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PROPERTY OF
2. P. METCALF
TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE
D'ENTOMOLOGIE
III
Le Traité élémentaire d'entomologie est complet; il forme 3 vol. in-8
avec allas de 118 planches (PI. 1 à 80, 80 bis et 81 à 117), cartonné.
Figures noires, 100 fr.
Figures coloriées, 170 fr.
ON VEND SÉPARÉMENT :
Fi^'. noires. Fig. coloriées.
Tome 1, Introduction, Coléoptères, avec 60
planches (pi. i à Lx) 30 fr. 60 fr.
Tome II, Orthoptères, Nèvroptères, Hymé-
noptères porte-aiguillon, avec 15 planches
(pi. Lxi à Lxxv) 20 30
Tome 111, 1"^" partie, Hyménoptères téré-
BRANTs, Lépidoptères, avec 23 planches
(pi. Lxxvi à LXXXj Lxxx bis et Lxxxi à xcvii. 20 40
Tome m, 2« partie, Hémiptères, Diptères,
et Ordres satellites avec 20 planches
(pi. xcviii à cxvii) 30 40
TRAVAUX PRINCIPAUX DU MÊME AUTEUR
Etudes sur la clialeur animale des Invertébrés, principalement des insectes (thèse
de doctorat es sciences, présentée à la Faculté des Sciences de Paris, 1869).
Catalogue raisonné des animaux utiles et nuisibles de la France, publié sous les
auspices du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, 2'^ édition.
Paris, 1879.
Les Métamorphoses des Insectes, 6* édition, 1884, ouvrage couronné par l'Aca-
démie française (bibliothèque des Merveilles).
Les Abeilles, organes et fonctions, éducation et produits, miel et cire. Paris, 1878.
1 vol. in-18 Jésus, avec 1 pi. col. et 30 figures.
Eludes sur la maladie de la vigne dans les Charentes (Mémoires de l'Académie
des sciences : Savants étrangers, 1876).
Le Phylloxéra de la vigne, description, mœurs, procédés de destruction, 4^ édi-
tion, 1884.
Zoologie (cours complet d'enseignement dans les Ecoles normales primaires) ,
Anatomie et Physiologie, Vertébrés; 3 fascicules, 1883, 1884.
BouRLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
LES INSECTES
TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE
D'ENTOMOLOGIE
COMPRENANT
L'HISTOIRE DES ESPÈCES UTILES ET DE LEURS PRODUITS
DES ESPÈCES NUISIBLES ET DES MOYENS DE LES DÉTRUIRE
L'ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES ET DES MŒURS
LES PROCÉDÉS DE CHASSE ET DE CONSERVATION
MAURICE GIRARD
Docteur (.'S sciences naturelles
Ancien délégué de l'Acadëmic des sciences
Ancien professeur de sciences physiques et naturelles au Collège municipal RoUin
Professeur de zoologie appliquée à l'Ecole d'horticulture de Versailles
Maître do conférences d'entomologie à l'Ecole d'agriculture de Grignon
Ancien président de la Société cnloMiologiquc de France
Secrétaire du Conseil de la Société zoologique d'acclimatation
Lauréat de la Société centrale d'agriculture de France, etc.
HYMENOPTERES TEREBRANTS
LÉPIDOPTÈRES — HÉMIPTÈRES — DIPTÈRES
ORDRES SATELLITES
TOME 111
Avec 43 planchoiii
PARIS
LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE et FILS
RUE HAUTEFEUILLE, 19, PRÈS DU BOULEVARD SAINT-GERMAIN
1885
Tous droits réservés
Par suite d'une erreur imputable aux Imprimeurs, les pages Ô93 à 1012 n'existent
pas dans le tome III ; les feuilles 62 et 63 se suivent exactement malgré celte lacune.
TRAITÉ
D'ENTOMOLOGIE
ORDRE
DES
HYMÉNOPTÈRES
Hyménoptères tcrébrants à abdomen pédicule.
Tribu des CHRVSIDlEMiS.
Les Chrysidiens ont été appelés Guêpes dorées en raison de leurs vives
couleurs, qui en font les plus beaux Hyménoptères, non par la forme,
qui est assez ramassée et trapue, mais par l'éclat métallique de leur tète
et de leur thorax, ordinairement verts ou bleus, et de l'abdomen, le plus
souvent d'un rouge de feu, ou d'un bronzé doré rappelant les cuirasses
les plus éclatantes. Ces insectes sont répandus par toute la terre et ne
renferment qu'un petit nombre de genres. On trouve les espèces de
notre pays du milieu d'avril à la fin de septembre. On voit ces jolis
insectes, sans cesse en mouvement, parcourir les troncs d'arbres et les
creux de l'écorce, courant sur les murs, les palissades, sur les fleurs
et les feuilles , surtout celles des Ombellifères , les terrains pierreux
exposés à l'ardeur du soleil, avec une agitation rapide et alternée des
antennes, caractère que nous retrouvons chez les Hyménoptères ento-
mophages, parasites carnassiers intérieurs des insectes vivants, et qui
indique des espèces en quête perpétuelle d'une proie animée. Au moindre
bruit, les Chrysidiens s'envolent vivement, et, en cas de danger et comme
moyen de défense, se roulent en boule plus ou moins complète, de
façon à offrir partout à l'ennemi des surfaces dures et polies sur les-
quelles glissent les mandibules els'émousse l'aiguillon. Le péril passé,
r.iR.vnn. lil. — i
2 HYMÉNOPTÈRES.
ils fuient très-vite. L'abdomen est le plus souvent creux en dessous et
s'applique contre la poitrine ; les pattes se logent sous une saillie du
thorax, les antennes se replient dans une cavité de la face, les ailes
seules restent en dehors et se placent l'une contre l'autre.
On peut dire' que les Chrysidiens établissent un passage, dans les
Hyménoptères à abdomen pédicule, entre les Aiguillonnés et les Téré-
brants, et appartiennent réellement à ces derniers. Le nombre véritable
des anneaux de l'abdomen est plus grand que le nombre apparent, car
les derniers, rudimentaires, rentrent imaginés, chez les femelles, les
uns dans les autres, comme un tuyau de lunette, ne s'allongeant en
tube flexible qu'au moment delà ponte; d'où le nom de Tubulifères de
Lepeletier de Saint-Fargeau. Au bout de ce tuyau rétraclile est un
dard, qui semble au premier abord un aiguillon, car il perce notre
peau dans les grandes espèces de Chrysidiens, mais qui est en réalité
une tarière de ponte, car il ne s'y joint pas de glandes à venin (West-
wood). De même la tarière de certains Ichncumoniens, ainsi les Ophions,
pique, mais sans venin. La tarière-aiguillon offre les pièces habituelles
à cet organe, qui est le même anatomiquement dans tous les Hyméno-
ptères : deux fourreaux ou valves, divisées en deux pièces placées à la
suite l'une de l'autre ; une pièce moyenne ou organe de ponte, le yor-
geret, formée de deux gouttières soudées ; et enfin deux stylets pointus
{spicules de Westwood), qui glissent dans unerainure de la pièce moyenne .
Latreille plaçait les Chrysidiens à l'extrémité de ses Pupivores. Ils se
rattachent en efl'et aux Ichneumoniens, et surtout aux Braconiens, par
la nervation des ailes supérieures, et à certains genres de ces derniers
par la forme de l'abdomen, le nombre d'anneaux de la portion dorsale,
la forme et les dents du métathorax; aux Chalcidiens, par les antennes
coudées, les ailes postérieures sans nervures, les couleurs générale-
ment métalliques; aux Proctotrupiens, par la forme tubulée de l'ovi-
scapte, et aussi par l'absence de nervures aux ailes postérieures, et
ressemblant notamment au genre Dryinus.
Le régime des Chrysidiens en fait des parasites carnassiers des Hymé-
noptères sous leur premier état. Leurs larves, pseudo-parasites des nids,
y vivent, soit aux dépens des larves des Apiens et des Vespiens qu'elles
dévorent, soit des provisions d'insectes, de larves molles anesthésiées,
de Pucerons, rassemblées dans les nids parles femelles des Euméniens,
des Crabroniens et des Sphégiens pour la nourriture de leurs propres
larves. On voit les femelles entrer à reculons dans les nids (posture de
ponte), et déposer leur œuf, soit contre la paroi de la cellule de l'Apien
et caché sous la pâtée, soit sur une larve déjà grande et sur le dos de
laquelle on ne tarde pas à voir une larve de Chrysidien qui la ronge.
On a trouvé par exception des larves de Chrysidiens provenant d'œufs
pondus sur le corps de fausses chenilles de Tenthrédiniens, et qui
avaient vécu aux dépens des tissus de ces fausses chenilles : ainsi des
larves du Neinatus Grossulariœ^our les Çleptes semi-auratus et nitidulm
CHRYSIDIENS, 3
et pour YOmalus aurutus. Les femelles de Chrysidiens n'ont aucune ana-
logie trompeuse de parure avec les mères de leurs victimes, guettent leur
absence pour entrer dans les nids, et subissent leurs attaques en se rou-
lant en boule, si elles sont surprises. On a cité, très-exceptionnellement,
le Chrtjsis ignita, Linn., parasite d'un Coléoptère buprestien, le Ptoi'ma
novemmaculata {An7i. Soc. entom., 2^ sér., 18/j9, t. VII, Bull. p. xxvui).
Les mâles des Chrysidiens sont plus courts et plus étroits que les
femelles ; leur anus est mutique et non tubifère ; le nombre des segments
apparents de leur abdomen est parfois plus grand que dans les femelles
d'un même genre : ainsi h dans les Parnopes, contre 3 des femelles,
5 dans les Cleptes, contre U des femelles. Les femelles sont plus grandes
et plus robustes, mais ont rarement d'autres couleurs que les mâles.
Leur anus est muni d'un tube annelé, rétractile, de segments supplé-
mentaires, terminé par un style (tarière-aiguillon), et pouvant s'étendre
d'une longueur égale à la moitié ou à la totalité de la longueur du
corps, ou plus encore. Cette disposition, qui permet la ponte dans les
profondeurs reculées des nids, explique le nom de Tuhulifères donné
par Lepeletier S'-Fargeau aux Chrysidiens. Les Chrysidiens ont été vus
très-rarement en copulation ; on cite toutefois dans ce cas les Cleptes
semi-auratus, Hedychrum lucidulum, Hoopyga ovata et Chrysis ignita.
La durée ordinaire de la vie de ces Hyménoptères est d'un an. Leurs
œufs sont ellipsoïdaux et pâles, leurs larves apodes et subvermiformes,
leurs nymphes tantôt nues, tantôt en cocons.
Dahlbom, d'après les caractères des pièces buccales, la forme du der-
nier segment dorsal apparent de l'abdomen et les ongles des tarses, a
divisé les Chrysidiens en six familles, dont les types sont les genres :
Cleptes, Elampus, Hedychrum, Chrysis, Euchrœus et Parnopes. G. Dahl-
bom groupe circulairement tous les Chrysidiens autour du genre
Chrysis placé au centre. Il remarque que le genre Parnopes établit une
transition aux Apiens ou genre Apis de Linnœus, et le genre Omnlus
aux Chalcidiens ou genre Chalcis, Fabr.
€ai'actèi'c«« généraux. — Corps de taille médiocre, petite ou très-petite,
ovalaire oblong ou arrondi, glabre ou pubescent, ponctué, le plus
souvent voûté en dessous en demi-cylindre ou presque en demi- sphère,
parfois subcylindrique en dessous (Cleptes). Tête arrondie et subtrian-
gulaire, de la largeur du thorax ou plus large, avec le chaperon trans-
verse et court, le front et le vertex déprimés-convexes. Antennes géni-
culées et filiformes, rapprochées à leur insertion, qui se fait presque à
l'ouverture de la bouche ; sur les sujets secs, souvent courbées et plus ou
moins enroulées. Trois ocelles en triangle sur le vertex ou en hgne
courbe; yeux latéraux, très-entiers, ovales et plus ou moins saillants.
Labre petit, tantôt subsemilunaire, tantôt linéaire et obtus, le plus sou-
vent caché et plus ou moins cilié, à bord sous-apical-, mandibules le plus
souvent trigones, incisées au bout, tantôt à deux ou trois crans, tantôt
h HYMÉNOPTÈRES.
deiiliculées; mavilles ordinairement cornées et peu prolongées; lèvre
le plus souvent membraneuse, petite et conique, portée sur un menton
subcylindrique souvent rétréci à la base. Dans le genre Parnopes, mâ-
choires et lèvre très-allongées et avancées en rostre grêle et filiforme,
bifide au bout de la lèvre, ressemblant à la trompe des Apiens et réflé-
chie au repos sous la poitrine; palpes grêles, les maxillaires de la plu-
part de cinq articles et plus longs que les labiaux, qui en ont deux ou
trois ; dans les Parnopes les palpes des deux sortes sont biarticulés et
très-petits, comme de courtes soies rigides. Thorax subcylindrique,
plus ou moins convexe, tronqué en arrière; écusson et postécusson
tantôt mutiques et convexes, tantôt coniques, tantôt mucronés; méta-
notum diversement rugueux, ayant l'angle latéral postérieur prolongé
de chaque côté en dent ou en éperon. Ailes à peu de nervures et sur-
tout de cellules, les antérieures n'ayant d'ordinaire que trois cellules
complètes, la costale, une cubitale, une discoïdale; lacellule radiale le plus
souvent ouverte au sommet et très-rarement fermée, les autres cellules
discoïdales et cubitales oblitérées ; les ailes inférieures n'ayant qu'une
seule cellule costale étroite et obsolète et très-peu de nervures. Pattes
propres à la course et de longueur médiocre, les jambes tantôt mutiques,
tantôt munies de soies ou d'épines, les antérieures avec un calcar
unique, les postérieures avec deux; tarses à articles subfiliformes et
munis d'ongles très-caractéristiques, mutiques en dessous, ou unidentés,
ou serrulés ou pectines. Abdomen d'aspect subsessile, à très-court pé-
dicule, ovale, arrondi, ou subcarré, ou subhémisphérique, convexe en
dessus, plan et bordé en dessous et paraissant concave et voûté après la
mort par la dessiccation des viscères, convexe dessus et dessous chez les
Cleptes; segments apparents le plus souvent au nombre de 3, parfois /i ou 5,
d'autant plus développés, surtout le second, qu'ils sont moinsnombreux.
Le troisième segment, qui est d'ordinaire le dernier segment dorsal
apparent, est le plus souvent très-caractéristique par son bord apical,
tantôt entier {Hedychnmi) , tantôt légèrement excisé en son milieu
(Elampus), très-souvent découpé en arrière en plusieurs dentelures
(Chi-ysis, Pyria, Stilbum). On remarque parfois en outre, au bout de ce
troisième segment, un bourrelet très-saillant {Stilbum) et suivi d'une
rangée de très-gros points, simulant un quatrième anneau.
La bibliographie des Chrysidiens est peu nombreuse. On consultera :
G. Dahlbom, Monoymphia Chrysididarum Sueciœ, 1829. — W. E. Shuc-
kard, Description of the Gênera and Species of ihe British Chrysididce
{Entom. Magaz., 1837, IV, p. 156-177). — Wesmael, Notice sur les Chry-
sides de Belgique {Bulletin /icad. royale des sciences et belles-lettres de
Bruxelles, 1839, VI, l-^^ partie, p. 167 cà 177). — Arnold Fôrster, Eine
Centurie neuer Hymenopteren ( Verhandlungen des naturhistorischen Vereines
der preussischen Bheinlande und Westfalens, Bonn, 1853, t. X, b. Neue
Arten aus der Familie der Chrysiden (genres Chrysi's et Hedychrum,
nombreuses espèces nouvelles), p. 304 et suiv. — Fr. Smith, A Bevision
CLEPTES. 5
of the Hymenopterous gênera Ci.eptes, Parnopes, Anthracias, Pyria and
Stii.bum, loith Descriptiom of neiv species of two gênera, and aho of new
species of the genus Chrysis from North China and Australia (Trans. Soc.
Entomol. of London, 187Zi, XIII).— G. Dahlbom, Hymenoptera europœa,
prœcipue borealia, Berlin, 185Z|, t. II. Ce volume traite des Chrysides
de tous pays, européennes et exotiques, contrairement au plan général
de l'ouvrage ; c'est une monographie complète des chrysidiens ou du
genre Chrysis de Linnoeus, accompagnée de bonnes figures sur cuivre
et sur bois. — Fr. Chevrier, Description des Chrysides du bassin du Léman,
in-8", Genève, 1862.
Nous citerons aussi un catalogue utile pour tous les Hyménop-
tères : L. Kirchner, Catalogus Hymenopterorum Eiiropœ, Vienne, 1867,
et 0. Radoszkovsky, Énumération des Chrysides de Russie (Horœ Soc. ento-
molog. Rossicœ, Saint-Pétersbourg, t. III, 1865-1866, p. 295 à 310).
GENRES PRINCIPAUX.
CI.KPTES, Fabr. — Corps oblong. Antennes insérées tout près du bord extrême
de la bouche. Mandibules très-fortes, tridentées ù leur sommet. Prolhorax en
cou allonge, plus étroit que la tête et le niésothorax; poslécuison en gros
point convexe. Ailes avec une cubitale large et courte et une discoïdale très-
petite. Pattes à cuisses renflées et un peu comprimées; crochets des tarses
avec une dent en leur milieu. Abdomen en forme de toupie, de 4 segments
apparents chez les femelles, 5 chez les mâles.
Les espèces du genre Cleptes sont rares, et les mâles d'autre colora-
tion que les femelles. Nous citerons C. nitidulus, Fabr. (pi. lxxvi, fig. 11,
femelle), ayant la tète et les antennes noires ; le protliorax d'un brun
jaunâtre assez clair, le mésothorax d'un noir brillant, le métathorax,
avec l'écusson et le postécusson, d'un bleu plus ou moins verdàtre ;
les ailes enfumées, avec des écailles brunes ; les cuisses noires, les
jambes elles tarses fauves; l'abdomen avec les trois premiers segments
fauves, le quatrième noir ; l'oviscapte plus court que l'abdomen. Le
mâle a la tête, le thorax et ses côtés entièrement bleus, souvent tour-
nant au violacé, rarement au vert, les écailles bleues ou verdûtres, les
cuisses bleuâtres ou verdàtres, l'abdomen fauve, avec le segment à
bleu en partie, et le segment 5, qui est petit, bleu ou noirâtre. Le
C semi-auratus, Fabr. a le mâle très-semblable à celui de l'espèce pré-
cédente et souvent confondu avec lui; la femelle avec la tète d'un vert
doré, les antennes en partie cuivrées et fauves, le prothorax et le méso-
thorax très-cuivrés, comme la tète, le métathorax bleu, le reste de
l'insecte comme la femelle précédente. Ces deux Cleptes, de France,
de Belgique, de Suisse, des îles Britanniques, se montrent ça et là,
principalement autour des habitations, et se trouvent parfois en abon-
6 HYMÉNOPTÈRES.
dance dans les jardins plantés en Groseilliers épineux, car leurs larves
vivent aux dépens de celles des Némates, qui dévorent les feuilles de
ces arbrisseaux. Il y a quelques autres Cleptes d'Europe et un du
Brésil.
HEDYCmirM, Latr. — Corps plus court, plus large et plus aplati que chez les
CA?";/.sis. Mandibules larges, avec le sommet bidenté, de sorte qu'elles semblent
tridentées au côté interne. Palpes maxillaires beaucoup plus longs que les
labiaux. Angles externes du métathorax très-aigus; écusson sans prolonge-
ment. Atrophie presque complète des nervures de la seconde moitié des ailes
antérieures. Crochets des tarses bifides à leur sommet; parfois l'une des divi-
sions plus forte que l'autre et légèrement dentelée (H. ardens et roseum).
Abdomen large, subhémisphérique, de trois segments apparents, le bout du
troisième arrondi et sans dentelures.
Les Hédychres comptent vingt-cinq espèces en Europe, dont une
douzaine en France, et des espèces exotiques, d'Algérie, du Brésil,
d'Asie Mineure, du Chili, du Cap: Les différences sexuelles sont peu
saillantes ; l'oviscapte des femelles, bien que très-extensible chez les
insectes vivants, est à peine' visible après la mort. Une des espèces des
environs de Paris, de Belgique, de Suisse et très-répandue en Europe,
est 17/. lucidulum, Fabr. (syn. regium, Fabr., pour le mâle), de 6 à
8 millim., à larve dévorant les larves des Osmies et de Chalicodomn
muraria. La tête est bleue ou verdàtre, ainsi que les antennes ; le pro-
thorax et le mésothorax d'un doré cuivré, pur et brillant, l'écusson,
le postécusson et le métathorax bleus ou verdàtres ; les ailes enfumées ;
les pattes d'un bleu verdàtre, à tarses bruns; l'abdomen d'un doré
cuivré, finement ponctué. Il y a des sujets de beaucoup plus grande
taille, où le bleu domine, sans mélange de vert. Se trouve surtout sur
les fleurs des Ombellifères. Cette espèce est aussi de toute l'Algérie,
au printemps et dans une grande partie de l'été. Une petite espèce,
de ^ à 6 millim., de France, de Belgique, de Suisse, est VH. ardens,
Latr. (fig. 10, pi. lxxvi, sa mandibule), espèce en entier d'un vert doré
brillant. D'après Chevrier, cette espèce n'est autre que H. minutum ,
L. S'-F., parasite du Tachytes unicolor. Citons encore, de France et de
Suisse, H. cœrulescens, L. S'-F., en entier d'un bleu verdàtre et violacé,
sans reflet doré ou pourpré, et H. roseum, Rossi, de France, de Belgique,
de Suisse, d'Allemagne, d'Italie, qu'on reconnaît immédiatement à son
abdomen d'un rouge de brique, rarement un peu rosé.
CBRYSIl^, Linn. — Mandibules variables, soit munies d'une dent au côté
interne, soit simples. Palpes maxillaires de cinq articles, labiaux de trois ;
trompe rarement visible. Angles externes du métathorax précédés souvent
d'une fissure transverse. Réseau de l'aile nettement dessiné ; la radiale géné-
ralement fermée, la cubitale peu allongée, non fermée, la discoïdale se ter-
CHRYSIS. 7
minant en pointe. Crocliets des tarses simples. Abdomen subcylindroïde, à
ventre plus ou moins concave, formé de trois segments apparents, le troisième
A sommet très-variable, soit entier, soit sinué, soit angulé, soit muni d'un
nombre variable de dents.
Les Chrysis forment de beaucoup le genre le plus nombreux en
espèces des Chrysidiens. Les mâles ressemblent tout à fait aux femelles:
on reconnaît celles-ci à l'oviscapte, toujours un peu visible. Il y a près
de cent espèces en Europe, dont plus de cinquante en France. D'autres
sont d'Egypte, d'Asie Mineure, d'Algérie et du Maroc, de Guinée, d'Afrique
australe et du Cap, des Indes orientales, de Java, de Madagascar, des
États-Unis, de la Havane, de la Guyane, du Brésil, du Chili. Une des
espèces les plus communes dans toute l'Europe est C. ignita, Linn.,
de 7 à 12 millim. (pi. lxxvi, 9 a, antenne; 9 6, mandibule; 9 c, lèvre
inférieure et palpes). La tête est bleue, avec la face verdâtre, le thorax
bleu et souvent nuancé de vert doré, avec le prothorax portant une
tache centrale ronde et deux taches triangulaires d'un bleu foncée les
écailles bleues ou d'un vert doré ; les ailes médiocrement enfumées ;
les pattes verdàtres, plus rarement bleuâtres; l'abdomen d'un doré
cuivreux, avec le troisième segment muni de quatre dents. Cette Chry-
sis est un pseudo-parasite carnassier des larves des Odynères et des
Osmies. 11 y a çà et là, comme l'avait déjà reconnu Linnaîus, de très-
grands sujets, dépassant en dimensions l'Abeille domestique. On ren-
contre C. ignita très-abondamment partout sur les palissades, les
murs, les feuilles et les fleurs, les troncs exposés au soleil, dans toute
l'Europe et l'Asie Mineure, jusqu'au fond de laLaponie et du Finmark:
ainsi à Alten, près du cap Nord. Latreille dit avoir vu souvent la
femelle guettant la sortie du Philanthe apivore hors de son terrier
pour s'y introduire et poursuivre fréquemment la femelle de celui-ci.
Walckenaer l'a vue entrer dans le trou du Cerceris ornata et lui
jeter du sable, probablement pour l'étourdir. Elle s'introduit surtout
dans les nids des Osmies et des Odynères, c'est-à-dire indifférem-
ment chez des Apiens et chez des Fouisseurs. Nous citerons encore
C. hidentata, Linn., espèce commune en France, en Angleterre, en
Belgique, en Suisse, se prenant surtout dans les clairières, de 9 à
11 millim., très-reconnaissable par l'abdomen, dont les deux premiers
segments sont d'un doré cuivreux, et le troisième bleu en totalité, et
C. cyanea, Linn., des mêmes pays, dont tout l'abdomen est d'un bleu
verdâtre, aussi prononcé que celui de la tête et du thorax. C. bidentata
a, comme C. ignita, le dernier segment apparent quadridenté, et il est
tridenté chez C. cyanea.
Le genre Parnopes, Fabr., a quatre segments apparents à l'abdomen
du mâle et trois seulement chez la femelle, à cela près du même aspect.
On reconnaît tout de suite ce genre à son labre très-apparent et surtout
à une trompe arquée, noirâtre, subcornée, au moins aussi longue que
8 HYMÉNOPTÈRES.
la moitié du corps. Les tarses, très-épineux dans les deux sexes, ont les
crochets simples et sans pelote. Il y a dans l'Europe méridionale une
belle et rare espèce, le P. corne?<s, Rossi, de 10 à 12 millim., à tète et
corselet verts et chagrinés, à mandibules d'un brun rouge, les ailes
hyalines à nervures noires, les cuisses vertes avec le reste des pattes
d'un testacé rougeâtre, l'abdomen avecle premier segment vert comme le
thoraxet les autres d'une couleur de chair rougeâtre. C'est dans les terrains
sablonneux qu'il faut chercher cet insecte, car la larve vit en pseudo-
parasite dans les nids du Bembexrosti-atus, Fabr., et l'on peut le rencontrer
partout où vit ce Crabronien, ainsi aux environs de Paris. Il y a trois
autres espèces de Parnopes d'Egypte.
Byménoptères à abdomen pédicule entoniopbagcs.
Les Hyménoptères des tribus qui vont suivre : Ichneumoniens, Dra-
coniens, Évaniens, Chalcidiens et Proctotrupiens, sont compris sous la
dénomination générale .d'Entomophages ou Entomospheces. Ce sont, pour
l'agriculture, et de beaucoup, les plus utiles de tous les auxiliaires
zoologiques. Tous, en efifet, pondent leurs œufs, au moyen de la tarière,
dans le corps même des larves des Insectes, rarement à sa surface
{Ophion, etc.). Les larves nées de ces œufs vivent des tissus mêmes de
leurs victimes, se nourrissant d'abord du réseau graisseux et n'attaquant
qu'en dernier lieu les organes vitaux essentiels. La larve ne parvient
dès lors au plus qu'à' l'état de nymphe, et l'insecte qui est le siège de ce
pseudo-parasitisme interne se trouve par cela même condamné à mort
et arrêté dans tout le développement futur de son espèce. Si nous ne
rangeons pas les Chrysidiens dans ce groupe, bien que leur rôle harmo-
nique soit analogue, c'est que leurs œufs, d'après ce qu'on sait de leurs
mœurs, ne paraissent pas toujours déposés à l'intérieur même du corps
des larves qui habitent les nids où les femelles viennent pondre. Ils
peuvent être placés dans la pâtée mielleuse des Apiens et des larves qui
en sortent, ne pas dévorer nécessairement toutes les larves du nidifiant,
ou bien, chez les Euméniens et les Fouisseurs, les larves des Chrysi-
diens ne font peut-être leur proie que des insectes anesthésiés mis en
réserve, ce qui permet la vie, ou de toutes les larves du Fouisseur, ou
d'un certain nombre.
Tribu des iCHMEllilOMlEiVS.
Les Ichneumoniens comprennent les plus grandes espèces des Hymé-
noptères entomophages, celles par conséquent sur lesquelles notre
attention se porte le plus. Ce sont des insectes agiles et défiants, très-
ICHNEUMONIENS. 9
prompts à s'envoler ou à fuir à la course quand on veut les saisir.
Réaumur appelait les Iclineumoniensil/ouc/jw vibrantes, parce que, chez
presque tous, les antennes, organes d'odorat et d'audition, sont dans
un mouvement de vibration presque continuel, indice d'insectes en
quête d'une proie vivante; cependant chez les Ophionides les antennes
restent dans le calme. Certains Ichneumoniens ont été nommés Mouches
à trois soies {Muscœ tripiles), à cause de la forme de leur tariôre, quand
elle est très-saillante et très-longue, parfois plus longue que le corps
{Ephialtes, Rhyssa, certains M esos tenus); on voit alors un filet central
ou tube propre de la tarière, d'où s'écartent latéralement deux filets
aussi longs, qui sont des valves. Ce caractère n'a rien de général et
disparaît si la tarière devient trop courte. Elle ne dépasse pas la lon-
gueur du corps dans les Cryptus, et elle est souvent plus courte {Pimpla,
et surtout IcktieMmon, Anomalon, etc.). Elle peut même devenir par sa
brièveté à peine visible au dehors (la plupart des genres des Ophionides),
et même paraître manquer {Peltastes, llliger, ou Metopius, Panzer). Le
nom des Ichneumoniens vient de celui de ce carnassier viverrien, la
Mangouste ou Ichneumon, qui, au dire des anciens Égyptiens, s'in-
troduisait dans le corps des Crocodiles pour le ronger et les mettre
à mort.
Les Ichneumoniens à l'état parfait volent entre les herbes, les ronces,
les feuillages, sur les haies et les lisières des bois, au-dessus des mousses
et des plantes basses ; courent sur les talus, les palissades, les murs et
même parfois dans les maisons. On les rencontre partout, en un mot, où
ils peuvent trouver des chenilles, qui sont la principale nourriture de
leurs larves. Ils aiment tous à fréquenter les (leurs en ombelles et à y
séjourner. Il paraît probable qu'ils sucent du nectar pour se nourrir;
cependant Gravenhorst n'ose l'affirmer complètement. Les femelles qui
n'ont qu'une courte tarière de ponte se rencontrent principalement sur
les feuillages, car elles cherchent des larves qui vivent à découvert; au
contraire, celles qui portent une tarière longue ou très-longue se voient
sur les murs, les palissades, les bois coupés et surtout les troncs d'arbres,
ou volent autour. Jamais les femelles à tarière démesurée ne fréquentent
les feuilles où les fleurs, mais toujours lestiges et les grosses branches,
où leur instinct leur apprend que peuvent exister des larves parfois
profondément cachées, dans les troncs, sous les écorces, dans des galles,
dans des branches sèches ou les vieux bois perforés par des Coléoptères
ou des Hyménoptères nidifiants. Quand une femelle a découvert une
galerie, une fente, une galle, un nid, en un mot toute cavité où peuvent
vivre des larves, elle s'accroche par les pattes antérieures au-dessus
du tronc, soulève son corps et dresse son abdomen perpendicu-
lairement, en môme temps qu'elle insinue dans la cavité la tarière
qu'elle tenait repliée sous son ventre. Le bout de la tarière perce le
corps de la larve et y dépose l'œuf assez profondément pour qu'il ne
reste pas dans la vieille peau, si la larve vient à muer. Qu'on sur-
10 HYMÉNOPTÈRES.
prenne dans cette opération une femelle à'Ephialtes ou de Rhyssa, elle
a perdu toute crainte, se laisse toucher et déplacer avec les doigts, et
mOme tuer sur place plutôt que de s'envoler. Dans le genre Ophion et
genres annexes, la ponte est différente. Par un mécanisme analogue à
celui des Chrysopes, la femelle pond sur la surface du corps d'une che-
nille un œuf en forme de fève, entouré d'une sorte de glu, qui s'étire
en pétiole bientôt solidifié à l'air par relèvement de l'abdomen de l'in-
secte. Les larves écloses n'entrent pas en entier dans le corps de la che-
nille, mais se recourbent, leur région anale demeurant toujours
engagée dans la coque de l'œuf portée sur son pédicule, tandis que
leur bouche ronge continuellement le corps de la victime, jusqu'à l'en-
tier développement de la larve. Quelquefois le pédicule de l'œuf est
coudé (cerlains Tryphon). Gravenhorst a vu que la femelle meurt quel-
quefois dans la ponte et que des œufs restent fixés sur l'abdomen de la
mère parleurs pédicules, et les petites larves écloses et sans nourriture
s'entre-dévorent. Hartiga vu de ces œufs pédicules passant par la tarière
mOme. D'après Bruand d'Uzelle, les femelles d'Ichneumoniens non
fécondées déposent parfois des œufs dans les chenilles, et celles-ci, bien
que piquées, arrivent néanmoins sans difficulté à l'adulte, vu la non-
éclosion de ces œufs stériles.
Uuand on saisit les Ichneumoniens, ils ne cherchent jamais à mordre ;
les femelles recourbent aussitôt l'abdomen en dessous, ainsi que lors
de la ponte dans une larve, et la tarière sortie de ses valves se dresse
avec des convulsions accélérées, comme pour piquer les doigts, ce qu'elle
n'effectue que dans très-peu de genres, ainsi les Ophions. Quand elle
réussit à percer la peau, la douleur est vive, mais momentanée, car il
n'y a pas de venin versé dans la blessure.
On sait fort peu de chose sur l'accouplement des Ichneumoniens. Do
fieer dit avoir observé celui de VOphmi luteum. Le mâle, très-impé-
tueux et ardent, monte sur le dos de la femelle, qui reste toujours
immobile; puis il recourbe son abdomen sous l'extrémité do l'abdomen
de la femelle, et, pendant qu'il le fait mouvoir convulsivement et que
les ailes frémissent, introduit son pénis sous le sixième segment. La
copulation fut terminée au bout de cinq minutes. Gravenhorst n'a
jamais pu voir cet acte sur aucune espèce, ni même ses préludes, bien
qu'il eût mis tous ses soins pendant trente ans à la recherche de cette
observation, et vu peut-être vivants à l'état libre plus de cent mille
Ichneumoniens. Des entomologistes lui ont transrais dos notes qui
mentionnent des espèces surprises en accouplement, mais se taisent sur
le procédé.
Plusieurs Ichneumoniens exhalent, quand on les saisit, des odeurs
variées. Parfois ce sont des odeurs d'acide acétique ou formique, ainsi
chez le Pimpla instigator, un des grands destructeurs des chenilles
processionnaires du Chêne; quelquefois, au contraire, ce sont des
odeurs de Rose ou de Jacinthe.
ICHNEUMONIENS. Il
Le plus ordinairement les œufs déposés à l'intérieur du corps des
larves donnent naissance à des larves apodes et qui ne font pas d'excré-
ments. Elles sont molles, charnues, à peu près cylindriques, avec les
deux extrémités plus étroites, et portent sur les côtés des tubercules
charnus. Leurs deuv extrémités se courbent en général sous le corps.
Elles ont des ocelles rudimentaires, deux petits crochets ou mandibules,
lui labre charnu, et au-dessous une pièce charnue et trilobée, repré-
sentant les mâchoires et la languette. Une filière peu visible leur sert
à se filer un cocon de soie où elles doivent subir la nymphose, il a l'as-
pect d'un œuf, tantôt de couleur uniforme, blanche ou jaunâtre, tantôt
orné de bandes brunes, ce qui est probablement dû à l'usage alternatif
de glandes distinctes. La nymphe ressemble beaucoup à l'adulte, dont
elle a déjà en partie les couleurs ; les pattes, les antennes et les ailes sont
appliquées contre le corps. De Geer a remarqué que la tarière remonte
chez la nymphe sur le dos de l'abdomen, dans les espèces à longue
tarière, par une disposition transitoire, qui restera permanente chez
quelques espèces de Chalcidiens (genre Leucospis).
Tantôt les larves quittent la peau émaciée et vidée de la chenille et se
transforment au dehors ; tantôt elles subissent leurs métamorphoses
sous cette enveloppe même. Enfin, souvent elles permettent la nym-
phose de leur victime et sortent adultes de la nymphe dans laquelle
elles sont devenues nymphes à leur tour. En général, les Ichneumons
sortent des chrysalides à l'époque de l'apparition normale de l'insecte
parfait, ou môme plus tôt; Pierret a vu une fois l'inverse se pro-
duire, et un Ichneumon sortir au printemps d'une chrysalide d'Epi-
soma chrysocephalum, qui aurait dû se transformer l'automne pré-
cédent.
On voit surgir de la chrysalide un Ichneumonien au. lieu du papillon
qu'on attendait, ou un grand nombre poiir les petites espèces (ce qui
arrive surtout pour la tribu suivante des Braconiens). Aussi les anciens
auteurs, tels que Goedart, qui observèrent les premiers ces faits, croyaient
à une métempsychose ou à une métamorphose dans le sens des fables
antiques.
Si les Fouisseurs apportaient à côté de leur progéniture des proies
anesthésiées et déposées avant l'éclosion des œufs, les Ichneumoniens
assurent encore bien mieux la nutrition de leurs petits en les introdui-
sant dans le corps vivant même qu'elles doivent dévorer. Un rôle har-
monique considérable est dévolu à ces chétifs insectes : les carnassiers,
augmentant progressivement en nombre, anéantissent presque tous les
phytophages ; puis les carnassiers meurent de faim et les autres repren-
nent peu à peu la prédominance, et par suite les dévastations agricoles
recommencent. Ily alà un balancement continuel. Les Ichneumoniens
et autres tribus entomophages sont la cause très-prédominante de la
disparition, parfois pour longtemps, des insectes nuisibles, ainsi qu'on
le constate souvent pour la Pyrale de la Vigne; les intempéries et les
12 HYMÉNOPTÈRES.
Oiseaux insectivores n'ont qu'une action secondaire en présence du
rôle capital des insectes entomophages internes.
Ce sont principalement les chenilles qui sont attaquées par les Ichneu-
moniens et aussi par les Braconiens; beaucoup de larves d'autres ordres
que celui des Lépidoptères sont aussi leurs victimes, surtout celles des
Diptères et des Hyménoptères, et les proies des Ichneumoniens ont
encore plus de généralité. De petites espèces de Cryptiis et d'Hemiteles
viennent dans nos maisons, voltigeant souvent sur les fenêtres et les
rideaux, et pondent dans le corps des larves de Ptines, d'Anobies,
de Dermestiens, de Teignes, diminuant ainsi la multiplication des cnne-
mis des bois de service, de nos provisions, de nos vêtements. Des larves
de Coléoptères, ainsi de Coccinelles, sont également leur proie.
Celles des Névroptères peuvent nourrir des Ichneumoniens. Ainsi un
Cryptiis ne craint pas de percer de sa tarière, au fond de son entonnoir
de sable, la redoutable larve du Fourmilion (1); celles des Aschnes et
des Chrysopes ne sont pas à l'abri de leurs atteintes, et un Acœnites a
été signalé sortant du cocon de Chrysopa vulgaris. Des nymphes peuvent
être victimes des Ichneumoniens, car on a vu un Cryptus pondre dans
des chrysalides de Papillons. Très-rarement, il est vrai, des insectes
adultes sont percés par la tarière de ponte, ainsi des Charansons,
entre l'abdomen et le bout des élytres. Des Articulés autres que les
Insectes nourrissent dans leur intérieur des larves d'Ichneumoniens.
On a vu des larves sortir du ventre des grosses Araignées de jardin, les
Épeires, et se filer un cocon au centre de la toile de l'Araignée. Des
Ichneumoniens des genres Ichneumon, Pimpla, Hemiteles, pondent dans
les cocons à œufs des Araignées, et ces œufs sont mangés par les larves,
qui deviennent nymphes dans le cocon soyeux lui-même, de sorte qu'on
en voit sortir des Ichneumoniens ailés au lieu des petites Araignées. 11
y a des genres ou des espèces d'Ichneumoniens qui s'adressent toujours
à la même espèce de victimes, semblant prédestinés à limiter la mul-
tiplication d'une espèce particulière ; il y en a beaucoup, au contraire,
qui attaquent indifféremment des victimes très-diverses, préoccupés
uniquement de chercher de la chair fraîche pour leur progéniture.
Caractères généraux. —Antennes sétacées ou filiformes en général,
non coudées, rappr ochées à l'inaction, souvent enroulées sur le sec,
offrant, après le scape, qui varie dans sa forme et ses échancrures, deux
articles rudimentaires, puis un fouet multiarticulé, de sorte que le
nombre total d'articles varie de 18 à 60 (Gravenhorst), parfois élargies
et comprimées au milieu de leur longueur [Euceros, Grav.), rarement
dentées (mâles de quelques Ichneumon, Cryptus et genres voisins), plus
(1) ^oudier. Observations surdiverspai^asites {Ann. Soc. entom. France, ISZd,
t. III, p. 327). Cette note traite des Entomophages attaquant la larve du Four-
milion et divers Charansons adultes.
ICHNEUMONIElNS. 13
grosses vers le bout chez beaucoup de Cryplus et dans les Joppa, en
massue dans le genre Heiwigia, Grav., nues ou pubescenles, rarement
à poils hérissés, plus courtes que le corps chez la plupart des Ichneu-
moniens, de sa longueur chez quelqnes-uns, très-rarement plus longues.
Tète peu proéminente, orbiculaire ou subovale en avant, le plus sou-
vent un peu rétrécie vers le cou et à peu près de la largeur du thorax ;
l'occiput plus ou moins émarginé à son application au thorax ; le Iront
armé quelquefois d'une ou très-rarement de deux petites cornes ou
saillies entre les antcimes; la face plane, parfois subconcave (Metopius),
parfois tuberculée (Eœochus). Veux latéraux, plus ou moins proéminents,
ovales ou suborbiculaires, parfois subréniformes par leur bord interne
échancré contre les antennes {Hebvigia); trois ocelles en triangle entre
le vertex et le front, d'un hyalin brillant. Labre le plus souvent caché
par le chaperon, parfois saillant {Labrum, genre voisin des Tryphon).
Mandibules généralement épaisses et bidentées, élargies, surtout chez
les Ophion et Thyreodon. Palpes maxillaires de 5 articles, très-rarement
de h ; lèvre inférieure petite et cachée, avec palpes plus courts que les
maxillaires, de Ix articles, très-rarement de 3, cette lèvre formant très-
rarement avec les mâchoires un prolongement en forme de bec {Ospryn-
chotm). Thorax de longueur variant du double au quadruple de la lar-
geur, rarement subcylindrique, souvent plus ou moins gibbeux, par-
fois subglobuleux, avec prothorax très-court, débordé en partie par le
mésothorax, qui offre postérieurement une suture profonde derrière
l'écusson, et mélathoraxplus ou moins rugueux, ponctué, rayé de lignes,
ayant parfois sur sa face postérieure déclive deux ou même quatre
tubercules obtus ou mucronés; écusson souvent subtriangulaire ou
suborbiculaire, parfois tubercule {Trogus) ou avec un éperon dressé
(Banchus), rarement Iransverse quadrangulaire, avec les angles apicaux
allonges en pointe (Metopius), disparaissant peu à peu proportionnelle-
ment au degré d'atrophie des ailes dans les Pezomuclitis. Ailes bien ner-
vulées, les antérieures avec un stigma distinct, grand ou petit, trois
cellules humérales allongées, partant de la base de l'aile, deux ou trois
cubitales, deux discoïdales au-dessous des cubitales et deux cellules
postérieures au-dessous des discoïdales; cellule discoïdale externe
toujours fermée, et par suite deux nervures récurrentes, tandis que chez
les Draconiens il n'y a qu'une nervure récurrente, la seconde ou l'ex-
terne manquant, car la cellule discoïdale extérieure est toujours
ouverte; seconde cubitale très-réduite et de forme variable, dite
l'aréole, de caractéristique médiocre, car elle peut manquer et est aussi
parfois très-petite chez certains Draconiens. Ailes inférieures à sept
cellules, trois internes, nées de la racine de l'aile, quatre externes,
situées au bord postérieur. Pattes toutes propres à la marche, les anté-
rieures les plus courtes, les postérieures les plus longues, tantôt longues
et grêles, tantôt courtes et robustes, les postérieures parfois très-renflées,
hanches parfois armées d'un fort calcar, les médianes ayant un tubercule
14 HYMÉNOPTÈKES.
latéral aigu chez certains Ephialtes; cuisses grêles ou épaisses, surtout
les postérieures, parfois eu massue (Exochus), très-rarement armées
d'une épine ou d'une forte dent au bord inférieur {Odontomerus); jambes
droites et allongées, les antérieures avec une épine apicale recourbée,
les médianes avec deux épines droites et rarement une seule, les pos-
térieures avec deux épines droites, ces jambes parfois plus ou moins
courbées (certains Rhyssa) ; tarses filiformes et grêles, de cinq articles,
le premier le plus long, les autres de longueur décroissante, le dernier
avec deux angles aigus recourbés, ayant entre eux une courte pelote
obtuse, ces ongles ayant en dessous, dans les Ophions, des peignes
très-fins, visibles à une bonne loupe. Abdomen variant de forme et
de dimensions, cylindroïde chez la plupart, ou allongé ovale (Ichneu-
mun, Cryptiis), ou fusiforme, ou plus ou moins comprimé {Ophion),
avec le bout le plus souvent tronqué ; chez d'autres, subconique ou gra-
duellement rétréci vers le bout, ou déprimé {Pimpla), et chez un petit
nombre linéaire ou déprimé-orbiculaire; segments au nombre de
7 ou 8, les 7 premiers stigmatifères, le dernier plus ou moins caché,
souvent tout à fait obsolète, le premier ayant de chaque cùté un petit
tubercule plus ou moins distinct, tantôt subsessile ou paraissant immé-
diatement adhérer au métatliorax par la brièveté du pédicule, tantôt
subpcliolé, tantôt enfin avec un pétiole étroit, linéaire ou filiforme, soit
droit, soit arqué et descendant vers la partie inférieure du métathorax,
auquel il s'insère, ce premier segment et parfois le second rugueux,
avec des points, des cicatrices et deux ou quatre lignes longitudinales ;
segments 2, 3, h avec une impression de deux lignes dorsales obliques
dans les Ghjptus et d'une ligne transversale chez certains Banchua,
presque tous les segments dans plusieurs genres de Pimples plus ou
moins incisés transversalement ou subtuberculés.
Les couleurs des Ichneumoniens offrent certaines règles de distribu-
tion. Chez la plupart des Cryptas et genres voisins, chez certains Ichneu-
mon et beaucoup de Joppa, un large anneau blanc ou d'un blanc jau-
nàtreexiste versle milieu de l'antenne, parfois incomplet ou interrompu
à la face inférieure de l'anlenne, surtout chez les femelles et non chez
les mâles (beaucoup de Cryptiis et d'Ichneumon), ou à l'inverse, parfois
même, selon xM. Westwood, devenant individuel dans les femelles, man-
quant ou apparent chez la même espèce, selon les sujets. Le corps est le
plus souvent nu et brillant, parfois couvert de poils hérissés ou subsoyeux
par des poils couchés, surtout pour la tête et le thorax, rarement ru-
gueux ou couvert de points profondément imprimés (Metopins) ou çà et là
aciculés (plusieurs Bossus). Beaucoup d'espèces sont colorées de roux et de
noir, souvent plus ou moins peintes de blanc, parfois entièrement rousses
ou entièrement noires. La tête est unicolore ou bicolore, rarement de
trois couleurs, avec la face plus ou moins peinte de blanc. Le thorax est
parfois lavé d'une couleur rousse ou peint de jaune clair, le plus souvent
marqué d'un ou deux pohifs blancs à la racine des ailes; l'écusson blanc
ICHNCUMONIENS. 15
chez beaucoup d'espèces ; les pattes d'une, deux ou trois couleurs, jamais
eutiôremeut noires, avecles cuisses antérieures toujours plus pâles en
dessous.
Les caractères sexuels externes des Ichneumoniens sont souvent dou-
teux dans les espèces où la tarière de ponte des femelles est entièrement
cachée. Les mâles ont parfois des peintures plus élégantes de la tête, du
thorax et des pattes, peuvent manquer de l'anneau blanc antennairc,
avoir l'abdomen plus grêle que les femelles (la plupart des Cryptus et
Pimpla), ou les antennes plus épaisses (plusieurs Cryptus), ou. au con-
traire plus grêles dans certains Ichneumon. Quand la tarière sort natu-
rellement au bout de l'abdomen des femelles, la distinction devient au
contraire certaine. Si la tarière de ponte est longue, elle est d'ordinaire
portée droite au repos dans la direction du corps; quand elle est courte
ou à peine saillante, elle est souvent dressée plus ou moins obliquement-
Cette tarière semble au premier abord formée de trois pièces : les deux
latérales sont les valves ou organes protecteurs de la tarière proprement
dite au repos et la recouvrent d'habitude ; ce sont des demi-cylindres
iluiitla convexité est tournéeau dehors, et qui forment en se réunissant
sur la ligne moyenne un étui logeant la tarière. Ces valves, lors du vol,
dans les très-longues tarières, s'écartant en divergeant du tube central ;
celui-ci ou tarière propre, homologue de l'aiguillon, offre lui-même trois
pièces, un tube externe ou cylindre incomplet (gorgeret) recevant dans
une cannelure de sa face inférieure deux . soies roides (spicules de
M. Westwood), dentées à l'extrémité et qui sont des instruments de perfo-
ration. Ces spicules et le tube incomplet qui les loge forment en se réu-
nissant un cylindre incomplet par oii passent les œufs. La tarière est donc
destinée cà leur créer un passage, les spicules agissant comme les lames
d'une scie et le fourreau à la façon de la mèche d'un vilebrequin ou d'un
foret, c'est-à-dire des outils qui trouent le bois, la pierre ou le métal.
Quand une femelle d'Ichneumonien, a vu Réaumur, perce une branche
ou le mortier dur de quelque nid d'Abeille maçonne, les valves protectri-
ces n'entrent pas dans le travail, elles restent tantôt recourbées sous le
ventre, tantôt étendues en ligne droite. L'insecte exécute deux mouve-
ments : l'un de haut en bas, dans lequel les spicules dentelés scient; l'au-
tre de rotation, dans lequel leur fourreau troue. Dans les deux sexes, deux
petits appendices velus, d'une seule pièce, sont attachés à la plaque anale
ou arceau supérieur du huitième segment abdominal. Chez les mâles, la
tarière est remplacée par l'appareil d'accouplement, et l'on remarque
chez eux, surtout dans les Ophions et genres voisins, deux valves ordinaire-
ment triangulaires^ représentantl'arceau inférieur du huitième segment
Le système nerveux des Ichneumoniens présente trois ganglions tho-
raciques, dont le troisième oil're trois paires de noyaux, c'est-à-dire
résulte d'une fusion de trois ganghons de la larve ; la plupart ont six
ganglions abdominaux simples (Ed. Brandt).
Les Ichneumoniens ont longtemps été réunis à la tribu suivante,
16 HYMÉNOPTÈRES.
celle des Hraconiens, et Nées ab Esenbeck faisait de ces derniers ses
Ichneumonides adjoints (Nées ab Esenbeck et Gravenhorst, Conspectus
(jenérum et familiarum Ichneumonidum, inActa Acad. naturœ curiosorum,
t. iX, 1818). Plus tard Gravenhorst (1829) établit définitivement la sépa-
ration de ses Ichneumonides propres, qu'il divise en un grand nombre
de sous-famillcs. Brullé a réduit le nombre de celles-ci d'abord à quatre
{Hist. natur. des Hyménoptères, 18^6), d'après les caractères tirés de la
forme déprimée de l'abdomen, de la longueur du pédicule et de celle
de la tarière, en prenant comme types des familles les genres Pimpla,
Ophion, Crijptus et Ichnemnon^ avec des genres de passage, comme les
Banchus, Xorides, etc. 11 a abandonné ensuite ces caractères, et a pris
comme dominateur le caractère tiré de l'aréole ou petite cellule du
milieu de l'aile antérieure. Il établit d'abord deux séries parallèles prin-
cipales avec correspondance des genres, dans lesquelles existe l'aréole,
soit réellement, soit virtuellement, c'est-à-dire qui reparaît si l'on com-
plète par la pensée la nervure externe. Elles ont pour types les genres
Ichneumon et Cryptus d'une part, Pimpla, Tryphon et Ophion de l'autre,
et se rangent sur les côtés d'une série intermédiaire {Xylonomus, Xori-
des, Crypturus), où l'aréole manque typiquement, sans qu'on puisse la
rétablir, série centrale dont les autres forment comme les ailes. De
même les Hyménoptères [sont un centre de série entre les ordres masti-
cateurs et les ordres suceurs, car leurs organes buccaux sont intermé-
diaires entre ceux des deux autres séries. Des groupes anormaux sous
certains rapports servent de transition entre les deux séries principales,
et entre celles-ci et la série intermédiaire (1).
Aujourd'hui où l'emploi des séries parallèles n'est plus aussi en |fa-
veur qu'il y a une trentaine d'années, nous diviserons les Ichneumoniens,
d'après le Catalogue deM. Léop.Kirchner (1867), en cinq familles: Ichneu-
monides, Cryptides, Triphonides,Ophionides et Pimplides.
ICHNEUMONIDES
Tête transversc. Écusson plan ou convexe ; aréoles le plus ordinaire-
ment à cinq angles. Abdomen convexe et pétiole, à pétiole assez court ;
tarière cachée ou seulement un peu sortie.
IC'll\li:i.'MO\, Linn. — Tête courlc. Yeux convexes, proéminents, ovales, par-
fois subréniformes un peu en dedans. Antennes de longueur et d'épaisseur
médiocres, submoniliformes ou subsétacccs, ordinairement plus grêles et plus
droites dans les mâles que dans les femelles, chez lesquelles elles s'enroulent
d'habitude plus ou moins après la mort. Mandibules bidcnlées à l'extrémilé.
(1) Brullé, Études zoologiques sur- la famille des Ichneumonides {Mémoires de
l'Académie de Dijon, 1856, p. 171 et 258).
ICHNEUMON, ETC. 17
Thorax yibbeux, rarement cylindrique; écussou peu ou pas sallUiul, triangu-
laire ou subcarré. Ailes médiocres, avec aréole le plus souvent quinquangle,
parfois pyramidilorme, souvent subtriangulaire. Pattes médiocres. Abdomen
beaucoup plus long que le thorax, à premier segment globuleux et rude ; le
pétiole linéaire et arqué ; un tubercule de chaque côté du point où le pétiole se
rattache à la partie antérieure de l'abdomen; bout de l'abdomen ordinairement
aigu, parfois obtus, vu de côté chez quehiues l'cmelles. Tarière cacliée.
Uii nombre considérable d'espèces composent le genre Iclineitnwn
propre. On en compte plus de 250 pour l'Europe, dont une cinquantaine
au moins en France. Nous citerons dans les plus communes : 17. extenso-
rius, Grav., fréquent sur les Chênes, à thorax noir, l'écusson jaune^
l'abdomen d'un rouge fauve, noir au bout avec point jaune, les antennes
de la femelle avec un anneau jaune; 17. jlavaiorius, Wesmael, entière-
ment fauve avecl'écusson pâle et le bout de l'abdomen d'un noir bleuâ-
tre, parasite du funeste Liparis dispar; 17. luctatorius, Grav., à thorax
noir, l'écusson jaune, l'abdomen jaune, noir au boni, parasite du Vanessa
Urticœ; I. gronsorius, Grav., d'Angleterre, de France, d'Allemagne,
d'Italie (pi. lxxvu, flg. 8), à corselet et pattes noirs variés de jaune,
l'écusson jaune, les ailes un peu enfumées, l'abdomen à pédicule noir,
puis deux anneaux d'un rouge ferrugineux, les autres noirs tachés de
jaune au milieu. Pour les collections, on subdivise les ïchneumons
d'après les couleurs noire, rouge , jaune, blanche, au moins en
partie, de l'écusson et de l'abdomen. Ils sont carnassiers internes de
Lépidoptères.
A côté se trouve le genre Trugus,ijru.\'., à antennes médiocres etséta=
cées, avec un écusson subcarré et élevé plus ou moins en pointe (carac-
tère distinctif essentiel), les ailes le plus souvent diaphanes, le pétiole
abdominal grêle et linéaire, canaliculé, le premier segment de l'abdo-
men gibbeux et dilaté au bout et, le plus souvent, avec deux lignes
élevées, la tarière cachée. Les Trognes n'ont que très-peu d'espèces de
grande taille vivant dans de grandes chenilles : le T. luturius, Grav., à
tête et thorax noirs et roux, avec l'abdomen fauve ou roussâtre, la larve
vivant dans les Sphingiens {Sphinx Ligustri, Macroglossfl Slellatarum,
Sphinx Pmastri,Smerinthus Tiliœ et oceltatus); le T.flavatorius, Panzer, en
entier d'un jaune testacé, mêlé de fauve et de ferrugineux, sorti du
Liparis Monacha, espèce parfois très-nuisible aux forêts de Conifères ; le
T. exaltatorius, Panzer, sorti de la chrysaUde de Sphinx Ligustri : c'est
une très-grande espèce à thorax noirâtre, l'écusson roux, les ailes
jaunes avec le bout enfumé, l'abdomen roux, noir au bout ; le T. lapi-
dator, Grav., de la chenille du Papilio Machaon, etc.
Les Joppa, Fabr., sont formés d'ichneumonides exotiques des régions
tropicales ou chaudes des deux Amériques, avec quelques espèces des
Indes, de Java, du Sénégal, du Gap. L'écusson est élevé, comme chez les
Trogus; les antennes des mâles d'aspect noueux, car elles sont formées
GIRARD. ]II. — 2
18 HYMÉNOPTÈRES.
d'articles étranglés au milieu de leur longueur et renflés avant l'extré-
mité, celles des femelles tantôt élargies en palette avant l'extrémité,
la partie élargie formée d'articles courts et aplatis, tantôt plus grosses
et plus ou moins comprimées vers le bout, l'aréole de l'aile antérieure
ordinairement pentagonale, parfois quadrilatère ou même subtriangu-
laire, la tarière cachée. Nous figurons le /. picta, G.-Mén., femelle
(pi. Lxxvn, fig. 7i, du Brésil, varié de noir et de jaune, les ailes rembru-
nies au bout, les pattes noires en dessus, l'abdomen avec six taches
jaunes et les jambes postérieures avec deux.
CRVPTIDES.
tête transverse. Écusson plan ou convexe. Abdomen convexe et
pétiole, avec le pédicule étroit et allongé. Tarière longue et sail-
lante.
Dans le genre Cryptus, Grav., les antennes sont longues et grêles,
souvent épaissies vers l'extrémité dans les femelles ; les yeux ovales, plus
ou moins proéminents ; l'écusson plus ou moins convexe, triangulaire
ou subcarré; les ailes médiocres, avec l'aréole pentagonale ou qua-
drangle ; les pattes longues et grêles, surtout les postérieures; l'abdomen
des mâles long et étroit, ovale et élargi chez les femelles, le premier
segment lisse et subarqué, avec deux lignes élevées distinctes; la tarière
longue et saillante, partant d'une proéminence du sixième segment
ventral, se plaçant au repos dans la fente des segments 7 et 8, puis em-
boîtée par les valves, lesquelles sont fixées au bout de l'abdomen, quel-
quefois plus courtes que la moitié de l'abdomen, le plus souvent plus
longues, rarement de la longueur de tout le corps. Les Cryptes, qui ont
près de 200 espèces en Europe, sont parasites de larves variées,
telles que des Saperdes (Coléoptères), des chenilles de Vanesses, de
Smérinthes, de Zygènes, de Bombyciens, de la Noctuelle des Pins, etc.;
d'Hyménoptères des genres Oamia, Eumenes, Odynerus, Tripoxylon, Pelo-
pœus, Crabro; de Tenthrédiniens, tels que les Cimbex, les Lophyres du
Pin, etc. Citon's C. tarsolmcus, Grav., à tarses blancs, attaquant les nui-
sibles chenilles de Trachea l'iniperda, etc.
Les Mesostenus, peu nombreux en espèces européennes, ont l'aréole
petite et subcarrée ; les pattes grêles et longues, surtout les postérieures;
le corps généralement long et étroit, principalement chez les mfiles;
la tarière de longueur très-variable. L'espèce type et fort répandue est
le M. gladiator, Scopoli, dont la tarière est beaucoup plus longue que
le corps, noir, avec les appendices variés de roux, les tarses en grande
partie blancs, parasite des larves à'Osmia,d' Antinophila ; d'autres espèces
attaquent les chenilles des genres Acroiuicta, Harpyia, Zygœna, etc.
Les l'ezoïnachus, Grav., offrent des espèces de petite taille, qui se dis-
CRÏPTIDES. — TRYPHONIDES. 19
tinguent immédialemeiil des autres Icliueumoniens par leurs courtes
ailes impropres au aoI, ou même nulles. Le corps est grêle; la tète
rétrécieen arrière ; le thorax gibbeuxà divisions très-profondes, l'écussou
suivant les variations de développement des ailes ; les pattes assez fortes ;
l'abdomen des femelles en ovale assez large, aussi long que la tête et
le thorax réunis, avec le pédicule coudé en arrière, comme chez la
plupart des Crypttis; la tarière médiocre, plus courte que l'abdomen, ou
tout au plus aussi longue que lui. On trouve les Pezomachus, qui comp-
tent en Europe près de deux cents espèces, courant à terre dans les
lieux secs, pierreux ou sablonneux. Ainsi, aux environs de Paris, le
/'. pedicularius, Panz., à ailes très-étroites, velues, sans nervures appa-
rentes; les P. pedestris, Fabr., et agilis, Fabr., n'ayant pour ailes que
des moignons blanchâtres; le P. formicarius, Linn., noir varié de roux,
absolument sans ailes, ayant l'aspect d'une longue Fourmi. Les Pezo-
machus vivent à l'inlérieur des larves de Tortricides, de Tinéides, de
Psychides, dans des galles de Cynipiens, dans des nids terreux d'Arai-
gnées, etc. (1).
]^e?, Heinitelcs, Gra\., sont des Gryptides de taille petite et très-petite,
au nombre de près de ceat espèces en Europe, reconnaissables à leur
aréole pentagonale et ouverte en dehors, à leurs ailes rayées de bandes
brunes dans beaucoup d'espèces, notamment celles qui sortent des
ibui'reaux des Ps/jclie (jramineUa, calvella, etc. (ce caractère semble
général pour les Ichneumoniens parasites des Psychides), à leur tarière
parfois aussi longue et plus longue que l'abdomen, souvent plus courte.
On cite les Heiniteles comme parasites internes des Papillons rhopalo-
cères et hétérocères, notamment des Psychides, des Microgaster (double
parasitisme), des Cécidomyies (Diptères), des Chrysopes (Névroptères
propres), des Rhodites (Cynipiens), des cocons à œufs d'Araignées, etc. 11
faut respecter dans nos maisons des Hemitele^ à longue tarière tripile,
et certains autres genres, qu'on voit souvent courir sur les vitres
des fenêtres et sur les rideaux. Ces insectes ont vécu aux dépens des
chenilles funestes des Teignes domestiques, des larves des Anobium
Coléoptères) destructeurs des bois ouvrés, etc.
TRYPHONIDES,
Tête transverse. Antennes sétacées, souvent un peu épaisses, n'attei"
gnant pas la longueur du corps, formées d'articles courts. Écusson plan
ou convexe; aréole très-variable, rhomboïdale, triangulaire ou subor-
(1) Giraud et Laboulbèue, Liste des éclosions d'insectes, etc. (A/m. Suc. entuni.
France, 1877, p. 397). Cette note est Irès-iatéressante à consulter pour toutes les
tribus d'Hyménoptères entomopliages.
20 HYMENOPTERES.
biculaire, pétiolée ou sessile, oblitérée ou nulle. Abdomen à court pé-
tiole ou d'aspect subsessile, convexe ou parfois déprimé. Tarière cachée
ou à peine sortie.
IMETOIMl*^, l'unzer, ou Peltastes, Illiger. — Tête couite et lurge, avec une
sorte de bouclier sur la face. Antennes droites, assez épaisses, un peu plus
courtes que le corps. Mandibules larges et barbues, avec dent obtuse à la base.
Écusson quadrangle à angles apicaux aigus, avec les bords latéraux relevés et
libres, et le bord postérieur avancé sur le postécusson. Aréole grande, rhom-
boïdale. Pattes à cuisses postérieures un peu renflées. Abdomen long, subdc-
primé à la base, à bords à peu près parallèles, couvert de points serrés a-ssez
épais, s'élargissant peu à peu en arrière. Tarière cachée.
Un reconnaît les sexes dans ce genre en ce que les femelles ont un
lobe allongé et impair dans la fente des arceaux qui terminent lab-
domen eu dessous, et que les mâles ont, à la place de ce lobe, une
plaque terminale supportant deux appendices arqués, formant par leur
réunion une sorte de pince qui sert sans doute à Taccouplement. Ln
outre, l'arceau supérieur du dernier segment de l'abdomen supporte,
chez les deux sexes, les deux filets ou appendices velus qu'on remarque
dans tous les Ichneumoniens. Les Metupius sont parasites de Lépido-
ptères hétérocères et aussi des fausses chenilles nuisibles du Lophyre du
Pin. Ils ne comptent qu'une douzaine d'espèces en Europe, dont le type
est le M' necatorius, Fabr., des environs de Paris, d'Allemagne, d'Italie,
noir, avec la tète, le thorax et l'écusson variés de jaune, les pattes noires,
tachetées de jaune, l'abdomen noir avec les cinq premiers segments
bordés de jaune. Nous figurons une autre espèce des environs de Paris
et d'Allemagne, le M. dissectus, Panzer, ou sicarhts, Grav. (pi. lxxvii,
fig. 9), noir, avec un anneau fauve vers le bout élargi de l'abdomen.
Le genre Tryphon, Fallen, offre des antennes de longueur moyenne,
grêles, plus ou moins courbées au bout; le thorax convexe, avec l'écusson
gibbeux et triangulaire; l'aréole des ailes antérieures triangulaire ou
Buborbiculaire, très-petite, parfois nulle; les pattes souvent un peu
grêles et allongées ; l'abdomen subpétiolé ou subsessile, le premier
segment canaliculé et à deux tubercules latéraux ; cet abdomen oblong,
plus long que le thorax, parfois lancéolé ou fusiforme chez les femelles,
peu à peu dilaté vers le quatrième segment ; la tarière très-courte, un '
peu sortie. Beaucoup d'espèces de Tryphons vivent dans des fausses
chenilles de Tenthrédiniens nuisibles aux Conifères, arbres forestiers et
fruitiers, aux Rosiers [Athalia, Solandria, Lophijrus, Nematus, Cimbex), et
dans des chenilles de Tortriciens. On en compte en Europe près de
150 espèces. Citons T. eleguntulum, Grav., et T. Vespariim, Ratzeburg,
ce dernier détruisant les larves de Guêpes.
OPHION, ETC. 21
OPHIONIDES.
Antennes filiformes longues et très-grêles. Abdomen pétiole, com-
primé ou en faucille d'une manière plus ou moins complète, tronqué
au bout. Tarière ordinairement courte et souvent même peu ou point
visible.
01*1110.11, Fabr. — Antennes sétacées, aussi longues que le corps, les articles
terminaux tronqués obliquement de haut en bas. Ailes antérieures ù aréole ou
cellule cubitale intermédiaire nulle, la cellule cubitale interne recevant les
deux nervures récurrentes. Pattes grêles, de lonejueur médiocre, les crochets
des tarses pectines et la pelote très-petite. Abdomen comprimé et tranchant à
partir du troisième segment, les segments 1 et 2, et surtout 1, plus larges en
arrière qu'en avant. Tarière à peine saillante.
La brièveté de la tarière donne parfois quelques difficultés pour dis-
tinguer les sexes des Ophions. Chez les femelles, le bout de l'abdomen
est oblique de haut en bas et d'arrière en avant chez les mâles et tron-
qué chez les femelles; les appendices génitaux des mâles imitent assez
exactement les valves de la tarière pour qu'on puisse souvent s'y
tromper. L'Europe compte environ 25 espèces du genre Ophion,
vivant presque exclusivement dans les chenilles des genres Bombyx,
Ifarpyia, Dicranura, CaUimorpha, Cucullia, Acronyctn, et divers Noclué-
liens. Les Processionnaires et la Noctuelle piniperde rencontrent en eux
d'utiles ennemis. On peut prendre comme type l'O. luteum, Linn.,
commun dans presque toute l'Europe, d'un jaune testacé, à tête rous-
sâtre, les mandibules noires au bout, deux lignes plus pâles sur le pro-
thorax, l'écusson jaune, les ailes transparentes, très-légèrement enfu-
mées, l'abdomen rembruni vers l'extrémité. Nous figurons une espèce
voisine, l'O. marginatum, Jurine (pi. Lxxvn, fig. 6), d'un jaune assez
clair, les ailes jaunes dans leur partie antérieure et médiane.
Le genre Anomalon, Grav., comprend un nombre d'espèces en Europe
plus que double de celui des Ophions, et qui vivent dans des Sphin-
giens, des Rombyciens, des Noctuelles, plus rarement chez des Zygènes
ou des Papillons rhopalocères {A. teniiicorne, Grav., dans les chenilles
de Thais et de Doritis). Ce genre manque d'aréole aux ailes antérieures.
Les pattes sont grêles et les tarses postérieurs sont épais et larges, les
crochets tarsaux étant simples. L'abdomen très-long, à pédoncule long
et grêle, est comprimé et tranchant à partir du deuxième segment. La
tarière des femelles est courte et ses valves sont un peu élargies. Nous
citerons A. circumflexum, Linn., des environs de Paris, d'Italie, d'Alle-
magne, d'Angleterre, du sous-genre Exochilum, Wesmael, parasite de
chenilles de Bombyciens.
Le genre Compop/ecc, Grav., compte en Europe plusde 100 espèces dont
22 HYMÉNOPTÈRES.
les larves vivent dans les chenilles de Bombyciens, de Noctuéliens, de
Tortriciens, de Tinéens (Yponomeutes et Coléophores), et aussi dans les
fausses-chenilles des Cimbex et du Lophyre du Pin. Les antennes sont
plus courtes que le corps, sétacées et assez épaisses. Les ailes de devant
sont pourvues d'une aréole généralement triangulaire, quelquefois
pentagonale, tantôt pédiculée, tantôt sessile, parfois nulle. Les crochets
des tarses sont larges et pectines, parfois faiblement, avec la pelote
presque aussi longue que les crochets eux-mêmes. L'abdomen est mé-
diocrement comprimé, avec le premier segment globuleux à son
extrémité. La tarière des femelles est tantôt courte, tantôt presque
aussi longue que l'abdomen et un peu recourbée en haut. Nous citerons,
comme communs aux environs de Paris et dans presque toute l'Europe,
les C inciilcator, Linn., eipugillator, lAnn. Audouin donne, parmi les
destructeurs de la Pyrale de la Vigne, le C. maialis, Grav., ou Limneria,
Holmgren, pour d'autres auteurs. Le C. sordidus, Grav., attaque les
chenilles si nuisibles des Yponomeutes des Pruniers et des Pommiers.
PIMPLIDES.
Abdomen d'aspect sessile ou large à sa base, déprimé plus ou moins
fortement dans toute son étendue. Tarière longue dans la plupart des
genres, mais très-courte et cachée dans l'abdomen chez quelques-uns.
Écusson triangulaire ou suborbiculaire.
ACOîXITES, Latr. — Tête courte et large. Antennes courtes, assez épaisses et
filiformes. Ailes antérieures dépourvues d'aréole, avec la nervure moyenne
sinueuse et se continuant avec celle qui gagne le bout de l'aile, une nervure
perpendiculaire à sa direction la séparant de la cellule cubitale ou marginale.
Pattes fortes, de longueur médiocre pour les paires 1 et 2, avec les cuisses
postérieures épaisses et les pattes postérieures longues, les crochets des tarses
bifides, la pelote assez longue. Abdomen ovoïde, de la même largeur que la
tête et le thorax, avec le dernier arceau ventral des femelles en fer de lance;
la tarière quelquefois aussi longue que le corps, quelquefois n'ayant que la
moitié de la longueur de l'abdomen.
Le genre Âcœnites n'a que peu d'espèces, à peine 10 en Europe. Les
deux espèces les plus communes sont VA. duhitator, Panzer, d'Alle-
magne, de Piémont, de France, noir, à ailes diaphanes et d'un jaune
brunâtre, les pattes fauves, avec les hanches et les jambes postérieures
noires, l'abdomen avec les segments 2 et 3 fauves, les autres noirs,
5, 6 et 7 bordés de blanc. Nous figurons VA. arator, Grav., d'Italie,
d'Allemagne, de France et des environs de Paris (pi. r.xxvni, fig. 1,
femelle : 1 a, tête vue de face ; 1 6, mâchoire et palpe ; 1 c, lèvre infé-
ACOENITES, ETC. 23
rieurc de profil ; 1 <l, id. de face ; 1 e, abdomen de profil, avec tarière
et valves; 1 f, jambe et tarse postérieurs). Cette espèce est noire,
avec les ailes translucides d'un brun fauve, les cuisses postérieures
fauves.
Le genre Pimpla, Fabr., présente des antennes, tantôt de la longueur
du corps, tantôt plus longues, le plus souvent très-minces dans les
femelles et comme noueuses dans les mâles par le rétrécissement de la
partie moyenne de chacun de leurs articles. Les ailes antérieures ont
l'aréole triangulaire ; les cuisses sont généralement courtes et épaisses,
ce qui donne un bon caractère distinctif, et les crochets des tarses
simples; l'abdomen a les segments moyens généralement plus larges
que longs et marqués de sillons ou de dépressions en travers, incisés,
chez les femelles, d'une fente ventrale longitudinale, avec la tarière
tout au plus aussi longue que le corps, et, dans la plupart des cas, beau-
coup plus courte que lui. Outre des espèces exotiques des deux mondes
et de l'Australie, les Pimples comptent en Europe près de quatre-vingts
espèces, vivant dans les chenilles de diverses Piérides nuisibles et des
Lépidoptères hétérocères de tous les groupes, et notamment d'espèces
très-nuisibles de Bombyciens, de Géomètres, de Pyraliens et de Teignes,
comme les Yponomeutes, dans les fausses-chenilles des INémates et des
Lophyres, dans des larves de Cynipiens et de Cécidomyies (Diptères),
celles des Saperdes (Coléoptères), dans des cocons à œufs d'Arai-
gnées, etc. C'est un genre qui nous rend de grands services. 11 faut
citer le P. instigator, Panzer, espèce très-commune, à forte odeur acé-
tique, type d'un groupe d'espèces noires, à ailes plus ou moins enfu-
mées, à pattes roussâtres, à tarière de la moitié de la longueur de
l'abdomen. Ce Pimple m'est sorti en abondance des nids soyeux de la
Processionnaire du Chêne ; on l'a obtenu aussi des Liparis chrysorrhea
et dispar, du Bombijx Neustria, espèces si funestes, d'Orgyes, des four-
reaux de diverses Psychides, et aussi de fausses-chenilles de Némates.
Le P. stercorator, Fabr., est noir, à face et chaperon jaunes; les
antennes noires, testacées en dessous, avec le premier article jaune
dans le mille, un point blanchâtre à la base des ailes; les pattes
rousses; les jambes postérieures blanchâtres, noires aux deux bouts;
l'abdomen noir en entier, avec la tarière de la femelle de sa longueur;
des Bombyx Neustria, Liparis Monacha, Orgya antiqua, Yponomeuta
cogiwtella, etc. Le P. flavicaîis, Fabr. (sous-genre Theronia, Holmgren),
est fauve, avec des lignes et taches noires; il est fréquent aux envi-
rons de Paris. On l'a vu sortir de diverses chrysalides de Lépidoptères,
notamment de celles de Vanessa polychloros.
Le genre Rhyssa, Grav., comprend les plus grands Ichneumoniens,
à antennes longues et sétacées, mais plus courtes que le corps, leur
premier article offrant une grande échancrure latérale; le dos du méta-
thorax ridé en travers, les ailes antérieures avec une aréole triangu-
laire; écusson grand, peu élevé, presque carré, le postécusson court
2Zi HYMÉNOPTÈRES.
el Iransvorsal; les cuissos et les jambes de devant arquées et contour-
nées dans les deux sexes, les crochets des tarses simples. L'abdomen,
très-allongé, n'est ni tuberculeux, ni sillonné en travers ; il est com-
primé à l'extrémité dans les femelles, avec une tarière généralement
beaucoup plus longue que le corps, dont la base est reçue dans une
fente des derniers arceaux ventraux. Il est cylindroïde ou filiforme
(;hez les mâles, avec le huitième et dernier article portant une sorte
de lanfTuette longue et étroite, en partie cachée par deux valves, dont
chacune renferme une pièce terminée en pince, à la façon de la pince
didactyle du Scorpion ou de l'Écrevisse. Nous citerons li. persuasoria,
Linn., et R. clavata, Fabr., ce dernier du sous-genre Thnlessa, Holm-
gren {Monngraphia Pimplarum Sueciœ, 1860), espèces de grande (aille,
noires et jaunes, qu'on voit s'abattre sur les troncs des Ormes et des
Chênes, cherchant à percer sous l'écorce, dans les profondeurs, les
larves des Cérambyciens. Il y a deux gigantesques espèces américaines,
R. atrafa, Fabr., des États-Unis du Sud, noir, avec tète, pattes et
antennes variées de jaune, dont la tarière atteint 120 millim. pour un
corps long de Z|0, et R. lunator, Fabr., des mêmes régions et de la
Guadeloupe, à corps varié de brun et de jaune, avec des chevrons ou
lunules jaunes sur les côtés de l'abdomen. La longueur du corps de la
femelle est de 50 millim., avec tarière de 95.
Le genre voisin, EphiaUes, Grav., présente les antennes plus courtes
que les Rhysxn, l'écusson tantôt carré, tantôt triangulaire et subsail-
lant, les crochets des tarses plus ou moins bifides, avec une très-petite
pelote entre eux, les segments de l'abdomen à aspect tuberculeux, le
reste des caractères des Rhyssa. L'Europe compte près de 20 espèces
d'Ephialtes, qui peuvent se ranger parmi les protecteurs des forêts,
occupés sans relâche, devant les troncs des arbres ou les amas de
bûches coupées, à chercher à atteindre par leur longue tarière les
larves lignivores profondément enfoncées. Le type est une grande
espèce noire, à ailes plus ou moins enfumées, à pattes rousses en
partie, commune dans tous nos bois, VE. manifestator, Linn., dont la
larve vit dans celles du Xylotrupes Bajulus et du Bupreste des Pins
{Buprestis Mariana). ]j'E. tuberculatus, Fourcroy, espèce très-voisine,
mais plus petite, attaque la larve d'un Charanson nuisible, le Crypto-
rhynchus Lapathi. Enfin, l'^. carbnnarius. Christ, attaque les larves de
grands Cérambyciens xylophages, les Saperda poprtlnea et oculata,
l'énorme larve du Ceramhyx TJrros, qui gâte les bois de Chêne, et les
chenilles des Sésies à l'intérieur de leurs galeries dans les tiges
ligneuses.
Riblio;i;rnpliie des lelineuiiionieii$!i. — Gravenliorst, Ichneumologhi
ouropœa, Breslau, 1829. C'est un ouvrage fondamental, publié aux frais
de l'auteur. — .1. C. Schiodte, Ichnenmonidarum ad faunam Dania'
porUnentium gênera et speries nova> {Revue zoologique, 1838, t. I, p. i;-i9-
lîRACONlENS. 25
Ul ; Magasin de Zoologie, 1839 (Insectes), pi. vi à x; Kroyer Natur.
Tidsskr., 1840-41, t. III, p. 96 à 100). — Boyer de Fonscolombe, Ichneu-
mologie prooençale {Ann. Soc. enfom. de France, 1846). — C. Wesmael,
Tentamon dispositionis methodicœ Ichneumonum Belgii (Mém. Acad.
de Bruxelles, 18/i5, t. XVITI) ; — Mantissa Ichneumonum Belgii,
Bruxelles, 1848; — Adnotationes ad descriptiones Ichneumonum Belgii,
18/i8. — Dans les Bulletins de VAcad. royale de Belgique : Bévue des Ano-
MALON de Belgi(}ue, 18/i9, t. XVI, n" 8, et Notice sur les Ichneumo-
nides de Belgique appartenant aux genres Mëtopius, Banchus et Cokeocex-
TRUS, t. XVI, n^e; — Tchneumones amblypygi europœi, 1853-185/|, Appen-
dice au Bulletin ,• —Ichneumnlogica Miscellanea, 1855, t. XXII, n<'9 ; Ichneu-
mologica Otia, 1857, 2" séi'ie, II, n» 6. — Arn. Forster, Verhandl. des
natur. Vereines derpreuss. Rheinlande vnd Westfalens, Bonn, 1855 à 1860.
— Ilolmgi-en, Monographia Tryphonidum Sueciœ, 1855; Monogr. Ophio-
nidum Sueciœ, 1860. — J. H. Kavall, Sur les Ichneumonides de Russie et
de Courlande {Bulletin de la Soc. impériale des naturalistes de Moscou,
1865, 2*= part., t. XXXVIII, p. 331) ; — Enneas Ichneumonidariim Curoniœ
quas descripsit novas (Description de neuf espèces nouvelles du genre
Ichneumon), même Bulletin, 1868 (t. XLI, 2'' partie, p. 503). — Nous
citerons dans les Verhandl. zool.-botan. Gesellsch. in Wien : A. Forster,
I)ie Gattung Campoplf.x, t. XVIII, p. 761. — C. Tscliek, Ueber Oesterrei-
chische Pimplarien, 1868, t. XVIII, p. 260, Zi/iG ; — Die Oesterr. Trypho-
niden, t. XVIII, p. Z|57 ; -- Die Oesterr. Crypfoiden, 1870, t. XX, p. 189, ^i03 ;
— Ueber einige Cryptoiden, meist aus der Oesterreichischen Fauna, 1872,
t. XXII, p. 231 ; — Ichneumologische Fragmente, 1871, t. XXI, p. 37. —
.Stettin entomol. Zeitung ; Tlsclibein, Hymenopterologische Beitnige die
Ichneumon in W interquartier, 1868, p. 2û8 ; 1871, p. 155; - Ueber der
Europaïschen Arten desGemisicnKKUuoN {^yesmaie\}, 1873, p. /il7 ; iSli,
p. 104, 153, 288. — Krieclîbaumer, Sur des Schlupfuiespen de l'hhneu-
mologie européenne, 1875, p. 39 ; Sur divers Ichneumoniens, p. 386 ; Ichneii-
mologisches, dans Entomol. Nachrichten von D"" F. Katter, 1878, n" 19.
TRir.U DES BRACOÎVIE^S.
Les Braconiens sont restés longtemps confondus aves les Ichneumo-
niens, auxquels ils ressemblent beaucoup par l'aspect et complètement
pour les mœurs. Les uns ont chez les femelles une longue tarière
saillante, plus longue ou plus courte que le corps, entourée de ses valves,
ce qui les range dans les Muscœ tripiles, tout comme les Ichneumoniens ;
tandis que d'autres ont cette tarière à peine sortie, et d'autres tout à
fait cachée. On comprend donc comment tous les anciens auteurs
ont réuni les deux tribus, qui n'ont été bien séparées que par Gra-
venhorst (1829), lequel n'a étudié que les Ichneumoniens. Nées von
26 HYMÉNOPTÈRES.
Esenbeck, peu après , a cherché à faire un travail analogue sur les Dra-
coniens (1).
En général, leur taille est moindre que celle des Ichneumoniens, ou,
plus exactement, ils manquent, en Europe du moins, d'espèces de
grande taille; aussi la plupart des Braconiens se développent en
nombre considérable dans le corps d'un même insecte, qui ne donne
ordinairement issue qu'à quelques Ichneumoniens ou même qu'à un seul.
Aussi Swammerdam rapporte, dans sa Biblia naturœ, que de quatre
chrysalides de papillons sortirent 5Zi5 mouches, toutes de la même
espèce (c'étaient des Braconiens). Imbu de la même erreur que
Goedart, croyant à une transformation dans le sens des métamorphoses
de la mythologie, il dit « que la vie et le mouvement de ces quatre
chrysalides semblaient avoir opéré une transmigration dans la vie des
5Zi5 autres insectes » .
Un certain nombre de Braconiens paraissent préférer pour leur
ponte les larves de Coléoptères, ainsi de Charansons, et leurs larves
filent leurs cocons attachés au corps même de leurs victimes. Des
Bracon détruisent les Scolytiens ennemis des forêts; le Microcionus ter-
minatus. Nées von Es., est sorti de l'adulte d'une Coccinelle, sous le
cadavre de laquelle la larve a filé son cocon. D'autres attaquent les
Timarcha (Chrysoméliens), les Cis des Bolets, et de très-petites espèces
viennent dans les maisons pondre leurs œufs dans le corps des larves
de Ptines. D'autres genres de Braconiens s'attaquent plus spécialement
aux chenilles : ainsi le genre Microgaster, Latr., type delà famille des
Microgastridœ, bien que sorti parfois de Chrysomèles ou de Charansons,
nous est très-utile en vivant surlout dans les chenilles de Piérides, de
Bombyciens très-nuisibles (Bombijx Neustria, Linn., Liparis chrysorrhea,
Linn.), de Noctuelles, de Tortriciens, d'Yponomeutes, etc. Réaumur
remarque que les larves sorties en trouant la peau de la chenille con-
tinuent à être sociales, car elles filent leurs petits cocons à côté les
uns des autres. Elles ont l'inslinct d'abriter par une bâte de soie flo-
conneuse et plus grossière ceux des cocons qui ne seront pas recouverts
par d'autres. Le jardinier doit respecter avec soin ces amas de cocons,
tantôt jaunes, tantôt blancs, rarement testacés, et dont la couleur de la
soie peut être plus ou moins pâle dans la môme espèce, étant peut-
être influencée par l'espèce de chenille qui a servi à nourrir les larves
du Microgaster . De là les noms d'ichneumons à coton jaune ou à coton
blanc donnés par Réaumur et par Geoffroy à ces auxiliaires de l'hor-
ticulture. Tantôt ces amas de cocons sont à côté du corps de la chenille,
toute vidée et mourante, ainsi ceux du Microgaster glomerattis, Linn.,
sortis de la chenille de la Piéride du Chou ; tantôt ils entourent le corps
desséché de la chenille et simulent un gros cocon d'un Bombycien
séricigène : tels sont ces amas de cocons blancs du Microgaster perspi-
(l)Nees von Esenbeck, Uymenoptera Ichneumoniljus nffinin, 2 vol. in-S", 1S3A.
BRACONIENS. 27
cuus, Wesm., brillant dans la sombre verdure dos Luzernes et que j'ai
vu prendre pour une nouvelle espèce de Ver à soie vivant dans les
Légumineuses fourragères. Ces cocons de Micrngasier sont souvent
hantés par des parasites de parasites, parfois de très-petites espèces
d'Ichneumoniens, le plus souvent des Chalcidiens que leur bel éclat
métallique fait tout de suite distinguer des sombres Microgaster,
D'autres Braconiens, des genres Perilifus, Nées von Es., et Meteorua,
Haliday, de la famille des Périlitides, affectionnent aussi les chenilles
des Bombyciens {Bombyx Nensfria, Linn., procossionea, Linn., etc.), des
Zygéniens, et, moins souvent, des larves de Coccinelliens, de Serropal-
pides {Orchesia). Ce qu'il y a de curieux, c'est que les cocons filés par
les larves de ces Braconiens sont suspendus chacun à un fil de soie :
ainsi Meteorus pendulator, Halid., qui en tire son nom. La larve se sus-
pend probablement à un fll au moment où elle va commencer la fila-
ture du cocon, et tous les fils de celui-ci prennent comme support ce
fll fondamental. Réaumur connaissait très-bien ces cocons suspendus
à l'extrémité des feuilles ou des petites branches. Les anciens auteurs,
Leuwenhoeck d'abord, remarquèrent aussi les mœurs de toute une
famille de minuscules Braconiens, les Aphidiides (genres : Aphidius,
Nées von Es., Elassus, Wesmael, Trioxijs, Haliday, etc.), qui semblent
destinés par la nature à limiter la funeste multitude des Aphidiens.
Ce sont les Flexiliventres de M. Westwood, en raison de l'habitude
qu'ils ont de replier l'abdomen sous le thorax entre leurs pattes, de
sorte que la tarière, dépassant la tète, pique le corps des Pucerons. On
reconnaît très-bien, sur les espèces vertes du Rosier, les Pucerons piqués,
dont la peau devient jaune et tendue, et qui restent immobiles sur les
feuilles. La larve du Braconien vit courbée en cercle dans le corps du
Puceron, sort en perçant la peau de celui-ci, qu'elle tapisse de soie
blanche et qui lui sert de coque nymphale fixée à la feuille. L'adulte
sorti de la nymphe aussi courbée en cercle s'envole par une ouverture
qu'il perce dans la peau du Puceron. Ces ennemis des Pucerons font
concorder leurs services avec ceux des larves de Coccinelles et de Chry-
sopes, et celles-ci, par la rotation ordinaire du parasitisme, sont victimes
de petits Proctotrupiens, que les Pucerons, dit de Geer, devraient aimer
comme leurs vengeurs, s'ils étaient doués de connaissance.
On ne peut confondre les Braconiens qu'avec les Ichneumoniens; il
nous suffira donc d'indiquer les caractères qui les séparent. Les antennes
des Braconiens n'ont qu'un seul petit article, après le scape ou premier
article visil)le, qui est toujours le plus grand ou au moins le plus gros
de tous, chez eux et chez les Ichneumoniens, l'antenne de ceux-ci
ayant au contraire toujours après le scape deux petits articles. Les Bra-
coniens ont, aux ailes antérieures, la cellule discoïdale extérieure tou-
jours ouverte, tandis qu'elle est toujours fermée chez les Ichneumo-
niens, ou, en d'autres termes, les premiers n'ont qu'une seule nervure
récurrente, l'externe manquant, tandis qu'elle existe chez les Ichneu-
28 HYMÉNOPTÈRES.
moniens, qui ont deux nervures récurrentes. Enfin, selon M. Westwood,
les segments 2 et 3 de l'abdomen des Eraconiens sont soudés et ne
sont distincts que par une fausse articulation. Dans le plus grand nombre
des espèces de Draconiens, l'abdomen a les trois premiers segments
plus grands que les autres, et chez le groupe des Cryptogastres (genres
C lie lonus, i urine, Sigalphus, N. von Es., etc.), les trois premiers segments
sont les seuls qui se voient en dessus, tous les autres, plus réduits
encore que d'habitude, se cachant sous les précédents.
On consultera, à titre de travaux spéciaux sur les Draconiens : C. Wes-
mael, Monographin des Braconides de Belgique (Mém. de l'Acad. royale de
Bruxelles, 1835, t. IX; 1837, t. X; 1838, t. XI). —Arnold Fiirster,
Synopsis der Familien und Gattungen der Brnronen (Verhandlungen des
natur. Vereines der preuss. Bheinlande und M'estfalens , t. XIX, 1862,
p. 225-288, Donn). — H. Reinhard, Berliner entomolog. Zeitschrift
(G. Kraatz, réd.) : Beitrage zur Kenntniss einiger Braconiden Gatlungen,
186/1, t. VIII, p. 321 à 336; 1865, t. IX, p. 2/|3 à 267 ; mêmes -l?ma/M :
J. F. Ruthe^ Beitrage zur lùnnlniss der Braconiden, 1858, t. Il, p. 1 à 10 ;
Deutsche Braconiden, 1860, t. IV, p. 105 à 160; 1861, t. V, p. 132 à 162.
— S. C. Snellen van Vollenhoven, Pinacographia : Illustrations d'Ichneu-
monides (dans le sens linnéen : Iclineumoniens, Draconiens, Proclo-
trupiens) du nord-ouest de l'Europe, en anglais et en hollandais, livrai-
sons in-i"; s'Gravenhage, 1875 à 1878, avec de fort belles planches
coloriées. — Du même : Espèces nouvelles ou peu connues d''Hyménoptères
térébrants {Tijdschrift voor Entomologie, ann. 1877-78, n"' 3 et li, p. 153).
GENUES PRINCIPAUX.
BRACO^', Fabr. — Antennes sétacées, longues et grAles, les derniers articles
indistincts. Tête transversrde. Palpes peu développés, les maxillaires de 5 ar-
ticles, les labiaux de 3. Ailes supérieures ayant trois cellules cubitales. Pattes
grêles, terminées par deux crochets très-petits, entre lesquels est une pelote
assez grosse. Abdomen d'aspect sessile, ovalaire, de six ou sept segments, les
premiers plus ou moins impressionnés. La tarière des femelles très-longue dans
certaines espèces.
Les Bracon constituent un genre très-nombreux en espèces de tous
pays, les plus belles et les plus grandes des Draconiens. L'Europe seule
en renferme plus de 100, Ils appartiennent aux Draconiens endodontes,
c'est-à-dire dont les dents ou l'extrémité des mandibules sont dirigées
en dedans, ces mandibules se rencontrant lorsqu'elles sont fermées, el
aux cycloslomes, à chaperon profondément échancré, de sorte qu'il
existe une ouverture à peu près circulaire entre lui et les mandibules.
Les Bracon paraissent surtout attaquer, outre quelques chenilles de
Tinéides et les fausses-chenilles des Némates (Hymen. Tenthrédiniens),
RHYTIGASTER. 29
les larves de Scolytieiiï^ et de Charansous. Ainsi, le Bracun iniiialor,
Fabr., du genre Cœloides, Wesmael, vit dans la lar\ e du Pissodea nolalus,
et aussi des Astynomus cdilts et Rhagium indagator {CéranihYciens) , des
Bracon vi\ ent dans les Bruches et les Apions. De très-utiles espèces s'at-
taquent aux destructeurs des furets : ainsi le Bracon palpebratur, Kaize-
hi\r g, aux Pisaodes nolatus, Hylesiims Piniperda, Tomicus Laricis et bidenu;
le Bracon Hylesini, Fôrster, à divers Hylésines; les Bracon (Cœloides)
filiformis, Ratz, et me/anoias, Wesm., à VHylesinua Fraxini ; le Bracon
(Cœloides) scolyticida, Wcsni., aux Sculytus destructor et multistriatus, etc.
Nous représentons une riche espèce exotique des environs de Cayenne,
le B. ornator, Fabr. (pi. Lxxvin, fig. 3, femelle, 3 a, tèle vue de face),
d'un fauve rougeâtre, à ailes brunes aux bouts et avec une bande noire,
le bout de l'abdomen noir, ainsi que la longue tarière, et, môme
planche, deux espèces de France, le B. dmiigralor^'S. von Es. (genre Ata-
nycolus, Fôrster) (fig. /i, mandibule; /i a, mâchoire et palpe; li b,
lèvre inférieure et palpes), et le B. nomïnator, Fabr. (tig. 5, femelle,
à tarière bien plus longue que le corps, grandeur naturelle à côte, à
droite ; 5 o, tète vue de face). Le B. denigralor est signalé comme para-
site de la larve d'un Buprcstien lignivore, Anthaxia Morio, par Ed. Perris.
Le B. nominalor est une espèce de la plus grande partie de l'Europe et
des environs de Paris, aimant à voler sur les Ombellifères. Cette espèce,
longue de 8 à 10 millimètres, a le corps d'un fauve vif, le prolhorax et
le mésothorax tachés de noir, le métatliorax noir, les ailes enfumées
avec une bande transversale blanchâtre, les pattes rousses, variées de
noir, l'abdomen roux, souvent avec des taches et bandes noires.
miYTIUASiTER^ Wesmael. — Ailes siipcrieures ayant une cellule radiale
allongée et trois cellules cubitales, la première recevant la nervure récurrente,
la seconde subrectangle. Abdomen offrant au-dessus trois segments voûtés et
renflés, les autres fléchis en dessous. Tarière des femelles cachée.
Ce genre est formé par le R. irroralor, Fabr., du nord de l'Europe
et des environs de Paris (pi. lxxviii, fig. 9; 9 a, abdomen de la femelle
Irès-grossi et vu de profil), long de 8 à 10 millimètres, noir couvert d'un
duvet grisâtre, le thorax rugueux, les ailes irisées, enfumées au bout,
les pattes velues noires et testacées au milieu, l'abdomen très-rugueux,
l'extrémité couverte d'un duvet soyeux doré ; attaque des chenilles
de Noctuelles, notamment celles des Acronycta Psi et tridenn. Ce genre,
dans les Braconiensendodontes, appartient au groupe des Cryptogastres,
ayant le chaperon entier, Tocciput convexe, l'abdomen n'ayant de
visible en dessus qu'une sorte de carapace formée par les trois premiers
segments. Au même groupe se rapporte le genre Sigalphus, N. von Es.,
à tarière saillante, les antennes sétacées, la tète avec deux grandes fos-
settes en dessus du chaperon, les ailes à deux cellules cubitales, dont la
première reçoit la nervure récurrente.Le type est le S.obscunis, N. von Es. ,
30 HYMÉNOPTÈRES.
noir en entier, les ailes diaphanes, les pattes variées de fauve, de
France, des environs de Paris, de Belgique. Les Sigalphes attaquent des
chenilles de Tinéideset des larves de divers Coléoptères, notamment du
Charanson des Pins {Pissodes notatus). C'est aussi aux Cryptogastres
qu'appartient le genre suivant.
CJUKI^OJ^'C^, Jiiriiie. — Yeux velus. Ailes à trois cellules cubitales, dont la pre-
mière est confondue avec la discoïdale externe. Carapace de l'abdomen d'une
seule pièce. Tarière cachée.
Il y a près de 30 espèces de ce genre en Europe. D'après Haliday
et Léon Dufour, les femelles de Chelonua pondent leurs petits déjà par-
venus à l'état de nymphe, par un fait analogue aux Diptères pupipares.
Si ce fait, qui me semble douteux, est vrai, on peut se demander à quoi
sert le parasitisme à l'intérieur de Charansons, de Saperdes et de Ter-
deuses indiqué pour les Chélones de diverses espèces. Nous représen-
tons une espèce commune en Europe et des environs de Paris, vol-
tigeant sur les Ombellifères et les Graminées, le C. oculator, Fabr.
(pi. Lxxvni, lig. 10), long de 5 millim., noir, très-rugueux, à ailes dia-
phanes, à pattes rousses, l'abdomen subcylindrique, ayant à sa base
une tache d'un jaune pâle de chaque côté.
MICRO(;a*»TI-:r, Latr. — Antennes sétacées et multiarticulées> Yeux velus.
Mâchoires et lèvre sans prolonijement. Ailes avec une cellule radiale grande,
triangulaire et deux ou trois cellules cubitales ; dans ce cas l'intermédiaire
très-petite. Pattes l'ortes avec les cuisses comprimées. Tarière cachée ou courte.
Ce genre, ainsi que le suivant, Agathis, Latr., appartient aux Braco-
niens aréolaires, ayant le chaperon entier, le vertex plus ou moins
échancré en arrière, la seconde cellule cubitale des aiks supérieures
très-petite et pouvant manquer, rappelant l'aréole des Ichneumoniens.
Les Microgaster comprennent un grand nombre d'espèces de petite
taille, près de 150 en Europe, de couleur sombre, attaquant beau-
coup de chenilles, d'où sortent les larves qui filent en commun do
petits cocons oblongs, de couleur jaune ou blanche. Une des plus utiles
est le M. glomeratus, Linn., Ylchneumon à coton jaune de Geoffroy, de
2 à 3 millimètres, noir, à ailes diaphanes et irisées, les pattes testacées,
l'abdomen noir, avec les bords latéraux d'un fauve testacé près de la
base. Cette espèce rend les plus grands services à l'horticulture, dans
les potagers du nord de la France et des environs de Paris, en limitant
de la manière la plus efficace l'extension du Pieris Brassicœ, Linn., Lépi-
doptère si nuisible aux Crucifères. Il y a des années où nous n'aurions
pas de choux sans ce Microgastre très-fécond ; on a vu souvent les che-
nilles de Piérides saines ne subsister dans une éducation que o ou h sur
200. On aperçoit sur les murs des jardins les amus de petits cocons
AGATHIS. — HELCON. 31
jaunes, qu'il laut respecter, à côté du corps tlasque de la chenille mou-
rante. Cette espèce attaque aussi les chenilles nuisibles de Liparis dispar,
de Lasiucampa Fini, de Liparis auriflua, de Nolodonta zigzag, etc. l'ne
espèce très-voisine, le M. perspicuus, Wesm., entoure de ses cocons
blancs les chenilles mortes de Clostera anastomosis, de Plusia Chrysitis,
de Zerene grossulariata (Phalénides), de Tortricides, de Plérophorcs (1),
etc. Nous représentons une troisième espèce, aussi des environs
de Paris, le M. deprimator, Fabr. (pi. lxxvhi, fig. 6), long de Zi milli-
mètres, noir, tres-ponctué, à grandes ailes diaphanes et irisées, à pattes
rousses. Le M. alvearius, Spinola, de France, d'Italie, s'attaque aux
lausses-chenilles de Némates. Ses détails sont représentés pi. Lxxvni
(fig. 7, mandibule ; 7 a, mâchoire et palpe ; 7 b, labre ; 7 c, lèvre infé-
rieure et palpes ; 7 d, abdomen vu de profil).
ACiATlIli^, Latr. — Antennes longues et filiformes. Yeux glabres. Mâchoires et
lèvres prolongées en forme de bec. Ailes supérieures ayant une cellule radiale
complète et lancéolée et trois cellules cubitales, la première confondue avec la
discoïdale externe, la seconde très-petite, triangulaire ou quadrangulaire.
Tarière longue et filiforme.
Les Agatliis ne comptent en Europe qu'une dizaine d'espèces. Nous
représentons, d'Allemagne, de France et des environs de Paris, l'A. pur-
{gator.N. \on Es. pi. Lxxvni,fîg. 2, mâle; 2 a, tête vue de lace), entière-
ment d'un fauve vif, avec les ailes très-rembrunies, les supérieures
traversées par une large bande blanche, bordée de noir.
IIUIX'Oi\, Nées von Esenbeck. — Antennes sétacées. Vertex convexe, ayant le
bord supérieur de la face unidenté. Troisième article des palpe? maxillaires
large et irrégulier. Ailes antérieures à trois cellules cubitales. Pattes posté-
rieures longues et fortes, avec les cuisses très-renflées. Abdomen plat et
allongé. Corps long et étroit. Tarière très-grêle, à peu près de la longueur du
corps.
Ce genre appartient aux Bvacomen?) poliji nor plies, qui ont le chaperon
entier, la portion postérieure du verte.v convexe, la seconde cellule
cubitale grande et manquant quelquefois, l'abdomen formé de si\ ou sept
segments. 11 y a en Europe une dizaine d'espèces d'Helcon, parasites de
larves lignivores de divers Callidium (Cérambyciens), de chenilles de
Lipariit Monacha et de Tortrix. Nous représentons une espèce des envi-
rons de Paris, à corps noir, à ailes irisées, à cuisses postérieures fauves,
VH. spinalor, Audinet-Serville (pi. Lxxvni, tig. 8, femelle; 8 a, tête vue
de face; 8 b, abdomen vu de profil).
(4) Maurice (iirard, Les petits protecteurs des luzernes et des prairies artifi-
cieltes {Inscctoloyie uyricole^ Paris, Doiuiaud, 1869, o^ année).
32 HYMÉNOriËRES.
Al,V!!îlA, Latr. — Tète courte, transversale, échaucrce eu arrière. Antennes
multiarticulces, de la longueur du corps. Mandibules larges, trilobées ou tri-
dentées. Thorax ovataire. Ailes antérieures à sligma grand et triangulaire, à
trois cellules cubitales et trois discoïdales. Pattes grêles, à cuisses un peu ren-
flées. Abdomen aplati, en ovale un peu élargi, avec le second segment très-
graud. Tarière très-variable, courte dans les uns, à peu près de la longueur
de l'abdomen dans d'autres espèces.
Les Alysies comptent en Europe près de 80 espèces. Ce sont des car-
nassiers internes d'insectes fort divers, de Cliaransons, de Saperdes et
d'Altises (Coléoptères), de chenilles de Phalénides, et du Macrogloisa.
Stellatarum, et surtout de larves de Diptères Musciens appartenant
aux genres Sarcophaga, Lticilia, Anthomyia, Agromiza, Tephritis, etc.
Ce genre Alysia t'ait partie des Draconiens exodontes, ofl'rant les dents
des mandibules dirigées en dehors ; celles-ci sont larges, fortement
dentées, ne se touchant pas quand elles sont fermées et demeurant
ordinairement ouvertes après la mort de l'insecte. Nous représentons
une des espèces les plus répandues en France et en Allemagne, l'.l.
unducator, I''abr. (pi. Lxxvui, fig. 11; 11 a, tète vue de profil; 116,
tète vue de face). Ce Draconien, long de 6 à 8 millimètres, .a le corps
noir, rugueux et ponctué, les ailes translucides et enfumées, les pattes
rousses, l'abdomen d'un noir brillant. 11 est cité par Giraud comme
sorti des asticots de Lucilia Cœsar.
*9TiiVa\'Xt:ii9, Jurine. — Tète tuberculée au sommet. Mandibules courtes et
très-épaisses. Antennes très-minces et sétacées, à articles allongés. I*alpes
maxillaires extrêmement longs. Thorax rétréci à sa partie antérieure. Ailes
supérieures ayant une radiale longue et étroite, atteignant le bout de Failc,
deux cellules cubitales, trois discoïdales, la première en parallélogramme, la
seconde rectangle, la troisième ouverte et prolongée jusqu'au bout de l'aile.
Pattes des paires 1 et 2 moyennes, à jambes un peu contournées, les posté-
rieures très-allongées et Irès-l'ortes, à cuisses renflées et garnies de plusieurs
dents en dessous, les jambes comprimées à la base, renflées au bout. Abdomen
iong, en ovale oblong, le premier segment en long pédoncule épais et cylin-
droïde, inséré à la parlie postérieure et supérieure du métathorax. Tarière
plus longue que le corps.
Le genre Stephanus est de classification difficile : l'insertion abdo-
minale le faisait placer par Brullé dans les Evaniens. M. E. Blanchard
le range à la fin des Ichneumoniens. C'est aux Draconiens que les
ouvrages les plus récents le rapportent. Les pattes des Stéphanes peu-
vent s'appliquer contre le corps, ce qu'atteste la présence de fossettes
obliques sur les côtés du thorax ; probablement ces insectes simulent
ainsi la moijt. En Europe sont trois espèces de ce genre, dont le type,
qu'on voit voler sur les bois secs, en France, en Allemagne, en
CHALCIDIENS. 33
Autriche, est le S. serrator, Fabr., en raison des dents des cuisses pos-
térieures. Long de 16 à 20 millimètres, il est noir avec les ailes rembru-
nies, ayant une tache hyaline, les jambes, les tarses et l'abdomen roux.
Des espèces de grande taille (sous-genre Megischus, Brullé) appartien-
nent aux régions chaudes des deux mondes, Indes, Brésil, etc. Nous
représentons, pi. lxxvu, fig. 5, la femelle du S. furcatus, Aud.-Serville,
du Brésil (5 a, bord antérieur du prothorax et tête vus en dessus ; 5 b,
tête vue de face). Cette espèce, dont le corps atteint 3 centimètres et
la tarière à, est noire, avec les joues et la base des mandibules rous-
ses, les ailes d'une teinte bistrée avec les nervures noires, le second
segment de l'abdomen lisse, les valves de la tarière noires.
Tribu des CHALCIDIëivis.
Les Chalcidiens forment, avec la tribu suivante, les Proctotrupiens,
ces Hyménoptères entomophages, tous de faible taille, que Linnœus
appelait les petits Ichneumons {Ichneiimones minuti). Ils correspondent
aux Pteromalini de Dalman, aux Diplolépaires de Spinola, aux Chalci-
didœ de Walker, aux Pteromalidœ de C. G. Thomson. On rencontre ces
petits insectes en très-grand nombre sur les plantes de toute nature,
les femelles en quête de larves pour pondre, les mâles recherchant les
femelles pour l'accouplement. On les ramasse en forte proportion en
promenant le filet fauchoir sur les feuilles et les fleurs, surtout dans les
prairies et dans les bois. On les obtient aussi en élevant des larves d'in-
sectes, et c'est le seul moyen de connaître leurs métamorphoses. Le
plus grand nombre des Chalcidiens vit dans les larves d'insectes de
divers ordres, ne cherchant d'ordinaire que de la chair fraîche, et pre-
nant leurs victimes non-seulement dans les espèces du même ordre,
mais aussi d'ordres diflerenls. Des Chalcidiens variés nous rendent de
grands services en diminuant le nombre des Scolytiens si nuisibles aux
forêts. Le fermier doit se réjouir quand il voit ses sacs de blé cous^erts de
petits Chalcidiens d'un vert brillant destinés à anéantir la Calandre
{Sitophilus granarius); un Encyrtus détruit l'utile Coccinelle à sept
points. Beaucoup d'Hyménoptères nidifiants sont attaqués par les Chal-
cidiens, aussi bien les Mellifiques que les Fouisseurs : ainsi j'ai vérifié
qu'un Eurytoma détruit dans les tiges creusées de la Vigne la larve du
Pemphredon lugubris A^e?, Leucas pis introdahent, dans les nids des Abeilles
maçonnes et dans les cellules à larves des Guêpes, leur longue tarière,
portée au repos sur le dos, et que la femelle, soulevée sur le bout de
ses tarses, fait passer en dessous, entre son corps et ses pattes, par la
même manœuvre que les Pimples,
Les Tenthrédiniens nuisibles sont les fréquentes victimes des Chalci-
diens. Ainsi le Pteromalus subfumatus, Ratz., vit dans les fausses chenilles ■
GIRARD. ni. — 3
34 HYMÉNOPTÈRES.
du Lophyi-e du Pin. Les chenilles des Lépidoptères sont la proie la plus
ordinaire des larves de Chalcidiens : ainsi le Pteromalus puparum,Lmn.,
auxiliaire des cultivateurs de toute l'Europe, vit en société et subit sa
nymphose dans le corps d'un grand nombre de chenilles, notamment
de la Piéride du Chou, et plus de mille peuvent sortir du corps d'une
grosse chenille. Les nichées d'adultes ainsi éclos offrent parfois les
deux sexes mélangés, parfois un seul, mâle ou femelle, fait que nous
retrouverons pour beaucoup de Psychides (Lépidopt.j, et qui est peut-être
un moyen naturel d'éviter les unions consanguines. Parmi les Hémi-
ptères, les Aphidiens sont la proie de divers Chalcidiens, ainsi du Ptero-
malus Aphidis, Nées d'Es. ; plusieurs Encyrtus et le genre Coccobius,
Ratzeburg, vivent uniquement aux dépens des Cocciens. Les Diptères ne
sont pas épargnés. Si YEupelmus Syrphi, Bouché, donne pour nourriture
à ses larves les larves utiles des Syrphus Ribesii et balteatus, les Ptero-
malus sont de précieux agents contre les Diptères qui détruisent le blé,
et les larves de Spalangia nigra, Latr., dévorent les entrailles des pupes
de Musca domestica.
Tl y a des Chalcidiens qui pondent dans les galles, ainsi surtout les
Callimome à longue tarière, soit dans les galles des Cynipiens, et alors
les larves sorties de leurs œufs mangent les larves féculivores des Cynips
et des Synergus, soit dans les galles des Cécidomyies, où les larves des
Chalcidiens dévorent les petites larves des Diptères; des Eulophus, ainsi
E. gallarum, Linn., de toute l'Europe (genre Olynx, Fôrster); des
Elachestus, Spinola, pondent dans les galles où vivent les fausses Che-
nilles des Némates (Tenthrédiniens). Il y a de très-petits Chalcidiens
dont la ponte se fait dans les œufs des insectes : un Pteromalus pond
dans les œufs de la funeste Galéruque de l'Orme; VEntedon ovuloruin,
Ratz., dans les œufs de Tenthrédiniens; un Eupelinus dans les œufs de
VAttacus Yama-maï, G.-Mén. ; un autre, £. Cicadœ, Giraud, dans les œufs
des Cigales. On voit éclore de l'oothèque de la Mante religieuse le rare
Palmon pachymerus, Dalman, du type des Torymus, d'un indigo violet
brillant, à pattes jaunes, avec les cuisses postérieures très-larges et
dentelées, d'un bleu verdâtre brillant (pi. i.sxix, fig. 16; 16 a, cuisse
postérieure très-grandie). La femelle enfonce sa longue arière dans les
œufs de l'oothèque.
Les Chalcidiens offrent les plus nombreux exemples de parasites de
parasites, ou parasitisme du deuxième degré (le docteur Giraud a même
constaté un cas de parasitisme du troisième degré). Les Draconiens
entomophages sont les fréquentes victimes de Chalcidiens; on ne peut
pas élever de chenille piquée par les Microgaster, sans voir éclore en
outre des Chalcidiens; du corps des Aphidius renfermés dans divers
Pucerons sort le Chrysolampus aphidiphagus, Ratz., etc.
Il y a des Chalcidiens dépourvus d'ailes, surtout chez les femelles :
ainsi les femelles de beaucoup d'Eupelmus et celles du genre Ceroce-
phala, Westw. ; parfois des espèces ordinairement aptères prennent des
CHALCIDIENS. 35
ailes dans les automnes chauds, ainsi pour le Chorcius ineptus, Dalman,
par le même fait d'excès de développement que chez la Punaise des
lits et la Lygée aptère. Le genre Monodontomerus, Westw., offre ce fait
curieux, que les femelles ailées entrent pour pondre dans les nids des
Anthophores et des Osmiens, soit sur leurs larves, soit sur un Acarien
parasite qui les dévore, VHeteropus ventricosus, tandis que les mâles,
qui n'ont que des rudiments d'ailes, par le même fait que certains
mâles de Némoures (Névropt.), ne peuvent quitter le nid où ils sont nés.
Il y a des Chalcidiens sauteurs, surtout ceux où les jambes intermé-
diaires sont armées d'un grand éperon, ainsi dans les Encyrtus. Cette
faculté du saut appartient à de très-petites espèces à pattes grêles, et
des espèces à cuisses postérieures renflées, comme les Chalcis, ne sautent
pas. De même les Sagra (Chrysoméliens), à cuisses postérieures très-
renflées, ne sautent pas. Fondras a donné, à propos des Attises (voy. 1. 1""",
p. 799), l'explication anatomique de ce fait.
Il y a parfois de grandes variations sexuelles chez les Chalcidiens,
outre une autre structure des derniers anneaux de l'abdomen et leur
nombre différent, ordinairement sept chez les mâles et six chez les
femelles. Les mâles de divers Eurytomides, ont les antennes noueuses
et ornées de longs poils ; dans les Eulophides, les antennes des mâles
sont très-ramifiées, offrant 2, 3, h, 5, 6 et même 7 branches. Les Cero-
cephala ont la tête surmontée de trois cornes dans les mâles; certains
genres ont le dernier article des palpes des mâles grands et globuleux,
ou les palpes maxillaires fourchus par prolongement de leur troisième
article, etc.
Parfois les Chalcidiens sortent adultes des larves ou des nymphes qui
les ont nourris. Parfois leurs larves, ayant atteint leur développement,
quittent la larve nourricière et se fixent à son corps ou aux feuilles
voisines, à l'aide d'un enduit agglutinant. En général, les nymphes de
Chalcidiens ne se renferment pas dans des cocons; certaines espèces font
entrer dans la construction de leur enveloppe les débris des larves dont
elles ont vécu. Les espèces à longue tarière ont cet organe couché sur
le dos pendant l'état nymphal, fait qu'offrent aussi les espèces à longue
tarière des autres tribus d'Hyménoptères entomophages. Les espèces
à étroit pédicule abdominal sont pliées en deux dans la nymphose
(Haliday). Les larves des Chalcidiens sont de très-petits vers apodes, le
plus souvent blanchâtres et d'aspect charnu. Leur forme est ovale*
allongée, avec l'extrémité postérieure amincie et de légères traces
d'articulations ; la tête, petite et sphéroïde, pouvant rentrer dans le
premier anneau du thorax. Parfois la face inférieure du corps présente
deux tubercules par segments, rudiments d'autant de pattes. C'est ce
qui arrive pour la larve de Spalangia nigra vivant dans la Mouche
domestique (Bouché). Nous verrons un fait analogue pour les larves
apodes des Volucelles (Diptères, Syrphiens)*
36 HYMÉNOPTÈRES.
Caractères généraux des Chalcidiens adultes. — Corps toujours
petit, le plus souvent avec éclat métallique, vert, bleu, d'un bronzé
doré ou rougeîitre, ainsi dans les types Perilampus, Torymus, Eupelmus,
Pteromalus, etc.; parfois terne et noir ou brun foncé, comme dans les
types Chalcis, Eurytoma, Enajrtus, au moins pour la tète et le tho-
rax, etc. Antennes brisées, éloignées des yeux, ayant au maximum treize
articles, souvent épaissies au bout. Pronotum n'atteignant pas les
écailles. Ailes supérieures n'ayant pas de cellules complètes, la nervure
postcostale atteignant le bord antérieur de l'aile loin après la base et
y formant un stigma le plus souvent linéaire, les autres nervures plus
ou moins abrégées. Pattes à articles tarsaux en nombre variable
(exception chez les Hyménoptères), les cuisses postérieures quelquefois
renflées et dentées en dessous {Chalcis), les jambes intermédiaires
parfois épaisses et armées d'un long éperon denté en scie au côté
interne. Abdomen à segments libres, leur bord latéral non aigu, parfois
étroitement et longuement pédicule, le plus souvent d'aspect sessile.
Tarière des femelles le plus souvent droite et cachée sous la face ven-
trale de l'abdomen, qu'elle ne dépasse pas, s'insérant à une grande
distance de son extrémité, parfois très-longue et grêle, ou bien saillante
au dehors et rectiligne {Callimome), ou bien se recourbant en dessus
sur lé dos, par persistance de l'état nymphal {Leucaspis).
M. C. G. Thomson (1) divise les Chalcidiens en deux sections : 1° Ma-
crocentri : Antennes le plus souvent multiarticulées; mésosternum
parfois en bouclier; ailes supérieures ayant le stigma plus long que la
côte, la nervure radiale souvent grande, parfois courbée; jambes anté-
rieures armées d'un grand calcar recourbé, tarses pentamères. 2° Micro-
cenin. Antennes le plus souvent de peu d'articles; ailes supérieures
ayant le plus souvent le stigma long, parfois plus long que la côte,
les nervures radiale et métacarpienne le plus souvent courtes;
jambes antérieures n'ayant qu'un calcar grêle, court et droit ; tarses
le plus souvent tétramères, rarement trimères, très-rarement hétéro-
mères.
Nous adopterons la division artificielle, commode, des catalogues de
collections : Chalcidiens pentamères {Macrocentri), tétramères et trimères
(Microcentri).
PENTAMERES.
l,Ei;€.%SPlS, Fabr., ou Leucospis. — Labre allongé et échancré. Ailes anté-
rieures pliées en long au repos, comme chez les Guêpes et ayant une cellule
radiale. Jambes postérieures très-arquées, caiialiculées en dessous, prolongées
(1) Skaadinaviens Hymeiwptera, genre Pteromalus, Swederus. Lund, 1875,
t. IV, fasc. i.
LEUCASPIS, CHALCIS, ETC. 37
en épine; cuisses postérieures très-renflées, ovalaires, dentelées en dessous.
Tarière des femelles longue et grêle, recourbée au repos sur le dos de rabdomen.
Les Leiicaspis sont les plus grands Chalcidiens, vivant des larves de
Guêpes, de Chalicodomes, d'Osmies, ornés de taches jaunes ou rouges
sur fond noir. Une quinzaine d'espèces du midi de l'Europe et du nord
de l'Afrique. A citer deux espèces à taches jaunes : L. gigas, Fabr., de
12 millim.,du midi de la France et d'Algérie, en juin et juillet, sur les
fleurs, et L. dorsigera, Fabr., de 8 à 10 millim. Nous représentons
L. pediculata, G. -Mén. \pl. lxxix, fig. 7, femelle), de Java, noire, à bandes
d'un jaune fauve.
CHAIiCI^, Fabr. — Antennes de 13 articles, insérées au milieu du front, plus
ou moins fusiformes. Jambes intermédiaires avec un calcar au bout; jambes
postérieures prolongées au bout en épine longue et forte ; cuisses postérieures
très-larges, avec le bord inférieur en scie ou dentée. Abdomen brièvement
pédicule.
Les Chalcis comptent plus de vingt espèces en Europe et d'assez
nombreuses exotiques. Les espèces d'Europe sont parasites de larves de
Cassides, du Fourmilion, de Zygènes, etc. Nous représentons C. Lasnieri,
G. -Mén. (pi. LXXIX, fig. Zi), de Cuba, d'un rouge écarlate, à ailes d'un
brun noirâtre, et les détails d'une espèce d'un genre très-voisin, Smicra,
Walker, à abdomen longuement pétiole, les jambes intermédiaires
sans calcar, le S. sispes, Linn., de Suède, de France, très-rare auprès
de Paris, attaquant les larves des Stratiomys (Diptères), noir, à ailes
.enfumées, les pattes variées de roux (pi. lxxix, fig. 5, antenne du mâle ;
5 a, labre; 5 b, mandibule ; 5 c, mâchoire et son palpe; 5 d, abdomen
vu de profil). Le genre voisin, P/iasr/a?îop/io?-a, Westw., formé d'exotiques,
à cuisses comprimées et ovales, à abdomen brièvement pédicule, à
tarière droite et saillante, aussi longue que l'abdomen, est figuré par
le P. caudata, G. -Mén., femelle, du Brésil (pi. lxxix, tig. 6), noir, à ailes
transparentes et jaunâtres, les tarses jaunes, les cuisses postérieures
avec une tache jaune en croissant. Le genre Dirhinus, Dalman, compte
deux espèces du midi de l'Allemagne, et le type d'Egypte et d'Algérie
(H. Lucas), D. excavatus, Daim. (pi. lxxix, fig. 10, tête vue de face avec
les antennes; 10 a, tête vue en dessus), insecte noir, à ailes hyalines, les
pattes variées de jaune testacé. Le genre se distingue surtout des
Chalcis par les mandibules très-prolongées en avant et par la tête pro-
fondément bifide.
Le genre exotique Thoracantha, Latr., a le corps très-épais et comme
globuleux; la tête fort large; l'écusson 'prolongé de manière à recouvrir
les ailes au repos, et l'abdomen, à la façon des Scutellériens (Hémipt.
hétéropt.), fendu au milieu et prolongé postérieurement en deux
pointes aiguës, et toutes les pattes grêles. Ex. : T. Latreillei, G. -Mén.,
38 HYMÉNOPTÈRES.
du Brésil, entièrement d'un noir bleuâtre très-luisant (pi. lxxix, fig. 8;
8 a, corps de profil ; 8 b, tête vue de face ; 8 c, mdclioires et lèvre infé-
rieure; 8 d, antenne grossie).
On a rapporté de Sierra-Leone (Afrique occidentale) un Chalcidien
des plus étranges, VAgaon paradoxum, Dalman (pi. lxxix, fig. 9, tôte
vue en dessus avec les antennes; 9 a, id. en dessous). Le corps, en entier
d'un jaune testacé, a Fabdomen très-étroit, se terminant chez la femelle
par une tarière sétiforme plus longue que lui. Les pattes sont très-
grêles et le corselet muni de deux épines latérales; les ailes supérieures
larges, les inférieures très-étroites, ciliées postérieurement. La tète
surtout est très-singulière': très-longue et subrectangle, recouverte infé-
rieurement par deux lamelles quadridentées au côté interne, partant
de la base des mandibules ; les antennes avec le premier article en
grande palette triangulaire, les suivants très-grêles, les trois derniers
très-renflés et subrectangles, formant une massue allongée ; les palpes
maxillaires nuls.
PERILAUlPE'i^, Latr. — Tête grande et arrondie; antennes courtes, de 13 ar-
ticles. Thorax court et épais ; écusson grand, prolongé en pointe postérieure-
ment. Pattes médiocres, assez grêles. Abdomen d'aspect subsessile, court, sub-
arrondi, les segments 2 et 3 les plus grands, 4 petit, les autres rétractés.
Tarière cachée.
Les Périlampes, à corps métallique et brillant, comptent près de
vingt espèces en Europe et d'autres exotiques. Lx. : P. violaceus, Fabr.
(pi. LXXIX, fig. 12, mâle; 12 a, antenne très-grossie; 12 6, labre; 12 c et
12 d, mandibules; 12 e, mâchoire et palpes). Cette espèce, très-répandue
en Europe, de France et près de Paris, d'Angleterre, d'Allemagne, de
Suède, vole au printemps sur les fleurs des Rosacées. Longue de
Il millim., elle a la tôte et le thorax d'un vert bronzé, l'abdomen et les
■pattes bleus, avec les genoux et les tarses ferrugineux.
DE:c.4TOltI.%, Spinola. — Corps épais. Antennes courtes, de 11 articles, termi-
nées par une massue de 3 articles, sans verticilles de poils chez les mâles.
Ailes supérieures avec un stigma épais, subcarré ou oblong, au-dessous duquel
est, le plus souvent, une marque enfumée transverse, dépassant souvent le
milieu du disque. Pattes assez robustes, avec jambes postérieures à deux cal-
cars, souvent munies de soies raides au bord externe. Abdomen ayant dans les
deux sexes un assez long pétiole, cylindrique, grêle et défléchi. Tarière des
femelles un peu saillante.
Le genre Decatoma compte en Europe une quinzaine d'espèces. Nous
représentons, pi. lxxix, fig. 11, le D. signatum Nées d'Es., var. Coo-
peri, Curtis, femelle, de France et d'Angleterre (fig. 11 a, antenne de
la femelle; 11 b, tarse postérieur; 11 c, abdomen de profil). A côté
DECATOMA, ETC. - EULOPHUS. 59
de ce genre se placent les genres Eurxjtoma, lUiger, à antennes des
mâles ornées de verticillcs de poils {E. plumatum, Illig.), comptant
soixante espèces européennes, et Uosoma, Walker, ayant plus de trente
espèces en Europe. Ces genres offrent des espèces noires, rarement
tachées de jaune, sans éclat métallique, vivant le plus souvent dans
les galles de Cynipiens et de Diptères, et qui sont aussi parasites de
Microgastres, d'Osmies et de divers Fouisseurs, de Scolytiens, etc.
Dans le genre Cleonymus, Latr., les antennes sont de onze ou douze
articles (pi. lxxix, fîg. 13), terminées par une massue conique, et elles
sont, dans le genre Encyrtus, Latr., filiformes et poilues chez les mâles,
comprimées et se dilatant peu à peu vers le hout chez les femelles, en
une massue largement tronquée (pi. lxxix, fig. l/i). Les Encyrtes, très-
nombreux en espèces, ont le corps grand et robuste, avec la tête et le
thorax non métalliques, l'abdomen l'étant quelquefois.
Le genre le plus nombreux des Chalcidiens pentamères est celui des
Pteromalus, Swederus, ayant en Europe plus de six cents espèces, qui
vivent dans les insectes de tous ordres. Leur corps, d'un vert bronzé
ou bleuâtre, est un peu poilu, avec les cuisses grêles, les pattes pubes-
centes, les antennes filiformes et grêles, de treize articles, le thorax
large et court, l'écusson ovale, l'abdomen ovalaire, plus court que
le thorax et beaucoup moins large, la tarière cachée ou à peine
saillante. Le type est le P. puparum, Linn., le Cynips des chrysalides des
papillons de Geoffroy, long de 3 millim., d'un vert bronzé obscur, à ailes
hyalines, à jambes et tarses testacés, sortant fréquemment des chrysa-
lides des Pieris Brassicœ et Rapœ et de nos Vanesses indigènes.
TÉTRAMÉRES.
EUK.OPaD§(, Geoffroy. — Tête courte et large; antennes de 9 articles chez les
mâles, 3, 4 et 5 émettant une longue branche à leur base; de 8 articles sim-
ples chez les femelles. Pattes simples, droites, subégales. Abdomen déprimé,
sublinéairc, un peu plus étroit que le thorax.
Les Eulophes, qui comptent en Europe près de deux cents espèces,
vivent surtout aux dépens des chenilles de Noctuelles et de Microlépi-
doptères, et par suite nous sont fort utiles. L'E. pectinicornis, N. d'Es.,
de 2 millim., est d'un brun noirâtre bronzé, à ailes diaphanes, à jambes
et tarses jaunâtres (pi. lxxix, fig. 15; 15 a, antenne du mâle; 15 b, an-
tenne de la femelle). L'^. ramicornis, Geoffroy, de même taille, est
d'un vert cuivreux brillant, avec les appendices fauves en partie. Ces
deux espèces, répandues dans presque toute l'Europe, se prennent à
la fin de l'été, en fauchant sur les fleurs.
ÛO HYMÉNOPTÈRES.
TRIMÈRES.
Les Chalcidiens à trois articles aux tarses sont peu nombreux. Nous
citerons seulement un fort curieux genre, de l'extrOme midi oriental
de l'Europe et des îles de l'Archipel, le genre Blastophaga, Gravenhorst,
ayant des analogies avec le genre Agaon, à mandibules munies à la
base d'une lamelle cornée subovale, à palpes maxillaires réduits à une
soie, à pattes des paires 1 et 3 courtes, avec grandes cuisses ovales et
jambes triangulaires. Ce genre, de place incertaine, paraît se rapporter
à l'ancien Cynips psenes de Linnœus. Un autre genre, Sycophaga,
Westw., a les mandibules ordinaires, les pattes comme les Blastophaga,
et une longue tarière à trois soies égales. Tous ces insectes sont encore
très-mal connus. On leur attribue le phénomène de la eaprification, ou
pratique par laquelle on fait grossir les figues dans le Levant, l'Archi-
pel, la Grèce, le Tyrol, la Kabylie, etc., en suspendant de place en place
entre les Figuiers des figues sèches d'où s'échappent ces petits Hymé-
noptères qui s'introduisent dans les figues encore jeunes. On ne sait
trop s'ils provoquent la fécondation des fleurs femelles, ou si leurs
piqûres accélèrent la maturation, comme cela se remarque souvent
pour les fruits percés par des insectes variés. Sont-ils attirés par des
larves dans lesquelles ils pondraient? Toute cette question de la eapri-
fication est encore fort obscure et a besoin d'études entomologiques sur
place. Tournefort a décrit cette pratique dans son Voyage au Levant et
dans les Mémoires de l'Acad. des se. de Paris en 1705. On consultera sur
cette question spéciale : J. 0. Westwood, On Caprification as practised
upon the Figs in the South of Europa and the Levant, with Descriptions
ofthe Insects employed for that purpose, etc. {Entom. Soc. of London Trans.,
1837-18Z|0, t. Il, p. 2U-22ZI ; Revue zooîog., ISZtl, p. ISli). — G. Gaspar-
rini, liiccrche sulla natura del caprifico, e del Fico e sulla caprificazione'
(Naples, 18Zi5, in-h" avec 8 pi., 97 pages). — Colonel Martin, Caprification
du Figuier en Kabylie {Bulletin Soc. d\tcclim., 2'= série, 1869, t. VI, p. 622).
Bibliographie des Chalcidiens. — Fr. Walker, MonographiaChalciditum
[Entomol. Magazine, 1 833, 1835, 1836, 1837, 1838).— Nombreux mémoires
sur les Chalcidiens répartis dans les recueils suivants : Ann. of Natural
ff/stor?/, 1838, 1839,18Zi0,18M,18/i6,18i8,18/i9, 1850, 1851,1852 ;A'ewma/i's
Entomologist, 1 8/i0-18/i2 ; NewmansZoologist,\ 8/i5, 18/t6 ; Linnœan Society
Trans., \85l;Jour7ial of Entomology, 1862. — Arnold Fôrster, Eine Cen-
turie neuer Hymenopteren {Rheinlande und Westfalens Verhandlungen,
Bonn, 1851). Hymenopterologische Studien, 1856, t. IL — D"' G. Mayr,
Die europœischen Torymiden, biologische und systematische bearbeitet
Verhandl. zool.-botan. Gesellschaft in Wien, 187/i, t. XXIV, p. 53 à l/i3).
Die europœischen Encyrtiden (même recueil, 1875, t. XXV, p. 675 à 779j.
Ces deux mémoires énumèrent les divers insectes d'où proviennent les
Chalcidiens.
PROCTOTRUPIE^S. h\
Tribu des PROCTOTRIIPIEMS.
Les Proctotrupiens sont de très-petits Hyménoptères, connus également
sous les noms de : Codrini, Dalman, Nées d'Esenb. ; d'Oxj/î<res, Latr. ;
de Psilotes, Fallen ; de Proctotrypidœ, Stephens. Leur couleur est généra-
lement obscure, noire ou bronzée. Us se distinguent des Chalcidiens par
leurs ailes très-délicates et fortement irisées, généralement dépourvues
de nervures, et par leurs antennes, de 10 à 15 articles, de longueur va-
riable et moindre dans les femelles, mais qui ne sont jamais coudées,
du moins à partir du second article, et le front n'ayant pas la fossette
qui sert chez les Chalcidiens à loger le premier article. En outre elles
ne se terminent jamais en massue bien marquée. Les mandibules sont
plus longues que chez les Chalcidiens ; les palpes maxillaires ordinaire-
ment longs et pendants, filiformes, de trois à six articles, les labiaux ■
de trois. Les ailes des Proctotrupiens sont parfois rudimentaires et même
peuvent manquer (femelles des Gonatopus). Chez les Mymarides les ailes
sont fort singulières dans beaucoup d'espèces, les postérieures très-courtes
en forme de soie, les antérieures en long stylet terminé par une spa-
tule, le tout bordé de longs poils. Les pattes sont longues, avec les
cuisses souvent un peu en massue et les jambes antérieures munies
d'un calcar arqué ; les tarses ont habituellement cinq articles, rare-
ment quatre dans quelques genres. Les femelles aptères des Gonatopus
ont les tarses antérieurs armés de deux grands crochets, fonctionnant,
comme les pinces d'une écrevisse, pour saisir des insectes. L'abdomen,
de cinq à sept segments, de forme ovale ou conique, présente dans
certains genres, comme les Proctotrupes, une longue tarière saillante,
arquée et aiguë, parfois au contraire, dans beaucoup de genres, conique,
lubulaire et rélractile à l'intérieur, sortant à la façon d'un aiguil-
lon, ce qui a embarrassé pour la place de certains genres, comme les
Bethijlus, Latr., les Sclerochloa, Fôrster, ou Schleroderma, Klug, Latr.,
Westw.
Les mœurs des Proctotrupiens sont entomophages, au moins pour la
très-grande partie, et pareilles à celles des Chalcidiens. Ce sont des
insectes agiles; quelques genres, en petit nombre, capables de sauter.
Certains fréquentent les lieux sablonneux et chauds (Gona^opws), d'autres
courent à terre ; d'autres voltigent sur les céréales, sur les branches des
arbustes, sur les plantes aquatiques, sur les plantes basses, etc., suivant
Thabilation deslarves.dont ils se nourrissent. Certains ont leurs nymphes
entourées de cocons filés par les larves, cocons très-minces, membra-
neux, agglomérés les uns contre les autres, enveloppés de la peau des
victimes (certains Platygaster). Il y a des espèces vivant de Pucerons ou
dans les galles, et des genres qui semblent ne nourrir leurs larves que
des œufs des insectes. C'est ce qui a lieu pour le genre Teleas, Latr.,
'42 HYMÉNOPTÈRES.
dont certaines espèces sont très-utiles en détruisant les œufs de Bomby-
ciens nuisibles, notamment des Bombyces neuslrien et du Saule, de
rOrgye antique, du Bombyce du Pin et aussi des Acronyctes (Noctuelles).
Dans un genre voisin, les Telenomus o»;u/orum, Thomson, et Phalœnarum,
Nées d'Esenb., ont des mœurs analogues.
Le premier est indiqué aussi comme pondant dans les œufs de la
Punaise ornée (Sirac/imornoto, Linn.), Hémiptère pentatomien qui ravage
les Choux. D'après Haliday, plusieurs larves peuvent se développer dans
un seul œuf de Papillon. Le Cosmocoma ovulorum, HaUd. (Mymarides),
pond dans les œufs de la Piéride du Chou. Plusieurs Platygaster, qu'on
voit voler en été sur les glumes des céréales, nous rendent des services
signalés en pondant dans les larves granivores des Cecidomyia Tritici et
destructor. D'autres Platygastres vivent dans les larves des Cécidomyies
gallicbles de divers végétaux. Les Diapria, qui paraissent souvent sortir
du sol, vivent en larves, d'après Nées d'Esenbeck, dans les larves de
Tipules terricoles. Les Belyta, les Cinetus, certains Prodotrupes, qu'on
rencontre souvent en automne sur les Champignons, sont carnassiers
mternes des larves de Tipules fongicoles et de Mycétophiles (Diptères).
D'après Haliday, les Bethy^lus ont au contraire des habitudes de Fouis-
seurs, enterrent les chenilles de Microlépidoptères, les entraînant à de
grandes distances avec beaucoup de soins et de peines, et les enfermanj
avec leurs propres œufs dans des trous où, en naissant, leurs larves se
trouveront entourées d'une nourriture propice.
Le Catalogue Kirchner divise lesProctotrupiens en onze familles, dont
les principales ont pour types les genres : Dryinus, Proctotrupes, Latr.,
• Teleas et Sparasion, Platygaster, Galesus, Diapria, Mymar, Helorus.
DRYIMKS, Latr. — Tête large et dilatée ; antennes de onze articles linéaires.
Mandibules longues, étroites, dentelées au côté interne; palpes maxillaires
grêles et très-longs, de cinq articles. Corselet allongé. Ailes étroites, à cellule
radiale allongée, atteignant le bout de l'aile ; lobule basai à l'aile inférieure.
Pattes longues, à cuisses renflées, à tarses très-larges, à forts crochets. Abdo-
men convexe, court et ovalaire.
Une trentaine d'espèces d'Europe. Ex. : D. cursor, Haliday, d'Angle-
terre (pi. Lxxvi, fig. 1). Nous représentons en outre les détails d'une
espèce d'un genre très-voisin, mais privé d'ailes, d'aspect de Fourmi,
Gonatopus formicarius, Ljungh, de France et d'Angleterre (1 a, mandi-
bule; 1 b, mâchoire et palpe; 1 c, lèvre inférieure et palpe; 1 d, patte
antérieure avec tarse en pince).
HEL.ORU<^, Latr. — Antennes de quinze articles. Mandibules recourbées et tri-
dentées au côté interne; palpes maxillaires de cinq articles. Ailes larges et
pubescentes ; un lobule basai à l'aile inférieure. Pattes simples et subégales.
Abdomen convexe, à long pédicule cyiindroïde, à tarière cachée.
HELORUS, SPARASION, GALÈSUS, INOSTEMMA. Zi3
Peu d'espèces en Europe, dont le type de presque tout ce continent,
mais assez rare, est VH. anomalipes, Panzer, d'un noir brillant avec les
pattes rousses en partie (pi. lxxvi, fîg. 2 ; 2 a, antenne ; 2 6, mandibule-,
2 c, mâchoire et palpe; 2 d, lèvre inférieure et palpe; 2 e, labre).
f^P%n.%^lOIV, Latr. — Corps allongé. Tête à face subtriangulaire; antennes de
douze articles, filiformes, un peu renflées au bout dans les femelles. Palpes
maxillaires de cinq articles. Thorax rétréci en avant en cou. Pattes grêles.
Abdomen long, à tarière cachée.
Le type, d'Angleterre et de toute l'Europe centrale et méridionale,
est le S, frontale, Latr. (pi. lxxvi, fig. 3 ; 3 a, tète de profil; 3 b, mAchoire
et palpe). 11 est noir et ponctué, et la tête a un tubercule cornu au-dessus
des antennes. Ce genre compte très-peu d'espèces. Le genre voisin,
Teleas, Latr., compte une quinzaine d'espèces en Europe, et il y en a
une trentaine dans un autre genre très-rapproché, Prosacantha Nées
d'Esenb. Nous représentons les déta.\h du P . elatior, Halid., d'Angleterre
(pi. LXXVI, fig. 7, antenne du mâle; 7 a, antenne de la femelle, élargie
au bout; 7 b, mandibule; 7 c, mâchoire avec palpe de trois articles;
7 d, lèvre inférieure avec palpes très-réduits).
G.%IiESr<ai, Curtis. — Antennes de quatorze articles dans les mâles et douze
dans les femelles, se renflant au bout. Corselet très-rétréci antérieurement.
Ailes sans cellules. Pattes grêles et longues, à cuisses renflées. Abdomen pédi-
cule et ovalaire, la tarière cachée.
Très-peu d'espèces. Citons le G. fuscipennis, Curtis, noir, à ailes très-
rembrunies (pi. lxxvi, fig. d; lia, antenne de la femelle ; U b, antenne du
maie), d'Angleterre et d'Allemagne. C'est probablement le même que
le Basalys fumipennis, Westw. Dans le genre Cinetus, Jurine, les an-
tennes sont filiformes, sans renflement à l'extrémité. Ex. : C gracilipes,
Curtis, d'Angleterre (pi. lxxvi, fig. 8, antenne).
■H'OHTEMMA, Haliday. — Antennes de dix articles, dont les quatre derniers en
massue. Palpes maxillaires et labiaux très-courts et de 'deux articles. Ailes ayant
une nervure sous-costale épaissie vers le bout. Pattes grêles, à cuisses renflées
à l'extrémité. Abdomen très-;iplati, allongé, en spatule, attaché au thorax par un
très-long pédicule et ayant, chez la femelle, une sorte d'appendice arqué ren-
fermant la tarière, partant du premier segment et remontant sur le thorax.
Une douzaine d'espèces en Europe. Le type d'Angleterre, de France,
d'Allemagne est 17. Bosci, Latr., noir, les bouts des pattes jaunes
(pi. LXXVI, fig. 5; 5 a, abdomen de la femelle très-grossi). Le genre très-
Voisin, Platygaster, Latr., compte plus de cent espèces en Europe.
44 HYMÉNOPTÈRES.
IHYM.%R, Haliday. — Tête large; antennes longues, surtout celles des mâles,
qui ont trois articles ; celles des femelles de neuf articles, se terminant en massue
inarticulée. Thorax convexe et ovalaire. Ailes antérieures très-longues et très-
étroites, terminées par une palette membraneuse garnie de longs poils. Ailes
postérieures réduites à un simple filet. Pattes très-grêles et très-longues, à tarses
de quatre articles. Abdomen à pédicule aussi long que lui.
Le genre Mymar donne son nom à une famille formée de plusieurs
genres, avec la forme si bizarre des ailes. Nous représentons (pi. lxxvi,
fig. 6) le M. pulchellus, Curtis, d'Angleterre et d'Allemagne, d'un jaune
obscur, les ailes diaphanes avec leur extrémité noire.
Bibliographie des Proctotrupiens. — Haliday, Eïitomolog. Magazine,
1833, t. I. — Fr. Walker, On the Species o/" Platygaster, etc. {Entomolog .
Magaz., 1836, t. III, p. 2l7-27Zi). On the Species oflEhEAs{Entom. Magaz.,
1836, t. III, p. 3Zil-370) . Description of the Mymarid^ {Ann. Natur. His-
tory, 18Û6, t. XVIII, p. /i9-5/i). — Arn. Forster, Ueber die Familie der
Mymariden (Linnœa enlomologica, 18i7, t. II, p. 19^-133). Hymenopterische
Studien, t. Il, pour les Proctotrupiens en général. — J. 0. Westwood,
Further Notices of the British parasitic Hymenopterous Insects (fam.
Chalcidid^, Proctotrupid.e, etc.) {Magaz. a f Natur. History, 1833, t. VI,
p. /llZj-/l21).
T«1BU DES ÉVAIWIEÎVS.
Les Évaniens forment en entomologie un de ces groupes qui sont
comme les points singuliers dans certaines courbes de la géométrie
analytique. On ne sait trop où les mettre, parce qu'ils ont des carac-
tères mixtes. Le Catalogue de M. L. Kischner, suivant complètement les
idées de Latreille, place les Évaniens entre les Cynipiens et les Ichneu-
moniens; ils seraient mieux, d'après les mœurs de certains genres et
leur longue tarière, entre les Ichneumoniens et les Draconiens. Jurine,
attachant trop d'importance à la singulière insertion de l'abdomen dans
les genres les plus caractérisés des Évaniens, divise les Hyménoptères
en trois principales sections : 1° abdomen sessile [Tenthredinidœ et
Siricidœ); 2° abdomen pétiole, le pétiole placé au-dessus du thorax
{Evania, Fœnus, Aulacus, etc.); 3° abdomen pétiole, le pétiole fixé
après et derrière l'abdomen. Tout le reste de l'ordre.
Les antennes sont fortes dans le?, Evania, Brachygaster et Fcpnws, grêles
dans les autres genres. Les cellules alaires offrent les plus grandes va-
riations, très-complètes chez les Aulacus, Jurine, plus ou moins mar-
quées chez les Evania, obsolètes dans les Pelecintis. La tarière des
Evania et des Fœniis est très-lougue ; elle est cachée dans les Pelecinus :
c'est un double fait analogue à ce que nous avons vu pour les divers
genres des Ichneumoniens et des Draconiens.
ÉVANIENS. — EVANIA. U5
Il est très-probable que tous les Évaniens {Evaniadœ, Leach, Eva-
niales, Latr. , Evanidœ, Westw.) vivent à l'état de larves dans le corps
d'autres insectes; mais comme ces Hyménoptèressont toujours assez rares,
leurs mœurs sont mal connues. On sait que les Evania choisissent les
Blattiens comme victimes, et pondent, dit-on, dans la capsule ovigère des
femelles. Comme certains de ces Orthoptères sont cosmopolites, il doit
en être de même de leurs Évaniens parasites. Ainsi il est probable que
les Brachygaster minutus, Olivier, et Evania fulvipes, Curtis, sont indi-
gènes, car on les a trouvés sous des pierres et dans les sols pierreux et
pleins de plantes basses où courent nos petites Blattes silvatiques,
notamment VEctohia lapponica. Au contraire, l'espèce type, E. appen-
digaster, qui s'attaque au Periplaneta orientalis, est probablement un
insecte importé avec sa Blatte; on le voit voler le long des murs des
maisons et dans les appartements, et il faut respecter cet utile insecte,
malheureusement trop rare. Les Fènes sont regardés depuis longtemps
comme Parasites des Apiens et des Fouisseurs; on ne sait si les femelles
s'introduisent dans les nids pour y pondre, ou si, comme le Mesoslenus
gladiator, elles en percent à l'extérieur les parois avec leur longue
tarière. M. Westwood a rencontré dans la saison chaude le Fœnus jacu-
lator (Fène lancier) voltigeant sur de vieilles murailles où se trouvaient
des nids de VOsmia hicornis. Le docteur Giraud a obtenu le F. affec-
tator des nids de VOsmia tridentata, et le F. jaculator du Tripoxylon
pgulus.
L'aspect des Évaniens, dans leur vol toujours lent, est fort curieux :
l'abdomen, qui semble un organe accessoire et insignifiant, se tient
relevé et étendu dans toute sa longueur, tandis que les pattes posté-
rieures, également tendues, se rapprochent l'une de l'autre et se jettent
en arrière, en contre-poids. Latreille dit que ces insectes au repos
s'accrochent aux plantes par leurs mandibules, et restent alors verti-
caux.
GENRES PRINCIPAUX.
KVAXIA, Lalr. — Antennes de treize articles dans les deux sexes, filiformes,
un peu plus longues que le corps. Pattes assez grêles, les postérieures très-
longues. Forme générale courte et trapue, due à un abdomen dépassant à peine
l'origine des pattes postérieures, petit, comprimé, le premier segment en pédi-
cule filiforme et un peu arqué, attaché près de la base du métathorax.
Les Évanies, vues au vol, ont un profil de l'abdomen ovalaire chez
les mâles et tronqué en triangle chez les femelles, avec une tarière
insérée en dessus, s'écartant de l'extrémité tronquée et à peu près de
la longueur de l'abdomen. Ces insectes peuvent retirer les pattes et les
antennes contre le corps, dans de larges sillons creusés dans le thorax
et la tête pour les recevoir. Nous représentons, planche lxxvii, fig. 1,
U6 HYMÉNOPTÈRES.
VE. lœvigata, Oliv., espèce noire de Cuba, maie (1 a, le môme de profil;
1 b, abdomen du mâle grossi, ovale et terminé par deuv petits appen-
dices coniques ; 1 c, abdomen de la femelle grossi et sécuriforme), et,
fig. 2, l'abdomen du mâle de YE. appendigaster, Linn., espèce cosmo-
polite comme la Blatte orientale, d'Angleterre, de France, d'Allemagne,
d'Algérie, de l'île Maurice, de Mozambique, du Brésil. Il y a une tren-
taine d'espèces d'Evania, des diverses régions des deux mondes et d'Aus-
tralie. Le genre très-voisin Brachygaster, Leacli (type B. minutus, Oliv.),
d'Angleterre, de France, d'Algérie, présente de petites espèces à ailes
à peine nervulées, à pattes plus épaisses, avec les postérieures moins
longues que chez les Evania.
^ELECI^'t')!», Latr. — Antennes longues et Irès-grêles, de treize articles. Ailes
très-imparfaites, sans cellules déterminées. Pattes longues, surtout les posté-
rieures, leurs jambes renflées en cylindre et non comprimées, comme dans les
Fœnus. Abdomen inséré en dessus du méthathorax, de six segments dans les
deux sexes, le premier en très-long pédicule filiforme, les cinq autres en renfle-
ment piriforme chez les mâles, très-longs et grêles chez les femelles, le dernier
court, simulant un crochet; .sans tarière visible.
Les Pélécines sont exclusifs aux régions chaudes des deux Amériques.
Le type est le P. polyturator, Urury (syn. polycerator, Fabr., Latr.), des
Antilles et du Brésil (pi. lxxvii, fig. 3, femelle).
FŒ;Hil,'S,Fabr. — Corps long et étroit. Tête semi-ovoïde; antennes assez courtes
et assez épaisses, de treize articles chez les mâles, quatorze chez les femelles.
Prothorax rétréci en forme de cou. Pattes à cuisses et jambes élargies et com-
primées, les postérieures plus longues et plus fortes, toutes logées au repos dans
des rainures du thorax. Abdomen à long pédicule, comprimé et plus épais à
l'extrémité, avec tarière de la femelle saillante, à trois soies écartées, un peu
moins longue que le corps.
Les Fcenus ont les ailes inférieures dépourvues de cellules et à ner-
vures obsolètes. Ils comptent une quinzaine d'espèces des deux hémi-
sphères, d'Australie et de Tasmanie. Le type, de toute l'Europe, est le
F. jaculalor, Linn., qu'on voit voltiger, mais assez rarement, sur les
murs, les troncs, les talus. Il est noir, avec les bouts des pattes, les
premiers segments de l'abdomen, la tarière, roussàtres. Nous repré-
sentons (pi. LXXVII, fig. Ix) la femelle d'une espèce exotique, de plus
grande taille, de coloration analogue, le F, capensis, Aud.-Serv., du
Cap.
Uibiiograpiiie des lÉvanîens. — De Romand, Sur le genre Pelecinl"?
{Magas. de zooL, 18/i0, Insectes, pi. xlviii et xlix; 1842, pl.xcvi).— M.Spi-
nola même recueil, 18ZiO. — Klug, Zeitschrift fur die EntumologieASklj
CINIPIENS. kt
t. III, p. 377. — Sur le genre Evama, Guér.-Mén. {Revue zoolog. de la
Soc. Cuviérienne, 18/j3, p. 338). — J. 0. Westwood, 0/iEvania and some
allied gênera of Hymenopterous Insects {Entom. Soc. of London Trans.,
1841-18Zi2, t. III, p. 237-278).
Tribu des CYWIPIEMS.
Les mœurs des Hyménoptères de cette tribu sont fort curieuses. Il
en est qui sont analogues aux entomophages des tribus précédentes
et pondent leurs œufs à l'intérieur du corps de diverses larves; mais
la plu5 grande partie piquent les organes les plus variés des végétaux,
même les racines, au moyen d'une tarière pourvue de muscles puissants
et dentelée à l'extrémité : de cette piqûre, et probablement sous l'action
de liquides particuliers, résulte, par afflux de sève détournée de sa
fonction normale, la production de galleslesjilus diverses, dans lesquelles
se développent une ou plusieurs larves ayant des tubercules charnus,
rudiments de pattes. Aussi nomme-t-on quelquefois Gallinsectes les
Cynipiens, nom qui prête à confusion avec les Cocciens (Hémiptères
homoptères. Ce sont les Diplolépaires de Latreille, correspondant au
grand genre Cynips de Linnseus.
Caractères généraux. — Tête petite et transversale, avec antennes
droites, de treize à quinze articles, plus courtes et plus épaisses chez
les femelles. Mandibules courtes et épaisses, dentelées au bout. Thorax
large, épais et ovoïde, avec hypertrophie du mésothorax, à écusson
grand et saillant. Ailes antérieures, avec une cellule radiale et deux
ou trois cubitales, les inférieures avec une seule et forte nervure, outre
la costale. Abdomen généralement pourvu d'un pédicule court, com-
primé, à profil subcirculaire, le premier segment très-grand, les
autres courts, les arceaux supérieurs très-prolongés en dessous, de
sorte que la face ventrale semble formée d'une seule pièce carénée,
saillante à l'extrémité, recouvrant une tarière le plus souvent cachée
et dépassant à peine l'abdomen au repos (sauf les Ibalia), entourée de
deux valves droites et larges à l'origine.
L'histoire des galles est la partie la plus intéressante de l'étude des
Cynipiens, et offre encore beaucoup de faits à éclaircir. Je tiens du doc->
teur Giraud que non-seulement les galles varient avec l'espèce de Cyni-
pien qui les produit, mais peuvent différer pour le môme insecte avec
la partie du végétal piqué, son espèce, l'époque, etc. Comme l'a vu
Réaumur, les œufs, par un fait d'endosmose, croissent en grosseur en
même temps que la galle. Les larves vivent plusieurs mois dans la galle
sans que celle-ci cesse de s'accroître. Parfois la galle est caduque et se
détache de l'arbre avec son insecte; mais le plus souvent elle persiste
us HYMÉNOPTÈRES.
après sa sortie, indiquée par un trou rond sur la galle. Souvent la nym-
phose et l'éclosion de l'adulte ont lieu dans la galle même, où l'adulte
passe l'hiver pour ne sortir qu'au printemps; parfois les larves à leur
grosseur quittent la galle pour se nymphoser en terre. Les galles sont
dues à un grand nombre de genres de Cynipiens, les genres Cynips, Linn.,
Andricus, Hartig, Aphilotrix, Fôrster, Neuroterus, Hartig, etc., Rho-
dites, Hartig, faisant naître les bédégars ou galles chevelues des
Églantiers; Biorhiza, Westwood (syn. Apophyllus, Hartig), produisant
surtout des galles sur les racines des Chânes, d'où sortent des Cynipiens
aptères, comme B. optera, Fabr., ressemblant à des Fourmis, sauf leurs
longues antennes droites et mobiles. Ces producteurs directs des galles
ont une tarière courte et droite. Il y a des Cynipiens commensaux, à
tarière très-longue et enroulée au repos en spirale, perçant les galles
déjà formées pour y pondre, et dont les larves vivent à côté de celles
du fondateur de la galle et de la même nourriture végétale. Ce sont
surtout les Synergus, Hartig, habitant indifleremment des galles d'espèce
différente (on en a trouvé six pour la galle à teinture du Chêne), les
Sapholylus, Fdrster, Ceroptres, Hartig. Enfin on voit sortir des galles
des Chalcidiens, comme les Eurytoma, les CaUimome, à longue ta-
rière, etc., les larves de ces entomophages vivant indifféremment des larves
de l'auteur de la galle et de celles des commensaux. C'est le Chêne (1)
qui présente le plus grand nombre de galles et des formes les plus
variées, ainsi que leurs positions; galles des racines, piriformes, accolées
les unes contre les autres par leur extrémité étroite ; galles des écorces;^
galles des bourgeons, et en particulier celles en artichaut des bourgeons
d'attente gonflés et déformés ; galles des feuilles, tantôt en forme de
petites pommes rondes, dures ou molles et rouges, tantôt triquètres
et plates, tantôt en disques circulaires rougeùtres, attachées sous le
bord inférieur des feuilles par un court pédicule, lisses contre la
feuille, velues du côté opposé, et prises pour des plantes parasites
{galles en champignon de Réaumur) ; galles des chatons mâles ou galles
en groseille de Réaumur ; galles des fruits ou des glands. Ce sont des
Cynips qui produisent sur les bourgeons des Chênes du midi de la
France, de l'Espagne et d'Orient, ces galles dures et rondes, tantôt
lisses, tantôt hérissées d'aspérités, si riches en tannin, qu'on peut
retirer par déplacement au moyen de l'éther. Le commerce en fait
un grand usage pour la préparation de l'encre et des teintures noires,
en les traitant, pilées ou concassées, par le sulfate de protoxyde de fer,
qui se peroxyde peu à peu à l'air, et donne du tannate et du gallate
de peroxyde noirs. Ce sont là les noix de galle. Le commerce appelle
galles blanches, celles récoltées après la sortie de Vinsecle; galles vertes,
(1) G. Mayr, Die Eiimnethlnr der mitteleuropϕsclten Einliengallen (les Com-
mensaux internes des galles du Chêne de l'Europe moyenne) [Verhandl. zooL-
botan. Gesellsch. in Wien, 1872, t. XXII, p. 669-726).
CYNIPIENS. ^9
blcuca ou i:oin'.s, celles qui le l'eiifermenl encore. On a cilé clans l'Amé-
rique du Sud des galles donnant une teinture verte. 11 y a des galles
analogues à des boutons, à des pustules rondes ou piriformes, sur la
surface des feuilles du Hêtre, de TOrme, du Peuplier. Certaines galles
ne sont pas des productions externes, surajoutées, mais des renfle-
ments de divers organes du végétal, ainsi des tiges de Ronce, de Char-
don, de Scabieuse, etc. Un petit Chêne des bords de la mer Morte porte
des galles colorées dues à un Cynipien, ressemblant à des pommes ou à
des poires, et qui ont beaucoup exercé les commentateurs de la Bible :
ce sont les Pommes de Sodome [Mala Sudomitica, Poma insvna), remplies,
après dessiccation, d'une poussière trompeuse.
L'étude botanique et chimique dos galles a donné des résultais
fort intéressants. La larve est entourée d'une couche alimentaire con-
tenant une matière granuleuse opaque et azotée, et beaucoup de cel-
lules amylacées, bleuissant par l'iode. Dans la noix de galle du Cynips
gallœ tinctoriœ, \Aim., la masse alimentaire, entourant la larve, offre
environ 1,5 d'azote pour 100, bien plus que le maïs, un peu moins que le
riz. Les larves de Cynipiens, au moment de la nymphose, renferment
une quantité énorme de graisse et tachent fortement le papier buvard,
même sans pression ; ces larves, comme des bestiaux ou des volailles
en stabulation, sont dans les meilleures conditions d'engraissement, iso-
lement, repos, obscurité complète. Selon M. Ed. Prillieux, rectifiant les
assertions de M. de Lacaze-Dulhiers, l'amidon ne servirait pas directe-
ment à la nutrition de la larve; il se résorbe avant que sa dent ait pu
l'atteindre, et à sa place apparaissent, dans la matière plasmatiquc
granuleuse, de nombreuses gouttelettes de matière grasse, qui sont
consommées par l'insecte parasite. On consultera, sur ce sujet spécial:
de Lacaze-Duthiers, Recherches pour servir à Vldsioire des galles {?,\tuc-
ture) [Cowpt. rend, de l'Acad. des sciences, 1853, t. XXXVI, p. 620-623)
— Id. et Uiche, Mémoire sur Valinmnkition de quelques insectes gallicoles
et sur la production de la graisse{Cowpt. rend., 1853, t. XXXVI, p. 998-1001 ;
Ann. se. nat., Zoor.., 185ii, t. II, p. 81-105). — Éd. Prillieux, Étude sur la
formation et le développement de quelques ijalles [Compt. rend Acad . des
sciences, 1876, t. LXXXII, p. 1500).
Les plus grandes incertitudes régnent encore sur la reproduction
des Cynipiens. On avait admis la parthénogenèse pour un certain nom-
bre d'espèces de Cynips et genres voisins pour lesquels l'élevage des
galles ne laissait jamais éclorc que des femelles. On est conduit main-
tenant à supposer, pour certains Cynipiens, des phénomènes de généra-
tion alternante. Le docteur Adler a le premier annoncé en Allemagne
que les genres uniquement composés de femelles ne sont qu'un état
intermédiaire dans l'évolution de genres à sexes séparés : ainsi le Xeu-
roterus lenticularis, Oliv., éclôt au printemps de galles brunes, aplaties
comme un bouton de chemise, appliquées en novembre contre la face
inférieure des feuilles de Chêne et tombant en lii\er. Oti n'en connaît
GIRARD. m — 4
50 HYMÉNOPTÈRES.
que des femelles qui piqueuL les bourgeons de Cliêues et produisent des
galles charnues et transparentes, comme un grain de groseille blanche,
d'où sort le Spalhegasler baccarum, Linn., d'un genre ayant des mâles
et des femelles, celles-ci pondant, après accouplement, des œufs qui
s'entourent de la galle du Neuroterus. Ces faits étranges, confirmés par
les observations faites en Angleterre et en France (Ij, sont de nature à
bouleverser toute la classification des Cynipiens, et à exiger la révi-
sion de l'important travail dans lequel M. Forster, multipliant trop les
genres, divise les Cynipiens en sept familles, dont les types sont les
genres Ibalia, Latr. ; Cynips, Linn.; Allolria, Westw;. Eucœla, Westw. ;
Mcijapclmus, Hartig; Omjcliia, Holiday; Figites, Latr.
CYiNlPlENS GALLICOLES.
ClTIfU'i^, Linn. — Antennes filiformes, de 14 articles clans les femelles, 15 chez
les mâles (Weslwood ; Hartig nie l'existence des mâles). Mandibules larges,
tridcnlées au côté interne. Palpes maxillaires de li articles, le dernier plus gros.
Thorax bossu et très-élevé ; écusson convexe, arrondi postérieurement. Ailes
grandes, avec une radiale allongée et trois cubitales, la seconde très-pclite,
triangulaire. Abdomen court, comprimé latéralement en dessous, tronqué obli-
quement à l'extrémité.
Nous représentons la femelle, d'un fauve teslacé, du C. calycis, llartig
(pi. Lxxix, fig. 1:1a, corps vu de profil ; 1 b, antennes ; 1 c, termhiai-
son du palpe maxillaire). Ce Cynips, du midi de l'Europe, produit sur la
cupule du glaïul de Chêne des galles nommées gallons d'Espagne, em-
ployées en teinture dans divers pays, très-dures, très-irrégulières, cou-
vertes de fortes aspérités, contenant au centre une coque ovalaire,
longue de 5'"'", 5, large de li""°,5, assez dure, dans laquelle on trouve
en hiver des Cynips tout formés. Il est difficile de décider quel est
l'insecte nommé par Linnceus C. tinctoria ou gallœ tinctoriœ. Boyer
de Fonscolombe cite, en Provence, un Cynips [Diplolepis) gallœ tinc-
toriœ, Oliv., long de 5 millimètres, testacé, l'abdomen brillant, avec le
premier segment noir en dessus, différant à peine du C. Quercûs Tozzœ,
Linn. (du Cliène tauzin), et pareil, mais de taille moitié, à celui qui sort
de la galle d'Alep (la plus estimée en teinture), cette galle étant beau-
coup plus hérissée de tubercules que la galle de Provence. Le cata-
logue L. Kirchner énumère en Europe plus de soixante espèces de
Cynips.
(1) P. Caincron, Allernancc de génération chez les Cgnipides {Enlom, Montldij
Magazine^ juin 1878, p. 12). — J. Liclilcnslcin, Petile^ Nouvelles e/itoui.,
numéro du l*^"^ mai 1878.
IBALIA, FIGITE5. 51
CYNIPIENS ENTOMOPllAGES.
IB.%n.\, Latr. — Antennes filiformes, à articles cylindroïdes. Mandibules
épaisses, bidentées au côté interne ; palpes maxillaires de 5 articles, le pre-
mier très-petit, le dernier grand et élargi. Ailes ayant vmc cellule radiale
longue et étroite, et trois cubitales, les deux premières très-petites. Abdomen
comprimé latéralement dans toute son épaisseur, en forme de lame de couteau.
La tarière de la femelle saillante et relevée sur le dos.
Une seule espèce, d'Allemagne et de France, rare, du printemps,
I.cultellator, Fabr., Latr. (pi. lxxix, fig.2: 2 a, mandibule; 2 b, antenne
de la femelle ; 2 c, id. du mule ; 2 d, mâchoire et palpe ; 2 e, lèvre infé-
rieure et palpes labiaux (de 3 articles); 2 /", tarse postérieur; 2 g, abdo-
men de la femelle ; 2 h, id. du mâle, vus de profil). Ce Cynipien, long
de 6 millimètres, a le corps noir, les ailes diaphanes, l'écusson avec
deux petits tubercules spiniformes, l'abdomen ferrugineux ; ses larves
vivent à l'intérieur des Sirex juvencus et magus.
a^IGITES, Latr, — Antennes des mâles de là articles, longues et sétacées;
celles des femelles de 13 articles, plus courtes, amincies au milieu. xViies avec
une radiale et deux cubitales. Écusson large, rugueux, avec deux cavités ou
fossettes à la base. Abdomen ovalaire, convexe et arrondi en dessus, comprimé
et tranchant seulement en dessous.
Les Figites offrent en Europe une quinzaine d'espèces dont le type,
d'Italie, d'Allemagne, de France, de Zt millimètres, d'un noir brillant,
avec les ailes diaphanes et les pattes variées de brun roux, est le F. scu-
tellaris^ Rossi (pi. r.xxix, fig. 3 ; 3 a, écusson grossi). Sa larve vil à l'in-
térieur des Sarcuphaga et des Musca domestica.
Les Eucœta, Westw., sont parasites internes des Agromyza (Diptères)
et aussi des Scolytus; les Allotria, ^Yesiw., de très-petite taille, nom-
breux en espèces, vivent dans les Aphidiens.
Bihiiogratihie. — Boyer de Fonscolombe, Description des insectes de la
famille des Diplolépaires, qui se trouvent aux environs d'Aix en Pro-
vence {Ann. se. nat., 1832, t. XXVf, p. 18Zi à 198). — Fr. Walker, Obser-
vations on the British Cynipites {Entom.Magaz., 183G, t. III, p. 159-170).
— Theodor Hartig, Ueber die Famil/e der Galhtespen (Germar Zeitschrlft
entom., 18ZiO, t. II, p. 176-209) (21 genres, 123 espèces); Nachtrag zur
Naturgeschichte der Gallivespen {Germar Zeitschrift e7ito7nol,, 18ài, t. III,
p. 328-358 ; 18/i3, t. IV, p. 395-Zi22). — A. Forster, Ueber die Galhcespcn
{Verliandl. zoul.-bot. Gesellschaft in IVien, 1869, t. XIX, p. 327-370).
52 HYMÉNOPTÈRES.
Sous-Ordre des HYMÉNOPTÈRES TÉRÉBRANTS
A ABDOMEN SESSILE.
Larves pédiculées, à aspect de chenilles, phytophages, vivant à
découvert sur les feuilles ou à l'intérieur des tiges.
Tribu des TE^'THlfiÉDl^^lElV.^.
Ces insectes font comme un passage des Hyménoptères aux I>épido-
plères par l'abdomen sessile, aussi large à la base que le thorax, contre
lequel il s'applique dans toute son étendue, et par lès larves dites fausses-
chenilles, en raison d'une ressemblance assez éloignée avec les chenilles
et de leur mode de nourriture. La véritable place de ces insectes parmi
les Hyménoptères résulte de leur état nymphal, présentant les organes
de l'adulte seulement recouverts d'une cuticule, la larve restant sou-
vent très-longtemps dan3 le cocon filé par elle avant de devenir nymphe,
fait fréquent chez les Hyménoptères nidifiants. l>a tarière de ponte des
femelles rentre aussi dans le type général de l'aiguillon et de la tarière
des Ichneumoniens. Elle ofl're extérieurement deux valves ou demi-
fourreaux ; intérieurement, et fixés à l'arceau abdominal supérieur, deux
stylets garnis d'entailles en dents de scie, servant à inciser les pétioles
ou les nervures des feuilles, ou les rameaux verls, pour y déposer les
œufs, et moyennement deux pièces séparées représentant le gorgeretde
l'aiguillon, le cylindre incomplet des Ichneumoniens et autres Téré-
branls. Les entailles de la tarière et son rôle ont fait donner aux Ten-
thrédiniens, par les anciens auteurs, le nom de Mouches à scie.
Les autres caractères sont les suivants : Corps un peu mou. Antennes
très-variables comme forme et nombre d'articles. Labre ordinairement
transversal, subcarré, à angles antérieurs arrondis et velus. Mandi-
bules allongées, dentées au bout; mâchoires longues et bilobées, avec
palpes de six articles; lèvre triflde ou trilobée, à palpes de trois articles.
Thorax grand, généralement plus large que la tète, le mésonotum
n'étant séparé de l'écusson par aucune ligne transverse. Ailes amples,
divisées en cellules nombreuses et complètement fermées, ainsi souvent
deux radiales, quatre cubitales, et une cellule spéciale à la région infé-
rieure de l'aile antérieure, dite cellule péliolée (G. Thomson). Pattes de
longueur moyenne; les jambes antérieures munies le plus souvent de
deux éperons ou calcars, les jambes postérieures parfois sans éperon,
parfois éperonnées vers le milieu, les quatre premiers articles des
tarses ordinairement munis en dessous de pelotes membraneuses. Ab-
domen de neuf segments, le dernier arceau ventral entier chez les
mrdes, fendu chez les femelles pour loger la tarière, ordinairement
cachée ou ne montrant que l'extrémité, rarement saillante et à peu
près de la longueur de l'abdomen (Xyela).
tenthrédimelns. 58
Les Tcnlhrédiniens adultes sortent ordinairement des cocons au
printemps et butinent sur les fleurs, surtout les Ombellifères, se nour-
rissant de nectar. Il y a par exception des espèces carnassières : ainsi
Tenlhredo viridis, Linn., des lieux humides plantés de Saules, saisissant
les insectes au vol. Les Tenthrédiniens pondent leurs œufs le plus
souvent en série dans les entailles pratiquées par la tarière, parfois sur
le bord des feuilles, ou sous les nervures, en sorte de grains de collier,
parfois en masse à la surface des feuilles. Ces œufs sont, le plus souvent,
entourés d'un liquide écumeux, et, comme ceux des Cynipiens, souvent
s'accroissent après la ponte, au point de doubler de grosseur, en môme
temps qu'augmente l'entaille faite pour les recevoir. Il y a des espèces
de Nematus, des Groseilliers et des Saules, dont les œufs s'entourent de
galles contenant une ou plusieurs larves.
On a signalé la parthénogenèse chez des Tenthrédiniens, ainsi chez
Pœcilostoma pulveratum, Fallen, ou obcsum, Klug. Des femelles sorties
de cocons et bien séquestrées ont pondu des œufs fertiles dans lesquels,
au bout de huit jours, le microscope a montré la future larve repliée
à l'intérieur (1).
Les larves des Tenthrédiniens sont parfois très-nuisibles par leur
nombre immense sur les feuilles, et certaines espèces sont des fléaux pour
la grande culture rurale ou forestière : ainsi Athalia Spinarum pour les
Crucifères rurales, Lophyrus Fini pour les Conifères, Cephus pyginœus
pour les Céréales. Elles sont heureusement attaquées, à la façon des
chenilles, par un nombre considérable d'entomophages internes. Leur
corps offre douze segments, outre la tète, celle-ci ayant un labre géné-
ralement échancré, des mandibules épaisses et fortement dentées, des
mâchoires bilobées avec palpes de quatre articles, mie lèvre petite et
charnue avec palpes de trois articles, ayant en dessous un trou orifice
de la filière, comme chez les chenilles. Ces fausses-chenilles difièrent
des chenilles par plusieurs caractères. Leur tête est ronde, globuleuse,
dépourvue du sillon médian qu'on voit sur la tète des chenilles, dont
le vertex écailleux est d'ailleurs plus aplati. On sait que les che-
nilles ont six stemmates de chaque côté, qui sont bien de vrais yeux
simples (ce qui n'est pas le cas des stemmates des insectes adultes) par
la cornée et par la partie nerveuse. Chez les fausses-chenilles, il y
a cinq stemmates de chaqne côté (Leydig), et non deux, comme le
dit Lacordaire; leur structure interne n'a pas été étudiée. Au-dessous
de ces stemmates sont deux très-petites antennes coniques. Elles ont,
comme les chenilles, six pattes écailleuses ou thoraciques, et, en arrière
de celles-ci, des fausses pattes, membraneuses, transitoires; mais leur
nombre n'est pas le même. Chez les chenilles il y en a dix, ou parfois
six et même quatre (demi-arpenteuses et arpenteuses) ; les fausses-che-
(t) P. Cameron, Parthénogenèse chez des Tenthrédinides {Eniom. Monthly
Magaz., juin 1878, p. 12).
56 HYMÉNOPTÈRES.
nillos on ont en général JG, ih ou 12, parfois, au contraire, par
exception, Zi, 2 ou pas (genre Lrjiia). Leur structure n'est pas celle des
chenilles; elles n'ont pas la couronne de crochets arqués avec lesquels
la chenille se cramponne au pétiole en pliant en pince la fausse patte.
Les fausses-chenilles se tiennent souvent roulées en spirale sur les
feuilles, redressant vivement la tète ou la partie opposée, si on les
inquiète; souvent elles laissent suinter des liquides de mauvaise odeur,
jaunes ou verts, dans lesquels elles sont comme baignées et qui sont
éjaculés de pores latéraux. Elles sont ou vertes de diverses nuances, ou
jaunâtres, ou d'un jaune-citron ou ocreux, souvent avec des taches ou
des lignes foncées. Elles changent quatre fois de peau, comme la plu-
part des larves des insectes à métamorphoses complètes. A la fin de
leur existence, beaucoup se filent des cocons soyeux, fixés aux branches
ou aux feuilles, fortement incrustés d'une résine brunâtre ; il en est
qui s'enferment dans les liges qui les ont nourries, s'entourant de
débris ligneux : ainsi Emphytus cinctus sur le Rosier; d'autres descendent
sur le sol et s'entourent de loges terreuses. Si beaucoup deviennent
promptement nymphes dans les cocons, il en est qui restent plusieurs
mois, et même tout l'hiver, à l'état dormant, n'opérant la nymphose
qu'au printemps.
GENRES PRINCIPAUX.
CIMBGX, Oliv. ■ — Corps massif. Antennos courtes, terminées par une forte
massue. Mandibules très-grandes, joues g-ontlécs. Trois ocelles en triang-le. Aux
ailes antérieures, deux cellules radiales et trois cubitales. Jambes postérieures
sans épines ; cuisses postérieures larges et renflées. Abdomen épais, à bords
latéraux tranchants; tarière cachée.
Les Cimhex renferment les plus grandes espèces de la tribu. Une
douzaine d'espèces d'Europe; à citer : C. femoratm, Linn., C.iuteiis, L.
Larves nuisibles à divers arbres forestiers, ayant 22 pattes, le corps
parsemé de petits tubercules sétigères, lançant, quand on les inquiète,
un liquide verdàtre par des pores latéraux placés en dessous des
stigmates; gros cocons de couleur brune, passant l'hiver fixés aux
branches ou à la face inférieure des feuilles. Nous représentons une
espèce de l'Amérique du Nord, C. Dahlbonii, G.-Mén. (pi. lxxx, fig. 1).
Le genre voisin Perga, Leach, propre à l'Australie, offre ce fait de
mœurs très-curieux, que les femelles restent sur la fente des feuilles
contenant leurs œufs jusqu'à l'éclosion, puis suivent les larves et se
placent sur elles, les pattes étendues, pour les protéger contre les
insectes ennemis. (Détails de P. sciUcUata, Leach : pi. lxxx, fig. 2, tète;
'la, lèvre inférieure, mâchoire et palpes; 2 6, antennes; 2 c, tarse
antérieur )
SCHIZOCERA, IIYLOTOMA, TENTHREDO, CLADIUS. 55
^^miKOCKKA, Latr. — Antennes de 3 articles, le troisième très-allongé,
formé d'articles soudés, fourchu chez les mâles. Ailes supérieures avec une
cellule radiale appendiculée, quatre cubitales. Jambes postérieures sans épines.
Abdomen arrondi sur les côtés.
Ce genre est peu nombreux en espèces ; le type, dont la larve vit sur
les Ronces, est le S. furcata, de Villers (pi. lxxx, fig. 3, mâle), de 8 à
10 millimètres, noir, à abdomen et pattes jaunes-, d'yVllemagne, de
France et des environs de Paris.
nvi.OTO.n.%, Latr. — Caractères des Schizoccra, sauf les antennes, simples
dans les deux sexes, le troisième article nu et prismatique chez les femelles,
poilu chez les mâles. Cellule radiale non appendiculée. Jambes postérieures,
avec une épine en dessous du milieu.
Environ vingt-cinq espèces en Europe. Larves h. 18 ou à 20 pattes, les
segments abdominaux faisant saillie de chaque côté au-dessus des pattes ;
cocons à double enveloppe, l'externe réticulée, l'interne plus serrée et
plus pâle. Nous citerons- /f. Rosarum, Klug, jaune, la tête, le thorax et
les pattes variés de noir, de 7 à 10 millimètres (pi. lxxx, fig. Z|, tête et
antennes du mâle; /i a, antenne de la femelle), de France, d'Angleterre,
d'Allemagne, de Suède. La larve, d'un jaune verdàtre pointillé de noir,
ronge, parfois en très-grand nombre, les feuilles des Rosiers. Écraser
les larves, tuer les femelles venant pondre ; en hiver, retirer les cocons
enfouis au pied des Rosiers, les jeter cà l'eau bouillante, ou arroser avec
une solution concentrée de sulfocarbonate de potasse.
TE:\'TIIRKno, Linn. — Antennes de 9 articles. Mandibules robustes. Yeux
grands, convergents, mais n'atteignant pas la base dos mandibules. Ailes anté-
rieures avec deux cellules radiales et quatre cubitales. Calcars postérieurs
longs.
Plus de cinquante espèces en Europe. Une des plus belles espèces
d'Allemagne, d'Angleterre, de France, rare aux environs de Paris, est
T. zonata, Linn., Panz. (pi. i,xxx, fig. 6, sa tête), noire, variée de jaune
clair, l'abdomen ceinturé de jaune clair aux segments h et 5.
€l'.%Dir§i, Illiger. — Antennes de 9 articles, sétacées, atténuées au bout, la
plupart des articles obliques et pectines chez les mâles. Ailes antérieures avec
la cellule lancéolée longuement resserrée, une radiale et quatre cubitales.
Corps allongé, le plus souvent noir.
Tin petit nombre d'espèces. Larves munies de vingt pattes, les deux
dernières membraneuses, beaucoup plus petites ; se transforment sur
les feuilles ou aux fourches des branches des plantes où elles vivent,
dans un double cocon de figure très-irrégulière. Ex. C. pallipes, L. S'-F.
(pi. LXXX, fig. 6), du midi de la France et des environs de Paris?
56 HYMÉSOPTÈUES.
noir, les ailes diaphanes à nervui'cs brunes, les pattes d'un jaune pAle
avec les tarses postérieurs noirs. Le C. difformis, Panzer (pi. i.xxx,
fig. 7, larve; la. antenne du mâle), d'Allemagne, de France et des envi-
rons de Paris, de Suède, d'Anglclerre, très-analogue au précédent, a sa
larve à tète ferrugineuse, les segments d'un vert pille, avec des houppes
de poils grisâtres et une rangée de tubercules piligères de chaque côté.
Sur les Rosiers, surtout du Bengale ; cocon jaunâtre très-lâche; nymphe
en juin , adulte en juillet.
,%TI1ALI.%, Leacli. — Antennes de 10 ou 11 articles, un peu épaissies au bout.
Yeux convergents, Crociiets des tarses mutiques. Corps raccourci. Tarses
annelés de noir.
Un petit nombre d'espèces. A citer : A. ancilla, L. S'-F. (pi. lxxx, iig. 8,
antenne grossie), des environs de Paris; A.Rosœ, Linn., de France, d'Alle-
magne, d'Angleterre, de Suède, noir, à bouche blanche, à ailes jaunâtres,
l\i sligma et la côte noirs, l'abdomen jaune, très-nuisible aux Uosiers ;
mêmes détails que pour Hylotoma Rosarum; A. Spinarum, Fabr. (syn.
Cenlifoliœ, Panzer), jaune, la bouche blanche, la tête, les antennes
les écailles, les côtes du- mésothorax noirs. Larves à 22 pattes, d'un
vert noirâtre, vivant en sociétés sur les Choux, et surtout les Navets
et Turneps, qujelles dépouillent de leur feuillage. Deux générations par
été, la seconde hivernant en nymphes ; larves descendant en terre, au
pied des plantes, se nymphosant dans des coques terreuses, ovoïdes, à
parois enduites de viscosité. Grands ravages en Angleterre. On a pro-
posé d'introduire, dans les champs de Turneps infestés, des bandes de
jeunes canards, très-friands des larves.
PTKSiVUOt'iilonLéî, Ktug. — Antennes à nombreux articles, insérés obli-
quement, pectines dans les mâles, en scie dans les femelles ; pour le reste,
analogue aux Loplii/nis.
Ce genre est d'Australie et de Tasmanie : ex. P. cinclus, Leach
(pi. Lxxx, iig. 9, antenne grossie de la femelle).
LOPHVRl'»», Latr. - Antennes à nombreux articles, en panacbe bipectiné
chez les mâles, en scie chez les femelles. Joues non bordées; ocelles en liijne
courbe; mandibules déprimées et Iridentécs. Ailes antérieures à stigma distinct,
avec une radiale, quatre cubitales et la cellule lancéolée ouverte, divisée par
une nervure transverse. Jambes postérieures et intermédiaires sans épines.
Ce genre, qui compte une quinzaine d'espèces en Europe, a des larves
à vingt pattes, vivant sur les Conifères, surtout les Pins, en nombreuses
sociétC'S, rongeant les feuilles aciculaires et perforant les bourgeons.
Quand on les touche, elles laissent échapper de la bouche une goutte
d'un liquide d'une odeur résineuse; elles filent au bout des rameaux et
LOPIIYRUS, LYDA, XYELA. 57
accolés les uns contre les autres, des cocons simples, très-petits, eu égard
à la grandeur des fausses-chenilles, et dans lesquels elles sont obligées
de se tenir courbées. Le type est L. Pini, Linn. Le mâle est noir, avec
le labre, les palpes, les genoux, les jambes et les tarses testacés (pL lxsx,
fig. 10 a, son antenne grossie). La femelle, de 10 à 11 millimètres, est
d'un testacé pâle, tachée de noir en dessus du thorax et de l'abdomen
(fig. 10, son antenne grossie). On trouve cette espèce à Fontainebleau;
elle est surtout très-nuisible dans le nord de l'Europe. 11 faut couper
les branches à cocons et les brûler. 11 y a deux générations par an. Il
est bon d'écheniller en mai et juin, puis en août et septembre, les
larves qui vivent rassemblées.
E,YD.%, Fabr. — Antennes sétacées, à nombreux articles. Tête large, trans-
verse, à labre caché, à mandibules fortement décussées. Ailes hyalines, non
ciliées, avec deux radiales et quatre cubitales. Jambes postérieures et inter-
médiaires armées de trois épines; crochets des tarses munis d'une dent. Abdo-
men déprimé, à côtés aigus, avec tarière très-légèrement saillante. Corps assez
grand, presque glabre.
Les Lyc^a (pi. Lxxx, fig. ll,tètegrossie) comptentune trentaine d'espèces
en Europe, une nuisible aux Poiriers en espalier et en quenouille, une
(L. silvalica, Linn.) cà beaucoup d'arbres forestiers, plusieurs aux plan-
tations d'arbres résineux. Les larves semblent glisser plutôt que mar-
cher, car elles manquent des pattes transitoires. Elles se laissent tomber
d'une feuille à l'autre, suspendues par un fil de soie. Leur corps se ter-
mine par deux pointes courtes, sous lesquelles sont deux longs appen-
dices articulés dirigés en arrière. Elles sont assez faciles à détruire,
car elles se rassemblent généralement en société sous des toiles à claire-
voie, qui les laissent bien visibles. Il faut enlever ces toiles et les brûler
avec leurs fausses-chenilles, ouïes flamber sur place à la torche de paille,
ou projeter à la pompe un mélange d'eau et de pétrole, ou une lessive
très-concentrée de savon noir. Elles se filent des cocons séparés dont
l'ensemble est recouvert de feuilles assemblées avec des fils de soie. Il y a
des Lî/c?a à larves solitaires, enveloppées chacune.dansune feuille enrou-
lée et qui descendent sur le sol se filer un cocon mêlé de grains de terre.
Xl'ELA, Dalmann, — Corps petit, mou et glabre. Antennes de 12 articles,
les trois premiers épais, le troisième le plus grand. Tête transverse. Ailes hya-
lines, non ciliées, les antérieures avec trois radiales et quatre cubitales. Abdo-
men arrondi sur les côtés, avec une longue et grêle tarière saillante.
Très-peu d'espèces, du nord de l'Europe. Le type est le A', piisilla,
Daim., d'Autriche, d'Angleterre, de Suède (pL lxxx, fig. 12, femelle;
V2 a, mandibules ; 12 b, lèvre inférieure et palpes ; 12 c, palpe maxillaire ;
12 d, labre ; 12 e, oviscapte). Cet insecte, long de à millimètres, a le corps
d'un brun noirâtre, les pattes jaunâtres, la tête et le corselet irrégu-
58 HYMÉNOPTÈRES.
lièrement tachés de jaunâtre. La larve vit dans les Pins, ce qui, avec
la longue tarière saillante, constitue un passage aux Siriciens.
4'KPIHJS, Latr. — Antennes à nombreux articles , épaissies au bout. Tète
cuboïde ; mandibules tridentées. Ailes antérieures avec deux radiales et quatre
cubitales. Pattes assez longues, à cuisses épaisses. Jambes antérieures à un
seul éperon; jambes postérieures et inlerméiliaires avec une petite dent au
milieu ; crochets des tarses longs, un peu courbés, dentés. Abdomen ù tarière
un peu saillante.
Une vingtaine d'espèces d'Europe. Nous figurons une espèce d'Egypte
de 15 millimètres, à antennes, tête et thorax noirs, les ailes très-enfu-
mées, les pattes antérieures jaunes, les autres noires, l'abdomen d'un
jaune d'ocre assez vif (pi. lxxx, fig. 13j. La plus importante espèce, de
toute l'Europe, est le C. pijgmœiis, Linn.,de 6 à 8 millimètres, noir, l'ab-
domen annelé de jaune-citron, les jambes antérieures jaunes (pi. lxxx,
fig. 1/j, larve grossie, vermiforme, à pattes très-réduites : lli a, tête de
l'adulte ; là b, lèvre inférieure et mâchoires; il\ c, mâchoire isolée et
palpe; 1/id, mandibules; IZie, labre). Cette espèce est souvent très-nui-
sible aux Blés et aux Seigles. Les femelles, lors de l'épiage, pondent
dans la tige au-dessous de l'épi. Les larves, blanches, descendent de plus
en plus, rongeant l'intérieur de la tige et les nœuds; les épis, avortés,
restent blancs et droits, contrastant avec les épis pleins, encore verts et
penchés. Au moment de la moisson, la larve est arrivée dans le chaume,
tout près de la racine et s'y file un cocon pour passer l'hiver et devenir
nymphe au printemps. Arracher et brûler les chaumes après la moisson
et passer au rouleau compresseur, au besoin alterner la culture.
Tribu des SïRICIEMS.
Pour ne pas trop multiplier les divisions, nous réunirons sous le nom
de Siriciens trois genres assez disparates, présentant les caractères com-
muns qui suivent : Corps à téguments durs, grand, allongé, subcylin-
drique; mésonotum séparé de l'écusson par une ligne transverse. Ailes
antérieures ayant la nervure basale insérée dans la première cellule
cubitale. Jambes antérieures avec un seul éperon ou calcar. Antennes
subglabres, leur base reçue dans un sillon placé entre les yeux et les
mandibules tridentées.
<B>lRKX, Linn. (syn. Urocerus, Geoffr.). — Tête dilatée derrière les yeux. An-
tennes muUiarticulées, filiformes ou subsétacées. Palpes maxillaires obsolètes,
un peu en massue. Pronotum brusquement déclive en avant. Ailes hyalines.
Jambes intermédiaires à un éperon, les postérieures ordinairement à deux,
très-allongées, ainsi que les tarses postérieurs ; crochets tarsaux avec une
grande dent dressée. Abdomen long, cylindroïde, arrondi latéralement. Le der-
SIREX, XIPHYDRIA. 59
nier segment dorsal des femelles, le dernier ventral des mâles se tcimiiiaut en
éperon crénelé. Tarière droite, robuste, longuement saillante.
Les Sircx sont des insectes des forêts de Conifères, très-abondants en
certaines années dans le nord de l'Europe, volant avec un fort bourdon-
nement. Les femelles déposent surtout leurs œufs sur les Sapins et les
Mélèzes, choisissant de préférence ceux qui sont récemment coupés ou
écorcés, dans un trou foré au moyen de la tarière, qui, grâce à des con-
tractions répétées de l'abdomen d'avant en arrière, s'enfonce si profon-
dément, que parfois l'insecte ne peut plus la retirer. Il en sort des larves
longues, cylindroïdes, charnues, avec les segments plissés, atténuées
postérieurement, à pattes rudimentaires, les thoraciques inarticulées,
les abdominales réduites à des saillies charnues en dessous, le dernier
segment grand, armé d'une pointe ou épine dure. Elles se creusent dans
le bois de nombreuses galeries en toutes directions, au point de le rendre
parfois impropre à tout service, et peuvent faire ainsi de grands ravages.
Elles deviennent nymphes au fond de la galerie, dans un cocon où la
soie est mêlée de débris ligneux et d'excréments. L'adulte éclôt au
bout d'un mois ou parfois l'année suivante, ou plus longtemps encore. La
force des mandibules des Sirex adultes est incroyable : pour sortir au
jour, on en a vu rongeant les bois les plus durs, et même des balles de
plomb. Nous représentons S. Lefebvrei, G.-Mén., mâle (pi. i.xxx, fig. 17 ;
17 a, sa tête), de patrie inconnue. Les espèces les plus fréquentes en
France, de toute l'Europe septentrionale moyenne et de l'Amérique du
Nord, ëoni S. juvencus, Linn,, de 20 à 30 millimètres, d'un noir bleu,
les pattes et la base des antennes pâles, le huitième segment dorsal de
l'abdomen roux chez le mâle, et S. gigas, Linn., de oOàZiO millimètres,
d'aspect de Frelon, noir, avec une tache jaune de chaque côté du ver-
tex, l'abdomen de la femelle jaune, avec les segments 3 à 6 noirs,
celui du mâle jaune, avec la base et le bout noirs. (Détails de cette espèce :
pi. Lxxx, fig. 18 , extrémité de l'abdomen de la femelle ; 18 a, mandibule;
18 b, 18 c, id. de deux autres espèces; 18 d, lèvre inférieure et palpe
maxillaire; 18 e, 18 /", id. et palpe maxillaire rudimentaire de deux
autres espèces; 18 g, labre.)
XlPllTnRï.%, Latr. — Tête rebordée et globuleuse, unie au thorax par un cou
très-long et très-grêle (d). Ailes transparentes, les antérieures avec deux cellules
radiales et quatre cubitales, la cellule lancéolée divisée par une nervure
oblique. Jambes postérieures à deux calcars ; crochets tarsaux déniés. Abdo-
men subdéprimé, à bords aigus ; tarière grêle, comprimée, un peu arquée,
saillante, mais moins que chez les Sirex.
Peu d'espèces et rares, des arbres résineux; mœurs des Sirex, ponte
et larves analogues. Le type, de Suède, d'Allemagne, d'Angleterre, de
(1) Aussi la tète se détache souvent sur les sujets secs des collections.
60 HYMÈNOPTËRES.
Franco, tri'S-rarc prùs de Paris, est le X. Camelus, Linn. (pi. lxxx,
fig. 15, UHo et prothorax; 15 a, tête grossie; 15 b, mâchoire et palpe;
15 c, extrémité de l'abdomen de la femelle), long de 35 millimèlrcs,
dans les deux sexes, noir à pattes rousses, écailles et angles du prono-
tum blanchâtres, ainsi que les taches latérales de la tête et de l'abdo-
men.
ORI'SSl'S, Fabr. — Antennes insérées contre la bouche, de 11 articles ré-
guliers chez les mâles, 10 irréguliers chez les femelles. Palpes maxillaires
de 5 articles. Yeux convergents. Ailes à peu de cellules, une radiale, deux
cubitales; ïambes postérieures à deux calcars, les jambes denliculées extérieu-
rement. Tarses à crochets mutiques. Abdomen arrondi sur les côtés, avec
tarière capillaire, roulée en grande partie en spirale à l'intérieur, le bout sor-
tant du cinquième segment ventral.
Ce genre insolite se rapproche des Cynipiens^ surtout des Figiles, par
la tarière et les ailes à peu de cellules. Le type, du midi de la Trance,
d'Italie, de diverses parties de l'Allemagne, d'Angleterre, de Suède
jusqu'en l.aponie, est VO. Vespertilio, Fabr., syn. coronatus, Fabr.
(pi. i.xxx, fig. 16, tète du mâle; 16 a, mandibule; 16 h, mâchoire et
palpe; 16 c, patte antérieure du mâle). Les deux sexes ont 11 à 12 mil-
limètres; l'insecte est noir avec des lignes blanchâtres, les ailes enfu-
mées au bout, l'abdomen roux, noir à la base. Il faut remarquer sur le
front une couronne de tubercules.
A consulter pour les Tenthrédiniens et Siriciens : Klug, Die Blattives-
pennach ihren Gattungen und Ârten zusammengestellt. Berlin, 1818-1819.
— Lepeletier de Saint-Fargeau, Monographia Tenthredinearum, 1823.
Paris, in-8". — G. Dahlbom, Conspeclus Tenthredinum, Siricidum et Orys-
sinonim Sccuidinaviœ. lïavnia^, 1835. — Theodor Hartig, Die FamiUen
der Blattivespen und HoUwespen, nebst einer allgemeinen Einleitung zur
Naturgeschichte der Hymenopteren. Berlin, Haude et Spener, 1837, 8 pi.
(Tenthrèdes et Sirex avec leurs larves). — Arnold Forster, Einige neuc
Arien ans der Familie der Blattivespen, in Stettin entomol. Zeilung,lShh,
t. V, p. 262-26Zi, 287-290 (ce sont des Tenthrédiniens des genres Dmeura,
Cephus, Allantus, etc.). — C. G. Thompson, Hynienoptera Scandinaviœ
{Tenthredo et Sirex, Linn.). Lund, 1871.
Dans son très-récentT/Y//i6 de zoologie, le D''G. v. Koch {Grundriss zur
Zoologie, Darmstadl, 1878, p. 75) partage les Hyménoptères en huit
groupes du premier ordre : Terebrantia, Cynipidœ, Ichneumonidœ, For-
mi cidœ, Scotiadœ, Fossoria, Vespidœ, Apidce.
ORDRE
L É IM D 0 P T Ë R i: S
« K IW b': R A li I T E S.
Les insectes connus luvbitacllcment sous le nom de Papillons consti-
tuent sans aucun doute l'ensemble le plus riche du llègne animal par
l'éclat de leur parure, n'avant de rivaux sous ce rapport que les Oi-
seaux-mouches, dont la nourriture et les mœurs offrent autant d'ana-
logies qu'on doit en attendre de groupes aussi différents. On peut dire
de la plupart des Papillons que ce sont des fleurs animées, rivalisant de
splendeur avec la corolle des fleurs immobiles. Ce sont des insectes
dont l'aspect séduit au premier abord les gens du monde et les jeunes
amateurs. Si les collections de Papillons sont un peu moins nombreuses
que celles des Coléoptères, c'est que la recherclie de ces derniers est
plus aisée en raison de la multiplicité de leurs habitat, et que sur-
tout leur préparation et leur conservation sont beaucoup pins faciles.
11 faut en eff'et pour les Papillons un étalage exigeant certains instru-
ments; en outre, on ne peut obtenir aisément la plupart des espèces
en bon état que par l'éducalion de leurs larves, auxquelles s'applique
spécialement le nom de chenilles; ce qui demande du temps et des soins
que tous les amateurs ne peuvent consacrer cà cet objet. Si nous pas-
sons à un ordre d'idées plus élevées, nous devons dire que les Papillons
ont des espèces formant les plus utiles des insectes. Certaines espèces,
et principalement le Ver à soie du Mûrier, produisent les plus riches
des matières textiles, dépassant en éclat et en solidité les produits ana-
logues des végétaux, et qui sont l'origine d'une industrie du premier
ordre. Par contre, les Papillons, surtout dans leurs plus petites espèces,
peuvent devenir pour les cultures de l'homme des ennemis très-dan-
gereux, au point que la législation a dû prescrire un écbenillage obli-
gatoire comme mesure d'utilité publique, par une loi que rappellent
chaque année les arrêtés administratifs. Sans exagération, les ravages
des chenilles deviennent parfois des calamités générales, obligeant les
gouvernements à recourir à des mesures de destruction. Autrefois,
aux époques de naive croyance, les foudres de l'excommunication
62 LÉPIDOPTÈIiES.
furent lancées contre les chenilles par la plus haute expression de l'au-
torité, celle des pasteurs de l'Église.
Les anciens auteurs nommaient les Papillons, insectes à ailes fari-
neuses, à cause de l'espèce de poussière qui reste attachée aux doigts
quand on les saisit par les ailes. Linna^us n'a fait que traduire ce mot
en langage scientifique, en créant l'ordre des Lépidoptères (ailes à
écailles). La poussière farineuse est en effet formée de poils raccourcis
et élargis en brillantes écailles colorées. Ce caractère est parfaitement
général. Il reste en effet quelques écailles sur la côte et sur les princi-
pales nervures dans les Papillons à ailes vilrées, comme les Sésies^ la
division des Iléliconies à ailes transparentes, sans parler des poils or-
dinaires que peuvent offrir les régions où il n'y a que la membrane
transparente qui forme le fond de l'aile de tous les Lépidoptères. Chez
certains Macroglosses à ailes vitrées, lors de l'éclosion de l'adulte sor-
tant de la chrysalide, les ailes sont couvertes d'une poudre d'écaillés,
qui disparaissent dès que le Papillon a tant soit peu volé. On peut dire
que, par sa généralité caractéristique, le nom linnéen est préférable à
celui de Fabricius, les Glossates, d'après l'organe apparent de la man-
ducation, la spiritrompe, qu'il compare à une langue. Cette spiritrompe
de l'adulte manque eu effet dans beaucoup de genres des anciens
îs'ccturnes de Latreille, dont les adultes, uniquement destinés à l'ac-
couplement, ne prennent pas de nourriture, tandis que les ailes sont
toujours chargées d'écaillés poussiéreuses ou au moins de poils qui en
tiennent lieu.
Pendant longtemps en France, sur l'autorité de Latreille, on subdi-
visait les Lépidoptères en trois grands groupes : les Diurnes, les Cré-
pusculaires fet les Nocturnes^ d'après les époques de la journée où l'on
rencontrait les adultes à l'état actif ou volant. Celte distinction fort
commode, encore usitée souvent dans le langage vulgaire, présente des
défauts graves qui doivent la faire abandonner. Elle reste sensible-
ment vraie pour le premier groupe, les Diurnes, qui ne volent guère
que lorsque le soleil est encore sur l'horizon, bien que dans nos pays
on puisse encore voir voler un peu après son coucher quelques
Satyres et la Vanesse Belle-Dame, qui s'attardent volontiers sur les
sentiers jusqu'à l'entrée de la nuit ; mais elle devient fort peu
exacte pour les deux autres groupes. Ils mériteraient plutôt tous deux
le nom de Crépusculaires, car les plus nocturnes des Papillons ne pa-
raissent pas dépasser onze heures du soir dans leur état d'activité, et
encore seulement par les soirées chaudes et hors des temps de pleine
lune, les rayons de notre satellite semblant blesser leurs yeux plus que
ceux de l'astre du jour. Un assez grand nombre font exception com-
plète : on voit voler aux rayons mêmes du soleil les Sésies, qui ressem-
blent à des Hyménoptères, et les Macroglosses; les Zygènes* les Procris
volent toute la matinée entre les herbes des prairies. Les mâles d'un
certain nombre de Bombyciens parcourent nos bois, d'un vol saccadé
LÉPIDOPTÈRES. 63
et rapide, à la recherche des femelles cachées dans les feuilles sèches,
dans les herbes, ou collées au tronc des arbres : les uns dans la mati-
née, d'autres, de préférence, dans l'après-midi. Les Psoctuelles, men-
tant à leur nom, ont des espèces qui tourbillonnent toute la journée
dans les clairières, les prairies naturelles et artificielles, avec un vol à
battements d'ailes si précipités, qu'on ne voit qu'une surface confuse,
par persistance des impressions sur la rétine. D'autres, avec moins de
rapidité, volent au soleil entre les branches des arbres, ou s'abattent
des haies ou des taillis sur les chemins (Brephos). D'autres, enlhi, im-
mobiles quand rien ne les trouble, s'envolent pendant le jour dès qu'on
s'approche des haies, des bordures des chemins, des troncs d'arbres,
des murs où elles sont posées, et d'autant plus vite, que le temps est
plus clair, et surtout au soleil (genres Chelonia, Catocala, etc.). Dans
les hautes latitudes, où les nuits sont toujours humides et froides, les
Noctuelles volent dans la journée. Pai-mi les Phalénides, qui restent
d'ordinaire appliquées contre les feuilles ou les troncs d'arbres quand
le jour est sombre, un certain nombre s'envolent au soleil ou par les
jours clairs, surtout au moindre bruit, de sorte qu'on a peine à les
approcher. Dans les Microlépidoptères, beaucoup de Tordeuses et de
Teignes volent dans le jour et surtout le matin, quand la rosée a dis-
paru, entre les herbes, les buissons, les branches des arbustes et des
arbres, et dans la matinée on voit monter et descendre le long des
buissons, d'un vol très-ralenti par la longueur de leurs antennes, qui
semblent des fils de soie, les brillantes Adèles, étincelant au soleil
comme des émeraudes ou des rubis.
Nous adopterons la subdivision des Lépidoptères en deux grands
groupes. Les uns, qui correspondent aux Diurnes de Latreille, sont les
Rhopalocères de Constant Duméril, chez lesquels l'antenne se termine
par un bouton en forme de inassue plus ou moins allongée, et qui
n'est pas sans analogie avec la terminaison de l'antenne des Asca-
laphes (iXévroptères propres). Les autres, nommés Hétérocéres par
M. Boisduval, présentent des antennes de toutes les formes possibles,
sauf la massue arrondie cà sa terminaison. 11 en est, comme les
Zygènes, les Castnies, certaines Sésies. où les antennes finissent en
massue, mais fusiforme et terminée en pointe droite ou courbée. Ce
sont les Castnies qui se rapprochent le plus des Rhopalocères sous ce
rapport. Nous ne prendrons pas la division peu employée de M. E. Blan-
chard, distinguant les Papillons en Aclialinuptèrcs (anciens Diurnes),
dont les quatre ailes, indépendantes les unes des autres, se relèvent au
repos perpendiculairement au corps ou obliquement (llespériens), et
en Chalinoptères (Crépusculaires et Nocturnes), dont les ailes anté-
rieures, toujours au-dessus des postérieures, tantôt restent égalées à
plat avec celles-ci sur le plan de position, les supérieures en dessus,
tantôt se recouvrent en toit sur le corps d'une lagon variable, ou
même constituent un fourreau plus ou monis enroulé- M. E. Blanchard
f>U I.ÉPinOrTKHKS.
attribuait ce fait à la présence du frein, formé d"une soie raide déta-
chée de la base de l'aile inférieure, contre sa courbure du côté du
corps, partant de l'attache de l'aile au-dessus de la nervure simple
antérieure, et passant de là dans une sorte de coulisse ou dcnii-J
anneau, souvent couvert de poils ou d'écaillés, et attaché au-dessous
à l'aile supérieure, plus ou moins près de sa base. Or, dans les Hespé-
riens, qui sont des Achalinoptércs ou Rhopalocères par les autres
caractères, Y Euschcmon liafflesia, Mac Leay, d'Australie, présente chez
le mftlc un frein très-développé, s'engageant dans un anneau écailleux
à la base de l'aile supérieure, et se terminant par un bouquet de
poils, destiné à l'empêcher de sortir de sa gaine. C'est pour cela que
NValker, prenant cette rare espèce pour un Nocturne, la plaçait dans
les Agaristides. La femelle n'a pas cet organe. Le frein manque chez
les Macroglosses, lesSmérinthes, chez beaucoup de Sphingides, chez les
Cossus, chez les Attacides, qui tiennent souvent les ailes défléchies
au repos, mais parfois aussi relevées, surtout dans l'accouplement. U
est très-développé dans les espèces des types Chelonia et Liparis, où il
est reçu dans un anneau écailleux. La plupart des Noctuéliens ont un
frein, ainsi que les Phalénicns, où les quatre ailes sont au contraire
bien séparées au repos ; toutefois il manque dans les Acidalics. Les
Deltoïdes le possèdent, mais peu apparent. On ne s'est pas occupé de
cet organe chez les Microlépidopfères, vu leur petitesse. Le frein
manque souvent ou est rudimentaire chez les femelles, alors que les
mâles l'ont bien développé. Ce n'est pas le frein qui, ainsi qu'on le dit
habituellement, empêche le relèvement des ailes des Papillons noc-
turnes; le mécanisme est bien plus complexe (P. Bert). Jusqu'à pré-
sent le frein n'est qu'un organe de curiosité, dont on ne peut pas
préciser l'usage. Cet appareil, très-peu visible, n'a donc qu'un rôle
accessoire, faisant souvent défaut, et ne peut remplacer le caractère
antennairc général et tout de suite apparent, lié d'ailleurs à d'autres
particularités distinctives d'organisation.
Les Lépidoptères sont des insectes à métamorphoses complètes, les
mieux connus des anciens, sous ce rapport. Aristote nous dit dans son
Histoire des animaux (liv. V, chap. xviii) : « Les papillons proviennent
de chenilles. C'est d'abord moins qu'un grain de millet, ensuite un
petit ver qui grossit, et qui, au bout de trois jours, est une petite che-
nille. Quand ces chenilles ont acquis leur croissance, elles perdent le
mouvement et changent de forme. On les appelle alors chrysalides.
Elles sont enveloppées d'un étui ferme. Cependant lorsqu'on les louche,
elles remuent. Les chrysalides sont enfermées dans des cavités faites
d'une matière qui ressemble aux iils d'Araignées. Elles n'ont pas de
bouche ni d'autres parties distinctes. Peu de temps après, l'étui se
rompt, et il en sort im animal volant que nous nommons un Papillon.
Dans son premier état, celui de chenille, il mangeait et rendait des
excréments; devenu une chrysalide, il ne prend et ne rend rien. U en
LÉPIDOPTËKES. 65
est de même de tous les animaux qui viennent des vers. » Chez les
Grecs, le mot 'iy//, {psyché) signifie à la fois papillon et âme, et beau-
coup de philosophes croyaient trouver dans ses trois états une image
parfaite de l'homme : sa vie terrestre, comme la chenille qui rampe
sur le sol, sa mort et son réveil par l'àme immortelle. Sous les brillantes
comparaisons des sages et des poètes antiques se cachait une trt-s-grave
inexactitude. Ils croyaient à un changement complet et absolu, dans le
sens mythologique du mot métamorphose. On supposait que rien de la
chenille ne subsistait dans le papillon, aussi aérien et léger qu'elle est
terrestre et lourde. Réaumur fit voir le premier, en se bornant aux
organes extérieurs, que les six pattes thoraciques ou en crochets de la
chenille sont réellement les étuis des six pattes de l'adulte, les seules
qu'il possède. Si l'on en coupe une ou plusieurs, le papillon qui éclôt
par la suite se montre mutilé des mêmes membres.
Comme si l'homme ne pouvait arriver du premier coup à la vérité,
sans y mêler les gratuites chimères de sou imagination et les erreurs
de ses préjugés, Swammerdam prétendait retrouver sous la peau de
la chenille les difl'érentes enveloppes qui la conduiront au papillon. Ces
idées d'emboîtement, provenant de l'absence d'études embryogéniques,
ont eu beaucoup de peine à disparaître de la science. En réalité, il y a
une série d'évolutions graduelles; c'est une nouvelle peau qui s'orga-
nise sous l'ancienne, crevant comme un gant trop étroit. La phase
intermédiaire de repos sans nourriture a pris le nom de chrysalide ou
d'aurélie, mots spéciaux à l'ordre des Lépidoptères par une généralisa-
tion inexacte de ce qui se passe dans quelques cas chez les Nympha-
liens (Argymiis, Limeiiitis, etc.), où de brillantes taches d'or ou d'ar-
gent tranchent sur la couleur habituellement terne de cet étui, dans
lequel s'organise peu à peu l'insecte adulte. Ces apparences dispa-
raissent si l'on place l'animal dans le vide ; elles sont dues à de l'air
intercalé sous une mince peau jaune ou blanchâtre. On nomme encore
fève, et avec beaucoup plus d'exactitude générale, la nymphe des Lépi-
doptères, qui a d'ordinaire une couleur plus ou moins brunâtre et
l'aspect d'une graine sèche.
La tête des Lépidoptères est généralement arrondie, comprimée en
avant dans la région du chaperon, plus longue que large et ordinaire-
ment plus étroite que le thorax. La tète est très-saillante dans les
Hhopalocères et garnie de poils fins; elle est plus petite, moins sail-
lante, chez les Hétérocères, munie de poils écailleux, et quelquefois
entièrement retirée sous le thorax. Elle porte les antennes situées cha-
cune près du bord interne de l'œil, formées d'un grand nombre d'ar-
ticles souvent peu distincts, ordinairement plus courtes que le corps,
rarement beaucoup plus longues (mâles des Adèles). Quand elles sont
filiformes et terminées en massue (Hhopalocères et Castnies), celle-ci
varie beaucoup, parfois à peine sensible, ou bien s'accroissant insensi-
blement en largeur à partir du tiers derautennc, parfois brusquement
G1R.UU. 111. — 5
66 LÉPIDOPTÈRES.
formée, taulùt conique ou tronquée, taulôt comprimée ou déprimée,
parfois terminée par une petite pointe en crochet ou excavée en cuil-
lère. Les antennes du plus grand nombre de genres des Hétérocères
sont filiformes et atténuées à Texlrémité ; chez d'autres {Attacus, Buinbijx,
Dicranura, etc.), elles sont pectinées, c'est-à-dire garnies de chaque
côté, au moins chez les mâles, de dents qu'on a comparées à celles d'un
peigne, ou plumeuses, si ces dents très-longues ressemblent au\ barbes
d'une plume : ainsi chez certains Atlacus, dans les Fidonia (Phalé-
niens), etc. Souvent les prolongements en dents de scie ou de peigne,
ou en barbules, n'existent que chez les mâles, les femelles des mêmes
espèces ayant les antennes filiformes. Elles sont prismatiques dans beau-
coup de Sphingiens, linéaires chez les Sésiens, arquées en dehors chez
les .■Egocères, recourbées comme des cornes de bélier chez les Zygé-
niens ou .Sphinx béliers, etc. Les organes de la vision peuvent être de
deux sortes. H y a toujours les yeux composés, à très-nombreuses
facettes, généralement grands et bordés de poils qui remplissent proba-
blement les fonctions de paupières; leur couleur sur le vivant est très-
variable, tantôt verte, tantôt rougeàtre chez plusieurs Satyres, brune
chez les Sphinx et beaucoup d'Hétérocères, parfois comme lumineux
dans l'obscurité, ainsi que nous l'expliquerons. En outre, il y a des
espèces qui offrent sur le vertex des stemraates ou yeux lisses, inconnus
à la plupart des observateurs et oubliés dans les descriptions, car ils
sont ordinairement cachés par des poils écailleux. Nous engageons
beaucoup les amateurs à étudier ces stemmates, sur lesquels on ne
sait encore que très-peu de chose. Les Rhopalocères sont privés de
stemmates; cependant, par une remarquable exception, M. S. Scudder
a trouvé deux stemmates chez un Hespérien du genre l'amphila. Les
Noctuelles ont deux stemmates constants.
La bouche des Lépidoptères présente les pièces des broyeurs profon-
dément modifiées et de manière à servir à la succion des liquides,
nectar, miellats et diverses exsudations végétales ou animales. On voit
même des Lépidoptères, dans les étés secs et chauds, venant sucer
l'eau qui suinte sur la terre humide, près des sources, notamment les
Lycènes, les Polyommates, les Vancsses; beaucoup de papillons diurnes
ou nocturnes sont attirés par le miel, le sirop de sucre, les fruits coupés
ou séchés; de là l'origine des cbasses dites à la miellée, en recouvrant
de miel les troncs d'arbres, les piquets, ou en enfilant à une ficelle des
pommes ou des poires tapées, arrosées d'un peu d'éther nitreux. Si l'on
dégage avec soin les écailles qui couvrent la partie antérieure de la
tête, on trouve au-dessous du front une petite lame transversale, rudi-
ment du labre, et, de chaque côté et au-dessous, deux mandibules
vesfigiaires, en forme d'écaillé un peu crochue ; ces trois pièces sont
sans usage. La pièce buccale principale est la spiritrompe, parfois nue,
parfois couverte d'écaillés épidermiques, souvent hérissée de papilles
à sa partie terminale. C'est un tube formé de deux pièces semi-cylin-
LÉPIDOPTÈRES. 67
driques cornées, liuemcnt slriées cii travers, creusées longitudiiiale-
ment eu gouttière sur la face iuternc et réunies par leurs bords, de
manière à laisser entre elles un canal interne par où montera le liquide.
Au repos, la spiritrompe demeure enroulée en spirale entre les palpes
labiauXj car elle est en général flexible et ne s'étend en ligne à peu
près droite que lorsque l'insecte l'introduit dans les fleurs. Il y a une
exception remarquable pour le genre Ophidei-es, d'Australie et de
l'Afrique australe. Leur spiritrompe reste dressée et dure, avec des
crénelures latérales : c'est pour ces Papillons hétérocères un organe
perforant destiné à trouer la pulpe des bananes et des oranges, et ces
Papillons, les seuls nuisibles à l'état adulte, causent de grands dégâts
dans les cultures de ces fruits (1). La spiritrompe, toujours bien déve-
loppée chez les Rhopalocères, devient extrêmement longue chez cer-
tains Sphingiens [Sphinx, Macroglossa, etc.), pouvant atteindre deux
à trois fois la longueur du corps. Sa longueur varie beaucoup chez les
Noctuéliens ; elle est très-courte dans beaucoup de Phaléniens, et tout
à fait rudimcntaire chez les Bombyciens et les Attaciens, dont les
adultes ne prennent pas de nourriture. On peut donner le papillon du
Ver à soie {Sericaria Mori, Linn.) comme type de cette conformation.
La spiritrompe est formée par les deux mâchoires très-allongées et
accolées, et, comme preuve de cette métamorphose, on trouve à sa base,
de chaque côté, un tubercule, comme une sorte de corne, dont les
parties ne sont bien visibles qu'à une forte loupe. C'est le rudiment
d'un palpe maxillaire couvert de poils très-serrés, formé de deux ou trois
articles. Il est assez facile à apercevoir chez quelques Nocturnes, ainsi
les Teignes du blé et de la cire {Galleria cerellà); il est en général très-
petit et si réduit chez les Sphinx, qu'on l'aperçoit à peine, tellement que
son existence dans ce groupe avait été révoquée en doute.
Sous la spiritrompe et médianement, est une lèvre courte et triangu-
laire, entourée de grands palpes labiaux bien développés, redressés,
à articles assez larges, très-variables de forme et de dimension, au
nombre de trois, le premier très-court, le second grand, le troisième
très-petit ou presque nul dans beaucoup de Rhopalocères, parfois très-
long chez les Hétérocères, et formant une pointe. Ces articles des
palpes sont peu apparents au dehors, car ils sont ou couverts d'écaillés,
ou hérissés de poils, tantôt raides, tantôt soyeux. Ces palpes, qui en-
ferment la spiritrompe roulée, sont parfois assez écartés, mais le plus
souvent contigus ou connivents, généralement ascendants et accolés au
front, quelquefois cependant parallèles et continuant l'axe du corps:
ainsi dans le genre Libythea. Quelques auteurs les ont appelés bar-
billoii!>.
Le thorax, ou l'ensemble des trois segments bien unis entre eux, se
(1) Aimé Dufort, in Lépidoptà-e àf rompe perforante, ravageuj' des oranges en
Australie {Bulletin de la tioc. d'acclimatation, numéro de juillet 1876).
68 LÉPIDOPTÈRES.
nomme souvent le corselet, mot qui a ici une autre acception que chez
les Coléoptt>res, où le corselet n'est que le prothorax. Chez les Lépi-
doptères, le prothorax, très-court, constitue le collier du corselet; le
mésothorax et le métathorax, bien soudés, semblent ne former qu'une
pièce unique, terminée postérieurement par un petit écusson triangu-
laire, ofl'raut en dessus deux ptérygodes ou épaulettes, plus ou moins
développés, et qui sont les mêmes pièces que les écailles des Hyméno-
ptères.
Les ailes des Lépidoptères sont au nombre de quatre, les antérieures
toujours plus grandes et plus développées que les postérieures, qui n'ont
qu'un rôle accessoire dans le vol, ainsi que chez les Hyménoptères.
Dans beaucoup de Papillons, on peut couper piès de la base les ailes
inférieures sans que le vol soit aboli; le frein qui relie dans un certain
nombre d'Hétérocères l'aile inférieure à la supérieure est analogue aux
hameçons {hamuli) des Hyménoptères, crochets situés sur le bord anté-
rieur de l'aile de la seconde paire, et venant s'attacher à une nervure
du bord postérieur de l'aile de la première paire. Comme cescrochets»
le frein contribue à maintenir les ailes inférieures dans la dépendance
des supérieures, lors du mouvement commun de ces rames aériennes
qui n'en forment réellement que deux de chaque côté. En réalité,
l'usage du frein semble assez accessoire, puisqu'il manque chez beau-
coup de Papillons, et qu'on peut le couper sans que les ailes inférieures
se relèvent indépendamment des supérieures et sans que le vol cesse
de se produire (1). Ce sont les muscles du thorax, comme nous l'expli-
querons, qui amènent les mouvements simultanés des ailes des deux
paires, avec ou sans frein.
La nervulation et les cellules des ailes des Lépidoptères sont en
grande partie dissimulées par les écailles qui les recouvrent, et il faut
enlever celles-ci pour les rendre visibles. On y parvient, soit en appli-
quant les ailes sur un papier gommé qui retient les écailles, comme on
le fait pour décalquer ces ailes, soit, plus simplement, en brossant l'aile
avec un pinceau plus ou moins dur, suivant la résistance des écailles.
U arrive ici malheureusement, comme pour les autres ordres, que les
auteurs n'ont pu se mettre d'accord pour une nomenclature uniforme:
ainsi Al. Lefebvre (2), Rambur, le docteur Boisduval, M. A. Guénce, oc
s'accordent pas pour des désignations identiques. Le système le plus,
simple paraît être celui de Rambur, modifié par M. P. Mabille. L'aile
supérieure est traversée par quatre nervures : la première suit la côte;
(1) Maurice Girard, Noie sur /es diverses expériences relatives « la fonction
duvol chez leslnsectes [Ann, Soc. entom. France, séance du 22 janvier 18G2). —
Paul Bert, Comptes rendus da séances et Mémoires de la Soc. de biologir, 187G,
p. 60.
(2) Sur la ptérologie des Lépidoptères [Ann. Soc. entom. France, 1'" série,
1842, t. XI, p. 1 à 36, pi. 1,11, m).
LÉPIDOPTÈRLS. 69
c'est la nervure simple antérieure. Elle peut être soudée à la suivante,
déviée, très-rarement absorbée par le bourrelet costal.
La seconde nervure est la nervure composée antérieure; elle part
presque du mfime point que la précédente, et, sur l'extrémité de la
cellule, aux deux tiers de laile, elle se divise en rameaux de nombre
variable. Ordinairement il y en a six, trois aboutissant à la côte, les
rameaux costaux, ou apicaux, ou supériews, et trois aboutissant au bord
externe, qui sont les rameaux inférieurs. Le nombre de ces rameaux
peut varier selon les familles. La troisième nervure, ou composée posté-
rieure, traverse à peu près le milieu de l'aile et produit trois ou quatre
rameaux; c'est le quatrième de ces rameaux que M. Guénée appelle
nervure indépendante. La quatrième nervure est la simple postérieure;
sa direction est variable et n'est modifiée que rarement dans chaque
famille. M. P. Mabille compte tous les rameaux par en bas, considérant
la côte comme la partie antérieure, le haut de l'ciile ; l'espace compris
entre les deux nervures composées, ordinairement jusqu'à la naissance
des rameaux, est la cellule discoïdale. Cette cellule est fermée le plus
souvent par une petite nervure transversale, à laquelle les auteurs ont
attribué beaucoup d'importance en raison des caractères qu'elle fournit.
Il semble à M. P. Mabille que cette nervure n'ait pas d'existence propre,
et il est porté à la considérer comme un prolongement de la com-
posée antérieure et de la composée postérieure : ce sont en effet deux
parties le plus souvent distinctes et qui se soudent par approche; mais
ordinairement la partie inférieure est la plus faible. Lorsque les deux
parties de cette nervure, qui est connue sous le nom de disro-ceUulaire
(Guénée) ou de nervule (Rambur), s'affaiblissent ou disparaissent, la cel-
lule est ouverte. Quand elles sont soudées l'une à l'autre et sont visibles,
au moins à la loupe, la cellule est fermée.
Les plis de l'aile ont une importance relative, mais souvent considé-
rable. Celui qui traverse la cellule discoïdale a été pris par Al. Lefebvre
comme point de repère pour compter les nervures et leurs rameaux,
d'après le système qu'il avait établi. Ils n'ont heureusement reçu aucun
nom, et il est toujours facile de les désigner parle nom du rameau voisin.
Les nervures de l'aile inférieure se comptent de la même manière;
mais elles subissent d'assez graves modifications. La composée anté-
rieure n'émet que trois rameaux, la postérieure peut en avoir quatre.
