sep- 
tentrionaux; dans  le  midi,  on  trouve  assez  fréquemment  des  formes 
macroptères,  où  la  corie  se  prolonge  en  membrane  noire,  avec  aile 


810  HÉMIPTÈRES. 

noire  sous  l'héraclytre.  Ces  sujets  existent,  mais  rares,  aux  environs  do 
Paris,  déjà  connus  de  Geoffroy.  L'espèce  abonde  en  Europe  et  se  trouve 
aussi  dans  l'Amérique  septentrionale.  De  Géer  dit  qu'elle  est  commune 
en  Hollande,  mais  rare  en  Suède.  Elle  est  rare  aussi  dans  le  nord  de  la 
France  (Lethierry),  non  rencontrée  dans  l'arrondissement  de  lille, 
trouvée  en  août  dans  les  dunes  d'Ambleteuse  (Pas-de-Calaisj,  et,  au 
pied  des  murs,  dans  les  fortifications  de  Valenciennes.  Elle  est  fréquente 
près  de  Paris,  au  bas  des  ormes  et  des  tilleuls  dans  les  avenues,  au  pied 
des  murs  dans  les  jardins.  Les  paysans  l'appelaient  autrefois  le  Suisse, 
en  raison  de  l'uniforme  rouge  des  troupes  suisses  au  service  des  rois 
de  France,  et  la  nomment  aussi  cherche-midi,  car  elle  se  plaît  dans  les 
lieux  exposés  au  soleil,  où  elle  se  groupe  en  colonies  de  cinquante  à 
soixante  individus,  lents  à  se  mouvoir,  et  qui  restent  volontiers  dans 
une  longue  immobilité. 

A  la  mauvaise  saison  ces  Punaises  se  retirent  sous  les  pierres  et' sous 
les  écorcespourypasserl'biver  pendant  lequel  elles  restent  engourdies,  se 
ranimant  et  reprenant  leurs  habitudes  ordinaires  au  début  du  prin- 
temps, dès  le  soleil  de  mars.  On  les  voit  souvent  arrêtées,  occupées  en 
nombre  à  se  repaître  d'un  bourgeon  adventif  du  pied  d'un  arbre,  d'une 
graine  ou  d'un  Insecte  mort  et  souvent  d'un  sujet  de  leur  propre 
espèce.  En  captivité  les  plus  grandes  Pyrrliocoris  attaquent  les  plus 
petites  et  les  mangent;  sous  les  pseudélytres  des  vieux  sujets  on  trouve 
de  nombreux  Acariens  qui  se  nourrissent  aux  dépens  de  leurs  hôtes. 
Ils  se  tiennent  serrés  les  uns  contre  les  autres,  et  souvent  les  uns  sur 
les  autres,  la  tôte  dirigée  vers  un  point  central.  Ils  se  plaisent  sur  la 
tige  des  tilleuls  ou  des  ormes,  à  la  partie  inférieure  du  tronc,  jusqu'à 
1  mètre  environ  de  hauteur  au-dessus  de  la  racine,  se  plaçant  toujours 
du  côté  du  soleil.  La  femelle  ne  présente  aucun  vestige  d'oviscapte,  et 
ses  pièces  vulvaires  sont  au  nombre  de  six.  L'armure  copulatrice  ou 
plaque  anale  du  mâle  est  une  sorte  de  cupule  cornée  noire,  enchâssée 
en  grande  partie  dans  le  dernier  segment  de  l'abdomen  et  articulée 
avec  un  demi-segment  bordé  de  rouge  qui  en  recouvre  une  portion.  Sa 
face  inférieure  est  convexe,  très  lisse,  glabre,  sans  aucune  trace  de 
division  ;  sa  face  supérieure,  entièrement  abritée  à  l'état  de  repos  sous  la 
dernière  plaque  dorsale  de  l'abdomen,  est  parallèle  au  corps,  déprimée, 
garnie  d'un  court  duvet  dans  son  contour,  oll'rant,  vers  son  milieu, 
deux  petites  pièces  cornées,  noirâtres,  lancéolées,  contiguës,  mais  dis- 
tinctes par  une  rainure  médiane  et  dont  les  pointes  sont  dirigées  en 
avant.  Ces  pièces,  susceptibles  d'un  mouvement  de  bascule  sur  leur 
base,  paraissent  destinées  à  jouer  un  rôle  de  préhension  dans  l'acte 
copulateur,  et,  chez  l'Insecte  vivant,  le  pénis  saillit  un  peu  en  avant  de 
leurs  pointes.  Les  accouplements  cemmencent  vers  le  milieu  d'avril,  et 
ont  lieu  pendant  toute  la  belle  saison,  indifféremment  entre  mâles  et 
femelles,  soit  ailés,  soit  aptères.  Rarement  un  mâle  s'unit  plus  d'une 
fois  à  une  femelle;  celle-ci  s'accouple  au  contraire  plusieurs  fois.  Le 


PYRRHOCORIS.  8M 

mâle  se  place  d'abord  sur  le  dos  de  la  femelle,  qu'il  saisit  et  embrasse 
avec  ses  pattes;  puis,  au  bout  do  quelque  temps,  il  se  retourne  et  la 
lâche  des  pattes;  mais,  tenant  à  elle  par  le  pénis,  il  est  forcé  de  la 
suivre  à  reculons,  le  ventre  en  l'air.  L'accouplement  peut  durer  trois 
il  quatre  jours  sans  interruption;  au  commencement  les  mâles  et  les 
femelles  se  séparent  au  moiiulre  attouchement;  mais,  lorsqu'il  s'est 
déjîi  efl'ectué  depuis  quelque  temps,  on  peut  les  saisir  et  les  tourmenter 
sans  qu'ils  se  séparent. 

Le  corps  de  la  femelle  s'élargit  déjà  pendant  l'accouplement,  et,  à  la 
fin  de  cet  acte,  il  a  déjà  acquis  un  développement  au  moins  double  do 
celui  qu'il  avait  auparavant.  La  femelle  se  traîne  ensuite  lentement  çà 
et  là  et  dépose,  sous  les  feuilles  tombées  et  humides,  ou  dans  les  creux 
de  terre  au  voisinage  des  vieilles  souches  d'arbres,  un  petit  tas  d'une 
vingtaine  d'œufs,  grands  d'environ  1  millimètre,  ovales,  d'un  blanc  de 
perle,  très  lisses  et  très  brillants;  leur  couleur  devient  peu  à  peu 
bleuâtre,  et  ils  grossissent  jusqu'à  l'éclosion  de  la  larve.  Les  Pyrrhocoris 
offrent  l'exemple  assez  rare  de  Punaises  qui  passent  l'hiver  aux  stades 
de  développement  les  plus  variés.  On  trouve  des  petites  larves  de  la 
grosseur  d'une  tète  d'épingle  à  côté  de  larves  plus  grandes.  Les  plus 
petites  ont  un  abdomen  entièrement  rouge  et  des  rudiments  d'appen- 
dices alaires  noirs.  Après  avoir  subi  trois  mues,  elles  acquièrent  leur 
taille  et  leur  couleur  définitives.  Les  hémélytres  s'allongent  pendant  ce 
temps,  et  la  teinte  rouge  prédomine  sur  la  couleur  noire  primitive.  Ces 
Insectes  sont  revêtus  alors  d'une  sorte  d'habit  rouge,  orné  de  deux 
taches  noires  arrondies  en  forme  de  boutons,  d'une  bordure  noire  plus 
ou  moins  large  à  l'extrémité,  et  d'une  pièce  d'obturation  noire.  Inver- 
sement, l'abdomen,  d'abord  rouge,  prend  alors  une  couleur  noire  lui- 
sante; seuls  les  bords  latéraux  et  quelques  bandes  transversales  de 
l'abdomen  conservent  la  teinte  rouge  primitive.  Dès  que  la  jeune  Pyr- 
rhocore,  sortie  foute  pâle  de  l'œuf,  commence  à  se  colorer,  la  tète  et 
ses  annexes,  antennes  et  rostre,  prennent  une  teinte  noire  luisante, 
ainsi  que  les  pattes,  le  prothorax  se  colore  aussi  en  noir  très  rapide- 
ment sur  ses  deux  faces,  gardant  seulement  une  bordure  rouge  circu- 
laire. Comme  nous  le  savons,  la  forme  brachyptère  prédomine,  exclusive 
même  dans  le  nord,  la  forme  macroptère  devenant  au  contraire  assez 
fréquente  dans  le  midi.  Le  P.  apterus  est  très  abondant  toute  l'année 
en  Algérie  sous  les  pierres. 

Les  Punaises  du  genre  Pyrrhocoris  ne  répandent  aucune  .  odeur  à 
l'état  adulte;  mais  il  n'en  est  pas  do  même  à  l'état  de  laï'ves  ou  de 
nymphes.  Alors,  de  même  que  les  Pentatomes,  l'odeur  est  sécrétée  par 
des  glandes  situées  sur  la  face  dorsale  de  l'abdomen,  qui  en  présente 
une  au  centre  de  chacun  des  trois  anneaux  médians.  Par  un  léger 
frottement, perle,  au  niveau  delà  glande  médiane,  une  gouttelette  inco- 
lore qui  s'évapore  peu  à  peu,  et  l'odeur  aigre  décèle  un  acide  gras  vola- 
til; par  un  frottement  plus  énergique  ou  une  mutilation,  la  glande 


812  HÉMIPTÈRES. 

postérieure,  qui  est  la  plus  forte,  émet  un  jet  de  liquide  qui  répand 
l'odeur  propre  des  Punaises.  Nous  reproduisons  des  détails  du  P.  apte- 
rus,  pi.  c,  fig.  2,  tète  montrant  une  antenne  et  le  rostre;  2a,  tarse 
antérieur.  A  la  mauvaise  saison,  ces  Insectes  se  retirent  sous  les  pierres 
ou  sous  les  écorces  pour  y  passer  fl'hiver,  pendant  lequel  ils  restent 
engourdis,  se  ranimant  et  reprenant  leurs  habitudes  dès  les  premiers 
jours  du  printemps. 

Kn  Egypte,  en  Andalousie,  en  Provence  et  en  Corse  se  rencontre  une 
seconde  espèce,  P.  œijyptius,  Linn.,  de  8  à  10  millimètres,  un  peu  plus 
petite  et  surtout  plus  étroite  que  la  précédente,  à  ponctuation  plus  fine, 
le  dos  de  l'abdomen  rouge,  ainsi  que  les  segments  génitaux,  l'abdomen 
rouge  et  non  noir,  avec  une  ligne  de  taches  noires  sur  le  milieu  des 
côtés  du  ventre,  une  seule  tache  noire  sur  la  corie,  dont  le  bord  apical 
est  droit;  elle  affecte  toujours  la  forme  macroptère, 

ill.4CROCEll/%l.%,  Lefebvre,  syn.  :  lohita,  Amyot.  —  Corps  allongé;  tête  trian- 
gulaire; antennes  grêles,  beaucoup  plus  longues  que  la  moitié  du  corps,  de 
quatre  articles  de  longueurs  décroissantes  ;  ocelles  nuls  ;  yeux  petits  ; 
rostre  dépassant  un  peu  la  base  de  l'abdomen  ;  prothorax  rétréci  en  avant, 
ù  bords  très  relevés,  avec  un  large  bourrelet  transverse  ;  hémélytres  beau- 
coup plus  courtes  que  l'abdomen  ;  pattes  grandes,  à  peu  près  aussi  longues 
les  unes  que  les  autres,  cuisses  antérieures  un  peu  plus  épaisses  que  les  sui- 
vantes, de  même  épaisseur  partout,  tarses  proportionnellement  longs,  avec  le 
premier  article  très  grand  ;  abdomen  à  bords  rectilignes,  du  moins  chez  les 
mâles. 

I^e  type  de  ce  genre  est  une  longue  et  étroite  Punaise  du  Bengale, 
M.  grandis,  Gray,pl.  c,  fig.  3,  mâle,  de  35  à  Uô  millimètres  de  longueur, 
de  couleur  rouge,  avec  des  taches  brunes  sur  le  prothorax,  un  large 
point  noir  sur  chaque  hémélytre,  leur  membrane  noire,  des  bandes 
latérales  noires  sur  le  sternum,  ainsi  qu'une  tache  latérale  à  l'arti- 
culation de  chaque  segment  ventral,  les  antennes  noires,  sauf  à  la 
base  de  chaque  article,  les  pattes  noires,  excepté  les  cuisses  anté- 
rieures, les  genoux  et  une  partie  des  cuisses  intermédiaires  qui  sont 
rouges. 

MYODOCIIA,  Latr.,  syn.  :  leptocorisa,  Latr.  —  Tête  en  ovale  allongé,  pro- 
longée et  conique  antérieurement,  portée  sur  un  cou  très  long,  cylindrique, 
étroit  ;  antennes  de  quatre  articles,  à  peu  près  du  tiers  de  la  longueur  du  corps; 
yeux  assez  petits,  globuleux,  peu  saillants;  ocelles  rapprochés  des  yeux  et 
distants  l'un  de  Tautre;  rostre  fin;  prothorax  divisé  en  deux  lobes  par  un  étran- 
glement médian,  s'élargissant  un  peu  postérieurement  et  s'arrondissant  en 
dessus;  écu^son  triangulaire;  hémélytres  dépassant  l'extrémité  de  l'abdomen, 
leur  membrane  à  quatre- nervures  très  courbées  à  la  base;  pattes  grêles  et  fines, 
assez  velues,  subégales  en  longueur,  à  cuisses  antérieures  renflées  et  épineuses 


MYODOCHA,    GAPSEDES.  813 

à  tarses  de  trois  articles;  abdomen  allongé,  à  bords   linéaires,  cjlindrcïdc  en 
dessous. 

Nous  reprégeufons,  pi.  c,  fig.  5,  la  tôte  grossie  du  M.  tipulotdes,  Latr., 
de  l'Amérique  septentrionale. 

La  famille  des  Capsides,  dont  l'étude  n'est  encore  qu'incomplètement 
élucidée,  compte  environ  Irois  cents  espèces  en  Europe,  et  probable- 
ment encore  un  grand  nombre  encore  à  découvrir  dans  les  pays  exo- 
tiques. Us  sont  difficiles  à  saisir  parce  qu'ils  sont  agiles  et  s'envolent 
rapidement  et  sans  bruit  dès  qu'on  s'en  approche,  aimant  une  tempéra- 
ture douce,  soit  au  soleil,  soit  dans  les  lieux  frais  et  ombragés,  lors  des 
grandes  chaleurs,  commençant  à  paraître  avec  les  beaux  jours  et  finis- 
sant avec  eux  vers  le  milieu  de  l'automne.  Ils  se  conservent  en  collec- 
tion beaucoup  moins  facilement  que  les  autres  Hémiptères  hétéro- 
ptères,  à  cause  de  la  délicatesse  et  de  la  mollesse  des  différentes  parties 
de  leur  corps,  qui  se  détachent  facilement,  surtout  les  pattes,  très 
lâchement  articulées.  Les  Capsides  se  trouvent  généralement  sur  les 
gazons,  sur  les  plantes  basses  et  dans  les  fleurs,  et  leurs  mœurs  sont 
peu  connues.  Peut-être  vivent-ils  principalement  de  nectar,  peut-être, 
au  moins  certaines  espèces,  font-ils  la  chasse  à  de  très  petits  insectes 
qu'ils  sucent.  Ils  sont,  en  général,  d'une  teinte  d'un  vert  clair,  souvent 
ornés  de  marques  bariolées  très  élégantes. 

Sur  leur  tête  triangulaire,  les  ocelles  font  défaut,  comme  chez  les 
Pyrrhocores.  Les  antennes,  atteignant  parfois  la  longueur  du  corps  et 
même  davantage,  sont  de  quatre  articles,  dont  le  second  est  le  plus 
long  et  parfois  aussi  le  plus  épais,  se  terminant  par  deux  articles  d'une 
ténuité  capillaire  et  villeux,  caractère  qui  semble  appartenir  aux 
Hétéroptères  qui  vivent  de  proie.  Le  rostre,  atteignant  l'extrémité  du 
thorax,  est  de  quatre  articles  subégaux.  L'écusson  est  triangulaire, 
médiocre,  mais  toujours  visible.  Le  système  alaire  présente  des  dispo- 
sitions spéciales  :  les  hémélytres,  à  corie  toujours  assez  molle,  offrent 
un  pli  parallèle  au  bord  qui  regarde  l'écusson,  lequel  pli  isole  une 
aire,  en  forme  de  trapèze  allongé,  qui  constitue  la  pièce  d'obturation 
ou  le  clou  {clacus);  l'autre  portion  coriace,  la  corie  propre,  forme  un 
triangle,  dont  le  côté  le  plus  court,  qui  correspond  à  la  pointe,  limite 
un  lobe  plus  mince,  d'une  couleur  spéciale,  et  isolé  également  par  un 
pli  ;  c'est  l'appendice  ou  pièce  cunéiforme  {cuneus),  constituant  un 
caractère  particulier  de  cette  famille  ;  le  prolongement  de  cette  pièce 
forme  la  membrane.  On  y  remarque  une  nervure  arquée  qui  part  du 
bord  de  l'appendice  et  qui  y  retourne,  en  émettant  au-devant  de  l'ex- 
trémité externe  un  petit  rameau  avec  lequel  elle  forme  deux  cellules 
inégales,  d'où  le  nom  de  Bicellulcs  donné  par  Amyol  aux  Insectes  de 
celte  famille.  Parfois  cette  membrane  fait  défaut,  ainsi  dans  les  Astem- 
ma,  et  alors  les  ailes  postérieures,  toujours  très  fragiles,  manquent 
également.   Les  tarses,  souvent   très  petits,   présentent  trois   articles 


814  HÉMIPTÈRES. 

nettement  séparés  et  des  pelotes  extrêmement  petites  entre  les  griffes. 
Un  autre  caractère  particulier  à  cette  famille  est  l'existence  d'une  tarière 
chez  la  femelle,  'analogue  à  celle  des  Homoptères,  et  logée  dans  la 
rainure  longitudinale  que  présentent  les  derniers  segments  ventraux. 

ASTI<;mi»I.%,  Latr.^  syn.  :  halticus,  Hahn.  —  Corps  large  et  court;  tête  triaa- 
gulairc;  yeux  gros;  ocelles  nuls  ;  antennes  à  peu  près  aussi  longues  que  le  corps, 
de  quatre  articles,  les  deux  derniers  très  fins;  rostre  atteignant  à  peu  près  la 
base  de  l'abdomen;  prothorax  court,  transversal,  subcarré,  légèrement  bombé 
en  dessus,  sans  impression  transversale  médiane;  hémélytres,  entièrement  co- 
riaces et  sans  membrane  dans  les  deux  sexes  ;  pas  d'ailes,  sauf  parfois  chez  les 
niàles  ;  pattes  postérieures  plus  longues  que  les  autres,  avec  les  cuisses  renflées 
propres  à  sauter;  toutes  les  jambes  légèrement  épineuses. 

Ce  genre  est  formé  de  très  petites  Punaises  sauteuses,  peu  nom- 
breuses en  espèces,  se  trouvant  à  terre  dans  les  herbes.  Nous  avons 
placé  en  synonymie  le  nom  de  Haha,  tiré  de  la  faculté  saltatrice,  parce 
qu'il  prête  à  une  confusion  avec  les  Attises,  petits  Coléoptères  Chrysomé- 
liens  également  sauteurs,  en  préférant  le  nom  de  Latreille,qui  indique 
l'absence  d'ocelles.  L'espèce  la  plus  répandue,  de  toute  la  France,  est 
ÏA.  apterum,  Linn.,  syn.  :  pallicorne,  Linn.,  de  12  millimètres  de  long, 
d'un  noir  luisant  bronzé,  l'extrémité  des  cuisses,  les  jambes  et  les 
antennes  pâles,  commun  en  juillet  et  août  sur  les  Graminées  et  les 
Ombellifères. 

On  trouve  cette  espèce,  en  juin,  près  d'Alger  et  d'Oran,  sur  ces  mêmes 
familles  végétales;  les  hémélytres  y  ont  une  membrane  chez  les  mâles; 
une  variété  est  d'un  beau  noir  luisant,  avec  l'extrémité  des  cuisses  et 
des  jambes  et  les  antennes  lestacées.  A  côté  se  place  A.  pusiUwn,ViQ.n\ 
Sch.,  syn.  :  arenarium,  Hahn,  mercurialis,  G.  Mén.,  intricatum,  Fieber, 
pi.  c,  (ig.  6  :  6,  a,  tête  vue  de  profil;  6  6,  antenne  grossie. 

Cet  insecte,  long  de  2""", 5,  large  de  i""",5,  est  d'un  noir  luisant,  avec 
quelques  poils  jaunâtres,  le  corselet  plus  étroit  que  la  tête,  élargi  en 
arrière,  à  côtés  droits;  le  front  et  l'extrémité  des  cuisses  sont  fauves, 
les  cuisses  postérieures  noires,  sauf  le  bout  fauve,  les  quatre  pattes  anté- 
rieures, les  jambes  et  tarses  postérieurs,  ainsi  que  les  antennes,  d'un 
jaune  pâle;  la  membrane  des  hémélytres  existe  quelquefois,  même  dans 
la  femelle,  et  dépasse  alors  notablement  l'extrémité  de  l'abdomeu. 
Environs  de  Paris,  sur  les  mercuriales. 

miKIH,  Fabr.  ---  Corps  étroit,  alloni,^';,  presque  filiforme,  finement  velu;  lèle 
triangulaire,  allongée  en  avant;  antennes  de  quatre  articles,  le  premier  épaissi, 
longues,  insérées  en  avant  et  un  peu  loin  des  yeux,  sur  un  tubercule  notable 
et  assez  allongé;  yeux  petits,  globuleux;  ocelles  nuls;  rostre  atteignant  la  base 
de  l'abdomen;  prothorax  rétréci  en  avant;  hémélytres  peu  coriaces,  plus  longues 
que  l'abdomen  avec  leur  membrane  bien   développée,  celle-ci  à  deux  cellules 


IMiniS,    HETEROTOMA,    CAPSUS.  815 

près  (tu  bord  extrême  tle  la  corie  ;  ailes  presque  aussi  longues  que  les  licmélytres; 
pattes  longues,  les  postérieures  plus  que  les  autres  ;  cuisses  un  peu  épaissies; 
jambes  frangées. 

Le  M.  lœvigatus,  Linu.,  la  Punaise  blanchâtre  aux  yeux  noirs  de  Geof- 
froy, de  8  millimètres  de  long,  est  d'un  jaunâtre  uniforme,  avec  deux 
lignes  longitudinales  brunes  sur  le  prédorsum  ;  commun  dans  toute 
rL]urope,  en  été,  sur  les  Heurs  des  prairies;  M.  calcaratus,  Fallen,  de 
6  à  7  millimètres  de  long,  peut-être  le  Miris  verddtre,  Faune  franc., 
d'un  vert  jaunâtre  ou  pâle,  quelquefois  des  lignes  brunâtres  sur  le  pré- 
dorsum,  deux  épines  en  dessous  vers  l'extrémité  des  cuisses  posté- 
rieures; assez  commun  partout,  sur  les  fleurs  et  dans  les  prairies; 
M.  ruficornis,  Fallen,  syn.  :  pulchellus,  Hahn,  pi.  c,  fîg.  7,  dans  les  deux 
sexes  les  antennes  pourprées,  quatre  bandes  longitudinales  sur  la  poi- 
trine et  une  de  chaque  côté  de  l'abdomen,  large,  d'un  rouge  pourpre, 
quelquefois  non  apparentes;  pattes  d'un  verdâtre  nuancé  de  pourpre; 
environs  de  Paris,  midi  de  la  France,  Allemagne,  Suède. 

CAPSUS,  Fabr.  —  Corps  en  général  elliptique,  ponctué;  lète  petite;  antennes 
de  quatre  articles,  le  second  notablement  élargi  ou  épaissi  en  massue  oblongue 
vers  l'extrémité,  les  troisième  et  quatrième  d'égale  longueur  entre  eux  ;  yeux 
globuleux  et  saillants;  ocelles  nuls;  rostre  atteignant  l'insertion  des  pattes  in- 
termédiaires; protliorax  trapézoïdal,  rétréci  en  avant,  large  en  arrière,  légère- 
ment bombé  ;  hémélytres  ayant  la  membrane  pareille  à  celle  des  Mi7'ù  ;  ailes 
existantes  ;  pattes  grêles,  assez  longues,  les  postérieures  plus  grandes  que  les 
autres,  avec  les  cuisses  point  ou  à  peine  renflées. 

Nous  représentons,  pi.  c,  iig.  8,  l'antenne  du  C.  ater,  Linn.,  du  sous- 
genre  B/iopa/o^om'ns,  Fieber,  syn.  :  flavicoUis,  Fabr.,  la.  Punaise  safranée 
de  Geoffroy,  la  Punaise  à  grosses  antennes  terminées  par  un  fil  de  Geoffroy, 
de  6  ù  7  millimètres  de  longueur,  entièrement  noir,  quelquefois  la  tête 
et  le  thorax  rouges,  commun  dans  toute  l'Europe,  dans  les  bois,  avec 
de  nombreuses  variétés,  ainsi  tyrannus,  Linn.,  noir,  le  rostre  rouge,  les 
pattes  annelées  de  rouge,  semi-flavus,  Linn.,  noir,  avec  la  tête  et  le 
thorax  d'un  jaune  rougeùlre.  Une  espèce  voisine,  également  commune, 
est  le  C.  laniarius,  Linn.,  syn.  :  capillaris,  Fabr.,  tricolor,  Fabr.,  Faune 
franc.,  Hémipt.,  noir,  les  bords  antérieurs  et  latéraux  du  prédorsum, 
les  bords  latéraux  des  hémélytres,  l'appendice  (sauf  l'extrémité  qui  est 
noire),  les  genoux  et  les  jambes  rouges;  la  variété  capillaris  est,  dans 
les  deux  sexes,  d'un  rougeàtre  assez  uniforme.  Cette  espèce  et  ses 
variétés  se  trouvent  en  été  dans  les  jardins  et  à  la  lisière  des  bols,  sur 
les  rosiers  et  diflerents  arbustes,  et  aussi  sur  les  orties. 

IlEITB^KOTOM.ik,  Latr.   — Corps  allongé,  étroit,    finement  velu  ;  tète   triangu- 
laire,  avec   une  pointe   s'allongeant  entre  les   antennes,    celles-ci  de  quatre 


816  HÉMIPTËRliS. 

articles,  lu  premier  assez  court,  très  épaissi,  le  second,  le  plus  long  de  tous, 
notablement  épaissi  dans  toute  son  étendue,  ordinairement  large  et  aplati,  en 
ellipse  assez  pointue  à  ses  extrémités,  velu  ainsi  que  le  premier,  les  deux  der- 
niers articles  fins,  grêles,  cylindriques,  à  peu  près  d'égale  longueur  entre  eux 
et  glabres;  yeux  gros,  globuleux,  saillants;  rostre  fin,  atteignant  l'insertion  des 
pattes  intermédiaires  ;  protborax  subcarré,  légèrement  bombé  en  dessus  :  carac- 
tères des  Capsus  pour  les  liémélytros,  les  ailes  elles  pattes,  celles-ci  à  peu  près 
d'égale  longueur  entre  elles  ;  abdomen  des  mâles  offrant  deux  crochets  remar- 
quables à  son  extrémité  en  dessous. 

Le  type  de  ce  genre  est  H.  merioptera,  Scopoli,  syn.  :  spissicornis, 
Fabr.,  le  Capse  spissicornc,  Faiin.  franc.,  Hémipt.,  de  5  millimètres  de 
long,  d'un  noir  ferrugineux  luisant,  le  corps  allongé,  étroit,  finement 
velu,  la  base  du  troisième  article  des  antennes  blanche,  les  pattes 
vertes,  pi.  c,  fig.  9,  antenne  très  grossie.  Cette  jolie  espèce  de  toute 
l'Europe  est  commune  en  juillet,  août,  septembre,  aux  environs  de 
Paris  sur  les  orties  (Amyot),  sur  l'aulne  (F,ethierry),  dans  le  nord  de  la 
France,  en  quelques  endroits  humides  des  fortifications  de  Lille  et 
dans  la  forêt  de  Mormal. 

On  peut  placer  ici  la  famille  des  Anthocorides  formée  de  petites 
Punaises  utiles  qui  vivent,  sur  les  arbustes,  de  Pucerons,  de  Cochenilles 
et  de  minimes  chenilles.  Ces  insectes,  dont  la  marche  est  lente,  se 
tiennent  dans  les  bois,  sur  les  fleurs  ou  sur  le  tronc  des  arbres,  sous 
les  écorces  ou  sous  les  mousses,  dans  lesquelles  ils  se  cachent  pendant 
l'hiver  pour  en  sortir  de  bonne  heure,  au  printemps.  Il  ne  faut  pas 
détruire  ces  Punaises  carnassières;  il  est  même  bon  de  les  ramasser  au 
dehors,  pour  les  introduire  sous  les  châssis  et  dans  les  serres,  avec  les 
Coccinelles  (Coléoptères),  les  Chrysopes  (Névroptères),  les  Syrphes 
(Diptères).  Les  Anthocorides  ont  la  tête  petite,  avec  un  prolongement 
mousse  entre  les  antennes,  celles-ci  moins  longues  que  la  moitié  du 
corps,  de  quatre  articles,  dont  le  second  est  le  plus  long,  les  yeux  glo- 
buleux, très  saillants,  les  ocelles  saillants,  très  éloignés  l'un  de  l'autre, 
rapprochés  des  yeux,  le  rostre  de  trois  articles  apparents  seulement,  ne 
dépassant  pas  l'insertion  des  pattes  antérieures,  le  prothorax  trapézoïdal, 
à  angles  mousses  non  saillants,  les  hémélytres  dont  la  corie  offre  une 
articulation  qui  forme  une  sorte  d'appendice  à  son  extrémité,  et  dont 
la  membrane  est  claire  avec  une  nervure  arquée,  très  saillante,  située 
près  du  bord  externe;  les  pattes  sont  assez  longues,  à  peu  près  d'égale 
longueur,  les  cuisses  légèrement  fusiformes  et  d'égale  grosseur,  les 
pattes  antérieures  propres  à  saisir  une  proie,  ayant  les  cuisses  présen- 
tant en  dessous  une  rainure  propre  à  recevoir  la  jambe,  qui  est  garnie 
au  côté  interne,  soit  de  fines  dents,  soit  d'une  espèce  de  brosse,  desti- 
nées à  retenir  ce  qu'elles  pressent  contre  la  cuisse.  Le  genre  principal 
de  cette  famille  de  Punaises  carnassières  est  le  genre  Anlhocoris,  Fallen, 
et  l'espèce  la  plus  répandue  dans  toute  la  France,  A.  nemorum,  Linn., 


PHYMATIENS.  ,S17 

de  h  millimètres  de  long,  d'un  noir  luisant,  les  hémélytrcs,  pâles  avec 
une  bande  transverse  au  milieu  de  la  corie  et  son  extrémité  brunes,  la 
membrane  des  hémélytres  blanche,  avec  une  grande  tache  enfumée, 
en  triangle  irrégulier  qui  en  occupe  toute  l'extrémité,  les  antennes 
pâles,  le  premier  article,  l'extrémité  des  second  et  troisième  et  le  der- 
nier, noirs,  les  pattes  pâles,  l'extrémité  des  cuisses  postérieures  brunes. 
Une  seconde  espèce  de  même  taille,  un  peu  moins  commune,  est 
r.-l.  nemoralis,  Fabr.,  paraissant  toute  l'année,  sur  les  fleurs  en  été,  sous 
les.  écorces  en  hiver,  ayant  les  antennes  plus  courtes  et  plus  épaissies, 
la  bande  transverse  du  milieu  de  la  corie  presque  nulle  et  la  tache  de 
l'extrémité  plus  foncée,  la  membrane  blanche,  son  extrémité  et  trois 
petites  taches  au-dessus,  brunes.  Citons  encore  une  espèce  plus  petite, 
de  2  millimètres  seulement,  A.  minutus,  Linn.,  du  sous-genre  Triphlebs, 
Fiéber,  le  dernier  article  des  antennes  en  pelote  allongée,  surtout  dans 
les  femelles,  aussi  long  que  le  troisième  ;  insecte  noir,  la  corie  des  hém.é- 
lytres  pâle,  l'extrémité  de  l'appendice  brun,  la  membrane  transparente, 
légèrement  enfumée,  toutes  les  jambes  pâles,  toutes  les  cuisses  ren- 
flées, noires  au  milieu  ;  espèce  très  commune  partout  et  toute  l'année, 
en  avril  sur  les  chatons  des  Saules,  avec  A.  nemorum  et  carnassière 
comme  elle.  Dans  le  genre  voisin  Xylocoris,  L.  Dufour,  les  deux  der- 
niers articles  des  antennes  sont  en  soie  fine  et  velue  ;  ex.  :  X.  rufîpen- 
nis,  \j.  Duf.,  des  bois  de  Pins  de  la  France  méridionale. 


Tribu  des  phymatikms. 

Cette  petite  tribu,  qui  n'offre  en  Europe  que  le  genre  Phymata,  I,alr., 
est  formée  de  Punaises  qui  vivent  de  proie  et  dont  les  pattes  antérieures 
sont  ravisseuses,  avec  les  hanches  allongées  et  les  cuisses  très  renflées; 
les  antennes  de  quatre  articles,  par  un  fait  exceptionnel  chez  les  Hété- 
roptères  carnassiers,  au  lieu  de  se  terminer  en  soie  fine  et  déliée,  ont 
le  dernier  article  renflé  en  massue  allongée  et  reçu  dans  une  fossette 
creusée  en  dessous  du  bord  membraneux  du  pronotum.  Le  corps  est  an- 
guleux en  dessous  et  scaphoïde  en  dessus,  les  bords  du  pronotum  et  de 
l'abdomen  lamelliformes  et  relevés.  La  tête  est  étroite  et  assez  longue, 
bifide  en  avant,  avec  un  sillon  transverse  au  milieu;  il  y  a  des  ocelles 
et  les  yeux  sont  au  milieu  des  côtés  de  la  tète,  un  peu  en  dessous.  Le 
rostre,  fort  et  court,  atteint  les  hanches  antérieures.  Le  prothorax  est 
sillonné  longitudinalement  en  dessus  au  milieu,  avec  une  carène  de 
chaque  côté  du  sillon.  Les  hémélytres  otfrent  une  corie,  un  clavus 
étroit  et  court,  une  membrane  avec  quatre  ou  cinq  nervures  principales, 
se  bifurquant  peu  après  la  base  en  nombreuses  nervures  parallèles.  Les 
pattes  antérieures,  très  renflées,  sont  ravisseuses,  la  jambe  formant  une 
forte  pince  avec  la  cuisse.  Tous  les  tarses  sont  à  deux  articles.  L'abdo- 
men offre,  dan?  les  deux  sexes,  six  segments  stigmatifères,  en  outre, 

(JlttAUD.  l'i.  —  52 


818  HÉMIPTÈRES. 

un  segment  génital  ovalaire  chez  le  mâle  et  deux  chez  la  femelle.  Cette 
tribu  offre  des  rapports,  d'une  part  avec  les  Tingidiens  et  les  Aradiens, 
d'autre  part  avec  les  Réduviens. 

PBYMilkTA,  Latr.  —  Corps  dilaté  en  membrane  de  chaque  côté  ;  tête  fendue, 
et  bi-épineuse  en  avant,  prolongée  au  delà  de  l'insertion  des  antennes  :  gorge 
profondément  creusée  pour  recevoir  le  rostre  de  trois  articles;  antennes  insé- 
rées en  avant  et  assez  loin  des  yeux,  sous  le  prolongement  antérieur  de  la  tête 
beaucoup  plus  courtes  que  le  corps  :  le  premier  article  très  petit,  les  second  et 
troisième  d'égale  longueur,  le  quatrième  fusiforme  et  très  épaissi,  aussi  long 
ou  plus  long  que  tous  les  autres  pris  ensemble  dans  les  mâles,  moins  long  dans 
les  femelles;  yeux  circulaires;  ocelles  derrière  les  yeux  et  au-dessus  d'eux,  sur 
un  rebord  saillant  du  vertex  et  sous  une  pointe  saillante  qui  s'y  fait  remarquer; 
prothorax  grand,  dilaté  de  chaque  côté;  écusson  triangulaire,  très  court;  hè- 
mélytres  aussi  longues  que  l'abdomen,  avec  la  membrane  claire,  beaucoup  plus 
grande  que  la  corie,  à  nervures  nombreuses  et  fourchues  ;  ailes  plus  courtes  que 
les  hémélytres  ;  pattes  à  hanches  antérieures  fort  allongées,  les  cuisses  anté- 
rieures renflées,  creusées  d^un  canal  en  dessous  pour  recevoir  les  jambes,  celles- 
ci  grêles,  courtes,  avec  un  tarse  très  petit  logé  dans  une  rainure  de  la  jambe, 
les  quatre  pattes  postérieures  ambulatoires,  à  peu  près  subégales  en  longueur 
et  grêles,  à  tarses  de  deux  articles  ;  abdomen  affectant  la  forme  rhomboïdale 
et  à  bords  dilatés  en  membrane. 

Ce  genre  a  été  étudié  par  M.  Westwood  {Trans.  entom.  Soc.  ofLondon, 
III,  18).  Nous  avons  en  France,  mais  assez  rare,  le  P.  crassipes,  Fabr. 
pi,  C,  fig.  11,  antenne  du  mâle,  la  Punaise  à  pattes  de  Crabe  de  Geoffroy, 
d'un  brun  ferrugineux  et  jaunâtre  en  dessous,  de  toute  l'Furope  méri- 
dionale, sur  les  fleurs,  dans  les  bois  des  environs  de  Paris  et  aussi  de 
l'Amérique  septentrionale,  volant  avec  facilité  et  sans  aucune  odeur. 
Nous  représentons  également  l'antenne  du  mâle  de  P.  œrosa,  Linn.,  des 
États-Unis  d'Amérique,  pi.  C,  fig.  12. 

MACllOCEPHAIiUS,  Swederus,  syn.  :  Syrtis,  Fabr.  —  Tête  beaucoup  plus 
longue  que  chez  les  P/tymata,  son  bord  antérieur  non  prolongé  en  bifurcation 
entre  les  antennes;  antennes  courtes,  épaisses,  insérées  très  près  l'une  de  l'autre 
au  bord  antérieur  de  la  tête,  de  quatre  articles,  les  trois  premiers  courts,  le 
quatrième,  le  plus  grand  de  tous  et  le  plus  épais,  ovalaire  et  pointu  ;  ocelles 
très  distincts,  en  arrière  des  yeux,  rapprochés  l'un  de  l'autre;  bec  court  et  gros 
reposant  dans  un  canal  à  côtés  peu  élevés,  ne  dépassant  pas  l'insertion  des  pattes 
antérieures  ;  prothorax  trapézoïdal  ;  écusson  très  grand,  atteignant  l'extrémilé 
de  l'abdomen  et  recouvrant  les  hémélytres,  comme  dans  les  Scutellères  ;  hémé- 
lytres ayant  une  légère  corie  coriace,  le  reste  en  membrane  à  quatre  nervures 
longitudinales  ;  pattes  comme  les  Phymata. 

On  consultera,  pour  ce  genre  américain  :  Weslwood,  Monographie 
des  Macrocephalus,  dans  les  Trans.  de  la  Soc.  entom.  de  Londres,  t.  III, 


DYSODIUS,   ARADUS.  819 

p.  18  à  31,  pi.  1.  Nous  représentons  une  espùce  du  Brésil,  M.  affinis, 
G.  Mén.,  de  12  millim.  de  long  sur  k  de  large,  pi.  C,  fig.  10,  10,  a,  tête 
et  partie  antérieure  grossie  du  prothorax  portant  les  pattes  ravisseuses, 
10,  6,  antenne  grossie,  l.e  corps  est  brun  et  rugueux,  couvert  de  petites 
écailles  ou  poils  courts,  d'un  jaune  grisâtre,  l'écusson  d'un  jaune  d'ocre 
avec  une  large  carène  longitudinale  au  milieu,  le  prothorax  élevé  et  bi- 
tuberculé  en  arrière. 


Tribu  des  arabiens. 

Cette  tribu  se  compose  de  Punaises  qui  vivent  sous  les  écorces  ou  dans 
leurs  fentes,  où  leur  forme  aplatieleur  perm  et  de  se  glisser,  d'où  le 
nom  de  Corticoles  donné  par  Amyot.  Corps  ovalaire,  très  plat  en  dessus 
et  en  dessous;  tête  horizontale,  avec  un  long  prolongement  obtus  entre 
les  antennes;  tubercule  antennifère  prononcé  et  pointu  en  dehors;  an- 
tennes de  quatre  articles  épais  ;  ocelles  nuls  ;  yeux  saillants  et  en 
arrière  de  la  tête  ;  pronotum  ordinairement  avec  des  carènes  longitudi- 
nales; liémélytres  débordées  par  l'abdomen  dilaté,  la  membrane,  le  plus 
souvent,  avec  nervures  irrégulières,  anastomosées;  pattes  courtes; 
tarses  de  deux  articles. 

DYi§ODlU§)^  Le  Peletier  et  Aud.  Serville.  —  Tête  sans  prolongement  des  bords 
latéraux  postérieurs  ;  prothorax  à  angles  antérieurs  prolongés  en  croissant  très 
prononcé  ;  hémélytres  plus  étroites  et  plus  courtes  que  l'abdomen,  avec  mem- 
brane à  cellules  irrégulières;  pattes  assez  courtes,  à  cuisses  un  peu  renflées; 
abdomen  ayant  ses  côtés  découpés  en  lobes  arrondis. 

Le  type  de  ce  genre  est  le  D.  lunatus,  Fabr.,  la  Punaise  araignée  de 
Stoll,  pi.  C,  fig.  15,  de  la  Guyane  et  du  Mexique,  ayant  environ  15  millim. 
de  longueur,  d'un  brun  ferrugineux,  les  côtés  saillants  du  prothorax  et 
les  lobes  de  l'abdomen  finement  denticulés  en  scie. 

ARADUS,  Fabr.  —  Corps  aplati  et  ovalaire  ;  tète  plus  ou  moins  prolongée  entre 
les  antennes;  antennes  assez  courtes,  avec  une  forte  épine  divergente  à  leur 
base,  les  articles  cylindroïdes,  le  premier  très  petit,  subcarré,  2  le  plus  long  de 
tous,  3  et  4  subégaux  ;  yeux  petits,  globuleux,  très  saillants,  presque  pédoncules, 
rostre  court,  reposant  dans  une  profonde  rainure  ;  prothorax  presque  cordiforme, 
dilaté  et  arrondi  aux  angles  postérieurs;  écusson  triangulaire  et  assez  long; 
hémélytres  arrondies  à  leur  extrémité,  à  membrane  très  développée,  avec  quatre 
nervures  longitudinales  courbées;  pattes  courtes  et  grêles  ;  abdomen  très  aplati 
et  ovalaire. 

Nous  représentons,  pi.  C,  tîg.  IZi,  l'antenne  de  VA.  corticalis,  Linn., 
syn.  complanatusy  Herr.  Schœf.,  de  6,5  millim.  (mâle)  à  8  (femelle),  les 


820  HÉMIPTÈRES. 

antennes  noires,  le  corps  d'un  noir  brunâtre  obscur,  avec  les  bords  des 
divers  organes  ferrugineux,  les  membranes  noires,  les  bords  du  prono- 
tum  arqués,  irrégulièrement  denticulés;  midi  delà  France  (Amyot), 
Vosges  et  Alsace,  rare  (Puton).  Citons  encore  :  A.  depressus,  Fabr.,  la 
Punaise  Léviatan  de  Geoffroy,  de  5  à  6  millim.  de  long,  d'un  brun  noir, 
varié  de  ferrugineux  et  de  blanchâtre,  l'écusson  très  excavé,  les  hémé- 
Ivtres  aussi  longues  que  l'abdomen,  se  dilatant  un  peu  et  plus  larges 
que  lui  à  leur  base,  les  cories  blanchâtres,  marbrées  de  brun,  les  mem- 
branes brunes,  à  nervures  et  taches  blanches,  les  pattes  blanchâtres, 
avec  anneau  brun  aux  cuisses  ;  assez  commun  dans  toute  la  France, 
sous  les  écorces  des  arbres  à  feuilles  caduques,  saules,  hêtres,  chênes,  etc. 
\Ln  toute  saison  on  trouve  sur  les  écorces  des  colonies  de  cet  insecte, 
composées  d'individus  adultes  et  de  larves  de  tous  les  âges,  ce  qui  doit 
faire  supposer  que  leurs  générations  se  succèdent  rapidement  dans  le 
cours  d'une  année. 


Tribu  DES  TIJVGITIEWS. 


Les  Tingitiens,  de  même  que  les  Aradiens,  appartiennent  au  groupe 
de  Punaises  dites  Membraneuses,  insectes  de  petite  taille,  offrant  un 
aspect  spécial  par  suite  des  prolongements  lobés  ou  des  excroissances 
vésiculaires  que  présentent  généralement  le  prothorax,  les  hémélytres 
et  l'abdomen.  La  gaine  du  rostre  tri-articulé  se  cache  dans  une  gouttière 
le  long  du  cou,  les  ocelles  manquent  le  plus  souvent,  les  antennes  sont 
de  quatre  articles,  le  vertex  de  la  tête  est  souvent  épineux,  l'écusson 
est  ordinairement  caché  par  un  prolongement  triangulaire  du  pronotum 
caractère  d'Hydrométride).  Les  hémélytres  sont  homogènes,  réticulées, 
(presque  toujours  sans  distinction  de  corie,  de  clavus  et  de  membrane  ; 
les  tarses  sont  de  deux  articles,  sans  pelote  entre  les  griffes  ;  beaucoup 
de  genres  présentent  sur  le  bord  antérieur  du  pronotum  une  sorte 
d'ampoule  ou  renflement  vésiculeux  réticulé.  Les  Tingitiens  sont  des 
phytophages,  vivant  sur  des  végétaux  dont  ils  pompent  les  sucs,  les 
espèces  ordinairement  confinées  sur  plantes  spéciales  à  chacune  d'elles. 

TlIWCilS,  Fabr.  —  Antennes  longues  et  grêles,  de  quatre  articles,  fines,  termi- 
nées en  massue,  le  premier  article  cylindrique,  plus  long  que  le  second  qui  est 
très  petit,  le  troisième  plus  long  que  les  autres  ensemble  et  grêle,  le  dernier 
très  petit,  globuleux  ;  cinq  longues  épines  frontales,  rostre  reposant  dans  un 
sillon  assez  profond,  étendu  jusqu'à  l'extrémité  du  sternum;  prolhorax  prolongé 
poslérieurementen  une  a=sez  longue  pointe,  qui  recouvre  complètement  l'écusson, 
le  disque  avec  un  renllement  vésiculeux,  et  trois  lignes  longitudinales  élevées  en 
son  milieu,  quelquefois  dilatées  en  folioles,  ainsi  que  ses  côtés;  hémélytres ova- 
laires,  plus  longues  et  plus  larges  que  l'abdomen,  ayant  les  côtés  dilatés  en 


TINGIS,   CIMEX.  821 

feuille,  avec  un  rendement  vésiculeux  sur  leur  disque,  toutes  ces  parties  vési- 
culeuses  et  foliacées  d'une  transparence  membraneuse,  et  présentant  un  réseau 
à  petites  cellules  formées  par  de  fines  nervures  ;  pattes  grêles,  d'égale  lon- 
gueur. 

Le  type  de  ce  genre  est  le  T.  piri,  Geoffroy,  Fabr.,  la  Punaise  à  fraise 
antique,  de  Geoffroy,  le  Tigre  du  poirier  des  jardiniers,long  de  3  à  /i  millim. , 
pi.  G,  flg.  13,  antenne  pareille  dans  les  deux  sexes,  le  corps  brun,  les  an- 
tennes ayant  leurs  articles  grêles,  plus  ou  moins  tachés  de  brun,  les 
côtés  du  prothorax  notablement  dilatés  en  feuille  arrondie,  transparente, 
le  renflement  prédorsal  en  forme  de  grosse  vessie  globuleuse,  les  hémé- 
ly très  blanchâtres,  avec  quatre  taches  brunes,  placées  deux  à  la  base, 
deux  à  l'extrémité,  se  prolongeant  obliquement,  quelquefois  de  manière 
à  former  entre  elles  une  croix,  les  pattes  pâles  ;  c'est  le  bariolage  de 
cette  petite  Punaise  qui  lui  valut  le  nom  de  Tigre.  Elle  se  trouve  dans 
presque  toute  la  France,  sauf  les  Vosges  et  le  Nord,  sur  les  poiriers 
auxquels  elle  est  très  nuisible,  car  les  larves,  les  nymphes  et  les  adultes 
vivant  en  nombreuses  familles  sous  les  feuilles,  criblent  la  face  inférieure 
de  piqûres  que  surmontent  de  petites  éminences  brunes  qu'on  prendrait 
pour  des  puccinies,  de  sorte  que  les  poiriers  sont  bientôt  en  fâcheux 
état.  C'est  surtout  aux  arbres  en  espalier  que  ce  Tingis  fait  beaucoup  de 
tort  ;  il  est  plus  rare  sur  les  poiriers  en  pyramide.  Les  adultes  volent 
très  bien  et  partent  par  centaines  si  on  secoue  les  branches,  mais  pour 
revenir  bientôt  reprendre  leurs  places.  Les  ravages  ont  lieu  surtout  à 
la  fin  d'août  et  en  septembre;  comme  à  cette  époque  il  y  a  peu  de  sève, 
on  peut  sans  inconvénient  couper  le  soir  avec  des  ciseaux  les  feuilles 
attaquées,  car  à  ce  moment  les  Tingis  endormis  ne  s'envolent  plus,  et 
on  les  brûle  immédiatement  avec  les  feuilles  sur  un  réchaud.  Ou  bien 
on  fait  des  lotions  de  jus  de  tabac  ou  d'une  forte  lessive  de  savon  noir  ; 
ou  bien  on  étend  un  drap  le  long  de  l'espalier,  on  opère  des  fumigations 
de  tabac  ou  de  feuilles  de  noyer,  et  on  ramasse  pour  les  détruire  les 
Punaises  qui  tombent  engourdies  par  la  fumée  toxique. 


Tribu  des  CIltllClEMS. 


Cette  tribu  est  presque  uniquementformée  par  le  genre  Cmecc,  Linn., 
syn.  Acanthia,  Fabr.,  composé  d'Hémiptères  piquant  l'homme  ou  divers 
animaux,  se  nourrissant  seulement  du  sang  ainsi  extrait  sur  des  (Ures 
vivants. 

CIMEX,  Linn..  syn.  :  Acanthia,  Fabr.  —  Corps  aplati,  en  ovale  très  arrondi,  à 
surface  finement  ponctuée  et  velue,  à  contours  ciliés  ;  tête  arrondie,  avec  un 
petit  prolongement  transversal  entre  les  antennes,  sans  cou  derrière  les  yeux. 


822  HÉMIPTÈRES. 

ceux-ci  sphéroïdes,  très  saillants,  presque  pédoncules;  pas  d'ocelles;  antennes 
assez  longues,  de  quatre  articles,  le  premier  très  court,  noduleux,  le  second 
cylindroïde,le  plus  grand  de  tous,  légèrement  velu, les  deux  suivants  filiformes, 
velus,  à  peu  près  d'égale  longueur  entre  eux;  rostre  de  trois  articles  subégaux, 
mobiles  en  divers  sens,  appliqué  dans  un  léger  sillon  de  la  gorge  et  ne  dépas- 
sant pas  l'insertion  des  pattes  antérieures  ;  prothorax  transversal,  plus  large  que 
la  tête,  à  bords  latéraux  arqués,  le  bord  antérieur  profondément  échancré  pour 
recevoir  la  tête,  les  angles  antérieurs  formant  des  espèces  d'ailerons,  le  bord 
postérieur  coupé  droit;  écusson  assez  large,  en  triangle  très  obtus;  métathorax 
très  développé  en  dessus,  échancré  profondément  en  avant  pour  recevoir  l' écus- 
son, avec  un  sillon  longitudinal  en  arrière  de  la  pointe  du  dernier  ;  moignons 
d'hémélytres,  en  forme  de  petites  écailles  ovalaires,  s'étendant  sur  le  premier 
segment  abdominal  en  dessus;  pattes  assez  courtes,  fortes,  velues,  les  posté- 
rieures un  peu  plus  longues  que  les  autres,  les  cuisses  épaisses,  fusiformes,  un 
peu  comprimées,  les  tarses  assez  longs,  de  deux  articles,  le  premier  court,  le 
second  très  long,  courbé  et  muni  de  deux  crochets,  sans  pelote  intermédiaire  ; 
abdomen  circulaire,  beaucoup  plus  large  que  le  thorax,  composé  de  sept  seg- 
ments, non  compris  la  pièce  anale  qui  le  termine. 

L'espèce  principale  est  le  C.  lectularius,  Linn.,  la  Punaise  des  lits  de 
Geoffroy,  de  Ix  à  5  millim.  de  long,  d'un  rouge  brun  clair,  avec  des  poils 
jaunâtres  très  serrés,  pi.  C,  fig.  16,  tête  grossie,  16,  a,  tarse  postérieur 
grossi.  On  présume,  mais  sans  preuve  certaine,  que  ce  triste  insecte 
nous  vient  des  Indes  Orientales  et  qu'il  y  acquiert  parfois  des  ailes  et 
vole,  fait  extrêmement  rare  dans  les  pays  tempérés,  où  il  reste  d'habi- 
tude à  l'état  aptère,  à  la  forme  nymphale.  Il  a  été  connu  des  anciens, 
comme  le  prouve  une  phrase  d'Aristote  {Hist.  des  anim.,  liv.  Y> 
chap.  xxxi)  :  «  Parmi  les  Insectes,  ceux  qui  ne  sont  pas  carnivores, 
mais  qui  vivent  des  humeurs  de  la  chair  vivante,  comme  les  Poux,  les 
Puces,  les  Punaises  {Koreis),  etc.  »  Pline  et  Dioscoride  en  font  aussi 
mention.  Il  paraît  avoir  été  introduit  tardivement  en  Angleterre,  en  1503: 
d'après  Moufet  (Theatrum  insectorum,  Londres,  163Zi)  deux  dames  nobles 
furent  si  effrayées  des  pustules  résultant  de  ses  piqûres,  qu'elles  firent 
venir  immédiatement  leur  médecin,  se  croyant  atteintes  de  quelque 
contagion.  La  Punaise  des  lits  se  trouve  dans  toute  l'Europe,  sauf  dans 
l'extrême  Nord,  et  Lyon,  en  France,  a  été  quelque  temps  comme  son 
quartier  général.  Elle  est  très  commune  à  Alger,  se  rencontre  aussi 
à  Bône  et  à  Oran  (H.  Lucas).  Elle  se  cache  dans  les  fentes  des  lits 
et  des  meubles,  sous  les  coussins  et  dans  les  crevasses  des  vieilles 
voitures  publiques,  dans  les  bagages  des  voyageurs,  malles  et 
caisses,  qui  la  transportent  partout.  Le  naturaliste  voyageur  espagnol, 
Azzara,  fait  remarquer  qu'elle  n'infeste  pas  les  hommes  à  l'état 
sauvage,  mais  seulement  lorsqu'ils  vivent  à  l'européenne,  réunis 
dans  des  habitations  ;  c'est  pourquoi  il  émet  cette  opinion  singu- 
lière que  les  Punaises  ont  été  créées  longtemps  après  les  hommes, 


ciMEX.  823 

et  seulement  lorsque  ceux-ci  étaient  déjà  constitués  en  gouver- 
nements. 

La  Punaise  est  un  insecte  nocturne,  qui  se  cache  pendant  le  jour  et 
répand  une  mauvaise  odeur.  Elle  ne  se  mot  en  mouvement  que  pendant 
la  nuit  pour  chercher  sa  nourriture  et  se  remplit  de  sang  humain, 
qu'elle  absorbe  en  piquant  la  peau  des  personnes  endormies,  sa  salive 
empoisonnée  déterminant  une  petite  ampoule,  ou  au  moins  une  aréole 
rougcâtre,  autour  du  trou  percé  par  le  rostre.  Elle  a  môme  l'instinct  de 
se  laisser  tomber  verticalement  de  dessus  le  lit  ;  on  assure  qu'un  des 
meilleurs  moyens  de  l'écarter  est  de  tenir  la  chambre  bien  éclairée.  Le 
sang  dont  elle  se  remplit  lui  donne,  surtout  quand  elle  est  jeune 
et  avant  la  première  mue,  une -couleur  d'un  rouge  vif  et  qui  se  rem- 
brunit au  bout  de  quelques  heures,  à  mesure  que  s'opère  la  digestion. 
Le  ventre,  enflé  d'abord  par  la  présence  du  sang,  s'aplatit  peu  à  peu, 
blanchissant  sur  les  bords,  le  disque  foncé  central  diminuant  peu  à  peu 
et  se  réduisant  enfin  à  un  point  noirâtre  à  l'extrémité  de  l'abdomen.  Le 
ventre  devient  entièrement  plat  au  bout  de  cinq  à  six  semaines,  et  c'est 
alors  que  l'insecte,  pressé  par  la  faim,  cherche  à  reprendre  des  aliments. 
Les  Punaises  ne  touchent  pas  aux  gouttes  de  sang  répandues  ni  à  des 
morceaux  de  chair  fraîche;  elles  veulent  des  sujets  vivants  à  piquer. 
Elles  évacuent  par  l'anus  des  résidus  digestifs  inodores,  tantôt  une  liqueur 
noire  et  gluante  et  qui  se  fige  promptement,  tantôt,  au  contraire,  une 
matière  blanche.  Dès  que  les  froids  de  l'hiver  commencent  à  se  faire 
sentir,  la  Punaise  s'engourdit  et  son  accroissement  est  suspendu  j  usqu'au 
retour  du  printemps,  pendant  trois  à  quatre  mois  environ.  Avec  la  cha- 
leur reparaissent  des  Punaises  de  toute  grandeur,  à  tous  les  états  de 
mue,  phénomènes  qui  s'opèrent  sans  époques  bien  régulières,  pendant 
toute  la  belle  saison,  et  dépendent  évidemment  de  la  température  et  de 
l'abondance  de  nutrition. 

D'après  Amyot,  la  Punaise  a  quatre  mues,  à  intervalles  d'autant  plus 
rapprochés  que  la  température  est  plus  élevée.  Elles  s'opèrent  rapide- 
ment, comme  si  la  peau  s'écartait  d'elle-même  pour  laisser  sortir  l'in- 
secte, qui  semble  déshabillé  par  une  main  invisible.  La  Punaise  qui, 
au  sortir  de  l'œuf,  a  1  millim.  de  longueur,  en  a  3  au  moment  de  la 
première  mue,  3  ou  ù  avant  la  seconde,  4  ou  5  avant  la  troisième  et 
environ  5  lors  de  la  quatrième,  alors  qu'elle  paraît  sous  la  forme  nym- 
phale,  avec  des  moignons  d'hémélytres.  L'insecte  est  lourd  et  comme 
malade  quelque  temps  avant  chaque  mue  et  reste  à  la  même  place 
pendant  qu'elle  s'opère.  Il  est  blanc  au  sortir  de  la  peau,  faible  el  mar- 
chant lentement;  mais  bientôt  la  vivacité  revient  et  la  couleur  prend 
une  teinte  ferrugineuse  qui  se  rembrunit  de  plus  en  plus.  La  ponte  des 
femelles  a  lieu,  sans  distinction,  à  toutes  les  époques  de  l'année,  pourvu 
que  la  température  les  maintienne  en  mouvement.  La  ponte  s'opère  soit 
que  les  femelles  soient  pleines  du  sang  qu'elles  viennent  d'absorber, 
soit  quand  l'aplatissement  complet  de  leur  abdomen  annonce  qu'elles 


82^  HÉMIPTÈRES. 

n'ont  pas  mangô  depuis  longtemps.  Pendant  les  grandes  chaleurs  de 
l'été,  elle  a  lieu,  d'après  Amyot,  au  moins  sept  à  huit  jours  après 
l'accouplement.  Chacune  pond  de  cinq  à  quinze  œufs  environ,  sans 
symétrie,  chaque  œuf  à  quelques  heures  ou  même  à  une  journée  d'in- 
tervalle d'un  autre;  ces  œufs  soni  pondus  dans  des  lieux  obscurs, 
comme  les  fentes  des  lits,  le  dessous  des  meubles  ou  des  papiers  de  ten- 
ture décollés.  La  femelle  ne  semble  pas  plus  grosse  avant  d'avoir  pondu 
qu'après  ;  l'œuf  doit  donc  grossir  rapidement  dans  l'oviducte. 

Cet  œuf  est  très  gros  relativement  aux  dimensions  de  la  mère,  ayant 
1  millimètre  de  long  et  à  peu  près  0,5  millimètre  de  large.  11  a  la  forme 
d'un  cylindre  légèrement  courbe  en  arc,  un  peu  plus  gros  d'un  bout 
que  de  l'autre;  sa  couleur  est  d'un  gris  perle  uniforme  et  sa  surface 
couverte  de  petits  poils  ras  et  courts.  11  adhère  aux  objets  au  moyen  de 
la  matière  gluante  que  la  femelle  rejeite  par  Tanus.  L'œuf  est  quelque- 
fois un  peu  déprimé  avant  l'éclosion  et  on  observe  aussi  un  petit  point 
rouge  de  chaque  côté  de  l'opercule;  ce  sont  les  yeux  de  l'insecte  visibles 
par  la  transparence  de  la  coque  de  l'œuf.  L'opercule,  destiné  à  s'ouvrir 
pour  donner  passage  à  la  larve,  est  situé  au  bout  le  plus  petit  de  l'œuf. 
Cette  extrémité  présente,  autour  de  l'ouverture  que  forme  l'opercule, 
un  petit  rebord  semblable  à  celui  d'une  marmite,  et  l'opercule,  un  peu 
bombé  au  milieu  comme  une  calotte,  ressemble,  quand  il  est  fermé,  à 
un  mamelon  qu'environne  ce  rebord  élevé  à  l'entour.  Il  s'ouvre  par  un 
gond  unique  fixé  dans  le  rebord  lui-même,  qui  s'incline  et  s'abaisse 
en  cet  endroit,  du  côté  de  la  courbure  externe  de  l'arc  formé  par  le 
cylindre.  L'éclosion  a  lieu,  selon  la  température,  de  cinq  à  douze  jours 
après  la  ponte;  la  larve  sort,  la  tête  la  première,  en  poussant  l'opercule 
pour  le  forcer  à  s'ouvrir,  et  s'aidant  d'un  léger  mouvement  du  rostre 
et  des  pattes  pour  se  tirer  hors  de  l'œuf.  Le  rostre  et  les  pattes,  réunis 
en  faisceau  et  serrés  contre  le  sternum,  sortent  les  derniers  de  l'œuf,  le 
bout  de  l'abdomen  étant  sorti  avant  eux;  après  cette  sortie,  l'opercule 
se  referme  quelquefois  sur  l'ouverture. 

Lors  de  l'éclosion,  la  larve  a  la  grandeur  de  l'œuf  lui-môme,  environ 
1  millimètre;  selon  les  individus,  elle  est  d'un  blanc  de  neige  ou  d'un 
jaune  blanchâtre;  les  yeux  seulement  tranchent  sur  sa  teinte  blafarde 
comme  deux  points  d'un  rouge  ferrugineux  vif;  l'abdomen,  de  forme 
arrondie,  présente  un  point  brunâtre  à  l'extrémité.  A  peine  sortie  de 
l'œuf,  elle  fait  avec  dextérité  un  saut  pour  se  retourner,  puis  se  met 
immédiatement  à  courir  avec  une  vivacité  égale  à  celle  des  adultes  les 
plus  alertes,  et  peut  aussitôt  pourvoir  à.  sa  nourriture.  Les  Punaises 
femelles  ne  survivent  que  quatre  à  huit  jours  après  avoir  terminé  leur 
ponte,  n'ayant  pas  encore  digéré  le  sang  dont  elles  peuvent  être  rem- 
plies, ce  qui  démontre  bien  qu'elles  ne  meurent  pas  de  faim.  Les 
Punaises  adultes  peuvent  vivre  environ  deux  mois  sans  prendre  de 
nourriture,  pleines  de  sang  et  renflées  au  début,  plates  et  décolorées, 
n'ayant  plus  qu'un  point  discoidal  noir  à  l'extrémité  du  ventre  lors 


CIMEX,    RÉDUVIENS.  825 

qu'elles  meurent.  Les  larves  sorties  des  œufs  peuvent  demeurer  sans 
manger  de  deux  à  six  semaines.  Les  Punaises  tenues  sans  nourriture 
dans  des  vases  de  verre  sont  aussi  vives  à  la  fin  de  leur  jeûne  qu'au 
moment  où  on  les  a  prises,  ne  paraissant  s'affaiblir  que  peu  d'heures 
avant  de  mourir.  Un  appartement  qu'on  laisserait  inhabité  pendant  trois 
mois  devrait  donc  se  trouver  débarrassé  des  Punaises;  malheureuse- 
ment, comme  elles  marchent  très  bien  et  se  glissent  par  les  moindres 
fentes,  d'autres  peuvent  revenir,  attirées  par  les  émanations  odorantes 
humaines,  aussitôt  que  l'appartement  est  habité  de  nouveau. 

On  a  cherché  par  bien  des  moyens  à  opérer  une  destruction  radicale 
d'animaux  aussi  répugnants  que  la  Punaise  des  lits.  ICn  général,  les 
odeurs  fortes  ne  la  font  pas  mourir,  mais  certaines  peuvent  l'éloigner; 
ainsi  l'ail,  l'acide  sulfureux,  l'essence  de  térébenthine;  dans  certains 
villages  on  place  des  bottes  de  fleurs  de  camomille  sous  les  paillasses 
des  jeunes  enfants.  On  passe  à  la  chaux  ou  à  la  peinture  les  lits  démon- 
tés, les  boiseries,  les  murailles  infestées  de  Punaises.  Un  bon  moyen,  qui 
exige  que  l'appartement  soit  absolument  inoccupé,  est  de  faire  dégager 
des  vapeurs  de  mercure,  au  moyen  d'une  capsule  de  mercure  placée 
sur  un  réchaud.  Le  procédé  le  plus  habituel  aujourd'hui  est  l'emploi' 
de  la  poudre  de  pyrètre  du  Caucase,  dite  insecticide  Vicat,  où  le  fabri- 
cant a  obtenu  un  degré  de  pulvérisation  d'une  excessive  ténuité,  ce  qui  est 
capital  pour  l'emploi  des  poudres  insecticides  qui  agissent  surtout  en  obs- 
truant le  plus  complètement  possil)le  les  stigmates  respiratoires  des  In- 
sectes. On  lance  la  poudre  Vicat  avec  de  petits  soufflets  dans  les  fentes 
et  les  coins  des  lits  et  des  boiseries  et  sous  les  papiers  de  tenture  dé- 
collés ;  l'effet  est  très  prompt.  On  voit  tomber  les  Punaises  qui  ne  font 
plus  que  quelques  mouvements  convulsifs  et  meurent  bientôt.  Un  moyen 
singulier  et  peu  connu  de  détruire  la  Punaise  des  lits  est  le  suivant  : 
le  soir  on  dissémine  sur  le  lit  des  feuilles  de  haricot  fraîches,  et  le  len- 
demain on  y  trouve  des  Punaises  fixées  à  la  face  inférieure  duveteuse  et 
qu'il  est  alors  aisé  de  ramasser. 

Une  autre  Punaise  plus  petite,  de  l'est  de  la  Russie,  est  le  C.  cibatus 
Eversmann,  marchant  à  pas  lents,  ne  vivant  pas  en  sociétés  et  piquant 
plus  fortement  que  C.  lectularius,  Linn.,  parce  que  son  rostre  est  plus 
long.  On  a  signalé  aussi  des  Cimex  spéciaux  vivant  dans  les  poulaillers 
et  colombiers,  sur  l'Hirondelle,  sur  les  Chauves-Souris. 


Tribu  des  redijviems. 


Les  Réduviens  sont  des  Punaises  de  proie,  vivant  du  sang  des  Insectes 
et  même,  pour  certaines  espèces,des  animaux  supérieurs  et  de  l'homme, 
ce  qui  donne  une  réputation  terrible  à  divers  Réduviens  des  pays  chauds, 
dont  la  très  douloureuse  piqûre  semble  produire  un  choc  électrique 


826  HÉMIPTÈRES. 

(Arilus).  La  plupart  des  espèces  d'Europe  sont  petites  et  se  dissimulent 
dans  les  herbes,  plus  rarement  sur  les  buissons,  restant  volontiers  ca- 
chées pendant  le  jour,  rôdant  la  nuit  à  la  recherche  des  petits  Insectes, 
surtout  des  Musciens.  Tous  les  Réduviens  s'avancent  lentement  et  à 
pas  mesurés,  malgré  la  longueur  de  leurs  pattes.  Cette  tribu  correspond 
aux  Nudirostres  d'Amyot,  en  raison  d'un  rostre  nu  et  dégagé  librement 
de  la  tête,  en  forme  d'alêne  et  de  trois  articles.  La  tête  est  rétrécie  en 
forme  de  cou  derrière  les  yeux  à  fleur  de  tête  ;  le  prothorax  est  arrondi 
sur  les  côtés  et  divisé  par  un  étranglement  transversal  en  une  partie 
antérieure  généralement  plus  étroite  et  une  partie  postérieure  plus 
large.  Dans  la  plupart  des  genres  le  vcrtex  porte  deux  yeux  accessoires 
placés  sur  une  protubérance  située  derrière  un  sillon  transversal;  il  y 
a  des  exceptions  formées  de  genres  privés  d'ocelles,  comme  les  genres 
Emesa,  Emesodema,  Ploiaria.  Les  antennes  sont  normalement  de  quatre 
articles,  mais  souvent  avec  des  articulations  intermédiaires  en  nombre 
variable  ;  les  deux  derniers  articles  sont,  en  général,  fins  et  longs,  le 
dernier  surtout  en  forme  de  soie  très  déliée,  caractère  fréquent  chez  les 
Hétéroptères  prédateurs.  Les  hémélytres  ont  deux  cellules  principales 
placées  sur  le  disque  et  formées  par  trois  nervures  obliques,  qui  sont 
réunies  par  une  autre  près  du  bord  externe,  plus  une  autre  cellule  qui 
se  prolonge  ordinairement  derrière  la  seconde  et  se  divise  quelquefois 
en  deux  vers  l'extrémité.  Les  pattes  poilues  présentent  les  cuisses  géné- 
ralement épaissies  et  armées  de  nombreuses  épines,  aidant  la  Punaise 
à  retenir  les  Insectes;  ces  pattes  se  terminent  par  des  tarses  de  trois 
articles,  le  dernier  sans  ambulacre,  et  sont  très  longues,  les  postérieures 
surtout.  Certains  genres  ont  les  pattes  antérieures  disposées  pour  la  pré- 
hension, offrant  de  l'analogie  avec  les  Mantes  (Orthoptères)  et  les  Man- 
tispes  (Névroptères),  les  jambes  se  repliant  contre  les  cuisses  et  entre- 
croisant leurs  épines  ;  en  outre  ils  ont  les  ailes  plus  ou  moins  atrophiées, 
ainsi  les  deux  paires  dans  une  partie  des  Emesa  et  dans  les  Emesodema. 

REDIITiu§(,  Fabr.  —  Tête  petite  et  arrondie,  ayant  le  bord  antérieur  incliné 
presque  brusquement  après  l'insertion  des  antennes;  antennes  fines  et  assez 
velues,  le  premier  article  le  plus  long,  2  et  3  subégaux,  4  court  ;  yeux  gros  et 
saillants  ;  ocelles  très  gros,  sur  une  éminence  derrière  les  yeux  ;  rostre  très  aigu, 
son  second  article  le  plus  long,  le  troisième  très  court;  prothorax  trapézoïdal,  à 
angles  postérieurs  arrondis,  le  bourrelet  antérieur  et  le  disque  postérieur  offrant 
un  sillon  longitudinal  commun  ;  écusson  très  court,  finissant  en  épine  aiguë  ; 
abdomen  en  ovale  allongé,  un  peu  étranglé  à  sa  base  ;  hémélytres  entièrement 
membraneuses,  sauf  un  bord  externe,  assez  large  à  la  base  et  légèrement  co- 
riace ;  pattes  velues,  assez  longues,  les  postérieures  plus  que  les  autres,  les 
cuisses  antérieures  renflées  et  fusiformes,  une  fossette  spongieuse  très  prononcée 
dans  les  deux  sexes  à  l'extrémité  des  quatre  jambes  postérieures. 

Les  fossettes  spongieuses  dont  il  est  question  dans  la  diagnose  se  voient 


REDUVIUS,    EULYES.  827 

aux  jambes  de  beaucoup  de  Réduviens  :  elles  ont  des  corps  ovalaires, 
charnus  et  pulpeux,  à  surface  inférieure  couverte  d'un  duvet  serré, 
qui  paraît  au  microscope  comme  du  velours;  cette  pelote  spongieuse 
est  un  organe  tactile,  dont  l'utilité  s'adapte  aux  habitudes  d'Insectes 
essentiellement  chasseurs.  Le  type  du  genre  Reduvius  est  le  P.  perso- 
natus,  Linn.,  la  Punaise  mouche  de  Geoffroy,  la  Punaise  mouche  noire  de 
Stoll,  pi.  G,  fig.  18,  tête  vue  de  profil,  18,  a,  base  du  rostre  très  grossie, 
18,  6,  tarse  postérieur,  18,  c,  antenne,  de  16  à  17  millim.  de  longueur, 
de  couleur  noire  ou  brune  uniforme,  luisant  et  velu,  les  pattes  un  peu 
rougCiàtres.  Il  est  assez  commun  à  la  belle  saison  dans  l'intérieur  des 
maisons  où  il  a  passé  l'hiver  à  l'état  de  nymphe,  et  vient  souvent  voler 
dans  les  habitations  autour  des  lumières  par  les  nuits  chaudes  de  l'été; 
on  le  prend  aussi  sous  l'écorce  des  arbres,  sa  larve  se  trouvant  souvent 
dans  les  troncs  pourris,  cachée  par  des  débris.  Il  faut  le  rechercher 
dans  les  greniers,  à  la  campagne.  Quand  on  le  tient  dans  la  main,  il 
fait  entendre  un  bruit  analogue  à  celui  des  Cérambyx,  en  frottant  le 
rostre  contre  le  sternum;  ce  bruit  cesse  quand  le  rostre  est  coupé.  Il  ne 
faut  saisir  ce  Réduve  qu'avec  précaution,  comme  la  plupart  des  Rédu- 
viens du  reste,  car  il  enfonce  dans  la  peau  son  rostre  acéré,  imprégné 
d'une  salive  venimeuse,  qui  cause  une  douleur  comme  un  trait  de  feu 
et  fait  enfler  tout  le  membre. 

Les  Araignées  n'osent  s'approcher  du  Réduve  pris  dans  leurs  toiles  et 
l'y  laissent  mourir  de  faim  avant  de  venir  le  dévorer.  Le  nom  d'espèce 
personatus,  qui  veut  dire  masqué,  vient  des  singulières  habitudes  de  la 
larve,  toute  velue,  de  figure  difforme,  se  roulant  dans  les  coins  poudreux^, 
s'entourant  de  poussières  et  d'ordures,  comme  d'un  masque  crasseux 
qui  la  cache  à  ses  victimes  ;  il  est  probable  que  le  mot  Reduvius  vient  de 
cet  aspect  de  dépouilles  :  reduviœ.  Cette  larve  a  une  démarche  particu- 
lière :  aussitôt  qu'elle  a  porté  une  patte  en  avant,  elle  s'arrête  un  ins- 
tant; elle  avance  ensuite  la  seconde  patte  du  même  côté,  sans  mouvoir 
encore  celles  du  côté  opposé,  procédant  ainsi  ti  une  progression  sacca- 
dée, en  agitant  l'antenne  correspondante.  Elle  s'approche  à  petits  pas  de 
sa  proie,  comme  le  Réduve  adulte,  la  palpe  à  l'aide  des  antennes,  afin  de 
s'en  rendre  compte,  puis  bondit  sur  elle  et  lui  enfonce  son  rostre  dans 
les  chairs.  On  dit  que  cette  larve,  outre  les  Mouches  domestiques,  pour- 
chasse dans  les  maisons  les  Punaises  de  lit,  bien  gorgées  de  sang.  Le  Ré- 
duve masqué  est  de  toutes  les  parties  de  la  France  et  se  trouve  aux  envi- 
rons d'Alger  et  de  Bône  et  dans  le  cercle  de  La  Galle,  se  réfugiant,  après  le 
coucher  du  soleil,  sur  les  terrasses  et  dans  les  maisons.  On  le  cite  des  États- 
Unis,  notamment  de  Pensylvanie,  où  il  a  peut-être  été  importé  d'Europe. 

EUliYES,  Amyot.  —  Antennes  longues  et  fines,  les  deux  premiers  articles  grêles, 
le  premier  très  long;  tête  assez  grande,  avec  un  prolongement  au  delà  des 
yeux  à  peu  près  de  la  longueur  du  cou,  sans  tubercule  ni  épine  à  la  base  des 
antennes  ;  yeux  assez  gros  et  saillants;   ocelles  très  gros  et  saillants;  rostre  fin, 


828  HÉMIPTÈRES. 

atteignant  l'insertion  des  pattes  antérieures  ;  prothorax  trapézoïdal,  très  rétréci 
antérieurement,  les  angles  postérieurs  niutiques,  les  deux  disques  antérieur  et 
postérieur  lisses  et  sans  épines  ;  abdomen  dilaté  de  chaque  côté  en  feuille  oblongue 
et  fendue  à  l'extrémité,  ce  qui  lui  donne  l'apparence  d'une  feuille  double  ;  hémé- 
lytres  un  peu  plus  longues  que  l'abdomen,  avec  corie  assez  longue,  le  tissu  des 
cellules  de  la  membrane  finement  guilloché  ;  pattes  d'égale  longueur  entre  elles, 
les  cuisses  cylindroïdes,  sans  épaississement. 

Le  type  de  ce  genre  est  E.  amœna,  G.  Mén.,  pi.  C,  fig.  17,  mâle,  de 
30  millim.  de  long  et  8  millim.  de  large  au  thorax,  d'an  beau  rouge 
vermillon  sur  le  vivant,  rouge  brique  sur  le  sec,  avec  les  parties  noires 
ayant  un  reflet  métallique  bleuâtre,  la  tète,  les  antennes,  la  partie  pos- 
térieure du  prothorax,  les  membranes  des  hémélytres,  quatre  taches  sur 
chaque  côté  dilaté  de  l'abdomen,  un  anneau  au  milieu  des  cuisses  et 
des  jambes,  à  l'exception  de  la  base,  noirs,  de  Java. 

Dans  le  genre  Pirates,  Burmeister,  le  sillon  transversal  du  prothorax 
est  plus  approché  du  bord  postérieur  que  de  l'antérieur,  les  antennes  de 
quatre  articles  sont  filiformes  et  légèrement  velues,  les  yeux  gros  et 
saillants,  les  ocelles  très  gros,  placés  en  arrière  et  très  près  des  yeux, 
sur  un  tubercule,  le  rostre  assez  gros,  courbé,  finissant  en  pointe  aiguë, 
L'écusson  est  légèrement  creusé  sur  son  disque,  l'abdomen  assez  allongé, 
ovalaire,  à  bords  tranchants,  ne  dépassant  pas  les  hémélytres  sur  les 
côtés,  celles-ci  de  la  longueur  de  l'abdomen,  avec  la  membrane  offrant 
les  deux  cellules  ordinaires,  les  pattes  assez  fortes  et  velues,  les  cuisses 
antérieures  renflées  et  épineuses  en  dessous.  Ce  genre  d'Hétéroptères 
prédateurs  a  d'assez  nombreuses  espèces  dans  les  régions  chaudes  des 
deux  mondes.  Il  est  représenté  en  Europe  par  le  P.  stridulus,  Fabr., 
de  12  à  13  millim.  de  long  dans  les  deux  sexes,  d'un  noir  luisant,  les 
hémélytres  rouges,  avec  trois  taches  noires  et  rondes  sur  la  corie,  dis- 
posées longitudinalement  près  du  bord  interne,  l'intervalle  entre  ces 
taches  d'un  jaunâtre  pâle,  la  membrane  d'un  brun  noirâtre,  avec  une 
grande  tache  ovalaire  d'un  noir  velouté  au  milieu,  l'abdomen  bordé  de 
rouge  latéralement,  avec  une  tache  rouge  à  la  base  du  ventre.  Il  est 
commun  dans  toute  la  France,  au  commencement  du  printemps,  assez 
agile,  ordinairement  à  terre  et  se  cachant  sous  les  pierres  humides, 
taisant  entendre,  quand  on  le  saisit,  un  petit  bruit  aigu,  produit  par  le 
frottement  de  la  partie  postérieure  de  la  tête  contre  l'ouverture  corres- 
pondante du  prothorax.  On  trouve  cet  Insecte  dans  toute  l'Algérie,  en 
hiver  et  pendant  une  grande  partie  du  printemps. 

La  famille  des  Émésides  comprend  des  Réduviens  à  hanches  anté- 
rieures grêles  et  très  longues,  ce  qui  les  a  fait  nommer  Longicoxes 
par  Amyot,  et  à  pattes  antérieures  essentiellement  ravisseuses;  dans 
cette  famille  commence  à  disparaître  la  forme  ordinaire  de  réticula- 
tion  des  hémélytres.  Ces  Insectes  manquent  dans  l'extrême  nord  de  la 
France. 


PLOIARIA.  829 

PliOlAni.%,  Scopoli.  —  Tète  petite  et  arrondie;  antennes  capillaires,  plus  lon- 
gues que  le  corps, les  tieux  premiers  articles  très  longs;  yeux  petits,  peu  saillants; 
ocelles  indistincts  ;  rostre  gros,  court  et  arqué,  de  trois  articles,  le  dernier  fin 
et  aigu  ;  prothorax  étroit,  subrectangle,  à  angles  arrondis,  recouvrant  le  reste 
du  thorax,  offrant  un  sillon  transverse  au  milieu;  hémélytres  de  la  longueur  de 
l'abdomen;  la  membrane  à  petites  cellules  pentagonales;  ailes  inférieures  am- 
ples, transparentes,  irisées  ;  pattes  antérieures  courtes,  épaissies,  les  hanches 
presque  aussi  longues  que  les  cuisses,  celles-ci  un  peu  élargies,  épineuses  en 
dessous,  les  jambes  presque  aussi  longues  qu'elles,  le  tarse  n'ayant  qu'un  seul 
article  muni  d'un  seul  crochet,  les  autres  pattes  très  longues,  grêles  comme 
des  cheveux,  avec  les  tarses  petits,  de  trois  articles,  le  dernier  muni  de  deux 
crochets  dans  les  mâles. 

L'espèce  type  est  le  P.  vagabuncla,  Liiin..  la  Punaise  culiciforme  de 
Geoffroy,  de  à  millim.  de  long,  qu'on  trouve,  mais  assez  rarement,  aux 
environs  de  Paris  sur  les  arbres,  vacillant  et  se  balançant  comme  les 
Tipules,  marchant  lentement  et  d'un  pas  mesuré  sur  les  quatre  pattes 
postérieures,  comme  sur  des  échasses,  cramponnant  les  minimes  Insectes 
avec  ses  pattes  antérieures  repliées  et  leur  enfonçant  son  rostre  dans  le 
corps.  Elle  est  jaunâtre,  tachetée  de  brun,  les  nervures  des  cories 
blanches  ;  elle  pénètre  parfois  dans  les  maisons.  Elle  s'envole  aisément 
et  avec  promptitude.  La  larve  a  les  pattes  très  velues,  à  poils  longs  et 
frisés  comme  de  la  laine,  le  corps  d'un  gris  clair  ponctué  de  noir;  elle 
vit  de  proie  et  se  couvre  de  poussière,  comme  celle  du  Réduve  masqué. 
Nous  représentons  une  espèce  de  la  Havane  un  peu  plus  grande,  P.  pal- 
lida,  G.Mén.,  pi.  C,fig.  19,  de  5"'",5  de  long  sur  0,5  millim.  de  large,  le 
corps  et  les  pattes  d'une  couleur  brune  très  pâle,  sans  taches,  les  hémé- 
lytres transparentes,  à  nervures  un  peu  brunâtres,  les  ailes  incolores  et 
irisées. 

Une  espèce  plus  aberrante,  du  genre  Emesodema,  Spinola,  est  E.  do- 
niestica,  Scopoli,  de  7  à  8  millim.  de  long,  la  tète  petite  et  arrondie 
portant  de  très  longues  antennes  capillaires,  le  corps  d'un  jaunâtre  rem- 
bruni uniforme  dans  les  deux  sexes,  les  hémélytres  et  les  ailes  nulles, 
de  sorte  que  l'adulte  a  tout  à  fait  l'apparence  d'une  larve,  le  thorax 
gêrle  et  long,  l'abdomen  en  ovale  très  élargi  au  milieu  et  très  rétréci  à 
ses  extrémités,  les  cuisses  antérieures  ^munies  à  la  base  d'une  épine 
longue  et  aiguë,  les  cuisses  comprimées  et  les  jambes  repliées  en  pinces 
ravisseuses,  les  pattes  des  paires  2  et  3  très  longues  et  très  fines,  analo- 
gues à  celles  des  Tipules,  les  cuisses  cylindroïdes,  un  peu  plus  épaisses 
que  les  jambes.  Cette  espèce,  qui  paraît  en  été  et  en  automne,  court  la 
nuit  à  la  recherche  des  Insectes,  qu'elle  saisit  avec  ses  pattes  ravisseuses 
et  entre  dans  les  maisons.  Elle  se  nourrit  surtout  de  petits  Tipulides  et 
Muscides,  sans  épargner  sa  propre  espèce.  La  femelle  dépourvue  d'ovis- 
capte  pond  une  douzaine  d'oeufs,  fixés  au  moyen  de  gluten  qui  les  en^ 
veloppe,  oblongs  et  un  peu  velus,  d'où  la  larve  sort  au  bout  d'une  se- 


830  HÉMIPTÈRES. 

maine  environ.  Cette  curieuse  espèce  est  commune  en  Algérie,  se 
trouve  en  Espagne  et  en  Italie  et  sur  la  bordure  française  méditerra- 
néenne, remontant  un  peu  dans  l'intérieur,  mais  alors  très  rare,  rencon- 
trée à  Lyon,à  Marmande  (Lot-et-Garonne),  sur  un  mur,  en  juin  (M.  Fré- 
déric Breignet),  etc. 

Tribu  des  isaldiems. 

Les  Saldiens  sont  de  petits  Hémiptères  sauteurs,  au  moins  dans  plu- 
sieurs de  leurs  genres,  vivant  principalement  auprès  des  eaux,  soit  sur 
les  rivages  de  la  mer,  sur  les  bords  sablonneux  des  cours  d'eau  douce  de 
l'intérieur,  courant  avec  rapidité  ou  bondissant  à  l'aide  des  pattes  pos- 
térieures armées  d'épines,  ce  qui  rend  leur  capture  difficile  ;  ils  sont 
carnassiers  d'Insectes  vivants  et  forment,  avec  les  Hydromètres  dont 
nous  allons  parler,  un  groupe  de  transition  qui  conduit  des  véritables 
Punaises  terrestres  aux  Punaises  aquatiques.  Les  Saldiens  n'ont  pas 
d'étranglement  derrière  l.es  yeux  formant  un  cou;  leurs  yeux  sont  très 
gros  et  saillants,  aussi  LatreiUe  en  formait  le  groupe  des  Oculés  ;  enfin 
la  membrane  des  hémélytres  présente  seulement  des  nervures  longitu- 
dinales. 

OPHTAIiMICUS,  Halin,  syn.  :  en  partie,  Salda,  Fabr,  —  Tête  courte  et  très 
large,  de  manière  que  les  yeux  dépassent  de  chaque  côté  la  ligne  du  prothorax  ; 
bord  antérieur  offrant  une  pointe  plus  ou  moins  prolongée  au  milieu  ;  antennes 
courtes,  le  premier  article  court,  le  second  et  le  troisième  subégaux,  le  qua- 
trième aussi  long  que  le  troisième  et  un  peu  épaissi  ;  yeux  grands  et  gros  ;  ocel- 
les peu  distincts,  au  moins  aussi  éloignés  l'un  de  l'autre  que  des  yeux  ;  rostre 
de  trois  articles,  le  dernier  long  et  très  aigu,  atteignant  l'insertion  des 
pattes  intermédiaires;  prothorax  subrectangle,  arrondi  sur  les  bords;  écusson 
grand  et  triangulaire  ;  hémélylres  bombées,  ayant  quatre  à  cinq  nervures  peu 
apparentes  :  pattes  assez  courtes,  à  peu  près  d'égale  longueur,  à  cuisses  peu 
épaissies  et  fusiformes,  à  tarses  très  longs. 

Nous  représentons  une  espèce  du  Midi  de  la  France,  0.  erythroce- 
phalus,  Lep.  Saint-Farg.  et  Aud.  Serv.,  de  9  millim.  de  long,  le  corps 
d'un  noir  luisant  et  ponctué,  la  tête,  les  antennes  et  les  pattes  d'un 
fauve  rcugeàtre,  la  membrane  des  hémélytres  claire,  pi.  C,  fig.  l^■,  li,  a, 
tête  et  une  antenne  grossies  h,  h,  rostre  très  grossi;  h,  c,  tarse  postérieur 
grossi.  Certains  auteurs  éloignent  beaucoup  ce  genre  des  véritables 
Salda. 

Tribu  des  hyuromÉTRIENN. 

Nous  avons  vu  dans  le  groupe  des  Gyrins  des  Coléoptères  carnassiers 


HYDROMETRA.  831 

courant  à  la  surface  de  l'eau,  tandis  que  les  Dytiques  et  genres  voisins 
explorent  les  profondeurs  à  la  recherche  de  la  proie  ;  de  même  des 
Punaises  à  pattes  longues  et  minces,  dont  nous  ferons  la  tribu  des  Hydro- 
métriens  à  genres  assez  disparates,  courent  ou  nagent  au  soleil  à 
la  surface  des  eaux  dormantes,  se  dispersant,  se  rejoignant,  se  croisant 
et  se  pourchassant  en  tous  sens,  tandis  ([ue  les  véritables  Hydrocorises 
sont  entièrement  plongées  dans  l'eau.  Par  les  temps  froids  les  Hydromé- 
triens  demeurent  dans  une  immobilité  complète,  prenant  la  fuite  tou- 
tefois dès  qu'on  les  inquiète  ou  qu'on  cherche  à  les  saisir.  Beaucoup  de 
ces  Insectes  ont  des  formes  brachyptères,  mais  il  en  est  de  macroptères 
qui  voltigent  quelquefois,  ce  qui  explique  l'apparition  d'Hydrométriens 
isolés  sur  les  ornières  des  routes  rempli(!s  par  l'eau  de  pluie  et  dans  les 
parties  élargies  des  rigoles  qui  forment  dans  les  montagnes  l'origine  des 
ruisseaux.  Les  fréquentes  expéditions  de  ces  Punaises  courant  sur  l'eau 
sont  motivées  par  la  recherche  de  la  nourriture,  car  elles  sont  des  car- 
nassiers de  proie  vivante  qu'elles  saisissent  avec  leurs  pattes  antérieures, 
qui  ne  sont  pas  organisées  cependant  d'une  manière  spéciale  pour  la 
préhension,  mais  que  ces  Insectes  n'utilisent  pas  pour  courir.  La  rési- 
dence ordinaire  des  Hydrométriens  est  dans  tous  les  amas  d'eau  un  peu 
étendus  et  surtout  à  eaux  stagnantes,  ainsi  que  dans  les  places  calmes 
des  eaux  courantes,  même  à  la  surface  des  mers  chaudes  sur  les  fucus 
et  algues  flottants,  parfois  très  loin  des  côtes  (genre  Halobates,  Eschs- 
lioltz).  Les  feuilles  déposent  des  rangées  d'œufs  allongés  sur  les  plantes 
aquatiques. 

Les  caractères  généraux  des  Hydrométriens  sont  peu  nombreux,  en 
raison  des  familles  très  distinctes  qui  composent  cette  tribu.  Les  an- 
tennes sont  de  quatre  articles  ;  le  corps  est  très  dur,  très  coriace,  cou- 
vert en  dessous  d'un  court  enduit  hydrofuge,  soyeux  et  argenté.  La  corie, 
le  clavus  et  la  membrane  sont  de  consistance  homogène  et  ne  se  sépa- 
rent pas  nettement,  surtout  dans  les  formes  brachyptères  qui  sont  nom- 
breuses. Les  côtés  de  l'abdomen  sont  fortement  relevés,  comme  les 
bords  d'une  barque,  et  les  orifices  odoriflques  nuls  ou  indistincts.  Les 
ongles  sont  en  général  insérés  avant  l'extrémité  du  dernier  article  des 
tarses,  sans  appendice  membraneux  entre  eux,  excepté  dans  le  genre 
très  rare  Mesovelia,  Malsant  et  Rey  et  dans  le  genre  Hydrometra,  La- 
treille. 

La  famille  des  Hydrométrides,  moins  exclusivement  à  la  surface  des 
eaux  que  les  autres,  ne  comprend  que  le  genre  Hydrometra. 

HYDROMETRA,  Lati'.,  syn.  :  Lùiitiobatcs,  Burmeister.  —  Corps  très  allongé, 
linéaire;  tête  cylindroïde,  formant  presque  le  tiers  de  la  longueur  du  corps 
renflée  antérieurement;  antennes  filiformes,  le  premier  article  un  peu  plus 
épais  et  plus  court  que  les  suivants,  le  troisième  le  plus  long  :  pas  d'ocelles  ; 
yeux  globuleux,  insérés  au  milieu  des  côtés  de  la  tête  ;  rostre  grêle,  de  trois 
articles,  n'atteignant  pas  tout  à  fait  la  base  de  la  tête;  pronotum  étroit;  écusson 


832  HÉMIPTÈRES. 

nul  dans  les  exemplaires  brachyptères,  très  petit  et  à  peine  visible  dans  es  ma- 
croptères;  hémélytres  des  macroptères  de  consistance  homogène,  avec  des  ner- 
vures principales  longitudinales  ;  ailes  simples,  sans  lobes;  hanches  antérieures 
peu  écartées,  les  intermédiaires  et  postérieures  très  écartées  et  situées  sur  les 
côtés  du  corps;  pattes  très  grêles,  filiformes,  servant  plutôt  à  marcher  qu'à  na  ■ 
ger;  tarses  de  trois  articles,  le  premier  très  court,  ie  troisième  avec  des  ongles 
apicaux;  segments  ventraux  presque  soudés. 

L'espùce  type  est  H.  stagnorum,  Linn.,  la  Punaise  aiguille  de  Geofl'roy, 
pi.  CI,  fig.  1;  1,  a,  tête  très  grossie;  1,  b,  rostre  de  face;  l,c,  patte  posté- 
rieure, de  11  à  13  millim.  de  long,  d'un  noir  brunâtre,  le  sommet  de 
la  tête,  la  base  des  antennes,  les  hancheset  les  pattes,  moins  les  genoux, 
d'un  roux  ferrugineux,  le  dessus  du  corps  plus  ou  moins  roussâtre  ;  forme 
macroptère  :  pronotum  plus  convexe,  à  épaules  proéminentes  ;  hémé- 
lytres n'atteignant  pas  tout  à  fait  l'extrémité  de  l'abdomen,  brunes, 
avec  une  série  de  taches  blanchâtres  le  long  du  bord  externe,  ailes  hya- 
lines, légèrement  enfumées;  forme  brachyptére  :  pronotum  moins  con- 
vexe, épaules  non  proéminentes,  hémélytres  moins  longues  et  plus 
étroites  que  le  métanotum,  linéaires,  avec  une  série  de  taches  blan- 
châtres. 

Cette  espèce,  commune  dans  toute  la  France,  existant  aussi  dans 
l'Amérique  septentrionale,  vit  aux  bords  des  mares  et  des  ruisseaux  à 
eaux  calmes;  on  la  trouve  près  de  Paris  au  début  du  printemps.  Elle 
marche  lentement  à  la  surface  de  l'eau  et  aussi  sur  les  plantes  aquati- 
ques, sur  l'herbe  des  bords  et  sur  la  terre  humide. 

Les  Gerrides  ont  un  corps  étroit  et  allongé,  généralement  d'un  soyeux 
velouté,  noirâtre  en  dessus,  grisâtre  en  dessous,  la  tête  atténuée  en  avant 
et  inclinée,  les  antennes  filiformes,  à  quatre  articles,  le  premier  le  plus 
long,  les  ocelles  existant  dans  la  plupart  des  espèces,  mais  difficiles  à 
voir;  les  yeux  sont  grands  et  globuleux,  touchant  le  bord  antérieur  du 
pronotum,  celui-ci  allongé,  un  peu  atténué  en  avant,  prolongé  en 
arrière  en  un  processus  scutellaire,  grand  et  obtus.  Le  rostre  est  de 
quatre  articles,  le  dernier  fin  et  aigu.  Les  hémélytres,  dans  les  formes 
macroptères,  sont  de  consistance  homogène,  tomenteuses,  opaques,  à 
fortes  nervures  longitudinales,  et  les  ailes  à  trois  lobes.  Le  prosternum 
et  le  mélaslernum  sont  très  courts,  le  mésosternum  extrêmement  grand. 
L'abdomen  est  rétractile,  s'allongeant  à  volonté  dans  la  larve  et  la 
nymphe,  composé  chez  l'adulte  de  six  segments  distincts,  le  sixième 
prolongé  en  pointe  en  arrière  et  profondément  échancré,  divisé  en  trois 
segments  génitaux  chez  le  mâle,  deux  seulement  chez  la  femelle.  Les 
pattes  sont  tout  à  fait  caractéristiques  dans  cette  famille.  Les  hanches 
antérieures  rapprochées  et  fortes  portent  des  cuisses  mutiques,  un  peu 
épaissies,  auxquelles  succèdent  des  jambes  légèrement  arquées  et  des 
tarses  beaucoup  plus  courts,  et  plus  épais  que  les  intermédiaires  et  pos- 
térieurs. Les  hanches  intermédiaires  sont  très  rapprochées  des  posté- 


GERRIS.  833 

rieures  et  très  éloignées  des  antérieures  et  les  pattes  postérieures  et 
surtout  intermédiaires  très  notablement  plus  longues  que  les  antérieures 
et  constituant  quatre  rames  puissantes,  dont  l'action  simultanée  lance 
vivement  l'insecte  en  avant.  Les  tarses  sont  partout  de  deux  articles, 
portant  des  ongles  faibles  insérés  avant  l'extrémité  du  dernier  article. 
Ces  caractères  de  la  famille  sont,  eu  même  temps,  ceux  de  son  unique 
genre,  Gerris,  Fabricius,  à  espèces  généralement  dimorpbes. 

Les  Gerris  courent  avec  vivacité  à  la  surface  des  eaux  tranquilles  et 
ombragées,  où  ils  s'avancent  ordinairement  par  saccades  en  opérant  un 
véritable  mouvement  de  rame  ou  de  natation.  Les  quatre  tarses  posté- 
rieurs, appliqués  horizontalement  sur  l'eau,  y  plongent  plus  ou  moins, 
l'eau  se  courbant  en  dessous,  comme  un  liquide  non  mouillant,  à  cause 
de  l'enduit  gras  de  ces  organes,  à  la  façon  d'une  fine  aiguille  d'acier 
que  la  capillarité  fait  flotter  à  la  surface  de  l'eau,  par  une  résultante 
répulsive,  quoiqu'elle  soit  beaucoup  plus  dense.  Si  on  lave  les  tarses  des 
Gerris  avec  de  l'éther,  dissolvant  la  matière  grasse,  les  insectes  enfoncent 
dans  l'eau  et  ne  peuvent  plus  cheminer.  A  la  façon  du  rameur  ou  du 
nageur,  ils  prennent  un  point  d'appui  dans  la  résistance  du  liquide  et 
s''avancent  par  le  mouvement  de  propulsion  des  quatre  grandes  pattes 
des  paires  2  et  3,  le  corps  glissant  comme  un  bateau  à  la  surface  de  l'eau. 
Parfois  ils  sautent  et  bondissent  à  la  surface,  et  ces  sauts  irréguliers  et 
désordonnés  sont  les  seuls  mouvements  qu'ils  puissent  exécuter,  si  on 
les  place  sur  le  sol  ou  sur  la  main.  La  nuit  ils  se  tiennent  immobilessur 
l'eau  ;  parfois  ils  se  retirent  à  sec  sur  le  rivage  ou  sur  les  tiges  des 
plantes.  Ils  s'enfoncent  dans  l'eau  à  l'entrée  de  l'hiver  et  s'y  engour- 
dissent pour  reparaître  aux  premières  chaleurs  du  printemps.  Quelque- 
fois ils  passent  l'hiver  à  sec  sur  le  rivage,  lorsqu'il  ne  gèle  pas.  Les 
Gerris  sont  des  carnassiers  voraces,  suçant  avec  leur  rostre  les  insectes 
morts  ou  vivants,  même  tous  les  débris  animaux,  et,  s'ils  sont  affamés, 
les  sujets  plus  faibles  de  leur  propre  espèce.  S'ils  sont  restés  longtemps 
sans  nourriture,  ils  se  précipitent  avidement  sur  toute  proie  qu'on  leur 
jette,  l'entraînent  avec  eux  et  y  restent  attachés  pendant  des  heures 
entières,  sans  qu'on  puisse  leur  faire  lâcher  prise,  même  en  les  touchant. 
Ils  saisissent  la  proie  avec  les  pattes  antérieures,  entre  la  jambe  et  la 
cuisse  qu'ils  plient  l'une  contre  l'autre,  sans  que  ces  organes  aient  d'épi- 
nes ou  de  piquants,  mais  seulement  un  duvet  court  qui  les  garnit  comme 
le  reste  du  corps,  à  titre  de  protection  contre  l'action  de  l'eau.  Les 
Gerris,  bien  repues  et  alourdies,  marchent  lentement  sur  l'eau,  sans 
faire  le  mouvement  de  rames  par  saccades  qui  leur  est  habituel.  Ces 
insectes  répandent  une  odeur  très  désagréable,  quand  on  les  écrase  ou 
qu'on  les  blesse. 

On  trouve  des  Gerris  de  différents  âges  à  toutes  les  époques  de  l'année 
où  la  température  leur  permet  la  vie  active,  ce  qui  indique  que  la  re- 
production s'opère  pendant  toute  la  belle  saison.  Lesmrdes,  très  ardents, 
grimpent  sur  le  dos  des  femelles,  qu'ils  retiennent  embrassées  à  l'aide 
GIRARD.  m.  —  53 


83/i  HÉMIPTÈRES. 

de  leurs  pattes  antérieures  et  opèrent  des  accouplements  réitérés.  Les 
femelles  pondent  leurs  œufs  à  la  suite  les  uns  des  autres,  mais  non  con- 
tigus  ni  serrés  entre  eux,  dans  une  espèce  de  bourre  mucilagineuse, 
fixée  sur  des  tiges  de  plantes  immergées.  Les  œufs  sont  allongés,  cylin- 
droïdes,  non  tronqués  à  l'un  des  bouts.  Au  lieu  de  s'ouvrir  par  un  oper- 
cule, ils  se  fendent  ou  se  déchirent  en  long  dans  leur  tiers  antérieur  et 
la  larve  sort  par  cette  fente.  Comme  les  œufs  sont  déposés  sur  des  plantes 
immergées,  les  larves  traversent  l'dau  en  remontant  pour  arriver  à  la 
surface.  La  larve  naissante  a  environ  1  millimètre  ;  les  larves,  qui  cor- 
respondent aux  trois  premières  mues,  ont  habituellement  l'abdomen 
rétracté  et  paraissant  nul.  A  la  quatrième  mue,  du  moins  chez  le  G.  la- 
custris,  Linn.,  apparaissent  les  moignons  d'hémélytres,  épais  et  luisants, 
ongs  d'environ  2  millim.,  avec  des  moignons  presqu'aussi  longs  d'ailes 
nférieures  ;  l'abdomen,  court  et  pointu,  n'a  guère  alors  que  le  cinquième 
de  la  longueur  totale  de  l'insecte,  2  millim.  sur  9  chez  la  femelle,  1  sur  5 
chez  le  mâle;  mais  il  s'allonge  ensuite,  et,  après  la  cinquième  mue  qui 
a  amené  l'état  parfait,  l'abdomen  paraît  aussi  long  que  le  reste  du  corps, 
et  les  moignons  d'hémélytres  qui  n'ont  pas  changé  de  dimensions  jus- 
qu'au dernier  moment,  sont  remplacés  par  des  ailes  supérieures,  qui 
s'étendent  jusqu'à  l'extrémité  de  l'abdomen. 

Il  y  a  en  France  huit  ou  neuf  espèces  de  Gerris,  dont  quelques-unes 
très  communes.  Telles  sont  :  G.  lacustris,  Linn.,  la  Punaise  naïade,  de 
Geoffroy,  la  Punaise  coureuse  cVeau,  de  Stoll,  noms  qui  s'appliquent  aussi 
aux  deux  espèces  suivantes,  de  8  à  10  millim.  de  long,  macroptère,  noi- 
râtre, une  petite  ligne  longitudinale  jaunâtre  sur  le  lobe  antérieur  du 
pronotum,  le  dessous  des  premiers  articles  des  antennes,  les  côtés  du 
prosternum,  la  base  du  rostre,  des  taches  sur  les  hanches,  jaunâtres, 
ainsi  que  les  pattes,  les  bords  et  l'extrémité  de  l'abdomen,  les  cuisses 
antérieures  avec  deux  lignes  noires  non  prolongées  jusqu'à  la  base; 
le  ventre  noir  chez  le  mâle,  le  sixième  segment  ventral  à  échancrure 
double,  chez  la  femelle,  le  ventre  en  grande  partie  jaune  ou  avec  trois 
bandes  noires  longitudinales;  sur  les  eaux  tranquilles  de  toute  la  France; 
G.  paludum,  Fabr.,  de  IZi  à  15  millim.  de  long,  grande  variété  de  l'es- 
pèce précédente  pour  Amyot,  d'un  brun  noir,  l'abdomen  bordé  d'une 
ligne  d'un  blanc  jaunâtre,  les  pattes  et  les  antennes  noires,  presque 
toujours  macroptère,  toutefois  avec  quelques  exemplaires  à  hémélytres 
n'atteignant  que  le  milieu  de  l'abdomen  ;  toute  la  France,  sur  les  ri- 
vières et  grands  canaux;  G.  najas,  de  Géer,  syn.  :  aptera,  Schummel, 
canalium,  L.  Dufour,  de  13  millim.  chez  le  mâle,  16  à  17  chez  la  femelle, 
allongée,  d'un  noir  olivâtre,  les  hanches  maculées  de  jaune,  ainsi  que 
le  sternum,  la  femelle  ayant  souvent  les  bords  de  l'abdomen  en  partie 
roux  en  dessus  ;  forme  ordinairement  brachyptère,  avec  des  rudiments 
d'hémélytres  réduits  à  des  écailles  cornées  à  peine  apparentes,  rarement 
macroptère,  à  hémélytres  entières  et  dans  les  deux  sexes,  ces  hémélytres 
quelquefois  avec  des  taches  jaunes  (var.  fasciata,  Signoret)  ;  très  com- 


GERRIS,    HALOCATES.  835 

mune  dans  toute  la  France,  sur  les  rivières,  canau.v  et  étangs  d'une 
certaine  étendue.  Nous  représentons  une  espèce  exotique  de  la  Havane, 
G.  marginata,  G.  Mén.,  pi.  ci,  fig.  2,  de  9  millim.  de  long  et  2  de  large, 
brune  en  dessus,  marquée  de  taches  et  de  raies  jaunes,  d'un  blanc 
soyeux,  argenté  en  dessous,  le  prothorax  entièrement  bordé  de  jaune. 

On  doit  rattacher  aux  Gerrides,  d'après  la  configuration  des  paires  de 
pattes  2  et  3  et  le  mode  de  progression,  des  Punaises  de  haute  mer, 
vivant  sur  les  fucus  et  algues  flottants  et  souvent  fort  loin  des  côtes,  sur- 
tout sur  ces  fucus  à  vésicules  gonflées  d'air  et  servant  à  la  flottaison, 
que  les  marins  nomment  raisins  des  tropiques.  Le  genre  Halobates, 
Eschscholtz,  comprenant  ces  Punaises  de  haute  mer,  présente  comme 
une  exagération  des  caractères  des  Gerris.  Le  corps  est  ovale  ou  oblong, 
la  tête  brièvement  triangulaire,  les  antennes  de  quatre  articles,  avec 
deux  petits  articles  intermédiaires,  les  ocelles  nuls,  les  yeux  gros,  glo- 
buleux, saillants,  débordant  un  peu  les  côtés  du  prothorax,  le  rostre  de 
quatre  articles,  le  proihorax  transverse,  le  mésothorax  et  le  métatliorax 
cylindriques  et  coalescents,  à  peine  distincts  l'un  de  l'autre,  les  hémé- 
lytres  et  les  ailes  manquant  toujours,  ce  qui  est  en  rapport  avec  une 
station  en  haute  mer,  loin  des  côtes,  les  pattes  antérieures  courtes, 
avec  les  cuisses  un  peu  épaissies,  les  jambes  ayant  une  dent  à  l'extré- 
mité, les  tarses  antérieurs  de  deux  articles  cylindriques,  les  ongles  in- 
sérés dans  une  échancrure  au  milieu  du  second  article,  les  pattes  inter- 
médiaires et  postérieures  insérées  très  loin  en  arrière  à  cause  de  la 
grandeur  du  mésosternum,  leurs  insertions  très  rapprochées  et  presque 
confondues,  le  rejet  en  arrière  bien  plus  marqué  que  chez  les  Cerris. 
Ces  pattes  sont  longues,  grêles  et  filiformes,  les  intermédiaires  plus  lon- 
gues que  les  postérieures,  ayant  les  jambes  et  le  premier  article  du  tarse 
munis  d'une  frange  de  longs  poils,  les  tarses  de  deux  articles,  le  second 
avec  un  crochet,  les  pattes  postérieures  à  tarses  d'un  seul  article,  avec 
un  crochet.  L'abdomen  est  très  court,  avec  trois  segments  recouverts  par 
le  métanotum,  ressemblant  à  l'abdomen  rentré  et  rétréci  des  larves  du 
Gerris.  L'extrémité  de  l'abdomen  chez  les  mâles  présente  un  remar- 
quable appendice  rhomboïdal.  On  rencontre  parfois  ces  insectes  attachés 
à  des  animaux  qu'ils  dévorent,  des  Porpita,  des  Physalia,  des  Salpa. 

Ces  Halobates,  au  nombre  d'une  dizaine  d'espèces,  n'ont  encore  été 
trouvés  que  dans  les  mers  les  plus  chaudes,  dans  l'Atlantique  et  le  Pa- 
cifique austral  et  boréal,  autour  du  Cap  et  de  Madagascar,  près  de  Sainte- 
Hélène,  aux  environs  d'Aden,  des  îles  Nicobar,  des  îles  Célèbes,  etc. 
Buchanan  White  a  séparé  du  genre  Halobates,  sous  le  nom  de  Haloba» 
todes,  un  genre  très  voisin,  fondé  sur  H.  lituratus,  Stal,  et  comprenant 
quelques  espèces  de  l'extrême  Orient,  des  mers  de  Chine,  du  Japon, 
des  Indes  et  de  Ceylan.  Le  voyage  d'exploration  du  Challenger  a  presque 
doublé  le  nombre  des  espèces.  Dans  le  voyage  de  sondages  sous-marins 
du  Talisman,  on  a  rencontré  deux  Halobates  dans  la  mer  des  Sargasses 
entre  les  Açores  et  les  îles  du  Cap -Vert.  A  consulter  une  excellente  mo- 


836  HÉMIPTÈRES. 

nographie  sur  ces  insctes  :  Buchanan  White,  Report  on  the  Pélagie  hemip- 
tera,  dans  The  zoology  of  the  Voyage  of  H.  M.  S.  Challenger,  London, 
1883,  in-'i%  avec  3  planclies  en  chromolithographie. 

La  famille  des  Vélides  est  formée  d'insectes  moins  bien  étudiés  que 
les  Hydrométrides  et  les  Gerrides  ;  ils  se  trouvent  dans  toute  l'Europe, 
courent  avec  vitesse  sur  les  eaux  tranquilles  et  ombragées  et  se  nour- 
rissent de  petits  insectes.  Leur  corps  est  oblong,  un  peu  atténué  en 
avant  et  en  arrière.  La  tête  estoblongue,  atténuée  et  inclinée  en  avant, 
portant  des  antennes  à  quatre  articles;  les  ocelles  sont  nuls  ou  peu 
visibles,  les  yeux  grands,  touchant  presque  le  bord  antérieur  du  prono- 
tum,  le  rostre  fort,  dépassant  les  hanches  antérieures.  Le  pronotum 
pentagonal  est  étroit  en  avant,  large  aux  épaules,  non  rebordé  sur  les 
côtés,  offrant  en  avant  deux  fossettes  latérales  garnies  de  poils  argen- 
tés, le  bord  postérieur  prolongé  en  triangle  obtus  qui  recouvre  l'écus- 
son.  Les  Vélides  sont  habituellement  dimorphes;  dans  les  Macroptères 
les  hémélytrcs  sont  homogènes,  sans  distinction  de  corie  ni  de  mem- 
brane, noires  à  taches  blanches,  avec  des  nervures  formant  quatre  à 
six  cellules;  les  ailes  sont. à  trois  lobes.  Les  pattes  établissent  une  diffé- 
rence profonde  avec  les  Gerrides,  car  elles  sont  courtes,  robustes, 
subégales  en  longueur  et  insérées  à  peu  près  à  égale  distance  les  unes 
des  autres.  Les  tarses  sont  à  trois  articles  {Velia,  Latr.),  ou  à  deux 
seulement  {Microvelia,  Westwood),  les  ongles  insérés  avant  l'extrémité 
du  dernier  article  ;  les  cuisses  postérieures  des  mâles  sont  très  épaisses 
et  armées  en  dessous  de  plusieurs  dents.  L'abdomen  est  allongé,  con- 
vexe en  dessous,  creusé  en  gouttière  en  dessus,  ses  bords  aplatis  et 
relevés  en  dessus  par  des  sortes  de  crêtes. 

TELIA,  Latr.  —  Premier  article  des  antennes  arqué,  le  plus  long  de  tous. 
Taille  plus  grande  que  chez  les  Microvelia.  Jambes  intermédiaires  fortement 
ciliées  en  arrière.  Cuisses  postérieures  à  deux  fortes  épines  chez  le  mâle.  Tous 
les  tarses  à  trois  articles,  le  premier  très  court.  Les  autres  caractères  sont  ceux 
de  la  famille  des  Vélides. 

Nous  représentons  le  V.  rivulorum,  P^abr.  (pi.  CI,  fig.  3,  3,  a,  télé  gros- 
sie et  vue  de  profil,  3,  6  rostre).  La  forme  macroptère,  de  8  millimètres 
de  long,  est  d'un  noir  velouté,  le  pronotum  brun,  son  bord  antérieur  et 
le  prosternum  d'un  roux  ferrugineux,  une  tache  de  duvet  blanc,  quel- 
quefois efl'acée,  de  chaque  côté  du  pronotum  en  avant,  les  hémélytres 
noires,  avec  quatre  taches  d'un  beau  blanc  sur  chacune,  ces  hémé- 
lytres atteignant  l'extrémité  de  l'abdomen  chez  le  mAle,  plus  courtes 
chez  la  femelle,  les  pattes  noires  avec  les  hanches  en  partie  rousses, 
quelquefois  une  partie  des  pattes  jaunâtre,  surtout  la  base,  le  ventre  et 
le  dos  de  l'abdomen  d'un  roux  clair,  l'extrémité  des  angles  des  segments 
noire  en  dessus  et  en  dessous,  une  série  de  taches  noires  sur  les  côtés  du 
ventre,  une  par  segment.  Les  cuisses  postérieures  du  mâle  ont  deux 


VELIA.  837 

épines  assez  fortes  h  leur  bord  postérieur  et  d'autres  plus  petites  sur 
toute  leur  longueur;  deux  segments  génitaux  sont  visibles  à  l'abdo- 
men du  mâle  ;  la  femelle  n'a  qu'un  seul  segment  génital  visible  et  les 
cuisses  postérieures  mutiques.  Dans  la  forme  brachyptère  (aptera, 
Fabr.),  de  7  millimètres  de  long,  les  bémélytres  et  les  ailes  sont  nulles, 
le  pronotum  un  peu  plus  étroit  que  dans  la  forme  macroptère,  le  dos 
de  l'abdomen  noirâtre,  avec  l'écusson  et  la  ligne  médiane  le  plus  sou- 
vent légèrement  ferrugineux  et  une  série  de  taches  de  duvet  argenté 
sur  les  côtés.  Cette  espèce  est  de  la  France  méridionale  et  moyenne, 
très  rare  dans  le  nord  du  pays. 

A  côté  se  place  V.  currens,  Fabr.,  de  taille  plus  petite  que  la  précé- 
dente, de  7  millimètres  seulement  dans  la  forme  macroptère,  qui  est 
extrêmement  rare,  de 6  millim.  environ  dans  la  forme  brachyptère;  ce 
n'est  peut-être  qu'une  petite  race  de  la  précédente,  comme  incline  à 
le  penser  M.  Puton.  Elle  est  commune  sur  les  eaux  courantes,  moins 
commune  sur  les  eaux  stagnantes,  sur  les  ruisseaux  surtout  des  forêts 
de  la  France  septentrionale  et  moyenne,  se  trouvant  à  l'état  de  larve  au 
milieu  de  l'été,  l'insecte  parfait  ne  se  développant  que  plus  tard  et 
passant  l'hiver,  pour  s'accoupler  au  printemps. 

Pour  terminer  les  Hétéroptères  nous  arrivons  aux  Hydrocorises  ou 
Punaises  d'eau,  qui  passent  la  plus  grande  partie  de  leur  vie  dans  la 
profondeur  de  l'eau,  cachées  dans  la  vase  des  flaques,  des  mares  et  des 
ruisseaux  stagnants,  et  non  à  la  surface.  Leurs  antennes  courtes,  de 
trois  à  quatre  articles,  sont  dissimulées  dans  une  cavité  sous  les  yeux 
(Cryptocères),  caractère  qui  les  rapproche  des  Cicadiens  ;  mais  les  Cica- 
diens  sont,  en  général,  phytophages  et  non  carnassiers.  En  outre,  les 
Cryptocères  ont  le  vertex  et  le  front  non  séparés,  les  ailes  dissem- 
blables, reposant  à  plat  sur  le  corps,  le  rostre  partant  de  l'extrémité 
antérieure  de  la  tête  et  non  de  sa  base.  Les  Hydrocorises,  assez  uni- 
formes au  point  de  vue  de  la  coloration  et  de  l'aspect,  fréquentent  sur- 
tout les  eaux  stagnantes.  La  plupart  des  genres  nagent  à  la  façon  nor- 
male, le  ventre  en  bas,  le  dos  en  l'air;  d'autres,  du  type  Noionecta, 
nagent  dans  une  attitude  singulière,  le  dos  en  bas,  le  ventre  en  l'air. 
Les  adultes  piquent  en  général  fortement,  à  l'aide  de  leur  rostre,  les 
doigts  qui  les  saisissent.  Ils  voltigent  souvent,  pendant  la  nuit,  pour  cher- 
cher des  eaux  plus  propices,  probablement  quand  la  proie  commence 
à  leur  manquer.  Les  larves,  qui  éclosent  des  œufs  au  printemps,  se 
nourrissent  d'animaux  aquatiques  de  toute  sorte,  qu'elles  piquent  de 
leur  rostre,  et  s'accroissent  d'ordinaire  jusqu'en  automne,  en  subissant 
plusieurs  mues.  Les  nymphes  ou  les  adultes  passent  l'hiver,  cachées 
dans  la  vase  des  mares,  pour  perpétuer  l'espèce  au  printemps  suivant. 
Les  Hydrocorises  se  trouvent  dans  toutes  les  régions  des  deux  hémi- 
sphères ;  les  espèces  des  climats  brûlants  ne  l'emportent  pas  sur  celles 
des  climats  tempérés  ou  froids  par  l'élégance  des  formes  ou  un  éclat 
spécial  de  coloration,  tout  au  plus  parfois  par  les  dimensions  (Bélo- 


838  HÉMIPTÈRES. 

stomes;.  Cette  analogie  de  conformation  est  liée  à  ce  que  les[difl"érences 
de  ten:,pérature  sont  bien  moindres  dans  l'eau  que  dans  l'air  dans  les 
diverses  zones  terrestres. 


Tribu  des  MÉPIEMS. 


Ufi  premier  groupe  de  Punaises  d'eau  à  patles  ravisseuses,  ou  Pédi- 
raptes  d'Amyot,  se  distingue  tout  de  suite  des  autres  Hydrocorises  par 
la  présence  de  deux  ocelles  ;  d'où  le  nom  de  Bigemmes  qu'Amyot  et 
Audinet-Serville  donnent  à  ces  insectes.  Leurs  espèces,  peu  nombreuses 
et  à  mœurs  mal  connues,  sont  toutes  exotiques  et  semblent  plutôt 
riveraines  qu'exclusivement  aquatiques.  Le  genre  principal  est  celui 
des  : 

Cl.^LGDIiUS,  Latr.  —  Corps  arrondi,  ramassé  et  aplati,  couvert  en  dessus  de 
petits  tubercules  en  façon  de  peau  de  chagrin  ;  tête  très  large  à  sa  base,  courte, 
inclinée  et  triangulaire  en  avant,  à  bords  tranchants;  antennes  cachées  sous  les 
yeux,  de  quatre  articles  uoduleux,  le  premier  gros,  le  second  plus  court  que  lui, 
le  troisième  très  petit,  le  quatrième  à  peu  près  de  la  longueur  et  de  la  grosseur 
du  premier,  en  ovale  arrondi  ;  yeux  gros,  très  saillants  et  élevés;  ocelles  assez 
petits,  très  saillants,  placés  sur  le  front  en  avant,  assez  rapprochés  l'un  de 
l'autre  et  entre  les  yeux-,  rostre  de  trois  articles,  en  poinçon  aigu  au  bout  ;  pro- 
thorax transversal,  en  ovale  irrégulier,  à  bords  aplatis  et  plus  larges  que  la  base 
des  hémélylres  ;  écusson  grand  et  triangulaire,  à  large  base  ;  abdomen  aplati  et 
circulaire;  héniélytres  amples,  recouvrant  tout  l'abdomen,  mais  ne  le  dépassant 
pas,  la  membrane,  très  courte,  en  forme  de  bordure  étroite  de  la  corie,  mais 
bien  distincte  d'elle,  ailes  presque  aussi  longues  que  les  hémélylres;  pattes 
fortes,  les  antérieures  à  cuisses  renflées,  avec  rainure  et,  de  chaque  côté, 
un  rang  de  pointes  fines  en  dessous,  les  jambes  courtes,  droites,  avec  une 
rainure  et  un  double  rang  d'épines  correspondantes  à  celles  des  cuisses,  les 
tarses  paraissant  d'un  seul  article,  long,  muni  à  son  extrémité  de  deux  forts 
et  très  longs  crochets,  les  autres  pattes  hérisséee  d'épines,  les  postérieures  plus 
longues  que  les  intermédiaires,  ces  deux  paires  à  tarses  de  deux  articles. 

Les  Galgules  ne  se  tiennent  pas  au  milieu  de  l'eau,  mais  sur  le  bord 
des  étangs,  des  lacs  et  des  ruisseaux,  dans  la  vase  et  à  la  racine  des 
plantes  aquatiques  ;  ils  vivent  de  proie  qu'ils  saisissent  dans  le  repli  de 
la  jambe  antérieure  contre  la  cuisse.  D'après  Brullé,  ils  n'ont  pas  la 
faculté  de  nager;  leurs  pattes,  dépourvues  de  poils  fins,  mais  hérissées 
d'épines,  en  font  plutôt  des  insectes  terrestres.  Leur  enveloppe  porte 
la  marque  distinctive  de  leurs  habitudes,  car  elle  est  couverte,  surtout 
à  l'état  de  larve,  de  petites  parcelles  de  sable.  Ces  insectes  sont  voisins 
des  Naucores,  qui  sont  franchement  aquatiques  ;  le  mode  d'existence  et 


GALGULUS,    NAUCORIS.  839 

la  présence  des  ocelles  qui  doit  y  être  liée  nous  amène  à  les  séparer. 
Le  genre  Galgulus  a  été  fondé  sur  le  Naucoris  oculata,  Fabr. ,  de  la 
Caroline  (États-Unis  du  Sud).  Nous  représentons  une  espèce  du  Brésil 
intérieur,  le  G.  flavus,  G.  Mén.  (pi.  CI,  fig.  /i,  a,  tète  grossie  et  vue  de 
face,  U,  b,  antenne  grossie).  Ce  Galgule  est  entièrement  d'un  jaune 
roussâtre  sale,  tirant  au  brun,  le  dessous  plus  pâle  ;  quelques  petits 
tubercules  lisses,  verts  et  jaunes,  sur  les  hémélytres,  les  pattes  posté- 
rieures faiblement  annelées  de  brun  :  longueur  7  millimètres,  lar- 
geur 5.  Ce  n'est  peut-être  qu'une  variété  de  G.  bufo,  Hahn. 

Dans  les  Naucorides,  appartenant  aux  Pédiraptes  d'Amyot,  sont  des 
Punaises  d'eau  élargies  et  ovalaires,  à  antennes  de  quatre  articles, 
nageant  avec  aisance  et  sortant  de  l'eau  pendant  la  nuit  pour  voler  à 
la  recherche  des  insectes,  sans  préjudice  des  chasses  à  la  proie  vivante 
auxquelles  elle  se  livrent  dans  l'eau. 

]V.%U€ORli^,  Geoffroy,  —  Corps  plat,  ovalaire,  lisse,  luisant  et  généralement 
glabre;  tête  achevant  la  demi-circonférence  commencée  par  le  prothorax; 
antennes  de  quatre  article  noduleux,  1  et  4  courts,  3  le  plus  long  et  le  plu» 
gros,  ces  antennes  dissimulées  dans  une  fossette  au-dessous  des  yeux  composés 
ceux-ci  grands,  touchant  le  prothorax,  arrondis  en  arrière,  pointus  en  avant, 
lunulaires  ;  pas  d'ocelles  :  rostre  très  court,  de  trois  articles,  le  premier  cou- 
vert par  un  labre  large,  presque  demi-circulaire,  le  troisième  article  en  pointe 
très  aiguë;  prothorax  transversal,  le  bord  prédorsal  postérieur  coupé  droit; 
écusson  en  assez  grand  triangle  équilatéral;  hémélytres  aussi  grandes  que  l'ab- 
domen, finement  pointillées,  la  membrane  se  distinguant  à  peine  de  la  code 
par  une  consistance  plus  mince,  sans  nervures  apparentes  ;  pattes  ayant 
un  bord  ;  pattes  antérieures  avec  cuisses  très  grosses,  ayant  un  bord  presque 
tranchant  en  dessous,  garni  do  dents  fines  et  de  cils  courts,  les  jambes  courtes, 
arquées,  canaliculées  en  dessous,  afin  de  recevoir  dans  cette  rainure  la  lame 
denticulée  de  la  cuisse,  tarse  d'un  seul  article,  en  forme  de  crochet  fort  et 
courbé,  faisant  corps  avec  la  jambe  et  canaliculé  comme  elle  en  dessous  ;  les 
quatre  jambes  postérieures  épineuses  et  ciliées,  à  tarses  longs,  de  deux 
articles,  avec  un  petit  article  basilaire  très  court,  terminés  par  deux  crochets 
longs  et  aigus. 

L'espèce  la  plus  répandue  en  France,  très  commune  dans  tous  les 
marais  et  herbages  aquatiques,  nageant  comme  les  Dytiques  avec  les 
pattes  postérieures  ciliées,  est  le  N.  cimicoides,  Linn.,  la  Punaise  nau- 
core  de  Stollj  de  11  à  15  millimètres  de  long,  les  deux  sexes  pareils,  d'un 
jaune  verdâtre,  la  tète  et  le  prédorsum  ponctués  de  brun,  les  hémé- 
lytres fortement  nuancées  de  brun,  avec  la  membrane  presque  aussi 
grande  que  la  corie,  les  ailes  inférieures  blanches  et  très  transpa- 
rentes, plus  amples  que  les  hémélytres  et  se  repliant  longitudinale- 
ment  en  deux  parties,  celle  du  côté  interne  plus  courte,  sous  celle 


Ski)  HÉMIPTÈRIiS. 

du  côt-î  externe,  qui  a  deux  cellules  prùs  du  bord,  les  pattes  et 
les  antennes  livides.  La  femelle,  qui  s'est  accouplée  au  printemps, 
fait  sa  ponle  dans  des  conditions  observées  par  M.  le  D''  Regimbart. 
Avec  les  pattes  antérieures  et  intermédiaires,  elle  se  fixe  forte- 
ment sur  les  tiges  ou  les  pétioles  des  végétaux  aquatiques,  la  tête 
en  haut  et  les  rames  natatoires  postérieures  en  mouvement,  en- 
fonce profondément  son  rostre  dans  la  plante  pour  prendre  un  point 
d'appui  et  fait  avec  sa  tarière  une  incision  pendant  une  minute  envi- 
ron, incision  peu  profonde  et  n'ayant  guère  que  2  à  3  millimètres  de  lon- 
gueur. Chaque  œuf  y  est  enfoncé  aux  trois  quarts,  oblong,  cylindroïde, 
un  peu  courbé,  en  biseau  au  bout  libre,  lisse  et  sans  réticulation  de  la 
coque.  Après  trois  mues,  les  larves  acquièrent  des  gaines  alaires  ;  en 
automne,  ces  Punaises  sortent  souvent  de  l'eau  pendant  la  nuit,  pour 
nettoyer  leurs  poils  abdominaux,  à  l'aide  de  leurs  pattes,  dont  on  peut 
entendre  les  grattements. 

Une  seconde  espèce  un  peu  plus  petite,  commune  au  printemps  dans 
les  marécages,  est  le  N.  macidata,  Fabr.,  syn.  :  optera,  L.  Dufour,  la 
Naucore  de  Geoffroy,  qui  pa-raît  avoir  confondu  les  deux  espèces,  car  il 
en  est  des  variétés  à  hémélytres  simplement  tachetées  ;  généralement 
l'écusson  et  les  hémélytres  sont  d'un  brun  foncé  assez  imiforme,  la  tête 
et  le  prothorax  d'un  jaune  verdâtre  taché  de  brun,  la  membrane  des 
hémélytres  beaucoup  plus  courte  que  la  corie,  les  ailes  manquant  sous 
les  hémélytres.  On  trouve  cette  espèce  en  février,  près  d'Alger,  dans  les 
petites  flaques  d'eau.  D'après  Léon  Uufour,  les  œufs  sont  en  ovale  obtus, 
non  tronqués,  et  leur  coque,  au  microscope,  paraît  réticulée,  à  mailles 
arrondies. 

Nous  représentons  (pi.  CI,  fig.  5)  une  espèce  exotique.  A''.  Poeyi, 
G.  Mén.,  du  Mexique,  de  la  Havane,  de  la  Nouvelle-Orléans,  la  tête  et 
le  corselet  d'un  jaune  un  peu  roussâtre,  lisses  et  glabres,  tachetés  de 
brun,  les  hémélytres  d'un  brun  un  peu  verdâtre,  avec  une  tache 
oblongue  au  bord  externe,  à  la  base,  et  une  autre  arrondie,  petite  et 
moins  visible,  au  milieu  de  chaque  côté,  d'un  jaune  pâle;  dessous  d'un 
jaune  roussâtre,  avec  les  côtés  de  l'abdomen  d'un  jaune  pâle,  taché  de 
noir;  pattes  d'un  jaune  verdâtre,  sans  taches.  Longueur  9,  largeur 
5"'",5. 

A  côté  des  Naucores  se  placent  les  Bélostomes  (bouche  en  dard),  qui 
s  )iit  réellement  les  géants  des  Hémiptôres-Hétéroplères,  certaines 
espèces  ayant  plus  d'un  décimètre  de  longueur.  Leurs  couleurs  sont 
sans  éclat,  d'un  jaunâtre  mêlé  de  verdâtre  ou  de  brun.  La  tête,  propor- 
tionnellement petite,  est  prolongée  en  pointe  au  delà  des  yeux,  les 
antennes  de  quatre  articles  cachées  sous  les  yeux,  les  ocelles  nuls,  les 
yeux  bombés  et  très  saillants,  le  prothorax  en  forme  de  trapèze  régulier, 
l'écusson  grand,  en  triangle  équilatéral,  les  hémélytres  aussi  grandes 
que  l'abdomen,  pointues,  avec  une  région  coriace  chargée  de  ner- 
vures nombreuses,  des  ailes  amples  ayant  trois  fortes  nervures.  Les 


BELOSTOMA,    SPHOERODEMA  8^1 

pattes  sont  très  fortes,  les  antérieures  à  cuisses  élargies  et  déprimées, 
ayant  au  bord  latéral  antérieur  une  brosse  veloutée  à  poils  courts,  les 
jambes  arquées,  cannelées,  ayant  au  côté  interne  une  profonde  rainure 
poilue  dont  les  bords  élevés  et  tranchants  s'insèrent  dans  une  rainure 
de  la  cuisse,  les  tarses  de  deux  articles  ;  les  pattes  postérieures  sont  plus 
longues  que  les  intermédiaires  ;  les  quatre  cuisses  postérieures  ne 
sont  pas  renflées  et  ont  le  côté  postérieur  frangé  et  velouté  avec  une 
rainure  pour  recevoir  la  jambe,  les  jambes  aplaties  et  frangées,  avec 
tarses  plats  et  frangés,  de  deux  articles,  ayant  deux  forts  et  longs  cro- 
chets. Le  Belostoma  indicum,  Lep.  St-F.  et  Serv.,  le  grand  Scorpion 
aquatique  de  Stoll,  se  trouve  sur  une  aire  de  dispersion  considérable, 
comme  beaucoup  d'animaux  aquatiques,  à  cause  de  l'analogie  de  tem- 
pérature des  eaux  ;  on  le  cite  des  Indes  Orientales,  de  Java  et  du  Caire. 
Il  est  assez  probable  que  cette  espèce  existe  en  Algérie,  mais  très  rare. 
Cet  insecte,  d'environ  85  centimètres,  a  été  nommé  Belostoma  algeriense 
par  Léon  Dufour,  dans  son  essai  monographique  sur  les  Bélostomides 
{Mém.  Acad.  des  Se.  de  Liège,  1855,  p.  186,  pi.  I,  fig.  1  à  10).  Sans  oser 
trancher  la  question  spécifique,  nous  dirons  qu'il  a  été  rencontré  dans 
lEst  parle  colonel  Levaillant,  une  fois,  en  juin  et  mort,  à  l'embou- 
chure de  la  rivière  du  lac  Houbeira,  une  seconde  fois,  vivant  et  au  vol, 
aux  environs  de  Philippeville.  Une  espèce  de  plus  grande  taille,  dépas- 
sant le  décimètre,  est  le  B.  grande,  Linn.,  des  Guyanes.  D'après  Sibylle 
Mérian,  qui  l'observait  à  Surinam,  les  insectes  de  cette  espèce  attaquent 
des  Batraciens,  car  elle  représente  une  nymphe  tenant  dans  ses  pinces 
une  petite  Grenouille,  qu'elle  paraît  vouloir  sucer.  Cette  espèce  a 
l'abdomen  terminé  par  deux  grands  tilets  lancéolés,  d'environ  6  milli- 
mètres, d'usage  inconnu. 

Dans  un  genre  très  voisin,  mais  de  moins  grande  taille,  Diplonychus, 
Castelnau,de  20  millimètres  environ,  chez  le  D.  rusticm,Fàhr.,de?,  Indes 
Orientales  et  de  Sumatra,  le  Scorpion  aquatique  plat  de  la  côte  de  Coro- 
mandel,  de  Stoll,  la  femelle  présente  une  curieuse  habitude,  qui  rap- 
pelle celle  des  femelles  de  Pipas,  Batraciens  des  Guyanes,  por- 
tant leurs  œufs  sur  le  dos,  renfermés  dans  une  membrane  aggluti- 
nante, jusqu'au  moment  de  leur  éclosion.  Chez  les  Diplonyques  les 
œufs  sont  fixés  par  rangées  sur  le  dos  de  la  femelle,  en  position  verti- 
cale. La  membrane  qui  les- supporte  est  divisée  en  un  grand  nombre  de 
cellules  à  cinq  ou  six  pans,  chacune  renfermant  un  œuf,  ces  œufs  de 
la  même  couleur  jaune  brunâtre  que  le  corps  de  la  femelle,  par  une 
imitation  défensive  de  coloration. 

<BiPHŒ:RODE.HA,  Castelnau.  —  Corps  en  ovale  large,  mais  pointu  à  son  extré- 
mité; tète  assez  aplatie  en  dessus,  à  bord  antérieur  triangulaire,  notablement 
prolongé  en  pointe  mousse  ;  yeux  allongés,  peu  saillants,  en  triangle  1res 
obtus;  antennes  de  quatre  articles,  1  long  et  large,  2  et  3  subégaux,  avec  une 
encoche  latérale,  4  allongé  et  arrondi  au  bout;  rostre  assez  long,  de  trois  arti- 


842  HÉMIPTÈRES. 

des,  aigu  au  bout;  prothorax  trapézoïdal,  sans  carène,  très  élargi  postérieure- 
ment ;  écusson  sans  carène  :  hémélytres  dépassant  le  corps  de  chaque  côté  à 
leur  partie  supérieure,  la  membrane  ne  consistant  qu'en  une  étroite  bordure  ; 
abdomen  sans  filets  apparents;  cuisses  antérieures  peu  épaissies,  tarses  de  deux 
articles  de  même  longueur,  le  dernier  muni  à  son  extrémité  de  deux  très 
petits  crochets,  les  quatre  pattes  postérieures  peu  aplaties,  non  plus  que  leurs 
tarses. 

Le  type  de  ce  genre  est  le  S.  annulatum,  Fabr.,  syn.  :  rotundatum, 
Castelnau  (pi.  CI,  fig  6,  antenne,  6,  o,  tarse  antérieur),  de  25  millimètres 
de  longueur,  d'un  ferrugineux  assez  pâle,  espèce  des  Indes  Orientales. 
La  femelle,  comme  celle  des  Diplony chus,  ^orte  ses  œufs  en  rangées  sur 
le  dos. 

Les  Népides  se  distinguent  des  Punaises  d'eau  précédentes  par  des 
antennes  de  trois  articles  seulement  et  un  corps  allongé,  soit  élargi, 
soit  linéaire,  offrant  à  l'extrémité  de  l'abdomen  deux  très  longs  filets 
formant  chacun  un  siphon  ou  tube  respiratoire  dont  l'insecte  fait  par 
intervalles  saillir  l'extrémité  hors  de  l'eau  afin  d'y  puiser  l'air  libre. 

IiEP.%,  Linn.  —  Corps  plat,  large  et  ovalaire,  pointu  en  arrière;  tète  petite, sub- 
triangulaire, enfoncée  jusqu'aux  yeux  dans  le  bord  antérieure  du  prothorax  ; 
antennes  petites,  cachées  sous  les  yeux;  ocelles  nuls;  yeux  petits,  mais  très 
saillants,  globuleux  ;  rostre  court,  de  trois  articles  ;  prothorax  subcarré,  un  peu 
rétréci  en  avant,  où  il  s'échancre  fortement  pour  recevoir  la  tête,  divisée  en 
deux  par  un  sillon  transverse,  le  bord  postérieur  avec  une  grande  échancrure 
arrondie;  écusson  très  grand, en  triangle  curviligne  ;  hémélytres  aussi  longues  et 
aussi  larges  que  l'abdomen,  avec  la  membrane  plus  courte  que  la  corie,  à  nom- 
breuses cellules  irrégulières;  ailes  amples,  presque  aussi  longues  que  les  hémé- 
lytres ;  hanches  antérieures  insérées  très  près  des  yeux,  très  loin  des  hanches 
des  pattes  intermédiaires,  moins  longues  qiie  la  moitié  de  la  cuisse,  les  cuisses 
épaissies,  avec  une  profonde  échancrure  à  la  base,  recevant  une  jambe  assez 
grêle,  arquée,  que  termine  un  tarse  d'un  seul  article,  avec  un  très  petit  cro- 
chet simple  à  l'extrémité  ;  quatre  pattes  postérieures  à  peu  près  de  môme  lon- 
gueur, à  cuisses  non  épaissies,  à  jambes  frangées,  à  tarse  d'un  seul  article  très 
long,  frangé,  muni  de  deux  crochets  très  longs  et  aigus  ;  abdomen  allongé, 
finissant  en  ovale  aplati  et  pointu,  avec  trois  plaques  terminales  pointues  et 
deux  longs  filets  en  lanières,  séparés  sur  les  sujets  secs,  accolés  pendant  la 
vie  en  un  tube  respiratoire. 

Les  Nèpes  sont  des  insectes  lents,  se  traînant  au  fond  des  eaux  sur  la 
vase  du  bord  des  mares,  marchant  et  nageant  avec  les  quatre  pattes 
postérieures  seules  ;  elles  se  laissent  prendre  à  la  main  sans  chercher 
à  s'échapper.  Très  carnassières,  elles  vivent  d'insectes  aquatiques,  sans 
épargner  les  sujets  de  leur  espèce,  et  même  de  très  jeunes  alevins  de 
Poissons.  Elles  saisissent  la  proie  avec  les  pattes  antérieures,  entre  la 


NEPA,   RANATRA.  8^3 

cuisse  et  la  jambe.  Les  deux  filets  en  forme  de  queue  qui  terminent 
l'abdomen  sont  des  pièces  creusées  en  gouttière,  qui,  appliquées  l'une 
contre  l'autre,  forment  un  tube  que  la  Nèpe  fait  mouvoir  à  volonté  en 
tous  sens,  en  portant  hors  de  l'eau  le  bout  de  ce  siphon  ;  elle  périt  si 
on  la  force  à  rester  au  fond  de  l'eau.  De  petits  poils  ou  cils,  qui  gar- 
nissent les  bords  de  ces  deux  gouttières,  s'engrènent  les  uns  dans  les 
autres,  de  manière  à  empêcher  l'eau  de  s'introduire  dans  le  tube  par 
les  rainures.  Au-dessous  de  l'insertion  des  filets  respiratoires  sont  les 
ouvertures  de  l'anus  et  des  organes  sexuels.  Les  deux  sexes  des  Nèpes 
se  ressemblent  complètement,  les  mAles  étant  toutefois  plus  petits  que 
les  femelles.  Celles-ci,  au  printemps,  pondent  sur  les  plantes  aqua- 
tiques des  œufs  allongés  et  d'un  blanc  jaunâtre,  garnis  à  l'un  des  bouts 
de  sept  filets  cylindriques.  Le  développement  complet  de  l'insecte 
demande  environ  deux  mois  ;  la  larve  est  plus  courte  et  plus  large  pro- 
portionnellement que  l'adulte,  à  pattes  courtes  et  épaissies,  à  tarses 
d'un  seul  article,  avec  le  tube  respiratoire  beaucoup  plus  court  et  plus 
épais. 

On  trouve  dans  les  eaux  stagnantes  de  toute  l'Europe  N.  cinerea, 
Linn.,  le  Scorpion  aquatique,  à  corps  ovale  de  Geoffroy,  le  Scorpion  aqua- 
tique gris  cendré  de  Stoll,  le  mâle  de  17  millimètres  de  longueur,  la 
femelle  de  22,  d'un  brun  cendré,  le  corps  généralement  couvert  de 
matières  terreuses,  les  ailes  légèrement  enfumées  avec  les  nervures 
rouges,  l'abdomen  d'un  rouge  un  peu  jaunâtre  sur  sa  face  dorsale,  le 
tube  respiratoire  plus  court  que  l'abdomen. 

Des  espèces  de  Nèpes  fort  analogues  à  notre  espèce  indigène  se  ren- 
contrent dans  toutes  les  parties  du  monde.  Nous  représentons  (pi.  CI, 
fig.  7)  le  N.  grisea,  G.  Mén.,  du  Bengale,  de  18  millimètres  de  long  sur 
6  millimètres  de  large,  un  peu  plus  petite,  plus  svelte  et  moins  échan- 
crée  en  arrière  que  N.  cinerea,  s'en  distinguant  surtout  par  le  dessus 
de  son  abdomen,  qui  est  entièrement  noir. 

RA]ir.%TRA,  Fabr.  —  Corps  cylindroïde,  très  allongé  et  linéaire,  la  tête  petite  et 
triangulaire,  toutes  les  pattes  longues  et  grêles,  les  hanches  antérieures  plus 
longues  que  les  cuisses,  les  jambes  antérieures  beaucoup  plus  courtes  que  les 
cuisses,  terminées  par  un  tarse  qui  ne  porte  pas  de  griffe  ;  les  autres  caractères 
analogues  à  ceux  des  Nepa. 

Nous  avons  dans  toute  l'Europe  R.  linearis,  Linn.,  le  Scorpion  aqua- 
tique à  corps  allongé  de  Geoffroy,  commun  partout  dans  les  mares  au 
commencement  du  printemps  et  aussi  sur  le  bord  des  rivières,  recher- 
chant moins  la  vase  que  les  Nèpes  et  paraissant  préférer  les  fonds  de 
gravier.  Le  corps  de  cette  Punaise  à  queue  ou  Scorpion  d'eau  à  aiguille, 
de  36  millimètres  de  longueur,  avec  les  filets  du  tube  respiratoire  ù  peu 
près  de  la  longueur  du  corps,  est  d'un  jaune  sale  et  brunâtre,  avec 
l'abdomen  rouge  en  dessus,  jaune  sur  les  côtés,  les  ailes  inférieures 


844  HÉMIPTÈRES. 

d'un  blanc  laiteux.  On  voit  la  Ranâlre  se  promener  lourdement  sur  ses 
longues  pattes  au  fond  des  mares,  occupée  à  guetter  sa  proie,  car  elle 
est  très  vorace  et  chasse  continuellement  aux  insectes  d'eau.  Elle  vole 
très  bien  et  se  transporte,  principalement  le  soir  ou  dans  la  nuit,  d'une 
mare  à  l'autre,  surtout  quand  celle  où  elle  se  trouve  commence  à  se 
dessécher.  Souvent  le  corps  ou  les  pattes  de  la  Ranâtre  présentent  des 
coques  piriformes  rouges,  plus  moins  grosses,  qui  sont  des  Aclysies, 
larves  hexapodes  parasites  des  Acariens  aquatiques  du  groupe  des 
Hydrachnes.  Les  femelles  pondent  leurs  œufs  sur  les  plantes  aqua- 
tiques, analogues  à  ceux  des  Nèpes,  mais  garnis  seulement  de  deux 
filets  en  forme  de  longues  soies.  Geoffroy  dit  qu'elles  enfoncent  leurs 
œufs  dans  les  tiges  submergées,  de  manière  qu'il  n'y  a  que  les  deux 
filets  de  l'œuf  qui  en  sortent  et  se  laissent  apercevoir,  ajoutant  qu'on 
peut  conserver  dans  l'eau  ces  tiges  chargées  d'œufs  et  les  y  voir  ëclore. 
Il  doit  y  avoir  là  une  ponte  très  analogue  à  celle  que  le  D"  Regimbart  a 
reconnue  pour  les  Naucoris.  Les  larves  éclosent  au  bout  d'une  quin- 
zaine de  jours  et  n'ont  d'abord  pas  de  filaments  caudaux,  qu'elles  n'ac- 
quièrent qu'après  la  première  mue  et  qui  sont  plus  courts  que  chez 
l'adulte. 

Nous  figurons  une  espèce  du  Bengale,  R.  filiformis,  Fabr.,  de  taille 
et  de  colorations  analogues  à  notre  espèce  d'Europe,  pi.  ci,  fig.  8,  8,  a, 
tôte  de  profil  avec  le  rostre  droit  et  non  replié  sous  la  poitrine,  suivant 
un  caractère  des  Ranatra,  8,  6,  antenne,  avec  le  second  article  en  saillie 
sur  lequel  se  replie  le  troisième  article  pour  former  une  sorte  de  pince, 
ce  qui  est  encore  un  caractère  du  genre. 

Les  Pédirèmes  (Amyot)  sont  des  Hydrocorises  ayant  un  corps  allongé, 
bombé  en  dessus,  aplati  en  dessous,  la  tète  grosse  et  arrondie,  inclinée 
en  dessous  et  dont  les  jambes  et  les  tarses  postérieurs  sont  comprimés 
en  forme  de  rames  et  pourvus  de  cils  d'un  seul  côté  ou  de  côté  et 
d'autre.  Bien  que  ces  insectes  soient  essentiellement  carnassiers,  leurs 
pattes  antérieures  ne  sont  pas  ravisseuses;  les  ocelles  font  défaut;  le 
rostre  est  toujours  court  et  épais.  On  divise  les  Pédirèmes  en  deux  sous- 
familles,  les  Corisides  et  les  Motonectides.  Les  Corisides  nagent  à  la 
façon  ordinaire,  ont  le  rostre  caché  et  les  tarses  antérieurs  n'offrant 
qu'un  seul  article  apparent. 

CORISA,  Geoffroy.  —  Tête  large,  transversale,  s'inclinant  pour  s'allonger  en 
dessous,  les  bords  du  prolongement  frangés,  le  front  déprimé  chez  les  femelles, 
convexe  dans  les  mâles  ;  antennes  de  quatre  articles,  les  trois  derniers  velus,  le 
troisième  épaissi  en  cône;  yeux  grands,  non  saillants,  en  triangle  équilatéral; 
rostre  caché  sous  le  prolongement  delà  tète,  de  trois  articles  peu  résistants; 
prothorax  large  et  court,  recouvrant  entièrement  le  mésothorax  et  l'écusson  ; 
hémélytrcs  légèrement  coriaces  dans  toute  leur  étendue,  avec  une  ligne 
élevée  le  long  du  bord  externe  et  un  sillon  oblique  partant  de  l'angle  basilaire 
externe;  ailes  aussi  longues  que  les  hémélytres;  pattes  antérieures  courtes. 


CORISA.  8Û5 

insérées  tout  près  de  la  tête,  les  cuisses  ovalaires,  les  jambes  très  courtes,  les 
tarses  d'un  seul  article,  arqué  et  large,  sans  crochets  à  l'extrémité,  finissant 
en  pointe,  garni  sur  les  deux  bords  d'une  sorte  de  peigne  de  soies  raides,  à 
longues  dents  parallèles;  pattes  intermédiaires  les  plus  grêles,  garnies  de 
piquants  et  de  poils,  à  tarses  d'un  seul  article  long,,  terminé  par  deux  crochets 
aussi  longs  que  lui  ;  pattes  postérieures  essentiellement  natatoires,  les  jambes 
avec  poils  raides,  les  tarses  aplatis,  lancéolés,  avec  franges  mobiles  qui  s'éta- 
lent largement  dans  l'eau,  ces  tarses  de  deux  articles,  dont  le  terminal  plus 
court  que  l'autre  et  sans  crochets  ;  abdomen  en  ovale  allongé,  assez  aplati, 
ayant  le  second  segment  ventral  profondément  échancré  au  milieu  dans  les 
femelles,  beaucoup  moins  dans  les  mâles. 

Les  Corises  vivent  dans  les  mares  et  les  ruisseaux  et  sont  très  carnas- 
sidîres,  ainsi  que  leurs  larves.  Quand  elles  nagent,  le  dessous  de  leur 
corps  paraît  argenté,  en  raison  des  très  fines  bulles  d'air  qui  s'y  alta- 
chent.  Si  elles  rencontrent  sur  leur  route  quelque  brin  d'herbe  ou 
quelque  corps  flottant,  elles  s'y  accrochent  avec  les  quatre  pattes  anté- 
rieures et  montent  ensemble  à  la  surface  de  l'eau;  souvent  elles  se 
fixent  sur  les  plantes  du  fond  et  y  restent  longtemps  immobiles.  Elles 
exhalent,  quand  on  les  saisit,  une  odeur  forte  et  très  désagréable,  ana- 
logue à  celle  de  la  Punaise  des  lits.  Les  femelles  déposent  au  printemps 
leurs  œufs  agglutinés  en  gâteaux  sur  les  plantes  aquatiques.  L'espèce 
de  France  ayant  la  plus  grande  taille  est  le  C.  Geffroyi,  Leach,  la  Corise 
de  Geoffroy,  de  13  millimètres  de  longueur,  les  pattes  antérieures  apla- 
ties en  forme  de  couteaux,  luisante,  grisâtre  ou  noirâtre,  le  prothorax 
traversé  par  une  quinzaine  de  lignes  jaunes  ondulées  et  les  hémélytres 
pointillées  de  jaune.  Elle  est  commune  aux  environs  de  Paris  et  dans 
toute  l'Europe,  se  plaisant  dans  les  mares,  où  elle  nage  et  plonge  avec 
la  plus  grande  facilité  pour  chercher  sa  proie,  venant  de  loin  en  loin  à 
la  surface  de  l'eau,  afin  de  s'approvisionner  d'air,  qui  se  loge  entre  les 
poils  du  ventre.  Une  seconde  espèce,  également  commune  en  France, 
de  plus  petite  taille,  est  C.  slriata,  Linn.,  la  Punaise  aquatique  rayée  de 
Stoll,  de  6  à  8  millimètres,  ayant  seulement  six  ou  sept  lignes  trans- 
verses jaunes,  plus  ou  moins  effacées,  sur  le  prédorsum,  et,  au  lieu 
d'un  simple  pointillé,  des  linéoles  transverses  jaunâtres  sur  les  hémé- 
lytres. Cette  espèce  paraît  propre  à  toutes  les  parties  du  monde.  On  en 
a  des  sujets  des  Indes  et  d'Amérique.  De  même  que  l'espèce  précédente, 
elle  se  trouve  en  Algérie,  en  hiver  et  pendant  une  partie  du  printemps, 
dans  les  flaques  d'eau  et  les  mares.  Elle  se  tient  ordinairement  comme 
suspendue  à  la  surface  de  l'eau,  mais  au  moindre  bruit  ou  mouvement 
suspect,  elle  se  précipite  vivement  au  fond,  où  elle  reste  quelque 
temps  en  s'accrochant  au  sol  ou  à  une  plante,  pour  revenir  bientôt  à  la 
surface.  Elle  marche  mal  et  lentement  sur  la  terre,  ne  faisant  alors  que 
des  sauts,  tandis  qu'elle  est  au  contraire  d'une  vivacité  surprenante 
dans  l'eau,  qu'elle  parcourt  comme  un  trait.  Quand  elle  s'y  tient  tran- 


846  HÉMIPTÈRES. 

quille,  elle  dirige  ses  pattes  postérieures  en  avant,  les  faisant  passer 
sur  les  intermédiaires,  de  façon  qu'elles  semblent  être  les  pattes  anté- 
rieures. 

Nous  représentons  une  espèce  exotique  de  la  Havane,  C.  Cubœ, 
G.  Mén.  (pi.  CI,  fig.  9),  de  8  millimètres  de  long  sur  3,5  de  large,  ressem- 
blant un  peu  à  C.  striata,  d'un  jaune  pâle  verdâtre,  avec  des  lignes 
noires  transverses  sur  le  prothorax  et  un  fin  semis  de  points  noirs  sur 
les  hémélytres.  A  ce  genre  appartiennent  deux  très  intéressantes  Pu- 
naises mexicaines,  les  C.  mercenaria  et  C.  femorata,  G.  Mén.,  cette  der- 
nière de  6  à  8  millimètres  de  long  et  d'un  jaune  testacé  rembruni. 
Depuis  des  temps  reculés,  bien  antérieurs  à  la  conquête  espagnole,  les 
œufs  de  ces  Corises  sont  recueillis  en  nombre  immense  dans  les  lacs  de 
Chalco  et  de  Tezcuco,  entre  lesquels  est  bâtie  la  ville  de  Mexico,  et 
servent  à  l'alimentation  après  avoir  subi  diverses  préparations.  Les  in- 
digènes vont  cueillir  des  joncs  dans  les  lagunes  du  lac  de  Chalco  et  les 
plient  en  deux  en  faisceaux  qu'ils  disposent  verticalement  dans  le  lac 
de  Tezcuco,  à  quelque  distance  du  rivage.  Ces  faisceaux,  sont  reliés  par 
un  jonc,  dont  les  bouts  sont  assemblés  en  boucle  permettant  de  retirer 
le  faisceau  à  volonté  et  servant  aussi  de  bouée  flottante  indicatrice.  Les 
Corises  viennent  pondre  sur  ces  faisceaux  de  joncs,  de  sorte  qu'au  bout 
d'une  quinzaine  de  jours,  chaque  brin  de  jonc  est  entièrement  couvert 
d'œufs.  On  retire  alors  les  faisceaux  pour  les  faire  sécher  au  soleil,  puis 
on  les  bat  sur  de  vastes  draps  pour  détacher  les  innombrables  œufs 
qu'ils  portent  ;  après  quoi  les  faisceaux  sont  remis  dans  l'eau  pour 
servir  à  une  nouvelle  récolte.  Les  œufs  sont  ensuite  mondés  et  tamisés, 
mis  en  sac  comme  de  la  farine  et  vendus  pour  obtenir,  après  cuisson, 
des  espèces  de  galettes  nommées  hautlé,  d'un  goût  un  peu  acidulé, 
participant  du  fromage  et  du  poisson  et  qui  sont  très  recherchées  par 
le  populaire  de  Mexico  ;  on  dit  que  le  malheureux  empereur  Maximi- 
lien  les  aimait  beaucoup.  A  l'aide  de  troubleaux,  on  prend  de  grandes 
quantités  de  ces  insectes,  qui  sont  vendus  séchés  dans  les  rues  de 
Mexico,  sous  le  nom  de  mosquitos,  pour  nourrir  les  petits  oiseaux  en 
cage.  Au  fond  des  deux  lacs  se  forme  un  véritable  terrain  oolithique 
par  le  dépôt  des  œufs  des  Corises,  dépôt  qui  s'accroît  d'année  en  an- 
née et  dont  on  serait  bien  embarrassé  d'expliquer  l'origine  sans  la  con- 
naissance accidentelle  de  sa  vraie  cause. 

Un  dernier  groupe  des  Punaises  d'eau  est  celui  des  Notonectides, 
dont  le  caractère  principal  est  de  nager  renversées  sur  le  dos; le  rostre, 
en  cône  allongé,  est  très  visible  et  les  tarses  antérieurs  ont  ordinaire- 
ment deux  articles  apparents.  On  trouve  ces  insectes  dans  l'Ancien  et 
le  Nouveau  Monde. 

noTOlVECTA ,  Linn. —  Corps  allongé,  voCilé  et  frangé  tout  autour;  tête 
arrondie,  transversale,  fortement  inclinée  sur  la  poitrine  ;  antennes  de  quatre 
articles;  ocelles  nuls  ;  yeux   grands,  allongés;  rostre  très  fort,  de  quaire  aiti- 


NOTONEGTA.  Ski 

clés;  prothorax  transversal,  un  peu  rétréci  antérieuremeut,  le  bord  postérieur 
droit;  écusson  presque  aussi  large  que  le  prothorax  à  sa  base,  en  triangle  à  peu 
près  équilatéral  ;  hémélytres  ayant  une  membrane  distincte,  recouvrant  tout 
l'abdomen,  un  peu  plus  longues  que  lui  et  tombant,  de  chaque  côté,  en  toit  un 
peu  arqué;  ailes  inférieures  aussi  grandes  que  les  hémélytres;  pattes  grandes, 
les  postérieures  beaucoup  plus  que  les  autres,  fortement  frangées,  les  quatre 
tarses  antérieurs  de  deux  articles  apparents  seulement,  avec  un  article  basi- 
laire  supplémentaire,  les  tarses  postérieurs  notablement  aplatis  en  forme  de 
rames,  sans  griffe  terminale  ;  abdomen  offrant  en  dessous  une  crête  longitudi- 
nale médiane  notablement  frangée,  avec  un  profond  sillon  caché  sous  la  frange 
de  cette  carène. 

Les  Notonectes  sont  des  insectes  des  plus  carnassiers,  attaquant  par- 
fois des  insectes  de  beaucoup  plus  grande  taille  et  paraissant  plus  forts  ; 
il  est  probable  que  par  le  rostre  s'écoule  une  sécrétion  venimeuse,  car 
les  sujets  piqués  meurent  presque  aussitôt.  Les  Notonectes  se  font  la 
guerre  et  se  dévorent  entre  elles.  Quand  elles  marchent  sur  les  plantes 
aquatiques  ou  hors  de  l'eau  sur  la  terre,  les  deux  pattes  postérieures 
ne  font  que  traîner;  mais,  quand  elles  nagent  sur  le  dos,  ces  mêmes 
pattes  leur  servent  d'avirons  et  les  lancent  en  avant  avec  vitesse,  les 
pattes  antérieures  et  intermédiaires  ne  concourant  pas  à  cette  nata- 
tion. Ces  Punaises  sortent  parfois  de  l'eau  le  soir  ou  la  nuit  pour  errer 
sur  le  sol  ou  passer  en  volant  d'une  mare  à  l'autre.  C'est  par  une  série 
de  bonds  que  les  Notonectes  peuvent  progresser  sur  le  sol.  Dans  l'eau 
elles  ressemblent  à  des  petites  barques  et  remontent  fréquemment  à  la 
surface  pour  renouveler  leur  provision  d'air,  qui  s'attache  aux  poils 
serrés  de  leur  ventre  retourné  supérieurement  et  au  milieu  desquels 
s'ouvrent  les  stigmates. 

L'espèce  type,  très  commune  au  commencement  du  printemps  dans 
les  eaux  douces  de  toute  la  France,  est  N.  glauca,  Linn. ,  la  grande  Pu- 
naise à  avirons  de  Geofl'roy,  la  Punaiss  commune  à  avirons  de  Stoll,  de 
15  millimètres  de  long,  jaunâtre  ou  tachée  de  noir,  présentant  le  lai-ge 
écusson  d'un  blanc  noir,  offrant  beaucoup  de  variétés  dont  on  avait 
même  fait  des  espèces,  parfois  entièrement  d'un  blanc  verdâtre  pâle 
sans  taches  noires  sur  les  hémélytres,  tantôt  d'un  jaunâtre  ferrugineux 
assez  uniforme  avec  quatre  ou  cinq  taches  d'un  noir  velouté  le  long  du 
bord  externe  des  hémélytres,  tantôt  avec  les  hémélytres  d'un  rouge 
ferrugineux  marbrées  de  taches  noires,  tantôt  enfin  ayant  les  hémé- 
lytres noires  avec  deux  taches  jaunes  à  la  base  ou  avec  l'extrémité  fer- 
rugineuse. Cette  espèce  abonde  en  hiver  et  au  printemps  dans  les 
flaques  d'eau  et  mares  de  l'Algérie.  Dans  l'accouplement,  vers  le  mois 
de  juillet,  le  mâle  ne  monte  pas  sur  la  femelle  ;  il  se  place  côte  à  côte, 
un  peu  plus  bas  qu'elle,  et  ils  nagent  ainsi,  attachés  ensemble  par  les 
organes  sexuels,  avec  la  même  vitesse  que  s'ils  étaient  seuls.  La  femelle 
pond  un  grand  nombre  d'œufs  blanchâtres  et  de  forme  allongée,  qu'elle 


8/i8  HÉMIPTÈRES. 

attache  aux  tiges  des  plantes  aquatiques,  en  ayant  soin,  comme  les 
Naucores,  de  pratiquer  une  incision  pour  insérer  chacun  d'eux.  Au 
bout  de  dix  jours  environ  on  distingue  à  leur  extrémité  hbre  trois  points 
rouges.  Peu  après,  dans  le  courant  de  mai,  éclosent  les  larves,  aptères 
et  d'un  jaune  doré,  se  mettant  aussitôt  à  nager  comme  leur  mère,  le 
ventre  en  haut;  jusqu'au  mois  d'août  elles  effectuent  trois  mues  et 
acquièrent  enfin  des  rudiments  alaires  très  courts.  Après  la  quatrième 
mue,  la  Notonecte  atteint  son  développement  complet,  mais  ne  prend 
sa  couleur  et  sa  consistance  définitives  qu'au  bout  d'un  certain  temps, 
et  passe  ensuite  l'hiver  sous  la  vase  dans  un  état  d'engourdissement 
profond.  Nous  représentons  (pi.  ci,  fig.  10),  la  variété  N.fnrcata,  Fabr., 
de  France  (10,  a,  tête  vue  de  profil  avec  son  rostre  droit,  10,  6,  antenne, 
10,  c,  patte  postérieure);  c'est  la  variété  à  hémélytres  noires,  avec  deux 
taches  allongées  jaunes,  en  forme  de  fourche,  à  la  base. 

Un  genre  voisin  est  celui  des  Ploa,  Leach  et  Sfephens,  nageant  aussi 
sur  le  dos,  à  hémélytres  entièrement  coriaces,  sans  membrane  dis- 
tincte, à  corps  ovalaire,  très  bombé  en  dessus,  à  antennes  de  trois  ar- 
ticles (Fiéber),  à  rostre  court,  de  deux  articles,  à  ventre  lisse,  pres- 
que aplati,  n'offrant  pas  la  crête  frangée  des  Notonecta,  les  pattes 
courtes,  peu  frangées,  presque  d'égale  longueur,  à  tarses  très  longs, 
surtout  les  quatre  postérieurs,  qui  sont  aussi  longs  que  les  jambes,  de 
trois  articles,  tous  un  peu  comprimés  et  frangés,  faits  pour  la  nage, 
avec  deux  longs  crochets  au  bout.  Le  type  de  ce  genre  est  une  très 
petite  espèce,  fort  commune  dans  les  mares  aux  environs  de  Paris  et 
existant  dans  toute  l'Europe,  le  P.  minutissima,  Fabr.,  la  petite  Punaise 
à  avirons,  de  Geoffroy  (la  larve),  gris  verdâtre  ou  jaunâtre,  avec  une 
faible  corne  longitudinale  noire  sur  le  vertex,  de  2  millimètres  de  lon- 
gueur seulement.  Les  mœurs,  le  mode  d'accouplement  et  de  ponte,  le 
développement  sont  analogues  à  ce  que  nous  avons  vu  pour  les  Noto- 
necta. Cette  espèce,  très  carnassière,  sort  le  matin  de  l'eau  pour  errer 
sur  la  terre  ou  pour  passer  en  volant  d'une  mare  à  l'autre.  Elle  est 
assez  rare  en  Algérie,  où  elle  a  été  rencontrée  dans  les  petites  flaques 
d'eau  des  environs  d'Alger. 

Bibliographie  dc!4  Hémiptères  liétéroptèrcs. 

Gaspard  Stoll,  Représentation  exactement  colorée  d'après  nature  des 
Punaises  qui  se  trouvent  dans  les  quatre  parties  du  monde  :  l'Europe, 
l'Asie,  l'Afrique  et  l'Amérique;  texte  hollandais  et  français,  1  vol.  in-Zi°, 
Amsterdam,  Jan  Christian  Sepp,  1788.  —  Faune  française  ou  Histoire 
naturelle,  générale  et  particulière  des  animaux  qui  se  trouvent  en  France, 
constamment  ou  passagèrement,  à  la  surface  du  sol,  dans  les  eaux  qui  le 
baignent  et  dans  le  littoral  des  mers  qui  le  bornent,  par  MM.  Audinet-Ser- 
ville,  Le  Peletier  de  Saint-Fargeau,  etc.,  Paris,  LevrauK,  Hémiptères 
(inachevé,  seulement  une  partie  des  Hé  ter  opter  es).  —  Mulsant  et  Rey, 


HOMOPTÈRES.  8/*9 

Histoire  naturelle  des  Punaises  de  France  :  t.  I,  Seutellérides,  Paris,  1865, 
in-Zi»,  112  p.,  avec  1  pi.  noire;  t.  II,  Pentatonides,  in-Zi",  365  p.,  2  pi. 
noires;  t.  III,  Coréides,  Alydides,  Bérytides,  Sténocéphalides,  in-Zi",  250  p., 
2  pi.  noires;  t.  IV,  Réduvides,  Émésides,  in-li°,  120  p.,  2  pi.  noires.  — 
D'"  Puton,  Synopsis  des  Hémiptères  hétéroptères  de  France  :  l''^  partie, 
1868,  Ligœides;  2^  partie,  1879,  Tingitides,  Aradides,   Hydrométrides  ; 
3"  partie,  1880,  Réduvides,  Saldides,  Hydrocorises;  h'^  partie,  1881,  Pen- 
talomides,  Coréides,  Bérytides;  5"  partie  (en  préparation),  C  apsides  ; 
id.,  Faunule  des  Hémiptères  de  Biskra  (avec  Lethierry),  1  pi.  col.,  1875 
(extrait  des  Ann.  de  la  Soc.  entom.  de  France;  id..  Notes  pour  servir  à 
l'histoire  des  Hémiptères,  3  cah.  avec  2  pi.  col.,  1873, 187/i,  1875  (extrait 
des  Ann.  de  la  Soc.  entom.  de  France;  id.,  Énumération  des  Hémiptères 
récoltés  en  Syrie  par  M.  Abeille  de  Pcrrin  (extrait  de  la  Soc.  entomol. 
suisse,  vol.  VI,  livr.  3).  —  C.  G.  Thomson,  Opuscida  entomologica,  in-8°, 
h  fasc,  Lund,  1869  :  Hemiptera  (Hydrocorises),  p.  39A;  Ôfversigt  af  Sve- 
rige  Orthostira  arter,  p.  398  ;  Orthostira,  Fieber,  syn.  :  Tingis,  Fallen, 
p.  399;  Ôfversigt  af  Sverige  Salda  arter,^^.  Zi03;  Ôfversigt  af  de  i  Sverige 
funna  arter  af  Gruppen  Capsina,  p.  Zill,  genus  Miris,  Fabr.,  p.  ûl2  ; 
Capsus,  Fabr.,  p.  A17  (121  espèces).  —  D"^  Victor  Signoret  (Ann.  Soc.  en- 
tom. de  France)  :  Note  sur  quelques  Hémiptères  nouveaux  ou  peu  connus, 
1852,  p.  539  ;  Description  d'un  nouveau  genre  du  groupe  des  Émésides 
(genre  Stenasemus),  1858,  p.  251;  Note  sur  des  Hémiptères  hétéroptères, 
1858,  p.  i99  ;  Hémiptères  de  Sicile  recueillis  par  M-  Bellier  de  la  Chavi- 
gnerie,  1860,  p.  738  ;  Faune  des  Hémiptères  de  Madagascar,  Hétéroptères, 
1860,  p.  917  ;  Quelques  espèces  nouvelles  d'Hémiptères  de  Cochinchine, 
1862,  p.  123;  Description  d'Hémiptères  nouveaux  ou  peu  connus  trouvés 
en  Corse  par  M.  Bellier  de  la  Chavignerie,  1862,  p.  375;  Descriptions 
d'Hémiptères  nouveaux  de  Jurimaguas  et  de  Moyabamba  (Pérou),  1862, 
p.  579;  Hémiptères  exotiques  nouveaux,  1861,  p.  bb  ;  Revision  des  Hé- 
miptères du  Chili,  1863,  p.  5/il  ;  Description  de  quelques  Hémiptères  nou- 
veaux, 1865,  p.  115;  Revision  du  groupe  des  Cydnides  de  la  famille  des 
Pentatomides,  l--*  à  12«  partie,  1881,  1882,  1883. 


SoUS-ORDRE   DES    HÉMIPTÈRES   HOMOPTÈRES 


Dans  les  Homoptères,  nom  qui  veut  dire  ailes  semblables,  les  ailes,  à 
certaines  exceptions  près,  sont  membraneuses  dans  les  deux  paires; 
quand  les  antérieures  restent  subcoriaces,  elles  sont  de  même  consti- 
tution dans  toute  leur  étendue,  n'offrant  ni  corie,  ni  membrane.  Le 
rostre,  de  trois  articles  apparents,  dont  le  premier  est  ordinairement 
caché  sous  le  chaperon,  naît  de  la  partie  la  plus  inférieure  de  la  tête, 
entre  les  pattes  antérieures.  Le  plus  souvent  les  antennes  sont  courtes, 
GlRAKD.  m.  —  54 


850  HÉMIPTÈRES. 

terminées  par  une  soie  fine,  composées  de  six  ou  sept  articles  difficiles 
à  distinguer  ;  souvent  des  ocelles,  au  nombre  de  trois  ou  de  deux, 
s'adjoignent  aux  yeux  composés.  L'abdomen  est  formé  de  six  ou  sept 
segments.  Les  femelles  sont  pourvues  d'une  tarière  ou  oviscapte,  reçue 
entre  les  deux  plaques  vulvaires,  lesquelles  s'ouvrent  à  la  volonté  de 
l'insecte  pour  lui  donner  passage  ;  les  mâles  présentent  une  plaque 
anale  simple  et  entière.  Les  Homoptères  ont  une  alimentation  exclusi- 
vement végétale,  aux  dépens  des  sucs  séveux  des  végétaux  vivants. 
Dans  le  type  élevé,  qu'on  peut  désigner  sous  le  nom  général  de  Cica- 
daires,  car  leur  aspect  rappelle    toujours   plus  ou   moins   celui  des 
Cigales,  si  célèbres  par   leurs  organes  de  stridulation,  les  insectes 
s'établissent  rarement  en  colonies  et  ne  se  fixent  jamais  pour  leur 
succion  en  un  siège  unique  et  définitif,  mais  enfoncent  çà  et  là  leur 
rostre  en  diverses  places  dans  le  végétal  qu'ils  endommagent.  Au  con- 
traire les  types  dégradés  de  ce  sous-ordre  sont  le  plus  généralement  en 
colonies,  fixés  par  le  rostre  à  une  partie  unique  pour  chacun  du  végé- 
tal ;  tels  sont  les  Psylles,  les  Aphidiens  ou  Pucerons,  les  Pliylloxériens, 
les  Aleurodiens  et  les  Cochenilles.  Ce  caractère  de  colonies  animales, 
formées  de  très  nombreux' sujets  peu  mobiles  ou  même  entièrement 
sédentaires,  est  une  preuve  d'infériorité  organique  ;  ce  sont  les  êtres 
faibles  qui  éprouvent  le  besoin  d'une  vie  sociale,  avec  agrégation  et 
soudure  sur  un  support  commun  dans  beaucoup  de  formes  animales 
moins  élevées  que  les  insectes. 

Tribu  des  ClCADlEMiS. 


Le  caractère  principal  et  essentiel  de  cette  tribu,  dont  les  insectes 
sont  souvent  appelés  les  Stridulants,  consiste  dans  un  appareil  de  stri- 
dulation à  la  base  de  l'abdomen  des  mâles,  appareil  fort  compliqué  qui 
manque  le  plus  souvent  chez  les  femelles,  ou  qu'elles  présentent  rudi- 
mentaire  chez  quelques  espèces  exotiques.  On  connaît  environ  quatre 
cents  espèces  de  Cicadiens,  dont  dix-huit  dans  l'Europe  méridionale,  la 
plupart  dans  les  zones  torrides  et  jusqu'au  UO"  degré  de  latitude,  certaines 
isolément  plus  au  nord,  des  régions  chaudes  de  la  zone  tempérée. 

Le  plus  ordinairement  la  tête  est  courte,  large,  transversale,  le  front 
renflé,  avec  des  sillons  transverses.  Entre  les  yeux  composés  très 
saillants  s'élèvent  de  courtes  antennes  sétiformes  de  sept  articles  ;  trois 
ocelles  (d'où  les  Triocelles  d'Amyot)  disposés  en  triangle  se  trouvent  sur 
le  vertex.  Le  rostre  est  de  trois  articles,  assez  long,  dépassant  un  peu 
l'insertion  des  pattes  intermédiaires,  le  premier  article  très  court,  caché 
par  le  chaperon.  Le  prothorax  transversal  offre  des  sillons  peu  nom- 
breux, le  mésothorax  très  grand  cache  le  métathorax  et  porte  un  écus- 
son  en  forme  de  bourrelet  échancré.  Les  quatre  ailes  reposent  sur  le 
corps  cylindro-conique,  à  la  manière  d'un  toit  ;  les  antérieures,  bien 


GICADIENS.  851 

plus  longues  que  les  postérieures,  soat  tantôt  glabres  et  transparentes, 
notamment  dans  les  Cigales  d'Europe,  tantôt  velues  et  colorées,  sur- 
tout dans  les  espèces  d'Afrique  ;  les  nervures  se  répandent  sur  leur  sur- 
face par  divisions  dichotomiques.  Les  pattes  sont  fortes,  assez  longues, 
les  hanches  antérieures  aussi  longues  que  les  cuisses;  celles-ci 
épaissies,  parfois  dentelées,  offrant  des  vestiges  de  leur  disposition  à 
l'état  de  larve  et  de  nymphe,  présentant  deux  épines  en  dessous,  les 
jambes  grêles,  les  tarses  ordinairement  de  trois  articles,  les  deux  pre- 
miers très  courts,  le  dernier  très  long,  muni  de  deux  crochets  au  bout; 
abdomen  court,  gros,  finissant  en  pointe  et  portant,  chez  les  mâles,  de 
chaque  côté  du  premier  segment  ventral ,  les  organes  sonores, 
indiqués  à  l'extérieur  par  une  plaque  ou  opercule,  plus  ou  moins 
considérable. 

Les  Cigales  sont  des  insectes  lourds  et  paresseux,  auxquels  seuls  les 
ardents  rayons  du  soleil  donnent  de  la  mobilité.  A  l'aide  de  leur  rostre, 
elles  percent  les  jeunes  pousses  des  arbres  dont  elles  aspirent  la  sève; 
celle-ci  parfois  continue  à  couler  après  la  piqûre,  se  dessèche  et  forme 
des  mannes.  En  outre  la  tarière,  qui  est  au  bout  de  l'abdomen  des 
femelles  dans  une  fente  longitudinale,  leur  sert  à  perforer  les  branches 
soit  mortes,  soit  vivantes,  pour  pondre  leurs  œufs  à  l'intérieur  dans  la 
moelle,  notamment  dans  les  mûriers.  La  tarière  est  composée  de  trois 
pièces  :  au  centre  un  fourreau  très  fin,  un  peu  quadrangulaire,  formé 
de  deux  gouttières  accolées  et  dans  lequel  passent  les  œufs  amenés  par 
l'oviducte,  élargi 'en  fer  de  lance  à  son  extrémité,  qui  est  plus  dure  et 
plus  polie  que  le  reste.  Les  deux  pièces  latérales  s'assemblent  avec  la 
pièce  médiane  au  moyen  de  quelques  arêtes  saillantes  qui  entrent  dans 
des  rainures  correspondantes;  par  leur  mouvement  propre  elles  peuvent 
glisser  le  long  de  la  tige  médiane,  mais  non  s'en  écarter;  elles  se  ter- 
minent comme  la  tige  médiane  par  une  partie  aiguë,  qui  est  de  plus 
striée  et  dentelée  en  forme  de  lime  ou  de  scie.  Ainsi  que  l'a  observé 
Doyère,  et  mieux  que  par  les  simples  conjectures  de  Réaumur  qui 
n'avait  que  des  sujets  secs,  la  tige  médiane  est  l'outil  perforant,  à  la 
manière  d'un  poinçon,  les  deux  tiges  latérales  lui  servant  seulement  de 
point  d'appui  et  faisant  l'office  de  grappins.  La  tarière  est  d'abord 
poussée  hors  du  fourreau  par  l'action  d'un  muscle  à  la  volonté  de  l'in- 
secte. Ensuite  il  cherche  à  se  cramponner  dans  l'épiderme  de  la 
branche  par  la  pointe  aiguë  et  dentelée  des  tiges  latérales,  introduites 
par  un  coup  donné  à  reculons.  Ces  pièces  fixées,  le  muscle  propre  de  la 
pièce  médiane  la  pousse  afin  de  la  faire  agir  comme  un  poinçon.  Puis 
les  deux  pièces  latérales  s'introduisent  dans  l'ouverture  qu'elle  a  faite 
pour  s'y  fixer  encore,  au  moyen  de  leurs  dentelures,  et  fortifier  les  nou- 
veaux coups  que  le  poinçon  doit  porter  et  qui  devieiuient  de  plus  en 
plus  énergiques  à  mesure  que  les  valves  latérales  prennent  un  point 
d'appui  plus  solide,  en  pénétrant  à  une  plus  grande  profondeur  dans  le 
trou  pratiqué  par  le  poinçon  central. 


852  HÉMIPTÈRES. 

Les  œufs  introduits  ainsi  par  la  tarière  sont,  du  moins  dans  les 
Cigales  d'Europe,  oblongs,  cylindroïdes  et  blanchâtres.  Il  en  éclôt  des 
larves,  devenant  ensuite  nymphes,  et,  dans  ces  deux  états,  trapues, 
glabres  et  couvertes  d'une  peau  résistante.  Les  larves  passent  leur  exis- 
tence sous  la  terre,  s'enfonçant  souvent  à  une  assez  grande  profondeur, 
au  pied  des  arbres,  parfois  durant  plusieurs  années,  et  sucent  avec  leur 
rostre  les  racines  des  arbres.  Les  robustes  pattes  antérieures,  dont  les 
cuisses  et  les  jambes  sont  armées  de  fortes  épines  et  de  denticulations 
à  pointes  aiguës,  leur  sont  d'un  puissant  secours  pour  cheminer  dans 
le  sol  compact.  Les  tarses  antérieurs  très  développés  sont  repliés  et 
logés  dans  un  sillon  de  la  jambe,  de  manière  à  ne  pas  être  brisés  dans 
les  promenades  souterraines  (1),  comme  cela  a  lieu,  paraît-il,  pour  les 
tarses  antérieurs  des  Ateuchus.  Devenues  nymphes  et  ayant  acquis  des 
moignons  d'ailes  renfermés  dans  des  fourreaux,  elles  sortent  de  terre  et 
grimpent  le  long  des  troncs  d'arbre,  se  servant  alors  des  tarses  dissimu- 
lés jusque-là  dans  le  sillon  de  la  jambe,  A  la  fin  du  printemps  et  le  soir, 
a  peau  de  ces  nymphes  se  fend  le  long  du  dos,  et  la  Cigale  adulte  en 
sort;  on  trouve  souvent,  dans  le  Midi,  ces  peaux  de  nymphes,  restées 
entières  et  desséchées,  retenues  accrochées  aux  arbres  par  les  crochets 
des  tarses  et  les  épines  des  jambes.  Les  Cigales  écloses  sont  d'abord 
faibles  et  se  traînent  péniblement  sur  les  tiges  ;  mais,  le  lendemain, 
elles  voltigent,  réchauffées  par  le  soleil,  et  les  mâles  se  mettent  à  chan- 
ter. 

Le  chant  des  mâles  a  rendu  les  Cigales  célèbres.  Cette  stridulation 
bruyante  était  très  appréciée  des  Grecs,  louée  en  vers  par  Homère  et 
Anacréon,  en  prose  par  Platon.  On  les  enfermait  dans  de  petites  cages 
pour  se  délecter  de  leur  chant,  et  cette  coutume,  paraît-il,  existe  encore 
en  Chine.  Les  Cigales  étaient  pour  les  Grecs  l'emblème  de  la  musique. 
Au  contraire  les  Latins,  témoin  Virgile,  avaient  cette  stridulation  en 
fort  médiocre  estime.  On  trouvera  de  nombreux  détails  à  ce  sujet  dans 
nos  Métamorphoses  des  Insectes  (Paris,  Hachette  et  C'",  6"  édition,  188^, 
ouvrage  couronné  par  l'Académie  française,  p.  323  et  suiv.). 

Quelques  faits  sont  à  noter,  avant  la  description  de  l'appareil  sonore. 
Chaque  espèce  émet  ses  sons  propres,  d'un  timbre  spécial,  avec  des 
modulations  et  des  repos  variés,  augmentant  d'intensité  avec  la  tempé- 
rature et  devenant  assourdissants  aux  heures  les  plus  chaudes  de  la 
journée.  Les  Cigales  sont  dans  une  dépendance  morale  incontestable 
de  certains  sons.  Il  y  a  ici  des  actes  analogues  à  ceux  accomplis  par  les 
sons  au  moyen  desquels  on  appelle  beaucoup  d'Oiseaux,  par  les  mélo- 
pées des  charmeurs  de  Serpents,  par  les  sifflotements  à  l'aide  desquels, 
dans  l'Amérique  chaude,  les  chasseurs  d'Iguanes  captivent  l'attention 
de  ces  Reptiles,  au  point  de  les  rendre  immobiles  sur  les  branches, 

(1)  J.  Kiinckel  d'Herculais,  Disposition  particulière  des  pattes  chez  les  nymphes 
des  Cicada  {Ann,  Soc.  entom,  de  France,  1879,  p.  358,  pL  10). 


CIGADIENS.  85S 

avançant  même  la  tûte  au  nœud  coulant  qui  doit  les  précipiter  sur  le 
sol.  En  sifflant  devant  une  Cigale,  de  manière  à  imiter  sa  stridulation, 
on  l'attire  et  on  lui  fait  perdre  sa  timidité  naturelle.  C'est  ainsi  que 
Boyer  de  Fonscolombe  réussissait  à  les  déterminer  à  descendre  des 
arbres, à  venir  se  poser  sur  sa  canne  et  môme  à  descendre  sur  son  nez. 
Probablement  des  observations  de  ce  genre  ont  amené  la  légende  des 
Grecs,  au  sujet  du  duel  musical  à  la  cithare  entre  Eunome  et  Ariston. 
Une  des  cordes  de  l'instrument  d'Eunome  s'étant  brisée,  une  Cigale  vint 
se  poser  dessus  et  remplaça  avec  tant  de  succès  la  corde  manquante, 
qu'il  remporta  la  victoire.  Réaumur  le  premier  a  découvert  le  méca- 
nisme à  l'aide  duquel  l'appareil  musical  du  mâle  produit  sa  stridula- 
tion. Ayant  disséqué  un  mâle,  il  trouva  dans  chaque  cavité  sonore  une 
membrane  sèche,  bombée  et  blanche,  plissée  transversalement,  qu'il 
nomma  la  timbale  et  à  laquelle  aboutissait  un  gros  muscle  placé  dans 
le  thorax.  Ayant  par  hasard  tiré  un  de  ces  muscles  avec  une  pince,  il 
fut  étonné  d'entendre  résonner  comme  un  tambour  cette  membrane 
mise  en  mouvement  par  ce  tiraillement.  Plus  tard,  les  observations  que 
Réaumur  observant  à  Paris  n'avait  pu  faire  que  sur  des  sujets  secs, 
furent  confirmées  et  complétées  par  les  travaux  de  Doyère,  Solier, 
Goureau  sur  des  mâles  vivants  et  récemment  par  ceux  de  M.  Carlet(l). 
Pendant  que  le  chant  se  fait  entendre,  la  timbale,  tirée  par  le  muscle, 
vibre  et  passe  alternativement  de  la  forme  convexe  à  la  forme  concave 
et  c'est  ce  mouvement  qui  produit  le  son.  L'appareil  musical,  à  la  base 
de  l'abdomen,  est,  en  résumé,  un  tambour  à  deux  peaux  sèches  et  con- 
vexes, les  timbales,  dont  l'insecte  joue  en  contractant  simultanément 
deux  muscles,  implantées  à  leur  face  interne  par  un  fort  tendon  et 
allant  du  centre  de  l'instrument  à  chacune  des  peaux,  celles-ci  reve- 
nant sur  elles-mêmes  par  leur  élasticité.  Il  est  entouré  de  deux  paires 
d'organes  protecteurs,  les  volets  et  les  cavernes.  Les  volets  ou  opercules 
sont  deux  écailles  demi-circulaires  situées  sous  le  ventre  ;  les  cavernes 
sont  deux  cavités  latérales  dont  on  voit  l'entrée  dès  qu'on  a  soulevé  les 
volets.  Sur  la  paroi  interne  de  la  caverne  se  trouve  cette  membrane 
convexe  ou  timbale,   qui  est  l'organe  producteur  du  son.  Les  deux 
timbales  forment  les  peaux  d'un  véritable  tambour,  dont  la  caisse  est 
constituée  par  une  énorme  cavité  thoraco-abdominale.  Celle-ci  commu- 
nique directement  avec  l'extérieur  par  une  paire  de  gros  stigmates, 
situés  un  peu  en  avant  des  timbales.  Les  parois  de  la  caisse  sont  for- 
mées par  le  squelette  tégumentaire,  sauf  à  la  paroi  ventrale,  où  elles 
sont  constituées  par  deux  paires  de  membranes  délicates,  que  l'on 
découvre  en  enlevant  les  opercules,  ou  prolongements  des  épimères. 
En  bas  est  une  membrane  frêle  ou  miroir;  en  haut,  à  la  face  externe, 
se  trouve  un  châssis  écailleux  relié  en  plusieurs  points  à  la  paroi 

(1)  G.  Carlet,  Mémoire  sur  l'appareil  musical  de  la  Cigale  {Ann,  Se.  nat., 
ZooL,  6^  série,  t.  V,  1877). 


85a 


HÉMIPTÈRES. 


interne  ou  entogastre  et  sous-tendant  une  membrane  plus  résistante  à 
plis  longitudinaux,  la  membrane  plissée.  Les  deux  membranes  tendues, 
la  membrane  plissée  dans  son  châssis  et  le  miroir,  tous  deux  au  fond 
de  la  grande  cavité,  répètent  par  résonance  ou  communication  vibra- 
toire, et  en  les  renforçant  considérablement,  les  sons  fondamentaux 
produits  par  les  timbales. 
Il  est  nécessaire  de  contrôler  par  des  figures  cet  appareil  compliqué. 


FiG.  33. 


^)t      vij: 


'd       ■  P     .5 


mt  tut 


FiG.  34. 


a 


Légendes  :  Fig.  33.  Cigale  plébéienne  mâle  vue  en  dessous  pour  montrer  le 
rostre,  l'insertion  et  la  forme  des  pattes,  les  opercules  ou  volets  v  de  l'appareil 
musical.  —  Fig.  34.  Appareil  musical  :  1  a,  premier  anneau  de  l'abdomen  ;  2  a, 
second  anneau  de  l'abdomen  ;  ent^  entogastre  ;  77ii,  miroir  ;  m,  pi,  membrane 
plissée  ;p,  patte  de  la  troisième  paire  ;  5f,  st',  st'',  stigmates;  <,  timbales;  i;,  volet 
droit,  le  gauche  ayant  été  enlevé  pour  laisser  voir  les  parties  qu'il  recouvre; 
ap,  apophyse  de  la  membrane  plissée  ;  c,  cheville  de  Réaumur  ou  trochantin  de 
la  i'^  patte;  c,  caverne. 


Nous  le  représentons  chez  la  plus  grande  espèce  de  France,  la  Cigale 
plébéienne  ou  du  Frêne. 


CICAD.%,  Réaumur,  Linn.,  syn.  rfeftigonia,  Fabr.  —  Tête  grosse,  large,  courte; 
front  ayant  un  sillon  longitudinal  au  milieu  ;  yeux  gros,  ovalaires,  pédoncules, 
très  saillants;  prothorax  beaucoup  plus  large  que  long,  sans  dilatation  latérale  ; 
mésolhorax  ou  écusson  très  grand,  bordé  de  chaque  côté  par  un  sillon  qui  en 
suit  le  contour  arrondi  et  vient  aboutir  au  milieu  à  une  petite  élévation  qui  sé- 
pare les  deux  sillons  latéraux  l'un  de  l'autre  ;  ailes  des  deux  paires  hyalines^ 
avec  les  nervures  plus  ou  moins  tachées  de  brun,  ordinairement  seize  cellules 
aux  ailes  antérieures  et  douze  aux  ailes  postérieures  ;  pattes  à  tarses  de  trois 
articles  ;  abdomen  court,  gros,  conique,  avec  une  plaque  ou  opercule  recouvrant 


CIGADA.  855 

de  chaque  côté  les  cavités  sonores  dans  les  mâles  et  une  épine  aplatie  partant 
de  la  base  des  hanches  postérieures  et  s'étendant  au-dessus  de  l'opercule. 

Les  timbales  des  Cigales  milles  sont  plus  ou  moins  recouvertes  par 
une  membrane  qui  est  un  prolongement  du  tégument  propre  de  l'abdo- 
men, et  de  là  divers  sous-genres  pour  les  espèces  d'Europe.  Dans  les 
Cicada  propres  les  timbales  sont  entièrement  recouvertes  en  dessus  et 
latéralement.  L'espèce  type  esi  C.  fraxini,  Fabr.,  syn.  'rplebeia,  Sco- 
poli,  la  Cigale  à  bordure  jaune  de  Geoffroy,  la  grande  Cigale  européenne 
de  Stoll,  de  35  millimètres  de  long,  noire  en  dessus,  avec  des  taches 
jaunes  à  la  tête  ainsi  que  du  jaune  au  bord  postérieur  du  prédorsum 
et  une  tache  de  chaque  côté  à  l'extrémité  de  l'écusson,  jaunes,  ainsi 
qu'une  bordure  jaune  interrompue  en  arrière  du  mésothorax,  une 
tache  noire  à  la  base  et  deux  taches,  enfumées  à  l'extrémité  des  ailes 
antérieures,  les  ailes  postérieures  hyalines  et  sans  taches;  pattes 
jaunes,  avec  des  lignes  longitudinales  noires, jaunâtres  en  dessous;  les 
deux  sexes.  Cette  Cigale  a  une  stridulation  très  intense,  paraissant 
formée  d'une  seule  note,  répétée  avec  rapidité,  s'affaiblissant  insensi- 
blement après  un  certain  temps  et  se  terminant  par  une  sorte  de 
sifflement  qui  ressemble  au  bruit  de  l'air  sortant  d'une  vessie  que  l'on 
comprime,  et  qui  a  quelque  analogie  avec  le  son  qu'on  obtient  en  pro- 
nonçant les  deux  consonnes  st.  Quand  elle  chante,  elle  remue  son 
abdomen  avec  rapidité,  de  manière  que  les  opercules  s'en  éloignent  ou 
s'en  rapprochent  alternativement  ;  elle  joint  à  ce  mouvement  un  petit 
tremblement  du  mésothorax.  Quand  on  saisit  cette  Cigale,  le  bruit  très 
fort  que  la  frayeur  lui  fait  jeter  diffère  notablement  de  celui  qu'elle  fait 
entendre  à  l'état  de  liberté.  Cette  Cigale  plébéienne  habite  tout  le  sud 
de  l'Europe,  notamment  la  France  méridionale,  remontant  par  places 
un  peu  vers  le  nord,  ainsi  dans  l'Isère,  le  Rhône,  la  Côte-d'Or  même, 
mais  très  rarement.  On  la  trouve  aussi,  fort  rare,  dans  la  forêt  de  Fon- 
tainebleau. ^ 

Dans  le  sous-genre  T(?(%îa,  Amyot,  les  timbales  sont  laissées  plus  ou 
moins  à  découvert  par  la  membrane  qui  se  prolonge  sur  elle. 

Nous  avons  en  France  T.  orni,  Linn.,  %^n^' punctata,  Fabr., la  Cigale 
panachée  de  Geoffroy,  petite  Cigale  des  frênes,  car  l'orne  est  un  sous- 
genre  de  frêne.  Cette  Cigale  de  28  à  30  millimètres  de  longueur,  revêtue 
de  nombreux  poils  blancs,  est  d'un  jaune  verdâtre  taché  de  noir,  avec 
quatre  principales  taches  noires  en  demi-ovale  très  allongé  partant  de 
la  base  de  l'écusson,  les  nervures  des  quatre  ailes  généralement  pâles 
dans  la  moitié  basilaire,  noires  dans  la  dernière  moitié,  six  ou  sept 
points  noirs  à  l'extrémité  des  nervures  longitudinales  des  ailes  anté- 
rieures et  quatre  anastomoses  au-dessus  tachées  de  noir,  les  pattes 
jaunes  tachées  de  brun,  les  cuisses  antérieures  peu  développées  et 
armées  de  deux  dents,  l'abdomen  annelé  de  jaune  et  de  noir.  Les 
timbales  de  cette  cigale  n'étant  pas  recouvertes  sur  les  côtés,  comme 


856  HÉMIPTÈRES. 

dans  l'espèce  précédente,  l'insecte  n'a  pas  besoin  de  remuer  son  abdo- 
men pour  les  découvrir.  Le  mouvement  thoracique  est  moins  rapide, 
le  son  produit  ne  se  fait  pas  entendre  d'aussi  loin  ;  il  est  plus  sourd, 
comme  enroué,  d'une  intonation  plus  basse,  moins  accéléré  et  durant 
moins  longtemps;  ses  repos  sont  plus  longs  et  il  ne  finit  pas  par  l'es- 
pèce d'expiration  aè  C.  fraxinî.  Le   T.  orni  vit  de  préférence  sur  les 
frênes  à  manne,  ainsi  les  Ornus  Europœa  et  rotundifolia.  La  manne, 
concrétion  sucrée  propre  à  divers  végétaux,  coule  à  la  suite  d'incisions 
horizontales  faites  en  juillet  et  août  sur  les  écorces  de  ces  ornes,  la 
meilleure  s'écoulant  naturellement  des  piqûres  faites  par  T.  orni.  11  ne 
faut  nullement  confondre  cette  manne  avec  celle  qui  nourrissait  les 
Hébreux  en  marche  vers  la  Terre  promise  et  qui  était  due,  très  proba- 
blement, à  des  Lichens  alimentaires  du  genre  Lecanora.  Le  T.  orni  est 
du  midi  de  l'Europe  et  de  la  bordure  la  plus  méridionale  de  la  France, 
ne  remontant  pas  par  places  aussi  au  nord  que  C.  fraxini.  Celte  espèce 
vit  sur  beaucoup  d'arbres  et  se  trouve  notamment  dans  des  contrées  où 
il  n'y  a  pas  d'ornes,  ainsi  dans  les  forêts  de  pins  maritimes  entre 
Bayonne  et   Bordeaux.  Elle  est  très  commune  en  Algérie,  dans  l'est 
comme  dans  l'ouest,  pendant  tout  le  printemps,  l'été  et  une  grande 
partie  de  l'automne,  surtout  sur  les  tiges  des  oliviers,  des  caroubiers 
et  des  agaves.  ^ 

Un  dernier  groupe  de  Cigales  d'Europe,  du  sous-genre  Tibicina, 
Amyot,  comprend  des  espèces  où  les  timbales  sont  entièrement  décou- 
vertes, aucune  membrane  ne  se  projetant  sur  elles  en  dessus  ni  latéra- 
lement, les  opercules  très  petits,  sinués  sur  leurs  bords,  l'épine  basi- 
laire  aussi  longue  qu'eux^  ^ 

Une  des  principales  est  T.  hœmatodes,  Linn.,  syn.  :  sanguinea,  Fabr., 
la  Cigale  à  anneaux  rouges  de  StoU,  de  30  millimètres  de  long,  la  tête 
très  large,  le  fond  du  corps  noir,  avec  des  taches  et  des  lignes  rougeâ- 
tres  sur  le  prédorsum  et  l'écusson,  et  un  liséré  rouge  au  bord  postérieur 
de  chaque  segment  abdominal,  lesquatre  ailes  sans  taches  avec  les  bases 
rougeâtres,  les  nervures  rouges  ou  rougeâtresdansles  deux  premiers  tiers, 
d'un  noir  foncé  plus  ou  moins  rougeàtre  dans  le  dernier  tiers,  le  des- 
sous du  corps  plus  ou  moins  taché  de  jaune  rougeàtre  ;  les  deux  sexes. 
Du  sud-ouest  de  la  France  principalement.  Cette  Cigale  sanglante  est  la 
seule  qui  existe  dans  les  Charenles;  je  l'ai  prise  en  été,  mais  assez 
rarement,  dans  les  jardins  d'AngouIème,  émettant  une  stridulation 
uniforme,  sans  sifflement  terminal.  Il  y  a  dans  le  Midi  une  variété  plus 
petite  et  plus  velue,  de  22  à  24  millimètres,  où  le  jaune  remplace  le 
rouge;  on  la  nomme  Cigalon.  û 

Nous  représentons,'*^pl.  on,  fig.  1,  une  belle  Cigale  du  Brésil,  C. 
formosa,  Germar,  de  26  millimètres  de  long,  avec  la  tète  noire  bordée 
de  rouge  et  une  ligne  rouge  au  milieu,  le  prothorax  et  le  mésothorax 
verts,  bordés  de  rouge,  les  bases  des  ailes  verdùtres  et  leurs  extrémités 
enfumées,  les  cuisses  antérieures  rouges,  le  reste  des  pattes  noir,  sauf  la 


FULGORIENS.  857 

base  des  cuisses  rouge,  l'abdûmen  noir  en  dessus,  avec  la  pointe  termi- 
nale rouge  ;  les  deux  sexes. 

Il  y  a  des  Cigales  dont  la  vie  à  l'état  larvaire  est  de  très  longue  durée: 
telle  C.  septemdecim,  de  l'Amérique  du  Nord,  dont  les  apparitions  sous 
la  forme  adulte,  à  très  longs  intervalles,  ont  fait  supposer  que  l'évolu- 
tion durait  dix-sept  ans. 


c  Tribu  des  ruLGORiEWS. 


Les  Fulgoriens  sont  des  Homoptères  muets,  dont  les  mâles  n'ont  pas 
d'appareils  sonores.  Les  antennes  très  petites  sont  insérées  sous  les  yeux, 
d'où  le  nom  de  .Subtéricornes  qui  leur  est  donné  par  Amyot.  Ce  sont 
des  Biocelles  comparés  aux  Cicadiens  ou  Triocelles.  En  effet,  ils  ont 
deux  ocelles  placés  sur  les  côtés  de  la  tête,  parfois  un  troisième,  mais 
obsolète,  au  sommet  du  front;  tous  les  ocelles  peuvent  au  reste  dispa- 
raître. 

Les  Fulgoriens  ne  sont  représentés  en  Europe  que  par  un  petit  nom- 
bre d'insectes  fort  élégants,  mais  qu'on  remarque  peu,  en  raison  de  la 
petitesse  de  leur  taille.  Ce  sont  principalement  des  insectes  équato- 
riaux,  ayant  alors  parfois  une  taille  grande  ou  au  moins  moyenne  et  de 
belles  couleurs.  Beaucoup  de  Fulgoriens  sécrètent  entre  les  anneaux 
de  l'abdomen  une  jnatière  cireuse  d'un  blanc  de  neige  qui  l'entoure 
sous  forme  d'anneau  {Fulgora),  ou  qui  constitue  un  écheveau  de  fila- 
ments en  forme  de  houppe  terminale''(Z,!/s<rrt,  Phenax).  Cette  produc- 
tion cireuse  se  renouvelle  lorsqu'elle  a  été  détachée  par  le  frottement, 
de  môme  que  chez  certains  Pucerons,  ainsi  le  Puceron  lanigère,  du 
genre  Schizoneura.  En  général,  la  tête  donne  aux  Fulgoriens  une  phy- 
'  sionomie  spéciale.  Quand  son  caractère  fondamental  n'est  pas  masqué 
par  quelque  anomalie,  le  vertex,  le  front  et  les  joues  sont  séparés  par 
des  crêtes  aiguës,  et  toutes  ces  parties  présentent  un  contour  anguleux. 
Le  prothorax  simple  n'est  déformé  par  aucune  excroissance,  ni  par  au- 
cun appendice.  Les  ailes  antérieures  sont  tantôt  membraneuses  coirme 
les  ailes  postérieures,  tantôt  presque  en  pseudélytres  et  plus  épaisses 
que  celles-ci,  tantôt  enfin  les  quatre  ailes  sont  également  coriaces  et 
bariolées.  Toujours  une  petite  écaille  plus  ou  moins  distincte  recouvre 
leur  base.  Les  hanches  antérieures  et  intermédiaires  sont  insérées  près 
des  côtés  du  corps,  distantes,  allongées;  les  postérieures  sont  trans- 
verses, contiguës,  étendues  près  du  bord  latéral  de  la  poitrine.  Toutes 
les  jambes  ont  trois  arêtes  et  sont  arméi^  souvent  d'épines. 

Un  genre  bien  caractérisé  est  celui  deiFulgora,  Linn.,  n'ayant  qu'une 

seule  et  très  grande  espèce  des  Guyanes,  peut-être  aussi  du  Mexique, 

paraissant  du  reste  assez  rare  partout.  C'est  lé  F.  /aiernan'o,  Linn.,  syn.: 

^  Laternaria  phosphorea,  Linn.,  le  grand  Porte-lanterne  des  Indes  Occiden- 


858  HÉMIPTÈRES. 

taies  de  Stoll,  mesurant  de  7  à  8  centimètres  de  longueur,  avec  une 
énorme  tête  comptant  bien  pour  le  tiers  de  la  longueur  du  corps,  dont 
elle  a  la  largeur,  offrant  l'aspect  d'une  forte  massue  vésiculeuse,  avec 
une  gibbosité  en  dessus  et  en  arrière  ressemblant  un  peu  à  une  selle. 
Les  autres  caractères  sont  ceux  du  genre  suivant  Hotinus.  Tout  l'insecte 
est  d'un  jaune  verdâtre  varié  de  noir,  avec  une  grande  tache  jaune 
ocellée  à  l'extrémité  de  chaque  aile  inférieure,  offrant  au  milieu  un 
cercle  brunâtre  et  entourée  d'une  circonférence  brune  très  large  du 
côté  interne.  Une  sécrétion  cireuse  abondante,  d'un  blanc  de  craie, 
adhère  à  l'abdomen.  Cette  célèbre  espèce  a  donné  son  nom  à  la  tribu 
des  Fulgoriens  {fulgor,  lumière),  car  Sibylle  Mérian,  qui  l'observait 
vivante  à  Surinam,  fut  frappée  de  l'éclat  phosphorescent  que  jetait  la 
nuit  la  longue  et  grosse  tête  renflée. 

C'était  comme  une  lanterne,  et  un  seul  exemplaire  suffît  à  Mérian 
pour  lire  la  Gazette  de  Leyde,  qui  était  imprimée  en  caractères  très  fins. 
Cette  vertu  phosphorescente  a  été,  de  nos  jours,  tout  à  fait  mise  en 
doute  ;  cependant  l'asseriion  de  Mérian  est  bien  affirmative.  Peut-être 
la  lueur  n'apparaît-elle  qu'à  certaines  époques  de  la  vie  de  ce  curieux 
Homoptère. 

V  ^  HOTIIWVIK,  Amyot.  —  Prolongement  céphalique  presque  égal  à  la  longueur  du 
reste  du  corps,  relevé  en  arc  et  soutenu  par  huit  carènes  ;  antennes  avec  le 
premier  article  apparent  grand  et  sphérique,  le  second  très  petit,  inséré  dans 
une  cavité  du  premier  où  il  peut  se  retirer  en  entier  et  terminé  par  une  soie 
très  fine  ;  prothorax  portant  une  carène  longitudinale,  avec  une  fossette  de  part 
et  d'autre;  mésothorax  avec  trois  carènes  peu  élevées;  ailes  légèrement  opaques 
et  richement  colorées,  les  antérieures  grandes  et  arrondies,  un  peu  plus  larges  à 
l'extrémité  qu'à  la  base,  les  postérieures  larges  et  plus  courtes,  parfois  avec  une 
échancrure  arrondie,  au  bord  postérieur,  vers  l'extrémité  ;  jambes  postérieures 
ayant  cinq  ou  six  fortes  épines;  abdomen  large,  ayant  une  carène  dorsale,  le 
dernier  segment,  chez  les  femelles,  divisé  en  deux  lobes  pour  servir  de  passage 
à  la  tarière,  avec  les  plaques  vulvaires  courtes,  contournées  et  un  appendice 
concave,  en  forme  de  barque,  placé  en  dessus;  la  plaque  anale  des  mâles  sub- 
carrée, légèrement  échancrée  en  rond  à  l'extrémité,  avec  les  deux  appendices 
sexuels  venant  ensuite,  allongés,  étroits,  repliés  en  dessus,  l'appendice  cymbi- 
forme,  qui  les  couvre  en  dessus,  beaucoup  moins  grand  que  chez  les  femelles. 

c  ^^ 

L'espèce  type  et  très^mmune  de  ce  genre  est  le  H.  candelarius, . 

Linn.,  syri.  :  Laternaria  et  Fulgora  candelaria,  Linn.,  la  Cigale  chinoise 
porte-lanterne  de  Stoll,  le  Porte-chandelle  de  Chine,  insecte  des  Indes 
Orientales  et  de  Chine,  que  le  commerce  fournit  en  abondance  dans  tous 
les  cadres  d'Insectes  préparés  à  Canton,  que  les  peintures  chinoises 
reproduisent  sur  les  paravents,  les  écrans,  les  éventails,  les  meubles  cou- 
verts en  laque,  etc.  Il  est  long  de  40  à  Zi5  millimètres,  avec  le  prolon- 
gement céphalique  de  15  à  20,  le  corps  d'un  rouge  jaunâtre,  les  ailes 


HOTINUS,   APHANA.  859 

antérieures  ayant  le  fond  noir,  avec  les  nervures  vertes  et  trois  bandes 
transversales  jaunes  vers  la  base,  les  ailes  postérieures,  noires  à  l'ex- 
trémité, d'une  teinte  voisine  du  rouge  ;  les  pattes  jaunes  ;  maie  et  fe- 
melle. Nous  représentons  une  espèce  voisine,  ff.  Lathburi,  Kirby,  des 
Indes  Orientales,  pi.  en,  fig.  2,  avec  la  tète  noire,  le  bout  blan- 
châtre et  vésiculeux,  le  corps  d'un  brun  enfumé  en  dessus,  les  ailes 
antérieures  verdâtres,  avec  de  nombreuses  taches  circulaires  grisâtres  à 
miheu  brunâtre,  les  ailes  postérieures  d'un  jaune  fauve,  terminées  par 
une  large  bande  noire,  les  pattes  brunes. 

Les  Fulgoriens  à  tête  prolongée  en  avant  sont  des  formes  essentielle- 
ment exotiques,  des  régions  chaudes.  La  France  n'en  présente  qu'une 
espèce  de  petite  taille,  du  gcnreptjctyophora,  Germar,syn.?  Pscudo/j/iana, 
Burmeister,  le  Fulgore  d'Europe';  D.  Europœa,  Linn.,  la  Cigale  à  tête  en 
pointe  conique,  de  Stoll,  de  10  à  12  millimètres  de  long  (ailes  repliées 
comprises),  d'un  vert  de  gazon,  toutes  les  ailes  transparentes,  traversées 
par  des  nervures  également  vertes,  la  tête  conique  et  proéminente  en 
pointe  pyramidale  à  quatre  pans,  le  vertex  bordé  d'une  crête,  traversé 
par  une  carène  longitudinale,  le  front,  également  entouré  d'une  crête, 
divisé  en  trois  languettes.  Ce  Fulgore  se  plaît  dans  les  lieux  herbeux, 
surtout  les  prairies  sèches  renfermant  beaucoup  d'Ombellifères,  de 
Chrysanthèmes,  d'Achillées;  il  est  du  midi  de  l'Europe,  rare  en  France 
dès  qu'on  sort  de  l'extrême  Midi,  remontant  isolément  par  places 
jusqu'aux  environs  d'Orléans  et  de  même,  çà  et  là,  en  Allemagne,  jus- 
qu'à la  frontière  septentrionale  de  la  Saxe  et  jusqu'aux  environs  de 
Leipsig,  de  Halle,  etc.;  en  Algérie,  en  fauchant  les  grandes  herbes  en 
mai  et  juin  aux  environs  de  Constantine  et  du  cercle  de  la  Calle. 

Les  autres  Fulgoriens  ont  le  prolongement  céphalique  beaucoup 
moins  prononcé. 

^O  APHAMA,  G.  Mén.,  Burmeister.  —  Tête  sans  prolongement,  assez  étroite,  ar- 
rondie en  avant,  avec  un  léger  rebord  tout  autour  ;  antennes  à  second  article 
grand,  en  ovale  allongé,  fortement  granuleux  ;  mésothorax  ayant  trois  lignes 
élevées,  les  deux  latérales  arquées,  de  sorte  qu'elles  forment  ensemble  l'extré- 
mité d'un  ovale  ;  abdomen  déprimé  :  les  autres  caractères  analogues  à  ceux  des 
V  i.  ^^       . 

^  Fulgora  et  Hotmus. 

l/l 
Ce  genre,  créé  par  Guérin-Méneville  (à  tort  Aphœna),  comprend  quel- 
ques espèces  richement  colorées  de  l'extrême  Orient.  Nous  représen- 
tons la  première  décrite,  de  Cochinchinè,  A.  variegata,  G.  Mén.,  pi.  en, 
fig.  3,  femelle  :  3  a,  tête  vue  de  face;  3  6,  antenne  très  grossie.  La  tête 
et  le  thorax  sont  d'un  brun  olivâtre;  les  ailes  antérieures  ont  le  fond 
de  cette  couleur  parsemé  de  taches  noires,  bien  plus  grandes  vers  l'ex- 
trémité de  l'aile,  ayant  le  dernier  tiers  obscurci;  ailes  postérieures 
d'un  rouge  écarlate  dans  leur  premier  tiers,  avec  trois  points  noirs, 
une  tache  jaunâtre,  fondue  avec  le  rouge,  vers  le  miUeu,  avec  trois  ou 


/ 


^/c- 


/ 


860  HtMIPTÈRES. 

quatre  petits  points  blancs,  le  tiers  extrême  d'un  noir  brun,  avec  quel- 
ques points  bleuâtres,  le  bord  postérieur  de  l'aile  d'un  brun  enfumé  -, 
mésothorax  et  abdomen  rouges  en  dessus,  ce  dernier  avec  deux  étroites 
bandes  blanches;  pattes  et  dessous  du  corps  brunâtres. 

^  CIXIUS,  Latr.  —  Tête  très  petite,  très  étroite,  sans  prolongement  au  delà  des 
yeux;  antennes  insérées  assez  loin  au  dessous  des  yeux;  deux  ocelles;  yeux 
proéminents;  prothorax  court;  ailes  s'étendant  bien  au  delà  du  corps,  transpa- 
rentes, les  antérieures  souvent  avec  quelques  points  noirs,  les  nervures  à  divi- 
sions dichotomiques;  pattes  de  moyenne  grandeur,  les  jambes  postérieures  avec 
une  seule  épine  vers  le  milieu  et  une  à  l'extrémité  ;  abdomen  large,  déprimé, 
avec  une  tarière  en  pointe  saillante  chez  les  femelles. 

Les  Cixies  sont  de  petits  Homoptères  sauteurs,  remarquables  par 
leurs  ailes  transparentes.  L'espèce  la  plus  commune,  de  toute  TEurope, 
se  trouvant  partout  en  France,  en  été,  sur  les  buissons,  est  le  C.  ner- 
vosus,  Linn.,  la  Cigale  à  ailes  transparentes  de  Geoffroy,  de  6  à  8"  milli- 
mètres de  long,  dans  les  deux  sexes  à  thorax  jaune  ferrugineux  ou  ver- 
dâtre,  l'écusson  ordinairement  noir,  ainsi  que  l'abdomen,  deux  bandes 
transverses  brunes  très  étroites  plus  ou  moins  distinctes,  à  la  base 
des  ailes  antérieures,  avec  un  point  brun  épais  touchant  la  côte  externe 
vers  les  deux  tiers  de  la  longueur  de  l'aile  ;  plusieurs  variétés.  On  trouve 
cette  espèce  en  Algérie,  dans  le  cercle  de  La  Calle,  à  la  fin  de  juillet, 
en  fauchant  les  grandes  herbes  dans  les  bois  du  lac  Tonga.  Nous  repré- 
sentons une-  espèce  du  Bepgale,  à  ailes  complètement  transparentes, 
C.  pelhicidus,  G.  Mén.,  pi.  cir,  fig.  U  :  à, a,  tète  vue  de  profil;  U,  b,  tête 
vue  de  face;  h,  c,  antenne  très  grossie. 

LYSTRA,  Fabr.  —  Tète  large,  courte  et  transversale,  ne  formant  qu'un  très 
léger  rebord  au  delà  du  prothorax,  un  peu  concave  en  dessus,  avec  une  pointe 
au-dessus  de  chaque  œil  ;  front  coupé  droit  en  avant  des  yeux,  séparé  du  cha- 
peron par  un  sillon  à  peine  distinct  ;  antennes  ayant  le  second  article  sphéroïde 
et  très  gros  ;  yeux  gros,  très  saillants,  hémisphériques  ;  thorax  se  relevant  légè- 
rement en  une  bosse  dorsale  ;  ailes  antérieures  longues,  légèrement  opaques, 
donnant  au  repos  une  apparence  linéaire  au  corps  de  l'insecte  ;  ailes  postérieures 
plus  courtes;  abdomen  ayant  son  cinquième  segment  en  forme  d'opercule  et 
apte  à  couvrir  les  suivants,  offrant  ordinairement  un  faisceau  d'aspect  cotonneux, 
formé  de  longs  filaments  de  cire  blanche  exsudée  par  l'abdomen. 

L'espèce  la  mieux  connue,  de  la  Guyane  et  du  nord  du  Brésil,  est 
L.  lanata,  Linn.;  la  Cigale  poulette  de  StoU,  pi.  en,  fig.  5,  tête  vue  de 
face;  5,  a,  antenne  grossie,  de  15  millimètres  de  long  et  25  avec 
les  ailes  antérieures  pliées  au  repos,  noire,  les  bords  latéraux  du  front, 
les  joues,  les  yeux  et  l'extrémité  de  l'abdomen  d'un  rouge  de  sang,  une 


1/ 


LYSTBA,    PACHAZIAS,    POECILOPTERA,    FLATA.  «61 

longue  tache  d'un  blanc  verdâtre  au  bord  interne  de  chaque  aile  anté- 
rieure, le  reste  de  l'aile  parsemé  de  petits  points  de  môme  couleur. 

K 

0  PACHAZIA,  Amyot,  syn.  :  Ricania,  Germar,  Spinola.  —  Tête  large,  front 
aplati  et  un  peu  arrondi  au  delà  des  yeux,  caréné  au  milieu;  yeux  assez  gros, 
globuleux;  antennes  très  courtes,  terminées  par  une  soie  ;  prothorax  arrondi 
antérieurement  et  arqué  postérieurement,  avec  une  carène  médiane  prolongée 
sur  le  mésothorax,  qui  est  gros  et  bombé;  ailes  antérieures  un  peu  plus  épaisses 
que  les  postérieures,  ayant  les  nervures  longitudinales  en  forme  de  plis  ;  jambes 
postérieures  avec  trois  ou  quatre  épines  au  côté  externe,  vers  l'extrémité;  abdo- 
men court,  comprimé  latéralement  et  tinissant  en  pointe. 

Ce  genre,  avec  quelques  autres  très  voisins,  est  propre  aux  régions 
torrides.  Nous  représentons, ^P,  marginella,  G.  Mén.,  pi.  cii,  fig.  6:  6,  a, 
tête  vue  de  face;  6,  6,  tète  de  profil,  espèce  de  la  Cochinchine,  avec  les 
ailes  antérieures  d'un  très  joli  vert  et  bordées  d'un  liséré  de  bistre  sur 
leurs  bords  externe  et  inférieur. 

V 

P(E€lK.OPTER.%,  Latr.  —  Front  large,  à  bords  latéraux  relevés  ;  antennes  plus 
courtes  que  la  tète,  ne  dépassant  pas  ou  à  peine  le  bord  latéral  des  joues,  à  pre- 
mier article  très  court,  le  troisième  terminé  par  une  soie;  prothorax  ordinai- 
rement sans  carènes;  ailes  antérieures  ayant  souvent  des  taches  ou  points 
noirâtres  et  arrondies  à  leur  extrémité;  pattes  fortes  et  longues,  jambes  pos- 
térieures avec  quelques  épines;  abdomen  court,  assez  gros,  arrondi  au  bout. 

i  ^■ 

Dans  ce  genre,  comme  dans  celui  des  F/aia,  qui  en  est  voisin,  le  port 

des  ailes    cociihées  au  repos  en  double  toit  incliné  de  chaque  côté 

du  corps,  rappelle  tout  à  fait  l'aspect  de  certaines  Noctuelles  ou  Pyrales 

ou  Tordeuses,  dans  les   Lépidoptères,  ressemblance  augmentée  par 

l'aspect  des  taches  colorées  des  ailes  antérieures  recouvrant  les  autres. 

,     Nous  représentons,  pi.  cti,  fig.  7  :  1,  a,  tète  et  antenne  de  profil,  le 

'' O  p.  maculata,  G.  Mén.,  de  Java. 

/  

"-    FliATA,  Fabr.  —  Tête  petite  ;  front  allongé,  étroit,  sans  carène  médiane,  creuse 

en  gouttière;  chaperon  allongé,  en  saillie  très  arrondie  ;  antennes  insérées  très 

près  des  yeux,  les  deux  premiers  articles  cyiindroïdes,  plus  longs  que  la  tête, 

tous  deux  subégaux  en  longueur,  coudés  entre  eux  à  leur  articulation  ;  ocelles 

non  apparents;  yeux  petits,  globuleux,  saillants;  prolhorax  ayant  trois  carènes 

médianes  assez  rapprochées;  mcsothorax  beaucoup  plus  grand  que  le  pi^olhorax, 

formant  avec  lui  une  gibbosilé  très  prononcée  ;  les  autres  caractères  des  Pœci- 

loptera. 

Les  Fiâtes  (du  latin  flatus,  soufflé)  sont  des  Homoptères  des  régions 
intertropicales,  remarquables  par  les  exsudations  cireuses  dont  s'en- 


862  HÉMIPTÈRES. 

toure  leur  corps,  et  qui  sont  môme  utilisées  dans  la  Chine  méridionale. 
Exemple'  ?F.  flocosa,  G.  Mén.,  de  Java,  pi.  en,  fig.  8  :  tête  de  profil. 

O  TETTIGOMETR.t,  Latr.  —  Corps  ovalaire,  déprimé;  tête  légèrement  triangu- 
laire en  avant,  vertex  aplati  en  dessus  ainsi  que  le  front  ;  antennes  insérées  dans 
un  enfoncement  au-dessous  des  ocelles,  leur  article  basilaire  gros  et  court,  le 
second  encore  plus  gros  et  du  double  plus  long  que  lui,  ovalaire,  la  soie  termi- 
nale aussi  longue  que  les  deux  articles  ensemble  ;  ocelles  placés  entre  les  yeux 
et  les  antennes  ;  yeux  assez  grands,  ovalaires,  peu  saillants  ;  prédorsum  plat, 
de  niveau  avec  le  vertex,  ses  bords  latéraux  arqués  et  continuant  la  courbe 
de  l'ogive  commencée  par  la  tète,  coupé  droit  en  avant,  légèrement  sinué  en 
arrière  et  échancré  sous  chaque  œil  pour  en  recevoir  l'orbite  ;  écusson  en 
triangle  à  large  base,  terminé  en  pointe  aiguë,  ailes  antérieures  oblongues, 
légèrement  coriaces,  avec  une  écaille  humérale  recouvrant  leur  insertion,  leur 
tissu  finement  ponctué,  leur  bord  interne  presque  droit,  leur  bord  externe  légè- 
rement coupé  en  arc  vers  l'extrémité;  ailes  postérieures  transparentes,  à  peu 
près  de  la  longueur  des  antérieures  ;  pattes  courtes,  fortes,  assez  aplaties,  les 
jambes  postérieures  et  les  articles  de  leurs  tarses  ayant  à  l'extrémité  une  cou- 
ronne d'épines  ;  abdomen  ovalaire,  aplati. 

On  connaît  plus  de  trente  espèces  de  Tettigometra  en  Europe  méri- 
dionale et  orientale  et  en  Algérie.  La  principale  es,fT.  virescens, Panier, 
en,  flg.  9:9a,  tête  vue  de  profil,  de  k  millimétrés  de  long,  de  la 
France  méridionale  et  moyenne,  non  rencontrée,  d'après  Amyot,  aux 
environs  de  Paris,  offrant  beaucoup  de  variétés  de  coloration,  le  plus 
souvent  d'un  vert  jaunâtre  uniforme,  avec  le  ventre  jaune,  les  pattes 
rougeâtres,  quelquefois  vertes  comme  le  reste  du  corps,  ce  corps  quel- 
quefois rougeàtre  ou  grisâtre,  ou  même  noir.  Un  certain  nombre  d'es- 
pèces de  ce  genre  sont  commensales  des  fourmilières. 

y'^  ISSUS,  Fabr.  —  Tète  grande,  transversale,  arrondie  antérieurement;  frontlarge 
ayant  une  carène  au  milieu  et  les  bords  saillants  ;  vertex  avec  des  lignes  sail- 
lantes antérieurement  et  postérieurement;  antennes  très  courtes,  le  second  ar- 
ticle en  massue  tronquée,  creusée  à  son  extrémité,  le  troisième  très  petit ,  inséré 
dans  une  cavité,  la  soie  terminale  longue;  ocelles  nuls;  yeux  gros,  ovalaires; 
thorax  en  losange,  plus  large  que  long,  le  prothorax  très  court,  rebordé  anté- 
rieurement, le  mésothorax  à  peu  près  de  même  dimension  que  le  prothorax  ; 
ailes  antérieures  assez  coriaces,  larges,  légèrement  bombées,  s'écartant  de  chaque 
côté,  arrondies  et  diminuant  de  largeur  à  leur  extrémité,  avec  des  nervures  très 
saillantes  formant  un  réseau  à  cellules  nombreuses  et  irrégulières;  ailes  posté- 
rieures amples,  à  peu  près  aussi  larges  et  aussi  longues  que  les  antérieures  ; 
pattes  assez  fortes,  de  moyenne  grandeur,  les  jambes  ayant  trois  épines  vers 
l'extrémité  ;  abdomen  gros  et  court,  sans  tarière  apparente  chez  la  femelle. 

Les  Isses  sont  des  insectes  sauteurs.  Nous  représentons  d'abord  une 


o 


ISSUS,  OTIOCERUS.  863 

■   <D 
grande  espèce  exotique  du  Bengale,  I.  pectinipennis,  G.  Mén.,  pi.  cii, 

fig.  10,  colorée  d'un  brun  jaunâtre,  les  ailes  antérieures  ou  homélytres 
offrant  des  nervures  noires  qui  coupent  transversalement  un  large  re- 
bord membraneux  et  translucide.  Une  espùce  qui  se  trouve  dans  toute 
la  France  et  aussi  dans  l'Amérique  septentrionale,  est^/.  coleoptratus, 
Geoffroy,  pi.  eu,  fig.  11,  tête  de  face  :  11,  a,  tète  de  profil.  Cette  Cigale 
bossue  de  Geoffroy,  de  6  à  8  millimètres  de  long,  est  jaunâtre  ou  d'un 
verdâtre  brun,  les  ailes  antérieures  plus  ou  moins  tacbécs  de  noir  sur 
leur  disque.  Ces  ailes  ont  le  fond  gris  ou  nébuleux,  parfois  même  noir. 
L'iusecte  est  commun  dans  les  bois,  surtout  sur  les  jeunes  pousses  de 
chêne.  Près  de  Paris  et  dans  le  nord  de  la  France,  l'adulte  ne  paraît 
guère  avant  le  milieu  de  l'été.  11  saute  assez  haut  ;  mais  il  est  lent  à 
prendre  son  essor  et  facile  à  saisir.  L'espèce  existe  dans  le  nord  de 
l'Europe  jusqu'en  Suède,    y 

Dans  le  genre  très  voisin,  Hysteroplerum,  Amyol  (qui  manque  d'aile), 
les  ailes  inférieures  sont  nulles  ou  très  rudimentaires.  Le  midi  de  la 
France  et  les  environs  d'Algej  et  de  Constantine  présentent  une  petite 
espèce,  de  û  à  5  millimètres,  w.  apterum,  Fabr.,  jaunâtre  ou  d'un  brun 
uniforme,  les  ailes  antérieures  ou  homélytres  en  écailles  ovalaires  assez 
arrondies,  non  gibbeuses  sur  les  côtés,  ayant  quelquefois  une  tache 
ronde  pille  près  de  la  base  et  leur  teinte  variant  du  brun  au  rougeâtre 
ferrugineux;  les  deux  sexes.  Cette  petite  espèce  est  très  commune  dans 
les  vignes  de  la  Gironde  ;  lors  de  l'invasion  du  Phylloxéra,  certaines  per- 
sonnes, affolées  par  le  prix  de  300  000  francs,  eurent  l'idée  bizarre  que 
risse  dont  nous  parlons  n'était  qu'une  phase  du  Phylloxéra,  et  se 
livrèrent  dès  lors  à  de  minutieuses  recherches,  d'où  résulte  la  connais- 
sance d'un  fait  nouveau.  La  ponte  est  fort  curieuse;  elle  s'opère  sur  les 
ceps  ou  les  échalas,  à  reculons,  de  bas  en  haut,  avec  de  rapides  oscil- 
lations de  l'anus,  et,  à  mesure  que  les  œufs  sont  déposés,  ils  sont  en- 
tourés de  grains  de  terre  pris  dans  le  vignoble  même,  de  sorte  que  le 
petit  nid  terreux  ou  glèbe  d'œufs  est  formé  d'un  amas  contenant  les 
œufs,  agglutiné  par  de  la  viscosité  et  ayant  la  couleur  et  la  nature  de  la 
terre  du  vignoble.  On  trouve  souvent  un  grand  nombre  de  ces  glèbes 
étagées  sur  le  même  échalas. 

OTIOCERUS,  Kirby.  —  Corps  allongé  ;  tête  très  étroite,  avec  un  prolongemen 
aplati  et  comprimé,  le  front  et  le  vertex  creusés  en  gouttière;  antennes  insérées 
assez  loin  des  yeux,  avec  le  premier  article  court  et  épais,  portant  attachés 
deux  appendices  en  massue  et  contournés;  ocelles  nuls;  yeux  assez  gros  et 
saillants;  protliorax  plus  large  que  la  tète,  s'avançunt  eu  pointe  antérieurement 
et  profondément  échancré  à  angle  aigu  postérieurement;  mésothorax  finissant 
en  pointe  aiguë,  antérieurement  et  postérieurement;  ailes  antérieures  du  double 
plus  longues  que  le  corps,  légèrement  opaques,  assez  étroites  et  linéaires,  à 
longues  nervures  longitudinales,  avec  rangées  de  cellules  intercalées;  ailes  pos- 
térieures très  transparentes,  presque  aussi  longues  que  les  ailes  précédentes; 


86a  HÉMIPTÈRES. 

pattes  assez  courtes,  déliées,  mutiques  ;  abdomen  presque  cylindrique,  se  termi- 
nant en  pointe. 

Le  nom  de  ce  genre  (corne  à  petites  oreilles)  vient  de  la  singulière 
conformation  des  antennes,  comme  le  montre  la  planche  en,  fig.  12, 
tête  de  profil  Éi^O.  Coqueberti,  G.  Mén.,  des  parties  méridionales  de 
l'Amérique  du  Nord. 

^  DEniPI.%,  Weslwood,  syn.  :  Anotia,  G.  Mén.  —  ■  Corps  assez  allongé;  tête  se 
prolongeant  en  lamelle  étroite  et  comprimée  en  dessus  et  au  delà  des  yeux;  di- 
visée en  deux  par  un  profond  sillon;  ocelles  nuls;  yeux  grands,  arrondis,  dé- 
primés ;  antennes  de  la  longueur  de  la  tête,  paraissant  formées  de  deux  articles 
distincts,  à  peu  près  d'égale  longueur,  gros,  cylindroïdes,  le  second  tronqué 
obliquement  à  l'cxlrémité  et  profondément  creusé,  avec  une  soie  terminale  in- 
sérée latéralement  ;  ailes  antérieures  du  double  plus  longues  que  le  corps,  linéaires, 
de  même  largeur  à  peu  près  partout,  arrondies  au  bout,  légèrement  opaques; 
ailes  postérieures  à  peu  près  de  même  consistance,  plus  courtes,  mais  plus  larges, 
surtout  à  l'angle  anal. 

Nous  donnons  comme  exemple  de  ce  genre  iine  superbe  espèce,  dont 
le  corps  a  7  à  8  millimètres  de  long,  tout  l'insecte  d'un  rouge  carmin 
pur  et  uniforme,'  .D.  coccinea,  G.  Mén.,  de  Port-Praslin  (Nouvelle- 
Irlande),  pi.  en,  fig.  13  :  13,  a,  tête  vue  de  profil 

'  DERBE,  Fabr.  —  Corps  assez  court  ;  tête  étroite,  comprimé  ;  front  sillonnée  au 
milieu  ;  yeux  un  peu  allongés,  ovalaires  ;  ocelles  petits,  mais  très  distincts,  placés 
en  avant,  au-dessous  des  yeux  et  très  près  d'eux  ;  antennes  à  premier  article 
très  court,  le  second  grand,  beaucoup  plus  gros,  allongé,  tronqué  et  creusé  au 
bout  qui  porte  la  soie  ;  prothorax  très  étroit,  s'avançant  à  angle  très  aigu  sur  le 
bord  postérieur  de  la  tête,  écliancré  de  même  postérieurement,  unicaréné  au 
milieu  ;  mésothorax  rhomboïdal,  tricaréné  au  milieu  ;  ailes  antérieures  du  double 
plus  longues  que  le  corps,  étroites  vers  la  base,  allant  en  s'élargissant,  arron- 
dies au  bout,  transparentes  ;  ailes  postérieures  à  peu  près  de  la  longueur  des 
antérieures  ;  pattes  grêles  et  mutiques,  les  jambes  postérieures  privées  d'une 
longue  épine  à  leur  extrémité. 

Nous  représentons,  pi.  cii,  fig.  iU,  la  tète  de  profil  du  D.  pallida, 
Fabr.,  de  l'Amérique  méridionale,  espèce  très  bien  figurée  par  Per- 
cheron  dans    le   Magas.    de   Zoo/,    de    Guérin-Méneville,  1832,  Ins., 

pi.  XXXVI. 

Dans  la  famille  des  Delphacides,  la  tête  est  émarginée  à  la  base, 
le  plus  souvent  carénée,  les  yeux  sont  fortement  émarginés  en  des- 
sous à  l'insertion  des  antennes,  les  ocelles  sont  placés  sur  les 
joues,  les  antennes  sont  longues,  le  second  article  cylindrique, 
ponctué  de  granulations,  les  jambes  postérieures  sont  armées  d'une 


ASIRACA,  HYGIOPS.  865 

grande    épine  mobile  ou  calcar.   Il  y  a  des  formes  macroplères  et 
brachyptères. 

o  ^ 

AlSIRACA,  Latr.,  syn.  :  Delphax,  Fabr.  — Tête  très  petite,  à  front  aplati;  an- 
tennes longues,  insérées  dans  une  échancrure  des  yeux,  leur  premier  article 
aplati  en  forme  de  penne  de  flèche,  avec  une  carène  médiane  longitudinale  en 
dessous,  le  suivant  en  cylindre  aplati,  velu,  avec  une  soie  terminale  ;  ocelles 
placés  très  près  des  yeux  ;  forme  brachyptère,  pronotum  à  peine  convexe,  de 
moitié  moins  long  que  le  mésonotum;  ailes  antérieures  translucides,  velues, 
d'aspect  cristallin,  d'un  tiers  plus  courtes  que  l'abdomen,  le  bout  obtusément 
arrondi  et  tronqué;  ailes  postérieures  rudimentaires  ;  pattes  assez  grandes,  les 
antérieures  foliacées,  les  postérieures  à  jambes  longues,  épineuses  au  côté  ex- 
terne; tarière  des  femelles  longue  et  recourbée,  mais  ne  dépassant  pas  l'extré- 
mité de  l'abdomen. 

Les  entomologistes  français  ont  séparé  des  Delphax  le  genre  Asiraca^ 
établi  pour  une  seule  espèce  :  A.  clavicornis,  Fabr.,  pi.  en,  fig.  15: 
15,  a,  tète  vue  de  face;  15,  b,  antenne;  15,  c,  patte  postérieure.  Cette 
petite  espèce,  de  5  à  5,5  millimètres  de  long,  est  de  toute  l'Europe, 
rare  aux  environs  de  Paris,  plus  commune  dans  le  centre  et  le  midi  de 
la  France,  très  rare  dans  le  nord  de  la  France,  rencontrée  en  Suède 
jusqu'au  es*'  degré  lat.,  sur  les  Phrogmites  communis,  en  août.  Le  corps 
est  d'un  jaunâtre  pâle,  varié  de  brun,  noirâtre  sur  le  milieu  du  thorax 
et  de  l'abdomen  ;  les  ailes  brunâtres,  avec  une  bande  transverse  plus 
foncée  vers  l'extrémité,  les  nervures  grosses  et  saillantes,  marquées 
de  petits  points  ou  tubercules  bruns,  les  pattes  d'un  jaune  pâle,  avec 
des  bandes  brunes. 

O  HVOIOPS,  G.  Mén.  —  Corps  large  et  peu  allongé;  tète  triangulaire,  un  peu 
prolongée  au  delà  des  yeux,  à  front  allongé;  antennes  aussi  longues  que  la 
moitié  du  corps,  de  deux  articles  cylindriques  subégaux,  la  soie  terminale  in- 
sérée à  l'extrémité  du  second  assez  courte  ;  ocelles  non  apparents  ;  prothorax 
très  étroit,  anguleux  antérieurement,  légèrement  échancré  postérieurement, 
avec  une  carène  médiane  qui  se  prolonge  sur  le  mésothorax,  ce  dernier  ayant 
en  outre  deux  autres  carènes  de  chaque  côté,  triangulaire,  pointu  en  arrière  ; 
ailes  antérieures  du  double  plus  longues  que  l'abdomen,  en  ellipse  allongée,  à 
peu  près  de  même  largeur  dans  toute  leur  étendue,  arrondies  au  bout,  transpa- 
rentes; ailes  postérieures  plus  courtes,  mais  plus  larges,  que  les  précédentes; 
pattes  grêles,  longues,  les  postérieures  plus  que  les  autres,  à  jambes  épineuses 
et  avec  un  calcar  mobile,  comme  chez  les^siraca  ei  Delphax  ;  tarière  des  fe- 
inelles  grande,  dépassant  un  peu  le  bout  de  l'abdomen. 

o 
Le  type  de  ce  genre  est  une  espèce  de  la  Cochinchine,  H.  Percheront, 

G.  Mén.,  pL  cii,  fig.  16,  de  5  millimètres  de  long,  ailes  non  comprises, 

le  corps  d'un  jaune  rougeâtre  ferrugineux,  les  ailes  des  deux  paires 

GIRARD.  m.  —  55 


866  HÉMIPTÈRES. 

claires  et  sans  taches  ;  femelle.  A  l'aspect,  on  dirait  une  petite  Perle 
(Névropt.  amphibiotique). 

ù  DEl.PHAX,  Fabr.  —  Corps  oblong;  tête  très  étroite  et  front  étroit,  caréné  au 
milieu;  joues  portant  de  petits  ocelles  au  bord  antérieur  des  yeux;  yeux  forte- 
ment excisés  en  dessous,  convexes,  longuement  prolongés  près  de  la  base  du 
vertex-  antennes  insérées  dans  une  profonde  échancrure  des  yeux,  les  deux 
articles  basilaires  allongés,  le  premier  comprimé  et  triangulairement  prisma- 
tique, le  second  distinctement  plus  long,  cylindrique,  tuberculeux  et  légèrement 
pubescent,  le  troisième  à  peine  visible,  consistant  en  une  soie  grêle  ;  pronotum 
court,  à  peine  échancré  postérieurement;  mésonotum  avec  l'écusson  brièvement 
triangulaire,  obtusénient  caréné  en  dessus  ;  ailes  antérieures  beaucoup  plus  lon- 
gues que  l'abdomen  dans  la  forme  macroptère,  à  côtés  subparallèles,  arrondies 
séparément  au  bout,  et  ailes  postérieures  transparentes  et  un  peu  plus  courtes  que 
les  antérieures;  ailes  antérieures  beaucoup  plus  courtes  que  l'abdomen  dans  la 
forme  brachyptère  et  obtusénient  arrondies  au  bout;  pattes  allongées,  les  anté- 
rieures non  foliacées,  les  jambes  postérieures  triangulairement  prismatiques, 
avec  deux  courtes  épines  au  côté  externe  et  munies  extérieurement,  à  leur  ex- 
trémité rétrécie  et  spinuleuse,  d'un  grand  calcar  mobile  et  cultriforme  ;  abdomen 
lectiforme,  formé  de  six  segments  en  dessous. 

Les  Delphax  sont  de  petits  insectes  sauteurs,  dimorphes  sous  le  rap- 
port des  ailes.  On  en  compte  environ  quatre-vingts  espèces  en  Europe  et 
dans  le  bassin  de  la  Méditerranée.  Elles  ont  été  réparties  en  divers  sous- 
genres.  Nous   représentons  pi.  en,  fig.    17,  la  tète  vue  de  profil   du 

<^  D.  mi7iutus,  Fabr.,  syn.  :  lineola,  Germar,  du  sous-genre  Stenocarenus, 
Fieber,  environ  de  5  millimètres  de  long,  allongé,  d'un  testacé  pâle, 
avec  une  étroite  ligne  blanche  allant  du  bout  du  vertex  au  bout  de 
l'écusson,  les  cuisses  avec  deux  lignes  noires  en  dessous,  les  ailes  anté- 
rieures étroites,  subUnéaires,  plus  longues  que  la  moitié  de  l'abdomen, 
translucides  et  jaunâtres,  avec  une  bande  brune  postérieure  à  la 
suture,  les  ailes  transparentes,  avec  les  nervures  brunes  au  sommet. 
Ce  petit  Delphax  est  de  toute  l'Europe  jusqu'en  Suède.  Unie  trouve  aux 
environs  de  Paris  dès  les  premiers  jours  de  printemps  ;  en  France  il  est 

■  commun  d'ordinaire,  en  avril,  puis  en  septembre,  sur  les  herbes  au 
bord  des  fossés  et  des  marais. 


"^  Tribu  des  ilEilBRA€IE]V.S. 


Les  Homoplères  qui  vont  suivre  appartiennent  aux  Antéricornes 
d'Amyot,  parce  qu'ils  ont  les  antennes  insérées  en  avant  des  yeux.  La 
tribu  des  Membraciens  correspond  aux  Cornidorses  d'Amyot  et  Audinet- 
ServiUe,  ainsi  appelés  parce  que  le  pi'édorsum  se  prolonge  en  forme  de 


MEMBRACIS,  DARINIS.  867 

corne  jusqu'au-dessus  de  l'abdomen.  Dans  les  Membraces  proprement 
dites,  insectes  de  petite  taille,  tous  exotiques  et  des  régions  les  plus 
chaudes  de  l'Amérique,  Floride,  Mexique,  Guyanes,  Brésil,  l'écusson 
est  toujours  entièrement  caché  sous  le  prolongement  prédorsal,  qui 
s'avance  en  dessus  de  la  façon  la  plus  variée,  parfois,  peut-on  dire,  de 
la  plus  extravagante.  Nous  renvoyons  à  nos  Métamorphoses  des  Insectes, 
Paris,  Hachette  et  C'%  6^  édit.,  188i,  p.  355,  pour  la  planche  qui 
représente  les  principales  Membraces,  où  l'on  croirait  voir  un  caprice 
fantaisiste  de  l'artiste  dans  le  dessin  si  fidèle  de  ces  créatures  ano- 
males. 

Tête  à  front  très  souvent  proéminent,  tout  le  vertex  fortement 
déclive  ;  deux  ocelles  sur  le  vertex  ;  pronotum  très  fortement  déclive  en 
avant,  très  convexe,  le  plus  souvent  appendiculé  en  arrière  ;  face  très 
infléchie,  subhorizontalBj  les  bords  latéraux  non  prolongés  et  ne  cou- 
vrant pas  les  hanches  antérieures  ;  hanches  postérieures  transversales, 
étendues  jusqu'au  bord  latéral  de  la  poitrine;  jambes  prismatiques. 
Les  formes  bizarres  des  quelques  Membraciens  de  France  les  firent 
nommer  Diables  par  Geoffroy. 

mkhiuraCIi^j  Fabr.  —  Tête  inclinée  en  dessous,  large;  front  aplati,  s'arron- 
dissant  antérieurement,  à  bords  tranchants  et  presque  foliacés  ;  yeux  assez 
gros,  globuleux;  prothorax  comprime  et  s'élevant  en  feuille  arrondie,  non  pro- 
longée en  pointe  ou  sabre  antérieurement;  pseudélytres  assez  coriaces,  termi- 
nées par  cinq  grandes  cellules  allongées,  suivies  d'une  bordure  à  plis  ou  sillons 
légers  tout  autour;  jambes  élargies,  foliacées,  les  postérieures  à  bords  dentés; 
abdomen  court,  pointu  au  bout. 

a 

Le  M.  Mexicana,  G.  Mén.,  pi.  cm,  fig.  1,  [du  Mexique,  de  9  milli- 
mètres de  long,  a  le  corps  noir  ou  d'un  brun  noirâtre,  le  capuchon  du 
prothorax  d'un  beau  jaune  doré  en  avant,  avec  six  taches  rondes  en 
avant,  une  large  bande  en  arrière  et  la  pointe  terminale  postérieure 
noires;  pattes  noires,  à  jambes  dilatées;  dans  une  variété  de  la  Califor- 
nie les  taches  du  capuchon  prothoracique  sont  plus  larges  et  les  pseu- 
délytres  sont  d'un  noir  vif. 

'^  U.%RI1IS,  Fabr.  —  Tète  en  forme  de  bandeau  étroit  au  delà  du  prothorax,  large, 
transversale,  inclinée,  lisse,  à  bords  antérieur  et  postérieur  rapprochés  et  pa- 
rallèles ;  ocelles  sur  le  vertex,  à  peu  près  aussi  éloignés  l'un  de  l'autre  que  des 
yeux;  yeux  arrondis  et  assez  gros,  non  saillants;  prothorax  lisse,  en  triangle 
allongé,  voûté,  arrondi  dans  toute  sa  surface,  se  terminant  en  pointe  aiguë  au 
moins  de  la  longueur  des  pseudélytres  et  s'étendant  au  delà  de  l'abdomen;  pseu- 
délytres  à  peu  près  entièrement  cachées  sous  le  prothorax,  à  cinq  cellules  ter- 
minales étroites  et  allongées;  pattes  assez  fortes,  sans  épines  mais  ciliées,  les 
cuisses  antérieures  et  intermédiaires  épaissies,  les  jambes  prismatiques  ;  abdo- 
men fmissant  en  pointe. 


868  HÉMIPTÈRES. 

L'espèce  du  Mexique  que  nous  figurons,  pi.  cm,  fig.  2,  so^s  le  nom 
de^D.  af finis,  G.  Mén.,  n'est  peut-être  qu'une  race  locale  du  D.  latera- 
lis,  Fabi;.,  du  Brésil.  Le  corps  est  d'un. brun  foncé  et  la  tête  d'un  rolix 
fauve  ;  le  pronotum  est  finement  bordé  de  brun  jaunâtre,  avec  une 
large  bande  jaune  de  chaque  côté,  atténuée  à  ses  deux  extrémités, 
atteignant  à  peine  la  sinuosité  latérale  qui  précède  l'insertion  des  pseu- 
délytres  ;  pattes  d'un  jaune  pâle,  avec  leur  côté  supérieur  brun  foncé 
dessous  du  thorax  noirâtre  ;  abdomen  d'un  jaune  fauve. 

Nous  croyons  devoir  citer  ici  un  genre  d'Europe  représenté  par  une 
seule  espèce  qui  se  trouve  dans  toute  la  France  et  manque  dans  le  nord 
de  l'Europe.  C'est  le  Gargara  genistœ,  Fabr.,  le  Demi-Diable  de  Geoffroy, 
de  à  millimètres  de  long,  noir,  avec  le  prédorsum  voûté,  arrondi  anté- 
rieurement en  forme  de  graine  et  se  prolongeant  postérieurement  en 
épine  droite  et  aiguë,  la  tête  large,  très  inclinée,  à  bords  foliacés, 
l'écusson  un  peu  découvert  de  chaque  côté  par  le  prolongement  pré- 
dorsal, les  pseudélytres  translucides,  d'un  brun  enfumé,  à  nervures 
fortes,  avec  une  petite  tache  noire  au  milieu  près  du  bord  externe, 
cinq  cellules  terminales,  quadrangulaires,  longitudinales  et  parallèles 
et  une  bordure  étroite,  à  légers  sillons,  au  conter  de  l'aile  ;  les  pattes 
velues,  à  cuisses  renflées  ;  les  deux  sexes.  Le  G.  genistœ  est  commun 
aux  environs  de  Paris;  il  existe,  mais  rare,  dans  le  nord  de  la  France 
en  été,  sur  les  genêts. 

^  CYPMOHIA,  Laporte,  syn  :  Combophora,  Germar.  —  Tête  triangulaire,  large  ; 
yeux  gros  ;  prothorax  bombé  antérieurement  et  prolongé  postérieurement  en 
forme  de  fourche  triflde  à  branches  fines  et  cylindriques,  la  partie  antérieure 
offrant  en  outre  deux  cornes,  et,  un  peu  en  arrière,  une  petite  fourche  bifide  à 
pointes  tournées  en  haut  ;  pseudélytres  présentant  trois  cellules  basilairee 
étroites,  allongées,  et  quatre  ou  cinq  cellules  terminales  pentagonales,  triangu- 
laires ou  arrondies  ;  pattes  grêles,  les  postérieures  plus  longues  que  les  autres  ; 
abdomen  assez  allongé,  pointu  au  bout. 

Le  nom  de  ce  genre  signifie  porte-foiirche.  L'espèce  du  Mexique  que 
nous  représentons  pi.  cm,  fig.  3,  est  le  C.  proxima,G.  Mén.,  de  5  milli- 
mètres de  long,  espèce  très  voisine  et  p'eut-étre  variété  locale  dPC.  tri'- 
fida,  Fabr.,  qui  est  du  Brésil.  L^C.  proxima  est  noir  et  velu,  avec  les 
côtés  du  corselet  largement  et  irrégulièrement  bordés  de  jaune  et  une 
ligne  jaune  au  milieu  se  terminant  à  la  base  de  la  fourche  médiane.  Il 
y  a  quatre  épines  sur  le  corselet,  dont  les  antérieures  arquées  en 
dehors  et  plus  grandes,  les  suivantes  partant  d'une  tige  commune  et 
dirigées  droit  et  en  haut.  Le  bord  postérieur  du  corselet  est  prolongé  en 
une  tige  relevée,  épaissie  et  donnant  naissance  à  trois  grandes  épines 
arquées,  dont  l'intermédiaire  est  plus  longue  que  l'abdomen,  courbée 
en  bas  et  grêle,  les  deux  latérales  fortement  renflées  à  leur  origine, 
dirigées  d'abord  latéralement,  puis  en  arrière  et  courbées  en  bas.  Les 


CYPHONIA,  CENTROTUS.  869 

pseudélytres  sont  transparentes,  à  nervures  jaunes  tachées  de  brun, 
coupées  au  milieu  par  une  petite  fascie  étroite  et  brune,  avec  la  base, 
du  côté  de  la  côte  et  jusqu'à  la  fascie,  d'un  jaune  transparent.  Pattes  et 
dessous  du  corps  jaunes.  Abdomen  entièrement  rouge  avec  la  tarière 
brune. 

0  CEUTROTCS,  Fabr.  —  Front  un  peu  proéminent  ;  yeux  gros,  ovalaires,  sail- 
lants ;  prothorax  offrant  en  dessus  deux  cornes  aiguës  aux  angles  latéraux  et  un 
prolongement  postérieur  distant  de  l'écusson  et  de  l'abdomen  ;  écusson  distinct, 
non  caché  par  le  prolhorax,  prolongé  en  arrière,  sinué  au  bout  avec  les  angles 
apicaux  aigus;  pseudélytres  en  général  transparentes,  offrant  deux  cellules 
discoïdales  et  cinq  cellules  terminales  ;  ailes  offrant  une  nervure  intramarginale 
assez  largement  éloignée  du  bord  interne  et  trois  cellules  anté-apicales  ;  pattes 
assez  courtes  et  ciliées,  à  jambes  triangulairement  prismatiques. 

La  planche  cm,  fîg.  li,  représente  une  espèce  de  Java,  de  7  milli- 
mètres et  demi  de  long,  le  C.  anchoraga,  G.  Mén.  (en  ancre),  le  corps 
d'un  noir  bleu,  le  corselet 'prolongé  de  chaque  côté  en  une  grande 
corne  aplatie  et  courbée  en  arrière,  lisse  et  violette  au  bout  et  très 
pointue,  terminé  en  arrière  par  une  grande  pointe  qui  dépasse  de  beau- 
coup l'abdomen,  droite  et  fortement  cannelée  de  chaque  côté,  ce  qui 
la  fait  paraître  tricarénée.  Les  ailes  des  deux  paires  sont  transparentes 
et  d'un  jaune  très  pâle,  les  antérieures  ayant  la  côte  noire  jusqu'aux 
deux  tiers  de  leur  longueur  et  le  dernier  tiers,  avec  toute  l'extrémité, 
d'un  roux  ferrugineux  vif.  La  tête,  l'abdomen  et  les  pattes  sont  noirs, 
couverts  d'un  fin  duvet  jaunâtre. 

Dans  le  centre  et  le  nord  de  la  France,  se  trouvant  aussi  dans  toute 
l'Allemagne,  et  remontant  jusqu'en  Suède,  existe  une  espèce  commune 
près  de  Paris,  le  C.  cornutus,  Linn.,  le  Petit  Diable,  de  Geoffroy,  pL  cm, 
fig.  5  :  tête;  5,  a,  antenne.  Long  de  7  à  8  millimètres,  il  est  noir  et  un 
peu  ponctué,  couvert  d'une  fine  pubescence  pâle,  le  prothorax  caréné 
au  milieu,  ayant  au  sommet  deux  cornes  latérales  subdéfléchies  à  bords 
aigus  et  un  prolongement  postérieur  presque  de  la  longueur  de  l'ab- 
domen, caréné  en  dessus,  plan  en  dessous,  recourbé  à  la  base,  épaissi 
au  milieu,  aigu  au  bout,  l'écusson  recouvert  sur  les  côtés  d'une 
dense  pubescence  blanchâtre,  les  pseudélytres  grises,  subrugueuses, 
à  nervures  d'un  roux  ferrugineux,  avec  une  double  série  de  poils 
courts  et  pâles,  et  une  tache  brune  au  bord  interne,  les  pattes  noires 
avec  les  genoux  et  les  jambes  ferrugineux,  ces  dernières  à  crénelures 
obsolètes, 

On  rencontre  le  Centrote  cornu  dans  les  bois,  surtout  ceux  de  chêne, 
adulte  à  partir  du  mois  de  juin,  se  tenant  de  préférence  sur  les  cou- 
driers, sur  les  hautes  tiges  de  fougère,  d'asclépias  et  de  cirsium,  sau- 
tant très  bien  et  difficile  à  saisir.  La  larve  porte  de  courtes  épines  sur 
la  face  dorsale  du  corps. 


870  HÉMIPTÈRES. 

^  /CTHALIOIV.  —  Lalr.,  Tête  aplatie  et  dirigée  en  dessous  d'avant  en  arrière,  ne 
paraissant,  vue  en  dessus,  qu'un  rebord  étroit  en  avant  du  prolhorax,  front  plat, 
non  renflé  ;  antennes  très  écartées  l'une  de  l'autre^  insérées  dans  une  fossette 
profonde,  assez  loin  des  yeux  et  paraissant  au-dessous  d'eux  en  raison  de  l'incli- 
naison de  la  tête,  le  second  article  assez  gros,  globuleux,  le  troisième  petit,  a 
soie  terminale  assez  longue;  ocelles  distincts,  placés  entre  les  yeux  sur  le  bord 
antérieur  de  la  tête  ;  yeux  globuleux  et  saillants;  prolhorax  hexagonal,  légère- 
ment bombé;  écusson  petit,  triangulaire;  pseudélylres  à  bords  subparallèles, 
plus  grandes  que  l'abdomen,  inclinées  en  toit,  coriaces  et  peu  transparentes  ; 
ailes  un  peu  plus  courtes;  jambes  postérieures  1res  longues,  sans  dentelures  ni 
épines  ;  tarses  de  trois  articles,  grands. 

Le  type  de  ce  genre  est  une  espèce  du  Brésil,  de  10  millimètres  de 
long,  jE.  reticulatum,  Linn.,  la  Cigale  des  citronniers,  de  Stoll,  pi.  ciii> 
fig.  6:  tête;  6,  a,  antenne  très  grossie,  insecte  d'un  jaunâtre  ptàle  ferru- 
gineux, avec  le  fond  des  pseudélytres  rougeâtres,  à  nervures  verdâtres, 
les  jambes  postérieures  trois  fois  annelées  de  noir. 


<3  Tribu  des  CERCOPIE^S. 


Tête  triangulaire,  plus  étroite  que  le  prothorax;  front  gibbeux,  con- 
vexe; deux  ocelles  très  apparents  placés  entre  les  yeux  dans  une  cavité 
basilaire  du  vertex;  yeux  arrondis,  peu  saillants;  antennes  insérées  en 
avant  des  yeux  et  entre  eux,  sous  un  rebord,  de  trois  articles,  le  dernier 
portant  une  longue  soie  fine;  pronotum  brièvement  sexangulaire,émar- 
giné  au  milieu  à  la  base;  pseudélylres  coriaces;  pattes  analogues  entre 
elles,  à  hanches  courtes,  à  jambes  arrondies,  les  postérieures  armées 
de  deux  épines  et  d'une  couronne  de  spinules  au  bout;  larses  de  trois 
articles,  les  deux  basilaires  denticulés  au  sommet,  le  dernier  muni 
d'une  pelote  distincte  entre  les  deux  crochets;  insectes  sauteurs. 

(7  CEllCOPIS,  Fabr.  —  Antennes  ù  premier  article  court  et  cylindrique,  le  second 
^  de  même  forme,  mais  plus  long,  le  troisième  très  petit,  globuleux,  portant  une 
soie  fine  plus  longue  que  les  articles  pris  ensemble  ;  prothorax  ciypéiforme, 
plus  ou  moins  bombé  au  milieu,  avec  deux  petits  enfoncements  vers  le  bord 
antérieur,  son  bord  postérieur  arrondi  -,  pseudélytres  opaques,  réticulées  vers 
rexlrémité,  plus  longues  et  plus  larges  que  l'abdomen,  arquées  au  cùlé  exleriie, 
arrondies  au  bout,  en  général  tachées  de  vives  couleurs;  ailes  transparentes, 
ordinairement  plus  ou  moins  enfumées  ;  abdomen  court,  à  bords  latéraux  aplatis; 
un  crochet  pointu  à  l'extrémité  chez  les  mâles,  une  tarière  assez  petite  chez  les 
femelles,  on  forme  de  sabre  recourbé  en  dessus. 

Ce  genre,  tel  qu'il  est  restreint  actuellement,  ne  comprend  que  des 


CERCOPIS,   TRIECPHOHA.  871 

espèces  de  Chine,  de  la  Malaisie,  de  la  Mélanésie  et  de  l'Australie.  Nous 
représentons,  pi.  cm,  fig.  8,  le"C.  Urvillei,  Aud.  Serv.  (Kncycl.),  noir,  à 
tête  jaune,  une  large  tache  jaune  à  la  base  des  pseudélytres,  les  pattes 
d'un  jaune  fauve. 

o 

'^  TRlRrPHORA,  Amyot,  Aud.  Serv.  —  Tôle  plus  large  que  dans  les  Cercopù, 
moins  allongée,  plus  arrondie  antérieurement,  avec  trois  lignes  élevées  ou 
carènes  longitudinales  sur  le  front;  prolliorax  échancré  postérieurement-,  les 
autres  caractères  sont  ceux  des  Cercopù. 

Ce  genre  démembré  des  anciens  Cercopis  présente  parfois  les  carènes 
du  front  presque  efl'acées.  11  offre  des  espèces  en  Europe,  avec  beaucoup 
de  variétés  qui  rendent  la  spécification  difficile.  Une  espèce,  commune 
dans  le  nord  de  la  France  et  dans  les  environs  de  Paris,  principalemcnl 
des  buissons  à  la  face  supérieure  des  feuilles,  également  des  prairies 
humides,  est  T.  vulnerata,  Germar,  syn.  :  sanguinolenta,  Panzer,  pi.  cm, 
fig.  9  :  tête,  et  9;  â,  antenne  (grossies);  la  Cigale  à  taches  rouges  de  Geof- 
froy; la  Cigale  tachetée  couleur  de  sang,  de  Stoll,  de  9  millimclres  de 
long,  noire,  à  pattes  noires,  une  tache  semi-lunaire  à  la  base  des 
pseudélytres,  un  point  rond  au  milieu,  une  tache  transverse  ou  en 
croissant  à  l'extrémité,  rouges;  abdomen  rouge  avec  un  point  rond  de 
chaque  côté  et  une  bande  transverse  au  milieu  sur  chaque  segment, 
plus  les  parties  anales,  noirs.  Ce  Cercope  s'échappe  d'un  bond  puissant 
quand  on  cherche  à  le  saisir.  Plusieurs  autres  espèces  ou  variétés  de  la 
France  centrale  ou  méridionale,  d'Algérie  et  de  Syrie.  Les  Ccrcopes 
propres  manquent  en  Suède. 

11  n'en  est  pas  de  même  d'un  groupe  voisin,  à  mœurs  très  singu- 
lières, les  Aphrophores,  ayant  le  bord  antérieur  du  prothorax  arrondi 
ou  anguleux  et  l'écusson  triangulaire.  Les  insectes  de  ce  groupe  pro- 
duisent en  général  une  espèce  d'écume,  pareille  à  de  la  salive,  qu'on 
voit  de  juin  à  septembre  pendre  aux  feuilles  de  beaucoup  d'arbres, 
surtout  des  saules,  des  aulnes,  des  peupliers  et  de  diverses  plantes 
basses  des  prairies  et  des  jardins;  ces  amas  d'écume  sont  appelés  cra- 
chats de  Coucou  ou  de  Grenouille,  écume pr intanière,  larmes  des  saules,  etc., 
car  ces  écumes  dégouttent  parfois  comme  de  la  pluie.  Ils  contiennent 
ordinairement  une  larve  ou  une  nymphe  d'Aphrophore,  parfois  jusqu  à 
quatre  ou  cinq.  C'est  là  un  moyen  de  protection  contre  la  dessiccation 
par  l'air  et  une  précaution  défensive  contre  les  Oiseaux  et  les  Insectes; 
cependant  certains  Hyménoptères  prédateurs  saisissent  les  larves  au 
milieu  de  l'écume.  Elle  est  rejetée  par  l'anus  sous  forme  de  gaz  que 
l'insecte  fait  glisser  sous  lui  en  recourbant  en  dessous  la  pointe  de  l'ab- 
domen ;  les  bulles  successiveme,nt  produites  et  retenant  du  gaz  enfermé 
dans  leur  viscosité  forment  l'amas  écumeux.  L'insecte  produit  cette 
matière  au  moyen  de  la  sève  extravasée  sous  la  succion  de  son  rostre. 
Si  la  larve  est  retirée  de  l'écume  ou  placée  sur  une  plante  desséchée, 


872  HÉMIPTÈRES. 

l'écume  s'évapore  peu  à  peu;  il  ne  s'en  forme  plus  de  nouvelle,  la  larve 
s'amaigrit  et  meurt.  Pour  subir  leur  dernière  morphose,  les  nymphes 
ne  sortent  pas  de  l'écume  où  elles  ont  vécu  jusqu'alors.  C'est  dans  cette 
écume  môme  que  s'opère  leur  changement  de  peau.  Elles  savent  faire 
évaporer  et  dessécher  l'écume  qui  les  couvre  immédiatement,  de  sorte 
qu'il  se  forme  un  grand  vide  au  dedans  de  la  masse,  dans  lequel  leur 
corps  devient  entièrement  libre,  l'écume  superficielle  séchée  formant 
une  voûte  close  de  toute  part.  Dans  cette  cellule  voûtée  la  nymphe  se 
défait  peu  à  peu  de  sa  peau,  qui  se  fend  d'abord  sur  la  tète,  puis  sur  le 
thorax,  et  elle  étend  ses  ailes. 

Les  adultes  se  montrent  principalement  en  septembre  et  font  des 
sauts  très  élevés,  parfois  de  près  de  2  mètres.  Lors  de  l'accouplement, 
le  mâle  est  placé  à  côté  de  la  femelle,  leurs  corps  faisant  ensemble  un 
angle  aigu.  Le  ventre  du  mâle  se  recourbe  au-dessous  de  celui  de  la 
femelle,  et  présente  à  son  extrémité  des  pointes  longues,  courbées  en 
forme  de  crochets,  qui  lui  servent  à  se  cramponner  au  pourtour  de  la 
vulve.  Bien  qu'accouplés,  ils  peuvent  pourtant  sauter  sans  se  séparer. 
Dans  cette  attitude,  ils  courent  sur  les  branches  et  les  feuillages,  la 
femelle  marchant  la  première  et  entraînant  le  mAle,  qu'elle  force  à 
marcher  de  côté.  En  automne,  les  femelles  ont  le  ventre  tellement 
rempli  d'œufs  qu'à  peine  peuvent-elles  sauter  ou  voler,  tant  elles  sont 
grosses  et  pesantes.  Les  œufs  ont  une  figure  oblongue  et  allongée,  avec 
un  des  bouts  plus  pointu  que  l'autre,  et  leur  surface  polie  et  luisante. 
11  est  très  probable  qu'elles  pondent  ces  œufs  avant  l'hiver  sur  les 
branches,  pour  n'éclore  qu'au  printemps  suivant,  et  qu'elles  font  avec 
leur  tarière  des  entailles  dans  l'écorce,  pour  y  déposer  ces  œufs,  plu- 
sieurs dans  la  même  entaille. 

Deux  genres  principaux  ont  été  établis  pour  les  Aphrophores,  Phi- 
lœnus,  Stal,  et  Aphrophora,  Germar.  Le  premier  est  celui  qui  contient 
le  plus  grand  nombre  d'espèces,  dont  l'espèce  essentielle  et  très  com- 
mune esi  /'.  spumarius,  Linn.,  de  5  à  6  millimètres  de  long,  parfois 
jusqu'à  8  ou  9,  se  trouvant  en  été  dans  toute  l'Europe  sur  une  foule 
de  plantes  différentes.  Le  vertex  n'est  pas  caréné  en  dessus,  les  yeux 
sont  petits  et  les  ocelles  aussi  distants  entre  eux  qu'ils  le  sont  des  yeux. 
Le  pronotum  offre  cinq  impressions  transverses;  les  pseudélytres  sont 
arrondies  sur  les  côtés,  dilatées  après  le  milieu,  rétrécies  et  arrondies 
vers  le  sommet,  les  ailes  hyalines,  avec  une  grande  tache  brune  à  la 
base  mal  déterminée;  la  poitrine  marquée  au  milieu  d'une  tache  noire 
très  brillante.  La  couleur  générale  est  d'un  gris  cendré,  souvent  avec 
deux  bandes  obliques  blanchâtres  sur  chaque  pseudélytre,  du  moins 
sur  les  sujets  de  France,  qui  firent  donner  à  l'insecte  le  nom  de  Cigale 
bedeaude  par  Geoffroy,  qui  se  sert  souvent  de  cette  épitliète  par  allusion 
à  la  robe  à  deux  couleurs  des  bedeaux  d'église.  Rien  de  plus  variable 
que  la  coloration  de  ce  Pliilœnus,  dont  Fieber  ne  cite  pas  moins  de 
vingt-sept  variétés  dans  son  catalogue. 


APHROPHORA,   LEDRA.  873 

Le  genre  Aphrophora  présente  le  corps  ovale-oblong,  le  vertex  caréné 
au  milieu  longitudinalement,  la  tête  obtusémeut  anguleuse  en  avant, 
les  ocelles  deux  fois  plus  éloignés  des  yeux  qu'ils  ne  le  sont  entre  eux. 
Le  pronotum  est  sexangulaire,  caréné  longitudinalement  au  milieu, 
presque  du  double  plus  large  que  long.  Les  pseudélytres,  rétrécies  vers 
le  sommet,  ne  sont  pas  voûtées  ;  les  ailes  ne  sont  pas  pliées  au  sommet. 
Les  espèces  principales  de  ce  genre  vivent  surtout  sur  les  saules  et  les 
aulnes;  telles  sont  :  A.  alni,  Fallen,  très  commune  dans  tout  le  nord 
de  la  France,  et  dont  1  adulte  paraît  dès  le  mois  de  juin,  et  A.  salicis, 
de  Géer,  espèce  moins  commune,  des  mêmes  époques  que  la  précé- 
dente et  sur  les  mêmes  arbres. 


Tribu    des   JASSIEIVS  ou  ClCADELLIElN!^. 


Le  premier  nom  de  cette  tribu  vient  du  genre  Jassus,  Fabr.,  qui  a 
disparu  devant  les  nombreux  genres  en  lesquels  il  a  été  démembré, 
comme  le  genre  Coluber,  de  Linnœus.  L'autre  nom,  qui  signifie  petite 
Cigale,  a  été  donné  à  quantité  d'Homoptères,  de  faible  taille  d'ordinaire, 
sauteurs  parles  pattes  postérieures  à  leurs  divers  états  de  morphose.Ce 
nom  est  mal  déterminé,  car  certains  auteurs  y  comprennent  les  Mem- 
braciens  et  Cercopiens.  Nous  dirons,  en  nous  restreignant  à  un  groupe 
mieux  limité,  que  les  Jassiens  ont  les  antennes  insérées  en  avant  des 
yeux,  deux  ocelles  placés  sur  le  bord  antérieur  de  la  tête,  le  plus  souvent 
bien  distincts,  parfois  paraissant  manquer  si  l'œil  n'est  armé  que  d'une 
loupe  ordinaire;  front  oblique,  tourné  en  avant,  vertex  le  plus  souvent 
horizontal;  pronotum  peu  convexe,  non  déclive  ou  peu  déclive  en 
avant;  joues  dilatées,  couvrant  en  partie  les  hanches  antérieures; 
hanches  intermédiaires  largement  et  brièvement  subconiques,  rappro- 
chées à  la  base;  hanches  postérieures  transverses,  étendues  par  les 
côtés  jusqu'au  bord  latéral  de  la  poitrine;  jambes  triangulairement 

ismatiques,  du  moins  les  postérieures,  le  plus  souvent  spinuleuses. 


^^E»R.%,  Fabr.  —  Corps  oblong;  tête  large  et  aplatie,  subégale  en  largeur  au 
pronotum,  en  triangle  très  oblus  au  bord  antérieur,  amincie  en  avant  en  mem- 
brane; yeux  petits,  globuleux  ;  ocelles  placés  sur  le  vertex,  près  de  sa  base,  dis- 
tants des  yeux  deux  fois  plus  qu'entre  eux  ;  antennes  courtes  et  de  trois  articles, 
le  dernier  terminé  par  une  soie  grêle,  insérées  avant  les  yeux  dans  une  cavité  de 
la  joue  ;  pronotum  muni  postérieurement  de  chaque  côté  d'une  crête  appendiculée, 
écusson  nu  et  triangulaire,  pseudélytres  subcoriaces,  obliquement  arrondies  au 
bout  en  arrière,  beaucoup  plus  longues  que  l'abdomen  à  nervures  saillantes; 
formant  un  réseau;  ailes  inférieures  presque  aussi  longues  que  les  supérieures; 
pattes  peu  allongées,  densément  poilues  et  ciliées;  les  cuisses  postérieures 
armées  au  bout  de  deux  épines  épaisses  et  courtes,   les  jambes  antérieures 


y'^  Hf:.MIPTÈRt;S. 

triangulairement  prismatiques,    les  jambes   postérieures  dilatées  en  couteau  et 
munies  de  dents  aiguës  à  leur  bord  externe. 

V' 

Le  genre  Ledra  ne  présente  en  Kurope  qu'une  seule  espèce,  de  lo 
à  18  millimètres  de  long;  L.  aurita,  Linn.,  pi.  cm,  fig.  7,  le  Grand 
Diable  de  Geoffroy,  la  Cigale  a  oreilles  de  Stoll,  d'un  gris  verdAtre  en 
dessus,  avec  deux  cornes  comprimées,  en  forme  d'oreilles,  sur  le  pré- 
dorsum.  La  tête  est  grande,  aplatie,  membraneuse,  en  triangle  très 
obtus  au  bord  intérieur,  avec  une  faible  carène  longitudinale  sur  le 
vertex,  les  ocelles  très  petits,  1res  rapprochés  l'un  de  l'autre,  les  pseu- 
délyfres  grandes,  arrondies  au  bout,  beaucoup  plus  longues  que  l'ab- 
domen, légèrement  coriaces,  à  nervures  saillantes  et  formant  un  ré- 
seau à  mailles  irrégulières  et  nombreuses,  pointillées  de  brun  rou- 
geâtre,  avec  une  grande  tache  peu  distincte  plus  pâle  touchant  le  bord 
externe  vers  la  base,  leur  extrémité  également  plus  pâle;  ailes  inférieures 
transparentes,  presque  aussi  longues  que  les  supérieures;  dessous  du 
corps  d'un  jaunâtre  mat  ;  pattes  assez  longues,  les  postérieures  beaucoup 
plus  que  les  autres,  frangées,  leur  bord  externe  membraneux,  notable- 
ment dilaté.  Cette  espèce  est  commune  dans  le  midi  de  la  France,  rare 
aux  environs  de  Paris  et  dans  le  nord,  en  été  sur  les  chênes  ;  a  été 
trouvée  dans  la  Suède  méridionale.  (iuérin-.Méneville  a  élevé  cet  insecte 
depuis  son  éclosion  jusqu'à  sa  dernière  transformation  ;  sa  larve  ne 
diffère  pas  beaucoup  de  l'insecte  parfait.  Quand  on  la  tourmente,  elle 
lance  par  l'anus  de  petites  goutleletlesd'un  hquide  très  limpide,  pro- 
bablement destiné  ù  éloigner  ses  ennemis.  Le  genre^Ledra  offre  des 
espèces  en  assez  grand  nombre  dans  l'Asie  méridionale  et  en  Australie; 

On  donne  le  nom  de  Cicadelles  (petites  Cigales)  à  des  Homoptères  de 
petite  taille,  sauteurs  à  tous  leurs  états  et  dont  la  limitation  est  assez 
incertaine,  car  des  auteurs  étendent  beaucoup  le  sens  de  ce  nom  en  y 
comprenant  même  les  Membraciens  et  les  Cercopiens.  Ces  insectes  ne 
sont  nullement  bruyants,  malgré  leur  nom,  et,  très  agiles,  passent  fré- 
quemment du  saut  au  vol.  Les  Teltigonides  ont  le  corps  allongé  et 
deux  ocelles  placés  sur  le  vertex,  sur  la  ligne  antérieure  des  yeux,  qui 
sont  petits  et  peu  saillants;  le  vertex  est  aplati  en  dessus;  le  front  arrondi, 
grand  et  renflé  ;  les  antennes  sont  insérées  dans  une  cavité  en  avant 
et  près  des  yeux  et  ont  la  soie  terminale  longue.  Le  prothorax  est 
transversal,  coupé  presque  droit  postérieurement,  l'écusson  assez  grand 
et  triangulaire.  Les  ailes  antérieures  sont  légèrement  coriaces,  à  bords 
latéraux  en  lignes  parallèles,  les  ailes  postérieures  aussi  longues  que 
les  antérieures.  Les  pattes  sont  grêles,  toutes  les  jambes  avec  des 
séries  de  petites  épines,  les  cuisses  avec  un  éperon  au  bout. 

TKTTiGO]Vl.%,  Geoffroy.  —  Corps  alloni^é  cl  linéaire  ;  tèle,  avec  les  yeux,  plus 

large  que  le  prolhorax,  obtuse  en   avant,   subgibbeusc,  à  vertex  non  caréné, 

fi>.  faiblement  impressionné  de   chaque  côté ,  ocelles  assez  grands  et  très  distants, 


TETTIGONIA.  875 

un  peu  plus  éloici'nés  du  bord  apical  que  de  la  base;  yeux  peiils  ;  anteancs 
insérées  avant  les  yeux  dans  une  fossette,  le  premier  article  subcyathiforme, 
plus  large  que  le  second  qui  est  sulicylindrique,  avec  une  soie  allongée,  épaissie 
à  la  base,  à  articulations  obsolètes  ;  rostre  épais  et  très  court  ;  pronotum  Irans- 
verse,  arrondi  en  avant,  très  faiblement  rebordé  en  arrière  ;  écusson  grand  et 
triangulaire;  ailes  antérieures  linéaires,  arrondies  au  bout;  ailes  postérieures 
munies  d'une  nervure  parallèle  au  bord  intérieur  et  d'une  seconde  nervure 
longitudinale  fourchue,  les  deux  rameaux  réunis  par  une  nervure  transversale 
avec  la  nervure  longitudinale  la  plus  proche:,  pattes  grêles,  les  postérieures  plus 
longues  et  plus  épaisses,  toutes  les  jambes  simples,  non  dilatées,  les  anté- 
rieures subarrondies,  spinuleuses  en  dedans,  avec  une  pubescence  très  courte 
en  dehors  ;  mésosternum  avec  une  ligne  anguleuse  imprimée  entre  les  han- 
ches. 

Ce  grand  genre,  avec  les  genres  annexes,  comprend  plus  de  quatre 
cents  espèces,  la  plupart  de  l'Amérique  méridionale.  Le  type  est  le 

^T.  viridis,  Linn.,  Cigale  verte  à  tête  panachée  de  Geoffroy,  de  5,5  à  9  mil- 
limètres de  longueur,  d'un  vert  jaunâtre,  les  ailes  antérieures  d'un  vert 
plus  ou  moins  foncé,  avec  une  bordure  jaune  le  long  de  la  côte  externe; 
dans  les  deux  sexes,  la  lète  en  dessus,  le    devant    du    prédorsum  et 

•  l'écusson  ordinairement  jaunes,  avecdeux  gros  points  noirs  sur  le  vertex, 
le  dessous  du  corps  et  les  pattes  jaunâtres  ;  mâle  avec  les  ailes  anté- 
rieures et  postérieures  plus  longues  que  l'abdomen,  de  même  longueur 
seulement  chez  la  femelle.  Cette  espèce  est  de  toute  la  France,  très 
commune  au  milieu  et  à  la  fin  de  l'été  dans  les  prairies  et  les  bois 
humides,  sur  les  plantes  aquatiques.  Elle  se  trouve  dans  la  Scandinavie, 
la  Finlande  et  la  Laponie,  dans  toute  l'Europe  et  le  nord  de  l'Asie; 
elle  ofTre  plusieurs  variétés.  Nous  représentons  une  très  jolie  Teltigonia 
du  Mexique,  de  8  millimètres  de  longueur, T.  pulchella,  G.  Mén.,  pi.  cm, 
fîg.  8,  la  tête  noire,  avec  bandes  transverses  jaunes,  le  prothorax  noir, 
avec  une  bande  rouge  entourée  de  jaune  en  arrière,  l'écusson  noir, 
jaune  au  milieu,  les  pseudélytres  rouges,  à  extrémité  brune,  avec  sept 
bandes  transverses  un  peu  obliques  et  jaunes  et  trois  bandes  noires  ; 
les  pattes  sont  rouges,  l'abdomen  rouge  en  dessus,  noir  en  dessous, 
rayé  de  jaune.  Il  ne  faut  pas  confondre  cette  espèce  a.\ ecEupterix  pul- 
chella, Fallen,  qui  est  une  espèce  d'Europe,  de  la  famille  des  Typhlo- 
cybides. 

Les  Typhlocybides  ont  le  corps  très  petit,  linéaire,  allongé,  la  têle 
obtusément  prolongée  en  avant,  le  vertex  à  base  parallèle  au  corps, 
déclive  en  avant,  les  ocelles  placés  sur  la  partie  de  la  tête  tournée  en 
avant  et  difficiles  à  observer  (d'où  le  mot  Typhlocybe,  tête  aveugle),  la 
face  longuement  prolongée  en  dessous  ;  les  ailes  antérieures  sont  frêles 
et  n'ont  que  des  nervures  longitudinales  simples,  sans  nervures  trans- 
versales; les  jambes  antérieures  ont  des  séries  d'épines  au  côté  interne 
et  sont  inermes  au  côté  externe,  les  jambes  intermédiaires  étant  inermes 


876  HÉMIPTÈRES. 

de  part  et  d'autre.  Ces  Cicadelles  sont  les  plus  élégants  des  Jassiens, 
par  leurs  dessins  et  leurs  couleurs  très  variés.  Leur  contour,  élancé  et 
grâle,  est  rétréci  d'avant  en  arrière  en  forme  de  coin.  Leur  petite 
taille,  étant  de  3  à  /i  millimètres,  leur  fragilité  et  leur  extr(?me  agilité, 
les  rendent  très  difficiles  à  saisir.  Certaines  espèces  se  montrent  en 
quantité  considérable  sur  des  plantes  déterminées,  où  elles  forment 
comme  des  essaims.  C'est  pendant  le  mois  de  septembre  qu'on  trouve 
les  adultes  en  plus  grand  nombre.  Ces  petits  et  délicats  insectes,  à  or- 
ganes très  cassants,  se  conservent  difficilement  en  collection,  il  faut  les 
coller  sur  petits  cartons,  ou,  mieux,  les  piquer,  sous  la  loupe  au  fil  de 
platine.  Ils  finissent  parfois,  sous  leur  succion,  par  causer  un  certain 
dommage  aux  végétaux. et  sont  sauteurs  très  agiles  à  leurs  trois  états 
de  larve,  de  nymphe  et  d'adulte.  Toutes  ces  Cicadelles  ont  été 
fortement  subdivisées  par  Fiéber. 

Dans  le  gçpre  Typhlocyba,  Germar,  sont  quelques  espèces  caractéris- 
tiques. Ainsi  T.  rosœ,  Linn.,  la  Cigale  des  charmilles  de  Geoffroy,  de  3,3 
à  h  millimètres,  le  corps  d'un  jaune  pâle,  quelquefois  verdâtre  ou  blan- 
châtre, mais  toujours  sans  taches  ;  pseudélytres  diaphanes,  légèrement 
lavées  de  vert,  ayant  les  nervures  de  leur  extrémité  d'un  gris  brunâtre; 
pattes  jaunes.  Cette  petite  espèce,  qui  se  trouve  dans  toute  la  Scandi- 
navie, la  Finlande,  la  Laponie,  est  commune  dans  toute  l'Europe  sur 
les  Rosacées,  rosiers,  aubépines,  prunelliers,  pruniers,  etc.,  aussi  sur 
les  roses  trémières.  Les  feuilles  sont  piquées  en  dessous  d'une  foule  de 
petits  trous  et  prennent  une  teinte  marbrée  annonçant  leur  état  de 
souffrance.  Dès  qu'on  vient  à  secouer  les  rosiers,  les  Cicadelles  descen- 
dent en  toute  hâte,  voltigeant  quelque  temps  autour  de  la  plante  dé- 
laissée et  ne  tardent  pas  à  s'y  abattre  de  nouveau.  Sous  les  rayons  du 
soleil,  elles  effectuent  de  courtes  excursions  autour  de  ces  plantes  ;  elles 
prennent  leur  essor  en  sautant  et  continuent  leur  trajectoire  en  volant. 
Les  femelles,  ainsi  que  chez  les  autres  Cicadelles,  ont  une  tarière  vi- 
sible à  l'extrémité  de  l'abdomen,  leur  servant  à  perforer  les  branches 
tendres  pour  y  introduire  leurs  œufs,  ce  qui  amène  une  tuméfaction 
graduelle  sur  les  parties  végétales  piquées.  Les  petites  larves  y  demeu- 
rent d'abord  cachées,  se  nourrissent  des  sucs  de  la  plante,  acquièrent, 
après  plusieurs  mues,  des  fourreaux  d'aile,  et  enfin  deviennent  adultes 
et  ailées  et  dès  lors  bien  visibles.  On  trouve  sur  les  grands  arbres,  prin- 
cipalement sur  les  feuilles  et  les  troncs  des  ormes,  le  T.  ulmi,  Linn.,  la 
Cigale  moucheron  verte  de  Geoffroy,  de  3,25  à  U  millimètres  de  long, 
d'un  jaune  verdâtre,  avec  deux  points  noirs  au  somment  du  vertex,  les 
pseudélytres  à  nervures  blanches,  avec  le  bout  inégalement  rembruni 
et  à  nervures  noirâtres,  les  ailes  hyalines,  à  nervures  pâles,  l'abdomen 
noirâtre  en  dessus,  pâle  sur  les  bords,  les  pattes  unicolores,  â  crochets 
bruns.  Une  espèce  voisinefr.  quercus,  Fabr.,  existe  sur  les  chênes  ;  de 
3""",33  de  long,  d'un  jaune  blanchâtre,  le  vértex  marqué  d'un  arc  jaune, 
le  pronolum  jaune  antérieurement  et  au  milieu,  l'écusson  avec  trois 


TETTIGONIA   ,TYPHLOCYBA.  877 

taches  triangulaires,  près  de  la  base  jaunes,  les  pseudélytres  avec  6  à  7 
taches  subquadrangulaires,  jaunes  près  de  la  base,  d'un  rouge  de  sang 
vers  l'extrémité,  et  trois  lignes  brunes  obliques  au  côté  externe,  les 
bouts  rembrunis,  surtout  contre  les  nervures  blanches,  les  ailes  hyalines, 
à  nervures  pâles,  les  crochets  des  tarses  bruns.  On  rencontre  ces  deux 
espèces  en  France,  en  Allemagne,  en  Angleterre,  en  Russie,  de  juillet 
à  septembre,  dans  toutes  les  parties  de  l'Europe  où  croissent  les  ormes 
et  les  chênes.  Elles  sont  du  sud  de  la  Scandinavie,  près  de  Christiania  et 
de  Stockholm,  du  sud  de  la  Finlande,  près  d'Helsingfors,  mais  manquent 
dans  le  nord  et  en  Laponic,  régions  où  n'existent  pas  leurs  arbres. 

Une  intéressante  espèce  de  Cicadelle  offrant  le  vertex  arrondi  en  avant, 
et  du  genre  Cicadula,  Zetterstetd,  est  le  C.  smaragdula,  Fallen,-  syn.  : 
R'ybos,  Fabricius,  smaragdulûs,  Fullen,  Eupterix  viridipes,  Curtis,  de  6  à 
h  1/2  millimètres  et  long  chez  l'adulte,  d'un  vert  très  brillant,  l'ab- 
domen noirâtre  en  dessus  ainsi  que  la  suture  des  ailes  supérieures 
qui  sont  vertes  et  se  recouvrent  en  dessus  à  l'extrémité,  l'écusson 
grand  et  triangulaire,  les  jambes  postérieures  extérieurement  à  colo- 
ration brune  obsolète  à  la  base  des  épines,  les  crochets  tarsaux  noirs; 
sur  les  saules  en  Allemagne  et  dans  le  nord  de  la  France,  en  juillet  et 
en  août,  se  trouvant  aussi  en  Russie,  en  Angleterre  dans  toute  la  Fin- 
lande et  la  Scandinavie,  en  Laponie  jusqu'à  67  degrés  de  latitude;  dans 
le  midi  de  la  France  ses  petites  larves  sauteuses  sont  en  certaines 
années  par  myriades,  en  juin  et  en  juillet,  sur  les  feuilles  des  vignes, 
parfois  nuisibles  en  les  criblant  de  piquetures;  en  1875,  lors  de  ma 
mission  dans  les  Charentes  pour  l'étude  du  Phylloxéra,  les  paysans 
m'apportaient  ces  larves,  qu'ils  prenaient  pour  des  Phylloxéras,  et  qui 
se  trouvaient  aussi  bien  sur  les  vignes  phylloxérées  que  sur  les  saines. 


Les  derniers  Homoptères,  à  organisation  dégradée,  par  lesquels  se 
termine  ce  sous-ordre,  présentent  de  tous  les  Insectes  ceux  qui  nuisent 
au  plus  haut  degré  à  l'horticulture  et  surtout  à  l'agriculture,  et  parmi 
eux  le  terrible  Phylloxéra  de  la  vigne,  devenu  une  calamité  nationale 
dans  tous  les  pays  vinicoles.  Ces  Insectes  restent  fixés  aux  végétaux  par 
leur  rostre,  non  plus  d'une  manière  intermittente,  comme  les  Homo- 
ptères précédents,  mais  d'une  manière  continue,  parfois  pendant  presque 
toute  leur  existence. 

On  les  désigne,  en  général,  sous  le  nom  de  Phytophthires  ou  Poux  des 
plantes,  c'est-à-dire  parasites  des  plantes,  par  opposition  aux  parasites 
des  animaux.  Amyot  et  Audinet-ServiLle  les  appellent  SternorhyHqUes 
parce  que  leur  rostre  ou  suçoir  semble  prendre  son  origine  au-dessous 
de  la  tète  au  devant  du  sternum,  tandis  que  dans  le  grand  groupe  des 
CicadaireSi  qui  précède  celui-ci,  la  base  du  rostre,  couchée  au  repos 
sur  le  sternum  entre  les  pattes,  semble  naître  du  cou  ou  de  la  partie 


878  HÉMIPTÈUES. 

inréricure  et  postérieure  de  la  tète,  ce  que  montrent  les  noms  donnés 
par  C.  Duméril  de  Colliroslres  ou  Aiichcnorhynques.  C.  Duméril  désigne 
les  Insectes  dégradés  que  nous  allons  étudier  par  les  mots  de  Phyta- 
delges  ou  Plantisuges.  Il  fait  remarquer  que  leurs  ailes  membraneuses 
dans  les  deux  paires  et  non  croisées  au  repos  peuvent  manquer,  sur- 
tout chez  les  femelles,  et  que  leurs  tarses  n'ont  que  deux  articles  au 
plus.  En  conséquence  ces  Insectes  sont  peu  propres  au  mouvement, 
très  lents  dans  la  plupart  des  espèces,  restant  fixés  sur  les  végétaux, 
soit  à  l'état  de  larves  sortant  des  œufs  pondus  par  des  femelles  mono- 
morphes  ou  polymorphes,  parfois  de  larves  directement  déposées 
par  les  femelles  (Pucerons).  Nous  les  diviserons  en  cinq  tribus  : 
Psylliens,  Aphidiens  ou  Pucerons,  Phylloxériens,  Aleurodiens  et  Coc- 
'ens  ou  Cochenilles. 


Tribu   des  PSl^LLIE^'S. 

Les  Psylliens  sont  souvent  appelés  faux  Pucerons,  pour  les  séparer 
des  véritables  Aphidiens,  auxquels  ils  ressemblent  par  leur  existence 
parasitaire  sur  les  végétaux.  Un  meilleur  nom  dislinclif  est  celui  de 
Saltipcdes  ou  Puces  de  feuilles,  parce  que  les  adultes  des  deux  sexes, 
bien  qu'ailés,  possèdent  des  pattes  postérieures  propres  au  saut,  les 
espèces  progressant  plus  volontiers  en  sautant  qu'en  volant,  les  ailes 
servant  surtout  comme  parachutes.  Les  nymphes  et  les  larves  ne  sau- 
tent pas,  ce  qui  établit  une  différence  essentielle  avec  les  Cicadelles, 
dont  les  sépare  encore  la  longueur  plus  grande  de  leurs  antennes.  Le 
vertex  présente  trois  ocelles  assez  écartés.  Les  pattes,  d'une  longueur 
modérée,  ont  deux  articles  aux  tardes  et  une  pelote  vésiculeuse  entre 
les  crochets.  Ce  sont  de  très  petits  Insectes,  fort  nuisibles  par  leurs 
succions,  mais  moins  que  les  vrais  Pucerons,  car  ils  ne  pondent  qu'une 
ou  deux  fois  par  an,  par  génération  bisexuée,  et  leurs  colonies  ne 
sotit  pas  très  nombreuses.  Les  nymphes  sont  enlources  des  fourreaux 
alaires  comme  de  collerettes;  les  larves  sont  aplaties,  avec  l'abdomen 
pointu,  et  les  femelles  ont  une  tarière  de  ponte.  Souvent  les  piqûres 
des  Psylliens  sont  accompagnées  de  désordres  sérieux  dans  la  circula- 
tion de  la  sève,  d'où  résultent  des  déformations  variées  sur  les  bour- 
geons ou  les  fleurs,  une  formation  de  galles,  des  feuilles  recoquil- 
lées,  etc.  Plusieurs  espèces,  soit  en  larves,  soit  en  adultes,  sont  recou- 
vertes de  flocons  cireux  blancs.  Un  petit  nombre  de  genres  ont  été 
établis  dans  cette  tribu.  Les  deux  fondamentaux  sont  le  genre  Psylla, 
Geoffroy,  et  le  genre  Livia,  Latreille. 

PSYE.Ii.%,  Geoffroy,  syn.  :  Chermes,  Réaumur,  Linn.,  Fabr.  —  Tète  Ibrte- 
ment  inclinée  et  aplatie  en  dessus;  antennes  filiformes,  à  peu  près  de  la  lon- 
gueur du  corps,  insérées  devant  les  yeux  sur  le  front,  à  articles  cylindriques. 


PbYLLA.  879 

1  et  2  plus  courts  et  plus  épais  que  les  autres,  3  le  plus  long  de  tous,  le  der- 
nier court,  avec  deux  courtes  soies  au  bout  ;  trois  ocelles  en  triangle,  un 
de  chaque  côté  derrière  l'œil,  le  troisième  sur  le  front,  dans  une  écliancrure  ; 
yeux  ordinairement  globuleux  et  très  saillants  ;  rostre  très  court,  de  trois  ar- 
ticles, paraissant  naître  du  sternum,  on  arrière  de  l'insertion  des  pattes  anté- 
rieures, restant  presque  perpendiculaire  au  corps  quand  il  a  servi  à  la  succion  ; 
thorax  bombé  en  dessus,  avec  prédorsum  très  court,  mésodorsum  beaucoup  plus 
long,  métadorsum  ou  écusson  offrant  en  dessus  deux  pointes  distinctes  ;  ailes 
antérieures  hyalines  comme  les  postérieures,  n'ayant  pas  la  grosse  nervure  cos- 
tale des  Pucerons,  offrant  trois  nervures  principales  longitudinales,  celle  du 
milieu  fourchue  au  bout  et  formant  ainsi,  ;i  l'extrémité  de  l'aile,  une  cellule 
triangulaire;  ailes  postérieures  plus  courtes  que  les  antérieures,  avec  quelques 
nervures  longitudinales  à  peine  sensibles  ;  pattes  courtes,  à  peu  près  d'égale 
longueur  entre  elles,  les  cuisses  légèrement  rcndées  et  fusiformes  ;  abdomen 
conique,  portant  une  tarière  chez  les  femelles. 