L'espace abdominal, c'est-à-dire la partie de l'aile qui suit le bord abdo-
minal, jusqu'à l'angle anal, peut, dans certains genres, présenter une ou
deux nervures simples en plus, que M. P. Mabille nomme nervures
abdominales, et elles se comptent à partir du bord. 11 n'y a donc que les
deux nervures composées qui se ramifient. Il est très-rare de voir les
deux autres former une cellule par dédoublement avec un conmien-
cementde rameau (Castnies, quelques Phaléniens, etc.).
Aux ailes supérieures les rameaux de la composée antérieure peuvent
être réunis par des ramifications transversales, et il se forme ainsj
70 LÉPIDOPTÈRES.
des cellules accessoires complètement fermées. Ces cellules, appelées
aréoles, se voient aussi à la base de quelques aulres nervures ou même
sur leur trajet; l'aréole qui est placée à l'angle supérieur de la cellule
discoïdale, entre le deuxième et le troisième rameau de la composée
antérieure, a été appelée aréole sus-cellulaire ou accessoire. Elle se trouve
chez les Chélonides, les luichélides, les Callimorplies, beaucoup de
Noctuelles, certains Phaléniens. Chez les Castnies, il y a dédoublemeni
de la composée postérieure, qui est divisée en îrois nervures, et il y a
trois aréoles; la nervure simple postérieure est bifide. Chez les Zeu-
zères, il y a quatre aréoles à l'aile supérieure ; chez les Atfacides {Aitacus
Cynthia, etc.), la disco-cellulaire a disparu, etc. On pourrait multiplier
beaucoup ce genre d'exemples.
Ces ailes supérieures ont une configuration qui tend à se rapprocher
plus ou moins de la forme triangulaire; les inférieures sont générale-
ment arrondies ou en ovale allongé, quelquefois un peu évidées ou
échancrées sur leur côté interne ou abdominal. Dans la plupart des
Rhopalocéres, ce bord n'est pas évidé. mais mince, membraneux et
duveté, formant d'ordinaire, avec celui du côté opposé, un canal ou
gouttière qui entoure inférieurement l'abdomen. Le bord extérieur de
chaque aile est bordé par une frange, souvent d'une autre nuance que
le fond de l'aile, soit d'une seule teinte, soit de plusieurs teintes, lors-
qu'elle est entrecoupée par des nervures. Elle est formée de petits poils
très-serrés, un peu écailleux, et disparaît souvent par usure si l'insecte
a volé longtemps, surtout pour les espèces qui se plaisent entre les
herbes ou les broussailles. L'intégrité de cette frange, qui fournit un
caractère, est importante pour les sujets de collection qui doivent être,
autant que possible, du premier choix. La frange est généralement
moins développée chez les Rhopalocères que chez les Hétérocères, et,
parmi ces derniers, les Microlépidoptères ont souvent aux ailes infé-
rieures une frange considérable formée de très-longs poils fins, attei-
gnant parfois la moitié de la largeur de l'aile.
Les ailes subissent une grande dégradation dans la tribu des Ptéro-
phoriens ; elles se fendent en lanières comme plumeuses selon leurs
nervures, et ont un aspect d'éventail à demi déchiré {Pternphurus,
Orneodes).
Les écailles, de couleurs si variées, qui recouvrent la membrane des
Lépidoptères et constituent l'important caractère dont est tiré le nom
de cet ordre d'insectes, ont été l'objet d'études microscopiques intéres-
santes (1). Elles ont des formes très-variées et s'attachent à la mem-
brane alaire par un pédicule en tuyau cylindroïde, pareil à celui des
poils du corps et aussi des ailes ; l'écaillé s'étale au-dessus du pédicule,
offrant ordinairement plusieurs carènes longitudinales parallèles, avec
(1) BernaTà-Deschamfs, I{cchc)'cli3s microscopiques sur l'nrganixatinn âex ai/e<t
ties Lépidoptères [Aan. des se. notur., 1837, février et mars.)
LÉPIDOPTÈRES. 71
de fines arêtes transversales très-rapprocliées : ces lignes saillantes sont
destinées à produire une certaine adhérence entre les écailles, qui sont
toujours plus ou moins imbriquées. Lorsque deux couleurs très-dis-
tinctes se placent à côté l'une de l'autre sur l'aile d'un papillon, ainsi
une bande ronge, jaune ou bleue traversant un espace noir, il n'en
résult(! jamais pour l'ieil un contraste violent et désagréable, parce
que les bords des deux l^arties oll'rent un enchevêtrement d'écaillés
qui adoucit et estompe les contours. Les dessins des ailes résultant de
ces écailles fournissent d'importants caractères pour la distinction
des genres : certaines couleurs de fond, des dispositions analogues des
lignes foncées, des taclies qui restent constantes dans un grand nombre
d'espèces, permettent de reconnaître par l'inspection d'une seule aile
le groupe, plus ou moins étendu, auquel appartient le papillon. Cepen-
dant, comme la nature ne procède Jamais par lois exclusives, il y a des
genres très-distincts qu'on serait porté à confondre au premier abord
par la disposition des couleurs et des ailes. Il y a même des Rhopa-
locères qui ressemblent tout à fait à des llétérocères sous ce rapport, au
point d'avoir causé l'erreur des anciens observateurs, et pour la dis-
tinction desquels il faut recourir aux antennes et à quelques caractères
peu apparents. Les ressemblances peuvent s'étendre à des ordres diffé-
rents. Ainsi le vulgaire confond aisément les Sésies par leurs ailes avec
certains Hyménoptères: ainsi le Trochilium api forme avec le Trelon, et
le Glaucopis coarctata, qui offre l'aspect d'un Ichneumonien.
Les pattes des Lépidoptères sont ordinairement grêles si on les com-
pare à la masse du corps ; en effet ces insectes marchent peu et ne se
servent de leurs pattes que pour se placer sur les plantes, soit pour
sucer le nectar des fleurs, soit pour le repos. En général, les trois paires
ont un développement analogue ; cependant un certain nombre de fa-
milles de Rhopalocères ont la première paire de pattes frappée d'atro-
phie ; parfois elles sont seulement beaucoup plus petites, mais conser-
vent toutes leurs parties ; parfois elles ont les tarses rudimentaires et
sans crochets, sont très-velues, impropres à la marche, appliquées
comme une collerette sur le bord antérieur de la poitrine ; d'où leur
nom de pattes palatines. Cet avortement des pattes de devant est le
plus souvent propre aux deux sexes (Vanessa, Sati/rus, Argyunis, Meli-
tœa, Limenitis, Charaxes, etc.), quelquefois spécial aux mâles {Libythea,
Erycina, etc.) Des auteurs ont appelé tétrapodes les Rhopalocères of-
frant cette réduction des pattes de la première paire, et hexapodes les
autres Papillons. Certains Hétérocères ont les pattes très-velues en entier
ou garnies de faisceaux, de houppes de poils, surtout les antérieures.
Les jambes postérieures des llétérocères ont tantôt deux, tantôt quatre
éperons plus ou moins développes ; lorsqu'il y en a quatre, deux sont
placés vers le bout, deux vers le milieu du côté interne. Ces éperons
sont très-longs chez certains Tinéiniens et chez les Ptérophores. Les
crochets qui terminent les tarses ont des conformations très-variées
72 LÉPIDOPTÈRES.
chez les HhopalocèreSj tantôt simples et trùs-longs, tantôt fendus jus-
qu'à leur origine, et alors il peut exister entre eux une large pelote ou
semelle flexible. On ne peut pas se servir de la forme de ces crochets
comme caractères génériques, puisque, dans le même genre, des espè-
ces très-voisines peuvent avoir, les unes des crochets simples, les autres
des crochets bifides.
L'abdomen est cylindroïde dans la plupart-des Papillons, parfois en
ovale allongé, parfois conoïde (Sphingiens). 11 esl formé de sept an^
neaux, dont les arceaux dorsaux, beaucoup plus grands que les ventraux,
les recouvrent le plus souvent par leurs bords, de sorte qu'en dessous
l'abdomen paraît parfois former une gouttière: cette disposition permet
une dilatation très-grande de cet abdomen chez certaines femelles où
il est rempli d'une masse considérable d'œufs avant la ponte. A son
extrémité, entre deux valves du dernier anneau, se trouve une scissure
longitudinale, beaucoup plus prononcée chez le mâle que chez la fe-
melle, et dans laquelle s'ouvrent les orifices reproducteurs et l'issue du
canal digestif. En pressant le bout de cet abdomen on fait saillir chez le
mâle des pièces copulatrices, le plus souvent en crochets plus ou moins
velu-, parfois (certains Phqléniens, etc.) en forme de couronne érectile
hérissée de poils rayonnant en étoile, de manière à empêcher la sortie
du pénis après son intromission. En général les femelles n'ont' pas d'ovi-
scapte saillant, sauf chez les Zeuzères, dont les chenilles doivent vivre
il l'intérieur des bois, chez les Dianthécies pondant dans les corolles de
Caryophyllées, dont les chenilles rongeront ensuite les ovaires ; l'abdo-
men de ces femelles se prolonge en uu long tuyau pointu et rétractile,
pouvant s'introduire dans les fentes étroites. Chez certains llétérocères
Bombyciens, l'abdomen des femelles se termine par d'épaisses toutfes de
poils fins et soyeux, qui doivent être déposés sur les œufs comme cou-
verture protectrice pendant l'hiver ; dans les deux sexes des Macro-
glosses (Sphingiens) il se termine par un faisceau de poils raides et di-
vergents étalés en queue d'oiseau. Enfin les femelles des Rhopalocères
du genre Parnassius ont sous le ventre, à l'extrémité de l'abdomen,
une poche sphéroïde et cornée, dont l'usage est inconnu.
En général, chez les Rhopalocères, l'abdomen est de couleur foncée;
parfoisilestdelateintedesailesavecunebande dorsale plussombre. Dans
certains Sphingiens, (Deilephila Elpenor, Li(justri,Celerio,e[c.) , et chez
les Sésies, il est annelé de noir, alternant avec du rose varié ou du jaune .
il est orné de vires couleurs chez les Chélonies, les Glaucopis, certains
Bombyx ; offre la teinte du fond des ailes chez les Procris, lesZygènes,
est lavé de bleu, comme les ailes, chez les mâles de certains Lycœna et
r/icc/a; oll're des taches jaunes ou rouges à sa base ou à son extrémité
dans plusieurs Papilio ; est marqué de points réguliers de diverses cou-
leurs chez les Thaïs et beaucoup d'Acrœa, etc.
Les couleurs des Lépidoptères peuvent présenter des variations par
albinisme ou manque de pigment, soit total, soit partiel ; d'autres fois
LùPiDOPrkRi.s. 73
il y a au contraire mélanisme ou pigment plus foncé que chez le type :
ainsi pour la femelle et très-rarement le mâle de YArgtjimis Paphia,
variété Q valezina, remplaçant le type dans le Valais, accidentelle en
France. Certaines aberrations de couleur sont propres aux races de
montagnes. On voit assez fréquemment sur nos côtes océaniques le rouge
des ailes de Calliinorpha liera changé en jaune, et cela devient, parait-il,
constant dans le Caucase ; de même il y a des variétés jaunes de di-
verses autres Chélonides à ailesrouges, comme CalUmorpha dominula ou
de Calocala à ailes inférieures habituellement rouges à fascies noires ;
de certaines Zygènes où les taches rouges sont devenues jaunes, ainsi
une variété jaune de Zijgœna achilleœ, aberration flava, race curieuse
qui se prenait autrefois près de Paris dans le parc du Raincy, avant qu'il
eût été morcelé. En nous bornant aux espèces parisiennes, les collec-
tions des amateurs présentent aussi des aberrations jaunes dans les
Zygœna Pcuceddni, Jlippocropidis, Filipendulœ. M. LFallou a été témoin
de l'éclosion d'une Zygène (Zijgœna exidans) dont le fond des ailes
était d'abord jaune, mais qui, au bout de quelques heures, avait pris
la coloration rouge typique.
Les aberrations par rouge des ailes inférieures changé en jaune sont
beaucoup plus rares chez les CheloniaCaja, Ilebo^ purpurea, et chez
KacheliaJacobeœ. Pierret a obtenu d'éclosion deux mâles de Sphingiens,
l'un de DeilephilaDahU, l'autre de Deilephila fiu/j/iorii'œ, offrant les ailes
supérieures et le corps d'un jaune verdàtre et les inférieures d'un beau
jaune serin, au lieu d'être rouges comme dans le type {Ann. Soc. entom.
de France, 2^ série, 18/|7, t. V; Bull., p. 72).
11 est fort curieux de voir qu'on peut reproduire, au moins momen-
tanément, dans certains genres de Lépidoptères, ces changements du
rouge des ailes en jaune, par un virement analogue à celui si connu
des chimistes pour la teinture de tournesol. En exposant les Chélonides
et les Catocala à ailes rouges aux vapeurs des acides chlorhydrique ou
azotique, les parties rouges deviemient immédiatement jaunes, et le
rouge reparaît, d'une manière également subite, par l'exposition au gaz
ammoniac.
Les amateurs ont souvent cherché à provoquer des aberrations de
couleur chez les Papillons par dos nourritures spéciales données aux
chenilles. Voici quelques faits sur ce sujet d'étude si intéressant à pour-
suivre, puisqu'il se rattache à la grande question de la variabilité des
espèces. La variété de Chelonia Caja, à ailes inférieures brunes au lieu
de les avoir rouges, provient, dit-on, de chenilles nourries aux feuilles
de Noyer. Le Chelonia villica, à. ailes inférieures plus au moins noires,
provient de chenilles élevées, de l'œuf et nourries exclusivement aux
feuilles de Raifort (Fettig). Des chenilles de Vanessa la (Paon de jour),
élevées dans l'obscurité complète avec du Houblon, ont donné de nom-
breuses aberrations.
On observe aussi pour les Lépidoptères adultes des faits de mimé-
Id LÉPinOPTKRES.
tisme, c'est-à-dire d'adaptation des formes et des couleurs, soit avec des
organes végétauN, soit avec des Lépidoptères d'autres groupes, fait que
nous avons cité précédemment. C'est habituellement une protection
défensive que ces ressemblances : ainsi certaines de nos Vanesses, à
riches et vives couleurs en dessus, simulent des feuilles à demi dessé-
chées lorsque leurs ailes relevées, perpendiculaires au corps lors du
repos, et à contours découpés, ne laissent voir que leur face inférieure
marbrée de noirâtre, de brun et de gris. Les Lasiocampes, dites Feuilles-
mortes, qui éclosent en automne, ressemblent à un assemblage de feuilles
sèches par leurs couleurs et leurs ailes inférieures débordant à demi
au repos les supérieures. Beaucoup de Noctuelles posées sur les murs
ou les troncs d'arbres se confondent par l'aspect avec la surface d'appui,
en raison de la couleur de leurs larges ailes antérieures en toit, cachant
tout à fait les inférieures souvent vivement colorées ; le genre Bnjophila
dont les chenilles vivent de Lichens et cachent sous leurs thalles leurs
petites coques soyeuses, ont tout à fait la couleur grisâtre de ces Crypto-
games. Parmi les Phaléniens, les Boarmia, les Oporabia, les Acidalia,
les Eupithecid, aux quatre ailes marbrées et grisâtres étalées sur les
rochers, les murs, les troncs d'arbres, échappent très-aisément à l'œil
do l'homme ou de l'oiseau par cet aspect même. Parmi les curieux in-
sectes représentés dans le Voyage à l'archipel malais {the Malayan Archi-
pelago, London and New-York, 1872) par M. A. R. Wallace, se trouve
figuré p. 131) un Nymphalien de Sumatra {Callima paralecta), qui, posé
au repos sur une branche au moyen des deux paires de pattes fonction-
nelles et les ailes relevées, avec un fond de couleur d'ocre comme une
feuille sèche, ressemble tout à fait à une feuille, le pétiole étant simulé
par les deux pointes accolées des ailes inférieures, la nervure médiane
par une bande longitudinale foncée du dessous des ailes des deux paires
les nervures latérales par des lignes obliques plus grêles. 11 y a bien
manifestement une ressemblance protectrice, une mimicry, comme
l'appelle M. Darwin. lien est de môme pour CaWima /nacAts, également
des régions indo-sondaïques. (Juand ces belles Nymphales volent, elles
se voient au contraire à longue distance par le dessus des ailes orné
d'une large bande d'un jaune-orange sur un fond d'un bleu chatoyant
magnitique. Chez ces Papillons et chez d'autres espèces des pays chauds,
les ailes antérieures sont pointues, et cette forme, sous les tropiques,
est précisément celle des feuilles d'un grand nombre d'arbres et d'ar-
brisseaux, ce qui constitue une protection pour ces Rhopalocères au
repos, les ailes relevées. De très-élégants Lépidoptères de l'Amérique
du Sud ont la face inférieure des ailes brune avec des rayures et des
taches plus sombres, vraie imitation d'écorce fendillée, et ils ne se
tiennent que sur les troncs d'arbres.
11 y a aussi des protections par imitation, non plus des formes et des
couleurs du sol, des rochers, des troncs, des feuillages, mais par ressem-
blance profonde avec des espèces de types ditfércnts. M. Bâtes, dans son
LÉPIDOPTKRES. 7,')
voyage aux régions de l'Amazone, a constaté que des espèces communes
de Papillons possèdent un moyen de défense contre les oiseaux, et que
d'autres, bien moins communes, ont, comme protection, leur mimicry
avec les premières. Les bois de l'Amérique du Sud fourmillent d'iléli-
conies (type des Nymphaliens à pattes antérieures atrophiées) à grandes
antennes, à corps svelte, à ailes longues et délicates, souvent demi-
transparentes, ayant des taches et des bandes rouges, jaunes ou blanches,
sur un fond noir, bleu ou brun. Jamais on ne trouve do fragments
d'ailes d'Iléliconies dévorées par les oiseaux, et cependant leur vol est
faible et lent; mais cela a pour cause une liqueur nauséabonde très-
odorante, qui sort par des pores du corps de ces Papillons débiles, dès
qu'on les touche. On s'explique alors pourquoi certaines Piérides amé-
ricaines, d'un type tout autre que les .Nymphaliens, à six pattes complètes,
ont les mêmes formes et les couleurs variant de la même manière que
chez les Héliconies. Les Leptalis sont les sosies des Heliconia, et se
trouvent protégés par cette ressemblance, étant en outre bien moins
nombreux en individus. De même les Sésies, bien moins abondantes
que les Guêpes et divers Hyménoptères porte-aiguillon, sont protégées
par cette analogie avec des insectes redoutables : le faible s'est comme
vêtu de la peau du guerrier. Peut-être y a-t-il quelque raison encore
inconnue pour qu'un Phalénien qu'on voit voler en plein jour dans nos
bois secs, le Siona exalbata, entièrement d'un blanc de lait, semble
avoir besoin de se confondre avec les petites Piérides blanches à peu
près de même taille.
C-ertains Lépidoptères présentent de véritables cas de polymorphisme :
on dirait des espèces qui ne sont pas encore bien fixées. Ainsi dans nos
Hibernies, dont les chenilles vivent à côté les unes des autres sur nos
arbres forestiers, il y a des espèces à dessins constants, comme Hibernia
aurantiaria et progemmaria, Anisopteryx (rscularia et aceraria, Cheiina-
lobia brumata, tandis que Hibernia leucophœaria et surtout defoliaria
varient beaucoup, certains exemplaires de cette dernière surtout pa-
raissant appartenir à une tout autre espèce. Il y a une influence
inconnue qui s'opère après la transformation sur les chenilles des
espèces variables, qui cependant ont eu la même nourriture et les
mêmes influences atmosphériques que celles qui donnent des adultes
toujours les mêmes. Les Argynnes ont une grande constance de dessin;
les Mélitées ou Papillons-damiers, Rhopalocères voisins et également
forestiers, sont au contraire très-sujettes à variations pigmenlaires,
surtout par confluence des taches noires. Les variations sont continuelles
et considérables chez YAttacus Yama-mat du Japon, au point qu'on a
rarement, lors des éclosions des chrysalides, deux sujets absolument
semblables. La plupart des femelles ont le fond des ailes d'un beau jaune,
citron, tandis que les mâles sont très-rarement jaunes ; les mâles ont le
plus souvent le fond d'un gris un peu jaunâtre, ce qui est au contraire
peu fréquent chez les femelles. Les mâles sont quelquefois rougeàtres
76 LÉPIDOPTÈRES.
et li'ès-rarement les femelles; enfin on obtient, mais rarement, des
màlos dont le fond des ailes est de coulenr lie de vin. Cliez deux autres
espèces Irès-voisines, il y a aussi un grand nombre de variations do
couleur du fond pour YAtfacus Mylitta des Indes, et très-peu, au cour
traire, pour 1'^. F'ernyi de la Chine. Certaines espèces indiennes du
genre Papilio perdent les queues des ailes dans les petites îles des
Moluques ; à l'île de Céram, au contraire, toutes les espèces communes
au continent et aux îles sont plus grandes. On trouve au Japon des
Yanesses et des Argynnes pareilles aux nôtres, mais de taille très-
amplifiée. Certaines espèces d'Iiurope deviennent, dans l'Amérique du
Nord, des races, avec des variationstrès-légères, mais constantes : ainsi
pour l'ijrameis Atulanla et Vanessa Morio. Les Lépidoptères des îles
Shetland s'écartent un peu des types correspondants de la Grande-
Bretagne, mais avec des variations bien moins accusées que celles qui
distinguent entre elles les variétés anglaises et américaines. De même
M. Bellier de la Chavignerie a vu que la Corse a bien moins de Papil-
lons nouveaux que ne le croyait Rambur, mais on peut dire que foules
les espèces sont modifiées et deviennent des races locales. Ainsi Vaneska
Jchnusu peut prendre les deux points noirs de V. Urticœ du contitienl»
et ses chenilles, dans les régions montagneuses froides de la Corse,
deviennent tout à fait semblables ti celles de l'espèce continentale, dont
elle n'est sans doute qu'une race insulaire. Le Papilio Paminon, très-
répandu dans l'Inde et dans l'archipel de la Malaisie, a les contours et
les dessins des ailes indéfiniment variables; mais les chenilles sont
pareilles. Le Papilio Memnon, de Java, de Sumatra, d'Amboine et du
confinent asiatique, présente le mâle variant peu, avec les ailes posté-
rieures arrondies et ornées de lignes et de croissants d'un bleu pâle sur
un fond noir. La femelle, au contraire, se montre avec des parures
très-diverses : tantôt elle ressemble au mâle par la coupe des ailes et se
distingue simplement par des taches de nuances vives; tantôt, avec une
coloration particulière, elle a les ailes postérieures qui se prolongent en
queue, de façon à imiter des Papilio d'autres espèces. Si l'observation
n'avait éclairé la question, on peut dire que les mères donnent nais-
sance cà des filles qu'on ne prendrait jamais pour des sœurs. La même
mère donne des fils semblables au père et des filles pareilles non-seule-
ment à elle-même, mais à une seconde épouse imaginaire du père
(Wallace, op. cit.). On a compté jusqu'à trente-deux variétés dans les
deux sexes de Diadema lassinassa, Nymphalien de Chine, de l'Inde,
d'Australie, les unes avec taches bleues, d'autres qui en sont
privées. Chez la Phalène des Pins, Fidonia jjiniaria, se rencontre
une variété blanche mêlée au type jaune, qui semble en France ne
pas subir d'influence de climat, et qui paraît, en Anglelerre, remplacer
le type jaune dans le nord. Dans une Chélonide, qui se montre en juin
dans les bois des environs de Paris, le NemeophilaPlantaginis, on trouve
dans toutes les localités, çà et là avec le type à fond jaune, une variété
I.ÉPinOPTÈRKS. 77
hospita à fond blanc, mais toujours mâle, et cependant la l'emelle vit en
chenille sur les nnèmes plantes et dans le même climat. C'est l'inverse
de ce qui a lieu pour la variété mélanienne femelle calezina de IMr-
(jlpinis Paphia. M. H. Mac Lachlan (1) cite un grand nombre d'Hétéro- '
cères qui deviennent plus foncés en couleur quand on se rapproche
du nord de l'Angleterre ou de l'Kcosse; c'est au climat brumeux de la
Grande-Bretagne que M. Bellier de la Chavignerie attribue la fréquence
des aberrations noires A'Ainphidasys betularia et des Noctuelles polijuilun
et Oxyacanthœ.
Il existe aussi des phénomènes de polymorphisme saisonnier, c'esl-à-
dire dû <à l'influence de la température (voy. A,. Weismann, Sur le
climorphisme .saisonnier des Lépidoptères, br. en allemand, 1875). Une
Vanesse du nord de la France a longtemps formé deux espèces, sous
les noms de Cartes géographiques fauve et brune. Au printemps paraît
Araschnia levana, dont les chrysalides ont subi l'action du froid de
l'hiver, et qui est fauve et plus petite quM. prorsa, qui est à foiul brun
et éclôt en juillet, de chrysalides à ourle existence en été ; en retar-
dant les chrysalides par une cave froide, on a pu obtenir, en été, soit
levana, soit une variété à caractères intermédiaires, dite porima, qui
éclôt aussi parfois en septembre et octobre des chrysalides de promu,
dans les années chaudes, et ne se reproduit pas. De même Anthocharis
Belia, à taches blanches nacrées, provient de chrysalides hibernantes
écloses au printem; s, tandis que .4. Ausonia, à. taches d'un blanc mat,
est une seconde éclosion de la même espèce au moyen des chrysalides
d'été à courte période. De même les Anthocharis Belemia et Glauce ne
forment qu'une espèce, cette dernière estivale (D'' Boisduval et l'ierret).
Dans le Papiliu Machaon, si répandu dans l'ancien monde, la génération
de printemps a toujours le fond des ailes d'un jaune soufre pâle; la
génération de la fin de l'été, au contraire, présente parfois des sujets
où ce fond tire sur l'orangé. Cela est probablement dû à une insolation
de la chrysalide, car le fond des ailes prend sou^ent cette teinte chez
les individus de collection exposés longtemps à la lumière. D'après
M. Zeller, leLycœna Pohjsperchon, forme hivernale, et le Lyccena Amintas,
forme estivale, ne constituent qu'une seule espèce.
[.es différences sexuelles des Lépidoptères sont de diverses sortes.
Souvent, outre les organes propres, on ne dislingue les sexes qu'à
l'abdomen long et cylindro'ïde du mâle, tandis qu'il est renflé, ovoide
ou piriforme chez la femelle, surtout lors du développement des œufs
fécondés. Ordinairement la femelle est un peu plus grande que le
mâle, à couleurs moins vives, à dessins moins prononcés. Il existe,
dans certains groupes d'Hétérocères, des femelles à ailes imparfaites,
impropres au vol, en moignons plus ou moins grands {Trichosoma,
(1) Notes générales sur les variations des Lèpidoplères, traduites de l'anglais,
avec annotations par Maurice Girard etJ. Fallou [Ann. Soc. entom. France, 18G7).
78 LÉPjnOPTÈRES.
Orijija, Xy.s.sid, Hibrrnla, Clieiiiiatubia, Tinca), ou mOmc ciitièremeiil
absentes (Hibernia defuliaria, Ariisopteryx <escularia). Chez les Psyché
et le?. OEceticus, les femelles sont larviformes et absolument aptères. On
ne connaît pas de niAles de Lépidoptères à ailes rudimentaires, comme
cela arrive chez certains Perliens (Névroptùres pseudorthoptùres) et
Chalcidiens (Hyménoptères); parfois les ailes des mâles sont eau décs
plus ou moins longuement, tandis que celles de leurs femelles sont
arrondies ou à prolongement bien moins accuse. Le développement des
antennes est en rapport habituel avec la sexualité mâle, comme c'est
le cas général chez les Insectes ; souvent les antennes sont pectinées
chez les milles et sipplement dentées ou même filiformes chez les
femelles. Il peut arriver que des couleurs fortement tranchées in-
diquent iinmédiatement le sexe. Ainsi, le mAlc du Satyrus Phryne est
brun et la femelle d'un blanc de lait ; le mâle de Chelunia mendica noir
et la femelle blanche; la plupart des Lycœna et des Thecla ont les
mâles à ailes d'un bleu plus ou moins azuré, tandis que les femelles
les ont brunes, et parfois bleues par aberration maris colore; les des-
sous des ailes à taches triangulaires ou ocellées restent les mêmes dans
les deux sexes. De même les mâles du splendide Morpho Cypris, de
Santa-Fe de Bogota, ont les ailes du bleu éclatant le plus riche ; le
mâle du Morpho Cijtheris est d'un bleu pâle et nacrée, tandis que leurs
femelles, beaucoup plus rares, sont fauves; les Mars changeants (Syni-
phalidesj, qui volent dans les bois parisiens au début de l'été, ont de
brillants retlets d'un bleu violacé, par suite d'écaillés de deux couleurs
suivant lo sens d'où provient la lumière diffusée, et les femelles sont
d'un brun mat. Les prés et les champs semblent oli'rir comme
signal du printemps le mâle de Y Anthocharis Cardamines, si visible
de loin par la tache d'un jaune orangé vif des sommets des ailes
supérieures, tandis que la femelle les offre blancs comme le reste de
l'aile, etc.
Ce sont surtout ces différences tranchées dans les couleurs des deux
sexes qui permettent de reconnaître tout de suite les hermaphrodites
bilatéraux toujours très-rares, décrite par divers auteurs chez les Lépi-
doptères, privés parfois du vol quand il y a une forte disproportion de
grandeur entre les ailes du côté mâle et du côté femelle, comme dans
l'hermaphrodite du Liparis dispar, de YAttacus Carpini, de YAglia Tau.
On reconnaît encore ces hermaphrodites bilatéraux chez les Hétéro-
cères aux dilférences entre l'antenne droite et gauche chez certains
genres; ils échappent à notre attention chez d'autres où les antennes,
les grandeurs et les dessins des ailes sont les mêmes dans les deux
sexes {Zygœna, beaucoup de Noctuelles). L'anatomie interne révèle,
chez ces hermaphrodites, un ovaire d'un côté, un testicule de l'autre,
mais plus ou moins atrophiés et sans usage. On a cité aussi des herma-
phrodites beaucoup plus rares encore par mélange général et sur les
deux côtés des caractères des deux sexes. J'ai vu un Agita Tau de ce
LÈl'lDOPTËRIiS. 79
type dans la collection de M. J. Fallou. On a indiqué des hermaphro-
dites partiels chez Icè Li paris dispar, Rhudoccra Cleopalra, etc.
Les Lépidoptères présentent des hybrides résultant de croisements
entre espèces très-voisines, tantôt naturels, comme entre certaines
espèces de Zygènes, de Sphingiens {Drilephila vcspertilioides, hybride
desD. Vespcrtilio ci H ippophaes, D.Epilobii, hybride des D. Vcspcrtilio et
Euphorhiœ), de Bombyciens, tantôt artificiels et réalisés dans les éduca-
tions en captivité des amateurs, comme les hybrides entre les Altacus
Piri ei Spini, Ica A. Yama-mat et Pernyi, obtenus par MM. Berce et
A. bigot, ces hybrides retournant, au bout de quelques générations, à
l'-l. Pernyi, suivant le fait général des hybrides féconds, oîi une des
espèces absorbe peu à peu l'autre, comme on le voit pour les Lépo
rides, hybrides du Lièvre et du liapin, et qui reviennent au fiapin.
Kntin les collections présentent un hybride des Dicranura vinida et
erminea, résultant d'un accouplement opéré à Bordeaux, constaté par
dix sujets, neuf mâles et une femelle à œufs stériles. M. Westwood a
obtenu un hybride entre Smerinthus ocellatus et Populi, ayant un mé-
lange parfait des couleurs, des dessins et de la coupe des ailes de ces
deux Sphingiens. On a signalé des accouplements sans résultat entre
les genres Vanessa, Argynnis et Satyrus. On a trouvé aussi dans des Mi-
crolépidoptères ^accouplement réalisé entre deux espèces différentes du
même genre, \c%Peroneachristana et nychthomerana (Tortriciens, Platyo-
mides). En 1877, dans ses éducations à Pontoisc, M. Bigot a réussi à
faire accoupler pendant toute une luiit Attacus Polyphemiis, femelle,
espèce de l'Amérique du Nord, avec A. Pernyi, mâle, espèce de l'inté-
rieur de la Chine ; mais les œufs pondus par la femelle se sont déprimés
et étaient stériles.
Les Lépidoptères sont un des ordres d'insectes qui présentent le plus
de faits de parthénogenèse, ou lucina sine concubitu. Un certain nombre
d'espèces ont la parthénogenèse exceptionnelle, celle dans laquelle on
a empêché le coït, et elle est mêlée, c'est-à-dire donne des mâles et des
femelles. Les femellesde beaucoup d'Hélérocères, non accouplées et cap-
tives, pondent des œufs généralement inféconds, parfois accidentel-
lement fertiles, et ce fait a été vu dès la fin du xvii"^ siècle (Malpighi,
Sur le Ver à soie) et le commencement du xviii". On l'a constaté
sur des Sphingiens et sur une quinzaine d'espèces de Bombyciens
{Sericaria Mori, Liparis dispar , Gaslropacha Pini, etc.). Réaumur refu-
sait de croire au fait avancé par Constant Castelel, que des femelles de
Ver à soie donnent des œufs fertiles sans mâles. Cette parthénogenèse
du Ver à soie a été bien étudiée par M. A. Barthélémy {Ann. se. nalur.,
1859). La femelle vierge peut produire des mâles et des femelles; ses
œufs fertiles noircissent plus lentement que ceux de la femelle fécon-
dée; il n'y en "a jamais qu'un petit nombre dans sa ponte. En général,
ils vivent peu et ne passent l'hiver qu'à de rares exceptions, la chenille
mourant dans l'œuf; et ces observations ont été confirmées par 1\L Bal-
80 LÉPIDOPTÈr.LS. ,
biani. On a aussi annoncé plusieurs fois la production d'œufs fertiles
parla femelle vierge du Ver à soie de l'Allante, .4/(rte«s Cynthia, Drurj,
vera, G. Mén. Un fait fort curieux a été constaté par M. Goossens sur
une femelle de Lasiocampa Fini , obtenue d'éclosion cliez lui. C'est
une espèce méridionale et dont il n'y avait pas en ce moment de
mrde vivant à Paris. Cette femelle, piquée sur l'éfaloir, pondit un
grand nombre d'œufs stériles. M. Goossens, voulant empêcher l'aplatis-
sement de l'abdomen, en lia l'extrémité avec un (il de soie, afin d'ar-
rêter la fin de la ponte. Les derniers œuf^^, recueillis quelques jours
après, furent féconds et donnèrent des chenilles. 11 semble donc que
leur fécondité était liée à une incubation plus prolongée dans l'ovi-
ducte. On rencontre encore chez les Lépidoptères la parthénogenèse
normale, c'est-à-dire ayant toujours lieu dans la nature sur leséclosions
libres. C'est le cas de certaines Psychides (1), comme PsychpUelir, nidi-
della, etc., dont les générations successives sans accouplement donnent
exclusivement des femelles (f/ié/y/oc/e de Siebold). 11 en est de même pour
diverses Tinéides, ainsi les Sollenobia iichenella et triquetrella. Cepen-
dant il y a, à certaines époques et probablement pour certaines fe-
melles spéciales de Psychides, une ponte de chenilles produisant des
mâles, qui servent sans doute à renouveler pour plusieurs générations la
fécondité parthénogénique, d'où résultera une série de femelles. Ce sont
surtout les Hyménoptères qui produisent la parthénogenèse du troi-
sième genre, donnant naissance à des mâles seuls (arrhénotocie de Leuc-
kart ) : ainsi accidentellement pour le genre Apis, normalement pour
les genres Bombus, Vespa, l'ulistes, et, d'après Leuckart, pour un Ten-
thrédinien, le Nematus t^entricosus. M. Balbiàni explique comme il suit
la parthénogenèse des insectes : C'est un genre particulier d'herma-
phrodisme, un appareil femelle spécial donnant à la fois des œufs et
des spermatozoïdes qui les fécondent. L'état parthénogénique serait la
forme parfaite d'une espèce et elle est monoïque, un seul individu suf-
fisant pour procréer ses semblables ; les cellules polaires des œufs en
sont les éléments mâles, fécondateurs du germe. Les sujets diofques
sont une dégénérescence, un affaiblissement. C'est d'abord le mâle qui
apparaît avec ses spermatozoïdes conservant une trace transitoire de
l'ovule ou cellule-fille sécrétée par la cellule-mère, puis la femelle.
C'est Là un fait général chez les Insectes, qui sont presque tous dioïques,
et où les mâles éclosent les premiers, afin d'assurer d'une manière
efficace la fécondation des femelles.
Des cas térat ologiques assez variés ont été constatés chez les Lépido-
ptères. Nous citerons d'abord des ectroihrlies ou privations de membres :
ainsi Rumia cratœgaria (Phalénien) manquant entièrement des deux
ailes gauches, sans rudiment ; Thaïs Cassandra, sans aile droite infé-
(1) Th. ûc ^iehohl, Parthénogenèse chez les Insectes {Ann. se. natur., ZcoL.,
4*^ série, 1856, t. VI, p. 193).
LÈPlDOPrÈUES. 81
rieure et sans trace d'avortement, sujet mîlle parfaitement développé
du reste et trés-coloré ; Attacus Cavpini mille, privé, sans rudiment, de
l'aile inférieure gauche, l'aile supérieure gauche étant un peu plus
petite que la droite et un peu moins colorée ; Dianthœcia carpophaga
n'ayant que trois ailes, l'une des inférieures avortée. Un sujet de
Zijgœna occitanica élevé de chenille ofl'rait, au côté gauche, deux fois
l'aile supérieure, sans aile inférieure ; au-dessous de l'aile supérieure
ordinaire la même aile se trouvait entièrement reproduite, même avec
son ptérygode ou épaulette. Des difformités alaires assez fréquentes
sont des accidents d'éclosion de la chrysalide; une ou plusieurs ailes,
qui n'ont pu s'étaler et se sécher librement, restent en moignons chif-
fonnés ou sous forme d'ailes planes, mais bien plus petites que dans le
type et avec les dessins très-resserrés et réduits, quoique pareils au
type, comme cela a lieu transitoirement quand les ailes commencent
à sortir de leurs fourreaux chez la chrysalide. M. H. Lucas cite Colias
edusa, sujet pris en Algérie, ayant l'aile antérieure gauche beaucoup
plus petite, avec réduction du point noir de la cellule discoïdale et de
la bordure noire ; l'antenne gauche était aussi sensiblement plus petite.
Mous pouvons indiquer également Proerw Statices, et de même un mâle
de Polyommatus Eurydice, avec les deux ailes d'un même côté bien plus
petites que les deux autres ; Lijcœna Arion (collection J. Fallou) ayant
une aile inférieure beaucoup plus petite. Dans ces ailes rapetissces, les
dessins et les nervures sont parfaitement conservés. On ne peut expli-
quer ces demi-réductions par défaut de nourriture de la chenille,
comme on explique souvent les aberrations naines par réduction du
corps et des quatre ailes à la fois, constatées chez des Coliades, des
Piérides, des Satyres, etc. Ce nanisme est habituel sur les Vanesses des
Orties {Vanessa Urticœ et lo) provenant des éducations captives, soit que
les chenilles refusent de manger, soit par une température trop éle-
vée (1). Le développement des chrysalides à une chaleur anormale est
une cause de nanisme, comme pour les embryons des œufs d'oiseaux:
les Papillons que Réaumur obtenait par éclosicm hâtive des chrysa-
lides, placées dans des œufs de verre couvés par des poules, étaient
toujours réduits en taille, et souvent cà ailes avortées et chifl'onnées.
C'est ce qui arrive pour les Papillons que des amateurs font éclore en
hiver dans une chambre fortement cliauffée, au lieu d'attendre l'éclo-
sion naturelle au printemps. Au reste, les amateurs savent que les
sujets d'éclosions captives élevés ex ovo sont en général moins grands
et moins vivement colorés que ceux provenant de chrysalides récoltées
naturellement, et ayant subi, ainsi que la chenille, les phases des
températures du dehors.
11 y a aussi des monstruosités par insertions anormales des antennes:
(I) Maurice Girard, No!e sicr des édosions avec réduction de [aille de .Yaiic&sa
Urticœ {Ann.Soc. entom. France, i^^o. Bull., ^, 36).
GlUAUD. in — (J
82 LÉPIDOPTÈRES.
ainsi un sujet d'Himera pennaria (Phalénien) dont une des antennes
était insérée normalement au-dessus de l'œil gauche, et l'autre
anormalement placée au-dessous du même organe. On a vu par-
fois, dans les Rhopalocères comme dans les Hétérocères, des Papillons
aveugles par un arrêt de développement qui consiste en ce que l'adulte
a conservé la tête de la chenille ; au-dessous se trouve la peau cépha-
lique de la chrysalide, et plus, au-dessous, les antennes, les yeux, les
palpes du papillon plus ou moins atrophiés. C'est également un arrêt
de développement qui explique certains albinismes des Papillons par
décoloration totale ou par places du pigment des ailes et du corps, ou
bien par absence d'écaillés sur des portions d'ailes qui demeurent
transparentes. Ainsi un sujet femelle de Tephrosia crepuscularia (Pha-
léniens) trouvé à Bondy offrant l'aile gauche, quoique parfaitement
développée et de plus grande fraîcheur, dépourvue de toute coloration,
ce qui donnait au Papillon un aspect singuher. J'ai pris près d'Angou-
lême, en juillet 1875, un Satyrus Janira offrant régulièrement, vers le
milieu de chacune des quatre ailes, une large tache blanchâtre, par
absence de pigment.
M. A. Barthélémy a cherché à provoquer des monstruosités artifi-
cielles en soumettant les chrysalides à des incubations gênées, analo-
gues à celles expérimentées par E. Geoffroy Saint-Hilaire, puis, beau-
coup plus complètement, par M. Camille Uareste sur des œufs de poule
en altérant l'incubation par des positions anormales, des enduits par-
tiels de la coque, empêchant ou modifiant la respiration par places, etc.
Les expériences ont été faites sur des chrysalides de Ver à soie {Seri-
caria Mori, Linn.) (1). En recouvrant de cire la partie inférieure de la
chrysalide, les organes génitaux externes se développent cependant,
mais plus faibles et moins durs. Si l'on enduit de cire les régions cépha-
lique et thoracique de la chrysalide, les altérations sont beaucoup plus
grandes. Les ailes et les jambes ne sont plus qu'en très-minces rudi-
très-petite, les yeux ne forment qu'un point noir. Au contraire l'abdo-
men et les organes génitaux sont bien constitués ; la chrysalide n'ar-
rive pas à l'éclosion naturelle, comme l'œuf d'oiseau, dans la plupart
des expériences de M. G. Dareste. En comprimant la région céphalique
de la chrysalide, on obtient des Papillons thlipsencéphales, à yeux très-
petits, à bouche prognathe, à antennes avortées et projetées en avant,
à thorax bossu. Le cerveau ne s'est pas développé latéralement et reste
comme chez la chenille, ou bien les deux lobes sont inégaux. Au con-
traire la chaîne nerveuse abdominale est bien développée, ce qui mon-
tre son indépendance du cerveau. Les organes génitaux, la poche copu-
latrice et la glande à vernis des œufs sont devenus énormes, et les su-
jets montrent une grande ardeur à copuler. Si au contraire ou comprime
(1) A. Barthclemy, Sur les monstruosités naturelles et provoquées chez les
Lépidoptères {Ann. se. nat., Zooh., 5* série, 1864, t. I, p. 225).
LÊPIDOI'TÈRES. 83
lavant-dernier anneau abdominal où se forment les organes génitaux,
tantôt la nature supprime un anneau pour leur faire place, tantôt ils
avortent, et le papillon est débile et infirme ; les œufs et les testicules
se résorbent, les glandes annexes disparaissent.
Ces expériences montrent que la chrysalide est un véritable œuf,
comme Harvey le pensait. Enfin la vitalité est très-modifiée et devenue
très-résistante dans l'état de chrysalide, car de pareilles compressions
exercées sur la cbenille causeraient infailliblement sa mort. De même
on a vu fréquemment des chrysalides piquées d'une épingle par des
amateurs novices, non-seulement continuer à vivre, mais se débarrasser
des enveloppes et produire le papillon, tandis que des chenilles piquées
périssent bientôt.
J'explique par des compressions exercées par les électrodes sur les
fourreaux alaires des chrysalides les altérations observées sur les papil-
lons de Vanessa Urticœ par M. Nicolas Wagner, Elles consistent surtout
en déchirures et en trous, ou au moins entaches sans pigment dans les
ailes, ce que le naturaliste russe attribuait au passage de courants élec-
triques, ordinaires ou induits. J'ai parfaitement constaté l'mpossibilité du
passage de courants voltaïques, sans lésions internes, cà travers les tégu-
ment fermes et non conducteurs des chrysalides (1), comme à travers
la coque dure de l'œuf de la poule. Un Attacus Carpini d'éclosion, de la
' collection de M. J. Fallou, présente des trous aux ailes tout à fait pareils
à ceux des Vanesses que M. N. Wagner croyait influencées par le cou-
rant voltaïque.
Le plus habituellement les Lépidoptères adultes ne vivent pas très-
longtemps et s'accouplent bientôt, la femelle survivant un peu au mâle
pour la ponte, et leur vie est de plus longue durée si l'accouplement
n'a pas lieu : c'est un fait général chez les insectes. La vie est encore
abrégée chez les adultes quand l'imperfection de la bouche et du tube
digestif les empêche de prendre de la nourriture : ainsi chez les Bom-
byciens, les Attaciens, comme on en voit un exemple si connu dans le
papillon du Ver à soie du Mûrier. Il y a exception curieuse pour cer-
tains Nymphaliens du genre Vajiessa et annexes, comme les Vanessa
Antïopa, polychloros, etc., et probablement pour Rhodocera Rhamni
(le Citron), pour lesquels l'accouplement n'a lieu que sept à huit mois
après l'éclosion de l'ijisecte parfait. Les adultes d'été tombent en
léthargie à l'arrière-saison et même plus tôt, passant 'l'hiver dans des
retraites, reparaissent aux premiers rayons du printemps, diversement
défraîchis, parfois presque intacts s'ils ont peu volé en été. Chez Vanessa
Aniiopa, la bordure jaune des ailes est devenue blanche après hiberna-
tion. Ils s'accouplent alors, et leurs chenilles vivent au printemps et
au commencement de l'été. L'accouplement des Lépidoptères est très-
(1} Muurice Girard, Note 7'elatiue à des expériences sur l'action des courants élec-
triques sur les chrysalides des Lépidoptères (Ann. Soc. cntom. Fr., 1866, p. 207).
su LÉPIDOPTËllES,
variable clans sa durée et ses préludes. Parfois il ne dure que quelques
instants. On voit rarement 1 "accouplement des Vanesses, qui paraît sur-
tout avoir lieu en l'air; cependant j'ai vu à Compiôgne, en avril, deux
Vanessa Urticœ aux derniers préludes d'accouplement, la femelle sur le ■
sol, les ailes étalées et abaissées, le mâle prêt à monter dessus. Dans
l'accouplement des Argynnes (Hhopalocères), les deux individus sont
à peu près à angle droit, le mâle latéralement, de sorte que leurs ailes,
quand elles ne s'agitent pas chez le mâle, ont leurs plans de repos
à peu près rectangulaires. M. Fallou a obtenu, sur des feuilles
d'Iiuphorbe, des œufs féconds du Deilephila Euphorbiœ, placé dans
une grande cage à éducation; mais il n"a pas vu l'accouplement.
M. A. Wailly, à Londres, a obtenu et constaté, dans les grandes cages de
treillis servant au grainage de VAttacus Yama-maï,\e?, accouplements
de. deux espèces de Spbingiens, lesDeilephila Elpenor et Sphinx Ligustri;
les œufs étaient pondus sur les feuilles des plantes appropriées à ces
espèces, en rameaux dans laçage, ou sur les treillis. On ne sait trop, au
reste, à quel moment l'accouplement s'opère pour les Spbingiens,
qu'on rencontre bien rarement en copulation ; probablement c'est de
très-grand matin. Pour les Piérides, les Satyres, les Lycènes, on est
fréquemment témoin de leur accouplement sur les plantes, le mCde se
posant sur le dos de la femelle, qui incline ses ailes ; souvent le couple
réuni s'envole, et, quand la femelle est plus grande, c'est elle qui
entraîne le mâle, retenu en sens inverse. De même chez les Zygènes.
Beaucoup d'Hétérocôres ont des accouplements de longue durée, avec
peu de mouvements, les corps opposés: ainsi les Bombyciens, certains
Pliai éniens ; parfois le mâle peut réitérer l'acte plusieurs fois, ainsi
chez le Sericuria Mori. Dans les Bombyciens et les Phaléniens à femelles
lourdes ou privées d'ailes, les miles recherchent les femelles dans
leurs vols vagabonds, attirés par l'odeur, semblent suivre sur les brous-
sailles et les feuilles sèches une piste volatilisée, ne voyant la femelle
que quand ils en sont très -près, et fondant alors sur elle comme une
(lèche. Dans nos maisons, on voit souvent les femelles des Aglo^sa
posées sur les murs et attendant le mâle, immobiles, l'abdomen relevé
et recourbé en l'air. Les femelles des Psyché, qui restent à demeure
dans la coque nymphale qui était auparavant le fourreau de la che-
nille, font souvent sortir du fourreau l'extrémité de l'abdomen, et,
quand il n'y a pas parthénogenèse, subissent l'accouplement sans sor-
tir du fourreau. C'est ordinairement cramponnées sur la coque soyeuse
de la chrysalide que les femelles à ailes rudimentaires des Orgtja sont
fécondées par les mâles.
Peu de temps après l'accouplement, les femelles se débarrassent de
leurs œufs, et la ponte, chez certaines, comme on le voit pour les
femelles du Ver à soie, a lieu même pour les œufs stériles; en général,
elle est facilitée si l'insecte aie thorax traversé d'une épingle, et l'on a
même pu, par ce moyen, obliger à pondre des femelles de Rhopalo-
LÉPIDOPTÈRES. 85
cè'res, en leur faisant sucer de l'eau sucrée sur une éponge. Le plus
souvent les œufs sont déposés à nu, ou en tas, ou en rangées, ou en-
bracelets spirales, à spires très-rapprochécs, autour des branches, rete-
nus par un enduit collant sécrété autour de la coque par la glande à
vernis, lors du passage des œufs dans l 'oviducte. C'est toujours ce qui
arrive pour les œufs dont l'éclosion sera prompte, mais aussi pour des
œufs qui doivent hiverner: ainsi ceux de Bombyx Neus tri a et de Bombyx
castrensis, en bracelets autour des branches ou des tiges de Graminées
(les bagues), ceux de VAttacus Piri, etc.
Quelquefois les femelles poilues de certains Bombyciens recouvrent
leurs œufs des poils qu'elles arrachent à leur abdomen^ afin de les
préserver ou des rigueurs de l'hiver, ou du froid intense du rayonne-
ment nocturne : c'est ce qu'on voit pour les femelles des Liparis dispar,
chrysorrhœa, auriflua, Bombyx lanestris, etc. La femelle peut arroser
ses œufs pondus en plaques d'un enduit préservatif qui se dessèche
sur eux comme une bave durcie, ainsi chez Liparis Salicis.
Par suite de l'instinct, les œufs sont déposés par la femelle sur la
plante qui doit nourrir la chenillCj en une même place si les jeunes
chenilles doivent être sociales, isolés un à un ou en petit nombre si les
chenilles doivent vivre solitaires, enduits de la glu, insoluble dans
l'eau, qui sert à les maintenir adhérents sur les feuilles, si la chenille
doit écloie à la belle saison, sur le tronc ou sur les rameaux des plantes
à feuilles caduques, lorsque les œufs sont destinés à passer l'hiver et à
ne donner les chenilles qu'au printemps, ou lorsque les petites che-
nilles nées à la fin de l'automne ont à passer l'hiver engourdies dans les
fissures de l'écorce ou au pied des arbustes. Les œufs sont sphéroïdes ou
ellipsoïdes, parfois déprimés au centre et d'une couleur très-variée,
blancs, jaunes, verts, rougeâtres ou rosés, gris, bruns ou noirs, parfois
émaillés de diverses nuances, ainsi panachés de gris et de blanc, et
analogues à des graines de chènevis chez la plupart des Lasiocampa
d'Europe. Leur nombre est très-variable, d'une centaine à plusieurs
milliers, selon la fécondité de l'espèce, moins nombreux en général chez
les Rhopalocôres que chez les Hétérocères, parfois assez gros, parfois
très-petits au contraire, ainsi dans les espèces lignivores si nuisibles,
comme Zeuzera jEsculi et Cossus Ligniperda. La surface de la coque des
œufs est parfois lisse, parfois au contraire striée, ou couverte de petits
tubercules, ou d'une réticulation hexagonale {Satyrus /Egeria), ou de
côtes longitudinales {Fieris Brassicœ, Leuconea Cratœgi), parfois même
velue {Diloba cœruleocephala), ou pubescente (Thecla Ilicis ou'Lynceus,
Polyommatus phlœas).
La grandeur des œufs est la même pour les deux sexes des che-
nilles futures; pourtant, chez le Liparis dispar, où les deux sexes sont
si dissemblables de taille à tous leurs états, on peut reconnaître le sexe
dans l'œuf, les œufs femelles étant plus gros, les œufs mâles plus pe-
tits, par le môme fait que pour la ponte des Phylloxéras ailés de migra-
8f) LÉPIDOPTÈRES.
tion, qui offre les œufs mâles des sexués plus petits que les œufs d'où
sortiront des femelles. On peut voir au microscope le micropyle des
œufs de Papillons: c'est le Irou prédisposé à l'un des pôles de la coque,
ouverture d'un canal allant au vitellus et par où doit passer le sperma-
tozoïde pour entrer dans le vitellus. Le micropyle est souvent entouré
d'une rosace d'une ou plusieurs rangées concentriques d'écaillés poly-
gonales imbriquées et en rosette, surtout chez les Bhopalocéres; ou
bien, surtout chez les Hétérocères, de pores, ou bien de fentes rayon-
nant en étoile h 3, Zi, 5, 8 et même 20 branches, et en outre parfois de
la rosace d'écaillés (1). Les œufs peuvent supporter sans altération de
grandes variations de température, de + 50° à + 60" même, jusqu'à
— 30° et — ZiO° même, surtout pour les espèces des pays froids. Les
œufs de Ver à soie supportent les hivers de la Sibérie quand on les
transporte par caravanes, et même le froid assure la vitalité et la santé
de la chenille (Duclaux, Glaçage des œufs de Ver à soie): de sorte que la
rigueur des hivers est réellement favorable et non nuisible aux Lépido-
ptères du pays. On retarde à la glacière, mais en vases secs, sans humi-
dité, les œufs d'espèces de pays plus chauds, lorsqu'on a besoin d'attendre
l'éclosion des jeunes feuilles pour l'éducation des chenilles. La coque
de l'œuf est dure et chitineuse; au moment d'éclore,la petite chenille
la ronge circulairement en un point avec ses mandibules, formant ainsi
une sorte de couvercle qu'elle n'a plus qu'à pousser pour sortir.
M. A. Barthélémy a observé que le micropyle de l'œuf du Sericaria
Mori se trouve au fond de la dépression de cet œuf et forme un bouton
intérieur qui correspond au point de l'œuf où se constitue la tête de l'em-
bryon. La chenille, pour sortir, saisit ce bouton avec ses mandibules,
le brise et agrandit de plus en plus l'ouverture jusqu'à ce qu'une issue
suffisante pour le corps tout entier se soit produite. C'est donc par le
micropyle que s'effectuent à la fois la fécondation et l'éclosion.
La chenille se forme dans l'œuf à des époques très-variables après la
ponte: chczY Altacus Yama-mm,Q.-Mcn. elle est organisée et contournée
en cercle peu de jours après la ponte qui a lieu chez nous en août,
bien qu'elle ne doive éclore qu'à la fin de mars ou en avril.
Les chenilles sont toujours plus ou moins allongées et cylindroïdes. Si
l'expérience de tous les jours n'était là pour le prouver, rien n'est plus
étrange que cette idée que la chenille doit devenir un papillon, tant
les formes sont différentes entre ces états extrêmes. C'est en effet une
sorte de ver boursouflé et segmenté, à peau tantôt nue, tantôt couverte
de poils, de verrues, de tubercules, présentant une tête écailleuse et
luisante, très-rarement épineuse, puis douze segments^ trois thoraci-
ques, neuf abdominaux, séparés par des incisions plus ou moins pro-
fondes, et munis de pattes dont le nombre total peut varier de seize
(1) R. Leuckart, Sur les micropyles des œufs d'i/isectes, avec mesures micro-
métriques {Muller's Archiv, 1855, t. XX-JI, p. 90, pi. vu, vin, ix, x, xi).
LÉPIDOPTÈRES. 87
à dix. La ièie semble séparée par un sillon longitudinal et médian en
deux calottes cornées. Les antennes latérales, près de la base des man-
dibules, sont extrOmement rudimentaires, formées d'un tubercule que
surmontent quelques articles très-grèles ou une soie {prolongements
mamillaires deMalpighi sur le Ver à soie).
De chaque côté sont six ocelles punctiformes, dont trois surtout sont
bien visibles. Malpiglii les figure dans le Ver à soie (1669). Ce sont des
yeux, et l'anatomie interne le démontre ; c'est bien à tort que divers
auteurs ont considéré les chenilles comme aveugles. Elles possèdent la
vision à courte distance, celle habituelle aux stemraates; une chenille
en marche devant qui on présente un obstacle, s'arrête, rebrousse che-
min ou le contourne. La bouche des chenilles, en raison d'une nourri-
ture toute diflerente de celle de l'adulte, est conformée sur un plan
tout autre : c'est une bouche d'insecte broyeur. On y trouve deux man-
dibules cornées plus ou moins tranchantes, deux mâchoires latérales
munies chacune d'un très-petit palpe, une lèvre inférieure avec deux
rudiments de palpes et un mamelon cylindroïde percé d'un trou et
constituant la filière par laquelle sort le fil de soie formé de deux fils
accolés. Cette filière est buccale et non anale, comme chez les larves
des Fourmilions et des Chrysopes.
Le corps des chenilles présente très-généralement neuf stigmates de
chaque côté, jamais à la tète, un au prothorax, les autres aux anneaux
de l'abdomen, sauf le dernier. Ces stigmates sont, le plus souvent, très-
visibles par la couleur de leur péritrème habituellement elliptique, qui
tranche avec celle du fond de la chenille, plus pâle si celui-ci est obscur,
.et réciproquement. Chez la chenille de VAglossa pinguinalis, qui vit
dans la graisse, ces stigmates sont cachés par un repli transversal des
anneaux, de peur d'obstruction. L'anus ou terminaison du tube digestif
s'ouvre dans le dernier anneau des chenilles et se trouve protégé, le
plus souvent, par le chaperon ou clapet, sorte de valve plus ou moins
saillante, dont la forme varie un peu suivant les genres et qui est habi-
tuellement triangulaire.
La locomotion des chenilles a lieu par des mouvements ondulatoires
du corps d'arrière en avant, et aussi à l'aide des pattes. Celles-ci sont
de deux types bien distincts. Aux arceaux ventraux du thorax s'insèrent
trois paires de pattes vraies ou écailleuses, en forme de crochets coni-
ques et qui sont comme les fourreaux des six pattes de l'adulte. Elles
servent à la marche plutôt qu'cà la station sur les feuilles ouïes branches.
La marche et la fixation aux objets sont obtenues à la fois par les fausses-
pattes ou i)attes mamelonnées, ou membraneuses, ou en couronne, ou
à crochets, dont sont munis en dessous certains anneaux de l'abdomen,
pattes dont la chrysalide et l'adulte ne conservent pas de trace. Le plus
souvent elles ont la forme d'un mamelon charnu et élargi à sa base
circulaire ou plante, non sans quelque grossière ressemblance avec un
pied d'éléphant. Ordinairement une couronne de crochets, comme une
88 LÉPIDOPTËRES.
palissade circulaire, entoure cette plante en dessous; ils sont attachés
par le milieu et recourbés en hameçon aux deux bouts. La plante de la
patte est contractile et peut se plisser en pince quan d la chenille veut
adhérer cà un pétiole ou à un bord de feuille; ou bien elle s'épanouit, et
les crochets se redressent, les pointes se cramponnant au dehors, tandis
que, quand la chenille marche, la plante se resserre elles crochets
viennent à plat, les pointes en dedans.
Les chenilles des Rhopalocùres, des Sphingiens et groupes annexes,
des Attaciens et de beaucoup de Microlépidoptères, ont leurs pattes
membraneuses au complet, au nombre de 10 en 5 paires, sur les
anneaux 6, 7, 8, 9 et 12 ou segment anal, les anneaux Zi, 5, 10 et il en
étant dépourvus. La chenille soulève alors à peine son coi'ps au-dessus
de la surface d'appui quand elle marche. Ce nombre de pattes est géné-
ralement le même pour les Bombyciens et groupes annexes et une
grande partie des Noctuéliens; parfois la dernière paire de pattes se
modifie en filets plus ou moins prolongés (Z)«cra?mra, Platypteryx, cer-
tains Harpya et Uropu.s). Les fausses-pattes peuvent devenir en partie
non fonctionnelles par raccourcissement des deux ou trois premières
paires {Ophiusa, OphùJeres, Catocala, Euclidia, etc) ; ou bien les chenilles
deviennent demi-arpenteuses par absence de la première ou des deux
premières paires de pattes membraneuses (certains P/usm, Eraslria, etc).
En marchant, ces chenilles sont obligées de relever en boucle le milieu
du corps. M. Goossens a reconnu que les chenilles de certains Noctué-
liens sont demi-arpenteuses dans le jeune Age et ne reprennent leurs deux
premières paires de pattes abdominales qu'à la troisième mue : telles sont
celles de Triphœna pronuba, de Mamestra Brassicœ, de Xylomyges con-
spicillaris, etc. Les arpenteuses ou géomètres sont les chenilles de presque
tous les Phaléniens, et le nom de ces chenilles sert souvent à désigner
la tribu. Elles n'ont plus que les deux dernières paires de fausses-
pattes. Aussi, en marchant, ces chenilles relèvent en arc le milieu du
corps, en rapprochant leurs pattes postérieures des pattes écailleuses, de
sorte qu'elles ont l'aspect d'un compas, à branches successivement écar-
tées et rapprochées pour mesurer des espaces successifs. Souvent ces
chenilles, à peau verte, brune ou grisâtre, à anneaux rigides, ont été
appelées arpenteuses en bâton, car, dressées sur la paire postérieure des
pattes anales qui s'attache au pétiole d'une feuille ou à une branchette,
elles se tiennent immobiles pendant des heures entières, simulant un
rameau frais ou desséché. Parfois ces chenilles tombent raides et parais-
sant être une branche morte, ce qui continue leur mimétisme défensif.
Dans les Cocliopodes, surtout dans le genre Limacodes, les pattes mem-
braneuses sont remplacées par des boutons charnus rétractiles, laissant
suinter une viscosité analogue à celle de la peau des Limaces, et ces
chenilles ainsi collées aux feuilles ne se déplacent que rarement et très-
lentement. Les Lasiocampa ont les pattes membraneuses protégées par
des prolongements latéraux charnus, dits appendices pédiformes, qui
LÉPinOPTÈKLS. 89
cachent les paltcs et concourent avec elles à fixer ces chenilles plaies
entre les l'entes des écorces, car ils sont préhensiles. Ces chenilles, dont
la couleur ressemble à celle des écorces, demeurent ainsi fort longtemps
sans mouvement et très-difficiles à apercevoir.
Il y a des chenilles qui, o.utrela locomotion ordinaire, peuvent mar-
cher à reculons avec rapidité et, de plus, se tortiller comme de petits
serpents : c'est le fait de beaucoup de chenilles de Deltoïdes, de Tortri-
ciens et de Tinéiniens, et ces mômes chenilles, d'ordinaire, quand elles
tombent des feuilles, demeurent suspendues cà un fil de soie, sorti de la
filière buccale, qui amortit la chute sur le sol et peut leur servir en-
suite, comme un câble, pour remonter. Il y a des chenilles qui exécu-
tent de vrais sauts de carpe, en courbant en arc un des côtés de leur
corps et le débandant ensuite comme un ressort; on est étonné de la
force de ce saut chez les chenilles des Catocah (Xoctuéliens). Beaucoup
de chenilles à longs poils de Chélonides ont une marche très-rapide,
presque une course, quand on les observe parcourant les sentiers entre
les plantes basses, surtout au moment où elles cherchent un abri pro-
pice pour la nymphose. Au contraire un grand nombre de chenilles de
Rhopalocères sont paresseuses et ne se déplacent que lentement sur
les feuilles ou sur le sol : ainsi les chenilles des Satyres, des Nymphales,
des Hespériens, et surtout les chenilles qui ressemblent à des Cloportes
des Lycénides ; les chenilles des Zygéniens, dans les Hétérocères, sont
également très-lentes.
Les téguments des chenilles sont des plus variés, ce qui ne nous per-
met ici qu'une étude très-générale. Les chenilles peuvent être rases,
sans poils ni épines, ou n'ayant que quelques poils rares et peu nom-
breux : ainsi les Deilephila, Sphinx, les Sesia, Cossus, Zeuzera, et beau-
coup de Tortriciens, de Noctuéliens, et Phaléniens. Souvent ces che-
nilles nues ont la peau granuleuse, ou offrant des bosses charnues, des
nodosités, qui augmentent chez beaucoup d'Arpenteuses la ressem-
blance avec des branchettes, ou des plaques calleuses, parfois très-
étendues {Cossus Ligniperda). Beaucoup de chenilles ont des poils, tantôt
une fine pubescence, comme le Ver à soie à son premier âge, tantôt de
longs filaments, ou soyeux ou raides, comme beaucoup de chenilles de
Chélonides, qui ressemblent à de petits Oursons. Les poils peuvent re-
couvrir toute la peau, ou se disposer en brosses [Acromjcta, Dasychira),
ou en pinceaux allongés (deux en aigrettes sur le prothorax, dirigées en
avant comme des antennes, et un penché en arrière sur le onzième
anneau dans les chenilles des Orgtja). Les touffes de poils peuvent être
portées sur des tubercules saillants, qui parfois sont vivement colorés,
ainsi en bleu de turquoise chez VAttacus Piri, d'un jaune orangé chez
A. Spmi et rouges chez A. Carpini, etc. Les chenilles de la plupart des
Sphingiens et de quelques Bombyciens, comme le Sericaria Mort, por-
tent une corne conique, recourbée en arrière, sur le onzième arceau
dorsal, charnue à la base, le plus souvent lisse et cornée à l'extrémité,
90 LÉPIDOPTÈRES.
parfois granuleuse et tronquée au bout {Acherontia Atropos). Certaines
clienilles ont des tentacules rétractiles, qu'elles font saillir quand on les
inquiète : ainsi la double caroncule orangée en Y, qui sort du protho-
rax de la chenille du Papillon des Carottes {Papilio Machaon) à la volonté
de l'animal, comme les tentacules oculaires des Limax et Hélix. On les
signale dans toutes les chenilles connues des genres Ornithoptera, Papi-
lio, Parnassius, Tliais.
Les chenilles des Mélitées et des Argynnes offrent, en dessous et mé-
dianement, un peu en avant de la première paire de pattes écailleuses,
une petite poche arrondie, d'usage inconnu, et qui existe rudimentaire
dans les chenilles des Vanesses. Bonnet paraît avoir tu le premier,
en 1737, cette vésicule rétractile du dessous de la gorge de certaines
chenilles de Rhopalocôres ; il reconnut qu'elle renferme un liquide
acide, et communiqua sa découverte à Réaumur, puis à de Geer, et
Lacordaire signale le fait oublié depuis longtemps. M. Goossens, qui a
repris ces recherches anciennes, pense que la liqueur acidulée de cette
vésicule se répand sur la feuille et la rend plus apte à être triturée par
les mandibules et les mâchoires de la chenille. Il arrive quelquefois
que les poils, les épines, les tubercules, qui rendent plus difficile la
ponte des Hyménoptères et des Diptères entomophages, dans le corps ou
sur la peau des chenilles, ne suffisent pas encore à celles-ci. Il en est
qui assurent la protection de leurs téguments par une couverture de soie
incrustée d'un enduit sécrété, ou à laquelle sont fixés des corps étran-
gers maintenus par le lissu soyeux, à la façon des larves des Phryga-
niensou chenilles d'eau, et ces enduits servent aussi à garantir une peau
molle de la dessiccation par l'air ; la tête et les pattes écailleuses sor-
tent seules, pour manger et marcher. Ce sont là les chenilles à fourreaux ;
tantôt, comme dans beaucoup de Tinéiniens, ces fourreaux sont unique-
ment en soie, tantôt ils sont fortifiés par des collerettes superposées
de cellulose végétale (Coleophora, Teignes à falbalas de Réaumur). Des
Tinéiniens qui vivent de nos lainages ont les chenilles entourées de
fragments laineux, et, en faisant varier la couleur des draps qu'elles
mangent, on les oblige à se revêtir d'une sorte d'habit d'arlequin. Les
OEceticus et les Psyché ont les anneaux du thorax assez durs et à pattes
agiles; les pattes de l'abdomen, dont les anneaux sont mous, ne servent
qu'à retenir des brins d'herbe sèche, des fragments de feuilles ou
d'écorce, ou des lichens, etc. Les matériaux sont placés longitudinale-
ment, ou transversalement, ou imbriqués comme les tuiles d'un toit,
avec une forme conoïde ou prismatique, et toujours suivant une loi
variable d'une espèce à l'autre, mais constante pour chacune, absolu-
ment comme chez les larves de Phryganiens à étuis mobiles. Il y a des
Psychides où les fourreaux sont faits de grains siliceux ou calcaires et
affectent la figure de coquilles d'Hélix. Les fourreaux sont allongés par
les chenilles à mesure qu'elles croissent ; elles savent y mettre des
pièces, s'ils sont endommagés par accident, et, si on les en dépouille.
LÉPIDOPTÈRES. , 91
elles se hâtent de manger avec voracité ou de récolter de toutes parts de
nouveaux matériaux, destinés à reconstituer promptement les abris sans
lesquels elles ne peuvent vivre.
La couleur du fond des téguments des chenilles est, le plus souvent,
verte, grisâtre ou brune. Elle est d'un blanc jaunâtre ou parfois rosée
dans les chenilles qui ne doivent pas être exposées à la lumière,
comme les chenilles à fourreaux, ou celles qui habitent à l'intérieur
des fruits pulpeux (Carpocapsa) ou des tiges {Nonagria, Sesia, etc.), ou
des racines {Hepialus, Crambus, etc.); une teinte pâle, bleuâtre ou ter-
reuse se rencontre chez les chenilles qui vivent cachées en terre,
comme des Lombrics, rongeant surtout les racines, ainsi les Agrotis
segetum, exclamât ionis, etc., les Vers gris des agriculteurs. Les couleurs
des chenilles vivant à l'air sont le plus souvent des moyens mimétiques
de protection, imitant les couleurs des feuilles, des fleurs, quand elles
en dévorent les pétales ou les graines, des écorces si elles viennent s'y
reposer fréquemment. Il y a beaucoup de chenilles qui conservent tou-
jours les mêmes couleurs du fond et des dessins, devenant en général
plus foncées en vieillissant ; mais il en est un assez grand nombre où ces
couleurs peuvent varier beaucoup, sans liaison avec le régime, les che-
nilles diverses vivant sur la même plante. On voit les chenilles de
Vanessa Atalanta, soit grises, soit d'un vert sale, à peu près en nombre
égal sur les Orties; celles de YArgeGalatea'èo\\\, en nombre égal, grises
avec la ligne médiane brune, ou vertes, avec cette ligne d'un vert
foncé ; celles de Thecla Quercûs sont jaunes, vertes ou brunes, ces der-
nières dominant. La chenille du Smerinthus Pupuli est habituellement
verte, et prend quelquefois des taches rouges plus ou moins nom-
breuses. Celle de VAcheroniia Atropos (le Sphinx à tête de mort) est ordi-
nairement d'un fond jaune plus ou moins foncé, et parfois, sur les
mêmes feuilles de pomme de terre, d'un gris brunâtre ; celle de Deile-
pliila Elpenor brune ou verte; celle de Bombyx castrensis variant beau-
coup pour la teinte rouge feu de la partie dorsale. Le type de la chenille
de Callimorpha dominula est noir avec de nombreuses taches jaunes,
et rarement d'un rouge orangé, sans que les papillons provenant de
ces chenilles diffèrent; celui de la chenille de Sphinx Convolvuli est
d'un brun plus ou moins foncé, mais quelquefois gris et parfois d'un
beau vert. La chenille d'Hadena oleracea varie du brun clair au brun
foncé ou au vert foncé; celle d'Hadena Atriplicis est brune ou verte,
avec les teintes intermédiaires, mais toujours avec les mômes taches
jaunes. On trouve ensemble des chenilles d'Asleroscopus Cassinia, soit
d'un vert d'herbe, soit d'un vert d'eau, et le fond jaune de la chenille
de Chariclea Delphinii est parfois remplacé par une teinte rosée très-
prononcée. Dans les Phaléniens, les chenilles arpenteuses de Phigalia
pilosaria sont grises ou brunes, et celles d'Hibernia defoliaria ont toutes
les teintes de brun. Les chenilles des Eupithecia sont assez sujettes
à varier pour le fond et les dessins : ainsi E. absinthiata, du jaune au
92 rÊPinoPTÈRES.
brun en passant par le vert, toutes couleurs qui sont sur les plantes
(Verge d'or, Tanaisie, etc.) dont elle se nourrit ; E. sobrinata, verte avec
ou sans taches roses, ou d'un brun clair avec taches roses, ou avec les
taches trôs-foncées; E. innotata, dont la belle chenille verte, avec des
chevrons de couleur pourpre éclairés de blanc, présente quelquefois le
fond brun. La chenille de Chesias spartiata, qui vit sur le Genût, est
d'habitude d'un vert assez foncé, avec une ligne blanche le long des
stigmates. La même plante ofl're parfois une chenille de même forme,
mais à fond d'un jaune terne uni, sans dessins ni ligne stigmatale
apparente, et ces deux chenilles bien différentes donnent des Papil-
lons identiques ; seulement les œufs du papillon provenant de la che-
nille verte sont verts, et les œufs du papillon de la chenille jaune sont
jaunes (Goossens). 11 y a des chenilles dont les couleurs semblent varier
suivant les végétaux sur lesquels on les rencontre, et surtout suivant
la couleur des fleurs qu'elles mangent. Nous citerons seulement Eiipi-
thecia centaureata, qui, sur le Linaria vulgaris, a le fond d'un jaune
pâle (la fleur est jaune), avec les lignes et dessins de couleur lie de vin;
sur Linaria minor elle est de couleur vert d'eau, avec les lignes d'un
vert foncé; sur le Tanacetum, d'un fond blanc un peu verdâtre, avec^ la
ligne vasculaire seulement d'un vert d'herbe. Sur le Persil en graine,'
la chenille est jaune, sans lignes ni dessins; sur ['Eupatoriiim cannabi-
niim, dont les fleurs sont rouges, la chenille a le fond blanc, avec les
diverses lignes d'un même rouge. Toutes ces couleurs partent évidem-
ment d'un principe de dissimulation par imitation. Il y a des chenilles
dont la coloration se modifie avec l'âge et les mues. Les chenilles de
Cerastis Vaccinii et spadicea, vertes dans le jeune âge, sont brunes plus
tard. Jeunes et trop faibles pour se bien cacher, elles ne mangent que
les feuilles tendres et ont besoin d'imiter leur couleur pour se protéger.
Plus tard, devenues plus fortes, elles se colorent sans inconvénient,
car elles savent se cacher. Les chenilles de Triphœna pronuba sont
vertes pendant les premières mues et surtout jusqu'à la troisième, où
les premières pattes ventrales se développent; à partir de là, elles se
cachent, et même entrent un peu en terre, deviennent de couleur
foncée et même noire; quelques-unes, en petit nombre, persistent à
rester vertes. Les chenilles de Mamestra Bra.ssicœ sont vertes au sortir
de l'œuf et pendant les trois âges où les deux premières paires de
pattes ventrales manquent; plus tard, une partie des chenilles se
colorent en foncé, même en noir, mais quelques-unes sont grises, et
chez d'autres le vert persiste, seulement il devient terne. La che-
nille de Bombyx Quercûs varie de feinte à chaque mue; celle de Bom-
Injx Bubi jeune a des anneaux orangés qui disparaissent quand elle
grossit. La jeune chenille de Dcilephila porcellus est verte, tandis qu'à
toute sa taille elle est presque noire, le vert persistant parfois jus-
qu'à l'avant - dernière mue. La chenille verte de Smerinthus Tiliœ
peut devenir d'un brun rougeàtre à la dernière mue. La chenille blonde
LÉPIDOPTÈRES. 93
â'Arctia sordida prend un brun trôs-foncé à la dernière mue. Les
couleurs peuvent aussi dépendre de la localité. Ainsi la chenille de
DcilephUa Euphorbiœ est bien diiïérente dans l'Ardùche de ce qu'elle
esta Paris; le pointillé jaune est en partie caché par le fond noir de
la chenille elles taches sont plus grandes et d'une teinte jaune pâle, au
lieu d'être rosées. On trouve près de Paris la chenille de Zygœna fausta
avec la région dorsale d'un vert d'eau et celles de Provence et de l'Aude
ont la région dorsale brune. Près de Paris, la chenille d'Hadena Pisi,
qu'on prend sur le Spartium et le Myrica, est verte, mais il y a dans le
nord delà France et en Suisse un type cramoisi. Les variations peuvent
porter sur les épines et les poils. La jeune chenille d'Aglia Tau a cinq
épines qu'elle perd quand elle arrive à mi -taille. Quelquefois la che-
nille de Bombyx Trifolii manque de poils jaunes et le fond devient plus
noir, ce qui la change complètement d'aspect. Les faisceaux de poils de
la chenille d'Orgija gonostigma sont tantôt blancs, tantôt jaunes; les
brosses dorsales d'Orgya antiqua peuvent être jaunes, noii^es, grises ou
blanches. La chenille de Dasychira pudibunda est le plus souvent d'un
joli vert-pomme ou d'un vert jaunâtre, avec des poils de la même cou-
leur formant des brosses épaisses, et le pinceau du onzième anneau
d'un rose un peu violacé. 11 y a des variétés où le fond prend un vert
foncé et chez d'autres un gris violacé, ainsi que les poils et les brosses,
le pinceau du onzième anneau étant alors noir un peu rosé ou violet
obscur. Ces observations sur les couleurs des chenilles, en partie iné-
dites, sont dues surtout à M. Goossens, un des entomologistes qui ont
élevé le plus de chenilles.
Outre la couleur du fond, les chenilles ont des dessins surajoutés de
couleur variée; beaucoup ont des piquetures, ainsi celles des Cucullia
de petits points noirs. Les incisions des chenilles des diverses variétés
de Dasychira pudibunda sont d'un beau noir de velours. Des chenilles
portent des bandes latérales obliques ou des chevrons foncés ; il y en a
sept de chaque côté pour la plupart des Sphingiens, et dans une partie
des chenilles de Deilephila les flancs sont variés de taches de couleurs
vives, et certaines ont latéralement sur les premiers anneaux de gi'andes
taches oculiformes, qui donnent à ces chenilles un aspect bizarre quand
elles rentrent la tête dans les premiers anneaux : ces taches semblent être
les y eux d'un groin, ce qui a fait donner à ces chenilles le nom de chenilles
cochonnes. Ce sont surtout les raies longitudinales qui sont remarquables
dans les chenilles d'un très-grand nombre d'espèces, au point qu'elles
ont reçu des noms particuliers, car leur description entre dans les bons
caractères spécifiques. La ligne vasculaire suit le vaisseau dorsal ; la
sous-dorsale longe le miliea de chaque flanc, et la stigmatale passe à la
hauteur des stigmates. L'espace compris entre les deux sous-dorsales,
et que la vasculaire coupe en deux, est la région dorsale ; l'espace com-
pris entre chaque sous-dorsale et la stigmatale de chaque côté est la
région latérale ou sous-dorsale. Au-dessous de la stigmatale commence
9i LÊPIDOPTtllES.
le ventre ou région ventrale. Chez beaucoup de chenilles, et surtout
celles des Noctuéliens, chaque anneau offre, entre les lignes vasculaire
et sous-dorsale et sur la région dorsale, quatre points disposés en tra-
pèze, excepté sur le onzième anneau, où ils forment un carré régulier.
Ce sont les points trapézoïdaux. Ils portent un ou plusieurs poils et sont
plus ou moins développés, saillants ou colorés. Sur la région latérale il
y a deux autres points, l'un au-dessus, l'autre un peu en arrière du stig-
mate : ce sont les points latéraux. Enfin, sur la région ventrale, il y a
encore deux autres points semblables; ces points sont plus faibles que
les trapézoïdaux et même peuvent manquer tout à fait. Ces points, par
leurs variations, offrent des caractères précieux pour la classification ;
les poils qui les surmontent en présentent aussi, et ils se modifient pres-
que d'une manière indéfinie.
On a constaté des cas de monstruosités chez les chenilles, principale-
ment chez le Ver à soie. Ainsi Bassi {Sur un Ver à soie monstrueux, dans
Ami. Soc. entom. France, 2*^ série, 1852, t. X, bull. p. vin) décrit un Ver àsoie
offrant les anneaux 7 et 9 soudés selon la ligne médiane, le hui-
tième anneau étant écarté et formant un gonflement des deux côtés.
La troisième patte membraneuse du côté gauche manquait tout à fait,
et le stigmate correspondant était un peu plus petit que les autres. Le
vaisseau dorsal semblait engorgé et comme affecté d'un anévrysme à
l'endroit de la séparation. Ce Ver fila un petit cocon fort léger, sans
bave externe, et y mourut au moment de se chrysalider.
M. A. Barthélémy a observé un Ver à soie qui portait deux cornes sur
le onzième anneau.
Une dizaine de cas tératologiques sur la même espèce ont été décrits
et figurés par le docteur Ruggiero Cobelli {Nuove Contribuzioni alla
teratologia del Bombice del Gelso, exlr. du Journal agricole de Rovereto,
n" 9, année 187/4). A la séance de la Société entomologique de France du
10 juillet 1867, Guérin-Méneville présenta, à Tétat de chenille, un Ver
à soie monstrueux moitié blanc, moitié moricaud ou noirâtre (carac-
tère de race), et cela bilatéralement, à partir de la ligne médiane.
L'accroissement des chenilles est très-varié, selon les espèces, la
nourriture, l'époque de l'année. Les chenilles vivant de Graminées et
de Lichens se développent plus lentement que celles qui se nourrissent
de plantes succulentes. 11 y a des chenilles qui se développent rapide-
ment et mangent nuit et jour avec une voracité considérable, à l'instar
du Ver à soie du Mûrier; d'autres chenilles sont nocturnes et ne se
trouvent aisément sur les plantes que si on les recherche la nuit, à la
lanterne, comme les chenilles des Satyres. Les chenilles de seconde
éclosion estivale d'espèces ayant une première apparition au printemps
sont amenées promptement à toute leur taille. Beaucoup de chenilles,
écloses à l'arrière-saison, sont destinées à passer l'hiver dans l'engour-
dissement: ainsi la chenille de la Pyrale de la Vigne, OEnophthira Pille-
riana, qui hiverne, à son premier âge, au pied des ceps et des échalas,
LÉPIDOPTÈRES. Ô5
OÙ peut l'atteindre le procédé destructeur de l'ébouillantage ; la che-
nille funeste du Liparis chrysorrhœa, passant l'hiver dans de petites
logettes au milieu de l'assemblage du paquet de feuilles sùches liées
par elles en octobre, avec des fils de soie, à l'extrémité des rameaux.
Dans certaines espèces, et sans doute en vue d'une conservation plus
assurée, les chenilles issues d'une même ponte se partagent en deux
groupes, les unes à développement rapide, d'autres à développement
lent, donnant les adultes et par suite les accouplements à deux époques
distinctes. Ainsi, les chenilles de juin du Deilephila Euphorbiœ donnent
les unes leurs papillons en juillet, et d'autres des chrysalides qui passent
l'hiver et éclosent au printemps (J. Fallou). U y a des chenilles d'Aplecta
herbida récoltées en automne et qui ont donne les adultes en janvier;
d'ordinaire, les chrysalides semblent passer l'hiver, les papillons n'éclo-
sent qu'au printemps. Il paraît donc exister deux séries de développe-
ment (Goossens). Un grand nombre de chenilles de Noctuéliens s'en-
terrent légèrement pour passer l'hiver, ou se blottissent sous les mousses
et les feuilles sèches. Il y a des chenilles qui vivent très-longtemps à
cet état: ainsi celle du Cossus Ligniperda passe trois hivers, et celles de
Chelonia matronula et de Nijmphalis Populi deux. Certaines chenilles
restent sociales pendant presque toute leur vie, ne se dispersant qu'cà la
fin : ainsi celles de Leuconea Cratœgi, abritées au printemps sous des
toiles qui couvrent les haies, et celles des Vanessa Urticœ et /o, en
famille sur les Orties. Les chenilles des Vponomeutes restent sociales
pendant toute leur existence et sous des toiles couvrant les Pommiers,
les Pruniers, les Cerisiers mahaleb, etc., et même sont encore sociales
en chrysalides, sous ces mêmes toiles. Les chenilles des Bombyx pro-
cvssionea et Pitijocampa (les Processionnaires du Chêne et du Pin) pas-
sent toute leur existence dans une bourse soyeuse, filée en commun, et
d'où elles sortent la nuit en procession, et c'est sous cette tente qu'elles
se filent chacune un cocon particulier, où elles deviennent chrysalides.
En général, les chenilles, pour s'abriter soit de la pluie, soit du soleil,
se tiennent de préférence sous les feuilles qu'elles rongent; c'est ce
qu'on voit très-bien pour ces Attaciens exotiques que beaucoup d'ama-
teurs aiment à élever, les Vers à soie de l'Allante et du Chêne.
Il y a des chenilles qui craignent tellement le soleil, qu'elles se
réfugient toute la journée sous les plantes basses : telles les chenilles
des Chelonia, abritées cependant sous de longs poils. Au contraire, les
chenilles rases et à peau dure et comme vernissée de certains Sphin-
giens affrontent sur les plantes toutes les ardeurs du soleil, comme on
le voit pour la chenille du Deilephila Euphorbiœ, qui reste à décou-
vert sur les Euphorbes souvent desséchées en été. Ses vives couleurs,
qui la rendent si visible, sont comme un défi à la loi de la protection
par mimétisme, ce qui montre combien il faut se garder de la tenta-
tion de iormuler des lois générales dans la grandiose complexité des
œuvres du Créateur.
96 LÉPlDOPTËlitS.
Bien que les chenilles se nourrissent presque exclusivement de vé-
gétaux, il en est qui vivent de matières grasses animales, de nos vête-
ments de laine, des pelleteries, des graisses de cuisine, de la cire des
Abeilles et des Mélipones. On a cité des chenilles parasites sur la four-
rure des animaux vivants: ainsi celle d'un lAIicrolépidoptôre sur les
Paresseux ou Tardigrades arboricoles de l'Amérique tropicale, et y
passant toutes leurs phases de chenille, de chrysalide, d'adulte. 11 y a
des chenilles qui, bien que phytophages, sont en outre carnassières,
soit de leur propre espèce, soit d'autres espèces, même à l'état de liberté,
et non pas seulement dans les éducations captives, où les instincts sont
déviés. On doit citer dans les chenilles carnivores celles de Scupelosoma
satellitia, des Ovthosia, de certaines Cucullia et Xanthia. Une des plus
voraces est la chenille de Cosniia trapezina. Les mandibules de ces che-
nilles, a remarqué M. Goossens, font tout de suite reconnaître ce fait.
La tête est large et elles sont très-écartées, aiguës ou en pinces. En
outre, ces chenilles sont vives, agiles, actives. Les amateurs qui élèvent
les chenilles pour obtenir des papillons bien frais doivent isoler les
chenilles carnivores chacune dans un pot séparé. On a vu des chenilles
de Bombyx Rubi àésorev des chrysalides encore molles et récemment
formées de la Piéride du Chou.
Certaines espèces de chenilles se nourrissent de feuilles de végétaux
dont les sucs propres sont de violents poisons pour l'homme et les ani-
maux supérieurs. La chair de ces chenilles peut, par cette nourriture
même, contracter des propriétés ^énéneuses. Levaillant parle d'une
chenille vénéneuse dans son voyage chez les grands Namaquois.
M. Minière a empoisonné de jeunes moineaux en les forçant à manger
des chenilles de Dcilephila Euphorbiœ, qui vit sur la petite Euphorbe
{Eupjiurbia Cyparissias).
On sait que les insectes qui se promènent principalement sur le sot
peuvent être attaquéspar des Helminthes, qui séjournent dans leur corps
sous la forme de longs Vers .blancs et filiformes, et qui étaient autrefois
regardés comme une famille spéciale, sous le nom de Filaires. Ce sont
les états asexués d'espèces qui, à l'état parfait ou sexué, sont les Mermis,
vivant alors libres dans la terre humide, et les Gordius, séjournant et
nageant dans l'eau, dépourvus de canal digestif et ne prenant pas de
nourriture. Les Locustes et les Criquets sont surtout la proie de ces
Helminthes, et n'en sont pas moins aptes à être donnés en nourriture
aux Oiseaux de volière, car ces Helminthes n'ont pas de phases d'existence
dans les Vertébrés. Les chenilles qui se promènent souvent sur le sol
sont dès lors aptes à être attaquées par les Mermis ou les Gordius, dont
la ponte donne naissance à des Filaires. parasites internes qui peuvent
parfois persister chez la chrysalide et chez l'adulte. Ainsi une Pilaire a
été observée chez VAgrotis r//xp adulte, sortant'' par ranus(Pierret); une
Filaire de quatre pouces de long est sortie d'une chenille de Noctua
aprilina n'ayant que dix-huit lignes de long (Duponchel).
LÉCIDOPTtRES. 97
I-cs chenilles sont encore la proie de Cryptogames inférieurs, dont le
plus célèbre est le Botrytis Bassiana, envahissant l'appareil respiratoire
du Ver à soie et produisant la grave épidémie contagieuse de la muscar-
iline, objet des études d'Audouiu. Les sporules du Cryptogame ont pu
ètie inoculées à des clienilles de nos espèces indigènes etcà des larves
de Coléoptères. Les chenilles muscardinées deviennent sèches et dures,
et sont connues alors sous le nom de dragées. Des Cryptogames divers,
confondus sous le nom général de muscardine, envahissentbeaucoup de
nos chenilles à l'état libre (1) ; la grande difficulté d'élever la chenille
du Bombyx Pubi, qui passe l'hiver, tient surtout à ce qu'elle devient,
dans la terre où elle s'enferme, la victime de mycéliums blancs qui la
recouvrent. Les chenilles qui s'enterrent pour se chrysalider sont ainsi
attaquées par des organismes cryptogamiquos inférieurs, dont la forme
parfaite est loin de se manifester toujours; parfois le corps de la chenille
en terre, durcie et momifiée, sert de racin-e à la phase la plus parfaite
de fructification, celle d'un Sphœria, qui sort de terre comme une tige
issue du corps de la chenille. Ainsi, à l'Exposition universelle de 1855,
il y avait, dans les produits delà Tasmanie, de nombreux exemplaires
d'une chenille de grand Sphingien, devenue la partie souterraine du
Sphœria Giinnii. J'ai vu aussi des Sphœria développés, à la Nouvelle-
Zélande, sur le corps delà chenille du Sphinx du Liseron, espèce que
son vol puissant a transportée partout, et qui se nourrit, à la Nouvelle-
Zélande, du Convolvulus Batalas.
On s'est demandé s'il était possible de reconnaître sur la chenille, par
des caractères extérieurs, les sexes futurs de l'adulte. Us existent déjà
dans la chenille, sous forme de testicules ou d'ovaires rudimentaires,
ainsi que le démontre l'anatomie interne. C'est ce que Malpighi a con-
staté sur le Ver à soie (1669); c'est ce que Hérold(1815)a très-bien revu
et aux divers âges sur des chenilles, même très-jeunes, de la Piéride du
Chou. Plusieurs auteurs ont cherché à distinguer les sexes des chenilles
d'après les couleurs ; mais, quand on observe par grandes quantités les
chenilles d'une espèce, on reconnaît des généralisations hasardées. C'est
à tort qu'on a cru distinguer les sexes des chenilles des Bombyx Neustria
et castrensis par les lignes blanches, rouges et bleues plus ou moins
serrées et visibles; ce sont des variations individuelles. De même c'est
par erreur que Duponchel pensait reconnaître les sexes sur la chenille
de VOrgya antiqua d'après sa couleur plus ou moins foncée. On a dit
que les chenilles vertes du Deilephila Elpenor donnaient des femelles et
les brunes des mâles ; mais il y a une troisième race, tenant des deux,
c'est-à-dire d'un vert foncé réticulé de noir. Lacordaire rapporte que
les chenilles brunes de Triphœna prunuba produisent des mâles, les
vertes des femelles. En réalité, M.tioossensavusur une éducation dedeux
(1) Maurice Girard, Quelques faits relatifs à des Lépidoptères attaques par la
muscardine {Ann. Soc, cniom. France, 4 <= série, 1863, t. III, p. 90).
GIRARD. m. — 7
98 LÉPIDOPTÈRES.
cents chenilles de celte espèce, que ces couleurs sont sans rapport avec le
sexe; toutes étaient vertes au début, etsix ou huit restèrent de cette cou-
leur à taille complète. La seconde génération de cette espèce passe l'hi-
ver en ciienilles, avec une proportion beaucoup plus forte de chenilles
vertes. Dans les espèces à taille fort différente dans les deux sexes, on
peut prévoir le sexe d'après la taille de la chenille, surtout entièrement
développée. Les chenilles qui donneront des femelles de Liparis clispar
sont noiablement plus grosses que celles des mâles, et la différence de
grandeur s'observait déjà dans les œufs ; de même les chenilles femelles
d'Orgya gonostigma sont plus fortes que celles des mules. Le genre
Psyché, fait remarquer M. Goossens, offre une exception nette par des
caractères sexuels externes bien distinctifs dès la chenille, même au
sortir de l'œuf. Ainsi, parmi nos espèces parisiennes, los Psyché calvella
et graminella construisent des fourreaux ditférents selon le sexe. Les
chenilles mâles ont un fourreau formé de morceaux de feuilles sèches,
imbriqués les uns sur les autres et mêlés d'herbes de la taille du four-
reau, ce qui donne à celui-ci un aspect de balai; tandis que le fourreau
de la chenille femelle se compose de petits morceaux de bois très-courts^
de sorte qu'elle semble placée dans un tube.
La peau des chenilles ri'est exteiisible qu'à un degré limité; aussi
l'animal, par le fait même de sa croissance continue, est obligé de s'en
dépouiller à certaines époques, et d'en sortir comme d'un gant. Ces
changements de peau ou mues sont une phase critique dans l'existence
de la chenille. Elle s'accroche aux objets avec ses pattes et parfois avec
des fils de soie; la vieille peau se plisse d'abord, puis se fend le long
du dos, et la chenille en relire son corps, d'abord la région antérieure,
puis la postérieure, par des efforts souvent pénibles. Elle cesse de man-
ger pendant cette période, qui est parfois mortelle pour elle, soit par
épuisement résultant de la diète, soit par des èlranglenients ou bifides,
qui se forment dans l'ancienne peau et dont elle ne peut se dégager;
elle meurt alors étouffée, Tancienne peau, devenue inerte, empêchant
l'introduction de l'air dans les stigmates. Les mues sont en nombre
assez variable. La plupart des Hétérocères suivent la même loi que le
Ver à soie et ont quatre mues, séparées par des intervalles d'activité
et de voracité qu'on appelle âges, le premier âge allant de la sortie de
la coque de l'œuf à la première mue, le second âge de la première
mue à la deuxième, etc.; le cinquième âge, de la quatrième mue à la
chrysalide, qui prend naissance à la cinquième mue et forme le sixième
âge; la sixième et dernière mue donnant l'adulte ou septième âge. On
restreint d'ordinaire le nom de mues aux dépouillements de peau d'où
sort une nouvelle chenille, les deux derniers changements donnant
des formes très-différentes. Le nombre des mues n'est parfois que de
trois, ainsi chez certaines races hâtives de Versa soie et chez beaucoup
de Uhopalocères; il peut au contraire aller jusqu'à sept ou huit, en
rapport avec l'abondance de la nourriture, chez certaines chenilles
PROPERTY Oh
Z. P. METCALF
LÈPinOPTÈnES. 99
velues. 11 est parfois difficile de savoir exactement le nombre des
mues, car il y a bien des chenilles, ainsi dans les Sphingicns, qui
mangent leur ancienne peau aussitôt qu'elles en sont sorties, par un
instinct analogue à celui des chenilles carnivores. Les poils des che-
nilles tombent avec la peau, ainsi que l'enveloppe de la tète, les
antennes, les cornées des stemnates, les pièces buccales, les étuis des
pattes thoraciques ou crochets, la peau superficielle des tubercules et
de la corne du onzième anneau, les péritrèmes des stigmates et la
cuticule interne des trachées d'origine. Si l'on rase avec de fins ciseaux
une chenille velue, d'ordinaire, après la mue, elle est tout aussi garnie
de poils qu'auparavant. Les couleurs et les dessins des chenilles après
la mue peuvent être très-différents, ainsi que les tubercules; des
chenilles rases peuvent devenir poilues, et réciproquement. Le Ver à
soie, noir et très-pubescent au premier îîge, devient gris et avecquelques
poils au second âge, d'un blanc un peu jaunâtre et sans poils à partir
du troisième âge. La chenille naissante de VAttacus Fama-moï est verte,
comme aux âges suivants; elle est noire au premier âge de VAttacus
Pernyi, espèce très-voisine, et devient verte au second, etc.
Quand une chenille est arrivée à son entier développement, elle cesse
de manger comme aux approches d'une mue. Ses couleurs se ternis-
sent ou deviennent livides, son corps se raccourcit, sa peau se plisse;
et, après avoir préparé ou cherché un abri convenable et fort varié,
elle se dépouille de sa peau, après un état dormant et sans nourriture
qui peut durer plusieurs jours et parfois plusieurs mois, et même tout
l'hiver {Limacodes Testudo), par un fait exceptionnel pour les Lépido-
ptères, fréquent au contraire chez les Hyménoptères. La forme est
devenue toute différente de celle de la chenille, dans la chrysalide ou
fève (nom qui serait préférable) qui doit nous amener au papillon,
dont on reconnaît déjà nettement la plupart des qaractères extérieurs.
La chrysalide est un second œuf, rempli à l'origine d'une pulpe lai-
teuse, dans laquelle s'organiseront les appareils internes de l'adulte-
La clirysalide laisse apercevoir extérieurement la plupart des organes
de l'adulte, surtout si on l'examine quand elle vient de sortir de la
peau de la chenille, que ses parties sont encore peu colorées et molles
et que les anneaux de l'abdomen sont encore très-mobiles, l'ius tard,
quand l'adulte qui s'est constitué en dessous se décolle peu à peu de
la peau de la chrysalide, celle-ci devient dure et sèche, avec les sépa-
rations des parties moins distinctes, les anneaux de l'abdomen sans
aucune mobilité. En mémo temps la chrysalide diminue de poids jour
par jour en raison d'une évaporation continue.
Chez les Hétérocèrcs, les chrysalides sont cylindrico-coniques, obtuses
en avant et s'amincissant régulièrement en arrière, d'une couleur
variant du brun noir au brun testacé par toutes les nuances intermé-
diaires. C'est ainsi qu'elles ressemblent à une graine sèche. Parfois
certaines de ces chrysalides, qui doivent rester exposées à la lumièrej
100 LÉPlDOPJtRES.
soit enlre les fils Inclies d'un cocon trcs-imparfait, soit sur le sol, ont
des couleurs plus vives : ainsi celle du Laria V. nigrum est d'un beau
vert avec une sorte de raquelle noire sur la poitrine ; celle du Lipavis
monacha d'un bronzé cuivreux, celle de Zerene grossulariata annelée
de jaune et de brun. Les chrysalides de certains genres de Noctuéliens,
Catocala, Cosmia, etc., se recouvrent d'un enduit cireux d'un blanc
bleuâtre, analogue au glacis des prunes et à l'enduit de l'abdomen des
mules de quelques Libelluliens, comme Libellula depressa, etc. Les
formes des chrysalides de Rhopalocères sont plus variées que celles des
Héiérocères : beaucoup sont anguleuses ou hérissées de pointes coni-
ques, d'autres élranglécs; certaines chrysalides ont la tète bifide {Va-
nessa, Argynnis) ou prolongée en deux sortes d'oreilles (Limenitis), ou
tronquée {Papilio, Thais), ou en pointe (beaucoup de Pieris); deux ran-
gées de pointes coniques se voient sur le dos des chrysalides de Va-
nesses et d'Argynnes. 11 y a des chrysalides de Rhopalocères compri-
mées en carène sur le dos (Apalura), d'autres courtes, renflées, cylin-
droïdes (Danais, Euplcva, Charaxes, Arge) , ou bien arquées cl en
nacelle {Leucupliasia, AnUwcharis^ Collidnjas), ou enlin droites [Pieris,
Papilio). Les couleurs sont assez variées. Les chrysalides des Apatura et
Charaxes sont d'un vert tendre ; celles des Pieris d'un blanc jaunâtre,
émaillées de points noirs. Klles peuvent offrir des couleurs différentes,
sans que les adultes qui en naîtront soient dissemblables. Quand on
élève le Papilio Machaon, le plus répandu du genre en Lurope, on ob-
tient des chrysalides les unes vertes, les autres grises, sans iniluence
imitative de la couleur du support, comme on l'avait annoncé d'après
trop peu d'observations. Certaines chrysalides de Rhopalocères sont de
vraies aurélies, et méritent ces noms, généralisés à tort, par des ma-
cules brillantes, dues ù de l'air intercalé sous une mince cuticule
jaune ou blanche. De là les taches ou les bandes, pareilles à de l'or
bruni, des chrysalides des Pyrameis Atalanta, Hunlera, Cardui, les points
d'or ou les bandes en cercle sur l'abdomen des chrysalides de Danais,
et celles de quelques Euplœa, entièrement revêtues de cette riche
teinle, ressemblent à une bulle d'or. Les chrysalides à' Argynnis Latonia,
Grapla C. album, Vanessa polychloros, paraissent au contraire parsemées
de taches d'argeni, etc.
On aperçoit en avant d'une chrysalide l'enveloppe de la tète, avec des
sortes d'étuis séparés recouvj'anl les antennes, les yeux, la spiritrompc,
le fourreau de celle-ci, souvent en rapport avec la grandeur qu'offrira
l'organe chez l'adulte. Chez les Sphinx propres (S. Convolvuli, L'yis-
tri, etc.), la partie antérieure de l'étui de la tète et de la trompe, qui
doit être fort longue chez l'adulte, se prolonge en une longue gaine
repliée sur elle-même. On reconnaît aussi l'enveloppe du thorax, sur
les côtés les fourreaux des ailes, formant dans les chrysalides de Diun-
Ihœcia un prolongement saillant et obtus qui s'avance sur la poitrine
comme une espèce de buse, entre les fourreaux alaircs ceux des pattes,
LÉPIDOPTÈRES. 101
Il'S pattes postérieures dans les Cucullia, les Cleophana^ emboîtées dans
une longue gaîne détachée et plus ou moins grêle, qui s'étend quel-
quefois au delà de la queue de la chrysalide. On distingue dans les
chrysalides l'enveloppe do l'abdomen, composée de neuf segments qui
correspondent à ceux de l'adulte. C'est en dessus seulement qu'ils sont
visibles dans leur totalité, car les étuis alaires cachent en dessous les
trois premiers. Sur les flancs se retrouvent les mômes paires de stig-
mates que dans la chenille, la paire du prothorax existant cnire l'étui
des antennes et l'enveloppe du thorax.
La plus grande partie des chrysalides présente des téguments lisses ;
parfois leur surface entière est rugueuse (beaucoup de Papilio) ou par-
semée de points enfoncés (beaucoup d'Hétérocères). Les bords des an-
neaux des chrysalides sont parfois garnis de petites pointes ou épines
symétriques qui les rendent scabres (Cossus, Sesia, Zeuzera); il en est
qui ont des bouquets de poils rudes, autrement colorés que ceux de la
chenille {Orgya, Liparis dispar, Salicis, monacha, etc.). L'extrémité pos-
térieure des chrysalides est, dans beaucoup de cas, armée d'une pointe
simple ou double, souvent recourbée en crochet ou accompagnée de
soies raides et courbes, servant cà la suspension de la chrysalide de di-
verses manières. Chez les Psyché, la chrysalide du mâle est de forme
ordinaire, mais celle de la femelle est renflée en barillet, à. la façon de
la pupc d'un Muscien. Les mouvements des anneaux de l'abdomen, en
demi-rotation, ont presque toujours lieu surplace, servant à la chrysa-
lide à se retourner en meilleure position ; mais parfois ils concourent
à une véritable progression, surtout s'ils sont armés d'épines ou de
poils raides. Les chrysalides des chenilles endophytes des Cossus, Zeu-
zera, Sesia, se forment au fond de la galerie ligneuse creusée par les
mandibules de la chenille ; mais le papillon, mou à son éclosion, ne
pourrait sortir sans les plus graves dommages, ses ailes en moignons
seraient desséchées, déchirées, incapables de se déplier. Aussi leurs
chrysalides se hissent peu à peu dans la galerie, au moyen des pointes
qui garnissent les segments de l'abdomen, absolument comme les Lom-
brics sortent de leurs trous terreux grâce à leurs soies raides; elles
font saillir ainsi à demi leur région antérieure à l'entrée de la galerie,
et la dépouille de la chrysalide d'où est né le papillon reste visible à
l'oriflce du trou, comme on le remarque souvent sur les Ormes pour le
Cossus Ligniperda, sur les Peupliers pour les ïrochihum apiforme et
Sesia asiliformis. C'est à tort que M. E. Blanchard, dans ses Mélamor-
'phoses des Insectes, suppose que le papillon éclôt au fond de la galerie,
et entraîne avec lui, pour se protéger contre les rugosités du bois, le
tégument abandonné de la chrysalide. Il y a des chrysalides de che-
nilles hypogées de Noctuéliens, se formant à une assez grande profon-
deur sous le sol et dépourvues de pointes, qui se frayent peu à peu un
passage avec leur tête mousse, en s'appuyant aux parois terreuses avec
les anneaux de l'abdomen, qu'elles font mouvoir en divers sens.
102 LÉPIDOPTÈHES.
Rien (Je moins constant que la durée de l'état do clirj'salide. lui gé-
néral celles qui se forment à la fin du printemps et au début de Tété,
et surtout pour les Microlépidoptères à chrysalides de faible taille, don-
nent le papillon au bout de peu de semaines, en raison de l'évaporation
active qui s'opère à cette époque, surtout pour les petites chrysalides.
Aucontraire, les chrysalides formées en automnepassent souvent l'hiver,
conservant aisément leurs organes mous pendant plusieurs mois, en
raison d'une évaporation faible. Cette influence de l'évaporation sur la
durée de l'état nyniphal a été mise hors de doute par les expériences
de Réaumur, qui a retardé l'éclosion en été, soit en vernissant les chry-
salides de manière à diminuer l'évaporation, soit en les maintenant à la
glacière, tandis que l'éclosion est hâtée par une chaleur artiticielle qui
favorise l'évaporation. 11 y a de nombreuses exceptions à cette loi géné-
rale, en rapport avecles données physiologiques; sans qu'on en puisse
donner aucune explication, diverses espèces offrent, dans les chrysa-
lides issues d'une même ponte, des retards d'éclosion considérables
pour certaines d'entre elles, chez lesquelles se prolonge la vie latente
par des causes internes et individuelles que nous ne connaissons pas,
avec un ensemble de circonstances extérieures absolument les mêmes.
La plupart éclosent à une -époque fixée à l'avance, ordinairement au
printemps pour les chrysalides hivernantes; mais quelques-unes, cette
époque passée, reprennent l'état dormant pendant toute une année et
même pendant plusieurs années, jusqu'au moment de l'éclosion habi-
tuel à l'espèce. Ces faits sont rares parmi les Rhopalocères^ cependant,
dans les Thaïs, on a des exemples de chrysalides demeurant deux ans
sans éclore. Ainsi, sur trois cents chrysalides de Thais Medesicaste reçues,
en automne, la plus grande partie est éclose au printemps de l'année
suivante, et une vingtaine, demeurées bien vivantes, n'ont donné le
papillon qu'au printemps de l'année d'après. Ce sont surtout les Hétéro-
cères qui présentent ces singuliers retards. Si l'on élève une ponte
prinlanière des Notodonta turva, zigzag, tritophus, de Deilephila Euphor-
biœ et autres espèces encore, la majeure partie des chrysalides donnent
le papillon au mois d'août, mais d'autres n'éclosent qu'à la lin de mai
de l'année suivante, à la même époque que celles provenant de la se-
conde ponte et métamorphosées en octobre. Des espèces univoltines,
n'ayant qu'une éclosion habituelle au printemps, après hibernation de
la chrysalide, peuvent éprouver des retards analogues. Les chrysalides
de Bombyx ou Cnethocarnpa processionea peuvent resterplusieurs années
dans les cocons filéssous la tente soyeuse commune; VAttacus Piri a pu
demeurer en chrysalide pendant sept années. Quand on élève en nom-
bre cette grande espèce, qui donne le géant des Papillons d'Europe, la
plupart des papillons paraissent au mois de mai de l'année suivante,
mais il y a toujours des retardaires, de moins en moins nombreux, qui
éclosent en mai dans les années suivantes. La vitalité de cette chrysa-
lide est considérable: un adulte put éclore, bien que la chrysalide.
LÉPIDOPTfeRES. 103
percée d'une forte épingle, fût restée ainsi pendant sept mois, de sep-
tembre à avril. La persistance de la vie latente est analogue chez le
Bombyx laneslris, dont la chrysalide a pu rester, dit-on, neuf ans avant
d'éclore. Le docteur Boisduval a constaté une persistance nymphale de
sept ans et Caroff de cinq ans. Beaucoup d'Attaciens et de Rombyciens
ont des retards analogues, mais sur un très-petit nombre de sujets:
ainsi pour les Attacus Cyntlna vera, Yama-ma'i\ Pernj/i, etc.
Cette vitalité persistante des chrysalides est analogue à la résistance
à l'abaissement de température qu'elles peuvent éprouver sans périr.
Ainsi, dans les hivernages de Ross dans l'Amérique arctique, des chry-
salides de Colias, gelées et sonnant sur un verre, ont néanmoins donné
leurs papillons. Pierre t cite des chrysalides de Smerinthus Tiliœ, exposées
à l'air en hiver, entièrement congelées et dures en dedans, dont les
papillons sont sortis au printemps. Les chenilles présentent aussi les
mêmes faits de résistance au froid. Lacordaire mentionne des chenilles
de Lencania, qui se métamorphosèrent pourtant au printemps, qu'on
pouvait prendre pour des stalactites de glace, par la cassure nette et le
son qu'elles rendaient parle choc. Le même fait de chenilles congelées
a été vu par M. Xambeu pour le Cossus Ligniperda. Celte persistance de
la vie sur des chenilles et des chrysalides transformées en un morceau
de glace compacte et sonnant sur le verre est bien anciennement con-
nue et signalée par Lister à la fin du xvni'' siècle (Gœdart, De Insectis,
1G85, édit. de Londres, p. 76).
Les moyens employés par les chenilles pour les chrysalides varient
beaucoup. Chez les Rhopalocères, dont les chenilles ne possèdent que
peu de matière soyeuse, les chrysalides se forment le plus souvent à
nu, et leur modo de station, où concourent les fils de soie, a servi au
docteur Boisduval de base pour ses subdivisions des Rhopalocères en
trois groupes artificiels, commodes pour l'étude et avec ces exceptions
de détail qui font le désespoir des auteurs entichés des classifications
systématiques. Elles sont très-naturelles, au contraire, dans nos idées,
que la nature n'a pas fait de classifications et qu'on ne doit jamais y
voir que des groupements approximatifs. Chez certains Rhopalocères
(suspensi), la chrysalide est pendante et verticale, attachée seulement
par un faisceau de courts fils de soie allant de la queue de la chrysalide
au support {Vanessa, Satyriis, Argynnis et genres dérivés). Dans les
Papilio, Thois , Pieris , Colias, Anihocharis, Polyommatus, Lycœna, The-
cla, etc., qui forment \cs siiccincti dn docteur Boisduval, la chrysa-
lide, outre le lien soyeux terminal quila fixeparlaqucue, est entourée
par une ceinture transversale de plusieurs fils de soie accolés, attachés
à leurs deux bouts contre le support, de manière à n'être plus pen-
dante dans la verticale, mais attachée au support dans des inclinaisons
variées. Réaumur a décrit avec une minutieuse précision le travail des
chenilles occupées à filer et à mettre en place ces moyens de suspension
et d'attache. Enfin il y a des Rhopalocères qui deviennent chrysalides en
\Qh LÉPIDOPTÈRES.
s'enveloppanl dans un léger réseau de fils de soie, dans lequel sont en-
globées des feuilles: ce sont les involuli, comprenant lesHespériens, tribu
naturelle à ailes à demi relevées au repos. On doit ciler, à titre d'ex-
ception, les Parnassiens (.4poWo, Mnemosyne, etc.), qui s'entourent d'un
cocon à claire-voie, et quelques cbenilles de Satyres qui, au lieu de
se suspendre par la queue, deviennent chrysalides étendues sur le sol.
Les modes de chrysalidalion des Hétérocères sont beaucoup plus
variés. Un grand nombre d'espèces s'entourent de cocons soyeux,
formés de fils de soie continue et entrelacés, réunis par une ma-
tière gommeuse qui les incruste plus ou moins et qui peut être
enlevée ou par l'sau chaude (Ver à soie du Mûrier), ou par des lessives
alcalines, ce qui constitue un décreusage (Vers à soie de l'Allante, du
Chêne, Altacits Aurota, etc.). Le rôle du cocon est de s'opposer en par-
tie à la trop rapide évaporation de la chrysalide, qui peut amener sa
mort, soit par dessiccation, soit par refroidissement. J'ai constaté (1)
que les chrysalides, au moment où on les retire du cocon, ont toujours
une température externe supérieure à celle de l'air ambiant, mais
qu'ensuite, à mesure que, exposées à l'air libre, elles perdent rapide-
ment de leur poidspar évaporation, leur température superficielle peut
s'abaisser au-dessous. La soie n'existe pas à l'intérieur du corps des
chenilles à l'état d'un écheveau ou d'un peloton de fil qui se déroule-
rait; elle sort de la filière buccale chez beaucoup de chenilles dès
leur éclosion de l'œuf, car on les voit à tous les âges, à l'instar du Ver à
soie, émettre des fils de tous cotés. Deux glandes occupant symétrique-
ment les deux côtés du corps, plus ou moins allongées, contiennent un
liquide visqueux et filant, qu'on peut étirer artificiellement et qui se
solidifie très-rapidement à l'air par une sorte de résinification. C'est ce
qu'on observe très-bien sur ces Vers à soie qui deviennent cow?7s et qui,
au lieu de filer un cocon, étaleront leur scie {Vers tapissiers). On leur
retire de la bouche le? glandes à soie, après qu'on les a fait macérer
pendant deux jours dans le vinaigre, on les crève, et le filet qu'on en retire
et qu'on étend autant qu'on peut, donne ces fils très-résistanls, appelés
//7s de Florence, et qui servent à attacher l'hameçon à la ligne. ï.cs con-
duits excréteurs des deux glandes se réunissent un peu avant la filière
qui sort de la bouche. Le fil du Ver à soie est formé de deux fils tordus
ensemble par l'animal au moyen de cinq paires de petits muscles
(docteur Auzoux). On réussit en effet parfois, au moyen d'eau de savou'
à dédoubler le fil en deux fils presque invisibles, sans aucune force de
torsion appréciable, comme l'a reconnu Coulomb dans ses expériences
sur l'élasticité de torsion, et cependant Irès-tenaces. Il règne encore
assez d'obscurité sur la question de savoir comment la matière gluti-
(I) Maurice Girard, Elude sttr lu cJialeur libre dégagée par les animaux inver-
tébrés et spécialement les Insectes {Ann. se. nat.j ZooL., 5'^ série, 18G9, t. W,
p. 135).
LÈPIDOPTi'-RES. 105
ncuse coiUonuc dans les glandes séririgènes devient un fil solide, inso-
Inble dans l'ean, avant de sortir de la filière. Est-ce une introduction
d'air dont l'oxygène résinific les filets visqueux? Y a-t-il, comme l'a
annoncé M. Auzoux pour le Ver à soie, deux petites glandes annexes près
de la filière, versant dans le suc séricigène, à la sortie de sa glande, un
liquide non encore connu à l'élai isolé, mais capable d'amener dans le
liquide visqueux sortant de la glande séricipare une solidification immé-
diate, à l'instar, par exemple, du tannin, qui, mêlé à la gélatine, la durcit
aussitôt et donne la fausse écaille? Cette matière existe-t-elle au con-
traire à la partie ultime des glandes séricipares?
Les cocons les pins riches en soie, avec la plus belle qualité de la ma-
tière textile, sont ceux du Sevicaria Mûri, qui est l'objet d'une industrie
du premier ordre. Viennent ensuite, oll'rant une soie un peu plus gros-
sière, les cocons des Atlacus Yama-maï, Pcriiyi, Mylitta, Aurota, Pohj-
phemus, etc. Ces cocons sont fermés aux deux bouts et dévidables en
soie grége. Les chrysalides contenues dans les cocons épais et résis-
tants ont à la tète une petite vésicule, découverte par Guérin-Méne-
ville, sécrétant un liquide qui détruit la gomme d'incrustation du
cocon à l'un de ses pôles, par où sortira le papillon en perçant le cocon.
Les fils sont décollés et écartés par les efforts de l'insecte, qui se fraye
une issue à travers leur entrecroisement, absolument comme un enfant
qui passe dans une haie. Une grande erreur est de croire que les fils
£ont coupés par les yeux du papillon agissant comme une lime, suivant
une idée bizarre deLatreille. Le papillon n'a aucun organe capable
d'opérer une section. Si les cocons percés sont rebelles au dévidage
ordinaire, c'est que, remplis de l'eau de la bassine, ils tombent au fond,
ce qui produit la rupture du fil, déjà affaibli au reste par l'action de la
liqueur qui aide à la sortie du papillon. Avec des précautions conve-
nables, on dévide très-bien à la main ces cocons percés. Chez d'autres
espèces et sans qu'il y ait de différences dans les caractères importants
du genre, les cocons, très-soyeux aussi parfois, sont trop iricrustés pour
que le papillon puisse les percer à un pôle pour sortir; aussi la chenille
fait elle-même une ouverture préexistante. Les fils se contournent en
masse à l'orifice, en une sorte d'entonnoir disposé de façon que les
brins s'opposent à l'introduction par le dehors de corps étrangers ou
d'insectes ennemis, mais s'affaissent au contraire contre la paroi, quand
la tète du papillon les pousse de dedans en dehors. C'est l'inverse de
la nasse à poissons. On voit très-bien les clienilles qui filent celte sorle
de cocons, se retournant constamment d'un bouta l'autre, quand elles
replient le fil en nasse, toujours sans le casser. Tels sont les cocons des
Attacus Piri, Spini,Carpini,Cijnthia vera, Atlas, Cecropia, etc. Il nous est
becucoup plus difficile de dévider ces cocons que les cocons fermés, si
l'on y joint les décreusages nécessaires. Cependant on y est arrivé pour
certaines espèces, mais non encore industriellement, de sorte qu'on en
est réduit au cardage, si l'on veut utiliser ces cocons en filoselle. Ce qui
106 LÉPIDOPTtRES.
montre combien les cocons ont peu d'affinité réelle avec les espèces,
c'est l'exemple des Endromts versicolor et Aglia Tau, voisins zoologique-
ment du Sericaria Mori, et qui n'ont pour cocons que quelques fils
entrecroises, attachés aux feuilles ou aux mousses. Les cocons des La-
sciocampa &ont assez fournis de soie, mais d'un gris noirâtre et grossière;
ceux de Bombyx RuU et de Mcgasoma irpandum ont une soie continue,
mais assez claire pour qu'on aperçoive la chrysalide à travers. Los
Bombyx Neustria et castronsis ont des cocons d'une jolie soie blanche,
mais si peu fournie, qu'on ne peut songer à les utiliser; leur transpa-
rence est diminuée par la sécrétion d'une liqueur jaune que la chenille
rend par l'anus et qui saupoudre le cocon à l'intérieur de grains d'a-
cide urique, colorés en jaune soufre et ressemblant à de la poudre de
lycopode. Le cocon de Dasychira pudibuncla est d'une soie très-légère
d'un blanc jaunâtre, entremêlée de quelques poils de la chenille ; de
même pour les cocons des Orgya, d'une soie terne et grisâtre, l'n assez
grand nombre de chenilles velues fortifient ainsi leurs cocons trop légers
avec des poils qu'elles s'arrachent ou qu'elles coupent avec leurs man-
dibules {Chelonia, Lithosia, etc.). Les poils urticants dont ris sont mêlés
rendent très-difficiles à utiliser, même par le cardage, les cocons et les
nids communs soyeux de Cfief/iocrtm/x/procr'.ss<onea et Pityocampa. Les nids
soyeux d'un Bombycien social de Madagascar sont employés, après lessive
particulière qui les débarrasse des poils, pour fabriquer des étoffes très-
résistantes, dans lesquelles lesHovas enveloppent leurs morts de qualité.
Il y a des cocons dont la soie est tellement incrustée, que l'enveloppe,
d'un gris jaunâtre, ressemble à un papier ou au carton des nids de cor-
tains Vespiens : ainsi pour les Bombyx Quercûs ci Trifolii. Beaucoup de
chenilles d'Hétérocères, n'ayant pas assez de matière soyeuse pour s'en-
velopper de cocons, même en y mêlant leurs poils, ajoutent à leur entou-
rage des matières étrangères. Les Liparis dispar, Saiicis, monacha et
Laria F. n/(/rîrm entrecroisent entre les feuilles ou les écorces soulevées,
ou sous une pierre, quelques fils de soie, auxquels la chrysalide est plu-
tôt maintenue par les crochets de sa pointe anale que par la résistance
du tissu. Le funeste Cossus ligniperde devient chrysalide dans un cocon
de soie d'un gris noirâtre, entremêlée de nombreuses parcelles des
fragments de bois coupés par les mandibules de la chenille. Les che-
nilles des Galléries de la cire (Fausses-teignes de Réaumur) entassent
au milieu des gâteaux des ruches leurs cocons oblongs et accolés entre
eux, formés d'une soie blanche fortifiée par des parcelles de cire et par
les crottins noirs des chenilles.
La chenille de Gonoptera libafrix lie ensemble les feuilles de la plante
sur laquelle elle a vécu, et se change en chrysalide à l'intérieur de cet
abri. Beaucoup de ïortriciens deviennent chrysalides dans le cornet de
feuille, enroulée et maintenue par de la soie, dans lequel vivait la che-
nille, et les Yponomeutes se chrysalident suspendues sous la tente
soyeuse d'abri de leurs chenilles sociales. Les Cléophanes fortifient
LÉPIDOPTfcliES. 107
leurs légers cocons avec de petits fragments de feuilles ajustés avec
symétrie les uns à côté des autres; des chenilles vivant sur les murs
tapissent les légers fils de leurs cocons avec des grains de sable et des
débris de lichens, de façon qu'elles ne paraissent, lors de la nymphose,
que comme une faible saillie de la surface de la pierre. Les chenilles
mangeuses de lichens des Bryophiles se retirent dans des cavités de ces
Cryptogames parasitaires et les bouchent avec des lichens liés par de la
soie, do façon à dissimuler leurs chrysalides cà l'œil de l'oiseau ou de
rinsecle. Certaines chenilles arboricoles descendent le long du tronc
pour se chrysalider, et enveloppent très-artistement leurs coques de
petits fragments d'écorces et de lichens, par protection imitative: ainsi
pour les Dicranoures et le Bombyx Popiili. La chenille de Harpija Mil-
hansori façonne sur le tronc des Hêtres, avec des raclures d'écorce
agglutinées par une salive qui est une vraie colle-forte, des coques très-
dures qui ressemblent tout à fait à des loupes ligneuses de l'écorce et
qui sont attachées si solidement, qu'il faut couper l'écorce au-dessous et
emporter la coque avec le lambeau d'écorce, si l'on veut obtenir la
chrysalide intacte. Cependant elles ne trompent guère l'instinct des
Pics, car la plupart de ces coques sont percées par le bec de ces oiseaux
et vidées de leur contenu, ce qui explique la rareté du papillon.
On ne saurait guère tirer de la taille de la chenille et de la chrysa-
lide une induction pour la grandeur du cocon. 11 en est dont la chry-
salide est comme flottante dans un cocon très-allongé, eu égard à sa
taille, ainsi pour le Megasoma repandiim et le Bombyx Rubi, Les cocons
du Ver à soie et de VAttacus Piri sont bien plus larges que la chrysalide,
tandis que ceux du Bombyx Quercûs etdc VAttacus Prometheus sont res-
pectivement bien plus petits et comme collés contre la chrysalide,
quoique provenant de chenilles de la même dimension que le Ver à
soie et la chenille du grand Paon de nuit. La forme des cocons est aussi
diversifiée que la nature de leur tissu. Il en est d'ovoïdes (AttaciK Piri
et Carpini), d'ellipsoïdes {Sericaria Mori, Attacm Mylitta et Yama-
maï, etc.), de cylindroïcles et droits, appointis aux deux bouts {Lasio-
campa), de cylindroïdes avec les deux bouts hémisphériques {Bombyx
Quercûs et Trifolii) ; il en est de recourbés {Megasoma repandum et faible-
ment Bo?nbyx Rubi femelle). Ceux de beaucoup de Zygènes sont en
fuseau allongé et accolés aux tiges des Graminées ou des Légumineuses
dans toute leur longueur ; celui de Halias quercana en bateau ren-
versé, etc. Dans beaucoup de races du Ver à soie du Mûrier, les co-
cons des chrysalides femelles sont plus gros que ceux des mâles, et ces
derniers sont souvent étranglés au milieu ; mais ce caractère n'est pas
général. Beaucoup de cocons pris dans les plus soyeux ont, extérieure-
ment au cocon principal, une première enveloppe d'attache de fils
lâches et confus : telle est la bave des cocons du Ver à soie, dont les
premières couches floconneuses sont la bourre, qu'on enlève à la main
avant d'opérer la filature. Il y a des cocons qui ont deux robes ou deux
108 LÉPIDOPTkBES.
couches (le soie bien distinctes par la finesse et parfois de teinte un
peu difTérentc : ainsi chez les Attacus Cecropia et Bavhimœ. Enfin les
cocons ofTrent parfois des moyens supplémentaires d'attache. Dans les
Indes, le cocon de V Attacus M xjlilta estsuspendu aux branches des Juju-
biers ou des Chênes dans les régions montagneuses, au moyen d'un
long pédicule à demi résineux et terminé par une forte boucle cornée
qui entoure la branche ; aussi ces cocons se balancent aux branches, et
souvent on les gaule, car leur soie, dite tussah ou tussor, donne des
étoffes très-solides et s'emploie beaucoup mêlée au coton ou à la soie
du Ver du Mûrier. Il faut remarquer que ce cocon, à peu près dépourvu
de bave, ne pourrait se soutenir autrement que par un fort pédicule.
On a dû récolter ces cocons depuis une haute antiquité, car Arislote a
cru que la soie des Indes provenait d'un fruit pendant aux arbres,
d'après des récits altérés. D'autres cocons fermés ont également un
pédicule d'attache, mais par un simple ruban de soie aplati, collé à un
pétiole de feuille et qui peut manquer, ainsi pour les cocons des Atta-
cus Yama-maï ci Permji; ils ont assez de bave pour se maintenir adhé-
rents à une feuille enroulée autour d'eux. Il en est de même pour le
cocon ouvert de V Attacus Cynthia vera, qui offre souvent un pédicule
aplati de soie grise et brillante, partant du pôle opposé à l'ouverture et
prenant appui sur une feuille d'Allante.
Il existe des cocons de forme et de filature anormales, soit par mau-
vaise conformation ou affaiblissement de la chenille, soit par accident
survenu lors de son travail. On rencontre des cocons difformes dans les
amas de cocons du Ver à soie du Mûrier, tantôt filés par une seule che-
nille, tantôt par deux ou même plus, qui se sont associées pour se
chrysalider en commun. Il y a de ces cocons qui sont sphéroïdes, ou
discoïdaux, triquètres, cordiformes, fusiformes et très-pointus à un
pôle, etc. Les douppmis, ou cocons doubles, filés par deux chenilles à
la fois, sont un déchet pour le magnanier, car on ne peut que les cor-
der et non les dévider en soie grége ; ils se forment librement si les Vers
filent à la bruyère, ou aux rameaux de colza ou dans des bottes de
paille ; on en restreint le nombre en obligeant les Vers à filer dans des
intervalles rétrécis où il leur soit difficile de s'associer (coconnières
Davril, châteaux à cases de Delprino). On rencontre parfois des doup-
pions, notablement plus gros que le cocon ordinaire, dans les cocons
filés en toute liberté par nos espèces indigènes. Je possède un cocon
à'Attacus CarpiniRlé par deux chenilles associées et qui m'a été donné
par M. Xambeu,
11 y a des chenilles qui ne se filent pas de cocons et dont les chrysa-
lides reposent simplement sur le sol ou sont plus ou moins enfoncées
en terre : ainsi certains Lycénides et Satyrides, un assez grand nombre
de iNoctuéliens et de l'haléniens. Ce fait n'a pas lieu seulement pour
les chenilles qui vivent sur les plantes basses, mais aussi pour des che-
nilles qui ont pris leur nourriture et subi leur accroissement au haut
LÉPIDOPTi'RES. 109
(.les arbres : (elles sont celles des Smériatlics. Ces chenilles, parvenues
à toute leur taille, descendent le long du tronc et s'enfoncent souvent
sous les mousses, au piel ou à quelque distance, selon que la terre
est plus ou moins meuble pour oiïrir un abri suffisant à la chrysalide.
D'autres se façonnent des coques terreuses, analogues à celles qui en-
tourent certaines larves de Scarabéiens et dans lesquelles la soie
n'entre que pour une faible proportion, ou même est remplacée par un
vernis interne, analogue à la pellicule dont s'entourent pour la nym-
phose beaucoup de larves d'Hyménoptères. Ces coques sont des travaux
de maçonnerie beaucoup plutôt que de filature. Ces coques terreuses,
comme on le voit pour les Sphingiens et certaines Noctuelles, ont l'as-
pect extérieur de masses ovoïdes d'une terre granuleuse, dont les par-
celles sont agglutinées par une matière gommeuse et parfois liées par
des fils d'une soie qui peut aussi former un mince tapis à l'intérieur.
lies chrysalides suspendues la tète en bas par un lien de soie caudal
de certains Rhopalocôres du groupe des Vanesses, présentent parfois de
singulières apparences. On voit pendre de leur corps, ordinairement de
chaque côté, deux filaments blancs, un peu renflés au bout : on dirait
tout à fait des harki, ou Cryptogames du groupe des Champignons,
dans une de leurs phases de végétation. Si l'on a des chrysalides de
Paon de jour ou de petite Tortue ainsi atteintes et suspendues sous le
couvercle de toile métallique de la boîte d'élevage, on a l'aspect d'une
petite forêt en miniature. Ce sont des lilets de fibrine du sang coagulée
à l'air et sortie de chaque écaille alaire soulevée, alors que sortent du
corps de ces chrysalides des larves de Tachinaires (Diptères Musciens)
qui avaient pondu leurs œufs sur les chenilles, et l'on trouve dans la
terre du dessous les pupes produites par ces larves.
Il nous reste à donner quelques indications sur le début de l'état de
chrysalide, et ensuite sur les derniers moments de cette phase, alors
que le papillon va chercher cà sortir de cette espèce de sépulcre où il
était maintenu captif. Lorsque la chenille est arrivée à sa dernière
mue, son thorax s'enfle beaucoup, et l'on peut même, prévoir par l'é-
tendue de ce gonflement, si le papillon arrivera à éclosion. Dans ce ren-
flement s'accumule un plasma où s'organisent les gaines des organes
externes, tels que les ailes et les pattes. Si, en prenant par exemple une
espèce filcuse, comme Scricaria Mon', on extrait une chenille du cocon
terminé, avant le dernier changement de peau, ou sixième mue d'or-
dinaire, on voit que la peau a perdu de sou éclat et que les pattes
membraneuses, qui déjà s'étaient amincies au dernier âge de la chenille,
ont à peu près disparu. Les deux pattes membraneuses du dernier anneau
se sont appliquées contre lui, de manière à se souder sur la ligne mé-
diane inférieure, ce qui prépare déjà la forme de l'extrémité de la
chrysalide. C'est en coupant les pattes écailleuses de la chenille à cette
époque que Réaumur avait obtenu des papillons sans pattes, d'où il
tirait celte conclusion qu'il avait coupé les pattes mêmes du papillon,
110 LÉPIDOPTÈRES.
déjà coiîteiiues clans la cliciiilk', sous i'iiiilueiice de cette théorie de
l'emboîtement et de cette préexistence des germes qui dominait toutes
les études du myslique Swammerdam. Si l'on ouvre alors la peau delà
chenille avec précaution, on peut en tirer la chrysalide avec toutes ses
parties pari'aitcment libres, et si l'on examine la tète encore très-molle
de cette chrysalide, on voit les pièces buccales effectuer des mouve-
ments. La lèvre supérieure présente encore son échancrure médiane,
qui permettait à la chenille de tenir la feuille pendant que le^ mandi-
bules la coupaient: c'est une espèce de guide du mouvement qui ne
permet pas à la feuille de fuir sous la pression et explique la régula-
rité avec laquelle elle est coupée. Ce labre se meut encore comme chez
la chenille, et les deux gaines où se développeront les deux moitiés de
la trompe effectuent, lorsqu'on interpose le scalpel, des mouvements
de rapprochement semblables à ceux qu'exécutent les mandibules de la
chenille : on dirait que l'animal a conservé le souvenir de ses anciennes
habitudes (A. Barthélémy, d'après son interprétation des pièces buc-
cales). Nous devons encore faire connaître des observations très-curieuses
de M. Goorisens, qui est un des plus habiles souffleurs de chenilles pour
les collections. Il est impossible, dans l'état actuel de la science, d'af-
firmer rien de précis à ce sujet; ce sont des jalons précieux pour les
travaux embryogéniques futurs. Stimulé par les difficultés qui arrêtèrent
Réaumur pour souffler et dessécher le tube intestinal des chenilles au
moment de la nymphose, M. Goossens prit une chenille de Lasiocampa
Fini au moment de se chrysalider. En l'incisant avec soin sur les flancs,
il vit que le tube intestinal s'était arrondi au haut de l'estomac et parais-
sait fermé et soudé, le haut de l'œsophage tenant à l'intérieur de la
calotte et semblant se dessécher et se recroqueviller. Kn introduisant
un chalumeau dans le rectum et soufflant doucement, M. Goossens vit
l'estomac prendre la forme d'une chrysalide, où l'on distinguait faible-
ment, et d'une couleur pelle, la forme des ailes, les segments et même
des boutons saillants à la place future des stigmates, il y a dans cette
observation de M. Goossens des points à noter : d'abord la rupture du
tube œsophagien, que Malpighi n'avait qu'entrevue, et cette ressem-
blance singulière de l'enveloppe de la chrysalide avec les parois sto~
macales : on serait tenté de dire que l'enveloppe de l'estomac devient
celle de la chrysalide en augmentant d'épaisseur. Aous nous garderons
bien d'avancer une telle conclusion, mais il y a certainement lieu de
poursuivre la voie ouverte par M. Goossens. Celui-ci a plusieurs fois
essayé de répéter sa première observation, mais sans succès, parles dif-
ficultés du soufflage et parce que la fermeture du tube n'était pas
encore opérée en haut. Il n'a pu réussir encore à préparer un tube
digestif de Diurne à chrysalide anguleuse.
Prenons maintenant la chrysalide à la phase opposée de son existence,
c'est-à-dire au moment où va s'opérer, par un dernier changement d'en-
veloppe, la sortie de l'adulte. Comme dans certains cas celui*ci n'est
LÉPIDOPTÈRES. 111
pas encore délivré parcet acte, la prévoyance de la chenille lui prépare
les moyens de sortir ensuite aisément de l'autre prison plus extérieure'
coque ou cocon, paroi ligneuse, fourreau de la chenille, etc. Ainsi les
chenilles de Nonagries, vivant dans les chaumes des Roseaux et des
Typhacées, font intérieuremeni de la tige une ouverture circulaire dans
la paroi, en conservant seulement l'épiderme intact, mince mem-
brane que le papillon crève sans peine pour sortir. C'est également
en poussant la pellicule épidermiquc que beaucoup de Tortriciens mi-
neurs de feuilles sortent de la galerie. La chenille de l'Alucite du lUé
ronge dans le grain, à l'endroit où se trouvera la partie antérieure de
la chrysalide, une petite pièce circulaire, qui ne tient plus que par une
charnière, porte qui s'ouvre de dedans en dehors au moindre efl'ort que
fait le minuscule papillon. Certaines coques dures sont munies d'un
opercule maintenu par quelques fils de soie, et qui s'ouvre, sous la
pression du papillon, comme le couvercle d'une boîte à savonnette ou
des fruits nommés pyxides; au contraire la coque carénée d'Halius
qucrcana s'ouvre en deux valves, comme une capsule, par la rupture
facile des fils de soie qui les maintenaient autour de la chrysalide. Chez
les Psyché et chez divers Tinéiniens à chenilles également dans des
fourreaux, ces fourreaux deviennent les coques protectrices des chry-
salides. Si la chenille doit devenir une femelle, elle reste dans sa posi-
tion, et c'est dans le fourreau que demeure fixée la femelle, rece-
vant les approches du mâle par l'ouverture anale du fourreau;
c'est aussi par cet orifice naturel que doit sortir le papillon mâle,
et non par la partie antérieure du fourreau par où sortaient
la tête et les pattes écailleuses de la chenille. 1mi elVet, lors de la
nymphose, cette ouverture est, soit fermée par une cloison, soit collée
contre un mur ou une écorce. La chenille prend alors la précaution de
se retourner dans le fourreau, de sorte que la chrysalide se forme la tète
en bas, ce qui permet au papillon mâle de sortir aisément. Les coques
ligneuses et dures des Dicranura et Harptja sont ramollies à un bout
par une liqueur spéciale, de même que les cocons fermés à soie serrée
et gommée. Les chrysalides à demi-enterrées sont dans une excellente
situation pour l'éclosiondupapillon, qui trouve de toutes parts des points
d'appui. 11 en est de même des coques terreuses et des cocons iixés à
divers supports par leur bave soyeuse ou par une matière collante; le
papillon, ne pouvant les entraîner avec lui, s'en sert pour s'accrocher
et sortir au dehors. Aussi dans les magnaneries, où les cocons desti-
nés au grainage ont été privés de leur bave quand on les a déramés, on
a soin de les enfiler à un fil commun, et les papillons éclosentdans ces
iilanes de cocons, comme si ceux- ci avaient conservé leur attache natu-
relle. Les papillons utilisent aussi comme appui les fils de soie qui
maintiennent les chrysalides suspendues par la queue ', et parfois
en outre par un lien en façon de ceinture (la plupart des Rhopalo-
cères).
112 LÉPlDOPTÈRliS.
Quand la chrysalide csl parvenue au terme de l'évolution interne,
alors que les organes de l'adulte inclus se sont complètement formés,
elle s'amollit, change parfois de couleur, et souvent, chez les Rhopalo-
cères, devient translucide, laissant voir à travers les étuis des ailes les
dessins et la teinte du papillon. La peau de la chrysalide se fend longi-
tudinalement en dessus du corselet, et le papillon prisonnier agrandit
Fouverture en poussant avec sa tête et parfois se servant de ses patles.
C'est le plus souvent dans la matinée qu'ont lieu ces éclosions des pa-
pillons, comme si les premiers rayons de l'astre bienfaisant donnaient
à l'insecte la force d'ouvrir la porte du tombeau. Il est d'abord très-
faible, tout mouillé, ses parties externes molles. Après un temps de
repos, les antennes repliées s'allongent et s'agitent, semblant interroger
l'atmosphère, route nouvelle, inconnue, interdite jusqu'alors. Les
pattes sortent de dessous le ventre, et le papillon marche en tournant
autour de la dépouille de la chrysalide. Sur les flancs pendent de
chaque côté deux moignons inertes et superposés, où apparaissent déjà,
mais de dimensions très-réduifes, tous les dessins des ailes futures,
qui ne feront que s'amplifier, en conservant tous leurs rapports. Le
papillon s'est fixé à une tige, à une feuille ou aux parois du cocon, et
il introduit l'air dans ses trachées par de fortes inspirations. Dientôt do
rapides mouvements vibratoires agitent les ailes ; l'insecte tourne tour
à tour chaque aile du côté de l'air libre, afin de h sécher. Le frémis-
sement est si précipité, que l'œil aperçoit une niasse élargie et indis-
tincte, comme lorsque vibre une corde élastique. Les ailes semblent
pousser en même temps comme des feuilles et s'élargissent dans une
proportion considérable. Quand elles ont acquis leur ampleur normale,
le papillon les relève et les abaisse successivement, pour achever l'éva-
poration du liquide dont elles sont encore imprégnées, et, le plus or-
dinairement, en moins d'une demi-heure, elles sont propres à remplir
leur fonction, et l'insecte s'élève dans la subtile atmosphère, amoureux
de liberté, enivré de soleil.
Voici comment le D' Boisduval explique l'amplification des dessins
des ailes des Lépidoptères après leur sortie de la chrysalide, et l'exten-
sion des ailes en tous sens régulièrement pour chaque portion de leur
surface. « Ces organes, écrit-il, sont composés de deux lames ou de
deux membranes, entre lesquelles sont situées les nervures, qui sont
autant de petits tubes fistuleux. Dans l'état de nymphe ces membranes
ne sont pas encore réunies par leur face interne ; elles sont pliées lon-
gitudinalement et transversalement d'une manière égale sur toute leur
surface, de sorte que tout le dessin s'y retrouve pour ainsi dire en mi-
niature. Immédiatement après l'éclosion, un liquide pénètre dans toutes
les ramifications des nervures, qui étaient elles-mêmes pliées, les
oblige à s'allonger et à se redresser. Il en résulte que les portions de
membrane comprises dans chaque cellule doivent nécessairement
s'étendre. Au fur et à mesure que cette dilatation s'opère, les deux
LÉPIDOPTÈRES. 113
membranes se rapprochent l'une contre l'autre et finissent par s'unir
au point de se confondre. »
l'eu de temps après être sorti de la clirysalide, et alors qu'il est séclié
et raffermi, le papillon rejette par l'anus un liquide qui remplissait la
région terminale du tube digestif. C'est un véritable méconium, ana-
logue à celui que rendent les mammifères nouveau-nés ; c'est un ex-
crément de l'état nymphal. On voit très bien ce liquide qui remplit le
tube digestif si l'on extrait un papillon de l'enveloppe de la chrysalide-
quelques heures avant l'éclosion naturelle. Il est soumis à un ballotte-
ment violent, dû à la contractilité musculaire des parois, ce qui ex-
plique avec quelle force l'expulse le papillon. Ce liquide méconieux
contient une très grande quantité d'acide urique, et, en le soumettant
à l'examen microscopique, ou le trouve rempli de corpuscules vibrants,
dont la ressemblance avec les corpuscules du sang de la chenille est
frappante. La couleur de ce méconium est variable. Elle est quelque-
fois noirâtre, plus souvent blanchâtre on grise, de couleur nankin chez
le papillon du Ver à soie bien portant, brune et de mauvaise odeur
quand il est affecté de pél)rine, parfois de teinte rougeillre et même
analogue à celle du sang, chez certains Vanessa, comme les V. pohj-
chluros, Urticœ, lo, etc. De là une des origines probables de ces légendes
des pluies de sang, rapportées plusieurs fois par les historiens, et qui
produisaient dans le peuple une terreur superstitieuse, à la vue de ces
larges gouttes rouges couvrant les murs(l).
11 nous reste à présenter un résumé des observations les plus récentes
sur l'anatomie interne et renibryogénie des Lépidoptères. 11 faut re-
marquer que pour eux, comme pour tous les animaux à métamor-
phoses, les études embryogéniques ne portent pas seulement sur l'œuf,
mais sur les divers stades jusqu'à la forme parfaite, apte à la repro-
duction. On peut dire que la chrysalide est une sorte de second œuf,
où divers organes nouveaux se forment dans le plasma. L'œuf des
Lépidoptères étant toujours d'une opacité à peu près complète, il est
difficile de suivre le développement embryonnaire de la chenille. En
trempant l'œuf dans l'huile, on arrive à une demi-transparence de la
coque, encore insuffisante pour distinguer nettement ce qui se passe à
l'intérieur. Il faut recourir à la dissection de l'œuf, afin d'en extraire,
le plus délicatement possible, l'embryon aux diverses phases de son
développement. Quand l'œuf a été pondu, il ne tarde pas à prendre
une teinte plus foncée que sa couleur initiale; si l'on ouvre alors l'œuf
du Ver à soie devenu gris, ou reconnaît que cette coloration est due à
la formation d'une membrane qui le tapisse intérieurement. La tache
germinative a ordinairement disparu avant la ponte; quelquefois même
elle disparaît dans l'ovaire avant la production de la coque. L'embryon
(i) Maurice Girard, Métamorphoses des Insectes, 5^ édit., Hachette etC^. Paris,
1879, p. 201.
GIRARD. m. — 8
lia LÉPIDOPTÈRES.
se distingue tout d'abord par quelques cellules plus grandes au milieu
du vitellus. Deux feuillets blaslodermiqucs se forment à la surface du
vitellus : l'extérieur est destiné à produire la peau ; l'intérieur, en se
détachant peu à peu du premier et en se refermant sur lui-même,
constitue le tube digestif. En même temps cette double enveloppe subit
un mouvement d'incurvation. Le vitellus, par suite de la soudure des
deux bords de l'enveloppe blastodermique interne, se trouve renfermé
-dans le tube digestif, de sorte que l'embryon va trouver dans son inté-
rieur même les matériaux de son développement. De chaque côté du
corps se constituent les deux grandes trachées qui devront distribuer
l'air dans le corps de la chenille; les premières ramifications se pro-
duisent dans la tête même, sous forme de tubes qui restent quelque
temps dépourvus de fil spiral. Le vaisseau dorsal, ou série des cœurs,
ne devient visible sous la peau que quelques heures avant la naissance,
lorsque leurs pulsations sont suffisamment prononcées. Le système
nerveux suit la formation du système digestif et précède l'apparition
des tubes séricipares. Bientôt la segmentation commence, et la tête,
plus développée que le reste du corps, laisse voir quelques points co-
lorés en jaune, première solidification des diverses parties qui la com-
posent. Les organes de la tète qui se distinguent ainsi les premiers
sont les mandibules et le labre. Les pattes écailleuses ne sont alors
que de simples prolongements dermiques, qui se segmentent peu à
peu en se solidifiant. Les pattes membraneuses apparaissent les der-
nières. A l'intérieur on voit les deux troncs trachéens, qui ne se rami-
fiaient d'abord que vers la tête, se renfler à la hauteur de certains
anneaux ; puis ces renflements se transforment en des troncs gros et
courts qui bientôt se ramifieront. A cette époque l'embryon du Ver à
soie, extrait de la coque de l'œuf, est blanc, la tête exceptée, et res-
semble à beaucoup de larves de Coléoptères et d'Hyménoptères, surtout
de très jeunes larves de Tenthrédiniens. Les glandes séricip'ares sont
représentées par deuv tubes gros et courts, qui s'allongent peu à peu
à partir de la base de la tète, très courts à leur début, et n'atteignant
toute leur longueur relative que par les progrès de l'Age. Les muscles
sont d'abord constitués par des éléments arrondis disposés bout à bout
en chapelet. Ces éléments ne se confondent et leur configuration glo-
buleuse ne disparaît que quelque temps après l'éclosion de la chenille.
La forme circulaire qu'affecte l'embryon dans l'œuf fait que la che-
nille paraît étranglée au milieu, les deux extrémités ayant pu se déve_
lopper plus librement que la partie moyenne. Plusieurs heures avant
l'éclosion, l'embryon effectue des mouvements et la coque de l'œuf
devient transparente. Alors les ouvertures stigmatiques, qui jusque-là
étaient restées fermées, s'ouvrent pour substituer la respiration tra-
chéenne spéciale à la respiration cutanée générale. Chez le Ver à soie,
le corps, blanc quelque temps auparavant, est devenu noirâtre et s'est
recouvert de tubercules et de poils; l'animal est désormais constitué
LÉPIDOPTÈRES. 115
pour vivre et se développer au dehors. Nous n'avons pas besoin de faire
remarquer que, dans cette embryogénie de l'œuf, rien ne dévoile la
présence d'un papillon, même rudimentaire. Cette étude suffît seule
pour détruire toutes les assertions contraires des anciens naturalistes,
Swammerdam, Malpighi, Réaumur. La transparence des organes de
l'embryon permet de porter l'invesligation microscopique dans les
parties les plus intimes, et toujours on les trouve simples et seulement
propres à constituer un individu unique.
Avant de donner quelques notions sur le tube digestif dans les trois
phases de la vie du Lépidoptère, nous devons revenir en quelques mots
sur les pièces que rencontrent les aliments à son origine, c'est-à-dire
les pièces buccales. Leur signification peut être interprétée tout autre-
ment que ne l'avait fait Savigny, et c'est surtout en s'aidant de l'embryo-
génie du passage de la chenille à la chrysalide, que M. A. Barthélémy (1 j
est arrivé à les envisager sous un point de vue très ditî'érent de celui
des auteurs français. D'après lui, les organes bi- ou Inarticulés qu'on
regarde comme des antennes chez les chenilles, et qui sont placés à la
base des mandibules, seraient des palpes mandibulaircs ; ces organes,
dans un grand nombre d'espèces, s'enlevant avec les mandibules, dont
ils paraissent ainsi une dépendance. 11 y aurait, d'après cela, et con-
trairement à l'opinion générale, des palpes mandibulaircs chez certains
insectes, comme il en existe chez les Crustacés supérieurs. M. A. Bar-
thélémy est disposé à voir dans la filière buccale des chenilles le repré-
sentant de la languette portée sur un menton membraneux. Si l'on tire
de la peau d'une chenille dans son cocon et près de se chrysalider la
chrysalide encore immature et molle, on voit que les deux demi-
spiritrompes, ou plutôt les fourreaux dans lesquels elles s'organiseront,
correspondent aux mandibules de la peau qui tombe; à la base de ces
deux corps on aperçoit un tubercule qui représente l'antenne de la che-
nille, qui n'est pour M. A. Barthélémy qu'un palpe mandibulaire. Pour
vérifier cette interprétation, il acoupé les mandibules, avant le dernier
changement de peau, sur la chenille de Deilephila Euphorbiœ, en ayant
soin d'arrêter l'épanciicment sanguin avec de la cire molle, et il a
obtenu des papillons présentant la trompe tronquée. Les chenilles qui
n'avaient subi cette mutilation que d'un côté ont donné des papillons
dont la partie de trompe correspondant à ce côté était beaucoup plus
courte que l'autre. La chrysalide de Sericaria Mori et des autres Bom-
byciens à trompe rudimentaire ne présente à la place de la trompe que
deux organes courts et larges, qui, par leur forme, leur position et les
mouvements qu'ils effectuent, rappellent très bien les mandibules
de la chenille. Ici on obtient mieux encore, par la section des mandi-
(1) A. Barthélémy, Recherches d'anaiomie et de physiologie générales su7' lu
classe des LépidujAcres, pour servir à l'histoire des niétarmorhoses, p. 16, 35
60 (thèse de ta Faculté des sciences de Toulouse). Toulouse, J86/i.
H6 LÉPIDOPTÈRES.
bules de la chenille, l'avortement du rudiment de (rompe de l'insecte
parfait ; de plus la lôte présente la plus grande ressemblance avec la
tête de la chenille à chaque changement de peau, lorsqu'elle est encore
molle et renfermée dans l'enveloppe de l'état précédent. Chez le pa-
pillon, la lèvre supérieure ou labre, d'après M. Barthélémy, est consti-
tué par la petite écaille médiane et les deux écailles latérales (man-
dibules de Savigny). En effet, le labre de la chenille est formé de trois
parties, une centrale et deux latérales soudées, et au moment de la
transformation en chrysalide, il conserve la même forme que chez la
chenille, et exécute les mêmes mouvements.
Peu de temps avant l'éclosion du papillon, la trompe se soulève et
contribue à détacher le masque de la chrysalide ; dans ce mouvement,
elle vient se loger dans l'échancrure de la lèvre supérieure et soulève
la pièce médiane, qui se sépare des écailles latérales. Ceci est confirmé
par cette remarque de Savigny lui-même, que, chez les papillons sans
trompe, les mandibules sontbeaucoup moins distinctes, parce que, pour
ces papillons, il n'y a pas de soulèvement de la trompe. Les deux demi-
spiritrompes représentent les mandibules, leurs gaines occupant chez
la chrysahde la place même des mandibules de la chenille et effectuant
des mouvements semblables. Les deux tubercules bi- ou triarticulés qui
se trouvent à la base de cette trompe représentent les rudiments de
l'antenne de la chenille, ou palpe mandibulaire pour M. Barthélémy;
souvent ils se détachent avec cette trompe, comme on voit le palpe
mandibulaire se détacher avec la mandibule chez la chenille. Enfin le
nombre des articles de ce prétendu palpe maxillaire est absolument le
même que celui de l'antenne ou palpe mandibulaire de la chenille cor-
respondante, toujours à deux ou trois articles. Les rudiments de trompe
ou mandibules du papillon de Ver à soie récemment éclos ont une forme
absolument identique avec celle des mandibules de la chenille, quand
on dissèque la tête un peu avant les changements de peau. Les organes
que Savigny nomme palpes labiaux seraient les vraies mâchoires ou
maxillaires. En effet, ils sont insérés à la base de la tête, mode d'inser-
tion qui est différent de celui des palpes labiaux des autres insectes.
Cette remarque n'avait pas échappé à Savigny ; mais il y voyait une
simple particularité à l'ordre des Lépidoptères. Leur direction est le
plus souvent ascendante, comme celle des mâchoires de la chenille, et
enfin ils sont à trois articles, comme les palpes maxillaires de la che-
nille, qu'ils représentent plus particulièrement. M. Barthélémy dit n'a-
voir pu retrouver chez le papillon le corps de la mâchoire, déjà rudi-
mentaire chez la chenille. D'après lui, une écaille inférieure, rudiment
de la lèvre, vient compléter le système buccal du papillon. Nous ne
pouvons nous prononcer sur les assertions de M. Barthélémy, dont nous
n'avons pas répété les expériences; mais il nous a paru important de
faire connaître ses travaux, qui sont restés presque ignorés, même en
France.
LÉPIDOPTÈRES. 117
Nous examinerons rapidement le tube digestif dans les trois phases
de la vie du Lépidoptère. Chez les chenilles on trouve parfois, à la suite
d'un jabot assez développé, un gésier charnu, mais sans l'armature
solide interne des Orthoptères et de beaucoup de Coléoptères : ainsi
chez la chenille du Cossus Lifiniperda , qui est lignivore. L'esto-
mac ou ventricule chylifique occupe presque toute la longueur du
tube digestif chez les chenilles, les portions œsophagienne et intesti-
nale étant très courtes. Chez la chenille de Pieris Brassicœ, Hérold a
trouvé un œsophage simple et très court, suivi d'un grand estomac
cylindrique, qui s'étend en ligne droite jusqu'au voisinage de l'anus,
dont il n'est séparé que par un intestin fort court et également droit.
La disposition est analogue chez le Ver à soie du Mûrier, chez la che-
nille du grand Paon de nuit, de YOphiocÏPS tirrhœa, etc. Les villosités
gastriques manquent à l'estomac des Lépidoptères.
Si nous prenons la chrysalide du Ver à soie et si nous l'ouvrons
aussitôt après la mue qui l'a produite, la constitution interne ressemble
beaucoup à celle de la chenille. Le tube digestif, encore très volumi-
neux, contient à son intérieur une substance rougeâtre, de la consis-
tance du beurre, qui semble une accumulation de substance nutritive
servant au travail des métamorphoses, de même que le vitellus, en-
fermé également dans le tube digestif de l'embryon, a servi à son
développement. Tout d'ailleurs, dans le nouvel état, est préparé pour
le singulier acte vital dans lequel l'animal se soumet à une véritable
incubation. A la base de l'œsophage se trouve une très grande quantité
de graisse, et, de chaque côté du vaisseau dorsal, on remarque une
accumulation de tissus adipeux, de couleur souvent jaunâtre. Ce sont
là, avec la matière rougeâtre du tube digestif, autant d'aliments mis en
magasin par la nature pour les besoins de la seconde embryogénie,
l'embryogénie nymphale. Le tube digestif diminue d'abord de volume
à mesure que la substance rougeâtre se résorbe. Lorsqu'il est devenu
très étroit, sa partie inférieure semble subir un mouvement ascen-
sionnel, qui a pour résultat l'allongement de l'intestin, et qui paraît
être déterminé par la disparition de la substance rougeâtre nutritive.
Enfin cette matière se circonscrit au milieu de l'intestin et détermine
ainsi l'étendue que doit avoir l'estomac dans le papillon. En même
temps se dépose, à la partie supérieure et à la partie inférieure du
tube digestif, un plasma organisable destiné à former, à l'œsophage le
jabot, à l'intestin le cœcum. De même, dans la chrysalide de Pieris
Brassicœ, la portion stomacale se concentre vers le milieu du corps,
tandis que l'œsophage s'allonge, ainsi que l'intestin.
L'œsophage des chenilles reçoit à sa naissance des glandes salivaires,
composées de deux tubes assez courts et qu'il ne faut pas confondre
avec les glandes séricipares dont nous parlerons plus loin. Relativement
très court, l'œsophage se termine ordinairement par un renflement.
Hérold a étudié le développement de ce jabot, ou premier renflement
118 LÉPIDOPTÈRES.
œsophagien, chez la chenille de Pioris Jirassicw. l/cosophage, d'abord
court et cylindrique, s'allonge plus que ne le fait l'estomac et se renfle
un peu vers son extrémité postérieure. Ce changement se prononce
encore davantage dans la chrysalide. Alors, à l'extrémité de l'œsophage
devenu long et grêle, on distingue un petit jabot fusiforme ; mais cette
dilatation ne continue pas à se faire d'une manière régulière et s'a-
vance du côté dorsal seulement, de façon à donner naissance à une
petite poche latérale, dont le fond s'agrandit plus que l'entrée. A
mesure que les métamorphoses du papillon s'avancent, l'appendice
œsophagien ainsi constitué granditjfrapidement, et son col s'allonge
beaucoup, de sorte qu'au terme de son développement, il consiste
en un sac piriforme, suspendu à la partie postérieure de l'œsophage
et communiquant à l'intérieur de ce tube alimentaire par un canal
étroit.
Le rôle de cette panse appendiculaire de l'œsophage des Lépidoptères
adultes est peu connu. Elle manque chez les Hépiales et chez une
partie des Bombyciens (Treviranus) et contient ordinairement de l'air.
On l'a nommée estomac suceur ou vessie aspiratoire, en supposant qu'elle
serve, comme une pompe aspirante, pour la succion des liquides. Elle
consiste plus souvent en .un sac arrondi, qui naît à angle droit de
l'œsophage par un col étroit, et se prolonge en arrière au-dessus de l'es-
tomac proprement dit. Cette panse est profondément bilobée chez les
Zygènes, et son développement paraît fréquemment en rapport avec
celui de la spiritrompe, ce qui serait conforme à son rôle d'estomac
suceur. Elle est très grande chez Vanessa Urticœ, très réduite chez
Attacus Piri, nulle chez Chelonia Caja, Cossus Ligniperda, Gastropacha
Pini, où la trompe est rudimentaire. D'autre part, il faut remarquer,
contre cette fonction de succion, que, chez le papillon du Ver à soie, à
trompe nulle et qui ne suce aucun liquide, ce jabot en panse latérale
est très développé. Chez les Diptères, où ce même jabot en panse existe
presque toujours, son col, étroit et fort long, naît dans le voisinage de la
bouche, au lieu de se détacher du tube alimentaire près de l'estomac,
comme chez les Papillons. La bouche du papillon reçoit deux glandes
salivaires réunies en un seul canal vers la région supérieure; elles sont
plus longues et plus minces que celles de la chenille. La présence de
ces glandes chez des animaux qui ne se nourrissent que de sucs fluides
ou semi-fluides semble démontrer que la salive ne joue pas seulement
dans la digestion un rôle d'imbibilion destinée à ramollir les aliments,
mais encore un rôle chimique.
Si, à l'autre extrémité de l'estomac, nous considérons la partie intes-
tinale du tube digestif, nous voyons chez les chenilles (Pieris Brassicœ,
Gastropacha Pini, Sericaria Mori, Sphinx Ligustri, OEnophthira Pille-
riana, etc.) qu'elle consiste en un tube droit et presque cylindrique,
qui n'a guère que le quart ou môme le cinquième de la longueur du
corps, et se divise en trois parties : l'antérieure ou pylorique,[ou intestin
LÉPIDOPTÈRES. 119
grêle, à parois très charnues, donnant insertion aux vaisseaux de Malpi-
ghi; la moyenne, plus renflée, formant le réservoir stercoral, avec des
brides fibro-musculaircs à l'intérieur, sur lesquelles se moulent les
crottins ; puis la partie postérieure ou rectum, très dilatable, mais qui,
à l'état de vacuité, ne constitue qu'un petit canal membrano-muscu-
laire qui aboutit à l'anus. A la fin de l'état de chrysalide, quand le
papillon s'est constitué, on voit que le tube digestif, si volumineux
dans la vie égoïste de la chenille, dont toute l'occupation est de se
nourrir, a beaucoup perdu de ses dimensions et s'est muni de renfle-
ments qui n'existaient pas chez la chenille. L'intestin, beaucoup plus
long, forme des replis dans l'abdomen, tandis qu'il était gros, court et
droit dans la chenille. C'est là, sans contredit, un des faits les plus re-
marquables des morphoses des Lépidoptères, et qui prouve bien qu'il
ne faut pas se hâter de conclure des organismes des Vertébrés à ceux
des Invertébrés. Chez les Verlébrés, en effet, l'intestin est d'autant plus
long et flexueux, que le régime est plus exclusivement herbivore ; ici,
au contraire, l'intestin de la larve herbivore est droit et court, tandis
que celui de l'insecte parfait, qui ne se nourrit que d'aliments fluides,
est long et flexueux. Il est probable que chez le papillon, cet intestin
joue un rôle particulier et contribue, soit aune production de glycose,
soit à la formation de l'acide urique avec les vaisseaux de Malpi-
ghi. A mesure que se développe le long intestin grêle, replié et
flexueux, des Lépidoptères adultes, la partie antérieure de cet in-
testin, qui était primitivement bien distincte de l'estomac, se confond
de plus en plus avec cet organe, de façon que, chez le papillon, l'em-
bouchure des tubes malpighiens ne se trouve plus dans l'intestin pro-
prement dit, mais à l'extrémité de l'estomac. Chez l'adulte, d'après
M. A. Barthélémy, l'intestin est garni à l'intérieur d'un très grand
nombre de corps transparents, semblables à ceux que l'on observe
chez certaines larves de Diptères et d'Hyménoptères. 11 est muni d'une
couche de muscles très minces, qui lui permettent d'exécuter des mou-
vements assez vifs, surtout au moment de l'éclosion.
Les canaux de Malpighi, chez les Lépidoptères, soit en chenilles, soit
adultes, sont toujours au nombre de trois paires et à extrémités flot-
tantes; mais ces vaisseaux ne débouchent de chaque coté dans le canal
digestif que par une paire d'orifices.
Chez le Ver à soie, le réservoir stercoral (gros intestin, côlon) est
divisé en deux loges par un étranglement circulaire, et dans chacun
de ces compartiments arrondis on voit quatre paires de tubercules
ou plaques cornées ovalaires, disposées transversalement en forme
d'anneau. Chez les chenilles, le réservoir stercoral est simple, c'est-à-
dire faisant complètement suite à l'intestin grêle et ne se prolongeant
pas ; il n'en est plus de même chez les Lépidoptères adultes, où le ré-
servoir stercoral se développe latéralement, de façon à former une
poche dont le fond se prolonge beaucoup en avant du point où l'in-
120 LÉPIDOPTÈRES.
testin grêle vient s'y ouvrir. C'est dans ce ccccum latéral que se forme
et s'accumule le méconium liquide, chargé d'acide urique, que le pa-
pillon rejette après sa sortie de la chrysalide. Il est pavé à sa face in-
terne des mômes corps transparents qu'on trouve dans l'intestin grêle.
Cet appendice caecal est du resie des plus variables dans les Papillons,
peu prononcé chez Picris lirassicœ, très allongé chez Attacus Carpini,
ayant la forme d'un sac ovoïde, à col plus ou moins étroit dans les
Sphinx Ligustri et Acherontia Atropos, très petit, au point de paraître
parfois manquer chez iJacroglossa Stellatarum, diminuant beaucoup de
volume chez ^ftoct^s PïV», après que l'accouplement a eu lieu, semblant
faire défaut dans les genres F^nessa, Cossus, Hepialus, Yponoineuta et
Pterophorus.
Les glandes séricipares, destinées à sécréter la matière de la soie,
sont liées, plus encore que la configuration du tube digestif, à l'état
transitoire de la chenille, et disparaissent par résorption, lorsqu'elles
sont devenues inutiles, dans la chrysalide et dans le papillon. Elles
existent dès l'éclosion de la chenille, car beaucoup d'entre elles, no-
tamment le Ver à soie, émettent des fils soyeux à toutes leurs mues.
Dans l'embryon les glandes séricipares sont représentées par deux tubes
gros et courts, qui s'allongent peu à peu à partir de la base de la tète.
Ils sont encore très courts à l'éclosion du Ver à soie et n'atteignent
toute leur longueur relative que par les progrès de l'âge. Les glandes
séricipares restent des tubes droits et courts chez les chenilles qui ne
filent pas de cocons et ne font que suspendre leur chrysalide ou l'en-
tourer de quelques liens de soie. Pour celles qui construisent des
cocons, ces tubes, sont très développés et tiennent, surtout après la der-
nière mue de chenille, une grande place dans la cavité générale du
corps. Il y en a deux, se réunissant en un tube commun, qui se rend
dans une sorte de tambour placé à la base, de la languette, par l'ouver-
ture de laquelle s'écoule la soie ; à partir du tube commun, qui est très
court, les glandes séricipares, chez le Ver à soie, redescendent le
long du tube digestif, jusqu'à la hauteur de la troisième patte mem-
braneuse, et reçoivent du quatrième stigmate des trachées servant à
la fois de soutien et d'organe d'hématose. Le tube remonte ensuite, en
se renflant, jusque vers la partie supérieure du corps, à la seconde
patte thoracique, se recourbe de nouveau, et, devenu plus mince, re-
descend jusqu'à la deuxième patte membraneuse; il remonte encore un
peu jusqu'au quatrième stigmate, et avant se termine par un grand
nombre de circonvolutions qui finissent à la hauteur de l'avant-dernier
stigmate, et le fond du tube, fermé en cul-de-sac, présente souvent
un petit appendice terminal.
La partie sécrétante de l'organe est formée de petites cavités laté-
rales logées dans l'épaisseur des parois. Sous la tunique externe se
trouve une couche de muscles très minces, se divisant en lanières. On
les aperçoit très aisément dans la chenille du Gastropacha Pini. En
LÉPIDOPTÈRES. 121
déchirant sous la loiipo la tunique extérieure du tube sériciparo, on
les voit se dérouler en spirale.
A la réunion des deux glandes séricipares en un seul tube, se trou-
vent, chez beaucoup de chenilles, deux petits appendices à fond fermé,
s'ouvrant librement dans le tube terminal. Ces appendices paraissent
servir à sécréter la substance qui rend la soie solide; car lorsqu'on
retire la matière visqueuse de la soie directement des canaux qui la
produisent, elle ne possède pas la propriété de se solidifier et de deve-
nir résistante, comme lorsqu'elle sort de la filière après le déversement
du liquide des cœcums. M. A. Barthélémy pense aussi qu'on peut attri-
buer à cette glande la coloration particulière de la soie blanche, jaune
ou brune, couleur que n'a pas la soie dans la glande séricipare propre.
Nous ferons toutefois remarquer que chez les Vers à soie à cocons
jaunes, une matière jaune semble s'épancher partout dans le Ver près
de filer, dont le corps prend par transparence sous la peau une couleur
de prune de Reine-Claude très mûre; de même la chenille d'un vert
tendre du grand Paon de nuit devient, au moment de filer son cocon
incrusté et brunâtre, de couleur jaune ternie. Ce qui semble bien
indiquer que la matière colorante vient surtout d'une glandule spéciale,
c'est que le cocon de cette espèce, et encore plus du petit Paon, est
d'abord à peine coloré, et que la matière incrustante formée est sur-
tout déversée par la filière buccale à la fin de la filature du cocon.
On sait que les travaux sur le sang des Invertébrés, et particulière-
ment des Insectes, sont peu nombreux. G. Newport regarde les cor-
puscules du sang des Insectes, et notamment des Lépidoptères, comme
analogues à ceux du sang des Verlébrés, les sangs étant eux-mêmes
analogues dans leur ensemble ; tandis que des auteurs regardaient
au contraire le sang des Insectes comme correspondant seulement au
chyle des Vertébrés. Dans les chenilles, le sang présente de nombreux
corpuscules en forme de grains d'avoine, très abondants, surtout à
l'époque des mues, moment où le sang est très coagulable. Ces corpus-
cules avénacés disparaissent peu à peu dans la chrysalide, et il n'en
reste que fort peu chez le papillon. Ils sont, pense G. Newport, ana-
logues aux corpuscules blancs du chyle des Vertébrés. Chez l'adulte,
des sphérules les remplacent, qui passent peu à peu à des disques
aplatis; ovales ou cylindroïdes, doublement concaves. Dans le sang de
la chenille de Xylophasia pohjodon (Bombycoïdes) et aussi du papillon
de cette espèce, il signale des corps en forme de massue ou de violon.
qui lui paraissent être la transition des sphérules aux disques. Nous
ferons remarquer que le sang des chenilles est normalement incolore,
ainsi chez les chenilles endophytes, caractère général du sang des
Insectes, mais que très souvent, quand les chenilles se nourrissent de
feuilles à chlorophylle fort abondante, ainsi des Orties par exemple,
le sang se colore en vert plus ou moins foncé, ce qu'on observe fré-
quemment quand on écrase des chenilles. Le sang est très abondant
1^2 LÉPIDOPTÈRES.
chez les chenilles, comme chez toutes les larves en général, cl il est
en bien moins grande quantité dans les insectes arrivés k l'étal parfait,
de sorte qu'il paraît lié principalement au travail organique des méta-
morphoses. Il est d'une odeur forte chez les chenilles qui se nour-
rissent de plantes à suc acre, ainsi celles de Deilephila Euphorbiœ.
M. A. Barthélémy a observé au microscope le sang d'un grand nombre
de chenilles, et a toujours trouvé beaucoup d'inconstance dans ses
éléments. A l'état normal, on voit nager dans la liqueur verdâtre des
globules de forme peu régulière, plus ou moins arrondis, en nombre
bien moins grand qu'à l'état de maladie, où leurs formes deviennent
très variées; nous ne ferons que citer ici les psorospermies ellipsoïdales
de la maladie corpusculaire ou pébrine des Vers à soie. Le sang che-
mine d'arrière en avant dans le vaisseau dorsal de la chenille. Chez
la chenille du Sericaria Mon et chez d'autres à corne anale, ce vaisseau
offre un renflement au-dessous de la corne, puis se continue en avant
en s'atténuant peu à peu. Si l'on coupe la corne chez les chenilles de
Bombyciens et Sphingiens qui en sont pourvues, il s'écoule par l'ou-
verture une très grande quantité de sang; les parois du renflement
s'affaissent sur elles-mêmes, et l'animal ainsi mutilé ne tarde pas à
succomber. Le vaisseau dorsal des chenilles n'a pas de replis valvu-
laires à l'intérieur, et M. A. Barthélémy dit n'avoir pu distinguer nette-
ment d'ouvertures latérales, pas plus que ses devanciers. Le tube dor-
sal est maintenu en place par des muscles ou des cordons jaunâtres
formant de chaque côté une suite de figures triangulaires. Les cordons
jaunâtres sont très développés dans certaines chenilles [Acromjcta Aceris,
Sericaria Mori); d'autres fois les muscles sont en continuité de tissu avec
le cœur et se terminent en se ramifiant. C'est ce qu'on observe très
bien dans la grosse chenille d'Attacus Piri.
Si nous passons maintenant à l'appareil respiratoire interne, nous
rappellerons d'abord que les chenilles ont neuf paires de stigmates,
ordinairement très apparentes sur les flancs, une sur le premier anneau
Ihoracique, les autres sur les huit premiers anneaux de l'abdomen.
Les trachées des chenilles sont toujours tubulaires. Dans la chenille du
Cossus Ligniperda (Lyonet), chaque trachée d'origine donne naissance,
tout près de son stigmate, à une grosse trachée connective se portant
directement en avant et débouchant dans la trachée d'origine de l'an-
neau précédent, vis-;vvis du point où celle-ci fournit à son tour la trachée
analogue destinée à l'unir à son autre voisine. Il en résulte que l'en-
semble de ces trachées anastomotiques, qui passent ainsi d'anneau en
anneau, forme de chaque côté du corps un gros tube longitudinal,
dans lequel toutes les trachées d'origine du même côté viennent
déboucher.
Pendant les morphoses, le système respiratoire subit des modifications
plus ou moins grandes, qui dépendent en général de l'étendue et de
la rapidité du vol du papillon. Dans les Papillons à vol peu soutenu, les
LÉPIDOPTÈRES. 123
gros troncs trachéens se maintiennent à peu près avec leurs anciennes
dimensions chez les clienilles. Ils suivent seulement les modifications
déforme que subit l'extérieur de l'animal, en se rapprochant au thorax,
de manière à mieux dessiner les trois régions qui caractérisent le corps
des insectes adultes. Les ramifications trachéennes suivent aussi les
modifications des organes auxquels elles se rendent. Les trachées qui
se distribuent sur le tube digestif accompagnent en s'allongeant cet
organe à mesure qu'il diminue de largeur. Les ramifications trachéennes
qui aéraient et soutenaient les glandes séricipares se résorbent et dis-
paraissent avec ces organes. Les deux branches qui se trouvent entre
les deux stigmates supérieurs dans le prothorax se continuent dans les
gaines où doivent se constituer les ailes, et déterminent la forme des
nervures, dans les trachées desquelles s'introduira l'air lors de leur
extension à la sortie de la chysalide. Les trachées qui se rendent aux
capsules génitales mftles ne subissent pas de modifications sensibles,
tandis que les ramifications que reçoivent les ovaires de la femelle se
nfultiplient beaucoup après la fécondation et le développement des
œufs, et à leurs exirémités se forment, comme on le voit très bien chez
le Sericaria Mori, des renflements ellipsoïdaux placés bout à bout, les
ballons de L. Dufour, que nous retrouverons en bien plus grande quan-
tité dans les Papillons à vol soutenu. Alors, quand l'insecte doit se
mouvoir avec rapidité, et sucer, tout en volant, le suc des fleurs,
comme la plupart des Sphingiens, l'appareil respiratoire subit des
modifications assez profondes. Dès la chrysalidation, en même temps
que le tube digestif se rétrécit peu à peu, les troncs trachéens se gon-
flent entre les stigmates de la partie abdominale, et l'on peut bien
constater pendant ce gonflement que c'est la membrane intérieure qui
produit le fil spiral. Les trachées se terminent presque toutes par des
ballons très nombreux, surtout aux environs du tube digestif, où ils
sont distribués avec une véritable symétrie. Sprengel a décrit ces bal-
lons dans le Sp/ima? Ligustri, et Suckow en a constaté deux dans le thorax
du Gastropacha Pini. On les retrouve chez le Deilephila Euphorbiœ et le
SmerintJms Tiliœ; chez ce dernier les sacs aériens sont plus petits, mais
ils sont plus nombreux. On en trouve encore deux plus développés près
de l'estomac. Dans certaines espèces, surtout celles dont les mouve-
ments alaires sont très vifs, les trachées donnent de petites branches
dont chacune est entourée d'un amas de tissu adipeux. Cette disposi-
tion est surtout remarquable chez les Sphingiens, et principalement
dans le Macroglossa Stellatarum.
Chez tous les Lépidoptères, on voit se former à l'entrée de chaque
stigmate et dans l'intérieur de la trachée d'origine un cercle cartila-
gineux incomplet, qui provient de la solidification d'un tour du fil
spiral. Ces corps qui, par leur élasticité, doivent aider à la respiration,
sont formés par une demi-circonférence fermée par une ligne brisée
présentant un angle rentrant à l'intérieur du cercle. Cette disposition
12i LÉPIDOPTÈRES.
a pour but de suppléer au manque de muscles obturateurs auxstigmates
qui se présentent chez le papillon sous forme d'une ouverture simple-
ment béante.
L'action des muscles qui produisent le vol est intimement liée à
l'énergie de la respiration. Nous avons déjà vu, à propos de l'anatomie
externe des Lépidoptères, combien le frein des ailes a peu d'impor-
tance. M. J. Kunckel d'Herculais (1) a reconnu que les battements des
deux ailes d'un même côté sont toujours simultanés. L'expérience con-
state que l'extension de l'aile antérieure, même chez les Lépidoptères
privés de frein, entraîne forcément l'extension de l'aile postérieure.
Les ailes ne reçoivent pas directement les muscles abaisseurs et éléva-
teurs. Les muscles abaisseurs s'insèrent ù la région médiane du dorsum
du mésothorax {prœscutum et scutum) et au scutum du métathorax, et
il n'y a qu'une paire de ces grands muscles dorsaux. Quant aux muscles
élévateurs, ceux-ci se iixent d'une part à la région latérale du dorsum
du mèsolhorax (prœscutum et scutum), d'auive part au mesosternum et au
metasternum, ceux-là s'attachant au dorsum du mésothorax {scutum)'ct
à Vepisternum du métathorax. L'action de ces muscles ne se commu-
nique pas directement aux ailes, mais se transmet à certaines pièces
axillaires par l'intermédiaire d'une arête solide, qui a reçu le nom de
clavicule thoracique. Les abaisseurs et les éleveurs, par suite de leur
mode d'insertion, entraînent dans leurs contractions, non pas une paire
d'ailes, mais les deux paires en même temps.
Outre les grands abaisseurs et les grands élévateurs, il existe une
série de petits muscles très compliqués, qui sont les muscles directeurs
(J. luinckel). Les uns président à l'extension et au retrait des ailes, les
autres servent à modifier sans cesse, au gré de l'animal, l'inclinaison
de ces appendices pendant le vol. Ces derniers muscles s'insèrent aux
pièces articulaires des ailes [épidèmes d'articulation). Tous les muscles
directeurs agissent directement sur les ailes, comme les muscles des
pattes sur les pattes, et leur mode d'insertion, à l'aide de pièces com-
parables à des tendons, ne rappelle en rien la disposition toute spéciale
des insertions des abaisseurs et des élévateurs. En résumé, chez les
Lépidoptères et chez les Hyménoptères, il existe une paire de puissants
abaisseurs et une série d'élévateurs, qui entraînent forcément, non pas
chaque aile individuellement, mais les quatre ailes dans des mouve-
ments d'ensemble; les extenseurs et les rétracteurs entraînent chaque
paire d'ailes et non pas chaque aile isolément ; les muscles modificateurs
de l'inclinaison agissent seuls individuellement sur chacune des ailes.
On peut dire que dans la transformation progressive qui conduit de
la chenille au papillon, le système musculaire est de tous celui qui
semble obéir le plus à la loi du balancement organique. Les muscles
(1) Comptes rendus des mémoires et séances de la Société de biologie, 1876,
p. 70.
LÉPIDOPTÈRES. 125
gardent la même position relative que dans la chenille. Seulement, tandis
que les muscles de la région thoracique, qui vont être si importants
pour le vol, prennent un très grand développement, les muscles abdo-
minaux au contraire ont perdu, dès le début de la métamorphose en
chrysalide, leur force si considérable dans la chenille. Ils sont devenus
surtout les muscles longitudinaux, d'une très grande ténuité. Le thorax,
eu se segmentant de plus en plus, rend plus obliques sur la ligne
médiane les muscles moteurs des ailes.
Lesappendicesqui n'existaient pas dans la chenille se développent peu
à peu, ainsi que leurs muscles. On peut en suivre le développement
en cherchantàlcs extraire le mieux possible et à des époques diflerentes
de leur maillot dans la chrysalide. C'est ainsi qu'on voit les (radiées,
d'abord libres dans les canaux qu'elles se tracent, pénétrer peu à peu
dans les ailes et déterminer la forme des nervures. Les écailles dont
seront recouvertesles ailes du papillon ne paraissent se constituer qu'en
dernier lieu dans de pelites cavités disposées en lignes plus ou moins
régulières. Elles commencent par un petit bulbe qui s'épanouit plus
tard pour se terminer par plusieurs pointes en nombre variable, sui-
vant les espèces. La partie supérieure de l'écaillé, d'abord resserrée,
s'élargit en éventail lorsque son développement est plus avancé. L'ana-
logie de ces organes avec les poils est évidente et corroborée par ce
fait, que dans la région céphalique on voit souvent, dans les organes
appendiculaires. les poils remplacés par des écailles semblables à
celles des ailes.
Les pattes ne deviennent distinctes que vers les derniers temps des
métamorphoses. Au fond de leur gaine et dans un plasma organisable,
se forment les crochets et les pelotes, dont le nombre et la position
sont utiles pour la classification générique. La patte, d'abord unie, se
segmente en même temps que se forment les éperons propres à beaucoup
d'espèces. Les antennes s'extraient facilement de leurs moules. Ce sont
d'abord des masses transparentes où le microscope permet de suivre à
l'intérieur la marche de la trachée et du nerf antennaire appuyé sur
celle-ci. La segmentation de l'antenne a lieu en même temps que celle
des pattes, et c'est aussi à la même époque que se produisent les prolon-
gements aigus qu'elles présentent dans certaines espèces.
Le système nerveux ordinaire ou de la vie animale des Lépidoptères
a été suivi avec soin dans les trois états de l'animal par Hérold sur
Pieris Brassicœ et par G. Newport sur Sphinx Ligustri. Chez les chenilles,
chacun des segments du thorax et de l'abdomen possède un ganglion
situé sur la ligne médiane et séparé de ses homologues sérialaires par
une distance considérable, mais relié à eux, soit par une paire de cor-
dons connectifs, soit par un connectif impair et médian. Chez l'adulte,
le nomi)re dans ces centres nerveux a considérablement diminué, et la
chrysalide montre que cette diminution, plus apparente que réelle,
dépend principalement du rapprochement, puis de la coalescence
126 LÉPIDOPTÈRES.
complète de parties primitivement distinctes et éloignées entre elles.
Le ganglion métathoracique attire à lui deux ou trois des premiers
ganglions abdominaux.
La coalescence longitudinale est au reste variable et aflecte parfois
la totalité de la chaîne ganglionnaire postœsophagienne, mais sans
jamais faire disparaître le caractère typique de cette chaîne. La coales-
cence médiane est toujours complète ou à très peu près entre les
ganglions, et, le plus souvent, elle se produit égalemonl entre les
conncctifs dans la région abdominale. Au contraire, dans la région
thoracique, les deux cordons interganglionnaires restent généralement
séparés entre eux. De plus, comme cela arrive d'habitude chez les
hisecles, les ganglions nerveux des deux ou trois derniers segments
du corps sont confondus, ou tout au moins très rapprochés entre eux,
et ne figurent qu'une masse gangliforme unique.
En étudiant les modifications de la chaîne nerveuse abdominale
dans la chrysalide s'apprètant à donner le papillon, divers observa-
teurs (G. INewport, L. Dufour, A. Barthélémy, etc.) ont signalé un or-
gane qui a été appelé vaisseau ventral. 11 a été découvert par ïreviranus
(1832) et son rOle est resté fort obscur. C'est un canal parfois très dé-
\elo[)\ié {SmeriiUhus Tiliœ, Deilephila Ncrii, etc.), autour de la chaîne
abdominale, souvent d'axe difiérent et s'en distinguant par une couleur
particulière; sa nature, selon M. A. Barthélémy, n'est pas simplement
fibro-musculaire, afin de fixer la ligne nerveuse ventrale aux tégu-
ments, mais réellement vasculaire. Doit-on y \oir un vaisseau de cir-
culation analogue à l'artère ventrale des Myriapodes, et à celle des
Limules qui emboîte la chaîne nerveuse? En extrayant un papillon
de la chrysalide quelques heures avant l'éclosion, en l'ouvrant par le
des et en écartant le tube digestif, on voit très bien des mouvements des
muscles abdominaux auxquels correspondent des mouvements de la
moelle abdominale. M. A. Barthélémy se demande si ces mouvements
ne serviraient pas à pousser le liquide sanguin dans ce vaisseau ven-
tral, qui ne lui a pas semblé contractile. Cette opinion de l'existence
d'un organe vasculaire est aussi celle de G. Psewport. Au contraire,
M. Leuckart, se rangeant aune idée analogue à celle de L. Dufour, qui
refusait iout vaisseau aux Insectes, fait un névrilème de ce prétendu
vaisseau ventral. M. le D'' Burger a constaté sur beaucoup d'espèces de
Rhopalocères et d'Hétérocèrcs que c'est un organe constant des Lépi-
doptères adultes ; c'est pour lui un ligament blanchâtre ou jaunâtre,
qu'il appelle corde supraspinale^ expansion du névrilème vers le haut,
ligament en rapport avec des muscles insérés aux parois de l'abdomen.
C'est une excroissance formée de ce tissu conjonctif gélatineux fréquent
chez les Invertébrés, une émanation du névrilème supérieur de la
chaîne ventrale nerveuse.
Avant de commencer l'étude importante des organes génitaux des
Lépidoptères et de leur développement aux trois phases de la vie de
LÉPIDOPTÈRES. 127
l'insecte, nous indiqueroas quelques travaux à consulter relatifs aux
sujets précédemment traités :
Uihiiogfai>iiio. — Suckow, Recherches anatomiques et physiologiques
sur les Insccles et les Crustacés (en allemand), 1818. Dans ce travail,
l'auteur étudie le développement du tube digestif sur le Bombyx l'ini
(Gasfropacha). — E. Cornalia, Monografia del liumbice dcl Gelso , grand
in-Zi" de 385 pages, avec 15 planches. Milan, 1856. Dans cette descrip-
tion complète de l'anatomie di^ Ver à soie du Mûrier, nous citerons
particulièrement le tube digestif, pi. iv, tîg. 51, pi, x, tig. 137, pi. xii,
lig. 89 et 202. — G. Newport, On the Nervous System of tlie Sphinx
Ligustri, Linn., and on the changes which it undcrgoos during n part of the
métamorphoses of the Insect {Philosophical Trans.^ 1832, p. 383-398). On the
Nervous System ofthe Sphinx Ligustri, Linn., part. 2, during the lutter
stages ofits papa and imago states {Philos. Trans., 1834, p. 389-/|2Zi). Ces
mémoires sont surtout consacrés au développement comparé du sys-
tème nerveux chez la chenille, la chrysalide et l'adulte de ce Sphin-
gien, et montrent bien le perfectionnement graduel par coalescence
des ganglions. On y trouve aussi trois figures comparatives du tube di-
gestif de la chenille, de la chrysalide et de l'adulte. — G. Newport,
On the Structure and Development of the Blood-corpuscle ; the develop-
ment of the Blood-corpuscle in Insects and other Invertcbrata , und
its comparison willi that of man and other Vertebrata ( Royal Soc.
Proceed.,y, 18/i3-50 , p. 5M-5/i6 ; Ann. se. natur., Zooi.., 18Zi5, 111,
p. 36/1-367). Ce dernier mémoire, en français, est une analyse où
l'auteur étudie spécialement les corpuscules du sang des Lépido-
ptères et leurs transformations dans les trois phases, avec leur com-
paraison aux corpuscules du sang des Vertébrés. — D. Burger,
Ueber das sogenannte Bauchgefdss der Lepidoptera (Sur le vaisseau
ventral des Lépidoptères) {Niederlàndische Archiv. fur ZooL, 1876,
p. 97-12Ù). — Helm, Ueber die Spinndrûsen der Lepidopteren (Sur les
glandes séricigènes des Lépidoptères) [Zeitschr. fur wiss. ZooL, 1876,
XXVI). — Hcrmann Landois, Beitràge zur Entivicklungsgeschichte der
Schmetterlingf'jlugel in Haupe und Puppa (Développement des ailes des
Lépidoptères chez la chenille et chez la chrysalide) Zeitschr. filr iviss.
ZooL, 1871, XXi). — G. Joseph, Ueber die Zeit der Geschlechtsdifferen-
zirung in den Bien einiger Lipariden {Sitzungsberichte d. schles. Ges. filr
vaterldnd. Cultur, 2li Jan. 1870, Breslau, 187 J). C'est l'indication de la
différence de grosseur des œufs mâles et femelles du Liparis dispar. —
Weissmann, Studien zur Descendenztheorie ; I Ueber den Saison-Dimor-
phismus der Schmetterlinge, Leipzig, 1875. On y trouve des observatio;is
sur le dimorphisme des Lépidoptères avec la saison, notamment
(YAraschnia levana et prorsa, faits publiés bien auparavant parDupon-
chel. — Breitenbach, Vorlduf. Mittheil. ilber einige neue Untersuchungen
an Schmetterlingsrilsseln (Recherches sur la structure de la trompe des
428 LÉPIDOPTÈRES.
Lépidoptères) {Àrchiv fiir mikr. Anat. , XIV, 1877). — Von Siebold,
Beitrâge zur Parthenogenrsis (1er Arthropoden, Leipzig, 1871 (Parlliéno-
genèse cliez Psyché {Cochlophora S.) Hélix, Solcnobia triqiielrclla et
lichenella). — IL Wagenberg, Quelques Observations de parthéno(jencse
chez les Lépidoptères {Archives néerlandaises des se. physiques et natu-
relles, 1870, V). — E. Versoii, Sulla parthenogenesi nel Bombice del Gelso
{Annuario del R. Stazione bacologica sperimentale di Padova, 1872).
Si le sexe n'apparaît presque jamais chez la chenille par des ca-
ractères extérieurs, on doit dire qu'il en est tout autrement pour les
organes internes, qui décèlent le mâle et la femelle chez les chenilles
même très jeunes. Ce sont principalement ces développements de l'ap-
pareil reproductem' qui sont la base des travaux d'Hérold(lj. Il établit
que l'œuf des Lépidoptères se compose d'un vitellus remplissant
presque toute la capacité de l'œuf, d'une petite quantité d'albumine et
d'un blastoderme qui n'apparaît qu'après la fécondation, sauf les cas
de parthénogenèse. Dans le Pieris Brassicœ, l'œuf, observé aussitôt
après la ponte, renferme une liqueur granuleuse assez consistante, de
couleur jaune (vitellus et albumen). Les globules vitellins sont arron-
dis ou ovalaires. Ils sont de couleur rouge dans l'œ'uf de Liparis ma-
nacha, de couleur bleue tirant sur le violet dans l'œuf de Bombyx
Quercûs, de couleur verte dans l'œuf de Dicranura vinula, jaunes
dans l'œuf de Pieris Brassicœ: d'un vert tendre au centre et incolores
sur les bords dans l'œuf de Smerinthus ocellatus, violacés au milieu
ou en plusieurs points, et se décolorant vers les bords, dans l'œuf
d'Odonestis potatoria.
Hérold a étudié les premiers rudiments des œufs dans les quatre
gaines ovigères de la chenille à tout son développement de Bombyx
Rubi, et dans les quatre gaines ovigères de la chrysalide de Pieris Bras-
sicce âgée de huit jours. Il a consacré cinq figures de son traité à re-
présenter les rudiments d'œufs pris dans la chrysalide ù-'Attacus Piri,
a étudié comparativement les œufs de Bombyx Quercûs et de Smerin-
thus ocellatus immédiatement après la ponte, au bout de 6 heures, de
15 heures, de 36 heures, de US et de 72 heures.
Nous avons vu que les petites chenilles, pour sortir de l'œuf, rongent
le chorion à la région micropylaire et l'avalent. M. Balbiani a reconnu
dans l'intestin des petits Vers à soie àl'éclosionles rosaces micropylaires.
(1) Moriz Johann David Herold, Schmetterlinge, anatomisch und physiologisch
Bearbeitet (Cassel and Marburg, Krieger, 1815). — Physiologische Untersuchun-
gen ûber das Mickengefuss der Inseden; ein Beitrag zuv Entwickclungsges-
chichte und Métamorphose der Insccten [Abhand. naiurf. Gesellsch., Marburg,
1823 t. I, p. 41-107). — Recherches sur le développement des œufs citez les
Insectes [Ann. se. natta-., ZoOL., 1839, l. XII, p. 176-205). C'est une analyse de
Disquisiliones de animalium vertebris carentium in ovo formatione, de gene-
ratione Inscciorum in ovo.
LÉP[DOPTÈUES. 129
La premiôre défécation do ces chenilles oiïre ces rosaces et la mem-
brane amnios de l'œuf fécondé avalée par le petit ver. On voit l'œuf
s'éclaircir au moment d'éclore, (juaud la chenille mange celle mem-
brane amniotique interne.
Les organes reproducteurs des deux sexes commencent de la même
manière dans les jeunes chenilles des Lépidoptères. Ce sont deux cap-
sules adhérentes à la face dorsale, offrant chacune, dans la plupart des
genres, quatre lobes séparés par des sillons transversaux, et qui se
séparent aisément chez certaines Noctuelles , si l'on vient à rom-
pre la membrane extérieure : ces lobes sont peu distincts chez les
Bombyciens. A l'extérieur, les capsules génitales sont recouvertes par
une membrane péritonéale (scrotum, tunique vaginale chez les mâles),
qui persistera chez les mfdes et se résorbera peu à peu chez les fe-
melles. En dessus un court ligament suspenseur les relie au vaisseau
dorsal ; de leur partie inférieure et interne partent deux filaments qui
descendent de chaque côté du vaisseau dorsal, et, après avoir traversé
le tissu graisseux, viennent se rendre à un petit mamelon situé der-
rière le rectum (Hérold). Dans beaucoup d'espèces, la coloration spé-
ciale au scrotum persistant des mâles permet de reconnaître ce sexe à
l'avant-dernière mue ; toutefois, dans la plupart des cas, elle ne se pro-
duit que dans la chrysalide. Les sécrétions propres aux organes géni-
taux se rencontrent dès la chenille. On trouve, dès le premier âge des
chenilles, quatre filaments en voie déformation, qui, chez les mâles,
ne tardent pas à être remplacés par des masses spermatiques, visibles
au microscope dès la seconde ou la troisième mue. Le développement
des spermatozoïdes des Lépidoptères a été étudié par H. Mayer (Ar-
chives de Siebold et KuUiker, i8l\9) en partant des chenilles encore très
jeunes. Ces spermatozoïdes existent dans le Ver à soie quinze jours
avant la nymphose. Chez la chenille femelle, à l'intérieur des filaments
qui persistent, se produisent, à ravant-dernière mue, des étrangle-
ments qui représentent les premières traces des œufs. Il n'est pas rare
même, qu'avant la transformation en chrysalide, les œufs soient assez
développés pour être aperçus à la loupe à travers les parois des capsules
génitales. Ces capsules génitales sont d'autant plus développées dans
la chenille, que la vie de la chrysalide est plus courte. Ainsi ,
dans la grosse chenille de VAttacus Piri , qui reste huit mois à
l'état de chrysalide, ces capsules sont d'une petitesse remarquable
et ne présentent pas de lobes à leur surface. Dans les espèces où
les métamorphoses sont assez longues et qui n'ont qu'une génération
par an, les œufs n'apparaissent que pendant l'état de chrysalide.
Les capsules génitales mâles ou testicules, toujours séparés dans
la jeune chenille, se rapprochent graduellement et s'accolent sous
un scrotum unique chez presque tous les Lépidoptères, sauf des
Tinéiniens. Pendant les premiers jours on peut encore les séparer
facilement avec la pointe du scalpel; mais bientôt la fusion devient
GIRARD. in. — 9
130 LÉPIDOPTÈRES.
plus complète, les deux capsules se soudent intimement et la cloison de
séparation se résorbe peu à peu ; les quatre lobes qui étaient dessinés
à leur surface disparaissent eux-mêmes. Cependant chez quelques es-
pèces {Ophiodcs tirrhœa, certains Sphinx) cette segmentation persiste.
Dans beaucoup de Bombyciens les testicules restent bien séparés sous
la membrane péritonéale, très nettement chez Sericaria Mori, se dis-
joignant aisément au scalpel chez Attaciis Piri. Dans ces espèces le pa-
pillon les oflïe bien séparés et disjoints après la copulation. Le canal
déférent et ses annexes se développent peu à peu dans la chrysalide;
la dualité 'des canaux déférents qui partent du testicule suffirait au
besoin pour démontrer la dualité primitive de celui-ci. Ils se réunissent
en un canal éjaculateur unique et médian, qui fait de très nombreu-
ses circonvolutions dans la chrysalide de PierisBrassicœ (Hérold). Quand
le testicule arrive à maturité à la lin de la vie de la chrysalide, il est
rempli de longs faisceaux de spermatozoïdes accolés, présentant d'ordi-
naire un renflement à un bout et s'atténuant peu à peu vers l'autre.
Quant au développement des organes femelles, lorsque la chenille
est passée à l'état de chrysalide, les tubes ovigères, en se développant,
deviennent trop grands pour être contenus dans la capsule et la dé-
passent un peu par leur partie inférieure. En môme temps la mem-
brane capsulaire devient de plus en plus mince et se réduit à une
simple pellicule qui se résorbe peu à peu. Les quatre gaines ovigères
restent attachées au sommet de la capsule, et, après la résorption de
celle-ci, demeurent reliées à la partie dorsale de la chrysalide par les
deux ligaments qui suspendaient chez la chenille les germes des
organes génitaux, et ces cordons suspenseurs se raccourcissent souvent
par les progrès des tubes ovigères. Ceux-ci, en se développant, se
rapprochent du point d'insertion des deux filaments qui les joignent à
la base de l'abdomen. Du mamelon où se rendent ces filaments on voit
se soulever un oviducte unique, l'analogue du canal éjaculateur du
mâle, et, de chaque côté, se forment les divers appendices qui recevront
le liquide séminal, fourniront le vernis agglutinatif des œufs, et servi-
ront à diverses fonctions encore mal connues. Pendant le développe-
ment de ces divers organes, les trachées qui se rendent au milieu des
tubes ovigères se renflent à leur extrémité, souvent même se termi-
nent par une série de renflements qui distribuent l'air à profusion
dans ces organes. Une série d'étranglements, où se formeront les œufs,
se produisent dans les quatre gaines ovigères, et cette formation a lieu
de la partie la plus basse des gaines, ou la plus voisine de l'oviducte,
à la partie supérieure, de sorte que leur sommet contient constam-
ment des œufs avortés. Bien avant que les étranglements soient com-
plets, on aperçoit dans les œufs la vésicule germinative et la tache
germinative. Puis les œufs se séparent nettement les uns des autres,
et de grandes cellules vitelUnes entourent l'auréole. On voit enfin se
former, à partir de la base de l'œuf, le chorion et la coque de couleur
LÉl'IDOFrÈRES. 131
jaunâtre, plus ou moins ouverte selon les espèces. A Ui parlie supé-
rieure, la coque forme un petit renflement où se trouvera le micro-
pyle. 11 n'est pas rare, en dégageant l'œuf de sa coque encore molle
chez le Scricaria Mari, de voir que la vésicule germinative a disparu
et que la segmentation du vitellus a commencé, comme elle a lieu
normalement dans l'œuf fécondé. Ces sortes d'œufs doivent se rap-
porter à la parthénogenèse.
En même temps que se développent les organes génitaux internes
et leur contenu, les organes extérieurs se forment au dernier anneau
de la chrysalide. Ils n'ont pas, comme les autres appendices extérieurs,
de moule ou de fourreau propre, mais se constituent de foutes pièces
dans un plasma qu'on peut apercevoir en détachant le dernier segment
de la chrysalide. M. À. Barthélémy s'est proposé de retrouver dans l'en-
semble de ces organes génitaux terminaux la constitution du dernier
anneau de la chenille, et a pris surtout ses exemples dans le Ver à soie.
Chez le mâle, à la partie dorsale, on voit se développer une pièce
cornée représentant le disque, qui, chez la chenille, forme la partie
dorsale du dernier anneau ; deux crochets latéraux qu'on nomme
assez improprement forceps, rappellent, par leur position, leur direc-
tion et leur jeu chez le papillon, les deux pattes membraneuses qui
accompagnent le dernier anneau de la chenille. Au centre de l'espace
compris entre ces trois pièces se développe le fourreau corné contenant
le pénis, et se reliant avec l'extrémité du canal éjaculatcur par des
muscles puissants qui feront jaillir le sperme. Le fourreau est garni à
sa base d'une plaque cornée, ainsi que l'ouverture de l'anus, et aussi
de deux petites pointes. 11 faut remarquer que les insectes n'ont pas de
pénis préformé ; c'est le canal éjaculatcur qui s'évagine au dehors,
comme chez l'Écrevisse mâle, par la base de la cinquième paire de
pattes. C'est un refoulement en doigt de gant. Les éléments constitu-
tifs se placent alors en ordre inverse : ce qui était intérieur devient
externe ; la cuticule vient au dehors. L'attache des testicules met arrêt
à une sortie trop forte de ce pénis évaginé et adventif. C'est autour
de ce pénis évaginé que sont les pièces solides de copulation, valves,
crochets, crampons. L'organe femelle externe qui se forme dans la
chrysalide est constitué sur le même type. Outre des plaques cornées
qui entourent les ouvertures de Faims et de la poche copulatricc, on
trouve encore un organe ovoposeur, quelquefois un oviscaptc rctrac-
tile (Sésies, Zeuzôre, Cossus, etc.), muni de deux appendices pouvant
se gonfler à volonté et rappelant très bien, par leurs mouvements, les
dernières pattes membraneuses de la chenille. La formation des or-
gancs génitaux, soit internes, soit externes, semble fixer la durée des
métamorphoses ; le papillon ne sort jamais de sa chrysalide avant que
les faisceaux de spermatozoïdes ou les œufs soient arrivés à leur com-
plet développement. On peut dire que l'individu meurt dans la chry-
salide, et que l'espèce naît avec le papillon. Les chrysalides, à la fin
132 LÉPIDOPTÈRES.
surtout de leur évolution, manifestent déjà l'appétit sexuel, comme
on peut le reconnaître aux mouvements qu'exécute une chrysalide
mâle de Ver à soie, si on place contre elle une chrysalide femelle.
Si nous passons enfui au papillon, nous verrons que les organes gé-
nitaux mrdes se composent, après les transformations que nous avons
suivies, dabord de deux testicules, libres dans le Sericaria Mûri, les
Yponomeutes et divers Tinéiniens, simplement accolés dans VAttacus
Firi, profondément soudés entre eux dans la plupart des espèces. Les
capsules spermifiques, qui constituent ce testicule d'aspect le plus sou-
vent unique, ont une tunique propre avec cuticule, en outre une
couche albuginée de cellules qu'on rend visibles par l'acide acétique.
De plus, il y a une enveloppe externe, scrotum, tunique vaginale ou
péi'ilonéale, qui présente des colorations variées, noire dans les Clielo-
nia, rougeâtre chez Ophiodes tirrhœa et Picris Brassicœ, d'un gris
cendré ou d'un blanc pâle dans la plupart des Sphingiens, etc. Les
deux canaux déférents se terminent par une partie renflée ou vésicule
séminale, souvent 'remplie de faisceaux de spermatozoïdes, et se ren-
dant à un long canal éjaculateur, unique et flexueux. Dans le canal
éjaculaleur s'ouvrent des glandes accessoires ou coUélériques, glandes
mucipares d'usages assez mal connus, dont la sécrétion parait surtout
destinée à délayer les masses spermatiques, peut-être aussi à donner
plus de vivacité aux spermatozoïdes, qui sont presque immobiles dans
les testicules. On trouve dans les conduits déférents et les glandes mu-
cipares une tunique propre, et dans les conduits déférents une couche
de fibres musculaires aidant à expulser les spermatozoïdes. La couche
musculaire manque toujours dans les glandes mucipares; la tunique
péritonéale y est très développée, et sécrète une cuticule interne. Le
canal éjaculateur contient souvent à l'intérieur une matière gluante et
semi-transparente, et vient s'insérer à la base du pénis par une partie
très musculeuse. Nous avons vu que, d'après M. A. Barthélémy, les
organes externes du papillon mâle de Sericaria Mori représentent le
dernier anneau de la chenille. Cette ressemblance est plus parfaite
dans d'autres espèces. Chez VAttacus Piri et chez beaucoup de Sphin-
giens, comme Sincrinthus Tiliœ, Deilephila Euphurbiœ, etc., les deux
forceps cornés du papillon du Ver à soie sont remplacés par des lames
planes et mobiles, dont la forme rappelle encore bien mieux les deux
pattes membraneuses de la chenille. Dans quelques iNoctuelles, le
pénis est entouré de panaches de poils, insérés sur des tubercules qui
représentent des forceps rudimentaires. Le pénis est enfermé dans un
fourreau de forme variable, mais toujours corné. Cet organe principal
de la copulation est formé d'une partie allongée, terminée par un ren-
flement qui rappelle par sa forme le gland des animaux supérieurs.
Dans beaucoup de Phaléniens, ce renflement terminal entre en forte
turgescence lors du coït, et se hérisse d'une couronne de soies raides
qui étaient couchées lors de l'intromis'ion et contribuent beaucoup à
LÉPlDOPTiiRES. 133
empêcher la sortie de l'organe, au point qu'on peut rompre les abdo-
mens si l'on tire les deux sujels bien accouplés. Le pénis est très
allongé chez l'es Psychés.
M. Buchanan White a récemment étudié l'armure génitale mftlc dans
les divers groupes européens des Rhopalocéres et dans les Zygénides.
Le dernier segment abdominal présente des prolongements, ordinaire-
ment un supérieur, qn'iliiomraii tegumen, et deux latéraux, qu'il appelle
harpagones. L'abdomenpropre se termine pour lui au septième segment;
les deux derniers seraient les segments génitaux, le huitième formé
par les appendices précédents, le neuvième parles organes génitaux.
Ce n'est qu'en enlevant les poils et les écailles qu'on aperçoit les ap-
pendices. Le tegumen est un anneau de chitine plus développé dans
l'arc dorsal du segment que dans l'arc ventral, et offrant un prolonge-
ment médian et des lobes latéraux. Les harpagones se composent d'ar-
mures plus ou moins élargies, convexes extérieurement, concaves
intérieurement. Dans les Zygénides, les harpagones sont placés sur
l'anneau dont le tegumen est le prolongement dorsal, et ils sont joints
à ce dernier. Au moyen des muscles insérés sur ces organes, l'insecte
peut à volonté les écarter ou les rapprocher. En outre, l'organe d'in-
tromission offre des gaines en dessus et en dessous. Dans le genre
Zijgœna, la gaine supérieure est triangulaire et couverte d'épines en
dessous; la gaine inférieure est plus petite, non régulièrement trian-
gulaire, et sa surface supérieure ou intérieure est couverte d'épines.
Dans l'état normal, les sommets des gaines et les épines sont dirigés en
arrière ; mais, lors de la copulation, les gaines péniales sont renversées
(la surface extérieure devenant intérieure) et les épines sont dirigées
en avant.
Les organes génitaux des Papillons femelles offrent des particularités
importantes, spéciales à Tordre des Lépidoptères. Nous avons vu la
capsule génitale, qui, dans la chenille, entourait les organes femelles
internes, se résorber peu à peu pendant l'état de chrysalide, et laisser
libres dans l'abdomen les quatre gaines ovigères de chaque côté, qui
restent fixées au tube circulatoire par les mêmes ligaments suspen-
seurs qui soutenaient auparavant les capsules. Dans l'intérieur de ces
quatre gaines ovigères, qui sont enroulées en corne sur elles-mêmes,
se sont développés dos œufs en grand nombre, dont les derniers, situés
vers le sommet des gaines, n'arriveront jamais à maturité. Les œufs
grossissent sur place dans la gaine, et non en cheminant. Le point
végétatif est le bout seul de la gaîne. Les gaines viennent s'insérer de
chaque côté à un col commun, par où les œufs descendront dans
l'oviducte.
On sait que chez divers insectes le fond du vagin se dilate du côté
dorsal, de manière à former un cul-de-sac plus ou moins profond qu
se porte en avant, au-dessus de la partie terminale de l'oviducte; et
d'autres fois ce ca'cum, au lieu d'être un simple prolongement du
I3i LtPIDOPJÈUES.
canal qui constitue le vagin, se rétrécit à son embouchure, de manière
à prendre la forme d'une vésicule pédonculée qui débouche dans la
portion vestibulaire du vagin, au-dessus et en arrière de l'orifice ter-
minal de l'oviducte. Quelquefois mOme cette portion vulvaire de l'ap-
pareil copulateur se raccourcit de façon à se confondre presque avec le
cloaque, et les deux orifices appartenant, l'un à l'oviducte, l'autre au
sac appendiculaire dont on vient de parler, peuvent s'ouvrir isolément
dans cette poche, où débouche aussi l'anus. C'est précisément là le cas
spécial des Papillons femelles, qui ont trois orifices distincts au bout du
dernier segment de l'abdomen. En bas est l'anus ; au milieu, l'ouverture
de l'oviducte, par laquelle sortent les œufs lors de la ponte ; et en
haut le vagin, dans lequel entre le pénis du mâle pendant la copula-
tion, et qui aboutit à la vésicule ampuiliforme dont nous venons de
parler. Cette poche est essentiellement un organe copulateur. Malpighi
constata, le premier, chez le papillon femelle du Ver à soie, une vési-
cule placée à l'entrée de Tappareil génital, vide et contractée avant le
coït, pleine d'un liquide blanchâtre après. Hunter {Observ. on Bces, Phi-
losophical Trans., 1792, p. 186), en ouvrant des Bombyciens accouplés,
constata que le pénis du mâle avait pénétré jusqu'à l'entrée de cette
poche à semence, et que le liquide blanchâtre contenu dans ce réser-
voir était apte à la fécondation artificielle des œufs extraits de l'ovi-
ducte, comme le sperme puisé directement dans l'appareil génital
du màlc.
11 est curieux de remarquer que l'appareil fécondateur, avec la
poche à semence , est également très bien développé chez certains
Lépidoptères qui paraissent se reproduire ordinairement par parthéno-
genèse, et dont les mâles sont très rares ou encore inconnus. Cela a été
constaté chez Solenobia {Talœporia ) triquetrella.
Audouin a eu souvent l'occasion de constater que pendant l'accou-
plement, le pénis du mâle est logé dans cette poche, où il déverse la
semence {Lettre sur la génération des Insectes, dans Ann. des sciences natu-
relles, 182Zi, t. II, p. 281). De là le nom de jwclie copulatrice, donné par
Audouin à cette cavité où se dépose le sperme. Cbez VOEnophthira Pille-
riana, ou Pyrale de la Vigne (Audouin, Histoire des Insectes nuisibles à la
Vigne^ et particulièrement de la Pijrale, Paris, 18Zi2), il y a une grosse poche
copulatrice indépendante du canal vecteur qui met l'ovaire en commu-
nication avec l'extérieur. L'organisation du Ver à soie est la même.
Cornalia a vu que la poche copulatrice n'a pas seulement pour fonction
de recevoir le pénis et le sperme du mâle, mais qu'il s'y exerce sur le
sperme une certaine influence dissociant les spermatozoïdes de leurs
faisceaux et de la matière enveloppante, de sorte que ces faisceaux,
encore immobiles lors de l'éjaculation, deviennent, dans la poche copu-
latrice, des spermatozoïdes isolés, libres et mobiles. Chez tous les Lé-
pidoptères, la poche copulatrice ne conserve pas longtemps dans son
intérieur le sperme injecté par le pénis, ou du moins sa partie essen-
i.Èi>ii)OiTfciu;s. 135
tielle, les spermatozoïdes actifs. Un conduit latéral membraneux, ou
canal séminifère, va de la poche copulatrice à l'oviducte, et vis-à-vis
débouclie dans l'oviducte un autre conduit, canal fécondateur, allant à
un autre réceptacle ampulliforme, plus pelit que la poche copulatrice,
et qui est ]a spermathèqae ou vésicule séminale. Hérold, dans son travail
sur la Piéride du Chou (planche IV), a bien vu les deux ouvertures
séparées pour le pénis et pour les œufs. 11 figure la poche copulatrice
et le réceptacle séminal, avec deux glandes sébifiques et l'origine
d'une glande annexe, probablement nourricière des spermatozoïdes.
Le mécanisme exact du passage du sperme d'une poche à l'autre et
de la fécondation des œufs a été découvert par M. Balbiaui, et rcsulle
d'une diflerencc de struclurc anatomique des parois. F>a poche copula-
trice est dénuée de fibres musculaires; les spermatozoïdes actifs en
sortent par un mouvement propre, et se rendent dans la sperma-
thùque, qui ne contient ainsi que la partie la plus pure de la semence.
I.a spermalhèque est pourvue de fibres musculaires, de sorte que la
semence tombe sur les œufs par le canal fécondateur, en raison d'un
mouvement réflexe des muscles de la spermathôque, à mesure que
chaque œuf vient toucher^ le col du canal fécondateur, et le spermato-
zoïde entre dans l'œuf parle micropyle. Audouin a constaté sur la Pyrale
de la Vigne que les œufs extraits de l'oviducte d'une femelle qui a reçu
le mâle sont aptes à se développer, si on les prend en aval de l'embou-
hure du canal fécondateur de la spermalhèque, tandis qu'ils sont sté-
riles si on les prend en amont do cette ouverture. Kn même temps le
second des tubes génitaux, ou oviducte, communiquant aux gaines ovi-
gères et entièrement distinct du vagin de copulation, reçoit plus bas
que le canal fécondateur le produit des glandes collétériques, sécré-
tant le vernis ou enduit fixateur des œufs, et conduit au dehors l'œuf
fécondé et vernissé. Chez la Pyrale, il y a une paire de ces glandes col-
létériques, consistant chacune en un long tube grêle, terminé en
cœcum et dilaté en forme d'ampoule près de son insertion à l'oviducte.
11 faut bien remarquer que les spermatozoïdes sortis de la poche copu-
latrice dans les vingt-quatre heures, séjournent ensuite pendant un
temps plus ou moins long dans la vésicule séminale de la femelle, ou
spermalhèque. Ils y subissent une véritable incubation, et une petite
glande y déverse la nourriture de ces spermatozoïdes, de sorte qu'ils
restent longtemps actifs. On s'explique ainsi comment un seul accou-
plement peut être suivi de la production d'œufs féconds pendant
plusieurs jours, et même une ou deux semaines pour certaines
espèces.
Le mécanisme anatomique que no'us venons de décrire explique très
bien un fait important de la maladie des psorospermies ou corpuscules
du Ver à soie. M. Balbiaui regarde la poche copulatrice comme un
organe d'épuration du sperme, retenant les particules étrangères,
notamnient les psorospermies de la pébrine du papillon mâle du Ver
136 LÉPIDOPTÈRES.
à soie malade. Les mieux développés et les plus agiles des filaments
fécondants parviennent seuls, par leurs mouvements propres, dans le
réceptacle séminal pour s'unir ensuite, dans l'oviducte, à l'élément
femelle ou œuf. L'inertie des parois de la poche copulatrice explique
comment les corpuscules morbides mêlés au sperme restent dans cette
poche, et que pas un seul ne passe dans le réceptacle séminal : ce qu*
permet de comprendre pourquoi un papillon niàle corpusculeux n'in-
fecte pas les œufs d'une femelle saine à laquelle il s'accouple. On se
rend également parfaitement compte des superfétations, quand une
même femelle subit l'approche de plusieurs mâles différents. Ainsi
M. Bigot, à Pontoise, qui se livre à de nombreux essais d'acclimatation
de séricigênes exotiques, a vu une femelle à'Aftacus }a»i«-maï, G.-Mén.,
successivement fécondée par un mâle de son espèce et par un mâle
d'une espèce voisine, l'.l. Pernyi, G.-Méu., pondre des œnifs dont les
uns ont donné des A. Yama-maï purs, les autres des métis des A, Yama-
mat et Pernyi. Les spermatozoïdes des deux espèces ont coexisté, sans
se nuire, dans la spermathèque de la femelle, et, tantôt l'un, tantôt
l'autre est tombé sur l'œuf sorti des gaines ovigères de la femelle.
Chez les insectes autres que les Lépidoptères, il n'y a, à l'extrémité
de l'abdomen, que deux oritices, l'anus et le vagin-oviducte. Le pénis
du mâle et son sperme passent par le même orifice que les œufs pondus.
Ce sperme se rend tout de suite à la poche copulatrice d'Audouin,
quand elle existe, c'est-à-dire dans la plupart des Coléoptères, chez
quelques Orthoptères et Névroptères. Chez les Lépidoptères, la poche
copulatrice a son vagin spécial. Chez les autres insectes, les deux
poches, copulatrice et spermathèque ou réservoir séminal, sont en
général remplacées par cette dernière seule, où se rend tout de suite
le sperme du mâle.
La glande qu'on appelle annexe ou accessoire, collétérique des An-
glais, sébifique (à tort) de L. Dufour, n'a pas, en général, de muscles.
Elle offre une couche épilhéliale de cellules sécrétantes colorées et, en
dedans, une cuticule. La substance de la glande accessoire, qui fournira
le vernis collant de la coque des œufs, n'est pas grasse, comme le
croyait L. Dufour. C'est plutôt une matière soyeuse, avec tibroïne,
comtne dans les glandes à soie des chenilles et des Araignées, insoluble
dans l'eau, l'alcool, l'éther, les alcalis, ne rougissant pas par le carmin
et l'aniline, fortement colorée en brun par l'iode. C'est une matière
albuminoïde bien plutôt qu'une graisse,
Les organes génitaux externes des femelles de Papillons sont encore
moins développés que ceux des mâles. Cela tient au peu d'industrie de
ces femelles pour opérer la ponte de leurs œufs. L'organe ovoposeur,
formé par le dernier segment de l'abdomen est très simple, muni de
deux cour! s appendices pouvant se contracter ou se dilater, sous la
volonté de l'animal. Il y a certains genres, comme Cossus, Zeuzera, etc.,
où les femelles pondent leurs œufs dans les fentes du bois. L'organe
LÈPIDOPit.RKS. l.'n
ovoposeur, analogue à celui de certains Diptères, est alors formé de
lubes articulés et rétractiles, de diamètres décroissants, comme le tuyau
d'une lunette. Chez Zeuzera uEsculi, il se compose de deux tubes rétrac-
tiles, dont le premier porte deux petites pointes. A l'intérieur, on aper-
çoit une pièce centrale cornée présentant une pointe médiane et deux
appendices latéraux, qui forment comme une pince pour aider au
mouvement des œufs. Deux poils latéraux longs et raides viennent
aboutir à l'ouverture de ce tube de ponte, et paraissent avoir pour
fonction de lui donner une rigidité suftisante. Cet organe, ovoposeur
dans toute son extension, est très long et très mobile, dépassant en
longueur le tiers de l'abdomen.
Bihiiograpiiie. — Nous indiquerons ici les titres des travaux les plus
récents à consulter sur l'embryogénie des Lépidoptères et surl'anatomie
de leurs appareils reproducteurs : — Kowalewsky, Einbryoîogische Stu-
dien an Wiirmern vnd Arthropoden (Développement embryoïmairc des
Lépidoptères : Pterophorus pentadactyius, Smorinthus Populi, Gastropaclia
Pini) {Mém. Acad. Saint-Pétersbourg, 1871, t. XVI, n" 12). — E. Bessels,
Studien iiber die Enlwickelung der Sexualdrusen bei den Lepidopteren
(lléveloppement des glandes sexuelles) {Zeit.'^chr. fur wiss.ZooL, 1867,
t. XVII). — Ganini, Ueber die Embryonalhxdle der Hymenopteren und
Lepidopteren Embryonen (Développement embryonnaire cbez Sericaria
Mori et Pieris Brassicœ) {Mém. Académie Saint-Pétersbourg, 7" série,
1868, t. XIV). — R. Ludwig, Ueber die Eibildung im Tliierreich (For-
mation de l'œuf chez les Lépidoplères) {Arbeiten der Zool. Zootom.
Instituts zu Wiirzburg, I; à part, 187^). — H. Uathke, Etudes sur le déve-
loppement des Insectes {Stettin entomol. Zeitung, 1861, p. 169 et 229):
les Lépidoptères examinés sont : Sericaria Mori, Liparis Salicis, Liparis
dispar. — Ottmar Hofmann, Beilriige zur Naturgeschichte der Coleo-
phoren {Stettin entom. Zeit., 1869, p. 107,. 187) (ce sont les Coléophores,
Microlépidoptères à chenilles enveloppées de fourreaux de cellulose,
les Teignes à falbalas de Hèaumur). — Ottmar Hofman, Beitrdge zur
Kenntniss der Parthenogenesis{Stett. entom. Zeit., 1869, p. 299j (cette noie
traite de la parthénogenèse de divers Lépidoptères). — D' Schtcich,
Développement du Pterophorus didaclylus, Linn. (Ptérophoriens, Micro-
lépidoptères) {Stett. entom. Zeit., 186/i, p. 97). — A Dohrn, Notizen zur
Kenntniss der Inseklenentivickelung (Sur le développement des Insectes)
{Zeitschr. fur tviss. Zool., 1876, t. XXVI). — Berthold Hatschek, Beitrdge
zur Entwicklungsgeschichte der Lepidopteren (Développement des Lépi-
doptères) {Jenaische Zeitschrift Naturwissenschaft, 1877, t. XI). — E. Ver-
son, Beitrdge zur Anat. der Bombyx Yama-maï (Analomie de Y AtUicus
Yama-maï } (Sitzungsber ■ derK. K.Acad. derWissensctmftenzu n7eH,1870,
LXI, p. 913). — Balbiani, Sur le mécanisme de la fécondation chez les Lépi-
doptères {Comj)tesi'endus de l'Acad. des sciences, 1869, t. LXVIII, p. 781). —
While, F. Duchanan, On ilte maie génital Armature in the European
138 LÉPlDOPTKUtS.
Rhopalocera [Journal of Linn. Soc, 1877, t. Xlll, p. 195, et Traufi. of the
Linn. Soc. of London, 2' série, Zool., 1878, t. I, p. 357 à 369, pi. 55, 56i
57). Observations sur l'armure génitale de plusieurs espèces françaises de
ZvGENiD/t: [Ann. Soc. entom. France, 1878, p. Zj67, pi. xi et xii).