Nous  représentons  une  Psylle,  /'.  spartii,  G.  Méii., trouvée  par  Guérin- 
Méneville  sur  les  genêts  aux  environs  de  Paris  et  autre,  d'après  lui,  que 
l'espèce  de  Hartig  du  même  nom.  Cette  Psylle  (pi.  cm,  fig.  11  :  11,0, 
tête  très  grossie;  11,  b,  antenne;  11,  c,  tarse  antérieur;  11,  d,  aile  supé- 
rieure, de  S""", 5  de  long),  a  le  corps  en  entier  d'un  jaune  roussâtre,  le 
prolliorax  seul  tirant  au  gris  verdâtre.  Sur  le  vertex  sont  deux  petites 
taches  brunes  un  peu  enfoncées.  Le  genre  Psyila  compte  quatre-vingt- 
six  espèces  d'Europe  dans  le  catalogue  de  M.  Puton. 

Nous  ne  citerons  que  quelques  espèces  nuisibles  :  deux  espèces 
atteignent  les  poiriers,  surtout  ceux  en  espalier  et  en  quenouille,  se 
portant  sur  les  feuilles,  rarement  sur  les  fruits.  Le  P.  piri,  Linn., 
syn.  :  rubra,  Fourcroy,  Goureau,  de  2  millimètres  de  long,  est  rous- 
sâtre avec  des  taches  briquetées  et  les  antennes  noirâtres;  l'ab- 
domen est  brun,  rayé  de  rouge  transversalement  et  les  pattes  noirâfres; 
les  ailes  sont  diaphanes.  11  est  adulte  à  la  fin  de  mai;  les  œufs  sont 
accolés  sur  les  feuilles  de  poirier.  Les  larves  et  nymphes  sucent  le 
parenchyme  des  feuilles,  y  déterminent  de  petites  plaies  et  les  font  se 
recoquiller.  L'espèce  disparaît  à  la  fin  de  juin,  laissant  sur  les  feuilles 
des  cicatrices  indiquant  ses  traces  et  que  certains  jardiniers  regardent, 
à  tort,  comme  l'effet  de  la  grêle.  Le  P.  pirisuga,  Fœrster,  syn.  :  auran- 
tiaca,  Goureau,  long  de  2  millimètres,  est  d'un  jaune  orangé,  avec  l'ab- 
domen vert,  bordé  de  jaune  orangé  à  son  extrémité.  L'adulte  paraît  à 
la  fin  de  juin  et  au  début  de  juillet.  Les  œufs  sont  pondus,  non  sur  les 
feuilles,  mais  sur  les  bourgeons,  en  rangs  serrés,  et  les  larves  et  les 
nymphes  demeurent  à  sucer  auprès  des  bourgeons.  La  Psylle  du  bois, 
P.  buxi,  Fœrster,  longue  de  2  millimètres,  a  le  corps  et  les  pattes  verts 
chez  l'adulte,  avec  quelques  petites  taches  roussàlres  sur  le  corselet, 
les  pseudélytres  et  les  ailes  d'un  brun  jaunâtre,  en  toit  sur  le  corps,  la 
femelle  avec  une  longue  tarière  pour  piquer  les  bourgeons  du  buis. 


880  HÉMIPTÈRES. 

Ceux-ci  se  recoquillent  et  deviennent  des  boutons  globuleux.  En  les 
ouvrant,  on  y  trouve  de  petites  larves  rougeâtres,  avec  la  tête  noire, 
reposant  sur  un  lit  de  duvet  cireux  blanc  ;  puis  elles  deviennent  jau- 
nâtres et  se  changent,  plus  tard,  en  nymphes  vertes  avec  des  rudiments 
d'ailes.  En  taillant  les  buis,  quand  on  voit  ces  boules  à  l'extrémité  des 
rameaux,  on  fait  tomber  sous  les  ciseaux  les  nids  de  cette  Psylle,  qu'il 
faut  emporter  et  brûler. 

Le  genre  Homotoma,  G.  Mén.,  difTère  des  vrais  Psylla  par  ses  antennes 
de  dix  articles  également  épais  et  par  des  détails  de  nervulation  des 
ailes  antérieures.  Sou  espèce  typique  est  H.  ficus,  Linn.,  la  Psylle  du 
figuier,  de  Geoffroy,  l'adulte  de  Zi  à  5  millimètres  de  long,  brun  en 
dessus,  verdâtre  en  dessous,  les  antennes  épaisses  et  velues,  de  dix 
articles,  les  ailes  antérieures  deux  fois  aussi  longues  que  le  corps,  l'ab- 
domen n'offrant  que  des  traces  d'enduit  cireux.  Les  femelles  pondent 
leurs  œufs  sur  les  écorces  des  figuiers,  ces  arbres  étant  dépouillés  de 
leurs  feuilles,  à  la  fin  de  l'automne,  œufs  d'un  roux  jaunâtre,  n'attei- 
gnant pas  1  millimètre  de  longueur,  conoïdes,  pointus  par  un  bout, 
arrondis  par  l'autre,  et  munis,  au-dessous  de  ce  dernier,  d'un  bec  laté- 
ral assez  prononcé  qui  les  fait  ressembler  à  certaines  cornues  des  chi- 
mistes. Les  œufs,  qui  passent  l'hiver,  tantôt  isolés,  tantôt  rapprochés, 
sont  à  nu,  sans  duvet  cireux  pour  les  abriter,  couchés  dans  le  sens  de 
leur  longueur,  le  bec  latéral  enfoncé  dans  l'écorce,  afin  de  les  fixer,  le 
bout  pointu  terminé  par  un  filet  capillaire,  plus  ou  moins  flexueux,  qui 
n'existe  pas  dans  les  œufs  encore  renfermés  dans  les  gaines  ovigères. 
L'espèce  est  très  abondante  sur  les  figuiers  du  pourtour  méditerranéen. 
Les  larves  et  les  nymphes  sont  fixées  aux  feuilles,  surtout  en  dessous, 
et  aux  petites  figues.  Les  nymphes  ont  des  fourreaux  alaires  en  colle- 
rettes blanches,  qui  se  détachent  vivement  sur  le  vert  sombre  des 
feuilles.  L'espèce  est  importée  de  temps  à  autre  aux  environs  de  Paris, 
par  des  plants  de  figuier  portant  des  œufs,  et  y  vit  plusieurs  années, 
jusqu'à  ce  qu'un  hiver  rude  la  détruise. 

LIVIA,  Lalr.  —  Tête  carrée,  aplatie  et  creusée  en  dessus,  prolongée  antérieure- 
ment en  deux  tubercules  coniques  ;  antennes  pas  plus  longues  que  le  thorax, 
de  dix  articles,  le  premier  court,  gros,  noduleux,  le  second  aussi  grand  que  les 
suivants  réunis,  très  épaissi,  ovalaire,  renflé  à  sa  base,  trois  fois  plus  long  que 
le  premier,  les  sept  suivants  d'égale  longueur,  très  petits,  le  dernier  un  peu 
épaissi,  muni  de  deux  soies  fines,  asse«  longues  ;  ocelles  nuls  ;  yeux  peu  sail- 
lants, allongés,  trigones^  ovalaires;  prothorax. à  bords  parallèles  en  dessus; 
mésothorax  triangulaire  ;  écusson  petit  ;  ailes  antérieures  hyalines,  à  nervures 
semblables  à  celles  des  Psylles. 

L'espèce  principale,  de  toute  l'Europe,  est  L.  juncorum,  Latr^  la 
Psylle  des  joncs ,  la  Livie  des  joncs,  de  Latreille  (pi.  cm,  fig.  12);  son  an- 
tennCj  de  3  millimètres  de  longj  brune,  avec  la  tête  et  le  thorax  ferru- 


APHIDIENS.  881 

gineux,  le  second  article  des  antennes  blanchâtre,  les  deux  avant-der- 
niers ferrugineux,  le  dernier  noir.  On  trouve  cette  espèce  sur  les  feuilles 
et  surtout  dans  les  fleurs  du  Jonc  articulé  {Juncus  articulatus  et  lampro- 
carpus) . 

Les  moyens  à  employer  pour  détruire  les  Psylliens  nuisibles  sont  ceux 
que  nous  indiquerons  à  propos  des  Aphidiens  et  des  Cocciens. 


Tribu  des  APUIDIENS. 


Les  Pucerons,  dont  le  nom  vient  de  la  petite  taille,  car  ils  ne  sautent 
à  aucun  de  leurs  états,  ont  parfois  0"i"i,5  de  longueur  seulement  et 
n'offrent  au  plus,  dans  quelques  espèces, que  5à6  millimètres  delong, 
et  la  tribu  tire  son  nom  de  celui  du  genre  principal  Aphis,  Linn. 
Une  difficulté  extrême  s'attache  à  l'étude  de  ces  minimes  insectes, 
en  raison  des  phénomènes  de  polymorphisme  et  de  génération  alter- 
nante qu'ils  présenlentt.  Ce  sont  des  insectes  à  corps  ovaluire  et  gonflé, 
d'une  consistance  molle  et  délicate,  le  plus  souvent  de  couleur  verte, 
parfois  jaune,  rougeâtre,  violette,  brune  ou  noire.  Après  la  mort,  ils  se 
rétrécissent  et  perdent  tellement  leur  forme  et  leur  couleur,  qu'ils  ne 
sont  plus  reconnaissables  et  ne  peuvent  guère,  à  cause  de  cela,  être 
conservés,  piqués  ou  collés,  dans  les  collections  ;  il  faut  les  placer  dans 
des  petits  tubes,  avec  un  mélange  d'alcool  et  de  glycérine.  Les  antennes, 
les  ailes,  la  tête  et  le  thorax  restent  seulement  assez  faciles  à  recon- 
naître ;  c'est  pourquoi  on  peut  toujours  former,  à  la  façon  ordinaire,  une 
collection  d'individus  ailés.  La  tête  élargie  est  de  forme  très  analogue 
dans  toutes  les  espèces.  Les  antennes,  quelquefois  plus  longues,  quel- 
quefois plus  courtes  que  le  corps,  sont  composées  de  5  à  7  articles.  Les 
yeux  composés,  analogues  à  ceux  des  Diptères,  proéminents,  souvent 
globuleux,  offrent  ordinairement  une  particularité  remarquable  dans 
l'existence  d'un  petit  tubercule  placé  en  arrière.  Ce  tubercule,  qui 
existe  aussi  chez  les  Aleurodiens,  a  la  forme  d'un  second  œil  à  réseau. 

Entre  l'œil  et  ce  tubercule,  il  y  a  une  petite  membrane  qui  les 
sépare-,  ils  sont  très  analogues  l'un  à  l'autre  dans  leur  structure, 
avec  moins  de  facettes  seulement  dans  le  tubercule  que  dans  l'œiL 
Les  yeux  sont  très  petits  dans  les  individus  non  ailés.  Les  ailés  ont, 
en  outre,  comme  les  Psylliens,  trois  ocelles,  deux  sur  le  vertex,  près 
des  yeux,  et  l'autre  sur  le  front,  entre  les  antennes  ;  ils  apparaissent 
à  l'état  de  nymphes  avant  la  dernière  mue,  et  ne  varient  jamais  dans 
leur  position.  Le  rostre  est  de  trois  articles,  plus  ou  moins  perpendi- 
culaire ou  incUné  sur  le  sternum;  il  naît  au-dessous  du  bord  postérieur 
de  la  tête  et  varie  en  longueur.  Dans  quelques  espèces  il  ne  dépasse 
guère  l'insertion  des  pattes  antérieures;  dans  d'autres  il  atteint  jusqu'à 
la  deuxième  ou  troisième  paire;  dans  d'autres  enfin,  il  est  plus  long 
uiRAitu.  m.  —  56 


882  HÉMIPTÈRES. 

que  le  corps  et  dépasse  plus  ou  moins  ]'extrëmité  de  l'abdomen.  Il  ren- 
ferme trois  soies  internes,  la  soie  centrale  formée  de  deux  gouttières 
accolées.  Ces  soies  sont  introduites  sous  l'épiderme  des  plantes  pour  en 
aspirer  la  sève.  Chez  les  Pucerons  aptères,  le  prothorax  est  plus  large 
que  la  tête  et  s'y  distingue  à  peine  des  deux  segments  suivants  et  des 
segments  abdominaux,  d'autant  moins  d'ailleurs  que'  le  Puceron  est 
plus  gras;  chez  les  ailés  le  prothorax  est  moins  large  que  la  tète.  Dans 
les  sujets  ailés,  soit  sexués  mâles,  soit  femelles  de  migration,  les  ailes 
très  minces  offrent  en  raison  de  cette  faible  épaisseur  des  couleurs  iri- 
sées (anneaux  colorés  des  lames  minces).  Des  quatre  ailes,  toujours  nues 
et  jamais  velues,  les  antérieures  sont  beaucoup  plus  longues  que  les  pos- 
térieures, et,  au  repos,  recouvrent  le  corps  en  forme  de  toit  et  dépassent 
son  extrémité.  Elles  offrent  toujours  une  côte  externe  et  une  nervure 
sous-costale  très  épaisse,  qui  s'élargit  vers  l'extrémité  et  forme  un  véri- 
table stigma  alaire.  Cette  grosse  nervure  longitudinale  émet  des  rameaux 
obliques,  simples  ou  bifurques;  les  ailes  postérieures,  beaucoup  plus 
petites  que  les  ant'^neures,  ont  des  nervures  peu  nombreuses,  et,  en 
général,  une  peii  ;'  1i  w  vul^use  à  la  côte  externe,  non  loin  de  Tex- 
trémité  {Pemphigui,  :  'uciuh  ,  Lnricethus).  Les  nervures  peu  nombreuses 
des  Pucerons  ailés  sont  assez  peu  constantes  dans  la  même  espèce  et 
même  peuvent  différer  de  l'aile  droite  à  l'aile  gauche. 

L'abdomen  consiste  dans  neuf  anneaux  ou  segments  à  peine  distincts 
dans  les  sujets  aptères  dont  le  ventre  est  gonflé.  Le  plus  souvent  (genre 
Aphis)  il  présente  deux  cornicules  qui  prennent  naissance  au  sixième 
segment  et  qui  varient  de  forme,  de  longueur  et  de  couleur  ;  elles  sont 
cylindriques,  en  massue,  ou  coniques,  tantôt  longues,  tantôt  courtes, 
remplacées  parfois  (genres  Luchnus,  Schizoneura)  par  deux  simples 
tubercules  qui  offrent  au  milieu  une  petite  ouverture  ronde,  disparais- 
sant complètement  dans  certaines  espèces.  Il  est  probable  que  ces  or- 
ganes sont  sous  la  dépendance  de  l'appareil  respiratoire,  et  en  outre, 
organes  de  sécrétions  spéciales,  car  il  en  sort  une  liqueur  visqueuse, 
noire,  brune,  rouge  ou  roussâtre,  jaune  ou  verte,  due  à  une  glande 
placée  à  la  base  de  la  cornicule.  Cette  sécrétion  a  été  très  bien  constatée 
par  Réaumur;  elle  est  tout  à  fait  différente  d'une  abondante  éjaculation 
d'un  miellat  sucré  et  incolore,  s'opérant  par  l'anus,  avec  trémoussement 
du  corps,  comme  par  une  sorte  de  ruade,  et  qui  poisse  les  parties  du 
végétal  où  sont  fixés  les  Pucerons.  Les  Noctuelles  et  aussi  les  Abeilles 
recherchent  souvent  ce  miellat  sucré,  et,  plus  encore,  beaucoup  d'es- 
pèces de  Fourmis,  qui  sollicitent  les  Pucerons  à  l'éjaculation  du  miellat 
dont  elles  sont  très  friandes  ;  elles  les  élèvent  parfois  dans  leurs  four- 
milières, comme  des  vaches  à  l'étable. 

En  outre  ce  miellat,  éjaculé  également  par  beaucoup  de  Cocciens, 
forme  sur  les  végétaux  un  terreau  particulier  où  se  développent  de 
microscopiques  champignons  noirs,  produisant  la  morfée  ou  fumagine, 
qui  arrête  la  respiration  des  parties  des  plantes  recouvertes  de  miellat 


APHIDIENS.  883 

et  peut  nuire  gravement  au  végétal.  Cette  fumagine  n'est  nullement 
implantée  dans  le  tissu  superficiel  de  la  plante,  qui  reste  sain  en  des- 
sous, comme  on  le  reconnaît  quand  on  enlève  à  la  brosse  l'enduit  noir 
de  fumagine,  ce  que  font  continuellement  les  marchands  d'oranges  et 
de  citrons,  quand  ils  reçoivent  des  fruits  noircis  par  places.  Générale- 
ment, le  dernier  segment  abdominal  porte,  comme  appendice  une 
petite  queue  au  bord  supérieur  de  l'anus,  noduleuse,  conique  ou  allongée 
en  sabre,  qui  n'apparaît  qu'après  la  dernière  mue  et  forme  un  bon 
caractère  distinctif  entre  les  Aphidiens  complètement'  développés  e', 
leurs  larves.  Les  pattes  sont  relativement  longues  et  grêles;  chaque 
tarse,  formé  de  deux  articles  seulement,  et  muni  de  deux  griffes. 

La  double  reproduction,  asexuée  et  sexuée,  des  Pucerons  est  un  des 
phénomènes  les  plus  curieux  de  leur  histoire.  Au  printemps,  à  une 
époque  plus  ou  moins  avancée  selon  la  température,  les  œufs  des  Pu- 
cerons pondus  à  l'arrière-saison,  en  général  sur  les  tiges  ou  sur  les  bour- 
geons, donnent  naissance  à  des  Pucerons  aptères.  Ceux-ci  en  dix  ou 
douze  jours,  si  le  temps  est  chaud,  et  après  avoir  subi  plusieurs  mues, 
mettent  au  monde  des  petits  vivants,  sans  l'intervention  d'aucun  mâle, 
comme  l'a  découvert  Ch.  Bonnet  en  17ZiO  sur  le  Puceron  du  fusain,  puis 
sur  ceux  du  sureau  et  du  plantain,  observés  également  en  été  et  où  il 
constatait  jusqu'à  neuf  générations  vivipares  et  agames.  Les  jeunes 
larves  sortent  du  cloaque  maternel,  leur  région  postérieure  en  avant  ; 
elles  étendent  vivement  leurs  pattes,  pour  prendre  pied,  même  avant 
que  leur  tête  soit  délivrée  ;  les  mères  ne  paraissent  nullement  souffrir 
de  cet  accouchement  et  ne  retirent  pas  leur  rostre  de  la  plante  nourri- 
cière. Les  larves  nouvellement  nées  se  trouvent  immédiatement  dans 
le  même  état  que  la  première  mère  quand  elle  sortait  de  l'œuf;  elles 
se  fixent  par  le  rostre  pour  sucer  la  sève,  s'accroissent  très  rapidement, 
en  subissant  ordinairement  quatre  mues,  et,  une  fois  bien  développées, 
ces  nourrices  ou  femelles  parthénogénésiques,  comme  elles  ont  été 
appelées,  mettent  à  leur  tour  au  monde  des  petits  vivants  sans  interven- 
tion de  mâles.  Plus  tard  Duvau  cita  un  élevage  pendant  sept  mois  du 
Puceron  de  la  fève  qui  donna  onze  générations.  Cette  gemmation  in- 
terne paraît  être  surtout  une  question  de  température,  car  Kyber,  en 
1815,  obtint,  sans  mâle  et  en  serre  chaude,  quatre  ans  de  reproductions 
vivipares  des  Pucerons  du  rosier  et  de  l'œillet.  Kaltenbach  observa  quinze 
à  seize  reproductions  successives  et  vivipares. 

Les  Pucerons,  uniquement  aptères  et  sédentaires,  finiraient  par  dispa- 
raître d'eux-mêmes  en  raison  de  l'épuisement  des  plantes  qui  les  nour- 
rissent. Un  fait  se  produit  qui  rappelle  l'essaimage  des  Abeilles  et  des 
Fourmis.  Certaines  femelles  aptères  montrent  de  courts  bâtonnets 
adhérents  à  la  face  dorsale,  qui  deviennent  bientôt  des  ailes,  et  ces 
femelles  de  migration  vont  fonder  au  loin  des  colonies  sur  des  arbres 
appropriés.  Ces  migrateurs  sont  aussi  des  femelles  vierges  parthénogé- 
nésiques. En  pressant  entre  les  doigts  une  de  ces  femelles  ailées,  par 


884  HÉMIPTÈKES. 

exemple  du  Puceron  vert  du  rosier  {Aphis  rosœ,  Linn.),  qu'on  commence 
à  trouver  dès  la  fin  de  mai,  on  voit  sortir  de  son  abdomen  une  matière 
verdàtre,  dans  laquelle  la  loupe  permet  de  voir  des  points  noirs,  qui 
sont  les  yeux  des  embryons  dans  un  état  plus  ou  moins  avancé  de  ges- 
tation. Ils  sont  ordinairement  au  nombre  d'une  dizaine,  faciles  à  sépa- 
rer et  à  compter,  et  certains  ont  déjà  leurs  pattes  et  leurs  antennes 
complètement  développées.  On  fait  également  sortir  des  petits,  dans  cet 
état,  du  ventre  des  femelles  aptères,  qui  sont  en  beaucoup  plus  grand 
nombre  que  les  femelles  ailées-  Quand  la  température  s'abaisse,  à  l'ar- 
rière-saison,  le  nombre  des  femelles  vivipares  qui  naissent  va  en  dimi- 
nuant, et  il  naît,  aussi  par  génération  vivipare,  des  lemelles  aptères, 
plus  grandes,  et  des  mâles,  plus  pelils  et  plus  nombreux,  généralement 
pourvus  d'ailes.  C'est  la  pbase  normale,  sexuée  et  ovipare,  qui  n'appa- 
raît qu'après  un  nombre  variable  de  générations  asexuées,  et  sous  la 
dépendance  de  la  température,  puisque  dans  les  serres  cbaudes  cette 
procréation  sexuelle  peut  manquer. 

L'unalomie  a  fait  constater  des  différence  internes  essentielles  entre  les 
Pucerons  agames  et  les  sexués.  Dans  les  auteurs  de  ce  siècle  il  faut  si- 
gnaler Dutrocbet  (Ann.  des  Se.  natur.,  XXX,  20k,  octobre  183a),  qui 
trouva  un  ovaire  à  dix  branches  dans  le  Puceron  de  la  chicorée,  renfer- 
mant des  fœtus  d'autant  plus  gros  qu'ils  sont  plus  près  de  l'oviducte. 
Léon  Duf )ur  (Recherches  sur  les  Hémiptères,  1833),  en  disséquant  les 
femelles  aptères  du  Puceron  du  rosier,  a  observé  douze  ovaires,  chacun 
composé  de  cinq 'ou  six  loges,  d'autant  plus  grosses  qu'elles  approchent 
plus  de  l'oviducte,  celles  du  bas  renfermant  des  fœtus  bien  reconnais- 
sablés  à  leurs  yeux  noirs.  Les  recherches  de  Ch.  Morren  furent  bien 
plus  complètes  sur  le  Puceron  du  pêcher  {Ann.  des  Se.  natur.,  1836).  Il 
reconnut,  en  té,  sur  les  femelles  aptères  vivipares,  un  ovaire  à  huit 
gaines,  chacune  à  trois  ou  quatre  loges,  contenant  des  fœtus.  En  au- 
tomne les  gaines  des  femelles  renfermaient  de  12  à  2k  petits  œufs,  ac- 
quérant leur  coque' dans  la  dernière  loge  et  le  petit  appendice  destiné 
à  les  fixer  lors  de  la  ponte.  Dans  le  mâle  il  trouva  quatre  à  cinq 
testicules  sphériques,  aboutissant  au  canal  déférent,  muni  au  bas  d'un 
renflement  séminal,  se  réunissant  à  son  congénère  pour  former  le  canal 
éjaculateur,  chaque  renflement  séminal  offrant  des  glandes  internes 
destinées  à  sécréter  un  liquide  diluant  le  sperme,  i'^n  1839,  M.  de  .Siebold 
compléta  ces  observations  (Ueher  die  innern  ijeschlechis  tcerkzengen  der 
Viviparen  und  Oviparen  Blattlause;  Froricp  7iotiz.,  1839,  t.  XII,  p.  305, 
308);  il  sépara  complètement  les  femelles  sexuées,  aptes  à  être  fécon- 
dées, pourvues  de  la  poche  copulatrice  mettant  le  sperme  du  mâle  en 
réserve  et  des  glandes  sébifiques,  d'avec  les  femelles  simplement  orga- 
nisées pour  produire  des  bourgeons  ou  keime  et  qui  n'ont  qu'un  keiin- 
lock  ou  gemmarium  au  lieu  d'un  eicrstock  ou  ovarium.  Ce  sont  des 
femelles  simplifiées  dont  les  œufs  subissent,  sans  avoir  besoin  du 
sperme  du  mâle,  un  développement  embryonnaire  dans  les  tubes  ovi- 


APHIDIENS.  885 

fères  eux-mêmes.  On  consultera,  pour  les  recherches  récentes  publiées 
en  français  :  Balbiani,  Mémoires  sur  la  génération  des  Aphidcs  {Ann.  des 
Se.  naiw.,  5"  série,  zool.,  vol.  XII,  1867;  vol.  XIV,  1870;  vol.  XV,  1872). 

I,es  femelles  sexuées  fécondées  pondent  leurs  œufs  sur  les  îiges  ou 
contre  les  bourgeons,  parfois  dans  des  lieux  voisins  et  abrités.  Ces 
œufs,  qui  au  printemps  donnent  une  femelle  aptère  et  vivipare,  sont 
souvent  couverts  de  substances  cireuses  exsudées  du  corps  de  la 
femelle  ovipare.  Le  Puceron  du  chêne  de  Geoffroy  et  de  Linnœus, 
vert,  jaune  ou  gris,  de  1"'"\5  de  longueur  seulement,  sans  corni- 
cules,  à  yeux  d'un  rouge  vif,  est  tellement  enveloppé  de  longs  fila- 
ments gris,  d'aspect  cotonneux,  qu'il  semble  être  un  flocon  de  coton 
mouvant  ;  les  femelles  aptères  transsudent  cette  sécrétion  ordinaire- 
ment de  certaines  granulations,  distribuées  par  séries  sur  leur  dos  et 
qui  restent  nues  quelque  temps  après  leur  changement  de  peau.  Par- 
fois, ainsi  dans  ÏAphi  padi,  Linn.,  certains  œufs  éclosent  à  la  fin  de 
l'automne  et  l'aptère  qui  en  sort  passe  l'hiver  dans  les  fentes  du  bois  ; 
il  y  a  aussi  des  Pucerons  ailés,  qui  passent  sans  périr  l'hiver  quand  il 
est  doux  et  produisent  au  printemps  des  petits  vivants.  Ainsi,  dans 
les  hivers  doux,  une  partie  des  Pucerons  lanigères  du  pommier 
{Schizoneitra  tanigera,  Hausmann)  restent  vivants  sur  les  pommiers 
en  espalier  en  s'abritant  entre  les  branches  et  le  mur  ;  toujours 
une  partie  des  sujets  de  cette  espèce  se  réfugient  en  hiver  sur  les 
racines,  de  sorte  que  des  femelles  aptères  et  vivipares  remontent  tout 
de  suite  sur  les  rameaux  aux  premiers  effluves  chauds  du  printemps. 

Il  y  a  quelquefois  chez  les  Pucerons  ailés  des  migrations  en  nombre 
immense  qui  rappellent  les  Criquets  voyageurs.  C'est  ce  qu'on  vit  en 
Belgique,  à  la  fin  de  septembre  et  au  commencement  d'octobre  183/i, 
pour  le  Puceron  du  pêcher,  Aphis  persicœ,  étudié  par  M.  Morren,  dont 
les  légions  envahirent  la  ville  de  Gand  par  troupes  si  serrées,  que  la 
lumière  du  soleil  en  fut  obscurcie,  que  les  murs  et  les  routes  en  étaient 
noircis  et  que  les  passants  étaient  obligés  de  se  protéger  les  yeux  par 
des  lunettes  et  de  se  couvrir  le  nez  et  la  bouche  d'un  mouchoir.  Une 
migration  analogue  eut  lieu  dans  le  sud  de  la  Suède,  le  7  octobre  1846, 
pour  les  Pucerons  des  galles  du  peuplier  {Pemphigus  bursarius).  A  Paris, 
en  juillet  18/i7,  une  innombrable  nuée  de  Pucerons  verts  voltigea  dans 
les  rues,  obligeant  les  piétons  d'agiter  leurs  mouchoirs  pour  protéger 
leurs  yeux.  La  grande  cour  du  collège  Louis-le-Grand  fut  couverte 
d'un  beau  tapis  vert.  Au  Jardin  des  triantes,  à  Franconville,  près  de 
Montmorency,  il  y  avait  sur  la  terre  une  couche  de  Pucerons  tellement 
épaisse  que,  pareille  à  une  neige,  elle  s'attachait  à  la  semelle  des 
chaussures.  A  l'automne  de  1853,  plusieurs  régions  de  l'Angleterre 
furent  envahies  par  d'immenses  vols  de  YAphis  rumicis. 

Les  Pucerons  ne  vivent  que  de  végétaux,  principalement  des  feuilles 
que  leurs  piqûres  déforment  souvent.  Fréquemment  aussi  on  les  ren- 
contre à  l'extrémité  des  jeunes  pousses,  sur  les  écorccs  et  même  sur 


886  HÉMIPTÈRES. 

les  racines,  ou  cachés  dans  des  espèces  de  galles,  par  exemple  sur  les 
ormes  et  les  peupliers,  ou  dans  des  recroquevillemenls  des  feuilles 
formés  à  la  suite  de  leurs  succions,  ainsi  sur  le  groseillier.  Ils  se  tien- 
nent notamment  dans  les  lieux  abrités  du  vent.  Les  vallées  profondes, 
les  clairières  des  bois,  le  penchant  des  collines  exposé  au  midi  ou  au 
levant,  les  cultures  entourées  de  haies,  les  châssis  et  les  serres,  tempé- 
rées ou  chaudes,  sont  favorables  à  leur  multiplication,  ainsi  que  la  cha- 
leur en  général,  et  l'abondance  du  suc  des  plantes.  C'est  surtout  cette 
dernière  cause  qui  fait  que  ces  insectes  se  trouvent  dans  les  terrains 
bien  fumés  et  les  mieux  cultivés,  comme  les  jardins,  dans  le  voisinage 
des  villes  et  villages.  Plus  on  s'éloigne  des  habitations  humaines  et 
moins  on  en  trouve.  Les  plantes  herbacées,  quoique  plus  nombreuses, 
ont  proportionnellement  moins  de  Pucerons  que  les  arbres,  et  rare- 
ment plusieurs  espèces  différentes  (la  Tanaisie  en  a  trois),  ce  qui  est, 
au  contraire,  assez  fréquent  sur  les  arbres  et  arbustes.  Le  chêne  seul 
en  nourrit  plus  de  six  espèces,  dans  le  tronc  une  espèce  différente  de 
celle  des  vieilles  branches,  dans  les  jeunes  branches  une  autre  que  sur 
les  feuilles,  etc.  Le  bouleau  et  le  saule  ont  de  sept  à  huit  espèces, 
l'orme  quatre,  le  groseillier  trois,  le  rosier  deux,  etc. 

Quelques  Pucerons,  exceptionnellement,  sont  polyphages  ;  certains 
peuvent  vivre  sur  cinq  ou  six  espèces  de  plantes;  ainsi  le  Puceron 
de  la  fève  vit  sur  le  pavot;  mais,  en  général,  un  Puceron  est  spécial  à 
un  végétal  déterminé,  à  ses  variétés  et  aux  espèces  voisines  de  la 
même  famille  naturelle.  Par  une  fausse  analogie  avec  les  Scolytiens, 
qui  subissent  des  conditions  spéciales  pour  l'existence  de  leurs  larves, 
beaucoup  d'auteurs  ont  écrit  que  les  Apliidiens,  et  pareillement  les  Coc- 
;iens,  recherchent  de  préférence  les  végétaux  déjà  afi'aiblis  et  malades. 
C'est  une  erreur  qu'il  faut  rectifier  :  tous  les  Pliytophthires  attaquent 
les  végétaux  les  plus  jeunes  et  les  plus  vigoureux.  Leur  prédominance 
sur  les  plantes  de  serre  ou  d'orangerie,  ou  abritées  dans  les  jardins, 
plutôt  que  sur  les  sujets  de  plein  air  des  bois  ou  des  champs,  tient, 
non  pas  à  ce  qu'ils  choisissent  des  sujets  affaiblis,  mais  à  ce  qu'ils  sont 
bien  moins  diminués  dans  ces  conditions  par  les  influences  atmosphé- 
riques et  les  entomophages  internes,  il  y  a  des  Pucerons  dont  les  suc- 
cions causent  des  nodosités  ou  exostoses  ligneuses  sur  les  tiges,  ainsi  le 
Puceron  lanigère  du  Pommier;  d'autres  déterminent  sur  les  feuilles 
des  plissements  ou  des  bosselures  qui  leur  servent  d'abri,  ou  même  de 
véritables  galles  (Pucerons  gallicoles),  qui  sont  remplies  de  leurs 
larves,  reposant  souvent  sur  un  duvet  cireux. 

Les  Pucerons  ont,  à  notre  grand  profit,  de  nombreux  ennemis  natu- 
rels, comme  les  larves  des  Coccinelles  (Coléoptères),  les  larves  des 
Chrysopes  ou  Lions  des  Pucerons  de  Réaumur  (Névroptères),  les  Antho- 
coris  (Hémipt.  hétér.),  les  larves  des  Syrphes  (Diptères)  et  des  Hymé- 
noptères térébrants  de  genres  variés,  comme  les  Aphidius,  la  famille 
des  Mymarides,  etc.  On  voit  enfin  quelquefois  sur  les  Pucerons  un  Aca- 


APHis.  887 

rien  allongé,  Acarus  coccineus  de  Schrank,  qui  se  nourrit  de  leur  sub- 
stance. 

APHl^îi,  Liiin.  —  Tète  petite;  antennes  filiformes,  souvent  plus  longues  que  le 
corps,  de  sept  articles,  les  deux  premiers  courts  et  épais,  le  troisième  le  plus 
long;  ocelles  nuls;  yeux  globuleux,  saillants;  rostre  presque  normal  au  corps, 
paraissant  naître  du  sternum,  entre  les  pattes  antérieures;  prothorax  court, 
transversal,  mésothorax  beaucoup  plus  grand  ;  ailes  antérieures  grandes  et  iri- 
sées, inclinées  en  toit  dans  le  repos,  avec  un  stigma  fusiforme,  d'où  partent 
deux  nervures  obliques  qui  vont  joindre  le  bord  interne,  une  troisième  (sous- 
costale)  qui  se  trifurque  à  l'extrémité,  et  une  dernière  qui  se  courbe  en  arc 
pour  former  une  cellule  ovale  à  rextré:nité  de  l'aile  ;  ailes  postérieures  beau- 
coup plus  petites,  avec  deux  nervures  obliques  partant  de  la  nervure  qui  longe 
la  côte  externe  ;  pattes  longues  et  grêles,  les  postérieures  plus  longues  que  les 
autres;  abdomen  muni  de  deux  cornicules  cylindriques  et  terminé  par  un  court 
apjjendice  caudal. 

Le  genre  Aphïs  compte  en  ICurope  plus  de  cinquante  espèces.  Une  des 
plus  vulgaires  est  A.  rosœ,  Linri.,  le  Puceron  de  rosier  (pi.  cm,  fig.  15, 
femelle  de  migration  :  15  a,  tète  et  thorax  vus  en  dessous;  15  b,  antenne; 
15  c,  larse  antérieur).  Long  de  2  à  3  millimètres,  ce  Puceron  est  vert, 
avec  des  taches  sur  le  thorax  ainsi  qu'au  bord  de  l'abdomen,  et  l'écus- 
son,  d'un  noir  luisant,  les  ailes  des  deux  paires  transparentes,  à  ner- 
vures vertes,  les  pattes  verdâtres,  à  articulations  blanches,  les  antennes 
noires  ainsi  que  les  cornicules,  ces  dernières  longues,  l'appendice  cau- 
dal assez  long,  en  forme  de  sabre.  Ces  Pucerons  verts  se  tiennent  très 
serrés  sur  les  jeunes  tiges  et  à  la  base  des  boutons;  ils  sont  très  nui- 
sibles, déterminant  la  crispation  des  feuilles,  atrophiant  les  jeunes 
branches,  empêchant  les  boutons  de  fleurir.  Dès  la  troisième  généra- 
tion apparaissent  des  femelles  ailées  de  migration  allant  propager  l'es- 
pèce sur  d'autres  rosiers,  les  Pucerons  verts  du  rosier  présentant  çà  et 
là  des  sujets  noirâtres.  D'après  Boisduval,  ce  sont  ou  des  femelles  ayant 
fini  leur  ponte  vivipare,  ou  des  femelles  recelant  des  larves  d'Aphidius. 
Le  rosier  nourrit  une  seconde  espèce  à'Aphis,  A.  rosarum,  Kaltenbach; 
moins  commune,  se  tenant  toujours  sous  les  feuilles,  surlout  des  rosiers 
forcés  en  hiver,  jamais  à  l'extrémité  des  jeunes  pousses,  ni  le  long  des 
pédoncules.  Ce  Puceron  est  ovale-lancéolé,  d'un  jaune  verdàtre  marqué 
de  petits  points  obscurs,  les  antennes  et  les  pattes  pâles,  les  cornicules 
allongées  et  grêles,  d'un  jaune  roussâtre,  la  queue  assez  longue. 

Sur  les  fèves  se  trouve  A.  fabœ,  Scopoli,  noir,  avec  les  antennes 
brunes,  les  ailes  des  deux  paires  diaphanes,  à  nervures  jaunâtres,  les 
pattes  jaunes  et  noires;  il  paraît  être  le  même  que  celui  des  pavots.  Le 
tilleul  est  attaqué  par  un  Puceron,  vivant  de  juin  à  août  sous  les  feuilles, 
éjaculant  un  miellat  très  abondant  qui  recouvre  les  feuilles  inférieures 
et  les  objets  placés  sous  les  tilleuls,  provoquant  bientôt  une  abondante 


888  HÉMIPTÈRES. 

fumagine  noire.  Ce  Puceron  est  d'un  vert  jaunâtre,  les  antennes  anne- 
lées  de  blanc  et  de  noir,  ainsi  que  les  pattes,  le  thorax  et  l'abdomen 
avec  des  lignes  de  points  noirs,  les  ailes  des  deux  paires  diaphanes  et 
ponctuées.  11  y  a  plusieurs  espèces  de  Pucerons  sur  le  pOcher.  L'un  est 
r.4.  persicœcola,  Boisduval,  syn.  :  persicœ,  Morren,  d'un  noir  verdâtre 
tacheté  de  noir,  avec  les  antennes  entièrement  noires,  l'abdomen  d'un 
jaune  roussâtre  tacheté  de  noir,  les  pattes  d'un  jaune  ferrugineux,  la 
queue  et  les  cornicules  de  longueur  normale.  C'est  à  cette  espèce  qu'ap- 
partenaient les  migrations  considérables  de  sujets  ailés  observées  en 
Belgique  par  Morren.  L'autre  espèce,  A.  persicœ,  Kaltenbach,  est  d'un 
brun  assez  clair  et  très  luisant  en  dessus,  d'un  vert  olivâtre  en  dessous, 
les  antennes  brunes  avec  le  troisième  article  jaunâtre,  les  cornicules 
très  courtes  et  la  queue  nulle;  les  couleurs  sont  plus  foncées  chez  les 
ailés.  Dans  les  hivers  doux,  des  sujets  demeurent  engourdis  contre  le 
mur,  sur  les  espaliers.  On  trouve  ces  Pucerons  logés  dans  les  cavités 
des  feuilles  claquées;  mais  ils  n'ont  pas  produit  la  cloque,  qui  est  due  à 
un  champignon  (Tulasne);  l'autre  Puceron  du  pêcher  a  les  mêmes  habi- 
tudes. 

Enfin,  sur  le  pêcher  et  aussi  sur  l'amandier  vit  un  Puceron  beaucoup 
plus  petit,  d'un  vert  tendre  et  sans  taches,  à  longues  ailes  transpa- 
rentes, VA.  amygdali,  Emile  Blanchard.  Le  prunier  nourrit  un  Puceron, 
A.  pruni,  Fabr.,  trop  connu  des  arboriculteurs,  très  commun  en  cer- 
taines années,  surtout  sur  les  pruniers  de  reine-claude  et  de  mirabelle, 
plus  rarement  sur  l'abricotier.  Il  est  vert  ou  verdâtre,  avec  une  ligne 
dorsale  brunâtre,  des  cornicules  brunes  assez  courtes  et  une  petite 
queue  verte.  Il  se  tient  sous  les  feuilles,  qu'il  crispe  et  chiffonne.  Les 
femelles  ovigères  aptères  pondent  leurs  œufs  en  septembre,  principa- 
lement dans  les  petits  enfoncements  qui  se  trouvent  entre  la  tige  et  les 
bourgeons  à  fruit,  œufs  d'abord  d'un  vert  foncé,  puis  d'un  noir  bru- 
nâtre, et  que  la  femelle  mère  recouvre  ensuite  d'une  matière  cireuse 
blanchâtre  d'aspect  cotonneux,  produite  par  les  côtés  et  le  dessous  de 
l'abdomen.  Ce  Puceron,  fort  visité  parles  Fourmis,  sécrète  un  miellat 
très  abondant,  qui  s'al tache  aux  feuilles  en  même  temps  que  la  pous- 
sière de  l'atmosphère,  et  leur  donne  un  aspect  malpropre. 

Le  genre  Schizoneura,  Hartig,  syn.  :  Myzoxylus,  Blot,  est  caractérisé 
par  des  antennes  courtes,  de  six  articles,  et  à  l'aile  antérieure,  une  ner- 
vure costale  (radius)  partant  du  milieu  d'un  stigma  épais  et  une  nervure 
sous-costale  (cubitus)  bifide,  l'abdomen  sans  cornicules.  L'espèce  type 
de  ce  genre  est  le  redoutable  Puceron  lanigère  du  pommier,  attaquant 
seulement  cet  arbre  à  fruit  et  dont  les  ravages  sont  souvent  assez  graves 
pour  lui  avoir  mérité  le  nom  de  Phylloxéra  du  pommier.  Ce  S.  lanigera, 
Hausmann  présente  des  aptères  de  l'"™,5  de  long  à  2  millimètres, 
ovoïdes,  d'un  rouge  violacé,  tachant  en  rouge  de  sang  les  doigts  qui  les 
pressent,  les  yeux  petits,  les  antennes  courtes  et  d'un  jaune  pâle,  le  ros- 
tre aussi  long  que  le  corps  dans  le  jeune  âge,  puis  s'atrophiant,  les 


SCHIZONEURA.  889 

pattes  grc'les;  deux  pores  au  septième  anneau  d'où  suinte  une  matière 
grasse.  Les  sujets  ailés,  de  2'"'", 5  de  long,  sont  de  couleur  plus  foncée, 
ont  des  yeux  plus  grands,  des  antennes  plus  courtes,  moins  longues  que 
la  tète  et  le  thorax  réunis,  des  pattes  bien  plus  longues,  translucides 
et  brunâtres,  plus  sombres  aux  articulations  de  la  cuisse  et  de  la 
jambe.  Les  aptères  et  les  ailés  se  recouvrent  sur  le  dos,  surtout  près  de 
l'anus,  d'un  long  duvet  cireux  et  blanc,  qui  empêche  l'action  de  l'eau 
et  des  solutions  aqueuses,  comme  aussi  de  la  poudre  de  pyrèthre  de  Vicat, 
si  efficace  à  l'égard  des  Pucerons  nus.  D'après  M.  J.  Liclitenstein,  de 
Montpellier,  il  y  a  deux  phases  de  migration,  à  quatre  ailes,  de  femelles 
qui  se  portent  sur  d'autres  pommiers  et  pondent  des  œufs  d'où  naissent 
des  aptères  vivipares.  En  outre,  il  a  découvert  l'existence  de  sexués 
très  petits,  ne  mangeant  pas,  sans  ailes  et  sans  rostre,  ne  pouvant  que 
s'accoupler.  Le  mâle  n'a  que  0'""\5  de  long  et  la  femelle  1  millimètre. 
liUe  est  entièrement  remplie  par  un  œuf  unique,  qu'elle  pond  en  au- 
tomne sur  les  écorces  ;  il  passe  l'hiver  et  donne  au  printemps  un  Puceron 
lanigère,  aptère  et  vivipare,  renouvelant  les  funestes  colonies.  C'est 
donc  une  espèce  polymorphe  faisant  un  passage  aux  Phylloxériens. 

Le  Puceron  lanigère  est  d'origine  très  incertaine.  On  le  dit  provenant 
d'Amérique,  par  importation  de  pommiers  du  Canada,  s'étant  d'abord 
montré  en  Angleterre  au  début  de  ce  siècle,  puis  en  Belgique  et  eu 
France,  où  il  s'est  propagé  du  nord  au  sud,  surtout  sur  les  pommiers 
des  jardins;  les  races  dont  les  fruits  contiennent  le  plus  de  principes 
sucrés  sont  les  plus  exposées  à  ses  attaques  ;  celles  dont  les  fruits  sont  in- 
sipides, acres  et  surtout  amers  sont  moins  atteints.  Il  n'atlaque  pas  les 
fleurs,  les  fruits,  les  feuilles,  mais  se  fixe  sur  l'ccorce,  à  la  partie  infé- 
rieure du  tronc,  d'où  il  se  propage  jusqu'aux  racines,  au-dessous  des 
greffes  et  surtout  sous  leur  poupée.  Il  aime  encore  à  se  loger  dans  les 
plaies  du  tronc  et  des  grosses  branches,  recherchant  principalement 
l'exposition  du  midi.  Il  a  peu  d'agilité  et  ne  change  guère  de  place, 
n'éjacule  pas  de  miellat  sucré  et  par  suite  n'attire  pas  les  Fourmis  ;  dans 
les  hivers  doux  une  partie  des  aptères  vivipares  survit  en  s'abritant 
entre  les  tiges  en  espalier  et  le  mur;  dans  les  hivers  plus  froids,  ils 
passent  sur  les  racines.  Par  le  fait  des  succions,  le  bois  devient  sec, 
noueux,  cassant,  présentant  bientôt  tous  les  symptômes  qui  caractéri- 
sent la  vieillesse  et  la  décrépitude  dans  les  arbres.  Les  galles  que  pro- 
duit sur  les  pommiers  la  présence  de  sa  progéniture  dans  leur  tissu,  se 
font  remarquer  seulement  à  la  surfa(;e  dans  les  deux  premières  années. 
Elles  ont  d'abord  une  croissance  rapide,  mais  au  bout  de  ce  temps  elles 
cessent  de  grossir.  Ordinairement  elles  ne  peuvent  plus,  au  bout  d'un 
intervalle  de  quatre  à  six  ans  où  elles  se  sont  desséchées,  servir  à  la 
nourriture  des  Insectes  qui  y  sont  fixés;  alors  ils  les  abandonnent,  ce 
qui  fait  que  de  vieux  pommiers  s'en  trouvent  quelquefois  débarrassés 
subitement.  11  faut,  en  raison  du  fort  duvet  cireux,  des  moyens  spéciaux 
pour  détruire  le  Puceron  lanigère,  ce  qui  a  été  réalisé  complètement 


890  HÊMIPTÈKES. 

par  M.  Vial,  chef  de  culture  des  arbres  fruitiers  au  Muséum  de  Paris. 
Le  flambage  à  la  torche  de  paille  au  printemps  est  dangereux  pour  les 
bourgeons  ;  le  badigeon  au  goudron  sur  des  pommiers  suffisamment 
jeunes  amène  un  retard  de  végétation,  puis  parfois  la  destruction  de 
l'arbre.  Le  mieux,  a  vu  M.  Vial,  est  un  corps  gras  liquide  quelconque, 
huile  ou  glycérine,  etc.,  étendu  sur  tout  l'arbre,  sans  oublier  aucune 
place.  Le  graissage  se  fait  une  première  fois  en  octobre  et  novembre, 
quand  il  n'y  a  plus  de  feuilles,  une  seconde  fois  au  début  de  la  végéta- 
tion, dès  que  les  boutons  commencent  à  grossir.  Le  succès  est  complet, 
sans  aucun  trouble  dans  la  végétation  du  pommier. 

Un  autre  Schizoneura  vit  sur  les  ormeaux  ou  ormes  en  buisson.  C'est 
le  S.  lanuginosa,  syn.  :  ulmi,  Linn.,  sphéroïde,  d'un  vert  foncé,  garni 
d'une  villosité  cotonneuse,  à  antennes  très  courtes,  à  pattes  raccourcies 
brunâtres,  sans  queue  ni  cornicules.  Ce  puceron  velu  pique  avec  son 
rostre  les  feuilles  des  ormes  ;  il  en  résulte  des  boursouflures  ou  grosses 
ampoules,  du  volume  d'une  noix  et  même  plus,  revêtues  de  poils,  te- 
nant à  la  feuille  par  un  pédicule,  demeurant  suspendues  sur  les  feuilles 
brunies  après  la  chute  des  feuilles  saines.  L'ampoule  s'ouvre  à  son  ex- 
trémité supérieure  à  la  fin  de  mai  et  donne  issue  à  des  Pucerons  ailés 
et  aptères. 

Le  genre  Lachnus  renferme  les  plus  grands  et  les  plus  trapus  des  Pu- 
cerons, il  offre  des  antennes  de  6  articles,  une  nervure  costale  naissant 
à  l'extrémité  d'un  stigma  linéaire  et  une  nervure  sous-costale  trifide, 
l'abdomen  en  section  quadrangulaire  élargie  d'avant  en  arrière,  man- 
quant de  cornicules,  mais  offrant  sur  les  côtés,  à  la  partie  la  plus  large, 
deux  mamelons  proéminents.  Les  Lachnus  éjaculent  un  miellat  abon- 
dant qui  attire  beaucoup  d'insectes.  Au  début  du  printemps,  sur  les 
bourgeons  des  saules  le  lang  des  cours  d'eau  se  trouve  le  L.  salicis, 
d'un  gris  cendré,  à  pattes  brunes,  les  postérieures  très  longues,  la  base 
des  cuisses  jaunâtre.  En  automne  se  rencontre  en  rangs  pressés  sur  les 
branches  du  chêne  rouvre  le  L.  roboris,  Kaltenbach,  l'aptère  d'un  brun 
foncé,  mesurant  en  moyenne  6  millimètres,  avec  un  rostre  trois  fois 
plus  grand,  les  antennes  sans  cesse  en  mouvement  pour  palper.  Les 
ailés,  qui  ont  plus  d'un  millimètre  en  longueur  en  moins  que  les  aptères, 
sont  velus  et  noirs  à  reflet  métallique.  Enfin  Von  Heyden  a  reconnu 
l'existence  d'une  génération  sexuée  dépourvue  de  rostre.  Outre  cette 
espèce  polymorphe,  les  chênes  ont  un  autre  Lachnus  et  des  Aphis. 

Le  genre  Tetraneura,  Hartig  offre  des  antennes  de  cinq  ou  six  articles, 
l'aile  antérieure  n'ayant  qu'une  nervure  sous-marginale  ou  cubitus 
simple  et  une  cellule  radiale,  l'aile  postérieure  une  seule  nervure  trans- 
rerse,  l'abdomen  dépourvu  de  cornicules,  et  de  mamelons  et  de  queue. 
Les  Pucerons  de  ce  genre  et  ceux  du  genre  Pcmphigus,  Hartig,  sont  des 
Pucerons  essentiellement  gallicoles,  vivant  dans  les  galles  et  les  bour- 
souflures sphériques  des  feuilles,  présentant  encore  beaucoup  de  la- 
cunes dans  l'étude  de  leur  développement  et  formant  un  nouveau  pas- 


itillANLUnA.    ADELGlS.  891 

sage  avec  les  Phylloxériens.  Une  espèce  du  premier  genre  est  le  Tetra- 
neura  ulmi.  De  Géer,  autre  espèce  que  le  Schizoneura  ulini,  I>inn.  ou 
l'uceron  velu  des  ormeaux.  Le  Tetraneura  ulmi  ou  Puceron  des  petites 
galles  de  l'orme,  se  trouve  sur  les  feuilles  des  ormeaux  et  aussi  des 
ormes  en  arbres;  il  est  glabre,  luisant,  d'un  noir  verdâtre,sans  aucune 
villosité  cotonneuse.  Il  produit  sur  les  feuilles  de  l'orme  des  galles 
glabres,  atteignant  au  plus  la  grosseur  d'une  fève.  La  galle,  d'abord 
rouge,  devient  peu  à  peu  jaune,  s'ouvre  au  mois  de  juillet  par  une 
fente  placée  au  sommet  et  donnant  passage  aux  insectes  aptères  et  ailés 
qui  l'habitent  et  la  produisent. 

Dans  le  genre  Pemphigus,  Hartig,  du  grec  Pemphix,  boursouflure, 
il  y  a  deux  nervures  transversales  sur  les  ailes  inférieures.  Le  type  de 
ce  genre  est  le  P.  bursarius,  Linn.,  le  Puceron  du  peuplier  noir  de  Geof- 
froy, étudié  et  figuré  par  Réaumur.  A  l'état  ailé  le  P.  bursarius  a  des 
antennes  de  six  articles,  légèrement  annelées,  le  6"  article  effilé.  11 
provient  d'une  larve  verdûtre,  un  peu  poudrée.  La  mère,  aptère  et 
très  épaisse,  fortement  bombée,  est  revêtue  d'un  duvet  blanc  et  court. 
Elle  mesure  a""™, 25  de  longueur  ;  ses  antennes,  très  courtes,  sont  for- 
mées de  quatre  articles,  dont  le  troisième  est  le  plus  long.  Ces  Pucerons 
vivent  dans  les  tubérosités  un  peu  contournées  qu'on  remarque  sur  les 
pédicules  des  feuilles  de  peuplier  et  qui  s'ouvrent  à  la  fin  de  l'été  par 
une  fente  longitudinale  pour  donner  issue  aux  Pemphigus  ailés  qui  les 
habitent.  Uerbès  a  étudié  le  P.  terebinthi,  qui  fait  ses  galles  sur  les 
Térébinthacées  dans  le  midi  de  la  France.  Des  sujets  ailés  passent 
l'hiver  et  mettent  au  monde  au  printemps,  dans  les  crevasses  dé  la 
plante  nourricière,  des  sexués  à  pièces  buccales  atrophiées,  ne  vivant 
que  quelques  jours  et  dont  les  femelles  s'accouplent  avec  des  milles 
plus  petits  qu'elles,  qui  meurent  aussitôt  après.  Les  femelles  meurent 
aussi  et  leur  corps  durci  entoure  un  œuf  unique,  qui  est  ainsi  protégé 
à  la  façon  des  Lécanides  dans  les  Cocciens,  où  le  cadavre  maternel 
abrite  les  nombreux  œufs  qu'il  recouvre.  De  cet  œuf  èclôt  une  femelle 
aptère  parthénogénésique.  Sous  les  piqûres  de  ces  femelles  le  tissu  de 
la  plante  prend  des  tuméfactions,  qui  ont  leur  plus  furte  grosseur  à  la 
fin  de  mai.  Ces  galles  renferment  non  seulement  la  mère  protluctrice 
(quelquefois  deux),  mais  une  foule  de  petits  engendrés  par  elle,  plus 
petits  qu'elle  et  pourvus  d'ailes  après  leur  mue.  Ce  sont  tous  des  femelles 
qui  essaiment  après  l'ouverture  de  la  galle,  dans  laquelle  elles  ne  met- 
tent jamais  bas.  On  ne  sait  pas  au  juste  si  te  sont  ces  ailés  mêmes  ou 
leur  descendance  ailée  qui  passent  l'hiver  et  donnent  les  sexués  du 
printemps. 

Les  Conifères  possèdent  des  îHicerons  particuliers  dont  les  formes 
extérieures  d'un  corps  à  séries  de  tubercules,  et  les  pattes  courtes 
et  fortes  rappellent  les  Phylloxéras,  ce  sont  les  Adelges,  Vallot,  nom  que 
nous  préférons  à  celui  de  Chermes,  Linn.,  qui  prête  à  confusion  avec 
une  partie  des  Cocciens.  Les  auteurs  allemands  les  nomment  Poux  de 


892  HÉMIPTÈRES. 

Sapins.  Les  antennes  ont  cinq  articles,  les  ailes  antérieures  ont  un 
cubitus  simple,  sans  cellules  radiales,  les  ailes  inférieures  ont  une  ner- 
vule  transversale  ;  l'abdomen  est  dépourvu  de  cornicules,  de  mame- 
lons et  d'appendice  caudal.  Deux  espèces  existent  en  France.  L'une  est 
A.  abietis,  Linn.,  la  Psylle  du  sapin,  de  Cieoiïroy,  très  petit,  de  1  milli- 
mètre seulement,  jaune  ou  roussâtre,  à  gros  yeux  bruns  saillants,  avec 
un  point  noir  bien  marqué  sur  le  front;  les  sujets  ailés  ont  les  ailes  en 
toit  sur  le  corps,  beaucoup  plus  courtes  que  chez  les  ApJiis,  transpa- 
rentes, à  reflet  bleuâirc.  Le  bout  des  rameaux  des  épicéas  et  des  sapins 
piqué  par  la  femelle  pour  y  déposer  ses  œufs,  se  dilate  et  forme  des 
écailles  disposées  en  alvéoles  ou  cellules  ouvertes  remplies  de  larves 
à'Adelges,  entourées  d'un  duvet.  Dans  les  parcs,  il  faut  couper  et 
brûler  ces  galles  alvéolées.  Une  seconde  espèce,  de  plus  forte  taille, 
est  très  commune  sur  les  mélèzes  d'avril  à  août.  Cet  A.  strobilobius, 
Kalfenbach,  est  d'un  rouge  assez  foncé,  plus  obscur  en  dessous.  L'ab- 
domen offre  à  son  extrémité  une  tache  assez  grosse,  saupoudrée  de 
blanc.  Les  piqûres  des  femelles  ne  produisent  pas  de  vraies  galles, 
mais  le  jaunissement  et  le  recroquevillement  des  feuilles,  où  se  logent 
les  larves.  Les  générations  aptères  et  ailées  des  Adelges  se  succèdent, 
probablement  avec  parthénogenèse.  On  n'a  encore  découvert  ni 
mâles  authentiques,  ni  sexués  destinés  à  donner  des  œufs  d'hiver.  De 
nouvelles  études  sont  nécessaires. 

Tous  les  Pucerons  dont  il  vient  d'être  question  sont  aériens  et  vivent  à 
découvert  sur  les  plantes  ;  ils  offrent,  dans  certaines  phases,  des  sujets 
pourvus  d'ailes,  chargés  de  disséminer  l'espèce.  Un  certain  nombre  de 
moyens  sont  à  notre  disposition  pour  atténuer  beaucoup  leur 
nombre  et  par  suite  diminuer  leurs  ravages.  Il  faut  faire  la  taille, 
en  janvier  et  février,  des  bouts  de  branches  où  les  Pucerons 
déposent  leurs  œufs  et  les  brûler;  on  doit  opérer  une  inspection 
très  sévère  des  planlos  importées  en  hiver  et  examiner  avec  une 
forte  loupe  si  elles  n'ont  pas  d'œufs  de  Pucerons.  Quand  les  insectes 
sont  développés  sur  les  plantes,  le  meilleur  moyen  destructeur,  méca- 
nique et  non  chimique,  est  une  forte  injection  d'eau  froide  à  la  pompe 
de  jardin,  dont  l'effet,  analogue  à  celui  des  grandes  pluies  d'orage,  est 
d'entraîner  et  de  noyer  la  plupart  des  Pucerons.  On  peut  encore  faire 
des  badigeons  de  lait  de  chaux  additionné  d'acide  phénique.  En  petit 
on  opère  des  lotions  avec  des  infusions  de  tabac,  ou  de  la  benzine,  ou  de 
l'alcool  ou  de  l'esprit  de  bois.  Sous  les  châssis  et  en  serre  chaude  bien 
calfeutrée  on  emploie  des  fumigations  de  tabac.  L'insufflation  de  poudre 
de  pyrèlhre  de  Vicat  est  très  efficace  sur  tous  k's  Pucerons  nus,  mais 
insuffisante  à  l'égard  des  Pucerons  bien  duveteux.  11  est  bon,  pour  les 
Pucerons  comme  pour  tous  les  insectes  tombés  des  branches  sous  l'ac- 
tion de  la  poudre  de  pyrètlire,  d'ébouillanter  ensuite  le  sul,  afin  d'em- 
pêcher tout  réveil  des  sujets  qui  n'auraient  été  qu'engourdis. 

Nous  avons  à  dessein  laissé  de  côté  un  important  groupe,  celui  des 


PUCERONS   SOUTERRAINS.  893 

Pucerons  souterrains,  les  Rhizobius,  de  Burn:]eister,  et  genres  annexes. 
Ces  Insectes,  qui  vivent  sur  les  racines  de  beaucoup  de  végétaux,  sont 
souvent  confondus  avec  la  phase  radicicole  du  Phylloxéra  de  la  vigne  ;  de 
là  ces  annonces  illusoires  de  plantes  à  semer  dans  les  vignes,  devant 
attirer  le  Phylloxéra  sur  leurs  racines,  au  bénéfice  du  vignoble.  Ces 
Pucerons  souterrains  n'ont  jamais  d'ailes;  ils  ont  des  antennes  de  six 
articles,  à  peine  moitié  aussi  longues  que  leur  corps  ;  l'abdomen,  très 
gonflé,  est  court  et  épais,  sans  cornicules  ni  mamelons.  C'est  donc  bien 
et  exclusivement  par  l'anus  qu'ils  éjaculent  un  abondant  miellat  sucré, 
attirant  les  Fourmis  à  un  tel  point  qu'elles  établissent  leur  fourmilière 
autour  des  racines  puceronées  et  qu'elles  ont  ainsi  de  véritables  étables 
à  vaches;  ces  mœurs  se  remarquent  notamment  pour  le  Formica  jlava. 
Le  Rhizobius  raûicum,  Kirby,  syn.  :  Farda  formicaria,  von  Heyden, 
Rhizoterus  vacca,  Hartig,  est  glabre,  ovale,  raccourci,  en  entier  d'un 
jaune  orangé,  bordé  de  jaune  verdàtre,  couleur  qui  est  aussi  celle  des 
antennes  et  des  pattes.  Il  vit  en  nombreuses  familles  sur  les  racines  des 
Graminées,  dans  les  prés  et  les  pelouses,  les  suce,  et  on  voit  les  plantes 
se  faner  et  périr,  comme  si  les  racines  étaient  rongées  par  les  vers 
blancs.  Ces  Pucerons  sont  en  relation  continuelle  avec  des  Fourmis,  qui 
les  lèchent,  les  soignent  et  probablement  les  transportent  des  racines 
épuisées  sur  celles  d'une  plante  bien  portante.  Le  Puceron  des  racines 
des  Graminées  et  des  espèces  voisines  a  causé  des  paniques  en  faisant 
croire  que  le  Phylloxéra  passait  des  racines  de  la  vigne  à  celles  du  blé.  Une 
espèce  très  voisine  est  le  Forda  myrmccaria  ou  Puceron  des  poteries.  Il 
vit  de  même  au  milieu  des  Fourmis  ;  il  est  plus  petit  que  le  précédent, 
plus  convexe,  d'un  blanc  grisâtre  étiolé,  avec  les  tarses  et  les  antennes 
de  couleur  brunâtre.  On  le  rencontre  dans  la  poterie  des  serres  et  quel- 
quefois dans  les  pots  de  jardin,  au  pied  des  Cactus,  des  Fuchsia,  des 
Lantana,  des  Cuphea,  etc.  Il  n'y  a  d'autre  moyen  de  le  détruire  que 
de  bien  nettoyer  les  plantes,  en  les  secouant  sur  un  baquet  rempli 
d'eau  et  de  leur  donner  un  bon  rempotage  dans  de  la  terre  neuve. 

Un  autre  Puceron  souterrain,  qui  ne  mange  jamais  de  Graminées, 
du  genre  Trama,  von  Heyden,  est  le  T.  troglodytes,  von  Heyden,  syn.  : 
T.  rac/ïc/s,  Kaltenbach,  velu,  ovale  et  allongé,  d'un  jaune  pâle  ou  d'un 
blanc  grisâtre  mat,  sans  ailes  chez  les  mâles  comme  chez  les  femelles, 
vivant  en  familles  très  nombreuses  au  milieu  des  Fourmis,  exclusive- 
ment sur  les  racines  des  Synanthérées.  telles  que  pissenlits,  chardons 
des  champs,  laiteron,  artichaut,  piloselle,  laitue,  chicorée,  scarole,  etc. 
Il  fait  beaucoup  de  tort  aux  maraîchers  pendant  les  mois  d'automne  et 
même  pendant  les  hivers  doux  et  pluvieux  ;  les  salades  qui  ont  ce  Pu- 
ceron sur  leurs  racines  se  fanent  et  tombent  en  javelle,  comme  disent 
les  maraîchers.  On  a  signalé  un  Puceron  sur  les  racines  des  pins,  le 
Rhizobius  pini,  Burmeister.  On  peut  employer  contre  les  Pucerons  radi- 
cicoles  des  arrosages  avec  une  solution  étendue  de  sulfocarbonate  de 
potassium,  ou  des  sels  de  fer,  ou  des  solutions  d'euphorbe,  de  Quassia 


894  HÉMIPTÈRES. 

amara,  de  Stramoiu'um,  de  feuilles  de  noyer,  de  tabac,  etc.,  addition- 
nées d'un  peu  de  sel  de  cuisine. 

Des  faits  nouveaux  sont  venus  encore  compliquer  l'élude  des  Puce- 
rons souterrains  des  racines  et  font  supposer,  au  moins  dans  certains 
cas,  un  polymorphisme  avec  générations  alternantes,  ayant  une  certaine 
analogie  avec  les  phénomènes  reconnus  pour  les  femelles  deCynipiens 
de  la  même  espèce  produisant  alternativement  sur  différents  organes 
d'une  même  plante  des  galles  absolument  différentes.  M.  J.  I.ichtenstein, 
de  Montpellier,  a  annoncé  que  les  petits  Pucerons  aptères  et  agames 
des  galles  rouges  et  crispées  des  feuilles  des  ormeaux  donnent  des 
larves  ^ivantes  qui,  dans  leur  mues,  prennent  des  ailes  et  s'en- 
volent par  des  fentes  qui  se  forment  dans  la  galle.  Ces  ailés  émigrent 
du  berceau  maternel  dans  les  champs,  et  là,  sur  le  collet  des  racines 
des  Graminées,  en  particulier  du  chiendent  et  du  maïs,  pondent,  comme 
leur  mère,  de  petits  Pucerons  aptères,  qui  se  fixent  sous  terre  aux 
racines  des  Graminées  et  y  forment  des  colonies  douées  d'une  faculté 
de  reproduction  agame  très  remarquable,  plus  ou  moins  longue  et  par- 
fois même  très  probablement  indéfinie.  Ces  insectes,  amenés  en  juin  et 
juillet  sur  les  racines,  sont  "aptes  à  reproduire  au  bout  de  deux  mois 
une  forme  de  petits  nés  vivants  et  qui  reprennent  des  ailes  et  reviennent 
sur  le  tronc  des  ormeaux. 

M.  Lichtenstein  a  recueilli  des  milliers  de  ces  ailés  provenant  du 
dehors  en  entourant  de  bandes  de  papier  les  tiges  à  écorce  hsse  des 
jeunes  ormeaux.  Dans  d'autres  expériences  il  apporte  directement  et 
abrite  sous  la  bande  de  papier  les  petits  Pucerons  ailés  qu'il  recueille 
sur  les  racines  de  chiendent.  Ces  ailés  pondent  des  œufs  de  deux  gros- 
seurs, d'où  éclosent  très  rapidement  de  très  petits  Pucerons  sans  rostre. 
Ce  sont  des  sexués,  les  plus  petits  mâles,  les  plus  gros  femelles.  Ces 
sexués  s'accouplent  après  quatre  mues  très  rapides  ;  puis  les  mâles  meu- 
rent et  les  femelles  s'abritent  dans  les  crevasses  de  l'écorce  des  ormeaux. 
Un  œuf  unique  se  développe  en  elles  et  s'enkyste  dans  la  peau  racornie 
de  la  mère,  qui  fournit  à  l'œuf  une  seconde  enveloppe  protectrice.  Ces 
mères  desséchées,  mortes  et  noires,  avec  leur  œuf  enkysté,  se  trouvent 
en  hiver  sous  les  écorces  de  VUlmus  campestris.  Au  printemps,  dès  que 
poussent  les  premières  feuilles  de  l'ormeau,  ces  œufs  d'hiver  éclosent 
et  il  en  sort  un  petit  Puceron  noir,  muni  d'un  rostre  très  long.  C'est  le 
Tetraneura  ulmi,  qui  se  fixe  sous  les  feuilles  et,  par  la  piqûre  de  son 
rostre,  occasionne  un  afflux  de  sève  qui  forme  un  bourrelet  concave 
par-dessous,  convexe  par-dessus,  s'élevant  à  la  surface  de  la  feuille  et 
devient  une  petite  verrue  rouge,  qui  grossit  assez  vite  sous  les  piqûres 
réitérées  de  l'Insecte  et  forme  une  galle  lisse  et  verte  de  la  grosseur 
d'un  pois  chiche  ;  puis  le  double  cycle  évolutif  recommence. 

M.  Geyza  von  Horwath,  à  Buda-Pest,  en  Hongrie,  a  constaté  des  faits 
pareils  pour  un  Puceron  souterrain,  répandu  en  Hongrie  sur  les  racines 
de  diverses  Graminées,  et  notamment  du  maïs,  et  qu'on  nommait  Pem- 


PHYLLOXÉRIENS.  895 

phigus  zeœmaidis.  Il  a  observé  que  ce  Puceron  effectuait  son  évolution 
à  la  manière  du  Tetraneura  ulmi,  et  vivait  alternativement  sur  les 
ormeaux,  sur  les  racines  du  raaïs,  puis  de  nouveau  sur  les  ormeaux. 
Nous  nous  garderons  bien  de  généraliser  prématurément  ces  curieuses 
observations,  qui  rattachent  les  Phylloxériens  aux  Pucerons,  mais  qui 
ont  besoin  de  vérifications  expérimentales  par  de  nouveaux  observa- 
teurs. Voici  la  bibliographie  à  consulter  sur  ce  sujet  :  J.  Lichtenstein, 
les  Migrations  du  Puceron  des  galles  rouges  de  VOrmeau  champêtre 
{Comptes  rendus  de  VAcad.  des  sciences,  1882,  t.  XCV,  p.  1171),  avec 
critique  et  contestation  de  l'exactitude  des  observations,  par  M.  Bal- 
biani(/6e&'.,  18  décembre  1882);  J.  Lichtenstein,  le  Naturaliste  (numéro 
du  1^''  mai  1884),  les  Migrations  des  Pucerons,  p.  /|51  {Ibid.,  De  révolution 
biologique  des  Pucerons  en  général  et  du  Phylloxéra  enparticulier,  br.  in-12, 
Paris-Iiordeaux,  librairie  vinicole  et  viticole).  —  G.  Von  Horwath,  Sur 
les  migrations  des  Pucerons  {Revue  d'entomologie,  t.  II,  1883,  p.  6/i). 


Tribu  des  phtllO]LérieN!§. 


Cette  tribu,  tristement  célèbre,  est  d'une  existence  récente,  car  on 
n'a  pu  l'établir  qu'après  la  connaissance  approfondie  de  la  seule  espèce 
importante  qu'elle  présente,  celle  qui  s'attaque  exclusivement  aux 
vignes  de  diverses  espèces,  et  qu'on  a  eu  l'occasion  de  trop  connaître. 
Les  Phylloxériens  sont  aptères  et  ressemblent  aux  Cocciens,  dont  les 
femelles  n'ont  jamais  d'ailes;  en  outre,  dans  toutes  leurs  phases,  les 
Phylloxériens,  qui  sont  essentiellement  polymorphes,  se  reproduisent 
exclusivement  par  des  œufs  sans  viviparité,  ce  qui  est  encore  un  carac- 
tère de  Cocciens;  mais  la  forme  ailée  des  Phylloxériens  prend,  au  con- 
traire, des  caractèresd'Aphidiens.  Lesantennes  des  Phylloxériens  sont  de 
trois  articles,  le  dernier,  le  plus  long,  tronqué  le  plus  souvent  en  biseau 
à  l'extrémité,  muni  de  tympans  (un  ou  deux),  organes  d'olfaction  et 
d'audition;  il  y  a  des  yeux  de  diverses  sortes;  les  pattes  sont  courtes;  le 
corps  présente  en  dessus  des  rangées  de  tubercules  chez  les  adultes; 
les  tarses  ont  deux  articles  chez  les  adultes,  un  chez  les  jeunes  larves, 
il  n'y  a  ni  cornicules,  ni  mamelons  à  l'abdomen,  pas  de  sécrétions 
cireuses  ni  sucrées;  aussi  aucune  commensalité  avec  les  Fourmis.  Les 
formes  du  cycle  phylloxérien  sont  au  nombre  de  trois  :  1°  agames  sé- 
dentaires, aptères  et  rostres;  2'^  agames  migrateurs,  ailés  et  rostres; 
3°  sexués,  aptères  chez  le  mâle  et  la  femelle,  sans  rostre. 

Nous  allons  examiner  successivement  les  trois  formes' dans  l'espèce 
funeste  aux  vignes  :  Phylloxéra  vastatrix,  Planchon  (1868). 

1°  Forme  sédentaire  agame,  aptère  et  rostrée. 

Le  Phylloxéra  souterrain  des  racines  de  la  vigne,  qui  constituent  son 
habitation  presque  exclusivement  pour  les  vignes  d'Europe  :  Vitisvini- 


896 


HÉMIPTÈRES. 


/"cra,  Linn.,  est  un  minime  insecte  dodu  et  renflé,  offrant  un  peu  l'ap- 
parence cVun  petit  Pou,  d'une  couleur  jaune  rembrunie,  ayant  environ 
3//i  de  millimètre  de  longueur  sur  1/2  de  large.  Pour  le  bien  étudier,  il 
faut  armer  l'œil  d'une  loupe;  cependant  on  le  voit  aisément  à  l'œil  nu; 


/C-i 


FiG.  35.  —    Phylloxéra  femelle, 
agame  et  aptèrBj  en  dessus. 


FiG.  36. 


Phylloxéra  suçant  la  sève, 
vu  de  profil. 


les  paysans,  qui  se  couchent  de  bonne  heure,  et  dont  la  rétine  de  l'œil 
n'est  pas  fatiguée  par  la  lumière  jaune,  la  plus  intense  des  couleurs  du 
spectre,  des  lampes  et  du  gaz,  les  distinguent  très  bien  à  la  vue  simple, 
et  ne  tardent  pas  a  repousser  le  secours  inutile  des  loupes.  Les  racines 


FiG.  37.  —  Pièces  perforantes 
séparées. 


l'ic.  38.  —  Phylloxéraen dessous,  montrant 
lespiècesbuccalesen  position  normale. 


sont  souvent  tellement  chargées,  d'Insectes  qu'elles  paraissent  couvertes 
d'une  poussière  jaune  et  tachent  en  jaune  les  doigts  qui  les  pressent. 
L'Insecte  présente  un  corps  d'un  jaune  un  peu  verdâtre,  arrondi  en 
avant,  alténuô  en  arrière,  partagé  en  segments  par  des  sillons  trans- 
versaux, dont  les  premiers  portent  six,  les  suivants  quatre  rangées  de 


PHYLLOXÉRIENS. 


897 


petits  tubercules.  La  tête  se  replie  un  peu  au-dessous  du  corps;  elle 
porte  sur  les  côtés  deux  yeux  bruns,  composés  de  trois  facettes  ou  trois 
stemmates  accolés,  car  le  Phylloxéra,  bien  que  souterrain  d'habitude,  a 
parfois  besoin  de  venir  ù  la  surface  du  sol  et  de  se  diriger  à  la  lumière 
du  jour.  Deux  fprtes  antennes  se  voient  en  avant,  à  trois  articles,  les 
deux  premiers  gros  et  courts,  le  dernier  muni  d'un  tympan,  en  massue 


FlG.  39.  —  Radicelle  couverte  de  larves  de  Phylloxéras. 


allongée,  ridée  en  travers,  l'extrémité  taillée  en  biseau  oblique.  Un 
rostre  assez  grêle,  formé  de  quatre  articulations,  droit  ou  très  souvent 
oblique,  existe  sous  la  tète,  constitué  par  trois  soies,  une  centrale  (mâ- 
choires accolées),  deux  divergentes  (mandibules).  La  sève  monte  par 
capillarité  dans  l'espace  intermédiaire.  Le  premier  tiers  seulement  de 
ce  suçoir  pénètre  dans  l'écorce  de  la  racine.  Les  pattes  sont  courtes  et 
grêles. 
Cette  femelle,  fixée,  pond  autour  d'elle,  en  petits  tas,  l'extrémité  de 

GlUABD.  III.  —  57 


898  HÉMIPTÈRES, 

l'abdomen  s'allongeant  alors,  des  œufs  bien  ellipsoïdes,  longs  de  Om^.S/i 
sur  O'"™,!:^  de  large,  d'abord  d'un  beau  jaune-soufre,  puis  prenant  peu 
à  peu  une  teinte  grisâtre  et  enfumée.  A  un  bout,  on  y  remarque,  au 
microscope,  deux  points  rouges,  qui  sont  les  yeux  de  l'embryon.  Au 
bout  de  huit  jours  environ,  sort  de  cet  œuf  une  larve  qui,  sauf  la  taille, 
ressemble  à  la  mrre  pondeuse.  Elle  est  d'un  jaune  un  peu  verdàlre, 
avec  les  antennes,  le  rostre  et  les  pattes  relativement  plus  grands  que 
chez  l'adulte  aptère.  D'abord  errante  et  agile,  remuant  vivement  les 
pattes  et  surtout  les  antennes,  qu'elle  élève  ou  abaisse  l'une  ou  l'autre 
alternativement,  on  dirait  qu'elle  s'en  sert  en  marchant  comme  de 
béquilles.  La  petite  larve,  au  bout  de  trois  ou  quatre  jours,  a  choisi  sa 
place  sur  la  racine  et  y  devient  stationnaire,  fixée  par  son  rostre  enfoncé. 
Elle  n'a  qu'un  article  aux  tarses  ;  ce  n'est  que  plus  tard  qu'elle  en  prend 
deux.  A  mesure  qu'elle  absorbe  les  sucs  de  la  vigne  et  détruit  la  vitalité 
de  la  plante,  elle  subit  trois  mues,  à  des  intervalles  de  trois  à  cinq  jours, 
et  les  jeunes  larves  sont  dépourvues  de  tubercules  saillants,  signe  de 
l'état  adulte.  La  larve  qui  s'apprête  à  muer  s'allonge  beaucoup  dans  la 
région  postérieure,  qu'elle  recourbe  souvent  en  dessus,  montrant  l'anus. 
La  femelle  aptère  est  adulte  au  bout  de  vingt  jours  environ,  et  pond, 
sans  concours  de  mâle,  pendant  un  temps  peu  déterminé,  très  in- 
fluencé par  la  température.  Chaque  femelle  pond  une  trentaine  d'œufs. 
Les  générations  annuelles  se  succèdent  dans  le  midi  de  la  France  du 
15  avril  environ  au  l'^"'  novembre,  dans  le  Bordelais  et  les  Charentes  à 
partir  de  la  première  quinzaine  de  mai;  on  évalue,  mais  sans  certitude, 
le  nombre  des  pontes  à  huit  par  an  :  ce  qui  donne,  à  trente  œufs  par 
mère,  une  postérité  de  vingt-cinq  à  trente  millions  de  sujets  pour  un 
seul  iiulividu  de  printemps,  ce  qui  explique  la  progression  effrayante  de 
la  maladie  de  la  vigne. 

Outre  l'immense  majorité  des  femelles  aptères  sur  les  racines,  un 
petit  nombre  se  logent  dans  des  gales  sous  les  feuilles  du  Vitis  vinifera, 
pendant  deux  ou  trois  générations  au  printemps,  périssant,  en  géné- 
ral, à  l'époque  des  chaleurs  de  l'été  ;  ces  pondeuses  gallicoles  sont  au 
contraire  très  nombreuses  et  comme  l'état  normal  sous  les  feuilles  des 
vignes  américaines,  sans  préjudice  des  racines  qui  en  offrent  aussi.  On 
a  reconnu,  par  expérience  directe,  que  les  insectes  des  galles  peuvent 
être  portés  sur  les  racines  et  s'y  multiplier  et  que  l'inverse  se  produit, 
car  on  a  obtenu  des  galles  avec  des  Phylloxéras  pris  sur  les  racines. 

L  étude  précédente  ne  s'applique  qu'à  l'évolution  active  de  l'agame 
aptère  pendant  la  belle  saison.  Les  mères  pondeuses  et  les  œufs  dispa- 
raissent quand  la  température  extérieure  s'abaisse  normalement,  par 
l'effet  de  la  saison,  à  10  degrés  et  au-dessous,  par  suite  à  une  époque 
qui  varie  avec  la  latitude,  l'altitude  du  pays  vinicole  et  sa  distance  à  la 
mer.  Seules  les  jeunes  larves  persistent,  mais  tombent  en  torpeur  et 
restent  fixées  aux  racines,  aplaties,  ridées,  brunâtres,  ne  prenant  pas 
de  nourriture,  lilles  sont  difticiles  à  apercevoir,  en  raison  de  leur  peti- 


PHYLLOXÉRIENS. 


899 


tesse  et  de  leur  couleur  qui  se  confond  avec  celle  de  l'écorce,  entre  les 
fentes  de  laquelle  elles  se  fixent.  Ces  petits  Phylloxéras  ne  sont  nulle- 
ment morts,  mais  sont  bien  en  vie  latente,  car,  portés  dans  une  cham- 
bre chaude,  ils  exécutent  de  légers  mouvements.  Au  printemps,  à  une 
époque  qui,  en  France,  varie,  selon  la  région,  du  15  avril  au  15  mai, 
Ms  se  renflent  d'abord,  preuve  qu'ils  ont  absorbé  de  nouveaux  sucs  ; 
puis,  de  leur  peau  fendue  le  long  du  dos,  sortent  des  larves  jaunes  et 
dodues  (Maxime  Cornu),  à  peau  jeune  et  molle,  essentiellement  pro- 
pres à  absorber  les  agents  des  traitements  insecticides.  Les  premières 
pontes  reprennent  à  l'époque  où  la  vigne  est  en  pleurs. 


FiG.  iO. —  Galle  ouverte  montrant  les  œufs,  les  larves  et  une  mère  parthéno- 
génésique  pondante. 


Le  Phylloxéra  agame  aptère  des  racines  se  propage  à  faibles  dis- 
tances par  deux  modes  de  parcours  :  1"  lors  des  journées  chaudes,  en 
se  couchant  sur  la  terre,  à  la  surface  du  sol,  on  observe  des  Phylloxéras 
sans  ailes,  qui  rampent,  mêlés  en  août  de  sujets  ailés,  allant  des  ceps 
malades  aux  ceps  sains;  on  les  voit,  plus  commodément,  en  ramassant 
des  mottes  de  terre  ;  2°  comme  un  insecte  aussi  mou  que  le  Phylloxéra 
doit  craindre  souvent  le  contact  dessiccateur  de  l'air,  il  se  déplace  sous 
terre,  d'une  racine  à  l'autre,  à  travers  les  fissures  du  sol,  les  interstices 
des  pierres.  C'est  sans  doute  là  sa  propagation  la  plus  efficace,  car, 
ainsi  que  je  l'ai  constaté  dans  les  Charentes,  lors  de  ma  mission  donnée 
par  l'Académie  des  sciences,  dans  les  vignes  plantées  en  rangées  assez 
distantes,  et  surtout  séparées  par  des  allées  où  l'on  cultive  d'autres  vé- 


900  HÉMIPTÈRES. 

gétaux,  le  mal  s'étend  aisément  sur  toute  la  longueur  d'une  rangée  et 
passe  bien  plus  difficilement  d'une  rangée  à  l'autre;  ces  vignobles  sont 
moins  rapidement  infestés  que  ceux  où  la  vigne  est  cultivée  en  plein. 

2°  Femelles  de  migration  agames,  ailées  et  roslrées. 

Sans  agiter  la  question  de  savoir  si,  comme  le  pense  M.  Balbiani,  la 
fécondité  des  aptères  agamés  s'épuiserait  d'elle-même,  il  est  certain, 
en  raison  de  leur  propagation  très  restreinte  d'un  cep  à  l'autre,  et 
aussi  de  l'écartement  souvent  considérable  des  vignobles,  on  aurait 
depuis  longtemps  arrêté  les  ravages  funestes,  en  entourant  les  vignes 
attaquées  de  profondes  tranchées,  pleines  de  goudron  liquide   ou  de 


FiG.  hi.  —  Vieille  racine  de  vigne  couverte  de  Phylloxéras  en  hibernation 
(grandeur  naturelle). 

coaltar,  qui  serait  un  obstacle  infranchissable.  Malheureusement  pour 
l'homme,  il  se  produit  le  même  fait  que  celui  que  nous  avons  signalé 
pour  beaucoup  d'Aphidiens.  Quand  la  chaleur  augmente  et  que  les 
sujets  aptères  des  racines  se  multiplient  en  conséquence,  certains  indi- 
vidus semblent  avoir  le  pressentiment  instinctif  que  la  nourriture  va 
manquer  aux  colonies  souterraines,  et  se  préparent  à  de  lointains  essai- 
mages. Comme  l'a  reconnu  M.  Maxime  Cornu,  on  voit  des  femelles  s'al- 
longer et  montrer  au  microscope,  sous  la  peau,  des  rudiments  de  four- 
reaux d'ailes.  Chez  ces  femelles  se  produit  une  quatrième  mue;  sur  les 
côtés  du  corps  apparaissent  deux  moignons  noirs,  fourreaux  des  ailes 
supérieures  ;  en  les  écartant  avec  une  pointe  d'aiguille,  on  observe  en 
dessous  les  fourreaux  plus  petits  des  ailes  inférieures.  Ces  nymphes,  un 
peu  étranglées  vers  le  milieu  du  corps  et  plus  allongées  que  les  aptères 
des  racines,  se  montrent  principalement  sur  les  renflements  morbides 
des  radicelles  dont  nous  parlerons  plus  loin,  puis  sur  les  racines  mêmes, 
après  la  destruction  des  renflements.  Elles  montent  peu  à  peu  au  pied 


PHYLLOXÉRIENS. 


901 


des  ceps,  près  de  la  surface  du  sol  et  sortent  même  au  dehors.  Bientôt 
se  fait  la  cinquième  mue,  qui  donne  une  femelle  de  migration,  féconde, 
comme  la  femelle  aptère  des  racines,  sans  concours  de  mâles,  longue 
d'un  peu  plus  d'un  millimètre,  plus  grande  par  conséquent  que  l'autre 
femelle  agame  (elle  fut  prise  autrefois  pour  un  mâle,  avant  l'étude 
complète  du  Phylloxéra),  lille  est  pourvue  de  quatre  ailes,  claires  et 
irisées,  les  antérieures  avec  un  cubitus  simple,  sans  cellule  radiale,  les 
ailes  inférieures  sans  nervure   transversale.  Les  ailes  supérieures  sont 


FiG.  42.  —  Femelle  parthogénésique  ailée. 


bien  plus  longues  que  le  corps,  un  peu  enfumées  au  bout,  où  elles  sont 
larges  et  arrondies,  les  inférieures  plus  étroites  et  plus  courtes.  Les 
fortes  nervures  de  ces  ailes  dénotent  un  bon  voilier,  capable  de  sou- 
tenir à  l'air  libre  un  vol  de  grande  étendue.  Si  dans  un  grand  bocal  de 
verre  on  met  des  radicelles  chargées  de  nymphes,  on  ne  tarde  pas  à 
A'oir  éclore  des  femelles  ailées  qui  se  collent  aux  parois  supérieures, 
se  retournent,  marchent  avec  agilité  et  volent  comme  une  flèche  d'une 
paroi  à  l'autre. 
Les  organes  des  sens  de  ces  femelles  sont  en  rapport  avec  de  nou- 


902  HÉMIPTÈRES. 

velles  conditions  d'existence.  Leurs  appareils  de  vision  sont  variés,  car 
elles  ont  besoin  de  voir  les  vignes  à  longue  distance,  afin  de  se  diriger 
du  côté  des  vignobles  et  non  vers  d'autres  cultures,  et  à  courte  distance 
pour  choisir  les  organes  convenables.  La  large  tête  porte,  en  dessus  et 
sur  les  côtés,  deux  yeux  composés  noirs,  à  nombreuses  facettes,  appa- 
reils de  vision  panoramique,  permettant  aux  femelles  ailées  de  recon- 
naître tout  autour  d'elles  les  vignes  sur  lesquelles  elles  porteront  la 
dévastation;  pour  les  visions  rapprochées,  elles  ont  gardé  les  deux  yeux 
à  trois  cornées  de  l'aptère  des  racines  et  offrent  en  outre  sur  le  vertex 
trois  ocelles  ou  yeux  simples  isolés.  Ces  femelles  vierges  ailées  ont  un 
corps  plus  grôle  que  celui  de  l'aptère  des  racines,  les  pattes  plus  lon- 
gues, ainsi  que  les  antennes,  qui  sont  aussi  à  trois  articles,  le  dernier 
très  long,  portant  deux  tympans  olfactifs  et  auditifs,  tronqué  en  biseau 
à  l'extrémité.  Le  bout  de  l'abdomen  s'allonge  en  pointe  un  peu  obtuse. 
La  couleur  est  d'un  jaune  terne,  avec  une  bande  brune  peu  régulière 
sur  le  dos.  L'insecte  ressemble  un  peu  à  une  microscopique  Cigale  et 
surtout  à  ces  Cicadelles  verdàtres  et  sauteuses,  si  communes  en  au- 
tomne. De  juillet  à  septembre,  on  voit  ces  femelles  ailées  s'abattre  en 
essaims  considérables  sur  les  pampres.  Elles  sucent  les  jeunes  feuilles 
et  les  boui'geons  au  moyen  d'un  rostre  semblable  à  celui  des  femelles 
aptères  des  racines  et  de  leurs  larves,  mais  plus  court. 

Elles  ne  pondent  qu'un  petit  nombre  d'œufs  dans  les  duvets  des 
jeunes  feuilles  et  des  bourgeons  (Balbiani,  Boiteau),  ou  sous  les  écorces 
en  exfoliation  du  cep,  si  la  saison  est  plus  avancée,  et  même  à  la  sur- 
face du  sol,  par  les  temps  humides  et  un  peu  froids.  On  sait  que,  chez 
certains  insectes  à  sexes  très  différents  en  taille,  les  œufs  milles  sont 
plus  petits  ([ue  les  œufs  femelles,  ainsi  dans  les  œufs  recouverts  d'un 
tampon  de  poils  roux  du  Liparis  dispar  (Joseph).  Le  Tetraneura  ulmi 
nous  a  déjà  présenté  ces  œufs  de  deux  grosseurs.  Les  œufs  du  Phyl- 
loxéra ailé,  plutôt  ovales  qu'ellipsoïdes,  un  peu  plus  volumineux  que 
ceux  de  l'aptère  des  racines,  sont  de  deux  grandeurs,  les  œufs  mâles 
de  0'"",26  de  long  sur  0"",13  de  large,  les  œufs  femelles  de  0°'",/iO  de 
long  sur  0""",20  de  large.  Ces  œufs  sont  d'un  blanc  jaunâtre  au  moment 
de  la  ponte,  plus  translucides  que  ceux  des  aptères,  ne  devenant  pas 
aussi  foncés  avec  le  temps  que  ceux-ci,  mais  seulement  d'un  jaune  plus 
intense,  surtout  les  gros  œufs,  les  petits  restant  plus  clairs. 

3°  Sexués,  mâle  et  femelle,  sans  ailes  et  sans  rostre. 

Des  gros  œufs  qui  précèdent  naissent  des  femelles  sans  ailes  et  des 
petits  des  mâles,  également  sans  ailes,  ce  qui  forme  une  diflerence 
complète  avec  les  mâles  de  presque  tous  les  Aphidiens  et  les  mâles  des 
Cocciens.  En  septembre  1875,  ces  sexués  furent  observés  pour  la  pre- 
mière fois  par  M.  Balbiani,  à  Villegonge,  près  de  Libourne,  dans  une 
vigne  de  M.  Boiteau,  et  une  lettre  de  M.  Balbiani  à  M.  Dumas,  insérée 
aussitôt  dans  les  Comptes  rendus  de  r Académie  des  sciences,  établit  cette 
priorité  incontestable.  Les  Phylloxéras  sexués,  mâles  et  femelles,  sont 


PHYf.LOXÉRlENS. 


903 


de  véritables  avortons,  sauf  pour  les  organes  génitaux,  ne  vivant  que 
quelques  jours,  uniquement  occupés  du  soin  de  la  reproduction,  sans 
ailes,  courant  çà  et  là  sur  les  ceps.  Le  sexué  mâle  a  0'"'",27  de  long  sur 
0'»'",  13  de  large,  le  sexué  femelle  0""°,/i8  de  long  sur  O^^.SO  de  large. 

Ils  ne  mangent  pas  et  manquent  de  tube  digestif,  n'ayant,  le  mâle 
comme  la  femelle,  qu'un  tubercule  court  et  aplati,  au  lieu  du  rostre  qui 
s'étend  sous  la  région  sternale  de  la  femelle  vierge,  soit  aptère,  soit 
ailée.  Le  troisième  article  des  antennes  de  la  femelle  est  pédoncule,  ce 
qui  n'existe  ni  chez  le  mâle  ni  chez  les  autres  phases  de  cette  espèce 


FiG.  43.  —  Sexué  mâle, 
très  grossi  (1). 


FiG.  44.  —  Sexué  femelle,  très  grossi, 
avec  son  œuf  unique  et  la  poche  copulatrice. 


polymorphe.  Les  nombreux  essaims  des  femelles  ailées,  s'abattant  toutes 
à  la  fois  sur  les  vignes,  s'expliquent  parce  que  les  sexués  sans  ailes 
périraient  sans  s'accoupler  s'ils  ne  se  trouvaient  pas  en  abondance, 
rapprochés  les  uns  des  autres,  au  moment  de  l'éclosion, 

La  femelle  sexuée  a  une  production  d'œufs  encore  bien  plus  restreinte 
que  chez  la  femelle  ailée,  pondant  sans  concours  de  mâle.  De  même 
que  chez  le  Tetraneura  ulmi,  la  femelle  sexuée  du  Phylloxéra  vastalrix 
n'a  qu'un  seul  œuf,  énorme  par  rapport  à  sa  taille,  surmonté  de  sa 
capsule  formatrice.  Elle  semble,  peu  après  l'accouplement,  toute  gonflée 
par  son  œuf,  et  pond  cet  œuf  unique  ou  a-uf  d'hiver,  toujours  à  l'air  et 
sur  le  cep  seul,  entre  les  exfoliations  de  l'écorce,  fait  d'une  importance 

(l)  Les  figures  43  et  44  rcpréscnlcnt  des  sexués  du  Phylloxéra  du  chêne. 
GIRARD.  m.  —  5'7* 


90a 


HÉMIPTÈRES. 


capitale,  car  cet  œuf,  qui  doit  passer  l'hiver,  eût  été  très  compromis, 
s'il  avait  été  pondu  sur  les  feuilles  qui  tombent  à  l'arrière-saison.  Cet 
œuf  unique  est  cylindroïde  et  arrondi  aux  deux  bouts.  En  automne  il  a 
0°'"',25  à  0'""',28  de  long  sur  O'^'^jlO  à  O""",!!  de  large  ;  au  printemps  sui- 
vant, comme  il  s'est  gonflé  par  le  développement  de  l'embryon  qu'il 
renferme,  il  a  0"'"',26  de  long  sur  0'"'°,16  de  large.  Il  est,  comme  on  voit, 
beaucoup  plus  long  comparé  à  sa  largeur  que  les  trois  formes  d'œufs 
des  femelles  vierges  sédentaires  ou  émigrantes.  Il  n'est  pas  jaune,  mais 
d'un  vert  olivâtre  piqueté  de  noir,  fixé  à  l'écorce  par  un  petit  crochet. 
Bientôt  après  sa  ponte,  la  mère  meurt,  toute  ridée  et  ratatinée,  devenue 
d'un  brun  rougeâtre. 


FiG.  45. — Œuf  d'hiver  sur  le  cep  et  cadavre 
desséché  de  la  femelle  sexuée. 


FiG.  46.  —  Renflement 
des  radicelles. 


L'éclosion  de  l'œuf  d'hiver,  comme  l'a  reconnu  M.  Balbiani  sur  des 
écorces  rapportées  à  Paris,  a  lieu  au  printemps,  ordinairement  au  mois 
d'avril.  Il  en  sort  un  insecte  aptère,  analogue  aux  aptères  agames  des 
racines,  pourvu  d'un  très  long  rostre,  ayant  beaucoup  d'œufs  à  l'inté- 
rieur, contenus  dans  vingt-quatre  gaines  ovigères.  Le  cycle  phylloxérien 
est  accompli,  la  fécondité  a  été  renouvelée  en  la  forme  ordinaire,  pour 
un  grand  nombre  de  générations.  Une  partie  des  femelles  aptères  nées 
des  œufs  d'hiver  gagnent  les  racines  et  donnent,  sans  mcàles,  la  série 
des  colonies  souterraines.  D'autres  se  portent  sous  les  feuilles  et  font 
naître  des  galles  en  cupules,  de  2  à  3  millimètres  de  profondeur,  où 
se  loge  une  mère  pondeuse  entourée  de  ses  œufs,  donnant  une  série 
de  générations  aptères  et  même  des  nymphes  et  des  ailés.  En  géné- 
ral, lors  des  grandes  chaleurs  de  l'été,  les  galles  des  feuilles  de  nos 
vignes  se  dessèchent  et  leurs  insectes  meurent  ou  bien  se  rendent  aux 
racines. 


PHYLLOXÉRIKNS.  905 

Il  est  très  inutile  aujourd'hui  de  discuter  la  question  de  savoir  si  le 
Phylloxéra  est  bien  la  came  de  la  maladie  de  la  vigne,  ou  s'il  n'est 
qu'un  effet  accessoire  et  consécutif.  La  premit-re  affirmation  ne  fait 
plus  de  doute  aujourd'hui  pour  toute  personne  qui  ne  veut  pas  s'obs- 
tiner dans  une  ignorance  sans  excuse.  Le  seul  symptôme  authentique 
et  certain  s'obtient  en  arrachant  une  racine  et  en  examinant  si  elle 
offre  à  sa  surface  des  Phylloxéras.  En  outre  les  radicelles  sur  lesquelles 
se  porte  le  Phylloxéra  au  début  de  l'attaque,  parce  qu'elles  sont  plus 
succulentes,  se  gon lient,  sans  cesser  de  s'allonger,  et  prennent  l'aspect 
de  renflements  féculents,  fusiformes,  d'abord  d'un  jaune  blanchâtre, 
puis  jaunissant,  enfin  devenant  bruns.  Sur  leurs  dépressions,  dans  les 
plis  fréquents  de  leur  courbures,  on  voit  des  Phylloxéras  attachés  et 
suçant.  Puis  les  renflements,  flasques  et  noirAtres,  tombent  en  pourri- 
ture ;  alors  l'insecte,  pour  se  nourrir,  est  obligé  de  gagner  la  surface 
des  petites  racines,  enfin  celle  des  grosses.  Cette  surface,  au  lieu  de 
rester  lisse  comme  d'ordinaire  sur  les  racines  saines,  devient  raboteuse 
et  noueuse;  le  bois  de  la  racine,  au  lieu  de  demeurer  blanc,  comme  à 
l'état  sain,  prend  une  teinte  d'un  rouge  violacé.  D'autres  altérations 
plus  générales  se  produisent  ensuite  avec  le  temps;  les  points  d'atta- 
que se  reconnaissent  à  distance  par  des  feuilles  flétries,  jaunies  ou  rou- 
gies,  contournées  sur  les  bords,  par  les  raisins  arrêtés  dans  leur  crois- 
sance et  ridés,  si  le  mal  est  invétéré  ;  les  feuilles  tombent  en  automne 
à  une  époque  moins  tardive  que  sur  les  ceps  bien  portants.  On  est  en 
outre  frappé  du  rabougrissement  des  ceps  comparés  aux  ceps  voisins, 
du  faible  nombre  de  leurs  feuilles,  de  la  petitesse  de  celles-ci.  Si  l'on  a 
affaire  à  une  attaque  datant  de  deux  ou  trois  ans,  on  remarque  au  cen- 
tre quelques  ceps  morts  et  sans  feuilles,  tout  autour  des  ceps  chétifs, 
n'ayant  que  quelques  feuilles  et  pas  de  fruits,  puis  une  ceinture  de  ceps 
à  feuilles  flétries  et  tachées,  enfin  une  dernière  ceinture  de  ceps  verts 
luxuriants,  et  cependant  déjà  atteints  par  l'insecte  sur  leurs  racines; 
c'est  là  l'apparence  de  la  tache  d'huile,  suivant  la  juste  et  pittoresque 
expression  de  M.  Gaston  Bazille.  C'est  au  delà  de  cette  dernière  ceinture 
qu'il  faut  étendre  l'arrachage,  sil'on  veut  chercher  à  arrêter  le  mal.  On 
aurait  dû  prendre  ce  parti  en  France  au  début  de  l'invasion,  selon  le 
conseil  de  M.  Bouley,  assimilant  la  maladie  phylloxérienne  à  la  peste 
bovine.  Il  fut  impossible  de  vaincre  les  convictions  obstinées  et  les  cla- 
meurs irréfléchies  de  beaucoup  de  viticulteurs  et  de  Sociétés  agricoles, 
ne  voulant  pas  voir  la  cause  du  mal  dans  ce  chétif  insecte,  ne  se  ren- 
dant pas  compte  de  l'effet  immense  que  produisent  les  petites  forces 
simultanées. 

On  trouve  fréquemment  comme  des  foyers  phylloxériques  d'avant- 
garde  autour  des  régions  vinicoles  contagionnées.  Ils  sont  dus  aux  fe- 
melles ailées  de  migration,  qui  sont  portées  normalement  à  dix  ou  douze 
kilomètres  de  distance,  surtout  avec  l'aide  du  vent,  car  cette  distance 
est  la  marche  normale  annuelle  de  l'invasion  phylloxérienne.  Les  vents 


906  HÉMIPTÈRES. 

violents  peuvent  porter  accidentellement  la  femelle  ailée  beaucoup 
plus  loin.  En  outre,  posées  sur  les  voitures  des  routes  ou  des  chemins 
de  fer,  sur  les  raisins  débités  pour  la  table,  sur  les  pampres  d'enveloppe, 
les  femelles  ailées  voyagent  au  loin.  Ces  transports  toutàfait  éventuels 
expliquent  les  vignes  pliylloxérées  qu'on  constate  tout  à  coup  encore  à 
grande  distance  des  centres  étendus  d'invasion,  comme  dans  le  Loiret 
par  exemple,  aux  alentours  d"Orléans. 

Il  est  bien  certain  que  le  Phylloxéra  vastatrix,  retrouvé  identique  à 
l'espèce  de  France  par  M,  Planchon  aux  États-Unis,  où  il  était  étudié 
par  Asa  Fish  et  d'autres  entomologistes,  est  un  insecte  originaire  d'Amé- 
rique, probablement  des  vignes  sauvages  de  l'Ouest,  dans  la  région  du 
Colorado.  Depuis  vingt-cinq  ans  environ  il  s'est  répandu  à  l'Est  et  a  dé- 
truit beaucoup  de  vignobles  formés  de  cépages  non  résistants.  Les  vi- 
gnes d'Amérique  appartiennent  à  d'autres  espèces  et  même  à  d'autres 
genres  d'Ampélidées  que  le  Vitis  vinifera  Linn.,  cultivé  en  Europe.  Il 
y  a  des  vignes  américaines  qui  résistent  au  Phylloxéra,  non  seulement 
sous  sa  forme  gallicole  qui  n'attaque  que  les  feuilles,  organes  tempo- 
raires et  d'importance  secondaire,  mais  même  sur  les  racines,  organes 
essentiels,  fonctionnant  en"  toute  saison  et  la  seule  partie  vivace  en 
hiver.  En  effet,  les  racines  très  vigoureuses  de  ces  vignes  se  couvrent 
d'un  nouveau  chevelu  de  radicelles,  à  mesure  que  les  détruisent  les 
succions  du  Phylloxéra.  M.  CoUot  a  trouvé  le  Phytophthire  nuisible  sur 
une  vigne  sauvage  des  forêts  des  environs  de  Panama,  le  Vitis  caribœa 
de  Candolle,  variété  du  Vitis  indica,  Linn.  Cette  vigne  est  une  liane 
dont  les  tiges  s'enroulent  autour  des  arbres;  ses  feuilles  offraient  des 
galles  sur  leur  limbe,  à  l'intérieur  de  chacune  desquelles  était  une  mère 
pondeuse  aptère,  entourée  d'une  cinquantaine  de  jeunes  larves  et 
d'œufs.  L'existence  du  Phylloxéra,  dans  ce  pays  privé  de  vignobles  et  si 
éloigné  des  États-Unis  ou  de  tout  autre  centre  de  culture  de  la  vigne, 
prouve  bien  l'origine  américaine  du  Phylloxéra,  qui  n'a  pas  été  im- 
porté d'Europe,  qui  serait  son  pays  de  première  origine,  comme  le  pré- 
tendent certaines  personnes,  sans  pouvoir  toutefois  préciser  ni  sa  ré- 
gion, ni  son  époque  d'apparition.  La  destruction  qu'il  produit  sur  nos 
vignobles  explique  comment  ont  toujours  échoué  les  tentatives  faites  à 
diverses  reprises  par  de  richiis  propriétaires  des  États-Unis  pour  intro- 
duire et  acclimater  les  meilleurs  plants  du  Bordelais  ou  de  la  Bourgo- 
gne ;  malgré  la  précaution  prise  de  faire  venir  des  ouvriers  vignerons 
de  France  avec  les  plants  qu'ils  avaient  l'habitude  de  soigner,  les  cul- 
tures de  la  vigne  d'Europe  n'ont  jamais  persisté  au  delà  de  cinq  ans. 

Le  Phylloxéra  a  été  importé  dans  les  grapperies  ou  serres  à  raisin 
d'Angleterre  et  d'Irlande  et  en  divers  points  de  la  France  dès  que  la  fa- 
cilité des  transports  a  permis  d'amener  des  vignes  américaines,  non  plus 
seulement  à  l'état  de  boutures,  mais  par  pieds  complets  enracinés.  Par- 
tout où  apparaît  subitement  le  Phylloxéra,  un  peu  loin  des  centres  d'inva- 
sion anciens,  on  trouve,  par  une  enquête  locale,  que  des  pépiniéris(es 


PHYLLOXÊRIENS.  907 

OU  des  amateurs,  enclins  à  dissimuler  leur  imprudence,  ont  introduit 
quelques  plants  américains.  L'invasion  des  vignobles  a  commencé  par 
deux  centres  d'attaque.  Le  premier,  qui  remonte  environ  à  18G3,  se 
trouve,  non  loin  de  ïarascon,  au  plateau  du  Pujaut,  près  de  Roque- 
maure,  dans  le  Gard.  Le  second  apparaît  en  1866  dans  la  Gironde,  près 
de  Bordeaux,  dans  les  palus  (terre  d'alluvion)  de  Floirac.  Le  mal  s'est 
propagé  de  place  en  place  autour  du  plateau  central,  épargné  en  partie 
géograpliiquement,  mais  en  réalité  seulement  dans  les  régions  où  le 
climat  s'oppose  aux  vignobles,  comme  dans  la  Creuse.  Ce  plateau  cen- 
tral est  aujourd'hui  contourné  et  dépassé  en  tous  sens,  avec  une 
échappée  encore  indemne  dans  l'Allier  et  la  Nièvre.  Plus  de  quarante 
départements,  y  compris  la  Corse,  sont  envahis  ;i  divers  degrés,  celui 
de  Maine-et-Loire  (Angers,  Saumur)  depuis  1882  (rapport  au  Ministre  de 
1883).  Les  limites  septentrionales  du  Phylloxéra  en  France,  de  l'Ouest  à 
l'Est,  sont  en  ce  moment  :  Vendée,  Deux-Sèvres,  Maine-et-Loire,  Loir- 
et-Cher,  Loiret,  Seine-et-Marne  (arrondissement  de  Château-Landon); 
les  points  les  plus  septentrionaux  qui  soient  phylloxérés  se  trouvent  aux 
environs  de  Pithiviers  (limite  sud),  d'I^tampes  et  de  Fontainebleau  (li- 
mite nord).  x\près  interruption  dans  l'Yonne,  nous  retrouvons  le  Phyl- 
loxéra dens  la  Gôte-d'Or,  le  Jura,  la  Haute-Savoie  et  la  Savoie.  Sont  en- 
core épargnés  parmi  les  pays  viticoles  :  le  nord-ouest  de  la  Côte-d'Or, 
toute  la  Champagne,  la  Haute-Saône,  les  Vosges,  Meurthe-et-Moselle  et 
le  Doubs.  Les  progrès  du  mal  sont  surtout  en  raison  inverse  de  l'humi- 
dité'du  climat,  l'eau  étant  bien  plus  nuisible  au  Phylloxéra  que  le  froid. 
De  même  que  dans  des  expériences  spéciales,  parallèles  à  celles  entreprises 
sur  l'action  du  froid  sec,  expériences  où  j'ai  trouvé  les  Phylloxéras  morts 
et  gonflés  après  de  longues  pluies  froides,  j'ai  constaté  plusieurs  fois  dans 
les  Charentes,  au  milieu  de  terres  fortes  et  argileuses  qui  retenaient 
l'eau,  des  Phylloxéras  morts  et  comme  en  marmelade  dans  les  couches 
les  plus  voisines  de  la  surface  du  sol,  après  plusieurs  jours  de  grande 
pluie  (1).  Les  froids  de  nos  plus  rigoureux  hivers  sont  sans  action  sur  le 
Phylloxéra  souterrain  des  racines.  Dans  mes  expériences  sur  l'effet  du 
froid  sec,  au  moyen  de  mélanges  réfrigérants,  les  insectes  ont 
supporté  impunément,  la  plupart  pendant  huit  heures,  certains  à  di- 
verses reprises  pendant  plusieurs  jours  successifs  des  abaissements  de 
température  de  —  6  à  —  10  degrés.  On  peut  affirmer  que  jamais  pareils 
froids  ne  se  produiront  dans  nos  climats,  en  raison  de  la  mauvaise  con- 
ductibilité de  la  terre  végétale,  aux  profondeurs  de  30  à  50  centimètres, 
et  bien  plus  entre  les  rochers,  où  descendent  le  plus  souvent  les  ra- 
cines, couvertes  de  Phylloxéras  aptères.  Les  physiciens  météorologistes 
ont  étudié  les  variations  de  température  à  diverses  profondeurs.  Dans 
le  sol  arable,  ils  ont  vu  que  l'air  extérieur  variant  de  zéro  à  — 12  degrés, 

(1)  Maurice  Girard,  Études  sur  les  maladies  de  la  vigne  dans  les  Charente =, 
p.  68  (extrait  û.&sMém.  des  savants  étrangers,  t.  XXV). 


908  HÊMIPTfcUES. 

la  température  n'est  jamais  descendue  plus  bas  que  4  à  5  centimètres 
de  profondeur  dans  un  sol  dénudé,  tandis  qu'elle  est  toujours  restée 
au-dessus  de  zéro,  à  la  même  distance  de  la  surface,  pour  un  sol  ga- 
zonné.  Or  les  vignobles  ne  sont  pas  des  sols  dénudés,  surtout  quand  ils 
sont  mal  tenus  ou  qu'on  cultive  diverses  plantes  entre  les  vignes,  cas 
fréquent  en  beaucoup  de  pays  pour  les  vignobles  communs.  Dans  nos 
hivers,  si  souvent  pluvieux,  les  infiltrations  doivent  tendre  à  amener 
dans  les  profondeurs  des  températures  se  rapprochant  de  Zi  degrés  (ma- 
ximum de  densité  de  l'eau),  par  conséquent  sans  aucun  effet  fâcheux 
surles  insecles  en  hibernation. 

L'habitation  souterraine  du  Phylloxéra  vastatrix  dans  la  phase  nuisi- 
ble de  son  existence,  en  même  temps  qu'elle  le  met  à  l'abri  des  intem- 
péries atmosphériques,  empêche  les  entomophages  de  lui  faire  subir 
une  destruction  à  notre  avantage.  Les  nombreux  ennemis  qui  délivrent 
nos  cultures  des  Aphidiens  et  des  Cocciens,  insectes  presque  tous  pas- 
sant leur  vie  à  l'air  libre,  n'existent  pas  pour  le  Phylloxéra,  poursuivant 
paisiblement  ses  ravages  sur  les  racines  des  vignes,  protégé  par  la  résis- 
tance du  sol;  c'est  à  peine  si  on  a  pu  signaler  l'action  insignifiante 
d'un  Myriapode  et  de  quelques  Acariens.  Quant  aux  plantes  interca- 
laires sur  lesquelles  il  devait  se  porter  de  préférence  à  la  vigne,  ou  dont 
les  émanations  odorantes  l'éloigneraient,  il  est  bien  reconnu  que  ce 
sont  là  des  chimères. 

Le  Phylloxéra  ne  peut  être  atteint  que  par  des  agents  extérieurs,  em- 
ployés à  son  intention  par  l'homme  ;  ils  sont  de  deux  ordres,  mécani- 
ques ou  chimiques. 

Le  meilleur  moyen  mécanique  dont  on  puisse  se  servir  est  celui  de 
la  submersion  totale  du  vignoble,  dont  s'est  servi  le  premier  M.  Faucon 
pour  son  vignoble  du  Mas  de  Fabre,  près  d'Avignon,  en  contre-bas  du 
canal  de  la  Durance.  11  est  parvenu  à  reconstituer  entièrement  ce  vi- 
gnoble, où  la  production  était  tombée  de  925  hectolitre  à  35  par  le  fait 
du  Phylloxéra.  Il  faut  maintenir  en  hiver  les  vignes  sous  l'eau,  au 
moins  pendant  quarante  jours,  temps  au  bout  duquel  on  est  certain 
d'une  mortalité  presque  totale  du  Phylloxéra,  les  sujets  hibernants  ne 
commençant  guère  cà  périr  qu'après  treize  jours  de  submersion.  Les  vi- 
gnobles placés  pour  la  plupart  (et  ce  sont  les  meilleurs)  sur  des  coteaux 
élevés  et  loin  des  cours  d'eau,  sont  rarement  dans  des  conditions  topo- 
graphiques à  pouvoir  être  aisément  inondés.  On  opère  la  submersion 
d'hiver  soit  par  une  saignée  à  un  cours  d'eau,  quand  cela  est  possible, 
soit,  si  la  valeur  du  cru  permet  cette  dépense,  en  installant  une  ma- 
chine élévatoire,  pompe,  noria  ou  spirale  d'Archimède,  et  en  mainte- 
nant par  des  bourrelets  de  terre  quelques  centimètres  d'eau. 

il  n'y  a  aucun  danger  pour  la  vitalité  de  la  vigne;  ainsi,  dans  le  nord 
de  la  Crimée  (M.  Buutin),  on  conserve  en  hiver  les  vignes  sous  l'eau 
amenée  des  montagnes  dans  le  but  de  les  amender  et  de  les  préserver 
de  gelées  trop  intenses.  Il  y  a  des  viticulteurs  du  Midi  qui  assurent  que 


PHYLLOXÉRIENS.  909 

la  submersion,  réitérée  pendant  plusieurs  années,  amùne  une  forte 
diminution  dans  le  degré  alcoolique  du  vin.  Si  l'on  opérait  en  été,  la 
mort  de  l'insecte  arriverait  beaucoup  plus  vite,  mais  la  submersion 
pourrait  être  plus  difficile  à  opérer  et  nuire  à  la  vendange,  surtout  dans 
la  saison  de  la  sève.  On  est  obligé  de  la  répéter  au  moins  tous  les  deux 
ans,  à  cause  du  phénomène  qu'on  a  nommé  la  réapparition  d'été  du 
Phylloxéra.  Elle  s'observe  au  mois  de  juillet,  époque  des  chaleurs,  dans 
les  vignobles  soumis  aux  traitements  destructeurs  quelconques.  Elle  est 
en  rapport  avec  l'accroissement  de  fécondité  résultant  de  l'augmenta- 
tion habituelle  de  température,  et  provient  de  plusieurs  causes.  Il  y  a 
des  aptères  des  vignes  voisines  non  traitées  sortant  sur  le  sol,  et  que  le 
vent  qui  les  balaye  pousse  sur  les  vignobles  soumis  aux  opérations; 
d'autres  proviennent  des  œufs  d'hiver  pondus  sur  les  ceps  par  les 
femelles  sexuées;  enfin,  le  plus  grand  nombre  sont  des  insectes  qui  ont 
échappé  aux  agents  insecticides.  La  submersion,  même  de  cinquante 
jours,  ne  suffit  pas  pour  tuer  tous  les  Phylloxéras,  comme  on  le  consta- 
tait notamment  au  Mas  de  Fabre,  en  juin  1879,  et  plus  encore  en  juillet  ; 
ils  étaient  plus  nombreux  sur  les  racines  des  vignes  du  voisinage  trai- 
tées aux  agents  chimiques,  très  nombreux  sur  les  vignobles  sans  traite- 
ment; on  trouvait  même  des  insectes  qui  n'avaient  pas  encore  quitté 
leur  peau  d'hiver,  preuve  manifeste  qu'on  avait  affaire  à  des  sujets 
ayant  échappé  à  la  mort,  malgré  la  longue  submersion.  Remarquons, 
en  effet,  qu'il  suffit  de  quelques  petites  pierres  pour  protéger  des  insectes 
contre  l'action  de  l'eau,  ou  bien  de  ces  bulles  d'air  qui  restent  souvent 
adhérentes  aux  racines  submergées,  car  le  Phylloxéra,  engourdi  en 
hiver,  n'a  alors  besoin  que  de  bien  peu  d'air  pour  vivre,  lui  outre,  dans 
les  vignes  submergées,  les  ceps  restent  à  l'air  et  conservent  leurs  œufs 
d'hiver,  donnant  au  printemps  des  insectes  qui  descendent  aux  racines, 
et  se  joignent  à  ceux  qui  ont  échappé  à  la  submersion  pour  reformer 
de  nouvelles  colonies  souterraines.  Aussi  faut-il  renouveler  tous  les 
hivers  l'action  de  l'eau,  aussi  bien  que  les  traitements  chimiques.  Nous 
devons  nous  résigner  à  vivre  désormais  avec  le  Phylloxéra  et  perdre 
l'espoir  chimérique  de  l'anéantir  d'une  manière  complète.  Qu'on  le 
maintienne  seulement  dans  d'assez  faibles  limites  de  nombre  pour  qu'il 
ne  nuise  pas  sensiblement  aux  vignes;  qu'on  n'hésite  pas  à  supprimer 
la  culture  de  la  vigne  partout  où  elle  ne  donnera  plus  un  produit  rému- 
nérateur en  raison  des  frais  nouveaux. 

L'expérience  a  conslalé  que  les  vignes  qui  croissent  dans  un  sol 
presque  entièrement  sablonneux  sont  rebelles  au  Phylloxéra,  qui  ne 
peut  circuler  entre  les  racines,  ni  trouver  passage  pour  pénétrer  sous 
le  sol  d'un  cep  à  l'autre.  Aussi  MM.  Espitalier  et  Lichtenstein  ont  pro- 
posé le  sable  apporté  artificiellement  autour  des  vignes  comme  procédé 
à  la  fois  préservatif  et  curatif.  Le  moyen  n'est  bon  que  dans  des  cas  très 
spéciaux,  pour  éviter  des  frais  de  transport  énormes,  il  faut  avoir  le 
sable  tout  à  fait  à  portée  du  vignoble.  En  outre,  le  moyen  exige  des 


910  HÉMIPTÈRES. 

frais  de  déchaussement,  et  le  terrain  devient,  pour  l'avenir,  impropre 
à  presque  toutes  les  cultures.  Depuis  quelques  années,  des  plantations 
de  vignes  dans  des  terrains  domaniaux  très  sablonneux  ont  été  autori- 
sées aux  environs  d'Aigues-Mortes,  et  elles  sont  indemnes  du  Phyl- 
loxéra. On  a  proposé  aussi,  mais  le  moyen  n'a  pas  été  essayé  en  grand, 
un  fort  tassage  de  la  terre  autour  des  ceps,  afin  de  gêner  l'introduction 
du  Phylloxéra.  C'est  à  une  terre  compacte  par  tassage  accidentel  qu'on 
attribue  le  privilège  qu'ont  les  vignes  de  treille  de  résister  au  Phyl- 
loxéra; on  doit  ajouter  que  leur  état  arborescent,  analogue  à  celui  des 
vi°-nes  américaines,  leur  donne  aussi  une  plus  grande  force  de  résis- 
tance. Dans  les  vignobles  attaqués,  les  vignes  placées  au  bord  des  sen- 
tiers battus  par  le  passage  sont  peu  phylloxérées  comparées  aux  vignes 
intérieures. 

Les  toxiques  chimiques,  par  la  généralité  de  leur  emploi,  sont  les 
procédés  curatifs  les  plus  efficaces  contre  le  Phylloxéra.  Un  grand 
nombre  de  substances  peuvent  tuer  les  insectes  ;  mais  on  est  très  res- 
treint dans  leur  application  quand  il  faut  atteindre  des  myriades  d'ani- 
malcules logés  dans  les  profondeurs  [du  sol  et  dans  toutes  les  sinuo- 
sités des  radicelles  des  vignes.  L'insecticide  doit  avoir  l'état  gazeux, 
celui  qui  permet  la  plus  grande  diffusion.  En  outre,  il  faut  :  1°  qu'il  ne 
tue  pas  le  végétal;  2°  qu'il  ne  soit  pas  détruit,  c'est-à-dire  décomposé, 
avant  qu'il  puisse  atteindre  l'insecte.  On  a  dû  écarter  le  chlore,  prove- 
nant du  chlorure  de  chaux  (hypochlorite  et  chlorure),  proposé  tout  de 
suite  par  beaucoup  de  personnes,  qui  eût  fait  périr  la  vigne  et  se  serait 
immédiatement  changé  dans  le  sol  en  acide  chlorhydrique,  d'après  son 
action  énergique  sur  les  substances  hydrogénées.  L'acide  sulfhydrique, 
d'action  toxique  si  énergique  au  moyen  des  voies  respiratoires,  serait 
un  excellent  insecticide  en  air  sec  ;  mais,  dans  l'air  humide,  il  éprouve 
une  combustion  lente,  d'où  résultent  de  l'eau  et  du  soufre,  corps 
inertes.  Le  sulfure  de  carbone,  au  contraire,  a  l'avantage  de  ne  pas 
subir  de  combustions  lentes,  et  de  maintenir  son  action  insecticide  pen- 
dant un  temps  considérable. 

Le  sulfure  de  carbone  est  employé  (Krectement,  dans  le  sud-est  de 
la  France  surtout,  par  les  soins  de  la  Compagnie  Paris-Lyon-Méditer- 
ranée, en  le  renfermant  dans  des  appareils  bien  clos,  en  raison  des 
dangers  que  peut  présenter  le  maniement  au  point  de  vue  des  mé- 
langes explosifs  avec  l'air.  Les  expériences  sont  sous  la  direction  de 
deux  naturalistes  distingués  de  Marseille,  MM.  Marion  et  Catta.  Le  liquide 
volatil  est  introduit  dans  le  sol  des  vignobles  bien  verticalement,  au 
moyen  d'une  sorte  de  pompe  à  compression  à  liquide,  d'une  forme 
spéciale,  insérée  dans  l'axe  d'un  tube  en  fer  servant  de  pieu;  le  pal 
injecteur  Gastine,  plusieurs  fois  perfectionné  et  simplifié  depuis  son 
premier  modèle,  est  formé  à  l'extérieur  d'un  récipient  en  zinc  ou  en 
cuivre,  terminé  par  une  tige  de  fer  creuse,  munie  inférieurement  d'une 
extrémité  conique  en  acier,  percée  d'un  petit  orifice  latéral  d'injection. 


PHYLLOXÉRIENS.  91| 

En  haut  du  récipient  deux  manettes  ou  branches  horizontales,  c^arnies 
de  manches  en  bois,  permettent  de  saisir  l'appareil.  Au  milieu,  sous  le 
récipient,  une  pédale  sert  à  l'opérateur  pour  appuyer  le  pied  et  aug- 
menter l'effort  exercé  sur  l'instrument.  On  peut  ainsi  enfoncer  le  pal 
dans  la  terre  à  une  profondeur  de  30  à  /lO  centimètres,  suivant  la  nature 
du  sol.  Le  mécanisme  qui  assure  la  distribution  régulière  et  le  dosage 
exact  du  liquide  toxique  est  renfermé  dans  l'intérieur  de  l'instrument. 
C'est  une  pompe  de  compression  très  simplifiée,  réduite  à  deux  organes 
principaux,  un  piston  à  ressort  et  un  clapet  de  retenue,  également  à 
ressort.  La  quantité  de  liquide  chassée  par  l'orifice  d'injection  à  chaque 
coup  de  piston  dépend  de  la  longueur  de  course  qu'on  donne  à  ce  der- 
nier organe.  En  diminuant  la  descente  du  piston,  on  réduit  la  dose. 

On  obtient  bien  facilement  ce  résultat  en  enfilant  sur  la  tige  du 
piston,  au-dessous  du  bouton  de  poussée,  des  rondelles  ou  bagues  de 
cuir  d'une  hauteur  appropriée.  Sans  aucune  rondelle,  l'instrument,  tel 
qu'il  est  construit  pour  l'emploi  du  sulfure  de  carbone,  débite  10  grammes 
de  ce  liquide  par  coup  de  piston.  La  hauteur  des  rondelles  ou  bagues  de 
dosage  est  calculée  pour  que  chacune  d'elles  représente  1  gramme. 
En  enfilant  une  rondelle  sur  la  tige  du  piston,  on  diminue  donc  la 
dose  totale  de  1  gramme,  et  chaque  coup  de  piston  ne  donne  plus  que 
9  grammes.  En  ajoutant  deux,  trois,  quatre  ou  cinq  rondelles,  on  a,  au 
lieu  de  10  grammes,  8,  7,  6  ou  seulement  5  grammes.  Il  est  donc  bien 
facile  à  l'opérateur  de  fixer  le  débit  de  l'appareil  à  la  dose  convenable 
pour  la  nature  du  traitement  à  opérer.  On  consultera  pour  ce  sujet 
spécial  :  Notice  sur  le  pal  injecteur  Gastine,  br.,  1883,  Marseille,  Barla- 
tier-Feissat,  père  et  fils. 

On  est  arrivé  à  maintenir  en  état  de  récolte  satisfaisante  beaucoup  de 
vignes,  en  opérant  deux  traitements  par  an,  le  premier,  de  novembre 
à  mars  inclusivement,  le  second  en  juin.  Chaque  traitement  doit  être 
suivi  d'une  forte  fumure  avec  chlorure  de  potassium  pour  fortifier  la 
vigne.  Souvent  on  peut  se  contenter  d'un  seul  traitement,  à  dose  plus 
forte.  Ordinairement  on  fait  quatre  trous  de  pal  par  mètre  carré  avec 
6  à  10  grammes  de  sulfure  de  carbone  par  trou,  de  façon  à  donner  envi- 
ron 15  grammes  de  vapeur  toxique  par  mètre  carré  et  30  à  35  grammes 
en  deux  fois,  si  l'on  fait  deux  traitements.  Ces  doses  ne  peuvent  être 
données  que  si  les  plants  sont  suffisamment  vigoureux;  il  est  bon  de  les 
diminuer  si  les  souches  sont  déjà  très  affaiblies  et  n'offrent  plus  que  de 
rares  radicelles,  ou  si  l'on  opère  sur  de  très  jeunes  vignes.  Comme  les 
racines  tracent  toujours  d'une  souche  à  l'autre,  aucune  portion  du 
vignoble  ne  peut  être  considérée  comme  exempte  de  Phylloxéra  ;  il  faut 
même  injecter  au  sulfure  de  carbone  les  cultures  intercalaires  sous  les- 
quelles s'infiltrent  de  longues  racines  de  vigne  attirées  par  l'engrais.  Il 
faut  faire  cette  remarque  que  le  pal  ne  peut  s'enfoncer  dans  le  sol  très 
pierreux  de  certains  vignobles.  En  outre,  il  faut  bien  choisir  le  moment 
d'injecter  le  sulfure  de  carbone,  car  on  a  reconnu  que  si  de  grandes 


912  HÉMIPTÈRES. 

pluies  surviennent  pendant  les  opérai  ions,  les  vignes  peuvent  âtre  frap- 
pées de  mort;  en  effet,  le  sulfure  de  carbone,  entraîné  par  l'eau, 
devient  alors  assimilable  par  les  racines. 

Le  sulfure  de  carbone  est  encore  employé  d'une  manière  indirecte 
et  associé  à  un  engrais  puissant.  Une  substance,  découverte  à  cet  effet 
par  l'illustre  Dumas,  est  le  sulfo-sel,  qu'on  nomme  sulfo-carbonate  de 
potassium,  CS-,KS,  c'est-à-dire  du  carbonate  de  potasse  où  le  soufre  a 
remplacé  l'oxygène.  C'est  un  composé  à  deux  fins;  outre  le  poison 
insecticide,  il  fournit  la  potasse  aux  racines,  c'est-à-dire  l'alcali  néces- 
saire à  la  production  des  raisins,  dont  le  jus  ou  vin  contient  comme 
cléments  essentiels  et  rebelles  aux  falsiti "ations,  les  tartrates  de  potasse. 
Le  sulfo-sel  se  décompose  sous  l'influence  de  l'acide  carbonique  et  do 
l'eau  de  l'atraosplière  souterraine  des  terres  arables.  Il  se  forme  du 
carbonate  de  potasse,  tout  porté  par  le  traitement  même,  aux  racines 
et  aux  radicelles,  et  formant  un  reconslituant  qui  rend  à  la  plante,  par 
une  assimilation  rapide,  les  forces  qu'elle  a  perdues  sous  les  succions 
du  Phylloxéra;  en  outre, il  se  dégage, d'une  manière  lente  et  continue, 
de  l'acide  sulfhydrique  et  du  sulfure  de  carbone,  tous  deux  insecticides 
très  énergiques.  Sa  réactian  est  la  suivante  : 

KS,C02  -f  C02  -f-  HO  = 

Sulfure  Sulfure  Acide  Kiui. 

de  potassium.         de  cai-bone.  carbonique. 

K0,C03         -|-  HS  -1-  CS2 

Carbonate  Acide  Sulfure 

de  potasse.  sulfliyJriiue.  de  caiboiie. 

Le  sulfo-carbonate  de  potassium  a  été  expérimenté  d'abord  à  Cognac 
(Charente),  dans  le  vignoble  de  M.  Thibaut,  par  MM.  Maxime  Cornu  et 
P.  Mouillefert,  puis  mis  en  pratique  en  grande  culture  dans  le  Borde- 
lais et  dans  l'Hérault  par  MM.  l'ingénieur  Félix  Hembert  et  P.  Mouille- 
fert. Ce  traitement  exige  nécessairement  de  l'eau.  On  renferme  chaque 
mètre  carré  de  terrain  dans  un  bassin  en  terre,  maintenue  tout  autour 
en  épais  bourrelet.  Cette  nécessité  de  larges  cuvettes  ne  permet 
d'appliquer  ce  traitement  par  le  sulfo-sel  au  cas  des  rangées  de  cultures 
intercalaires  sous  lesquelles  s'étendent  les  racines  des  vignes  phylloxé- 
rées.  Chaque  cuvette  contient  un  seul  cep  (Bordelais,  Charentes)  ou 
plusieurs  (Bourgogne).  Dans  le  traitement  habituel  on  verse  par  cu- 
vette 100  grammes  de  sulfocarbonate  pour  /|0  ivilogrammes  d'eau.  Cette 
eau  est  employée  en  deux  fois,  15  à  20  litres  dissolvant  le  sel  toxique, 
puis  le  reste  à  l'état  d'eau  pure,  servant  comme  de  véhicule  ou  de 
piston  pour  pousser  à  fond  la  solution.  Le  sulfo-sel  agit  par  son  contact 
d'abord,  puis  par  les  vapeurs  qu'il  émet.  La  solution  liquide  a  une  m- 


PHYLLOXÉRIENS.  913 

tion  mécanique,  en  se  mettant  en  contact  avec  toutes  les  parties  souter- 
raines qu'elle  divise  et  prépare  au  passage  des  vapeurs.  La  diffusion  se 
fait  en  quelque  sorte  deux  fois  :  1°  le  liquide  pénétrant  sous  toutes  les 
racines;  2"  le  gaz  dégagé  passant  ensuite  où  le  liquide  peut  n'avoir  pas 
pénétré. 

Dans  ces  conditions,  la  terre  phylloxérée  est  imbibée  molécule 
par  molécule,  toutes  les  racines  de  la  vigne  étant  mises  en  contact  avec 
le  toxique,  soit  à  l'état  liquide,  soit  à  l'état  gazeux;  par  conséquent  l'in- 
secte destructeur  ne  peut  échapper  que  bien  difficilement  à  l'action 
délétère.  Le  sulfocarbonate  concentré  ne  vaut  rien,  car  il  ne  diffuse  pas 
partout;  c'est  aussi  le  défaut  du  sulfure  de  carbone  injecté  au  pal,  à 
cause  du  tassement  môme  de  la  terre  que  produit  le  trou  du  pal. 

Voici  des  expériences  qui  montrent  l'énergie  du  remède,  lorsqu'il  est 
employé  par  diffusion  au  moyen  du  procédé  mécanique.  Dans  une  so- 
lution à  1/200^  de  sulfocarbonate  de  potassium  les  Phylloxéras  sont  tués 
après  un  quart  d'heure  de  contact,  dans  une  solution  à  1/1000'*  après 
une  heure  et  quart,  dans  une  solution  à  1/5000"  tués  après  deux  heures 
dans  une  solution  à  1/10  000^  après  deux  heures  et  quart,  dans  une  so- 
lution à  1/25  000"  ils  sont  tués  après  24  heures  et  de  même  dans  des 
solutions  à  1/50  000^  et  à  1/100  000«.  Il  faut  remarquer  d'autre  part  que 
le  sulfocarbonate  appliqué  en  solutions  étendues  ne  présente  jamais  le 
moindre  danger  ni  pour  la  vigne,  ni  pour  les  ouvriers  qui  le  mettent 
en  œuvre,  ce  qu'on  ne  peut  nullement  dire  pour  le  sulfure  de  carbone 
pur.  Le  sulfocarbonate  de  potassium  est  donc  d'un  maniement  facile  et 
sûr  à  tous  les  points  de  vue. 

L'inconvénient  capital  de  ce  sulfo-sel  est  la  nécessité  de  l'eau.  Le  trai- 
tement n'était  pas  trop  coûteux  quand  on  avait  l'eau  à  proximité  du  vi- 
gnoble en  quantité  suffisante.  Il  devenait  onéreux  si  l'on  était  obligé 
d'aller  chercher  l'eau  k  plusieurs  kilomètres  de  distance,  au  moyen  du 
travail  dispendieux  de  l'homme  et  des  animaux  domestiques.  Ainsi  les 
premières  applications  en  grande  culture  faites  à  Moncey,  par  Romanèche 
(Saône-et-Loire),  sous  la  direction  de  M.  Rommier,  coûtèrent  des  sommes 
qui  dépassaient  1500  et  parfois  2000  francs  par  hectare,  prix  qui  n'é- 
taient accessibles  qu'aux  grands  crus  privilégiés.  Il  fallait  songer  aux 
crus  modestes,  mais  si  nombreux,  qui  sont  la  fortune  de  la  P'rance. 
M.  Félix  Hembert  a  réussi  le  problème  d'une  canalisation  portative  et 
d'appareils  qui  constituent  un  système  complet  qui  réunit  les  conditions 
suivantes  :  1"  avoir  la  plus  grande  solidité  possible,  être  léger  et  facile- 
ment transportable,  d'un  montage  et  d'un  démontage  rapides,  aisés  même 
pour  les  ouvriers  des  champs  les  moins  familiarisés  avec  la  mécanique; 
2»  permettant  de  porter  l'eau  pour  faire  la  solution  sulfocarbonatée,  ou 
cette  solution  elle-même,  à  toutes  les  distances  et  à  toutes  les  hauteurs, 
à  pied  d'œuvre  et  à  très  bas  prix  ;  pouvant  traiter  les  plus  petites  comme 
les  plus  grandes  étendues  de  vignobles  dans  le  moindre  temps  possible, 
et  cela  afin  de  laisser  profiter  de  toutes  les  circonstances  favorables  au 
GIRARD.  lu.  —  58 


914  HÉMIPTÈRES. 

point  de  vue  climatérique  qui  se  présentent  dans  la  viticulture.  On  peut 
aujourd'hui  traiter  une  vigne  phylloxérée  à  9  ou  10  kilomètres  de  dis- 
tance de  la  prise  d'eau  et  h  des  altitudes  supérieures  à  100  mètres.  Les 
pressions  exigées  dans  ces  circonstances  sont  inusitées  dans  l'industrie; 
il  a  fallu  créer  de  toutes  pièces  une  sorte  de  canalisation  à  jonction  ra- 
pide, présentant  la  plus  grande  solidité  sous  le  poids  le  plus  faible.  Le 
moteur  est  animé  par  une  chaudière  à  vapeur  à  haute  pression,  en  tôle 
d'acier  d'une  grande  résistance,  installé  sur  un  bdli  en  acier  qui  sup- 
porte la  chaudière  et  le  système  des  propulseurs  du  liquide.  Sur  ce 
bâti  est  établie  une  chambre  de  départ  à  air  comprimé,  sur  laquelle 
sont  fixés  les  raccords  des  prises  que  l'on  dirige  ensuite  dans  diverses 
directions,  et  qui  sert  à  alimenter  les  réseaux  de  canalisation  placés 
dans  le  champ  de  vignes. 

Cette  canalisation  consiste  en  tuyaux  de  tôle  douce  ou  de  tôle  d'acier, 
à  double  rivure  en  quinconce  et  essayés  à  la  pression  minimum  de  30  à 
35  kilogrammes  par  centimètre  carré.  Ils  ont  une  longueur  d'environ 
5  mètres  et  sont  ajustés  en  double  épaisseur  par  fragments  d'un  mètre, 
ce  qui  leur  donne  une  rigidité  très  grande,  qualité  indispensable  pour 
le  transport  en  coteau.  Le  poids  d'un  mètre  est  d'envion  2  kilogrammes, 
joints  compris,  ce  qui  permet  aisément  à  un  ouvrier  d'en  porter  trois 
ou  quatre  à  pied  d'œuvre  avec  toutes  les  difficultés  possibles  du  ter- 
rain. 

Un  ouvrier  peut  mettre  en  place  de  trois  à  quatre  mille  mètres  de 
tuyaux  en  une  journée.  La  canalisation  est  formée  de  tuyaux  qui  par- 
tent de  la  machine,  placée  au  bord  de  la  prise  d'eau  et  dans  toutes  les 
directions  nécessaires  jusqu'à  la  vigne  qui  doit  être  sulfocarbonatée. 
Dans  la  vigne,  la  canalisation  principale  est  dirigée  dans  le  sens  per- 
pendiculaire aux  rangées  de  souches,  jusqu'au  point  le  plus  éloigné. 
Elle  porte  des  embranchements  latéraux  munis  de  valves,  sur  lesquels 
on  raccorde  une  canalisation  secondaire  en  tuyaux  d'un  plus  faible 
diamètre,  et  enfin  une  canalisation  tertiaire  en  caoutchouc  et  toile, 
d'une  grande  résistance,  s'adaptantà  la  canalisation  au  moyen  de  rac- 
cords .1  vis  on  à  baïonnette  et  terminés  par  une  petite  valve  ou  robinet 
à  éperon  qui  sert  à  faire  les  dosages.  Les  propulseurs  fonctionnent  sans 
relâche  et  toujours  suus  le  même  régime  de  vitesse  ;  comme  le  liquide 
ne  trouve  p;is  toujours  d'issue,  lors  des  arrêts  du  travail,  il  pourrait 
en  résulter  des  accidents  à  la  machine  et  quelquefois  des  ruptures  dans 
la  canalisation.  Aussi,  de  distance  en  distance  et  en  des  points  déter- 
minés sont  placés  des  accumulateurs  à  air  comprimé.  Lors  des  arrêts, 
le  liquide  s'emmagasine  dans  les  accumulateurs  et  l'air  se  comprime 
jusqu'à  ce  que  l'équilibre  soit  établi  avec  la  pression  de  la  conduite 
principale  formant  le  réseau.  Aussitôt  que  les  canalisations  sont  placées, 
l'écoulement  du  liquide  est  rétabli,  en  vertu  du  travail  mis  en  réserve 
par  l'air  comprimé  des  accumulateurs  ;  la  masse  d'air  se  détend  gra- 
duellement et  les  choses  rentrent  dans  leur  état  normal. 


PIIYLLOXÈRIENS.  9j5 

On  peut  citer  comme  exemple  du  traitement  de  MM.  F.  Hembert  et 
P.  Mouillefert  le  vignoble  de  la  Provenquière,  près  Capestang  (Hérault) 
appartenant  à  M.  Teissonnière,  et  comprenant  environ  /t50  000  sou- 
ches. Il  est  soumis  au  sulfocarbonate  depuis  1879  et,  dans  la  seconde 
période  comparée  à  la  première,  le  bénéfice  vinicole  a  doublé.  En 
présence  de  la  puissante  action  du  Phylloxéra  sur  la  vigne,  on  peut  dire 
que  la  culture  de  celle-ci  devra  être  désormais  intensive,  c'est-à-dire  à 
gros  revenus,  afin  de  pouvoir  supporter  les  frais  de  traitement  et  de  cul- 
ture de  toutes  sortes,  et  être  faite  dans  les  sols  les  plus  fertiles  et  les 
plus  apte?  cà  la  défense,  tels  que  les  sols  frais,  profonds  et  autant  que 
possible  de  nature  siliceuse.  On  devra  supprimer  tous  les  vignobles  à  sol 
faible  et  exposés  aux  accidents  par  intempéries.  Bien  que  le  sulfo- 
carbonate apporte  son  engrais  potîissique,  il  est  avantageux  de  seconder 
son  action  par  des  fumures  riches  et  rapidement  assimilables. 

Une  dernière  méthode  de  traitement,  curative  et  préventive,  qui  est 
encore  en  cours  d'essai,  a  été  imaginée  après  l'importante  découverte 
de  l'œuf  d'hiver  par  xM.  Balbiani.  En  détruisant  l'œuf  d'hiver  on  diminue 
la  chance  de  renouvellement  par  des  sujets  bien  féconds  des  colonies 
souterraines;  sur  des  vignobles  sains,  à  la  veille  d'être  attaqués,  cette 
destruction  peut  les  préserver  de  la  maladie  phylloxérienne.  Les  traite- 
ments qui  atteignent  cet  œuf,  chargé  par  la  nature  de  renouveler  le 
cycle  phylloxérien,  sont  surtout  à  recommander  dans  la  zone  limite, 
encore  indemne  sur  les  racines.  On  a  essayé  de  décortiquer  les  ceps 
avec  un  gant  à  mailles  d'acier  (gant  Sabaté)  et  de  brûler  avec  soin 
toutes  les  écorces  enlevées;  il  reste  toujours  des  œufs  d'hiver  qui 
échappent.  Le  mieux  est  d'opérer  un  badigeonnage  des  ceps  en  hiver, 
avec  le  mélange  indiqué  par  MM.  Balbiani  et  Henneguy  de  9  kilo- 
grammes de  goudron  de  houille  contre  1  kilogramme  d'huile  lourde, 
mélange  qui  pénètre  bien  toute  la  profondeur  de  l'écorce.  Dans  ce  badi- 
geonnage, le  mélange  sera  étendu  à  l'aide  d'un  pinceau  plat  sur  tout  le 
bois  jusqu'au  collet  de  la  plante,  en  ayant  soin  de  respecter  les  bour- 
geons. Le  badigeon  devra  toujours  être  appliqué  pendant  l'arrêt  de  la  vé- 
gétation, de  novembre  à  fin  février,  et  précédé  de  la  taille,  qu'on  avan- 
cera dans  les  pays  où  elle  se  fait  d'ordinaire  tardivement.  On  le  fera  pré- 
céder d'une  décortication  superficielle,  si  les  vignes  sont  vieilles  età  écor- 
ces épaisses.  Il  ne  faudra  pas  traiter  par  les  temps  humides;  les  souches 
devront  toujours  être  bien  sèches.  Quand  on  fait  la  taille,  il  faut  ramasser 
avec  le  plus  grand  soin  les  sarments  coupés,  qui  peuvent  receler  des 
œufs  d'hiver,  les  brûler  sur  place  ou  les  emporter  loin  du  vignoble, 
dans  un  lieu  sec  et  abrité.  Il  ne  faut  jamais  abandonner  sur  le  sol  les 
sarments  de  taille,  car,  à  l'air  humide,  les  œufs  conservent  leur  vitalité 
et  pourraient  éclore  au  printemps  et  les  aptères  seraient  aisément  amenés 
à  gagner  les  racines. 

Nous  laisserons  complètement  de  côté  la  question  de  la  reconstitution 
du  vignoble  français  en  vignes  américaines  résistantes  au  Phylloxéra, 


916  HÉMIPTÈRES. 

emyloyées  soit  pour  produire  du  vin,  soit  comme  porte-greffes  du 
Vitis  vinifera.  Cette  solution  de  la  question  maintiendrait  à  jamais  le 
fatal  insecte  en  France  et  empêcherait  tout  espoir  de  retrouver  nos  an- 
ciens vins.  Les  documents  publiés  par  l'administration  pour  l'année  1883 
indiquent  que,  grâce  aux  traitements  opérés  avec  le  concours  de  la  loi 
de  1878,  la  marche  du  fléau  devient  moins  rapide.  La  défense  contre 
l'insecte,  proportionnellement  à  letendue  des  vignes  envahies  mais  ré- 
sistant encore,  qui  était  en  1878  d'un  peu  plus  de  3  pour  100,  s'est  élevée, 
par  une  progression  successive  et  sans  interruption,  à  11,23  pour  100. 
D'après  la  statistique  officielle  113  000  hectares  de  vignes  ont  été  détruits 
en  1880,  91  000  en  1881,  6Zi  500  en  1882.  Quant  aux  vignes  malades,  on 
trouve  la  même  décroissance  :  ainsi,  en  1880,  l'augmentation  est  de 
I3ù/i9/j  hectares,  en  1881  de  128  350,-  en  1882  de  60  37Zi  et  en  1883  d'un 
chiffre  beaucoup  moindre  encore.  Depuis  l'apparition  du  fléau  859  352 
hectares  de  vignes  ont  été  détruits  dans  les  départements  déclarés 
phylloxérés,  et,  sur  ce  nombre,  Zii2  628  hectares  auraient  été  reconsti- 
tués. La  superficie  des  vignes  malades  n'a  pas  varié  sur  l'année  p  ré- 
cédente  et  reste  de  642  363  hectares.  La  culture  de  la  vigne  prend  un 
grand  développement  en  Algérie,  maintenue  indemne  grâce  aux  pré- 
cautions que  la  loi  permet  de  prendre,  et  couvre  aujourd'hui  une  sur- 
face de  50  000  liectares. 