Quelques recherches intéressantes d'anatomie interne ont été faites
sur les yeux des Lépidopti'res, soit composés (adultes), soit simples
(chenilles). Sclmltze place dans un premier groupe tous les Insectes,
sauf les Coléoptères et LépidoptiVcs nocturnes ou plutôt crépusculaires,
qui en forment un second. Dans les cornéules do l'œil composé de ces
derniers, le bâtonnet nerveux se renfle en massue antérieure, où s'em-
boîte par juxtaposition la base du cône cristallin. Le bâtonnet nerveux
est formé de quatre prismes accolés, et chaque prisme est un faisceau
de fibrilles. La membraue du cristallin a un trou par où pénètre le
bâtonnet. Chez les Sphinx, les fibres centrales entrent dans la capsule
du cristallin et coiffent sa base d'une cupule nerveuse, comme une
rétine {Sphinx Ligustri). L'analogue a lieu chez le Geotrnpos stercora-
rius (Coléoptères). Chez les autres hisectes, ou premier groupe, le
bâtonnet est enveloppé de deux membranes, l'interne, pigmentée (jaune
chez les Libellules), l'externe, de tissu conjonctif granulé. Cette mem-
brane externe se continue sur le cône cristallin. Chez les Papillons.
Hhopalocères ou Diurnes, le bâtonnet est uniforme partout et offre
deux membranes. La membrane interne présente quatre filets rouges
longitudinaux. Le bâtonnet se termine parfois aminci, parfois non
aminci, contre le cône cristallin indépendant de lui. Marcel de Serres,
dans son Mémoire sur les yeux composés des insectes (1813), croyait les
yeux des Papillons nocturnes, ou de la plupart des Hétérocères, sans
pigment. M. Leydig a découvert l'existence d'une gaine de trachées
autour de la base renflée du bâtonnet nerveux chez les Papillons noc-
turnes. C'est la cause de la phosphorescence rosée de l'œil de ces Papil-
lons au demi-jour, si manifeste surtout chez les Sphinx et les grandes
Noctuelles. En cifet, chez les Coléoptères et les Lépidoptères nocturnes,
le bâtonnet offre à sa base un renflement fusiforme de couleur rose,
avec couches superposées. Il joue un peu l'effet du tapis de l'œil des
Ruminants. Chez les Papillons nocturnes, ce renflement est entouré
d'une gaine de trachées pleines d'air, de sorte que le rose du renfle-
ment basilaire, vu à travers cet air, offre un luisant rosé et phosphores-
cent. Les yeux composés des Insectes sont remarquables par leur nombre
énorme de trachées, qui semblent remplacer les vaisseaux sanguins.
Les cornéules de l'œil composé des Papillons nocturnes sont très con-
vexes, ainsi chez VAcherontia Atropos (Leydig). Les cornéules sont inco-
lores chez les Papillons nocturnes; elles sont bordées de jaune opaque
chez les Diurnes. Les cônes cristallins des Diurnes sont petits et
coniques; ceux des Nocturnes, cylindriques et grands. Chez les Diurnes,
LÉPIDOPTÈUES. 139
ces cônes sont translucides et jaunâtres; il n'y a que quatre trachées
isolées le long du bâtonnet. Chez les Nocturnes, le cristallin est dia-
phane et la base du bâtonnet est enveloppée d'un faisceau de trachées
accolées.
Il y a des Hétéroccres de même conformation générale que les autres
Nocturnes, dont la période active se passe en plein jour: ainsi IcsMacro-
glosses, les Zygéncs, qui volent sous les rayons du soleil. Chez les
Zygœim Lonicerœ, l'œil est celui d'un Diurne ; les cornées sont bordées
de noir; lescônospetits et coniques, entourés d'un abondant pigment; le
b.ltonnet uniforme, ne pi'ésentant que des filets trachéens. Le Macro-
(jlossa Slellalarum a un œil mixte. Les bâtonnets sont fusiformes à la
base, mais le fuseau est incolore et peu renflé; les cônes sont volumi-
neux, peu pigmentés et jaunâtres ; les cornéules sont bordées d'un con-
tour jaune. Selon les doctrines de M. Darwin, on dirait qu'un change-
mont d'habitude a entraîné des modifications anatomiques.
Les chenilles ont dos yeux véritablement simples, analogues à ceux
des Crustacés inférieurs ; tandis que les stemmates ou ocelles des Hymé-
noptères adultes sont des yeux composés où les cornées et les cristallins
se sont confondus chacun en organe unique, les bâtonnets s'étant rap-
prochés davantage. Les ocelles des chenilles et des fausses chenilles
(Tenthrédinicns) sont extérieurement pareils et très probablement aussi
de même structure interne, qui n'a pas été étudiée chez les fausses
chenilles. Nous savons qu'il y a chez les chenilles six ocelles au-dessus
de chaque mandibule, comme Malpighi l'a reconnu d'abord sur le Ver
à soie (1GG9), et Lyonet, plus lard, sur la chenille du Saule ou chenille
du Cossus Ligniperda; puis Hérold, sur celle de Pieris Brassicœ. Les
fausses chenilles des Tenthrédinicns ont cinq ocelles de chaque côté
(Leydig), pris à tort pour un seul (Lacordaire). Dans l'ocelle des che-
nilles, les parties sont ordonnées suivant le nombre trois.
A la cornée trisegmcntée succède un cristallin de trois parties acco-
lées (c'est le nombre quatre pour les ocelles des Insectes adultes), et
au-dessous un disque aplati, violet, à fibres radiées, qui est un iris à
pupille triangulaire. Le tout repose sur une amphore qui reçoit le nerf
optique. Le bâtonnet nerveux est formé de trois fibres nerveuses, à
deux renflements supérieur et inférieur, ou trois bâtonnets simples,
avec une gaine propre, le tout entouré d'une masse de pigment violet.
En dehors est une couche de fibrilles musculaires, striées en travers,
servant à faire contracter l'aMl. Le névrilème du nerf optique forme
une sclérotique à l'œil. Les six yeux de la chenille sont groupés au-
dessus de la mandibule, sur le côté de la tête, en demi-cercle, cinq
rapprochés, un isolé. Chaque œil de la chenille est animé par un filet
du nerf optique, né de la partie postérieure du ganglion céphalique.
Si l'on compare ce stemmate à celui de l'Abeille, on voit que celui-ci
a un grand nombre de bâtonnets, tandis que celui de la chenille n'en
a qu'un seul, à trois fibres,
IW LÉPlDOPTkr.ES.
Pour observer anatomiquement les yeux des Insectes et en particu-
lier des Lépidoptères, il faut les colorer et les durcir par certains réac-
tifs. Max Schulfze recommande l'acide osmiqiie à un centième au
maximum, qui noircit les tissus nerveux, ou l'acide oxalique concentré.
L'acide azotique, à 25 ou 30 pour 100, dissout ensuite la matière pig-
mentaire; ou bien on emploie la potasse étendue. — Consulter pour les
yeux des Lépidoptères :
Claparède, Sur Vœil de Vanessa lo (Paon de jour) {Zeitschrift Zool.
Siebnld und KôUiker, 1860. — Leydig, Das Auge die Gliederthiere, 186/|
(Sur r(L'il des Articulés, en particulier œil des Chenilles). — H. Lan-
dois. Die Raupen-augen [ocelli compositi, Mihi) {Zeitschr. Zool. Siebold
und Kblliker^ 1866, t. XVI, p. 27, pi. ii (chenilles de Vanessa Urticœ,
Pieris Brassicœ, Bombyx Rubi). — Max Schultze, Ueber den feineren Bau
der Imsaiimengesetztcn Augen d. Krabse und Insekten, Bonn, 1.868 (Sur
la structure des yeux composés des Crustacés et des Insectes, faits
relatifs aux Lépidoptères).
On peut dire, d'une façon générale, que les Lépidoptères sont des
insectes muets. Il en est cependant quelques-uns qui produisent des
bruits, probablement des appels pour la reproduction. Tels sont Chelo-
nia pudica , du midi de la France, et plusieurs espèces des montagnes,
du genre Setina : ainsi S. aurita. Ce sont vraiment des Papillons tim-
baliers. Sur le dernier anneau du thorax, on voit une large membrane
blanchâtre, triangulaire, recouvrant une cavité sans communication
avec l'inférieur du corps, sans tendon ni battant agissant sur la mem-
brane. La membrane parcheminée et sèche, tendue sur la vésicule de
résonnance pleine d'air, vibre sous un coup sec qui vient du dehors,
a reconnu le docteur Laboulbène. Ce sont de petites percussions des
cuisses des pattes postérieures, ou des pressions latérales rapides des
genoux. D'après de Villers, qui a découvert en 1833 le son de l'blcaillc
pudique, on dirait le bruit du métier d'un fabricant de bas. M. Guenée,
en 1861, a fait connaître un acte analogue chez les Setina, où le son
produit imite le tic-tac d'une montre ou les pulsations des Anobium,
ces petits Coléoptères des bois ouvrés, s' appelant la nuit, d'un sexe à
l'autre, en frappant contre les cloisons, avec leur tète, ces coups secs
au milieu du silence de la nuil, qui ont valu à ces Vrillettes le nom
ù'hurluge de la mort. Chez les Chelonia et Setina, les organes de stridu-
lation sont plus développés chez les mâles que chez les femelles. On a
aussi indiqué la production de bruits chez des Rhopalocères, ainsi dans
e Paon de jour {Vanessa lo), chez la chrysalide de Thecla Rubi et chez
quelques chenilles. Le plus célèbre des Papillons sonores est l'énorme
Sphinx à tète de mort, Acherontia Atropos. Il fait entendre un véritable
cri, assez intense, un peu plaintif, analogue au bruit d'un fort parchemin
déchiré. Ce cri se produit également dans les deux sexes, comme je l'ai
constaté sur plusieurs sujets servant à mes expériences de chaleur
animale, et semble lié à un sentiment de crainte. On s'explique com-
LÈI'lDUPlÈUliS. 1^1
mont ce cri, joint au lugubre emblème que porte le Papilïuu sur le
corselet, ait jeté autrefois l'épouvante en Bretagne, comme le rapporte
Réaumur, dans une année où l'apparition en grand nombre de ce Pa-
pillon coïncidait avec des maladies épidémiques, en 1737. On a beau-
coup disserté sur la cause de ce cri, qu'on croyait d'abord provenir de
la spiritrumpe, mais qui se produit encore, celle-ci complètement enle-
vée. D'après le docteur Laboulbène, il provient d'une fente, située de
chaque côté de la base de l'abdomen, d'où sort un éventail de poils, en
même temps que le cri. Au fond de la gouttière est une membrane
sèche; et si l'on passe dessus la pointe d'une aiguille, on entend le cri,
en même temps que l'éventail sort. Ce sont des contractions muscu-
laires, amenant le froissement de la membrane, qui produisent le cri,
comme pour la timbale de la Cigale. En outre, on a signalé chez
YAcherontia Atropos, à la jonction de la cuisse et de la jambe anté-
rieure, une lamelle chitincuse subtriangulaire sur la jambe. Sous cette
plaque est un creux où pénètre une trachée. C'est probablement une
oreille analogue à celle des Grylliens et des Locustiens, qui occupe la
même place sur la jambe antérieure, sur une dilatation près de l'arli-
culation delà cuisse. Il y aune cavité ovale avec un tympan, vis-à-vis
duquel se renfle, pour la résonnance, une des trachées de la jambe. Le
tympan est tantôt à deux membranes (Grylliens), tantôt k une (Locus-
tiens), et il est parfois entouré d'une sorte de conque (Meconema). Un
nerf acoustique arrive par la cuisse au côté antérieur de cette oreille,
et forme un ganglion très allongé sur la paroi de la vésicule. — Con-
sulter : Romanes, Mac-Lachlan, White, Cunningham, On the Sensé of
hearing in Insects {Nature, t. XV, 1877, p. 177, '25Zt, 272 (observations
anciennes et nouvelles de Papillons qui produisent des sons). — Sciiild,
Miscellen {Stetlin entomol. Zeitung, 1877) (production de sons chez la
chrysalide de Tliecla Riibi et chez quelques chenilles).
Les Lépidoptères adultes offrent parfois des sécrétions odorantes,
liées, suit à la fonction de reproduction, soit à des usages défensifs. Les
sécrétions musquées, exagérées chez certains Chevrotains et les Ci-
vettes, moindres chez les Genettes et Desmans,.se manifestant chez les
Vautours en ponte, et lors du rut des Crocodiliens, existent aussi, hors
des Vertébrés, chez certains Insectes. Nous avons eu occasion de les
citer chez certains Formiciens et chez le Velleius ou Quedius dilatatus,
ce rareStaphylinien, commensal des nids de Vespiens et défenseur du
couvain. Le Char axes Jaxius, ce beau papillon méditerranéen, que les
paysans turcs nomment le Pacha à deux queues, sent fortement le
musc, surtout à la sortie de sa chrysalide. Parmi les Hctérocères, le
Sphinx Convolvuli répand une odeur. musquée très prononcée, surtout
récemment éclos et avant l'accouplement. Cette sécrétion musquée
existe aussi, mais beaucoup moindre, chez le Sphinx Ligustri, et je me
suis assuré sur de nombreux spécimens, que dans ces deux Sphinx la
écrétion musquée est propre aux mâles seuls. Le Papilio Machaon
1^2 LÉPIDOPTÈRES.
exhale souvent une odeur prononcée de Fenouil. Nous avons déjà cité le
groupe des Héliconiens, faibles et délicats Papillons de l'Amérique
méridionale, qui sont protégés contre les Oiseaux par une sécrétion-
Acre et fétide, à la façon des larves des Chrysoraèles du Peuplier et du
Tremble. — Consulter Fritz .MûUer, Die Stinkkolbchen cler tveiblichen
Maracuja-Falter (Sur les organes cà sécrétion fétide des Papillons femelles
dont les chenilles vivent sur le Maracuja (Passiflore) au Brésil : Helico-
nius, Eueides, Colœnis et Diane) {Zeitschrift fUr iviss. Zool., 1877,
t. XXX).
A propos de la chasse et de la conservation des Lépidoptères, nous ne
ferons que renvoyer à ce qui a été développé en détail dans l'Introduc-
tion de ce traité (tome I", pages 153 à 164).
La distribution géographique des Lépidoptères ne présente pas les
mêmes lois que celle des Coléoptères ou des Hémiptères, par exemple. En
effet, les Lépidoptères ont, dans les grandes espèces au moins, un vol
puissant, et tendent, comme les Oiseaux, aune considérable extension,
car ils sont facilement entraînés par les vents. Aussi ils caractérisent
bien moins nettement la faune entomologique d'un pays que les ordres
plus sédentaires, à vol médiocre ou nul. De plus, à part quelques excep-
tions pour des espèces vivant de corps gras ou de matières sèches, sur-
tout d'origine animale, la nourriture des Lépidoptères se composant des
diverses parties des végétaux vivants, leur répartition est liée d'une
manière intime à celle de la flore; les chenilles engourdies, les chry-
salides, les œufs, pouvant supporter des températures très basses, il
suffit de quelques jours de chaleur, dans les localités de forte latitude
ou très élevées, pour que des plantes se développant, suffisent au rapide
accroissement de certaines chenilles et reçoivent les pontes des adultes
dont quelques jours de chaleur ont permis l'accouplement. Comme l'a
remarqué Latreille pour l'Lurope, les espèces méridionales commen-
cent là où réussit le vin, deviennent dominantes dans les régions où
croît l'Olivier, et des espèces plus méridionales encore habitent les
pays de l'Oranger et du Palmier. On peut dire que, partout où il y a
des plantes, on trouve des Papillons, même sur les Bolets et les Lichens
(Lithosics, Bryophiles). On voit voler des Papillons jusqu'au sommet
du mont Rose et du mont Blanc; on a trouvé des Phalènes vivantes
sur les neiges du volcan d'Orizaba, au Mexique. Souvent on voit des
Lépidoptères sur les glaciers, se conservant longtemps morls, entraînés
par les tourbillons. Parry a vu quelques Papillons dans les régions
polaires. Sur la côte septentrionale du Groenland, par 70" lat. N.,
dans des vallées très abritées où la végétation était abondante et où
la chaleur concentrée faisait monter le thermomètre à 21 degrés,
Scoresby a pris plusieurs Diurnes, notamment Argynnis Dia et Colias
Palœno. Steller trouva trois espèces de Lépidoptères au Kamtchatka
{Parnassius, Nomion et Delius). L'Islande, qui continue son refroidisse-^
ment lent, n'a plus oflert de Diurnes à M. Staudinger, dans la plus
LtPIDOPTËlŒS. 143
récente exploration qu'on ait faite, mais seulement des Noctuelles et
des Géomètres ressemblant aux nôtres du début du printemps. Des
Lépidoptères nocturnes hyperboréens, des genres Hadena, Anarta, La-
rentia, Eudorea, ont des espèces spéciales au Groenland, au Labrador,
à la Laponie, au pays des Esquimaux (Lefebvre et Duponchel, Ann.
Soc. cntom. France, 1836, t. V, p. 389).
Une première grande faune de Lépidoptères est la faune boréale tem-
pérée^ nom beaucoup plus exact que celui de faune européenne, car l'Eu-
rope, continent adossé dans toute sa longueur à l'Asie septentrionale et
centrale, ne peut, par sa configuration même, offrir des faunes ani-
males prédominantes. Cette première faune lépidoptérique renferme
toute l'Europe; la partie septentrionale de l'Afrique jusqu'au Sahara,
la Palestine; une partie des côtes de l'Arabie, depuis l'isthme de Suez
jusque vers la Mecque et Médine ; toute l'Asie Mineure, la Syrie, l'Ar-
ménie; tout le pourtour de la mer Caspienne, en y comprenant en
Perse le littoral étroit du Mazenderan jusqu'auprès d'Asterabad ; enfin
tout le nord de l'Asie, tel qu'il est limité par l'Altaï et une ligne allant
de cette chaîne à travers le Turkestan jusqu'auprès d'Asterabad. Enfin,
il faut joindre aux précédentes régions une partie de l'Amérique du
Nord, limitée au sud par le fleuve Saint-Laurent, les grands lacs et une
ligne qui s'élève, à travers l'Amérique anglaise, jusqu'à la côte méri-
dionale de l'Amérique russe. Les genres les plus caractéristiques de
cette faune européenne, ou plutôt occidentale, sont : Argynnis, Melitœa,
Tlia'ù, Lycœna, Satyrus, Erebia, Zygœna, Deilephila, etc. Nous ne parle-
rons pas des Noctuelles, Phalénides et .Microlépidoptères, car leur pré-
dominance considérable dans cette faune n'est probablement qu'appa-
rente, et tient à ce qu'on ne les connaît pas encore suffisamment dans
les autres faunes, il faut remarquer pour cette faune, et des faits ana-
logues se retrouvent pour divers types dans les autres faunes, que cer-
taines familles de Lépidoptères sont exclusives à certaines familles
végétales, et les adultes se tiennent sur ces plantes. Ainsi les Zygœna
ne vivent que sur les Légumineuses herbacées, jamais sur les buissons
ni sur les Légumineuses arborescentes ; les Lycœna, sur les Légumi-
neuses herbacées ou arborescentes ; les Satyrus, sur les Graminées ; les
Pieris, sur des herbes, et surtout des Crucifères; les Bombyciens, au
contraire, ordinairement sur des arbres, avec quelques exceptions,
comme Bombyx castrensis, duineti, TrifoUi,Odonestis potatoria^ etc. Les
Conifères ne nourrissent qu'un pclit nombre d'espèces de chenilles
comparativement aux arbres dicotylédones vrais, comme les Amen la-
cées, Bétulinées, Drupacées, etc. ; mais les individus sont nombreux,
Le Chêne, qui nourrit très peu de Diurnes, est l'arbre où se trouvent le
plus de Bombyciens et de Noctuéliens. Le Châtaignier, le Robinier (du
moins dans nos pays), le Marronnier d'Inde, l'Ailante (aussi végétaux
importés), sont pauvres en Lépidoptères, etc.
Certains auteurs distinguent une sous-faune polaire, comprenant la
ilih LÉPJDUPTÈKLS.
Lapoiiie, le Groenland, l'Islande, le Kamtchatka, le nord de l'Amé-
rique, ayant quelques espèces propres et représentées dans les Diurnes
par les genres l'ierin, Colins, Arijynins, Satyrus, Chionobas. Une autre
sous-faune, beaucoup plus étendue, est celle de l'Europe moyenne
avec son prolongement asiatique, et qui s'étend en Europe de la pénin-
sule Scandinave, sauf l'extrême nord, aux Alpes de la Suisse et de
l'Italie. Les espèces de la Sibérie méridionale et du bassin du fleuve
Amour se rattachent immédiatement à cette faune par le plus grand
nombre de leurs types, avec un mélange d'espèces méridionales,
comme Thaïs rumina et Limenitis Aceris, et même d'un certain nombre
d'espèces tropicales, surtout dans le genre Papilio. 11 y a là une in-
fluence remarquable d'un climat excessif ou continental, avec des
hivers longs et très froids, mais un été qui rappelle, par son ardeur,
les chaleurs du tropique; de sorte que l'existence d'espèces tropicales
s'explique par la résistance aux basses températures des œufs et des
chrysalides. Les Papilio Machaon et Podalirus sont aussi bien d'Europe
que d'Asie. Sur les Alpes et sur les Pyrénées, on distingue deux faunes.
L'une est celle des Lépidoptères, qui se tiennent au-dessous de la région
limite des arbres, celle su croissent encore l'Érable, le Bouleau, le Sor-
bier, le Sapin : ce sont divers Erebia, les Parnassius Apollo et Mnemo-
syne, des Arge autres que \Galatea, qui est l'espèce des plaines; divers
Setina; des Géomètres spéciales, comme Tanayra chœrophyllata. Les
Parnassius Apollo et Mnemosyne sont aussi des montagnes moyennes,
comme le Cantal, les causses de la Lozère, les Vosges et le Jura; la
femelle d'Apblh descend même parfois dans les jardins de Besançon. La
faune alpine proprement dite se compose des Papillons qui dépassent
la région des arbres et même les endroits où croît encore le Sapin ordi-
naire dans certains abris. On y trouve les Erebia des plus hautes ré-
gions, Chionubas Aello, Colias Phicomone et Palœno, et des Argynnes
arctiques, Pieris Callidice, Zygœna exulans, Setina ramosa, Nemeophila
Planlaginis var. hospita, qu'on peut aussi rencontrer en plaine, et
même aux environs de Paris; Chelonia Quenseli, trouvé par M. Fallou
près des monts Rose et Cervin, et qu'on croyait jusqu'alors exclusif à
la Laponie; la Plialénide, Psodos alpinata, etc. Cette vraie flore alpine,
voisine des neiges élernclles, peut varier notablement d'altitude, suivant
les localités, et présente nombre d'espèces de la sous-faune arctique, en
raison de l'identité des plantes. Ce qui empêche une parité complète
delà faune et de la flore, c'est que, si la zone alpine offre la succession
annuelle des températures circumpolaires, la répartition de la lumière
y est tout à fait différente. 11 faut remarquer que beaucoup de Papillons
des vallées se mêlent à la faune alpine et sous-alpine. Ainsi, on prend
Vanessa la près de Colias Phicomone, là où les arbres ne viennent plus;
Vanessa Urticœ ^olant sur les glaciers les plus élevés, tout autour du
couvent du grand Saint-F^ernard, et même jusque sur les sommets du
mont Rose et du mont Blanc. On prend Bombyx Qucrcm et Chelonia
LÉPIDOPTÈRES. 145
caja sur le? Alpes les plus hautes; Deilephila lineata, sur des mon-
tagnes trùs-élevées, ainsi que Pyrameis Atalanta ei Cardiii, etc.
Vient ensuite la sous-faune méridionale ou méditerranéenne, qui
comprend essentiellement la Provence en France, l'Espagne et le Por-
tugal, l'Italie avec les îles méditerranéennes, la Turquie, l'Egypte,
l'Asie Mineure, le nord de l'Afrique et la Russie méridionale. On peut
rattacher à cette région, à part de rares espèces spéciales, les îles du cap
Vert et les Canaries, les Açores, Madère et même Sainte-Hélène. Cette
faune est caractéristique par ses Thaïs, par le CharaxesJasius, eiRhodocera
Clropatra, qui remonte, près de Bordeaux, dans les Charentes et dans le
Cantal. On y voit aussi apparaître des formes orientales, comme Argtjn-
nis Pandova, qui se trouve par places sur le littoral occidental de
la France, ainsi abondant près de Bordeaux et sur les remparts de la
Rochelle, remontant même en Bretagne, et Syntomis Phegœa, égaré en
Belgique, sur les remparts de Matines. 11 s'y rencontre aussi des espèces
très méridionales ou africaines, qui seraient môme plus nombreuses, si
elles ne trouvaient, formant obstacle à leur extension, les Alpes et les
vents froids qui en descendent, comme contre-courant du vent chaud
du désert saharien. Ainsi le type des Danais apparaît par Chrysippus,
et sa variété Alcippus, surtout dans la partie orientale du bassin médi-
terranéen, ne résistant pas aux hivers très-froids qu'offre parfois le
midi de l'Italie. Bonelli a, le premier, remarqué que les espèces com-
munes à l'Italie et à la Sardaigne sont de près d'un tiers plus petites
dans cette île, mais à fond plus vif, à bandes et à taches plus foncées,
m«ais moins grandes et même disparaissant quelquefois entièrement
(ainsi Vanessa Ichnusa en regard de V. Urticœ). M. Bellier de la Chavi-
gnerie a noté le même fait pour les Lépidoptères de la Corse, où les
espèces sont presque toutes les mômes que celles du continent, mais
bien plus rares, de taille plus petite et avec un cachet spécial. On
trouve un fait analogue, dans la faune européenne centrale, pour les
îles Britanniques, où les espèces continentales sont en général plus
petites, les Phalénides plus foncées, etc. Les espèces des îles Schet-
land ont aussi un cachet spécial par rapport à celles de l'Angleterre et
de l'Ecosse. En Angleterre, tous les Diurnes sont rares; mais l'humi-
dité du climat favorise la production de nombreuses espèces de Noc-
tuelles, de Phaléniens et surtout de Microlépidoptères. On doit dire, en
général, que les continents et les grandes îles fournissent seuls des
Papillons de taille colossale; ces espèces disparaissent dans les petites
îles de môme latitude, et, dans les îles très-petites et isolées, le nombre
des Lépidoptères est très-restreint. L'altitude a aussi son influence sur
les variations : ainsi le Papilio Machaon des Alpes est d'un tiers plus
petit que celui des plaines ou des collines; de môme Parnassius Apollo
et Argynnis Pales sont bien plus petits sur les hautes montagnes que
plus bas.
La seconde grande faune des Lépidoptères est la faune chaude de l'an-
GIRARD. 1)1. — 10
lZt6 LÉPIDOPTÈRES.
cien continent. Elle se divise en trois sous-faunes. La première est celle
de l'Asie méridionale et des Indes, dite faune indienne. Elle comprend
toute la partie du continent asiatique qui n'appartient pas à la faune
précédente, plus, d'une part, les côtes nubiennes et abyssiniennes de
la mer Rouge et le pays des Somaulis, au sud du golfe d'Aden; d'autre
part, toute la Malaisie et la Polynésie, avec la partie septentrionale de
l'Australie. Le sud de la Chine se rattache à cette faune indienne,
ainsi que l'archipel du Japon, que tant d'autres formes animales rap-
prochent de l'Europe. En Australie, cette faune a envahi, en partant de
la Nouvelle-Guinée, toute la partie septentrionale, ou Queensland; elle
renferme les îles Sondaïques et Moluques, si riches en magnifiques
Lépidoptères. Les îles peu étendues de la Polynésie sont au contraire
très pauvres en Lépidoptères, et ne peuvent former une faune spéciale,
leurs espèces se rattachant, soit à la sous-faune indienne, soit à la sous-
faune australienne. La faune indienne a sa part également dans les
espèces peu nombreuses des îles Maurice et de la Réunion.
La faune indienne est remarquable par la grandeur et l'éclat de cer-
taines de ses formes, et ses genres caractéristiques sont : Ornithoptera,
Danais, Euplœa, Limenitis, Adolias, Diadema et Parnassius, ce dernier
genre, de sa région froide ou montagneuse, rattachant cette faune à la
faune européenne, dont il n'est réellement qu'un genre accessoire, n'y
offrant que cinq espèces, tandis qu'il en a une vingtaine sur le versant
méridional ou himalayen du grand plateau central de l'Asie. L'Attacus
Atlas, qui atteint une taille démesurée dans certaines races, est un type
de la faune indienne. Parmi les Papilio, qui y ont de nombreuses es-
pèces, P. Pammon forme un type limite. On retrouve dans cette faune
quelques espèces de la faune méditerranéenne : ainsi Danais Chrysippus
existe aux Indes orientales, à Java et à Timor; Lycœna bœtica, de
l'Europe centrale et surtout méridionale et du nord de l'Afrique, existe
aussi à l'île Maurice, à Sainte-Hélène et à Timor; Lycœna Lysimon,
d'Espague, de Portugal, de Barbarie, d'Egypte, se prend aussi à Maurice
et au Bengale. Il faut remarquer que, bien que la faune indienne soit,
en général, circonscrite à des régions plus ou moins voisines des tro-
piques, on la voit atteindre en Mantchourie, par un effet de climat
excessif, 30 degrés de latitude N., c'est-à-dire la latitude de l'Europe
centrale. Dans cette riche fauue, il y a des genres répandus sur toute
son étendue géographique ; d'autres, au contraire, limités à des pays
spéciaux, ainsi le curieux genre Cocytia à la Nouvelle-Guinée.
La sous-faune africaine^ comprenant la plus grande portion de l'Afri-
que, Madagascar et en partie les îles Mascareignes, paraît pauvre en
Lépidoptères comparativement à la faune indienne, malgré la haute
température des pays qu'elle renferme. Cela est dû aux conditions
physiques de la majeure partie du continent africain, qui est sèche et
peu boisée. On y rencontre une continuation des formes européennes
et aussi des formes indo-asiatiques qui y ont afflué, peut-être sous l'in-
lépidoptères; lui
fluence des moussons, et qu'on retrouve sur une partie des côtes orien-
tales. Comme caractère propre, on peut dire que l'Afrique est le
royaume des genres Anthocharis, Acrœa, Charaxes, Junonia, Romalco-
soma, Aterica et Harma. Ainsi, par exemple, le genre Anthocharis a
bien les trois quarts de ses espèces africaines, et le genre Acrœa les
quatre cinquièmes. Par contre, les genres Euplea, Danais, Thecla et
Hesperia n'y sont que très-peu représentés.
La sous-faune australienne comprend les parties sud-est et ouest de
l'Australie, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande et les lies Auckland et
Macquarie, ces îles représentant la faune froide et presque circom-
polaire du groupe. Elle présente assez de formes caractéristiques
pour constituer une faune spéciale, subordonnée toutefois à la faune
indienne dont certains rameaux viennent s'y prolonger. Parmi les
influences qui contribuent à la spécialisation, figurent le climat et
la flore. Les genres propres des Lépidoptères de cette faune sont les
genres Antipodites , Agarista, Hecatesia, Synemon, Teara, Opsirhina et
Oikcticus. Le singulier genre Ophideres se trouve en Australie, mais
surtout dans sa partie qui confine à la faune indienne, et aussi dans
l'Afrique australe; c'est le seul genre de Lépidoptères qui offre une
trompe rigide et perforante, de sorte que ces Papillons, qui trouent les
oranges et les bananes pour en sucer le Jus, causent souvent beaucoup
de dégâts dans les plantations.
Une troisième grande faune de Lépidoptères comprend tout le nou-
veau continent, sauf sa partie la plus septentrionale, qui se rattache à
la faune européenne : c'est la faune américaine ou transatlantique. Elle
ne se prête guère à la division en sous-faunes, car les mômes types, bien
plus les mêmes espèces pour quelques-unes, se prolongent sur une
étendue considérable en latitude. Cette absence de modifications pro-
fondes, malgré la vaste étendue géographique, s'explique tout de suite
par la configuration du continent américain, qui est beaucoup plus
régulière que celle de l'ancien monde ; on n'y trouve pas de ces
grandes chaînes de montagnes dans le sens des parallèles, qui modi-
fient si profondément les climats sur leurs deux versants. La faune
américaine est la plus riche en espèces et surtout en individus, peut,
être autant sous ce rapport que toutes les autres ensemble ; la faune
indienne seule en approche pour les espèces. Comme importance, elle
équivaut aux deux autres réunies, de sorte qu'on pourrait ne faire
qu'une faune de l'ancien monde et une du nouveau monde. Il serait
beaucoup trop long de citer tous les genres qui caractérisent la faune
américaine. Us appartiennent surtout aux familles des Papilionides,
Piérides, Héliconides, Nympbalides, Erycinides, Lycénides (surtout le
genre Thecla), etc., en nous bornant aux Rhopalocères. Il y abeaucoup
d'Hespériens aux ailes inférieures caudées. Le beau genre anormal
des Castnia est un type américain. Aux environs de Baltimore, on con^
State un curieux mélange de formes américaines et déformes d'Europa
148 LÉPIDOPTÈRES.
ainsi, dans ces dernic'res, Vanessa Antiopa, Pyrameis Cardui, Thecla
Amyntas et Telicunus, Polyommatus Phlœas, Bombyx Neustria, Acrumjcta
psi, Agrotis segetum., valligera, trux, etc., Plusia gamma, Catocalaelecta,
Larentia undularia, etc. L'espî'ce Danais Archippus est très répandue
dans presque toute l'Amérique, de New-York au l'araguay, partout où
croissent les Asclépiadées.
On sait que chez nous certaines espèces de Lépidoptères ne fréquen-
tent que les lieux habités par l'homme, les alentours des maisons, les
plantations, les broussailles qui y croissent, quand on les laisse en
triche, et qu'on ne les trouve jamais dans l'intérieur des grandes forêts.
Le même fait se montre à la Guyane. Il est très connu des colons et
des nègres, qui divisent les Lépidoptères en Papillons de grands bois
et Papillons de niamans, ou taillis des terrains en friche (1). Ainsi, par
exemple, jamais on ne rencontre Biblis Thadana, Danais Eresyme, Vanessa
Larinia, dans l'intérieur des forêts, et au contraire certains Nymphalis,
Heliconia, Erycina, ne volent jamais dans le voisinage des habitations.
La plupart des Papilio des Guyanes vivent à l'état de chenilles sur les
Orangers. Le P. Protesilaus est l'analogue de notre Podalirus, fréquen-
tant comme lui les lieux. habités, recherchant les endroits humides, et
se posant à terre pour pomper les sucs liquides ou voltigeant au-dessus
en faisant frémir ses ailes. P. Thoas, l'analogue du Machaon d'Lurope,
est commun comme lui dans les lieux habités, volant avec rapidité sur
les fleurs. Les Heliconia et genres voisins, à ailes le plus souvent gazées
en partie, munies d'une sécrétion défensive fétide, sont un type exclusif
à l'Amérique chaude, ayant son maximum d'espèces à la Guyane hol-
landaise; seul le genre Hamadryas est, par exception, de l'archipel
indien et de la Polynésie. Les splendides Morpho sont une création
spéciale à l'Amérique, depuis le versant mexicain tourné vers le Paci-
fique jusqu'à la province de Sainte-Catherine, au sud du Brésil. Les
Morpho sont nombreux à la Guyane, et la rareté de la plupart n'est que
relative, en raison de leur habitude de se tenir, pour certains d'eux, sans
en descendre, au sommet des arbres : tels sont les M. MeteUus, Hecuba
{le grand Oculé de Cayenne de Daubenton), Andromachus, Rhetenor. Il
en est quelques autres, au contraire, qui se prennent aisément dans les
bois, comme Menelaus, Helenor, Achilles, car, au lieu de planer sans
descendre autour de la cime des arbres, ils s'élancent par bonds désor-
donnés et rapides, mais se posent près de terre, auv abords de la nuit
ou à l'approche de la pluie. Le M. Adonis, au bleu si délicat, est rare
à la Guyane, mais plus répandu au Brésil jusqu'au Sud. Le superbe
M. Cypris, d'un bleu éclatant et métallique chez le mille, tandis que
sa rarissime femelle est fauve, est une espèce de Colombie, surtout des
environs de Santa-Fé de Bogota. Les Pavonia, autre type de l'Amérique
(1) Laoordairc, Sur les Juibiludes des Lépidoplères Hhopalocéres de la Guyane
française {Aun. Soc. tntjm. France, 1833, t. II, p. 379).
LÉPIDOPTÈRES. lZi9
du Sud, sont, au contraire des Morpho, à demi crépusculaires, au repos
le jour sur les troncs d'arbres, les ailes rapprochées et volant lourdement
le soir dans les broussailles, ou pondant le jour dans les fourrés épais
et obscurs, et retombant se poser après quelques coups d'ailes. Aussi
on capture très aisément à la Guyane les Pavonia Idomenœus, Antome-
doîi, Berecynthus, Xanthus.
Un l'ait remarquable, qui ressort de l'examen d'ensemble de la faune
des Lépidoptères, c'est la grande uniformité de la plupart des types.
Ainsi, d'une extrémité à l'autre du globe, toutes les Vanesses ont les
ailes découpées sur les bords de la même manière. Les espèces à queue
du genre Papilio, les Danais, les Euplœa, se retrouvent avec les mêmes
caractères, au Mexique et aux Indes orientales. Les gigantesques Hété-
rocères, aux antennes pectinées, du grand genre Attacus, se trouvent
dans le monde entier avec le caractère des taches vitrées, en lunules
ou subtrièdres, au milieu des ailes, qui les faisaient appeler Phalènes
miroirs par les vieux auteurs. Parmi eux, le sous-genre Actias, à ailes
inférieures caudées, se retrouve partout, sauf en Australie : ainsi, dans
ceux à queues médiocres, ne dépassant pas la longueur de l'aile, A. Isa-
bellœ, du centre de l'Espagne et du Portugal, A. Selene, de l'Inde,
A. Luna, de l'Amérique du Nord; enfin deux espèces à queues démesu-
rées, A. Comètes, de Madagascar, et un autre du centre du Brésil. 11 y a
certains groupes où la couleur semble elle-même rester spéciale : ainsi
beaucoup de Papilio ont le fond jaune avec des dessins en marqueterie
noire, analogues à ceux des espèces d'Rurope, P. Machaon, Alexanor,
Bospiton; les diverses nuances de brun et de fauve, avec des taches ocu-
lées en dessous, se voient sur les ailes des Satyres du monde entier,
dont les chenilles vivent de Graminées ; les Thecla et les Lycœna se res-
semblent en général partout, etc.
Il y a quatre régions du globe dont les Lépidoptères sont encore à
peine connus : i" Tartarie chinoise, Dzoungarie et Mongolie, sauf la
lisière septentrionale explorée par les Russes ; 2" centre de l'Australie ;
3° une grande région intérieure de l'Afrique comprise entre le tropique
du Cancer et 10 degrés de latitude S.; li° la pointe de l'Amérique
méridionale, au sud du rio Negro.
On pourra consulter pour la faune des Lépidoptères un certain nombre
de mémoires, soit généraux, soit la plupart locaux :
Keferstein d'Erfurth, Sur les mœurs et les habitudes des Lépidoptères,
trad. de l'allem. {Revue entomologique de Silbermann, 183/t, t. II, 10'' livrai-
son, p. 137); Betrachtungen, geknupft an meine Schmetterlingssammlung
{Stettin ento7nol. Z ei t., 1869, ^.19 i). Ces travaux ont surtout pour but de
démontrer la liaison complète de la flore avec la faune des Lépidoptères,
en raison du régime végétal des chenilles. — Koch, Géographie générale des
Lépidoptères {Revue géogr. de Petermann, Gotha, 1870, livr. I et II, et Ann.
Soc. entom.de Belgique, 1869-1870, t.XlII;C. R.,p. xx).— De Graslin, Stir
l'entomologie de la France occidentale (Lépidopt. des côtes océaniques de
150 LÉPIDOPTÈRES.
France) (^nn. Soc. entom. ,1848, t. VI, p. h9).— Lépidopt. des Alpes-Mari-
times {mélange mnguYier d'espèces du Nord et du Midi) {op. cit., même
vol., Bull., p. XLin). — Pierret, Richesse entomol. de Lardy (Ann.Soc. entom.
Fr., 1845, t. III, Bull., p. lxxvi, et 1846, t. IV, Bull., p. liv). — Lépidopt.
d'Auvergne et des Alpes de la Provence {Ann. Soc. entom. Fr., 1849, t. VII,
Bull., p. Lxxi). — Lépidopt. de la forêt de Compiègne, au commencement
de juin (Ann. Soc. entom. Fr., 1852, X, Bull., p. xxxii). — Lefèvre et
Duponchel, Lépidopt. nocturnes hypei'boréens {A7m. Soc. entom. Fr., 1836,
t. V, p. 389). — Pierret, Lépidopt. de Gavarnie, en juillet et août {Ann.
Soc. entom. Fr., 1848, t. VI, p. 397). — Donzel, Stir des Lépidopt. de
r Algérie {Ann. Soc. entom-. Fr., 1847, t. V, p. 528). — H. Lucas, Sur les
Lépidopt. de l'Algérie {Ann. Soc. entom. Fr., 1850, p. 83). — Lépidopt. des
Canaries {Ann. Soc. entom. Fr., 1846, t. IV, Bull., p. cxiv) (mélange d'es-
pèces d'Afrique et d'Europe). — De Sélys-Longcliamps, Sur les Lépidopt.
des environs de Naples {Ann. Soc. entom. Fr., 1844, t. II, Bull., p. xii). —
De Graslin et Rambur, Lépidopt. curieux rencontrés en Andalousie {Ann ,
Soc. entom. Fr., 1836, t. V, p. 547 et 573). — Rambur, Faune entomolo-
giqiie de l^ Andalousie. Paris, 1838-1839. — Zetterstedt, Insecta lappo-
nica. Lipsiee, 1840. — D"' Boisduval, Lépidopt. de Madagascar (Nouv. Ann.
du Muséum d'hist. natur.', 1833, t. II, p. 149-'i70, pi. vu); Lépidopt. de la
Californie (Ann. Soc. entom. Fr., 1854, t. IF, p. 755-759); Lépidopt. nou-
veaux de la Nouvelle-Calédonie {Ann. Soc. entom. Fr., 1859, t. VII, Bull.,
p. 154-157); Lépidopt. nouveaux de la république Argentine {Ann. Soc.
entom. Fr., 1859, t. VU, Bull., p. 157-158). — E. Blanchard, Entomologie
de la Sicile {Ann. Soc. entom. Fr., 1844, t. II, Bull., p. lxxix). — D"" Bois-
duval, Lépidopt. d'Odessa et du Caucase {Ann. Soc. entom. Fr., 1848, l. VI,
Bull., p. xxvm). — E. Blanchard, Voyage au pôle Sud et dans VOcéanie
de TAsTROLABE et de la Zélée, Zool., Insectes, t. IV, Paris, 1853 (à citer
notamment pour les Papillons diurnes de l'Océanie). — D"" Boisduval,
Faune entom. de Madagascar, Bourbon et Maurice (Paris, Roret, 1833). —
Voyage de I'Astrolabe, Faune entom., 1'''' partie, Lépidoptères (Paris,
Tastu, 1832). — De Graslin, Notice sur deux explorations entomologiques
faites dans les Pyrénées-Orientales en 1847 et en 1857 {Ann. Soc. entom.
Fr., 1863, p. 297). — G. AUard, Notes sur les Insectes de V Algérie, t. I,
Lépidoptères, pi. vi {Ann. Soc. entom. Fr., 1867, p. 311). — Maurice
Girard, Note sur l'entomologie de l'Amérique du Nord, considérée spé-
cialement au point de vue des espèces identiques et analogues à celles
d'Europe {Ann. Soc. entom. Fr., 1868, p. 287). — P. C. Zeller, Sur
les Microlépidoptères de l'Amérique du Nord {Verhandl. zool.-botan.
Gesellsch. in Wien, 1872, t. XXII, p. 447 à 566. — De l'Orza, les Lépido-
ptères japonais à la grande exposition internationale de 1867. Paris,
1869. — E. .Ménétrics, Lépidoptères de la Sibérie orientale, et en par-
ticulier des rives de V Amour, brochure in-4'' avec 5 pi. col. (Saint-
Pétersbourg, 1859). — Otto Bremer, Lepidopteren Ost-Sibiriens insbeson-
dere des Amur-Landes {Mémoires de l'Académie impériale des sciences
LÉPIDOPTÈRES. 151
de Saint-Pétersbourg 7" série, t. VIII, n" 1, in-Zi'', avec pi. col. (Saint-
Pétersbourg, 186/1. — A. Wallace, On the Habits of the Butterflies of the
Amazon valle.y {Trans. of the Entom. Soc. of London, new séries, 1852-53,
t. II). -— Edw. Newman, Characters of a few Australian Lepidoptera
(Trans. Soc. ofLond., new séries, 185/1-56, t. III, p. 281 (Analogie des
Microlépidoptères européens et antipodiques). — H. Jouan, Essai sur la
faune de la Nouoelle-Zélande {Mém. Soc. impér. des se. natur. de Cher-
bourg, 1869, t. XIV, et t. IV de la 2« série, p. 215).— BruUé, Faune desîles
(bananes, explorât. Webb et Berlhelot (Paris, 1836- /i/i). — HerricliSchœfTer,
Sur les Lépidoptères nouveaux du musée Godeffroy, de Hambourg [Stettin
entomol. Zeitung, 1869, p. 65). — Paul Mabille, Notices entomologiques sur
les Lépidoptères de l'île de Corse {Ann. Soc. entomol. de France, 1866,
p. 5/i5, pi. vni; 1867, p. 635, pi. xiv; 1869, p. 53, pi. ii); Recherches
et Observations lépidoptérologiques (Ann. Soc. entom. Fr. 1872, pi. xv). —
Ch. Oberthur, Etudes d'entomol., faune des Lépidoptères d'Algérie, juil-
let, 1876 avec, k pi. col. (Rennes); Nouveaux Lépidoptères de la Chine,
novembre 1876, avec /i pi. col. (Rennes); Etudes sur les Lépidoptères
recueillis à Dorei (Nouvelle-Guinée) {Ann. del Museo civico di storia
naturale diGenova, t. XII, p. /i51). — Paul Mabille, Noté sur une collection
de Lépidoptères de Madagascar (le Naturaliste, n" 3, 1879). — A. Butler,
On Heterocereous Lepidoptera collected in the Havmian Islands [Entomol.
monthly Magaz., t. XV, 269). — Roll, Ueber Dimorphismns und Variation
einiger Schmetterlinge Nord- Amer ika' s {Verhandlungen des Vereins fiir
Natur. Unterh. zu Hamburg, 1876, p. 135). — Harpur Crevé, Note on the
Lepidoptera of the Scilly isles {Entom. monthly Magaz., t. XIV, p. 163).
— S. H. Scudder (1), Remarks on the distribution of Butterflies in Norlh
America (Proceed. Boston Soc. Nat. History, 1863, t. IX, p. 178); A List of
the Buiterflies of New-England {Proceed. Essex Inst., 1863, t. III, p. 161-
1791); Listof the Butterflies of Labrador {Proc. Boston Soc. Nat. History,
1866-1867, t. XI, p. 32-33) ; Notice ofsome new Butterflies from Jowa {Proc.
Boston Soc. Nat. Hist., 1868, t. XI, p. /jOl); New Work on the Butterflies
of New-England {Canadian Entomologist , 1869, t. I,p. 82); The Butterflies
of New-England {American Naturalist, 1869, t. III, p. 212-213); Report
upon a Collection of diurnal Lepidoptera made in Alaska by the scientific
Corps of the Russo-American telegraph Expédition {Proceed. Boston Soc.
Natur. Hist.,l8m, t. XII, p. /i0/i-/i08); Foud Plants of Neio-England
Butterflies {American Naturalist, 1869 t. III, 330-331); On the embryonic
larvœ of Butterflies {Entomol. monthly Magaz., 1871, t. VIII, p. 122-126);
Rearing Butterflies from the Egg {Canadian Entomologist, 1810, t. II, p. 157) ;
A neiv Catalogue of Butterflies {American naturalist, 1871, t. V, p. 788-789)
(ce sont des remarques relatives au Catalogue des Lépidoptères diurnes
de Kirby) ; A Systematic Revision of some of the American Butterflies, loith
(i) Nous réunissons ici un grand nombre des travaux du célèbre entomologiste
américain relatifs à la faune des Lépidoptères de l'Amérique du Nord,
152 LÉPIDOPTÈRES.
brief Notes on those knoivn to occur in Essex County, Mass. (Fourth annual
Report, 1871 ; Peabody Acad. Se. Salem, Massachusetts, 1872, p. 2Zi-33) ;
The food Plants of Europœan Butterflies (Canadian Entomologist, 187Z|,
t. VI, p. 21-25 et 126-127); Description of some Labradorian Butterflies
{Proceed. Boston Soc. Nat.Hist., 1875. t. XVII, p. 29[i-3ih)\ Edward's Butter-
flies of North America {American Naturalist, 1876, t. X, p. 108-109); Anti-
geny, or sexual Dimorphism in Butterflies {Proceed. Amer. Acad. Arts and
Se, 1877, t. XII, p. 150-158); Notice of the Butterflies collected by D' Ed-
ward P aimer in the arid régions of Southern Utah and Northern Arizona
during the summer of 1877 {Bull. Unit. St. Geol. Geogr. Survey Territ.,
1878, t. IV, 253-258). — Roland Trimen, Rhopalocera Africœ australis,
2 vol. in-S" (Cape-town, 18Zi2). — A. Guenée, Lépidoptères de file de la
Réunion {Notes sur l'île de la Réunion, par L. Maillard, t. II, Paris, 1863).
— D"" Bohàvivail, Lépidoptères de la Californie {Ann. Soc. entom. Fr., 1875,
t. X, p. 275). — 0. Staudinger, Lepidopteren des Russlands {Stettin
entomol. Zeitung, 1879). — Crieger, Australian Rhopaloceren {Stettin
entom. Zeit., 1879). — P. Mabille, Recensement des Lépidoptères hétérocèrcs
de Madagascar (Anii. Soc. entom. France, 1879, p. 291).
Après la distribution géographique des animaux actuels se placent
naturellement les formes .fossiles, c'est-à-dire leur répartition aux an-
ciennes époques géologiques, souvent fort différente de celle d'aujour-
d'hui, par suite de climats très divers. On comprend aisément que les
Lépidoptères fossiles doivent être très rares, pour la même raison qui
rend si peu abondants les fossiles d'Oiseaux. Ces insectes ne volent pas
souvent au-dessus des eaux, et il n'y a que quelques sujets accidentel-
lement tombés à Teau qui peuvent être enfouis dans les sédiments,
quand ils ont échappé à une foule d'animaux aquatiques dont ils sont
la proie. Les chenilles ne vivent pas dans leau, sauf celles du genre
Hydrocampa, assemblant des feuilles de plantes aquatiques, et celle
d'un Bombycien découvert à Cayenne par M. C. Bar. On éprouve en
outre des difficultés à distinguer les empreintes alaires de Lépido-
ptères de celles de Locustiens du groupe des Ptérochroses, ou de cer-
tains Libelluliens ou de Myrméléoniens, etc. Un des Lépidoptères fos-
siles les premiers connus est un Nymphalien, le Cyllo sepulta, Boisd.,
rencontré dans les marnes insectifères d'Aix en Provence. Ce genre est
actuellement de Madagascar et du Mozambique, du Bengale, de Chine,
des îles Sondaïques et d'Australie. Les Lépidoptères des anciennes épo-
ques géologiques avaient les mêmes métamorphoses complètes que de
nos jours. Dans l'ouvrage de M. S. Scudder sur les Papillons fossiles, cet
auteur fixe à neuf le nombre d'espèces dont jusqu'ici des empreintes
ont été retrouvées ; il ne mentionne aucun reste de chenille. Or,
MM. Daudet et Goossens, en 1870, ont trouvé, dans les gypses des envi-
rons d'Aix en Provence, dans un morceau d'argile fendu en deux par
clivage, une empreinte, reproduite des deux côtés, d'une chenille à
tête grosse, à poils courts et serrés, agglutinés en petits faisceaux par
LÉPIDOPTÈRES. 153
l'action de l'eau. Ils y ont reconnu une chenille de Rhopalocére, pro-
bablement d'un Satyride, et M. Daudet a établi l'espèce sous le nom de
Satyrites incertus, Daudet. On consultera pour les Lépidoptères fos-
siles : D'^ Boisdaval, Rapport sur une empreinte de Lépidoptère fossile
trouvée dans les marnes des environs d'Aix en Provence {Ann. Soc. entom.
Fr., 18/iO, t. IX, p. 371 et pi. viii). — H. Daudet, Description d'une che-
nille fossile trouvée dans le calcaire d'Aix en Provence {Revue et Magasin
de zool.y 1876, p. /il5, pi. xvii). Un des travaux les plus complets et les
plus récents sur ce sujet est : S. H. Scuder, Fossil Butterflies {Memoirs
of the American Association, Salem, Massachusetts, 1875).
Il nous reste, pour terminer d'une manière utile aux entomolo-
gistes les généralités sur l'ordre des Lépidoptères, à leur présenter une
nomenclature des travaux les plus intéressantsàconsulter ; nous écartons,
suivant l'habitude de cet ouvrage, les documents trop anciens, qui sont
surabondamment indiqués dans la plupart des livres que nous citons.
Bibliographie générale. — Jacob Hubner, Sammlunçj europœischer
Schmetterlinge (Augsbourg, 1805) ; Geschichte europœischer Schmetterlinge
(chenilles, chrysalides et plantes nourricières) (Augsbourg, 1796);
Sammlung exotischer Schmetterlinge (Augsbourg, 1806); divers Supplé-
ments aux exotiques par C. Geyer (Augsbourg, 1S18 à 1837), et des
catalogues tirés de Hubner par C. Geyer (Augsbourg, 1822). Ces ou-
vrages sont accompagnés de nombreuses planches coloriées. — Pierre
Cramer (texte hollandais et français), Papillons exotiques des trois
parties du monde : l'Asie, l'Afrique et l'Amérique, U vol., 1879, et un
supplément par Stoll, 1790. — J. Christian Sepp, Beschouving der Won-
deren Gods in de Minstgeachte Schepselen of Nederlandsche Insekten,
8 vol. petit in-li", Amsterdam, sans date. C'est une iconographie de
Papillons d'Europe, et de chenilles, chrysalides et œufs, en hollandais,
commencée dès la fin du dix-huitième siècle, et encore en cours de
publication par divers. — Ochsenheimer, Die Schmetterlinge von Eu-
ropa, Lei[izig, 1807-1816. — Treitschke, Die Schmetterlinge von Europa
[Fortsetzung des Ochsenheimerschen WerWs), Leipzig, 1825 (c'est une
suite et uu complément de l'ouvrage précédent). — Haworth, Lepi-
doptera Britannica, London, 1803-1829. — Meigen, Syslematische Bear-
beitung der europœischen Schmetterlinge, Aachen und Leipzig, 1829-
1832. — M. J. A. Boisduval, Europœorum Lepidopterorum Index
methodicus, pars prima, sistens gênera Papilio, Sphinx, Bombyx et
Noctua, Linn.; Parisiis, 1829, Méquignon-Marvis et Crochard, in-8°. —
Godard et Duponchel (1), Histoire naturelle des Lépidoptères ou Papillons
(1) Duponchel, continuateur de Godard, est l'auteur de la plus grande partie
de cet ouvrage, à partir du tome VI, ouvrage qui est encore le plus important
travail descriptif des Lépidoptères de France.
154 LÉPIDOPTÈRES. .
de France, Paris, Crevot, puis Maquignon -Marvis, 15 vol. in-8% avec
fig. col., dont h de Supplément, 1821 cà 18Zi2. — Duponchel, Icono-
graphie des chenilles, 2 vol. in-8° : Diurnes, 1832; Crépusculaires et Noc-
turnes, sans date ni pagination, Paris, Méquignon-Marvis ; Catalogue
méthodique des Lépidoptères d'Europe, 1 vol. in-8'', 18i6, Paris, Méqui-
gnon-Marvis. — Boisduval, Rambur et de Graslin, Collection iconogra-
phique et historique des chenilles d'Europe, 1832-18^3. Paris, Roret,
inachevé, h fasc. de texte, li fasc. de pi. col. — J. J. Schott, Raupenka-
lender, etc. (indication systématique des chenilles d'Allemagne), 8 pL,
Francfort, 1829; Schmetterlingskalender, etc. (indication systématique
des Papillons d'Allemagne), 8 pi., Francfort, 1830. — De Villiers et
Guenée, Tableaux synoptiques des Lépid. d'Europe, contenant la descrip-
tion de tous les Lépidoptères d'Europe connus jusqu'à ce jour : Diurnes,
in-4°; Paris, Méquignon-Marvis, 1835. — D' E. Herold, Die teutschen
Schmet ter linge sxjstematisch beschrieben, Nordhausen, 18/il ; Teutscher
Raupenkalender, Nordhausen, 18/|5 (ce sont des catalogues raisonnes
des Papillons et chenilles de l'Allemagne). — G. A. W. Herrich
Schœffer, Systematische Bearbeitung der Schmetterlinge von Europa,
6 vol., avec 636 pi. col. et 36 pi. noires; Regensburg, Manz, 18Zj3-1856
(c'est le complément et la révision de l'ouvrage de Hubner); Neue
Schmetterlinge aus Europa und den angrenzenden Lândern, Regensburg
(Ratisbonne), 1856-1861. — Ratzeburg, Die Forstinsekten (le volume
consacré aux Lépidoptères nuisibles aux forêts). — Freyer, Beitrœge zur
Geschichte europaischer Schmetterlinge, Augsbourg. — D'' Boisduval,
Icônes historique des Lépidoptères d'Europe, nouveaux ou peu connus, avec
pi. col., Paris, Roret, 1832-1843 ; Gênera et Index methodicus europœo-
rum Lepidopterorum (pars 1, sistens Papiliones, Sphinges, Bombyces,
Noctuas), Paris, Roret, 1860, in-8°, 1 vol. de 238 pages. — H. Lucas,
Histoire naturelle des Lépidoptères d'Europe, 1 vol. in-8°, accompagné
d'un atlas de 79 pi-, 1'''' édit., 1834, Pauquet, éditeur, et L. Debure,
libraire; Id., 2" édit., revue corrigée, et augmentée, 186Z|, Savy, libr.-
édit. ; Hist. natur. des Lépidopt. exotiques, 1 vol. in-8'', accompagné d'un
atlas de 80 pi., 1835, Pauquet, édit., et L. Debure, libr. ; Les Papillons,
vade-n^ecum du lépidoptérologiste, 1 vol. in-8" avec 5 pL, Paris,
1838 (bonnes généralités, ne comprenant en espèces que les genres
Papilio, Parnassius et annexes) ; Achalinoptères et Sphingiens, dans
VEncycl. d'hist. natur. du D'' Chenu, 1 vol. avec nombreuses figures,
Paris, Maresq et Comp., et G. Havard, sans date; Nocturnes ou Chali-
noptères (suite), par E. Desmarest (même Encycl.), 1 vol., avec nom-
breuses figures, Paris, Maresq et Comp., et G. Havard, sans date; Ilist.
natur. des animaux articulés de l'Algérie, publiée par ordre du Gouver-
nement, U vol in-4°, dont un atlas de 125 pi., 18/|9 (dans cet ouvrage,
les Lépidoptères comprennent trois pi.); Animaux nouveaux ou rares
recueillis pendant l'expédition dans les parties centrales de l'Amérique
du Sud, de Rio-Ganaro à Lima et de Lima au Para : Entomologie, 1 vol.
LÉPinOPTÈRES. 155
in-Zi'' et un atlas de 18 pL, 1856 (dans cet ouvrage, deux planches sont
consacrées aux Lépidopt.); Histoire phijsique^ politique et naturelle de
Vile de Cuba : Arachnides, Myriapodes, Lépidoptères et Hyménoptères, 1 vol.
in- 8" et un atlas in-folio, 1857, Paris, Arthus-Bertrand, libr.-édit. (les
Lépidoptères, dans cet ouvrage, comprennent li pi.). — D'' Boisduval,
Species général des Lépidoptères (Roret, Paris, Suites à Buffon), 1" vol.
in-S», avec pi. col., 1836 (inachevé), comprenait dans les Rhopalocères
une partie des Succincti, notamment les genres Ornithoptera, Papilio,
Thais, Doritis, Parnassius, Leptalis, Leucophasia, Pieris, Zegris, Antho-
charis, Rhodocera, CaUidryas, Colias, etc. ; Species génér. des Lépidopt.
(Suites à Buffon); Hétérocères : Sphingides, Sésiides, Castnides, t. I""",
avec pi. col., 187Zi. — A. Guenée, Species gén. des Lépidopt. (Suites à
Buffon), Paris, Roret, 6 vol. in-8», avec pi. col. : Noctuélites, t. I",
1852, t. II, 1852, t. III, 1852; Uranides et Phahmides, t. \", 1857, t. II,
1857; Deltoïdes et Pyralides, 185/i (dans la tomaison générale, 5, 6, 7, 8,
9, 10). — A. Guenée, Essai sur une classification des Microlépidoptères
(Ann. Soc.enfom. Fr., 18û5). — H. T. Stainton, Insecta Britannica Lepi-
doptcra, London, 1854-1860; H. T. Stainton, avec collaboration de
Zeller, Douglas et Frey, The Natural History of the Tineina, London,
1855, t. I à t. XII, 1870, en quatre langues : anglais, français, alle-
mand et latin, avec nombreuses pi. col. (c'est un ouvrage classique pour
les Microlépid.). — H. Frey, Die Schweizerischen Microlepidopteren (Mit-
theilungen der Schweiz. entomol. Gesellsch., Schaffhouse, 1867, p. 286. —
E. Berce, Faune entomol. française (Lépidoptères, des Rhopalocères aux
Phalénides, inclusivement, 5 vol. in-12, avec pi. col., 1867 à 1873,
Paris, E. Deyrolle. — Maurice Sand et Depuiset, le Monde des Papil-
lons, deux parties : Mœurs et Classification ; Paris, Rothschild. — A. Du-
bois, les Lépidoptères de VEurope, leurs chenilles et leurs chrysalides,
Paris, E. Deyrolle. — Pierre Millière, Iconographie et Description de
chenilles et Lépidoptères inédits (extr. des Ann. Soc. Linnéenne de Lyon),
3 vol.: t. 1, 1859 à 1864, t. II, 1864 à 1868, t. III, 1869 à 187Zi. —
E. Doubleday et J. 0. Westwood, The Gênera of Butterflies, or Diurnal
Lepidoptera, comprising their generic Characters, a Notice of their habits
and transformations, and a Catalogue of the Species of each genus,
illustrated loith 86 coloured plates from draioing by W. C. Hewitson,
2 vol., London, 1846 à 1852. — W. C. Hewitson, Ulustrations of neio
Species of exotic Butterflies, selected from the collect. of W. Saunders and
W. C. Hewitson (avec pi. col. et descriptions des espèces), 5 vol. in-4°,
London, 1851 à 1876; Ulustrations of Diurnal Lepidoptera, London, 1862
à 1878. — Catalog. der Lepidopteren des europœischen Faunengebiets ;
Macrolepidoptera, par le D"' 0. Staudinger; Microlepidoptera, par le
D' M. Wocke ; Dresde, 1871, in-8°. — W. E. Kirby, A Synonymie Catalogue
of Diurnal Lepidoptera, in-8'', London, 1871, et un supplément, 1877. —
Cajetan Felder et Rudolph Felder, Lépidoptères du voyage de la No-
vara: Rhopalocera, 1 vol. texte et 1 vol. pi., Wien, 1864 à 1867 ; Hete-
156 LÉPIDOPTÈRES.
rocera, 1 vol. pi. seulement, avec collaboration de A. F. Rogenhofer,
Wicn, 186/1 à 1875. — S. H. Scudder, Historical Sketch of the generic
naines proposed for Butter flies {Proceedings of the American Acaderny of
arts and Sciences, Boston, vol. X, Salem, Massachusetts, 1875). — Owen
S. Wilson, The Larvœ of the British Lepidoptera and their food Plants,
avec pi. col., London, Reeve and C% 1879.
Cafalog:ues locaux.
Cantener, Catalogue des Lépidoptères du Var, Roret, Levraulf, 1833;
Histoire naturelle des Lépidoptères Rhopalocères, ou Papillons diurnes des
départements du Haut et Bas- Rhin, de la Moselle, de la Meurthe et des
Vosges, Paris, Roret, 183^. — Dujardin, Catalogue des Lépidoptères des
environs d'Amiens (bassin de la Somme), Abbeville, 18ZiO. — Bruand
d'Uzelles, Catalogue systématique des Lépidoptères du Doubs, Besançon,
ISàli à 1851. — Rambur, Catalogue des Lépidoptères de la Corse {A7in. Soc.
entom.de France, 18'S2, t.I, p.2/i5,et 1833, t. II, p. 7. — Abbé Désiré Pinart,
les Papillons du département de l'Oise, catalogue méthodique des Lépido-
ptères (autographie), Beauvais, 18Zi7. — Depuiset et Deyrolle, Catalogue
méthodique des Lépidoptères d'Europe, Paris. — Guillemot, Catalogue des
Lépidoptèresdu département duPuy-de-Dùme, Clermont,185/i, supplémeni,
1858 ; Observations sur les Lépidoptères du printemps des environs
d'Hyères, comparés à ceux d'Auvergne. Vingt-cinq jours de chasse aux
Lépidoptères à Barcelonnette et à Larc/ie (Basses-Alpes). — W. L. Kirby,
Catalogue des Lépidoptères d'Europe, dont les chenilles ne sont pas connues
ou ne le sont qu'imparfaitement {Ann. Soc. entom. deFr., 1855, p. 320). —
G. Viret, Catalogue des Lépidoptères du département de la Seine-Inférieure :
Rhopalocères, Rouen. 187/i; Hétérocèr es, Rouen, 1876. — Le Roi, Cata-
logue des Lépidoptères du département du Nord, Lille, 1871. — A.d'Aubusson,
Catalogue des Lépidoptères de la Haute-Garonne (Bull. Soc. hist.nat. deTou-
louse, d868). — W. J. Griffith, Catalogue raisonné des Lépidoptères du
Morbihan [Soc. polymathique du Morbihan, Vannes, 1873). — A. Foucart,
Catalogue méthodique et raisonné des Lépidoptères des environs de Douai,
Douai, 1876. — A. Guenée, Statistique scientifique des Lépidoptères d'Eure-
et-Loir, Chartres, 1875. — Bellier de la Chavignerie, Observations sur les
Lépidoptères des Basses-Alpes (Ann. Soc. entom. de France, lH5k, p. 29; 1856,
p. 5; 1857, p. 587; 1859, p. 177); Observations sur quelques Lépidoptères
d'Islande {Ann. Soc. entom. de France, 1857, p. 5); Observât ions sur la faune
entom. de la Sicile (Ann. Soc. entom. de Fr.); Catalogue des Lépidoptères
observés en Sicile {Ann. Soc. entom. de Fr., 1860, p. 705) ; Sur les Lépido-
ptères observés en Auvergne (Ann. Soc. entom. Fr., 1858, p. 73). — Berce,
Catalogue méthodique des Lépidoptères de France, décrits dans la faune
française (ne comprend pas les Microlépidoptt'res), Paris, E. Deyrolle. —
Trimoulet, Catalogue des Lépidoptères de la Gironde {Actes de la Soc. Linn-
de Bordeaux, t. XII, 3' série, t. II, !■•« livraison, 1" avril 1858). — Bel-
LÉPIDOPTÈRES. 157
lier de laChavigneriect Guillemot, Lépidoptères de la Lozère non signalés
par Duponchcl [Anii. Soc.entom. de France, 1851, p. 681.) — A. Fauvel, lis
Lépidoptères du Calvados {Manuel descriptif, 1""^ partie, Diurnes et Cré-
pusculaires), br. in-Zi, Caen, 1863. — C. Jourdheuilie et J. Roy, Liste des
Microlépidoptères recueillis dans le département de l'Aube, Troyes, 1865. —
H. de Peyerimhoff, Catalogue des Lépidoptères d'Alsace, Juin 1862. —
P. Minière, Catalogue raisonné des Lépidoptères des Alpes-Maritimes,
3 fasc, Cannes, 1871, 1873, 1876. — A. Constant, Catalogue des Lépido-
ptères du département de Saône-et-Loire (publicaliou de la Soc. Eduenne),
Autun, 1866. — Paul UahiWe, Catalogue des Lépidoptères de la côte occi-
dentale d'Afrique (Sociélé zoologique de France, trois articles, 1877-78).
— P. Minière, Iconographie et Description de Lépidoptères inédits, avec
1 planche col. {An7i. Société Linnéenne de Lyon, 1878); Lépidoptérologie,
avec 2 pi. col. {Mémoires de la Société des sciences nat. et hist., des lettres
et des beaux-arts de Cannes, 1878j. — Maurice Sand, Catalogue raisonné
des Lépidoptères du Berry et de l'Auvergne (France centrale), Paris, 1879,
E. Deyrolle. Cet excellent catalogue contient de précieux renseignements
sur les mœurs et les localités ; il est très utile pour la liste fort étendue
des Microlépidoptères. — C. Jourdheuilie, Calendrier du Microlépido-
ptériste : recherche des chenilles {Ann. Soc. entom- de France, 1869, t. IX,
p. 533). — Marquis de Latitole, Calendrier lépidoptérulogique (Chenilles)
[le Naturaliste, 1879). — Catalogue des Lépidoptères de la Somme {Ann. Soc.
Ltnn. du Nord, 1877). — • Roudaire, Catalogue des Lépidoptères de la Creuse.
-De Sélys-Longchamps, Énumération des Insectes lépidoptères de la Bel-
gique {Mémoires de la Soc. royale des se. de Liège, 18Zi5). — -Divers auteurs,
Catalogue lies Insectes lépidoptères de la Belgique {Ann. Soc. entoni. de Bel-
gique, 1857, t. I, p. 1). — De Fré, Catalogue des Microlépidoptères de la
Belgique {Ann. Soc. entom. de Belgique, 1857, t. l""", p. Zi5). — Ghiliani,
Lepidopteri negli Stati Sarof*, Turin, Imprimerie royale, 1851. — List
of the Spécimens of British Animais in the collection of the British
Muséum : Lepidoptera, 1 fasc, J. Fr. Stephens, London, 185G; Micro-
lepidoptera, 3 fasc, J. Edw. Cray, I^ondon, 1852-5/i. — D'' Boisduval,
Lépidoptères de la Californie {Ann. Soc- entom. de Belgique, t. Xll) ; Co7i-
sidérations sur les Lépidoptères envoyés du Guatemala à M. de UOrza, 1870.
— S. 11. Scudder, Synonymie List ofthe Butter jlies ofNorth America, North
of Mexico {Bull, ofthe Buffalo Soc. of Natural Science) : Nymphales, 1875;
Rurak's, 1876. — A. Curo, Saggio di un Catalogo dei Lepidoteri d'Italia
{BuUetino délia Soc. entomol. italiana, t. IX, 3* trim. , ^.llb"!; t. X, 3"" trim. ,
p. 189, suite; k" trim., p. 229, suite). — Seebcld, Catalogo de los Lepi-
dopteros observados en los alrededores de Bilbuo, 1 pi. noire {Anal, de la
Soc. espaTwla de hist. natural, t. VIII, p. 97. — 1)'' Seriziat, Catalogue
des Lépidoptères des environs de Collo {Algérie).
Nous citerons enfin, pour terminer les généralités sur la classification
des Lépidoptères, un important travail de Duponchel : Mémoire sur la
158 LÉPIDOPTÈRES.
question de savoir si les caractères fournis par les chenilles des Lépido-
ptères doivent prévaloir sur ceux tirés de l'insecte parfait dans une bonne
classification de cet ordre {Ann. Société entomologique de France, 1837,
t. VI, j). Zill, et 1838, t. VII, p. 2Zi7), et la réponse de M. A. Guenée
{op. cit., 1838, t. VII, p. 231). Dans un traité élémentaire ces questions
de philosophie naturelle ne peuvent trouver place ; notre opinion est
que les caractères tirés des adultes doivent prévaloir, sauf de très rares
cas de développement récurrent, que n'offrent pas les Lépidoptères.
La polémique anciennement soulevée entre Duponchel et M. Guenée
se rapporte à une question générale, propre à tous les animaux à méta-
morphoses. La forme adulte a l'avantage sur la forme larvaire de pré-
senter les caractères sexuels, et en outre la séparation des sexes,
presque toujours nulle chez les larves ; de là un élément de plus pour
la distinction des espèces. Il faut remarquer que les caractères tirés
de la reproduction, et par suite de la forme adulte, sont véritablement
dominateurs dans toute la zoologie, soit pour distinguer les espèces,
soit pour établir les groupes de divers degrés. Cela se comprend, en
quelque sorte à priori, si l'on réfléchit que la reproduction est la
fonction suprême des êtres vivants, à laquelle la nature a tout subor-
donné. Comme les adultes sont en général plus Consistants dans leurs
téguments que les larves, ils sont dans de meilleures conditions
pour la fossilisation (enfouissement sous les eaux), de sorte que les
fossiles, si importants à comparer aux formes actuelles, appartiennent
presque exclusivement aux états adultes. Enfin la récolte des adultes
chez les Insectes, où ils sont seuls pourvus d'ailes, est plus générale
et plus rapide que celle des larves ; celles-ci, souvent molles et peu
consistantes, se conservent mal. Pour ces raisons, presque tous les
voyageurs ne rapportent des pays lointains que des insectes adultes ;
presque tous les genres et les espèces de Lépidoptères exotiques por-
tent la mention: «Chenilles et chrysalides inconnues». Dans cet ouvrage
nous donnons la préférence et en première ligne, pour les genres et
pour les espèces, aux caractères de l'état adulte, puis à ceux des états
larvaires en second rang. Nous n'avons pas besoin de dire qu'il faut
réunir, quand on le peut, ces doubles caractères, et qu'on a ainsi une
détermination meilleure et plus complète.
CLASSIFICATION
DES LÉPIDOPTÈRES
I. — Légion des RHOPALOCERES.
Antennes plus ou moins renflées à leur extrémité. Les quatre ailes,
ou au moins les supérieures, ordinairement conniventes, et relevées
plus ou moins perpendiculaires au corps dans le repos. Point d'yeux
lisses ou stemmates, sauf de très rares exceptions. Point de crin au
bord antérieur des ailes inférieures. Vol diurne.
Ces Papillons se subdivisent assez naturellement, avec certaines excep-
tions, en trois groupes, d'après la manière dont les chrysalides sont
attachées par les chenilles dont elles proviennent. Les exceptions peu-
vent être assez considérables pour les genres exotiques dont les méta-
morphoses sont inconnues pour la plupart ; nous conservei'ons toutefois
ce groupement en prévenant qu'il s'applique surtout aux espèces euro-
péennes. Les Succincts (Succincti) ont les chrysalides attachées à la fois
par la queue et par un lien en forme de ceinture, constitué par plu-
sieurs fils de soie accolés. Ce sont les tribus des Papilioniens et des
Lycéniens. Réaumur a décrit avec de grands détails les manœuvres
des chenilles qui recourent à cette double fixation. La chenille file d'a-
bord, à l'endroit où elle veut s'attacher, un petit faisceau de soie qui
enveloppe les crochets des pattes anales elles retient. Puis la chenille,
ainsi adhérente par ses dernières pattes, se tient seulement sur les
autres pattes membraneuses et redresse le plus possible sa tête et le
thorax ; portant alors la tête vers le flanc, à la hauteur de la première
paire de pattes membraneuses, elle cherche un point où elle fixe un
fil, dont la seconde extrémité sera établie à la même hauteur, de l'autre
côté de son corps. Pour donner à cet anneau transverse le diamètre
nécessaire, elle maintitint le centre du fil sur ses pattes thoraciques
jusqu'au moment où cette ceinture, par des additions successives de
brins de soie, a acquis la solidité suffisante. C'est alors seulement que la
chenille engage sa tête dans le lien demi-circulaire qu'elle a façonné,
et parvient, par des mouvements de contraction, à l'élever jusqu'au
milieu de son corps. Cet anneau maintiendra la chrysalide; assez souple
pour ne pas gêner la nymphose, servant en outre de point d'appui pour
l'adulte, lorsqu'il sort de la chrysalide. Un autre groupe, les Suspen-
dus (Suspensi), correspondants à la tribu des Nymphaliens, présente les
chrysalides suspendues seulement par le pinceau de fils de soie eau*
160 LÉPIDOPTÈRES.
dal. Enfin les Enroulés (Involuti), qui formeront la tribu des Hespériens,
offrent les chrysalides enveloppées dans les feuilles roulées, maintenues
par un léger tissu comme une toile d'Araignée, attachées par la queue,
et souvent, en outre, par un ou plusieurs fils transversaux.
M. Guenée subdivise les Rhopalocères en deux grandes divisions, les
Bicalcarati et les Quadricalcarati . Les premiers comprennent les tribus
des Nymphaliens, desLycéniens et des Papilioniens. Les papillons n'ont
aux pattes qu'une seule paire d'éperons ; leurs antennes sont terminées
par une massue sans crochet. Us volent en plein soleil, et au repos ils
appliquent leurs quatre ailes l'une contre l'autre, dans le même plan.
Les chenilles vivent généralement en plein air. L'ordre des tribus que
nous adoptons pour les Bicalcarati n'est pas celui qui est le plus habituel
aux collectionneurs de France, qui mettent en tête de leurs collections
le genre Papilio, ce qui amène à commencer l'étude des Rhopalocères
par la tribu des Papilioniens. En opérant ainsi, on est obligé d'intercaler
une tribu de tétrapodes, à quatre pattes seulement propres à la marche
(Nymphaliens), entre deux tribus /ieccopoc/es (Lycéniens et Papilioniens),
-dont les six pattes servent à la locomotion sur le sol ou sur les appuis.
On arrive enfin aux Hespériens, ou Quadricalcarati, Guenée, dont la
place, à la fin des Rhopalocères, n'a jamais été mise en question. Or
cette dernière tribu est hexapode. L'ordre que nous adoptons en com-
mençant par les Tétrapodes groupe ensemble ensuite tous les Hexa-
podes, ce qui amène naturellement aux Hétérocères, dont les six pattes
sont toujours ambulatoires. Nous disposons les Papilioniens immédia-
tement avant les Hespériens. Ceux-ci, en effet, ont des analogies mé-
diocres par les espèces européennes; mais il en est autrement pour
les exotiques, dont beaucoup ont de longues queues aux ailes infé-
rieures, à la façon du genre Papilio. En outre les chenilles des Parnas-
sius, dans les Papilioniens, s'enveloppent d'un léger réseau soyeux,
lors de la nymphose, à la façon des chenilles des Hespériens. La divi-
sion en Tétrapodes et Hexapodes est celle adoptée par M. G. Bar (1)
dans un récent et remarquable travail; nous sommes d'accord avec
cet auteur pour la plupart des familles, sans attacher du reste d'im-
portance à ces détails. Ainsi nous laissons les Libythéides dans les
Nymphaliens, tandis que M. G. Bar les place avec les Erycinides, famille
de la tribu des Lycéniens pour nous; notre excuse nous est fournie par
M. G. Bar lui-même, page 29: « Le genre Libijthca cèi peut-être, de tous
les Lépidoptères Rhopalocères, le plus inévitablement aberrant; c'est,
tomme je le dis ailleurs, une difficulté jetée comme à plaisir par la
nature dans le champ des méthodistes : quelque part qu'on le place,
il vient tout déranger. »
(1) Constant Bar (de Cayenne), Note critique sur les différents systèmes de
classification des Lépidoptères Rhopalocères, établis depuis l'époque de Latreille
{A7in. Soc. enlom. de France, 1878, t. VII, p. 1 à 30).
LÉPIDOPTÈRES. 161
Rien avant M. C. Bar, Bruandd'Uzclles avait proposé une classification
des Lépidoptères Rhopalocères, de manière à ne pas avoir d'interrup-
tion sériale sous le rapport des pattes ambulatoires {Procès-verbaux de
la Société philomathique, l85Zi, p. 31). Il commence, comme M. C. Bar,
la division à quatre pattes ambulatoires par les Satyridœ, puis les
Nymphalidœ elle?: Argynnidœ, à la fin desquels il laisse le genre aberrant
des Libxjthea. Les Hhopalocères à six pattes ambulatoires comprenneui
les Polyommatidœ (genres Polyommatus, Lycœna, Thecla), les Pieridœ
(genres Gonopteryx ou Rhodocera, Colias , Anihocharis , Zegris, Leucophasia,
Pieris, se terminant par P/eris ou Leuconea Cratœyi), puis les Parnassidœ
(genres Dor<ï/s, commençant ])hv immaculatus formant passage Ckratœgi,
Panmssms, r/i.a«); enfin les Papilionidœ (genre Papilio), puis les Hespe-
ridœ. Comme on le voit, cette classification ne se rapporte qu'aux es-
pèces européennes; les exotiques peuvent la modifier dans ses détails.
Tribu des i\¥MPHALIEI%'S ou tétrapobes.
Cette tribu, composée de plusieurs familles fort distinctes, se trouve
par suite dénuée de nombreux caractères généraux. A peu d'exceptions
près, dans les deux sexes ou seulement chez les mâles, les pattes ambu-
latoires sont au nombre de quatre seulement, les antérieures restant
rudimentaires et impropres à la marche. Cete tribu correspond aux Sus-
pendus {Suspensi) du D' Boisduval, car les chrysalides pendent verti-
calement, attachées seulement au support par un faisceau soyeux au
bout de la queue.
Tête généralement plus étroite que le thorax ; massue des antennes
allongée, peu épaisse et se [confondant insensiblement avec la tige.
Yeux glabres et bordés inférieurement d'une paupière blanche. Ailes
inférieures ayant la cellule discoïdale ouverte le plus souvent, et le
bord interne plus ou moins profondément creusé en gouttière pour
recevoir l'abdomen. — Chenilles à peau chagrinée, ayant tantôt des
épines ou des tubercules épineux sur le dos, tantôt avec la tète épineuse
seulement. — Chysalides plus ou moins carénées, portant généralement
sur le dos une protubérance déprimée latéralement, quelques-unes
ornées de taches métalliques.
Les espèces de la tribu des Nymphaliens sont très nombreuses et
paraissent répandues dans toutes les parties du monde, en bien plus
grande quantité dans les régions chaudes. C'est aux Nymphaliens qu'ap-
partiennent les plus beaux Papillons, et l'on peut dire les plus splen-
dides insectes du monde entier, les Morpho, des pays les plus chauds de
l'Amérique. En Europe, nous n'avons comparativement qu'une quantité
restreinte d'espèces de Nymphaliens, mais c'est également à celte tribu
que se rattachent les plus remarquables de nos Papillons diurnes par
l'éclat de leurs couleurs.
GIRARD. ni. — 11
162 LÉPIDOPTÈRES.
AGÉRONIDES. •
Palpes coiitigus, longs, ascendants. Cellule discoïdale des ailes infé-
rieures fermée; ailes inférieures ayant le bord abdominal trùs déve-
loppé, enfermant complètement un abdomen court et peu épais. Les six
pattes développées, les antérieures imparfaites, à tarses des mdles cou-
verts de longs poils, subcylindriques, composés d'un seul article, sans
crochets, tarses antérieurs de la femelle ccailleux, composés de cinq
articles ; crochets des tarses un peu bifides. — Chrysalides allongées, mu-
nies de prolongements épineux, suspendues par la queue et par un
lien ceinturai. — Chenilles non décrites.
La famille des Agéronides, de place zoologique difficile et incertaine,
ne renferme que le genre Ageronia, Doubleday, (syn. : Peridromia, E. Blan-
chard, Ainphichlora, Boisduval, Nymphalis, Godart). Il comprend une
dizaine d'espèces, à ailes très tachetées de noir, de blanc, de vert, avec
des bordures d'ocelles verts. Ces espèces, dont les principales sont
A. Feronia, Hubner, très commune à la Guyane près des habitations,
A.formax, Hubn., ont pour patrie le Mexique, le Venezuela, lesGuyanes
et le Brésil. Ce sont des Papillons doués d'un vol très rapide, mais de
courte durée, accompagné d'un bruit qui peut être comparé au frôle-
ment d'un parchemin sec. Ils fréquentent les bois d'Orangers et se plai-
sent à se reposer à chaque instant sur les troncs de ces arbres, les ailes
étalées, se laissant prendre à la main. Lacordaire fait remarquer que,
contrairement à certains auteurs, le genre Ageronia ou les genres qui
en dérivent doivent être retranchés de la tribu des IN'ymphaliens, parce
que la cellule discoïdale des secondes ailes est fermée et que la chry-
salide est suspendue et ceinturée par un fil, comme celle des Papilio;
d'autre part, il y a un degré d'imperfection dans les pattes antérieures
des mâles, ce qui fait une exception en sens inverse. La place me
paraît ad libitum.
LIBYTHÉIDES.
Massue des antennes peu distincte de la tige, qui va en grossissant
de la base au sommet. Palpes très longs, conligus dans toute leur éten-
due et en forme de bec dépassant beaucoup la tête. Ailes anguleuses,
à cellule discoïdale des inférieures ouverte. Pattes ambulatoires au
nombre de quatre chez les mâles, de six chez les femelles. — Chenilles
dépourvues d'épines, légèrement carénées.
Cette famille^ anormale comme la précédente et de place naturelle
fort difficile, ne présente qu'un seul genre, d'Europe, d'Amérique, de
Madagascar et des îles Sondaïques.
I^IBYTHE.%, Fabr. — Corps court. Palpes quatre fois aussi longs que la tête,
droits et contigus, larges à leur base, assez fortement aplatis, très velus, ayant
le Iroisiènie articletrès petit et pointu ; antennes un peu moins longues que le
LIBYTHLA. 163
corps, droites, épaisses, cyliiulroïdes. Tête aussi large (juo le thorax. Yeux gros,
saillants. Thorax allongé, robuste. Ailes grandes, plus ou moins dentelées, les
supérieures ayant le sommet tronqué, fortement échancrées à leur bord posté-
rieur, les inférieures régulièrement dentées. Pattes courtes, velues, assez épaisses •
jambes et tarses garnis en dessous de très petites épines; tarses à articles peu
distincts, à crochets écartés, petits, recourbés. Abdomen très comprimé et
caché entièrement par les deux bords internes des ailes inférieures, qui forment
gouttière au repos. — Chenilles inermes, légèrement pubescentes, de forme
allongée et cylindrique, avec la tête sphérique. — Chrysalides non anguleuses,
carénées sur le dos, terminées antérieurement en pointe mousse, sans taches
métalliques.
Ce genre u'oflre, en Europe, qu'une espèce, qui est de l'Europe mé-
ridionale. Elle existe en France, sur le pourtour méditerranéen, et
paraît en mars, puis en juin : c'est le L. Celtis, Fabr., à ailes brunes,
les supérieures avec cinq taches fauves. La chenille vit sur le Micocou-
lier {Cellis australis), et probablement aussi sur d'autres arbres, car on
peut la nourrir avec le Cerisier, et le papillon existe près de Florac
(Lozère), où il n'y a pas de Micocouliers, et aussi au mont Cenis, à une
hauteur où cet arbre ne croît plus. — Cette chenille se trouve en avril et
mai, puis en juillet. Elle varie de livrée en changeant de peau. Après
sa dernière mue, elle est pubescente, offrant alors deux variétés : la
première est verte en entier, y compris les pattes et la tète, avec trois
lignes longitudinales blanches, une dorsale et deux latérales, entre les-
quelles sont placés des points noirs, groupés deux par deux sur chaque
anneau. Chez l'autre variété, la ligne blanche latérale est remplacée
par une bande couleur de chair pointillée de brun, et, de plus, les
pattes sont noires et la tète d'un jaune terne. — La chrysalide est ovale,
à angles arrondis, avec une seule pointe obtuse à la tête. Elle est de
couleur verte, les fourreaux alaires bordés de blanc, et une ligne
blanche sur la carène du dos.
UANAIDES.
Tôle ronde; antennes graduellement terminées en massue. Yeux
ovales, proéminents. Palpes divergents, relevés, dépassant à peine le
front, distinctement de trois articles. Thorax médiocrement robuste.
Ailes larges, les supérieures allongées, à cellule discoïdale fermée, les
inférieures subovales, à cellule discoïdale fermée et à gouttière abdo-
minale toujours ample. Pattes assez robustes, sauf celles de la première
paire, allongées; la première paire imparfaite, avec des variations sui-
vant le sexe; les paires 2 et 3 ayant les jambes épineuses et à éperons
peu développés; tarses ayant les cinq articles tous épineux en dessous
et les crochets simples. Abdomen assez grêle, presque aussi large que
16/i LÉPIDOPTÈRES.
le bord abdominal des ailes inférieures. — Chenilles robustes, cylin-
droïdes, amincies antérieurement, offrant sur un ou plusieurs de leurs
segments une paire de longs tentacules, grêles, flexibles, charnus, non
rétractiles. — Chrysalides suspendues, courtes, lisses, un peu ovoïdes,
contractées vers la partie médiane.
Les Danaïdcs ne comprennent que quelques genres, presque tous de
l'ancien monde, surtout des îles de l'archipel indien, des parties chaudes
de l'Asie, d'Australie, de la ^'ouvelle-Guinée, de certaines îles du Paci-
fique, des îles Maurice et Bourbon, le genre Danois seul à peu près
également des deux continents.
UAU'AIS, Latr. — Antennes de la longueur de la moitié du corps, se terminant
graduellement en massue ovalaire. Bord interne des ailes supérieures recliligne.
Pattes de la première paire ayant les cuisses et les jambes de la même longueur ;
les tarses plus courts, ceux du mâle vaguement partagés en deux articles, ceux
des femelles composés de quatre articles, le dernier souvent peu distinct, tous
armés d'épines sur les côtés; crochets des tarses des autres paires longs, à peine
recourbés. — Chenilles subcylindriques, se rétrécissant vers la tète, présen-
tant, sur les troisième et ilernier segments et quelquefois sur le sixième, des
tentacules longs, charnus, non rétractiles. — Chrysalides suspendues, ovoïdes,
rétrécies vers le milieu, à abdomen Irès-court, ayant quelques taches dorées.
L'ancien et le nouveau continent renferment une quarantaine d'es-
pèces du genre Danais, fréquentant les fleurs, surtout celles de la
famille des Asclépiadées. Chaque continent ofire une espèce type, et
les deux sont analogues par les couleurs noirâtres et fauves, une bor-
dure de taches blanches au\ ailes des deux paires, une série de grandes
macules blanches transversales vers le sommet noirâtre des ailes supé-
rieures. On trouve dans l'ancien monde D. Chrysippus, Linn., et var.
Alcippiis, Godart, répandue dans toute l'Afrique jusqu'au Cap, et de
l'Asie Mineure jusqu'en Chine, se trouvant aux îles Canaries. Elle a
existé pendant plusieurs années, au commencement du siècle, dans les
environs de Naples, mais a été détruite par l'hiver de 1808, qui fut
très-rigoureux dans l'extrême midi de l'Europe. La chenille, qui vit
sur plusieurs Asclépiadées, est d'un blanc violàtre, annelée de jaune et
de noir, avec six tentacules noirs, deux sur le cou, deux sur le milieu
du dos, les deux autres vers la partie anale; la tête a trois raies noires,
dont l'intermédiaire tachetée de jaune près du front. La chrysalide est
d'un jaune pâle, avec quelques points dorés. L'espèce fondamentale
amréicaine est D. Archippits, Fabr., se trouvant du Canada au sud du
Brésil, partoutoùcroissentles Asclépiadées. — La chenille, qui se nourrit
surtout de VAsclepias Curassavica, est blanchâtre, avec des bandes jaunes
et des raies noires transverses, portant deux tentacules noirs et four-
chus, un vers le cou, l'autre vers la partie anale; les pattes sont égale-
ment noires. — La chrysalide est obtuse, d'un vert pâle, avec des taches
HELICONIA. 165
dorées; elle est suspendue verticalement et par la queue au bord des
feuilles C'est en mai que paraît l'adulte aux États-Unis.
Nous représentons une espèce de Java, D. Eimice, Godart (pi. lxxx,
fig. U ; h «, corps vu de profil ; h ft, patte antérieure ; U c, patte posté-
rieure; h (/, extrémité grossie du tarse postérieur). Cette riche espèce
a les ailes supérieures d'un bleu sombre, avec de petites taches d'un
bleu azuré vers le sommet, et, sous la cellule discoïdale, luie grande
tache bleue, en ellipse échancrée avec un trait blanc interne ; les ailes
inférieures d'un brun violacé comme le corps, avec deux taches bleues
près du bord externe ; toutes les ailes finement lisérées de taches
blanches allongées.
HÉLICONIDES.
Tète large ; antennes allongées, terminées graduellement en mas-
sue. Yeux volumineux, proéminents. Palpes largement écartés à
leur base, non convergents, relevés, plus longs que la tète, distinc-
tement triarticulés. Thorax assez grêle. Ailes supérieures allon-
gées, presque toujours arrondies à leur bord externe, rarement sub-
triangulaires, à cellule discoïdale toujours fermée, les inférieures
beaucoup plus courtes que les supérieures, transversalement allon-
gées, ovales, à cellule discoïdale toujours fermée, dépourvues de gout-
tière abdominale. Pattes de la première paire imparfaites, quelquefois
plus développées dans les femelles que dans les mâles ; pattes des'
paires 2 et 3 presque toujours peu développées, leurs tarses à crochets
simples. Abdomen allongé, grôle, quelquefois terminé en massue
légère ou au contraire bien accentuée, ordinairement de la même
longueur que le bord abdominal des ailes inférieures, parfois même
un peu plus long. — Chenilles inconnues. — Chrysalides lisses, sus-
pendues par leur partie postérieure.
A l'exception du genre Hamadryas, qui existe dans les îles les plus
orientales de l'archipel indien, ainsi que dans celles de la Polynésie,
les nombreuses espèces des Héliconides, divisées en plusieurs genres,
habitent les régions chaudes de l'Amérique méridionale et les
Antilles.
HElilCOlVlA, Latr. — Tète large ; antennes allongées, environ de la longueur
du corps, graduellement terminées en massue et à articles peu distincts. Yeux
ovales, très-proéminents. Palpes dépassant beaucoup le front, écailleux, munis
de poils allongés, disséminés çà et là. Thorax médiocrement robuste. Ailes
supérieures allongées, à bord antérieur arrondi et à peu près deux fois plus
long que le bord extérieur, qui est généralement arrondi, parfois angtdeux ;
bord interne plus long que l'externe, lequel est légèrement sinueux. Ailes
inférieures plus ou moins subovales, ayant le bord costal deux fois aussi long
que le bord abdominal. Pattes de la première paire du mâle écailleuses, à
166 LÉPIDOPTÈRES.
cuisse et jambe renflées ; tarses subcylindriques, comprimés, paraissant formés
d'un seul article ; pattes de la première paire de la femelle plus développées,
à cuisse et jambe écaillcuses, revêtues de poils allongés; tarses à cinq articles;
pattes des paires 2 et 3 médiocrement allongées, à jambes épineuses. Ab-
dpmen allongé, terminé en massue^ s'étendant souvent bien au delà des ailes
inférieures. — Chenilles et chrysalides inconnues.
Le genre Heliconia compte une soixantaine d'espèces, exclusivement
américaines, s'étendant un peu au delà des deux tropiques, plus abon-
dantes dans la région équatoriale, paraissant avoir leur maximum
d'espèces à la Guyane hollandaise, habitant souvent des régions assez
élevées, remarquables par une sécrétion de mauvaise odeur, probable-
ment défensive contre les oiseaux.
Les Héliconies ont été étudiées sous le rapport des mœurs par La-
cordaire, dans son Mémoire {op. cit.) sur les Lépidoptères diurnes de la
Guyane française. Il divise leurs nombreuses espèces en six groupes :
1° A taches blanches sur un fond noir ou bleuâtre : H. Hécate, Sappho,
Antiocha, des forêts seulement, à vol large et facile, s'élevant peu dans
les airs. '2" A taches rouges ou jaunes sur les ailes supérieures, avec
les inférieures sans rayons colorés : H. Melpomene, CaUicopis, Sara,
Thamar, les plus communes des Héliconies de la Guyane, des endroits
habités, ayant un vol tantôt haut, tantôt bas, faciles à prendre. 3" A
lâches jaunes ou rouges sur les ailes supérieures et à rayons rouges ou
fauves sur les inférieures : H. Boris, Erato, Ctjnisca, /Ede^ Andremone,
rares, des forêts voisines des habitations, s'élevant peu au-dessus de
terre, s'avançant en ligne droite, moitié en planant, moitié en volti-
geant ; il en est de même pour H. Ricini, qui a d'autres couleurs et dont
la chenille vit sur le Ricin. ^° Espèces où le jaune prédomine, mêlé au
noir : //. Eva, Pasinuntia, Egena, Numata, Polymnia, des bois seule-
ment. Celles à ailes très-étroites et à abdomen allongé ont le vol lent,
inégal, sautillant et se posant souvent en grande quantité sur les
fleurs, où on les prend aisément ; les autres, à ailes moins allongées et
dont l'abdomen dépasse peu ou point les ailes inférieures, ont le vol
rapide et inégal, s'élevant souvent dans les airs et en redescendant
aussitôt après, sans jamais planer, et sont difficiles à prendre ; 5" espèces
à ailes plus ou moins transparentes : H. Nisœa, Flora, /Egle, et du même
groupe diaphana,ijazoria, qui sont du Brésil, constamment des plus pro-
fondes forêts, en petites sociétés, voltigeant lentement dans les brous-
sailles, pas à plus d'un mètre du sol, se posant à chaque instant sur les
feuilles; de même, dans un genre voisin, Thyridia Psidii, espèce de
grande taille. 6° Espèces semblables à des Piérides pour les couleurs,
H. Vocida et Meihymna, habitudes des précédentes. 7° Espèces d'un
aspect spécial, différent de celui des autres Héliconies : H. Euterpe,
Calliope, Phleyia, Suzanna. L'H. Calliope vit dans les fourrés les plus
épais et les plus ombragés; son vol est semblable à celui de certains
Acr.aLiDiis. 167
Lépidoptères nocturnes, lent, mou,- et, comme eux, elle se pose à la
surface inférieure des feuilles, ne parcourt jamais que des espaces
très bornés et se cache à chaque instant.
ACR/i:iDES.
Corps à thorax court, h abdomen allongé et terminé en massue.
Antennes peu allongées, assez brusquement terminées en massue
Palpes courts, renflés, garnis de poils peu serrés et longs, ayant leur
second article fort grand et comme vésiculeux, le dernier très-petit,
terminé en pointe aiguë. Ailes supérieures allongées et coupées obli-
quement, les inférieures beaucoup plus courtes et subovales. Pattes de
la première paire grêles et assez longues, à tarses plus ou moins impar-
faits ; celles dos paires 2 et 3 courtes, leurs tarses ayant leur premier
article moins long que les deux suivants réunis, les articles 2, 3, li
allant un peu en décroissant de longueur, 5 presque aussi long que
le précédent, à crochets assez fortement recourbés, environ moitié
moins longs que le dernier article.
La famille des Acr.x'ides ne comprend que des espèces étrangères à
l'Europe, et qui sont surtout des régions chaudes de l'ancien monde.
Elles sont toutes plus ou moins transparentes et comme gaufrées, avec
des taches, et certaines parties colorées. Le genre principal, Acrœa,
Fabr., a les palpes divergents, dépassant beaucoup le front; le pro-
thorax très distinct ; les ailes supérieures subtriangulaircs, allongées,
diaphanes en partie ou en totalité, avec le sommet plus ou moins
arrondi, le bord antérieur très peu arqué, le bord interne presque
droit, les ailes inférieures subovales, avec le bord antérieur presque
droit ; l'externe très arrondi, le bord interne embrassant légèrement la
base de l'abdomen ; les tarses antérieurs du mâle, ou bien uniarticulés,
ou bien à quatre ou cinq articles peu distincts; ceux de la femelle de
quatre ou cinq articles, ce dernier très petit, quand il existe; l'ab-
domen allongé, arqué, terminé en massue, avec le dernier segment de
la femelle muni d'un appendice corné. — Les chenilles sont cylindroïdes
et épineuses, les chrysalides grêles, anguleuses, ordinairement suspen-
dues par la queue. — Ce genre manque en Polynésie et est surtout abon-
dant dans l'Afrique chaude, sur la côte occidentale, Congo, Sierra-
Leone, Guinée, Ashanti, etc., et aussi à Sainte- Marie et à Madagascar;
il otfre également des espèces en Chine et aux Indes orientales, et
quelques-unes dans le nouveau monde, au Brésil, à la Guyane hollan-
daise, en Colombie.
ARGYNNIDES.
Palpes assez notablement redressés et écartés. Ailes inférieures ayant
la cellule discoïdale ouverte, le bord abdominal formant souvent une
168 LÉPIDOPTÈRES.
gouttii're prononcée pour recevoir l'abdomen, qui est caché au repos.
— Chenilles garnies d'épines plus ou moins longues, simp les ou ciliées;
chrysalides anguleuses, souvent munies de tubercules ou de pointes et
de taches dorées ou argentées.
Les espèces de cette famille, presque toutes parées des plus belles
couleurs, se répartissent entre toutes les parties du monde. Il y a quel-
ques genres exotiques dont la coupe d'ailes rappelle les Héliconides
et les Acrseides : ainsi les genres Eueides, du Brésil, du Venezuela ;
Colœnis, du Venezuela, du Brésil, de la Guyane. Nous citerons, de ce
dernier pays, les C. Jiilia, Juno, Pherusa, Libya, des plantations, d'un
vol très rapide, se posant rarement, pour quelques secondes, les ailes
fermées au repos, de capture très difficile ; et C, Dido, Linn., à ailes
étalées au repos, se tenant au sommet des arbres des jardins et volant
même rapidement par la ville de Cayenne, presque impossible à se pro-
curer. Les Cethosia (Fabr., non Godart) sont d'Asie méridionale, des
îles Sondaïques et d'Australie ; les Agranlis, du Mexique, des Guyanes,
du Venezuela, de la Nouvelle-Grenade, près de Cayenne : A. Vanillœ,
Linn., et A. columbina, ont les mœurs de nos Argynnes, dont elles
diffèrent peu génériquement, leurs chenilles étant cylindriques ,
avec de longues épines ciliées, leurs chrysalides anguleuses et tuber-
culées.
ARGVUlllj^, Fabr. — Tête assez large, couverte de poils; antennes terminées
brusquement par un bouton court, aplati en dessous. Yeux lisses, presque
ronds: spiritrompe longue et prolongée au delà du thorax. Palpes avancés,
écailleux, revêtus de longs poils, divergents, dépassant beaucoup le front; le
3" article nu à son extrémité et pointu. Thorax arrondi, ovale, assez robuste.
Ailes sinuées ou denticulées, les supérieures triangulaires, avec le bord anté-
rieur arrondi, l'externe presque droit ou légèrement concave ou souvent
arrondi, le bord interne presque droit, à peu près de la même longueur que le
bord antérieur; ailes inférieures subovales, avec leurs bords subégaux en lon-
gueur et généralement arrondis. Pattes de la première paire du mâle revêtues
de longs poils, à jambes courtes, à tarses uniarticulés ; celles de la femelle
écailleuses, légèrement frangées, à tarses de cinq articles ; pattes des paires
2 et 3 à jambes épineuses, à tarses épineux, de cinq articles. Abdomen plus
court que les ailes inférieures. — Chenilles cylindroides, couvertes d'épines
verticillées ; celles du prothorax souvent plus longues que les autres, et au
moins au nombre de deux. — Chrysalides anguleuses, garnies de deux ran-
gées de pointes dorsales, ornées de taches métalliques, avec la tête presque
toujours bifide.
Les Argynncs présentent de nombreuses espèces des régions tem-
pérées des deux continents et s'étendant en Europe jusqu'aux régions
boréales, au delà du cercle arctique. Elles ont le vol assez soutenu e
rapide. Le fond de la couleur des ailes est le jaune fauve, avec des taches
ARGYNNIS. 169
noires, offrant souvent en dessous, surtout aux ailes inférieures, des
taches nacrées, qui ont fait donner à ces Papillons le nom de nacrés
par les vieux auteurs. Les femelles sont pareilles aux mâles, mais plus
grandes, et les emportent dans l'accouplement.
Nous citerons les espèces les plus répandues en France, qui habitent
presque exclusivement les bois.
Un premier groupe, qu'on peut appeler, d'une manière générale,
des grandes Argyime.s, offre le second arlicle des palpes presque tou-
jours très-renflé et la seconde nervure subcostale prenant naissance
avant l'extrémité de la cellule discoïdale. Les îles Britanniques pos-
sèdent dans ce premier groupe les A. Paphia, Aglaia, Adippe et
Lathonia. — Une des espèces les plus communes de ce groupe et des
moindres en taille, 36 millimètres d'envergure, est A, Lathonia,
Linn., le petit Nacré de Geoffroy, se trouvant aux îles Canaries, très
largement nacrée en dessous, quelques petites taches à l'angle apical
des ailes supérieures, et aux inférieures, sur un fond ferrugineux, cinq
grandes taches d'une nacre argentée très brillante sur le disque, et un
rang antémarginal de sept taches nacrées, surmontées d'une bande fer-
rugineuse, ornée d'yeux à prunelle argentée. Très commune en mai, puis
en août et septembre dans toute la France, dans les bois et aussi au
dehors, par exception des autres Argynnes, le long des chemins, dans
les prairies artificielles et les jardins. Aberration Valdensis, Esper, of-
frant les taches nacrées du dessous des ailes inférieures réunies en
forme de bandes, et les taches noires du dessous des supérieures plus
grosses et absorbant la couleur du fond (A. Guenée). Chenille en avril et
en juillet, isolément sur la Pensée {Viola tricolor) et le Sainfoin [Hedy-
sarum Onobrijchis), et aussi la Bourrache et la Buglosse, d'un brun gri-
sâtre, avec une hgne blanche le long du dos et soixante épines, quatre
sur le premier et sur le dernier segment et six sur chacun des autres,
celles des deux premiers anneaux étant les plus courtes, celles des
anneaux du milieu les plus longues. Chrysalide grisâtre en avant,
verdàtre en arrière, avec des taches dorées sur le corps et les points
de la tête arrondis. Le papillon éclôt au bout de quinze jours. —
.1. Aglaia, Linn., le grand Nacré de Geoffroy, assez commun en juillet
et août dans les allées des bois et sur les grandes haies des routes qui les
bordent, se posant volontiers sur les fleurs des Ronces et des Chardons;
de 58 millimètres d'envergure ; d'un beau fauve, avec la frange jaunâtre
et beaucoup de taches noires, les nervures noires renflées sur le disque
des ailes du mâle, une rangée discoïdale de cinq points noirs aux infé-
rieures, celui du milieu étant le plus petit, leur dessous d'un jaune d'ocre
pâle, avec beaucoup de taches argentées, ombrées de vert; la femelle plus
grande, à ailes plus arrondies, leur base plus largement teintée de noir
verdàtre, les nervures non renflées aux ailes supérieures. Chenille en
juin sur la Violette sauvage [Viola canina), noirâtre, avec une rangée
.ongitudinale sur les côtés de huit taches rousses, carrées, et une ligne
470 LÉPIDOPTÈUES.
plus pftlc le long du dos, les trois premiers aiuieaux. et les deux derniers
portant chacun quatre épines, les autres chacun six. Chrysalide rousse,
ondée do brun, avec les deux points de la tiîtc arrondie et les éminences
du corps pou sensibles. — A. Adippe, Cat. de Vienne, de mômes taille,
époque et habitudes que l'espùcc précédente, à laquelle elle ressemble
beaucoup en dessus dans les deux sexes ; existe au Japon très agrandi
en taille, le dessous des ailes inférieures d'un fauve pâle, avec beau-
coup de taches argentées, dont plusieurs groupées près de la base, les
autres formant deux lignes transverses postérieures, renfermant une
série de taches oculaires ferrugineuses. Une aberration Cleodoxa, Ochs.
assez fréquente, mais moins commune que le type et des mêmes lieux,
manque tout à fait des taches argentées en dessous, qui sont remplacées
par du jaune clair, les yeux ferrugineux avec leur prunelle argentée
persistant seuls. Chenille d'un rouge-brique ou d'un vert olivâtre, sui-
vant l'âge, avec une ligne dorsale blanche et bordée par des points noirs ;
six rangées d'épines, dont une paire sur le premier anneau ; vivant sur la
Violette odorante {Viola odorata) et sur la l'ensée [Viola tricolor). Chry-
salide roussâtre, avec des taches argentées, donnant son papillon au
bout d'une quinzaine de jours. — A. Paphia, Linn., le Tabac d'Espagne,
de Geoffroy, de 65 millimètres d'envergure, ayant un vol assez rapide
et l'élan brusque ; d'un fauve vif chez le mâle, plus ou moins mélangé
de vert à la base des ailes chez la femelle, ces ailes traversées par quatre
rangées de taches noires, plus grandes chez les femelles, subquadrangu-
laires ou subtriangulaires, avec les quatre dernières nervures noires et
très renflées chez le mâle, non renflées dans la femelle; en dessous l'angle
apical glacé de vert aux ailes supérieures, les inférieures totalement,
avec quatre bandes argentées transverses et un double rang en bordure
de gros points verts. Cette espèce, la plus grande de nos Argynnes, existe
en Corse et se trouve très commune dans les bois de toute la France,
sur les fleurs de Ronce et de Chardon, en juillet et août, et va butiner
aussi dans les champs de Luzerne voisins des bois. Cette espèce pond
de gros œufs d'un blanc jaunâtre. Les femelles persistent parfois assez
longtemps, car j'en capturai une, très usée, dans la foret d'Armainvilliers,
près de Paris, aux premiers jours d'octobre. U y a une variété femelle
curieuse par mélanisme : c'est Valesina Esper, qui remplace les femelles
du type dans le Valais et qu'on trouve, mais rare, à Compiègne, Saint-
Germain-en-Laye, Meudon, Armainvilliers, Fontainebleau, etc., près de
Paris, et avec des passages rembrunis au type ordinaire; le mâle noir a
été trouvé, mais rarissime. Valesina diffère de Paphia par une teinte
générale d'un noir un peu verdâtre et par deux taches blanchâtres vers
la côte des ailes supérieures, le dessous de celles-ci plus blanchâtre que
le type et le dessous des inférieures d'un vert plus foncé que dans le type
de la femelle de Paphia. Les taches noires du type continuent à se voir
sur le fond noir, comme on distinguo les taches ocellées noires sur le
fond noir plus mat du pelage de la l'anthère noire de Java, aberration
ARGYNNIS. 171
mélanienne de la Panthère, qui so rencontre d'ordinaire dans l'Ile
malaise pour un petit sur quatre de chaque portée. Chenille de Paphia
(pi. Lxxxi, fig. 3), vivant solitaire sur la Violette sauvage {Vivla cunina)
et sur le Framboisier sauvage (/?j«6ms idœus), brune, avec des taches
jaunâtres le long du dos, deux épines grandes, fortes, presque cylin-
driques sur le premier anneau, celles des autres coniques, deux sur
le second segment, six sur chacun des suivants, quatre sur le dernier.
Chrysalide grisâtre, suspendue (pi. lxxxi, fig. o a), avec plusieurs émi-
nences dorées, les anneaux ayant des tubercules arrondis au lieu de
pointes aiguës. Dans la variété immaculata, de France et de Corse, les
bandes du dessous des ailes inférieures sont oblitérées, au moins en
grande partie. On a signalé l'hermaphrodisme bilatéral chez .1. Paphia:
ainsi Ochsenlieimer a eu un sujet mâle à droite, femelle à gauche, Hiib-
ner un sujet mâle à gauche et à droite femelle, var. Valesina. Wesmaël
décrit un hermaphrodite mâle à droite, femelle à gauche, avec de
remarquables mélanges; l'aile antérieure gauche réunit des couleurs
du mâle et de la variété femelle Valesina ; l'aile antérieure droite est
mâle, avec une rangée de taches noires postérieures aussi marquées
que chez la femelle ; enfin l'aile inférieure gauche est de la variété Vale-
sina; l'abdomen ofl're à droite la branche de la pince copulatrice mâle
et un faisceau de poils, ces pièces manquant à gauche. M. Berce a signalé
un mâle d'.l. Paphia ofl'rant l'aberration mélanienne propre habituelle-
ment à la femelle, var. Valesina. — CarofVa pris près de Paris un mâle d'A-
Paphia présentant quatre ovales blancs, un sur chaque aile. — .1. Pandora^
Cat. de Vienne, ou Cynara, Godart, grande et belle espèce d' Espagne, de
l'Autriche et Hongrie, de Corse, des provinces moldo-valaques, des îles
Canaries, se trouvant par places en France, toujourslocalisée, dansle Midi
et l'Ouest, volant avec rapidité, se posant sur les fleurs de Chardon, ainsi
près de Bordeaux, très commune en juillet sur les vieux remparts de la
Rochelle (H. Delamain), sur les dunes de la Vendée (de Graslin), rare
dans le Cantal (Maurice Sand), disséminée et rare en divers points de la
Bretagne (Oberthûr). Les ailes inférieures ont en dessous une riche mar-
brure verte et argentée. On cite de cette espèce un hermaphrodite bila-
téral.— .1. Ino, Esper, de/iO millimètres d'envergure, d'un fauve vif, avec
des taches noires assez grosses; le dessous des ailes supérieures plus
clair, avec le sommet jaunâtre, le dessous des inférieures ayant la base
d'un jaune clair, avec deux lignes médianes rousses ; le reste de l'aile
varié de violet, de jaune et de roux, fondus ensemble et chatoyants,
avec une série d'yeux ferrugineux à prunelle verdâtre. Fn juin et juillet
dans les bois du nord et de l'est de la France, Compiègne, Mormale,
Vosges, Auvergne, dans la Creuse, forêt de Châteauvert, auLioran.dans
le Cantal (Maurice Sand); se trouve aussi dans le nord de l'Europe,
ainsi aux environs de Saint-Pétersbourg; se rencontre en Chine, aux en-
virons de Pékin, pareille au type de France. Chenille en mai sur la Vio-
lette odorante, et aussi sur Urtica rirens, d'après de Villiers et Guenée.
172 ■ LÉPIDOPTÈllES.
La seconde section des Argynnes de France, qu'on peut appeler les
petites Argynnes, a le second article des palpes peu renflé, et la seconde
nervure subcostale prenant naissance au delà de l'extrémité de la cellule
discoïdale. Il en est trois propres aux bois de la plaine, fréquentes dans
lesalléesetsurtout les clairières, en mai, puis une seconde foison juillet
et août, les chenilles à leur taille se trouvant en mai et juin, puis en
septembre. Ce sont les A. Dia, Linn., la petite Violette d'Engramelle, de
3/i millimètres d'envergure, offrant le dessous des ailes supérieures d'un
fauve plus clair que le dessus, avec le bord terminal entrecoupé dejaune
et de ferrugineux, le dessous des inférieures d'un ferrugineux violâtre,
varié de jaune, avec deux bandes de taches nacrées, entre lesquelles est
une ligne transverse d'un violet blanchâtre, longée extérieurement
d'une autre ligne formée de six taches oculaires ferrugineuses, dont les
deuxième et troisième, à partir de l'angle anal, offrent seules une pru-
nelle jaunâtre. Outre les bois, l'espèce se trouve encore dans les prés et
jardins, et il y a des variétés où les taches noires du dessus amplifiées
occupent presque toute la surface des ailes. Chenille grise, avec des
rangées d'épines alternativement blanches et rougeâtres, vivant sur
plusieurs espèces de Violettes. Chrysalide jaunâtre, variée de noir. —
A. Euphrosijne, Linn., envBrgure ZiO millimètres, des bois etdes prés, de
montagne comme de plaine, à ailes d'un fauve terne, tachées de noir, le
dessous des inférieures n'offrant qu'une seule bande de taches nacrées
longeant le bord postérieur, ces taches non surmontées de chevrons
noirs, et deux taches nacrées, l'une au centre, l'autre près de la base.
Chenille noire, épineuse, avec deux bandes dorsales de taches orangées,
sur les Viola canina et montana. — A. Selene, Cat. de Vienne, 38 milli-
mètres d'envergure, le petit Collier argenté d'Engramelle, espèce un peu
moins répandue que les deux précédentes, des prairies comme des bois;
le dessous des ailes supérieures marqué de jaune et de ferrugineux,
celui des inférieures ferrugineux avec trois bandes nacrées, la posté-
rieure surmontée de chevrons noirs, la médiane interrompue en son
milieu, la troisième rapprochée de la base et formée de trois taches
nacrées séparées entre elles par deux taches d'un jaune clair, à la base
trois autres taches plus petites et dont la plus rapprochée du bord
interne est faiblement nacrée. Chenille sur la Violette, d'un noir de
velours avec les épines jaunes (Goossens). Les petites Agrynnes n'existent
pas en Corse, où la plus petite qu'on rencontre est A. Lathonia. Dans les
îles Britanniques ne se rencontrent de ce groupe que les A. Selene ei
Euphrostjne.
Nous avons encore en France plusieurs autres espèces d'Argynnes
qui sont spéciales aux montagnes; nous ne citerons que la plus com-
mune : A. Pales, Cat. de Vienne, des Alpes et des Pyrénées, oITrant plu-
sieurs variétés, volant à une grande élévation dans les prairies des
hautes régions, en juillet et août, aisée à prendre, car elle se pose
volontiers sur les fleurs. Chenille en mai, sur Viola montana. Il y a des
AKGYNNIS. 173
Argyuiies qui sont propres aux régions les plus septentrionales de
l'Europe : ainsi A. Chariclea, Ochs., du nord de la Suède; A. Friyga,
Thunberg.dunordde la Suède et delà Laponie méridionale. C'est le genre
Artjijnnis qui paraît fournir le Lépidoptère rhopalocère le plus septen-
trional, VA. polaris, Boisduval, des extrêmes latitudes nord du Groenland
(S. Scudder, A North Greenland BiUterfly, in Psyché, avril 1875, t. I,p.57-
59). On consultera encore, à propos des Argynnes, Natural History of
Argynnis Paphia (the Entomologist moiithly Magazine, t. XIV, p. 252).
11 y a déjà longtemps qu'un organe curieux a été constaté par
Charles Bonnet (de Genève) sur les chenilles des Argynnes, en 1737.
C'est une vésicule existant sous le premier anneau thoracique, com-
muniquant à une cavité interne contenant une liqueur acide qui rou-
git le papier bleu de tournesol. Bonnet fit part de sa découverte à
Réaumur, et plus tard à de Geer. Ils reconnurent que, selon les
espèces, la vésicule a la forme hémisphérique ou tubulaire, ou bifide,
et crurent à une seconde filière : idée singulière pour des chenilles de
Diurnes, qui ne font pas de cocons ; tandis que cette filière supplémen-
taire n'existerait pas dans les chenilles de Bombyciens, qui n'ont pas
cet organe et fontsouvent des cocons très-soyeux. Lacordaire {Introduct.
à r Entomologie) rejette cette opinion, et suppose qu'il y a là un organe
à sécrétion odorante défensive. M. Goossens, un de nos entomologistes
les plus experts pour tout ce qui concerne les chenilles, a repris
l'étude de cet organe, qu'il a reconnu aussi sur les chenilles de Méli-
tées, de Vanesses, etc., et d'un grand nombre de Diurnes, plus ou
moins développé. Il objecte à l'hypothèse de Lacordaire que, lorsqu'on
inquiète ces chenilles, elles mettent aussitôt la tète entre leurs pattes
et se roulent, cachant et annulant ainsi ce qui devrait les protéger,
tandis que les chenilles des Papilio et des Thais fout saillir au con-
traire les caroncules odorantes, placées en dessus du premier anneau et
non en dessous. M. Goossens est porté à penser que la vésicule sous la
gorge est pressée lors du mouvement des pièces buccales de la che-
nille, et laisse s'échapper la liqueur acidulée, qui prépare la feuille à
une trituration prochaine, à la façon d'une salive.
Nous représentons une espèce exotique, A. moneta, Geyer, du iMexi-
que, du Venezuela et de la Colombie (pi. lxxxi, profil en dessous), avec
la base des ailes supérieures rouge, leur sommet brun, comme le des-
sous des secondes ailes, avec de larges et nombreuses taches, analogues à
des pièces d'argent. Elle est du genre actuel Agraulis, formé d'espèces
américaines, ressemblant beaucoup aux Argynnis et ayant les mêmes
mœurs. Les chenilles sont cylindriques, armées de longues épines
ciliées; les chrysalides sont anguleuses et tuberculées. Près deCayenne
se trouvent les Agraulis colomhina et Vanillœ, Linn., cette dernière
très répandue dans l'Amérique chaude, et se rencontrant aussi
aux îles Canaries, où il n'y a pas de|Vanilles. — A consulter, pour les
Argynnis: H. Lucas, Quelques remarques sur les Lépidoptères du genre
17^ LÉPIDOPÏÈUES.
Argynnis, qui habitent les environs de Pékin, et Description d'une nouvelle
Espèce de cette coupe générique, avec 1 pi. {Ann. Soc. entoni. Fr., 1856).
itiKiilT/KA, Fabr. — Tête assez petite, couverte de poils, avec le front ré-
tréci. Spiritrompe un peu plus longue que le thorax; antennes brusquement
terminées par une massue piriforme. Palpes très-velus, divergents, dépassant
de beaucoup le front. Yeux ovales, non saillants. Thorax poilu, en ovale allongé.
Ailes entières ou à peine denticulées, n'offrant jamais de taches argentées, les
supérieures subtriangulaires, le bord antérieur à peine arrondi, l'externe
légèrement arrondi, l'interne rectiligne ; les inférieures subovales, à angle anal
saillant, le bord antérieur presque droit, le bord extérieur très arrondi. Pattes
de la première paire du mâle poilues et écailleuses, à tarses cylindriques d'un
seul article, celles de la femelle à jambes courtes, à tarses de cinq articles;
pattes des paires 2 et 3 assez robustes , avec les jambes et les tarses revêtus
d'écaillés. Abdomen médiocrement robuste, arqué, ne dépassant pas le bord
interne des ailes inférieures. — Chenilles subcylindroïdcs, amincies aux deux
bouts, à tubercules charnus munis d'épines courtes, finement rameuses, d'égale
longueur. — Chrysalides peu anguleuses, obtuses antérieurement, munies sur
le dos de six rangées de points verruqueux peu saillants, de couleurs variées,
mais sans taches métalliques.
Les Mélilées ressemblent assez aux Argynnes par les couleurs et
dessins du dessus des ailes, mais s'en distinguent tout de suite par
l'absence de taches nacrées en dessous. En outre, leur vol est peu
rapide et assez régulier. Elles habitent les bois et les prairies qui les
avoiainent; les femelles emportent les mâles accouplés à elles. Les
chenilles vivent presque toutes sur des plantes herbacées; certaines
espèces sont très abondantes pendant tout l'été, à tel point qu'on
trouve parfois cinq ou six individus sur une même fleur. Tandis que les
Argynnes n'ont que rarement des aberrations de dessin, les Mélitées
varient au contraire d'une manière considérable dans certaines espèces,
soit par des absences de pigment des ailes, soit par confluence plus ou
moins forte des taches noires, et les collections des amateurs présen-
tent des passages presque sans nombre. La disposition des couleurs
du dessus des ailes est un mélange de noirâtre et de fauve qui rappelle
la combinaison de teintes des cases d'un échiquier, et a fait donner
à ces Papillons le nom général de Damiers; en dessous, les ailes sont
ornées de dessins jaunes, bruns et noirs. Les femelles sont, en général,
pareilles aux mâles et un peu plus grandes. Les espèces de Melitœa
sont assez nombreuses, et paraissent limitées aux zones tempérées et
boréales de l'ancien et du nouveau continent. L'Europe compte une
quinzaine d'espèces de Mélitées qui manquent tout à fait en Corse.
Nous signalerons les plus répandues en France :
M. Artemis, Cat. de Vienne, le Damier de Geoffroy, espèce très-com-
mune partout, existant dans les îles Britanniques, de mai en juillet,
MELIT A. 175
envergure 35 millimètres ; les ailes d'un l'uuve rougeùlre, avec une
bande transverse de taches jaunâtres et quelques taches de cette cou-
leur sur le disque ; sept à huit lignes noirâtres sur les supérieures et
une ligne courbe de six points noirs sur les inférieures; en dessous, le
sommet cl une partie du bord externe des ailes supérieures jaunâtres,
trois bandes d'un jaune clair bordées de noir sur les inférieures, et
entre les deux bandes terminales une série de points noirs cerclés de
jaune. Chenille en société dans le jeune âge, sur les Plantago et Sca-
biosa, en avril, puis en juillet et septembre, les sujets de seconde
éclosion hivernant dans une sorte de toile ou de tissu soyeux ; la partie
supérieure du dos et des épines noires, la partie inférieure jaunâtre, le
dos et chacun des côtés oJTrant une ligne longitudinale de points
blancs très-petits; la tète noire, les pattes d'un rouge brun. Chrysalide
d'un blanc verdâtre, avec des points noirs et un grand nombre de
petits tubercules jaunes vers l'extrémité du corps. Des variétés : Mc-
rope, Prunner, des montagnes alpines et pyrénéennes, plus petite,
toutes les taches d'un jaune plus pâle, généralement plus chargée de
noir, surtout aux ailes inférieures, qui n'offrent souvent que quelques
petites taches jaunes; provincialis , Boisduval, taille très agrandie,
surtout chez les femelles, d'un fauve plus vif, avec les taches anté-
marginales très claires chez la femelle, commune en Provence et dans
les Alpes-Maritimes en mai. — M. Cinxia, Linn., envergure 35 milli-
mètres chez le mâle, allant parfois à U5 millimètres chez certaines
femelles; ailes légèrement dentées, d'un fauve terne, réticulées de
noir, les inférieures un peu aiguës à l'angle anal, et ayant le second
rang de taches fauves orné d'une série de points noirs ; dessous des
supérieures avec l'extrémité d'un blanc jaunâtre et quelques points
noirs ; dessous des inférieures avec cinq bandes transverses de taches,
la deuxième et la quatrième d'un fauve roussâtre, les trois autres d'un
jaune pâle, toutes ces bandes lisérées de noir. Espèce très-commune en
Europe et des îles Britanniques, en mai et juin, puis en août. Chenille
en avril, puis en août et septembre, sur la Véronique, l'Oreillc-de-
souris [Sedum album), le Plantain, la Piloselle, la Jacée (Centaurea Jacea),
sociale dans le jeune âge, la seconde génération passant l'hiver sous
une tente soyeuse, la plus facile à trouver des chenilles de Mélitées.
— M. Athalia, Esper, envergure 38 millimètres ; les palpes noirs en des-
sus ; la couleur fauve disposée en larges bandes sur les ailes, bordées
de brun noir avec des rangées de taches fauves ; le dessous des ailes
inférieures d'un jaune pâle, avec deux bandes fauves bordées de noir ;
la supérieure large, l'inférieure étroite, marquée de lunules plus fon-
cées, excepté près de la côte. Très commune en Europe, y compris les
îles Britanniques, en juin, puis en août, dans toutes les clairières des
bois et les prairies voisines; variant beaucoup selon les sujets, le noir
ou bien le fauve dominant. On prend tous les ans à Lardy, près
de Paris, par les journées les plus chaudes, l'aberration Pyronia
176 LÉPIDOPTÈRES.
de M. Athalia, de couleur l'oncée en dessus. Chenille en mai, puis en
septembre, sur plusieurs Plantains et sur le Melampyrum pratense.
— M.Parlhenia, Godart, espèce plus petite queil/. Athalia, et luiressem-
blant beaucoup ; offrant des difticultés de détermination, car beaucoup
d'amateurs assurent que nous n'avons pas le type de Borkhausen, qui
serait spécial à quelques régions de l'Allemagne; notre type de
France, moins brun et plus grand, serait parthenioides , Keferstein.
— M. Maturna, Linn., d'assez grande taille, se reconnaît tout de suite par
le ton d'un fauve rouge de ses ailes, volant en juin dans les bois pro-
fonds et touffus, d'Allemagne, de Carniole, de Suède , de Laponie.
Longtemps les amateurs français ont fait venir cette espèce d'Alle-
magne; on a depuis constaté qu'elle existe en France, mais localisée:
ainsi, près de Paris, à Bondy, Montmorency, Armainvilliers, Ozouer-le-
Voulgis, puis à Villers-Cotterets, aux environs d'Épernay, dans le
Loiret, de la forêt d'Allogny, dans le Cher, mais rare (Maurice
Sand, etc.). Chenille passant l'hiver; noire, épineuse, avec trois lignes
jaunes, maculaires, longitudinales, une sur le dos, deux sur les
flancs, celle du dos divisée par une ligne noire; vivant sur les Plantains
et les Scabieuses, et aussi sur desarbres,Tremble, Saule marsault, Hêtre
et même Frêne (Bellier de la Chavignerie. A rechercher à toute sa taille en
mai. — M. Phœbe, Cat. devienne, legrand Danuer d'Engramelle, de liO mil-
limètres d'envergure chez le mâle et bien plus chez la femelle^; à ailes
du mrde sinuées au bord, les inférieures dentées, d'un fauve jaunâtre
avec taches rousses et réseau noir ; les inférieures en dessous d'un jaune
clair, avec des points noirs à la base, et deux bandes fauves très irrégu-
lières avec taches rousses et lisérés noirs. Espèce méridionale, existant,
localisée et rare, dans le centre de la France, ainsi en juillet sur les
coteaux calcaires à vignobles des environs d'Autun, de Chalon-sur-
Saône, de Màcon ; près de Paris, en juin et juillet, dans les forêts de
Sénart et de Fontainebleau. Chenille en mai et septembre, sur la Jacée
(Centaurea Jacea).
Les Mélitées de l'Amérique du Nord, du sous-genre Phyciodes, ont
des différences dans la disposition des dessins noirs et fauves : ainsi
P. Nyctcis, Doubleday, se rapproche des Vanesses. Nous représentons
dans ce sous-genre Phyciodes, Hûbner, une espèce du Brésil, que
Godart plaçait dans les Héliconies, le P. Lanysdor/ii, Godart (pi. lxxx,
tig. 3), dont les ailes supérieures ont le contour subanguleux; le corps
est brun, ainsi que le fond des ailes, les supérieures largement tachées
de jaune et de fauve, les inférieures traversées en leur milieu par une
bande jaune perpendiculaire au corps.
ARASCHIVIA, Doubleday. — Tête à longs poils, formant une touffe de chaque
côté de la base des antennes. Yeux poilus, ovales, médiocrement saillants. Ailes
supérieures un peu sinuées au bord externe, les inférieures subanguleuses au
milieu du bord externe, le bord interne légèrement échancré. Tarses antérieurs
ARASCHNIA. 177
du niàlc uiiiaiLiculés, ceux de la fcmulle de cini} aiiicles, tous, sauf le ciu-
quième, armés de chaque côté, à leur sommet, d'une épiuc assez robuste.
Abdomen plus court que les ailes inférieures. Les autres caractères des Va-
7iessa. — • Chenilles épineuses, avec la tète armée de deux épines plus longues
que celles du corps; segment prothoracique mutique. — Chrysalides angu-
leuses, couvertes de tubercules, avec la tête bifide.
Ce genre a été avec raison séparé des Vanesses, dont il a longtemps
fait partie, et par ses caractères et snrlout par ses mœurs, qui difî'èrent
de celles des Vanesses et des Mélitées en ce que les chrysalides prove-
nant de la génération d'été passent l'hiver. La seule espèce du genre
est polymorphe, habite plusieurs parties de l'Allemagne et de la France,
et manque en Angleterre, localisée toujours dans les bois ombragés et
humides : ainsi, près de Paris à Bondy, et surtout dans la vallée de la
Bièvre, notamment à la Minière près de Versailles; à St-Germain en
Laye; aussi dans la forêt de Compiègne, surtout près de Pierrefonds,
aux étangs de Dattignies, dans la forêt de Villers-Cotterets, près de
Soissons et de Sentis; dans plusieurs localités du Cher, forêt de Saint-Pa-
lais, etc. (Maurice Sand); dans le nord de la France, aux environs de Va-
lenciennes, aux environs de Colmar, de Strasbourg, etc. On voit voler
en juillet A. Prorsa, hinn., la Carte géographique brune [à' EngïameWe,
offrant des taches noires arrondies et des bandes blanches sur un fond
brun, dessins qui rappellent une carte de géographie. La descendance
de cette espèce produit à la fin d'avril et en mai un autre type dit
Levana, Linn., la Carte géographique fauve d'Engramelle, généralement
un peu plus petit, où le noir est remplacé par du fauve foncé et dont le
iauve clair constitue le fond. Cette variété printanière, qu'on voit plus
rarement voler, et qu'on obtient de l'éclosion après hibernation des chry
salides des chenilles d'automne issues de la ponte de Prorsa, a longtemps
été regardée comme une autre espèce. \'a\{\\\ on trouve encore, plus
rare, une aberration intermédiaire, Porima, Ochs., avec le fond de
Levana et les taches de Prorsa, différant de Prorsa en ce que la bande
blanche des ailes supérieures est teintée de fauve, la bande des infé-
rieures étant fauve aussi et presque toujours divisée en deux, près du
bord abdominal, le dessous, à couleurs vives, participant de Levana et
de Prorsa. Cette aberration s'obtient surtout en élevant des chenilles
trouvées en septembre et en tenant les chrysalides à la chaleur artifi-
cielle des appartements pendant l'hiver. Comme le D"' Boisduval l'a
reconnu le premier, toutes les différences proviennent des époques
d'éclosion : les chenilles de juin donnent Prorsa en juillet et août;
celles de septembre, qui hivernent en chrysahdes, produisent Levana
au printemps. C'est un effet de température sur la chrysalide. La che-
nille est mélangée de noirâtre et de fauve et garnie d'épines, dont deux
plus grandes derrière la tête, et vit en petites sociétés sur l'Ortie
dioïque. La clirysahde est dentée, noirâtre en dessus, jaunâtre en des-
GIRARP. III. — 12
178 LÉPIDOPTÈRES.
SOUS. D'après M. Goossens, les chenilles qui donneront Prorsa, ou le
type noir, sont presque toutes noirâtres et quelques-unes grises, et
celles qui produiront Levana, ou le type rouge, sont toutes grises, mais
la tête demeurera pareille, ainsi que les épines et leur nombre.
Renard, de Saint-Quentin, et Pierrot ont étudié les éclosions de cette
curieuse espèce, ce dernier pendant douze ans. On peut dire que
jamais les individus d'une année ne sont absolument semblables à ceux
d'une autre. Le type bien noir de Prorsa ne se produit en juillet que
dans les années sèches et chaudes, tandis que, dans les années plu-
vieuses, les sujets tendent à se rapprocher du type fauve du printemps
et surtout de la variété Purima, qui éclôt parfois en automne de sujets
tardifs de la génération d'été. Il y a donc là un passage à ce que les
sujets qui ont hiverné et subi davantage l'action du froid et de l'humi-
dité donnent Levana, entièrement fauve et encore plus écartée du type.
Pierret a constaté en 1865, où l'été fut froid, que les éclosions de la fin
de juillet se rapprochaient toutes de Porima, que celles des premiers
jours d'août étaient des Porima, enfin que celles du 10 août furent
presque Levana. En 1835, Pierret avait vu éclore chez un amateur,
M. Delamontagne, au milieu d'un grand nombre de Prorsa, trois Levana,
fauves comme au printemps; en 185Z(, sans moyens artificiels, M.Bellier
de la Chavignerie vit, au milieu des Prorsa écloses en été, quelques
Porima et une véritable Levana, de la même ponte, cclose en même
temps, pareille au type qui éclôt après hivernation de la chrysalide,
sauf une taille plus grande. Plusieurs amateurs allemands, et, en
France, un amateur de Saint-Quentin, M. Carpentier-Bougié, ont
obtenu la variété intermédiaire Porima au moyen de chrysalides dont
l'éclosion fut relardée artificiellement jusqu'au mois de septembre,
époque où d'habitude on ne rencontre plus l'espèce dans la nature.
Sur environ trois cents chrysalides, M. Goossens en laissa cent à l'air
libre jusqu'en avril, et toutes lui donnèrent Lefflîia; les autres furent
réfrigérées à partir de février, sans que la température pût jamais
s'élever au-dessus de -|- 10 degrés, et cela jusqu'à la fin de juin, à l'époque
de l'éclosion naturelle des Prorsa ; les chrysalides" furent alors portées au
soleil, et ne donnèrent que des Levana, comme en avril, et il en fut de
même pour tous les sujets qu'on laissa accidentellement se réchauffer
d'avril à la fin de juin.
M. Goossens a reconnu la manière très curieuse dont Prorsa d'été
pond ses œufs. Bien qu'on trouve les jeunes chenilles par trente ou
quarante sous la môme feuille d'Ortie, les œufs ne sont pas déposés en
masse les uns près des autres. Chaque ponte se compose de neuf à
quinze œufs ainsi arrangés : un petit œuf allongé, d'un vert clair, est
planté sur le bord d'une feuille ; puis un autre, un peu plus gros, est
collé sur le premier, puis un troisième, un peu plus gros, sur le second,
etc. , ce qui simule une petite colonne torse appuyée sur la feuille d'Ortie.
Si l'œuf le plus près de la feuille, pondu le premier, éclosaitle premier.
VANESSA. 179
une fois cassé, les autres tomberaient ; aussi c'est le cuiilrairc qui
arrive. Le dernier œuf pondu éclôt le premier, et, aussitôt après,
l'autre; enfin le premier pondu éclôt le dernier. M. Goossens a constaté,
comme caractère distinctif à ajouter au genre Araschnia,, que l'organe
placé près de la bouche, sous le premier anneau de la chenille, n'apas
la même forme que chez les Vanessa, et est bien plus développé.
VAUfESSA, Fabr. — Tête très poilue ; antennes ayant environ les trois quarts de
la longueur du corps, se terminant graduellement en une massue peu prolongée,
avec le dernier article pointu. Yeux poilus et plus ou moins ovales. Spiritrompe
ayant à peu près les deux tiers de la longueur du corps. Palpes très poilus,
parallèles, dépassant beaucoup le front. Thorax revêtu de longs poils. Ailes
supérieures subtriangulaires, à sommet tronqué, à bord antérieur peu courbé,
sauf quelquefois une forte échancrure iila base ; bord externe écliancrc, sinueux,
dentelé, avec une dentelure prédominante près du sommet ; bord interne sensi-
blement droit. Ailes inférieures un peu subovales, ayant le bord interne le plus
long de tous, le bord antérieur arrondi, le bord externe sinueux, dentelé, avec
une dent prédominante à la terminaison de la troisième nervure médiane.
Pattes palatines poilues, à tarses uniarticulés chez les mâles, de cinq articles
chez les femelles; pattes ambulatoires à longueurs d'articles assez variables,
à tarses épineux de cinq articles. Abdomen robuste, ayant les deux tiers ou la
moitié de la longueur du bord interne des ailes inférieures. — Chenilles cylin-
driques, à verticilles de longues épinespoilues. — Chrysalides anguleuses, à tète
bifide, avec des tubercules parfois nuancés de brun, de gris ou d'olivâtre, des
taches dorées ou argentées, parfois toutes dorées.
Les Vanesses sont des Papillons de taille moyenne, à ailes dentelées
sur les bords externes, habitant les régions tempérées et subtropicales
des deux continents, avec quelques espèces d'Australie et de la Nouvelle-
Zélande. Leurvol est vif et rapide, maisdepeu.de durée, et ils reviennent
fréquemment à l'endroit d'où on les a fait partir, souvent sur la même
feuille ou le même tronc d'arbre. Ils aimentle voisinage des habitations,
les promenades, les jardins, les champs cultivés et découverts, et ne se
trouvent qu'accidentellement dans les grands bois et les lieux incultes
et sauvages. Les chenilles des Vanesses vivent sur les plantes herbacées,
surtout les Orties, et aussi sur des arbres et des arbrisseaux. Elles sont
fréquemment attaquées par des insectes carnassiers entomophages, soit
Hyménoptères, soit surtout Diptères de la famille des Tachinaires
(Musciens), Mouches qu'on voit fréquemment voler sur les Orties, à la
recherche des chenilles de Vanesses. Les larves de Diptères incluses
permettent d'ordinaire la nymphose, sortent des chrysalides en soule-
vant les fourreaux alaires, d'où l'on voit pendre ensuite des filaments
blancs de fibrine coagulée, et tombent sur le sol ou sur l'herbe pour
devenir pupes. Les Vanesses d'Europe sont assez variables sous le rap-
port de leurs éclosions. Les V.Polychloros, Antiopa, Cardui, n'ont qu'une
480 LtpiDOPrÈRiiS.
seule génération par an, en juillet, août et septembre; V. C album et
Atalanta ont deux générations, en mai et fin d'août ou septembre; les
V. Urticœ et lo ont plusieurs générations dans l'année, selon la chaleur.
11 est très difficile de constater les accouplements des Vanesses, comme
aussi des Argynnes. On voit souvent les Vanesses de deux sexes se pour-
suivre longtemps avec acharnement, s'élever ensemble dans les airs,
disparaître au-dessus d'un arbre ou d'une maison. L'accouplement ne
dure que très peu de temps et les sujets se détachent immédiatement.
Le D"" Boisduval a fait tomber des sujets accouplés de V. Antiopa.
On a subdivisé le genre Vanessa en genres dont nous ne ferons pour
la plupart que des sous-genres. Dans les Vanessa propres, les ailes sont
en dessous très différentes de ce qu'elles sont en dessus; au lieu des
riches couleurs d'un fauve ou d'un rouge plus ou moins sombre, avec
taches noires, jaunes, bleues, on ne voit que des marbrures nuageuses
et très foncées, d'un brun noir ou grisâtre, ce qui doit contribuer à
une imitation défensive, quand le papillon au repos tient ses ailes
relevées. La plupart des sujets de la tin de l'été, au moins dans nos
pays, se retirent pour hiverner dans les creux d'arbres, sous les écorces,
dans les feuilles sèches, souvent même dans les granges, les greniers, sous
les corniches et les auvents des toitures; aussi leur vie à l'état adulte est
très longue, et on les voit reparaître, avec les couleurs souvent ternies et
les ailes plus ou moins usées aux bords, dès les premiers soleils de
février, où ils volent dans les campagnes et les jardins, alors que le^
haies et les arbustes sont encore privés de feuilles. Ces sujets d'hiver
font souvent croire à une génération printanière. Ils s'accouplent et
donnent les premières chenilles de l'année. Les chenilles des vraies
Vanesses n'ont pas d'épines sur la tète, ni sur le premier segment tho-
racique, qui sont mutiques. Une espèce très répandue, peut-être la
plus cosmopolite de ces Vanesses vraies, est V. Urticœ, Linn., la petite
Tortue d'Engramelle, les ailes d'un fauve vif, avec une bordure brunâtre,
limitée en dedans par une bande noire que surmonte une autre bande
noire contigûe, ornée de lunules bleues. Les ailes supérieures ont une den t
externe au-dessous de l'angle apical et six taches noires, trois à la
côte, grandes et subrectangles, séparées par des éclaircies jaunes et
suivies à l'angle apical par une tache triangulaire d'un beau blanc,
trois autres sur le disque, deux au milieu circulaires (importantes),
et une quadrangle, plus grosse, contre le bord interne, prolongée exté-
rieurement en jaune clair; les ailes inférieures sont dentées au bord
externe, surtout inférieurement, et leur base largement noire. Chenille
épineuse, noirâtre, à épines noires, avec quatre lignes jaunâtres, dont
peux le long du dos et une sur chacun des côtés, en famille sur les
Orties, se dispersant souvent après la première mue. Chrysalide d'un
jaune brunâtre, piquetée de points dorés.
Les sujets de la petite Tortue vivent si longtemps à l'état adulte, que
les deux générations de l'année se rejoignent et qu'on voit voler le pa-
VANESSA. 181
pillon pendant dix mois au moins dans le Midi, de février à novembre.
On rencontre cette espèce dans toute l'Europe et jusqu'à une altitude
considérable, ainsi sur les sommets de la Sierra-Nevada, à 3600 mètres
de hauteur, là où la végétation a presque entièrement disparu.
M. J. Falloul'a prise au-dessus de l'hospice du Saint-Bernard, et les Orties
cessent de croître bien au-dessous. V. Urficœ est rare en France
dans les Charentes. Elle existe aux îles Canaries, et en Chine aux
environs de Pékin, pareille au type de France. On a signalé beaucoup
d'aberrations : ainsi une à points noirs tous confluents aux ailes supé-
rieures et une autre à couleur du fond des ailes très clair (Depuiset);
une autre entièrement albinos, prise à Bondy en juin 1859 par M. Bel-
lier de la Chaviguerie, et par le même, éclose d'une chenille des en-
virons de Paris, une aberration femelle obscurcie presque entièreme n
par une teinte brune, s'étendant comme un nuage et se fondant avec
la couleur du fond, les deux petites taches noires rondes du disque des
ailes supérieures ayant disparu presque entièrement. En Corse et en
Sardaigne, la petite Tortue est remplacée par une espèce très voisine,
ou plus probablement par une race insulaire, V. Ichnusa, Bonelli, qui
a le fond d'un fauve rouge beaucoup plus vif et manque des deux
taclies noires et circulaires du disque de l'aile supérieure. Rambur, en
élevant en Corse beaucoup de chenilles d'Ichnusa, a vu reparaître
parfois les deux points noirs, peu marqués, dans certains sujets, et, à
l'inverse, ils disparaissent quelquefois chez F. Urticœ, en tout ou en
partie.
Une espèce analogue, aussi commune et répandue dans toute l'Europe,
de la même durée d'apparition, est V. Pohjchloros, Linn., la grande
Tortue d'Engramelle, de taille bien plus grande, avec le fond d'un fauve
plus jaune que rouge, manquant de la tache blanche aux ailes supé-
rieures, ayant sur le disque de ces mêmes ailes quatre taches noires
arrondies, en outre des trois taches noires costales, une grande tache
noire placée contre la côte des ailes inférieures, dont la base est beau-
coup moins noircie. Chenilles d'abord vivant en petites sociétés sous un
abri soyeux, puis se dispersant en juillet et septembre sur l'Orme,
le Chêne, le Peuplier, l'Alisier, le Cerisier et divers arbres fruitiers. Dans
le midi de la France, et surtout en Italie, ces chenilles sont parfois très
nuisibles aux Ormes. La chenille est bleuâtre ou brunâtre, avec une
ligne latérale orangée, les épines un peu branchues et jaunâtres; chry-
salide incarnate, avec des taches dorées près du cou. On a signalé di-
verses aberrations de V. Polychloros : ainsi Cramer figure {Papillons exo-
tiques, t. IV, p. 80, pi, 330), sous le nom de Pyromelas, une variété prise
en Sibérie et où les taches noires des ailes sont maculées de blanc; en
outre des taches blanches peu arrêtées en dessous et des points noirs
œillés, et les lunules bleues manquant à la bordure du dessus des ailes
inférieures. Dans V Encyclopédie, Godart indique trois variétés de V. Poly-
chloros, à savoir p et y ressemblant à Pyromelas, et a ou Testudo d'Esper,
182 LÉPIDOPTÈRES.
différant de Polychloros en ce que les deuxième et troisième taches noires
costales sont réunies en une seule grande tache noire; que le disque ne
porte que deux points noirs presque réunis en une bande parallèle au
bord interne; les ailes inférieures avec le fond entièrement d'un brun
noir et une seule bande fauve séparée par les nervures, le dessous plus
foncé et sans point blanc central. Engramelle a figuré une aberration
décrite par Esper, sous le nom de Pyrrhomeleuca, et retrouvée par Du-
ponchel, où les taches du milieu des ailes supérieures sont réunies.
V. Polychloros, de môme que V. Urticœ, fait partie de la faune bri-
tannique.
Une espèce voisine est V. Xanthomelas, Esper, offrant quelques diffé-
rences d'avec Polychloros dans les taches, ayant la bordure terminale
des quatre ailes plus large et plus noire et les lunules marginales plu-
tôt violettes que bleues; de diverses régions de l'Allemagne, ainsi près
de Francfort, en Autriche et en Hongrie, en Alsace, près de Strasbourg,
mais rare. Se trouve en juillet, et sa chenille en sociétés, en juin et
juillet, sur diverses espèces de Saules. Au Japon existent, très agrandies
en taille, les V. Xanthomelas et Polychloros, la seconde double de la
nôtre: les Vanesses et les Argynnes d'Europe acquièrent au Japon une
taille considérable, et leurs dessins s'amplifient, sans modifications, en
restant dans le même rapport.
Une autre Vanesse commune et qui est le plus beau de nos papillons
diurnes, est V. lo, Linn., le Paon de jour de Geoffroy et Engramelle,
l'OEil de paon, the Peacock des Anglais, Oculus pavoninus major de Seba,
volant en avril et mai, puis en août, et hivernant, du bord des bois, des
champs de Luzerne, des jardins; se laissant aisément prendre, car il se
pose volontiers sur les fleurs et sur le sol des routes. On reconnaît tout
de suite ce beau Papillon aux quatre grandes taches oculaires qui, sur
un fond pourpré sombre, se trouvent vers les sommets des quatre ailes,
avec un centre noir, bordé d'un superbe anneau du bleu violacé le plus
riche, et en outre deux petites taches d'un bleu violet, sous l'ocelle,
aux ailes supérieures. Chenille vivant en sociétés sur plusieurs espèces
d'Orties et sur le Houblon, d'un noir luisant, avec les épines simples et
noires, les pattes membraneuses ferrugineuses, les anneaux couverts de
points d'un blanc vif, disposés par lignes transverses, qui l'ont fait
nommer chenille à bandes de perles. Chrysalide d'abord verdtltre, puis
brunâtre, avec des taches dorées. On signale plusieurs aberrations de
V. lo: ainsi loides, Ochs., pareil au type, mais de taille moitié plus petite,
avec les ailes inférieures bien moins dentelées sur les bords, variété
naine décrite d'abord, avec sa chenille, sous le nom à.' Oculus pavonimis
minor, dans la compilation confuse de Seba(l). Une autre aberration,
extrêmement rare, est celle dans laquelle les ailes sont privées d'yeux.
(1) A. de Seba, Locupletissimi rerum naturalium thesauri, Amsterdam, 1765,
t. IV,p.5, pl.l,fig. B(l,2, 3).
VANESSA. 183
Enfin, sous le nom de ab : Schreinen,le Catal. des Lépidoptères d'Alsace
cite une aberration consistant en un changement complet de la couleur
rouge;ltrc du fond des quatre ailes en une couleur café au lait: plusieurs
exemplaires se trouvaient dans l'éducation d'une même ponte faite à
Ribeauvillé par le D^'Schreiner.
Une espèce presque aussi belle, dans les Vanesses vraies, est V. Antiopa,
Linn., le Morio d'Engramelle, la plus grande de nos Vanesses, d'un
riche pourpre sombre, avec une large bordure d'un beau jaune, chargée
de très petits points noirs, entourée intérieurement d'une bande de
taches bleues. Dans l'aberration //j/z/icea, Heydenreich, Catal. et Freyer,
la bande jaune est très large et les points bleus disparaissent aux ailes
supérieures et se réduisent de trois à six petites taches aux inférieures.
Chenille noire, chargée d'épines simples, avec des taches dorsales et les
huit pattes intermédiaires rouges, en sociétés en juin et juillet sur les
Saules, le Peupher, le Tremble, le Bouleau, l'Orme, se tenant à la cime
de ces arbres jusqu'à la nymphose. Chrysalide noirâtre, saupoudrée de
bleuâtre avec des points ferrugineux. Le papillon se trouve à la fin de
juillet, en août et septembre, dans les prairies voisines et surtout sur
les routes des bois, se posant volontiers sur les plaies d'arbres qui suin-
tent; il vole avec rapidité, est farouche, difficile à prendre et s'écartant
souvent au loin. On le trouve dans toute l'Europe et l'Asie Mineure, aux
États-Unis, en Californie, au Guatemala, au Mexique. Les individus du
Mexique ont toujours la bordure jaune très couverte d'atomes noirs,
caractère de variété locale. Cette Vanesse est notablement plus rare en
France que les autres Vanesses, et se trouve dans tous les environs de
Paris, rare dans le nord de la France (département de la Somme, duché
du Luxembourg), extrêmement rare en Angleterre, d'un type plus petit,
et très recherchée des amateurs de ce pays, leur ihe Camberwell Beauty.
Elle est fréquente à la Grande Chartreuse, àZermatt, dans le haut Valais,
et surtout à Chamounix (J. Fallou) ; se rencontre en grand nombre près
de Bordeaux. Beaucoup de sujets de cette belle espèce figuraient dans
la collection Auguste, de Bordeaux ; les deux variétés extrêmes étaient,
l'une à bordure jaune presque disparue sous les atomes noirs et tendant
à se confondre avec le fond; l'autre, au contraire, à bordure d'un jaune
éclatant, très large et à peine pointillée d'atomes noirs. Les sujets du
Morio qu'on voit reparaître au début du printemps, et qui ont passé
l'hiver dans des abris, ont la bordure jaune des ailes devenue blanche
par l'humidité et le velouté du fond terni ; on en avait fait autrefois
une espèce sous le nom de Morio à bordure blanche. On doit citer, dans
les Vanessa exotiques vraies voisines des nôtres, V. californica, de Cali-
fornie, voisine deV.Xanthomelas,etV. casc/iemî>ensw, du nord de l'Inde,
se rapprochant de V. Polychloros, et plus encore de V. Urticœ.
Un sous-genre de Vanesses, Pyrameis, Doubleday, a été établi pour
des espèces dont les ailes sont ornées de bandes ou de taches d'une
éclatante couleur de feu, et dont le dessous des ailes offre un dessin
IS/i LÉPIDOPTÈRES.
plus OU moins analogue au-dessus, mais à vives couleurs, au lieu du
fond obscur en dessous des Vanessa propres. Les clienilles et chrysa_
lides des Pyrameis ont les mêmes caractères que celles des Vanessa. Le
P. Atalanta, Linn., le l'uL^am d'Engramelle, que les Anglais appellent
the Red Admirai, doit son nom à la large bande d'un rouge vif que tra-
verse le fond noir de ses ailes supérieures; il y a des taches blanches à
leur sommet, et les ailes inférieures sont bordées d'un rouge plus jau-
nâtre, avec des traits noirs. De toute l'Europe, commun surtout à la fin
de l'été, facile à capturer, car, si on l'a manqué, il revient presque tou-
jours se poser à la même place. Aussi d'Algérie, d'Egypte, d'Asie Mi-
neure, des États-Unis, de Californie, du Mexique, des îles Canaries. J'ai
fait connaître, sous le nom de parisiensis (1), une belle aberration
offrant les sommets des ailes supérieures rougeâtres, obtenue d'une
chenille élevée à Paris par un amateur, M. Billard, et actuellement
dans la collection de M. A. Clément : au lieu du fond d'un noir de
velours du type, se remarque au sommet une large partie d'un fauve
ardent, avec un trait noir contre le bord externe, puis l'espace fauve
se mêle peu à peu avec le noir du type, et il y a un trait rectangu-
laire, grisâtre et vitreux, portion alaire dépourvue de pigment. Au dire
de Bruand dVzelle (Ann. Soc. entom. Fr.,18[xk, t. II, Bull., t. V), à Locle,
frontière de Suisse, ont été pris en quinze ans trois exemplaires pareils
d'un remarquable hybride tenant à la fois de Vanessa Urticœ et de
Pyramis Atalanta; peut-être a-t-on eu aflaire à une aberration. Les
écailles des ailes du P. Atalanta, mesurées au batoréomètre électrique
de M. l'abbé Julien Giordano (2) (c'est un sphéromètre perfectionné), ont
0'""',007 d'épaisseur. Cramer figure, comme de la Chine {Pap. exot., 1. 1,
p. 132, pi. cLxxxiv), un Vulcain qui ressemble beaucoup à celui d'Eu-
rope, et qui me paraît le môme, avec quelques différences dans la po-
sition de la bande rouge des ailes supérieures, qui est plus large ;
la bande rouge des ailes supérieures est assez souvent sans aucun point
blanc; en général il y en a un vers le milieu, très rarement doublé
d'un second; enfin parfois est un autre point blanc près de la côte et
de la nervure sous-costale orangée. M. Millière a une aberration de
P. Atalanta qui offre une sorte d'atrophie albine, les bandes rouges
des deux ailes étant remplacées par du blanc vitré. Chenille vivant
solitaire sur les Orties, et aussi dans le Midi, sur la Pariétaire (de
Graslin), et s'entourant d'un abri de feuilles enlacées par des fils
de soie , épineuse, tantôt verdàtre, tantôt noirâtre, avec une ligne de
taches d'un jaune-citron sur chacun des côtés. Chrysalide grisâtre
ou noirâtre, avec des points dorés. P. Cardui, Linn., la Belle-Dame
d'Engramelle, connue des Anglais sous le nom de the Painted Lady,
(1) Les Mondes, numéro du 8 octobre d863.
(2) Maurice Girard, Note sur une aberration de Pyrameis Atalanta, Linn,
{Ann. Soc. entom. Fr., 1866, t. VL p. 5C8).
VANESSA. 185
ayant ea dessus les ailes supérieures h sommet noir avec des taches
blanches, le reste d'un fauve rouge avec du rouge vif entourant un
point noir contre la côte et diverses taches noires ; les ailes inférieures
d'un fauve rouge, bordées de cinq taches noires rondes; les ailes en
dessous marbrées de noir, de blanc, de jaune griscltre, avec cinq ocelles
au bord des inférieures, dont deux plus gros; les cinq ocelles à centre
noir, bordé de jaune, le contour externe noir. Espèce répandue dans
toute l'Europe eu mai, puis en juillet, août, septembre, se posant fré-
quemment sur le sol et volant même par les mauvais temps, dans les
champs et dans les lieux arides couverts de Chardons. Son essor est
brusque et impétueux, mais, après avoir tournoyé vivement à distance,
la Belle-Dame revient se posera la même place. C'est un Papillon d'al-
lure étrange, d'humeur querelleuse, pourchassant tous les papillons
qui surviennent dans son voisinage, et volant très tard le soir, même
après le soleil couché, au milieu des Noctuelles et des Phalènes. Che-
nille épineuse, brunâtre ou grise, avec des lignes jaunes, latérales,
interrompues. Chrysalide grisâtre, avec des points dorés, parfois si
nombreux et si serrés, qu'elle semble revêtue d'une robe d'or. La che-
nille vit isolée sur différentes espèces de Chardons, sur l'Artichaut, plus
rarement sur la Millefeuille, l'Ortie, la petite Mauve, se tenant à
l'embranchement des tiges dans un réseau de soie, qui ressemble à un
nid d'Araignée, et d'où elle sort, à demi seulement, pour ronger le
parenchyme des feuilles.
Rambur a fait connaître sous le nom à'Elymi {A7i7i. des sciences d'ob-
servation, 1829, t. lî, p. 256, pi. v) une rare variété de P. Cardui, qui
semble localisée dans le Midi, aux environs de Montpellier. Les ailes
supérieures n'ont qu'une seule séi'ie de taches blanches en dessus, et
sonten\ahies par une couleur noire qui règne tout le long du bord
antérieur, prédomine à l'angle apical, où elle se trouve recouverte par
une seule rangée de six macules blanches, les deux inférieures beau-
coup plus fortes, et descend jusqu'à l'angle inférieur de l'aile, le long
de la bordure. Les ailes inférieures sont aussi largement imprégnées
de noir à la base et au bord antérieur; les cinq taches noires, à peu
près égales en dessus, ont une prunelle fauve qui manque dans le type;
en dessous elles sont très-inégales, la seconde et la troisième étant
presque effacées. En outre, la surface inférieure des ailes postérieures
est beaucoup moins marbrée que dans le type.
11 y a des années où la Vanesse Belle-Dame est extrêmement com-
mune, se rencontre ;i chaque pas; puis elle devient assez rare pendant
plusieurs années. C'est en effet un Papillon voyageur et dont la race'
se renouvelle par des émigrations. A Hyères, dans certaines années, les
Artichauts (Carduacées) sont ravagés et détruits par la chenille de
P. Cardui; l'opinion des gens du pays est que cet insecte fait des migra-
tions et vient d'Afrique, aidé par le vent. On a plusieurs l'ois observé en
mer des légions de ces Papillons, si communs en Algérie. En 1879, tout
186 LÉPIDOPTÈRES.
particulièrement, l'Europe occidentale a été le théâtre d'une immense
migration de cette espèce. Les Vanesses d'Afrique ont été amenées par
le siroco en Sicile et dans le midi de l'Italie et de l'Espagne, dès la fin
d'avril; leur passage en France a duré tout le mois de juin. Parfois
elles étaient en troupes serrées. Ainsi à la gare de Montélimar (Drôme),
où elles couvraient de vastes espaces; à Angers (11 juin 1879), où elles
remplissaient certaines rues, au point de forcer les passants à se ranger
contre les murs. Le plus souvent le passage avait lieu par individus
isolés, la plupart à ailes éraillées et plus ou moins dénudées, volant en gé-
néral vers le nord, très souvent contre le vent, contournant, en s'élevant
plus haut, les obstacles qui s'offraient à eux. arbres, maisons, murs, etc.
Pendant toute la journée du 15 juin 1879, avec mon collègue et ami
M. Poujade, j'observai un de ces passages par sujets isolés, près de
Paris, dans les prairies et landes de Champigny et la Varenne Saint-
Maur. Les P. Cardui atteignaient les côtes normandes, puis le nord de
la France, dans la seconde quinzaine de juin, et les environs de Londres
à la fin de ce mois. Dès la fin de juillet, les chrysalides dorées de cette
espèce se trouvaient en nombre énorme partout, provenant de la ponte
des Papillons émigrants. En août, une quantité considérable de P. Car-
dui venant d'éclore couvrait les champs et les routes. La Normandie, où
l'espèce est souvent assez rare, en était remplie, et çà et là quelques
sujets à ailes presque diaphanes, les derniers survivants de- l'émigra-
tion. Au pied des dunes normandes des environs de Caen, c'est par
milliers qu'on voyait voler ces Papillons, arrêtés par la mer, butinant
par quinze à vingt à la fois sur les fleurs de chaque touife de la Cruci-
fère des sables, le Kakile maritima, Linn. En septembre, la plupart
avaient disparu. En raison de cette abondance insolite de P. Cardui
sortis de chrysalide au commencement d'août, on voit qu'on peut
fixer avec certitude la durée de l'existence de cette espèce à l'état
adulte cà cinq ou six semaines. J'ai publié un résumé du passage de
1879 en France, sous le titre : Migrations de Papillons, dans le Bulletin
d'insectologie agricole, n" 7, juillet 1879 (1); il est probable que l'espèce
sera revenue en 1880 à ses proportions normales. Ce sont ces migra-
tions qui ont répandu l'espèce sur une partie considérable de la terre,
ainsi toute l'Europe, le nord de l'Afrique, l'Abyssinie, l'Asie Mineure, la
Chine, l'Afrique australe, les îles Canaries et de Sainte-Hélène, les États-
Lnis, la Californie, où P. Cardui est toutefois bien moins commun
qu'en Europe, le Mexique, toute la partie nord de l'Amérique méridio-
nale jusqu'aux latitudes des Guyanes. M. S. H. Scudder a donné une
(1) Les Papillons migrateurs ne se bornent pas au P. Cardui. Ainsi, au
Mexique, en région tempérée, par 1400 mètres d'altitude, M. Bocourt a rencontré
enjuilletunRhopalocère, VItuna eubœa, Boisd., envoie d'émigration. Cette espèce
voyage, pendant huit jours environ , de l'ouest à l'est, non en troupe, mais par
individus séparés.
VANESSA. 187
histoire très complète de ce Papillon et de ses voyages, sous ce titre :
A Cosmopolitan Butterfly (American Nattiralist, 1876, t. X, p. 392-396 et
602-611). M. S. Scudder est porté à admettre que la patrie première de
cette espèce est l'Amérique.
En Australie, cette espèce est remplacée par une autre, très voisine,
qui avait été confondue avec elle, le P. antarctica, où les ocelles de
dessus de l'aile inférieure sont à milieu bleu et non noir, comme chez
P, CarduL Une espèce moins rapprochée, répandue dans les États-Unis,
la Californie, où elle est plus commune que P. Cardui, le Guatemala, le
Mexique, les Guyanes, le Brésil, et aussi à Cusco (Chili) et aux îles Ca-
naries, probablement par suite d'importation, est le P. Huntera, Fabr.,
dont la chenille, d'après Abbot, est brunâtre, avec les incisions et une
ligne latérale jaunes, et en outre, le long du dos, deux lignes formées
par des points alternativement blancs et rouges; la tête est noire et les
épines de la couleur du fond. Rlle vit sur les Gnafhalium, et la chrysa-
lide, dont l'adulte sort au bout d'une quinzaine de jours, est jaunâtre,
avec des mouchetures noirâtres. Signalons encore P. Callirhoe, de Chine,
de TénérifTe, de la côte occidentale d'Afrique ; P. Carye, du Chili, où
l'espèce remplace P. Cardui, et remonte en outre en Californie ; P. Sy-
nantherœ, du Brésil; P. Dejeani, Godart, de Java, où le rouge de P. Ata-
lanta est remplacé par du blanc.
Un dernier sous-genre de Vanessaest celui des Grapta, Kirby. Ce sous-
genre tire son nom des macules d'un blanc argenté ou dorées, en forme
de lettres, qu'on trouve vers le milieu du dessous des ailes inférieures;
les dessous des ailes sont assombris, moirés et nébuleux ; les ailes supé-
rieures sont subtriangulaires, le bord antérieur très échancré à la base,
puis droit, le sommet tronqué, le bord externe très échancré en demi-
cercle, le bord interne. fortement échancré; les ailes inférieures sont
dentées, à bord antérieur sinueux, échancré, le bord externe avec pro-
longement subcaudiforme, l'angle anal saillant. L'abdomen, plus court
en longueur que les ailes inférieures, est subconique. Les chenilles sont
cylindroïdes, ayant sur la tête deux épines larges à la base, un peu plus
courtes que celles du corps, les segments thoraciques et abdominaux
munisd'épinespoiluesetverticillées. Dans toutela France, rencontré aussi
en Algérie près de Laghouat, commun sur les routes, dans les bois, les
jardins, ayant deux générations, en mai, puisfin juillet, aoûtetseptembre,
il faut citer le G. C album, Lian., le Robert le Diable de Geoffroy, le
Gamma, de 35 millimètres d'envergure, ayant les ailes profondément
dentées et anguleuses, d'un fauve vif, avec une bordure antémarginale
d'un brun roux, surmontée de taches plus claires que le fond, les ailes
supérieures avec des taches noires, dont celle du bout de la cellule
discoïdale large et rectangulaire ; les ailes inférieures ayant diverses
taches noires irrégulières sur le disque et une costale, ordinairement
plus grande; le dessous des quatre ailes très variable, le fond variant
d'un jaune ochracé terne à une couleur presque noire, avec des mar-
188 LÉPinOPTËRES.
brures de brun foncé et de verdAtre, et un signe blanc, brillant,
en figure de C, au bout de la cellule discoïdale. Ordinairement les
sujets de la seconde génération ont le ton plus foncé que ceux de la
première; j'ai trouvé des femelles à taches jaunes tout aussi nettes
que chez les mâles. M. Depuiset a eu une abberration,. prise près de
Paris, où toutes les taches noires des deux paires d'ailes agrandies
confluaient en une seule, au milieu de chaque aile. Chenille épi-
neuse, d'un brun rougeâtre, avec une bande blanche dorsale, ne cou-
vrant pas les quatre anneaux antérieurs, lesquels sont parfois d'une
teinte jaunâtre, la tôte en forme de cœur, surmontée de deux tubercules
poilus assez semblables à des oreilles de chat. Réaumur donne à cette
chenille le nom de bedaude, à cause de son habillement de deux couleurs,
comme les robes des anciens bedauds des églises. lille est assez difficile
à trouver, quoique commune en juin et juillet, vivant solitaire sur
l'Orme, le Houblon, l'Ortie, le Groseillier, le Prunellier, le Chèvrefeuille,
le Noisetier. Chrysalide comprimée dans son milieu, ordinairement
incarnate avec des points dorés. G. Egea, Cramer (syn. Triangtilum,
Fabr., L. album, Godart), décrit par Cramer comme de Constantinople et
deSmyrne, espèce analogue à la précédente, avec signe argenté enferme
de lettre L, du midi de la F-rance, Hérault, Var, Alpes-Maritimes, dans
les jardins et le long des haies en juin et septembre, d'Algérie, des îles
Canaries. Citons encore G. C aureum, Linn., de Chine, voisin de notre
Gamma; G, intcrrogationis, du Canada, de New- York, d'un type ana-
logue ; G. Progne, Cramer, de tous les États-Unis, de Californie, de la
Jamaïque; G. G argenteum, Doubleday, du Mexique.
Le genre Kanes.sa était autrefois plus étendu qu'aujourd'hui ; plusieurs
genres en ont été détachés pour des espèces exotiques, principalement
par Doubleday : ainsi les genres Laogoma, Eurema, Junonia, Anartia.
Nous citerons, dans ce dernier genre: A. Jatrophœ, Linn., espèce munie
d'une nervure subcostale, du Brésil et de la Guyane, très commune à
Cayenne, où elle vole aux environs des habitations et dans les rues, sa
chenille vivant sur le Médicinier (Jatropha) ; et A. Amalthea, Linn., man-
quant de nervure subcostale, du Mexique, du 'V^enezuela, du Brésil, de
la Guyane, se trouvant près de Cayenne, seulement dans les lieux maréca-
geux, ayant une chenille analogue à celle de Vanessa Urticœ, et la sortie
du papillon hors de la chrysalide ayant lieu au bout de sept jours.
Il est assez difficile, pour certaines Vanesses, de savoir si leur appa-
rition au printemps résulte d'une éclosion ou d'une hibernation ; pour
quelques espèces les deux faits doivent concourir. Sont hivernants les
V. Urticœ, Polijchloros, lo, Antiopa; d'après le catalogue de M. Maurice
Sand il faut également ranger dans les hivernants P. Cardui ei Ata-
lanta et G. C album.
NVMPHALIUES.
Tête en général plus étroite que le corselet; antennes très rappro-
C.VLl.lTH.T.A, NYMPIIALIS. 189
chées à leur base, insensiblement terminées en massue plus ou moins
allongée. Palpes ordinairement longs. Ailes inférieures à cellule dis-
coïdale ouverte et abord interne plus ou moins creusé en gouttière.
Quatre pattes ambulatoires seulement dans les deux sexes, avec les
tarses à crochets ordinairement simples. — Chenilles cylindroïdes, à peau
chagrinée, tantôt avec des épiues poilues ou avec des tubercules épineux
sur le dos, tantôt avec la tête épineuse seulement. — Chrysalides angu-
leuses, souvent carénées ou bossues par une protubérance dorsale
déprimée latéralement, certaines avec des taches métalliques, ou offrant
l'abdomen épineux. — A consulter pour cette Camille : J.Osborne, On the
Puf)ation of the NijmphaUdœ [the Eatomol. monthlij Magazine, XV, 59).
Les Nymphalides consliluent une famille très nombreuse en espèces;
aussi l'ancien genre Nymphalis n'a plus qu'une signilication très incer-
taine, car il a été subdivisé en beaucoup d'autres genres. La famille
renferme des espèces de grande taille, et des espèces de parure fréquem-
ment très brillante, souvent avec des éclats métalliques. Elles sont
réparties dans toutes les régions de la terre, mais en plus grande quan-
tité dans les pays chauds. Nous ne prendrons qu'un petit -nombre de
genres, surtout ceux qui intéressent la faune européenne.
Ctiii.B'i'il.KA, Weslvvoocl. — Antennes grêles, terminées par une massue de
cinq articles, courte, large et en cuiller. Ailes grandes et arrondies, les supé-
rieures subovoïdes et sublriangulaires, le bord antérieur arqué, l'externe arrondi,
l'interne un peu écliancré, les inférieures sublriangulaires, à bord externe entier
et très arrondi, le bord anal canaliculé. Pattes de la première paire grêles et
poilues chez le mâle, écailleuses et un peu plus courtes chez la femelle; celles
des paires 2 et 3 robustes, assez courtes, avec les tarses épineux. Abdomen
robuste et assez grand. — Chenilles et chrysalides inconnues.
Ce genre renferme deux espèces américaines. L'une est C.Sapphim,
Hiibner (pi. Lxxxi,fîg. 1; 1 a, profil en dessous), avec un riche mélange
de jaune orangé, de bleu vif et de vert d'eau, sur un fond d'un brun
violacé, de la Guyane et du nord du Brésil intérieur (Fernambouc). C'est
l'ancienne Vanessa Callithœa, Godart, espèce qui n'a pas aux ailes le
contour dentelé des Vanessa actuelles. L'autre espèce est C. Lepricuri,
Feisthamel, des bords de l'Amazone.
lWl»ia>ia.%lil^, Godart, Boisduval (syn. Limenitis, Fabr*.). — Tête munie d'une
touffe de poils à la base de chaque antenne; antennes droites à peu près de la
longueur du corps, à massue peu renflée et se confondant insensiblement avec la
tige. Palpes velus, écartés et divergents au sommet, avec leur dernier article
court, nu et assez aigu. Thorax ovale et poilu. Toutes les ailes légèrement sinuées
et dentelées, à fond brun ou noir, avec des bandes et des taches blanches en
dessus; les supérieures allongées et subtriangulaires, avec l'angle apical arrondi;
les inférieures subtriangulaircs, avec le bord externe arrondi et festonné. Pattes
190 LÉPIDOPTÈRES.
de la première paire du mâle petites, poilues, à tarses courts; celles de la femelle
écailleuses et moins poilues, à tarses de cinq articles ; pattes des paires 2 et 3
robustes et écailleuses, à jambes et tarses épineux. Abdomen grêle et assez
long. — Chenilles subcylindriques, ayant la tête cordiforme et le corps garni
d'épines rameuses ou de tubercules épineux de diverses grandeurs, mais généra-
lement assez courts. — Chrysalides anguleuses, auriculées antérieurement, et
portant une protubérance très prononcée et comprimée latéralement, ordinaire-
ment ornées de taches métalliques.
Nous possédons en France trois espèces de Nymphales, dont le dessous
des ailes est paré de vives couleurs; leurs chenilles habitent les arbres
et les arbustes. On pourrait, d'après le vol et les mœurs, les subdiviser
en deux sous-genres, Nijmphalis et Limenitis. Le N. Populi, Linn., le
grand Silvain d'Engramelle, est, dans sa femelle, le plus grand Diurne
de France. C'est une espèce des parties septentrionales et centrales de
la France, des grands bois, faisant défaut dans les îles Britanniques. Près
de Paris, on le trouve à Bondy, à Meudon rarement, près de Versailles,
surtout dans la forêt d'Armainviliiers, où il était autrefois très abondant,
alors qu'il y avait beaucoup plus de Peupliers et de Trembles qu'aujour-
d'hui. Geoffroy n'a pas connu cette superbe espèce, non plus que le grand
Mars, bien que ces Papillons forestiers dussent être communs de son temps,
même très près de Paris : mais alors les communications étaient difficiles et
les grands bois dangereux; aussi le vieil historien des insectes pari-
siens ne chassait que dans la banlieue la plus rapprochée de Paris. On
trouve encore ce Papillon dans la forêt de Compiègne, près de Pierre-
fonds, dans les forêts de Mormale et des Ardennes, dans les Vosges, en
Alsace, en Auvergne, etc. Il est très commun dans les forêts du
nord de l'Allemagne, de la Lithuanie, de la Podolie, du centre de la
Russie, etc. C'est dans le mois de juin qu'on le rencontre à l'état adulte,
soit dans la première quinzaine principalement, soit dans la seconde,
selon que l'année est précoce ou tardive, sous le rapport de la tempé-
rature. Cette espèce ne butine jamais sur les fleurs, mais suce le sol
humide, les plaies d'arbres, les déjections de toute nature, et môme les
matières cadavériques. Elle est farouche et d'un vol vif et rapide, mais
revient se poser, au bout de quelque temps, à l'endroit d'où on l'a fait
partir. Nous dirons, pour les jeunes amateurs que sa capture remplit de
joie, qu'elle ne descend des cimes des arbres pour voler en planant que
par les jours de soleil et sans vent; c'est de huit heures du matin à midi
qu'il faut la chercher sur les routes des grands bois, où passent fréquem-
ment des chevaux et des bestiaux; puis elle reparaît dans l'après-midi,
de quatre heures à sept heures, mais en moindre abondance, et c'est
le seul moment où la rare femelle descend parfois des arbres. On prend
encore ces Papillons endormis de très grand matin. Le A'^. Populi pré-
sente, sur un fond brun velouté, deux bandes longitudinales de taches
blanches, avec quelques taches blanches au sommet des ailes supérieures.
NYMPHALIS, 191
Chez la femelle, plus grande que le mâle, les taches sont plus étendues
et surtout la bande transverse des ailes inférieures beaucoup plus large.
Chez la variété tremidœ, Esper, plus fréquente dans le Nord, les taches
blanches des ailes supérieures sont presque toutes saupoudrées de brun,
et la bande blanche des ailes inférieures manque souvent totalement.
Enfin, dans une rare abberration, toutes les taches blanches des ailes
ont disparu. La chenille du N. Populi se trouve, parvenue à toute sa
taille, en mai, sur les plus hautes feuilles du Tremble, du Peuplier noir
et du Peuplier blanc. Elle est verte, nuancée de feuille-morte ou de
brun violâtre, avec la tête et la partie anale fauves ou rougeûtres, la
région anale un peu fourchue, le dos avec des éminences charnues et
épineuses; les deux antérieures plus grandes, les deux postérieures un
peu recourbées en arrière, ces protubérances hérissées de poils courts,
terminés en massue. Cette chenille a l'instinct de se cramponner, à l'aide
d'un réseau soyeux, sur les feuilles qu'elle tapisse, de manière à ne pas
tomber, malgré les plus fortes secousses du vent. Elle a été étudiée par
G. Dorfmeister, dans une intéressante notice publiée dans les Annales
de zoologie et de botanique de Vienne. Il a reconnu que- cette chenille
répartit son existence sur deux années successives, ce qui donne une
apparition maximum des papillons tous les deux ans. La jeune chenille,
se maintenant par une sorte de câble de soie à la nervure médiane de la
feuille, mange cette feuille à partir de la pointe et dépose ses déjections
au bord de la partie rongée, où elles restent suspendues à des fils; elle
ne quitte la feuille que quand elle est entièrement rongée ou tout à fait
sèche. Pour prendre ses quartiers d'hiver, cette chenille enroule une
feuille avec des fils de soie autour d'une petite branche, en ménageant
à un bout du cornet une ouverture par laquelle elle entre la tète en
avant, laissant voir au dehors la partie postérieure de son corps ter-
minée par deux pointes. Elle sort de ce fourreau en rampant et à recu-
lons pour aller chercher sa nourriture, l'enlaçant de fils, ainsi que la
partie environnante de la feuille mangée, en tapissant continuellement
de sa soie le pédoncule et le dessus de la feuille autour du bord, jusqu'à
la place précédemment entamée; revenant bientôt avec vitesse et par la
même route se giter dans son fourreau de feuille. A partir de la fin du
mois d'août, elle cesse de manger et ne sort plus du fourreau, retraite
pour l'hiver, et dont elle bouche plus tard l'ouverture avec des fils de
soie. Au milieu du printemps de l'année suivante se forme la chrysalide,
qui pend renversée le long d'une feuille légèrement enroulée, la pointe
abdominale fixée par des fils près de la base de la feuille, le pétiole de
celle-ci lié par prévoyance avec de la soie après la branche, afin que la
feuille ne puisse être emportée par le vent. La chrysalide, dont le papillon
vient à éclosion au bout d'une douzaine de jours habituellement, est
ovoïde, obtuse antérieurement, jaunâtre, mouchetée de noir, avec une
bosse arrondie vers le milieu du dos.
Les deux autres espèces, les Limenitis propres, sont de taille beau-
192 LÉPIDOPTÈRES.
coup moindre, des bois liumides, d'un vol modéré, se posant conti-
nuellement sur les buissons, sur les Chardons et fleurs de Ronces, et
recherchant les détritus azotés beaucoup moins que le grand Silvain.
L'une est le L. Sibijlla, Linn., le petit Silvain d'Engramelle, le seul
Limenitis des îles Britanniques, où on l'appelle the White Admirai,
l'Amiral à bande blanche, par opposition au Vulcain, qui est l'Amiral
à bande rouge, existant aux îles Canaries, n'ayant qu'une seule appari-
tion en juin et juillet, dans les bois du nord et du centre de la France,
ayant une envergure de 50 millimétrés, d'un noir velouté un peu terne,
avec bandes longitudinales de taches blanches, celle des ailes supé-
rieures interrompue, quelques points blancs au sommet, le dessous
d'un fauve ferrugineux avec les taches du dessus, la base et le bord
abdominal des ailes inférieures d'un bleu cendré, avec trois séries anté-
marginales de points noirs, dont deux ou trois éclairées de blanc prés
de l'angle anal, celui-ci, chez la femelle, ordinairement marqué de
deux points noirs entourés de ferrugineux. Il y a une aberration très
rare sans taches blanches. Chenille en mai, sur le Chèvrefeuille des
bois {Lonicera Periclymenum) et parfois sur le Chêne, d'un vert tendre
très finement chagrinée, avec une raie blanche latérale au-dessus des
pattes membraneuses, sur les sept derniers segments; chaque anneau,
le premier et le quatrième exceptés, est armé sur le dos de deux épines
rameuses, très courtes sur les anneaux 6, 7, 8, 9 et 12, plus longues
sur les autres, principalement sur le cinquième ; deux rangées d'épines
semblables et encore plus courtes que les premières se voient en outre
de chaque coté du corps, toutes les épines vertes à la base, de couleur
de rouille dans le reste de leur longueur, et hérissées de poils noirs ;
la tête épineuse sur les bords, d'un brun ferrugineux, ainsi que les
pattes écailleuses, les pattes membraneuses vertes. Chrysalide angu-
leuse, d'un vert brun ou pistache, brillante et comme vernissée, avec des
taches dorées. L'autre espèce est du midi et du centre de la France, bien
moins commune près de Paris que la précédente (Fontainebleau, Saint-
Germain, Versailles, Armainvilliers, bois de Chevry-Cossigny, Coubert,
Lagrange, etc.), très rare dans le Nord et en Belgique. Elle aime à se
poser sur les fleurs des Ronces, et à voler sur les broussailles qui bordent
les cours d'eau et se prend aussi dans les jardins; elle a deux époques,
mai et juin, puis août et septembre, et alors moins abondante. C'est le
L. Camilln, Cat. de Vienne, le Silvain azuré d'Engramelle, manquant à la
faune britannique, analogue de couleur et de dessin au précédent, mais
avec un beau glacis bleu en dessus et le dessous d'un fauve plus rouge.
Chenilleenavril,puisenjuillet,surtouteslesespècesde Chèvrefeuilles, les
Symphoricarpos, etc., passant l'hiver dans une petite feuille bien fermée,
qu'elle fixe à l'arbrisseau par quelques fils de soie. Cette chenille, très
bizarre d'aspect, est d'un vert pille sur le dos et sur les côtés, et rougeâtre
sous le ventre, avec une raie latérale blanche qui règne à partir du qua-
trième anneau, bordée de pourpre, qui sépare le blanc et le vert; sauf
APATURIDES. 195
1 et à, chaque anneau est surmonté de deux épines, ou plutôt de deux
tubercules épineux, très courts sur les anneaux 6, 7, 8, 9 et 12, trc-s
élevés sur les autres, surtout sur 5; deux rangées de tubercules, tous
très courts, se voient en outre de chaque côté du corps. Tous
les tubercules sont de couleur pourpre et hérissés d'épines rayonnantes
à leur extrémité et de couleur noirâtre. La tète est petite, garnie d'é-
pines sur les bords, d'un brun ferrugineux, ainsi que les pattes écail-
leuses, les pattes membraneuses étant rougeàtres. Chrysalide de la
même forme que la précédente, mais terne, entièrement d'un brun
terreux et sans taches métalliques.
Le genre Nymphalis ou Limenitis a.m\ assez grand nombre d'espèces
exotiques, de livrée analogue aux nôtres, des Indes, des îles sondaïques,
de l'Amérique du Nord. Un genre voisin, longtemps rangé avec les
Limenilis, est le genre Neptis, Fabr., présentant les ailes plus larges et
plus arrondies, surtout les inférieures, que les Limenilis, et les bandes
de taches perpendiculaires au corps et non pas à peu près longitudi-
nales. Ce genre compte d'assez nombreuses espèces propres à l'ancien
monde, à Madagascar, aux îles Maurice et Bourbon. Dans le groupe
des espèces à ailes ornées de taches blanches sur fond noir, se trouve le
iV. .'lc^r?s,Fabr., répandu depuis les îles de la Sonde et la Chine (environs
de Pékin) jusqu'en Autriche inclusivement, et le N.Lucilla, Fabr., qui
habite le Piémont, le sud de la Russie, l'Autriche, la Hongrie, la Slyrie
et la Dalmatie. D'autres espèces ont des taches jaunes sur fond noir.
Nous citerons ici le genre Bia, Westwood, placé par M. H. Lucas
dans ses Nymphalites et par M. Kirby dans les Satyrinœ. Le corps est
grêle ; les ailes grandes, les supérieures ornées d'une large tache mé-
tallique, avec le bord antérieur très arqué, l'angle apical très arrondi,
le bord externe convexe; les ailes inférieures ofl'rant l'angle anal pro-
longé en queue, plus développée chez le mâle; les pattes palatines du
mâle petites, très grêles et poilues, formant une brosse, celles de la
femelle grêles et écailleuses. Une seule espèce, rangée par Godart
dans ses Morpho, le B. Actorion, Linn., des forêts du Brésil et de la
Guyane hollandaise (pi. Lxxxn, fig. 2, femelle de protil eu dessous).
Chenille et chrysalide inconnues.
APATURIDES.
Antennes longues et se terminant insensiblement en une massue
fusiforme prononcée. Tête plus étroite que le corselet ; celui-ci très
robuste. Quatre pattes ambulatoires seulement. Ailes supérieures
sinuées, les inférieures denticulées, avec ou sans prolongements cau-
diformes. — (Chenilles aplaties en dessous, en forme de limaces, avec
la tête surmontée de cornes, le dernier anneau déprimé, en façon de
queue de poisson. — Chrysalides ovoïdes ou carénées.
Nous établissons cette famille en raison de la forme caractéristique
ciuARU. m. — 13
l'Jh LÉPIDOPTËP.liS.
des chenilles; beaucoup d'auteurs ne la sépai-culpas des iNymplialides.
Elle comprend de beaux Papillons, à vol rapide et planant, à riches
couleurs, avec ou sans reflet, répandus dans toutes les parties de la
terre, à peine représentés toutefois dans les régions tempérées froides,
manquant dans la ceinture boréale.
APATl'R.%, Fabr. (Nymphàlis des auteurs). — Corps robuste. Tète poilue.
Yeux proéminenls et nus; spiritrompe longue; massue des antennes allongée
et comprimée. Palpes plus longs que la tête, connivents vers leur extrémité,
leur dernier article nu et très aigu, les deux premiers plutôt squameux que
velus. Ailes supérieures sinuces et échancrées au bord externe, à sommet sub-
tronqué, à bord interne droit, les inférieures subtriangulaires à bord externe
festonné, dépourvues de queue, à gouttière abdominale très prononcée. Pattes
de la première paire très courtes, grêles et poilues chez le mâle, à tarses très
grêles, quadriarticulés, écailleuses chez la femelle; pattes des paires 2 et 3
écailleuses, à jambes et tarses finement épineux en dessous. Abdomen petit,
allongé, conoïde, ordinairement plus robuste chez la femelle. — Chenilles lima-
ciformes, avec la tôte surmontée de deux cornes épineuses, et deux petites
pointes conniventes à la partie anale. — Chrysalides comprimées latéralement,
avec le dos bombé et caréné et la tête bifide.
L'Europe nourrit deux remarquables espèces d'Apatura. L'une est
VA. Ilia, Cat. de Vienne, le petit Mars changeant d'Engramellc, qui ne
se trouve pas dans les îles Britanniques, de 60 millimètres d'enver-
gure ; les ailes d'un brun noir, avec un reflet violet très vif, par le fait
d'écaillés brunes d'un côté, violettes de l'autre, comme les images
plissées représentant deux sujets différents suivant le sens où l'on
regarde ; ailes supérieures avec des taches blanches, dont trois apicales,
et une tache noire ronde, cerclée de ferrugineux, les inférieures avec
une bande blanche transverse sinuée et un œil cerclé de ferrugineux
à l'angle anal; dessous d'un gris jaunâtre avec une teinte fauve à
l'angle apical des ailes supérieures et toutes les taches du dessous con-
servées ; ailes inférieures avec la bande transverse d'un blanc violàtre
et un ou deux points noirs à la base. Femelle plus claire, bien plus
rare que le mâle, sans reflet violet. Presque toute la France : aux envi-
rons de Paris, Bondy, Montmorency, Marly, Armainvilliers, Chantilly,
Compiègne, Fontainebleau ; en outre Alsace, Vosges, Morvan, le long
du canal de Bourgogne près de Dijon, etc. La variété Clytie^ Hiibner,
le petit Mars oraiigé d'Engramelle, est beaucoup moins commune que
le type dans le nord de la France, à peu près aussi commune près de
Paris, plus commune en Auvergne, existant seule dans le midi de la
France. Elle est moins foncée que le type; les taches et les bandes
sont d'un fauve clair, à l'exception des trois points apicaux, qui restent
blancs ;le borddes quatre ailes offre en outre une bandede taches fauves
assez large et une tache qu'appuient en dessus quatre points noirs dans
APATURA. 195
la cellule discoïdalc des ailes supérieures; refiel d'un violet plus rosé.
Le petit Mars, Ilia et Clytir, était commun autrefois tout contre Paris,
dans les prairies à Peupliers de la Glacière : c'est de là que venait le
seul exemplaire qu'ait connu rieofTroy, capturé dans un jardin du voi-
sinage. On a indiqué comme une espèce un prétendu /rjs lulea ou urand
Mars orangé d'b]ngramelle, qui n'est qu'une aberration femelle àUlia, à
dessus entièrement fauve, avec la bande du milieu plus claire. Enfin,
dans l'extrême midi de la France, ainsi dans le Var en mai, se trouve
la variété Métis, Freyer, différant de Clytie par le ton plus rougeâtre du
fauve, le reflet plus foncé et plus éclatant, et l'absence des yeux à
l'angle anal. Chenille à toute sa taille en mai et au début de juin, sur
les Saules, les Peupliers, les Trembles, difficile à voir, car sa couleur se
confond avec celle des feuilles; il faut gauler fortement les arbres
pour la faire tomber. Elle est d'un vert tendre, chagriné de jaune ou
de blanchâtre (planche lxxxi, fig. 5), avec la tête plate et jaunâtre et
les mandibules jaunes, la tête surmontée de deux cornes divergentes,
épineuses, bifides à leur extrémité, un peu plus longues que la tête.
Ces cornes, prolongement des deux calottes hémisphériques de la tète,
sont jaunes en dessus et vertes en dessous, avec leur extrémité rou-
geâtre, marquées en outre en dessous d'une ligne noire qui se pro-
longe jusque sur la tête. De chaque côté, du milieu à la partie anale,
le corps offre des lignes obliques, jaunes ou blanches, dont la supé-
rieure en relief se termine en haut par une épine qui se recourbe vers
le milieu du dos; en outre, sur le cou, deux lignes parallèles jaunes
partent des cornes, et se prolongent en mourant jusqu'au cinquième
anneau. Les pattes sont d'un vert bleuâtre comme le dessous du corps,
et les deux pointes de la queue jaunes. Chrysalide d'un vert pâle
(planche lxxxi, fig. 5 a), tirant sur le bleuâtre dans sa partie infé-
rieure, avec la carène, les deux cornes de la tête et les bords des four-
reaux aiaires blanchâtres ou d'un jaune pâle. L'autre espèce, plus
grande, de 65 millimètres d'envergure, est VA. Iris, Linn., le grand
Mars changeant d'Engramelle, ressemblant au précédent, mais d'un
fond plus sombre et d'un reflet bleu plus vif, manquant de l'ocelle des
ailes supérieures et celui des ailes inférieures moins marqué. Femelle
rare, plus grande, sans reflet. Dans l'aberration, Joie, Cat. de Vienne,
ou Beroe, Fabr., le Mars bleu foncé changeant d'Engramelle, les ailes
supérieures ne conservent que les taches blanches de l'angle apical, et
la bande transverse des ailes inférieures manque complètement ou
n'est remplacée que par quelques poils blancs ; il y a des passages de
cette rare aberration au type. Le grand Mars se trouve près de Paris,
à Meudon (rarement), à Bondy, à Saint-Germain, au bois Notre-Dame,
près Boissy-Saint-Léger, à Armainvilliers, également dans la forêt de
Mormale, en Alsace, dans les Vosges, etc. ; il manque dans les Cha-
rcntes et dans le tiers méridional de la France, où les forêts sont trop
sèches. C'est le Purple Emperor des Anglais. Ses œufs sont d'un vert
196 LÉPIDOPTÈRES.
sombre lors de la ponte, puis, s'ils sont féconds, deviennent d'un jaune
verdâire, et offrent un cercle noir ou d'un brun sombre au point où se
forme la tête de la chenille. Celle-ci fut découverte en 1755 et observée
par Rœsel et par Ray. Les phases de son éducation sont décrites dans
le mémoire suivant : P. S. Pallas, Observations on the Habits of the
Purple Emperor (Apatura Iris) {Trans. Soc. entom. of London, 1838,
t. II, part. 2, p. 136,1. Cette chenille, à toute sa taille à la fin de mai et
au commencement de juin, vit sur les feuilles de la cime des Peupliers
noir et blanc et des Trembles; elle diffère de celle du petit Mars parles
cornes de la tète, qui sont beaucoup moins longues et non bifurquées,
par une ligne jaune qui règne le long du corps, au-dessus des pattes,
et par quatre petits points bleus placés en dedans et vers l'extrémité
des deux lignes jaunes obliques qui se terminent en cet endroit par
deux petites épines courbées sur le milieu du dos. Chrysalide plus
allongée que celle du petit Mars, et marquée sur les côtés de cinq ou six
lignes blanches obliques.
Les deux Mars, qui ne paraissent, comme le grand Silvain, qu'une
fois par an, succèdent immédiatement à celui-ci, de la fin de juin à la
fin de juillet (climat de Paris), ont un vol analogue et absolument les
mêmes mœurs. Mêmes observations, par conséquent, sur leur capture.
De nombreuses espèces d'Apalures se rencontrent dans les régions
chaudes du globe, sauf toutefois en Afrique.
CHAKA'XES des auteurs (syn. Nymphalis, Godart, Weslwood). — Tête
veloutée, sans touffe frontale ; antennes assez courtes, robustes, droites, ter-
minées graduellement en une massue allongée, fusiforme, légèrement amincie
àrexlrémilé. Yeux très proéminents, nus. Palpes aussi longs que la tète, ten-
dant à se rapprocher par le sommet, mais non cônnivents, avec le dernier
article nu, court, terminé en pointe obtuse, les deux autres plus squameux que
velus. Thorax très robuste, velouté, plus long que l'abdomen. Ailes supé-
rieures subtriangulaires, lé bord supérieur un peu arqué, le bord interne
festonné ou échancré ; ailes inférieures grandes, subovales, non ocellées en
dessous, à bords festonnés et pourvus/ avant l'angle anal, d'une queue et plus
souvent de deux. Pattes palatines du mâle petites et poilues, celles de la
femelle bien plus longues, écailleuses, à tarses comprimés ; pattes ambulatoires
courtes, très robustes, écailleuses ainsi que leurs tarses. Abdomen assez court,
ovoïde chez les femelles. — Chenilles en forme de limace, avec la tête sur-
montée de quatre cornes et le dernier anneau aplati et ressemblant à une
queue de poisson. — Chrysalides ovoïdes, lisses, coniques à l'abdomen, avec
la tète presque obtuse et deux tubercules à la partie anale.
Les Charaxes habitent l'ancien monde et l'Australie, et, contrairement
aux Apatures, sont très nombreux dans l'Afrique tropicale. Une très
belle espèce, d'un fond brun verdàtrc, avec de larges bordures jaunâtres
aux quatre ailes, se trouve sur tout le pourtour de la Méditerrani'e,
CHAR AXES, 197
c'est-à-dire à la fois en Europe, en Afrique et en Asie : c'est le Pacha à
deux qnpKcs des paysans turcs, le C. Jasiiis, Fabr., répandant à l'éclosion
une odeur musquée, paraissant deux fois par an, en juin et en septembre.
Les individus de la première époque proviennent de chenilles écloses
en octobre, passant l'hiver et ne subissant la nymphose qu'au mois de
mai suivant; ceux de la seconde ont des chenilles nées en juillet et pas-
sant par toutes les phases en trois mois. En France, le C.Jasius se trouve
principalement aux environs de Toulon et d'Hyères et aux îles d'Hyères;
il vole aussi aux environs de Montpellier, mais y est très rare. La chenille
se nourrit uniquement des feuilles de l'Arbousier {Arbutus Unedo), ar-
brisseau très commun sur les collines qui bordent la Méditerranée. Elle
mange ordinairement la nuit, fort lente dans ses mouvements, tenant
la tète renversée en arrière, toujours sur le dessus des feuilles, qu'elle
tapisse de soie; au repos dans le jour, où elle retire sous elle ses. pattes
écailleuses et ses dernières pattes membraneuses, de sorte qu'elle ne
s'appuie que sur les quatre pattes du milieu. Ses habitudes sédentaires
la rendent très facile à élever par les amateurs, car elle cherche bien
rarement à quitter la branche d'Arbousier sur laquelle on l'a placée et
mange entièrement la feuille où elle est posée. A sa naissance, celle
chenille est d'un vert brunâtre, mais, après la première mue, elle devient
d'un beau vert et conserve cette couleur jusqu'à son changement en
chrysalide. Le corps est plat en dessous et renflé au milieu, les anneaux
postérieurs atténués, et le dernier, très aplati, se termine en forme de
queue de poisson. La peau semble plissée transversalement et chagrinée
de blanc jaunâtre sur le fond vert; on voit, sur les anneaux 7 et 9, deux
taches ocellées, un peu ovales, ordinairement d'un vert jaunâtre, et
marquées au centre d'un point bleuâtre. La tète, marquée de lignes
jaunes et noires, est verte et chagrinée comme le reste du corps ; les
quatre cornes jaunes avec l'extrémité rougeâtre, celles du milieu pro-
longeant les lobes céphaliques, les extérieures un peu plus grandes et
divergentes, et, entre elles, les rudiments de deux autres cornes. Ces
cornes sont très peu développées lors des mues, mais acquièrent
toute leur taille en quelques heures. Au-dessus des pattes règne une hgne
jaune, bien marquée à partir du troisième anneau ; les pattes écailleuses
sont jaunes, les membraneuses vertes, les stigmates très petits et à peine
visibles, le ventre blanchâtre.
On sait qu'ordinairement, dans les chenilles qui muent, la tète se
dépouille en même temps que le corps, et les enveloppes de l'une et de
l'autre demeurent adhérentes, ce qui fait que l'ancienne peau rejelèe
©st quelquefois si entière, qu'on la prendrait pour la chenille elle-même,
surtout lorsque cette peau, comme celle des chenilles du genre Chelonia,
est couverte de longs poils. Chez la chenille du C. Jasius, .au contraire,
la tête se dépouille avant le corps, se redresse peu à 'peu verticalement,
puis est rejetèe au dehors, et le nouveau crâne, d'abord étendu faute
de place sous le premier anneau de la vieille peau, gonfle beaucoup et
198 LÉPIDOPTÈKES.
se surmonte bientôt de quatre épines; c'est après cela que le corps se
dépouille à part, <à la façon des autres chenilles. F.a chrysalide se forme
trois jours après que la chenille s'est suspendue par la queue à une
petite branche ou à un pétiole de feuille, cette chenille étant alors de-
venue d'un vert clair transparent. Cette chrysalide est d'un vert tendre,
ovoïde, lisse, sans aucun angle, avec les incisions des anneaux, les four-
reaux alaires, les pattes, la spiritrompp, les antennes, marqués, sans
relief, par de simples lignes jaunes. La tête se termine par deux protu-
bérances arrondies; le dos est à peine caréné, et le pédoncule par où se
fait l'attache soyeuse est accompagné de deux petits tubercules. Deux
jours avant la sortie du papillon, on voit paraître, sur l'enveloppe des
ailes, plusieurs taches violâtres. Nous représentons (pi. lxxxi, fig. h)
une belle espèce de la côte occidentale d'Afrique, le C. Etheta, Godart,
d'un noir pourpré, avec double bordure de taches d'un bleu vif et un
ocelle bleu bordé de jaune à l'angle anal de l'aile inférieure.
MORPHIDKS.
Corps petit, assez grêle, médiocrement robuste, comparé aux ailes.
Tête médiocre ; antennes grêles, terminées par une massue subfiliforme.
Yeux généralement grands et proéminents. Palpes relevés, petits, écar-
tés, ordinairement écailleux. Thorax de grandeur médiocre. Ailes très
grandes, plus ou moins ocellées en dessous, les supérieures ayant la
cellule discoïdale très allongée et toujours fermée ; ailes inférieures du
mâle le plus souvent munies de deux touffes de poils près de leur base ;
cellule discoïdale tantôt ouverte, tantôt fermée dans les deux sexes, la
gouttière abdominale large et profonde. Pattes palatines imparfaites,
celles du mille très petites, en forme de brosse, à tarses d'un seul article ;
celles de la femelle ordinairement- plus grandes que celles du mâle, à
tarses articulés, mais sans ongles. Abdomen petit. — Chenilles allongées,
pubescentes, épineuses, atténuées en arrière, à tête ornée de plusieurs
cornes obtuses, l'abdomen terminé pardeux queues coniques, allongées.
— Chrysalides courtes, suspendues par la queue, épaisses, cylindro-
coniques, ou légèrement carénées sur la partie dorsale.
Cette famille comprend les Papillons les plus richement colorés qui
existent; elle se composait uniquement autrefois des deux genres Mor-
pho elPavonia, qui sont restreints aujourd'hui à des espèces américaines.
Les Morphides ne se rencontrent que dans les régions les plus chaudes
du globe et souvent les plus humides, dans les terres basses du sud du
Mexique, les Guyanes, le Brésil, l'Equateur, l'Indo-Chine, les îles de la
Sonde, les îles Philippines, rarement le nord de l'Inde et le sud de
la Chine, la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Irlande.
IMORPno, Fabr. — Corps 1res petit. Tète assez large, légèrement poilue, avec
une petite touffe frontale conique; antennes courtes, grêles, formées d'articles
MOKÎMIO. 199
assez allonges, se terminant graduellement en une massue très grùle. Yeux
grands, proéminents, nus. Palpes petits, comprimés, finement poilus, s'avan^
çant obliquement jusqu'au niveau des yeux. Thorax petit, ovale, court, poilu.
Ailes très-grandes, de forme variable, ornées en dessous, les inférieures
surtout, de taches ocelliformos; les ailes supérieures à bord apical générale-
ment plus ou moins échancré, les inférieures subovales, festonnées entre les
nervures. Pattes palatines du mâle petites, poilues, celles de la femelle écail-
leuses et beaucoup plus longues, à tarses de cinq articles ; pattes ambulatoires
allongées, robustes, ù cuisses courbes, les jambes armées de rangées d'épines
plus fortes en dessous. Abdomen petit, muni, à son extrémité, de plusieurs
touffes de poils chez les mâles seulement. — Chenilles allongées, cylindriques,
épineuses, avec les segments antérieurs munis d'une touffe de poils et le seg-
ment anal bifide, — Chrysalides courtes, très renflées, non anguleuses et
bifides antérieurement.
Les Morpho sont les plus magnifiques Papillons qui existent, dont le
dessus des ailes est le plus souvent d'un bleu métallique de ton variable,
trùs résistant à la lumière, souvent noirâtres au bord, cette bordure
noire plus large chez la femelle. Ils sont répandus dans les régions les
plus chaudes de l'Amérique, du Mexique à la province de Sainte-Cathe-
rine (Brésil sud). L'éclat de leurs ailes les a fait parfois employer pour
la parure, soit renfermés dans de larges médaillons, soit, pour la coif-
fure, en traversant le corps en long d'une tige de métal, et les ailes
consolidées en dessous par du crêpe apprêté. Le plus riche de tous par
son incomparable azur métallique, le J/. Cypris, de Santa-Fé de Bogota,
a paré la chevelure blonde de l'impératrice Eugénie, 11 y a des Morpho
très rares, en raison de leur habitude de se tenir au sommet des arbres
(Lacordaire) et de ne presque jamais descendre: ainsi, à la Guyane fran-
çaise, les M.Metellus, Hecuba, Andromachus, Rhetenor, etc. D'autres sont
plus répandus dans les collections, car, au lieu de planer sans cesse à
la cime des arbres, ils descendent dans les roules des bois, où ils s'élan-
cent par bonds désordonnés et rapides : ainsi il/. Mendaus, Linn., du
Brésil et de la Guyane, à ailes d'un beau bleu d'azur métallique ; M.
Helenor et AchiUes. Citons encore M. Leonte, M. Perseus, du Brésil et des
Guyanes-, M. Laertes, Drury, avec les ailes d'un blanc métallique
bleuâtre, du Brésil ; M. Adonis, Cramer, d'un bleu pâle, de la Guyane
et du Brésil jusqu'à la province de Sainte-Catherine, etc. Il y a quel-
ques Morpho où les femelles sont fauves, par le même contrasle de
couleur que chez les Lycœna : ainsi la très rare femelle du M. Cypris. La
femelle du M. Eugenia, découverte à la Guyane française par M. C. Bar,
est aussi de couleur très différente du mâle; sur un fond d'un brun
sombre se détachent des bandes et de larges macules d'un jaune-pailie,
dessins tranchés qui produisent le plus grand effet pendant le vol. Au
Mexique, dans les régions moyennes et sur le versant du Pacifique, se
trouve un très rare Morpho blanc, le M. Polyphemus, Boisd,, qui vole
200 LÉI'JDOPlÈRtS.
lentement sur le bord de ravins ou plutôt de crevasses à pic, appelées
harancas (M. IJoucard).
M. G. Bar a donné d'importantes indications sur les Morpho des
environs de Cayenne, qu'il a pu observer dans un séjour permanent.
Il y a rencontré neuf espèces de MorpJio, réparties comme il suit :
1" groupe de Perseus, trois espèces : les M. Hecuba, Metetlus (dont les
chenilles vivent en société sur le Simarouba) et Telemachus ; 2" groupe
à'Adoiiis, une espèce : M. Eugenia, cf et ^-^ 3" groupe d'Achilles, trois
espèces: les M.Achilles, Deidamia et Nestor; k" groupe des Menelaus, une
espèce -.M. Menelaus -,5° groupe de Rhetenor, une esy^'Cù, le M . Bhetenor cf ,
Andromachus Ç. Les espèces du groupe de Rhetenor-Andromachus ont
le vol élevé, se maintenant le plus souvent à 10 ou 12 mètres, descen-
dant rarement ù portée, quand le papillon traverse un endroit décou-
vert. Les espèces du groupe de Perseus sont à peu près dans le même
cas et volent, en planant avec majesté, à une hauteur de 8 à 10 mè-
tres, mais descendent beaucoup plus fréquemment à portée et viennent
même se poser sur les jeunes arbres qui bordent les sentiers qu'elles
aiment à parcourir. Les espèces du groupe à'Ado7us ont aussi le vol
assez élevé, mais ne planent pas. Les espèces des groupes d'Achilles et
de Menelaus ne volent point, comme celles des groupes précédents, hors
de la portée du chasseur; elles s'élèvent rarement à plus de deux ou trois
mètres, à moins d'être effarouchées. Aussitôt que le soleil commence
à baisser, ces Morpho se posent sur quelque buisson, pour ne recom-
mencere qu le lendemain leur course vagabonde et rapide, dans toutes
les ouvertures que leur présente la végétation vierge et irrégulière des
forêts de la Guyane. Les il/or/j/to ne sont pas les Papillons qui se tiennent
le plus généralement au fuite des grands arbres; ces stations sont sur-
tout, à la Guyane, celles des Pieris, Callidryas, certains Nymphalides,
Papilio et Heliconia, etc. Les Morpho ne butinent pas sur les fleurs; de
même que la plupart des Satyrides de la Guyane, les Pavonia, et beau-
coup d'Apatures, ils préfèrent les sucs que contiennent les fruits tombés
à terre. L'odeur du vin, du sucre ou de toute liqueur fermenlée, attire
ces Papillons en grand nombre, et donne quelquefois un moyen inespéré
de les saisir.
Nous représentons des détails d'une espèce du genre Amathusia, Fabr.,
placé par M. Kirby dans ses Morphinœ, et dont Godart faisait un Mor-
pho : c'est 1'^. Phidippus, Linn., de Java (planche Lxxxn, fig. 3, che-
nille; 3 o, chrysalide; 3 b, tête de l'adulte; 3 c, patte palatine ;
8 d, palpe).
On consultera pour les Morpho : A. Guenée, Note monographique et
rectificative sur un groupe du genre Morpho, Latr. {Ann.. Soc. entom.
Fr., 1859, p. 365). — E. DeyroUe, Note sur cinq MoRf^uo nouveaux
[Ann. Soc. entom. Fr., 1860). — G. Bar, Quelques mots sur les Morpho
de la Guyane, Lépidoptères de la tribu des Morphides {Ann. Soc. entom.
Fr., 186/(, p. 29). — Burmeisler, Morphonides brésiliens, avec planch.
PAVOiMA. 201
color. ropri'sentant des chenilles et des chrysalides {Revue, et Magas.
dezooL, i813). «
PAVO;%'l.%, Godart (syn. Caligo^ Wcstwood). — Corps très pelit, robuste. Tète
poilue, avec une touffe frontale conique ; antennes grêles, graduellement termi-
nées par une massue grêle. Yeux grands, nus. Palpes assez grands, peu
poilus, s'avançant obliquement au delà des yeux. Thorax robuste, poilu. Ailes
très grandes, arrondies, ocellées en dessous (d'où le nom du genre), les supé-
rieures à bord costal très courbé, le sommet arrondi, le bord externe droit ou
légèrement sinueux ; les ailes inférieures grandes, ovoïdes-allongées, à bord
externe un peu festonné et sinueux; l'angle anal arrondi; la gouttière abdo-
minale peu marquée chez les mâles, une petite touffe de poils près du bord
anal dans la plupart des espèces. Pattes palatines du mâle et de la femelle poi'
lues et de même longueur ; pattes ambulatoires longues et robustes, avec les
jambes munies de deux rangées d'épines et les tarses de. plusieurs rangées.
— Ciicnilles allongées, un peu plus épaisses dans leur milieu, avec la tète en
forme de bouclier et armée de plusieurs cornes, chaque segment médian
offrant une épine perpendiculaire au corps. Abdomen terminé par deux appen-
dices coniques allongés. — Chrysalides épaisses^ ayant une pointe obtusément
conique sur leur partie dorsale.
Les Pavonies comptent une quinzaine d'espèces des régions chaudes
de l'Amérique du Sud. Elles diffèrent beaucoup par les mœurs des
Morphi), qui ont un vol rapide à l'éclat du jour. Ce sont des Papillons
à demi-crépusculaires, au repos pendant le jour sur les troncs d'arbres,
leurs ailes à dessous ocellé rapprochées perpendiculairement au corps.
Elles volent lourdement le soir dans les broussailles, ou le jour dans
les fourrés épais et obscurs, retombant se poser après quelques coups
d'ailes, de sorte que leur capture est très aisée. Nous représentons le
P. Acadina, Godart, du Brésil (pi. Lxxxn, tig. 1), ses grandes ailes d'un
brun fauve en dessus, avec bandes d'un fauve vif en bordure et deux
taches d'un jaune clair au sommet de chaque aile supérieure. Cette
espèce, qui était une Pavonie pour Godart, fait partie maintenant d'un
genre très voisin, Opsiphanes, Westw., et doit être nommée 0. Kyme,
Hûbner. M. Kirby, dans son Catalogue, place ce genre dans les Bras-
solides.
BRASSOLIUES.
Corps très robuste. Tète petite et poilue, avec une touffe frontale ;
antennes terminées par une massue grande et allongée composée d'ar-
ticles très courts. Yeux nus. Palpes petits, comprimés, poilus, appli-
qués sur la tète. Thorax robuste. Ailes ocellées en dessous, les supé-
rieures à bord externe presque droit, à cellule discoïdale fermée, les
inférieures largement ovales, à bord externe entier, arrondi, non fes-
tonné, à cellule discoïdale fermée, précédée par une petite cellule
202 LÉPIDOPTÈRES.
prédiscoïdale, la gouttière abdominale des mâles étroite et allongée.
Pattes palatines du maie très petites, en forme dé brosses, à tarses d'un
seul article; celles de la femelle plus épaisses et plus longues, à tarses
articulés; pattes ambulatoires longues et assez grêles, à tarses un peu
épineux. Abdomen robuste et large. — Chenilles charnues, soyeuses,
atténuées en avant, le segment anal entier. — Chrysalides épaisses,
non anguleuses, convexes, suspendues par la queue.
La famille des Brassolides ne comprend que le genre Brassolis, Fabr.,
qui ne compte que très-peu d'espèces, des Guyanes et du Brésil. Le
type est le B. Sophorœ, Linn., dont les chenilles vivent en sociétés de
quelques centaines dans un nid fermé, d'où elles ne sortent que la
nuit pour manger les feuilles du Bananier. Elles sont d'un brun clair,
ornées de lignes longitudinales brunâtres, avec les pattes écailleuses
et la tète noire, celle-ci offrant une ligne transversale jaunâtre. Elles
deviennent, au début d'avril, des chrysalides pales, tachetées de rouge
foncé, avec quatre taches argentées, donnant, au bout de quinze jours,
des papillons doués d'un vol rapide et paraissant seulement le soir et
le matin. Nous représentons une espèce du Brésil, le B. Astyra, Godart
(pi. Lxxxii, fig. h).
BIBLIDES.
Antennes linéaires, à massue très petite, comprimée. Palpes longs,
notablement écartés, dépassant beaucoup la tête, avec leur dernier
article infléchi en avant. Ailes dentelées ou anguleuses, les supérieures
avec une nervure costale dilatée et vésiculeuse, les inférieures h cel-
lule discoïdale fermée par une très petite nervure récurrente et à
gouttière abdominale peu prononcée. — Chenilles cylindroïdes, atté-
nuées à l'extrémité, épineuses sur la tête seulement et terminées par
deux pointes. — Chrysalides suspendues par la queue.
Cette famille a des analogies avec les Vanesses et les Argynnes par la
forme et le port des ailes, et d'autres avec les Satyres par les antennes
et la nervure costale renflée aux ailes de devant. Le type, dans le genre
Biblis, Fabr., est le B. Thadana, Godart, assez abondamment répandu au
Brésil, très commun à la Guyane française autour des habitations et
jamais dans les bois. Il plane lentement et se pose fréquemment, en
relevant un peu ses ailes sans les fermer. La famille comprend encore
quelques autres genres de Madagascar, des Indes orientales et des îles
de la Sonde.
SATYRIDES.
Corps généralement assez grêle. Tête petite; antennes terminées, soit
par un bouton court et piriforme, soit par une massue grêle et presque
fusiforme. Yeux tantôt glabres, tantôt pubescents. Palpes s'élevant
notablement au-dessus du chaperon, hérissés de poils en avant. Thorax
peu robuste. Ailes supérieures ayant presque toujours la nervure cos-
SATYRIDES. 203
taie, la médiane surtout et quelquefois la sous-médiane ou l'infôriouro,
dilatées et un peu vésiculeuses à leur base; ailes inférieures à cellule
discoïdale fermée, la gouttière anale bien prononcée à la base de l'ab-
domen, mais s'atténuant bientôt, de manière à laisser l'extrémité anale
de l'abdomen à découvert, lorsque les ailes sont relevées au repos. —
Chenilles à tête arrondie, souvent échancrée, comme pisciformes, à
corps atténué en arrière, et dont le dernier segment se termine en
queue bifide, tantôt lisses, tantôt rugueuses, tantôt pubescentes. —
Chrysalides tantôt oblongues et un peu anguleuses, avec la tête en crois-
sant ou bifide et deux rangées de petits tubercules sur le dos, tantôt
courtes et arrondies, avec la tête obtuse et le dos lisse, toutes sans
taches métalliques.
Les Satyrides, très nombreux en espèces, sont répandus dans toutes
les régions de la terre et même dans les plus froides, ainsi sur les
hautes montagnes, au-dessus de la limite des arbres (certains Erebià)
et môme contre les neiges éternelles et à la bordure arctique, consti-
tuant alors le genre Chionobas (qui se promène à travers les neiges).
Cela tient à ce que leurs chenilles, refusant toute autre nourriture,
vivent exclusivement de Graminées, ces plantes de tous les climats, que
Linnœus, dans son langage souvent poétique, nommait les plébéiens
du règne végétal. Les Satyrides, avec quelques Goliades et Argynnes et
un très petit nombre de Noctuelles et de Phalénides, forment les seuls
Lépidoptères des régions voisines du pôle et des plus hautes montagnes,
jusqu'auprès des neiges éternelles. Le genre Satyrus, Fabr., qui corres-
pond à la famille actuelle des Satyrides, était beaucoup plus étendu
qu'aujourd'hui, et il a surtout été divisé pour les espèces exotiques. 11
en est qui ont les ailes inférieures caudées, parfois à l'angle anal dans
le genre Corades, propre aux plateaux des Andes, le plus souvent à
l'angle inféro-extérieur : ainsi dans les genres Taijgetis, de l'Amérique
méridionale; Debis, du continent et de l'archipel indien; Cyllo, de
Madagascar, de Maurice et Bourbon, des archipels indo-sondaïques,
d'Australie, etc. ; Zophœssa, du nord de l'Inde; certaines espèces du
genre Hœtera, ainsi //. Lena, Linn. et Philoctetes, Linn., des Guyanes et
du Brésil. Outre cette queue à l'angle inféro-extérieur des secondes
ailes, les ailes supérieures ont un fort crochet en faucille dans le Cœrots
Chorineus, Fabr., des Guyanes. Les Satyrides sont très nombreux aux
environs de Cayenne. Les grandes espèces : Cœrois Chorineus, Hœtera
Philoctetes, Hœtera Piera, Linn., à ailes hyalines, Hœtera Lena, Linn., à
ailes non hyalines, etc., vivent dans les broussailles, le long des che-
mins, et se posent ;\ terre ou sur les feuilles, puis s'envolent pour se
poser de nouveau à très peu de distance. Les deux premières espèces
sont très rares près de Cayenne, les autres très communes. Il y a dans
les Satyrides des Guyanes des espèces à ailes minces et à demi transpa-
rentes qui rappellent les Heliconia par l'aspect, et qui vivent près des
habitations et avec un vol médiocre et souvent interrompu, à la façon
20^ LÉPIDOPTÈRES.
de notre Satyrus Megœra; au contraire, Euptychia Ocirrhoe, Fabr., de
la Guyane, du Brésil, de Caracas, a le vol rapide et les mouvements
brusques.
Si nous restreignons notre étude aux Satyrides d'Europe, qui sont les
mieux connus, nous aurons à appeler l'attention sur divers points.
Le vol des Satyrides fournit un caractère distinclif. Ils ne planent pas,
du moins dans la plupart des espèces, comme les Vanesses, les Apa-
tures ; les Papillons ne restent pas au repos les ailes étendues, comme
les Lépidoptères précédents et les Argynnes, mais les tiennent alors
fermées et perpendiculaires au corps. Le vol, tantôt rapide, tantôt lent,
a toujours quelque cliose de saccadé, de sautillant ; il est fréquemment
interrompu par des repos. Rn général, les grandes espèces partent
brusquement et au moindre bruit, mais sans parcourir de longs espaces.
11 est quelques grandes espèces de France qui ont le vol plus rapide
que les espèces ordinaires et même planent quelquefois, ainsi Satyrus
Circe, Phœdra, Hermione (moins), etc.; mais ce vol n'a jamais la brus-
querie de celui du Nympliale gi'and Silvain et des Apatures. Toutefois
il y a quelques Satyrides de France à vol vif et rapide, dans les Arge
des montagnes, ainsi Arge Psyché et Cloanthe.
On distingue facilement les femelles des mâles des Satyrides, en ce
que, outre l'abdomen plus court et plus renflé, conoïde et non cylin-
droïde, la taille est plus grande, la nuance du fond souvent plus claire.
En outre, des différences s'établissent par le nombre, la position, la
grandeur des taches ocellées qui ornent les ailes de ces espèces, surtout
en dessous. Les variétés locales ou accidentelles reproduisent toujours
assez fidèlement le type, et les différences principales s'observent dans
le nombre très variable des ocelles (l). On trouve aussi quelques cas
d'albinisme ou décoloration totale ou partielle du fond des ailes (ainsi
dans plusieurs Erehia, dans les espèces Janira, Pamphilus, etc.), et qui
sont peut-être parfois dus à des insolations des chrysalides (2).
Les Satyrides adultes n'hivernent pas. Tantôt les chrysalides passent
l'hiver (ainsi dans S\ jEgeria), tantôt les chenilles (ex. S. Janira); par-
fois aussi peut-être les œufs.
On trouve assez souvent les Satyrides accouples, plutôt dans l'après-
midi que le matin. Les deux insectes se placent alors en sens inverse,
(1) Maurice Girard, Quelques mots sur l'étude des variations dans les Insectes
en général, et en particulier siir les variations des Salyrus Heroe/ Arcanius, Lépi-
doptères Achalinoptéres [Ann. Soc. entom. Fr., 1862).
(2) Dans les premiers jours de juin 1875, je prenais, aux environs d'Angou-
lème, une aberration de Satyrus Janira, qui rentre dans les albinismes, mais
trop régulière pour être un simple accident de nymphose. Chaque aile supérieure
présente, vers son milieu, une large tache blanchâtre, irrégulièrement triangu-
laire, encore plus marquée en dessous ; des taches oblongues analogues existent
aux ailes inférieures, une sur chaque aile.
SATYRIDES. 205
le corps sur la même ligne, les ailes à demi repliées, celles de l'un des
deux dans l'angle des ailes de l'autre. Ils restent au]repos dans cet état,
mais s'envolent si on les dérange, le plus fort des deuv, le mille, quoi-
que moins grand et moins pesant que la femelle, entraînant l'autre,
dont les ailes demeurent immobiles et relevées; mais aussitôt que pos-
sible le couple reprend le repos. On remarque fréquemment dans les
deux individus associés, que les mâles sont usés et déchirés, tandis que
la fraîcheur des femelles atteste une récente éclosion; parfois môme
c'est à peine si leurs ailes sont séchées. L'apparition plus précoce des
mfiles que des femelles est une loi générale de la nature chez la plu-
part des insectes : c'est afin que la reproduction soit mieux assurée.
C'est également cet instinct harmonique qui nous explique les accouple-
ments insolites observés par les amateurs chez certains Satyrides.
Ainsi on a cité l'accouplement de Satyrus Janira çf avec Vanessa Urticœ^
(Bruand d'Uzelle), et deux fois(Blondel, Bagriot, Duponchel) l'accouple-
ment à'Argtjnnis Paphia çf avec Satyrus Janira Ç. On n'indique pas que
ces accouplements aient donné de résultat.
Les Satyrides, surtout les espèces à teinte foncée, c'est-à-dire une
partie du genre iSaij/rus et genre £r^6m (Satyres des montagnes), doivent
être recherchés par les amateurs dans les premiers jours de leur éclo-
sion et presque avant qu'ils aient donné les premiers coups d'ailes. Leur
vol à crochets les expose à de continuels contacts; leurs écailles tien-
nent peu et les rayons du soleil ne lardent pas à faire disparaître des
reflets souvent métalliques ou veloutés, pour ne laisser qu'une nuance
terne et pâlie. En outre, les ailes de la plupart des espèces sont bordées
d'une frange blanche, plus mince que le reste de l'aile et qui se déchire,
et tombe si l'insecte a quelque peu volé. Les mois de juillet et d'août
sont ceux où l'on voit voler le plus de Satyrides, principalement parmi
ceux qui habitent les hautes montagnes (genres Erebia et Chionobas).
Les chenilles connues des Satyrides sont encore peu nombreuses rela-
tivement à la quantité considérable d'espèces de cotte famille. Cela
lient à leurs mœurs, comme l'a dit Marloy {Observations sur quelques
chenilles de Satyrides, et description de trois espèces médites, dans Ann.Soc.
entom. Fr., 1838, Vllf, 263). Elles habitent sur des plantes basses et
touffues qui les cachent aux regards, et de plus, sont nocturnes et ne
mangent que la nuit. Elles cherchent à se soustraire à la lumière dès
qu'elles y sont exposées. Peu voraces, elles ne sont pas nuisibles.
Marloy mit de ces chenilles dans une caisse vitrée pleine de Graminées ;
dès que la caisse était mise dans l'obscurité, elles montaient aussitôt sur
les tiges, pour redescendre se cacher lorsque la caisse était replacée à
la lumière. C'est probablement aussi un instinct pour se soustraire aux
Ichneumoniens et aux Tachinaires, qui attaquent considérablement les
chenilles diurnes, vivant exposées à la lumière. Marloy dit qu'il faut
les chercher surtout en mars, avril et mai. Il parcourait alors les sentiers
pendant la nuit avec une lanterne, projetant la lumière d'un côté, au
206 LÉPIDOPTÈRES.
moyen d'un réflecteur parabolique : il trouva ainsi les chenilles d'un
nombre considérable d'espèces de Satyres, et l'on doit attribuer l'abon-
dance des Satyrides, parfois excessive pour certaines espèces, comme
Sahjrus Janira et Hyperanthus, à ce fait que les chenilles nocturnes
sont à l'abri des entomophages internes et trouvent dans les Graminées
une nourriture répandue à profusion partout, ces chenilles paraissant
en outre à peu près indifférentes à l'espèce de Graminées. Elles ont
une consistance ferme, qui contraste avec le corps mou de beaucoup
d'autres espèces, vivent isolées et non sociales, avec une démarche
très lente. Leur corps, muni de seize pattes, est cylindro-conoïde, ter-
miné postérieurement par une petite pointe fourchue, parfois plissé,
offrant des nuances qui varient du gris au vert, toujours dans les espèces
encore connues, avec des lignes longitudinales d'autre couleur, qui,
avec les colorations diverses des incisions des anneaux, forment des
sortes de quadrilles sur l'ensemble de la chenille. Quelques chenilles
de Satyrides s'engourdissent en hiver; mais le plus souvent elles su-
bissent toutes leurs transformations dans la belle saison. Les espèces
communes de nos plaines ont deux apparitions. Les chrysalides prove-
nant des chenilles de la première éclosion se métamorphosent au bout
d'une quinzaine de jours, celles de la seconde génération passant Thi-
ver. L'aspect des chrysalides de Satyrides est toujours mat, sans taches
métalliques, nues et anguleuses, avec deux pointes ou cornes sur la
tête et de larges bandes brunes sur l'enveloppe des ailes; la plupart
sont de couleur verte ou grise, analogue à la teinte des chenilles, quel-
quefois parsemée d'atomes noirâtres. Ces chrysalides, les plus nom-
breuses de la famille, ainsi celles des Salyrus Mœra, Janira, etc., se
suspendent par la queue, la tête en bas.
Quelques-unes, par une anomalie singulière chez les Rhopalocères,
reposent sans attache, à nu sur le sol ou dans une petite cavité au pied
de la plante qui les a nourries, comme les chrysalides des Noctuélides.
Ces chrysalides difl'èrent de celles qui se suspendent en ce qu'elles sont
plus courtes, plus arrondies et sans tubercules sur le dos, en même
temps que leurs stigmates sont plus grands et plus saillants, surtout
ceux placés derrière la tête. En outre, elles sont d'un brun-chocolat,
ovoïdes, contractées, ressemblant à la sangsue qui fait l'olive. L'extré-
mité anale de ces chrysalides est pointue et le bout opposé obtus.
Telles sont les chrysalides des Satyrus Circe, Briseis, Semele, Fidia, ren-
fermées dans de grandes coques ovales, sans consistance, formées de
grains de terre unis avec un peu de soie. C'est en juin qu'on rencontre
le plus de chrysalides de Satyrides, donnant les adultes en juillet et
août. On trouve ces chrysalides de nos Satyrides indigènes dans les
excavations des murs, bous les pierres et aussi attachées aux tiges des
plantes qui ont servi de nourriture à la chenille, dans les prairies, au
bord des chemins, dans les clairières des bois ou sur leur lisière, etc.
Les amateurs n'auront l'occasion d'observer facilement ces détails
SATYRIDES. 207
que sur un petit nombre d'espèces, telles que Galatca (genre Arge),
Hyperanthus, Jujeria, Mœra, Megœra (genre Satyrus).
On compte en Europe 90 espèces de Satyrides, sans ranger dans ce
nombre des espèces de pays limitrophes appartenant aux faunes asia-
tique ou africaine. Favorisée par sa position géographique et son climat
essentiellement tempéré, la France en nourrit plus de 50 espèces
et une dizaine de variétés locales non accidentelles. La faune des
environs de Paris, y compris Compiègne et Fontainebleau, compte
16 espèces de Satyrides, qui sont Galatea dans le genre Arge, ei, dans
le genre Satyrus, les S. Hermione, Fauna, Biiseis, Semele, Arethusa,
Janira, Tithonus, Mœra, Megœra, Mgeria, Dejanira, Hyperanthus, Hero,
Arcanius, Pamphilus. En Alsace, on trouve en moins S. Fauna, et en
plus les S. Phœdra, Circe, Davus ; en outre, les Erebia Cassiope, Pyrrha,
Médusa, Stigne, Blandina et Ligea. Dans le Doubs, région de petites
montagnes, n'existent e;i Arge que Galatea, en Satyrus les espèces pari-
siennes, moins Fauna, mais avec Phœdra, Circe, Eudora, Iphis et Davus
en plus, et, en outre, les Erebia des hauteurs moyennes, à savoir :
E. Mnestra, OEme, Psodea, Médusa, Stigi^e, Blandina, Ligea, Dromus. La
faune de la Gironde manque des S. Dejanira et Hero, mais possède, en
plus que les environs de Paris, les S. Phœdra, Circe et OEdipus. Près
de Paris, on rencontre S. Hermione à Fontainebleau et à Armainvilliers ;
S. Dejanira, dans les grandes forêts très ombragées, ainsi à Com-
piègne; S. Semele, en juillet, dans les bois arides et sur la route mili-
taire des fortifications de Paris; S. Fauna, en août, à Sénart, au Vésinet,
rarement à Clamart et à Bondy; S. Briseis, en août, à Armainvilliers,
commun à Lardy et sur la côte du Monduit, endroit très pierreux, près
de Mantes; S. Arethusa, en août, à Armainvilliers, très commun à Lardy
et à la foret de Fontainebleau; S. Hero, très commun eu avril et mai,
à Armainvilliers, qui est sa localité parisienne, un peu à Bondy, très rare
à Meudon et encore plus rare à Fontainebleau. Les autres espèces de la
liste des environs de Paris se rencontrent partout.
Les Satyrides européens ont été subdivisés par Al. Lefèvre (1) en
Pœcilochromiens, variant de couleur entre eux, correspondant au genre
Satyrus actuel; Leucomélaniens ou Satyres blancs, espèces à couleurs
noire et blanche {Arge), et Mélaniens ou Satyres nègres. Duponchel a
établi une division du genre Satyre en neuf groupés, d'après des carac-
tères tirés à la fois des nervures et des antennes {An7i. Soc. entom. Fr.,
1833, t. Il, p. 97). Elle correspond en outre à d'assez bons caractères de
mœurs, commodes pour la recherche des espèces pour les collections.
Les groupes sans dilatations bien accusées des nervures à leur origine
sont les Graminicoles, Satyres blancs ou Demi-deuils (genre Arge), des
prés silvatiques et des lieux où croissent de hautes Graminées ; les Alpi-
(1) Caractère distinctif entre quelques Satyres européens de la section des
Leucomélaniens {Ann. Soc. entom. Fr., 1832, t. I, p. 80 ^ avec 1 pi, color.).
208 LÉPIDOPTÈRES.
coles, des montagnes {Erebia) ; les Arcti'coles, du voisinage des neiges
perpéluelles, sur les montagnes, e d« la ceinture polaire arctique
{Chionohas). Les autres, à une ou plusieurs nervures renflées, sont les
vrais Satyres. Les Éricicoles (S. Actœa, Phœdra, etc.) viven dans les
grands bois remplis de hautes bruyères, sur lesquelles ils aiment à se
reposer ; ils ont une ou deux grandes taches circulaires sur les pre-
mières ailes, plus prononcées en dessus qu'en dessous. Les Rupicoles
(bien peu distincts en réalité du groupe précédent) fréquentent les
rochers et les collines arides (S. Fidia, Fauna, Circe, Hermione, Briseis,
Semele, Arethtisa, etc.) ; ils ont également une ou deux grandes taches
oculaires sur les ailes antérieures. Les bois, les terrains incultes et
pleins d'herbe, les prairies naturelles, voient voler les Herbicoles
{S. Janira, Tithonus, etc.), ayant un œil sur les premières ailes, ordi-
nairement bipupillé. C'est dans le voisinage des habitations que se
rencontrent les Vicicoles, tels que S. Mura et Megœra, et S. jEgeria,
si les localités sont boisées et humides. Ces Satyres ont un œil sur les
premières ailes, cinq ou six aux ailes inférieures, les antennes annelées
de noir et de blanc. Les Ramicoles voltigent de branche en branche,
dans les parties ombragées des bois ; ils ont une rangée de quatre ou cinq
yeux sur les ailes supérieures : ce sont les S. Dejanira et Hyperanthus,
ce dernier parfois d'une abondance excessive dans les prairies des clai-
rières. Un dernier groupe, assez naturel, les Dumicoles, renferme de
petites espèces ayant les trois principales nervures de l'aile supérieure
très renflées à l'origine, les antennes annelées de gris et de brun, des
taches ocellées plus ou moins nombreuses sur les quatre ailes et pré-
cédées généralement d'une ligne couleur d'argent ou de plomb; ils
voltigent sur les buissons dans les bois taillis. Ce sont les S. OEdipus,
Hero, Arcanius, Dorus, Iphis, Davus, Pamphilus, etc.
GENRES PRINCIPAUX.
AhGE, Boisduval (sjn. Rippabchia, Oclisenheinier; Melanargia, Meigcn). —
Aiilciines longues, dont la tige passe insensiblement, à partir du milieu, à une
massue fusiforme. Palpes grêles, écartés, à longs poils raides et peu serrés, le
dernier article pointu et presque nu. Yeux glabres. Ailes arrondies, faiblement
dentées ; nervure costale des ailes supérieures seule, faiblement dilatée à sa
base, tant en dessus qu'en dessous; fond des ailes blanc ou d'un jaune pâle,
avec des bandes et des taches noires. — Chenilles pubescentes, avec des raies
longitudinales, le corps peu allongé et la tête globuleuse. — Chrysalides
courtes, arrondies, ventrues, non suspendues, reposant à nu sur la terre.
Les Arge, dont toutes les espèces ont une grande ressemblance, sont
des Papillons qui volent surtout dans les prairies sèches, au milieu des
herbes. Leurs ailes sont dentées, blanches, avec des taches ou des
lignes noires, qui méritent à tous le nom de Demi-deuils. Les Arge de
Anr.E. 'jno
France {Galatea, Lachesis, Psyché) ont deux variétés, l'une à fond d'un
blanc pur, parfois un peu grisâtre, l'antre à fond d'un jaunâtre paie,
couleur qui disparaît vite à la lumière, dès que l'insecte a quelques
jours d'éclosion. Ce genre, peu nombreux en espèces, est particulière-
ment répandu en Europe, surtout dans sa partie méridionale et dans
le nord de l'Afrique. L'espèce des plames, très commune dans une
grande partie de l'Europe, des champs, des bois, des prairies, dans la
seconde quinzaine de juin et la première quinzaine de juillet, est
r.l. Galatea, Linn., le Demi-deuil de Gcoll'roy, the. Marblcd While des
Anglais, très aI)ondant en F'rance dans toutes les régions calcaires,
manquant dans les localités exclusivement granitiques; de kl milli-
mèti'cs d'envergure ; la base des ailes noire et avec taches blanches, la
bordure noire des ailes inférieures bien marquée, renfermant des
yeux plus visibles en dessous qu'en dessus; femelle plus grande, avec
le dessous des ailes inférieures et la côte des supérieures lavés de jaune
d'ocre roussàtre. Les œufs sont d'un blanc jaunâtre, devenant bientôt
d'un jaune-citron, comme ceux des Vers à soie. Var.: /Voc«û(a, Herbst, de
la Provence, où elle remplace le type, de la Creuse, rare (de Lafitole),
de taille plus grande, bien plus chargée de noir; Galène, Ochs-, ayant
la bande antémarginale du dessous des ailes inférieures sans taches;
leucomelas, Esper, Uuponchel, femelle, dont le dessous des ailes infé-
rieures est jaunâtre ou d'un rouge ochracé, les dessins, surtout les
yeux, ayant presque entièrement disparu, se prend assez rarement aux
environs de l'aris et ailleurs avec le type. L'A. Galalea est de capture
très aisée, vu son vol faible et de peu de durée. La chenille vit spécia-
lement sur la Fléole des prés {Phleum pratense) et ne paraît qu'une
fois, se chrysalidant vers le milieu de juin, et le papillon éclosant
quinze jours après. Elle est pubescente, tantôt verte, tantôt d'un gris
jaunâtre, avec trois raies longitudinales plus foncées, une dorsale et
deux latérales ; ces trois raies sont bordées de lignes plus claires ; la
tète, les pattes thoraciques, les stigmates et l'extrémité des pointes de
la queue sont rougeûtres ou ferrugineu^, les pattes membraneuses de
la couleur du corps. La chrysalide, qui gît sur le sol, non suspendue,
est ovoïde, jaunâtre, avec deux taches noires en relief, qui sont deux
stigmates, de chaque côté de la tête.
Les autres Arge de la France sont méridionales et montagneuses. En
Provence, dans le Languedoc, dans le Roussillon, et surtout à Vernet-
les-Bains, où elle remplace complètement VA. Galaiea, se trouve
VA. LacJicsis, Hûbner, dont les ailes ont la base légèrement grisâtre et
sans taches. Elle a le vol faible et pareil à celui de Galatea. Ces deux
Arge semblent ne pas vouloir quitter l'endroit qui a nourri leurs che-
nilles, volant irrégulièrement de bas en haut et suivant rarement une
ligne horizontale. Au contraire, les deux autres Arge de France, Psyché,
Ili^ibncr, et Clcanthe, Boisd. (var. du type Clotho, qui est de l'Afrique
septentrionale), ont un vol très rapide, quoique peu élevé au-dessu;i du
GIRARD. m. — li
210 LÉPIDOl'TÈllES.
sol. Elles semblent toujours pressées, comme si elles avaient de longues
courses à faire. L'A. Psyché, qu'on ne peut capturer facilement que de
grand matin, vole, pendant les mois de mai et de juin, dans les gar-
rigues et sur les collines arides des environs de Montpellier et d'Hyères.
L'A. Cleanthe se trouve, en juin et en juillet, dans les Basses-Alpes, aux
environs de Digne; ainsi sur la montagne de Lure, dans la Lozère;
sur la causse Méjean, au-dessus de Florac (J. Fallou); dans le Cantal,
près de Saint-Flour (Maurice Sand). Nous citerons, dans les espèces
étrangères à la France : A. Herta, Geyer, de Dalmatie, de Morée, de
Turquie ; A. Amphitrite, Hiibner, de Calabre, de Sicile, d'Espagne et de
l*ortugal; A. Inès, Oclis., d'Espagne et de Portugal, etc.
SATïRl'S, Fabr, — Antennes moins longues que le corps, à massue de forme
variable. Palpes hérissés de poils assez raides, serrés à leur base, ayant le
dernier article très court, conique, plus ou moins aigu. Ailes supérieures arron-
dies; ailes inférieures presque toujours dentées à angles très obtus. — C'est
presque exclusivement aux chenilles et chrysalides de ce genre que se rapporte
ce qui a été dit pour les Satyrides.
Ce genre comprend les espèces répandues dans le plus grand nombre
de localités, les prairies, les jardins, les bords des routes, les bois, les
collines, la base des montagnes. Elles volent peu de temps, en sau-
tillant, montent et descendent ; se reposent bientôt sur les rocliers, les
murs, les troncs d'arbres, les buissons ; marchent assez vite en battant
des ailes, puis se remettent à marcher et à tourner sur elles-mêmes
pour s'envoler de nouveau.
On subdivise habituellement les nombreuses espèces de ce genre en
plusieurs groupes établis d'après l'habitat le plus ordinaire; mais il
faudrait bien se garder de croire que ces groupes imaginés par Du-
ponchel, et qui offrent certaines différences minimes, répondent d'une
manière absolue à la localisation qu'ils indiquent. Ils servent toutefois
à diriger les recherches des amateurs pour recueillir plus sûrement
une espèce donnée.
Le genre Satyrus, dans son sens général, contient une cinquantaine
d'espèces européennes. Quelques-unes sont extrêmement abondantes et
fournissent la grande majorité des Lépidoptères diurnes qu'on voit
voler dans la belle saison. 11 n'y en a qu'un très petit nombre qui aient
deux générations par an. Le caractère le plus apparent des espèces de
ce genre est d'avoir des taches ocellées, au moins sur une des deux
surfaces des ailes. Ces taches sont ordinairement orbiculaires, noires
et pupillées de blanc, quelquefois entourées de plusieurs cercles con-
centriques d'une extrême délicatesse de couleurs et de dessins; elles
sont toujours placées entre les nervures. Très souvent les taches ocel-
lées sont visibles de part et d'autre des ailes, mais elles sont toujours
plus nettement dessinées en dessous qu'en dessus. On reconnaît encore
SATYKLIS. -JH
facilement les Satyres à leurs antennes presque complu temcnt fili-
formes, c'est-à-dire dont la massue, si visible chez la plupart ds
Diurnes, est très peu accusée.
Les auteurs allemands et anglais ont subdivisé le genre Satyrus en
genres^, dont on peut réellement ne faire que des sous-genres, d'après
l'aspect i^énéral et les mœurs, qui restent les mêmes. Les Satyrus pro-
pres correspondent aux Éricicoles et Rupicolcs de Duponchel, aux Hip-
parchia, Fabr. Les papillons mâles de ce sous-genre ont sur le disque
des premières ailes une tache ou épi velii que la lumière fait paraître
d'une couleur différente du fond. Les yeux sont glabres; la nervure cos-
tale très renfle'e à son origine, la médiane dilatée tantôt faiblement,
tantôt fortement, l'inférieure sans dilatation sensible ; les antennes à
tige grêle et plus ou moins courbe, à massue eu bouton. Les chrysalides
sont sur le sol parfois en coque terreuse.
Les Papillons de ce groupe habitent, en général, les bois secs et
rocailleux; ils se posent sur les pierres et le tronc des arbres, rejettent
en arrière leurs ailes supérieures, les cachent sous les inférieures, et,
se confondant d'ordinaire par le dessin avec le plan de position, échap-
pent complètement à la vue par leur couleur grise et l'inclinaison
qu'ils se donnent. Il y a quelques grandes espèces, comme S. Cordula,
Actœa, Circe, etc., qui sont souvent difficiles à capturer, car elles passent
leur vie à monter et à descendre parallèlement aux pentes les plus escar-
pées des rochers, où il est très pénible et dangereux de les suivre. Ainsi
M. J. Fallou m'a rapporté que les S. Semele, Hcrmione et Circe habitent
souvent dans la même localité et ont aussi les mêmes habitudes. On
dirait qu'ils jouent ensemble ; ils volent en se poursuivant, se sépa-
rent, puis recommencent le même manège. Il a pu voir cela à Florac
(Lozère), sur une montagne qu'on nomme ÏEmpezoïix, en face de la
ville, montagne boisée et pierreuse, mais très raide, une des meil-
leures localités de la Lozère pour les insectes. Ces Satyres y étaient en
assez grand nombre; mais lorsqu'on voulait les prendre, il fallait les
attendre au passage, sous peine de se casser le cou en voulant les pour-
suivre, car une course en pareil endroit est impossible. Il est souvent
arrivé à M. J. Fallou que lorsqu'il était habillé de blanc, ces Satyres se
posaient sur lui, le prenant probablement pour quelque rocher, tandis
que pareil fait n'arrivait pas quand il portait un vêtement de couleur
foncée.
En juin, on prend à Fontainebleau Satyrus Phœdra dans les grandes
herbes du mont Chauvet et du mont Merle; S. Hermione se capture dans
toute la forêt. On n'y trouve pas S. Briseis, qui se prend à Lardy et
à Armainvilliers.
Nous citerons quelques espèces communes en France. Le .S. Semele,
Linn. , V Agreste d'Lngramelle, des lieux secs et pierreux, bruyères,
taillis, etc., de toute la France, le seul du sous-gcnre Satyrus qui
existe dans les îles Britanniques, de Zi8 millimètres d'envergure, la
2iJ f.fù^inoPTtiîES.
femelle beaucoup plus grande et semblable ; ailes d'un brun jaunâtre ;
sur les supérieures une large bande peu arrêtée, formée de taches fauves
oblongues, sur laquelle sont deux yeux bruns, écartés et éclairés de
jaune, les inférieures dentées, avec la môme bande mieux marquée et
ornée près du bord terminal de quatre taches d'un jaune d'ocre; dessous
d'un gris cendré avec trois lignes noires, la médiane éclairée d'une
bande blanche. Chenille en mai et juin, sur les Graminées ; glabre,
ridée transversalement, d'ungrislivideoucarné, avec cinq lignes variées,
la médiane noire, les autres d'un gris verdùtre; la tète rousse avec six
raies noirâtres. Chrysalide non suspendue, sur le sol, dans une coque
terreuse peu consistante, d'un roux jaunâtre, avec l'enveloppe des ailes
plus claire et parsemée de quelques atomes noirâtres. — -S. Hermione,
Linn., le Silvandre d'Engramelle, principalement des terrains calcaires,
le plus grand des Satyres des environs immédiats de Paris, en juillet et
août, Compiùgne, Villers-Cotterets, Senlis, Armainvilliers, Sénart, Fon-
tainebleau surtout, de 60 à 70 millimètres d'envergure, selon le sexe ;
les ailes d'un brun noir chatoyant, avec une large bande vers le bord
d'un blanc obscurci, saupoudrée d'atomes bruns, un œil noir au sommet
des supérieures chez le mâle ; deux yeux noirs, un au sommet, un
médian chez la femelle ; un œil noir à l'angle anal aux ailes inférieures.
Chenille en mai, sur les Bromes, se cachant le jour, facile à prendre la
nuit à la lanterne, le long des tiges. — S. Brisais, Linn., VHermitc d'En-
gramelle, des coteaux secs et pierreux, de tous les terrains, des bois
herbus, des carrières gazonnées, de juillet et d'août, à Lardy, au bois
xXotre-Darae, à la côte d'Aunay, sur les hauteurs de Sèvres, entre Saint-
Germain et Versailles, etc., volant plus vers le soir que dans le courant
du jour, avec beaucoup moins de femelles que de mâles; ailes brunes,
de 52 millimètres d'envergure chez le mâle, avec une bande transversale
d'un blanc jaunâtre, marquée de deux yeux noirs sur les ailes supé-
rieures et souvent d'un petit œil noir près de l'angle anal des inférieures;
femelle plus grande, avec les bandes plus larges et mieux arrêtées, le
dessous plus p?.le ; ses œufs sont d'un blanc de lait, fortement cannelés
avec saillies longitudinales, tronqués aux deux bouts, ressemblant à
un petit baril (H. Lucas). Dans le midi de la France une variété PîVafa,
Esper, d'un ton plus ardent, avec la bande d'un jaune d'ocre foncé de
part et d'autre, le dessous des ailes inférieures d'un gris cendré ; che-
nille grise, avec trois lignes foncées et le ventre clair, en mai et juin
à la racine des Graminées. — Deux autres espèces des environs de Paris
sont localisées; ce sont : S. Arethusa, S. V., le Mercure d'Engra-
melle, propre aux terrains calcaires des bois secs et rocailleux, se
posant souvent à terre, la femelle plus claire que le mâle; en
août, Lardy, Fontainebleau, Sénart, Armainvilliers, environs de Ver-
sailles, etc. Chenille encore inconnue. Une variété méridionale, Ery-
thia, Hùbner, d'unbrun plus foncé, âtaches fauves plus vives, le dessous
des ailes supérieures d'un jaune viL — S. Statilinus, Hufnagel (syn.
SATYRUS. 213
Fauna, Sulzer), le Faune d'Engramelle, paraissant préférer les terrains
siliceux ou granitiques aux terrains calcaires ; la femelle assez rare,
ayant une éclaircie sur les ailes supérieures ; endroits arides, en août,
se posant fréquemment sur le sol. Chenille, en juin, sur les Bromes des
bois, facile à se procurer en faucliant la nuit sous bois (Maurice Sand);
Fontainebleau, Lardy, la Varenne, etc., espèce commune autrefois au
bois de Boulogne. Une variété méridionale, AlUonia, Fabr., plus grande
et plus foncée. — Le sous-genre Satijrus ofi're encore deux espèces im-
portantes, du centre et du midi de la France, mais qui ne sont plus de la
faune parisienne : S. Dnjas (syn. Phœdra, Linn.), le grand Nègre des
bois d'Engramelle, des régions calcaires, que l'on commence à trouvera
partir de la forêt d'Orléans et de la Côte-d'Or, très rare à Fontainebleau,
commun dans les Vosges, dans les bois des bords du Rhin, en Au-
vergne, à la Forét-Verte, près de Rouen, assez rare, etc., des régions
calcaires, grands bois à Bruyères, en juillet ; envergure 55 millimèlres.
Chez le màlc, ailes dentées, d'un brun noirâtre, les supérieures
à deux grands yeux noirs, à pupille bleue et à contour jaune ; les
inférieures avec un petit œil anal, leur dessous d'un brun clair,
avec une bande médiane diffuse, formée d'atomes blanchâtres;
femelle plus grande, plus claire , les yeux plus grands et mieux
pupilles. Chenille en juin, dans les bois, sur l'Avoine élevée {Avena
elatior), facile à trouver en fauchant la nuit (Maurice Sand). Elle est
glabre, d'un gris rougeatre ou couleur de chair, avec une ligne dor-
sale brune, oblitérée sur le thorax, et de chaque côté une ligne blan-
châtre, puis les stigmates noirs placés au-dessus d'une bande blan-
châtre, les pointes caudales de la couleur du corps, ainsi que les pattes
membraneuses, les pattes thoraciques brunes, la tôte roussâtre, avec
six lignes brunes longitudinales. A la fin de juin, chrysalide arrondie,
d'un fauve clair, non suspendue, placée sur le sol dans une petite
coque terreuse. — S. Circe, Fabr., grande et belle espèce du tiers méri-
dional de la France, volant du milieu de juin au milieu d'août, selon
l'altitude des localités ; fréquentant de préférence les collines pier-
reuses et se reposant volontiers sur les rochers; frappant tout de suite
les yeux par la large bande longitudinale de taches d'un blanc pur, qui
traverse les deux ailes sur un fond d'un brun noir velouté, avec un
gros œil noir au milieu de la tache blanche apicale de l'aile supé-
rieure. D'après l'aspect, je pensai tout de suite aux Nymphales, quand
je vis pour la première fois à l'état vivant ce magnifique Satyre, pla-
nant avec légèreté, au commencement d'août, dans les. vignobles des
environs d'Angoulême, où m'appelait alors ma mission de délégué de
l'Académie des sciences pour le Phylloxéra. Chenille entièrement
glabre, d'un gris livide, portant un grand nombre de stries rougeàtres,
avec trois lignes longitudinales d'un noir verdâfre, une bande latérale
jaunâtre portant les stigmates noirs, bordée inférieurement par un
bourrelet d'un blanc jaunâtre ; la tôte rougeatre, marquée longitudina-
2I/( LtPIDOPTËliES.
lement de six raies d'un brun noir ; le ventre et les pattes d'un gris
rougeâtre livide, les pointes caudales de la couleur du reste du corps.
Cette chenille vit sur diverses Graminées, telles que la Flouve odorante
{Anthoxanthum odoratum), l'Ivraie annuelle {Lolium 2Jeremie)etplusieurs
œpèces de Bromes. Elle se cache pendant le jour sous les pierres, et
ne sort de sa retraite pour manger qu'après le coucher du soleil. On la
trouve en mai et juin à toute sa taille, en retournant force pierres dans
les endroits où le papillon s'est montré l'année d'avant; elle est très
grasse et à pattes très courtes, ce qui rend sa marche fort lente et
pénible; elle reste engourdie pendant le jour. Chrysalide d'un brun
rougeâtre, plus clair sur les fourreaux des ailes, arrondie comme celle
d'une Noctuelle, le corselet seulement légèrement caréné, les stig-
mates grands et légèrement saillants, surtout les deux qui sont placés
derrière la tête, à l'origine des ailes , comme deux évents ; non
suspendue, elle repose dans une petite cavité terreuse creusée par la
chenille.
Le sous-genre Pararga, Hûbner, Herrich SchfefTer;, formé des Vici-
coles et des Ramicoles de Duponchel, du genre Lasiommata, Westw.,
du Catalogue anglais, offre des Satyres dont les nervures costale et
médiane des ailes supérieures sont plus ou moins renflées à leur ori-
gine, l'inférieure étant sans dilatation sensible. Les mâles ont un épi
aux ailes supérieures; les antennes .sont visiblement annelées de blanc
et terminées par un bouton piriforme plus ou moins long et aplati; les
yeux sont pubescents; il y a un œil sur les premières ailes, cinq ou six
sur les inférieures. Ce sont des Papillons, les uns du voisinage des habi-
tations, qu'ils aiment beaucoup, les autres des bois humides, soit de
peu d'étendue, soit grands. Les chrysalides sont suspendues par la
queue, le plus souvent allongées, à. angles arrondis et à tête globu-
leuse, avec deux rangées de tubercules sur le dos. Les chenilles sont
pubescentes, généralement vertes, avec des raies longitudinales, soit
plus claires, soit plus foncées, et la tête globuleuse.
Deux espèces sont principalement amies des lieux habités, volant le
long des murs de jardins et les clôtures, et souvent même dans les
villages. Elles ont deux époques d'apparition, en mai, puis en juillet et
août, et semblent aimer à voltiger, on dirait presque à flâner, le long
des murs. On les voit souvent, d'un vol sautillant et saccadé, suivre
de longues murailles d'un bout à l'autre, comme si elles les exploraient
de basen haut et de haut en bas, souvent sans se reposer sur aucun point.
Leurs chenilles vivent sur toutes sortes de Graminées croissant au pied
des murs et des clôtures. L'une de ces espèces est le S. Mara, Linn.,
le Satyre de Geoffroy, l'Ariane d'Engramelle, de presque toute la
France, manquant aux îles Britanniques; Zi5 millimètres d'envergure
chez le mâle; les ailes d'un brun jaunâtre, avec une bande antétermi-
nale de taches fauves, cette bande coupée par une ligne brune aux
ailes supérieures et marquée au sommet d'un grand œil noir à double
SATYRUS. 215
pupille blanche, souvent surmonté d'un autre très petit; la bande dos
ailes inférieures composée de quatre taches dont les deux anales arron-
dies, marquées chacune d'un œil noir, le dessous des ailes supérieures
plus clair, celui des inférieures d'un gris blanchâtre avec trois lignes
foncées surmontées de six yeux subcontigus entourés de cercles bruns
et jauncitres, dont l'anal double. Femelle plus grande et plus claire, avec
la bande des ailes supérieures s'étendant sur tout le disque. Une
variélé Adrasta, Hûbner, un peu plus grande, plus foncée, labande fauve
plus vive, le dessous des ailes inférieures d'un gris plus foncé, très sau-
poudré de brunâtre et de violâtre, se trouvant avec le type, ainsi que
tous les passages intermédiaires, surtout dans les lieux froids et mon-
tueux. Chenille en avril et en juin, pubescente, d'un vert clair, à lignes
plus foncées et la stigmatale jaune. Chrysalide suspendue aux murs,
tantôt verte, tantôt d'un noir verdâtre, un peu anguleuse, légèrement
bifide, avec deux rangées dorsales de tubercules jaunes ou fauves.
— L'autre espèce, très voisine, existant dans les îles Britanniques, égale-
ment très vicicole, est le S. Megœra, Linn., le Satyre d'Engramelle, de
ZiO millimètres d'envergure chez le mâle; les ailes d'un jaune fauve, à
lignes transverses brunes, les supérieures avec une bande brune élargie
sur le disque et un œil apical à une seule pupille surmonté d'un très
petit œil ; les inférieures légèrement dentées, avec des taches fauves
foncées sur lesquelles sont quatre ou cinq yeux, leur dessous d'un gris
jaunâtre, avec lignes brunes dentées, éclairées de fauve, et six petits
yeux isolés, entourés de circonférences brunes et jaunâtres. Femelle
plus grande, plus pâle, sans la bande plus large des ailes supérieures.
Chenille pubescente, d'un vert-pomme, avec cinq lignes longitudinales
d'un vert foncé et une stigmatale jaunâtre, se prolongeant sur les
pointes anales ; la tête verte, arrondie, hérissée de poils noirâtres; les
pattes thoraciques roussàtres, les membraneuses vertes, avec les cro-
chets noirs. Chrysalide suspendue, un peu plus courte que celle de
S. Mœra, pareillement verte ou d'un noir verdâtre et légèrement angu-
leuse, avec deux rangées dorsales de tubercules jaunâtres ou blan-
châtres. — Une autre espèce du sous-genre Pararga vole dans les bois
grands et petits et dans les sentiers humides et ombragés de Normandie
et de Bretagne, dans les clairières, le long des haies épaisses, se posant
fréquemment sur les feuilles et s'élevant assez haut en volant; se réfu-
giant, dès qu'on l'effraye, au plus épais du taillis. C'est le Satyre qui
paraît le plus tôt, au début d'avril, et disparaît le plus tard, en octobre,
avec deux générations, de printemps et d'été. Ce S. Mgeria, Linn., le
Tirais de Geoffroy et d'Engramelle, existant dans les îles Britanniques,
très commun en France, a les deux sexes semblables, de /lO millimètres
d'envergure ; les ailes dentées, brunes, avec de nombreuses taches
arrondies d'un jaune pâle et la frange blanche ; un œil noir au sommet
des ailes supérieures, aux ailes inférieures trois ou quatre yeux noirs
avec pupille sur les taches jaunes d'avant la bordure; le dessous de ces
•215 f.i';piDOPTf;iiK?.
ailes inférieures teinté sur le bord de gris yiolâtre, avec quatre ou cinq
points jaunes, vaguement entourés de brun. Femelle plus arrondie,
avec les taches jaunes plus pâles et plus grandes. Une variété Meone,
Esper, diffère du type par ses taches d'un fauve jaunâtre au lieu de
jaune pâle et plus grandes, le dessous d'un ton plus vif, plus fortement
violacé aux ailes inférieures. Cette variété est méridionale, remontant
par places au centre de la France dans les localités assez chaudes,
Poitou, Cher, etc. Dans l'arrondissement de Confolens (Charente), qui
touche au Limousin, et dans le Limousin, régions froides et élevées, on
retrouve le type de Paris et du nord de la France, Meone existant seul
dans le reste des Charentes. A Granville (Manche), j'ai pris, en automne,
un certain nombre de S. JEgeria pareils à ceux de nos bois parisiens,
d'autres faisant le passage aux Meone à fond ardent des environs de
Montpellier, parleurs taches d'un fauve plus ou moins vif; toutefois les
bandes brunes restent aussi nettes et aussi larges que dans /Egeria type.
D'après le Catalogue de M. Maurice Sand, il y aurait pour cette espèce,
dans certaines localités, un dimorphisme saisonnier, l'éclosion d'août
donnant Meone dans le Cher, Tlndre, l'Auvergne, la Creuse, le Can-
tal, etc.; l'éclosion de printemps, en avril, dans les mêmes lieux, don-
nant le type du Nord ou jEgerides de Staudinger. Chenille pubescente,
verte, avec trois lignes géminées jaunes, se prolongeant sur les pointes
anales; se trouvant en mai, puis en septembre, sur le Chiendent {Tri-
ticum repens) et sur d'autres Graminées; les chenilles de seconde géné-
ration donnant des chrysalides qui passent l'hiver. Chrysalide verdâtre,
anguleuse, courte, légèrement bifide antérieurement, avec le dos renflé
et chargé de deux rangs de petits boutons tuberculeux. — S. Dejanira,
Linn., la Bacchante de Geoffroy, espèce des grands bois humides, peu
élevés, très ombragés, toujours de plaine; la femelle peu abondante
comparativement au mâle, ne paraissant qu'une fois, en juin; d'un vol
assez faible, très sautillant et saccadé, ce Papillon se posant fréquem-
ment sur les feuilles. Ce Satyre diffère des autres Pararga en ce qu'il
a plusieurs yeux sur les ailes antérieures, cinq yeux bruns cerclés de
jaune, sur un fond d'un brun jaunâtre, cinq aux ailes inférieures en
deux groupes de deux et de trois, entourés de blanc sur le dessous des
ailes inférieures. Chenille pubescente, verte, avec cinq lignes longitu-
dinales plus foncées, trois dorsales, doux latérales doublées d'une stig-
matale blanchâtre ; tète jaunâtre, ainsi que les pattes thoraciqucs, les
pattes membraneuses et les pointes caudales vertes ; en mai sur l'Ivraie
vivace {Lolium perenne). Chrysalide sur la terre.
Le sous-genre £pmep/ii/e, Hûbner, Herrich Schœffer, présente les ner-
vures costale et médiane également dilatées à leur origine, l'inférieure
sans dilatalion sensible ; les antennes cà massue allongée, grossissant
insensiblement et confondue avec la lige; les yeux glabres; un épi auv
ailes supérieures des mâles. Chenilles pubescentes, grises ou vertes,
avec des raies longitudinales et la tète globuleuse, se suspendant le
SATYnus. 217
plus souvent parla queue pour la nymphose; chrysalides peu allon-
gées, à angles arrondis, avec la tôle bifide. M. Guenée ne sépare pas
les Epim'phih' des Pararç/a, et nous trouvons qu'il a raison. C'est par un
motif étranger à la science, celui d'obéir aux habitudes du plus grand
nombre, que nous conservons ces deux sous-genres. Leur réunion forme
les Satynis de M. Guenée, et nos Satijnis sont ses Hipparchia.
Le groupe des Epinephile comprend des espèces formées de Ramicoles
et d'Herbicoles de Duponchel, n'ayant qu'une tache oculaire, ordinai-
rement à deux pupilles sur les ailes supérieures. Nous citerons :
S. Hijperanthus, Linn., le Tristan de Geoffroy, à cause de sa livrée
sombre, the Ringlrt [Enodia) des Anglais, Ù2 millimètres d'envergure
chez le mâle ; les ailes arrondies, d'un brun noir uni en dessus, avec
quelques points noirs et la frange d'un gris blanc ; les ailes en dessous
d'un brun jaunâtre, portant de deux à quatre yeux noirs à iris jaune,
cinq semblables sur les inférieures, dont deux isolés près du bord anté-
rieur. Femelle plus grande, avec les ocelles mieux marqués et visibles
en dessus; les œufs sont d'un blanc jaunâtre. Ce Satyre est très commun
en juin et juillet, sur les fleurs de Ronces et dans les prairies silva-
tiques^ où il vole par milliers en certaines années. Une variété. Arête,
Mulier, ne diffère du type que par la disparition des yeux en dessous,
ou leur remplacement, comme passage, par de petits points d'un
blanc jaunâtre, et se trouve avec le type, mais rarement, dans les envi-
rons de Paris. Chenille pubescente, légèrement chagrinée et d'un gris
roussâtre, avec la ligne vasculaire brune et la stigmatale blanchâtre ;
les pattes grises, la tète rougeâtre, rayée de brun ; vivant solitaire en
avril et mai sur le Millet épars {Milium cffusnm) et sur le Paluriu
annuel (Poa annua). Chrysalide non suspendue, gisant sur le sol, courte,
presque ovoïde, de la même couleur que la chenille. — S.Jamra,lÀnn.
(syn. Jurtina, Linn. pour le mâle), le Myrtile de Geoffroy et d'Engra-
melle, le plus commun de tous les Satyres et peut-être de tous les
Hhopalocères, se trouvant dans les îles Britanniques. C'est le Satyre le
plus répandu dans les champs et les prairies, sur les hsières des bois
et le long des haies, se posant très fréquemment à terre, volant par
tourbillons sur les Ronces en fleur, de la fin de juin à la fin d'août;
harcelant et persécutant les autres Diurnes qui butinent sur les mêmes
fleurs que lui, et venant à bout de les contraindre à s'éloigner pour lui
céder la place, quelles que soient leur taille et leur force. Mâle de
Zi5 millimètres d'envergure ; à ailes brunes, les supérieures ayant le
disque plus formé et velu et un œil apical à iris fauve, les inférieures
dentées, d'un brun uni ; le dessous des supérieures d'un jaune fauve,
entouré de gris jaunâtre, reproduisant l'œil du dessus, le dessous des
ailes inférieures d'un gris jaunâtre, plus foncé jusqu'à la ligne mé-
diane, qui est suivie d'un à trois points noirs entourés de jaune.
Famelle plus grande ; les ailes supérieures avec une bande anté-
terminale fauve, s'étendant plus ou moins sur le disque, l'œil apical
218 LÉPIDOPTÈRES
souvent géminé ; les ailes inférieures avec une bande antéterminale
un peu plus claire que le fond, le dessous de ces ailes inférieures
plus clair que chez le mâle. Var. Hispulla, Hùbner, plus grande dans
les deux sexes , avec le dessous plus jaunâtre et marqué d'ordi-
naire de quatre points noirs ; chez la femelle, le disque des ailes supé-
rieures et la bande des inférieures entièrement fauves; en mai dans le
midi de la France, se capturant quelquefois à Fontainebleau et aux en-
virons de Paris, mais n'y étant jamais d'un caractère bien tranché.
On cite une aberration femelle trouvée à Bondy, près de Paris, entière-
ment albine, ayant les ailes blanches sur les deux faces, et de même
la tète, les pattes, les antennes. Chenille (pi. i.xxxui, fig. 2) ordinaire-
ment d'un beau vert-pomme, quelquefois d'un vert jaunâtre, entiè-
rement recouverte de poils blanchâtres, plus fournis que chez les
autres chenilles de Satyres, et dont ceux du dos sont dirigés vers la
région anale ; une raie dorsale d'un vert obscur, la stigmatale
blanche ou jaunâtre ; le ventre, les pattes et la tête d'un vert obscur,
les pointes anales souvent lavées de rose. Cette chenille vit sur
diverses Graminées, particulièrement sur le Paturin des prés (Poa
fratensis) ; elle passe l'hiver engourdie sous les feuilles sèches , après
avoir subi sa première mue, et continue de croître au printemps sui-
vant, jusqu'à la fin de mai ou au commencement de juin, époque à la-
quelle on la trouve d'ordinaire parvenue à toute sa taille; alors elle se
suspend à un brin d'herbe, pour devenir chrysalide, et le papillon éclôt
quinze jours après. Chrysalide (pi. Lxxxm, fig. 2 a) d'un vert pâle ou jau-
nâtre, avec raies longitudinales brunes ou jaunâtres, le dos garni de
deux rangées de tubercules de même couleur, peu saillants, la tête en
croissant ou bifide. — S. Tiihonsu, Linn., ou Tithonius, rA'inaryllis de Geof-
froy, presque aussi abondant que l'espèce précédente et volant à la même
époque, également des îles Britanniques, the Gâte Keeper, de tous les
bois, sur les Ronces et Bruyères; le mâle de 37 millimètres d'envergure,
ayant les ailes fauves bordées de brun ; les supérieures ayant sur le
disque une tache oblongue, velue, noirâtre, fondue sur les bords, par-
tant du bord interne^, et un œil apical noir, à deux pupilles blanches, les
inférieures dentées et obscures à la base, dont le dessous est d'un gris
roux vers la ligne médiane, qui est éclairée d'une bande jaune, et sur
celle-ci trois ou quatre points blancs entourés de roussâtre, les deux
supérieurs isolés. Femelle plus grande, d'un fauve plus clair, n'ayant
pas la tache noire discoïdale sur les ailes supérieures. Chenille pubes-
cente, tantôt verte, tantôt grise ou bleuâtre, avec une ligne vasculaire
plus foncée et deux stigmatales blanches, la tête ferrugineuse, les pattes
et les pointes caudales de la couleur du corps. Elle ne paraît qu'une
fois et vit sur le Paturin annuel {Poa annua), se métamorphose dans le
courant de juin, le papillon éclosant au bout de quinze jours. Chrysa-
lide suspendue, courte et légèrement bifide antérieurement, verte ou
grise, avec quelques taches noires sur les fourreaux alaires , les stig-
SATYKUS. 219
mates noirs. — S. Pasiphae, Esper, espèce analogue ;\ la précédente, très
répandue en mai et juin dans les lieux un -çeu boisés du midi de la
France, Hyorcs, Montpellier, Dauphiné, etc.
Le dernier groupe du grantl genre Sa fî/rws, correspondant auxDumi-
coles de Duponchel, peut être appelé celui àc?, petits Satyres: c'est le
sous-genre Cœnonympha, Hûbner, Herricli Schaiffer, ou Chortobius,
Guenée. Dans ce sous -genre, le corps est petit, très poilu; les ailes en-
tières, arrondies, avec les trois nervures costale, médiane et sous-mé-
diane des ailes supérieures très fortement et également renflées à
leur origine, ces ailes poilues et munies d'une longue frange, de même
que les ailes inférieures ; les yeux proéminents et glabres, les antennes
annelées de gris et de brun, à massue allongée et fusiforme ; les tarses
des pattes palatines du mâle uniarticulés, ceux de la femelle à articles
épineux, aux autres pattes les jambes et tarses soyeux, avec les éperons
des jambes longs, les ongles des tarses aigus, courbés et entiers; l'abdo-
men médiocrement long et grêle. Cbenilles assez courtes, lisses, avec
des raies longitudinales foncées, la queue fourchue, la tête petite et glo-
buleuse ; s'attacliant par la queue pourlanymphose. Chrysalides courtes,
épaisses, arrondies, sans tubercules, avec la tête très légèrement bifide.
Les petits Satyres de ce groupe sont assez nombreux en espèces, sur-
tout en Europe, dans la Russie asiatique, l'archipel indien, l'Australie
et la Nouvelle-Zélande, la Californie. Ils ont les taches oculaires plus ou
moins nombreuses sur les quatre ailes, la frange étant précédée en des-
sous, dans presque toutes les espèces, d'une ligne argentée. La plupart
voltigent sur les buissons et dans les taillis. Ce sont des Papillons qui
habitent exclusivement les lieux herbus des bois et des champs, et se
posent à terre les ailes relevées et rejetées en arrière. Les deux sexes
sont presque semblables. Nous citerons dans ce groupe : S. Hero, Linn.,
le Mélibée d'Engramelle, espèce localisée dans certains bois humides, se
trouvant abondamment près de Paris, à Armainvilliers, de la fin d'avril
à la fin de mai et au commencement de juin, aussi dans le bois Notre-
Dame, rare à Montmorency et Bondy, très rare à Fontainebleau , forêt
sèche, se trouvant aux bois deHenrichemont et de Saint-Florent dans le
Cher, dans la forêt de Senlis et à l'Ile-Adam ; devenant commune quand
on remonte au nord de la France, dans les Vosges, en Alsace, etc. ; en-
vergure 32 millimèires; ailes d'un brun noirâtre, les supérieures ayant
parfois au sommet un petit point noir entouré de fauve , les inférieures
trois ou quatre points semblables, dont deux beaucoup plus gros ; des-
sous beaucoup plus clair, avec une ligne antéterminale plombée et
brillante, ce dessous aux ailes inférieures offrant cinq ou six yeux noirs,
à pupille blanche, à iris d'un fauve rouge, ces yeux précédés d'une
bande blanche très inégale, le bord terminal étant en outre longé par
une ligne d'un rouge fauve. Femelle ayant parfois un second point sur
les ailes supérieures et les ocelles mieux marqués; elle pond des œufs
verts. Ce Satyre offre de grandes variations pour les taches oculaires,
220 LÉPIDOPTiîRES.
surtout pour la face du dessous des ailes, ainsi que je l'ai constaté sur
de nombreux sujets récoltés pendant plus de dix ans dans la forôt d'Ar-
mainvilliers. Dans le type le plus fréquent de celte localité, le mâle ne
présente aucun ocelle à la face supérieure de l'aile antérieure, tandis
que la face inférieure en offre le plus souvent un petit, qui manque par-
fois. La femelle a au contraire un ocelle aux deux faces de celte aile
antérieure, ocelle fauve, à prunelle noire, prés du bord antérieur. Sur
le dessous de l'aile inférieure existent, près du bord six ocelles bordés
intérieurement d'une étroite bande blanche, et en dessus quatre
ocelles fauves à prunelle, deux gros moyens, deux petits extrêmes. Ce
sont ces quatre ocelles de la face supérieure de l'aile inférieure qui
offrent les plus fréquentes variations, tantôt perdant les prunelles
noires, réduits tantôt à trois, tantôt aux deux moyens, tantôt effacés
presque complètement et môme disparaissant tout à fait ; de sorte que
le mâle est alors unicolore en dessus. Il y a des mâles qui prennent un
ocelle fauve à la face supérieure de l'aile antérieure, en général petit
et sans prunelle; j'en ai même rencontré plusieurs où il acquiert la
prunelle foncée, comme dans le type habituel des femelles. La variété
des mâles avec ocelle fauve sans prunelle aux ailes supérieures est an
moins aussi commune que l'autre type dans certaines allées de la foi'êt
d'Armainvilliers: cette localisation excessive de certaines variétés spé-
cifiques est un fait habituel à beaucoup d'espèces. Au contraire, on
trouve des femelles chez lesquelles cet ocelle typique perd la prunelle
et se réduit à un petit cercle fauve, et enfin même cet ocelle peut dis-
paraître par atrophie complète. Il est à l'inverse des femelles, où l'on
trouve à la face supérieure de l'aile antérieure un second ocelle fauve
au-dessous du premier, près du bord postérieur, c'est-à-dire une hyper-
trophie du caractère typique. Je n'ai pas vu de sujets femelles où ce
second ocelle présentât une prunelle, et aucun mâle ne m'a offert l'exis-
tence de cet ocelle supplémentaire. On ne connaît pas encore la che-
nille et la chrysalide du S. Heru; c'est un intéressant sujet de recherches
pour les amateurs parisiens. La chenille est probablement verte, et doit
se trouver très cachée au pied des épaisses touffes de Graniinées qui
abondent dans les lieux boisés et humides où vole S. Hero.
Nous avons, à côté du S. Hero, le S. OEdipus, Fabr., très localisé dans
des endroits de peu d'étendue, en juin dans les Landes de Bordeaux,
dans la Charente, ainsi près de Jarnac (H. Delamein), près de Dax
(Lafaury), en Dauphiné, en Sologne, près de Beaugency, dans les
clairières à Carex, dont vit la chenille. Il est probable que l'espèce
s'avance dans le Blaisois et aussi dans le parc de Chambord. Ce
Satyre offre les ailes d'un brun noir en dessus et sans ocelles, en des-
sous plus claires, avec la ligne argentée près de la frange et des
ocelles à pupille et à prunelle jaunât: es très variables, surtout pour les
ailes supérieures : ils peuvent manquer, ou bien il y en a un, deux,
trois et même quatra chez les femelles, en dedans et contre la ligne
s AT Y nus. 221
argentée; le dessous des ailes inférieures a un gros ocelle contre le bord
antérieur et quatreoucinq rapprochés, non loin du bord externe, bordés
en dedans d'une étroite bande blanchâtre. Viennent ensuite : S. Arca-
nius, Linn., le Céphale de GeofVroy, de oi millimètres d'envergure; les
deux sexes pareils; les ailes d'un brun noirâtre, les supérieures avec le
disque largement fauve et un trait fauve à l'angle anal des ailes infé-
rieures; dessous des ailes supérieures fauve avec une ligne antétermi-
nale argentée et un petit œil au sommet à iris fauve; inférieures en
dessous d'un jaune grisâtre jusqu'à la ligne médiane, puis une bande
blanche rétrécie à ses extrémités, suivie d'une série de trois à six yeux
noirs à iris fauve, dont trois plus gr&nds, surtout celui du bord anté-
rieur, la ligne antéterminale de couleur plombée. J'ai trouvé à Armain-
villiers et à Bondy, et volant avec le S. Hero, un Satyre qu'on serait tenté
de regarder, au premier abord, comme un hybride des S. Hero et Ar-
canius; le dessus de l'aile supérieure a la région fauve centrale moins
étendue que dans le type, et surtout d'un fauve très obscurci et non
d'un fauve clair, et le pourtour foncé bien plus large et brun noirâtre.
L'examen du dessous des ailes inférieures fait voir qu'il s'agit d'un
S. Arcanius afl'ecté de méianisme. En effet, ces ailes en dessous se res-
semblent beaucoup chez les S. Hero et Arcanius, les taches ocellaires
étant en même nombre et de même disposition. Chez le S. Arcanius, la
bande blanche du dessous de l'aile inférieure, habituellement beau-
coup plus large que chez le S. Hero, passe toujours entre le grand ocelle
du bord antérieur de cette aile et le premier et petit ocelle de la série
des cinq ocelles marginaux, tandis que, dans le S. Hero, jamais la bande
blanche ne s'intercale entre ces deux ocelles: c'est ce caractère qui
permet d'affirmer qu'il n'y a pas d'hybride, mais une simple variété de
.S. Arcanius. Le î». Arcanius disparait dans le nord de la France, où il
est remplacé par le S. Hero, de même qu'il paraît être remplacé dans
nos départements méridionaux par le S. Dorus, Esper. La chenille de
S. Arcanius est glabre, d'un beau vert, avec une ligne dorsale d'un vert
noirâtre, et quatre lignes latérales jaunes lisérées de foncé ; la tête, les
pattes, les pointes caudales vertes. Elle ne paraît qu'une fois, sur
diverses Graminées, surtout sur la Mélique ciliée {Melica ciliata), et, vers
le milieu de mai, se change en une chrysalide suspendue, arrondie,
sans angles ni tubercules, assez grosse et ramassée, d'un gris rougeâlre,
donnant le papillon à la fin de mai ou au commencement de juin. — Le
S. Davus, Linn., le Daplmis d'Engramelle, n'existe pas aux environs
de Paris, mais n'est pas rare dans le nord et l'est de la France, en juin,
dans les prairies humides des montagnes, dans les Vosges, Epinal,
Sainte-Marie aux Mines, le Champ du Feu, très commun autour du lac
de Retournemer, dans le Jura, dans la Creuse, dans les prairies hu-
mides de Saint-Florent (Cher), dans les prairies humides qui enlourent
le parc de Montjeu (Saùne-et-Loire),àla Forêt- Verte, près de Rouen, assez
rare, etc., dans les îles Britanniques {the Marsh lUnglet); envergure,
222 LÉPIDOPTÈRES.
35 millimètres; ailes d'un jaune fauve, parfois brunAtre, les supé-
rieures plus claires sur le disque, avec un point oculaire apical;
les inférieures plus foncées, avec un ou deux yeux près de l'angle
anal; dessous des ailes supérieures fauve, avec le sommet gris et
deux ou trois yeux précédés d'une ligne plus claire; dessous des
inférieures d'un gris roussâtre, avec la base et le bord externe d'un
cendré verdiÂtre et une série de six yeux noirs entourés de jaune.
Femelle semblable, mais plus claire. — Le S. Pamphilus Linn., le
Procris de Geoffroy, the Small Heath des Anglais, est le plus petit, le
plus pille et le moins orné de nos Satyres. 11 vole isolément en rasant
riierbe des pelouses et des prairies ; paraît pendant une grande partie
de la belle saison, en mai, puis en juillet et août et même jusqu'à la fin
de septembre; envergure, 29 millimètres, un peu plus chez la femelle;
du reste, semblable au mille ; ailes d'un jaune fauve, avec une bordure
brunâtre plus prononcée sur les inférieures et un petit point noirâtre
au sommet, parfois presque nul; dessous des ailes supérieures fauve
sur le disque, avec l'ocelle noir entouré de jaune pâle; dessous des
inférieures d'un gris verdâtre, avec une éclaircie blanchâtre au bout
de la cellule discoïdale et une série de petites taches rondes, brunâtres,
légèrement ocellées, souvent peu sensibles. Var. Lyllus, Esper, ayant
la bordure des quatre ailes brune et bien tranchée, le point apical plus
gros aux ailes supérieures, parfois une série de petits points bruns sur
le dessus des inférieures, le dessous d'un gris blanchâtre ou jaunâtre,
avec la ligne médiane blanchâtre bien marquée aux ailes inférieures,
les points ocellés plus nombreux. Femelle plus grande, la bordure
moins prononcée, semblable du reste. Cette variété est assez commune,
en mai et en juillet, dans la France méridionale; se trouve, mais rare-
ment, à la seconde génération, en août, en Auvergne et sur les grèves
sablonneuses du Cher, à Saint-Florent (Maurice Sand) : il y a probable-
ment, pour ces localités, un dimorphisme saisonnier. Chenille en avril
et en juin et juillet, sur diverses Graminées, surtout sur le Poa annua,
et sur la Crétclle des prés {Cynosurus cristatus), qu'on se procure aisé-
ment en fauchant sur les hautes herbes, entièrement glabre, d'un joli
vert-pomme, avec trois lignes longitudinales vertes plus foncées et
bordées de blanchâtre, une dorsale et deux latérales; les pattes d'un
vert jaunâtre, ainsi que la tête, qui est globuleuse et légèrement his-
pide, les pointes anales rougeâtres. Chrysalide tantôt toute verte, tantôt
avec trois lignes noires sur les fourreaux alaires, dont l'extérieure est
bordée de blanc et celle du milieu bifurquée, suspendue aux Grami-
nées par une pointe anale rougeâtre, arrondie, sans aucun angle ni
tubercule sur le dos, la tête légèrement bifide.
Les auteurs allemands ont fait un dernier sous-genre, Triphyza,
Zeller, pour un Satyre russe, de la faune asiatique, le S. Phryne, l'al-
las, dont le mâle est d'un brun fauve, tandis que la femelle, très ditl'é-
rente, est blanche.
CHIOiNOBAS. 223
CIllOIIfOB.%<ï(, Boisduval (syn, Œneis, Ilûbner). — Antennes plus courtes que le
corps, à tige grùlc et à massue longue et peu épaisse. Palpes assez rapprochés,
garnis de longs poils qui cachent la spiritrorape et dont le dernier article est
court et velu. Tête petite; yeux glabres. Ailes arrondies, les supérieures en
triangle allongé, avec la nervure costale longuement, mais faiblement dilatée,
la médiane un peu épaissie, la sous-médiane sans aucune dilatation ; frange
entrecoupée de gris et de brun. — Chenilles et chrysalides inconnues.
I.e genre Chionobas a été établi, détaché de raucieii genre Satijrus,
pour des espèces qui volent fréquemment au-dessus des neiges, comme
l'indique le nom du genre. Elles se rencontrent en effet sur les pla-
teaux des montagnes les plus élevées, au-dessus de la région des
arbres, au milieu des glaciers et dans les régions polaires arctiques.
Ce sont des Satyres ayant des ailes minces, d'un gris fauve livide, et
qui semblent comme étiolés par le froid. Nous citerons le C. Aello,
Esper, des sommités des Alpes de la Suisse et du Tyrol ; les ailes supé-
rieures d'un fauve pâle, bordées de noirâtre, la base obscurcie, avec
trois ocelles noirs sur les ailes supérieures, l'apical très petit, et un
ocelle noir, à pupille blanche, à l'angle anal des ailes inférieures ; le
dessous de celles-ci étant nuageusement marbré de noirâtre, de fauve
et de blanc jaunâtre. On trouve en France ce Papillon, qui est assez
répandu dans les collections, volant en juillet et août dans les Alpes
de la Savoie et de la Suisse ; à Chamonix, il faut aller pour le prendre
jusqu'au Jardin ou aux Grands-Mulets. On assure qu'on l'a vu, mais
très rare, dans les Basses-Alpes, près de Barcelonnette, sur les dernières
crêtes accessibles de la montagne du Pain de sucre, près des neiges
perpétuelles. Les autres Chionobas sont surtout de l'exlrême nord de
l'Europe et fort peu connus dans leurs mœurs. Tels sont : C. Balder,
Boisduval (pi. Lxxxni, lig. 1; le même de profil, fig. 1 a; 1 6, tête gros-
sie; 1 c, antenne grossie; 1 d, bouton de l'antenne très grossi). Cette
espèce ressemble à C. Aello, mais avec taille plus petite, les ocelles
noirs très réduits; elle est du cap Nord, du Groenland, et se trouvait
en Islande dans la première moitié de ce siècle. C.Norna, Esper, volant
en juillet dans le nord de la Laponic; C. Jutta, iliibner, de la Laponie
méridionale; C. fîooies, Boisduval, du cap Nord et du Groenland;
C. Bore, Hûbner, de la Laponie septentrionale; C. OEno, Boisduval, du
cap Nord et indiqué d'Islande, dont il aurait probablement disparu
récemment, d'après M. Staudinger, avec les autres Diurnes, etc. Citons
encore C. Celimene, Cramer (syn. Tarpeia, Esper), des rives du Volga
en Russie. Le genre Chionobas renferme plus de vingt espèces. Outre
les localités déjà indiquées, on rencontre des espèces en Californie,
à l'île Vancouver, dans les montagnes llocheuses, l'Himalaya, le Chili
et à Port-Famine (Patagonie).
22^ LÉPIDOPTËUES.
ERe:bi.%., Boisduval, Dalman (syn. Maniola, Schrank). — Tète un peu moins
large que lo corselet et entièrement unie avec lui; antennes de longueur
variable, terminées par une massue ovale, oblongue, très distincte de la tige et
très aplatie. Palpes écartés, couverts de poils serrés, fins, soyeux, le dernier
peu distinct et à peu près aussi velu que les autres. Yeux glabres. Ailes arron-
dies, plus ou moins velues à leur base, les nervures des supérieures sans dila-
tation sensible à leur origine, quelquefois la costale un peu plus saillante que
les autres, surtout en dessous. — Chenilles et chrysalides encore peu connues.
Le genre Erehia a été détaché, avec beaucoup déraison, de?, Satyrus
de Fabricius, d'après la coloration générale et surtout par les mœurs
et l'habitat. Ce sont les Satyres nègres des anciens auteurs, car les ailes
de leurs noinbreuses espèces sont d'un brun noirâtre, presque toujours
traversées, près du bord terminal, par une large bande d'un roux fer-
rugineux, chargée de gros points noirs avec pupille blanche; parfois
la bande n'existe qu'aux ailes supérieures, ainsi chez E. Ligea, Cassiope,
Episligne ; parfois elle manque aux deux ailes, comme dans E. OEme,
mais il y a toujours les ocelles entourés de fauve rougeâtre. Les Éré-
bies ont, le plus souvent, la frange des ailes unicolore et d'un blanc
grisâtre; chez certaines, comme E. Ligea et Euryale, elle est entre-
coupée de gris et de noir. Ces Satyres nègres sont toujours de localités
froides, presque toujours par l'altitude, quelquefois par la latitude:
ainsi E. Dioxippe, Hûbner, qui vole à la fin de juin en Laponie et dans
les steppes de la Dalécarlic ; E. Disa, Thunberg, habitant la Laponie.
On peut dire que les Érébies manquent dans les pays absolument plats
et peu élevés au-dessus de la mer. Ce genre semble peu répandu dans
les îles, même grandes. Ainsi il n'y a aucune Érébie en Corse, où
cependant existent des montagnes élevées, conservant même une neige
continuelle au sommet en certaines années; tandis que ce genre offre
un grand nombre d'espèces sur le continent européen, il n'en existe
que Irois dans les îles Britanniques : E. Cassiope (the Small Ringlet),
E. Blandina {the Scotch Argus), E. Ligea {theScarce Scotch Argus). Ce genre
compte plus de soixante espèces, la plupart d'Europe, les autres de
l'Afrique australe, de Madagascar (1), de Sibérie , de l'Himalaya, des
monts Durais, de l'Amurland, de l'Amérique arctique, du Cliili, de
Port-Famine (Patagonie), du Moupin, de la Nouvelle-Zélande, du Colo-
rado. Les explorations des montagnes exotiques accroîtront sans doute
ce nombre dans une forte proportion.
On peut dire que les Érébies, qui comptent au moins trente espèces
en Europe, et qui n'ont qu'une génération par an, sont presque toutes
propres aux montagnes élevées ou moyennes; il en est cependant qui
descendent en plaine, mais toujours sur des plateaux boisés assez élevés
(1) Il existe ù Madagascar des mo:ilagncs de plus de 2500 mètres d'altitude, où
la température s'abaisse parfois la nuit au-dessous de zéro.
EREBIA. 225
et ondulés de collines. Nous citerons, de ce dernier groupe : E. Modusa,
cat. de Vienne; le Moyen nègre à bandes fauves, d'Engramelle, Zi2 milli-
mèlres d'envergure chez le mâle, ailes d'un brun noir, arrondies, les
supérieures avec une bande d'un ferrugineux jaunâlre, ornée de six
taches, 1, ^ et 6 plus petites, souvent nulles, les deux dernières
arrondies et isolées, 2, 3, 5 et souvent 6 chargées chacune d'un œil
noir, les inférieures avec trois ou quatre taches antéterminales, fauves,
arrondies, ayant chacune un œil noir; dessous d'un brun plus clair,
avec la répétition des caractères du dessus, les yeux du sommet souvent
seuls visibles; femelle plus grande, d'un brun plus pâle, avec les
taches plus jaunâtres et les yeux plus grands; chenille à toute sa taille
en mai, vivant sur le panic sanguin {Panicum sanguinale), pubescente,
d'un vert clair, avec une bande dorsale et trois lignes latérales d'un
vert plus foncé, la bande dorsale bordée de chaque côté d'un liséré
d'un blanc verdâtre; en outre, une ligne de la même couleur au-
dessus des pattes qui sont vertes, ainsi que la tète et les pointes cau-
dales. Papillon eu mai et juin dans les régions orientales de la France,
surtout dans les bois élevés, mais descendant en certains endroits dans
la plaine, comme cela arrive pour les belles promenades boisées des
environs de Bade ; Doubs, Vosges, Alsace, Jura, environs de Colmar,
d'Épinal, de Metz, de Pontarlier, Aube, sur Jes collines, près de Bar-
sur-Seine, Saône-et-Loire, assez commun en mai et en juin dans les
forêts élevées et dans les prairies silvatiques de Planoise, Prudhun,
Canada, Monljeu, etc., toujours très localisé, et ne descendant pas en
plaine dans ce département; rare dans le Cher et très localisé dans les
forêts de Saint-Palais et d'Allogny. Cette Érébie est celle qui s'approche
le plus de Paris, ainsi que la suivante. — E. JEthiops, Esper (syn. Dlan-
dina, Fabr.), le Grand Nègre des bois, nom donné aussi par Engramelle
au Satyrus Phœdra, mâle de [i!i millimètres d'envergure, les ailes d'un
brun noir, les supérieures avec une bande ferrugineuse courte, arron-
die, déprimée au milieu des deux côtés, de manière à donner le dessin
grossier d'une semelle; quatre ocelles sur cette bande, deux au sommet,
plus gros et réunis, l'inférieur isolé, l'intermédiaire très petit, souvent
nul, presque toujours sans pupille, les ailes inférieures un peu dentées,
avec trois ou quatre ocelles sur autant de taches ferrugineuses; dessous
des ailes supérieures d'un ferrugineux plus clair que le dessus, dessous
des inférieures d'un brun rouge, avec deux bandes blanchâtres, l'une
basilaire, l'autre antéterminalc, sur laquelle sont les ocelles du dessus,
dont la pupille seule est apparente; femelle plus grande, plus pâle,
avec le dessous des ailes inférieures jaunâtre ou verdâtre, les bandes
blanches plus prononcées, les yeux plus gros, plus apparents, parfois
au nombre de cinq. En juillet et août, des bois et plaines du nord-est
et du centre de la France, du nombre des Érébies qui ne s'élèvent pas
très haut, Vosges, Colmar, Épinal, Sainte-Marie-aux-Mines ; rare dans
l'Indre, forêt de Châteauroux, bois de Ghabenet; commune dans le bois
GIRARD. ni. — i5
226 LÉPIDOPTÈRES.
de Saint-Florent (Cher), et en Auvergne, au Mont- Dore, à Hiom, à
Volvic (Mauriee Sand), dans Saône-et-Loire, des mêmes localités que
E. Médusa, mais ne volant qu'en août et paraissant tenir moins à la
montagne, etc. Godart dit avoir capturé E. Blandina dans la foret de
Villers-Cotterets, par conséquent non loin de Paris. — E. Ligea, Linn., à
frange entrecoupée de blanc, et de noir, habitant les bois de médiocre
élévation et même les plaines, de juillet et d'août ; la bande rougeàtre
et triangulaire des ailes supérieures portant trois ocelles noirs à pupille
blanche, les ailes inférieures sans bande, avec trois ocelles accolés,
rougeâtres, à iris noir, à pupille blanche, peu apparents et seulement
noirâtres en dessous sur un bord d'un gris violacé. Chenille en juin,
sur le panic sanguin (P«?u'c«m sanguinale), pubesceute, à fond jaunâtre,
avec une raie dorsale noirâtre, placée entre deux lignes vertes; en
outre, de chaque côté du corps, une bande verte, suivie de deux
lignes de la même couleur, les pointes caudales vertes, les pattes jau-
nâtres, la tète fauve; est et centre de la France, Vosges, le Valtin, le
Champ de Feu, environs de Grenoble, Basses-Alpes, Mont-Dore, Cler-
mont-Ferrand et Volvic, en Auvergne, Guéret, dans la Creuse; le
Lioran, dans le Cantal (Maurice Sand), etc. — E. Stygup, Ochsenheimer,
la plus abondante en sujets des Erebia, dans ces localités, et comprise
dans les espèces qui ne s'élèvent pas très haut ; envergure des deux
sexes, /i'2 millimètres; les ailes d'un brun noir foncé, arrondies, avec
une bande ferrugineuse sur les supérieures, sinuée extérieurement,
dentée intérieurement, avec trois yeux noirs à pupille blanche, les
deux antérieurs réunis, le dernier isolé; en outre, souvent deux autres
plus petits, habituellement sans pupille, l'un apical, l'autre inter-
médiaire ; les inférieures avec une bande de taches ferrugineuses,
avec trois à cinq yeux, dont deux manquent souvent; dessous des
ailes supérieures ne reproduisant jamais que trois yeux, lors même
qu'il y en a cinq en dessus; dessous des inférieures avec une bande
antémarginale un peu plus claire et à peine sensible, répétant les
yeux du dessus, mais plus petits et ordinairement sans coutour fer-
rugineux; femelle plus terne, les yeux mieux marqués en dessus, ceux
qui sont accidentels parfois de même grandeur que les autres; le des-
sous des ailes inférieures oll'rant la bande plus visible et le fond sau-
poudré de gris. En juillet : Alpes, Pyrénées, Basses-Alpes, Vosges^ Toul,
Sainte-Croix, dans la Creuse, où l'espèce est rare, commune au contraire
en Auvergne, à Royat, au Mont-Dore, sur les pelouses des montagnes
Maurice Sand), près de Florac, dans la Lozère.
La plus grande partie des Lrébies sont exclusives à ces régions dites
des montagnes, souvent fort élevées; leur chasse est réservée, à par^^
les habitants, aux amateurs privilégiés qui peuvent passer l'été dans icg
localilés chères aux touristes. iNous chercherons à leur donner les indi-
calions les plus exactes, en nous servant surtout des notes de notre col.
lègue et ami, M. J. Fallou, qui a capturé, presque sans exception, toutes
EtlEBIA. 227
les espèces de la France. On doit recommander aux personnes qui veu-
lent prendre un grand nombre d'espèces diverses de ces Satyres nègres
de fixer leur résidence à une certaine élévation, afin de ne pas être
forcées de faire tous les jours de grandes ascensions, ce qui amène
beaucoup de fatigue et fait perdre un temps considérable. Il faut au
moins une hauteur de 1000 mètres; l'entomologiste éprouve alors la
satisfaction que, dans ses promenades, il voit apparaître des espèces
nouvelles tous les ZiOO à 500 mètres dans la verticale. Les meilleures
localités qu'on puisse choisir, comme demeure d'été, sont le village du
Mont-Dore, en Auvergne ; Vernet-les-Bains, dans les Pyrénés-Orientales ;
Gavarnie , dans les Hautes-Pyrénées ; Chamonix en Savoie ; Zermatt,
dans le Haut-Valais. Nous citerons rapidement presque toutes les es-
pèces : E. Evias, Lefèvre, espèce assez rare, s'élevant haut, en juillet.
Alpes, Basses-Alpes, Larche, Hautes-Pyrénées, pic de Bisos, Pyrénées-
Orientales,Vernet-les-Bains.— ^. Cassiope, Fabr., Alpes, Pyrénées, Vosges,
commune au Vallin et sur le Brézouard , en juillet, commune sur les
plateaux élevés du Mont-Dore, en Auvergne, fin juin, juillet et com-
mencement d'août, et, dans le Cantal, au Lioran (Maurice Sand); les
individus des Vosges sont plus noirs , avec la bande ferrugineuse plus
vive et les points noirs plus marqués que dans les sujets des Alpes et de
l'Auvergne (Berce) ; aberr. Nelamus , Boisduval , différant de Cassiope
en ce que les points noirs sont en totalité ou en partie effacés, avec le
type, mais plus rare : Cassiope est une variété à'E. Epiphron, Knoch ,
des sommités du nord de l'Allemagne , se trouvant aussi , d'après
M. Berce, en même temps que Cassiope, sur les hauts sommets des
Vosges, au Chaume de Tanet , au Brézouard, en juillet : ce type alle-
mand diffère de Cassiope par une taille généralement plus grande, les
points noirs plus gros, mieux alignés, souvent à pupille blanche, sur-
tout chez les femelles. - E. Melampus^ Fuessly, pas rare en juillet et
aisée à capturer, dans les prairies élevées des Alpes de la France et de la
Savoie, mont Cenis, montagnes du Var, dans les Basses-Alpes, Larche,
lac de la Madeleine, etc. — E. Tyndarus, Esper (syn. Dromus, Fabr.),
espèce très commune dans les Alpes et les Pyrénées, commune en Au-
vergne, fin juin, juillet et première quinzaine d'août, sur le versant
méridional du Puy-de-Sancy, à la Cacadogne, aux Gorges-d'Enfer, au
Mont-Dore : on la reconnaît tout de suite à sa petite taille, 33 milli-
mètres d'envergure, et surtout à ce que les ailes brunes ont un reflet
vert chatoyant, du plus bel aspect quand le papillon, récemment éclos,
vole au soleil; cette espèce vole très haut dans les Alpes et les Pyrénées,
où M. J. Fallou l'a rencontrée jusqu'à 2800 mètres, et très commune
à 2000 mètres : il y a deux races, l'une des Alpes et d'Auvergne, à fond
plus sombre, l'autre des Pyrénées, où les ocelles se détachent sur des
macules fauves plus étendues que dans le type précédent, ce qui pro-
duit un aspect général moins rembruni; au Montanvert, près du Mont-
Blanc, E. Dromus n'a plus que de petits points oculaires, et, au Talèfre^
228 LÉPlDOPTÈRliS.
dernière limite de la végétation européenne, cette Érébie, plus petite
et plus foncée, ayant à peine trace de la bande ferrugineuse , est dé-
pourvue totalement de taches oculaires , à tel point que leurs traces
disparaissent entiè'rement; c'est là l'aberration Cœcodromus, Guenée. —
E. Pyrrha (catal. de Vienne), espèce assez commune, en juillet, dans les
Pyrénées, les Alpes, l'Auvergne, prairies des plateaux du Mont-Uore,
a Cacadogne, dans les Vosges, le Hohneck, parfois, tandis que le type
esttrès oculé, entièrement dépourvue d'ocelles, et formant alors l'aber-
ration locale Cœcilia, Boisduval, des mêmes localités que le type. —
E. Euryaîe, Esper, espèce à frange entrecoupée de blanc et de noir, va-
riant beaucoup, très commune dans les Pyrénées et les Alpes, Larche,
prairies du Godemart, Pain-de-Sucre, en Auvergne, prairies élevées du
Mont-Dore, en juillet et août, au Lioran, dans le Cantal (Maurice Sand).
— E. Pronoœ, Esper, syn. Arachne, Eabr., hautes prairies des Pyrénées et
sus du Mont-Dore, Auvergne. — E. A'eoridas, Boisduval, Isère, Lozère et
des Alpes, en août, Mont-Cenis, Villard-Saint-Jean , dans le Dauphiné,
Murât, dans le Cantal, juillet et août (Maurice Sand), pâturages au-des-
Basses-Alpes, environs de Barcelonnette et de Larche, Auvergne, à Cler-
mont-Ferrand, Royat, Gfavenoire, au plateau de Gentioux, dans la
Creuse, au Lioran, dans le Cantal, au commencement d'août, et com-
mun (Maurice Sand). — E. OEme, Hûbner, Alpes de la France et de la
Savoie, en Auvergne, mais rare, en juillet et en août, au Puy-de-Sancy ;
E. EptstygtiG, Boisd., de localités restreintes, Var et Basses-Alpes, au
commencement d'avril dans les montagnes arides des environs d'Aix,
aisée à prendre, car elle vole lourdement : ne durant que très peu de
temps. — E. Manto, catal. de Vienne (syn. Lappona, Esper), assez commune
sur les hauts sommets des Alpes et des Pyrénées, près des neiges éter-
nelles, Galibier, Haut-Hichard, dans le Dauphiné, Lauzanier, dans les
Basses-Alpes, au Puy-de-Sancy, Auvergne, en juillet, mais rare (Mau-
rice Sand). — E. Ceto, Hiibner, assez commune dans les Pyrénées, dans
es Basses-Alpes, montagnes de l'Ozglosse et de Malmorte, aux bords
de l'Llbayette, dans le Dauphiné , au Laularet près du Bourg d'Oi-
sans, Isère (1), près de Murât, dans le Cantal, en juillet (Maurice Sand).—
E. Scipio, Boisd., espèce peu répandue, trouvée seulement dans les
Basses-Alpes, en juillet, environs de Digne et de Barcelonnette, prairies
de l'Ozglosse, Larche, Malmorte, etc. — E. Goante, Esper, en juillet et
août, environs de Digne, Larche, Mont-Cenis, etc. M. J. Fallou n'a pris
cette espèce que dans la Savoie, à Chamonix et dans le Haut- Valais,
à Zermatt, où elle était commune en août ; il ne l'a jamais rencontrée
au-dessus de 2000 mètres; la femelle est plus rare que le mCde, dont
elle diffère par la iaiWe. — E. Gorgone, Boisd.,en juillet, dans les Hautes-
Pyrénées, sur les pelouses escarpées, à 2000 mètres d'altitude. — E. Gorge,
(1) Le Laularet, avec ses magnifiques prairies alpines^ est une des meilleures sta-
tions entomologiques de France.
LYCÉNIENS. 229
Esper, espèce assez rare, des sommets rocailleux des montagnes, Pyré-
nées, Basses-Alpes, Larche, environs du lac de la Madeleine, hautes prai-
ries du Pain-de-Sucre, Mont-Cenis, en juillet et août, Isère, au Galibier,
au Haut-Richard, etc. Cette espèce s'élève très haut, car M. J. Fallou
l'a prise au sommet du Canigou (Pyrénées-Orientales), volant en com-
pagnie à'E. Lefevrei, et rare au Gornergrat et au-dessus de l'hospice du
Grand-Saint-Bernard. — E. yl/cc<o, Hubner, espèce assez rare partout, en
juillet, des hauts sommets rocailleux des Hautes et Basses-Alpes, prai-
ries de l'Ozglosse, du Pain-de-Sucre et de la Madeleine, Mont-Cenis,
sommets au-dessus du lac, en Dauphiné, sommets du Galibier et du Haut-
Richard. C'est riîrébie qui s'élève le plus haut dans les Alpes, fort dif-
ficile et même dangereuse à prendre, à cause des escarpements; M. J.
Fallou l'a capturée, mais défraîchie, le 10 août, au sommet du Gorner-
grat, à 3150 mètres d'altitude. — E. Lefevrei, Boisd.,qui n'est peut-être
qu'une variété pyrénéenne de VE. Mêlas, Herbst, qui vole en juin et
juillet dans les montagnes de la Hongrie. Cetle espèce paraît très sensi-
blement en entier d'un brun noir, les bandes qui portent les ocelles
étant à peine lavées de rougeâtre; Hautes-Pyrénées, pics de Lévis et du
Midi, et hauteurs qui dominent le cirque de Gavarnie. M. J. Fallou a
pris plusieurs individus de cette espèce recherchée des amateurs, et
rare, sur le sommet du Canigou (Pyrénées-Orientales) , au risque de se
tuer dans la mer de pierres où il faut aller pour capturer l'espèce. Nous
citerons, comme une localité intéressante pour les Érébies, d'après
M. Bellier de la Chavignerie, la montagne de Faille-Feu, au nord-est de
Digne, où l'on prend, en s'élevant successivement, les E. Stygne, Eu-
ryale, Dromus, plus haut, puis Cassiope, Goante, puis Gorge, sur les
sommets dénudés. M. Bellier de la Chavignerie a reconnu l'existence
de dix-sept Erehia dans nos départements des Hautes et Basses-Alpes,
ce sont : E. Cassiope, Melampus, Mnestra, Ceto , Stygne, Evias, Epi-
stygne,Scipio, d'une cliasse presque impraticable par l'escarpement des
pentes (col de la Madeleine, Larche), Atecto, NeoriJas, Ligea, Euryale,
Goante, Gorge, Gorgophone, Manto, Dromus, et il est probable qu'on y
trouvera en outre les E. OEine, Pyrrha, Pharte. Ce sont donc là les
régions de la France qu'on doit le plus recommander aux amateurs.
Tribu des LYCÉMIEMS.
HEXAPODES, au moins chez les femelles.
Cette tribu des Lycéniens se compose de Lépidoptères d'assez faible
taille, car il n'en est qu'un petit nombre qui atteint la taille moyenne
des papillons ordinaires ou Macrolépidoptères. Ces plus petits papillons
de jour ne sont pas moins bien partagés que les grandes espèces sous
le rapport de l'élégance des formes et de la variété des couleurs. Chez
230 LÉPIDOPTÈRES.
beaucoup d'entre eux les ailes inférieures se prolongent en queues plus
ou moins longues, ce qui faisait désigner certaines espèces, par les an-
ciens auteurs, sous le nom de Petits porte-queues. Antennes droites,
terminées par une massue graduellement allongée; palpes ayant leur
troisième article nu, presque dénué d'écaillés; pattes ambulatoires, au
nombre de six, au moins dans les femelles ; abdomen caché presque en
entier au repos par les deux bords internes des ailes inférieures, qui
se joignent eu dessous et forment une gouttière, peu prononcée quand
ces ailes sont étalées. — Les chenilles des Lépidoptères de cette tribu
sont lentes et se déplacent peu sur les végétaux qui les nourrissent, lin
général, elles sont élargies, hérissées de poils fins, avec la tête très
petite et globuleuse et les pattes très courtes, de sorte que la plupart
ressemblent à des Cloportes (Oniscus) par la forme et l'aplatissement de
leur corps, ce qui les fait appeler chenilles onisciformes dans les ou-
vrages d'entomologie. Les chrysalides sont arrondies, hérissées de poils
fins et attachées par la queue et par un lien ceinturai.
LYCÉNIDES.
Antennes droites, à tige annelée de blanc. Yeux oblongs, cernés de
blanc. Palpes dépassant de beaucoup la tête et dont le dernier article
est toujours plus grêle et bien distinct des deux autres. Thorax robuste.
Ailes à cellule discoïdale fermée par une petite nervure; crochets du
bout des tarses très petits. Abdomen plus court que les ailes inférieures.
— Chenilles à tête petite et rétractile, onisciformes, à pattes extrême-
ment courtes. — Chrysalides contractées , obtuses aux deux bouts , à
segments immobiles, généralement attachées par la queue et par le
milieu du corps, parfois reposant libres sur le sol.
Les Lycénides présentent une assez grande quantité de genres, dont
plusieurs très nombreux en espèces. L'Europe en possède une assez
forte proportion, et elles sont répandues dans les autres parties du
monde. Ce sont les plus petits papillons diurnes , et il n'en est aucun
qui atteigne même la taille moyenne. Les mouvements des Lycénides
sont vifs et gracieux. Leur vol n'est pas très rapide, mais il est vif et
saccadé, de sorte qu'ils échappent assez facilement à la vue, bien qu'ils
ne s'éloignent guère du lieu d'où on les fait partir. Beaucoup d'entre
eux sont ornés de couleurs éclatantes, fauves ou dorées , bleues ou ar-
gentées : ce sont de véritables petites fleurs parmi celles de nos prai-
ries. Tant que le soleil brille, ils voltigent avec vivacité et comme étour-
diment sur les feuilles ou les fleurs, fermant et ouvrant alternativement
leurs ailes et restant rarement dans un repos complet. Les papillons
ont en général les antennes annelées de noir et de blanc, les pattes com-
plètes chez les femelles, à dernier article du tarse oblitéré et à ongles
nuls chez les mâles.
LYC^NA. 231
Les œufs des Thecla et des Pohjommatus paraissent pubescents à la vue
simple; cela tient à ce qu'ils sont couverts d'écaillés ini])riquées, comme
les bractées d'un artichaut. Les chenilles ont un sillon dorsal plus ou
moins prononcé.
GENRES PRINCIPAUX.
liYCElVA. Oclisenheimer. Boisduval. — Antennes assez allongées, terminées
par uno massue piriforme à son extrémité. Palpes courbés, le second article
fcarni de poils courts et serrés, le troisième nu , .^rèle et fusiforme. Bord posté-
rieur des secondes ailes arrondi dans le plus grand nombre des espèces, échan-
cré à l'angle anal dans quelques-unes, avec une petite queue linéaire ou fili-
forme près de ce même angle dans quelques autres. Dessus des ailes presque
toujours bleu dans les mâles, brun dans les femelles, le dessous grisâtre avec
des points ocellés dans les deux sexes; tarses minces et d'une seule couleur. —
Chenilles en ovale allongé, épaisses. — Chrysalides un peu déprimées sur le
dos.
Les Lyci^nes frappent tout de suite les yeux par la charmante couleur
bleue, de diverses nuances, des ailes des mAles, tandis que les femelles ont
généralement les ailes brunes. Il y a des femelles qui ont normalement
les ailes saupoudrées de bleuàlabase, sur un fond brun; on en rencontre
parfois où le bleu des ailes est dû au genre d'aberration : femina maris
colore. Les mâles sont en général plus grands que les femelles et les
entraînent dans l'accouplement, qui est long et s'opère les corps oppo-
sés, au repos sur une tige ou une feuille. On rencontre souvent les Ly-
cœna à terre, occupés à boire en troupe, là où le sol laisse suinter de
l'eau. C'est le genre le plus nombreux en espèces. Les chenilles vivent
sur les Légumineuses, sur des plantes herbacées ou sur des arbustes,
les unes dans les gousses, aux: dépens des graines, les autres mangeant
des feuilles ou des fleurs. Il arrive assez souvent, dans les Lycènes, que
les taches ou les ocelles du dessous des ailes inférieures offrent des
aberrations par confluence, ou manquent plus ou moins, ou sont rem-
placées par des traits noirs. Un certain nombre de cas d'hermaphro-
disme bilatéral ont été constatés chez les Lycènes, rendus très frap-
pants par le contraste de la couleur bleue de la moitié mâle avec la
couleur brune de la moitié femelle. On dirait, dans ces hermaphrodites,
que les deux moitiés de papillons, chacune d'un sexe différent, sont
collées dans le sens de leur longueur, de la tète à l'anus, sans qu'il soit
possible d'apercevoir de suture. On a signalé notamment ces herma-
phrodites chez les Lycœna Alexis et Adonis, et Pohjommatus Belle (Alexan-
dre Lefèvre, ann. Soc. entom. de Fr., 1835, p. l/i6;. Dans la collection
Boisduval se trouvait un très curieux hermaphrodite croisé de Lycœna
Alexis^ présentant, mâles et bleues, les ailes supérieure droite et infé-
232 LÉPIDOPTÈRES.
rieure gauche, et les deux autres femelles et brunes. Il y avait, en ou-
tre, un hermaphrodisme aux trois quarts de L. Alexis. Les chenilles des
Lycœua et des Polyomrnatus sont peu crûtées et carénées. Les chrysalides
sont souvent posées sur la terre, sans attache.
Nous citerons parmi les espèces les plus répandues en France : L. Bœ-
tica, Linn., le Porte-queue bleu strié, de Geoffroy, se trouvant aussi aux
îles Canaries, charmante espèce avec une queue grêle à l'aile inférieure
et deux taches à son origine, des parcs et grands jardins, espèce impor-
tée, volant en août et septembre; la femelle pond dans les gousses du
baguenaudier (Colutea arborescens) et ne confie qu'un œuf à chaque
graine; la chenille, qui est d'un vert plus ou moins foncé, avec le dos
jaspé de rouge, se nourrit de la graine et passe de l'une à l'autre, puis
passe dans une autre gousse, en bouchant le trou par lequel elle s'y est
introduit; à défaut de baguenaudier, elle mange des pois verts. Chry-
salide jaunâtre, avec cinq rangées de points noirâtres le long du dos.
— L. TiresiaSjRoltenhnvg ou Amyntas (catal. de Vienne), aussi avec une
petite queue grêle au bout des ailes inférieures, le Petit porte-queue
d'Engramelle, volant isolément en juillet et août dans les prairies et
les clairières des bois, les ailes du mâle d'un bleu violet avec la bor-
dure noire, et quelques points terminaux noirs aux ailes inférieures, la
base du dessous des ailes d'un vert bleuâtre. Les autres espèces , bien
plus nombreuses, de nos Lycœna, n'ont pas de queue. Ainsi L. /Egoii
(cat. de Vienne), très commun partout, existant dans les Iles-Britan-
niques, en mai et juin, puis en août et septembre, le mâle d'un bleu
violet foncé et la femelle brune, une bordure noire assez large et la
frange blanche, le dessous cendré avec de gros points noirs cerclés de
blanc, mais non à la base des ailes supérieures, et une série marginale
de taches fauves avec arcs noirs et points noirs. Chenille sur les genêts.
— L. Argus, Linn., moins commun que le précédent et lui ressemblant
beaucoup, souvent plus grand, avec la bordure noire plus étroite, les
points ocellés du dessous en série mieux alignée, moins en faucille que
chez L. jEgon, la femelle brune, à ailes souvent saupoudrées de bleu à
la base ; vole en juillet et août, dans les clairières des bois secs remplis
de bruyères. Chenille pubescente, d'un vert brunâire, avec des lignes
ferrugineuses longitudinales, les autres transverses, bordées de blanc,
tête et pattes écailleuses noires , en mai sur le mélilot , les genêts, les
sainfoins et autres Légumineuses. Chrysalide svelte , d'un brun ver-
dàtre, avec le bord postérieur de l'enveloppe des ailes et les dernières
incisions du corps ferrugineux. Dans ces deux espèces, souvent confon-
dues par les jeunes amateurs, on trouve des femelles avec le disque
des ailes supérieures et inférieures bleu comme chez le mâle. — L. Me-
don, Hufnagel, ou Ageslis (cat. de Vienne), à ailes d'un brun noirâtre
dans les deux sexes, ce qui l'a fait nommer The Broivn Argus par les An-
glais, avec un point discoïdal noir et une rangée marginale de lunules
fauves, est commun dans les régions calcaires en juin, août et septem-
LYC.ENA. 233
bre, dans les bois, les champs, les prairies , le long des chemins. Le
L. Icariis, Rottenburg ou Alexis (catal. de Vienne), existant aux îles Ca-
naries, est un de nos Lycènes les plus communs, se trouvant dans les
Iles-Britanniques, The Common Blue ; les ailes du mâle d'un bleu vio-
let soyeux, avec une fine bordure noire et la frange blanche, celles de la
femelle brunes, souvent saupoudrées de violet, le dessous d'un gris
cendré avec beaucoup de points noirs ocellés, dont deux ou trois à la
base des ailes supérieures, et une rangée de taches fauves triangulaires
appuyée sur des points noirs. Chenille duveteuse, verte, avec le dos
plus foncé, vivant sur la luzerne , le trèfle, les Ononis , Heydisarum,
Astragalus, Onobnjchis, sur la bugrane, le fraisier, etc., adulte pendant
toute la belle saison, dans les prairies, les champs de trèfle et de lu-
zerne, etc. — L. Adonis (catal. de Vienne), Y Argus bleu céleste d'Eiigra-
melle, The Chifden blue des Anglais, est celui de nos Lycènes dont la
couleur bleue est la plus pure, les ailes d'un beau bleu d'azur finement
bordées de noir, la frange blanche entrecoupée de noir; en dessous un
cendré roussàtre, des points ocellés, dont un ou deux à la base, des lu-
nules fauves au bord marginal; femelle brune, souvent saupoudrée de
bleu, et parfois toute bleue ; var. Ceronus Esper, de la France cen-
trale et méridionale. L'Adonis, toujours bien moins commun que
l'Alexis, vole en mai, puis en juillet et août, dans les clairières, les lieux
secs et pierreux. Chenille pubescente, verte ou d'un bleu clair, avec
une ligne dorsale plus foncée et comprise entre deux rangs de taches
fauves triangulaires, sur VHipiiocrepis, divers trèfles et le genêt herbacé,
dont elle ne mange que la fleur. Chrysalide d'un gris noirâtre ou ver-
dâtre. — L. Corijdon, Scopoli, un de nos plus grands Lycènes, V Argus bleu
nacré d'Engramelle, se trouvant dans les îles Britanniques, le mâle d'un
bleu argentin, à frange blanche entrecoupée de noir, la bordure noire
ocellée sur les ailes inférieures, la femelle brune, avec le dessous d'un
brun roux. Chenille en mai et juin sur les Trifolïum, Lotus, Hippocre-
pis, etc.; adulte assez commun en juillet et août, mais localisé surtout
dans les bois secs et pierreux, souvent en grand nombre sur les fleurs
de thym et de serpolet. Je ne l'ai vu nulle part aussi abondant que dans
la Charente, sur la route entre bois allant de Jarnac à Houillac; on en
faisait lever des troupes à chaque pas, et, çà et là, parmi les femelles
brunes, on voyait voler l'aberration Syngrapha, Keferstein, femelle de
la couleur du mâle, d'un bleu un peu plus sombre, la bordure noire
plus nette, les taches fauves plus vives. — L. Argiolus, Linn., nommé en
Angleterre the Azuré blue, d'un bleu violet pâle, la bordure noire élar-
gie à l'angle apical; le dessous d'un blanc bleuâtre légèrement teinté
de verdâtre à la base, avec un arc central et une ligne transversale de
petits points noirs non ocellés; femelle de la couleur du mâle, avec la
bordure noire très large, un arc noir aux ailes supérieures et une ran-
gée de points noirs au bord externe des inférieures; en mai, puis fin
juillet, toujours isolé, voltigeant autour des arbres et des buissons, des
2Zh LÉPIDOPTÈRES.
clairières de bois eî des jardins, mi^me dans les villes. Chenille pubes
cente , d'un vert jaunâtre, avec le dos d'un vert foncé , la tête et les
pattes noires; en juin et septembre, sur le lierre et la bourdaine. Chry-
salide lisse, verte à la partie antérieure, d'un brun mélangé à sa partie
postérieure, avec une ligne noire sur le dos. — L. Cyllarus, Rottenburg,
l'Argus bleu à bandes brunes d'Engramelle, qui n'existe pas dans les îles
Britanniques, un de nos plus beaux Lycènes de toute la France , mais
jamais commun; des jardins, prairies et clairières des bois humides, en
mai, juin, juillet; ailes d'un bleu violet un peu satiné, avec bordure
noire assez large aux supérieures, plus étroite aux inférieures; frange
grisâtre , dessous d'un gris cendré , avec une petite lunule centrale et
une ligne courbe de gros points noirs ocellés aux ailes supérieures, une
large teinte verdâtre à la base des inférieures et une série de petits
points ocellés, souvent nulle ; femelle d'un brun noir, avec le disque
plus ou moins largement saupoudré de bleu violet. Chenille en juin et
juillet, sur les luzernes, les trèfles, les Onobnjchis , le mélilot , le genêt
herbacé, diverses Astragales, pubescente, d'un vert jaunâtre pâle, avec
une ligne rougeàtre le long du dos et des lignes transverses d'un vert
brunâtre sur chacun des côtés, les pattes écailleuses noires, les pattes
membraneuses colorées comme les lignes latérales. Chrysalide brunâ-
tre.— Le L.Arion,Lmn., le plus grand de nos Lycènes, aussi nommé the
Large Mue par les .Anglais, de la seconde quinzaine de juillet, toujours
très localisé, des clairières des bois, ainsi se trouvant aux environs de
Paris, à la côte d'Aulnay, à Versailles, sur les hauteurs de Ville-
d'Avray, à Lardy, à Fontainebleau, etc., variant pour la couleur du bleu
le nombre et l'intensité des taches noires.
Nous représentons les détails d'un Lycène exotique, L. Roxus,
Godart, des Indes-Orientales (pi. i.xxxiv, tig. 7, tête; 7 a, extrémité de
l'antenne; 7 b, palpe dépouillée de ses écailles). Le catalogue de M. Kirby
le place dans le genre Cupido, Schrank.
POI.VOMMATUS, Latr. (syn. Chrysophanus, Hiibner). — Tète plus étroite que
le corselet. Antennes presque aussi longues que le corps, terminées par une
massue courte. Palpes presque droits, le dernier article nu, long et subulé.
Bord postérieur des ailes inférieures prolongé à l'angle anal dans la plupart des
mâles, un peu échaucré avant cet angle dans les femelles. Tarses épais,
d'une seule couleur. — Chenilles eu ovale allongé, assez convexes. — Chrysa-
lides courtes, presque ovoïdes, pubescentes.
Ce genre compte en Europe une douzaine d'espèces, ayant le fond
des quatre ailes, en tout ou en partie, d'un fauve doré, soyeux et bril-
lant, au moins chez les mâles. Les chenilles vivent sur les plantes basses,
notamment les Rumex. L'espèce la plus commune en France est le
P. Phlœas, Linn., le Bronzé de Geoffroy, The Copper des Anglais, papil-
lon qui est commun partout et presque toute l'année, mais surtout à
POLYOMMATUS. 235
l'arrière-saison, jusqu'en novembre, existant aux îles Canaries. Dans
tout le nord de l'Amérique et en Californie, se trouve un P. Hypophlœas
qui lui ressemble beaucoup, et que certains auteurs regardent comme
de même espèce. Le P. Phlœns est un des premiers et des derniers
Diurnes qu'on voit voler, surtout dans les clairières des bois et le
long des routes, aimant à se poser à terre; les individus de septembre
passent l'hiver en chrysalide et ne donnent l'adulte qu'en avril; la che-
nille se trouve toute l'année sur l'oseille sauvage {Rumex acetosa). Le
papillon, pareil dans les deux sexes, offr.e les ailes supérieures brunes,
avec le disque d'un fauve doré semé de points noirs , les inférieures
échancrées, avant l'angle anal d'un brun noir avec une bande margi-
nale fauve, s'appuyant intérieurement sur quatre ou cinq points noirs;
en dessous les ailes supérieures ont le disque fauve et des points noirs,
les inférieures sont d'un cendré brunâire, avec de très petits points
noirs et une ligne de taches rougeûtres; dans une aberration par défaut
de pigment, le brun est remplacé par du blanc. A consulter, pour cette
espèce , H. Lucas , quelques remarques sur une variété du Chrysophanns
Phlœas, Lépidoptère Achalinoptère de la tribu des Eryciniens et de la
famille des Lycénides (Ann. Soc. entomol. de France, 1865). On trouve
aux environs de Paris : 1* le type à fond d'un fauve vif; 2" la variété
Eleus, où le fauve est remplacé, en plus ou moins grande partie, par du
brun ; 3° une aberration où le fauve est remplacé par du jaune-paille
clair (collection J. Fallou); dans un autre sujet de la même collection"
cette couleur se montre à l'aile droite antérieure seulement; ce sont
des décolorations accidentelles, tenant sans doute à quelque condition
spéciale de la chrysalide, peut-être à une insolation : il est curieux de
voir dans le même lieu, ainsi dans le bois de Boulogne, cette aberra-
tion albine à côté de la variété mélanienne; k" enfin parfois, surtout
dans les femelles, il y a quelques points bleus au-dessus des points
noirs des ailes inférieures. — Le P. DoriUs, Hufnagel, ou Xanthe, Fabr.,
VArgus fiiyope, de Geoffroy, qui ne se trouve pas dans les îles Britan-
niques, est aussi une espèce très commune dans les régions calcaires,
paraissant deux fois, en mai puis en août, volant dans les clairières
des bois, abondant sur les fleurs des Origanum, fréquent aux en-
virons de Paris. Le mâle a les ailes brunes avec des points noirs et une
série antéterminale de lunules fauves s'appuyant sur des points noirs,
le dessous d'un jaune un peu verdâtre, avec la répétition des points du
dessus pour les supérieures et un plus grand nombre pour les infé-
rieures, la bordure antimarginale fauve entre deux séries de points
noirs ; femelle à ailes supérieures plus arrondies, fauves, ornées de
points noirs plus gros que chez le mâle; nombreuses variétés, surtout
pour les femelles, parfois entièrement brunes en dessus, parfois à taches
noires continentes, parfois avec quelques atomes bleus aux ailes infé-
rieures. Dans les montagnes de la Suisse et des Basses-Alpes est
une variété Montanus, Meyer-Dûr, à ailes d'un bleu violacé brillant,
236 LÉPIDOPTÈRES.
sans taches fauves, les points noirs comme dans le type , mais plus pe-
tits ettrèstinement cerclés de iaiinc— P.Eurydice, Rottenburg, onChry-
5e/5(catal. de Vienne), l'ir^tis satiné changeant d'Engramelle, manquant
aux îles Britanniques, espèce propre aux montagnes subalpines, mais
qu'on prend aussi dans les forêts marécageuses , ainsi en juin , à Com-
piègne, surtout entre les étangs de Saint-Pierre et Pierrefonds, à Chan-
tilly, près de l'étang de la Reine-Blanche. F/esptice est aussi bien des
montagnes que des plaines, car la plante qui nourrit la chenille et qui
est l'oseille [Rumex acetosella), vit également dans les prairies basses et
dans les prairies élevées; ainsi Duponchel a trouvé ce Polyommate dans
les prairies élevées de la Lozère, près du pont de Montvert, et il re-
marque qu'il existe sur les cimes de la Lozère des marais tourbeux ana-
logues à ceux de la Picardie. On trouve, par aberration, dans cette es-
pèce, les taches rondes du dessous remplacées par des lignes noires,
parfois des deux côtés, parfois d'un seul côté, les ailes restant normales
de l'autre côté. Le mâle a les ailes d'un fauve doré vif, avec reflet do
bleu chatoyant, la côte des supérieures et une partie des inférieures
d'un noir glacé de bleu violet, deux petits points noirs sur le disque de
chaque aile; en dessous un cendré jaunâtre, avec beaucoup de points
noirs cerclés de gris , le disque des supérieures plus ou moins fauve,
ainsi qu'une bande antémarginale souvent courte aux ailes inférieures ;
femelle brune, avec le disque des ailes supérieures légèrement fauve et
une double rangée de points noirs bien alignés, les inférieures avec une
bande fauve plus large et mieux marquée dans le mâle. Le P. Hippo-
thue, Linn., qui se rencontre dans les îles Britanniques, les ailes du mâle
d'un fauve doré, avec petite bordure noire crénelée intérieurement sur
les inférieures, une lunule noire sur les disques, le dessous des ailes
supérieures fauves, avec une petite bordure d'un gris cendré, le des-
sous des inférieures d'un cendré clair lave de bleu vers la base, avec
une bande marginale d'un fauve rouge, renfermée entre deux rangées
de points noirs ; femelle avec plusieurs points noirs sur les ailes supé-
rieures, les inférieures d'un brun noirâtre et une bande terminale
fauve, ornée intérieurement de gros points noirs : juin et août dans les
lieux marécageux, Colmar, Strasbourg, Metz, et, d'autre part, environs
de Saint-Quentin. Dans les marais tourbeux de certaines localités de la
Somme est une rare et magnifique variété, dispar, à ailes très grandes,
qui fut d'abord connue d'Angleterre, des prés marécageux des environs
de Cambridge, the Large Copper, mais qui n'y n'existe plus, depuis qu'ils
ont été drainés et livrés à la culture; on trouve cette variété dans les
marais au nord et au nord-ouest de Bordeaux (Gironde) en mai , en
juin; une seconde éclosion en août et septembre est le type ordinaire
Ilippothoe. — P. Virgaureœ, Linn., qui est aussi de la faune britannique,
the Scarce Copper, d'un fauve doré des plus vifs chez le mâle, avec
bordure noire, précédée d'un rang de points noirs aux ailes infé-
rieures ; la chenille de cette espèce vit sur la verge d'or (Solidago
THECLA. 237
virgaurea) et sur la patience sauvage {Rumex aculus), et parait deux
fois, en juin et en septembre. Les individus de la première génération
donnent leurs papillons en juillet et août, et ceux de la seconde
en mai de l'année suivante, après avoir passé l'hiver en chrysa-
lide. Ce Polyommate se trouve principalement dans les prairies des
montagnes secondaires, volant abondamment dans le Jura pendant les
premiers jours d'août; aussi des Alpes, des Pyrénées, de l'Auvergne, des
Vosges. — P. Ballus, Fabr. , les ailes brunes chez le mâle, des poils verts
au corselet , un duvet vert sous les ailes inférieures , des points noirs,
rouges et blancs en dessous; la femelle a le disque des ailes supérieures
et une grande tache marginale aux inférieures d'un fauve clair; vole
en mars aux environs de Cannes, d'Hyères, de Toulon, en Espagne, en
Portugal, en Algérie. Chenille en mai sur le Lotus hispidus.
Parmi les Polyommates exotiques nous citerons : P. Thoe, Boisduval,
Le Conte, de l'Amérique du ÏN'ord, ayant de la ressemblance avec
P. Phlœas (pi. Lxxxiv, fig. [\:Ua,lc même de profil ; h b, antenne, œil,
palpe et spiritrompe), et une charmante espèce de Ceylan ef des
Indes orientales, le P. Ainor, Daiman (pi. lxxxiv, fig. 6), du genre
Sithon, Hubner, brun, avec une bande blanche au milieu des ailes
supérieures, les inférieures terminées par trois pelites queues, et
offrant au bord postérieur trois bandes, l'interne rouge, la médiane
noire, l'externe jaune.
TIlCCIvA, Fabr. — Tête plus étroite que le thorax. Antennes longues, droites,
terminées par une massue ovalo-cylindrique, souvent grêle ou peu renflée.
Yeux visiblement couveits de poils. Palpes squameux ou à peine ciliés, à trois
arlicles bien distincts, le troisième presque nu et subuliforme et presque
aussi long que le second. Bord postérieur des ailes inférieures ayant presque
toujours une petite queue linéaire, souvent précédée en dehors d'une dent
plus ou moins saillante. Tarses courts et toujours de deux couleurs, — Che-
nilles en forme d'écusson aplati, large en avant, rétréci en arrière. — Chry-
salides courtes, un peu rugueuses, pubescentes, convexes en dessus, plates en
dessous.
Les papillons du genre Thecla, pourvus de petites queues filiformes,
volent autour des arbres avec une grande vivacité et se posent sur les
feuilles souvent très élevées. Les chenilles sont carénées sur les côtés
et crêtées sur le dos, les chrysalides attachées aux feuilles ou aux
branches. Les espèces d'Europe, qui sont peu nombreuses, ont les
papillonsfgénéralement bruns en dessus, les deux sexes souvent peu
différents, le dessous sans ocelles. Les espèces exotiques sont très abon-
dantes, dans le genre Thecla et les genres annexes, et très souvent
parées de nuances bleues éblouissantes; mais leur dessous ressemble
plus ou moins à celui des espèces européennes. Les espèces du genre
Thecla sont répandues dans toutes les parties du monde, de taille
238 LÉPIDOPTÈRES.
médiocre, rarement moyenne. Dans l'accouplement des Thecla la
femelle porte le mâle. Les chenilles vivent généralement sur les
arbres et les arbrisseaux.
Parmi les espèces d'Europe, nous citerons d'abord la plus grande de
tous nos Lycénides; c'est le T. betulœ, Linn., le Porte-queue à bande
fauve d'Engramelle, the Broum Hairstreak des Anglais, de 36 milli-
mètres d'envergure, les ailes brunes chez le mâle, ayant chez la femelle
une grande tache fauve au milieu des supérieures. Chenille en juin sur
le bouleau, le prunellier etle prunierdomestique, verte avec plusieurs
raies jaunes longitudinales et des raies transverses un peu moins fon-
cées sur les côtés. Chrysalide brune, lisse, avec des lignes plus
claires. Adulte en août et septembre, dans les bois, parcs et jardins,
volant principalement autour des haies et broussailles, de toute l'Eu-
rope, mais solitaire et jamais très commun. — T. ilicis, Esper, ou Lynceus,
Fabr.,le plus commun de nos Thecla^ les ailes d'un brun noir, avec
un point fauve à l'angle anal dans les deux sexes et une tache fauve
plus ou moins grande sur les ailes supérieures de la femelle, le des-
sous d'un brun plus clair, avec une ligne blanche, transverse, inter-
rompue, et, aux ailes inférieures, une série de taches fauves bordées
de noir, s'appuyant sur un" liséré blanc, (ihenille en mai sur le chêne,
difficile à se procurer, quoique l'insecte soit commun, car il faut
secouer fortement les taillis des jeunes chênes pour la faire tomber;
elle est duveteuse, d'un vert pâle, avec trois lignes jaunes interrom-
pues sur le dos et les flancs, la tête et les pattes écailleuses fauves.
Cette chenille devient rougeâtre au moment de lia nymphose et
donne, au début de juin, une chrysalide , d'abord jaunâtre, puis
brune, avec trois rangs de points obscurs à l'arrière du corps. Adulte
à la fin de juin et en juillet, volant autour des buissons de ronce en
fleurs, butinant aussi sur les fleurs du serpolet. — T. pruni, Linn., exis-
tant aux île'' Britanniques, the Dark Hairstreak, les ailes, d'un brun
foncé, a\ >, une rangée antémarginale de taches fauves, manquant
souvent aux supérieures, en dessous d'un brun plus clair, avec une
ligne blanche, ondulée et interrompue, les inférieures ayant une large
bande d'un fauve vif, plus marquée chez la femelle, bordée des deux
côtés d'un rang de points noirs, dont les supérieurs sont surmontés
d'arcs blancs. Cette espèce, peu répandue, vole en juin, par les temps
chauds et sereins, dans les clairières des bois, aimant à se poser sur
les buissons, surtout ceux de cornouiller, alors en fleur. Chenille à
tête petite, jaune, avec deux points noirs simulant des yeux, le fond
du corps vert, avec des lignes longitudinales d'un jaune blanchâtre et
plusieurs petites lignes transverses, sur le dos des tubercules dont la
sommité est noire; en mai sur l'épine-vinette, le chêne, le noisetier,
le bouleau et surtout le prunellier, difficile à trouver. Chrysalide dif-
férant de celle des autres Polyommates en ce que son abdomen très
renflé est garni de tubercules pointus (chenille et chrysalide figurées
THECLA. 239
sur le prunellier, pi. lxxxiv, fig. 5); centre et est de la France, Alsace;
près de Paris : bois de Bondy et de Versailles, Compicgne, etc. — Le
T. rubi, Linn., l'Argus vortAo, GeolFroy, the Green Hairstreak des Anglais,
petit Lycénide immédiatement rcconnaissable dans les deux sexes à la
couleur du dessous, qui est d'un beau vert, nuance rare chez les
papillons, avec une ligne blanche interrompue, le dessus d'un brun
luisant avec un point brun ovale à la côte des ailes supérieures, man-
quant chez la femelle; commun sur les haies et dans les taillis des
bois de toute la France en mars, avril, mai et juin, dans les années
tardives. Chenille sur les ronces, les genêts, le sainfoin, les cytises, a
sa taille en juillet et août, pubescente, d'un vert pré ou d'un vert jau-
nâtre, avec une rangée de taches triangulaires d'un jaune pâle sur
chacun des côtés et une ligne blanchâtre au-dessus des pattes. Chrysa-
lide passant l'hiver, brune avec les stigmates plus clairs. En Californie
se trouve le T. dumetorum, qui n'est peut-être qu'une race locale de
T. rubi; CarolT avait pris, aux environs de Paris, une curieuse aberra-
tion de T. rubi, qui était verte en dessus comme en dessous. — T. quer-
cus, Linn., the Purple Hairstreak des Anglais, de oli millimètres d'en-
vergure, les ailes du mâle d'un brun noir, glacées de violet foncé un
peu changeant, dessous d'un gris satiné avec une ligne blanche ondu-
leuse et deux taches rousses à l'angle interne; la femelle d'un brun
noir en dessus, avec une large tache bleue, brillante, échancrée à la
bifurcation de la nervure médiane. Ces papillons ont le dernier article
des palpes coudé et les yeux très velus : toute la France, assez commun
de la fin de juin au mois d'août sur les lisières et dans les avenues des
grands bois, voltigeant souvent à une assez grande hauteur autour des
châtaigniers en fleur, les deux sexes se poursuivant sans cesse, ce qui
rend parfois sa capture peu aisée ; mais on l'élève aisément de sa
chenille, qui n'est pas rare dans tout le courant de mai et jusqu'au
15 juin, en battant les chênes. Cette chenille, large, aplatie, à anneaux
débordants, a la tête petite, arrondie et brune, le corps pubescent,
d'un gris brunâtre avec des rangées de points le long du dos et les
incisions jaunâtres; la chrysalide est brune, avec des taches plus
claires, et fait entendre, lorsqu'on la prend entre les doigts, une sorte
de stridulation assez distincte, analogue à celle de certains Longi-
cornes (divers auteurs et A. Constant). — T. Walbum, Knoch, existant
aux îles Britanniques, The Black Hairstreak, d'un brun noir en dessus,
d'un brun plus clair en dessous, avec une ligne blanche interrompue,
dessinant sur les ailes inférieures un W très anguleux : de presque
toute la France, en juin et juillet, dans les lieux plantés d'ormes, sur
lesquels vit la chenille. — T. acaciœ, Fabr., espèce rare, de la France
centrale et méridionale, des coteaux calcaires, des vignobles, des
Vosges, de la Lozère, des Pyrénées-Orientales, du midi de la Russie, etc.;
elle ressemble en dessus à l'espèce précédente, s'en distinguant par
deux taches fauves chez le mâle, à l'angle anal des ailes inférieures.
2/l0 LÉPIDOPTÈRES.
l'une au-dessus de la queue, et quatre chez la femelle, dont l'anus
offre un bourrelet de poils noirs, etc.
Parmi les Thecla exotiques, il en est un très curieux par ses mœurs
et que nous ne pouvons passer sous silence, c'est le T. hocrates, West-
wood, des Indes orientales, les ailes du mâle d'un brun obscur, bril-
lantes d'un glacis plombé bleuâtre, celles de la femelle bleuâtres à la
base seulement, d'un brun plus fauve, avec une tache fauve centrale
en avant; queues des ailes inférieures, dans les deux sexes, noires puis
blanches au bout, avec deux taches noires à l'angle anal, à la naissance
de la queue, entourées d'une bordure d'écaillés argentées, avec une
ceinture jaune autour des taches chez la femelle; dessous des ailes
d'un gris cendré, avec deux légères bandes plus foncées, l'appendice
anal noir, avec tache d'un bleu argenté. Cette espèce est nuisible par
sa chenille qui détruit les grenadiers en dévorant les graines (1). Les
chenilles vivent à l'intérieur des grenades, au nombre de sept à
huit pour le moins dans chacune; il est probable que la femelle
pond ses œufs sur le fruit encore très jeune. Les chrysalides, d'une
couleur brune, se forment dans le fruit, attachées en dedans contre
la paroi par un lien ceinturai. Les chenilles ont eu l'instinct de
perforer la paroi du fruit de trous 'ovales, par où sortiront les papil-
lons.
Ml'RIHA, Fabr, — Antennes extrêmement grêles, renllées à leur extrémité
en une très petite massue. Palpes grêles, à peu près aussi longs que la tête,
avec leur dernier article ayant la moitié de la longueur du précédent.
Corps assez grêle. Ailes inférieures terminées par deux prolongements caudi-
formes, dont l'externe est souvent plus long que l'aile.
On ne connaît que quelques espèces exotiques de ce genre, dont le
type est le M. Jaffra, Godart, de l'île de Java (pi. i.xxxv, tig. 3 : adulte
de profll en dessous, d'un blanc nacré, la base des ailes inférieures
rosée et trois taches bleues terminales, avant les queues; 3 a, tète vue
de face et antenne : 3 6, id. de profil; 3 c, extrémité de l'antenne; 3 d,
palpe dépouillé de ses écailles; 3 e, patte antérieure.
ÉRYCINIDES.
Antennes longues. Palpes généralement très petits. Ailes infé-
rieures ayant la cellule discoïdale tantôt fermée, tantôt ouverte
ou fermée par une petite nervure récurrente, la gouttière anale
(1) J. 0. Westwood, Some accoimt of the Habits of a East Indian Species of
Butterfly, belonging to the Genus Thecla {Trans. Soc. entom.\of London^ 1837,
II, part. 1, p. 1, pi. i).
ÉHYCIMDES. 261
peu prononcée. Pattes ambulatoires au nombre de quatre ibez
les mâles et presque toujours de six dans les femelles. — Che-
nilles à tête très petite et globuleuse, pubescenles ou hérissées
de poils fins, en ovale allongé, presque onisciformes, à pattes très
courtes. — Chrysalides arrondies et courtes, également hérissées
de poils fins , ressemblant beaucoup pour la forme à celles des
Lycénides, et suspendues comme elles par la queue et par un lien
ceinturai.
Les Érycinides répondent en grande partie à l'ancien genre Enjcina
de Godart {Encycl. méthod., 1819), et presque toutes les espèces de cette
famille, à peu d'exceptions près, habitent l'Amérique, principalement
l'Amérique méridionale.
Les Érycinides sont encore peu étudiés, parce qu'ils n'ont en Europe
qu'une seule espèce. Ils abondent au contraire en Amérique, et
M. C. Bar, de Cayenne {op. cit.), a fait connaître les différences impor-
tantes qu'ils otfrent avec les autres familles de Rhopalocères. Ses carac-
tères sont tirés du port d'ailes pendant le repos et de la locomotion des
adultes. Les Lépidoptères prennent, pendant les heures de la nuit ou
pendant les instants de pluie, une attitude immobile, qui doit être
considérée comme celle du repos, car on ne peut regarder comme
telles les attitudes qu'ils affectent pendant les heures de vagabondage,
dans les temps d'arrêt : pendant ces instants, sous l'exposition d'un
soleil brillant de tout son éclat, l'insecte ouvre et ferme alternative-
ment ses ailes, ce qui est une marque de satisfaction ou de bien-être,
mais ce qui n'est pas le repos. Dans le plus grand nombre des Rhopa-
locères, on s'aperçoit que, pendant le repos, toutes les espèces, sans
exception, tiennent leurs ailes absolument conniventes, dans une atti-
tude perpendiculaire au plan de position, mais plus ou moins inclinées
en arrière. Chez les Érycinides, comme aussi parmi les Hespériens, il
y a une grande diversité dans la manière de poser les ailes au repos, ce
qui correspond à des groupes différents et bien caractérisés : dans les
uns, les' ailes sont dressées et conniventes, comme dans la majorité des
Rhopalocères; dans d'autres, elles sont à demi ouvertes, comme chez
certains Hespériens ; enfin, dans le plus grand nombre, elles sont éten-
dues à plat sur la surface d'appui, comme chez les Phaléniens. Quant
à la locomotion, les Érycinides marchent sur quatre pattes, des paires 2
et 3 dans les mîtles, et sur les six pattes thoraciques dans les femelles.
Aussi M. C. Bar en fait le groupe des Hétéropodes, Guénée, sous le rap-
port de la locomotion, ou des Variables, C. Bar (en y réunissant alors
les Hespériens), au point de vue de la position des ailes pendant le
repos. Ces papillons devraient former une tribu séparée, les Éryci-
niens; nous les laissons à titre de famille dans les Lycéniens, à cause
de leur peu d'importance dans les espèces européennes, qui sont de
beaucoup celles qui intéressent les lecteurs de notre ouvrage élémen-
taire.
GIRARD. m. — 16
2Z|2 LÉPIDOPTÈRES.
H'EIIIEOBIC'S, Stephens, ou Hamearis, Hubner. — Antennes aussi longues que
le corps, non compris la lête, droites, brusquement terminées par un bouton
aplati, presque triangulaire. Palpes courts, droits, ne dépassant pas la têle, à
trois articles distincts, les deux premiers ciliés, le troisième presque nu et subu-
liforme. Yeux oblongs, bordés de blanc comme chez les Lycénides. Thorax très
robuste, plus large que la tête. Ailes arrondies, l'angle apical des supérieures
aigu; crochets du bout des tarses très petits. Abdomen assez long, non entiè-
rement caché par la gouttière peu prononcée des ailes inférieures lorsqu'elles
sont relevées. — Caractères indiqués à la famille pour les chenilles et chry-
salides.
La seule espèce connue de ce genre est d'Europe, de presque toute
la France, surtout centrale et septentrionale, des îles Britanniques, the
Duke of Burgimdy Fritillary, volant en mai, et une seconde fois, moins
communément, en août, dans les forêts humides, principalement dans
les clairières et les taillis, ressemblant beaucoup par ses couleurs à un
Melitœa, mais se rattachant à la tribu des Lycéniens par ses premiers
états et par la manière dont la chenille se métamorphose. C'est le
N. Lucina, Linn., le Fauve à taches blanches d'Engramelle, à ailes d'un
brun fauve, entrecoupées de taches jaunes en séries transversales et de
quelques taches blanches aux ailes supérieures. La chenille se trouve
en juin et en septembre, vivant très cachée sur diverses espèces de
Primevères et de Rumex. Les sujets de la première génération donnent
leurs papillons en août, ceux de la seconde passant l'hiver engourdis,
continuent de croître au printemps, se changeant en chrysalide dans le
courant d'avril, pour donner les adultes de mai. La chenille est de con-
tour elliptique, un peu aplatie, d'un brun roux, couverte de faisceaux de
poils de même couleur, avec une ligne dorsale plus foncée, surchargée
de points noirs, dont un sur chaque anneau ; la tête petite, arrondie et
d'un brun rougeâtre ; les pattes extrêmement courtes et à peine vi-
sibles (pi. Lxxxiv, fîg. 2). La chrysalide, attachée par la queue et par un
lien transversal (fig. 2 a), est jaunâtre, hérissée de longs poils noirâtres
et marquée de nombreux points noirs rangés en cercle, avec les four-
reaux des ailes bordés en noir. Détails de l'adulte : 2 b, tête ; 2 c, palpe
garni de ses poils et palpe dépouillé; 2 d, bouton de l'antenne; 2 e,
patte antérieure; 2 f, patte postérieure.
C'est très près du genre Nemeobius que doit se placer un petit Lépi-
doptère des États-Unis du Sud présentant l'angle apical de l'aile supé-
rieure très aigu, et décrit par Guérin-Méneville sous le nom d'Erycina
Virginiensis, Boisduval (pi. lxxxiv, fig. 1 : 1 a, le même, de profil en
dessous). Le corps et les ailes sont, en dessus, d'un brun ferrugineux,
les quatre ailes couvertes de nombreuses petites taches oblongues et
transversales, formant des bandes sinueuses très irrégulières, avec deux
petites bandes très minces et argentées, près du bord externe. Le des-
sous est d'un jaune un peu orangé, ponctué de noir, avec les deux
ÈUMENIA, PAPILIONIENS. 243
bandes argentées du dessus, mais plus larges, l'interne maculaire; les
antennes sont annelées de noir et de blanc.
EUMEMIA, Godart (syn. EuMŒUS, Hubner). — Antennes longues, à massue
subfiliforme, se renflant peu à peu vers le bout. Ailes parfaitement arrondies,
sans queue.
Le type de ce genre américain est VE. Minyas, Hubner ou E. Minijas^
Blanchard, du Mexique. Nous représentons une belle espèce de la Havane,
E, Atala, Poey, à ailes noires largement teintées d'un riche vert sur le
disque, ainsi que pour les taches du bord terminal des ailes inférieures,
'abdomen d'un rouge orangé, ainsi que la gouttière alaire inférieure
pi. Lxxxiii, fîg. 3:3a, profil en dessous; 3 6, tête; 3 c, antenne).
Un genre voisin, Euryhia, Illiger, est remarquable par les antennes
extrêmement longues et à massue véritablement filiforme, à peitie sen-
sible, les ailes en pointe à l'angle apical des supérieures, à l'angle
inféro-externe des inférieures, rappelant un peu la coupe d'ailes des
Gonepteryx. Nous figurons une espèce de très grande taille pour la
tribu, VE. Carolina, Godart, du Brésil, à corps brun, à ailes brunes
avec nombreuses taches orangées et deux blanches sur le disque
des supérieures (pi. lxxxui, fig. U : h a, tête; U 6, antenne subfili-
foime).
Tribu des PAPIIilOMlE^S.
HEXAPODES.
Certains genres de cette tribu des Papilioniens présentent les Rho-
palocères de la plus grande envergure d'ailes {Ornlthoptera). Les six
pattes sont propres à la marche dans les deux sexes, les antennes très
rapprochées et presque conniventes à la base. Les chenilles sont allon-
gées et cylindroïdes ; les chrysalides, dépourvues de taches métalliques,
sont, outre le lien caudal, attachées en travers du corps par un ou
plusieurs fils qui les fixent, soit contre des feuilles ou des tiges, soit
contre des rochers, des pierres ou des murailles. 11 y a exception pour
,e genre Parnassius.
PIÉRIDES.
Antennes allongées, ou terminées brusquement et en massue, ou
s' épaississant peu à peu jusqu'à l'extrémité Palpes cylindriques, à
articles distincts, hérissés de poils ou finement écailleux. Ailes à cel-
lules discoïdales toujours fermées^ nervure disco-cellulaire supérieure
manquant presque toujours, première nervure discoïdale souvent unie
244 HYMÉNOPTÈRES.
, à la nervure subcostale; bord abdominal des ailes inférieures formant
un canal pour recevoir l'abdomen. Six pattes propres à la marche,
semblables dans les deux sexes; jambes des pattes antérieures ne pré-
sentant pas d'éperon dans leur milieu ; premier article des tarses le
plus long de tous ; ongles bifides, appendiculés. — Chenilles légèrement
pubescentes, atténuées aux deux extrémités, généralement plus grêles
que celles des Papilionides, dont elles ditrùrent surtout par l'absence de
tentacule en Y sur le premier anneau thoracique. — Chrysalides sans
taches métalliques, anguleuses, un peu comprimées, appointées aux
deux extrémités, celles-ci ni bifides ni tronquées.
Le genre Pieris est répandu sur toute la surface du globe, depuis le
cercle arctique jusqu'à l'extrémité sud de l'Afrique et de l'Amérique;
on en trouve aussi dans toute l'AusIralie. Les genres Anthoçharis et
Colias sont presque aussi répandus, mais jusqu'à présent aucun de ces
genres n'a été rencontré en Australie. Le genre Leucophasia paraît
exclusif à l'Europe; le genre Leuconea est d'Europe et de l'Asie centrale;
le genre Goneplenjx ou Rhodocera, avec ses formes variées, existe dans
les deux hémisphères, mais ne se rencontre pas en Australie, et s'étend
en Europe beaucoup plus au nord qu'en Amérique. Les Terias et Cal-
lydrias sont des régions tropicales des deux continents et d'Australie,
les Naihalis exclusifs à l'Amérique, les Eronia à l'Afrique, les genres
Eulerpe et Leptalis appartiennent à l'Amérique tropicale, les Pontia et
Idmais à l'Asie et à l'Afrique tropicales, les Testias et les Iphias à l'Asie
tropicale seulement. Des ressemblances dans la forme du corps et des
ailes et dans leur couleur existent entre certains genres de Piérides et
des espèces de tribus très différentes, ainsi les Terias avec les Lycé-
nides; les Leptalis ont de trè.s grands rapports, peut-être par suite
d'imitation défensive, avec les Héliconides, qui n'ont que quatre pattes
ambulatoires.
GENRES PRINCIPAUX.
AîVTHOrnAniS, Boisduval (syn. Euchloe, Hubn.). — Tête assez forte,
presque aussi large que le corselet. Antennes assez courtes, à tige unicolore,
terminées par une massue ovoïde et comprimée. Palpes assez longs, hérissés
de poils raides, le dernier article grêle et aciculaire ; le reste comme les
Pieris. — Chenilles minces, pubescentes, assez fortement atténuées aux extré-
mités. — Chrysalides arquées, naviculaires, carénées, pointues aux deux bouts,
sans pointes latérales, à abdomen inflexible.
Le genre Anthoçharis renferme une vingtaine d'espèces d'Europe, du
nord de l'Asie, de l'Amérique du Nord, de Californie et de l'Afrique
boréale. C'est dans cette dernière région qu'il est surtout répandu ; il y
en a en Europe une dizaine d'espèces ou races, dont les chenilles vivent
sur les Crucifères et les Capparidées. Le type qui nous annonce le
ANTHOCHARIS. 2^5
retour du printemps, est VA. cardamines, Linn., l'Aurore de Geoffroy,
the Orange-tip des Anglais, qui ont celte espèce, volant en avril et mai,
dans les champs, les prés et les clairières des bois. Le mâle a les ailes
blanches, avec une grande tache aurore au sommet des supérieures,
et un point central noir au-dessous des inférieures, ce dessous d'un
blanc marbré de vert et de jaune; la femelle manque de la tache
aurore, mais a le sommet de l'aile supérieure largement saupoudré de
noirâtre. L'.l. cardamines a offert assez fréquemment des hermaphro-
dites bilatéraux, aisés à reconnaître par la grande diflerence de colora-
tion des deux sexes et la rapidité du vol très diminuée, car les ailes
sont plus grandes du côté femelle. Ainsi M. Bellier de la Chavignerie
(Ann. Soc. entom. Fr., 2'^ série, 1852, t. X, p. 325) a cité un hermaphro-
dite de cette espèce ayant les deux ailes et l'antenne gauche d'un
mâle, les deux ailes droites femelles et plus développées, l'antenne
droite femelle autrement colorée. Auparavant, Al. Lefèvre avait décrit
un hermaphrodite analogue (/l?in. Soc. entom. Fr., 1835, p. I;!i6);de
pareils sujets ont été pris, près de Paris, par Caroff, par M. J. Fallou.
Dans la collection Boisduval se trouvaient des hermaphrodismes aux
trois quarts (trois ailes d'un sexe, une de l'autre) de VA. cardamines et
de l'espèce suivante A. Eupheno, Près de Bordeaux, VA. cardamines
paraît deux fois, d'abord en mars et avril, semblable au type ordi-
naire du nord de la France, puis en juin, et alors remarquable par sa
grande taille et la vivacité de ses couleurs. En Provence, en Langue-
doc, dans la Lozère, les Basses-Alpes, le Var, et, beaucoup plus rare en
individus, en Auvergne, vallée de Fontenat, Royat (très localisée), dans
le Cantal, Murât, vallée de l'Alagnon (Maurice Sand), cette espèce est
remplacée, à la même époque, par une espèce plus petite, A. Eupheno,
Esper., V Aurore de Provence, dont lo mftle a le bout apical de l'aile su-
périeure d'un jaune vif, non orangé, le reste jaune pâle, tandis que cette
aile est blanche chez la femelle, avec une lunule centrale assez grosse,
et l'extrémité jaune divisée par des traits brunâtres. En Espagne, en Al-
gérie, dans l'Asie Mineure, dans la France méridionale et centrale, très
rarement aux environs de Paris, se trouve une espèce dimorphe,
A. Belia, Fabricius, avril et mai, à dessous des ailes inférieures ver-
dàtre, à taches nacrées, et^. Ausonia, Hubner, race d'été, de juillet et
d'août, le dessous des ailes inférieures plus saupoudré de jaune, à
taches blanches plus grandes, sans reflet nacré. Citons, de l'extrême
midi de la France, A. Tagis, Hubner, dont le type est d'Espagne et de
Portugal, var. Bellezina, Boisd. ; A. Belemia, Esper, d'Andalousie, de
Portugal, d'Algérie, d'Egypte; A. Glauce, Hubn., des mêmes ré-
gions, etc.
On a détaché de ce genre le genre Zegris, Rambur, dont la chenille
s'enveloppe d'un réseau soyeux, à la façon des Thaïs et des Parnassius,
l'adulte ayant le corselet robuste et très velu, les antennes courtes, ter-
minées brusquement par une forte massue, ovale et comprimée. La
2Û6 HTMÉNOPTÈRES.
chrysalide, courte, contractée, gibbeuse, étranglée au milieu et avec
une espèce de queue arquée, ressemble beaucoup à celle des Danaïdes
et de quelques Satyres. Le type est le Z. Eupheme, Esper, rare espèce
d'Andalousie et de Crimée, volant en avril, avec une très grande rapi-
dité. Une seconde espèce est Z. Menestho, Menétriès, d'Espagne méridio-
nale.
COlii/tiBi, Fabr. — Tète médiocre. Antennes droites, courtes, se terminant in-
sensiblement en une massue obconique. Yeux nus, assez saillants. Palpes
rapprochés et contigus, comprimés, garnis de poils soyeux, le dernier article
obtus. Corps assez robuste. Prothorax très court. Ailes assez robustes, à cel-
lule discoïditle fermée, les inférieures formant une gouttière qui embrasse
entièrement le dessous du corps. Abdomen un peu plus court que les ailes
inférieures. — Chenilles chagrinées, légèrement pubescentes, un peu atté-
nuées aux deux extrémités. — Chrysalides carénées ou bossues en dessus,
non arquées, dépourvues de pointes latérales, terminées antérieurement en
pointe.
Les Colias sont des papillons assez robustes et dont le vol est vigou-
reux et rapide, habitant les régions tempérées et froides des deux hémi-
sphères, comprenant une quarantaine d'espèces des deux mondes, sauf
l'Australie. Leur taille est moyenne; les ailes inférieures ordinairement
arrondies et les supérieures ayant un point discoïdal noir, visible dessus
et dessous; les secondes ailes ayant un point central orangé en dessus,
ordinairement argenté en dessous; la couleur du fond varie du jaune
pâle au jaune orangé. Boisduval a signalé, comme caractère spéci-
fique des Coliades, une poche ou sac glanduleux que les mâles portent
au bord antérieur des ailes inférieures, contre leur origine; il est très
marqué chez Edusa, petit et lenticulaire chez Myrmidone, nul dans
Hijale et Chrysotheme. Les chenilles vivent en général sur des Légumi-
neuses herbacées. Lors de l'accouplement des Colias, le mâle emporte
la femelle.
Dans les prairies sèches de toute l'Europe, sur les pelouses fleuries,
les trèfles, les luzernes, on voit volera deux époques, mai, puis août et
septembre, deux espèces assez communes, qui sont aussi d'Algérie,
d'Egypte, de Sibérie, du Népaul et du Cachemire. L'une, le Souci de
Geoffroy, C. Edusa, Linn., qui est rare en Angleterre, the Clouded Yellow,
et qui se trouve aussi dans l'Amérique septentrionale et aux îles Cana-
ries, a, chez le mule, les ailes d'un jaune foncé, assombri à la base,
entourées d'une large bordure noire ; chez la femelle, un peu plus
grande, la base des ailes supérieures est plus sablée de brun et la bor-
dure noire a une bande de taches jaunes. Dans les années très chaudes,
des sujets de cette espèce ont une troisième éclosion en octobre. Une
belle variété femelle, de la France méridionale et centrale, très rare
pi'ès de Paris, est Hélice, Hubner, plus grande que le type, ayant le fond
COLIAS, GONEPTERYX. 2/4?
d'un jaune pAle, ainsi que les taches de la bordure. Cette variété est
fréquente dans le Bordelais et les Charentes, à la seconde génération,
et au moins aussi commune que le type près de Saintes. La chenille de
C. Edusa est verte, avec une raie latérale mêlée de blanc et de jaune,
marquée d'un point fauve sur chaque anneau. La chrysalide est verte,
avec une ligne latérale jaune et quelques points ferrugineux. L'autre
espèce répandue est (7. Hyale, Linn., le Soufre d'Engramelle, très rare en
Angleterre et très recherchée des amateurs de ce pays, offrant les ailes
du mâle d'un jaune de soufre, avec une grosse tache noire circulaire à
Textrémité de la cellule discoïdale des ailes supérieures, les inférieures
ayant sur le disque une tache orangée pâle. Les ailes supérieures ont
une large bordure noire, décorée de taches de la couleur du fond, celte
bordure étant courte et étroite aux ailes inférieures, parfois réduite à
une série de taches noires, parfois nulle. Le dessous des ailes infé-
rieures est d'un jaune roussâtre, avec un point géminé argenté et une
série antémarginale de taches rousses. La femelle diffère du mâle en ce
que le fond de sa couleur est d'un jaune très pâle, quelquefois presque
blanc en dessus. Les Anglais appellent cette espèce the Pale Clouded
Yellow. Comme espèces des régions froides, il faut citer C. Phicomone,
Esper, de Sibérie, assez commun en juillet dans les Alpes, et C. Palœno,
Linn., de Suède et de Norvège, du nord de la Russie, des Alpes, des
Pyrénées, des points les plus élevés des Vosges. 11 y a des espèces ou
races de Colias au cercle polaire et au-dessus : ainsi, C. Hecla, Dup.,
d'Islande; C. Boothi^ rapporté par Ross des régions polaires améri-
caines.
GOIl'EPTERYX., Leacli (syn. Khodocera, Boisd.). — Tète petite, enfoncée.
Antennes assez courtes, tronquées, grossissant insensiblement du milieu à
l'extrémité. Yeux nus, peu saillants. Palpes très comprimés, rapprochés, con-
tigus, garnis de poils courts, écailleux, serrés, le dernier article très court,
écailleux. Thorax assez robuste, recouvert de poils fins et soyeux. Ailes assez
fortes, dépourvues de frange, à cellules discoïdales fermées, les supérieures
ayant toujours le sommet terminé par un angle curviligne, les inférieures tantôt
presque arrondies, tantôt munies d'un angle saillant. — Chenilles allongées,
chagrinées, pubescentes, atténuées aux deux bouts, convexes en dessus, plates
en dessous. — Chrysalides bossues, très arquées, ayant la partie alaire très
renflée, fusiformes aux deux extrémités.
Ce genre a de grandes analogies avec des Piérides exotiques, les Cal-
lidrtjas, qui sont des régions intertropicales des deux continents et
vivent sur les Légumineuses arborescentes, surtout les Cassia. Au con-
traire, les chenilles des Goneptenjx se trouvent sur divers arbrisseaux
du genre Hhamnus. La couleur dominante des espèces de ce genre est
le jaune plus ou moins pâle, de couleur plus vive chez les mâles, qui
ont, dans plusieurs espèces, entre le bord costal et la nervure médiane
248 HYMÉNOPTÈRES.
des secondes ailes, un espace glanduleux pulvérulent. Nous avons com-
munément eu France, aux îlesHritanniques, aux îles Canaries, et aussi
en Barbarie et dans le nord de la Californie, le G. rhamni, Linn., le
Citron de Geoffroy, the Brimstone des Anglais, papillon qui paraît au
printemps, puis en été, dans les champs, les jardins, les clairières des
bois. Le mâle (envergure, 50 millimètres) a les antennes roses et les
ailes d'un jaune citron, avec un point orangé sur le disque, plus petit
sur les supérieures; en raison de cette vive couleur, on le reconnaît de
loin au vol. La femelle est pareille, mais d'un blanc verdàtre, qui la
fait appeler Citron vert, par opposition au mâle ou Citron jaune. La
chenille est verte, finement chagrinée de noirâtre, avec une raie laté-
rale blanchâtre ou d'un vert très pâle, fondue supérieurement avec la
teinte générale. La chrysalide est verte, avec quelques points ferrugi-
neux. Les sujets de la seconde génération, ou du moins beaucoup
d'entre eux, hivernent dans les creux d'arbre, entre les pierres, dans
les crevasses des murs, sous les rebords des toits, etc., et on les voit voler
dès les premiers jours de février, dans les jardins, dans les bois encore
entièrement dépourvus de feuilles, s'il fait du soleil. J'ai été témoin, en
mars, de l'accouplement et de ses préludes chez le G. rhamni. Les deux
individus volent longtemps très près et vis-à-vis l'un de l'autre. La
femelle se pose sur les feuilles sèches, tout à fait immobile, les ailes en
toit, plus bas que le corps, relevant la partie anale de l'abdomen. Le
mâle tourne autour, en marchant, en agitant les ailes avec vivacité, et
semble la flairer en divers sens. Parfois il se repose, les ailes dressées,
puis reprend son manège. Ces préludes sont longs. Au reste, ce sont les
mêmes postures que pour les Pieris, pour Leuconea cratœgi, etc. On
pourrait croire que le mâle va se placer de même au-dessus de la
femelle, les corps en position parallèle et directe. Il n'en est rien.
L'accouplement est très long. Les deux sexes restent immobiles, les
ailes pliées parallèles au corps, celles de la femelle emboîtant celles du
mâle, les tê les opposées ou les corps inverses sur la même hgne, les
deux anus au sommet du toit des corps. On peut emporter la plante où
ils s'attachent sans qu'ils bougent. Outre les pays déjà cités par
G. rhamni, il faut joindre l'Asie Mineure, la Perse, le nord de l'Inde et
le Japon.
Dans le midi de la France et en Algérie se trouve une seconde espèce
très voisine, qu'on voit voler en avril et mai, le G. Cleopatra, Linn., à
ailes un peu moins anguleuses, le mâle ayant tout le disque des ailes
supérieures couvert d'une large tache d'un rouge orangé, mal déli-
mitée; on assure que cette poussière orangée répand un parfum très
suave; la femelle offre, sur le vert pâle des ailes, un ton légèrement
carné, qui manque à G. rhamni. Le G. Cleopatra remonte assez haut
dans le sud-ouest de la France, dans le Bordelais, dans les Charentes,
mais rare, ainsi aux environs de Cognac, de Jarnac, de Saintes, etc. On
rencontre cette espèce conjointement avec G. rhamni. Aux îles Cana-
LtUCONKA. ^^9
ries (exploration Webb etBerthelot), le maie de G. Cleopatra a les ailes
antérieures entièrement orangées, et la femelle est tout entière d'un
jaune un peu orangé. Le G. Cleopatra a été trouvé à la fin de juillet,
puis hivernant et reparaissant en mars et avril, dans le Cantal, mais
rare, vallée de l'Alagnon, Murât, Ytrac, Aurillac (Maurice Sand), et
aussi aux environs de Lyon (P. Millière). On a cité, dans cette espèce,
des cas d'hermaphrodisme partiel. A Digne, on trouve à la fois, en égale
quantité, G. rhamni et G. Cleopatra; à Lure, on trouve seulement
G. Cleopatra, avec des milles entièrement jaunes en dessus, ce qui n'a
pas lieu pour ceux de Digne (Bellicr de la Chavignerie).
Les Gonepteryx ne comptent que cinq espèces qui sont d'Europe et de
diverses régions de l'Asie, du Mexique, de la Floride, de Californie, des
Antilles, du Venezuela, de Madère, des îles Canaries.
LEIICOU'EA, Duponcliel (syii. Aporia, Hubner). — Antennes presque aussi
longues que le corps, à tige entièrement noire, terminées par une massue fnsi-
forme ; les quatre ailes à larges nervures, arrondies et sans frange, les deux
tiers antérieurs des supérieures presque dégarnis d'écaillés et à demi transpa-
rents cliez la femelle. — Chenilles sociales et des arbres, velues sur le dos. —
Chrysalides à angles arrondis, terminées antérieurement par une pointe
mousse.
Les espèces de ce genre, d'Europe et d'Asie, établissent un passage
des Pieris aux Parnassius, par la forme et la dénudation des ailes. Le
type est L. cratœgi, Linn., le Gazé de Geoffroy, grand papillon blanc à
fortes nervures noires, nommé, pour cette raison, en Angleterre, the
Black-veined White. La chenille noire, dans le premier âge, se garnit
ensuite de poils jaunes et blancs, courts, implantés directement sur la
peau, et entre lesquels on voit trois lignes noires longitudinales ; les
poils du ventre sont grisâtres et plus longs que ceux du dos. Chrysa-
lide jaune ou blanche et quelquefois de ces deux couleurs, avec de
petites raies et des points noirs. Au contraire du genre Pieris, la
femelle du Gazé (1) emporte le mâle lors de l'accouplement. Un autre
bon caractère qui motive la séparation générique, c'est le mode de vie
des chenilles, non sur les plantes basses, mais sur l'Aubépine, le Pru-
nellier, le Cerisier odorant et divers arbres fruitiers. Les jeunes che-
nilles passent l'hiver sous des toiles communes, avec des petites cases
individuelles ; on recommande avec soin de flamber ces toiles en hiver.
En effet, les chenilles en sortent au printemps et rongent les bour-
geons, ce qui cause de grands dommages. Aussi Linnœus appelle l'es-
pèce fléau des jardins, hortarum pestis. L'adulte paraît en juillet et n'a
qu'une génération. 11 est très commun dans toute la France, des champs
(1) Donzel, Observations sur l'accouplement de quelques genres de Lépidop~
ières diurnes i^Ann, Soc. entom. de Fr., 1837, t. VI, p. 77).
250 LÉPIDOPTÈRES,
et jardins. L'espace est si abondante dans la Sibérie méridionale, que,
au dire de l'allas, on croirait voir en l'air des flocons de neige quand
elle vole. Elle est aussi de l'Amérique boréale et occidentale. Près de
Pékin, il y a une race ou une espèce voisine, à taille plus grande, avec
les nervures noires plus épaisses et le dessous des ailes saupoudrées de
jaunâtre,
l^1&MJCOPH.%.SIA, Stephens. — Tête assez grosse. Antennes assez courtes, ter-
minées par un bouton ovale et aplati. Palpes écartés et peu velus. Ailes oblon-
gues, minces et étroites, la cellule discoïdale des inférieures situé tout à fait à
leur base. Abdomen grêle, linéaire, beaucoup plus long que les ailes inférieures.
— Chenilles très fortement pubescentes, effilées, assez fortement atténuées aux
extrémités, — Chrysalides anguleuses, non arquées, à segments mobiles.
Ce genre est constitué par un Lépidoptère d'une grande partie de
l'Europe et qui n'est nulle part très abondant. 11 paraît en mai, puis
en août. Le L. sinapis, Linn., le Blanc de lait d'Engramelle , the Wood
White des Anglais, parcourt les allées des bois d'un vol incertain et va-
cillant ; très reconnaissable à sa couleur, à ses formes grêles, à son long
abdomen, qui n'a guère qu'un millimètre d'épaisseur. La chenille se
nourrit de Légumineuses silvestres , Vicia, Lotus, Lathyriis , Orobus ;
elle est verte, avec le vaisseau dorsal un peu plus obscur et une raie
latérale jaune située au-dessus des pattes. La chrysalide est d'abord
d'un vert jaunâtre, puis d'un gris blanchâtre, a\ec des traits roux ou
ferrugineux sur les côtés et sur les fourreaux des ailes. L'adulte type,
de 38 millimètres d'envergure, a les ailes minces, d'un blanc de lait, le
sommet des supérieures orné d'une tâche arrondie noirâtre, moins
marquée d'ordinaire chez la femelle, le dessous des inférieures d'un
blanc jaunâtre, avec deux bandes d'un gris cendré. Il y a des races sur
lesquelles régnent certaines incertitudes. On rencontre près de Paris
Erysimi, Borkhausen, dont la femelle manque de la tache apicale noire,
et Diniemis, Boisd., ayant le dessons des ailes inférieures blanc et sans
taches. D'après M. Bellier de la Chavignerie, les deux générations an-
nuelles de L. sinapis donnent en France des sujets pareils, tandis qu'en
Corse, où l'espèce a aussi deux générations, la première éclosion res-
semble beaucoup à celle du continent, mais dans la seconde , les mâles,
tout blancs, sont de la variété Erysimi, et les femelles de la variété Di-
yvietisis, blanches en dessous, mais avec bout de l'aile supérieure noir. A
Digne, d'après le même entomologiste, on trouve L. sinapis et var. Di-
niensis, k dessous sans aucun dessin , tandis que le dessus est tantôt
tout blanc, tantôt comme dans le type ordinaire. En mai et juin j'ai pris
à Armainvilliers L. sinapis, type de première éclosion , avec dessous
verdâtre et du noir aux ailes supérieures, et ce type a tous les passages
avec Erysimi, blanc en dessus et parfois en dessous, et qui n'est incon-
testablement qu'une variété , offrant les deux sexes. J'ai capturé, au
LEUCOPHASIA, PIERIS. 251
commencement de juillet, dans la même localité, Diniensis, qui venait
d'éclore, avec le dessous blanc, la tache noire très foncée aux ailes su-
périeures, pareille aux sujets pris à Florac (Lozère) par M. J. Fallou, à
la fin de juin, dans la première quinzaine de juillet. M. Guenée regarde
Diniensis à tache noire des ailes supérieures foncée et à dessous des ailes
inférieures jaune, presque sans bandes d'atomes gris, comme n'étant
qu'une variété estivale de smapis et avec des passages. Il reste à savoir si
c'est bien une race constante de seconde éclosion ou une autre espèce
très voisine, ou si cette forme ne comporte que des femelles (Rellier).
On signale encore chez L. sinapis une variété du nord de l'Asie, dite
Amurensis, du bassin du fleuve Amour. Enfin il y a une race rare , mé-
ridionale et très localisée, que la plupart des auteurs regardent comme
une espèce distincte: c'est L. lathyri, Hubner, de Provence, du Lan-
guedoc, de la Lozère; les ailes supérieures, coupées plus carrément,
ont la tache apicale bien plus grande et triangulaire , le dessous
des ailes inférieures d'un gris cendré et décoré de deux taches
blanches.
PlERl^i, Schrank. — Tête courte. Antennes longues ou moyennes, à massue
piriforme. Yeux nus, médiocres. Palpes grêles , tiérissés de poils raides peu
serrés, le dernier article en pointe. Ailes médiocrement robustes, à cellule dis-
coïdale fermée ; les inférieures embrassant plus ou moins le dessous de l'abdo-
men. Abdomen peu robuste, un peu plus court que les ailes inférieures. —
Chenilles cylindroïdes , allongées, pubescentes , à tête petite et arrondie, mar-
quées de raies longitudinales et munies de petits granules plus ou moins vi-
sibles. — Chrysalides anguleuses, terminées antérieurement par une seule
pointe plus ou moins longue, tantôt presque lisses, tantôt armées de tubercules
plus ou moins aigus, attachées, sous toutes sortes d'inclinaisons, par la queue
et par un lien transversal.
Les espèces du genre Pieris sont très nombreuses, environ cent qua-
rante, et de toute la terre, moins toutefois en Amérique que dans l'an-
cien monde, dont les régions intertropicales, ainsi que l'Australie, nour-
rissent les plus remarquables espèces. La couleur dominante est le
blanc plus ou moins pur, presque toujours avec une bordure noire, plus
ou moins large. 11 en est de jaunes ou d'orangées, de noirâtres ou bleuâ-
tres ; le dessous diffère ordinairement beaucoup du dessus et a parfois
des teintes vives. Les différences sexuelles sont tantôt faibles, tantôt
très prononcées. Les chenilles connues vivent sur les Crucifères, les
Résédacées, les Tropéolées et les Capparidées. Dans l'accouplement
des Pieris, le mâle emporte la femelle.
Les espèces d'Europe ont les antennes à articles bien nets, annelées
de noir et de blanc. La plus grande est le P. brassicœ, Linn., le Grand
Papillon blanc du chou, de Geoffroy, de 65 millimètres d'envergure. Les
ailes du mâle sont blanches, un peu obscurcies à la base et à la côte,
252 LÉPIDOPTÈnES.
avec l'angle apical largement noir, les inférieures avec une tache noire
au bord interne et d'un jaune sablé de noir en dessous, ainsi qu'à l'an-
gle apical du dessous de l'aile supérieure. La femelle est pareille, mais
avec deux grosses taches noires au milieu de l'aile supérieure et une
raie noire au bord interne. Elle pond une quantité considérable d'œui's
obtus, rassemblés en petits tas perpendiculaires aux feuilles. La chenille,
d'un jaune un peu verdAire , à tête bleue , piquée de noir, offre trois
raies jaunes longitudinales, séparées par de petits tubercules noirs, don-
nant naissance chacun à un poil blanchâtre (pi. lxxx, fig. 2). Elle ta-
pisse de soie la place où elle veut se fixer, et se change en une
chrysalide (fig. '2 a) d'un cendré blanchâtre, tachetée de noir et de jau-
nâtre. Les chenilles vivent en petits groupes sur les Capucines, les Câ-
priers et toutes les Crucifères , surtout les Choux cultivés dans les pota-
gers, ce qui les rend très nuisibles par leur abondance et leur voracité.
Il faut écheniller avec soin et ne pas craindre de chasser au filet les
adultes dans les jardins et les écraser. Au moment de la nympho=e, les
chenilles, bien que lentes dans leurs mouvements, se dispersent, ef, de-
venant vagabondes, établissent leurs chrysalides sur les supports et sur
les murs, souvent très éloignés. J'ai vu de ces chrysalides au haut des
cheminées d'une maison à trois étages. L'adulte a deux générations:
l'une en mai et juin , l'autre en août et septembre. Pendant toute la
belle saison, on voit voler ces grands papillons blancs dans toute l'Eu-
rope, rÉgypte, la bordure septentrionale de l'Afrique, la Sibérie, le
Népaul, le Cachemire et le Japon. L'espèce porte, dans les îles Britan-
niques, le nom de the Great While Cabbage. Nos meilleurs auxiliaires,
contre cette funeste engeance, sont les entomophages, surtout Vlchneii-
mon à coton jaune, de Geoffroy {Microgaster glomeratus, Linn.), qui pique
la plupart des chenilles, et sans lequel nous ne mangerions pas de choux
en certaines années. On voit sortir les larves de la chenille émaciée et
qui meurt bientôt, et elles font, contre son corps même, leur amas de
petits cocons soyeux, d'un jaune vif, qu'il faut bien recommander aux
jardiniers de ne pas détruire. Une seconde espèce , plus petite , aussi
très commune, des deux mêmes époques d'apparition, est le Petit Papil-
lon blanc du chou, de Geoffroy, le P. rapœ, Linn., des mêmes couleurs
et taches que l'espèce précédente dans les deux sexes, l'angle apical
moins fortement noir, le mâle ayant parfois deux taches noires sur les
ailes supérieures. L'espèce est de toute l'Europe, de la Sibérie, des en-
virons de Pékin et des rives de l'Amour, d'Asie Mineure, du Cachemire,
d'Egypte et de la côte de Barbarie. Importée accidentellement, il y a
peu d'années, dans l'Amérique du Nord, elle a été bientôt envahie par
le jaune et constitue une race remarquable (S. H. Scudder). La che-
nille est verte, pubescente, avec trois lignes jaunes, dont une dorsale
et une de chaque côté, souvent un peu interrompue au-dessus des
pattes. Elle vit sur le Chou, le Navet, le Réséda , la Capucine , mais n'y
fait que de médiocres dégâts , car elle est solitaire et peu vorace; elle
PiERis. 253
s'introduit dans l'intérieur de ces végétaux, ce qui l'a fait appeler Ver du
cœur. La chrysalide est d'un cendré plus ou moins pâle, ponctuée de
noir et souvent lavée d'incarnat. On nomme cette espèce , dans les îles
Britanniques; i/ie Siiiall Wliite Cabbage.
Les espèces suivantes ne sont pas nuisibles: ainsi, P. napi, Linn., le
Papillon blanc veiné de vert de Geoffroy, the Green-veined White des An-
glais, volant dans les prairies et sur les lisières des bois, analogue à
l'espèce précédente, mais ayant le dessous des ailes inférieures d'un
Jaune pâle, avec les veines d'un noir verdâtre couvrant les nervures, et
cela dans les deux sexes; la chenille vit sur les Crucifères des bois et
aussi des jardins ; deux éclosions, au printemps et en l'été , cette der-
nière donnant la variété napeœ, Esper, dont le dessous des ailes infé-
rieures n'a plus que quelques veines courtes et noirâtres, les bandes
vertes étant peu apparentes, comme effacées. Peut-être y a-t-il là une
seconde espèce, car un amateur rapporte avoir placé sous treillage des
P. napi de printemps, et avoir obtenu sur des Choux des œufs d'où sont
écloses des chenilles; les chrysalides issues de ces chenilles n'ont pas
donné leur papillon en été , mais au printemps suivant, et c'est le
P. napi, à bandes bien vertes, et non P. napeœ, à bandes verdâtres très
effacées.— P. napi, importé accidentellement, par transport de plantes
vivantes, aux États-Unis, y est devenu jaune comme P. rapœ ; var. fe-
melle bryoniœ, Oclis, des montagnes, dont quelques auteurs font une
espèce, de coloration jaunâtre obscure, avec les nervures noirâtres dila-
tées en dessus. — P. jDa/)/ù/(!ce, Linn., le Papillon blanc marbré de vert
d'Engramelle, d'après la couleur des ailes inférieures en dessous , exis-
tant dans les îles lîritanniques , the Grcen-chetered White, bien moins
commun partout que les espèces précédentes, des Thlaspis et Ré-
sédas sauvages, en avril et mai, puis en juillet, de France et d'une
partie de l'Europe, de Barbarie, d'Asie Mineure , des environs de Pékin
et des bords du fleuve Amour, du Cachemire, des îles Canaries, par-
courant d'un vol rapide les lieux sablonneux et les prairies sèches;
en Algérie, P. Daplidice présente les taches noires des ailes bien
moins fortement marquées que chez les individus qui habitent l'Eu-
rope. — P. Callidice, Esper, des hautes montagnes, près des neiges
éternelles, la chenille sur de petites Crucifères acaules. Nous repré-
sentons (pi. XXX, fig. 1 et la, tête de profil) une belle espèce de
Pieris, des îles Sondaïques et des Indes méridionales, P. Nero, Fabr.,
du genre actuel Tachyris, Wallace, espèce en entier d'un riche
rouge orangé en dessus, avec la gouttière abdominale des ailes infé-
rieures jaunes.
C'est probablement non loin du genre Pieris que viendra se placer
une espèce encore imparfaitement connue, très curieuse parce que les
chenilles se filent un nid soyeux en commun, fait anormal chez les
Rhopalocères, existant aussi dans le genre Brassolis, mais que nous
retrouverons surtout chez un certain nombre de Bombyciens, dans les
254 HYMÉNOPTÈRES.
Hétéroccres. Un de ces nids, trouvé aux environs de Mexico (1), pré-
sente à peu près huit pouces de long, attaché à une branche par un
large anneau plat suivi d'un pédicule ; c'est une poche, parcheminée
d'aspect et de couleur, ayant l'apparence d'un nid de Guêpe cartonnière,
formé d'un nombre considérable de très fins filsde soie accolés et de même
direction. A l'intérieur et pendues par la queue étaient les chrysalides
d'une espèce sociale de Rhopalocères, offrant les fourreaux alaires très
saillants. On a reconnu, en ouvrant une de ces chrysalides, les antennes
d'un Diurne, avec la massue se renflant peu à peu et les pattes anté
rieures très complètes. On ne connaît pas les chenilles sociales qui ont
filé ce nid en commun. M. Wetswood a appelé l'espèce Euclieira socia-
lis, à cause de la perfection des tarses de toutes les pattes, à ongles
bifides et allongés, ces tarses munis d'une grande pelote centrale et de
deux appendices latéraux membraneux.
PAPILIONIDES.
Bord abdominal des ailes inférieures concave et replié en dessus
laissant l'abdomen entièrement libre; cellule discoïdale fermée; cro-
chets des tarses simples, -r- Chenilles ayant le premier anneau tou-
jours pourvu d'un tentacule charnu, rétractile, en forme d'Y, la
tête assez petite et arrondie. Les unes sont cylindroïdes et lisses;
d'autres ont des prolongements charnus assez allonges, ou des mame-
lons velus. — Les chrysalides sont plus ou moins anguleuses antérieure-
ment, puis grosses et arquées, ou bien conoïdes et effilées, la tête tantôt
carrée, tantôt bifide, parfois tronquée.
GENRES PRINCIPAUX.
THAI)^, Fabr. — Tête assez petite. Antennes assez courtes, terminées par une
massue un peu arquée de bas en haut. Yeux médiocres. Palpes droits, velus,
dépassant notablement la tête, offrant trois articles distincts et subégaux. Ailes
peu robustes, à nervures peu saillantes, dentelées, à fond jaune, sur lequel se
détachent de nombreuses taches noires et rouges, avec une ligne noirâtre en
feston, les inférieures à bord interne un peu replié en dessus, dégageant bien
l'abdomen. Corps peu robuste. — Chenilles cylindroïdes et courtes, avec tenta-
cule charnu en Y au premier anneau, chargées d'épines charnues, hérissées à
l'extrémité de petits poils raides; tête assez petite, arrondie, comprimée en
avant. — Chrysalides effilées, coniques, anguleuses antérieurement, à tête tron-
quée en biseau.
(1) J. 0. Westwood, Description of the Nest o, a gregarious species of But-
erfly from Mexico {Trati-s. Soc. entom. of Lo>ido?i, 183/i-1836, t. 1, p. 38, pi. vi
part. 1). •
thaïs, PARNASSIUS. 255
Le genre Thaïs, formé de peu d'espèces, est essentiellement méditer-
ranéen, c'est-à-dire du midi de rf]urope, du nord de l'Afrique et de
l'Asie Mineure. Les chenilles vivent soit solitaires, soit par petits
groupes, sur les Aristoloches, et, outre la suspension normale des Papi-
lionides, s'entourent d'un léger tissu de soie. Dans l'accouplement des
Thaïs, la femelle emporte le mâle. La synonymie des espùces et de
leurs variétés est difficile Nous représentons (pi. lxxxv, fig. h : à a, sa
tète) le T. Cerisyi, God., de l'Asie Mineure, de la Grèce, des îles de
l'Archipel. L'espèce la plus répandue en France est le T. Medesïcaste,
jUiger, variété de T. Rumina, Linn. ou de T Hijpsiptjle, Fabr., qui est
plus particulièrement du sud-est de l'Europe. Le T. Medesicaste, de
k5 millimètres d'envergure, a les ailes un peu arrondies, d'un beau
jaune, les supérieures à bord marginal noir, divisé par des lunules
jaunes, les inférieures avec la bordure marginale noire, formant deux
lignes parallèles, surmontées d'un rang de taches rouges, beaucoup de
taches noires et rouges sur les quatre ailes, deux ou trois taches blanches
apicales sur les supérieures. On voit voler cette espèce en mai et juin:
Languedoc, Provence, Lozère, Dauphiné, Basses-Alpes. Les chrysalides
mettent quelquefois deux ans à éclore ; près de Digne, la très rare
aberration, Honnorati, Boisduval. Aux environs d'Hyôres, en mars et
avril, r. Cassandra, Hubner, variété de T. Polyxena, du midi de l'Au-
triche. Les Thaïs manquent en Corse, où abondent cependant les Ari-
stoloches.
Le genre Doritis fait le passage entre les Thaïs et les Parnassius. Les
antennes en massue arquée et l'abdomen de la femelle, sans poche
cornée en dessous, rappellent les Thaïs, tandis que les palpes, la tex-
ture, le dessin, la forme des ailes sont analogues aux Parnassius. Une
seule espèce, D. Apollïna, Boisduval, de l'Asie Mineure et aussi de quel-
ques îles de l'Archipel grec, ce qui la fait rentrer, pour les collection-
neurs, dans la faune européenne.
PARUASSIUS, Latr. (syn Doritis, Fabr., Ochs.). — Tête assez petite. Antennes
courtes, terminées par une massue droite, allongée et ovoïde. Yeux médiocres
et peu saillants. Palpes plus longs que la tète, s'élevaul au delii du front, hérissés
de poils longs et fins, formés de trois articles distincts et subégaux. Ailes par-
cheminées à nervures assez saillantes, à contours arrondis, non dentés, presque
dénudées d'écaillés en dessous et vers le sommet en dessus, les inférieures
laissant l'abdomen entièrement libre. Corps épais et velu, l'abdomen des femelles
muni en dessous, à l'extrémité, d'une poche cornée, d'usage inconnu. — Che.
nilles lisses, épaisses, cylindroïdes, à premier segment avec tentacule charnu
en Y, munis de petits mamelons un peu velus. — Chrysalides conoïdes, sau-
poudrées d'une efflorescence céreuse bleuâtre, enveloppées, entre les feuilles
d*un léger tissu de soie et maintenues par quelques fils transverses.
Ce genre, extrêmement remarquable par les grandes ailes blan-
256 LÉPIDOPTÈRES.
cMires, ocellées, demi-transparentes, est composé d'un petit nombre
d'espèces propres aux régions froides, soit boréales, soit des montagnes
hautes et moyennes, d'Europe, de Sibérie et du Kamtschatka, de l'Hi-
malaya, du Labrador et des montagnes Rocheuses de l'Amérique du
Nord. L'espèce type est le /'. ApoUo, Linn., l'Apollon d'Engramelle, le
Papillon des Alpes, répandu en France dans les Alpes, les Pyrénées, les
Cévennes, les causses de la Lozère, le Jura, l'Auvergne, Mont-Dore,
Gravenoire, puy de Pariou, à Murât, dans le Cantal, certains points des
Vosges, s'étendant jusqu'au Doubs et à la haute Alsace, pris en sujets
égarés en Belgique, dans Saône-et-Loire, etc. 11 se trouve aussi en
Sibérie, dans les Carpathes et les Alpes Scandinaves, et vole en plaine
dans les parties les plus septentrionales de la Suède et de la Norvège.
La chenille se trouve sur les Crassulacées (Saxifraga et Sedum). D'une
envergure de 80 millimètres, l'Apollon se distingue par ses ailes blan-
châtres, à nombreux atomes noirs, avec trois grandes taches noires près
de la cote des supérieures, la tache externe dédoublée et ornée de
rouge, une grande tache noire infradiscoïdale, les inférieures à base
largement noircie avec un grand œil à pupille rouge bordée de noir, la
femelle plus grande, à taches noires plus fortes, avec la poche cornée
sous-abdominale brune, recourbée en dedans à son extrémité. La che-
nille est épaisse, d'un noir velouté, avec des points orangés et des ma-
melons bleuâtres. Une espèce analogue, plus petite et plus rare, est le
P. Délias, Esper, syn. Phœbus, Hubner, God. (pi. lxxxv, tîg. 3, en
dessous et de profil; 3 a, une des pattes avec les crochets des tarses).
Ailes blanches, les supérieures avec trois taches noires à la côte,
l'externe divisée en deux, marquée supérieurement d'un point rouge,
avec une bande courte antémarginale d'atomes noirs, les inférieures
avec deux ocelles sur le disque bordés de rouge et de noir, et, dans le
noir de la base, deux ou quatre petites taches rouges bordées de noir;
femelle avec le noir plus marqué et les taches plus grandes, la poche
abdominale comme chez VApollon, mais offrant une carène plus pro-
noncée et plus tranchante : en juillet, des Alpes de Suisse, de Savoie,
d'Italie, des Basses-Alpes; aussi de Sibérie et du Kamtschatka. On ren-
contre encore, en juin et juillet, mais plus rarement que l'Apollon, dans
les Alpes, les Pyrénées, les causses de la Lozère, au Mont-Dore, en
Auvergne, mais rare, aussi rochers et plateaux du Capucin, le P. Mne-
mosyne, Linn., de 60 millimètres d'envergure, à antennes noires; ailes
blanches, avec de fines nervures noires, les supérieures ornées de deux
taches noires dans la cellule discoïdale, transparentes à l'extrémité, les
inférieures avec le bord interne pointillé de noirâtre et une tache dis-
coïdale noire, manquant quelquefois; femelle semblable au mâle, mais
un peu plus obscurcie, avec une grande poche cornée sous le bout do
l'abdomen, blanchâtre, très saillante. En Californie, on trouve le
P. Nomion, pareil à celui de Sibérie et du nord de la Chine, le P. Cla-
rius, à très peu près semblable à celui de l'Altaï, et le P. Smintheus, la
PAPILlO. !:'57
plus petite espèce connue du genre Parnassius, à peine de la taille de
Pieris brassicœ.
PAPBLio, Linn. — Tête grosse. Antennes assez allongées, renflées à leur extré-
mité en une massue arquée de bas en haut. Yeux grands, saillants. Palpes
labiaux très courts, ne dépassant pas les yeux, fortement appliqués sur le front, à
articles très peu distincts, le troisième invisible. Ailes à nervures saillantes, les
inférieures à bord extérieur plus ou moins denté, souvent terminé par une
queue. Abdomen assez gros, médiocrement allongé. — Chenilles à tête assez
petite et arrondie, épaisses, en général, cylindroïdes ou amincies antérieurement ;
corps ou glabre ou muni de prolongements charnus plus ou moins allongés. — -
Chrysalides sans taches métalliques, médiocrement anguleuses, tantôt presque
droites, tantôt fortement arquées, avec les bords latéraux parallèles ou com-
primés, garnies de crêtes régulières; quelques-unes cornées sur la partie dor-
sale ; tête tantôt carrée, tantôt bifide, quelquefois tronquée.
Le genre Papilio compte environ trois cents espèces, des régions
tempérées et chaudes de la terre, répandues à peu près également
dans les deux hémisphères. Les queues dont sont presque toujours
pourvues les ailes inférieures et leur forte taille les firent appeler
Grands porte-queues par les anciens auteurs, et, d'après les taches du
thorax, Linnseus les divisait, d'une manière assez bizarre, en Chevaliers
Grecs et Chevaliers Troyens, les seconds à thorax noir avec des taches
rouges, les premiers à thorax sans tache, mais portant un œil ou une
tache ocellée vers l'angle inférieur des ailes de la seconde paire (ainsi
nos P. Machaon et Podalirius). Si certaines de leurs chenilles sont
sociales jusqu'à la nymphose, la plupart vivent solitaires. Les unes
sont cylindroïdes et entièrement lisses (^ainsi celle de P. Machaon), les
autres ont des prolongements charnus assez allongés; chez un certain
nombre les deux premiers anneaux sont amincis et peuvent se retirer
sous le troisième et le quatrième, qui sont renflés et souvent ornés de
taches oculiformes, disposition analogue à celle des chenilles de Chœro-
compa (Sphingiens); d'autres sont raccourcies et pourvues de plusieurs
pointes charnues assez courtes; enfin il en est qui ont quelque ressem-
blance de forme avec des Limaces. Ces chenilles vivent sur des plantes
très différentes; mais, en général, les espèces dont les adultes forment
un petit groupe naturel se nourrissent de végétaux de la même fa-
mille. Les plantes préférées sont les Ombellifères, les Drupacées, les
Malvacées, les Laurinécs, certaines Anonées et Aristoloches, et surtout
les Auranliacées jDour les espèces tropicales.
Il y a dans les régions tempérées de l'ancien monde, et en particulier
de toute l'Europe, deux espèces fondamentales, de deux types diffé-
rents. L'une est le P. Podalirius, Linn., le Flambé de Geoffroy, qui
manque dans les îles Britanniques et qui est rare en Belgique et
dans l'extrême nord de la France : envergure allant à 75 millimètres,
GIRARD, ni. — 17
258 LÉPIDOPTÈRES.
fond des ailes d'un jaune pâle, avec des bandes noires transverses, à
peu près parallèles au corps, simulant des flammes ; les ailes inférieures
avec deux lignes noires, l'une au milieu, l'autre au bord interne, se
réunissant à la rencontre d'une tache oculaire noire, bleue et ferru-
gineuse; leur bord interne est noirâtre, avec quatre lunules bleues,
les queues noires, avec l'extrémité jaune. De toute l'Europe tempérée
et chaude, des champs et jardins; n'est jamais trùs commun. Dans
l'extrême midi de l'Europe (Pyrénées-Orientales, en France), dans le nord
de l'Afrique et l'Asie Mineure, on trouve, outre le type, une race di(e
Feisthameli, Duponchel, à fond plus blanc, à •lâches ocellées plus nettes,
avec la côte des ailes supérieures et les échancrures des ailes infé-
rieures jaunes,, et du jaune entre les flammes noires. La chrysalide du
Podalire est roussâlre, un peu arquée, à tête un peu bifide; la chenille
est, lisse, renflée en avant, atténuée en arrière, variant du vert gai au
jaune roussAtrc, avec les teintes intermédiaires ; elle vit sur beaucoup
d'arbres et d'arbustes à fruits à noyau, prunellier, pêcher, abricotier,
amandier, et aussi sur le berbéris et l'aubépine. II paraît en mai, puis
en juillet et août. L'Europe a encore trois autres espèces de Papilio,
formant un petit groupe naturel, se nourrissant en chenille d'Ombelli-
fères. La plus répandue est le P. Machaon, Linn., un peu plus grand
que le précédent, le Grand Porte-queue d'Engramelle, le Machaon, le
seul Papilio des îles Britanniques {the Swallow-tailed), bien plus com-
mun que le précédent, ayant aussi deux générations, les chrysalides de
la seconde passant l'hiver. Les ailes sont d'un jaune soufre, à nervures
noires. Les supérieures ont trois grandes taches noires à la côte et une
large bande noire au bord externe, divisée par une série de huit taches
jaunes; ailes inférieures offrant aussi au bord externe une bande noire,
celle-ci ornée de taches bleues, l'angle anal décoré d'une tache d'un
fauve rouge, surmontée d'un croissant d'un violet blanchâtre, les
queues noires à l'extrémité. La chenille vit en mai et septembre sur les
Ombellifères, principalement le fenouil et la carotte. Lente dans ses
mouvements et à découvert, comme celle du Flambé, il est facile de la
trouver en plein jour, car elle tranche vivement sur la sombre verdure
des carottes, par ses anneaux d'un joli vert, avec des bandes d'un noir
de velours et des points d'un rouge fauve (pi. lxxxv, fig. 2:2a, sa tête
avec les appendices qui en sortent dès qu'on la touche, en forme de
caroncule orangée, molle et charnue, d'une odeur pénétrante et fétide) ;
de même pour la chenille du Flambé. La chrysalide, suspendue et
ceinturée (fig. 2 h), est tantôt veite, tantôt grisâtre, avec une bande
latérale jaune souvent peu marquée. Le Machaon, comme le Flambé,
a le vol rapide et soutenu, il se trouve dans toute TEuropc, sauf le nord
extrême, aux îles Canaries, en Sibérie, en Egypte et dans tout le nord
de l'Afrique, en Syrie, au Népaul et dans la vallée de Cachemire, aux
îles Canaries. En Algérie, le Machaon est plus petit qu'en France, offre
le jaune plus foncé et les parties noires plus intenses et plus larges, les
PAPJLIO. 259
taches bleues plus grandes aux ailes inférieures. Il y a passage à la
variété Sphyrus, de Calabre et de Sicile, à maculatures noires très
fortes ; la Corse et la Sardaigne ont aussi de ces passages. Les sujets de
printemps sont toujours à fond jaune soufre, ceux d'été (juillet et
août) sont généralement plus jaunes et parfois d'un jaune ocreux, sur-
tout dans les années sèches et chaudes; c'est un effet d'insolation, car
les Machaons, dans les cadres longtemps exposés à la lumière solaire,
prennent cette teinte ocracée. Les mAles éclosent, comme d'usage, un
peu avant les femelles ; un mâle se poste sur un épi, près d'une lu-
zerne, guettant les femelles, qui, aussitôt nées, viendront butiner le
nectar sur la luzerne. Il reste immobile, les ailes tournées au soleil. Si
un autre mâle vient dans le voisinage, il y a un combat acharné ; les
deux mâles s'élèvent à perte de vue dans les airs; puis, l'ancien mâle,
ayant expulsé l'autre, revient se placer sur le môme épi. Quand une
femelle paraît, il se précipite dessus, la renverse sur le sol les ailes
étalées et la copule.
L'Europe présente encore deux autres espèces du genre Papilio, tou-
jours à fond jaune avec dessins noirs. L'une, rare et très localisée, de
Corse et de Sardaigne, ressemble au Machaon, qui coexiste, au reste,
avec elle. Cette espèce insulaire présente la taille plus petite et plus de
noir: c'est P. Hospiton, Gêné, sa chenille ayant des pointes et vivant
exclusivement et en petites familles sur la Ferula communis. M. Bellier
de la Chavignerie a trouvé, au début du printemps, un exemplaire de
P. Hospiton, à taches noires très prononcées et envahissantes, analogue
à la variété Sphyrus de P. Machaon. L'autre espèce, le P. Alexanor,
Esper, participe des P. Podalirius et Machaon. 11 a la bordure noire du
Machaon, avec deux taches noires allongées aux ailes antérieures et
une longue flamme noire parallèle au corps, près de la base de ces
ailes, et se prolongeant sur les inférieures. On le trouve en France,
dans les Hautes et Basses-Alpes, dans les montagnes, principalement
près de Digne, très rare près de Barcelonnette en juin, à la montagne
de Sermur (Creuse), mais rare, en juin et juillet, et aussi en Dalmatie
et en Morée. La chenille vit sur le Seseli montanum, et la chrysalide,
d'un gris cendré uniforme, passe l'automne et l'hiver fixée aux pierres
et aux rochers avec lesquels elle se confond par la couleur. Pour bien
faire éclore les chrysalides de cette espèce, il faut les arroser d'eau
fréquemment. En outre, de même que les chrysalides des Thais, et par
un retard rare chez les Diurnes, elles peuvent n'éclore qu'au bout de
deux et même de trois ans. Dans nos quatre espèces de Papilio d'Eu-
rope, les dessous des ailes reproduisent les dessus, mais affaiblis, et les
femelles sont pareilles aux mâles et généralement un peu plus grandes.
Nous représentons une espèce dépourvue de queue à l'aile inférieure,
espèce exotique du genre, le P. Latreillianus, Godart, de Sierra-Leone
et de la côte occidentale d'Afrique (pi. lzxxv, fig. 1 : 1 o, le même vu
260 LÉPIDOPTÈRES.
de profil). Dans les individus très frais, les taches des ailes sont d'un
joli vert pomme, comme chez une espèce voisine, qui vient de Mada-
gascar, le P. Cyrnus, Boisduval.
On a détaché du grand genre Papilio le genre Ornithoptera, Bois-
duval, comprenant des espèces à longues antennes, avec massue allon-
gée et à très longues ailes supérieures, à nervures saillantes et robustes,
les inférieures, d'aire beaucoup moindre, grossièrement dentées et sans
queues; l'abdomen est gros, notablement allongé, celui du mâle pourvu
de deux grandes valves anales arrondies, muni en dessous d'une pro-
fonde gouttière. Chenilles grosses, épaisses, armées de pointes charnues
et pourvues de "deux tentacules rétractiles, renfermées chacune dans un
étui extérieur. Chrysalides grosses, un peu arquées, dont le lien trans-
versal n'entoure pas le corps, mais s'insère de chaque côté, à la partie
latérale, par un petit tubercule soyeux. Ces papillons, ornés de riches
couleurs, sont de la partie sud des Indes Orientales, des Philippines,
îles Sondaïques et Moluques. Un autre genre a été séparé par le carac-
tère exceptionnel de ses palpes longs et avancés, et n'offre qu'une seule
et très rare espèce, des montagnes les plus élevées de l'Himalaya, par-
ticulièrement sur les frontières de l'Assam : c'est le Teinopalpus impe-
rialis, Ilope. Les ailes postérieures diffèrent beaucoup dans les deux
sexes, fortement dentées et à une seule queue chez le màlc, ayant
trois queues chez la femelle. Chenille et chrysalide inconnues.
Tribu des HESPÉKIëWS.
T,es llespérions forment un groifpe bien tranché parmi les Lépidop-
tères Rhopalocères, et que tous les auteurs s'accordent à rejeter vers
la fin de cette légion. Ils se rapprochent en effet des Ilétéroccres par
plusieurs caractères tirés soit de la forme adulte, soit des chenilles.
I-eur nom indique que ces papillons volent surtout dans l'après-midi,
ce qui est déjà un rapprochement avec les Nocturnes, qui sont, en
grande partie, réellement crépusculaires. En outre, et c'est un autre
rapprochement, ces papillons constituent le groupe àesqiiadricakcarati
de M. A. Guenée, car ils ont généralement deux éperons à chacune des
jambes postérieures. Enfin, au repos, les Hespériens ont une manière
toute spéciale de disposer leurs ailes. Au lieu de les fermer perpendi-
culairement au corps, ou parfois de les étaler tout à fait à plat, comme
font les autres Diurnes, ils relèvent à moitié les supérieures et abais-
sent les inférieures presque parallèlement au plan de position, \Y peu
près comme si ces ailes étaient cassées à l'insertion; c'est sans doute
ce qui a fait donner à ces papillons le nom d'Estropiés, par Geoffroy.
La tête dos Hespériens est forte, portant des antennes très écartées à
l'insertion, avec une petite aigrette de poils à leur base; elles sont
HESPÉRIENS. 201
courtes, (erminées par une massue épaisse, souvent arquée, parfois
avec un petit crochet au bout; le thorax est massif et robuste, les ailes
généralement courtes et larges, à fortes nervures, la cellule discoïdale
des ailes inférieures toujours ouverte, les six pattes développées et pro-
pres à la marche, labdomen très long. Les Hespériens sont encore assez
mal connus, surtout dans les genres exotiques, et même parmi une
cinquantaine d'espèces seulement que renferme l'Europe, les îles Bri-
tanniques n'en possédant que sept, il en est dont la détermination est
très difficile, notamment dans les genres Scelothrix ou Syrichtus et
Spilothyrus; il y a même des genres sur lesquels les classificateurs ne
sont pas encore d'accord : ainsi ceux qui renferment les espèces Sy/-
vanus, Comma et Aracinthiu. Les Hespériens d'Europe ont générale-
ment des couleurs peu brillantes, fauves avec des bandes ou des lignes
noires, ou grises avec des stries ou des taches plus claires, ou brunes
avec de petites taches blanches; parfois le dessous des ailes inférieures
est varié de blanc, de gris ou de verdâtre, parfois même avec dessins
bien accusés et des taches brillantes (Carterocephalus Paniscus, Cyclo-
pides Aracinthus). Nos Hespériens habitent les bois aussi bien que les
prairies; on trouve même souvent certaines espèces dans les jardins, ce
qui explique le nom d'Urbicolœ que leur donnait Linnœus. Le vol des
Hespériens n'a pas une grande étendue, étant souvent saccadé et
à crochets; mais il est tourbillonnant et même très rapide sur
place.
Les chenilles des Hespériens sont cylindroïdes et amincies aux deux
extrémités, glabres ou pubescentes, rarement poilues (quelques exo-
tiques), mais non épineuses; leur tête très grosse, globuleuse et un peu
fendue, nemblaut portée sur une sorte de cou par le rétrécissement du
prothoiax; elles ont les seize pattes normales. Les chenilles des espèces
curopéeimes vivent sur les plantes basses, notamment des Malvacées,
des Légumineuses, des Graminées, etc. Pour se métamorphoser, elles se
ménagent un abri en roulant autour d'elles une partie de la feuille, ou
plusieurs feuilles voisines associées au moyen d'un clair réseau de fils
de soie, à la façon des ïordeuscs (Hétérocères); quelques-unes se reti-
rent dans des tiges creuses pour y passer l'hiver. Les chrysalides ont des
formes qui varient suivant les genres, étant en général allongées et
un peu cylindroïdes, sans taches métalliques, enveloppées dans un
cocon très lâche, attachées par la queue, et souvent en outre par un ou
plusieurs fils transversaux, d'où le nom d'Enroulés (involuti) donné à
toute la tribu des Hespériens par le D'' Boisduval, dans sa division
des Rhopalocères en trois sections, selon le mode d'attache des
chrysalides.
La classification difficile des Hespériens a été l'objet de travaux
récents. En Amérique, i\L S. Scudder a divisé les Urbicolœ de Linnœus
en deux groupes, Hesperides et Astyci {the. two principal groups of Urbi-
colœ, HesperidcBy auct., in Bull. Buffalo Soc. nat. se, déc 1873
262 LÉPIDOPTÈRES.
avrill87û,t. I,p. 195-196; et Notice, Psyché, juillet 187/i, t. I,p.ll). En
France, M. P. Mabille a adopté les mêmes bases systématiques que l'en-
tomologiste américain (Sur la classification des Hespériens, avec la
description de plusieurs espèces nouvelles, dans An7i. Soc. entom. de
France, 1876, p. 251). Le nouveau caractère distinctif dont se servent
ces auteurs, indiqué d'abord par Rambur et par M. Lederer, mentionné
par M. A. Guenée dans son catalogue, est la présence ou l'absence
d'un pli (pli déhiscent de Rambur) à la côte de l'aile supérieure cbez les
mâles. Ce pli, en forme de bourrelet pouvant s'entr'ouvrir, occupe la
partie moyenne de la côte; il est velu en dedans et feutré de poils
écailleux, et s'entrouvre souvent dans toute sa longueur. Une première
division d'Hespériens possède le pli déhiscent; on y rencontre d'abord
des genres d'Hespériens exotiques, de grande taille pour la tribu ; des
genres Goniurus, Hubner; Eudamus, Swainson; Telegonus, etc. Parmi
les genres européens, sont les genres Scelothrix, Rambur, ou Syrich-
tus, Boisduval; Spilothyrus, Duponchel; Erynnis, Sclirank. Ce sont là les
Hesperidœ. L'autre groupe, sans pli déhiscent à la côte de l'aile supé-
rieure des mâles, les Astyci^ commence par le genre Battus, Schrank,
dont l'espèce type, B. Saç, Hubner, se relie tout à lait aux Spilothyrus,
sauf qu'elle manque du pli déhiscent des mâles des Spilothyrus. Puis,
toujours sans le pli costal, viennent les genres Pamp/it7o, beaucoup d'au-
teurs (syn. Hesperia, Latr.); Thymelicus, Hubner (espèces Linea, Li-
neola, Acteon); Cyclopides, Hubn.; Carterocephalus, Lederer, genres qui
ont des espèces en Europe. M. P. Mabille a proposé de faire une troi-
sième section, Frœnati, pour une espèce anormale et qui sera peut-être
rejetée des Hespériens : c'est YEuschemon Rafflesiœ, de la Nouvelle-Hol-
lande, offrant deux stemmates, et, chez les mâles, un frein très long,
partant du haut de l'aile inférieure, et allant s'engager dans un anneau
écailleux, très apparent, situé au premier tiers de l'aile supérieure; ces
caractères sont extraordinaires chez un Diurne.
Les Hespériens se rencontrent dans toutes les régions de la terre,
même en Australie, beaucoup plus nombreux en espèces dans les
régions intertropicales. C'est une tribu considérable et la moins bien
connue des Uhopalocères. Le catalogue de M. Kirby donne au moins
douze cents espèces décrites; il y en a en outre un certain nombre
d'autres, soit in litteris, soit absolument inédites dans diverses col-
lections.
Les connaissances sur les chenilles des Hespériens sont encore très
bornées, et en raison de l'imperfection des notions sur les adultes.
Parmi les Hespériens d'Europe, il y en a environ un tiers dont les che-
nilles sont encore inconnues. Il y a certaines chenilles exotiques de cette
tribu qui sont décrites. Ainsi Fabricius, puis Abbot, ont décrit les méta-
morphoses d'un Hespérien du genre Eudamus, genre remarquable par
la taille et surtout le corps très robuste de ses espèces : c'est celle de
'E. Proteus, Linn., Hespérien à ailes inférieures prolongées en longues
HESPÉRIENS. 263
queues, abondamment répandu dans toutes les parties de l'Amérique
situées entre les tropiques, remontant, mais rare, jusqu'en Géorgie, dans
les États-Unis du Sud. Cette chenille vit sur le Clitoria rouge, et, de
môme que les chenilles des Hespériens d'Europe, elle plie les feuilles
de cette plante pour s'y mettre à l'abri et se filer une coque légère.
Stoll et Sepp ont figuré un certain nombre de chenilles d'Hespériens de
l'Amérique méridionale chaude, principalement de la Guyane hollan-
daise. M. H. Burmeister, directeur du Musée d'histoire naturelle de
Buenos-Ayres, a fait connaître (1) un certain nombre de chenilles d'Hes-
périens de la région de l'Amérique méridionale qu'il habite, chenilles
qui, par leurs formeset leurs caractères, peuvent se partager en groupes
distincts. Elles ont, en général, les caractères ordinaires des chenilles
de Diurnes, sauf la tête, relativement plus grande et plus séparée du
tronc par un petit cou corné, plus ou moins distinct. Les antennes sont
composées, comme chez les Morphonides, de trois articles, celui de la
base, long et gros relativement, le second très petit, le dernier assez
long et terminé par une longue soie. Les yeux constituent une petite
plaque ovule, allongée, avec six yeux simples, dont quatre placés en
haut sur le bord antérieur, le cinquième vers le milieu du bord posté-
rieur, et le dernier en bas de l'ellipse, près des antennes, c'est-à-dire à
peu près la môme constitution que chez les chenilles des Papilionides.
Les mâchoires ressemblent à celles desMorphonides; leur côté tranchant
est simple et très aigu, et non denté en scie comme chez les Papilio-
nides; les autres organes de la bouche sont très petits et ne présentent
aucune particularité ; il en est de même pour les six pattes en crochets
sur les trois anneaux du thorax et pour les dix pattes membraneuses, à
deux rangées de crochets au bout, portées sur les anneaux 6, 7, 8, 9 et 12.
Le corps est garanti par une peau assez mince, le plus souvent glabre,
mais couverte d'une pruinosité blanchâtre, avec de petits poils cachés
sur les côtés. Le premier anneau est très petit; la partie supérieure est
garnie d'une plaque cornée. Les deuxième et troisième anneaux gros-
sissent successivement et assez brusquement, le quatrième a déjà la
taille régulière delà chenille qui se continue jusqu'au dixième; puis le
corps s'atténue ensuite jusqu'à l'extrémité, qui est presque toujours de
la grosseur du premier anneau. Le onzième ne porte jamais de corne
ni de tubercule. M. H. Burmeister décrit d'abord deux chenilles du
genre Eudamus, dont l'une vit sur le robinier (faux acacia) et donne une
chrysalide ovalaire, subcylindrique, avec la spiritrompe dans l'enve-
loppe commune, très luisante, d'un brun jaunâtre assez foncé, attachée
par des filets de soie, partant de la queue, renfermée dans une enve-
loppe de feuilles unies les unes aux autres par un tissu blanc assez
Compact qui tapisse tout l'intérieur. Cette chenille et cette chrysalide
(1) Recherches sii7' les chenilles de Lépidoptères de la tribu des Hespérides
{Revueet Magas. de ZooL, 1875, p. 50 et pL i).
26-'l I.ÉPIDOPTÈRliS.
sont très voisines de celles figurées par Abbot et Smith, sous le nom d'Hes-
peria Tityrus, dans leur ouvrage sur les papillons de l'Amérique du Nord.
Une autre chenille du genre T/iracî'dw, Hubncr, commune aux environs
de Buenos-Ayres, vil sur une Scitaminéc du genre Canna et donne
une chrysalide presque aussi longue qu'elle, couverte d'une pruinosilé
blanche, tantôt noire, tantôt verte, renfermée dans de minces fragments
de feuille de Canna enroulés en- cylindre tapissé h l'intérieur d'un
tissu serré, et soutenue par deux ceintures de soie, l'une au milieu du
thorax, l'autre à la pointe caudale qui s'y attache; le fourreau très
allongé de la spiritrompe dépasse même celte pointe terminale du
corps. Une aulre chenille, du genre Phebodes, Hubner, vit aussi sur une
Scitaminée, s'enfermant dans un morceau de feuille enroulée, soutenue
par cinq ou six forts fils de soie. Quand on ouvre son tuyau pour l'étu-
dier, elle se met aussitôt à le reconstruire, mange beaucoup la nuit et
tapisse d'un tissu plus dense l'intérieur de son tuyau de feuille pour
devenir chrysalide, celle-ci soutenue par deux ceintures disposées comme
chez la précédente et ayant le fourreau de la spiritrompe prolongé
jusqu'aux trois quarts de l'abdomen. Une autre chenille d'Hespériensdu
môme pays vit sur les orapgers.
Ces types de chenilles sont analogues à celles des Hespériens d'Eu-
rope; il en est de fort différents rencontrés dans les genres exo-
tiques Pijrrhopyga et Erycides, assez grosses comme les papillons
qu'elles doivent produire, brunes avec des incisions rouges ou jaunes,
revêtues de longs poils blancs, surtout sur les côtés du corps; la chry-
salide est assez épaisse, presque cylindrique, la spiritrompe renfermée
dans l'enveloppe commune, la queue aiguë, attachée par des fils de
soie aux feuilles réunies par d'autres fils, contenue ainsi dans un cul-
de-sac, sans ceintures transversales. D'autres espèces, figurées par Seep
et probablement du genre Goniloba, ressemblent aux chenilles des
Pyrrhopyga, mais manquent des longs poils, et les chrysalides sont sou-
tenues dans leur couche de feuilles enroulées par une forte ceinture
transversale. Un autre type de chenille, figuré par Le Conte et
L^oisduval, offre à la tête deux protubérances, comme deux cornes, la
chrysalide sans pointe à la tète et à spiritrompe renfermée sous la
peau générale; enfin Stoll figure trois petites espèces, l'une à chenille
translucide, l'autre à chenille velue, la troisième à •chenille nue,
avec les chrysalides à tête obtuse et à forte ceinture. M. H. Bur-
meister les regarde comme de trois genres différents. Nous sui-
vrons dans la répartition des Hespériens en familles la classification
de M. P. Mabille (1).
(1) Catalogue de i Hespérides du Minée ro-jat de Bruxelles [Ann, Soc. entorn.
de D'-lrjiqw, 1878).
PYUliHOPYGIDES , EUDAMIDLS. 265
§ 1. — iiE^i*Knio/K, Fabr., Lafr.
PYURHOPYGIDES.
Côte des ailes supérieures Irùs forte et ne présciitaut pas le pli déhis-
cent, caractère général des Hesperidœ : il est probablement atrophié en
raison de l'épaisseur de la cûlc. Cette tribu est composée d'espèces
exotiques américaines, du Mexique, du Pérou, de Bolivie, du Brésil.
Dans le genre Pyrrhupufja, Hubner, l'armure génitale des mules présente
deux pièces qui varient beaucoup avec les espèces : ce sont deux valves
cornées, plus ou moins longues, deutées-échancrées inférieurement,
saillantes et égalant parfois la longueur du bouquet de poils terminal.
Ce bouquet de poils est inséré à la partie supérieure du dernier anneau,
et l'échancrure où est placé l'organe sexuel est située en dessous et
beaucoup en arrière; les deux derniers anneaux de l'abdomen forment
en dessus une arcade cornée qui dépasse plus ou moins les valves; en
dessous l'abdomen est mou et se tasse plus ou moins, ce qui donne
encore plus de relief aux parties supérieures.
EUDAMIDES.
Tous les mâles ont le bord antérieur des premières ailes pourvu d'un
pli ou rebord qui est déhiscent. Les antennes ont toujours la massue
fusiforme, non ovoïde, courbée vers les deux tiers et faussant en pointe
aiguë et réfléchie, plus ou moins longue. Les jambes postérieures ont
toujours deux paires d'éperons. Les ailes inférieures sont très variables de
forme; elles peuvent être sinuées, à longues queues ou arrondies.
Le genre Euduinus, Swainson, qui donne son nom à cette famille,
présente des Hespériens de grande taille pour la tribu, répandus en
Asie, en Afrique et surtout dans l'Amérique méridionale. Tantôt les ailes
inférieures, à bords sinués, se terminent par de longues queues: ainsi
dans E. Proteus, Linn., ayant aux ailes supérieures, sur fond noir, une
bande maculaire de quatre taches blanches et deux taches blanches sur
le sommet, espèce très répandue en Amérique entre les tropiques;
tantôt les ailes postérieures sont arrondies inférieurement : ainsi dans
E. versicolor, Godart, du Brésil, ayant les ailes des deux paires traversées
par des bandes de taches allongées et de minces bandes sur les anneaux
de l'abdomen. Deux espèces très connues sont E. Orion, Cramer, de la
Guyane et du Brésil, présentant le dessous des ailes inférieures marbré
de taches d'un noir bleuâtre, séparées par du gris cendré ; et E. Bra-
chius, Hubner, de la Guyane, avec le dessous des ailes d'un noir uni.
Les Eudamus ont le thorax et l'abdomen très épais.
11 faut encore citer dans cette même famille deux genres formés d'es-
pèces exclusivement américaines, les genres Thyinelc, Fabr. (avecréduc-
266 LÉPIDOPTÈRES.
tion depuis) et Telegonus, Hubner, diminué également par les auteurs
modernes.
TH/lk!VAOS, Boisd. (syn. Erynnis en partie, Schrank.) — Massue des antennes
fusiforme et très courbée en dehors. Palpes écartés, très velus, le dernier
article plus mince et assez saillant, Têto aussi large que le corselet, qui est
robuste. Abdomen se terminant sensiblement au niveau du bout des ailes
inférieures. Ailes bien entières, à contour extérieur arrondi, n'ayant pas la
frange entrecoupée. — Chenilles lisses, renflées au milieu, à tête forte et
échancrée et cou très mince. — ■ Chrysalides presque fusiformes, avec un
tubercule sur la tête et l'abdomen en cône allongé.
Le type de ce genre, commun en lùirope, existant dans les îles Bri-
tanniques, se trouve dans toute la France, volant au-dessus des gazons
et dans les clairières des bois : en avril, mai et juin c'est le T. Tages,
Linn., la Grisette de Geoffroy, le Point de Hongrie d'Engramelle, the
Dingy Skipper des Anglais. Le papillon, à massue des antennes très
forte, est en entier d'un brun un peu jaunâtre, avec un pointillé de
petites taches d'un gris jaunâtre formant bande diffuse sur les deux
ailes, le dessous moins assombri, très analogue au dessus. La chenille
(pi. Lxxxvi, fîg. 5), est d'un vert clair, avec lignes sous-dorsales et laté-
rales jaunes, pointillées de noir et la tête brune ; on la trouve en sep-
tembre sur diverses Légumineuses, comme le Lotus corniculatus, et
aussi, dit-on, sur une Carduacée, VEryngium campestre ou Chardon
Roland. La chrysalide (fig. 5 a), a l'enveloppe des ailes d'un vert foncé,
et la partie postérieure du corps rougeâtre.
!>^l*IIiOTnvilll!J, Duponchel. — Massue des antennes piriforme, sans cour-
bure. Palpes écartés, très velus, avec le dernier article presque nu, court et
peu aigu. Tète un peu moins large que le corselet, qui est très robuste. Abdo-
men dépassant un peu les ailes inférieures. Ailes supérieures ayant des taches
transparentes ou vitrées, et le repli que forme la côte à son origme très pro-
noncé chez les mâles; ailes inférieures profondément dentées. — Chenilles
courtes, cylindroïdes, rugueuses, pubescentes, avec la tète grosse, échancrée
ou fendue, et le cou, ou prothorax, très rétréci. — Chrysalides plus ou moins
arrondies antérieurement et en cône allongé postérieurement, recouvertes d'une
poussière blanchâtre sous leur coque à claire-voie.
Ce genre est peu nombreux en espèces. Le type est le S. maloarum,
Illiger (syn alceœ, Esper, malvœ, cat. de Vienne, Godart), la Grisette
d'Engramelle; 30 millimètres d'envergure chez le mâle, la femelle plus
grande, mais pareille. Ailes d'un gris brun avec une teinte un peu rou-
geâtre, les supérieures légèrement dentées, avec deux bandes brunes
flexueuses et incertaines et six petites taches vitrées subcarrées, trois
réunies près de l'angle apical, trois groupées à l'extrémité de la cellule
SPILOTHYRUS, SYRICHTHUS. 267
discoïdale, les ailes inférieures très dentées avec taches grisâtres assez
confuses; dessous analogue au dessus, mais plus clair, plus uni, les
taches blanchâtres des ailes inférieures plus rélrccics, mais plus appa-
i-entes. Massue des antennes intérieurement d'un ferrugineux obscur
et un peu courbée en crochet à l'extrémité. Toute la France, de juin
en août, dans toutes les localités où croissent des Malvacées, venant
souvent voler dans les jardins où il dépose ses œufs sur les roses tré-
mières. ("henille en mai, puis de juillet à septembre, vivant enfermée
dans une feuille repliée de mauve, ou de guimauve, d'un gris foncé-
avec deux hgnes claires, pubescente, la tûte noire, quatre points jaunes
sur le premier anneau. Les individus qui ne se sont pas métamor-
phosés avant l'hiver s'enferment dans des tiges creuses de bardane ou
de chardon et y restent engourdis jusqu'au printemps. — S.altheœ,
Hubner, espèce très analogue à la précédente, mais beaucoup plus
rare, plus foncée, présentant en gris verdâtre tout ce qui est d'un gris
rougeâtre chez l'autre, ayant la massue des antennes droite, obtuse et
non en crochet à l'extrémité, d'un noir profond. — S. lavaterœ, Esper, la
plus grande espèce de nos Hespériens, d'un gris pâle avec de nom-
breuses taches blanches ou jaunâtres, volant avec beaucoup de vivacité
sur les coteaux calcaires arides et pierreux. Commune on juin et juillet
dans le sud et le sud-est de la France, remontant en beaucoup de
localités du Centre, mais alors rare, ainsi dans le Cantal, dans Saône-
et-Loire, dans le Cher, etc.
^iVRICHTHUS, Boisduval (syn. Scelotkbix Rambur ; Pyrgus, Hubner, nom
plus ancien, peu usité). — Massue des antennes ovale, un peu courbée de de-
dans en dehors, obtuse et sans crochet. Palpes écartés, très velus, avec le
dernier article assez long, peu aigu, presque nu. Tête un peu moins large que
le thorax. Abdomen plus long que les ailes inférieures, surtout dans les mâles.
Les quatre ailes bordées d'une frange noire entrecoupée de blanc. — Chenilles
et chrysalides avec les caractères généraux de celles des Hespériens.
Ce genre est beaucoup plus nombreux en espèces que le précédent;
OD en compte plus de vingt en Europe. Les papillons tiennent souvent
au repos leurs quatre ailes étalées à plat; ils sont bruns avec de petites
taches et points blancs; le dessous des ailes inférieures est varié de
blanc et de gris ou de verdâtre. Il y a une grande difficulté dans la
détermination de la plupart des espèces, qui se ressemblent beaucoup,
et le même fait se reproduit pour un groupe d'espèces du même genre
de l'Amérique du Sud : ainsi S. Americanus, E. Blanchard, du Chili,
espèce qui paraît répandue dans toutes les parties montagneuses de
l'Amérique méridionale; ces espèces affines sont en outre très proches
des espèces européennes Alveus, cirsii, carthami, etc. L'espèce la plus
commune de ce genre si difficile est le S. Alveohis, Hubner (syn.
malvœ, Linn.), le Plain-chant d'Engramelle, the Grizzle des auteurs
268 LÉPIDOPTKIlliS.
anglais, Hespérien qui vole dans les clairières des bois frais et dans
les jardins en mai, puis en juillet, et alors butine beaucoup sur les
chardons. Il est d'un brun grisâtre avec trois séries plus ou moins com-
plètes de petites taches blanches sur les ailes supérieures et deux sur
les inférieures. La chenille se rencontre en avril sur le fraisier des bois ;
elle est verte ou jaunâtre, avec la ligne sligmatale claire. Une variété
qu'on trouve çà et là partout où vole le type est celle dite Taras, Meigen
ou lavaterœ, Fabr., dans laquelle les taches blanches deviennent con-
.fluentes, avec tous les passages. Il ne faut pas confondre cette espèce
avec une autre de taille notablement plus grande, 30 millimètres d'en-
vergure, le S. Alceus, Hubner, ayant la massue des antennes d'un rou.x
clair intérieurement, les ailes d'un brun foncé, les supérieures ayant
la base saupoudrée de jaune verdàtre et beaucoup de taches blanches
petites et isolées, les inférieures avec deux séries de taches mal mar-
quées, d'un blanc jaunâtre, le dessous des ailes supérieures d'un brun
clair avec taches grisâtres, le dessous des inférieures d'un jaune ver-
dàtre, avec Irois bandes de taches blanches. Celte espèce se rencontre
en mai, puis en août; assez rare, toujours dans des terrains incultes et
pierreux: ainsi, près de Paris, à Lardy, à Sénars, à Fontainebleau, çà et
là, près de Chartres et de Châteaudun, sur les collines chaudes
(Guenée); dans l'Indre, le Cher, la Sologne (Maurice Sand); au Mont-
Dore, dans les Pyrénées-Orientales, les Basses-Alpes, etc. Il y a ensuite
une série inextricable d'espèces très voisines ou de variétés de cette
espèce, point sur lequel je n'ose me prononcer ; ainsi, Fritillum, Hubner;
cirsii, Rambur, de taille plus petite, avec les ailes inférieures d'un
roLige brique en dessous, se rencontrant en août à Lardy, à Fontaine-
bleau, à Gargilesse, dans l'Indre, au Mont-Dore, etc.; carlinœ, Rambur,
peu répandue, des Basses-Alpes, du Mont-Dore, etc., en juillet
et août; onuporJi, Rambur, en mai et juillet dans l'Indre, le Cher,
la Sologne, les prairies élevées du Mont-Dore (Maurice Sand).
y a quelques espèces de Syrichthus bien tranchées : ainsi, S. car-
thami. Hubner, en mai, puis en août, dans toute l'Europe centrale, brun
en dessus avec la frange blanche largement coupée de brun, les taches
blanchâtres de l'aile supérieure formant une sorte d'anneau vers le bord
apical, et deux rangées plus ou moins vite interrompues vers le bord
interne aux ailes inférieures, le dessous plus clair, les taches blanches
plus développées, à trois rangées inférieurement ; le type de cette
espèce est très beau à Fontainebleau. — i>. l'rolo, Fsper, Hubner, espèce
de l'Europe méridionale, assez commune en juin et juillet dans les
garrigues des environs de Montpellier. Sa chenille vit sur le Phlomix
lichnilis.
§ 2. — .%ST¥€i, Hubner.
Bord antérieur des premières ailes dépourvu de pli dans les deux
sexes. La côte varie beaucoup; elle est parfois large et aplatie en lame.
ISMÉNIDLS, CAUYSTIDES. 269
parfois forte et épaissie. Massue des antennes variable, tantôt en cro-
chet de longueur égale, à tige longue, tantôt ovoïde, mucronée, à tige
très courte. Quelques genres n'ont qu'une paire d'éperons aux jambes
postérieures. Les jambes sont, le plus souvent, garnies de poils fins,
longs et flexueux. Les ailes inférieures sont sinuées ou arrondies, et
n'ont ni échancrures, ni prolongements caudiformes. L'abdomen dé-
passe souvent les ailes inférieures, et alors il peut être grêle et courbé.
ISMÉNIDES.
Antennes dont la massue occupe k peu près le dernier tiers, renflée
à l'extrémité, puis s'amincissant en pointe aiguë et un peu courbe;
palpes à dernier article cylindrique et perpendiculaire au second, en
général.
Le type de cette famille est le genre Ismene, Swainson, formé d'es-
pèces exotiques de l'ancien monde, surtout des Indes, des îles malaises
et de l'Afrique.
Nous placerons, au début du groupe des Astyci, le genre Battus,
Schrank, ressemblant beaucoup au genre Syrichthiis, duquel ne le
séparent pas les auteurs qui ne regardent pas d'une importance capitale
le pli déhiscent qui manque chez les Battus. Le type européen de ce
genre est le B. Sno, Hubner, le 2'ac/ie^éd'Engramelle, espèce des terrains
calcaires, coteaux et bois secs, en mai puis en août, de toute la France
centrale et méridionale, des environs de Paris; il est beaucoup moins
commun que S. Alveolus, auquel il ressemble, mais dont il se distingue,
au vol et à première vue par un ton général rougeâtre. Envergure,
22 millimètres dans les deux sexes, qui sont semblables. Ailes d'un
brun noir à reflet rougeùtre; les supérieures avec des taches blanches,
dont une série anléterminale de petites taches arrondies bien visibles,
les ailes inférieures avec un trait discoïdal allongé et une série de
taches antéterminales, comme aux supérieures; le dessous des ailes
inférieures est d'un rouge brique assez vif, avec trois rangées détaches
blanches, celles du bord antérieur les plus grandes, la frange blanche
large, l'eNtrémité de l'anus rougeâtre. Citons du même genre B. The-
raime, Hambur, propre à l'île de Corse.
CARYSTIDES.
Antennes dont la massue est fusiforme, égalant au 'moins en lon-
gueur la moitié de l'antenne, décroissant en une pointe aiguë et sou-
vent crochue. Palpes à dernier article peu distinct.
Cette famille ne comprend que des espèces exotiques, ayant leur type
dans le genre Carystus, presque entièrement américain, avec quelques
espèces africaines.
270 LÉPIDOPTÈRES.
PAMPHILIDES.
Antennes à tige trr-s courte et n'ayant pas de massue aiguë, mais une
massue ovoïde, obtuse oumutique, en général.
Cette famille a des genres européens.
HE!§PERI.&, Lalr. (syn. Thymelicus, Ilubner). — Tête plus large que le thorax,
quoique celui-ci soit très robuste . Yeux gros, saillants. Massue des antennes
droite, ovoïde, souvent terminée par une pointe courbée en dehors. Palpes très
velus, avec le dernier article cylindrique presque nu, très grêle et très aigu.
Ailes inférieures légèrement sinuées ou concaves près de l'angle anal ; ailes
supérieures marquées, le plus souvent, au milieu d'un trait noir oblique.
Abdomen épais et plus long que les ailes inférieures. — Clienilles allongées,
glabres, rayées longitudinalement, avec le cou très mince et la tète globuleuse
et un peu éehancrée. — Chrysalides effilées et conico-cylindriques, terminées
antérieurement par une pointe courte, et ayant une gaîne libre prolongée en
filet pour renfermer la spiritrompe.
Les papillons du genre Hesperia sont généralement fauves. Une des
espt^ces les plus communes est VH- Thawnas, Hufnagel (syn. Linea, cat.
de Vienne, la Bande-noire de Geoffroy, the Smali Skipper des Anglais), de
toute la France en été, du nord de l'Europe et de l'Amérique, d'Afrique
septentrionale et d'Asie occidentale; des broussailles, des lisières de bois,
dans les champs de blé, les prairies, en plaine comme en montagne;
25 millimètres d'envergure. Ailes fauves avec une étroite bordure etl'ex-
trémité des nervures noire ; les ailes supérieures ont sur le disque un
trait noir, linéaire, oblique, et les inférieures sont sans taches; en des-
sous, les ailes supérieures sont fauves, avec le sommet d"un gris jaunâtre
et les inférieures avec le bord terminal fauve. Massue des antennes
rousse en dessous. Femelle plus grande, sans trait noir discoïdal. Che-
nille en mai et juin sur diverses Graminées, s'introduisant entre les
feuilles et les tiges, d'un vert glauque, avec les lignes un peu plus
claires et la tête verte. Chrysalide d'un vert jaunâtre, que nous représen-
tons (pi Lxxxvi, fig. h), attachée à une tige de Graminée'dans un léger
réseau soyeux. — H. Lineola^ Ochsenh.fsyn. Virgula, Hubner), ressemblant
à l'espèce précédente, moins commune, des mêmes époques et loca-
lités. Même taille; massue des antennes d'un noir profond en dessus;
ailes en dessus d'un fauve uniforme, plus clair que chez Linea, avec la
frange plus blanchâtre, le trait noir oblique du milieu des ailes supé-
rieures du mâle (trait manquant aussi chez la femelle) plus petit, plus
grêle et quelquefois nul, avec l'extrémité des nervures noirâtre et un
peu dilatée ; dessous des ailes supérieures d'un fauve uniforme, celui
des inférieures d'un jaune blanchâtre chez le mâle, d'un gris blan-
châtre chez la femelle, avec le bord abdominal plus clair. Chenille
HESPERIA. 271
aussi sur les Graminées, en juin, d'un vert clair, avec cinq lignes jaunes
et la tète roussàtre. — H. ^c«eo/i,Rottenberg, Esper, les ailes brunes, le
trait noir discoïdal chez le mâle seul, entouré d'une large tache fauve
aux ailes supérieures, le dessous plus clair, ainsi que la tache qui est
peu marquée. M. Goossens a trouvé en nombre la chenille de cette
espèce, en fauchant, le soir sur les herbes à Bouray; elle est d'un vert
pâle, avec une fine ligne vasculaire d'un vert foncé, longée de chaque
côté par un filet blanc, et les lignes stigmatales fines et blanches, la tête
très détachée, en bouton, de couleur d'un brun jaune; VH. Acteon est
une espèce assez rare près de Paris, volant en juillet et août sur les
collines sèches et chaudes, ainsi à Lardy, Bouray, Poquency, près de
Mantes, de Chartres, de Châteaudun, dans l'Indre, la Sologne, le Cher,
au Mont-Dore, au Lioran (Cantal), etc. L'espèce existe en Angleterre
sous le nom de the Lulivorth Skiirper.
Le genre Pamphila (beaucoup d'auteurs), très voisin pour nous du
précédent, comprend dans le catalogue de Kirby, avec une extension sur
laquelle nous ne pouvons nous prononcer, tant les Hespériens sont encore
confus, environ deux cent soixante espèces de tous les pays de la terre.
Nous y rangerons deux Hespéries très répandues, existant toutes deux
dans les îles Britanniques, dont le mâle présente aux ailes supérieures
une sorte de cicatrice discoïdale assez large, veloutée et noirâtre ; ce sont :
P. Sijlvanus, Esper, the Large Skipper des Anglais; envergure, 30 milli-
mètres. Ailes d'un fauve assez brillant, avec une bordure large, d'un
brun obscur et une ligne noire oblique, épaisse au milieu, sur le disque
des supérieures ; dessous des ailes inférieures jaune verdàtre, avec une
série de taches plus claires ordinairement peu marquées. Antennes
ayant le bout muni d'un crochet très saillant. Femelle plus grande,
plus brune, avec les taches mieux marquées, dépourvue du trait noir
oblique sur le disque. Espèce commune partout, surtout dans les bois
ombragés, en mai, juin principalement et juillet, volant volontiers sur
les feuilles des jeunes taillis. Outre l'Europe, l'espèce est d'Asie boréale
et occidentale. Chenille d'un vert sale, à ligne stigmatale claire, vivant
en avril sur le chiendent {Triticum repens). — P. Comina, Linn., espèce
moins abondante que celle qui précède, des allées des bois secs et
élevés, fin juillet, août et septembre, se prenant assez souvent sur les
champs de sarrazin en fleur, d'Angleterre, the Pearl Skipper, de toute
la France, mais assez localisée ; envergure du mâle, 28 millimètres,
couleurs analogues à celles de P. Sylvanm, les ailes supérieures plus
aiguës au sommet, d'un jaune fauve, avec une bordure brune et une
série flexueuse antéterminale de petites taches carrées d'un jaune
clair, avec un trait noir assez épais sur le disque, trait divisé en long
par une ligne plombée brillante, le dessous des ailes inférieures ver-
dàtre, avec deux lignes de taches carrées blanchâtres, bordées de noir
extérieurement. Antennes à massue globuleuse, terminées par un cro-
chet, Femelle plus grande, ayant les ailes plus arrondies et sans trait
272 LÉPIDOPTÈRES.
noir discoïdal. Chenille d'un gris noir uni, avec des points noirs et la
tOte noire ; en juin sur les Graminées, et, d'après Hubner, sur la Co-
ronille variée. L'espèce existe en Laponie et dans l'Asie boréale et occi-
dentale.
CYCLOPIDem, (Hubner syn. Steropes, Boisduval). — Massue des antennes
courte, ovoïde, presque droite et sans crocliet au bout. Palpes écartés, très
velus, avec le dernier article plus mince, très distinct et très aigu. Tête aussi
large que le thorax. Ailes plus amples et moins épaisses que dans les autres
genres d'Hespériens d'Europe. Abdomen plus long que les ailes inférieures,
tris grêle surtout dans le mâle. — Chenilles assez allongées, pubescentes,
rayées en long, avec la tête rugueuse et hémisphérique. — Chrysalides très efTi-
léôs, avec la partie abdominale conico-cylindrique, les yeux saillants et la tête
surmontée d'une pointe conique,
L'espèce type de ce genre est le C. Morpheus, (Pallas syn. Araoin-
ihus, Fabr., le Miroir de Geoffroy), espèce localisée dans certains bois,
là où croissent de grandes herbes : ainsi, à la fin de juin et dans la
première quinzaine de juillet, près de Paris, jadis au bois de Boulogne,
à Bondy (rare), à Senars surtout, à Chantilly, dans la forêt d'Hallatte
(Oise), dans les bois de Saint-Chartier, de Chanteloup (hidre) dès le
15 mai, à Saint-Florent, dans le Cher, à Guéret, dans la Creuse, etc. Le
mâle a les ailes brunes en dessus, avec deux ou trois petits points d'un
jaune terne près du sommet de l'aile supérieure; en dessous supé-
rieurement, plusieurs points plus larges et d'un jaune plus vif qu'en
dessus et une bordure apicale jaune festonnée de brun. Aux ailes infé-
rieures, en dessous, trois rangées concentriques et serrées d'une dou-
zaine de larges taches elliptiques, d'un blanc jaunâtre, cerclées de
noir, ressemblant à des miroirs, se détachant sur un fond d'un joli jaune
clair et une bande marginale blanche bordée de noir. L'abdomen, d'un
brun noir, est très long et grêle, souvent fourchu au bout sur le sec,
par écart des crochets copulateurs. Femelle beaucoup plus rare que
le mâle, dont elle ne diffère que par un point jaunâtre de plus, placé
vers le milieu du bord antérieur de l'aile supérieure et qui manque
quelquefois. D'après Godart, il faut battre les buissons pour faire partir
cette femelle. Chenille en mai et juin sur les Graminées.
Dans un genre très voisin, Carterocephalus, Lederer (syn. Steropes,
Boisd.), dont la tête a le vcrtex plus large que les Cyclopides et les yeuX
beaucoup plus gros, se place un de nos plus jolis Hespériens. C'est le
C. Palœmon, Pallas (syn. Paniscus, Fabr.), VÉchiquier d'Engramelle, à
cause de la marqueterie noire et jaunâtre de son dessin rappelant les
cases de l'échiquier. Mâle, 28 millimètres d'envergure. Ailes d'un brun
noii'àtre, les supérieures avec des taches irrégulières d'un jaune fauve,
celles de la série antémarginale peu marquées, les inférieures ayant les
taches jaunes plus arrondies, une près de la base, deux médianes dont
CYCLOPIDES, TAGIAUIDES. 27S
la supérieure plus grande, puis une série antémarginalé de plusieurs
autres plus petites; en dessous, les ailes supérieures sont jaunes avec
des taches, les inférieures d'un jaune saupoudré de brun, avec la repro-
duction des taches du dessus en jaune plus clair et cerclées de noir.
Femelle semblable, un peu plus pâle. Le papillon ne paraît qu'une fois
et vole en mai dans certains bois, se prolongeant jusqu'en juin par des
sujets défraîchis. L'espèce n'est pas très répandue et assez localisée,
près de Paris à Bondy, Vincennes, Senars, bois iXotre-Dame, Armain-
villiers, Fontainebleau ; elle est commune dans les bois de Saint-
Chartier (hidre) et de Saint-Florent (Cher), dans la Creuse, à Guéret
(Maurice Sand), existe dans les bois élevés de Saône-et-Loire, mais peu
commune, au Mont-Dore, en Auvergne;, en Alsace, en Russie, en An-
gleterre {the Chequered Skipper, etc.). Chenille en avril sur le plantain.