Le  Phylloxéra  de  la  »igne  n'est  pas  la  seule  espèce  de  la  tribu  des 
Phylloxériens.  Il  y  a  d'autres  espèces  à  cycle  analogue  qui  se  trouvent 
sous  les  feuilles  des  diverses  espèces  de  chêne.  Le  nom  du  genre  Phyl- 
loxéra, qui  veut  dire  dessécheur  de  feuilles,  a  été  établi  il  y  a  déjà  long- 
temps par  Boyer  de  Fonscolombe  {Ann.  Soc.  eiUom.  France,  1"  série, 
1834,  t.  III,  222,  pi.  I,  D,  fig.  Zi  à  6)  pour  une  espèce  qu'il  appela  P. 
quercus  et  qu'il  trouvait  sous  les  feuilles  du  chêne  rouvre,  Quercus  robur. 
Voici  la  diagnose  de  celte  petite  espèce,  de  0""",7  de  long  :  d'un  rouge 
écarlate,  la  poitrine  brune,  les  ailes  grisâtres,  les  trois  nervures  obliques 
partant  immédiatement  de  la  côte  externe,  les  ailes  inférieures  sans 
nervure  oblique,  pas  de  cornicules.  Cette  espèce,  de  l'extrême  Midi, 
porte  actuellement  le  nom  de  P.  coccinea,  Heyden,  car  on  a  réservé  le 
nom  de  P.  quercus  à  une  espèce  qu'on  trouve  dans  toute  la  France  à  la 
surface  inférieure  des  feuilles  du  chêne  blanc  ou  Quercus  pedunculata, 
Linn.,  et  aussi  du  Quercus  robur  ei  qui  a  été  étudiée  en  1873  par  M.  Bal- 
biani  et  en  1883  par  le  docteur  Lemoine,  de  Reims. En  été  apparaissent 
sous  les  feuilles  de  chêne  les  premiers  individus  de  l'espèce,  ayant  la 
forme  de  larves  aptères  d'un  jaune  pille,  avec  les  antennes  plus  grêles 
et  plus  longues  que  chez  le  Phylloxéra  de  la  vigne.  Chaque  insecte  oc- 
cupe le  centre  d'une  tache  jaunâtre  produite  par  l'action  de  la  piqûre 
sur  le  parenchyme  de  la  feuille.  Ces  larves  grandissent  et  subissent  des 
mues  sans  changer  de  place,  deviennent  mères  pondeuses  sans  con- 
cours de  mâles,  après  avoir  atteint  une  taille  d'environ  1  millimètre  et 
s'enlourent  successivement  d'un  assez  grand  nombre  d'œufs  disposés 


PHYLOXÉRIKNS,    ALEUUODIENS.  917 

autour  d'elles  en  cercles  concentriques.  Au  bout  de  peu  de  jours,  de 
jeunes  larves  sortent  de  ces  œufs,  gagnent  les  parties  restées  vertes  de 
la  feuille,  s'y  fixent  par  leur  suçoir,  deviennent  mères  pondant  des 
œufs  en  rond,  etc.  Bientôt  toute  la  face  inférieure  delà  feuille  de  chêne 
est  couverte  d'une  grande  quantité  de  petits  aptères  de  toutes  tailles, 
entourés  ou  non,  selon  leur  taille,  d'œufsplusou  moins  nombreux.  Vers 
la  lin  de  l'été,  à  la  fin  d'août,  près  de  Paris,  certaines  larves,  après  avoir 
passé  par  la  forme  de  nymphes  rougeàtres,  donnent  des  femelles  ailées 
de  migration.  Elles  possèdent  parfaitement  les  glandes  sébilîques  et  un 
organe  médian  impair,  qui  est  une  poche  copulatrice  restant  toujours 
vide  de  sperme  (Leuckart,  Balbiaiii);  ces  feqjelles  sont  donc  parthéno- 
génésiques.  Elles  pondent,  en  petits  las  sur  les  feuilles  ou  sur  les  bran- 
ches, ou  sur  les  plantes  basses  du  voisinage,  des  œufs  dioïques  de  deux 
grosseurs,  les  œufs  mâles  plus  petits  et  un  peu  rougeàtres,  les  œufs  fe- 
melles plus  gros  et  jaunâtres.  Ces  œufs  dioïques,  par  un  fait  spécial  à 
l'espèce  du  chêne,  sont  aussi  pondus  à  la  fin  de  l'été  par  les  mères  ap- 
tères auparavant  pondeuses  d'œufs  ordinaires  (Balbiani).  Il  en  naît,  à 
la  fin  de  septembre,  des  sexués,  aptères  et  sans  rostre,  ne  prenant  pas 
de  nourriture  et  ne  subissant  pas  de  mue,  les  mâles  rougeàtres,  de 
0'°",31  au  plus  de  long,  les  femelles  jaunâtres  de  O^^jZiô.  Ils  s'accouplent 
sur  les  écorces  du  chêne,  où  ils  courent  vifs  et  agiles;  la  copulation  ne 
dure  que  quelques  minutes  et  un  mâle  peut  féconder  successivement 
plusieurs  femelles,  comme  chez  les  Pucerons.  Dans  l'intérieur  de  cha- 
que femelle  se  forme  un  œuf  unique  ou  œuf  d'hiver  qui  est  pondu  dans 
les  fentes  de  l'écorce,  passe  l'hiver  et  la  plus  grande  partie  du  printemps 
sans  éclore,  donnant  à  la  fin  du  printemps  une  larve  aptère  et  partlié- 
nogénésique,  qui  se  porte  sous  les  feuilles  du  chêne  comme  nous  l'avons 
dit. 

Tribu  des  aleurodiems. 


Cette  petite  tribu  forme  un  passage  entre  les  Aphidiens  elles  Cocciens 
et  comprend  une  vingtaine  d'espèces  en  Europe.  A  l'état  parfait  toutes 
les  espèces  de  très  faible  taille  sont  à  peu  près  de  la  même  couleur, 
blanchâtres,  recouvertes  de  poussières  farineuses,  d'où  le  nom  d'Aleu- 
rodes;  partout  où  ils  séjournent,  on  remarque  un  dépôt  de  cette  môme 
matière,  qui  recouvre  bientôt  toutes  les  feuilles  où  ils  sont  étabhs.  Les 
ailes  sont  blanches,  parfois  maculées,  le  corps  jaunâtre,  quelquefois  un 
peu  rougeàtre  et  plus  ou  moins  taché  de  noir.  Us  sont  toujours  sur  la 
plante  qui  nourrit  les  larves  et  les  nymphes  et  sur  laquelle  pondent  les 
adultes.  Les  larves  et  les  nymphes  sont  fixées  par  leur  rostre  ;  les  adultes, 
ailés  dans  les  deux  sexes  et  pareils,  s'envolent  avec  rapidité  au  moindre 
mouvement  imprimé  à  la  plante,  mais  reviennent  bientôt  se  poser  sur 
les  feuilles  ou  sur  les  objets  environnants.  En  général  on  les  trouve  à 


918  HÉMIPTÈRES. 

leurs  divers  états  sous  les  feuilles,  dans  les  endroits  abrités  et  un  peu 
humides.  Ils  passent  l'hiver  sous  leurs  diverses  phases,  adultes  dans  les 
anfractuosités  des  arbres  et  des  terreset  même  sous  les  feuilles,  en  œufs, 
larves  ou  nymphes,  sous  les  feuilles  tombées,  sous  les  feuilles  des  plantes 
qui  les  conservent,  tels  que  le  fraisier,  la  chélidoine,  l'alaterne  et  les 
choux.  Les  larves  varient  d'aspect  beaucoup  plus' que  les  adultes.  Géné- 
ralement translucides  en  naissant,  elles  deviennent  en  vieillissant  plus 
ou  moins  opaques  et  jaunâtres  {Aleurodes  chelidonii,  brassicœ,  etc.),  par- 
fois noires  ou  brunes,  variées  de  blanc  (A.  aceris).  Il  en  est  de  glabres  ; 
d'autres,  au  coniraire  {A.  rubi,  quercus)  portent  des  poils  sur  le  dos, 
d'autres  des  tubes  sécrétant  une  matière  blanchâtre,  farineuse,  formant 
des  espèces  de  houppes  qui  envahissent  tout  l'insecte.  Les  larves  sortant 
de  l'œuf  ont  les  antennes,  le  rostre  et  les  pattes  ettouslessegments  d'a- 
bord bien  visibles;  elles  se  fixent  à  la  feuille  par  leur  rostre  et  leurs 
organes  s'atrophient  peu  à  peu,  de  sorte  qu'elles  ressemblent  à  des 
Cocciens  de  la  famille  des  Lécanides,  et  de  même  la  nymphe;  l'adulte 
éclosant  de  cette  nymphe,  ailé  dans  les  deux  sexes,  établit  une  com- 
plète différence.  En  général  les  larves  sont  bordées  d'une  sécrétion  ci- 
reuse, formant  une  sorte  de  frange  tout  autour  du  corps,  sécrétion 
blanchâtre  ou  transparente  ;  dans  certaines  espèces,  le  corps  de  la  larve 
et  de  la  nymphe  est  recouvert  et  protégé  en  entier  par  une  sécrétion 
assez  épaisse.  Les  adultes  étaient  pris  pour  de  très  petits  papillons  par 
les  anciens  auteurs.  La  tribu  ne  renferme  que  le  genre  : 

AliEURODEiS,  Latr.  —  Tète  inclinée  fortement  en  avant;  antennes  de  sept  ar- 
ticles, le  troisième  très  long  ;  yeux  réniformes,  généralement  séparés  en  deux 
portions  par  une  membrane;  un  ocelle  au-dessus  des  yeux;  prothorax  court; 
mésothorax  et  métalhorax  j)his  grands;  quatre  ailes,  étendues  en  toit  au  repos 
sur  le  corps,  les  antérieures  recouvrant  les  postérieures,  qui  sont  un  peu  moins 
longues,  les  antérieures  à  deux  nervures,  une  grande  et  médiane,  une  seconde 
oblique,  partant  de  la  base  près  de  la  médiane,  les  postérieures  à  une  seule 
nervure  ;  pattes  très  longues,  les  trochanters  des  quatre  pattes  postérieures  très 
longs  et  renflas,  les  cuisses  légèrement  renflées,  les  jambes  grêles,  plus  longues 
que  les  cuisses,  avec  deux  arêtes  à  poils  épineux,  les  tarses  de  deux  articles 
très  allongés  ec  épineux, atteignant  à  eux  deux  la  longueur  delà  jambe,  crochets 
très  longs  ;  abdomen  plus  ou  moins  pédoncule,  surtout  chez  les  mâles,  en  ovale 
plus  ou  moins  globuleux  chez  les  femelles,  plus  étroit,  plus  allongé  chez  les 
mâles,  oii  son  extrémité   se   termine   par  une  armature  en  forme  de  forceps. 

Les  femelles  des  Aleurodes  sont  exclusivement  ovipares  après  copula- 
tion. Une  espèce  anciennement  connue,  commune  dans  toute  la  France 
sur  la  grande-éclaire  {Chelidonium  majus),  esi  A . proletella,  Linn.,  syn.  : 
chelidonii,  Latr.,  pi.  cm,  flg.  16;  la  Phalène  culici forme,  de  Geoffroy;  le 
petit  Papillon  de  V éclaire  et  du  chou,  de  Réaumur  ;  une  Tinea  pour  Lin- 
nœus.  On  a  longtemps  confondu  cette  espèce  avec  celle  du  chou,  qui 


ALEURODIENS,    COCCIENS.  919 

est  un  peu  plus  petite,  et  ne  se  différencie  bien  que  par  la  larve.  Cet 
Aleurode,  long  de  2  millimètres,  est  d'un  jaune  parfois  un  peu  rou- 
geâtre,  maculé  de  noir,  couvert  d'une  poussière  farineuse  blanche.  Les 
œufs  pédoncules,  d'abord  jaunes,  deviennent  d'un  brun  verdûtre  en 
vieillissant;  il  en  sort  des  larves  glabres,  d'un  jaune  blanchâtre,  à 
antennes  de  quatre  articles,  dont  le  troisième  est  le  plus  long.  On  trouve 
cet  Aleurode  pendant  toute  l'année,  mais  surtout  en  septembre  et 
octobre,  sous  les  feuilles  du  Chelidonium  majus,  et  quelquefois  en  très 
grand  nombre,  principalement  dans  les  endroits  abrités.  Souvent  on 
voit  des  larves  entièrement  noires,  sujets  contenant  des  larves  entomo- 
phages,  principalement  de  Mymarides  (Proctotrupiens). 


Tribu  des  COCCIEMS. 


Les  Cocciens,  qui  forment  les  derniers  Pliytophthires,  présentent  des 
caractères  fort  curieux,  des  formes  spécifiques  très  variées  d'une  part, 
d'autre  part  une  dissemblance  si  complète  entre  les  deux  sexes,  dans 
l'aspect  et  le  développement,  qu'on  les  croirait  de  types  zoologiques  fort 
éloignés.  Des  œufs  sortent  des  larves  libres  douées  d'une  assez  grande 
mobilité.  Leur  corps,  en  forme  de  bouclier,  porte  des  antennes,  des 
yeux,  des  pièces  buccales  bien  définies,  trois  paires  de  pattes  pubes- 
centes  et  plus  ou  moins  grêles,  à  tarses  d'un  seul  article  avec  un  cro- 
chet et  des  poils  terminaux  particuliers,  nommés  digitules,  chacun  avec 
une  dilatation  en  ampoule.  Le  rostre,  de  trois  articles,  cache  dans  sa 
cavité  quatre  soies,  qui,  prenant  naissance  au  niveau  de  la  tOte,  s'en- 
foncent dans  l'intérieur  du  corps  et  reviennent  du  côté  de  la  tête  en 
décrivant  une  courbe,  ce  qui  fait  que  ces  soies  peuvent  atteindre  une 
très  grande  longueur  et  pénétrer  très  profondément  dans  les  plantes, 
dont  les  sucs  constituent  l'unique  aliment  de  ces  insectes.  La  larve, 
après  son  éclosion,  court  çà  et  là  sur  la  plante,  enfonce  son  suçoir  quand 
elle  a  trouvé  une  place  propice,  et  devient  dès  lors  immobile.  Elle  se 
modifie  ensuite  d'une  manière  très  différente  si  elle  doit  donner  un 
mâle  ou  une  femelle. 

Dans  le  premier  cas,  la  larve,  déjà  de  taille  plus  petite  que  dans  le 
second  cas,  perd  son  rostre  après  la  troisième  mue,  ne  mange  plus,  par 
conséquent,  et  se  confectionne  une  sorte  de  cocon,  ou  bien  sa  surface 
sécrète  une  enveloppe  protectrice  sous  laquelle  se  forme  une  nymphe  im- 
mobile, fait  exceptionnel,  sauf  en  partie  les  nymphes  de  Cigales,  chez  les 
Hémiptères  homoptères.  Le  mâle  sort  de  cette  coque  par  l'extrémité  pos- 
térieure, présente  à  la  tête  une  paire  de  longues  antennes,  filiformes  ou 
noueuses,  dix  à  vingt-cinq  articles  selon  les  espèces,  quatre  ocelles  dont 
deux  ont  pris  la  place  du  rostre  atrophié,  et  souvent,  en  outre,  deux 
à  six  ocelles  supplémentaires,  parfois,  en  tout,  dix  ocelles.  Le  thorax 


920  HÉMIPTÈRES. 

est  très  développé,  porte  une  paire  de  longues  ailes,  dépassant  de  beau- 
coup le  corps  en  arrière,  chaque  aile  parcourue  par  une  ou  deux  ner- 
vures délicates.  En  outre,  assez  souvent,  deux  balanciers  rudimentaires 
remplacent  la  seconde  paire  d'ailes,  chacune  offrant  à  son  extrémité 
une  sorte  de  soie  crochue  qui,  lorsque  l'insecte  est  au  repos,  vient  se 
loger  dans  une  petite  pochette  creusée  en  regard  d'elle  sur  le  bord 
postérieur  de  l'aile.  11  peut  n'exister  que  des  moignons  d'ailes  (mâle  de 
la  Cochenille  de  l'ormeau,  Gossiparia  ulmi),  ou  même  le  mule  peut 
fitre  complètement  altère  {Aspidiotiis  salicis,  Acanthococcus  aceris).  Chez 
les  Cochenilles  à  laque  (Carteria  lacca,  Signoret),  il  y  a  une  première 
génération  de  mâle  aptère  et  une  seconde  génération  de  mille  ailé. 
Bien  que  d'après  la  nervulation,  les  ailes  des  mAles  de  Cocciens  ne 
soient  nullement  des  ailes  de  Diptère,  on  avait  d'abord  pris  ces  très 
petits  mâles  pour  des  Diptères  parasites  des  Cocciens.  L'abdomen,  assez 
élancé,  est  composé  de  sept  segments,  le  dernier  portant  l'anus  terminé 
par  un  stylet  pénial  plus  ou  moins  long,  droit  ou  courbé  en  faux,  nu 
ou  orné  à  sa  base  d'une  couronne  de  soies  caudales.  En  outre,  de 
chaque  côté,  ce  dernier  segment  présente  deux  ou  quatre  filets,  souvent 
du  double  aussi  longs  que  le  corps  de  l'insecte,  formés  d'une  cire 
blanchâtre,  soluble  dans  l'alcool  ou  dans  l'éther,  sécrétés  par  des  or- 
ganes glanduleux  particuliers  auxquels  on  donne  le  nom  de  filières; 
parfois  ces  filaments  sont  remplacés  par  des  houppes  soyeuses  {Porphy- 
rophora).  Le  petit  mâle  voltige  quelque  temps  autour  de  la  plante  sur 
laquelle  il  est  né  à  la  recherche  des  femelles,  les  féconde  et  meurt, 
toute  sa  fonction  étant  achevée. 

I,a  femelle  provient  d'une  larve,  d'abord  semblable  à  celle  du  mâle, 
mais  plus  grosse.  Elle  se  fixe  à  la  plante  au  moyen  de  son  rostre,  et  se 
recouvre  plus  ou  moins  de  matières  cireuses  ou  farineuses,  sous  les- 
quelles s'effectuent  des  changements  souvent  régressifs.  La  femelle 
adulte  est  toujours  beaucoup  plus  grosse  que  le  mâle,  à  corps  court  et 
trapu,  la  segmentation  disparaissant  assez  souvent  peu  à  peu.  Les  ailes 
font  toujours  défaut.  Antérieurement  sont  deux  antennes  toujours  plus 
courtes  que  celles  du  mâle,  et  formées  seulement  de  six  à  onze  articles  ; 
elles  manquent  chez  les  Diaspides,  ainsi  que  les  yeux,  ceux-ci  fort  petits 
chez  les  Lécanides,  parfois  à  peine  visibles.  Dans  les  Coccides,  le  thorax 
et  l'abdomen  gardent  assez  bien  leur  segmentation  primitive;  dans  les 
Diaspides,  les  anneaux  se  fusionnent  plus  ou  moins,  et  toute  trace  de 
segmentation  disparaît  chez  beaucoup  de  Lécanides.  La  femelle  s'aplatit 
à  sa  face  inférieure  ou  même  se  déprime  pour  se  mouler  sur  la  branche. 
Dans  les  Diaspides  ou  dans  beaucoup  de  Lécanides,  le  dos  reste  aplati; 
parfois,  au  contraire,  il  se  renfle,  de  sorte  que  le  Coccien  présente  un 
aspect  globuleux,  ainsi  dans  les  Kermès  et  Physokermès.  De  là  les  noms 
de  Gallinsectes  et  Progallinsectes  donnés  par  Réaumur  et  De  Géer;  un 
Kermès  commun  sur  les  chênes  de  diverses  régions  a  longtemps  été 
pris  pour  une  véritable  galle  végétale.  11  y  a  des  femelles  dans  les  Léca- 


COGCIENS.  921 

nides  qui  poussent  sous  elles  leurs  œufs  à  mesure  qu'elles  les  pondent; 
les  deux  parois  dorsale  et  ventrale  s'accolent,  la  femelle  se  desséchant, 
et  le  corps  de  la  mère  forme  une  carapace  protectrice  pour  les  œufs  ou 
les  plus  jeunes  larves. 

La  femelle  reste  nue  dans  la  plupart  des  Lécanides  et  des  Çoccides, 
ou  bien,  chez  les  Diaspides,  présente  à  sa  surface  des  séries  d'écaillés, 
restes  des  mues  successives,  qui  lui  donnent  l'aspect  d'une  petite  cara- 
pace ou  d'un  bouclier.  Des  squames  ou  plaques  particulières  peuvent 
se  rencontrer  à  la  queue  ou  au  pourtour  de  l'anus  dans  les  Lécanides, 
rien  de  pareil  ne  se  voyant  chez  les  Çoccides.  Il  y  a  un  développement 
récurrent  ou  rétrograde  pour  les  pattes  courtes  et  épaisses,  qui  dispa- 
raissent même  dans  les  Uiaspides,  L'abdomen  offre,  comme  celui  du 
mâle,  des  filières  sécrétant  des  filaments  cireux  caducs  et  beaucoup 
plus  courts.  Après  l'accouplement  la  femelle  grossit  encore,  conservant 
sa  forme  primitive  dans  un  grand  nombre  de  Çoccides,  ou  bien  se 
déformant  au  point  de  devenir  méconnaissable  (Lécanides). 

Les  Cocciens  sont,  le  plus  souvent,  ovipares,  parfois  ovo-vivipares 
(Cochenilles  à  cire  et  à  carmin),  parfois  vivipares,  dans  les  Diaspides  et 
une  partie  des  Lécanides.  On  a  cru  longtemps  que  l'accouplement  par 
le  mâle  était  de  règle  indispensable  ;  on  sait  maintenant  (f-eydig, 
Leuckart)  qu'il  y  a  fréquemment  des  cas  de  reproductions  agames 
chez  les  Coccus,  Lecanium,  Aspidiotus,  les  femelles  étant  remplies 
d'embryons  sans  qu'il  y  ait  de  spermatozoïdes  dans  la  poche  copula- 
Irice. 

Souvent  la  surface  entière  du  corps  sécrète  des  productions  cireuses, 
parfois  utilisables  pour  l'industrie  :  ainsi  dans  VEricerus  ceriferus,  Gué- 
rin-Méneville,  couvrant  les  branches  d'une  sorte  de  givre  blanc  qu'on 
nomme  la  cire  d'arbre,  et  qui  sert,  en  Chine,  à  faire  des  bougies.  La 
pénétration  du  rostre  dans  les  plantes  peut  déterminer  l'élaboration  de 
produits  spéciaux,  comme  la  gomme  laque  et  la  manne,  dont  l'homme 
tire  parti.  A  l'intérieur  de  certains  Cocciens  s'élaborent  des  matières 
colorantes,  comme  le  carmin  du  Coccus  cacti  du  Mexique,  les  couleurs 
rouges  tirées  des  Porphyrophora,  soit  du  midi  de  l'Europe  et  d'Asie 
Mineure,  soit  de  Pologne.  Beaucoup  de  Cocciens  éjaculent,  probable- 
ment par  l'anus,  un  miellat  sucré,  à  la  façon  des  Pucerons,  miellat 
apte  à  devenir  le  terreau  de  la  morfée,  ou  fumagine  ou  maladie  du 
noir.  D'ordinaire  ce  miellat  n'est  pas  assez  abondant  pour  attirer  les 
Fourmis,  qui  ne  fréquentent  guère  les  Cocciens,  peut-être  en  raison  de 
quelque  goût  de  ce  miellat  qui  leur  conviendrait  peu.  Sa  sécrétion  est 
nulle  dans  beaucoup  d'espèces;  mais,  par  contre,  il  en  est  d'autres  qui 
en  fournissent  une  telle  quantité,  qu'il  tombe  sur  le  sol  et  le  mouille 
comme  si  on  l'eût  arrosé  d'eau  sucrée.  C'est  ce  qu'on  voit  pour  le  Leca- 
nium persicœ,  où  Réaumur  prenait  cette  production  pour  la  sève 
du  pécher  extravasée  sous  l'influence  de  la  piqûre  du  rostre  du 
Coccien. 


922  HÉMIPTÈRES. 

Les  Diaspides  offrent  des  espèces  recouvertes  par  une  pellicule  formée 
par  les  mues  successives  de  l'insecte  et  par  une  sécrétion  constituant 
un  appendice  plus  ou  moins  indépendant  du  corps  de  l'animal,  et  qu'on 
peut  appeler  bouclier.  Les  formes  de  cet  organe  peuvent  servir  a  créer 
des  divisions.  Le  bouclier  peut  être  plus  ou  moins  arrondi,  avec  la 
dépouille  au  centre,  la  femelle  et  le  mâle  à  peu  près  du  même 
aspect,  celui-ci  toujours  un  peu  plus  allongé  {Aspidiotus  nerii);  ou 
bien  cette  dépouille  est  à  l'extrémité  {Mytilaspis  conchyformis  et 
linearis). 

L'aspect  des  premières  espèces  se  rapproche  de  celui  d'une  huître, 
l'aspect  des  secondes  de  celui  d'une  moule  ;  les  mâles,  sans  rostre,  ont 
deux  yeux  supplémentaires,  les  ailes  supérieures  avec  une  nervure 
bifurquée,  les  inférieures  remplacées  par  un  balancier  de  trois  ar- 
ticles. 

Dans  le  genre  Aspidiotus,  le  bouclier  est  arrondi  chez  la  femelle,  un 
peu  plus  allongé  pour  le  mâle,  avec  les  dépouilles  des  mues  plus  ou 
moins  au  centre  ;  les  coques  sont  ici  des  sécrétions  fixes  de  la  femelle.  Les 
antennes  sont  longues,  sétacées,  de  neuf  articles,  le  rostre  court,  les 
tarses  de  deux  articles;  le  corps  des  femelles  est  ovalaire,  mou  et  annelé, 
le  thorax  arrondi  et  plus  court  que  la  tète,  l'abdomen  appendiculé. 
L'A.  nerii,  Bouché,  Kermès,  Pou  ou  Punaise  du  laurier  rose,  abonde  sur 
la  face  inférieure  des  feuilles  des  lauriers  roses  des  orangeries.  La  coque 
est  lenticulaire,  blanchâtre,  ponctuée  de  jaunâtre,  parfois  un  peu 
roussàtre  au  milieu.  Il  faut  immerger  dans  l'eau,  pendant  plusieurs 
jours,  les  arbustes  trop  atteints.  Ce  moyen  a  été  indiqué  aux  jardiniers 
par  une  expérience  locale  et  fortuite  faite  à  Paris.  On  a  observé,  lors 
des  grandes  crues  de  la  Seine,  qui  inondent  les  petits  jardins  des  éta- 
blissements de  bains  et  lavoirs  du  bord  de  l'eau,  que  les  lauriers  roses 
submergés  étaient  comme  régénérés  quand  l'eau  se  retirait,  et  entière- 
ment purgés  de  leurs  Cocciens.  il  faut  sacrifier  les  pieds  trop  affaiblis  et 
faire  des  couchages.  Le  parasite  attaque  aussi  les  arbousiers,  magnolias, 
acacias,  coronilles,  câpriers  et  lierres. 

L'A.  rosœ,  le  Kermès  du  rosier,  présente  une  femelle  rougeàtre,  deve- 
nant peu  à  peu,  après  s'être  fixée,  une  coque  d'un  blanc  crétacé,  lenti- 
culaire, un  peu  bombée  au  centre;  sous  les  coques,  en  hiver,  sont  des 
œufs  d'un  rouge  brun,  ('closant  au  printemps,  d'après  Boisduval;  peut- 
être  y  a-t-il  viviparité,  car  il  ajoute  que  ces  petites  larves  restent 
sous  la  coque  jusqu'à  la  première  mue.  Il  faut  tailleries  rosiers  atteints 
de  bonne  heure,  les  nettoyer  et  les  brosser  avant  l'évolution  des  bour- 
geons, car  les  coques  du  kermès  sont  peu  adhérentes.  Dans  les  espèces 
du  genre  Mytilaspis  le  bouclier  des  femelles  est  étroit  et  allongé;  on 
ne  connaît  pas  celui  du  mâle.  L'espèce  importante  est  le  M.  conchy- 
formis ou  pomorum,  le  Kermès  coquille  ou  virgule,  dont  la  coque  femelle 
est  brune,  allongée,  amincie  en  avant,  arquée  en  virgule,  ressemblant 
en   petit  à   une  coquille  de  moule,    recouverte   d'une   efflorescence 


COCGIENS.  923 

glauque.  Cette  espèce,  très  nuisible  dans  les  vergers,  couvre  les  écorces 
des  pommiers  et  aussi  des  poiriers,  le  pétiole  des  feuilles,  le  pédon- 
cule des  fruits  et  le  péricarpe  des  fruits;  elle  a  été  importée  d'Europe 
aux  États-Unis.  Il  faut  faire  des  badigeons  de  lait  de  chaux,  en  hiver; 
on  applique  à  chaud  avec  un  feutre  un  mélange  de  goudron  et  d'huile 
de  lin.  Ou  bien  on  barbouille  au  pinceau  les  écorces  couvertes  de 
coques  avec  un  enduit  de  lessive  concentrée  de  labac  et  de  pulpe  de 
savon  noir. 

Les  Lécanides  sont  esssentiellement  les  Cocciens  que  les  jardiniers 
appellent,  avec  d'autres  espèces,  Poux,  Punaises  et  Tigres  des  écorces  ou 
(les  feuilles.  Les  femelles  adultes  des  Lécanides  sont  toujours  fixées  aux 
feuilles  ou  aux  écorces.  ayant  le  corps  ovoïde,  ou  naviculaire,  ou  globu- 
leux, ou  lenticulaire,  collé  sur  les  écorces  ou  sur  les  feuilles  persis- 
tantes, de  couleur  variant  du  blanc  pur  au  brun  foncé.  Les  larves  cou- 
rent avec  agilité,  ressemblant  à  de  petits  Cloportes  qui  n'auraient  que  six 
pattes;  puis  elles  se  fixent,  et, la  segmentation  s'ePfaçant  plus  ou  moins, 
prennent  un  aspect  de  galle.  Jeunes,  ces  femelles  conservent  la  faculté 
de  se  mouvoir  dans  certaines  circonstances  ;  ainsi  celles  qui  seraient 
fixées  sur  les  feuilles  peuvent,  à  la  chute  de  celles-ci,  remonter  sur 
l'arbre  comme  on  le  voit  pour  les  Lecanium  persicœ,  parfois  si  communs. 
De  même,  lorsqu'on  récolte  de  ces  feuilles  et  qu'on  les  met  dans  une 
boîte,  on  voit  bientôt,  au  fur  et  à  mesure  de  la  dessiccation,  tous  les  Le- 
canium les  quitter  et  parcourir  la  boîte  en  tous  sens.  Après  l'accouple- 
ment, ces  femelles  deviennent  tout  à  fait  immobiles^  là  où  leur  rostre 
les  attache;  elles  grossissent  beaucoup  et  prennent  souvent  une  tout 
autre  forme  que  celle  qu'elles  présentaient  d'abord.  Les  œufs  pondus 
sont  poussés  sous  le  corps  de  la  mère,  refoulant  la  peau  inférieure  du 
ventre  contre  celle  du  dos,  de  sorte  que  ce  corps  desséché  devient  une 
cuirasse  protectrice.  Ces  femelles  sont  nues,  ou  enveloppées,  ou  sim- 
plement recouvertes  de  matières  cireuses,  calcaires,  ou  même  fila- 
menteuses; souvent  des  sécrétions  cireuses  entourent  les  œufs  et 
le  corps  de  ces  femelles,  souvent  aussi  elles  ont  des  exsudations  de 
miellat. 

Le  genre  Lecanium,  llliger,  est  formé  d'espèces  nues,  en  forme  de 
bateau  dans  le  jeune  âge,  à  corps  aplati,  à  tarses  de  deux  articles; 
dans  la  vieillesse,  après  la  fécondation,  les  espèces  peuvent  prendre 
des  formes  très  différentes  des  formes  initiales.  Le  L.  hesperidum,  le  Ker- 
mès des  orangers,  se  trouvent  sur  toutes  les  Aunmtiacées  cultivées  et 
s'observe  sur  les  orangers  des  serres  de  Paris.  La  femelle,  dont  la  forme 
est  peu  changée  comparativement  à  la  larve,  est  brune,  un  peu  lui- 
sante, avec  quatre  courts  filets  blancs;  elle  est  entourée  d'un  duvet 
blanc  sur  lequel  reposent  les  œufs  ;  les  larves  se  fixent  sur  les  feuilles 
et  sur  les  jeunes  branches.  Cette  espèce  laisse  suinter  beaucoup  de 
miellat,  d'où  résulte  de  la  fumagine.  En  grand,  il  faut  faire  contre  ce 
Coccien  des  projections  à  la  pompe  de  lait  de  chaux  phéniqué  ou  des 


924  HÉMIPTtRliS. 

fumigations  de  goudron;  on  doit  aussi  brûler  des  tampons  de  paille 
imprégnée  de  pétrole  pour  écarter  les  mâles.  En  petit,  on  fera  des 
brossages,  ou  des  lotions  d'alcool  ou  de  benzine.  On  recommande  aussi 
l'élagage  et  la  taille  lors  de  la  fructification  ;  l'aérage  détruit  beaucoup 
de  ces  insectes  par  les  actions  atmosphériques  et  en  aidant  l'accès  des 
parasites.  Le  L.  persicœ,  Kermès  du  pécher,  Punaise  du  pêcher,  présente, 
chez  la  femelle,  une  coque  oblongue,  d'un  brun-café,  entourée  d'un 
duvet  blanc  en  juin;  les  larves  agiles  sortent  en  juillet  et  hivernent 
sur  les  branches;  elles  se  fixent  au  printemps.  L'accouplement  a 
lieu  en  mai.  Cette  espèce  est  très  nuisible,  attirant  les  Fourmis  par 
son  miellat,  dont  elle  mouille  les  pêchers.  Il  faut  brosser  et  net- 
toyer ces  arbustes  en  hiver  et  opérer  un  badigeon  à  la  chaux  phéni- 
quée. 

Le  genre  Pulvinaria,  Targioni-Tozzetti,  a  été  établi  pour  des  Léca- 
nides  expulsant  leurs  œufs  et  les  renfermant  dans  un  amas  de  matières 
cotonneuses  d'aspect,  en  filaments  blancs.  Le  P.  vitis  ou  Kermès  de  la 
vigne  offre  une  femelle  bombée,  très  convexe,  amincie  en  avant,  d'un 
brun  roussâtre  tiqueté  de  points  noirs,  bordée  d'un  bourrelet  blanc 
cireux  qui  couvre  les  œufs  refoulés  sous  le  ventre.  Cet  insecte  attaque 
les  vignobles  et  surtout  les  A'ignes  de  treille.  Dans  ce  genre  entre  le 
P.  gasteralphe,  Icery,  ravageant  les  cannes  à  sucre  dans  les  îles  Maurice 
et  Bourb-L  n,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  Pou  à  poche  blanche  ou 
Coccus  succhari,  Guérin-Méneville. 

C'est  aux  Lécanides  qu'on  doit  rapporter  les  Cocciens  produisant  de  la 
cire  en  Chine  et  de  la  gomme-laque  aux  Indes  orientales.  Le  Coccien  à 
cire  blanche,  Ericerus pela,  Vi'esiwood  ou  ceriferiis,  G.  Mén.,  a  une  femelle 
sphérique,  globuleuse,  ayant  à  la  face  inférieure  une  large  échancrure 
qui  lui  sert  à  mouler  son  corps  sur  les  branches.  Les  mâles  sont  très 
grands,  d'un  rouge  fauve,  avec  six  ocelles  et  quatre  yeux  à  facettes,  des 
antennes  et  des  pattes  très  longues  et  pubescentes,  des  ailes  transpa- 
rentes et  très  allongées,  des  balanciers  pourvus  de  deux  soies  à  l'extré- 
mité. L'abdomen  est  aussi  long,  mais  moins  large  que  le  thorax;  son 
dernier  segment  porte  de  chaque  côté  deux  longs  poils  qu'agglutine 
une  substance  sécrétée  par  les  filières.  Ce  qui  est  fort  curieux,  c'est  que 
les  femelles  restent  libres  et  que  les  mâles,  dont  les  larves  se  sont  fixées 
par  le  rostre  aux  branches  de  divers  arbres,  se  rapprochent  en  paquets 
et  recouvrent  les  branches  d'un  enduit  de  cire  très  blanche  servant  en 
Chine  aux  usages  de  la  cire  d'Abeilles,  principalement  à  faire  des  bou- 
gies et  aussi  du  cérat  et  divers  emplâtres.  Aux  Indes  se  trouve  l'ancien 
Coccus  lacca  des  auteurs,  bien  étudié  à  Bombay  par  Carter  et  dont 
M.  Signoret  à  fait  le  genre  Carteria. 

Les  femelles  du  Carteria  lacca  fixées  perpendiculairement  aux  bran- 
ches sont  empâtées  dans  de  fortes  incrustations  de  gomme-laque.  En 
dissolvant  celle-ci  par  de  l'alcool,  on  isole  les  insectes  ;  dans  le  corps 
est  un    sac  piriforme  de   couleur  rouge   sombre,  hsse  et  luisant,  la 


COGCIENS.  925 

matière  colorante  rouge  étant  duo  à  l'ovaire.  La  femelle  adulte  a  subi 
une  métamorphose  régressive,  ayant  perdu  les  yeux,  les  antennes  et 
les  pattes;  elle  n'a  gardé  que  le  rostre  fixateur,  trois  paires  de  houppes 
thoraciques  et  trois  paires  de  houppes  anales  qui  entourent  un  anus 
portant  une  couronne  de  poils.  Cette  femelle  est  ovo-vivipare,  ses  œufs 
éclosent  à  l'intérieur  du  corps.  En  juillet  les  larves  sortent  par  l'orifice 
anal  de  l'incrustation  de  gomme-laque,  rampent  quelque  temps  tout 
autour,  puis  se  fixent  dans  l'écorcepar  leur  rostre.  Longues  de  0'""',6, 
elles  sont  alors  d'une  teinte  rouge-minium,  elliptiques,  avec  deux  anten- 
nes, deux  petits  yeux  marginaux  et  latéraux,  six  pattes  rudimentaires 
terminées  chacune  par  une  soie,  deux  touffes  de  filaments  de  chaque 
côté  du  thorax  et  deux  autres  de  chaque  côté  de  l'anus,  en  outre  deux 
longs  cirrhes  ou  poils  appendus  à  l'avant-dernier  anneau  de  l'abdo- 
men. Cette  larve  grandit  rapidement  et  s'entoure  de  gomme-laque, 
qu'elle  exsude  de  toute  la  surface  de  son  corps  et  qui  l'environne  de 
toutes  parts,  sauf  au  niveau  de  l'anus  et  des  deux  groupes  de  filières, 
celles-ci  sécrétant  une  matière  d'aspect  laineux  qui  fait  sortir  des 
touffes  filamenteuses  par  les  pertuis  de  l'incrustation. 

A  côté  des  incrustations  qui  abritent  les  femelles,  sont,  en  muindre 
quantité,  des  incrustations  de  gomme-laque  plus  étroites,  elliptiques, 
sans  orifices,  ni  toufles  de  poils  et  qui  sont  les  demeures  des  mâles. 
Ils  en  sortent  en  septembre  par  une  fente  de  l'extrémité  opposée  au 
rostre  fixateur  ;  ce  sont  de  petits  insectes  rouges,  de  l""',Zi  de  long, 
à  longues  antennes  de  neuf  articles,  à  quatre  yeux,  deux  latéraux  et 
deux  placés  à  la  face  inférieure  de  la  tète  et  remplaçant  le  rostre.  Ils 
sont  aptères  et  à  six  pattes  grêles,  l'abdomen  portant  à  la  face  dorsale 
de  l'avant-dernier  segment  deux  longs  appendices  d'aspect  laineux, 
enroulés  en  cordelettes  et  émanant  des  filières,  et,  au  dernier  segment, 
un  pénis  corné  en  forme  de  bec,  recourbé  en  bas.  Les  mâles  rampent 
sur  les  branches,  gravissent  les  incrustations  de  laque  qui  recouvrent 
les  femelles  et  insinuent  leur  pénis  par  le  pertuis  qui  correspond  à 
l'anus.  Les  femelles  fécondées  sécrètent  alors  par  les  filières  un  abon- 
dant dépôt  de  filaments  cireux  qui  enveloppent  les  incrustations  de 
laque.  En  décembre  éclôt  une  seconde  génération  de  larves,  qui  se 
fixent  et  s'encroûtent  de  gomme-laque  ;  de  nouveaux  mâles  sortent  au 
commencement  de  mars  de  leurs  cocons  de  laque  et  s'accouplent  avec 
les  femelles  issues  de  larves  d'hiver.  Ces  mâles  d'hiver  sont  ailés  et 
munis  de  deux  ailes  membraneuses  blanchâtres,  plus  longues  que  le 
corps  et  binervulées,  de  sorte  que  ces  mâles  ressemblent  beaucoup  à 
ceux  du  Coccus  cacti,  Linn. 

La  gomme-laque  se  récolte  deux  fois  par  an,  à  la  fin  de  mai  et  en 
novembre,  sur  les  branches  d'espèces  d'arbres  très  diflérentes,  Ficus, 
JRhaiinus,  Mimosa,  etc.,  sur  lesquelles  s'étaient  fixés  les  insectes.  Elle  est 
d'après  cela  sécrétée  en  entier  par  ceux-ci  et  ne  provient  pas  de  sève 
extravasée  à  la  suite  des  piqûres,  car  alors  elle   se  produirait  sur  une 


926  HÉMIPTÈRES. 

seule  espèce  végétale  ou,  au  moios,  sur  un  genre  unique.  La  gomme- 
laque,  que  l'on  tire  surtout  du  Hcngale,  du  Pégu,  de  Madras,  de  Siam,  etc. , 
présente  deux  substances  très  distinctes,  nne  résine  qui  est  la  laque  et 
une  belle  matière  colorante  rouge,  très  analogue  à  l'acide  carminique 
de  la  Cochenille  du  nopal  et  qui  est  produite  par  les  ovaires  des  fe- 
melles. On  obtient  cette  teinture  de  laque  en  traitant  la  gomme-laque 
pulvérisée  retirée  des  brandies  par  une  lessive  de  carbonate  de  soude 
très  faible  qui  dissout  la  matière  colorante  rouge  avant  la  résine.  On  la 
précipite  de  sa  solution  alcaline  au  moyen  d'alun.  Ce  précipité  se 
trouve  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  laque-laque  et  de  laque-dye 
pour  la  qualité  supérieure.  La  teinture  de  laque  donne  des  couleurs 
tenaces  et  très  résistantes,  servant  notamment  à  teindre  les  beaux  ma- 
roquins du  levant.  La  résine  sert  à  la  préparation  des  divers  vernis  fins 
et  de  la  belle  cire  à  cacheter. 

Les  Coccides  forment  une  famille  très  importante  de  la  tribu  des 
Cocciens.  Dans  cette  famille,  la  femelle,  dont  la  forme  et  la  consistance 
peuvent  varier  beaucoup,  présente  toujours  un  rostre  à  plusieurs  arti- 
cles, des  antennes  habituellement  de  six  articles  chez  la  larve,  de  six  à 
dix  chez  l'adulte.  La  segmentation  du  corps,  très  apparente  chez  la  larve, 
se  conserve  plus  ou  moins  à  l'âge  adulte,  chaque  segment  portant  sur 
le  côté  une  ou  plusieurs  épines.  L'abdomen  est  dépourvu  de  squames 
caudales  ;  mais,  à  son  extrémité  postérieure,  on  peut  voir  de  chaque 
côté,  un  lobe  plus  ou  moins  saillant,  sur  lequel  s'implante  une  soie 
plus  ou  moins  longue.  Le  mâle  est  de  très  petite  taille,  comparé  à 
la  femelle,  muni  de  longues  antennes  filiformes,  pubescentes,  le  plus 
souvent  de  dix  articles;  il  offre  quatre  yeux  et,  de  plus,  souvent  des 
ocelles,  des  ailes  grandes,  membraneuses  et  transparentes,  des  balan- 
ciers parfois  absents  (Coccus),  de  trois  articles,  l'abdomen  ayant  sur  le 
dernier  segment  un  faisceau  de  poils  d'où  partent  deux  très  longues 
soies,  quelquefois  quatre,  formées  d'une  sécrétion  blanche  et  caduque. 
Les  femelles,  dépourvues  de  boucliers  ou  de  carapaces,  sont  errantes, 
comme  les  larves,  ne  se  fixant  qu'à  la  fin  de  leur  existence,  où  elles 
conservent  encore  des  mouvements  obscurs  ;  leurs  tarses  sont  de  deux 
articles.  Leur  corps  est  quelquefois  nu,  mais  le  plus  souvent  se  revêt 
d'une  matière  cireuse  blanche,  farineuse  ou  filamenteuse,  qu'elles 
disséminent  partout  avec  elles  sur  les  plantes.  Au  moment  de  la  ponte, 
la  femelle  s'enferme  dans  un  étui  globuleux,  corné,  comme  écailleux 
chez  les  Kermès,  ou  s'enveloppe  complètement  dans  un  sac  de  nature 
et  de  consistance  variables,  feutré  chez  les  Ericoccus,  cotonneux  dans 
les  Coccus  cl  les  Dactylopius. 

Le  genre  Kermès,  Amyot  et  Aud.  Serville,  est  limité  actuellement  à 
quelques  espèces  dont  le  type  est  le  Kermès  de  l'Europe  méridionale 
ou  Kermès  à  écarlate  ;  il  ne  faut  pas  confondre  ce  genre  avec  les  Kermès 
de  Linnœus,  qui  sont  des  Psylles,  ni  avec  les  Chermes,  Linn.,  Fabr., 
syn.  :Adelges,  qui  sont  des  Pucerons  des  Conifères,  produisant  des  galles 


coGGUS.  927 

alvéolées.  Les  Kermès  ont  été  longtemps  confondus  avec  les  Lecanium, 
auxquels  ils  ressemblent  à  l'état  adulte;  mais  les  larves  ont  tous  les 
caractères  des  Coccides.  Les  femelles  se  déforment  après  la  fccundation 
et  prennent  l'aspect  d'une  boule,  ayant  perdu  antennes  et  pattes.  Elles 
ont  sécrété  une  sorte  de  pellicule  cornée  qui  les  cache,  elles  et  leur 
ponte;  les  mâles  sont  protégés  par  un  petit  sac  feutré  blanc.  Nous 
devons  citer  l'insecte  employé  pour  la  teinture  depuis  une  haute  anti- 
quité, le  Kermès  vermilio,  Planchon,  vivant  dans  la  bordure  méditerra- 
néenne exclusivement  sur  le  Chêne  garrouille  on  Quercus  coccifera.  En 
larve  et  adulte  la  femelle  est  rouge;  elle  devient  gloi)uleusc  après  la 
fécondation,  sous  forme  d'une  boule  lisse  ressemblant  à  une  groseille 
et  fixée  par  un  pédoncule  aux  rameaux  de  la  garrouille,  couverte  d'une 
poussière  cendrée.  Vers  le  mois  de  mai,  ces  coques  renferment  environ 
deux  mille  œufs  qui  éclosent  au  commencement  de  juin;  les  larves 
sortent  par  un  orifice  laissé  libre  au  point  d'attache  de  la  coque,  se 
répandent  sur  l'arbrisseau,  et  bientôt  se  fixent  et  se  déforment.  Ces 
coques,  recueillies  à  la  fin  de  mai,  avant  la  sortie  des  larves,  sont  nom- 
mées en  teinture  et  en  pharmacie,  Kermès  animal,  baies  de  Kermès, 
graines  d-écarlate,eic.  Elles  ont  servi  à  faire  la  teinture  pourpre  jusqu'à 
la  découverte  de  la  Cochenille  d'Amérique,  qui  donne  un  rouge  plus 
beau  et  plus  vif.  On  mêle  les  coques  séchées  au  soleil  avec  du  vinaigre, 
qui  avive  la  couleur.  Les  Turcs  et  les  Arabes  du  Levant  s'en  servent 
encore  pour  teindre  leurs  coiffures  ou  fez  en  rouge.  Ces  coques  du 
Kermès  vermilio  étaient  aussi  employées  à  préparer  en  pharmacie  un 
médicament  célèbre,  la  confeclio  Alkermes,  véritable  panacée  tombée 
dans  l'oubli  et  remplacée  par  le  sirop  de  Kermès,  peu  usité  également 
de  nos  jours.  On  sert  encore  sur  les  tables,  en  Italie,  un  élixir  dit  Al- 
tvCfmès  où  entrent  ces  coques. 

Le  genre  Coccus,  Linn.  est  restreint  par  les  auteurs  modernes  à  celui 
qui  contient  les  Cochenilles  à  carmin  d'Amérique  : 

C-OCt"l'S,  Liiiii.  —  Mâles  avec  auteiiiies  de  dix  articles,  légèrement  pubesccnles; 
quatre  yeux  composés  et  deux  ocelles:  ailes  dépassant  l'abdomen  ei  n'oUVant 
qu'une  nervure;  pas  de  balanciers  ;  pattes  grêles;  avec  crochets  à  quatre  digi- 
tales boutonneux;  deux  longs  filets  caudaux;  antennes  de  cinq  articles  chez  la 
larve  mâle.  —  Femelles  avec  antennes  de  sept  articles,  courtes  et  coniques,  et 
pattes  courtes,  anneau  génito-anal  dépourvu  de  cils;  deux  courts  filets  au  bout 
de  l'abdomen;  antennes  grêles,  de  six  articles  chez  la  larve  femelle. 

Nous  représentons  l'espèce  typique  du  Mexique,  le  Coccus  cacti,  Linn,, 
la  Cochenille  du  nopal,  pi.  cm,  fig.  17,  mâle  grossi;  17  a,  son  antenne 
grossie;  17  6,  femelle  de  grandeur  naturelle;  17  c,  ibid.,  grossie.  La 
larve  du  mâle,  après  s'être  fixée  aux  raquettes  du  Cactus  opuntia,  ou 
parfois  d'autres  espèces,  s'entoure  dune  coque  cireuse,  ouverte  en 
arrière,  dans  laquelle  elle  accomplit  ses  mues.  Au  bout  d'une  semaine 


928  HÉMIPTÈRES. 

environ,  le  mâle  adulte  sort  à  reculons  par  l'extrémité  postérieure.  Il 
n'a  guère  qu'un  millimètre  de  longueur,  et  présente  une  teinte  car- 
minée, plus  intense  sur  la  tète  et  le  thorax  que  sur  l'abdomen.  Les 
pattes  et  les  antennes  sont  brunes,  les  ailes  d'un  gris  blanchâtre,  avec 
la  nervure  bifurquée  colorée  en  jaune  brunâtre,  ainsi  que  ses  deux 
divisions.  L'extrémité  postérieure  de  l'abdomen  porte  un  tubercule  sur 
lequel  s'insère  l'armure  génitale,  formée  d'un  stylet  recourbé  en  dessous 
en  crochet;  de  chaque  côté  débouchent  un  grand  nombre  de  filières 
et  s'insèrent  deux  longues  soies  dont  les  dimensions  sont  parfois  le 
double  de  celles  de  l'insecte.  Le  mâle  meurt  aussitôt  après  l'accouple- 
ment. 

I>a  femelle  adulte  de  cette  Cochenille  est  composée  d'une  série  d  an- 
neaux toujours  visibles,  mais  en  nombre  peu  fixe.  Elle  est  oblongue, 
d'un  brun  rouge  foncé,  mesurant  6  à  7  millimètres  en  longueur,  à  en 
largeur,  2  à  3  en  hauteur;  sa  longueur  peut  même,  dans  certains  cas, 
atteindre  et  dépasser  1  centimètre.  On  ne  se  rend  bien  compte  de  la 
segmentation  du  corps,  qu'après  l'avoir  dépouillé  d'un  enduit  de  pous- 
sière blanche  cireuse,  sécrétion  vitale  naturelle,  qui  se  dépose  çà  et  là, 
en  petits  amas,  sur  les  raquettes  du  nopal,  à  mesure  que  la  femelle  se 
déplace.  La  forme  est  prismatique,  par  suite  de  la  présence  d'une 
carène  dorsale,  visible  surtout  dans  les  sujets  desséchés,  et  comme  tron- 
quée en  arrière,  en  fer  de  lance.  La  larve  femelle  s'était  fixée  au  nopal 
au  moyen  de  son  rostre,  et  accomplit  ses  mues  en  une  quinzaine  de 
jours,  sans  autre  modification  qu'un  grossissement  progressif.  Les  œufs 
sont  pondus  dans  les  amas  cotonneux  que  la  femelle  dépose  en  arrière 
d'elle  sur  les  raquettes.  Les  larves,  très  agiles  à  leur  naissance,  restent 
environ  huit  jours  dans  leur  nid  cotonneux.  Elles  sont  ovalaires,  arron- 
dies sur  les  côtés,  plus  larges  en  avant  qu'en  arrière,  munies  de  longues 
soies,  avec  des  pattes  et  des  antennes  d'abord  longues  et  délicates. 

Les  Aztèques  connaissaient  les  propriétés  tinctoriales  de  cette  coche- 
nille et  s'en  servaient  avant  la  découverte  de  l'Amérique.  Elle  est  actuel- 
lement cultivée  au  Mexique  dans  les  nopaleries,  et  aussi,  par  impor- 
tation, aux  Antilles,  à  Haïti,  aux  Canaries,  en  Andalousie  et  en  Algérie. 
La  seule  cochenille  fine  dite  Mestèque  parce  qu'elle  est  surtout  cultivée 
à  Mestèque,  dans  la  province  de  Honduras,  exige  des  soins  spéciaux. 
Les  Cactus  sont  cultivés  en  nopaleries  et  plantés  surtout  sur  les  flancs 
des  collines,  en  rangées  longitudinales,  éloignées  les  unes  des  autres 
de  1",25  à  l'",50.  En  hiver  on  garde  les  femelles  fécondées  dans  les 
maisons,  où  l'on  a  apporté  des  branches  coupées  de  nopal.  On  les  place, 
12  à  15  ensemble,  dans  de  petits  nids  de  filasse  appelés  pastles,  qu'on 
maintient  alors  à  une  température  d'environ  20  degrés;  les  mères  lisses 
ou  chagrinées  et  non  velues,  mettent  au  monde  des  petits  vivants,  ce 
qui  est  un  caractère  propre  du  genre  Coccus.  Les  petits  nids  sont  portés 
sur  les  Nopals  au  retour  de  la  belle  saison,  les  petites  larves  qui  en  sor- 
tent se  répandant  sur  les  raquettes  et  s'y  fixant.  On  fait  habituellement 


coccus.  929 

au  Honduras  trois  récolles  par  an,  et,  à  la  fin  de  la  troisième,  on  met 
à  part  des  môrcs  pour  l'hiver.  On  enlève  les  mères  à  maturité  au  moyen 
d'une  sorte  de  pelit  pinceau  et  on  les  tue  soit  à  l'eau  chaude,  soit  dans 
des  petits  fours  plats.  Aux  Canaries  on  opère  d'une  façon  plus  e\péditive 
en  coupant  les  branches  chargées  d'insectes,  qu'on  frotte  avec  un  petit 
balai  en  feuilles  de  palmier  pour  les  en  détacher.  On  recueille  cer- 
taines mères  et  on  les  disperse  sur  des  claies,  qu'on  recouvre  d'une 
grosse  toile  écrue  et  qu'on  porte  à  l'étuve  à  20  degrés  si  cela  est  néces- 
saire. Les  petites  larves  naissent  bientôt  et  courent  assez  vite  çà  et  là, 
puis  se  fixent  sur  des  lambeaux  de  toile.  On  enlève  ceux-ci  et  on  les 
remplace  par  d'autres,  en  même  temps  qu'on  transporte  pendant  la 
nuit  les  lambeaux  chargés  de  larves  sur  les  raquettes  de  nopal  des 
plantations,  en  mettant  la  face  couverte  d'insectes  au  contact  de  la 
plante  et  l'assujettissant  solidement  au  moyen  des  épines  mêmes  du 
cactus.  Les  jeunes,  quittant  la  toile,  enfoncent  leur  rostre  dans  a 
plante;  on  laisse  encore  quelque  temps  le  linge  qui  les  recouvre,  de 
façon  à  les  protéger  contre  la  pluie  ou  le  soleil.  En  été  les  cochenilles 
ont  besoin  d'environ  trois  mois  pour  arriver  à  leur  complet  développe- 
ment ;  alors  des  femmes  parcourent  les  rangées  de  cactus,  les  unes  bri- 
sant les  raquettes,  les  autres  les  brossant  pour  détacher  les  insectes 
avec  un  petit  balai  en  feuilles  de  palmier.  Les  Cochenilles  sont  étalées 
sur  des  claies  et  torréfiées  à  ÙO  degrés  environ;  puis  on  opère  un  tami- 
sage destiné  à  les  séparer  des  épines  du  Cactus  et  du  feutrage  blanc 
sécrété  par  le  corps  de  l'insecte.  Il  y  a  d'ordinaire  trois  récoltes  et  par 
suite  trois  générations  par  an,  dont  la  dernière  passe  l'hiver. 

Actuellement  les  Cochenilles  ne  se  récoltent  en  abondance  qu'au 
Honduras  et  surtout  aux  Canaries.  Le  prix  des  insectes  secs  a  baissé 
considérablement  depuis  l'emploi  des  rouges  d'aniline,  est  tombé  à 
3  francs  le  kilogramme  pour  la  Cochenille  noire,  ainsi  nommée  d'après 
sa  coloration  et  formée  surtout  des  mères  vidées  de  leurs  larves,  car 
elles  mettent  au  monde  des  petits  vivants  (Lichtenstein),  à  2  fr.  50 
pour  les  Cochenilles  argentées,  les  plus  abondantes,  celles  qui  n'ont 
pas  servi  à  la  reproduction.  Le  commerce  reconnaît  trois  sortes  de 
Cochenille  :  1°  mestèque  ou  fine,  cultivée  à  Meslèque  dans  la  province 
de  Honduras;  2°  noire;  3°  Cochenille  sylvestre,  librement  développée 
et  recueillie  sur  les  Cactus  sauvages.  Cette  dernière  espèce  n'a  de  com- 
mun avec  le  Coccus  cacti  que  la  magnifique  couleur  carminée  qui  en 
fait  la  valeur  commerciale.  Le  Coccus  tomentosus  de  Lamarck  est  tout 
hérissé  de  fortes  épines  de  filières  en  tuyaux.  M.  Lichtenstein  a  reconnu 
que  cet  insecte  appartient  au  genre  Acanthococcus  ou  Eriococcus  de 
Signoref.  Tandis  que  le  Coccus  cacti  est  lisse  ou  chagriné  et  pond  des 
petits  vivants,  VEriococcus  tomentosus  s'entoure  d'un  sac  pour  opérer 
sa  ponte  et  pond  des  œufs  qui  refoulent  la  peau  de  la  mère  à  une  des 
extrémités  de  l'enveloppe;  il  est  d'ailleurs  beaucoup  plus  petit  que  la 
Cochenille  vraie. 

GIRARD.  m.  —    59 


930  HÉMIPTÈUES. 

La  Cochenille  est  recherchée  pour  la  belle  couleur  rouge  ou  carmm 
qu'elle  produit  et  dont  les  applications  sont  nombreuses  dans  la  pein- 
ture, les  arts  et  l'industrie,  et  qu'on  emploie  comme  matière  inoffen- 
sive pour  colorer  les  fleurs  artificielles  et  les  bonbons.  Pour  extraire  le 
carmin  de  la  Cochenille,  on  réduit  celle-ci  en  poudre,  on  l'additionne 
d'un  sel  minéral  tel  que  le  salpêtre,  on  fait  bouillir  avec  de  l'eau  et  on 
filtre;  si  la  liqueur  est  suffisamment  concentrée,  le  carmin  ou  acide 
carminique  brut  se  dépose  au  bout  de  quelque  temps  ;  quand  il  est  pur, 
il  doit  être  complètement  soluble  dans  l'ammoniaque,  ce  qui  donne  le 
moyen  de  déceler  les  falsifications. 

Si  dans  la  solution  obtenue  précédemment,  on  ajoute  de  l'alun,  puis 
de  l'ammoniaque  ou  du  carbonate  de  soude,  de  fagon  à  précipiter  de 
l'alumine  ;  celle-ci  se  tient  dans  la  liqueur  colorée,  de  sorte  qu'après 
dessiccation  on  a  une  poudre  colorée  qui  est  la  laque  de  carmin  ;  dans 
la  teinture  à  la  Cochenille  on  produit  sur  place  cette  laque  en  mor- 
dançant  les  tissus  avec  de  l'alun.  La  Cochenille,  de  même  que  le 
Kermès  vermillon,  a  longtemps  figuré  dans  la  thérapeutique.  Elle  est 
encore  employée  (docteurs  A.  Laboulbène  et  Larcher)  contre  les  spas- 
mes de  la  toux  nerveuse,  en  potion,  ainsi  que  dans  les  quintes  de  la 
coqueluche  et  dans  le  spasme  convulsif  de  l'appareil  respiratoire  ou 
asthme  nerveux. 

Les  Porphyrophores  forment  un  groupe  de  Cocciens  très  remar- 
quable par  la  structure,  les  métamorphoses,  les  mœurs  et  la  production 
de  matière  colorante  rouge,  mais  malheureusement  dont  l'histoire  est 
encore  fort  mal  connue.  Les  larves  ont  des  antennes  de  six  articles  et 
les  jambes  et  les  tarses  de  la  paire  antérieure  de  pattes  fusionnées  en 
un  segment  unique.  La  femelle,  toujours  beaucoup  plus  grosse  que  le 
mrde,  présente  une  particularité  spéciale  au  genre  Porphyrophora 
Brandt  :  elle  manque  complètement  d'appareil  buccal,  et  n'a  que  de 
courtes  antennes  coniques  de  sept  à  neuf  articles.  Les  pattes  se  sont 
déformées  et  sont  devenues  des  organes  propres  à  fouir  le  sol,  les 
antérieures  particulièrement  fortes.  Les  mâles  ont  des  antennes  de 
neuf  à  dix  articles,  des  yeux  à  facettes  énormes  et  se  rejoignant  en 
dessous,  les  pattes  antérieures  seules  conformées  pour  fouir  le  sol, 
l'abdomen  muni  de  filières,  d'où  naissent  une  grande  quantité  de  soies 
claires  et  transparentes,  formant  une  houppe  qui  se  prolonge  bien  au 
delà  de  l'abdomen  en  arrière,  celui-ci  terminé  par  un  long  stylet  re- 
courbé ;  les  ailes  sont  très  grandes  et  épaissies  sur  leur  bord  antérieur, 
les  balanciers  claviformes  et  terminés  par  un  tout  petit  crochet.  Ces 
Cocciens  sont  destinés  à  s'enfoncer  dans  les  terrains  sablonneux  pour 
se  fixer  sur  les  racines  de  diverses  plantes.  L'espèce  la  moins  mal 
connue,  dite  graine  de  Pologne,  est  l'ancien  Coccus  radicum  tlnctorim 
Breyn.  ou  Porphyrophora  polonica  auct.,  depuis  très  longtemps  connue. 
La  femelle  est  semi-globuleuse,  de  7  millimètres  de  long  sur  à  de  large, 
à  pattes  déformées,  courtes  et  épaisses,  fouisseuses,  terminées  par  un 


PORPHYROl'HORA,   DACTYLOPIUS.  931 

crochet  très  développé,  creusé  en  dedans  et  dentelé;  le  corps,  d'un 
brun  noirâtre  devenant  d'un  beau  rouge  pourpre  dans  la  potasse,  est 
recouvert  d'une  rare,  très  fine  et  longue,  pubescence.  Le  mâle  est  rou"^e 
et  beaucoup  plus  petit.  La  larve  est  d'abord  errante,  puis  elle  se  fixe  sur 
les  racines  de  diverses  plantes  des  sols  sablonneux,  notamment  des 
Sclcrunthus,  et  reste  englobée  dans  son  vieux  tégument  comme  dans 
une  coque.  Puis  celle-ci  se  fend  et  il  en  sort  la  femelle  ;  celle-ci,  d'abord 
mobile,  se  contracte,  se  recouvre  sur  toute  son  étendue  d'un  duvet 
blanc,  pond  ses  œufs  et  meurt.  Cet  insecte  se  nommait  Sang  de  la  Saint- 
Jean,  d'après  l'époque  où  on  le  récoltait,  et  se  trouve  dans  toute  la 
Pologne,  l'Ukraine,  une  grande  partie  de  la  Russie,  le  nord-est  de 
l'Allemagne,  la  Hongrie  et  la  Suède.  On  s'en  servait,  avant  la  Coche- 
nille, pour  obtenir  une  teinture  écarlate;  les  femmes  turques  s'en 
peignaient  les  ongles  et  les  bouts  des  doigts.  On  la  faisait  aussi  entrer 
dans  les  pays  du  Nord,  dans  la  confection  alkermès,  comme  succédané 
du  Kermès.  En  Arménie,  dans  la  province  d'Érivan  et  dans  la  vallée 
de  l'Araxe,  se  trouve  une  seconde  espèce  de  Porphyrophora ,  dite 
Armeniaca  Burmeister,  de  beaucoup  plus  forte  taille  et  plus  riche  en 
matière  colorante,  vivant  sur  les  racines  des  Poa,  graminées  des  sables, 
usitée  dans  l'industrie  orientale  avant  l'emploi  du  carmin  du  Mexique. 
Les  derniers  Cocciens,  qui  terminent  notre  étude  sommaire,  sont  ou 
nuisibles  ou  indifférents.  Le  genre  Dactylopms  Signoret,  synon.  (en  par- 
tie) Pseudococcus  Westwood,  présente  un  anneau  génital  visible,  orné 
de  six  poils  et  de  filières  sécrétant  une  substance  cireuse  d'aspect  coton- 
neux; les  antennes  comptent  huit  articles  chez  la  femelle,  six  dans  la 
larve  des  deux  sexes,  qui  porte  quatre  digitales.  L'abdomen  se  termine 
le  plus  souvent  par  deux  filets,  parfois  par  quatre.  Les  femelles  se  pro- 
mènent sur  les  plantes  nourricières  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  prêtes  à 
pondre;  alors  elles  cessent  de  marcher  et  forment  un  nid  ressemblant  à 
un  flocon  de  coton  dans  lequel  elles  se  renferment  et  déposent  leurs 
œufs.  Les  petites  larves,  d'abord  microscopiques,  restent  quelques 
jours  dans  le  nid  à  côté  du  cadavre  de  leur  mère,  puis  sortent,  courent 
avec  agilité  et  se  dispersent  sur  les  plantes.  L'espèce  qu'il  faut  d'abord 
citer  est  le  Z).  adonidum  Linn.,  le  Pou  blanc  des  serres,  le  Puceron  lai' 
neux,  le  Puceron  cotonneux  des  serres,  très  commun  dans  les  serres 
chaudes,  où  il  cause  de  grands  dégâts  et  probablement  importé  de  la 
côte  d'Afrique.  La  femelle,  connue  de  Linnceus,  qui  la  prenait  pour  un 
Pou  (Pedicidus),  est  longue  de  3  millimètres  et  large  de  1,5  ;  elle  est 
d'un  blanc  un  peu  jaunâtre,  avec  une  bande  brune  sur  le  milieu  du 
dos,  les  pattes  et  les  antennes  un  peu  brunâtres,  saupoudrées  d'une 
grande  quantité  de  poussière  cireuse  blanche  sécrétée  par  les  filières 
répandues  sur  tout  le  corps,  celui-ci  composé  de  quatorze  segments, 
bordés  d'appendices  d'aspect  laineux,  avec  quatre  filets  beaucoup  plus 
grands  à  l'extrémité  de  l'abdomen,  les  deux  internes  les  plus  longs.  Le 
mâle,  observp  et  décrit  primitivement  par  Geoffroy,   est  un  peu  plus 


932  HÉMIPTÈRES. 

petit  que  la  femelle,  avec  les  antennes  assez  longues,  les  pattes  et  tout 
le  corps  d'un  rouge  pâle,  recouvert  d'une  efflorescence  blanche,  les 
deux  ailes  blanches  avec  la  côte  lisérée  de  rouge,  les  filets  caudaux 
d'un  blanc  pur.  Ce  Coccien  vit  à  peu  près  indifféremment  sur  toutes 
les  plantes  des  serres,  n'épargnant  un  peu  que  les  Orchidées,  préférant 
surtout  les  Caféiers,  les  Dracena,  les  Gardénia,  les  Asclépiadées,  les  Fou- 
gères, les  Musa,  etc.  Les  fumigations  de  tabac,  lorsque  les  plantes  sont 
de  nature  à  pouvoir  les  supporter,  ne  tuent  que  les  larves  récemment 
écloses,  mais  sont  sans  efl'et  sur  les  adultes  enveloppés  de  duvet  cireux. 
Le  seul  remède  efficace  est  l'alcool  appliqué  à  l'aide  d'un  petit  pinceau; 
il  se  vaporise  promptement  et  ne  nuit  aucunement  aux  plantes. 

Le  D.  citri  Boisduval,  ou  Cochenille  des  orangers,  vit  sur  les  citron- 
niers, orangers  et  bigaradiers;  comme  les  autres  Dactylopius,  cette 
espèce  ne  change  pas  de  forme  depuis  sa  sortie  de  l'œuf  jusqu'à  la  fin 
de  son  existence  ;  son  corps  est  caché  de  même  sous  un  duvet  blan- 
châtre, cotonneux.  La  femelle,  d'un  brun  clair  rougeâtre,  plus  foncé 
sur  le  milieu  du  dos,  avec  des  antennes  de  huit  articles,  est  longue  de 
3,5  à  h  millimètres,  sur  2  environ  de  large,  et  entourée  d'appendices 
cireux,  avec  quatre  filets  sétacés,  inégaux  et  assez  courts,  à  l'extrémité 
du  corps.  Le  mâle  est  allongé,  long,  brun  sur  la  tête  pointue  entre  les 
antennes,  celles-ci  de  dix  articles,  brun  aussi  sur  le  thorax,  jaunâtre 
sur  l'abdomen,  les  pattes  et  les  antennes  un  peu  plus  foncées,  la  tête 
munie  de  deux  yeux  et  quatre  ocelles,  les  ailes  très  longues,  dépassant 
de  moitié  la  longueur  du  corps,  d'un  blanc  grisâtre,  un  peu  rougeâtre 
vers  la  côte,  les  balanciers  avec  une  soie  en  crochet  à  l'extrémité.  L'ab- 
domen est  très  long,  avec  les  lobes  latéraux  de  l'extrémité  présentant 
quatre  poils,  dont  deux  très  longs,  autour  desquels  se  condense  la 
sécrétion  cotonneuse  ;  les  organes  sexuels  forment  un  tubercule  assez 
gros  terminé  par  une  pointe  arrondie,  et  avec  le  stylet  copulateur  en 
forme  de  crochet.  Les  pattes  sont  longues  et  pubescentes.  Ce  Coccien, 
qu'on  ne  trouve  pas  aux  environs  de  Paris,  est  très  abondant  dans  le 
Midi  et  bien  plus  nuisible  que  le  Kermès  des  Aurantiacées  ou  Lecanium 
hesperidum,  couvrant  branches,  feuilles  et  fruits  de  son  vêtement  cireux, 
et  pouvant  anéantir  les  trois  quarts  de  la  récolte  des  citrons  et  des 
oranges,  produisant  en  outre,  par  son  millat,  une  fumagine  considé- 
rable, qui  bouche  tous  les  pores  respiratoires  de  la  plante;  sous  les 
amas  de  duvet  blanchâtre,  on  trouve  de  place  en  place  ou  des  œufs,  ou 
l'insecte  parfait;  parfois  des  récoltes  entières  de  citrons  sont  perdues 
pour  la  vente,  pouvant  servir  seulement  pour  la  parfumerie.  C'est  sur- 
tout dans  les  parties  abritées  et  où  les  plantes  trop  serrées  manquent 
d'air  et  de  lumière,  qu'on  observe  le  plus  d'arbustes  malades  et  chétifs 
par  la  fumagine  consécutive  à  la  Cochenille. 

Les  vignes  de  pleine  terre,  en  Crimée,  en  Italie  et  dans  l'extrême 
midi  de  la  France,  sont  parfois  gravement  attaquées  par  une  Coche- 
nille, très  différente  du  Kermès  des  vignes  de  treille  on  Pulvinaria 


ORTHESIA.  933 

vitis.  Ce  Dactylopius  peut  se  détruire  en  imprégnant  les  ceps  avec  du 
goudron  de  gaz,  ou  en  les  lavant  avec  du  pétrole,  de  manière  à  tueries 
jeunes  et  les  œufs.  C'est  le  D.  vitis  Niedielski,  dont  la  femelle  est  longue 
de  h  millimètres,  sur  2  de  large,  ovale  allongée  plus  ou  moins  convexe, 
jaunâtre  saupoudrée  de  matière  cotonneuse,  avec  des  filaments  blancs 
autour  du  corps,  ceux  de  l'extrémité  abdominale  de  beaucoup  les  plus 
longs  et  atteignant  quelquefois  la  longueur  du  corps.  Le  mâle,  qui  ap- 
paraît au  mois  de  juin  pour  féconder  la  femelle  de  l'année,  est  élancé 
et  étroit,  à  longues  anteimes  très  pubescentes,  avec  quatre  yeux  et  deux 
et  peut-être  quatre  ocelles,  la  tête  et  le  thorax  d'un  jaune  plus  ou  moins 
brunâtre,  les  ailes  longues,  d'un  blanc  un  peu  grisâtre,  les  pattes  longues 
et  très  pubescentes,  l'abdomen  très  long,  tronqué  à  Textrémité,  les  or- 
ganes sexuels  formant  un  tubercule  avec  une  pointe  au  sommet.  Certains 
auteurs  ont  pensé  que  ce  Coccien  était  le  Pou  de  la  vigne  des  Grecs,  ou 
Phtheir,  signalé  dans  Strabon. 

Nous  terminerons  les  Cocciens  par  un  genre  assez  anormal  dont  les 
deux  sexes  restent  agiles,  les  femelles  ne  se  fixant  pas  sur  la  plante 
sous  la  forme  d'une  espèce  de  galle  qui  couvre  leurs  œufs,  mais  conti- 
nuant à  se  déplacer  et  à  courir  après  la  ponte.  11  paraît  n'exister  qu'une 
seule  espèce  en  Europe,  surtout  dans  le  Midi,  sur  l'ortie,  l'euphorbe, 
le  groseillier,  sous  les  mousses,  sur  les  bruyères,  sur  des  Labiées  des 
bois,  etc.;  se  trouvent  en  été  aux  environs  de  Paris  et  probablement 
dans  toute  la  France,  la  femelle  restant  aptère,  le  mâle  prenant  deux 
ailes,  et  volant  lentement,  en  étalant  ses  longs  filaments.  Ce  curieux 
insecte  a  été  décrit  par  l'abbé  d'Orlhez  {Journal  de  physique,  Paris, 
mars  1785),  d'où  le  nom  de  genre  Orthezia  Amyot  et  Aud.  Serville,  et 
l'espèce  0.  urticœ  Linn.  La  larve  de  la  femelle,  avec  six  articles  aux 
antennes,  ressemble  beaucoup  à  l'adulte;  celui-ci,  à  antennes  assez 
courtes,  de  huit  articles,  a  le  corps  d'un  brun  ferrugineux  quand  il  est 
dépouillé  de  son  revêtement,  les  yeuv  très  petits,  globuleux  et  sans 
facettes  d'après  d'Orthez,  les  tarses  d'un  seul  article,  avec  un  seul  cro- 
chet, le  corps  fortement  arrondi  en  arrière  et  étranglé  en  avant,  un 
large  anneau  génito-anal  avec  six  poils  sur  le  dernier  segment  de  l'ab- 
domen. Tout  le  corps  est  couvert  d'une  excrétion  lamelleuse  céro-cal- 
caire  d'un  blanc  de  neige,  fusible  et  combustible,  s'allongeant  à  la  fin 
de  la  vie  de  la  femelle  en  six  séries  de  lamelles  creuses,  formant  un 
sac  à  peu  près  aussi  long  que  le  corps,  et  dans  lequel  sont  pondus  les 
œufs  mêlés  d'un  fin  duvet.  Les  jeunes  larves  qui  y  naissent  y  restent 
encore  assez  longtemps  et  n'en  sortent  que  lorsqu'elles  offrent  elle  - 
mêmes  une  assez  abondante  sécrétion  lamelleuse  pour  leur  servir 
d'abri.  Ces  lamelles  sont  produites  par  une  quantité  considérable  de 
filières  en  forme  de  poils,  qu'on  trouve  sur  toute  la  surface  du  corps. 
La  larve  d'une  espèce  de  Coccinelle  s'introduit  parfois  dans  le  sac  de  la 
mère  pour  y  dévorer  les  petits  naissants  et  les  œufs.  Le  mâle,  qui  est 
bien   plus  rare  que  la  femelle,  pn-sente  des  antennes  sétil'ormes  de 


9oli  HÉMIPTÈRES. 

neuf  articles,  plus  longues  que  le  corps,  des  yeux  rassemblés  en  amas 
et  offrant  par  suite  un  aspect  granuleux.  Le  thorax  est  très  long 
et  porte  des  ailes  demi-transparentes  et  d'un  blanc  grisâtre,  acu- 
minées  au  bout,  en  arrière  desquelles  sont  djux  écailles-,  une 
houppe  de  longs  tilaments,  blancs  et  translucides,  se  trouve  à  l'extré- 
mité de  l'abdomen.  Un  appareil  sexuel  considérable  existe  au 
cinquième  segment  de  l'abdomen,  en  forme  de  tronc  de  pyramide 
creusé  en  deux  valves,  et  d'où  part  un  stylet  coudé  en  croissant.  Les 
Orthezia  subissent  leurs  mues  sous  les  feuilles  des  plantes  dont  elles 
vivent,  se  cachent  dans  la  terre  ou  sous  les  pierres  voisines  pendant  la 
nuit  ou  quand  le  froid  se  fait  trop  vivement  sentir.  Ces  insectes  passent 
l'hiver  engourdis  dans  ces  retraites,  d'où  ils  sortent  aux  premières  cha- 
leurs vivifiantes  du  printemps. 

Bibliograpliie  des  Hémiptères  lionioptères.  —  Gaspard  Stoll,  Repré- 
sentation exactement  colorée,  d'après  nature,  des  Cigales  qui  se  trouvent 
dans  les  quatre  parties  du  monde,  l'Europe,  VAsie,  V Afrique  et  V Amérique, 
texte  hollandais  et  français',  1  vol.  in-Zi",  Amsterdam,  Jan  Christian  Sepp, 
1788.  —  Spinola,  Essai  sur  les  Fulgorelles  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  t.  VIII, 
p.  133,  1839). —  Victor  Signoret,  dans  les  Annales  Soc.  entom.  de  Fr.  : 
Description  de  deux  Cigales  de  Java,  du  genre  Cicada,  18Û7,  297;  Descrip- 
tion d'une  nouvelle  espèce  de  Lystra,  1850,  65;  Note  sur  le  groupe  des 
Eitrymélides,  Cercopides,  Homoptères,  1850,  /i97  et  1851,  G69;  Revue  ico- 
nographique des  Tettigonides,18bo,  13,  323,  661;  185/i,  5,3Zil,Zi83;  1855, 
/i9,  225,  766;  Faune  des  Hémiptères  de  Madagascar,  Homoptères,  1860, 
177  ;  Revue  du  groupe  des  Tettigométrides,  Homoptères,  Fulgorelles.  1866, 
l'd^;  Description  de  quelques  Hémiptères  nouveaux,  1865,  115;  Revision 
des  Hémiptères  du  Chili,  1863,  5/il;  Essai  monographique  sur  les  Aleu- 
fodes,  1868  ;  Essai  sur  les  Cochenilles  ou  GalUnsectes  (Homoptères,  Coc- 
cides),  1868  à  1876;  Essai  sur  les  Jassides  et  plus  particulièrement  sur  les 
Acocéphalides,  1879,  1880.  —  Fieber,  Monographie  des  espèces  européennes 
du  genre  Deltocephalus  (Homoptères,  .lassides),  dans  Mém.  Soc.  zool.  et 
de  botanique  de  Vienne,  1869.  —  John  Sahlberg,0/"yers//yf  of  Finlands  och 
den  Skandinaviska  halfons  Cicadariœ  (extrait  des  Notiser  ur  sdllskapets 
pro  fauna  et  flora  fennica  fôrhandlingar,  Helsingfors,  1871,  1  vol.  in-S" 
de  506  pages  et  2  pi.  noires).  —  J.  Lichtenstein,  Considérations  nou- 
velles sur  la  génération  des  Pucerons,  Homoptères  monoïques,  avec  2  pi., 
Paris,  J.-B.  Baillière  et  tils,  1878.  —  Maurice  Girard,  le  Phylloxéra  de  la 
vigne,  petit  in-12,  avec  16  fig.  et  1  carte,  li"  édit.,  Paris,  Hachette  et  C'% 
1883.  Cet  opuscule  contient  la  bibliographie  du  Phylloxéra  et  les  textes 
des  lois,  décrets  et  arrêtés  relatifs  à  la  maladie  phylloxérienne.  — 
Raphaël  Blanchard,  les  Coccidés  utiles  {Rull.  Soc.  zoolog.  de  France,  1883, 
p.  217).  — Léon  Fairmaire,  Hémiptères,  1  vol.  avec  pi.;  Musée  scolaire 
Deyrolle,  Hist.  natur.  de  la  France.  —  Balbiani,  Rapport  au  ministre  de 
l'Agriculture  sur  la  destruction  de  Vœuf  d'hiver  {Journal  officiel  de  sep- 


DIPTÈRES.  ^35 

tembre  I88Z1).  A  la  suite  des  nouvelles  expériences^  M.  Balbiani  recom- 
mande l'emploi  d'un  mélange  d'huile  lourde  (20  parties),  de  naplitaline 
(30  p.),  de  chaux  vive  (100  p.)  et  d'eau  (hOO  p.).  L'application  de  ce 
mélange  a  été  faite  sur  une  vaste  échelle  dans  plusieurs  départements. 
On  a  pu  constater  que  son  action  n'est  pas  nuisible  à  la  vigne,  et  qu'il 
détruit  les  galles  phylloxériques.  M.  Balbiani  estime  que  ce  traitement 
ne  revient  pas  à  plus  de  80  francs  par  10  000  souches.  11  est  important 
de  détruire  les  galles  phylloxériques,  non  pour  elles-mêmes,  mais  parce 
que  beaucoup  de  leurs  aptères  se  rendent  aux  racines. 


ORDRE  DES   DIPTÈRES 


L'ordre  des  Diptères  est  celui  des  Insectes  à  deux  ailes  membra- 
neuses, si  on  s'arrête  à  leur  premier  aspect,  les  autres  Insectes  ayant 
ou  quatre  ailes  ou  présentant  l'absence  de  ces  appendices.  Il  y  a  même 
des  auteurs  qui  ont  cherché  à  accentuer  cette  différence,  en  divisant 
les  Insectes  en  Tétraptères,  Diptères  et  Aptères.  Cependant  la  vérité  est 
qu'il  n'y  a  pas  de  véritables  Diptères,  qu'il  existe  pour  eux  une  seconde 
paire  d'ailes,  démontrable  par  la  discussion  des  observations,  de  telle 
sorte  que  les  Insectes  adultes  ne  se  distinguent  réellement  qu'en 
Tétraptères  et  Aptères.  Les  ailes  de  type  ordinaire  des  Diptères  sont  les 
antérieures  attachées  au  mésodorsum.  Elles  sont  en  général  constituées 
par  une  membrane  transparente,  légèrement  trouble  souvent,  parfois 
enfumée;  elles  peuvent  être  marquées  de  taches  élégantes  et  bariolées, 
noires  ou  brunes,  dont  la  teinte  n'est  pas  due  cà  des  poils  écailleux, 
plus  ou  moins  caducs,  comme  chez  les  Lépidoptères,  mais  est  inhé- 
rente à  la  membrane  alaire  et  ne  peut  être  effacée.  Ces  fâches,  en  quel- 
que sorte  essentielles,  sont  analogues  à  celles  qu'on  rencontre  chez 
certains  Hyménoptères  ou  Névroptères,  ainsi  chez  les  Panorpes,  les 
Fourmis-lions, etc.  Nous  citerons  à  ce  sujet  dans  les  Diptères,  les  Anthrax, 
les  Chrysops  et  les  Hématopotes  dans  les  Tabaniens,  et  divers  Musciens 
vivant  de  légumes  ou  de  fruits,  comme  l'Ortalis  ou  Mouche  des 
cerises,  etc.  Les  ailes  antérieures  des  Diptères  ont  rarement  des  poils 
visibles  à  l'œil  nu,  mais  bien  plus  souvent  microscopiques.  Les  ner- 
vures longitudinales  dominent  dans  cette  aile  et  par  suite  les  cellules 
allongées  ;  on  est  encore  loin  d'être  d'accord  sur  la  nomenclature  de 
cette  nervulation.  Le  bord  antérieur  est  constitué  par  la  nervule  mar- 
ginale ou  costale,  ou  radius,  qui  s'arrête  le  plus  souvent  à  la  pointe  et 
parfois  la  contourne  ;  l'amincissement  de  la  limite  de  l'aile  indique  sa 
terminaison.  Outre  cette  côte,  on  compte  le  plus  souvent  six  nervures 
longitudinales,  en  deux  faisceaux  principaux  qui  émanent  isolément  de 


936  DIPTÈRES. 

la  base  de  l'aile;  parfois,  de  cette  base,  au  voisinage  du  bord  interne, 
part  encore  un  troisième  tronc  isolé.  Dans  les  Musciens  existe  d'ordi- 
naire un  lobule  alaire,  arrondi  et  échancré,  au  côté  inférieur  de  l'in- 
sertion mésothoracique.  Chez  les  Tipulaires  il  y  a  en  général  une 
cellule  discoïdale  fermée  et  bien  limitée.  On  ne  trouve  pas  dans  cette 
aile  le  plateau  écailleux  ou  stigma  fréquent  dans  l'aile  antérieure  des 
Névroptùres  et  des  Hyménoptères.  La  cinquième  nervure  longitudinale, 
qui  ne  manque  jamais,  constitue  le  plus  fort  soutien  de  la  surface  pos- 
térieure de  l'aile.  La  troisième  nervure  longitudinale  est  reliée  à  la 
quatrième  par  une  petite  nervule  transversale  dite  antérieure;  une 
nervule  transversale  postérieure  ou  grande  nervule  relie  la  quatrième 
nervure  longitudinale  h  la  cinquième,  dans  le  voisinage  du  bord  pos- 
térieur de  l'aile. 

Les  ailes  de  la  seconde  paire  ont  éprouvé  une  modification  singu- 
lière et  leur  signification  a  été  méconnue  par  Lalreille  et  parMacquart, 
mais  est  incontestée  aujourd'hui.  Klles  sont  devenues  des  balanciers, 
organes  formés  d'une  sorte  de  bouton  pédicule,  muni  d'une  tige  plus 
ou  moins  longue,  très  visible  chez  les  Tipulaires  où  elle  est  à  nu, 
courte  chez  la  plupart  des  Diptères.  On  dirait  des  haltères  de  gymnas- 
tique, si  caractéristiques  de  l'ordre,  que  Scopoli  nommait  ces  insectes 
halterata.  Le  nom  de  balanciers  vient  de  la  ressemblance  avec  l'instru- 
ment qui  aide  les  danseurs  de  corde  à  se  maintenir  en  équilibre  et  il  a 
été  dit  que  c'était  là  aussi  leur  rôle  chez  les  Diptères.  Ils  sont  insérés 
dans  un  repli  du  métadorsum,  un  peu  en  arrière  du  stigmate  posté- 
rieur, par  suite  en  position  d'ailes  de  la  seconde  paire.  Les  nerfs  qui 
se  rendent  aux  balanciers,  l'étude  microscopique  de  leur  développe- 
ment, ont  permis  d'y  reconnaître  les  principales  nervures  d'une  aile, 
donnant  la  confirmation  anatomique  de  l'assimilation.  La  physio- 
logie démontre  d'autre  part  leur  nécessité  indispensable  pour  le  voL 
On  les  voit,  sous  une  loupe  puissante,  en  très  rapide  vibration  lors 
du  vol  et  du  bourdonnement.  Si  on  vient  à  les  couper  délicatement 
avec  de  très  fins  ciseaux  et  non  à  les  arracher,  ce  qui  produirait 
une  lésion,  on  constate  immédiatement  la  perte  de  l'équilibre  et  la 
suppression  du  vol  ascendant.  Le  Diptère  tombe  sur  le  sol,  la  tête  en 
avant,  bien  que  les  ailes  antérieures  et  leur  muscles  soient  intacts.  Les 
balanciers  sont  bien  plus  nécessaires  pour  le  vol  que  ne  le  sont  les 
ailes  inférieures  dans  la  plupart  des  Hyménoptères  et  des  Lépidoptères, 
où  ces  organes  semblent  accessoires  pour  le  vol  et  servent  surtout  à  sa 
direction.  Dans  beaucoup  de  cas,  chez  ces  insectes,  le  vol  ascendant 
peut  s'effectuer  avec  les  ailes  antérieures  conservées  seules.  En  arrière 
de  l'aile  propre,  nous  trouvons  dans  beaucoup  de  groupes  de  Diptères, 
une  petite  écaille  mince  ou  cuilleron,  simple  ou  double,  qui  cache 
plus  ou  moins  complètement  le  balancier. 

La  tête  des  Diptères  ofl're  deux  régions  distinctes,  l'épistome  compris 
entre  les  antennes,  les  bords  internes  des  yeux  et  la  base  de  la  trompe 


DIPTÈRES.  9S7 

et  1  epicrâne  constituant  la  majeure  partie  de  la  tête  el  comprenant  le 
front  très  réduit,  le  vertex.de  forme  triangulaire  et  portant  les  ocelles, 
l'occiput,  partie  postérieure  très  bombée  s'emboîtant  sur  le  protborax, 
les  joues  occupant  les  régions  qui  s'étendent  sous  les  yeux  jusqu'au 
bord  inférieur  de  la  bouche,  enfin  la  pièce  basilaire  à  la  région 
postéro-inférieure  de  la  tête.  Celte  tête,  reliée  au  thorax  par  un 
mince  filament,  peut  se  tourner  à  droite  ou  à  gauche.  Les  antennes 
s'élèvent  toujours  sur  la  limite  de  l'épislome  et  du  front  et  sont  consti- 
tuées d'après  deux  types,  qui,  concordant  avec  d'autres  caractères  ditré- 
rentiels  importants,  ont  permis  d'établir  deux  sous-ordres  parmi  les 
Diptères.  Dans  les  Néinoccres  les  antennes  sont  assez  longues  et  ont  au 
moins  six  articles  et  plus,  jusqu'à  plus  de  soixante,  et  sont  souvent  de 
la  longueur  au  moins  de  la  tête  et  du  thorax  réunis.  Ces  antennes,  où  les 
articles  se  succèdent  en  série  régulière,  sont  filiformes  ou  sétacées,  ou 
moniliformes,  c'est-à-dire  en  grains  de  chapelet,  ou  hérissées  de  petits 
poils,  parfois  pectinées  dans  les  mâles  :  ainsi  chez  le  Chironome  plu- 
meux,  dont  la  larve  aquatique  d'un  rouge  de  sang  est  le  Ver  de  vase, 
si  apprécié  des  pêcheurs  à  la  ligne.  Une  seconde  forme,  très  différente 
par  la  brièveté  des  antennes,  qui  sont  inaperçues  pour  beaucoup  de 
personnes,  se  remarque  chez  les  lirachycères  (nom  qu'on  écrit  souvent 
à  tort  Brachocères). 

Deux  articles  basilaires,  annulaires  et  courts,  portent  un  troisième 
article  très  renflé,  ovoïde,  cylindroïde  ou  conoïde,  droit  ou  courbé; 
parfois,  ainsi  dans  les  Tabaniens,  il  paraît  annelé,  c'est-à-dire  dé- 
composé en  plusieurs  articles,  ou  bien  se  prolonge  en  un  style  grêle 
dans  sa  direction  et  offrant  quehiues  annulations;  le  plus  souvent 
ce  prolongement  de  l'antenne,  nu  ou  velu  et  empenné,  est  rejeté 
sur  le  côté  dorsal  du  troisième  article  hypertrophié ,  constituant 
la  soie  antennaire  ou  chête,  plus  ou  moins  distinctement  articulée,  nue 
ou  garnie  de  poils  pennés,  d'un  ou  de  deux  côtés;  ces  soies  avec  rejet 
se  voient  chez  les  Syrphiens  et  dans  l'immense  tribu  des  Musciens.  Le 
troisième  article  est  souvent  criblé  de  petits  pores  au  fond  desquels 
aboutissent  des  terminaisons  nerveuses  spéciales;  en  effet  ces  minimes 
antennes  sont  douées  à  un  haut  degré  de  la  faculté  olfactive.  On  sait 
combien  les  Musciens  sont  attirés  à  de  grandes  distances  par  les  débris 
azotés  corrompus  et  par  les  diverses  matières  stercoraires  pour  la  ponte 
de  leurs  œufs  ou  de  très  jeunes  larves  chez  les  ovovivipares.  Ce  n'est 
nullement  la  vue  qui  les  guide,  car  on  peut  recouvrir  d'un  linge  fin 
les  viandes  gâtées,  et  ce  voile,  qui  n'arrête  par  les  effluves  odorants, 
se  recouvre  de  Mouches.  On  peut  dire  que  ies  indications  visuelles  sont 
encore  plus  méconnues  quand  ces  insectes  viennent  pondre  dans  les 
spalhes  à  odeur  cadavérique  des  Anim  et  des  Stapelia,  où  s'opère  une 
ponte  destinée  à  la  mort  des  larves  qui  éclosent  des  œufs  déposés  par 
suite  d'une  erreur  sensuelle.  Le  style  s'oblitère  dans  le  groupe  dégradé 
des  Diptères  coriaces,  où  l'antenne  se  réduit  à  un  tubercule  inarticulé. 


988  DIPTÈRES. 

Les  yeux  des  Diptères  présentent  beaucoup  d'analogie  avec  ceux  des 
Hyménoptères.  Les  yeux  composés  sont  constants  et  en  général  grands 
et  très  développés,  sauf  chez  les  Coriaces.  Ils  ont  un  contour  circulaire, 
elliptique,  ovale  ou  réniforme;  parfois  ils  sont  velus,  afin  d  être  abrités 
contre  les  chocs;  parfois  la  partie  supérieure  est  formée  de  facettes 
plus  grandes  que  l'inférieure.  Les  mâles  présentent  souvent  ces  yeux 
contigus,  comme  cela  arrive  chez  certains  Hyménoptères,  tels  les  Faux- 
Bourdons,  ces  mâles  ayant  besoin  de  voir  les  femelles  de  tous  côtés 
dans  leur  vol  ;  chez  les  femelles  ces  yeux  restent  toujours  séparés,  au 
moins  par  une  bande  frontale  étroite.  Les  ocelles,  au  nombre  de  trois 
sur  le  vertex,  existent  le  plus  souvent.  Ils  manquent  dans  certains 
Némocères,  ainsi  les  Culiciens  et  une  partie  des  Tipuliens. 

Les  Diptères  sont  des  insectes  essentiellement  suceurs  de  liquides, 
surtout  à  l'état  adulte.  Leurs  pièces  buccales  ont  pour  partie  essen- 
tielle et  très  prédominante  la  trompe,  qui  correspond  à  la  lèvre  infé- 
rieure des  broyeurs.  Des  difficultés  considérables  se  présentent  pour 
l'assimilation  des  diverses  parties,  en  raison  des  réductions  de  certaines 
d'entre  elles  et  des  interversions  au  moins  apparentes  qu'elles  offrent 
parfois,  de  sorte  qu'il  faut  recourir  aux  insertions  premières  plus  ou 
moins  malaisées  à  reconnaître  et  surtout  aux  filets  nerveux  qui  s'y 
rendent  comparés  à  ceux  du  labre,  des  mandibules  et  des  mâchoires 
des  Coléoptères,  types  de  broyeurs.  11  n'y  a  pas  pour  les  Diptères  un 
plan  unique  de  composition  des  pièces  buccales  demeurant  aussi  cons- 
tant dans  l'agencement  de  ses  diverses  parties  que  chez  les  Coléoptères 
et  Lépidoptères  ;  il  faut  étudier  séparément  la  bouche  dans  les  divers 
groupes  naturels  de  l'ordre.  On  retrouve  des  palpes  qui  manquaient  à 
la  lèvre  inférieure  et  aux  mâchoires  des  Hémiptères.  Les  Diptères  con- 
stituent les  Haustelés  ou  Antliata  de  Fabricius,  dans  sa  classification  en 
ordres  d'après  les  pièces  buccales. 

Savigny  n'avait  examiné  que  les  pièces  buccales  des  Taons,  disposées 
en  lancettes  perforantes  pour  pénétrer  dans  la  peau  des  animaux  et 
aussi  de  l'homme,  parfois  même  à  travers  les  vêtements;  pour  eux, 
conàme  aussi  pour  les  Cousins,  la  comparaison  des  pièces  buccales  avec 
celles  des  Broyeurs  est  aisée;  on  y  trouve  un  labre,  deux  mandibules, 
deux  mâchoires  sous  forme  de  soie,  un  épipharynx  très  développé  et 
une  lèvre  inférieure  plus  ou  moins  engainante.  L'épipharynx  chez  les 
Diptères  est  une  pièce  qui  est  souvent  confondue  avec  le  labre  vrai, 
car  elle  aies  mêmes  rapports.  Elle  est  essentiellement  liée  au  pharynx, 
dont  elle  est  le  prolongement  de  la  face  dorsale,  et  une  autre  pièce 
impaire  lui  correspond,  prolongement  de  la  face  inférieure  du  pharynx 
et  qu'on  nomme  hypopharynx.  Pour  les  divers  types  de  Diptères,  les 
auteurs  se  bornaient  à  indiquer  le  nombre  de  soies  entrant  dans  la 
composition  de  la  bouche  et  établissaient  trois  groupes  :  les  Hexachètes, 
à  six  soies,  à  bouche  complète,  les  Téfrachètes,  à  quatre  soies,  man- 
quant, disait-on,  de  mandibules,  enfin  les  Dichùtes,  avec  bouche  à  deux 


DIPTÈRES.  939 

soies,  sans  mandibules  ni  mâchoires.  En  réalité,  il  y  a  toul  autre 
chose  que  cette  atrophie.  Les  appendices  buccaux  des  Diptères  tendent 
à  la  soudure.  Souvent  on  ne  voit  plus  que  des  pièces  impaires;  chez 
beaucoup  de  Diptères  môme,  elles  sont  presque  toutes  réunies,  au 
moins  par  leur  base,  de  manière  à  former  une  espèce  de  tube.  Le 
guide  le  plus  sûr  pour  l'assimilation,  comme  l'a  vu  M.  Emile  Blanchard, 
c'est  l'étude  spéciale  des  nerfs  qui  se  rendent  au\  pièces  buccales,  moyen 
employé  aussi  pour  déterminer  les  pièces  buccales  des  Arachnides. 

Dans  les  Taons  (Hexachètes)  qui  forment  le  point  de  départ,  la  lèvre 
supérieure  ou  épipharynx  reçoit  les  nerfs  des  deux  ganglions  céré- 
broïdes,  les  trois  paires  nerveuses  naissant  du  ganglion  sous-œso- 
phagien se  distribuant  aux  mandibules,  aux  mâchoires  et  à  la  lèvre 
inférieure,  comme  chez  les  Insectes  broyeurs.  Le  labre  est  long,  large 
et  pointu,  les  mandibules  séparées,  chacune  longue  et  pointue,  la 
mâchoire  élargie  et  poilue,  avec  un  long  palpe  inarticulé;  la  lèvre  in- 
férieure est  à  deux  lobes  bien  soudés,  chacun  ayant  à  la  base  un  palpe 
labial  rudimentaire.  Dans  les  Asiles  (Tétrachètes),  les  mandibules  se 
soudent  complètement  et  ne  constituent  plus  qu'une  pièce  impaire  et 
médiane,  L'èpipharynx  des  Tabaciens,  qui  est  rudimentaire  ou  nul 
chez  la  plupart  des  hisectes,  l'est  également  dans  les  Asiles.  On  voit, 
à  partir  du  ganglion  sous-œsophagien,  les  mômes  trois  paires  de  nerfs 
que  chez  les  Taons  ;  les  plus  internes,  celles  de  la  lèvre  inférieure,  les 
secondes,  celles  des  mâchoires,  enfin  les  externes  s'engageant  dans  la 
pièce  impaire,  de  mémo  qu'elles  vont  aux  mandibules  des  Taons.  Dans 
les  Anthrax,  l'ordre  des  pièces  subsiste;  après  le  labre  vient  un  stylet 
formé  des  mandibules  soudées,  puis  insérées  à  la  base  de  la  trompe 
ou  lèvre  inférieure,  les  mâchoires  dédoublées  en  stylets  grêles,  chacun 
avec  un  palpe  sétiforme. 

La  difficulté  est  considérable  pour  l'assimilation  de  la  trompe  molle 
et  extensible  des  Musciens  (Dichètes).  Cette  lèvre  inférieure  porte  à  sa 
base  les  autres  pièces  buccales,  avec  une  apparence  d'interversion  des 
connexions  ordinaires,  car,  en  ne  regardant  que  les  bouts  des  pièces 
buccales,  on  aperçoit,  à  partir  de  la  base  de  la  trompe,  les  mâchoires 
soudées,  avec  palpes  maxillaires,  puis  le  labre,  puis  les  mandibules 
soudées  en  un  stylet.  Toutes  les  pièces  sont  retenues  dans  une  gaine 
formée  par  la  lèvre  inférieure  et  les  mâchoires.  En  dessus,  il  existe 
une  lamelle  aiguë  qui  est  la  lèvre  supérieure,  et,  comme  chez  tous  les 
autres  Insectes,  ses  nerfs  ont  leur  origine  dans  les  ganglions  cérébroïdes. 
Au-dessous,  ou  observe  quelquefois  un  épipharynx  saillant,  mais  qui 
est  le  plus  souvent  rudimentaire;  dans  tous  les  cas,  il  reçoit  des 
rameaux  des  nerfs  de  la  lèvre  supérieure.  Au-dessous,  une  lamelle, 
plus  allongée  que  la  lèvre  supérieure,  montre,  comme  chez  les  Asiles, 
les  deux  mandibules  réunies.  On  voit,  dans  ces  Musciens,  des  palpes 
situés  sur  le  sommet  de  la  trompe.  Comme  ces  palpes  reçoivent  leurs 
nerfs  de  la  seconde  paire  issue  du  ganglion  sous-œsophagien,  on  est 


940  DIPTÈRES. 

conduit  à  admettre  que  le  corps  des  mâchoires  s'est  soudé  à  la  lèvre 
inférieure  pour  former  la  trompe.  Dans  quelques  Syrphiens  [Eristalis), 
où  cette  portion  n'a  pas  encore  l'aspect  membraneux  qu'on  lui  trouve 
chez  les  Muscides,  ce  fait  est  très  apparent,  indépendamment  même  de 
la  considération  des  nerfs. 

En  résumé  la  bouche  des  Diptères  présente  des  appendices  en  tout 
comparables  à  ceux  des  autres  Insectes;  seulement  ces  appendices  se 
modifient  d'une  manière  spéciale,  les  modifications  les  plus  importantes 
étant  produites  par  le  fait  des  soudures  ou  plutôt  de  l'ossification  con- 
fuse des  parties,  comme  cela  se  voit  pour  les  pattes  de  certains  Crus- 
tacés, par  exemple  des  Caliges.  Le  seul  examen  des  connexions  des 
pièces  ne  permet  pas  de  bien  comprendre  ces  modifications,  si  l'on  n'y 
joint  pas  l'étude  des  nerfs  buccaux.  Dans  les  familles  de  l'ordre  des 
Diptères,  les  modifications  du  système  appendiculaire  buccal  devien- 
nent considérables,  tandis  qu'elles  sont  extrêmement  légères,  en 
général,  dans  chacun  des  ordres  naturels  de  la  classe  des  Insectes. 

On  consultera  spécialement  au  sujet  des  pièces  buccales  des  Diptères: 
Emile  Blanchard,  Composition  de  la  bouche  dans  les  Insectes  de  Vordre  des 
Diptères  (Comptes  rendus  de  VAcad.  des  sciences,  1850,  t.  xxxi,p.  /i2/i-/i27). 
—  J.  Kunckel  d'Herculais  et  Gazagnaire,  Du  siè(je  de  la  gustation  chez  les 
Insectes  diptères;  Constitution  anatomique  et  valeur  physiolojiique  de  l'épi- 
pharynx  et  de  Vhypopharynx  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
août  1881),  —  D''  Georges  Dimmock,  The  Anatomy  ofthe  Mouth-Parts,  and 
of  the  sucking  apparatus  of  sonie  Diptera,  avec  4  pi.,  Boston,  A.  Williams 
et  Cie,  1881.  Dans  cette  thèse  soutenue  à  Leipzig,  sont  étudiées  les 
pièces  buccales  de  Culex  rufus,  Bomhylius  major,  où  la  trompe  a  plus 
de  trois  fois  la  longueur  de^la  tête,  Eristalis  horticola,  Musca  vomitoria 
et  domestica.  —  Fr.  Meinert,  Fluernes  Munddele,  Trophi  Dipterorum  (en 
danois),  in-Zi«,  avec  6  pi.,  1881,  Copenhague. 

La  tête  est  le  plus  souvent  déprimée  chez  les  Diptères;  elle  s'arrondit 
dans  les  Empides  et  dans  une  partie  des  Némocères,  s'allonge  dans 
quelques  Musciens,  se  dilate  excessivement  dans  les  Diopsis  par  les 
expansions  latérales  du  front,  s'abaisse  au  contraire  et  se  réduit  consi- 
dérablement chez  les  Vésiculeux  au  point  de  sembler  disparaître.  Le 
thorax  s'élève  dans  les  uns,  arrondi  et  comme  bossu  dans  beaucoup  de 
Tipuliens,  s'allonge  chez  d'autres  ;  il  présente  parfois  des  proéminences 
dans  ses  parties  latérales  et  inférieures.  Le  premier  des  anneaux  du 
thorax  ne  présente  guère,  vu  d'en  haut,  que  la  saillie  des  épaules;  le 
mésothorax  chargé  de  porter  les  ailes  est  extrêmement  développé,  ses 
muscles  étant  les  agents  du  vol  le  plus  puissant  qui  existe,  supérieur 
chez  certains  Diptères  à  celui  des  Oiseaux  les  plus  rapides.  On  voit  des 
Volucelles  et  des  Syrphes  demeurer  pendant  des  heures  entières  en 
vol  stalionnaire  dans  un  rayon  de  soleil;  des  Mouches  carnassières 
suivent  des  trains  de  chemin  de  fer  lancés  à  toute  vitesse,  entrant  dans 
les  voilures  et  en  sortant,  à  peu  près  aussi  aisément  que  si  elles  étaient 


DlPTfcRES.  941 

immobiles.  Sur  ce  segment  déborde  l'écusson,  tellement  étendu  que  le 
métathorax  se  trouve  presque  caché  par-dessous.  Cet  écusson  est  armé 
de  pointes  dans  la  famille  des  Notacanthes  ;  il  se  dilate  étrangement 
chez  les  Célyphcs,  genre  de  Musciens,  en  recouvrant  tout  l'abdomen  et 
les  ailes,   comme  certains  genres  des   Hémiptères    scutellériens.  T.es  ' 
pattes,  dépendances  des  arceaux  ventraux  du  thorax,  otl'rent  de  nom- 
breuses modifications.  Elles  s'articulent  avec  le  corps  par  Tinterraé- 
diaire  de  cuisses  coniques,  reliées  à  la  hanche  par  un  trochanter.  Elles 
passent  d'une  brièveté  remarquable  à  la  longueur  la  plus  démesurée, 
ressemblant  chez  certains  Tipuliens  îi  celles  de  l'ordre  des  Phalangiens 
ou  Faucheurs  chez  les  Arachnides,  et,  de  même,  très  fragiles  et  gar- 
dant des  mouvements  assez  longtemps  après  avoir  été  séparées  du 
corps.  Elles  sont  tantôt  nues,  tantôt  velues,  ciliées  ou  pennées.  La 
hanche,  généralement  courte,  s'allonge  dans  une  partie  des  Tipuliens 
et  des  Empides,la  cuisse  s'épaissit  dans  plusieurs  Asilicns  et  Syrphiens, 
la  jambe  est  droite  ou   arquée,  cylindrique  ou   renflée,  le  tarse  est 
formé  de  cinq  articles,  de  dimensions  relatives  variables,  le  premier 
généralement  allongé  et  le  dernier  terminé  par  deux  grifl'es.  Entre  ces 
deux  griffes,  on  remarque  souvent  une  griffe  accessoire,  et,  plus  sou- 
vent encore,  deux  ou  trois  coussinets  tactiles  en  forme  de  semelles 
(pelotles  ou  pulvilles).  Ces  crochets  et  ces  pelotes  s'allongent  dans  les 
mâles  d'une  partie  des  Musciens.  Indépendamment  de  la  locomotion, 
les  pattes  servent  assez  souvent  à  saisir  et  à  retenir  la  proie,  comme 
des  crampons  articulés  :  ainsi  chez  les  Asiliens.  Dans  une  partie  des 
Némocères,  les  pattes  antérieures  sont  souvent  disposées  horizontale- 
ment en  avant,  et  suppléent  à  la  brièveté   des  antennes   pour  pro- 
téger la  tête,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  aussi  dans  les  Ephémériens, 
les  mêmes  pattes  sont  assez  fréquemment,  chez  les  mâles,  les  auxi- 
liaires des  organes  sexuels,  en  présentant  des  appendices  propres  à 
retenir  les  femelles. 

11  nous  faut  revenir  un  moment  sur  les  semelles  ou  palettes  du  der- 
nier article  des  tarses  des  Diptères,  avec  lesquelles  les  Mouches  peuvent 
progresser  en  toute  sûreté,  même  à  contre-pesanteur,  sur  les  surfaces 
les  plus  lisses,  ou  s'y  endormir  immobiles.  Ces  palettes  sont  couvertes 
de  poils  très  fins,  élargis  en  cupules  terminales,  exigeant  pour  être  vus 
nettement  un  grossissement  de  500  diamètres.  Chaque  palette  est  une 
réunion  de  ventouses  microscopiques,  séparément  analogues  aux  ven- 
touses des  pattes  des  mâles  de  Dytisciens,  et  les  poils  innombrables 
peuvent  adhérer  aux  petites  aspérités  que  présentent  les  surfaces 
d'apparence  la  plus  polie  et  que  révèle  un  puissant  microscope.  C'est 
une  disposition  analogue  à  celle  qu'offrent  les  Geckotiens,  Sauriens  qui 
semblent  disposés  pour  capturer  les  Mouches  et  dont  nous  avons  une 
espèce  en  Provence  et  commune  en  Algérie,  le  Platydactylus  inuraUs. 
La  face  palmaire  des  doigts  est  striée  transversalement;  vue  au  micros- 
cope, chacune  des  lamelles  transversales  prend  l'apparence  d'une  brosse 


9ii2  DIPTÈRES. 

à  poils  nombreu.v  et  serrés.  Ces  expansions  piliformes  de  la  peau  pénè- 
trent dans  les  invisibles  aspérités  des  surfaces,  de  sorte  que  le  Gecko 
court  sur  une  vitre  aprilîs  une  Mouche  par  un  mécanisnae  analogue 
à  la  marche  de  celle-ci. 

L'abdomen  ressemble  par  les  formes  et  les  revêtements  à  celui  des 
Hyménoptères.  Il  se  relie  au  thorax  de  toutes  les  manières  possibles. 
Le  plus  souvent  il  est  sessile  ou  adhérent,  plus  rarement  pédicule.  11 
est  tour  à  tour  cylindrique,  conique,  ovale,  orbiculaire,  discoïdal, 
transversal;  il  se  termine  en  massue,  il  s'aiguise  en  fer  de  lance,  il  se 
hérisse  d'une  épaisse  fourrure  laineuse  (Bombyles),  à  la  façon  des  Bour- 
dons, des  Anlhophores  et  des  Andrènes  parmi  les  Hyménoptères;  il 
brille  du  poli  métallique  le  plus  pur  dans  les  brillants  Muscicns  qu'on 
nomme  pour  cette  raison  les  Lucilies;  très  rarement  il  présente  des 
écailles,  comme  en  offrent  souvent  le  corps  des  Papillons  ou  des  Cha- 
rançons. Quand  les  Diptères  n'ont  pas  l'abdomen  nu,  ils  portent  des 
poils  généralement  hérissés,  dont  certains,  appelés  grandes-soies,  se  dis- 
tinguent par  leur  taille  (Echinomyies).  Les  segments  ou  anneaux  de 
l'abdomen,  dont  le  nombre  variant  entre  quatre  et  huit  sert  parfois 
à  reconnaître  les  espèces,  doivent  être  comptés  sur  la  face  dorsale.  Cet 
abdomen  et  le  thorax  encore  plus,  jouent  un  rôle  important  dans  le 
bourdonnement,  si  habituel  chez  les  Diptères  brachycères.  Le  son  pro- 
duit est  une  résultante  de  deux  sons,  l'un  grave,  l'autre  aigu  et  à  l'oc- 
tave du  premier  (Jousset  de  Bellesme).  C'est  ce  qu'on  reconnaît  bien 
sur  une  Volucelle  (Syrphiens)  ou  sur  une  Mouche  à  viande  (Musciens). 
Le  premier  son,  si  bien  perçu  quand  le  Diptère  vole,  est  dû  à  la  rapide 
vibration  des  ailes  et  des  balanciers  et  disparaît  si  on  enlève  ces  orga- 
nes. Le  son  aigu  ou  piaulement  est  produit  par  le  frémissement  violent 
et  continu  de  tous  les  anneaux  du  corps,  frémissement  qu'on  sent  entre 
les  doigts  qui  emprisonnent  une  Mouche  rendue  captive,  en  môme 
temps  que  l'oreille  entend  le  son. 

Les  organes  sexsuels  externes  font  assez  souvent  saillie  en  arrière. 
Les  femelles  ont,  après  la  fécondation,  l'abdomen  gonflé  d'oeufs  et  sou- 
vent conoïde  ou  piriforme  et  terminé  par  un  oviducte  à  tubes  rétrac- 
tiles  servant  à  pondre  les  œufs  parfois  dans  l'eau,  souvent  dans  la  terre 
humide  et  dans  diverses  matières  plus  ou  moins  molles.  Une  diversité 
considérable  se  montre  à  l'extrémité  de  l'abdomen  des  mâles,  dont 
l'aspect  souvent  mousse  et  élargi  contraste  avec  la  pointe  terminale  de 
l'abdomen  des  femelles.  Ils  présentent  tous  les  moyens  de  vaincre  la 
résistance  des  femelles,  des  pinces,  des  crochets,  des  tenailles,  des 
mains  armées  d'ongles  crochus.  C'est  le  plus  ordinairement  dans  les 
airs  que  commence  l'accouplement,  qui  se  termine  parfois  sur  divers 
supports.  Les  innombrables  réunions  tourbillonnantes  de  Tipuliens  et 
d'Anthomyies  sont  des  recherches  sexuelles  et  des  préludes.  De  même 
les  évolutions  solitaires  du  Taon  impétueux,  qui  vole  en  un  instant  à 
l'extrémité  de  la  longue  avenue  d'une  forêt,  regarde  autour  delui,  un 


DIPTÈRES.  943 

moment  immobile,  se  précipite  à  l'autre  extrémité,  regarde  encore  et 
recommence  cent  fois  ce  manège,  jusqu'à  ce  que,  découvrant  une 
femelle,  il  s'élance  à  sa  poursuite.  Chez  les  Empides,  les  amours  sont 
toujours  précédées  d'une  chasse  aux  petits  Insectes,  et,  lors  de  la  copu- 
lation, on  voit  la  femelle  occupée  en  même  temps  à  sucer  sa  proie. 

Dans  les  métamorphoses  complètes  que  subissent  les  Diptères  pour 
parvenir  à  l'éfat  adulte,  il  y  a  moins  de  diversité  que  dans  les  formes 
si  diversifiées  de  cet  état  définitif.  Ils  présentent  deux  exceptions  à  la 
reproduction  bisexuée  et  ovipare,  qui  est  chez  eux  l'état  général  comme 
chez  la  plupart  des  Insectes.  Les  Pupipares,  parasites  des  Mammifères 
et  des  Oiseaux  et  dernière  famille,  avec  dégradation,  de  l'ordre  des 
Diptères,  viennent  au  jour  à  l'état  nymphal,  celui  de  larve  s'étant 
accompli  dans  l'oviducte.  Les  Sarcophages,  tribu  des  Musciens,  sont 
ovovivipares,  et  pondent  dans  les  chairs  qui  nourriront  leur  progéni- 
ture de  petites  larves  ayant  rompu  le  chorion  de  l'œuf  dans  l'oviducte 
maternel.  Parmi  les  nombreux  Diptères  ovipares,  une  grande  quantité 
confient  leurs  œufs  à  la  terre,  d'autres  dans  les  divers  détritus  végétaux 
où  vivront  leurs  larves.  Une  partie  des  Némocères  et  les  Notacanthes 
répandent  leurs  œufs  sur  les  eaux,  en  les  réunissant  quelquefois  avec 
beaucoup  d'industrie  en  légers  radeaux.  Les  Diptères  qui  habitent  les 
eaux  à  leurs  premiers  états,  comme  les  Cousins  et  les  Tipulaires  culici- 
formes,  sont  alors  pourvus  d'organes  de  nutrition  et  de  respiration  très 
différents  de  ceux  des  larves  terrestres  et  ont  aussi  des  moyens  de  loco- 
motion étrangers  à  ces  derniers.  La  bouche  est  munie  de  mâchoires  et 
de  palpes  plus  ou  moins  développés.  La  respiration  s'opère  souvent  au 
moyen  de  tubes  plus  ou  moins  longs,  à  l'extrémité  desquels  s'ouvrent 
les  stigmates  et  que  la  larve  maintient  à  la  surface  de  l'eau.  Les  organes 
du  mouvement  consistent  en  des  appendices  en  forme  de  nageoires. 
Les  nymphes  de  plusieurs  de  ces  Némocères  aquatiques  conservent  la 
faculté  de  se  mouvoir  à  l'aide  de  nageoires,  d'autres  restant  immobiles. 
Les  unes  ont  pour  organes  de  respiration  des  touffes  de  longs  filaments 
branchiaux  ou  trachées  extravasées,  d'autres  des  cornets  aérifères  ou 
paires  de  cornes  stigmatiques,  communiquant  aux  stigmates  antérieurs 
du  prothorax.  Parmi  les  larves  aquatiques,  certaines,  dans  les  Chiro- 
nomes,  douées  d'un  instinct  social,  habitent  en  familles  des  demeures 
qu'elles  construisent  assez  grossièrement  au  fond  des  eaux  ou  sur  les 
rives.  Elles  emploient  comme  matériaux  des  particules  de  feuilles  dé- 
composées ;  chaque  larve  se  fait  ainsi  un  fourreau  tortueux,  et  leur 
réunion  constitue  des  masses  irrégulières  dont  la  surface  offre  les  ouver- 
tures des  tuyaux.  La  tète  de  la  larve  sort  souvent,  tandis  que  la  partie 
postérieure  reste  cramponnée  dans  l'intérieur.  Ces  larves  abandonnent 
quelquefois  leurs  fourreaux  pour  en  construire  d'autres;  alors  elles  se 
meuvent  dans  l'eau  en  se  contournant  vivement,  comme  des  Vers  ;  aucun 
de  leurs  organes  ne  remplit  les  fonctions  de  nageoires. 

Parmi  les  larves  terrestres,  quelques-unes  sont  pourvues  de  filières 


9liU  DIPTÈRES. 

et  s'enveloppent  de  galeries  et  de  pavillons  de  soie,  au  milieu  des 
champignons  où  vivent  ces  Tipuliens  fongicoles.  Beaucoup  de  Musciens 
pondent  leurs  œufs  sur  les  bulbes  ou  les  racines  où  vivront  leurs  larves, 
d'autres  Diptères  sur  les  céréales  (Cécidomyies,  Téphrites),  d'autressur  les 
fruits,  comme  les  cerises,  les  oranges,  les  olives.  Dans  les  Cécidomyies, 
il  en  est  qui  fixent  leurs  œufs  sur  les  bourgeons  des  plantes  et  occasion- 
nent des  galles  contenant  les  larves,  à  la  façon  des  Cynipiens.  Plusieurs 
groupes  de  Diptùres  destinent  à  leur  postérité  une  nourriture  animale 
ou  animalisée.  Tels  sont  les  nombreux  Musciens  stercoraires  et  ceux 
qui  pondent  sur  les  viandes  et  même  sur  les  plaies  et  blessures  des  Ver- 
tébrés vivants.  Des  Syrphiens  placent  les  œufs  au  milieu  des  amas  de 
Pucerons,  et  leurs  larves,  quoique  aveugles,  y  trouvent  la  plus  ample 
pâture.  Les  Volucelles  leur  donnent  pour  berceaux  les  nids  des  Bour- 
dons et  des  Vespiens,  où  elles  exercent  de  grands  ravages.  Les  Tachi- 
naires  ou  Entomobies  se  montrent  encore  plus  redoutables  aux  autres 
Insectes  et  particulièrement  aux  Lépidoptères.  Elles  collent  leurs  œufs 
sur  la  peau  des  chenilles,  comme  les  Ophions  (Ichneumoniens),  car 
elles  n'ont  pas  de  tarière  de  perforation.  Les  larves  entrent  dans  la 
chenille,  se  nourrissent  de  la  substance  adipeuse  qui  y  abonde  et  la 
font  périr  en  se  développant.  Certaines  Entomobies  déploient  un  instinct 
bien  plus  compliqué;  elles  destinent  pour  aliments  à  leurs  petits  les 
cadavres  des  Insectes  que  les  Hyménoptères  fouisseurs  ont  portés  dans 
leurs  souterrains  comme  nourriture  de  leur  famille.  Afin  d'effectuer  ce 
hardi  dessein,  elles  épient  le  moment  où  le  Philanthe,  le  Crabron,  sort 
de  sa  retraite  après  avoir  placé  ses  œufs  sur  cette  proie,  et  elles  y 
déposent  également  les  leurs.  La  larve  de  l'Entomobie,  plus  hâtive  que 
celles  de  l'Hyménoptère,  dévore  avant  elles  la  victuaille  qui  leur  était 
préparée  et  ne  leur  laisse  que  la  peau  desséchée.  Un  instinct  non 
moins  admirable  se  manifeste  chez  les  Œstrides.  Ces  Diptères  pondent 
leurs  œufs  sur  diverses  parties  du  corps  des  Mammifères,  et  les  larves 
qui  en  éclosent  parviennent  par  différents  moyens  dans  les  cavités 
internes  où  elles  doivent  se  développer.  Enfin  des  œufs  des  Hypodermes, 
pondus  également  et  collés  sur  la  peau  des  animaux  vivants,  sortent 
des  larves  qui  trouent  cette  peau  et  vivent  delà  sanie  qui  s'amasse  sous 
la  peau  dans  des  tumeurs  qui  leur  servent  d'horrible  berceau. 

(Juant  à  l'organisation  interne,  les  Diptères  présentent  un  caractère 
qui  leur  est  commun  avec  les  autres  Insectes  suceurs  seulement,  l'exis- 
tence de  glandes  salivaires.  Le  vaisseau  dorsal  ou  cœur  est  étroit  et 
animé  de  pulsations  fréquentes.  L'organe  de  la  respiration  chez  les 
adultes  se  compose  de  trachées  vésiculeuses,  en  rapport  avec  un  vol 
puissant,  reliées  entre  elles  par  des  trachées  tubuleuses.  Le  système 
nerveux  consiste  en  un  ganglion  cérébriforme  à  lobes  rapprochés  et  en 
deux  cordons  médullaires  formant  neuf  autres  ganglions.  L'appareil  de 
la  nutrition  se  compose  d'un  œsophage  allongé,  d'un  estomac  assez 
étroit  muni  de  vaisseaux  de  Malpighi,  d'un  duodénum  cylindrique  et 


DlPTÈRtS.  9/l5 

d'un  rcictum  musculeii.v.  Les  organes  de  la  reproduction  chez  les  mâles 
offrent  le  môme  système  de  testicules,  de  vésicules  séminales  et  de  vais- 
seaux déférents  que  chez  les  autres  Insectes;  il  y  a,  chez  les  femelles, 
deux  ovaires  communiquant  par  deux  canaux  à  un  oviducte  commun. 
Jamais  il  n'offre  à  sa  terminaison  un  aiguillon  avec  glande  à  venin. 
Aussi  devons-nous  rappeler  cette  vieille  remarque  d'Aristofe,  que  les 
Mouches  à  deux  ailes  piquent  par  la  bouche,  les  Mouches  à  quatre  ailes, 
c'est-à-dire  certains  Hyménoptères,  par  l'extrémité  opposée.  La  piqûre 
des  premiers  Insectes  est  liée  à  l'absorption  de  la  nourriture;  aussi 
nous  ne  devons  pas  les  laisser  se  poser  tranquilles  sur  notre  corps,  en 
considérant  que  parfois  cette  piqûre  par  les  pièces  buccales  peut  ino- 
culer le  charbon,  si  le  Diptère  a  sucé  auparavant  des  sujets  contaminés, 
vivants  ou  morts.  Nous  saisirons  sans  danger  à  la  main  les  Diptères  les 
plus  suspects,  car,  paralysés  par  la  terreur,  ils  ne  songent  pas  alors 
à  manger.  Au  contraire  les  Hyménoptères  à  aiguillon  peuvent  se  pro- 
mener sur  notre  corps  sans  nous  piquer,  si  nous  ne  les  saisissons  pas, 
car  chez  eux  l'aiguillon  est  une  arme  défensive,  soit  dans  un  danger 
individuel,  soit  pour  protéger  le  couvain  contre  les  agresseurs. 

On  peut  consulter,  pour  l'anatomie  interne  des  Diptères  en  général, 
les  travaux  suivants  :  Léon  Dufour,  Observations  sur  l'organe  digestif  de 
quelques  Diptères  {Journ.  de  physique,  t.  XC,  1820,  p.  3^5-357);  Recherches 
anatomiques  sur  l'Hlppobosque  des  Chevaux  (Ann.  Se.  natur.,  1825,  t.  VI, 
p.  299-322,  fig.)  ;  Études  anatomiques  et  physiologiques  sur  une  Mouche,  etc. 
{Ann.  Se.  natur.,  '1"  série,  Zool.,  18/il,  t.  XVI,  5-lZi);  Histoire  des  méta- 
morphoses et  de  l'anatomie  du  Piophila  petasionis  {Ann.  Se.  natur., 
3*  série,  Zool.,  18i/4,  t.  i,  365-388);  Anatomie  générale  des  Diptères  {Ann. 
Se.  natur.,  3"  série,  Zool.,  18i^i,  t.  1,  2Zi/i-26/i);  Études  anatom.  et  phy- 
siolog.  sur  les  Insectes  diptères  de  la  famille  des  Pupipares  {Ann.  Se.  natur., 
3*  série,  Zool.,  18/i5,  t.  111,  p.  Zi9-95);  Études  anatom.  et  physiol.  sur  une 
Mouche,  etc.  {Mém.  des  Sav.  étrangers,  Paris,  18^6,  t.  IX,  p.  5^5-628); 
Recherches  anatom.  et  physiol.  sur  les  Diptères  {Mém.  des  Sav.  étrang., 
Paris,  1851,  t.  11,  p.  171-360,  tab.  n). —  H.  Viallanes,  Recherches  sur  l'his- 
tologie des  Insectes  et  sur  les  phénomènes  histologiques  qui  accompagnent 
le  développement  post-embryonnaire  de  ces  animaux,  Paris,  1  vol.  in-8°, 
1883,  G.  Masson.  Cet  ouvrage  est  principalement  consacré  aux  Diptères; 
pour  l'étude  de  la  structure  des  tissus  à  l'état  adulte,  l'auteur  a  choisi 
Musca  vomitoria,  Stratiomys  chantœleon,  Tipula  gigantea,  Eristalis  tenax, 
C'est  principalement  Musca  vomitoria  qui  a  servi  aux  recherches  sur 
les  phénomènes  histologiques  qui  s'accomplissent  durant  la  métamor- 
phose. 

Les  larves  des  Diptères  sont  essentiellement  apodes,  sauf  parfois  des 
appendices  vestigiaires.  Aussi  méritent-elles  bien  le  nom  de  Vers  qu: 
leur  est  donné  d'habitude.  On  trouve  une  distinction  des  larves  qui  cor- 
respond bien,  en  général,  à  la  séparation,  d'après  la  forme  adulte,  en 
deux  sous-ordres,  les  Némocères  et  les  Brachycères.  Les  premières,  qui 

GIRARD.  m    —  60 


940  DIPTÈKES. 

sont  les  plus  développées,  ont  une  tète  cornée,  où  les  pièces  habi- 
tuelles, bien  que  tronquées,  sont  néanmoins  indiquées.  On  y  reconnaît 
des  antennes,  même  des  yeux,  quoique  souvent  imparfaits,  un  labre, 
des  mandibules  ;  des  mâchoires,  une  lèvre  inférieure  ;  parfois  des  épines 
ou  des  mamelons  hérisse's  aident  à  la  progression  de  la  larve,  sans 
former  de  véritables  pattes,  de  sorte  qu'elle  demeure  vermiforme.  Dans 
les  larves  beaucoup  plus  nombreuses  de  la  seconde  forme,  l'extrémité 
antérieure  reste  charnue  et  véritablement  acéphale.  Cette  extrémité, 
appointie  et  aveugle,  est  rétractile  dans  les  anneaux  suivants  et  en 
général  très  mobile  en  tous  sens.  Souvent  elle  offre  deux  sortes  de  cro- 
chets unguiformes  de  nature  cornée,  se  mouvant  l'un  sur  l'autre  autour 
de  la  bouche,  servant,  tantôt  à  détacher  des  parcelles  alimentaires, 
tantôt  à  fournir  un  point  d'appui  dans  la  progression.  Un  orifice  aérien 
se  trouve  de  chaque  côté  du  second  anneau  du  corps.  A  l'autre  extré- 
mité du  corps,  obtuse  et  élargie,  on  voit  d'ordinaire  des  saillies  coniques 
ou  mamelons,  qui  portent  des  stigmates  et  représentent  une  série 
d'orifices  aériens.  En  général,  les  larves  céphalées  se  changent  en 
nymphes  libres,  où  l'on  reconnaît  les  organes  repliés  et  emmaillotés 
de  l'adulte,  souvent  avec  deux  cornes  stigmatiques  saillantes  à  la  région 
antérieure,  comme  on  le  voit  chez  les  nymphes  de  Culiciens  et  de 
Tipules  têrricoles,  telles  que  la  nuisible  Tipule  des  potagers.  Ces  cornes 
stigmatiques  se  voient  aussi  à  la  tète  de  nymphes  appartenant  à  des 
Brachycères  de  Volucelles  et  de  divers  Syrphiens.  Il  y  a  des  genres  de 
Diptères  exotiques  où  ces  stigmates  saillants  persistent  chez  l'adulte. 
Ces  larves,  généralement  apodes,  ont  souvent  à  la  face  ventrale  des  ma- 
melons qui  constituent  des  pseudopodes,  parfois  nus,  parfois  garnis  de 
crochets  {Volucella,  Eristalis). 

Les  larves  céphalées  ont  une  alimentation  moins  liquide  que  les 
larves  acéphales  et  muent  plusieurs  fois  à  découvert  avant  la  nym- 
phose. Les  larves  de  l'autre  type  ont  leurs  mues  d'ordinaire  cachées. 
Elles  se  raccourcissent  et  s'élargissent  au  moment  de  la  nymphose. 
La  peau  larvaire  ne  se  détache  pas,  mais  devient  dure  et  de  couleur 
foncée.  On  a  une  pupe  en  barillet  ou  tonnelet,  comme  on  le  voit  si 
bien  dans  les  boîtes  où  l'on  conserve  des  asticots  pour  la  pêche  à 
la  ligne.  Sur  cette  pupe,  qui  cache  la  véritable  nymphe,  s'organisant 
peu  à  peu  en  dessous,  les  emplacements  qu'occupaient  les  stigmates 
de  la  larve  se  trouvent  marqués  par  des  saillies,  tandis  qu'il  se  forme 
de  nouveaux  organes  stigmatifères.  Au  moment  où  la  larve  devient 
immobile  et  se  change  en  nymphe,  la  plupart  de  ses  organes  se  dé- 
truisent et  se  transforment  en  une  sorte  de  purée  graisseuse  dans 
laquelle  se  constituent  ensuite  les  tissus  de  l'adulte,  comme  ils  se 
formeraient  dans  un  œuf;  non  seulement  il  se  produit  des  phéno- 
mènes de  genèse,  mais  encore  des  destructions  physiologiques  de 
tissus  tout  à  fait  analogues  aux  destructions  pathologiques  chez  l'homme, 
chez  les  animaux   supérieurs  sous  l'influence  d'un  processus  morbide 


DIPTÈRES.  947 

(H.  Viallanes).  Nous  devons  remarquer  que  les  nymphes  issues  des 
larves  des  Culiciens  vivent  comme  celles-ci  dans  l'eau  et  conservent 
la  mobilité. 

Les  nombreuses  modifications  organiques  des  Diptiires  sont  en  rap- 
port avec  les  habitudes  les  plus  variées.  Les  Diptères  sont  de  tous  les 
pays  et  de  tous  les  climats,  animant  de  leurs  multitudes  la  terre,  les 
airs  et  les  eaux.  On  les  trouve  sous  les  tropiques  comme  dans  les 
régions  polaires  les  plus  froides  :  ainsi  à  la  Nouvelle-Zemble  et  au  Spitz- 
berg,  aussi  bien  qu'à  la  Terre  de  Désolation  ou  de  Kerguelen,  fait  en 
rapport  avec  des  larves  aquatiques  et  la  température  des  eaux  bien 
moins  extrême  que  celle  de  l'atmosphère.  Beaucoup  de  Diptères  habitent 
les  bois,  soit  dans  les  plaines,  soit  sur  les  montagnes,  d'autres  les  prai- 
ries, les  champs,  les  rivages,  d'autres  les  habitations  de  l'homme  et  de 
ses  animaux  domestiques.  Plusieurs  vivent  jusque  sur  l'écume  des 
flots  de  la  mer(lesActores,  Musciens),  d'autres  sur  les  neiges  des  régions 
polaires  (les  Chionées,  Tipuliens  aptères).  Ils  se  partagent  les  végétaux, 
en  adoptant  soit  les  fleurs,  soit  le  feuillage,  soit  le  tronc.  Les  aliments 
des  Diptères  sont  aussi  variés  que  la  conformation  de  la  trompe.  Ceux 
dans  lesquels  cet  organe  est  le  plus  développé  s'abreuvent  du  sang  des 
animaux  vertébrés  ou  des  Insectes;  tels  sont  les  Cousins,  les  Taons,  les 
Asiles.  Les  Empides  font  la  chasse  aux  petits  Insectes  et  en  sucent  toute 
la  substance  fluide.  Beaucoup  de  Musciens  se  jettent  sur  les  animaux 
peur  humer  la  sueur,  la  sanie  des  plaies  et  autres  sécrétions.  Le  fond 
principal  de  la  nourriture  des  Diptères  adultes  est  le  suc  des  fleurs, 
surtout  pour  les  mules,  car,  chez  les  Tabaniens,  les  femelles  seules 
piquent  les  animaux  pour  se  nourrir  de  leur  sang.  Les  Diptères  abondent 
sur  les  corolles  des  fleurs,  rivalisant  parfois  d'éclat  avec  elles.  Le  plus 
souvent  ils  butinent  sur  toutes  indifféremment;  parfois  ils  ont  des  pré- 
férences marquées  pour  certains  nectars.  Ainsi  les  élégantes  Milésies 
recherchent  l'aubépine,  d'autres  Syrphiens  aiment  la  mélisse,  les  renon- 
cules; les  Tachinaires  affectionnent  les  Daucus  et  les  Heraclœum.  En  été 
et  en  automne  la  pulpe  des  fruits  sucrés  attire  des  essaims  de  Mus- 
cides;  d'autres  sucent  la  miellée  des  Pucerons  répandue  sur  le  feuillage, 
ou  l'humeur  qui  découle  des  ulcères  des  arbres.  Toutes  nos  substances 
alimentaires  attirent  dans  les  maisons  la  Mouche  domestique,  type  des 
parasites.  Les  Œstrides  des  Mammifères  herbivores,  domestiques  ou 
sauvages,  présentent  le  même  fait  que  les  Bombyciens  adultes  chez  les 
Lépidoptères,  l'imperforation  de  la  cavité  buccale;  aussi  les  adultes, 
uniquement  occupés  de  l'accouplement,  ne  prennent  pas  de  nourri- 
ture, et  leurs  pièces  buccales  atrophiées  ne  pourraient  percer  une  peau. 

Il  est  difficile  de  se  prononcer  aujourd'hui  sur  le  nombre  total  des 
espèces  des  Diptères,  car  ces  insectes,  peu  recherchés  des  collection- 
neurs, sont  moins  bien  connus  que  les  Hyménoptères  et  surtout  les 
Coléoptères  et  Lépidoptères.  On  sait  seulement  que  certaines  de  leurs 
espèces  multiplient  en  nombre  immense,  qu'on  ne  peut  comparer  qu'à 


948  DIPTÈRES. 

celui  des  feuilles  des  forêts,  au  point  de  ormer  parfois  des  simulacres 
de  nuages.  Écoutons  à  ce  sujet  Macquart,  en  son  style  élégant  :  «  Voyez 
ces  nuages  vivants  de  Tipulaires,  qui  s'élèvent  du  sein  de  nos  prairies 
comme  l'encens  de  nos  temples,  et  qui  rendent  également  hommage  à 
la  Divinité,  en  nous  montrant  sa  puissance  créatrice.  Voyez  ces  my- 
riades de  Muscides  répandues  sur  toutes  les  parties  du  globe,  tourbil- 
lonnant autour  de  tous  les  végétaux,  de  tous  les  êtres  animés  et  même 
particulièrement  de  tout  ce  qui  a  cessé  de  vivre.  La  profusion  avec 
laquelle  ils  sont  jetés  sur  la  terre  leur  fait  remplir  deux  destinations 
importantes  dans  l'économie  générale  :  ils  servent  de  subsistance  à  un 
grand  nonabre  d'animaux  supérieurs,  chargés  d'une  mission  divine  : 
«  Aux  petits  des  oiseaux  il  donne  la  pâture  »  ;  l'Hirondelle  les  happe  en 
rasant  l'eau,  l'harmonieux  choryphée  de  nos  bois  les  saisit  de  son  bec 
effilé  pour  les  portera  ses  nourrissons;  ils  sont  pour  tous  une  manne 
toujours  renaissante.  »  D'autre  part,  ils  travaillent  puissamment  à  con- 
sommer et  à  faire  disparaître  tous  les  débris  de  la  vie,  toutes  les  sub- 
stances en  décomposition,  tout  ce  qui  corrompt  la  pureté  de  l'air  :  ils 
semblent  chargés  de  la  salubrité  publique.  Telle  est  leur  activité,  leur 
fécondité  et  la  succession  rapide  de  leurs  généralions,  que  Linné  a  pu 
dire,  sans  trop  d'hyperbole,  que  «  trois  Mouches  consomment  le  cadavre 
d'un  Cheval  aussi  vite  que  le  fait  un  Lion». 

On  a  observé  des  Diptères  dans  des  terrains  assez  anciens,  les  terrains 
jurassiques;  on  les  y  a  trouvés  jusqu'ici  isolés  et  assez  rarement.  Est-ce 
à  dire  qu'il  y  avait  peu  de  Diptères  à  une  époque  où  existaient  peu  de 
plantes  Phanérogames  et  surtout  aux  époques  encore  plus  anciennes  à 
flore  d'Acotylédones?  C'est  possible,  mais  avec  cette  réserve  qu'on  doit 
toujours  apporter  aux  conjectures  de  ce  genre  en  géologie.  On  connaît 
encore  si  imparfaitement  les  terrains  sur  tout  le  globe,  que  des  décou- 
vertes futures  peuvent  changer  entièrement  nos  idées  à  cet  égard.  On 
a  dû  reculer  progressivement  les  époques  de  première  apparition  des 
Reptiles,  des]  Oiseaux  et  des  Mammifères.  Quelles  découvertes  amè- 
nera dans  bien  des  siècles  l'étude  des  terrains  qui  sont  les  fonds  de  nos 
mers  actuelles?  On  trouve  les  Diptères  en  grand  nombre  et  bien  con- 
servés à  partir  des  terrains  tertiaires,  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'ils 
existaient  réllcment  en  plus  grand  nombre  à  cette  époque  que  les 
autres  formes  de  l'ordre,  mais  peut  tenir  à  ce  que  leur  vie  larvaire  dans 
l'eau  ou  dans  la  terre  très  humide  les  prédisposait  à  la  fossihsation.  On 
connaît  plus  de  huit  cents  espèces  de  Diptères  découvertes  dans  le 
succin  et  dues  aux  Insectes  qui  se  sont  empâtés  dans  les  épanchements 
résineux  des  arbres  d'où  provient  le  succin,  qui  est  resté  en  masses 
plus  ou  moins  grandes  dans  plusieurs  argiles  tertiaires,  qui  sont  d'an- 
ciennes terres  végétales. 


DIPTÈRES.  9Ù9 


SoUS-ORDRE   DES   DiPTÈRES   NÉMOGÉRES 


Antennes  de  six  articles  au  moins  ;  palpes  de  quatre  à  cinq  articles. 
Corps  ordinairement  aminci  et  allongé.  Tète  petite,  avec  antennes  fili- 
formes ou  sétacées,  parfois  pliimeuses  dans  les  mâles,  souvent  de  la 
longueur  au  moins  de  la  tète  et  du  thorax  réunis.  Trompe  tantôt  longue, 
menue  et  renfermant  un  suçoir  de  six  soies,  tantôt  courte  et  épaisse,  à 
soies  très  réduites.  Thorax  grand  et  élevé.  Ailes  allongées  et  souvent 
étroites,  à  cellules  basilaires  allongées.  Pattes  longues  et  grêles,  à  arti- 
culations souvent  très  fragiles. 

La  tête,  toujours  de  nature  écailleuse  et  de  forme  constante  dans  la 
larve,  la  conformation  moins  simple  des  antennes  et  des  palpes  chez 
l'adulte,  constitueraient  les  Némocères  en  supériorité  organique  sur  les 
Brachycères,  si  les  pièces  buccales  atrophiées  de  la  plupart  des  Tipuliens 
ne  les  plaçaient  au  contraire  à  un  degré  inférieur.  En  général,  l'orga- 
nisation des  Némocères  conduit  à  une  forme  svelte  et  légère,  pour  ainsi 
dire  aérienne,  et  à  une  grande  délicatesse  de  complexion.  Cependant  cet 
aspect  général  s'affaiblit  quelquefois,  et  certains  Tipuliens,  comme  les 
Bibions,  ressemblent  à  des  Mouches.  Quelques  organes,  tels  que  les  an- 
tennes, se  diversifient  extrêmement,  tant  par  le  nombre  de  leurs  par- 
ties que  par  les  formes  qu'elles  alTectent.  On  rencontre  les  Némocères 
dans  les  climats  les  plus  divers  et  sous  toutes  les  latitudes.  On  les 
trouve  dans  les  bois,  les  prés,  les  champs  et  aussi  à  l'intérieur  des  mai- 
sons. Les  femelles  déposent  leurs  œufs  dans  les  eaux,  dans  la  terre, 
sur  les  bourgeons  des  plantes,  sur  les  champignons,  etc.  Le  développe- 
ment des  Némocères  est  lent  chez  les  uns,  rapide  chez  les  autres,  où 
plusieurs  générations  se  succèdent  dans  la  même  année.  Les  larves  qui 
se  développent  dans  la  terre  sont  vermiformes  ;  celles  qui  vivent  dans 
les  eaux  ont  des  organes  remarquables  et  spéciaux  de  respiration  et  de 
locomotion.  Un  grand  nombre  de  larves  terrestres  se  développent  au  pied 
des  végétaux.  Certaines  se  filent  des  habitations  dans  les  champignons 
décomposés  ;  d'autres  occasionnent  sur  les  plantes  des  excroissances 
qui  leur  servent  de  retraites.  Les  nymphes  des  Némocères  sont  généra- 
lement nues,  à  l'exception  de  quelques-unes,  qui  s'enferment  dans  une 
enveloppe  soyeuse.  Elles  ont  assez  souvent,  soit  les  terrestres,  comme 
celles  du  genre  Tipula,  soit  les  aquatiques,  comme  dans  le  genre  Culex, 
des  stigmates  situés  à  l'extrémité  de  deux  cornets  aérifères,  saillants  à 
la  région  antérieure  du  corps.  La  plupart  restent  inactives  ;  mais  celles 
qui  habitent  les  eaux  conservent  la  faculté  de  mouvement  qu'avaient 
les  larves. 

Les  Némocères  compensent  le  nombre  assez  limité  de  leurs  espèces 
par  une  fécondité  qui  dépasse  parfois  toute  limite  dans  la  quantité  des 


9à0  DIPTÈRES. 

individus.  Leur  destination  habituelle  est  de  vivre  dans  les  lieux  frais 
et  ombragés.  C'est  au  bord  des  eaux,  à  l'ombre  des  vergers,  dans  l'épais- 
seur des  furets  qu'ils  habitent  de  préférence;  ce  n'est  que  le  soir  qu'ils 
s'exposent  aux  rayons  du  soleil.  On  les  observe  alors  se  rassembler  en 
troupes  considérables,  animer  les  airs  de  leurs  légers  tourbillons,  où  ils 
se  livrent  aux  préludes  d'accouplement,  parfois  à  l'accouplement  lui- 
même. 