* TAGIADIDES.
Ailes très amples, ressemblant assez à celles des Piérides; les
antennes comme chez les Carystus, mais beaucoup plus grêles à
massue plus courte.
Les genres types de cette famille, la moins bien connue encore des
Hespériens, sont le genre Tagiades, Hubner, dont toutes les espèces sont
de l'ancien monde, et le genre Pteryguspidea, Wallengrein (taches sur
les ailes), formé d'espèces de la Malaisie et des Indes, plus grandes que
les Tagiades, plus colorées, à ailes souvent denticulées.
C'est à une place jusqu'ici incertaine entre ces deux genres que nous
terminerons les Hespériens par l'indication d'une espèce d'aspect euro-
péen, ressemblant de coupe d'ailes au Cyclopides Aracinthus, répandue
sur luie grande région, dans l'Afrique australe, Madagascar, les îles
Maurice et Bourbon. Sa place générique est incertaine, car dans le
catalogue Kirby elle est appelée Tagiades Sabadius, Gray; elle est dans
le genre Hesperia pour Guérin-Méneville ; Thymele pour Boisduval, fort
à tort, car les Thymele ont le pli déhiscent; Eagris pour Guenée ; Niso-
niades pour Trimen : les vrais Nisoniades ayant aussi le pli déhiscent,
celte dernière désignation générique est également inadmissible.
Nous représentons, planche lxixvi, fig. 2, cet Hespérien africain, qui
sur un fond d'un brun fauve présente au milieu des ailes supérieures
tr lis taches blanches avec une bordure antémarginalé d'un jaune
lauve, le disque des ailes inférieures en grande partie du même jaune
fauve, avec bandes raaculaircri interrompues d'un brun fauve.
Si l'on veut un groupement naturel, on doit dire que les Hespériens
sont la dernière tribu des Uhopalocères. C'est à tort que M, E. Blanchard,
d'après Latreille, cherche à établir une tribu des Cydimoniens à la fin
de ses Achalinoptères {Hist. nalur. des Ins., 18/i5, II, 3^8), pour des
papillons à longues et grêles antennes, sans aucun renflement, mais
dont les chenilles et le mode d'attache de la chrysaUde ressemblent
ciRABP. m. — 18
274 LÉPIDOPTÈRES.
beaucoup à ce que nous avons vu pour les Hcspériens. En réalité, par
l'aspect et les mœurs, ces Cydimoniens ne peuvent se séparer des Crâ-
niens et formeront une tribu des Hétérocères, non loin des Attaciens,
des Noctuelles et de certaines Phalènes. M. C. Bar {op. cit., Ann. Soc.
entom. Fr., 1878, p. 30) a essayé d'introduire dans les Rhopalocères la
tribu des Castniens, à chenilles endophytes, dont les antennes se ter-
minent en massue à la façon des Hespériens, mais sans crochet ex-
trême. Dans les Hétérocères il y a place même pour des antennes en
massue ou à crochet, comme le montrent les Zygènes et certains
Sphinx. Les Castnies sont un groupe aberrant, mais que la majorité
de ses caractères maintient parmi les Nocturnes. La forme de l'abdo-
men et ses grandes écailles, avec la brosse terminale, sont d'un Bom-
bycien ou d'une grande Noctuelle-, les ailes sont insérées en bas, sur
les côtés du corselet, de sorte qu'elles ne peuvent se relever et s'a-
baissent en toit au repos le long du corps, comme chez la plupart des
Hétérocères; il faut bien remarquer que lors de la sortie de tous les
papillons de la chrysalide les ailes sont relevées, parce que les muscles
ne sont pas encore assez forts pour les mettre à leur place normale ; enfin
les chrysalides des Castniens ne sont pas angiileuses, mais uniconvexes
etcylindro-coniques, comme chez les Bombyciens et Noctuéliens, et les
ailes des papillons sont munies du frein. Aussi nous ne suivrons pas
M. C. Bar et nous placerons les Castniens au début des Hétérocères.
Erratum. — Page 173, ligne 3 : M. Parthenia, lisez : Partlienie.
II. — Légion des IIÉTÉROCERES.
Comme nous l'avons dit, les Hétérocères présentant des antennes de
toute forme, même en massue avec ou sans crochet, correspondent aux
genres Sphinx et Phalœna de Linnanis, aux papillons Crépuscul.iiies
et iXocturnes des anciens auteurs, aux Chalinoptères de M. E. Blau-
cliaid, nom que nous n'avons pas adopté, en raison des variations de
l'existence du frein.
Corps tantôt très gros et très grand, tantôt très petit, relativement
aux ailes, et n'offrant jamais d'étranglement entre le thorax et l'abdo-
men. Antennes de toutes longueurs et d'aspect varié, en fil, en soie,
plus ou moins renflées au milieu ou avant l'extrémité, diminuant
de grosseur de la base à la pointe, munies de dents de scie, ou de bar-
bules plus ou moins longues, de poils épars, ou en séries uniformes, ou
en verticilles, généralement plus courtes et moins garnies ou même
dépourvues d'appendices chez les femelles, parfois d'une longueur dé-
mesurée chez les mâles (Adèles) ; toujours des yeux composés, quel-
quefois des stemmates sur le vertex; les quatre ailes ne se relevant
presque jamais perpendiculaires au corps dans le repos, parfois étalées
à plat (certains Attaciens,la plupart des Phaléniens), le plus souvent en
toit horizontal ou incliné (Chéloniens, Noctuéliens, Pyralicns, etc.), par-
fois enroulées autour du corps et l'enveloppant comme un fourreau
(beaucoup de Tinéiniens). — Chenilles de formes très variées, ayant de
seize à dix pattes, certaines de celles-ci parfois en appendices détour-
nés de leur fonction ordinaire (Z)^'cran^<ra, Harpya, etc.), le corps glabre,
ou pubescent ou velu et parfois avec des tubercules épineux ou de très
longs poils (certains Bombyx, Chelonia, etc.), ou entouré de matières
ligneuses ou autres divcr.-es formant des fourreaux supplémentaires
(Psychés, Coléophores, Teignes, etc.). Elles se métamorphosent ou à
nu sur la terre, ou en dessous, parfois dans l'intérieur des tiges ou des
racines dont elles se nourrissent, ou dans des galeries ou mines à l'in-
térieur du parenchyme des feuilles, ou bien dans des cocons soyeux ou
papyracés, soit purs, soit mêlés de grains de terre ou de sable, de
sciure ligneuse, de parcelles de branches ou de feuilles, d'excréments
secs, etc., soit dans des coques de parcelles terreuses réunies par une
salive visqueuse durcie, soit enfin dans une feuille roulée en cornet et
retenue par des fils de soie ou entre plusieurs feuilles maintenues voi-
sines par des liens soyeux. — Chrysalides non anguleuses, générale-
ment mutiques, quelquefois garnies de poils.
Les Hétérocères nous présentent des espèces séricigènes, utilisées par
leurs cocons soyeux, pouvant devenir la base d'une industrie de pre-
mier ordre ; par contre, c'est dans ce groupe de Lépidoptères que nous
276 LÉPIDOPTÈRES.
trouvons les espèces les plus nuisibles aux champs, aux forêts, aux jar-
dins, et, pour certaines, à nos vêtements, à nos meubles, à nos provi-
sions, ces espèces nuisibles appartenant principalement aux Microlépi-
doptères. Il y a, dans divers genres d'Ilétérocères, des femelles frappées
d'atrophie alaire, chez lesquelles les ailes manquent quelquefois com-
plètement ou sont réduites le plus souvent à des moignons impropres à
la fonction du vol. Il y a là un caractère d'infériorité lié dans un cer-
tain rapport à la vie crépusculaire et à l'absence de spiritrompe et par
suite d'alimentation à l'étal adulte ; jusqu'cà présenties Rhopalocères
n'ont pas présenté de faits analogues.
Les tribus que nous établirons dans les Hétérocères sont les Castniens,
les Hépialiens, les Cossiens (Cossus et Zeuzera), les Sésiens, les Sphin-
giens, les Zijijéniens (avec Syntomis, Glaucopis, Aglaope, etc.), les Litho'
siejis (avec Eudielia), les Chéloniens (y compris les Aganaides et les
Agaristides),\Q?> Bonibyciens {N qv à soie du mûrier, Liparis, Orgya, CocliO'
podes, Limacodes, Bombyx, Lasiocampa, etc.), en y rattachant la famille
aberrante des Psychides, les Attaciens ou Saturniens, renfermant les
Vers à soie autres que celui du mûrier, les Uraniens {Cydimon Lcilus,
Urania Ripheus), les Noctuélicns, tribu considérable commençant pa
les Erebus, se terminant par des Deltoïdes, Ilerminia, Hypena, etc.
Viennentenfînles Microlépidoptères, mot qu'ilne faut pas prendre dans
un sens trop absolu, car certains genres sont de taille presque moyenne,
et il y a des Psychides, des Nocluelles et des Phaléniens {Acidalia, Eu-
pithecia) de taille très exiguë. Nous rangerons dans les Microlépidop-
lères les tribus des Pyraliens {Bofys, Crambus, Galleria, Asopia, etc.),
(les Tortriciens, des Tinéiniens, des Ptérophoriens et des Alucitiens; ces
deux dernières tribus offrent un caractère de dégradation alaire, con-
sistant en séparation de leur membrane suivant les nervures, de ma-
nière à former des|lanières ou plumules séparées.
Tribu des CASTMICW*^,
Têlc relativement petite, munie de deux stemmates. Antennes ri-
gides, renflées insensiblement en fuseau, puis amincies, parfois en
entier fusiformes, avec une petite houppe à la pointe, cette houppe
visible à la loupe. Spiritrompe 1res distincte. Palpes saillants, en géné-
ral bien articulés. Ailes très larges, très amples, à écailles très fortes,
accumulées et très fragiles ; ailes supérieures à cellule discoidale
courte et fermée, le troisième rameau costal formant une aréole avec
le tronc des rameaux inférieurs et déviant pour aboutir au bord
externe ; troisième rameau inférieur passant sur celui-ci pour aboutir
à la côte; nervure composée postérieure dédoublée pour former une"
aréole avant les rameaux, chaque tronc en donnant deux; deux ner
vures simples postérieures, la seconde dédoublée à la base pom" former
CASTNIA. 277
une aréole d'où sort un rameau qui meurt avant le bord interne;
existence d'un frein. Six pattes ambulatoires. Jambes robustes, à épe-
rons développés. — Chenilles cylindroïdes, décolorées, vivant dans l'inté-
rieur des bulbes ou dans le tronc des végétaux (Bananiers). — Chrysa-
lides arrondies, non anguleuses, garnies de petites épines sur le bord
des anneaux.
Les Castniens sont des Lépidoptères tous propres aux régions équa-
toriales. Ils volent pendant le jour, mais leurs ailes maintenues parle
frein sont, au repos, inclinées en toit sur le corps, à la façon des Bom-
byciens. C'est une tribu ambiguë, à cause de la massue des an-
tennes, qui se lie à des mœurs diurnes ; mais si on ne la place pas à
la fin des Rhopalocères, on est obligé de commencer par elle les Hélé-
rocères. Les chenilles des Castniens ont été longtemps inconnues.
M. C. Bar (op. cit., Ann. Soc. eut. de Fr., 1878, p. 16 et 38) a bien con-
staté leur manière de vivre à la Guyane, déjà indiquée par Boisduval ,
et a créé pour ce groupe la section des Endophytes, venant dans sa
méthode après les Enroulés (Hespériens;; elles restent soustraites à la
lumière, rongeant l'intérieur des troncs et des stipes des Musacées
et des Palmiers : mœurs pareilles à celles des chenilles des Cossiens
et desSésiens, tribus peu éloignées des Castniens.
CASTIflA, Fabr. — Corps robuste, très épais. Antennes assez rapprochées à
leur base, grandes, mais beaucoup moins longues que le corps, renflées vers
leur extrémité en une massue prononcée et fusiforme, que termine à l'extrémité
un petit crochet soyeux. Yeux 1res grands. Palpes ne dépassant pas le bord
du chaperon, appliqués contre la face inférieure de la tète, grêles, avec le
second article allongé et le dernier très petit. Thorax très épais, avec les pté-
rygodes ou épauleltes grands et allongés, couverts d'écaillés fort grandes, ainsi
que la base des ailes et de l'abdomen, écailles qui imitent en petit les plumes
d'un oiseau. Ailes grandes et longues, les supérieures coupées obliquement à
leur extrémité, les inférieures n'ayant pas de cellule discoïdale distincte.
Pattes de la première paire courtes et grêles, celles des deuxième et troisième
paires très fortes, ces dernières munies de quatre épines à leur extrémité et
les autres de deux. Tarses aussi longs que les jambes, terminés par des cro-
chets petits et arqués. Abdomen long et gros, renflé en fuseau, conoïde au
bout, souvent terminé par un court pinceau de poils.
Les Castnies appartiennent aux régions chaudes de l'Amérique méri-
dionale, principalement aux Guyanes et au Brésil, s'avançant jusqu'au
sud de cette grande région, belles comptent un assez grand nombre
d'espèces, toutes d'une taille souvent très grande et parées générale-
ment de belles couleurs. On en connaît plusieurs espèces depuis long-
temps, décrites et figurées dans Cramer: ainsi les C. Dœdalus, Pylades,
Harmodius, Lycus, Palatines, etc. Nous représentons le C. Acrœides,
Gray, Boisd., du Brésil (pi. i.xxxvir, tig. Zi), espèce que Boisduval a pla.cée
278 LÉPIDOPTÈRES.
plus tard dans son genre Orthia. On dit que la chenille vit dans cer-
taines espaces de Broméliacées. Le corselet et l'abdomen sont bruns en
dessus, le ventre ayant les anneaux jaunâtres avec les articulations
noires. Les ailes supérieures sont d'un brun jaunâtre avec bandes nua-
geuses brun.ltres, les inférieures fauves avec une large bordure noire
lisérée extérieurement de jaune terne; les nervures des ailes des deux
paires sont fortement marquées en noir. Gray a donné {Trans. entom.
Soc. of London, 1838, II, IZjO) If Synopsis du genre Castnia, où il admet
vingt-neuf espèces, avec la citation des travaux antérieurs, notamment
de la Monographie de Dalman (1825), qui n'en comptait que dix-sept
espèces. Le nombre des espèces de Castnies est encore augmenté par
les découvertes plus récentes, car Boisduval en décrit cinquante-trois du
genre Castnia, réduit, dans son Species des Sphingides, Sésiides, Cast-
nides, publié en 187Zi. Ce sont des papillons qui volent en plein jour
à l'ardeur du soleil avec une grande rapidité, aimant à se reposer à
plat sur la terre ou sur le tronc des arbres, comme des Catocala (Noc-
tuéliens), et butinant à certaines heures sur les fleurs à la façon des
Sphingiens. Les chenilles, de couleur rougeâtre étiolée ou blanchâtre,
sont munies de petits tuhercules, portant chacun un petit poil, très
court, peu apparent, et d'une plaque cornée écailleuse sur le premier et
sur le dernier segment. Armées de fortes mandibules, elles rongent
l'intérieur de diverses espèces de Bananiers [Musa sapienthim, paradi-
siaca, etc.), dans les bulbes des Orchidées, dans les Broméliacées, vers
la racine ou dans les tiges des Cactus, etc. Lorsque arrive l'époque de
l'éclosion, les chrysalides exécutent les mômes manœuvres que celles
des Sésies, se mouvant dans la galerie à l'aide des petites pointes qui
garnissent le bord des anneaux, et avançant la partie antérieure vers
l'orifice ménagé par la chenille, afin que le papillon puisse aisément
sortir. Boisduval a ajouté au genre Castnia quelques genres, qui sont
plutôt des sous-genres. 11 en est deux ayant les palpes très velus, appli-
qués fortement sur le front, non divergents, à articles indistincts, les
antennes terminées par une petite pointe, sans houppe soyeuse. Ce
sont les Ceretes (trois espèces du Brésil) et les Orthia, du Brésil, de la
Guyane, des bords de l'Amazone. Les Gazera de Boisduval ont un
aspect d'Héliconies,les antennes en massue allongée, terminée par une
petite houppe soyeuse à peine visible, les palpes courts, de trois articles,
dont les deux premiers confondus, le troisième très distinct, nu et
pointu, l'abdomen cylindroïde, un peu plus long que les ailes infé-
rieures; espèces de la Guyane française, du Brésil, de Guyaquil, de la
Nouvelle-Grenade, de Panama, de Colombie.
Il y a certains genres, de place fort incertaine, que nous rangerons
après les Castniens. Tel est d'abord le genre australien Synemon, Dou-
bleday, tout à fait anormal pour la nervulation, et qui paraît, dans une
certaine mesure, représenter les Castnies sur le vaste continent de
l'Australie. Les antennes sont terminées par une massue en fuseau
CASTNIA. 279
court, bien prononcé, comme chez beaucoup de Rhopalocères, plus ou
moins mucroné à l'extrémité, laquelle est en outre garnie d'une très
petite houppe soyeuse, plus ou moins visible; les palpes sont courts, à
trois articles couverts de poils écailleux; l'abdomen, cylindrico-conique,
se termine chez les mâles par un petit pinceau anal et chez les femelles
par un petit ovidiicte saillant, ce qui semble indiquer que les chenilles
doivent vivre à l'intérieur des végétaux, comme celles des Castnies et
des Sésies; les pattes antérieures sont courtes, avec les jambes munies
d'une épine aiguë, les tarses épineux, avec le premier article très long;
les ailes entières, garnies d'écaillés assez grossières, les inférieures
pourvues d'un frein comme chez les Castnies. On compte jusqu'à pré-
sent une dizaine d'espèces de Synemon décrites ou figurées, qui ont
toutes les ailes inférieures jaunes avec des fascies noires. La plus
ancienne espèce connue est le S. Sophia, White, des environs du port
du Roi-Georges, et qui fut d'abord prise pour un Hespérien.
Le genre Coronis, Latr., a été fondé pour de beaux papillons, géné-
ralement ornés de riches couleurs, qui habitent l'Amérique chaude
(Mexique, Colombie, Brésil intérieur). Les antennes sont assez épaisses,
distinctement renflées avant le sommet, à articles évasés et munis d'un
poil court à leur bord interne. Les palpes sont très développés, ascen-
dants, ayant le second article hérissé de longs poils sur la tranche, le
troisième très long, nu, filiforme, puis subspatulé et coudé sur le pré-
cédent. Spiritrompe longue et robuste. Pattes toutes semblables et
assez longues. Ailes veloutées, assez épaisses, les supérieures à bord
interne convexe, ornées de deux bandes distinctes, les inférieures mu-
nies d'un frein long et sétiforme, terminées au bord inféro-externe par
une queue courte, en forme de spatule obtuse, ces ailes inférieures
ornées, le plus souvent, d'une bande de couleurs vives ou tranchées, et
bordées à l'extrémité terminale de taches noires à peine ocellées.
Abdomen sans lignes distinctes. Dans ce genre Coron«s, nous citerons'
C. Leachi, Godart, du Brésil (province du Saint-Esprit) et du Mexique,
espèce répandue dans les collections, et que nous représentons
pi. Lxxxvii, fig. 3. Les ailes antérieures, d'un gris nébuleux, ondées de
noir, sont traversées par une bande sinueuse noire extérieurement
doublée de blanchâtre, avec un prolongement de même couleur vers
le bord externe ; les ailes inférieures, que ne traverse pas de bande
colorée, sont brunes, comme le corps, avec frange jaunâtre et une
tache blanche contre le bord, au sommet. Ajoutons, dans ce môme
genre Coronis, C. Evenus, Boisduval, du Venezuela et de Colombie ;
C. Egina, E. Blanch., du Brésil, etc. Nous indiquerons encore spéciale-
ment une très rare espèce des environs de Cayenne et de Surinam, et
aussi de la province du Saint-Esprit (Brésil), anciennement figurée sur
un mâle, le C. Orithea, Cramer, de 60 millimètres d'envergure, dont le
fond des ailes est d'un brun noir, les supérieures traversées par deux
bandes d'un rose carné, les inférieures avec une grande tache discoïdale
280 LÉPlDOPïfclŒS.
semi-lunajre,d'im bleu a/Airé vif, continuée par une bande d'un carné
violStre, qui va rejoindre l'angle anal, ces ailes inférieures terminées
par trois lunules noires, surmontées de violet, entre l'angle anal et la
queue, celle-ci ayant l'extrémité d'un blanc terne.
M. Westwood (1) place le genre Coronis, dont il a cru devoir cîianger
le nom en celui de Coronidia, dans la famille des Uranidœ (notre tribu
des Uraniens) et dans le groupe B des Sematuridœ. Il en décrit vingt
espèces qu'il divise, pour les collections, en quatre sections : 1" ailes
postérieures à bandes bleues, ex. : C. Orithea, Cramer, C. Hyphasis,
floppffer, du Mexique, C. Ilijsudrus, Hoppifer, du Mexique et du Bré-
sil, etc. ; 2° ailes postérieures à bandes rousses, ainsi ; C. Egina et d'au-
tres nouvelles du Brésil, de Colombie, du Nicaragua, du Guatemala, de
Bogota; 3° ailes postérieures à bandes fauves, telles C. Japef, Boisd., du
Brésil, C. Ducatrix, Schaufuss, du Venezuela, C. Echenais, Hoppffer, du
Mexique, du Venezuela, de la Nouvelle-Grenade, C. Biblina, Westw., du
Nicaragua et du Venezuela; ti° ailes postérieures sans bandes, ex. :
(7. Leachi, Godart, et Evenns, Boid. M. Westwood a figuré la chenille à
seize pattes d'un Coronas voisin de Orithea, et sa chrysalide avec spiri-
trompe saillante, fourreaux alaires plissés et éperon caudal.
M. Guenée (Species des Lépidoptères, 1857, t. TX, p. 16) avait déjà
réuni au genre Goronis, dans une même famille, celle dos Sématurides,
le genre Sematura, Dalman, ayant la plupart des caraclères des Goro7us,
notamment les palpes si remarquables, mais dont les antennes sont
minces, à articles très peu distincts, à renflement peu sensible et à
pointe à peine arquée, qui offrent un toupet frontal velu, aplati en
dessus, le thorax déprimé, rayé en longueur, ainsi que l'abdomen,
celui-ci court, cylindro-conique dans les deux sexes, les pattes longues
et grêles, les ailes minces, à dessins et couleurs analogues aux deux
. paires, traversées par des lignes fines et sans bandes principales, lés
supérieures triangulaires, entières, prolongées au sommet chez les
mâles, les inférieures à frein développé, fortement dentées, terminées
par une longue et large queue, étalée en] spatule ou en raquette et
marquée de deux grands yeux complets. Les Sématures sont de très
grands papillons, propres aux diverses contrées de l'Amérique méri-
dionale, offrant le gris, le brun etl'ocracé comme principales couleurs ;
leur aspect est phaléniforme (Urapteryx, Boarmia, etc.), et rappelle à
la fois les Uraniens et les Phaléniens. M. "Westwood a changé le nom du
genre en celui de Manidia.
L'espèce la plus anciennement connue est le S. Lunus, Lin., du
Honduras et du Brésil, de grande taille, 75 millimètres d'envergure,
(1) Observations on llie Uranidœ , a famiiy of Lepidopterous Insects, witli a
Synopsis of the, Family and a Monograpli of Coronidia, one of the Gênera of
which it is composée! [Trans. of the 7.ool. Soc, I. X,part. 12, 1870, p. 507,
avec 4 pi., 2 noires, 2 coloriées).
^COGERA. 281
avec les ailes d'un brun de terre d'ombre clair, traversées par une mul-
titude de lignes fines et ondulées, d'un roux ocreux, les inférieures
profondément dentées, avec une longue et large queue, spalulée en
dedans, ornée de deux ocelles noirs et terminée par un dessin en
forme de crosse noirâtre, avec une liture blanche et d'où naît
un filet noir qui borde toute la partie interne de la spatule. On
signale plusieurs autres espèces de Sématures, ressemblant beau-
coup à la précédente et qui n'en sont peut-être que des races, suivant
M. Guenée.
Xous terminerons par deux genres anormaux, dont nous ne garan-
tissons nullement la véritable position; s'ils se rapprochent des Cast-
niens par le caractère des antennes, ils ressemblent aux Zygéniens sous
d'autres points de vue, et Boisduvalles y réunit dans sa Monographie
des Zygéuides, 1829 (p. Il et 13). Le genre Hecatesia, Boisduval, pré-
sente des antennes hérissées, à articles assez distincts jusqu'à la massue
fusiforme terminale rappelant celle des Nymphales, à palpes très velus,
à articles peu distincts, ne dépassant pas le chaperon, avec le dernier
article très court, la spiritrompe roulée en spirale au repos, le thorax
très velu, les ailes très bombées et comme voûtées par leur bord anté-
rieur, se couchant au repos sur le corps. L'unique espèce est 17/. fe-
nestrata, Boisd., de l'Australie méridionale, avec une large tache
ransparente le long de la côte, ofl'rant une forte duplicature à son
rebord costal. L'autre genre est le suivant :
JSCiOCERit, Latreille. — Antennes fusiformes, renflées au milieu au moins chez
les mâles, dépourvues de houppe écailleuse à leur extrémité. Palpes dépassant
le chaperon d'une manière remarquable, ayant le second article très velu,
garni de poils fascicules réunis en une sorte de bec. Ailes un peu en toit dans
le repos, entièrement couvertes d'écaillés, sans taches vitrées, les supérieures
triangulaires. Jambes couvertes d'écaillés allongées. Un pinceau de poils à
l'extrémité anale de l'abdomen des mâles, manquant chez les femelles.
Le type de ce genre, décrit par Latreille, est VjE. Vemilia, du Ben-
gale. Les premières ailes sont d'un brun ferrugineux plus ou moins
obscur, avec une bande blanche longitudinale, allant de la base au
sommet, dilatée en son milieu en un petit angle, bordée par une ligne
rouge et marquée de trois points de la même couleur; les ailes infé-
rieures sont d'un jaune fauve avec une large bordure et une tache dis-
coïdale d'un brun clair. Nous figurons, d'après Boisduval, pi. lxxxviii,
fig. 2, la femelle d'une espèce très voisine, à bande blanche sans
angle, VjE. Reciiiinea, Boid., de Sierra-Leone. Il y a, d'après Guérin-
Méneville, une troisième espèce du Sénégal. v£. Menete, Cramer.
282 LÉPIDOPTÈHES.
TillBU DES HÉPIAIilEHS.
Antennes souvent très courtes, moniliformes ou dentées. Palpes
très petits. Spiritrompe nulle ou rudimentaire. Thorax bombé, squa-
meux ou très velu, long et grêle. Ailes minces, allongées; étroites, les
inférieures un peu moins longues que les supérieures, mais semblant
taillées sur le même modèle; cellule discoïdale des ailes supérieures
divisée en trois aréoles, la supérieure plus courte; nervures du bord
externe aboutissant au milieu de ce bord, la supérieure n'étant pas
développée ordinairement; pas d'aréole entre les rameaux de la ner-
vure composée antérieure. Abdomen cylindroïde et allongé, dépassant
beaucoup les ailes inférieures. — Chenilles allongées, cylindriques,
à fortes mandibules, souterraines et rongeant les racines des plantes. —
Chrysalides allongées et cylindroïdes, épineuses sur les segments de
l'abdomen.
M. Guence donne à cette tribu, qui se compose surtout du genre
Hepialus, le nom A'Infrenatœ, parce que les papillons n'ont ni frein, ni
spiritrompe, ni stemmates, et de Terricolœ, en raison des mœurs des
chenilles décolorées et toujours souterraines; elles ne vivent pas à
l'intérieur des racines qu'elles rongent, mais auprès, se logeant dans
de longs tubes soyeux, allant de la racine à la surface du sol. C'est
près de celle-ci qu'elles deviennent chrysalides dans une coque revêtue
à l'extérieur de molécules de terre et tapissée intérieurement d'un
tissu de soie mince et serré; cette coque est deux fois plus longue que
la chrysalide et celle-ci peut y avancer ou reculer à son gré en faisant
des ondulations au moyen des épines dont son abdomen est armée ;
c'est ainsi qu'elle avance sa partie antérieure contre l'extrémité de la
coque qui affleure au sol, de sorte que le papillon sort aisément au
printemps. On serait tenté de croire que les Hépialiens ont les an-
tennes toujours extrêmement courtes, comme cela a lieu dans la plu-
part des espèces d'Europe, et chez beaucoup d'exotiques ; mais VAban-
tiades sordida, Hépialien d'Australie, qui est très voisin pour tout le
reste de nos Hepialus Camus, Velleda, etc., a les antennes très longues
et très fortement pectinées.
nGPl.il.us, Fabr. — Corps assez grêle et velu. Antennes très courtes, parfois
de longueur moyenne, toujours grêles, moniliformes ou dentées au côté interne
dans les deux sexes. Palpes très courts et très velus. Pas de spiritrompe. Cor-
selet long et velu. Ailes toujours longues, étroites, peu robustes, elliptiques
ou lancéolées, en toit dans le repos. Abdomen grêle, comme vide chez les
mâles, très long chez les femelles. — Chenilles à seize pattes, grêles, allon-
gées, offrant chacun des segments de leur abdomen garni de petites épines
très courtes dirigées en arrière, qui les rendent rugueux au toucher.
HEPIALUS. 283
Les Hépiales adultes sont des insectes de couleurs peu brillantes,
dont les ailes sont mal garnies d'écaillés, au point d'Être souvent à
demi transparentes. Ces ailes, oblongues, obliquement découpées, ont
en outre une conformation spéciale : leurs points d'insertion, sur un
même côté du thorax, paraissent sensiblement plus éloignés entre eux
que chez les autres Lépidoptères; en outre, les ailes inférieures, au
lieu d'avoir le bord antérieur arrondi, l'ayant au contraire droit et
même évidé, il en résulte que, lorsque l'insecte a les ailes étendues,
les supérieures touchent à peine les inférieures, de sorte que le pa-
pillon rappelle un peu. les Libellules par son port d'ailes.
Les femelles sont très différentes des mâles, bien plus grandes, autre-
ment colorées. Le corps est peu consistant, l'abdomen presque vide,
surtout chez les mâles, ce qui ne les empêche pas d'avoir le vol sou-
tenu et assez vigoureux. Les Hépiales volent toujours très près de terre,
en tourbillonnant, surtout dans les prairies et dans les bois, et exclusi-
vement le soir après le coucher du soleil ; dans la journée les papil-
lons se tienneut cachés sous les plantes basses ou accrochés à quelque
brin d'herbe.
L'Europe ne compte guère plus d'une dizaine d'espèces du'genre
Hepialus, dont nous ne décrirons brièvement que les plus communes.
La plus grande de beaucoup est VH. humuli, Linn. Le mâle, de 50 mil-
limètres d'envergure, a les quatre ailes d'un blanc argenté et sans
taches, avec la frange d'un rouge fauve. La femelle, notablement plus
grande, offre les ailes supérieures d'un jaune d'ocre, avec deux bandes
obliques et la frange d'un rouge fauve, les inférieures d'un jaune
obscur et l'extrémité légèrement rougeâtre. La chenille de l'Hépiale
du houblon (pi. lxxxix, fig. 7), est d'un jaune roussâtre clair, avec la
tête et le prothorax d'un brun fauve et les stigmates noirs très appa-
rents. Cette espèce est septentrionale, assez rare aux environs de Paris,
plus commune dans le nord de la France et dans le nord-est, Jura, Al-
sace, Doubs, etc., au Mont-Dore, dans la Creuse,. mais rare en Suisse,
en Angleterre {the Gost.), en Allemagne, causant souvent de grands ra-
vages dans les plantations de houblon, dont elle dévore les racines,
rongeant aussi celles de la bryone ou couleuvrée. La chenille passe
l'hiver entre les racines et se chrysalide en avril dans une coque longue
et cylindrique, dont le bout postérieur n'est fermé que par quelques
fils lâches. Le papillon paraît en juin et en juillet. — L'JÏ. Lupulinus,
Linn. syn. {Flina, Schiffermuller), la Louvelte d'Engramelle, (pi. xxxix,
tig. 1), de 25 à 30 millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un
rouge jaunâtre obscur, avec deux bandes d'un blanc jaunâtre, obliques,
sinuées, légèrement bordées de noir, se réunissant au bord interne et
formant un V très ouvert dans lequel il y a un trait blanc jaunâtre lon-
gitudinal; en outre une rangée marginale de points de même cou-
leur ; ailes inférieures d'un cendré brunâtre, avec la frange plus claire ;
corps d'un brun noirâtre ; antennes et pattes fauves. Femelle pareille
28Û LÉPIDOPTÈRES.
au mâle pour le dessin, mais ayant ordinairement le fond des ailes et
le corps d un cendré pâle. Chenille blanchûtre, à tête brune, vivant
en janvier et février, puis eu juin, entre les racines des Graminées,
des Aster, des Virgaurea, s'élevant facilement dans des pots à fleurs où
l'on plante des racines. Papillon commun en mai, puis en août, un
peu moins, dans les prairies au crépuscule, existe en Angleterre {ihe
Common Small Svift). — H. Silvinus, Linn., la Siivine d'Engramelle,
espèce assez commune partout, the Orange Svift des Anglais, en mai,
puis un peu moins en août, et quelquefois en octobre, volant le soir
dans les prairies, les champs et les lisières des bois, variant beaucoup
de coloration et de taille. Mâle de 32 à 35 millimètres d'envergure,
les ailes supérieures d'un rouge briquelé clair ou d'un brun grisâtre,
avec deux bandes blanches obliques, très écartées vers la côte, pres-
que convergentes vers le bord interne et embrassant un C blanc dont
la convexité est en bas, plusieurs taches brunes le long de la côte et
deux lignes en zigzag vers le bord externe; ailes inférieures d'un
brun cendré sans taches; antennes ferrugineuses; corps de la couleur
des ailes supérieures avec l'anus terminé par trois petits faisceaux de
poils d'un rouge fauve. Femelle semblable au mâle mais plus grande
que lui. Chenille s'élevant facilement comme celle de l'espèce précé-
cédente, allongée, blanchâtre, à petits points noirs et à tête rousse,
vivant pendant tout l'hiver et aussi en juin entre les racines des Gra-
minées, de la sauge des prés, des carottes, des bryones, des valé-
rianes, etc. — H. Hectus, Linn, espèce septentrionnale de France, d'Al-
lemagne, d'Angleterre (the Gold Svift), la Patte en masse de De (îéer,
l'Hépatique d'Engramelle, 36 millimètres d'envergure chez le mâle; les
ailes supérieures d'un brun roussâtre clair, avec deux bandes trans-
verses obliques de taches nacrées, inégales, souvent interrompues
et une rangée terminale de petits points d'un blanc nacré ; les ailes in-
férieures d'un brun obscur quelquefois un peu roussâtre, avec la
frange plus claire, parfois avec des taches allongées et argentées entre
les nervures; le corps et les antennes d'un jaune roussâtre. Le mâle
répand une odeur aromatique très prononcée. Femelle ayant les ailes
supérieures d'un brun ferrugineux, avec les taches et les bandes
obliques très variables et d'une couleur cendrée. De Géer a donné à
cette espèce le nom de Patte en masse parce que ses patles posté-
rieures offrent, au lieu de jambe et de tarse, une masse luisante et en
forme de poire aplatie, s'articulant par le petit bout à l'extrémité de la
cuisse. De Géer soupçonne que ces deux masses servent à tenir l'in-
secte en équilibre quand il vole. Sa manière de voler a, en effet, quel-
que' chose de singulier : il s'élève à environ 30 centimètres au-
dessus du sol, et, à cette distance, il parcourt rapidement un espace
très borné, allant sans cesse de droite à gauche et de gauche à droite.
Si on le touche, il se laisse tomber et reste immobile en repliant ses
pattes contre le corps. Comme le mâle seul présente la singulière cou-
IIEPIVLUS. — COSSlliNS. 2H5
formation des patlcs postérieures que nous avons indiquée, je suis porté
à croire qu'elle se lie plutôt à quelque particularité d'accouplement.
L'H. Hectus est une espèce beaucoup moins commune que les deux
Hépiales précédentes et surtout plus localisée ; elle vole en juin et juil-
let au coucher du soleil dans les bois et sur les lisières des bois, sur
les bruyères, dont la chenille ronge les racines et les buissons, se trouve
aux environs de Paris, dans le Doubs, Saône-et-Loire et le Morvan
(Constant), en Alsace, dans l'Indre, aux Grandes d'Ardentes, mais rare
(Maurice Sand), etc.
Nous citerons seulement quelques autres Hépiales de France, qui
sont des montagnes. Ainsi, //. Velleda, Iliibner, des Alpes, fin juin et
juillet, du Iloheneck, dans les Vosges, du Mont-Dore, en Auvergne,
d'Angleterre {the Bcautiful Svifty, H. Camus, Esper, espèce rare, prise
en juillet à la Grande-Chartreuse, dans l'Isère, existant aussi dans la
Gironde (ïrimoulct); //. Ganna, Hûbn., des Pyrénées-Orientales (Cani-
gou, le Vernet) et des Basses-Alpes, dans les prairies élevées de Mal-
morte, en juillet; H. Pyrenaicus, Donzel, à ailes supérieures d'un brun
noirâtre, semées confusément d'un grand nombre de taches blanchâtres,
la frange brune, les ailes inférieures brunes, à frange blanche, la tête,
les antennes et le corps bruns. La femelle, par un exemple de dégra-
dation que nous retrouverons chez d'autres Hétérocères, ne peut voler,
n'ayant que des rudiments d'ailes plus ou moins grands, de même colo-
ration au reste que chez le mâle. Cette espèce a été découverte en
1835 par M. Donzel, en juillet, sur la montagne de Cambrusdase (Pyré-
nées-Orientales), près Mont-Louis, vallée d'Eyna, à 2/iOO mètres d'alti-
tude, et se trouve aussi aux environs de la Preste et de Gavarnie.
Parmi les Hépiales exotiques, on doit citer une très tirande et belle
espèce du Cap de Bonne-Espérance, 1'//. Venus, Cramer, à abdomen
cylindrique très long, rappelant les grandes espèces de Fourmilions
par la forme de son corps, la coupe de ses ailes supérieures et leur
transparence; les ailes supérieures sont brunâtres, tirant sur le jaune et
parsemées d'un grand nombre de taches d'argent de forme plus ou
moins allongée; les inférieures sont rougeâlres, plus claires vers leur
région moyenne, avec de longues nervures noirâtres très marquées.
Tribu des COSSIEl^S.
Cette tribu forme la légion des Lignivorœ de M. Guenée. Corps ro-
buste. Abdomen dépassant de beaucoup les ailes inférieures et terminé
chez les femelles par un oviscapte rétractile plus ou moins saillant.
Antennes des mâles pectinées sur une longueur variable, à lames
épaisses et courtes ; antennes des femelles crénelées ou à lames très
courtes. Deux stemmates. Spiritrompe presque nulle. Ailes en toit au
repos, avec frein rudimentaire chez les mâles. — Chenilles allongées,
286 LÉPIDOPTÈRES.
plus ou moins déprimées, ù mandibules fortes, vivant dans l'intérieur
des végétaux, dans les tiges ou dans les racines, pourvues de quelques
poils clair semés, implantés chacun sur un petit tubercule, et d'un
écusson écailleux sur le prothorax. — Chrysalides longues, cylindroïdes,
convexes du côté du dos, avec deux rangées transversales d'épines in-
clinées en arrière sur chaque segment de l'abdomen, dont elles font
usage pour se mouvoir et se rapprocher de l'ouverture qui doit donner
passage à l'insecte parfait.
COSSIDES.
Front arrondi. Antennes des mules pectinées dans loule leur lon-
gueur. Thorax arrondi, court et épais. Ailes supérieures à cellule dis-
coïdale traversée par une nervure supplémentaire et divisée en deux
aréoles fermées: une aréole entre les rameaux de la nervure composée
antérieure; deux nervures simples au bord intérieur. Abdomen gros
et large. Un seul genre :
t'®iﻧ»ajS, Fabr. — Antennes de la longueur de la tête et du corselet réunis,
dentées dans les deux sexes et dans toute leur longueur du côté inlerne, bien
plus fortement chez les mâles. Front et thorax à poils ras. Palpes cylindriques
assez épais, couverts d'écaillés Thorax bombé. Ailes en toit au repos, nébu-
leuses, maillées de hachures blanchâtres et noirâtres. Abdomen et pattes squa-
meux : pattes postérieures des mâles recourbées et munies de deux paires
d'éperons ; abdomen épais et peu allongé, avec la tarière de la femelle souvent
saillante après la ponte.
Le genre Cossus ne comprend qu'un petit nombre d'espèces. Le type
et la seule espèce importante est le Cossus ligniperda, Linn., le Cossus
de Geoffroy, le Gâte-bois {the Goat Math des Anglais), répandu dans toute
l'Europe. Sa chenille a été prise près d'Alger dans le tronc d'un caroubier
(H. Lucas). Le papillon, de 65 à 70 millimètres d'envergure, a les anten-
nes blanches au côté externe et noires au côté interne dentelé; dessus
de la tête et partie antérieure du thorax roussâtres, celui-ci étant en
outre bordé postérieurement par une bande noire courbe, munie en
avant de poils blancs. Ailes supérieures d'un gris cendré, blanchâtre
par places, avec beaucoup de petites lignes noires, transverses et ondu-
lées, en réseau plus ou moins confus, très marquées vers l'extrémité
de l'aile; ailes inférieures d'un gris cendré, avec des lignes noires
réticulées comme aux ailes supérieures. Corps de la couleur des ailes,
avec les incisions de l'abdomen blanchâtres. l'emelle semblable au
mâle, mais avec les antennes moins dentées et l'abdomen terminé par
une tarière tubuléc au moyen de laquelle elle dépose ses œufs sous
l'écorce des arbres. Les Cossus adultes se trouvent en juin et juillet sur
les boulevards, dans les plantations et les vergers, sur le tronc de
arbres qui bordent les routes. La chenille (pi. lxxxix, fig. 3) est lui-
cossus. 2S7
santé, jaunâtre, avec les segments du dos largement couleur de brique.
Elle vit dans l'intérieur du tronc des ormes, des saules, des bouleaux,
des arbres fruitiers, des chênes plus rarement, et exerce de graves
dégâts, au point de faire périr les arbres ou de les affaiblir beaucoup,
de sorte qu'ils succomberont ensuite aisément sous les attaques des Sco-
lytiens (Coléoptères). Ces chenilles dégorgent par la bouche une liqueur
acre, d'odeur forte et repoussante, et probablement destinée à ramollir
les fibres du bois. Elles paraissent très sensibles à l'action de l'air, car
si on les retire de leurs galeries, elles filent une sorte de toile pour se
mettre à l'abri de son contact; cependant elles résistent très bien au
froid, car le capitaine Xambeu en avait trouvées de gelées qui sont
parfaitement revenues à la vie. La chenille du Cossus gâte-bois vit deux
ans et même parfois trois; on peut l'élever assez bien avec des pommes
coupées en deux. Elle se file, dans sa galerie ligneuse, une coque com-
posée de fils de soie et de sciure de bois; comme toutes les chenilles
endophytes, à l'époque de cette nymphose, elle se rapproche de la
circonférence de l'arbre, en rongeant intérieurement l'écorce, jusqu'à
n'en laisser qu'un très faible disque qui sert d'opercule à la galerie, et
qui, tout en cachant parfaitement leur retraite aux regards, cède à la
moindre pression et s'ouvre sans effort pour livrer passage au papillon
dès qu'il est éclos. Les galeries de ces funestes chenilles ont quelquefois
plusieurs mètres de long à l'intérieur des gros arbres ; aussi ne peut-on
songer à les atteindre par les insecticides. Le seul remède efficace est
d'observer les troncsjen passant la revue des arbres. Une sorte de sciure
de bois encore fraîche par la sève écoulée frappe d'abord la vue, soit
au pied de l'arbre, soit sur le tronc même. On introduit alors dans le
trou d'où sortent ces débris un long fil de fer dont on a recourbé l'extré-
mité en hameçon; quand on a gagné le fond de la galerie, on retourne
plusieurs fois le fil de fer sur lui-même, et l'on réussit toujours, soit à
harponner la chenille et la tirer au dehors, soit à la tuer dans son
repaire. Ce procédé réussit d'autant mieux qu'il est employé plus tôt
et contre des larves encore jeunes, dans des trous peu profonds.
Linnœus et Fabricius prétendent que la chenille du Cossus gâte-bois
était le ver que les Romains engraissaient avec de la farine et qu'ils
servaient sur leurs tables comme un mets très délicat. Godart fait
observer avec raison qu'il y a là une fausse interprétation du texte de
Pline, dont la dernière phrase signifie : ces vers rongeurs des arbres
prennent tous la figure d'un Céraste (porte-corne) et ils font entendre une
petite stridulation. Cela ne peut évidemment s'appliquer qu'à des larves
de Coléoptères Cérambyciens, comme Cerambyx Héros et Prionus Coria-
rius. De nos jours, les indigènes américains et même les créoles man-
gent encore des larves de Coléoptères analogues.
Il existe en Europe quelques autres espèces du genre Cossus, rares
dans les collections et dont les adultes paraissent en juillet. Tels sont
le C, Cœstrum, Hubner, du sous-genre Hypopta, Hubner, de Dalmatie
r88 LÉPIDOPTÈRES.
et du midi de la France aux environs de Montpellier, mais très rare, et
du même sous-genre, Hypopta, le C. Thrips, Hubner, de la Russie
méridionale. Citons encore C. Paradoxus, Herr. Schœfler ou Desertus,
Fischer de Wallieim, de la Russie orientale ou asiatique, et C. Terebra,
Fabr., d'Allemagne. Nous représentons une espèce de l'Amérique du
Nord, leC. Macmurtrei, Boisd., femelle (pi. lxxxix, fig. 2), 65 centimètres
d'envergure: corps noirâtre, garni d'écaillés grises par places; ailes
demi-transparentes, à écailles blanchâtres très petites et peu rappro-
chées entre elles, avec des stries transverses et irrégulières noires, la
base plus grise, le bord antérieur des ailes supérieures et les nervures
faiblement teintées de jaunâtre; antennes et pattes noires, ces der-
nières annelées de gris. Le long abdomen cylindroïde de cette espèce
rappelle plutôt les Zeuzera et surtout les Macrogaster que notre Cossus
ligniperde. ^
STl'CilA, Draparnaud, Latr. — Corps robuste. Tête et corselet couverts de poils
épais, un peu écailleux. Antennes assez courtes, bipectlnées dans les deux
sexes. Spiritrompe nulle ou très peu sensible. Palpes épais, écailleux, obtus,
s'élevant un peu au-dessus du chaperon. Ailes en toit dans le repos, les supé-
rieures oblongues, les inférieures arrondies et très courtes. Éperons des jambes
postérieures très grands. Abdomen long, gros, velu, garni de crêtes de poils
sur les côtés et sur le dos, terminé par un bouquet de poils chez le mâle et en
pointe obtuse chez la femelle.
L'espèce type de ce genre est le S. Australis, Drap., ou Terehellum,
llubner, de '20 à 2i millimètres d'envergure dans les deux sexes. Mâle,
(pi. LXXXIX, fig. U a), à ailes supérieures brunâtres, variées de gris blan-
châtre, avec une Jïordure noirâtre, de largeur moyenne, rétrécie vers
l'angle anal, la frJHjge brunâtre, entrecoupée de gris roussâtre; antennes
brunâtres, avec la tige d'un gris jaunâtre ; tête, collier et thorax de la
couleur des ailes supérieures ; abdomen d'un gris brunâtre, garni de
poils d'un gris jaunâtre assez longs et formant des espèces de crêtes de
chaque côté et un bouquet étalé à l'extrémité. Femelle (pi, lxxxix, fig. Ix),
différant du mâle par ses ailes supérieures d'un jaune roussâtre ou d'un
jaune fauve, plus ou moins variées et mélangées de brunâtre, avec la
tète, le collier et le dessus du thorax entièrement fauves; ailes infé-
rieures noires, avec une tache blanche, sub carrée sur le disque ; abdo-
men fauve sur la région dorsale, noir en dessous, avec des crêtes laté-
rales et un bouquet de poils à l'anus de la même couleur. La chenille
est glabre et d'un blanc livide, avec la tête et les trois anneaux thora-
ciques roussàtres, paraissant cornés comme la tête, les pattes mem-
braneuses très courtes : elle vit dans les tiges et les racines de VEchium
Italicum. La Stygie australe est une espèce méridionale assez commune
en certaines années, aux environs de Montpellier, en juin et juillet;
ziiCZi'UA. 289
elle doit remonter par places plus au nord, car elle a été trouvée, mais
très rare en juillet dans le Cher, près de Bourges (Maurice Sand).
Un genre voisin des Stygies est le genre Endaijria, Boisd., avec les
antennes bidentées dans les mâles, biciliées chez les femelles, la lète
et le corps très velus, la spiritronipe nulle, les palpes velus, très courts,
le thorax assez large, les ailes courtes et arrondies, en toit dans le repos,
l'abdomen de la femelle plus long que celui du mâle et terminé par
une tarière saillante. L'espèce qui forme ce genre, trouvée d'abord en
Hongrie, est I'jE'.- Ulula, Borckausen, syn. : Pantherina, Hubner, de '2'2
à 25 millimètres d'envergure, la tête et le thorax d'un gris olivâtre, ayant-
les antennes brunes, avec la tige blanchùire, les ailes supérieures d'un
gris olivâtre avec des taches blanches éparses ou plus ou moins confluen tes,
les ailes inférieures d'un brun grisâtre, les franges des ailes entrecoupées
de gris et de blanc, l'abdomen velu et d'un gris jaijMtre. Cette espèce,
qui serait peut-être mieux placée dans les Cossides que dans les Zeuzé-
rideas, été rencontrée en France, dans la Provence et dans le Var, dans la
Charente, près de Rochefort (H. Delamain), près de Tours (Rambur) ;
cinq exemplaires mâles ont été pris au réflecteur, à Nohant (Indre),
par M. Maurice Sand, dans la première quinzaine d'août.
ZEUZÉRIDES.
Tète avancée, saillante, velue, laineuse à la base des antennes ; an-
tennes des mâles pcctinèes jusqu'à la moitié environ, puis filiformes,
la partie filiforme égalant sensiblement en longueur la partie pectinée,
cellule disco'idale des ailes supérieures divisée en trois ou quatre
aréoles; deux nervures simples au bord interne, rameaux nervuraux
très courts, la nervure simple antérieure confondue avec le bourrelet
costal; les pattes postérieures n'ont qu'une paire d'éperons très courts.
ZKlseERA, Latr. — Antennes des femelles filiformes, mais garnies d'une
substance cotonneuse, surtout dans la partie inférieure; palpes nuls; spiri-
trompe très courte, composée de deux filets membraneux disjoints ; thorax
ovale; ailes supérieures longues, étroites, à sommet aigu, les infi rieures beau-
coup plus courtes ; abdomen très long, surtout ctiez la femelle^ où il se termine
par une tarière pointue et cornée, saillante après la ponte.
L'espèce type de ce genre est le Z. œsculi,Linn., \a Coquette d'En-
gramelle, toujours assez rare, quoiqu'on la trouve partout en France,
plus commune dans le Midi. La chenille vit non seulement à l'inté-
rieur du tronc et des branches du marronnier d'Inde, mais aussi dans
le tilleul, l'orme, le chêne, le bouleau, le noisetier, le pommier et le
poirier, le sorbier des oiseaux et le lilas. Z. œsculi a été trouvé en juin,
en Algérie, dans la province de Constantine, sur le tronc d'un pistachier
(H. Lucas). Le Papillon, qui parait en juillet et août, se trouve volant le
ciRARii. m. — 19
290 LÉPIDOPTÈRES.
soir et au repos le jour, sur les troncs d'arbres dans les plantations,
les parcs et les jardins; mâle, de ^5 à 50 millimètres d'envergure, les
quatre ailes blanches, avec une multitude de points d'un noir bleu aux
supérieures, et de très petits points noirâtres aux inférieures, corps
blanc, avec les pattes, les anneaux de l'abdomen et six points sur le
thorax d'un noir bleu ; la femelle, de 70 millimètres d'envergure, dif-
fère du mâle par des points noirs beaucoup plus gros, par ses antennes
simples et par l'anus prolongé en une tarière jaunâtre; les œufs de
Z. œsculi, d'un jaune nankin un peu roussâtre, sont très oblongs, sans
dépression, également renflés partout ; le crin de la femelle est, comme
chez les Cossus, en faisceau de soies nombreuses (Poey) ; chenille,
pi. i.xxxix, fig. 6, d'un jaune un peu terne, avec un écusson noir au-
dessus du prothorax et une série de points noirs verruqueux sur les
anneaux, qui ont fait donner à l'espèce le nom de the Wood Léopard
par les auteurs anglais; cocon et chrysalide comme chez le Cossus litjni-
perda, la chrysalide avec un double rang d'épines inclinées en arrière
sur chaque anneau de l'abdomen ; les métamorphoses de cette espèce,
qui serait très nuisible si elle était plus commune, étaient représentées
à l'Exposition universelle de Paris de 1878, dans la section anglaise de
l'enseignement, par de beaux dessins coloriés de feu Andrew Murray. Il
y a quelques espèces exotiques de Zeuzera, qui ont de grandes analogies
avec la nôtre; ainsi Z. Scalaris, Donovan, pi. i.xxxix, fig. 5, qui habite
le Pérou, plus petite que Z. œsculi, offrant le thorax jaune, les ailes
supérieures bordées en avant et en arrière de jaune fauve, avec des
lignes noires imitant des échelons, les ailes inférieures entièrement
blanches.
Un genre voisin, que beaucoup d'auteurs ne séparaient pas des
Zeuzera, est le genre Phragmatœcia, Newmann, oiiMacrogaster, Uupon-
chel. Les antennes du mâle sont largement pectinées dans leur moitié
inférieure et filiformes pour ie reste, comme dans les Zeuzères, celles
de la femelle très courtes, séparées et dentelées dans toute leur lon-
gueur, la tète elle corps velus, les palpes et la spiritrompe entièrement
oblitérés, le thorax ovale, les ailes supérieures longues, étroites, à som-
met arrondi, les ailes inférieures plus courtes, l'abdomen extrêmement
long et cylindroïde, d'une longueur vraiment démesurée chez la femelle.
L'espèce unique de ce genre est le P. arumUnis, Hubner, dont la che-
nille endophyte vit et se transforme à l'intérieur des roseaux, surtout
de VArundo Phraymites. L'envergure est de 38 millimètres, la tête et le
thorax d'un gris roussâtre, les ailes supérieures de la même couleur,
parsemées d'atomes et de petits points bruns, les plus apparents vers
l'extrémité, la frange entrecoupée de brun noirâtre, les ailes inférieures
d'un brun roussâtre uni, avec la frange un peu plus foncée; le long
abdomen est aussi d'un brun roussâtre, moins clair que celui des ailes
inférieures. Cette espèce si curieuse, et que nous engageons à rechercher
dans les localités marécageuses et froides, est surtout de l'Allemagne
SÉSIENS. 291
du Nord et d'Angleterre, the Reed Léopard. Elle a été trouvée en France
dans les marais, près d'Amiens, dans les marais qui avoisinent Saint-
Quentin; l'adulte est assez commun en juin, près de Douai, sur les
glacis et dans les marais, se prenant facilement à l'entrée de la nuit, au
réflecteur, volant dans les roseaux à la façon des Hépiales, se rencon-
trant généralement accouplé pendant le jour sur les troncs des arbres
qui bordent les marais.
On a longtemps placé dans les Cossiens, à cause de l'abdomen très
allongé en tarière de la femelle, des petites espèces formant le genre
Atychia, Hoffmansegg ou Chimœra, Ochsenheimer, et dont le type est
A.funebris, Feisthamel, du Languedoc. Ce genre est compris mainte-
nant dans la petite famille des Atychides, de la tribu des Tinéiniens.
Tribu des SESIGAIS.
Front arrondi, écailleux; deux stemmates; antennes linéaires ou fu-
siformes, souvent renflées au sommet et terminées par un crochet,
crénelées dans plusieurs genres ou sous-genres; palpes ascendants, cà
trois articles, presque toujours distincts; thorax globuleux; ailes ordi-
nairement diaphanes, très étroites, à sommet arrondi, pourvues d'un
frein, en toit perpendiculaire au corps dans le repos; nervulation très
spéciale (type : Sesia Apiforinis) ; aux premières ailes, nervure simple
antérieure absorbée par le bourrelet costal ; nervure composée anté-
rieure très rapprochée, composée postérieure droite, occupant le milieu
de l'aile, la nervule épaissie en stigma, d'où naissent cinq rameaux
simples, nervure postérieure confondue avec le bord interne ; aux se-
condes ailes, pas de nervure costale, nervure composée postérieure à
deux rameaux seulement, deux nervures simples abdominales ; pattes
longues et fortes, jambes postérieures munies de forts éperons, les pat-
tes souvent garnies de faisceaux de poils, surtout les postérieures ; abdo
men cylindrico-conique, avec un pinceau anal ordinairement très dé-
veloppé, surtout chez les mâles. — Chenilles endophytes, décolorées,
d'un blanc livide ou d'un blanc un peu rougeâtre, vermiformes, n'ayant
le plus souvent que des pattes vestigiaires, sans corne caudale, à fortes
mandibules, munies de deux plaques écailleuses , l'une sur le premier
anneau, l'autre sur le dernier, ayant, en outre, quelques petits poils
très clair semés, implantés chacun sur un très petit tubercule. —
Chrysalides cylindrico-conoïdes, d'un roux jaunâtre ou brunâtre,
pourvues le plus souvent de grands et longs fourreaux alaires, munies
de dentelures ou d'épines recourbées en arrière sur les segments
abdominaux.
Les Sésiens étaient rangés par les anciens auteurs dans le groupe des
Sphinx, et particulièrement des Sphinx gazés, en raison del a orme
des antennes; mais ces auteurs ne connaissaient pas les chenilles des
292 LÉPIDOPTÈRES.
Sésieiià, dont les mœurs et les métamorphoses sont tout à fait clifTérente
de celles des Spliingiens, et sont, au contraire, analogues à celles des
Cossiens, car ces chenilles vivent à l'intérieur du tronc et des branches
des végétaux qu'elles rongent, surtout des arbres ot des arbustes, et,
pour certaines espèces, à l'intérieur des racines; aussi il y a des espèces
qui sont nuisibles aux plantations forestières et aux arbres fruitiers.
C'est à l'intérieur des tiges que ces chenilles se construisent une coque
de débris ligneux , associés par quelques fils de soie . et la chrysalide ,
prête à éclore, sort de ce cocon et même se hisse hors de la galerie
ligneuse jusqu'à sa sortie, afin de rendre aisée la naissance du papillon ;
ce manège s'accomplit, comme chez les Cossiens, à l'aide des spinules
recourbées des segments abdominaux, [.es Sésiens adultes ne volent
que pendant le jour et surtout au soleil et avec vivacité, se posant tou-
tefois fréquemment sur les feuilles et sur les tiges, plus que sur les
fleurs; parles temps sombres, on les trouve appliqués sur les végétaux,
et au repos comme pendant la nuit. L'aspect de ces papillons est tout
à fait caractéristique, car leurs ailes, dépourvues presque toujours
d'écaillés, sauf au moment môme de l'éclosion, excepté sur la côte et sur
quelques nervures, les font ressembler à des Hyménoptères, au point
de tromper les personnes peu exercées; aussi leur chasse exige une at-
tenlion spéciale, et beaucoup d'espèces, et surtout les petites espèces,
sont peu répandues dans les collections, parce qu'elles échappent à la
vue des amateurs novices. Cette ressemblance a été traduite habituel-
lement dans les noms donnés aux Sésies par la terminaison fonnis ou
parfois pennis, ajoutée au nom d'un genre d'Hyménoptère ou do Diptère
ou même de Névroptèrc, en raison d'une ressemblance plus ou moins
prochaine. Ces insectes, surtout les mâles, sont très sujets à tourner au
yras en collection, ce qui arrive fréquemment aux espèces dont les
larves vivent renfermées à l'intérieur des tiges ou des graines, remplies
de matières féculentes dont la transformation eu graisse est bien connue
dans le régime des animaux. 11 y a des Sésies à abdomen partout
également épais, comme Sesia Apiformis, Laphriœformis, HyîœiformiSf
qu'on ne voit pas voler ni prendre de nourriture, et ces espèces n'ont
qu'une spiritrompe très courte. La plupart des Sésies volent au milieu
du jour, restant au repos le matin et le soir; elles sucent le nectar des
fleurs et se recherchent pour l'accouplement, le nectar étant plutôt
pour elles une excitation génitale qu'un véritable aliment. D'après Las-
peyres, l'accouplement des Sésies a lieu pendant le jour et dure long-
temps ; mais on ne sait s'il se prolonge le jour et la nuit, ou s'il ne dure
que le jour seulement. Il est probable que les milles périssent bientôt
après l'accouplement et que les femelles survivent peu à la ponte des
œufs. Le moment de la journée auquel les Sésies sortent de leur chry-
salide est avant raidi, presque sans exception, et principalement de
grand matin, après le lever du soleil.
Les œul's des Sésiens ont été l'objet des recherches de M. Staudinger.
Cet entomologiste dit n'avoir jamais trouvé ces œufs à l'air libre et n'a-
SÉSIENS. 293
voir jamais observé de ponte sur les Sésies qu'il capturait ou qu'il fai-
sait périr, quoiqu'il en ait observé trois cents écloses des chrysalides ;
c'est par dissection interne qu'il s'est toujours procuré les œufs. Leur
surface parait lisse à l'œil nu; mais on voit au microscope qu'elle est
couverte de cellules irréguliùres à six angles, dont les séparations sont
d'étroits sillons, et qu'on aperçoit très bien dans les œufs des Sesia Asi-
liformis et Pliilanthiformis, où ils sont colorés en brun. Quand ces œufs
sont immatures, ils sont clairs et transparents ; à leur maturité, ils sont
de couleur marron dans les S. Apiformis et Hijlœiformis, d'un brun très
terne dans les S. Sphegiformis, Culiciformis et For micœ formù, iaunes
chez S. Tipuli forints, d'un noir fuginieux chez S . Philanthiformis, enfin
noirs dans la S. Asiliformis. Ces œufs sont de forme ellipsoïdale de ré-
volution, avec un grand et un petit axe. Leur nombre varie beaucoup
selon les espèces : JOOO à 1200 chez S. Apiformis, 500 chez S. Asilifor-
mis, 350 chez S. Sphegiformis, 110 à 120 chez S. Hylœiformis, 150 à 200
chez S. Formiccformis et Culiciformis, 60 chez S. Tipuliformis. La gran-
deur et le nombre des œufs semblent être en rapport assez direct avec
la taille des espèces qui les pondent. Les œufs, d'un rouge brique, de
S. Apiformis sont de section un peu ovalaire avec une forte dépression
au centre et quelques rides.
Les Sésiens ont presque toujours une plante alimentaire spéciale à
chaque espèce; ce n'est que très accidentellement qu'elles en changent,
à moins qu'il ne s'agisse d'espèces du même genre botanique. Les fe-
melles ne déposent qu'un seul œuf ou un très petit nombre d'œufs à
une place donnée d'une tige, et on comprend peu comment les jeunes
chenilles, sortant de ces œufs, peuvent percer des écorces souvent 1res
épaisses et très dures; les femelles soiit dépourvues de tarières perfo-
rantes, et il est bien probable, surtout sur les arbres un peu âgés,
qu'elles choisissent les points de l'écorce où il y a des fentes ou des
blessures, permettant aux jeunes chenilles d'arriver plus aisément aux
parties intérieures. 11 y a des plantes, comme les Euphorbes et les Ron-
ces, où la mort annuelle des sommités permet aux chenilles des Sésies
de pénétrer facilement dans les parties inférieures et dans les racines
qui restent vivantes. Une fois qu'une jeune chenille s'est introduite dans
la plante nourricière, elle se repaît d'abord des parties les plus tendres
situées entre l'écorce et le bois ; les chenilles de certaines espèces y
passent toute leur vie, tandis que d'autres pénètrent dans le bois même
et dans la moelle pour se nourrir. La chenille évacue les parties li-
gneuses non digérées et en corrode d'autres qu'elle ne mange pas; à la
fin de sa croissance , elle doit se rapprocher de la surface et préparer
la retraite de la chrysalide et une sortie facile pour le papillon. C'est
pourquoi la plupart des chenilles de Sésies font, à hi fin de leur vie, de
très longues galeries sinueuses et peuvent aussi se rencontrer dans d'an-
ciennes galeries où sont des débris de cocons des générations précé-
dentes, ce qui est également le fait de beaucoup de chenilles de Tinéi-
29^ LÉPIDOPTÈUES.
niens. Les débris ligneux sont ou rejetés des galeries ou comprimés
contre leurs parois ; aussi voit-on parfois des amas de sciure décelant
la présence des chenilles à l'intérieur; comme les chenilles des Cos-
siens, elles craignent l'accès de l'air et rebouchent les trous qu'elles
percent pour se débarrasser de la sciure ; de môme aussi celles qui
hivernent se préparent une tente soyeuse , où elles passent en repos et
sans nourriture la mauvaise saison; c'est avec les écussons du prothorax
et du segment anal qu'elles tassent la sciure. Les chenilles de Sésiens
font, en général, peu de dégâts, sauf, en certains cas, celles des S. Api-
formis et Asiliformis; elles sont attaquées par les Entomophages, les
espèces à longue tarière, introduisant leurs œufs dans le corps des che-
nilles, alors que leurs galeries sont encore peu profondes. Les espèces
à courte tarière savent s'insinuer à l'intérieur des galeries; on voit sou-
vent les Entomophages volant autour des troncs d'accès , soit pour y
entrer, soit qu'ils en sortent après éclosion.
On peut, plus aisément que sur les chenilles, reconnaître le sexe
futur des Sésiens sur les chrysalides, par l'observation de petites verrues
qui sont au neuvième segment chez les mâles, au huitième chez les fe-
melles. La durée de la nymphose dépend de la température du dehors,
les éclosions ayant surtout lieu par les jours de chaleur et de soleil,
étant au contraire retardées par les temps froids et pluvieux. D'après
M. Staudinger, l'état de chrysalide dure ordinairement vingt à vingt-
deux jours dans les Culiciformis et For micœf orrais, ou parfois vingt-quatre
à vingt-six. Une petite espèce, S. Tipuliformis, ne reste que dix-huit
jours en chrysalide ; la plupart des grandes espèces, de vingt-six à
trente -cinq. Toutes les chrysalides se retirent dans une retraite spé-
ciale. Quand elles sont entourées d'une coque, c'est le plus souvent
dans l'ancien domicile de la chenille; c'est rarement qu'on la trouve
située en terre ou sous l'écorce des arbres ou cachée dans la mousse.
Quand la coque est dans la galerie, c'est à l'extrémité élargie de celle-ci,
tout contre la couche la plus externe de l'écorce, dont une mince pel-
licule reste seule intacte. Si un accident brise cette pellicule ou si la
chenille termine sa galerie en un point où manque l'écorce, l'ouverture
extérieure est habilement fermée avec de la soie. La coque est formée
surtout de sciure, retenue par des fils de soie, aplanie et lissée inté-
rieurement par une soie très blanche. Quand la coque est bien ferme,
on peut la retirer en entier de la galerie, et c'est de cette espèce que
sont les coques faites hors des tiges. Ces sortes de coques ont uue
forme ovale, plus ou moins allongée. Dans les espèces qui ont des
coques plus lâches, parfois on peut encore les enlever entières de la
galerie ; mais le plus souvent elles sont repliées imparfaitement selon
leur longueur, dans une partie latérale, et souvent fortement fixées aux
parois par des fils, avec tampons de sciure en haut et en bas. Le S. Cu-
liciformis a une coque qui est formée au dehors de longs copeaux
assemblés dans le sens de la longueur, avec des fragments ligneux plus
SÉSIENS. 295
petits eu dedans; on ne peut retirer cette coque de la galerie, car u
de ses parois longitudinales fait partie de la paroi môme de la galerie.
Le S. Hylœiforinis ne fait pas de coque, mais s'établit, pour la nym-
phose, dans une cavité, fréquemment d'une très grande longueur, delà
moelle des figes sèches de la ronce ; cette demeure n'est pas conso-
lidée par des fils de soie, mais les parois de moelle, très inégalement
corrodées, sont étayées par de nombreux copeaux de bois. Le 5. Hylœi-
formis peut, par cette raison, monter ou descendre dans la cavité, selon
le péril imminent. Quand le papillon est bien développé à l'intérieur
de la ciirysalide des Sésiens, celle-ci, en se contournant, s'avance ver-
ticalement, le front en avant et rompt toutes les enveloppes qui la
séparent du dehors, et il est l'are que, dans cet effort, elle soit obligée
d'abandonner la coque, car celle-ci est, le plus souvent, sous l'écorce
môme. Dans ce travail, les chrysalides se servent des étais ligneux in-
ternes, de leurs crochets anaux et surtout d'une extrême agilité. C'est
ainsi que rapidement la chrysalide se hisse hors du trou , ne laissant
dans la tige que ses segments postérieurs, retenus par l'élasticité de
l'écorce violemment disjointe. La chrysalide ainsi sortie se repose de ses
eflbrts par quelque temps de repos; puis le papillon procède avec célé-
rité à rompre l'enveloppe nymphale.
La plupart des espèces connues de Sésiens habitent l'Europe, l'Asie
Mineure, l'Afrique boréale et l'Amérique du Nord; ils existent aussi, et
probablement assez nombreux dans les régions équatoriales ; mais les
entomologistes voyageurs en rapportent peu, en raison de l'exiguïté de
la taille de beaucoup d'entre eux, et parce qu'ils les confondent avec
de petits Hyménoptères. Boisduval en décrit 172 espèces dans son der-
nier travail (Hétérocères, 187/i), des diverses régions du globe. M. Stau-
dinger en compte 15 espèces pour les environs de Berlin, 56 pour l'Eu-
rope et l'Asie Mineure; le catalogue plus récent de M. Depuiset, pour
les Lépidoptères d'Europe, énumère 7"2 Sesia, dans le sens le plus étendu
de ce nom générique. Le dernier catalogue de M. Staudinger, pour les
Lépidoptères d'Europe, d'Afrique boréale et à peu près de la moitié
de l'Asie attenant à l'Europe, énumère 73 Sésiens. Les anciens cata-
logues Duponchel et Boisduval fixaient à Zi8 le nombre des Sésiés d'Eu-
rope. Les auteurs anglais, qui nomment les Sésiens /Egeridœ, en comp-
tent 11 espèces dans les Iles britanniques, et la faune de Berce en décrit
22 pour la France. Le catalogue de M. Maurice Sand en indique 23. On
consultera, pour la tribu des Sésiens , les travaux spéciaux suivants :
J. H. Laspeyres, Sesiœ Europeœ iconihus et descriptionibus illustratœ,
avec gravures sur cuivre. Berlin, 1801. — Edw. Newmann, Monogra-
phia Mgeriarum Angliœ {Enlom. Magaz., tome I, p. 66). — Otto Stau-
dinger, De Sesiis agri Berolinensis (thèse inaugurale). Berhn , 1854. —
Beitrage zur Festsetllung der bisher bekannten Sesien-Ârten Europas und
den angrdnzenden Asiens {Stettin entomol. Zettung, 1856, t. XVII, p. lZt5-
176, 192-22/1, 257-288, 322-338).
i:!).) LÊPIDOPTÈniiS.
La grande uniformilé de type ne donne pas à faire d'autre genre
pour les espèces européennes que le genre Sesia, Fabriciiis, Las-
peyres, dont les caractères sont ceux de la tribu des Sésiens. Nous n'au-
rons, d'après la ressemblance des espèces, qu'à en indiquer un petit
nombre. Leur synnymie est confuse et fort difficile. Nous diviserons
le genre en sous-genres, d'après M. Staudinger. Dans les trois premiers,
Trochilium, Scopoli, Sciapteron, Staudinger, et Sesia, Fabr., Lasp., l'ar-
ticle terminal de l'antenne est sétacé, tandis qu'il n'a plus ce carac-
tère dans le sous-genre Bemhecia, Hubner.
Le sous-genre Trochilium a pour espèce type Sesia Apiformis, Linn ,
à laquelle le nom de Crabronifurmis , que lui donne le catalogue de
Vienne, convient beaucoup mieux, car elle ressemble par la taille et
les couleurs à un Frelon et non à une Abeille. C'est le Crabroni forme et le
Siréciforme d'Engramelle. Dans ce sous-genre la spiritrompe est courte,
les antennes du mule sont pectinées et brièvement ciliées. Le mule a
une envergure de 30 à àO millimètres, et la femelle de 35 à /lo. La tête
est jaune, avec les yeux d'un brun noir, offrant une tache blanche sur
leur côté interne, une tache jaune au côté externe, les palpes jaunes,
les antennes noires, avec le dessous ferrugineux, le thorax d'un noir
brun, avec quatre taches jaunes, deux à la partie antérieure des pté-
rygodes; ailes transparentes, les supérieures avec les nervures, les bords
et une tache discoïdale d'un brun ferrugineux en dessus, plus clair
en dessous, les inférieures sans tache, la frange d'un brun obscur de
part et d'autre; dans les individus qui viennent d'éclore et qui n'ont
pas volé, les ailes sont saupoudrées d'écaillés très fugaces, d'un brun
clair; cuisses jaunes en dehors, d'un brun noir en dedans, jambes ocra-
cées les postérieures noires à la base, avec les éperons jaunes tarses
ocracés; abdomen jaune, avec les segments 1 et i noirs et garnis d'un
duvet brun, tous les autres bordés de noir; abdomen de la femelle plus
gros que celui du mâle et sans brosse à l'extrémité. Cette espèce est du
nord et du centre de l'Europe, des lies Britanniques, the Hornet Moth,
de toute la France. C'est notre plus grosse Sésie et la plus commune.
L'adulte, qui vole peu, se trouve, de la fin de mai au milieu de juillet,
sur les troncs des peupliers et des trembles, vers la base, car les trous
de sortie, bien reconnaissables aux tampons de sciure mouillée de sève
ui en sortent, sont toujours au bas des arbres. La chenille passe au
moins deux hivers dans le bois de la partie inférieure des troncs ou dans
les racines mêmes, et y creuse de longues galeries sinueuses, plusieurs
chenilles pouvant habiter le môme arbre. Le cocon est formé de parti-
cules de bois liées ensemble, l'intérieur longuement garni de fils de soie.
On trouve ce cocon ou dans l'écorce même de l'arbre ou en terre, tout
auprès; la chrysalide, qui est brune, se forme, selon le climat, du mi-
lieu d'avril au milieu de mai. Comme il y a peu de peupliers qui , à un
certainûge,n'aient quelque chenille à sa base, cette espèce cause parfois
des dégâts sensibles dans les plantations de peupliers et de trembles.
SÊSIKNS. ?97
ses longues et profondes galeries affaiblissant la tige et l'exposant, en
outre, à élre aisément brisée par un coup de vent. Boisduval indique
une variété très rare de cette espi-ce, S. Sir eci for mis, Esper., Lasp.,
ayant le corps entièrement d'un brun noir, avec deux grandes taches
jaunes sur le corselet. C'est non loin de cette espèce que vient se ranger
une Sésie de l'Amérique du Nord, S. Asilipenis, Boisd., pi. xc, fig. 3),
mâle ayant le corps noir, avec les anneaux à ceintures jaunes et ferru-
gineuses, les antennes ferrugineuses à cils bruns, les ptérygodes d'un
ferrugineux vif, les ailes transparentes, bordées de noir, avec la côte des
supérieures lisérée de ferrugineux et une tache oblique de cette couleur
vers le tiers antérieur, les pattes d'un jaune ferrugineux, les postérieures
très longues. La chenille, trouvée en Géorgie (États-Unis du Sud), et
figurée d'après Abbot (pi. xc, fig. 3, a), est d'un jaune blanchâtre livide,
avec la tête noire et trois lignes ferrugineuses longitudinales sur le pro-
thorax, et vit sur le tronc du Pop ulus monili fera ; la chrysalide (fig. 3, 6)
est mélangée de jaune pâle et de ferrugineux clair.
Le sous-genre Sciapteron a été établi par M. Staudinger pour un petit
nombre de Sésies qui ont les ailes supérieures opaques, les antennes
terminées par un petit faisceau de poils soyeux, celles du mâle subpec-
tinées, longuement ciliées, la spiritrompe longue et épaisse. Le type est
le S. Asiliformis, cat. de Vienne, Y Asiliforme d'I^ngramelle, syn. : Taba-
niformis, Rottenburg, Vespiformis, Westwood. Nous n'adopterons pas
le nom de Tabaniformis, bien que le plus ancien, parce qu'il est inusité
dans les collections et que l'espèce ressemble assez à l'Asile frelon et
nullement à un Taon. Le mâle a de 21 à 3i millimètres d'envergure, la
femelle de 25 à 36. Tète d'un noir bleu, avec un trait blanc devant les
yeux et un collier jaune, les antennes d'un noir bleu en dessus, avec
la base ferrugineuse en dessous; thorax d'un noir bleu, avec un trait
latéral et un point à la base des ailes supérieures jaunes; ailes supé-
rieures opaques, brunes, avec les nervures et la côte bleuâtres en dessus,
le dessous jaunâtre à la base et avec une petite lunule fauve peu
distincte; ailes inférieures transparentes, à nervures et bords bruns, la
frange d'un brun cendré; abdomen d'un noir bleu luisant, avec cinq
anneaux jaunes chez le mâle, trois seulement chez la femelle, la brosse
anale d'un noir foncé , avec petites lignes longitudinales jaunes. En
Italie, en Andalousie et dans le midi de la France, remontant, mais
rare, jusqu'au Cher (Maurice Sand), se trouve S. Rhingiœformis ,
Hubn., dont les auteurs modernes font en général une variété de l'es-
pèce précédente ; c'est pour Boisduval une espèce bien distincte ; ailes
supérieures opaques, d'un gris brun, avec les principales nervures rous-
sâtres, les inférieures transparentes, avec les nervures roussâtres et la
frange brune, comme aux supérieures ; antennes ferrugineuses ; tôte
d'un noir brillant, avec ligne blanche au bord interne des yeux et col-
lier jaune; thorax d'un noir brillant, avec six points jaunes; abdomen
noir, avec les six premiers anneaux largement bordés de jaune, le sep-
298 LÉPIDOPTÈRES.
lième noir au milieu, jaune sur les côtés. Le S. Asiliformis offre une
chenille qui passe deux hivers et vit dans le tronc, les branches et
les racines du peuplier noir, plus rarement dans le tremble, peut-
être aussi dans le bouleau. Elle ne fait pas de coque, mais se change
en chrysalide, de couleur marron, dans une partie élargie de la galerie,
dont elle ferme les deux bouts avec des fils de soie serrés, cette soie
tapissant aussi plus ou moins l'intérieur. C'est en mai ou au début de
juin que se fait la nymphose. L'adulte paraît en juin et vole en butinant
sur les fleurs du seringat odorant et du troëne. L'espèce est assez com-
mune dans l'Allemagne du Nord, en Angleterre, en Belgique, dans le
nord de la France et aux environs de Paris. Je l'ai prise sur les jeunes
peupliers de la foret d'Armamvilliers et dans les alentours. Elle devient
rare dans la France centrale, surtout au sud de la Loire. La race méri-
dionale a les mêmes mœurs et vit dans les racines de peuplier. La che-
nille fut si commune, il y a quelques années, à la base des jeunes peu-
pliers d'Italie, qu'elle fit périr une partie de ces arbres dans la forêt de
Bondy, sur le bord du canal de l'Ourcq. Il y a quelques espèces exo-
tiques du sous-genre Sciapteron.
Le sous-genre Sesia propre est de beaucoup le plus nombreux en
espèces. Nous citerons surtout quelques espèces des jardins, pouvant
accidentellement causer certains dommages à des arbres ou à des arbustes
à fruit. C'est surtout près des plantes à l'intérieur desquelles vivent les
chenilles que les amateurs auront chance de capturer les Sesia buti-
nant sur les fleurs d'alentour, car les adultes volent vivement au soleil
et ont une spiritrompe longue et épaisse. Les yeux sont grands et piri-
formes, c'est-à-dire ovales et atténués en dessus, les ocelles grands, les
antennes fusiformes, à bout sétacé, ayant chez le mâle des dents plus
ou moins apparentes, longuement ciliées, disparaissant au delà du mi-
lieu ; les ailes antérieures ont trois aréoles hyalines et deux bandes d'é-
cailles, les pattes antérieures sont plus courtes que les médianes et les
postérieures très longues ; l'abdomen atténué vers le bout et avec un
faisceau terminal très long. Nous citerons S. Tipuliformis, Linn.; enver-
gure, 15 à 20 miUimètres dans les deux sexes; antennes d'un noir bleu,
jaunâtres en dessus vers le bout; ailes supérieures transparentes avec les
nervures, les bords, une large bande transverse et le sommet d'un noir
bleu, avec des stries d'un doré bronzé; ailes inférieures transparentes,
avec les nervures, le bord postérieur et un croissant près du milieu de
la côte d'un noir bleu en dessus ; tête noire avec deux petits traits
blancs en avant des yeux et un petit collier jaune; thorax d'un noir
bleu avec trait jaune sur les ptérygodes; abdomen noir, avec trois cein-
tures jaunes chez la femelle, quatre chez le mâle, et pinceau anal noir.
Cette iïésie est une des plus communes ; on la prend, soit au repos sur
les troncs, soit butinant, en juin et juillet, sur les fleurs des Compo-
sées {Cirsium, Carduus, etc.). La chenille ne passe qu'un hiver et vit
dans les rameaux du Groseillier rouge et s'y fait une très longue galerie
SÉSIENS. 299
centrale, ne se nourrissant que de la moelle. Dans la galerie sont accu-
mulés des excréments bruns et des granules boueux, qui ne sont pas
rejetés au dehors. Elle construit sa coque à la fui d'avril, en mai ou au
commencement de juin, selon les climats, et s'y change en une chrysa-
lide jaune. Le plus souvent cette coque est formée par les parois mêmes
de la galerie, ou bien de particules ligneuses très faiblement aggluti-
nées, et toujours l'intérieur est garni de nombreux fils de soie. Cette
chenille vit encore dans le Groseillier noir (Staudingcr) et dans le Noi-
setier (Boisduval). L'espèce se trouve dans toute la France et dans près-
que toute l'Europe, partout où l'on cultive les groseilliers; S. Myopce-
formis, Borckausen, syn. : Mutillœformis, Laspeyres ; envergure de 18 à
22 millimùtres, tète noire, avec deux traits blancs devant les yeux, an-
tennes d'un noir bleu, thorax d'un noir bleu luisant, avec une tache
dorée de chaque côté de la poitrine, ailes transparentes, les supérieures
avec les nervures, les bords et une large bande transverse d'un noir
bleu en dessus et d'un fauve doré en dessous, les inférieures avec les
nervures et les bords d'un bleu violet en dessus, d'un fauve doré en
dessous, avec une petite lunule noire de part et d'autre; pattes noires ;
abdomen noir, avec le segment U rougeûtre en dessus, noir en dessous,
les segments Zi, 5, 6 argentés en dessous chez le mâle, la brosse anale
d'un noir bleu, sans taclie chez la femelle, avec le pourtour de l'anus
blanc ou jaunâtre chez le mâle; chenille passant deux hivers dans les
vieux pommiers et aussi dans les poiriers, se traçant une courte galerie
dans les parties tendres du bois et se changeant à la fin de mai en chry-
salide jaune, dans une coque placée dans une partie creusée de l'écorce,
souvent près des nichées de Puceron lanigère, confectionnée avec un
assemblage serré de débris d'écorce, tapissée de fils de soie à l'intérieur;
selon Blisson, la chenille trace volontiers sa galerie à l'entour et sur les
bords des caries sèches, des parties coupées depuis quelques années,
des endroits dénudés et de ceux où l'écorce est en partie détachée ;
adulte en mai, juin, juillet, selon le climat, des vergers, jardins, plan-
tations, se posant sur les troncs des pommiers et butinant sur les fleurs
de seringat à l'ardeur du soleil; d'Allemagne, de Belgique, d'Angle-
terre, de toute la France; S. Culicifurmis, Linn., de 22 millimètres d'en-
vergure chez le mâle, 26 à 28 chez la femelle, le corselet d'un bleu
noir, avec une grande tache d'un fauve rouge de chaque côté de la poi-
trine, les ailes transparentes, à base rougeâtre, à bords et nervures noi-
râtres, la bande transverse des supérieures d'un bleu noir, avec une
petite tache rouge, les inférieures avec une petite lunule noire; abdo-
men d'un noir bleu, avec le segment h entièrement rouge et le pinceau
anal noir; chenille ne passant qu'un hiver, dans le tronc et les branches
du bouleau et très rarement de l'aulne, se creusant une courte gale-
rie, non seulement dans les parties tendres, mais aussi dans le cœur
même du bois, se changeant à la fin d'avril ou en mai en une chrysa-
lide testacée dans une coque fixée d'un côté à la galerie et formée exté-
300 r.ÊpinoPTkr.KS.
rieurement de longues parcelles de bois, sans fils de soie; probablement
par erreur, certains auteurs indiquent celle chenille conime vivant
dans le pomnaier et le prunier; cette Sésie, des mêmes pays que la
précédente, butine en mai et juin sur les fleurs du seringat odorant,
de la bourdaine, etc. ; c'est une des Sésies les moins rares dans les bois
à bouleaux des environs de Paris; S. Cynipiformis, Esper., syn. : Asili-
forinis, Rottenburg, jEsiriformis, Rott., Vespiformis, Lasp., Mellinifor-
mis, aberr., Godart; envergure de 17 à 23 millimètres, tôte noire avec
un collier jaune, thorax d'un noir bleu , avec deux lignes longitu-
dinales jaunes en dessus et une grande tache jaune de chaque côté;
ailes supérieures transparentes, avec les nervures et l'extrémité brunes
et une lunule discoïdale rouge, bordée intérieurement par une ligne
noire, les inférieures avec les nervures, le bord postérieur et un petit arc
au milieu de la côte d'un brun noir ; cuisses d'un noir bleu, jambes jaunes
avec un anneau d'un noir bleu, tarses jaunes; abdomen noir bleu,
presque tous les segments bordés de jaune postérieurement, le pinceau
anal de la femelle jaune bordé de noir, noir chez le mule avec les côtés
jaunes; Allemagne, Angleterre, Belgique, toute la France, l'adulte en
juin et juillet, dans les bots, assez commun près de Paris, butinant sur
les fleurs du cornouiller sanguin et du fusain; chenille passant deux
hivers, parfois dans les petites branches, le plus souvent dans les gros
chênes tétauds ou étôtés, surtout dans leurs excroissances morbides, se
tenant seulement dans l'aubier et creusant au hasard sa galerie dans
un faible espace, se façonnant une coque en parcelles ligneuses serrées,
avec soie à l'intérieur, dans l'écorce même ou au dehors, sous les li-
chens et les mousses, et s'y changeant, en mai ou juin, en une chrysa-
lide tesfacée; S. Conopiformis, Esper., syn. : Nomadœformis, Lasp., sijr-
phiformis, Hûb., de 20 à 22 millimètres d'envergure ; tête noire, à collier
jaune, antennes d'un noir bleu, thorax noir bleu, avec ligne jaune de
chaque côté; ailes transparentes, les supérieures avec les nervures, les
bords et une bande transverse d'un noir violet, le sommet d'un fauve
doré de part et d'autre, les inférieures avec les nervures, les bords et
une petite lunule d'un noir violet; pattes noires; abdomen d'un noir
bleu luisant, avec trois ceintures jaunes chez la femelle et quatre chez
le mâle, en outre, une hgne transverse jaune au-dessus du premier
anneau, brosse anale d'un noir bleu; chenille dans le tronc des vieux
chênes tétauds, se chrysalidant en mai; adulte en juin, sur le bois
mort et les vieilles souches de chênes de l'Allemagne du Nord, mais
très rare, non signalé en Angleterre, de Belgique et de plusieurs autres
parties de la France, des environs de Paris, toujours assez rare ; S. For-
micœformis, Lasp., espèce rare en France, d'Allemagne, d'Angleterre ,
de Belgique, l'adulte à rechercher dans les oseraies, butinant dans les
bois, en mai, juin et juillet, sur les fleurs du cornouiller sauvage;
20 millimètres environ d'envergure, le corselet d'un noir-bleu, souvent
sans taches; ailes transparentes, les supérieures avec le sommet et l'o-
rigiiie de la côte cuivrés, les nervures, les bords et une étroite bande
Iransverse noirs, les inférieures avec les nervures, les bords et une pe-
tite lunule noirs; abdomen d'un noir bleu, à pinceau anal noir,
les segments U et 5 (mâle) ou U (femelle) d'un rouge fauve; cbenille
passant deux hivers au bas du tronc ou dans les racines de saule et de
l'osier, d'abord dans les parties tendres, puis dans le cœur du bois ou
de la racine, fixant aux parois de sa galerie une coque composée de par-
celles de bois peu serrées, mais abondamment pourvue à l'intérieur de
fils de soie, où elle se change en chrysalide testacée ; S. chrysidiformis,
Ksper., la plus richement colorée de nos Sésies; envergure, 18 k 20 mil-
limètres, le corselet d'un noir bleu luisant, avec un point blanc à la base
des ailes; ailes supérieures d'un rouge de minium, avec les bords et la
tache transversale noirs, cette tache noire comprise entre deux taches
vitrées, l'intérieure allongée et cunéiforme, l'extérieure plus petite et
arrondie, les ailes inférieures transparentes, avec nervures et bordure
noires et une petite lunule noire bordée de rouge minium; pattes
noires, avec jambes d'un rouge fauve ; abdomen d'un noir bleu avec
derniers segments bordés de blanc en dessus seulement, la brosse anale
comprimée chez le mâle, noire avec le milieu d'un rouge fauve; adulte
en juin et juillet, butinant sur les fleurs de lavande, parfois assez com-
mun pi'ès de Paris dans les prairies, sur les fleurs de carotte sauvage,
très commun dans les jardins de Rennes sur les fleurs de persil et
d'oseille (Oberthur), manquant dans l'Allemagne, existant en Angle-
terre, en Belgique et dans toute la France; chenille dans les racines de
y Artemisia campestris et du Rumex crisims ; S. Uroceriformis, Treitske,
belle et rare espèce de grande taille, 26 miUimètres d'envergure, les
ailes supérieures d'un jaune ocreux translucide, avec la côte, les ner-
vures et un trait noirs, ce trait entre deux taches vitrées, les pattes
jaunes, l'abdomen noir, avec cinq anneaux jaunes, la brosse anale jaune
en dessus, noire en dessous et sur les côtés ; midi de l'Allemagne
et de la France, remontant plus au nord par places, en juin, près
de Lyon (Millière), dans la Lozère (.1. Fallou), en Saône-et-Loire, à
Conchss-les-Mines (Constant), dans le Cher, à Saint-Florent (Maurice
Sand).
Le sous-genre Bembecia présente l'article terminal des antennes non
sétacé, les antennes du mâle bi pectinées et ciliées. Le type est une es-
pèce toujours rare, S. Hylœiforinis, Lasp., qui vole de juin à août dans
les jardins et dans les lieux où croissent des Ronces,, en Allemagne, en
Belgique, en France; envergure, 23 à 28 millimètres chez le mille, 28 à
32 chez la femelle ; tête d'un noir bleu, avec deux légers traits blancs
devant les yeux, antennes d'un noir bleu, avec reflet plus ou moins
pourpré ; thorax d'un noir bleu, avec une ligne et un point jaunes à la
base de chaque aile supérieure; ailes supérieures d'un fauve brun eu
dessus et d'un fauve rougeâtre en dessous, avec les nervures noirâtres
et une bande trausversc noirâtre, séparant deux taches vitrées, l'interne
302 LÉPIDOPTÈRES.
allongée, l'externe arrondie ; ailes inférieures transparentes, avec les
nervures et la frange d'un brun noir des deux côtés; pattes partie d'un
noir bleu, partie roussâtre, avec tarses jaunes; abdomen d'un noir bleu,
avec tous les anneaux bordés de jaune en arrière, la brosse anale jaune,
avec quelques poils noirs mêlés. La chenille de cette grande Sésie ne
passe qu'un hiver dans les racines du framboisier (Staudinger) et aussi
de la ronce (Boisduval); elle ronge d'abord les parties tendres de la ra-
cine, puis passe dans les parties internes et dans les renflements; vers
le mois de mai, elle monte à l'intérieur mortifié de la tige et y creuse
une longue cavité, où, sans tissu soyeux, elle se change en une chrysa-
lide de couleur marron.
Tribu des SPHlMCilEMiS.
Antennes presque toujours rigides, prismatiques ou arrondies exté-
rieurement, et ayant la face interne excavée ou creusée en sillon, et
le bord supérieur du sillon très souvent crénelé ou garni de lames
courbes plus ou moins longues, l'extrémité de l'antenne finissant par
une pointe souvent réfléchie, quelquefois velue; chaperon saillant,
recouvert de poils écailleux très denses; palpes larges, contigus, appli-
qués exactement sur le front et couverts de poils écailleux très serrés,
leurs articles, surtout le troisième, à peine distincts dans la plupart
des genres; spiritrompe de longueur très variable, selon les genres,
quelquefois démesurée {Sphinx, Macroglossa), très courte dans un
genre {Smerinthus) ; thorax très robuste, en raison des puissants
muscles alaires qu'il contient ; ailes de consistance très solide, en toit
incliné dans le repos, les supérieures étroites, elliptiques, allongées,
marquées ordinairement vers leur milieu, sous la cûte, d'un stigma
plus ou moins apparent, lorsqu'il n'est pas absorbé par la couleur du
fond, les inférieures beaucoup plus courtes, pourvues généralement,
et surtout chez les mâles, d'un crin (retinaculum) entrant dans un
anneau chitineux du bord inférieur de la base des ailes supérieures
(système du frein); nervulation normale rappelant celle de plusieurs
familles très distinctes et éloignées les unes des autres, la nervure
simple antérieure et la nervure composée antérieure parallèles, rap-
prochées de la côte et quelquefois comme soudées par approche; ab-
domen très gros, aussi large k la base que le thorax, allongé, cylindro-
conique, terminé tantôt en cône obtus ou très aigu, parfois par un
petit pinceau de poils, parfois aplati en dessous, et alors terminé par
une large brosse de poils écailleux, étalés en queue d'oiseau [MacrO"
glossa). — Chenilles glabres , cylindriques, allongées, légèrement et
peu à peu renflées postérieurement, munies presque toujours d'une
corne dressée et recourbée en arrière sur l'avant-dernier segment ou
quelquefois d'un petit écusson lenticulaire qui en tient lieu. — Ghrysa-
SPHINGIENS. 303
lides lisses, cylinclro-coniques, pourvues d'une pointe anale plus ou
moins prononcée et plus ou moins rugueuse, offrant parfois le fourreau
de la spiritrompo saillant et détaché (Sphinx).
La tribu des Sphingiens est très naturelle et hors série par beaucoup
de caractères, notamment la nervulation. Elle correspond au genre
Sphinx de Linna3us, ou plus exactement à ses Sphingos légitima'. Ce
nom, emprunté à la mythologie, vient de l'attitude que prennent sou-
vent certaines des chenilles de la tribu, notamment celle du Sphinx
ligustri, Linn., relevant la tète et les premiers anneaux, et restant
ainsi longtemps immobiles, dans la position du Sphinx de la fable,
arrêtant les passants par sa terrible énigme. Avec les Castniens, les
Sésiens et les Zygéniens, la tribu des Sphingiens constituait les an-
ciens Crépusculaires de Latreille, division abandonnée depuis assez
longtemps, car elle n'offre aucun caractère anatomique distinctif et
parce que beaucoup de ses espèces volent pendant le jour. Les
Sphingiens forment la légion des Prismaticornes de M. Guénée. Ce soni
les Lépidoptères doués du vol le plus puissant et le plus soutenu, lié à
la plus forte température individuelle et au plus grand excès de tem-
pérature du thorax sur l'abdomen qui aient été constatés chez les
Insectes. Gela est en rapport, non seulement avec l'énergie musculaire
du vol, mais avec la forte taille des Sphingiens, dont la minorité des
espèces n'offre que la dimension moyenne des Lépidoptères, la plupart
figurant parmi les grands papillons; il en est, même dans nos régions,
qui, par l'élégance des formes et la richesse du coloris, peuvent rivali-
ser avec les Lépidoptères exotiques. Certaines espèces se transportent
souvent à des distances considérables, ainsi de l'intérieur de rAfriqu(!
sur la plus grande partie de l'Europe, et forment, par ces migrations,
des. colonies permanentes ou momentanées, loin de leur patrie pre-
mière. Soit qu'ils volent le jour, soit qu'ils volent le soir ou au crépus-
cule, ce qui est le cas du plus grand nombre des Sphingiens leur vol
peut rivaliser avec celui de beaucoup d'oiseaux gi'anivores ou insecti-
vores. Us se reposent rarement et se soutiennent dans les airs, sans
s'arrêter, par un mouvement rapide des ailes autour du corps, de sorte
que l'œil, par la persistance des impressions lumineuses sur la rétine,
éprouve la sensation d'une surface confusément élargie (vol station-
naire de Straus-Durckheim); en même temps, ils plongent leur longue
spiritrompe jusqu'au fond de la corolle des fleurs pour en extraire le
nectar dont ils se nourrissent. On entend alors, très distinctement
pour les grandes espèces, non pas un bourdonnement, à la façon des
Diptères et surtout des Hyménoptères, mais un frémissement produit
par le vol; il y a exception pour les Smérinthes, dont les femelles ne
volent presque pas et les mâles peu et faiblement ; par ce caractère et
par d'autres cette famille de Sphingiens se rapproche des Bombyciens.
Les chenilles des Sphingiens sont presque toutes très belles; on peut
même dire que celle du Deilephila Nicœa et celle du Ueilephila euphur-
30i LÉPlDOPTtRES,
biœ, par exemple, pour prendre une espèce commune, attirent les yeux
(les pei'sonnes les plus indilTérentes par la vivacité et l'éclat de leurs
couleurs, comme vernissées chez la seconde, riches colorations qui
sont rares chez les chenilles. La plupart ne sortent que la nuit
pour prendre leur nourriture; il en est cependant quelques-unes
qui se tiennent à découvert pendant toute leur vie sur les plantes, où
on les trouve sans beaucoup de peine, car leurs dimensions les rendent
très visibles. Pour se métamorphoser, elles s'enterrent, le plus souvent,
sans filer de coque, à quelques centimètres de profondeur et à peu de
distance des végétaux qui les ont nourries ; parfois la chrysalide est
entourée d'une coque très grossière, formée de parcelles de terre ou
de débris de végétaux, liés ensemble par des fds de soie; les glandes à
soie sont très peu développées chez les chenilles des Sphingiens. La
durée de la nymphose est très variable, selon les espèces et parfois
pour la même espèce; on en voit éclore au bout de douze à quinze
jours, tandis que d'autres chrysalides passent tout l'hiver sous terre, ou
même ne donnent l'insecte parfait qu'au bout de plusieurs années.
Les Sphingiens se rencontrent dans toutes les régions chaudes et
tempérées de la terre, manquant dans les parties très froides. Bois-
duval en indique plus de 500 espèces dans son livre, incomplet malgré
sa date récente (187/i); le catalogue de M. Dcpuiset inscrit 33 Sphin-
giens pour l'Europe; il yen a 1/i dans le catalogue des espèces anglaises
de British Muséum, et 2!i sont décrites pour la France dans la Faune de
Berce, en y comprenant deux hybrides. Certaines espèces de France ou
d'Angleterre sont accidenlelles, venant de loin et principalement dans
les années chaudes, ne se reproduisant pas ou donnant seulement une
génération. Ces faits curieux sont une conséquence du vol si puissant
des Sphingiens.
ACHÉHONTIDES.
Les caractères de cette famille sont, en même temps, ceux de son
genre unique.
ACHEnOIVTIA , Octisenheimer. — Tête large. Yeux gros et saillants, très
brillants pendant la vie. Antennes relativement très courtes, droites, renflées an
milieu, finement striées transversalement du côté interne, recourbées à leur
extrémité en un petit crochet prononcé, fpiritrompe large, épaisse et très
courte. Palpes épais, séparés à leur extrémité, dépassant à peine le chaperon.
Thorax robuste, large, subovale, portant en son milieu l'empreinte, plus ou
moins nette, d'une léte de mort, avec un double collier bien marqué et les pté-
rygodes peu distincts. Pattes courtes, robustes, les antérieures très poilues chez
les mâles, avec les cuisses épineuses et les jambes terminées par une griffe très
prononcée. Ailes supérieures entières et lancéolées, les inférieures arrondies à
l'angle anal. Abdomen ovalaire, légèrement aplati, terminé en pointe obtuse. —
Chenilles très grosses, cylindroïdes, marquées de chevrons sur le dos et de
ACHEKONTIA. 305
bandes obliques sur les côtés, avec une corne grenue et rocailleuse sur le on-
zième anneau. — Chrysalides allongées et déprimées sur la poitrine, avec une
pointe anale un peu bifurquée.
L'espèce type de cette famille est le célèbre Sphinx à tête de. mort,
VAchero7itia Atropos, Linn., de HO à IZiO millimètres d'envergure; an-
tennes noires en dessus, avec le bout d'un beau blanc; spiritrompe
large et courte, d'environ 1 centimètre; thorax d'un brun noir, sablé
de bleuâtre, avec une grande tache médiane d'un gris plus ou moins
blanchâtre, marquée de deux points noirs qui lui donnent une cer-
taine ressemblance avec une tête humaine osseuse; ailes supérieures
d'un brun noir, saupoudré d'atomes bleuAtreg avec les nervures ferru-
gineuses à l'extrémité, deux raies blanchûtn > Iransverses, étroites et
ondulées, avec la partie entre la raie externe et le bord mélangée de
grisâtre et de ferrugineux, des lignes noirâtres ondulées traversant le
milieu de l'aile, une petite touffe de poils fauves à l'origine du bord
interne, une petite tache circulaire et blanche à l'extrémité de la cel-
lule discoïdale; ailes inférieures d'un jaune d'ocre assez vif, avec deux
bandes transversales noires, l'antérieure plus étroite formant un coude
vers l'angle interne de l'aile, la seconde rapprochée du bord et se pro-
longeant en noir sur les nervures; dessous des quatre ailes d'un jaune
d'ocre, avec deux bandes transversales noires; pattes noires, garnies de
poils jaunes aux cuisses, les tarses annelés de blanc; abdomen d'un
jaune foncé, ayant une large bande dorsale, longitudinale, d'un bleu
cendré pâle, coupée par six anneaux noirs qui font le tour du corps.
Le fait très curieux que présente cet énorme papillon, c'est le cri aigu
et plaintif que font entendre les deux sexes. L'organe sonore est placé
de chaque côté du corps, à la base de l'abdomen, et consiste en une
membrane entourée d'une toufle de poils étoiles qui entrent dans un
mouvement de rotation autour de leur point d'insertion quand l'insecte
fait entendre son cri un peu sinistre. On comprend qu'en joignant a
cela le lugubre emblème du corselet, il n'en faut pas davantage pour
effrayer les gens crédules. En Bretagne, pays enclin aux superstitions,
un curé décrivit, en 1730, l'Atropos, dans un journal du temps, comme
un animal de la plus funèbre apparence; en 1733, une apparition
abondante de ce papillon coïncidait, dans le môme pays, avec une épi-
démie très meurtrière. Le papillon fut accusé d'en être la cause, et
M. de Pontchartrain en envoya le dessin à l'Académie des sciences.
Réaumur dit à propos de son aspect : « Il n'en a pas fallu davantage
au peuple timide, toujours disposé à adopter des présages funestes,
pour juger que c'était ce papillon qui portait la mort, ou au moins qu'il
était venu annoncer les maladies fatales qui régnaient. » Au dire du
docteur J. Franklin, on croit, dans les campagnes de l'Angleterre, que
r Atropos est en rapport avec les sorcières, et va murmurer à leur
oreille le nom de la personne pour laquelle la tombe est près de s'ou-
GIRARI). ni. — 20
306 LÉPIDOPTÈRES.
vrir. A l'île Bourbon, où ce papillon est extrêmement commun pendant
toute l'année, il porte le nom à'aille; les gens ilu peuple et beaucoup
de créoles le regardent comme un insecte fort dangereux; ils croient
que, lorsqu'il entre dans une chambre, il peut aveugler les personnes
qui s'y trouvent; aussi l'en chasse-t-on par tous les moyens. En France,
r^. Atropos adulte paraît à la fin de septembre, en octobre et jusqu'au
milieu de novembre, volant lourdement après le coucher du soleil et
entrant volontiers dans les appartements, attiré par les lumières ; on en
voit quelquefois en mai et juin, provenant de chrysalides retardées qui
ont passé l'hiver; la plupart des chrysalides hivernantes se dessèchent
et périssent, au moins dans les éducations en captivité.
La chenille de l'Atropos se reconnaît tout d'abord à sa grosseur, car
c'est la plus forte chenille que nous ayons en Europe. Elle a la tête
verte, avec un trait noir latéral, et offre, le plus souvent, un fond jaune
pointillé de noir verdâtre sur les côtés, avec les anneaux de Zi à 10
inclusivement ornés de sept bandes obliques bleues, teintées de violet
et lisérées de blanc, qui, en se joignant sur le dos, forment autant de
chevrons parallèles entre eux, et dont les pointes sont tournées vers la
région anale; sur le sommet du onzième anneau est une corne jau-
nâtre, rocailleuse, c'est-à-dire hérissée de tubercules coniques qui se
touchent par leur base, inclinée en arrière, puis recourbée en avant h
son extrémité qui fait le crochet ou la queue de chien; les pattes écail-
leuses sont noires, les pattes membraneuses verdâtres, avec la cou-
ronne noirâtre. Cette chenille a, en outre, des livrées variables; les
chevrons peuvent être pourpres ou violets sur fond jaune, ou bien tout
le fond vert avec chevrons d'un vert plus foncé et bordés de jaune
antérieurement; enfin, dans une variété rare et qu'on trouve, dit-on,
spécialement sur le jasmin, le fond est d'un brun feuille morte, avec
deux lignes dorsales serpentantes d'un brun noirâtre ponctué de blanc,
la corne d'un blanc jaunâtre, les anneaux thoraciques de couleur de
chair, avec une bande dorsale et des taches latérales d'un noir ver-
dâtre. La chenille de l'Atropos se rencontre, de la fin de juillet au
milieu d'octobre, au moins dans la moitié septentrionale de la France,
sur diverses plantes, l'olivier, le lilas, les jasmins jaune et blanc et
surtout les Solanées, comme le liciet, l'alkékenge, la morelle douce-
amère, la tomate, la pomme de terre. En 1853, en Allemagne, les che-
nilles d'^. Atropos, qui ordinairement ne s'attaquent qu'aux feuilles de
la pomme de terre, se portèrent exclusivement sur celles du tabac
{i^icotiana tahacum) et détruisirent un grand nombre de pieds de cette
plante. Les papillons de 1733, dont parle Réaumur, provenaient de
chenilles ayant vécu sur des Solanées indigènes spontanées, car, à
cette époque, la pomme de terre n'existait en France que dans quel-
ques jardins et n'était pas encore cultivée en champs; mais depuis
la grande culture de cette Solanée, c'est surtout sur ses feuilles qu'on
rouve-la chenille de l'Atropos. Parvenue à toute sa croissance, elle
ACHEROJNTIA, SMÊRINTHIDES. 307
s'enfonce profondément en terre et subit sa nymphose dans une coque
terreuse à grains agglutinés, et l'adulte paraît ordinairement de quatre
à six semaines après. La chrysalide est d'un brun marron luisant, plus
clair sur les fourreaux des ailes, allongée et déprimée ou aplatie dans
sa partie antérieure, cylindrico-conique postérieurement, avec les in-
cisions des anneaux légèrement chagrinées, les stigmates très! appa-
rents et une pointe à la partie aruile, noire, rugueuse et très fine-
ment bifurquée. Le meilleur moyen qu'ont les amateurs de se pro-
curer le Sphinx à tête de mort, c'est de ramasser sa chrysalide en oc-
tobre, en Buivaiat les femmes qui arrachent les pommes de terre.
Les étés secs et chauds, dans notre climat, sont plus favorables à la
multiplication de la chenille de l'Atropos que les étés froids et humides,
ce qui prouve bien l'origine australe de cette espèce, qui n'est pas indi-
gène, mais originaire de l'Asie indienne et de l'Afrique. Elle nous est
apportée, dans les années chaudes, par les vents du sud et du sud-est,
s'accouple dans notre climat et donne une génération en automne,
taudis qu'en Afrique et en Asie elle paraît sans interruption. Ce migra-
teur est commun dans le midi de l'Europe, mais devient rare au nord
de Paris et s'avance parfois jusqu'en Angleterre. La chenille commet
des dégâts dans les champs de pomme de terre, mais seulement dans
les locahtés méridionales, où elle est abondante. C'est également dans
le Midi que le papillon est, en certaines années, fort nuisible aux
ruches d'Abeilles. Il y entre pour se gorger de miel, épouvantant les
Abeilles, dont l'aiguillon est impuissant contre son corps à peau épaisse
et comme recouverte d'un duvet laineux.
Il existe deux autres espèces exotiques â'Achernntia, ressemblant
toutes deux à l'A. Atropos. L'une est l'A. Styx, Westwood, beaucoup
plus commune au Bengale qu'A. Atropos, et faisant entendre un cri
plus aigu, malgré sa taille plus petite; sa chenille dévore dans les jar-
dins les feuilles des aubergines et du lilas {Syrinçja Persica). L'autre
espèce, un peu plus grande que l'Atropos, est l'A. Salarias, Boisduval,
moins commune que l'A. Styx, et dont la chenille vit sur le tabac, aux
Indes, à Java, à Bornéo, aux îles Philippines.
SMÊRINTHIDES.
La tribu des Smérinthides est formée de Lépidoptères qui établissent
un passage entre les Sphingiens et les Bombyciens, surtout avec les
Sericaria, les Endromis, dont la chenille a la corne caudale. Les adultes
ont les antennes souvent grosses et fortement dentées chez les mâles,
et la spiritrompe dans les deux sexes très courte et généralement trop
peu développée pour servir à l'alimentation. Les papillons sont d'ordi-
naire lourds et volant à peine, surtout les femelles, et on les trouve sou-
vent accouplés, soit dans les éducations captives, soit sur les troncs
d'arbre en liberté. C'est par les chenilles et par le mode de nymphose
308 LÉPIDOPTÈRES.
que les Smérinthides se rattachent aux Spliingieus. Les chenilles sont
munies d'une corne sur le onzième anneau, et ont, en particulier, la
tête le plus souvent triangulaire et la peau chagrinée et rugueuse. Les
chrysalides se font en terre, à peu de profondeur.
Un genre d'Australie, à spiritrompe très courte, établit le passage
des Smérinthes aux Achéronties, dont t.atreille ne le séparait pas. C'est
le genre Brachijgloasa , Latr., dont les chenilles ont la tête triangulaire,
les adultes avec des ailes larges, les supérieures sinuées à l'extrémité,
les inférieures colorées en jaune plus ou moins intense. Trois espèces
de très grande taille : B. 'Triangularis, Donovan; B. Australasiœ,
Donor.; B. Banksiœ, Boisd. liC genre Smerinthus est le plus important
de la famille.
SMERI1«THUS, Ochsenheimer. — Antennes flexueuses, peu renflées au mi-
lieu, fortement dentées en scie ou crénelées au côté interne, surtout chez les
mâles, où elles sont aussi plus épaissos. Tête petite et retirée sous le thorax,
avec le chaperon étroit et peu avancé. Yeux petits et peu saillants. Palpes très
courts, velus, écailleux, ne dépassant pas les yeux et n'atteignant pas le chape-
ron. Spiritrompe presque nulle ou rudimentaire. Thorax globuleux, très velu, avec
le collier et les ptérygodes peu distincts. Ailes de forme assez variable, les infé-
rieures généralement dépourvues de frein , les supérieures falquées , dentées,
sinueuses ou quelquefois entières, les quatre ailes à plat au repos, le supérieures
débordées alors par les inférieures. Abdomen cylindrico-conique et dont l'extré-
mité se relève un peu, dans les mâles seulement. — Chenilles chagrinées,
ornées de bandes latérales obliques , atténuées antérieurement , à tète triangu-
laire. — Chrysalides cylindrico-coniques, avec une pointe anale simple.
Les Smérinthes sont des papillons d'un vol lourd et faible après le cou-
cher du soleil, qu'on prend aisément au repos pendant le jour sur les
troncs d'arbres. Les chenilles vivent toutes sur les arbres, du moinspour
les espèces d'F.urope et celles d'Amérique du Nord h chenilles nues,
surtout sur les Salicinées, puis les Drupacées et les Ulmacées. Elles
se métamorphosent en terre très peu profonde ou sous les mousses au
pied des arbres et sans former de coques. Le genre Smerinthus est le
plus nombreux en espèces de la famille des Smérinthides, car Boisdu-
val en décrit 38 ; il habite les deux continents, mais il est plus répandu
dans les régions tempérées que sous la zone intertropicale.
Nous indiquerons d'abord les quatre espèces de France , dont deu.V
surtout sont communes et dont les trois premières se trouvent aussi en
Angleterre: S. populi, Linn.; le Sphinx à ailes dentelées, Geoffroy; le
Sphinx du peuplier, Engramelle; envergure, 7.") millimètres, de colora-
tion très variable, tantôt grise ou gris brun, tantôt roussâtre, gris lilas»
certains exemplaires passant au rouge clair, avec des bandes et de^
raies transverses, ondulées, plus ou moins foncées, l'espace médian des
ailes supérieures ordinairement plus formé et décoré à l'extrémité de
SMEUIMHUS. 309
la cellule discoïdale fl'iin point blanc, plus ou moins oblong; ailes infé-
rieures offrant à la base un grand espace ferrugineux, beaucoup moins
garni de duvet que le reste de la surface; thorax et abdomen de la cou-
leur des ailes; femelle ordinairement moins foncée que le mâle, avec
les raies transverses souvent presque entièrement etl'acées; adulte assez
commun partout, plus au nord qu'au midi de l'Europe, et qu'on trouve
souvent appliqué contre les troncs et mûme accouplé en mai et juin ;
puis, pour une seconde éclosion, en août et septembre ; près de Douai a
été trouvé un hermaphrodite bi latéral de cette espèce ; on a également
observé un accouplement nafure/ entre S. populi, femelle et S. Ocellatus
mâle, et, en captivité, entre S.populi femelle et S. t.iliœ, mâle; chenille
principalement sur les peupliers et sur le tremble, parfois sur le saule,le
bouleau, à rechercher surtout en septembre, tombant facilement quand
on ébranle l'arbre, d'un beau vert pomme pointillé de jaune, avec
sept lignes obliques également jaunes de chaque côté du corps, la der-
nière aboutissant à la corne, qui est rugueuse, jaunâtre en dessus,
rougeâtre en dessous, les stigmates blancs, bordés de rouge fauve, les
pattes écailleuses entrecoupées de jaune et de rose, les membraneuses
vertes, avec un trait arqué fauve ou orangé, la tète verte, encadrée de
jaune, avec les mandibules roses; par variété, trois ou quatre rangées
de taches ferrugineuses de chaque côté du corps, une autre d'un vert
pre-sque blanc, à lignes obliques à peine indiquées, souvent ornée de
deux rangées latérales de points roses, se trouvant toujours sur le peu-
plier blanc, par suite d'une imitation de couleur protectrice; chrysalide
d'un noir terne, avec la pointe terminale 1res aiguë et lisse à son extré-
mité, enterrée au pied des arbres, celle de juillet donnant son papillon
six semaines après, celle de l'automne passant l'hiver et ne donnant le
papillon qu'en mai de l'année suivante; une variété ^'. tremulœ,
Fischer, très rare dans les collections, se trouve aux environs de Moscou
S. tiliœ, Linn., le Sphinx du tilleul, Geoff., Engr., variant beaucoup
pour la coloration; fond des ailes supérieures tantôt d'un gris blanchâtre
ou d'un gris rosâtre, tantôt chamois ou d'un fauve un peu rosé, ou
même d'un rouge briqueté, l'extrémité toujours olivâtre dans toutes les
variétés et lisérée de ferrugineux, sur le milieu deux taches supérieures
d'un vert olive foncé ou d'un brun roux, parfois réunies, parfois réduites
à une ou môme manquant; ailes inférieures d'un brun roux plus ou
moins clair, avec une bande transversale noirâtre ; thorax de la couleur
du fond des ailes supérieures avec une raie dorsale et les ptérygodes
de couleur olive ou brune, selon les variétés. M. Lesueur a obtenu à
Paris, d'éclosion, S. tiliœ mâle, ayant les ailes supérieures grandes et
bien développées, les inférieures, par une ectroméhe symétrique, ré-
duites à deux moignons raccornis de 1 à 2 millimètres. Adulte commun
dans toute l'Europe et surtout dans les parties tempérées, de la tin de mai
à la fin de juin, parfois en septembre, de seconde éclosion, sur les pro-
menades, contre les troncs des ormes et des tilleuls, abondant même
310 LÉPIDOPTÈRES.
dans l'intérieur de Paris. Chenille plus eitilée antérieurement et à tête
plus petite que celle des S. poputi et Ocellatus, ayant la partie anale
surmontée d'uîi écusson granuleux, de forme ovale, d'un blanc violàtre
au centre, d'un jaune orangé sur les bords, la tête et le corps d'un
beau \ert pomme, chagriné de jaune, avec bordures jaunes à la tête,
sept lignes obliques jaunes sur le corps, parfois bordées de rouge, dont
la dernière se réunit à la corne du pénultième anneau, celle-ci rugueuse,
bleue en dessus, jaune en dessous, les stigmates orangés, les pattes
thoraciques de couleur carnée, les pattes abdominales vertes, avec la
couronne d'un rouge brun; vivant sur le tilleul et principalement sur
l'orme, aussi sur le catalpa et peut-être le châtaignier, du milieu d'août
à la fin de septembre, se rencontrant souvent parles chemins lorsqu'elle
descend des arbres pour se métamorphoser en terre, et changeant alors
souvent de couleur pour prendre une teinte un peu vineuse. Chrysalide
finement chagrinée, d'un brun terreux, plus allongée que celle de
S. populi, avec la pointe anale bifide et garnie d'épines jusqu'il son
extrémité, enterrée à peu de profondeur au pied des ormes et y passant
l'hiver, offrant par sa recherche facile le meilleur moyen de se procurer
le papillon; S. Ocellatus, Linn., le Sphinx demi-paon, Geoffr., Engram.,
de 80 millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un gris rougeâtre
ou violàtre, avec des lignes transverses ondulées légèrement obscures
et trois espaces bruns irréguliers et une tache annulaire brune à
l'extrémité de la cellule discoïdale ; ailes inférieures d'un rouge carmin
plus ou moins vif, avec l'extrémité lavée de gris brun et le milieu
marqué d'un grand œil bleu, à prunelle et iris noirs; œil lié à l'angle
anal par un large trait noir; thorax de la couleur des ailes supérieures
avec une large bande brune, longitudinale, élargie à la base en forme
de T renversé ; abdomen d'un brun grisâtre, plus foncé sur les côtés.
Ce Smérinthe demi-paon existe dans toute la France, sans qu'on le
prenne en abondance nulle part; il est aussi de la plus grande partie
de l'Europe, d'Angleterre, d'Algérie (H. Lucas). C'est un charmant
insecte qui le dispute aux papillons diurnes par l'élégance de ses des-
sins et l'éclat de ses couleurs; on le trouve au bord des prés, dans les
oseraies, les jardins. Sa chenille vit sur l'osier, les saules, principale-
ment le saule pleureur, le pommier, l'amandier, le pêcher, et aussi le
prunellier et l'aubépine; elle est aisée à découvrir, car elle dépouille
entièrement de ses feuilles le rameau qu'elle habite. Le plus ordinai-
rement l'espèce éclôt en mai et juin, de chrysalides qui ont passé
l'hiver; dans les années chaudes et dans le Midi il y a une seconde
éclosion en août, et on retrouve des chenilles en septembre. Chenille
tantôt d'un vert pomme, tantôt d'un vert glauque, mais toujours poin-
tillée de blanchâtre, avec sept lignes blanches sur les flancs de l'abdo-
men, et deux sur les côtés du thorax, qui manquent toujours chez la
chenille du S. popuh\ la corne caudale bleue à la base, avec l'extrémité
verte ou blanchâtre, les pattes écailleuses légèrement rougeâtres, les
SMKRINTHUS. 311
pattes membraneuses du m(?mo vert que le corps, avec la couronne
violfttro; ordinairement parvenue à toute sa taille dans le courant
d'août, elle s'enfonce en terre pour se clirysalider. Celles qui vivent sur
les vieux saules ne prennent pas la peine d'en descendre pour la nym-
phose et deviennent chrysalides dans le détritus dont la tète de ces
arbres est presque toujours remplie. Godart fait remarquer que pour
réussir à bien conserver les chrysalides de cette espèce, il faut les
mettre dans de la terre de bruyère, qui convient d'ailleurs beaucoup
mieux qu'aucune autre pour toutes les chenilles qui doivent s'enterrer
et qu'on élève chez soi; la chrysalide est finement chagrinée, d'un
brun marron foncé, avec la partie anale arrondie et terminée par une
pointe courte et obtuse; elle passe l'hiver et l'adulte éclôt à la fin de
mai, parfois en septembre, pour des sujets hâtifs. Des amateurs alle-
mands ont réussi à obtenir en captivité l'accouplement des S, populi et
Ocellatus, et à élever les chenilles dont sont nées des adultes hybrides
tenant de l'une et de l'autre espèce.
Le dernier Smérinthe de France, beaucoup moins répandu que les
trois autres, est le S. quercus, catal. de Vienne ; le Sphinx du chêne
d'Engramelle, ayant le corps et les ailes d'un roux clair, les inférieures
assujetties aux supérieures par le frein, qui manque chez nos autres
Smérinthes, le crin de la femelle en faisceaux de poils peu nombreux,
très courts. Les ailes supérieures, irrégulièrement dentées, sont mar-
quées de trois lignes transversales ondées de brun, avec un trait mar-
ginal brun surmonté d'un gros point noir à l'angle interne; les ailes
inférieures, d'un roux clair, offrent vers l'angle anal un espace irrégu-
lier d'un blanc jaunâtre, suivi d'une petite tache brune. L'adulte a deux
générations par an, en mai, puis en juillet, les chrysalides de sep-
tembre provenant de la seconde génération passant l'hiver. Il se ren-
contre dans diverses parties de la France, principalement méridionales,
près de Montpellier, en Provence, et dans les Pyrénées-Orientales; il a
été pris en outre dans les Vosges, près du Ballon, peut-être même près
de Paris. Enfin les marchands le reçoivent assez communément de
Hongrie et d'Autriche. La chenille vit sur divers chênes, Quercus robur,
Austriaca, ilex ou chêne vert, sur ce dernier arbre dans le midi de la
France. Elle est d'un vert très clair est chagrinée de blanc, avec sept
bandes obliques jaunâtres, le bord de la tête liséré de jaune orange, les
stigmates et les pattes écailleuses d'un jaune d'ocre, les membraneuses
vertes avec l'extrémité jaunâtre, la corne du onzième anneau rugueuse
et un peu jaunâtre, avec l'extrémité noirâtre. Cette chenille se trouve
en juin, puis en août et en septembre, et descend en terre, sous la
mousse du pied des chênes, pour donner, sans coque, une chrysahde
d'un brun cuivreux, avec la pointe anale bien prononcée, les yeux et
les antennes très en relief. Les amateurs indiquent la chenille du
S. Quercus comme très difficile à élever.
L'Amérique du Nord présente une série de Smérinthes du type de
ol'2 LÉPIDOPTÈRES.
notre S. Ocellatiis. Nous trouvons, aux environs de New- York, le S. Asty-
lus, Drury, présentant les ailes antérieures entières pointues au bout,
d'un brun ocracé pâle, avec des lignes ondées, les unes noirâtres, les
autres d'un gris blanchâtre, les inférieures fauves avec le bord obscurci
et un œil bleu sans pupille, fortement cerclé de noir; corselet et abdo-
men d'un brun ocreux avec une petite raie dorsale brune sur ce der-
nier; les deux sexes pareils. Nous représentons cette espèce pi. xc,
fig. 2, par une variété lo, Boisduval, offrant les ailes inférieures d'un
fauve un peu rougeâtre.
SPHINGIDES.
Les Sphingiens de cette famille se trouvent dans les deux conti-
nents; leur caractère le plus remarquable est une spiritrompe de lon-
gueur démesurée, dépassant souvent beaucoup celle du corps, et une
puissante organisation alaire, qui leur permet de se transporter au vol
à des distances considérables ; ils ne se montrent en activité que le soir,
vers le coucher du soleil; les chenilles ont la tète arrondie et la peau
lisse, jamais chagrinée, une corne en général sur le onzième segment,
et sont le plus souvent ornées de bandes latérales obliques. Ces insectes
sont des deux continents et surtout des régions chaudes.
0P0IIIIX, Linn. — Antennes légèrement flexueuses, de la longueur de la tête et
du thorax réunis, renflées au milieu, unies dans les femelles, plus fortes chez
les mâles et striées transversalement en manière de râpe du côté interne, ter-
minées par un petit crochet. Chaperon large et proéminent. Yeux gros et
saillants. Palpes épais et écailleux, réunis à leur extrémité et débordant le cha-
peron. Spiritrompe épaisse et d'une longueur analogue à celle du corps. Thorax
très robuste, large et bombé, avec les ptérygodes très développés. Ailes supé-
rieures de texture épaisse, entières, longues et lancéolées, l'appareil du frein
très accentué. Pattes robustes et courtes. Abdomen long, cylindrico-coniques ;
presque toujours rayé de bandes annulaires ou transversales ou marqué de tache,
atérales jaunes. — Chenilles cylindroïdes, peu atlénuées antérieurement, de
couleur verte ou quelquefois brunâtre, la tête arrondie, marquées ordinairement
de bandes latérales obliques et munies généralement, sur le onzième segment,
d'une corne recourbée en arrière, le plus souvent lisse et aiguë, quelquefois
granuleuse ou chagrinée (S. Riistica, Cramer), offrant quelquefois, mais très
rarement, une petite crête épineuse sur les premiers anneaux (S. solani, Boisd.).
— Chrysalides cylindrico-coniques, de couleur obscure, allongées, terminées
par une pointe plus ou moins rugueuse, offrant en général la gaîne de la spiri-
trompe plus ou moins séparée de la poitrine.
Le genre Sphinx, dans ses limites actuelles, comprend, dans l'ou-
vrage de Boisduval(187/i), plus de soixante espèces des deux mondes et
d'Australie (S. casuarinœ, Walker). Tandis que l'Europe entière n'en
comprend que trois espèces, on peut dire que l'Amérique du Nord est
SPHIMX. 313
la patrie par excellence des Sphinx, puisqu'il y en a plus de vingt
espèces dans les États-Unis, sans compter celles qui restent à découvrir
dans les régions encore peu peuplées, et par suite non explorées, de ce
vaste territoire. Les Sphinx ont une chaleur propre considérable en
rapport avec un vol rapide et brusque après le coucher du soleil; pour
les plus gros on sent entre les doigts la chaleur de leur corps frémis-
sant. Us butinent sur les fleurs à corolles les plus profondes, dans les-
quelles ils enfoncent leur longue spiritrompe. Le crin des femelles est
en faisceau, très nombreux (Poey). Les chenilles vivent soit sur les
arbres et arbustes, soit sur les plantes basses, et se métamorphosent
en chrysalide dans la terre sans former de coques.
Les trois espèces européennes appartenant à la série des Sphinx à
abdomen annelé, existant toutes trois eu France et dans les Iles Britan
niques, sont : S. convolvuii, Linn., le Sphinx à cornes de bœuf de Geof-
froy, le Sphinx du liseron d'Engramelle, de 100 à 110 millimètres
d'envergure ; antennes blanchâtres en dessus, cendrées en dessous ; spi-
ritrompe démesurée, atteignant parfois 70 millimètres; ailes supé-
rieures des mâles d'un gris cendré, marbrées de brun sur le disque,
rembrunies aux angles anal et apical, sans taches brunes chez les
femelles, avec des petites veines noirâtres dans les deux sexes, les infé-
rieures d'un gris luisant avec trois bandes noirâtres; ailes en dessous
d'un gris cendré, avec double raie transversale noirâtre; thorax d'un
gris cendré ; abdomen annelé alternativement de noir et de rouge rosé,
avec une bande longitudinale grise divisée par une ligne noire, le pre-
mier anneau noir bordé de roussâtre en arrière, le premier anneau
rouge bordé de blanc en avant, les autres anneaux souvent lisérés de
blanc. Les œufs, dans le corps de la femelle, sont d'un beau vert clair.
On a observé un S. convolvuii complètement hermaphrodite bi latéral
par les ailes, les antennes et l'abdomen, mâle à gauche, femelle ù
droite. Chenille à nombreuses variétés se ramenant à deux types, l'un
à fond vert, l'autre à fond brun ; dans le premier type, le plus souvent,
la tête est d'un vert un peu jaunâtre avec des raies noires; il y a sept
bandes obliques noires de chaque côté, un peu bordées de blanc, la
dernière aboutissant à la corne, lisse, jaune ou ferrugineuse, à bout
noir; en outre, sur le dos, deux raies longitudinales noires, peu mar-
quées, et diverses taches noires, pattes écailleuses noirâtres, les mem-
braneuses vertes, à couronne grise; stigmates couverts de taches noires
orbiculaires; chaperon ou bout de l'anneau anal d'un jaune orangé;
dans le type à fond brun, les bandes obliques sont d'ordinaire plus
brunes, souvent avec une raie latérale d'un jaune paille, les stigmates
bordés de blanc et placés sur des taches brunes orbiculaires, la tête d'un
fauve pâle, avec des lignes noires, les pattes écailleuses noirâtres, les
membraneuses de couleur carnée, avec la couronne grise, la corne
entièrement noire, le chaperon anal d'un jaune orangé. Chrysalide
d'un brun marron clair, avec la gaine de la spiritrompe très longue,
314 LÉPIDOPTÈRES.
détachée de la poitrine, arquée en anse et à demi roulée en spirale à
son extrémité. Le S. convulvuli est réellement, comme l'Atropos, une
espèce exotique, se montrant, dans les années chaudes, commun en
août et septembre, nous arrivant par les vents du sud et ne donnant
qu'une ou deux générations, les chrysalides formées à l'arrière-saison
et passant l'hiver n'éclosant pas d'habitude dans le centre et le nord de
l'Europe, éclosant en partie, en mai et juin, en Espagne, en Italie et
dans l'extrême midi de la France; le papillon est très abondant et paraît
toute l'année en Algérie et Afrique et dans les Indes orientales. D'après
Boisduval, le vol puissant de cette espèce l'a répandue dans les îles de
la Polynésie, ainsi à Taïti et à la Nouvelle-Zélande, où la chenille vit
sur la patate (Co?ït'o/yu/i{s6a^o<as); dans ces deux îles la taille de l'espèce
s'est notablement réduite. Le S. convolvuli vole au crépuscule dans les
jardins, principalement en septembre, aux environs de Paris, recher-
chant les fleurs de pétunias, de belles de nuit, etc., curieux à contem-
pler, butinant à distance et lançant dans les corolles profondes sa longue
spiritrompe, avec un bourdonnement qui s'entend de loin; on ren-
contre, en juillet et août, sa chenille, qu'il faut chercher après la mois-
son, principalement sur le liseron des champs {Convolvulus arvensis),
dont elle consomme de grandes quantités; elle est difficile à trouver,
car elle se tient cachée pendant le jour au pied de la plante, trahie
aisément du reste par la grosseur de ses excréments; elle vit aussi
sur diverses Convolvulacées des jardins, comme Convolvulus tricolor et
Ypomea coccinea, et plus rarement sur le liseron des haies {Convolvulus
sepium), et s'enterre pour se chrysalider; le mâle du -S. convolvuli
répand une forte odeur musquée, sécrétée par des glandes unicellu-
laires placées inférieurement des deux côtés du premier segment de
l'abdomen et en rapport avec deux touffes de poils disposées dans un
sillon situé à la réunion des arceaux supérieur et inférieur de ce seg-
ment, touffes de poils qui Se relèvent et s'élargissent quand l'insecte
émet son odeur (1); S. ligustri, Linn., le Sphinx du troène, de Geof-
froy et d'Engramelle, de l'envergure du précédent, dans les deux sexes,
les ailes supérieures d'un gris rougeàtre, veiné de noirâtre, avec le
milieu et le bord interne d'un brun assez foncé, et au bord externe
deux lignes blanches flexueuses réunies près du sommet; ailes infé-
rieures roses avec trois bandes noires transversales ; dessous des ailes
d'un gris roussâtre, avec une bande noirâtre commune ; thorax d'un
brun noirâtre, grisâtre au milieu, d'un blanc rosé sur les côtés; abdo-
men annelé alternativement sur les côtés de noir et de rose foncé,
ayant sur le dos une bande longitudinale brunâlre avec une ligne noire
au milieu, la face ventrale blanchâtre, avec trois lignes noirâtres lon-
gitudinales. Chenille ne variant pas, d'un beau vert pomme, avec sept
bandes obliques, violettes antérieurement, blanches postérieurement,
(1) Journal le Naliiralisie, 1" mai 1880, p, 210.
SPHINX. 515
les stigmates d'un jaune orangé, la corne du onziène anneau longue,
arquée, d'un noir luisant en dessus et jaunâtre en dessous. Chrysalide
d'un brun marron, avec la gaîne de la spiritrompe de médiocre lon-
gueur, trC's saillante, mais non détachée de la poitrine, comme celle du
S. convolvuli, la pointe anale accompagnée vers son extrémité de deux-
autres petites pointes latérales; chenille aisée à trouver, vivant à décou-
vert dans le jour, principalement sur le troène, le lilas ordinaire et le
lilas de Perse, les frônes, et môme aussi sur la spirée des jardins, la
viorne dans les bois, le sureau, les pousses tendres du houx, en août
et septembre. Après la dernière mue, la peau de cette chenille, qui
était chagrinée dans le jeune Age, devient lisse et douce au toucher, et,
trois ou quatre jours avant que cette chenille s'enfonce en terre pour
se chrysalider, ses belles couleurs se ternissent, jaunissent sur le dos,
et les stigmates s'effacent; la chrysalide passe l'hiver et parfois même
en passe deux, donnant le papillon an mois de juin de l'année suivante ;
celui-ci assez commun dans toute la France, volant au crépuscule,
répandant chez le mâle récemment éclos une faible odeur musquée,
beaucoup moins forte que celle du S. convolvuli, se tenant pendant le
jour appliqué contre les troncs des arbres ou contre les murs dans les
lieux sombres. La meilleure manière de se procurer l'espèce en état de
grande fraîcheur est de rechercher et d'élever la chenille, qui est
d'éducation facile ; — S. pmastri, Linn., le Sphinx du pin, d'Engramelle^
environ d'un tiers moins grand que les précédents, le thorax gris, avec
une bande noire sur chaque ptérygode, les ailes supérieures d'un joli
gris blanclîAtre, avec un groupe de traits noirs vers le milieu, et sou-
vent, dans les mAles, une tache noirâtre entre la pointe apicale et le
milieu de la côte, et un trait longitudinal noir au sommet, les ailes
inférieures d'un brun clair, la frange entrecoupée de blanc sur les quatre
ailes, le dessous de ces ailes d'un brun pâle, l'abdomen gris avec une
raie dorsale noire, les côtés alternativement annelès de noir et de
blanc. Chenille entièrement jaune à l'éclosion, puis verdissant peu à
peu, de sorte qu'à la dernière mue elle est verte avec tout le dos brun
et trois lignes longitudinales jaunes de chaque côté, en outre, avec des
stries transversales noirâtres, la tète fauve bordée de noir luisant, les
pattes écailleuses noirâtres, les membraneuses d'un blanc sale, les
stigmates orangés, cerclés de noir, la corne chagrinée, noire, arquée
en arrière; chrysalide ressemblant beaucoup à celle de S. ligustri, mais
plus petite et avec la gaîne de la spiritrompe détachée de la poitrine
vers le milieu de sa longueur; la chenille se trouve en août et sep-
tembre sur toutes les espèces de pins, tant des bois que des parcs, de
sorte que l'espèce se répand de plus en plus en France avec la culture
des conifères ornementaux ; très vorace, elle croît rapidement,' et,
quoiqu'elle ait la peau dure et ferme, souffre difficilement qu'on la
touche et cherche à mordre les doigts, avec ses fortes mandibules,
appropriées au feuillage résistant des pins; elle s'enterre au pied de
316 LÉPIDOPTÈRES.
l'arbre qui l'a nourrie; sa chrysalide hiverne et donne l'adulte au
mois de juin de l'année suivante.
Parmi les Sphinx exotiques nous représentons le mâle d'une espèce
de l'Amérique septentrionale, envoyé par J. Le Conte à Boisduval, le
S. jasminearum (Boisd., pi. xc, flg. 1), d'une taille un peu plus petite
que notre S. ligustri ; le thorax gris entouré par une ligne noire, les
ailes antérieures grises, avec des ondulations transverses noirâtres et
blanchâtres et des lignes noires interrompues, les inférieures noirâtres
et ondées de noir, plus pâles à l'angle anal, l'abdomen brunâtre, avec
une ligne dorsale noire interrompue, annelé sur les côtés alternative-
ment de noir et de gris brun. La chenille, pi. xc, flg. 1, a, vivant sur
diverses espèces de frênes, est verte sur la tête, les anneaux, les pattes
membraneuses, les pattes écailleuses étant ferrugineuses; il y a six
bandes obliques blanches sur le dos, la septième gagnant la base de
la corne d'un rose roussâtre, cette corne verte, un peu chagrinée, les
stigmates blancs, cerclés de noir; la chrysalide est d'un brun marron.
Guérin-Méneville fait la remarque que le Sphinx précédent est très
voisin d'une autre espèce des États-Unis, le S. Chersis, Hiibner (syn :
Cinerea, Harris), et cite à ce propos la bonne monographie des Sphin-
giens américains de Harris, sous ce titre : Descriptive Catalogue of the
N or th American Insects belonging to the Linnœan genus Sphinx (Journ.
de Sillimann, 1839, t. XXXVI, p. 282 à 320). Nous signalerons, parmi
les Sphinx exotiques dont l'abdomen est orné latéralement de taches
orangées encadrées de noir, le S. solani, Boisd., des îles Bourbon et
Maurice, de Madagascar et de Natal, dont la coloration est mêlée de
noir et de jaune d'ocre et dont la chenille vit sur les aubergines [Solanum
melongena) ; elle est grise, avec des taches noires, la tête marquée de
six raies noires longitudinales, dont les deux du milieu forment un
V renversé. Le fait curieux de son organisation, c'est que les trois pre-
miers anneaux sont munis d'une crête dorsale formée de pointes assez
dures. La chrysalide ressemble à celle du S. convolvuii, mais l'extrémité
de la gaine de la spiritrompe n'est pas repliée sur elle-même. Il existe
dans les régions chaudes des deux Amériques une série d'espèces de
Sphinx à abdomen bordé de taches oranges, dont les chenilles vivent
sur les tabacs et sur les piments {Capsicum). Le type de ces Sphinx,
très anciennement connu, est le S. Carolina, Linn., ayant le port et la
taille du S. convolvuli, paraissant presque toute l'année sans interrup-
tion dans les régions équinoxiales.des États-Unis du Sud au Brésil, habi-
tant les Antilles, et qui est une véritable calamité pour les plantations
de tabac, la chenille vivant aussi sur toutes les espèces de Capsicum.
Au Brésil et à Buénos-Ayres se trouve une espèce voisine, de même
taille, nommée S. petuniœ, Boisduval, et dont la chenille vit aussi sur
le tabac et sur les piments cultivés dans les jardins. D'après Beske, qui
a très communément élevé cette chenille au Brésil, elle est un fléau
des jardins.
BLlLliPHlLA. ' 317
UÉILÉPHILIDES
La famille des Déiléphilides a longtemps été réunie à celle des Spliin-
gides. Elle comprend de nombreuses espèces des deuv continents,
160 dans les Sphingiens de Boisduval. T>es adultes, au moins pour les
espèces européennes, ont un vol rapide après le coucher du soleil;
leurs antennes sont droites ou presque droites, striées comme chez les
Sphinx, et la spiritrompe ne dépasse pas ordinairement la longueur du
corps. Les chenilles, dont les exotiques sont encore presque toutes in-
connues, sont lisses ou très légèrement chagrinées (D. euphorbiœ), avec
la tête globuleuse; elles sont souvent ornées de couleurs assez vives et
fréquemment de taches ocellées. Il en est qui sont à peu près d'égale
grosseur partout, d'autres qui ont les trois premiers anneaux plus
étroits que les autres, très rétractiles et susceptibles de s'allonger en
manière de trompe; elles sont généralement pourvues d'une corne
rugueuse sur le onzième segment; cet organe, dont l'usage est inconnu,
est remplacé exceptionnellement dans quelques espèces par une petite
plaque verruqueuse, et, chez quelques autres, n'existe qu'au premier
âge et disparaît complètement quand les chenilles sont à leur dernière
mue. La nymphose s'opère en terre, mais presque à la surface du sol,
soit dans une coque de parcelles de terre réunies par quelques fils de
soie, soit dans une coque informe de débris végétaux assemblés de la
môme manière.
Les chrysalides sont cylindrico-coniques, avec une pointe anale assez
prononcée.
DEILEPllILA, Oclisenlieimer. — Antennes droites, de la grosseur de la tête et
du corselet réunis, légèrement dentelées, presque d'égale grosseur dans les deux
sexes, terminées par un petit crochet. Ctiaperon large et proéminent. Yeux gros
et saillants. Palpes épais, dépassant le chaperon, séparés à leur extrémité, re-
couverts de poils courts, très serrés. Spiritrompe peu épaisse, un peu plus
courte que le corps. Thorax large, bombé, avec les ptérygodes bien distincts,
Ailes supérieures bien entières avec l'angle du sommet très aigu et légèrement
falqué^ les inférieures souvent colorées en rose avec des bandes noires et pré-
sentant l'angle anal très aigu. Pattes longues et minces, avec deux des quatre
éperons très longs et les deux autres très courts. Abdomen cylindrico-coniquc,
plus ou moins long, marqué de taches latérales noires et blanches, de manière
à paraître rayé transversalement. — Chenilles cylindroïdes, à peu près d'égale
grosseur dans toute leur longueur, avec la tête arrondie, assez petite, non ré-
tractile, pourvues d'une corne sur le onzième segment, à une exception près. —
Chrysalides cylindrico-coniques, avec la pointe anale assez prononcée.
Le genre Deilophila eut nn des plus beaux de la tribu des Sphingiens, par
l'élégance des formes liée à un vol léger et rapide, et la vivacité des teintes,
délicatement nuancées qui les font beaucoup rechercher des collection-
318 LÉPIDOPTÈRES.
neurs; souvent les adultes des espèces voisines se ressemblent beaucoup,
mais la séparation s'opère par des chenilles très distinctes. Ces papillons
sont des régions tempérées des deux continents et assez abondamment
répandus en Europe. Le catalogue Depuiset énumère en effet, dans ce
genre, réuni au genre Chœrocampa, qui n'en est qu'un dédoublement,
dix-sept espèces, plus deux hybrides.
Une des espèces les plus répandues, principalement dans les régions
calcaires, et que possèdent les plus petites collections, est le D. euphor-
biœLiim., le Sphinx du Tithymale d'Engramelle, de 70 millimètres d'en-
vergure, ayant le thorax d'un vert olive foncé, marqué latéralement de
blanc et de gris ou de rosé, intérieurement, les ailes supérieures d'un
gris rougeàtre avec trois taches orbiculaires et une bande très sinueuse
d'unvertobscur;les ailes inférieures, d'un rouge rosé en dessus avec deux
bandes noires et une tache blanche arrondie contre le bord terminal ;
abdomen d'un vert olive, orné de chaque côté de cinq bandes
blanches transverses, dont les deux premières sont bordées de noir
en avant; dessous des ailes rouge, avec un gros point noir sur le
disque des supérieures; beaucoup de variations, certains sujets ayant le
fond du dessus des ailes supérieures fortement lavé de rose ou de rouge
ou de vineux; chez d'autres, la bande noire qui règne contre le bord
des ailes inférieures a disparu, et enfin, dans quelques individus élevés
de chenille, le rouge des ailes inférieures est remplacé par du jaune
d'ocre. Le papillon vole en mai et en juin et reparait en septembre, sur-
tout dans les années chaudes, commun sur les fleurs^ des jardins et se
montrant, dans certains pays, pendant presque toute la belle saison. La
chenille de cette espèce est une des plus remarquables par l'éclat de
ses vives couleurs, qui semblent couvertes d'un vernis ; dans le jeune
âge, elle est d'un vert plus ou moins pâle, non pointillée de jaune, avec
la raie dorsale et la raie latérale jaune ; à toute la taille de la chenille,
elle ofl're la tête, les pattes, la base de la corne et l'anus d'un rouge
foncé, le fond de la couleur du corps d'un noir luisant pointillé de
jaune, sur chaque côté, deux rangées longitudinales de taches jaunes
ou blanches, parfois rougeâtres, défigure tantôt ronde, tantôt piriforme ;
une raie rouge le long du dos, une autre, de chaque côté, le long des
pattes; les crochets des pattes écailleuses sont noirs, ainsi que l'extré-
mité de la corne, qui est rugueuse ; cette chenille vit à découvert fin
juin et juillet et à toute l'ardeur du soleil, dans les lieux arides, sur le
bord des chemins, dans les chaumes, se tenant sur les diverses espèces
d'euphorbes {Cyparissias, Esula, Gcrardiana, Paralias, dans le Midi); les
sucs vénéneux de ces plantes sont sans action sur elle, et M. P. Millière
a pu empoisonner des oisillons en leur donnant la becquée avec des
morceaux de ces chenilles. Boisduval cite une aberration de cette che-
nille entièrement rouge avec les taches blanches cerclées de noir, sans
aucun autre dessin ; la chrysalide est d'un gris roussâtre, finement strié
de brun, avec les articulations ferrugineuses et les stigmates noirâtres ;
DlilLEPHILA. 319
celles qui n'écloseiit pas en septembre passent l'hiver et ne donnent le
.papillon qu'à la fin du printemps suivant. L'espèice existe en Angleterre;
c'est thc Spotted Eléphant. Pierret a signalé le rouge du fond changé en
jaune par aberration dans le D. euphorbiœ et dans son homologue de
Corse, le D. Dahli. Une espèce beaucoup plus grande, toujours rare, de
Provence et de Languedoc, .de la partie méridionale des Cévennes (le
Vigan, Alais, Anduze, Uzès), de la Lozère, accidentellement du Cantal
(Maurice-Sand), est le D. Nicœa, Deprunner, de la taille du Sphinx du
liseron, ressemblant tout à fait, pour les couleurs, à un D. euphorbiœ
très exagéré. La chenille, au contraire, est très ditférente. On dirait un
petit serpent orné de riches couleurs; dans le jeune âge, elle est verte,
avec des taches noires marquées de jaune dans leur milieu; à la de)--
nière mue, elle offre la tète petite, globuleuse, d'un gris rosé et marqué
de noir, le fond du corps d'un blanc rosé ou d'un rose incarnat pâle, les
deux premiers anneaux marqués en dessus de traits noirs arqués, les
dix suivants ayant sur le dos deux grandes taches rondes et conliguës,
noires, avec le centre orangé; en outre, le long des pattes est une ran-
gée de petites taches orangées, entourées d'arcs noirs et portant aussi les
stigmates blanchâtres ; les pattes sont noires, la corne rugueuse et d'un
noir luisant; cette chenille, qu'on trouve en juillet et en septembre, vit
à découvert sur diverses euphorbes méridionaux; les papillons parais-
sent en septembre, après six semaines de nymphose, puis en juin de
l'année suivante, des chrysalides de seconde génération qui ont passé
l'hiver.
Le D. gain, Rottenburg, le Sphinx de la garance , Engramelle, dont
le papillon paraît en juin, est une espèce qui tend à devenir de plus en
plus rare à mesure qu'on cesse de cultiver la garance {Rubia tincto-
rium), dont le rouge a dû céder la place aux rouges d'aaiUne. La che-
nille vit aussi sur le Galiuin verum ou caille-lait, sur les Epilohium pa-
lustre Qi hirsutum, sur les Escalonia (Boisduval); on la trouve de juillet
à octobre. Cette espèce existe aussi dans l'Amérique du Nord, où elle vit
sur les Épilobes, pareille au type d'Europe, en Angleterre, en Belgique,
mais rare, dans diverses localités de la France, en Alsace, en Lorraine,
dans le .Jura, le Cher, l'Indre, Saône-et-Loire, les Alpes-BIaritimes, où
elle est très rare (Millière) , près de Paris, rare, trouvée accidentelle-
ment dans les départements du Nord. Le papillon, de la taille du Z). eu-
phorbiœ, et lui ressemblant, a le thorax d'un vert olive, ainsi que l'ab-
domen, celui-ci avec une série de points blancs sur le dos, les ailes
supérieures d'un vert olive foncé, le bord d'un vert cendré luisant, et
une bande blanchâtre ou un peu jaunâtre, bidentée en avant et sinuée
en arrière, les ailes mférieures d'un rose terne, avec deux bandes noires,
et, au bord abdominal, une tache blanche arrondie, accolée par son
côté extérieur à une tache d'un rouge brique. La chenille est ordinaire-
ment d'un vert bronzé, avec une raie dorsale jainic, et, de chaque côté,
une rangée de taches rondes, d'un jaune soufre, bordées de noir; la
320 LÉPIDOPTÈRES.
tôte et l'anus d'un rouge obscur; la corne arquée, verdâtre ou rosée,
Une espèce voisine, le D. Dahli, Boisd., remplace, en Corse et en Sar-
daigne, le D. cuphorbiœ, avec les mêmes époques, et la chenille, dans
les régions maritimes seulement, sur les Euphorbes. Le D. Livornica.
Esper, syn. : Ltneata, Fabr., te Livournien d'Engramelle, trouvé pour la
première fois près de Livourne, est une espèce toujours accidentelle en
France, paraissant surtout dans les années chaudes et se renouvelant
par des émigrations du midi de l'Espagne et du nord de l'Afrique, tra-
versant la Méditerranée en plein jour (Daube), donne une et môme deux
générations, si l'année est chaude, les chrysalides qui n'ont pas eu le
temps d'éclore en automne ne produisant pas leur papillon l'année sui-
vante. Ce Sphingien est très commun en Algérie et dans l'extrême midi
de la France; ainsi, dans les Alpes-Maritimes, de mai à la fin d'août, au
crépuscule du soir et du malin, butinant en bourdonnant sur leschèvre-
l'euilles, pétunias et verveines fleuris, devient rare et accidentel dans
le reste de la France, notamment près de Paris, dans la Lozère, en Au-
vergne, en Alsace, près de Rennes, très rare en Belgique et en Angle-
terre. M. Guenée dit que l'on voit voler cette espèce en plein jour sur
les sommets des Pyrénées. Elle s'étend fort avant en Asie, car Boisduval
en avait reçu des exemplaires du Cachemire et de Darjeeling.
Le papillon, de 78 millimètres d'envergure, a le thorax d'un brun oli-
vâtre, bordé de blanc, l'abdomen de même couleur avec les anneaux
noirs ponctués de blanc, les points noirs du dos formant parfois une
ligne continue, les ailes supérieures d'un brun olivâtre, avec sept ner-
vures ou lignes blanches (d'où le nom spécifique de Fabricius) et le
bord d'un cendré luisant, une bande obhque jaunâtre, une éclaircie
blanche au milieu de l'aile, près de la côte, les ailes inférieures d'un
rouge rosé, avec deux bandes noires. La chenille est d'un vert olivâtre
foncé, avec la tête et la ligne vasculaire rouges, les sous-dorsales jaunes,
coupées de taches jaunes ou roses, le dessous blanc, la corne épineuse,
arquée, noire en dessous et rose en dessus; en septembre, polyphage,
paraissant préférer les Rumex et les Linaires, vivant aussi sur le caille-
lait jaune {Galium verum) et sur le laiteron des champs {Sonchus ar-
vensis) et sur les iuchsias dans les jardins (Boisduval). Chrysalide de
dilîérentes nuances de brun, avec quelques parties très claires. Le
D. hippophats, Esper, de 7'2 millimètres d'envergure, qui paraît deux
fois, en juin et en septembre, a les ailes supérieures d'un gris bleuâtre,
avec une bande oblique d'un vert olive foncé et un point noir sur le
disque placé sur une traînée olivâtre, les inférieures roses avec deux
bandes noires et une tache blanche presque orbiculaire au bord abdo-
minal; chenille en juin et juillet, puis en septembre et octobre , à dé-
couvert sur les feuilles de YHippophafi rhamnoides, dans le Dauphiné, sur
les bords du Drac, dans les Basses-Alpes, dans les îles du Rhin, près
d'Huningue. etc. ; elle forme, à la surface de la terre, une coque mince
avec un peu de soie et des débris de plantes. Le D, Vespertilio, Esper,
CHJEUOCAMPA. 321
esl un Deilépliililide plus petit'quc les précédents, de 68 millimètres d'en-
vergure, les ailes supérieures d'un gris cendré légèrement bleuâtre,
avec un point blanchâtre à l'extrémité de la cellule discoïdale et deux
lignes transverses obscurcicspeumarquéesjlesailesinférieures d'un rouge
pâle, un peu rosé, avec la base et le bord postérieur noirs, le thorax et
l'addomen d'un gris cendré en dessus, avec les trois premiers anneaux
à côtés noirs bordés de blanc. En juin et en septembre, dans les régions
sous-alpines du Dauphinc et du Lyonnais, dans les Basses-Alpes, en Ita-
lie, abondant près de Florac, dans la Lozère, assez rare dans la vallée
de la Cère, près de Murât (Cantal) et dans les Alpes-Maritimes, se trou-
vant aussi sur les bords du canal du Rhône au Rhin, près d'Hunin-
gue, etc. La chenille, privée de corne et ressemblant à celle d'une Noc-
tuelle, est d'un cendré noirâtre en dessus, d'un gris rosé en dessous,
avec les pattes roses, de chaque côté, une rangée de taches rouges cer-
clées de noir, les stigmates jaunes bordées de noirâtre, et quatre lignes
blanches longitudinales; on la trouve en juillet, puis à la fin de sep-
tembre, sur une plante qui croît abondamment sur les bords des ruis-
seaux et des torrents, l'épilobe à feuilles de romarin {Epilobium ançius-
tifolium), dont elle dévore les nombreuses fleurs. Il faut la chercher le
matin et le soir, car elle reste cachée pendant le jour sous les pierres.
Elle ne s'enterre pas pour se chrysalider, mais s'enveloppe de débris de
feuilles et de mousse réunis par quelques fils de soie. La chrysalide,
plus allongée que celle du D. euphorbiœ, est verdâtre antérieurement,
et le reste d'un brun lougeâtre.
Il y a, dans ce genre Deilephila, où figurent plusieurs espèces trèg
voisines, deux hybrides très rares, fort curieux parce qu'ils se produi-
sent naturellement par suite d'accouplements en liberté, et dont le pa-
pillon et la chenille offrent un mélange des caractères des deux espèces :
l'un est le D. Vespertilioides, Boisd., provenant de l'accouplement du
D. hippophae mâle avec le D. Vespertilio femelle, la chenille vivant
alors, près de Grenoble et dans les Hasses-Alpes, sur l'épilobe à feuille?
de romarin, ou de l'accouplement du mâle de D. Vespertilio avec la fe-
melle du D. hippophae, la chenille hybride se trouvant alors sur l'Hip-
pophae rhamnoidcs ; l'autre, encore plus rare, est le D. epilobii, Boisd.,
dont la chenille a été trouvée près de Lyon, sur V Epilobium angustifo-
lium, et qui résulte de l'accouplement libre du D. euphorbiœ mâle avec
le D. Vespertilio femelle.
CH/GROCAHIPA, Duponchel. — Antennes droites ou presque droites, égales
partout en largeur, terminées par un petit crochet. Ailes supérieures ordinai-
rement enlières, rarement un peu dentelées ou un peu échancrées au sommet ;
les autres caractères de l'adulte, comme chez les Deilephila. — Chenilles lisses,
à tête petite, ordinairement pourvues sur le troisième anneau , non compris la
tête, d'une tache en forme d'œil, quelquefois avec d'autres taches semblables
des deux côtés du corps, la tète et les deux premiers anneaux rétrécis et ren-
r.iRARP. lu — 21
322 LÉPIDOPTÈRES.
trant au repos dans le troisième anneau renflé, le onzième segment pourvu d'une
corne, que remplace parfois une petite plaque cornée. — Chrysalides cylindrico-
coiiiques, atténuées et comme comprimées antérieurement, quelquefois avec la
gaîne de la trompe un peu détachée.
Le caractère essentiel des Chérocampes est tiré des chenilles dont, la
tête et les deux premiers anneaux étroits et rétractiles sortent du troi-
sième quand la chenille mange ou change de place, de manière à imi-
ter le groin du porc ou mieux la trompe de l'éléphant. Les amateurs
les appellent chenilles cochonnes, et de là est tiré le nom du genre,
Grouinde cochon. Il y a un grand nombre d'espèces de Chérocampes, et
Boisduval en décrit 84, qu'il répartit en treize groupes. Les adultes sont
doués d'un vol puissant, à la façon des Sphinx , et certaines espèces,
comme C. Nerii et Celerio, accomplissent des migrations lointaines. On
trouve des Chérocampes dans les deux continents et en Australie. Nous
n'indiquerons que les espèces de France et des Iles Britanniques , qui
Bont les mêmes.
Le C. Nerii, Linn., le Sphinx du Nèrion, Engr., le Sphinx du laurier -
rose, Godart, de grande taille, 102 mètres d'envergure, présente le tho-
rax d'un gris verdâtre un peu rosé et d'un vert olive foncé au collier et
aux ptérygodes ; les ailes supérieures sont agréablement marbrées de
vert olive, de rose et de blanc, les ailes inférieures sont noirâtres depuis
la base jusqu'au delà du milieu, et ensuite d'un brun verdâtre jusqu'à
l'extrémité, une raie blanche sinuée séparant ces deux couleurs; le
dessous des ailes est verdâtre, avec une raie commune blanche com-
mençant au sommet des supérieures pour aboutir à l'angle anal des
inférieures; l'abdomen est en dessus d'un vert olive, avec les trois pre-
miers anneaux bordés de poils blancs, les suivants ornés de chaque côté
de bandes olivâtres obliques, celles de l'extrémité plus prononcées. On
rencontre deux fois ce Lépidoptère à l'état adulte, en juin et en septembre,
octobre et même novembre, commun sur le littoral de la Méditerranée
et surtout en Provence, assez rare dans les Alpes-Maritimes. Il est très
commun pendant presque toute l'année aux Indes orientales et dans
une grande partie de l'Afrique. Doué d'un vol soutenu et rapide, il
s'avance, en certaines années chaudes, de l'Afrique jusqu'en Belgique et
en Angleterre, et même au delà, de sorte qu'il n'y a en France aucun
département où l'onn'ait trouvé accidentellement leC. Nerii. La première
génération, celle d'été, réussit toujours très bien ; mais la seconde, en
automne, n'aboutit pas si le froid empêche la chrysalide d'éclore avant
l'hiver, qui la tue infailliblement. La chenille, plus claire sur la tête et
les deux premiers anneaux d'après qui sont rétractiles, est ordinaire-
ment d'un beau vert, plus rarement d'un vert grisâtre, pointillé de
blanc. Ce qui frappe tout d'abord en la voyant, ce sont deux grandes
taches oculaires sur le troisième segment renflé, d'un bleu d'azur, à
pupille blanche et entourées de noir; les autres anneaux, à l'exception
CH^EROCAMPA. 32S
du quatrième et du dernier, sont traversés de chaque côté par une
étroite bande blanclie qui se termine en mourant à la base de la corne
et qui est souvent bordée de bleu.ltre à sa partie postérieure ; elle est,
en outre, accompagnée en dessus et en dessous de points blancs parse-
més sans ordre, et dont quelques-uns se prolongent sur le quatrième
anneau. La tôte et les pattes des deux sortes sont de la couleur des an-
neaux qui leur correspondent. Les stigmates sont noirâtres, finement
bordés de blanc, la corne courte, obtuse, granuleuse, courbée en ar-
rière, et d'un jaune orangé. On rencontre parfois des variétés de che-
nilles entièrement brunes, mais avec les mêmes dessins que celles à
fond vert, et, très rarement, des chenilles ayant quatre lunules bleues
au lieu de deux. Dans le jeune âge, ces chenilles sont jaunes avec la
corne noire et très longue. On trouve ces chenilles sur le laurier-rose
{Xcrium okander], et quelquefois, paraît-il, sur la pervenche (Fmco mi-
nor). Dans les jardins des environs de Paris et de Paris même, c'est sur-
tout sur le laurier-rose à fleurs doubles, élevé en caisses, et à feuilles
moins coriaces, qu'on trouve des pontes d'œufs ou des jeunes chenilles ;
en entourant tout l'arbuste d'un manchon de gaze, on les amène à ter-
minaison ; les chrysalides se forment au pied des lauriers-roses , sur la
terre même et dans une coque de débris de feuilles; elles sont allon-
gées, d'un brun noisette, finement striées de brun plus foncé, avec une
tache noire très apparente sur chaque stigmate. — Le^. Celerio, Linn.,
le Phénix d'Engramelle, est un Sphingien très commun en Afrique,
commun dans certaines régions du midi de la France, d'émi-
gration et accidentel dans le reste de la l"'rance, en Belgique, en
Angleterre, trouvé assez fréquemment sur les vignes de jardin dans
le département du Nord, soumis aux mêmes lois d'éclosion que le
C. Nerii.
On rencontre le Phénix sur les côtes orientale et occidentale de l'Afri-
que, aux îles Canaries, surtout à Ténériffe, au cap de Bonne-Espérance,
à Natal, à Madagascar, aux îles Maurice et Bourbon, dans l'Inde, dans
les îles de l'Archipel indo-sondaïque et même à la Nouvelle-Hollande,
les exemplaires australiens très beaux (Boisduval).
On trouve l'adulte deux fois, en juin et au début de juillet, puis à la
fin de septembre et en octobre, et la chenille en juillet , puis en sep-
tembre, et parfois encore en octobre, sur les vignes de pleine terre et
des jardins et aussi sur le caille-lait jaune (Galium verum); on l'a par-
fois signalée comme nuisible à certains vignobles par son abondance,
ainsi dans les Pyrénées-Orientales; la chrysalide se fait à fleur de terre,
dans des feuilles assemblées par des fils de soie, et se trouve en juin et
en septembre. L'adulte, de taille médiocre, a les ailes supérieures très
aiguës, comme il convient aux Sphingiens de grand vol, le corselet oli-
vâtre, bordé latéralement de blanc, avec le milieu d'un gris blanchâtre, et
sur le milieu de chaque ptérygode une ligne longitudinale d'un jaune
d'ocre, qui devient d'un jaune d'or métallique sur les sujets du Cap ; les
32û LtPlDOPTÈRtS.
ailes siipériL'urcs sont, en dessus, d'un brun o]i\ Titre, avec un pelit point
noir sur le disque et deux bandes obliques d'un blanc argentin; les ailes
inférieures d'un rouge carmin à la base, ensuite noires, avec une bande
transversale rose, divisée par des nervures noires, la frange lisérée de
blanc; le dessous des quatre ailes est brunâtre, lave de rougeùtre vers
l'extrémité; l'abdomen est olivâtre, avec une série de traits géminés,
blancs ou dorés, sur les côtés, et une raie dorsale argentée, divisée lon-
gitudinalement par une tr(!;s fine raie noire. La chenille a tantôt le fond
vert, tantôt et plusgénéralement brun, avec deux yeux noirs à iris jaune
et pupille blanche sur les anneaux 3 et 4, la tète non comprise dans ce
comple des segments; deux lignes jaunes longent le corps, l'inférieure
formée de croissants entourant les stigmates bruns; la corne est droite,
les pattes écailleuses jaunes, les membraneuses brunes; la chrysalide
est d'un brun rougeàtre, avec les stigmates et les fourreaux alaires d'un
brun noirâtre. — Le C. Osyris, Dalman, ressemble beaucoup à un C. Celé-
rio très agrandi; c'est une belle espèce de la côte d'Afrique et du Maroc,
qu'on capture parfois accidentellement dans le sud de l'Espagne. Le
C. Elpenor, Linn., le Sphinx de la vigne, Lngr., The Eléphant des An-
glais, un de nos plus beaux Sphingiens recherché par les jeunes
amateurs, commun et répandu partout, se trouvant jusqu'en Chine
(Boisduval), plus commun au nord que dans le midi, volant en juin et
reparaissant en septembre, butinant dans les jardins sur les pétunias,
les iris, les chèvrefeuilles et sur beaucoup d'autres fleurs, aux bords des
chemins et des bois, au crépuscule sur les fleurs des Caryophyllées {Sa-
ponaria, Lychnis, Silène, etc.); les sujets de fm de septembre et d'octo-
bre viennent à la miellée ; envergure, 65 millimètres ; le thorax rose
avec cinq lignes d'un vert olive et les côtés blancs, les ailes supérieures
d'un rouge pourpre luisant, avec trois bandes d'un vert olive clair, les
inférieures d'un rose foncé, avec la base noire et la frange blanche,
l'abdomen rose, avec deux bandes longitudinales d'un vert olive et deux
taches noires de chaque côté du premier anneau. La chenille, qui s'é-
lève très bien et se trouve aisément en juillet, août et septembre, car
elle vit à découvert pendant le jour, se nourrit de plantes variées, sur-
tout des épilobes, dans les lieux frais et couverts, à la queue des étangs,
aussi des divers Galium, des salicaires, des fuchsias des jardins, rare-
ment en liberté des feuilles de vigne , dont elle mange très bien dans
les éducations captives. Elle est à partie antérieure très rétractile, verte
dans le jeune âge, et conserve parfois cette couleur jusqu'à la fin; mais
le plus souvent elle devient noirâtre et réticulée, couleur de radis noir,
avec deux grandes taches noires circulaires sur les côtés des anneaux
U et 5, les bords d'un blanc violâtre et une lunule brune au centre et
un ocelle analogue, seulement ébauché, sur les côtés du troisième an-
neau, deux lignes grises de chaque côté du corps, la tète et les pattes
grises, la corne noire à la base, blanchâtre au bout. Elle ne s'enfonce
pas en terre pour se chrysalider, mais se construit à la surface du sol
cHjEROGAmpa. 325
une coque informe, de débris de feuilles sèches et de mousses liés par
des fils de soie ; la chrysalide est d'un brun jaunâtre, avec les fourreaux
alaires finement striés de noir, les stigmates d'un noir luisant, les an-
neaux de l'abdomen hérissés du côté du dos d'une rangée de petites épi-
nes noires, la pointe anale longue, fine et recourbée. — Le C. Porcellus
Linn., le Petit Sphinx de la vigne, d'Engr. , le Petit Pourceau, le Sphinx
à bandes rouges dentelées, de Geoffroy, Tlie Small Eléphant des Anglais,
est un charmant diminutif de l'espèce précédente, p^iraissant aux mômes
époques et dans les mêmes conditions, mais beaucoup moins commun,
doué d'un vol extrêmement rapide; le thorax est entièrement rose, bordé
de blanc sur les côtés, l'abdomen rose, avec le dos un peu verdâtre, le
ventre et la poitrine roses, les ailes supérieures d'un jaune olivâtre,
avec la côte, la bordure et une bande transversale plus ou moins com-
plète, de couleur rose, les ailes inférieures dentelées, noirâtres anté-
rieurement, d'un jaune olivâtre au milieu, avec la bordure rose et la
frange entrecoupée de blanc. M. P. Millière a fait connaître une aber-
ration du C. Porcellus {Iconogr., t. III, p. 165, pi. 116, fig. vu), intéres-
sante parce que les Déiléphilides varient très peu. La belle couleur rose
du corps et des ailes a presque entièrement disparu, ne demeure indi-
quée que vaguement au centre et au sommet des ailes supérieures. Le
reste des ailes, le thorax et l'abdomen sont d'un vert jaunâtre fort indé-
cis. Cette aberration est du Caucase et de l'Asie Mineure. M. J. Fallou
a obtenu d'éclosion un C. Porcellus mâle où la couleur rose du type est
presque complètement remplacée par une teinte d'un vert olive foncé.
Les bords terminaux des ailes inférieures sont d'un rouge vineux, au
lieu d'être roses. Le thorax et l'abdomen sont colorés du même vert que
le fond des ailes. De Romand a signalé le fait de C. Porcellus etC. Elpe-
nor, retenus captifs par lu spirifrompe au fond de la corolle de fleurs
d'œnopthère, en raison d'un rétrécissement de la corolle; Ghiliani cite
des cas analogues pour divers Sphingiens. En 1847, Pierret communiqua
à la Société entomologique de France des C. Porcellus pris près de Bor-
deaux, ayant sur les yeux des pollens d'Orchidées, qui furent pris
pour des cryptogames ; M. Robin a figuré ces insectes dans son livre sur
les végétaux parasites des animaux, en faisant justice de l'erreur. La
chenille du Petit-Pourceau ressemble à la chenille du Sphinx de la
vigne, avec taille bien plus petite; verte dans le jeune âge, elle devient
ordinairement brune ou grise maillée de noir, avec trois taches ocel-
lées noires, à pupille blanche entourée de roussâtre sur les anneaux 3,
Zi, 5; les pattes écailleuses sont jaunâtres, à bout noir, la corne rudi-
mentaire, réduite à une petite verrue arrondie, à peine saillante; il
faut chercher cette chenille en juillet et août; mais elle est assez diffi-
cile à trouver, car elle ne mange guère que le matin ou pendant la
nuit, se cachant le reste du temps au pied de la plante ou sous les
pierres du voisinage à sa portée. Elle vit sur le caille-lait jaune {Galium
verum) et, plus rarement, sur l'épilobe à feuilles étroites {EpiloOium an-
326 LÉPIDOPTÈRES.
gustifolium). La chrysalide laisse éclore l'adulte ordinairement en juin,
après hibernation, plus rarement en septembre. Elle est contenue dans
une coque grossière, comme celle du C. Elpcnor^ à laquelle elle ressem-
ble beaucoup, à la grosseur près, ayant le dessus des anneaux de Fab-
domeu encore plus épineux.
MACROGLOSSIDES.
Les Macroglossides forment une nombreuse famille, dont les espèces
sont disséminées sur \a. plus grande partie du globe. Stephens en fait
la famille des Sesiidœ. Ce sont les plus petits Sphingiens, dont les
adultes sont de taille assez petite, d'habitude au-dessous de la moyenne.
Les antennes sont variables de forme et de longueur, les yeux de gran-
deur moyenne, la spiritrompe de la longueur du corps, les ailes entières
ou anguleuses, l'abdomen raccourci , très souvent terminé, au moins
dans l'un des sexes, par une brosse de poils étalés. Les chenilles qui sont
connues sont généralement de couleur verte, plus ou moins pointillées,
paraissant parfois un peu chagrinées; atténuées antérieurement, elles
ont la tête globuleuse. Les unes ont des lignes longitudinales, les autres
ont en outre des raies obli-ques; quelques-unes offrent des taches laté-
rales ferrugineuses. Elles sont, en général , pourvues d'une corne plus
ou moins développée, droite ou arquée, sur le onzième segment. Les
chrysalides sont conoïdes, avec l'enveloppe de la tête très saillante.
MJtCnOGI^OSSA, Ochsenheimer. — Antennes droites, raMes, minces à leur
base, se renflant ensuite insensiblement et presque en massue, finement striées
en dessous , se terminant par un crochet peu prononcé. Yeux ovales, peu sail-
lants, bordés de poils antérieurement. Spiritrompe de la longueur du corps.
Palpes se terminant en pointe obtuse, contigus à leur sommet, et débordant
beaucoup le chaperon. Thorax robuste, ovoïde, peu bombé, très velu, les
ptérygodes peu distincts. Ailes courtes et entières, le plus souvent opaques,
quelquefois vitrées. Pattes grêles et courtes. Abdomen aplati en dessous, à peu
près aussi large dans toute sa longueur, muni de petites brosses latérales de
poils et terminé dans les deux sexes par un faisceau de poils étalés en queue
d'oiseau. — Chenilles pointillées, finement chagrinées, avec la tète globuleuse
et une corne droite un peu courbée sur le onzième anneau. — Chrysalides
cylindrico-coniques, allongées, avec la partie antérieure un peu comprimée et
l'enveloppe de la tête très saillante.
Les Macroglosses sont répandus dans toutes les parties du monde et
nombreux en espèces; Boisduval en décrit plus de soixante-dix. Ils
volent en plein jour avec une grande rapidité, le plus souvent à l'ardeur
du, soleil, ce qui est tout à fait contraire au caractère prétendu général
des anciens Crépusculaires; quelques espèces cependant semblent pré-
férer un ciel un peu couvert et les allées des bois. Les Macroglosses
MACROGLOSSA. 327
butinent en vol stationnaiie si rapide, qu'on aperçoit à peine leurs ailes
comme une masse nuageuse; ils ne touchent pas les fleurs, dans la co-
rolle profiiude desquelles ils enfoncent le bout effilé de leur spiii-
trompe, qui se recourbe à sa buse presque à angle droit. On en connaît
un certain nombre dont les ailes sont transparentes; mais cela ne con-
stitue pas plus une exception au caractère général des Lépidoptères que
chez les Sesia, où les ailes à l'éclosion sont couvertes d'écaillés très
fugaces. Si, par exemple, on élève les ciienilles de nos Sphinx gazés, les
M. bombijliformis elfuci forints, et si l'on surveille attentivement l'éclo-
sion de la chrysalide, on verra que les ailes sont couvertes de fines
écailles brunes, qui se détachent comme une poussière dès que le pa-
pillon a donné quelques coups d'ailes, de sorte qu'il ne reste que les
écailles des principales nervures et surtout celles de la bordure, qui
sont, au contraire, très adhérentes. Fabricius, qui bornait ses études aux
sujets secs des collections, et n'était pas un véritable observateur de la
nature, ignorait cette particularité, et avait fait le genre Sesia avec les
Sphingiens à ailes vitrées , nom que les auteurs anglais et américains
ont conservé. 11 y a d'incontestables analogies par la transparence des
ailes et les pinceaux anaux entre les Sésiens et les Macroglosses gazés à
l'état adulte; mais les premiers états établissent au contraire une diffé-
rence complète: les premiers ayant les chenilles et presque toujours les
chrysalides endophytes, tandis que les chenilles vivent toujours à dé-
couvert chez les seconds. D'après Poey, le crin des femelles est en
faisceaux nombreux cliez les Macroglosses à ailes opaques et à 3 soies
chez les Macroglosses à ailes transparentes.
Nous avons en France et en Angleterre trois espèces du genre Macro-
glosse : M. stellatarum, Linn., le Moro-Sphinx de Geoffroy, le Sphinx du
caille-lait d'Engramelle, i/ie Humrning Bird des Anglais; hb millimètres
d'envergure, les ailes supérieures d'un brun cendré, avec trois lignes
noires transverses et ondulées, un point noir entre les deux médianes
plus distinctes, les ailes inférieures d'un fauve roux, avec la base ob-
scure et le bord terminal ferrugineux, le corps de la couleur des ailes
supérieures, avec le milieu de l'abdomen marqué latéralement d'une
tache jaunâtre, puis d'une tache noire ; espèce très commune partout,
du printemps jusqu'en novembre et même eu hiver, si la température
n'est pas trop froide, se trouvant sur toute la côte de Barbarie, en
Egypte, aux îles Canaries, en Chine, volant rapidement à l'ardeur du
soleil, semblant souvent fureter au vol le long des talus et des murs, en
cherchant sans doute des caille-lait pour pondre, entrant souvent, à
l'arrière-saison, dans les maisons et y passant l'hiver dans les greniers;
on a cité sur cette espèce un cas de décoloration par albinisme. Chenille
vivant sur les caille-lait ou gaillets blanc et jaune, et sur les Kubiacées
cylindroïdes, diminuant de grosseur de la partie anale à la tête, qui est
très petite, globuleuse et verte, le corps ordinairement d'un vert tendre,
avec huit rangées transverses de petits points blancs, granuleux e
328 LÉPIDOPTÈRES.
très rapprochés, qui la rendent rugueuse ou chagrinée, et quatre raies
longitudinales, deux sous-dorsales, blanches, aboutissant à la corne, deux
latérales, s'étendant sous les stigmates noirs et aboutissant au clapet
anal, les pattes écailleuses fauves ou rousses, les membraneuses vertes
comme le ventre, avec la couronne rosée et surmontée d'un petit crois-
sant d'un noir luisant, la corne courte, presque droite, rugueuse, d'un
bleu obscur, avec l'extrémité d'un jaune orangé; cette chenille devient
souvent d'un gris brunâtre quand elle est prête à se métamorphoser, et
se renferme dans une coque informe qu'elle se fabrique avec des dé-
bris de feuilles réunis par quelques iils de soie ; elle s"y change en une
chrysalide allongée, d'un gris blond, parsemé d'atomes bruns, surtout
sur les fourreaux alaires, avec une ligne noire médiane, remontant de
la base de l'abdomen à la tête, celle-ci surmontée d'une sorte de casque
ou de camail; la peau de cette chrysalide est tellement fine et transpa-
rente, comme celle d'une nymphe, qu'on peut suivre à travers les
phases de la formation du papillon jusqu'à son éclosion, qui a lieu d'or-
dinaire au bout de trois semaines.
Viennent ensuite les deux Macroglosses à ailes vitrées, qui sont très
analogues, et qu'Engramelle confondait sous le nom de Grand Sphinx
(jazé. L'un est le M. Fuciformis, Linn., syn.: Bombyliformis, Fabr., Hùb-
ner, de ItO millimètres d'envergure, le corps d'un vert olive, avec les
derniers anneaux de l'abdomen d'un jaune verdàtre et bordés latérale-
ment par des poils d'un jaune pâle, l'abdomen traversé en outre dans
son milieu par une large bande d'un brun ferrugineux ; ailes transpa-
rentes, avec les nervures, la côte, une bordure terminale et un trait à
l'extrémité de la cellule discoïdale d'un ferrugineux pourpré, la base
des ailes supérieures et le bord abdominal des inférieures d'un vert oli-
vâtre; vole en avril, mai, juin, en butinant sur les fleurs de la bugle
dans les allées de bois, de la sauge des prés dans les prairies, quelque-
fois sur celles des lilas dans les jardins de campagne. (Chenille verte,
avec la bande centrale et la corne ferrugineuses, facile à trouver et à
élever, vivant en juillet sur les chèvrefeuilles; M. Goossens l'a trouvée
aussi sur les scabieuses, comme celle de l'espèce suivante. — M. Bombyli-
formis, b;sper(syn.: Fuciformis, Fabr., Hiibn.), de la taille du précédent,
généralement moins commun, aussi d'avril, mai, juin, reparaissant en
septembre et octobre dans les Alpes-Maritimes, d'après M. Millière,
ayant la bordure terminale des ailes beaucoup plus étroite et d'un brun
noir, ainsi que les nervures et point de tache noire au bout de la cellule
discoïdale, le thorax d'un vert plus jaunâtre, la bande transverse du
milieu de l'abdomen noire mélangée de verdàtre et les anneaux qui
suivent cette bande avec le milieu fauve en dessus. Chenille verte, avec
des taches latérales en forme de traits rouges ou d'un violet pourpre,
vivant généralement en juillet, août, septembre sur diverses scabieuses,
notamment dans les allées herbeuses des bois, sur la Scabiosa succisa,
assez difficile à trouver et à élever. Nous ferons remarquer que nous
PTÊROGON. 329
avons donné ù nos Sphinx gazés les noms que leur atlribue M. Gueuée,
qui fait autorité en cette matière, mais que la plupart des auteurs don-
nent les noms à l'inverse; il est bon que les amateurs soient prévenus
pour leurs étiquettes de collection; ils choisiront.
PTEROGOIV, Boisduval. — Antennes légèrement flexueuscs, minces à la base,
puis presque claviformes, striées transversalement ou crénelées dans les mâles.
Tète large. Yeux circulaires, couverts en partie par des cils latéraux. Spiritrompe
ù peu près de la longueur du corps. Palpes velus, séparés du front et dépassant
le chaperon. Thorax large, épais, avec le collier et les plérygodes bien marqués.
Ades dentées et plus ou moins anguleuses, avec le bord interne arqué. Abdomen
court, subconique, terminé à l'extrémité et chez les mâles seulement par une
brosse de poils. — Chenilles lisses, à tète petite et globuleuse, ayant, au lieu
de corne, une plaque lenticulaire sur le onzième anneau. — Chrysalides cylin-
drico-coniques.
Le petit genre Pterogon est remarquable , dans la tribu des Sphin-
giens, par la petitesse de la taille et par les gracieuses découpures des
ailes; les adultes volent le soir après le coucher du soleil et restent ca-
chés pendant le jour. Les chenilles connues vivent de plantes basses,
Onagraires et Rubiacées. L'espèce type de France, manquant aux lies
Britanniques, est assez fréquente dans les régions méridionales et sous-
alpines de notre pays, Daupbiné, Alpes-Maritimes, Lozère, Auvergne
Alsace, disséminée et rare dans le reste de la France, dans Saône-et-
Loire, l'Indre, le Cher et les environs immédiats de Paris. Le papillon
vole en juin et butine dans les clairières des bois sur les fleurs des Si-
lène, des Lychnis et des Salvia, en compagnie des Chérocampes Elpenor
et Porcellus. Les chenilles vivent principalement sur les épilobes, sur
Epilobium angmtifolium, dans le Midi, et sur Epilobium hirsutum, au
bord des étangs, près de Paris; on les trouve aussi en juillet et août,
mais moins souvent, mangeant les feuilles et les fleurs de l'œnothère
bisannuelle (Onagrariées), dont elles s'accommodent très bien en capti-
vité. Pendant le jour, elles se tiennent cachées sous les pierres, mais
on les trouve aisément, la nuit à la lanterne, sur les plantes indiquées ;
elles se métamorphosent à la surface de la terre, dans une coque in-
forme composée de débris de végétaux réunis par des fils, passent géné-
ralement l'hiver et donnent les adultes à la fin de mai de l'année sui-
vante. Ce P. Proserpina, Pallas, synonyme seul usité : P. œnotherœ, cata-
logue de Vienne, le Sphinx de l'épilole d'Engramelle, a le thorax d'un
gris verdâlre, avec les ptérygodes d'un vert olive foncé, les ailes supé-
rieures d'un blanc grisâtre, avec l'extrémité olivâtre et le milieu tra-
versé par une large bande courbe, d'un vert olive, élargie vers la cote,
où elle est marquée d'un point noir entouré de blanchâtre, les ailes
inférieures d'un jaune d'ocre, avec une bordure noire et la frange blan-
che, le dessous des quatre ailes d'un vert olivâtre, avec une bande
530 LÉPIl>OPTÈRES.
transversale blancliiltre. Chenille verte et mouchetée de noirâtre dans
son premier âge, brune sur le dos aprt-s la première mue, tandis que
le ventre et les côtés sont blanchâtres, ces derniers offrant sur chacun
des anneaux un trait noir oblique, les stigmates d'un rouge ferrugi-
neux entourés d'un demi-cercle d'un noir bleuâtre, et, sur le onzième
anneau, un écusson lenticulaire luisant, formé d'une prunelle noire
entourée d'un iris rouge ou orangé. Chrysalide petite relativement à
la grosseur de la chenille, d'un brun rougeâtre, avec les stigmates noirs
et la pointe anale longue et aiguë. L'Europe orientale extrême présente
une seconde espèce de Pterogon, d'un tiers plus petite que la précé-
dente, rare dans les collections, le P. Gorgoniades, Hûbner, ou Gorgon,
Esper, des bords du Volga et des îles de la mer Caspienne, et dont la
chenille vit sur plusieurs espèces de Galium. Deux autres espèces de
Pterogon sont de la Cafrerie.
Une fort curieuse espèce de Macroglosside, formant un genre, tou-
jours rare dans les collections, vivant dans les États-Unis du Sud sur
plusieurs espèces de vignes sauvages, est le Thyreus Abboti, Swainson,
dont les caractères participent des Pterogon et des Uacroglossa. En effet,
d'après Boisduval, la chenille est dépourvue de corne sur le onzième
anneau et les ailes sont découpées comme chez les Pterogon, mais les
antennes ressemblent à celles des Macroglossa, étant longues, légère-
ment épaissies au milieu, dentées chez les mâles, terminées en pointe
formant un crochet très recourbé dans les deux sexes ; en outre, l'abdo-
men, court, large, aplati en dessous, est terminé par une brosse anale
élargie en queue d'oiseau, à trois lobes arrondis, et, en outre, les côtés
de l'extrémité munis de brosses de poils arrondis et non coupées carré-
ment; cet abdomen offre ainsi un aspect curieux et spécial.
Tribu des ZYGÉMIEMS.
Nous réunirons dans la tribu des Zygéniens des insectes de plusieurs
types assez distincts, dont les caractères communs ne sont pas très
nombreux. Les antennes sont variables, le plus souvent diversement
renflées au delà du milieu, tantôt simples dans les deux sexes, tantôt
pectinées dans les mâles seulement ou même aussi dans les femelles,
la tête petite, arrondie, plus étroite que le thorax, la spiritrompe de
longueur variable, parfois presque nulle, les palpes subcylindriques,
dont le dernier article est toujours bien distinct et quelquefois nu, le
corps plus souvent squameux que velu, les ailes longues, étroites, en
toit incliné de chaque côté sur le corps dans le repos, et dont le som-
met des supérieures dépasse alors toujours l'abdomen, quelle que soit
la longueur de celui-ci. Les adultes volent tous pendant le jour seule-
ment, en géjîéral lourdement et à peu de distance, le vol devenant
assez rapide chez certains seulement sous un soleil très ardent. Ce
genre de vie, qui est tout à fait en contradiction avec l'idée des anciens
ZTGjEPfA. 3S1
Crépusculaires où l'on plaçait les Zygéiiiens, et des rapports de forme
extérieure dans certains genres, comme les Glaucopis et les Syntomis,
tendraient à rapprocher ces insectes des Sésiens; mais les premiers
états marquent une séparation complète. Les chenilles, en effet, ne sont
jamais endophytes, mais vivent toujours à découvert sur les feuilles
des végétaux, surtout des plantes basses et principalement de la famille
des Légumineuses, bien plus rarement des arbrisseaux et des arbres;
ces chenilles sont grosses, souvent courtes, pubescentes ou velues, à
tête petite et rétractile sous le premier anneau. Elles ne passent jamais
l'hiver à l'état de chrysalides, mais demeurent engourdies dans cette
saison, et se filent toujours pour la nympliose des cocons soyeux, de
consistance 1res variée, le plus souvent attachés aux tiges des végétaux,
quelquefois sous les feuilles sèches et les mousses.
ZYGÉNIDES.
Cette famille constitue les Crassicornes àe M. Guenée; antennes ou
renflées à l'extrémilé ou pectinées au moins dans les mâles ; ailes bril-
lamment colorées, tantôt avec des taches rouges, tantôt unicolores et
d'éclat parfois submétallique ; formes du corps toujours épaisses et
massives, comme gonflées et lympathiques ; vol pendant le jour, rec-
tiligne et presque toujours pesant; papillons restant volontiers immo-
biles sur les plantes, aisés à capturer aième à la main, car ils se lais-
sent approcher de près; se débattant peu dans le filet. Chenilles
courtes, pubescentes ou garnies de poils assez courts, lentes à se mou-
voir, se filant des cocons variés de consistance et de forme, attachés aux
tiges des végétaux, le plus souvent des Légumineuses et autres plantes
basses, les chenilles vivant parfois sur les arbrisseaux et même les
arbres {Procris, Aglaope). A consulter : Boisduval, Essai sur une Mono-
graphie des Zyégnides, Paris, 1829.
KYGJEHA, Fabr. (syn. Anthrocera, Scopoli). — Antennes d'un bleu foncé, quel-
quefois blanches ou jaunâtres à leur sommet, généralement épaisses, jamais pec-
tinées, renflées vers l'extrémité au delà du milieu en massue, se terminant par
une pointe obtuse et contournée en corne de bélier. Yeux de grandeur moyenne,
un peu saillants, deux ocelles ou steramates au-dessus des yeux. Spiritrompe
longue, roulée en spirale. Palpes cylindrico-coniques, pointus, s'élevant un peu
au-dessus du chaperon. Thorax arrondi, plus ou moins velu, de la couleur des
ailes supérieures, parfois un peu grisâtre ou blanchâtre aux ptérygodes. Ailes
supérieures étroites, le plus souvent d'un bleu foncé brillant , tirant parfois sur
le verdâtre, avec des taches symétriques non vitrées, rouges d'ordinaire, rare-
ment blanches ou jaunes, les inférieures rarement de la couleur du fond des
supérieures, presque toujours rouges, avec la bordure bleue; pattes ordinai-
rement bleues ou verdàtres, parfois un peu grisâtres ou jaunâtres. Abdomen
cylindroïde, ordinairement de la couleur du fond des ailes supérieures, quelque-
332 LÉPIDOPJÈIltS.
fois plus foncé, souvent entouré d'un anneau rouge. — Chenilles courtes, semi-
ovoïdes, à tête petite et rentrant dans un étui corné, allénuées aux deux ex-
trémités, à anneaux profondément incisés, avec mamelons arrondis portant des
poils courts, filant des cocons très consistants, le plus souvent fusiformes ou en
bateau, parfois ovoïdes. — Chrysalides raccourcies, peu consistantes, brunes ou
noires, avec les enveloppes des ailes et les anneaux de l'abdomen moins colorés.
Les Zygènes étaient appelées Sphyrix-Béliers par Geoffroy, en raison
de la forme terminale de leurs antennes. Elles sont très nombreuses
en espèces, parfois difficiles à distinguer et qui habitent l'Europe pour
la plupart; on en cite de Perse, de Sibérie, du Tibet, du cap de Bonne-
Espérance et aussi de l'Amérique du Nord, et six espèces nouvelles en
Algérie (H. Lucas), (les insectes se trouvent surtout dans les prairies
élevées, les clairières des bois, les coteaux calcaires; leur vol. toujours
diurne, devient parfois assez vif et prolongé, si le soleil est très ardent.
Le crin des femelles est en faisceaux à soies très peu nombreuses (Poey).
ils éclosent surtout en juin et juillet, c'est-à-dire à la fin du printemps
et au commencement de l'été. Ils aiment à butiner sur les fleurs et à
se reposer en petits groupes sur les fleurs en corymbes et en ombelles :
les Statice,\eè Scabiosa, le&Centaurea, les Phyteuma, etc. On rencontre
dans beaucoup d'espèces de Zygœna, peut-élre dans toutes, des aberra-
tions de couleur où le rouge est remplacé par du jaune pur, à la fois
aux taches des ailes supérieures, aux ailes inférieures et à l'anneau de
l'abdomen, s'il existe. Peut-être cette couleur est-elle due à un arrêt
de développement, car M. J. Fallou m'a dit avoir vu éclore à Zermatt
(Valais) l'espèce des hautes montagnes, Z. exulans, qui était jaune
d'abord, mais qui le lendemain devint rouge ; les vapeurs acides ne
changent pas en jaune le rouge des Zygènes, comme elles le font pour
certaines Chélonidés {Hera, Dominula) et des Noctuelles, telles que
Catocala Nupta et ses analogues. Je citerai de visu pour leurs variétés
jaunes, Z. fausta, onobrychis, hippocrepidis, peucedatii, Minos, Charon,
filipenulœ, achilleœ. Cette dernière variété se trouve près de Paris, à
Bondy, et se prenait au Raincy, avant la dévastation de ce beau parc;
le garde Roncin savait la capturer et la vendait aux amateurs. En outre,
les Zygènes offrent d'assez nombreuses variations dans le nombre des
taches et leur confluence. Elles laissent suinter une liqueur jaune
quand on pique le thorax.
Les Zygènes s'accouplent sur les fleurs pendant le jour et leur copu-
lation dure longtemps, une demi-jouriiée et môme une journée, les
abdomens opposés, les deux corps en ligne droite. J'ai vu l'accouple-
ment se maintenir plusieurs heures sur deux sujets piqués de Z. pli-
pendulœ, et l'on n'aurait pu les séparer qu'en brisant les anneaux de
l'abdomen du mâle. Cette ardeur génitale est attestée par plusieurs
observations curieuses, ainsi deux mâles de Z. achilleœ trouvés accou-
plés, ensemble et en même temps, avec la même femelle, et des accou-
ZYG.ENA. 333
plements naturels hybrides entre espèces diff(5reiites, comme filipen-
dulœ et peuceuJani, trifolii et hippocrepidis (Boisdiival), fdipendnlœ et
peucedani, hippocrepidis et pemedani (à Lardy, juillet 1880, Poujade),
peucedani femelle et hippocrepidis mCde (Bellier,, filipendulœ, mCdc et
Minos femelle (de Villicrs); dans ce dernier cas les œufs ont été féconds
et les chenilles ont vécu.
Le mâle vit encore deux ou trois jours après l'accouplement et la
femelle périt quand elle a achevé sa ponte. Boisduval a vu que les
femelles non fécondées refusent de pondre en captivité, contrairement
aux femelles vierges de Sericaria mori et d'autres Bombyciens, à
moins qu'on ne traverse leur corselet d'une épingle ; les femelles
fécondées pondent captives, mais bien plus vile si on leur perce le
corselet. Le même fait a lieu pour divers Bombyciens : ainsi Liparis
Dispar et Chryssorrhœa, dont les femelles ni fécondées ni piquées ne
pondent pas d'œufs en captivité. Les œufs des Zygènes sont sphéroïdes
ou ovoïdes, jaunâtres (Z. filipendulœ) ou verdâtres, luisants, et éclosent
au bout de quinze jours ou trois semaines au plus tard. Ln sortant de
l'œuf les petites chenilles sont velues, noirâtres ou brunâtres, sans
aucune tache, et conservent cet aspect jusqu'à la première mue.
Après la seconde mue, ou, plus généralement, après la troisième, elles
prennent la livrée qu'elles garderont jusqu'à la nympliose, moment où
elles sont très raccourcies, épaisses, vertes, jaunes ou glauques, tou-
jours avec des points ou des taches noires régulièrement disposés et
des poils rares et soyeux, non tubercules. Bien qu'écloses en été, elles
passent l'hiver à l'état de chenille, ayant cessé de manger après la
seconde mue, quoique la saison soit encore très chaude et que la
nourriture fraîche abonde. Elles restent dans cet état de torpeur pen-
dant tout l'automne et l'hiver et se réveillent au printemps suivant,
dès les premiers beaux jours ; alors elles se donnent beaucoup de
mouvement, mangent abondamment pendant quelques jours, font leur
troisième mue et contiiuient à se développer jusqu'à la fin de mai ou
en juin, où elles deviennent chrysalides; d'après Boisduval, Z. Achilleœ
fait exception par sa précocité, car, près de Paris, on rencontre le pa-
pillon dès le commencement de mai, et il reparait en juillet et août dans
les régions chaudes de la France. Z. Fausta a aussi deux apparitions
dans le Midi, en juin puis en septembre. Les chenilles des Zygènes se
nourrissent principalement des Légumineuses herbacées, des genres
Coronilla, Hippocrepis, Lotus, Meliiotus, Trifolium, Medicago, Hedijsa-
rum, etc.; en captivité on les nourrit indifféremment avec les espèces
de ces divers genres; plusieurs espèces de Zygènes vivent aussi sur le
Chardon-Roland (Eryngium campestiej. Ces chenilles sont toujours à dé-
couvert sur les plantes nourricières, soit isolées, soit réunies en petit
nombre sur la même plante. Parvenues à leur grosseur, elles filent un
cocon attaché à quelque tige grêle. Il est mince, jaune ou blanchâtre,
vernissé en dehors et en dedans, de la consistance du parchemin ou de
5S4 LÉPIDOPTÈRES.
la coquille d'œuf ; il est le plus souvent en forme de bateau, adhérent
à la tige d'une extrémité à l'autre dans toute sa longueur, moins sou-
vent de forme ovoïde; cette dernière configuration, d'apn's Boisduval,
appartient aux Zygènes à taches ocellées. La chrysalide dure ordinaire-
ment de quinze jours à. trois semaines, puis donne l'aduMe, qui sort
toujours du cocon par l'extrémité tournée du côté du ciel.
La monographie de Boisduval, déjà ancienne (1829), décrit quarante et
une espaces de Zygœna, de tous pays, et les divise en deux groupes, d'a-
près un caractère extérieur de coloration et de dessin, commode pour
les collectionneurs, en Zygènes à taches non ocellées, comprenant vingt-
huit espèces, et Zijgènes à taches ocellées, ces faciles des ailes plus ou
moins cerclées de noir, ou bien entourées de blanc ou de jaunâtre, ces
dernières Zygènes au nombre de treize. Le catalogue Depuisct, pour les
Lépidoptères d'Europe, énumère soixante-quinze espèces de Zygœna, et
la l'aune de Berce en décrit vingt-sept pour la France. Les Iles Britan-
niques, assez riches en Sphingiens, offrent pour les Zygènes une infério-
rité numérique considérable, et tenant au climat et à la latitude sep-
tentrionale. Le catalogue des British Animais n'énumère que quatre
espèces de Zygènes : les Z. lonicerœ, trifolii, fiUpendulce et Minos, toutes
désignées sous le nom de Burnet, avec diverses épithètes relatives aux
taches.
Nous indiquerons brièvement les Zygènes les plus communes en
France, celles qui se trouvent aux environs de Paris et pour lesquelles
Lardy, Poquency, Bouray et Fontainebleau sont les meilleures localités
de chasse. M. H. Lucas divise les Zygœna en quatre groupes : i» ailes à
demi transparentes, à bandes ou taches rouges, continentes ou mal ar-
rêtées sur leurs bords ; ex. : Z. Achilleœ, etc. ; 2° ailes opaques, à taches
rouges nettement circonscrites et non bordées de blanc ou de noir;
ex. : Z. filipendulœ , trifolii, lonicerœ, etc. ; 3° ailes opaques, à taches
rouges, tantôt bordées de noir, tantôt bordées de blanc ou de jaunâtre,
ex. : Z. onohvychis, Fausta, etc. ; h" ailes opaques^ à taches de la base
rouges ou jaunes, les autres blanches, ex. : Z. Ephialtes, des mon-
tagnes les plus méridionales de la France. Nous commencerons l'étude
des Zygœna par quatre espèces, les seules citées dans les catalogues de
Belgique et du département du Nord en France. — Z. fiiipendulœ, Linn.,
le Spinx-Bélier de Geoffroy, le Sphinx de la filipendule d'Engramelle,
la plus répandue de nos Zygènes, commune dans toute la France du
15 juin à la fm d'août, dans les prairies, sur les scabieuses, les ori-
gans, etc., de 32 à 36 millimètres d'envergure, les antennes d'un bleu
foncé en dessus, noires en dessous, le thorax et l'abdomen d'un bleu
luisant ou d'un vert bronzé, les ailes supérieures d'un vert bleu luisant,
un peu doré, avec six taches d'un rouge carminé, disposées deux à deux
et confluentes en dessous, toutes ces taches confluant parfois eu dessus
en une bande irrégulière; ailes inférieures d'un rouge carmin en dessus
et en dessous, avec une bordure bleue étroite et une frange un peu plus
ZYG^NA. 5o5
claire. Chenille (pi. lxxxviii, fig. U) en mai et juin, sur les trè-
fles, les coronilles, les Lotus, le Genista sagittalis, etc., à tête, pattes
écailleuses et stigmates noirs, corps d'un jaune verdâtre, à taches noires
divisées, entrecoupées de jaune; cocon allongé, sillonné ou plissé lon-
gitudinalement, d'un jaune paille. Nous figurons le cocon et la chrysa-
lide planche Lxxxvni, figure Ix. Sont très voisines de la précédente, les
deux espèces qui suivent : Z. trifolii, Esper, le Sphinx des prés d'Engra-
melle, commune dans les prairies d'une grande partie de la France en
juin et juillet, surtout les prairies voisines des bois, se posant sur les
scabieuses, les centaurées, les chardons, etc., avec cinq taches rouges
aux ailes supérieures, parfois réunies en une seule bande, et une bor-
dure bleu, large et sinuée aux inférieures. Chenille en mai et juin, sur
le?, Lotus, Hippocrepis, Trifolium, etc., d'un vert jaunâtre, avec quatre
lignes dorsales et une ventrale de points noirs; cocon allongé, sillonné,
d'un jaune paille, avec la partie inférieure blanchâtre. — Z. lonicerœ,
li]sper, le Spinx des Graminées d'Engramelle, des mêmes localités que
l'espèce précédente et surtout du nord de la France, à antennes noires
partout ainsi que les pattes, avec cinq taches rouges aux ailes supé-
rieures, assez grosses et aussi distinctes en dessous qu'en dessus, par-
fois avec confluence en une bande irrégulière, la bordure bleue des ailes
inférieures assez large et sinuée. Chenille en juin et juillet, sur les pe-
tites Légumineuses, d'un vert terne, à taches noires interrompues par
les incisions, avec un point jaune entre elles, sur chaque anneau; cocon
allongé, en bateau, d'un jaune paille, souvent attaché aux tiges des
Graminées. — Z. hippocrepidis, Rûhner, 29 à 32 millimètres d'envergure,
espèce des collines sèches et calcaires et des bois secs, en juillet, dans
le midi et dans le centre de la France, aussi de Belgique, commune à
Lardy et à Fontainebleau, 29 à 32 millimètres d'envergure, ailes supé-
rieures d'un bleu foncé luisant, avec six taches rouges disposées deux
par deux, très confuses en dessous; ailes inférieures rouges de part et
d'autre, avec une bordure noire peu prononcée et un peu sinuée infé-
rieurement ; en outre, aux quatre ailes, une petite frange d'un bleu vio-
làtre ; antennes d'un bleu noir avec l'extrémité de la massue blanche ;
corps d'un bleu foncé, pattes plus claires; par variation, cinq taches
rouges seulement; parfois un commencement d'anneau rouge sur l'ab-
domen. Chenille en juin sur l'hippocrèpe ou fer à cheval, sur l'astra-
gale à feuilles de réglisse, sur les Lotus, d'un vert jaunâtre, avec bande
jaune surmontée de taches noires divisées et parfois une ligne stigma-
lale noire, les stigmates, la tête et les pattes écailleuses noirs; cocon
jaune et fusiforme. — Z. Carniolica, Scopoli : syn. plus fréquent,
Onobrychis, Fab., le Sphinx de l'esparcelte d'Engramelle^ 28 à 30 milli-
mètres d'envergure ; antennes noires, fauves au sommet; corps d'un
vert bronzé, avec un collier et le bord des ptcrygodes blancs, souvent
un anneau rouge plus ou moins marqué sur l'abdomen, surtout chez
les femelles ; ailes supérieures d'un vert bleu luisant, avec six taches
330 LÉPIDOPTÈRES.
rouges entourées de blanc, parfois rouges en entier, en dessus et en
dessous; ailes inférieures rouges de part et d'autre, avec le bord termi-
nal noir et garni d'une frange violette; juillet et août; assez répandu
dans le centre et le midi de la France, surtout sur les collines calcaires,
se prenait autrefois à Vincennes, assez fréquent à Lardy. Chenille à tête
et pattes écailleuses d'un brun noirâtre, les stigmates noirs, le corps
d'un vert pâle, avec deux séries de taches noires reposant sur une ligne
claire entrecoupée de jaune; en mai et juin sur le sainfoin {Hedijsarum
onobrychis), les Lotus, les Dorycnium, etc. ; cocon ovoïde, tantôt d'un
jaune soufre, tantôt blanc, de la consistance cassante de la coquille
d'iLMif. — Z. Achilleœ, Esper, le Sphinx de l'achillière, Engramelle, 30 à
3'2 millimètres d'envergure, les antennes d'un bleu noir ainsi que l'ab-
domen, le thorax bleu, avec le collier et les ptérygodes garnis de poils
blancs; ailes supérieures un peu arrondies au sommet, d'un bleu un
peu transparent, avec cinq taches rouges, dont une terminale beaucoup
plus grande et sécuriforme à l'extrémité de l'aile ; ailes inférieures
rouges de part et d'autre, avec un très mince liséré bleu foncé, formé
en grande parlie par la frange; la femelle, de même dessin, mais ayant
souvent le fond d'un bleu grisâtre ou jaunâtre ; parait en mai puis en
juillet, surtout dans les "terrains calcaires, sur les collines cou-
vertes d'herbes, en Auvergne, Cantal, Basses-Alpes, Alpes-Maritimes, etc.,
et aux alentours de Paris, à Vernon, à Lardy, à Maintenon, à Bondy, au
Raincy (autrefois). Chenille d'un vert pomme, à deux rangs de points
noirs petits et arrondis, en avril, puis en juin, sur les Coronilla, Lotus,
Trifolium, Hippocrepis. — Z.Fausta, Linn. ,\e Sphinx de labruyèred'EngT.,
la plus tardive de nos Zygènes, en août, sur les collines calcaires bien
isolées, butinant sur les fleurs de bruyère et de serpolet, sur les têtes
de scabieuses et surtout de Phyteuma; envergure, 25 millimètres; an-
tennes grosses et d'un bleu noir ; thorax bleuâtre, avec deux lignes lon-
gitudinales blanchâtres; un double collier, un large anneau en dessus,
vers l'extrémité de l'abdomen et les côtés de l'anus, rouges; ailes supé-
rieures d'un bleu noir, avec cinq taches d'un rouge vermillon, con-
fluentes et légèrement bordées de jaune pâle; ailes inférieures rouges,
avec une petite bordure noire et une légère frange brune; dans une
grande partie de la France méridionale et centrale; près de Paris, com-
mun à Lardy et à Mantes, très rare à Fontainebleau. Chenille d'un vert
clair, avec un collier d'un rouge orangé, séparé de la tête par une ligne
blanche, les pattes écailleuses et la tête noire, les pattes membraneuses
d'un jaune verdâtre,'le corps ayant sur le dos une ligne brunâtre et des
sous-dorsales blanches, coupées aux incisions par un point noir, au-
dessus duquel est une tache jaune; sur les Coronilla minima et emerus,
Ornithopus perpusillus, Hippocrepis comosa, en juin, se filant, vers le mi-
lieu de ce mois, une coque ronde et blanche comme un œuf. — Z. Minos,
cat. de Vienne, syn.: PiloselUe, Fsper, \c Sphinx de lapiloselle, Engram.,
espèce très commune dans les Vosges, les montagnes du Dauphiné, les
l'KOCI-.IS. 337
Basses-Alpes, les Pyrénées-Orientales, le Cantal, la Creuse, le Cher, assez
rare, les terrains calcaires de Saône-et-Loire, assez rare, diverses loca-
lités à prairies et gazons d'P]ure-et-Loir, en juin, près de Paris, assez
commun à Lardy et Fontainebleau; 28 millimètres d'envergure, an-
tennes, thorax et abdomen noirs, tant en dessus qu'en dessous; ailes
supérieures d'un bleuâtre foncé, un peu transparentes, avec trois taches
longitudinales d'un rouge carmin, le bord interne bleuâtre jusqu'à la
nervure radiale; ailes inférieures d'un rouge rose en dessus en en des-
sous, avec un petit liséré d'un bleu noirâtre; femelle plus grande que
le mâle, sa couleur étant souvent d'un bleu un peu verdâtre. Chenille
à tête et pattes écailleuses noirâtres, à corps d'un jaune verdâtre, avec
deux rangs de taches noires coupées de points jaunes, vivant en mai et
juin sur les Trifolium, Hippocrepis, Lotus et autres Légumineuses; se
filant un cocon fusiforme, très allongé et d'un jaune brunâtre. Nous
représentons planche lxxxviii, figure 3, une espèce exotique, du cap de
Bonne-Espérance, Z. Pulchella, Boisd., offrant un large anneau rouge à
l'extrémité de l'abdomen; les ailes supérieures d'un brun jaunâtre,
avec une tache oblongue et transparente à la base et quatre taches
rondes jaunâtres avec le milieu ferrugineux, les ailes inférieures en
partie transparentes, à nervures rouges, largement bordées de noir,
teintées de rouge au bord antérieur, au sommet et à l'angle anal.
PROCRIS, Fabr. (syn. Ino, Leach). — Chaperon arrondi. Antennes presque aussi
longues que le corps, épaissies à rextrémilé ou terminées par une pointe, celles
du mâle bipectinées en dessous, tantôt dans toute leur longueur, tantôt dans
une partie seulement, celles de la femelle légèrement dentées en dessous ou
presque lisses. Yeux de grandeur moyenne. Stemmales petits. Palpes grêles,
plus courts que le chaperon. Spiritrompe courte. Thorax squameux, ayant les
ptérygodes très courts et peu adhérents. Ailes supérieures assez larges, les in-
férieures moins courtes que dans les Zygœna, les ailes au repos comme celles
des Zygœna. Pattes postérieures ayant les éperons presque nuls. Abdomen cylin-
droïde, obtus dans les deux sexes, beaucoup plus gros et plus court dans la fe-
melle que dans le mâle. — Chenillei épaisses, ramassées, garnies de petites ai-
grettes de poils courts. — Chrysalides cylindrico-coniques, renfermées dans une
coque soyeuse d'un tissu léger et lâche.
Les Procris sont de très jolis papillons dont les ailes sont délicates,
oblongues, luisantes, vertes ou bleuâtres dans les espèces de notre pays,
souvent avec un reflet bronzé et un éclat presque métallique ; leur prin-
cipale différence d'avec les Zygènes est d'avoir les antennes pectinées
dans les mâles et les ailes sans taches, ordinairement d'une seule cou-
leur. Elles ont à peu près les mêmes mœurs et volent aussi en plein
jour dans les prairies, les pelouses, les clairières, se posant sur les fleurs
de Statice, de Globularia,de Jacea,àe Centaurea. Les chenilles, comme
celles des Zygènes, sont paresseuses et lentes dans leurs tnouvements
ftlslRV. m,— 22
338 LÉPIDOPTÈRES.
et vivent à découvert, non seulement sur des plantes basses, mais aussi
sur des arbrisseaux.
Les deux espèces les plus communes de France et des îles Britan-
niques, sont : p. statices, Linn., la Turquoise de Geoffroy, espèce com-
mune dans toute la France, du milieu de juin au mois d'août, volant
au milieu des herbes, se posant fréquemment sur les Statice, de 25 mil-
limètres d'envergure, les antennes moitié vertes, moitié d'un noir
bronzé, obtuses à l'extrémité, celles du mâle ayant les sept à huit der-
nières dents très courtes et en forme de stries, tandis qu'elles sont sim^
plement dentées chez la femelle ; thorax, abdomen et ailes d'un vert
doré, à frange mêlée de noir; ailes inférieures subhyalines, noirâtres à
bord abdominal plus foncé; dessous des ailes noirâtres. Chenille en mai
sur la Patience {Rumex acetosa), la Globulaire, le Genêt, etc., d'un jaune
verdâtre, avec la tête et les pattes écailleuses noires, les pattes membra-
neuses blanchâtres, deux rangées longitudinales de chevrons noirs sur
le dos, et, sur chaque côté, une série longitudinale de points d'un rouge
pourpré, qui borde une simple ligne noire flexueuse — P. globulariœ,
Hubner, de 26 à 30 millimètres d'envergure, les antennes longues se ter-
minant en pointe et pectinées jusqu'à l'extrémité, le thorax, l'abdomen
et les ailes supérieures d'un bleu verdâtre, les inférieures d'un bleu cen-
dré , ainsi que le dessous des quatre ailes. Femelle pareille, mais avec les
antennes simplement dentées. De toute la France dans les clairières her-
bues des bois, en juin ; plus rare, du moins dans la zone de Paris, que l'es-
pèce précédente. Chenille verte et ardoisée, à points latéraux rouges, en
mai, sur la Globularia vulgaris et sur les Lotus. Chrysalide d'un brun pâle,
avec l'enveloppe des ailes terminée par un prolongement. — L'espèce sui.
vante est beaucoup moins commune : P. pruni, catalogue de Vienne, le
Sphinx du Prunellier d'Engramelle, petite espèce de 20 à 22 millimètres
d'envergure, ayant les antennes d'un bleu verdâtre pectinées jusqu'à
l'extrémité, les ailes supérieures d'un vert obscur, avec la base saupou-
drée de vert doré, le thorax et l'abdomen de la couleur de ces ailes, les
ailes inférieures d'un brun noirâtre, ainsi que le dessous des quatre
ailes. L'adulte paraît à la fin de juin et en juillet et vole vivement au
soleil dans les i3uissons et surtout autour des prunelliers, dans la France
méridionale et centrale, assez rare près de Paris, très rare dans le Cal*
vados. Chenille très pubescente, d'un gris rosé, à dos rougeâtre, divisé
par une double série de losanges noirs transverses. Chrysalide faible»
ment verdâtre, avec le dos et l'enveloppe des ailes noirâtres ; cette che-
nille vit en mai sur l'aubépine et surtout le prunellier, et se capture
aisément en battant ces arbustes sur le parapluie, et elle est beaucoup
plus commune que l'insecte parfait.— Nous citerons encore P. Ampelo^
phaga, Uubner, commun en Italie, principalement dans la campagne
de Rome, en Piémont et en Toscane, avec deux générations par an et de-
venant, à certaines époques, un véritable fléau pour la vigne, et le
P. sœpium, Boisi., de Lombardie, volant dans les buissons, comme
AGI.AOPE. 339
P. pruni. Berce fait remarquer que, dans les coUeclions, on voit sou-
vent des sujets des Procris vertes ayant le thorax et l'abdomen d'un
rouge cuivreux; c'est un effet de l'humidité du ramoUissoir sur le
vert.
Nous figurons une espèce du Cap de Bonne -Espérance P. Nebulosa^
Boisd. pi. Lxxxviii, tig. 5), avec la tète, les pattes et le thorax noirûlres,
ce dernier garni en dessus d'écaillés blanchâtres, les ailes transparentes,
à nervures jaunâtres, garnies de fines écailles d'un blanc jaunâtre, sur-
toiit au bord antérieur et au milieu, l'abdomen d'un jaune pâle.
AUl^AOPÇ, Latr. — Antennes l^ipectinées dans les deux sexes, presque auss
longues que le corps. Tête plus étroite q^e le thorax. Yeux assez saillants. Spi-
ritrompe très courte. Palpes très petits, avec le dernier article grêle et presque
nu. Thorax avec un collier très distinct et de très petits ptérygodes. Les quatre
ailes à angles arrondis, presque d'égale grandeur, beaucoup plus larges que
dans les autres Zygcnides. Éperons des pattes postérieures très courts. Abdomen
cylindroïde, obtus au bout, dépassant peu les ailes inférieures, du moins chez
la femelle. — Chenilles courtes, ramassées, garnies de petits bouquets de poils
implantés sur des tubercules. — Chrysalides enfermées dans un cocon ovoïde
d'un tissu très serré.
Nous avons en France une espèce de ce genre : A. Infausta, Linn., le
Sphinx des haies d'Engram., pareille dans les deux sexes, avec les
autennes noirâtres, bipeclinées, le corps d'un brun cendré, avec un
collier rouge au thorax, les ailes d'un brun cendré, demi-lransparenles,
les supérieures avec l'origine de la côte et du bord interne d'un rouge
carmin tendre, la même couleur s'étendant sur une partie de la moitié
intérieure des ailes inférieures. Cette espèce est comniune dans le midi
de la France et vole en juin et en juillet, et souvent en griand nombre;
elle remonte par places dans la France centrale ; ainsi, d'après M. Mau-
rice Sand, commune en Auvergne en août, rare dans la Sologne, très
commune à Nohant (Indre) en juin et juillet, sur les buissons et les
haies, commune dans certaines localités de la région des vignes de
Saône-et-Loire, en juillet et août, au point qu'on voit quelquefois les
mâles voler par essaims à la recherchie de la femelle autour des buis-
sons de prunelliers dépouillés par leurs chenilles; existant mais rare,
dans le Morbihan, sur les aubépines, sur les prunelliers et divers arbres
fruitiers (Griffith), très rare près de Paris, dans la forêt de Senars, etc.
Chenille (pi. lxxxviii, fiig. 9; 9 a, cocon et chrysalide) courte, riamassée,
peu garnie de poils, jaunâtre, les pattes écailleuses noires, de chaque
côté deux bandes longitudinales, la supérieure d'un rouge vineux et
ponctuée de noir, l'inférieure beaucoup plus étroite et bleue, les deux
dernières pattes membraneuses bleuâtres. Elle vit en mai sur l'aubé-
pine, le prunellier, l'abricotier, l'amandier, devenant souvent, dans
le midi de la France, un véritable fléau pour cet arbre, rongeant
3Ù0 LÉPIDOPTÈRES.
d'abord le parenchyme des feuilles, puis dévorant toute la feuille,
quand la chenille a toute sa croissance ; il faut écheniller en secouant
les branches, ramasser les chenilles qui tombent sur des toiles étalées
sur le sol et les brûler.
Nous figurons, planche Lxxxvni, figure 11, le mâle d'une espèce de
l'Amérique du Nord (A. Americana, Boisd.), noire à reflet bleuâtre, aveo
le prothorax ou collier d'un jaune ferrugineux.
Les auteurs placent ordinairement près des Procris le bien curieux
genre Hclerogxjnis, Rambur, très lié aux /'rocr/s par les longues antennes
pectinées et la forme des larges ailes du mâle, tandis que la femelle
larviforme ressemble à celles des Psychides, groupe dont les chenilles
sans fourreau portatif écartent ce genre. L'espèce de France, dont les
mœurs et les métamorphoses ont été très bien étudiées parM. de Graslin
{Notice sur quelques Lépidoptères nouveaux trouvés dans les Pyrénées-Orien-
tales en 18/i7, in Ann. Soc. entom. Fr., 1850, p. 396), est VH. Penella, Hub-
ner, dont la chenille courte, onisciforme, légèrement pubescente, jau-
nâtre, avec des bandes longitudinales, les unes grises, les autres brunes,
vit sur les Genisla piirgans, scoparia, sagittalis. Le mâle, de 20 milli-
mètres d'envergure, a l.a spiritrompe rudimentaire, les palpes très
petits et très velus, les antennes noires, les ailes demi-transparentes,
d'un bistre clair, à nervures noires, la tête et le corps à demi glabres
et d'un noir luisant, les pattes d'un brun noir, à tarses courts, les jambes
postérieures n'ayant qu'un éperon, l'abdomen très mince, terminé par
deux crochets en forme de pince, prolongés en pointe, qui, par la
réunion de chacune, forment inférieurement une ouverture ovalaire.
La femelle est tout à fait sans ailes et vermilbrme, d'un jaune verdûtre
pâle, avec une bande vasculaiï'e noire qui s'élargit aux incisions e'
deux autres bandes latérales semblables. Elle tient son corps replié
S et n'offre d'autres organes, pour indiquer un insecte adulte, qu'un
petit rudiment de tête noir et comme corné, caché sous le premier
anneau, et de petites pattes écailleuses, également noires et rudimen-
taires. Les adultes, mâle et femelle, sortent de cocons ovoïdes, mous,
demi-transparents, comme un réseau d'une soie d'un blanc jaunâtre,
le cocon du mâle bien plus petit que celui de la femelle, qui est plus
grosse que le mâle. La chrysalide du mâle est pointue à sa partie pos-
térieure et d'un brun noir luisant; la chrysalide de la femelle est une
sorte de sac assez allongé, arrondi à ses deux bouts, formé d'une mince
pellicule, laissant voir par transparence le corps de la femelle dans sa
partie antérieure, se renflant et devenant d'un brun testacé à la région
abdominale. Une soupape ou clapet antérieur, que la femelle pousse
avec sa tête, lui permet de sortir de cette sorte de boîte et de se tenir
penchée sur le cocon, la tête en bas, accrochée par derrière au clapet
de la chrysalide, dont l'enveloppe est restée en entier dans le cocon.
Si 'on vient à toucher cette femelle, elle rentre aussitôt dans cette enve-
oppe qui lui sert de retraite et s'y renferme définitivement, après
HÉTÉKOGYNIS, IVACLIA. 841
qu'elle a été fécondée par un mâle, qui a découvert dans son vol diurne
la femelle apière. Bientôt elle pond une grande quantité d'œufs jau-
nâtres, liés entre eux par une humeur visqueuse qui les réunit en
chapelet à grains serrés, simulant une sorte dé cordon. Les petites
chenilles naissent peu de temps après la ponte, mais ne sortent pas
immédiatement du cocon. Lorsqu'elles sont écloses au bout postérieur
de la chrysalide ou sac, dans lequel tout l'abdomen de la femelle s'était
comme fondu en œufs, elles se mettent à manger l'humeur visqueuse
qui attachait les œufs et ce qui reste de la partie supérieure du corps
de leur mère, et ne sortent de la chrysalide et du cocon, pour se
répandre sur les feuilles de genût, qu'au moment de subir leur pre-
mière mue. On trouve en juillet cette curieuse espèce en divers points
des Basses-Alpes, des Pyrénées-Orientales, de la Lozère, dans la Côte-
d'Or, à Murât, dans le Cantal, en Auvergne, au Mont-Dore, mais
assez rare, etc. Il existe en Espagne deux autres espèces d'Hete-
rogynis.