Les  divers  auteurs  citent  de  nombreux  exemples  de  nuées  immenses 
de  Némoct'res  dans  divers  pays.  JNous  reproduisons  un  cas  que  nous 
avons  signalé  dans  nos  Métamorphoses  des  Insectes.  Les  vallées  humides 
des  Cévennes  et  des  Basses-Alpes  offrent  parfois  de  véritables  nuées  de 
Moustiques  noirâtres  qui  obscurcisseni  littéralement  l'éclat  du  jour. 
Ainsi,  dans  les  Cévennes,  au  commencement  de  septembre,  «  des  ou- 
vriers employés  au  reboisement  d'une  partie  de  la  montagne  de  l'Espé- 
rou  ont  été  témoins  d'un  phénomène  extraordinaire  dans  ces  contrées. 
A  deux  heures  du  soir,  un  bruit  sourd  et  monotone,  à  peu  près  analogue 
à  celui  qui  produit  un  orage  lointain,  fixa  leur  attention  sur  un  épais 
brouillard  qui  traversait  un  mamelon  à  environ  deux  kilomètres  devant 
eux.  L'air  était  très  calme  ;  ils  furent  étonnés  de  ce  bourdonnement,  et 
leur  première  pensée  leur  fit  croire  à  un  incendie  du  côté  de  l'Espérou; 
mais,  voulant  connaître  la  cause  réelle  de  ce  brouillard  intense,  ils  ne 
furent  pas  peu  surpris,  lorsque,  s'étant  avancés,  ils  reconnurent  que 
c'était  une  colonne  immense  de  Moucherons,  dont  la  longueur  était  de 
plus  de  1500  mètres,  sur  une  largeur  de  30  et  une  hauteur  de  50.  Cette 
colonne  d'Insectes  se  dirigeait  de  l'Est  à  l'Ouest.  »  On  a  vu  parfois  les 
rives  de  plusieurs  cours  d'eau  couvertes  sur  une  grande  épaisseur  des 
cadavres  de  très  petites  espèces,  de  3  à  Zi  millimètres  de  longueur. 
Guérin-iMéneville  dit  avoir  vu,  dans  les  Basses-Alpes,  des  quantités  im- 
menses de  Cousins  qui  obscurcissaient  littéralement  le  jour.  Ces  Cou- 
sins, d'une  couleur  noirâtre,  pourraient  bien  appartenir  à  la  même  es- 
pèce que  ceux  observés  dans  le  nord  de  l'Europe  par  M.  de  Saulcy,  qui 
accompagnait  le  prince  Napoléon,  en  1856,' dans  son  voyage  aux  régions 
polaires.  Ces  cousins,  d'une  coloration  noirâtre,  s'y  trouvaient  en  légions 
innombrables.  M^^Léonie  d'Aunet  parle,  dans  son  Voyage  au  Spitzberg, 
des  nuées  de  Moustiques  de  la  Laponie. 


Tribu  des  CULICIEHS. 


Le  caractère  important  et  dominateur  de  ces  insectes  est  l'existence 
d'une  trompe  longue  et  grêle,  avec  les  pièces  buccales  complètes  en 
lancettes  acérées,  pouvant  chez  les  femelles  percer  la  peau  de  l'homme 
et  des  animaux  et  sucer  le  sang,  en  empoisonnant  la  blessure  par  une 
salive  venimeuse.  Les  mâles  paraissent  ne  se  nourrir  que  des  sucs  des 


CULICIENS,  951 

fleurs,  et  aussi  les  (emelles  à  défaut  d'animaux  Mammifères.  Chez  les 
mâles,  la  trompe  est  pareille  à  celle  des  femelles,  et,  s'ils  ne  sucent  pas 
le  sang,  cela  doit  tenir  à  ce  que  cette  nourriture  est  très  utile,  sinon 
indispensable,  aux  femelles  pour  le  développement  de  leurs  œufs.  Les 
mâles  ont  des  palpes  velus  composés  de  cinq  articles,  allongés  au  delà  de 
la  trompe  et  formant  autour  de  la  tôte  une  élégante  parure,  avec  les 
aigrettes  des  antennes  à  quatorze  articles.  Chez  les  femelles,  les  palpes 
sont  velus  et  souvent  plus  courts  que  la  trompe.  La  tête,  petite  et  glo- 
buleuse, est  dépourvue  d'ocelles  sur  le  vertex.  Le  dorsum  du  thorax 
ovale  présente  une  ride  transversale  et  un  petit  écusson ,  il  porte  deux 
ailes  assez  larges,  reposant  aplaties  et  parallèles  au  corps  dans  le  repos. 
Arrondies  à  la  pointe,  elles  ont  au  moins  six  nervures  longitudinales, 
revêtues  de  microscopiques  écailles  serrées,  rappelant  celles  des  ailes 
des  Papillons.  Les  pattes  sont  grêles  et  longues,  surtout  les  postérieures  ; 
l'abdomen  est  long,  mince  et  cylindroïde.  Un  caractère  commun  aux 
larves  et  aux  nymphes  est  de  vivre  dans  l'eau,  avec  des  organes  natatoi- 
res spéciaux,  tantôt  des  stigmates  à  trachées  aériennes,  tantôt  des  fila- 
ments branchiaux  ou  trachées  extravasées.  Suivant  qu'elles  y  restent 
constamment  plongées  ou  que  de  rapides  mouvements  du  corps  peuvent 
les  porter  à  la  surface,  la  respiration  se  fait  à  l'aide'  de  branchies  ou  de 
tubes  trachéens  externes.  Les  branchies,  soit  chevelues  et  ciliées,  soij 
filiformes,  sont  généralement  attachées  au  prothorax  et  aux  derniers 
anneaux  du  corps,  et  de  même  les  trachées. 

Les  Culiciens  se  montrent  peu  pendant  le  jour  et  semblent  offusqués 
par  une  lumière  éclatante.  Ils  restent  alors  au  repos  dans  les  bois  hu 
mides,  dans  nos  habitations,  dans  les  prés  sur  le  bord  des  eaux,  fixés 
sur  les  feuilles,  le  plus  ordinairement  à  la  face  inférieure,  se  balançant 
souvent  sur  leurs  longues  pattes  avec  un  rythme  assez  lent  ;  parfois 
ils  sont  sur  les  corolles  des  fleurs.  Aux  derniers  rayons  du  soleil,  ils  se 
réunissent  dans  les  airs  en  troupes  nombreuses,  composées  principale- 
ment de  mâles  avec  quelques  femelles,  et  c'est  alors  que  s'opère  la 
copulation.  Puis  ces  femelles  recherchent  notre  visage  et  nos  mains 
pour  enfoncer  à  travers  la  peau,  jusqu'à  un  vaisseau  capillaire,  leur 
glaive  buccal  corné  entouré  d'une  gaine  flexible.  La  démangeaison 
résultant  de  la  piqûre  est  très  grande  quand  on  écrase  l'insecte  en 
action,  parce  que  alors  il  verse  la  plus  grande  quantité  possible  de  salive 
irritante.  On  voit  les  abdomens  qui  rougissent  et  se  gonflent  de  sang,  à 
mesure  que  ces  femelles  boivent  à  longs  traits.  Dans  la  nuit  on  entend, 
quand  elles  sont  près  du  visage,  leur  bourdonnement  d'une  acuité 
extrême,  ressemblant  aux  sons  qu'on  peut  obtenir  avec  les  plus  petits 
diapasons  placés  sur  caisse  renforçante  et  donnant  plus  de  soixante  mille 
vibrations  par  seconde. 

Ces  animaux,  nommés  souvent  Moustiques  ou  Mosquitos  et  Marin- 
gouins  pour  d'autres  espèces,  sont  le  fléau  des  pays  humides,  rendant 
même  à  peu  près  inhabitables  certains  pays  de  la  terre.  On  cherche  à 


952  DIPTÈRES. 

se  garantir  de  leurs  atteintes  pendant  la  nuit  au  moyen  de  mousti- 
quaires en  gaze  dont  on  entoure  le  lit,  au  risque  de  gêner  beaucoup  la 
respiration;  cette  coutume  est  usitée  en  France,  au  printemps,  sur  les 
côtes  de  la  Méditerranée.  Les  îles  Barbades  et  les  bords  des  fleuves  de 
l'Amérique  équinoxiale,  ainsi  de  l'Orénoque,  sont  infestés  par  les 
Moustiques.  Certains  pays  du  Nord  ont  encore  plus  à  soulîrir  que  les 
régions  chaudes.  Us  sont  en  telle  quantité  dans  le  haut  Canada,  pays  des 
grands  lacs,  que  les  Bisons  sauvages  et  les  bestiaux  passent  les  mois 
d'été  enfoncés  dans  l'eau  tout  le  jour,  tant  ils  sont  tourmentés,  ne  lais- 
sant sortir  que  leur  muffle  pour  respirer.  De  curieux  détails  sont  consi- 
gnés dans  l'exploration  du  capitaine  Bach,  à  la  recherche  de  la  rivière 
du  Poisson,  qui  se  jette  dans  l'Océan  arctique  américain  (Hervé  et  de 
i.anoye,  Voyngps  dans  les  glaces  du  pôle  arctique,  Paris,  Hachette  et  C'% 
1865).  «  Parmi  les  nombreuses  misères  inhérentes  à  la  vie  aventureuse 
du  voyageur,  il  n'en  est  point,  dit  Bach,  de  plus  insupportable  et  de 
plus  humiliante  que  la  torture  que  vous  fait  subir  cette  peste  ailée.  En 
vain  vous  essayez  de  vous  défendre  contre  ces  buveurs  de  sang,  en  vain 
en  abattez-vous  des  milliers,  d'autres  milliers  arrivent  aussitôt  pour 
venger  la  mort  de  leurs  compagnons,  et  vous  ne  tardez  pas  à  vous  con- 
vaincre que  vous  avez  engagé  un  combat  où  votre  défaite  est  certaine. 
La  peine  et  la  fatigue  que  vous  éprouvez  à  chasser  ces  innombrables 
assaillants  deviennent  à  la  fin  si  grandes,  qu'à  moitié  suffoqué  vous 
n'avez  plus  d'autre  ressource  que  de  vous  envelopper  d'une  couverture 
et  de  vous  jeter  la  face  contre  terre,  pour  tâcher  d'obtenir  quelques 
minutes  de  répit.  »  Et  plus  loin  :  «  Mais  comment  décrire  les  souffran- 
ces que  nous  causèrent,  dans  ce  trajet,  les  Moustiques  et  leurs  alliés  les 
Maringouins  ?  Nos  figures  ruisselaient  de  sang  comme  si  l'on  y  eût  ap- 
pliqué des  sangsues.  La  cuisante  et  irritante  douleur  que  nous  éprou- 
vions, immédiatement  suivie  d'inflammation  et  de  vertige,  nous  rendait 
presque  fous.  Toutes  les  fois  que  nous  nous  arrêtions,  et  nous  y  étions 
souvent  forcés,  nos  hommes,  même  les  Indiens,  se  jetaient  la  face  con- 
tre terre,  en  poussant  des  gémissements  semblables  à  ceux  de  l'agonie.  » 
C'est  pour  se  garantir  des  Moustiques  que  beaucoup  de  peuplades  sau- 
vages, ainsi  les  Holtentots  et  les  Cafres,  s'enduisent  le  corps  de  graisse 
rance,  et  que  le  pauvre  Lapon  se  condamne  à  vivre  dans  une  hutte 
enfumée.  Il  paraît  que  l'essence  de  girofle,  quand  on  peut  la  supporter 
sur  la  peau,  préserve  le  visage  de  toute  piqûre,  tant  qu'elle  répand  son 
odeur.  Une  goutte  d'ammoniaque  est  le  meilleur  moyen  d'éteindre  la 
cuisson  brûlante  que  produit  la  piqûre  d'un  Moustique.  Dans  les  années 
où  ils  abondent,  on  cherche  à  les  écarter  d'une  localité  par  des  feux  à 
épaisse  fumée  ;  mais  ce  moyen  est  bien  insuffisant. 

A.liOPHEE.ES  Meigen.  Tète  petite,  globuleuse;  trompe  au  moins  de  la  lon- 
gueur du  thorax,  menue,  demi-cylindnque,  dirigée  obliquement  en  avant, 
reçue  dans   une  goutlièrc  do  l;i  lèvre  siipôrieuro,  nvcc    pilpes  filiformes  et  de 


ANOPHELES,    CULEX.  953 

cinq  articles  dirigés  en  avant,  de  la  même  longueur  dans  les  deux  sexes,  le 
premier  article  très  court,  les  articles  2  et  3  longs  et  cylindriques,  les  deux 
derniers  en  massue  apLilie  et  un  peu  velue,  de  la  longueur  ensemble  du  troisième  ; 
antennes  de  quatorze  articles,  le  premier  gros  et  court,  les  suivants  noueux  et 
plumeux  à  la  base,  les  poils  grêles  qui  en  partent  très  longs  chez  les  mâles. 

Le  genre  Anophèles  ne  comprend  que  cinq  espèces  en  Kurope.  La 
plus  répandue,  assez  commune  au  mois  de  mai,  est  r.-l.  bifurcatus 
Linn.,  pL  civ,  fig.  2  :  2  «,  bouche;  2  b,  antennes  de  la  femelle;  lon- 
gueur environ  7  millimètres,  les  antennes  des  mAles  à  poils  d'un  gris 
brun  et  le  tour  des  yeux  blanc,  le  thorax  cendré,  avec  une  bande  laté- 
rale d'un  brun  obscur  de  chaque  côté  et  trois  lignes  obscures  sur  le 
dos  ;  femelle  d'un  brun  jaunâtre  ;  ailes  sans  taches  et  balanciers  blancs  ; 
pattes  brunes,  à  cuisses  jaunâtres;  abdomen  gris,  à  anneaux  bruns. 
Une  seconde  espèce  commune  et  de  même  taille  est  .1.  macnlipennis 
Meigen,  dont  les  ailes  ont  cinq  points  obscurs. 

Ce  genre  est  très  voisin  du  genre  Cousin  ou  Culex  Linn.,  dont  le 
caractère  distinctif  est  d'avoir  les  palpes  plus  longs  que  la  trompe  chez 
le  mAle,  plus  courts  chez  la  femelle;  les  yeux  sont  verdàtres  sur  le 
vivant.  Il  cjmpte  une  trentaine  d'espèces  en  Europe.  La  plus  grande, 
atteignant  parfois  le  centimètre,  est  le  Cousin  annelé,  Culex  annulatus 
Schrank,  commun  en  automne,  se  reconnaissant  aux  anneaux  blancs 
qui  tranchent  sur  le  fond  brun  de  l'abdomen  et  des  pattes,  le  thorax 
à  poils  jaunes  marqué  de  deux  lignes  noires,  les  ailes  avec  cinq  taches 
sombres.  Plus  commun  encore  et  de  toute  l'année,  est  le  Cousin  vul- 
gaire, Culex  pipiens  Linn.,  syn.  :  vulgaris  Linn.,  plus  petit  que  le  pré- 
cédent, l'abdomen  portant  des  anneaux  alternativement  plus  foncés  et 
plus  clairs,  les  marques  sombres  faisant  défaut  sur  les  pattes  et  sur  les 
ailes,  qui  présentent  des  nervures  brunes. 

Les  larves  des  Cousins  vivent  par  millions  dans  les  eaux  stagnantes, 
même  de  très  peu  d'étendue;  ainsi  les  flaquesd'eau  des  chemins,  ainsi 
encore  les  tonneaux  d'arrosage  des  maraîchers;  les  femelles  fécondées, 
au  lieu  de  déposer  leurs  œufs  dans  une  matière  transparente  qui  tombe 
au  fond  de  l'eau,  comme  cela  s'opère  pour  les  Phryganes,  forment  des 
petits  radeaux  flottants  contenant  chacun  environ  (rois  cents  œufs 
pointus  à  un  bout.  Le  Cousin  se  cramponne,  au  moyen  de  ses  pattes 
antérieures  et  intermédiaires,  sur  une  feuille  ou  quelque  autre  corps 
flottant  sur  l'eau,  de  façon  que  l'extrémité  de  son  abdomen  dépasse  ce 
corps.  Ensuite  il  croise  ses  pattes  postérieures,  relève  le  dernier  seg- 
ment de  l'abdomen,  afin  que  les  œufs  sortent  en  position  verticale,  et 
place  le  premier  qui  se  présente  dans  l'angle  formé  par  les  pattes.  Le 
second  est  collé  au  premier,  et  ainsi  de  suite,  en  remplissant  l'inter- 
valle entre  les  pattes,  qui  s'écartent  à  mesure  que  la  ponte  avance,  sans 
cesser  de  maintenir  les  œufs  tant  qu'elle  n'est  pas  terminée.  C'est  ordi- 
nairement le  matin  que  s'accomplit  celte  ingénieuse  opération,  et  tou- 


956  DIPTÈRES. 

jours  sur  les  eaux  stagnantes.  Les  larves  se  tiennent  habituellement 
suspendues  dans  l'eau,  la  tète  en  bas,  laissant  émerger  un  conduit 
trachéen,  fixé  obliquement  avec  divergence  sur  lavant-dernier  seg- 
ment de  l'abdomen.  E.e  corps  est  allongé,  composé  de  huit  segments, 
d'un  thorax  grand  et  arrondi,  d'une  tète  très  distincte.  Les  mâchoires 
sont  représentées  par  des  saillies  généralement  pointues  et  ciliées,  ani- 
mées d'un  mouvement  continuel,  agitant  l'eau  et  l'amenant  à  la  bouche 
avec  les  parcelles  alimentaires  qu'elle  renferme.  Une  autre  paire  d'ap- 
pendices mobiles  est  constituée  par  des  antennes  inarticulées,  garnies 
de  touffes  de  poils,  insérées  près  de  la  bouche  et  arrondies  en  arcs, 
dont  les  extrémités  se  rapprochent.  Les  larves  vont  de  la  surface  au 
fond  par  une  sorte  de  tortillement  du  corps,  et  remontent  à  la  surface 
par  le  môme  mouvement  et  font  émerger  leur  trachée  extérieure.  La 
faculté  de  nager  dont  jouit  cette  larve  est  due  à  un  organe  situé  à  l'ex- 
trémité du  dernier  segment  et  dirigé  du  côté  opposé  au  tube  aérifère. 
(Juatre  ou  cinq  petites  lames  ovales,  transparentes  et  entourées  à  leur 
base  de  longs  poils  disposés  en  entonnoir,  sont  insérées  sur  une  base 
courte  et  épaisse. 

Ces  larves  changent  trois  fois  de  peau  avant  d'acquérir  tout  leur 
accroissement,  qui  est  de  8™™, 77  en  moyenne  pour  le  Cousin  commun. 
A  chaque  fois,  elles  flottent  recroquevillées  en  point  d'interrogation  à  la 
surface  de  l'eau  ;  une  fente  longitudinale  s'ouvre  en  arrière  de  la  tète 
et  livre  passage  au  môme  insecte,  dont  le  corps  a  seulement  grandi  un 
peu.  Les  peaux  dépouillées  flottent  autour  des  larves,  qui  les  mangent, 
par  un  fait  analogue  à  celui  qu'offrent  un  certain  nombre  de  chenilles. 
A  la  quatrième  mue,  celle  de  la  nymphose,  la  forme  grêle  a  disparu, 
pour  faire  place  à  une  forme  plus  compacte,  un  peu  aplatie  sur  les 
côtés.  Les  nymphes  sont  munies,  sur  la  partie  supérieure  du  thorax, 
de  deux  tubes  aérifères  ou  cornets  saillants.  Elles  sont  mobiles,  mon- 
tant et  descendant,  grâce  à  deux  nageoires  aplaties  accompagnées  de 
deux  soies  allongées.  La  plus  grande  différence  qui  les  distingue  des 
larves  consiste  dans  l'altitude  du  corps,  dont  la  partie  postérieure  est 
ordinairement  enroulée  autour  du  thorax. 

Quand  le  moment  de  la  dernière  morphose  est  arrivé,  c'est-à-dire 
vingt  à  vingt-cinq  jours  après  la  naissance  de  la  larve,  le  thorax  de  la 
nymphe  se  fend  et  le  Cousin  commence  à  paraître,  la  tète  la  première. 
Par  les  contractions  des  segments  du  corps,  il  parvient  à  se  hisser  verti- 
calement hors  de  l'enveloppe  nymphale,  devenue  une  nacelle  sur 
laquelle  il  se  tient  quelque  temps  immobile,  et  que  le  vent  fait  voguer 
et  quelquefois  chavirer,  au  danger  de  mort  de  la  bestiole  encore  molle. 
Quand  ses  organes  sont  raffermis,  il  pose  ses  pattes  délicates  sur  l'eau, 
il  déploie  ses  ailes  et  prend  possession  du  domaine  des  airs.  Les  femelles 
fécondées,  provenant  de  la  dernière  ponte,  passent  l'hiver  dans  diverses 
cavités,  creux  d'arbre,  petites  grottes,  carrières  et  caves,  destinées  à 
perpétuer  l'espèce  au  printemps  suivant. 


TIPULIENS.  955 

Le  genre  jEdes  Meigen  a  les  palpes  très  courts,  pointus  et  à  base 
épaisse  dans  les  deux  sexes,  les  antennes  du  mâle  largement  pectinécs 
de  long  cils  des  deux  côtés.  L'A.  cinereus  Meigen,  de  5  millimètres  de 
longueur,  est  un  des  Moustiques  du  nord  de  l'Europe,  d'un  brun  noi- 
râtre, avecles  ailes  grisâtres  et  les  cuisses  jaunes. 


Tribu  des  TlPiiLlE^ii^. 

Les  Tipuliens  proviennent  du  grand  genre  Tipula  de  Linnœus,  de 
même  que  les  Culiciens  de  son  genre  Culex ;  mais,  si  cette  dernière 
tribu  est  restée  très  limitée  dans  ses  genres,  il  n'en  est  pas  de  môme  de 
l'autre,  où  l'on  trouve  un  grand  nombre  de  types,  depuis  ceux  qui  ont 
les  caractères  des  Némocères  avec  une  véritable  exagération  jusqu'à  des 
genres  à  corps  presque  renflé  et  à  pattes  assez  courtes,  qui  se  rappro- 
chent des  Brachycères.  La  trompe  est  courte  et  très  simplifiée,  molle  et 
inerme,  sauf  dans  le  genre  Simulium,  où  elle  reprend  la  faculté  de 
percer  les  peaux  des  animaux  vivants  et  de  sucer  leur  sang.  La  trompe 
des  Tipuliens  est  d'ordinaire  seulement  propre  à  humer  des  liquides, 
comme  des  miellats  répandus  sur  les  feuilles  et  des  suintements  des 
plaies  d'arbres,  dans  les  cas  où  les  adultes  prennent  quelque  nourri- 
ture. Le  mésothorax,  souvent  renflé,  présente  un  sillon  transversal  bien 
net.  Les  pattes  sont,  en  général,  très  allongées  et  très  grêles,  avec  des 
articles  d'une  fragilité  extrême,  se  détachant  au  moindre  effort,  au 
simple  contact  de  corps  durs.  Les  balanciers  sont  sans  cuillerons  et 
souvent  très  longs.  Les  mâles,  à  corps  cylindroïde,  ont  l'extrémité  sou- 
vent élargie  ou  recourbée  en  crosse  et  munie  de  crochets  copulateurs. 
L'abdomen  des  femelles  est  souvent- conoïde,  renflé  vers  le  milieu  et 
terminé  par  deux  valves  pointues.  On  voit  voltiger  les  Tipuliens  adultes 
dans  les  prés  et  les  jardins,  dans  les  bois,  autour  des -buissons  et  des 
troncs  d'arbres.  Les  larves  et  nymphes  présentent  une  grande  variété 
de  formes;  il  en  est  qui  vivent  dans  l'eau,  pouvant,  comme  chez  les 
Culiciens,  être  mobiles  à  ces  deux  états,  pouvant  respirer  ou  par  des 
tubes  trachéens  ou  par  des  filaments  branchiaux.  Dans  le  cas  de 
nymphes  immobiles,  les  larves  vivent  en  terre  au  pied  des  plantes, 
sous  les  écorces,  dans  les  fumiers  ou  dans  divers  détritus,  dans  les 
céréales  (Cécidomyies)  ou  dans  les  fruits  {Sciara,  Lasioptera,  etc.),  enfin 
dans  les  champignons  terricoles  ou  épiphytes. 

Les  Tipulides  culiciformes  ressemblent  d'aspect  aux  Cousins,  avec 
cette  différence  capitale  que  la  faiblesse  de  la  trompe  ne  leur  permet 
pas  de  percer  la  peau.  Les  antennes  sont  filiformes,  ordinairement  plu- 
meuses  chez  le  mâle,  poilues  chez  la  femelle,  insérées  chacune  sur  une 
élévation  en  forme  de  disque;  yeux  lunules,  séparés  dans  les  deux 
sexes;  point  d'ocelles;  thorax  généralement  à  trois  élévations,  meta- 


956  DIPTÈRES. 

thorax  grand;  ailes  couchées,  sans  cellule  discoïdale,  la  basilaire 
externe  souvent  confondue  avec  la  deuxième  postérieure,  ordinaire- 
ment une  marginale,  une  sous-marginale  et  trois  postérieures;  balan- 
ciers à  longue  tige,  grêle,  sans  cuillerons;  abdomen  de  huit  segments 
distincts;  larves  et  nymphes  aquatiques. 

1'ORI':thr%  Meigen.  Tùle  petite;  anlennes  insérées  immédiatement  sur  le 
froni,  composées  de  quatorze  articles  dans  les  deux  sexes,  oblongs,  un  peu  ren- 
flés à  leur  base,  les  deux  derniers  un  peu  plus  longs,  surtout  chez  les  mâles,  tous 
garnis  dans  ce  sexe  de  longs  poils  verlicillés  qui  diminuent  graduellement  de 
longueur;  lèvre  supérieure  petite,  triangulaire,  pointue;  trom[ie  charnue,  à 
labiales  rondes  et  velues-,  palpes  de  quatre  articles,  le  premier  très  court,  les 
autres  d'égale  longueur  ;  thorax  ovale  ;  ailes  étroites,  couchées  au  repos,  à 
nervures  velues,  le  bord  postérieur  garni  d'écaillés  lancéolées,  deux  cellules 
sous-marginales,  quatre  postérieures;  pattes  très  grêles,  à  insertions  équidis- 
tantes,  avec  poitrine  peu  proéminente;  abdomen  long  et  mince. 

L'espèce  principale  est  C.  plumicornis  Meigen,  pi.  civ,  fig,  mAle,  com- 
mune dans  toute  l'Kurope.  Les  Corèlhres,  qui  comptent  au  plus  une 
dizaine  d'espèces  d'Europe,  restent  pendant  le  jour  posées  sur  les 
plantes,  les  patles  antérieures  horizontales  et  dans  un  mouvement 
lent,  alternatif  et  mesuré.  Le  soir,  elles  quittent  leurs  retraites  pour 
voltiger  dans  les  airs  en  troupes  innombrables.  Les  femelles  pondent 
leurs  œufs  dans  les  eaux  stagnantes,  confusément,  sans  l'industrie  des 
Cousins.  La  larve  de  C.  plumicornis,  décrite  par  Héaumur,  est  hyaline, 
allongée,  épaissie  antérieurement.  La  tête  est  munie  de  deux  pointes 
crochues  et  de  deux  sortes  de  palpes  unguiculés.  Le  dernier  segment 
du  corps  est  pourvu  d'une  nageoire  ovale  et  se  termine  par  deux 
pointes  d'aspect  charnu  et  divergentes.  La  nymphe  est  fort  semblable 
à  celle  du  Cousni,  le  thorax  surmonté  de  deux  tubes  aérifères  et  le 
dernier  segment  de  l'abdomen  muni  de  deux  petites  nageoires,  qui  lui 
doinient  la  facilité  de  se  mouvoir  comme  la  larve.  L'adulte,  long  de 
6'""',8,  est  d'un  gris  brunâtre,  avec  la  tète  d''un  brun  clair  et  le  thorax 
à  bande  blanchâtre  sur  les  côtés. 

CHlRO.lîOMl  s  Meigen.  Tète  petite,  plane  antérieurement,  avec  une  ligne 
carénée  au  milieu  ;  antennes  de  treize  articles  chez  les  mâles,  les  deux  premiers 
couris  el  cylindroïdes,  les  suivants  à  longs  poils  pennés  de  chaque  côté,  se 
rétrécissant  régulièrement  vers  le  bout,  le  dernier  article  très  long,  les  an- 
lennes des  femelles  de  six  articles  ;  les  deux  premiers  cylindroïdes,  le  dernier 
allongé  et  pointu,  les  quatre  derniers  articles  à  poils  verlicillés;  lèvre  supé- 
rieure très  courte,  trompe  courte  et  charnue,  échancrée  antérieurement;  pal- 
pes de  quatre  articles,  un  peu  velus;  poitrine  très  proéminente;  pattes  anté- 
rieures insérées   loin   des  autres,  les  tarses  antérieurs   souvent  1res  allongés; 


CHIRONOMUS.  957 

cellule  basilaire  intérieure  des  ailes  confondue  avec  la  seconde  postérieure  ; 
trois  cellules  postérieures;  abdomen  des  inùles  velu,  fortement  tronqué,  muni 
de  deux  petits  crochets. 

Le  nom  de  Chironome  veut  dire  :  qui  meut  les  bras  avec  méthode, 
probablement  à  cause  du  balancement  sur  les  pattes  de  ces  insectes  au 
repos.  Les  Chironomes  comptent  près  de  trois  cents  espèces  en  Europe. 
Une  des  plus  communes  et  de  toute  l'Europe,  est  le  C.  plumosus  Linn., 
long  de  11  à  13  millimètres,  pi.  civ,  fig.  k,  antenne  du  mâle,  U  a,  id. 
de  la  femelle;  antennes  brunes  chez  le  mâle,  ferrugineuses  chez  la 
femelle  ;  le  thorax  verdâtre,  à  bandes  cendrées,  une  ligne  noire  le  long 
de  l'intermédiaire,  la  poitrine  noire  ;   ailes  hyalines,  avec  un  point 
noir  ;  balanciers  blanchâtres  ;  pattes   fauves,  non  annelées  de   noir, 
l'extrémité  des  jambes  et  les  tarses  noirs  ;  abdomen  annelé  de  noir.  Les 
inotTensifs  Chironomes,  que  le  vulgaire  prend  pour  des  Cousins,  volent 
au  crépuscule  en  troupes  immenses,  formant  de  véritables  nuées.  Les 
larves  habitent   en  nombreuses  colonies  les  eaux   dormantes  ou  peu 
mouvementées.  Elles  se  dissimulent  dans  la  vase,  où  elles  savent  se 
construire  des  fourreaux  tortueux  sans  consistance,  formés  de  parcelles 
de  détritus  et  d'où  elles  sortent  souvent  la  tête.  Ces  larves,  fort  longues 
et  vermiformes,  sont  le  plus  souvent  d'un  rouge  sanguin  et  parfois  ver- 
dâtres,    munies,  sous  le  premier  segment,  de  deux  sortes  de  pattes 
armées  de  petits  crochets  ;  sur  le  dernier  et  l'avant-dernier  se  trouvent 
deux  filets  charnus.   Le  corps  se  termine  par  deux  tubes  allongés,  a 
extrémités    ciliées  qui  sont  des   organes  respiratoires.  C'est  dans  les 
fourreaux  que  les  larves  deviennent  nymphes,  qui  portent  d'élégants 
panaches  de  filaments  branchiaux  sur  les  côtés  du  thorax  et  à  l'extré- 
mité du  corps.  Ceux  du  thorax  sont  composés  de  cinq  tiges  plumeuses, 
qui  s'élèvent  en  rayonnant  de  chaque  côté.  Les  pattes  antérieures,  trop 
longues  pour  être  appliquées  contre  le  corps  cdmme  les  autres,  sont 
contournées  d'une  manière  particulière.  Les  fourreaux  qui  renferment 
les  ailes  sont  grands  et  ressemblent  à  des  nageoires.  La  nymphe  quitte 
sa  cellule  et  arrive  à  la  surface  de  l'eau  pour  opérer  sa  dernière  mor- 
pho?e.  En  sortant  de  la  peau  de  larve,  l'insecte  tient  les  pattes  posées 
sur  l'eau,  à  la  façon  des  Cousins,  jusqu'à  ce  que  ses  ailes,  bien  dévelop- 
pées et  raffermies,  lui  permettent  de  prendre  son  essor.   La  larve  du 
C.  plumosus  est  d'un  beau  rouge  de  sang.  C'est  elle  qui,  sous  le  nom 
de  Ver  de  vase,  est  très  recherchée  des  pêcheurs  à  la  ligue  comme 
amorce  pour  les  très  petits  Poissons,  tels  que  Goujons,  Ablettes,  Vairons, 
Vandoises,  etc.  A  Paris,  on  récolte  surtout  ces  Vers  dans  la  Seine,  à 
Asnières,  en  fouillant  dans  les  tas  de  sable  et  de  vase  qu'on   amon- 
celle. 

Les  Tipulides  terricoles  doivent  ce  nom  à  ce  que  leurs  larves  vivent 
dans  la  terre  humide  ou  parfois  dans  le  terreau  des  arbres  décomposés, 
et  forment  une  famille  composée  d'un  grand  nombre  de  geiues.  Les 


958  DIPTÈKES. 

antennes,  les  palpes,  les  nervures  des  ailes  présentent  une  organisation 
plus  élevée  que  chez  les  Tipulicles  aquatiques.  I^e  caractère  remar- 
quable des  adultes  réside  dans  le  prolongement  de  la  tète  arrondie  en 
un  museau  plus  ou  moins  long  et  épais  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  la  trompe  insérée  au  bout;  les  palpes  ont  souvent  le  dernier  article 
très  long  et  flexible,  parfois  continu  et  uniquement  membraneux,  ser- 
vant sans  doute  à  un  tact  délicat.  Les  antennes  sont  très  diversifiées  par 
la  conformation  et  le  nombre  des  articles,  parfois  filiformes  ou  séta- 
cées,  de  treize  et  parfois  seize  articles,  parfois  garnies  de  poils  verlicillés, 
parfois  pectinées  et  en  panaches  très  élégants  et  à  dentelures  de  lon- 
gueurs inégales  (mâles  des  Ctenophora),  extrêmement  longues,  plus  que 
le  corps,  dans  le  genre  exotique  Mégistocère.  Point  d'ocelles  ;  yeux  ordi- 
nairement ovales  et  entiers,  séparés  dans  les  deux  sexes,  thorax  à  suture 
arquée,  le  métathorax  souvent  très  saillant,  comme  bossu  ;  ailes  man- 
quant quelquefois  (Chionea),  tantôt  écartées  au  repos,  souvent  couchées 
sur  le  corps  ;  ordinairement  une  cellule  discoïdale,  trois,  quatre  ou 
cinq  postérieures,  la  raédiastine  généralement  fermée  à  son  extrémité  ; 
abdomen  de  huit  segments  distincts,  terminé  en  massue  chez  le  mâle, 
par  une  tarière  cornée  chez  la  femelle. 

Quoique  les  Tipulides  terricoles  n'aient  pas  leur  berceau  dans  les 
eaux,  elles  ne  recherchent  guèi*e  moins  les  lieux  frais  et  humides  que 
les  Tipulicles  culiciformes.  Les  Trichocères,  à  anteimes  assez  courtes  et 
en  fil,  se  réunissent  dans  les  airs  comme  les  Chironomes,  et  se  font 
remarquer  par  les  époques  de  leurs  apparitions,  les  unes  à  la  fin  de 
l'automne,  les  autres  au  commencement  du  printemps,  et  même  au 
milieu  de  l'hiver  si  la  température  s'adoucit  pendant  quelques  jours. 
Les  Limnobies  et  les  genres  voisins  quittent  peu  les  bois  aquatiques. 
Les  Tipules  proprement  dites  fréquentent  les  prairies,  où  nous  les 
voyons  par  milliers,  surtout  en  automne,  voleter  à  la  surface  des  her- 
bes. Le  développement  des  Tipulides  terricoles  n'a  encore  été  observé 
que  dans  un  petit  nombre  d'espèces.  Les  œufs  sont  déposés  dans  la 
terre  au  moyen  de  la  tarière  écailleuse  dont  les  femelles  sont  pourvues. 
Les  Cténophores  choisissent  le  plus  souvent  le  terreau  des  vieux  saules, 
les  Tipules  le  sol  humide  des  prairies  et  des  jardins  potagers,  les  Lim- 
nobies et  les  Trichoptères  paraissent  accorder  la  préférence  au  limon 
du  bord  des  eaux.  Les  larves  des  Tipules  ont  des  pièces  buccales  assez 
analogues  à  celles  des  Insectes  masticateurs,  et  plusieurs  espèces  font  de 
grands  ravages  en  rongeant  les  radicelles  de  diverses  plantes  potagères 
ou  ornementales.  L'extrémité  de  ces  larves  est  munie,  en  général,  de 
quatre  tentacules  qui  aident  au  mouvement  dans  les  galeries  lerreuses 
et  de  deux  stigmates  très  distincts.  Les  nymphes  des  Tipulides  terricoles 
sont  inactives  et  montrent  bien  les  pattes  repliées  et  les  ailes  sous  four- 
reaux de  l'adulte.  Elles  ont  des  stigmates  saillants,  situés  au  haut  du 
thorax,  à  l'extrémité  de  deux  tubes  simulant  des  cornes.  Elles  offrent 
les  segments  de  l'abdomen  garnis  de  pointes  qui,  par  les  contractions 


CTENOPHORA,   TIPULA.  959 

(lu  corps,  leur  servent  à  gagner  la  surface  de  la  terre,  lorsque  le  mo- 
ment est  venu  du  changement  en  adulte. 

CTEMOPHOR.l  Meigen,  Tète  à  peu  près  globuleuse,  prolongée  par  un  bec 
assez  court,  épais,  terminé  en  pointe  supérieurement  ;  antennes  de  treize  arti- 
cles, le  premier  cylindrique,  le  second  globuleux,  le  troisième  conico-arrondi 
dans  les  mâles,  les  suivants  pectines  dans  les  mâles,  allongés,  subcylindriques, 
munis,  selon  les  espèces,  de  deux,  trois  ou  quatre  rayons  latéraux;  dans  les 
femelles,  ces  articles  sont  ovalo-coniques,  sans  rameaux  ;  le  dernier  toujours 
petit  et  simple  dans  les  deux  sexes;  lèvre  supérieure  petite;  trompe  à 
lobes  terminaux  épais,  élargis  antérieurement,  divisés  ;  palpes  velus,  de  quatre 
articles,  les  trois  premiers  noueux,  subégaux,  le  quatrième  beaucoup  plus  long 
et  flexible  ;  yeux  ovales  ;  ailes  luisantes,  lancéolées,  écartées,  avec  cinq  cel- 
lules postérieures,  la  seconde  tantôt  sessile,  tantôt  pédiculée;  pattes  grêles,  de 
longueur  médiocre,  les  jambes  terminées  par  des  pointes  assea  allongées  ; 
abdomen  assez  épais. 

Outre  le  caractère  très  dislinctif  tiré  des  antennes,  les  Cténophores, 
dont  le  nom  veut  dire  porte-peignes,  d'après  les  antennes  des  mâles, 
s'éloignent  encore  des  Tipules  par  l'aspect.  Le  corps  plus  épais,  tou- 
jours coloré  de  noir  et  de  jaune,  le  thorax  luisant,  constamment  marqué 
d'une  tache  jaune  sur  les  côtés  occupant  un  espace  membraneux,  les 
fait  reconnaître  au  premier  abord.  En  outre,  les  Cténophores  ne  fré- 
quentent pas  les  lieux  humides  comme  les  Tipules,  mais  se  trouvent 
dans  les  bois  et  les  jardins.  Elles  ne  paraissent  qu'au  printemps,  tandis 
que  le  plus  grand  nombre  des  espèces  de  Tipules  est  d'automne.  Enfin 
les  femelles  déposent  leurs  œufs  dans  le  terreau  des  vieux  saules,  où  se 
développent  les  larves,  au  lieu  de  les  confier  simplement  à  la  terre. 
L'Europe  compte  une  douzaine  d'espèces  de  Cténophores.  Nous  repré- 
sentons, pi.  civ,  flg.  6,  C.  festiva  Meigen,  femelle,  6  a,  tête  de  profil, 
6  6,  antenne  du  mâle,  6  c,  id.  de  la  femelle,  espèce  du  nord  de  la 
France  et  de  l'Allemagne,  noire  ;  le  thorax  et  l'abdomen  à  bandes 
jaunes;  ailes  légèrement  obscures,  jaunâtres  au  bord  antérieur,  ayant, 
à  la  place  du  stigma,  une  tache  transversale  noirâtre  qui  s'étend  jus- 
qu'au milieu  ;  balanciers  jaunes;  pattes  ferrugineuses,  cuisses  et  jam- 
bes postérieures  avec  un  anneau  noir,  près  de  l'extrémité  aux  premières, 
vers  la  base  aux  dernières. 

TIPlIEiA^  Linn.  Tête  à  peu  près  globuleuse,  prolongée  par  un  bec  allongé,  cylin- 
drique, terminé  en  pointe  supérieurement  ;  front  plat  ;  antennes  filiformes  dans 
les  deux  sexes,  presque  sétacées,  de  treize  articles,  le  premier  allongé,  cylin- 
drique, le  second  petit,  cyathiforme,  les  dix  suivants  cylindriques,  garnis  de 
soies  à  leur  base,  le  treizième  menu,  oblong  ;  lèvre  supérieure  très  petite  ; 
trompe  à  lobes  terminaux  arrondis,  élargis  antérieurement,  divisés  ;  palpes  de 
quatre  articles,  les  trois  premiers  d'égale  longueur,  velus,  renflés  vers  l'extré- 


960  DIPTÈRES. 

mité,  le  qualricme  long  el  flexible  ;   yeux  saillants,  un  peu  ovales  ;    ailes  lan- 
céolées, écartées   au  repos,  à  cinq   cellules  postérieures,  la  seconde   pétiolée 
pattes  très  longues,  surtout  dans  les  mâles,  les  jambes  terminées  par  des  pointes 
fort  courtes;  abdomen  allongé. 

Les  Tipules  proprement  dites  comptent  plus  de  quatre-vingt-dix  espè- 
ces en  Europe.  Klles  éclosent  pour  la  plus  grande  partie  à  l'arriùre-saison 
et  frappent  surtout  nos  regards  en  septembre  si  nous  traversons  quel- 
que prairie.  On  les  voit  suspendues  aux  herbes  par  leurs  longues  pattes, 
qui  rappellent  celles  des  Phalangieiis.  On  en  fait  sauver  à  chaque  pas  et 
leurs  ailes  bruissont  comme  de  légères  crécelles.  Parfois  elles  cheminent 
dans  les  herbes  en  voletant  près  du  sol  et  franchissent  ainsi  de  courts 
espaces,  retombant  presque  aussitôt  après  dans  quelque  touffe  d'herbe. 
Dans  le  vol,  les  Tipules  portent  leurs  longues  patles  antérieures  en 
avant  et  un  peu  relevées  au-dessus  de  la  tète,  tandis  que  les  posté- 
rieures sont  dirigées  en  arrière  etcontinuellement  agitées  (G.  Poujade). 

Les  femelles,  beaucoup  plus  nombreuses  que  les  màlcs,  appuient,  en 
volant  verticalement,  l'extrémité  de  leur  abdomen  sur  le  sol,  auquel 
elles  confient  des  œufs  un  peu  courbes  et  isolés.  Chacune  repose  pen- 
dant un  temps  fort  court  dans  cette  attitude,  se  débarrassant  ainsi  d'un 
à  deux  œufs,  puis  avance  un  peu  pour  recommencer  le  même  travail 
iusqu'à  ce  que  toute  sa  postérité  soit  confiée  à  la  terre  ;  puis  elle  meurt, 

dernière  fonction  accomplie.  Les  œufs  commencent  à  éclore  au  bout 
d'une  semaine  environ,  si  la  température  ne  s'abaisse  pas  trop,  bientôt 
les  larves  se  rencontrent  dans  les  couches  superficielles  du  sol,  dans 
l'humus  un  peu  humide  des  forêts,  dans  le  sol  ameubli  des  prés  et  des 
jardins.  Elles  se  ressemblent  dans  les  diverses  espèces,  étant  translu- 
cides, plissées  en  travers  et  d'un  gris  cendré,  pourvues  de  poils  courts. 
.Sur  leur  tête  noire,  rétraclile  dans  le  premier  segment  du  corps,  on 
distingue  deux  courtes  antennes,  deux  mandibules  formées  de  crochets 
arqués,  se  joignant  un  peu  par  l'extrémité,  deux  mtlchoires  qui  semblent 
fixes.  En  outre,  une  partie  charnue,  de  figure  triangulaire,  qui  sépare 
les  précédentes,  semble  appartenir  à  la  lèvre  supérieure.  Cet  appareil 
paraît  servir  à.  triturer  des  radicelles  et  à  exprimer  de  l'humus  les  par- 
ties alimentaires  qui  s'y  trouvent.  Le  corps,  tronqué  en  arrière,  est  légè- 
rement évasé,  et  ses  bords  sont  entourés  de  six  cônes  petits  et  charnus, 
aidant  à  la  progression  sous  terre.  Entre  les  cônes  médians  s'élèvent 
deux  saillies  qui  portent  de  grands  stigmates  aériens  noirs.  La  nymphe 
ressemble  à  celles  de  beaucoup  d'ordres  u'Insectes,  immobile,  avec  les 
antennes,  les  fourreaux  alaires  et  les  pattes  repliés  en  dessous.  Les  seg- 
ments de  l'abdomen  garnis  de  pointes  lui  permettent,  par  des  contrac- 
tions du  corps,  de  gagner  la  surface  du  sol,  lors  de  l'éclosion  de  l'adulte. 
Elle  est  cylindroïde  et  son  masque  facial  porte  au  front  deux  cornes 
stigmatiques  presque  claviformes. 

Une  des  espèces  les  plus  nuisibles  aux  prés  et  aux  jardins  potagers 


RHIPHIDIA.  961 

ne  vole  guère  à  l'élat  adulte  qu'à  partir  du  mois  d'août  et  est  commune 
dans  toute  l'Europe.  C'est  la  Tipule  des  prés,  Tipula  oleracea  Linn., 
pi.  civ,  fig.  7,  tèle  de  profil,  environ  de  18  millimètres  de  long  chez  le 
mâle  et  24  cIkîz  la  femelle  ;  le  corps  d'un  gris  cendré,  le  museau  et  les 
antennes  ferrugineux  chez  le  mAle,  le  thorax  avec  plusieurs  lignes  lon- 
gitudinales brunâtres,  les  ailes  légèrement  enfumées  avec  le  bord  exté- 
rieur brun  et  une  bande  longitudinale  blanchâtre,  peu  distincte,  l'ab- 
domen d'un  gris  bleuâtre.  Les  larves,  apodes  et  de  couleur  terreuse, 
rampent  avec  agilité  en  faisant  saillir  leur  petite  tête  noire  et  cornée, 
se  redressant  comme  des  chenilles.  Leur  peau  coriace  les  a  fait  nom- 
mer Vers  à  jaquette  de  cuir  par  les  auteurs  anglais.  Les  jardiniers 
trouvent  souvent  les  nymphes,  d'un  brun  clair  et  à  deux  cornes,  en 
bêchant  la  terre.  Les  larves  se  rencontrent  au  pied  des  pommes  de  terre, 
des  laitues,  des  betteraves,  des  balsamines,  des  reines-marguerites,  des 
dahlias,  des  œillets,  etc.,  rongeant  les  radicelles  ;  elles  passent  l'hiver 
engourdies  dans  leurs  galeries  de  terre,  pour  se  nymphoser  au  prin- 
temps. Elles  craignent  la  lumière  et  le  soleil  et  sortent  aux  rosées  de 
la  nuit  pour  chercher  d'autres  plantes  ou  une  terre  propice  à  leur  trans- 
formation. Il  faut  fouiller  la  terre  de  grand  matin  au  pied  des  plantes 
malades  et  écraser  les  larves  ;  on  peut  aussi  faire  des  arrosages  avec  une 
solution  de  sulfocarbonate  de  potassium,  ou  de  sulfure  de  calcium,  ou 
de  sulfate  de  cuivre. 

Nous  citerons  une  autre  espèce  de  Tipule  beaucoup  plus  rare,  de  très 
grande  taille  et  vivant  dans  les  bois.  C'est  le  T.  gigantea  Schranck,  le 
mâle  de  27  millimètres,  la  femelle  de  36,  de  couleur  cendrée,  les  pal- 
pes et  les  antennes  bruns,  le  thorax  testacé  avec  trois  bandes  brunes, 
les  ailes  à  large  bande  brunâtre,  deux  fois  échancrée,  au  bord  extérieur, 
trois  taches  plus  pâles  au  bord  intérieur,  les  pattes  testacées,  l'abdomen 
aligne  dorsale  et  bande  de  chaque  côté  brunâtres,  une  ligne  transversale 
interrompue,  brune,  à  chaque  segment. 

RHIPHIDIA  Meigen.  —  Tête  globuleuse,  un  peu  rétrécie  postérieurement; 
antennes  de  longueur  double  de  la  lête,  de  quatorze  articles,  pectinées  chez 
les  mâles  ;  bec  court  ;  palpes  velus,  de  la  longueur  de  la  tête,  de  quatre 
articles,  le  premier  un  peu  plus  court  que  les  autres,  le  dernier  non 
allongé  ;  yeux  à  contour  circulaire  ;  ailes  écartées,  couchées  au  repos,  avec 
quatre  cellules  postérieures,  la  seconde  sessile  ;  pattes  très  allongées  et  très 
grêles. 

Ce  genre,  de  très  peu  d'espèces,  a  pour  type  européen,  R.  maculata 
Meigen,  pi.  civ,  fig.  8,  femelle,  espèce  commune  dans  les  bois  aqua- 
tiques du  nord  de  la  France,  de  6  à  7  millimètres  de  longueur,  d'un 
gris  brun,  le  thorax  marqué  de  trois  bandes  foncées  plus  ou  moins  dis- 
tinctes, les  ailes  hyalines,  un  peu  jaunâtres  à  la  base  et  près  de  la  côte, 
couvertes  de  petites  taches  obscures,  la  plupart  arrondies,  les  pattes 

GIRARD.  "••    —   61 


962  DIPTÈRES. 

roussâtres,  avec  l'extrémité  des  cuisses  et  des  jambes  et  les  tarses 
obscurs. 

LIMIVOBIA  Meigen.  —  Tête  petite,  légèrement  déprimée  en  dessus,  rétrécie 
postérieurement;  antennes  fdiformes,  arquées,  ordinairement  de  seize  articles,  à 
articles  arrondis,  diminuant  graduellement  de  grosseur,  bec  peu  saillant,  lèvre 
supérieure  menue  et  pointue,  trompe  fort  courte,  à  lobes  terminaux  charnus  et 
velus,  palpes  plus  longs  que  le  bec,  à  quatre  articles  d'égale  longueur,  les  trois 
premiers  un  peu  renflés  vers  l'extrémité,  le  quatrième  plus  menu  et  plus  cylin- 
drique; yeux  à  contour  circulaire;  thorax  ovale;  renflé  antérieurement;  ailes 
ordinairement  couchées  au  repos  et  parallèles,  la  cellule  marginale  quelquefois 
divisée  par  une  nervure  marginale,  ordinairement  une  seule  sous-marginalc  et 
quatre  postérieures;  pattes  longues  et  grêles;  abdomen  allongé,  cylindrique 
vers  la  base,  un  peu  aplati  vers  l'extrémité. 

Les  Limnobies  (nom  qui  veut  dire  vivant  dans  les  marais)  et  les  Lim- 
nophiles  (genre  Limnophila  détaché  par  Macquart)  forment  le  genre 
principal  des  Tipulides  terricoles  à  antennes  filiformes  et  à  palpes 
simples.  Ainsi  que  les  Rhlphidies  et  les  Érioptères  habitent  les  bois 
humides  et  le  bord  des  mares.  Elles  se  tiennent  ordinairement  au  repos 
sous  le  feuillage  et  semblent  craindre  le  grand  jour.  Plusieurs  espèces 
voltigent  en  troupes  innombrables,  comme  les  Tipulides  aquatiques 
culiciformes,  s'élèvent  et  s'abaissent  de  même  dans  les  airs  par  un 
mouvement  alternatif.  Ces  insectes  paraissent,  pendant  toute  la  belle 
saison;  mais  chaque  espèce  semble  avoir  son  temps  propre  d'appari- 
tion, durant  environ  une  quinzaine.  Macquart  croit  que  les  Limnobies 
déposent  leurs  œufs  dans  la  vase  au  bord  de  l'eau.  On  ne  connaît 
qu'une  larve  de  ce  genre,  observée  par  De  Géer,  celle  de  Limnobia 
replicata  Meigen,  présentant  une  tête  munie  d'antennes  très  courtes  et 
de  mandibules  dentelées.  La  partie  supérieure  du  corps  est  couverte  de 
filets  branchiaux  allongés  et  flexibles  et  creu\,  en  général  deux  par 
segment;  sous  le  dernier  segment  du  corps  se  trouvent  quatre  crochets 
écailleux  dont  elle  se  sert  pour  se  cramponner  aux  plantes.  La  nymphe 
porte,  au-devant  du  thorax,  deux  cornes  stigmatiques  aérifères,  ce  qui 
l'oblige  à  se  tenir  pour  respirer  à  la  surface  de  l'eau  ;  elle  a  la  faculté 
de  plonger  et  de  s'attacher  aux  plantes  aquatiques  au  moyen  de  cro- 
chets placés  aux  derniers  segments  du  corps.  Nous  représentons  une 
jolie  espèce  européenne,  L.  picta  Fabr.,  syn.  :  ocellaris  Curtis,  du 
sous-genre  Epiphragma  Osten-Sacken,  pi.  civ,  tig.  9:9a,  tête  .de  pro- 
fil, longueur,  11  à  13  millimètres,  commune  dans  les  bois  aquatiques, 
brunâtre,  les  antennes  fauves  à  base  brune,  les  ailes  jaunâtres,  à  taches 
brunes  annuliformes  dans  les  deux  sexes,  les  pattes  jaunes,  avec  deux 
anneaux  noirs  aux  cuisses.  Le  genre  Limnobia  compte  plus  de  quatre- 
vingts  espèces  en  Europe,  et  le  genre  Limnophila,  vérilable  sous-genre 
du  précédent,  quarante  environ. 


DIXA,    CHIONEA,    RHYPHUS.  963 

DIX.%  Meigen.  —  Tête  sans  museau  distinct;  antennes  sétacées,  plus  longues 
que  la  tète  et  le  thorax  réunis,  à  articles  décroissants,  finement  velus,  le  premier 
court,  épais,  cylindrique,  le  second  plus  épais,  subsphérique,  les  trois  suivants 
oblongs,  allongés,  grêles;  palpes  de  cinq  articles,  le  premier  très  petit,  les 
trois  autres  à  peu  près  d'égale  longueur,  le  quatrième  grêle  ;  thorax  sans 
suture;  ailes  couchées  au  repos,  pas  de  cellule  discoïdale,  quatre  cellules  pos- 
térieures; jambes  terminées  par  deux  pointes  peu  distinctes. 

Le  genre  Dixa  est  placé  par  le  D''  Schiner  dans  les  inccrtœ  sedis.  Nous 
représentons  une  espèce  d'Allemagne  et  d'Angleterre,  D.  nebulosa 
Meigen,  pi.  c.v,  fig.  1  : 1  a,  antenne;  1  b,  tête  de  profil.  Le  nom  de  Dixa 
fait  allusion  à  la  division  binaire  des  nervures  des  ailes. 

CHIOUKA  Dalman.  —  Antennes  sétacées,  de  dix  articles;  articles  des  palpes 
à  peu  près  égaux  ;  ailes  nulles;  pattes  allongées,  presque  linéaires,  cuisses 
épaisses,  les  postérieures  presque  de  la  longueur  du  corps;  abdomen  terminé 
chez  le  mâle  par  une  pince  horizontale  formée  de  deux  onglets  bi-articulés, 
chez  la  femelle  par  une  tarière  à  deux  valvules  posées  l'une  sur  l'autre,  dont 
la  supérieure  plus  longue,  plus  étroite,  redressée  et  composée  de  deux  lames. 

L'espèce  type  C.  araneoidp.s  Dalman.,  pi.  cv,fig.  2,  de  6™'", 5  environ, 
la  lète  d'un  testacé  brunâtre  avec  le  vertex  poilu,  le  thorax  brunâtre, 
lisse,  changeant  en  cendré,  les  pattes  testacées,  l'abdomen  brun,  à 
lignes  cendrées,  avec  des  poils  sur  les  côtés.  Ce  Tipulien  sans  ailes  a  été 
trouvé  par  Dalman  sur  la  neige  (d'où  le  nom  du  genre)  dans  les  bois  de 
la  Suède,  pendant  tout  l'hiver.  Il  me  paraît  probable  qu'on  le  rencon- 
trera dans  d'autres  pays,  ainsi  en  France,  de  même  que  le  Boreus  hye- 
malis  (Névropt.  Panorpien.)  découvert  aussi  en  Suède  et  trouvé  en 
hiver  dans  la  forêt  de  Villers-Cotterets  par  M.  E.  Simon,  puis  par 
M.  G.  Poujade.  On  a  peut-être  passé  bien  des  fois  près  de  la  Chionée,  la 
prenant  pour  une  Araignée.  En  outre,  fort  peu  de  personnes  explorent 
les  bois  en  hiver  pour  l'entomologie. 

RHVPBIJIi  Latr.  —  Antennes  subulées,  de  seize  articles,  les  deux  premiers 
distincts  des  autres,  les  suivants  presque  globuleux,  diminuant  de  grosseur;  tête 
séparée  du  thorax  par  un  cou  distinct  ;  trompe  menue,  cylindrique,  avancée 
horizontalement,  la  lèvre  supérieure  subulée,  insérée  à  la  base  de  la  trompe, 
couchée  sur  elle  et  d'égale  longueur,  les  palpes  de  quatre  articles,  deux  plus 
épais,  trois  plus  courts;  yeux  ovales;  stemmates égaux,  situés  sur  un  tubercule 
commun  ;  thorax  peu  élevé  ;  deux  cellules  basilaires  aux  ailes,  une  discoïdale, 
cinq  postérieures;  pattes  peu  allongées,  à  hanchescourtes,  les  jambes  terminées 
par  deux  pointes  très  courtes. 

Le  D'  Schiner  fait  de  ce  genre  la  famille  des  Rhyphides,  qui  rentre 
en  eflet  fort  mal  dans  les  Tipulaires  fongicoles  de  Latreille  ou  dans  les 


96^  DIPTÈRES. 

Tipulaires  florales,  où  Macquart  ne  les  laisse  qu'avec  beaucoup  d'hési- 
tation. Les  Rhyphes  se  tiennent  de  préférence  sur  les  troncs  des  arbres. 
Ils  ont  le  vol  rapide  (d'où  leur  nom  générique)  et  se  réunissent  quel- 
quefois en  troupes  nombreuses  dans  les  airs,  surtout  lorsque  le  temps 
est  orageux.  Nous  les  voyons  aussi  souvent  sur  nos  fenêtres.  Les  femelles 
déposent  leurs  œufs  tantôt  dans  les  bouses,  tantôt  dans  le  bois  pourri, 
sur  le  linge  ou  le  papier  humide  dans  nos  habitations.  Les  larves  qui 
en  proviennent  sont  allongées  et  cylindroïdes.  On  découvre  à  la  bouche 
deux  sortes  de  palpes  frangés  et  à  l'extrémité  du  corps  quatre  stigmates 
saillants,  en  forme  de  tubes.  Les  nymphes  sont  nues,  avec  antennes, 
fourreaux  des  ailes  et  pattes  repliés.  Le  bord  postérieur  des  segments 
de  l'abdomen   est  muni  de  petites  épines  dirigées   en   arrière,  qui 
donnent  sans  doute  à  l'insecte  le  moyen  de  s'élever  à  la  surface  de  la 
terre  au  moment  de  sa  dernière  transformation.  Le  genre  Rhyphus 
présente  cinq  à  six    espèces  en  Europe.  Nous  figurons  R.  fenestralis 
Scopoli,  pi.  IV,  fig.  3,  mâle  :3a,  sa  larve  ;  3  6,  sa  nymphe  en  dessus; 
3c,  id.  en  dessous;  3d,  tête  de  l'adulte  vue  de  profil,  de  6,5  milli- 
mètres, espèce  des  environs  de  Paris,  qu'on  trouve  souvent  sur  les 
fenêtres,  les  ailes  avec  une  sorte  de  sfigma  noir  bleuâtre,  une  autre 
tache  obscure  en  dessous  s'unissant  à  lui,  une  tache  de  plus  à  l'extré- 
mité, la  seconde  cellule  postérieure  plus  large  à  sa  base,  l'abdomen 
ferrugineux  chez  le  mâle.  Guérin-Méneville  a  trouvé  une  larve  de  cette 
espèce  dans  une  plaie  d'orme.  Elle  est  roussâtrc  et  demi-transparente, 
les  trois  premiers  segments  seulement  tachés  de  brun.  On  suit  très 
bien  le  trajet  du  canal  intestinal  qui  se  dessine  en  brun.  Cette  larve 
saute  avec  une  grande  force  :  pour  y  parvenir,  elle  se  ramasse  en  cercle 
et  se  détend  subitement.  Elle  s'est  changée  en  nymphe  au  commence- 
ment de  mai,  et  l'adulte  est  éclos  au  bout  de  quatre  jours. 

Les  Tipulides  fongicoles  ou  Mycétophilides  ont  pour  caractère  biolo- 
gique de  vivre  à  l'état  de  larves  dans  les  champignons  ou  parfois  dans 
les  bois  pourris,  ou  bien  encore  dans  le  terreau  (genre  Sciara).  Le  corps 
de  ces  Némocères  est  allongé,  latêle  arrondie,  la  trompe  peu  avancée, 
les  palpes  recourbés,  ordinairement  de  quatre  articles,  les  antennes 
insérées  entre  les  yeux,  ordinairement  de  seize  articles,  tantôt  filiformes 
et  peu  allongées,  tantôt  sétacées  et  allongées;  les  yeux,  séparés  par  le 
front,  sont  circulaires,  allongés  ou  échancrés;  il  y  a  souvent  des  ocelles, 
de  grandeur  inégale;  ils  peuvent  manquer  quelquefois  (Cordyles),  en 
triangle  dans  les  uns,  en  ligne  droite  dans  les  autres;  au  nombre  de 
deux  chez  les  Mycétophiles;  thorax  sans  suture;  ailes  couchées  au 
repos,  avec  une  cellule  médiastine,  ordinairement  une  ou  deux  margi- 
nales, une  discoïdale  assez  souvent,  quatre  postérieures;  balanciers 
sans  cuillerons  ;  pattes  un  peu  allongées,  hanches  ordinairement  longues, 
jambes  terminées  par  deux  pointes,  le  plus  souvent  allongées;  abdomen 
cylindrique,  quelquefois  compriaic',  de  sept  segments,  sans  tarière  chez 
la  femelle. 


MYCÉTOPHILIDES.  965 

Les  Tipulides  fongicoles,  Némocères  de  petite  taille,  sont  encore  assez 
mal  connus  dans  leur  biologie.  Ils  fréquentent  les  bois  et  se  posent 
sur  le  feuillage,  recherchent  les  ombrages  les  plus  sombres  et  particu- 
lièrement celui  des  arbres  résineux.  Il  n'est  pas  rare  d'en  voir  sur  les 
fenêtres  dans  les  habitations.  Ils  paraissent  pendant  toute  la  belle 
saison,  surtout  en  automne;  les  uns  semblent  avoir  une  époque  parti- 
culière, les  autres  n'en  ont  pas  et  produisent  sans  doute  plusieurs 
générations  dans  la  môme  année.  Ils  sont  d'une  prestesse  remarquable 
dans  leurs  mouvements,  ce  qui,  joint  au  poli  soyeux  de  leurs  corps, 
les  laisse  se  glisser  dans  les  moindres  interstices.  Cela  leur  permet 
de  faire  leur  ponte  dans  les  tubes  à  spores  des  bolets  ou  entre  les  lames 
du  chapeau  des  agarics.  Non  seulement  leurs  larves  vivent  des  cham- 
pignons subéreux  à  substance  assez  dure  et  consistante,  mais  des 
champignons  les  plus  mous,  comme  les  amanites,  ce  qui  suppose  un 
développement  très  rapide  des  larves,  car  beaucoup  de  ces  cryptogames 
pourrissent  très  vite.  tJn  grand  nombre  d'espèces  de  très  petites  Tipu- 
lides hâtent  la  décomposition  des  champignons.  Elles  abondent  à  cer- 
taines époques  dans  les  carrières  et  dans  la  partie  des  catacombes 
exploitées  par  les  champignonnistes  parisiens  pour  cultiver  le  champi- 
gnon de  couche  ou  agaric  comestible.  Ces  minuscules  insectes  sont  en 
telles  quantités  qu'ils  pénètrent  dans  le  nez,  la  bouche  et  les  yeux  des 
ouvriers  et  éteignent  les  lampes.  On  a  présenté  à  la  Société  d'acclima- 
tation, en  mars  188/i,  des  Sc/m-a  provenant  des  carrières  à  champignons 
d'Arcueil.  On  est  parfois  obligé  d'abandonner  pendant  plusieurs  années 
la  culture  du  cryptogame  dans  les  carrières  infestées,  afin  de  laisser 
mourir  de  faim  les  Tipulides.  C'est  avec  les  fumiers  qu'on  transporte 
les  œufs  et  les  larves. 

Les  larves  des  Fongicoles  diffèrent  entre  elles  de  plusieurs  manières  : 
les  unes  ont,  le  long  du  corps,  des  mamelons  charnus  qui  leur  servent 
à  marcher;  d'autres  ont  sur  la  tête  des  espèces  d'antennes.  Elles  vivent 
tantôt  solitaires,  tantôt  sociales.  Celles  des  Ceroplatus  Bosc,  observées 
par  Réaumur  sur  l'agaric  du  chêne,  sont  hyalines  et  toujours  enduites 
d'une  humeur  visqueuse.  La  bouche  présente  deux  crochets  et  l'extré- 
mité du  corps  quatre  petits  tubes  aérifères.  Elles  vivent  sur  la  face 
inférieure  de  l'agaric  et  semblent  ne  se  nourrir  que  du  fluide  qui  en 
transsude.  Munies  d'une  filière  buccale,  elles  ont  l'instinct  de  recouvrir 
de  soie  ou  de  bave  les  surfaces  sur  lesquelles  elles  se  posent.  Quand 
elles  se  fixent,  elles  se  construisent  un  pavillon  qui  les  recouvre  entiè- 
rement. Enfin,  au  moment  de  devenir  nymphes,  elles  ne  se  retirent 
pas  dans  la  terre,  comme  les  autres  Fongicoles,  mais  se  filent  une  coque 
sans  quitter  l'agaric  ;  ces  nymphes  sont  blanches,  avec  les  pattes  éten- 
dues jusqu'à  l'extrémité  du  corps.  Les  larves  du  genre  Bolitophila 
Meigen  vivent  en  société  dans  l'intérieur  des  champignons,  comme  celles 
des  Mycetophila  Meigen,  genre  très  nombreux  en  espèces.  Les  larves 
des  Bolitophiles  ont  été  décrites  par  Cuérin-Méneville  :  leur  tête  porte 


966  DIPTÈRES. 

deux  appendices  membraneux,  en  forme  d'antennes,  de  deux  articles. 
La  bouche  est  armée  de  deux  mandibules  écailleuses,  terminées  en 
dessus  et  en  dessous  par  deux  crochets  courbés  l'un  vers  l'autre,  mais 
également  immobiles,  et  dont  la  pointe  supérieure  est  beaucoup  plus 
avancée  que  l'inférieure.  Quand  ces  larves  ont  atteint  le  terme  de  leur 
développement,  elles  se  retirent  dans  la  terre.  Dans  l'état  de  nymphes, 
elles  n'ont  pas  de  tubes  aérifères,  comme  la  plupart  de  celles  des  Tipu- 
lides  terricoles.  L'enveloppe  des  ailes  et  des  pattes  est  appliquée  contre 
le  corps,  mais  elle  en  est  distincte.  Toutes  les  Tipulides  de  cette  famille 
ne  se  développent  pas  dans  les  champignons.  iMacquart  a  élevé  des 
larves  trouvées  dans  le  détritus  du  bois  d'orme,  et  qui  lui  ont  donné 
Mycetobia  pallipes  Meigen.  Les  larves  du  genre  très  voisin,  Ditomijia 
fasciata  Meigen,  ont  été  élevées  par  Meigen,  dans  le  Boletus  versicolor. 
Les  larves  de  Sciara  vivent  en  général  dans  le  terreau,  parfois  dans  les 
fruits. 

PLATYURA  Meigen. —  Tète  plus  étroite  que  le  thorax;  antennes  de  seize  arti- 
cles, avancées,  arquées,  de'  la  longueur  du  thorax,  les  deux  premiers  plus 
larges,  les  autres  plus  ou  moins  comprimés  et  légèrement  velus;  lèvre  supé- 
rieure étroite,  aplatie,  pointue,  trompe  charnue  et  épaisse,  à  lobes  terminaux 
velus,  avec  palpes  avancés,  recourbés,  ordinairement  de  quatre  articles;  yeux 
ovales;  trois  ocelles  .sur  le  front,  inégaux,  rapprochés  et  disposés  en  triangle  ; 
thorax  élevé  ;  ailes  obtuses,  cellule  marginale  des  ailes  divisée  par  une  ner- 
vure oblique;  hanches  fort  allongées,  jambes  nues,  terminées  par  deux  fortes 
pointes;  abdomen  menu,  rétréci  à  sa  base,  déprimé  vers  l'extrémité. 

Le  nom  de  ce  genre  signifie  :  queue  large.  Il  compte  en  Europe  une 
cinquantaine  d'espèces.  Nous  représentons  le  P.  flavipes  Meigen,  à 
pattes  jaunes,  pi.  cv,  fig.  li:  lia,  antenne. 

MYCETOBIA  Meigen.  —  Tête  ronde,  aplatie  en  dessus;  antennes  avancées, 
cylindriques,  arquées,  à  peu  près  de  la  longueur  du  thorax  ;  trompe  peu  sail- 
lante, avec  palpes  recourbés,  de  quatre  articles  ;  yeux  réniformes  ;  trois 
ocelles  en  triangle  sur  le  front,  inégaux,  rapprochés  ;  thorax  arrondi,  élevé  ; 
ailes  grandes,  couchées,  une  cellule  sous-marginale,  la  discoïdale  large, 
seconde  postérieure  peu  distincte,  à  long  pédicule,  quatrième  sessile  ; 
jambes  nues,  terminées  par  des  pointes  courtes:  abdomen  à  peu  près  cylin- 
drique. 

Nous  figurons  une  espèce  élevée  à  Paris  par  Guérin-Méneville,  et 
provenant  d'une  larve  trouvée  dans  une  plaie  d'orme,  le  M.  thoracica 
G.  Méno,  pi.  cv,  fig.  5,  adulte  ;  5  a ,  tête  vue  de  profil  ;  5  6,  id.,  vue  en 
dessus;  5  c,  nymphe  vue  en  dessous;  5  d,  id.,  de  profil.  L'insecte,  long 
de  5  millimètres,  est  jaunâtre,  avec  la  tète  et  le  thorax  noirs,  les  ailes 
hyalines,  l'abdomen  et  les  pattes  jaunes   Cette  espèce  n'est  pas  indi- 


SCTARA.  967 

quée  dans  le  catalogue  du  docteur  Schiner,  ni  dans  ses  Diptera 
austriaca. 

A  côté  de  ce  genre  se  trouve  le  genre  Sciara  Meigen,  qui  compte  en 
Europe  une  centaine  d'espèces.  Meigen  avait  formé  pour  ce  genre  seul 
la  section  des  Tipulaires  lugubres,  à  cause  de  la  couleur  noirâtre  ou 
rembrunie  des  ailes  d'une  grande  partie  de  leurs  espèces.  Les  larves 
d'un  certain  nombre  peuvent  vivre  dans  les  champignons,  mais  beau- 
coup paraissent  terricoles  ou  de  biologie  inconnue.  Les  espèces  de 
Sciara  commencent  à  s'éloigner  de  l'aspect  habituel  des  Mycétophilides. 
Leurs  pattes  n'ont  qu'une  longueur  médiocre.  Les  antennes,  de  16  ar- 
ticles, sont  minces  et  ornées  de  poils  fins;  les  palpes  n'ont  que  trois 
articles,  dont  le  dernier  est  très  élargi.  La  trompe  est  courte  et  épaisse, 
élargie  au  milieu.  Les  yeux  sont  profondément  échancrés  ;  il  y  a  trois 
ocelles  en  triangle,  l'antérieur  plus  petit.  Au  repos,  l'aile  s'appuie  sur 
le  dos  dans  un  plan  parallèle  à  celui  du  corps  ;  la  troisième  nervure 
longitudinale  se  bifurque  et  la  seconde  est  reliée  à  la  première  par  une 
petite  nervure  transversale.  Nous  avons  une  espèce  nuisible  à  l'arbori- 
culture :  c'est  le  Sciara  piri  Schmidberger,  pubescent,  à  tête,  antennes 
et  corselet  noirs,  les  pattes  minces,  allongées,  d'un  gris  noirâtre,  l'ab- 
domen grisâtre,  à  liséré  noir  aux  incisions.  Les  adultes  paraissent  en 
mai  et  la  femelle  fécondée  pond  dans  les  fleurs  des  poiriers,  les  petites 
larves  pénétrant  dans  l'ovaire  ;  les  fruits  ne  grossissent  pas  et  tombent. 
Il  faut  les  ramasser  et  les  brûler. 

L'espèce  de  Sciara  la  plus  curieuse  par  ses  mœurs  est  Sciara  mili- 
taris,  longtemps  confondue  à  tort  avec  S.  Thomœ  Linn.  Les  larves  de 
l'espèce  que  nous  citons  ont  reçu  les  noms  de  Vers  militaires  ou  proces- 
sionnaires, de  Vers  dragons,  d'armée  de  Serpents,  à  cause  de  leurs 
mœurs  sociales  et  de  leurs  voyages.  L'adulte  est  noir  dans  les  deux 
sexes,  avec  les  pattes  d'un  brun  jaunâtre  plus  ou  moins  foncé  et  sept 
incisions  jaunes  entre  les  anneaux  de  l'abdomen  ;  le  dorsum,  ovoïde  et 
très  bombé,  sans  suture  transverse,  d'un  .noir  luisant,  porte  des  poils 
noirs  et  courts.  Ce  mâle,  long  de  2™™, 6  à  3""", 5,  a  le  corps  terminé  par 
deux  crochets  copulateurs  épais,  formés  chacun  de  deux  articles,  et  par 
deux  petites  pointes  émergeant  de  l'anneau  ventral,  entre  les  deux 
crochets.  La  femelle,  de  à  à  /i,5  millimètres  de  long,  offre  l'abdomen 
terminé  par  une  tarière  saillante  et  pointue.  Les  larves  sans  pattes, 
d'un  blanc  grisâtre,  à  petite  tête  noire,  sont  longues  d'environ  10  milli- 
mètres sur  1  à  2  de  large,  filles  vivent  dans  les  feuilles  humides  qui 
couvrent  le  sol  des  forêts,  surtout  dans  les  couches  inférieures,  et 
réduisent  à  un  squelette  de  nervures  les  feuilles  à  parenchyme  déjà 
ramolli  et  dissocié.  Les  nymphes  ont  les  antennes,  les  pièces  buccales, 
les  fourreaux  alaires  et  les  pattes  repliés  à  la  face  ventrale. 

Dans  l'été  de  certaines  années,  ces  larves,  pour  rechercher  une 
pâture  dans  de  bonnes  conditions,  ont  l'instinct  de  voyager  en  commun 
et  par  le  beau  temps.  Elles  se  réunissent  en  longs  cordons,  agglutinées 


968  DIPTÈRES. 

entre  elles  par  une  matière  gluante,  qui  laisse  trace  sur  les  objets  ■ 
comme  une  bave  de  Limace.  C'est  comme  un  étrange  Serpent,  une 
corde  vivante,  cheminant  avec  lenteur,  par  les  ondulations  concordantes 
des  larves  de  même  direction  et  de  même  sens  ;  les  rubans  sont  larges 
comme  la  main  et  épais  comme  le  pouce,  ayant  ordinairement  3  à 
U  mètres  de  long,  parfois  10  à  12  et  môme  jusqu'à  30,  d'après  Guérin- 
Méneville.  Ce  ruban  animé  contourne  les  obstacles  ou  les  franchit,  en 
reformant  bientôt  sa  partie  brisée.  Si  l'on  soulève  au-dessus  du  sol  la 
queue  de  ce  cordon  qui  serpente  entre  les  herbes  des  lisières  de  bois, 
on  peut  la  porter  en  contact  avec  la  tête  et  former  ainsi  une  circon- 
férence vivante,  qui  tournera  parfois  un  jour  entier  sur  elle-même.  On 
observe  ces  singulières  colonnes  mobiles  dans  le  nord  de  l'Allemagne, 
en  Suède,  en  Norvège  et  jusqu'en  Sibérie.  Les  paysans  en  font  l'objet  de 
diverses  croyances  superstitieuses.  Peut-être  trouvera-t-on  trace  de  ces 
bizarres  associations  dans  nos  forêts  marécageuses  du  nord  de  la 
France  ? 

Les  Tipulides  gallicoles  ou  Cécidomyides  sont  des  Némocères,  souvent 
très  petits  et  très  frêles,  présentant  les  caractères  généraux  suivants  : 
tête  petite  et  sphéroïde  ;  antennes  à  articles  en  chapelet,  souvent  pédi- 
cules, à  poils  verticillés,  ayant  de  13  à  36  articles,  en  général  quelques- 
uns  de  plus  chez  les  mâles  ;  trompe  épaisse,  palpes  de  quatre  articles 
dont  le  dernier  en  général  le  plus  large,  faisant  saillie  en  dedans  ;  yeux 
semi-lunaires,  échancrés  du  côté  interne  ;  en  général  pas  d'ocelles  ; 
thorax  ovale  ;  ailes  arrondies  au  bout  et  fréquemment  velues,  tantôt 
couchées  au  repos,  tantôt  inclinées  en  toit,  à  bords  toujours  ciliés,  ayant 
au  plus  quatre  nervures  longitudinales  ;  pattes  tantôt  allongées,  tantôt 
courtes,  jambes  sans  pointes  à  l'extrémité  ;  abdomen  cylindrique  chez 
les  mâles  et  terminé  par  les  crochets  ordinaires,  de  huit  segments,  et 
s'effilant  en  pointe  ou  tarière  dans  les  femelles. 

Un  grand  nombre  d'insectes  de  cette  famille  déposent  leurs  œufs  sur 
les  jeunes  bourgeons  des  plantes  et  produisent  des  déformations  ou 
galles  dans  lesquelles  vivent  les  larves,  soit  solitaires,  soit  en  société  et 
où  elles  subissent  la  nymphe  parfois  dans  des  coques  qu'elles  se  tissent 
en  soie.  On  trouve  de  ces  galles  à  la  face  supérieure  des  feuilles  de 
hêtre  et  de  tremble,  en  petites  sphérules  rouges  sur  les  feuilles  de  la 
carotte  sauvage.  Une  Cécidomyie  pondant  dans.les  jeunes  bourgeons  du 
saule  arrête  le  développement  du  rameau  et  forme  une  sorte  de  galle 
tubuleuse  avec  les  feuilles  élargies,  tube  bien  visible  en  septembre  et 
persistant  en  hiver,  cela  est  analogue  aux  galles  en  artichaut  dues  aux 
Cynipiens  pondant  dans  les  bourgeons  de  chêne.  D'autres  Cécidomyides 
se  forment  dans  des  galles  sur  le  pin,  le  genévrier,  i'épine-vinette, 
l'aristoloche,  le  lolier.  Ces  galles  peuvent  naître  sur  des  fleurs  ;  ainsi 
une  galle  empêche  de  s'ouvrir  la  corolle  de  la  molène  ;  des  galles 
velues,  rappelant  les  Bédéguars,  se  voient  sur  la  véronique  et  le  lychnis 
dioïque.  Une  galle  de  Cécidomyide  fait  grossir  le  sommet  des  tiges  du 


CÉCIDOMYIDES.  969 

tithymale;  des  galles  rouges  se  produisent  sur  le  laiteron.  Il  n'y  a  pas 
toujours  production  de  galles;  ainsi  la  larve  d'une  Cécidomyie  vit  sur 
les  jeunes  feuilles  de  l'armoise  sans  les  déformer  et  y  devient  nymphe 
dans  une  coque  ;  celle  du  buis  vit  en  mineuse  dans  le  parenchyme  des 
feuilles  (D"'  Laboulbùne).  D'autres  Diptùres  de  ce  groupe  passent 
leur  état  larvaire  dans  les  tiges  des  graminées,  notamment  des  céréales, 
sans  y  faire  de  vraies  galles.  Il  en  est  qui  sont  très  nuisibles  aux  fruits 
(genre  Lasioptera).  Les  Psychodes  ont  dés  mœurs  larvaires  différentes, 
car  les  adultes  sortent  des  immondices  ou  pullulent  sur  les  murs 
humides  ou  courent  avec  agilité  'sur  les  troncs  d'arbres  couverts  de 
mousse,  dans  les  bois  humides  les  plus  ombragés. 

L'espèce  la  plus  nuisible  pour  l'agriculture  que  nous  [possédions  en 
France  est  du  genre  Diplosis  Low,  au  nombre  de  plus  de  cent  espèces 
en  Europe,  et  de  l'espèce  D.  tritici  Kirby,  vulgairement  la  Cécidomyie 
du  froment,  très  bien  étudiée  par  C.  Bazin  :  Notice  sur  un  Insecte  qui  a 
causé  les  plus  grands  ravages  dans  nos  dernières  récoltes  de  blé  sur  pied, 
Paris,  1856.  De  la  moitié  de  juin  à  la  moitié  de  juillet,  on  voit  s'abattre 
sur  les  épis  de  froment  des  essaims  de  très  petites  mouches  jaunes, 
ayant  un  peu  l'apparence  svelte  et  grêle  de  nos  Cousins.  Les  femelles 
longues  de  2  millimètres,  ont  des  antennes  moniliformes  àarticles  allon- 
gés, deux  grands  yeux  noirs  séparés  par  une  ligne  jaune,  le  thorax  et 
l'abdomen  d'un  jaune  citron,  passant  quelquefois  au  jaune  orangé,  des 
ailes  hyalines  et  ciliées,  des  pattes  longues  et  jaunâtres,  l'abdomen,  se 
prolongeant  en  un  oviscapte  au  moins  aussi  long  que  lui  et  saillant  au 
dehors,  tenu  comme  un  fil  de  Ver  à  soie.  Les  mules,  beaucoup  moins 
abondants  que  les  femelles,  ont  le  corps  moins  long,  dépourvu  de  ta- 
rière, de  couleur  plus  foncée,  d'un  jaune  brun,  avec  les  ailes  légère- 
ment enfumées,  à  nervures  plus  visibles.  Ces  Cécidomyides  passent  la 
nuit  sur  les  épis,  et,  par  les  temps  couverts,  pondent  parfois  durant  le 
jour.  Les  femelles  enfoncent  leur  tarière  entre  les  glumes  des  épillets, 
avant  la  floraison,  et  les  œufs  sont  ainsi  à  l'abri  des  intempéries  jusqu'à 
leur  éclosion  au  bout  de  quelques  jours.  Les  larves,  d'abord  blanchâ- 
tres, deviennent  bientôt  d'un  jaune  vif,  bien  visibles  au  nombre  de  cinq 
à  vingt  dans  un  seul  grain  de  blé,  encore  tendre  et  laiteux.  Selon  la 
quantité  de  ces  larves  sans  pattes,  le  grain  avorte  complètement  ou 
reste  contourné,  vidé  et  amaigri,  destiné  à  tomber  au  vannage  dans  le 
tas  du  petit  blé,  souvent  plus  riche  en  son  qu'en  farine. 

Les  larves,  à  toute  leur  croissance,  doivent  gagner  la  terre  qui  les 
abritera.  Elles  se  courbent  en  arc  de  circonférence  et  se  lancent  assez 
loin  au  dehors  afin  de  ne  pas  rester  accrochées  à  l'épi.  Cependant  quel- 
ques-unes demeurent  dans  les  épis  et  sont  transportées  ainsi  dans  les 
granges,  tandis  que  la  grande  majorité  se  réfugient  au  pied  des  chaumes. 
Elles  demeurent  engourdies,  à  l'état  dormant,  sans  métamorphose,  pen- 
dant le  restant  de  l'été,  l'automne,  l'hiver,  le  printemps,  puis  demeu- 
rent quelques  jours  en  nymphes  et  l'adulte  prend  son  essor  au  mois  de 


970  DIPTÈRES. 

juin.  A  cette  époque  on  trouve  souvent  des  Diplosis  naissantes  qui  sor- 
tent tle  la  terre  qui  possédait  l'année  précédente  une  récolte  de  blé. 
Aussi  C.  Bazin  conseille,  pour  détruire  ces  petites  Mouches  si  nuisibles, 
de  retourner  les  chaumes  aussitôt  après  la  moisson,  ou  de  les  brûler, 
ou  de  les  herser,  ou  enfin  d"y  répandre  des  tourteaux  de  colza  ou  de 
navette  qui  développent  une  essence  insecticide.  Comme  cela  arrive 
souvent,  les  meilleurs  moyens  de  destruction  sont  des  êtres  aussi  ché- 
tifs  que  les  fléaux  dont  ils  nous  délivrent.  Des  parasites  du  genre  Pla- 
tjigaster  (Hyménoptères,  Proctotrupiens)  pondent  dans  les  larves  des 
Diplosis  des  œufs  d'où  sortiront  les  microscopiques  protecteurs  de  la 
récolte,  auxquels  de  vastes  régions  ont  dû  souvent  autrefois  d'être  pré- 
servées de  hideuses  famines.  11  serait  très  bon  que  les  agriculteurs 
apprissent  à  observer  ces  petits  insectes  noirs,  à  pattes  fauves,  ignorés 
de  tous.  Ils  tireraient  de  leur  rareté  ou  de  leur  abondance  des  indi- 
cations précieuses  sur  leur  récolte  future. 

Une  autre  espèce,  encore  plus  funeste  peut-être,  appartient  au  genre 
Cecidomyia  Meigen,  dont  l'Europe  possède  environ  120  espèces.  Le 
C.  destructor  Say  existe  dans  la  Silésie,  le  duché  de  Posen  et  d'autres 
régions  de  l'Allemagne;  il  se  rencontre  aussi  parfois  en  France, 
ainsi  il  a  exercé  ses  ravages  dans  le  Languedoc  en  ces  dernières  années 
(Lichtenstein).  C'est  surtout  dans  les  États-Unis  que  C.  destructor 
cause  de  graves  et  fréquents  ravages,  au  point  que  cette  espèce  figure 
parmi  les  Insectes  désastreux  dont  la  surveillance  est  confiée  aux  ento- 
mologistes de  l'État.  On  la  nomme  Mouche  de  Hesse  (Hessian  Fly),  car 
on  la  regarde  comme  importée  d'Europe  avec  la  paille  amenée  par  les 
troupes  mercenaires  de  Hesse  à  la  solde  de  l'Angleterre,  dans  la  guerre 
de  l'Indépendance,  opinion  qui  n'est  nullement  prouvée  ;  l'espèce  en 
effet  peut  être  à  la  fois  d'Europe  et  d'Amérique  du  Nord,  comme  cela 
arrive  pour  beaucoup  d'autres  espèces  d'Insectes.  Elle  est  un  peu  plus 
grande  que  la  Tipulaire  précédente.  La  longueur  de  la  femelle,  de 
l'extrémité  du  front  à  celle  de  la  tarière  étendue,  varie  de  2""", 70  à 
2'""',75  ;  elle  est  rouge  et  poilue  avec  des  taches  et  des  lignes  noires;  de 
très  petits  poils  donnant  aux  ailes  un  aspect  gris  et  trouble.  Les  anten- 
nes, outre  un  scape  de  deux  articles,  ont  un  fouet  de  14  à  16  ;  les  palpes 
sont  de  quatre  articles,  la  trompe  courte,  jaunâtre  et  rétractile.  Les 
longues  pattes  sont  armées  de  griffes  noires,  entre  lesquelles  est  un 
lobule  discoïde  servant  à  fixer  l'insecte  ;  derrière  les  pattes  médianes 
on  voit  les  balanciers  d'un  brun  pâle.  L'abdomen,  formé  de  neuf  seg- 
ments, se  termine  par  une  tarière  extrêmement  mobile.  Le  mâle,  beau- 
coup plus  rare  que  la  femelle  et  à  peu  près  de  mêmes  colorations,  me- 
sure 3  millimètres  de  long;  son  fouet  antennaire  est  de  16  articles;  le 
neuvième  segment  de  son  abdomen,  écourté  et  d'un  brun  jaunâtre, 
porte  un  crochet  copulaleur  rouge.  La  larve  se  fixe  derrière  la  gaine 
des  feuilles  de  froment  ou  de  seigle,  ou  elle  ronge  le  chaume.  A  toute 
sa  taille,  elle  est  longue  de  3""",37.  Sa  tête  très  petite  porte  en  avant 


GÊCIDOMYIDES.  971 

une  paire  de  palpes  charnus;  puis  les  12  segments  du  corps,  sauf  les 
deux  premiers  et  le  dernier,  portent  de  cliuque  côlé  un  petit  stigmate 
aérien.  Ces  larves,  par  exception  chez  les  Tipulides,  se  transforment  en 
pupes  en  barillet,  dans  leur  dernière  peau  qui  durcit  et  brunit,  et 
passent  ainsi  l'hiver.  Sous  cette  coque  se  forme  une  vraie  nymphe  à 
cornes  stigmatiques  antérieures,  à  antennes,  fourreaux  alaires  et  pattes 
repliés  en  dessous;  ce  cas  est  au  reste  celui  des  autres  Tipulides  gaUi- 
coles.  Les  chaumes  attaqués  par  les  larves  de  Cecidomyia  destructor  ne 
peuvent  plus  nourrir  que  très  imparfaitement  leurs  épis  et  tombent 
au  moindre  coup  de  vent.  Cette  espèce  a  deux  générations  par  an,  une 
qui  se  prolonge  pendant  environ  cinq  semaines  après  la  seconde  quin- 
zaine d'avril,  l'autre  provenant  d'adultes  qui  volent  en  septembre  et  qui 
anéantit  les  jeunes  céréales  de  semailles.  On  consultera  pour  cette 
espèce:  Riley,  Packard,  Cyrus,  Thomas ,  Third  report  an  the  United 
States  entomological  Commission ,  Washington  government  printing 
Office,  1883,  p.  198  :  the  Hessian  Fly,  ist  ravages,  habits  and  the  means  of 
prerenting  its  increasc. 

La  Cécidomyie  du  Poirier,  C.  nigra  Meigen,  de  l'""',5  de  longueur, 
est  noire  avec  l'écusson  gris  et  le  bord  des  segments  de  l'abdomen  d'un 
jaune  fauve.  Les  adultes,  en  avril,  pondent  dans  les  bourgeons  à  fleurs 
du  Poirier  et  les  larves  pénètrent  bientôt  dans  l'ovaire.  Les  petites 
poires,  au  lieu  de  s'allonger,  deviennent  globuleuses,  noicisseni  el 
tombent.  Ce  sont  les  poires  calhassées  des  arboriculteurs,  pleines  de 
petits  Vers  jaunes  ou  d'un  blanc  rougeùtre  qui  en  rongent  la  pulpe. 
Elles  sortent  du  fruit  tombé  à  terre,  restent  engourdies  dans  le  sol  et 
donnent  les  adultes  au  printemps  suivant;  ramasser  et  brûler  les  cal- 
basses,  quand  elles  sont  encore  pleines  des  larves  de  la  (^.écidomyie. 
Deux  autres  espèces  ont  les  mêmes  mœurs,  C.  piri  Bouché  et  C.  piri- 
cola  Nordlinger,  et  produisent  les  mêmes  altérations  sur  les  poires.  Le 
genre  voisin  Lasioptera  Meigen  présente  une  tête  sphéro'ide,  avec  des 
antennes  de  14  à  2Zi  articles  non  pédicellés,  les  deux  premiers  articles 
des  palpes  épais,  en  massue,  les  ailes  velues,  d'où  le  nom  du  genre, 
frangées,  avec  deux  nervures  longitudinales,  les  pattes  allongées,  le 
premier  article  des  tarses  tantôt  long,  tantôt  très  court.  Ce  genre,  qui 
compte  une  quinzaine  d'espèces  en  Europe,  nous  offre  à  citer 
L.  obfuscate  Hoffmansegg,  Meigen  (peut-être  la  môme  que  L.  rubi 
Schrank),  de  2  millimètres  de  long,  les  antennes  noires  et  velues,  la  tête 
et  le  corselet  noirs  et  velus,  l'écusson  rougecitre,  les  ailes  blanches  avec 
la  côte  noire  marquée  d'un  point  blanc,  les  pattes  garnies  de  poils  blan- 
châtres, l'abdomen  noirâtre,  velu,  avec  segments  bordés  de  poils  blancs. 
Cette  Cécidomyide  produit  dans  les  jardins,  le  long  des  tiges  des  fram- 
boisiers, des  galles  sur  les  emplacements  des  bourgeons  piqués,  galles 
dues  à  des  exostoses  ligneuses  et  pleines  de  larves  rougeâtres.  On 
trouve  aussi  ces  galles  sur  les  framboisiers  sauvages  et  sur  les  Rubus; 
il  faut  enlever  et  brûler  les  excroissances  des  framboisiers. 


972  DIPTÈRES. 

PSYCHOn.%  Latr.  —  Corps  assez  épais,  court  et  velu  ;  tête  petite  et  ordinairement 
couverte  par  les  poils  du  thorax;  antennes  de  quatorze  à  seize  articles  épais 
et  velus;  trompe  courte,  charnue;  palpes  cylindriques,  de  quatre  articles  égaux 
et  velus;  yeux  échancrés  au  bord  interne;  point  d'ocelles;  thorax  ovale,  très 
velu  ainsi  que  l'abdomen  ;  ailes  inclinées  en  toit  au  repos,  larges,  très  velues, 
frangées,  avec  huit  nervures  longitudinales  couvertes  d'écaillés,  seconde  et  cin- 
quième bifides  ;  balanciers  cachés  sous  les  poils  du  corps  ;  pattes  courtes  et  assez 
épaisses. 

Ce  genre  est  le  type  d'un  petit  groupe  d'espèces,  comprenant  en 
Europe,  avec  quelques  genres  annexes,  environ  vingt-cinq  espèces. 
Meigen  les  appelait  Tipulaires  phalénoïdes,  car  elles  ressemblent  un 
peu  à  des  Microlépidoptères.  Une  des  plus  communes  est  P.  phalenoides 
Linn.,  d'environ  3  millimètres  de  longueur,  très  abondante  sur  les 
murs  humides,  surtout  en  septembre,  noirâtre,  hérissée  de  longs  poils 
d'un  gris  clair,  les  ailes  couvertes  d'écaillés  grises  qui  forment  quelques 
légères  nébulosités,  une  petite  tache  noire  à  l'cxtrémié  de  chaque  ner- 
vure produite  par  une  accumulation  d'écaillés.  Nous  représentons  une 
espèce  de  même  taille,  P.  palustris  Meigen,  du  genre  Pericoma,  pi.  civ, 
fig.  5,  Curtis.  I/insecte,  qu'on  trouve  au  mois  de  mai  sur  les  plantes 
marécageuses,  est  noirâtre  à  poils  blancs.  Les  ailes,  à  base  brune,  ont 
une  bande  anguleuse  noirâtre  au  milieu  et  l'extrémité  noire;  les 
franges  sont  noirâtres  et  blanches  à  l'extrémité  des  ailes.  Les  pattes 
sont  blanches,  avec  l'extrémité  des  jambes  et  les  deux  derniers  articles 
des  tarses  noirs.  La  figure  donne  bien  l'aspect  d'un  minime  Tinéinien. 

Quelques  Cécidomyides  ont  présenté  des  faits  embryologiques  fort 
étranges  dans  une  classe  aussi  élevée  que  celle  des  Insectes.  On  sait  que 
des  Helminthes  parasites  du  foie  des  Moutons  atteints  de  cachexie 
aqueuse,  les  Distomes  ou  Douves,  pondent  des  œufs  d'où  naissent  des 
larves  asexuées  ou  scolex,  que  dans  celles-ci  se  forment  à  l'intérieur, 
par  inclusion,  d'autres  larves  grossissant  peu  à  peu,  puis  sortant  par 
déchirement  et  devenant  enfin,  après  une  série  de  métamorphoses,  des 
Distomes  à  sexes  distincts  et  ovigères.  M.  N.  Wagner,  naturaliste  russe, 
trouva,  en  1861,  à  Kasan,  de  petites  larves  de  Cécidomyides,  du  genre 
Miastor,  non  cité  dans  le  catalogue  Schiner,  dans  les  tiges  du  peuplier 
et  du  saule,  larves  ayant  de  Zi  à  5  millimètres  de  long.  A  l'intérieur  se 
formèrent  de  petites  larves,  s'accroissant  rapidement,  puis  déchirant  la 
peau  de  leur  mère  pour  devenir  libres,  et  présentant,  quelques  jours 
après,  de  nouveaux  embryons  de  larves  incluses.  La  fin  de  l'été,  l'au- 
tomne, l'hiver  et  presque  tout  le  printemps  suivant  se  passèrent  dans 
cette  série  d'emboîtements.  Puis  apparurent  des  larves  plus  petites  qui 
se  changèrent  en  nymphes  allongées,  du  type  normal,  avec  antennes, 
fourreaux  alaires  et  pattes  repliés  en  dessous.  .\u  bout  de  quelques 
jours,  il  en  sortit  des  adultes  mâles  et  femelles,  à  ailes  très  ciliées  et  peu 
nervulées,  à  grands  balanciers.  Les  femelles  ont  des  œufs  énormes 


CÉCIDOMYIDES,    SIMULIDES.  973 

pour  leur  taille,  de  près  de  1  milliraèlre,  de  sorte  que  cinq  seulement 
suffisent  à  remplir  labdomen.  Ces  œufs  donnent  éclosion  aux  cuiicuses 
larves  vivipares  citées  plus  haut.  Cette  espèce  fut  retrouvée  en  Dane- 
mark, sous  l'écorce  d'une  bûche  de  hôtre,  et  nommée  Miastor  metra- 
loas  Meinert.  En  Allemagne,  une  autre  espèce,  à  larves  vivipares  moitié 
plus  petites,  fut  rencontrée  par  Pagenstecher,  dans  les  résidus  altérés 
de  betteraves  pressées  ayant  servi  à  l'extraction  du  sucre.  En  Russie, 
on  observa  une  troisième  espèce  voisine,  de  taille  intermédiaire,  dont 
les  larves  vivipares  vivaient  en  hiver  dans  le  plancher  vermoulu  d'une 
maison,  dans  de  vieilles  graines  et  divers  détritus.  Pour  rechercher  en 
France  ces  espèces,  ou  d'autres  analogues  qu'on  pourra  très  bien  y  ren- 
contrer, nous  prévenons  qu'avant  d'entreprendre  ces  explorations,  il 
faut  un  puissant  microscope  et  surtout  l'habitude  de  s'en  servir. 

On  peut  rattacher  à  l'anomalie  précédente  le  fait  observé  sur  cer- 
taines nymphes  de  Chironomus,  qui  ont  pondu  directement  des  (eufs 
féconds.  On  a  vu  de  même  dans  les  Amphibiens  des  pontes  d'œfus 
féconds  par  des  larves  des  Tritons  alpestres  et  ponctués,  et  on  sait  que 
l'Axolotl  n'est  qu'une  larve  normalement  féconde  de  l'Amblystome. 

Les  Tipulaires  florales,  qui  terminent  les  Némocères,  forment  une 
transition  avec  les  Brachycères,  qui  se  manifeste  surtout  par  l'aspect 
extérieur.  Le  corps  et  la  tète  ont  plus  d'épaisseur,  les  ailes  sont  plus 
larges  et  les  pattes  moins  longues.  Ces  insectes  n'ont  plus  au  même 
degré  cette  extrême  délicatesse  qui  caractérise  les  troupes  légères  des 
Némocères  précédents  qui  tourbillonnent  dans  les  airs.  La  famille  des 
Simulides  est  celle  qui  s'écarte  le  moins  des  Tipulides  culiciformes  ; 
toutefois  leur  conformation  lourde  et  épaisse  est  déjà  un  rapproche- 
ment vers  les  Mouches.  La  tôte  a  des  antennes  courtes,  composées  de 
onze  articles,  la  lèvre  supérieure  libre  et  effilée  en  forme  de  dard,  bien 
associée  avec  une  trompe  apte  aux  piqûres.  Les  ocelles  font  défaut.  Les 
ailes  sont  larges  et  troubles,  comme  laiteuses,  à  nervures  ptlles  et  peu 
visibles;  les  pattes,  généralement  tachetées,  se  font  remarquer  par 
l'épaisseur  des  cuisses  et  par  la  longueur  du  premier  article  du  tarse. 
La  manière  dont  les  Simulies  marchent  est  très  singulière.  Quand  elles 
sont  posées  sur  une  feuille,  leurs  tarses  antérieurs  s'appuient  dans  toute 
leur  longueur  sur  le  plan  de  position;  ils  sont  dans  un  mouvement 
continuel  de  tâtonnement  et  paraissent  servir  très  peu  à  la  marche. 
C'est  cette  habitude  qui  a  fait  donner  par  Linnœus  le  nom  de  Culex 
reptans  à  une  des  Simulies  les  plus  répandues  en  Europe.  Comme  ces 
insectes  habitent  ordinairement  les  buissons  situés  sous  les  arbres,  et 
qu'ils  y  recueillent  avec  la  trompe  les  sucs  répandus  sur  les  plantes, 
particulièrement  le  miellat  éjaculé  par  les  Pucerons,  leurs  tarses  anté- 
rieurs font  fonction  de  palpes  et  servent  à  reconnaître  cet  aliment.  Les 
Simulies  ont  une  autre  nourriture  beaucoup  moins  innocente  et  font 
la  guerre  à  l'homme  et  aux  Mammifères,  en  perçant  la  peau  pour 
s'abreuver  de  sang.  C'est  surtout  dans  les  régions  tropicales  que  les 


91 U  DIPTÈUES. 

Simulies  sont  à  redouter  sous  ce  rapport;  tandis  que  les  Culiciens  for- 
ment spécialement  les  Maringouins,  les  Simulies  constituent  les  Mous- 
tiques, formant,  d'après  Lacordaire,  un  des  plus  cruels  tourments  aux- 
quels on  soit  exposé  dans  l'Aniérique  méridionale,  dans  les  savanes  et 
sur  le  bord  des  rivières.  Les  mains  et  le  visage  enflent  et  se  couvrent 
de  boulons  qui  rendent  la  victime  méconnaissable  pendant  quelque 
temps.  En  quelques  endroits  ces  Simulies  sont  en  telle  quantité  qu'il  est 
impossible  d'y  rester,  si  peu  de  temps  que  ce  soit.  Ils  fondent  par  mil- 
liers sur  le  passant,  pénètrent  dans  les  yeux,  le  nez,  les  oreilles  et  la 
bouche,  et  rendent  pour  ainsi  dire  furieux  le  malheureux  qui  est 
exposé  à  leurs  attaques.  On  a  vu  à  Surinam  des  nègres  marrons  exposés 
nus  en  des  endroits  convenables,  par  des  maîtres  barbares,  expirer  en 
trois  ou  quatre  heures  dans  des  tourments  horribles.  La  piqûre  de  ces 
minuscules  insectes  produit  le  même  effet  que  celui  d'une  gouttelette 
d'huile  bouillante  qui  tomberait  sur  la  peau.  Ils  ne  paraissent  que  le 
soir,  à  l'entrée  de  la  nuit,  et  ne  restent  que  deux  à  trois  heures.  Le 
seul  moyen  de  se  garantir  de  ces  petits  animaux  est  d'envelopper  le  lit 
d'une  moustiquaire  de  mousseline,  et  de  ne  se  coucher  qu'après  avoir 
examiné  avec  soin  si  aucun  de  ces  insectes  n'a  pénétré  dans  son  inté- 
rieur, car  un  seul  suffit  pour  empêcher  de  dormir. 

Dans  l'Europe  méridionale  et  orientale,  en  Hongrie  et  sur  le  bas 
Danube,  des  Simulies  répandent  la  terreur  et  l'effroi  parmi  les  hommes 
et  les  bestiaux.  Elles  apparaissent  en  avril  et  en  mai,  puis,,  une  seconde 
fois,  en  août,  se  réfugiant  pendant  les  orages  dans  des  creux  de  rochers, 
pour  en  sortir  ensuite  sous  l'aspect  de  nuages  brumeux.  Ces  Simulies, 
qui  ont  à  peine  la  taille  d'une  Puce,  pénètrent  dans  la  bouche,  les 
oreilles  et  les  naseaux  des  bêtes  à  cornes  et  des  bêtes  à  laine,  et  piquent 
les  bestiaux  pour  se  nourrir  de  leur  sang.  Les  animaux  fuient  de  leurs 
pâturages,  en  proie  à  un  véritable  délire,  écorchant  à  vif  la  tumeur 
indurée  qui  succède  bientôt  à  la  démangeaison  de  la  piqûre,  et  péris- 
sant parfois  par  centaines.  Chez  l'homme,  c'est  vers  le  coin  de  l'œil 
que  ces  Moustiques  se  précipitent  de  préférence,  et  les  piqûres  acérées 
de  leurs  dards  buccaux  sont  plus  insupportables  que  celles  des  Cousins. 
En  outre,  elles  peuvent  introduire  dans  la  plaie  les  bactéridies  char- 
bonneuses, si  elles  ont  sucé  au  préalable  le  sang  d'animaux  atteints  de 
la  pustule  maligne.  On  comprend  le  danger  qui  en  résulte  pour  l'homme 
et  pour  le  bétail  qui  n'a  pas  subi  l'inoculation  préventive  d'un  virus 
atténué  par  les  cultures  du  procédé  Pasteur. 

Les  Simulides,  qui  comptent  environ  vingt-cinq  espèces  en  Europe, 
ne  constituent  qu'un  seul  genre  : 

!^lMt)lil%  ou  SIMIJLIIJIM  Lalr.  —  Antennes  cylindriques,  de  onze  articles,  les 
deux  premiers  séparés  des  autres;  quatrième  article  des  palpes  un  peu  allongé 
et  menu  ;  yeux  à  contour  circulaire  et  contigus  dans  les  mâles,  échancrés  et 
séparés  par  un  front  large  chez  les  femelles;  thorax  ovale,  votité,  sans  sutures; 


SIMULIV,   BIBIO.  975 

ailes  larges,  transparentes  avec  cellules  basilaires  et  marginale  fort  étroite  ;  balan- 
ciers découverts  ;  pattes  fortes  ;  jambes  sans  pointes,  premier  article  des  tarses 
fort  long,  surtout  aux  pattes  postérieures,  le  quatrième  fort  court  ;  abdomen 
cylindroïde,  assez  court  et  assez  épais. 

Les  deux  sexes  des  Simulies  diffèrent  souvent  beaucoup  dans  une 
même  espèce  par  la  coloration  et  par  d'autres  caractères.  On  a  long- 
temps ignoré  complètement  leurs  métamorphoses;  on  sait  maintenant 
que  les  larves  et  les  nymphes  vivent  dans  l'eau,  où  elles  se  maintien- 
nent auprès  des  pierres,  des  brins  d'herbe  ou  des  plantes  aquatiques 
dans  des  coques  en  forme  de  cornets.  Nous  figurons,  pi  cv,  fig.  6, 
S.  ornata  Meigen,  de  France  et  d'Allemagne,  ayant  environ  3  milli- 
mètres de  longueur,  le  mâle  noirâtre,  avec  thorax  à  poils  jaunes,  les 
jambes  blanches  à  extrémité  noire,  l'abdomen  à  taches  latérales  grises, 
la  femelle  offrant  la  tête  blanche,  le  thorax  taché  de  blanc  changeant, 
la  base  de  l'abdomen  à  longs  poils  blancs,  les  jambes  antérieures  à 
bande  longitudinale  blanche,  les  deux  premiers  articles  des  tarses  pos- 
térieurs à  base  blanche. 

Les  Bibionides  sont  les  Tipuliens  qui  se  rapprochent  le  plus  des  Bra- 
chycères;  ce  sont  les  Tipulaires  musciformes  de  Meigen.  Les  principaux 
genres  de  ce  groupe  sont  les  Bibions,  les  Dilophes  et  les  Scathopses, 
ces  derniers  vivant  à  l'état  de  larves  dans  les  immondices  et  se  trouvant 
à  l'état  parfait  sur  les  ëcorces  des  arbres  et  sur  les  murs  humides.  Le 
plus  grand  nombre  des  Bibionides  se  tiennent  au  repos  sur  les  plantes 
et  ont  le  vol  très  pesant.  La  plupart  ne  font  aucun  mouvement  quand 
nous  voulons  les  saisir. 

BIBIO  Geoffroy.  — Mâle  plus  petit  et  plus  raccourci  que  la  femelle,  à  tète  assez 
grosse,  presque  entièrement  occupée  par  les  yeux  recouverts  de  poils  ;  femelle 
plus  élancée,  à  tête  petite,  prolongée  en  rostre,  avec  yeux  petits  et  nus; 
antennes  cylindriques,  perfoliées,  insérées  sous  les  yeux,  de  neuf  articles,  s'a- 
vançant  en  demi-circonférences;  labre  et  trompe  saillante,  ciliés  vers  l'extré- 
mité, palpes  recourbés,  de  cinq  articles,  le  premier  très  petit  ;  trois  ocelles  ;  dos 
du  thorax  gibbeux;  ailes  larges,  paraissant  comme  pédiculées,  mousses  en 
avant,  fort  troubles,  avec  le  bord  antérieur  noir  et  deux  cellules  basilaires; 
pattes  velues  et  puissantes,  dont  les  postérieures  sont  les  plus  longues,  avec 
cuisses  claviformes,  les  jambes  antérieures  courtes  et  renflées  terminées  par 
une  longue  pointe  et  une  petite;  articles  des  tarses  allongés,  trois  pelotes 
l'extrémité. 

Les  Bibions  sont  représentés  en  Europe  par  environ  vingt-cinq  es- 
pèces. La  plus  grande,  très  commune  aux  environs  de  Paris  et  dans  les 
jardins  publics  et  privés  de  cette  capitale,  est  B.  Marci  Linn.,  la 
Mouche  de  Saint-Marc  ou  le  Bibion  de  Saint-Marc  noir  de  Geoffroy,  long 
de  11  à  13,5  millimètres,  noir  et  à  poils  noirs  dans  les  deux  sexes,  les 


976  ■  HÉMIPTÈRES. 

ailes  hyalines  cliez  les  mAles,  noirâtres  cliez  les  femelles.  Tout  le 
monde  a  remarqué,  au  début  du  printemps,  dès  la  fin  de  mars,  si  l'an- 
née est  précoce,  ces  Diptères  noirs  et  pesants  fixés  aux  branches  des 
buissons,  aux  pointes  des  herbes  sèches,  grimpant  avec  lourdeur  sur 
les  tiges  basses,  voltigeant  pesamment,  les  pattes  pendantes  sous  les 
tièdes  rayons  du  soleil.  On  les  voit  aussi  réunis  par  paires,  en  accou- 
plement, et  on  est  frappé  de  la  dissemblance  des  sexes.  Après  la  copu- 
lation, la  femelle  pond  120  à  150  œufs  sur  une  terre  couverte  de  feuil- 
lages ou  sur  des  substances  végétales  en  pourriture  ou  sur  des  fientes 
des  races  bovine  et  ovine,  puis  elle  meurt.  Les  œufs,  blancs  et  lisses, 
sont  cylindroïdes,  un  peu  effilés  en  avant.  Environ  un  mois  plus  tard, 
éclosent  des  larves  de  longueur  double  de  celle  des  œufs.  Elles  se  fon- 
cent peu  à  peu  en  couleur  et  prennent  finalement  une  teinte  d'un  brun 
grisâtre.  A  douze'ou  quinze  jours  d'intervalle,  elles  subissent  trois  mues 
et  atteignent  alors  toute  leur  taille,  de  15 à  17,5  millimètres,  l^eur  corps 
a  douze  anneaux,  chacun  avec  une  couronne  de  soies,  ce  qui  fait  un 
peu  ressembler  la  larve  à  une  chenille.  La  tête  sphéroïde  est  bien 
isolée  du  corps.  Les  pièces  buccales  comprennent  :  une  lèvre  supérieure 
garnie  de  nombreuses  épines,  des  mandibules  à  trois  dentelures  mous- 
ses, des  mâchoires  écailleuses  avec  des  palpes  de  trois  articles,  et  une 
lèvre  inférieure  sans  palpes;  on  n'observe  ni  yeux,  ni  antennes.  Outre 
les  stigmates  aériens  disposés  le  long  des  côtés  du  corps,  il  en  existe 
deux,  de  dimensions  triples  sur  la  face  dorsale  du  dernier  anneau  ter- 
miné par  quatre  piquants.  Ces  larves  cheminent  souterrainement  dans 
le  terreau  meuble  à  l'aide  de  leurs  poils  raides  dirigés  en  arrière,  ser- 
vant à  fixer  la  partie  postérieure  du  corps  lorsque  la  partie  antérieure 
se  porte  en  avant  et  réciproquement.  C'est  ainsi  qu'elles  se  comportent 
pendant  une  année  presque  entière,  venant  particulièrement  chercher 
leur  nourriture  dans  les  bouses.  Pendant  l'hiver  elles  s'enfoncent  dans 
la  terre  pour  se  mettre  à  l'abri  de  la  gelée  et  remontent  près  de  la  sur- 
face en  grandes  colonies  à  la  fin  de  l'hiver,  apparaissant  parfois  en 
masses  noirâtres  dans  les  jardins  de  Paris,  ce  qui  a  souvent  appelé  l'at- 
tention, bien  qu'elles  soient  tout  à  fait  InofFensives.  Elles  se  remettent 
en  terre  en  février  ou  au  commencement  de  mars  pour  se  transformer 
en  nymphes  un  peu  gibbeuses  au  thorax  ;  leurs  ailes  et  leurs  pattes  sont 
beaucoup  moins  développées  que  dans  la  plupart  des  nymphes  nues  de 
Némocères.  Au  bout  d'une  quinzaine  de  jours  paraît  l'adulte,  dont  la 
vie  dure  à  peine  un  mois;  il  est  probable  que  la  pointe  qui  prolonge 
les  courtes  jambes  antérieures  aide  l'insecte  à  sortir  de  terre.  Les  Bibions 
de  Saint-Marc  paraissent  s'établir  avec  une  certaine  préférence  et  d'une 
manière  sédentaire  sur  les  arbres  fruitiers;  on  dit  que  les  fleurs  et  les 
bourgeons  leur  offrent  des  sucs  nourriciers.  Tout  à  fait  sans  défense,  ils 
sont  souvent  la  proie  des  Asiles.  Dans  le  vol  les  pattes  intermédiaires 
et  postérieures  des  Bibions  sont  réunies  et  étendues  obliquement  en 
arrière,  tandis  que  les  antérieures  sont  maintenues  élevées  au-dessus  du 


DILOPRUS.  977 

corps  et  dirigées  eu  arrière;  l'abdomen  est  tenu  parfaitement  hori- 
zontal chez  les  mâles,  tandis  que  celui  des  femelles,  plus  lonrd,  est 
pendant  (Poujade). 

Au  printemps  de  1872  ces  Bibions  noirs  ont  été  très  communs  dans 
la  banlieue  de  Paris  et  volaient  en  tourbillons  autour  des  buissons. 
Ils  jetèrent  une  sorte  d'alarme  dans  l'imagination  populaire,  encore 
très  surexcitée  par  les  calamités  de  1870-1871  et  qui  voyait  en  eux  une 
conséquence  lugubre. 

Environ  une  quinzaine  de  jours  après  le  précédent,  paraît  le  B.  hortu- 
lanus  lAnn.,  le  Bibioii  de  Saint-Marc  rouge  de  Geoffroy,  un  peu  plus  petit 
que  l'autre,  le  corps  noir  chez  le  mâle,  avec  les  ailes  diaphanes  à  ner- 
vures brunes,  la  femelle  à  corselet  rouge,  à  l'abdomen  d'un  jaune  rou- 
geàtre,  avec  prothorax,  écusson  et  pattes  noires,  les  ailes  légèrement 
enfumées.  On  a  dit  qu'en  Allemagne  les  larves  de  cette  espèce  font 
quelquefois  des  dégâts  dans  les  plants  d'asperges.  Nous  représentons, 
pi.  cv,  fig.  8,  la  tète  grossie  du  V.  venosus  Meigen,  espèce  plus  rare  que 
les  précédentes,  des  bois  d'Allemagne  et  du  nord  de  la  France. 

niE.OPHl'1^  Meigen.  —  Tête  presque  entièrement  occupée  par  les  yeux  chez  le 
mâle,  fort  petite  et  inclinée  chez  la  femelle;  antennes  cylindriques,  insérées  sous 
les  yeux,  de  onze  articles,  les  quatre  derniers  peu  distincts  ;  lèvre  supérieure 
courte  et  conique,  trompe  un  peu  avancée,  à  lobes  terminaux  cylindriques, 
allongés  et  velus,  palpes  de  cinq  articles,  3  élargis  à  l'extrémité,  4  et  5 
plus  longs,  cylindriques;  yeux  ovales;  trois  ocelles;  thorax  gonflé,  avec 
les  bords  antérieur  et  postérieur  du  prolhorax  denticulés  ;  ailes  comme  chez  les 
liibio,  pattes  velues,  les  cuisses  antérieures  épaisses,  sillonnées,  les  jambes  an- 
térieures épineuses  et  terminées  par  une  couronne  de  huit  pointes,  les  tarses  à 
trois  pelotes. 

Les  Dilophes,  qui  ressemblent  beaucoup  aux  Bibions  et  ont  au  plus 
une  dizaine  d'espèces  en  Europe,  doivent  leur  nom  aux  deux  rangs  de 
pointes  en  forme  dépeignes  du  prothorax.  Il  est  probable  qu'elles  favo- 
risent la  sortie  de  l'adulte  hors  de  terre  lors  de  l'éclosion  et  que  l'ar- 
mure de  pointes  des  jambes  antérieures  concourt  au  même  résultat, 
tout  en  étant  très  différente  de  la  pointe  unique,  mais  forte,  qui  carac- 
térise les  Bibions.  L'espèce  la  plus  répandue,  le  D.  vulgaris  Meigen, 
en  entier  d'un  noir  brillant,  est  très  commune  en  juillet  et  août  sur  les 
végétaux  dans  les  prairies  des  bords  du  Rhin.  Elle  fréquente  surtout 
nos  espaliers  et  en  parcourt  le  feuillage  pour  recueillir  avec  la  trompe 
les  sucs  qui  y  sont  répandus.  Nous  figurons  une  espèce  exotique,  de 
9,millimètres  de  longueur,  des  bords  de  la  Plata,  le  D.  collaris  G.  Mén., 
noir,  le  corselet  en  dessus  et  en  dessous  et  la  base  des  cuisses  rouges, 
les  ailes  noirâtres,  plus  foncées  vers  la  cote. 


GUUKP.  m.  —  62 


978  DIPTÈRES. 


Sous  Ordre  des  DIPTÈRES  BRÂGHYGÈRES 


Les  Brachycères,  dont  le  nom  exprime  la  brièveté  des  antennes  com- 
parées à  celles  des  Némocères,  forment  la  seconde  division  des  Diptères, 
celle  qui  comprend  la  pluralité  des  types  et  des  espèces.  Nous  rappelle- 
rons très  sommairement  des  caractères  déjà  exposés  :  corps  ordinai- 
.  rement  assez  large  et  peu  allongé;  tête  ordinairement  hémisphérique, 
de  la  largeur  du  thorax  ;  antennes  courtes,  de  trois  articles  au  plus,  le 
troisième  ordinairement  accompagné  d'un  style,  celui-ci  parfois  apical 
et  subdivisé  en  articles  (Tabaniens),  le  plus  souvent  latéral  et  non 
subdivisé;  trompe  tantôt  longue,  menue,  saillante,  corlacée,  tantôt 
courte,  épaisse,  charnue  et  retirée  dans  la  bouche,  entourée  de  six, 
quatre  ou  deux  soies,  palpes  d'un  ou  de  deux  articles  ;  thorax  peu  con- 
vexe ,  ailes  le  plus  souvent  assez  larges  et  à  cellules  basilaires  assez 
courtes;  balanciers  à  tiges  courtes,  souvent  cachés  par  les  cuillerons, 
parfois  découverts;  pattes  ordinairement  de  longueur  médiocre;  abdo- 
men souvent  assez  large. 

Ils  sont,  en  quelque  sorte,  aux  Némocères  ce  que  les  Cicadaires  sont 
aux  Cimicides.  Une  certaine  infériorité  d'organisation  se  manifeste  par- 
ticulièrement dans  les  antennes  et  les  palpes.  Les  antennes  n'ont,  le 
plus  souvent,  que  trois  articles,  dont  les  deux  premiers  ne  sont  même 
qu'une  base  souvent  très  courte  du  troisième.  Les  palpes,  composés 
dans  les  Némocères  de  quatre  ou  cinq  articles  mobiles,  ne  le  sont,  dans 
les  Bracliycères,  que  d'un  ou  de  deux,  sans  mouvement  connu,  et  ils 
paraissent  remplir  assez  imparfaitement  la  destination  générale  de  ces 
organes.  Il  existe  encore  de  l'infériorité  dans  l'organisation  des  larves 
de  Brachycères  :  la  tête  en  est,  le  plus  souvent,  charnue  comme  le 
corps,  tandis  que,  dans  les  Némocères,  elle  est  de  substance  cornée,  et 
que  la  bouche  est  plus  développée. 


Tribu  des  tab.hniews. 


Les  Tabaniens  forment  une  transition  naturelle,  car  ils  ont  encore 
quelques  traits  communs  avec  beaucoup  de  Némocères  :  tels  sont  par 
exemple  l'organisation  des  antennes,  leurs  modes  de  transformations  et 
l'avidité  des  femelles  pour  le  sang  de  l'homme  et  des  grands  Mam- 
mifères. 

Corps  large,  tête  déprimée;  au  lieu  du  style  latéral  troisième  arti- 
cle des  antennes  de  quatre  à  huit  divisions,  ces  antennes  très  rappro- 
chées ;i  leurs  bases;  moitié  inférieure  des  yeux  du  mâle  à  facettes  plus 


TABANIENS.  979 

petites  ;  lèvre  inférieure   très  grande  et  membraneuse  constituant  la 
gaine  de  la  trompe,  se  rétractant  au  repos  et  cachant  dans  son  intérieur 
les  pièces  perforantes  ou  soies  des  anciens  auteurs;  chez  les  femelles 
ces  pièces  sont  au  nombre  de  six  et  représentent  les  mandibules,  les 
mrichoires,  l'épipharynx  et  l'hypopharynx  ;  dans  le  mâle  quatre  pièces 
seulement  à  la  bouche,  mandibules    atrophiées,   mâchoires,   pièces 
paires,  subsistant  toujours  et  se  reconnaissant  à  leurs  palpes  composées 
de  deux  articles,  l'épipharynx  et  l'hypopharynx,  pièces  impaires,  exis- 
tant également,  palpes  maxillaires  relevées  dans  le  mâle,  couchées  sur  la 
trompe  dans  la  femelle,  le  second  article  ordinairement  ovoïde  chez  le 
mâle,  conique  chez  la  femelle;  ailes  demeurant  entre-bàillées  au  repos, 
circonscrites  par  une  nervure  marginale,  d'ordinaire  deux  cellules  sous- 
marginales,  cinq  postérieures,  le  plus    souvent  ouvertes  à  l'extrémité, 
l'anale  allongée;  cuillerons  existant,  mais  trop  courts  pour  cacher  les 
balanciers;  jambes  intermédiaires  terminées  par  deux  pointes,  aux  tarses 
trois  pelotes  ou  palettes  permettant  à  l'insecte  de  faire  adhérer  ses  pattes 
dénuées  de  soie. 

Les  Tabaniens,  qui  constituent  un  groupe  nettement  limité,  comptent 
pour  toute  la  terre  de  quatre  à  cinq  cents  espèces.  Chaque  climat  a  des 
espèces  qui  lui  sont  propres,  mais  l'instinct  sanguinaire  est  le  même 
pour  toutes.  Le  Lion  des  déserts  de  la  zone  torride  et  le  Renne  des 
Lapons  les  ont  pour*  ennemis,  de  même  que  nos  Bœufs  et  nos  Chevaux. 
Au  moment  où  l'insecte  parvient  à  se  fixer,  malgré  les  mouvements  des 
animaux,  de  leur  tète,  de  leur  crinière,  de  leur  queue  et  de  leurs 
pattes,  la  trompe  perce  le  cuir  le  plus  épais,  et  un  filet  de  sang  coule 
à  l'instant.  Les  femelles  seules  ont  cet  appétit  de  sang;  les  mâles, 
quoique  doués  d'une  trompe  presque  aussi  robuste,  ne  vivent  que  (Ju 
nectar  des  fleurs,  et  parfois  on  trouve  aussi  quelques  femelles  sur  les 
corolles.  C'est  évidemment  le  besoin  d'une  nourriture  plus  substan- 
tielle, pour  le  développement  des  œufs,  qui  excite  l'instinct  des  femelles. 
Macquart  rapporte  avoir  fait  arrêter  souvent  des  Chevaux  dans  les 
bois,  lors  des  chaleurs  de  l'été  pour  observer  les  Taons  qui  venaient 
à  l'instant  les  assaiUir  en  grand  nombre.  ^11  tuait  tous  ceux  de  ces 
nsectes  qui  parvenaient  à  se  fixer  et  n'a  jamais  trouvé  de  mâles  parmi 
eux. 

Les  yeux  sont  parmi  les  organes  les  plus  remarquables  des  Tabaniens. 
Macquart  a  observé  que,  dans  les  mâles,  les  facettes  supérieures  sont 
plus  grandes  que  les  inférieures,  comme  cela  a  lieu  aussi  dans  les  Stra- 
tyomides.  Ils  sont  quelquefois  admirables  par  leurs  couleurs  brillantes 
et  la  variété  des  figures  qui  y  sont  dessinées.  Dans  les  uns,  ils  sont  d'un 
beau  vert  céladon  tacheté  de  brun,  dans  d'autres  d'un  vert  obscur  orné 
d'un  ou  de  plusieurs  iris  nuancés.  Tantôt  la  surface  en  est  grisâtre  et 
traversée  par  des  lignes  onduleuses,  tantôt  elle  est  éblouissante  d'or  et 
émaillée  de  pourpre  (Chrysops).  Cet  éclat  relève  singulièrement  les 
couleurs  souterraines   du  corps;   on  dirait  qu'il  y  a  là  un  indice  de 


980  DIPTÈRES. 

cruauté  et  de  perfidie,  comme  pour  les  yeux  chatoyants  du  Tigre  et  de 
la  Panthère. 

TABAUBS  Linn.  —  Front  de  la  lemelle  à  légères  callosités  dans  sa  partie  anté- 
rieure ;  antennes  insérées  vers  le  bas  de  la  tète,  sous  les  yeux,  de  la  longueur 
de  la  tète,  leur  troisième  article  allongé,  comprimé,  à  cinq  divisions,  la  première 
large  vers  la  base,  fortement  échancrée  à  la  face  supérieure,  paraissant  quel- 
quefois bifide,  la  cinquième  pointue  ;  Jèvre  supérieure  tronquée  dans  les  mâles, 
obtusément  pointue  dans  lesfemelles,  palpes  fort  courtes,  à  second  article  pres- 
que rond  dans  les  mâles,  allongées,  à  second  article  conique  et  subulé  dans  les 
femelles;  yeux  d'un  vert  foncé,  marqués  de  lignes  arquées  pourpres;  pas 
d'ocelles  ;  cellule  anale  des  ailes  n'atteignant  pas  le  bord  intérieur  ;  jambes  in- 
termédiaires terminées  par  deux  pointes. 

Les  Taons  étaient  bien  connus  des  anciens  et  l'origine  de  leur  nom 
se  perd  dans  une  antiquité  reculée.  Dans  la  France  centrale,  les  adultes 
commencent  à  paraître  au  mois  de  juin.  Ils  infestent  dès  lors  les  bois 
et  les  prairies  en  poursuivant  les  bestiaux  ;  ils  disparaissent  d'ordinaire 
à  la  fin  d'aoïit  ou  aux  premiers  jours  de  septembre,  alors  que  les  nuits 
plus  longues  commencent  à  fraîchir.  Ils  sont  surtout  les  ennemis  les 
plus  redoutables  des  Chevaux,  qui  succomberaient. souvent  à  la  fureur 
qu'ils  leur  causent,  sans  le  secours  de  leurs  crinières,  ou,  à  leur  défaut, 
des  housses  dont  nous  les  recouvrons.  Le  gibier  a  la  ressource  de  se 
réfugier  dans  les  buissons  ombreux  où  les  Mouches  ne  le  suivent  pas, 
car  elles  aiment  le  soleil  et  l'espace  libre.  Par  les  chaleurs  ardentes  du 
soleil  de  l'été,  un  curieux  spectacle  est  de  suivre  les  jeux  sauvages  des 
Taons  par  quelque  route  forestière.  On  entend  leurs  forts  bourdonne- 
ments, on  les  voit  paraître,  immobiles  pendant  quelques  secondes  en 
vol  stationnaire,  s'éclipsant  avec  la  rapidité  de  l'éclair,  pour  reparaître 
un  instant  après,  à  une  place  nouvelle,  faisant  comme  la  navette  en  des 
sens  opposés.  Ce  sont  les  mâles  qui  guettent  les  femelles  dans  ces  joutes 
aériennes,  cherchant  à  les  surprendre  et  à  les  saisir  pour  les  enlever  à 
une  hauteur  où  ils  échappent  au  regard.  La  présence  de  l'homme  rend 
les  Taons  très  farouches  ;  il  faut,  en  général,  qu'il  se  tienne  bien 
immobile  pour  que  les  femelles  se  posent  sur  lui.  Par  les  mauvais, 
temps,  elles  s'installent  sur  les  troncs  d'arbre,  mais  sans  se  laisser 
saisir,  et  parfois  sucent  la  sève  qui  s'échappe  des  chênes  malades. 

Une  des  plus  grosses  espèces  et  des  plus  répandues  est  le  Taon  des 
bœufs,  T.  bovinus  Linn.,  pi.  cvi,  fig.  1  a;  bouche,  1  h;  ici.,  vue  de 
protil,  1  c;  lèvre  inférieure  isolée,  1  dj  antenne.  C'est  un  de  nos  plus 
grands  Diptères,  sa  longueur  dépassant  27  millimètres  ;  il  a  les  antennes 
noires  à  base  blanchâtre,  les  palpes,  la  face  et  le  front  jaunâtres,  avec 
une  tache  et  une  ligne  noire  sur  le  front,  les  yeux  nus  et  se  touchant 
sur  le  vertex  chez  le  mâle,  le  thorax  à  poils  jaunâtres  et  bandes  noi- 
râtres, les  ailes  d'un  brun  grisâtre  avec  nervures  d'un  brun  jaunâtre, 


TABANUS  ,    PANGONIA.  981 

les  jambes  jaunâtres  à  extrémité  noirâtre,  l'abdomen  formé  de  sept 
segments,  ayant  pour  couleur  fondamentale  un  jaune  de  cire  foncé  et 
portant  sur  la  face  dorsale  des  taches  triangulaires  blanchâtres.  Le  Taon 
des  bœufs  éclôt  en  juin  et  vit  jusqu'en  août  ;  la  femelle  fécondée  pond 
ses  œufs  par  groupes  de  trois  à  quatre  cents  sur  les  tiges  herbacées  ;  ils 
éclosenl  au  bout  d'une  douzaine  de  jours.  Les  larves  à  douze  anneaux 
sont  grisâtres,  à  incisions  noirâtres  et  ressemblent  à  celles  des  Tipules 
terricoles,  vivant  comme  elles  en  colonies,  probablement  aux  dépens 
des  racines  des  herbes.  Leur  petite  tête,  au  sommet  de  la  région  anté- 
rieure qui  peut  s'effiler  beaucoup,  est  d'un  brun  luisant  et  porte  deux 
antennes,  des  palpes  et  de  petits  crochets  recourbés,  qui  leur  servent  à 
s'étayer  dans  la  marche  sous  terre,  ainsi  que  des  verrucosités  charnues 
situées  sur  les   côtes   du   ventre,    l'extrémité    caudale   épaisse  porte 
latéralement    deux  verrucosités   charnues  qui  représentent  les  stig- 
mates. Toujours  comme   des  larves  de  Tipulides,  cette  larve  hiverne 
en  terre  et  donne  en  mai,   après  une  dernière  mue,  une  nymphe  de 
27  millimètres    de    long,   de     couleur    grise,  à   organes    extérieurs 
apparents   et  emmaillotés.    Le    bord   postérieur  des   huit    anneaux 
de  l'abdomen  porte  des   franges  de  poils    grisâtres,    le  bord   posté- 
rieur du   dernier   est  armé    d'une    couronne   de    piquants    dont    la 
nymphe  se  sert  pour  arriver  à  la  surface  du  sol,  et  deux  tubercules,  à 
la  partie  antérieure,  portent  les  organes  respiratoires. 

Les  Tabanus  d'Europe  comptent  près  de  70  espèces.  Outre  T.  bovinus, 
on  peut  citer  une  espèce  beaucoup  plus  rare,  de  môme  taille,  le 
T.  gigas  Herbst,  Syn.  :  albipes  Fabr.,  noir,  les  yeux  de  la  femelle 
velus,  les  ailes  brunâtres,  à  base  jaunâtre,  le  thorax  et  les  deux  premiers 
segments  de  l'abdomen  à  poils  jaunâtres  et  toufTus,  les  jambes  d'un 
blanc  jaunâtre.  A  citer  des  espèces  communes  plus  petites,  T.  ater 
Rossi,  T.  autumnalis  Linn.,  T.  bromius  Linn.,  etc.  Nous  représentons 
une  forte  espèce  exotique,  T.  latus  G.  Mén.,  pi.  cvi,  fig.  1,  du  Chili, 
large  et  noir,  à  ailes  grisâtres,  le  tour  du  thorax  et  le  bout  de  l'abdomen 
bordés  de  fauve. 

PAIVCiomiA  Latr,  —  Face  convexe  ;  troisième  article  des  antennes  à  huit  divi- 
sions, dont  la  première  est  épaisse  et  la  dernière  plus  allongée  que  les  autres  ; 
trompe  menue  et  fort  longue,  lèvres  terminales  peu  distinctes  ;  première  cellule 
sous-marginale  des  ailes  appendiculée,  première  postérieure  ordinairement  fer- 
mée avant  l'extrémité.  Des  ocelles  dans  la  plupart  des  espèces,  manquant 
chez  certaines. 

Les  Pangonies  sont  de  grands  Tabaniens  des  régions  méridionales  de 
l'Europe,  au  nombre  d'une  douzaine  d'espèces  et  encore  plus  des 
régions  équatoriales.  Leurs  ailes  sont  souvent  grisâtres  ou  enfumées  : 
ex  :  P.  nigripennis  G.  Mén.,  du  Brésil,  pi.  cvi,  fig.  2.  Les  Pangonies 
passent  pour  plus  floricoles  que  les  Taons,  au  point  que  des  auteurs 


982  DIPTÈRES. 

ont  mis  en  doute  qu'elles  piquassent  les  animaux.' Mais  leurs  sévices  en 
ce  genre  paraissent  prouvés,  au  point  que  certaines  espèces  peuvent 
propager,  dit-on,  les  bactéridies  charbonneuses,  ce  que  ne  font  pas  les 
Tabanus,  qui  ne  sucent  pas  les  animaux  malades.  Voyez  une  notice 
publiée  sur  les  Pangonies  par  Macquart  {Ann.  Soc.  ent.  Pr.,  t.  VI, 
p.  629). 

CHRYi§OPS  Meigen.  —  Face  à  callosité  de  chaque  côté;  antennes  allongées,  à 
second  article  presque  aussi  long  que  le  premier,  tous  deux  velus,  troisième 
égalant  la  longueur  des  deux  premiers  réunis,  en  forme  d'alêne,  de  cinq  divi- 
sions, la  première  plus  longue  que  les  autres  et  paraissant  elle-même  divisée 
en  plusieurs  segments  ;  yeux  d'un  vert  doré,  à  taches  et  lignes  pourpres  ;  trois 
ocelles  bien  apparents  ;  ailes  fort  écartées  ;  jambes  postérieures  terminées  par 
des  pointes,  comme  les  intermédiaires. 

Rien  n'égale  le  magnifique  éclat  chatoyant  des  yeux  des  Chrysops, 
qui  brillent  comme  de  l'or  et  d'où  vient  le  nom  du  genre  ;  leurs  trois 
ocelles  bien  visibles  les  séparent  aussi  des  autres  Tabaniens.  Les  ailes 
ont  des  couleurs  ténébreuses  égayées  par  quelques  taches  transparentes, 
et  sont  à  demi  ouvertes  au  repos,  comme  chez  les  Tabanus.  Les  sexes 
ont  des  difTérences  notables,  qui  les  ont  fait  prendre  souvent  pour  des 
espèces  distinctes.  Il  y  a  en  Europe  une  quinzaine  d'espèces  de  Chrysops, 
vivant  du  nectar  des  fleurs  pendant  les  mois  de  mai  et  de  juin,  et  qui 
deviennent  importuns  et  sanguinaires  en  juillet  et  août,  sous  l'influence 
des  chaleurs  d'orage.  Au  lieu  de  tourner  bruyamment  autour  de  leurs 
victimes  comme  les  Taons,  les  Chrysops  s'approchent  en  silence  et  per- 
fidement des  animaux  et  de  l'homme,  dont  le  sang  semble  pour  eux 
un  véritable  régal.  Non  seulement  ils  se  posent  sur  les  parties  décou- 
vertes de  notre  peau,  quand  nous  traversons  les  forêts,  mais  aussi  sur 
les  vêtements,  qui  sont  souvent  traversés  par  les  lancettes  acérées,  qui 
percent  si  aisément  le  cuir  des  Bœufs  et  des  Chevaux.  L'espèce  de 
Chrysops  la  plus  commune  est  le  Taon  aveuglant,  C.  cœcutiens  Linn., 
ainsi  nommé  à  cause  de  sa  persistance  à  tourner  autour  de  sa  victime 
et  à  se  poser  sur  la  face  autour  des  yeux,  de  façon  à  l'étourdir  et  à 
l'obliger  de  fermer  les  yeux.  Il  mesure  8  millimètres  de  longueur:  le 
mâle  a  l'abdomen  noir,  la  base  à  tache  latérale  rousse,  tandis  que,  dans 
la  femelle,  la  base  est  jaune>Vdeux  lignes  obliques  noires;  les  antennes 
et  les  pattes  sont  noires.  Nous  représentons  une  espèce  exotique,  V.  cas- 
tatus  Fabr.,  de  la  Havane,  pi.  cvi,  fig.  3,  3  a;  tête  vue  en  dessus. 

HElIATOPOT.%  Meigen.  —  Trompe  suivant  l'axe  du  corps  chez  le  mâle,  très 
inclinée  chez  la  femelle  ;  face  à  ligne  enfoncée  de  chaque  côté,  velue  chez  le 
mâle;  front  large  et  saillant  chez  la  femelle';  antennes  allongées,  légèrement 
arquées,  le  premier  article  ordinairement  oblong,  épais  et  velu  dans  le  mâle, 
chez  la  femelle,  tantôt  étroit  et  conique,  tantôt   dilaté,  mais  toujours  glabre, 


HEMATOPOTA,    ACANTIIOMERA.  083 

dans  les  deux  sexes  le  troisième  en  alêne,  à  quatre  divisions  dont  la  première 
un  peu  plus  épaisse  et  aussi  longue  que  les  autres  réunies;  yeux  ovales;  pas 
d'oreilles;  ailes  couchées  en  toit  au  repos,  plus  ou  moins  rembrunies  ou  tache- 
tées, la  première  cellule  sous-marginale  appendiculée  ;  pas  d'épines  terminales  aux 
jambes  postérieures;  jambes  intermédiaires  terminées  par  deux  petites  pointes. 

Les  Hsematopotes  (buveuses  de  sang)  attaquent  l'homme  autant  que 
les  animaux  ;  elles  ne  comptent  que  quatre  espèces  distinctes  en 
Europe,  avec  beaucoup  de  variétés.  La  plus  commune,  répandue  par- 
tout, est  le  Taon  pluvial,  H.  pluviaUs  Linn.,  plus  grand  et  plus  élancé 
que  Chrijsops  cœcutiens,  a  ses  yeux  à  facettes  avec  des  reflets  pourpres 
et  ses  ailes  d'un  gris  noirâtre,  marbré  de  teintes  claires.  Le  corps  est 
d'un  brun  foncé  avec  des  marques  d'un  gris  clair  ;  sur  le  dos  elles  con- 
sistent en  vergetures  longitudinales  et  sur  l'abdomen  en  plusieurs  séries 
de  points  et  en  lignes  transversales  qui  suivent  les  plis  articulaires.  Le 
nom  spécifique  de  cette  Ha^matopote  provient  de  l'habitude  qu'elle 
présente  d'être  plus  importune  et  plus  sanguinaire  que  jamais  dans  les 
journées  brumeuses  et  chaudes  ou  lorsque  le  ciel  est  chargé  de 
menaces  d'orages.  C'est  alors  par  exemple  qu'une  vingtaine  de  ces 
insectes  s'assemblent  au-dessous  d'un  parapluie  ouvert  et  qu'il  devient 
fort  difficile  de  s'en  garantir,  l'un  ou  l'autre  trouvant  toujours  moyen 
d'atteindre  quelque  capillaire  sanguin  sous-cutané,  môme  à  travers  un 
vêtement.  Ils  s'acharnent,  dit-on,  avec  une  sorte  de  férocité  sur  les 
Rennes  de  la  Laponie,  au  point  que  ces  Ruminants  ont  parfois  la  peau 
entièrement  recouvertes  de  croûtes,  à  la  suite  des  piqûres  innombrables 
de  ces  Htcmatopotes. 

Nous  représentons  une  espèce  du  Portugal,  H.  lusitanica  G.  Mén. 
(pi.  cvi,  fig.  Ix.  h  a,  tête  dumdle  vue  en  dessus  ;  U  b,  id.,  de  la  femelle 
vue  de  profil,  U  c,  sa  bouche);  longueur,  13  millimètres,  antennes 
grises,  avec  le  premier  article  épais,  noir  et  luisant,  un  peu  plus 
longues  que  la  tête,  le  corselet  et  l'abdomen  noirs,  avec  quelques 
taches  soyeuses  cendrées  et  à  peine  visibles;  ailes  d'un  brun  foncé, 
couvertes  de  petites  taches  à  demi  transparentes  ;  pattes  noires  anne- 
lées  de  rougeâtre. 

Les  développements  du  Chrijsops  cœcutiens  et  de  VHematopota  plu- 
viaUs sont  analogues  à  ceux  du  Tahanus  ôoymws;  d'après  Fabricius,  la 
larve  de  YHematopota  vivrait  dans  les  fumiers. 

ACiti%'TIlOMER.%  Wied.  —  Troisième  article  des  antennes  long,  conique,  un 
peu  comprimé,  à  huit  divisions,  dont  la  dernière  est  la  plus  longue;  trompe  en- 
tièrement retirée  dans  la  bouche;  palpes  de  quatre  articles;  des  ocelles;  pattes 
grêles,  cuisses  postérieures  allongées,  un  peu  claviformes;  jambes  intermé- 
diaires munies  de  deux  petites  épines  à  leur  extrémité,  cuisses  postérieures 
avec  une  épine  en  dessous;  abdomen  très  large  et  déprimé,  les  trois  derniers 
segments  petits  et  formant  l'oviscapte. 


984  DIPTÈRES. 

Les  Acanthomères,  dont  le  nom  vient  des  cuisses  épineuses  des 
mâles,  sont  de  grands  Tabaniens  de  l'Amérique  méridionale.  Nous  re- 
présentons A.  ServilleiG^  Mén.,  pi.  cvii,  fig.  '2.2a,  tête  vue  de  face  ;  26, 
id.,  de  profil;  2  c,  palpe  très  grossie  du  Brésil,  les  antennes  d'un  jaune 
fauve,  les  yeux  d'un  noir  rougeiltre,  le  corselet  grisâtre  en  dessus,  avec 
trois  lignes  en  long  et  deux  taches  latérales  noirâtres,  l'écusson  d'un 
jaune  fauve,  l'abdomen  large  et  plat,  d'un  jaune  fauve  en  dessus,  avec 
taches  noires  sur  le  milieu  et  sur  les  côtés  des  segments. 


Tribu  des  STR^lTlOlllEMS. 


M.  E.  Blanchard  réunit  ces  insectes  aux  Tabaniens,  dont  ils  diffèrent 
réellement  beaucoup  par  leurs  mœurs  et  en  partie  par  leur  confor- 
mation et  surtout  leurs  larves  aquatiques  pour  la  plupart  des  genres. 
Ces  Diptères  volent  de  fleur  en  fleur,  surtout  sur  les  Ombellifères,  se 
nourrissant  de  nectar,  sont  répandus  dans  le  monde  entier,  bien  plus 
communs  toutefois  dans  les  régions  chaudes.  L'article  terminal  des 
antennes  un  peu  aplati  paraît  formé  de  cinq  anneaux;  les  yeux  à  fa- 
cettes des  mâles  se  touchent  sur  le  vertex. 

La  trompe  ou  lèvre  inférieure,  infléchie  et  rétractée  au  repos,  cache 
dans  son  intérieur  quatre  soies  seulement,  courtes  et  rudimentaires,  ne 
faisant  jamais  de  piqûres;  les  palpes  sont  le  plus  souvent  petites  et  for- 
mées de  deux  articles,  auxquels  s'en  ajoute  parfois  un  troisième  de 
forme  globuleuse.  Au  repos  les  ailes  reposent  à  plat  sur  le  corps,  dont 
elles  ne  peuvent  recouvrir  les  côtés,  à  cause  de  la  grande  largeur  de 
l'abdomen;  les  nervures  sont  pâles,  très  infléchies,  n'arrivant  pas  tout 
à  fait  jusqu'au  bord  alaire.  Certains  de  ces  Diptères  sont  appelés  Nota- 
canthes  (Mouches  armées  de  Réaumur),  à  cause  des  pointes  qui  termi- 
nent souvent  l'écusson  et  dont  la  destination  est  peut-être  de  faciliter 
la  sortie  de  Vinsecte  hors  de  l'enveloppe  nymphale.  Une  modification 
singulière  affecte  les  yeux  à  facettes,  qui,  dans  quelques  Stratiomes 
mâles,  ainsi  que  l'a  vu  Macquart  et  également  pour  les  Tabaniens, 
sont  beaucoup  plus  grandes  dans  la  partie  supérieure  que  dans  l'infé- 
rieure. 

STRATIOMYS  Geoffroy.  —  Premier  article  des  antennes  beaucoup  plus  long 
que  le  second,  le  troisième  long,  fusiforme,  à  cinq  petits  articles,  sans  style; 
trompe  fort  courte  et  comprimée,  palpes  de  trois  articles  ;  yeux  souvent  ornés 
d'un  arc  pourpre:  thorax  couvert  de  poils  dans  les  mâles,  d'un  léger  duvet 
dans  les  femelles  ;  écusson  armé  ;  nervures  postérieures  des  ailes  sinueuses  ; 
jambes  un  peu  renflées  au  milieu. 

Le  nom  de  genre  Stratiomys  veut  dire  :  Mouche  armée.  Il  comprend 


STRATIOMYS,    HERMETIA.  985 

une  quinzaine  d'espèces  d'Europe,  dont  la  plus  commune,  de  toute  la 
France,  rare  dans  le  Nord,  est  le  S.  chamœleon  Linn.,de  15  à  16  milli- 
mètres de  long,  le  thorax  brun,  l'abdomen  noir  à  bandes  jaunes  inter- 
rompues, jaune  en  dessous,  à  lignes  noires,  1  ecusson  jaune,  avec  une 
tache  triangulaire  noire  à  la  base  et  une  épine  qui  se  dresse,  des  mar- 
ques jaunes  aux  jambes  et  aux  cuisses.  Ces  Stratiomes  se  trouvent 
au  mois  de  mai  sur  les  fleurs  de  l'aubépine,  de  l'épine-vinette  et 
du  popuiage  d'eau  et  en  été  sur  les  diverses  plantes  aquatiques. 
Là,  les  femelles  effectuent  la  ponte  de  leurs  œufs,  en  faisant  saillir 
leur  tarière  ordinairement  rétractile  et  dissimulée  et  de  laquelle 
sort  un  chapelet  feutré  de  petits  grains  gris,  au  nombre  de  plusieurs 
centaines,  agglutinés  par  une  matière  gluante  verdâtre.  Les  larves  sont 
effilées  aux  deux  bouts,  d'un  gris  brunâtre  et  terreux,  tranchantes  sur 
les  côtés,  à  section  lenticulaire.  L'extrémité  caudale  offre  dans  sa  partie 
externe  un  conduit  aérien,  l'anus  s'ouvrant  plus  en  avant.  Une  cou- 
ronne de  cils  élégants  borde  cet  orifice  aérien.  Us  peuvent  s'écarter 
suivant  les  rayons  d'une  étoile  ou  se  refermer  en  se  touchant  de  leurs 
extrémités  courbes,  de  façon  à  circonscrire  une  cavité  sphéroïdale. 

Ces  larves  serpentent  dans  l'eau,  à  l'instar  de  celles  des  Cousins,  en 
se  tortillant  la  tête  en  bas,  l'extrémité  caudale  en  haut,  en  donnant  à 
leur  corps  la  forme  d'un  S  ou  d'un  C,  restant  souvent  suspendues  verti- 
calement par  leur  queue  étoilée  qui  s'étale  à  la  surface  de  l'eau.  Lors- 
qu'elles plongent,  cette  couronne  de  poils  reprend  la  forme  sphérique, 
emprisonnant  dans  sa  cavité  une  bulbe  d'air  à  reflet  argenté,  provision 
respiratoire  qui  permet  une  plus  longue  station  sous  l'eau.  La  tète, 
écailleuse  et  noire,  présente  deux  yeux  simples  et  porte  en  avant  une 
sorte  de  rostre,  auprès  duquel  se  meut  une  paire  d'organes  dentés  et 
ciliés,  servant  de  crochet  que  la  larve  implante  dans  la  vase  pour  pro- 
gresser, comme  les  Perroquets  qui  se  font  de  leur  bec  une  troisième 
patte.  Après  trois  mues,  elles  sortent  de  l'eau  et  s'abritent  sous  quel- 
que pierre  dans  la  terre  humide.  Elles  y  passent  l'hiver  engourdies, 
devenant  au  printemps  des  pupes  où  l'insecte  en  nymphe  n'occupe  que 
la  partie  antérieure  de  la  peau  de  larve,  la  pupe  ressemblant  à  une  larve 
raccourcie  et  recroquevillée.  Les  adultes  commencent  à  éclore  à  la  fin 
de  mai  et  se  montrent  qu  abondance  au  mois  de  juin.  Ces  métamorphoses 
ont  d'abord  été  étudiées  par  Swammerdam,  puis  par  Réaumur.  Nous 
représentons  une  espèce  des  environs  de  Philadelphie,  le  S.  flaviceps 
MacquartCpl.  cvii,  fig,  6.  6  a.  tête,  de  11  millimètres  de  long),  à  tête 
jaune  maculée  de  noir,  les  côtés  du  thorax  et  la  poitrine  jaunes,  à  taches 
noires,  l'écusson  jaune,  les  ailes  rembrunies,  les  pattes  jaunes,  à  cuisses 
noires,  les  segments  2,  3,  U  de  l'abdomen  à  tache  jaune  de  chaque 
côté,  l'extrémité  du  cinquième  jaune. 

HERMETIA  Latr.  —  Corps  allongé  ;  antennes  beaucoup  plus  longues   que  la 
tête,  le  premier  article   allongé,  un  peu  conique,  troisième  long,  très  com- 


986  DIPTÈRES. 

primé,  rétréci  au  milieu,  les  sept  premières  divisions  peu  distinctes,  subuli- 
formes,  formant  la  première  moitié  de  la  longueur,  la  huitième  élargie  au  mi- 
lieu; palpes  en  massue  sphérique;  écusson  mutique  ;  abdomen   étroit,  oblong. 

Ce  genre  exotique  est  des  régions  chaudes  des  deux  mondes.  Nous 
représentons  une  espèce  des  Indes  Orientales  et  de  Java,  H.  cingulatis 
G.  Mén.  (voy.  de  la  Coquille),  pi.  cvit,  fig.  1.  1  a,  son  antenne). 

RAPHIORHYUCHUS  Wied.  —  Face  formant  une  saillie  en  forme  de  bec 
crochi> dirigé  obliquement  vers  le  bas;  trompe  entièrement  retirée  dans  la 
bouche;  palpes  saillantes;  des  ocelles;  abdomen  déprimé,  de  cinq  segments 
apparents,  car  les  trois  derniers  articles  supplémentaires  sont  fort  petits. 

I/espèce  type  est  /?.  planiventris  Wied.,  du  Brésil  (pi.  cvn,  fig.  3, 
tête  vue  de  face  ;  3  b,  id.,  de  profil). 

RERl^  Latr.  —  Tête  épaisse  chez  le  mâle,  déprimée  chez  la  femelle;  les  deux 
premiers  articles  des  antennes  égaux,  le  troisième  allongé,  subuliforme,  divisé 
en  huit  segments,  le  huitième  conique;  trois  ocelles;  yeux  velus  chez  le  mâle  ; 
palpes  petites,  de  trois  articles;  écusson  à  quatre,  six  ou  huit  pointes  ;  abdomen 
de  sept  segments  distincts. 

Les  Béris  sont  des  petits  Diptères  assez  rares,  habitant  particulière- 
ment les  bois,  se  posant  sur  les  feuillages  et  sur  les  troncs  d'arbre  et 
qui  ont  le  thorax  bleu  ou  vert,  brillant  d'un  éclat  mélallique.  Nous  figu- 
rons pi.  cvii,  fig.  à,  une  tète  de  Beris. 

€TPlIOMYI.%  Wiedemann.  —  Corps  large,  bord  postérieur  de  la  tête  large  chez 
la  femelle  ;  antennes  plus  longues  que  la  tête,  à  troisième  article  long,  fili- 
forme, un  peu  comprimé,  à  huit  divisions;  yeux  assez  petits,  velus  dans  le 
mâle;  abdomen  plus  large  que  le  thorax,  presque  orbiculaire. 

Ces  Mouches  arquées  (élymolog.  du  nom  générique)  sont  ornées  de 
riches  couleurs  et  propres  à  l'Amérique  méridionale  chaude.  Nous 
représentons  une  espèce  du  Brésil,  C.  auriflamma  Wied.  (pi.  cvii, 
fig.  5;  5  a,  antenne,  de  11  à  13  millimètres  de  long),  d'un  violet  noir, 
le  thorax  à  bande  de  poils  dorés,  n'atteignant  pas  le  bord  postérieur, 
les  ailes  noires,  le  premier  article  des  tarses  blanchâtre. 

EPBIPPIUM  Latr.  —  Troisième  article  des  antennes  subulé,  à  cinq  divisions, 
avec  un  style  terminal  biarticulé,  court  mais  distinct  ;  front  étroit,  mais  non  li- 
néaire chez  le  mâle  ;  troisième  article  des  palpes  allongé  et  peu  renflé  ;  yeux 
velus;   écusson  armé  de  pointes;  abdomen  très  large. 

Le  nom  de  ce  genre,  qui  veut  dire  selle,  fait  allusion  à  l'espèce  de 


OXYCERA,  SARGUS,  CHRYSOCHLORA,  VAPPO.         987 

housse  qui  recouvre  le  thorax.  I/espèce  principale,  peu  commune  de 
France  et  d'Allemagne,  sur  les  troncs  des  vieux  chônes,  est  E.  thora- 
cicum  Latr.  (pi.  cvn,  fig.  7.  7  a,  tête,  de  11  à  13,5  millimètres),  noir,  le 
thorax  couvert  en  dessus  d'un  duvet  épais  d'un  rouge  sanguin,  l'écus- 
son  noir,  à  deux  pointes  épaisses,  velues  et  relevées,  les  ailes  d'un  brun 
noirâtre,  avec  une  pointe  à  la  base.  La  larve  vit  dans  les  vieux  arbres 
décomposés. 

OXYCERA  Meigen.  —  Troisième  article  des  antennes  ovale,  à  quatre  divisions, 
avec  style  en  soie,  de  deux  articles,  inséré  soit  à  l'extrémité,  soit  un  peu  avant 
l'extrémité  ;  yeux  du  mâle  velus. 

De  vingt  à  vingt-cinq  espèces  en  Europe,  de  petite  taille,  d'environ 
U  millimètres.  Une  des  plus  communes  est  0.  trilineala  Meigen  (pi.  cvn, 
tig.  8,  sa  trompe;  8  o,  antenne;  8  b,  aile). 

SARGUS  Fabr.  1  —  Corps  allongé;  tête  arrondie  en  avant  dans  le  mâle,  un  peu 
déprimée  dans  la  femelle  ;  des  palpes  ou  des  soies  insérées  à  la  base  de  la  lèvre 
supérieure  ;  front  uni,  séparant  les  yeux  ;  trois  ocelles  ;  troisième  article  des 
antennes  lenticulaire  ou  sphéroïde,  portant  un  style  latéral,  articulé  à  sa  base  ; 
écusson  mutique;  abdomen  allongé,  un  peu  rétréci  à  sa  base  ;  ailes  enfumées. 

Les  Sargues,  au  nombre  d'une  douzaine  d'espèces  en  Europe,  sont  de 
brillants  Diptères  verts  ou  cuivreux,  ayant  peu  de  vivacité  et  d'un  vol 
assez  pesant,  habitant  les  buissons  et  les  haies  depuis  le  mois  de  mai 
jusqu'au  mois  d'août.  Comme  on  ne  les  voit  pas  sur  les  fleurs  et  qu'ils 
ne  vivent  pas  de  proie,  il  est  probable  qu'ils  se  nourrissent  des  sucs 
répandus  sur  le  feuillage.  Leurs  larves  se  trouvent  dans  les  bouses  des 
vaches.  Elles  ont  la  tète  cornée,  le  corps  ovale,  allongé,  déprimé;  leur 
peau  sert  de  coque  aux  nymphes.  Nous  représentons  des  détails  du 
S.  bipunctatus  Scopoli  (pi.  cvji.  9,  tête  vue  de  profll  ;  9  a,  antenne 
9  6,  trompe);  des  environs  de  Paris. 

CHRTSOCllI^ORA  Lalr.  —  Corps  allongé;  troisième  article  des  antennes  co- 
nique, allongé,  comprimé,  de  six  divisions,  style  terminal,  allongé;  front  à  sil- 
lon longitudinal  chez  la  femelle,  la  partie  antérieure  saillante;  écusson  mu- 
tique ;  abdomen  oblong,  allongé. 

Parmi  ces  Diptères  exotiques  des  deux  mondes  et  de  couleurs  dorées, 
nous  figurons  C.  hirticornis  Wiedemann  (pi.  cvii,  fig.  10),  du  Brésil, 
noir,  la  tète  et  les  antennes  jaunes,  les  ailes  noirâtres,  les  pattes  jaunes, 
l'abdomen  à  base  et  bande  dorsale  jaunes. 

TAPPO  Lalr.  Syn.   :  Pachvgaster  Meigen.  —  Antennes  à   premier   et  second 


988  DIPTÈRES. 

articles  courts  et  larges,  le  troisième  ovalaire,  terminé  par  le  style  capillaire, 
écusson  mutique  ;  abdomen  beaucoup  plus  large  que  le  thorax,  à  segments 
peu  distincts,  avec  tarière  de  la  femelle  courte  et  saillante. 

Le  type,  peu  commun  en  France,  est  le  F.  ater  Fabr.,  à  corps  noir, 
avec  la  trompe,  les  jambes  et  les  tarses  jaunâtres,  long  de  U  millimètres 
(pi.  cvii,  fig.  11,  son  antenne  ;  11  a,  sa  bouche). 

DirR.%IVOPHOR;%  Macquart.  —  Corps  allongé  ;  troisième  article  des  antennes 
lenticulaire,  de  quatre  divisions,  style  terminal  ;  écusson  terminé  par  un  appen- 
dice long,  s'élevant  obliquement  à  sa  base,  prenant  ensuite  une  direction  hori- 
zontale, puis  se  relevant  encore  en  s'arrondissant  vers  l'extrémité  qui  se  divise 
en  deux  pointes;  cuisses  postérieures  armées  de  plusieurs  dents. 

Ce  genre,  voisin  des  Sargus,  mais  si  curieux  par  la  fourche  que  porte 
l'écusson,  est  du  Brésil.  Nous  représentons  D.  furcifera  Wiedemann,  de 
9  à  10  millimètres  (pi.  cvn,  fig.  12.  12  a,  tôle  vue  en  dessus),  à  corps 
noir  varié  de  vert,  les  appendices  jaunes,  les  ailes  un  peu  enfumées. 


Tribu  des  ASILIEMS. 

Les  Asiliens  sont  des  Diptères  de  proie,  mais  qui  recherchent  le  sang 
des  Insectes  et  non  celui  des  Mammifères.  Us  ont  le  corps  généralement 
allongé  et  grêle,  les  pattes  puissantes  pouvant  se  fixer  sur  la  proie 
qu'elles  cramponnent  et  qui  est  parfois  un  sujet  de  la  même  espèce  que 
l'agresseur,  au  moyen  de  deux  lobules  compris  entre  les  crochets.  La 
trompe  est  recouverte  d'une  épaisse  moustache,  particularité  propre  à 
cette  tribu,  ainsi  que  l'enfoncement  de  la  partie  supérieure  de  la  tête. 
La  trompe,  courte  et  pointue,  s'avance  hors  de  la  bouche  en  direction 
variée,  le  plus  souvent  dans  l'axe  du  corps  :  on  y  trouve  un  labre  ou 
épipharynx  rudimentaire,  à  extrémité  mousse,  un  hypopharynx  très 
aigu  et  très  allongé,  entouré  d'une  paire  de  mâchoires  à  extrémité 
mousse,  supportant  chacune  une  palpe  formée  d'un  ou  de  deux  articles, 
le  tout  engainé  dans  la  lèvre  inférieure.  Les  yeux,  généralement  à  fleur 
de  tête,  sont  séparés  dans  les  deux  sexes  par  un  sillon  sur  le  vertex,  ce 
qui  fait  paraître  la  tête  courte  et  large.  Les  trois  ocelles  sont  très  rap- 
prochés et  souvent  placés  sur  une  éminence.  Les  ailes  sont,  au  repos, 
aplaties  sur  le  dos;  elles  ont  une  troisième  nervure  longitudinale 
bifurquée,  une  cellule  médiane,  deux  ou  trois  cellules  sous-marginales 
et  cinq  cellules  marginales  postérieures.  Les  balanciers  se  montrent 
à  découvert,  en  raison  de  la  petitesse  des  cuillerons.  L'abdomen  est 
formé  de  huit  segments,  dont  le  dernier  laisse  apercevoir  la  tarière  de 
la  femelle  ou  les  organes  génitaux  mâles. 


LAPHRIA,    OMMATIUS.  989 

Un  cerlain  nombre  de  ces  Mouches  de  proie  fréquentent  les  bois  et 
les  lieux  les  plus  secs;  elles  volent  surtout  lorsque  le  soleil  est  ardent 
et  saisissent  les  Insectes  au  vol  au  moyen  de  leurs  pattes  antérieures, 
sans  s'inquiéter  de  leur  force  et  de  leur  taille,  et  l'enveloppe  coriace 
des  Coléoptères  n'est  pas  même  une  armure  suffisante  contre  les  efforts 
de  leur  trompe.  Dans  ce  groupe  de  déprédateurs  (Asilides)  la  seconde 
nervure  longitudinale  s'abouche  dans  la  première  et  la  cellule  margi- 
nale est  close  {Laphria,  Ommatius,  Asilus,  etc.).  Le  second  groupe  d'Asi- 
lides  voltige  plus  péniblement,  parmi  les  fleurs  ou  les  brins  d'herbe, 
où  il  ne  recueille  que  des  proies  plus  faibles  et  chétives  {Dioctria,  Da- 
sypogun,  etc.).  La  seconde  nervure  longitudinale  aboutit  au  bord  alaire 
et  la  cellule  marginale  est  ouverte. 

On  ne  connaît  encore  les  larves  des  Asiliens  que  chez  un  petit  nombre 
d'espèces.  Elles  vivent  dans  la  terre,  à  peu  de  profondeur,  principale- 
ment dans  le  sable  humide,  dans  les  racines  ou  dans  le  bois  mort 
qu'elles  rongent.  Elles  ont  une  forme  aplatie  et  étirée,  et  présentent 
une  tête  bien  nette,  offrant  des  stigmates  aériens  en  avant  et  en  arrière. 
La  nymphe  est  nue  et  non  dans  une  pupe,  et  se  forme  après  une  der- 
nière mue  de  la  larve. 

LAPHRIA  Meigeu.  —  Troisième  article  des  antennes  oblong  et  obtus  sans  style 
ni  soie  ;  une  épaisse  moustache  de  poils  s'élevant  jusqu'aux  antennes  ;  qua- 
trième cellule  postérieure  des  ailes  fermée  ;  cuisses  souvent  renflées,  jambes 
arquées  ;  appareil  copulateur  mâle  saillant  et  recouvert  de  deux  grandes  lames 
écailleuses;    abdomen  un   peu  aplati,  à  poils  bariolés,  partout  d'égale  largeur. 

Les  Laphrics  comptent  au  moins  une  trentaine  d'espèces  en  Europe 
et  s'étendent  jusqu'aux  régions  boréales.  Elles  s'appliquent  volontiers 
contre  le  tronc  des  arbres,  la  tète  en  bas  et  les  pattes  couvertes  de  poils 
largement  étendues  ;  dans  cette  attitude  en  plein  soleil,  elles  dévorent 
les  victimes  capturées  au  vol.  Si  on  s'approche,  elles  s'envolent  en  fai- 
sant entendre  un  puissant  bourdonnement.  Nous  représentons  les  dé- 
tails de  L.  maryinata  Linn.,  de  toute  l'Europe  (pi.  cvni,fig.  2,  tête  vue  de 
profil;  2a,  antenne;  2  b,  bouche;  2  c,  extrémité  d'un  tarse),  et  une 
espèce  du  Bengale,  L.  hirticornis  G.  Mén.  (pi.  cvni,  fig.  1),  de  13  milli 
mètres,  la  tète,  le  corselet  et  la  base  de  l'abdomen  garnis  de  longs  poils 
jaunes,  les  segments  abdominaux  largement  bordés  d'un  duvet  gris 
jaunâtre. 

©JMMATIHJS  Wiedemann.  — Troisième  article  des  antennes  ovalo-conique,  style 
long,  sétacé,  garni  de  barbes  allongées  en  dessous  seulement;  ocelles  insérés, 
sur  une  élévation  du  front  ;  quatrième  cellule  postérieure  des  ailes  fermée  et 
pétiolée  ;  abdomen  déprimé,  quelquefois  rétréci  à  la  base. 

Ce  genre  comprend  des  espèces  des  régions  chaudes  des  deux  mondes. 


DIPTÈRES. 

Nous  représentons,  pL  cviii,  fig.  3  0.  conopsoides  Wied.;  3  a,  son  antenne 
noire,  à  duvet  grisâtre,  les  ailes  jaunâtres,  les  cuisses  postérieures  ren- 
flées, les  jambes  fauves,  les  segments  2,  3  et  Zi  de  l'abdomen  renflés, 
les  suivants  élargis,  formant  massue.  Distribution  géographique  très 
étendue,  de  Sumatra  d'après  Wiedemann,  du  Sénégal  dans  la  collection 
Macquart. 

ASIU'S  Linn.  —  Premier  article  des  antennes  un  peu  allongé,  troisième  long, 
subulé,  comprimé,  terminé  par  un  style  sétacé,  un  peu  allongé,  de  deux  artieies, 
le  premier  bien  plus  court  que  le  second  ;  une  cellule  marginale  close  à  l'aile, 
deux  cellules  sous-marginales  ;  pas  d'épines  terminales  aux  jambes  intermé- 
diaires ;  abdomen  allongé,  rétréci  postérieurement,  portant  un  grand  organe 
copulateur  chez  le  mâle,  une  tarière  comprimée,  bivalve  chez  la  femelle. 

On  peut  dire  que  les  Asiles  sont  des  protecteurs  de  l'agriculture,  tant 
ils  détruisent  d'Insectes  nuisibles  dans  leurs  chasses.  On  en  connaît 
plusieurs  centaines  d'espèces  dans  le  monde  entier,  dont  une  centaine  en 
Europe,  divisées  en  nombreux  sous-genres.  Partout  les  Asiles  guettent 
leur  proie,  sur  les  buissons,  sur  les  routes  et  les  sentiers,  sur  les  pentes 
sablonneuses,  sur  les  troncs  d'arbre.  Ils  s'élancent  au  vol  sur  leurs 
victimes,  qu'ils  dévorent  maintenues  captives  entre  leurs  pattes  anté- 
rieures, et  les  mâles,  comme  chez  les  Araignées  et  les  Mantes,  sont  par- 
oifs  exposés  à  la  voracité  des  femelles.  En  général,  leur  vestilure  est  unie 
et  d'un  gris  brunâtre,  ce  qui  rend  fort  difficile  la  distinction  de  beau- 
coup d'espèces.  Nous  représentons  une  antenne  de  1'^.  germanicus 
Meigen,  pi.  cvni,  tîg.  à,  espèce  de  Flandre  et  d'Allemagne,  de  18  milli- 
mètres de  long,  la  moustache  noire  en  dessus,  ferrugineuse  en  dessous, 
ainsi  que  la  barbe,  le  thorax  d'un  gris  jaunâtre,  les  ailes  grises  avec  la 
moitié  antérieure  blanche  dans  le  mâle,  les  cuisses  noires,  les  jambes 
et  tarses  fauves,  l'abdomen  noir,  à  reflets  bleus  chez  le  mâle,  bruns 
chez  la  femelle.  L'espèce  la  plus  remarquable  est  A.  crahroniformis 
Linn.  ou  Asile  Frelon,  dont  la  longueur  varie  entre  15  millimètres  chez 
le  mâle  et  24  chez  la  femelle.  Sur  la  tête,  sur  les  saillies  du  thorax,  sur 
quelques  vergetures  dorsales,  sur  les  pattes  à  partir  des  cuisses  et  sur 
les  derniers  anneaux  de  l'abdomen,  la  teinte  fondamentale  est  d'un 
jaune  pur;  sur  la  base  de  l'abdomen  elle  devient  d'un  noir  velouté  et 
brunâtre.  Les  ailes,  d'un  jaune  de  rouille,  portent  aussi  quelques  taches 
plus  sombres  vers  la  pointe  et  le  bord  postérieur.  Cet  Asile  se  rencontre 
fréquemment  en  juillet  et  août  au  milieu  des  guérets,  s'envolant  sous 
nos  pas  avec  un  assez  fort  bourdonnement,  et,  rasant  le  sol,  se  pose 
bientôt  sur  une  motte  de  terre  ou  sur  quelque  chaume.  Il  se  repose 
volontiers,  le  soir,  sur  les  troncs  d'arbre  ou  sur  les  buissons,  au  bord 
des  prés,  les  crochets  rapprochés,  les  pattes  étendues  et  raides,  la 
pointe  abdominale  retraitée,  les  ailes  à  plat  sur  le  dos.  Signalons,  dans 
les  Asiles  d'un  gris  cendré  ou  grisâtre  A.trigonus,  Meigen,  de  13,5  milli- 


DASYPOGON.  991 

mètres  et  A.  forcipatus,  Linn.,  de  15,5  millimètres,  de  toute  l'Europe. 
La  larve  de  cet  Asile  à  tenailles,  observée  par  de  Géer,  ressemble  à 
celles  des  Taons  et  vit  comme  elles  en  terre,  allongée,  cylindrique, 
glabre,  à  t6te  cornée  armée  de  deux  crochets;  la  nymphe  est  nue,  ter- 
minée en  pointe,  à  tète  munie  de  pointes,  à  cornes  stigmatiques  sur 
le  thorax. 

DASYPOGOM  Meigen.  —  Les  deux  premiers  articles  des  antennes  courts,  à 
peu  près  égaux,  troisième  allongé,  comprimé,  un  peu  fusiformc,  style  court, 
menu,  conique,  souvent  de  deux  articles  distincts;  trompe  un  peu  renflée  au 
milieu  ;  moustache  épaisse  et  raide  ;  jambes  antérieures  à  forts  croctiets  termi- 
naux, parfois  munies  d'une  pointe  à  l'extrémité  ;  abdomen  cylindrique  ou 
déprimé,  obtus,  les  organes  copulateùrs  du  mâle  cachés,  l'anus  garni  d'un  rang 
de  pointes  chez  la  femelle. 

Les  Dasypogons  comptent  de  douze  à  quinze  espèces  en  Europe,  Une 
des  principales  est  le  D.  teutonus  Linn.  (pi.  cvin,  fig.  5,  son  antenne,  de 
IZi  à  20  millimètres  de  long  suivant  le  sexe,  d'un  noir  luisant),  les 
jambes,  les  cuisses  et  les  antennes  d"un  rouge  de  rouille,  le  dos  du 
thorax  vergeté  de  brun  et  les  côtés  d'un  jaune  de  laiton,  les  ailes 
troubles  et  d'un  gris  jaunâtre,  l'abdomen,  plus  aplati  chez  la  femelle, 
plus  cylindrique  chez  le  mâle,  marqué  de  taches  d'un  blanc  d'argent. 
Macquart  dit  ce  Diptère  assez  commun  dans  le  midi  de  l'Europe;  je  l'ai 
trouvé  au  mois  de  juin  dans  les  plus  grands  bois  des  environs  de  Paris 
dévorant  des  Charançons  fréquents  à  cette  époque. 

Les  Empides  forment  une  famille  naturelle  bien  distincte,  à  espèces 
toutefois  assez  peu  homogènes.  Le  corps  est  nu  et  élancé  et  les  pattes 
allongées  ;  la  tôte  petite,  presque  sphérique  et  bien  isolée  du  thorax, 
porte  une  trompe  effilée,  un  peu  en  apparence  de  bec  d'oiseau,  surtout 
dans  les  Ramphomyta,  et  le  labre  qui  la  recouvre,  plus  large  que  dans 
les  autres  Diptères,  en  représente  assez  bien  la  mandibule  supérieure. 
L'abdomen  se  termine  chez  la  femelle  par  une  pointe  et  chez  le  mâle 
par  divers  appendices  saillants.  Les  antennes  ont  le  style  terminal  et  les 
yeux  occupent  presque  toute  la  tète  dans  les  mâles.  Les  pattes  anté- 
rieures ont  souvent  des  courbures,  des  tarses  agrandis,  des  écailles  em- 
pennées; on  y  reconnaît  des  organes  de  rapine.  Les  Empides  vivent  de 
proie  comme  les  Asilides  ;  mais  le  nectar  des  fleurs  leur  sert  aussi  de 
nourriture,  surtout  aux  mâles.  Certaines  espèces  visitent  volontiers  les 
fleurs  en  ombelles  ou  en  capitules,  ainsi  les  Chardons,  les  Centau- 
rées, etc.,  et  en  sortent  parfois  couvertes  de  pollen  au  point  de  devenir 
méconnaissables.  La  plupart  sont  spéciales  aux  régions  froides  et  aux 
montagnes,  apparaissant  soit  au  début  du  printemps,  soit  seulement  en 
automne.  Elles  se  réunissent  en  troupes  nombreuses  pour  les  préludes 
d'accouplement,  soit  pendant  le  jour,  soit  dans  la  soirée  à  la  façon  des 
Cousins.  Les  proies  beaucoup  plus  petites   que  les  ravisseurs,  qui  n'ont 


992  DIPTÈRES. 

pas  l'audace  des  Asilides,  sont  saisies  le  plus  souvent  au  vol,  parfois  à 
la  course.  Les  Erapides  après  leurs  évolutions  tourbillonnantes  s'abat- 
tent sur  les  buissons  et  s'accouplent,  les  femelles  étant  presque  toujours 
occupées  en  même  temps  à  sucer  quelque  petit  Insecte.  On  connaît 
encore  peu  de  larves  de  cette  famille;  elles  vivent  en  terre  et  ont  des 
étranglements  entre  les  anneaux.  Les  nymphes  sont  nues,  comme  celles 
des  Asilides,  avec  empreintes  de  la  trompe,-  des  ailes  et  des  pattes  de 
l'adulte. 

mitON  Meigen.  —  Antennes  de  deux  articles  distincts,  le  dernier  ovale- 
conique,  le  style  terminal;  trompe  dépassant  la  tête;  thorax  très  renflé,  comme 
bossu  en  dessus  ;  cuisses  postérieures  épaisses  et  épineuses. 

Une  demi-douzaine  d'espèces  en  Europe,  de  petite  taille.  Ex.  :  E.  fe- 
moratus  MûUer,  syn.  :  flavipes  Fabr.,  Meig.,  pi.  cvin,  fig.  6,  à  ailes 
hyalines,  le  thorax  <à  reflets  blanchâtres  vers  l'extrémité,  les  pattes 
jaunes,  les  cuisses  et  les  jambes  postérieures  noirâtres. 

RillMPHOMYIA^  Meigen.  —  Troisième  article  des  antennes  conique,  com- 
primé, style  court;  trompe  plus  longue  que  la  tète,  palpes  relevées  ;  une  cellule 
sous-marginale  aux  ailes,  quatre  postérieures. 

Les  Ramphomyia  (Mouche  à  bec)  ont  plus  de  cent  espèces  en  Europe. 
Nous  représentons  parmi  elles  B.  pennata  Macquart,  pi.  cviii,  fig.  7. 
7  a,  tète  vue  de  profil;  7  b,  antenne  ;  7  c,  bouche;  7  d,  jambe  et  tarse 
antérieur.  Cette  espèce,  assez  commune  dans  les  bois  au  mois  de  mai, 
longue  de  5  millimètres,  a  la  tête  d'un  cendré  noirâtre,  le  thorax  cen- 
dré avec  trois  bandes  noires,  les  ailes  à  base  jaunâtre  chez  le  mâle,  un 
peu  brunâtres  chez  la  femelle,  les  pattes  ferrugineuses,  les  cuisses 
postérieures  munies  de  soies  en  dessous  et  terminées  par  deux  touffes 
de  barbes  noires  chez  le  mâle,  les  cuisses,  les  jambes  postérieures  et 
intermédiaires  garnies  de  barbes  noires  chez  la  femelle. 

TACHYDROMYIA  Meigen.  —  Antennes  de  deux  articles  distincts,  dernier 
elliptique,  aplati,  style  allongé,  velu;  trompe  plus  courte  que  la  tête,  palpes 
couchées;  point  de  cellules  discoïdale  aux  ailes,  une  sous-martingale  et  trois 
postérieures;  cuisses  antérieures  épaisses. 

Une  vingtaine  d'espèces  en  Europe  :  à  citer  T.  arrogans  Linn., 
pi.  cvui,  fig.  8,  femelle,  8  a,  tête  vue  de  face;  8  h,  id.  de  profil;  8  c, 
bouche;  8  d,  jambe  et  tarse  antérieurs,  les  antennes  à  base  jaune,  les 
ailes  hyalines,  à  deux  bandes  brunâtres,  pâles  chez  le  mâle,  le  corps 
d'un  noir  luisant,  les  pattes  jaunes,  tarses  à  articulations  noires,  cuisses 
antérieures  un  peu  renflées,  jambes  antérieures  ciliées,  taille  3  milli- 
mètres. 


PANOPs,  u<;(:oi)b;s.  -lOlS 

Les  Vésiculeux  nous  présentent  une  trompe  tantôt  longue  et  diriyée 
sous  le  corps,  tantôt  au  contraire  très  peu  apparente.  Les  yeux  tantôt 
nus,  tantôt  poilus,  occupent  presque  toute  la  tète,  le  thorax  est  fort 
élevé,  les  ailes  écartées,  inclinées  en  toit,  l'abdomen  fort  épais,  translu- 
cide, de  cinq  segments  distincts,  les  tarses  munis  de  trois  pelotes.  La 
tète  est  très  petite,  au  point  parfois  de  sembler  absente.  Ces  Diptères 
vivent  du  suc  des  fleurs,  voltigeant  à  l'entour  sur  les  coteaux,  à  l'ardeur 
du  soleil,  en  faisant  entendre  un  léger  bourdonnement. 

l».MroP.§>  Lamarciv.  —  Tète  sphémide  et  bien  distincte;  trompe  plus  longue 
que  le  corps,  sa  base  engaiiiéc  dans  un  demi-tube,  les  palpes  petits,  filiformes, 
de  deux  articles  peu  dis'iacts;  yeux  velus  et  occupant  toute  la  tèt'î  :  ocelles 
existants  ou  nuls;  antennes  insérées  près  de  la  base  de  la  trompe,  les  deux 
premiers  articles  courts,  le  troisième  allongé  et  comprimé,  pas  de  style;  cuille- 
rons  grands  ;  ailes  écartées,  avec  deux  cellules  sous-marginales,  cinq  posté- 
rieures, une  anale. 

Les  Panops  sont  des  Diptères  exotiques  de  l'Amérique  méridionale  et 
de  l'Australie.  Nous  représentons  une  espèce  à  trois  ocelles,  du  Brésil, 
le  P.  ocelliger,  femelle,  Wiedemann,  pi.  r.viii,  fig.  9,  0  a,  antenne;  9  b, 
aile;  9  c,  l'insecte  vu  de  profil,  de  6,5  à  9  njillimètres,  cuivreux,  les 
antennes  noires,  le  thorax  à  poils  gris,  les  ailes  hyalines  chez  le  mâle, 
rembrunies  chez  la  femelle,  les  pattes  jaunes  avec  les  hanches  noires, 
l'abdomen  à  poils  jaunes. 

OUVOnR*^  Latr.  —  Tête  très  petite  et  arrondie  ;  antennes  insérées  au  bas  de 
la  tête,  très  petites,  de  deux  articles,  premier  tuberculiforme,  dernier  ovalaire, 
style  allongé,  un  peu  élargi  à  l'extrémité  ;  pas  de  trompe  apparente  ;  yeux  nus; 
une  cellule  discoïdale  aux  ailes,  une  marginale,  une  sous-marginale,  quatre 
postérieures  incomplètes  ;  thorax  et  abdomen  très  renflés,  ce  dernier  débordant 
beaucoup  le  thorax. 

Ce  singulier  genre,  comme  tuméfié,  a  huit  à  dix  espèces  en  Europe, 
parmi  lesquelles  nous  en  figurons  une  assez  rare,  0.  giblosus  FJnn.. 
pi.  r.vni,  fig.  10,  1  a,  tète  vue  de  face;  10  b,  son  suçoir;  10c,  tarse  an- 
térieur, de  Zi,5  à  9  millimètres  de  long,  noir,  les  pattes  d'un  fauve 
pâle,  les  cuisses  noires,  l'abdomen  translucide  et  blanchâtre,  avec  le 
bord  antérieur  des  segments  noirs. 

On  peut  ranger  dans  les  Asiliens  la  famille  des  Midasides,  compre- 
nant les  plus  grands  Diptères  connus,  dont  certaines  espèces  atteignent 
Zi5  millimètres  de  longueur.  Ils  vivent  de  proie,  attaquent  avec  violence 
les  autres  Insectes,  même  les  plus  redoutables,  les  serrant  de  leurs 
pattes  antérieures  robustes  et  en  faisant  leur  pâture.  Parmi  les  espèces 
connues  on  n'en  compte  que  trois  dans  l'extrême  midi  de  l'Kurope, 
dont  la  première,  Midas  Lusitaniens  Meigen,  a  été  découverte  en  Por- 

GIR\RD.  ni    —  63 


lOU  mi'TÈKliS. 

lugal  par  le  comte  de  Hoffmansegg,  d'autres  dans  l'Amérique  méridio- 
nale, d'autres  en  Egypte  et  au  Cap  de  Bonne-Espérance  (genre  Cepha- 
locera).  Une  espèce,  Midas  fulviventris  L.  Dufour,  est  d'Espagne,  une 
autre,  M.  ruftpes  Westwood,  est  de  Sicile. 

Les  Midasides  ont  le  front  enfoncé  et  la  face  convexe  couverte  de 
longues  soies  ;  les  antennes  sont,  le  plus  souvent,  beaucoup  plus  lon- 
gues que  la  tête,  de  cinq  articles  distincts,  troisième  très  long,  qua- 
trième moins  long,  cinquième  en  massue,  excavé  à  l'extrémité.  Trompe 
ordinairement  courte,  lèvres  terminales,  triangulaires,  comprimées, 
palpes  très  petits,  subulés  ;  pas  d'ocelles  ;  cellule  médiasline  des  ailes 
assez  large,  marginale  et  sous-marginales  fermées,  quatre  postérieures; 
cuisses  postérieures  fortes,  ordinairement  garnies  de  petites  pointes. 

MlUAi^  Westwood.  —  Antennes  le  plus  souvent  longues  ;  trompe  courte,  lèvres 
terminales  triangulaires,  comprimées. 

D'après  les  antennes,  ce  genre  tire  son  nom  du  roi  Midas,  aux  lon- 
gues oreilles.  Nous  représentons  pi.  cvi,  fig.  5,  le  M.  bonariensis,  de  la 
République  Argentine,  très  grande  espèce  de  30  à  35  millimètres  de 
long,  d'un  noir  bleu,  à  ailes  brunâtres. 

CEPHAIiOCERA  Latr.  —  Antennes  en  forme  de  tête  ;  trompe  en  forme  de 
siphon,  longue  et  avancée. 

Est  figurée,  pi.  cvi,  fig.  6,  l'antenne  de  C.  longirostris  Wiedemann, 
espèce  du  Cap,  de  15  millimètres  de  long,  à  abdomen  du  mâle  très 
grêle,  à  incisions  blanches,  large  et  à  incisions  jaunes  chez  la  femelle. 

La  famille  des  Bombylides  présente  la  tête  plus  basse  et  plus  étroite 
que  le  thorax,  les  antennes  souvent  allongées,  rapprochées,  style  ordi- 
nairement court,  quelquefois  nul;  trompe  ordinairement  menue, 
longue  et  dirigée  en  avant,  lèvre  supérieure  allongée,  palpes  d'un  seul 
article  distinct  ;  thorax  convexe,  élevé  ;  ailes  ordinairement  écartées 
au  repos,  ayant,  le  plus  souvent,  quatre  cellules  postérieures  ;  pattes 
menues. 

TOXOPHORA  Wiedemann.  —  Premier  article  des  antennes  plus  long  que  les 
autres,  second  allongé,  troisième  conique,  avec  un  style  terminal  peu  distinct  ; 
trompe  une  lois  plus  longue  que  la  tête,  arquée,  palpes  menus,  aigus,  arqués; 
thorax  élevé  ;  trois  cellules  sous-marginales  aux  ailes  ;  abdomen  étroit,  obtusé- 
ment  conique,  incliné. 

En  Europe  une  seule  espèce  très  rare  du  midi  de  la  France,  T.  ma- 
culata  Westw.,  les  autres  exotiques,  parmi  lesquelles  nous  représen- 
tons T.  amerimna  Aud.  Serv.,  pi.  <;ix,  fig.  1,  la  tète  vue  en  dessus,  de 
l'Amérique  du  Nord. 


USIA,    PHTIRIA,    BOMBYLIUS.  1015 

l'SIA  Latr.  —  Troisième  article  des  antennes  fusiforme,  terminé  par  un  style 
épais  ;  trompe  flexible,  plus  longue  que  la  tète  ;  ouverture  buccale  s'étendant 
jusqu'à  la  base  des  antennes,  palpes  indistincts  ;  yeux  séparés  dans  les  deux 
sexes;  trois  cellules  postérieures  aux  ailes;  pattes  velues  ;  abdomen  large. 

Une  dizaine  d'espèces  de  l'Europe  méridionale,  volant  sur  les  fleurs. 
Nous  représentons  une  espèce  de  la  France  méridionale  et  de  Barbarie, 
U.  (pnea  Meigen,  pi.  cix,  fig,  2,  2«,  antenne,  de  5  à  0,5  millimètres, 
d'un  vert  métallique  obscur,  le  thorax  à  reflets  bleus,  les  ailes  rem- 
brunies à  la  côte  dans  les  deux  sexes,  les  balanciers  jaunes,  les  pattes 
noires,  les  segments  de  l'abdomen  à  impressions  latérales. 

PHTIRIA  Meigen.  —  Tête  spliéroïde  et  allongée  ;  troisième  article  des  anten- 
nes allongé,  fusiforme,  comprimé,  à  style  peu  distinct  ;  trompe  de  la  longueur 
de  la  tête  et  du  thorax  réunis,  palpes  en  massue  ;  ailes  à  cellule  anale  fermée  ; 
abdomen  allongé,  cylindroïde. 

Une  douzaine  d'espèces  en  Europe.  Nous  représentons  une  espèce 
de  toute  l'Europe,  assez  rare,  P.  pulicaria  Mikan,  mâle,  pi.  cix,  fig.  3, 
3  a,  tête  vue  de  profil;  3  6,  bouche,  de  3  millimètres  de  long,  à  yeux 
énormes,  accolés,  d'un  brun  rougeâtre,  le  corps  noir,  à  poils  blan- 
châtres, l'écusson  bordé  de  jaunâtre,  les  ailes  irisées  et  bleuâtres  chez 
le  mâle,  hyalines  chez  la  femelle. 

BOMBYIillI^  Linn.  —  Face  proéminente  et  velue  ;  antennes  rapprochées,  à 
premier  article  allongé,  velu,  troisième  plus  allongé,  subulé,  comprimé,  style  de 
trois  articles  peu  distincts,  parfois  nul  ;  trompe  à  peu  près  de  la  longueur  du 
corps,  à  base  saillante  et  épaisse,  en  forme  de  tube,  dans  la  direction  du  corps, 
palpes  cylindriques  ;  ailes  étroites,  à  première  cellule  postérieure  fermée  ;  ab- 
domen large  ;  corps  ramassé,  à  face  dorsale  revêtue  de  poils  serrés  extrêmement 
caducs,  souvent  d'une  teinte  jaunâtre  ou  grisâtre. 

Les  Bombyles,  qui  doivent  leur  nom  à  leur  bourdonnement,  ressem- 
blent à  de  petits  Bourdons  à  poils  très  serrés.  Ils  volent  avec  vivacité, 
souvent  en  vol  stalionnaire  ou  planent,  enfonçant  leur  longue  trompe 
dans  les  corolles  des  fleurs  à  la  façon  des  Sphingiens,  dès  le  début  du 
printemps,  en  faisant  entendre  un  son  aigu  sifflant.  Ils  se  posent  rare- 
ment sur  les  feuilles,  sur  la  terre  sèche;  ils  ne  demeurent  immobiles 
à  ces  places  de  repos  que  lorsque  le  soleil  a  cessé  de  paraître.  On  en 
connaît  plusieurs  centaines  d'espèces  répandues  dans  le  monde  entier, 
dont  environ  soixante  en  Europe. 

Une  espèce  commune  est  B.  major  Linn...  le  Bichon,  de  9  à  13  milli- 
mètres, noir,  à  poils  jaunes,  les  ailes  à  bande  brune,  sinuée,  au  bord 
extérieur  dans  les  deux  sexes,  les  pattes  fauves,  le  dernier  article  des 
tarses  noir.  Le  B.  diacolur  Meigen,  syn.  :  médius  Scopoli,  est  une  espèce 


1016  DIPTÈRES. 

des  plus  communes,  qu'on  voit  voltiger  dans  les  lieux  secs  et  arides , 
le  dos  porte  une  ligne  de  poils  blancs  chez  le  mâle,  les  côtés  du  thorax 
ont  une  bande  de  poils  noirs,  les  ailes  ont  la  base  et  le  bord  externe 
bruns,  et  la  base  de  chaque  cellule  marquée  d'une  tache  brune.  Nous 
représentons  le  B.  tricolor  G.  Mén.,  pi.  cix,  fig.  U,  du  Bengale,  peut-être 
variélé  de  B.  orientalis  Macquart. 

Léon  Dufour  (Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1858,  p.  503,  pi.  xiu)  a  étudié  les 
métamorphoses  du  B.  major  qui  pond  ses  œufs  dans  les  nids  de  divers 
Andrénides  (Hyménopt,  mellifiques)  des  genres  Colletés  eiAndrena,  etc. 
La  larve,  longue  de  13,5  millimètres,  est  apode,  blanche,  nue  et 
inerme,  à  tète  très  petite,  avec  des  mandibules  cornées.  Au  bout  de 
plusieurs  mois,  peut-être  plus  d'un  an,  elle  se  change  en  une  nymphe 
roussûlre,  de  13  à  15,5  millimètres,  recourbée,  subconico-cylindrique, 
le  front  muni  de  deux  fortes  cornes,  la  face  ayant  de  chaque  côté  trois 
dentelures,  les  segments  2,  3,  U  de  l'abdomen  avec  un  peigne  d'épines 
noires  recourbées  à  la  pointe,  les  autres  segments  avec  des  soies  et  des 
épines,  le  dernier  segment  bordé  d'épines.  La  larve  du  Bombylc  a  très 
probablement  vécu  aux  dépens  de  la  larve  ou  de  la  nymphe  de  l'An- 
drénide  et  accolée  à  elle  dans- le  cocon.  Au  moment  final,  la  nymphe 
du  Bombyle  se  sert  de  ses  multiples  épines  pour  se  hisser  de  bas  en 
haut  hors  de  la  cheminée  terreuse  du  nid  et  vient  affleurer  à  la  surface 
du  sol  ;  alors  son  dos  se  fend,  le  Bombyle  éclôt  et  s'envole  au  bout  de 
quelques  heures  de  toilette  et  d'affermissement. 

PliOAH)  Latr.  —  Antennes  couvrant  la  trompe,  le  premier  article  très  épais, 
allongé,  velu,  le  second  cyathiforme,  le  troisième  menu,  allongé  ;  des  ocelles  ; 
trompe  de  la  longueur  de  la  tête,  ouverture  buccale  s'étendant  jusqu'à  la  base 
des  antennes,  palpes  cylindriques  ;  trois  cellules  sous-marginales  aux  ailes  ; 
abdomen  tantôt  large,  tantôt  étroit. 

Une  dizaine  d'espèces  de  l'Europe  méridionale,  entre  autres  P.  vi- 
rescens  Latr.,  qu'on  trouve  aussi  aux  environs  de  Paris.  Nous  représen- 
tons P.  lusitanicus  G,  Mén.,  mâle,  pi.  cix,  fig.  5,  5a,  tête  vue  en  dessus, 
de  10  millimètres  de  long,  espèce  très  voisine  de  P.  fuscipennis  Mac- 
quart,  à  corps  noir  couvert  de  poils  d'un  jaune  verdâtre,  les  antennes 
couvertes  d'un  fin  duvet  d'un  cendré  bleuâtre,  les  ailes  brunes  dans 
leur  moitié  antérieure  tout  le  long  de  la  côte,  hyalines  dans  le  reste, 
les  balanciers  fauves  à  sommet  brun. 

AI1TIIR.%X  Scopoli.  —  Antennes  très  écartées,  offrant  un  premier  article  cylin- 
drique, un  second  en  godet,  un  troisième  conique  ou  bulbeux,  dont  le  style  ter- 
minal est  lui-même  formé  de  deux  articles  ;  trompe  effilée  sortant  d'un  orifice 
buccal  assez  grand,  d'une  longueur  modérée,  dirigée  en  avant,  dépourvue  de 
mandibules  ;  des  ocelles  ;  yeux  réniformes,  séparés  dans  les  deux  sexes,  plus 
rapprochés  sur  le  verlex  chez   le    mâle   que  chez  la  femelle  ;  ailes  à  quatre, 


ANTHRAX.  1017 

trois  ou  deux  cellules  sous-marginales,  écartées  au  repos  et  ne  recouvrant  pas 
tout  l'abdomen,  portant  des  marques  noires  diverses  ;  abdomen  un  peu  aplati, 
de  sept  articles  ;  corps  couvert  de  longs  poils  formant  une  véritable  toison. 

Les  Anthrax,  dont  on  rencontre  les  nombreuses  espèces  dans  toutes 
les  contrées,  ont  un  vol  puissant  et  planent  avec  lenteur  et  circonspec- 
tion au-dessus  du  sol,  surtout  dans  les  lieux  secs  et  ensoleillés.  Ils  s'ar- 
rêtent de  temps  à  autre  pour  se  reposer  sur  quelque  pierre  ou  pour  se 
l'afralchir  en  posant  la  trompe  dans  quelque  endroit  humide.  On  re- 
marque leur  activité  continuelle  sur  les  routes  et  les  coteaux  sablon- 
neux et  arides  aussi  longtemps  que  le  soleil  luit.  Lors  des  temps  défa- 
vorables, ils  se  fixent  sur  les  feuilles,  dans  l'herbe,  sur  la  terre  et 
s'abritant  plus  ou  moins  pour  laisser  passer  les  orages.  Les  larves  des 
Anthrax  dévorent  les  larves  de  divers  Apiens  solitaires  ou  d'autres 
Hyménoptères,  et  aussi,  dit-on,  les  chenilles  de  certains  Lépidoptères. 
Aussi  ces  Diptères  planent  le  long  des  talus  arides  et  des  vieux  murs 
argileux,  résidence  de  nombreuses  Abeilles  solitaires,  cherchant  comme 
les  Rombyles  à  faire  tomber  leurs  œufs  par  les  cheminées  des  nids.  On 
s'explique  la  grande  variation  de  taille,  du  simple  au  triple,  dans  un 
Anthrax  d'une  espèce  donnée  par  le  volume  très  variable  des  proies 
dont  la  larve  s'est  nourrie.  Pour  soutenir  leurs  forces  dans  ces  investi- 
gations, de  durée  plus  ou  moins  longue,  les  femelles  d'Anthrax  vont 
souvent  pomper  le  nectar  des  diverses  fleurs  spontanées  ou  cultivées 
de  la  localité. 

Nous  représentons,  pi.  cix,  fig.  6,  une  belle  espèce  du  Bengale,  A.  au- 
rantiacusG.  Mén.,  femelle,  de  17  millimèlres  de  long,  du  sous-genre 
Exoprosopa  Macquart  ;  6  a,  tête  vue  de  profil;  6  6,  antenne;  Oc, 
bouche.  Les  yeux,  qui  occupent  toute  la  tête,  sont  garnis  d'un  duvet 
doré,  le  corps  est  noir,  couvert  de  poils  dorés,  les  ailes  sont  transpa- 
rentes dans  la  moitié  de  leur  largeur,  d'un  brun  assez  foncé  du  côté  de 
la  côte,  les  pattes  sont  noires. 

11  existe  non  loin  d'une  centaine  d'espèces  en  France  divisées  en 
plusieurs  sous-genres.  Nous  citerons  A.  morio  Linn.,  du  sous- genre  yln- 
thrax,  syn.  :  semi-ater  Meigen,  assez  commun  en  France,  de  7  à  i5  mil- 
limètres de  long,  noir,  le  thorax  à  poils  fauves  antérieurement  et  sur 
les  côtés,  la  base  de  l'abdomen  à  poils  fauves  de  chaque  côté,  la  moitié 
antérieure  des  ailes  noire,  terminée  en  zigzag,  la  postérieure  hyaline. 
Dans  le  'bOu?>-gQ\\ve  xirgyromœba  Schiner,  se  trouve  A.  sinuatus  Faileu, 
espèce  de  toute  la  France,  dont  la  nymphe  étudiée  et  figurée  par  le 
docteur  Al.  Laboulbène  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1857,  p.  180,  pi.  xv, 
n"  11),  sortie  d'un  nid  terreux  très  dur  d'une  Megachile  et  ressemblant 
beaucoup  à  celle  d'un  Rombyle.  Elle  est  d'un  jaune  p.lle  ou  blan- 
cliiitre,  courbée  en  arc,  à  grosse  tète  un  peu  vésiculeuse,  ayant  en  avant, 
au-dessub  des  yeux,  une  sorte  de  crête  de  six  dentelures  brunâtres  et, 
sur  les  cùlés,  deux  aulres  saillies  brunes  et  deiiiiformos.  [,e  thorax  osl 


1018  DIPTÈRES. 

formé  presque  entièrement  par  un  mésothorax  très  développé  ;  les 
étuis  des  ailes  sont  petits  et  embrassent  le  corps,  presque  réunis  en 
avant  sur  la  ligne  médiane.  Les  étuis  des  pattes  occupent  entre  la  base 
de  la  tête  et  les  ailes  un  espace  triangulaire,  les  deux  pattes  posté- 
rieures débordant  en  bas  les  ailes  et  se  dirigeant  en  dehors  par  le 
côté.  L'abdomen  présente  huit  segments,  1  garni  d'une  rangée  de  poils 
renflés  à  la  base,  2,  3,  Zi,  5  offrant  en  arrière  sur  leur  convexité  des 
rangées  de  crochets,  le  dernier  relevé  en  avant  et  un  peu  en  haut,  à 
cause  de  la  courbure  du  corps  et  portant  cinq  dentelures;  enfin  les 
côtés  de  l'abdomen  sont  munis  de  longs  poils.  Celte  nymphe,  assez 
vive,  exécute  des  mouvements  quand  on  l'inquiète  ;  il  est  probable  que 
les  saillies  de  la  tête,  les  crochets  dorsaux  et  les  dents  terminales  lui 
servent  pour  s'échapper  de  sa  prison,  où  la  larve  s'est  nourrie  aux  dé- 
pens des  larves  de  l'Hyménoptère.  L'adulte  quitte  la  dépouille  nym- 
phale  par  une  ouverture  du  dos  et  de  la  tête,  la  fente  se  voyant  dans 
la  partie  médiane  et  postérieure  de  la  pellicule,  l'enveloppe  de  la  tête 
s'ouvrant  sur  les  côtés  au-dessous  de  la  crête  frontale. 

WEMESTRiIlf.%  Latr.  —  Tête  déprimée  ;  trompe  menue,  extrêmement  longue, 
dirigée  sous  le  corps,  palpes  saillants  ;  antennes  écartées,  courtes,  à  troisième 
article  court,  conique,  terminé  par  un  style  séliforme,  allongé,  de  trois  articles  ; 
thorax  plus  étroit  que  l'abdomen;  ailes  étroites,  couchées  au  repos,  avec  trois 
cellules  sous-marginales,  cinq  postérieures  et  une  anale  souvent  ouverte  ;  tarses 
munis  de  trois  pelotes. 

Les  Némestrines  ont  des  espèces  de  l'extrême  midi  de  l'Europe, 
d'Egypte,  de  Syrie  et  autres  régions  tempérées  chaudes  de  l'ancien 
monde.  Elles  ont  le  corps  moins  velu  que  les  Anthrax  et  l'abdomen 
plus  large,  les  pattes  plus  courtes  et  moins  grêles,  et  sont  curieuses  sur- 
tout par  les  proportions  démesurées  de  la  trompe  dirigée  sous  la  poitrine. 
Les  nervures  des  ailes  ont  de  la  ressemblance  avec  celles  des  Mida- 
sides  ;  ces  nervures  se  courbent  les  unes  sur  les  autres  et  forment  des 
cellules  fermées  qui  n'aboutissent  pas  au  bord  des  ailes  ;  parfois  un 
grand  nombre  de  nervures  transversales  donnent  à  ces  ailes  beaucoup 
d'analogie  avec  celles  desNévroptères.  Nous  représentons,  pi.  cix,  fig.  7, 
A'',  longirostris  Wiedemann,  mâle,  de  15  à  16  millimètres  de  long,  noir, 
à  poils  brunâtres,  la  trompe  quatre  fois  plus  longue  que  le  corps,  les 
antennes  brunâtres,  les  ailes  brunes,  réticulées,  avec  des  taches  et  le 
bord  antérieur  hyalins  dans  le  mâle,  les  pattes  ferrugineuses,  les  seg- 
ments de  l'abdomen  chacun  à  deux  taches  glauques  ;  du  Cap  de  Bonne- 
Espérance. 


THEREVA,  CHIROMYZA.  1019 


Tribu  des  DOLICHOPODIEWS. 


Avec  M.  Emile  Blanchard,  nous  formerons  cette  tribu  de  Diplères- 
Brachycères  dans  lesquels  se  trouve  le  genre  Dolichopus  Latr.,  mais 
qui  ne  présentent  pas  de  caractères  généraux  susceptibles  d'une  for- 
mule bien  tranchée.  Beaucoup  de  ces  insectes  ont  des  couleurs  bril- 
lantes, parfois  métalliques.  Ils  se  trouvent  souvent  par  myriades  sur  les 
végétaux,  pondant  leurs  œufs  dans  la  terre,  ou  dans  la  mousse,  parfois 
dans  le  bois  pourri,  milieux  dans  lesquels  leurs  larves  se  développent 
et  subissent  leurs  transformations.  La  forme  du  corps  fait  un  peu  res- 
sembler ces  Diptères  aux  Asiliens,  mais  leur  taille  petite  d'ordinaire, 
leurs  mœurs  assez  souvent  et  divers  détails  d'organisation  les  en 
éloignent. 

THRREVA  Latr.  —  Antennes  de  la  longueur  de  la  tête  ;  premier  article  des 
antennes  allongé,  cylindrique,  troisième  conique,  un  peu  renflé  au  milieu,  style 
court,  de  deux  articles  ;  palpes  cylindriques,  terminés  par  un  renflement  arrondi, 
cinq  cellules  postérieures  aux  ailes. 

Les  Thérèves  vivent  beaucoup  moins  de  proie  que  du  nectar  des 
fleurs  sur  lesquelles  on  les  rencontre  d'habitude.  Plusieurs  espèces  sont 
remarquables  par  le  duvet  argenté  qui  les  décore.  Elles  se  réunissent 
parfois  en  troupes  nombreuses,  pour  les  préludes  de  l'accouplement, 
et  les  femelles  pondent  leurs  œufs  dans  le  terreau  et  dans  le  bois  pourri, 
œufs  d'où  sortent  des  larves  vermiformes,  très  allongées,  à  tête  petite  ; 
leur  corps,  composé  d'après  Macquart  de  vingt  segments  distincts,  se 
contourne  dans  tous  les  sens  et  se  termine  par  deux  tubes  respiratoires, 
leurs  nymphes  sont  oblongues.  Nous  représentons  T.  ardea  Fabr., 
syn.:  confinis  Fallen,  pi.  ex,  fig.  1,  la  tête  vue  en  dessus,  du  sous-genre 
Psilocephala  Zetterstedt,  de  France  et  d'Allemagne,  de  12  millimètres 
de  long  environ,  la  face  et  le  front  brunâtres,  le  verlex  noirâtre  chez  la 
femelle,  les  ailes  hyalines,  l'abdomen  d'un  brun  noirâtre,  à  bords  des 
segments  jaunâtres  et  taches  latérales  blanches  chez  la  femelle,  l'extré- 
mité de  l'abdomen  fauve  en  dessous  chez  le  mâle. 

CHIROMVXA  Wiedemann.  —  Premier  article  des  antennes  très  court,  troisième 
subulé  ;  ailes  couchées,  dépassant  l'abdomen,  une  cellule  sous-marginale,  quatre 
postérieures  ;  balanciers  très  grands  ;  pattes  antérieures  plus  longues  que  les 
intermédiaires. 

Genre  exotique.  Nous  représentons  C.  vitlata  Wied.,  femelle,  pi.  cvi, 


1020  DIPTÈRES. 

fig.    7,   du  Brésil,   d'un  jaune    brunâtre,    avec    un    long    oviscapte 
saillant. 

Les  Leptides  sont  des  Diptères  qui  vivent  de  proie,  mais  sont  mé- 
diocres chasseurs.  La  trompe  est  constituée  par  les  mâchoires  pourvues 
de  leurs  palpes,  l'épipharynx  et  l'hypopliarynx  engainés  dans  la  lèvre 
inférieure,  les  mandibules  ayant- disparu.  A  citer  les  genres  Leptii,, 
Vermileo,  Atherix. 

■-EPTIS  Fubr.  —  Tête  déprimée  ;  second  arlicle  des  antennes  conique,  le  troi- 
sième court,  ordinairement  conique  ;  palpes  couchés  sur  la  trompe  ;  thorax  tu- 
bercule, poitrine  proéminente  ;  cellule  anale  des  ailes  ouverte  ;  abdomen  trans- 
lucide, le  plus  souvent  orné  détaches  noires  sur  un  fond  jaune. 

Les  Leptissont  des  carnassiers,  mais  que  nous  surprenons  assez  rare- 
ment à  prendre  leur  nourriture.  Au  repos  leurs  ailes  transparentes, 
légèrement  rembrunies  et  irisées,  se  placent  l'une  sur  l'autre  le  long 
du  corps,  atteignant  presque  l'extrémité  de  l'abdomen.  On  les  voit  par- 
fois occupés  à  sucer  de  petits  insectes,  d'autres  fois,  mais  de  même 
rarement,  .sur  les  fleurs.  Certaines  espèces  aiment  les  bois,  d'autres  les 
prairies.  Ils  recourbent  souvent  l'abdomen  en  dessous.  Les  Leptis  fré- 
quentent les  troncs  d'arbre,  surtout  à  l'exposition  du  soleil  dont  ils 
recherchent  la  chaleur.  Leur  premier  mouvement  en  s'y  posant  est  do 
se  placer  verticalement  la  tûte  en  bas;  ils  restent  ainsi  longtemps  im»- 
mobiles  et  se  réunissent  parfois  en  grand  nombre.  De  Géer  a  décrit  le 
développement  de  plusieurs  Leptis.  Les  œufs  sont  blancs,  allongés  e| 
arqués  ;  ils  sont  déposés  dans  la  terre  ou  le  terreau. 

Une  des  espèces  les  plus  communes  est  le  L.  scolopacea  Linn.,  mesu- 
rant 12  à  15  rnillimôtres,  aisément  reconnaissable  à  son  thorax  d'un 
gris  ardoisé  à  bandes  sombres,  à  son  abdomen  d'un  jaune  ferrugineux 
marqué  d'une  série  de  points  noirs,  un  par  anneau.  Ce  Leptis  bécasse 
abonde  dans  la  campagne;  c'est  un  mauvais  voilier,  voltigeant  d'une 
place  à  l'autre,  sans  fournir  une  longue  étape.  On  rencontre  encore, 
mais  plus  rarement  et  dans  les  bois,  une  espèce  plus  petite,  le  L.  stri- 
qosa  Meigen,  îi  face,  front  et  antennes  fauves,  le  thorax  à  écusson 
jaune,  les  trois  derniers  segments  de  l'abdomen  à  bandes  noires,  les 
ailes  un  peu  rembrunies.  Les  femelles,  plus  grosses  que  les  mâles,  ont 
l'abdomen  terminé  en  pointe  extensible  pour  pondre  dans  des  trous.  On 
compte  en  Europe  environ  vingt-cinq  espèces  de  Leptis.  Les  larves  du 
Leptis  bécasse,  étudiées  par  De  Géer,  ont  le  corps  long,  cylindrique, 
rétréci  antérieurement,  composé  de  douze  segments,  muni  de  mamelons 
en  dessous  et  de  deux  stigmates  à  l'extrémité;  la  bouche  est  petite,  cor- 
née et  portant  deux  petites  antennes,  la  nymphe  aie  bord  des  segments 
garni  de  pointes.  Nous  représentons  une  espèce  de  Leptis  de  l'Amérique 
du  Nord,  le  L.  Servillei  G.  Mén.,  de  17  millimètres  de  long,  pi.  ex, 
iig.  3. 


LEPTIS,   VERMTLEO.  1021 

On  a  longtemps  rangé  clans  les  Leptis  une  espèce  très  curieuse,  nom- 
mée Vermileo  par  De  Géer,  c'est-à-dire  ver-lion  ou  i;er/?u7«(m,  d'après  les 
mœurs  do  la  larve,  indiquée  pour  la  première  fois  en  'J70(),  sous  le  nom 
de  fourmi-renard  et  étudiée  en  1753  par  Héaumur,  puis  par  De  Géer  en 
Suède,  sur  un  individu  envoyé  par  Réaumur  à  la  reine  Ulrique-Eléo^ 
nore,  sœur  de  Charles  XIF,  passionnée  pour  l'entomologie  et  possédant 
un  riche  musée  d'insectes  de  tous  pays.  I/espèce  Leptis  vermileo  De 
Géer,  ou  Vermileo  De  Geeri  Macquart,  ou  Psammorijcler  Emile  Bian- 
chard,  n'a  pas  encore,  que  je  sache,  été  trouvée  aux  environs  de  l'aris, 
mais  en  Provence,  dans  le  Lyonnais  et  en  Auvergne,  aussi  en  Touraine, 
d'après  Macquart. 

Celte  larve,  comme  celle  des  Fourmilions,  et  souvent  en  leur  com- 
pagnie, se  tient  au  pied  des  murs  dégradés  ou  au  bas  des  talus  abrités 
par  une  roche  en  surplomb.  Le  corps,  d'un  gris  sale  un  peu  jaunâtre, 
va  en  augmentant  régulièrement  de  grosseur  delà  tête  à  l'anus,  La 
tète,  effilée  comme  celle  des  asticots  (larves  de  Muscides),  rentre  au 
repos  dans  le  premier  anneau  du  corps.  Il  en  sort  deux  mandibules 
en  forme  de  dards,  qu'elle  enfonce  dans  ses  victimes  et  dont  elle 
se  sert  comme  points  d'appui  pour  marcher,  en  tirant  son  corps 
après  elle.  En  outre,  elle  saute  en  débandant  sa  région  postérieure.  Le 
dernier  anneau,  plus  long  que  les  autres  et  un  peu  aplati,  se  recourbe 
en  dessous,  comme  un  crampon  qui  fixe  la  larve  au  sable  de  l'entou' 
noir  pendant  que  sa  proie  se  débat.  Il  se  termine  par  quatre  appendices 
charnus  et  velus,  que  Réaumur  compare  à  une  main  ouverte  à  quatre 
doigts.  Elle  n'a  pas  de  pattes  et  s'enfonce,  comme  un  éclair,  dans  le 
sable  dès  qu'on  touche  à  son  entonnoir  ;  très  agile,  elle  s'élance  du  fond 
sur  la  victime  qui  y  tombe,  et  l'enlace  comme  un  petit  serpent. 

Elle  ne  commence  pas  par  tracer  le  pourtour  ùo.  son  entoimoir  ainsi 
que  la  larve  du  Eourmilion.  Elle  s'enfonce  dans  le  sable,  de  haut  en 
bas,  au  moyen  de  sa  tête  pointue.  Le  sable  est  lancé  au  dehors  par  les 
inflexions  alternatives  de  son  corps  ;  parfois  il  se  pUe  en  compas,  dont 
la  plus  longue  branche  tourne  autour  delà  plus  courte,  formée  par  la 
partie  postérieure,  de  sorte  que  le  bout  de  la  partie  antérieure  jette  le 
sable  en  tournoyant.  On  comprend  que  ce  mouvement  est  très  propre 
à  faire  un  cône  :  auesi  l'entonnoir  du  Vermilion  est  plus  profond,  eu 
égard  îi  sa  taille,  que  celui  du  Fourmilion  et  à  parois  plus  abruptes.  Il 
en  aplanit  les  bords  escarpés,  en  frottant  son  corps  contre  eux,  et  lance 
une  pluie  de  sable  sur  l'insecte  qui  cherche  à  lui  échapper  en  remon- 
tant la  surface  interne  du  cône  meurtrier. 

La  larve  paraît  vivre  plusieurs  années,  trois  ans,  dit-on.  Elle  devient 
nymphe  sans  faire  de  coque,  entourée  de  grains  de  sable  collés  à  elle, 
et  gardant  la  peau  de  larve  plissée  et  attachée  au  dernier  segment.  La 
nymphe  laisse  pressentir  les  formes  de  l'adulte.  Elle  a  une  petite  tète, 
un  petit  thorax  renflé  et  comme  bossu,  avec  des  ailes  enroulées  autour 
du  thorax,  des  rudiments  de  pattes,  un  abdomen  long  et  mince.  Au 


1022  DIPTÈRES. 

bout  d'une  quinzaine  de  jours,  vers  la  fin  de  juin,  les  adultes  sortent 
de  la  peau  de  la  nymphe  fendue  sur  le  dos.  Ils  sont  jaunâtres,  avec 
des  traits  et  des  taches  noires  et  ont  un  aspect  général  de  Tipules,  en 
raison  de  leur  corselet  renflé  et  de  leurs  longs  balanciers,  de  leurs 
pattes  postérieures  beaucoup  plus  longues  que  les  autres,  l'abdomen 
déprimé,  allongé,  étroit,  obtus  à  l'extrémité  chez  le  mâle. 

ATHKRIX  Meigen.  — Troisième  article  des  antennes  ovale,  transversal,  incliné, 
muni  d'un  style  qui  paraît  ordinairement  dorsal  ;  trompe  convexe  en  dessus,  lèvre 
supérieure  pointue,  palpes  relevés  ;  poitrine  peu  saillante  ;  abdomen  déprimé. 

Cinq  espèces  en  Europe,  dont  le  type  est  A.  Ibis  Fabr.,  syn.  :  macii- 
latus  Latr.,  pi.  ex,  fig.  2,  mâle  ;  2  a,  tête  vue  de  profil  ;  2  b,  bouche;  2c, 
antenne,  de  9  à  il  millimètres,  noir,  le  front  gris  chez  le  mâle,  jau- 
Uiltre  chez  la  femelle,  le  thorax  à  poils  jaunâtres,  les  ailes  à  bandes 
transverses  irrégulières  brunes,  les  pattes  fauves,  les  segments  de  l'ab- 
domen fauves,  avec  taches  dorsales  noires  chez  le  mâle,  cendrés  à  bandes 
noires  chez  la  femelle.  Rare,  sur  les  Graminées  des  prairies. 

DOlilC'HOPtJSi  Latr.  —  Face  assez  large  chez  le  mâle  ;  troisième  article  des 
antennes  cordiforme,  à  style  dorsal,  pubescent;  pattes  fortes  et  longues,  à  jam- 
bes munies  de  soies. 

Très  nombreuses  espèces  en  Europe,  vivant  sur  les  végétaux  et  par- 
ticulièrement sur  le  feuillage.  Elles  y  montrent  beaucoup  de  vivacité 
et  y  font  éclater  leurs  brillantes  couleurs,  parfois  métalliques.  Les  unes 
fréquentent  les  bois  et  se  posent  sur  les  taillis  ou  sur  les  plantes  her- 
bacées, recherchant  les  rayons  du  soleil  ou  se  tenant  au  contraire  ca- 
chées dans  l'ombre  ;  les  autres  habitent  les  prairies  et  se  rapprochent 
des  eaux.  Les  Dolichopodes  paraissent  souvent  occupés  à  recueillir  avec 
leur  trompe  les  sucs  répandus  sur  la  surface  des  feuilles,  rarement  le 
nectar  des  fleurs.  Nous  représentons,  pi.  ex,  fig.  li,  le  D.  ungulatus 
Latr.,  espèce  commune,  de  6  à  7  millimètres,  vert,  la  face  blanche,  les 
antennes  noires,  les  ailes  grisâtres,  les  pattes  fauves,  l'abdomen  à  reflets 
gris,  avec  les  bords  des  segments  souvent  noirs,  les  lamelles  de  l'or- 
gane copulateur  mâle  jaunâtres.  De  Géer  a  observé  la  larve  et  la 
nymphe  de  ce  Dolichopode  à  crochets.  Elles  habitent  la  terre.  La  larve 
a  la  tète  charnue  et  de  forme  variable,  rapprochement  avec  les  tribus 
inférieures.  La  bouche  est  armée  de  deux  paires  de  tubercules,  entre 
lesquels  est  une  petite  pointe.  Le  corps  est  formé  de  douze  segments, 
terminé  par  deux  crochets,  muni  sur  le  dos  de  deux  stigmates  élevés 
et  de  fausses  pattes  en  dessous.  La  nymphe  est  plus  courte  et  plus 
épaisse.  On  distingue  en  avant  de  la  tète  plusieurs  pointes  dont  les 
deux  intermédiaires  sont  les  plus  longues.  Le  bord  antérieur  du  thorax 
porte    deux   cornes   assez  longues,  recourbées   et  prolongées  par  un 


MEDEÏERUS,    PLATYPEZA.  1023 

appendice  filiforme.  L'abdomen  est  conique,  avec  les  serments  bordés 
de  soies. 

MRDKTRRlî*9  Fischer.  —  Troisième  article  des  antennes  ovale  ou  oblong, 
avec  style  dorsal,  allongé,  ordinairement  biarticulé;  trompe  épaisse  et  saillante; 
nervure  externo-médiaire  des  ailes  peu  fléchie,  ordinairement  un  peu  convexe  à 
sa  courbure  ;  pattes  grêles,  presque  nues. 

Le  genre  Médeterus,  détaché  des  anciens  Dolichopus,  compte  environ 
vingt-cinq  espèces  en  Europe.  11  est  composé  d'espèces  qui  font  la 
chasse  aux  petits  insectes  et  parcourent  pour  cela  le  tronc  des  arbres  et 
les  murs  humides,  en  marchant  avec  beaucoup  d'agilité,  même  en 
arrière  et  de  côté,  au  moins  lorsqu'on  les  inquiète.  On  trouve  ces  Dip- 
tères depuis  le  mois  de  mai  jusqu'en  octobre.  Le  beau  Médétère  royal, 
d'un  riche  vert  métallique,  ne  se  montre  qu'en  automne,  sur  les  murs; 
quelques  espèces  de  ce  genre  ont  deu\  générations  dans  l'année.  Nous 
représentons  le  M.  notatus  Fabr.,  femelle,  pi.  ex,  fig.  5,5  a,  tête  vue  de 
face;  5 6, bouche;  5c,  labre;  5rf,  antenne;  5e,  extrémité  de  l'abdomen, 
long  de  Zi,5  millimètres,  d'un  vert  obscur  chez  le  mâle,  cuivreux:  chez  la 
femelle,  le  thorax  à  bande  dorsale  grise  dans  la  femelle,  noirâtre  dans 
le  mâle,  les  ailes  brunâtres,  à  base  et  bord  extérieur  jaunâtres,  les  ner- 
vures bordées  de  brun,  un  point  brun  sur  la  nervure  externo-médiaire, 
deux  points  confluents  sur  la  transversale,  les  pattes  vertes,  les  anté- 
rieures courtes,  les  cuisses  des  trois  paires  munies  de  fortes  pointes, 
les  jambes  à  dent  bifide  et  prolongées  par  une  saillie  conique,  les  pattes 
intermédiaires  fort  allongées,  l'abdomen  fort  court  dans  la  femelle, 
l'organe  copulateur  du  mâle  à  deux  grands  appendices  d'un  blanc  jau- 
nâtre, larges,  membraneux,  creux,  ciliés  et  terminés  par  un  filament. 
Cette  espèce,  assez  rare',  se  trouve  sur  les  murs  au  mois  d'octobre. 

PI.ATYPEKA  Meigen.  —  Face  large;  troisième  article  des  antennes  ovale, 
avec  style  apical  de  trois  articles  ;  palpes  en  massue  ;  ailes  couchées  au  repos, 
avec  cellule  discoïdale  et  quatre  cellules  postérieures  ;  articles  des  tarses  posté- 
rieurs subégaux  et  dilatés  de  manière  à  se  recouvrir  obliquement  en  toit  les  uns 
les  autres;  abdomen  elliptique. 

Le  genre  Platypeza  est  le  type  d'une  petite  tribu  instituée  par  Fallen 
aux  dépens  des  Dolichopodes,  parmi  lesquels  les  Diptères  qui  la  com- 
posent avaient  été  laissés  par  Latreille.  Ces  insectes,  assez  rares,  se 
trouvent  la  plupart  au  mois  de  septembre,  sur  le  feuillage  des  buissons 
et  des  haies.  On  trouve  aussi  quelquefois  les  Platypèzes  réunies  en 
troupes  sous  le  chapiteau  des  champignons,  ce  qui  fait  présumer  qu'elles 
y  ont  leur  berceau  et  que  leurs  larves  s'y  développent.  De  quinze  à 
vingt  espèces  en  Europe,  parmi  lesquelles,  d'après  Guérin-Méneville, 
nous  citerons  P.  Sophia  Lep.,  de  St-Farg.,  pi.  ex,  fig.  6. 


102i  DIPTÈRES. 

PlPlUfCllilS  Latr.  —  Tête  très  épaisse  ;  face  étroite,  trompe  non  saillante; 
palpes  allongés,  en  massue,  terminés  par  deux  petites  soies  ;  deuxième  article 
des  antennes  court,  cyathiforme;  troisième  pointu,  tantôt  oblong,  tantôt  ovale, 
avec  style  dorsal  ;  ordinairement  trois  cellules  postérieures  aux  ailes. 

Les  Pipunculus  de  Latreille,  placés  d'abord  dans  les  Musciens,  puis 
dans  les  Syrphiens,  ont  été  rangés  par  Meigen  près  des  Dolichopodes. 
Ces  petits  Diptères  se  trouvent  sur  les  buissons  et  les  herbes  des  prai- 
ries et  ne  recherchent  pas  les  fleurs.  La  plupart  des  espèces  paraissent 
dans  les  mois  d'août  et  de  septembre  et  quelques  autres  en  mai  et 
juin.  Nous  représentons  une  espèce  d'Europe  assez  commune,  le  P. 
campestris  La.lT.,  pi.  ex,  fig.  7,  de  3  à  5  millimètres  de  long,  à  abdo- 
men luisant,  tout  l'insecte  d'un  noir  cendré,  les  ailes  à  demi  rembrunies 
dans  les  deux  sexes,  les  balanciers  d'un  blanc  jaunAtre,les  pattes  noires. 
Environ  une  trentaine  d'espèces  en  Europe. 

SCEl%OPli\'liS  Latr.  —  Antennes  insérées  vers  le  bas  de  la  tète,  le  troisième 
article  subulé,  sans  style;  trompe  non  saillante,  à  deux  soies,  avec  palpes  insé- 
rés sur  la  base  ;  cuillerons  petits  ;  ailes  couchées,  avec  deux  cellules  sous-mar- 
ginales et  une  anale  allongée  ;  abdomen  allongé. 

Par  la  trompe  à  deux  soies,  les  cuillerons,  la  faiblesse  du  vol,  les 
Scénopines  se  rapprochent  des  Diptères  inférieurs,  tandis  que  par  les 
antennes  et  les  nervures  des  ailes,  elles  ont  quelques  caractères  qui 
les  mettent  à  la  hauteur  des  Bombylides  et  Anthracides.  Cette  ambi- 
guïté d'organisation  a  conduit  les  auteurs  à  isoler  les  Scénopines 
dans  un  petit  groupe  spécial.  Il  n'y  a  que  cinq  espèces  en  Europe, 
avec  de  nombreuses  variétés  et  par  suite  synonymies.  On  les  trouve 
le  plus  souvent  sur  les  vitres  des  maisons,  quelquefois  sur  les  murs 
exposés  au  soleil,  et  aussi,  pour  quelques  espèces,  sur  les  fleurs.  Il 
est  probable  que  l'état  larvaire  de  ces  petits  Diptères  se  passe  souvent 
dans  nos  maisons.  Le  type  est  le  S.  fenestralis  Linn.,  pi.  ex,  fig.  8,  8  a, 
tôte  vue  de  face,  de  5  millimètres  de  long,  noir,  glabre,  à  front  pointillé 
chez  le  mtlle,  à  trois  lignes  lisses  chez  la  femelle,  le  thorax  à  reflets  ver- 
dâtres,  les  ailes  presque  hyalines,  rembrunies  à  la  côte,  les  balanciers 
bruns,  à  tète  blanche,  les  pattes  fauves,  les  segments  3,  /i,  5  de  l'ab- 
domen à  bord  postérieur  blanc  chez  la  femelle  vivante.  Espèce  com- 
mune. 

Tribu  des  SVRPHIEMS. 


Les  Syrphiens  appartiennent  aux  Diptères  tétrachètes  et  renferment 
de  nombreuses  espèces  répandues  partout,  de  sorte  que  cette  tribu  est 
considérable.  Les  antennes  ont  le  troisième  article  accompagné  le  plus 


volugi:lla.  1025 

souvent  d'un  style  dorsal.  I.a  première  cellule  postérieure  margip.ale 
des  ailes  est  toujours  close  et  la  cellule  anale  se  prolonge  jusqu'au  bord 
alaire  ou  à  peu  près;  une  nervure  longitudinale  surnuméraire  coupe  la 
petite  nervure  transversale  et  s'enchilsse  entre  la  troisième  et  la  qua- 
trième nervure  longitudinale  ordinaires.  I.a  tète  ofl're  toujours  la  même 
largeur  que  le  protliorax,  et  présente  une  petite  excavation  au-dessous 
des  antennes.  Les  yeux  à  facettes  se  touchent  étroitement  chez  les 
mâles  et  le  vertex  porte  trois  yeux  accessoires  bien  nets.  La  face  pré- 
sente une  saillie  antérieure  en  forme  de  nez;  une  cavité  située  à  la 
face  intérieure  de  la  tète  permet  à  la  trompe  de  se  cacher  presque  tou- 
jours entièrement  ;  cette  trompe  se  termine  par  des  paraglosscs  qui 
offrent  une  large  surface  de  succion  sillonnée  de  nombreux  canalicules 
servant  à  l'ascension  des  liquides.  Ces  liquides  passent  ensuite  dans  un 
canal  formé  par  la  lèvre  inférieure,  puis  entre  l'hypopharynx  et  l'épi- 
pharynx  (labre  des  auteurs),  qui  ménage  entre  eux  un  véritable  oritice 
buccal  comparable  au  bec  d'un  oiseau,  et  de  là  traversent  le  pharynv  et 
l'œsophage.  Les  mandibules  ont  disparu  et  de  chaque  côté  sont  situées 
des  mâchoires  munies  de  palpes  d'un  seul  article  (Kûnckel  et  Gaza- 
gnaire).  Dans  leur  premier  état  beaucoup  de  Syrphiens  ont  des  larves 
carnassières  se  nourrissant  de  Pucerons  ou  de  Chenilles  ou  dévorant  le 
couvain  qui  peuple  les  nids  de  Bourdons  et  des  Guêpes.  D'autres  larves 
de  Syrphiens  habitent  dans  le  terreau,  dans  divers  détritus  ou  dans  les 
eaux  croupies.  A  l'état  adulte  beaucoup  de  Syrphiens  sont  doués  d'un 
vol  énergique,  souvent  avec  la  phase  stationnaire  due  à  des  vibrations 
précipitées  des  ailes;  ils  fréquentent  les  fleurs  dont  ils  sucent  les  nectars. 

VOl.iJCI-:i.l..4  Geoffroy.  —  Corps  épais  ;  troisième  article  des  antennes  oblong, 
portant  à  la  base  nn  style  en  longue  soie  empennée  en  dessus  et  en  dessous, 
avec  poils  plus  longs  chez  les  femelles  que  chez  les  mâles  ;  face  prolon;;ée 
obtusément  avec  une  proéminence  au  milieu  ;  trompe  à  lèvres  allongées, 
pointues;  yeux  velus  chez  les  mâles  ;  cellule  marginale  des  ailes  fermée. 

Une  dizaine  d'espèces  au  plus  en  Europe  et  encore  devant  se  réduire, 
d'après  une  remarquede  Lepelletier  de  Saint-Fargeau,  d'accouplements, 
rares  il  est  vrai  mais  féconds,  entre  les  plus  rapprochées  d'aspect  de 
ces  espèces,  avec  métis  participant  aux  caractères  des  unes  et  des 
autres.  Ce  fait  au  reste  est  encore  d'une  observation  douteuse.  Dans  les 
espèces  d'Europe,  l'abdomen  est  d'ordinaire  plus  large  que  le  thorax, 
le  corps  parfois  presque  nu  (F.  pellucens  Linn.),  parfois  velu  {V.  bom- 
bylans  Linn.).  Une  des  espèces  les  plus  répandues  est  la  Volucelle 
bourdon,  V.  bombylans  Linn.,  étudiée  par  Réaumur,  espèce  représentée 
pi.  CXI,  fig.  1,]  a,  son  antenne,  longueur  :  13,5  à  15,5  millimètres,  noire, 
face  et  fond  jaunes,  troisième  article  des  antennes  brunâtre,  écussou 
jaunâtre,  ailes  rembrunies  vers  la  base,  moitié  postérieure  de  l'abdo- 
men à  poils  fauves.  Butine  volontiers  sur  les  églantiers  en  tleurs.  Les 


1026  DIPTÈKES. 

Volucelles  volent  vivement  au  soleil,  souvent  en  vol  stationnaire,  tour- 
billonnent en  été  et  en  automnae  dans  les  bois  autour  des  buissons,  se 
posant  sur  les  fleurs  pour  absorber  du  nectar,  parfois  aussi  un  peu  de 
pollen.  Leur  corps  paraît  souvent  comme  vésiculeux  par  la  transpa- 
rence destéo-uments  (V.  pellucens  et  inflata  Fabr.)-  Réaumur  a  observé 
et  découvert  les  larves  de  V.  bombylans  dans  les  nids  de  Bourdons, 
Lepelletier  de  Saint-Fargeau  et  Audinet-Serville  ont  trouvé  celles  de 
V.  zonaria  Poda,  dans  les  guêpiers.  Ces  observations  ont  été  complétées  et 
augmentées  par  M.  J.  Kunckel  d'Herculais  (fiec/ierc/ies  sur  l'onjanisation 
ft  le  développement  des  Volucelles,  Paris,  1875),  qui  a  découvert  les 
pupes  de  nymphose  de  ces  Diptères.  Il  y  a  des  Volucelles  de  mêmes 
mœurs  que  les  autres  et  sans  analogie  de  coloration  avec  des  Hymé- 
noptères nidifiants;  mais,  en  général,  tantôt  les  Volucelles  sont  velues 
et  formées  de  poils  jaunes,  blancs  et  rouges  comme  les  Bourdons  chez 
lesquels  elles  pénètrent,  tantôt  faiblement  poilues  et  parées  de  bandes 
transversales  jaunes  et  brunes,  elles  ressemblent  aux  Guêpes  et  aux 
Frelons  dont,  sous  ce  masque  trompeur,  elles  envahissent  sans  crainte 
l'asile  redoutable.  Il  semble  prouvé  par  là  que  les  insectes  n'ont  pas  à 
distance  une  vision  très  nette,  et  sont  plus  facilement  impressionnés 
par  les  couleurs  que  parles  formes  des  objets.  Les  Volucelles  pondent 
dans  les  gâteaux;  mais  leurs  larves,  puissamment  cuirassées  contre  l'ai- 
guillon et  bien  moins  innocentes  que  celles  des  Psithyres,  dévorent  les 
larves  des  Hyménoptères.  Les  larves  des  Volucelles  sont  allongées, 
aveugles,  étroites  en  avant,  larges  postérieurement.  Leur  corps  offre 
une  peau  épaisse,  ridée  et  grisâtre,  les  côtés  sont  munis  de  pointes.  En 
avant  de  la  tête  se  trouvent  deux  petites  cornes  charnues.  La  bouche 
est  armée  de  deux  mandibules  bifides  et  bordée  de  trois  tentacules  de 
chaque  côté.  L'extrémité  du  corps  est  pourvue  de  six  pointes  disposées 
enrayons.  Dans  la  larve  de  V.  zonaria,  M.  Kûnckel  a  constaté  les  plus 
curieux  changements  dans  les  terminaisons  extérieures  de  l'appareil 
respiratoire.  Chez  la  larve,  hérissée  de  spinules,  on  trouve  quatre  stig- 
mates, deux  antérieurs  au  second  anneau,  deux  postérieurs  au  dou- 
zième; les  pattes  existent  bien  visibles.  Lors  de  la  nymphose,  le  tégu- 
ment s'isole  de  la  peau  de  la  larve;  on  a  une  pupe,  plus  raccourcie, 
offrant  aussi  des  couronnes  de  spinules.  Chez  ces  pupes  de  Volucelles 
les  orifices  pour  l'entrée  de  l'air  chez  la  larve  ont  disparu,  et  la  région 
antérieure  offre  au  dos  deux  tuyaux  qui  simulent  deux  courtes  cornes. 
A  leur  surface  est  un  nombre  considérable  de  petits  orifices  d'entrée 
de  l'air,  spéciaux  à  ces  pupes.  Chez  l'adulte,  cet  appareil  transitoire  si 
singulier  n'existe  plus,  il  y  a  sept  paires  de  stigmates  aux  places  habi- 
tuelles, et  cette  multiplicité  d'orifices  correspond  à  des  trachées  per- 
fectionnées. 

moiiOPHILtlS  Meigen.  —  Antennes  insérées  sur  une   saillie  du  front   avec 
troisième  article  presque  orbiculaire  à  style  latéral  ;  face  à  proéminence  ;  yeux 


HELOPHILUS,    EKISTALIS.  1027 

séparés  dans  les  deux  sexes  ;  cellule  sous-marginale  des  ailes  ouverte  el  pédi- 
forme  ;  cuisses  épaisses,  les  postérieures  renflées,  mais  non  dentées  ;  jambes 
arquées,  ordinairement  prolongées  par  une  pointe  ;  abdomen  déprimé. 

Le  nom  du  genre  Helophilus  signifie  ami  des  eaux  stagnantes,  d'après 
le  mode  d'habitation  des  larves.  Il  y  a  de  quinze  à  vingt  espèces  en 
Europe,  beaucoup  des  régions  boréales.  Les  larves  de  ce  genre  vivent 
dans  les  eaux  croupies  renfermant  des  détritus  végétaux  et  les  adultes 
volent  en  plein  été  sur  les  Heurs  des  bois  et  des  champs.  Nous  repré- 
sentons une  espèce  très  voisine  de  VH.  pendulus  Linn.,  espèce  d'Europe 
très  commune,  ayant  des  raies  jaunes  sur  le  dos  et  des  taches  et  bandes 
jaunes  à  l'abdomen.  C'est  H.  Chilensis  G.  Mén.,  pi.  cxi,  fig.  2,  'la,  tête 
vue  de  profil;  2c,  cuisse  postérieure;  2 d,  bouche;  2e,  tarse  posté- 
rieur ;  habite  le  Chili. 

A  côté  des  Uélophiles  se  trouve  le  genre  Eristalis  Latr.,  ayant  en 
Europe  une  trentaine  d'espèces  avec  beaucoup  de  synonymes  répon- 
dant à  de  fréquentes  difficultés  de  détermination.  Tantôt  la  soie  du 
dernier  article  des  antennes  est  nue,  tantôt  empennée;  les  yeux  sont 
velus,  couverts  de  poils  très  fins  et  très  courts  visibles  à  la  loupe.  Dans 
l'aile,  la  cellule  marginale  est  ordinairement  fermée  et  la  petite  ner- 
vure transversale  oblique  s'abouche  derrière  le  milieu  de  la  cellule 
médiane,  la  troisième  nervure  longitudinale  s'inclinant  fortement  vers 
le  bord  interne.  Les  cuisses  postérieures,  au  lieu  d'être  lisses  comme 
chez  les  Helophilus^  un  peu  plus  longues  que  les  autres  ainsi  que  les 
jambes  incurvées,  sont  pourvues  de  petites  soies  sur  leurs  bords  infé- 
rieurs et  supérieurs.  Les  mâles  des  Eristales  volent  impétueux  autour 
des  buissons.  Us  guettent  les  femelles  en  planant  immobiles  dans  les 
airs  et  se  précipitent  sur  elles  avec  toute  la  violence  de  leurs  désirs. 
Celles-ci  font  leur  ponte  au  vol  dans  les  substances  liquides.  Elles  s'a- 
baissent à  la  surface  pour  déposer  un  ou  plusieurs  œufs,  s'élevant  en- 
suite pour  s'abaisser  et  se  relever  encore. 

Il  y  a  une  trentaine  d'espèces  à' Eristalis  en  Europe. 

Une  des  espèces  les  plus  communes  partout  est  l'Eristale  gluante, 
Eristalis  tenax  Linn.,  qui  ressemble  au  premier  coup  d'oeil  à  une 
Abeille  par  la  taille,  la  coloration  et  le  bourdonnement.  C'est  une 
espèce  dont  les  antennes  portent  sur  le  revers  de  leur  article  lenticu- 
laire et  subcirculaire  une  soie  nue.  De  petits  poils  d'un  brun  jaunâtre 
recouvrent  le  thorax  et  la  tête,  à  l'exception  d'une  bande  d'un  noir 
luisant  qui  traverse  la  face.  Cinq  anneaux,  d'un  brun  foncé,  consti- 
tuent l'abdomen,  les  antérieurs  portant  des  taches  latérales  plus  ou 
moins  nettes.  Les  parties  externes  et  surtout  la  face  ventrale  un  peu 
évasée  sont  couvertes  de  poils.  Cet  insecte,  avec  quelques  autres  es- 
pèces, apparaît  dès  le  début  du  printemps,  venant  butiner  notamment 
dans  les  chatons  des  saules,  soit  qu'il  ait  hiverné,  soit  qu'il  vienne 
d'éciore  de  sa  pupe,  et  on  le  retrouve  jusqu'au  milieu  de  l'automne, 


1028  Dl  ITÈRES. 

même  dans  les  rares  jours  ensoleillés  de  novembre  sur  les  fleurs  si 
tardives  de  certaines  Composées  et  sur  celles  du  lierre  qui  attirent  à 
cette  époque  beaucoup  d'insectes.  Elles  vont  aussi  sucer  les  fruits  et 
les  ulcères  des  arbres.  La  larve  est  comprise  avec  celle  des  autres  Eris- 
tales  dans  les  Vers  à  queue  de  rat  de  Réaumur,  qui  se  développent  dans 
les  eaux  les  plus  malpropres,  même  dans  les  eaux  vannes  des  latrines 
mal  tenues.  A  sa  taille,  elle  est  cylindroïde,  d'un  gris  sale,  laissant  voir 
l'intestin  par  translucidité,  de  15,5  millimètres  de  long,  terminée  par 
une  longue  queue  tiliforme  atteignant  20  millimètres.  L'extrémité  an- 
térieure de  la  larve  se  rétracte  en  se  plissant  et  porte  les  deux  crochets 
écaillcux  habituels.  Le  ventre  est  muni  de  rangées  de  piquants  qui 
servent  à  la  progression  de  cette  larve  gluante,  notamment  quand  elle 
grimpe  hors  de  sa  fangeuse  résidence,  le  long  de  quelque  paroi  sèche, 
pour  y  opérer  sa  nymphose.  La  larve  plongée  dans  le  liquide  porte  à  la 
surface  pour  respirer  la  pointe  étroite  et  rougeâlre  qui  termine  sa 
queue  extensible  et  rétractile,  s'élevant  parfois  d'une  façon  incroyable 
pour  atteindre  une  couche  aérienne. 

Les  larves  sorties  du  liquide  laissent  transsuder  une  humeur  vis- 
queuse, puis  deviennent  des  pupes  durcies  et  plissées  en  travers,  assez 
coriaces,  qu'on  nomme  parfois  petites  Souris  et  qui  enveloppent  les 
véritables  nymphes.  Elles  présentent  en  avant,  simulant  des  oreilles, 
une  paire  de  petites  cornes  destinées  à  la  respiration,  car  leur  surface 
est  couverte  de  petits  orifices  stigmatiques.  Au  bout  de  douze  à  quinze 
jours,  un  opercule  se  détache  en  même  temps  que  les  cornes  stigmati- 
fères  et  l'adulle  apparaît.  Les  larves  des  Helophilus  sont  aussi  des  Vers 
à  queue  de  rat,  avec  les  mêmes  métamorphoses. 

NVRPHKS  Fabr.  —  Antennes  insérées  sur  une  saillie  du  front,  assez  écartées 
ù  la  base,  le  troisième  article  ovalaire  portant  une  soie  nue  en  général  ;  face  à 
proéminence  ;  palpes  et  soies  maxillaires  plus  ou  moins  allongés  ;  yeux  ordi- 
nairement nus,  parfois  velus  ;  ailes  hyalines  et  scintillantes,  avec  une  troisième 
nervure  longitudinale  presque  droite,  une  petite  nervure  transversale  aboutissant 
dans  hi  moitié  antérieure  de  la  cellule  médiane  et  une  cellule  marginale 
ouverte. 

Les  Syrphes  comptent  en  Europe  près  de  quatre-vingis  espèces.  Leurs 
couleurs  sont  jaunes,  rougetltres  et  noires.  Us  sont  lourds,  paresseux 
et  au  repos  par  les  jours  frais  et  brumeux;  dès  que  parait  le  soleil,  ils 
voltigent  vivement  avec  un  léger  bourdonnement,  faisant  fréquemment 
vibrer  leurs  ailes  en  vol  stationnaire,  les  pattes  pendantes  ;  puis  ils  s'a- 
battent sur  une  fleur  ou  sur  une  feuille  et  s'envolent  de  nouveau  aussi 
vite  qu'ils  sont  venus  pour  recommencer  leur  jeu.  Les  Syrphes  sont 
d'une  grande  utilité  pour  les  horticulteurs,  car  leurs  larves  très  vo- 
races,  arrivant  en  peu  de  semaines  à  toute  leur  croissance,  se  nourris- 
sent de  Pucerons,  de  Cochenilles  et  de  petites  Chenilles.  On  voit  en  été, 


SYRPHUS.  1029 

au  milieu  des  Pucerons,  ces  larves  apodes  et  aveugles,  très  allongées, 
effilées  du  côté  de  la  tâte  qu'elles  tournent  fréquemment  à  droite  et  à 
gauche  pour  chercher  en  tâtonnant  une  proie  qu'elles  suceront  eu  la 
tenant  eu  l'air.  Klles  sont  vertes  ou  d'un  vert  grisâtre,  ressemblant  à  de 
petites  Sangsues  par  leur  aspect  et  leurs  mouvements.  Non  seulement 
elles  peuvent  étirer  leur  corps  en  l'effilant,  mais  encore  rétracter  les 
deux  bouts  vers  le  centre,  de  façon  à  figurer  une  sorte  d'ovale  ;  c'est  la 
posture  qu'elles  affectent  quand  on  les  saisit.  Elles  se  fixent  par  des 
verrucosités  charnues  de  leur  région  postérieure.  La  fine  extrémité  an- 
térieure offre  deux  crochets  écailleux,  entre  lesquels  s'étend  un  petit 
plateau  corné  armé  de  trois  pointes.  C'est  un  dard  muni  d'une  ouver- 
ture à  l'extrémité  et  en  dedans  d'une  trompe.  Le  dard  perce  la  victime, 
la  trompe  se  remplit  d'une  partie  de  sa  substance,  se  retire  vers  l'œso- 
phage pour  s'y  décharger,  vient  se  remplir  de  nouveau  et  continue  ce 
mouvement  de  piston  jusqu'au  moment  où  il  ne  reste  que  la  dépouille 
desséchée.  Pour  progresser,  la  larve  fixe  l'extrémité  antérieure  qu'elle 
a  étirée  tout  de  son  long  et  lâche  alors  l'extrémité  postérieure  qu'elle 
rétracte  ensuite.  Ces  larves  se  développent  au  moins  deux  fois  par  an, 
après  que  les  femelles  ont  pondu  leurs  œufs  isolément  sur  les  feuilles 
ou  les  tiges  habitées  par  les  Pucerons  ;  il  y  a  des  espèces  dont  les  larves 
hivernent. 

Les  larves  à  leur  terme  grimpent  généralement  vers  le  soir  sur  une 
herbe  voisine,  ou  sous  une  feuille,  ou  à  la  pointe  d'une  aiguille  de  sa- 
pin, se  fixent  au  moyen  d'une  matière  gommeuse  qu'elles  sécrètent,  se 
raccourcissent  et  deviennent  des  pupes  turbinées  d'un  vert  brunâtre, 
en  forme  de  larmes,  dans  leur  propre  peau. 

Les  espèces  les  plus  communes  en  France  sont  :  S.  balteatus  De 
Géer,  syn.  :  nectareus  Panzer,  le  Syrphe  à  bandelettes,  de  10  milli- 
mètres de  long,  la  tête  jaune  avec  le  vertex  noir,  le  thorax  vert,  les 
pattes  jaunes  et  l'abdomen  noir  avec  une  tache  jaune  de  chaque  côté 
sur  le  premier  segment,  une  bande  fauve  sur  le  second,  deux  bandes 
fauves  sur  les  troisième  et  quatrième  et  le  cinquième  entièrement 
fauve  ;  très  abondant  dans  les  jardins;  S.  seleneticus  Meigen,  le  Syrphe 
à  croissants,  de  la  taille  d'une  grosse  Mouche  à  viande,  d'un  bleu  d'a- 
cier à  reflet  vert,  la  tète  brune  avec  de  gros  yeux  roussâtres,  l'écusson 
jaune,  l'abdomen  marqué  de  rangées  de  taches  jaunes.  La  larve,  très 
commune  dans  les  pépinières  au  milieu  des  Pucerons,  est  allongée, 
cendrée,  avec  des  lignes  et  des  taches  noirâtres,  rougeâtres  et  blanchâ- 
tres, la  pupe  ovoïde,  pointue  à  l'extrémité  postérieure  ;  deux  éclosions 
de  l'adulte,  en  mai  et  août,  comme  pour  la  plupart  des  Syrphes.  Le 
Syrphus  rtbesii  Linn.,  de  10  millimètres,  a  le  corselet  d'un  vert  bronzé, 
l'abdomen  noir,  marqué  de  quatre  bandes  jaunes,  dont  la  première 
est  interrompue  et  les  autres  échelonnées,  les  pattes  fauves;  très  abon- 
dant sur  les  groseilliers.  Le  S.  pirastri  Linn.,  de  12  à  15  millimètres, 
est  un  grand  Syrphe  à  corselet  et  abdomen  d'un  noir  bleuâtre,  avec 

C.IRARD.  ni.  —  64 


103Û  DIPTÈRES. 

deux  barides  blanches  aux  anneaux  2,  3,  U  de  l'abdomen,  les  pattes  d'un 
jaune  roussâtre;  fort  commun,  avec  la  larve  fréquente  sur  les  arbres 
fruitiers.  Nous  représentons  un  beau  Syrphe  exotique,  du  Sénégal,  de 
8  à  9  millimètres,  le  S.  Senegalensis  G.  Men.,  pi.  cxi,  fig.  3,  et  les  dé- 
tails d'une  espèce  d'Europe,  d'un  sous-genre  détaché  des  anciens  Syr- 
phus,  sous  le  nom  de  Melanostoma  Schiner  ;  le  M.  unicolor  Macquart, 
pi.  CXI,  fig.  à,  tête  vue  de  profil;  ha,  id.  en  dessous;  h  b,  antenne; 
h  c,  bouche;  hd,  l'un  des  tarses.  Nous  ferons  remarquer  que  les  Syr- 
phiens,  par  leur  mode  de  métamorphose,  commencent  le  groupe  des 
Cyclorapha  de  Schiner,  dont  l'adulte  sort  de  la  pupe  par  une  incision 
circulaire  à  la  partie  antérieure,  un  opercule  restant  attaché  à  un 
point  qui  forme  charnière  comme  une  tabatière  ouverte.  Il  en  sera 
de  même  pour  l'immense  tribu  des  Musciens.  Au  contraire,  tous  les 
Némocères  et,  parmi  les  Brachycères,  lesTabaniens,  Asiliens,  Stratyo- 
miens,  Dolichopodiens  appartiennent  aux  Orf/tor«p/ia  du  même  auteur, 
dont  l'adulte  sort  de  sa  nymphe  par  une  incision  longitudinale.  On 
peut  faire  l'objection  à  cette  division  primordiale  qu'elle  exige  la  con- 
naissance des  premiers  états,  de  sorte  que  des  formes  connues  seule- 
ment à  l'état  adulte  peuvent  amener  des  incertitudes.  Il  est,  croyons- 
nous,  pour  tous  les  ordres  des  Insectes,  préférable  de  déduire  les 
grandes  divisions  de  l'état  parfait  seul. 

l*ARACilIS  Latr.  —  Troisième  article  des  antennes  allongé,  avec  style  inséré 
entre  la  base  et  le  milieu  de  cet  article  ;  face  convexe  ;  vertex  fort  allongé  chez 
le  mâle  ;  yeux  velus,  ordinairement  rayés  ;  premier  segment  de  l'abdomen  ordi- 
nairement assez  grand,  deuxième  et  troisième  à  impression  transversale. 

Une  douzaine  d'espèces  en  France.  Nous  représentons  une  des  plus 
connues,  P.  bicolor  Latr.,  pi.  cxi,  flg.  5,  5  a,  tête  vue  de  profil,  long  de 
li,5  à  6,5  millimètres,  noir,  à  légers  reflets  verts  ;  bords  des  yeux 
blancs  ;  écusson  à  extrémité  blanchâtre  ;  second  et  troisième  segments 
de  l'abdomen  d'un  testacé  rougeàtre  dans  les  deux  sexes. 

t)HR¥HOTOX.i;iil  Meigen.  —  Antennes  insérées  sur  une  saillie  conique  du 
front,  un  peu  plus  longues  que  la  tète,  les  deux  premiers  articles  allongés, 
cylindriques,  le  troisième  un  peu  plus  allongé,  avec  un  chète  sélacé  ;  ailes 
écartées  au  repos  ;  abdomen  avec  des  taches  arquées  et  dorées. 

Les  Syrphiens  du  genre  Chrysotoxum  vivent  sur  les  fleurs  et  comptent 
quinze  espèces  en  Europe  avec  une  nombreuse  synonymie.  Nous  re- 
présentons une  des  plus  communes,  C.  arcuatum  Linn.,  pi.  cxi,  fig.  6, 
de  12  millimètres  de  long,  noirâtre,  avec  écusson  jaune  à  tache  noire, 
les  ailes  jaunâtres  à  côte  rembrunie,  les  segments  2,  3,  li,  5  de  l'abdo- 
men à  bande  jaune,  arquée,  interrompue. 


CERIA,    MICRODON.  1034 

CERl.%  Fabr.  —  Antennes  plus  longues  que  la  tète,  insérées  sur  un  pétiole    le 
second  et  le  troisième  article  forinant  une  massue  ovale,  avec  style   terminal 
court  ;  tête   plus  large  que   le  thorax  ;   nervure   sous-marginale  des  ailes  très 
sinuée,  émettant  un  rudiment  de  nervure  ;  abdomen  cylindroïde. 

Les  Céries  sont  d'élégants  Diplùres,  toujours  assez  rares,  offrant  une 
grande  ressemblance  avec  les  Conops  (Musciens  entomophages),  et  se 
posant  fréquemment  sur  le  sol.  Cinq  espèces  en  Europe,  dont  le  type 
est  C.  conopsoides,  Linn.,  pi.  cxi,  tig.  7,  7  a,  tète  vue  de  profil;  7  6,  id.,  vue 
en  dessus;  7c,  bouche, longueur  H  à  13,5  millimétrés,  noir,  face  jaune 
à  bande  noire,  front  jaune  chez  le  mâle,  jaune  et  noir  chez  la  femelle  ; 
côtés  du  thorax  à  taches  jaunes,  écusson  jaune,  à  extrémité  noire; bord 
extérieur  des  ailes,  brun;  jambes  et  tarses  fauves;  segments,  2,  3,  à  de 
l'abdomen  à  bord  jaune.  Environs  de  Paris,  rare,  de  mai  à  octobre. 

MICRODOM  Meigcn,  syn.  :  Apuritis  Latr.  —  Antennes  plus  longues  que  la 
tête,  second  et  troisième  articles  formant  une  massue  allongée,  avec  chète 
latéral  sétacé  partant  de  la  base  du  troisième  article  ;  palpes  très  petits  ;  écusson 
muni  de  deux  pointes  ;  cellule  médiastine  des  ailes  et  quelquefois  première 
postérieure  divisées  par  une  nervure  transversale  ;  abdomen  ovale. 

Quatre  espèces  en  Europe  toujours  rares.  La  principale  est  M.  muta- 
bilis  Linn.,  pL  cxii,  fig.  1,  la,  tête  vue  de  profil;  1  6, bouche;  le,  larse 
antérieur,  syn.  :  M.  apiformis  De  Géer,  longueur  9  à  11  millimètres, 
tète  et  thorax  d'un  vert  olive  bronzé,  la  tête  avec  trois  très  petits  ocelles 
en  triangle  obtus,  les  antennes  noires,  face  à  poils  jaunâtres,  ailes  rem- 
brunies, pattes  fauves  à  cuisses  noires,  abdomen  noir  à  duvet  doré,  ainsi 
que  le  thorax.  La  larve  de  ce  Diptère,  de  9  millimètres  de  long,  grisâtre, 
réticulée,  de  la  grosseur  d'un  grain  de  café,  très  bombée  en  dessus, 
aplatie  en  dessous,  ressemblant  à  une  petite  Limace,  sans  trace  de  seg- 
mentation, avec  deux  stigmates  postérieurs.  La  pupe,  formée  dans  la 
dernière  peau  durcie  de  la  larve,  est  brune  et  porte  en  avant  sur  le 
dos  deux  cornes  stigmatifères  droites  de  0,75  millimètres  de  long.  Sous  la 
peau  durcie  de  cette  pupe  est  une  nymphe  emmaillotée,  où  l'on  recon- 
naît les  formes  de  l'adulte  futur,  la  tète  infléchie  sur  la  poitrine,  les 
antennes  appliquées  sur  le  front  et  débordant  de  chaque  côté  sur  les 
yeux,  les  six  pattes  repliées  et  appliquées  sur  la  poitrine  et  l'abdomen, 
les  fourreaux  des  ailes  également  ramenés  contre  les  pattes  posté- 
rieures. La  partie  dorsale  porte  implantées  sur  l'extrémité  du  protho- 
rax les  cornes  respiratoires  qui  communiquent  avec  deux  grosses  tra- 
chées. Quand  l'adulte  éclôt,  la  partie  antérieure  et  supérieure  de  la 
pupe  éclate  en  trois  pièces  au-dessous  des  cornes  respiratoires,  laissant 
une  ouverture  coupée  latéralement  d'une  façon  assez  nette,  environ 
au  cinquième  de  la  longueur.  C'est  dans  les  fourmilières,  soit  sous  les 
écorces,  soit  en  terre,  qu'on  trouve  les  larves  et  les  nymphes  du  M.  mu- 


1032  DIPTÈRES. 

tabili.s,  ainsi  sous  les  écorces  avec  le  Lasius  niger,  et  aussi  dans  les 
fourmilières  du  Lasius  bnmncus  el  de?>  Formica  rufa,fasca  eicum'cularis. 
Un  autre  Microdon  également  de  toute  la  France  et  rare  est  le  M.  devins 
Linn.,  à  larve  également  myrmécophile  et  trouvée  avec  Formica  fusca. 
Cette  larve  est  lisse  et  non  réticulée  comme  celle  du  M.  mutabilis.  Les 
adultes  des  deux  espèces  se  trouvent  au  printemps  sur  les  fleurs  ou  ca- 
chés sous  les  herbes  dans  les  prairies  humides.  Schiner  dit  qu'on  trouve 
souvent  les  Microdon  en  grand  nombre  blottis  près  du  sol,  parmi  les 
herbes  et  les  feuilles.  On  consultera:  G.  Poujade,  Métamorphoses  d'un 
Diptère  de  la  famille  des  Syrphides,  genre  Microdon  Meigen,  M.  muta- 
bilis I.inn;  {Ann.  Soc.  entom.  France,  1883,  p.  23.) 

MEIlODOlil  Meigen.  —  Corps  épais  ;  antennes  insérées  sur  la  moitié  inférieure 
de  la  hauteur  de  la  tête  et  sur  une  saillie  du  front,  le  troisième  article  ovale, 
portant  un  style  latéral  articulé  ;  yeux  velus  ;  cellule  sous-marginale  des  ailes 
pédiforme  ;  cuisses  épaisses,  terminées  par  une  dent  chez  les  mâles,  jambes 
arquées. 

Les  Merodon  comptent  en  Europe  près  d'une  quarantaine  d'espèces. 
Une  des  principales  est  M.  equestris  Fabr.,  pi.  cxn,  fig.  2,  2  a,  tête  vue 
de  profil;  26,  bouche;  2c,  antenne,  longueur  13,5  millimètres;  face  et 
l'ront  grisâtres  ;  antennes  noires  ;  thorax  antérieurement  à  poils  ferru- 
gineux, postérieurement  à  poils  noirs;  écusson  et  abdomen  à  poils  ferru- 
gineux; pattes  noires,  les  jambes  postérieures  du  mâle  à  tubercule  vers 
l'extrémité  et  terminées  par  une  pointe  recourbée  ;  environs  de  Paris  et 
France  méridionale.  Réaumur  a  découvert  dans  les  oignons  de  narcisse 
les  larves  du  M.  clavipes  Fabr.  qui  en  rongent  l'intérieur,  une  ou  deux 
dans  chaque  bulbe.  Elles  ont  le  corps  blanchâtre,  épais,  cylindrique, 
pointu  aux  deux  extrémités;  la  bouche  est  munie  de  deux  crochets 
écailleux,  dont  la  pointe  est  dirigée  en  dessous.  Au-dessus  de  ces  cro- 
chets on  aperçoit  deux  cornes  bifides,  charnues  et  mobiles  :  l'extrémité 
du  corps  offre  les  stigmates  postérieurs  insérés  sur  un  pédicule  et  deux 
mamelons  pointus,  dont  la  larve  se  sert  peut-être  pour  se  cramponner. 
La  pupe  est  ovale,  présentant  les  deux  cornes  antérieures  despupes  de 
Syrphiens  aboutissant  intérieurement  à  deux  vésicules  qui  commu- 
niquent aux  stigmates. 

XYliOTA  Meigen.  —  Tête  fort  déprimée  ;  antennes  insérées  sur  une  saillie  du 
front,  second  article  ordinairement  cilié,  troisième  orbiculaire,  style  long  ; 
palpes  longs  ;  première  cellule  postérieure  des  ailes  à  base  oblique  ;  hanches 
postérieures  souvent  munies  d'une  épine  longue  et  grêle  ;  cuisses  postérieures 
allongées,  renflées,  armées  de  petites  pointes  en  dessous  ;  jambes  arquées  ; 
abdomen  allongé,  plus  étroit  que  le  thorax. 

Les  Xylotes  sont  des  Diptères  vivant  dans  les  forêts,  car  leurs  larves 


TROPIDIA,   SPILOMYIA,    PIPIZA.  1033 

se  trouvent  dans  le  bois  décomposé.  Les  adultes  voltigent  au  printemps 
sur  les  fleurs,  surtout  les  aubépines,  suçant  les  nectars.  Il  y  a  une  dou- 
zame  d'espùces  en  Europe.  On  peut  prendre  pour  type  X.  sejjnis  Linn., 
pi.  cxii,  flg.  3,  3a,  tète;  36,  antenne,  longueur  de  11  à  13  millimùlres, 
antennes  obscures;  face  grise;  front  gris  en  avant  chez  le  mâle,  noir, 
à  taches  latérales  grises  chez  la  femelle  ;  thorax  d'un  vert  obscur;  cuisses 
noires,  les  postérieures  à  longues  pointes;  jambes  jaunes,  à  anneau 
obscur;  premier  segment  de  l'abdomen  noir, à  reflets  verts,  second  et 
troisième  fauves,  les  autres  noirs,  à  reflets  verts. 

TROPlDl.%  Meigen.  —  Troisième  article  des  antennes  orbiculaire,  tronqué  à 
l'extrémité;  face  fort  saillante,  convexe,  carénée  longitudinalement  ;  cuisses 
postérieures  renflées,  arquées  et  munies  d'une  saillie  triangulaire;  jambes 
arquées. 

(Juatre  espèces  seulement  en  Europe,  toujours  rares,  parmi  lesquelles 
T.  milesiformis  Meigen,  dont  nous  figurons  des  détails,  pi.  cxu,  fig.  h,  sa 
tête;  lia,  son  antenne. 

§>I>II.OMVI.%  Meigen,  syn.  :  part.  Milesia  Latr.  —  Tête  fort  déprimée  ; 
antennes  insérées  sur  une  saillie  du  front,  à  troisième  article  orbiculaire  avec 
un  style  latéral  grêle;  face  souvent  sans  proéminence  ;  première  cellule  posté- 
rieure des  ailes  à  base  oblique;  jambes  postérieures  un  peu  arquées  et  com- 
primées en  carène. 

Les  Milesia  et  Spilomyia  comptent  au  plus  une  dizaine  d'espèces  en 
Europe.  Ce  sont  de  très  élégants  Syrphiens  floricoles,  recherchant  les 
chatons  des  saules,  les  corolles  des  prunelliers  et  des  aubépines  dès  les 
premiers  beaux  jours  du  printemps.  Leurs  larves  vivent  dans  les  détri- 
tus du  bois.  Celle  de  la  Milésie  vespiforme  (Spilomyia)  a  été  observée 
par  Baumhauer,  elle  est  épaisse,  presque  ovale,  d'un  gris  rougeàtre. 
Nous  représentons  S.  speciosa  Rossi,  pi.  cxn,  fig.  5,  5a,  tête  vue  de 
profil:  56,  antenne;  5c,  bouche;  5 d,  tarse  antérieur, longueur  15,5 mil- 
limètres, d'un  vert  métallique  obscur,  la  face,  le  front  et  les  antennes 
fauves,  les  épaules  jaunes,  le  bord  extérieur  des  ailes  jaune  à  extrémité 
brunâtre,  les  pattes  fauves,  la  base  des  cuisses  noirâtre,  second  seg- 
ment de  l'abdomen  et  suivants  sillonnés,  à  bande  noire,  le  bord  des 
segments  et  la  ligne  dorsale  à  poils  dorés.  Rare;  France,  Allemagne, 
Italie. 

PIPIZ.4  Fallen.  —  Tète  un  peu  conique  chez  le  mâle  ;  troisième  article  des 
antennes  ovale,  quelquefois  allongé  ;  face  plane,  sans  prolongement  inférieur  ; 
yeux  velus  ;  cuisses  postérieures  quelquefois  renflées. 

Le  nom  de  ces  Syrphiens  fait  allusion  au  bourdonnement  qu'ils  font 


103/i  DIPTÈRES. 

entendre.  Une  quarantaine  d'espèces  en  Europe,  en  général  assez 
rares.  Une  des  principales  est  /'.  fasciata  Meigen,  pi.  cxii,  fig.  6,  de  9  à 
H  millimètres  de  long,  noire,  les  antennes  brunes,  la  face  à  poils 
jaunes,  le  thorax  et  1  abdomen  à  poils  fauves,  avec  une  large  bande 
fauve  échancrée  au  second  segment,  le  troisième  à  ligne  fauve  inter- 
rompue, ailes  brunes  au  milieu,  l'extrémité  brunâtre  chez  la  femelle; 
pattes  fauves,  les  cuisses  noires  à  extrémité  fauve,  les  postérieures  un 
peu  renflées,  les  jambes  à  anneau  brun.  Rare. 

RniIVCilA  Scopoli.  — Antennes  insérées  sur  une  saillie  du  front,  à  troisième 
article  lenticulaire,  avec  long  style  latéral  inséré  à  la  base  ;  tête  prolongée  par 
un  bec  conique  -,  trompe  menue,  cylindrique,  lèvres  terminales  allongées, 
palpes  soudés  aux  soies  maxillaires  jusque  vers  l'extrémité  ;  abdomen  large, 
ovale. 

Ce  genre  n'a  que  trois  espèces  en  Europe,  remarquables  par  un  rostre 
céphalique  prolongé.  Le  type  est  R.  rostrata  Linn.,  pi.  cxii,  fig.  7,  la, 
tête  vue  de  profif;  7  6,  id.  .en  dessous;  7  c,  bouche;  7  d,  antenne;  le, 
tarse  antérieur,  d'une  longueur  de  9  millimètres,  la  face  ferrugineuse, 
le  front  à  duvet  gris  chez  le  mâle,  le  vertex  noir,  les  antennes  ferrugi- 
neuses, le  thorax  noir  chez  le  mâle,  gris  chez  la  femelle,  avec  trois 
bandes  brunes,  l'écusson  d'un  fauve  brunâtre,  les  ailes  grisâtres,  les 
pattes  ferrugineuses,  l'abdomen  ferrugineux,  avec  le  premier  segment 
noirâtre  chez  le  mâle,  à  tache  noire  dans  la  femelle,  le  second  à  tache 
noire.  Cette  espèce  est  fort  commune  dans  toute  l'Europe  et  sa  larve 
vit  dans  les  bouses. 

Tribu  des  IIIJSCIEMS. 


Les  Musciens  forment  la  tribu  la  plus  considérable  de  l'ordre  des 
Diptères,  comprenant  plus  de  vingt  mille  espèces,  certaines  fort  petites. 
On  y  trouve  des  entomophages,  précieux  auxiliaires  de  l'agriculture, 
des  parasites  cutanés  des  grands  animaux  et  de  l'homme  lui-même,  des 
sarcophages  faisant  disparaître  les  résidus  cadavériques,  des  multitudes 
d'espèces  attaquant  les  céréales,  les  fruits  et  les  cultures  de  légumes, 
soit  de  plein  champ,  soit  des  jardins.  Il  est  impossible  d'établir  des 
caractères  généraux  et  certains  Syrphiens  restent  de  place  incertaine 
entre  les  Syrphiens  et  les  Musciens. 

La  iamiUe  des  Conopsides  est  remarquable  par  ses  mœurs  ;  ils  sont 
des  entomophages  internes,  non  pas  de  larves,  comme  les  Ichneumo- 
niens  et  tes  Tachinides,  mais  d'Insectes  adultes  et  très  principalement 
d'Hyménoptères,  le  Conopside  introduisant  son  œuf  dans  un  Insecte  à 
l'état  parfait.  Ce  sont  d'élégants  Diptères,  vivant  sur  les  fleurs  et  plutôt 
paresseux  que  vivaces.  Ils  sont  d'une  famille  de  transition,  car  ils  ont  à 


CONOPS,   MYOPA.  J035 

la  l'ois  le  style  antennaire  terminal  des  tribus  supérieures  et  la  trompe 
à  deux  soies  des  inférieures.  F.eur  tâte,  très  grosse,  débordant  le  thorax, 
offre  un  vertex  translucide,  souvent  vésiculeux.  La  trompe  est  de  nature 
cornée,  généralement  longue,  dans  le  prolongement  de  l'axe  du  corps 
et  pourvue  d'une  surface  de  succion  peu  étendue.  L'abdomen  est  très 
rétréci  à  sa  base,  même  pédiculiforme,  se  recourbant  en  crosse  chez  le 
mâle,  plus  cylindroïde  et  recourbé  seulement  au  bout  chez  la  femelle. 
Les  mâles  ont  sous  le  quatrième  segment  de  l'abdomen  un  appendice 
de  nature  cornée  assez  saillant,  en  forme  de  valve  concave  qui  re- 
couvre l'appareil  copulateur  quand  l'abdomen  se  replie  en  dessous. 
Entre  les  griffes  de  chaque  patte  se  trouvent  des  lobules  très  dévelop- 
pés qui  servent  à  fixer  l'insecte. 

COIVOPS  Linn.  —  Corps  étroit  ;  tête  grande  et  large  ;  antennes  un  peu  plus 
longues  que  la  tête,  à  second  article  plus  long  que  le  troisième,  à  style  ter- 
minal ;  trompe  longue,  menue,  coudée  à  la  base,  dirigée  en  avant,  à  lèvres 
terminales  petites  et  menues  ;  front  large  dans  les  deux  sexes  :  pas  d'ocelles  ; 
cuillerons  très  petits  ;  ailes  couchées  au  repos,  première  cellule  postérieure  fer- 
mée et  pédiculée,  anale  fermée  et  allongée  ;  abdomen  recourbé  en  dessous,  à 
base  ordinairement  étroite. 

Nous  représentons  le  C.  rufipes  Fabr.,  pi.  cxin,  du  sous-genre  Physo- 
cephala,  Schiner,  fig.  6,  6a,  tète  vue  de  profil;  6  b,  antenne  ;  6c,  bouche, 
espèce  qui  se  trouve  dans  toute  l'Europe,  longueur  11  millimètres, 
tôte  fauve,  face  à  bande  et  joues  noires,  front  à  bande  noire,  antennes 
d'un  fauve  brunStre,  thorax  noir,  deux  points  blancs  en  dehors  des 
épaules;  moitié  extérieure  des  ailes  d'un  brun  fauve  dans  les  deux 
sexes,  ainsi  que  l'extrémité  des  tarses,  pattes  fauves,  abdomen  ferrugi- 
neux, le  premier  segment  à  base  noire,  troisième  et  quatrième  à  bande 
antérieure  noire. 

Il  y  a  en  Europe  plus  de  trente  espèces  du  genre  Conops  et  de  son 
sous-genre  Physocephala.  Les  larves  vivent  dans  l'abdomen  de  divers 
Insectes  adultes  et  s'y  changent  en  pupes,  l'insecte  parfait  sortant  par 
un  trou  qu'il  pratique  dans  une  incision  entre  deux  segments,  quelque- 
fois plusieurs  mois  après  la  mort  de  l'Insecte,  de  sorte  qu'on  trouve 
parfois  des  Conops  éclos  dans  des  boîtes  de  collection.  On  cite  comme 
hôtes  des  Conops  plusieurs  espèces  de  Bombus,  un  Osniia,  un  Bembex, 
de  Vespa,  à'Odynerus,  d'Eucera,  de  Pompilus,  de  Sphex,  et,  outre  ces 
Hyménoptères,  un  Œdipoda  (Orthoptère  Acridien). 

MYOPA    Fabr.    —  Face    ordinairement    gonflée  ;   front  large   dans  les  deux 

sexes  ;  antennes  assez  courtes,  à  troisième  article  ovalaire,  presque  orbiculaire, 

■avec  un  style  dorsal  court;  trompe  longue,  menue,  coudée  à  sa  base,  puis  vers 

la  moitié  de  sa  longueur  et  dirigée  en  arrière  ;  des  ocelles  ;  cuillerons  petits  ; 

ailes  couchées,  la  première  cellule   postérieure    ordinairement    ouverte,  anale 


1036  DIPTÈRES. 

allongée  ;  abdomen  obtus,  recourbé  en  dessous,  le  quatrième  segment  dilaté  en 
dessous  chez  le  mâle  ;  ongles  et  pelotes  des  tarses  grands. 

Les  Myopes  comptent  en  Europe  une  quinzaine  d'espèces  et  vivent 
du  nectar  des  fleurs.  Nous  représentons  pi.  cxiii,  fig.  7,  M.  variegata 
Meigen,  longueur  7  millimètres,  les  palpes  en  massue,  la  face  jaune 
le  front  et  les  antennes  ferrugineux,  le  thorax  noir,  à  deux  lignes  blan- 
châtres antérieurement,  les  épaules  et  côtés  brunâtres,  lécusson  à 
tache  blunclie  ;  ailes  brunâtres,  pattes  ferrugineuses,  les  cuisses  anté- 
rieures épaisses,  noires,  ù  anneau  blanchâtre,  les  jambes  à  anneau 
noir;  abdomen  noir,  les  trois  premiers  segments  à  côtés  ferrugineux  et 
bord  blanc,  les  deux  suivants  blanchâtres,  à  quatre  taches  antérieures 
noires.  De  France  et  d'Allemagne.  A  citer  encore  :  M.  ferruginea  Linn., 
du  sous-genre  Sicus  Scopoli,  à  grosse  tète  vésiculeuse,  le  corps  d'une 
couleur  rouillée  et  brillante,  la  face  d'un  jaune  doré,  l'écusson  dorsal 
marqué  de  trois  raies  noires  longitudinales,  l'abdomen  portant  des 
bandes  transversales  blanches  à  reflets  soyeux  ;  la  larve  de  cette  espèce 
vit,  dit-on,  dans  le  corps  des  .Bourdons. 

La  famille  des  DKstrides  est  essentiellement  naturelle  en  raison  d'un 
caractère  biologique  de  haute  valeur,  les  Diptères  qui  la  composent 
étant  de  véritables  parasites  des  grands  Mammifères  et  accidentellement 
de  l'homme  lui-même,  c'est-à-dire  qu'ils  vivent  à  l'état  larvaire  aux 
dépens  d'animaux  dont  ils  ne  causent  pas  la  mort  et  qu'ils  ne  rendent 
réellement  pas  malades,  ne  troublant  souvent  en  rien  leur  régime  ha- 
bituel. Le  corps  des  Œstrides  est  ordinairement  velu  ;  la  trompe  est 
parfois  nulle  et  l'insecte  parfait  ne  prend  alors  aucune  nourriture; 
d'autres  ont  une  trompe  rudimentaire  et  une  bouche  légèrement  fen- 
due, ou  bien  une  trompe  cachée  dans  une  cavité  buccale  fermée.  Les 
palpes  sont  tantôt  distincts,  tantôt  nuls.  Les  antennes  sont  courtes,  cy- 
lindroïdes,  insérées  dans  une  fossette  frontale,  le  troisième  article  ordi- 
nairement globuleux,  avec  un  style  sétacé  dorsal,  épais  à  la  base.  Il 
existe  des  ocelles.  Le  plus  souvent  les  cuillerons  sont  grands  et  les  ailes 
écartées,  ordinairement  avec  trois  cellules  postérieures,  la  première 
tantôt  fermée,  tantôt  entr'ouverte,  tantôt  très  ouverte.  L'abdomen  est 
le  plus  souvent  ovale,  formé  de  six  anneaux  apparents,  se  terminant 
dans  les  mâles  par  une  extrémité  mousse,  dans  les  femelles  par  un  ovis- 
capte  très  extensible. 

Les  QEstrides  habitent  à  l'état  de  larve  des  Mammifères  domestiques 
ou  sauvages,  ainsi  le  bœuf,  le  cheval,  l'âne,  le  renne,  le  cerf,  le  che- 
vreuil, l'antilope,  le  mouton  et  divers  Rongeurs,  tels  que  le  lièvre.  Ils 
occupent  trois  stations  principales  sur  leurs  hôtes  :  1°  les  Cuticoles  vi- 
vent sous  la  peau  dans  des  tumeurs  que  détermine  leur  présence,  ainsi 
le  genre  Cuterebra,  surtout  américain,  sous  la  peau  du  lièvre,  du 
chien,  etc.,  et  aussi  de  l'homme,  le  genre  Hypoderma  sous  la  peau  du 
bœuf,  le  genre  Œdemagena  sous  celle  du  renne  ;  2°  les  Cavicohs,  habi* 


CffiSTRIDES,  1037 

tant  les  narines  et  les  sinus  frontaux,  le  genre  Cephmemyla  dans  le 
renne  en  Laponie  et  dans  le  cerf  en  Saxe,  le  genre  Cephalemyia  com- 
mun dans  les  moutons  de  toute  l'Kurope;  3"  les  Gasiricoles  ne  renfer- 
mant que  le  genre  Gastrophilus  Leach,  syn.  :  OEstrus  auct.,  Gastrus 
Meigen,  dont  les  diverses  espèces  vivent  à  l'état  larvaire  principalement 
greffées  à  la  paroi  interne  do  l'estomac  des  diverses  espèces  de  l'ordre 
des  Équidés. 

On  ne  peut  confondre  les  larves  d'Œstrides  qu'avec  celles  des  Mus- 
cides  ou  asticots.  11  y  a  d'abord  des  conditions  biologiques  différentes. 
Les  Muscides  adultes  ne  peuvent  pas  entamer  la  peau  saine  et  pondent 
leurs  œufs  dans  des  plaies  déjà  existantes  et  plusieurs  larves  de  Moucbes, 
parfois  mt^me  un  très  grand  nombre,  peuvent  coexister  dans  la  même 
plaie.  Les  (lEstrides  au  contraire  sont  les  agents  directs  des  tumeurs  où 
vivront  leurs  larves  et  ne  déposent  jamais  qu'un  seul  œuf  en  un  point 
donné  de  la  peau  externe  ou  de  la  muqueuse  d'une  cavité.  Les  larves 
des  Œstrides  comme  celles  des  Muscides  sont  fusiformes,  apodes,  sans 
tête  distincte,  privées  d'yeux  et  d'antennes,  composées  de  onze  à  treize 
segments  peu  apparents,  dont  le  premier  ou  pseudocéphale  porte  une 
paire  de  forts  crochets  mandibulaires,  sauf  dans  le  genre  Hypoderme, 
Si  nous  supposons  la  larve  placée  verticalement,  l'orilice  buccal  en 
haut,  on  voit  que  les  téguments  sont  couverts  d'épines  chitineuses 
aiguës  et  tournées  en  bas  ;  mais,  tandis  qu'elle  sont  presque  toujours 
d'égale  forme  et  répandues  comme  au  hasard  sur  tout  le  corps  dans 
les  Muscides,  dans  les  Œstrides,  au  contraire,  on  rencontre  toujours 
une  couronne  d'épines  plus  fortes,  formant  une  ceinture  au  bord  infé- 
rieur de  la  plupart,  sinon  de  tous  les  segments,  d'où  résulte  pour  le 
corps  une  disposition  annelée  bien  plus  manifeste. 

Le  corps  est,  chez  les  Œstrides,  courbé  en  arc  de  circonférence  sur  son 
pian  antérieur,  disposition  plus  accusée  chez  les  Cuticoles,  ce  qui  leur 
permet  de  mieux  s'adapter  aux  dimensions  restreintes  de  la  cavité  dans 
laquelle  ils  vivent.  Les  larves  de  Muscides,  qui  ne  sont  pas  habituelle- 
ment parasites,  ont  le  corps  rectiligne  ou  tout  au  plus  légèrement  courbé 
en  S,  par  suite  de  l'habitude  qu'elles  ont  d'élever  leur  extrémité  caudale 
et  respiratoire  au-dessus  des  matières  demi-liquides  où  elles  vivent,  et  de 
courber  en  sens  inverse  leur  extrémité  céphalique  pour  prendre  appui 
avec  leurs  mandibules.  Le  caractère  distinctif  le  plus  important  se 
trouve  dans  la  disposition  des  stigmates  inférieurs.  Il  n'y  a  que  deux 
paires  de  stigmates  dans  les  larves  d'Œstrides  ou  de  Muscides;  mais, 
tandis  que  la  paire  inférieure  se  termine  librement  chez  les  Muscides 
au  moyen  d'une  sorte  de  bouton  renflé,  dans  les  Œstrides  au  contraire 
ces  stigmates  sont  logés  au  fond  d'une  dépression  {caverne  stigmatique 
des  auteurs)  qui  peut  se  fermer  au  gré  de  l'animal,  soit  au  moyen  de 
deux  lèvres  s'appliquant  l'une  sur  l'autre  [Gastrophilus  equi),  soit  par 
une  lèvre  antérieure  unique  se  relevant  au-devant  des  orifices  {Cepha- 
lemyia oris),  soit  enfin  par  un  bourrelet  circulaire  qui  se  ferme  en  se 


"v03è  DIPTÈRES. 

fronçant  à  la  manière  d'une  bourse  (Gastrophilus  hœmorrhoidalis).  Chez 
les  Œstrides  encore  les  troncs  trachéens  longitudinaux  aboutissent 
inférieurement  à  deux  plaques  stignnatiques  cornées,  d'une  structure 
très  compliquée,  réniformes  ordinairement  et  criblées  d'un  nombre 
plus  ou  moins  grand  de  petits  orifices.  Ces  dispositions  sont  évidem- 
ment en  rapport  avec  la  vie  parasitaire  et  ont  pour  but  de  prévenir 
l'obstruction  des  organes  respiratoires  par  le  mucus  ou  le  pus  au  milieu 
desquels  vit  l'insecte. 

crTEREBRA  Clarcke,  Latr.  —  Tête  un  peu  renflée  en  avant  ;  troisième  article 
des  antennes  ovoïde  avec  un  style  plumeux  ;  cavité  buccale  étroite,  triangulaire, 
avec  trompe  très  petite  et  rélractile  ;  première  cellule  postérieure  des  ailes 
entr'ouverte  à  l'extrémité  ;  pelotes  tarsiennes  assez  larges  ;  larves  sans  crochets 
buccaux. 

Les  Cutérèbres  sont  des  Œstrides  cuticoles  encore  fort  mal  connus 
comme  détermination  exacte  et  qui  sont  voisins  des  Hypodermes  et  des 
Œdémagènes,  déterminant  également  des  abcès  sous  la  peau  où  vivent 
leurs  larves.  En  Russie  deux  espèces  de  Cutérèbres  vivent  en  larves  sous 
la  peau  des  lapins  et  des  lièvres;  les  autres  espèces  sont  principalement 
des  régions  les  plus  chaudes  de  l'Amérique,  Mexique  et  Amérique  cen 
traie  et  se  trouvent  sur  l'homme,  le  chien,  le  bœuf,  la  chèvre,  les 
singes,  le  jaguar,  etc.  Chez  l'homme  les  larves  résident  sous  la  peau 
et,  dit-on,  dans  les  narines,  mais  peut-être  ici  s'agit-il  d'une  Lucilia 
(Muscides)  et  non  d'une  Cutérèbre.  Ces  larves  ont  été  trouvées  à  la 
région  lombaire,  aux  membres,  au  cuir  chevelu,  à  l'abdomen,  au 
scrotum,  etc.  Biles  sont  citées  par  La  Condamine,  Barrère,  Arture, 
médecin  du  roi  à  Cayenne,  qui  envoya  en  1753  un  mémoire  à  l'Acadé- 
mie des  sciences  sur  les  tumeurs  à  Vers  macaques,  qu'on  fait  sortir 
avec  des  cataplasmes  de  tabac.  Plus  tard  en  font  mention  de  Humboldt, 
le  docteur  Guyon,  à  la  Guyane  (1823);  Roulin  (Nouvelle-Grenade),  le 
docteur  d'Abreu  (Minas-Geraes,  185/i),  Justin  Goudot,  affirmant  qu'à  la 
Nouvelle-Grenade,  non  seulement  les  bœufs  et  les  chiens,  mais  les 
hommes  eux-mêmes  nourrissent  des  larves  d'Œstrides  ;  il  en  aurait  eu 
sur  lui-même  et  en  a  conservé  unesur  une  cuisse  pendant  une  quinzaine 
de  jours  pour  observer  sa  succion. Coquerel  et  Salle  ont  décrit  une  larve 
du  Mexique,  nommée  Ver  moyocuil,  se  développant  sur  l'homme  et  le 
chien,  et  Boucard  en  a  plus  tard  recueilli  des  échantillons  sur  l'homme 
(Dermatobia  hominis  de  Coquerel).  Ces  larves  n'ont  pas  de  stigmates 
supérieurs;  quant  aux  inférieurs,  on  observe  au  fond  de  la  ca- 
verne stigmatique  trois  tubes  membraneux  unis  par  un  système  de 
bandes  anastomosées  cornées,  ces  tubes  aboutissant  à  une  chambre 
membraneuse  qui  se  continue  à  plein  canal  avec  les  grandes  tra- 
chées. 

Les    régions   torrides   de  l'Ancien  Monde  ne  sont   pas  ù   l'abri  des 


ŒDEMAGENA.  1039 

attaques  des  Df^strides,  et  le  pays  des  Cafres  en  serait  particulièrement 
infesté. 

Au  Sénégal  ont  été  faites  des  observations  plus  précises,  quoique 
encore  bien  insuffisantes,  sur  des  Muscides  et  des  Œstrides  attaquant 
l'homme  et  produisant  des  furoncles  où  sont  les  larves,  une  dans  chacun. 
Le  prétendu  Idia  Bigot i  Coquerel  paraît  être  un  Œstride  cuticole, 
ainsi  que  le  Ver  de  Cayor,  du  Sénégal,  se  développant  chez  l'homme  et 
chez  le  chien.  Il  paraît  bien  prouvé  aujourd'hui  que  l'homme  peut  être 
attaqué  accidentellement  par  plusieurs  espèces  de  Diptères  atteignant 
aussi  divers  animaux,  sans  qu'il  y  ait  véritablement,  comme  l'ont  cru 
certains  auteurs,  un  OEstrus  hominis  spécial  à  l'espèce  humaine.  Les 
Diptères  à  larves  parasites  de  l'homme  sont  encore  mal  connus,  car  on 
en  indique  à  larves  avec  crochets  buccaux  et  des  crochets  cornés  très 
petits  et  dirigés  en  arrière  aux  onze  anneaux  du  corps,  ainsi  pour 
Cuterebra  noxialis  Goudot,  couvrant  de  tumeurs  à  la  Nouvelle-Grenade 
les  bœufs  et  les  chiens  et  aussi  le  ventre  des  indigènes,  chaque  tumeur 
renfermant  une  larve.  Probablement  ce  n'est  pas  une  vraie  Cutérèbre. 
On  a  dû  confondre  souvent  les  Gutérèbres  avec  les  Hypodermes.  Hypo- 
derma  bovis  passe  pour  avoir  été  trouvé  chez  l'homme  dans  la  mâchoire, 
les  sinus  frontaux,  les  narines,  la  peau  du  front,  l'oreille,  etc.  Toutes 
ces  questions  ont  besoin  de  nouvelles  études.  On  consultera  le  travail 
magistral  de  Brauer  :  Monographie  der  Œstriden,  Wien,  1863,  et  la 
thèse  de  doctorat  en  médecine  (Faculté  de  Paris,  1882),  de  M.  Georges 
Pruvot  :  Contribution  à  Vétude  des  larves  de  Diptères  trouvées  dans  le 
corps  humain.  Nous  représentons  une  fort  belle  Cuterebra,  nommée  par 
Guérin-Méneville  apicalis,  pi.  cxni,  fîg,  1  a,  sa  tète  ;  1  b,  tarse  anté- 
rieur. 11  la  désigne  comme  d'Amérique,  notion  fort  vague.  C'est  un 
sujet  de  collection  sur  lequel  il  n'y  a  aucune  indication  d'origine  ni  de 
mœurs  dans  l'Iconographie. 

OSDEMAGKIVA  Clarcke,  Latr.  —  Ouverture  buccale  linéaire,  élargie  supérieure- 
ment ;  trompe  nulle,  deux  palpes  rapprochés,  de  deux  articles,  le  second  grand, 
orbiculaire,  comprimé  ;  première  cellule  postérieure  des  ailes  entr'ouverte  à 
l'extrémité,  nervure  transversale  de  la  discoïdale  presque  perpendiculaire  à  sa 
base  ;  crochets  et  pelotes  des  tarses  grands. 

Nous  représentons  OE.  tarandi  Clarcke, Linn,  pi.  cvui,  fig.  la,  tarse 
postérieur,  longueur  du  mâle  13""", 5,  de  la  femelle  15"'™, 5  ;  antennes 
noires  ;  face  à  poils  jaunes,  la  partie  supérieure  et  le  front  à  poils 
noirs  ;  thorax  à  poils  jaunes,  avec  une  large  bande  transversale  de  poils 
noirs  ;  ailes  un  peu  brunâtres  le  long  de  la  côte  ;  cuisses  et  bas  des 
jambes  noirs,  le  reste  fauve  ;  premier  segment  de  l'abdomen  à  poils 
d'un  jaune  pâle,  les  autres  à  poils  roux.  De  Laponie  et  du  nord  de  la 
Suède  ;  la  femelle  dépose  ses  œufs  sur  le  dos  des  rennes  et  la  larve 
s'introduit  sous  la  peau  pour  se  développer  dans  des  tumeurs. 


1040  DIPTÈRES. 

HVPODERMA  Latr.  —  Antennes  cachées  dans  deux  fossettes  distinctes,  pré- 
sentant un  style  nu  sur^un  troisième  article  fort  court,  transversal  ;  trompe  et 
palpes  indistincts  ;  une  petite  ouverture  buccale  en  forme  d'Y  ;  première  cellule 
postérieure  des  ailes  entr'ouverte  à  l'extrémité  ;  nervure  transversale  de  la  dis- 
coïdale  fort  oblique. 

Les  Hypodermes  comptent  cinq  ou  six  espèces  en  Europe,  dont  les 
larves  vivent  sur  des  Ruminants  domestiques  ou  sauvages.  Le  type  est 
H.  bovis  De  Géer,  pL  cxiii,  fig.  3,  mâle.  L'insecte,  long  de  l/i  milli- 
mètres, est  noir,  avec  les  jambes  et  les  tarses  d'un  jaune  rougeàtre,  les 
cuisses  étant  noires.  Le  dos  présente  sa  partie  postérieure  d'un  noir 
luisant,  avec  cinq  crêtes  longitudinales  mousses  de  poils  noirs  nette- 
ment saillantes.  Le  corps  est  revêtu  de  poils  serrés,  noirs  sur  le  second 
et  le  troisième  segment  de  l'abdomen,  jaunes  à  l'extrémité,  qui  est  en 
tarière  pointue  chez  la  femelle,  arrondie  obtusément  dans  le  mâle.  Les 
ailes  sont  un  peu  rembrunies.  Les  cuillerons  sont  très  développés  et 
les  balanciers  ont  de  gros  boutons  ovales.Réaumurétudiaitles  larvessur 
les  vaches  de  l'abbaye  de  Malnoue  en  Brie,  et  comme  les  Diptères  qui  en 
proviennent  sont  très  velus,  il  les  comparait  à  des  Bourdons.  Les  femelles 
voltigent  autour  des  bœufs  et  des  vaches  qu'on  mène  en  été  au  pâtu- 
rage et  déposent  leurs  œufs  sur  la  peau  ou  sur  les  poils,  surtout  des 
flancs,  du  dos  et  de  la  croupe,  sans  perforer  en  rien  le  cuir.  La  larve 
sortie  de  l'œuf  est  munie  de  pièces  buccales  quilui  permettent  d'entamer 
la  peau  et  de  pénétrer  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané.  Elle  amène 
la  formation  lente  d'une  tumeur  à  pus  dans  laquelle  elle  se  meut  au 
moyen  de  ses  crochets  dermiques.  Elle  y  vit  une  dizaine  de  mois  jus- 
qu'à son  complet  développement,  puis  sort  le  matin  de  son  horrible 
berceau  pour  tomber  sur  le  sol  et  y  devenir  une  pulpe  en  barillet  d'où 
l'adulte  éclôt  au  bout  de  quelques  semaines.  Des  espèces  analogues 
produisent  des  tumeurs  cutanées  sur  lecerf  (//.  Actœon  Brauer),  sur  le 
chevreuil  {H.  Diana  Brauer),  sur  l'élan  aux  bois  gigantesques,  etc. 
Parfois  les  oiseaux  insectivores  viennent  becqueter  ces  Ruminants  et 
les  débarrasser  de  leurs  larves  parasites.  L'éléphant  et  même  le  rhino- 
céros à  peau  si  dure  ne  sont  pas  exempts  de  larves  de  ce  groupe  de 
Cuticoles  et  des  oiseaux  spéciaux,  bien  connus  des  chasseurs  de  ces 
grands  Pachydermes,  élisent  en  quelque  sorte  domicile  sur  leur 
dos. 