Nous devons dire quelques mots du genre Nadia, Boisd., par lequel
nous terminons les Zygénides, et qui se rapproche beaucoup des Litho-
siens par son aspect et par ses mœurs. Les antennes sont presque aussi
longues que le corps et simples dans les deux sexes, la spiritrompe
distincte, les palpes droits, à dernier article conique, les ailes supé-
rieures lancéolées, les inférieures très courtes. Les chenilles rayées
longitudinalement, avec des poils courts disposés par aigrettes, assez
longs sur les deux derniers segments, se nourrissent, pendant les mois
de mai et de juin, comme celles des Lithosiens, des productions cryp-
togamiques. Lichen, Physcia, Usnea, etc., qui se développent sur l'écorce
des arbres et sur les pierres; ces chenilles croissent lentement, passent
l'hiver à l'état de chenilles et se métamorphosent dans un cocon, tou-
jours comme les Lithosiens. Dans les mois de juillet et d'août les
adultes volent parmi les herbes et sur les buissons, en plein jour, res-
semblant dans le vol à certains Phryganiens, et on les fait partir en
battant les broussailles et les taillis. U y a quatre ou cinq espèces d'Eu-
rope, dont les plus importantes sont : N. Ancilla, Linn., la Servante
d'Engramelle, de presque toute la France, de Belgique, surtout des
collines calcaires, des bois secs et chauds, de 27 millimètres d'enver-
gure, le corps d'un brun pâle avec le dessus de l'abdomen d'un jaune
fauve et longé par une série dorsale de sept points noirs, les ailes supé-
rieures d'un brun pâle sur les deux faces, avec une rangée transverse
de trois points blancs vers l'extrémité, ces points disparaissant parfois
par aberration, les ailes inférieures de même couleur, sans taches
dans le mâle, traversées dans leur milieu par une bande de taches
jaunes chez la femelle. Chenille brune, avec les sous-dorsales en taches
jaunes, en avril et mai, sur les hchens des pierres et aussi sur les Gra-
minées; on la rencontre quelquefois en secouant les feuilles sèches
accumulées au pied des roches dans les bois. — N. Punctata, Fabr., la
542 LÉPIDOPTÈRES.
Phalène à quadrille de Geoffroy, la Ménagère d'Engram., plus petife c^ué
l'espèce précédente et ayant le corps pareil, les ailes supérieures d'un
brun un peu plus foncé sur leurs deux faces, avec cinq points blancs,
les inférieures d'un jaune fauve, avec une large bordure et un art;
central d'un brun foncé; espèce méridionale, se trouvant par placés
dans le centre, ainsi rare dans Saône-et-Loire, sur les collines chaude6
et arides, dans le Cantal, à Aurillac, en août, sur les collines couvertes
de bruyères, très rare dans le Cher, à Marmagne (.\iaurice Sand), pro-
bablement des environs de Paris, puisque Geoffroy la connaissait, mais
très rare.
GLAUCOPIDES.
Cette famille se compose essentiellement du genre Glaiicopis, Fabr.,
formé d'assez nombreuses espèces exotiques, et qui se distirigue aisé-
ment des auti-es Zygéniens par un long et gros corps cylindroïde; les
antennes sont garnies d'une double rangée de dents allongées ou bipec-
tinëes; lès ailes, étroites et alloiigées, rappellent, par leur forme et par
leurs proportions, cbiîipàrëés à celles du corps, l'aspect de certaine
Sésieiis. Les ailes sont ovnèes de taches vivement colorées en jaune,
en bleu, etc., et l'abdoriien avec dés anneaux bleus, rouges ou jaunes.
Une espèce corrimune dans les collections est G. Fortnosa, Boisd., qui
est tr^s répandue à Madagascar eh janvier, puis eh juillet et hbût; ëUé
voie ieritémeht et se pose sur les Gi-aminées, où on la rencDntte souvéHt
accoupl'ce; on la fait aussi toiriber fréquemment en secoiiàiit les arbtés.
Cette espèce avait été riomriaée auparavant G. Folleti, par Feisthamél,
nom qui n'a pas été conservé. Nous la représentons pi. lxxxviii, fîg. 10.
Sur lé fond noir des ailes se détachent de grandes taches jaunes avec
dii Ble'ii eh deux tâches contre le bord costal, à l'insertion et vers le
miliéii, la tète bleue, les ptérygodes fauvèè, le premier rameau abdo-
minal jaune, les autres bleus avec incisions noires, le rnilieu de l'ab-
domen ceinturé d'un beau roiigé orûngé. Les espèces de Glaucopis se
répartissent dans les régions tropicales des deux continents.
SVN'rO.MlDES.
té/è S^ritoïïiides se distinguent au premier coup d'œil des Zygènes
parles antennes en fuseau et non en massue et par les quatre ailes
analogues en coiileurs comme fond et comme tâches, ces taches n'étant
janià'is rouges; le nom de ce groupe, dû à Illiger, vient de la brièveté
des palpes. Parleurs mœurs ces insectes se rapprochent beaucoup des
Zygènes, dont ils ont le port d'ailes dans le repos. Ils aiment de même
à voltiger à l'ardeur du soleil ; mais leur vol est plus lourd et moins
soutenu. On les voit quelquefois, au moment de la plus grande chaleur
dù^oiur, voler en grand nombre autour des buissons. Dans leur premier
ëtat les Syntomides diffèrent encore essentiellement des Zygénides, et
SYMOMIS. 343
montrent un évident pâsëà^e aux Chélohidcsi passage égalëttlGnt atteste
par les dessins et les belles colorations des ailes des adultes. Ces fche-
nilles ont des tilbercules hérissés de poils raides et loiigs, et, lorsqu'on
les touche, elles se roulent en cétcle, à la manière dés chenilles de
Chélonides, appelées vlilgairemeut Ecailles oU Hérissonnes : elles n'atfa-
cheht pas leurs cbCons aux tiges des végétaux, mais opèrent leUr nym-
phose soUs la mousse Ou les feuilles sèchefe, dans Uh tissu ttès léger.
La chrysalide est plus consistàhtè et plu§ allongée QUe celle des
Zygènesi
Sf'it'fOSilS, Illigi?r. — Antennes longues et grêles, lêgèrenieht' t-éhflêes eh
fusedii ail tiiiliekl, simples daus les denx sexes, moins lôHgiles que le coi-ps,
finissant en pointiB très obtuse. Spiritrornpë longue, i-otilée fen spirale. Palpes
très cOuHs, vèibfe, obtus, cylirtdroïdes, ne s'êléVant jamais àu-dessUs du ëhà-
peron. Thorax peu développé comparativement à l'abdomen, avec ptêrygodes
dtoils et peu adhéretits. Ailes sljpêrieures longues et triangulaires, à insertion
étroite, les inférieures beaucoup pliis coUrtes, toutes quatre de même couleur
du fond. Jambes postérieures mutiies d'éperons très peUts. Abdotnen long,
cyliridroïde, à bdùt obtus dans lés deux sexes. — Chenilles cylihdroïdes et
velues, à poils raides, se renferHîanl dans uH cocôii lâche et mou poiir se
cll^ysalidel•. — Chrysalides plus allongées qltè celles des Zygèries.
Les Syntomis ont les ailes noires ou bleuâtres, luisantes, avefc des
taches blanches bti jaunes ttârislucides, disposées comme dans les
^ygèhes, le corps noir ou d'un vert brofazé, jamais hérissé de pOils,
l'abdomeu entouré d'anneaUx jaunes ou rouges en ndmbre variable.
Une seule espèce de ce genre est propre aux parties chaudes de l'Eu-
tope, mais l'AfriqUe, la Nouvelle-HoUaUde et surtout les îles Indo-Son-
daï(}Ues en possèdent un grahd nombre. L'espècd d'EUrope est S. Phe-
ged, Lhlrl., le Sphiflx du pùséiilit d'Engtamelle, de 88 à UO millimètres
d'envergure, les àUtenUes rtoires de la base jUsqU'aU delà du milieu,
ensuite blaUchâtres jusqu'au boUt. Ailes sUpérieul-es et inférieures d'un
bleu noirâtre oU vei-dâtt-e ert dessus et en dessous, avec Six taches
blanches uh péU trausparehtes aux supérieures et deux aux irlfê-
rieurés. Coi-ps de la coUleUt" des ailés, avec le dessus du premief et du
cinquième anneau de l'abdomen, plus deUx taches de chaque côté de
la poitrine, d'Un jaune d'Ocre. Femelle semblable, plus gtànde, avec
Tabdomen plus renflé. De nombreuses variations, le fond devenant
pat-fois d'un violet toUgeâtt-e, les tâches disparaissant en partie ou
même totalement, ou bien, au contrait-e, envahissant par confluence
les ailes, cfui deviennent translucides. Adulte volant en juin et juillet,
aimant à se poset sut- les fleurs du thym et de la lavande. Chenille de
septembre à avril, sur le pissenlit, la scabieuse, le plantain, l'oseille,
noire, avec de petits tubercules de la même couleur, sur lesquels sont
implantés des poils fascicules, brunâtres, raides et hérissés (pi. Lxxxvni,
iUk LÉPICOPTÈRLS.
flg. 7) ; la tête et les pattes d'un rouge brun. On élève bien, flit-on, cette
chenille en captivité avec les feuilles du prunier; elle tile sous les
feuilles sèches et la mousse; un cocon blanc très léger. Chrysalide
brune (pi. lxxxviii, fig. 7 a), avec les enveloppes des ailes et le second
anneau de l'abdomen jaunâtres, donnant son papillon à la fin du prin-
temps. Le S. Phegca est très commun en Italie, en Sicile, aux environs
de Naples, dans les îles de l'Archipel, et a été trouvé en Perse; il est
aussi d'Autriche, de Hongrie, de Dalmatie, du Piémont, existe dans le
raidi de la France, assez commun en Savoie et dans les Basses-Alpes,
déparlements voisins de l'Italie, aux environs de Nice, mais rare, se
retrouvant; par places isolées, dans des localités même très septentrio-
nales, à Murât (Cantal), mais rare, dans les bois, broussailles et haies
des pentes exposées au sud, pris, dit-on, près de Rouen, volant au
soleil, en Belgique, en juin et juillet, sur les anciens remparts de
Louvain.
Nous représentons une espèce exotique des environs de Tamatave
(Madagascar), et dont les ailes inférieures sont très réduites : c'est le
S. Myodes, Boisd. (pi. i.xxxvui, fig. 6), de 27 millimètres d'envergure, les
ailes supérieures offrant, sur fond d'un brun noir, une tache jaune à
la base et trois grandes taches blanches transparentes sur le disque, les
ailes inférieures jaunes, bordées de noir, avec un petit point noir au
milieu, le corselet et les premiers segments de l'abdomen jaunes en
dessus.
Nous placerons dans les Syntomides un genre aberrant fondé sur une
rare et belle espèce de la Nouvelle-Guinée, où elle vole en plein jour
dans les bois, le Cocytia Durvillei, Boisd., dont trois exemplaires furent
rapportés par Dumont-Durville, lors de l'expédition de Freycinet, et
furent longtemps uniques dans les collections. L'insecte est de la taille
du Deilephila Lineata. Les antennes, de couleur noire, sont longues, en
fuseau et terminées en crochet à l'extrémité; la spiritrorape longue, le
thorax et les ptérygodes panachés de faisceaux de poils courts, d'un
bleu noir et d'un vert bleu très brillants; le corps, le front, la poitrine
et les cuisses de la même couleur; l'abdomen d'un vert azuré très cha-
toyant; les quatre ailes largement bordées de noir foncé dans tout leur
pourtour, ayant le disque vitré et chatoyant, traversé par des nervures
et des rayons supplémentaires noirs, et une tache d'un fauve vif à la
naissance de chaque aile. Le sujet décrit et figuré par Boisduval est un
mâle, reconnaissable à la brièveté des palpes qui dépassent à peine le
chaperon. M. H. Lucas, ayant pu examiner des sujets des deux sexes
rapportés de Dorey (Nouvelle-Guinée i par M. Raffray, a reconnu que,
chez la femelle au contraire, les palpes sont très allongés et terminés
en massue à l'extrémité. Elle est du reste pareille au mâle, selon
l'habitude des Zygéniens.
THYniDIDES. 3^5
THYHIDIDES.
La famille des Thyridides constitue réellement un groupe hors série,
qu'on ne sait où placer, et se compose du genre Thyris, llliger, formé
de petites esp(>ces volant pendant le jour au soleil avec rapidité et buti-
nant sur les (leurs. La tête est assez large avec les yeux saillants, les
antennes légèrement renflées au milieu et presque filiformes, un peu
pins épaisses chez le mâle que chez la femelle. Les palpes cylindriques,
velus à la base, avec le dernier article presque nu, terminé en pointe ;
le thorax globuleux, les ailes courtes, larges, denticulées, avec des
taches vitrées; les pattes très allongées, avec les jambes postérieures
munies de forts éperons; l'abdomen conique. Le nom du genre signifie
fenêtre, à cause des taches transparentes des ailes. Le type de ce groupe
se trouve en Italie, en Espagne, en Suisse, en Allemagne, et, d'après
Boisduval, dans l'Amérique septentrionale. Il se rencontre dans beaucoup
de points de la France, mais, en général, très localisé et assez rare, en juin
et juillet, et qu'on prend aisément près de Paris, à Saint-Leu-Taverny,
dans un petit ravin rempli de clématites, non loin de la gare. C'est un
charmant petit papillon, gracieux de forme, brillant de coloration,
d'une grande agilité dans son vol et dans sa marche, ne volant, comme
les Sésiens, que sous les rayons les plus ardents du soleil, aimant à se
reposer sur les fleurs de la clématite, du sureau, de l'hyèble, des
ronces, des Ombellifères, et aussi sur les troncs d'arbres exposés au
soleil, etc. C'est le T. Fenestrata, Scopoli (syn. Fenestrina, cat. de
Vienne, /e Pygmée d'Engramelle), de 17 millimètres d'envergure, les
antennes noirâtres avec le côté externe roussàtre; le corps d'un noir
brun, couleur qui est aussi celle du fond des quatre ailes, ponctuées et
rayées transversalement de fauve doré, avec deux taches blanches cen-
trales presque transparentes, plus grandes et plus rapprochées aux
ailes inférieures qu'aux supérieures ; le bord externe des unes et des
autres un peu anguleux et garni d'une frange blanche, inégalement
entrecoupée de noir, les pattes brunes, avec le côté interne des cuisses
de devant, les éperons des jambes postérieures et les tarses blanchtLtres;
l'abdomen ayant le quatrième et le dernier segment blancs en dessous
et bordés de blanchâtre en dessus. La femelle difl'ôre du mâle en ce
qu'elle est plus grande, plus brillante, avec les anneaux de l'abdomen
moins apparents et quelquefois nuls. Il y a des individus chez qui les
taches transparentes des ailes sont interrompues et punctiformes ;
d'autres, au contraire, chez qui elles sont tellement continues qu'elles
forment une sorte de demi-cercle traversant le disque de chaque aile.
La chenille de cette espèce a été longtemps inconnue. Boisduval,
Duponchel et beaucoup d'auteurs allemands et français, reproduisant
une erreur d'Ochsenheimer, ont confondu la chenille de Thyris avec
une chenille décolorée et endophyte du Botys Sambucalis, vivant dans
3^6 LÉPIDOPTÈRES.
les tiges du sureau et peut-être de la bardane, et imaginèrent, proba-
blement d'après des analogies d'aspect des Thyris et des Sesia, que les
anneaux de la chrysalide étaient munis de crochets. Le docteur Breyer
(Ann. Soc. entom. de Belgique, 1873, t. VII, p. 17, flg. 1) a rétabli la
vérité. Cette chenille vit à découvert, comme toutes celles des Zygé-
niens. La chenille de T. Fefiestrdta vit sur les feuilles du Clematis
vilalbû, dans un lambeau de feuille fbulce qui lui sert de demeure et
dont les bot-ds sont réunis par des fils, quittant ce cornet quand il devient
trop petit pour en construire un autre plus graUdj et, quand la chenille
est jeune, ou peut rencontre!" plusieurs cornets sur la méhie feuille.
Plus tard, à toute sa croissance, la chenille roule une feuille entière en
forme de sac fermé, et ce sont principalement lés cornets du haut de la
plante qui sont habités à la fin, ceûiï du bas étant vides. C'est en août
qu'on rencontre surtout cotte chenille dansla feuille roulée, et, au com-
mencement de septembre, elle ëe laisse tomber à terre pour la nym-
phose. Cette chenille a l'aspect d'une larve de' Chrysomèle ; sa couleur
est d'un vert olive, et elle est couverte d'Un grand nortibre de petites
plaques cbrnôCs formant six lignes longitudinales de chaque cOté du
corps; le second anneau et le dernlei- portent un écusson corné. La
tête, les pattes écailleuses, lés écUssons et les plaiîues cornées sont d'Un
noir luisant, les pattes tîiettibraneuses, peu développées et d'un vert
clair; la tête, très forte et aplatie^ rentre, aveC le prothorax, sous le
second anneau, qui leur forme comme urt capuchon. Si on la prend à
la main, elle répand une forte odeur de punaise. Là chrysalide est
enveloppée d'Une coque dettse et soyeuse^ mêlatlgée de grains de sable
oU de terrcj à découvert sur le sbl, s'il est nU, oU fixée entre des
détritus végétaux. La chrysalide est petite, brune, tirartt au rouge sur
lo dos, foncée à la tête et à la pointe anale; le thorax très développé,
bombêi rtîtréci en haut et en arrière ■ la tête et les organes buccaux
légèrement prolongés en bée, la ligne do la spiritrompe dépassant en
pointe le bord des ailes; l'abdomen assez court, avec lés derniers
anneaux eh appendice renflé et courbé en dessous 5 la peau est rugueuse
sur les fourreaux alaires, arec des fossettes le lohg du dos, sans aucuns
croehets> soit sur les ànneauS; soit au bout anal.
INous représentons une espèce de Thyris de l'Amérique du Nordj
T. iSepultrdHs, I3oisd., (pi. lxxxvui, fig. 4,) envergure 20 millimètres,
pareil en dessus et en dessousj noir avec des taches blanches sur le
corps et sur les ailes, celles du milieu des quatre ailes beaucoup plus
grandes formant par leur réunion , aux ailes supérieures,- une large
bande transversale.
Avant de continuer les tribus des Hétérocèrès, hfltis croybrlê Utile de
revenir slir rorgàtte du frein, qui joue (iti gtatid rôle dans lès tfibus
SUR LE FREIN. S47
des Sphingiens, des Zygéniens, des Lithosiens et des Chiéloniens (1).
Comme nous le savons déjà, le crin est formé d'une nervure détachée,
partant de l'insertion de l'aile inférieure en dessous, comme une soie
ou crin rigide. Cet organe est tantôt simple et généralement long, tan-
tôt double, tantôt triple, tantôt enfin multiple et constitué alors par un
faisceau de six à cinquante poils assez courts. Quand il est simple^ il
s'engage dans le frein , qui est situé sous l'aile supérieure et non loin
de l'insertion, entre la nervure costale et la nervure suivante. Ce n'est
pas un demi-anneau chitineux fixé aux deux bouts, comme une gUche
de verrou, car il serait trop difficile à l'insecte d'y faire rentrer le crin,
quand il en sort par un mouvement trop violent de l'aile , c'est un fort
crochet élastique, attaché à une extrémité, libre et très recourbé à
l'autre, de sorte qu'il revient en place par son élasticité, ce qui permet
au crin de se replacer aisément; il y a là une analogie avec les hame-
çons de la base des ailes de beaucoup d'Hyménoptères. Le crin unique
et le frein, comme nous venons de le décrire , existent chez les mAleS
seuls. Toutes les femelles, au contraire, ont le crin composé de deUJc
ou plusieurs soies et manquent d'un véritable frein; quand le crin eât
double ou triple, il s'arrête contre une touffe de poils relevés qui s'at-
tache à la seconde interne de l'aile supérieure; quand il devient un
faisceau de nombreux poils, il s'appuie sur une éminence arrondie,
que de courtes écailles rendent raboteuse. Le nombre de crins ne varie
que dans les femelles; il est nul ou remplacé par une toufl'e lâche et
laineuse dans les Hepiaius, en faisceau nombreux dans les Cossus et
Zeuzera, très nomlireux chez les Sphinx, nombreux dans les Macro-
glossa à ailes opaques, triple dans les femelles de Macroglossa à ailes
transparentes, en faisceau peu nombreux et de soies très courtes chez
les Smerinthus, ce qui fait qu'il passe souvent inaperçu, en faisceau peu
nombreux, dans le genre Zygœna (les mâles de ce genre sont un excellent
exemple du crin unique et du frein), triple dans le genre Glaucopis. Au-
dessus de 3, le nombre des crins contenus dans le faisceau n"a qu'une
valeur spécifique. On voit donc que le caractère da crin et du frein a
un double et important usage, pour déterminer les espèces et pour dis'
tinguerles sexes dans une même espèce. Dans les sujets des collections,
le pointe de l'épingle résonne presque aussi bien sur les organes secs de
la femelle que sur ceux du mâle; c'est surtout sur les sujets que la
dessiccation altère toujours un peu, que la forme des antennes, la gros^
seur et l'aspect de l'extrémité de l'abdomen n'offrent pas toujours des
caractères suffisants.
(1) Poey, Observations sur le crin des Lépidoptères de la tribu des Crépus-
culaires et des Nocturnes {Ann. Soc. entom. Fr., 1832, t. I, p. 91).
348 LÉPIDOPTÈRES.
Tribu des lithosieivs.
Avec l'extension que nous donnons à la tribu des Lithosiens, elle
confine de près à celle des Chéloniens ; notre but est surtout d'éviter
une tribu intermédiaire. Cela a peu d'importance , vu l'imperfection
forcée des classifications. Les papillons des Lithosiens ont tantôt les ailes
en toit au repos, tantôt les ailes à demi enroulées autour du corps, en-
tièrement même pour les inférieures. Les adultes volent parfois com-
plètement en plein jour {Einydia, Deiopeia) , le plus souvent le soir seu-
lement, mais déjà réveillés avant le coucher du soleil et s'envolant si l'on
approche d'eux, et surtout si l'on bat les broussailles. Les chenilles sont
pourvues de faisceaux de poils assez courts, et vivent soit de plantes
Cryptogames (Mousses et surtout Lichens), soit de plantes basses Phané-
rogames. Elles s'enveloppent pour la nymphose de cocons d'une soie
lâche, peu consistants, entremêlés des poils de la chenille, qui se dé-
tachent, et souvent des petits fragments végétaux variés que la chenille
trouve autour d'elle.
LITHOSIDES.
Corps grêle et allongé ; antennes tantôt pectinées, au moins dans les
mâles, tantôt simples dans les deux sexes ; spiritrompe ou bien déve-
loppée ou rudimentaire; ailes supérieures, tantôt inclinées en toit, au
repos, tantôt plus ou moins croisées l'une sur l'autre par leur bord in-
terne dans le repos, ces mêmes ailes toujours plus étroites que les infé-
rieures, celles-ci souvent plissées en éventail sous les supérieures, les
unes et les autres enveloppant alors l'abdomen quand elles sont fer-
mées; pattes non velues, ainsi que le corps. Chenilles habituellement
à seize pattes, cylindroïdes {Nudaria, Caliigenia, Setina) ou fusiformes
(Lithosia)^ ou très courtes et aplaties en dessous (Nola, Leach), garnies
de faisceaux de poils, ordinairement implantés sur des tubercules, ver-
ticillées, assez courtes. — Chrysalides plus ou moins courtes, ovoïdes, à
segments abdominaux inflexibles.
Les Lithosides volent plutôt le soir que le jour, quoique certains
mâles soient presque diurnes; à part ce vol, leurs mœurs sont à peu
près celles du genre Nadia. Les adultes sont d'assez jolis papillons, dont
les formes sont en général frêles et délicates. Leur vol est peu soutenu,
bien qu'assez rapide; ils se reposent fréquemment. Saisis dans le filet,
ils se laissent tomber au fond sans chercher à se débattre, et souvent
sans faire un seul mouvement. La disposition des ailes au repos, souvent
plissées et roulées autour du corps, a fait nommer ces insectes Plicatulœ
par M. Guenée. Les chenilles des Lithosiens vivent des Lichens qui crois-
sent sur les troncs des arbres, les rochers , les vieilles murailles ; aussi
certaines espèces se rencontrent au repos ou volant le soir dans les pe-
tites villes et les villages. Ces chenilles circulent peu pendant le jour ;
LITHOSIA. 349
c'est surtout pendant la nuit qu'elles mangent, lorsque la rosée a ra-
molli les plantes coriaces dont elles se nourrissent, et qu'elles ne pour-
raient broyer lorsqu'elles sont desséchées par les rayons du soleil. La
nymphose a lieu dans un cocon mou, à tissu lâche, entrelacé des poils
du corps de la chenille, avec des débris de Mousses et de Lichens. Les
Lithosides habitent principalement les bois, et plusieurs sont assez com-
munes ; elles n'ont pas d'espèces nuisibles en raison du genre de nour-
riture de leurs chenilles.
lilTHOiSiA, Fabr. — Tête petite. Antennes simples et filiformes dans les deux
sexes, un peu plus épaisses chez les mâles. Spiritrompe distincte et assez
longue. Palpes presque nus, écartés, arqués, un peu plus courts que la tête.
Ailes supérieures allongées, étroites, à bords parallèles, croisées l'une sur l'autre
par leur bord interne dans l'état de repos, les inférieures plus larges, for-
tement plissées sous les supérieures, les unes et les autres enveloppant l'abdo-
men quand elles sont fermées. Corps grêle, allongé, abdomen au moins aussi
long que les ailes inférieures. — Chenilles de couleurs variées, fusiformes, gar-
nies de tubercules surmontés d'aigrettes de poils, ordinairement courts et raides,
plus rarement longs et soyeux. — Chrysalides courtes, ramassées, luisantes, à
segments abdominaux inflexibles.
Les Lithosies ont les premières ailes très étroites; les secondes, au
contraire, très amples, pliées en éventail et comme roulées autour du
corps. En outre, les quatre ailes sont, au repos, tellement bien appli-
quées les unes sur les autres, qu'on ne voit en entier qu'une seule des
supérieures, qui cache presque entièrement les trois autres, ce qui donne
à l'insecte une forme allongée, toute spéciale et très différente de celle
des autres papillons. La couleur jaune domine chez les Lithosies, qui
n'ont aucun dessin sur les ailes, et dont les espèces sont, pour cette
raison, assez difficiles à distinguer les unes des autres. Les femelles
sont pourvues d'un crin triple. Les chenilles vivent des lichens des ar-
bres , des rochers ou des toits et se métamorphosent dans des coques
légères entremêlées de leurs poils, qu'elles filent soit dans les fentes des
écorces, soit sur la terre dans la mousse; on obtient assez souvent ces
chenilles en battant les taillis ou les buissons au-dessus du parapluie.
Si l'on veut les élever, il faut leur donner des écorces couvertes de li-
chens, qu'on a soin de tremper de temps en temps dans l'eau, ou mieux
d'injecter assez souvent au pulvérisateur, qui donne une pluie extrême-
ment fine de gouttelettes d'eau imitant la rosée, instrument dont l'usage
a été introduit par M. J. Fallou, et qui est précieux pour l'éducation
d'une foule de chenilles.
Nous citerons L. Complana, Linn., le Manteau à télé jaune de Geoffroy,
de toute la France, de Belgique , d'Angleterre, the Scarci Footman, la
plus commune de nos Lithosia, en juin, juillet et août, volant autour
des clématites en fleurs, sur les coteaux secs, les bruyères, etc., 33miU
350 LÉPIDOPTÈRES.
limètres d'envergure, les ailes supérieures d'un gris perle satiné, avec
la côte et la frange d'un jaune fauve, la couleur jaune de la côte for-
mant une bordure aussi large au sommet de l'aile qu'à la base, les ailes
inférieures d'un jaune pâle, avec une teinte grisâtre vers le bord anté-
rieur; antennes grisâtres ; corps gris, avec la tète, le collier en entier,
les pattes et l'extrémité de l'abdomen d'un jaune fauve. Chenille noi-
râtre, avec deux rangs de taches fauves et blanches presque oculées,
en avril et mai sur les Lichens des arbres, se tient cachée pendant le jour
dans les feuilles sèches, dans les endroits chauds et abrités, et se récolte
aisément en jetant au parapluie despoignées de feuilles sèches et les agi-
tant en tournant le parapluie dont le bout est fiché en terre. — L. Ca-
niola, Hubner, 33millimètres d'envergure, les ailes supérieures étroites,
d'un gris de perle pâle, avec la côte finement liséréc de jaune safran;
ailes inférieures d'un blanc très légèrement paillé; antennes et pattes
d'un gris j^ujiâlre ; tète et collier d'un jaune safran ; abdomen d'un gris
pâle, avec son extrémité un peu fauve dans le mâle seulement; lieux
habités, maisons, clôtures, édifices publics, même dans Paris, alentours
et balcons des vieilles cathédrales, Chenille vivant en mai et parfois très
abondante sur les Lichens qui croissent sur les tuiles des vieux; toits et
sur les murs, d'un gris terreux, avec deux lignes sous -dorsales fer-
rugineuses. — L. Auréola, iliihner, le Manteau jaune de Geoffroy, espèce
assez commune dans toute la France, de Belgique, de Hongrie, des îles
Britanniques, the Oruîiye Footman, 30 millimètres d'envcrgurC; Iss deux
sexes pareils ; antennes d'un gris noirâtre ; ailes supérieures d'un jaune
foîicé brillant, plus intense que dans les autres Lithosia, dessous noi-
râtre avec les bords jaunes ; ailes inférieures d'un jaune nankin pâle en
dessus et en dessous; tête et thorax de la couleur des ailes supérieures ;
abdomen grisâtre, avec l'extrémité un peu fauve; se cachant sous les
feuilles, en mai, juin et juillet. Chenille en août sur les Lichens des ar-
bres, d'un gris olivâtre, à verrues fauves, les sous-dorsales claires el
deux places jaunes sur les anneaux 3 et 8. — L. Lutarella, Linn., syn.
Lutoola, catalogue de Vienne, la plus petite de nos Lithosia, peu com-
mune, des bruyères et des lieux arides en juillet, espèce alpine et d'Au-
vergne, se prend à Fontainebleau, des dunes de Belgique en août, d'An-
gleterre, f/ie Small Footman, la chenille d'octobre à avril sur les Lichens
des bruyères et des arbres. Envergure, 26 millimètres; ailes supé-
rieures étroites, les quatre ailes en dessus d'un jaune paille foncé, ainsi
que la tète, le thorax et le bout de l'abdomen dont le reste est noi-
râtre, le tiers antérieur des ailes inférieures lavé de noirâtre, les supé-
rieures noirâtres en dessous avec bords jaunes. Nous représentons cette
espèce au port d'ailes de repos (planche xci, figure 7, 7a), tête de profil
avec spiritrompe, et, en outre (même planche, figure 6), une petite
Lithosia de l'Amérique du Nord, de 22 millimètres d'envergure, L. Lœta,
Boisd., d'un brun noirâtre, avec le bord de la côte des ailes supérieures,
les iai'érieures à rexceptioa de leur bord externe, et l'abdomen en des-
LITHOSIDES. 351
SUS d'un rouge rosé. A corisulter : A. Guenée, Études sur le genre U-
thosia; Ann. Soc. ent. Fr., 1861, p. 41.
Dans le sous-genre Cf/îop/ir/a, Stephens, les antennes sont ciliées cliez
le mâle, simples chez la femelle, les ailes peuvent avoir des taches.
Nous citerons ; G. Quadrq, Linu-, le Jaune à quatre points 4'Kugrain.j la
plus grande de nos Lithosies, lassez commune duns presque tous nos
bois en juin, juillet et gioût, de Pelgique, d'Angleterre, theUP'Oe Fuotimn,
de 35 à hO millimètres d'envergure, avec les pattes et lesfintennesd'un
bleu ardoisé luisant dans les deux sexes, le mâle avec }es aij.es supé-
rieures d'un gris cendré, plus foncé et luis^int h T^xtrémité, la base
d'un jaune fauve, et au-dessus, à la côte, une ta,cbe longitudinale d'un
noir bleu, les ailes inférieures d'un jaune pâle, avec le bord antérieur
grisâtre, l'abdomen jaunâtre, à bout noirâtre; la fenielle à ^iles supé-
rieures en entier d'un jaune fauve luisant, ^.vec deux gros points sub-
carrés d'un noir bleu, la tète et le tliorax d'un jaune fauve, l'abdomen
grisâtre, sans tache noire à l'extrémité. .Chenille soufrée, à côtés noire,
avec des verrues noires et orangées, en njai et jujn sur les Lichens des
chênes, parfois très commune, se retirant souvent dans les fentes des
écorces. — G. Rubricollis, Linn., the Red-necked FoQtman des Anglais:
84 millimètres d'envergure, entièrement d'un noir brun en dessus et en
dessous dans les deux sexes, avec les antennes noires, le collier d'un
rouge sanguin, les trois derniers aqneaux de l'abdomen d'un jaune
orangé. Chenille en automne et jusqu'en octobre sur les Lichens des
arbres et aussi des murailles et des rochers, très difficile à élever. Cette
espèce se trouve çà et là en mai et juin dans les bois de toute la France
et de Belgique, peu commune ; on la prend notamment tous les ans
près de Paris dans les allées et routes de la forêt d'Armainvilliers, accro-
chée au repos dans les herbes pendant la matinée; d'après M. Guenée.
elle voltige le jour autour des sapins dans les niontagnes.
Dans les genres de Lithosides qui suivent, les ailes ne sont pas rou-
lées au repos autour du corps. Le geure Nudaria, Stephens, présente
les antennes ciliées dans le mâle, simples chez la femelle, la spiri-
trompe nulle, les ailes larges, arrondies, peu chargées d'écaillés, à demi
transparentes. Les chenilles sont garnies de longs poils, atténuées et
assez allongées et vivent sur les murailles des jardins et des maisons
champêtres aux dépens des Cryptogames microscopiques qui couvrent
les pierres. Leur corps est presque diaphane, et ses longs poils gris
le rendent spécifiquement si léger relativement à son volume, que el
vent les emporte presque aussi aisément qu'un flocon de duvet. Les pa-
pillons volent très peu. Exemple : N. Mundana, Linn., the Muslin des
Anglais, en juillet, sur les vieux murs en pierres sèches, parfois sur les
Lichens des ormes, 20 millimètres d'envergure, les antennes et le corps
d'un gris un peu incarnat, les ailes supérieures subtrausparentes et
d'un gris clair, avec deux lignes brunes transverses et ondulées et un
point central brun entre elles. — iV-i/wrino, Espez, espèce plus commune
352 LÉPIDOPTÈRES.
que la précédente, surtout dans les terrains calcaires, la chenille parfois
par centaines sur les murailles en juin ; adulte en juillet, de 26 à 28 mil-
limètres d'envergure, corps et antennes d'un gris un peu incarnat, les
ailes supérieures de même couleur, avec deux points à la base, un
point central et deux lignes flexueuses de taches d'un brun noirâtre. Le
genre Calligenia, Duponchel, a les ailes en toit aplati au repos, et les
quatre nervules inférieures parallèles. Antennes longues et filiformes
dans les deux sexes, spiritrompe très longue ; palpes droits, à dernier
article très aigu. Une seule espèce de France, de Belgique, d'Angle-
terre, charmant petit papillon, des lisières des bois, des taillis, des plan-
tations, se trouvant partout en juin, mais jamais commun. — C. Mi-
niata, Forster, syn. Rosea, Fabr., la Rosette dEngr., the Red Arches des
Anglais, 26 millimètres d'envergure ; les ailes supérieures d'un rouge
minium, parfois jaunes par aberration, plus claires sur le disque, et
trois lignes noires polygonales ou courbes ; les ailes inférieures d'un
rouge pâle et sans taches en dessus et en dessous ; la tète et le thorax
rougeâtres, avec les yeux noirs; l'abdomen d'un jaune terne. Chenille
en avril et en mai, sur les Lichens des ormes et des chênes, grise,
à tête blonde, avec des poils d'un gris foncé, en brosses serrées et
plus longues sur les premiers anneaux, certains de ces poils simples à
la vue, les autres hérissés de cils et comme plumeux. — Le genre Setina,
Schrank, est formé en partie d'espèces des Alpes et des montagnes d'Au-
vergne, d'autres de plaines, offrant des papillons jaunes, à points noirs,
à nervulation particulière, les ailes en toit incliné au repos. Les antennes
sont ciliées chez le mâle, simples chez la femelle, les palpes très courts
et sans articles distincs, la spiritrompe rudimentaire, les ailes supé-
rieures presque aussi larges que les inférieures et se croisant à peine
par leur bord interne. Les femelles, toujours plus petites que les milles,
ont les ailes peu développées et volent à peine; elles attendent, cachées
dans l'herbe, les mâles qui voltigent lourdement dans les allées her-
beuses des bois ou dans les prairies de montagne, même pendant b
jour, mais surtout le matin et le soir. M. A. Guenée a découvert sur les
espèces du genre Setina (notes sur le genre Setina, Ann. Soc. eut. Fr.,
186Z|, p. 399 et suiv.) un organe de stridulation très remarquable et
bien étudié par le D"^ Laboulbène {Ann. Soc. ent. Fr., 186/i, p. 701 et
pi. X, fig. 5), existant développé chez les mâles, au maximum chez
S. Aurita (pi. xci, fig. 10), peu développé au contraire chez les femelles,
sauf chez S. Roscida, Fabr. Il consiste en deux vésicules sublriangu-
laires, à sommets arrondis, comme des tympans, sur les côtés du thorax^
très grandes eu égard aux dimensions de l'insecte, à surface lisse, sans
rides ni rugosités , creuse.; à l'intérieur, divisées en deux parties par
une légère cloison, sans attache du fond à la membrane extérieure,
sans corps interne pouvant agir à la façon d'un marteau. Le mâle seul
semble pouvoir produire une crépitation avec cet organe, comparable
au tic-tac d'une montre, soit quand on le saisit entre les doigts, soit
LITIIOSIDES. 353
quand il vole, mais pas toujours dans ce cas. Il est à croire que ce bruit
dépend entit>reaient de la volonté de l'insecte et qu'il est, soit un appel
d'amour, soit une plainte craïhtive. Probablement l'insecte est un lim-
balier et stridule par de pelits coups donnés du dehors, au moyen des
pattes, sur la membrane tendue ou par des pressions latérales rapides
des genoux.
Les chenilles des Setiiia sont garnies de petits faisceaux de poils im-
plantés sur des tubercules saillants; elles vivent sous les pierres et sur
les rochers, dont elles mangent les Lichens; leur croissance est lrt>s
lente. Les chrysalides sont assez courtes, un peu vonlrues, à anneaux
immobiles, enfermées dans un léger tissu, entremêlé de longs poils.
Nous citerons des espèces de plaine et des environs de Paris :
.S. Mesomella, Linn.; la Phalme jaune à quatre points, de Geoffroy;
YEborine, d'Engramelle, de 30 millimètres d'envergure, les antennes
jaunâtres, le corps d'un gris noirâtre, avec la tête, le devant du thorax
et l'extrémité de l'abdomen d'un jaune pâle; ailes supérieures blan-
châtres ou jaunes (variété aussi commune que le type), avec les bords
plus foncés et deux petits points noirs, l'un au milieu de la côte, l'autre
près du milieu du bord interne. Ailes inférieures d'un gris noirâtre,
avec une tache longitudinale et le bord postérieur d'un jaune pâle.
Espèce commune en juin et juillet dans les bois de toute la France;
aussi de Belgique et d'Angleterre. Chenille ressemblant au premier
abord à celle de Calligenia rosea, à tête ferrugineuse, à corps noir, avec
verticilles (et non brosses) de poils veloutés de même couleur, vivant
en avril et mai des lichens des chênes, se tenant pendant le jour sous
les feuilles sèches au pied des chênes, dansles endroits les plus chauds,
en compagnie de la chenille de Lithusia complana; S. Irrorclla, Linn.,
syn. Irrorea (cat. de Vienne), de France, de Belgique, d'Angleterre.
Espèce répandue partout, sans être très commune, la femelle rare, se
trouvant en juin, juillet et août dans les endroits secs, sur les talus des
chemins, sur les collines chaudes et pierreuses, volant pendant le jour ;
30 millimètres d'envergure; antennes noires dans les deux sexes, ciliées
de gris chez le mâle; corps noir, varié de jaune fauve au thorax, à
l'anus, aux pattes; les ailes supérieures d'un jaune fauve avec trois
séries transverses de petits points noirs, le dessous noirâtre; ailes infé-
rieures en dessus et en dessous d'un jaune pâle, tantôt sans taches,
tantôt avec un ou deux points noirs près de l'angle du sommet. Che-
nille jaune, à dessins noirs et à longs poils; en mai et en juin, sur les
Lichens des arbres et des pierres; jaune, à dessins noirs et à longs
poils. Parmi les espèces de montagne, il faut citer surtout S. Aurita,
Esper., dont le mâle présente l'organe sonore bien développé; peut-
être faut-il regarder comme des races de cette espèce, S. Ramosa,
Fabr. ; S. Anderreggi, Herr. Sch., et sa remarquable variété à larges
traits noirs, S. RiffelUmis, découverte à Zermatt (Valais), par M. J. Fal-
lou {Ann. Soc. Entom. Fr., 1855, p. 97).
GIRARD. 111. — 23
354 LÉPIDOPTÈRES.
Les lamilles suivantes constituent les Plantivorœ de M. Guenée, car
elles ne vivent plus de Lichens, mais des feuilles de plantes basses
phanérogames. Tantôt les ailes sont plus ou moins roulées au repos
autour du corps, tantôt elles sont libres et en toit déclive. Ces familles
font un passage évident auxChéloniens. Les chenilles sont ou velues à
la façon de celle des Lithosies^ou à peu près rases, et le cocon mou et
mêlé de poils.
ÉMYDIDES.
Les caractères de cette famille sont ceux du genre Emydia, Boisd.,
syn. Eulepia, Curtis, nom plus ancien, adopté avec raison en Angle-
terre. Le corps est grêle, les antennes pectinées dans le mâle, ciliées
dans la femelle; la spiritrompe distincte, est assez allongée, les ailes
supérieures étroites et allongées, les inférieures larges et plissées sous
les supérieures; les unes et les autres enveloppant l'abdomen au repos.
Les papillons volent assez rapidement pendant le jour, et surtout au
soleil. Les chenilles des deux espèces à'Emydia, espèces à la fois de
France, d'Angleterre, de Belgique, passent l'hiver très petites et sont
à toute leur taille à la fin. de mai et en juin. Elles aiment les clai-
rières des bois et grimpent souvent à la sommité des brins d'herbe et
des tiges sèches. Elles ressemblent aux chenilles des Lithosides par
leurs faisceaux de poils en aigrettes étoilées, implantés sur de petits
tubercules saillants, mais elles se nourrissent de graminées, de genêts,
de diverses chicorées; on peut les élever en captivité avec du pis-
senlit ou de la salade. Leur transformation a lieu dans un cocon lâche
entouré de mousse, et la chysalide est courte, ventrue, à anneaux
immobiles. Espèces : E. Grammica, Linn.; Y Écaille chouette, d'Engr.,
the Feathered Footman, 30 à 35 millimètres d'envergure, les ailes su-
périeures jaunâtres chez le mâle, avec beaucoup de lignes longitudi-
nales et une petite lunule à l'extrémité de la cellule discoïdale, noires,
ces ailes d'un gris jaunâtre chez la femelle et avec peu de lignes noires;
ailes inférieures d'un jaune plus vif que les supérieures, avec les
bords antérieur et postérieur et une lunule centrale noirs; antennes
d'un brun noirâtre, très pectinées chez le mâle; thorax d'un gris jau-
nâtre, avec deux points et cinq traits longitudinaux noirs ; abdomen d'un
jaune fauve, avec une rangée de taches noires sur le dos et trois séries
de points noirs sur le ventre; aberration mâle à ailes supérieures beau-
coup plus chargée de noir et à ailes inférieures noires, partout où est
le type, mais rare; aberration femelle à ailes supérieures blanches
(Maurice Sand). Espèce assez commune dans toute la France, fin
juin et juillet, sur les coteaux calcaires; près Paris, à rechercher à
Bouray, Lardy, Champigny, etc. ; chenille difticile à élever, noire, à
ventre gris et ligne vasculaire rouge; E. Crihrum, Lin., le Crible
d'Engr., the Speckled Footman , espèce des mêmes localités que la
précédente, mais beaucoup plus rare, 35 millimètres d'envergure, le
EMYDIA, DEIOPEIA. 355
corps blanc, avec trois séries longiludinalcs de points noirs sur l'ab-
domen, l'anus jaune; ailes supérieures d'un blanc bleuâtre, avec
cinq rangées transversales de points noirs; ailes inférieures d'un gris
cendré plus ou moins foncé et la frange blanche; femelle plus as-
sombrie, avec les rangées de points noirs formant souvent des bandes
longitudinales un peu nébuleuses. Beaucoup de variations; ainsi, une
variété alpine, Candida, Cyrilli, assez fréquente, des Basses-Alpes,
de la Lozère, du Gers, de la Gironde, du Cantal, de l'Indre, des
environs de Paris, ayant les ailes supérieures en entier dun blanc
un peu nacré, avec deux petits points noirs seulement au bout de la
cellule discoïdale, et une variété pyrénéenne ayant, au contraire,
avec les lignes de points du type, le fond des ailes supérieures d'un
gris cendré obscur et les ailes inférieures noirâtres, ainsi que le tho-
rax et l'abdomen, dont l'extrémité est jaune dans le mâle. Chenille
noire, à ligne vasculaire blanche et quelques poils blancs; s'élève
assez facilement, mais est plus difficile à trouver que la précédente,
car elle se cache pendant le jour sous les herbes et les feuilles sèches.
EUCHÉLIDES.
Antennes filiformes ou à peu près dans les deux sexes; palpes
courts; spiritrompe variable; ailes larges, non enroulées au repos
autour du corps, mais disposées en toit très incliné. Adultes volant pen-
dant le jour.
DEIOPEIA, Stephens. — Antennes simples cliez la femelle, légèrement ciliées
cliez le niàte. Spiritrompe très longue. Palpes débordant la tête, arqués, à der-
nier article distinct et obtus. Ailes supérieures plus étroites que les inférieures.
Ce genre est composé d'une unique et charmante espèce, rencon-
trée dans une partie de l'Asie et de l'Afrique, très répandue dans le
midi de la France et de l'Europe, fort abondante dans les lieux bas et
herbus, attirée pendant la nuit par les lumières, remontant par
plaies, mais très rare ou rare, dans le Doubs, l'Auvergne, l'Alsace ,
l'Indre, les environs de Paris, même la Belgique, la Hollande et l'An-
gleterre; paraissant en juin et aussi en septembre : c'est D. Puichella,
Linn., syn. Pulchra, cat. devienne; la Gentille, d'Engramelle, enverg.
/lO à U'ô millimètres; antennes brunes; corps d'un blanc bleuâtre, avec
des taches noires et orangées sur le thorax et une série longitudinale
de points noirs sur chaque côté de l'abdomen; ailes supérieures d'un
blanc très légèrement jaunâtre, avec beaucoup de points noirs formant
des lignes transverscs irrégulières, parmi lesquelles il y a seize h dix-
huit taches inégales d'un rouge écarlate; ailes inférieures d'un blanc
bleuâtre, avec une bande noire terminale, ayant son côté interne pro-
fondément échancré eu sou milieu. Chenille également très jolie, sem-
blant emprunter sa riche parure aux fleurs sur lesquelles elle aime à
356 LÉPinoPiÈUES.
se reposer; ressemblant, pour les faisceaux de poils, aux chenilles des
Ëmydia, d'un brun grisâtre en dessous, d'un blanc jaunâtre eu dessus,
avec deux lignes longitudinales de points noirs de chaque côté et deux
traits écarlales, un de chaque côté, par segment (voy. pi. xci, fig. 8),
vivant sur beaucoup de plantes herbacées, dont elle ronge les feuilles,
uotaniment sur l'héliotrope {Ueliotropium Europœum) et la vipérine
( Echium vulgare).
Dans le genre voisin Euchelia, Poisd., les antennes sont courtes et
simples dans les deux sexes, la spiritrompe invisible, les palpes très
court, velus, à dernier article obtus, les ailes supérieures subtriangu-
laires. Une espèce d'Kurope, répandue partout, en mai et juin,
ÏE. jacobeœ, Linn.; la Phalène carmin du Séneçon, de Geoffroy, the
Cinnabar Moth des Anglais, a 35 à 38 millimètres d'envergure; le
corps et les antennes noirs, les ailes supérieures d'un noir grisâtre en
dessus et en dessous, avec deux taches d'un rouge carmin près du
bord externe et deux bandes de même couleur, la plus grande lon-
geant presque toute la côte; les ailes inférieures d'un rouge carmin
en dessus et en dessous, avec le bord antérieur et une fine bordure au
bord postérieur d'un noir grisâtre; la frange des ailes de la même
couleur. Dans une très rare aberration, le rouge carmin est remplacé
par du jaune orangé. Des jardins, des prairies, des dunes, beaucoup
plus commune en certaines années. On fait partir le papillon devant
soi quand on se promène dans les champs. La chenille, par exception,
est rase, sauf quelques courts poils isolés, qui partent immédiatement
de la peau; fauve avec des bandes noires; vivant par groupes sur le
séneçon {Senecio jacobea) dans tous les lieux cultivés, en juillet, août
et septembre; très abondante sur les côtes méditerranéennes, où elle
se nourrit de la cinéraire maritime. La chrysalide passe l'hiver,
entourée d'un cocon d'un tissu léger et transparent.
Tribu des CHELOIVIEIVS.
Les Chéloniens (4), qu'on nomme souvent Écailles, tiennent de très
près aux Lithosiens, avec l'extension que nous avons donnée à ces derniers.
Us forment, en laissant de côté la magnifique tribu exotique des Ura-
niens, la tribu la plus richement colorée des Hétérocères, surtout pour
les ailes inférieures cachées et protégées contre le soleil par les supé-
rieures; ces couleurs sont plus pures et plus délicates que chez les
Hhopalocères, où le rouge notamment est toujours lavé de fauve ; mais,
dans les collections, elles s'altèrent très vite à la lumière et blanchis-
sent. Ces belles ailes sont larges et bien taillées, et, dans beaucoup
(1) Nous supposons bien que personne ne fera confusion avec l'ordre des Ché-
loniens ou Tortues, dans les Reptiles écaiileux.
CHÉLONIENS, CALLÏMOUPHLDES. 357
d'espèces, le corps participe par son éclat à la richesse de l'ensemble,
en raison des taches et des anneaux de diverses teintes dont il est orné.
Bien que volant surtout le soir, beaucoup d'espcces ne craignent pas de
se montrer en plein soleil, au repos sur les feuilles, les murs, les troncs
d'arbres et s'envolant au bruit qu'on fait en s'approchant d'elles. Il en
est dont le vol est assez agile {Nemeophila, Callimorpha); d'autres au
contraire sont pesantes et paresseuses, telles les Spilosoma et surtout les
Arctia. Les antennes des mâles sont, le plus ordinairement, un peu
pectinécs ou fortement ciliées, celles des femelles presque simples ou
fortement ciliées, les ailes en toit au repos, l'abdomen gros et peu
allongé.
Les chenilles des Chéloniens sont toutes plus ou moins velues; plu-
sieurs, appelées parfois Oursonnes, portent sur le dos une véritable
fourrure de longs poils, insérés sur de petits tubercules ou boutons
hémisphériques, durs et brillants. Quelques espèces sont si vives dans
leurs allures qu'elles semblent courir plutôt qu'elles ne marchent, sur-
tout quand elles parcourent les bords des roules et les sentiers au mo-
ment de la nymphose. Elles sont généralement polyphages, peu
voraces et partant rarement nuisibles, quelques-unes sociales et à
découvert dans le jeune âge, vivant en général solitaires et cachées sur
un grand nombre de plantes basses ; elles sont très faciles à élever, ce
qui est précieux pour les amateurs, qui aiment à obtenir des sujets
bien frais pour les collections. La métamorphose s'opère dans un cocon
à tissu très mou, dans lequel la chenille fait entrer, pour consolider
son œuvre, la plus grande partie des poils qui composent son vêtement
et qui, à cette époque de sa vie, se détachent avec une extrême facilité.
La plupart des Chéloniens demeurent peu de temps en chrysalide.
CALLIMORPHIDES.
Papillons à ailes larges, luisantes, l'abdomen glabre, peu conique,
avec deux glandes à la base. Ce sont des vésicules recouvertes d'écail-
lés, qui existent, non seulement chez nos Callimorpha Dominula et
Hera indigènes, mais chez les Setina elles-mêmes, tout à fait indépen-
dantes de l'organe musical, de sorte qu'on ne peut pas les regarder
comme remplaçant cet organe, puisqu'elles l'accompagnent chez les
femelles comme chez les mâles, ayant leur plus grand degré de déve-
loppement chez des espèces tout à fait dépourvues des timbales thora-
ciques ; leur destination spéciale paraît encore inconnue. On les trouve
à leur maximum chez des Callimorphides exotiques, ainsi chez les
Pericopis, surtout P. Catilina, Cramer, de Cayenue, moins saillantes
chez Ephestris Malaxantha, Hùbner, du Brésil, espèce jaune et
noire, etc. Les chenilles des Callimorphides sont assez allungées, cylin-
droïdes, ornées de couleurs variées et hérissées de. poils courts £ur
358 LÉPIDOPTÈRES.
fies verrues verticillées. Elles se nourrissent de plantes basses; la chry-
salide est renfermée dans une coque légère.
CAIiOlIORPHA, Latr., Syn. Hvpercompa, Steph. — Antennes longues et sim-
ples dans les deux sexes, celles du mâle un peu moins grêles ; spiritrompe très
développée. Palpes écartés, peu velus, un peu plus longs que la tète. Corps
plutôt écailleux que velu. Thorax assez petit. Ailes en toit au repos, les infé-
rieures un peu plissées. Abdomen cylindroide, de grosseur médiocre, de la
couleur des ailes inférieures.
Il y a deux espèces répandues dans une grande partie de l'Europe :
C. Doininula, Linn., rÈcaille marbrée de Geoffroy, the Scarlet Tyger des
Anglais, du nord de la France, de Belgique, 52 millimètres d'enver-
gure, les deux sexes pareils. Thorax d'un vert noir brillant, avec deux
traits jaunes longitudinaux. Ailes supérieures d'un vert noir brillant,
avec beaucoup de taches inégales, dont une oblongue, toujours jaune,
près de l'origine du bord interne, deux orbiculaires, mi-blanches, mi-
jaunes, vers le milieu de la côte, les autres blanches, éparses vers le
bord externe-, ailes inférieures d'un rouge carmin, avec trois taches
noires irrégulières. Abdomen d'un rouge carmin en dessus, avec une
ligne dorsale et l'anus noirs. Cette espèce présente beaucoup de varia-
tions; parfois le rouge est remplacé par du jaune d'ocre; d'après
M. Rellier de la Chavignerie, dans le Caucase, cette variété jaune rem-
place le type rouge. Dans le sud de l'Italie, ancien royaume de Naples,
Calabre, Abruzzes, est une race locale, dont on avait fait une espèce,
C. Donna, Dup., avec les ailes inférieures et Tabdomen jaune et beau-
coup plus de noir aux ailes supérieures et inférieures. Par variation on
voit des sujets revenir du jaune au rouge aux ailes inférieures, c'est-
à-dire au type de l'Europe centrale et septentrionale. Des aberrations
offrent les taches blanches des ailes supérieures changées en taches
jaunes; enfin d'autres ont les ailes inférieures de couleur lie-de-vin.
Les œufs de C. Dominula récemment pondus sont d'un joli vert éme-
raude, sphériques, à surface parfaitement lisse. Au moment même
de la ponte ils sont d'un léger jaune verdâtre. L'espèce se rencontre
en juin et juillet dans les lieux humides et ombragés, les bords des ruis-
seaux, les prés marécageux ; c'est là qu'en avril et mai on trouve la
chenille sur beaucoup de plantes basses, surtout les Borraginées ; elle
est d'un noir bleu, avec trois bandes soufrées. Près de Paris les che-
nilles de cette espèce sont abondantes sur les bords de la Biôvre, à la
Minière, près de Versailles, au delà de la plaine Satory, de part et
d'autre de l'usine d'engrais de sang; on les trouvait autrefois à Saint-
Germain. Elles sont diurnes, mangent pendant le jour, se plaisent au
soleil. Elles sont polyphages, mais préfèrent la Grande Consoude. On les
trouve aussi sur le Chardon, l'Ortie, la Ficaire, la Cynoglosse (Saint-
Germain), sur les Lamium, le Genêt, le Troène, et même parfois sur les
CALtIMORPHA. 359
arbres. Elles sont tr^s faciles à 61cver. LeC. Hera, Linn., la Phalène chinée
de GeoiTroy, manquant dans les Iles Britanniques, répand, lors de l'éclo-
sion, une odeur musquée, se trouve un peu partout en juillet et août,
dans les broussailles, les jardins, les haies, les lieux humides, etc.,
posée durant le jour, s'envolant dès qu'on approche, environ 55 à
60 aiillimètres, les deux sexes pareils. Antennes d'un brun noirâtre;
thorax d'un noir verdàtre, avec deux lignes longitudinales, les bords
des ptérygodes et le Iront d'un jaune paille. Ailes supérieures d'un
noir glacé de vert, avec quatres bandes transverses à partir de la base,
puis une double bande entre-croisée en Y, et tout le bord interne, d'un
jaune paille, avec deux points noir à l'angle interne sur un espace
jaune, la frange entrecoupée de noirs vers l'angle apical; ailes infé-
rieures d'un rouge écarlate avec quatre taches noires. Abdomen de la
couleur des ailes inférieures ou un peu jaunâtre, avec quatre rangées
longitudinales de points noirs; une variété où le rouge des ailes infé-
rieures et de l'abdomen est remplacé par du jaune d'ocre, très rare
dans l'intérieur de la France, beaucoup plus fréquente en Bretagne,
ainsi près de Rennes (Oberthur) et surtout sur les côtes bretonnes, près
de Saint-Malo, de Cancale, de Granville, de Cherbourg, où on la dit
plus fréquente que le type, assez commune aussi sur les côtes nor-
mandes. Il y a, comme nous voyons, des variétés qui obéissent à cer-
taines lois de centralisation, ainsi que nous avons observé, dans le
S.-O. de la France, la femelle du Souci (Colias Hyale) prenant fréquem-
ment la forme Hélice, très rare aux environs de Paris. On cite des va-
riétés intermédiaires d'un jaune rougeâtre ou bien où le jaune n'apparaît
que par places aux ailes inférieures (collection Fallou). M. J. Failou a
élevé la ponte d'un C. Hem jaune, mais fécondée par un mâle inconnu.
Il a obtenu, sur huit éclosions, six sujets jaunes sans dégénérescence
et deux rouges. Il serait fort curieux de faire accoupler deux sujets
jaunes et d'élever la ponte ; mais il ne paraît pas possible de faire
accoupler en captivité C. Hera, beaucoup plus sauvage que C. Dominula;
en général, les espèces à spiri trompe développée et qui mangent ne
s'accouplent pas captives ; l'accouplement en captivité est au contraire
très fréquent pour les espèces à organes buccaux atrophiés et dont la
génération reste la seule fonction possible. Le catalogue de Belgique
cite C. Hera en août dans les terrains rocailleux. Cette espèce n'est pas
portée dans les catalogues du département du Mord. Dans les Alpes-
Maritimes, d'après M. Milière, où C. Dominula semble ne pas exister,
C. //era est assez rare, mais a deux générations par an : la première en
mai, la seconde en août. La chenille de C. Hera est brune, avec un
dessin crucial jaune ou roux sur les anneaux et la stigmalale de
même couleur; éclose en automne, elle hiverne et parvient à toute
sa taille en mai et juin, vivant sur beaucoup de plantes basses,
notamment les Orties et les Borraginées et, aussi sur le Genêt à
balais, le Prunier, le Prunellier, le Groseillier, la Vigne, etc. En capti-
360 LÉPIDOPTÈRES.
vite on les nourrit très bien avec de la Bourrache, du Pissenlit, de la
Laitue.
Nous ferons remarquer que, par l'exposition aux vapeurs d'acide
chlorhydrique ou azotique, ou transforme immédiatement en jaune
le rouge des C. Domimda et Hem; mais la couleur rouge reparaît peu
à peu, avec le temps, par le dégagement à l'air des vapeurs acides, et
immédiatement si on les neutralise par le gaz ammoniac, dégagé de
l'alcali volatil. Nous représentons (pi. xci, fig. U) une Callimorphe exo-
tique, C. Le Contei, Boisd., de l'Amérique du Nord, 52 millimètres d'en-
vergure, le corps blanc, avec le sommet de la tête d'un jaune pfde et
une large ligne noire ou brune régnant du thorax à l'extrémité de l'ab-
domen ; les ailes supérieures noires ou brunes, suivant l'état de fraî-
cheur du papillon , offrant chacune cinq grandes taches arrondies et
irrégulières blanches, plus ou moins confluentes, selon les sujets, les
ailes inférieures blanchâtres et sans taches, le dessous des ailes sem-
blable au dessus, mais avec le noir très pâli, les pattes légèrement tein-
tées de jaune.
CHÉLONIDES.
La famille des Cbélonides correspond aux Plwnicornes de M. Guenée
et à ses Hirsutœ pour les chenilles. Les papillons ont le corps robuste,
velu, ainsi que les pattes, les antennes ordinairement garnies de lames
distinctes chez les mâles et dentées chez les femelles; la spiritrompe ou
rudimentaire ou nulle; les palpes très courts; les ailes à couleurs vives
ou à taches tranchées, ces ailes épaisses, peu ou point plissées. Che
nilles entièrement hérissées de poils verticillés, souvent fort longs.
Cette famille est abondamment représentée en Europe, et ses espèces
exotiques se rapprochent beaucoup des nôtres.
MElMEOPHlIiA, Slephens. — • Antennes du mâle pectinées, celles de la femelle
fiiliformes ou finement dentées. Spiritrompe grêle, mais distincte. Thorax velu;
femelles différentes des mâles. — Chenilles garnies de bouquets de poils asses
courts, ceux des derniers anneaux un peu plus longs. — Chrysalides cylindrico-
coniques, avec une pointe anale légèrement ciliée.
Ce genre, détaché des anciens Chelonia, compte au moins deux es-
pèces en Europe, toutes deux des lies Britanniques et de Belgique.
Leurs chenilles courent très vile et se nourrissent d'une foule de plantes
basses. Leur transformation a lieu dans une coque soyeuse molle, assez
spacieuse. N. plantaginis, Linn., Y Écaille noire à bandes jaunes, d'Engr.,
the Wùod Tyger, 38 millimètres d'envergure. Ailes supérieures du mâle
noires foncées avec trois bandes, dont deux croisées en X, et une tache
médiane, d'un jaune blanchâtre, le tiers de la côte orangé; ailes infé-
rieures d'un jaune d'ocre, quelquefois un peu rosé, avec deux rayons à
la base, quatre à cinq taches sur le disque et une bande terminale si-
NEMEOPHILA. 361
nuée, noirs; antennes noires, avec la tige jaunâtre; thorax noir, avec
un collier orangé, du jaune grisfitre bordant les ptérigodes; abdomen
d'un jaune orangé, avec le dos et les incisions du ventre noires. Femelles
à ailes supérieures pareilles à celles du mâle, sauf le tiers de la côte qui
est rouge ; ailes inférieures rouges, avec les rayons noirs de la base con-
fondus et envahissant la moitié de l'aile, la bande terminale rouge avec
trois ou quatre taches noires; abdomen rouge, avec une bande longi-
tudinale et souvent les côtés noirs. Cette espèce varie beaucoup, par le
nombre des rayons noirs et des taches ou leur absence, le mâle à ailes
inférieures rouges comme la femelle, etc. Il y a deux types d'aberrations
inverses, les unes dont le fond converge vers le noir, les autres, au con-
traire, où les ailes deviennent jaunes, surtout les inférieures, et même
celles-ci complètement, par disparition des dessins noirs. Dans les mon-
tagnes, on trouve à la fois le type, une race Matronalis, Freyer, envahie
par le noir, les ailes inférieures, presque toutes noires chez le mâle, et
même tout à fait, et une race fréquente (mâle), Hospita, cat. de Vienne,
où le blanc remplace le jaunedii type, et qui offre les deux séries d'aber-
rations inverses indiquées, sur fond blanc, au lieu d'être sur fond jaune.
On trouve parfois, mais très rarement, Hospita en plaine ; ainsi près de
Metz, de Paris, etc. Dans la collection Fallou figure une Matronalis-
Hospita, c'est-à-dire très noire avec quelques raies blanches. N.plauta-
ginis est essentiellement une espèce des bois des montagnes moyeimes
de toute la France, de 1000 à 1500 mètres d'altitude; elle se trouve
aussi çà et là, au mois de juin et au commencement de juillet, dans les
bois étendus et humides de la plaine ; ainsi à Armainvilliers, près de
Paris, à Compiègne, dans plusieurs bois du département du INord (Pha-
lempin, Carvin, etc.). Cette espèce vole dans le jour, et les deux sexes
partent au vol quand on approche ou qu'on bat les buissons.
De loin on la confond, par les couleurs, avec les petites espèces du
genre Argynnis, mais l'allure du vol est différente. On trouve la che-
nille d'octobre à mai ; elle est polyphage et passe l'hiver très petite, vit
surtout sur les plantains, pissenlits et autres plantes herbacées, avec
lesquelles on l'élève aisément. F]lle a le corps noir, piqueté de petits tu-
bercules piligères blanchâtres, ce qui lui donne delà ressemblance avec
une chenille de Vanessa lo (Paon de jour), où les épines seraient rem-
placées par des aigrettes de poils. Les anneaux k, 5, 6, 7, 8, 9 sont cou-
verts de poils roux ou ferrugineux, ceux des autres anneaux étant noi-
râtres. L'autre espèce répandue de Nemeophila est le N. Russula, Linn.,
la Bordure ensanglantée de Geoffroy, the Clouded Buff des Anglais, ZiO mil-
limètres d'envergure; antennes pectinées, chez le mâle, brunes avec la
tige rose, le corps jaune, avec le thorax plus foncé et les pattes rouges;
ailes supérieures d'un jaune roussâtre, avec les bords et une tache dis-
coidale d'un rouge rosé, cette tache plus ou moins entremêlée de brun;
ailes inférieures d'un jaune blanchâtre avec une bordure rose , suivie
d'une bande noiràti'e plus ou moins bien marquée, et une tache discoï-
362 LÉPIDOPTÈRES.
dale, un peu sinuée, noirâtre, souvent séparée en deux par un tra
jaune blancliAtre; femelle très différente du mâle, plus petite, avec les
ailes courtes et réduites; antennes presque filiformes; ailes supérieures
de même dessin que celles du mâle, mais d'un jaune roux (tabac d'Es-
pagne); ailes inférieures à base noirâtre, avec la bande transverse et la
tache du disque d'un brun noir plus ou moins intense; abdomen avec
le dessus annelé de noir brun. Cette espèce existe dans une grande par-
tie de la France, habitant les localités arides, herbues et pierreuses des
régions calcaires, en juin ,j uillet et commencement d'août; le mâle part au
moindre bruit qui l'inquiète pour aller se poser un peu plus loin ; la fe-
melle vole très peu, vu la réduction de ses ailes, aussi est-elle rare dans les
collections. On trouve la chenille , qui est hivernante, de novembre à
mai, sur le mouron, le pissenlit, le plantain et le séneçon; elle est noi-
râtre, avec la ligne vasculaire blanche coupée de fauve. Elle est assez
difficile à rencontrer et à élever; on y réussit passablement en la tenant
en l'air et la nourrissant avec les plantes que nous avons citées. Nous
pensons devoir placer dans le genre Nemeophila, en raison d'une spiri-
trompe distincte et à filets grêles, une très rare espèce de Eaponie,
très difficile à se procurer pour les collections, N. Lapponica, Thunberg.
CHI2l,OMIA,Latr., Syii. Arctia., Eyprepia, auteurs anglais et allemands, — Tète
petite, retirée sous le prothorax. Antennes plus ou moins pectinées dans le
mâle, dentées ou filiformes dans la femelle. Spirilrompe ou rudimentaire ou
courte à filets disjoints. Palpes courts, moitié velus, moitié squameux, réunis
en forme de bec. Thorax épais, velu ou laineux. Ailes larges et complètes dans
les deux sexes, bigarrées de couleurs vives, en toit écrasé au repos. Abdomen
velouté, gros, cylindroïde. ordinairement de couleur vive et marqué de taches
ou d'anneaux noirs. — Chenilles garnies de poils rudes, épais, ordinairement
longs, implantés en faisceaux divergents sur des tubercules d'une couleur plus
claire que le fond. — Chrysalides obtuses, cylindrico-coniques, avec l'extrémité
anale bilobée et garnie de petites épines.
Les Chélonies sont essentiellement nommées Écailles ; leurs espèces
sont nombreuses et de taille moyenne, toutes ornées de couleurs
vives avec les ailes inférieures souvent jaunes ou rouges, présentant
des taches plus foncées, et trois crins à l'appareil du frein chez les fe-
melles. L'éclat des couleurs les fait ressembler au premier abord à des
papillons de jour. On en connaît d'à peu près toutes les parties du
monde, des régions arctiques et des hautes montagnes. Il y en a 23 es-
pèces en Europe et la faune de Berce en décrit 11 pour la France. Les
chenilles vivent solitaires, en général sur les plantes basses, et courent
rapidement avec des ondulations précipitées, surtout au moment de la
nympiiose, qui s'accomplit dans des coques spacieuses d'un tissu lâche.
Nous ne décrirons que quatre espèces, les plus répandues en France,
les deux premières aussi des Iles Britanniques : C. Co/a, Linn., l'Écaitle
CHELONIA. 363
martre do Geoffroy, the Ganlen Tyqer, G2 à 70 millimètres d'envergure ;
antennes blanches, avec les barbes brunes chez le mâle, filiformes chez
la femelle, qui, pour le reste, est pareille au mule; thorax d'un brun
café, avec un collier rouge; ailes supérieures d'un brun cai'é, avec des
bandes blanches sinueuses et dont les postérieures se croisent enX;
ailes inférieures d'un rouge brique, avec six ou sept taches d'un bleu
très foncé, bordées de noir. L'Écaillé martre est une espèce assez com-
mune partout, dans les jardins, les sentiers, les allées de bois, en juin,
juillet, août. Elle varie beaucoup, tant pour la largeur des bandes et
des taches que pour la couleur des ailes inférieures. Le fond de celles-ci,
au lieu d'être rouge, est assez souvent jaune, ainsi que l'abdomen. Go-
dart a représenlé une aberration femelle qui n'a que des points blancs
aux ailes supérieures et dont les inférieures sont entièrement envahies
par la confluence des taches d'un noir bleu. M. Bellier de la Chavigne-
rie a décrit une autre aberration femelle, provenant d'une chenille
trouvée aux environs de Paris, offrant les ailes supérieures entièrement
brunes, sauf deux petites taches d'un blanc sale à la base, et les ailes
inférieures d'un gris roussàtre uniforme, sans aucune apparence de
taches. Caroff avait obtenu d'éclosion une C. Caja à ailes inférieures
jaunes, les ailes supérieures marquées d'intervalles blancs, de mar-
brures extrêmement fines, comme linéaires, avec des rosaces sur le
milieu. Dans la collection Auguste, de Bordeaux, se trouvait un sujet
de C. Caja à dessins presque tous effacés, sauf un peu conservés aux
bords antérieurs des ailes supérieures, le reste uniformément d'un
fauve testacé, et un second sujet encore plus sans dessins et à ailes in-
férieures presque nues.
La chenille de C Caja vitpolyphage, en mai et juin, sur beaucoup de
plantes herbacées et sur les Genêts; c'est par excellence une oursonne
couverte de longs poils roux, ceux des côtés gris, les verrures piligères
blanches dans le jeune âge; C. Villica, Linn., VÉcaille marbrée de
Geoffroy, the Cream-spot Tyger, 55 millimètres d'envergure; antennes
noires, pectinées chez le mâle, filiformes chez la femelle, qui est sem-
blable pour le reste ; thorax noir, avec une tache blanche à l'origine
des ptérygodes; ailes supérieures d'un noir velouté, avec huit taches
blanches, d'un blanc très légèrement jaunâtre chez les sujets bien frais,
disposées ainsi qu'il suit, de la base au sommet, 1, 2, 2, 2, 1; ailes infé-
rieures d'un jaune foncé, avec quatre à sept taches noires; abdomen
jaune à la base et d'un rouge carmin vers son extrémité, avec trois séries
longitudinales de taches noires. Les œufs de cette espèce sont très jolis,
tout à fait spliériques, d'un blanc un peu jaunâtre au moment de la
ponte, avec une brillante teinte nacrée à reflet opalin. Cette belle écaille,
moins commune dans certaines régions que la précédente, se trouve en
juin dans les jardins, les vergers, les broussailles, volant le jour lors-
qu'elle est troublée. Il y a un type allemand, qui se distingue bien
dans les collections d'avec la race française, par le noir du fond
364 LÉPIDOPTÈRES.
plus intense aux ailes supérieures, les taches blanches plus arron-
dies et les taches noires des ailes inférieures formant presque des
bandes, [.a collection Fallou présente des sujets des Vosges intermé-
diaires entre les races allemande et française. Dans les deux races
il y a de nombreuses abeiTations; ainsi, par confluence, les taches
blmches des ailes supérieures tendent à former une ou deux
bandes transversales irrégulières, en même temps qu'il y a dimi-
nution du nombre des taches noires des ailes inférieures. Dans
une aberration provenant d'une chenille des environs de Paris et pré-
sentée en 1856 à la Société entomologique de France, les taches blan-
ches des ailes supérieures sont très larges et réunies, laissant fort peu
de place au noir, qui, dans les sujets ordinaires, est la couleur domi-
nante; aux ailes inférieures il n'existe que quatre taches noires 'très
petites et réunies en groupe près du bord externe. On a indiqué une
variété constante d'Allemagne, Angelica, Boisd., à taches des ailes supé-
rieures fauves, et une aberration femelle qui a les ailes inférieures
brunes, La chenille de C. Villica passe l'hiver et se rencontre d'octobre
à avril sur beaucoup de plantes herbacées, sur la millefeuille, le genêt,
le chèvrefeuille, etc. Les petites chenilles de l'hiver se serrent et se
rassemblent les unes contre les autres pour avoir moins froid. Cette
chenille est noire, à longs poils bruns, avec la tête et les pattes rouges
et se trouve souvent le long des murs de campagne et des haies, ou
courant à terre sur les chemins; C. Purpurea, Linn., VÊcaiUe mouchetée
de Geoffroy, Zi8 millimètres d'envergure; antennes jaunes, pectinées
chez le mâle, filiformes chez la femelle ; thorax et abdomen d'un jaune
d'ocre, avec trois rangées longitudinales de taches noires, celles du dos
plus grandes; ailes supérieures d'un jaune d'ocre, avec beaucoup de
taches et de points d'un brun noirâtre plus ou moins foncé; ailes infé-
rieures roses chez le mâle, d'un rouge cerise chez la femelle, avec six
à sept taches noires éparses et inégales. Cette espèce se trouve adulte
dans toute la France, en juin et juillet, surtout dans les régions cal-
caires, volant quelquefois pendant le jour. La chenille est blanche, à
poils jaunes, avec une bande dorsale noire et des traits latéraux obli-
ques ; elle passe l'hiver et se rencontre en avril et mai, principalement
sur les genêts, près de Paris sur le petit genêt {Genista tinctoria), de
bien moins de hauteur que le genêt commun {Genista scoparia) eth.
feuillage d'un plus beau vert; elle était autrefois commune au bois de
Boulogne ; comme elle est extrêmement vive et se laisse tomber à la
moindre secousse, elle échappe très souvent à la main de l'amateur, en
se glissant sous les herbes et les feuilles sèches. On l'élève facilement
avec des plantes basses, pissenlit, oseille, etc. Elle est polyphage et
grimpe souvent sur les jeunes pousses de chêne, de groseillier, d'orme,
de vigne, etc. D'après M. Guenée, elle dévore en certaines années les
bourgeons des vignes, au point de causer de grands dommages aux
environs de Chartres, en dépouillant les ceps de leur feuillage; on
CHELONIA. 365
pourrait i^écolter les femelles, qui volent peu et lourdement, vu leur
ventre gonflé d'œufs; mais, d'ordinaire, il en est comme pour la
Pyrale, l'insecte disparaît pendant plusieurs années, par les agents
atmosphériques ou par les entomopha^es inlernes; C. Hebe, Liun.,
y Ecaille couleur de rose de Geoffroy, 50 à 55 millimètres d'envergure,
antennes noires, celles du mâle très pectinées, celles de la femelle
beaucoup moins; corps noir, avec deux colliers rouges, et si\ bande-
lettes également rouges de chaque côté de l'abdomen ; ailes supérieures
d'un noir velouté, avec cinq bandes transverses, blanches et bordées
de roux, la troisième plus étroite, souvent interrompue et quelquefois
nulle, les deux postérieures se joignant par leur milieu; ailes infé-
rieures roses dans le mâle, d'un rouge carmin chez la femelle, avec
une bande transverse, se terminant en crochet vers l'angle anal, deux
taches postérieures et la frange noires. C. Hebe varie beaucoup, soit
pour la largeur des bandes des ailes supérieures, soit pour la grandeur
des taches des inférieures. Nous citerons une aberration toute noire,
sauf une légère tache jaunâtre à l'extrémité des ailes antérieures.
M. Minière figure trois remarquables aberrations de C. Hebe {kun. II,
pi. un). C'est une espèce méridionale remontant assez haut dans le
centre de la France et au delà, ainsi près de Paris, adulte en juin dans
les terrains calcaires arides, les broussailles, les fondrières; à Paris on
la prenait autrefois à Billancourt et au Point-du-Jour. Actuellement elle
est encore assez abondante dans des petites landes qui se trouvent à
Champigny, dans l'ancien parc de Saint-Maur. Cette espèce est attirée
par les lumières et la femelle peut à peine voler vu la grosseur de son
abdomen. La chenille est noire, avec de longs poils d'un gris clair sur
le dos et roux sur les côtés; en mars, avril et au commencement de
mai sur la millefeuille, le pissenlit, le séneçon, et, à la fin de sa vie, sur
le chardon. Les mœurs de cette chenille sont curieuses : elle se place,
pour faire sa dernière mue, dans un trou en terre, de Grillon ou
autre, le façonne en hémisphère et se protège au moyen d'un dôme de
soie mêlé de quelques brins d'herbe, ou bien se cache à demi sous
une pierre. Cette dernière mue se fait fin de mars, après l'hibernation.
Le même fait d'abri se reproduit environ un mois plus tard, lors de la
nymphose (M. Ragonot). Cela explique la lenteur que mettent les che-
nilles deC. Hebe h se chrysalider lorsqu'on les élève captives dans un
pot, où elles ne trouvent pas d'habitude leurs conditions instinctives.
Aussi Pierret recommandait de les placer dans un cornet de papier,
leur offrant la forme de la cavité d'abri qui leur convient.
Nous nous contenterons de citer quelques autres Chelonia. Ainsi
C. Curialis, Esper., syn. Civica, Hubner, VÉcaille brune, de Geoffroy,
assez rare partout et localisée, adulte en juin, des carrières, bois pier-
reux, collines calcaires, près de Paris, de Fontainebleau, de Vernon, etc.,
de 35 à 37 millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un brun
café avec des taches jaunes, les inférieures d'un rouge carminé, changé
366 LÉPIDOPTÈRES.
quelquefois en jaune par aberration, avec tache en V à la base, lunule
centrale et bordure marginale noires. La chenille est noire, avec les
poils des premiers anneaux d'un roux vif, polyphage, vivant en mars
et avril sur les graminées, la millefeuille, l'oseille sauvage, la chicorée
sauvage, s'éle\ant aisément avec ces dernières plantes; elle passe l'hi-
ver et les jeunes chenilles s'entourent d'une toile commune. Une très
grande et belle espèce d'Allemagne, recherchée des amateurs, de 72 à
76 millimètres d'envergure, est C. Matronula,Linn., dont la vie entière
dure deux ans, la chenille passant deux hivers; très accidentelle dans
les régions orientales de la France, en Alsace, près de Nancy dans la
Moselle, près de Grenoble, près de Poligny, dans le Doubs. Le genre
Chêlonia compte des espèces de régions très froides : telles sont C. Quen-
seli, Paykull, de Laponie, de Suède, de Norvège, des montagnes du
Tyrol et de la haute Engadine, au RilTel, près de Zermatt, et, plus
élevée encore, contre les neiges perpétuelles, du Riffel au Gornergraf,
au mont Cervin, C. Cervini, Fallou. On consultera pour ces rares espèces
J. Fallou et Guenée, Notice sur /?s Chêlonia Cervini et Quenseli {Ann.,
Soc. entom. Fr., 186/i, p. 679, pi. x, figure 1, 2, 3).
Nous ne pouvons passer sous silence une autre Écaille, très commune
sur toute la bordure méditerranéenne, attirée le soir par les lumières
et dont la chenille vit de graminées en mars, avril et mai, sous les
pierres au pied des murailles, espècie remontant par place dans les
vallées méridionales de la Lozère, près de Lyon, à Feurs dans la
Loire, etc. M. H. Lucas indique cette espèce comme trouvée en Algérie,
en juin, parmi les grandes herbes, dans les marais d'Aïn-Dréan, cercle
de la Calle.
C'est le C. Pudica, Esper, à abdomen rose, ayant une rangée de ta-
ches dorsales et le bout noir, les ailes d'un blanc rosé, avec des taches
noires, triangulaires sur les supérieures. Les œufs de C. Pudica sont
petits et sphéroïdes, un peu aplatis à un pôle, lisses et luisants, comme
vernissés, de couleur jaune-paille. Les femelles doivent en pondre une
grande quantité, car M. J. Fallou a pu en compter environ 300 à une
d'elles. L'intérêt de cette espèce consiste dans l'existence d'un organe
musical très analogue à celui des Setina. Le fait fut découvert par de
Villiers, et il compare le bruit fait par le papillon, en volant aux envi-
rons de Montpellier, à celui du métier d'un fabricant de bas {Observa-
tiotis sur l'Écaû\Gi)iu][quii de Go(hirt,u\ Ann. Suc. entom. Fr., 1832, \,i^.Wo,
pi. VI). Le D'' Laboulbène a reconnu que l'organe placé de chaque côte
du thorax et plus volumineux chez le mâle (voy. pi. xci, tig. 11) est
constitué par une vésicule tympaniforme triangulaire, une cavité à
bords élevés et arrondis, recouverte par une membrane tendue, mince,
sèche, pouvant vibrer; à la partie antérieure est, chez le mâle, une série
de seize à vingt lignes élevées, transversales et parallèles, et seulement
de huit à div chez la femelle. Sous la pointe d'une aiguille la membrane
vibre avec le bruit du froissement d'un papier sec, M. Laboulbène re-
CHELONIA, ARCTIA. 867
garde l'insecte, de même que les Setina, comme un timbalier et croit
que la stridulation est produite par une suite de petits coups donnés au
moyen des pattes sur la membrane tendue, ou par de rapides pressions
latérales des genoux. Il propose, en raison de l'organe musical et de
quelques autres caractères, de faire de C. Pwrfica un genre spécial, sous
le nom de Tyinpanophora (voy. Al. Laboulbône, .sur l'organe musical
de Chelonia Pudica, in Aim. Soc. ent. Fr., I86Z1, p. 689, pi. VI).
Nous représentons une Écaille exotique du Sénégal, C. evidens,
Boisd., pi. xci, fig. 1, 1 a. Tête vue de profil, env. ûOmm., d'un blanc
luisant, avec trois lignes noires sinueuses aux; ailes supérieures et une
taclic arquée, d'un rouge carmin, les ailes inférieures sans taches, une
tache jaunâtre au bas du thorax, et la chenille (pi. xci, fig. 2) d'une
espùce de l'Amérique du Nord, C. Nubilis, Boisd., d'un rouge brunâtre,
à poils roux, le dos marqué longitudinalement de blanc.
Un genre voisin des Chelonia est le genre Phraymatobia, Slephens,
dont les papillons ont les antennes à peu près simples dans les deux
sexes et les ailes à demi transparentes. L'espèce type est le P. fuUgi-
nosUj Linn., l'Ecaillé cramoisie d'Engr., The Riibrj Txjger des Anglais,
3^ mm. d'env. ; antennes un peu ciliées chez le mâle, filiformes chez la
femelle; thorax d'un brun enfumé; ailes supérieures d'un brun en-
fumé ou fuligineux, avec le disque un peu transparent et marqué d'un
double point noir à l'extrémité de la cellule discoïdale ; ailes inférieures
d'un rouge cramoisi, avec une bande marginale noire, souvent formée
de points, et deux points noirs au bout de la cellule discoïdale ; abdo-
men d'un rouge cramoisi avec trois séries longitudinales de points noirs.
I.e papillon se trouve dans toute la France, en Belgique, dans les Iles
Britanniques, et vole lourdement au soleil; il paraît deux fois, en mai
et juin, puis en août et septembre, dans les jardins, contre les murs,
les clôtures, les croisées. La chenille, d'un brun roux, est polyphage,
et se trouve sur les murs, sous les herbes et les pierres et aussi sur
les plantes basses qui croissent au pied des murailles, en avril, puis on
juillet, et enfin, plus abondante, en octobre et novembre et même pen-
dant l'hiver.
ARCTIA, Boisd., Syn. Spilosoma, Sleiihens. — Antennes bipectinées ou ciliées
dans les mâles, presque filiformes dans les femelles. Spiritromiie nulle ou invi-^
sible. Palpes très écartés de la tôle, inclinés^ velus et à dernier article nu et
g;énéralcment très distinct. — Chenilles comme celles des Chelonia, mais à
poils plus courts et plus raides.
Les Arcties sont des papillons de petite taille et à antennes courtes,
lourds et paresseux, ne prenant pas de nourriture, leurs ailes sont de
couleur unie, avec des points noirs pour tout dessin^ et l'abdomen à
cinq rangées longitudinales de taches noires. Les chenilles vivent et se
transforment comme celles des Chélonies et sont encore plus vives; on
368 LÉPIDOPTÈRES.
peut dire qu'elles ne marchent pas, mais qu'elles courent. L'espèce la
plus commune des Arcties est A. Menthastri, Cat. de Vienne, la Phalène
tigre de Geoll'roy, the Large Ermine des Anglais, UO millimètres d'env.;
antennes blanches en dehors, noirâtres en dedans, pectinées chez le
mâle, filiformes chez la femelle; thorax blanc; les quatre ailes blan-
ches en dessus et en dessous, avec une multitude de petits points noirs
sur les supérieurs et de un à six seulement aux inférieures ; abdomen
jaune en-dessus, avec cinq séries longitudinales de points noirs; dans
une rare aberration les points noirs des ailes supérieures sont conver-
tis en lignes qui suivent la direction et les ramifications des nervures.
L'insecte parfait éclot en mai et juin et se trouve dans les jardins, les
bosquets, les champs, les broussailles; il est attiré par les lumières et
vole parfois en assez grand nombre autour des réverbères jusqu'au mi-
lieu des villes à jardins. Chenille d'un brun noir, à ligne vasculaire
fauve, polyphage, se trouvant de juillet à octobre au pied des murs,
des clôtures, etc. — A. urticœ, Esper, syn. Papyratia, Marsham, 36 mm.
d'env., différant seulement de Menthastri parce qu'elle n'a que deux
petits points noirs à l'extrémité de la cellule discoïdale des ailes supé-
rieures ; beaucoup plus rare et plus localisée que A. Menthastri, dont
elle n'est peut-être qu'une race Chenille, de préféience sur les orlies,
en août et septembre, toute noire, ayant seulement une petite raie
dorsale blanchâtre sur les trois premiers anneaux. — A. lubricipeda,
Linn., la Phalène lièvre d'Engr., the Spotled Buff des Anglais, 36 milli-
mètres d'env. pour le mâle, la femelle un peu plus grande; antennes
grises, pectinées, chez le mâle, filiformes chez la femelle; thorax d'un
jaune pâle ; ailes supérieures d'un jaune pâle et terne, avec des points
noirs, dont deux ou trois vers la côte et les autres en bande oblique
plus ou moins marquée de l'angle apical au bord interne; ailes infé-
rieures un peu plus pâles, avec un point noir central et un autre vers
l'angle anal, ces points souvent nuls ; abdomen d'un jaune fauve, avec
cinq rangées de points noirs. Adulte volant en mai et juin, repa-
raissant quelquefois en automne, et dont la couleur peut varier de
l'orange au blanc, peu commun dans beaucoup d'endroits, attiré le soir
par les lumières, recherchant les lieux frais et herbus, jardins, bois,
broussailles. Chenille grise, à poils blancs et taches latérales claires,
polyphage, en septembre et octobre sur l'ortie, la ronce, surtout sur les
Malvacées; A. Mendica, Liun., la Mendiante, d'Engr., the Spotted Muslin
des entomologistes britanniques, espèce assez commune partout en mai
et juin dans les prés, les jardins, les lieux frais, etc., et qui présente
une différence sexuelle de coloration analogue à celle qui nous a été
offerte par un Diurne, le Satyrus Phryne, Hubn. L'envergure d'^. Mendica
est de 32 millimètres, les antennes grises et pectinées chez le mâle et
les quatre ailes d'un gris noirâtre ; aux supérieures deux points noirs sur
la nervure médiane et deux vers le bord interne, et quelques points
noirs au bord externe des inférieures ; corps d'un gris noirâtre, avec
AGAUISTJDKS. 369
cinq rangées de points noirs sur l'abdomen; chez la femelle le corps
est blanc, avec cinq rangées de points noirs abdominaux, les antennes
noires et filiformes, les ailes d'un blanc pur et un peu transparenles,
avec les mêmes points que chez le mâle; chenille grise, à bande dor-
sale jaunâtre et une 'ache claire sur le onzième anneau, vit polyphage
en juillet et août, sous les pierres, le long des murs, au milieu des
décombres. Dans les Alpes-Maritimes (Millière) cette espèce est très
commune au premier printemps et la chenille se rencontre en juin et
juillet, plutôt sur les arbustes à feuilles caduques que sur les plantes
basses, ainsi sur VOsyris, la clématite et le chèvrefeuille des bois.
C'est aux Chélonides qu'appartient un genre curieux de papillons, de
montagne généralement, toujours rares en collection et comptant cinq
ou six espèces en Europe. Le genre Trichosoma, Rambur, syn. Ocnogyna,
Lederer, présente la tète petite, la spiritrompe disjointe à l'extrémité,
les palpes très velus, le thorax et l'abdomen très velus, les antennes
des mâles pectinées, les femelles mi-aptères, n'ayant que des moignons
d'ailes arrondis, à peu près de la moitié de la grandeur des ailes du
mâle, impropres à les soutenir au vol, surtout en [raison de leur gros
abdomen gonflé. Leurs chenilles qui ressemblent à celles des Chelonia,
sont polyphages, se cachent pendant le jour sous les pierres et se chan-
gent en chrysalides dans des cocons très petits, d'un tissu lâche. La
chrysalide est gibbeuse, à segments abdominaux inflexibles.
AGARISTIDES.
Antennes un peu plus courtes que le corps, un peu renflées à l'extré-
mité, légèrement arquées et se terminant en pointe, très rarement
pectinées dans les mâles (genres Amazela et Phœgorista) ou dentées
(genre Egyholis), palpes ascendants, avec le dernier article générale-
ment assez saillant et dépassant le chaperon ; corps allongé, de gros-
seur médiocre; ailes entières assez larges ; pattes assez robustes, armées
d'éperons très saillants. Les Agaristides sont toutes étrangères à l'Europe
et se lient aux Zygèncs, aux Glaucopides, aux Chélonides. Nous les pla-
çons dans les Chéloniens, de lavis de M. Paul Mabille, ainsi que les
Aganaïdes. Les papillons volent en plein jour sur les fleurs. Les che-
nilles sont légèrement velues et vivent à découvert sur les plantes her-
bacées ou sur quelques arbustes, et leur métamorphose a lieu dans un
petit cocon d'un tissu peu serré. Les chrysalides sont cylindrico-comi-
ques. Boisduval range dans les Agaristides le genre Mijocera indien et
africain, dont nous avons parlé plus haut et dont il décrit une dizaine
d'espèces, le genre Endryas représentant les jEgocera dans l'Amérique
du Nord, tandis que le genre de Alypia, Harris y est l'analogue du
genre .4f/aristo dont la plupart des espèces sont d'Australie; le genre
Eusemia, à espèces nombreuses, est répandu dans les Indes orientales,
dans toutes les îles Sondaïques et Moluqucs, de l'archipel Indien, à
GIRARD. m. — 24
370 LÉPIDOPTÈRES.
Madagascar, et le long des cùles d'Afrique. Enfin c'est à l'Afrique qu'ap-
partiennent les genres Charilina, Felder, Phœgorista, Boisd., ci Egybolis,
Boisd.
AG.%ni<^TA, Leach. — Corps assez allongé, de grosseur médiocre; antennes un
peu plus courtes que le corps, un peu renflées à l'extrémité, légèrement arquées
et se terminant en pointe. Palpes longs, dépassant notablement le chaperon
avec les deux premiers articles comprimés et hérissés de poils, le troisième,
long, cylindrique, presque glabre, pointu au sommet. Ailes arrondies, assez
larges, les inférieures ayant la cellule discoïdale fermée. Pattes assez robustes,
munies d'éperons assez forts et très saillants, les cinq articles des tarses subé-
gaux, très légèrement ciliés en dessous. — Chenilles légèrement velues, filant
une coque soyeuse oblongue. — Chrysalides coniques.
Les Agaristes volent en plein jour à l'ardeur du soleil et lès chenilles
vivent à découvert sur divers végétaux. Boisduval en décrit 27 espèces,
la plupart d'Australie, les autres de la Tasmanie, des îles d'Arrow, des
Nouvelles-Hébrides, de la Nouvelle-îrlande, de la Nouvelle-Guinée,
des Philippines, de Cératn, de Célcbes, de Gilolo. Nous citerons :
A. glycinœ, Lewin, espèce commune à la Nouvelle-Galles du Sud et
assez fréquente dans les collections ; tête et corselet d'un brun noir,
rayés de jaune; fond des ailes d'un brun noir, les supérieures à som-
met jaunâtre, marquées de trois ou quatre raies, d'une tache discoïdale
et d'une bande transverse sinuée, d'un jaune pâle ; ailes inférieures
sans taches chez la femelle, celles du mâle offrant ordinairement une
petite tache centrale jaune, les unes et les autres ayant la frange jaune ;
abdomen noir en dessus, avec l'anus fauve. Nous représentons sur un
rameau de glycine, pi. lxxxvh, fig. 2, la chenille, le cocon et la chry-
salide de l'A. glycinœ.
Boisduval n'accorde que les caractères d'un sous-genre au genre
Eusemia, Dalman, très voisin des Agarista, à chenilles allongées, gar-
nies çà et là de poils fins qui les font paraître un peu velues, à chrysa-
lides conique?, renfermées dans une coque soyeuse d'un tissu peu serré.
Les adultes ont une spiritrompe courte, les antennes assez minces, plus
courtes que le corps, un peu renflées au milieu, un peu recourbées au
sommet, les palpes à troisième article très court, les ailes supérieures
un peu triangulaires, les inférieures à peine plus larges, beaucoup plus
courtes, l'abdomen cyliudro'ide, terminé chez les mâles par un petit
pinceau anal. Les Eusemia ont de nombreuses espèces ; Boisduval en
décrit û7 et en outre 2 douteuses quant au genre. Lllcs sont des Indes
orientales, des archipels Indiens, de Madagascar et des côtes d'Afrique.
Ce sont des papillons qui butinent en plein jour sur les fleurs, comme
nos Zygènes, et sont de môme très aisés à capturer (Lorquin). Nous
représentons une espace d'Euscmia de Madagascar, envoyée autrefois
par Goudot, qui avait capturé les deux sexes près de ïananarive ; c'est
lîOMBTCIENS. 371
VE. Pales, Boisd., pi. lxxxvu, tig. 1, la, de profil; corps noir en dessus,
avec quelques points blanchâtres sur le corselet, l'abdomen annelé de
jaune fauve ; ailes supérieures d'un noir obscur, avec la frange du
sommet entièrement blanche, quelques points blancs vers la base,
dont un plus apparent sur le milieu, suivi, en dehors, d'une bande
blanche, divisée en cinq par les nervures ; ailes inférieures de môme
couleur en dessus, ayant sur le disque une grande tache de couleur
bleu de ciel, leur dessous d'un beau jaune fauve, depuis la base jus-
qu'au delà du milieu, cette couleur couvrant les pattes et le dessous
du corps. La femelle a les ailes plus arrondies que le mâle.
On consultera : Boisduval. Monographie des Agaristidées, Revue et
Magas. de zoologie, 187Zj, p. 26 à IH. Dans ce travail l'auteur a réuni
aux Agaristides des groupes que nous avons cru devoir en séparer. Tels
sont les Uraniens, dont nous faisons une tribu séparée, les Oyctalémo-
nides, que nous avons placés après les Castniens, et le genre Cocytia mis
par nous dans les Syntomides. Boisduval dit que Lorquin a rencontré
C. Durvillei aux îles d'ArrovF, dépendance intime de la Nouvelle-Guinée,
et que ce Lépidoptère a le vol lourd, peu soutenu, butine au soleil sur
les fleurs des arbustes, et que quelquefois on peut le saisir avec les
doigts.
Tribu des BOMBY€IëIV!§.
Il est fort difficile de donner des caractères tranchés aux insectes que
nous réunissons sous le nom de Bombyciens ; on peut dire que les
papillons ont les antennes pectinées chez les mâles, parfois aussi chez
les femelles, ou crénelées ou filiformes chez celles-ci; ils ne se posent
presque jamais sur les fleurs, ce qui est en rapport avec une spirilrompe
nulle ou rudimentaire et par suite l'absence de nourriture; cependant
parfois la spiritrompe existe [Plattjpteryx, Demas, etc.). Les papillons
volent le plus souvent au début de la nuit, mais quelquefois en plein
jour {Agita, Endromis, Platypteryœ, mâles des Orgya, certains Bombyx);
ce cas est notablement moins fréquent que chez les Sphingiens. Le corps
est, le plus souvent, assez gros et velu. Les chenilles sont très variées,
tantôt nues, le plus ordinairement pubescentes ou poilues, parfois avec
des formes anormales, des pattes transformées en appendices bizarres
{Nolodontides). 11 y a des Bombyciens qui se rapprochent des Tortriciens
par leurs chenilles cachées dans des feuilles roulées; d'autres font un
passage aux Noctuéliens, ce sont les Noctuo-Bombycides. Enfin une
famille aberrante, les Psychides, à femelles tout à fait aptères, se lient
aux Tinéiniens par les chenilles entourées de fourreaux. Les Cocliopo-
dides ont des chenilles dépourvues de pattes membraneuses et d'aspect
de Limaces ; il y a des genres dont les femelles n'ont que des moignons
d'ailes {Orgya), encore plus réduits que chez les Trichosoma (Chélo-
niens), ou même entièrement nuls. Bien que notre tribu des Bomby-
372 LÉPiDOPitr.ES.
ciens ait, comme on le voit, une extension considérable, elle n'a pas
encore l'immense étendue du groupe des Bombyces des auteurs alle-
mands, qui n'est guère moins nombreux, à lui seul, que le sous-ordre
des Rhopalocères et renferme des insectes de toutes dimensions, depuis
ceux qui mesurent à peine un centimètre d'envergure et même moins
(mâles de beaucoup de Psychides), jusqu'aux Lépidoptères ayant la plus
vaste envergure qui soit connue (grand genre Attacus). Ce groupe alle-
mand comprend, outre notre tribu des Bombyciens, les tribus des
Hépialiens, des Cossiens, des Litbosiens, des Chéloniens et des Attaciens.
Les Bombyciens partagent avec les Attaciens l'art de filer un cocon avec
la plus grande perfection. Toutes leurs chenilles le possèdent plus ou
moins; certaines même ont encore plus d'adresse que les Attaciens
et une soie sans rivale comme matière textile, ainsi qu on le con-
state pour le Ver à soie du mûrier (Sericaria mon; qui appartient à nos
Bombyciens. Quelques espèces de Bombyciens sont si abondantes, qu'on
voit parfois leurs chenilles détruire de fond en comble toute la végéta-
tion d'une contrée, de sorte qu'à côté de l'insecte le plus utile qui
existe, le Ver à soie du mûrier, les Bombyciens nous offrent, par une
fâcheuse compensation, de redoutables ennemis des forêts, des champs
et des jardins.
LIPARIDES.
Corps plus ou moins grêle dans les mâles et très gros chez les femelles;
antennes courtes, fortement pectinées chez les mâles, seulement den-
tées chez les femelles ; ailes des milles toujours bien développées et
propres au vol, à demi inclinées en toit dans le repos, parfois rudimen-
taires, avortées ou même tout à fait nulles chez les femelles; spiri-
trompe nulle ou rudimentaire ; pas de stemmates ; un frein aux secondes
ailes qui ne sont nullement plissées. Femelles toujours plus grosses que
les mâles, parfois avec une disproportion considérable (Orgya, Liparis
dispar, Dasychira pudibwida, etc.), Chenilles établissant la tribu des
Verrucosœ de M. Guénée, ayant de petits boutons rétractiles sur le
onzième anneau et en outre des poils de longueurs inégales.
Les Liparides sont un chaînon de passage entre les Bombyciens et les
Chéloniens par les Arctia, et plusieurs espèces {Chrysorrhœa, Auriflua,
Salicis) étaient rangfies parLatreille dans les Arcties. Cette famille, qui
n'a qu'une série restreinte d'espèces en Europe, est au contraire nom-
breuse en genre!^^ et çn espèces exotiques. Les adultes n'offrent, en géné-
ral, que des couleur^ peu brillantes; quelques-uns ont le vol diurne,
mais c'est le plus petit nombre. Les chenilles sont toutes arboricoles au
moins par préférence, plus ou moins polyphages, certaines extrêmement
nuisibles, et vivent tantôt solitaires, tantôt en société, et alors, pendant
un temps plus ou moins long de leur existence, sous un abri soyeux;
elles n'enlreut pas eu terre pour se chrysalider, mais s'abritent dans
des cocons à chiire-voie, ressemblant à ceux des Chéloniens, parfois
LIPARIS. 373
réduits à quelques fils épars, placés soit entre les feuilles, soit sur les
branches ou les troncs d'arbre, contre les muis, rarement sur le sol.
lilPAKaS, Ochs., Boisd. — Antennes très pectiiiéetf. dans les mâles, dentelées,
en scie ou filiformes chez les femelles. Spiritronipe nulle. Palpes très petits et
très rapprochés. Corps de la femelle beaucoup plus gros que celui du niàle,
offrant à l'extrémité dans certaines espèces une sorte de bourre soyeuse ca-
duque, parfois terminé en tarière rétractible. — Chenilles légèrement aplaties,
munies de tubercules surmontés de poils raides et rayonnants, ceux des côtés
ordinairement plus longs. — Chrysalides garnies de poils eu courts bouquets,
enveloppées d'un réseau soyeux très imparfait ou môme nues.
Les Liparis se partagent en plusieurs sous-genres. Dans les sous-
genres Ocneria, Herr., Sch., et Psilura, Steph., et Liparis propre, les
ailes sont marquées de lignes transverses. Chez les Ocneria, les papillons
femelles n'ont ni oviscapte, ni laine abdominale, les chenilles ont des
mamelons dorsaux couverts de poils égaux verticillés, les clirysalides
sont entièrement couvertes de poils. Ex. : L. Ruhea, Cat. de Vienne,
33 millimètres d'envergure, le corps et les quatres ailes d'un gris rou-
geàtre, les supérieures traversées par deux lignes noirâtres sinuées,
entre lesquelles est une lunule centrale blanchâtre et dont la ligne
postérieure se prolonge sur les secondes ailes ; adulte en juin, juillet,
août, du midi de la France, remontant dans Saône-et-Loire, dans l'Indre,
dans Eure-et-Loir, près de Châteaudun, de Chartres, toujours pare.
Chenille d'un blond sale, avec le dos gris et la tête rousse, sur le chêne
en mars et avril, encore très petite, mais grossissant à mesure que les
bourgeons se développent, et ayant en mai tout son développement.
Dans la bordure méditerranéenne on trouve cette chenille sur divers
arbrisseaux, l'arbousier, le lentisque, les cistes, etc. Dans le sous-genre
Psilura les papillons femelles ont l'abdomen conique et terminé par un
long oviscapte corné et sont pareils aux mâles pour la coloration ; les
chenilles sont comme celles des Ocneria, les chrysalides n'ont que de
simples pinceaux de poils. On rencontre le type de ce sous-genre en
juillet et août, dans les bois d'une certaine étendue, appliqué sur le
tronc des arbres, le mâle môme ne volant pas, à moins qu'il ne soit
dérangé. C'est le L. Monacha, Linn., le Zigzag à ventre rouge d'Engra-
melle, envergure /lO à/i3 millimètres; antennes du mâle très pectinées,
cendrées, avec la tige blanchâtre aux extrémités et noirâtre dans son
milieu; thorax blanc, avec trois taches noires; ailes supérieures d'un
blanc grisâtre, avec une série de points noirs disséminés et quatre lignes,
Iransverses en zigzag noirs ; ailes inférieures d'un gris cendré pâle,
avec quelques points noirs sur la frange, l'extrémité blanchâtre et divi-
sée transversalement par une bande obscure; abdomen rose, avec
base blanchâtre et les incisions noires; femelle plus grande, à antennes
noires, avec les mêmes lignes et points que le mâle, un oviscapte jau-
Slh LÉPIDOPTÈRES.
nàtre et corné terminant l'abdomen ; dans les deux sexes une variété
Eremita, Ochs., existant partout où se rencontre le type, à peu près par
conséquent dans toute la France, mais toujours rare, ofi'rant les lignes
noires des ailes supérieures converties en bandes assez larges pour en-
vahir la surface des ailes, les ailes inférieures étant aussi d'un brun
noirâtre plus ou moins foncé; comme limite exfrâme de cette variété
le Catalogue de Belgique indique une aberration jEthiops, toute noire
avec le bord rouge du corps à peine visible et une série de taches blan-
ches parallèles au bord externe des ailes supérieures. Chenille cendrée,
à places plus claires et verrues d'une seule couleur, dans les bois et
promenades publiques, sur le chêne, le hâtre, le pin silvestre, descen-
dant le long des troncs et se cachant entre les écorces, n'est pas d'ordi-
naire assez abondante en France pour causer des dommages sérieux,
mais produit souvent de grands désastres dans les forêts de pins de
certaines parties de l'Allemagne.
Chez le sous-genre Liparis propre, les chenilles et les chrysalides sont
comme celles des Psilura. Les mâles ont les antennes fortement ciliées,
et diffèrent beaucoup des femelles par la coloration et surtout par la
taille. Les femelles ont l'abdomen long et gros et terminé par une
énorme masse de poils soyeux. Cette différence sexuelle a donné le nona
de l'espèce type, L. Dispar, Linn., le Zigzag de Geoffroy, Zi3 millimè-
tres d'envergure chez le mâle, le corps d'un brun sale, avec une tache
noire sur les quatre derniers anneaux de l'abdomen; antennes fortement
pectinées, d'un gris brun, avec la tige blanchâtre; ailes supérieures
d'un gris cendré ou brunâtre à la base et à l'extrémité, d'un
gris plus ou moins blanchâtre au milieu, avec quatre lignes noi-
râtres, transverses, en zigzag et des poinis noirs sur le bord, la
cellule discoïdale fermée par une lunule noire; ailes inférieures d'un
brun sale, avec le bord postérieur plus obscur et la frange blanchâtre
un peu entrecoupée de brun ; on trouve parfois de grands mâles presque
de la teinte de la femelle ; la femelle beaucoup plus grande, ayant les
antennes noires et le corps très volumineux, d'un blanc jaunâtre anté-
rieurement et d'un gris brun postérieurement, les ailes d'un blanc
grisâtre ou légèrement jaunâtre, avec les mêmes dessins, moins foncés,
que le mâle; dans une aberration mâle, citée par Berce, les ailes sont
d'un gris brun uni et sans aucune ligne transverse. On a constaté des
hermaphrodites bilatéraux fort curieux par la disproportion des ailes
de chaque côté, et des antennes également inégales.
Le Catalogue des Lépidoptères de Belgique dit que le L. Dispar est
très abondant en ce pays, sauf dans les bois où il ne se rencontre qu'ac-
cidentellement. Ce catalogue mentionne une aberration mâle presque
blanche, une autre, du même sexe, toute noire ; une aberration femelle
ayant le corps et les quatre ailes d'un gris de souris pâle et le dessin
presque oblitéré. En France, le L, Dispar est extrêmement commun
partout, eu juillet et août, dans les haies, les bois, même les plus
LIPARIS. 375
petits, et les jardins, où la chenille, trcis grosso et tri^s vorace chez les
sujets femelles, est un fléau pour les arbres fruitiers. Il a été trouvé
en Algérie par M. H. Lucas, en mai, sur les bords du lac Tonga (cercle
de La Galle). 11 y a une grande disproportion de taille entre les maies
et les femelles, car on rencontre, parmi ces dernières, des individus qui
équivalent en poids au moins à cinq ou six mâles. Le mâle vole rapide-
ment à l'ardeur du soleil, venant de très loin chevcher la femelle;
celle-ci, très paresseuse, ne vole jamais, à cause de son énorme abdo-
men gonflé d'œufs, et reste appliquée sur le tronc des arbres. Souvent
on trouve les deux insectes en accouplement, les corps sur la même
ligne, tètes opposées, le mâle en grande partie caché sous les ailes
en toit de la femelle. Celle-ci pond un grand nombre d'œufs, d'un gris
luisant un peu rosé, abrités sous une masse de poils roux qu'elle arra-
che de dessous son abdomen. On dirait des tampons ovales d'amadou
sur les murs, sur les troncs des tilleuls, des chênes, des ormes, des peu-
pliers, des arbres fruitiers. Il faut tuer les femelles et couvrir au pin-
ceau d'une épaisse couche de goudron de houille, les plaques d'œufs ;
cela vaut beaucoup mieux que de les recueillir par le raclage, car il en
tombe, qui donneront leurs chenilles. Ces œufs passent l'hiver et les
chenilles éclosent au commencement de mai. La chenille est grise,
avec des mamelons piligères moitié d'un rouge brique, moitié d'un bleu
noir ; elle vit en mai et juin sur tous nos arbres forestiers et fruitiers ;
dans les Alpes-Maritimes, elle abonde dans les forêts de chênes-verts et
on la trouve dans les jardins sur divers arbres exotiques, notamment
sur le faux poivrier (Millière). Les forestiers connîiissent bien cette
espèce par les dommages considérables que cause la chenille, et l'ap-
pellent le Bombyx disparate ou simplement le Bombyx. Berce dit avoir
vu, en 1868, plus de soixante hectares de bois de chêne entièrement
ravagés par celte chenille. Elle était si commune en 1880, sur les flancs
du mont Venteux, près d'Avignon, que ses légions couvraient le sol et
avaient déti'uit toute la végétation.
Dans un second groupe d'espèces du genre Liparis , formant le sous-
genre Leucoma, Stephens, les ailes sont blanches et la région anale de
la même couleur, les papillons mâles ont les antennes bipectinées, les
femelles, bidentées. Les chenilles ont des verrues verticillées, mais sans
brosses de poils, les chrysalides sont garnies de bouquets de poils et
placées entre les feuilles. Une espèce très commune dans toute la France,
la Belgique et l'Europe, est le S. salicis, Linn, l'Apparent de Geoffroy,
l'Arctie du Saule de Latreille, ayant iO à U3 milimètres d'envergure; an-
tennes avec les barbes d'un brun cendré et la tige blanche ; corps et
ailes d'un blanc argenté, luisant, avec une légère teinte jaunâtre sur
les principales nervures et sur la partie antérieure du thorax; pattes
noires annelées de blanc. Cette espèce est très commune en juillet
dans les plantations de saules et surtout de peupliers; en certaines
années, les peupliers d'Italie des avenues sont entourés au début de la
376 LÊPIliOPTÈKES.
nuit (le nuées de papillons blancs, et la chenille, en mai et juin, les
dépouille de leurs feuilles et couvre la terre de ses déjections au-des-
sous des arbres qu'elle habite. Les femelles pondent leurs œufs en pla-
ques sur les troncs et les recouvrent, comme abri d'hiver, d'une
déjection visqueuse qui se solidifie et ressemble à un crachat desséché
ou à une bave de limaçon; il faut enduire ces amas d'œufs d'une épaisse
couche de goudron, comme les tampons d'œufs du L. Dispar. Le L. sa-
licis offre quelques cas d'apparition anormale excessive, et devient au
contraire très peu abondant en certaines années. La Feuille des jeunes
naturalistes (1880, n" Il 9, p. Iû5) cite un passage de ce papillon en telle
quantité que les rues en étaient jonchées, et une allée de peupliers,
dans le voisinage de Saint-Ouen près de Paiùs, couverts de ces papil-
lons de haut en bas des troncs, à tel point qu'on ne voyait plus le bois
et qu'ils formaient en certains endroits une couche épaisse. Je me sou-
viens avoir observé, dans mon enfance des faits analogues sur les peu-
pliers des fossés des anciennes fortifications de Lille. La chenille du
L. salicis est fort belle, noire, à verrues fauves et a larges taches dor-
sales blanches ; elle forme un cocon très lâche dans les feuilles qu'elle
lie avec des fils de soie ou dans les rides des écorces, et l'adulte sort de
la chrysalide au bout de quinze à vingt jours.
Un dernier groupe de Liparis présente les ailes blanches ; les papil-
lons femelles ont les antennes courtes et filiformes et la région anale
entourée d'une toufl'e de poils d'un roux brun ou jaunes, destinés à
couvrir les œufs ; il n'y a chez le mâle qu'un simple pinceau de poils.
Dans ce sous-genre Porthesia, Steph, les chenilles ont des tubercules et
en outre des touffes de poils sur le dos, et les chrysalides sont dans des
cocons formés de quelques fils de soie. Une espèce extrêmement com-
mune partout, sur les haies, dans les vergers, dans les bois, en juillet
et août, est le L. Chrysorrhœa, Linn., la Phalène blanche à cul brun de
Geoffroy, l'Arctie queue d'or de Latreille,ûO à 33 millimètres d'envergure ;
les ailes d'un blanc un peu luisant, ordinairement sans taches, quel-
quefois avec un ou deux points noirâtres vers le bord interne des ailes
supérieures, le corps blanc avec les quatre derniers anneaux de l'abdo-
men d'un brun obscur et l'anus garni de poils d'un fauve brunâtre,
très développés chez la femelle et lui servant à couvrir ses œufs dépo-
sés en longs paquets oblongs sur les feuilles ou les branches de presque
tous les arbres ; les poils de cette bourre peuvent entrer dans la peau,
si l'on touche ces paquets d'œufs et causer des démangeaisons. Le papil-
lon vole le soir au réilecteur. Il est commun en Algérie, au printemps
et en été dans les forêts de chênes-lièges du cercle de la Galle
(H. Lucas).
Nous représentons des détails anatomiques du L. Chrysorrhœa (pi. xci,
fig. 3, tête vue de face ; 3 a, idem, vue de profil ; 3 6, portion de Tan-
tenne du mâle ; 3 c, une des articulations de cette antenne. La chenille
est brune, couverte de touffes de poils roux, avec deux boutons orangés
LIPAKIS. 377
sur les neuvième et dixième anneaux, en mai et juin; sociale, surtout
quand elle est jeune, sur tous les arbres forestiers, sauf les Conifères,
sur les arbres d'avenue, les arbres fruitiers de toute sorte et sur les
haies, aussi dans les jardins sur certains arbres exotiques, ainsi le
Sumac (Guérin-Méne- ville); elle se métamorphose dans le courant de
juin, entre les feuilles ou dans les bifurcations des branches, dans un
cocon très clair, entremêlé de quelques poils, et l'adulte éclot au bout
de trois semaines. Les œufs ne passent pas l'hiver; les petites chenilles
de septembre et octobre sont moins nuisibles que les chenilles bien
développées du printemps.
Celles-ci, par leur nombre et leur voracité, sont, en certaines années,
un véritable fléau pour les bois et les vergers. Les chenilles de cette
vile espèce sont souvent si abondantes, qu'elles ne laissent pas paraître
une seule feuille avant l'époque de leur métamorphose, à la tin de
juin, et périssent parfois par myriades, faute d'aliments, après avoir
saccagé des cantons tout entiers. Au moyen âge, époque de naïves et
pieuses croyances, les foudres de l'excommunication, avec sommation
de quitter le territoire, furent lancées assez souvent contre ces chenilles
et celles du L. D«spa?', lorsque leurs ravages devenaient trop désastreux.
Aux moments des mues les poils de la chenille de L. Chrysorrhœa se
détachent avec une grande facilité, et, lorsqu'ils s'introduisent dans les
pores de l'épiderme, y causent une rubéfaction douloureuse accompa-
gnée de prurit, à un degré moindre toutefois que les chenilles proces-
sionnaires du chêne et du pin. Cette propriété urticante des poils delà
chenille du Liparis cul-bruu est très fâcheuse , car elle empêche les
oiseaux de les avaler, sauf le Coucou, dont la muqueuse stomacale peut
supporter les chenilles velues, et quelques espèces de Mésanges, qui,
poussées par la faim, percent en hiver les toiles d'abri pour y chercher
les jeunes chenilles. Au reste, les oiseaux ne seraient qu'un secours peu
efficace contre les légions de ces chenilles; mais elles ont pour ennemis
des entomophages très féconds et aussi des intempéries climatériques,
de sorte qu'elles deviennent parfois très rares pendant plusieurs années
consécutives, résultât qu'on n'atteindrait jamais par le plus rigoureux
échenillage.
C'est dans la dernière semaine de juin que les chenilles de L. Chry-
sorrhœa se chrysalident. Elles reparaissent à la fin d'août, en septembre,
en octobre, et recommencent leurs ravages jusqu'en hiver, mais d'une
manière moins grave, car elles sont alors petites. Dans les Alpes-Mari-
times ces chenilles vivent principalement sur l'arbousier {Arbutus
unedo), auquel elles causent souvent un dommage considérable (Mil-
lière). Quand les atteintes du froid commencent à se faire sentir, elles
gagnent le sommet des branches pour hiverner et filent d'épaisses toiles
en commun, dans lesquelles elles s'abritent en y englobant des feuilles.
Ces feuilles, desséchées en hiver, ne tombent pas avec les autres et
aident beaucoup à voir les toiles à détruire. Si l'on fait une section dans
378 LÉPIDOPTÈRES.
une de ces bourses, on reconnaît que les petites chenilles sociales n'y
sont pas dispersées au hasard, mais sont par petits groupes dans des
logettes particulières, comme des amis se distribuant en petites réunions
particulières, au sein d'une vaste assemblée. C'est spécialement contre
cette espèce que fut faite la loi sur l'échenillage, du 15 mars 1796,
objets d arrcjtés préfectoraux annuels dans presque tous les départe-
ments. Elle oblige les propriétaires, fermiers et locataires de terrains,
d'écheniller les arbres, haies et buissons qui sont dans lesdits terrains
ainsi que ceux qui bordent les grandes routes et les chemins vicinaux;
il leur est enjoint de brûler sur-le-champ les bourses et toiles venant
desdits arbres, haies et buissons, en prenant les précautions nécessaires
pour éviter le danger du feu. La loi prescrit d'avoir terminé l'échenil-
lage au 15 mars, et ordonne aux maires et adjoints d'y faire procéder
d'office aux frais des propriétaires, etc., négligents. Cette loi ne con-
cerne que les espèces qui passent l'hiver dans des bourses ou toiles
soyeuses ; elle ne peut atteindre les espèces qui éclosent au printemps
et vivent sur les feuilles, soit à nu, soit sous des toiles formées après le
15 mars, comme les chenilles des Liparis D/spar et Bombyx Neustria,
de la Pyrale de la vigne, des Yponomeutes, etc. L'insuffisance de cette
loi bien trop spéciale de l'échenillage et surtout l'absence presque com-
plète de police rurale l'ont fait tomber en désuétude. L'action des insti-
tuteurs à cet égard et le concours des enfants des écoles pourront rendre
de grands services en généralisant les pratiques d'échenillage et les ap-
propriant aux époques et aux mœurs des espèces nuisibles, aussitôt,
bien entendu, que l'enseignenient primaire sera débarrassé des pra-
tiques de la routine et aura été rendu scientifique. Les instituteurs s'ef-
forceront de détruire cette idée, tout à fait fausse à l'égard des chenilles,
que les insectes du voisin négligent se transporteront chez le proprié-
taire qui aura échenillé et rendront sa peine et sa dépense inutiles. Les
chenilles sont nécessairement très sédentaires, et il faut qu'un arbre
soit absolument dépouillé pour qu'elles passent à l'arbre voisin ; les
propriétaires qui prennent la peine de nettoyer de chenilles leurs jar-
dins, leurs vergers et leurs vignes, ne tardent pas à reconnaître, à leur
grand profit, que leurs récoltes sont bien plus assurées que pelles des
voisins sans souci.
Les paquets de soie où vivent les chenilles du l,. Chrysorrhœq doivent
être coupés au sécateur quand ces chenilles sont très jeunes; lors-
qu'elles ont subi plusieurs mues elles se dispersent et ne rentrent plus
au nid, de sorte qu'on n'enlèverait plus que des bourses vides. Il est in-
dispensable de ramasser dans des sacs toutes les bourses coupées et de
les brûler avec soin; qu^nd on les laisse sur le sol, ce que font beau-
coup de gens, les chenilles remontent aux arbres. Enfin, et c'est là une
faute grave de la loi, il ne faut pas attendre au mois de mars pour
écheniller, mais couper les bourses dans les jours les plus froids ou les
plus brumeux de décembre et de janvipr; si l'on attend seulement en
LIPARIS. 379
février, il y a des journées (îe soleil assez chaud pour dissiper l'engour-
disseiT^culdes jeunes clienilles, et les plus vives sortent dos toiles d'abri.
Outre la destruction des nids, si l'on rencontre une femelle laissant traî-
ner après elle sur les feuilles un petit amas de poils fauves, il faut dé-
truire ce dernier avec soin ; c'est une colonie de chenilles en moins.
Enfin, dans les bois trop gravement atteints, et il en est ou des hectares
entiers n'ont plus une seule feuille, l'échenillage devient impossible.
11 faut alors allumer, de distance en distance, de peiits feux auxquels
les papillons viennent se brûler; les soirées de juillet et d'août sont les
époques de cette opération.
Une espèce très voisiae de la précédente est le L. similis Fuessly,
syn. ; L. anriflua, cat. de Vienne, la Phalène blanche à cul jaune d'En-
gram., VArctie cul doré de Latr., de la taille de l'espèce précédente, le
corps tout blanc, avec la région anale couverte de poils d'un jaune doré,
les ailes d'un blanc plus pur et plus brillant, les supérieures sensible-
ment plus arquées à la côte et ayant presque toujours un pu deux points
noirâtres sur leur bord interne. De toute la France en juillet, chenille
noire, à vasculaire géminée d'un beau rouge et à touffes de poils blancs ;
peu nuisible, sauf des cas exceptionnels, car elle vit solitaire eu mai et
juin, principalement dans les bois, sur le chêne, le charme, le saule, le
prunellier, et surtout sur les haies d'aubépine. On a indiqué le L. auri-
jlua comme répandant une odeur de musc très prononcée; cette espèce
est portée dans le catalogue de Belgique comme très commune, plus
que le L. Chrysorrhœa.
Dans un genre voisin, Laria, Hubner, la tète est cachée sous le tho-
rax, les antennes courtes, pectinées dans les deux sexes, presque autant
chez la femelle que chez le mâle, la spiritrompe nulle, les palpes petits,
peu velus, à dernier article obtus, les ailes larges et bien développées,
demi-transparentes, sans dessins ondulés; les chenilles n'ont pas de
brosses de poils, mais des aigrettes inégales, implantées sur des tuber-
cules. L'unique espèce européenne de ce genre, de toute la France,
toujours rare et des grandes forets, est le L. Vnigrum, Fabr., L. V noir
d'Engr., de ZiO àZj5 millimètres d'envergure, antennes d'un jaune rous-
sàtre avec la tige blanche, ailes d'un blanc verdàlre luisant, la teinte ver-
dàtre très fugitive et disparaissant au bout de peu de temps, avec un arc
en forme de V noir, à l'extrémité de la cellule discoïdale des supérieures,
le corps de la couleur des ailes, avec le dos de l'abdomen crête et les
deux premières paires de pattes tachetées de noir; vole le soir, en
juillet, dans les allées de bois, se prend au réflecteur. Cette espèce se
rencontre notamment à Compiègne, dans toutes les allées de haute fu-
taie qui aboutissent au poste forestier de Saint-Corneille. On trouve
assez souvent sur le sol de ces allées des débris d'ailes» provenant des
sujets mangés par les engoulevents ou les chauves-souris. Chenille dif-
ficile à élever, vivant en mai et juin, surtout sur le chêne, aussi sur le
hêtre et le bouleau, maigre, brune, à longs poils sur les premiers et
380 LÉPIDOPTÈRES.
derniers anneaux, remarquable à ce que, quand elle marche, le corps
est très haut perché sur les pattes membraneuses qui s'allongent beau-
coup. Chrysalide d'un beau vert tendre. Ce genre Laria comprend plu-
sieurs espi!ces exotiques, beaucoup plus grêles d'aspect que la nôtre, et
dont les ailes ont une apparence soyeuse et argentée.
€iVKTHOC%aiPA, Stephens. — Antennes pectinées dans le» deux sexes, plus
fortement cliez le mâle que chez la femelle. Spiritrompe nulle. Thorax très velu
et laineux. Ailes supérieures traversées par trois lignes sinueuses dentelées.
Abdomen du mâle court et obconique, celui de la femelle, long, cylindroïde et
terminé par des poils qui recouvrent la bourre soyeuse dont son extrémité est
garnie. — Chenilles avec des tubercules munis de longs poils, peu touffus.
Les deux espèces européennes de ce genre, qui compte parmi les Lépi-
doptères les plus nuisibles, sont fort remarquables par les mœurs de
leurs chenilles, spéciales à des familles d'arbres déterminés et passant,
non seulement le premier flge, mais toute leur vie larvaire, sous des
toiles filées en commun. Elles sont appelées Processionnaires d'après la
manière dont elles sortent le soir de ces nids pour se répandre sur
l'arbre et dévorer les feuilles, ou pour s'établir ailleurs, ce qui a lieu
chaque ibis qu'elles changent de peau. Cette marche a fait l'objet d'une
longue et curieuse description de Réaumur pour l'espèce du chêne, la
seule qu'on trouve aux environs de Paris. Il sort d'abord une chenille,
servant comme de guide général, puis deux, trois, etc., à la suite, s'al-
longeant en ruban mobile sur le tronc de l'arbre par files qui augmen-
tent d'une chenille à chaque rang, jusqu'à une largeur égale à l'entrée
du nid, après quoi l'ordre de la procession devient moins régulier. Une
autre propriété commune aux chenilles des deux espèces, c'est que leurs
poils enduits d'une matière acre se détachent aisément, surtout lors des
mues, sont emportés de toutes part par le vent, entrent dans la peau
des personnes qui passent près des nids, se couchent sous les arbres et
surtout touchent aux toiles. De là des urtications très douloureuses, des
rougeurs au cou, aux yeux, aux poignets, parfois même des accès de
fièvre. Il faut faire des lotions avec de Leau vinaigrée ou aiguisée d'un
peu d'acide phénique. On peut encore se servir d'eau blanche ou d'alcali
volatil. Ce sont là les prétendues chenilles venimeuses, très redoutées
pour l'espèce du chêne dans les bois des environs de Paris, lors des
années où il y a beaucoup de bourses collées aux arbres. Dans l'année
1865, à Paris, plusieurs allées du bois de Boulogne furent interdites aux
promeneurs pour cette cause.
L'espèce du chêne est le C. Processionea, Linn., la Processionnaire de
Réaumur, ^0 millimètres d'envergure chez le mâle ; antennes brunâtres
avec la tige jaunâtre; thorax gris, avec le dessus noirâtre; ailes supé-
rieures blanchâtres à la base, puis d'un gris blanc, avec trois lignes
transverses et sinuées d'un brun noirâtre, une lunule centrale de même
CNETIIOCAMPA. 381
couleur, ainsi qu'un trait éclairé extérieurement de hlanchûtre prôs
de l'angle apical; ailes inférieures d'un blanc; grisâtre, traversées par
une bande obscurcie nébuleuse; abdomen jaunâtre, avec les incisions
cendrées. Femelle un peu plus grande, plus nébuleuse, avec l'extrémité
de l'abdomen garnie de poils grisâtres. L'adulte éclot en juillet ou au
commencement d'août; quoique l'espèce ne soit que trop commune en
certaines années dans les bois de chêne, on le prend très rarement au
vol. Les amateurs qui désirent l'espèce pour collection doivent, non pas
élever les chenilles, ce qui ne réussit guère, mais enlever du nid, fin
juin, les cocons à chrysalides, en prenant de grandes précautions, sur-
tout pour les yeux; le mieux est d'opérer par un jour de grande pluie,
où les poils urlicants se détachent peu. La chenille est grise, avec le dos
noirâtre et les taches fauves; les neufs pondus sur les Ironcs par les
femelles donnent au printemps des chenilles qui s'associent sous des
toiles d'un jaune brunâtre, comme de l'amadou, placées aux fourches
des grosses branches et du tronc, ou sur le tronc, même assez bas. On
trouve ces nids en mai et juin, et, à la fin de ce mois, les chenilles, sous
la toile commune, filent des cocons agglomérés les uns contre les autres,
d'un gris jaunâtre et d'une soie grossière, entremêlée des poils de la
dernière peau de la chenille. Ces poils urticants, la teinte de la soie et
son peu de sohdité ont empêché de tirer parti de ces toiles par le car-
dage. En certaines années la Processionnaire du chêne fait beaucoup de
dégâts en détruisant les feuilles du printemps, puis devient très rare
pendant des années, sous l'action des gelées blanches et des entomo
phagesà longue tarière, surtout les Pimples, qu'on obtient en quantité si
l'on recueille les cocons. Les Calosomes, principalement le Sycophante,
sont aussi de grands ennemis de ces chenilles. Il grimpe aux chênes
pour les dévorer, et sa larve pénètre dans les toiles pour y porter le
ravage, se gorgeant de chenilles au point de ne plus pouvoir sortir.
L'autre espèce du genre est méridionale, très commune dans les
Landes sur le pin maritime, en Auvergne (Puy -de-Dome), sur les pins sil-
vestre et maritime, aussi dans le département du Hhône, très commune
sur les diverses espèces des pins dans les Alpes-Maritimes où le papillon
vole en août, rencontrée en Algérie sur les cèdres ; c'est le C Pityncampa,
Cat. de Vienne, la Processionnaire du -pin, de taille un peu plus grande
que l'espèce du chêne et lui ressemblant beaucoup, les lignes noirâtres
des ailes supérieures plus flexueuses et mieux marquées, les ailes infé-
rieures grisâtres, n'ayant qu'une petite tache brune placée près de l'angle
anal. Femelle souvent beaucoup plus grande que le mâle, pins grisâtre,
avec les dessins plus confus et l'extrémité de l'abdomen également
garnie de poils gris. Les chenilles, qui se nourrissent des feuilles
de conifères du grand genre Pinus, passent l'hiver et se construisent
des nids soyeux filés en commun, non plus sur le tronc, mais fixés
aux branches, en forme de grandes bourses blanches, souvent de
la grosseur de la tête d'un homme. Elles en sortent en files, pour
382 LÊPIDOPTÈBES.
aller manger, laissant sur le passaye de chacune un tracé soyeux
de 2 millimètres de largeur. Parvenues à toute leur croissance elles
quittent le nid pour se clirysalider eu terre. Les adultes écloseiit en
juillet. La blancheur de la soie de ces bourses et ce fait qu'elles ne
renferment pas de cocons à poils urticants, ont porté quelques personnes
à essayer d'uliliser cette soie par le cardage, en prenant des nids vides
de chenilles et assez anciens pour âtre débarrassés de poils. On a obtenu
une belle soie blanche, mais qui a le grave inconvénient de s'altérer
par l'eau bouillante, en donnant une masse gommeusc; il est fort dou-
teux qu'on puisse jamais tirer parti de ces bourses, comme on a pu le
faire pour des espèces de Madagascar et du Mexique. Kn certaines an-
nées la Processionnaire du pin est fort commune et cause de grands
ravages.
ORGYA, Ochs. — Antennes courtes, plumeuses ou largement pectinées dans les
mâles, dentées dans les femelles. Spiritrompe nulle. Palpes velus, débordant
le chaperon. Corps grêle et ailes larges et propres au vol dans les mâles; corj)s
très gros, ailes nulles ou très rudimentaires dans les femelles. — Chenilles gar-
nies de poils, disposés les uns sur le dos en forme de brosses, les autres en ai-
grettes ou pinceaux aux deux extrémités du corps, deux latéralement sur le
cou ou prothorax et dirigés en avant comme des antennes; d'autres, à la région
postérieure du corps, dont un priiicipal sur le onzième anneau, dirigé en ar-
rière, comnle la corne des chenilles de Sphinx. — Chrysalides velues, plus ou
moins ventrues, renfermées dans des coques d'un tissu lâche, entremêlé de
poils de la chenille.
Les Orgyes mâles sont des papillons de petite taille, mais très vifs et
volant pendant le jour, surtout au soleil, à la recherche des cocons à
femelles. L'espèce la plus commune, de toute l'Europe, trouvée en juin
en Algérie dans le cercle de La Galle, est l'O. antiqua, Linn., VÉtoilée de
Geoffroy //te Cyommon Vapourer, des Anglais, paraissant en juin, puis et
plus fréquente encore en septembre et octobre, dans les jardins, les
vergers, les haies, etc. ; 26 à 30 millimètres d'envergure; antennes du
mâle d'un brun grisâtre, avec la tige jaunâtre; corps et ailes supérieures
d'un fauve brunâtre clair, avec des bundes transverses sinuées, dont la
postérieure plus large est terminée avant l'angle interne par une lunule
très blanche, comparée par Geoffroy à une étoile, la frange entrecoupée
de points noirâtres; ailes inférieures d'un brun roux, avec la frange d'un
jaune sale. Femelle d'un gris jaunâtre, avec des moignons d'ailes très
courts. Chenille noire, à brosses jaunes, verrues rouges et cinq aigrettes
de poils en arrière, vit en mai et en août sur presque tous les arbres
fbrestiers et fruitiers, sur les rosiers, les genêis, etc., peu nuisible toute-
fois en général à cause de sa faible taille et d'une multiplication assez
modérée. tJne seconde espèce, beaucoup moins commune, aussi de
toute la France, paraissant deux foi?, en juin, puis en août et septembre,
ORGYA, DEMAS. 383
est l'O. Gonostigma, Cat. de Vienne, la Soucieuse d'Engr., thc Scarcc Va-
■poiirer; envergure du mâle 30 millimôtres, corps brun, ailes supérieures
d'un brun marron plus ou moins obscur, avec trois lignes transverses
d'un brun noir<1tre et deux taches blanches, l'une à l'angle apical,
l'autre cà l'angle interne, la tache de l'angle apical étant précédée de
deux taches oblongues d'un jaune roussAtre; ailes inférieures d'un noir
brun, avec des poils cendrés le long du bord abdominal ; frange blan-
châtre, entrecoupée de noir, surtout aux ailes supérieures. Femelle à
corps très gros et gonflé, d'un cendré obscur, avec des vestiges d'ailes
à peine visibles, les pattes et les antennes d'un brun jaunâtre. Chenille
très aisée à reconnaître (pi. xcu, fig. 5), beaucoup plus forte si elle doit
donner une femelle, noire et rouge, à brosses blondes et aigrettes de
poils blonds annelés de noir, trois en arriiire et les deux antérieures
très étalées, en mai et août sur le chêne, l'aulne, le prunellier, le noise-
tier, l'églantier, l'aubépine, les ronces, etc., cocon d'un jaune pâle, un
peu grisâtre (pi. xcii, fig. 5 a); chrysalide d'un noir brun, à poils jau-
nâtres ainsi que les anneaux de l'abdomen (pi. xcu, flg. 5 b). Les fe-
melles des deux espèces que nous venons de décrire sortent du cocon, se
cramponnant à sa surface; c'est là qu'elles sont copulées par le mâle,
et c'est généralement sur le cocon même qu'elles pondent un grand
nombre d'œufs. Les individus de ces deux espèces hivernent soit en
œufs, soit en chenilles, soit en chrysalides. Il y a, dans le midi de la
France, deux autres espèces d'Orgya beaucoup plus rares, dont les fe-
melles, absolument sans ailes, ne sortent pas du cocon dans lequel s'opè-
rent l'accouplement et la ponte. Ce sont l'O. trigotephras, Boisd., à che-
nille sur le chêne-vert, lechéne-liège, le genêt, etc., et l'O. aurolimbata,
Guénée, à ailes d'un brun bistré uni, avec la frange d'un beau jaune
d'or, la chenille sur divers genêts et sur le saule marsault. Nous repré-
sentons les deux sexes d'une Orgye exotique, l'O. detrita, Boisd., de l'A-
mérique septentrionale, d'un brun terreux dans les deux sexes, la base
des quatre ailes du mâle plus pâle, la frange alternativement tachée
de brun et de jaunâtre (pi. xcu, flg. Z(,mâle ; rig.i a), femelle aptère.
Dr.M.lS, Steph., syn. COLOCASIA, Oclis. — Antenne.s longues, pectinées dans le
iiiùle, filiformes dans la femelle. Spiritrompe courte, mais distincte. Palpes très
courts, cylindriques et velus, le dernier article nu. Thorax large et squameux.
Ailes développées dans les deux sexes, avec les taches habituelles des Noctuelles
et leur port au repos. Abdomen crèlé. — Chenilles courtes, velues et aigrettées,
les pinceaux antérieurs ou antenniformes portés par le mésolhorax et non par
le prothorax, comme chez les Orgi/a.
Le type et unique espèce de ce genre, placé par certains auteurs en
tête des Noctuéliens dans la Iribu des Bombycoïdes, de toute la France,
paraissant deux fois en avril et mai, puis en juillet et août, sur les haies
et dans les bois secs, posée sur le tronc des chênes, des hêtres, etc., est
384 LÉPIDOPTÈRES.
le D. coryli, Linn., la Phalène du noisetier, d'Engramelle, offrant les deux
sexes pareils, 32 millimètres d'envergure, tt^te grise, ainsi que le thorax,
qui est traversé longitudinalement par trois lignes d'un brun noir; ailes
supérieures d'un brun roux de la base jusqu'au milieu de l'aile, avec
deux lignes sinueuses d'un bistre foncé se coupant à angle aigu et les
deux taches des .N'octuelles de même couleur, Torbiculaire et la réniforme,
celle-ci peu marquée, la partie terminale de l'aile d'un gris bleuâtre,
traversée par une ligne tlexueuse plus pâle, la frange entrecoupée de
gris et de brun; ailes inférieures d'un gris roussâtre, avec la frange
comme aux supérieures; abdomen d'un gris roux. Chenille d'un blanc
roux, avec la tète et trois aigrettes rousses, en juin, puis en septembre
et octobre, sur le chOne, le hêtre, le charme, le bouleau, le noisetier et
aussi sur l'aubépine, avec les feuilles de laquelle on l'élève facilement
(Catal. Le Roy). De Belgique, bois et taillis.
DA<!iYCHlRA, Stephens. — Antennes courtes, pectinées dans les mâles, dentées
dans les femelles. Spirilrompe rvidimentaire. Palpes courts, très velus. Ailes
oblongues et propres au vol dans les deux sexes. Pattes antérieures étendues
en avant dans le repos, très velues chez les femelles. Abdomen terminé par une
brosse de poils dans le mâle, remplacée quelquefois par une bourre soyeuse
chez la femelle. — Chenilles dépourvues des aigrettes antenniformes des 0?-gia
et Dernas, pourvues de brosses de poils serrés sur les anneaux du milieu e-
d'un pinceau sur le onzième. — Chrysalides en cocons légers.
Les genres Dasychira et Deiaas étaient autrefois réunis aux Orgya,
sauf par les auteurs rangeant le genre Demas dans les Noctuelles. Les che-
nilles des Dasychira vivent sur les arbres et arbustes. L'espèce la plus
répandue en France et en Belgique est le D. pudibunda, Linn., la Patte
étendue de Geoffroy et d'Engram. ; mâle de /i8 à 50 millimètres d'enver-
gure, antennes avec les barbes roussàtres; corps d'un gris blanchâtre;
ailes supérieures mêlées de gris-blanc et de gris-brun, avec une bande
d'un gris-brun, plus ou moins bien marquée au milieu, quatre lignes
transverses ondulées et une série marginale des points d'un brun noi-
râtre ; ailes inférieures blanchâtres, avec une bande brunâtre très nua-
geuse, toujours mieux marquée vers l'angle anal. Femelle beaucoup plus
grande, les ailes blanchâtres, semées d'atomes d'un gris brun, avec les
bandes transverses bien marquées et tout l'espace médian plus foncé.
Les adultes sont fréquents dans toute la France et la Belgique, d'avril à
juin, dans les jardins et dans les vergers, et aussi dans les bois et les
bosquets des champs. La chenille est très jolie, verte ou brune, avec les
incisions du dos d'un beau noir de velours, quatre brosses jaunes ou
blanches, et un pinceau de poils roses ou violacés sur le onzième an-
neau ; on la trouve, du milieu d'août au milieu d'octobre, sur beaucoup
d'arbres fruitiers, sur le chêne, l'orme, le charme, le peuplier, le
noyer, fréquente sur les haies de charme qui bordent les grandes routes
DASYCHIRA. 385
des bois; dans les Alpes-Maritimes, le papillon paraît en mai et une se-
conde fois en août; chenille en juin et septembre, devenant, en cer-
taines années, un fléau pour le noyer (Millière). Cette chenille file entre
les feuilles ou dans les bifurcations des branches un cocon léger, d'une
jolie soie blanche, entremêlé de quelques poils, et on pourrait en tirer
paiti, s'il était plus fourni; la chrysalide passe l'hiver. Le D. pudibunda
n'est pas d'habitude assez abondant pour être véritablement nuisible,
surtout en raison de l'époque avancée où vit sa chenille, alors que les
arbres sont très feuillus ; mais, de même que pour quelques autres es-
pèces, sa multiplication peut devenir énorme sous l'empire de circon-
siances encore inconnues, de façon qu'il cause alors des dommages con-
sidérables. Dans l'automne de 18û8, la chenille de cette espèce dévasta,
dans la Meurthe, sur une superficie d'environ 1500 hectares, les forêts
des environs de Phalsbourg, et aussi dans les cantons de Saverne et de
Sarrebourg. Les arbres furent entièrement dépouillés de leurs feuilles,
de sorte que certains versants de montagne présentaient, au commen-
cement de l'automne, l'aspect qu'ont ordinairement les arbres en hiver.
Beaucoup de chenilles périrent, faute de nourriture, formant sur le sol
une couche qui, en quelques endroits, avait au moins 12 centimètres
d'épaisseur, ce qui faisait redouter les conséquences de leur putréfac-
tion; pendant plusieurs années les paysans lorrains gardèrent le souve-
nir des ravages exercés par ces chenilles, qu'ils appelèrent, par une al-
lusion d'une bienveillance douteuse : chenilles de la République. Une
seconde espèce, moins commune, est le D. Fascelina Linn., la Patte
étendue agate, de de Géer, le Bombyx porte-brosses, de Godart, le mâle,
de ûO millimètres d'env., les ailes supérieures d'un gris blanchâtre le
long de la côte, d'un gris cendré sur le reste de la surface, avec trois
lignes transverses, ondulées et noires, entremêlées de petits points oran-
gés; ailes inférieures d'un gris cendré pâle, souvent sans taches, quel-
quefois avec une lunule centrale et une bande postérieure légèrement
obscures; femelle plus grande, avec les mômes dessins que le mâle, et
ayant, en outre, l'abdomen garni d'un bourrelet laineux plus foncé
que le corps; adulte volant quelquefois pendant le jour, paraissant à la
fin de juillet et en août, dans les lieux incultes, au milieu des buissons
et des champs de genêt, dans une grande partie de la France et en
Belgique, assez rare en août dans les dunes à Dunkerque (cat. Le Roi);
chenille grise, à brosses noires et blanches, en mai et au commence-
ment de juin sur les bruyères, les genêts, aussi sur le prunellier, l'au-
bépine, l'hippophaë, etc. M. Le Roi dit avoir élevé assez souvent cette
chenille avec le trèfle blanc ou la luzerne.
Il semblerait, d'après l'aspect de la chenille, à brosses et à pinceaux,
qu'on devrait rapprocher des genres précédents une espèce figurée par
Guérin-Méneville sous le nom de Sericaria tcsseUata Boisduval, sans in-
dication de localité (pi. xcii, fig. 2), mais qui n'est certainement pas du
genre Sericaria, que nous réservons presque exclusivement au Ver à soie
GIRARD. ni. — 25
386 LÉPIDOPTÈRES.
du mûrier. Boisduval rangeait également dans ce genre, entendu dans
le sens de Latreille, un Bombycien de l'Amérique du Nord, qu'il nomme
S, Ranœceps Boisd.; de 53 millimètres d'env., à antennes filiformes
chez la femelle (pi. xcii, fig. 1), la tête et le corselet d'un fauve ferrugi-
neux, les ailes supérieures d'un brun rougeâtre avec quelques lignes
noirâtres, les inférieures et l'abdomen d'un brun jaunâtre pâle, la
frange des quatre ailes jaune. Les adultes de ce genre de Latreille sont
voisins des Pi/gœra et Ciostera.
SÉRICARIDES.
Il est très difficile d'assigner la place exacte du Ver à soie du mûrier
dans les Bombyciens, car ses caractères diffèrent notablement de ceux
de nos espèces indigènes et de presque toutes les espèces exotiques. Il
a certains rapports avec Y Endromis versicolora, Linn., et M. E. Blan-
chard le place dans les Endromites, avec les genres Endromis et Aglia.
Nous préférons attacher une grande importance à la sécrétion soyeuse
qui fait du Ver à soie du mûrier l'origine d'une industrie de premier
ordre, et ne pas le mettre dans la même famille que les genres Endro-
mis et Aglia, dont les cocons rudimenlaires sont des plus grossiers.
Nous formerons une famille pour les Lépidoptères qui produisent les
plus riches matières textiles connues, et dont le nom sera tiré du nom
de son genre principal et presque unique, Sericaria, E . Blanch. non Latr.,
nom provenant de Sencar/us, mot qui signifie : ouvrier en soie. Le genre
créé par Latreille s'appliquait à d'autres Bombyciens qu'aux véritables
Vers à soie, qui sont nos Séricarides, propres à la Chine, aux Indes orien-
tales, aux îles indo-sondaïques, surtout des régions montagneuses^ jus-
qu'à 2500 mètres environ de hauteur, et dont les chenilles se filent d'épais
cocons fermés aux deux bouts d'une soie très fine. Elles vivent toutes
sur les feuilles d'arbres ou d'arbustes de la famille des Morées (mûriers,
figuiers).
trCRlCARIA, É. Bland. — Corps très robuste dans les femelles, moins épais chez
les mâles; antennes bi pectinées chez les mâles, dentelées chez les femelles;
spiritrompe et palpes très rudimenlaires; ailes développées, étendues au repos,
sans appareil du frein, avec une marque discoïdale chez les mâles. — Chenilles
allongées, cylindroïdes, glabres, munies ou d'une corne sur le onzième anneau,
à la façon des Sphinx, ou d'épines diverses sur les segments. — Chrysalides
cylindrico-coniques, en cocons fermés, serrés, très soyeux.
Le type de ce genre important est le S. mori Linn. {Bombyx Linn.)i
le Ver à soie du mûrier, que l'on ne connaît qu'à l'état domestique,
(pi. xciii, fig. 1), papillon mâle, d'environ 30 millimètres d'env., les an-
tennes grisâtres, le corps comme les ailes d'un blanc généralement un
peu jaunâtre ou grisâtre, les ailes supérieures un peu falquées au som-
met, ayant dans beaucoup de races, chez le mâle, un croissant discoïdal
SERICARIA. 387
et deux lignes transverses brunâtres qui se prolongent quelquefois sur
les inférieures, ces dessins le plus souvent effacés dans les femelles. La
chenille, ou le Ver à soie proprement dit, est généralement glabre et
blanchâtre, quand elle a atteint tout son développement (voir pi. xciii,
fig. h. Ver sain), à segments épais, sub-renflés, la tète petite, le protho-
rax renflé, l'avant-dernier anneau muni d'une corne élroite, recourbée
en arrière, de sorte que cette chenille ressemble à celles des Sphin-
giens. Le cocon est ample relativement au volume de la chrysalide et
de l'adulte, arrondi et fermé aux deux bouts, en général plus ou moins
régulièrement ovoïde, souvent un peu étranglé en son milieu, surtout
chez les mâles, ses couleurs habituelles étant le blanc pur, le jaune
plus ou moins vif, le vert blanchâtre ou céladon. Le Ver à soie du mû-
rier est réellement aux insectes ce que le mouton est aux mammifères;
il est abruti héréditairement par une domestication fort reculée, d'é-
poque précise très incertaine, de sorte que la majeure partie des indi-
vidus périraient sans les soins continuels de l'homme. Les chenilles pla-
cées sur les mûriers tombent au moindre vent, ne sachant plus se servir
de leurs pattes membraneuses et de leurs couronnes de crochets pour
se cramponner aux feuilles ; elles n'ont plus l'instinct de s'abriter sous
les feuilles contre le soleil et la pluie, ni de se soustraire aux regards
des insectes ennemis, ichneumons, guêpes, fourmis, etc., et des oi-
seaux. Les femelles restent immobiles sur le plan de position, remuant
à peine leurs ailes par intervalles; les mâles tournent autour d'elles, en
battant rapidement des ailes, mais sans sauter, ni voler. Cependant,
d'après les renseignements de l'abbé Armand David, le Ver à soie existe
encore dans certaines forêts de l'intérieur de la Chine, sans doute aussi
de la Perse et des pentes de l'Himalaya oriental, où le mûrier blanc se
trouve à l'état spontané. C'est très probablement un Bombycien de vol
rapide, à la façon peut-être de notre Versicolore, qui a des analogies
incontestables pour l'adulte et la chenille, et de plusieurs de nos Bom-
byx forestiers. M. Martins, à Montpellier, fit autrefois l'expérience d'éle-
ver exclusivement le ver à soie, en plein air, sur le mûrier, et à la troi-
sième génération les mâles avaient recouvré la faculté de voler. Depuis
plus de douze ans, à Orbe, près Lausanne (Suisse), M. Roland élève
le Ver à soie avec succès en plein air sur le mûrier, en vue d'obtenir
une race rustique robuste, donnant en chambrée close une éducation in-
dustrielle exempte d'épidémie. Selon l'opinion la plus répandue, la cou-
leur primitive des cocons était le jaune; les races jaunes sont plus fré-
quentes que les races blanches, et on voit, de temps à autre, reparaître
naturellement la couleur jaune dans les races à cocons blancs. De môme
les couvées de serins domestiques, qui sont des albinos, reproduisent
assez souvent, en tout ou en partie, le type vert, sauvage aux lies Cana-
ries. Des auteurs regardent les Vers à soie noirâtres, dits moricauds ou
bouchards, race très robuste, comme le type premier de l'espèce. La
domestication, par dégénérescence, aurait blanchi la chenille, de même
388 LÉPIDOPTÈRES.
que la soie du cocon. On trouve aussi parfois des vers zébrés, noirs
blancs, surtout dans les races chinoises. Il y a des auteurs qui admetlent
la primitive existence de deux espaces tri-s voisines, l'une à soie blanche,
l'autre à soie jaune, confondues dans les éducations donaestiques par de
très anciens croisements.
Les auteurs anciens désignent sous le nom de Sûres (du mot persan
spr ou zer, qui veut dire or) un peuple qui semblait, dès une antiquité
très reculée, faire son occupation principale de l'industrie de la soie.
Cette dénomination paraît s'appliquer au peuple chinois. En effet, les
auteurs s'accordent à dire que la patrie d'origine du Ver à soie et du
mûrier blanc {Morus alba), qui est sa nourriture préférable, est la
Chine, et c'est du sein de cette vaste contrée que ce précieux insecte
s'est répandu partout où il existe aujourd'hui. Les historiens chinois
font remonter à une époque très reculée la découverte de l'ajt d'élever,
de multiplier le Ver à soie et de fabriquer des étoffes avec le fil brillant
dont il forme son cocon.
Au dire des historiens chinois, Fou-hi (3Z|00 avant Jésus-Christ) aurait
invente deux instruments de musique dont les cordes étaient en soie,
provenant sans doute du ver sauvage. Ce n'est en efl'et que sous Hoang-
ti (2650 avant Jésus-Christ) que le premier insecte fut rendu domestique
par les soins de l'impératrice Si-ling-chi, qui enseigna aussi l'art de filer
le cocon et de tisser la soie. Les populations reconnaissantes élevèrent
au rang des Génies l'épouse de leur souverain, sous le nom de Sien-
thsan (la première qui a élevé des Vers à soie), et une cérémonie
religieuse annuelle rappelle encore à chaque printemps, dans
le palais impérial, son souvenir vénéré, l\ l'époque où l'on com-
mence ù cueillir les feuilles du mûrier. De même en Italie les pré-
mices de la récolte des cocons sont bénis par les prêtres des cam-
pagnes.
La culture du mûrier se propagea rapidement en Chine. Il existe
encore, dans la province de Canton, les restes grandioses de con-
structions destinées à remédier aux désastres d'un déluge (2286
avant Jésus-Christ), faire écouler les eaux et permettre de planter des
mûriers.
La soie se répandit peu à peu par le commerce à l'extérieur de la
Chine. Du temps d'Ézéchiel (600 avant Jésus-Christ), la soie entrait dans
la parure des femmes juives. Les vêtements nommés médiques par Héro-
dote et Xénophon étaient des tissus de soie. On en vit pour la première
fois à Rome aux jeux donnés par César (li6 avant Jésus-Christ). Plus tard
Héliogabale (217-222), élevé dans les temples syriens, présida plusieurs
fois le sénat avec des vêtements de soie exclusivement réservés aux
femmes, d'après l'historien Lamprinus. Les soieries se maintenaient
à un prix exclusif et, sous Aurélien (270-275), se payaient au poids
de l'or, selon l'épithèle isochrysos des Grecs. Aussi l'impératrice
Scverina, moins heureuse que bien des femmes de paysans et d'où-
SERICARIA, 389
vriers d'aujourd'hui, sévit refuser une robe de soie par le maître du
monde (1).
Le gouvernement chinois veillait en effet avec un soin minutieux à
ce qu'il ne pût sortir de l'empire que des tissus ouvrés, source de béné-
fices précieux et exclusifs. Des gardes vigilants ne laissaient passer ni
les cocons, ni les soies en fil. C'est ce qui explique les erreurs d'Aris-
lote, répétées par Pline, et qui ont longtemps égaré les historiens dé la
soie. Ces auteurs parlent de la soie produite par un insecte de l'île de
Cos, dans l'Archipel. Il s'agit de cocons de quelque Bombycide sauvage.
Ces anciens naturalistes croyaient que la véritable soie, dite abxjssinienne
(car elle arrivait alors d'Abyssinie par la voie du commerce), provenait
d'un arbre; ils confondaient avec un fruit les cocons de YAtlacus Mylitta.
Pausanias, bien plus tard, en attribuait l'origine à une araignée. On
sait que les lîpeires donnent une belle soie pour leurs cocons à œufs.
Ce n'est qu'au quatrième siècle, dans une phrase des Homélies de saint
Basile, qu'on trouve une indication exacte sur le Ver à soie et son
cocon.
Les historiens attribuent à une princesse chinoise la propagation du
mûrier et de la soie hors des limites du Céleste Empire. Fiancée à un
roi de la Petite Boukharie, au centre de l'Asie, elle apprit qu'il n'y avait
ni mûriers ni Vers à soie dans sa patrie future, et, désolée à la pensée
de se voir privée des précieuses étoffes qui faisaient sa joie et son or-
gueil, elle ne craignit pas d'enfreindre les lois les plus sévères. Elle
cacha dans sa coiffure des graines de mûriers et des œufs de Ver à soie;
les gardes, n'osant porter les mains sur une princesse du sang impé-
rial, laissèrent ainsi sortir les éléments d'un nouveau et important com-
merce pour les contrées centrales de l'Asie.
L'industrie séricicole fut longtemps à pénétrer en Europe, arrêtée
par de jaloux monopoles.
Pendant bien des années la ville de Turfau, dans la petite Boulvharie,
fut le rendez-vous des caravanes venant de l'Ouest et l'entrepôt principal
des scieries de la Chine. Elle était la métropole des Sères de l'Asie
supérieure ou de la Sérique de Ptolémée. Expulsés de leur pays par les
Huns, les Sères s'établirent dans la Grande Boukharie et dans l'Inde.
C'est d'une de leurs colonies, de Sérinde, ou Ser-lndi, qu'en 552, au
péril de leur vie, des moines grecs de l'ordre de Saint-Basile apportèrent
à Constantinople, à l'empereur Justinien, des graines de mûrier et des
(1) L'aaecdote en question se trouve consignée dans le passage suivant de la
vie d'Aurélien par Flavius Vopiscus {Scriptores historiœ augustœ, c. 45, m fine) :
et cum ab eo uxor sua peterit^ ut um'co pallio blatteo serico uteretur, ille res-
pondit : « absit, ut auro fila pensentur », libra enim uuri iunc libra sériai
fuit. Le nom de l'iuipéiatrice ne se trouve indiqué ni par Vopiscus, ni dans les
autres historiens; mais, sur les médailles, elle s'appelle Ulpia Severina ou sim-
plement Severina.
390 LÉPIDOPTÈRES.
œufs de Ver à soie, renfermés dans l'intérieur de cannes de bambou.
On fit éclore les œufs à la chaleur du fumier. Les environs de Constan
tinople devinrent le lieu de production des tissus de soie que le com-
merce européen se procurait au commencement du moyen âge. C'est
de là que Charlemagne fit venir son riche manteau et les deux rohes
de soie dont il fit présent au roi de Mercie ; c'est aussi Constantinople
qui fournit aux abbés de Saint-Denis l'oriflamme, ou bannière de soie
rouge à flammes d'or, qui, à partir de 1126, devint l'étendard des rois
de France et les suivit dans les grandes guerres.
De Constantinople, la culture du mûrier et l'élevage du Ver à soie se
répandirent d'abord en Grèce et surtout dans la Péloponèse, qui dès
lors reçut et garda le nom de Morée, de Morus (mûrier). Au huitième siè-
cle les Arabes apportèrent cette industrie en Espagne, où le mûrier noir
fut d'abord seul cultivé, tandis que le mûrier blanc, bien préférable,
demeurait confiné en Grèce. En IIZ16, Roger II en introduisit la culture
dans la Sicile et dans la Calabre. Ce n'est qu'au quinzième siècle que
cette culture atteignit les limites septentrionales de l'Italie. C'est par la
Provence que le mûrier et lé Ver à soie passèrent en France, comme
conséquence de l'occupation du royaume de Naples par les princes de
la maison d'Anjou, et non pas comme résultat des passagères conquêtes
de Charles VIII en Italie, qui eurent lieu bien plus tard. Sous les papes,
on trouve dans le comtat d'Avignon la culture du mûrier et l'industrie
de la soie. En iSlib, le sénéchal de Nîmes et de Beaucaire envoyait à
Jeanne de Bourgogne douze livres de soie récoltée en Provence. En IZ166,
Louis XI transporta en Touraine, au Plessis-lès-Tours, les mûriers et
leur précieux insecte. Catherine de Médicis encouragea avec ardeur
l'industrie qui florissait dans son pays, et, sous son influence, des pépi-
nières de mûriers s'établirent près de Toulouse, dans le Bourbonnais et
dans l'Orléanais. C'est sous Henri IV, par les conseils d'Olivier de Serres
et de Barthélémy de Laffemas, contrôleur général du commerce, et
malgré le sévère Sully, toujours en garde contre le relâchement des
mœurs par le luxe, que l'industrie séricicole prit une extension consi-
dérable. Lea mûriers se propagèrent dans tout le royaume et, en 1601,
il en fut planté aux Tuileries. Une magnanerie et une filature de soie y
furent installées. Sous Louis XIII cette portion de l'agriculture fut né-
ghgée. Elle reprit sous Louis XIV une extension considérable, grâce à
Colbert. Ce ministre, qui pensait que la prospérité d'un État est dans le
commerce, comprit tout l'avantage qu'on pouvait retirer du mûrier; il
rétablit les pépinières, il distribua les pieds qu'on en retirait ou les fit
planter aux frais de l'État sur les berges des chemins. Ce procédé, con-
traire aux lois de la propriété, déplut aux habitants des campagnes, de
sorte que les plantations allèrent en dépérissant.
Mieux inspiré, le gouvernement fit promettre et paya exactement
vingt-quatre sous par pied d'arbre subsistant au bout de trois ans, et ce
moyen^réussit. C'est à cette époque que le capitaine François de Carie,
SERICARIA. 391
retiré de la carrière militaire après avoir servi en Italie, introduisit dans
les Cévennes l'industrie séricicole,qui fit la richesse de ces montagnes.
Le Languedoc, la Provence, le Dauphiné, le Vivarais, le Lyonnais, la
Gascogne, la Saintonge, la Touraine, se couvrirent de mûriers. Enfin
Colbert, après avoir porté la culture du mûrier au plus haut degré,
tourna ses soins du côté de la fabrication des soies ; il fit venir un nommé
Benais, de Bologne, pour établir un tirage de soie et des moulins.
Benais remplit parfaitement les vues du ministre ; les soies de son
tirage furent bientôt au pair avec celles de sa patrie. Le roi lui accorda
des gratifications considérables, avec un titre de noblesse; il donna éga-
lement, par un arrêt du conseil du 30 septembre 1670, des grands pri-
vilèges aux entrepreneurs de la fabrique des soies et organsins façon
de Bologne. Louis XV ne perdit pas de vue l'objet important qui avait
occupé son prédécesseur ; il rendit plusieurs arrêts pour favoriser l'éta-
blissement des manufactures de soie. Des pépinières furent également
établies dans plusieurs provinces, particulièrement en 17Zi5, sous Le
Nain, intendant du Poitou ; en 1756, en Gascogne, sous l'intendant De
Ligny. Les intendants de Tours, de Montauban et de Grenoble suivirent
la même voie : les arbres de ces pépinières furent gratuitement distri-
bués. De 1700 à 1788, la France produisait environ 6 millions de kilo-
grammes de cocons. La production tomba de moitié sous la République,
se releva sous l'Empire et dans les premiers années de la Restauration,
mais sans revenir au chiffre précédent. C'est à partir de 1820 qu'elle reprit
un mouvement ascendant considérable, jusqu'en 185Zi, où se font sentir
pour la première fois, d'une manière grave, les atteintes de l'épidémie.
Quelques chiffres nous serviront à démontrer toute l'importante de
l'industrie qui repose sur le Bombycien dont nous faisons l'histoire.
M. Dumas, rapporteur au Sénat (9 juin 1865) d'une pétition de sérici-
culteurs du Midi, réclamant un dégrèvement d'impôt en raison de l'épi-
démie, évalue à 1100 millions de francs la production annuelle de la
soie sur toute la terre, chiffre dans lequel la France figurait, en
moyenne, pour 100 millions, et qui s'est élevé à 117 millions en 1853,
dernière année de la grande production indigène. Une once de graines
ou œufs (30 grammes), du prix normal de Zt à 5 francs, donne, dans les
bonnes années, 50 kilogrammes de cocons, au prix moyen de 5 francs
le kilogramme. Avant l'épidémie, on consommait, année commune,
pour 3 à 4 millions de francs de graine, représentant un poids de
33 000 kilogrammes, et 600 millions de kilogrammes de feuilles de
mûrier. Déjà, en 1853, on avait dû importer pour 5 millions de francs
de graine. Les feuilles représentent, année commune, une valeur de
55 à 60 millions de francs. Si on réfléchit qu'en outre la manufactura-
tion des cocons récoltés produisait, année moyenne, en France, pour
160 millions de francs, on voit à quelle valeur énorme se montait,
avant l'épidémie dont la sériciculture française n'a pas encore pu
se relever, le résultat de l'élevage d'une seule espèce séricigène,
392 LÊPIUOPTËRES.
et comment les connaissances ëntomologiques se lient à des intérêts
nationaux de premier ordre. Quand le midi de la France produisait
pour IZi millions de francs de cocons, au commencement du siècle,
Lyon mettait en mouvement 11 000 métiers ; plus tard, pour une produc-
tion annuelle de 50millionsde francs, 38 000 métiers; en 1853, dernier ef-
fort de la sériciculture indigène, H 7 millions de francs de cocons, 72 000
métiers. En 1860, on importa pour plus de 13 millions de francs de
graine, 10 millions en 1863, et le prix de l'once de graine monta à
20 francs pour de très médiocres races du Japon. On arriva à dépenser,
en cherchant à lutter à tout prix contre l'épidémie, de 26 à 28 millions
de francs par an en achat de graines très sensiblement le bénéfice net
des producteurs. Dans le rapport de M. Fabre au Corps législatif (17 juin
1865), il est dit que la récolte de 1865 est plus désastreuse que jamais;
que, depuis douze ans, on perd 60 millions par an, sans compter les
achats de graines importées, et qu'il y a une perte d'un milliard depuis
l'invasion du fléau.
L'Italie et la Grèce ne sont pas, avec la France, les seules contrées où
pénétra l'industrie de la soie. Elle s'étend en Dalmatie, dans les Princi-
pautés unies moldaves et valaques, dans les provinces méridionales et
caucasiennes de la Russie, -en Turquie et en Syrie, où elle fait la richesse
desmontagnards duLiban. Des tentatives plus ou moins heureuses ont été
faites dans les contrées septentrionales de l'Europe, et nous devons remar-
quer qu'en France, si nous n'avons qu'une vingtaine de départements
franchement séricicoles, les trois quarts du pays se prêteraient avec succès
à l'industrie de la soie. Comme l'a dit Olivier de Serres, dans tous les lieux
où vient la vigne vit le mûrier, et encore au delà. Elisabeth a essayé
d'introduire le mûrier en Angleterre, et la duchesse d'Aschot, à peu près
à la môme époque (1593-1595), éleva des Vers à soie avec des mûriers
plantés aux environs de Leyde et s'habilla de leurs tissus, ainsi que les
dames de sa suite. En 1607, des plantations de mûriers furent créées
près de Bruges. Après la révocation de l'édit de Nantes, les protestants
du Midi, dispersés, cherchèrent à étabUr dans diverses contrées l'industrie
qui les faisait vivre. Ces tentatives continuent encore en Angleterre
("Wallace,etc.). Des essais furent même faits en Suède et en Danemark, mais
la rigueur des hivers opposa des obstacles insurmontables. En 1820, la
Bavière entreprit des plantations de mûriers, et depuis elle a été imitée
par le Wurtemberg et la Prusse. L'acclimatation du mûrier et du Ver à
soie a eu lieu dans les pays les plus lointains : arbres et insectes ont été
introduits en Bolivie, au Pérou, au Chili, prospèrent au Brésil et en
Australie. La Nouvelle^-Zélande leur est très propice. Dans les Antilles,
on peut faire jusqu'à huit récoltes par an et dépouiller quatre fois le
mûrier de ses feuilles. Les Vers à soie et leur arbre ont aussi été intro-
duits à Cayenne, à l'île delà Réunion, à Pondichéry. Les pluies torren-
tielles de ces pays sont un grave obstacle aux éducations.
Les contrées qui ont toujours produit et donnent encore la plus grande
SEBICARIA. 393
quantité de cocons, et par suite de soies filées, sont la Chine et le Japon ;
nous connaissons très mal les races de Vers à soie de ces vastes régions,
dans lesquelles, malgré les traités arrachés à coups de canon à leurs
gouvernements, il est presque impossible à l'Européen de pénétrer, en
raison 'de l'hostilité des populations. Dans les régions chaudes de l'ex-
trême Orient, le sud de la Chine, l'inde, rindo-Chine, où le mûrier se
développe toute l'année, il y a des races de Vers à soie polyvoltines, se
succédant rapidement dans la même année. Depuis les épidémies, qui
ont rendu très peu productives les éducations dans toute l'Europe et
dans l'Asie occidentale, c'est presque exclusivement à la Chine et au
Japon que l'industrie demande ses soies. Elle a beaucoup moins souffert
que les producteurs indigènes et a modifié la fabrication en rappf/i t
avec des soies inférieures^ les étoffes sont moins belles, beaucoup mcms
solides, contiennent beaucoup plus d'apprêt qu'autrefois et ofl'rent de
fréquents mélanges de laine ou de coton.
Le Ver à soie a été, en quelque sorte, créé pour le mûrier, et récipro-
quement ; aussi l'histoire de l'un et de l'autre estcorrélative. On a pro-
posé divers succédanés du mûrier, mais on n'a pas tardé à les recon-
naître impossibles. C'est à peine si, nourrie avec des feuilles de Scorzo-
nère, une première génération de Vers parvient à filer de détestables
cocons; la race s'éleint en général à la seconde génération. Avec l'ortie,
la laitue, la ronce et quelques autres plantes, les Vers cessent de
manger au bout de peu de jours. En etl'et, en naissant le jeune Ver
mange à peu près tout, ainsi des feuilles tendres de laitue ; mais on ne
prolongerait pas longtemps impunément une pareille nourriture ; bien-
tôt la dysenterie enlève les jeunes chenilles. Des Vers nourris avec de
jeunes feuilles de chêne ont élé présentés à M. E. Blanchard. Je n'ai
pas appris que ces essais aient élé renouvelés. Au Muséum, en 18G0,
M. Vallée a élevé des Vers à soie sur le chardon à foulon, avec
lequel il nourrissait avec succès VAttacus Cynthia Vera G. Mén.;
il a obtenu des cocons, médiocres il est vrai. Les chenilles de Sericaria
won élevéesjusqu'à la troisième mue avec le chardon à foulon, puis ter-
minées au mûrier, ont donné de beaux cocons. Le mûrier des Usages,
{Maclura aurantiaca), de l'Amérique boréale, a prolongé les Vers plus
longtemps que la laitue.
Le mûrier à papier {Broussonetia papijrifera), l'érable de Tartarie,
sont aussi mangés pendant quatre à cinq jours, puis rejetés.
Les auteurs chinois prétendent qu'à défaut de feuille de mûrier
fraîche, on peut nourrir les Versa soie avec de la feuille sèche pilée,
ou de la feuille saupoudrée de farine de riz; jamais de [pareils essais
n'ont réussi en France. Loiseleur-Deslongchamps s'en est beaucoup
occupé, et a vu que les Vers bien portants etvoraces mangent ces sub-
stances avec les feuilles comme beaucoup de matières inertes non nutri-
tives, dont on peut les saupoudrer, ainsi la craie, la poussière des che-
mins, le charbon pilé, la poudre même de leurs excréments desséchés.
39/i LÉPIDOPTÈRES.
Dans des essais en petit, M. E. Blanchard , suivant en cela le procédé
des entomologistes pour l'éducation des chenilles indigènes, a donné
aux Vers à soie des feuilles de miirier imprégnées de gouttelettes d'eau,
car les chenilles boivent volontiers; les cocons ont été plus forts.
Allant plus loin encore, M. Robinet n'a pas craint de préconiser et d'en-
treprendre en grand l'éducation à la feuille mouillée ; mais celte prati-
que n'a pas prévalu; c'est généralement au moyen de la feuille fraîche
et séchée à sa surface que se font les éducations.
Comme la première condition de l'élevage des Vers à soie est le
mûrier, nous devons donner de brèves indications sur cet arbre. Il
appartient à la Monoëcie tétrandrie, de Linnœus, et aux Urticées, de
de Jussieu. Ce sont spécialement trois espèces du genre Morus qui sont
cultivées en Europe pour la nourriture des Vers à soie : la principale
est le mûrier blanc {Morus alba), offrant de nombreuses variétés.
Le mûrier noir {Morus nigra), plus haut que le précédent, est beaucoup
moins avantageux pour la nourriture des Vers à soie. C'est le premier
introduit en Europe ; sa reproduction est moins rapide que celle des
autres espèces. Enfin le mûrier multicaule {Morus multicaulis) offre
l'avantage d'une facile reproduction, et c'est lui qui se prête le mieux
aux éducations annuelles multiples.
On fait les semis de mûriers à la fin de février, en mars, en avril,
selon qu'on remonte du sud au nord de la France et qu'on craint plus
ou moins les gelées. Ces semis donnentdes sauvageons de mûrier blanc,
qui sont transplantés à demeure ou en pépinière, quand les grands
froids sont passés, et, sur ces sauvageons, on greffe en écusson une
foule de variétés, reconnues, d'une localité à l'autre, les plus favorables
à l'éducation des Vers. Les boutures et marcottes ne valent rien, ne
donnant que des arbres dégénérés. La taille des mûriers, qui se fait
depuis la chute des feuilles jusqu'en hiver, doit tendre à rapprocher
ces arbres le plus possible de l'état naturel, celui où les branches font
avec la tige un angle de hO" à ZiS", ce qui est la meilleure position pour
que le soleil fasse développer le plus de feuilles possible. Les habitants
de la province de Grenade ne taillent jamais leurs mûriers, et leur soie
est la plus fine de toute l'Espagne; ce qui prouve qu'il faut, autant
qu'on peut, se rapprocher de la nature. Les mûriers aiment les endroits
élevés et bien abrités, au midi ou au levant. Les sols crayeux et argileux
qui retiennent l'eau, et surtout les sols marécageux, leur conviennent
peu, car ils donnent alors de larges feuilles, mais pauvres en sucs et
nourrissant mal les Vers à soie. Il faut un terrain léger, graveleux,
sablonneux, où les racines peuvent se fasciculer et s'étendre au loin;
alors les feuilles sont tendres et nourrissantes pour les Vers. On rem-
place parfois les mûriers à haute tige par des mûriers nains, plus pré-
coces en feuilles et plus commodes pour la récolte; le nombre final de
feuilles est moindre pour la même étendue de terrain, ce qui compense
es avantages. On fait aussi des haies de mûriers, en forçant les bran-
SERICARIA. 395
ches latérales à s'incliner. Enfin on cultive encore les mûriers en
taillis.
En France, la nourriture à la feuille est presque seule usitée. On fait
ordinairement la première cueillette, suivant la force du sujet, de la
troisième à la quatrième année de la transplantation. Quand les arbres
sont trop jeunes, la feuille, aqueuse et peu nourrissante, ressemble à
celle des mûriers plantés dans des fonds bas et humides. Pour enlever
la feuille, on prend la branche d'une main et on glisse l'autre de bas en
haut, et non à l'inverse, car on ferait sauter les bourgeons et on déter-
minerait des plaies à l'écorcc. Il faut cueillir feuille à feuille, en respec-
tant les bourgeons, et laisser les deux feuilles les plus élevées du bou-
quet, afin qu'elles facilitent le prolongement du bourgeon terminal. A
mesure qu'on effeuille un arbre, on doit séparer les mûres et ne pas les
mêler avec les feuilles dans les sacs, de peur d'allérer celles-ci. Aussitôt
les charges de feuilles rendues à la magnanerie, il faut ôter les feuilles
des sacs, les étendre dans un lieu aéré et ne pas les laisser amoncelées,
car elles s'échaufferaient, fermenteraient et donneraient des maladies
aux Vers. Une fois qu'on a commencé à cueillir les feuilles, il faut en
dépouiller l'arbre en entier ; si on en laissait sur certains rameaux,
toute la sève s'y porterait au détriment du reste du végétal. Si la
feuille est rouilles et languissante, on le laisse, et on répare l'arbre
par des engrais ou des labours. La cueillette achevée, on émonde
l'arbre pour le débarrasser des chicots et des branches rompues ; opé-
ration différente de la taille, pour laquelle on attend la chute naturelle
des feuilles.
L'exploitation des mûriers est toute différente en Orient, où en nour-
rit les Vers sur des rameaux garnis de leurs feuilles. Cet élevage, dit à
la turque, a été préconisé comme un des moyens préventifs de l'épidé-
mie. Son grave inconvénient industriel est d'exiger une place consi-
dérable; mais on comprend que cette méthode est bien plus hygié-
nique pour les chenilles; l'air circule partout entre les feuilles, les larves
ne séjournent pas sur des litières compactes, au milieu de leurs déjec-
tions; les émanations putrides sont nulles ou rares. On consultera l'ar-
ticle Mûrier, de Loiseleur-Deslongchamps {Dict. des sciences natur. de
Delerville, Paris,' iS2U, t. XXXUI).
Dans le midi de la France, on donne le nom de magnans ou magnas
aux Vers à soie, de magnaneries aux locaux où se fait l'élevage de cette
espèce, qui est domestiquée et non acclimatée, de magnaniers, aux per-
sonnes qui entreprennent et dirigent ces exploitations. Les magnane-
ries ont reçu des perfectionnements successifs et sont devenues de vastes
édifices, où la science moderne a appliqué ses procédés les plus parfaits
de ventilation, par les tarares et les cheminées d'appel. C'est surtout
Dandolo qui a opéré en Italie ces perfectionnements qui ont été ensuite
importés en France. Ici il faut remarquer que l'épidémie terrible qu'on
traverse doit faire profondément réfléchir : n'a-t-on pas eu tort d'enti-e-
S9() i.tPinoPTfenES
prendre ces éducations grandioses? On s'est trop laissé entraîner par
analogie avec ce qui se passe dans les autres industries où le gain est
en raison directe de l'étendue des élablissements, parce que les frais
généraux croissent moins que l'augmentation du produit. On a trop
méconnu qu'il s'agit ici d'un être vivant, ne se pliant pas aux conditions
manufacturières comme une matière inerte, et que l'entassement, le
chauffage pour hâter le développement, ont affaibli les races et les ont
prédisposées aux épidémies foudroyantes. Les Chinois n'ont pas de
magnaneries : ce sont des éducations de ménage, en petit, sous des han-
gars, quand le climat le permet, avec de très grands soins pour l'aérage
et pour maintenir la pureté de l'air. Peut-être devra-t-on revenir en
partie aux locaux rustiques dont parle Boissier de Sauvages, se ventilant
naturellement par le toit, les murs, les joints incomplets des portes et
des fenêtres.
M. de Quatrefages a remarqué dans les Cévennes que les éducations
qui ont le mieux résisté au fléau sont celles qui sont installées dans des
étables, dans des cabanes à sécher les châtaignes.
Quoi qu'il en soit, examinons la disposition de la magnanerie. On
doit éviter le voisinage des cours d'eau et surtout des eaux stagnantes,
les fonds des vallées, à fenipératures trop inégales. Il faut un petit mon-
ticule où règne un grand courant d'air. Le mieux est de disposer le bâti-
ment du nord au sud, ayant sa plus grande face au levant et percé de
nombreuses fenêtres. Ces précautions sont au reste peu importances
aujourd'hui, avec les moyens modernes d'aérage et de chauffage. Au
rez-de-chaussée se fait le dépôt des feuilles, au premier est l'atelier;
au second, un grenier pour sécher les feuilles mouillées. Pour une
bonne éducation, un gramme de graine exige un mètre carré de sur-
face; en général et à tort, on lui accorde moins. Une once de graine de
30 grammes contient environ /|0 000 œufs et demande, en nombres
ronds, 1000 kilogrammes de feuilles, pour donner, comme plus haut
produit possible, mais très rarement obtenu, 100 kilogrammes de co-
cons. En moyenne ordinaire, la feuille ne donne que 5 pour 100 de
son poids de cocons.
L'atelier offre une pièce servant de chambre d'incubation pour les
œufs et où on élève les Vers jusqu'à la première mue. Puis vient la
chambre d'élevage pour le reste de la vie de la chenille, et enfin une
infirmerie pour les vers malades. Des hygromètres, et surtout des ther-
momètres, fréquemment consultés, sont suspendus dans les salles. Le
chauffage si vicieux des anciennes magnaneries, par des feux intérieurs
qui remplissaient l'édifice d'acide carbonique et d'acres produits vola-
tils, est remplacé par des calorifères à bon tirage; ce qui constitue le
moyen préférable.
Il faut proscrire les poêles de fonte, dégageant de l'oxyde de carbone
(Boussingault).
Des montants, enclavés dans le carrelage de la magnanerie, portent
SERIGARIA. S97
dés tablettes en bois, ou en roseaux, ou en cannes entrelacées, sur les-
quelles sont placés les Vers. Des corbeilles d'osier, ou clayons, servent
au transport des Vers sur les tablettes, et aussi à les contenir jusqu'à
la premic^re mue. Le dclitage est l'opération par laquelle on change les
Vers de litiùre en leur apportant des feuilles nouvelles, et les dédouble-
ments consistent à transporter une partie des Vers sur de nouvelles
tablettes, à mesura qu'ils grandissent. On se sert pour cela de filets
de fd ou de papier percés de trous proportionnés à la grosseur des
Vers, on y place les feuilles fraîches, les Vers passent à travers les in-
terstices pour gagner les feuilles; on les enlùve alors d'un seul coup et
on se débarrasse des litières putrides; cette méthode est bien meilleure
que le délifage à la main, très long et où l'on blessait beaucoup de
Vers. Quand la graine cclot, on jette dessus des bourgeons de mûrier et
on les ramasse bientôt chargés de petits Vers; ou mieux on •verse de la
feuille, hachée menu, sur des papiers percés de petits trous dont on
recouvre les œufs dans la chambre d'incubation. 11 est recommandé de
hacher les feuilles dans les premières périodes de l'élevage, car on pré
sente ainsi aux jeunes chenilles, avec moins de fatigue, les aliments
disponibles sur une bien plus grande étendue, en multipliant des bords
artificiels. C'est toujours par les bords, en effet, que les feuilles sont at-
quées par les chenilles des Lépidoptères (à l'excepfson des petites
espèces qui sont mineuses de feuilles entre les deux épidermes). Pour
distribuer la feuille hachée à divers degrés variables, on se sert de
tamis de différents périmètres de réseau, ce qui donne une distribution
bien plus régulière que celle opérée à la main.
Les races les plus habituellement élevées de Vers à soie sont univoî-
tines ou annuelles, ne donnant par an qu'une éclosion de papillons,
dont les œufs passent sans éclore le reste de l'été, l'automne et l'hiver,
ne donnant les chenillettes qu'au printemps de l'année suivante. Cer-
tains éducateurs, contre l'opinion commune, ont préconisé l'éducation
en automne, en retardant à la glacière l'éclosion des œufs jusqu'à cette
époque. On risque d'abord d'eu détruire un certain nombre ; mais le
plus grave inconvénient, c'est l'état de la feuille en cette saison. Les
Chinois ne font ces éducations d'automne que quand celle du printemps
a manqué. On a essayé aussi les éducations multiples, au nombre de
deux ou trois par an, en se servant de races polyvoltines. Il y a alors le
danger des touffes (a?phyxie foudroyante des Vers) aux fortes chaleurs
de juillet et d'août; en outre, les mûriers sont très fatigués par des cueil-
lettes répétées; il est vrai qu'on atténue beaucoup cet inconvénient si
on se sert du mûrier multicaule, qu'on peut recéper tous les ans et qui
supporte bien un second effeuillage; mais il reste toujours le fait de la
dureté de la feuille, à partir du mois de juillet. Le mieux, dans ce cas,
est de suivre la méthode de Loiseleur-Deslongchamps, en divisant la
graine en troislots successifs, faisant éclore le second quand le premier
est au quatrième âge, etc., de telle sorte que les Vers se succèdent pour
398 LÉPIDOPTÈRES.
la montée dans le mâme atelier, et que la troisième éducation soit ter-
minée aux premiers jours de juillet, la première ayant commencé en
avril. On a essayé les éducations en plein air, sur les arbres. Les résul-
tats sont très contradictoires. Un argument très important contre ce
mode d'éducation, c"est que les Chinois n'élèvent nulle part en plein
air sur les mûriers leurs races si diverses de Vers à soie ; ce sont d'au-
tres espèces, les Attacus Cynthia Vera G. Mén. et Pernyi G. Mén., qui
sont les sujets des éducations chinoises à découvert sur les arbres.
Un point capital pour les magnaniers, c'est une égalité parfaite dans
l'éducation des Vers; il faut que les mues, pendant lesquelles les Vers
ne mangent pas et permettent d'économiser la feuille, se fassent en
même temps pour tous; on laisse jeûner les premiers vers éclos, pour
assurer cette précieuse uniformité de transformation. L'étude de l'éclo-
sion des œufs et des diverses périodes de la vie de chenille va com-
pléter les notions générales sur les magnaneries, et aidera à les bien
comprendre.
Les œufs des Vers à soie, ce qu'on nomme la graine, ont été pondus
par les papillons femelles, soit sur des étoffes de laine, soit sur toile,
soit, mieux encore, sur des cartons ou de forts papiers, car les cartons
produisent bien moins réchauffement de la graine et ne sont pas atta-
qués par les teignes, comme les étoffes de laine. Les œufs adhèrent au
moyen de l'enduit collant habituel aux œufs de papillons, et qui est très
faible dans certaines races de Vers à soie, ainsi des races grecques ; de
sorte qu'alors les œufs sont toujours en petits sachets. Il est très facile
de peser les œufs adhérents à un carton au moyen d'un carton servant
de tare. On peut laisser les œufs éclore sur les cartons, ou les détacher
après une immersion dans l'eau. Les œufs fécondés tombent au fond,
les œufs stériles restent à la surface. 11 est important de pouvoir recon-
naître les œufs féconds : d'un jaune clair au moment de la ponte, ils
passent au bout de peu de jours, s'ils sont féconds, à la couleur gris
cendré. Quand le travail de la chambre d'incubation s'opère, la couleur
gris cendré se rapproche peu à peu du bleu de ciel, ensuite du violet ;
elle redevient cendrée, puis tirant sur le jaunâtre, et enfin d'un blanc
sale, au moment où le Ver à soie va sortir. Il est alors entièrement
formé ; à la loupe, on l'aperçoit courbé en arc, avec sa tête pareille à
un point noir. On conserve les œufs à la cave ou à la glacière pour les
empocher d'éclore avant l'époque où la feuille de mûrier est suf-
fisamment développée. 11 ne faut pas les mettre en contact avec la
glace, ni même les laisser exposés à l'air humide saturé de la gla-
cière. On suspend les sachets, les toiles ou les cartons, dans des
caisses de fer-blanc ou dans de grands bocaux de verre réfrigérés exté-
rieurement. De temps à autre on les débouche un moment, afin de re-
nouveler la provision d'air nécessaire à la respiration des embryons. On
peut se faire à peu de frais une glacière à œufs, très commode, qui
peut servir pour les élevages de beaucoup de Lépidoptères. On prend
SERICARIA. 399
une fontaine de grès au centre de laquelle sont disposées les boites de
métal ou les bocaux à œufs, et, autour d'eux, des morceaux de glace
dont l'eau de fusion sort par le robinet de la fontaine. Celle-ci est dans
un tonneau et entourée d'une couche épaisse de coton cardé, très
mauvais conducteur.
L'époque propice arrivée, on procède à l'incubation des œufs. Elle se
faisait anciennement à la chaleur du fumier; on y substitua ensuite, et
pendant longtemps, la chaleur humaine ou celle des lits; enfin, on
s'est servi de couveuses artificielles, ou mieux, de chambres d'incuba-
tion échauffées par des poêles. Les Chinois attachent une grande im-
portance à baigner les œufs des Vers à soie, avant de les faire éclore,
dans des liquides de différentes natures : de l'eau salée, de l'eau de
chaux, de l'urine de vache. Ces lotions ne sont pas usitées en Europe ;
pourtant, Dandolo recommande le vin; d'autres, une solution légère de
sulfate de cuivre, préservatif contre la muscardine. D'après M. Corna-
lia, le travail de l'organisation de l'œuf du Ver à soie commence presque
aussitôt après la ponte; l'embryon est constitué sur le vitellus dès le
sixième jour, et vers le milieu de l'hiver il présente tous les caractères
d'un animal annelé reconnaissable. Donc, le transport et les moyens de
conservation agissent sur des animaux déjà formés plutôt que sur des
œufs proprement dits. Cependant le Ver tout formé, mais protégé parla
coque, est très robuste et peut éprouver impunément de grandes varia-
tions de température. Robinet a vu que les œufs peuvent supporter jus-
qu'à-)- 55 degrés sans cesser d'éclore. Loiseleur-Deslongcbamps, d autre
part, a constaté que les œufs ne périssent pas, bien qu'exposés à l'air libre,
pendant toute la durée des hivers parisiens, à des températures qui ont
parfois atteint— 18 degrés. 11 a reconnu aussi que les œufs résistent à des
submersions dans l'eau pendant quarante-huit heures, et, d'après l'ou-
vrage de Stanislas Julien, les Chinois, avant de les mettre à l'éclosion,
les laissent dans l'eau salée ou dans l'eau de chaux pendant douze et
même pendant vingt-quatre jours, pratiques qui n'ont jamais été em-
ployées dans les éducations européennes, qui ont offert, avant l'épidé-
mie qui portera le nom du dix-neuvième siècle, des races robustes et
magnifiques. Quand le Ver est sur le point d'éclore, il ronge la pellicule
interne de la coque, qui prend alors un aspect blanchâtre et trouble;
puis le Ver attaque la coque elle-même, à l'ouverture micropylaire, et
on voit à la loupe son bec noir (mandibules) en train d'user lentement
le chorion corné.
Les éclosions se font à toutes les heures, mais principalement, et
dans une proportion considérable, de cinq heures à dix heures du
matin, et la plus forte partie, de cinq heures à sept heures, circon-
stance fort commode pour le premier travail de la magnanerie. On
donne le nom d'dges du Ver à soie aux périodes de son existence sépa-
rées par des mues ou changements de peau. Le premier âge (dans une
éducation de trente-deux jours, à 19 degrés) comprend cinq jours ; le
^00 l.tPlDOPTÈRES.
deuxième, quatre; le Iroisième, six; le quatrième, sept, et le cin
quiôme, dix. Dans une éducation de vingt-six jours, le premier flge est
de quatre jours; le deuxième, trois; le troisième, six; le quatrième,
cinq, et le cinquième, huit. Ces âges sont séparés par les mues pendant
lesquelles l'animal reste immobile, le corps à demi relevé, comme les
chenilles de Sphinx, auxquelles il ressemble par sa tète petite, son pre-
mier anneau très l'en fié et sa corne anale. En mue, le Ver ne mange
pas, de sorte qu'on ne donne pas de feuille dans chaque jour de pas-
sage d'un âge à l'autre; c'est ce qui explique la haute importance de
l'égalité dans l'éducation des vers, obtenue par une éclosion aussi si-
multanée que possible, suivie de l'identité des conditions alimentaires
et thermiques. La tète du Ver, qui ne grossit pas, paraît allongée et
noire quand il se dispose à muer, et, au contraire, grosse et peu foncée
après la mue. Le Ver jette autour de lui des fils qu'il attache, comme
supports, aux objets voisins, et, appuyé sur ces fils, il sort de son an-
cienne peau qui se fend au milieu du dos. Dans ces sommeils, j'ai re-
connu que la température du Ver, du moins pour la surface du corps,
devient celle du milieu ambiant et même peut s'abaisser au-dessous,
tandis que dans les frèzes, ou périodes de voracité, elle se relève au-
dessus.
La chenille du Sericaria mori porte un éperon sur le onzième anneau,
à la façon des chenilles de Sphingiens et de VEndromis versicolora Linn.
Au premier âge, le Ver à soie est noir, poilu, puis de couleur noisette
au moment où va s'opérer la première mue. Il faut alors, selon Bona-
fous, 3 kilogrammes et demi de feuilles par once de graine (30 gram-
mes). Lors du deuxième âge, le Ver est presque glabre, d'un cendré
foncé, H anneaux apparents; il devient bientôt d'un gris clair, et enfin
d'un blanc jaunâtre avec apparition des croissants sur les second et cin-
quième anneaux de l'abdomen. Il consomme alors plus de 10 kilo-
grammes de feuilles par once de graine. Le Ver est sans aucune villosité
dans le troisième âge, d'un blanc terne allant en s'éclaircissant, la tète
rousse; quelques-uns, qu'on nomme moricauds ou bouchnrds, et qui
constituent une race robuste, restent toujours bruns ou noirâtres. Il
demande alors 35 kilogrammes de feuilles. Au quatrième âge, il est né-
cessaire d'opérer le dédoublement peur donner aux Vers une plus
grande surface. La nourriture exige 100 kilogrammes de feuilles, en
tout jusqu'ici 150 kilogrammes environ. Le cinquième âge est celui des
maladies graves et subites ; les Vers ont alors une très grande voracité et
consomment plus de 650 kilogrammes de feuilles. Au septième jour de
cet âge, leur faim est insatiable; c'est la grande frèze ou briffe, la furia
des Italiens. En ce jour, les Vers issus de 30 grammes de graine con-
somment en poids autant que quatre chevaux, et le bruit de leurs mâ-
choires ressemble à celui d'une forte averse. A la fin de cet âge, le Ver,
prêt à filer, va récompenser le travail et la dépense du magnanier. On
reconnaît la maturité ou montée aux caractères suivants : les Vers mon-
si:ri(;ai;ia. /jOI
tent sur la feuille sans la mordre et dressent la tète; leur corps est
translucide, de la couleur d'une prune jaune ou d'un raisin blanc très
mur; ils cherchent à grimper sur les bords des claies; leurs anneaux
se raccourcissent et la peau de leur cou se ride; le corps devient mou
comme de la pite ; enfin l;i plupart des Vers traînent après eux un long
fil, qui sort de leur filière buccale.
Voici, d'après Bonafous, les dimensions les plus ordinaires des Versa
soie aux différents âges : 1 millimètre au moment de l'éclosion, et 2 mil-
limètres |jeu d'instants après; au début du deuxième âge, 9 millimètres;
du troisième, l/i; du quatrième, '27; du cinquième, hO, et à la fin du
cinquième Age, 92 à 96. Le poids des Vers varie notablement selon les
races.
Dans l'art du magnanier, un point d'une importance capitale est la
régularité et l'élévation graduelle de la température, aux périodes suc-
cessives de la vie de la chenille, en même temps qu'une répartition des
repas proportionnée à son accroissement. On ménage habituellement
pour la fin des éducations des températures de 23 à 25 degrés centigrades.
Réaumur indique une température qu'on peut évaluer à 16 degrés de l'in-
strument qui porte son nom, mais dont l'échelle n'est pas de lui, car elle
est du physicien genevois Deluc. Boissier de Sauvages dit qu'on peut
aller à 18 degrés R., et même plus. Autrefois, les Vers à soie étaient tou-
jours élevés à une température assez modérée, 20 degrés centigrades en-
viron, et on leur distribuait quatre repas par jour, de six heures en six heu-
res, puis un plus grand nombre, six à huit, aux quatrième et cinquième
âges. Les éducateurs modernes ont reconnu l'avantage, au point de vue
des bénéfices, d'augmenter la température et le nombre des repas, afin
de faire arriver plus tôt les Vers à soie à leur coconnage. Les auteurs
chinois, grands partisans des éducations accélérées, indiquent jusqu'à
vingt-quatre repas au début. Selon certains éducateurs (ainsi Edouard
Perris, entc.nologiste distingué), il faut donner plus de repas aux jeunes
Vers ayant besoin d'une nourriture plus fraîche et mangeant peu à la
fois, mais souvent, en quelque sorte comme des enfants. Perris recom-
mande, pour l'éducation à 25 degrés, douze repas aux premier et deuxième
âges, dix aux troisième et quatrième, huit au cinquième; l'éducatian
dure en moyenne quarante-cinq jours à 16 degrés, trente-quatre à
21 degrés, trente à 23 degrés, vingt-huit cà 25 degrés, dix-huit seule-
ment à UO degrés. Les éducations de très courte durée, maintenues
pour cela au-dessus de 25 degrés, ne sont pas à recommander. Il est
difficile d'abord, à moins d'un outillage coûteux, de maintenir pen-
dant tout le temps ces températures élevées. En outre, ces hautes
températures débilitent les races et les prédisposent aux épidémies.
Aussi M. de Quatrefages a recommandé avec raison des tempé-
ratures moins exagérées, se rapprochant de l'état naturel, où la chaleur
croît avec le développement des feuilles du mûrier et avec l'âge du Ver,
suivant le passage ordinaire du printemps à l'été, à savoir 10 à 12 degrés
GIRARD. m. — 26
602 LÉPIDOPTÈRES.
pour l'éclosion de la graine, au lieu de 18 degrés qu'on indique liabi
tuellement, 12 à iU degrés aux premier el deuxième âges (Dandolo
conseillait 22 degrés), lli à 16 degrés au troisième, 16 à 18 degrés
au quatrième, 18 à 22 degrés au cinquième. Nous verrons d'autre
part que, lorsque l'on trouve à redouter la flacherie, qui reste à
peu près la seule épidémie en ce moment, il est bon de faire des
éducations en entier printanières, de sorte qu'il faut chauffer assez
fortement. Le précepte de M. de Quatrefages suppose une région saine,
comme se trouvait la France autrefois; actuellement, on tâtonne, on
Tarie d'une région à une autre; il semble qu'on n'évite un danger que
pour en rencontrer d'autres. M. de Quatrefages recommande un surcroît
de chaleur aux mues, époque d'abaissement de température des Vers,
comme je l'ai constaté dans mes expériences, et, au contraire, certains
magnaniers éteignent alors les feux. Il indique aussi d'élever la tempé-
rature lors de la montée, afin de la favoriser et de conserver la même
chaleur pour le coconnage de la chenille, sa nymphose, l'éclosion et la
ponte du papillon, toujours comme dans la nature, où ces actes doivent
s'accomplir en été, et ne pas éteindre les feux dans ces périodes. 11 re-
commande de très larges ventilations, des éducations même sous han-
gar, le grainage par petites éducations isolées, avec tous les soins men-
tionnés plus haut.
A l'état sauvage, le Ver à soie établissait son cocon dans les branches
mêmes du mûrier, en l'entourant de fils grossiers entrecroisés, les pre-
miers filés servant d'attache, et qu'on appelle bave. Domestique, il ne
procède pas autrement ; il faut donc lui donner les moyens d'attacher
son cocon, construire ce qu'on nomme des encabanages. La première
idée, et c'est celle des Chinois, fut de lui fournir des branches artifi-
cielles auxquelles il pût monter. On prend des branches de diverses
bruyères, de genêt, de petit houx, de buis; des tiges de navet, de colza,
de chicorée sauvage; des sarments de vigne, etc., selon les pays. Géné-
ralement on dispose les branches en lignes transversales sur les claies,
à 50 centimètres de distance ; les extrémités pressées par la claie supé-
rieure s'inclinent et l'élasticité produite maintient ces branches debout.
On incline alors légèrement les branches des deux rangées les unes
vers les autres, de sorte qu'il se forme un arceau ou cabane. Quelques
éducateurs disposent les bruyères dans le sens longitudinal, soit sur les
deux bords des claies, ce qui empêche souvent de monter les vers du
milieu trop éloignés, soit au milieu, sur deux lignes contiguës, en re-
courbant alors les arceaux en sens contraire ; il y a dans ce cas des Vers
qui restent errants sur les bords des claies. Comme il faut encabaner très
rapidement, parce que les Vers montent toujours en même temps dans
une éducation bien conduite, le mieux est de disposer à l'avance les ra-
meaux dans des tasseaux ou tringles de bois. Il faut que les rameaux
soient touffus, pour que les Vers y filent volontiers en trouvant plus de
points d'attache, et qu'ils offrent des fourches dès la base, pour que les
SERICARIA. /t03
Vers y montent plus facilement. Dans les vides on intercale quelques
rameaux supplémentaires. Les encabanages de colza ou de chicorée ne
peuvent servir qu'une année; ceux de genêt ou de bruyère durent plus
longtemps. On les passe à la flamme pour enlever les bourres, et on les
sèche au soleil au moment de s'en servir.
Les encabanages ont l'inconvénient de multiplier les chances d'in-
cendie, d'intercepter la circulation de l'air et de faciliter la formation
des cocons doubles, non dévidables, perte pour le producteur. On a
cherché à parer à ces défauls au moyen de coconnières, appareils indé-
pendants des claies et souvent de l'atelier lui-même et dans lesquels ou
installe les Vers pour les faire filer. On n'a dès lors plus de litières à
émanations, et on a soin d'établir une ventilation puissante dans ces
coconnières, qui accumulent les Vers dans un très petit espace. Les
coconnières des Chinois sont des claies de bambous, placées sous des
hangars et recouvertes d'une couche de branches sèches ou de cônes à
claire-voie en paille de riz ou de blé. On emploie encore en Chine, de
même qu'en France chez certains éleveurs, des bottes coconnières de
paille, serrées à une extrémité, élargies à l'autre en base de cône et
disposées sur des tablettes. On a imaginé aussi des casiers en carton,
ou mieux en petites planchettes de bois, comme étaient les châteaux
Delprino, qui figuraient en 1867 à l'Exposition universelle de Paris. On
a ainsi des cellules carrées dans chacune desquelles se loge un Ver et
son cocon ; c'est là le meilleur moyen d'éviter le déchet causé par les
cocons doubles, car il est difficile à deux Vers de s'associer dans la petite
case; mais le déramage est long.
Les coconnières dont nous venons de parler exigent un local à part de
celui de la magnanerie, local qu'il faut chauffer et ventiler. Le mieux
est de se servir de claies coconnières, ayant la même destination, dans le
même local, de l'élevage du Sericaria mort en chenilles et de la confec-
tion des cocons. Les claies coconnières Davril sont les meilleures. On les
établit sur des tasseaux de bois placés selon la largeur de la claie où
s'élèvent les Vers. On en met en générel trois, une au milieu, deux aux
extrémités de la claie; il en faut d'intermédiaires si la claie est très
longue. Sur les tasseaux sont fixés de champ, sur les faces opposées des
traverses, des tringles en bois de 6 millimètres d'épaisseur sur 15 de
largeur, s'élevant parallèlement et de telle sorte qu'une tringle d'une
des faces du tasseau correspond au vide formé par deux tringles de
l'autre face. Pour arriver à ces claies horizontales, les Vers montent par
des échelles qui sont des claies coconnières à tringles verticales. Ces
échelles descendent dans la litière d'une part, et de l'autre atteignent
les claies coconnières horizontales. Les Vers montent très vite entre les
tringles rapprochées des échelles, et se fixent, pour filer plus facilement
et plus promptementjdans les bruyères; l'intervalle des tringles est tel,
qu'il est difficile qu'il se forme des cocons doubles. Le décoconnage est
prompt, et on voit immédiatement les Vers morts et les chiques ou cocons
l\Oll LÉPIDOPTÈRES.
inachevés et imparfaits, tandis qu'ils sont souvent masqués par d'autres
cocons dans les encabanages; on peut alors les retirer pour qu'ils ne
palissent pas la soie.
Après les fils rameux de la bave d'attache, vient le cocon, formé d'un
fil continu, mais non homogène, constituant des couches ou robes su-
perposées, pouvant aller jusqu'à six, selon la vigueur et la gros-
seur de la chenille. Les premières couches sont floconneuses, s'en-
lèvent facilement et forment la bourre, qui sera cardée avec les déchets
du filage; puis vient la soie proprement dite, qui doit être dévidée sur
le tour, et enfin le tissu interne, contre la chrysalide, si serré qu'il de-
vient une mince pellicule ou pelette, qui finit par n'être plus dévidable,
d'autant plus tôt que l'ouvrière est moins adroite. Voici le résultat d'une
analyse immédiate de soie jaune : sur 100 kilogrammes, matière
soyeuse (fibrine principalement), 7Zi,280; matière agglutinante lustrée,
21; matière colorante, k; huile, 0,220; adipocire, 0,500. La longueur
du fil du cocon du Ver à soie a été autrefois évaluée par Lyonnet et
Malpighi à environ 300 mètres ; les recherches de Loiseleur-Deslon-
champs, toutefois par un dévidage bien plus parfait que le dévidage in-
dustriel, ont donné des nombres bien plus grands, ainsi plus de
1000 mètres pour certaines races, comme longueur totale du fil, dévi-
dable et non dévidable. Il est important pour l'industrie de choisir les
races qui donnent, à poids égal, les fils les plus longs et les plus fins,
pour avoir moins de frais et de déchets. Le fil du cocon est maintenu
accolé dans tous ses replis par une sorte de glu naturelle ou grès, bien
moins épaisse et moins tenace toutefois que celle qu'on trouve dans la
plupart des cocons du genre Attacus; c'est l'eau chaude, ou même bouil-
lante, qui doit la dissoudre en partie et permettre le dévidage.
La couleur du cocon est un des caractères des races de Vers à soie ;
au moment de la montée, on reconnaît aisément.par lati'anslucidité du
Ver, si les glandes séricigènes sont pleines d'un liquide blanc ou jaune;
en outre, d'ordinaire, les pattes membraneuses sont blanchâtres dans
les races à cocon blanc, jaunâtres dans celles à cocon jaune. Les races
élevées en France les plus importantes (malheureusement pour la plu-
part à l'état de souvenir aujourd'hui), sont les Sma*, qui produisent une
soie blanche très pure, et dont les plus beaux cocons sont mis à part
pour la fabrication directe, sans blanchiment ni teinture, des blondes
ou tulles de soie; les Milanais (soie jaune), en retard sur les précédentes
de trois ou quatre jours ; les petits Espagnols (soie jaune); la race de
Loudun (jaune); la race Cora {id.); la race très robuste de Sainte-Tulle ;
les races d'Aubenas, Datidolo, Novi, Ardéche (blanche et jaune), Bourg-
Argental, Loire, etc. ; une foule de races locales : tout cela en rapport
avec une domestication bien ancienne du Ver. Les races japonaises, si
employées en France depuis l'épidémie, ont despetits Vers et des petits
cocons, blancs, jaunes ou d'un vert jaunâtre, d'une soie assez faible,
bien laits, souvent étranglés au milieu, surtout chez les mâles; les races
SERICARIA. ZiU5
de Grèce ont des œufs qui ne se collent pas aux objets sur csquels ils
sont pondus; celles de Perse ont des cocons très gros, mais satinés, d'un
grain médiocre. Il existe des races à cocons d'un blanc verdàtre (céla-
dons); on dit qu'il en est en Chine à cocons tout à fait verts. Il y a des
races à cocons nankin ou jaune roussâtre; en Toscane, près de Pistoie,
était éleve'e une race à cocons d'un rose pâle. On a mentionné des cocons
couleur de pourpre. Il existe en Italie une race de Vers à trois mues,
au lieu de quatre, à cocons petits, d'une jaune roussâtre ou nankin;
cette race, d'éducation rapide, de soie médiocre, a été créée en prenant
comme reproducteurs des papillons dont les Vers n'ont eu accidentelle-
ment que trois mues, par nutrition plus rapide. On ne mettait habituel-
lement cette race en incubation que lorsque les races ordinaires avaient
péri au début de l'éducation, par quelque circonstance atmosphérique
faisant manquer la feuille.
Le Ver à soie met trois ou quatre jours à filer son cocon sans muer;
seulement ses anneaux se resserrent et il se raccourcit beaucoup, outre
la perte de poids qu'il subit à mesure que se vident ses glandes sérici-
gènes. En outre, il faut deux ou trois jours pour la transformation en
chrysalide (cinquième mue) ou le passage au sixième âge. Les sexes
existent déjà dans les chrysalides, comme on le reconnaît à leurs mou-
vements sion en rapproche de sexes différents. Les chrysalides formées,
on opère le déramage ou décoconnage, c'est-à-dire on retire les cocons
des encabanages ou des claies coconnières. Il faut avoir grand soin de
séparer les Vers morts et putréfiés qui tacheraient la soie des cocons.
On procède alors au triage des cocons. 11 est en effet des cocons qui
ne peuvent être filés et doivent être réunis aux frisons et aux bourres
et subir le cardage ; d'autres qui sont remplis de Vers muscardinés ou
dragées, et qui, trop légers, remontent à la bassine jusqu'à la filière,
et qui font casser le brin. Il faut séparer les percés ou uiires, c'est-à-dire
les cocons pointus et ouverts, ou du moins très faibles à un des bouts;
les chiques, qui ne sont formées qued'une mince couche de soie et rappel-
lent les cocons de Bombijxneusiria, Odovestis potatoria, lasiocampa, etc.
Il y a des cocons ouverts en nasse à une extrémité, comme le sont
naturellement ceux des Attacus piri, carpini, Cijnthia Vera, Arrindia,
Cecropia, etc. 11 y a des cocons très petits et subpolyédriques ; d'autres,
dits satinés, dont la surface, d'un grain lâche et inégal, paraît bour-
soufflée. Enfin viennent les doubles ou douppions, filés par deux vers as-
sociés et qui entrecroisent leurs fils en commun. Tantôt ils sont ovoïdes
et très gros, ne montrant pas de duplicité à l'extérieur; il en est, au
contraire , de trigones , de tétragones ; d'autres très irréguliers de
forme, avec accotement et bordure visibles de deux cocons séparés; par-
fois môme les deux cocons restent distincts, unis seulement par quelques
fils communs. On avait annoncé que les deux chenilles d'un douppion
sont toujours de sexes différents; mais on a reconnu, sur de nombreux
exemplaires, qu'il n'y a rien de régulier à cet égard ; tantôt il y a
405 LÉPIDOPTÈRES.
même sexe, tantôt sexes difl'érents. Il reste à éclaircir s'il y a prédo-
minance d'un des deux cas et duquel. Si tous ces cocons de rebut
étaient filés avec les bons, il arriverait constamment qu'un des brins
du fil multiple qu'on veut obtenir casserait; de là des bouchons, des ma-
riages, tous accidents qui font perdre beaucoup à la qualité de la
soie.
Après le décoconnage on procède au débourrage, qui se fait mieux
avec les doigts qu'avec les machines. Quand on vend les cocons, il faut
vendre le plus tôt possible après le déramage, car l'éclosion d'un
seul papillon détournerait l'acheteur, qui pourrait, à bon droit, croire
à l'existence de beaucoup de cocons percés. On ne peut vendre après
l'étouffage, vu la prompte dessiccation des chrysalides tuées et la perte
de poids, qui est des plus variables. Il faut vendre avec les chrysalides
vivantes; or, selon Dandolo, sur 1000 de cocons vivants en poids, il y a
842 de chrysalides vivantes; Zi,5 de dépouilles des Vers et 153,5 de ma-
tière soyeuse. Il faut vendre le plus tôt possible après le déramage, car
les cocons perdent de leur poids, mûme avant l'étoutlage. D'après Dan-
dolo, des cocons qui, le jour du déramage, pèsent 1000, ne pèsent plus,
le quatrième jour, que 970; le septième jour, 953; le dixième jour, 925.
Cela est dû à la perte de poids des chrysalides parévaporation, qui s'ac-
complit sans cesse et que le cocon n'empêche pas complètement. Il est
destiné par la nature à s'opposer au refroidissement superficiel qui est
la conséquence de cette évaporation. Les chrysalides, au moment
même où on les retire du cocon, sont toujours notablement plus chaudes
que l'air ambiant ; mises à l'air libre, elles s'abaissent promptement à sa
température et même au-dessous (Maurice Girard), en même temps que
l'évaporation surperficielle amène des pertes de poids croissantes, que
constate la balance.
On a employé un grand nombre de moyens pour l'étouffage des
chrysalides. Les procédés des Chinois sont : i" le soleil, 2" l'eau salée,
3' la vapeur d'eau bouillante. Le soleil altère la soie. La vapeur d'eau,
parfois usitée dans le midi de la France, détrempe la soie et fait couler
les vers fondus. On se sert plus souvent du four à pain, quand il n'est
plus assez chaud pour roussir ou crisper la soie ; on ne doit pas donner
plus de 15 centimètres d'épaisseur à la couche de cocons. On a essayé
aussi divers gaz, notamment l'acide sulfhydrique et l'acide sulfureux.
Le mieux paraît être un courant d'air chaud, alimenté au moyen d'un
poêle ou du calorifère de la magnanerie (procédé Camille Beauvais).
Avan'. de cesser l'air chaud, on essaye sur des chrysalides refroidies, si
la mort a eu lieu.
Le dévidage des cocons se fait au moyen d'eau chaude, qui ramollit
la matière gommeuse collant le fil. Autrefois chaque fileuse avait de-
vant elle une bassine de cuivre, large et peu profonde, établie sur un
fourneau. En 1805, on substitua à cet outillage isolé l'appareil Gensoul,
qui amène dans les bassines la vapeur d'eau à haute pression, à volonté,
SERICARIA. i07
au moyen de robinets. 'Pour chercher les bouts de soie des cocons, les
Chinois agitent dans l'eau chaude de petits bâtons de bambou. En Eu-
rope, on se sert de petits balais de bruyère, avec lesquels on bat les
cocons jusqu'à ce que les brins de tils s'y accrochent. Ce battage est une
opération trùs délicate et qui exige une grande habileté, pour accrocher
tous les cocons sans les percer. On commence par faire la purge des
cocons, c'est-à-dire enlever d'abord les fils multiples et les bouchons.
La fileuse reçoit dans sa main gauche tous ces fils dits frisons, et qui
seront cardés avec la bourre ou première veste des cocons. On arrive
ainsi à avoir un seul fil par cocon. 11 serait difficile, presque impossible,
de filer en grand les cocons un par un, et d'ailleurs la soie serait trop
fine. Il faut réunir les fils de plusieurs cocons pour en former un brin
unique, en profitant de ce qu'ils conservent encore une partie de leur
grès naturel. C'est pourquoi la fileuse les fait converger vers un
orifice unique de réunion, dit filière. L'industrie imite ici ce qui se
passe dans la nature, où chaque fil de la chenille résulte de l'accole-
ment dans la filière buccale de deux fils, un pour chaque glande séri-
cigène.
En Chine, on se sert d'une monnaie percée d'un trou; en France, on a
des filières de verre, d'agathe, surtout de fer, en forme de spatule percée
de trous à sa partie large et fixée par l'autre bout au-dessus de la bas-
sine. Le nombre des fils de cocon qu'on a associe, varie, selon l'usage
futur, de 3 à 10, 12, 15, etc., et môme plus, ainsi jusqu'à 50 pour faire
le fil de soie des grosses cordes de contrebasse. Les fils se collent en-
semble dans la filière, car l'eau chaude n'a fait que ramollir leur mai^
tière glutineuse; mais ce rapprochement en un seul point à la fois dans
un instant très court serait insuffisant pour donner un fil unique, homo-
gène, arrondi partout également. On a imaginé alors de filer deux fils
composés à la fois, chaque bassine portant deux filières, puis de les
tordre ou croiser ensemble un certain nombre de fois, de manière à les
bien accoler, non sur un seul point à la fois, mais sur une certaine lon-
gueur; c'est ce qu'on nomme faire une croisade ou encroisure. Les deux
fils, écartés au départ, puis croisés, puis écartés de nouveau pour se
rendre au dévidoir, où ils formeront deux écheveaux séparés, ont la
forme d'un X. Jusqu'à Vaucanson, les fileuses croisaient à la main, en
tordant les deux brins avec les doigts ; on a maintenant des croiseurs qui
opèrent une torsion commune, régulière et déterminée. Les deux fils,
après la croisade, sont reçus en deux écheveaux sur les bras ou /âmes de
Vasple ou dc'yidoî'r. On obtient ainsi les flottes de soie grège, à 3, 8, 10, etc.,
brins.
Le degré de finesse de la soie constitue son titre. Pour l'obtenir on
pèse au trébuchet un petit écheveau de 500 mètres de longueur, obtenu
sur un dévidoir spécial, et, selon le poids, on aura de la soie au titre de
580, 730, 856, etc. milUgrammes. Le titre sert aussi à s'assurer, quand
il ne varie que peu sur divers écheveaux, de la régularité de la filature.
^08 LÉPIDOPTÈRES.
Le plus avantageux est d'expédier les cocons à une filature centrale,
au lieu de filer chez soi en petit. On n'est plus du tout ici, en effet, dans
les conditions de l'éducation; on opère sur de la matiùre brute, on
rentre dans les lois industrielles ordinaires.
Comme la soie est très hygrométrique et que son poids peut
varier jusqu'à 12 pour 100 par des additions d'eau, ce qui permettrait des
fraudes, on nomme conditionnement des soies l'opération qui les ramène
toutes uniformément à la même dessiccation. A Lyon, àSaint-Étienne, à
Saint-Chamond, etc., à Paris même, existent des établissements spéciaux
autorisés, soumettant toutes les soies à cette opération, en prélevant une
taxe; elles ne sont achetées qu'à cette condition. Enfin on mesure, en
général dans les mêmes établissements, la ténacité du fil de soie grège,
au moyen de l'instrument appelé sérimètre de Froment, fondé sur le
principe de tous les mesures de ténacité, en déterminant le poids qui,
sous une longueur donnée, produit la rupture du fil fixé par une extré-
mité. Persoz a reconnu au sérimètre que la soie de certaines races du
Sericaria mori est la plus tenace de toutes, l'emportant sur la soie des
à\sQV% Atlacus o\x Vers à soie auxiliaires, comme Cynthia Vera, Perniji,
Yama-maï, etc. Cet instrument permet de reconnaître que les deux tils
dédoublés et presque invisibles d'un seul fil de cocon ont une ténacité
très appréciable, que les cocons mâles fournissent une soie plus fine et
cependant plus tenace que les cocons femelles. En effet, à égale lon-
gueur, le poids des cocons mâles est représenté par 1128 et celui des
cocons femelles par 1159; la ténacité a été pour les cocons mâles 10,63
et pour les cocons femelles 9,80 (moyenne de 200 cocons). M. Aubenas,
de Loriol (Drôme), dans une usine considérable, a inventé un appareil
de torsion à dévidage régulier et simultané, au moyen duquel il peut
tirer des cocons doubles une soie de première qualité. Ces douppions, qui
entrent dans la production indigène et étrangère pour une moyenne de 5
à 10 pour 100, ne produisaient jusque-là (1) que delà soie dont le prix va-
rie de 20 à 25 francs le kilogramme. M. Aubenas parvientà en tirer un fil
de la valeur de 45 à 55 francs le kilogramme. La routine a conservé
dans les filatures de grège une vieille mesure de poids, le denier, qui
équivaut à 03%053. Les flottes actuelles d'essai de titrage sont de 500 mè-
tres ; anciennement elles étaient de 476 mètres. Supposons une soie
fine, où 500 mètres de fil pèsent 4'J',70; elle vaut en deniers 8,84, et ce
titre éclaire etlemoulinier et le tisseur, suivant l'emploi qu'ils veulent
faire de la soie. Nos anciennes soies des Cévennes avaient comme titres
les plus courants 11 à 12 deniers.
La soie grège des flottes est soumise au moulinage ou à Vouvraison, qui
la convertit en soie ouvrée. La première opération est un dévidage des
écheveaux des flottes sur des bobines appelées roquets, avec purge des
nœuds mal faits, des bouchons, des mariages, dus à une rupture après
(1) Compt. rend. Acad. des scz., 1863, LVI, p. 364.
SERICAIUA. 1x09
croisade d'un fil qui se jette sur le voisin. Puis on fait le fil dit organ-
sin, à deux brins tordus en sens inverse, servant à faire la chaîne des
tissus de soie, et le fil dit trame double, à deux brins tordus de même
sens, servant à faire leur trame.
Le décreusage enlève ensuite la matiùre glutineuse de la soie, qui a
permis la croisade des soies grèges, au moyen de bains d'eau de savon
à 80 degrés; puis vieat la cuite, qui consiste à plonger les écheveaux dé-
creusés dans des sachets de toile maintenus dans un bain d'eau de savon
bouillante. Vient après cela le blanchiment de la soie dans le soufroir,
au moyen de l'acide sulfureux gazeux. On teint parfois les soies grèges;
mais, le plus souvent, on teint les soies ouvrées cuites. Les douppions
et les cocons percés donnent, par le cardage, un fil dit galette. Le fil
tiré de la galette, savonné et cuit, est appelé filoselle. Les bourres ou
bavettes, les frisons ou déchets du dévidage en soie grège, les bassinats
ou cocons tombés au fond de la bassine, sont ensuite cardés tous en-
semble et donnent le fleuret ou chappe, et le fil qui en est tiré, savonné
et cuit, est la fantaisie. La fantaisie et la filoselle servent souvent de
trame aux tissus de soie, pour les qualités à bon marché.
Les plus beaux cocons sont d'habitude mis à part pour donner les
reproducteurs réservés pour le grainage. Le septième âge, qui s'accom-
plit après la sixième mue ou éclosion de la chrysalide, est l'âge adulte
ou de reproduction du Ver à soie. Les chrysalides éclosent au bout de
quinze à vingt jours après la confection du cocon ; dans les cocons en
nasse ou naturellement ouverts, comme ceux de l'Attacus pivi, c'est
toujours par l'ouverture prédisposée que sort l'adulte. Dans les cocons
fermés aux deux pôles (Sericaria mori, Attacus Yama-maï, Pernyi, etc.),
il y a à la tête de la chrysalide un réservoir particulier de sécrétion,
découvert par Guérin-Méneville, servant au papillon à ramollir et à
écarter les fils d'un des bouts, de façon à ce qu'il n'a plus qu'à pousser
avec sa tête pour sortir, à la façon d'un enfant qui passe à travers une
haie. Il n'y a pas d'organe de section à la tête du papillon de Sericaria
mori, dont la bouche est rudimentaire. On a dit longtemps à tort que
les fils du cocon percé étaient coupés, d'après cette assertion inexacte
et bizarre de Latreille,que le papillon les limait avec les yeux à facettes,
comme avec une râpe. En filant le cocon mouillé à la main et avec
précaution, on voit que le fil est resté continu. Ce qui fait qu'on ne peut
filer ces cocons, c'est qu'étant percés ils se remplissent d'eau et tombent
au fond de la bassine, comme les cocons vitrés. Il faudrait filer à sec ;
mais le fil, altéré par le liquide naturel de décreusage fourni par la chry-
salide, a perdu de sa solidité et casse.
On a fait de nombreux essais pour filer ces cocons ouverts à
la sortie du papillon, au lieu de les carder. Christian Le Doux a
imaginé des ampoules ou chrysalides en caoutchouc, qu'on introduit
dans les cocons percés et qui permettent de les mettre à la
bassine avec les cocons ordinaires; seulement il faut de fréquentes
410 LÉPIDOPTÈRES.
rattaches par le défaut de solidité du fil. Pour simplifier la main-
d'œuvre, il s'est ensuite contenté de placer ces cocons percés à la bas-
sine ordinaire, mais sur un treillis métallique intérieur qui oblige les
cocons à rester dans l'eau superficielle, en étant seulement recouverts
d'une très faible couche d'eau nécessaire pour leur décreusage.
En général, les cocons mâles sont moyens et étranglés au milieu; les
cocons femelles sont plus gros, plus renflés, plus arrondis aux extrémités.
On dépose les cocons dans une chambre entre 21 et 2/i degrés, en ayant
soin de les fixer par un fil commun, de sorte que le papillon ne puisse
les entraîner. On constitue ainsi des ^/anes. C'est le matin, de cinq heures
à huit heures, qu'éclosent les papillons, comme les œufs. On a soin d'é-
tablir alors l'obscurité, car la lumière les blesse et ils se fatiguent en
cherchant à l'éviter. On met les mâles à part dans une boîte, assez loin
des femelles pour qu'ils ne soient pas excités par leur odeur, s'agitent
et perdent leurs forces. En outre, il faut éviter les accouplements pré-
maturés, afin que les papillons aient le temps de rejeter le méconium
nympbal, accumulé dans le cœcum, tout le reste du tube digestif de la
chenille étant devenu rudimentaire ; si le papillon est bien portant, ce
méconium est un liquide urique de couleur jaune nankin. On fait en-
suite accoupler, en rejetant tous les sujets faibles ou à ailes avortées.
Les mâles, en agitant les ailes, tournent autour des femelles, qui ne font
que peu de mouvements. La majorité des éducateurs ne laisse pas l'ac-
couplement durer au delà de six heures ; on dépapillonne en séparant
les sujets. Les Chinois, à ce qu'il paraît, laissent encore bien moins de
temps. Au contraire, pour obtenir dans les conditions les plus natu-
relles la graine destinée à donner des races capables de résister aux
épidémies, M. de Quatrefages recommande de laisser les accouplements
se terminer d'eux-mêmes. On fait pondre les femelles fécondées sur des
carions ou sur des toiles. Les œufs, d'abord d'un jaune tendre, passent
en huit ou dix jours au jonquille, puis au gris roussàtre, enfin an gris
d'ardoise, avec une légère dépression au centre. Nous avons vu que, de
môme que dans d'autres espèces de Bombyciens et d'Attaciens, on a
signalé des femelles donnant des œufs féconds sans accouplement, et
d'où proviennent des chenilles, puis des adultes des deux sexes. Ce fait,
déjà connu de Malpighi, est très exceptionnel; les œufs des femelles
vierges, presque toujours stériles, sont pondus comme les œufs féconds,
mais restent longtemps jaunes, et finissent par s'obscurcir et se dessé-
cher.
On conserve les toiles ou les cartons à œufs dans des filets suspendus
dans un lieu à 12 ou IZi degrés au plus. Au printemps, quand la température
commence à s'élever, on porte la graine à la cave ou à la glacière, de
peur d'éclosions prématurées, avant que la feuille de mûrier ne soit en
quantité suffisante et certaine.
Jusqu'à présent nous avons supposé que l'éducation du Ver à soie
s'est accomplie dans les conditions normales; mais un animal aussi
SERICARIA. U\\
complètement domestique est assujetti par cela mfme à de graves et
fréquentes maladies, prenant môme les formes épidémiques les plus
tenaces et les plus redoutables, au point de compromettre la production
dans un pays donné, peut-être même d'anéantir la race, comme cela
arrive en Europe depuis une trentaine d'années. Nous nous garderons
bien de présenter au lecteur l'historique des innombrables recettes de
guérison ou de préservation qui ont été proposées, presque toujours
sans aucun principe rationnel et par des personnes étrangt'res aux mé-
thodes expérimentales, oubliant notamment d'étudier séparément les
diverses causes d'un phénomène par les éliminations successives et d'é-
tablir des contrôles.
Nous laisserons à part des maladies proprement dites un accident trùs
redouté au moment de la montée et qu'on appelle touffe. Quand un
orage, un vent très chaud, rendent l'air du dehors plus chaud et moins
dense que celui de l'atelier, ce dernier ne peut sortir, et le Ver, subite-
ment empoisonné par les miasmes putrides des litières, tombe de la
feuille et des encabanages, à la façon d'un Vertébré supérieur frappé de
congestion. Cet accident préoccupe fortement les magnaniers à la lin
des éducations, et fait perdre des chambrées entières. 11 oblige à ne pas
trop retarder les éducations, à les terminer avant la saison des orages
et des fortes chaleurs. Le remède est de ventiler à tout prix et d'ouvrir
les trappes ; le mieux est une puissante cheminée d'appel. On peut par-
fois y suppléer par de grands feux qu'on allume aux orifices supérieurs
de la magnanerie ; ou bien on jette de l'eau dans l'atelier, ce qui abaisse
rapidement la température par le froid dû à l'évaporation. Je fus té-
moin d'une touffe qui fit périr presque tous les Vers d'une belle cham-
brée à la magnanerie expérimentale du Jardin d'acclimatation, cà Paris.
Elle eut lieu en juin, par un dimanche très orageux où la magnanerie
fut remplie pendant cinq à six heures d'une foule compacte de visiteurs,
sans qu'on pût renouveler l'air.
D'après M. Pasteur, les maladies du Ver à soie se ramènent à quatre
entités morbides : la grasserie, la rauscardine, la maladie des corpus-
cules et la flacherie. Les anciens auteurs ont beaucoup augmenté la
liste des maladies, en prenant pour des affections spéciales des sym-
ptômes, plus ou moins réguliers et constants, des quatre maladies prin-
cipales.
La grasserie, qu'on nomme encore le gras, la jaunisse, les vaches, est
une infiltration générale de la chenille par une graisse huileuse et jau-
nâtre. Ce mal est dû aux miasmes des litières et débute ordinairement
au troisième âge ; il est presque iiupossible que, dans les grandes édu-
cations, il n'atteigne pas certains sujets; mais il constitue rarement
une épidémie. On séquestre les Vers attaqués à l'infirmerie, et, là, par-
fois on les rétablit par l'aérage. On doit enterrer les cadavres, de peur
que les poules ne les mangent, ce qui les empoisonnerait. Nous ratta-
cherons à cette affection d'autres maladies également accessoires. La
/jt2 LÉPlDOPTtl'.tS.
rouge se reconnaît dès la sortie de l'œuf, à une teinte rougeâtre de la
larve ; elle est due à une incubation à trop forte chaleur ou à un pas-
sage trop subit du froid au chaud. Dans les affections qui précèdent le
Ver vit jusqu'à la montée, donne des cocons très minces et très faibles
qu'on appelle des peaux, et ne se change pas en chrysalide. La luzette,
ou luisette, ou clairéne, se manifeste en général au cinquième âge. Le
Ver devient d'un rouge clair, puis d'un blanc sale, à corps transparent,
raccourci dans ses anneaux et rendant du liquide par la filière. Les
chenilles mangent sans coconner et tapissent les litières d'une couche
plate de leurs fils {Vers tapissiers); il faut les jeter. En faisant macérer
ces larves dans le vinaigre, les ouvrant et étirant au dehors avec les
doigts le liquide de chaque glande séricigène, on obtient par l'action
siccative de l'oxygène de l'air ces fils si résistants employés pour pêcher
à la ligne et connus sous le nom de fils de Florence.
Dans la Uentérie, ou dysenterie, ou flusso de Cornalia, les excréments
du Ver à soie ont l'aspect d'un liquide visqueux tenant en suspension
des fragments de feuilles non digérés. Cet accident, qui se produit sur-
tout dans les années humides et froides, est dû à la nourriture à la
feuille mouillée, ou à des feuilles à sécrétion gommeuse acre.
Lorsque, à l'imitation dés industriels italiens, les éducations en grand
de Vers à soie sont devenues prédominantes en France, à la place des
petites éducations dans chaque maison, on a eu à subir une épidémie
redoutable, surtout de 1830 à 1837: la m«scar(///ie, ainsi appelée d'après le
nom de muscardin, qui est, en Provence, celui d'une dragée blanche.
Toutefois cette épidémie a eu moins d'extension et moins de gravité
queles épidémies des corpuscules et de la flacherie, qui lui ont succédé
après un intervalle de quelques années. Le \'er prend une teinte d'un
jaune rougeâtre ou brunâtre, offrant çà et là des plaques plus foncées.
La montée se produit, ainsi que le cocon, et par suite s'effectue la
récolte de soie; mais toute reproduction est arrêtée, car l'insecte reste
ordinairement dans le cocon ;i l'état de chenille, parfois de chrysalide;
mais avec le corps durci, raccorni, momifié (voir pi. xcin, fig. 7), ne
pourrissant pas. Le Ver, ainsi que l'a reconnu Bassi en 1835, a été
envahi par un Cryptogame, Botrylis Bassiana , développé dans le tissu
adipeux. Après la mort de l'insecte, l'hymenium du Cryptogame sort
des trachées, se répandant au dehors par les stigmates, et recouvre le
corps d'une moisissure cotonneuse ou farineuse blanche, ce qui, avec le
durcissement, le fait appeler dragée.
Audouin a étudié en France cette maladie, et a démontré son mode de
contagion en inoculant par piqûres à des Vers sains, à des chenilles di-
verses de Lépidopètres, ou des larves de Coléoptères (Buprestes, Sa-
perdes, etc.), le sang de Vers muscardinés, et voyant se développer le
Cryptogame dont il a suivi et dessiné toutes les phases. Réciproquement,
la muscardine, développée par inoculation sur les larves de Lépidoptères
et de Coléoptères au moyen du Ver à soie, a été ensuite reportée de ces
SERICARIA. 413
larves sur les Vers à soie sains. La muscardine peut se montrer sponta-
nément et en tout lieu, dans certaines circonstances favorables. Ce n'est
pas une maladie particulière au Ver à soie, mais générale, spéciale peut-
être à la classe des insectes. On sait que ceux-ci sont souvent envahis
par des Cryptogames, ainsi les Entoviophthor a de la. mouche des maisons,
les Isaria de beaucoup de chenilles, devenant des Sphœria cala phase de
fructiticalion. La muscardine peut se propager non seulement des Vers
à soie à des insectes d'espèces très différentes, mais, développée spon-
tanément, ainsi lors des éducations à l'humidité, chez ces insectes, elle
peut se transmettre aux Vers à soie. Dans tous ces transports le Crypto-
game et la maladie ne changent pas ; un moucheron peut inoculer la
muscardine dans une magnanerie en volant sur les Vers d'une tablette
à l'autre. Si les sporules sont le moyen de propagation habituel, ce qui
fait que l'infection a lieu généralement par les cadavres àefflorescences
{hijmenium), on peut cependant obtenir son développement artificiel
par greffe de son thallus ou mycélium surle tissu graisseux d'un insecte,
et même, par cette voie, l'infection est plus rapide et la mort
plus prompte. La connaissance exacte de la muscardine fait que
cette afl'ection n'est plus à craindre maintenant à l'état épidémique. En
effet, si elle est introduite par accident dans une magnanerie, elle ne fait
pas perdre la dépense de l'année, puisqu'elle permet la récolte de soie.
On peut arrêter avec, certitude la reproduction du mal pour l'année
suivante, en détruisant comme il suit toute trace des sporules. On passe
au chlorure de chaux tout le matériel mobile. En outre, fermant bien
toutes les issues de la magnanerie, on y fait brûler le mélange qui ser-
vait à donner l'acide azotique dans les anciennes chambres de plomb,
le feu blanc des artificiers, formé de 2 parties de salpêtre en poudre
et 1 partie de soufre en poudre. Après l'action d'un acide aussi éner-
gique, la muscardine ne peut plus reparaître que par une nouvelle
contagion venant du dehors, en raison d'une négligence et d'un manque
d'information et de surveillance.
Une maladie plus grave a commencé à sévir en France, d'une ma-
nière épidémique, d'abord par points isolés, environ vers 1840. En l8/i5
le mal n'avait pas dépassé la vallée inférieure du Rhône. Les années
suivantes, il gagnait le bas Languedoc, remontant vers Lyon. En 18/i9,
il atteint soudainement le bas des vallées des hautes Cévennes, qui
avaient eu une magnifique récolte en 1848, et pénètre dans l'Ardèche.
Les points culminants de ces contrées sont successivement atteints,
mais, avant eux, des points bien plus élevés avaient été attaqués dans
la Lozère. Les environs de Castres, de Lavaux, de Montauban, et l'Al-
gérie, résistent jusqu'en 1836, et sont contagionnés à divers degrés en
1857. L'Espagne fut atteinte en 1852, la Lombardie en 1855, le royaume
de Naples,de 1857 à 1858 ; à cette môme époque, l'Archipel et la Syrie.
Au bout de quelques années d'observation, il fut bien avéré que la
maladie était indépendante du sol et de l'altitude. On reconnut que les
614 LÉPIDOPTÈRES.
points épargnés peuvent être entourés de points frappés; ainsi un très
ancien foyer existait à Cavaillon, dans la vallée de la Durance; on était
obligé de grainer ailleurs. Le mal était endémique en 1843 à Saiut-
Bauzile, près de Gangas (Hérault), et à Poitiers en 1841, chez M. Robinet;
il devient épidémique dès 18/i6. En 1849, dans l'invasion générale des
Cévennes, quelques îlots furent respectés, ainsi la vallée d'Argent jus-
qu'en 1852, les cantons de Luc et d'Hyènes jusqu'en 1854. Les graines
d'Italie réussirent pendant trois ou quatre ans, puis les graineurs furent
obligés d'aller chercher plus loin des graines saines. Les individus pro-
venant de graine saine étaient atteints quand on les portait dans une
localité infectée, ce qui démontrait la contagion; il parut établi
parfois que l'épidémie peut agir sur une bonne graine portée dans un
pays contaminé et y séjournant longtemps, et cette infection dès l'œuf
même s'explique par la rapide formation de l'embryon (Cornalia).
La maladie dont nous parlons est celle des corpuscules et due à la con-
tagion par un organisme parasitaire, ainsi que l'ont rigoureusement
établi les expériences de M. Pasteur, notamment en 1865 et 1866. Ils
ont été signalés pour la première fois en 1849 par Guérin-Méneville,
qui reconnut leur présence dans le sang des Vers à soie affaiblis par di-
verses maladies autres que la muscardine. On les voit très bien, sous
un grossissement de 250 à 300 diamètres, comme des corps ovalaires ou
réniformes'(voir pi. xciii, fig. 3), brillants, translucides, plus petits que
les hématies ou globules normaux et sphéroïdes du sang des insectes, et
bien distincts. Guérin-Méneville, les croyant à tort doués d'un mouve-
ment propre, les nomma hématozoïdes ; il ne sut pas reconnaître en eux
la cause de l'épidémie, au sujet de laquelle il ne cessa de commettre
de fréquentes erreurs. En 1853, M. Leydig retrouva ces mêmes corpus-
cules chez les Coccus, Hémiptères homoptères dont les femelles sont pa-
rasites des végétaux et auxquels appartient la cochenille ; puis chez
d'autres insectes, chez des araignées et des écrevisses. Il les reconnut
comme analogues à de singuliers parasites attribués au règne végétal,
regardés comme des algues unicellulaires, décrits en 18/il par Jean
MuUer sous le nom de psorospermies, existant chez des poissons, notam-
ment le brochet. M. Balbiani range dans les psorospermies les corpus-
cules de M. Pasteur. En 1856, M. Cornalia, en 1856 et 1858, MM. Lebert
et Frey, signalent de nouveau ces corpuscules dans les sujets malades
AnSericaria mori aux divers états, et, en 1857, le docteur Osimo fit la
découverte intéressante de leur existence dans les œufs. D'après cela,
MM. Cornalia et Vittadini établirent une importante méthode préventive
qui fut employée pendant plusieurs années, jusqu'au procédé décisif de
grainage cellulaire de M. Pasteur. Ces auteurs conseillèrent l'examen
microscopique des graines avant la mise à éclosion, ou mieux des jeunes
Vers après une éducation d'essai faite en serre en février et en mars.
Ces éducations précoces îurent tvès usitées pendant plusieurs années en
France et en Italie, et on n'admettait à léclosion et à l'élevage en ma-
SER[CARIA. itf5
gnanerie que les graines ayant donné des vers exempts de psorosper-
mies dans ces petites éducations préliminaires.
On comprend que les psorospermies du sang qui causent l'épidémie
se traduisent au dehors par des caraclères extérieurs, étudiés avec soin
dans les recherches de M. de Quatrefages, de 1858 à 1860. Le principal,
et qui pour ce savant était la partie nécessaire et fondamentale de l'in-
fection, était la présence de taches noirâtres sur les chenilles (pi. xcni,
fig. 5), les chrysalides et les papillons (pi. xciii fig.2); de là l'appellation
de pébrine donnée à la maladie psorospermique par M. de (Juatrefages,
du nom de pébrats ou poivrés usité par les paysans du Languedoc pour
les vers tachés. La maladie a été aussi appelée pébré {çoi\Te),patosnegros
(pattes noires), la taco (la tache). Cette maladie fut encore nommée
(jatline en Italie, du mot gattino (jeune chat), car, dans beaucoup de
cas, le cadavre du ver se renverse sur la litière, présentant la partie an-
térieure du corps redressée, la tête presque retournée sur le dos, les
crochets des vraies pattes projetés en avant, comme un jeune chat cher-
chant à égratigner; en outre, ce cadavre, au lieu de se putréfier rapi-
dement, comme cela arrive après la grasserie ou la flacherie, se momi-
fie sans efflorescence blanche, fait connu des anciens magnaniers et
qui prouve l'ancienneté de la maladie à l'état sporadique; ils ci-
taient des muscardins noirs ou rouges qu'on ne voyait jamais blanchir
et qui étaient des pébrinés, alors qu'on ne connaissait pas encore l'ori-
gine cryptogamique de la muscardine ; avant de se dessécher, le cadavre
présente des tissus qui restent élastiques et reviennent à leur première
place après les tiraillements et les pressions, tandis que le cadavre du
vrai muscardin, au contraire, est mou et flasque. En 1857 {Compt. rend.
Acad. des se, et Bull, de la Soe. d'encouragement), dans le rapport
sur les procédés d'élevage proposés par M. André Jean, M. Dumas pro-
posa pour la maladie le nom d'^i^ïs/e, la rapprochant de l'atrophie des
auteurs, avec plusieurs signes distinctifs très importants, notamment
l'hérédité.
Les taches, qui ne sont pas les causes du mal et suivent presque tou-
jours l'invasion des psorospermies dans le sang, sont d'abord très petites,
visibles seulement à une forte loupe, ce qui explique l'erreur de beau-
coup de magnaniers qui croyaient leurs chambrées saines. Elles appa-
raissent d'abord à l'éperon du onzième anneau et entre les crochets de la
couronne des fausses pattes; après la quatrième mue, les taches se mul-
tiplient beaucoup, atteignent les ongles des vraies pattes, les crochets des
fausses pattes et les poils. Parfois les taches se réunissent en larges pla-
ques, en ceintures, en tramées ; elles commencent par des surfaces cir-
culaires ou ovalaires, qui prennent une teinte jaunâtre plus foncée au
centre. Puis, la tache s'organisant devient brune et même noirâtre au
centre, avec augmentation d'épaisseur de la peau, formée dans le réseau
muqueux de Malpighi ; pouvant, à la fin, envahir l'épiderme et le derme.
Il ne faut pas confondre ces taches morbides avec d'autres taches abords
iilfi LÉPIDOntRES.
nets, constantes en quelque sorte dans les éducations industrielles, et
qui sont des meurtrissures, des déchirures causées parles crochets des
vraies pattes des chenilles, qui montent les unes sur les autres, surtout
aux délitages. Lors des mues, la nouvelle peau du Ver pébriné paraît
d'abord parfaitement saine; mais bientôt les taches s'y forment. On re-
trouve les taches dans les tissus internes de la chenille, mais moins que
sur la peau, très rarement sur les trachées, près des stigmates, sur les
glandes séricigùnes et dans le tissu adipeux. Les Vers tachés conservent
d'abord leur appétit et leur activité, puis deviennent paresseux, se traî-
nant avec peine; les crottins sortent difficilement et se desséchent len-
tement; les deux fausses pattes anales se rapprochent l'une de l'autre
et se meuvent avec peine, au lieu de s'étaler largement sur la feuille;
ce sont les quiouls serrais (culs serrés) des magnaniers; les con-
tractions du vaisseau dorsal deviennent très irrégulières, tantôt ra-
lenties, tantôt accélérées, moins nombreuses que dans l'état normal, de
36 à Zi6 par minute, au lieu de 50 à 52. Le Ver semble s'atrophier; sa
peau se ride, se plisse, prend une teinte jaunâtre tirant sur la rouille,
plus foncée dans les races jaunes que dans les races blanches. Enfin le
Ver devient tout à fait immobile et insensible ; ce n'est qu'en le plon-
geant dans l'alcool qu'on reconnaît qu'il y a encore un reste d'existence ;
l'agonie est très longue et la'mort n'est pas brusque, comme lors d'une
touffe ou par la flacherie. La maladie des corpuscules peut permettre à
l'insecte les transformations ultimes de la larve. La chrysalide est sou-
vent incomplètement formée par arrêt de développement; quand elle
est complète, la peau offre des taches souvent saillantes ou ombiliquées;
parfois il y a sur le thorax de larges plaques noires, et l'extrémité abdo-
minale est en général noire et comme carbonisée. En outre, ces chry-
salides sont faibles et remuent peu. A l'intérieur, les taches existent sur
l'appareil séricigène à demi résorbé, sur le tissu adipeux, toujours sur
les trachées, si rarement attaquées dans la larve, sur l'appareil digestif;
le sang est parfois trouble et brun rougeâtre, le cœcum distendu et rem-
pli de matière noire. On trouve, chez les papillons, des taches sur la
peau, sur les écailles et sur les membranes des ailes, (pi. xcni, fig. 2), for-
mant des traînées sur les nervures. On voit parfois, entre les deux mem-
branes de l'aile, des poches pleines d'un liquide noir. Le liquide alca-
lin qui a servi à percer le cocon le tache en brun ou en brun rougeâtre ;
les papillons à déjection brune à l'éclosion sont à rejeter; cette déjec-
tion doit être d'un nankin rosé chez les sujets sains.
Les taches peuvent exister sur les pattes, atrophier celles-ci, ou les
ailes, ou l'œil, ou l'antenne. Ces papillons sont massifs, ont un très
large abdomen, avec des parties sans duvet, des taches noires, les
anneaux joints par une peau nue et lâche {hydropisie de Cornalia), très
distendus par un liquide. Les mâles sont moins accablés parla maladie
que les femelles ; toutefois l'accouplement est lent, pénible, parfois
impossible, court et sans ardeur ; la ponte des œufs est difficile. Al'in-
SERICARIA. un
lérieur, c'est le tissu adipeux qui offre le plus de taches ; il en est
criblé. Les femelles sont surtout tachées à l'extrémité de l'abdomen,
autour des orifices génital et digestif. Les troncs trachéens et leurs
ramifications sont envahis par les taches, les testicules assez rarement,
les ovaires plus rarement encore, parfois la poche copulatrice et les
glandes annexes ; il n'y a pas de taches sur les glandes mucipares.
M. le D'' Chavannes a constaté dans le sang des papillons pébrinés,
desséché et examiné à un grossissement de 250 diamètres, des cristaux
d'acide urique, en forme de gerbes de blé resserrées dans le milieu chez
les insectes légèrement atteints et des cristaux d'acide hippurique en
bâtonnets entre-croisés dans les papillons plus malades, tandis que le
sang des papillons sains n'a pas ces acides. Il y avait là un moyen île
s'assurer de la bonté des graines en examinant le sang des papillons
reproducteurs. M. Chavannes a cherché à obtenir ce résultat, de garan-
tir une reproduction robuste et saine, en élevant les Vers sur l'arbre
à l'état sauvage, tentatives continuées ensuite par M. Roland, à Orbe
(près Lausanne). On n'a jamais eu, au reste, de moyen distinctif bien
certain, en dehors de l'examen microscopique interne, entre la bonne
et la mauvaisegraine, quand il y a eu fécondation. 11 faut que les graines
aient une teinte uniforme ou gris de lin, ou lilas, ou d'un cendré som-
bre tirant sur le violet, selon les races. En général, la multiplicité des
teintes dans les œufs d'un même grainage est un indice de l'existence
du mal. Selon M. Ciccone, quatre nuances décèlent sa présence : le
jaune rougeâtre, le verdâtre, l'azuré obscur, le jaune verdâtre obscur.
On savait, au reste, déguiser les graines en les colorant uniformément
avec du vin rouge très chargé, fraude qui se reconnaissait par l'action
d'une solution de carbonate de potasse.
Une opinion, qui s'appuyait sur l'autorité de Guérin-Méneville, attri-
buait lapébrine à une maladie général des feuilles de mûrier. On invo-
quait la dégénérescence de l'arbre, les modes de culture et de taille,
etc., en un mot ces influences mystérieuses, sans preuves et mal défi-
nies qui furent mises à la charge de la vigne à propos de l'Oïdium et
plus tard du Phylloxéra. L'obstination systématique de certains esprits
n'a jamais voulu tenir compte d'une preuve pèremptoire, faite nombre
de fois, que le mal tenait au Ver à soie et non à la feuille du mûrier ;
deux lots de Vers , les uns sains , les autres contagionnés nourris en
même temps, à la même feuille, donnent les uns une bonne récolte,
les autres une récolte nulle ou détestable. M. de Quatrefages a reconnu
que la maladie des feuilles, observée dans le midi delà France en 1858
par Guérin-Méneville, n'a été qu'exceptionnelle et propre à certaines
localités. Dans l'Ardèche, le Rhône, le Vaucluse, le Gard, l'Hérault, la
feuille de mûrier a été saine en 1858, et cependant les ravages de la
pébriney furent considérables. L'examen fait par M. Decaisne des rares
feuilles tachées recueillies par M. de Quatrefages lors de sa mission, n'a
constaté que des cryptogames anciennement connus, et qu'on sait être
GIRARD. m. — 27
418 LÉPIDOPTÈRES.
sans action sur la santé des Vers, et quelques déjections d'insectes
"Vers nourris exclusivement avec ces feuilles malades n'en ont aucune-
ment souffert (Commission académique : Peligot, Decaisne, de Quatre
fages rapporteur).
Les travaux de M. Pasteur ont jeté une lumière complète sur la
maladie des corpuscules et donné un moyen préventif certain par
l'examen des papillons reproducteurs. 11 n'y a pas d'épidémie à la façon
du choléra, d'influence délétère et mystérieuse de milieux et de loca-
lités; seulement, dans les contrées où sévit l'épizootie,ily aun parasite
beaucoup plus multiplié que dans les pays où règne encore la prospérité
de l'industrie de la soie, et qui ont le privilège d'avoir des semences
généralement saines. M. Pasteur a prouvé la contagion, soit au con-
tact, soit à distance, par de nombreuses expériences, toujours garanties
par des expériences de contrôle où manque seule la cause dont on
veut étudier l'influence. Dans toutes les éducations où certains sujets
atteints de pébrine meurent au milieu de Vers sains et laissent leurs
débris dans les litières, il existe des corpuscules récents. La contagion
a été prouvée par des expériences directes faites à Alais, dans le Gard.
Les feuilles étaient mouillées avec de l'eau tenant en suspension des
corpuscules, provenant parfois de crottins de Vers infectés, plus souvent
de vers, chrysalides ou papillons malades ; crottins et insectes étaient,
à cet effet, délayés dans l'eau après écrasement. Ainsi s'explique l'im-
possibilité des grainages productifs dans les pays de grande culture,
car, dans les éducations donnant les plus belles récoltes, il y a toujours
quelques vers corpusculeux qui infectent tous les autres par les
feuilles, de manière à amener l'insuccès certain de la production de
soie de la génération suivante. M. Pasteur a pu produire aussi directe-
ment la contagion, au moyen de piqûres par une aiguille trempée dans
une eau imprégnée de corpuscules, bien moins toutefois que par le
canal intestinal, à la suite de repas de feuilles couvertes de corpuscules.
Cela explique une seconde manière dont un Ver corpusculeux peut in-
fecter les autres, par l'effet des piqûres des crochets de ceux-ci ayant pé-
nétré soit dans sa peau, soit dans ses crottins; ces mêmes pattes anté-
rieures ainsi empoisonnées peuvent contagionner certaines chenilles. On
comprend, d'après ces deux modes bien démontrés de contagion au con-
tact, qu'il suffit d'associer dans une môme éducation des vers sains à des
vers malades pour amener une contagion générale, avec une intensité
et une rapidité proportionnelles au nombre de sujets corpusculeux. Enfin
la pébrine est infectieuse à distance par les poussières fraîches des
éducations voisines. Des Vers corpusculeux amènent la maladie chez
des vers sains des tablettes de la même magnanerie et infectent tous
les reproducteurs, en pouvant permettre cependant, pour l'année
même, une belle récolte de soie. Bien plus, cette contagion peut s'opé-
rer dans des chambrées différentes de la même maison, et, d'une
maison à l'autre, par l'effet des vents, par les poussières transportées
SERICARIA. Z|1<J
avec les mains, les vtHemeiits, les chaussures, etc. Cette contagion
toutefois s'arrête à certaines distances qu'on ne peut évaluer avec pré-
cision, car il y a ici une intluence considérable et variée des précau-
tions pour l'ouverture et la direction des fenêtres, la propreté inté-
rieure, celle des personnes de service, etc. Il faut surtout redouter la
contagion par les poussières de la chambrée môme, et enlever avec
soin tout Ver suspect, qui seulement demeure plus petit que les
autres.
En présence de ces modes multiples de contagion se présente une
question qui est comme la pierre angulaire derédificc. La sériciculture
est perdue si la graine garantie saine peut donner une éducation ma-
lade. C'est là le problème qu'on se posait avec anxiété, sous l'idée
d'une épidémie, d'une influence de milieu impossible à conjurer. Il
résulte des expériences que, quand une graine est reconnue saine
d'après la méthode de sélection de M. Pasteur, c'est-à-dire privée de
corpuscules parce qu'elle est née de reproducteurs non corpusculeux,
il est impossible que les Vers issus de cette graine et élevés pendant
la durée habituelle des éducations, sans prolongation insolite par le
froid ou la diète, puissent périr en masse avant de filer leurs cocons.
Soit par la contagion au contact, soit par la contagion à distance,
jamais la pébrine, dont la marche est lente, n'atteint les Vers assez
jeunes pour qu'ils ne montent pas à la bruyère.
Voici la méthode efficace de M. Pasteur, dite du grainage cellulaire.
Elle porte sur l'examen des femelles, au point de vue de la présence
des psorospermies, car on sait qu'un niAle infecté, d'après les recherches
anatomiques de M. Balbiani, ne communique pas l'infection aux œufs
d'une femelle saine lors de l'accouplement. Cependant, il est préférable
de rejeter la descendance d'un mâle corpusculeux, parce que son état
maladif l'expose à engendrer des produits affaiblis et prédisposés aux
contagions. D'après la pratique générale de toute l'agriculture, on
choisit les reproducteurs dans les éducations les mieux réussies. On
dispose dans une chambre peu éclairée, assez fraîche, sans soleil, les
chapelets ou filanes de cocons choisis, en rangées verticales ; dans une
chambre à côté, offrant les mêmes conditions, sont pendues à des
ficelles horizontales des rangées de petits morceaux de toile en rec-
tangle d'environ 1 décimètre de long sur 5 centimètres de large. On
prépare environ 100 toiles par once de 25 grammes de graine à obtenir,
et, au bout de trois jours, la ponte étant finie, on peut retirer et empa-
queter les toiles et en mettre de nouvelles. Les papillons sont portés
sur des tables et s'accouplent. De quatre heures à six heures du soir,
on met séparément tous les couples sur les petits linges ; bientôt on
les désaccouple et souvent on jette les mâles sans examen; on laisse la
femelle opérer sa ponte, puis on l'enferme dans un petit sac de mous-
seline qu'on attache à la toile de ponte, ou bien on la place au bas et
dans un coin de la toile, repliée et fermée avec une épingle; le mâle
U20 LÉPJDOPTÈRES.
est conservé et mis à côté de la femelle si l'on veut un essai plus com-
plet. Le grainage cellulaire sera encore plus rigoureux si l'on met
chaque couple dans un casier formé d'un grand nombre de cellules de
bois ou de carton, et recouvrant le tout d'une toile métallique empê-
chant les papillons de passer d'une case à l'autre ; de la sorte on est
certain de n'avoir que des accouplements uniques; puis on porte les
couples séparément sur les petites toiles, on désaccouple, etc. A loisir,
pendant tout l'hiver, on examine au microscope, sous 250 à 300 dia-
mètres, les femelles une à une de chaque toile. On broie l'insecte dans
un petit mortier, avec un peu d'eau; on prend, au bout d'une baguette
de bois ou de verre, une faible goutte de la bouillie, qu'on place sur
le porte-objet du microscope; on place sur la goutte une mince lame
rectangulaire de mica, de manière à l'étaler et à rendre bien fixe son
contenu sous le champ du microscope ; on compte le nombre de psoro-
spermies par chaque champ, pi. xcni, fig. 3, ou leur absence, de manière à
reconnaître si le papillon était corpusculeux et à quel degré, ou entiè-
rement sain. Si la proportion des papillons corpusculeux pris au hasard
reste inférieure au dixième dans les races indigènes, on peut employer
la graine de toute la chambrée pour une éducation industrielle de
l'année suivante, en rejetant, comme toujours, les sujets chétifs et mal
conformés, et surtout ceux dont le duvet du corps est, même par places
restreintes, noir et velouté, car on peut affirmer, sans examen, qu'ils
sont corpusculeux. Il ne faut pas confondre cette couleur avec un duvet
gris que présentent parfois des papillons très sains dans les races vigou-
reuses, et qu'on voit particulièrement chez les mâles. Si la graine doit
servir à de petites chambrées pour des grainages ultérieurs, le mieux
est de rejeter les pontes de toute femelle corpusculeuse. On réunit
toutes les bonnes pontes en les détachant des toiles par le lavage; on
dessèche la graine rapidement à l'air et on la conserve dans une
chambre située au nord, sèche et aérée. Une graine étant reconnue
saine, il reste la question de la propager indéfiniment exempte de
psorospermies par de petites éducations dites de grainage, très lucra-
tives pour ceux qui s'y livrent avec succès, afin d'alimenter de semences
toujours saines les grandes éducations de l'industrie. Il faut avoir soin
de bien assainir les petites magnaneries où se feront ces éducations de
reproducteurs : ainsi, laver le parquet à plusieurs eaux, blanchir les
murs à la chaux, désinfecter pendant vingt-quatre heures, toutes ou-
vertures closes, à l'aide de fragments de chlorure de chaux recouvrant
le plancher, aérer la salle, badigeonner les agrès de sulfate de cuivre;
enfin, dans le cours de l'éducation, enlever les poussières avec une
éponge humide et déliter hors de la magnanerie. Ces précautions se-
ront parfaitement suffisantes dans les départements de petite culture.
Il faut y joindre de nouvelles précautions hygiéniques dans les pays de
grande culture, où l'on est partout entouré d'éducations plus ou moins
suspectes. Il est nécessaire de fractionner le plus possible les éduca-
SERICAUIA. !l2
lions de grainage, de n'établir leurs magnaneries qu'à distance des locaux
habités où se font les éducations ordinaires. Évitez par-dessus tout l'em-
ploi de personnes qui seraient affectées en même temps au soin de
grandes magnaneries industrielles, toujours plus ou moins corpuscu-
leuses, et, condition plus expresse que tout le reste, dans les pays de
grande culture séricicole, n'employez que des graines irréprochables,
obtenues par la méthode du grainage cellulaire. Une précaution im-
portante est de soustraire les papillons secs des toiles au\ attaques des
Dermestiens, principalement du Dermestes lardarius, Linn. 11 faut,
par des toiles métalliques serrées garnissant les ouvertures de la pièce
où l'on conserve les pontes avec les femelles, empêcher l'insecte de
pénétrer au vol. En outre ce Oermeste dévore aussi très bien les chry-
salides, non seulement sèches, mais également vivantes.
La méthode de sélection, si éminemment rationnelle, destinée à rester
un des titres de gloire de M. Pasteur, aurait rendu aux races indigènes de
toute l'Europe leur ancienne vigueur et rétabli la prospérité de la séri-
ciculture, si une autre affection beaucoup plus redoutable, sans pré-
servatif certain, n'était survenue. Elle continue ses ravages, la maladie
psorospermique ayant disparu ou à peu près, et rien ne prouve qu'on
ne sera pas vaincu définitivement et réduit pour l'industrie à la pro-
duction séricicole de l'extrême Orient. Cette maladie, anciennement
connue, confondue souvent avec d'autres, surtout avec la pébrine, a
été démontrée être une affection indépendante par M. Pasteur, en 1867,
tant par des essais précoces que par des éducations en avril et mai. On
la nomme flacherie, morts- flats, morts-blancs, tripes, négrone (à cause
des cadavres noircis). Elle s'accompagne habituellement de symptômes
qui avaient été pris pour des maladies spéciales, comme la menuaitle,
les petits, la maladie des petits, l'atrophie. Les Vers, tout en continuant
à manger et à muer, deviennent très inégaux; une partie se rabougrit,
garde de petites dimensions et ne donne pas de cocons ou seulement de
très chétifs. Souvent aussi les Vers deviennent arpians, ou harpions, ou
passis; ils sont grêles et maigres, tout en conservant leurs forces mus
culaires, le corps flasque, vidé et comme huilé par places, les déjections
liquides ; ils s'accrochent avec force par les couronnes de leurs fausses
pattes, raclant la peau de la main si on les promène dessus, se déta-
chant difficilement des feuilles ou des brindilles de bruyère; beaucoup
après la mort pendent renversés, retenus par les fausses pattes. Dans
les nombreuses éducations industrielles examinées dans le Gard, en
1867, par M. Pasteur, il fut reconnu qu'il est très rare de rencontrer
une chambrée décimée par la pébrine qui n'offre pas, en même temps,
des Vers llats. On peut avoir des éducations exclusivement atteintes de
pébrine et d'autres, au contraire, exclusivement de flacherie. En 1867,
la pébrine était encore la maladie la plus répandue, mais la flacherie
s'y associait déjà pour une proportion considérable, dans les départe-
ments de grande culture. Dans les années suivantes, la flacherie prit de
422 LÉPIDOPTÈRES.
plus en plus le dessus partout où on élevait des Vers à soie. Cette afTec-
tion est d'autant plus cruelle qu'elle frappe le plus souvent les che-
nilles au moment de la montée, alors que toutes les dépenses sont faites
et que le magnanier est en droit d'espérer un bénétice certain. Soit au
moment de la montée, soit, plus rarement, à une époque antérieure,
les Vers deviennent languissants, immobiles, ne mangeant plus. La
mort arrive, rapide, foudroyante même. Les cadavres récents ont con-
servé la couleur normale qui convient à l'âge du Ver; bientôt ils
deviennent ardoisés , pourrissent , prennent une couleur noirâtre
(pi. xcni, fig. 6), flasques et pareils à des boyaux vidés, l'intérieur de
leur corps s'écoulant en une sanie brunâtre. Une odeur aigre, intense,
due aux acides gras volatils que dégagent les Vers malades, se fait
sentir dans la magnanerie. Nous trouvons une bonne observation de ce
genre dans une lettre de notre collègue et ami M. J. Fallou, qui visi-
tait à Celles-les-Bains (Ardôche), en 1868, la magnanerie de M. Chal-
vet. L'éducation se composait de Vers japonais, graine de 1867, de pre-
mière génération, qui restèrent beaux et sains, avec cocons mélangés
verts et blancs, et, d'autre part, de Vers japonais de 1866, qui avaient
bien réussi en 1867, ot de Vers de graine du pays, de race superbe,
qui échouèrent en 1868. Les Vers de cette seconde série restèrent très
beaux jusqu'à la troisième mue inclusivement. A la quatrième et der-
nière mue de l'état de chenille, les Vers furent lents à quitter leur
peau, puis refusèrent de manger, devinrent flasques et d'un jaune-
noirâtre, sans taches aux pattes ni à la région anale, et moururent.
Comme ou élevait côte à côte, avec la même feuille, les Vers japonais
beaux et sains de la première génération, tandis qu'on dut jeter toute
l'autre série, il était bien difficile de placer la cause de la maladie dans
la feuille du mûrier, qui eût dû empoisonner indistinctement tous les
Vers. Parfois, et sur le cadavre seulement des Vers flats, la peau désor-
ganisée se couvre do petits points blancs ressemblant à de la pébrine
commençante ; mais la différence est nettement établie par la momifl-
cation du cadavre des pébrinés, d'une part, l'absence de taches sur les
négroncs vivants, de l'autre.
Cette maladie, ou du moins la mort précédée et suivie de pareils sym-
ptômes, se rencontre assez souvent sur un grand nombre de nos che-
nilles indigènes d'espèces variées, soit dans la nature, soit élevées chez
des amateurs; elle est fréquente dans les éducations faites dans la ré-
gion de Paris des Vers à soie du chêne, Attacus Pernyi, 0. Mén., et
Yama-maï, G. Mén. Je me souviens notamment avoir observé de sem-
blables phénomènes sur les chenflles de Bombyx Neustria, Linn., et de
Liparis Chrysorrhœa, Linn.
De quels désordres internes s'accompagne ce second fléau de la séri-
ciculture? Les fonctions digestives subissent une altération profonde,
attestée par diverses productions insolites que le microscope permet
de constater dans les matières qui remplissent le canal intestinal des
SERICARIA. 423
Vers morts-flats. Ce sont principalement, d'une part, des Vibrions (ana-
logues aux Anguillules du vinaigre, de la colle d'amidon aigrie, etc.),
d'autre part, un ferment en chapelets flexibles, formés d'un nombre
variable de grains, sphériques ou subsphériques, chacun d'un dia-
mètre d'environ un millième de millimètre, et très analogue aux fer-
ments organisés de diverses fermentations, notamment de la fermenta-
tion acétique. La flacherio est donc une maladie de l'appareil digestif,
le Ver ne digère plus ; car ce sont précisément les mûmes organismes
qu'on retrouve dans la décomposition des feuilles de mûrier triturées et
abandonnées à elles-mêmes. La présence des Vibrions dans les matières
du tube digestif est le signe d'un état avancé de la flacherie et s'observe
surtout sur les Vers après la quatrième mue ou à la bruyère, trop ma-
lades pour faire leurs cocons; le ferment en chapelets de grains cor-
respond à un état bien moins grave de l'affection, et, quand il ne s'est
développé que dans les derniers jours de la vie de la chenille, il per-
met la filature du cocon, la nymphose et l'éclosion du papillon ; la
récolle industrielle reste bonne, mais le grainage très compromis, car
il donnera vine race affaiblie, très prédisposée à la contagion.
Le ferment en chapelets de grains détermine dans le tube digestif des
Vers une fermentation de la feuille ingérée, d'où résultent le manque
d'appétit, l'immobilité, la lenteur à filer. C'est alors que nos vieux ma-
gnaniers brûlaient de l'encens, du thym, des parfums, faisaient des
feux de flamme, qui élevaient de plusieurs degrés la température de
la magnanerie, afin de ranimer les Vers. Quand ces symptômes se sont
montrés à la fin d'une éducation, quelle que soit d'ailleurs sa réussite
en cocons, il y aurait une grande imprudence à faire grainer les papil-
lons; l'année suivante, la flacherie décimerait l'éducation. Quand on a
eu la négligence de ne pas observer ses Vers, surtout dans les derniers
jours de leur vie, ce que doit toujours faire un magnanier intelligent,
ou quand on reçoit des cocons sans renseignement, il faut étudier au
microscope le tube digestif des chrysalides, notamment l'estomac et la
poche cœcale, et voir si les matières internes offrent les chapelets de
gri^ins ou les Vibrions. On peut se contenter du caractère suivant : les
matières des poches cœcales des chrysalides malades sont abondantes et
d'une teinte verdâtre foncée, le méconium des papillons, au lieu d'âtre
d'un jaune plus ou moins orangé, est d'un gris ou d'un brun noirâtre,
et très tachant pour les linges qui servent au grainage. On peut en-
core, quand on veut se précautionner contre la flacherie dans une édu-
cation de grainage, observer si les Vers n'ont pas extérieurement une
peau rosée, au lieu de la teinte blafarde de l'état normal.
La flacherie est très souvent accidentelle. En effet, elle provient d'un
trouble dans la digestion, sous l'influence du ferment en chapelets de
grains dans la feuille ingérée. D'après cela, elle peut avoir pour cause
occasionnelle une trop grande accumulation des Vers aux divers âges
l'insecte, une trop forte chaleur lors des mues,, la^suppression de la
h2!l LÉPIDOPTÈRES.
transpiration, le manque d'aérage, l'emploi d'une feuille échauffée, ou
trop dure, ou mouillée par le brouillard. M. Pasteur regarde la feuille
des mûriers non taillés ou des sauvageons comme bien préférable aux
feuilles larges et épaisses des mûriers taillés chaque année. Les feuilles
durcies par la chaleur sont aussi d'un emploi funeste. Il y a avantage
à accélérer les éducations, afin d'avoir toujours une feuille plus jeune
et plus digestive. Les recherches de M. Raulin ont fait voir que la fla-
cherie sévit surtout vers le 15 juin, de sorte qu'il importe, avec l'épi-
démie actuelle, de commencer les élevages le plus tôt possible et de
les mener rapidement, afin d'être à la montée à la fin de mai. MM. Rau-
lin et Duclaux ont aussi constaté une influence très favorable du gla-
çage des œufs pendant l'hiver, [pour fortifier les races et les rendre
moins accessibles soit à l'influence héréditaire, soit à la contagion. C'est
là un fait général bien constaté, notamment après l'hiver rigoureux
de 1879-1880 ; loin de tuer les insectes, le froid les fortifie.
M. Pasteur émit pour la première fois l'idée, en 1868, contrairement
à l'opinion des magnaniers, que la flacherie pouvait être héréditaire,
il résulte de ses propres expériences, ou de celles entreprises sous son
influence, soit en essais précoces, soit en éducations normales, que des
graines provenant de parents affaiblis par un commencement de fla-
cherie, rigoureusement exemptes de corpuscules par le procédé du
grainage cellulaire, conduisent à des chambrées complètement enva-
hies par la flacherie, au point de ne pas donner, le plus souvent, un
seul cocon. Depuis bien longtemps les éducateurs auraient connais-
sance de cette hérédité, s'il n'était pas de règle d'exclure du grainage
tout élevage qui a présenté, entre la quatrième mue et la montée à la
bruyère, des Vers languissants ou atteints d'une mortalité plus ou
moins grande. La maladie des corpuscules peut être impossible à pré-
voir à l'aspect des Vers à la montée et exiger l'emploi du microscope ;
il n'en est pas de môme de la flacherie, toujours reconnaissable à
l'aspect extérieur des Vers, de sorte qu'une petite éducation d'essai
bien surveillée indiquera avec certitude si l'on doit livrer tous les
cocons à la filature, ou si l'on peut se servir de certains d'entre eux
pour grainer.
Enfin, M. Pasteur a établi, par des expériences conduites avec une
méthode rigoureuse, que la flacherie est contagieuse et d'un grand
nombre de manières. Toujours un lot témoin, parfaitement intact, a
servi à établir que la maladie des autres lots est due à la cause seule
dont on veut prouver l'existence. On a pu contagionner de bien des
manières différentes les Vers à soie reconnus exempts de pébrine et de
flacherie héréditaire ; ainsi : avec la poussière d'une magnanerie infec-
tée l'année précédente par la pébrine et la flacharie, cette poussière
tantôt répandue sèche sur les feuilles, tantôt les imprégnant en sus-
pension dans l'eau ; au moyen des feuilles recouvertes par la matière
pleine de Vibrions du canal digestif d'une chenille en flacherie, par
SERICAREA. kib
des fragments de Ver flat délayés dans l'eau, par des Vibrions retirés
du tube digestif d'une chenille morte, par des Vibrions provenant de
feuilles de mûrier fermentées. Le ferment en chapelets de grains
relire du canal intestinal provoque aussi la maladie, et de même le
contact de Vers malades placés au milieu de vers sains. On trouve dans
le plus grand nombre des chenilles contagionnées le ferment en cha-
pelets de grains ou les Vibrions, ou tous deux, et aussi dans les chrysa-
lides. 11 résulte de ces expériences que la contagion est encore plus
facile pour la flacherie que pour la pébrine, puisque les corpuscules
ou germes de la pébrine meurent et deviennent inoffensifs dans un
temps assez court, tandis ■ que ceux de la flacherie conservent leur
activité pendant des années. La poussière des magnaneries infectées
est, en effet, remplie de Vibrions enkystés qui reprennent vie quand
ils sont humectés.
M. Pasteur a donné une méthode de sélection, lente et exigeant des
soins minutieux, il est vrai, mais qui peut permettre de régénérer une
race à l'aide d'une graine, quelque mauvaise qu'elle soit, atteinte de
pébrine ou de flacherie, ou de ces deux maladies réunies, même au
plus haut degré. Ainsi se trouvera réalisé le désir ardent de bien des
éducateurs, désolés de voir s'éteindre entre leurs mains des races re-
marquables par la beauté de leurs cocons, la force et la finesse de leur
soie. Les deux maladies qui désolent la sériciculture sont à la fois
héréditaires et contagieuses. Supposons que dans une graine, 'et c'est ce
qui arrive toujours dans les graines suspectes, il y ait une certaine
fraction, forte ou faible, d'œufs exempts de psorospcrmies ou de leurs
germes, ou privés de la prédisposition héréditaire à la flacherie. Si on
élève en commun tous les Vers issus de cette graine, une contagion
générale anéantira l'éducation, comme si tous les œufs sans exception
avaient été infectés, et les cocons, si quelques-uns sont filés, ne don-
neront que des papillons impropres à la reproduction. On voit que
c'est la contagion qui achève le mal commencé par l'hérédité. Il suffit
de séparer ces deux causes et de supprimer la première, puis de faire
un triage entre les sujets sains et ceux atteints par le mal héréditaire.
On y arrive par le procédé de l'éducation cellulaire. Avant que les
Vers, au moment où ils sortent de l'œuf, aient pu se nuire les uns aux
autres, il faut lever séparément chacun d'eux, à l'aide d'un menu frag-
ment de feuille de mûrier qu'on lui présente avec une petite pince jus-
qu'à ce qu'il s'y soit attaché; les entomologistes savent, en effet, qu'il
ne faut jamais toucher les jeunes chenilles avec les doigts. On place
alors chaque Ver dans une cellule isolée, formée au moyen des subdi-
visions et carrés obtenus dans un casier de bois ou de carton, chaque
case ayant 6 à 7 centimètres de haut et 8 à 10 de côté. Comme les
Vers à soie ont un remarquable instinct social et chercheraient à se
réunir, il est indispensable de couvrir chaque case d'un morceau de
canevas; le fond du casier doit être pareillement en canevas, afin de
^26 LÉPIDOPTÈRES.
faciliter Taérage des cellules. On trouvera, à la fin de cette éducation
cellulaire, certains cocons à chrysalides et à papillons sains, soit sous
le rapport des psorospermies, soit privés de ferment en chapelets de
grains. Ils donnent une graine sûre et intacte. Si l'on craint encore,
malgré tout, quelque influence héréditaire, on recommencera l'élevage
cellulaire sur la seconde génération, et cela pourra servir en outre de
contrôle pour la bonté de la méthode. Celte méthode a donné à
M. Pasteur des reproducteurs parfaitement sains, en partant de graines
ou corpusculeuses,ou atteintes de tlacherie et conduisant à des échecs
complets, en petites éducations générales, môme fort soignées.
Un grand intérêt qui découle de ces faits, c'est l'influence de l'isole-
ment pour diminuer les ravages, soit de la pébrine, soit de laflacherie,
en diminuant la contagion. Il faut, dans les éducations, se rapprocher
le plus possible des conditions de l'élevage cellulaire, en donnant aux
Vers une grande surface, surtout dans les premiers âges, en raison de
la lenteur des effets de la contagion, qui est bien moins dangereuse
quand elle commence à sexercer à la fin de la vie de la larve. Il faut
espacer le plus possible les Vers dès leur naissance, étendre la graine
au lieu de l'accumuler en épaisseur; puis, tous les jours, augn^enter la
surface de l'éducation, au risque d'augmenter un peu la quantité de
nourriture et l'étendue des locaux. Les éducateurs japonais ont grand
Boin de séparer les Vers le plus possible et d'empêcher de trop fréquents
contacts, en écartant les Vers les uns des autres avec de petits bâtons.
Les Vers des Japonais n'occupent pas moins de 5 mètres carrés au mo-
ment du premier sommeil, pour 25 grammes environ de graine; en
France, nous ne leur donnons guère que le cinquième de cette super-
ficie. En outre, comme, dans l'éducation cellulaire, les Vers morts sont
d'eux-mêmes isolés des autres, il faut commettre une personne intelli-
gente à enlever des claies les Vers morts ou rnourants, et, en général,
tous ceux qui ne paraissent pas en état de pouvoir faire leurs cocons ;
c'est autant de chances qu'on ôte à la contagion.
D'après le comte Castellanij on connaît en Chine toutes les maladies
de nos Vers à soie, sauf peut-être le pébrine, qui, au moins il y a quel-
ques années, n'y avait pas encore pénétré. Il cite, en outre, la maladie
de la mouche ou de la grosse mouche; c'est celle que les Japonais nom-
ment mal de Vuji ou ougi ou oudgi, qui étend aussi ses ravages à VAtta-
cus Yama-maï, G. Alén., objet d'une production importante de soie dans
certaines parties du Japon. (1) Cette maladie n'est autre que la mortalité
des chenilles ou des chrysalides par les attaques de divers Hymé-
noptères entomophages ou d'Entomobies (Diptères, Brachycères), qui
font périr les chenilles du Sericaria mori des éducations, comme toutes
(2) Maurice Girard, Notes relatives au parasite appelé ouji, destructeur des
Vers à Soie (Bull. Soc. d'Acclim., 2" sér., 1870, t. VU, p. 167, et Ann.
Soc, Ent. fr,, 4' pér., 1870, t, X, Bull. p. 53 et 61),
SERICARIA.. Û27
les chenilles indigènes. En France, les Entomobies ou Tachinaires
pondent aussi leurs œufs sur les Vers à soie en magnanerie ; le cocon
n'est pas moins filé et on trouve à l'intérieur les pupes mortes provenant
des larves de Diptères issues de la chrysalide ; elles n'ont pu sortir au
dehors, car le cocon est trop soyeux et trop serré et sans orifice pré-
disposé. Je crois avoir été le premier à publier ce fait, que j'ai observé
en ouvrant des cocons qui ne donnaient pas de papillons et provenaient
de la magnanerie de grainage de M. Caillas, à Passy (Paris actuel). On
ne savait pour quelie cause des cocons paraissant aussi beaux que les
autres ne produisaient pas do papillons. Les larves des Diptères vivant
à l'intérieur, avaient évidemment respecté les glandes séricigènes (1).
Nous ne connaissons que des indications très incomplètes sur les es-
pèces de Sericaria autres que S. mari, Linn. Celui-ci paraît originaire
des provinces montueuses de la Chine septentrionale et il est probable
que trois ou quatre prétendues espèces, habitant aussi la Chine, n'en
sont que des races (S. Texlor, Crcèsi, Fortunata, etc.). Il y a six. espèces
paraissant réellement bien séparées et dont la soie peut, dit-on, riva-
liser avec celle du .S. mori. Nous citerons d'abord S. Huttuni, Westwood,
L'adulte du 6'. HiiUoni est de la taille des gros papillons dii S. mori ;
le corps, ainsi que le fond des ailes, sont d'un gris brunâtre, avec une
fine ligne blanche, à peu près parallèle au corps, traversant les deux
ailes ; les ailes antérieures sont fortement falquées au sommet, avec
une demi-lune d'un brun noir. La chenille de S. Huttoni a une très
grosse tête, le fond d'un gris jaunâtre avec des marbrures brunes, les
pattes écailleuses d'un brun fauve, une double épine noire sur le dos,
sur chacun des anneaux 5, 6, 7, 8, 9, 10, l'anneau 11 ayant la corne ty-
pique du genre Sericaria noire et très recourbée en arrière, et une corne
noire fourchue, en forme de x minuscule, sur le douzième anneau.
L'espèce est du nord-ouest de l'Himalaya, à plus de 2 000 mètres d'alti-
tude. On a essayé d'élever S. Huttoni en domesticité près de Cachemire;
on a accouplé, avec de grandes difficultés, S. mori cf avec S. Huttoni ^,
et réciproquement, S. Huttoni çf avec S. mori ^ ; les œufs ont été sté-
riles. En 1858 et 1859, ont été continuées des tentatives d'éducation ;
mais les sujets sauvages du dehors refusaient de s'accoupler aux sujets
captifs, de sorte que la nature intraitable de cette espèce a dû faire
renoncer à l'espoir de sa domestication.
Viennent ensuite S. Horsfieldi, de Java, à chenille inconnue ; S. Sher-
villi, de l'Himalaya, de taille au moins double de S. mori, i^vec ^es
couleurs et dessins complètement difTérents; S. Benyalensis, Moore, des
environs de Calcutta, dont la chenille, de couleur jaune-nankin, est
munie sur le dos de longs filaments noirs ; S. Subnotata, Walker, espèce
mal précisée, dont la chenille aurait également deux rangs d'épines j
S. religiosœ, Helfer, de l'Assam, dont la chenille vit sur l'arbre fipul,
(1) Maurice Girard, Note sur des Diptères parasites de Sericaria mori
Ann. Soc. entom. Fr. 186/1, li' série, t. IV, p. 155).
klS LÉPIDOPTÈRES.
scientifiquement le Ficus religiosa, très répandu dans l'Inde. C'est le
ver à soie yoj-ee de Helfer (Bombyx), le Deo mooga de Hugon, ver sau-
vage il peine connu des habitants de l'Assam. D'après Hell'er, le thorax
est d'un brun grisâtre, séparé de l'abdomen par une bande noire, les
ailes supérieures aiguës au sommet, la couleur d'un gris-clair se fon-
çant vers l'extrémité, une bande blanche interrompue le long du bord
externe, avec une grande tache blanchâtre au sommet ou angle ex-
terne, les ailes inférieures uniformément brunes. Le cocon est formé
de fils très fins, d'un lustre très soyeux, très doux au toucher, d'une
soie sinon supérieure, au moins égale à celle du S. ?ncn. Un petit genre
Ocinara, voisin des Sericaria, habite aussi le continent Indien et l'île
de Java, et renferme cinq ou six espèces, qui vivent également dans les
montagnes sur des arbres du genre Ficus. Elles filent, paraît-il, de
petits cocons composés d'une très belle soie, mais qui ne semblent pas
avoir été encore utilisés.
Bibliographie des séricarides». — Les ouvrages et mémoires sur le
Ver à soie du mûrier sont très nombreux, en raison de l'industrie de
premier ordre à laquelle il donne naissance. Nous citerons seulement
les principaux et plus récents, surtout en français :
Malpighi, Traité du Ver à soie (en latin), avec fig. Londres, 1869 ;
traduction et notes par E, Maillot. 1878. Coulet, Montpellier, in-Zj". —
Annales de la Soc. séricicole; 16 vol. in-S", 1837 à 1851. Bouchard-Hu-
zard, Paris (parmi ces volumes : De la muscardine, par Guérin-Méne-
ville, 1 vol., 18/i8, fig. col.). — Bonaibus, Traité de l'éducation du Ver
à soie et de la culture du marier, etc. Paris, Bouchard-Huzard, /i* édit. ,
1 vol. in-8°, avec fig. col. — Edouard Perris, Traité de la culture du
mûrier, de l'établissement des magnaneries et de l'éducation des Vers à
soie, 1 vol. in-8". Leclercq, Mont-de-xMarsan, 18/|6. — Robinet, Mémoires
sur l'industrie de la soie. Paris, Bouchard-Huzard, 1845 à 1861 (mûriers,
ventilation, muscardine, filature, battage des cocons, bonté des œufs de
Vers à soie). — Dandolo, Art d'élever les Vers à soie, 1" édit. (trad. de
l'italien), suivi du tableau d'une magnagnerie modèle. Paris, Bouchard-
Huzard, 1861, avec tig. — Stanislas Julien, Résumé des principaux traités
chinois sur la culture du mûrier et l'éducation des Vers à soie. Paris, Bou-
chard-Huzard, 1H37, 1 vol. in-S", avec pi. — Brunet" de Lagrange, Ta-
bleaux synoptiques : 1° Éducation des Vers à soie d'après la méthode de
Camille Beauvais et les procédés de ventilation de Darcet ; 2° Magna-
gnerie salubre, systèmes de ventilation de Darcet; 3» Culture et taille
du mûrier. Paris, Bouchard-Huzard. — L.-J. Boucher, Industrie sérici-
cole, instruction sur le tirage de la soie grège ou la filature des cocons.
Paris, Bouchard-Huzard, in-S", 1839. — Bourcier et Poortman, Sur
confection de la soie, Mémoire destiné à réfuter l'erreur de Straus-
Durkheim que la soie existe en fil et roulée en écheveau dans le corps
des chenilles (Ann. Soc. séricicole, 1839, n° 3, et Revue zool. de la Soc.
SERICARIA. 429
Cuoiérienne, 18A2, p. 080). — Robinet, Sur la formation de la soie {Revue
zool. de la Soc. Cuviérienne, iShli, p. 27). — Audouin, Histoire naturelle
du Ver à soie. Paris, dans la Maison rustique. — Loiscleur-Deslong-
champs, Rapport sur la culture du mûrier et les éducations de Vers à soie
dans les environs de Paris, en I806 (Extrait des Mém. de la Soc. royale et
centrale d'Aijric, 1837). — Nouvelles considérations sur les Vers à soie,
pour servir à l'histoire de ces insectes (Extrait des Ann. de l'Agric. fran-
çaise, 1838). — De Gasparin, Essai sur l'histoire de l'introduction du Ver
à soie en Europe : Mémoire sur la culture du mûrier et l'éducation des
Vers à soie. Paris, Bouchard-Muzard, 1 vol. in-8% I8Z1I. — Boitard,
Traité de la culture du mûrier et de l'éducation des Vers à soie. Paris,
Bouchard-Huzard, 1 vol. in-8° (sans date). — E. Cornalia, Monofjraphia
del Bombice del Gelso {Bombyx mori, Linu.). Milan, 1856, hi-h", avec
15 pi. — Guérin-Méneville, Revue de sériciculture comparée. !x vol. in-S".
Paris, 1863, I86Z1, 1865, 1866. Ce recueil contient de nombreux mé-
moires de son directeur sur le Ver à soie du mûrier et ses maladies;
ils ont été continués, pour les années qui suivent, daus la Revue et
Mayasin de zooloyie : Production de la soie, situation, maladie et amé-
lioration des races de Vers à soie. Paris, Bouchard-Huzard, 1857, br. —
Sur l'état de la sériciculture et sur les maladies des Vers à soie {Conyrès
scient, de France à Montpellier, 3 décembre 1868 ; Rev. et Magas. de
zooL, janvier 1869; Rapport fait à la Soc. d'Ayric. de France sur la sta-
tion séricicole de Châlons-sur-Marne, br. in-li", autogr. — De Quatre-
fages, Essai sur l'histoire de la sériciculture et sur la maladie actuelle des
Vers à soie (Extrait de la Revue des Deux-Mondes. Paris, Victor Masson,
in-12, 1860). — Ernest Pariset, Histoire de la soie ; temps antérieurs
au septième siècle de l'ère chrétienne. Paris, A. Durand, 1862; 2" par-
tie, du septième au douzième siècle, id., 1865 (cet ouvragen'a pas été
étendu aux époques postérieures). — Maurice Girard ; sur le Sericaria
mort, conférence; bull. Soc. d'Acclim., 1862, t. IX, p. 903 et 1050.
— R. P. Lesson, Histoire de la soie considérée sous tous ses rapports,
depuis sa découverte jusqu'à 7ios jours. Rochefort, 18/i6, 1 vol. in-8".
— Castellani, Dell' allevamento dei Bachi di Seta in China, fatto ed
osservato sut Leioyohi da G. R. Castellani. Firenze, typ. Barbera,
Blanchi et C», 1860, 1 vol, in-18, avec pi. — Gagnât, à Joyeuse (Ar-
dèche), les Vers à soie en 1867, 1 vol. in-8", 1868. — Léon de Rosny
(traduit par), Traité de l'éducation des Vers à soie au Japon, par Sira-
Kawade Sendai (Osyou). Paris, Imprimerie impériale, 1868, 1 vol. in-8''.
— Duseigneur-Kléber, Monographie du cocon de soie. Lyon, 1860, 1 vol.
gr. in-8°, avec 28 planches photographiques. — B. J. Dufour, Séricicul-
ture simplifiée. Lyon et Paris, Eug. Lacroix, 1868, 1 vol. gr. in-8'', avec
grav. — E. Nourrigat, Nouvelles considératio7is sur la nécessité d'aug-
menter la production de la soie en France et sur les causes qui ont amené
la maladie des insectes et les moyens de la prévenir (Extrait de divers mé-
moires adressés à l'Acad. des se). Montpellier, 1858, 1 vol. in-Zj";
ÛÎO LÉPIDOPTÈRES.
Mémoire sur la sériciculture présenté au Congrès de Montpellier. Lunel,
1874, 1 vol. gr. in-8°. — Rapport publié par le ministère de l'ayricult.
ducomm.; conseils aux magnaniers. Paris, G.Masson, 1 vol. gr. in-S". —
P. Duplat, Séricictilture, soie et soieries, inventaire de 1873. Lyon, Moni-
teur des soies, I81k, 1 vol. in-8°. — A Gobin, Mûriers et vers à soie.
Paris, Niclaus et G', 1875, i vol. in-18, avec fig. — E. Maillot, Mémoires
et documents sur la sériciculture; station séricicole de Montpellier,
!'■« série. Monlpellier, Imprim. centrale, 1 vol. gr. in-8°, 1875. —
l<'r. de Boullenois, Conseils aux nouveaux éducateurs de Vers à soie.
Paris, Bouchard-Huzard, 1875, 3^ édit., i vol. in-8'', avec fig. — A. Ro-
land, Traité pratique d'éducation en plein air sur le mûrier et en magna-
nerie, in-18. Lausanne, 1873. — L. Roman, Manuel du magnamer. Paris,
Gautliier-Villars, 1 vol. in- 12, 1876 (cet ouvrage est un excellent exposé
des méthodes de M. Pasteur). — P. Sirand, Le procédé Pasteur appliqué
aux éducations de 1872. Prudhomme. Grenoble, 1873, br. — M. Del-
prino, La nouvelle sériciculture, br. in-8°, avec pi., en français. Acqui,
1867; Perte dans le produit de la soie par suite des défauts des systèmes
usuels, etc., br. in-8°, en français. Acqui, 1867; Le peripezie d'Ualia
et loro tristi effetti, etc., bf. în-8°. Acqui, 1867; liésultat du nouveau
système de l'éducation des Vers à soie, br. in-8", en français. Acqui, 1867.
— Rapport de la Commission chargée d'observer les éducations de Vers
à soie faites selon les systèmes Delprino (Extrait du n"6 du Journal d'agri-
culture, 1867). — M'"' de Pages, née deCorneillan,Z)u transport des cocons
et graines de Vers à soie {Bull. Soc. d'acc/tm., numéro de juin 1867). —
Nachet, Instruction sur V application du microscope dans la production de
la graine des Vers à soie. Paris, br. in-S". — Ghristian Le Doux, Dévi-
dage des cocons de graine (brochure-prospectus à l'Exposition de Lyon,
1872). — De Kercado et Trimoulet, De la sériciculture dans la Gironde
(Congrès scient, de Fr., 28^ session), t. IV, br. Bordeaux, 1863. — A. De-
londre. De la sériciculture dans la Silésie autrichienne et dans l'empire
austro-hongrois {Revue et Magas. de zool., avril et mai 1870). — Michel
Médawar, Mémoire sur l'éducation des Vers à soie en Syrie, br. in-S".
Beyrouth, 1873. — J. Ghamsin^ La sériciculture en Cochinchinc, son pré-
sent, son avenir. Lyon, Moniteur des soies, br. gr. in-8", l87/t. — La fila-
ture de la soie dans le Trentin, br. in-8", publiée par la Chambre de
commerce et d'industrie de Rovereto. Rovereto, 1878. — V. Audouin,
Recherches anatomiques et physiologiques sur la maladie contagieuse qui
attaque les Vers à soie et qu'on désigne sous le nom de Muscardine {Ann.
scient, nat., 2^ série, 1837^ t. VIII, p. 229-2/i5, 2 pi.) Comptes rendus, Acad.
des se, 1836, t. lil, p. 82-89 ; Expériences sur la muscardine {Ann.
se. nat, 2^ série, 1838, t. VIII, p. 257-270; Comptes rendus, Acad. des se,
1837, t. V, p. 712-717); Quelques remarquées sur la contagion de la mus-
cardine [Comptes remlus, Acad. des se, 1839, t. VIII, p. 612-625). —
Johanys, De la muscardine, des moyens de la développer artificiellement,
de modifier ou de détruire les effets de la [contagion {Ann. se. natur.,
SERICARIA. ti%i
série, ZooL, 1839, t. XI, p. 65). — Muscardine; mission confiée par
M. Cunin-Gridaine à M. Guérin-Méneville; rapport avec planches. —
Ciccone, De la muscardine et des moyens d'en prévenir les ravages dans
les magnaneries. Paris, veuvo Bouchard-Huzard, 1858, 1 vol. in-S", avec
fig. — E. Robert, Observations sur la muscardine. Paris, Bouchard-Hu-
zard, br. in-S", 18Zi2. — N. Joly, Sur les maladies des Vers à soie et srir
la coloration des cocons par V alimentation an moyen du chica (Extrait du
Journal d'agric. pratique pour le midi de la France, octobre 1858. — De
Uuatrefages, Etudes stir les maladies actuelles du Ver à soie. Paris,
Victor Masson, 1859; Nouvelles recherches faites en 1869 sur les maladies
actuelles du Ver â soie, Paris, Victor Masson, 1860. — A. Chavannes, les
principales maladies du Ver à soie et leur guérison, br. in-8°, 1862. Cher-
buliez, Genève et Paris. — Balbiani, Etudes sur la maladie psorosper-
mique des Vers à soie (Extrait du Journal d'anal, et de physiol. de
Ch. Robin, numéro du 1"'' mai 1867). — L. Pasteur, Nouvelles études sur
la maladie des Vers à soie {Comptes rendus Acad. des se, t. LXIII,
23 juillet 1866). — G. Brouzet, Recherches sur les maladies des Vers à
soie, 1 vol. in-S". Nîmes, 1863. — L. Pasteur, Rapport au ministre de
l'agriculture sur la maladie des Vers a soie en 1865, 1866, 1867 ; Les
maladies des Vers à soie, 2 vol. in-8'', avec planches, lithochromies,
photographies. Paris, Gauthier-Villars, 1870. — Maurice Girard, Ana-
lyse et compte rendu de l'ouvrage de M. L. Pasteur (Bull. Soc, d'acclim.,
numéros de mai et juin 1871). — E.PéVigol, Études chimiques et physio-
logiques sur les Vers à soie; Soc. centr. d'agric. de France, 1853 (An-
nales du Conservatoire des arts et métiers, 1865; Etudes sur les feuilles
de mûrier [Bull., Soc. des agriculteurs de France, l*^' septembre 1880,
p. 160) ces deux mémoires de M. Pcligot sont destinés en partie à
prouver que la cause de la maladie des Vers à soie ne consiste pas en
une prétendue maladie de la feuille des mûriers). — L. Pasteur et
J. Raulin, Note sur la pébrine (Ann. scient, de l'École normale, 2" série,
1872, t. I) n" 1). — J. Raulin, Mémoire sur les éducations de Vers à soie en
vue du grainage {Bull, des séances de la Soc. centr. d'agric. de France,
1873) ; De l'influence propre de la saison sur le phénomène de la fla-
cherie (môme Bull., 1873). — Duseigneur, La maladie des Vers à soie,
inventaire de 1869, br. in^8°. Lyon, 1870. — E. Maillot, Rapport sur
l'établissement de production industrielle des graines cellulaires de \'ers à
soie, par M. Susani, à Rancate (province de Milan). Paris, br. in-8",
G. Masson. — Station séricicole de Montpellier, Mémoires et documents
sur la sériciculture, publiés chez E. Goulet, à Montpellier, comprenant :
1874, Recherches sur la gattine et la flacherie, par Verson et Vlacovich ;
1875, Production des graines de Vers à soie, chauffage des magnaneries,
accouplement des papillons, par Cornalia ; De la soie en Europe; 1876,
De l'art d'élever les Vers à soie, par E. Maillot; Gongrès séricicole
international de Milan, De l'éclosion des graines de Vers à soie par le
frottement, l'élcclritité et l'hivernation artificielle, par E. Maillot; Mé-
^32 LÉPIDOPTÈRES.
thodes de sélection pour la confection des graines de Vers à soie, par
E. Maillot; 1877, La façon de faire et semer la graine de meuriers et
nourrir les Vers à soye, etc., par Barthélémy de LafFémas, nouvelle édi-
tion ; Essai historique sur l'industrie de la soie en France du temps de
Henri IV, par Auguste Poirson ; 1879. Observations anatomico-physiolo-
giques sur les insectes en général et en particulier le Ver à soie du mûrier,
par le D' de Filippi, trad. de l'italien par E. Maillot; Des soieries et des
Vers à soie en Chine, par le Père J.-B. du Halde. — Victor Rollat,
Méthode pratique contre les maladies des Vers à .soie,hr. in-8°. Perpignan,
1875. — Les Congrès séricicoles internationaux. Montpellier, Stat.
série, br. gr. in-S", 187Zi. — De Ferry de la Bellone, Conférence sur la
sériciculture au concours régional d'Avignon de i%lb. Avignon, br., 1876;
Contribution à l'étude de la flacherie, causes et traitement, br. in-S". Paris,
A Gouin, et Lyon, Moniteur des soies, ISllx. — Helfer, Sur les Vers à soie
indigènes de l'Inde (trad.) (Ann. des se. nat., 2"^ série, ZooL, 1839, t. XI,
p. l/i2). — Hugon, Observations sur les Vers à soie et les soies de la pro-
vince d'Assam (trad.) {Ann. des se. nat. ,2" série, ZooL, 1839, t. XI, p. 155).
Ces deux mémoires, publiés par des voyageurs étrangers à l'entomolo-
gie, sont très confus. — J. 0. Westwood, The Cabinet of Oriental EntO'
mology. London, 1848 ; Sericaria Huttoni, pi. xir, fig. Zi, femelle. —
Thomas, Hutton, On the Reversion and Restoration of the Silkworm,
wich Distinctive Characters of Eighteen species of Silk-producing Bomby-
cidœ {Trans. Entomol. Soc. of London, 1866, 3" série, t. II, p. 295 et
suiv., pi. xix). Cette planche coloriée renferme les figures des chenilles,
toutes à corne sur le onziène anneau, de Trilocha varians, Moore,
Bombyx fortunatus, Huttoni, Bengalensis (ce sont des Sericaria), enfin,
Ocinara, Walker lactea, Hutton, B. mori ou Ver k soie du mûrier rede-
venu sauvage, ressemblant beaucoup à la race des moricauds, et une
chenille du Ver à soie domestique.
Parmi les publications périodiques relatives à la sériciculture, mais
qui sont principalement industrielles et commerciales, nous devons
citer le Moniteur des soies, publié à Lyon, et le Progrés agricole et
industriel, journal spécial de la sériciculture, de la viticulture, etc.,
Avignon, directeur, M. Aubenas aîné, qui était précédemment le Progrès
séricicole, de Valréas (Vaucluse). N'oublions pas la Société séricicole
de (sic) Montpellier.
Il est bon de remarquer que l'étude des espèces de Lépidoptères Hé-
térocères qui produisent des cocons assez soyeux pour que l'industrie
puisse les utiliser ne conduit pas à un groupement zoologique naturel
et unique. Les chenilles séricigènes qui méritent le nom de Fers à soie
appartiennent d'abord et par excellence aux Séricarides dans les Bom-
byciens. Nous retrouverons bientôt d'autres auxiliaires séricigènes dans
des Bombycides des genres annexés au genre Bombyx, puis des espèces
qui méritent le nom de Vers à soie auxiliaires et qui appartiennent à la
tribu des Attaciens.
liNDROMlS. ^33
ENDROMIDES.
Cette famille établit un passage entre les Séricarides et les Attaciens,
en raison du genre Aglia parmi les Attaciens. Les antennes sont pecti-
nées dans les deux sexes, la pectination de la femelle moins large que
celle du mâle; spiritrompe nulle; pas de frein; chenilles sans poils,
au moins à leur état de développement avancé; chrysalides à cocons
grossiers et presque nuls, formés de quelques fils soyeux.
E}.\DRO.lllS, Ochsenheimer. — Antennes contournées, terminées en pointe
obtuse, unipectinées, à lamelles rapprochées, peu allongées, même chez les
mâles; pas de spiritrompe; palpes presque nuls, très velus, à articles indis-
tincts; tête petite, engagée dans un thorax laineux; ailes minces, les posté-
rieure? arrondies et assez courtes, les antérieures un peu aiguës et subfalquées
au sommet, la frange des ailes presque nulle; abdomen à longs poils. — Che-
nille lisse, sphingiforme, se renflant peu à peu de la tête à la queue, avec une
élévation pyramidale sur le onzième aimeau. — Chrysalide chagrinée, avec sa
partie postérieure terminée par une pointe conique et recourbée.
Une seule espèce de France, de Belgique, du sud de l'Angleterre,
d'Allemagne, volant au soleil avec beaucoup de vivacité dans les ave-
nues des grands bois, fin mars et commencement d'avril, rare partout,
VE. Versicolora, Linn., le Versicotore d'Engram., the Kentish Glory ;
c'est le papillon d'Europe qui se rapproche le plus du Sericaria mori.
Mâle environ 60 millimètres d'envergure, le corps velu, d'un jaune
brun, avec le devant et les bords du thorax blancs; antennes noires;
ailes supérieures ferrugineuses, lavées de blanc par places, avec deux
lignes noirâtres transverses flexueuses, un croissant noirâtre à l'extré-
mité de la cellule discoïdale; ailes inférieures d'un jaune roux, avec
une ligne noirâtre très ondulée ; quelques petites taches brunâtres
vers les bords des ailes; femelle pareille au mâle pour les dessins, les
ailes supérieures d'un ferrugineux terne, les inférieures d'un blanc
sale ; chenille glabre, à tète petite, d'un vert brunâtre, avec des lignes
obliques blanches sur le dos, ayant au repos une attitude qui rappelle
celle de certains Sphinx, vivant surtout sur le bouleau, aussi sur le
saule, l'aulne, le noisetier, etc., se chrysalide en juillet et aovit à la
surface de la terre, dans une coque très légère, consolidée par des
brins de mousse ou de feuilles sèches; la chrysalide passe l'hiver.
Les œufs sont pondus sur les branches, serrés les uns contre les
autres.
BOMBYCIDES.
Papillons velus et lourds, au moins chez les femelles; antennes
épaisses, serrées, fortement bipectinées chez les mâles, parfois fili-
formes chez les femelles ; pas de spiritrompe ; pas de stemmates ; pas
GIRARD. "!• — 28
ftSft LÊPidOPTÈRES.
de frein; ailes assez robustes et fortement charpentées, en toit au
repos, toujours complet pour les supérieures. Nous prendrons pour
type de leur nervulation celle du Bombyx quercus mâle (voir le détail
de cette nervulation à la fin de la tribu des Bombyciens, où nous la
comparons à celles d'un Chélonien type, Chelonia caja). Pattes courtes
et sans éperons ; abdomen des femelles gros et peu allongé. Chenilles
ordinairement sans tubercules, à seize pattes normales, sans déforma-
tions en appendices prolongés, allongées, cylindriques, garnies de poils
variés, parfois drapés, jamais complètement verticillés, ordinairement
disposés sur tout le corps, souvent plus nombreux sur les parties
latérales que sur le dos, rarement en aigrettes ou rayonnants (Pannosœ
de M. Guénée); chrysalides renfermées dans des cocons bien construits,
ou papyracés, ou feutrés, ou soyeux, très rarement enfouis en terre.
Les chenilles sont pour la plupart arboricoles et polyphages; un petit
nombre vit de plantes herbacées. Un certain nombre d'espèces offrent les
mâles volant en plein jour avec rapidité, surtout par le beau temps.
Ces mâles, en raison de leurs antennes très pectinées, ont l'odorat très
développé ; ils accourent de très loin à la recherche de la femelle,
môme renfermée dans les -appartements au milieu des villes; les ama-
teurs qui ont une femelle fraîche à leur disposition s'en servent pour
faire d'abondantes captures de mâles ; ils suivent dans les bois la per-
sonne qui a dans sa poche une femelle dans une boîte ou dans une
petite cage en filet, et s'accrochent même à ses vêtements. Les Bomby-
cides ne se posent jamais sur les fleurs; ils n'ont rien à y faire, étant
dépourvus de spiritrompe.
BOMBYX, Linn. — Antennes des mâles fortement pectinées, celles des femelles
dentées ou même filiformes [B. populi, Linn., s. g. Pœcilocampa, Steph.);
palpes velus, très courts ; tliorax très velu, un peu globuleux ; ailes supérieures
offrant toujours un petit point ou tache discoïdale, les quatre ailes en toit com-
plet au repos, les inférieures entièrement sous les supérieures; abdomen gros,
très développé chez les femelles, quelquefois pourvu à son extrémité, parti-
culièrement chez les femelles, d'un paquet de poils laineux. — Chenilles
velues, garnies de poils plus moins serrés, tantôt disposés sans ordre sur tout
le corps, tantôt disposés par petites touffes, dépourvues d'appendices pédi-
formes.
Le genre Bombyx, tel que nous l'adoptons, déjà bien restreint compa-
rativement à l'acception de Linnseus, a été divisé en plusieurs genres
dont nous ferons des sous-genres. Dans le sous-genre Clisiocampa, Cur-
tis, Stephens,les papillons femelles n'ont pas de bourre anale, les che-
nilles vivent en société et sont longues, molles, sans verrues, rayées de
lignes longitudinales viyetïient colorées, se filant des cocons soyeux,
minces et mous, entremêlés d'une substance farineuse (acide urique).
L'espèee la p^lus importante, vu les dégâts qu'elle cause, est le B. Neus-
•bombyx. ^35
tria, Liiin., la Livrée, Réuumur, Geoffr., Engr., the Lackey des auteui-s
anglais, ces noms d'après les bandes colorées de la chenille comparées
à des galons de livrée; l'adulte, commun partout en juillet et août, de
25 à 28 millimètres d'envergure, ayant le plus souvent les ailes d'un
ferrugineux plus ou moins foncé, avec deux lignes blanchâtres, trans-
verses, un peu arquées aux supérieures, et une, peu apparente, au
milieu des inférieures ; dans l'autre variété les ailes sont d'un jaune
terne, les supérieures traversées par deux lignes brunes; dans les deux
variétés la frange est blanche, irrégulièrement entrecoupée de brun,
le corps de la couleur des ailes, les antennes à tige jaunâtre et à
barbes brunes. La femelle est toujours plus grande que le mâle, d'un
ton plus terne, avec une bande médiane d'un brun plus ou moins
rougeàtre; elle pond ses œufs en spirale régulière et serrée autour
d'une branche, par quatre ou cinq cents, collés par une gomme bru-
nâtre, très dure et insoluble, formant les bagues si connues des horti-
culteurs, passant l'hiver et éclosant au printemps ; les chenilles échap-
pent à la loi de Téchenillage, car elles éclosent trop tard. Il faut couper
et brûler les bagues; mais, comme par leur couleur analogue à
l'écorce elles se dérobent souvent au regard, il vaut mieux détruire les
chenilles sociales,' formant de vrais troupeaux, que trahissent les feuilles
dépouillées. En juin, elles se dispersent et sont alors bleues, rayées de
noir et de fauve, avec la vasculaire blanche. Elles sont très redoutables
aux arbres fruitiers, et, en certaines années, aux arbres forestiers. Je
lésai vues, en 187â, ravager tous les bois de la Charente. Elles filent à
la fin de juin, sous les corniches des murs, entre les feuilles, des
cocons clairs et mous, d'une jolie soie blanche, saupoudrés d'une
poussière qui ressemble à de la fleur de soufre et que Réaumur com-
pare à de la poudre à poudrer; B. Castrensis, Linn.; la Livrée des prés,
Geoffr , Engr. ; theGround Lackey, des régions calcaires, prés et collines
herbues, espèce beaucoup moins commune que la précédente et non
nuisible, car la chenille vit de plantes basses (hélianthème, jacée,
euphorbe, bruyère) ; à peu près la taille de l'espèce précédente, le
dessus de l'abdomen et l'extrémité des antennes brunâtres, le corps
d'un jaune terne, les ailes supérieures du mâle d'un jaune d'ocre, avec
deux lignes médianes transverses feri"ugineuses et une bande ferrugi-
neuse très indécise, les ailes inférieures d'un brun ferrugineux sombre,
avec le milieu traversé par une ligne plus claire, la frange des ailes
jaunâtre et irrégulièrement entrecoupée de ferrugineux. La femelle
est d'un ferrugineux clair ainsi que le corps et le dessus des antennes
jaunâtre, une bande médiane plus foncée sur les ailes, bordée des deux
côtés par deux lignes d'un jaune d'ocre; elle pond ses œufs en bracelet
autour des tiges des graminées; les chenilles, qui éclosent au prin-
temps, vivent dans leur jeune âge sous des tentes de soie, puis se dis-
persent et sont solitaires en juin et au commencement de juillet,
bleues, à bandes fauves ponctuées de noir. On les élève avec succès au
hZ() LtPlDOl'TÈUtS.
moyen de l'euphorbe tithynale, en ayant soin de ne mettre qu'un petit
nombre de chenilles ; ces éducations donnent la chance d'obtenir par-
ibis l'aberratiorx femelle Taraxacoïdes, Bellier de la Chavignerie, ailes,
corps et antennes en entier d'un jaune d'ocre trùs pâle, sans aucune
li"ne aux ailes supérieures et inférieures. L'adulte paraît en août. Nous
placerons à côté des deux Livrées, d'après la chenille pi. xciv, fig. 5,
le B. Pensylvanica, Boisd., de l'Amérique du Nord, dont la chenille est
bleue, avec vasculaire blanche interrompue et lignes longitudinales
jaunes, ainsi que les pattes membraneuses.
Dans le sous-genre Eriogaster, Germar, les papillons femelles ont une
bourre abondante à l'extrémité de l'abdomen, les chenilles ont deux
verrues dorsales par anneau et se filent des cocons serrés et consistants
comme un carton, n'ayant que la dimension rigoureusement néces-
saire pour contenir la chrysalide. Le type est le B. Lanestris, Linn., la
Laineuse du cerisier, Engram., Ihe Small Eggar, 32 à 35 miUimctres
chez le mâle, antennes brunes avec la tige blanchâtre ; corps ferrugi-
neux; ailes supérieures ferrugineuses, avec une ligne transverse
blanche flexueuse et deux gros points blancs, l'un discoïdal, l'autre à
la base, les ailes inférieures plus pâles, avec une ligne blanchâtre, un
peu courbe; femelle plus grande, avec l'extrémité de l'abdomen noire,
garnie d'une bourre grisâtre. Les chenilles vivent en nombreuses
sociétés, d'avril à juin, sur les aubépines et les prunelliers, aussi sur
les pruniers, les cerisiers, les saules, etc.; dans une tente soyeuse divi-
sée en cellules, où elles se retirent pendant la forte chaleur du jour.
En juin et à toute leur taille, elles se dispersent pour se chrysalider ;
elles sont alors noires, à sous-dorsales jaunes et crénelées, les pattes
membraneuses rouges. Elles se filent des cocons ovales, d'un tissu
serré, jaunâtres en dehors, blanchâtres en dedans ; les adultes ont, le
plus souvent, deux époques d'éclosion, mars et avril, puis septembre
et octobre. Si on élève une famille de ces chenilles, il y a, d'ordinaire,
un certain nombre de chrysaUdes dont le papillon ne sort qu'au bout
de deux, trois ou quatre ans et même plus. Le B. Lanestris est très
abondant en certaines années, et ses chenilles achèvent les feuilles
épargnées par celles des Neustria et Chrysorrhœa; l'espèce devient
extrêmement rare pendant plusieurs années de suite.
Dans le genre 5om6î/x propre, syn. ; Lasiocampa, Schrank, les papil-
lons ont les quatre ailes semblables, épaisses et velues; les mâles
volent avec vivacité pendant le jour et ont les antennes fortement et
régulièrement bipectinées. Les chenilles, qui vivent solitaires, sont
garnies de poils drapés ou satinés et se filent des cocons subellipsoïdes,
ou consistants et papyracés (B. quercus et trifolii), ou soyeux (B. rubi).
Le B. qwercws, Linn., \&, Minime à bande, Geoffr., Engram., ihe Oak
Eggar, ayant dans les deux sexes le corps et les antennes de la couleur
des ailes, 50 à 55 millimètres d'envergure chez le mâle, les quatre
ailes d'un brun ferrugineux, avec une ligne coudée arquée d'un jaune
BOMBYX. U%1
fauve, nettement coupée à l'intérieur, peu à peu fondue extérieure-
ment dans l'espace terminal, qui est moins foncé que le fond des ailes,
un point blanc cerclé de noirâtre sur le disque des ailes supérieures ;
femelle beaucoup plus grande, avec le même point blanc discoïdal
que le mâle, les ailes d'un jaune paille plus foncé jusqu'à la ligne cou-
dée, prenant parfois par aberration les couleurs du mâle ; il y a de
nombreuses variétés. Toute la France et la Belgique, les adultes en
juillet, le mâle volant avec rapidité dans la journée, même dans les
villes, car l'insecte, des jardins comme des bois, vient chercher sa
femelle jusque dans les maisons. La chenille passe l'hiver engourdie
sur les tiges des arbustes, noire, à poils drapés blonds et sous-dorsale
blanche, se chrysalide à la fin de juin dans un cocon de la forme d'un
gland de chêne, d'un tissu papyracé très serré, gommé et d'un brun
noirâtre, non dévidable ; sur les arbres et arbustes des bois, les lilas,
lesgenêls; B. trifolii, cat. de Vienne, et var. medicaginis, Borckhau-
sen, le fctit Minime à bande, d'Engram., de France, de Belgique (très
rare), d'Angleterre, the Grass Eggar, l'adulte en août et septembre dans
les champs et prairies artificielles, attiré pendant la nuit par les
lumières, bien moins commun que B. quercus, plus petit et de dessin
très analogue, la même coloration dans les deux sexes; dans la var.
medicaginis, bien plus fréquente que le type aux environs de Paris, les
ailes supérieures sont d'un brun tanné pâle, avec la ligne transverse
d'un rouge brun à l'intérieur, fondue extérieurement, les ailes infé-
rieures d'un brun rouge uni. La chenille noire et bleue, à poils fauves
et collier orangé, vit en mai et juin sur les trèfles, les luzernes, les
genêts et aussi les graminées, Klle passe l'hiver très petite, sous les
plantes basses; elle file, i\ la fin de juin, un cocon jaunâtre-de mômes
forme et consistance que celui de quercus ; elle est délicate à. élever et
donne ordinairement, avec medicaginis, quelques individus du type
trifolii, d'un ferrugineux foncé; B. rubi, Linn.; la Polyphage d'Engr.,
de toute la France, de Belgique, d'Angleterre ; the Fox Moth, 50 milli-
mètres d'envergure chez le mâle, les ailes inférieures d'un brun roux
plus intense au bord, avec deux lignes blanchâtres transverses, peu
sinuées, et une bande flexueuse d'atomes grisâtres vers le sommet, les
ailes inférieures de la couleur des supérieures, avec la frange blan-
châtre ; femelle plus grande, les ailes supérieures d'un brun grisâtre ou
roussâtre, avec les mômes dessins que le mâle; les adultes en mai et com-
mencement de juin, la femelle restant cachée dans les herbes ou les
bruyères, le mâle volant très vite et très difficile à capturer, à cause de
ses nombreux crochets, de trois heures après midi jusqu'au coucher du
soleil, s'abattant parfois brusquement dans les gazons. La chenille est
noire, d'abord à bandes orangées, plus tard à poils drapés d'un brun
fauve, sur la ronce, les trèfles, les carex, etc., des prés et clairières,
dite Vannemi du diable, car elle se roule en cercle dès qu'on la louche;
de juillet à novembre, passant l'hiver à demi-enterrée. Elle est presque
Z|38 I.ÉPIPOPTÈRES.
impossible à élevftr ; presque toutes se dessèchent ou se couvrent d'ef-
florcscences dlsaria; on en réussit parfois qnolqucs-unes en les pla-
çant dans de grandes caisses avec des plantes basses, non à l'air libre,
mais dans une pièce aérée, non chauiïée. Dans la nature beaucoup
périssent en hiver, car les papillons sont beaucoup moins communs
que les chenilles d'automne. Les amateurs doivent chercher en mars
les chenilles de B, rubi réveillées qui grimpent sur les grandes herbes
pour se chauffer au soleil; elles ne tardent pas à se chrysalider, sous
les mousses et les plantes basses, dans des cocons grisâtres, allongés et
mous, d'un tissu léger.
Le sous-genre Crateronyx, Duponchel, offre les palpes courts, velus
et obtus, le dernier article des tarses renflé, avec les ongles très forts
aux pattes antérieures ; l'abdomen de la femelle est très gros et velu
seulement entre les incisions des anneaux. Les chenilles sont obèses et
à mouvements très lents, de couleur livide et peu velues, vivant sur
les Chicoracées et se transformant à la surface du sol dans des cocons
légers environnés de mousse; la chrysalide est allongée avec l'extré-
mité anale bifide. Nous citerons le B. dumeti, Linn., la Brune du pissen-
lit, d'Engr., de k& à 50 millimètres dans les deux sexes, les quatre ailes
d'un ferrugineux noirûtre pu brunâtre, un peu luisant, avec des poils
à la base, un gros point sur le disque d'un jaune fauve et une bande
sinuée transverse au-delà du milieu de même couleur, ainsi que la
frange, la bande transverse plus large aux ailes inférieures, le corps de
la couleur des ailes, avec le thorax, les incisions de l'abdomen et l'anus
d'un jaune fauve; femelle pareille, d'un ton plus clair; adulte en octobre
et novembre, le mftle volant vivement au soleil dans les clairières et
allées de bois. La chenille est noirâtre, à taches transversales noires,
plus claires en avant et poils roux; en juin sur les Chicoracées, surtout
le pissenlit et la piloselle, difficile à trouver, car elle se cache ; à cher-
cher le matin dans les allées et clairières des bois sous les plantes, les
pierres, etc., se filant un cocon soyeux, brun et régulier, à demi-
enlerré. L'espèce, de France, de Belgique (très rare), manquant
aux îles Britanniques, est toujours rare; c'est un des plus beaux
Bombyx.
Nous rattacherons au genre Bombyx ou à des genres voisins des
espèces exotiques dont la soie est utilisée, après cardage, dans divers
pays. La grande île de Madagascar paraît riche en espèces productrices
de soie et des plus variées. 11 peut y avoir là une source d'exportations
intéressantes ; les exigences multiples de la mode doivent engager les
fabricants à tenter des mélanges de soies nouvelles avec la soie du
Sericaria mon, le coton ou la laine, mélanges qui offriront peut-être
des étoffes douées de propriétésparticulières. On doit distinguer à Mada-
gascar des espèces formant des cocons isolés et d'autres, comme notre
Processionnaire du chêne {Cnethocampa Processionea, Linn.), dont les co-
cons sont contenus dans de grandes bourses de soie servant.de nid à des
BOMBYX. 439
colonies de chenilles. Le R. P. Jouen, préfet apostolique de Madagascar,
a signalé deux espèces du premier groupe: l'une noire, dit-il, d'ui^
déciratHro de longueur, est élevée par les Hovas, en plein air, sur les
arbres ; les cocons, non dévidables, donnent une soie très forte. Les
Hovas enveloppent leurs morts de qualité de vêtements fabriqués avec
cette soie, et l'on a trouvé de ces étoffes dans des tombeaux parfaite-
ment intacts au bout de soixante ans. L'autre espèce vit dans les herbes
et y fait des cocons qui donnent une soie récoltée par les indigènes et
propre à faire des tissus légers. Il est très probable, sinon certain, que
la première espèce appartient au genre Boroccra, Boisduval, et que c'est
celle qui a été décrite, sous le nom de B. cajani, par le docteur Vinson,
qui faisait partie de l'ambassade française envoyée au couronnement
de Radama II. Cette espèce est abondante dans la province d'Emyrne,
aux environs de Tananarive. Les cocons recueillis Bur les arbres sont
ouverts et les chrysalides retirées, soit pour la reproduction, soit, sin-
gulier usage, pour l'alimentation. Les Malgaches, en effet, mangeut,
frites à l'huile, diverses espèces de chenilles, blanches, grasses et saas
poils, et des chrysalides, ainsi celles qui nous occupent. Le docteur
Vinson, à l'audience de réception, vit le fils du roi, enfant de dix ans,
en manger avec grand plaisir. Les indigènes surveillent l'accouple-
ment des papillons, la ponte, l'éclosion des jeunes chenilles. Celles-ci
sont aussitôt portées en plein champ ou à couvert sous des hangars, sur
des pieds d'ambrevate [Cytisus Cajanus). En effet, la plupart des cocons
sont recueillis il l'état sauvage ; mais certains propriétaires Hovas (les
Hovas forment la race conquérante, riche et civilisée de Madagascar)
élèvent ces chenilles en liberté dans des taillis d'ambrevate dans la
belle saison et les rentrent dans les cases dans la saison des pluies. On
fait de deux à quatre récoltes par an. Les chenilles, qui atteignent
45 millimètres sont hérissées, de piquants raides et noirs et présentent,
près de la tète, des houppes rétractiles de fortes épines. Le corps, d'un
brun marron foncé, offre deux bandes latérales d'un rouge carné. Les
chrysalides sont grosses et d'un brun marron. Les papillons diffèrent
beaucoup dans les deux sexes. Le mâle, à antennes doublement pecti-
nées, est d'une teinte rougeàtre, variant du rouge brique au rquge
cannelle; la femelle, presque moitié plus grande, est d'un gris perle;
dans les deux sexes, les ailes supérieures ont deux raies, brunes chez le
mâle, d'un gris obscur chez la femelle. Les cocons, de Zi5 millimètres
de long, d'une forme ovalaire, d'un gris sale, pleins des poils des che-
nilles, sont bouillis dans l'eau, cardés, filés au rouet. La soie est très
solide, et les étoffes qu'on en fabrique sont d'une agréable nuance d'i^î^
gris clair qui permet souvent de se passer de teinture. Au reste, les
Malgaches savent teindre cette soie en rouge avec les graines du rocou,
en jaune avec le safran, en bleu avec l'indigo, en brun en enfouissant
la soie dans les marais. Le docteur Vinson a beaucoup recommandé
l'introduction de cette espèce dans l'île de la Réunion, où croît sponta-
UkO LÉPIDOPTÈRES.
nément l'ambrevate et où le ver à soie du mûrier réussit mal, à cause
des pluies diluviennes du tropique. Il y a probablement plusieurs
espèces voisines, indiquées vaguement par les R. P. Jouen et Finaz,
qui vivent sur l'ambrevate et produisent la soie lamba. Il est à présumer
qu'on doit y rapporter le Bombyx Fleurioti, G. Mén., dont la coupe des
ailes rappelle plutôt les Lasiocampa et Odonestis, mais dont la chenille,
le cocon et sans doute la soie sont très analogues à ceux du cajani. Le
mâle du B. Fleurioti est d'un jaune doré assez clair, un peu plus foncé
aux ailes supérieures, avec une fine bande grise transverse et deux
points noirs ; la femelle, du double plus grande, dont les antennes à
peine pectinées s'atténuent peu à peu jusqu'à l'extrémité, est bien plus
foncée, d'un jaune roussâtre, avec une large bande transverse brune.
La chenille, très velue, a des poils urticants et caducs. Les cocons,
filés sous terre, comme ceux de notre B. dumeti, sont gros et soyeux et
gris. Les Malgaches les déterrent en évitant de les toucher avec les
doigts, de peur d'urtication, les laissent fermenter, les lavent dans des
lessives bouillantes pour détacher les poils et décreuser, les cardent et
les filent.
Le second groupe des espèces séricigènes de Madagascar comprend
des Lépidoptères à bourses, soyeuses, réceptacles communs de nom-
breuses chenilles. Coquerel a décrit les B. Diego et Radama, ce dernier
donnant une bonne soie exploitée par les naturels ; les chenilles, de
môme que celles du B. Panda, de Port-Natal, découvert par Delegorgue,
filant ensemble une énorme poche, qui atteint de 50 centimètres à
1 mètre de hauteur et renferme à l'intérieur les cocons individuels.
Ces poches servent à tisser des étoffes remarquables par leur éclat et
leur solidité. C'est peut-être de la môme espèce que parle le R. P. Jouen,
quand il signale ces cocons multiples pendants aux arbres comme des
nids, que les Malgaches filent au rouet après les avoir déchirés et
ramollis dans l'eau. Le Mexique présente une espèce du genre Bombyx
dont les mœurs et l'utilité sont analogues. C'est leB.psidii, Salle, ressem-
blant pour le port, la taille elles couleurs au B. rubi d'Europe. Les che-
nilles se trouvent dans la région tempéréedu Mexique, ainsi près de Cor-
dova(État de la Vera-Cruz), par 900 mètres d'altitude. Les chenilles, qui
passent environ huit mois avant de se chrysalider, vivent sur le goyavier
et sur une espèce de chêne, tissant un nid commun d'environ 80 centi-
mètres de hauteur, d'une blancheur souvent éclatante et dans lequel
chaque chenille se fait un cocon. On file au fuseau les grands cotons
ou poches et on obtient des tissus très réguliers. L'anarchie chro-
nique qui règne au Mexique a empêché l'établissement de filatures en
grand, de sorte que ces bourses soyeuses, qui pourraient fournir au
moins un bon article d'exportation, sont à peu près abandonnées. A
consulter pour les Bombycides séricigènes : Coquerel; sur deux Bom-
byx sérigènes de Madagascar (Ann. Soc. entom. Fr., 1855, p. 529, et
Bull. Soc. d'Acclim., 1855, p. 25). — A. Salle; sur le Bombyx psidii et la
LASIOCAMPA. UU\
soie sauvage du Mexique (Ann. Soc. entom. Fr., 1857, p. 15). — Guérin-
Méneville; sur un nouveau ver à soie observé par M. le capitaine de
vaisseau Fleuriot de Langle pendant une station à Madagascar (R<-v. et
magas. de zooL, septembre 1862). — D"" Vinson, Note sur le ver à soie
deTambrevate [C. R. Acad. des Se, 1863, 23 mars, p. 58^), — E. Blan-
chard ; Rapport sur la communication de M. le D"" Vinson au sujet du
ver à soie de l'ambrevate {C. R. Acad. des Se, 1863, 6 avril, p. G20).
Nous représentons (pi. xciv, fig. h) un très joli petit Bombycide de
Java, le B. Digramma, Boisd., envergure 26 millimètres, jaune, le des-
sus du thorax et les ailes supérieures d'un jaune vif, avec deux lignes
hansverses ondulées blanches et au sommet deux petits points noirs
bordés de blanc, les ailes inférieures et l'abdomen sans taches, d'un
jaune plus pdlc, l'extrémité de l'abdomen noirâtre en dessus, terminée
par un épais faisceau de poils jaunes.
l..%<!iioc.%iuP.%, Boisd., syn. Gastropacha, Ochs. (nom plus ancien, pas usité
en France). — Antennes médiocrement longues, pectinées dans les deux sexes,
plus fortement chez les mâles ; palpes velus, tantôt assez courts, tantôt allon-
gés en forme de bec plus ou moins prononcé, soit incliné, soit droit et dépas-
sant la tête ; tliorax très velu, un peu globuleux ; ailes plus ou moins dentelées,
en toit dans le repos, les inférieures débordant les supérieures; abdomen très
développé, surtout chez les femelles. — Chenilles allongées, pubescentes en
dessus, très aplaties en dessous, pourvues de chaque côté d'appendices pédi-
formes qui cachent les pattes et qui sont hérissés de poils, et, sur les premiers
segments, d'un ou deux celliers de couleurs tranchées, ordinairement d'un
bleu foncé ou d'un jaune d'or. — Chrysalides dans des cocons soyeux, mous,
allongés, saupoudrés à l'intérieur d'une poudre blanchâtre.
Les Lasiocampes sont des Bombycides de taille grande ou moyenne
et qui ont été appelés feuilles mortes par Geoffroy et Engramelle d'après
les particularités suivantes : leurs ailes au repos ont l'apparence d'un
paquet de feuilles mortes, de différents végétaux, par leurs couleurs,
leurs dentelures, leur position relative, les supérieures relevées en toit
aigu, tandis que les inférieures ne forment qu'un toit très aplati, de
sorte qu'elles débordent en dessous et presque horizontalement les
supérieures. Les papillons ne volent qu'au début de la nuit. Les che-
nilles vivent solitaires sur les arbres; de même que les adultes, elles
ont une faculté de protection défensive par imitation végétale. Elles
éclosent à la fin de l'été et passent l'hiver sur les branches, en plein
air, sans aucun abri, gelant et dégelant alternativement selon la tem-
pérature, sans en ressentir d'inconvénient. Bien qu'elles ne soient nul-
lement cachées, mais collées à plat dans leur longueur entre les fentes
des écorces, il faut la plus minutieuse attention pour les apercevoir,
même sur les rameaux dépouillés ; car, outre que leur couleur s'har-
monise parfaitement avec l'écorce, elles ont une forme déprimée, sur-
fik2 LÉPIDOPTÈRES.
tout en dessous, sont munies d'appendices charnus pédiformes qui
prolongent, de chaque côté, la surface de leur dos, en dissimulant par-
faitement leurs pattes, et sont si exactement appliquées sur l'écorce
qu'elles s'identifient, pour ainsi dire, avec elle et paraissent une pro-
tubérance fortuite de la branche; elles ne se déplacent que la nuit
pour chercher leur nourriture. Le type et la seule espèce assez com-
mune est L. QuercifiAia, Linu-, la Fe.uiUe-morte d'Engram., de toute la
France, d'Angleterre, theOak Lappef, de Belgique, etc., 55 millimètres
d'envergure chez le mâle, corps ferrugineux, avec les palpes et la tige
des antennes d'un bleu foncé, ailes très dentelées, d'un ferrugineux
plus ou moins foncé, avec glacis violet à l'extrémité , portant trois
lignes noirâtres, transverses, ondulées, la basilaire plus courte aux
ailes inférieures, un point noir discoïdal sur les supérieures ; femelle
semblable, beaucoup plus grande. L'adulte paraît en juillet dans les
vergers et jardins ; en Belgique, Allemagne, Angleterre et dans le nord
de la France est une variété Alnifolia, Ochs, de même taille et de même
port, à ailes plus obscures. En mai et juin on trouve la chenille sur
presque tous les arbres fruitiers et aussi sur l'aubépine, le prunellier,
le saule, l'épine-vinette, etc. Elle est grise ou brune, avec une caron-
cule dirigée en arrière sur- le onzième anneau, et deux colliers noirs et
d'un bleu sombre, paraissant comme deux espèces d'entailles, s'ou-
vrant et se fermant à la volonté de l'animal, placées sur les anneaux
deux et trois et garnies h l'intérieur de longs poils d'un bleu foncé. Elle
file une coque feutrée, noirâtre, pulvérulente et molle, ressemblant à
un fourreau allongé. C'est encore une ennemie de l'horticulture, car
elle est grosse et consomme beaucoup, mais heureusement n'est pas
1res commune ; elle dépouille les jeunes espaliers et est difficile à
découvrir, tant elle se confond avec la couleur et l'aspect de l'écorce;
il n'y a d'autre moyen de destruction que la recherche directe. Il y a
quelques autres feuilles-mortes, mais toujours rares; ainsi L. pruni,
Linn., de France et de Belgique; L. Ilicifolia, de France, d'Angleterre,
de Belgique (très rare); L. Populifolia, cat. de Vienne, et L. Betulifolia,
Ochs., de France et de Belgique, très rare dans ce dernier pays ; L. Su-
berifolia, Rambur, du midi de la France, très rare ; aussi d'Algérie, en
juin, sur les chênes-lièges des bois du lac Tonga, du cercle de La Galle
(H. Lucas).
Dans un genre voisin, Odonestis, Germar, les papillons diffèrent beau-
coup selon le sexe, ont les palpes très prolongés enbec,les ailes àpeine
dentées. Les chenilles sont cylindriques, sans appendices latéraux et
avec deux pinceaux de poils. L'O. l'otatoria, Linn., la Buveuse d'Engr.,
the Driuker des Anglais, ofl're l'adulte assez commun en juillet dans les
prés marécageux ; mâle, envergure 60 millimètres environ, à ailes supé-
rieures brunâtres et un peu violacées au bout, le milieu d'un jaune
fauve avec deux lignes transverses ferrugineuses et deux points blancs
médians, les ailes inférieures de la couleur des supérieures, mais sans
0D0NESTI5, PLATYPTERYX. UkZ
taches; Ccmelle beaucoup plus grande, avec le fond d'un jaune paille
plus foncé à la partie postérieure des ailes inférieures, parfois pareille
de couleur au mCdc par aberration; chenille noirâtre, à sous-dorsales
jaunes et poils latéraux blancs, en mai et juin sur diverses Graminées,
Carex, Bromus, Festuca, Alopecurus , etc., se plaisant dans les lieux
frais et humides, au bord des étangs et des petits ruisseaux, à recher-
cher le matin, à la rosée ou après la pluie, car elle aime à grimper sur
les tiges pour boire les gouttes d'eau, s'élève aisément, surtout avec
des Bromus, file un coton assez soyeux et allongé d'un brun roussàtre,
Nous placerons à côté 0. ou Dendrolimus pim, Linn., the Pine Lappet.
espèce des pins et aussi des sapins, de grande taille, de couleur très
variable, existant en Angleterre et aussi en Hollande, manquant en
Belgique, de France dans la Gironde, l'Auvergne, le Jura, les Vosges,
l'Alsace, très commune dans le Var et les Alpes-Maritimes, sur les
pins d'Alep et les pins pignons. C'est à ce genre Odonestis, ou à
un genre très voisin, que nous pensons devoir rapporter le Lasiocampa
Proboscidea, Roisd., pi. xciv, fig. 6, mâle, du Sénégal, 35 milliniètres,
d'envergure, à palpes très avancés en bec, le corps et les ailes d'un
brun roussàtre, celles-ci avec quelques traces de fines lignes transver-
sales grisâtres.
DRÉPANULIDES ou PLATYPTÉRYGIDES.
La petite famille qui comprend les genres Platijpteryx et Cilix a des
adultes ressemblant aux Phaléniens, h la suite desquels les place le
catalogue de British Muséum. Ce sont des papillons petits, peu velus, à
corps grêle et court, à ailes relativement larges et faible, l'angle externe
des supérieures souvent très prolongé et recourbé en arrière ou falqué,
en façon de lame de serpette. La tête est large, aplatie sur le vertex,
les yeux écartés, les palpes très petits, presque coniques, la spiritrompe
courte et membraneuse, quand elle existe, les antennes pectinées dans
les mâles, ciliées ou filiformes dans les femelles. Les papillons volent
très bien pendant le jour, mais sont paresseux, quoique légers. La con-
figuralion des chenilles empêche complètement de ranger cette famille
dans les Phaléniens; elles sont fréquemment garnies de petites aspé-
rités, mais jamais de poils touffus, et n'ont que quatorze pattes, la paire
de pattes anales étant reniplacée par une pointe ou queue relevée,
simple ou bifide, qui termine le dernier anneau {Cuspidatœ de M. Guenée).
Au moins pour les espèces d'Europe, ces chenilles vivent sur les arbres
forestiers et subissent la nymphose dans un cocon à claire-voie, fixé
dans le pli d'une feuille à demi roulée; les chrysalides sont recouvertes
d'une poussière blanchâtre ou bleuâtre. Les espèces ne sont jamais
très communes.
PLATYPTERTX, Laspeyres (en partie syn. : Drepana, Schrank). — Antennes
pectinées dans le mâle, dentées ou ciliées dans la femelle; spiritrompe courte,
644 LtPIDOPTÈUliS.
membraneuse, à filets disjoints; un frein; ailes étendues horizontalement dans
le repos, les inférieures à peine cachées par les supérieures, dont le sommet
est aigu et courbé en faucille.
Les deux espèces les plus répandues en France, en Angleterre, en
Belgique, sont : P. Binarla, Hufnagel, syn. : Hamnla, cat. de Vienne,
la Serpette, Devillers, l'Hameçon, Engram., the Oak Hooktii/^ 25 à 28 mil-
limètres d'envergure, l'angle apical peu aigu, en faucille peu recourbée,
les quatre ailes d'un jaune fauve, parfois brunâtre, avec deux lignes
jaunes, entre lesquelles on voit deux points d'un noir bleuâtre; tète,
antennes et corps de la couleur des ailes ; femelle beaucoup plus grande,
d'un fauve pâle, les lignes transverses souvent peu prononcées; adulte
en juin sur les lisières des bois et les buissons; chenille festacée, à man-
teau plus clair, à pointe anale très longue et à double épine sur le troi-
sième anneau; en septembre sur le chêne. D'après M. Millière, l'espèce
n'est pas rare en mai dans les forêts de chênes verts des Alpes-Mari-
times, sur lesquels vit la chenille en mars et avril, après avoir passé
l'hiver très petite dans une gerçure d'écorce ; P. Falcat aria, Lin., syn. :
Falcula, cat. de V., la Phalène faucille, de Geer, la Faulx, Devillers,
the Pehhle Hooktip, 30 à 3'3 millimètres chez le mâle, les quatre ailes
d'un jaune feuille-morte avec cinq lignes brunes ondulées, une raie
ferrugineuse oblique le long du bord externe, une tache et des points
bruns sur le disque, le sommet des ailes supérieures aigu et très re-
courbé, ombré de noir bleuâtre; femelle pareille, plus grande, parfois
blanchâtre; adulte en mai et juin, puis en juillet et août, dans les bois
humides, les prés et lieux ombragés; chenille verte, à manteau d'un
gris vineux et tubercules roussâtres, en mai, puis en septembre et
octobre sur l'aulne, aussi sur le bouleau, le tremble, le saule. Nous
représentons, pi. xci, fig. 9 : papillon, 9 a; chenille, 9 b; chrysalide,
une espèce de l'Amérique du Nord, P. globulariœ, Boisd., à ailes supé-
rieures peu falquées, d'un jaune cannelle piqueté de ferrugineux, avec
des bandes transverses ferrugineuses, quatre aux premières ailes, une
aux secondes, le bord externe tacheté de brun.
Le genre Cilix Leach ne ressemble au précédent que par la che-
nille, les papillons ayant les ailes arrondies, non falquées, pas de spiri-
trompe, pas de frein, les ailes au repos en toit très aigu, de sorte que
l'insecte paraît comprimé. Une seule espèce, assez commune dans toute
la France, en Belgique, en Angleterre, C. spinula, cat. de V., syn. :
Compressa, Fabr., la Verdâtre, Devillers, the Chinese Character, les deux
sexes pareils, 22 millimètres d'envergure (un peu plus pour la femelle);
ailes supérieures blanches, avec double rangée de lunules marginales
d'un gris bleuâtre, une tache brune bordée de fauve au miheu du bord
interne et surmontée d'une autre tache grise s'avançant obliquement
jusqu'au milieu de l'aile, et sur laquelle les nervures dessinent en
blanc une sorte de petite branche épineuse (spinula) ou des caractères
CILIX, NOTODONTIDES, ft/iS
chinois ; ailes inférieures d'un blanc sale, bordées de gris bleuâtre au
bout; antennes, tôte et corps de la couleur des ailes; vole au crépus-
cule dans les allées des bois, le long des haies, dans les jardins, en
avril et mai, puis en juillet et août ; chenille d'un gris violàtre, à épines
inégales et à pointe anale longue, sur le prunellier et sur l'aubépine,
en juin et juillet, puis en septembre, passant l'hiver après avoir atteint
sa troisième mue.
NOTODONTIDKS.
Cette famille correspond, au moins en grande partie, aux Pseudo-
Bombyces de Latreille, certains genres se rapprochant des Noctuéliens.
L'aspect des adultes n'a rien d'anormal : ce sont des papillons ro-
bustes, à thorax plus souvent squameux que velu, tantôt uni, tantôt
huppé ou crété; les antennes sont pectinées, plumeuses ou dentées
dans les mâles, simples ou filiformes chez les femelles, les palpes de
forme et de grandeur diverses; il y a en général une spiritrompe peu
développée et un frein; les ailes épaisses et oblongues, en toit dans le
repos, et le vol est exclusivement nocturne. Les chenilles ont au con-
traire souvent des formes anormales; elles sont du type des chenilles à
seize pattes, mais avec des déformations de certaines paires. Souvent
elles portent le dernier anneau relevé et ne s'appuyant pas sur les
pattes anales quand celles-ci existent {Erectœ de M. Guenéej; ces
pattes anales peuvent être transformées en filets" impropres à la marche,
les pattes écailleuses sont parfois très allongées; enfin les chenilles
peuvent porter des épines ou des protubérances sur certains anneaux.
Elles vivent le plus souvent sur les arbres et se chrysalident, soit dans
la terre, soit dans des cocons soyeux attachés aux feuilles, soit enfin dans
des coques dures, formées de débris ligneux, assemblées par une gomme
tenace, incrustées dans les crevasses des écorces, couvertes de frag-
ments de lichens on de mousses qui les rendent pareilles à la substance
même de l'écorce. Les Pseudo-Bombyx exotiques sont très nombreux
et variés, et abondent en espèces de formes bizarres, surtout à l'état
de chenilles : c'est l'Inde et l'Australie qui offrent les espèces les plus
remarquables. Nous diviserons, avec Duponchel, cette famille en trois
groupes : les Dicranurides ou Queues-fourchues, les Notodontides
propres (dos denté) et les Pygérides. On ne trouve ces insectes
adultes qu'assez accidentellement; le mieux est la recherche des che-
nilles.
Chez les Dicranurides, le corps est gros et velu, les ailes supérieures
longues, assez étroites, à sommet plus ou moins aigu, les inférieures
courtes et arrondies. Les chenilles qui vivent sur les arbres sont glabres,
avec le segment anal diversement modifié, soit par un double appen-
dice rétractile, soit relevé en croupion. Elles subissent la nymphose,
soit en terre, soit dans des coques dures et ligneuses.
6^6 LÉPIDOrTÈULS.
UlCRA.It'RA, Latr. (syn. : HarpyIa, Oclis.; Cerura, Schrank). — Antennes
pectirtées ou plumeuses jusqu'au bout, les barbes plus longues chez les niàics,
la pointe se recourbant dans les deux sexes après la dessiccation; tôte sur-
montée d'une touffe bifide de poils entourant la base des antennes; spiritrompc
peu visible, composée de deux petits filets membraneux disjoints; palpes courts
et velus; ailes supérieures longues, à sommet assez aigu, les inférieures courtes
et arrondies; corps, cuisses et jambes très velus, une seule paire d'éperons aux
jambes postérieures. — Chenilles à peau fine et lisse, les pattes anales trans-
formées en appendices rétracliles. — Chrysalides courtes, dans des coijues
ligneuses dures.
Les papillons du genre Dicranura ont lès antennes garnies de lames
jusqu'à rexlrémité dans les deux sexes, les ailes supérieures chargées
de dessins fortement dentés, avec Une aréole au bout de la ciellulc dis-
coïdale, les inférieures bordées de points. LêS chenilles n'ont que qua-
torze pattes, comme celles des Drépanulides; dans le repos, elles ren-
trent leur tète sous le premier anneau, comme sous un capuchon, et
relèvent la partie postérieure de leur corps terminée par deux appen-
dices ïistuleux et cornés, assez longs, divergents et dirigés en haut;
chacun renferme un fin filet charnu et rétractile, de couleur jaune ou
orangée, et la chenille les fait sortir à volontés, dès qu'elle est inquiétée
par le contact d'un corps étranger, et les porte rapidement en les agi-
tant sur l'endroit menacé, ainsi sur les points de son corps où les cnto-
mophages veulent pondre^ sans cependant les en empêcher toujours;
ces chenilles sont vertes, avec une sorte de manteau d'une autre cou-
leur interrompu sur le quatrième anneau, qui porte une éminehce ;
elles fixent aux écorces des arbres des coques formées d'un rriélange de
rognures de bois ou d'écorce et d'une gomme très consistante. L'espèce
la plus répandue en France, en Angleterre, en Belgique, est D. Vinula,
Linn., la Qmue- four chue, Geoft"., Engr., the Puss Moth, 55 à 60 milli-
mètres d'envergure, corps d'un blanc grisâtre; antennes avec là tige
blanche et les barbes brunes; thorax avec six points noirs sur deux
lignes longitudinales; ailes supérieures blanches à la base avec une
ligne de points noirs et une bande transverse cendrée, sinuée sur les
côtés et bordée de noir, le reste de l'aile d'un gris blanchâtre, avec
deux lignes noirâtres transverses très anguleuses et des points hoirs
marginaux; ailes inférieures un peu transparentes, d'un gris blan-
châtre, avec la frange blanche et des points noirs le loiig du bord pos-
térieur; abdomen avec cinq raies noires sur chaque côté et une ligne
de chevrons noirs sur le dos; femelle pareille, mais partout d'un gris
plus foncé; adulte de là fin d'avril au niîlieu de juin dans tous les lieux
plantés de saules et de peupliers; chenille verte; à manteau Vineux
bordé de blanc, Sur les peupliers et les saules en août, septembre et
octobre, fixant une coque très dure et très gommée entre les rides des
écorces et souvent très près de terre, très adhérente, fort difficile à dé-
DICRANURA, HYB0GAMI5A, STAUROPUS, hkl
couvHr, car elle est recouverte de petits copeaux ou de morceaux de
liclieu mâché. Tne espèce moius commune est D. Furcnla, Linn., la
petite Queue-fourchue d'Engr., the Kitten, envergure, 38 à /lO millimètres,
les deu\ sexes pareils, le thorax noirâtre avec un collier blanchâtre et
deux lignes transverses orangées, les ailes stipérieures d'un gris de
perle, avec hande d'un gris noirâtre bordée de noir et d'orangé, et des
points noirs marginaux précédant la frange; ailes inférieures d'un
blanc grisâtre, aVcc un petit arc central noirâtre, une bande postérieure
obscure et des points marginaux rioirs ; chenille verte à mantcsau ferru-
gineu.t bdrdc de jaune, ëur les peupliers, les trembles, et surtout sur le
saule marsault, en juin et juillet, puis en septembre et octobre, filant
entre les rides des écorces une coque très dure, très gommée, avec
débris de bois ou lichens, dans laquelle la future chrysalide hivernera.
Nous représentons une espèce très voisine, D. Borealis, Boisd., pi. xci,
fig. 5, femelle, 5 a; chenille sur branche de Saule, de l'Amérique du
Nord : ce n'est probablement qu'une race américaine de D. Furcula.
Viennent ensuite des genres dont les adultes n'ont rien de remar-
quable : ce sont en effet des papillons à fond grisâtre, avec des-
sins noirâtres; les chenilles, au contraire, sont très singulières. Ces
genres ne contiennent chacun qu'une espèce, toujours rare en France,
moins rare en Allemagne. Ainsi le genre Hybocampa, Lederer,
présenté le très rare H. Milhauseri, Fabr., syn. : Telirificà, cat. de
Vienne, le Dragon d'Engr,, manquant aui îles Britanniques; le pa-
pillon, qui paraît en mai et juin dans les forets de chênes, a les antennes
pectinées dans les deux sexes, avec l'extrémité brusquement filiforme,
les ailes sans aréole au bout de la cellule discoïdale, ni points termi-
naux. La chenille, qui vit en août et septembre sur le chêne, est verte,
avec des épines dorsales et une tache latérale carnée ; elle n'a plus les
filets anaux ni la tête rétractile, mais tient la tôte et le dernier anneau
relevés dans une attitude menaçante. A partir du quatrièrne anneau
jusqu'au huitième, sont une rangée d'épines courbées en arrière, la
première, sur l'anneau U, beaucoup pliiS longue et fourchue, le der-
nier anneau relevé, formant une sorte de croupion que terrnine une
pointe aiguë. On s'explique par cet aspect les épithètes de Fabi'icius et
d'Engramelle, d'autant plus que cette chenille se sert très bien de ses
robustes mandibules pour mordre la main qui la saisit. Elle colle sur
l'écorce du chêne, ou parfois du hêtre, une coque ligneuse si épaisse
et si dure qu'on a peine à la détacher. Ces coques sont souvent percées
par les Pics, très friands de la chrysalide, ce qui explique peut-être la
grande rareté de l'espèce. Il faut rechercher ces coques sur les troncs
en octobre et novembre, et enlever tout le morceau d'écorce qui porte
la coque, qu'on aura soin d'humecter de temps en temps, surtout à
l'époque de léclosion. Le genre Stauropus, Germàr, a une des plus
étranges chenilles qu'on puisse voir. La seconde et la troisième paire
de Ses pattes écailleuses sont d'une longueur démesurée et arliculéea
UUS LÉPIDOPTÈUES.
comme des pâlies d'adultes; les anneaux sont séparés par de profondes
incisions, do quatre à neuf, surmontés chacun d'une bosse triangulaire
terminée en crochet, les deux derniers renflés en croupion que ter-
minent les pattes anales modifiées en deux queues fistuleuses cornées
non rétractiles ; au repos, la chenille redresse ses deux extrémités, en
laissant pendre ses longues pattes, et cette attitude explique le nom
de l'Écureuil donné à l'espèce par Engramelle. C'est le S. fagi, Linn.,
the Lobster Motli, des bois en mai et juin, le papillon ayant les antennes
pectinées chez le mâle, sauf à l'extrémité, filiformes chez la femelle,
l'abdomen très long, velu et crête sur le dos, les ailes supérieures très
épaisses à franges fournies, et, çà et là, des écailles ou poils relevés, les
ailes inférieures très opaques ; la chenille testacée, à traits obliques et
deux points noirs latéraux, vit en juillet, août, septembre, principale-
ment sur le chêne et sur le hêtre, aussi sur le bouleau, le noisetier,
l'aulne, le prunier, le tilleul et le sumac ; la chrysalide est contenue
dans un cocon soyeux assez léger, placé entre les feuilles. Enfin, le
genre Urupus, Boisduval, offre encore d'autres déformations de la che-
nille; cette chenille à peau lisse porte, sur le quatrième anneau, un
tubercule conique. Les pattes anales sont fort longues, écailleuses, ayant
à l'extrémité une partie molle, entièrement rétractile, portant une
demi-couronne de crochets. Elle se trouve en juin et juillet sur l'orme,
et se nymphose en terre, sans faire de vraie coque; on trouve facile-
ment la chrysalide en grattant la terre à quelques centimètres au pied
des ormeaux. Le papillon a les antennes très longues, pectinées chez le
mâle, avec le tiers terminal filiforme, celles de la femelle légèrement
dentées, paraissant filiformes à la vue simple, la spiritrompe épaisse et
assez longue, les palpes courts, très velus, comprimés, le thorax large
et très velu, les ailes supérieures étroites et presque lancéolées; c'est
l'L'^. ulini, cat. de Vienne, éclosant en mai, assez répandu en Autriche
et en France, dans le Languedoc; trouvé aussi dans le Lot et le Cantal
(Maurice Sand). Nous placerons ici le genre As ter oscopus, Boisd.,syn. :
Pelasia, Steph., à antennes très allongées, deux fois aussi longues que
le thorax, pectinées dans le mâle, filiformes chez la femelle, le corps
épais et velu, les ailes sans dent, les chenilles molles, vertes, à lignes
claires, à onzième anneau relevé en bosse, formant des cocons enfoncés
en terre. Ex. : A. Cassinia, cat. de Vienne, à ailes antérieures grises
avec quelques lignes noires, ayant vers leur bord postérieur une ligne
pâle anguleuse, les ailes postérieures d'un gris pâle; chenille verte,
semi-transparente, à lignes jaunes, en mai et juin sur l'orme et le chêne ;
pas très rare, diflicile à élever; l'adulte en octobre et novembre et en
mars et avril pour quelques sujets qui ont hiverné, boulevards et Ueux
plantés d'ormes, près de Paris, dans la plaine Saint-Denis; Allemagne,
France, Belgique, Angleterre, the Sprawier.
Les Notodontides propres ont le corselet souvent squameux, uni ou
crête, les antennes plumeuses ou dentelées dans les mâles, filiformes
NOTODONTA. Zj^Q
en général dans les femelles, la spiritrompe nulle ou rudimentaire, les
ailes en toit dans le repos, les supérieures ayant souvent un lobe den-
liforme ou une crête de poils au milieu du bord interne. Les chenilles
ont seize pattes, sont glabres ou parsemées de quelques poils rares,
parfois gibbeuses sur les anneaux intermédiaires et sur le onzième.
Elles vivent sur les arbres et se métamorphosent le plus souvent en
terre, parfois dans des cocons attachés aux feuilles ou aux branches. Il
faut rechercher les chenilles en battant en automne leurs arbres de
prédilection, chênes, peupliers, saules, aulnes et bouleaux, car on ne
trouve les adultes qu'assez rarement.
il'OTODO.%T.% , Ochsenheimer. — Antennes des mâles pectinées, mais non jus-
qu'au sommet, filiformes chez les femelles ; spiritrompe nulle ; palpes grêles et
velus; thorax uni, avec d'étroits ptérygodes, séparés par un grand intervalle;
ailes entières, à frange plus ou moins dentelée, les supérieures ayant au bord
interne une dent relevée sur le dos quand l'insecte a les ailes au repos, abdomen
long. — Chenilles glabres, ayant pour la plupart des bosses pyramidales sur le
pénultième anneau et sur plusieurs anneaux intermédiaires.
Les chenilles des Notodontes sont remarquables par leur forme bi-
zarre. Les anneaux intermédiaires, au nombre de deux ou trois à partir
du quatrième, sont surmontés chacun d'une bosse plus ou moins pro-
noncée, et le onzième est toujours relevé en pyramide. Pendant le
repos elles ne s'appuient que sur les quatre pattes du milieu, parce
qu'alors elles relèvent les deux extrémités de leur corps, en tenant leur
tête renversée en arrière. Ces postures, qui rappellent le genre Hybo-
campa, nous expliquent les noms spécitiques de Zic-zag et de Torva,
et les bosses prononcées de certaines de ces chenilles les dénominations
vulgaires de dromadaire et de chameau données par les anciens ama-
teurs. Le type et l'espèce la plus fréquente, de toute la France, de
Belgique, d'Angleterre, est le N. Zic-zag, Linn., le Bois-veiné, GeofÏT.,
Engr., the Pebble Prominent, pi. xcii, fig. 3, femelle, dont les couleurs
et le dessin rappellent les veines des bois d'ornement ; 38 millimètres
d'envergure, antennes d'un brun jaunâtre ; corps d'un gris jaunâtre, les
ptérygodes bordés de noir; ailes supérieures d'un jaune chamois, avec
des lignes ferrugineuses transverses et de fines lignes blanches très
ondulées et une demi-lune brune, bordée dun croissant noir, convexe
du côté du corps, la dent du bord interne noire, coupée par un trait
blanc jaunâtre, que surmonte une raie longitudinale ferrugineuse;
ailes inférieures blanchâtres, avec le bord abdominal lavé de brunâtre,
et une bande transverse plus claire, au-delà du milieu du disque;
femelle pareille de taille et de dessin, mais d'un ton plus foncé que le
mâle, surtout aux ailes inférieures ; chenille lilas, à partie postérieure
renflée et à trois bosses dorsales, en juin et juillet, puis en septembre
et octobre, sur les peupliers, les saules, les aulnes et les chênes, se
cifiAUD. ni. — 29
450 LÉPIDOPTÈRES.
chrysalidant entre les feuilles dans un cocon assez léger-, adulte en mai
et juin, puis en août et septembre.
Le genre Notodonta, de l'auteur allemand, a été dédoublé en plu-
sieurs genres, qui sont réellement des sous-genres. Chez les Leiocampa,
. Stephens, les papillons ont l'abdomen très long, la tête presque cachée
sous le thorax, toutes les ailes triangulaires, prolongées à un angle et
un peu dentées, la dent du bord interne étant très faible ; ils ressem-
blent aux Cucullia (Noctuéhens); les chenilles sont longues, lisses, lui-
santes, à onzième anneau seul relevé en bosse; exemple : L. Dictœa,
Linn.; la Porcelaine, Engr., the Swallow Prominent , les ailes antérieures
brunâtres, avec un large espace longitudinal blanc et une tache noire
à l'angle anal, espèce assez commune en mai et en août sur les bouleaux et
sur les peupliers des prés et des routes; chenille verte ou carnée, très
luisante, en juin, puis en septembre et octobre, se chrysalide en terre.
Dans les Lophoptenjx, Steph., les papillons ont les antennes simplement
dentées dans les deux sexes, le thorax hérissé et relevé en crête, la spi-
ritrompe presque nulle, les ailes dentées, avec la dent du bord interne
bien développée, ces ailes relevées en crête au repos; chenilles fusi-
formes, luisantes, à pattes postérieures très courtes, le onzième anneau
relevé et surmonté d'un tubercule bifide et poilu ; ex. : L. Camelina,
Linn., la. Crête de Coq, Engram., d'après la forme de l'insecte parfait au
repos, the Coxcomb Prominent ; envergure 35 à /iO millimètres, les ailes
antérieures d'un jaune brunâtre, avec une ligne longitudinale à la base
et deux bandes obliques vers l'extrémité d'un ferrugiueux foncé, les
postérieures d'un jaune grisâtre, avec une ligne plus pâle divisant une
tache noire, assez commun sur les haies et dans les bois en mai et en
juin, puis en août, souvent appliqué contre le tronc des arbres, se pre-
nant facilement, ainsi que sa chenille, en battant les arbres avec la
mailloche; chenille verte ou rose, à stigmatale jaune, coupée de points
rouges, sur le chêne, l'orme, etc., en juin, puis en septembre et oc-
tobre, se nymphose en terre. Les papillons ont les palpes démesuré-
ment longs dans le genre Pterostoma. Germar, les antennes pectinécs
dans les deux sexes, la spiritrompe nulle, l'abdomen très long et four-
chu chez les mâles par deux faisceaux de poils divergents, les ailes
supérieures fortement dentelées et ayant une large dent au bord
interne; les chenilles sont fusiformes, raides, granulées, à dos aplati.
L'unique espèce, de France, de Belgique, d'Angleterre, est le P. Palpina,
Linn., le Museau d'Engr., the Pale Prominent; envergure, Z|0 à Zi5 milli-
mètres, le thorax crête, les ailes antérieures d'un gris jaunâtre, avec les
deux nervures mouchetées de noirâtre et deux rangées transversales
de petits points blancs séparés par une bande obscure, les inférieures
d'un gris pâle uniforme, assez commun partout en avril et mai, puis
en juillet et août, dans les prés et bois et sur les arbres d'avenue ; che-
nille d'un vert blanchâtre, à double ligne dorsale élevée, en juin, puis
en septembre et octobre, sur le saule, le peuplier, le tremble, quel-
NOTOUONTIDES. 451
quefois le tilleul, se chrysalide en terre dans un cocon mou et blan-
châtre. Le genre Ptilophora, Sleph., a pour unique espèce le P. Plu-
migera, cat. de Vienne, the Plumed Piominent, les antennes très
plumeuses, comme des panaches et deux fois aussi longues que le thorax
chez le mâle, moniliformes chez la femelle, la spiritrompe nulle, la tête
hérissée de longs poils parmi lesquels il est impossible de distinguer
les palpes, sïls existent, le Ihorax très velu, l'abdomen assez court, les
ailes étroites, un peu transparentes, le bord interne des supérieures
sans dent, mais garni d'une longue frange, ces ailes d'un ferrugineux
jaunâtre, avec deux lignes médianes ondulées, d'un jaune pâle, les
ailes inférieures d'un gris rougeàtre. Ce papillon a assez l'aspect des
Phaléniens du genre Fidonia; il éclot en octobre et novembre, sur les
haies et dans les bois (Suisse, Angleterre, Allemagne, Alsace et Lor-
raine), par places dans le centre de la France (Eure-et-Loir, Indre, Cher,
Auvergne); chenille verte, à deux lignes blanches dorsales écartées, en
main et juin, surtout sur l'érable, aussi sur le bouleau; on la trouve en
battant les buissons d'érable qui bordent les chemins creux du Perche
(Guenée).
Les Pygérides {Diloba, Pygœra, Closterà) ont la tête retirée sous le
corselet, qui est convexe et robuste, les antennes pectinées ou créne-
lées chez les mâles, dentées ou filiformes chez les femelles, la spiri-
trompe rudimentaire ou très peu développée, le thorax court et velu,
les ailes en toit arrondi, dépassé par l'abdomen dans le repos, cet
abdomen terminé par un bouquet de poils carré ou bifide ; les che-
nilles ne sont jamais fusiformes, à pattes anales courtes, mais jamais
absentes, velues, la plupart avec des tubercules piligères, quelques-
unes ayant en outre des mamelons charnus garnis de poils, la nym-
phose ayant lieu en terre ou dans des cocons placés entre les feuilles
des arbres.
Un genre faisant le passage entre les Notodontides propres et les
Pygérides est celui des Diloba, Boisd. Le papillon a les antennes très
pectinées jusqu'au sommet dans les mâles, finement crénelées au côté
interne ou subfiliformes chez la femelle, la spiritrompe nulle, les
palpes grêles, hérissés de longs poils, avec le dernier article nu et
cylindrique, le thorax lisse, les ailes supérieures assez larges et sans
dent au bord interne, l'abdomen de la femelle terminé par une bourre
écailleuse; chenille épaisse, cylindrique, à points saillants, mais sans
autre élévation ; chrysalide pruineuse, courte et terminée carrément.
Une seule espèce, D. Cœruleocephala, Linn., le Double Oméga, Geoffr.,
Engr., le Bombyx Téte-blme ^ Oliv., the Figure-of-Eight Mothd.es Anglais;
37 millimètres d'envergure dans les deux sexes, tête et antennes grises,
thorax très velu, d'un gris bleuâtre, avec sa partie antérieure d'un
brun ferrugineux, ailes supérieures d'un gris brunâtre, deux lignes
médianes noires sinueuses et deux taches obliques jaunûtres imitant
deux <i> ou deux 8 réunis ; ailes inférieures d'un gris cendré, avec une
452 LLPIDOPIÈKES.
bande plus obscure dans son milieu et une tache noire à l'angle anal ;
femelle semblable; espèce commune partout, jardins, haies, bois;
adulte en septembre et octobre ; chenille paresseuse, courte et cylin-
drique, garnie de points tuberculeux surmontés chacun d'un petit poil
court, d'un gris bleu, à bandes citron et points noirs, en mai sur l'au-
bépine et sur le prunellier et aussi sur tous les arbres fruitiers, auxquels
elle cause souvent des dégâts notables, car elle est vorace et très grosse
relativement au papillon ; mais comme elle n'est pas velue, les oiseaux
en font une assez grande consommation. Cette espèce est le seul Noto-
dontide réellement nuisible.
Pl'GiERA, Ochs., syn. : Phalera, Hubn. — Antennes longues, plutôt crénelées
que pectinées dans les mâles, simples ou filiformes chez les femelles, leur article
basilaire environné d'un faisceau de poils en forme d'oreille ; spiritrompe rudi-
mentaire, composée de deux filets membraneux disjoints ; palpes courts^ obtus,
réunis, squameux; thorax épais, arrondi, laineux, à ptérygodes très rétrécis;
ailes supérieures oblongues, à écailles luisantes ; abdomen très long et cylin-
droïde. Chenilles longues, subcylindriques, molles, demi-velues et rayées longi-
tudinalement, avec la tête forte et globuleuse.
Les Pygères ont des chenilles qui vivent sur différents arbres, en
familles dans leur jeune âge, et se séparent en grandissant; elles se
chrysalident en terre sans former de cocons. Le type très répandu en
Europe est le P. Bucephala, Linn., la Lunulée, Geoffr., Engr., le Porte-
Écu jaune, Godart, the Buff-tip, grande et belle espèce ; mâle 55 milli-
mètres d'envergure, antennes d'un brun jaunâtre ; thorax d'iin gris
argenté avec toute la partie antérieure d'un jaune paille, les ptérygodes
bordés d'une double ligne ferrugineuse ; ailes supérieures légèrement
dentées, d'un gris argenté avec trois lignes longitudinales noires, et au
sommet une grande tache subeUiptique d'un jaune d'ocre pâle maculée
de brun clair, une tache centrale blanchâtre avec un peu de brun, le
bord terminal longé par une double ligne ferrugineuse et liséré de blanc
aux dentelures ; ailes inférieures d'un blanc jaunâtre luisant, avec la
partie abdominale mêlée de grisâtre ; abdomen d'un jaune d'ocre sale
avec une ligne de points noirâtres de chaque côté; adulte en mai et
juin dans les bois, les prés, les jardins ; chenille jaune, à lignes et
bandes noires ponctuées et interrompues et poils blancs, sur beaucoup
d'arbres en septembre et octobre, surtout les chênes, très abondante
dans le nord de la France sur les saules, les aulnes, les ormes, et qui les
fait parfois périr en les dépouillant complètement de leurs feuilles (catal.
Foucart); s'élève aisément avec le saule (catal. Le Roi). Dans la bordure
méditerranéenne de la France, cette espèce est remplacée par une très
voisine, P. Bucephaloides^ Ochs. ; la chenille aux mômes époques sur
les Quercus ilex et suber et sur VArbutus unedo. Un genre voisin est celui
des Clostera, Hoffmansegg. Les papillons ont les antennes courtes, con-
CLOSTERA. , h5o
tournées, garnies de lamelles dans les deux sexes, plus grandes chez es
mâles, la spiritrompe très courte et très grêle, mais visible, les palpes
épais, sans articles distincts, plus squameux que velus, débordant peu
le chaperon, le thorax crête, avec une bande médiane brun, d'où le
nom général de Chocolate-tip, que les amateurs anglais donnent aux
Closteroy les ailes courtes, dépassées par l'abdomen qui se relève en
queue quand elles le recouvrent en partie dans l'état de repos (les
Hausse-queues de de Gécr), cet abdomen terminé par une brosse de poils
dans les deux sexes, bifurqué chez les mâles. Les chenilles sont courtes,
avec la tète assez forte, chargées de tubercules hérissés de poils, ayant
en outre des éminences charnues et munies de poils sur les quatrième
et onzième anneaux. Elles ont deux générations par an et vivent sur
les arbres, solitaires dans le pli d'une feuille qu'elles roulent autour
d'elles, changeant de demeure à mesure qu'elles dévorent les parois
de leur retraite et restant toujours parfaitement cachées; de là sans
doute les dénominations monacales données à certaines espèces {Ana-
choreta, Reclusa): elles se chrysalident dans des cocons lâches ou à
claire-voie, entre les feuilles. 11 y en a en France, en Allemagne et en
Belgique quatre espèces : C. Reclusa, cat. de Vienne, la Hausse-queue
brune, C. Curtula, Linn.; la Hausse-queue blanche, C. Anachoreta, cat. de
Vienne; la Hausse-queue fourchue, Engr., enfin C. Anastomosis, Linn., la
Hausse-queue grise, cette dernière espèce manquant aux îles Britan-
niques, très commune par places en certaines années, ainsi près de
Paris et près de Nangis, dans Seine-et-Marne (J. Fallou), mais ordinai-
rement rare et ne se rencontrant que de loin en loin. Les espèces les
plus fréquentes sont les C. Reclusa et Curtula, des prés, des oseraies,
sur les saules, les peupliers, etc. ; adultes en mai, puis en juillet et
août; chenilles en mai et juin, puis en août, septembre, octobre. C. Re-
clusa, la plus petite espèce du genre, est d'un gris lilas, avec trois lignes
blanchâtres, transverses, ondulées aux ailes supérieures et un trait
blanchâtre dans l'espace médian, l'extrémité de l'abdomen noirâtre ;
chenille roussâtre, avec une bande latérale et les deux tubercules dor-
saux d'un brun foncé ; C. Curtula est d'un gris rougeàtre, avec trois
lignes transverses blanchâtres, dont la postérieure suivie d'une grande
tache apicale ferrugineuse, l'extrémité de l'abdomen d'un brun ferru-
gineux; chenille grise, à trapézoïdaux orangés et deux verrues noires.
Il y a en Europe une cinquième espèce de Clostera, C. Timon, Hubner,
de Moravie et de Russie, et qui est une des grandes raretés des collec-
tions des amateurs.
Latreille avait établi {Classif. du R. anim.en fam. natur., 1825, Ulk)
un genre Sericaria qui n'a pas été conservé dans cette acception et se
rapportait à des espèces appartenant à nos Pygœra et Clostera (voir plus
haut, p. 386).
^5Zi ^ F.ÉPinOPTÈRES.
NYCTÉOLIDES.
Cette petite famille est d'une place fort difficile. Les entomologistes
de France l'ont rangée longtemps dans les Tortriciens, dont elle se rap-
proche par les formes des adultes et dont certaines chenilles (genre
Earias, Hubn.) vivent dans les feuilles roulées, comme de véritables
Tordeuses. M. Guenée en forme la tribu des Tortriciformos, Les auteurs
allemands, d'après Herrich-Schaiffer, les rangent dans les Bombyciens,
en considérant les caractères des chenilles et la taille des adultes, attei-
gnant parfois la dimension moyenne et qu'on ne peut guère mettre
dans les Microlépidoptères, Les espèces d'Kurope sont peu nombreuses
et ont le plus souvent les ailes supérieures ornées d'une très belle cou-
leur vert tendre ; elles n'habitent que les bois et ne volent que la nuit.
Les antennes sont filiformes dans les deux sexes des genres européens;
ce caractère n'est pas général. Ainsi elles sont pectinées dans des genres
exotiques, comme le genre Rosema, de l'Amérique méridionale, et dont
Stoll nous a fait connaître les chenilles, dont une vit sur l'ananas, et qui
ont beaucoup de rapport avec les nôtres. La spiritrompe est grêle et
plus ou moins longue, les palpes sont visibles, droits et écartés, les ailes
lisses, non échancrées, les supérieures terminées presque carrément
et plus ou moins arquées à l'origine. Les chenilles sont nues et molles,
à pattes anales prolongées, mais servant à la marche; en général, ces
chenilles, un peu renflées dans le milieu, s'amincissent insensiblement
jusqu'à l'anus, dont le clapet très aplati se trouve débordé par les der-
nières pattes, figurant d'après leur divergence une nageoire caudale;
d'où le nom que leur donne Réaumur : chenilles à forme de poisson. Les
chrysalides sont obtuses, à peau mince, renfermées dans des coques
d'un tissu parcheminé, toujours collées sur le revers d'une feuille et
en forme de nacelle renversée {Cymbidœ, A. Guenée, famille compre-
nant tous les genres européens).
HYLOPBIIi/t, Hubner. — Antennes filiformes, robustes; tête petite, enfoncée
dans le thorax; spiritrompe grêle et assez longue ; palpes ayant les deux pre-
miers articles velus ou squameux, le troisième nu et cylindrique ; thorax très
large et velu; ailes supérieures aiguës, mais non coudées, à frange épaisse, les
inférieures courtes et luisantes. — Chenilles de forme normale cylindrique, à
pattes longues.
Les chenilles de ce genre vivent en automne, à découvert sur les
feuilles. Une espèce, H. Prasinana, Linn., syn. : Fagana, G. Mén., la
Phalène verte ondée, Geoffr., la Pyrale du hêtre, Encycl. méth., pi. icvi,
fig. 5, mâle ; 5 a, chenille; 5 6, cocon; 29 à 32 millimètres d'env.; antenne
roses ou orangées ; tête et thorax verts ; ailes supérieures d'un joli vert,
avec la côte, la frange et le bord interne roses, et trois lignes obliques
et parallèles blanches, bordées de vert plus intense ; ailes inférieures
HYLOPHILA, HALIAS, EARIAS. &55
d'un blanc jaunâtre ou roussAtrc, lavé d'orangé au bord abdominal;
abdomen d'un blanc jaumltre; femelle à ailes supérieures peu ou point
bordées de rose, n'ayant souvent que deux lignes obliques blanches,
les ailes inférieures entièrement blanches, l'abdomen leinté de ver
dûtre; adulte en mai et juin, commun dans les bois de chênes et de
hêtres ; chenille verte, avec lignes et points jaunes, en septembre et
octobre sur le chêne et sur le hêtre, parfois sur le bouleau ; la chrysa-
lide hiverne. M. Milliêre figure deux remarquables variétés de //. Prasi-
nana, dont l'une, obtenue de chenille, entièrement blanche (/con.,, III,
pi. 116).
Dans le genre très voisin, Halias, Treitscke, les papillons ont les an-
tennes très minces, le thorax très étroit, très court et nullement velu,
les ailes planes, les supérieures coudées et finement rentrantes à l'angle
interne ; les chenilles, qui vivent au printemps à découvert sur les
feuilles, sont aplaties en dessous, bossuées en dessus, non cylindriques,
à tête petite, à pattes courtes. L'espèce d'Europe, moins commune que
la précédente, est VH. Qucrcana, cat. de V.; la Chape verte à bandes, de
Geoffroy; la Livrée verte, Devillers; la Pyrale prasinaire, Walckenaer, la
plus grande des Nyctéolides d'Europe, de 38 à ZiO millimètres dans les
deux sexes, qui sont pareils; tête et thorax verts avec un collier jaune;
palpes et antennes lavés de rose ; ailes supérieures d'un beau vert avec
la côte et deux lignes obliques d'un blanc un peu jaunâtre, la frange
blanche; ailes inférieures d'un blanc luisant ; adulte en juin et juillet,
se prenant à la miellée ; chenille sur le chêne blanc près de Paris, sur
le chêne rouvre dans le Midi, passant l'hiver très petite et se chrysali-
dant en mai; elle est verte avec trois lignes longitudinales d'un vert
jaunâtre et un tubercule jaune sur le dos du deuxième anneau. Réau-
mur décrit la construction de sa coque parcheminée, qui est la même
pour H. Prasinana. Elle commence par couvrir de soie l'espace que sa
coque en nacelle doit occuper sur le revers d'une feuille; sur les bords
de ce plancher de soie, elle élève, comme les valves d'une coquille,
deux murs cintrés qui se joignent par les deux bouts. Renfermée entre
ces valves, elle en réunit les bords supérieurs par des flls de soie et
consolide son ouvrage par une nouvelle couche de soie à l'intérieur;
celui des bouts de la coque, qui est obtus et tronqué, représente assez
bien la poupe d'un bateau, tandis que l'autre, plus ou moins aigu,
figure la proue; la carène est représentée par trois nervures saillantes
et longitudinales ; cette coque est jaune et garde la chrysalide environ
un mois. Il y a une Halias exotique très voisine de Quercana. Le genre
Earias, Hubner, ne comprend que des NyctéoUdes de petite taille, avec
des papillons à ailes supérieures entières, à bords droits, sans hgnes
blanches, des chenilles molles, de la forme de celles des Halias, c'est-
à-dire renflées vers le milieu du corps et s'amincissant régulièrement
vers les deux bouts, avec les pattes anales divergentes. Ces chenilles
ont des mœurs de Tordeuses, vivant cachées entre les feuilles termi-
/|56 LfiPlDOPTilKtS.
nales des arbrisseaux, réunies en paquets avec de la soie. Ce genre
CDmpte de nombreuses espèces, deux seulement en Europe, dont le
type est E. Chlorana, Linn.: la Bordée, Devillers ; la Pyrale Chlorane,
Encyc. méth.; 22 millimètres d'envergure, tête et ses appendices blancs,
ainsi que le devant du thorax, la base de celui-ci verte, ainsi que les
ailes supérieures, la côte et la frange d'un blanc luisant, les ailes infé-
rieures blanches dessus et dessous, l'abdomen noirâtre en dessus, blanc
en dessous ; oseraies et bords des prés en juin ; chenille grise, à bande
dorsale blanche, étranglée au cinquième anneau, et tête noire, en mai
puis en septembre sur les osiers et saules ; s'élève très aisément. La
chrysalide passe l'hiver au pied des saules. Dans les Alpes-Maritimes
cette chenille cause souvent de notables dommages aux saules (Mil-
lière). Une espèce du genre Earias ravage en Egypte les cotonniers,
dans la capsule desquels la chenille vit renfermée ; elle est munie sur
les premiers anneaux de caroncules spiniformes dont nos chenilles de
Nyctéolides sont entièrement privées. Entin le genre Sarrothripa, Cur-
tis, renferme une espèce assez rare, qu'on trouve çà et là un peu par-
tout dans les bois, le S. Revayana, cat. de V., de septembre à novembre ;
envergure 2û à 26 millimètres, espèce des plus variables, en quelque
sorte non fixée, grise ou v-erdâtre, ou blanchâtre, avec des bandes
brunes. La chenille est probablement très polyphage, car on l'indique
des saules, des chênes, des pins, des sapins et des genévriers; la
nymphose a lieu entre les feuilles, dans une coque d'un tissu blanc de
neige, très brillant, ayant la forme d'une nacelle tronquée à ses deux
extrémités.
LIMACODIDES.
Le nom de la petite tribu des Limacodides signifie : en forme de
Limace. Sous leur premier état ces insectes s'éloignent par leur struc-
ture de tout ce que nous connaissons en fait de Lépidoptères. Leurs
chenilles sont courtes, déprimées, glabres, semi-ovoïdes, absolument
dépourvues de pattes. Leur dos arrondi rappelle vaguement celui d'un
Cloporte, et leur ventre déprimé ressemble à celui des Gastéropodes ter-
restres nommés vulgairement Limaçons. Elles adhèrent assez solidement
aux surfaces sur lesquelles elles se tiennent, mais elles semblent n'y
être maintenues que par le moyen d'une sorte de succion produite par
un système de spongioles charnues, sans couronnes de crochets, situées
à la face inférieure du corps, et qui sont presque continuellement ani-
mées d'un mouvement d'ondulation vermiculaire, et cette adhésion est
aidée par le suintement d'une matière visqueuse,. Aussi elles s'attachent
sans peine à des objets très polis, sur lesquels toute autre chenille ne
pourrait se soutenir. Nous n'avons en Europe que deux représentants
de la tribu des Limacodides. Ce sont des Lépidoptères de petite taille,
d'aspect de Bombyciens et à nervulation particulière, ne volant que la
nuit et se cachant, pendant le jour, dans l'épaisseur du feuillage; on
LIMACODES. 457
les fait tomber aisément, et très souvent accouplés, en ébranlant les
arbres qui les recèlent. Les chenilles, qui vivent sur les arbres à dé-
couvert, se construisent, vers la fin de l'été, une petite coque bien mo-
delée, parfaitement ellipsoïde, d'un tissu très solide, et que le papillon
ouvre comme un œuf lors de l'éclosion. Elles y passent plus de la moitié
de l'année, de septembre à avril, à l'état de chenille avant de se chry-
salider, et n'en sortent adultes qu'au mois de mai et de juin suivant.
Cette tribu, qui forme les Coclwpodœ de Boisduval, les Apodœ de
M. Guenée, est très nombreuse en espèces exotiques, surtout de l'Amé-
rique septentrionale. Les chenilles prennent, dans certaines contrées,
des formes tout à fait fantastiques, couvertes de piquants comme des
hérissons. C'est ce qui arrive notamment pour l'une d'elles, qui habite
Madagascar, l'Euphaga jlorifera. Elle sert de nourriture aux habitants,
qui la font frire dans l'huile et la tiennent pour un mets délicieux. Elle
se forme une coque à peu près pareille à celle de nos Limacodes d'Eu-
rope, et qui ressemble à une noisette pour la couleur et la grosseur;
ausi l'appelle-t-on la Noisette de Madagascar. Le papillon est aussi joli
que les nôtres sont insignifiants.
Les deux espèces d'Europe sont du genre Limacodes.
I-IMACODES, Latr. — Antennes longues, à peine dentées dans le mâle, presque
fdiformes chez la femelle; spiritrompe presque nulle; palpes légèrement écartés
entre eux et séparés de la tète, peu velus, à dernier article distinct; ailes
courtes et épaisses, beaucoup plus grandes dans la femelle; abdomen terminé
par une brosse de poils. — Chenilles et chrysalides (caractères de la famille).
L'espèce la plus répandue est le L. Testudo, cat. de V., syn. : Bufo,
Fabr. pour le mâle, la Tortue et le Cloporte d'Engr., the Festoon : mille,
21 millimètres d'envergure, antennes jaunes; corps d'un jaune fauve
ou brunâtre; ailes supérieures d'un jaune fauve ou d'un brun jaunâtre,
avec deux lignes noirâtres, obliques et convergentes vers la côte, une
petite tache d'un jaune plus clair que le fond à l'angle interne; ailes
inférieures d'un brun noirâtre, avec l'angle anal fauve; femelle plus
grande, d'un jaune fauve, avec les lignes obliques ordinairement bien
marquées; adulte commun dans tous les bois de chêne en mai et juin,
à rechercher en battant les arbres, et, mieux, à élever de chenille ; che-
nille verte, à quatre lignes et points jaunes, en septembre et octobre,
surtout sur le chêne et aussi sur le hêtre, tombe souvent avec les feuilles
et se trouve alors facilement sur les routes et chemins de bois;
L. Asellus, cat. de V., du genre Heterogenea, Knoch, the Triangle des
amateurs anglais; 16 millimètres d'envergure chez le mâle, les ailes
supérieures très anguleuses à l'angle apical, d'un brun noirâtre luisant,
sans aucune tache; femelle beaucoup plus grande et d'un brun jau-
nâtre; adulte en juin, dans les bois de chênes et de bouleaux; chenille
verte, à large manteau rouge, liseré de jaune, en septembre sur le
U5S LÉPIDOPTÈRES.
chûne et le bouleau, indiquée aussi sur le htHre et sur le peuplier;
chrysalide brune dans un cocon soyeux. Cette petite espèce est surtout
d'Allemagne et de Suède, et se prend souvent accouplée en battant les
taillis. Elle passe pour rare en France, sans doute parce qu'on ne la
recherche pas assez. On la cite des départements du iNord, d'Eure-et-
Loir, du Doubs, du Cher, etc. Elle est probablement des environs de
Paris.
Nous figurons plusieurs Limacodes de l'Amérique du Nord. Le L. del-
phinii, Boisd., pi. xcii, fig. 6, 27 millimètres d'envergure, est d'un brun
ferrugineux plus ou moins foncé, suivant les sexes. Les ailes supé-
rieures ont, près de la base et du bord inférieur et près du sommet, deux
taches vertes, suivies extérieurement d'une assez grande tache d'un
rouge ferrugineux; leur milieu est marqué d'un point oblong et noi-
râtre; les ailes inférieures sans taches, le dessous uniformément d'un
brun ferrugineux. Chez leL. Strigata, Boisd., envergure, 20 millimètres,
l'insecte parfait est d'un jaunâtre luisant et soyeux, avec les quatre ailes
marquées de stries luisantes, transversales et visibles sous certaines
incidences, comme de la moire; sa chenille, pi. xcii, fig. 7. Enfin,
pi. xcn, fig. 8, chenille de Limacodes indéterminée.
PSYCHIDES.
Les Psychides forment une famille aberrante, dont la place parmi les
Lépidoptères a été très controversée. Nous les plaçons dans les Bomby-
ciens, d'après notre principe de donner la prédominance à la forme la
plus parfaite, le mâle adulte, comme représentant l'espèce par ses
caractères les plus élevés. Or les mâles de certains Psychides, tels ceux
de Graminella, Pulla, etc., sont incontestablement des Bombyciens voi-
sins des Liparides par les antennes pectinées, la villosité du corps, le
pinceau anal, la ncrvulation, la forme et le port des ailes. Il est vrai
que la famille constitue d'autre part un chaînon de passage avec les
Tinéiniens, ainsi par Triquetrella, Claiisfrella, etc., qui ressemblent beau-
coup à certaines espèces du genre Tinea. Le rapprochement est encore
beaucoup plus grand si on considère les femelles et les larves, formes
inférieures. Il y a une certaine ressemblance par l'avortement des ailes
avec les femelles de quelques Liparides, comme celle de Liparis Morio à
ailes incomplètes, et plus encore les femelles presque aptères, mais
ovo'ides et velues, des Orgya Antiqua, Gonostigma, Aurolimbata, etc. ;
cependant, elles sont encore assez loin des femelles de presque tous les
Psychides, complètement sans ailes (sauf les Typhonies), ayant l'appa-
rence de vers allongés, luisants, à peine pourvus d'antennes et munis
d'un oviscapte térébriforme. Si nous prenions les caractères domina-
teurs dans les larves, nous mettrions les Psychides dans les Tinéiniens,
comme le fait Th. Bruand d'Uzelle, car toujours les chenilles {Sacco-
phorœ de M. Guenée) vivent dans des sacs ou fourreaux qu'elles con-
PSYCHTDES. 459
struisent avec des pailles, des débris de feuilles ou m(!'me du sable ;
c'est le caractère des chenilles des Teignes vraies de Réauniur. Il faut
remarquer qu'il y a là aussi un rapprochement entre les Psychides et
les Phryganiens (Névroptères propres), dont les larves, vraies chenilles
d'eau, sont toujours dans des fourreaux, revêtus de matières analogues
à ceux des Psychides. 11 y a, de même que des Phryganes à fourreaux
pierreux et héliciformes, des Psychides dont le fourreau semble un
petit colimaçon de grès ou de calcaire siliceux; ainsi chez Epichnop-
teryx Helicinella.
Tandis que les chenilles des autres Bombyciens, tantôt arboricoles,
tantôt herbivores ou lichénivores, vivent toutes à découvert ou proté-
gées seulement par le pli d'une feuille, celles des Psychides se con-
struisent, aussitôt écloses, un fourreau qu'elles s'ajustent autour du
corps et d'où elles ne sortent même pas toujours à l'état adulte. Ces
fourreaux, de forme très variée, sont ouverts à chaque extrémité,
tapissés de soie à l'intérieur et garnis à l'extérieur de débris végétaux
ou minéraux. Les uns sont recouverts de pailles placées tantôt longitu-
dinalement, tantôt transversalement, tanlôt imbriquées les unes sur les
autres ou hérissées dans tous les sens. Ceux-ci sont revêtus de feuilles
sèches, ceux-là de débris de tiges herbacées ou de fragments ligneux,
quelques-uns de mousses ou de lichens. D'autres sont unis, ou bien à
peine saupoudrés de poussière terreuse ou de graviers extrêmement
fins, tantôt mous (comme chez Psyché Nudella), tantôt durs et solides
(les Typhonia, ainsi Melanosella) : ils affectent la forme d'un cornet,
d'un tube cylindrique, d'un cône recourbé, d'un grain de seigle
allongé, d'une coquille d'Hélice (Helicinella), etc. A mesure qu'elle
grandit, la chenille allonge son fourreau et ne le quitte jamais un seul
instant, le traînant partout avec elle et ne laissant voir au dehors que la
tête et les trois anneaux tlioraciques où sont attachées les six pattes
antérieures, qui seules servent à sa marche. Ces chenilles sont glabres
ou à peine pubescentes, les trois anneaux antérieurs couverts d'une
peau presque aussi dure que celle de la tête, et portant seuls des des-
sins, la peau des neuf autres anneaux étant mince et molle, ce qui fait
qu'elle a besoin d'être protégée par un étui portatif. Les pattes mem-
braneuses, courtes, très peu développées, ont une existence souvent
méconnue (Guenée, Catal. d'Eure-et-Loir, p. 55) ; elles servent seule-
ment à ces chenilles à se tenir cramponnées aux parois internes du
fourreau, au moyen de la couronne de crochets. Au moindre bruit, à la
moindre secousse, la chenille se cramponne avec ses mandibules à la
surface qui la supporte, tronc, feuille, palissade, rocher, etc., ramène
son fourreau sur sa tête par un brusque mouvement de son corps, et
demeure ainsi immoble et invisible jusqu'à ce qu'elle suppose que le
danger a cessé. Ces fourreaux de débris inanimés sont un puissant
moyen défensif par imitation. Pour la transformation en adulte, la che-
nille fixe solidement l'ouverture antérieure du fourreau, à l'aide de
U(yt LÉi'inoPTkRE?.
nombreux fils de soie, au support quelconque sur lequel elle se trouve,
se retourne ensuite en sens inverse, si l'adulte doit sortir hors du four-
reau, par l'extrémité qui était la postérieure pour la chenille. Des dilVé-
rences se présentent au point de vue des dernières métamorphoses. Les
chrysalides des individus mâles se fendent sur le dos et sur la poitrine,
comme celles des Cossus et des Sésies, tandis que les chrysalides des
individus femelles, sauf pour les Typhonies, sont sans marque, c'est-à-
dire sans enveloppe propre des ailes, de la tôle et des pattes. La chry-
salide de la femelle n'a pas de mouvement, tandis que celle du mâle
s'agite en revanche avec grande activité.
Certains Psychides paraissent dès le commencement du printemps,
d'autres seulement à la fin de l'été ; mais, chez toutes les espèces, les
jeunes chenilles éclosent en été ou en automne et hivernent cachées
dans des trous, dans des fissures de rochers, sous les écorces, pour
reparaître aux premiers beaux jours et se chrysalider. On peut savoir à
l'avance, en examinant une chrysahde, si on obtiendra un mâle ou
une femelle, dans les genres où celle-ci est aptère. La chrysalide du
mâle ressemble à celle de tous les autres Lépidoptères ; celle de la
femelle, ainsi que nous venons de le dire, n'offre et ne peut offrir
aucune trace des ailes qui n'existent pas. Obtuse aux deux extrémités,
elle ne présente qu'une suite d'anneaux qui rappelle les formes des
nymphes de quelques Diptères. L'accouplement offre quelques diffé-
rences suivant les groupes. Il y a des femelles, que Bruand nomme
aranéiformes, qui sortent du fourreau aussitôt qu'elles sont écloses,
grâce à leurs pattes thoraciques, et qui attendent l'accouplement,
cramponnées sur l'extrémité même du fourreau. Si on les dérange alors
par un petit bruit quelconque ou par un léger attouchement du four-
reau, elles rentrent immédiatement dans la coque pour un certain
temps. Les femelles de ce groupe sont munies d'un oviscapte très
allongé, pouvant atteindre environ, dans toute son extension, la lon-
gueur du corps entier de la femelle, composé de trois pièces cylin-
driques, dont deux sont rétractiles comme les tubes d'une lorgnette, et
qui sert à l'insecte à déposer ses œufs jusqu'au fond du fourreau. D'au-
tres femelles, dites vermiformes par Bruand, ne quittent jamais l'inté-
rieur du fourreau. Après l'éclosion elles se retournent dans l'enveloppe
de la chrysalide, dont leur corps reste entouré, de façon à présenter la
région anale à l'ouverture libre du fourreau où se présente le mâle
ailé. Le coït ne dure que quelques secondes, après quoi la femelle se
met à pondre ses œufs dans l'intérieur de la pellicule même de la
chrysalide. Cette opération terminée, il ne reste de la femelle qu'un
petit paquet de peau ridée et les écailles de la tête, le tout réduit
presque au volume d'une grosse tête d'épingle. Si l'accouplement n'a
pas lieu, la femelle sort du fourreau au bout de quelques jours et se
laisse tomber à terre pour mourir.
Dans tous les genres dont les femelles sont aptères, on comprend
rsYcniDES. ^61
que, dès qu'on rencontre une chenille à fourreau, on peut être à peu
près certain qu'il eu existe d'autres aux environs. On pourrait conclure
de cette particularité que les localités habitées par les Psychides doi-
vent être fort restreintes, puisque la chenille marche lentement et
que, la femelle ne volant pas, ne peut s'éloigner de l'endroit où elle
est née ; mais la nature a remédié à cet inconvénient par un moyen
bien simple. Lorsqu'une chenille est en marche, si elle est dérangée,
elle rentre si brusquement dans son fourreau que souvent elle n'a pas
le temps de le fixer à un corps solide. Dans ce cas, si un coup de vent
survient, il peut entraîner le fourreau à une distance assez grande.
Bruatid dit avoir vu des fourreaux de Psyché Albida, Saiicolella, etc.,
enlevés par un vent violent quand il allait les recueillir, transportés
quelquefois fort loin, surtout lorsqu'il chassait sur les cimes des rochers.
Il y a des espèces qui vivent sur les graminées, dans les prés secs et
montagneux, et qui seraient enlevées lors de la fauchaison si elles se
chrysalidaient contre les tiges herbacées ; mais, à l'époque de la trans-
formation, la chenille va chercher un corps solide pour s'y fixer,
grosse pierre, arbre, rocher, etc. Les chenilles des Psychides vivent de
toutes sortes de plantes phanérogames ou cryptogames. Elles sont diffi-
ciles à découvrir, car elles se confondent avec une foule de débris et de
détritus ; on les trouve le plus aisément sur les pieux, les clôtures en
planches ou en lattes, les troncs d'arbres lisses. Elles sont difficiles
aussi à élever, parce que leur croissance est très lente et que leur éclo-
sion demande des soins particuliers. D'après M. Constant, elles exigent,
pour cette opération importante, un endroit aéré et surtout exposé aux
rayons du soleil levant ; sans cette précaution, on risque de perdre plus
des trois quarts des chenilles qu'on a élevées. Les Psychides d'Europe
sont de taille petite et souvent très petite, dans les dimensions de beau-
coup de Microlépidoptères. Ces papillons éclosent toujours le matin,
jamais après onze heures et souvent beaucoup plus tôt. Le caractère
des fourreaux pour les chenilles est le seul entièrement général chez
les Psychides. Dans les Typhonies, les mâles et les femelles sont ailés;
dans les autres Psychides, les mâles seuls sont pourvus d'ailes, qui sont
de coloration d'un brun noirâtre ou enfumé, généralement transpa-
rentes, peu colorées, d'où le nom de Pelbicidœ que donne M. Guenée à
cette légion, arrondies, relativement assez courtes ; les antennes sont
pectinées, quelquefois avec des barbes qui les rendent très plumeuses;
le corps est souvent garni de poils longs et soyeux et avec pinceau étalé
au bout de l'abdomen. Ils ont le vol irrégulier, mais assez rapide et
essentiellement diurne, et viennent de très loin chercher les femelles,
attirés par l'odeur. On doit surveiller attentivement les éclosions do-
mestiques, car les mâles s'envolent peu de minutes après la sortie de
la chrysalide et perdent écailles et poils en se débattant ; il faut tenir
tout prêt le flacon à cyanure si l'on veut les conserver intacts pour les
collections. Quant aux femelles, ce sont des insectes dégradés, presque
ft&2 LÉPIDOPTÈRES.
difformes et qui n'ont rien qui rappelle les Lépidoptères. Tantôt (genre
Fumea, Steph.) les femelles aptères (aranéiformes) ont encore des
antennes et six pattes rudimentaires avec tarses, le corps plus ou moins
écailleux, l'abdomen d'une grosseur disproportionnée; tantôt elles sont,
outre l'absence des ailes, complètement apodes, vermiformes, molles,
non recouvertes de poils ni d'écaillés, sans apparence d'appendices
extérieurs, pattes ou antennes (genre Psyché, Schrank). Ces dernières
femelles s'accouplent et pondent dans leur fourreau sans jamais le quit-
ter; quelques jours plus tard, les petiteschenilles provenant de leurs œufs,
dès qu'elles sont écloses, commencent, comme chez les Heteroyynis, par
dépecer le corps de leur mère, qui n'est pas très dur ; elles s'en par-
tagent fraternellement les débris, avec lesquels elles se construisent
leur indispensable vêtement; puis elles sortent de leur enveloppe com-
mune et se dispersent pour ne plus se réunir. Le plus grand nombre des
chenilles des Psychides d'Europe vit sur les Lichens des arbres et même
sur ceux des pierres et sur les plantes basses, particulièrement les
graminées, mais quelques-unes se trouvent sur les arbres, tels que le
chêne, le saule, le cormier, etc. Elles ne sont jamais assez nombreuses
pour être nuisibles.
Il y a des particularités curieuses et encore mal éclaircies pour la
reproduction des Psychides. Souvent les chenilles d'une ponte, ou celles
recueillies ensemble au même endroit, ne donnent que des mâles, ou
bien au contraire que des femelles, par une sorte d'alternance sexuelle
destinée peut-être à parer aux inconvénients de la consanguinité. Enfin
certaines espèces offrent une série de générations de femelles sans ac-
couplement, en raison d'un fait de parthénogenèse qui n'est pas admis par
beaucoup d'auteurs. Th. de Siebold (.4nn. se. nattir. zool., 1856, t. VI,
p. 193) dit avoir démontré la parthénogenèse dans les Psyché Hélix
{Epichnopteryx) et les Solenobia Clathrella et Lichenella. Ces espèces
lui ont donné des générations successives, toutes femelles, sans le con-
cours des mâles. Le P. Hélix mâle notamment a été cherché inutile-
ment pendant sept ans. De Siebold pense que, contrairement aux
Abeilles, ces Psychides ne donnent de mâles que par accouplement
avec des mâles. Zinke (Germar ; Magaz. des Entomol., 1813, t. I, p. 31)
dit que ces Lépidoptères, à l'état de chenilles et de chrysalides, vivent
séparément suivant les sexes, qu'il y a des localités où l'on ne trouve
que des mâles et d'autres l'on ne trouve que des femelles. Cet isole-
ment de chaque sexe s'accorderait bien avec la parthénogenèse admise
parSieboîd. M. J. Fallou, excellent observateur qui mérite la plus'entière
confiance, a constaté la parthénogenèse sur une de nos plus petites
espèces, non mentionnée parles auteurs allemands. Une éclosion de
chry^alides de P. Nitidella, Hubn., faite chez lui dans une boîte bien
close, ne donna que des femelles. Celles-ci pondirent des œufs dans la
boîte fermée, où aucun mâle du dehors n'avait pu entrer, en supposant
même l'existence de cette espèce à rintérieur de Paris. Au bout de
PSYCHK. 468
quatre jours naquirent de petites chenilles, s'empressant de se l'aire
des fourreaux avec les débris des fourreaux maternels. Le raàle de
cette espèce est bien connu ; il est probable qu'il éclôt par intermit-
tences et renouvelle, pour plusieurs générations, la fécondité des femelles
qu'il rencontre.
Nous donnerons les caractères suivants pour la famille des Psychides :
port des ailes et nervulation de Bombyciens chez les mâles, dont les
ailes sont plus ou moins arrondies eu sommet ; femelles aptères, excepté
dans le genre Tijphonia, Boisd., qui forme passage; antennes pectinées
ou ciliées chez les mâles, très peu développées chez les femelles ara-
néiformes ou semi-vermiformes, nulles chez les vermiformes ; pas de
slemmates; spiritrompe nulle; palpes velus, souvent rudimentaire et
cachés par des poils plus ou moins longs et nombreux; tète générale-
ment velue, au moins chez les mâles; chenilles vivant dans des four-
reaux mobiles, de formes très variées. U faut bien distinguer ces four-
reaux mobiles des fourreaux fixes d'un certain nombre de Tinéiniens,
que la chenille accroît et répare sur place, sans se mouvoir avec eux,
comme cela a lieu pour les Psychides. On peut même dire pour beau-
coup de Tortriciens et de Tinéiniens que les replis de feuille enroulée,
où vivent beaucoup de leurs chenilles qui rongent l'intérieur, sont
aussi de véritables fourreaux fixes.
Nous laisserons de côté le genre Ttjphonia, à femelles ailées comme
les mâles, les ailes seulement plus courtes. Ce sont des Lépidoptères
très rares, surtout propres aux montagnes, ayant le corps et les ailes
noirs ou d'un brun foncé, d'où les épithètes spécifiques Lugubris,
Mêlas, etc. Les femelles ont un oviscapte plus ou moins saillant ; les
chenilles vivent dans des fourreaux tubuleux, allongés, ressemblant à
ceux de certains Phryganiens et recouverts de petits graviers pierreux.
Nous ne ferons qu'un seul genre, celui des Psyché, d'après Bruand
d'Uzelles, pour toutes les espèces à femelles absolument sans ailes.
PSYCHE, ScHRANK. — Corps grêle ou épais chez les mâles, très velu, parfois
avec poils en pinceau divergent à l'extrémité, les antennes pectinées ou plu-
nieuses, les ailes chargées de peu d'écaillés, souvent presque diaphanes;
femelles aptères, aranéiformes, semi-vermiformes. — Chenilles glabres^ déco-
lorées, ayant les trois premiers anneaux cornés et les autres mous, vivant el se
transformant dans des fourreaux portatifs, en soie recouverte de substances
variées. — Chrysalides des mâles normales, celles des femelles en sac ou pel-
licule sans marque.
Le grand genre Psyché a des synonymes assez nombreux, mais qui ne
conviennent qu'à des sous-genres ; ce sont : Psyché, Schrank; Fumea, tla-
worth; Epichnoptenjx, Hubner; Talœporia? Zeller ; Solenobia? Dupon-
chel; ces deux derniers rangés dans les Tinéiniens par Herrich-Schœffer,
par MM. Standhiger et Zeller, d'après quelques différences de
UCflx LÉPIDOPTÈRES.
nervulation des ailes des mâles, d'après leurs palpes, qui sont pareils à
ceux des Tinéiniens, tandis qu'ils laissent les autres Psychides dans les
Bombyciens, ce qui a l'inconvénient grave de scinder en deux un
groupe naturel. Le catalogue Depuiset compte soixante-quatorze espèces
européennes du genre Psyché tel que nous l'entendons ; le nombre exact
est difficile, à établir à cause des espèces nouvellement décrites (MM. P.
Minière, Heylaerts), des synonymies nombreuses de certaines espèces et
de l'incertitude de déterminationqui règne sur quelques espèces fort rares.
Bruand d'Uzelle a multiplié les subdivisions dans le grand genre
Psyché. Un premier groupe, formé d'un petit nombre d'espèces qui
vivent de lichens, offre les fourreaux allongés, papyracés et unis,
les femelles tubiliformes, velues, munies de pattes et d'antennes, à
oviscapte saillant et allongé, sortant du fourreau après l'éclosion et s'y
cramponnant pour attendre le mâle ; ex. : P. Pseudobombycella, Hub-
ner. Un groupe plus considérable présente des femelles vermiformes,
molles, non recouvertes de poils ni d'écaillés, privées de pattes et
d'antennes, à oviscapte court. Le corps du mâle est pelucheux, assez
long, et ses antennes sont pectinées. Il en est où les femelles ont les
chrysalides bicolores, d'où elles ne sortent pas, même lorsque l'accou-
plement n'a pas eu lieu. Le fourreau est composé de pailles transverses.
Ex. : P. Atribombycella, Bruand, syn : Atra, Linn. ? espèce polyphage,
vivant de plantes basses, notamment de bruyères, du midi et de l'est
de la France; la chrysalide de la femelle est d'un noir légèrement lui-
sant au milieu et de couleur de rouille aux deux bouts. Viennent ensuite
des espèces à chrysalide de la femelle unicolore et d'où elle ne sort pas,
même quand l'accouplement n'a pas eu lieu. Les ailes du mâle sont
vitrées et paraissent privées d'écaillés ; les fourreaux sont gros et courts,
presque globuliformes, revêtus de brins de mousse ou de tiges herba-
cées placées longitudinalement. Nous citerons P. Albida, Esper, syn. :
Albivitrella, Bruand, espèce du midi de la France, remontant jusqu'en
Saône-et-Loire. Le mâle, de 18 millimètres d'envergure, est d'un blanc
laiteux et vitré, la côte et les nervures noirâtres, le corps et la tête
noirs, recouverts de poils blanchâtres et soyeux , en deux faisceaux
divergents à l'abdomen, les antennes très pectinées et les pattes grises.
La femelle est grosse et courte, très molle, d'un blanc sale un peu
ocreux, la chrysalide jaune. Pour s'accoupler, la femelle n'en sort pas,
mais se contente d'en fendre l'extrémité, après s'être retournée. Le
mâle se pose sur le fourreau en battant vivement des ailes, y introduit
son abdomen jusqu'à la naissance des ailes et se retire épuisé, après un
coït qui a duré moins d'une minute. La femelle remplit d'œufs tout
l'intérieur du fourreau, puis il ne reste d'elle que la tête et une pelli-
cule sèche et ridée, pareille à une vessie dégonflée. La chenille a la
tête noire et très luisante, les premiers anneaux d'un brun noirâtre,
bordés de lilas très clair, le reste du corps d'un brun clair un peu
vineux, les pattes écailleuses noires. On la trouve dans les localités
PSYCHE. 66<r)
arides et rocailleuses, surtout de montagne, même aussi en plaine, sur
diverses graminées du genre Poa. Le fourreau est ordinairement recou-
vert de mousse, de sorte que la ctienille semble un flocon de mousses
qui marche; à défaut de mousse la chenille se sert de petites esquilles
de bois ou de brindilles de ronce.
11 y a des Psyché ayant des chrysalides de femelles utiicolores, mais
dont l'insecte sort pour se laisser tomber à terre s'il n'a pas subi l'ac-
couplement Les mâles ont le corps robuste et les ailes supérieures
moins arrondies au sommet que dans les espèces précédentes, les four-
reaux allongés, couverts de corps variés. Il faut citer une grande espèce
de Provence, /'. Febretta, Boyer de Fonscolombe, le mâle d'environ
25 millimètres d'envergure, d'un brun fuligineux, avec des poils en
partie blonds sur le corps, la femelle molle en entier, d'un jaune pâle
ocreux, la chenille vivant sur diverses Scorçonnères, même celle cul-
tivée dans les jardins et entourée d'un fourreau de pailles d'au jaune
très clair. Elle est d'un gris livide, avec la tète et le premier anneau
noirs, ainsi que les pattes écailleuses; elle a attiré l'attention des
paysans provençaux, qui lui attribuent des propriétés efficaces pour
combattre les fièvres intermittentes, et la prennent comme remède.
On la nomme Fébrette dans les environs d'Albi. La chrysalide de la
femelle est allongée, molle et d'un roux doré, ayant la tète et le cor-
selet recouverts d'un duvet cotonneux, beaucoup moins fort dans la
chrysalide du mâle, qui ressemble à une chrysalide de Bombyx,
avec les anneaux de l'abdomen épineux, la queue large et carrée,
les étuis des ailes, des antennes et des pattes de couleur rousse.
Les chrysalides des deux sexes sortent en partie du fourreau, peu de
jours avant l'éclosion, celle de la femelle pouvant môme tomber à
terre, probablement si la femelle qui y demeure incluse n'a pas été
fécondée. Dans d'autres Psyché très voisines, le corps du mâle est moins
robuste, les barbules des antennes plus longues, les fourreaux de forme
variée et recouverts d'éléments divers, paille, mousse, débris de co-
quilles, feuilles sèches. Une espèce de grande taille, envergure du mâle
de 26 à 28 millimètres, est P. Unicolor, Hufnagel, syn. : Graminella, cat.
de Vienne, la Teigne à fourreau de paille composé de Geoffroy, assez com-
mune près de Paris, se prenant abondamment à Compiègne en certaines
années sur les palissades qui entourent le parc réservé, manquant en
Angleterre et dans l'extrême nord de la France, excessivement rare en
Belgique. Le mâle a les ailes en entier d'un noir demi-transparent,
avec la frange chatoyant en blanchâtre, les pattes roussâtres, le corps
grêle, assez velu, aplati postérieurement, noir, avec les ptérygodes cen-
drés et le dessous de l'abdomen blanchâtre. La chrysalide de la femelle
est d'un brun jaunâtre, ovoïde, pareille aux^ deux bouts. La femelle
qu'elle renferme est d'un blanc jaunâtre, avec la tête brune, ainsi que
les plaques cornées dorsales des premiers anneaux. La tête montre il la
loupe deux rudiments d'appendices charnus, tenant place des antennes.
r.iR.vnn. m. — oO
Û66 LÉPIDOPTÈRES.
Elle ne quitte pas son fourreau pour s'accoupler, naais se retourne, et,
de temps en temps, fait sortir un peu du fourreau la partie anale. Si la
copulation n'a pas lieu, au bout de deux ou trois jours, la femelle aban-
donne le fourreau et se laisse tomber à terre où elle meurt bientôt.
P. Graminella, d'après M. Millière, est très rare en Provence, et cette
espèce est remplacée, près de Marseille, de Cannes, d'Hyères, de Nice,
par une espèce très \oisine, P. Cinerella, Dup. Le fourreau, qui varie
beaucoup comme celui de Graminella, est construit, soit avec des pailles
assez longues placées les unes à côté des autres, soit avec des feuilles
sèches. La chenille se rencontre dans la plaine comme sur les petites
montagnes, dans les lieux humides comme dans les bois de Pins bien
exposés et très secs (Millière, Iconogr., t. 111, p. 12).
La chenille de P. Graminella est une des plus communes parmi les
Psychides, et se trouve un peu partout, fin avril et en mai, sur les
arbres des bois, les rochers, les vieux murs, les palissades, etc. Elle a
la tète d'un noir luisant, avec plusieurs lignes d'un jaune pâle, les trois
premiers anneaux sont couverts d'écussons cornés jaunes, avec six raies
longitudinales d'un brun noir, les pattes écailleuses annelées de brun
et de jaune sale, les pattes membraneuses très courtes et peu distinctes,
le reste du corps d'un gris livide ou brunâtre. Elle se nourrit de Gra-
minées, surtout des Poa annua et perennis. Les fourreaux sont de deux
sortes. Les plus fréquents, du moins aux environs de Paris, sont recou-
verts de fragments imbriqués de feuilles d'un brun noirâtre, et se trou-
vent surtout dans les bois; d'autres, plus communs, dans le Doubs
(Bruand), sont revêtus de pailles placées longitudinalement, ou de
feuilles de Graminées, de quelques esquilles de bois, de grains de sable.
Les chenilles qui les portent se tiennent sur les Ronces, sur les Orties
et sur les hautes Graminées.
Vient ensuite dans la classification de Bruand d'Uzelle un groupe de
Psyché, où nous retrouvons la chrysalide de la femelle bicolore, les an-
tennes du mâle brièvement pectinées, le corps grêle, les yeux gros, les
ailes moins arrondies à l'extrémité. Le type est P. Fusca, Haworth,
syn. : Calvella, Ochs., nom beaucoup meilleur, syn. : Hirsutella,
Hubner, ihe Brown Muslin des Anglais; espèce de France, de Belgique,
d'Angleterre, où l'espèce acquiert une plus grande taille. Le mâle, de
20 millimètres d'envergure environ, est d'un gris blond uniforme, mat,
un peu transparent et si uni que les ailes semblent privées d'écaillés,
la côte étant garnie de poils couchés; le corps est grêle, légèrement
pelucheux, couvert de poils courts, bruns au corselet, d'un blond clair
vers l'extrémité abdominale, pi. xcii, fig. 9. La femelle est renfermée
dans une pellicule nymphale bicolore. La chenille est d'une couleur de
corne claire avec des taches noirâtres, la sous-dorsale passablement
indiquée, les autres raies formées par une réunion de petites taches
agglomérées, la tète et les plaques dorsales thoraciques d'un noir brun,
avec des lignes et des taches jaunâtres, les pattes écailleuses brunes,
PSYCHE. ^67
annelées de clair. Lorsque cette chenille entend quelque bruit alar-
mant, elle se cramponne fortement à la feuille ou à la branche sur
laquelle elle est placée, tandis qu'en pareille occurrence celle de Gra-
minella se laisse souvent tomber à terre. Le fourreau varie beaucoup,
tantôt recouvert de pailles transverses irrégulièrement disposées, tantôt
de brindilles de bois ou de parcelles d'écorce. Dans presque tous on
aperçoit à l'extrémité inférieure trois petites raies blanchâtres placées
triangulairement, et qui ne sont autres que la soie du sac ou fourreau
réel dénudé en ces endroits. On rencontre ces fourreaux sur les arbres
forestiers, surtout le cht^ne et le noisetier, aussi sur le saule marsault
et sur le tremble. La nymphose s'opère en mai et les adultes paraissent
en juin. Les fourreaux sont assez abondants en automne, la chenille se
préparant à hiverner. Nous devons citer une espèce fort singulière,
connue de Réaumur à l'état de fourreau, dans laquelle le fourreau est
en forme de coquille d'Hélice, la chenille et la femelle ayant le corps
contourné de la même façon, le mâle avec les ailes allongées et oblongues.
Cette P. Helicinella, Herr. Sch. (Epichnoptertjx) est de toute la France,
sauf peut-être l'extrême nord, de plaine et de montagne, ainsi au cirque
de Gavarnie, près des glaces. Les chenilles vivent sur un grand nombre
de plantes ligneuses et sous-ligneuses, surtout les Lavandula, Thymus,
Cheiranthus, Teucrium, Cistus, et rongent, en les blanchissant, la sur-
face inférieure des feuilles. Le mâle, de iU à 15 millimètres d'enver-
gure, a les ailes d'un fuligineux mat, devenant ocreux par dessiccation,
à demi transparentes, paraissant dépourvues d'écaillés, tant leur sur-
face est unie. Lors de l'éclosion, il sort du fourreau par un petit trou
ménagé dans la moitié de la longueur de la spire, et où la chrysalide
vide demeure engaînée aux deux tiers après le dépapt du mâle.
D'après Bruand, comme les chenilles ne peuvent s'élever, il faut cap-
turer ces mâles au vol dans les matinées de juillet, aux lieux où l'on
a vu des fourreaux. M. Millière dit que, près de Cannes, ce mâle vole
abondamment pendant la nuit, dans la seconde quinzaine de juin, et
se prend au réflecteur; son vol est très rapide et très saccadé. La fe-
melle, qui a le corps contourné en hélice comme le fourreau lui-même,
est d'un gris brun livide avec la portion supérieure des premiers
anneaux plus foncée. La chenille, sortie du fourreau et déroulée, est
allongée, cylindroïde, tantôt d'un brun rougeâtre, tantôt d'un gris ver-
dàtre, la tête petite, noire et luisante, ainsi que les écussons cornés qui
occupent la partie supérieure des anneaux thoraciques; les pattes écail-
leuses sont grosses, noires et luisantes, et un écussou corné noirâtre est
placé sur le clapet anal. Ces chenilles, contrairement à celles des autres
Psychides, se suspendent par un fil de soie pour descendre à terre, ainsi
que beaucoup de chenilles de Phaléniens, de Tortriciens et de Tinéi-
niens. Elles s'entourent de fourreaux mous, brunâtres, recouverts de
grains de terre ou de sable, ayant la forme dune petite Hélice présen-
tant trois ou quatre tours de spirale. Ces fourreaux se trouvent en ma
668 LÉPIDOPTÈRES.
et juin, parfois sur le sol, le plus souvent attachés à des rochers ou à
des pierres. On les recherchera près de Paris, à Lardy, à Bouray, sur la
vieille tour de Poquency, etc. Consultez, pour cette curieuse Psyché en
hélice : P. Millière, Icon., t. III, p. 371, pi. 1Z|7, flg. 1 à û.
Nous ajouterons aux espèces précédentes deux espèces des environs
de Paris, du sous-genre Fumea, qui sont aussi d'Angleterre et de Bel-
gique. L'une est P. Pulla, Esper., syn. : Radiella, Curtis, dont le mâle,
de 15 millimètres d'envergure, a les ailes d'un noir peu intense, opaque,
tirant sur le roux, non luisant et comme pelucheux, le corps noir, peu
velu, les antennes pectinées par des barbules tines, non serrées. On le
voit fréquemment voler, du 15 mai au 15 juin, dans les bois herbus et
dans les prairies. La femelle vermiforme est grosse, courte, avec la tête
très petite et recourbée, les pattes à peine distinctes; elle est d'un
jaune brun et ocreux, avec le sommet des trois premiers segments
blanchâtre, comme cotonneux. La chenille est d'un blanc sale, tirant
sur le vineux, avec deux raies latérales d'un brun noirâtre bien indi-
quées de chaque côté, la tête noirâtre, luisante, ainsi que les pattes
écailleuses; son fourreau est revêtu de pailles plates, longitudinalement
et régulièrement placées.. Il est cylindroïde, d'un diamètre uniforme,
quelques-unes des pailles dépassant un peu l'extrémité inférieure du
sac ou vrai fourreau. La chenille vit de Graminées, et n'est pas rare
dans les prairies^ mais se lient très près du sol ; on ne la voit bien avec
son fourreau que lorsqu'elle est voisine de la transformation; car elle
grimpe alors, pour fixer son fourreau, à quelque haute tige de Gra-
minée ou après un tronc d'arbre. L'autre espèce, des mêmes localités,
est P. Nitideila, Hoffm., Hubn., le mâle, analogue au précédent, noir
et opaque, très difficile à rencontrer (Calai. Alfred Foucart). La che-
nille est d'un brun très clair, tirant un peu sur le vineux, avec des
raies d'un brun jaunâtre et sort du fourreau pour attendre le mâle.
Elle est entourée d'un fourreau, très petit, cylindrique, formé de
petites pailles cylindriques placées en long et parallèlement, pi. son,
tig. 10 ; tîg. 10 a, lobes globuleux représentant les palpes labiaux,
tig. 10 b, tête vue de profil; flg. 10 c, antenne du mâle (base et extré-
mité). On trouve le fourreau de P. Nitideila, 'a\&c les chrysalides, abon-
dant en mai sur les troncs des saules, des osiers, dés peupliers, des
ormes et aussi sur les vieux murs et les rochers. Dans le midi de la
France, cette espèce est remplacée par P. Intermediella, Boisd., qui en
est très voisine, ainsi que son Iburreau.
Les sous-genres Talœporia et Solenobia sont placés, comme nous
l'avons dit, dans les Tinéiniens par les lépidoptérisles allemands. Bois-
duval et M. Guenée les maintiennent dans les Psychides. Ils sont com-
pris par Bruand dans son groupe des Psyché à femelles aranéiformes.
Leurs chenilles constituent leurs fourreaux avec des Lichens des rochers
exposés au soleil et aussi des troncs des hêtres et des charmes. Dans le
sous-genre Solenobia, nous citerons P. Triquetrella, Hiibner, la Teigne à
PSYCHE. ^(>9
fourreau triangulaire de Réaumur et de Geoffroy, se trouvant aux envi-
rons de Paris. Le mâle, de 12 millimètres d'envergure, a les ailes supé-
rieures oblongues, d'un gris clair, avec des nervures plus foncées, ainsi
que des stries transversales; il y a un trait noirâtre sur la cellule dis.
coïdale. Les secondes ailes sont d'un gris blanchâtre et le corps gri-
sâtre. La femelle est de couleur gris noirâtre uniforme. La chenille est
de couleur grise, avec les pattes écailleuses noirâtres, la tête noire et
luisante, et deux écussons cornés rectangulaires sur le dos des deux
premiers anneaux. Klle hiverne, atteint toute sa taille en avril, se chry-
salide alors pour donner l'adulte au mois de mai. Le fourreau est trian-
gulaire et peu allongé, composé de trois pans égaux qui s'élargissent
au milieu et se terminent en pointe à chaque extrémité, pointe plus
aiguë à l'extrémité inférieure qu'à la supérieure où se trouve la tête de
la chenille. Ce fourreau est mou, de couleur grise plus ou moins foncée,
revêtu de particules pierreuses ou terreuses, de sable ou de petits dé-
bris de lichen. On trouve fréquemment ce fourreau contre les rochers
des friches montagneuses, sur les vieux murs exposés au nord, sur les
lichens des barrières et des palissades toujours près de terre; à recher-
cher en janvier et février (Jourdheuille).
Il est impossible de passer sous silence une grande et remarquable
Psyché, qui n'est pas d'Europe, mais du sud de l'Algérie et de la Perse
Ce l*. Quadraîigularis, Christophe, a d'abord été connu par son four-
reau, qui mesure h centimètres de long sur 1 dans sa plus grande
largeur. 11 est allongé, en forme de pyramide quadrangulaire, dont les
quatre pans égaux sont recouverts de bûchettes ou de brindilles paral-
lèles, placées perpendiculairement à l'axe. On dirait un très élégaut
panier allongé. L'intérieur est tapissé d'une épaisse couche de soie
grise, et, pour la nymphose, il est solidement fixé par un faisceau de
nombreux fils de soie à une tige de la plante qui a nourri la chenille,
celle-ci paraît polyphage. Le mâle, de grande taille, est le plus beau
qui soit connu parmi les Psyché. Les ailes sont d'un blanc un peu gri-
sâtre, semi-vitreuses, les supérieures aiguës au sommet, la côte noire,
ainsi que la frange des quatre ailes. Les antennes à tige noire ont de
fortes pectinations grisâtres, le thorax est robuste et recouvert de longs
poils grisâtres, et l'abdomen, dépassant de beaucoup les ailes infé-
rieures, est hérissé de grands poils noirâtres. On consultera : H. Lucas
{Ann. Soc. entom. Fr., 1866, pi. m); P. Millière, Iconoyr., t. III, p. 373
pi. lZi7, fig. 5 à 7. Cette espèce appartient typiquement à la faune
européenne. 11 n'en est pas de même pour d'autres Psychides, de grande
taille comparativement à nos Psyché, et connus principalement par
leurs fourreaux rapportés surtout de l'Australie et aussi de l'Afrique.
Ces insectes constituent le genre Oiketicus ou OEceticus, Guilding. On
ne connaît encore que les adultes de très peu d'espèces, et il est dou-
teux qu'on sache exactement y rapporter les fourreaux. Les papillons
ont de longs oviscaptes saillants chez les femelles, les ailes étroites.
470 LÉPIDOPTÈRES.
sinuées intérieurement, un aspect intermédiaire entre les Macroglosses
et les Bombyx. M. Guenée dit posséder le fourreau d'une espèce exo-
tique qui a presque 1 décimètre de longueur, et qui est composé avec
de grosses branches de bois au lieu de pailles. M. Goossens m'a donné
plusieurs grands et curieux fourreaux de diverses espèces provenant de
la Plata. Il a obtenu des adultes, le mâle coloré de dessins variés et non
complètement de teinte uniforme, comme cela a lieu dans nos Psychides
d'Europe, mais la femelle larviforme, ainsi que pour nos espèces.
M. Grenier a fait connaître des fourreaux gigantesques, provenant du
Mexique septentrional (Monterey), mesurant IS k là centimètres de
longueur, formés de petites bûchettes placées en travers et réunies
les unes aux autres par des fils de soie, l'intérieur plus lisse, tapissé
d'une couche épaisse d'un tissu soyeux de couleur grise ; à l'exté-
rieur les petites bûchettes sont aussi revêtues d'un tissu analogue à
celui de l'intérieur, mais plus fin et moins uni. La chenille, qui
ressemble tout à fait, sauf la taille, à celle de nos Psyché, et qui a les
pattes membraneuses en mamelons rudimentaires, est glabre, de couleur
jaunâtre, les trois premiers anneaux offrant des taches noirâtres triangu-
laires. Elle vit dans les jardins sur les rosiers, peut-être aussi sur l'ar-
bousier elle peuplier, où l'on rencontre également ses fourreaux. Les
chenilles attachent à une des branches de l'arbuste, par un anneau
soyeux, la partie supérieure de leurs fourreaux, qui sont libres et flottants ;
comme il leur serait pénible de déplacer ces lourds fourreaux fréquem-
ment, elles mangent d'abord toutes les feuilles qu'elles peuvent
atteindre aux alentours, puis coupent le lien d'attache et vont se fixer
à une autre branche ; on voit à l'intérieur du fourreau les traces de
ces divers anneaux de suspension. Pour allonger son fourreau au fur
et à mesure de sa propre croissance, la chenille fait un trou à son
enveloppe juste au-dessus de la dernière bûchette posée, passe sa tête
par cette ouverture et prend de la branche la plus voisine un petit
rameau qu'elle coupe de la longueur voulue, puis le fixe à son enve-
loppe, dont elle augmente ainsi peu à peu la longueur et la solidité.
Une fois la bûchette bien placée et solidement fixée, l'animal rentre sa
tête et bouche le trou qu'il avait fait, pour recommencer plus tard la
môme manœuvre. Il est assez probable que cette espèce appartient aux
Psyché plutôt qu'aux OEceticus, car M. J. Fallou a fait la remarque
qu'une Psyché de France, très commune dans les Landes, le P. Constan-
cella, Minière, a un fourreau de construction analogue, mais bien plus
petit. Les fourreaux envoyés de Montevideo à M. Goossens sont très voi-
sins de celui de l'espèce mexicaine.
Nous citerons parmi les travaux spéciaux à consulter sur les Psy-
chides : A. Guenée, Note monographique et rectificative sur le genre
Talœporia, Zeller (Solenohia, Duponchel) ; Ann. soc. entom. Fr., 1846,
p. 5. — Th. Bruand d'Uzelle, Essai monographique sur la tribu des
Psychides, Comptes rendus de la Soc. d'émulation du Doubs, 1856. —
PSYCHE, BOMBYCIENS. /l71
Docteur Breyer, Quelques mots sur le groupe ou la famille des Psychides
{Ann. Soc. entomol. de Belgique, 1861, t. V, page 1). — G. Rouast. Les
chenilles connues , des Psychides; Feuille des jeunes naturalistes, no-
vembre et décembre 1876, numéros 73 et lU-
Nous terminerons ici notre étude de la grande tribu des Bombyciens,
en regrettant qu'il n'y ait pas en France d'ouvrages généraux récents
qui la concernent. Nous omettons à dessein un certain nombre de
familles exotiques en dehors de notre cadre élémentaire. Nous ter-
minerons par un résumé des caractères généraux, qui se vérifient sur-
tout sur les types des Bombyx actuels :
Ailes épaisses, à écailles fortes, épaisses, nombreuses et fragiles ;
antennes pectinées chez le mâle, à lames assez larges, moins pectinées
chez la femelle, et alors à lames courtes et étroites, ou bien crénelées ;
spiritrompe nulle ou rudimentaire; thorax globuleux, très velu, parfois
laineux; abdomen des femelles très gros, lourd, parfois terminé par
des touffes laineuses. La nervulation est assez régulière aux premières
ailes : la composée postérieure émet trois rameaux, la cellule discoïdale
est courte et son extrémité presque toujours marquée d'un point épaissi
revêtant ua petit œil. — Chenilles non tuberculeuses, à poils plus
denses sur les flancs, vivant tantôt en familles, tantôt en grande tribu,
placées sous une toile-abri, tantôt solitaires. Le cocon, qui est très
habituel aux Bombyciens, a une forme variable; quelques espèces ne
font pas de cocons soyeux aériens, mais s'enterrent pour se chrysalider
(ainsi Bombyx dumeti, taraxaci).
Pour bien faire comprendre la nervulation des Bombyciens, nous
comparerons deux types fondamentaux, l'un de cette tribu, l'autre des
Chéloniens, pour l'aile antérieure : Bombyx quercus, çf; nervure simple
antérieure ou costale libre, aboutissant aux deux tiers de la côte; ner-
vure composée antérieure émettant six rameaux, les deux supérieurs
aboutissant à la côte, les quatre autres au bord externe, le deuxième et
et le troisième supérieurs naissant d'un tronc commun et formant une
fourche; nervure composée postérieure naissant de la base de la précé-
dente et fournissant quatre rameaux, les deux extérieurs à point d'in-
sertion rapproché, les deux intérieurs écartés, presque équidistants ;
cellule discoïdale courte et réduite; pas d'aréole. Prenons, par opposi-
tion, C7te/om'aca/'a; nervure simple antérieure libre ; nervure composée
antérieure à six rameaux, les quatre supérieurs très rapprochés, s'ab-
sorbant parfois entre eux, touchant la côte, les deux inférieurs tou-
chant le bord externe; une aréole très variable entre les rameaux
supérieurs; nervure composée postérieure à quatre rameaux, le qua-
trième écarté, inséré à peu près au milieu du tronc, les trois autres
naissant presque du môme point en éventail. Les Liparides, les Litho-
siens présentent la même disposition et se séparent par là nettement
472 LÉPiDOPTËKES.
des Bombyx. La cellule discoïdale est très longue, ce qui ren les
rameaux plus courts. Pour bien se rendre compte de« détails qui pré-
cèdent, il faut prendre l'aile de chacune de ces deu>: espèces très com-
munes et bien enlever les écailles en la brossant au pinceau.
Tribu des ATTACIEMS.
I,es Attaciens sont les Lépidoptères appelés par certains auteurs Sa-
kirniens. On les reconnaît tout de suite parce qu'ils renferment dans
chaque pays les plus grands Lépidoptères comme largeur des ailes,
chacune de celles-ci ayant toujours vers le milieu une tache vitrée ou
translucide, le plus souvent ronde ou ocellée, parfois trigone ou en
croissant, entourée de diverses colorations. Linnœus désigne sous le
nom d'Attacus, d'après le mot employé par la Bible pour nommer un
insecte qu'on n'a pu déterminer, la première division de son grand
genre, Phalœna, qui embrassait tous les Nocturnes de Latreille. Cette
division comprenait des Nocturnes ayant les quatre ailes presque tou-
jours étendues dans le repos à plat sur le plan de position, avec les an-
tennes tantôt pectinées, tantôt sétacées, et dont les uns ont une spiri-
trompe (des Phaléniens), tandis que les autres n'en ont pas. Latreille,
dans ses Familles naturelles (1825), indique cette division comme devant
former un genre ayant pour type le Grand Paon de nuit ou Attacus Pa-
vonia major. Dans le liègne animal, il place cette espèce et les autres
analogues dans le grand genre Bombyx. Les entomologistes allemands,
à l'exemple de Schrank, d'Ochsenheimer, d'Hubner, etc., ont formé de
ces mêmes espèces le genre Saturnia, adopté par Boisduval dans son
Index metkodicus. Au contraire, Duponchel, en conservant ce même
genre dans son Histoire naturelle des Lépidoptères d'Europe, lui a l'esti-
tué le nom linnéen à'Atlacus, et il a été suivi dans cette voie par M. E.
Blanchard, en ses diderenls ouvrages.
Nous inspirant de l'opinion de M. P. Mabille, et bien que les ouvrages
et catalogues de divers pays ne séparent pas le genre Attacus des Bom-
byciens, nous avons cru devoir en faire une tribu à part, en raison des
difl'érences dans la nervulation, le port des ailes au repos, les caractères
des chenilles, les cocons ouverts en nasse à un bout dans beaucoup d'es-
pèces. Voici les caractères généraux de nos Attaciens : antennes pecti-
nées dans les deux sexes, mais à barbes ou dents robustes, et beaucoup
plus longues dans les mâles que dans les femelles; spiritrompe nulle
ou rudimentaire; palpes courts, très velus ; thorax arrondi, laineux,
ayant souvent un collier de la couleur de la côte des ailes supérieures
ailes larges, chacune avec une tache vitrée sub-centrale, soit ronde ou
ocellée, soit trigone ou en croissant (comme types de nervulation de
l'aile antérieure Attacus piri et Cynthia) ; nervure simple antérieure
ATTACIEWS. kl'à
libre, atteignant les deux tiers de la côte; nervure composé antérieure
émettant un seul rameau costal ou supérieur, presque absorbé par la
costale {Cynthia); tronc de la composée, long, continu, bordant presque
la côte et aboutissant au-dessous de l'apex, émettant deux rameaux in-
férieurs équidistants dont l'intérieur bifurqué ; nervure composée pos-
térieure à trois rameaux ; cellule discoïdale grande et ouverte ; nervure
simple postérieure forte; pas d'aréole. L'Afilia Tau a la nervure com-
posée antérieure plus écartée de la côte, puis remontant brusquement
au delà de la cellule discoïdale qui est ainsi rétrécie à son ouverture et
fermée par une faible nervule ; la costale est plus dégagée ; le rameau
inférieur est bifurqué tout près de son point d'insertion à la composée
postérieure. Cette nervulation remarquable n'a d'analogue que parmi
les Phaléniens ou Géomètres. Pas de crin ni de frein, d'où les ailes in-
dépendantes ; abdomen en général court et très gros. — Chenilles
grosses et massives, avec la tète petite et globuleuse, les anneaux bien
séparés et très renflés, ayant presque toujours des verrues ou tuber-
cules saillants d'où partent soit des épines rameuses, soit des poils ran-
gés circulairement {Stellatœ de Guenée). — Chrysalides courtes, ovoïdes,
avec l'extrémité anale garnie d'un très petit faisceau de poils raides,
contenues le plus souvent dans des cocons de soie plus ou moins incrus-
tée ou gommée, tantôt fermés aux deux bouts, comme ceux du Serica-
r/a mon, souvent avec un pédicule d'attache à un pôle, tantôt ouverts
en nasse àpn bout pour la sortie du papillon, les fils élant repliés par
la chenille.
Les Attaciens sont principalement répandus dans les régions chaudes
des deux hémisphères, et l'Australie n'en est pas dépourvue. Les ré-
gions circumpolaires en manquent également. Outre l'intérêt entomo-
logique qu'ils présentent, les cocons d'un grand nombre de leurs espèces
peuvent être utilisés soit pour la filature en soie grège, soit pour obte-
nir des filoselles après cardage, et, parmi les espèces de l'extrême Orient,
il en est dont les soies figurent dans le commerce et fournissent des tis-
sus utilisés surtout dans le pays; ou bien ces soies y sont à l'état de
pureté, ou bien mêlées à la soie du Ver du mûrier, ou bien à la laine,
ou au coton. Leur soie est plus grossière que celle des Sericaria, mais
produit des étoffes très solides, employées surtout par les classes ou-
vrières de la population. Certains de ces tissus parviennent depuis long-
temps sur le marché européen, et on a longtemps ignoré leur origine.
Les cocons, soit ouverts, soit fermés, ne sont pas en rapport avec des
différences notables chez les adultes, bien qu'il y ait dans cette organi-
sation du cocon une importance capitale au point de vue de la filature,
qui est plus aisée quand les cocons sont fermés aux deux bouts et s'o-
père de la même façon, après décreusage convenable, que pour le cocon
fermé du Ver à soie du mûrier. Les chrysalides des cocons fermés ont à
la tête la vésicule contenant le liquide dissolvant qui sert au papillon à
percer le pôle de sortie, en écartant les fils après ramollissement de la
474 LÉPIDOPTÈRES.
gomme qui les incruste; cette vésicule manque quand il y a une ouver-
ture naturelle pour donner passage à l'adulte; cette ouverture en nasse
présente des faisceaux de fils repliés qui s'aplatissent de dedans en de-
hors et se redressent dans le sens inverse, de façon à s'opposer à l'in-
troduction des corps étrangers et des insectes ennemis. Certaines es-
pèces, en petit nombre toutefois, peuvent s'acclimater en Europe, sur-
tout dans le Midi, et donner des auxiliaires du Ver à soie du mûrier-, la
plupart, cependant, proviennent de régions très chaudes et leur éduca-
tion en France ne peut être qu'un objet de curiosité. Il faut, au con-
traire, encourager l'éducation de certaines espèces et surtout la récolte
des cocons sauvages dans les pays d'origine, les utiliser sur place et ex-
porter leur soie. Le commerce, en effet, ne saurait rester indifférent à
la production de substances textiles animales nouvelles, bien qu'ayant
moins d'éclat et de finesse que la soie du Sericariamori. Il pourrait ar-
river qu'une épidémie générale vienne à interrompre, même dans les
régions les plus favorables, l'éducation de cette précieuse espèce, et les
espèces succédanées auraient alors une importance capitale. D'autre
part, les exigences de la mode ne sont pas à dédaigner pour l'industrie;
des soies moins belles que la soie ordinaire, mais produisant certaines
nuances, ou reflets, ou certaines textures spéciales d'étoffes, auront tou-
jours leur prix et leur emploi.
GENRES PRINCIPAUX. .
AGL.IA, Hubner. — Antennes très largement bipectinées et en panache chez le
mâle,bidentées chez la femelle; palpes écartés, peu velus, incombants, le der-
nier article bien distinct; ailes arrondies, à taches ocellées; abdomen du
mâle grêle. — Chenille chagrinée, sans tubercules, épineuse dans le jeune âge,
à anneaux très renflés, — Chrysalide courte ; avec l'extrémité anale garnie de
petites pointes crochues.
Ce genre, dont le nom veut dire en grec : taie blanche dans rœil, est
éminemment de passage et rangé par beaucoup d'auteurs et de cata-
logues dans les Attaciens ou Saturniens; M. E. Blanchard le place dans
les Endromides, à côté du genre Endromis. L'espèce unique, des grands
bois de toute la France et de la Belgique, manquant dans les îles Bri-
tanniques, est 1'^. Tau, Linn., la Hachette d'Engr., 60 à 65 millimètres
d'envergure chez le mâle, les antennes ferrugineuses, le corps de la
couleur des ailes, celles-ci d'un jaune fauve, avec une bordure et le
bord interne des supérieures noirs, chaque aile ornée d'un œil discoï-
dal, noir, chatoyant en bleu, avec une prunelle blanche, à peu près de
la forme du T grec (Tau) ; femelle plus grande, 80 à 90 millimètres, les
ocelles pareils, le fond d'un jaune d'ocre pâle, la bordure des ailes
étroite, peu prononcée aux supérieures, l'espace marginal saupoudré
d'atomes noiràtr es, l'angi e apical maculé de blanchâtre; par aberration.
AGr.lA, VTTACUS. 475
cette femelle est parfois de la couleur du mâle. On a signalé des her-
maphrodites bilatéraux et aussi d'autres ; il en existe un, mélangé par
places des deux sexes, dans la collection J. Fallou ; chenille verte à traits
obliques jaunes, avec cinq longues épines d'un brun rougeàtre au pre-
mier âge, qui disparaissent après la troisième mue, vivant principale-
ment sur le hêtre et le charme, aussi sur le chêne, le bouleau, le til-
leul, etc., en juin et juillet, se chrysalidant en août à la surface du sol,
dans une coque informe, composée de mousses ou de feuilles sèches,
retenues par quelques fils de soie ; le papillon éclôt l'année suivante, en
avril ou en mai, si le printemps est froid et tardif. Le mâle vole vive-
ment au soleil, toute la matinée, avec de nombreux crochets, dans les
clairières des bois, commun près de Paris, à Maisons-Laffitte,à Saint-Ger-
main, etc., abondant dans la forêt de Compiègne. Au repos, les deux
sexes ont les ailes dressées l'une contre l'autre, perpendiculairement au
corps, à peu près aussi complètement que chez les Diurnes. La femelle
ne vole pas et reste immobile, soit à terre, dans les feuilles sèches, soit
contre les troncs d'arbre, de 30 centimètres à 1 mètre au-dessus du sol,
remontant le long du tronc pour se sécher, car la chrysalide d'où sort
l'adulte se trouve au pied de l'arbre, dans la mousse ou les herbes
sèches. 11 faut bien remarquer que ce genre à cocon presque nul est
cependant voisin du genre Attacus à cocons très soyeux. Cela confirme
cette loi qu'il existe bien rarement un caractère réellement domi-
nateur.
.%TTACi;s, Linn. (syn., Saturnia, Schrank). — Antennes bipectinées, à larges
lamelles chez .les mâles, bien moins développées le plus souvent chez les fe-
melles ; spiritrompe très rudimentaire ; corps épaia, laineux ; les quatre ailes le
plus souvent grandes et larges, chacune avec une tache vitrée subcentrale, plus
ou moins transparente, de forme variable. — Chenilles munies ta tous leurs âges
de tubercules arrondis, d'où partent des poils ou des épines rameuses, se ren-
fermant pour se chrysalider dans des cocons soyeux et incrustés, tantôt fermés
aux deux pôles, tantôt ouverts en nasse à l'un d'eux, assez souvent avec un pé-
dicule d'attache au bout opposé à celui de la sortie du papillon.
Le grand genre Attacus ou Saturnia a été subdivisé en un assez
grand nombre de genres, auxquels nous n'accorderons que la valeur
de sous -genres. Dans le type propre Saturnia se trouvent d'abord les
deux principales espèces d'Kurope. L'^. Pavonia major, Linn., Esp.,
Fabr., syn. : piri, cat. de Vienne; le Grand Paon, de Geoffroy et d'En-
gramelle, est le plus grand des papillons d'Europe. Envergure du mâle
110 à 120 millimètres; antennes d'un jaune un peu tanné ; thorax brun,
avec un collier antérieur d'un blanc roussâlre, comme la côte de l'aile
supérieure ; les quatre ailes d'un gris plus ou moins roussâtre, bordées
de blanc jaunâtre, les antérieures arrondies au sommet, avec les
espaces terminaux d'un blanc sale ou jaunâtre au sommet, d'un brun
^76 LÉPl'JMPTi KES.
noiriître à l'extrémité inférieure ; chacune a sur le disque un œil
enfermé dans un cercle noir, avec la prunelle en croissant et presque
transparente, l'iris, d'un fauve obscur, est entouré du côté du corps de
l'insecte d'un arc blanc, embrassé lui-même extérieurement par une
demi-circonférence d'un rouge pourpre ; extérieurement à ces yeux, et
les enfermant, serpentent sur les ailes deux lignes obliques et polyan-
guleuses, noirâtres, lavées de rougeâtre; anneaux de l'abdomen d'un
gris cendré un peu jaunâtre; le dessous plus clair, sans espace noirâtre
aux ailes supérieures; femelle pareille, mais plus grande, avec les
antennes biciliées. L'adulte varie très peu; c'est à peine si l'on trouve
de très légères différences dans les sujets éclos par centaines des che-
nilles recueillies et aisées à élever. Uuponchel cite une très rare aber-
ration qu'il avait trouvée d'une éclosion spontanée dans le parc de
Vanves près Paris : c'était un mâle, avec le fond des ailes presque
entièrement noir, la bordure plus sombre extérieurement, les deux
lignes obliques qui renferment les yeux, la demi-circonférence ordinai-
rement rouge de ceux-ci et les arcs du sommet des ailes supérieures
d'un bleu violet. La chenille à toute sa taille est longue de plus de
80 millimètres, d'un vert teridre, avec des tubercules d'un bleu de tur-
quoise et de chacun desquels s'élèvent sept poils noirs et raides, iné-
gaux, disposés en étoile et dont celui du milieu, beaucoup plus long
que les autres, se termine par un petit bouton ou massue, et rappelle
ainsi l'antenne d'un Rhopalocère.
Les tubercules sont au nombre de quatre sur le premier et sur la
dernier anneau, de six sur tous les autres. Les pattes écailleuses sont
fauves, les pattes membraneuses vertes, avec une lunule noire placée
au-dessus de la couronne qui est ferrugineuse. Les stigmates sont
blancs et bordés de noir; le clapet anal et l'arrière des deux pattes
membraneuses postérieures sont d'un rouge brun luisant. Avant la
première mue la jeune chenille était noirâtre ou d'un bleu foncé
avec les tubercules rougeâtres. Dans les jours qui précèdent la filature
du cocon, dans le courant d'août, le corps de la chenille passe au
jaune sale. Le cocon est filé sous les rebords des murs et des toits,
sous les bosselures des écorces ou aux fourches des grosses branches
des arbres, au pied des arbres entre les mousses ou les herbes sèches.
Ce cocon est brun, très dur et très gommé, en forme de poire, avec le
petit bout fermé par des fils élastiques repliés et convergeant vers
l'intérieur de façon à laisser sortir le papillon, à l'inverse des brins
d'osier formant les ouvertures d'une nasse à poissons. La chrysalide
que termine postérieurement un petit bouquet de poils raides et iné-
gaux, est cylindroïde, brune, avec le fourreau des antennes, le haut
du thorax et les incisions de l'abdomen plus clairs.
C'est en général au bout d'environ neuf mois, à la fin d'avril ou dans
la première semaine de mai, que l'adulte éclôt; parfois des sujets retar-
dé;^ paraissent en septembre ou même au printemps de la seconde
ATT A eus. hll
année, el parfois môme après plusieurs années. La femelle pond des
oeufs sphéroïdes, blanchâtres, collés sur le support au moyen d'une glu
bleuâtre. M. J. Fallou a très bien observé comment s'opère cette ponte
en liberté. Après avoir constaté certains préparatifs qui lui parurent
laborieux, il vit la femelle voltiger au-dessus d'un noyer sur lequel
elle avait été posée et ne pas paraître disposée à y pondre ; on la trans-
porta ensuite sur un cerisier, dont elle ne parut pas s'accommoder
davantage. Sachant que cette espèce vit ordinairement sur le poirier,
ou sur l'orme, ou sur le frêne, M. J. Fallou transporta la femelle sur
un poirier de son jardin; il la vit alors chercher les endroits conve-
nables. Elle choisit le dessous des premiers coursons près de la tige
principale, ne déposant que de sept à onze œufs par chaque courson ;
la ponte, ainsi disséminée par petits tas, fut achevée au bout d'une
heure et demie et se composait en tout de soixante-quinze œufs envi-
ron. 11 est probable que beaucoup d'Attaciens exotiques doivent agir
de même et que leur instinct les porte à chercher, pour y déposer
leurs œufs, la plante sur laquelle doivent vivre les jeunes chenilles.
Ainsi s'explique la ponte souvent difficile de ces espèces élevées en
captivilé, et l'utilité de présenter aux femelles fécondées, quand on le
peut, des rameaux des espèces préférées par leurs chenilles.
Les chenilles de l'Attacun pirl sortent promptement des œufs et sont
polyphages avec prédilection de certains végétaux, ainsi les arbres
fruitiers et surtout le poirier et les ormes; on les rencontre aussi près
de Paris et à Paris même, sur les platanes de certaines avenues. L'es-
pèce remonte peu au delà de Paris; on la trouve encore à Compiègne,
n^.ais non dans l'extrême nord de la France, ni dans le nord-est, ni en
Angleterre. Des amateurs ont cherché à acclimater l'espèce aux environs
de Valenciennes et de Lille, mais sans réussir. L'espèce manque en
JSelgique, mais a été indiquée de Hollande. Parfois, rarement il est vrai,
l'énorme chenille du Grand Paon est nuisible aux poiriers ; il faut alors
la détruire et écraser les papillons femelles; d'ordinaire ces chenilles ne
sont pas assez nombreuses sur le môme arbre pour causer du dom-
mage; c'est en observant en juillet les énormes crottins qui tombent
sur le sol au pied des arbres qu'on s'assure qu'il y a des chenilles,
faciles à recueillir et à amener à faire leur cocon en les plaçant cha-
cune dans un cornet de papier rugueux. La soie est brune et très
incrustée, assez abondante par cocon, mais trop grossière pour être
réellement utilisable. J'ai vu autrefois, dans la collection publique
de Lépidoptères du Muséum, faite par M. Latreille, une paire de gants
bruns tricotés avec de la soie cardée du Grand Paon.