CEPHAl,E!lIYlA  Latr.  —  Corps  peu  velu  ;  tète  grosse  et  arrondie  antérieure- 
ment ;  style  des  antennes  apical  ;  point  de  cavité  buccale,  deux  petits  tuber- 
cules ;  cuillerons  grands,  première  cellule  postérieure  des  ailes  fermée. 

On  trouve  dans  toute  l'Europe  l'Œstre  du  mouton  ou  C.  ovis  Linn., 
pi.  cxin,  lîg.  Zi,  Il  a,  tête  vue  de  face  ;  Zi  6,  antenne;  lie,  aile,  petit  Dip- 
tère peu  velu,  de  11  millimètres  de  long,  à  antennes  noires,  à  front 


GEPHALEMYIA,   GASTROPHILUS.  4 041 

brun  à  bande  pourprée,  le  front  et  le  dos  rendus  rugueux  par  des  vcr- 
rucosités  noires,  les  ailes  hyalines  dans  les  deux  sexes  et  possédant  une 
nervure  transversale  apicale,  les  pattes  fauves,  l'abdomen  orné  de 
marbrures  jaunes,  blanches  et  noires,  semblant  divisé  en  carreaux  par 
des  poils  soyeux  et  faibles.  On  rencontre  ces  Céphalémyies  en  août  et 
septembre,  aux  endroits  où  les  moutons  vont  paître,  dans  les  creux  de 
murailles,  dans  les  crevasses  des  écorces,où  elles  reposent  avec  calme 
et  se  laissent  capturer  aisément.  On  recueille  aussi  des  adultes  en 
grande  quantité  sur  les  solives  du  plafond  des  bergeries,  l.a  femelle 
fécondée  pond  ses  œufs  dans  les  narines  des  moutons.  Les  larves  qui  en 
éclosent  grimpent  avec  leurs  crochels  dans  les  fosses  nasales  et  pénè- 
trent dans  les  sinus  frontaux,  s'y  nourrissant  des  mucosités  dont  leur 
présence  accroît  la  sécrétion  et  s'y  trouventjusqu'à  sept  à  huit  à  la  fois. 
On  trouve  fort  souvent  ces  larves  dans  les  boucheries  et  triperies  quand 
on  fend  la  tête  de  mouton  pour  en  extraire  la  cervelle.  Au  moment  où 
la  femelle  touche  le  nez  du  mouton,  l'animal  secoue  la  têle  et  frappe 
violemment  la  terre  avec  les  pattes  de  devant.  11  se  sauve  le  museau 
baissé  contre  le  sol  ;  il  flaire  l'herbe  en  courant,  de  peur  qu'une  autre 
Mouche  n'y  soit  cachée,  et,  s'il  l'aperçoit,  s'éloigne  avec  terreur.  Il 
cherche  les  ornières  pleines  de  poussière  et  y  plonge  son  museau  pour 
en  rendre  l'accès  impossible.  Au  bout  de  neuf  mois  environ,  quand  les 
larves  sont  à  maturité,  elles  se  laissent  expulser  au  moment  où  le  mou- 
ton éternue,  puis  s'enfoncent  verticalement  en  terre  pour  se  transfor- 
mer en  une  pupe  en  barillet,  produisant  l'adulte  au  bout  d'à  peu  près 
deux  mois. 

On  a  longtemps  cru  et  écrit  que  les  larves  de  C.  ovis  causaient  la  ma- 
ladie du  tournis  des  moutons  ;  c'est  une  erreur,  car  cette  grave  affec- 
tion est  due  à  des  Cœnures  ou  scolex  d'Entozoaires  dans  la  masse  ner- 
veuse encéphalique. 

Dans  le  même  genre  se  trouve  la  larve  de  C.  macukUa  Westw.,  qui 
offre  le  même  mode  d'existence  dans  la  cavité  nasale  du  chameau  et  du 
buffle.  Des  larves  de  genres  très  voisins,  également  d'Œstrides  cavi- 
coles,  se  développent  dans  le  nez  et  dans  le  pharynx  du  cerf,  du  che- 
vreuil, du  renne,  et  une  espèce  dans  le  pharynx  de  l'éléphant  d'Afrique. 

G.%STROPHILl'S  Leach,  syii.  :  CftlsTRUS  auct.,  Gastrus  Meigen.  — Style  des 
antennes  nu  ;  point  de  cavité  buccale,  deux  petits  tubercules  (palpes?);  cuil- 
lerons  médiocres  ;  ailes  couchées  au  repos,  la  première  cellule  postérieure 
entièrement  ouverte,  discoïdale,  ne  dépassant  pas  la  basilaire  extérieure  ;  abdomen 
de  mâle  à  terminaison  mousse  et  arrondie,  celui  de  la  femelle  finissant  par  un 
long  oviscapte  rélractile. 

Les  Gastrophilus  comptent  sept  à  huit  espèces  ayant  la  même  distri- 
bution géographique  que  les  Equidés  dont  ils  sont  les  parasites  stoma- 
caux. Le  plus  connu  est  G.  equi  Fabr.,  ou  Œstre  du  cheval,  pi.  cxni. 


1062  DIPTÈRES. 

fig.  5,  femelle,  5  a,  tête  vue  de  face;  5  b,  antenne;  5  c,  aile,  de  13  à 
17""",5  de  long,  reposant  les  ailes  à  demi  ouvertes  et  l'extrémité  abdo- 
minale infléchie.  Le  front,  plus  large  dans  la  femelle  que  dans  le  mrde, 
est  recouvert,  ainsi  que  la  face  dorsale  du  thorax,  dune  épaisse  four- 
rure d'un  brun  jaunâtre  ;  les  ailes,  un  peu  troubles,  sont  marquées 
d'une  bande  transversale  effacée  et  sombre  et  présentent  quelques 
petites  taches,  notamment  deux  apicales  ;  les  autres  parties  du  corps 
portent  des  poils  plus  disséminés  et  plus  clairs  ;  le  tégument  des.  pattes 
et  de  la  plus  grande  partie  de  l'abdomen  est  d'un  jaune  de  cire  foncé. 
L'adulte  soulève  l'opercule  de  la  pupe  par  quelque  matin  d'une  belle 
journée  et  présente  alors  transitoirement  et  disparaissant  au  bout  de 
quelques heureslorsde  la  dessiccation  tégumentaire  une  grande  vésicule 
transparente  recouvrant  tout  le  front  jusqu'à  la  nuque  et  aidant  proba- 
blement l'insecte  à  soulever  l'opercule  nymphal;  on  la  retrouve  chez 
beaucoup  de  Musciens  [Cyclorhapha). 

L'DEstre  vit  au  voisinage  de  l'homme  dans  toute  l'Europe  et  en  Orient, 
partout  où  se  trouvent  des  chevaux,  se  posant  même  sur  l'homme  et  se 
laissant  capturer  aisément.  La  femelle  s'approche  du  cheval,  de  l'âne  ou 
du  mulet,  se  balance  quelque  temps  les  ailes  ouvertes,  puis  se  pose  sur 
lui  l'abdomen  replié  et  réunit  quelques  poils  pour  y  coller  un  ou  plusieurs 
de  ses  œufs,  ne  suivant  pas  l'animal  à  l'écurie  ni  au  bain.  Tandis  que  les 
chevaux  craignent  beaucoup  les  Taons  dont  le  bourdonnement  les  effraye, 
ils  s'aperçoivent  fort  peu  de  la  présence  des  Œstres  au  vol  silencieux. 
Les  œufs  sont  surtout  déposés  sur  les  jambes  et  sur  les  épaules,  régions 
que  la  langue  du  cheval  peut  atteindre  aisément.  Les  jeunes  larves 
déterminent  une  démangeaison  à  la  peau,  de  sorte  que  l'animal  se 
lèche  et  avale  ces  larves.  Après  deux  mues,  ces  larves  prennent  une 
forme  un  peu  aplatie  et  une  teinte  d'un  rouge  de  chair  ;  les  anneaux, 
à  l'exception  du  dernier,  sont  rugueux  en  raison  d'une  double  couronne 
de  piquants  qui  sont  dirigés  en  arrière.  En  avant,  on  distingue  à  la  face 
supérieure  deux  verrucosités  extensibles  et  rétractiles  représentant  les 
antennes  et,  à  la  face  inférieure,  deux  robustes  crochets  qui  servent  à 
fixer  la  larve  à  la  paroi  de  l'estomac,  principalement  près  du  pylore, 
suspendues  en  sortes  de  grappes.  Ce  sont  les  mandibules  ;  entre  elles 
se  trouve  au  premier  âge,  une  pièce  simple  lancéolée,  qui  se  dédouble 
après  la  première  mue,  pour  constituer  une  paire  de  mâchoires  en 
cisailles  capable  d'entamer  la  muqueuse  et  entre  lesquelles  s'ouvre  la 
bouche  dans  une  fente  longitudinale.  Les  stigmates  postérieurs  sont 
renfermés  dans  une  espèce  de  bourse  formée  par  les  derniers  segments 
et  qui  peut  s'ouvrir  et  se  fermer,  cette  position  dans  une  cavité  empê- 
chant ces  stigmates  d'être  obstrués  par  les  mucosités.  Us  sont  composés 
d'un  grand  nombre  de  petits  trous  percés  dans  six  bandes  écailleuses. 
La  nourriture  des  larves  consiste  dans  les  liquides  que  sécrète  la  paroi 
stomacale. 
,    Ces  larves  s'accrochent  solidement  chacune  dans  une  petite   excava- 


GASTROPHILUS,  TACFHNIDES  1Q48 

tion  ou  loge  produite  par  elle,  en  suçant  la  muqueuse  à  la  façon  d'une 
sangsue  et  faisant  couler  une  sorte  de  pus  qu'elle  absorbe  ;  cette  petite 
plaie  se  cicatrise  quand  la  larve  l'a  quittée.  Après  dix  à  douze  mois  de 
séjour  dans  l'estomac,  les  larves  passent  dans  l'intestin,  aidées  par  les 
mouvements  péristaltiques  et  y  achèvent  leur  développement  encore 
incomplet.  Elles  tombent  sur  le  sol  avec  les  excréments,  en  mai,  juin 
ou  juillet,  selon  la  température,  et  s'y  enfoncent  en  entier,  puis,  bien 
recouvertes  de  terre,  se  rétrécissent  et  se  transforment  en  une  pupe 
résistante  dont  les  organes  respiratoires  antérieurs  émergent  à  la  façon 
de  deux  oreilles;  au  bout  d'environ  six  semaines,  si  les  circonstances 
atmosphériques  sont  favorables,  éclosentles  adultes.  .Nous  devons  signa- 
ler une  seconde  espèce  de  Gastrophilus,  moins  commune  que  la  précé- 
dente ;  c'est  le  G.  hœmorrhokhdis  Linn.,  de  12  millimètres  de  long, 
remarquable  par  ses  antennes  ferrugineuses,  ses  poils  presque  partout 
fauves,  les  ailes  hyalines  dans  les  deux  sexes,  les  pattes  jaunes,  l'abdo- 
men grisâtre,  avec  les  segments  terminaux  rougeàtres. 

Les  Tachinides,  appelés  parfois  Créophiles  ou  mangeurs  de  chair, 
constituent  une  tribu  considérable  de  Musciens  et  commencent  le 
groupe  des  Musciens  calyptérés,  c'est-à-dire  dont  les  balanciers  sont 
recouverts  et  cachés  par  des  cuillerons  très  développés.  Les  antennes 
sont  ordinairement  couchées,  avec  un  style  assez  épais  tians  une  partie 
de  sa  longueur,  nu  ou  quelquefois  pubescent,  le  plus  souvent  formé  de 
trois  divisions  distinctes,  avec  les  deux  premières  courtes.  La  trompe 
est  habituellement  épaisse,  et  les  palpes  allongés.  L'épistome  est  sou- 
vent saillant  et  le  péristome  bordé  de  soies,  le  front  ordinairement 
large  dans  les  deux  sexes.  Les  yeux  ne  se  touchent  pas  sur  le  vertex, 
alors  même  qu'ils  se  rapprochent  dans  les  mâles  ;  ils  paraissent  tantôt 
nus,  tantôt  recouverts  de  poils  veloutés.  Ailes  écartées  au  repos,  ayant 
une  nervure  apicale  transversale  nette  ;  pattes  munies  de  soies,  les 
pelotes  et  crochets  des  tarses  grands  dans  les  mâles  ;  abdomen  portant 
des  soies  souvent  raides  autour  des  segments,  et,  le  plus  habituellement, 
d'autres  au  milieu  des  second  et  troisième.  Les  fortes  soies  épineuses 
du  corps  ne  manquent  que  chez  un  petit  nombre  d'espèces.  Cet  abdo- 
men formé  de  quatre  segments  apparents,  est  court,  ovalaire  ou 
conoïde,  rarement  cylindroïde  et  paraissant  dans  ce  cas  incurvé  à 
l'arrière. 

Ces  Tachinides  ou  Entomobies  de  Robineau-Desvoidy  inspirent  le 
plus  vif  intérêt  quand  on  observe  leurs  habitudes,  leurs' mœurs  et  le 
développement  de  leurs  larves  parasites,  qui  semblent  chargées  par  la 
nature  de  maintenir  un  équilibre  nécessaire  à  la  vie  des  plantes  en 
limitant  le  nombre  des  insectes  nuisibles  aux  champs,  aux  jardins  et 
aux  forêts.  Les  adultes  vivent  d'un  peu  de  nectar  des  fleurs,  surtout  des 
Ombellifères  d'autres,  stationnent  sur  les  feuillages,  paraissant  fort 
indifférents  des  lieux  qu'ils  habitent,  mais  incessamment  préoccupés 
d'assurer  le  sort  de  leur  progéniture  destinée  à  l'état  parasitaire  jusqu'à 


40Z|i  DIPTÈRES. 

l'âge  adulte.  Ils  déposeiitleurs  œufs  sur  les  larvesde  divers  Insectes,  prin- 
cipalement sur  les  chenilles  des  Lépidoptères,  ne  perforant  pas  la  peau, 
car  les  femelles  manquent  d'une  tarière  de  ponte  analogue  à  celle  des 
Hyménoptères  entomophages.  Les  chenilles  cherchent  à  écarter  ces 
Mouches  ennemies  par  les  brusques  mouvements  de  leur  tète  et  des 
anneaux  postérieurs  de  leur  corps.  Remarquons  en  passant  que  ces 
Entomobies  grises  ou  d'un  bleu  d'acier  sont  souvent  dévorées  par  les 
oiseaux,  notamment  les  hirondelles,  ce  qui  nous  oblige  à  dire  que  les 
oiseaux  destructeurs  de  ces  utiles  auxiliaires  agricoles  sont  bien  éloi- 
gnés de  nous  rendre  toujours  des  services.  La  question  des  oiseaux 
insectivores  reste  entachée  de  bien  des  exagérations  par  suite  d'une 
sentimentalité  ridicule.  C'est  Goëdart  qui,  le  premier,  vit  sortir  de  chry- 
salides de  papillons  des  quanlités  de  larves  donnant  des  pupes  de  Dip- 
tères. Les  larves  nées  des  œufs  déposés  sur  les  clienilles  se  nourrissent 
d'abord  des  tissus  graisseux,  ne  rongeant  qu'en  dernier  les  organes 
essentiels  à  la  vie.  Les  unes  perforent  la  chenille  qu'elles  habitent  pour 
aller  opérer  leur  nymphose  dans  le  sol,  d'autres  n'agissent  ainsi  qu'a- 
près que  la  chenille  est.  devenue  chrysalide.  Une  seule  chrysalide 
d'Aclierontia  Atropos  élevée  à  Paris  par  Audinet-Serville  a  donné  nais- 
sance à  plus  de  quatre-vingts  Tachinides.  Il  en  est  qui  se  transforment 
en  pupes  en  barîllet  dans  le  cocon  filé  par  les  chenilles  ou  par  les 
fausses-chenilles  (larves  de  Tenthredides)  ;  c'est  ce  qui  arrive  en  Chine 
pour  certains  cas  de  la  maladie  de  la  Mouche  chez  les  Vers  à  soie  et  nous 
avons  reconnu  le  même  fait  dans  des  éducations  opérées  en  France.  On 
a  trouvé  aussi  des  larves  de  Tachinides  dans  des  larves  de  Coléoptères 
{Cassida  viridis)  et  aussi  d'Hémiptères,  ainsi  dans  la  Pentatome  grise,  et 
d'Orthoptères. 

Les  espèces  parasites  de  chenilles  de  Sphingiens  et  de  Bombyciens 
sont  plus  communes  dans  les  forêts  et  les  bosquets,  celles  qui  provien- 
nent des  Noctuelles  et  des  Phalènes  abondent  dans  les  haies  et  les  prai- 
ries. Il  y  a  des  Tachinides  qui  ont  l'instinct  de  donner  pour  nourriture 
il  leurs  larves  la  proie  d'autres  insectes.  Au  moment  où  les  Philanthes, 
les  Crabrons,  les  Ammophiles  et  autres  Hyménoptères  fouisseurs  ont 
porté  dans  leurs  souterrains  les  Insectes,  tels  qu'abeilles,  larves  de 
charançons,  mouches,  chenilles,  etc.,  de  petits  Tachinides,  épiant 
l'instant  favorable,  se  glissent  furlivement  dans  ces  relraiteset  déposent 
leurs  œufs  sur  ces  victuailles  destinées  à  d'autres  convives  ;  leurs  larves 
plus  hâtives  que  celles  de  l'Hyménoptère  en  font  leur  curée.  U  est  des 
Tachinides  qui  attaquent  les  Araignées,  car  on  a  vu  des  Araignées  per- 
cées d'un  trou  et  à  côté  des  pupes  de  Musciens.  Certaines  espèces  se 
voient  souvent  dans  nos  habitations,  leurs  larves  vivant  probablement 
aux  dépens  de  nos  Articulés  domestiques,  Araignées,  Réduves,  etc.  Les 
plus  petites  espèces  de  Tachinides  frappent  rarement  nos  regards, 
car  elles  se  dissimulent  habilement,  toujours  aux  aguets  parmi  les 
herbes  ou  les  buissons  où  les  femelles  savent  trouver  leurs  victimes.  Les 


ECHYNOMYIA,    TACHINIDES.  1045 

espèces  de  grande  taille,  surtout  les  Echinomyies  (Mouches  épineuses), 
attirent  davantage  notre  attention  par  une  sorte  de  sauvagerie  dans  leur 
vol  impétueux  et  précipité.  De  là  certaines  de  leurs  épithètcs  spéci- 
fiques, telles  que  ferox  et  fera. 

ECHIMOMYIA  Constant  Duméril.  —  Corps  large;  antennes  inclinées  descen- 
dant presque  à  l'épistome,  second  article  ordinairement  plus  long  que  le  troisième, 
celui-ci  le  plus  souvent  assez  court,  comprimé,  à  seconde  division  du  style 
latéral  le  plus  souvent  allongée  ;  face  nue,  épistome  saillant,  palpes  tantôt  fili- 
formes, tantôt  dilatés  en  spatule;  yeux  nus;  première  cellule  postérieure  attei- 
gnant le  bord  de  l'aile  avant  l'extrémité,  seconde  nervure  transverse  oblique, 
pas  de  pointe  au  bord  extérieur  ;  abdomen  ovale,  muni  de  soies  épineuses  seule- 
ment au  bord  postérieur  des  segments. 

Les  Échinonayies  sont  les  Tachinides  de  la  plus  grande  taille  et  remar- 
quables par  l'épaisseur  de  leur  corps.  Elles  paraissent  dès  la  fin  de 
mars  et  aussi  vers  la  fin  de  l'été,  surtout  dans  les  terrains  secs  et  sur 
les  Ombellifères,  leurs  larves  se  développant  principalement  dans  les 
chenilles  des  Noctuéliens.  Elles  comptent  une  trentaine  d'espèces  en 
Europe.  La  plus  grande  est  E.  grossa  Linn.,pl.  cxiv,  fig.  1,  la, antenne, 
atteignant  18  millimètres  de  long  sur  11  millimètres  de  large  à  l'ab- 
domen court  et  ovalaire,  noire,  avec  les  premiers  articles  des  antennes 
rougeâtres,  l'article  terminal  de  couleur  noire  et  de  forme  carrée,  la 
tête  d'un  jaune  soyeux,  avec  une  bande  frontale  brune,  les  palpes  fili- 
formes et  ferrugineux,  les  cuillerons  noirâtres,  la  base  et  le  bord 
extérieur  des  ailes  jaunes,  la  face  hérissée  de  cils,  les  segments  de  l'ab- 
domen revêtus  de  soies  piquantes  et  serrées.  Cette  espèce  est  de  toute 
l'Europe,  mais  toujours  assez  rare,  se  plaisant  sur  les  grandes  Ombelli- 
fères qui  croissent  dans  les  prairies  et  dans  les  bois.  Citons  une  autre 
espèce  plus  commune,  E.  ferox  Meigen,  de  13  à  15,5  millimètres,  brune, 
avec  des  palpes  jaunes  en  spatule  et  l'abdomen  d'une  teinte  rouge  de 
rouille  et  translucide,  avec  une  bande  dorsale  de  taches  noires  souvent 
interrompues. 

Le  genre  de  Tachinides  le  plus  nombreux  en  espèces  est  celui  des 
Tachina  Meigen,  comptant  près  de  trois  cents  espèces  en  Europe,  qui 
sont  souvent  difficiles  à  différencier  entre  elles,  et  pour  lesquels  certains 
auteurs  ont]  trop  multiplié  les  sous-genres;  tel  Robineau-Desvoidy.  Les 
espèces  les  plus  communes  sont  T.  larvarum  Linn.,  T.  erucarum  Ron- 
dani,  T.  rustica  Meigen,  etc. 

On  a  parfois  cherché  à  distinguer  les  espèces  parle  nom  de  la  chenille 
dont  sont  sorties  les  larves  ou  dont  la  chrysalide  ou  le  cocon  ont  contenu 
les  pupes  ;  c'est  là  une  mauvaise  méthode,  car  la  même  espèce  de 
Tachina,  cherchant  surtout  de  la  chair  fraîche  pour  ses  larves,  peut 
souvent  sortir  de  chenilles  très  diverses. 

GIRARD.  m.  —    65 


1046  DIPTÈRES. 

CYMmosOMA  Meigen.  —  Corps  large  ;  antennes  allongées,  atteignant  l'épis- 
tome,  à  second  article  muni  d'une  petite  soie,  le  troisième  long,  prismatique, 
avec  un  style  nu,  de  deux  articles  ;  péristome  dépourvu  de  soies,  front  presque 
nu,  large  dans  les  deux  sexes;  première  cellule  postérieure  des  ailes  fermée,  à 
pétiole  allongé  ;  pattes  presque  nues,  les  tarses  à  pelotes  allongées  chez  les 
mâles,  cuisses  un  peu  épaissies  et  sillonnées  pour  recevoir  les  jambes;  abdomen 
arrondi,  dépourvu  de  soies. 

Les  Gymnosomes,  qui  n'ont  que  trois  espèces  en  Europe,  sont  des 
Tachinides  à  mœurs  larvaires  mal  connues,  dont  les  adultes  vivent  sur 
les  fleurs,  principalement  des  Daucus  et  des  Achillées.  Le  type  est 
G.  roiundatum  Linn.,  pi.  cxiv,  fig.  2,  de  7  à  8  millimètres,  le  front 
doré,  à  bande  brune,  les  antennes  noires,  le  thorax  noir,  à  duvet  fauve, 
cendré  sur  les  côtés,  la  partie  postérieure  noire,  les  cuillerons  jaunâtres, 
les  ailes  brunâtres,  à  base  ferrugineuse,  les  pattes  noires,  l'abdomen 
ferrugineux,  translucide,  à  taches  dorsales  noires. 

MILTOGRAMiiI.%  Meigen.  —  Corps  assez  étroit  ;  tête  assez  épaisse  ;  antennes 
courtes,  cachées  dans  la  concavité  de  la  face,  à  troisième  article  double  du 
second,  portant  un  style  tantôt  nu,  tantôt  tomenteux  ;  face  presque  nue  et  con- 
cave ;  front  muni  de  soies  courtes  ;  première  cellule  postérieure  des  ailes  presque 
fermée  ;  abdomen  cylindroïde  ou  conoïde,  ordinairement  sans  soies,  même  au 
bord  des  segments. 

Les  Miltogrammes  déposent  leurs  œufs  dans  les  nids  des  Hyméno- 
ptères fouisseurs,  sur  les  Insectes  destinés  aux  larves  de  ces  derniers. 
Nous  représentons  une  espèce  de  France  et  d'Allemagne,  à  style  nu,  à 
abdomen  sans  soies,  le  M.  punctatum  Meigen,  pi.  cxiv,  fig.  3,  3  a,  tète 
vue  de  profil;  3  b,  antenne  ;  3  c,  bouche;  3c?,  3e,  torse  antérieur.  Ce 
Diptère,  long  de  9  millimètres,  a  les  antennes  brunes,  le  thorax  avec 
quatre  bandes  brunes  antérieurement  et  trois  postérieurement,  le  der- 
nier article  des  tarses  du  mâle  muni  de  deux  longues  soies  recourbées, 
l'abdomen  d'un  gris  blanchâtre,  le  premier  segment  à  tache  dorsale 
noire,  les  autres  à  trois  taches  noires.  Il  y  a  près  de  cinquante  espèces 
de  Miltogrammes  en  Europe. 

La  famille  des  Muscides  est  composée  de  plusieurs  types  distincts,  que 
nous  passerons  successivement  en  revue  sommaire  en  étudiant  leurs 
genres  fondamentaux. 

PHANlil  Latr.  —  Corps  large,  déprimé  ;  antennes  à  style  nu,  n'atteignant  pas 
la  moitié  de  la  hauteur  de  la  face  ';  face  bordée  de  soies  ;  ailes  trigones,  souvent 
colorées,  à  première  cellule  postérieure  enti'ouverte  ;  jambes  postérieures  de  la 
femelle  arquées  et  comprimées,  avec  crochets  des  tarses  petits,  droits,  cylin- 
driques, tronqués  ;  abdomen  arrondi  et  plus  large  que  le  thorax,  déprimé  en 
disque. 


PHASIA,   LLCILIA.  IQ/i? 

Les  Phasia  ne  comptent  en  Europe  que  six  k  sept  espèces,  avec  de 
nombreuses  variétés,  et  chez  ces  espèces  la  distinction  des  sexes  est 
difficile.  La  largeur  de  la  tête  qui  rappelle  celle  des  Tabaniens,  a 
grandeur  et  la  couleur  sanguine  des  yeux  presque  contigus  dans  les 
deux  sexes,  la  nudité  du  péristome,  du  style  des  antennes  et  de  l'ab- 
domen, la  dépression  de  ce  dernier,  la  forme  élargie  et  triangulaire 
des  ailes,  unissent  ces  Muscides  entre  eux,  avec  les  genres  voisins  des 
Phasia,  autant  qu'ils  les  distinguent  des  autres  familles  des  Musciens. 
Nous  représentons  P.  analis  Fabr.,  var.  brachyptera  Ranger,  pi.  civ, 
fig.  Il,  à  a,  tête  vue  de  profil,  longueur  9  millimètres,  la  face  blanche, 
le  front  doré  à  bande  brune,  les  antennes  brunes,  le  thorax  ferrugineux, 
à  bande  brune,  les  ailes  à  base  jaune  et  demi-bande  brune,  les  pattes 
brunes  avec  les  cuisses  fauves  chez  le  mâle,  l'abdomen  ferrugineux, 
sans  bande  dorsale,  à  contour  elliptique  ;  du  midi  de  la  France  et 
d'Allemagne. 

liUCIMA  Robineau-Desvoidy.  —  Tête  déprimée  ;  épistome  sans  saillie  ;  antennes 
atteignant  ordinairement  l'épistome,  le  troisième  article  quadruple  du  second, 
le  style  plumeux  ;  ailes  fort  écartées,  la  première  cellule  postérieure  atteignant 
le  bord  peu  avant  l'extrémité,  la  nervure  externo-médiaire  peu  arquée  après  le 
coude,  quelquefois  droite;  abdomen  ordinairement  court,  arrondi,  brillant  des 
plus  beaux  reflets  métalliques. 

Nous  représentons  une  riche  espèce  exotique,  rapportée  lors  du 
voyage  de  la  Coquille  et  décrite  dans  la  relation,  L.  mirabilis  G.  Mén., 
pi.  civ,  fig.  6,  5  a,  antenne.  On  trouve  en  Europe  plus  de  30  espèces  de 
ces  belles  Mouches  métalliques,  dont  le  type  est  L.  cœsar  Linn.,  avec 
laquelle  on  a  longtemps  confondu  beaucoup  d'espèces  voisines.  Cette 
Mouche,  mesurant  8  à  10  millimètres  de  longueur,  est  d'un  beau  vert 
doré,  à  lace  et  côtés  du  front  blancs  à  reflets  noirâtres,  à  épistome  rou- 
geâtre,  à  palpes  maxillaires  ferrugineux,  à  antennes  brunes,  à  pattes 
noires.  Des  plus  communes,  elle  voltige  partout  où  se  rencontrent  des 
matières  animales  ou  végétales  en  voie  de  décomposition,  ainsi  que  des 
excréments,  qu'elle  recherche  pour  y  déposer  ses  œufs. 

C'est  au  genre  Lucilia  que  se  rapportent  un  certain  nombre  de  cas  de 
myiasis  ou  affections  causées  à  l'espèce  humaine  ou  aux  animaux  domes- 
tiques par  des  larves  de  Muscides  se  développant  dans  des  plaies  ou 
dans  des  orifices  naturels,  les  oreilles  malpropres,  les  fosses  nasales 
atteintes  d'ozone,  remontant  jusque  dans  les  sinus  frontaux  ou  descen- 
dant dans  le  pharynx  et  produisant  parfois  des  désordres  qui  amènent 
la  mort.  La  myiasis  est  causée  fréquemment  en  Amérique  par  une 
espèce  nommée  L.  viaceÀlaria  Fabr.,  et  probablement  aussi  par  des 
espèces  voisines.  Cette  Lucilie  est  répandue  depuis  la  République 
argentine  jusqu'au  Canada,  mesurant  9  à  10  millimètres  de  long, 
reconnaissable  aux  trois  lignes  longitudinales  noires  qui  traversent  le 


1048  DIPTÈRES. 


thorax  et  aux  pattes  noires,  la  teinte,  peut-être  par  variation  spécifique, 
se  diversifiant  du  bleu  au  vert  à  reflets  métalliques  cuivreux  ou  pour- 
prés. Les  larves  sont  appelées  en  Amérique  Screw-Worms  ou  Vers-Vis, 
parce  que  leur  corps  a  des  replis  qui  le  font  ressembler  au  contour  d'une 


vis. 


11  est  difficile  de  décider  s'il  ne  faut  pas  rapporter  à  cette  espèce  les 
larves  anthropophages  de  Calliphora  anthropophaga  de  Conil  et  de 
Lucilia  hominivorax  de  Coquerel,  ces  dernières  ayant  causé  à  Cayenne 
la  mort  de  forçats  d'une  malpropreté  révoltante  où  les  larves  de  Muscide 
passaient  des  fosses  nasales  et  des  sinus  frontaux  dans  les  paupières  et 
le  globe  de  l'œil,  dans  la  bouche,  corrodant  les  gencives,  l'entrée  de  la 
gorge,  dévorant  le  pharynx  avec  les  symptômes  d'une  angine  aiguë. 

On  a  signalé  récemment  une  Lucilia,  dite  bufonivora  Meniez,  qui 
pond  ses  œufs  sur  la  face  des  Crapauds  vivants,  animaux  assez  inertes, 
et  dont  les  larves  dévorent  les  yeux,  les  joues,  les  lèvres;  peut-être  plu- 
sieurs Lucilies  ont-elles  cette  propriété. 

CAl,l,IPHORA  Robineau-Desvoidy.  —  Antennes  atteignant  à  peu  près  l'épi- 
stome,  le  troisième  article  quadruple  du  second,  le  style  plumeux  ;  face  bordée 
de  poils,  épistome  un  peu  saillant  ;  première  cellule  postérieure  des  ailes  attei- 
gnant le  bord  un  peu  avant  l'extrémité,  la  nervure  externo-médiaire  ordinaire- 
ment fort  arquée  après  le  coude  ;  abdomen  hémisphérique. 

Les  Calliphores  ont  de  grands  rapports  de  conformation  avec  les  Lu- 
cilies. Elles  en  diffèrent  cependant  par  la  tête  déprimée,  la  saillie  de 
l'épistome,  le  style  des  antennes  à  panache  moins  élargi,  et  par  la 
courbure  plus  prononcée  de  la  nervure  externo-médiaire  des  ailes.  De 
plus,  au  lieu  du  beau  vert-émeraude  dont  brillent  les  Lucilies,  les  Cal- 
liphores n'ont  qu'une  livrée  a/.urée  sans  éclat  et  comptent  en  Europe 
une  douzaine  d'espèces.  Elles  se  jettent  principalement  sur  les  viandes 
dépecées  et  sur  les  cadavres  pour  y  pondre  leurs  œufs.  Le  type  est  la 
grosse  Mouche  bleue  de  la  viande,  C.  vomitoria  Linn.,  pi.  civ,  fig.  6, 
6  a,  bouche;  6  b,  antenne,  longueur  de  9  à  4  3  millimètres;  les  antennes 
noirâtres,  les  palpes  ferrugineux,  les  joues  noires  ornées  de  poils  rouges, 
une  bande  frontale  très  large  et  noire  chez  la  femelle;  thorax  ne  por- 
tant que  des  soies  et  non  recouvert  de  poils,  offrant  quatre  raies  noires 
assez  peu  nettes,  cuillerons  noirs,  bordés  de  blanc;  pattes  noires,  ab- 
domen bleu  à  reflets  blancs.  Elle  offre  des  soies  isolées  à  la  face  interne 
des  jambes  médianes. 

Cette  grosse  Mouche  bourdonne  avec  force,  flaire  la  viande  de  très  loin 
et  arrive  pour  y  pondre  ses  œufs.  Elle  dégorge  un  liquide  ou  vomisse- 
ment qui  a  la  propriété  de  hâter  la  décomposition  de  la  viande.  Enfer- 
mée dans  une  chambre,  elle  se  jette  avec  violence  contre  les  carreaux, 
semblant  vouloir  les  transpercer  de  sa  tète.  Trompée  par  l'odeur  et 
avide  de  matières  cadavériques  dont  elle  active  la  destruction  ou   de 


CALLIPHORA,    MUSCA.  1049 

fromages  avancés,  elle  pond  parfois  sur  les  fleurs  fétides  de  certaines 
Aroïdées,  comme  le  Stapelia  Arum  et  les  larves  résultant  de  cette  er- 
reur sont  condamnées  à  périr.  Sa  fécondité  est  énorme,  en  raison  du 
nombre  considérable  de  ses  œufs  et  de  leur  rapide  développement. 
Chaque  femelle  en  pond  jusqu'à  deux  cents  par  tas  qui  en  renferment  de 
vingt  à  cent;  leur  forme  est  allongée  en  manière  de  courge,  et  la  coque 
s'ouvre  du  côté  de  la  flexion  suivant  une  ligne  indiquée  par  une  crête 
longitudinale.  Les  larves  qui  éclosent  sont  blanches,  tronquées  obli- 
quement à  l'extrémité;  leur  tête  porte  deux  cornes  charnues  et  la 
bouche  est  armée  de  deux  crochets  cornés;  une  pointe  également  cor- 
née paraît  entre  ces  crochets.  De  chaque  côté  du  premier  segment  du 
corps  se  trouvent  deux  stigmates  antérieurs  et  trois  postérieurs  parais- 
sent de  chaque  côté  du  dernier  sur  une  tache  brune.  La  partie  supé- 
rieure de  ce  segment  est  munie  de  onze  pointes  disposées  en  rayons.  Au 
bout  de  sept  à  huit  jours  elles  deviennent  pupes  et  peu  après  adultes. 

A  côté  des  Calliphores  sont  les  Mouches  proprement  dites,  du  genre 
Musca  Linn.  L'épistome  est  pou  saillant;  les  antennes  l'atteignent  et 
leur  troisième  article  est  trois  fois  plus  long  que  le  second  et  porte  un 
style  plumeux.  La  Mouche  domestique  offre  des  soies  antennales  em- 
pennées de  chaque  côté  jusqu'à  leur  pointe.  Les  quatre  anneaux  de 
l'abdomen  n'ont  pas  de  grandes  soies  sur  leur  face  dorsale  et  la  face 
interne  des  jambes  médianes  manque  desoies  isolées.  Il  faut  remarquer, 
ce  qu'offrent  au  reste  les  Muscides  des  genres  voisins,  les  yeux  composés 
rouges  par  un  pigment  de  leurs  cornéules  ;  les  enfants  s'amusent  à 
presser  les  têtes  de  Mouches  dans  un  papier  plié  afin  d'obtenir  des  des- 
sins rouges  bizarres. 

La  couleur  du  corps  des  Musca,  où  domine  toujours  le  cendré,  les 
distingue  des  CalUphora.  Les  habitudes  sont  aussi  diflerentes.  Les  Mou- 
ches sont  éminemment  parasites  ;  elles  se  jettent  sur  les  hommes  et  les 
bestiaux  pour  humer  les  substances  fluides  répandues  à  la  surface  de 
leurs  corps,  telles  que  la  sueur,  la  salive,  la  sanie  des  plaies.  Klles  s'em- 
parent dans  nos  habitations  de  tout  ce  qui  peut  leur  servir  d'aliments, 
très  importunes,  par  leur  contact  et  leur  bourdonnement,  bien  qu'elles 
ne  piquent  pas,  et  fatiguant  beaucoup  les  blessés  et  les  malades.  C'est 
surtout  vers  la  fin  de  l'été,  quand  les  nuits  deviennent  fraîches,  que  les 
Mouches  s'amassent  dans  les  maisons,  tombent  dans  nos  aliments,  au 
point  de  rendre  certaines  auberges  de  village  impossibles,  surtout  dans 
le  midi  de  l'Europe.  Il  faudrait  avant  tout  avoir  le  soin  d'éloigner  des 
habitations  les  amas  de  fumier  dans  lesquels  vivent  les  larves  de  la 
Mouche  domestique,  qui  diffèrent  de  celles  des  Calliphores  par  les  stig- 
mates postérieurs,  qui  ne  sont  qu'au  nombre  de  deux;  elles  ont  la  même 
rapidité  de  développement.  Les  Mouches  pondent  en  un  quart  d'heure 
environ  des  amas  de  soixante  à  soixante  et  dix  œufs,  de  forme  cylin- 
droïde,  un  peu  effilés  en  avant,  où  leur  membrane  plus  mince  indique 
par  son  reflet  nacré  la  place  que  percera  la  larve. 


1050  DIPTÈRES. 

Une  affection  cryptogamique,  non  sans  analogie  avec  les  Sphœria  qui 
envahissent  les  chrysalides  de  Sphingiens,  fait  périr  souvent,  à  l'arrière- 
saison  surtout,  beaucoup  de  sujets  de  la  Mouche  domestique.  On  les 
trouve  fixés  aux  murs,  aux  fenêtres,  etc.,  les  pattes  largement  étendues, 
l'abdomen  très  gonflé  et  dont  le  tégument  fait  saillie  entre  les  jointures 
des  anneaux  sous  forme  de  crêtes  couvertes  de  moisissures,  en  sorte  que 
l'abdomen  paraît  être  cerclé  de  brun  et  de  blanc.  En  l'ouvrant  on  le 
trouve  vide  et  moisi.  La  place  occupée  par  ces  Mouches  est  couverte 
de  Cryptogames  entraînées,  irradiées,  d'un  blanc  grisâtre,  pareilles  à 
celles  que  renferment  les  cadavres.  Ces  végétaux  très  inférieurs  ont 
reçu  le  nom  d'Empusa  Muscœ;  on  peut  s'en  servir  pour  inoculer  la 
maladie  à  des  Mouches  saines  de  la  même  espèce  ou  d'espèces  très  voi- 
sines, comme  on  fait  passer  sur  diverses  Chenilles  le  Botrytis  de  la 
muscardine  du  Ver  à  soie. 

On  a  cherché  par  divers  moyens  à  détruire  les  Mouches  ou  à  les  écarter 
des  habitations  et  aussi  du  corps  des  animaux  domestiques.  On  frotte 
l'animal  avec  des  feuilles  de  noyer  écrasées,  de  l'huile  de  cade  ou  de 
poisson,  de  l'huile  concrète  de  baies  de  laurier.  Dans  les  maisons  on 
emploie  souvent  les  papiers  tue-mouches,  imprégnés  d'un  poison  mêlé 
de  matière  sucrée  ou  bien  des  vases  à  eau  de  savon  percés  d'un  petit 
orifice  enduit  de  sirop  de  sucre.  Dans  les  chambres  à  fenêtres  d'un  seul 
côté,  on  peut  fermer  l'orifice  par  un  filet  qui  laisse  passer  l'air  et  ar- 
rête les  Mouches  ou  les  Calliphores  en  les  effrayant,  probablement  en 
raison  d'un  mode  particulier  de  leur  vision.  Un  moyen  très  sûr  en  été 
est  de  tenir  les  appartements  fermés  et  aussi  peu  éclairés  que  possible, 
car  la  Mouche  aime  la  vive  lumière  et  abandonne  les  lieux  obscurs. 
Enfin  on  peut  tendre  dans  la  chambre  des  branchages  garnis  de  feuilles 
ou  suspendre  au  plafond  des  rubans  blancs  ou  des  lustres  en  papier; 
les  Mouches  viennent  se  poser  sur  ces  supports  et  s'y  maintiennent 
tranquilles. 

Citons  encore  :  Musca  corvina  Fabr.,  ressemblant  beaucoup  à  M.  do- 
mestica,  avec  la  face  et  les  côtés  du  front  argentés,  l'abdomen  du  mâle 
ferrugineux  et  marqueté  de  blanc,  et,  chez  la  femelle,  le  premier  seg- 
ment et  la  ligne  dorsale  noirâtres,  marquetés  de  noir  et  de  cendré  ; 
espèce  très  commune  dans  les  endroits  humides;  M.  bovina  Robineau, 
Desvbidy,  semblable  à  domestica,  les  côtés  de  la  face  et  du  front  blancs, 
l'abdomen  à  bande  dorsale  noire,  pas  de  jaune  chez  le  mâle  ;  espèce 
très  commune,  se  jetant  sur  les  narines,  les  yeux  et  les  plaies  des  bes- 
tiaux. 

Les  Sarcophages  ou  Mouches  à  viande  comptent  en  Europe  près  de 
soixante  espèces,  en  joignant  au  genre  Sarcophaga  Meigen  le  genre 
Sarcophila  Schiner.  Ces  Diptères  fort  communs  se  trouvent  le  plus 
souvent  sur  les  fleurs,  dont  ils  pompent  le  nectar  comme  aliment,  et 
sur  les  troncs  d'arbres,  à  l'air  libre,  non  dans  les  maisons.  Les  femelles 
sont  vivipares  et  pondent  leurs  larves  sur  les  viandes  et  aussi  sur  les 


SARCOPHAGA.  1051 

cadavres.  Redi  avait  constaté  ce  fait  dans  ses  expériences  célèbres  sui' 
des  viandes  protégées  par  une  gaze  où  il  voyait  les  chairs  se  corrompre, 
mais  sans  qu'aucun  Ver  s'y  développât;  des  Sarcophages  trouvaient 
moyen  d'introduire  leur  tarière  abdominale  dans  les  interstices  de  la 
claire-voie  et  de  faire  tomber  quelques  larves  à  travers  la  toile.  Réau- 
mur  et  de  Géer  ont  étudié  avec  soin  le  mécanisme  de  la  ponte  de  ces 
Mouches  vivipares.  L'espèce  la  plus  répandue  est  Sarcuphaga  carnaria 
Linn.,  dont  la  femelle  peut  atteindre  15  millimètres,  le  mâle  restant 
bien  plus  petit.  Les  antennes  épaisses  sont  empennées,  plus  larges  dans 
leur  moitié  radiculaire;  la  trompe  peu  saillante  porte  des  palpes  clari- 
formes.  La  face  a  des  reflets  d'un  jaune  pâle  ainsi  que  le  dos,  qui  est 
d'un  gris  clair,  avec  des  vergetures  noires  ;  le  front  a  des  raies  noires 
veloutées.  L'abdomen  allongé  et  ovale,  presque  cylindroïde  dans  le 
mâle,  muni  de  grandes  soies,  est  brun,  doué  de  reflets  noirs  et  jaunes, 
avec  des  marques  disposées  en  carreaux. 

Les  ovaires  débouchent  dans  un  oviducte  enroulé  en  spirale  où  sont 
rangées  par  centaines  des  larves  groupées,  enfermées  isolément  dans 
une  mince  membrane,  au  nombre  d'environ  vingt  mille  pour  l'ovaire 
entier.  Les  Vers  nouveau-nés  croissent  très  rapidement  et  ont  achevé 
leur  développement  en  une  semaine.  Ces  larves  coniques  sont  d'un  blanc 
sale  et  portent  à  la  partie  antérieure  et  effilée  de  leur  corps  deux  man- 
dibules en  crochets  écailleux,  surmontées  de  deux  antennes  en  saillies 
pointues  et  charnues.  L'extrémité  postérieure  et  obtuse  du  corps  est 
évidée  et  entourée  de  verrucosités  rétractiles.  Elle  semble  renfermer 
en  dedans  deux  points  noirs  qui  correspondent  en  réalité  à  deux  surfaces 
trilobées  en  forme  de  cœurs  et  dont  chacune  représente  deux  stig- 
mates aériens  ;  d'autres  stigmates  aériens  dentelés  se  trouvent  en 
avant,  chacun  sur  le  côté  du  premier  anneau.  A  peu  de  profondeur  en 
terre,  la  larve  se  change  en  une  pupe  en  barillet  d'un  brun  noirâtre  et 
dont  l'extrémité  postérieure  très  inégale  indique  par  une  excavation  à 
bords  nets  la  dépression  correspondante  de  la  larve.  Cette  pupe  reste  au 
repos  pendant  un  temps  variable,  suivant  la  température  ambiante. 

On  a  observé  que  les  larves  de  Sarcophaga  ruralis  Fallen  se  déve- 
loppent souvent  dans  les  plaies  résultant  des  combats  auxquels  les 
lièvres  mâles  se  livrent  au  printemps.  Un  fait  plus  important  nous  est 
offert  par  les  larves  de  Sarcophila  magnifica  Schiner.  On  les  rencontre 
non  seulement  dans  les  plaies  des  animaux  domestiques  ou  dans  les 
cavités  naturelles  de  leur  corps,  comme  le  fourreau  de  la  verge  du 
cheval,  la  lacune  médiane  de  la  fourchette  de  son  pied,  mais  aussi 
dans  le  nez,  l'oreille,  l'œil,  le  pharynx,  etc.,  dans  l'espèce  humaine, 
de  sorte  que  ce  Diptère  doit  être  rangé  parmi  les  espèces  produisant 
des  cas  de  myiasis  chez  l'homme.  Un  cas  de  ce  genre  a  été  observé 
dans  l'Hérault  et  le  Diptère  provenant  des  larves  issues  des  narines  du 
malade  déterminé  par  le  D'  Al.  Laboulbène,  qui  a  obtenu  l'état  par- 


1052  DIPTÈRES. 

fait  (1).  La  myiasis  due  à  cette  espèce  est  fréquente  en  Russie  dans  le 
gouvernement  de  Mohilev.  Nous  ferons  remarquer  que  les  divers 
genres  de  Muscides  dont  nous  avons  fait  la  revue  sommaire  :  Lucilia, 
Colliphora,  Musca,  Sarcophaga  sont  ceux  dont  les  larves  sont  connues 
sous  le  nom  d'asticots,  utilisées  pour  les  pêches  à  la  ligne  et  qu'on 
prépare  en  grand  dans  les  chantiers  d'équarrissage.  Ces  Mouches  di- 
verses ont  parfois  occasionné  la  myiasis  humaine  sur  des  sujets  en- 
gourdis par  l'ivresse  dans  les  grandes  chaleurs  de  l'été.  Le  cas  le  plus 
célèbre  est  celui  observé  en  1826  dans  le  service  du  D"^  Jules  Cloquet, 
celui  d'un  malheureux  musicien  ambulant  qui  s'était  endormi  pour 
cuver  son  vin  dans  un  fossé  du  boulevard  près  du  charnier  d'équarris- 
sage de  Montfaucon.  II  fut  relevé  et  conduit  à  l'hôpital  tout  grouillant 
d'asticots  qu'on  retirait  à  pleines  assiettes,  les  rendant  par  le  nez,  les 
oreilles,  les  yeux  qui  étaient  dévorés.  II  avait  le  cuir  chevelu  soulevé 
par  des  tumeurs  arrondies  avec  des  perforations  irrégulières  à  travers 
lesquelles  on  voyait  la  chair  devenue  purulente  et  fétide.  II  y  avait  des 
larves  autour  du  prépuce  et  de  l'anus,  de  sorte  que  le  malheureux  était 
rongé  vivant  par  les  Mouches,  reproduisant  dans  toutes  ses  circonstan- 
ces effrayantes  la  maladie  de  Job  et  d'Hérode. 

Beaucoup  de  traitements  ont  été  proposés  contre  les  accidents  pro- 
venant de  la  myiasis  humaine,  qui  est  causée  par  divers  Muscides,  et 
leur  base  en  est,  en  général,  l'acide  phénique,le  chloroforme  et  la  ben- 
zine. Le  choix  varie  suivant  le  lieu  d'élection  des  larves.  Si  elles  sont 
installées  dans  les  plaies,  on  lavera  celles-ci  avec  une  solution  aqueuse 
d'acide  phénique  au  centième;  dans  l'oreille  on  pratiquera  des  injec- 
tions benzinées  ;  si  elles  ont  pénétré  dans  les  sinus  frontaux,  on  injec- 
tera à  plusieurs  reprises  une  solution  au  cinquième  de  chloroforme 
dans  du  lait,  ou  l'on  fera  opérer  au  malade  des  inhalations  de  chloro- 
forme prolongées  autant  que  possible. 

STOMOXYS  Geoffroy.  —  Troisième  article  de  l'antenne  triple  du  second  et 
portant  en  dessus  une  soie  antennaire empennée  ù  sa  face  supérieure  seulement; 
front  assez  large  chez  le  mâle  ;  trompe  dirigée  dans  l'axe  du  corps,  solide, 
menue,  allongée,  les  lèvres  terminales  petites,  les  palpes  ne  dépassant  pas  l'épi- 
stome  ;  première  cellule  postérieure  des  ailes  seulement  un  peu  rétrécie  à  l'ex- 
trémité, nervure  externo-médiaire  convexe. 

Les  Stomoxes,  au  nombre  de  huit  espèces  en  Europe,  sont  appelés 
Mouches  piquantes  à  cause  de  leur  avidité  à  se  gorger  du  sang  de 
l'homme  et  des  animaux.  Leur  piqûre,  plus  encore  que  celle  des  Si- 
mulies,  est  le  véhicule  habituel  dans  nos  campagnes  des  bactéridies 
charbonneuses.  Ils  harcèlent  sans  relâche  les  chevaux  et  les  bestiaux, 

(1)  D''  Al.  Laboulbène,  Observations  de  Myiasis  due  à  la  Sarcophila  magnifica 
Schiner,  avec  réflexions  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  1884,  p.  28), 


STOMOXYS,    GLOSSINA.  1053 

s'inlroduisant  souvent  dans  les  maisons  à  la  fin  de  l'été,  surtout  s'il 
existe  des  étables  dans  le  voisinage.  Ils  ressemblent  beaucoup  d'aspect 
à  la  Mouche  domestique.  Le  type  est  S.  calcitrans  Linn.,  le  Stomoxe 
piquant  de  Geoffroy,  pi.  c.xiii,  fig.  8,  longueur  6,5  millimètres  environ, 
cendré,  une  bande  frontale  et  les  antennes  noirâtres,  la  face  et  les 
côtés  du  front  d'un  blanc  gris  jaunâtre,  les  palpes  fauves,  le  thorax  à 
lignes  noires,  les  pattes  noires,  l'abdomen  à  taches  brunes.  Ce  Stomoxe 
très  commun  s'installe  ordinairement  au  repos  la  tête  en  haut,  tandis 
que  la  Mouche  domestique,  non  piquante,  affecte  la  posture  inverse, 
remarque  que  font  fort  bien  les  paysans  russes  pour  discerner  aisément 
ces  deux  espèces.  La  larve  vit,  en  compagnie  de  celle  de  la  Mouche 
domestique,  pendant  l'été  et  l'automne,  dans  les  crottins  frais  du 
cheval,  mais  sa  croissance  est  moins  rapide.  A  toute  sa  taille,  elle  a 
8,75  millimètres  de  long,  d'un  blanc  laiteux,  lisse  et  luisante,  conoïde 
et  arrondie  en  arrière  ;  sa  partie  antérieure  est  divisée  en  deux.  La 
bouche,  avec  des  cannelures  en  rayons,  porte  deux  crochets  inégaux, 
paraissant  n'en  former  qu'un  en  raison  de  leur  rapprochement.  Sur  le 
prothorax,  le  bord  antérieur,  relevé  et  circulaire,  paraît  tranchant. 
Les  pièces  stigmatifères,  en  forme  de  coquilles,  se  subdivisent  chacune 
en  six  éléments  claviformes  ;  celles  du  dernier  article,  hémisphériques, 
représentent  des  surfaces  circulaires  assez  grandes,  encadrées  d'une 
bordure  d'un  brun  noir,  sur  chacune  desquelles  on  remarque  trois 
stigmates  aériens  disposés  en  triangle.  La  pupe,  d'un  brun  rouge  assez 
pâle,  est  finement  rayée  en  travers,  disposition  de  toutes  les  pupes  de 
Muscides.  L'emplacement  des  stigmates  aériens  antérieurs  du  Sto- 
moxe futur  est  marqué  par  de  petites  cornes  coniques  dirigées  en 
avant,  les  postérieurs  conservant  la  même  place  que  dans  la  larve; 
l'état  de  pupe  dure  de  quatre  à  six  semaines,  bien  plus  longtemps  que 
pour  les  Mouches  non  piquantes. 

A  côté  des  Stomoxes  se  place  la  Mouche  célèbre  de  l'intérieur  de 
l'Afrique,  Glossina  morsitans  Westw.,  ou  Mouche  tsetsé,  dont  il  existe 
probablement  plusieurs  espèces,  d'après  des  sujets  très  différents  pro- 
venant du  Zanzibar  et  que  j'ai  vus  à  une  des  Expositions  des  Insectes 
de  la  Société  d'Insectologie.  La  trompe  droite  et  plus  longue  que  la 
tète  la  dépasse  fortement  ;  la  lèvre  inférieure  formant  gaine  renferme 
un  épipharynx  et  un  hypopharynx  constituant  des  stylets  très  acérés.  Elle 
est  une  des  causes  qui  rendent  si  difficile  l'exploration  de  l'Afrique 
tropicale.  Elle  infeste  d'une  manière  permanente  le  centre  de  l'Afri- 
que australe,  entre  18  et  25  degrés  latitude  sud  et  22  à  28  degrés  lon- 
gitude. 

Elle  n'est  pas  plus  grosse  que  la  Mouche  domestique,  brune  avec 
quelques  raies  jaunes  et  transversales  sur  l'abdomen,  les  ailes  plus 
longues  que  le  corps.  La  vue  est  très  perçante,  et,  rapide  comme  la 
flèche,  elle  s'élance  du  haut  d'un  buisson  où  elle  guette  ses  victimes 
et  immédiatement  sur  le  point  qu'elle  veut  attaquer,  car  c'est  une  su- 


1054  DIPTÈRES. 

çeuse  de  sang.  Elle  remonte  périodiquement  vers  le  nord  en  certaines 
saisons;  ainsi  elle  fut  indiquée  autrefois  par  Agatarchides,  puis  par 
Bruce  en  Abyssinie  ;  M.  Westwood  suppose  que,  dépassant  ses  limites 
ordinaires,  elle  causa  la  quatrième  plaie  d'Egypte  :  «  Une  multitude 
de  Mouches  très  dangereuses  vint  dans  les  maisons  de  Pharaon,  de  ses 
serviteurs  et  par  toute  l'Egypte»  {Exode,  ch.  viii,  v.  2/j).  La  cinquième 
plaie,  la  peste  sur  les  bêtes,  devient  alors  la  conséquence  de  la  qua- 
trième. En  effet,  les  chevaux  et  les  bœufs  après  la  piqûre  de  la  Tsetsé 
offrent,  au  bout  de  plusieurs  jours,  un  gonflement  des  yeux  qui  lais- 
sent écouler  une  sécrétion  aqueuse  et  la  tuméfaction  des  glandes  lin- 
guales. Au  bout  de  quinze  jours  à  trois  semaines,  l'animal  meurt  ;  la 
chair  est  devenue  aqueuse,  le  cœur  très  mou,  le  sang  épaissi  par  la 
fibrine,  le  foie  ou  le  poumon,  ou  tous  deux,  gravement  altérés. 

La  Mouche  tsetsé  paraît  peu  en  plaine,  mais  fréquente  les  buissons 
et  les  roseaux  qui  bordent  les  fleuves  et  les  marais.  Son  bourdonne- 
ment bien  connu  des  bestiaux  les  frappe  d'épouvante.  Elle  abonde  sur 
les  deux  rives  du  Zambèse  et  beaucoup  de  peuplades  qui  les  habitent 
ne  peuvent  avoir  d'autre  animal  domestique  que  la  chèvre,  qui  paraît 
indemne  aux  piqûres  ainsi  que  l'homme.  Quand  des  troupeaux  doivent 
traverser  les  domaines  de  cette  redoutable  Mouche,  on  choisit  les 
clairs  de  lune  de  la  saison  froide  où  elle  est  trop  engourdie  pour  pi- 
quer. On  met  aussi  à  profit  le  dégoût  qu'inspirent  auxTsetsés  les  excré- 
ments des  animaux  ;  on  barbouille  de  fiente  mêlée  de  lait  les  bœufs 
qui  doivent  traverser  les  cantons  dangereux.  Les  premiers  renseigne- 
ments sur  la  Tsetsé  sont  ceux  recueillis,  en  18^9,  par  Livingstone  et 
Oswald  dans  leur  voyage  au  Zambèse,  mais  ils  sont  mêlés  d'indications 
très  douteuses  en  raison  du  manque  de  connaissances  scientifiques  des 
observateurs.  La  Tsetsé  est  l'agent  fréquent  de  transmission  de  bacté- 
ridies  charbonneuses,  ce  qui  me  semble  expliquer  pourquoi  sa  piqûre 
n'est  pas  toujours  également  dangereuse,  puisqu'il  n'y  a  pas  du  vrai 
venin  propre  à  l'insecte.  Les  métamorphoses  sont  encore  inconnues. 
La  disparition  de  la  Tsetsé  suivra  celle  des  animaux  sauvages  devant 
l'extension  de  l'empire  de  l'homme  et  de  l'emploi  des  armes  à  feu,  car 
le  sang  de  ces  animaux  est  sa  seule  nourriture  et  lui  fournit  très  pro- 
bablement parfois  des  virus  charbonneux  spéciaux. 

ACHIA!i  Bosc.  —  Antennes  distantes,  n'atteignant  pas  l'épistorae,  à  troisième 
article  allongé,  cylindrique,  avec  style  très  court,  inséré  à  sa  base  ;  épistome 
saillant,  front  transversal,  à  côtés  dilatés  et  longuement  prolongés,  formant  des 
tubercules  oculifères  ;  trompe  grande,  avec  palpes  filiformes,  de  la  longueur  de 
la  trompe. 

Les  Achias  sont  des  Diptères  exotiques  présentant  la  singulière  posi- 
tion des  yeux  signalée  dans  la  diagnose  et  que  nous  retrouverons  dans 
un  genre  très  différent  au  point  de  vue  naturel,  le  genre  Diopsis.  Les 


ACHIAS.  1055 

Achias,  par  le  reste  de  leur  organisation,  sont  des  Créophiles  voisins 
des  Calliphores.  Le  type  est  A.  oculatus  Bosc,  pi.  r.iv,  fig.  7,  této  au 
trait,  espèce  de  Java. 

Les  Musciens  calyptérés  se  terminent  par  la  famille  des  Antho- 
myides,  qui  présentent  des  antennes  couchées  et  courtes,  n'atteignant 
pas  l'épistome,  le  troisiùme  article  allongé,  le  style  en  général  tomen- 
teux  et  de  deux  articles,  les  yeux  ordinairement  contigus  chez  les 
mâles,  les  cuillerons  médiocres  ou  petits,  ne  cachant  souvent  les  ba- 
lanciers que  d'une  manière  incomplète,  de  façon  à  établir  tous  les 
passages  avec  les  Musciens  acalyptérés,  dont  les  balanciers  sont  dé- 
couverts. Les  ailes  ont  la  première  cellule  postérieure  ouverte  et  les 
pelotes  des  tarses  sont  allongées  chez  les  mâles.  Les  larves  sont  souvent 
couvertes  d'épines  longues  et  barbelées;  celles  du  plus  grand  nom- 
bre vivent  dans  les  racines,  les  bulbes,  les  feuilles  des  végétaux.  Il  en 
est  qui  naissent  des  bouses  (Hylémyies)  ;  les  Pégomyies  rongent  en 
mineuses  le  parenchyme  des  feuilles,  solitaires  ou  sociales;  ce  sont  les 
larves  mineuses  de  la  jusquiame,  de  l'oseille  et  du  chardon,  si  bien  ob- 
servées par  Réaumur  et  de  Géer.  Au  premier  âge  les  Anthomyides  ont 
comme  les  Muscides  la  bouche  munie  de  deux  crochets  écailleux,  qui 
leur  servent  à  prendre  leur  nourriture  et  à  se  traîner  en  avant.  Dans 
les  larves  mineuses  ces  crochets  se  convertissent  en  un  instrument 
corné  en  forme  d'S,  qui  se  meut  autour  d'une  petite  tige  tixe  et  ronge 
ainsi  le  parenchyme  des  feuilles.  Les  pupes  ne  paraissent  pas  différer 
de  celles  des  Muscides  et  peu  de  jours  leur  suffisent  pour  passer  à  l'état 
adulte.  Certaines  espèces  ont  plusieurs  générations  dans  la  môme 
année. 

Le  vol  des  Anthomyides  est  moins  rapide  et  moins  soutenu  que  celui 
des  Muscides.  Ces  Diptères  restent  aussi  plus  souvent  au  repos,  cachés 
sous  le  feuillage,  et  ne  se  montrent  au  grand  jour  et  sur  les  fleurs  que 
lorsque  le  soleil  a  réchauffé  l'atmosphère.  Leurs  stations  sont  souvent 
différentes.  Les  Hylémyies  habitent  particulièrement  les  bois,  les  Leuco- 
phores  préfèrent  les  prairies,  les  Hydrotées,  les  Aricies,  les  Limnophores 
vivent  exclusivement  dans  les  lieux  aquatiques,  les  Anthomyies  se 
trouvent  partout.  Outre  les  sucs  des  fleurs  qui  sont  la  nourriture  habi- 
tuelle des  Anthomyides,  certains,  ainsi  les  Hylémyies,  recherchent  les 
matières  stercorales.  Les  femelles  des  Hydrophories  et  de  quelques 
Aricies  se  jettent  sur  les  bestiaux,  et,  quoique  leur  trompe  ne  puisse 
pénétrer  jusqu'aux  capillaires  sanguins  sous-cutanés  et  ne  leur  per- 
mette que  de  humer  les  fluides  répandus  à  la  surface  du  corps,  elle  les 
harcèlent  et  les  tourmentent  par  leurs  poursuites  opiniâtres.  Les  mâles 
des  Anthomyies  forment  souvent  des  réunions  nombreuses  qui  se  jouent 
dans  les  airs. 

lilSPE  Latr.  —  Style  des  antennes  à  poils  plus  longs  en  dessus  qu'en  dessous  ; 
tête  sphéroïdale  ;  front  large  dans    es  deux  sexes  -,  palpes  dilatés  en  spatules  ; 


1056  DIPTÈRES. 

cuillerons  médiocres,  la  valve  inférieure  dépassant  la  supérieure  ;   cuisses    assez 
épaisses  ;  abdomen  oblong. 

Les  Lispes  vivent  sur  le  bord  des  eaux  et  courent  avec  agilité  sur  le 
feuillage  et  sur  le  sable  des  rivages.  Les  larves  paraissent  vivre  dans 
les  fleurs  des  plantes  aquatiques,  ainsi  dans  la  corolle  des  Nymphéa  où 
l'on  a  vu  une  femelle  de  Lispe  pondre  un  grand  nombre  d'œufs.  On 
compte  en  Europe  plus  de  vingt  espèces  du  genre  Lispe.  Le  type  est 
L.  tenlaculata  De  Géer,  pi.  civ,  fîg.  8,  longueur  6,5  millimètres,  noi- 
râtre, la  face  jaunâtre,  les  palpes  jaunes  à  reflet  argenté,  le  thorax 
gris  à  bandes  noires,  l'abdomen  d'un  cendré  clair,  à  taches  latérales 
noirâtres. 

.%]lTHOMYIA.  Meigen.  —  Antennes  n'atteignant  pas  l'épistome,  à  style  ordi- 
nairement tomenleux,  quelquefois  nu  :  cuillerons  petits,  la  valve  inférieure  ne 
dépassant  pas  ordinairement  la  supérieure  ;  ailes  sans  pointe  au  bord  extérieur  ; 
abdomen  étroit,  atténué  à  l'extrémité. 

Ce  genre  présente  en  Europe  plus  de  deux  cents  espèces.  Une  des 
plus  communes  est  A.  pluvialis  Linn.,  pi.  civ,  fig.  9,  longueur  il, 5  à 
9  millimètres,  d'un  cendré  blanchâtre,  les  antennes,  les  palpes  et  labande 
frontale  noirs,  le  thorax  à  cinq  taches  noires,  l'écusson  à  deux  taches  noi- 
res, les  ailes  hyalines  dans  les  deux  sexes,  les  pattes  noires,  l'abdomen  à 
trois  rangs  de  taches  noires,  les  deuxpremiers  segments  sans  taches.  Les 
larves  d'un  certain  nombre  d'Anthomyies  justifiant  leur  nom  (Mouches 
de  fleurs)  se  développent  dans  divers  végétaux  et  attaquent  nos  espèces 
cultivées.  Ainsi  Pegomyia  (sous-genre  de  Macquart)  acetosœ  Robineau- 
Desvoidy,  la  Mouche  de  l'oseille,  de  6à  7  millimètres,  ayant  la  tète  et 
le  thorax  cendrés,  les  ailes  transparentes,  plus  longues  que  le  corps, 
les  pattes  et  l'abdomen  ferrugineux.  Les  larves  sont  mineuses  des 
feuilles  de  l'oseille,  qui  blanchissent  et  qu'il  faut  arracher  et  brûler.  Il 
y  a  deux  générations  par  an  ;  les  pupes  se  font  en  terre,  celles  de  la 
seconde  génération  passant  l'hiver.  En  général,  les  plantes  attaquées  par 
les  larves  des  Anthomyia  jaunissent  et  se  flétrissent  ;  les  bulbes  et  les 
racines  prennent  une  odeur  infecte;  les  pupes  de  ces  Anthomyies  se 
font  en  terre.  Le  plus  simple  pour  les  plantes  de  peu  de  valeur  est 
d'arracher  et  de  brûler  ;  on  peut  arroser  au  sulfocarbonate  de  potas- 
sium, au  sulfate  de  cuivre,  etc.  Nous  citerons  dans  ce  cas  :  A.  furcata 
Bouché,  dont  les  larves  vivent  isolées  dans  le  cœur  de  l'oignon  de  table, 
et  ^.  ceparwm,  dont  les  larves  creusent  des  galeries  qui  anéantissent 
beaucoup  de  bulbes  de  la  même  plante  ;  A.  brassicœ  Rob.  Desvoidy, 
dont  les  larves  perforent  les  tiges  des  choux  de  juin  à  novembre  et  font 
périr  les  plus  jeunes;  A.  radicum  Linn.,  à  larves  dévorant  les  radis; 
A.  conformis,  dont  les  larves  criblent  de  trous  les  feuilles  des  jeunes 
betteraves;  A.  lactucœ  Bouché,  ayant  des  larves  qui  mangent  en  août 


ANTHOMYIA,   TEICHOMYZA.  1057 

et  septembre  les  laitues  montées  en  graine,  etc.  Beaucoup  A'Aiitho- 
myia  vivent  en  larves  dans  des  matières  végétales  décomposées  ou  dans 
des  fientes. 

Les  larves  de  plusieurs  espèces  d'Anthomyia  peuvent  causer  des  cas 
de  myiasis  humaine.  Elles  ont  été  extraites  d'oreilles  très  malpropres, 
et,  dans  des  cas  bien  plus  singuliers,  mais  d'une  authenticité  certaine, 
ont  été  rendues  dans  les  vomissements  ou  dans  les  selles  de  sujets 
humains  malades  d'affections  gastro-intestinales.  Le  D'  Al.  Laboul- 
bène  a  pu  dans  un  cas  élever  les  larves  recueillies  et  obtenir  les  adultes 
{Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  Biologie,  1856,  p.  7).  Il  semble  bien  pro- 
bable que  les  insectes  ont  pénétré  dans  l'estomac  à  l'état  d'œufs,  puis 
les  larves,  après  éclosion,  dans  l'intestin,  où  elles  ont  vécu  des  matières 
ingérées  et  des  excréments. 

On  cite  aussi  comme  pouvant  se  développer  dans  l'intestin  (fait  encore 
un  peu  douteux)  les  larves  de  la  Mouche  des  urinoirs,  Teichomyza  fusca 
Macquart,  syn.:  Scatella  urinaria  Uobineau-Desvoidy.  Cette  Mouche 
n'est  pas  autochtone  en  France  et  nous  vient  de  contrées  plus  septen- 
trionales. Longue  de  ^,5  à  5  millimètres,  elle  est  terne  et  d'un  brun 
fauve,  cendrée  sur  les  côtés,  avec  un  écusson  blanchâtre  et  des  ailes 
enfumées.  En  1827,  Robineau-Desvoidy  signala  sa  présence  à  Paris,  où 
elle  était  inconnue  auparavant,  et  Macquart  la  décrivit  pour  la  première 
fois  en  1835,  où  elle  était  fort  commune  à  Lille.  Elle  s'est  peu  à  peu 
étendue  du  nord  au  sud  et  se  trouve  aujourd'hui  fréquente  dans  toutes 
les  villes  de  France.  On  trouve  à  Paris  ce  sombre  Muscide  dans  tous  les 
urinoirs  et  latrines  publics,  se  blottissant  de  préférence  dans  l'angle  des 
murailles  et  au-dessous  des  reliefs  de  pierre,  marchant  lentement  sur  les 
murs  et  les  vitres  des  latrines  de  nos  maisons.  Elle  est  rarement  isolée, 
mais  se  réunit  en  groupes  et  forme  des  plaques  sombres  ou  noirâtres 
visibles  de  loin.  Elle  hume  avec  les  grosses  lèvres  de  sa  trompe  les 
liquides  azotés  qui  se  trouvent  sur  les  murs  infiltrés.  Si  l'on  souffle  sur 
elle,  elle  s'accroche  fortement  avec  ses  ongles  et  soulève  un  peu  ses 
ailes  sans  chercher  à  s'envoler.  Si  l'on  veut  la  saisir,  elle  s'échappe  len- 
tement et  comme  à  regret,  pour  revenir  bientôt  à  son  gîte  de  prédi- 
lection. 

Les  larves  ne  se  rencontrent  jamais  que  dans  les  endroits  humides 
d'urine.  On  les  trouve  le  plus  abondamment  dans  certains  urinoirs  en 
fonte  mal  entretenus,  recherchant  de  préférence  les  coins  où  la  pous- 
sière s'accumule  et  forme  avec  les  excréments  noirs  de  la  Mouche  qui 
fréquente  les  mêmes  endroits  un  magma  boueux  toujours  imprégné 
d'urine.  Bien  qu'en  captivité  ces  larves  ne  fuient  pas  la  lumière,  elles 
ne  se  montrent  jamais  à  l'air  libre;  elles  ont  horreur  de  la  sécheresse, 
qui  les  fait  périr  assez  rapidement.  On  les  élève  facilement  dans  un  vase 
jusqu'à  leur  métamorphose  en  adultes,  si  l'on  a  soin  de  les  humecter 
d'urine  de  temps  en  temps.  La  larve  est  allongée,  grisâtre,  recouverte 
d'aspérités  spinuleuses  ayant  l'apparence  de  poils  fins.  Elle  est  atténuée 


1058  DIPTÈRES. 

en  avant  et  en  arrière,  cette  dernitre  extrémité  biturquée.  Le  corps  est 
composé  de  onze  segments,  non  compris  le  pseudocéphale  ;  les  mandi- 
bules sont  noires  et  bien  visibles.  Elles  servent  peu  à  la  mastication, 
puisque  l'animal  vit  exclusivement  de  matières  liquides  ;  mais  elles 
sont  l'agent  principal  de  la  locomotion.  Leurs  crochets  tournés  vers  la 
face  ventrale  prennent  un  point  d'appui  aux  moindres  aspérités,  puis 
une  contraction  musculaire  qui  se  propage  de  la  tète  à  l'extrémité  cau- 
dale porte  en  avant  successivement  toutes  les  épines  disséminées  sur 
la  surface  du  corps,  et  celles-ci,  ayant  toutes  leurs  pointes  tournées  en 
bas,  portent  le  corps  en  avant  chaque  fois  qu'il  s'allonge  après  une 
contraction.Les  deux  bifurcations  postérieures  sont  de  véritables  pseudo- 
podes, et  la  couronne  de  forts  crochets  dont  elles  sont  armées  est  pour 
les  larves  un  puissant  organe  de  fixation.  On  les  voit  souvent  sans 
autre  appui  se  dresser  sur  leur  extrémité  caudale,  explorant  les  régions 
voisines  avec  leur  extrémité  céphalique  ;  elles  s'accrochent  avec  la  plus 
grande  énergie  à  tous  les  corps  rugueux  au  moyen  de  cette  extrémité 
caudale. 

La  pupe  est  allongée,  elliptique,  de  10  millimètres  de  longueur,  com- 
posée de  onze  segments,  renflée  vers  le  tiers  antérieur,  atténuée  vers 
les  deux  extrémités.  Le  pseudocéphale  a  disparu  et  de  chaque  côté 
deux  petites  saillies  en  forme  d'oreilles  indiquent  la  place  des  stigmates 
antérieurs.  La  partie  antérieure  est  déprimée  en  dessus  ;  le  dernier 
segment  échancré  en  arrière  présente  les  saillies  des  stigmates  posté- 
rieurs. Les  spinules  du  tégument  se  retrouvent  sur  la  pupe,  mais 
racornies  et  moins  visibles  à  cause  de  l'opacité  de  la  peau,  et  la  sur- 
face de  la  pupe  paraît  guillochée  ou  striée  irrégulièrement.  Une  très 
bonne  étude  de  la  Mouche  des  urinoirs  a  été  faite  par  le  D''  Al.  La- 
boulbène:  Histoire  des  métamorphoses  de  la  Teichomyza  fusca  {Ann. 
Soc.  ent.  de  France)  1867,  p.  33,  pi.  v,. 

Avec  le  genre  qui  précède  nous  sommes  parvenus  aux  Musciens  inlé- 
rieurs  dits  acalyptérés,  dans  lesquels  les  balanciers  ne  sont  pas  recou- 
verts par  des  cuillerons.  Ces  Diptères  sont  en  général  de  petite  taille. 
Il  en  est  qui  s'attaquent  aux  céréales  ou  à  divers  légumes,  déposant 
leurs  œufs  dans  les  tiges,  les  feuilles  ou  les  bourgeons,  ce  qui  donne 
naissance  à  des  espèces  de  galles  dans  lesquelles  vivent  les  larves.  11  en 
est  qui  volent  dans  les  jardins  et  les  vergers,  pondant  leurs  œufs  au 
mois  de  mai  sur  les  jeunes  cerises,  principalement  les  guignes  et  bigar- 
reaux dans  la  pulpe  desquels  habitent  leurs  larves  appelées  Vers  des 
cerises.  Beaucoup  se  plaisent  sur  les  végétaux  décomposés,  sur  les  ex- 
créments, sur  les  champignons.  D'autres  fréquentent  le  bord  des  eaux, 
pondant  dans  les  Lemnacées  ou  dans  les  fucus  que  le  flot  amoncelle  sur 
les  rivages  de  la  mer,  se  posant  même  sur  les  vagues. 

EPBYURA  Fallen.  —  Antennes   couchées,  à  troisième  article  oblong,  à  style 
finement  velu  ou  nu  ;  face  avancée  en  museau  obtus  ;  épistome  nu  ;  front  un  peu 


EPHYDRA,  THYREOPHORA.  1059 

concave;  trompe  épaisse,  [renflée  en  dessous,  lèvre  supérieure  échancrée  en 
dessous,  langue  fort  courte  ;  yeux  saillants  ;  nervure  médiastine  des  ailes  courtes  • 
crochets  des  tarses  petits  ;  abdomen  oblong,  déprimé. 

Les  Ephydra  sont  au  nombre  d'une  quarantaine  d'espèces  en  Europe, 
en  y  comprenant  des  sous-genres  annexés.  Ce  sont  des  Mouches  litto- 
rales, auxquelles  on  donne  souvent  le  nom  de  Napées.  Nous  représen- 
tons E.  rufitarsis  Macquart,  pi.  civ,  fig.  10,  de  3  à  Zi  millimètres,  d'un 
vert  métallique  obscur,  la  lace  cuivreuse  à  duvet  roussàtre,  les  ailes 
un  peu  nébuleuses,  les  tarses  fauves,  espèce  du  nord  de  la  France,  du 
sous-genre  Parydra.  Dans  le  sous-genre  Ilylhea  Haliday,  nous  citerons 
Ephydra  spilola  Curtis,  pi.  civ,  fig.  11,  tête  vue  de  profil;  11  a,  an-* 
tenue  ;  H  6,  bouche. 

THYREOPHORA  Meigen .  —  Corps  allongé  ;  tète  épaisse,  ovalaire,  convexe; 
front  velu,  très  large,  avançant  au-dessus  des  antennes  ;  antennes  rapprochées, 
très  courtes,  insérées  sous  la  saillie  du  front,  le  premier  article  peu  ou  point 
distinct,  le  second  très  court,  le  troisième  lenticulaire,  avec  style  nu,  allongé, 
de  deux  articles  ;  face  horizontale,  à  deux  sillons  et  une  carène  ;  épistome  non 
saillant,  muni  de  deux  soies  ;  ouverture  buccale  petite,  avec  palpes  élargis  en 
spatules  ;  des  ocelles  ;  yeux  petits  ;  écusson  du  mâle  fort  allongé  et  tronqué, 
celui  de  la  femelle  petit,  obtusément  triangulaire  ;  ailes  longues,  à  nervure 
médiastine  simple  ;  pattes  velues,  les  postérieures  allongées,  à  cuisses  renflées, 
crénelées  avant  l'extrémité,  à  tarses  du  mâle  avec  pelotes  et  crochets  allongés  ; 
abdomen  allongé,  étroit,  déprimé,  de  six  segments  distincts  dans  le  mâle,  ova- 
laire dans  la  femelle. 

Nous  représentons  une  espèce  fort  rare  et  la  plus  curieuse  de  ce  sin- 
gulier genre,  T.  cynophila  Panzer,  pi.  cxv,  fig.  1,  longueur  du  mâle 
6,5  millimètres,  de  la  femelle  9  millimètres,  d'un  bleu  noirâtre,  avec 
tête  d'un  rouge  orangé,  les  premiers  articles  des  antennes  fauves,  le 
troisième  noir,  le  style  à  base  fauve,  front  à  deux  taches  noires,  les 
ocelles  insérés  sur  la  tache  antérieure  ;  ailes  à  deux  points  noirs  dans 
les  deux  sexes  sur  la  nervure  transversale  ;  pattes  noires,  les  articles 
des  tarses  antérieurs  à  base  fauve.  Cette  Mouche  vit  de  la  graisse  des  os 
des  squelettes  se  trouvant  en  janvier  et  février  sur  les  squelettes 
de  cheval,  de  mulet,  d'âne  (c'est  par  erreur  qu'elle  est  nommée 
cynophila)  dans  les  charniers  des  équarrisseurs.  Elle  répand  la 
nuit  une  lueur  phosphorescente  partant  de  la  tète,  qui  semble  destinée 
à  éclairer  l'insecte  dans  son  œuvre  de  dernière  destruction.  Une  autre 
espèce,  plus  commune  et  de  couleurs  moins  vives,  T.  furcata  Fabr., 
vit  sur  les  squelettes  des  chiens  morts  dans  la  campagne.  Le  squelette 
du  roi  de  la  création  n'est  pas  à  l'abri  des  outrages  des  Thyreophora.  En 
1821,  une  très  petite  espèce,  nommée  T.  anthropophaya  par  Rubineau- 
Desvoidy,  abondait  sur  les  préparations  du  musée  de  l'École  de  méde- 


1060  DIPTÈRES. 

cine  de  Paris,  réduisant  en  poussière  impalpable  les  os,  les  ligaments, 
les  muscles  desséchés. 

SCATOPH.%GA  Meigen.  —  Corps  velu  chez  le  mâle  ;  tête  sphéroïdale  ;  troisième 
article  des  antennes  allongé,  avec  style  tantôt  nu,  tantôt  velu  ;  épistome  non 
saillant,  garni  de  soies  ;  ailes  allongées  ;  patles  robustes. 

Les  Scatophages  comptent  près  de  quarante  espèces  en  Europe,  de 
couleur  jaune  plus  ou  moins  grisâtre,  très  avides  d'excréments,  surtout 
de  ceux  de  l'homme,  et  bien  connues  par  le  dégoût  universel  qu'elles 
inspirent.  Une  espèce  des  plus  communes  est  S.  stercoraria  Linn., 
'  pi.  cxv,  fig.  2,  2  a,  tête  vue  de  protil  ;  2  6,  antenne  ;  2  c,  bouche;  lon- 
gueur 6,5  à  9  millimètres,  les  antennes  fauves  chez  le  mâle,  noires  chez 
la  femelle,  la  face  et  les  palpes  jaunes,  la  bande  frontale  fauve,  le  tho- 
rax brunâtre,  les  ailes  jaunâtres,  à  première  nervure  transverse  bordée 
de  noir,  les  pattes  ferrugineuses,  velues,  les  cuisses  d'un  gris  jaunâtre, 
à  poils  fauves,  l'abdomen  à  poils  fauves  chez  le  mâle,  pâles  chez  la 
femelle.  Une  grande  espèce,  des  environs  de  Lille  et  de  Gand,  n'arrive 
pas  au  sud  jusqu'aux  alentours  de  Paris. 

SPIia<:RO€i:RA  Latr.  —  Antennes  courtes,  à  troisième  article  sphéroïdal,  por- 
tant un  long  style  grêle  et  nu  ;  corps  nu  ;  écusson  hémisphérique  ;  ailes  à  ner- 
vures médianes  entières  ;  cuisses  antérieures  renQées,  postérieures  allongées; 
ordinairement  épaisses  ;  jambes  terminées  par  une  épine  ;  second  segment  de 
l'abdomen  très  grand,  peu  distinct  du  premier. 

Les  Sphérocères,  dont  il  existe  une  dizaine  d'espèces  en  Europe,  ont 
la  faculté  de  sautiller,  en  raison  de  la  longueur  de  leurs  pattes  posté- 
rieures. Elles  fréquentent  les  lieux  humides,  ombragés  et  surtout  les 
fumiers  et  toutes  les  substances  en  voie  de  décomposition.  Elles  en  hâ- 
tent la  destruction  en  y  puisant  leur  nourriture,  tant  dans  l'état  adulte 
que  sous  la  forme  de  larves.  Nous  figurons,  pi.  cxv,  fig.  3,  l'antenne  de 
l'espèce  principale,  S.  subsultans  Linn.,  commune,  d'un  noir  mat, 
à  ailes  jaunâtres  dans  les  deux  sexes,  les  cuisses  postérieures  renflées 
en  massue  dans  le  mâle. 

l§)APROIHVZA  Fall.  —  Tête  subhémisphérique;  antennes  assez  courtes,  troi- 
sième article  ordinairement  oblong,  comprimé,  à  extrémité  obtuse,  style  velu 
ou  tomenteux  ;  face  un  peu  inclinée  en  arrière,  épistome  non  saillant,  nu  ; 
ailes  quelquefois  vibrantes,  tantôt  tachées,  tantôt  sans  taches. 

Ces  petites  Mouches,  au  nombre  de  près  de  quatre-vingts  espèces  en 
Europe,  ayant  en  général  le  corps  jaune  et  les  yeux  verts,  se  dévelop- 
pent, comme  leur  nom  l'indique,  dans  les  substances  animales  en  pu- 
tréfaction et  particulièrement  dans  les  champignons  en  déliquescence. 


CHLOROPS.  1061 

Nous  représentons  une  espèce  à  ailes  sans  taches,  S.  brunnitarsis 
Macquart,  pi.  cxv,  fîg.  Zf,  de  Zi,  5  à  6  millimètres,  jaune,  le  style  des  an- 
tennes légèrement  velu,  les  ailes  jaundtres,  les  tarses  postérieurs  bruns  ; 
du  nord  de  la  France. 

C'UiiOKOPgi  Meigen.  —  Antennes  inclinées,  à  style  pubescent  ou  nu,  de  deux 
articles  distincts;  yeux  verts;  coloration  généralement  jaune,  variée  de  noir; 
face  nue,  front  tomenteux;  trois  ocelles  sur  une  tache  noire  triangulaire  du 
vertex;  nervure  costale  s'étendant  jusqu'à  l'extrémité  de  la  sous-marginale,  la 
médiastine  s'étendant  jusqu'au  tiers  de  l'aile;  pattes  nues;  abdomen  ovale. 

Les  Chlorops  adultes  se  trouvent  sur  les  fleurs  pendant  les  mois  de 
juillet  et  d'août  et  plusieurs  espèces  sont  très  nuisibles  aux  céréales. 
On  en  compte  plus  de  soixante  espèces  en  Europe.  Nous  représentons 
C.hypostigma  Meigen, pi. cxv,  iig.  5,de2  à  3  millimètres,  jaune,  le  vertex 
à  point  noir,  le  troisième  article  des  antennes  noir  en  dehors,  fauve  en 
dedans,  le  style  jaune  à  base  noire,  le  thorax  à  cinq  bandes  noires,  les 
extérieures  très  courtes,  les  côtés  à  trois  points  noirs,  le  dernier  article 
des  tarses  noir,  l'abdomen  court,  d'un  fauve  rougeàtre,  le  premier 
segment  à  petite  tache  noirâtre  de  chaque  côté. 

Deux  espèces  sont  très  funestes  aux  blés  et  aux  seigles,  le  C.  lineata 
Tabr.,  très  petite  Mouche  jaunâtre  à  bandes  noires,  et  le  C.  lœla  Meigen, 
à  corps  brillant.  Si  l'on  écrase  un  de  ces  insectes,  on  obtient  l'aspect 
d'une  tache  d'huile,  cette  graisse  étant  fréquente  dans  les  espèces  dont 
les  larves  vivent  cachées  dans  les  tiges.  Souvent  les  Chlorops  se  réunis- 
sent pour  hiverner  en  nombre  immense  sur  les  plafonds  des  greniers, 
où  on  peut  en  détruire  beaucoup  par  des  injections  de  péti'ole,  ou  bien 
sur  les  lierres  des  vieilles  murailles.  Une  ponte  des  femelles  a  lieu  à  la 
fin  de  mai  ou  au  début  de  juin  sur  les  tiges  de  blé  ou  de  seigle,  à  la 
base  de  l'épi,  et  les  larves  rongent  la  tige.  Les  tiges  attaquées  demeu- 
rent d'une  hauteur  à  peu  près  moitié  des  tiges  saines,  et  l'épi  reste  vert 
et  engagé  dans  les  feuilles,  tandis  que  les  épis  sains  sont  jaunes;  les 
grains  des  tiges  attaquées  sont  ou  avortés,  ou  raccornis.  Il  faut,  environ 
quinze  jours  avant  la  moisson,  enlever  les  tiges  attaquées,  très  recon- 
naissables,  et  les  brûler.  En  septembre,  éclôt  une  seconde  génération 
de  Chlorops,  provenant  des  pupes  tombées  sur  le  sol.  Ces  Mouches  pon- 
dent en  octobre  sur  le  jeune  blé  qui  vient  de  lever;  les  larves  rongent 
les  feuilles  du  centre  et  produisent  un  gonflement  qui  arrête  la  sève, 
le  collet  s'épaississant  par  l'afflux  des  liquides  destinés  à  la  nutrition 
de  la  tige,  qui  est  arrêtée  dans  son  développement,  et  les  jeunes  cé- 
réales jaunissent  et  parfois  meurent.  Le  blé  de  mars  est  également 
atteint  par  la  ponte  de  Chlorops  qui  ont  hiverné  ou  qui  sont  nés  des 
pupes  de  la  seconde  génération.  Lors  du  sarclage  ou  de  l'échardonnage 
des  blés,  il  faut  enlever  les  plantes  jaunies.  Si  ces  moyens  restent  in- 
fructueux ou  semblent  trop  coûteux,  il  faut,  sans  hésiter,  opérer  une 

GIRARD.  1".  —   66 


1062  DIPTÈRES. 

alternance  de  culture  et  remplacer  le  froment  ou  le  seigle  par  des 
fourrages,  colzas,  betteraves  ou  turneps  ;  les  Chlorops  périssent  de 
faim. 

En  France  les  seigles  sont  attaqués  par  la  Mouche  du  seigle  ou  du 
nain,  C.  pumilionis  Audouin.  Elle  pond  en  mars  sur  les  tiges  du  seigle 
semé  l'automne  précédent,  et  arrête  leur  développement  en  les  gon- 
flant monstrueusement  à  la  base  ;  les  pupes  des  larves  donnent  leurs 
Mouches  en  juin.  Il  faut  arracher  et  brûler  les  pieds  nains  de  seigle 
attaqué. 

Le  genre  Oscinis  Latr.  a  été  détaché  de  l'ancien  genre  Chlorops  de 
Meigen  et  renferme  en  Europe  de  soixante-dix  à  quatre-vingts  espèces, 
remarquables  par  leur  coloration  noire  et  ayant  l'abdomen  le  plus  sou- 
vent ovale.  11  faut  signaler  la  Mouche  de  l'orge,  se  montrant  dans  le 
nord  de  la  France,  Oscinis  frit.  Linn.,  syn.  :  /lorde*  Bjerkander,  Olivier, 
vastator  Curtis,  d'un  noir  luisant,  longue  de  1,5  milhmètre.  Les  larves, 
d'un  jaune  éclatant,  attaquent  en  juin  les  feuilles  centrales  de  l'orge 
et  rongent  l'intérieur  des  tiges,  y  deviennent  pupes  et  donnent  les 
adultes  en  juillet.  On  signale  encore  en  France  la  Mouche  de  l'orge  de 
Herpin,  Oscinis  Herpini  G.  Mén.,  dont  les  larves  rongent  les  épis  de 
l'orge.  Les  moyens  à  employer  à  l'égard  des  Oscinis  sont  ceux  indiqués 
contre  les  Chlorops. 

Les  Dacus  Meigen  sont  de  petites  Mouches  voisines  des  précédentes, 
ne  comprenant  qu'une  espèce,  D.  oleœ  Fabr.',  la  Mouche  des  olives, 
très  nuisible  en  Provence,  en  Corse,  en  Toscane.  C'est  une  Mouche  de 
Zi  à  5  millimètres  de  long,  à  corps  d'un  gris  jaunâtre,  la  tète  plus  pâle 
avec  un  point  noir  de  chaque  côté  de  la  face,  les  yeux  d'un  gris  bleu, 
les  antennes  fauves,  à  troisième  article  brun,  en  ovale  allongé,  avec 
un  style  sétacé  et  simple,  le  thorax  d'un  gris  cendré,  avec  raies  longi- 
tudinales noires,  les  côtés  fauves  antérieurement,  noirs  postérieure- 
ment, l'écusson  large  et  blanchâtre;  ailes  toujours  en  mouvement, 
transparentes,  avec  nervures  jaunes  vers  la  côte  externe,  leur  sommet 
marqué  d'une  petite  tache  obscure,  pattes  jaunes,  avec  l'extrémité  des 
postérieures  légèrement  brune;  abdomen  ovale,  noirâtre,  pointillé, 
pubescent,  ayant  sur  son  milieu  une  bande  longitudinale  jaune  qui  se 
dilate  vers  l'anus  et  forme  une  bande  transverse  qui  occupe  presque 
tout  le  pénultième  segment  ;  cet  abdomen  à  extrémité  obtuse  dans  les 
mâles,  se  terminant  en  pointe  chez  les  femelles  avec  la  tarière  ou  ovis- 
capte  saillant.  Larve  apode,  d'un  blanc  jaunâtre,  les  anneaux  du  corps 
un  peu  saillants,  ressemblant  à  un  Ver  de  5  à  6  millimètres  de  long, 
à  tête  pointue,  rétractile,  distincte,  avec  mandibules  noires.  Pupe  en 
barillet  très  régulier,  de  h  miUimètres  de  long,  dans  la  peau  durcie  de 
la  larve,  raccourcie,  d'un  ovale  parfait,  jaunâtre,  avec  les  incisions  des 
anneaux  plus  foncées. 

De  temps  immémorial  on  connaît  cet  insecte  en  Provence  sous  le 
nom  de  Keiron  ou  Keiroun.  Ses  ravages  ont  lieu  d'ordinaire  une  année 


DACUS,   CERATITIS,   ETC.  1063 

sur  deux,  car  il  est  rapidement  détruit  par  beaucoup  d'entomophagcs. 
Parfois,  selon  les  localités,  il  n'y  a  qu'une  génération  par  an,  parfois 
il  s'en  produit  jusqu'à  trois.  Les  femelles  passent  l'hiver,  le  printemps 
et  le  début  de  l'été  dans  divers  abris,  ainsi  les  écorces  des  oliviers.  C'est 
en  juillet  que  les  jeunes  olives  sont  piquées  par  le  Dams  oleœ,  et  c'est 
surtout  en  octobre  qu'on  trouve  des  larves  dans  les  olives  au  noml)re 
de  deux  à  trois  par  fruit.  L'olive  piquée  mûrit  plus  vite  que  les  autres  ; 
lespupes  se  font  soit  dans  le  fruit,  soit  dans  le  sol,  si  le  fruit  tombe  ou 
si  la  larve  l'abandonne  faute  de  sève.  L'huile  faite  avec  les  fruits  rem- 
plis de  larves  et  d'excréments  a  un  goût  détestable.  Il  faut  laisser  le 
moins  longtemps  possible  les  olives  ramassées  en  tas  sur  le  sol,  car  des 
pupes  peuvent  donner  des  adultes  qui  seront  la  cause  de  nouvelles 
invasions.  On  doit  faire  la  cueillette  des  olives  en  mars  et  les  porter  tout 
de  suite  au  moulin,  même  avant  maturité  complète,  si  le  Dacus  a  été 
abondant.  On  a  alors  une  demi-récolte  d'huile.  Quand  on  les  laisse  plus 
longtemps  sur  les  oliviers,  notamment  au  printemps,  d'avril  à  juin,  on 
est  exposé  aux  réinvasions.  Il  faudrait  que  la  cueillette  des  olives  fût 
réglementée  avec  interdiction  de  les  maintenir  tardivement  sur  les 
arbres.  On  consultera  pour  cette  importante  question  du  Dactis  oleœ  : 
A.  Peragallo,  l'Olivier,  son  histoire,  sa  culture,  ses  ennemis,  ses  maladies 
et  ses  amis,  in-8°,  avec  1  pi.  col.,  Nice,  2^  édit.,  1882  ;  —  E.  Laugier, 
Études  sur  les  mesures  qui  pourraient  être  appliquées  pour  combattre  les 
ravages  de  la  Mouche  de  l'olive  (Dacus  oleœ);  observation  sur  le  Dacus  oleœ 
et  ses  parasites  {Bull.  Soc.  d'agriculture  de  Nice  et  des  Alpes-Maritimes) , 
188^,  p.  132;  reproduit  dans  le  Bull,  dlnsectol.  ayric.  de  1885). 

Le  genre  Ceratitis  Mac-Leay  est  formé  par  la  Mouche  de  l'orange, 
C.  hispanica  de  Brème,  dont  la  femelle  pique  pour  pondre  les  oranges 
à  moitié  mûres  et  les  fait  tomber  rapidement  dès  que  les  larves  s'y 
développent.  Ramasser  et  brûler.  Cette  Mouche  est  d'Espagne  et  d'Al- 
gérie et  cornpromet  en  certaines  années  la  récolte  des  oranges.  La 
Mouche  des  luzernes,  du  genre  Agromyza  Fallen,  est  A.  nigripesMeigen, 
dont  la  larve  vit  en  mineuse  dans  les  feuilles  de  luzerne  et  les  couvre 
de  taches  blanches.  Les  pupes  se  formant  sur  la  terre  donnent  rapide- 
ment les  Mouches;  plusieurs  générations  par  an.  Couper  les  luzernes 
dès  que  les  taches  blanches  commencent  à  se  montrer  et  les  faire 
manger  par  le  bétail  avant  qu'elles  soient  trop  détériorées.  Le  genre 
Phytomyza  Fallen  nous  offre  P.  geniculata  Meigen,  dont  la  larve  est 
mineuse  des  feuilles  de  julienne,  de  giroflée,  de  chou,  de  capucine,  etc. 
Deux  générations  par  an;  enlever  en  juin  les  feuilles  rayées  de  blanc 
et  les  brûler.  Dans  le  genre  Psila  Meigen,  syn.  :  Psilomyia  Latr.,  se 
trouve  la  Mouche  des  carottes,  Psila  rosœ  Fabr.  (nom  erroné);  ses  lar- 
ves jaunes  font  souvent  des  dégâts  dans  les  carottes,  dont  les  racines 
se  creusent  et  se  rouillent;  arracher  et  brûler  ces  racines,  afin 
de  détruire  ou  de  diminuer  beaucoup  l'espèce  pour  les  années  sui- 
vantes. 


1064  DIPTÈRES. 

SEPEDOM  Latr, — Antennes  plus  longues  que  la  tête,  à  second  article  cylin- 
drique, menu,  une  fois  plus  long  que  le  troisième,  ce  dernier  assez  épais  à  la 
base,  terminé  en  pointe,  style  tomenteux,  de  trois  articles  distinct?,  le  second 
allongé;  face  perpendiculaire  au  corps  ;  épistome  saillant  ;  front  un  peu  saillant, 
rugueux;  seconde  nervure  des  ailes  convexe;  pattes  allongées,  à  cuisses  pos- 
térieures épaisses  et  un  peu  épineuses  vers  l'extrémité,  les  jambes  un  peu 
arquées. 

Les  Sépédons  vivent  dans  les  lieux  aquatiques,  sur  les  herbes  des 
marais,  et  particulièrement  sur  les  roseaux  élevés.  Le  duvet  satiné  qui 
les  couvre  et  les  rend  imperméables  à  l'eau  semble  indiquer  qu'ils 
vivent  d'abord  dans  les  eaux.  La  faculté  de  sauter  qu'ils  doivent  au 
renflement  de  leurs  cuisses  postérieures  leur  permet  probablement  de 
se  poser  et  de  se  mouvoir  à  la  surface  de  l'eau.  Trois  espèces  seulement 
en  liurope,  dont  le  type  est  S.  sphegeus  Fabr.,  pi.  cxv,  fîg.  6;  6  a,  tête 
vue  de  profil,  long,  de  6,5  à  9  millimètres,  d'un  noir  bleuâtre  luisant, 
les  antennes  d'un  noir  mat,  le  style  à  moitié  postérieure  blanche, 
thorax  à  duvet  blanchâtre,  ailes  d'un  jaune  brunâtre  dans  les  deux 
sexes,  pattes  d'un  fauve  vif. 

TŒWl.UPTBil.i.  Macquart.  —  Troisième  article  des  antennes  oblong;  lêle  un 
peu  prolongée  en  bas  et  sur  les  côtés;  trompe  épaisse;  épistome  échancré;  ailes 
à  bandes  transversales  brunes,  ayant  la  première  cellule  postérieure  fermée, 
l'anale  allongée  et  pointue. 

Les  Diptères  constituant  ce  genre  sont  américains.  Nous  représentons, 
pi.  cxv,  fig.  7,  une  espèce  de  la  Havane,  T.  ruficeps  G.  Mén.,  de  9  milli- 
mètres de  long.  Le  corps  est  noir,  avec  la  tôte  et  les  cuisses  intermé- 
diaires et  postérieures  d'un  fauve  un  peu  obscur;  ailes  transparentes 
avec  l'extrémité  et  deux  bandes  brunes,  la  bande  du  milieu  très  large. 

DlOPSlS  Linn.  —  Corps  allongé;  tète  sphéroïdale ;  front  dilaté  de  chaque  côté 
en  corne  longue,  droite,  cylindrique,  menue;  antennes  à  style  nu,  insérées  en 
avant  près  de  l'extrémité  de  ces  cornes;  yeux  situés  à  l'extrémité  des  cornes; 
ocelles  très  petits  ;  face,  côtés  du  thorax  et  écusson  armés  de  pointes  ;  ailes  à 
nervures  médiastines  paraissant  réunies  ;  cuisses  antérieures  ordinairement 
épaisses;  abdomen  allongé,  déprimé  en  dessus,  rétréci  à  la  base. 

Ces  Musciens,  de  conformation  si  bizarre,  appartiennent  surtout  au 
Sénégal.  Nous  représentons  deux  espèces  de  ce  pays,  pi.  cxv,  fig.  8, 
D.  ornata  Westw.,  à  ailes  traversées  par  des  bandes  brunes  et  D.  atri- 
capillus  G.  Mén.,  pi.  cxv,  fig.  9;  9  a,  extrémité  d'un  pédoncule  oculaire 
montrant  l'œil  et  l'antenne,  long.  6  millimètres,  tête  et  thorax  noirs, 
ailes  sans  fascies,  abdomen  d'un  fauve  obscur,  insensiblement  épaissi 
en  arrière. 


SEPSIS,   PLATTEPHRITIS,    YSTOMA,   CELYPHUS.  1065 

SEPSIS  Fallen.  —  Troisième  article  des  antennes  ovale;  palpes  rudimentaires 
consistant  en  un  petit  tubercule  velu  ;  ailes  à  nervures  transversales  assez  rap- 
prochées, une  taclie    noire  près   de   l'extrémité;  dans  les  mâles,  cuisses  anté- 
rieures renflées  et  munies  d'une  dent  et  jambes  antérieures  cchancrées. 

Les  Sepsis  répandent  une  odeur  agréable  de  mélisse.  Elles  ne  vien- 
nent sur  les  plantes  que  pour  se  nourrir  du  nectar  des  fleurs,  se  mon- 
trant parfois  en  nombre  immense  sur  les  Ombellifères,  et  déposent 
leurs  œufs  sur  les  fumiers  et  sur  les  bouses. 

Nous  représentons  des  détails  du  Sepsis  annulipes  Meigen,  pi.  cxv 
fig.  10,  t.?le  vue  de  profil;  10  a,  antenne;  10  b,  bouche,  et  du  S.  cor- 
nuta  Meig.,  fig.  12,  tête  de  profil;  12  a,  antenne;  12  6,  trompe.  Ces  deux 
espèces  sont  d'Europe,  où  les  Sepsis  comptent  une  quinzaine  d'espèces. 

TEPHRiTiii  Latr.  —  Antennes  n'atteignant  pas  l'épistome,  le  troisième  article 
triple  du  second,  le  style  tantôt  tomenteux,  tantôt  nu;  épistome  non  saillant; 
trompe  à  lèvres  ordinairement  épaisses;  ailes  à  bandes  ordinairement  ferrugi- 
neuses, quelquefois  une  pointe  au  bord  extérieur;  oviscapte  de  la  femelle  déprimé, 
large;  peu  velu,  ordinairement  allongé. 

Le  corps  des  Téphritis  est  le  plus  souvent  jaune  ou  fauve,  et  les  ailes, 
par  leurs  bandes  transversales  ferrugineuses,  les  font  facilement  recon- 
naître. Ces  Musciens  se  partagent  un  grand  nombre  de  plantes,  telles 
que  la  bardane,  l'armoise,  l'arnique,  l'onoporde,  le  tussilage,  etc.,  sur 
lesquelles  leurs  larves  se  développent,  en  se  logeant  dans  les  parties  de 
la  fructification  qu'elles  dévorent.  Nous  représentons,  pi.  cxv,  fig.  11, 
T.  obliqua  Macquart;  11  a,  tête  vue  de  profil,  de  la  Havane,  du  Chili,  de 
la  baie  de  Campôche.  Nous  citerons  T.  onopordi  Fabr.,  la  Mouche  du 
panais,  dont  la  larve  vit  en  mineuse  des  feuilles  du  panais  qui  se  recou- 
vrent de  taches  blanches  ou  rouss'itres;  peu  nuisible  aux  racines.  En- 
lever et  brûler  les  feuilles  attaquées. 

PLATVSTOMA  Meigen.  Antennes  assez  courtes,  le  troisième  article  oblong,  le 
style  nu;  saillie  buccale  grande  et  convexe  ;  épistome  saillant  ;  trompe  fort 
épaisse,  saillante,  palpes  fort  élargis;  partie  postérieure  des  nervures  sous- 
marginale  et  externo-médiaire  arquée  ;  pointes  des  jambes  intermédiaires  très 
courtes  ;  abdomen  ovale,  de  quatre  articles  distincts. 

Les  Platystomes  tirent  leur  nom  de  la  largeur  de  la  cavité  buccale 
Ils  paraissent  dès  le  printemps  sur  les  fleurs  des  aubépines  et  des  pru 
nelliers.  Huit  à  dix  espèces  sont  européennes.  Nous  représentons 
pi.  cxvi,  fig.  1,  P.  lœtum  G.  Mén.  (voyage  de  la  Coquille);  1  a,  tête  vu< 
de  profil;  1  b,  antennes;  d'Australie. 

CELVPHIIS  Dalman,  —  Corps  large;  antennes  écartées,  avec  style  inséré  près  de 


1066  DIPTÈRES. 

l'extrémité  du  troisième  article,  paraissant  bi-articulé,  épais  et  velu  à  la  base  ; 
écusson  dilaté,  convexe,  recouvrant  tout  l'abdomen;  ailes  abord  extérieur  velu 
antérieurement,  la  nervure  interno-médiaire  ne  dépassant  pas  la  cellule  dis- 
coïdale . 

Ces  Diptères  exotiques  de  l'ancien  monde  ont  une  conformation  véri- 
tablement extraordinaire  en  raison  d'un  écusson  qui  se  dilate  en  arrière 
et  recouvre  l'abdomen  et  les  ailes.  Cette  expansion  est  formée  de  deux 
téguments,  le  supérieur  très  convexe,  de  substance  coriacée,  l'infé- 
rieur plat  et  membraneux,  présentant  ainsi  une  capacité  que  Macquart 
suppose  remplie  d'un  fluide  qui  peut  influer  sur  le  vol,  en  augmentant 
ou  diminuant  la  densité  moyenne  de  l'insecte.  Nous  représentons, 
pi.  cxvi,  fig.  2,  le  C.  obtectus  Dalman;  2  a,  son  antenne;  longueur, 
li,5  millimètres  ;  des  Indes  Orientales  et  de  Java, 

PHOR;%  Latr.  — Dernier  article  des  antennes  globuleux,  avec  soie  dorsale  tantôt 
nue,  tantôt  empennée  ;  tête  inclinée  et  courte  ;  palpes  hérissés  et  saillants  ;  ailes 
grandes,  à  bord  antérieur  portant  des  soies  en  forme  de  piquants  jusqu'au  point 
oîi  aboutit  la  seconde  nervure  longitudinale  apparente,  nervures  médiaires  ordi- 
nairement droites  ;  pas  de  cellule  anale  ;  hanches  allongées  et  cuisses  élargies  ; 
thorax  fortement  bombé  et  abdomen  s'abaissant  en  arrière,  ce  qui  fait  ressortir 
davantage  la  gibbosité  thoracique. 

Les  Phora  ont  près  de  quatre-vingts  espèces  en  Europe.  Ces  petits 
Diptères  bossus  courent  vivement  et  comme  en  hâte  sur  les  fleurs,  les 
feuillages  des  buissons,  les  clôtures  en  planches,  les  vitres  de  nos  habi- 
tations, etc.,  n'ayant  qu'un  vol  rare  et  de  peu  de  durée.  Le  régime  de 
ces  Diptères  est  varié;  la  plupart  vivent  à  l'état  de  larves  dans  les 
matières  animales  ou  végétales  en  décomposition,  ce  qui  expHque  la 
présence  de  certaines  espèces  dans  nos  maisons,  à  côté  de  Tipulides 
fongicoles.  En  outre,  d'autres  larves  de  Phora  sont  entomophages 
internes  de  chenilles,  de  larves  d'abeilles  sur  lesquelles  elles  vont 
pondre  dans  les  roches  (certains  auteurs  les  regardent  comme  une  des 
causes  de  la  loque  ou  pourriture  du  couvain),  de  larves  de  Coléoptères 
et  aussi  de  limaces.  Les  yeux  des  Phora  sont  parfois  recouverts  de  poils 
très  fins.  Nous  représentons,  pi.  cxvi,  le  P.  ahdominalis  Fallen,  fig.  3; 
3  a,  le  même  vu  de  profil;  3  b,  sa  tête;  3  c,  son  antenne.  Ce  petit  Dip- 
tère, de  3  millimètres  environ  de  longueur,  est  d'un  noir  brunâtre, 
avec  abdomen  d'un  rouge  fauve,  à  incisions  noires. 


Tribu  des  ORlVlTHOilYlEMS. 

Les  Ornithomyiens  sont  les  derniers  Diptères  en  raison  d'abord  de 
leur  existence  épizoïque  sur  les  Mammifères  et  les  Oiseaux,  dont  ils 


ORNITHOMYIENS.  1067 

sucent  le  sang  ou  les  excrétions  cutanées  diverses.  Ils  courent,  souvent 
très  vivement,  en  avant,  en  arrière  ou  de  côté,  entre  les  poils  ou  les 
plumes.  Les  ailes  existent  assez  souvent,  mais  d'usage  à  peu  près  nul 
pour  le  vol,  parfois  rudimentaires,  parfois  tout  à  fait  absentes  et  sans 
vestiges.  Le  trait  capital  de  l'organisation  de  ces  Diptères  dégradés  est 
leur  mode  de  reproduction.  L'abdomen  est  recouvert,  non  d'arceaux 
écailleux  fixes  comme  chez  les  autres  insectes,  mais  d'une  membrane 
susceptible  d'une  grande  dilatation.  C'est  une  sorte  de  matrice  très 
extensible  dans  laquelle  se  passe  tout  le  premier  développement  du 
Diptère. 

De  l'ovaire  se  rendent  dans  cette  matrice  de  petits  corps  mous,  ovi- 
formes,  qui  grossissent  graduellement  jusqu'à  occuper  toute  la  cavité 
de  l'abdomen.  Si  on  ouvre  celui-ci^  ces  corps,  qui  sont  des  larves,  ne 
paraissent  contenir  qu'une  sorte  de  bouillie;  cependant  ils  sont  sus- 
ceptibles de  quelques  mouvements  de  contraction.  Quand  le  terme  de 
la  gestation  est  arrivé,  ces  corps  sont  expulsés,  successivement  et  un 
par  un,  de  l'abdomen  maternel.  C'est  une  larve,  comme  l'a  vu  Leuckart, 
qui  a  accompli  toute  son  évolution  dans  la  matrice.  Au  sortir  de  celle-ci 
la  peau  durcit  et  elle  devient  une  pupe  contenant  une  nymphe  qui  ne 
tarde  pas  à  donner  l'adulte.  Les  Ornithomyiens  sont  donc  bien  plutôt 
des  vivipares  que  des  pupipares,  comme  les  appelait  Latreille. 

Ces  insectes  ont  un  corps  large  et  aplati,  élastique,  écailleux,  plus 
coriace  au  niveau  de  l'abdomen.  La  tête,  de  grandeur  médiocre,  est 
plus  ou  moins  engagée  dans  le  thorax,  elliptique,  à  grand  diamètre 
transversal.  Les  antennes  sont  très  courtes,  en  forme  de  verrues  apla- 
ties; la  tète  a  latéralement  deux  grands  yeux  et  des  ocelles  dans  quel- 
ques genres.  La  trompe  est  constituée  par  la  lèvre  supérieure  et  par  la 
moitié  des  mâchoires  inférieures  qui  rengainent;  la  lèvre  inférieure 
est  très  courte  et  les  palpes  font  entièrement  défaut.  L'oritice  buccal  a 
ses  bords  sinueux.  Les  ailes,  parfois  très  étroites,  sont,  le  plus  souvent, 
longues  et  larges,  mais  leurs  nervures  n'apparaissent  nettement  qu'au 
bord  externe;  elles  n'offrent  pas  de  cellule  discoïdale.  Les  balanciers, 
très  petits,  sont  libres  ou  sans  cuillerons,  et  insérés  très  bas.  Les  pattes 
sont  épaisses  et  écartées,  en  raison  de  leur  largeur,  les  cuisses  aplaties, 
les  tarses  courts  et  forts,  avec  le  dernier  article  le  plus  long  et 
terminé  par  deux  griffes  à  plusieurs  crochets  et  très  puissantes.  Le 
thorax  est  large  et  arrondi,  l'abdomen  court  et  échancré  postérieure- 
ment. 

A  part  une  très  remarquable  exception  pour  le  Lipoptena  cervi,  les 
Ornithomyiens  vivent  en  petites  familles,  chaque  espèce  sur  une  espèce 
animale  déterminée;  ainsi,  les  Hippobosques  sur  les  chevaux,  les  bœufs, 
les  chameaux,  les  chiens,  les  Mélophages  sur  les  moutons,  les  Sténo- 
ptéryx  sur  les  hirondelles,  surtout  les  jeunes  oiseaux  au  nid,  les  Ornitho- 
myies  et  genres  voisins  sur  les  autres  oiseaux,  particulièrement  les 
rapaces,  les  pies,  les  grives,  les  perdrix,  les  alouettes,  les  moineaux,  etc. 


1068  DIPTÈRES. 

l-es  Sirèbles  ont  été  trouvés  sur  des  chauves-souris  de  l'Amérique  mé- 
ridionale. 

HIPPOBOiSCA  Linn.  —  Tête  entièrement  saillante  ;  antennes  à  style  apical  nu  ; 
prothorax  distinct;  ailes  obtuses  à  cinq  nervures  longitudinales  distinctes;  tarses 
à  ongles  bifides. 

Le  type  de  ce  genre  est  la  Mouche-Araignée  de  Réaumur,  H.  equina 
Linn.,  pi.  cwr,  fig.  U,  lèle  vue  de  face;  longueur,  6,5  à  9  millimètres, 
le  corps  d'un  jaune  de  rouille  luisant,  la  face  dorsale  du  métathorax 
d'un  brun  marron,  l'écusson  jaune  pâle.  La  trompe  est  courte  et  son 
extrémité  est  mousse;  les  ocelles  font  défaut.  On  trouve  cette  Mouche 
en  été  sur  les  chevaux  mal  tenus,  comme  ceux  du  halage  des  bateaux, 
entre  les  poils  du  ventre  et  sous  la  queue.  Son  abdomen,  d'un  gris  jau- 
nâtre, est  large  et  cuirassé;  elle  pique  parfois  l'homme  et  le  chien. 
Elle  se  trouve  parfois  aussi  sur  les  bœufs,  dans  les  régions  les  moins 
velues.  Sa  surface  glissante  et  son  agilité,  qui  lui  permet  de  s'esquiver 
en  tous  sens,  la  rendent  difficile  à  saisir.  Leurs  larves,  en  sortant  du 
corps  de  la  femelle,  sont  munies  à  une  des  extrémités  de  deux  saillies 
obtuses,  séparées  par  une  échancrure.  Peu  de  jours  après,  elles  devien- 
nent des  pupes  noires. 

ORlVlTHOMYi.%  Latr.  —  Tête  insérée  dans  une  échancrure  du  thorax;  antennes 
en  forme  de  valves  velues;  suçoir  allongé;  ailes  obtuses,  la  nervure  niédiastine 
double,  les  cellules  basilaires  à  peu  près  d'égale  longueur,  une  cellule  anale 
distincte;  ongles  des  tarses  tridenlés. 

Ces  parasites  vivent  accrochées  aux  plumes  d'oiseaux  variés,  tels  que 
les  éperviers,  les  pies-grièches,  les  perdrix,  les  merles,  les  étourneaux, 
les  pies,  les  alouettes,  les  rouges-gorges,  les  mésanges,  etc.  Nous  re- 
présentons une  espèce  exotique,  0.  Chiliensis  G.  Mén.,  pi.  cxvi,  fig.  5; 
du  Chili,  sans  indication  de  l'oiseau;  longueur,  5,5  millimètres. 

oXYPTERt'M  Lach.,  syn.  :  Anapeka  Meigen.  —  Tête  insérée  dans  une 
échancrure  du  thorax,  munie  de  chaque  côté  d'une  touffe  de  poils;  antennes 
valviformes  et  ciliées;  pas  d'ocelles;  ailes  assez  étroites,  courtes,  obtusément 
pointues,  à  côte  ciliée,  à  nervures  en  partie  réunies  ;  pattes  velues,  cuisses 
antérieures  et  intermédiaires  fort  épaisses,  les  ongles  des  tarses  tridenlés. 

Dans  ce  genre  la  réduction  organique  se  manifeste  par  le  rétrécisse- 
ment des  ailes,  qui  sera  encore  bien  plus  prononcé  dans  le  genre  sui- 
vant Stenopteryx.  Ces  insectes  vivent  accrochés  aux  hirondelles  par 
leurs  triples  crochets  tarsaux.  Nous  représentons  une  espèce  envoyée 
de  Tanger  à  Guérin-Méneville,  0.  Tangeri  G.  Mén.,  pi.  cxvr,  fig.  7;  lon- 
gueur, 7  millimètres. 


SÈTENOPTtlRYX,    MKLOPHAGUS,    BRAULA.  1069 

STEllOPTERYX  Lach.  —  Tète  insérée  dans  une  écliancrure  du  thorax  ;  an- 
tennes en  forme  de  valves  ciliées;  suçoir  allongé;  des  ocelles  ;  ailes  fort  étroites, 
allongées,  arquées,  pointues,  à  côte  ciliée,  la  plupart  des  nervures  soudées; 
pattes  velues,  à  cuisses  fort  épaisses,  tarses  à  ongles  tridentés;  abdomen  de  la 
femelle  terminé  par  un  oviscapte  saillant. 

La  seule  espèce  de  ce  genre  a  les  ailes  tellement  étroites,  que  leur 
largeur  n'égale  pas  la  septiènie  partie  de  leur  longueur;  elle  abonde 
dans  les  nids  des  hirondelles  de  fenêtre  et  de  cheminée.  Le  S.  hirundi- 
nis  Lench  est  représenté  pi.  cxvi,  fig.  7,  mâle  ;  7a,  suçoir;  7  6,  lèvre  in- 
férieure; longueur,  /i,5  millimètres;  ferrugineux;  tarière  delà  femelle 
terminée  par  une  touffe  de  soies;  ailes  jaunâtres,  à  bord  extérieur  fer- 
rugineux. 

Le  genre  Lipoptena  Nitzsch,  syn.  :  Leplotcna  Macquart,  présente  une 
particularité  qui  rappelle  les  transmigrations  de  beaucoup  d'Helminthes 
d'une  espèce  animale  à  une  autre.  Tant  qu'il  possède  des  ailes,  ce  Dip- 
tère constituait  l'espèce  Ornithobia  pallida  Meigen  et  vit  sur  lesoiseaux 
jusqu'en  automne;  puis  il  perd  ses  ailes  ou  n'en  garde  que  des  rudi- 
ments. 11  se  porte  alors  sur  les  cerfs,  les  daims,  les  chevreuils,  parfois 
les  sangliers  et  devient  le  Lipoptena  cervi  Linn.  Dans  certains  cantons 
forestiers  de  l'Allemagne,  les  Mouches  des  oiseaux  qui  guettent  les 
Cerviensse  posent  volontiers  sur  les  vêtements  ou  le  visage  des  passants. 

MELOPHjIlGIJiS  Latr.  —  Tète  dégagée  du  thorax  ;  antennes  nues  en  forme  de 
tubercules  ;  yeux  fort  étroits,  petits;  pas  d'ocelles;  thorax  assez  étroit;  ailes 
nulles;  pattes  velues,  ongles  des  tarses  bidentés,  abdomen  ovale. 

Une  seule  espèce,  souvent  appelée  le  Pou  du  mouton,  M.  Ovinus 
Linn.,  pi.  cxvi,  fig.  8;  8  a,  tête  vue  en  dessous;  8  6,  antenne;  8c,  suçoir 
ou  langue;  8  d,  patte  antérieure.  Cet  insecte,  long  de  3  miUimètres,  est 
ferrugineux  à  abdomen  brun.  Le  nom  du  genre  indique  le  goût  de  ces 
insectes  pour  la  graisse.  L'ovaire  des  femelles  contient  environ  huit 
œufs,  donnant  des  larves  qui  sucent  avec  avidité  un  liquide  que  sécrète 
une  glande  ramifiée.  La  larve  sortant  toute  développée  du  large  ovi- 
ducte  est  un  corps  ovoïde  et  blanc  sans  aucune  articulation;  elle  de- 
vient une  pupe  qui  se  fonce  peu  à  peu.  Les  Mélophages  habitent  la 
toison  des  moutons;  c'est  pour  les  rechercher  que  des  bandes  d'étour- 
neaux  suivent  les  troupeaux,  se  posant  sur  la  laine  et  s'empêtrant  par- 
fois les  pattes. 

Un  insecte  encore  plus  dégradé  organiquement  que  le  Mélophage  est 
le  Pou  de  l'abeille,  ou  Branle  aveugle,  Braula  cœca  Nitzsch.  C'est  un  pa- 
rasite très  gros  par  rapport  à  l'abeille,  car  il  a  le  volume  d'une  petite  tête 
d'épingle.  Le  corps,  long  de  1,5  millimètre,  est  dur  et  de  couleur  d'un 
brun  rouge  luisant,  à  l'exception  des  antennes,  qui  sont  d'un  jaune  de 
miel.  La  Braule  est  privée  d'yeux,  de  balanciers  et  d'ailes.  La  tête,  bien 


1070  DIPTÈRES. 

séparée  du  thorax,  est  triangulaire  et  couverte  de  petites  soies  fines  et 
jaunâtres.  L'épistome  est  profondément  échancré  en  bas;  sous  le  cha- 
peron semi-lunaire  se  trouvent  des  palpes  en  crosse,  entre  lesquels 
s'avance  la  trompe,  courte  et  membraneuse,  constituée  par  la  lèvre  su- 
périeure engainée  dans  les  mâchoires.  A  la  place  habituelle  des  yeux 
sont  deux  fossettes  dans  lesquelles  les  antennes  sont  enfoncées  jusqu'au 
niveau  de  leur  troisième  et  dernier  article,  sphéroïde  et  portant  une 
soie  dorsale  empennée.  Les  trois  anneaux  thoraciques  se  confondent  en 
un  panneau  unique,  un  peu  élargi  en  arrière  et  sans  écusson.  Les 
pattes  subégales  ont  les  cuisses  épaisses,  les  jambes  un  peu  arquées,  les 
tarses  de  cinq  articles,  le  dernier  très  élargi  et  muni  d'une  trentaine  de 
dentelures  piliformes  et  rétractiles,  au-devant  desquelles  sont  deux 
lobules  membraneux  en  crosse,  pourvus  de  poils  glanduleux.  L'abdo-  ' 
men  enfin,  composé  de  cinq  anneaux,  élargi  au  milieu,  est  ovale  et 
très  bombé.  Les  Branles  se  fixent  sur  les  abeilles,  surtout  sur  les 
femelles  fécondes  ou  reines,  s'attachant  par  leurs  griffes  et  peut-être 
par  leur  trompe,  presque  toujours  sur  le  corselet,  tantôt  près  du 
cou,  tantôt  de  l'origine  des  ailes  ou  des  pattes.  L'oviducte  con- 
tient quatre  embryons  et  la  femelle  laisse  choir  ses  larves  parve- 
nues à  maturité  grâce  au  liquide  nourricier  d'une  glande  interne. 
Blanches  et  tendres  en  sortant  de  l'oviducte,  elles  deviennent  ensuite 
foncées  et  dures.  Réaumur  a  reconnu  que  les  Branles  se  plaisent 
surtout  sur  les  abeilles  des  vieilles  ruches,  ne  paraissant  pas  leur 
faire  grand  mal,  car  celles-ci  ne  cherchent  pas  à  les  détacher  lors- 
qu'elles se  trouvent  sur  quelque  partie  du  corps  que  les  pattes  peuvent 
atteindre. 

Les  apiculteurs  allemands  classent  la  Braule  aveugle  parmi  les  ma- 
ladies des  abeilles,  en  la  regardant  comme  un  parasite  vivant  de  sa 
substance;  cependant  un  parasite  d'aussi  grande  laille  par  rapport  à 
l'animal  porteur  serait  bien  épuisant.  M.  J.  Pérez,  de  Bordeaux,  consi- 
dère plutôt  la  Braule  comme  un  insecte  commensal.  D'après  ses  obser- 
vations (1883),  quand  il  veut  manger,  il  se  porte  vers  la  bouche  de 
l'abeille,  où  l'agitation  de  ses  pattes  munies  d'ongles  crochus,  produit 
une  titillation  désagréable,  peut-être  tout  au  moins  une  excitation  des 
organes  buccaux,  qui  se  déploient  un  peu  en  dehors  et  dégorgent  une 
gouttelette  de  miel,  que  la  Braule  vient  lécher  et  absorber  aussitôt. 
On  s'explique  sa  prédilection  pour  la  femelle  féconde  que  les  ouvrières 
gorgent  constamment  de  miel  quand  elles  lui  font  cortège  et  semblent 
des  courtisans  assidus  auprès  d'elle,  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de 
roi  ou  de  reine. 

MYCTERlBl.v  Latr.  — Corps  aplati  et  écailleux  ;  tête  petite,  cupulliforme  et  très 
mobile,  rétractile  dans  une  excavation  profonde  de  la  face  supérieure  du  thorax; 
antennes  digitiformes,  de  deux  articles,  insérées  sur  la  tète  au-dessous  du 
bord  ;  yeux  ponctiformes  ou  nuls  ;  trompe  filiforme,  munie  de  palpes  très  grands, 


NYCTERIBIA,    BIBLIOGRAPHIE.  1071 

un  peu  claviformes  ;  pas  d'ailes  ni  de  balanciers;  patles  longues,  robustes  et 
écartées,  les  cuisses  et  les  jambes  épaisses,  ces  dernières  à  longs  poils  ;  tarses 
menus,  à  premier  article  très  long  et  arqué,  les  autres  très  courts,  les  ongles 
simples. 

Les  Nyctéribies,  encore  mal  connues,  ressemblent  à  de  petites  Arai- 
gnées à  six  longues  pattes  et  vivent  en  parasites  très  agiles  sur  les 
chauves-souris  des  diverses  espèces.  Elles  mettent  au  monde  des  larves 
ayant  acquis  toute  leur  taille  et  se  changeant  en  nymphes  après  leur 
naissance.  Au-dessous  et  au-devant  des  articulations  des  pattes  inter- 
médiaires sont,  au  bord  d'une  excavation,  deux  organes  pectines,  pa- 
raissant principalement  destinés  à  protéger  les  stigmates  aériens  placés 
dans  leur  voisinage.  Les  Nyctéribies  ne  mesurent  en  général  que  2,25 
à  4,5  millimètres  et  sont  d'un  jaune  de  cuir.  Nous  représentons 
N.  Westivoodi  G.  Mén.,  de  i  millimètres,  pi.  cxvi,  fig.  9;  9  a,  corps  vu  de 
profil;  9  6,  tête  vue  de  profil;  9c,  extrémité  d'un  tarse  grossi;  9rf,  gran- 
deur naturelle.  On  ne  peut  dire  de  quelle  chauve-souris  provient  cet 
insecte,  trouvé  par  Guérin-Méneville  dans  un  bocal  contenant  des  In- 
sectes pris  à  Paris  ;  très  probablement  l'espèce  n'est  pas  la  même  que 
N.  Westwoodi  Kolenati.  La  planche  cxvi  contient  des  détails  d'une 
espèce  des  Indes  Orientales,  N.  Sykesi  Westw.,  fig.  10,  tète  vue  en  des- 
sus; 10  o,  id.  en  dessous  ;  10  6,  id.  vue  de  profil;  10  c,  antenne  ;  10  d, 
extrémité  d'un  tarse. 

Bibliographie  des  Diptères.  —  Macquart,  Insectes  Diptères  du  nord 
de  la  France  {Mém.  de  la  Soc.  d'agricult.,  etc.,  de  Lille,  1823  à  183/i)  ; 
id.,  Hist.  nattir.  des  Insectes  Diptères,  lîoret,  suites  à  Buffon,  2  vol.  in-8°, 
avec  pi.  col.,  Paris,  183Zi-1835  ;  id,,  Diptères  exotiques  nouveaux  ou  peu 
connus  {Mém.  de  la  Soc.  d'agric,  des  sciences  et  arts  de  Lille,  1838  à  1855). 
—  Nouvelles  observations  sur  les  Insectes  Diptères  d'Europe  de  la  tribu 
des  Tachinaires  {Ann.  Soc.  entom.  Fr.,  18Zi5,  1849,  1850,  185/j).  — 
Léon  Dufour,  Anatomie  générale  des  Diptères  {Ann.  Soc.  natur.  zoolog., 
18Zi4).  —  Robineau-Desvoidy,  Essai  sur  la  tribu  des  Culicides  {Mém.  Soc. 
d'hist.  natur.,  de  Paris,  1827);  id.,  Essai  sur  les  Myodaires  {Mém.  Sav. 
étrangers,  1830)  ;  id..  Études  sur  les  Myodaires  des  environs  de  Paris  {Bévue 
de  zoologie,  18/i3,  1848,  1849  et  Ann.  Soc.  entom.  de  France,  1844, 1846, 
1847,  1849,  1850);  id.,  Diptères  dtc  environs  de  Paris,  famille  des  Myo- 
daires {Bull.  Soc.  des  sciences  d'Auœerre,  1853).  —  Brullé,  Diptères  de 
l'expédition  de  Morée,  Paris,  Levrault,  1832).  —  J.  0.  Westwood,  Mono- 
graphy  of  the  Nycteribia  {Trans.  of  the  zoolog.  Soc.  of  London).  —  Zet- 
terstedt,  Monographie  Scatophagarum  Scandinaviœ  {Ann.  Soc.  entom.  de 
France,  1835)  ;  id.,  Diptera  Scandinaviœ  disposita  et  descripta,  Lundœ, 
12  vol.  —  Ed.  Perris,  Notes  pour  servir  à  V histoire  des  métamorphoses  de 
diverses  espèces  de  Diptères  {Ann.  Soc.  entom.  de  France,  1849)  ;  id.,  His- 
toire des  métamorphoses  de  quelques  Diptères  {Mém.  de  la  Soc.  des  sciences 


1072  DIPTÈRES. 

de  Lille,  1850)  ;  id.,  Histoire  des  insectes  du  pin  maritime  (Diptères)  {Ann. 
Soc.  entom.  de  France,  1852  à  1857). — Rondani,  Ordinamento  sistematico 
dei  generi  Italiani  degli  insetti  Ditteri  {Xuov.  Ann.  sci.  natur.,  Bologna, 
1835);  id,,  Dipterologiœ  italicœ  prodromus.  Parma,  Stocchi,  1856-1859. 

—  Goureau,  Mémoire  sur  les  balanciers  des  Diptères  {Ann.  Soc.  entom.  de 
France,  18Zi3)  ;  id.,  Note  pour  servir  à  l'histoire  des  Diptères  dont  les  larves 
minent  les  feuilles  desplantes  {Ann.  Soc.  entom.  de  France,  18Zi6). — N.  Joly, 
Recherches  zoologiques  et  anatomiques  sur  les  OEstrides  en  général  {Ann.  Soc. 
d'agric.  de  Lyon,  18/i6).  —  Bigot,  Essai  d'une  classification  générale  et 
synoptique  des  Diptères  {Ann.  Soc.  entom.  de  France,  et  autres  nombreux 
travaux  dans  le  même  recueil).  —  Schiuer,  Fauna  austriaca,  die  Fliegen 
{Diptera),  Wien,  2  vol.  in-8°,  1862-186Zi  ;  id.,  Catalogus  systematicus  Dip- 
terorum  Europœ,  Vindobonœ,  186Ù.— Brauer,  Xeue  Beitrage  zur  Kentniss 
der  europaischen  OEstriden  { Verhand.  Wien  zoolog.  botan.  Gesellsch.,  1860). 

—  h'  Goherl,  Revision  des  espèces  françaises  de  la  famille  des  Leptides 
{Ann.  Soc.  linn.  d'Amiens,  1877);  id.,  Revision  monographique  de  la  fa- 
mille des  Tabanides,  in  ibid.,  Amiens,  1881.  —  D'  Al.  Laboulbène, 
art.  Diptères  {Dict.  encycl.  des  sciences  médicales  (D""  Dechambre),  avec 
une  bibliogr.  très  complète  des  Diptères). 


ORDRES    SATELLITES 

Outre  les  ordres  fondamentaux  dont  nous  avons  présenté  l'histoire 
abrégée,  il  y  a  quelques  groupes  d'Insectes,  soit  à  vie  libre,  soit  à  vie 
parasitaire,  mais  toujours  à  caractères  dégradés,  dont  on  fait  des  ordres 
faute  de  pouvoir  exactement  les  faire  rentrer  dans  les  ordres  à  nom- 
breux insectes.  On  dirait  des  ébauches  de  créations  dont  la  nature  n'a 
pas  cru  devoir  poursuivre  le  plan  ni  surtout  le  varier  par  des  types 
multipliés.  Ces  ordres  satellites  sont  d'abord  les  Thysanoptères  ou 
Thripsiens,  les  Strepsiptères  ou  Rhipiptères  ou  Stylopiens,  ces  deux 
ordres  étant  ailés.  Viennent  ensuite  des  groupes  privés  d'ailes,  qui  ont 
autrefois  été  réunis  en  ordre  fort  hétérogène  des  Aptères,  mais  qui  ont 
été  partagés  depuis  en  ordres  des  Thysanoures  (I.épismiens  et  Podu- 
riens),  des  Anoploures  (Riciniens  et  Pédiculiens)  et,  enfin,  des  Apha- 
niplères  ou  Puliciens,  ces  derniers  à  métamorphoses  complètes,  tandis 
que  les  deux  ordres  aptères  précédents  sont  sans  métamorphoses. 

Thripsiens.  —  En  raisons  de  certaines  analogies  générales  d'aspect 
et  d'après  l'absence  de  métamorphoses  complètes,  les  Thripsiens  ont 
été  longtemps  rangés  à  la  fin  du  sous-ordre  des  Hémiptères  hétéro- 
ptères.  Les  anciens  auteurs,  habitués  à  se  servir  de  la  loupe  seulement, 


THRIPSIENS,    PHLOEOTHRIPS.  1073 

n'avaient  pas  étudié  les  pièces  buccales  qui  exigent  l'emploi  du  micro- 
scope, car  ces  insectes  ne  dépassentpas  2,25  millimètres  de  longueur.  On 
les  rangeait  aussi  à  la  fin  des  Orthoptères,  et,  soil  près  des  Forticuliens, 
soit  près  des  Blattes  et  pour  d'autres  auteurs,  dans  les  INévroptères.  Ha- 
liday  le  premier  reconnut  l'existence  de  pièces  buccales  d'un  type  spé- 
cial. Leur  tète  semble  cylindrique  parce  que  la  bouche  se  prolonge  en 
forme  de  trompe  ;  les  mandibules  seulement  un  peu  renflées  à  la  base 
sont  remplacées  par  des  soies,  les  mâchoires  aplaties  qui  se  soudent 
avec  le  menton  sont  allongées  et  portent  des  palpes  à  deux  ou  trois 
articles,  les  palpes  labiaux  étant  formés  de  deux  articles.  Ces  Thysa- 
noptères  (insectes  à  ailes  frangées)  se  nourrissent  de  sucs  végétaux  de 
cuticules  et  aussi  de  pollen  liumide.  Leur  corps  est  étroit,  en  quel- 
que sorte  linéaire.  Sur  le  vertex  sont  des  antennes  composées  de  cinq 
à  neuf  articles,  des  yeux  grands  et  en  arrière  des  stemmales.  Le 
prothorax  est  plus  étroit  que  les  deux  segments  qui  suivent  et  por- 
tent des  ailes  lancéolées,  très  étroites  et  frangées,  à  texture  consistante 
et  à  peu  de  nervures,  reposant  à  plat  sur  l'abdomen,  souvent  ornées  de 
bandes  bariolées  ou  de  taches,  pouvant  s'atrophier  ou  même  manquer; 
les  tarses  de  deux  articles  se  terminent  par  des  disques  adhérents  et 
vésiculeux.  La  tarière  de  la  femelle  pique  les  plantes  pour  y  déposer 
les  œufs. 

Les  Thripsiens  vivent  sur  les  végétaux  auxquels  ils  sont  souvent  très 
nuisibles,  se  tenant  le  plus  habituellement  dans  les  fleurs  ou  sous  les 
feuilles  qu'ils  n'entament  pas  en  entier,  mais  dont  ils  rongent  la  partie 
superficielle  dans  toute  son  étendue,  de  façon  à  couvrir  leur  surface  de 
taches  plus  ou  moins  grandes.  Les  céréales,  surtout  le  f'romeni,  en  sont 
souvent  infestées,  et  beaucoup  déplantes  desserres  chaudes  sont  sujettes 
à  leurs  attaques.  En  Italie  et  dans  le  midi  de  la  France  les  oliviers  en 
souffrent  beaucoup  chaque  année.  On  rencontre  les  jeunes  larves  sou- 
vent au  milieu  des  insectes  parfaits,  n'en  différant  guère  pour  la  confi- 
guration, mais  toujours  d'une  couleur  jaune  plus  ou  moins  rougeàtre, 
relevant  l'extrémité  de  l'abdomen  à  la  façon  des  Staphylins.  Après  quel- 
ques mues  ou  changements  de  peau  successifs,  elles  prennent  des  ru- 
diments d'ailes,  et  la  couleur  de  ces  nymphes  devient  alors  noire  ou 
noirâtre.  Enfin,  après  une  dernière  mue,  les  Thripsiens  ont  acquis  l'état 
parfait,  avec  des  ailes  le  plus  souvent  très  allongées,  courant  vite  et 
offrant  un  vol  rapide. 

Le  genre  Thrips  de  Latreille  a  été  subdivisé  en  divers  genres  à  même 
terminaison  qui  ont  la  valeur  de  sous-genres  : 

niIiffiOTHRIPi^  Haliday.  —  Palpes  maxillaires  de  deux  articles  ;  ailes  nues, 
complètement  sans  nervures;  abdomen  de  dix  segments,  le  dernier  tubiforme 
dans  les  deux  sexes . 

liC  type  de  ce  genre  peu  nombreux  en  espèces  est  le  Thrips  de 


1074  DIPTÈRES. 

l'orme,  P.  ulmi  Fabr.,  pi.  cm,  fig.  là,  antenne  de  la  larve  ;  lU  a,  antenne 
de  l'adulte,  celui-ci  long  de  2  millimètres,  noir,  avec  les  antennes  à 
articles  gonflés,  leur  second  article  d'un  jaune  pâle,  ainsi  que  la  base 
de  tous  les  suivants,  les  pattes  noires,  avec  les  genoux,  les  tarses  et 
les  jambes  antérieures  ferrugineux,  les  cuisses  antérieures  renflées 
et  bidentées;  insecte  très  commun  près  de  Paris  sous  les  écorces  des 
ormes. 

THRIP)^  Latr.  —  Antennes  formées  de  huit  articles:  palpes  maxillaires  de  trois 
articles;  ailes  poilues,  les  supérieures  ayant  deux  nervures  parallèles  et  dé- 
pourvues de  nervures  transversales  ;  abdomen  lisse  et  de  neuf  segments,  le 
dernier  chez  la  femelle  ayant  la  forme  d'une  tarière  constituée  par  deux  valves 
latérales. 

Nous  rapportons  à  ce  genre  le  Thrips  des  céréales,  Thrips  cerealium 
Burmeister,  de  2  millimètres  de  long,  le  corps  d'un  brun  ferrugineux, 
les  antennes,  les  pattes  et  l'abdomen  annelés  de  jaune  pile;  la  larve 
est  d'un  jaune  orangé  assez  vif  ;  la  tète,  une  partie  du  prothorax  et 
l'extrémité  de  l'abdomen  sont  noirs,  les  antennes  et  les  pattes  présen- 
tant des  cercles  clairs  et  foncés;  à  la  quatrième  mue,  linsecte  acquiert 
des  ailes  rudimentaires,  qui  arrivent  jusqu'au  milieu  du  corps.  Une 
seconde  espèce  est  le  T.  décora  Haliday,  de  2  millimètres,  à  corps  noir, 
les  antennes  noires,  avec  les  articles  2,  3,  k  pâles,  les  pattes  noires  à 
bout  blanchâtre.  Ces  deux  espèces  s'installent  souvent  par  grandes 
quantités  dans  les  épis  de  seigle  et  surtout  de  froment,  se  tenant  cachées 
entre  les  feuilles  engainantes  et  le  chaume,  et  surtout  entre  les  valves 
et  le  péi-ianthe  des  épis,  rongeant  le  grain  nouvellement  formé  et  arrê- 
tant en  partie  son  développement.  A  ces  deux  Thrips  sont  dus,  le  plus 
souvent,  les  jgrains  racornis,  parfois  si  communs  dans  les  épis.  Lors 
de  la  floraison  des  blés,  on  remarque  la  larve  du  Thrips  décora  à  moitié 
cachée  entre  les  valves,  sous  l'aspect  d'un  insectule  d'un  rouge  ver- 
millon. Le  T.  vulgatissima  [Halid.  a  le  corps  noir  avec  les  ailes  de 
la  même  couleur  et  les  pattes  blanches  ;  il  est  très  commim  sur  toutes 
les  fleurs  de  jardin,  principalement  dans  celles  des  pommiers,  poiriers 
et  cerisiers. 

«KliOTHRlPS  ou  HEMOTRIPS  Haliday.  —  Antennes  de  huit  articles  ;  ailes 
à  une  seule  nervure  longitudinale,  mais  pourvues  de  nervures  transversales  ; 
abdomen  couvert  de  réticulations. 

Nous  représentons  une  espèce  de  ce  genre,  pi.  cm,  fig.  13,  adulte;  13  a, 
une  de  ses  pattes,  commune  aux  environs  de  Paris.  C'est  le  T.  fasciata, 
Linn.,  long  de  2  millimètres,  ayant  le  corps  noir  et  les  ailes  antérieures 
de  la  même  couleur,  avec  leur  base,  une  bande  dans  leur  milieu  et  leur 
extrémité  blanches;  dans  les  fleurs  de  réséda  et  de  quelques  Composées. 


CELOTHRIPS.  1075 

Une  autre  espèce  du  même  sous-genre,  qui  dépasse  à  peine  le  milli- 
mètre, est  le  T.  hœmorrhoidalis  Bouché,  Burmeister,  syn.  :  Adonidum 
Haliday.  Ce  Thrips  des  serres,  probablement  importé,  est  un  ennemi 
très  redoutable  de  l'horticulture.  Il  est  allongé,  linéaire,  d'un  noir  assez 
profond;  tête  un  peu  globuleuse  avec  des  yeux  saillants;  anntenes 
livides,  ayant  les  deux  premiers  articles  bruns  et  le  sixième  noir  ;  cor- 
selet aplati  de  forme  ovale;  pseudélytres  d'un  brun  plus  ou  moins 
clair  ou  plus  ou  moins  foncé,  avec  la  base  blanche  ou  d'un  blanc  jau- 
nâtre; pattes  très  courtes  et  jaunes;  abdomen  noirâtre,  pointu  à  l'ex- 
trémité, avec  les  deux  derniers  anneaux  ferrugineux  ou  un  peu  rou- 
geâtres  ;  larves  de  môme  forme  et  jaunâtres. 

Ce  Thripsien  se  trouve  sur  un  grand  nombre  de  plantes  de  serres 
appartenant  aux  familles  les  plus  diverses,  fréquent  sur  les  Ficus  elas- 
tica,  les  azalées,  les  Bégonia,  les  Marantacées  et  surtout  les  Orchidées, 
qui  souffrent  beaucoup  de  ces  minuscules  insectes  ;  leurs  feuilles  se 
couvrent  de  maculatures  noires  nuageuses  et  sont  comme  brûlées  à 
l'extrétnité.  Pendant  toute  la  durée  de  l'année,  les  sujets  de  tout  âge 
s'installent  à  la  face  inférieure  des  feuilles  des  jeunes  pousses,  qui  se 
fanent  et  perdent  leur  sève  ;  c'est  généralement  pendant  la  nuit  que 
ces  Thrips  rongent  les  feuilles  et  s'accouplent.  La  femelle  fécondée 
pond  le  plus  souvent  isolément  ses  œufs  allongés  et  arrondis  à  la  face 
inférieure  d'une  côte  médiane.  Au  bout  de  huit  à  dix  jours  en  sortent 
des  larves  ayant  une  teinte  jaune  rougeàtre  pâle,  sans  stemmates  ni 
ailes,  avec  des  tarses  blanchâtres.  A  des  intervalles  de  temps  égaux  aux 
précédents,  elles  éprouvent  trois  mues.  Elles  prennent  à  la  dernière 
des  rudiments  d'ailes  et  se  trouvent  ainsi  à  l'état  de  nymphes  très  peu 
mobiles,  car  tout  leur  corps  est  en  ce  moment  enveloppé  dans  une  mem- 
brane close  et  elles  n'absorbent  aucune  nourriture.  Après  quatre  jours 
la  nymphe  commence  à  prendre  une  couleur  plus  foncée,  les  antennes, 
les  pattes  et  les  ailes  restent  seules  blanches.  Enfin,  au  bout  de  sept  à 
huit  jours  et  après  s'être  dépouillée  de  sa  membrane  nymphale,  l'in- 
secte devient  adulte,  acquiert  sa  couleur  définitive  et  se  trouve  apte  à 
la  reproduction. 

Dans  les  serres  les  fumigations  de  tabac  font  périr  les  Thrips  adultes 
et  en  larves,  mais  non  les  œufs,  de  sorte  qu'il  faut  les  renouveler  au 
bout  d'une  quinzaine  de  jours;  mais  beaucoup  de  plantes  de  serres  ne 
peuvent  les  supporter  ;  tels  les  Héliotropes,  les  Cinéraires,  plus  encore 
les  Gesnériacées  et  beaucoup  de  Fougères  et  enfin  surtout  les  Orchidées, 
qui  en  deviennent  très  malades.  Rivière  employait  avec  succès,  contre 
le  Thrips  hémorrhoïdal,  la  fleur  de  soufre  appliquée  avec  les  doigts  sur 
les  feuilles  préalablement  mouillées  par  un  bon  bassinage.  On  a  aussi 
un  excellent  etfet  dans  les  serres  de  l'emploi  de  la  vapeur  de  jus  de 
tabac  ou  vapeur  d'eau  nicotinée  (Boizard). 

C'est  un  Thrips  qui  cause  dans  les  diverses  régions  de  la  France, 
l'affection  des  lins  qui  a  reçu  le  nom  de  brûlure  du  lin. 


1076  DIPTÈRES. 

Styloi'iens.  —  Les  Slylopiens  sont  de  singuliers  parasites  des  Hyméno- 
ptères porte-aiguillon  rencontrés  principalement,  étudiés  d'abord  en 
Angleterre.  On  en  a  formé  l'ordre  des  Strepsiptères  ou  Rhipiptères,  qui 
sont  peut-être  une  dérivation  des  Coléoptères.  Leurs  larves  vivent  sous 
les  anneaux  de  l'abdomen  des  guêpes,  des  polistes,  des  andrcnes,  des 
halictes,  des  sphex,  des  pélopèes,  etc.,  et  on  reconnaît  aisément  leur 
présence  aux  gibbosités  que  présente  alors  l'abdomen  de  ces  Hyméno- 
ptères. Ces  insectes  ont  été  découverts  à  la  fin  du  dernier  siècle  par 
Rossi  [Xenos  Vesparum)  sur  les  guêpes  et  les  polistes  de  l'Europe  méri- 
dionale. Les  mâles  adultes  sont  actifs  et  errants,  au  vol  ou  en  marche 
sur  le  corps  des  Hyménoptères  sur  lesquels  ils  vivent  à  l'état  de  larve, 
puis  de  nymphe.  Les  femelles  sont  toujours  gretfées  à  l'état  parasitaire 
soit  en  larves,  soit  en  adultes  larviformes,  mais  sexués,  par  un  fait  pareil 
à  celui  des  Psychides,  des  Hétérogynis,  Lépidoptères  dont  la  femelle  est 
fécondée  à  l'état  larvaire.  D'après  Siebold,  ces  femelles  peuvent  ofl'rir 
la  parthénogenèse  ou  développement  interne  d'œnfs  féconds  sans  le 
concours  des  mules. 

Les  antennes  des  mâles  sont  généralement  bifurquées  et  com- 
posées de  quatre  à  six  articles.  Les  yeux  sont  gros  et  hémisphé- 
riques, implantés  sur  deux  éminences,  d'où  le  nom  de  Stylopiens.  La 
tête  est  séparée  du  thorax  par  un  cou  très  étroit  ;  les  mandibules  de  la 
bouche  ont  la  forme  de  petites  lames  linéaires  croisées  l'une  sur  l'autre 
et  les  palpes  maxillaires  sont  formés  de  deux  articles.  Le  mésothorax 
est  le  moins  développé  des  segments  thoraciques  et  porte  des  ailes  an- 
térieures atrophiées,  ayant  la  forme  de  balanciers  longs,  étroits,  cour- 
bés au  bout  et  parfois  recroquevillés,  parfois  renflés  en  massue.  Le 
métathorax  au  contraire  occupe  les  deux  tiers  de  la  longueur  du  corps 
et  recouvre  la  base  de  l'abdomen  d'un  prolongement  conique  séparé  du 
reste  du  métathorax  par  une  suture  transversale.  Les  ailes  postérieures, 
très  larges  au  niveau  de  leur  base,  sont  soutenues  par  un  petit  nombre 
de  nervures  rayonnées  qui  leur  donnent  l'apparence  d'un  éventail  et 
se  repliant  de  la  sorte  ainsi  que  les  Orthoptères.  C'est  'de  là  que  vient 
le  nom  de  Rhipiptères.  Les  cuisses  et  les  jambes  sont  courtes  et  aplaties, 
les  tarses  élargis  et  cordiformes  antérieurement,  à  face  plantaire  mem- 
braneuse et  sans  trace  de  griffes.  L'abdomen  de  à  articles  se  termine 
par  des  crochets  sexuels  saillants. 

Les  larves  de  mâles  comme  celles  de  femelles  sont  vermiformes, 
blanchâtres  et  fixées  entre  les  anneaux  de  l'Hyménoplère  porteur  fai- 
sant saillir  le  céphalothorax,  qui  devient  noir  et  écailleux  au  moment 
de  la  nymphose.  La  femelle  conserve  toute  sa  vie  la  forme  larvaire, 
demeurant  iixée  à  l'Hyménoplère  pour  subir  la  copulation.  Au  bord 
antérieur  de  son  céphalothorax  est  un  orifice  buccal  semi-lunaire  et  en 
arrière  une  fente  transversale  ou  pore  génital  par  où  sortiront  les 
œufs.  Ceux-ci  se  développent  dans  tout  le  corps  de  la  mère  c!  donnent 
des  larves  cylindroïdes,  allongées,  pourvues  de  six  courtes  pattes  sans 


STYLOPS.  1077 

griffes,  de  deuv  soies  caudales  et  de  pièces  buccales  très  imparfaites. 
Elles  se  promènent  sur  le  corps  de  la  mère  et  sont  transportées  avec 
celles-ci  dans  les  nids  des  Hyménoptères,  comme  les  premières  larves 
de  Méloïdes,  et  chacune  perce  une  larve  de  l'Hyménoptère  pour  s'y 
fixer,  de  sorte  que  le  parasite  se  développe  en  quelque  sorte  parallèle- 
ment à  l'insecte  porteur  et  tous  deux  progressivement. 

D'après  les  formes  des  mâles,  qui  sont  les  Stylopiens  perfectionnés, 
les  espèces  de  ce  groupe  anormal  ont  été  réparties  en  quatre  genres 
Xe7ios  Rossi,  Elenchus  Curtis,  Shjlops  Kirby  et  Halictophagus  Curtis,  le 
premier  de  ces  genres  vivant  sur  des  Vespiens,  le  second  sur  des  Andrc- 
nides,  les  Stylops  pareillement,  et  enfin  le  quatrième  genre  sur  des 
Halictes. 

STViiOPS  Kirby.  —  Tète  prolongée  entre  les  antennes  en  un  large  triangle; 
antennes  membraneuses,  formées  de  six  articles,  le  premier  assez  grand,  cupu- 
liforme,  le  second  très  court,  le  troisième  bifurqué  au  côté  interne  en  un  lobe 
s'ctendant  jusqu'à  l'extrémité  du  suivant,  le  quatrième  épais,  le  cinquième  un 
peu  plus  grêle,  le  dernier  plus  long,  ovalaire  et  comprimé;  pattes  courtes,  tarses 
de  quatre  articles,  velus  en  dessous. 

Nous  représentons,  pi.  civ,  fig.  1,  le  mule  de  S.  Dahlii  Curtis:  1  a, 
tête  vue  en  dessus  pour  montrer  les  antennes;  1  b,  ù/.,  vue  en  dessous  ; 
1  c,  corps  vu  de  profil;  espèce  trouvée  en  Angleterre  sur  Andrena  albi- 
labris. 

Thvsanoubes.  —  Les  Thysanoures  ou  Monomorphes  sont  des  insectes 
sans   ailes   et  sans  métamorphoses,   offrant   des  pièces   buccales   de 
broyeurs  analogues  à  celles  des  Orthoptères,  des  groupes  d'yeux  simples 
à  la  place  des  yeux  composés  ordinaires,  de  longues  antennes,  un 
corps   fragile,   allongé   et   mou,   recouvert   de   poils   particuliers  ou 
d'écaillés,  des  appendices  abdominaux  soit  en  organe  fourchu  et  replié, 
propre  au  saut,  soit  en  filets  allongés  et  divergents.  Ils  font  partie  des 
Insectes  aptères,  groupe  fondé  sur  un  caractère  négatif  et  ne  pouvant 
être  admis  à  l'état  d  ordre  par  cette  raison.  Tous  ces  insectes  vivent 
dans  les  endroits  humides,  dans  l'intérieur  des  maisons,  au  bord  des 
eaux,  sous  les  écorces  des  arbres,  sous  les  pierres,  sur  le  bois  pourri, 
dans  les  mousses,  dans  le  fumier,  etc.  Ils  meurent  aisément  sons  l'ac- 
tion de  la  chaleur  sèche  et  supportent  par  contre  bien  indemnes  des 
froids  humides  prolongés.  Ainsi,  une  petite  Podurelle  sauteuse,  la  Puce 
des  glaciers  {Desoria  glacialis),  passe  sa  vie  dans  des  régions  où  la  couche 
d'air  s'élève  à  peine  au-dessus  de  la  glace  fondante,  en  des  lieux  où  le 
soleil  n'échauffe  que  des  glaces,  des  eaux  glacées  et  des  pierres.  Les 
Thysanoures  se  divisent  naturellement  en  deux  tribus,  qu'on  peut  dési- 
gner d'après  les  noms  de  leurs  genres  fondamentaux,  les  Lépismiens  et 
les  Poduriens. 

GIRARD.  ni.  —  67 


1078  THYSANOURES. 

Les  Lépismiens  ont  des  antennes  longues,  sétacées,  multiarticulées  ; 
la  bouche  est  formée  d'un  labre,  de  deux  mandibules  submembra- 
neuses, de  deux  mâchoires  bilobées  et  d'une  lèvre  quadrifide;  les  palpes 
maxillaires  sont  longs,  composés  de  cinq  à  sept  articles,  les  palpes 
labiaux  plus  courts  étant  quadriarticulés.  Les  yeux  sont  formés  de  petits 
yeux  lisses,  conglomérés,  en  nombre  variable.  L'abdomen,  allongé  et 
rétréci  à  son  extrémité  postérieure,  est  formé  de  dix  segments  qui  por- 
tent en  dessous  neuf  paires  d'appendices  lamelliformes,  attachés  aux 
arceaux  ventraux  par  un  pédicule  articulé  et  dont  les  derniers  sont  les 
plus  longs.  Ces  appendices  abdominaux,  chez  des  insectes  adultes,  sont 
un  cas  tout  à  fait  exceptionnel  constituant  un  passage  manifeste  avec  les 
Myriapodes.  Les  femelles  ont  une  tarière  comprimée,  formée  de  deux 
valves  conniventes.  Le  corps  des  Lépismiens  est  ou  ovalaire  ou  ellip- 
soïde allongé,  avec  le  thorax  gibbeux.  Ce  corps  est  entièrement  couvert 
d'écaillés  brillantes,  et  ces  insectes  sont  lucifuges,  aimant  les  lieux  peu 
éclairés  et  humides. 

MACHICIl^  Latr.  —  Corps  formé  de  treize  segments,  outre  la  têle,  trois  Ihora- 
ciques,  dix  abdominaux,  oblong,  plus  étroit  et  cylindroïde  en  avant,  puis  subi- 
tement élargi  et  élevé  en  bosse,  abaissé  après,  finissant  en  cône  allongé,  avec 
le  bout  tronqué  et  perlant  trois  filets  sétacés  pluriarticulés,  dont  l'intermédiaire 
est  plus  long  que  les  autres  ;  yeux  grands,  contigus  ;  palpes  maxillaires  très 
longs  et  saillants,  analogues  à  des  antennes. 

Les  Machiles,  qui  vivent  sous  les  pierres  et  aussi  dans  certains  gre- 
niers, sautent  à  grande  distance  et  itérativement,  de  façon  à  échapper 
aisément  à  la  main,  si  on  ne  les  reçoit  pas  dans  un  filet  ;  c'est  le  seul 
moyen  de  ne  pas  altérer  les  brillantes  écailles  dont  ils  sont  couverts. 
Nous  représentons  le  M.  polypoda  Linn.,  pi.  cxvii,  fig.  1,  avec  de  nom- 
breux détails,  long  de  8  à  10  millimètres,  d'un  cendré  noirâtre,  les 
antennes  plus  courtes  que  le  corps,  tachetées  de  gris  ainsi  que  les  filets 
caudaux,  les  fausses  pattes  de  l'abdomen  d'un  gris  blanchâtre  et  velues, 
la  tarière  de  la  femelle  linéaire  et  jaunâtre.  Guérin-Méneville  a  décou- 
vert, sur  cet  insecte,  de  curieux  organes  branchiaux,  comme  chez  les 
Pteronarcys  adultes  et  quelques  autres  Perliens  (t.  H,  p.  313),  et  comme 
chez  certains  Cloportiens  (Crustacés  isopodes);  ce  sont  des  vésicules 
blanches,  placées  au  bord  postérieur  des  plaques  abdominales  infé- 
rieures. Détails,  pi.  cxvii  :  1  a,  tête  vue  de  face  ;  i  6,  mâchoire;  1  c,  1  rf 
et  D,  mandibules;  1  e,  lèvre  inférieure;  1  f,  g,  h,  écailles  qui  revêtent 
le  corps,  plus  ou  moins  dépouillées  de  la  couche  striée  qui  les  recouvre; 
1  f,  abdomen  vu  en  dessous,  avec  les  second  et  troisième  segments  du 
thorax:  a,  b,  hanches  des  pattes  intermédiaires  et  postérieures,  portant 
un  petit  appendice  subarticulé,  grossi  considérablement,  en  A,  c,  d,  e, 
f,  g,  h,  i,  k.  l,  plaques  ventrales  portant  des  appendices  articulés  et  des 
espèces  de  branchies,  à  l'exception  de  la  première,  qui  ne  porte  que 


MAGHILIS,   LEPISMA.  •  1079 

des  branchies  m  ;  les  trois  filets  qui  terminent  l'abdomen  n;  l'oviscapte, 
formé  de  quatre  filets  qui  s'insèrent  à  la  base  interne  des  lames  abdo- 
minales des  8"  et  9^  segments;  1,  NM,  moitié  de  la  base  du  S'^  segment 
très  grossie  portant  l'un  des  filets  de  l'oviscapte  et  munie  de  son  appen- 
dice articulé  en  I  1;  N"I,  id.  du  9"  segment  avec  son  appendice;  1,  A'", 
patte  intermédiaire  isolée.  Le  M.  polypoda,  qui  est  assez  rare,  a  été 
notamment  trouvé  à  Fontainebleau  sous  les  pierres. 

C'est  à  la  fin  de  l'été  ou  au  début  de  l'automne  que  les  Machiles  sont 
à  toute  leur  taille  et  aptes  à  la  reproduction;  au  printemps,  on  ne 
trouve  en  cet  état  qu'un  très  petit  nombre  de  sujets  ayant  probablement 
hiverné.  A  cette  époque  abondent  les  jeunes,  qui  sont  d'un  gris  cendré 
plus  clair  avec  deux  rangées  longitudinales  de  taches  noires,  ont  les 
filets  postérieurs  encore  très  courts,  prdes  et  membi-aneux.  Les  œufs 
qu'on  retire  du  ventre  des  femelles  sont  assez  gros  et  d'un  jaune 
roussâtre. 

LEPISMA  Linn.  —  Corps  ovalaire,  rétréci  postérieurement,  déprimé,  un  peu 
et  insensiblement  élevé  vers  le  miUeu  du  dos,  avec,  la  tête  liorizontale,  soit  sub- 
carrée, soit  semi -circulaire;  yeux  latéraux,  petits,  très  écartés,  formés  chacun 
de  douze  ocelles;  antennes  insérées  entre  les  yeux,  un  peu  en  avant,  sétacées, 
pluriarticulées,  en  général  longues;  palpes  maxillaires  de  cinq  articles,  labiaux 
de  quatre;  pattes  très  comprimées,  à  hanches  et  cuisses  grandes,  en  forme  de 
feuillets  ovalaires,  à  jambes  et  tarses  étroits  et  allongés,  ces  derniers  de  deux 
articles  terminés  par  deux  crochets  aigus  ;  abdomen  en  triangle  allongé,  le 
dixième  et  dernier  segment  ou  plaque  anale  terminée  en  dessous  par  trois  filets 
divergents,  subégaux,  pluriarticulés  ;  au-dessous  de  l'abdomen,  aux  segments  8  et 
9,  sont  deux  paires  d'appendices  lancéolés,  ou  cyliiidrico-coniques  et  comprimés, 
articulés,  velus,  membraneux  et  translucides. 

Les  Lépismes  ne  sautent  pas,  mais  courent  très  vite,  fuyant  la 
lumière  et  se  glissant  entre  les  interstices,  de  sorte  qu'ils  ont  été  com- 
parés à  de  petits  Poissons,  en  raison  en  outre  du  brillant  éclat  des 
écailles  de  quelques  espèces.  On  les  trouve  dans  les  boiseries,  les 
armoires,  les  fentes  des  châssis  qu'on  ouvre  rarement,  sous  les  planches 
un  peu  humides,  etc.;  d'autres  espèces  sous  les  pierres.  Quand  on  les 
saisit,  ils  laissent  aux  doigts  des  traces  analogues  à  celles  produites  par 
les  écailles  des  ailes  des  papillons.  Ces  insectes  étaient  appelés  Forbi- 
cinos  par  Aldrovande  et  (Geoffroy. 

Le  type  et  l'espèce  la  plus  commune  est  le  Lépisme  du  sucre,  L.  sac- 
charina  Lirm.;  la  Forbicine  plate  de  Geofl'roy;  la  Forbicine  demi-cylin- 
drique de  Geer,  pi.  cxvn,  fig.  2:2a,  tète  vue  en  dessus;  2  b,  mandibule 
vue  de  profil;  2  c,  «d.,  vue  par  le  dos;  2  d,  mâchoire.  Ce  Lépisme  est 
long  de  9  à  11  millimètres,  d'un  blanc  entièrement  argenté  sans  taches, 
plus  brillant  en  dessus  qu'en  dessous,  les  antennes  et  les  filets  caudaux 
légèrement  tachetés  de  ferrugineux.  Cette  espèce»  que  Latreille  croit 


1080    •  THYSANOURES. 

d'origine  américaine,  est  très  commune  dans  les  maisons,  et  appelée 
par  les  enfants  petit  Poisson  d'aryent.  Elle  habite  de  préférence  les  lieux 
humides  et  renfermés,  rongeant  avec  avidité  le  sucre  et  les  pâtisseries, 
les  linges  apprêtés  à  l'empois  d'amidon,  etc.  Ce  Lépisme  mange  aussi 
les  insectes  en  collection  ou  piqués  sur  les  étaloirs.  Les  yeux  de  cet 
insecte,  au  nombre  de  douze  de  chaque  côté,  sont  en  forme  de  petits 
grains  jaunâtres  disposés  sur  quatre  rangées  transverses,  deux,  trois, 
quatre,  trois. 

Dans  les  Poduriens,  les  antennes  sont  formées,  le  plus  souvent,  de 
ouatre  à  cinq  articles;  les  yeux  sont  conglomérés,  composés  chacun  de 
quatre  à  huit,  rarement  vingt,  pelits  yeux  lisses;  la  bouche  présente 
deux  petites  lames  longitudinales  portant  à  leur  extrémité  trois  ou 
quatre  divisions  sétacées  et  deux  petites  pièces  légèrement  crochues, 
sans  palpes  saillants,  la  tête  entièrement  dégagée.  L'abdomen,  dépourvu 
d'appendices  latéraux,  se  compose  de  5  segments,  logeant  dans  une 
gouttière  un  appendice  plus  ou  moins  fourchu  ou  simple,  prenant 
attache  dans  le  pénultième  segment,  se  débandant  comme  un  ressort 
pour  lancer  le  Podurien  en  dessus  et  en  avant.  Cet  organe  sallatoire 
possède  une  telle  élasticité,  que  chez  les  Poduriens  aquatiques  ou 
Smynthures,  c'est  la  surface  de  l'eau  qui  lui  fournit  un  point  d'ap- 
pui. Anatomiquement,  il  représente,  avec  plus  ou  moins  de  soudure 
de  ses  deux  branches,  les  deux  paires  d'appendices  styliformes  des 
Lépismes.  Les  pattes  trapues  se  terminent  par  un  tarse  d'un  seul 
article,  bilobé  et  pourvu  de  griffes.  L'anus  s'ouvre  à  l'extrémité  de  l'ab- 
domen, tandis  que  les  organes  génitaux  sont  situés  entre  les  deux 
pattes  postérieures,  ce  qui  est  un  caractère  de  Crustacé. 

Les  Poduriens  ne  peuvent  vivre  sans  un  certain  degré  d'humidité; 
aussi  les  rencontre-t-on  sur  les  feuillages  humides,  sous  les  couches  de 
feuilles  tombées  du  sol  des  forêts,  sous  l'écorce  des  arbres  pourris,  sur 
l'eau  et  même  sur  la  glace  ou  la  neige.  Assez  souvent,  au  printemps, 
par  la  multitude  de  leurs  individus,  ils  forment  ces  encadrements  noi- 
râtres, semblables  à  de  la  poudre  à  canon,  qu'on  voit  autour  des  mares 
et  des  flaques  d'eau  stagnante,  sur  les  plantes  aquatiques,  les  troncs 
d'arbre,  les  chemins  humides.  Si  l'on  vient  à  troubler  la  quiétude  de 
ces  animalcules,  on  voit  sauter  ces  grains  en  tous  sens  avec  une  telle 
légèreté,  qu'ils  offrent  l'aspect  d'un  nuage  de  poudre  après  la  détona- 
tion. Ils  sont  d'une  très  petite  taille,  mous,  couverts  d'écaillés  peu  ser- 
rées, parfois,  au  contraire,  presque  glabres,  simplement  hérissés  de 
petits  poils,  dont  quelques-uns  au  moins  observés  au  microscope  sont 
obtus  à  leur  extrémité. 

ont'IlEitELi..^   Templeton.  —  Antennes  de  six  ou  sept  articles  presque  aussi 
longues  que  le  corps,  filiformes. 

Nous  représentons  une  espèce  des  environs  de  Paris,  0.  succincta 


ORCHESELLA,   PODURA,   ACHORUTAS,    SMYNTHURUS.  1081 

G.Mén.,  pi.  cxvii,  fig.  3  :  3  a,  une  antenne  et  l'un  des  groupes  d'yeux; 
3  b,  corps  vu  de  profil  pour  montrer  l'organe  du  saut  caché  en  partie 
dans  une  rainure  abdominale;  d'un  noir  vif;  antennes  à  base  noire 
marquée  de  blanc  au  premier  segment  et  jaunâtres  dans  le  reste  de 
leur  longueur;  pattes  brunes,  avec  la  base  des  cuisses  et  des  jambes 
jaunes;  corps  velu;  deux  petites  huppes  de  poils  blancs  sur  le  second 
segment  du  thorax;  premier  anneau  de  l'abdomen  offrant  en  arrière 
une  large  bande  jaune  et  le  pénultième  bordé  de  poils  blancs. 

Dans  le  genre  Podura  Linn.,  qui  est  plus  nombreux  en  espèces,  les 
antennes  ont  quatre  articles  et  sont  moins  longues  que  la  tète  et  l'or- 
gane du  saut  court.  L'espèce  la  plus  commune  est  Podura  villosa  Linn., 
la  Podura  commune  velue  de  Geoffroy,  de  li,b  millimètres  de  long,  fré- 
quente sous  les  pierres,  oblongue,  d'un  brun  rougeâtre,  entrecoupée  de 
taches  et  de  raies  noires,  la  tête  et  le  thorax  velus,  l'abdomen  presque 
glabre.  Dans  le  genre  voisin,  ^c/ioruies  Templeton,  les  antennes,  plus 
courtes  que  la  tète,  ont  encore  quatre  articles,  mais  l'appendice  abdo- 
minal est  obsolète;  aussi  ces  petits  Poduriens  ne  sautent  pas.  Une 
espèce  entièrement  noire,  Achorutes  maritimus  G.  Mén.,  ayant  environ 
2  millimètres  de  longueur,  a  été  découverte  en  France,  sur  les  limites 
communes  de  la  Normandie  et  de  la  Picardie,  au  Tréport,  près  de 
l'embouchure  d'une  petite  rivière,  dans  la  partie  envahie  par  le  flot  à 
chaque  marée,  et  couvrant  de  ses  multitudes  la  vase  aussitôt  que  la 
mer  est  retirée. 

SiMt'UTHllBUS  Latr.  —  Corps  globuleux  ou  ovalaire,  antennes  sétiformes  à 
leur  extrémité,  géniculées,  le  premier  article  paraissant  muitiarliculé  ;  thorax 
et  abdomen  confondus  en  une  masse  unique. 

Ce  genre  de  Poduriens,  de  taille  très  minime,  ne  dépassant  guère  le 
millimètre,  se  trouve  sur  les  feuillages  et  les  écorces  humides,  sur  le 
sol  mouillé,  etc.  Une  espèce  commune  est  le  .S.  signatus  Fabr.,  la 
Podure  noirâtre  à  taches  fauves  sur  le  ventre,  de  Geoffroy,  pi.  cxvii,  fig.  U, 
globuleux,  les  antennes  presque  de  la  longueur  du  corps,  d'un  brun 
verdàtre  un  peu  luisant,  avec  trois  ou  quatre  taches  fauves  de  chaque 
côté  du  corps,  l'appendice  sallatoire  d'une  teinte  plus  claire;  sous  les 
pierres  et  sous  les  feuilles  tombées  humides.  Une  autre  espèce  com- 
mune, qui  se  rencontre  sur  les  écorces,  est  le  Smynthure  vert,  S.  vi- 
ridis  Geoffroy,  l'abdomen  renflé  à  l'extrémité,  avec  un  angle  rentrant 
de  chaque  côté,  tout  le  corps  d'un  vert  clair  mat,  avec  la  tète  flaves- 
cente  et  les  yeux  noirs,  les  antennes  de  la  longueur  du  corps. 

Anoploubes.  —  L'ordre  des  Anoploures  est  formé  exclusivement  d'In- 
sectes sans  métamorphoses  et  sans  aucune  trace  d'ailes,  même  rudi- 
mentaires,  et  privés  d'yeux  composés.  Ils  forment  les  Zoophtires,  tous 
épizoïques  des  Mammifères  et  des  Oiseaux,  par  opposition  aux  Phy- 


1082  ANOPLOURES. 

tophtires  ou  Poux  des  plantes,  Pucerons  et  Cochenilles.  Les  uns,  for- 
mant la  tribu  des  Pédiculiens,  ont  été  regardés  comme  dérivant  des 
Hémiptères,  car  leurs  pièces  buccales  sont  allongées  en  tube  de  suc- 
cion, et  aspirent  le  sang  de  l'homme  et  des  Mammifères  (genres  Pedi- 
culus  Linn.,  Phthirius  Leach,  Hœmatapinus  Leach).  Les  autres,  bien 
plus  nombreux  en  genres  et  en  espèces,  sont  les  Riciniens  ou  Mallo- 
phagieiis,  qui  peuvent  être  rattachés  aux  Orthoptères  par  l'armature 
de  la  bouche  constituée  par  des  pièces  broyeuses  où  l'on  reconnaît  des 
mandibules  en  crochets  courts  et  puissants,  des  mâchoires  en  général 
très  petites,  palpigères,  à  quatre  articles  ou  sans  palpes  ;  on  distingue 
en  outre  la  lèvre  supérieure  et  la  lèvre  inférieure  généralement  pourvue 
de  palpes  à  deux  articles.  Ces  Insectes  dégradés  vivent,  non  en  suçant 
le  sang  de  leurs  hôtes,  mais  en  rongeant,  soit  les  poils  (Pilivores),  soit 
les  plumes  (Pennivores).  Le  thorax  paraît  presque  toujours  constilué  par 
deux  anneaux  seulement,  parce  que  les  deux  derniers  se  confondent. 
L'abdomen  est  formé  de  neuf  ou  dix  segments  dont  les  plus  larges  sont 
au  milieu.  Les  pattes  sont  d'ordinaire  courtes  et  fortes,  avec  les  cuisses 
lisses  et  aplaties  et  les  tarses  de  deux  articles.  Ils  se  terminent  dans  les 
Pennivores  par  deux  gritfes,  et,  chez  les  Pilivores  des  Mammifères,  par 
une  seule  griffe  très  grande,  susceptible  de  constituer  une  pince  avec 
rextrémité  de  la  jambe,  ce  qui  permet  au  Ricinien  de  grimper.  Les 
œufs  sont  pondus  sur  les  poils  ou  les  plumes,  et  les  petits  qui  en  nais- 
sent ont  la  môme  conformation  que  les  adultes,  opérant  seulement  plu- 
sieurs mues  avant  d'atteindre  leur  taille  et  leur  coloration  définitives. 
La  plupart  ne  dépassent  guère  2,25  millimètres.  Tous  les  Anoploures 
quittent  l'animal  sur  lequel  ils  vivent  à  la  mort  de  celui-ci. 

PEDlCUlilIS  Linn.  —  Tête  petite  et  peu  allongée;  antennes  filiformes  de  cinq 
articles  ;  yeux  simples  et  petits,  placés  près  des  antennes,  indistincts  dans  plu- 
sieurs espèces  ;  bouche  prolongée  par  un  organe  de  succion  rétractile  dans  la 
tête  quand  il  ne  fonctionne  pas;  thorax  médiocre,  mais  distinct,  faiblement 
trisegmenté  ;  pattes  de  longueur  médiocre,  terminées  par  un  crochet  conique 
formant  pince  et  se  repliant  contre  l'extrémité  de  la  jambe;  abdomen  à  contour 
présentant  sept  étranglements  bilobés. 

Les  Poux  se  rencontrent  sur  l'homme  et  sur  un  grand  nombre  de 
Mammifères,  ainsi  les  Singes,  les  Porcs,  les  Ruminants,  les  Équidés,  les 
Rongeurs,  le  Phoque,  etc.  Ils  sont  ovipares  et  collent  leurs  œufs  aux  poils 
au  moyen  d'un  enduit  agglutinant.  Les  mules,  beaucoup  plus  rares  que 
les  femelles,  sont  plus  petits  et  plus  grêles,  avec  une  tête  plus  distincte; 
on  les  reconnaît  facilement  à  l'organe  sexuel  saillant  en  forme  de 
dard,  et  dont  la  disposition  indique  que  le  mâle  est  placé  sous  la  femelle 
pendant  l'accouplement.  La  multiplication  des  Poux  est  considérable. 
Leuwenhoek  a  reconnu  qu'une  seule  femelle  peut  fournir  en  peu  de 
temps  cinq  mille  petits,  chacun  apte  à  se  reproduire  au  bout  d'une  quin- 


PEDICDLUS.  1083 

zaine  de  jours;  il  avait  élevé,  pour  faire  cette  expérience,  la  descen- 
dance de  deux  femelles  de  Poux  du  corps  dans  un  de  ses  bas  de  soie. 

Nous  trouvons,  chez  l'homme,  le  Pou  de  la  tête,  Pediculus  humanus 
Linn.,  le  Pou  ordinaire  de  Geoffroy,  le  Pou  humain  de  la  tête  de  De  Géer, 
pi.  cxvii,  fig.  6  :  6  a,  tête  grossie;  6  b,  antenne  très  grossie,  6  c,  extré- 
mité d'une  patte,  bien  distinct  du  Pou  de  corps  par  ses  antennes,  le 
thorax  moins  élargi  en  arrière,  les  segments  de  l'abdomen  échancrés 
plus  profondément  et  le  brun  qui  les  borde  plus  foncé  et  moins  fondu 
que  dans  le  Pou  de  tête.  Il  est  long  d'environ  2  millimètres,  ovale 
oblong,  le  thorax  sensiblement  de  la  largeur  de  l'abdomen,  la  couleur 
d'un  cendré  grisâtre,  avec  une  rangée  de  petites  taches  obscures  de 
chaque  côté  du  corps.  Se  trouve  exclusivement  sur  la  tète  de  l'espèce 
humaine,  et  particulièrement  des  enfants,  bien  plus  que  des  adultes, 
en  raison  de  quelque  différence  des  liquides  sous-cutanés,  collant  aux 
cheveux  ses  œufs  blanchàtresetpiriformes,  appelés /enies,  d'où  éclosent 
des  Poux,  en  soulevant  un  opercule  supérieur,  comme  chez  les  Pu- 
naises; ils  deviennent  aptes  à  la  reproduction  au  bout  d'une  vingtaine 
de  jours,  et  chaque  femelle  pond  une  cinquantaine  d'œufs.  La  bouche, 
comme  chez  les  autres  Pediculus,  consiste  en  un  cône  mou  et  rétrac- 
tile,  assez  court,  muni  d'une  série  de  crochets  le  long  du  bord  anté- 
rieur. Dans  ce  conduit  pénètrent  quatre  demi-gouttières,  associées  deux 
à  deux,  représentant  des  mandibules  et  des  mâchoires,  comme  chez  les 
Hémiptères,  dont  la  juxtaposition  forme  un  tube  interne  plus  étroit  et 
plus  long,  et  que  l'insecte  fait  saillir  hors  de  la  gaine  qui  l'entoure,  et 
enfonce  dans  la  peau,  afin  d'aspirer  le  sang.  La  couronne  de  crochets 
de  la  gaine  externe  sert  à  fixer  l'appareil  d'inspiration  et  à  empêcher 
l'accès  de  l'air,  et  produit  une  sensation  de  morsure  plutôt  que  de 
piqûre.  Ce  Pou  présente  quatre  canaux  de  Malpighi. 

On  se  débarrasse  du  Pou  de  la  tête  par  des  lotions  d'une  décoction 
concentrée  de  staphysaigre  ou  de  tabac,  ou  par  une  forte  eau  de  savon 
ou  par  des  frictions  avec  un  corps  gras,  obstruant  les  stigmates  de 
l'insecte,  qui  périt  asphyxié.  Enfin  on  fait  la  chasse  à  ces  répugnants 
animaux,  opération  dont  les  singes  donnent  le  continuel  exemple  à 
l'espèce  humaine.  Dans  l'Europe  méridionale,  on  consacre  spéciale- 
ment les  dimanches  à  la  recherche  des  Poux.  Dans  l'Ile  de  Tavignana, 
en  face  de  Carthage,  M.  Emile  Blanchard  a  vu  une  famille  former  six 
étages  superposés  de  chercheurs  de  Poux,  les  plus  petits  en  bas,  les 
autres  sur  des  chaises  ou  escabeaux,  les  parents  en  haut.  Au  lieu  de 
les  tuer,  il  les  jetaient  à  la  volée.  Ces  Poux  existent  dans  les  diverses 
races  de  l'espèce  humaine,  et  forment  des  variétés  qui  se  distinguent 
par  la  coloration  selon  les  races  humaines,  par  la  grosseur  et  par  la 
disposition  des  crochets  terminaux  des  tarses,  en  rapport  avec  des  dif- 
férences dans  le  cheveu.  Ceux  des  Africains  de  lOuest  et  des  Austra- 
liens sont  à  peu  près  noirs,  ceux  des  Indous,  d'aspect  sombre,  couleur 
de  fumée,  ceux  des  Caffres  et  des  Hottentots  de  couleur  orange,  ceux 


lOSZl  ANOPLOURES. 

des  Chinois  et  des  Japonais  d'un  brun  clair,  ceux  des  Indiens  des  Andes 
d'un  brun  foncé,  ceux  des  Indiens  Digger  de  la  Californie  d'une  cou- 
leur olive  sombre  et  ceux  des  Indiens  de  la  partie  septentrionale  de 
l'Amérique,  voisins  des  Esquimaux,  plus  pâles  et  se  rapprochant  des 
parasites  de  couleur  claire  des  Européens. 

Une  seconde  espèce  est  le  Pou  du  corps  ou  des  vêtements,  P.humanus 
corporis,  le  Pou  humain  du  corps  de  De  Géer,  pi.  cxvii,  fig.  5:5a,  tête; 
5  6,  antenne  encore  plus  grossie;  oblong,  les  lobes  de  l'abdomen  moins 
saillants  que  dans  l'espèce  précédente,  la  couleur  d'un  blanc  sale,  sans 
taches  ni  i-aies,  les  anneaux  de  l'abdomen  non  rembrunis  au  niveau  de 
leur  bord  postérieur.  Ce  Pou  se  trouve  sur  les  poils  du  corps,  surtout 
de  la  poitrine,  des  aisselles  et  des  jambes,  et  aussi  dans  les  vêtements-, 
les  femelles  pondent  leurs  lentes  dans  les  coutures  des  vêtements  de 
dessous;  de  là  il  se  rencontre  surtout  sur  les  personnes  qui  ne  chan- 
gent pas  de  linge  aussi  souvent  que  la  propreté  l'exige.  Au  commence- 
ment du  siècle,  il  infestait  les  hôpitaux,  les  casernes,  les  camps,  les 
navires;  bien  plus  rare  aujourd'hui,  où  l'on  veille  avec  plus  de  soin 
sur  l'hygiène  corporelle  des  soldats  et  des  matelots.  Il  est  probable  que 
cette  espèce  n'est  autre  aussi  que  le  Pou  des  malades  ou  Pedindus  tabes- 
ceniium  Burmeister,  que  cet  auteur  étudiait  sur  une  vieille  femme 
qu'il  guérit  par  l'essence  de  térébenthine.  On  assure  qu'il  se  développe 
d'une  façon  absolument  extraordinaire  et  excessive  dans  une  affection 
fort  rare  aujourd'hui,  la  maladie  pédiculaire  ou  phthiriasis.,  à  laquelle 
on  attribue  la  mort  de  Platon,  de  Sylla,  d'IIérode,  de  Philippe  II,  de 
Ferdinand  IV,  etc.,  et  qui  serait  encore  assez  fréquente  dans  des  pays 
à  population  malpropre  et  misérable,  en  Galice,  dans  les  Asturies,  en 
Pologne.  De  la  surface  du  corps  couverte  de  pustules  semblent  sortir 
des  légions  de  Poux.  Peut-être  y  a-t-il  là  un  phénomène  de  parthénoge- 
nèse développée  sous  l'action  de  causes  inconnues.  On  a  vu  aussi  par- 
fois cette  surabondance  insolite  de  Poux  sur  des  femmes  en  couches, 
ou  sur  certaines  filles  publiques. 

PHTIRIIJ!^  Latr.  —  Thorax  court  et  large,  à  peine  distinct  d'un  abdomen  court 
et  ramassé,  dont  les  échancrures  présentent  des  saillies  constituées  par  des 
cônes  charnus  munis  de  soies  ;  un  article  unique  au  tarse  des  pattes  antérieures  ; 
pattes  intermédiaires  et  postérieures  très  robustes,  terminées  par  des  crochets 
fortement  recourbés. 

Une  seule  espèce,  P.  pubis  Linn  ,  pi.  cxvii,  fig.  7,  le  Morpion,  de  Geof- 
froy, d'un  blanc  grisâtre,  sans  taches,  s'appliquant  sur  le  corps,  les 
pattes  étendues,  le  suçoir  profondément  enfoncé  dans  la  peau,  détermi- 
nant une  vive  sensation  de  morsure  et  une  forte  démangeaison;  ne  se 
trouve  jamais  sur  la  tête,  mais  généralement  dans  les  poils  du  pubis, 
et  aussi  de  la  barbe  et  des  sourcils.  On  gagne  parfois  sa  répugnante 
présence  dans  les  voitures  publiques  et  les  établissements  de  bains. 


PHTIRIUS,   PHILOPTERUS.  1085 

mais  très  principalement  en  se  livrant  au  coït  avec  les  filles  publiques 
de  bas  étage.  On  s'en  débarrasse  par  des  frictions  d'onguent  mercu- 
riel  simple,  dit  onguent  gris  (mercure  métallique  incorporé  dans 
de  Taxonge).  La  présence  de  ces  épizoïques  s'accompagne  souvent  de 
taches  bleues  sur  la  peau,  taches  qui,  jusqu'à  une  époque  toute  récente, 
furent  fréquemment  regardées  par  les  médecins  comme  des  symptômes 
de  fièvre  typhoïde  ou  de  fièvre  synoque. 

PBII>OPTi:RU§i  Nilzch,  syn.  :  RiciNus  (pari.)  De  Géer.  —  Tète  déprimée  et 
scutiforme,  avec  la  bouche  en  dessous;  antennes  de  trois  articles;  yeux  laté- 
raux, quelquefois  subglobuleux,  ailleurs  invisibles  ou  nuls;  labre  dilaté  à  sa  base 
et  légèrement  échancré  ;  mandibules  courtes,  dures  et  dentelées;  des  mâchoires; 
lèvre  inférieure  moins  dilatée  que  la  supérieure,  subéchancrée,  avec  palpes 
labiaux  très  courts  et  biarticulés  ;  thorax  biparti,  avec  prolhorax  plus  étroit  que 
la  tête;  tarses  recourbés,  biarticulés,  armés  de  deux  crochets  parallèles  et  conni- 
venls,  recourbés,  formant  pince  avec  l'extrémité  de  la  jambe,  qui  est  munie  de 
deux  éperons;  abdomen  de  largeur  variable  et  composé  de  neuf  segments. 

Le  genre  Philopterus  est  réellement  une  petite  famille  de  Riciniens 
pennivores,  vivant  exclusivement  sur  les  Oiseaux.  Dans  le  sous-genre 
Lipeurus  Nitzch,  la  tête  est  étroite  et  le  corps  allongé,  le  premier  article 
des  antennes  gros  et  allongé  dans  les  mâles,  le  troisième  prolongé  en 
rameau  qui,  se  recourbant  sur  le  premier  article,  forme  une  sorte  de 
pince,  le  dernier  segment  de  l'abdomen  échancré  ou  sessile  dans  le 
même  sexe.  Nous  représentons  une  espèce  parasite  du  Canard  domes- 
tique et  aussi  du  Hibou,  d'après  Murray,  le  Lipeurus  squalidus  Nitzch, 
pi.  cxvii,  fig.  8:8a,  partie  de  la  tête  montrant  un  œil  composé  de  plu- 
sieurs grains,  la  base  de  l'antenne,  les  mandibules  A,  les  mâchoires  B; 
8  b,  antenne  isolée  de  femelle  ;  8  c,  extrémité  d'une  patte  antérieure. 
Ce  Ricinien  (le  Pediculus  anatis  de  Fabricius)  a  le  corps  allongé  avec 
l'abdomen  à  peine  dilalé,  la  tôte  d'un  jaune  luisant,  l'abdomen  d'un 
jaune  blanchâtre  avec  deux  bandes  latérales  noires. 

D'autres  sous-genres  ont  l'abdomen  élargi,  plus  ou  moins  ovoïde.  Dans 
le  sous-genre  Nirmus  Nitzch,  il  faut  citer  le  Nirmus  claviformis,  qui 
infeste  les  Pigeons,  et  dans  le  sous-genre  Goniocotes  Burmeister,  le 
G.  hologaster  Nitzch,  très  abondant  sur  les  Poules  domestiques.  Cette 
vermine  des  poulaillers  s'attache  parfois,  mais  pour  très  peu  de  temps, 
aux  bras  des  femmes  qui  plument  les  volailles  dans  les  grands  marchés 
publics. 

PuLiciENS.  —  Les  Puces  ou  Puliciens  forment  un  ordre  spécial  pour 
certains  auteurs,  les  Aphaniptères  de  Kirby  ou  les  Siphonaptères  de 
Latreille,  ordre  très  difl'érenl  des  autres  ordres  satellites,  en  ce  que  les 
insectes  qui  le  forment  ont  des  métamorphoses  complètes  et  pareilles 
dans  les  deux  sexes.  Les  larves  ont  les  pièces  buccales  conformées  pour 


1086  PULICIENS. 

la  mastication  et  se  filent  un  petit  cocon  pour  devenir  nymphes;  les 
adultes  ont,  au  contraire,  les  pièces  de  la  bouche  organisées  pour  la 
succion,  et  le  thorax  bien  divisé  en  trois  anneaux,  ne  porte  pas  d'ailes 
fonctionnelles,  les  deux  segments  du  mésothorax  offrent  de  petits 
appendices  en  forme  de  plaques  représentant  deux  paires  d'ailes  sans 
usage.  Si  l'on  cherche  à  rattacher  l'ordre  satellite  des  Puliciens  aux 
grands  ordres,  on  reconnaît  qu'il  y  a  probabilité  à  les  considérer  comme 
des  Diptères  sauteurs  et  épizoïques.  Les  larves  ont  une  grande  ressem- 
blance avec  celles  des  Tipules  fongicoles  ou  Mycétophilides;  les  dispo- 
sitions générales  du  système  nerveux  et  du  système  respiratoire  sont 
les  mêmes,  la  chaîne  nerveuse  ayant  un  ganglion  pour  chacun  des 
anneaux  et  un  seul  connectif,  l'appareil  respiratoire  formé  de  trachées 
toutes  tabulaires  et  s'ouvrant  à  la  périphérie  par  une  série  de  stig- 
mates rangés  sur  les  côtés  du  corps;  les  larves  des  Ceroplatus  et  des 
Sciara  (Diptères)  ont  la  faculté  de  se  tisser  un  cocon  comme  les  larves 
de  Puces. 

nERMATOPHlI.HS  0.  Mén.,  syn.  :  Rhynchoprion  Karsten.  —  Front  angu- 
leux portant  une  série  de  petites  pointes  simulant  des  dents  de  scie  ;  mâle  très 
petit,  errant;  femelle  devenant  déformée  et  très  renflée  quand  elle  a  pénétré 
dans  le  derme  d'un  mammifère  ;  aspect  général  des  Pulex,  labre  très  long  et 
très  aigu;  mandibules  dentelées;  mâchoires  munies  de  palpes  de  quatre 
articles,  robustes  et  poilus  ;  palpes  labiaux  allongés  formant  fourche  avec  un 
lobe  maxillaire  très  allongé,  le  tout  formant  un  rostre  très  grêle  de  la  longueur 
de  la  moitié  du  corps. 

L'espèce  unique  de  ce  genre  atteint  à  peine  le  millimètre  avant  la 
fécondation,  restant  plus  de  moitié  plus  petite  que  la  Puce  de  l'homme 
{Pulex  irritans),  le  corps  d'un  brun  roussâtre  assez  clair  sur  les  insectes 
libres.  On  rencontre  cette  puce  pénétrante  ou  Chique,  au  voisinage 
des  habitations  humaines  dans  les  régions  chaudes  de  l'Amérique  et 
dans  les  demeures  abandonnées.  Le  docteur  Guyon  rapporte  qu'au 
Mexique,  dans  la  nuit  du  19  au  20  mars  1862,  la  6«  compagnie  du 
18^  bataillon  de  chasseurs  de  Vincennes  avait  reçu  l'ordre  de  séjourner 
sous  une  vaste  votite,  dont  le  sol  était  couvert  de  débris  ;  les  soldats 
durent  abandonner  la  place  sous  les  lancettes  envenimées  d'une  armée 
de  ces  Puces  pénétrantes.  Les  mâles  et  les  femelles  non  fécondées  se 
contentent  de  se  gorger  de  sang  à  la  façon  des  Pulex  ordinaires. 

Les  femelles  fécondées  entrent  dans  la  peau  de  l'homme,  dans  toutes 
les  parties  du  corps,  principalement  dans  celle  des  doigts  du  pied  et 
sous  les  ongles  des  orteils,  et  s'enfouissent  en  entier,  la  tète  la  première, 
jusqu'à  l'extrémité  anale,  qui  ferme  sa  retraite  à  l'extérieur,  et  par 
laquelle  sortent  successivement  les  œufs.  La  femelle  se  gonfle  peu  à 
peu,  et  son  abdomen,  de  couleur  blanchâtre,  devient  énorme  et  gros 
comme  un  petit  pois,  de  5  millimètres  environ,  et  sur  lequel  la  tète  et 


DERMATOPHILUS,    PULEX.  1087 

le  thorax  ne  paraissent  plus  que  comme  des  points  brunâtres.  Nous 
représentons  cette  espèce,  pi.  cxvii,  fig.  9,  le  mâle  de  grandeur  natu- 
relle :  9  a,  mâle  très  grossi,  avec  pénis  saillant;  9  6,  femelle  de  gran- 
deur naturelle,  avec  l'abdomen  distendu  par  les  œufs  et  dénaturé  par 
son  séjour  dans  le  derme  d'un  Mammifère  vivant;  9  c,  tête  avec  les 
parties  de  la  bouche  dans  l'état  de  repos;  9  d,  /d.,  montrant  les  mêmes 
parties  ouvertes  et  étalées;  9  e,  antenne;  9  f,  organe  copulateur  entier 
avec  ses  cinq  filets  étalés;  9  g,  extrémité  du  môme  organe  très  grossie; 
9  A,  hanche  des  pattes  postérieures  armée  d'une  forte  épine  au  côté 
antérieur;  9  A,  portion  d'une  mandibule  très  grossie  pour  montrer  les 
dentelures  qui  servent  à  scier  la  peau.  Proportion  gardée,  avec  sa 
petite  taille,  la  Chique  saute  plus  faiblement  que  la  Puce  commune  de 
l'homme. 

I.es  Chiques  abondent  dans  les  régions  chaudes  du  Mexique,  aux 
Antilles,  à  la  Guyane,  dans  le  nord  du  Brésil,  en  Colombie.  Sous  l'in- 
fluence de  la  démangeaison  produite  par  la  Chique  et  en  grattant  la 
place,  l'inflammation  se  produit  et  augmente  de  plus  en  plus,  surtout 
quand  plusieurs  femelles  s'implantent  au  môme  endroit;  parfois  la 
gangrène  qui  survient  nécessite  l'amputation  d'un  orteil,  et  on  a  môme 
vu  des  cas  isolés  qui  ont  eu  la  mort  pour  conséquence.  Les  pieds  nus 
des  Indiens  et  des  nègres  sont  souvent  attaqués  par  les  Chiques.  De 
vieilles  négresses  ou  mulâtresses  savent  les  extraire  avec  dextérité,  à  la 
pointe  d'une  aiguille,  de  manière  à  prévenir  tout  danger  si  on  opère  à 
temps,  opération  qu'on  nomme  échiquage.  Les  Chiques  piquent  aussi 
les  animaux  domestiqués  et  les  singes  élevés  en  captivité  dans  les  mai- 
sons. Le  docteur  Laboulbène  a  observé  la  Chique  à  Paris  sur  un  sujet 
revenant  du  Brésil,  d'où  il  avait  rapporté  ce  parasite  vivant  et  bien 
développé.  Ce  dangereux  épizoïque  a  été  récemment  introduit  sur  toute 
la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  et  s'est  déjà  répandu  loin  de  la  mer, 
dans  l'intérieur.  C'est  un  nouvel  ennemi  des  explorateurs  de  ces 
régions. 

Dans  le  genre  Pulex  Llnn.,  le  corps  est  ovalaire  et  comprimé  latéra- 
lement, avec  des  téguments  lisses  et  assez  durs,  ce  qui  permet  aux 
Puces  de  glisser  entre  les  doigts  qui  cherchent  à  les  saisir,  entre  les 
incisives  des  Mammifères  qui  épluchent  leurs  poils;  la  tête  est  petite, 
reliée  étroitement  au  prothorax,  les  yeux  à  facettes  remplacés  par  des 
yeux  simples  derrière  lesquels  sont  cachées,  dans  une  fossette,  dos 
antennes  composées  de  trois  à  six  articles,  selon  les  espèces.  La  bouche 
comprend  une  lèvre  supérieure  allongée,  grêle  et  canaliculée,  une 
paire  de  mandibules  armées  de  dentelures,  une  paire  de  mâchoires 
plus  ou  moins  développées,  portant  chacune  un  palpe  long  et  grêle, 
une  lèvre  inférieure  terminée  par  deux  palpes  à  plusieurs  articles; 
pattes  fortes,  surtout  les  postérieures,  généralement  propres  au  saut, 
épineuses,  avec  les  tarses  de  cinq  articles,  dont  le  dernier  terminé  par 
deux  longs  crochets;  abdomen  très  gros. 


1088  PULIGIENS. 

On  réunissait  autrefois  toutes  les  Puces  en  une  espèce  unique;  mais 
il  est  bien  reconnu  maintenant  que  presque  tous  les  Mammifères  et 
Oiseaux  qui  hébergent  des  Puces  ont  pour  parasites  des  espèces  spé- 
ciales, celle  du  chat  toutefois  étant  souvent  aussi  propre  au  chien.  La 
Puce  de  l'homme,  Pw/ea;  irritans  Linn.,  a  de  2,5  à  à  millimètres  de  long, 
suivant  le  sexe,  les  mules  étant  souvent  beaucoup  plus  petits  que  les 
femelles.  Sa  taille  est  un  peu  supérieure  à  celle  des  Puces  du  chat  et 
du  chien,  et  on  prétend  qu'elle  devient  très  grosse  sur  les  plages  mari- 
times. C'est  en  août  et  septembre  que  cette  Puce  tourmente  l'homme 
avec  le  plus  d'importunité,  recherchant  de  préférence  les  peaux  déli- 
cates des  femmes  et  surtout  des  jeunes  enfants,  se  plaisant  dans  leurs 
langes  de  laine,  et  paraissant  beaucoup  aimer  l'odeur  de  l'urine.  Les 
Puces  abondent  dans  les  pays  chauds;  les  Arabes,  qui  sont  très  mal- 
propres, logent  des  légions  de  Puces,  de  larves  et  d'œufs,  dans  les  plis 
crasseux  de  leurs  burnous.  Le  P.  irritans  Linn.  a  le  corps  d'un  marron 
rougeâtre,  l'antenne,  avec  le  second  article,  plus  long  que  les  autres, 
et  le  troisième  large  et  digité.  Le  chaperon  est  mutique,  les  segments 
du  thorax  et  de  l'abdomen  .sans  peignes  épineux.  Sa  nourriture  de  pré- 
dilection, sinon  exclusive,  est  le  sang  humain.  Quand  la  Puce  veut 
piquer,  elle  écarte  les  deux  valves  de  la  gaine  qui  entoure  ses  lancettes, 
enfonce  celle-ci  dans  la  peau  et  aspire  le  sang.  Sa  piqûre  est  doulou- 
reuse, détermine  sur  la  peau  une  petite  tache  rosée,  qui  s'accompagne 
d'un  léger  gonflement  chez  les  personnes  dont  la  peau  est  fine  et 
délicate. 

Par  une  singulière  anomalie,  les  Puces  si  dégradées  ont  des  méta- 
morphoses complètes.  Elles  pondent  leurs  œufs  dans  les  amas  dépous- 
sière, entre  les  fentes  de  parquet,  surtout  dans  les  chambres  d'enfants, 
dans  les  langes  et  couvertures  de  laine,  etc.  11  est  inexact  que  les  mères 
Puces  apportent  aux  larves  sortant  de  ces  œufs  des  parcelles  de  sang 
caillé.  Ces  larves  sont  blanches  et  translucides,  aveugles,  sans  pattes, 
avec  deux  antennes  de  trois  articles,  deux  pseudopodes  divergents  qui 
terminent  le  dernier  segment,  de  longs  poils  dirigés  en  arrière  for- 
mant comme  une  couronne  à  tous  les  anneaux.  Ces  larves,  longues  à 
toute  leur  taille  d'environ  3  millimètres,  progressent  par  des  mouve- 
ments de  reptation  favorisés  par  les  pointes  caudales,  par  des  crochets 
de  la  partie  inférieure  de  la  tête  qui  sont  des  palpes  labiaux,  par  les 
longs  poils  implantés  sur  la  tête  et  sur  les  anneaux  du  corps.  Il  y  a 
une  armature  buccale  complète  et  broyeuse,  lèvre  supérieure  et 
mandibules,  mâchoires  dentelées  accompagnées  chacune  d'un  palpe, 
une  lèvre  inférieure  rétrécie  en  avant  et  bifide,  munie  de  mame- 
lons représentant  des  palpes.  Un  fait  capital  a  été  découvert  par 
M.  Balbiani  sur  la  larve  naissante  de  la  Puce  de  l'homme,  dont  le  déve- 
loppement complet  dans  l'œuf  exige  six  jours  en  été  et  une  dizaine  de 
jours  en  hiver  dans  les  chambres  chauffées.  Le  front  porte  un  tuber- 
cule corné  de  couleur  acajou,  entouré  d'un  péristème  corné,  oflrant 


PULEX.  1089 

une  arête  carénée  en  haut,  logé  dans  une  cavité  de  la  tète  et  sécrété 
par  une  matière  formée  d'un  tas  de  cellules  glandulaires.  De  même 
que  le  tubercule  corné  caduc  de  la  mandibule  supérieure  du  bec  des 
Oiseaux  sortant  de  l'œuf,  ce  tubercule  sert  à  la  larve  à  percer  la  coque 
de  l'œuf  qui  se  fend  dans  le  sens  de  la  longueur.  Ce  tubercule  est 
l'analogue  de  celui  observé  aussi  par  M.  Balbiani  sur  les  Phalangides 
naissants  (Arachnides)  et  aussi  par  divers  auteurs  dans  les  larves  venant 
d'éclore  de  divers  Insectes,  tels  les  Osmyles,  les  Pentatomes,  les  Fri- 
ganes.  C'est  l'homologue  de  la  corne  frontale  si  développée  dans  les 
Zoés  ou  larves  de  certains  Crustacés  décapodes  (Cancer  mœnos,  Pagures, 
Porcellanes,  Homards)  et  l'homologue  du  rostre  persistant  pendant 
toute  la  vie  des  Palémons. 

Ces  larves  de  la  Puce  humaine  pouvant  déchirer  et  arracher  avec 
leurs  mandibules,  scier  et  couper  avec  leurs  mâchoires,  se  nourrissent 
indistinctement  de  diverses  matières  azotées,  telles  que  sang  desséché, 
détritus,  débris  de  poils  et  de  plumes,  cadavres  d'Insectes,  etc.  On  voit 
les  matières  colorer  sous  la  peau  leur  tube  digestif.  Au  bout  de  quinze 
jours  en  été  et  à  peu  près  d'un  temps  double  en  hiver,  la  larve  à  toute 
sa  taille,  se  file  un  cocon  ovoïde,  arrondi  aux  deux  bouts  et  mesurant 
3  millimètres  de  long.  Un  revêtement  sableux  de  poussière  fait  res- 
sembler ces  cocons  à  des  grains  de  terre  ,•  mais  en  dedans  se  trouve  une 
toile  soyeuse,  bien  plus  fine  et  d'un  blanc'lustré,  qui  forme  une  cavité 
dans  laquelle  la  nymphe  repose,  avec  la  dépouille  ratatinée  de  la  larve 
ramassée  à  l'extrémité  du  corps.  La  nymphe,  longue  de  2,5  à  'ô  milli- 
mètres, ornée  de  deux  petites  pointes  caudales,  en  forme  de  pinces, 
d'un  blanc  de  cire,  molle,  atténuée  en  arrière,  a  les  antennes  et  les 
pattes  repliées  contre  le  corps,  les  cuisses  postérieures  très  développées, 
les  yeux  noirâtres  et  bien  visibles,  le  corps  brunissant  peu  à  peu. 
L'éclosion  a  lieu  au  bout  d'un  mois  à  peu  près  après  la  ponte  de  l'œuf 
en  été,  de  six  semaines  en  hiver.  La  Puce  humaine  est  douée  d'un 
saut  très  énergique,  à  plus  d'un  mètre  de  hauteur.  Il  faut  bien  se 
garder  toutefois  de  dire,  comme  certains  naturalistes  ignares  en  ma- 
thématiques, qu'une  Puce  qui  aurait  la  taille  d'un  homme  sauterait 
aussi  haut  que  le  Panthéon  ;  elle  ne  sauterait  pas  à  deux  mètres.  En 
effet,  pour  les  animaux  de  même  organisation  la  trajectoire  du  saut 
reste  constante,  l'élan  seul  variant  avec  la  taille,  et  les  corps  sont  ra- 
menés vers  la  terre  en  raison  de  leur  masse  ou  comme  le  cube  des 
dimensions  homologues. 

Le  saut  des  Puces  est  en  rapport  avec  une  force  musculaire  consi- 
dérable, qui  explique  les  exercices  qu'on  fait  exécuter  aux  Puces  dites 
travailleuses  ou  savantes  qu'on  montre  au  public  enchaînées  et  tirant 
des  carrosses,  des  canons,  montant  les  seaux  d'un  puits,  etc.  Ces 
récréations  des  fêtes  foraines  sont  bien  anciennes,  car  iMoufet  {Theatrum 
insectorum,  London,  l63/i)  en  parle  dans  ses  écrits. 

La  Puce  du  chien  est  très  voisine  de  la  Puce  de  l'homme.  Celle  du 


1090  PULICIENS,    BIBLIOGRAPHIE. 

chat  est  la  mieux  connue  des  Puces  d'animaux.  Elle  est  un  peu  plus 
petite  que  le  Pulex  irritans.  Ce  Pulex  felis  Bouché  est  d'un  brun  de 
poix  un  peu  pâle,  la  tète  lisse  et  brillante,  ponctuée  en  arrière,  le  des- 
sous de  la  face  et  les  joues  frangés  d'épines  noires,  et  ce  peigne  épi- 
neux établit  un  caractère  très  distinclif  d'avec  la  Puce  humaine;  le 
prothorax  a  des  cannelures  noires  ;  les  jambes  postérieures  sont  forte- 
ment élargies  à  l'extrémité  ;  le  cinquième  article  des  tarses  est  le  plus 
long  aux  tarses  antérieurs  et  le  premier  le  plus  long  aux  tarses  pos- 
térieurs. La  Puce  du  chat  est  très  fréquente  sur  le  chat  domestique, 
surtout  sur  la  chatte  allaitant  et  réchauffant  ses  petits.  Les  chats  au 
repos  sur  les  coussins  et  les  couvertures  les  couvrent  de  petits  corps 
blancs,  comme  une  poussière,  qui  sont  des  œufs  de  Pulex  felis.  Les 
œufs  de  la  Puce  du  chat  sont  de  très  petits  grains  blancs  ellipsoïdes, 
non  adhérents  aux  poils.  On  les  obtient  en  abondance  en  peignant  un 
chat,  surtout  de  la  race  d'Angora,  au-dessus  d'une  feuille  de  papier, 
et  on  peut  s'en  servir  pour  élever  les  larves,  très  analogues  à  celles  du 
Pulex  irritans,  ayant  comme  elles  au  sortir  de  l'œuf  une  pointe  fron- 
tale, mais  sans  péritrème  corné  (Balbiani).  La  nymphose  s'effectue 
dans  un  cocon  un  peu  plus  petit  et  moins  résistant  que  celui  de  la  Puce 
humaine,  ovoïde,  presque  arrondi,  brun  et  grenu,  son  enveloppe  bien 
moins  nettement  formée  d'un  tissu  externe  grossier  et  d'un  tissu  interne 
plus  fin. 

On  a  signalé  encore  et  décrit  des  Puces  vivant  sur  la  poule  et  sur 
l'hirondelle,  sur  la  marte,  l'écureuil,  le  hérisson,  la  taupe,  la  souris, 
la  chauve-souris,  le  lérot  ou  loir  des  jardins.  Cette  dernière  {Pulex 
fasciatus  Bosc)  est  très  allongée  et  saute  faiblement  ;  on  la  trouve  no- 
tamment, ainsi  que  ses  œufs,  sur  les  jeunes  Loirs  engourdis  par  l'hi- 
bernation ;  ses  larves  naissantes  ont  une  corne  frontale,  élargie  en 
avant  comme  une  spatule  et  surmontée  d'une  pointe  aiguë,  étroite  et 
arrondie  à  la  partie  postérieure. 

Macquart  et  Guérin-Méneville  ont  indiqué  une  Puce  vivant  dans  l'in- 
térieur des  bolets  et  que  ce  dernier  auteur  a  nommée  Pulex  boleti. 
Macquart  l'a  décrite  sous  le  nom  de  Pulex  terrestris  {Ann.  se.  natur., 
1831,  t.  XXII,  6G5-Z|67). 

Pour  détruire  les  Puces  infestant  les  planchers  de  certaines  chambres 
on  peut  employer  la  poudre  insecticide  de  Vicat  à  fleurs  de  pyrôthre  du 
Caucase  très  finement  pulvérisées,  ou  des  rmaeaux  secs  de  staphysaigre 
ou  d'absinthe,  des  aspersions  d'eaux  savonneuses  ou  sulfurées  ou  ben- 
zinées.  On  met  souvent  des  bottes  de  camomille  dans  les  paillasses 
des  berceaux  des  jeunes  enfants  et,  comme  litière  des  chenils,  on  a  re- 
commandé les  copeaux  de  sapin  à  odeur  de  térébenthine. 

Bibliographie  des  ordres  satellites. — D"*  Al.  Laboulbène,  article  Rëi- 
PiPTÈREs  (Dictionnaire  encycl.  des  sciences  médicales  du  docteur  Decham- 
bre).  —  NicoUet,  Recherches  pour  servir  à  l'histoire  des  PodurelleSé  Neu- 


BIBLIOGRAPHIE.  1091 

châtel,  18/il,  Il  tabl.,  9  col.,  88  p.  Essai  sur  une  classification  des  Insectes 
aptères  de  l'ordre  des  Thysanoures  {Ann.  Soc.  entom.  de  Fr.,  18Ù7).  — -Tem- 
pleton,  Trans.  of  entom.  Soc.  of  London,  1825,  t.  l,  Tliysanurœ  Uihernicœ, 
or  Descriptions  ofsuch  species  ofSprinff  tailed  insects  {Podura  and  Le- 
pisma  Linn.)  as  hâve  heen  observed  in  Ireland;  ivitli  inlroductory  Obser- 
vations upon  the  Order,  by  Weshvood.  —  Bourlet,  Mémoire  sur  les  Podu- 
relles  {Mém.  Soc.  royale  et  centr.  d'Agric.  du  dép.  du  Nord). —  H.  Lucas, 
Observations  sur  les  travaux  qui,  depuis  Latreille,  ont  été  publiés  sur  l'or- 
dre des  Thysanoures  {Ann.  Soc.  entornkde  Fr.,  ISlio).  —Paul  Gervais,  Hist. 
natur.  des  Insectes  aptères.  Paris,  Roret,  18/|Zi,  3  vol.  in-S^avec  U  cah.  de 
pi.  —  Andrew.  Murray,  Economie  Entomology,  Aptera.  1  vol.  in-S"  de 
1x53  p.  avec  nombr.  fig.  {South  Kensington  Muséum  science handbooks), — 
Denny,  Anoplurorum  Britannicœ  monogr.,  1842.  1  vol.  in-8",  avec  très 
belles  fig.  col.  —  Nitzsch,  Die  Familien  und  Gattungen  dcr  Thierinsekten 
{Insecta  epizoica)  als  ein  Prodromus  der  naturgcschichte  derselben  {Germar 
Magaz.  entom.,  1818,  t.  III;  Separalim,  Halle,  1818).  Anleitung  zur 
Beobachtnng  von  Thierinsecten,  aus  einem  Nachlass  von  Giebel  mitgctheil. 
Halle,  1851.  Jaresber.  natur.  Vereins,  t.  IV.  Zur  Geschichte  der  Thier- 
Insektenkunde  Zeitschr.  gesamm.  Naturwiss.  Halle,  1855,  t.  V.  Ces  travaux 
posthumes  de  Nilzsch  ont  été  publiés  par  Giebel,  avec  de  très  nom- 
breuses et  très  exactes  figures  de  soixante  Pilivores  et  quatre  cents 
Pennivores  environ.  —  Giebel,  Insecta  epizoa.  Leipzig,  187i.  —  Piaget, 
Tijdschr.  voor  Eiitom.,  monogr.  hollandaise  complète  des  Pédiculiens, 
avec  un  atlas  de  très  belles  figures.  —  .1.  0.  Westwood,  The  Coinmon 
Flea  {Pulex  irritans)  {Annales  and  Magaz.  of  natur.  History.  London, 
1848).  —  Bonnet,  Mémoire  sur  la  Puce  pénétrante  ou  Chique.  Paris,  1867. 
—  Docteur  Al.  Laboulbène,  Métamorphoses  de  la  Puce  du  chat  {Pulex 
felis  Bouché)  {Ann.  Soc.  entom.  de  Fr.,  1872,  p.  207,  pi.  13).  —  J.  Kûnc- 
kel  d'Herculaie,  Observations  sur  les  Puces,  en  particulier  sur  les  larves 
des  Puces  de  chat  et  de  loir  {Pulex  felis  et  Pulex  fasciatus)  {Ann.  Soc. 
entom.  de  Fr.,  1873,  p.  129). 


FIN    DU    TUOISIEME    VOLUMK    ET    DE    I.  OUVRAGE 


TABLE    DES    MATIÈRES 


DU     TOME    TROISIÈME   ET   DERNIER 


Ordre    des    HYUIEAOPTERES. 

Pages. 

Hyménoptères  térébrants  a  abdomen  pédicule 1 

Tribu  des  CHRYSILIENS 1 

Genres  principaux t 5 

Hyménoptères  a  abdomen  pédicule  ektomophages 8 

Tribu  des  ICHNEUMONIENS 8 

Ichneumonides 16 

Cryptides 18 

Tryphonides 19 

Opbyonides 21 

Pimplides 22 

Tribu  des  BRÂCONIENS 25 

Genres  principaux 28 

Tribu  des  GHALÉDIENS 33 

Teutomères 36 

Tctromères 39 

Trimères 40 

Tribu  des  PROGTOTRUPIENS M 

Tribu  des  EVONIENS 44 

Genres  principaux 45 

Tribu^des  GYNIPIENS 47 

Gynipiens  gallicoles 50 

Cynipiens  entomophages 51 


TABLE   DES  MATIÈRES.  1093 

Pages. 
Sious-ordro    de»*    UVMÛIVOPTÈREI^    térébrants     à.    abdomen 

sessilc 52 

Tribu  des  TENTRÉDINIENS 52 

Genres  principaux 54 

Tribu  des  SIRICIENS 58 


Ordre  des  LÉriUOPTERES. 

Généralités <>1 

Classification  des  Lépidoptères 159 

—  Légion  des  Rhopalocères 159 

Tribu  des  NYMPHALIENS  ou  TÉTRAPODES 161 

Agéronides 162 

Libythéides 162 

Danaides 163 

Héliconides     165 

Acrœides 167 

Argynnides 167 

Nymphalides 188 

Apaturides 193 

Morphides 198 

Brassolides . 201 

Biblides ■ 202 

Satyrides 202 

Genres  principaux 208 

Tribu  des  LYCÉNIENS 229 

Hexapodes,  au  moins  chez  les  femelles 229 

Lycéniens 230 

Genres  principaux 231 

Érycinides 240 

Tribu  des  PAPILIONIENS 243 

Hexapodes 243 

Piérides 243 

Genres  principaux 24/( 

Papilionides 254 

Genres  principaux 254 

Tribu  des  HESPÉRIENS 260 

1 .  Hespérides 265 

Pyrrhopygides ^"^ 

Eudamides 2"*^ 

GIRAKD.  '"•  —  ^^ 


4094  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Pages. 

§  2.  Astyci 268 

Isménides 269 

Carystides. , 269 

Pamphilides 270 

Tagiadides 273 

îl.  —  Légion  des  Hétérocères 275 

Tribu  des  CASTNIENS 276 

Tribu  des   HÉPIALIENS 282 

Tribu  des  COSSIENS 285 

Cossides 286 

Zeuzérides 289 

Tribu  des  SÉSIENS 291 

Tribu  des  SPHINGIENS 302 

Achéronlides 304 

Smérinthides '. 307 

Sphingides 312 

Deiléphilides 317 

Macroglossides 326 

Tribu  des  ZYGÉNIENS 330 

Zygénides 331 

Glaucopides 342 

Syntomides 342 

Thyridides 345 

Tribu  des  LITHOSIENS 348 

Lithosides 348 

Émydides 354 

Euchélides 355 

Tribu  des  CHÉLONIENS 356 

Callimorphides ,  357 

Chélonides 360 

Agaristides 369 

Tribu  des  BOMBYCIENS 371 

Liparides 372 

Séricarides 386 

Endromidcs 433 

Bombycides 433 

Drépanulides  ou  Platyptéprygides 443 

Notodontides 445 

Nyctéolides 454 


TABLE  DES  MATIÈRES.  1095 

Pages. 

Limacodides A56 

Psychides 458 

Tribu  des  ATTACIENS 472 

Genres  principaux ■ 474 

Tribu  des  URANIENS 561 

Tribu  des   NOGTUÉLIENS 566 

Tribu  des  PHALÉNIENS 625 


mCROLÉPIDOPTERES. 

Tribu  des  PYRALIENS 649 

Tribu  des  TORTRICIENS 685 

Tribu  des  TLNÉINIENS 719 

Tribu  des  PTÉROPHORIENS 773 

Tribu  des  ALUCITINIENS 778 

Ordre  de«  HÉMIPTÈRES. 

Généralités 781 

Sous-ordrc  des  HÉMIPTÈRES  hétéroptèrcs 784 

Tribu  des  PENTATOMIENS 788 

Tribu  des  CORÉENS 800 

Tribu  des  LYCÉENS 806 

Tribu  des  PHYMATIENS 817 

Tribu  des  ARADIENS 819 

Tribu  des  TINGITIENS 820 

Tribu  des  GIMICIENS 821 

Tribu  des  RÉDUVIEN8 825 

Tribu  des  SALDIENS 830 

Tribu  des  HYDROMÉTRIENS ■ 830 

Tribu  des  NÉPIENS. 838 


1096  TABLE   DES   MATIÈRES. 

Pages. 

Sous-ordre  des  UÉMlPTÈaES  hoinoptères 849 

Tribu  des  CICADIENS 850 

Tribu  des  FULGORIENS 857 

Tribu  des  MEMBRACIENS 866 

Tribu  des  CERCOPIENS 870 

Tribu  des  JASSIENS  ou  CICADELLIENS 873 

Tribu  des  PSYLLIENS 878 

Tribu  des  APHIDIENS 88i 

Tribu  des  PHYLLOXÉRIENS 895 

Tribu  des  ALEURODIENS 917 

Tribu  des  COCCIENS 919 

Ordre  de»»  DIPTÈRES. 

fSou«4-ordre  des  niPTÈRE§i  néniocères 949 

Tribu  des  CULICIENS 950 

Tribu  des  TIPULIENS 955 

ïious-ordre  des  DIPTÈRES  bracbycères 978 

Tribu  des  TABANIENS 978 

Tribu  des  STRATIOMIENS 984 

Tribu  des  ASILIENS 988 

Tribu  des  DOLICHOPODIENS 1019 

Tribu  des  SYRPHIENS 1024 

Tribu  des  MUSCIENS 1034 

Tribu  des  ORNITHOMYIENS 1066 

Ordre»  SATELLITE!^. 

THRIPSIENS 1072 

STYLOPIENS 1076 

ÏHYSANOURES 1077 

ANOPLOURES 1081 

PULICIENS 1085 


FIN    DE    LA  TABLE   DES  MATIÈRES  DU  TOME   TROISIÈME 


TABLE   ALPHABÉTIQUE 


Cette  Table  contient  les  noms  d'ordres,  de  familles,  de  tribus,  de  genres.  — 
Elle  renferme  en  outre  quelques-uns  des  noms  vulgaires  les  plus  connus;  mais 
en  général  on  devra  se  reporter  au  nom  du  genre. 

Les  chiffres  sans  indication  de  tomaison  renvoient  au  tome  I. 


Abdomen,  80. 
Abeilles,  II,  613,  705. 
Abraxas,  111,  661. 
Acalles,  686. 
Acanthaclisis.  II,  427. 
Acanthomera,  576. 
Acanthomer.i,  III,  983. 
Acanthopus,  II,  767. 
Acanthoscelis,  266. 
Acherontia,  III,  304. 

ACHÉKONTIDES,   III,   304. 

Achias,  III,  1054. 
Achorutes,  III,  1081. 
Achrœa,  III,  685. 
Acilius,  290. 
Acis,  572. 
Acœnites,  III,  22. 
ACR^lDES,  III,   167. 
ACRIDIDES,  II,  216. 
Acridiens,  II,  194. 
Acridium,  II,  248. 
Acrocinus,  740. 
Acrolepia,  III,  765. 
ACROLÉPIDES,  m,  765. 
Adela,  III,  768. 
Adelges,  III,  891. 
Adélides,  III,  767. 
Adelocera,  506. 
Adelops,  354. 
Adelostoma,  573. 
Adimonia,  797. 
^des,  III,  955. 


^dia,  III,  727. 
.Egocera,  III,  281. 
.'Egosoma,  719. 
^gypthus,  818. 
m\a,  III,  797. 
.Epus,  282. 
iErenica,  751. 
^salus,  396. 
iEschna,  II,  350. 
.ESCHNIDES,  II,  345. 
^SCHNINES,   II,  348. 
^thalion,  III,  870. 
Agabus,   291. 
Agaocephala,  472. 
Agapanlhia,  748. 
Agapostemon,  II,  809. 
Agariotides,  m,  369. 
Agarista,  III,  370. 
Agathis,  111,  31. 
Agelastica,  798. 
Agéronides,  III,  162. 
Aglaope,  III,  339. 
Aglia,  III,  474. 
Aglossa,  III,  654. 
Agra,  260. 
Agrilus,  493. 
Agrion,  II,  359. 
Agrionides,  II,  353. 
Agrionines,  II,  356. 
Agriotes,  513. 
Agromyza,  111,  1063. 
Agyrtes,  352. 
Akis,  572. 
Alastor,  II,  909. 


Alaus,  515. 
Alcides,  684. 
Aleochara,  316. 
Aleurodes,  III,  918. 
Aiciirodien»4,     III,    917. 
Altica,  804. 
Altises,  799. 
Alucita,  III,  778. 
Alucitedescéréales,Ill,758. 
Aiiicitinieii.s,  III,  778. 
Alurnus,  784. 
Alydus,  III,  805. 
Alysia,  III,  32. 
Amara,  271. 
Amarygmus,  589. 
Amaurops,  320. 
Amblyterus,   465. 
Ameles,  II,  81. 
Ammophila,  II,  967. 
Amorphocephalus,  662. 
.%inphibiotlque!«,  II,  303. 
Amphicoma,  430. 
Amphidasydes,  III,  635. 
Ampulex,  II,  973. 
Amydetes,  528. 
Amythetes,  528. 
Anacolus,  717. 
Anapeia,  III,  1068. 
Anatista,  459. 
Anax,  II,  349. 
Andrena,  II,  804. 
Andbénides,  II,  797. 

—  propres,  II,  801. 
Anelastes,  517. 


1098 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


Anesychia,  III,  727. 
Anisomorpha,   H,  103, 
Anisonyx,  /i32. 
Anisoplia,  460. 
Anisoptères,  II,  340. 
Anisosticta,  826. 
Anisotoma,  563. 
Anobiides,551. 
Anobium,  551. 
Aiiomala,  461. 
Anomalipus,  578. 
Anophèles,  III,  952. 
Anoplognathus,  464, 
Anoplouros,  III,  1081. 
Anotia,  III,  864. 
Anthaxia,  491. 
Anlhia,  258. 
Anthicides,  601. 
Anthicus,  601. 
Anthidium,  II,  791 
Antliobium,  308. 
Anlhocharis,  III,  244. 
Anthocopa,  II    786. 
Anthocorides,  III,  816. 
Anthocoris,  III,  816. 
Anthomyia,  III,  1056. 
Anthomyides,  III,  1055. 
Anthonomus,    678. 
Anthophagus,  308. 
Anthopliora,  II,  752. 
Anthophorites,  II,  745, 
Anthrax,  III,  1016. 
Anlhrocera,  IH,  331. 
Anthrenus,  385. 

Anlhribus,  655. 

Anlhypna,  430. 

Antichira,  463. 

Apachya,  II,  14. 

Apate,  557. 

Apatiens,  555. 

Apaturides,  m,  193. 

Apatura,  III,  194. 

Aphaenops,  285. 

Aphana,  III,  859. 

Aphaniptères,  III,  1085 

Aphanisticus,   494. 

AphidienN,  III,  881. 

Aphiocephalus,  693. 

Aphis,  III,  887. 

Aphlebia,  II,  51. 

Aphodius,  419. 

Aphomia,  III,  683. 

Aphrophora,  III,  872. 

Aphrophores,  III,  871. 

Apides,  II,  613. 
—  SOCIALES,  II,  613. 


Apides  solitaires,  II,  745. 
.%p>ens,  II,  609. 

—  SOLITAIRES,   II,  745. 

Apion,  659. 
Apis,  II,  613,  829. 
Apites,  613. 
Apogonia,  439. 
Aporia,  III,  249. 
Apotomus,  267. 
Aradicns,  III,  819. 
Aradus,  III,  819. 
Araschoia,  III,  176. 
Archiblatta,  II,  58. 
Arctia,  III,  362,  367. 
Arge,  III,  208. 
Argynnides,  m,  167. 
Argynnis,  (II,  168. 
Argyrosetia,  III,  764. 
Aromia,  724. 
ascalaphes,  ii,  430. 

—  holophthalmes,   441, 
schiz0phthalmes,432 

Ascalaphus,  II,  432. 
Asida,  579. 
AsiLiDES,  III,  989. 
Asiiicns,  III,  988. 
Asilus,  III,  990. 
Asiraca,  III,  865. 
Asopia,  III,  653. 
Aspidia,  III,  710. 
Aspidiphorus,  389. 
Aspidiotus  III,  922. 
Aspidomorpha,  780. 
Astata,  II,  951. 
Astathes,  750. 

ASTATINES,   II,  951. 

Astemma,  III,  814. 
Asticots,  III,  1037. 
Astrapœus,  310. 
Astyce,  III,  268. 
Astylus,  538. 
Astynonius,  740. 
Ateuchus,  407. 
Athalia,  III,  56. 
Atherix,  III,  1022. 
Athous,  508. 
Athyreus,  425. 
Atomaria,  365. 
Atractocerus,  548. 
Atropides,  II,  297. 
Atropos,  II,  297. 
Atta,  II,  1019. 
Attacien$<,  III,  472. 
Attacus,  m,  475. 
Atlagenus,  384. 
Atychia,  III,  291. 


Aulonium,  370. 
Axiiia,  542. 


Bacillus,  II,  99. 
Bacteria,  II,  101. 
Bagous,  683. 
Balaninus,  681. 
Baridius,  685. 
Baris,  685. 
Barynotus,  668. 
Batocera,  744. 
Batrisus,  319. 
Belodes,  518. 
Belostonia,  III,  8*1. 
Belostomes,  111,  841. 
Bembecia,  III,  301. 
Bembecides,  II,  957. 
Bembex,  II,  957. 
Bembidium    ou    Bembici- 

dium,  280. 
Beris,  III,  986. 
Bethylus,  II,  991. 
Bibio,  III,  975. 
BiBIONIDES,  III,  975. 
BiBLIDES,   III,   202. 

Bibliographique      (Index), 

229. 
Bircœa,   597. 
Bitoma,  371. 
Bitiacus,  II,  406. 
Bius,  582. 
Blabera,  II,  63. 
Blaps,  576. 
Blapsides,  575. 
Blapstinus,  580. 
Blatta,  II,  51. 
Blatticns,  II,  42. 

—  ÉPINEUX     AR0L1IGÈRES, 

II,  49. 

—  ÉPINEUX      NUDITARSES, 

II,  58. 

—  MUTIQUES  AROLlIf.ÈRES, 

II,  58. 

—  MUTIQUES    NUDITARSES, 

II,  61. 
Bledius,  305. 
Blemus,  283. 
Blepharis,  II,  89. 
Bœtis,  II,  390. 
Bolboceras,  426. 
Bolitubius,  313. 
Bolitophagus,  586. 
Bombites,  II,  726. 
Bombus,  II,  727. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


1099 


BOMBYCIDES,  III,  433. 
Itonibyeiens,  III,  371, 
Bombylius,  111,  1015. 
Bombyx,  III,  434. 
Boreus,  II,  410. 
Bostrichius,  557. 
BoTYDES,  m,  664. 
Botys,  111,  665. 
Brachinus,  260. 
Brachoiiyx,  683. 
Brachyceriis,  663. 
Bracliygnathus,  273. 
Brachyîabis,  II,  17. 
Brachypella,  111,  794. 
Brachypterus,  361. 
Brachytarsus,  655. 
Brachytrypes,  II,  155. 
Bracon,  III,  28. 
Uraconiens,  III,  25. 
Brassolides,  III,  201. 
Brassolis,  III,  253. 
Braula,  III,  1069. 
Brenthus,  661 . 
Bréphides,  III,  623. 
Bromius,  786. 
Brontes,  377. 
Broscus,  270. 
Bruchus,  652, 
Bryaxis,  320. 
Buprestiens,  485. 
Buprestis,  490. 
Byirhus,  388. 
Bythinus,  319. 
Byturus,  361. 


Cacicus,  572. 
Cœcilius,  II,  301. 
Calamobius,  748. 
Calandra,  694. 
Calcar,  583. 
Caligo,  III,  201. 
Callichroma,  723. 
Callicnemis,  468. 
Callidium,  727. 
Callimenus,  II,  170. 
Callimorpha,  111,  358. 
Callimorphides,  111,  357. 
Calliphora,  111,  1048. 
Callirhipis,  517. 
Callithea,  III,  189. 
Calocomus,  717. 
Caloptenus,  II,  246. 
Caloptérygiens,  II,  353. 
Calopteryx,  II,  353. 


Calopus,  629. 
Calosoma,  275. 
Calotermes,  II,  267. 
Campsomeris,  II,  985. 
Camptocerus,  642. 
Camptogramma,  III,  646. 
Canthuridicn!^,  592. 
Cantharis,  616. 
Canthecona,  III,  793. 
Canthon,   413. 
Gapnia,  II,  322. 
Capsides,  111,  813. 
Capsus,  m,  815. 
Carabides,  257. 
Carabieiis,  248. 
Carabus,  277. 
Cardiorhinus,  510. 
Carpocapsa,  III,  715. 
Cartallum,  732. 
Carteria,  III,  924. 
Carterocephalus,  III,   272. 
Casnonia,   259. 
Gassida,  778. 
Castnia,  III,  277. 
Castniens,  III,  276. 
Cataclysta,  111,  661. 
Catocala,  III,  587. 
Catomorphus,  353. 
Catops,  353. 
Catopsiniorphus,  353. 
Catoxantha,  489. 
Cebrio,  516. 
CÉBRIONIDES,  516. 
CÉCIDOMYIDES,   III,   968. 

Celonites,  II,  912. 
Celyphus,  111,  1065. 
Genthorliynchidius,    689. 
Centoihynchus,  687. 
Centrinus,  689. 
Centris,  II,  751. 
Centroptilum,  H,  389. 
Centrotus,  111,  869. 
Cephalemyia,  III,  1040. 
Cephalocera,  111,  1014. 
Cephus,  111,  58. 

CÉRAMBYCIDES,   720. 
Cérauibyciens,  706. 
Cerambyx,  725. 
Ceramius,  II,  913. 
Cerapterus,  567. 
Ceraspis,  438. 
Ceratina,  II,  760. 
Ceratitis,  III,  1063. 
Ceralopterus,  567. 
Ceratorhina,  481. 
ClRCÉRlNES,  II,  918, 


Cerceris,  II,  918. 
Cercidocerus,  704. 
Ccrcopicn<«,  III,  870. 
Cercopis,  III,  870. 
Cercus,  361. 
Ceria,  111,  1031. 
Cerocoma,  614. 
Cerocteaus,  717. 
Cerophytum,  503. 
Cerostoma,  III,  753. 
Ceruclius,  396. 
CÉTOINES  Vraies,  479. 
Cetonia,  481. 
Chalcidiens,  III,  33. 
Chalcis,  III,  37. 
Chalepus,  785. 
Chaleur  animale,  31. 
Ghalicodoma,  II,  777. 
Charançons,  645. 
—  du  blé  et  du  riz,  694, 
702. 
Charaxes,  III,  196. 
Chartergus,  II,  882. 
Chasmatopterus,  437. 
Chasse,  122. 
Chauliodes,  II,  511. 
Cheimatobia,  III,  644. 
Chelidura,  II,  22. 
Chelonia,  III,  362. 
Chélonides,  111,  360. 
Chéloniens,  III,  356. 
Chelonus,  III,  30. 
Chennium,  318. 
Chilo,  111,  679. 
Chiiocorus,  829. 
Chimabacche,  111,  756. 
Chimaera,  III,  291. 
Chionea,  III,  963. 
Chionobas,  III,  223. 
Chique,  III,  1086. 
Chiromyza,  III,  1019. 
Chiron,  420. 

Chironomus,  111,957,  973. 
Chiroscelis,  581. 
Chlamys,  773. 
Chlorophanus,  666. 
Chlorops,  m,  1061. 
Chœrocampa,  III,  321. 
Choleva,  353. 
Cholus,  689. 
Choragus,  655. 
Chorisoneura,  II,  58. 
Chrysantheda,  II,  765. 
Chrysanthedia,  II,  766. 
Cbrysidiens,  III,  1. 
Chrysiridia,  III,  564, 


1100 

Chryàis,  111,  G. 
Chrysobothris,  492. 
Chrysochlora,  III,  987. 
Chrysochraon,  11,  219. 
Chrysomela,   789. 
CbryNoméliens,  751. 
Chrysopa,  II,  465. 
Chrysophanus,  III.  23/i. 
Chrysophora,  liiîà. 
Chrysopides,  II,  /i64. 
Chrysops,  III,  982. 
Chrysotoxum,  III,  1030. 
Cicada,  III,  854. 
Cicadellicns,  III,  873. 
Cicadelles,  III,  874. 
€icadient«,  III,  850. 
Cicadula,  III,  877. 
Cicindela,  250. 
ClClNDÉLIDES,  249. 
Cicones,  372. 
Cigales,  III,  850. 
Cimbex,  III,  54. 
Cimex,  III,  821. 
Cimiciens,  III,  821. 
Cionus,  691. 
Circulation,  17. 
Cis,  555. 
Cissites,  613. 
Cistela,  591. 
Cixius,  III,  860. 
Cladius,  III,  55. 
Cladophorus,  522. 
Classification,  213. 
Claviger,  321. 
Cleonus,  667. 
Cleonymus,  III,  39. 
Cleptes,  III,  5. 
Clériens,  540. 
Clerus,  543. 
Cloe,  II,  388. 
Cloeon,  II,  388. 
Clostera,  III,  452. 
Clothilla,  II,  298. 
Clylhra,  764. 
Clytus,  729. 
Ctiemida,  463. 
Cnethocampa,  III,  380. 
CocciDES,  III,  926. 
Coccidula,  833. 
Cocciens,  III,  919. 
Coccinella,   826. 
€occineIliens,  820. 

—  glabres,  II,  825. 

—  pubescents,  830. 
Coccus,  III,  927. 
Coccyx,  III,  712. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 

Cochylis,  III,  703. 
Cœlioxys,  II,  795,  797. 
Cœnis,  II.  385. 
Colaspe  des  luzernes,  787. 
Colaspidema,  787. 
Coleophora,  III,  770. 

COLÉOPHOIUDES,   III,   7  70. 
rOI.KOPTKRES,  241 

Colias,  III,  246. 
Colletés,  II,  826. 
Collyris,  250. 
Colobicus,  358. 
Coloborhombus,  724. 
Colobus,  724. 
Colocasia,  III,  383. 
Colpa,  11,985. 
Colyclien»*,  366. 
Colydium,  370. 
Colymbetes,  291. 
Combophora,  111,  868. 
Coniatus,  671. 

CONIOPTÉRYGIDES,  II,   481. 

Conioptéryx,  II,  482. 
Conocephalus,  II,  181. 
Conopaipus,  599. 
Conops,  III,  1035. 
CONOPSIDES,  III,  1034. 
Conservation,  122. 
Copris,  415. 
Coprœcus,  414. 
Coprophilus,  305. 
Copturus,  690. 
Cordulecerus,  II,  439. 
Cordulegaster,  II,  347. 
Cordulia,  II,  343. 
Coréens,  III,  800. 
Coreinia,  727. 
Corethra,  III,  956. 
Coieus,  III,  803. 
Corisa,  III,  844. 
CORR-ÏSTIDES,  III,  169. 
Corticus,  561. 
CORYDALIDES,  II,  506. 

Corydalis,    Corydalus,    II, 

506. 
Corydia,  II,  130. 
Corymbites,  512. 
Coryna,  616. 
Corynetes,  545. 
Corynodes,  785. 
Cosmisoma,  726. 
CossiDES,  III,  286. 
Cossiens,  III,  285. 
Cossonus,  704. 
Cossus,  III,  286. 
Cossyphus,  587. 


Cousin,  III,  953. 
Crabro,  II,  933. 
Crabro.mdes,  II,  917. 
—  propres  ,    Il  , 

932. 
Crabroniciii«,  II,  915. 
Crameides,  III,  675. 
Cranibus,  III,  676. 
Cratomorphus,  527. 
Cratosomus,  691. 
Créophiles.  III,  1043, 
Crioceris,  782. 
Crocisa,  II,  769. 
Cryptarcha,  360. 
Cryplicus,  581. 
Crvptides,  III,  18. 
Cryptocephalus,  775. 
Cryplocercus,  II,  64. 
Cryptocerus,  II,  1021. 
Cryptohypnus,  514. 
Cryi>tophagieii!i«,  364. 
Cryptophagus,  364. 
Cryptorhynchus,  684. 
Cryptostoma,  501, 
Cteniopus,  591. 
Ctenistes,  318. 
Ctenophora,  III,  959. 
Ctenostoma,  256. 
Cucujiens,  374. 
Cucujus,  377. 
Culex,  III,  953. 
Culicicns,  III,  950. 
Cupes,  554, 
Gurculio,  604. 
Curculioniens,  645, 
Cuterebra,  III,  1038. 
Cychrus,  274. 
Cyclidius,  484, 
Cyclocephala,  467. 
Cyclomus,  664. 
Cyclopides,  III,  272. 
Cyclosoma  ou  Cyclosomus, 

267. 
Cydimon,  III,  563. 
Cydnus,  III,  794. 
Cylas,  658. 
Cylidrus,  541 . 
Cyligramma,  III,  584. 
Cylindrogaster,  H,  15. 
Cynegelis,  831. 
Cyni|>ien!i<,  III,  47. 

—  Gallicoles,  lil,  50. 

—  Enloniophages,     III, 
51. 

ilynips,  III,  50. 
Cyphocrana,  II,  107. 


TABLE    ALPHABÉTIOUE. 


1101 


Cyphomyia,  III,  986. 
Cyphonia,  111,  8(38. 
Cyphus,  tJ65. 
Cyrtomoiphus,  818. 
Cyrtosoma,  588. 


Daceton,  II,  1018. 
Dacne,  820. 
Daclylopius,  III,  931. 
DacLis,  m,  1042,  1062. 
Danaïdes,  III,  163. 
Danais,  III,  164. 
Dapsa,  813. 
Daruis,  III,  867. 
Dasycorus,  368. 
Dasychira,  111,  384. 
Dasypoda,  II,  803. 
Dasypogon,  III,  991. 
Dasytes,  539. 
Decatoma,  III,  38. 
Decticus,  H,  187. 
Deilephiln,  III,  317. 
Deiléphilides,  III,  317. 
Deiopt'ia,  III,  355. 
Deleaster,  306. 
Delphacides,  III,  864. 
Delphax,  III,  86ô,  866. 
Deltoïdes,  III,  618. 
Demas,  III,  383,  384. 
Dendrophagus,  378. 
Denops,  542. 
Depressnria,  III,  757. 
Derbc,  III,  864. 
Deripia,  III,  864. 
Dermatophilus,  III,  1086. 
Dermestes,  382. 
Uermestieiii»,  381 . 
Desmocerus,  734. 
Développement     embryon- 
naire, 100. 
Dianthœcia,  III,  607. 
Diaperis,  585 . 
Dichelus,  433. 
Dicrania,  438. 
Dicranophora,  III,  988. 
Dicranura,  III,  446. 
Dictyoptera,  521. 
Digestion,  6. 
Diglossa,  316. 
Dilar,  II,  458. 
Diloba,  III,  451. 
Dilophus,  III,  977. 
Dinetus,  II,  955. 
Dinops,  542. 


Diodesnia,  370. 
Diodyrhynchus,  659. 
Diopsis,  III,  1064. 
Diorygomerus,  690. 
Diorynierus,  690. 
Dioxys,  II,  797. 
Diphucephala,  436, 
Diplocœlus,  380. 
Diplonychus,  III,  841. 
Diplosis,  III,  969. 
UIPTÈREN,  III,  935. 

—  brachyccres  ,    III  . 
978. 

—  némocères,  111,949, 
Dirhinus,  III,  37. 
Discœlius,  II,  897. 
Discolia,  II,  982. 
Distichocera,  723. 
Ditomus,  267. 

Dityhis,  630. 
Diurnea,  III,  756. 
Diurus,  662. 
Dixa,  III,  963. 
noIicliopodienH ,        III, 

1019. 
Dolicliopus,  III,  1022. 

DOLICHUKINES,  II,  974. 

Dolichurus,  II,  974. 
Donacia,  755. 
Dorcadion,  742. 
Dorcatoma,  554. 
Dorcus,  395. 
Doritis,  III,  255. 
Doryphora,  791. 
Drepana,  lil,  443. 
Drepanepteryx    ou   Drepa- 

nopteryx,  II,  460. 
Drépanulides,  III,  443. 
Itrilus,  530. 
Dryuius,  III,  42. 
Dryophthorus,  705. 
Drypta,  263. 
Dyscliirius,  266. 
Dyscinctus,  468. 
Dysodius,  III,  819. 
Dyticides,   286. 
Dyticiens,  285. 
Dytiscus,  287. 

E 

Earias,  III,  455. 
Kbulea,  III,  666. 
Echinomyia,  III,  1045. 
Echinosoma,  II,  15. 
Ecrivain,  786. 


Eclobia,  11,  49. 
Elaphocera,  457. 
Elater,  509. 
Elatérides,  503. 
ElatéricHN,  497. 
Elenclius,  III,  1077. 
Elipsocus,  II,  302. 
Elis,  II,  985. 
Elmis,  340. 
Elocerus,  663. 
Elochares,  336. 
Elophorus,  327. 
KiiibiciiN,  II,  294. 
Emenadia,  606. 
Emesodenia,  III,  829. 
Emhdks,  111,  991. 
Empusa,  II,  90. 
Empusites,  II,  89. 

ÉMYDIDES,  III,    354. 

Enceladus,  264. 
Encyrtus,  III,  39. 
Endagria,  III,  289. 
Endomychides,  811. 
Endomyclius,  813. 
Endromides,  III,  433. 
Endromis,  III,  433. 
Engis,  820. 
Enhydru-s  298. 
Enneoptera,  II,  137. 
Ennomides,  III,  632. 
Ennychia,  III,  658. 
Ennychides,  III,  656. 
Enoicyla,  II,  554. 
Enoplops,  III,  801. 
Entimus,  664. 
Entomobies,  III,  1043. 
Entomologie,  définition,  1. 
Epallage,  II,  355. 
Epeolus,  II,  771. 
Ephemera,  II,  381. 
Ephemerella,  II,  385. 
Épliéniériens,   11,361. 
Ephestia,  III,  674. 
Ephippigera,  II,  172. 
Ephippium,  m,  986. 
Ephydra,  ill,  lUo8. 
Epicauta,  623. 
Epilachna,  830. 
Epiiragus,  588. 
Erebia,  III,  224. 
Eremiaphila,  H,  75. 
Ergates,  718. 
Eristalis,  III,  1027. 
Erodius,  570. 
Eros,  521. 
ÉROTYLIDES,   814. 


1102 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


Erotyliens,  810. 

Erotylus,  817. 
Erycimdes,  III,  240. 
Eryrinis,  III,  266. 
Espèces,  213. 
Eubria,  519. 
Eucera,  II,  758. 
Euclielia,  III,  356. 
EUCHÉLIDES,  III,  353. 
Euchloe,  III,  2!ili. 
Euchroma,  489. 

EUCNÉMIDES,   498. 

Eucnemis,  500. 
EUDAMiDES,  III,  265. 
Eudamus,  III,  265. 
Eugaster,  II,  171. 
Eulophus,  111,  39. 
Eulyes,  III,  827. 
Eumenes,  II,  888. 
Eumenia,  III,  243. 
EUMÉNIDES,  II,  884. 
Euiuénien»*,  II,  884. 
Eumœus,  III,  243. 
Eumolpe  de  ia  vigne  (Écri- 
vain), 786. 
Eumorphus,  812. 
Eunectes,  290. 
Euops,  658. 
Eupithecia,  III,  645. 
Euplectus,  321. 
Euplocamus,  III,  743. 
Eurhinus,  689. 
Eurybia,  III,  243. 
Eurycantha,   il,  105. 
Eurychora,  573. 
Eurhynchus,  658. 
Euryope,  789. 
Eurypus,  589. 
Eurysternus,  417. 
Eurytoma,  III,  39. 
Eusèmia,  III,   370. 
Eusthenia,  II,  318. 
Evaesthetus,  303. 
Evania,  III,  45. 
Évanieus,  III,  44. 
Evaiiiocera,  606. 
Exochomus,  829. 
Eyprepia,  III,  362. 


Feronia,  269. 
Figites,  III,  51. 
Fi'scheria,   II,  83. 
Flata,  III,  861. 
Fœuus,  III,  46. 


Fonctions,  étude  anatoiiii- 
que  et  pliysioiogique,  6. 

—  véifétatives,  6. 

—  de  la  vie    animale,   51. 
FOHCICINES,  III,  1079. 
Forficula,  II,  20. 
Foi'ficulîen^i,  II,  6. 
FORMICIDES,   IIIj    1011. 

Forniicien.<>i,  II,  955. 
Fourmilions,  II,  417. 
Fourmis,  II,  995. 
Fourmi,  II,  1011. 
Fracticornes,  663. 
Fulgora,  III,  857. 
Fulgoriens,  III,  857. 

G 

Galba,  501. 
Galerita,  262. 
Galeruca,  796. 
Galesus,  III,  43. 
Galgulus,  m,  838. 
Galleria,  III,  681. 
Gallérides,  III,  680. 
Gargara,  III,  868. 
Gastropacha,  III,  441. 
Gaslrophilus,  III,  1041. 
Gastrophysa,  794. 
Gaslrus,  III,  lii41. 
Gelechia,  III,  762. 
Géléchides,  III,  756. 
Géniales,  465. 
Géo.p:rapliique        (distribu- 
tion), 181. 

GÉOMÉTRIDES,    III,   637. 

Gt'oryssus,  343. 
Geotrupes,  423. 
Gerrides,  III,  832. 
Gerris,  111,  833. 
Gibbium,  550. 
Glaphyrus,  420. 
Glaucopidks,  III,  342. 
Globaria,  330. 
Glossina,  III,   1053. 
Glyphiplera,  III,  700. 
Glyptomerus,  303. 
Gnathocerus,  587. 
Gnophria,  III,  351. 
Gnorimus,  476. 
Goliathus,  480. 
GOMPHINES,  II,   346. 
Goniphus,  II,  347. 

GONATOCÉRES,  003. 
Gonepteryx,  111,  247. 
Gongylus,  II,  91. 


Goniocotes,  III    1085. 
Gonoptera,  III,  623. 
Gonopus,  578. 
Gorytes,  il,  947. 
Gracilaria,  III,  766. 
Gracilarides,  III,  765. 
Gracilia,  731. 
Graphipterus,  259. 
Grapholitha,  III,  707,  709. 
Graphosoma,  III,  793. 
GryliienN,  II,  114. 

A  PATTES  HÉTÉRONOMES, 

les      antérieures     fouis- 
seuses,  II,   121. 

—  PROPRES,   A   PATTES 
HOMONOMES,  II,  131. 

Gryllotalpa,  II,  124. 
Gryilus,  II,  138. 
Guêpc8solitalre»i.II,884. 

Gymnetis,  481. 

Gyrnnetron,  692. 
[Gymnopleurus,  413. 

Gyinnosoma,  III,  1046. 

Gyrinides,  295. 

Gyriiius,   296. 

Gyriosomus,  571. 

H 

Hadena,  III,  610. 
Hœmiclis,  III,  757. 
Halias,  III,  455. 
Halictides,  11,  810. 
Halictophagus,  III,  1077. 
Halictus,  li,  812. 
Haliplus,  295. 
Hallomenus,  596. 
Halobates,  111,835. 
Haiticus,  m,  814. 
Hamaticherus,  726. 
Hamearis,  III,  242. 
Hanneton,  441 . 
Harpalus,  268. 
Harpax,  II,  86. 
Marpella,   III,  763. 
Hedychrum,  III,  6. 
Heilipus,  683. 
Helcon,  III,  31. 
Helenopliorus,  572. 
Ileliconia,  III,  165. 
HÉLICONIDES,  III,  165. 
Heliopates,  580. 
Heliothrips,  îll,  1074. 
Helluo,  259. 
Helophilus,  UI,  1026. 
Helops,  590. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 


1103 


Helorus,  III,  li2. 
Hematopota,  III,  982. 
Héincrobicn»),  II,  ^15. 
Hémérobudes,  II,  lill2. 
Hemerobius,  11,  461. 
HÉMIPTÈREI^,  111,780. 

—  hétéroptères,  Ili,  784. 

—  honioptèrc!-!,  III,  849. 
Hcpialicns,  lil,  282. 
Hepialus,  III,  282. 
Heptagenia,  II,  392. 
Herbula,  III,   657. 
Hermetia,  III,  98&. 
Hesperia,  III,  270. 
HesperiD;*;,  III,  265. 
Hespériens,  III,  260. 
Hétérocères,  III,  275. 
Heterocerus,  338. 
Heterogynis,  III,  341. 
Heteronychotarsus,  II,   77. 
Heterotarsus,  584. 
Heterotoma,  III,  815. 
Hexagenia,  II,  381. 
Hexapodes,  III,  243. 

—  au    moins  oliez  le«; 
reuielles,  III,  229. 

Hexodon,  467. 
HiBERNIDES,  III,  642. 
Hilipus,  683. 
Hipparchia,  III,  208. 
Hippobosca,  III,  1068. 
Hippodamia,  825. 
Hispa,  785. 
Hister,  345. 
HlSTÉRIDES,    343. 
Hodotermes,  II,  270, 
Hœmonia,  758. 
Hololepta,  345. 
Homalisus,  522. 
Homalium,  308. 
Homaloplia,  436. 
Homoptera,  III,  586. 
Homotoma,  III,  880. 
Hopatrinus,  579. 
Hopatrum,  581. 
Hoplia,  433. 
Hoplognathus,  464. 
Hoploptera,  591. 
Ilorla,  613. 
Hoteims,  III,  858. 
Hybalus,  420. 
Hybos,  III,  992. 
Hybosorus,  421. 
Hydraena,  329. 
Hydrobius,  334. 
Hydrocampa,  III,  662. 


Hydrocampides,  III,  659. 
Hydrochares,   334. 
Hydrochus,  328. 
Hydbocorises,  III,  837. 
Hydrometia,  III,  831. 
Ilydronictricns  ,       HI  , 

830. 
Hydrophiliens,  324. 
Hydrophilus,  331. 
Hydroporus,   294. 
Hydropsyche,  II,  560. 
Hydropsychides,  II,  559. 
Hydroptila,  II,  564. 

IIYDROPTILIDES,  II,   564. 

Hygiops,  III,  865. 
Hylaecetes,  548. 
Hylémyies,  III,  1055. 
Hylesinus,  641. 
Hylobius,  668. 
Hylophila,  III,  454. 
Hylotoma,  III,  55. 
Hylotrupes,  728. 
Hylurgus,  640. 
UIMÉHOPTÈRES,    II, 
571. 

—  à  abdomen  pédi- 
cule, II,  608. 

—  porte  -  aiguillon  , 

II,  608. 

—  térébranfs  à  abdo- 
men pédicule,  III,  1. 

—  à  abdomen  pédi- 
cule entomophages, 
III,  8. 

—  térébrants  à  abdo- 
men »4es$iile,  III,  52. 

Hymenopus,  II,  85. 
Hypecompa,  III,  358. 
Hypena,  III,  620. 
Hypera,  670. 
Hyperantha,  490. 
Hyperchiria,  III,  553. 
Hyperops,  571. 
Hyphydrus,  294. 
Hypoceplialus,  715. 
Hypoderma,  lil,  1040. 
Hyponomeuta,  III,  729. 
Hypophlœus,  585. 
Hypsolopha,  III,  753. 
Hysteropterum,  III,  863. 


Ibalia,  III,  51. 
Ichneumon,  III,  16. 

ICHNEUMONIDES,  III,   16. 


Ichneunionfens,  III,  8, 

llybius,  292. 
Ilythia,  III,  673. 
Ino,  III,  337. 
Iiiocellia,  II,  505. 
Inostemma,  III,  43. 
Inslinct,  116. 
Intelligence,  116. 
Ips,  359. 
Iris,  II,  82. 
Ischyrus,  820. 
ISMÉNIDES,  III,  269. 
Isosoma,  III,  39. 
Issus,  III,  862. 


Jas.mens,  III,  873. 
K 

Keiron  ou   Keiroun,    III, 

1062. 
Kermès,  III,  926. 


Labia,  II,  18. 
Labidura,  II,  15. 
l^abiduroïde»).  II,  6. 

Lachiius,  III,  890. 
Lacon,  507. 
Laemosaccus,  683. 
Lœna,  591. 
Lagochile,  462. 
Lagria,  600. 
Lagrides*  599. 
Lamia,  744. 
Lamprima,  392. 
Lamprorhiza,  527. 
Lampros,  III,  763. 
Lamprosoma,  774. 
Lampyrides,  520. 
I^ampyriens,  519. 
Lampyris,  522. 
Laphria,  III,  989. 
Larentides,  III,  644. 
Laria,  III,  379. 
Larinus,  676. 
Larrada,  II,  953. 
Lasia,  831. 
Lasiocampa,  III,  441. 
Lathrobium,  302. 
Latribius,  369. 
Lebia,  263. 
LÉCAMDES,  m,  923, 


Lecanium,  III,  923. 
Ledra,  III,  873. 
Leilus,  III,  563. 
Leistus,  279. 
Lema,  781. 

Lemmatophila,  III,  756. 
i.épidopté:re:§(^   III, 

61. 
Lepisia,  433. 
Lepisma,  III,  1079. 
liepiMiniens,  III,  1078. 
Lepitrix,  /132. 
Leptides,  III,  1020. 
Leplinus,  352. 
Leptis,  III,  1020. 
Leptocérides,  II,  557. 
Leptocerus,  II,  557. 
Leptocorisa,  III,  812. 
Leptoderus,  355. 
Leptopalpus,  625. 
Leptophleria,  II,  383. 
Leptura,  736. 
Lepturoïdes,  515. 
Lestera,  308. 
Lestes,  II,  358. 
Lethrus,  421. 
Leucaspis,  III,  36. 
Leuconea,  III,  249. 
Leucophasia,  III,  250. 
Leucospis,  III,  36. 
Leucothyreus,  465. 
Libellula,  II,  340. 
Libellulides,  II,  340. 
l'ibcllulicns,  II,  326. 
Libythea,  III,  162. 

LlBYTHÉlDES,    III,   162. 

Licinus,  273. 
LimacoJes,  III,  457. 
LlMACODlDES,  III,  456. 
Limenilis,  III,  189. 
Limnephilus,  II,  550. 
Limnichus,  389. 
Limnobates,  III,  831. 
Limnobia,  III,  962. 

LlMNOPHILIDES,  II,  548. 

Lininophilus,  II,  550. 
Lina,  794. 
LiPARIDES,  III,  372. 
Liparis,  III,  373. 
Lipeurus,  III,  1085. 
Lipoptena,  III,  1069. 
Liris,  II,  953. 
Lispe,  m,  1055. 
Lissomus,  497. 
Lila,  III,  762. 

LiTHOCOLLÉTIDES,   III,  772. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 

Lithopliilus,   835. 
Lilhosia,  III,  349. 
LiTHOSiDES,  m,   348. 
I.idiosiens,  III,  348. 
Livia,  m,  880. 
Lixus,  674. 
Loboderus,  508. 
Lobophora,  II,  19. 
Lobophora,  III,  645. 
Loboptera,  II,  53. 
Locuste,  II,  184. 
liOCustiens,  II,  157. 
Lomechusa,  314. 
Liongicorncjs,  706. 
Longitarsus,  808. 
Lophonocerus,  723. 
Lophyrus,  III,  56. 
Loricera,  273. 
L.ucanicns,  390 . 

—  PROPRES,  391. 

Lucanus,  392. 
Lucilia,  III,  1047. 
Lucrola,  529. 
Laperus,  798. 
Lycœna,  III,  231. 
LYCÉNIDES,  III,  230. 
liycénicns,  III,  229. 
Lycoperdina,  814. 
Lyctus,  559. 
Lycus,  521. 
Lyda,  III,  57. 
Lygœus,  III,  807. 
Lygéens,  III,  806.  . 
Lymexylon,  548. 
Lymexylonides,  547. 
Lyrops,  II,  953. 
Lystra,  III,  860. 
Lytta,  616,  623. 

M 

Machserites,  320. 
Machelis,  III,  1078. 
Machiles,  III,  1078. 
Machla,  578. 
Macrocera,  II,  757. 
Macroceraia,  III,  812. 
Marrocephalus,  III,  818. 
Macrodactylus,  437. 
Macrogaster,  III,  290. 
Macroglossa,  III,  326. 
Macroglossides,  III,  326. 
Macromia,  II,  345. 
Macronema,  II,  559. 
Macronola,  481. 
Macronychus,  341. 


Macropophora,  740. 
Malachiides,  535. 
Malachius,  537. 
Malacodernics,  519. 
Malacogasler,  531. 
Mallopbagiens, III, 1082. 
Malthinus,  534. 
Mania,  III,  583. 
Manticora,  255. 
Mantides,  II,  78. 
Mantiens,  H,  65. 

—  SIMPLICICORNES    NUDIPÉ- 
DES,  II,  75. 

—  ORTHODÉRIDES,     II,     75. 

—  PECTINI  CORNES      LOBIPÈ- 
DES,  II,   87. 

—  SIMPLICICORNES     LOBIPÈ- 
DES,  II,   85. 

Manlis,  II,  79. 
Mantispa,  II,  487. 
Mantispes,  II,  486. 
Mantites,  II,  78. 
Maringouins,  III,  951. 
M.\SARIDES,  II,  910. 
Masaris,  II,  911. 
Masoreus,  272. 
iMastigus,  323. 
Mastostethus,  762. 
Meconema,  II,  177. 
Mecopus,  690. 
Medeterus,  III,  1023. 
Megacephala,  253. 
Megachile,  H,  786. 
MÉGACHILIUES,  II,   775. 
Megaderus,  721. 
Megalopus,  762. 
Megaproctus,  703. 
Megascelis,  784. 
Megasoma,  472. 
Megatoma,  384. 
Melanargia,  III,  208. 
Melandrya,  598. 
Melandryides,  596. 
Melanippe,  III,  646. 
Melanostoma,  III,  1030. 
Melasis,  499. 
Melecta,  II,  767. 
Melipona,  II,  713. 
Méliponites,  II,  705. 
Melitea,  III,  174. 
Meliturga,  II,  757. 
Mellinines,  II,  944. 
Mellinus,  II,  944. 
Meloé,  608. 
Meloïdes,  608. 
Melolontha,  441. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 


1105 


Melophage,  III,  1069. 
Melophagus,  111,  1069. 
Melyrif,  539. 
Meiubracicns^    III,  866. 
Membracis,  III,  867. 
Merodon,  111,  1032. 
Mesosa,  743. 
Mesostena,  572. 
Metalleutica,  II,  77. 
Métamorphoses,  100. 
Melhoca,  II,  991. 
Methocides,  11,  990. 
Metœcus,  607. 
Metopias,  318. 
Metopius,  III,  20. 
Micralymna,  305. 
Micraspis,  829. 
Microcephalus,  271. 
Microdon,  111,  1031. 
Microgaster,  III,  30. 
]ilfcroIépiilO|itèi*es,    III, 

647. 
Micromus,  11,  463. 
Micropeplus,  307. 
Mictis,  111,  805. 
Midas,  111,  1041. 
MlDASIDES,  III,  1013. 
Milesia,  III,  1033. 
Miltogramma,  III,  1046. 
Mimesa,  II,  940. 
Miris,  111,  814. 
Miscophus,  II,  956. 
Misolampus,  576. 
Mogoplistes,  11,  134. 
Molorchus,  733. 
Monochelus,  433. 
Monachoda,  II,  63. 
Monomma,  594. 
]IIonoiuorphcs,Ill,1077. 
Monotoma,  367. 
Mordella,  604. 

MORDELLIDKS,    603. 

Mordellistena,  605. 
Morio,  266. 
Mormolyce,  263. 
MoRPHiDES,  m,  198. 
Morpho,  111,  198. 
Mosquilos,  III,  951. 
Mouches  proprement  dites, 
111,  1049. 

—  stercoraires,  III,  1060. 

—  tsetsé,  III,  1053. 

—  des  urinoirs,  111,  1057. 

—  à  viande,  III,  1050. 
Mouche   domestique  ,    III, 

1049. 


Mouchedes  olives, 111,1042. 
Moustiques,  III,  951. 
Mues,  100. 
Musca,  III,  1049. 
MuNcien!4,  III,  1034. 
Muscles,  51. 
MUTILIDES,  II,  992. 
.MiiUlliens,  II,  989. 
Myceiea-  380. 
Mycetobia,   IIl,   966. 
MycétophagÉcn!!i,  379. 
Mycetophayus,  380. 
Mycktophilides,  III,  964. 
Mycterus,  632. 
Myelois,  III,  728. 
Myelophila,  III,   728. 
Mylabris,  614. 
Mymar,  III,  44. 
Myodites,  606. 
Myodocha,  III,  808,  812. 
Myopa,  III,  1035. 
Myorhinus,  684. 
Myrina,  III,  240. 
Myrniecocystus,  II,  104. 
Myrmecoleon,  II,  420. 
Myrmecophila,  II,  131. 
Myrniedoma,  314. 
Myrmeleon,  II,  420. 
Myrméléontides,  II,  416. 
Myrmica,  II,   1015. 
Myrmicides,  II,  1015. 
Myrmosa,  II,   990. 
Myzinc,  II,  986. 
Myzoxylus,  III,  888. 


M 

Nacerdes,  631. 
Nadia,  III,  341. 
Nanophyes,  692. 
Naucorides,  III,  839. 
Naucoris,  III,  839. 
Naupactus,  665. 
Nebria,  279. 
Necrobia,  545, 
Necrodes,  351. 
Necrophilus,  352. 
Necrophoru?,  348. 
Necroscia,  11,  109. 
Necydalis,  732. 
Neides,  111,  806. 
Nematodes,  502. 
Nemeobius,  111,  242. 
Nemeophila,  111,  360. 
Nemestrines,  III,  1018. 
[Nemestrina,  III,  1018. 


Nemognatha,  625. 

Nemoptera,  11,  484. 

Némoptéres,  II,  489. 

Nemosoma,  562. 

Nemoura,  II,  323. 

Nepa,  111,  842. 

Nephodes,  591. 

NÉPIDES,  III,  842. 

IVéplens,  111,  838. 

Nepticula,  111,  772. 

Nepticulides,  111,  772. 

Nerveux   (système),  107. 

Neurobasis,  II,  356. 

WÉ  VROPTÈRES,II,26 1 . 

—  pseudo-orthoptèrcM 
à  inélamerpboses 
incomplètes,  II,  261. 
—  propres,  à  iiicta» 
inorphosescomplètes 
(nynipbe  le  plus  sou- 
vent inactive),  11,394. 

Nicteribia,  III,  1070. 

Nigidius,  396. 

Nilio,  588. 

Nirmus,  III,  1085. 

Nitidula,  360. 

NlTlDULIDES,  357. 

Noctuéliens,  III,  566. 

Nomada,  11,772. 

NOMADIDES,  II,   765. 

Nomia,  II,  810. 
iNomophila,    111,  670. 
Nosodendron,  387. 
'Noterus,  292. 
Notiophygus,  833. 
Notodonta,  III,  449. 

NOTODONTIDES,    111,   445. 

Notonecla,  111,  846. 

NOTONECTIDES,  III,   846. 

Nutrition,  6. 
Nyctéolides,  III,  454. 
Nyctelia,  571. 
Nyctobates,  583. 
Nymphaudes,  III,  188. 
Mynipbalicns,  III,  161. 
Nymphalis,  111,  189. 
Nymphes,   II,  442. 
Nysson,  II,  946. 
Nyssonides,  11,  944. 
Nyssonines,  II,  946. 


Obrium,  731. 
Ochina,  553. 
Ochodœus,  421. 


1106 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Ochthebius,   328. 
Odonates,  II,  326. 
Odontura,  II,  172. 
Odyneres,  II,  885. 
Odynerus,  II,  898. 
Œcanthus,  II,  134. 
Œchophora,  III,  764. 
Œdemagena,  III,  1039. 
Œdemera.  630. 
(Edémékides,  629. 
œdipoda,  II,  236. 
Œlothrips,  III,  1074. 
œ.ias,  616. 
Œneis,  III,  223. 
(Eiiophthira,    III,  693. 
OESTRIDES,  III,  1036. 
œstrus,  III,  1041. 
Ogcodes,  III,  1013. 
Olibrus,  560. 
Oligoneuria,  II,  377. 
Olophrum,  309. 
Omalides,  307. 
Omalium,  308. 

Ommatius,  III,  989. 

Omophron,  280. 

Omoplata,  780. 

Oncideres,  745. 

Oniscigaster,  II,  391. 

Oniscosoma,  II,  59. 

Onilicellus,  418. 

Onthophagus,  417. 

Opatrinus^  579. 

Opatrum,  581. 

Ophideres,  III,  578. 

Ophioii,IH,  21. 

Ophionides,  III,  21. 

Ophthalmicus,  III,  830. 

Opilo,  542. 

Opisthocosmia,  II,  19. 

Oporabia,  III,  644. 

Orchesella,  III,  1080. 

Orchesia,  597. 

Orchestes,  679. 

Oregostoma,  727. 

Orgya,  III,  382. 

Orneodes,  III,  778. 

Ornithomyie,  III,  1068. 

Ornithoiuyien»  ,111,1066 

Orophius,  557. 

Orphilus,  387. 

Orsodacna,  763. 

Orthezia,  III,  933. 

Orthocères,  652. 

Orthocerus,  562. 

Orthodérides,  II,  75. 

ORTHOPTÈREli,  H,  1 


Orthoptères     propres, 

II,  23. 
—   PROPRES  SAUTEURS,  II, 
113. 

Orthorapha,  III,  1030. 
Orycles,  470. 
Oryssus,  III,  60. 
Oscinis,  III,  1062. 
Osmja,  II,  779. 
Ostnoderma,  478. 
Osmylus,  II,   443. 
Osorius,  305. 
Otiocerus,  III,  863. 
Otiorhynchus,  672. 
O.Kura,  576. 
OXYBELINES,  II,  938. 

Oxybelus,   II,  938 
Oxycera,  III,  987. 
Oxycheila,  255. 
Oxycoryphus,  II,  221. 
Oxyporus,  310. 
Oxypygus,  703. 
0!(ystomiis,  265. 
OXYTÉLIDES,  304. 
Oxytelus,  305. 
Oxyterum,  III,  1068. 
Oxyura,  576. 
Ozœna,  261. 


Pachazia,  III,  861. 
Pachycarus,  267. 
Pachyderes,  509. 
Pachyenema,  432. 
Pachygaster,  III,  987. 
Pachylis,  III,  804. 
Pachypus,  458. 
Pachyrhynchus,  665. 
Pachyta,  736. 
Pachytylus,  II,  239. 
Paleestes,  377. 
Palarus,  II,  951. 
Paléontologie,  170. 
Paléoptérines,  II,  513> 
Palingenia,  H,  379. 
Palpares,  II,  428. 
Pamborus,  273. 
Pamphagus,  II,  252. 
Pamphila,  III,  271. 
Pamphilides,  111.270. 
Panchlora,  II,  58. 
Panesthia,  II,  64. 
Pangonia,  III,  981. 
Panops,  III,  1013. 
Panorpa,  II,  399. 


Panorpiens,  II,  396. 
Panurgus,  II,  801. 
Papilio,  III,  257. 
Papilionides,  in,  254. 
Papilioniens,  III,  243. 
Paragus,  III,  1030. 
Parandra,  714. 
Paraponyx,  III,  660. 
Parmena,  743. 
Parnassius,  III,  255. 
Parnus,  339. 
Pasimachus,  259. 
Passales,  397. 
Passalus,  398. 
Passandra,  379. 
Patrobus,  270. 
Paussiens,  563. 
Paussus,  566. 
Pavonia,  III,  201. 
Pectinicornes,  II,  87. 
Péflieuliens ,   III,   1082. 
Pediculus,  III,  1082. 
Pedinus,  580. 
Pédirèmes,  m,  844. 
Pegomyia,  III,  1056. 
Pelecinus,  III,  46. 

Pelecium,  274. 
Pelecophoriis,  539. 
Pelidnota,  463. 

Pelobius,  293. 

Pelonium,  545. 

PÉL0PÉ1NES,  II,  970. 

Pelophila,  279. 

Pelopœus,  II,  971. 

Pemphigus,  III,  891. 

Pemphrédonines,  II,  940. 

Pempilia,  III,  673. 

Pentanières       (Clialci- 
diens),  lll,  36. 

Pentaplatarthrus,  566. 

Pentatoniiens,  III,  788. 

Penthina,  III,  708. 

Pentodon,  468. 

Perilampus,  lil,  38. 

Perileptus,  283. 

Periplaneta,  II,  55. 

Peripsocus,  II,  302. 

Perisphœria,  II,  60. 

Peritelus,  677. 

Perla,  II,  319. 

Perliens,  II,  303. 

Pezotettin,  II,  244. 

Phalacrus,  560. 

Phalangopsis,  II,  137. 

Phaléniens,  III,  625. 

Phalénoïdes,  III,  023. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


1107 


Phalera,  III,  452. 
Phaleria,  587. 
Phaneroptera,  H,  178. 
Phaiiœus,  416. 
Phasia,  III,  1046. 
Phasma,  II,  108. 
Phasniieii!^,  Il,  91. 

—  APTÈRES,   II,   99. 

—  AILÉS,  (au  moins  les 
mâles),  II,  106. 

Phibalosoma,  II,  106. 
Philanthines,  II,  925. 
Phileurus,  472. 
Phiihydrus,  335. 
Philœnus,  III,  872. 
Philonthus,  312. 
Philopotamus,  II,  561. 
Philopterus,  III,  1085. 
Phlœa,  III,  799. 
Phlœotribus,  642. 
Phlœothrips,  III,  1073. 
Phœdon,  792. 
Pholidotus,  392. 
Phora,  III,  1066. 
Phoraspis,  II,  54. 
Phosphœnus,  527. 
Photophorus,  512. 
Phragmatobia,  III,  367. 
Phragmatœcia,  III,  290. 
Phryganea,  II,  546. 
Phryganéides,  II,  545. 
Phryganiens,  II,  522. 
Phryneta,  744. 
Phtiria,  III,  1015. 
Phtirius,  III,  1064. 
Phycides,  III,  672. 
Phycis,  m,  674. 
Phyllium,  II,  111, 
Phyllobius,  671. 
Phyllocerus,  502. 
Phyllodromia,  11,  51. 
Phyllognathus,  469. 
Phyllomorpha,  lll,  802. 
Phyllopertha,  460. 
Phylioxérien!ii,  111,895. 
Phylloxéra    de    la   vigne, 

III,  895. 
Phymala,  III,  818. 
Pbyniaticns,  III,  817. 
Physocephala,  III,  1035. 
Physodactylis,  516. 
Phytobius,  682. 
Phylœcia,  749. 
Phytomyza,  III,  1063. 
Phytonomus,  670. 
Phytophthihes,  III,  877. 


Phytophages,  751. 
Piérides,  III,  243. 
Pieris,  III,  251. 
Piesliis,  307. 
Pimelia,  569. 

PiMÉLIDES,   569. 
PiMPLIDES,   m,  22. 

Pionea,  III,  667. 
Pipiza,  III,  1033, 
Pipunculus,  III,  1024. 
Pissodes,  669. 
Plagiodera,  793. 
Platyblemmus,  II,  153. 
Platycerus,  396. 
Platycnemis,  II,  357. 
Platydactylus,  II,  137. 
Platygenia,  479. 
Platinnspis,  832. 
Platyomus,  665. 
Platypeza,  III,  1023. 
Platyptéprygides,III,443. 
Platypleryx,  III,  443. 
Platypus,  645. 
Platyrhopalus,  566. 
Platyscelis,  580. 
Platystoma,  III,  1065. 
Platyura,  III,  966. 
Plectris,  439. 
Plectroscelis,  809. 
Plinurgus,  484. 
Ploa,  III,  848. 
Ploas,  III,  1016. 
Ploiaria,  III,  829. 
Plutella,  III,  754. 
Plutellides,  III,  752, 
Pneumora,  II,  242. 
Podisma,  II,  244. 

PODOLÉGIDES,  II,   745. 
Podura,  III,  1081. 
Podui-iens,  IlI,  1080. 
Pœcilesthu.s,  589. 
Pœcilonota,  492. 
Pœciloptera,  III,  861. 

POEDÉRIDES,   301. 

PœderuK,  302. 
Pœphagus,  682. 
Pogonobasis,  573. 
Pogonostoma,  256. 
Polibya,  II,  877. 
Polistes,  H,  867. 
POLISTIDES,  II,  867. 
Polydrosus,  666. 
Polymitarcis,  H,  378. 
Polyominatus,  III,  234. 
Polyphaga,  II,  61. 
Polyphylla,  456. 


Polyzosteria,  II,  55. 
POMPILIDES,   II,  975. 
Pompilus,  II,  976. 
Ponera,  II,  1014, 
PONÉRIDES,  II,  1014. 
Popillia,  462. 
Poropleura,  773. 
Porphyrophores,  III,  930. 
Potamanthus,  II,  382. 
Potamophilus,  338. 
Pou  de  l'abeille,  III,  1069. 

—  du  corps,  III,  1084. 

—  ordinaire,  III,  1083. 
Poux  DES  PLANTES,  III,  877. 

Prasocuris,  793. 
Prays,  III,  741. 
Priocera,  542. 
Pri-onapterus,  718 
Prionides,  714. 
Prionus,  716. 
Prisopus,  II,  110. 
Pristonychus,  270. 
Procerus,  276. 
Prochilus,  II,  168. 
Procirrus,  302. 
Procris,  III,  337. 
Procrustes,  276. 
Proctotrupicns,  III,  41. 
Propomacrus,  462. 
Proscopia,  II,  216. 
Prosopis,  II,  822. 
Prosopistoma,  II,  387. 
Prostoaiis,  378. 
Psalidophora,  II,  18. 
Psammetichus,  574, 
Psammodes,  575. 
Psammœcus,  371. 
Psecadia,  III,  727. 

PSÉLAPHIDES,  317. 
P!i<élaphiens,  317. 
Pselaphus,  319. 
Pseudococcu?,  III,  931. 
Psila,  III,  1063. 
Psilocephala,  III,  1019. 
Psilomyia,  III,  1063. 
Psithyrus,  II,  741. 
PsociDES,  II,  298. 
Psociens,  11,  296. 
Psocus,  II,  300. 
Psoquilla,  II,  298. 
Psyché,  III,  463, 
PSYCHIDES,  III,  458. 
Psychoda,  III,  972. 
Psychomia,  II,  562. 
Psylla,  III,  878. 
Piiylliens,  III,  878. 


1108 

Psylliodes,  809. 
Pterochilus,  II,  908. 
Pterochroza,  II,  179. 
Pterogon,  III,  329. 
Pteromalus,  III,  39. 
Pleronarcys,  II,  318. 
Ptéropboi'iens,  III,  773. 
Pterophorus,  III,  774. 
Pterostenus,  736. 
Plerolarsus,  501. 
Pterygophorus,  111,  5G. 
Ptiliiius,  553. 
Ptilium,  363. 
Ptilodaclyla,  518. 
Ptiloplioius,  C06. 
Ptinides,   5û9. 
Pliniens,  547. 
Ptinus,  550. 
Puces,  III,  1085 
Pulex,  111,  108G. 
Piilicicns,  III,  1085. 
Pulvinaria,  111,  924. 
Punaises  d'eau,  III,  837. 
Purpuricenus,  724. 
Pygidicrana,  II,  14. 
Pygœra,  III,  452. 
Pyrale    de    la    vigne,    III, 

693. 
Pyrnliens,  lH,  647. 
Pyralis,  III,  653. 
Pyrausta,  III,  656. 
Pyrochroa,  603. 
Pyrochroïdes,  602. 
Pyronota,  437. 
Pyrophorus,    510. 
PïRRHOCORlDES,  III,  809. 

Pyrrliocoris,  III,  809. 
Pyrrhopygides,  III,  265. 
Pylho,  593. 

9 

Quediiis,  312. 

R 

Ramphomyia,  111,  992. 
Ranatia,  111,843. 
Raphidia,  11,  503. 
Raphiorhynchus,  III,  986. 
Rayniondia,  705. 
Recticornes,  652. 
Rédiivicns,  III,  825. 
Reduvius,  III,  826. 
Reproduction,  89. 
Respiration,  24. 


TABLE    ALPHABÉTJQUK. 

Retinia,  111,  712. 
Rhagium,  734. 
Rhamnusium,  735. 
Rhamphus,  663. 
Rhaphiderus,  II,  104. 
Rhaphidia,  II,  503. 
Raphidides,  II,  492. 
Rapbidicn»!,  Il,  491. 
Rhaphidophora,  II,  168. 
Rhaphigaster,  111,  795. 
Rhina,  693. 
Rhingia,  III,  1034. 
Rhinomacer,  659. 
Rhinosimus,  593. 
Rhinotia,  658. 
Rhipheus,  III,  564. 
Rhiphidia,  III,  961. 
Rhipidius,  607. 
Rhipidocera,  518. 
Rhipiphorus,  606. 
Rhipiptcres,  111,  1075. 
Rhizobius,  III,  893. 
Rhizophagus,  358. 
Rhizorius,  833. 
Rhizotrogus,  439. 
Rhodocera,  III,  247. 
Rhœbus,  784. 
Rhopalocères,  III,  159 
Rhyacophila,  II,  563. 
RHYACOPtliLlDES,    II,    563. 

Hhynchites,  656. 
Rhyncliopiion,  III,  1086. 
Rhyphides,  m,  963. 
Rhyphus,  111,  963. 
Rhysodes,  561. 
Rhytigasler,  III,  29. 
Ricania,  III,  861. 
Ricinient^,  III,  1082. 
Ricinus,  III,  1085. 
Rosalia,  723. 
Rutela,  463. 

N 

Sacium,  834. 
Saga,  II,  176. 
Sagra,  762. 
Saldiens,  111,  830. 
Saperda,  746. 
Saphromyza,  III,  1060. 
Sapyga,  II,  988. 
Sapygides,  II,  987. 
Sarcophaga,  III,  1050. 
Sarcophages,  111,  1050. 
Sarcophila,  111,  1050. 
Sargiis,  III,  987. 


Saturnia,  III,  475. 
Satyrides,  III,  202. 
Salyrus,  III,  210. 

SCAPHIOIDES,  356. 

Scaphidium,  356. 
Scapteriscus,  11,  130. 
Scapterus,  266. 
Scarabifius,  471. 
Scarabées  des  arbres,  429, 

—  des  fleurs,  429. 

—  de  terre,  405. 
Scarabéiens,  399. 
Scarites,  265. 
Scalella,  III,  1057. 
Scatophaga,  III,  1060. 
Scaurus,  574. 
Scelothrix,  III,  267. 
ScÉNOPiNES,  m,  1024. 
Scenopinus,  III,  1024. 
Schirus,  111,  795. 
Schizocera,  III,  55. 
Schiznduclylus,  II,  156. 
Schizorieura,  III,  888. 
Schœnobius,  III,  678. 
Sciapteron,  III,  297. 
Sciara,  III,  967. 
Scirtes,  519. 
Scodiona,  111,  639. 
Scolia,  II,  982. 
Seolieii!«,  II,  980. 
SCOLIIDES,  II,  981. 
SCOUINES,  II,  981. 
Scoliopteryx,  III,  623 
!§coIyticns,  632. 
Scolytus,  640. 
Scoparia,  III,  671 . 
SCOPARIDES,  III,  671. 
Scopula,  111,  669,  671. 
SCOPULIPÈDES,  11,  745. 
Scotiiius,  579. 
Scotobius,  574. 
Scutellera,  111,  791 
Scydmgenus,  324. 
Scydménides,  323. 
Scymnus,  831. 
Sécrétions,  50. 
Seinblis,  II,  514. 
Sens  (Organes  des),  82. 
Sepedon,  III,  1064. 
Sepsis,  III,  1064. 
Seraptia,  599. 
Serica,    434. 
Sericaria,  !1I,  386. 

SÉRICARIDES,   III,   386. 

Sericostoma,  II,   55r>. 

iSÉRICOSTOMATlDES,  II,  554. 


TABLE    AI.PHATÎÉTIOUE. 


1109 


Serropalpus,  598. 
Sesia,  III,  298. 
Sésiens,  III,   291. 
Setodes,  II,  558. 
Siagona,  26^. 
Siagonium,  307. 
SlALIDES,  II,  514. 
Sialis,  II,  51/i. 
Silis,  534. 
Silpha,  350. 
SiLPHIDES,  347. 
^iilphicns,  343. 
Simulia,  111,  974. 
SmuLiDES,  III,  973. 
Simulium,  III,  974. 
Sinodendron,  397. 
Sinoxylon,  558. 
Siona,  III,  646. 
Siphlurus,  II,  391. 
Siphonaptères,  III,  1085. 
Slrex,  m,  58. 
J^iriciens,   III,  58. 
Sisyphiis,  412. 
Sisyra,  II,  455. 
Sitaris,  627. 
Sitophagus,  583. 
Sitotroga,  III,  758. 
Smerinthides,  111,  307. 
Smerintlius,  III,  308. 
Smynthurus,  111,  1081. 
Sparasion,  III^  43. 
Sparmannia,  457. 
Spastica,  625. 
Spercheus,  329. 
Splioenotiiecus,  722. 
Spliœridium,  337. 
SphiTjrites,  347. 
SphiTirocera,  III,  1060. 
Sphserodema,  111,  841. 
Sphœroderma,  808. 
Spliaeroderus,  274. 
Sphœrolus,  589. 
Sphecodes,  II,  819. 
Sphégides,  II,  962. 
I^plicgifns,  II,  961. 
Spheniscns,  589. 
Sphex,  II,  963. 
Sphingides,  111,  312. 
•^phingicns,  III,  302. 
Sphinx,  III,  312. 
Sphodrus,  270. 
Spilomyia,  III,  1033. 
Spilosoma,  111,  367. 
Spilothyrus,  111,  266. 
Spondylis,  720. 
Stalagmia,  111,  642. 

GlliAHD. 


Staphylinides,  309. 
Stapliyliniens,  299. 
Stapliylinus,  310. 
Statiru,  601. 
Slegoplerus,  476. 
Sténides,  303. 
Stenobothrus,  II,  222. 
Stenoceriis,  655. 
Stenocorus,  734. 
Stenophylax,  11,  553, 
Stenopsocus,  II,  301. 
Stenopterus,  732. 
Stenopteryx,  111,  1069. 
Stenosis,  573. 
Steiiostoma,  631. 
Stenotrachelus,  596. 
Stenus,  303. 
Stephanus,  III,  32. 
Sternorhynques,  III,  877. 
Sleropes,  111,  272. 
Stilicus,  302. 
btizus,  11,  949. 
Slomoxys,  111,  1052. 
Strachia,  111,  798. 
Strangalia,  737. 
l§tratioiuiens,  111,  984. 
Slratiomys,  III,  984. 
Strepsitères,  1  075. 
Stygia,  III,  288. 
Stylopiens,  III,  1076. 
Sty!o[is,Ill,  1077. 
Syllitus,  736. 
Sylvanus,  375. 
Symmela,  436. 
Synagris,  11,  897. 
Synchila,  372. 
Syneta,  783. 
Synlhocus,  666. 
Syntomides,  m,  342. 
Syritoinis,  III,  343. 
Syrichlhus,  111,  267. 
Syromaster,  111,  802. 
l^yrphiens,  111,  1024. 
Syiphus,  111,  1028. 
Syrtis,  111,  818. 
Syzygops,  666. 


Tnbanicns,  III,  978. 
Tabanus,  111,  980. 
Tachina,  111,  1045. 
Tachinides,  III,  1043. 
Tachinus,  313. 
Tachydromyia,  111,  992. 


Tachygonus,  691 . 
Tacuyporides,  312. 
Tacliyporiis,  313. 
Tachytes,  II,  954. 
Tachytides,  II,  953. 
Tajniaptera,  III,  1064. 
Tagiadides,  III,  273. 
Taons,  III,  980. 
Tarsostenus,  544, 
Tatua,  11,  883.  . 
Teiflus,  274. 

Tégumentaire(système),51. 
Teicliomyza,  111,  1057. 
Téléphorides,  532. 
Telephorus,  533. 
Temnocliila,  373. 
Tenebiio,  583. 

TÉNÉBRIONIDES,   581. 

T('nébrioniens,  567. 
Tengyia,  11,  991. 
Tenodeia,  11,  80. 
Tcndirt-'dinien.s,  III,  52. 
Tenthredo,  111,  55. 
Tephrilis,  111,  1065. 
Termes,  II,  273. 
'reriititicn.««,  II,  261. 
Tcrmopsis,  II,  270. 
Te.sseratoma,  III,  799. 
Tète,  57. 
Tetralobus,  508. 
Telralonia,  II,  757. 
Tctrainèi'eM       (  Chalci  - 

diens),  III,  39. 
Telraueura,  III,  890. 
Telraonyx,  616. 
Tclraophthalmus,  750. 
T6(i-apoflc»i,  III,  161. 
Te'ratoma,  598. 
Tetticides,  II,  255. 
Tettigia,  111,  855. 
Tettigometra,  III,  862. 
Tetligonia,  111,  874. 
Tcllix,  II,  255. 
Telyra,  111,  791. 
Thais,  m,  254. 
Thanmotiizori,  II,  192. 
Thanaos,  IH,  266. 
Than.isimus,  543. 
Thecla,  111,  237. 
Theoclytes,  11,  88. 
Théoglytites,  il,  88. 
Therates,  249. 
Therev.'i,  111,  1019. 
Thespis,  11,  84. 
Thespites,  II,  8! . 
Thoracaiilha,  111,  37. 

III.  —  69 


1110 

Thorax,  60. 
Thrips,  III,  1073. 
Thrjpsiens,  IH,  1072. 
Thymalus,  358. 
Thymele,  III,  265. 
Thymelicus,  III,  270. 
Thynnides,  II,  995. 
Thyreophora,  IH,  1059. 
Thyrididks,  III,  345. 
Thysania,  lll,  583. 
Thysanoptères,  lu, 

1072. 
Thysanoures,  111,  1077. 
Tibicina,  III,  856. 
Tillus,  542. 
Timarcha,  789. 
Tinea,  III,  744. 
Tineiniens,  III,  719. 
Tingis,  III,  820. 
Tingiticns,  III,  820. 
TiPHiiNES,  II,  986. 
TipuUi,  III,  959. 
Tipulairesflorales,  III,  973. 
TiPULiDES,  III,  955. 

—  FONGICOLES,  III,   964. 

—  GALLICOLES,    III,  968. 
Tipuliens,  III,  955. 
Tiresias,  384. 

Titanus,  719. 
Tniesislernus,  739. 
Tolyphus,  560. 
Tomicus,  642. 
Tortriciens,  III,  685. 
Toririx,  III,  688. 
Toxicum,  582. 
Toxodera,  II,  87. 
Toxophora,  III,  1014. 
Toxotus,  735. 
Trachyderes,  722. 
Trachynotus,  575. 
Trachys,  494. 
Trachyscelis.  585. 
Tragocerus,  738. 
Trama,  lll,  893. 
Trechus,  283. 
Tribolium,  587. 
Trichiajres,  475. 
Trichiiis,  476. 
Trichognathus,  262. 
TrichoptèrcSj  11,  522. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 

Trichoptérygïens,  362. 
Trichopteryx,  363. 
Tricondyla,  250. 
Tridactyliis,  II,  121. 
Triecphora,  111,  871. 
Trigona,  II,  723. 
Trigonia,  III,  620. 
Trigonidium,  II,  154. 
Trigonotarsus,  703. 
Trigonotoma,  269. 
Ti-iiuèrcs    (Chalcidiens) 

III,  40. 
Triiiodes,  380. 
Thphœna,  III,  601. 
Triplax,  818. 
Tripoxylixes,  II,  928. 
Tripoxylon,  II,  929. 
Triscolia,  II,  982. 
Trixagus,  496. 
Trochilium,  III,  297. 
Troglorhynchus,  673. 
Trogosita,  372. 
Trogus,  290. 
Tropidia,  III,  1033. 
Trox,  427. 
Truxalis,  II,  217. 
Tryphonides,  III,  19. 
Tiyxalis,  II,  217. 
Tsetsé,  III,  1053. 
Tyloceius,  532. 
Typhlocyba,  III,  876. 
lYPHLOCyBIDES,  III,  875. 
Tyrus,  321. 


Uloma,  586. 
Upis,  583. 

Urania,  III,  563,  564. 
Uranidia,  III,  563. 
Uraniens,  III,  561. 
Urapteryx,  III,  631. 
Urocerus,  III,  58. 
Usia,  III,  1015. 


Valgus,  477. 
Vanessa,  111,  179. 
Vappo,  III,  987. 


Velia,  m,  836. 
VÉLIDES,  III,  836. 
Ver  à    soie    de    l'ailante, 
III,  511. 

—  du  chêne,  III,  480. 

—  du  mûrier,  III,  386. 
Verlusia,  111,  801. 
Vermileo,  III,  1021. 
Vespa,  II,  845. 
Vesperus,  733. 
Vespides,  II,  845. 
Tespiens,  II,  840. 
Vieta,  575. 
Volucella,  III,  1025. 


Xenos,  III,  1077. 
Xiphidium,  II,  182. 
Xiphydria,  III,  59. 
Xyela,  III,  57. 
Xyletinus,  553. 
Xylocopa,  II,  749. 
Xylocoris,  111,  817. 
Xylota,  III,  1032. 
Xylotrupes,  471,  728. 


Ypoflomeuta,  111,  729. 
Yponomeutides,  III,  725. 


Zabrus,  271. 
Zegris,  III,  245. 
Zereiis,  III,  641. 
Zeuzera,  111,  289. 
Zeuzérides,  III,  289. 
Zicrona,  III,  794. 
Zonitis,  625. 
Zoolea,  II.  88. 
Zophosis,  570. 
Zuphium,  263. 
Zygsena,  II,  331. 
Zygénides,  III,  331. 
Zygéniens,  III,  330. 
Zygia,    538. 
Zygoptères,  II,  353. 

ZOOPHTIRES,  III,   1081. 


FIN    DE   LA   TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Bourloton.  —  Imprimeries  réunies,  A,  rue  Mignon,  2,  Paris. 


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