Une seconde espèce, également commune, est l'A. Pavonia minor,
Linn., Esp,, Fabr., syn. : corpmi,. cat. de Vienne, le Petit Paon, Geof-
froy, le Petit Paon de nuit, Engrara., le seul Attacien d'Angleterre,
the Ëmperor Moth. Ici les deux sexes diffèrent beaucoup l'un de l'autre
par la couleur du fond des ailes, mais se ressemblent par les dessins et
^^78 LÉPIDOPTÈRES.
les fâches ocellées; envergure du mâle 60 millimètres; antennes très
pectinées de chaque côté de la tige et d'un brun tanné; corps d'un
brun légèrement tanné, avec les anneaux de l'abdomen un peu plus
clairs en dessus, d'un gris blanchâtre en dessous ; ailes supérieures d'un
brun nébuleux en dessus, sablé de rougeâtre dans son milieu, tandis
que le dessous est jaunâtre, avec bordure blanchâtre intérieurement,
obscurcie extérieurement, une tache cramoisie au sommet sur laquelle
est un chevron blanc, convexe en dehors et embrassant un gros point
noir ovale ; un œil central entouré de blanc dessus et dessous, bordé
d'un cercle noir et plus en dedans d'un cercle rouge incomplet; ailes
inférieures d'un jaune fauve en dessus, d'un rouge vineux en dessous,
la bordure souvent lavée de rouge, l'œil médian pareil en dessous à
celui de l'aile supérieure, manquant en dessus de la tache blanche; les
deux yeux de chaque côté sont enfermés entre deux lignes obliques
sinueuses; femelle beaucoup plus grande (70 à 80 millimètres d'en-
vergure), ressemblant à celle du Grand Paon très rapetissée, d'un gris
cendré plus ou moins foncé, quelquefois d'un gris rosé, quelquefois
avec la bordure des secondes ailes lavée de rouge, les dessins et les
yeux comme ceux du mâle; chenille cà toute sa taille d'un vert pomme
foncé, et elle a sur chaque anneau une bande transverse, d'un noir de
velours, sur laquelle sont des tubercules tantôt roses, tantôt orangés,
selon les sujets, et de chacun desquels partent sept poils noirs,
raides et inégaux; la couleur différente de ces tubercules n'est pas
liée à la sexualité, car on obtient indistinctement des mâles et des
femelles des individus à tubercules roses ou orangés; les tubercules
sont alignés sur le dos de la chenille, deux sur la bande du premier
anneau, quatre sur le dernier, six sur tous les autres; d'après Dupon-
chel, ces tubercules laissent échapper, quand on les touche, des gout-
telettes d'une liqueur claire et fétide; ils sont munis de sept épines
noires, raides, courtes et d'inégales longueurs, mais non terminées
par un bouton; pattes écailleuses d'un brun tanné, pattes membra-
neuses vertes, avec une lunule noire au-dessus de la couronne ; stig-
mates fauves et clapet anal du même vert que le fond du corps ; au
premier âge les chenilles sont d'un noir brun, avec une ligne orangée
étendue en long de chaque côté, de sorte que, en raison des poils épi-
neux de leurs tubercules, on les confondait aisément avec des chenilles
de Vanesses ou de Mélitées.
Les chenilles du Petit Paon de nuit vivent en société jusqu'à la fin
de la seconde mue, puis se dispersent et vivent isolées après la troi-
sième; on les trouve, du commencement de mai à la fin de juillet, sur
la ronce, le prunellier et rarement le prunier cultivé, le chêne, l'orme,
le hêtre, le charme, rarement la bourdaine, le frêne, le bouleau, le
saule et l'osier, enfin sur le genêt et la bruyère quand elles approchent
du terme de leur croissance; en captivité on les élève très bien avec
des feuilles de fraisier, de pommier et de poirier. Quoique ces chenilles
ATTACUS. /l79
soient plus communes que celles du Grand Paon, elles ne sont pas
nuisibles et vivent surtout sur des arbres et des arbustes des bois et des
haies; 'vers la fin de juillet, elles filent, dans les buissons ou entre les
branches des arbres nourriciers, des cocons piriformes et ouverts en
nasse à un bout, comme ceux du Grand Paon, pi. xciv, fig. 3; la soie est
plus fine, mais moins abondante; le cocon, d'abord presque blanc, devient
ensuite roussâtre à la fin de sa filature, par une gomme que dégorge
alors la chenille. Je possède un douppion de cette espùce filé par deux
chenilles associées; la chrysalide, pi. xciv, fig. 3 a, est d'un noir brun
avec les bords des étuis des ailes, des antennes et des yeux et les incisions
abdominales ferrugineux; elle a l'anus terminé par un bouquet de poils
raides, dont les intermédiaires sont les plus longs, tandis que, chez la
chrysalide du Grand Paon, les poils du milieu de ce bouquet sont plus
courts que ceux des côtés, le papillon, qui se trouve dans toute la France,
éclôt vers la fin de mars ou au comencement d'avril de l'année suivante,
la chrysalide ayant passé l'hiver ; parfois elle demeure deux ou trois ans
avant de produire l'adulte. La femelle, dans le courant d'avril, pond ses
œufs, au nombre de plus de cent, sous la forme d'un amas annulaire
grossier autour d'une branche, soit de ronce, soit d'autre arbre à la lisière
des bois, sans la régularité de la bague spiralée du Bombyx Neustria.
Une troisième espèce, qui ne paraît pas exister en France, est l'.i.
Pavonia média, Fabr.,syn. : spini, Hubner, le Moyen Paon d'Engramelle,
dont les deux sexes se rapprochent beaucoup du Grand Paon, avec le-
quel ils produisent des hybrides. La taille est moindre, les antennes du
mâle plus longues et moins pointues, les yeux du milieu des ailes dé-
pourvus de l'arc blanc placé avant la demi-circonférence rouge. La che-
nille, qui vit sur le prunier épineux et sur le pommier sauvage, est
noire ou d'un brun noirâtre; avant la troisième mue, ses tubercules
sont d'un bleu pâle avec les poils jaunâtres, puis ils deviennent d'un
jaune orangé, ainsi que leurs poils et le clapet anal ; chrysalide et co-
con analogues à ceux d'^. piri, ce dernier plus pâle ; mêmes époques
d'éclosion et de transformations; de Hongrie, d'Autriche et du midi de
la Russie. Une autre espèce est très localisée et très rare, surtout main-
tenant, la plupart des éleveurs ayant perdu la race ; c'est VA. Cœcigena,
Hubner, de Dalmatie, dont la chenille vit sur le chêne et dont le papil-
lon sort du cocon en automne de la même année; les antennes sont
d'un jaune ferrugineux chez le mâle qui a les quatre ailes jaunes avec
la côte rose ainsi que des bandes transversales mal limitées de la même
couleur; en outre, elles sont traversées par deux lignes sinueuses noi-
râtres ou d'un gris violâtre, et entre elles, sur le disque de chaque aile,
se trouve une tache ocellée rose, bordée de noirâtre, marquée au centre
d'un très petit croissant transparent, cet ocelle beaucoup plus petit sur
les ailes inférieures que sur les supérieures; la femelle, plus petite que
le mâle, a les antennes jaunes et les ailes, du même dessin que le mâle,
entièrement lavées de rose, sauf la base et la frange^ qui conservent la
^80 LÉPIDOPTÈRES.
couleur jaune du mâle. L'Europe possède encore une autre espèce d'At-
tacus, également très localisée et très différente des trois Paons de nuit
et dont nous parlerons à propos du curieux sous-genre Actias, Boisd. En
Algérie, 1'^. piri esi remplacé par une très rare espèce, VA. Atlanticus,
Lucas, découverte par M. H. Lucas sur les chênes-lièges du bois du lac
Tonga, dans le cercle de la Galle. La taille est moindre que celle du
Grand Paon ; chez le mâle, les bandes transversales des quatre ailes sont
en dent de scie, l'iris des taches ocellées d'un jaune foncé, embrassé du
côté du corps par trois demi-circonférences, deux rouges et une blan-
che, la bordure blanchâtre des quatre ailes bien plus prononcée que
chez A. piri,le, collier antérieur du thorax d'un beau blanc, l'abdomen
taché de rougeàtre sur les côtés, avec le dernier segment de cette
couleur.
Parmi les Attacus exotiques, nous étudierons seulement les espèces
offrant de l'intérêt par la soie de leurs cocons, et, avant tout, trois es-
pèces asiatiques de l'extrême Orient, du sous-genre Antherea, Hubner,
et qu'on peut appeler les Vers à soie du chêne, diverses espèces du genre
Quercus servant principalement de nourriture à leurs chenilles. La pre-
mière dont nous parlerons est VA. Yama-maï, G. Mén., ou Ver à soie du
chêne du Japon. Cette espèce est univoltine. comme l'est le plus habi-
tuellement le Sericaria mon ; ses œufs, qui sont pondus généralement
de la fin de juillet, à une époque plus ou moins avancée du mois d'août,
du moins dans les éducations faites en Europe, passent l'hiver et don-
nent les petites chenilles au commencement du printemps. Envergure
du mâle 15 à 18 centimètres ; antennes très largement plumeuses, à
peu près de la couleur du fond des ailes; yeux d'un vert glauque, avec
reflet irisé ; ailes étalées à plat au repos, les antérieures assez forte-
ment falquées au sommet, à pointe allongée aiguë, les postérieures ar-
rondies et à contour unisinueux; couleur du fond d'un jaune brillant
en-dessus (du moins dans une des variétés les plus fréquentes), pi. xc.ui,
fig. 8, la côte, très large, d'un gris moucheté de blanc; quelques stries
anguleuses et transversales plus formées sur le premier quart des ailes
à partir de la base ; à peu près au milieu de chacune des quatre ailes se
trouve un œil subtrigone, à angles arrondis, la prunelle centrale vitrée
par absence d'écaillés, entourée d'un iris rougeàtre, puis d'un arc con-
cenlrique blanc du côté du corps, d'un arc noir du côté externe, enfin
d'un arc rouge extérieur à l'arc blanc; dans son ensemble l'œil mesure
de 6 à 8 millimètres de diamètre, selon les sujets, un peu plus grand
sur les ailes inférieures que sur les supérieures; entre les yeux et le
bord externe s'étend transversalement sur les quatre ailes une étroite
bande blanchâtre, bordée intérieurement de gris noirâtre et souvent
extérieurement de lilas rosé, cette bande partant à peu près du sommet
sur l'aile supérieure pour aboutir au bord interne à peu près au quart
de sa longueur, et suivant, sur les ailes inférieures, à peu près le con-
tour du bord externe, au quart environ de la hauteur de l'aile ; des-
ATTACUS. 481
SOUS des ailes jaunâtre, un peu lavé de deux ou trois bandes plus fon-
cées et de macules d'un gris noirâtre, les yeux reproduits vaguement,
avec la partie vitrée très visible ; corps de la couleur des ailes dans les
diverses variétés ; pattes courtes avec des poils de la couleur du corps,
les tarses d'un brun noir, ainsi que les deux crochets assez courts qui
les terminent; Cemelle à antennes seulement bipectinées, à barbes
courtes et non plumeuses ; les ailes, ordinairement plus grandes que
chez le mâle, ont la coupe des supérieures moins échancrée au bord
externe près du sommet, les inférieures plus larges, l'abdomen plus
gros et plus long ; mêmes ocelles des ailes, mêmes bandes et stries
angulaires que chez le mâle. Le papillon de 1'^. Yama-maï varie d'une
manière considérable pour la couleur du fond, au point qu'en collec-
tion une centaine d'individus serait nécessaire pour donner une gamme
complète des couleurs. La plupart des femelles ont le fond des ailes
d'un beau jaune citron, comme l'indique notre description, cette cou-
leur étant au contraire assez rare dans les mâles; les mâles ont le plus
souvent les ailes d'un gris un peu jaunâtre, ce qui est au contraire peu
fréquent chez les femelles ; les mâles sont parfois rougeâfres et très
rarement les femelles; enfin on obtient, mais rarement, des mâles dont
le fond des ailes est couleur lie de vin.
Les œufs de VA. Yama-maï sont subsphéroïdaux, un peu aplatis,
convexes sur les deux formes, cet aplatissement s'exagérant dans les
œufs non fécondés ; ils sont d'un blanc très légèrement grisâtre, cette
couleur ordinairement masquée par un enduit gommeux d'un brun
foncé, servant à fixer l'œuf sur les petites branches de chêne; la coque
est opaque et friable, quand elle est sèche, comme celle d'un œuf d'oi-
seau très mince; la surface extérieure, examinée à la loupe, est fine-
ment ponctuée, ce qui est dû aux pores destinés à laisser passer l'air.
La petite chenille est toute formée dans l'œuf, un mois à peine après la
ponte, par conséquent bien avant l'hiver, et aucun changement de
forme ou de couleur de l'œuf ne fait pressentir le moment de l'éclosion
qui a lieu du commencement à la fin d'avril selon le climat, en rapport
avec l'épanouissement des bourgeons de chêne; le retard étant ou na-
turel et amené par le climat à la suite de nombreuses années d'éduca-
tion, comme cela a eu lieu à Metz dans les élevages de M. Saulcy, ou
bien le retard étant dû à un glaçage artificiel des œufs, dès qu'on peut
redouter l'influence des premières chaleurs du printemps, qui amène-
raient des Gclosions prématurées et suivies de la mort des chenilles.,
avant l'apparition des premières feuilles de chêne, le plus tardif de nos
arbres forestiers. Lorsque, après l'hiver, les conditions de température
et d'humidité sont devenues favorables, la jeune chenille ronge sa coque
au micropyle, ce qui lui procure un premier repas, et produit ainsi un
trou circulaire delà grosseur de son corps par lequel elle sort et gros-
sit promptement par son contact à l'air; elle est vagabonde, semblant
avoir besoin d'un exercice continu pour favoriser sa respiration. Les
GIRARD. m. — 31
482 LÉPIDOPTÈRES.
tubercules, d'abord nuls ou peu prononcés, se soulèvent en relief et
leurs poils se redressent et divergent, de façon à entourer à peu près
tout le corps. Ils étaient d'abord couchés en avant autour de la tête, cou-
chés en arrière sur le reste du corps. La jeune chenille s'arrête de
temps en temps, et, redressant la moitié antérieure de son corps, la re-
jette complètement en arrière sur la moitié postérieure; ainsi pliée en
deux, elle roule, dos à dos, les deux régions de son épiderme l'une sur
l'autre, et, par ce frottement, arrive à redresser les tubercules et les
poils avant que la surface de son corps soit entièrement sèche, ce
qui maintiendrait les poils collés à la peau; cette manœuvre est, au
reste, celle de toutes les jeunes chenilles poilues dès la naissance. A la
sortie de l'œuf, le jeune Ver, mesuré pendant la marche, a 8 à 10 mil-
limètres de longueur ; la tête est d'un roux brun, ainsi que le premier
segment du thorax et les pattes écailleuses, le reste du corps d'un jaune
plus ou moins vif; du second au onzième anneau, régnent sept lignes
noires ou d'un brun fonce', passant par la base des tubercules, et le
douzième segment présente trois taches, noires ou brunes ; les tubercules
saillants surmontés de poils, au nombre de six, du segment 2 au seg-
ment 11, les quatre supérieurs jaunes, les inférieurs noirs, le segment
12 n'ayant que quatre tubercules jaunes bien développés. Au bout de
dix jours environ, la chenille se fixe à une nervure de feuille par un peu
de bave soyeuse, au moyen des pattes anales, rentre la tête dans le cou
et reste immobile, fortement contractée. Après un sommeil variant de
quarante-huit à soixante heures, selon la température, s'opère la pre-
mière mue. La chenille au second âge a environ 14 millim. de longueur ;
elle est d'un vert clair avec une ligne stigmatale jaunâtre ; tous les tu-
bercules sont devenus jaunes, les pattes écailleuses, le bord des pattes
membraneuses, et les taches du douzième segment sont d'un roux brun,
la tête restant d'un roux plus foncé, presque couleur de brique, les
tubercules latéraux inférieurs commencent à prendre une teinte bleue.
Au bout de douze jours environ, dont trois de sommeil, se produit la
seconde mue. Au troisième âge, le Ver a environ 35 millimètres de
long; la tête est rousse, teintée de vert au milieu du front, la robe en-
tière d'un vert clair avec les stigmates jaunes, les pattes écailleuses
et les bords des pattes membraneuses d'un roux foncé, les tubercules
jaunes, sauf ceux de chaque rang latéral inférieur qui sont d'un beau
bleu; les teintes sont moins intenses, plus fondues chez les Vers ayant
déjà plusieurs générations européennes que chez ceux d'importation
japonaise directe. Les segments 2, 3, à, se renflent, de sorte que la
chenille, vue de front, semble prismatique; cette particularité se
conserve, en devenant plus accentuée, dans la suite des âges.
Le Ver, après dix à onze jours de nourriture, s'endort pendant
soixante à soixante-douze heures, et opère sa troisième mue. Au com-
mencement du quatrième âge, la chenille n'a guère plus de /jS milli-
mètres de longueur, mais elle triple de volume pendant cet âge. Elle
ATTACUS. 48 S
est d'un beau vert, un peu transparent; la peau se gontle beaucoup, de
sorte que les tubercules disparaissent presque entièrement. Du qua-
trième au onzième segment règne une étroite bande stigmatale jau-
nâtre qui aboutit à une grande tache brune triangulaire située de
chaque côté du dernier segment, la tète et le bord des pattes membra-
neuses sont encore d'un brun roussâtre lavé de vert, et, de chaque côté,
sur les segments 5 et souvent 6, au-dessus du stigmate, on observe une
belle tache de couleur argentée et d'un reflet métallique; dans les Vers
qui ont eu plusieurs générations en France, les points métalliques
manquent, la bande stigmatale est à peine indiquée, et ces décolora-
tions me semblent indiquer un commencement de dégénérescence. Les
tubercules latéraux sont d'un bleu foncé et des taches de même cou-
leur, fondues de vert sombre, se montrent souvent vers la naissance
des pattes membraneuses. Cet âge dure environ dix-sept jours, dont
quatre pour le sommeil qui précède la quatrième mue,qui est la plus pé-
nible et la plus douloureuse. Au cinquième âge, le Ver devient énorme
et atteint juqu'à 90 et 95 millimètres de longueur, avec une grosseur
proportionnée ; la couleur est d'un beau vert un peu pâle, les tuber-
cules ont disparu sous la turgescence de la peau. Dans les chenilles
provenant d'œufs importés directement du Japon, les points métalliques
argentés se font remarquer de chaque côté du corps, au nombre de
trois, quatre et jusqu'à sept, un par segment d'un côté, et restent nuls
ou rudimentaires chez les individus français. Au bout de seize à dix-
huit jours, selon la température, la chenille, après avoir considérable-
ment mangé, devient translucide, d'un vert pâle et presque jaunâtre, à
mesure qu'approche le moment où elle doit filer. Elle se montre très
vagabonde, cherchant un endroit propice pour attacher son cocon; son
choix fait, elle se vide, en rendant une grosse goutte d'un liquide trans-
parent, et, pliant en long une large feuille de chêne, ou en réunissant
deux ou trois feuilles pour se garantir du jour, elle les tapisse d'un ré-
seau de bave ou soie grossière, les attache à la branche avec un cordon
court, aplati, formé de quelques brins de soie, et se met à filer sans re-
pos; le pédicule soyeux d'attache devient souvent rudimentaire ou nul.
Le cocon del'^. Yama-mat e&t celui qui se rapproche le plus de celui
du Sericaria mort, dont il a souvent même toute l'apparence, de forme
oblongue allongée, complètement fermé aux deux bouts et d'une belle
couleur jaune dorée, et plus souvent jaune verdàtre, rappelant les co-
cons dits céladons du Ver à soie du mûrier (pi. xciii, fig. 9). Il est sensi-
blement plus gros que celui de cette dernière espèce, ayant de Z|5 à
53 millimètres de longueur, 23 à 27 en diamètre équatorial. Le Ver
commence à tisser tout autour de lui un réseau transparent, à travers
les mailles duquel on le voit travailler, et qui devient opaque en s'é-
paississant, à mesure que de nouvelles couches de fil sont ajoutées aux
premières. Le fil, composé d'un double fil, en raison des deux glandes
séricigènes donnant chacune un fil s'accolant à son congénère dans la
USU tfePlDOPTÈREF.
filière de la chenille, a de 800 a 1000 mètres de longueur, faisant à peu
près uniformément le tour du cocon dans les couches extérieures, tan-
dis que dans les internes, il forme des circuits plus ou moins nombreux à
un bout, avant de passer a l'autre extrémité où la même disposition se re-
produit. Cette particularité a pour objet d'accélérer le travail en déran-
geant moins le Ver et de faciliter la sortie du papillon, en permettant
aux fils qu'il désagrège, lors de son éclosion, de se développer en lon-
gueur, de se distendre, pour ne pas entraver le passage du corps de
l'insecte. iJ'un vert plus ou moins foncé ou d'un beau jaune verdâtre
dans les couches extérieures, ce fil passe au blanc d'argent dans les cou-
ches internes et devient aussi plus fin et plus brillant. Un cocon femelle
du Ver du chêne, avec sa chrysalide, pèse en moyenne de 7 à 8 gram-
mes, tandis que le cocon du Ver du mûrier ne pèse que 2,5 à 3 grammes.
Le cocon vide de la première espèce pèse de 70 à 80 centigrammes, celui
du Ver du mûrier 25 à 35 centigrammes seulement. La gomme qui in-
cruste le cocon de 1'^. Yama-mài est assez épaisse, mais se ramollit très
bien à l'eau bouillante. Ce cocon se dévide aussi aisément que celui du
Sericaria mori et exige seulement une eau plus chaude ; la gomme ne
se dissolvant pas complètement, deux ou plusieurs brins peuvent s'as-
socier par la croisade, de façon à donner un fil unique de soie grège. La
soie est d'un brin moins fin que celle du Ver du mûrier, mais elle a,
après décreusage, autant de brillant, de souplesse et d'élasticité, de sorte
qu'en dévidant à trois ou quatre cocons on aura une grège analogue à
celle du Ver à soie ordinaire dévidé à huit ou dix cocons, et cette soie
devient aussi blanche par les opérations d'usage. Elle est très estimée
au Japon, et employée, pour les parties blanches, dans les crêpes de
soie japonais, si recherchés en Europe; aussi la culture de ce Ver du
chêne constitue un monopole dont le gouvernement du .lapon est extrê-
mement jaloux, et le kilogramme de cette soie se paye sur le marché de
Yokohama de 75 à 83 francs, d'après M. Pompe van Meerdervoorl, prix
très peu intérieur à celui des plus belles soies du mûrier. La couche su-
perticielle du cocon n'est pas dévidable ; c'est de la bourre qui ne peut
s'utiliser qu'en filoselle, aprèscardage. A la séance de la Société d'accli-
matation du 21 janvier 1881, ont été présentées de fort belles dentelles
de soie fabriquées à Bruxelles avec la soie grège de VA. Yama-niaï, pro-
venant des éducations faites dans ce pays par M""' veuve Simon et
M. Simon fils, et ces personnes la déclarent préférable pour cet usage à
la soie du Sericaria mori. Au Japon, on fabrique avec la soie du Yama-
maVdes tissus très solides, dans lesquels entrent quelquefois des matières
Éextiles d'un prix moins élevé, principalement du coton.
Le Ver file pendant quatre ou cinq jours, en se rapetissant peu à peu
dans les limites de son étroite prison, puis demeure immobile pendant
cinq à six jours, au bout desquels il devient chrysalide, d'abord molle
et blanchâtre, se séchant peu à peu par le contact de l'air qui tiltre à
travers le cocon, prenant une teinte roussùtre, puis bistrée, enfin d'un
ATTACUS. 485
brun noir, deux ou trois jours après la transformation. D'après la sus-
pension môme du cocon, la chrysalide s'y trouve placée à peu près ver-
ticalement, la tête en haut, ayant à la partie antérieure un réservoir
plein d'une liqueur particulière destinée à dissoudre la gomme du co-
con, à en ramollir les fils et à humecter le corps du papillon pour lui
permettre de se frayer un passage au travers de sa prison. L'éclosion du
papillon a lieu environ quarante jours après que le cocon a été com-
mencé par la chenille, au mois d'août habituellement chez nous, plus
ou moins tôt, suivant l'époque d'éclosion des œufs et selon les tempé-
ratures du printemps et de l'été.
La chenille de 1'^. Yama-mai est réellement polyphage,mais avec un
végétal de prédilection, constitué par les diverses espèces du genre
Quercus. Les meilleures espèces dans l'Europe centrale sont le chêne
blanc {Quercus pedunculata), commun dans toute la France, l'espèce do.
minante du nord de la France, de la Normandie, des environs de Paris,
dont les feuilles sont les plus précoces; le chêne pubescent (Qwercus pu-
bescens), à feuilles un peu velues dans leur jeunesse et qui croît plus par-
ticulièrement dans les terrains calcaires, aux expositions méridionales ;
le Quercus sessiliflora ou Quercus robur, le chêne rouvre, essence domi.
nante des forêts du centre de la France, à feuilles d'un vert sombre,
lisses et luisantes, conservant longtemps leur fraîcheur après avoir été
cueillies; le Quercus Cerris, à feuilles distantes les unes des autres; le
Quercus Tauza ou chêne Tauzin, chêne noir, propre à l'Angoumois et au
sud-ouest de la France; le chêne vert {Quercus ikx) et le chêne-liège
{Quercus suber) sont moins favorables aux éducations de VA. Yama-maï,
à cause de la dureté de leurs feuilles dès le milieu du printemps. Au
Japon, la chenille se nourrit de plusieurs chênes spéciaux, qui sont le
chêne blanc ou farineux, et surtout le Quercus dentata et le Quercus ser-
ruUi, Thunberg, chênes dont les feuilles ont un aspect de feuilles de
châtaignier; les chenilles nourries avec les feuilles des deux premiers
chênes donnent des cocons très fournis en soie, la dernière espèce de
chêne fournissant des cocons moelleux, forts et d'un fil supérieur. On a
pu élever jusqu'au coconnage les chenilles de 1'^. Yama-maï avec les
feuilles du coignassier commun; elles mangent aussi les feuilles de
l'alisier, de l'azérolier, du Pliotinia g labr a de Chine; au premier âge,
quand les feuilles de chêne ne sont pas encore parues, on a pu alimen-
ter les chenilles avec les fleurs rouges du coignassier du Japon ; en-
fin, au dernier âge, on en a vu mangeant les feuilles de châtaignier. En
général, les chenilles âgées, à estomac plus robuste, supporteront mieux
le changement de nourriture.
I;e Japon est le pays d'origine de VA. Yama-maï, mot japonais qui
veut dire Ver de montagne, et son éducation se fait dans diverses régions
de ce vaste pays par des procédés tout à fait analogues à ceux qui ont
été employés en Europe, depuis l'acclimatation plus ou moins complète
de cette précieuse espèce. Un premier mode d'élevage est celui sur
486 LÉPIDOPTÈRES.
branches de chêne en baquets et convient surtout aux trois premiers
âges. Vers le milieu du mois d'avril on établit, sous des arbres élevés
donnant de l'ombre avec circulation d'air, des hangars entourés de
paillassons et de joncs, et au milieu, sous une estrade de bois, sont dis-
posés des baquets munis d'un couvercle, avec des trous au milieu.
Contre le fond de chaque baquet est établi un tuyau bouché, permet-
tant de faire écouler l'eau du baquet, qui doit être renouvelée tous les
deux jours. Sur l'estrade el sur de légers paillassons de paille fine, sont
déposés les œufs dans de petits godets de bois. Dès que les chenilles
viennent à éclore, on place des brandies de chêne dans les trous d'un
nombre de baquets convenable, et, ouvrant le paillasson, on attache un
godet à œufs à une des branches du bouquet de chaque baquet. Au
bout de trois jours, on enlève la branche chargée de jeunes chenilles
que les Japonais nomment petits chevelus, à cause de leur aspect, ou la
couche sur un paillasson avec beaucoup de précautions pour ne pas
blesser les chenilles, et l'on applique par-dessus une branche fraîche sur
laquelle les chenilles passent d'elles-mêmes en une demi-journée envi-
ron. On remet la branche dans le trou du couvercle du baquet, en ayant
bien soin de ne jamais toucher les chenilles avec les doigts. En temps
secs, on fait plusieurs arrosages par jour avec une fine pluie artificielle
obtenue à l'arrosoir ou avec un tuyau de bambou percé de petits trous-
A partir de la seconde mue on peut enlever les paillassons qui couvrent
les hangars quand il pleut, ces pluies du mois de mai étant favorables à
la chenille. La clôture et la couverture des hangars au moyen de pail-
lassons ayant surtout pour objet de garantir les chenilles contre les oi-
seaux, les guêpes et d'autres insectes nuisibles, on enlève ces paillas-
sons de temps à autre pour aérer les Vers. A mesure que la chenille
grandit, le nombre des baquets requis augmente à chaque renouvel-
lement des branches; tandis qu'au début on compte cinq cents
chenilles par baquet, le nombre n'en est plus que de cinquante
après la quatrième mue. Au bout de soixante jours environ, et plus
même si la contrée est froide, les chenilles commencent à filer leurs
cocons.
Un autre mode d'éducation, qui au fond diffère peu du précédent, est
l'éducation sur le sol, se pratiquant sur les chenilles qui ont subi la
troisième mue. On forme des fosses d'environ un demi-mètre de profon-
deur qu'on remplit de balles de riz imbibées d'eau et qu'on recouvre
d'un paillasson; à traversée paillasson on enfonce jusqu'au fond de la
fosse les branches de chêne sur lesquelles on place les chenilles, en y
attachant les branches sur lesquelles elles se trouvent déjà. Chaque jour
on renouvelle largement l'eau de la fosse, afin que le feuillage se con-
serve longtemps frais. On renouvelle les branches en y faisant monter
les chenilles, comme dans le procédé précédent. On ne met plus de
couverture sur l'enclos, les chenilles pouvant supporter la pluie.
Enfin vient l'éducation libre dans les champs elles forêts. Là où elle est
A.TTACUS. 487
pratiquée, après la troisième mue, on nettoie àl'avance l'emplacement des
herbes, arbrisseaux et arbres impropres à nourrir la chenille du Yama-
mat. On coupe les branches de chêne trop élevées des arbres de haute
tige, de manière à ne conserver de branches qu'à une hauteur de moins
de trois mètres, afin qu'on puisse toujours aisément atteindre les bran-
ches où seront les chenilles et les cocons. Si l'endroit choisi est dans le
voisinage des habitations, on veillera surtout à le garantir de la fumée
des cuisines. Les chenilles se transportent d'elles-mêmes et rapidement
sur les taillis de chênes, lorsqu'on y attache les branches détachées sur
lesquelles elles se trouvent. Pour empêcher les attaques des fourmis,
on mouille le bas des tiges avec la gelée visqueuse d'une espèce de
varech, et l'on fait garder les arbustes contre les oiseaux par des sur-
veillants. Quand les cocons sont formés, il faut les défendre contre les
souris, les corbeaux et les renards. On coupe les branches chargées de
cocons et on les suspend à des cordes tendues. Au centre de l'île de
Niphon, dans la province de Sinshiu, on élève uniquement VA. Yama-
maï en plein air, et sur le Quercus serrata, ou chêne à feuille de châ-
taignier, dont les plantations s'étendent dans toute la vallée. Elles sont
faites très serrées, et l'on recèpe les arbres tous les cinq ans, atin d'a-
voir constamment de jeunes pousses. Les semis se font en pépinières.
Le terrain est léger et sablonneux, le climat assez froid, car les feuilles
sont souvent atteintes par la gelée. Dès que les bourgeons du chêne se
sont développés, les œufs sont collés par dix environ à la fois, avec de
la farine de sarrasin, sur des bandes de papier de 15 centimètres de
long sur 1 centimètre de large, et ces bandes sont nouées aux branches,
les œufs en dehors et non contre l'écorce et exposés au nord, afin d'é-
viter l'action des rayons solaires. L'éclosion de la graine commence au
bout de quatre à cinq jours et dure à peu près autant. Au sortir de
l'œuf, les jeunes chenilles gagnent immédiatement les feuilles des
arbres. On compte une soixantaine de jours entre l'éclosion de la graine
et la confection du cocon, période pendant laquelle la chenille reste
constamment à l'air libre et y subit ses quatre mues. Trois jours après
que la filature du cocon est entièrement terminée, sa partie inférieure
prend une teinte blanchâtre, due à une sécrétion urique de la chenille,
qui avide ses glandes séricigènes. C'est alors que les cocons sont enle-
vés des arbres, avec les feuilles auxquelles ils adhèrent, et même, au
besoin, avec un petit morceau de la branche. On les apporte dans les
habitations pour les élaler sur des tablettes ou dans des corbeilles plates,
où on les conserve à l'abri de toute fumée. Au bout d'une dizaine de
jours, après avoir détaché les feuilles adhérentes, on secoue les cocons
un à un, en les tenant entre les doigts par les deux bouts, afin de s'as-
surer de la vitalité de la chrysalide d'après le bruit. On réserve pour le
grainage les plus beaux cocons à chrysalides vivantes; tous les autres,
destinés au dévidage, sont séchés à la chaleur d'un brasier de charbon.
Dans d'autres localités du Japon, c'est au moyen d'étuves à vapeur d'eau
Zl88 LÉPIDOPTÈRES.
bouillante qu'on tue les chrysalides des cocon de dëvidage, moyen
beaucoup moins bon que l'étoufFage à l'air chaud.
N'importe de quelle manière ait été faite l'éducation, les papillons
sortent environ vingt-cinq jours après la confection des cocons, à une
époque variable selon la température, parfois même après le 1^' sep-
tembre. Ils font généralement leur apparition entre quatre heures du
soir et la nuit, et les mâles édosent les premiers en grande majorité.
On les met immédiatement sous des paniers renversés, en treillis de
bambou et en forme de cloche, munis d'un couvercle, et dont le fond
est fermé avec du papier; puis on répartit les femelles entre les mâles,
dans les paniers, au fur et à mesure de leur apparition. L'accouplement
commence dès le soir et dure dix à douze heures. Parfois des mâles
libres arrivent du dehors et s'accouplent, entre les barreaux des cages,
avec les femelles qui y sont renfermées; les accouplements terminés en
peu de jours, on enlève les couvercles. Les mâles s'envolent ou sont re-
tirés et meurent, et on ne laisse dans les paniers de bambou que les
femelles occupées à la ponte et qui déposent leurs œufs sur les treillis
des parois. Les paniers sont mis à l'ombre et arrosés d'une pluie fine
jusqu'à ce que toutes les femelles aient péri. La ponte dure quatre à
cinq jours et le nombre des œufs pondus par chaque femelle varie de
cent cinquante à deux cents. Les cages sont empilées les unes sur les
autres après la ponte et accrochées par rangées sous les rebords du toit
des habitations, où les œufs se trouvent recevoir une ventilation néces-
saire, sans être exposés à la pluie, au soleil ou à la fumée. A la fin de
l'automne on détache avec un grattoir de bambou les œufs collés, sur
les paniers et on les étale dans des plateaux ou tamis en toile de chan-
vre, garnis de rebords de bois, en évitant de mettre plusieurs couches
d'œufs les unes sur les autres. Les tamis sont rangés au-dessus des mai-
sons, de sorte que les œufs sont exposés aux intempéries de l'hiver, la
neige et la pluie ne faisant périr que les petits Vers très chétifs, tandis
que les Vers forts résistent et donnent pour l'année suivante une race
vigoureuse. Certains éducateurs ne détachent pas les œufs des paniers,
mais placent ceux-ci dans des petites cabanes bien aérées, faites avec
de gros paillassons en roseaux. Vers le commencement d'avril, les œufs
sont ramassés et placés dans de petits sacs en toile de chanvre, qu'on
enferme dans des boîtes, aux parois desquelles se trouvent ménagées
des ouvertures pour laisser aux œufs une aération suffisante. Ces boîtes
sont suspendues en plein air, à des arbres par exemple, mais de façon
à ce qu'elles se trouvent constamment à l'ombre; ou bien on les garde
dans un cellier froid, ou bien on les enterre dans un trou profond ; ces
dernières opérations ne sont indispensables que, lorsque le printemps
étant froid, l'apparition des feuilles de chêne se fait attendre, et qu'il
est, par suite, indispensable de retarder l'éclosion des œufs.
Le dévidage des cocons se fait au Japon à l'eau bouillante. Les cocons
de premier choix sont trempés dans l'eau froide pendant vingt minutes,
ATTACUS. 489
de manière à permettre le détachement des fils; on lève les fils d'une
centaine de cocons qu'on attache à une baguette et on les porte dans un
autre bain d'eau qu'on soumet à l'ébullition. On dévide à trois brins
pour les cocons des Vers élevés à l'air libre, à si.v ou sept pour les cocons
des éducations en chambre, à soie plus fine. Les codons de qualité infé-
rieure subissent un décreusage avant d'être dévidés. On les trempe dans
un bain de lessive potassique obtenue en versant de l'eau bouillante
sur des cendres de paille de sarrasin, ou de branches et de feuilles brû-
lées pour les cocons de dernière qualité.
En ce qui concerne les maladies qui sévissent parfois sur le Yanm-
maï, les éducateurs japonais disent qu'on voit, dans certaines années,
apparaître des taches noires sur les Vers après la quatrième mue, et,
dans ce cas, l'insecte meurt avant d'avoir pu filer son cocon. Les Vers
Sont également sujets à une autre maladie qui a pour symptôme une
transpiration abondante, pendant laquelle l'insecte prend une couleur
brunâtre, et la mort arrive très promptement; il y a là probablement
de laflacherie. Les Vers sont aussi attaqués parfois d'une sorte de diar-
rhée dont les conséquences sont toujours fatales. Les éducateurs affir-
ment que, lorsque des pluies abondantes surviennent au moment où les
œufs sont attachés aux chênes avec les bandes de papier, il peut en pé-
rir un grand nombre. Enfin, dans les années pluvieuses, se montre sur-
tout le parasite appelé ovji, probablement une mouche Tachinaire,
dont on trouve parfois jusqu'à dix pupes dans une même chrysalide.
Dans l'ouest du Japon, sur l'île Kiousou et dans l'intérieur de Nippon,
il y a plusieurs régions où V Yama-maï se trouve seulement à l'état sau-
vage dans les forets, et l'on y rencontre maint endroit où les femmes et
les enfants s'occupent à ramasser les cocons dans les forêts des mon-
tagnes, occupation qui fait la fortune de bien des familles.
C'est en 1861 que les premiers œufs de VA. Yama-maï furent envoyés
du Japon en France par M. Duchesne de Bellecourt. Les premières
chenilles nées de ces œufs furent élevées à Paris, au Muséum, dans la
ménagerie des reptiles, par le gardien Vallée, sous la direction d'A.
Duméril. Elles furent nourries avec des feuilles de chêne de diverses
espèces et refusèrent tout autre aliment. Cette éducation ne put arriver
à bien, car on n'obtint que quatre cocons dont les chrysalides mou-
rurent; cela doit tenir à l'air confiné du local, car l'espèce exige l'air
libre. En même temps et avec la même graine, Guérin-Méneville
essaya l'éducation; les petites chenilles moururent de faim, par suite
d'éclosion précoce, avant l'apparition des feuilles de chêne; une seule
chenille, née en retard, fut élevée à Passy chez un horticulteur,
M. Année, et donna le seul papillon de l'espèce existant en Europe
avant 1863, une magnifique femelle à fond jaune. On observa, dans
ces premières tentatives, que les chenilles de l'espèce japonaise n'é-
taient pas farouches et craintives comme celles de VA. MijlUta, tou-
jours élevées au Bengale à l'état sauvage ; elles semblaient appartenir
490 f.ÉPinOPTÈRES.
à une espèce habituée à l'homme et déjà presque domestique. On étu-
dia la soie des cocons obtenus ; la finesse du brin, mesurée au mici'o-
mètre sous le microscope, varia de 5 à 2,5 centièmes de millimètre,
suivant la région du cocon, se rapprochant beaucoup de celle du Seri-
caria mori, qui est d'environ 2 centièmes de millimètre, tandis que
les fils plus grossiers des A. Mylitta et Pernyi atteignent des largeurs
de 6 à 7 centièmes de millimètre. En 1862 furent remises à la Société
d'Acclimatalion des graines rapportées par M. Pompe van Meerdervoort,
et qui donnèrent d'excellents résultats. Cette graine avait été obtenue
en secret, car le gouvernement japonais en prohibait l'exportation
sous peine de mort. En 186/i et 1865, après la liberté du commerce
obtenue sous la menace du canon, les graines librement achetées et
probablement altérées à dessein ne procurèrent que des insuccès.
M. Pompe van Meerdervoort donna connaissance d'un fait important
qui montrait l'absolue nécessité de l'air libre si l'on ne voulait pas
perdre la race par une prompte dégénérescence. Au Japon, disait-il,
le Yama-maï est élevé de deux manières sur toutes les espèces de
chêne, soit en chambre, sur chênes en pots ou sur rameaux coupés,
soit en plein air, et les cocons du second mode d'éducation sont plus
grands et plus lourds que les autres et leur soie est autrement colorée.
Si déjà une telle différence se manifeste au Japon, elle doit se pro-
duire, à plus forte raison, dans un climat nouveau. Ce fait acquiert
une valeur capitale pour la question d'acclimatation, et montre qu'on
doit encourager seulement les éducations à l'air libre. Cela es't général
pour tous les Lépidoptères ; les éducations à la chambre ne peuvent se
tolérer qu'au début, pour voir si l'on obtient une reproduction et faire
des grainages; ensuite il faut l'éducation libre, sous peine d'une
prompte dégénérescence. En 1863, une éducation provenant des œufs
dont nous venons de parler fut faite à la magnanerie expérimentale
du Jardin d'acclimatation, les chenilles étant dans une vaste cage en
treillis de toile; Guérin-Méneville les éleva dans une cage de filet au
milieu d'un jardin, et recommandait avant tout l'aérage. En même
temps, et grâce aux envois de ces premiers œufs japonais, des élevages
étaient fails dans divers points de la France et avec des feuilles de nos
diverses espèces de chêne, ainsi à Sainl-Maur par M. Roger-Desge-
nettes, à Uzès par M"'^ veuve Boucarut, à Toulon par M. Auzende, à
Nice par M. l'abbé Bermont, à Privas par M. Personnat ; les vers à soie
Yama-maï, exposés par ce dernier au concours régional agricole de
Valence et prêts à faire leurs cocons, excitèrent le plus vif intérêt dans
ce pays de haute industrie séricicole. Une éducation en plein air était
faite par M. le comte de Lamote-Baracé; d'autres élevages étaient opé-
rés à Alger par M. Hardy, à Barcelone par M. Sacc, à Madrid par
M. Graëlls, à Lausanne par M. le docteur Chavannes, à Trieste par
M. Tominz, etc. A partir de cette année 1863, le Ver à soie du chêne du
Japon fut bien connu et son éducation n'a pas cessé dans les divers
AirAGUS. 491
pays de l'Europe. On doit d'abord citer les éducations heureuses, pen-
dant plusieurs années, par M. de Bretton, près de Vienne en Autriche,
et d'autres à Bamberg en Bavière; l'espèce l'ut élevée dans diverses
régions de l'Allemagne, même dans le Nord et jusqu'à Riga, «et à
Londres en 187/i par M. A. Wailly. En France, un instituteur, M. Vote,
maintint l'espèce pendant cinq années à Homorantin (Loir-et-Cher) et
envoya 12000 cocons à l'Exposition de Lyon. Berce, habile éducateur
de chenilles, fit de bonnes éducations à Fontainebleau en 1865, et
M. E. Deyrolle obtint un bon résultat à Clamart en 1870, et ne fut
interrompu dans ses tentatives que par la guerre. Berce continua
ensuite avec succès les élevages dans la même localité pendant trois
années. M. J. Fallou réussit plusieurs fois à Champrosay (Seine-et-Oise)
sur des taillis de chêne de la forêt de Sénart, et M. Clément, à Mont-
rouge, sur branches de chêne en carafes dans une chambre ouverte.
Une série d'éducations fut continuée pendant neuf années par M. de
Saulcy, à Metz, malgré le climat défavorable et avec une persévérance
digne des plus grands éloges; il a reconnu un véritable commence-
ment d'acclimatation, en ce sens que l'espèce a été successivement
amenée à éclore un peu plus tard qu'au début, de manière à atteindre,
en années ordinaires, la foliation du chêne dans le nord de la France,
sans glaçage artificiel préalable des œufs, qui affaiblit la race quand
il est trop prolongé et surtout exécuté sans précaution contre l'hu-
midité.
Toutes ces éducations, il faut le dire, étaient plus ou moins faites
sur une petite échelle et n'étaient pas réellement industrielles; un
autre caractère se présente dans les élevages en grand de M. de Amé-
zaga, marquis de Riscal, sur de vastes taillis de chênes dans l'Estrama-
dure, en Espagne. Après des insuccès presque complets, tant par la
flacherie que par les attaques des oiseaux, des fourmis et des guêpes,
la race fut bien fixée dans le pays et les pertes par les causes indiquées
devinrent insignifiantes quand on put opérer sur un nombre considé-
rable de chenilles. Aussi M. de Amëzaga obtint en 1879 le prix de
1000 francs fondé par M. Drouyn de Lhuys et décerné par la Société
d'acclimatation pour avoir pu présenter le premier une quantité con-
sidérable de cocons et des pièces entières d'étofTes tissées avec la soie
grège de 1'^. Yama-7nat. Une grande vitrine, dans la section espagnole,
montrait au public, à l'Exposition universelle de Paris, en 1878, les
cocons et les soies provenant des élevages de M. de Amézaga. Le prix
fondé en 1864 portait dans sa teneur qu'il fallait avoir obtenu, dans
une seule saison, une récolte assez considérable pour pouvoir livrer
à la filature et transformer en soie grège de belle qualité au moins
100 kilogrammes de cocons pleins ou 10 kilogrammes de cocons vides,
et ces conditions furent sensiblement dépassées par le lauréat. Il
faut reconnaître que le climat de l'Espagne se prête mieux que
celui de la France aux éducations de cette espèce, ainsi qu'à celles
492 LtPIUOITtHliS.
de l'espèce congénère, A. Pernyi, G. Mén. En France, il y a fréquem-
ment en été de longues périodes de pluies froides, qui suspendent
en quelque sorte la vitalité de la chenille ; celle-ci cesse de manger,
s'affaiblit et prend souvent la flacherie. L'avenir industriel de ces
précieuses espèces n'est peut-être pas réservé à notre pays. Il est même
douteux qu'on puisse jamais espérer une acclimatation assurée à l'in-
térieur du continent européen. En effet, dans une lettre lue à la So-
ciété d'acclimatation le 15 mars 1881, M. d'Amézagafait connaître qu'en
1880, sous le climat chaud et sec de l'Estramadure, il a entièrement
perdu ses A. Yama-mai par les mauvais temps et se croit obligé de
renoncer >à leur élevage après dix ans d'efforts. La longue durée de la
vie de l'insecte à l'état de chenille sera toujours en Europe un obstacle
considérable à l'acclimatation, en raison des variations de climat. Cette
espèce n'a pas été introduite en Chine, à climat essentiellement conti-
nental, malgré les avantages qu'elfe présente, et n'a jamais remplacé
1'^. Pernyi. Il est probable que le climat essentiellement tempéré, joint
à une grande et continuelle humidité des îles du Japon, sont des con-
ditions essentielles à la vie de cette espèce, ces conditions bien diffi-
ciles à retrouver ailleurs.
Nous pouvons nous borner à de brèves indications sur l'élevage de
VA. Yamu-maï en France, qui ressemble nécessairement beaucoup à
ce qui se fait au Japon, et dont la description a été donnée. Les œufs
pondus en août seront ensuite renfermés dans des boîtes de carton
percées de trous destinés à laisser passer aisément l'air, ces œufs étant
en couche très mince, d'un demi-centimètre au plus. Il faut avoir
soin de les remuer légèrement dans les boites, tous les huit ou dix
jours, afin de renouveler l'air autour de chaque graine; on se gardera
bien de laver ces œufs, car il importe de laisser autour d'eux l'enduit
brun destiné à les fixer. Cette glu naturelle est très hygrométrique et
conserve à la petite chenille incluse une humidité salutaire. On pla-
cera les boîtes à œufs dans une chambre au nord, aérée, parfaitement
sèche, sans feu, mais où il ne gèle pas. Les soins consistent, jusque
vers la fin de février, à remuer de temps à autre les œufs pour les
aérer et à les soustraire à toute température inférieure à 0" ou supé-
rieure à -1- 10" centigrades. Au mois de mars on désagrège les paquets
d'œufs en les froissant légèrement à la main après les avoir humectés,
afin que la sortie d'aucune chenille ne soit empêchée par adhérence
des coques. Les jeunes chenilles sont alors très disposées à une éclo-
sion prématurée. Aussi, dès que la température extérieure sera seule-
ment de 8°, on transportera les œufs dans un mih"eu plus froid, dans
un cellier, par exemple, ou à l'entrée d'une cave, en évitant avec soin
un lieu trop humide. Si les premières chaleurs du printemps sont
intenses, ce qui arrive en certaines années, nous conseillons de placer
les boîtes à œufs dans la glacière artificielle si simple et à 1 abri de
l'humidité dont nous avons parlé à propos de la réfrigéi'ation des œufs
ATTACUS. i9S
du Ver à soie du mûrier. Il faut à celle époque remuer les œufs plus
fréquemment. Ces précautions serviront à ne laisser éclore les œufs
qu'à la foliation première des bourgeons des chênes, variant, suivant
les régions de la France, du commencement à la tin d'avril. Les éle-
vages d'amateur se font d'ordinaire sur branches coupées, maintenues
dans des carafes ou dans des baquets, en ayant som de les recouvrir de
planchettes ou de cartons percés, atin que les chenilles qui tombent
des feuilles ne se noient pas. On aura soin de casser les branches ou de
les couper avec un couteau de bois, car l'odeur du métal dégoûte les
chenilles. Les œufs sont disposés entre les bouquets' de feuilles dans
des petits godets de carton, et les chenilles gagnent d'elles-mêmes les
feuilles. Le mieux est de placer les branches coupées au milieu d'un
bois ou d'un jardin, à l'ombre d'un léger hanyar, avec la proteclion
de filets contre les oiseaux. Les guêpes sont peu à craindre, parce que
les éducations se terminent k la fin de juillet, époque où les guêpiers
sont encore mal peuplés, du moins dans le nord de la France. On fera
bien de mettre dans des vases pleins d'eau les pieds de la table ou des
tréteaux sur lesquels sont les vases à branches coupées ; on évitera
ainsi les attaques des fourmis et on limitera beaucoup le vagabondage
des chenilles quand la faim les presse et qu'elles n'ont pas à leur por-
tée de feuilles assez fraîches pour leur plaire. Les branches de chêne
doivent être renouvelées tous les jours; il est bon de mêler à l'eau un
peu de poussière de charbon de bois pour retarder son altération.
Pour changer les Vers de feuilles (tout ceci, bien entendu, dans les édu-
cations d'amateur, en petit), on dispose un système de bouquets de
feuilles fraîches pareil à celui qui vient de servir, on retire avec pré-
caution et sans secousse les anciens de leurs flacons, et, prenant les bou-
quets branche à brancbe, on coupe avec des ciseaux chaque feuille ou
reste de feuille qui porte un ou plusieurs Vers, et l'on fait tomber Ver et
feuille sur les feuilles fraîches. 6'i un grand nombre de chenilles se trou-
vent sur un bout de branche, on coupe ce bout, on enlève avec des ciseaux
toutes les feuilles ou bouts de feuilles où il y a des Vers, et l'on dépose
ce petit rameau ainsi élagué, avec ses chenilles, au milieu du feuillage
frais. Les chenilles passent d'elles-mêmes et assez promptement sur
les feuilles nouvelles ; on a l'avantage ainsi de ne jamais les déranger
ni les.toucher. Quel que soit le mode d'éducation, même en plein air
sur chênes et taillis, lors des sécheresses, on ne négligera jamais d'ar-
roser les Vers tous les jours, au moyen d'un pulvérisateur à eau quand
ils sont très jeunes, avec l'arrosoir ou la pompe à main s'ils sont plus
avancés et plus robustes. Ils semblent même se complaire à être entiè-
rement immergés. Les heures les plus propices pour cette opération
sont le milieu du jour et le soir, après le coucher du soleil. Il faut
prendre garde que, pendant la journée, les Vers arrosés ne se trouvent
au grand soleil; ils seront mieux à l'ombre, à moins que les faisceaux
de feuillage ne soient très touffus. Quand les Vers manquent soit de
'49ll LÉPIDOPTÈRES.
nourriture, soit de fraîcheur, ils se mettent à fuir par centaines, par
milliers même, de sorte que le sol est comme jonché de chenilles,
inquiètes et souffrantes. Le mieux est de les relever sur de petites
soucoupes de carton ou de fort papier qu'on glisse avec précaution
sous leur corps, et on les replace au milieu des branches à feuilles
fraîches. A partir du quatrième âge, il faut les mettre complètement
en plein air, jour et nuit ; ils ne peuvent plus supporter l'air raréfié
d'une chambre, les fenêtres en fussent-elles toujours ouvertes. A
mesure qu'ils grossissent, leur activité respiratoire augmente, et ils ont
besoin, surtout la nuit, que la brise se joue constamment autour de
leur corps. Ils sont assez forts pour supporter de grands abaissements
de température, même des gelées blanches, qui, dans le nord de la
France, ont lieu quelquefois jusqu'à la fin de mai. On en a même vu
devenir raides et congelés à la surface, quoique encore accrochés aux
branches et aux feuilles, pendant la nuit à l'air libre; les rayons du
soleil les raniment peu à peu et les font revenir à la vie, et on les voit
bientôt manger les feuilles avec avidité.
Le meilleur mode d'éducation de cette espèce éminemment rustique,
surtout en vue d'un bon grainage, c'est l'élevage, toujours en plein air
et dès la sortie de l'œuf, sut* des taillis de chêne. Les œufs sont placés
au fond de petits cornets en léger carton emboîtant les branches, de
sorte que les petites chenilles gagnent d'elles-mêmes les feuilles les
plus voisines, en ayant soin de proportionner le nombre des œufs à
l'étendue des taillis, afin que les Vers ne soient jamais exposés à man-
quer de feuilles. S'il y a des sécheresses, on arrosera les taillis à la
pompe, en pluie fine; ils sont avides d'eau, et c'est un plaisir de les
voir le matin, avant le lever du soleil, perchés au sommet des branches
et dévorant les feuilles de chêne ruisselantes de rosée. Aussi les pluies
ne font aucun mal aux éducations, à moins qu'elles ne soient très
froides, auquel cas les chenilles s'engourdissent, cessent de manger et
peuvent périr d'inanition. Un fera bien alors de recouvrir le taillis
d'une toile ou d'un mince paillasson porté par des piquets, et c'est ce
qu'on fera aussi, aux deux premiers âges de l'éducation, quand les
nuits deviennent trop froides; enfin des paillassons, posés obliquement
sur les côtés opposés au midi ou au nord, serviront en cas de besoin
à proléger les chenilles contre un soleil trop ardent ou un vent de bise
trop vif.
Divers ennemis sont à redouter pour ces éducations en plein air. Les
oiseaux sont principalement à craindre, en raison même de l'époque
printanière où vit la chenille de VA. Yama-maï, car c'est alors que les
nichées exigeant une nourriture azotée sollicitent leur voracité. Il faut
s'éloigner des villes et villages à cause des moineaux qui y pullulent et
qui tuent les chenilles pour les enlever, en leur cassant la tête d'un
coup de bec. Les becs-fins divers et également les mésanges sont assez
dangereux aux troisième et quatrième âges ; celles-ci surtout sont très
ATTACUS. 695
avides des chenilles et trouent même le cocon, un jour après que le
Ver s'y est enfermé, afin d'enlever l'insecte. Il faut recouvrir les taillis
de chêne d"un grillage de fils de fer assez serré ou de filets à mailles
étroites. Si l'éducation se fait sur une trop grande étendue pour que
cette couverture soit possible, il faudra, surtout de grand matin, se
munir d'un gardien effrayant les oiseaux par des coups de fusil et au
moyen d'épouvantails, comme on le fait au Japon. On suspendra çà el
là des fragments de fer-blanc qui brillent au soleil et s'entre-choqiient;
il est bon aussi de disposer des carcasses emplumées d'oiseau.\ de proie
à ailes étendues, ou simplement de suspendre des pommes de terre
hérissées de longues plumes, comme on le fait en automne le long des
espaliers à pèches ou à raisins. Les fourmis sont les ennemis les plus
redoutables des chenilles du Yama-maï. Si elles se mettent dans un
arbre couvert de Vers, leurs innombrables bataillons, rapidement dissé-
minés sur toutes les branches, en rendent le nettoyage presque impos-
sible. Elles attaquent alors et tuent les chenilles, soit au moment des
mues pendant qu'elles sont malades et engourdies, soit quand, prêtes
à filer, elles sont moins alertes, moins promptes à se défendre. On
écarte préventivement ces hôtes nuisibles en répandant au pied des
arbustes, ou autour des vases où l'on fait des éducations sur des bran-
ches coupées, de la sciure de bois imprégnée de coaltar, ou en entou-
rant le collet des tiges de tampons de crin couverts de la môme
substance. Il sera également boii d'enduire le bas des tiges de glu ou
de goudron très liquide, empêchant les fourmis de grimper. On a soin
aussi d'isoler les taillis de tout arbre étranger par où les fourmis pour-
raient passer aisément sur les chênes en taillis dont les branches
seraient entremêlées. Il faut aussi se mettre en garde contre les arai-
gnées pendant le premier âge des chenilles. Les jeunes feuillage? de
chêne, au printemps, sont habités par un grand nombre de Thomises
vertes ou verdàtres; elles peuvent détruire en peu de temps beaucoup
de vers, dont elles ne font qu'aspirer le sang pour abandonner ensuite
le corps. On s'en débarrasse, avant de placer les œufs ou de porter sur
les taillis les rameaux coupés chargés de jeunes chenilles, en brûlant
du soufre sous les taillis, de façon à tuer les araignées par l'acide sul-
fureux; on a soin de remuer le sol avec un râteau pour enterrer les
araignées tombées, ou bien on le recouvre de sciure de bois imbibée
de coaltar. On aura soin, avant de placer les cornets à œufs autour des
branches, ou de mettre les petites chenilles sur les feuilles, et s'il n'est
pas tombé une forte pluie depuis le soufVage, d'arroser abondamment
les taillis avec une pompe à main, afin de dissoudre et d'enlever toute
trace d'acide sulfureux, qui pourrait faire périr les Vers. Les forflcules
ou perce-oreilles sont encore des insectes qui s'introduisent dans le
cocon au moment où le ver va le fermer, et qui tuent ce dernier quand
il est prêt à se chrysalider ou qu'il est trop engourdi pour pouvoir se
défendre; heureusement que ces insectes sont peu abondants lorsque
/!|96 r.ÉPlDOPTÈRES.
les éducations se font en plein bois. Les guêpes sont peu redoutables
chez nous pour des élevages où l'état de chenille se prolonge, au plus
tard, jusqu'à la fin de juin. Le mieux pour les détruire est de suspendre
dans les taillis de chêne des carafes contenant de l'eau miellée, en
ayant soin d'enduire de miel le bord et l'intérieur du goulot. Attirées
par l'odeur du miel, les guêpes voraces, après avoir mangé le miel qui
sert d'appât extérieur, pénètrent dans les carafes, ne peu\ent plus sor-
tir et se noient dans le liquide. Dans les années à hannetons, ces coléop-
tères peuvent nuire indirectement en dévorant les feuilles de chêne;
le mieux est de laisser dans le taillis, de distance en dislance, des bali-
veaux plus élevés qui attirent de préférence les hannetons, recherchant
surtout les hautes feuilles terminales. iJans l'éducation de M. de Amé-
zaga, en Estramadure, en 1878, les grands ennemis des chenilles de
VA. Yama-mdt étaient les fourmis et les araignées déjà citées, et, à un
degré beaucoup moindre, les guêpes, le Rêduve masqué (Hémiptère
hétéroptère) et le Calosome Sycophante (Culéoptère).
Seize à dix-huit jours après leur dernier réveil, les Vers approchent
du moment où ils vont filer leur cocon. Leur corps prend une teinte
translucide d'un vert jaunâtre ou blanchâtre ; ils semblent agités d'une
sorte d'inquiétude, en cherchant des endroits propices pour suspendre
leur prison soyeuse, et rendent une grosse goutte d'un liquide vis-
queux. Il faut dès lors avoir grand soin de ne plus les changer de
branches, car on courrait grand risque de désassembler les feuilles
qu'ils ont déjà réunies, d'arracher les fils posés et de déranger les Vers,
ce qui les porterait alors à abandonner leur cocon et à n'en plus faire.
Rarement un Ver dérangé recommence à filer ; il court de tous côtés,
eu perdant sa soie le long des branches, et finit par tomber ou se reti-
rer à terre, où il se raccourcit et meurt ; quelquefois il se change en
une chrysalide atrophiée. On ne doit plus arroser les feuilles en pots
ou les taillis une fois la filature des cocons commencée, car ce serait
jeter dans le cocon un excès d'humidité contraire à la santé du Ver ou
de sa chrysalide. Au bout de quinze à vingt jours, les cocons sont ache-
vés et la chrysalide bien formée et durcie ; on cueille les cocons avec
des ciseaux et on les dispose en filanes, la tête de la chrysalide en
haut, en ayant soin de ne pas les attacher par le bout que le papillon
doit percer, car on gênerait sa sortie, et l'on suspend les chapelets de
cocons. Quand on veut utiliser industriellement les cocons, on les dé-
pouille, quinze ou vingt jours après qu'ils ont été commencés, des
feuilles d'enveloppe ou d'attache. On opère l'étouffage comme pour
les cocons du Sericariamori, et on les livre à la filature. Si l'éducation
est réservée au grainage, il faut continuer à donner aux cocons des
soins assidus, de peur de nuire à la chrysalide. Habituellement chez le
Yama-mdt, comme chez les autres Attaciens, les mâles naissent avant
les femelles, de sorte qu'on est exposé à perdre des mâles au com-
mencement de la naissance des papillons et des femelles à la fin. Pour
ATTACUS. 497
obvier à cet inconvénient, qui peut réduire notablement la récolte en
graines, il faut égaliser les cocons, c'est-à-dire retarder ceux qui sont
filés les premiers et hâter les derniers, afin de resserrer, autant que
possible, les naissances dans un petit nombre de jours. Les cocons
resteront toujours suspendus en filanes; on placera les premiers dans
un lieu moins chaud, un peu frais, mais non humide, tandis que les
derniers seront gardés à une exposition méridionale. On peut, si l'on
veut, séparer approximativement les cocons à m<lles de ceux à femelles,
les premiers étant les moins lourds, les seconds les plus pesants; en
mettant les cocons mâles au froid, les autres à une température plus
élevée, on peut espérer de voir éclore les uns et les autres à peu près
simultanément.
Lorsque approche l'époque de la naissance des papillons, qui a lieu,
en moyenne, environ quarante jours après le commencement des
cocons, il faut les réunir dans les appareils où s'opéreront les accouple-
ments et le grainage. Les papillons naissent le soir et sont très vaga-
bonds pendant la nuit, tandis qu'ils restent en repos dans le jour. Le
meilleur appareil est une cage en châssis de bois tendue de canevas, ou
mieux de grosse mousseline un peu vieille et râpée, afin que le poil de
l'étoffe ne gêne pas les papillons. Le tissu a été trempé dans une
décoction de tan, afin que sa couleur terne n'éblouisse pas les papillons
et ne les effarouche pas; le bois des châssis est teint de même avec du
tan. La cage est étroite et d'une longueur indéfinie, suivant la quantité
de cocons qui doivent y être déposés. Le fond a environ 30 centimètres
de large, les côtés 50 centimètres de haut et le couvercle 55 à 65 centi-
mètres de large. De cette façon les côtés sont obliques, en divergeant
de la verticale, ce qui facilite singulièrement le repos des papillons,
lorsqu'ils sortent du cocon et cherchent à grimper quelque part pour
se baigner dans l'air en laissant développer leurs ailes, ou lorsque, soit
pour l'accouplement, soit pour la ponte, ils veulent demeurer cram-
ponnés à la mousseline, à travers laquelle passe l'air libre du dehors.
Les deux bouts de la cage divergent de môme obliquement. Si l'on em-
ploie des cages à parois de toile verticales, les papillons, après avoir
volé pendant une nuit seulement contre les parois, effrayés ou pour-
suivis les uns par les autres et faisant de grands efforts pour s'y cram-
ponner, ont perdu à peu près tous les crochets de leurs pattes, surtout
les femelles, qui, plus vite fatiguées, tombent au bas de la cage et meu-
rent avant d'avoir fait leur ponte, tandis que si les côtés sont bien ten-
dus et obliquement évasés, ces femelles, ayant l'abdomen soutenu et
soulagé, pondent plus facilement, et sont encore très vigoureuses
lorsqu'elles se sont complètement vidées. Au couvercle, aussi en étoffe,
on ménage, de mètre en mètre, des regards en canevas, en forme de
carrés de 20 centimètres de côté, afin ^de pouvoir visiter au besoin
l'intérieur de la cage et d'enlever les cocons vides, les corps des
papillons morts et les papillons vivants qui, ayant terminé l'accou-
ciKAni). ni.— 32
U9S LÉPIDOPTÈRES.
plement et la ponte, ne feraient que troubler les autres, lin outre,
on suspend au couvercle, sur deux rangées également distantes entre
elles et des côtés, espacés de 30 à 35 centimètres, des rubans de
ganse de fil gris, assez larges et d'un tissu très lâche, afin que les
papillons puissent aisément s'y suspendre. Les accouplements s"y
ell'ectuent avec beaucoup de facilité, et les femelles fécondées aiment
à y déposer leurs œufs. Aucun obstacle voisin n'y contrarie en etfet
le battement d'ailes, qui, chez les femelles, accompagne la ponte,
sans doute pour l'accélérer. On suspend, de place en place, de grosses
éponges imbibées d'eau, atîn d'entretenir dans la cage la fraîcheur
dont les papillons, comme les chenilles, ont un besoin absolu. Les
deux bouts de la boîte sont mobiles, c'est-à-dire fixés aux autres châssis
avec des vis ou des crochets, afin de pouvoir débarrasser de temps en
temps l'intérieur de la cage de la grande quantité de duvet dont les
papillons la remplissent en se débattant; pour cela, les deux bouts étant
ouverts quand tous les papillons sont au repos pendant le jour, on
chasse, avec un puissant soufflet, tout le duvet accumulé. Pour mille
cocons, une cage de 2 ",5 à 3 mètres de long est suffisante. Les cocons
sont disposés dans la cage par chapelets égaux en longueur au petit
côté, qui sont attachés aux longs châssis latéraux à peu de distance du
fond, sans le toucher, afin que les ailes des papillons aient la place
nécessaire pour se développer en dessous, s'ils restent, en naissant,
accrochés à leur cocon.
La cage sera placée dans un lieu aéré, assez chaud et ombragé.
Comme c'est ordinairement au commencement d'août que naissent les
papillons, on pourra l'établir en plein vent, sur des piquets qui la sou-
tiendront en l'air, à l'ombre d'un grand mur ou d'un arbre, de telle
sorte qu'elle soit à l'abri des rayons directs du soleil. En effet,
l'A. Yama-maï sera.it vivement blessé et effarouché par leur éclat, car
c'est un papillon nocturne, qui, dans la nature, se retire, dès que
l'aube arrive, en un lieu obscur, et n'en sort qu'au crépuscule. La cage
devra être assez élevée au-dessus du sol pour que les rats et autres
animaux n'y puissent porter le trouble et le dégât. Les chats surtout
sont à redouter : attirés par les battements d'ailes des papillons qu'ils
prennent probablement pour des oiseaux, ils sont enclins à se jeter sur
la cage et à mettre la mousseline en pièces pour s'emparer des papil-
lons. On fera prudemment d'établir la cage sur de hauts et grêles
piquets en fer, à une hauteur telle que les chats ne puissent l'atteindre
en sautant. Rarement il pleut dans le mois d'août; mais comme des
pluies abondantes nuiraient aux cocons en leur donnant une trop
grande humidité funeste à l'éclosion de l'insecte, on dispose au-dessus
de la boîte, dans le sens de sa longueur, une tringle ou baguette sur
laquelle on met, en cas de pluie, un toit de toile cirée ou de papier
goudronné, qui repose de chaque côté sur les angles supérieurs de la
cage, en les dépassant un peu pour protéger également les parois laté-
ATTACDS. ^99
raies. Il ne faut jamais employer la toile métallique au lieu de canevas
pour la confection des cages. Outre que les papillons s'y briseraient
promptement les crochets des pattes, le métal pourrait se rouiller sous
l'influence de l'humidité dégagée par les œufs qui y seraient déposés,
et exercer une funeste action chimique sur ces semences. Il faut se
garder de faire grainer en se bornant à laisser les cocons dans une
grande chambre, sans s'occuper des papillons et jusqu'à ce que les
pontes soient achevées. Les accouplements seraient infailliblement
moins nombreux, car beaucoup de papillons ne se rencontreraient pas,
ou ne se joindraient qu'après épuisement de leurs forces par un vol
prolongé; ensuite l'absence d'air renouvelé nuirait, sans aucun doute,
à la santé des papillons et à la qualité du grainage. Comme il est inu-
tile de classer les semences par jour de ponte, puisque les œufs n'éclo-
sent qu'au printemps, alors que les chenilles, depuis longtemps for-
mées, ne sont pas, pour la naissance, influencées par l'âge de l'œuf;
comme, d'autre part, ces œufs n'ont rien à craindre de la température
de la fin de l'été et de l'automne, on fera bien, avant de les récolter,
de les laisser attachés aux parois de la cage, pendant le mois qui
suit la ponte. De cette façon ils resteront dans un repos complet et
dans leur position naturelle, pendant tout le temps que se forme la
jeune chenille; il n'y aura dès lors plus de danger de la blesser,
quand on procédera à la récolte. On se servira, pour cela, d'un grattoir
ou couteau de bois, et on les détachera avec précaution pour ne pas
les écraser, bien que la coque soit résistante, mais parce que les œufis
adhèrent fortement. On pourra les laisser tomber au fond de la cage,
après quoi on n'aura plus qu'à les mettre dans des boîtes aérées et à les
conserver en couches minces jusqu'au printemps suivant, comme il a
été dit.
Une seconde espèce asiatique du même groupe est VA. Pemyi,
G. Mén., ou Ver à soie du chêne de la Chine. Le papillon ressemble beau-
coup à celui du Yama-maï, seulement la couleur du fond des ailes est
beaucoup plus constante; c'est très ordinairement un ton de feuille
sèche pâle, qui, chez quelques individus, est plus ou moins lavé de
carminé, surtout sur le disque des quatre ailes. La forme des ailes
antérieures du mâle est plus falquée que chez le Yama-maï; quant à
la femelle de Pernyi, cette différence est à peine sensible comparative-
ment à la femelle du Yama-mm. On peut encore remarquer, quoique
ce ne soit peut-être pas tout à fait général, que la ligne blanchâtre
transversale des ailes supérieures est courbe, comme chez A. Mylitta,
et non droite comme dans Yama-maï. Chez Pernyi, les fenêtres vitrées
des ailes sont intermédiaires pour les dimensions entre celles de Mylitta
et de Yama-ma:i, qui disparaissent parfois presque en entier dans cette
dernière espèce, ne laissant plus voir nettement que les cercles colorés
et concentriques qui les entourent; les antennes du mâle sont moins
larges que dans les deux autres espèces. En dessous VA. Pernyi et
500 LÉPIDOPTÈRES.
marqué sur chacune des quatre ailes d'une rangée de sept à huit taches
triangulaires brunâtres, placées entre les yeux vitrés et le bord externe,
tandis que chez Yama-mat ces taches sont plus rapprochées du bord
externe et ont la forme de croissants. Ces taches, dans les deux
espèces, sont plus ou moins apparentes, et disparaissent même com-
plètement chez certains individus du Peîuyi. Les trois espèces congé-
nères Yama-mm, Pernyi, Mylitta, varient beaucoup de taille et de cou-
leur, mais pourtant Pernyi est ordinairement plus petit que les deux
autres, et Mylitta atteint parfois des dimensions énormes.
Des aberrations singuHères portant sur le contour des ailes ont été
observées sur yl. Yam a-mai et Pernyi; ce sont des échancrures régu-
lières et symétriques de chaque côté, ce qui exclut l'idée d'un accident
d'éclosion. Une femelle de Yama-mat, provenant de la Silësie autri-
chienne, présentait les deux ailes supérieures tronquées au sommet en
ligne presque droite, et, aux ailes inférieures, vers le milieu du bord
externe, une forte dent en crochet. Dans la collection Guérin-Méne-
ville, actuellement au Muséum, se trouve une femelle d'^. Pernyi, où
l'aile inférieure est fortement concave à son bord supérieur, l'aile su-
périeure offrant un indice de troncature au sommet (J. Odstreïl et
Maurice Girard, Rapport sur des éducations d'Attacus Yama-mai, G. Mé-
nev., et Note sur les vari ations de cette espèce, in Bull, de la Soc. d'ac-
climat., avec deux figures, décembre 1876). M. A. Clément, dans une
seconde éducation d'automne de VA. Pernyi, faite à Montrouge-Paris,
non avec le chêne, mais avec des feuilles de prunier, obtint quatre
aberrations à ailes diversement échancrées, pour deux aberrations seu-
lement d'un côté, (A. Clément, Remarques sur des aberrations de l'A.
Pernyi, in Ann, de la Soc. entom. de France, 1880, page 181, avec un
bois). Une certaine importance s'attache à ces faits, en apparence si
minimes. Au point de vue de la grande question de la variabilité des
espèces, chez une simple aberration qui ne deviendrait variété que si
beaucoup de papillons la présentaient dans des conditions déterminées,
il est curieux de voir se produire naturellement des caractères de
découpure du contour des ailes, qui ont motivé, en entomologie, non
seulement des distinctions spécifiques, mais l'établissement de genres
très légitimes et adoptés par tous, comme les genres Platypteryx, Las-
peyres; Gonoptera, Latr., etc.
La chenille d'^. Permji présente des différences bien plus nettes que
l'adulte. La chenille en naissant est noire et non jaune, épineuse avec
la tête rougeâtre; dès la seconde mue elle devient d'un vert d'abord
jaunâtre, puis franc. A partir de la troisième mue, elle est d'un beau
vert, avec une bande latérale blanche bordée de roux. Chez la che-
nille à toute sa taille cette bande s'élargit beaucoup postérieurement
sur les flancs du dernier anneau. Les stigmates sont roux avec la fente
blanche, la tête et les pattes écailleuses fauves, les pattes membra-
neuses vertes. D'une manière bien plus constante que pour le Yama-
ATTACUS. 501
mat, il existe deux rangées et parfois quatre de taches nacrées argen-
tées près de la base des tubercules, ceux-ci de la couleur du fond; les
taches nacrées sont en nombre très variable. Il règne un pointillé blanc
sur les côtés des anneaux. Les tubercules sont analogues à ceux du
Yama-maï; il y a deux rangées dorsales de tubercules à poils étoiles,
ceux des premiers anneaux beaucoup plus développés, et deux rangées
ventrales sous les stigmates; outre cette double rangée, les trois an-
neaux thoraciques et le pénultième en offrent d'intermédiaires; les
trois premiers anneaux n'ont pas la bande latérale, mais ont la tache
nacrée et les points blancs. Le cocon de l'.-!. Pernyi (pi. xciii, fîg. 10)
d'une soie moins tine que celle du Yama-maï, est de couleur grise plus
ou moins claire et un peu roussàtre; il est fermé aux deux bouts,
entouré d'une bave, lâche et vague, au moyen de laquelle le cocon est
fixé entre plusieurs feuilles, et présentant en outre comme pédicule
d'attache, à un de ses pôles un cordon de soie aplati et à extrémité plus
large; le tissu est moins serré que celui de l'espèce précédente, et la
forme générale ovoïde est plus renflée. On a obtenu d'accouplements
convenables des métis entre les A. Yama-maï et Pernyi: en France,
notamment, Berce et M. Bigot, de Pontoise, ont suivi ces hybrides
pendant plusieurs générations; le croisement de 1'^. Fama-maï mâle
avec VA. Pernyi femelle est assez aisé à réaliser et donne un assez grand
nombre d'œufs féconds; au contraire, l'accouplement inverse est diffi-
cile, et l'on n'obtient qu'un faible nombre d'œufs fécondés de la ponte
de Yama-maï femelle, copulée par Pernyi mâle; le cocon, plus petit que
celui d'^. Pernyi type, se rapproche par les dimensions du cocon de
Yama-maï, mais par la couleur de la soie et la forme il ressemble beau-
coup plus à celui à' A. Pernyi. Au bout de peu de générations, l'espèce
revient au type Pernyi; ce retour à une des deux formes spécifiques
est général pour les hybrides féconds entre espèces très voisines; il n'y
a donc pas d'intérêt industriel à poursuivre des éducations métisses des
deux Attaciens, mais seulement une curiosité entomologique. Enfin, ce
qui achève la séparation spécifique tranchée entre les A. Yama-maï
et Pernyi, c'est que la seconde espèce est bivoltine et donne deux édu-
cations par an, une au printemps, l'autre en été, et même au commen-
cement de l'automne, les chrysalides de cette dernière passent l'hiver
dans les cocons pour produire au .printemps les papillons d'un premier
grainage. Il y a là un inconvénient grave pour la France, la seconde
éducation trop tardive eu égard à la faible température de l'automne,
ne pouvant être que de grainage et non industrielle, car beaucoup de
chenilles meurent engourdies sans arriver au coconnage. Il faudrait
arriver à rendre l'espèce univoltine en retardant par le froid les chry-
salides de l'hiver, de façon que les papillons ne sortent qu'à la fin de
juin, et qu'on puisse obtenir les cocons des chenilles issues de leurs
œufs assez tard pour qu'ils puissent être mis en lieu frais jusqu'à
l'hiver. Si l'on veut faire la seconde éducation de l'année avec quelque
502 LÉPIDOPTÈRES.
chance de succès, il faut, au contraire, hâter les éclosions des cocons
qui ont passé l'hiver, en les tenant dans un lieu chaud dès que les
chênes auront des feuilles; de cette manière, si les chenilles du second
élevage éclosent à la fin de juillet ou au début d'août, on aura des
reproducteurs assurés pour l'année suivante. En Espagne, en Italie, en
Algérie, le climat permettra au contraire d'obtenir deux éducations
industrielles à coconnage certain dans la période chaude de chaque
année.
Nous avons beaucoup moins de renseignements sur 1'^. Pernyi que
surr.4. Yama-mat. Il existe sur les chênes, dans la Chine, à partir de
la Mandchourie au nord, sans qu'on puisse actuellement préciser ses li-
mites au sud ; des espèces voisines ou des races méridionales de l'espèce
s'étendent jusqu'à l'Assam et la Cochinchine. On possède quelques in-
dications d'un consul anglais, M. Taylor Meadows, sur l'éducation de
l'A. Permji dans les régions montagneuses du nord de la Chine. On fait
deux récoltes de cocons par an, celle du printemps, le Chun, celle d'au-
tomne, le Tsew. La seconde récolte a lieu dans la dernière moitié de
septembre et le commencement d'octobre; c'est à cette époque que les
cocons sont apportés sur le marché, et les éleveurs font trier les cocons
de meilleure qualité pour les employer, au printemps, à la production
du papillon et de la chenille destinés à la récolte du printemps. On
conserve ces cocons dans des paniers que les Chinois suspendent dans
leurs maisons d'habitation, exposées presque toujours au midi et ne
présentant aux vents froids qui soufflent du nord pendant l'hiver qu'un
mur sans ouverture, de manière à profiter de l'avantage d'un soleil ha-
bituellement sans nuages pendant la saison d'hiver; en outre, les appar-
tements sont chauffés par des sortes de fours en briques dont on se sert
pour s'asseoir pendant le jour et pour dormir la nuit; malgré toutes ces
précautions, la température des habitations chinoises dans les districts
séricicoles des montagnes s'abaisse, pendant la plus grande partie de
l'hiver, au-dessous de zéro. La chaleur naturelle du printemps suffit
pour amener la transformation de la chrysalide en papillon. Les papil-
lons s'accouplent alors, et, quatre ou cinq jours après, la femelle fait sa
ponte. Les œufs .sont étendus sur le papier du pays, déroulé sur des
nattes, des tables, etc. Au bout de cinq ou six jours, sortent des œufs de
petites chenilles noires de la grosseur d'une fourmi ; cette éclosion a
lieu au moment où les bourgeons des jevmes chênes ont commencé à
paraître, à peu près vers la fin d'avril. On pousse alors les jeunes feuilles
à leur développement, en coupant des rameaux que l'on met dans l'eau,
soit dans les ruisseaux de la montagne, soit dans des vases à l'intérieur
des maisons. On dépouille ces branches de la feuille jeune et tendre, et
on la répand sur le papier au fur et à mesure de l'éclosion des Vers. Ils
sont nourris de la sorte pendant quelques jours, jusqu'au moment où
l'on opère leur transport sur les buissons de chêne les plus jeunes et dont
les feuilles sont les plus tendres, les Vers étant encore noirs, vers la fia
ATTACUS. 503
de leur premier cage. Au printemps, l'éducation totale dure environ
soixante jours jusqu'à la sortie des papillons hors des cocons; l'éduca-
tion d'automne nécessite environ cent jours. Aux deux époques, aussi-
tôt que les Vers ont consommé les feuilles d'un buisson, les préposés à
l'élevage les transportent sur un autre, en commençant toujours par le
buisson le plus jeune. M. Taylors Meadows, lors de son voyage dans les
vallées séricicoles, a vu qu'au milieu de septembre la moitié environ
des chenilles étaient déjà renfermées dans leurs cocons ou occupées à
les construire, les retardataires ayant fait leur dernière mue. Lorsque le
Ver commence son cocon, il choisit deux ou plusieurs feuilles de chêne
plus ou moins en regard les unes des autres et situées au-dessous de la
branche où elles poussent, et l'insecte réunit ces feuilles par un tissu de
tils de soie, en portant sans relâche la tête d'une feuille à l'autre. Ces
chenilles se nourrissent de trois espèces différentes de chêne du pays
et aussi d'un arbrisseau d'une autre famille, qui donne même une soie
de meilleure qualité que les feuilles des divers chênes. Le rendement
de la récolte du printemps passe pour être beaucoup plus faible que
celui de la récolte d'automne, de moitié même; maisau contraire la qua-
lité de la récolte du printemps est considérée comme supérieure, don-
nant une soie plus blanche, plus fine, plus appropriée à la teinture ;
toutefois, le noir à reflet brun rougeâtre ou violacé semble la seule tein-
ture applicable à l'une ou à l'autre des récoltes. Les Chinois emploient
comme comestibles les chrysalides qui no sont pas destinées à la repro-
duction.
VA.Pernyi fut envoyé en France de 1850 à 1851 , à la fois par M^'' Perny,
évêque missionnaire, et par M. de Montigny. Il faut dire qu'à côté de
quelques élevages heureux, un grand nombre d'insuccès se produi-
sirent, de sorte que beaucoup d'amateurs ne tardèrent pas à perdre
l'espèce chinoise du chêne, probablement par la dégénérescence rapide
qui résulte de l'élevage exclusif à la chambre. A l'Exposition univer-
selle de 1855, furent exposés des cocons et des papillons de VA. Pernyi,
provenant d'une éducation faite par M. Jourdan, de Lyon, à la suite
d'un envoi de cocons chinois par les missionnaires. On a observé ce fait,
propre aux espèces demi-sauvages des Antherea asiatiques, qu'il faut
pour la fécondation une éclosion presque simultanée des mâles et des
femelles; les individus de sexe différent se repoussent, s'ils sont nés à
quelques jours de distance. La soie de l'A. Pernyi a été dévidée avec fa-
cilité, d'un bout à l'autre, sans rupture, par M. Deschamps, fîlateur à
Sumène, dans les Cévennes. Cette soie, d'une ténacité médiocre, était
d'une élasticité remarquable, 20 pour 100, celle du Sericaria mori n'é-
tant que de 19 pour 100. D'après Guérin-Méneville, un fil de celte
soie vaut cinq à six fils réunis de la soie ordinaire. Les tissus de cette
soie tiennent à la fois de la soie ordinaire, de la laine et du coton.
M. Torne a fabriqué, à Paris, des étoffes avec ces soies, et est parvenu
à les blanchir et à les teindre très solidement, en leur donnant les &ou-
504 Ll'PlDOPTÈBES.
leurs les plus délicates et les plus variées. Eu 1872, M. Benvenuto
Comba et G. Baraldi, au domaine royal de la Mandria, près de Turin,
ont fait une éducation en grand de l'yl. Pcrnyi. Quoique l'éducation ait
été décimée en partie par la flachcrie, ou a oljtenu la filature par les
chenilles d'un grand nombre de cocons. Ils ont été dévidés en soie grège
qui a pu recevoir toutes les teintures, et de très beaux crépes-foulards,
tissés avec ces soies, ont été présentés k la Société d'acclimatation de
Paris. En 187Zi, l'espèce a été élevée à Pontoise par M. Bigot ; en 1875, à
Clamart, par M. Berce ; en 1878 et 1879, à Champrosay, près Draveil
(Seine-et-Oise), par M. J. Fallou, à l'air libre dans son jardin, par M. A.
Clément, à Montrouge-Paris, etc.
Ces éducations en petit n'étaient pas faites au point de vue industriel,
auquel il faudra probablement renoncer pour la France, en raison de
la grande difficulté de mener à bien la seconde génération d'automne.
Ainsi, près de Lille, M. Le Roi a essayé d'élever en grand 1'^. Pernyi;
mais les chenilles de la seconde génération, parvenues à leur troisième
ou quatrième mue à la fin d'octobre, périssaient de faim; car les chênes,
dans cette région septentrionale, perdent leurs feuilles vertes à cette
époque de l'année, tandis qu'ils les gardent plus longtemps dans le
Midi, où l'on a chance dès lors de voir la seconde génération de Permji se
transformer au plus tard en novembre, donnant ainsi des cocons pour
l'hiver. C'est ce qui est parfaitement arrivé en Espagne, où l'on peut dire
que le problème de l'acclimatation et de l'exploitation industrielles a
été résolu. M. Perez de Nueros a d'abord élevé en Catalogne, et sur une
grande échelle, les A. Yama-mdi et Permji, et, d'après les résultats ob-
tenus, a donné la préférence à la seconde espèce, dont il a organisé l'é-
ducation industrielle en Biscaye, dans le Guipuscoa, près de Saint-Sé-
bastien, contre la frontière française. Le gouvernement espagnol a
secondé, avec une grande intelligence, les elTorts tentés par la Société
de a Granja sericicola de Yrisasi pour doter TEspagne d'une industrie
nouvelle. Une concession de 300 hectares de bois de chênes a été faite à
cette Société, pour une période de quarante-cinq ans, avec exemption
de toutes impositions pendant les dix premières années pour le terrain
et les bâtiments à construire destinés aux filatures. Des conditions sont
imposées à la Société dans l'intérêt général. La graine de 1'^. Pernyi ne
peut être vendue plus de 50 centimes le gramme et la Société n'a pas le
monopole des éducations. M. Perez de Nueros ne l'a du reste pas ré-
clamé, car il pense, au contraire, que la filature qu'il monte sera nen
seulement utilisée pour la filature et le tissage des cocons obtenus sur
la concession, mais aussi pour les cocons qui pourront être produits par
les éducateurs des environs et même de toute l'Espagne. En attendant
cet approvisionnement national, on dévidera les cocons exotiques que la
Société se procurera. A l'atelier de dévidage se joindra une filature pour
utiliser les bourres et les déchets des bassines. Les premières éducations
de M. Pei'ez de Nueros lui ont valu en 1878 le prix de 1000 francs fondé
ATTACUS. 505
par la Société d'acclimatation de Paris en 1873, pour la meilleure édu-
cation en grand de VA. Pernyi, à la condition d'avoir obtenu, dans une
seule saison, une récolte assez considérable pour pouvoir livrer à la fila-
ture et transformer en soie grùge de belle qualité au moins 50 kilo-
grammes de cocons pleins, ou 5 kilogrammes de cocons vides. A l'Ex-
position universelle de Paris, en 1878, figuraient des cocons, des soies
grèges et des tissus de la fabrication de M. Parez de Nueros. On peut
voir dans la collection de la Société d'acclimatation un beau foulard en
soie grège écrue ou naturelle de VA. Pernyi, d'un très joli gris jaunâtre,
tissé avec un fil à douze brins pour la chaîne, à vingt brins pour la
trame. Les cocons d'A. Pernyi qui ont été récollés sur la concession près
de Saint-Sébastien, sont plus fournis en soie que ceux qui avaient été
obtenus précédemment par M. Perez de Nueros en Catalogne. Il évalue
à mille le nombre de cocons nécessaires pour obtenir une livre de soie
grège. Les chênes sur lesquels on élève les Vers en Biscaye sont le
Quercus robur et le Quercus pedunculata, et VA. Pernyi se développe plus
rapidement sur ce second chêne que sur le premier ; les Vers vivent
d'abord sur les branches les plus élevées, ne descendant sur les infé-
rieures qu'au fur et à mesure que les feuilles du sommet des arbres
sont consommées. Jusqu'à présent les éducations se sont faites sur les
chênes à haute tige de la concession; mais on va établir des taillis pour
rendre plus facile le travail, tant de surveillance que de récolte. Quant
à la protection des Vers contre leurs ennemis bien connus, les oiseaux
et les insectes, on a recours pour les premiers aux moyens employés
partout : les épouvantails et les coups de fusil. Pour détruire les four-
mis, les araignées, etc., on emploie de l'eau saturée de savon noir. Lors-
que les Vers ont acquis un certain développement, les becs-fins, qui ne
peuvent plus les avaler, se bornent aies piquer, mais ces blessures suf-
fisent pour amener la perte des chenilles, qui se laissent tomber au
pied du chêne sur lequel elles vivaient, et là, le soir ou dans la nuit,
des taupes sorties de terre viennent faire leur péiture de ces chenilles
blessées par les oiseaux. Pour le dévidage, on désagrège la soie des co-
cons avec le jus des chrysalides (sic), et l'on emploie de l'eau à 80 degrés
centigrades environ. Dans une lettre lue à la séance du 18 février 1881
de la Société d'acclimatation, M. Perez de Nueros se dit en mesure,
d'après le nombre de ses cocons de grainage, de livrer, au printemps
de 1881, de 50 à 60 kilogrammes de graines. De tels résultats nous sem-
blent de nature à faire essayer l'introduction en grand de 1'^. Pernyi
dans certaines parties de l'Algérie.
Les soins à donner à l'éducation de 1'^. Pernyi, ainsi que la pose des
graines dans des cornets sur les branches des chênes, sont pareils à ce
que nous avons dit pour VA. Yama-maï; il est nécessaire, pour la se-
conde éducation de la fin de l'été, de se garantir contre la voracité des
guêpes, qui sont très communes en cette saison. M. A. Clément a observé
que, pour cette seconde éducation souvent languissante qui se prolonge
506 LÉPIDOPTÈRES.
en automne, on peut remplacer avec avantage les feuilles de chêne,
dures et sèches en cette saison, par celles du prunier; tous les Atta-
ciens paraissent être, comme on sait, plus ou moins polyphages.
Une troisième espèce de sous-genre Antherea, plus anciennement
connue par les auteurs que les deux précédentes, est l'A. Mylitta,
Drury, Fabr., syn. : Paphia, Cramer, non Linn., le Ver à soie du chêne
de l'Inde. Les papillons femelles de cette espèce ont une envergure de
16 à 17 centimètres, celle des mâles étant d'ordinaire plus petite de
Zi à 5 centimètres. Ces derniers ont le fond des ailes généralement d'un
rouge brun foncé, surtout quand ils proviennent des plaines; les
femelles sont habituellement d'une couleur moins foncée, et, le plus
souvent, d'un jaune gai ; au reste, il y a tout autant de variations dans
la couleur du fond que chez VA. Yama-maï. Les ailes supérieures sont
un peu falquées au bout, surtout chez les m.lles, les bandes violacées
ou carminées des quatre ailes sont plus rapprochées du bord extérieur
que chez le Yama-maï; la ligne blanche transversale des ailes supé-
rieures est courbe, comme chez A. Pernyi. La coloration grise de la
côte des ailes supérieures est très foncée, ainsi que la bande de même
couleur qui traverse le corselet et réunit la côte des deux ailes sus-
dites; en outre, cette coloration atteint toujours l'angle apical, ce qui
n'a pas lieu chez Yama-nmi et Pernyi. Les antennes du mâle sont très
larges, au moins autant que chez Yama-maï. Le caractère saillant, qui
empêche à première vue de confondre le papillon Mylitta a\ec ceux
des deux autres espèces, c'est que les taches ou fenêtres vitrées du
milieu des quatre ailes, sont plus, rondes, parfaitement transparentes,
coupées transversalement à l'aile par une petite nervure, et surtout
d'une grandeur double de celles du Yama-maï, très grande principale-
ment chez la femelle. Les œufs, d'après une observation de M. A. Wailly,
faite à Londres en 1879, sont blanchâtres, légèrement comprimés et
généralement entourés de deux lignes noires; ils sont plus gros que les
œufs des A. Yama-maï et Pernyi. H y a des œufs plus petits que les
autres qui donnent naissance aux chenilles mâles, intéressante remarque
pareille à celle qui a été faite sur les œufs du Liparis Dispar. La che-
nille, du même type que celle des Yama-maï et Pernyi, offre aussi des
différences notables. Au premier âge, d'un brun noirâtre à sa sortie de
l'œuf, avec la tête d'un noir brillant, elle devient peu à peu jaune en
grossissant; le premier segment thoracique est jaune, comme tous les
autres, avec une grande tache transversale noire en dessus. Les tuber-
cules du rang inférieur sont tous jaunes, comme les autres; tout le
corps est d'un jaune vif, presque orangé, au moins à la partie supé-
rieure, et ses segments, au lieu de porter des lignes longitudinales noi-
râtres, comme dans la jeune chenille de Yama-maï, ont chacun six
petits traits noirs, courts et transversaux, alignés l'un au milieu, en
dessus, et un autre de chaque côté, ce qui produit trois bandes longi-
tudinales de petites taches noires. Les pattes membraneuses, au lieu
ATTACUS. 507
d'être marquées de trois petites bandes brunes, sont d'un jaune un peu
sale, avec une forte tache noire au côté externe; comme celle du
Yama-mai, cette chenille a les deux tubercules médians des anneaux 3
et 11 noirs, ainsi que les taches de l'extrémité et des deux pattes
anales. Au deuxième âge, il y a, sur le premier segment, quatre taches
noires distinctes; tous les tubercules sont d'un jaune orangé vif, avec
l'extrémité de ceux des quatre rangs supérieurs noirs, et encore une
grande tache noire au côté externe des pattes membraneuses. La cou-
leur du fond passe aux divers âges du jaune au vert, comme dans la
chenille du Yama-maï, la couleur verte s'accentuant de plus en plus
et d'une belle nuance verte au troisième âge; alors tous les tubercules
sont d'un beau jaune orangé vif, avec la base à reflet métallique d'un
rouge cuivreux, les deux supérieurs des segments 3 et Zi ont leur
extrémité noire. La tête, les pattes écailleuses et le bord des pattes
membraneuses sont d'un brun roussâtre, et le côté externe de ces der-
nières pattes porte huit ou dix points noirs très distincts qui remplacent
la tache noire des deux premiers âges; une mince ligne noire repré-
sente alors seule la tache noire du dessus du dernier segment, et un
long triangle noir se voit sur les côtés des dernières pattes membra-
neuses; à la fin de cet âge on distingue en outre bien la chenille de
VA. Mylitta de celle du Fama-moV par sa forme moins trapue, carac-
tère qui se prononcera de plus en plus. Au quatrième âge, tandis que
la chenille du Yama-maï montre à peine quelques vestiges de ses
tubercules, la chenille du Mylitta en est splendidement ornée; les
deux rangs de tubercules dorsaux sont bien saillants, d'une belle cou-
leur orangée à reflets dorés, les deux rangs des tubercules des côtés
sont d'un beau bleu d'outremer très luisant, et il y a, mais rarement,
des taches argentées aux côtés des segments 5 et 6. Au cinquième âge,
après la quatrième mue, la chenille a conservé sa forme allongée et
ses tubercules, qui sont alors tous dorés, avec l'extrémité d'un beau
violet, couronnée de longs cils blancs. Les taches argentées des côtés
sont grandes et très brillantes ; ces taches sont, comme on voit, un
caractère commun, à divers degrés, aux chenilles des A. Yama-ma't',
Pernyi et Mylitta. Enfin, chez cette dernière, on voit encore, comme à
l'âge précédent, les points noirs persister au côté externe des pattes
membraneuses, dont le bord est devenu vert. Les magnifiques che-
nilles d'A. Mylitta offrent de nombreuses variétés dans les couleurs et
les reflets métalliques de leurs tubercules. Dans le plus grand nombre,
il n'y a que les tubercules supérieurs qui soient dorés, et tous les autres
sont d'un bleu pur ou d'un violet plus ou moins rouge. Chez d'autres,
il y a une plaque d'argent sous les tubercules latéraux des segments 5
et 6 ; chez certains, cet argent se montre sous les mêmes tubercules,
depuis le segment 3 jusqu'aux segments 7 et 8. Quelques sujets ont les
tubercules supérieurs dorés comme d'habitude en avant et en dedans,
argentés en outre au côté externe. Enfin, chez quelques-uns ayant aussi
508 LÉPIDOPTÈRES.
des reflets argentés sous les tubercules des deux rangs, il y a du noir
au sommet de tous les tubercules, qui sont rouges à leur base. Le
cocon établit une difîérencc spécifique très tranchée; il est fermé et
ovoïde, sans bourre, d'une fermeté et d'un poids considérables; il est
ordinairement d'un gris argenté ou jaimâtre. Ce cocon est suspendu à
une branche d'arbre, non plus par un cordon de soie mince et aplati,
mais par une vraie corde soyeuse d'aspect corné et noirâtre à l'extré-
mité, qui au lieu de s'étaler en quelques fils lâches, forme un anneau
complet autour de la branche. Les cocons des grandes races ont jusqu'à
55 et 60 centimètres de longueur sur plus de 30 de largeur, tandis que
ceux des petites races sont de dimensions moindres, et les cocons
des femelles sont notablement plus gros que ceux des mâles.
L'A. Mylitta, répandu dans toutes les parties de l'Inde, et dans l'île
de Ceylan, est une espèce très polyphage, vivant sur un grand nombre
d'arbres et d'arbustes, sur le chêne seulement dans les parties les plus
montagneuses du Nord, sur le jujubier {Zizyphus jujuha), qui croît en
pleine terre également en Algérie, sur le Lagerstrœmia Indica, sur les
Ficus Benjamina, Carissa, Guidia, sur le Terminalia alata. Les arbres de
cette dernière espèce croissent autour des habitations dans la province
de Calcutta, et le peuple recueille les chenilles du Mylitta à l'état sau-
vage sur divers arbres pour les porter sur les Terminalia ou arbre
assem, près des maisons, de sorte que la surveillance est plus facile,
car les chenilles sont recherchées par les corneilles pendant le jour et
par les chauves-souris pendant la nuit. On ne fait pas aux Indes de
véritable éducation domestique de cette espèce, mais les cocons sont
recueillis de toute part sur les arbres et arbrisseaux et envoyés à des
comptoirs où les achète le commerce pour la filature. Au Bengale, les
naturels élèvent VA. Mylitta sur les jujubiers taillés en buissons, et y
portent les petites chenilles; les arbres sont gardés, surtout pour
écarter les oiseaux. Les cocons ramassés aux branches, où ils pendent
comme des fruits, puis étouffés à l'eau bouillante, sont portés au marché
et dévidés comme ceux du Ver à soie du mûrier. La récolte de ces
cocons sauvages, très abondants dans les jungles, a dû se faire dès une
très haute antiquité; c'était une tradition, selon les anciens historiens
persans, que les habitants de la Sérique (Indoustan, sud de la Chine)
ramassaient la soie au pied des arbres, et de là l'opinion des Grecs et
des Romains qu'elle provenait d'un fruit. Ce cocon produit beaucoup
plus de soie, parfois dix fois plus, que celui du Sericaria mori. On ren-
contre l'espèce dans toutes les parties du Bengale, de Calcutta à Lahore,
et même sur les monts Himalaya, jusqu'à 2000 mètres d'altitude; peut-
être s'étend-elle aussi dans l'Assam et môme dans les Moluques, ou au
moins des espèces très voisines. C'est dans la partie montagneuse du
Bengale, au sud du Gange et de la rivière Soane, qu'on cultive l'espèce
avec plus de succès que dans les plaines trop chaudes de l'Indoustan-
11 est possible que la sécheresse et la chaleur soient la cause principale
ATTACUS. 509
qui amène la petitesse de la race de 1'^. Mylitta dans les régions chaudes,
tandis que dans les forêts de l'Himalaya et dans d'autres parties de l'Inde
où le feuillage conserve longtemps sa fraîcheur, les Vers atteignent une
taille considérable. Peut-être les diverses races produiraient-elles toutes
de gros cocons, si l'éducation était toujours dirigée par un habile séri-
ciculteur, mettant toujours à la disposition des chenilles une quantité
suffisante d'arbustes en bon état; ainsi, pendant plusieurs années, le
major G. Coussmaker a toujours obtenu d'énormes cocons dans une
localité de la présidence de Bombay, où le climat est beaucoup plus
chaud que dans les montagnes de l'Himalaya. D'après les renseigne-
ments de la mission russe de Pékin, VA. Mylitta, ainsi que 1'^. Cynthia
vera, G. Mén., sont très communs dans les montagnes, et les Chinois
les élèvent en quantité à l'état sauvage, les premiers avec la feuille de
chêne, les seconds sur le frêne. La race Mylitta, de l'Himalaya, qui est
une des plus grandes, est univoltine et léclosion des papillons a lieu à
la fin de juin ou au commencement de juillet; les races du sud,
comme cela est fréquent pour tous les insectes des pays tropicaux, sont
polyvoltines. La soie de VA. Mylitta porte aux Indes les noms de tussah,
tusseh, tussor, ainsi que les tissus qu'on en fabrique. Il s'en fait une
grande importation en Europe, beaucoup moindre toutefois que celle
des soies et des soieries de la Chine et du Japon; mais, dans l'Inde
anglaise, ce sont les étoffes de cette soie qui sont portées le plus com-
munément. Les fils de soie tussah grège sont employés purs ou mêlés
au coton ; sans mélange, ils donnent une étoffe dure et brunâtre, dite
Korah, usitée pour vêtements d'été ou pour meubles, pleine de fermeté
et de brillant, mais finissant par se couper après les lavages. Mêlée à un
peu de coton, la soie tussah, décreusée, fournit un tissu plus souple,
un usage plus général, et est l'objet d'un grand commerce.
Les premières notions sur VA. Mylitta ont été données dans les écrits
des docteurs Buchanan et Roxburg, puis dans le mémoire de Helfer
(voy. Bibliographie du Ver à soie du mûrier). En 1831, Lamare-Picquot
adressa sur cet insecte un mémoire à l'Académie des sciences, dans
lequel il proposait d'introduire l'espèce à l'île Bourbon, dans les posses-
sions françaises des Antilles, dans l'île de Corse, en Algérie et même
dans les départements méridionaux de la France; mais le goût de l'é-
poque n'était pas à l'acclimatation, les éducations du Ver du mûrier
étaient florissantes; on n'avait, disait-on, nul besoin d'un nouvel
insecte séricigéne ; aussi les idées de Lamare-Picquot, combattues par
Latreille, n'obtinrent pas la sanction de l'Académie des sciences. C'est
l'espèce rapportée par Lamare-Picquot qui fut figurée et décrite dans
un mémoire de Loiseleur-Deslongchamps sur les Vers à soie (voy.
Bibliographie du Ver à soie du mûrier). En ISZjO, Isidore Geoffroy-Saint-
Hilaire, qui devait fonder en 185Z» la Société d'acclimatation, déplorait
la décision académique au sujet d'un insecte dont la soie est recueillie
et employée dans l'Inde de temps immémorial, et qui es! élevé spécia-
510 LÉPIDOPTÈRES.
lement dans certaines provinces, de même, disait-il, que le Bombyx
(Attacus) Cynthia, plus complètement domestique. Cette soie, ajoutait-
il, ne saurait, certes, remplacer celle du Sericaria mort, mais rien
ne prouve qu'elle ne puisse prendre place à côté et avoir dans l'indus-
trie des utilités spéciales. En 1855, lAI. Chavannes essaya de nouveau
l'intruduction en Europe de cet A. Mylilta, et l'éleva en plein air, près
de Lausanne, sur le chêne et aussi sur l'alisier, le cognassier, le néflier.
Ces générations en plein air réussirent parfaitement sans dégénéres-
cence pendant plusieurs années; puis tout périt, soit par suite d'une
dill'érence de climat trop considérable, soit eu raison de ces accidents
auxquels succombent parfois les générations des Lépidoptères indi-
gènes, môme en plein air. Ainsi Guillemot cite un cas remarquable de
ce genre pour un Bombycien, le Lasiocampa pruni, dépérissant tout à
coup, malgré l'élevage en plein air opéré avec succès pendant cinq
générations antérieures (premier supplément au Catal. des Lépid. du
Puy-de-Dâine, page 18; Clermont, 1858). La Société d'acclimatation
reçut 1'^. Myiitta de Pondichéry, par les soins de M. Perrottet, qui éle-
vait l'insecte aux environs de cette ville. 11 obtenait dans l'Inde, comme
M. Chavannes en Suisse, la fécondation des femelles en les attachant
aux arbres, tandis que les mâles volaient en liberté; une éducation
fut faite au jardin du bois de Boulogne; Hardy, à Alger, essaya aussi
des tentatives d'éducation sur la môme espèce. M. A. Wailly, à Lon-
dres, reçut de Calcutta une caisse contenant des cocons énormes de la
race Myiitta de l'Himalaya ; quelques-uns, qui avaient survécu au
voyage, produisirent de magnifiques papillons, qui s'accouplèrent avec
une grande facilité, dans un coït durant environ deux jours, et presque
sans déchirure des ailes. Deux femelles produisirent environ /iôO œufs,
dont l'éclosion se fit trois semaines après, et les petites chenilles nées
au commencement d'août furent élevées sur branches de chêne coupées
sur vieux bois, ainsi que le fait habituellement M. A. Wailly pour ses
éducations des A. Yama-mai et Pernyi ; l'éiUication ne réussit pas, sans
doute en raison de la détestable température de l'été de 1879; M. Hues-
mann réussit, au contraire, à mener des chenilles de cette espèce jus-
qu'au coconnage, en les nourrissant avec des feuilles de chêne plus
tendres provenant des jeunes pousses de l'année. L'éducation de 1'^.
Myiitta restera toujours en France une curiosité d'amateurs. On doit
chercher à encourager aux Indes le maintien des meilleures races par
la sélection, et chercher de nouvelles applications industrielles de la
soie tussah; l'acclimatation des espèces de régions trop chaudes est
une utopie au point de vue pratique et ne peut amener que des
déceptions.
Nous devons encore signaler, parmi les Attacus asiatiques, VA. Assa-
mentis, Helfer, sur lequel Hugon {op. cit., Bibliogr. du Ver à soie du
mûrier) a donné des détails biologiques. Les habitants de l'Assam atta-
chent une grande importance à cette espèce, qui fournit une excel-
ATTACDS. 511
lente soie grège employée aux Indes, et que les habitants de l'Assam
nomment mooga. Les chenilles, qui donnent cinq générations dans
l'année, sont élevées en plein air sur sept espèces d'arbres diflerenles,
fournissant des soies de coloration variée, de la couleur blanche à la
couleur chamois, selon les végétaux qui ont nourri la chenille, et qui
croissent en général spontanément ou sont cultivés près des villages.
Les guêpes et les ichneumons détruisent beaucoup de vers ; des vieilles
femmes sont chargées de veiller constamment les plantations pour en
chasser les rats, les chauve-souris et une foule d'oiseaux qui en sont
très friands. Le cocon fermé ressemble beaucoup à celui de l'A. Pernyi;
le papillon diflère surtout par l'absence de partie vitrée aux taches
ocellées des ailes; le même caractère se retrouve dans une autre espèce,
VA. Perrutetti, G. Méu., découverte par Perrottet près de Pondichéry,
décrite et figurée dans le Magasin de\zoologic (18Zi3, Insectes, pi. 123);
le cocon est ovoïde, sans pédicule, rugueux à la surface, comme celui
du Sericaria mort, et d'un jaune tirant un peu sur le fauve. Ces espèces
n'ont jamais été introduites vivantes en Europe, et elles habitent un
climat trop chaud pour qu'il y ait lieu de faire aucune tentative d'ac-
climatation. Nous pouvons encore citer, à titre d'Attacus indiens dont
on retire une excellente soie : A. Silhetica, Helfer, du Silhet, où l'on
file la soie de ses grands cocons, et un Attacus vivant à l'état sauvage
sur le mango, dont les habitants de Malda recueillent les cocons dont
ils mêlent la soie à celle de VA. Arrindia, ou Ver à soie du ricin.
Les mêmes régions de l'Asie qui nous offrent plusieurs Atlaciens à
cocons fermés ont un autre type présentant deux espèces, ou plus pro-
bablement deux races bien fixées par de longues générations, Tune de
la Chine, l'autre des Indes, et produisant des métis indéfiniment
féconds, caractère presque exclusivement spécifique : ce sont les A.
Cynthia, Diury^ vera, G. Mén., le Ver à soie de Vailante, et A. Arrindia^
Milne Edwards, le Ver à soie du ricin. Le premier, propre à la Chine, a
été signalé par les missionnaires vers le milieu du dix-huitième siècle;
c'est le P. d'Incarville qui semble l'avoir indiqué le premier dans un
mémoire sur les Vers à soie sauvages, écrit vers l'année 17/iO, pour
répondre sur ce sujet aux questions que le ministre et plusieurs savants
lui avaient adressées. En 1760 ou 1761, d'Aubenton (le jeune), dans
l'ouvrage intitulé : Planches d'histoire naturelle enluminées (t. X, pi. 42,
Ins.), donnait une figure assez reconnaissable de cet Attacien et l'appe*
lait le Croissant, à cause des lunules transparentes, arquées en forme
de croissant, qui se voient au milieu des ailes et forment un type spé-
cial parmi les Attaciens. C'est en 1773 que Drury donna à ce Lépidop-
tère le nom de Bombyx Cynthia {Illustrations of natural History, H,
p. 10, pi. VI, fig. 2), et ce nom fut conservé par Cramer, 1779, et par
Olivier, 1790, ces auteurs ignorant tous qu'il était question du fameux
Ver à soie sauvage chinois du P. d'Incarville, et ne connaissant ni le
cocon, ni la chenille j ni la plante nourricière. En 180/», le botaniste
512 LÉPIDOPTÈRES.
anglais Roxburg {Trans. Soc. linn. de Londres, VI, p. Zj'i, pi. m) signala
une autre espèce ou race trùs voisine, élevée dans l'Indoustan, où elle
est à l'état domestique, avec la feuille du ricin (Ricinus palma Christi),
et la confondit avec l'espèce chinoise. Guérin-Méneville, en 1858, éta-
blit nettement la séparation, pressentie du reste par Boisduval en iSbk
{Ann. Soc. entom. fr., 185/i, VI, p. 755), disant que les exemplaires du
véritable Cynthia diffèrent autant de Saturnia (Attacus) ricini que
Saturnia piri se distingue de spiiii. Aussi l'espèce cliinoise doit prendre
le nom d'.4. Cynthia vera, G. Mén., l'espèce ou race indienne à'A.Arrin-
dia, Wilne Edwards, nom qui lui fut donné pour la première fois dans
les Bulletins de la Soc. impér. et cenlr. d'agriculture (séance du 15 no-
vembre 185Zi), parce que la chenille est appelée aux Indes Arrindy aria
ou Ver à soie Eria. La description exacte du papillon de VA. Cynthia
vera est difficile, tant les couleurs se fondent insensiblement avec har-
monie. L'espèce est aujourd'hui tout à fait acclimatée en France et
fait partie du catalogue de nos espèces, car on la trouve se reprodui-
sant spontanément sur les allantes (faux vernis du Japon, Ailantus
glandulosa), provenant de papillons échappés aux éducations d'ama-
teurs ou mis en liberté par eux; c'est d'après des sujets parisiens, tout
à fait semblables du reste comme taille et comme coloration à ceux
qui nous viennent du sud de la Chine, que nous donnons la description
suivante : les deux sexes pareils de teinte et de dessin, envergure
moyenne 11 centimètres pour le mâle, 12 centimètres pour la femelle;
antennes jaunes, pectinées dans les deux sexes, les barbules des mâles
plus larges ; thorax d'un brun jaunâtre, avec petit collier antérieur
blanc et une assez large bande blanche à la base; fond des quatre ailes
d'un jaune gris, partagées par une bande transverse grise, nuancée de
rose, bordée de blanc intérieurement et de noir plus intérieurement
encore ; à l'angle apical de l'aile supérieure, qui est arrondi-falqué,
surtout chez le mâle, se trouve une tache noire ovale, finement poin-
lillée de bleu, surmontée d'une petite ligne courbe blanche; entre
cette tache et le bord supérieur est un espace lavé de gris violacé;
bordure des quatre ailes formée de plusieurs lignes grises; les quatre
ocelles médians, un par aile, internes à la bande transversale médiane,
sont des lunules ou croissants, vitrés au milieu, surmontés d'une ligne
noire, bordés inférieurement d'une bande diffuse d'un jaune d'ocre;
en dessus, à l'aile supérieure seulement, une bande blanche angu-
leuse, bordée de noir, part de la côte, atteint la partie inférieure de
la lunule, fait un crochet et vient se prolonger sur la base du corselet,
dont cette bande blanche réunit ainsi les bandes blanches anguleuses
des supérieures; aux ailes inférieures la côte est blanche, dans la région
comprise entre le corps et la bande transverse blanche ; en outre il y a
une bande blanche analogue à celle des ailes supérieures, courbe,
presque parallèle à la lunule, placée entre la lunule et la base de
l'aile; dessous des quatre ailes d'un ton plus clair que le dessus, comme
ATTACUS. 512
lavé, les lunules pareilles, moins vives ; pattes d'un gris jaune avec un
anneau blanc à chaque articulation; abdomen d'un gris jaunâtre, une
bande blanche longitudinale au milieu, de chaque côté deux rangées
de houppes de poils blancs, dessous de l'abdomen d'un jaunâtre
plus foncé, offrant au milieu deux lignes blanches longitudinales ;
voyez pi. xcv, fig. 5, Attacus Cynthia, femelle ; fig. 6, tôte du mâle,
fig. 7, cocon; fig. 8, une patte grossie; œufs deux fois plus gros que
ceux du Ver à soie ordinaire, ellipsoïdes, également gros aux deux
bouts, blancs, avec des mouchetures noires dues à des particules
de cette couleur répandues dans la gomme qui les enduit; sept à
huit jours après la ponte, quand ces œufs approchent du moment
de Téclosion des chenilles, ils tendent à s'aplatir un peu, perdent de
leur poids et prennent une teinte grisâtre bien marquée, produite par
la couleur noire de la chenille qu'ils renferment, et qui se voit un peu
par translucidité de la coque; de huit à douze jours après la ponte, selon
la température, éclosent les chenilles, en rongeant le côté de la coque
opposé à celui qui était collé sur la surface de position. Elles sont alors
longues de 4 à Zi,5 millimètres et paraissent noires, parce que leurs
anneaux portent chacun dix taches noires et six tubercules de même
couleur ; mais, vues à la loupe, on reconnaît que leur peau est d'un
jaune plus ou moins pâle, avec la tète noire et une grande plaque
transversale noire occupant presque tout le dessus du prothorax. Ces
chenilles sont à cinq âges et à quatre mues, chacune de ces mues pré-
cédée d'un sommeil de vingt-quatre à quarante-huit heures selon la
température; avant de s'endormir pour quitter leur ancienne peau,
elles tapissent la partie du dessous de la feuille qui les porte avec un
réseau invisible de fils de soie et y accrochent solidement leurs pattes
membraneuses, afin que la vieille peau demeure attachée en arrière
aux fils en question et ne reste pas fixée à la partie postérieure du corps
de la chenille, qui périrait étouffée par ses déjections; lors des mues
les chenilles de 1'^. Cynthia vera, au lieu de se dresser, ainsi que
le font les Vers à soie du mûTTer, restent immobiles à plat sur les
fj ailles.
Au second âge, le corps de ces chenilles est long de 8 à 10 millimètres;
il est encore jaune, avec la tète, les tubercules et les points épars sur
les segments noirs, mais il n'y a plus de plaque noire sur le premier
anneau. Au troisième âge tout change; la chenille, devenue longue de
15 à 17 millimètres, ne tarde pas à devenir entièrement blanche. A cet
Age et aux suivants, tout son corps se couvre bientôt d'une sécrétion
cireuse, formant une sorte de farine blanche, destinée à le garantir de
la pluie et de la rosée; c'est un enduit hydrofuge sur lequel l'eau ne
peut adhérer. Au quatrième âge la chenille atteint 20 à 2li millimè-
tres de longueur; son corps est d'abord blanc, puis il devient graduel-
lement vert, avec les tubercules de la même couleur, et bientôt la tôte,
les pattes el le dernier segment deviennent d'un beau jaune d'or; il y a
GiiiAiiD. ni. — 33
514 LÉPIDOPTÈRES.
toujours les points noirs sur les segments ou anneaux, et la sécrétion
farineuse blanche. Au cinquième âge la coloration vert émeraude est
la même, mais plus intense, et l'extrémité des tubercules prend la cou-
leur de bleu d'outre-mer. La chenille est longue de 32 à 35 millimètres,
mais elle s'accroît rapidement, et, suivant l'abondance et la qualité de
la nourriture, elle atteint une longueur de 65 à 80 millimètres. Arrivée
à ce développement, elle commence à moins manger, et devient peu à
peu d'un vert moins intense, tirant sur le jaunâtre. Après s'être vidée
de tous ses excréments et d'une très grosse goutte d'un liquide plus ou
moins transparent, elle ne tarde pas à commencer son cocon, après
avoir solidement fixé deux ou trois folioles d'allante à la tige principale
avec de la soie, afin que le cocon ne tombe pas au commencement de
l'hiver, époque de la chute des feuilles. Il y a quelques différences dans
la filature de ce cocon, comparée à celle du Ver à soie du mûrier, car
la chenille doit ménager une ouverture élastique pour la sortie du
papillon. Pour la partie latérale du cocon et pour le pôle opposé à
l'ouverture, la chenille pose son fil en zig-zag et en fait de petits pa-
quets en tous sens, comme la chenille du Sericaria mort; de temps à
autre elle s'arrête pendant quelques secondes et se gonfle, comme pour
pousser les parois du cocon et se faire la place nécessaire. (Juand elle
travaille du côté de l'ouverture, elle fait des mouvements de tête beau-
coup plus allongés, et pose alors ses fils dans le sens longitudinal, en
avançant sa filière jusqu'à l'extrémité de l'ouverture, collant son fil aux
fils précédents et revenant parallèlement à ces premiers fils, de sorte
que les fils de l'ouverture en nasse du cocon sont repliés et nullement
coupés. Puis la chenille pose en dedans du cocon d'autres fils en tous
sens, revient ensuite à l'ouverture, travaille de nouveau dans le sens
longitudinal, et ainsi de suite jusqu'à ce que le cocon soit terminé;
pendant tout le travail les antennes et les palpes de la chenille sont en
mouvement, ainsi que les mandibules qui semblent servir de polissoirs,
car elles ne mordent et ne coupent rien. Comme les fils qui forment
l'ouverture des cocons ne sont pas coupés, mais seulement bouclés et
repliés sur eux-mêmes, on s'explique très bien comment, en septem-
bre 185/i, Guérin-Méneville a pu, après décreusage, dévider à la main
les cocons de l'espèce ou race du ricin, très voisine àeVA.Cyjithia vera.
Les cocons du Ver de l'allante, de forme allongée et effilée aux deux
bouts, souvent avec un pédicule d'attache aplati au bout opposé à
celui par où doit se faire la sortie du papillon, d'une couleur grise plus
ou moins pâle, et d'un tissu très serré, sont longs en général de àO à àô
millimètres et larges de l/i à 15. Ils varient beaucoup pour la grosseur
et le poids, suivant la manière dont ils ont été obtenus et suivant leur
degré de dessication; on peut dire qu'en général ils sont plus lourds
que ceux du Ver à soie du mûrier. Un cocon frais, terminé depuis huit
à dix jours et contenant sa chrysalide vivante, pèse en moyenne 29''50, ce
qui fait à peu près Zi20 cocons frais au kilogramme. Il est reconnu qu'e
ATTACUS. 515
moyenne le cocon frais du Ver du mûrier pèse près de 2 grammes et
qu'on en compte généralement 500 au kilogramme.
L'Attacus Cynthia vera a normalement en France deu\ générations
dans la même année et passe l'hiver dans l'inaction, à l'état de chrysa-
lide dans le cocon. On pourrait obtenir, dans le iMidi et en Algérie, trois
générations par an, mais il est préférable de ne faire que deux récoltes,
qui coïncident avec les deux mouvements de sève sous notre climat.
Abandonnés cnniplèfemcnt à la température ordinaire, dans notre pays,
les cocons donnent leurs papillons, du premier au dernier jour de juin,
suivant la précocité de la saison. Il faut s'arranger, par l'aide d'un peu
de chaleur factice si la saison est froide et en retard, pour faire éclore
les papillons du 5 au 10 juin au plus tard, et comme il s'écoule à peu
près de quarante à quarante-cinq jours entre la ponte des œufs, l'éclo-
sion des chenilles et la production des cocons, on aura terminé la pre-
mière récolte du 25 au 30 juillet. Les chrysalides demeurant environ
vingt-six jours, à la température normale de 20 à 25 degrés centigrades,
ne donneront leurs papillons que vers le 26 août au plus tard; quelques-
unes, environ 6 pour 100, n'écloront pas et passeront l'hiver avec celles
des cocons de la génération d'automne. Il y a là, comme pour beaucoup
d'autres espèces de Bombyciens ou d'Attaciens, une prévoyance de la
nature, dans ces retards sur l'éclosion normale, afin que, si la seconde
génération de l'année venait à manquer son développement, l'espèce
ne soit pas anéantie par cette cause. La ponte des papillons éclos en
été, l'incubation des œufs et l'éducation des chenilles prenant encore
en tout quaranle-cinq jours au plus, on aura les seconds cocons de
l'année du 30 septembre au 5 octobre au plus tard. Si on ne juge pas
à propos de laisser sur les allantes les cocons pour grainage, on les en-
filera légèrement, sans percer la chrysalide, en chapelets d'une cen-
taine, qu'on gardera tout l'hiver suspendus dans des chambres sans feu,
jusqu'en juin de l'année suivante, en portant en lieu frais si cela est
nécessaire pour éviter une éclosion trop prématurée qui pourrait con-
duire à une troisième génération impossible à mener à bonne fin. On
trouve maintenant en France, dans les localités à allantes, des papillons
sauvages qui volent le soir en juillet et août; ils se posent sur les troncs
d'arbre en tenant au repos les ailes à plat, parfois relevées, un peu bien
moins toutefois que VAglia Tau. Dans beaucoup de promenades et de
jardins de Paris et de sa banlieue, on voit en hiver des cocons gris de
VA. Cyiithia vera qui pendent aux plus hautes branches des allantes et
on en a même observé sur quelques allantes du boulevard des Italiens.
Les feuilles de l'allante sont la nourriture habituelle de cette espèce,
polyphage avec prédilection d'un végétal, comme cela a lieu pour la
plupart des Attaciens; les feuilles de ricin conviennent tout aussi bien
et sont celles que mange habituellement VA. Arrindia, c'est-à-dire l'es-
pèce ou race succédanée des régions méridionales ou indiennes. On a
élevé aussi avec succès (Vallée, au Muséum, à la ménagerie des Reptiles)
516 LÉPIDOPTtRES.
l'A. Ci/nî/i/auera sur les feuilles du chardon à foulon {Dipsacus fullonnm,
Linn), et Christian Le Doux a obtenu de beaux cocons, présentés à la
Société d'acclimatation, en nourrissant les chenilles en liberté avec les
feuilles du lilas; ces indications peuvent être utiles afin de conserver la
race, si l'on n'a pas en temps utile des allantes, mais il est préférable de
s'en tenir à ces derniers végétaux, car il n'est pas prouvé, qu'après plu-
sieurs générations sur d'autres plantes, il n'y ait pas dégénérescence
des cocons et des papillons. Rien de pareil n'est à craindre avec l'allante ;
je possède une paire de papillons de la première éducation faite en
France, et ils sont bien plus petiis et moins colorés que les sujets
actuels, que nous obtenons sauvages ou dans les grandes éducations
libres et en plein air sur les allantes.
D'après le P. d'Incarville, ces Vers sont une source de richesse pour
la Chine, quoique, écrit-il, « on recueille chaque année une si prodi-
gieuse quantité de soiedumûrier, qu'au dire d'un écrivain moderne, on
pourrait en faire des montagnes ». Cette éducation se fait en plein air,
sur des plantations d'allantes, que le P. d'Incarville avait pris pour une
espèce de frêne, et sur des plantations de Fagara, arbre nommé tché ou
ye-sang par les Chinois, qui est également cultivé dans ce but. D'après
un traité chinois sur la manière d'élever et de nourrir les Vers à soie,
ce sont de petits arbres qui n'ont ni la feuille ni le fruit du mûrier. Le
fruit ressemble au poivre [Fagara piperata). Les branches, épineuses et
épaisses, viennent naturellement en forme de buissons. Ces arbres se
trouvent bien d'être sur des coteaux et y forment une espèce de forêt. Il
y a des Vers à soie qui ne sont pas plus tôt éclos dans la maison qu'on
les porte sur ces arbres, où ils se nourrissent et font leurs cocons. Ces
Vers campagnards et moins délicats deviennent plus gros et plus longs
que les Vers domestiques, et quoique leur travail n'égale pas celui de
ces derniers (les Vers à soie du mûrier), il a pourtant son prix et son
utilité; c'est de la soie produite par ces Vers qu'on fait les cordes des
instruments de musique, parce qu'elle est forte et résonnante. Les
arbres tché ou mûriers sauvages ne sont pas sans demander certains
soins. Il faut ménager, dans ces petites forêts, quantité de sentiers en
forme d'allées, afin de pouvoir arracher les mauvaises herbes qui crois-
sent sous les arbres. Ces herbes sont nuisibles en ce qu'elles cachent des
insectes et surtout des reptiles, friands de ces gros Vers. Ces sentiers
sont encore nécessaires afin que les gardes parcourent sans cesse le
bois, ayant, le jour, une perche à la main ou un fusil pour écarter les
oiseaux ennemis de ces Vers, et battant, la nuit, un large bassin de
cuivre, ou un tam-tam, pour éloigner les oiseaux nocturnes. On doit
prendre cette précaution chaque jour, jusqu'au temps où l'on recueille
les cocons travaillés par les Vers. Ces citations du P. d'Incarville nous
montrent que 1*^4. Cynthia vera est en Chine l'objet d'éducations à demi-
domestiques et surveillées.
Il faut de 2390 à 2440 cocons du Ver de l'allante pour faire un poidi
AITACUS. 517
de 1 kilog. comprenant, outre la soie, de la gomme et les peaux de
chenille et de chrysalide. Il paraît qu'en Chine on a quelquefois obtenu
une véritable filature en soie grt'-ge de ces cocons, car, parmi les échan-
tillons de tissus envoyés autrefois à Turin par le P. Fantoni, il y en a
plusieurs qui sont tissés avec de la soie continue ou grège demeurée à
l'état écru et qui a conservé la couleur grise de la bourre des cocons de
l'allante. En général on traite les cocons naturellement percés des
A. Cynihia vera et Arrindia comme les cocons percés du Ver à soie ordi-
naire, on les carde et on en obtient de la bourre de soie tout à fait
analogue à celle que donnent les cocons de Snicaria mori qui ont servi
à faire de la graine et dont les papillons sont sortis, en trouant un des
bouts. Cette bourre, de couleur gris de lin, filée à la quenouille ou avec
des machines, donne un fil tordu ou liloselle, semblable, mais plus
lustré, à celui que les fabricants connaissent sous les noms de galette et
de fantaisie, et dont notre industrie fait une grande consommation pour
fabriquer, en le mêlant au coton, au lin et à la laine des tissus d'un
emploi universel, connus sous le nom d'étoffes de fantaisie, fabrication
surtout très considérable à Roubaix, à Nîmes et à Lyon. On sait que la
galette est le fil fabriqué avec toidela. matière soyeuse des cocons percés
du Ver du mûrier, après cardage. Cette matière soyeuse est composée,
par conséquent, des couches externes et grossières des cocons, et aussi
des couches intermédiaires et internes, qui constituent la plus belle
soie. La fantaisie ou chappe est le fil que l'on fabrique avec les déchets
de filature appelés frisons et bassinais. Les premiers sont la portion
extérieure la plus grossière des cocons, que la fileuse enlève à la main
avant d'arriver à trouver le brin de soie fine, et les bassinais sont les
restes des cocons dévidés qui tombent au fond des bassines quand toute
la belle soie a été convertie en grège. Après cardage et fermentation
décolorante on obtient une bourre, qui est filée mécaniquement, mais
qui est de qualité inférieure et de moindre prix que la galette, puis-
qu'elle n'est presque entièrement composée que des parties les plus
grossières des cocons. Guérin-Méneville avait établi, à Joinville-le-Pont,
près de Paris, un établissement qui comprenait une plantation d'al-
lantes et une petite filature pour la production de Vailaniine ou filoselle
des cocons cardés du Ver de l'ailante. On peut voir, à la Société d'accli-
matation et ailleurs, des étoffes tissées avec cette ailantine. La bave des
cocons d'allante est double, comme celle du Sericaria mori, mais d'un
diamètre inférieur, le plus souvent à deux centièmes de millimètre
(Duseigneur); elle est aussi plus plate, ce qui prête à plus de reflets.
D'après M. Cornalia, le diamètre du brin de soie ordinaire ou du Ver du
mûrier est aussi de deux-centièmes de millimètres, et celui du brin de
la soie du ricin, ou A. Arrindia est de trois-centièmes de millimètres.
La force de la soie du type Cynthia est considérable et pour ainsi dire
proverbiale, puisqu'on lui attribue la grande durée des vrais foulards
(iç l'Inde, qui en sont presque exclusivement composés. On lit à ce
518 LÉPIDOPTÈRES.
sujet, dans le journal de la Société asiatique du Bengale, janvier 1837 :
«La soie de cette espèce (Ver du ricin) n'a pas encore été dévidée et on
a été obligé de la filer comme du coton. L'étoffe qui en est faite est, en
apparence, lûche et grossière, mais elle est d'une durée incroyable. La
vie d'une seule personne suffit rarement pour user un vêtement de
cette espèce, de telle sorte qu'une même pièce d'étoffe passe souvent de
la mère à la fille (lettre d'Atkinson à M. Roxburg, 1802). » Le P. d'In-
carville, en 17Z|0, dit, en parlant de la soie produite par les Vers de
l'ailante : « la soie qu'ils donnent est d'un gris de lin, dure le double
de l'autre au moins et ne se tache pas si aisément Les étoffes qu'on
en fait se lavent comme le linge. Si l'on se met en France à élever des
Vers sauvages, l'industrie française trouvera bientôt tout ce qui est
propre à faire tirer un excellent parti de leur travail. » Comme l'accli-
matation en Europe et particulièrement en France de VA. Cynthia vera
est parfaitement établie aujourd'hui, on voit tous les avantages que
peut nous procurer cette nouvelle matière textile. Il ne faut attribuer
son manque d'emploi qu'à l'apathie et à la routine si enracinées chez
nos filateurs du midi de la France.
Il paraît, avons-nous dit, que les Chinois ne savent pas dévider en soie
grège, du moins dans la plupart des régions de leur vaste pays, les
cocons de l'J. Cynthia vera. Le dévidage continu est cependant possible;
il a été réalisé, sur les cocons à sec et non dans l'eau, au moyen d'ap-
pareils spéciaux et des brevets ont été pris par M. le docteur Forgemol
et par madame de Pages, née de Corneillan ; ces brevets, tombés main-
tenant dans le domaine public, sont restés lettre-morte pour l'industrie.
Une découverte capitale de Christian le Doux, permet de rendre ce
dévidage pratique et de l'opérer à la même bassine et avec les mêmes
ouvrières que pour les cocons de Sericaria mon. Il s'est d'abord servi
d'ampoules ou chrysalides en caoutchouc, introduites dans les cocons
ouverts et les faisant tomber au fond de la bassine, de sorte qu'on les
agite et qu'on saisit le fil à la façon ordinaire ; mais il y avait là une
main d'œuvre de plus,, et cela suffisait pour rebuter nos filateurs du
midi de la France, qui sont les plus routiniers de fous les industriels.
Christian le Doux est arrivé à résoudre complètement le problème ; les
cocons ouverts sont maintenus à la surface des bassines, dans la couche
d'eau chaude supérieure, au moyen d'une toile métallique, qui les
empêche de tomber au fond dès qu'ils sont remplis d'eau, ce qui ferait
casser le fil. Le dévidage est très aisé, après un décreusage convenable.
En avril 1879, Christian Le Doux a montré à la Société d'acclimation
des cocons du Ver de l'allante, préparés par son procédé de décreusage
et sur lesquels on pouvait voir, formant comme une frange, les fils, re-
pliés qui obstruent la partie du cocon laissée ouverte par la chenille
pour la sortie du papillon, établissant une fois de plus que le fil du
Cynthia est continu, comme celui des cocons fermés du Sericaria mori,
des Attacus Yama-maï, Pernyi, Mylitta, Polyphemus, etc. Le fil de ces
ATTACUS. 519
cocons préparés se détachait au simple contact des doigts ; il y avait en
outre des peletles ou tins de cocons, pour démontrer que le cocon peut
se désagréger entièrement, des frisons pour filateurs de bourre de soie,
et enfin une 4clievette de soie grège tirée à la bassine. Il est fort à dé-
sirer qu'une compagnie industrielle exploite le procédé Christian Le
Doux, car elle aura le double profit de tirer parti d'une fort belle soie
et de mettre en culture d'uilantes des terrains négligés jusqu'ici et de
très faible valeur, qui pourront acquérir ainsi un prix élevé.
Un fait important et qui tend à prouver que les A. Cynthia vera et Ar-
rindia sont deux races d'une même espèce, c'est qu'on a pu obtenir des
hybrides indéfiniment féconds, en prenant le mâle et la femelle soit dans
un type soit dans l'autre. Les premiers essais d'accouplement furent faits
en septembre 1858, au Muséum, dans la ménagerie des Reptiles et sous
les soins du gardien Vallée, et, le 2 novembre 1858, Guérin-Ménerville
présentait à l'Académie des sciences des métis à l'état de chenilles et
filant leurs cocons. Au premier croisement, les oeufs pondus par la fe-
melle de Cynthia vera, fécondés par un mâle Arrindia, ont ressemblé
complètement à ceux de Cynthia, car ils étaient tous tachetés de noir,
tandis que ceux qui ont été pondus par la femelle Arrindia^ accouplée
avec le mâle Cynthia, étaient demeurés entièrement blancs. Les che-
nilles des deux pontes présentaient toutes l'ensemble des caractères de
l'espèce Cynthia vera, la couleur des cocons produits par ce premier
croisement a tenu beaucoup plus de celle du vrai Cynthia, les papil-
lons ressemblaient presque entièrement à ceux du type Cynthia, sauf le
ventre, dont les touffes blanches étaient plus grandes, comme s'il y avait
là une tendance à prendre le caractère d' Arrindia, qui a l'abdomen tout
recouvert de poils blancs. Ces papillons métis ont été féconds entre eux
et leurs produits n'ont pas tardé, après quelques générations, à revenir
au type Cynthia vera. Comme ils étaient plus vigoureux que les deux
types purs. Vallée, dans ses éducations au Muséum, leur donnait la pré-
férence et en a élevé la descendance pendant plus de dix ans; il a lâché
en liberté beaucoup de papillons dans le jardin, de sorte qu'on peut
dire que les papillons sauvages de l'allante qu'on trouve encore dans les
squares et jardins de tout le quartier du Jardin des Plantes et dans ce
jardin lui-même, probablement aussi ceux de Montrouge et d'autres loca-
lités de la rive gauche de la Seine ont pour originecesmétis.Le Ver à soie
métis de l'allante et du ricin a été introduit à Montevideo par les soins
de Guérin-Méneville, et on peut dire qu'il y a là un des beaux succès
dont la Société d'acclimation de Paris doive se glorifier. L'insecte s'y est
multiplié d'une manière inouie et s'accommode fort bien des deux espèces
de ricins naturelles au pays. Les cocons présentent une consistance et un
poids supérieurs aux cocons provenant d'Europe et même de Chine, et
leur soie est devenue une branche commerciale du marché de la région.
Ces croisements n'ont pas été repris en France et n'y ont pas d'impor-
tance. En effet, bien que la chrysalide du métis reste inactive tout l'hi-
yH) I.ftPÎDOPTfeRliS.
ver, ce qui permet de conserver la race sans être obligé de faire des
éducations en serre encettesaison, ces métis ont tendance à reproduire
plus souvent que l'espùce chinoise et on serait exposé, dans les années
chaudes, à avoir trois ou quatre générations, ce qui serait très incom-
mode, vu l'arrivée de la mauvaise saison.
C'est environ quatre ans après le premier élevage de r.4. Arrindia en
France que commença l'introduction de 1'^. Cynthia vera. En novem-
bre 1856, le P. Fantoni, missionnaire piémontais dans la province de
Hun-Tung, en Chine, immédiatement après la seconde récolte de cette
espèce, envoya des cocons à chrysalides vivantes à MM. Comba et Griseri,
à Turin. Ils obtinrent des papillons en mai 1857, quelques œufs fécondés
vers la mi-juin et de jeuneschenilles quelques jours après. D'après quel-
quesindicationsdu P. Fantoni, etsurl'aspect des folioles sèches qui recou-
vraient certains des cocons chinois, ils présentèrent des feuilles d'allante
aux Vers naissants, ce qui réussit parfaitement; les feuilles de ricin fu-
rent mangées également bien. Des cocons de la seconde éducation pié-
montaise de 1857 furent conservés jusqu'au printemps de 1858 et
donnèrent des papillons. Le 5 juillet 1858 Guérin-Méneville présentait
à l'Académie des Sciences des œufs et quelques papillons femelles de
cette espèce opérant leur ponte. L'éducation des chenilles provenant de
ces œufs fut confiée à Vallée, gardien de la ménagerie des reptiles au
Muséum, qui obtint une seconde génération en automne. En 1859,
Vallée en obtint, à la chaleur constante de cette ménagerie, trois géné-
rations, de mai à juin, de juillet à août, de septembre à octobre. C'est
par milliers d'individus que dès cette année 1859, l'espèce fut élevée en
France par diverses personnes. En 1859 et 1860, le comte de Lamote-
Baracé consacra à l'élevage en plein air plusieurs hectares de terrain.
Des essais furent entrepris, sur une vaste échelle, au domaine impérial
de Laraotte-Reuvron. En 1861, on avait, sur un grand nombre de points
de la France, plusieurs centaines de mille individus et plus d'nn million
d'œufs. Guérin-Méneville opérait des éducations au bois de Boulogne
sur un taillis d'allantes, puis les continuait définitivement dans un éta-
blissement spécial destiné à la production de Yailanline, ou soie cardée
de VA. Cynthia vera, à Joinville-le-Pont, près de Vincennes. On pouvait
y remarquer avec quelle facilité les allantes se développaient dans un
très mauvais terrain; à la fin de 1862 des ailaufes taillés au pied au
printemps, avaient crû de 1 à 2 mètres. Des semis d'allantes, qu'on
avait soin de tenir à l'état nain, étaient disposés en rangées parallèles.
Les Vers s'y nourrissaient en liberté, et des allées, ménagées entre les
rangées, permettaient de récolter facilement les cocons. On avait soin,
à Joinville-le-Pont, de faire la chasse aux Guêpes avec de grands filets
de toile, car ce sont les seuls ennemis redoutables des chenilles, et
aussi des papillons qu'on rentrait à la chambre pour la ponte. Ce sont
les jeunes chenilles qui sont dévorées, une fois fortes, elles ne craignent
plus ces insectes. Les (luépes, peu redoutables pour la première éduca-
ATTACUS. 521
tion, constituent, au contraire, un obstacle considérable à la seconde.
Au printemps elles sont très peu nombreuses, car il n'existe alors que
les mères qui ont hiverné; mais, en été et en automne, leur innombrable
postérité exerce sesdévastutions. L'eiTet désastreux des Guêpes, très grave
pour les petites éducations près des lieux habités, devient insignifiant
pour les grands élevages loin des villes. En 1862 une éducation de
l'A. Cynthia vera fut faite avec succès par M. Gaze, près de Barcelone, sur
des allantes plantés au bord d'une des promenades les plus fréquentées.
En omettant beaucoup d'essais en petit, nous devons signaler M. de Milly,
dans les Landes, près de Mont-de-Marsan. En 1862, il faisait placer sur
une haie d'allantes, longue de 500 mètres et bordant une grande route
environ, cinquante mille Vers, et, malgré quelques larcins, il obtenait
97 kilogrammes de cocons frais. 11 consacra pendant plusieurs années
de grands terrains à la culture de l'allante et de son insecte et ne cessa
ses tentatives que rebuté par la routine de nos fîlateurs et l'absence de
débouché industriel pour la matière produite. Des éducations en grand
furent également faites pendant plusieurs années par M. Givelet, au
château de Flamboin (Seine-et-Marne), avec de vastes plantations d'al-
lantes. Il obtint une médaille d'or à l'exposition des insectes de 1865; il
avait evposé une sorte de chalet en treillis de toile contenant plus de
vingt mille papillons de Cynthia, qui excitaient une curiosité générale,
des allantes en caisse, des boîtes de ponte, etc. Les élevages cessèrent,
par cause majeure, à la guerre de 1870. D'après M. Givelet, la culture
de l'allante en sol convenable, mais non en mauvais sol, peut donner
un bénéfice en production d'ailnutine qu'on peut évaluer, selon ses
essais à 600 francs par hectare. En 186Zi le docteur Forgemol, de Tournan
(Seine-et-Marne), faisait connaître un moyen de dévidage, en fil continu
mais non en soie grège, des cocons de 1'^. Cynthia vera. Après décreu-
sage, le cocon humide était enfilé sur une aiguille verticale (brevetée)
et le brin soyeux sur un tour ; comme la résistance du brin est bien
plus grande que le frottement du cocon contre l'aiguille, le cocon tourne
jusqu'à ce qu'il soit épuisé de tous ses brins. L'appareil Forgemol, expé-
rimenté en public dans diverses expositions, n'a jamais été appliqué en
grand et son brevet est périmé. Nous avons vu que {.hristian Le Doux
au contraire a su dévider en soie grège, avec croisade d'un nombre dé-
terminé de brins et au moyen des bassines ordinaires les cocons de VA.
Cynthia vera.
Tout ce qui a été dit précédemment pour d'autres Attaciens nous
permet d'être très bref relativement à l'élevage en France du Ver de
l'allante qui doit s'opérer à l'air libre sur taillis d'allantes, ce qui est
bien préférable à l'éducation sur rameaux d'allante dans des carafes
d'eau surtout si elle se fait en chambre ; elle serait suivie ou de flacherie
ou de dégénérescence. Les œufs sont placés dans des cornets de léger
carton, adaptés çà et là autour des branches, et le mieux est d'aban-
donner dès réclusion les petites chenilles à leur instinct.
522 LÉPIDOPTÈRES.
Une seconde espèce très voisine, probablement une race méridionale,
est VA. Arrindia. Milne-Edwards, le Ver à soie du ricin. Il y a peu de
différences comparativement à l'insecte précédent. L'œuf est entière-
ment blanc et la chenille entièrement et uniformément verte, sans
points noirs, ni coloration d'un jaune vif à la tête, aux pattes et au der-
nier segment; le cocon, ouvert et de même forme que celui de l'espèce
précédente, est un peu plus petit et plus faible en soie, et d'un roux
très vif et non d'un gris de lin. Le papillon est aussi de dimensions un
peu moindres, l'abdomen entièrement couvert de poils blancs en dessus
uniformément et non par petits bouquets, la large ligne qui suit exté-
rieurement la ligne blanche partageant les ailes en deux portions est
d'un gris terne, et les quatre lunules centrales des quatre ailes plus
étroites et plus courtes. Cette race ou espèce vit normalement et de
préférence sur les feuilles de ricin et ses générations se succèdent conti-
nuellement de sept à douze fois dans la même année, selon la tempéra-
ture. Hugon et Helfer ont donné quelques détails sur l'éducation du Ver
de ricin dansl'lndoustan etl'Assam. Comme pour la chenille du Sericaria
mort, elle a lieu dans des endroits fermés et principalement avec les
feuilles du Ricinus palrna Christi, qui donne les chenilles les plus fortes
et les cocons les plus soyeux. La chenille mange aussi la feuille du
mûrier et celle de divers arbes spontanés de l'Indoustan et de l'Assam,
mais avec moins de prédilection que le ricin, qui est la seule plante
qu'on cultive dans cette intention. Il n'est guère de paysan qui n'en
possède une petite plantation auprès de sa maison ou dans les haies qui
entourent ses champs. L'arbuste n'exige que quelques sarclages et doit
être renouvelé tous les trois ans. Hugon a donné quelques renseigne-
ments relatifs à l'Assam ; d'après lui les tribus des montagnes qui vien-
nent s'établir dans la plaine aiment beaucoup à manger les chrysalides
de 1'^. Arrindia; on perfore les cocons, trois jours après qu'ils sont ter-
minés, pour les en retirer. On obtient la soie en faisant bouillir les
cocons à feu lent dans nne solution potassique, jusqu'à ce que la soie se
détache avec facilité. On les retire alors du feu, on en exprime l'eau
doucement, puis on les prend un à un à la main et on les dévide par une
extrémité. On convertit cette soie en échevaux, à l'aide d'un petit instru-
ment de bois, et elle est prête à être tissée ou teinte. Le tissage de cette
soie est pareil à celui du coton, et les étoffes ainsi obtenues se consom-
ment presque exclusivement dans le pays.
Le Ver du ricin, à générations rapprochées, est venu par étapes de
l'intérieur de l'Inde à Calcutta, de Calcutta en Egypte, de l'Egypte à
Malte, de Malte à Turin et enfin en France, où l'insecte fut élevé pour
la première fois chez !\I. Milne-Edwards et provenait d'œufs envoyés
d'Italie à M. Decaisne. L'éducation eut lieu avec la feuille de ricin dans
le premier semestre de 18ô/i, et, le 28 août, M. Milne-Edwards présen-
tait à l'Académie des Sciences, des cocons français de cette espèce et
d'autres, dus à M. Griseri et adressés par M. le duc de Guiche, ambassa-
ATTACUS. 525
deur de France à Turin, M. Griseri avait nourri ses chenilles avec la
laitue, le saule et la chicorée sauvage, aussi bien qu'avec le ricin. Ces
premiers essais, auxquels coopérait M. H. Lucas, furent communiqués
par ce savant entomologiste à la Société entomologique de France (9 août
et 2U septembre 185/i). La même année était fondée la Société d'accli-
mation, et l'importation du Ver à soie du ricin appela immédiatement
son attention. Les premières éducations entreprises par cette société
datent d'octobre 185Zi et furent, avec l'autorisation administrative du
Muséum, confiées à Vallée, sous la direction de Guérin-Mëneville, en
profitant de la température constante de la ménagerie des reptiles. La
Société d'acclimatation fit faire des envois successifs de cette espèce, ainsi
à Fernambouc en 1856, et en 1857, cinq générations brésiliennes étaient
obtenues, en Algérie en 1856 et 1857, aux îles Canaries, au Sénégal, à
la Nouvelle-Grenade, en Egypte, à la Havane, en Portugal, en Syrie en
1857, sans parler de nombreux dons eu France et en Europe; en 1857
la Société fit distribuer vingt-cinq mille œufs. Ces essais n'ont absolu-
ment qu'un intérêt historique, car l'espèce ou. race Arrindia a depuis
longtemps disparu de l'Europe, par l'impossibilité de nourrir en hiver
les générations polyvoltines et de conserver le ricin. Ce végétal, qui vit
à l'état d'arbuste et même d'arbre dans les pays tropicaux, ne peut se
cultiver en France qu'à l'état annuel et herbacé et périt vers la fin de
l'automne.
Les îles de la Sonde nourrissent un Attacien du type Cynthia, très
voisin des A. Cynthia vera et Arrindia, mais notablement plus grand, et
dont Snellen van Vollenhoven a fait une espèce sous le nom d'^. Insu-
laris, décrite et figurée par Guérin-Méneville (Revue et Magas. de zool.
septembre 1862). Il est très possible qu'il n'y ait encore là qu'une race
locale. Le Ver des îles de la Sonde a pour végétal de prédilection l'Ery-
thrina indica.
Nous avons encore à parler d'un Attacien asiatique très répandu et
qui atteint une taille gigantesque dans certaines de ses races. C'est l'A.
Atlas, Linn., la Phalène porte -miroir de la Chine et de diverses régions
de rinde et de l'Iudo-Cliine, des îles Sondaïques et Moluques, des Philip-
pines, manquant dans la Mélanésie, c'est-à-dire la Nouvelle-Guinée, la
Nouvelle-Irlande, les Nouvelles-Hébrides, les Fidji, et aussi en Australie.
Le papillon est figuré par les anciens iconographes, Linnœus, Séba, Pé-
tirer, etc., enfin par Cramer et Olivier, qui signalent la variété à deux
taches nacrées aux ailes supérieures et remarquent que le corps est
très petit par rapport aux ailes, et les antennes très dissemblables dans
les deux sexes, celles des mâles beaucoup plus touffues que celles des
femelles. Cramer dit que cette grande et belle Phalène semble être fort
commune à la Chine méridionale, car on trouve ordinairement deux et
souvent plus de ces porte-miroirs dans les boîtes à papillons qu'on reçoit
de ce pays. Le port de Canton est le siège d'un grand commerce d'objets
dits de curiosité, et où sont les boîtes de ce genre. L'adulte varie beau-
52^ lÉPlDOPTÈRES.
coup pour la f^rHiideur, le mâle, d'ordinaire plus petit que la femelle,
ayant de '22 à 27 centiiiuHres d'envergure. Le corps est d'un fauve rou-
geâtre annelé de bandes noirâtres; le thorax fauve, à hase très velue et
blanche; les antennes sont rougeâtres et bipectinées très inégalement
dans les deux sexes. Les ailes supérieures ont un fort crochet recourbe
en faucille à leur sommet et dont la couleur est d'un jaune fauve, la
base est d'une couleur ferrugineuse un peu grisâtre et se termine par
une petite base inégale blanchâtre, le bord postérieur des mêmes ailes
a une ligne noire ondée: le disque de l'aile est fauve, ferrugineux; au
milieu se voit une tache transparente, sans couleur ni écailles, grande
et triangulaire, bordée de noir; parfois cette même aile a um; seconde
tache vitrée, plus petite, oblongue, transparente et sans couleur, éga-
lement bordée de noir, placée vers le bord externe de l'aile; on aper.
çoit une bande blanchâtre, que sépare et divise en deux le disque ferru-
gineux; elle offre extérieurement une bande rosée et intérieurement
une bande noire; enfin elle est suivie extérieurement d'une large bande
d'un noir bleuâtre pointillée de blanc. Les ailes inlérieures, assez pro-
longées à leur angle postérieur, ressemblent beaucoup, par le dessin et
la couleur aux ailes supérieures. On y voit la même tache transparente
ou vitrée, triangulaire et bordée de noir, placée au milieu de la partie
rougeâtre, et, de même qu'à l'aile supérieure, entre deux bandes
noires sinnées. On trouve au bord postérieur une bande ondulée d'un
même jaune fauve que le crochet supérieur des ailes de devant, et aussi
une ligne noire ondulée analogue à celle du bord postérieur de l'aile
supérieure. La coloration et le dessin du dessous des ailes ont une grande
ressemblance avec le dessus, mais les tons sont plus clairs. La bande
blanche du disque est plus large et marquée tout le long d'une ligne
rouge-fauve. En outre, la portion du disque de l'aile au delà de cette
bande est parsemée de petits points jaunâtres, plus abondants et mieux
marqués qu'au-dessus de l'aile. La femelle est d'un ton général plus
pâle que celui du mâle, avec les bandes et les lignes moins accusées.
Les œufs de cette espèce sont elliptiques, légèrement déprimés, ayant
3 millimètres dans leur plus grand diamètre et 2,5 dans leur plus petit,
ce qui nous les montre un peu plus petits que ceux de VA. Yama-mat,
Ils sont d'une teinte rosée, avec de larges taches longitudinales brunes.
Leur surface, vue à la loupe, est criblée de points enfoncés très serrés
et très réguliers. Les chenilles paraissent très polyphages;des amateurs
les ont nourries aux Indes et avec succès avec des feuilles de pommier.
En France et en Angleterre elles ont été élevés avec des feuilles de Ber-
béris épine-vinette, de saule, de prunier cultivé. En éclosant, les petites
chenilles, longues d'environ 5 millimètres, paraissent noires, avec de
très nombreuses épines blanches; mais en réalité elles présentent sur
un fond blanc des bandes transverses noires disposées par paires sur
chaque segment et interrompues sur le dos. Plus tard, après les mues,
ces chenilleB ont un autre aspect. Le fond est d'un vert grisâtre, les
ATTACUS. 525
épines épaisses et d'un blanc bleuâtre, le corps tout recouvert d'une
sécrétion cireuse d'une blancheur éclatante. Il y a des taches rouées
autour des épines de certains segments, taches qui disparaissent au
dernier flge ; après la quatrième mue les quatre épines du premier an-
neau et les épines caudales ont disparu, les épines du milieu des deux
segments suivants ayant déjà disparu après la troisième mue ; à leur
place sont des tubercules qui sécrètent par de petits trous, si on irrite
la chenille, un liquide clair un peu verdâlre, d'odeur analogue à celle
du feuillage qui a nourri la chenille; lors des mues on voit très bien les
nouvelles épines se séparer des anciennes dans lesquelles elles étaient
emboîlées. Uy a deux taches remarquables qui persistent toujours sur les
pattes anales; elles sont bleuâtres, bordées d'un triangle d'un rouge or-
angé vif. A toute sa taille la chenille, prête à filer, est un peu plus grosse
que celle de VA. Yama-maï et longue de 8à 9 centimètres. D'après M. Pou-
jade, qui a eu soin de recueillir et de bien compter toutes les dépouilles,
la chenille de 1'^. Allas a cinq mues et par suite six âges avant la chry-
salide. Pendant toute l'éducation il est bon d'arroser les chenilles plu-
sieurs fois par jour avec de l'eau pulvérisée. Elles sont très lentes et
demeurent très tranquilles, ne passant d'une branche à l'autre que
lorsque les feuilles de la première sont épuisées. Soit qu'elles mangent,
soitqu'elles se reposent, elles se placent toujours sousles branches et très
souvent la tête en bas. Comme beaucoup d'autres chenilles, elles dévorent
presque toujours la vieille peau qu'elles viennent de quitter. Pour faire
son cocon, la chenille choisit une ou plusieurs feuilles dont elle fixe soli-
dement les pédicules en les entourant de soie, absolument comme la
chenille de 1'^. Cynthia vera. Le cocon très opaque, assez dur, et d'une
sf il' brillante, d'abord blanche, puis devenant terne et d'un i-oux clair,
d'une couleur analogue à celui du ver de l'ailante. La forme du cocon,
assez irrégulier et bien plus gros, est également analogue ; l'ouverture
en nasse est placée du côté du pédoncule de la feuille d'enveloppe. Le
poids du cocon vide est, en moyenne, de 2 grammes. La soie qui com-
pose ce cocon est très solide, et, d'après le P. Armand David, les Chinois
s'en confectionnent des ceintures très résistantes. La chrysalide de
1'^. Atlas est d'un brun rougeàtre assez vif; elle offre l'abdomen comme
renflé, plus large que le milieu du thorax, terminé brusquement en une
petite pointe obtuse. Le cocon qui l'entoure a été figuré pour la pre-
mière fois eu France par Laporte. (Actes de la Soc. linn. de Bordeaux,
1830, t. IV, p. 153, pi. I, fig. 2 et 3.)
L'A. Atlas a été élevé en France, à Arras, par M. Braine, de 1869 à
1872, provenant de cocons envoyés de Mussorée, dans les monts Hima-
laya; les papilluns, éclos en juillet 1868, eurent quelques accouple-
ments. Les œufs, qui passèrent l'hiver, donnèrent des chenilles au com-
mencement de juillet 1869, et l'éducation, qui dura deux mois, à l'état
de chenille, produisit de magnifiques cocons, admirés à l'Exposition des
Insectes de 1872. Pendant les années 1869, 1870, 1871 et 1872, les éle-
526 LÉPIDOPTÈRES.
vages furent faits en plein air, en été, sur des pieds d'épine-vinette à
fleur rose. M. Braine élevait une race à deux taches vitrées à l'aile su-
périeure. En 1878 l'espèce fut élevée à Londres par M. P. H. Gosse, en
juillet, avec des œufs provenant de papillons issus de cocons envoyés de
Bangalore, au sud de l'Inde. En 1878 également, M. Poujade, à Paris,
tenta une éducation avec des œufs de la même provenance, envoyés par
M. A. Wailly, et qui furent confiés à M. Poujade par la Société d'accli-
matation. L'élevage, contrarié par le climat, dura du commencement
d'août à la (in d'octobre. Dans ces deux éducations on alla jusqu'au co-
con et à la chrysalide, mais on n'obtint pas de papilons. Il y a un grand
intérêt à remarquer que l'espèce, dans les régions chaudes comme celles
du sud de l'Inde, se comporte comme chez nous les A. piri et carpini.
Les œufs éclosent peu de temps après la ponte, et la vie latente de longue
durée est celle de la chrysalide. Au contraire, dans les sujets de l'édu-
cation de M. Braine, ce sont les œufs qui ont persisté longtemps, comme
pour le Ver à soie du mûrier et pour 1'^. Yama-maï. Cela doit tenir à
un climat plus froid et appartient peut-être en propre à la race de l'Hi-
malaya. Il est bien peu probable, en raison de la provenance de pays à
climats bien plus chauds, qu'on puisse acclimater cette magnifique es-
pèce en Europe.
Nous ne devons pas quitter les Attaciens asiatiques sans dire un mot
d'une quatrième espèce de Ver à soie du chêne, qu'on peut appeler
Ver à soie du chêne de l'Himalaya, et dont le papillon ressemble àl'^.
Yama-maï; c'est 1'^. Roylei, Moore. En avril 186Zi (C. R., 186Z|, lvui,
p. 7[i2) vingt cocons de cette espèce furent présentés à l'Académie des
sciences par Guérin-]Vléneville,à qui ils avaient été envoyés par le capi-
taine Hutton. Us provenaient des hauts plateaux de l'Himalaya, sur les
frontières du Cachemire. La chenille vit sur un chêne à feuilles épaisses,
le Quercus incana, qui a beaucoup d'analogie avec nos chênes liège
et yeuse. Le cocon dilfère de celui des A. Mylitta, Pernyï, Yama-maï ça.v
son plus grand volume et surtout parce que, à la façon de VA. Cecropia
d'Amérique, il est entouré d'une enveloppe extérieure {chemise de
M. Chavannes) également formée de soie, d'un joli gris clair. Guérin-
Méneville dit avoir obtenu 108 œufs, après accouplement des papillons,
et il fait remarquer que, le climat des parties élevées de l'Himalaya
étant assez froid, on pourra peut-être acclimater l'espèce dans le centre
et le nord de la France. M. A. Wailly, à Londres, a essayé plusieurs fois
d'introduire cette espèce, mais il n'a pu réussir les accouplements. On
peut dire que l'^l. Roylei est à expérimenter presque entièrement à
nouveau.
Les Attaciens sont représentés par d'assez nombreuses espèces dans
les diverses régions du continent africain. On avait conçu quelques espé-
rances d'utilité commerciale par la découverte d'une espèce du Sénégal,
dont la chenille vit sur le Bauhinia, ce qui a fait nommer l'espèce
A. Bauhiniœ, Boisduval, [Guérin Méneville. Le cocon, très soyeux et à
ATTACCS. 527
deux robes, est d'un gris perle. Ces cocons ont figuré dans diverses expo-
sitions d'insectes séricigènes. Nous représentons le mâle de cette espèce
du Sénégal, pi. xciv, fig. 1. L'envergure est de 125 millimètres., les an-
tennes et les pattes sont jaunes, le corps d'un brun vineux, avec le cor-
selet piqueté de blanc et l'abdomen annelé de blanc et de brun en
dessus, blanc en dessous, avec une ligne au milieu, et trois tacbes de
chaque côté, sur chaque segment, d'un brun vineux. Les ailes supé-
rieures sont. d'un rougeàtre vineux couvert d'atomes blancs, avec l'ex-
trémité d'un brun uni et le bord jaune-verdAtre, traversé par une fine
ligne longitudinale très sinueuse et noirritre. Il y a, au delà du milieu,
une bande transverse blanche, qui \ient se réunira un grand espace
blanc, occupant presque toute la partie inférieure de l'aile. Au milieu
du disque et dans l'angle formé par le blanc, se trouve une grande
tache ovale, en partie jaune, en partie transparente, cerclée de noir. Un
petit œil noir, bordé d'atomes blancs et bleus en dedans, se voit à
l'extrémité de l'aile et porte, au-dessus de lui, un zig-zag blanc. Les
ailes inférieures sont blanches à la base, puis vineuses, puis couvertes
ensuite d'atomes blancs, avec une bordure orangée dentelée, dans la-
quelle il y a une rangée de taches noires et une ligne noire plus exté-
rieure. Le bord et la frange sont d'un brun jaunâtre. 11 y a une large
bande blanche au delà du milieu, et, avant cette bande, une grande
tache ronde et transparente, bordée de bleu, de jaune et de noir. Le
dessous des ailes est semblable au dessus. En juillet 186Zi, le Muséum
de Paris reçut de M. Aubry-Lecomte des cocons de l'A. Bauhiniœ, venant
du Sénégal. Les papillons arrivèrent à l'éclosion, maison ne put obtenir
d'accouplement.
Un Attacien de l'Afrique australe, des environs de Port-iNatal, a été
signalé à la Société entomologique de brauce par M. Signoret (séance
du 8 octobre 18Zi5) sous le nom û'A. (Bombyx) Campiona. La chenille vit
sur des Mimosa et se construit un cocon ovale, presque de la grosseur
d'un petit œuf de poule, et qui doit être d'un tissu dur et serré, car les
naturels l'emploient pour se faire des tabatières.
D'autres espèces d'Attaciens séricigènes ont été demandées à l'Amé-
rique, mais ne paraissent pas jusqu'ici offrir sous le rapport de la soie
autant d'avantages que les espèces asiatiques et surtout que les Bom-
byciens du genre Sericaria. Il faut établir une distinction suivant que
l'on considère les espèces de l'Amérique du Sud ou celles de l'Amé-
rique du Nord. Les premières appartiennent à des climats trop chauds
pour qu'on puisse tenter avec avantage leur acclimatation en France; il
faut se contenter pour ces espèces d'encourager leur culture sur place
et l'exportation, s'il y a lieu de l'opérer avec profit. Au contraire les
Attaciens de l'Amérique du Nord, surtout ceux des États-Unis du Sud,
peuvent être l'objet de tentatives raisonnables d'introduction en Europe,
tentatives qui ont déjà réussi pour plusieurs d'entre eux, principalement
pour les A. Polyphemus et Cecropia. Cette dernière espèce est essayée
5^8 I.ÉPIDOPTÈr.LS.
depuis assez longtemps et avec grande chance de succès complet et
prochain, à la façon de l'^l. Cynthia vera si parfaitement acclimaté en
France. Comme pour VA. Arrindia, c'est au Muséum qu'appartient
l'initiative. En I8Z1O furent envoyés de la Nouvelle-Orléans seize cocons
à'A. Cecropia, qui furent remis à Audouin. Ils étaient en nasse, c'est-à-
dire <à ouverture naturelle de sortie du papillon, ressemblant à ceux de
notre grand Paon de nuit pour la couleur, mais d'une soie plus fine et
moins incrustée, et fixés selon leur longueur à des branches d'arbre,
parfois avec pédicule aplati. Ils ne provenaient nullement d'une édu-
cation en magnanerie, comme le montra avec beaucoup de probabilité
à Audouin l'éclosion d'un grand Ichneumonien parasite, un Ophionide
Ichneumon Macrurus, Linn., ou Ophion Macrurum, Westw, mais avaient
été ramassés à l'état sauvage. En etfet les A. Cecropia ne sont pas élevés
à la Nouvelle-Orléans, mais vivent en abondance dans les bois et leurs
cocons sont apportés en grande quantité par les gens de la campagne,
et fournissent une soie très estimée, avec laquelle on fabrique des étoffes
d'excellente qualité. I-es papillons vinrent à éclosion en mai I8/1O, s'ac-
couplèrent,et leurs œufs donnèrent presque aussitôt des chenilles, à une
température qu'on maintint toujours de 15 à 20 degrés centigrades.
Ce sont les feuilles de prunier, qui, dans de nombreux essais, furent
préférées par les jeunes chenilles, celles des pruniers de France tout
aussi bien que celles des pruniers de l'Amérique du Nord, qu'ofl'rit
l'École de botanique du Muséum. Ces chenilles, tuberculeuses et épi-
neuses comme celles de nos Attacus indigènes, vécurent cinquante-six
jours. Audouin éleva l'année suivante une seconde génération prove-
nantdes œufs des papillons issus de sa première éducation de chenilles;
mais la mort l'empêcha de continuer son entreprise, dont il ne resta au
Muséum que le souvenir. En 18/i5, M. H. Lucas, dans le môme établis-
sement, reprit ces essais au moyen à'A. Cecropia, dont quatre cocons
lui furent donnés par Doyère et venaient, comme les précédents, de la
Nouvelle-Orléans. 11 obtint environ trois cent cinquante œufs, d'une
ponte et les trois quarts vinrent à éclosion. L'éducation dura un peu
plus longtemps que celle d'Audouin; M. H. Lucas observa que, lors des
mues, les chenilles tapissaient de soie le lieu où elles se trouvaient et
cramponnaient à cette soie leurs pattes anales pour se débarrasser de
leur peau. En 18Zi7, Jes tentatives furent reprises en commun par
MM. E. Blanchard et H. Lucas sur les A. Cecropia et Polyphemus. Ils
constatèrent que la soie de r.4. Cecropia est moins belle que celle du
Sericaria mori, et que la soie de l'A. Polyphemus est presque aussi bril-
lante. Les deux espèces donnèrent des papillons et les œufs pondus
furent féconds. MM. E. Blanchard et H. Lucas reconnurent que les che-
nilles de 1'^. Cecropia se nourrissent volontiers des feuilles du mûrier
sauvage, de l'aubépine, du prunier sauvage et cultivé, du prunellier et
du pommier. C'est le prunier cultivé qu'elles ont paru préférer, sans
toutefois qu'elles ne puissent très bien s'accommoder des végétaux
ATTACUS 529
précédents. Les feuilles d'alisier, d'abricotier, de poirier leur convien-
nent beaucoup moins, et Userait fort difficile de les élever avec l'orme,
le cerisier, le saule. Les chenilles de l'.l. Polyphemiis vivent particuliè-
rement sur les chênes et mangent aussi les feuilles de peuplier. A propos
de ces essais communiqués à l'Académie des sciences, M. E. Blanchard
lit remarquer avec beaucoup de raison le côté avantageux de l'introduc-
tion de nouvelles espèces séricigènes. Le Ver à soie ordinaire se nour-
rissant exclusivement des feuilles de mûrier, il faut avant tout cultiver
cet arbre et y consacrer de vastes terrains qui représentent une valeur
considérable. Au contraire, les Attacus de l'Amérique du Nord vivant
parfaitement de végétaux à feuilles inutiles jusqu'ici, on pourrait faci-
lement les élever au voisinage des bois ou dans les endroits à nom-
breuses haies de clôture. Ue la sorte les gens les plus pauvres pourraient
nourrir sans frais les nouveaux Vers à soie, car les soins à donner aux
chenilles ne demandent que bien peu de temps chaque jour, pendant
quelques semaines seulement, et seraient l'affaire de femmes et d'en-
fants ou autres personnes incapables de se livrer à un labeur pénible.
Ces Attacus restant en chrysalides de la fin de l'été au mois d'avril ou
de mai de l'année suivante, on peut les apporter très facilement d'Amé-
rique en hiver, ou les conserver en France sans frais dans la saison où
il n'y a pas de feuilles. Les œufs pondus au printemps éclosent en
quelques jours, et les chenilles croissent rapidement en été.
IM. Cecropia, Linn., du sous-genre Hyalophom oa Samia, le Ver à
soie du prunier, offre un papillon à peu près de la taille de notre Grand
Paon de nuit et d'un très bel aspect. Les antennes, bipectinées dans les
deux sexes, sont presque noires, la tête rouge, les yeux bruns, le corselet
entièrement rouge avec le collier d'un blanc un peu jaunâtre. En dessus
le fond des ailes est très foncé; la bande transversale des supérieures
est presque entièrement d'un rouge brique vif; on distingue à peine une
partie interne d'un jaune d'ocre clair ou blanche, plus développée à la
base. A la base de chacune des ailes supérieures, on observe encore une
tache rouge fondue, partant du corselet et semblant continuer les pté-
rygodes, s'étendant jusqu'à la première bande transversale, qui est d'un
gris perle foncé et bordée en dehors de noir. La base des ailes infé-
rieures est plus large et plus nette de coloration qu'aux supérieures,
plus franchement double, rouge en dehors, blanche en dedans; elle
olfre souvent des rappels des tons rouges et des bandes grises de la base
des ailes supérieures. Les quatre taches vitrées discoïdales sont en
forme de lunules ou croissants, d'un blanc jaunâtre au centre, rouges
en dehors et presque entièrement bordées de noir. L'angle apical des
ailes supérieures porte une tache noire ovale, entrecoupée par une
demi-circonférence fine, d'un bleu cendré. De cette tache part une
ligne sinueuse blanche, atteignant à peu près le sommet de l'aile; sur
cette ligne blanche, s'appuient des taches carminées dift'uses, et en
haut, presque sur la côte, une petite tache noire subtriangulaire. Les
(ilRARD. ni. — 34
530 LÉPIDOPTÈRES.
bandes et lignes marginales des quatre ailes sont d'un gris jaunStre ou
verdâtre, et rappellent, par la couleur et le dessin, celles des Attacus
du groupe Cynthia. Les pattes sont rouges avecles crochets noirs. L'ab-
domen est fort joli; chaque anneau présente en dessus une bande rouge
et une bande blanche, séparées par un filet noir, excepté le premier qui
est entièrement rouge et le dernier qui est gris et parsemé de poils
rouges et de poils noirs. Sur les côtés de cet abdomen, se trouve une
rangée de belles taches brunes, avec le tour noir. En dessus de cet ab-
domen les anneaux sont bordés de blanc, avec une série de taches
rouges entourées de noir. Le dessous du fond des quatre ailes est plus
gris que le dessus, et entièrement pointillé de gris jaunâtre clair. La
côte des ailes inférieures montre une large bande d'un blanc jaunâtre
qui les sépare nettement des supérieures. Les deux sexes diffèrent fort
peu, si ce n'est que les antennes sont beaucoup moins larges chez les
femelles, et à part quelques individus chez lesquels le noir semble
envahir le fond et où les lunules discoïdales sont plus petites qu'à
l'ordinaire, l'espèce ne paraît pas varier beaucoup.
Les œufs sont pondus d'habitude au commencement par des papillons
éclos peu de jours auparavant et provenant de chrysalides qui ont passé
l'hiver dans les cocons. Ces œufs sont d'un ton jaunâtre, tachés irrégu-
lièrement de brun rougeâtre, comme ceux de la plupart des grands
Attaciens, tels que Yama-maï et Pernyi, dont ils ont d'ailleurs à peu
près la forme et le volume. Les petites chenilles, qui en sortent vers le
milieu de juin, sont entièrement noires avec des tubercules épineux de
même couleur. Après avoir rongé la coque de l'œuf, elles commencent
à errer sur les branches et les feuilles, entament bientôt celles-ci par le
bord, mangeant peu à la fois, faisant toujours de nouvelles entailles.
Bientôt, d'après MM. Clément et Berce, qui opéraient en même temps des
éducations de même provenance, s'opère une première mue; les che-
nilles sont encore noires, avec les mêmes tubercules épineux, mais elles
présentent déjà deux rangées de petites taches dorsales d'un rouge
orangé foncé. Elles diffèrent par conséquent assez peu de celles du pre-
mier âge, de sorte, que, si l'on n'a pas observé attentivement cette pre-
mière mue, elle a pu échapper, ce qui expliquerait comment Audouin et
M. H. Lucas n'auraient vu que quatre mues et cinq âges, selon la loi ordi-
naire, tandis qu'il y aurait réellement cinq mues et six âges, selon M. Clé-
ment, ainsi que pour VA. Atlas. 11 faut remarquer que des erreurs sont
assez aisées à commettre sur ces points ; souvent une chenille qui paraît
toute noire à l'éclosion, montre ensuite en grandissant une coloration
qui devient visible par l'allongement des anneaux entre les tubercules,
car ceux-ci ne grandissent pas. Il ne faut au reste pas attacher une im-
portance capitale au nombre des mues de chenille, qui peut varier quel-
quefois pour une même espèce, sans doute d'après la nourriture ou
d'autres causes. Une chenille abondamment nourrie trouvera plus de
matériaux pour se faire de nouvelles peaux. Il y a dans le Sericaria
ATTACUS. 531
mori des races hâtives à trois mues, tandis que le cas ordinaire est celui
de chenilles à quatre mues. Toujours d'aprèsM. Clément, la seconde mue
a lieu h la fin de juin. Les chenilles ont alors changé considérablement
d'aspect; elles sont d'un beau jaune orangé. Les tubercules, terminés
par un verticille d'épines, sont encore noirs, ainsi que la tête, les stig-
mates et les pattes écailleuses, tandis que les pattes membraneuses
sont verdâtres, souvent tachées de noir. La troisième mue a lieu vers la
fin de la première semaine de juillet. La chenille, encore jaune immé-
diatement après, devient bientôt d'un vert jaune, avec le dos bleu de
ciel clair. Elle présente alors deux rangées dorsales de tubercules, dont
les quatre premiers sont gros, sphériques, d'un rouge de corail ou car-
miné, avec une rangée de six épines noires verticillées et une septième
épine de même couleur au sommet. La base de ces tubercules est en-
tourée de gros points noirs saillants, quelquefois confluents et ordinai-
rement en même nombre que les épines. Les tubercules dorsaux des
segments Zi, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 sont subcylindriques, d'un beau jaune
orangé avec des épines noires un peu plus petites que celles des tuber-
cules rouges et disposées d'une façon analogue. Le onzième anneau ne
porte qu'un tubercule jaune un peu plus gros que les précédents et
placé au milieu, sur le vaisseau dorsal. Les régions latérales offrent
deux rangées de tubercules d'un beau bleu turquoise, un peu plus
petits que ceux de la région dorsale, et, comme eux aussi, garnis d'épines
noires. Les anneaux Zi et 5 portent trois tubercules bleus de chaque
côté ; la couronne des pattes membraneuses est également bleue. A la
quatrième mue, vers le milieu de juillet, la chenille a peu changé; elle
est d'un vert plus bleu, les tubercules jaunes sont un peu plus clairs,
les stigmates foncés, la tête et les pattes d'un vert jaune, celles-ci ayant
à leur base une tache noire qui manque souvent; la couronne des
pattes membraneuses est toujours bleue. Tout au commencement d'août
a lieu la cinquième mue. Le fond de la couleur des chenilles diffère
peu comparativement aux mues précédentes, mais les tubercules se
sont modifiés sensiblement. Les quatre premiers dorsaux sont d'un rouge
beaucoup moins vif, seulement d'un grenat clair, les épines sont beau-
coup plus courtes et ont l'aspect de petits cônes obtus, tandis que les
taches noires, situées en dessous de ces épines, sont au contraire beau-
coup plus grandes. Les deux premiers tubercules jaunes sont beaucoup
plus volumineux que les suivants ; ils ont la même forme que les tuber-
cules d'un rouge grenat et portent des taches noires analogues en
dessous des épines, et il en est de même du onzième segment. De chaque
côté des tubercules grenats on rencontre quatre tubercules bleus plus
gros que les autres et plus sphériques, ainsi que sur le dernier seg-
ment. Les autres tubercules bleus sont allongés et ne présentent, le plus
souvent, qu'une seule petite épine noire à l'extrémité. La tête et les
pattes sont verdâtres, les crochets des pattes écailleuses et la couronne
des pattes membraneuses sont noirs, et les stigmates d'un blanc bleuâtre
532 LÉPIDOPTÈRES.
entouré de noir. Au moment de la filature du cocon, la chenille est de-
venue plus verte, avec un enduit blanchâtre sur la région dorsale et
l'extrémité des tubercules bleus. La filature des cocons a lieu dès le
commencement d'août. Ils sont d'un type très remarquable en ce qu'ils
sont doubles; il y a toujours à l'intérieur, quelle que soit la forme du
cocon externe, un cocon ovoïde, d'un fauve un peu brunâtre, ouvert en
nasse à une extrémité, comme ceux des A. piri et Cynthia. Autour de
ce cocon est une enveloppe extérieure, dont la forme peut varier beau-
coup et dont la couleur est parfois la môme que celle du cocon intérieur,
parfois notablement plus claire, surtout dans les cocons très volumi-
neux. Le cocon extérieur semble approprié à l'espace plus ou moins
grand qui se trouve à la disposition de la chenille, à la place qu'elle a
choisie. Il y a des cocons fusiformes, d'un tissu serré, très allongés à
leurs extrémités et adhérents dans toute leur longueur aux branches et
aux feuilles; d'autres, d'un tissu plus lâche, très élargis, de forme
irréguliôre, parfois polyédroïde, parfois sphéroïde, atteignant le volume
d'un œuf de poule et même au delà. Outre le volume très variable, les
cocons peuvent difl'érer encore par la couleur; au moment où ils vien-
nent d'être filés, ils sont d'un blanc nacré et ne se colorent qu'au bout
de quelques jours et quand ils ont acquis une certaine consistance. La
coloration, d'un brun ferrugineux ou d'un brun clair vif, commence
par le fond du cocon et s'élève lentement, mettant plusieurs jours à se
développer complètement. Cette coloration paraît produite en partie par
les déjections de la chenille, car le cocon semble généralement d'autant
plus clair que la chenille s'est vidée complètement avant de filer; en
outre les premiers fils, qui entourent le plus extérieurement le cocon,
se colorent à peine. Le haut du cocon est ordinairement plus clair que
le fond, et, dans tous les cas, il ne se colore que longtemps après. La
chrysalide ne présente rien de particulier; elle est d'un brun noirâtre,
comme celles de la plupart des Attaciens.
Nous avons indiqué au début les premières tentatives d'élevage en
France der.4. Cecropia, forcément interrompues bientôt par la dégéné-
rescence des élevages en chambre. Il en est tout autrement des éduca-
tions à l'air libre, et l'on peut assurer que cette belle espèce ne peut
tarder à s'acclimater chez nous, à y devenir sauvage et à prendre place
dans la faune de nos Lépidoptères indigènes, comme VA. Cynthia vera.
En opérant dans de meilleures conditions, M. P. Millière fit un essai
d'élevage à Lyon. Les chenilles écloses d'œufs fécondés furent mises
en plein air sur un abricotier, dont le tronc était entouré d'eau pour
les empêcher de descendre. Les pluies précoces et froides qui eurent
lieu cette année (1851) en septembre, les firent presque toutes périr
dans le cocon lors de la transformation en chrysalides. De quelques
accouplements qui s'effectuèrent au printemps de 1852 provinrent des
oeufs d'où les chenilles sortirent en juillet. Elles furent élevées sur le
peuplier d'Italie et produisirent des cocons tout à fait pareils à ceux
ATTACUS. 533
venus d'Amérique; cette seconde génération en France n'avait subi
aucune dégénérescence et la soie était très forte et très abondante.
J'ignore par quels accidents cette tentative n'eut pas de suite, et je ne
puis qu'indiquer que M. Sommer, à Altona, a obtenu de cette espèce
trois générations successives trois ans de suite. En mai 1861, Vallée
éleva 1'^. Cecropia au Muséum, et, eu 1863, une petite éducation de
cette espèce eut lieu au Jardin d'acclimatation du bois de Boulogne.
Les éducations ont été reprises en France avec succès dans ces dernières
années, grâce aux actifs efl'orts de M. A. Wailly, de Londres, qui con-
sacre tous ses soins à l'introduction en Europe des espèces séricigènes
exotiques. En 1877, M. Bigot a élevé à Pontoise (Seine-et-Oise) VA. Ce-
cropia, sur des branches coupées de prunellier et d'aubépine, et, en
1878, sur des buissons de ces arbustes à l'air libre; le résultat fut très
satisfaisant, l'éducation totale s'opérant en soixante-seize jours, finissant
le 14 septembre, époque un peu tardive vu le climat du nord de la
France. En 1878, M. J. Fallou ayant reçu quelques cocons provenant de
M. A. Wailly, qui lui furent confiés par la Société d'acclimatation, obtint
quelques accouplements et éleva les chenilles qui en provinrent à Cham-
prosay, par Draveil (Seine-et-Oise). Il essaya diverses espèces de Rosa-
cées, le Prunus spinosa, le Prunus domestica, le Prunus Mahaleb, dont
les feuilles ne furent pas du tout entamées, puis les pommier, poirier,
cerisier et rosier cultivé, l'églantier et l'aubépine {Cratœgus oxyacantha).
Les petites chenilles attaquèrent d'abord les feuilles tendres des rosiers,
puis les délaissèrent pour le prunier domestique et pour le cerisier,
pour lequel elles montrèrent toujours de la préférence. Elles furent dès
lors mises en plein air sur des cerisiers de petite taille, exposés au
midi. Les oiseaux ou les guêpes en détruisirent un grand nombre, et
M. J. Fallou fut obligé de placer les survivantes dans une grande cage
de toile métallique, placée elle-même dans un pavillon constamment
ouvert. Elles atteignirent jusqu'à neuf centimètres de longueur, mal-
gré un temps froid et pluvieux qui les retarda jusqu'à la fin de septem-
bre, et les cocons filés furenj; aussi grands et aussi forts que ceux d'où
provenaient les papillons. La môme année, et avec des cocons de même
origine, eurent lieu des éducations réussies par Berce, à Paris môme,
et par M. A. Clément, à Paris-Montrouge dans une chambre ouverte
d'abord, plus tard au jardin à l'air libre, ces éducations n'ont pas
cessé. Continuées en 1879 et 1880, elles ont donné, sans aucune dégé-
nérescence, des cocons et des papillons pareils aux sujets américains.
Les chrysalides, à l'air dans les cocons, ont parfaitement supporté le
rigoureux hiver 1879-1880. M. A. Clément a vu que les chenilles ne res-
tent volontiers sur les branches qu'autant qu'elles ont toujours une
nourriture fraîche et abondante. Au moment de filer elles marchent
beaucoup, et, si on les élève en liberté dans une chambre ouverte,
comme il le fit en 1878, on retrouve des cocons derrière les meubles et
les objets que l'on déplace peu souvent. Les chenilles furent nourries
53i LÉPIDOPTÈRES.
avec diverses espèces de pruniers et semblèrent préférer le prunier
non greffé. Elles ont aussi mangé les feuilles d'autres arbres fruitiers,
tels que : abricotier, pommier, cerisier, pécher et même du rosier ; mais,
quand elles avaient le choix, elles revenaient toujours au prunier. Les
auteurs américains indiquent pour cette espèce le Prunus Pensilvanicus,
comme nourriture de prédilection. En 1878 et toujours avec les cocons
importés par M. A. Wailly, un amateur, M. Delahaye, essaya les feuilles
de peuplier et de prunellier; mais l'éducation éprouva une dégéné-
rescence par suite de cette nourriture ou par d'autres causes.
Nous rattacherons au môme type, dans les espèces de l'Amérique du
nord, du sous-genre Samia, VA. Prometheiis, Drury, qui a été élevé avec
succès à Arras, par M. Charles Bureau, en 1880, sur le lilas et à l'air libre ;
l'éducation, commencée le l^"" août, donnait des cocons dans la pre-
mière semaine de septembre, ces cocons attachés aux feuilles. On peut
aussi fournir aux chenilles des feuilles de cerisier; une très belle paire
d'adultes, provenant de cet élevage à Arras, se trouve à la Société d'ac-
climatation, aussi grands et aussi bien colorés que les sujets d'Amérique ;
l'envergure du mâle est d'environ 8 centim., les antennes, noires, très
bipectinées, le fond des ailes d'un noir brunâtre, ainsi que le corps,
sauf le bout de l'abdomen, d'un brun rosé; ailes antérieures arrondies
falquées, traversées par une ligne transverse parallèle au corps, un peu
sinueuse, noire, doublée de blanchâtre extérieurement; pas de lunules
centrales ; une large bordure d'un gris jaunâtre, avec des lignes ondu-
lées d'un gris noirâtre ; à l'angle apical lavé de rosâtre de l'aile supé-
rieure, un œil noir, bordé de demi-circonférences blanche et noire exté-
rieurement, surmonté d'un zig-zag blanc; femelle un peu plus grande,
d'aspect très différent, avec le fond bien plus clair, d'un brun rosé entre la
base et la ligne transverse, puis, en dehors de celle-ci, d'un gris rosé ;
mêmes bordure et œil apical; quatre taches blanchâtres, en hachette,
non vitrées, vers le milieu du disque de chaque aile, dans la par-
tie foncée, contre la ligne sinueuse transverse; antennes bi-pectinées,
moins que chez le mâle, rougeâtres ainsi que l'abdomen ; corselet à longs
poils rougeâtres.
Dans le même type, est un Attacien de Californie, VA. ceanoti, Béer, syn
Euryalus, ressemblant beaucoup à A. Cecropia, mais de taille moindre,
vivant sur le Ceanotus Californica. Les antennes du mâle sont énormes,
brunes, à très longues lamelles birameuses, celles de la femelle à la-
melles plus courtes, le fond des ailes d'un brun rouge, avec l'œil apical
noir pareil à celui de Cecropia, les lunules blanches, non vitrées. Le co
con intérieur est brun et assez petit, comparé îi l'enveloppe extérieure,
qui a la forme d'une poire et dont la couleur est gris de fer ; on pourra
élever les chenilles en Europe sur les arbrisseaux du genre Rhamnus, le
nerprun par exemple, et aussi sur le prunier, le rosier, l'aubépine ;
VA. Gloveri, est une rare et magnifique espèce, de l'Arizona et de l'Utah,
où la chenille vit sur le saule à petites feuilles étroites. M. A. "Wailly a pu
ATTACUS. 535
en obtenir trois cocons à chrysalides vivantes, en 1 879. Un entomologiste
américain l'a élevé sur le groseillier ; on indique encore le prunier et le
rosier comme arbrisseaux avec lesquels on pourra probablement l'ali-
menter, ainsi qu'avec le saule. Le papillon, qui a de 14 à 15 centimètres
d'envergure, ressemble beaucoup à 1'^. Cecropia; la principale diffé-
rence est que la bande du milieu des ailes est d'un beau blanc , entouré
de noir, et que les lunules aussi sont blanches. Le cocon a la môme
forme que celui de VA. Cecropia ; il est plus petit et d'un tissu serré,
avec l'enveloppe extérieure, d'un gris argenté touchant le cocon interne
qui est d'un brun très foncé, M. Emile Deschange, de Longuyon (Meur-
the-et-Moselle) indique, dans les annonces de la Feuille des jeunes natu-
ralistes, du 1^'' Avril 1881, avoir obtenu des hybrides des A.ceanotiQi Glo-
veri, avec œufs féconds et dont les chenilles s'élèvent sur le prunier.
L'Amérique du Nord nous offre encore un Altacien très intéressant
pour nous à divers titres et que nous devons décrire, comme nous le fai-
ons pour toutes les espèces séricigènes qui ont déjà été élevées en Eu-
rope. Il appartient au sous-genre Telea. C'est l'/l. Polijphemus, Linn., ob-
jet de tentatives d'éducation en 1847 par MM. E. Blanchard et H. Lucas.
Il présente un cocon fermé au deux bouts et dévidable, à la façon de ceux
des A. Yama-maï ei Pernyi; tandis que la soie de ces deux espèces asia-
tiques est légèrement verte ou légèrement brune, celle de l'yl. Polyphe-
mus est blanche sur le cocon. On peut regarder cette espèce comme uni-
voltine dans la région du Nord, ainsi le Michigan et l'Illinois, où les
chenilles vivent sauvages à l'air libre, et comme bivoltine dans les ré-
gions plus chaudes ou dans les éducations en captivité à la chambre.
Ainsi que le nom l'indique, la chenille est essentiellement polyphage,
vivant principalement sur le noisetier et le chêne, se nourrissant bien
aussi avec le saule, le bouleau, le noyer, le hêtre, l'orme, etc. VA. Poly-
phemus a été élevé à Pontoise par M. Bigot en 1877 et 1878, au moyen
de feuilles de chêne sur branches coupées, que les chenilles parurent
préférer à celles de saule et de noisetier. En 1877, M. Bigot avait reçu
douze cocons, dont les papillons vinrent à éclosion au début de juin.
Une femelle de Polyphemus fut mise en accouplement avec un mâle
d'^. Pernyi ; maiis les œufs ne furent pas féconds. De trois accouplements
résultèrent 448 œufs. Les jeunes chenilles vinrent à éclosion du 9 au 15
juillet. Il y eut un peu de maladie à la fin de l'éducation. Le coconnage
eut lieu dans la première semaine de septembre et on obtint 220 cocons.
M. Bigot remarque que le cocon est fermé, de la grosseur de celui de
l'A. Yama-maï, moins allongé, moins bien tourné, très aisément dévi-
dable, avec la soie en médiocre abondance, mais de très belle et bonne
qualité. Elle n'est pas précisément blanche, comme on l'a dit d'après la
couleur du cocon d'un blanc sale, couleur propre à la matière gom-
meuse qui le recouvre et qui est sécrétée en très grande quantité ; en
réalité la soie garde une nuance qui se rapproche beaucoup de celle de
1'^. Pernyi. M. Bigot pense que ce nouveau séricigène, cultivé dans le
536 LÊPIDOPTfcRES.
Midi, donnerait des résultats bien supérieurs à ceux qu'on peut obtenir
sous le climat froid et humide du nord de la France. I/éducation
de 1878 se fit également sur branches coupées. Cinquante cocons pro-
duisirent leurs papillons dans la première quinzaine de juin, et environ
mille chenilles provenant des œufs pondus firent éclosion du 27 juin
au 5 juillet. On n'obtint dans les dix premiers jours de septembre que
50 mauvais cocons. Presque toutes les chenilles sont mortes, soit de pé-
brine, soit d'une maladie indéterminée qui les tue au cinquième àgc,
sans caractères extérieurs; la chenille morte ressemblait tout à fait à
une chenille endormie, les pattes écailleuses fermées et très rap-
prochées les unes des autres, la couleur verte conservée jusqu'à
la mort, après laquelle la couleur devient grisâtre. Nous espérons
bien, vu l'intérêt qu'offre cette espèce, que les tentatives d'éduca-
tion seront continuées moins au nord de la France et entièrement à
l'air hbre.
En 1878, en juillet, M. A. Wailly a élevé à Londres, dans son jardin,
quelques chenilles de cette espèce sur de petits noyers, saules et bouleaux,
et il put voir en septembre,, sur ces arbres, leurs cocons de soie fine,
bien que les feuilles fussent de médiocre qualité. La chenille est réelle-
ment magnifique; à son dernier âge elle est couverte de quarante-huit
taches argentées et de huit taches dorées, ces taches d'aspect métal-
lique, celles qui paraissent en dernier étant sur les deux premiers seg-
ments. Quand le soleil éclaire cette chenille, dont le fond du corps est
d'un vert délicat, avec de petites mouchetures sur le dos, elle semble
couverte de diamants. Le papillon de l'A. Polyphemus est sensiblement
de la taille des A. Yama-maï et Pernyi; le mâle a les antennes à énormes
lamelles bi-rameuses jaunâtres; le fond des ailes est d'un grisrougeàlre;
l'aile antérieure offre un petit œil noir à l'angle apical et au centre une
tache vitrée bien elliptique, le grand axe de l'ellipse parallèle au corps»
cette ellipse cerclée de jaune; à l'aile inférieure est une taclie vitrée
tout à fait analogue, mais entourée en outre du côté interne d'un large
ocelle noir saupoudré de gris bleuâtre ; la femelle a des antennes jaunes
bien moindres que celles du mâle à peine bipectinées, le fond des ailes
d'un ocreux grisâtre bien plus clair que chez le mâle, les quatre taches
vitrées plus grandes, subcirculaires et non elliptiques.
Parmi les Attaciens séricigènes de l'Amérique du Sud se présente tout
d'aboi d une espèce importante par l'éclat et la finesse de la soie d'un
cocon très aisément dévidable; c'est 1'^. Aurota, Cramer, plus petit dans
les deux sexes que 1'^. Atlas, auquel il ressemble, l'envergure des ailes
variant de 190 à 215 millimètres; antennes bipectinées, roussàtres; cor-
selet poilu, d'un rouge fauve, ayant postérieurement un large anneau de
poils blancs; ailes supérieures faiblement recourbées en faucille à leur
extrémité, d'un fauve rougeâtre, avec une petite bande blanche coudée
vers leur base, doublée extérieurement de noir, et une autre, courte et
arquée, au bord interne, sans bordure noire; une tache triangulaire
ATTACUS. 537
vitrée, sans couleur ni écailles, assez grande, est placée vers le milieu
de l'aile, le sommet externe empiétant un peu sur la bande légèrement
sinueuse qui coupe l'aile à peu près parallèlement au corps; elle est
formée, en allant de dedans en dehors, de quatre couleurs distinctes,
savoir: noire, blanche, rougeâtre et obscur; ensuite une série détaches
triangulaires d'un rose rougeâtre, placées à côté les unes des autres,
confondues ensemble par leurs bases, les sommets libres; une petite
bande irrégulière, d'un jaune fauve, vers le bord postérieur de l'aile ;
ailes inférieures d'un rouge fauve, comme les supérieures, ayant vers la
base une petite bande blanche, convexe vers l'intérieur, bordée exté-
rieurement de noir; une tache vitrée transparente au milieu, trigone à
sommets arrondis, le sommet externe largement tronqué par la bande
transverse sur laquelle il s'appuie ; extérieurement à ce miroir, comme
disent les anciens entomologistes, la même bande parallèle au corps,
quadruple et un peu sinueuse, qu'aux ailes supérieures, puis la même
série de taches triangulaires d'un rose rougeâtre, enfin, plus extérieu-
rement, la môme bande d'un jaune fauve, mais parsemée de petites
taches noires subovales à la suite les unes des autres, comme à l'aile su-
périeure ; les quatre ailes offrent aux bords latéraux une assez large
bande brune et leur dessous est presque de la môme couleur que le
dessus. La chenille à toute sa taille est verte, avec des lignes transver-
sales d'un jaune vif aux bords antérieur et postérieur de chaque anneau ;
ceux-ci n'ont pas d'épines, mais portent chacun quatre tubercules d'un
rouge orangé, entourés de petits poils; les stigmates ovales se détachent
en blanc, et, au-dessous d'eux, règne une large bande blanche sur les
côtés des anneaux abdominaux, au-dessus de l'insertion des pattes
abdominales, qui sont vertes et ornées de poils noirs; cette bande laté-
rale est jaune sur les derniers segments. Le cocon de cette espèce est
d'un gris plus ou moins ocreux, oblong, avec un pédicule d'attache
plus ou moins développé, entièrement soyeux et non corné, faisant parfois
à sa terminaison plusieurs tours de spire sur la branche ou sur le pétiole
de feuille où il s'enroule ; sa longueur varie de 25 à 75 millimètres,
et il fait corps avec la partie supérieure de la première enveloppe du
cocon, qui est à deux robes, comme celui de VA. Cecropia. Cette pre-
mière enveloppe est irrégulièrement ovoïde, et son tissu, d'un fil gros-
sier, assez lâche pour se laisser aisément déchirer à la main et séparer
du cocon proprement dit, qui est intérieur; ce dernier est ovoïde, long
de 55 millimètres environ sur 25 à 30 de large, appointé à une extré-
mité naturellement ouverte pour la sortie du papillon ; à la façon des
cocons de nos A. piri, carpini et siritii et du cocon interne de Cecropia;
c'est à cette extrémité que correspond la tète de la chrysalide, afin que
le papillon n'ait pas à se retourner, ce qui l'exposerait à blesser son
corps très mou lors de l'éclosion; à ce bout, comme d'ordinaire, les fils
de soie sont repliés en anses, à la façon d'une nasse, ouverture que le
papillon force aisément pour sortir. Les parois de ce cocon se laissent
538 LÉPIDOPTÈRES.
assez facilement déprimer entre les doigts, car il est peu incrusté ; on y
distingue cinq couches concentriques, dont les plus internes sont plus
serrées et d'un fil plus fin. Le cocon est luisant à l'intérieur et parfois
saupoudré d'une poussière blanche, qui est de l'acide urique, provenant
des dernières évacuations de la chenille, quand elle a terminé sa fila-
ture ; la chrysalide est d'un brun rougeàtre et ressemble beaucoup à
celle de notre Grand Paon de nuit.
II est certain que Linnœus et Fabricius connaissaient l'Attacien que
nous venons de décrire, et qui devait venir assez souvent chez les ama-
teurs d'histoire naturelle ; mais ils le regardaient comme une variété de
petite taille de l'A. Atlas, espèce asiatique. L'espèce brésilienne est
figurée dans l'ouvrage de Séba (t. IV, pi. 57, fig. 56), iconographie con-
fuse où ce curieux de la nature a représenté, à peu près pêle-mêle, tous
les objets d'histoire naturelle de son riche cabinet. Sibylle Mérian a
assez bien dessiné la chenille, qu'elle observait sur l'oranger dans un
jardin de Surinam, fort médiocrement représenté le cocon, et figuré
aussi le papillon, sans aucun nom, comme tous les insectes et autres
animaux de sa célèbre iconographie (1). L'espèce est désignée pour la
première fois sous le nom d'^uroio, par Cramer (Pa/5i;7/o?isea;o«2gues, 1779,
1. 1, p. 11 , pi. 8, fig. 1) et assez exactement figurée, avec les belles bandes
roses dentelées des ailes bien visibles. Dans son Mantissa insectorum,
Fabricius indique, dans son genre bombyx, une espèce qu'il nomme
B. Aurotus et qu'il place après ses B. Atlas (1), et Hesperus, mais sa diagnose
confuse s'applique aussi bien aux Attacus OEthra, Augias, Spéculum
qu'au véritable Aurota. Fabricius dit seulement que son B. Aurotus fait
partie de la collection de Hunter. Olivier (^ncycL méth.;hist.deslns; 1790,
t. V, p. 25) ne fait, pour son Bombyx Aurote, que traduire le latin du
Mantissade Fabricius pour le B. Aurotus, et dit vaguement que l'insecte
se trouve en Amérique ; en réalité il lui est resté inconnu. Il se trompe
également, par interversion des caractères, en confondant Aurota de
Cramer avec OEthra de Fabricius.
VA. Aurota, un des plus grands représentants du genre en Amérique,
est l'espèce la plus répandue au Brésil, commune sur tout le littoral
depuis Rio de Janeiro, jusqu'au nord de l'empire et au delà, puisqu'il
existe à la Guyane hollandaise, se trouvant aussi dans les provinces
centrales, ainsi celle de Minas-Geraes, mais ne s'élevant pas sur les mon-
tagnes, du moins celles de la province de Rio-de-Janeiro. L'insecte est
polyphage, comme presque tous les Attacus, avec quelques végétaux de
prédilection. Tels sont d'abord le ricin, arbre ou arbuste selon le climat,
et qui croît en abondance et spontané dans les pays chauds des deux
mondes, supportant des températures moyennes diurnes de -|- 36° à -f
(1) Sibylle Mérian, Dissertatio de generatione et metamorphosihus insectorum
Surinamensium, 1719 ; Amsterdam, p. 52, pi. lu, et (latin et français) Histoire
générale des insectes de Surinam, etc. Paris, 1861, p. 52, pi. lh.
ATTACtS. 539
12". La chenille aime aussi beaucoup la feuille de deux Euphorbiacées :
l'une est le Jatropha inanihot, vulgairement le manioc, dont la racine pilée
et privée par le lavage de son suc vénéneux donne la fécule nutritive
connue dans le commerce sous le nom de tapioca; l'autre est VAnda
Gomesi, très énergique purgatif, grand arbre ayant le port du noyer et
nommé au Brésil Andou su ou Anda jassou. Un auteur brésilien, qui a
écrit sur VA. Aurota {Memoria sobre o bicho da seda indigena da provincio
do Espirito santo, par J. J. Machado do Oliveira, travail inséré dans le
journal mensuel ; 0 auxiliador da industria nacional,publica do pela Socie-
tade auxiliadore da industria nacional, Rio de Janeiro, IX, p. 361), indique
encore divers végétaux brésiliens appartenant aux Loranthacées, aux
Malvacées, aux Rutacées. Il faut y joindre l'acajou {Anacardium oc-
cidentale), le bambou, le pêcher, le fusain, l'oranger, etc. Le papillon
paraît pendant toute l'année, en plus ou moins grand nombre, et par-
court les phases de son existence en été en 28 jours, en hiver, par une
température moyenne de 16°, en ZiO jours. En trois ou quatre nuits suc-
cessives, les femelles pondent chacune de 200 à /lOO œufs, en rangées
isolées de 5 à 10 œufs. Ils sont blancs^ ovales, aplatis, offrant, après quel-
ques jours, une légère dépression au centre; du huitième au neuvième
jour ils prennent une teinte bleuâtre, la dépression centrale disparaît,
et ils éclosent du dixième au onzième jour, surtout le matin, fait général
pour les Bombyciens et Attacicns et bien connu pour le Ver à soie du
mûrier; l'éclosion est retardée de quelques jours si la température
s'abaisse au-dessous de 15°. Pour peser 1 gramme il faut 210 de ces
œufs fraîchement pondus.
L'éducation de cette espèce n'a pas encore été tentée sur une grande
échelle, mais a été essayée par diverses personnes en petite proportion,
notamment par M. A. Chavannes(l), de ISZiO à 18/iZi, pendant son séjour
au Brésil, et, plus tard, par M. de Capanema. Elle a l'avantage de durer
toute l'année et par suite de donner un produit rémunérateur conti-
nuel. On peut opérer à la chambre, comme pour le Ver à soie du
mûrier, ou bien faire éclore les chenilles, à proximité de la maison, sur
les arbres qui leur conviennent. M. de Capanema conseille dans ce der-
nier cas {Bull. Soc. d'acclim. 1872, p. 524 et 1873 p. 500), pendant les
premiers quatre à six jours, d'élever les petites chenilles sur des plantes
en pots pour les protéger contre des ennemis acharnés, les fourmis,
les guêpes et les araignées, qui les détruisent complètement. M. A. Cha-
(1). D'A. Chavannes, Mémoire sur les Saturnies séricigènes qu'il serait conve-
nable d'introduire en France {Bull. Soc. d'acclim., 1855, t. II, p. 36/i). — Sur
lès Saturnies séricigènes (même bull. p. 370). — Notice sur les Saturnies sérici-
gènes et sur leur introduction en Europe {Bull. Soc. Vaudoise des se. natur.,
séance du 17 janvier 1855). — Mémoire sur quelques espèces de Saturnies séri-
cigènes du Brésil {.tournai de la Soc. Vaudoise d'utilité publique. Lausanne,
février 1844, n» 437, p. 46).
540 LÉPIDOPiÈKES.
vanne ç rapporte que le grand ennemi de ces éducations libres, plus
commodes que celles en magnanerie, est une guôpe brune, très commune
à Hio de Janeiro et dans toutes les sucreries, et qui emporte d'un seul
coup les jeunes chenilles, tandis qu'elle dépèce en plusieurs morceaux
les grandes ; ce sont les mêmes mœurs que celles de notre guêpe com-
mune et de la guêpe frelon. Les premiers âges exigent beaucoup de soins,
et il est bon d'entourer les jeunes chenilles de manchons de gaze empê-
chant l'attaque des guêpes. Ces chenilles d'^l. Aurota, remarquablement
sédentaires en liberté, vagabondent beaucoup plus que le Ver à soie du
mûrier, si on les élève dans les chambres, absolument comme celles de
l'A. Yama-maï; c'est que ces chenilles sont tourmentées et inquiètes de
leur captivité. M. Chavannes cite encore d'autres ennemis que les guêpes.
De minimes Braconiens ouChalcidiens (Hyménoptères) piquent les che-
nilles de petites taches brunes et leurs larves jaunâtres, dévorant le
tissu graisseux, affaiblissent la chenille au point de l'empêcher de filer
son cocon. En outre des Entomobies (Diptères) attaquent ces chenilles
en nombre considérable, mais permettent la filature du cocon, non
nuisibles sous le rapport de la soie, mais arrêtant la reproduction; pres-
que tous les cocons envoyés par M. de Capanema en 1873 à la Société
d'acclimatation étaient remplis despupes de cesMuscides, ce qui explique
la non- apparition des papillons. Les adultes de l'A. Aurota ne s'accou-
plent que rarement en captivité. 11 faut laisser les mâles s'envoler en
liberté et exposer les femelles en plein air. A l'instar de ce qui se fait
au Bengale pour les femelles de l'^l. Mylitta, M. A. Chavannes attachait
les femelles, sans les blesser, au moyen d'une ficelle passée autour du
corselet, entre les deux paires d'ailes et dont les deux bouts sont cloués
avec une épingle sur un morceau d'agave, que l'on suspend à l'entrée
de la nuit, à une branche d'arbre, dans un lieu abrité du vent. L'accou-
plement a lieu ordinairement de grand matin, bien que les mâles
commencent à voler au crépuscule, et il dure ordinairement jusqu'au
soir, si les papillons ne sont pas dérangés. Les mâles qui fécondent les
femelles sont, ou bien ceux qui ont été rendus libres à cet effet, ou bien
des mâles sauvages, surtout si on opère à la lisière d'un bois. M. Cha-
vannes a vu que le même mâle peut accomplir plusieurs accouple-
ments, et féconder jusqu'à quatre femelles; celles-ci doivent être
fraîchement écloses, car dès le second jour elles commencent à pon-
dre, et dès lors n'attirent plus les mâles. Il convient de retirer pendant
le jour les femelles attachées, de peur qu'elles ne soient dévorées parles
guêpes ou les fourmis. Une basse température, telle que -j- 12 degrés, une
forte pluie ou un grand vent empêchent les mâles de voler et dès lors
rendent infructueuses les expositions des femelles. Les femelles fécon-
dées sont ensuites placées dans des boîtes fermées contenant des feuilles
de papier flottantes ou des toiles, et elles pondent pendant trois nuits
consécutives. On peut encore décoller les œufs, comme on le fait pour
le Sericaria mari. L'éclosion des clirysalides renfermées dans les cocons
ATTACUS. 541
exige une température de + 25 à + 27 degrés; c'est ce qui explique
pourquoi les cocons envoyés à Paris par M. de Capaneraaet arrivés en
octobre 1873, n'ont pu donner de papillons, pour ceux qui n'étaient pas
attaqués par les Entomobies. Si, d'ordinaire, les papillons écloscnt au
bout de deux mois à deux mois et demi, cette éclosion peut être retardée
pendant de nombreux mois et même des années, d'après un fait fré-
quent pour les Bombyciens et les Attaciens. Auparavant, en 1867, lors
de l'Exposition universelle, une grande quantité de cocons d'^. Aurota
avaient été envoyés à la magnanerie expérimentale du bois de Bou-
logne par M. Dionisio Martins, commissaire du Brésil à l'Exposition.
Ceux-là vinrent parfaitement à éclosion, grâce à la chaleur de l'été, et
les visiteurs, au mois de juillet, contemplèrent avec plaisir de magnifi-
ques papillons aux larges ailes marquées de taches nacrées trigones,
transparentes comme du mica et veinées d'une belle bande pourpre. La
reproduction eut lieu pour la première fois en France, et les petites
chenilles qui sortirent des œufs dus à la ponte de ces papillons furent
nourries avec des feuilles de fusain. On ne parvint pas à les élever, ce
qui fut dû certainement aux froids de l'automne, car l'espèce, qui se
reproduit toute l'année, exige un climat chaud en toute saison, ce qui
rend chimériques les tentatives d'acclimatation en Europe, môme dans
le midi de la France ou en Algérie.
Parmi les espèces d'Attaciens à cultiver et à récolter sur place dans
les climats chauds, 1'^. Aurota est certainement une des plus impor-
tantes pour l'abondance et la belle qualité de sa soie. Il y a longtemps
qu'on en a été frappé, car M"^ Sibylle Mérian nous a fait connaître, il y
a plus d'un siècle et demi, qu'elle a obtenu à Surinam de la soie de
cette espèce, qu'elle observait dans les jardins sur les orangers. Elle
ajoute avoir rapporté un grand nombre de cocons en Hollande et qu'on
pourrait tirer un très grand bénéfice de ce Ver à soie. Le poids des co-
cons frais est assez variable, ce qui tient surtout à la différence de poids
qui existe entre les chrysalides mâles et femelles, et peut s'évaluer en
moyenne à 5 grammes. Après l'étoutfage de la chrysalide et sa dessicca-
tion, chaque cocon pèse environ 2 grammes. Si les cocons à chrysalide
sèche ont été débarrassés de la première enveloppe, propre seulement
au cardage, il y en a mille au kilogramme. Si la dépouille de la che-
nille et les débris ont été enlevés, le kilogramme en renferme 1200 à
1500, ce qui met le poids du cocon interne à OO', 7 ouO'J',8 de soie ; mais
en défalquant de ce poids la matière glutineuse qui colle les fils et l'acide
urique, il reste O^' ,35 à 0'J'',40 de soie pure, c'est-à-dire qu'il faut 2500 cocons
environ pour donner 1 kilogramme de bourre de soie plus ou moins
cuite. Or il faut environ, pour donner le même poids, 8000 cocons de Ver
à soie du mûrier dans les mêmes conditions; nous voyons donc que
VA. Aurota oll're trois fois plus de soie que le Ver à soie du mûrier, en ne
considérant que les cocons de qualité moyenne. L'épaisseur du brin est
de 0,035 à 0,0/iO millimètres; il supporte sans se rompre un poids de
5Û2 LEPIDOPTERES.
15 à 20 grammes, ou, en d'autres termes, le brin est deux fois plus épais
que celui du Ver à soie du mûrier et trois fois plus fort. M. Chavannes
n'a fait, pour le dé vidage de ce remarquable cocou,que quelques essais
non industriels; il s'est surtout occupé de leurcardage. Il faut, au préa-
lable, opérer un décreusage du gluten des fils, ce qu'il obtenait soit par
l'eau de savon chaude, soit par une lessive de cendres de bois addi-
tionnée d'un supplément de carbonate de potasse. On enferme les co-
cons dans un sac qu'on place au milieu de la dissolution bouillante;
jusqu'à ce qu'on puisse facilement, à la main, étirer les fils des couches
les plus profondes ; puis on retire les cocons pour les laver plusieurs
fois dans l'eau pure; enfin on fait sécher la masse, prête alors à être
cardée. Il faut remarquer que l'éclosion du papillon ne nuit en rien au
dévidage, le cocon étant naturellement ouvert. M. de Capanema indique
aussi un décreusage potassique pour le dévidage et dit que la soie obtenue
se blanchit parfaitement au chlore, sans perdre son lustre; l'acide sul-
fureux est préférable. Le D"" Forgemol a soumis les cocons de VA. Au-
rota, après dégommage, sur les épingles à olives qui lui servaient à
dévider les cocons ouverts du type Ctjnthia, et il a obtenu une soie
continue, très belle et élastique, tenant le milieu entre celle des A.
Arrindia et Permji, d'un éclat bien supérieur à la soie à' A. Arrindia;
des écheveaux de cette soie furent présentés à l'Académie des sciences
le 30 décembre 1861. Le dé vidage de ces cocons est très aisé et s'opère
bien plus vite que pour ceux de VA. Arrindia. Le D-" Forgemol, avec
75 cocons passables, a obtenu le rendement remarquable de 20 grammes
de soie, beaucoup plus belle que celle du type Cynthia. Au condition-
nement des soies de Paris fut présenté une échantillon de cette soie de
VA. Aurota, de 383 885 mètres au kilogramme. Au sérimètre la ténacité
moyenne a été de 6/i,6 grammes et l'allongement moyen de lZi,5 pour
100. Voici les observations de la dévideuse : n° 2817, grège sauvage, se
dévide bien; déchet très peu, nette; un peu de duvet. Christian le Doux,
plus de quinze ans après les faits qui précèdent, avec le procédé qu'il
a inventé pour opérer en soie grège le dévidage des cocons du Ver à
soie de l'allante, a obtenu très aisément de petites flottes de soie grège
de VA. Aurota, qui ont été présentées à la Société d'acclimatation. Avec
l'assurance qu'ont donc les sériciculteurs de retirer de ces cocons une
fort belle soie grège, on peut affirmer que l'éducation en grand de cet
Attacien peut devenir une source réelle de grande richesse. Au Brésil
particulièrement où la plante du ricin croît spontanément et en toute
saison, le Ver, trouvant constamment des feuilles pour se nourrir, donne
des récoltes continues; comme la main d'oeuvre est d'un prix très peu
élevé, le sériciculteur trouvera dans ces éducations une rémunération
fructueuse. Il serait avantageux pour la France d'encourager dans sa
colonie de la Guyane, comme le gouvernement du Brésil chez lui, des
éducations de 1'^. Atirola, à demi sauvages, à demi domestiques, à la
façon de 1'^. Mylitta au Bengale. Au Brésil aussi, les cocons de cet in-
ATTAGUS. 5UZ
secte doivent être récoltés dans les forêts, indépendamment des éduca-
tions surveillées en enclos.
Il y a quelques autres Attacus de l'Amérique du Sud dont la distinc-
tion d'avec l'A. Aurota ofire quelques difficultés. L'espèce qui s'en rap-
proche le plus à l'état parfait est VA. OFAhra, Fabr., papillon commun
en Colombie, aux Guyanes, à Bahia, rare à Rio de Janeiro. Chez OEthra
comme chez Aurota, il existe prés de la pointe de l'aile supérieure un
ocelle noirâtre, entouré de fauve; dans ces deux espèces les antennes
du mâle sont très pectinées, celles de la femelle l'étant moins. Le fond
de la couleur d'OEthra est d'un roux jaunâtre, tandis qu'il est plus rou-
geàtre dans Aurota. Les ailes de VA. OEthra ont une bande transverse
moitié noire du côté interne, puis mi-transparente et à bord externe
rougeàtre ; on n'y trouve pas la garniture de taches triangulaires roses,
qui est remplacée par un espace olivâtre et pointillé. La forme des ailes
diffère notablement entre ces deux papillons ; OEthra a les ailes anté-
rieures subf'alquées comme Aurota; mais les ailes inférieures du mâle
A'OEthra sont bien plus arrondies que celles du mâle à" Aurota, où elles
tendent à la pointe mousse. Le bord costal de l'aile antérieure de
VA. OEthra est grisâtre, tandis qu'il est de la couleur du fond chez
Aurota. Enfin les taches fenestrées à' Aurota sont triangulaires aux ailes in-
férieures, tandis qu'elles sont subovales, plus grandes que les antérieures
et à sommet aplati chez OEthra. La chenille, d'après M. A. Chavannes,
au lieu d'être verte comme celle à' Aurota, est d'un rouge orangé, avec
les incisions des anneaux, ainsi que les tubercules d'un noir velouté ,
elle vit sur les Térébinthacdes. Je crois fort que c'est la chenille (VA.
OEthra, son cocon et son papillon qui sont représentés par Sibylle Mérian
{op. cit., p. 65 et pi. Lxv); la chenille a une bande blanche entre les
anneaux et un angle blanc dessiné en dessus sur les trois derniers seg-
ments. Mérian dit que l'insecte vit sur le citronnier, mais est rare, ce qui
doit s'entendre des jardins des environs de Surinam, où elle observait
et dessinait les insectes. Le cocon est allongé, d'un jaunâtre pâle pour
l'enveloppe externe, de môme forme et de môme valeur soyeuse que
celui A' Aurota, la soie du cocon interne étant un peu plus brune
Nous remarquerons que les A. Atlas, Aurota, OEthra, espèces analogues
toutes trois à cocon ouvert, ont été l'objet de quelques essais d'éducation,
ainsi que VA. Spéculum, Boisd., dont nous parlerons plus loin.
L'Amérique méridionale a encore d'autres Attacus très voisins des pré-
cédents. On trouve principalement à la Guyane et aussi au Brésil,
r^. Hesperus, Fabr., analogue à OEthra pour les quatre taches vitrées, mais
dont le sommet des ailes supérieures est très différent de celui d'OEthra
et d' Aurota en ce qu'il manque de l'ocelle noirsubapical. La chenille est
glabre, mais tuberculeuse, donnant un cocon d'un jaune pâle ou nankin,
très serré et très épais, d'une soie très forte, incrusté, ouvert en nasse
et d'un dévidage très difficile. La chenille vit dans le pays sur un arbris-
seau nommé Café-diable {Caseana ramiflora), et aussi sur le palétuvier.
56 /i LÈPIDOPTliRES-
En enlevant par les alcalis la résine du cocon, on obtient au cardage
une filoselle roussâtre très solide. On a môme pu dévider, en ne décreu-
^ant que par une faible solution de carbonate de potasse. Cette espèce
vivant sauvage en abondance près deCayenne, peut fournir une branche
intéressante d'exportation. L'.l. Aiujias, Boisd., ressemblant aux précé"
dents pour le dessin, en est très différent pour la couleur du fond, qui
est d'un jaune orangé, nullement rougeâtre. l'A. Aurota, au contraire,
se distingue tout de suite par la riche nuance pourprée du fond, bien
moins sensible chez OEthra et Hesperus. Boisduval avait reçu A. Aiigias
du Brésil intérieur [Minas Geraes) ; il existe aussi dans la province de
Saint-Paul et probablement dans d'autres parties du Brésil. I.e papillon,
de la taille A.' Aurota, a la bande transversale des ailes supérieures en
général plus noirâtre, et n'offrant d'atomes roses qu'à sa partie infé-
rieure. Le croissant du sommet des ailes supérieures est noir, comme
la tache ovoïde anale, celle-ci beaucoup plus grande que les autres. La
chenille n'est que très incomplètement connue, car M. A. Chavannes
n'en a vu que la dépouille dans le cocon. H la suppose verte, garnie
de poils clairsemés, sans tubercules, la tête avec deux lignes noires
incomplètes; on trouve à la partie antérieure et latérale du corps
deux taches ovales probablement noires; les pattes membraneuses
sont noires. Le cocon ressemble à celui à' Aurota, mais plus arrondi
à l'extrémité céphalique, avec la première enveloppe plus adhérente,
le tissu plus compact, plus gommé, plus brun, quelquefois de couleur
un peu dorée. Il y autant de soie que dans le cocon d'^. Aurota, et
il ne me paraît pas impossible que cette espèce ne soit une variété
fortement caractérisée à'Aurota. Au Nicaragua, et dans différentes
provinces du Brésil, celles de Rio, d'Esperito Sancto, dos Minas, etc.,
on rencontre Y A. Spéculum, Boisd. Le papillon paraît toute l'année en
plus ou moins grand nombre. La femelle dépose en paquets des œufs
de couleur jaunâtre, nuancés de quelques taches brunes, au nombre de
300 à 500 par ponte. Au bout de sept à huit jours ces œufs deviennent
d'un gris verdâtre uniforme, et ils éclosent le huitième ou le neuvième
jour. La petite chenille, qui sort de son œuf le matin, a environ h mil-
limètres de longueur. Elle est noire, et les couleurs qu'elle prend après
la première mue persistent jusqu'à son entier développement. Elle vit
trente à quarante jours avant de filer son cocon, et le nombre de jours
de ses différents âges correspond à peu près à ceux du Ver à soie du
mûrier. Parvenue à toute sa taille, elle est longue d'environ 70 milli-
mètres, cylindrique, les premiers et les derniers anneaux un peu
amincis. Leur couleur générale est d'un noir mat, et chacun offre deux
lignes transversales orangées, qui, sur les anneaux U et 5, s'étendent
jusque sous le ventre; sur le douzième segment, deux traits de cette
même couleur forment un V ouvert au sommet. Le corps est parsemé
de poils courts, lanugineux, blanchâtres; le ventre, la tête, les pattes
et les stigmates sont noirs. Cette chenille vit en société jusqu'au moment
ATTACUS. 545
de filer son cocon et se nourrit de feuilles d'arbres appartenant aux
Loranthacées, aux Laurinées, et quelquefois se trouve sur le ricin. Le
cocon est grisâtre et beaucoup plus effilé que celui des espèces précé-
dentes. Il n'offre pas de bourre extérieure et se termine par un long
cordon. La soie est plus fine et aussi moins tenace que celle des cocons
déjà cités; elle est aussi un peu moins abondante. Le tissu de ce cocon
est très serré, compacte, résistant à la pression et d'une couleur plus
ou moins brune. Sa longueur varie de /|0 à 5li millimètres, et son dia-
mètre transversal de 12 à 16. La première enveloppe est très adhérente
aux couches sous-jacentes; on ne peut l'en séparer qu'avec difficulté.
Le papillon éclot en général au bout de deux à quatre semaines;
d'autres après beaucoup plus de temps, retardés parfois même d'une
année, suivant une loi fréquente dans le genre Attacus. 11 est plus petit
que les précédents, d'un dessin analogue, d'une envergure de 108 à
130 millimètres. Le fond est d'un fauve plus paie, plus blâme, les taches
vitrées, en général, moins angulaires, et, dans certains individus, très
petites et allongées. La bande transversale des ailes supérieures n'offre
d'atomes roses qu'à sa moitié inférieure. Au sommet des ailes supé-
rieures, il n'y a pas de croissant, mais des taches noirâtres semblables
aux suivantes par la forme ; ces dernières ne sont pas circonscrites exté-
rieurement par un filet noir, mais par une ligne brune moins arrêtée.
La tache anale, seulement un peu plus grande que les autres, n'est
pas te at à fait noire.
Nous trouvons au Brésil, dans la province de Rio, 1'^. Encelades,
Boisd. La chenille est verte, avec des lignes blanches et des tubercules
bleus, et vit sur les Jacobées. Elle file un cocon accolé aux tiges ; la
soie est d'un gris jaunâtre, comme celle de l'A. Spéculum, et n'est pas
en grande quantité. Il y a encore au Brésil plusieurs autres espèce
d'Attacus, mais plus rares, à cocons plus petits et moins soyeux, et que
nous ne mentionnerons pas. Les régions chaudes de l'Amérique, autres
que le Brésil, ont aussi d'assez nombreux Attacus, ainsi le Mexique, ré-
gion qui appartient réellement par sa faune à l'Amérique méridionale,
et qui nous a présenté un Morpho dans sa partie occidentale, sur le
versant du Pacifique. On trouve, jusque dans les rues de Mexico, une
espèce qui est probablement 1'^. Orbygnianus, G. Mén., dont le cocon
fournit une soie gris de lin, très brillante et résistante. Il ressemble à
celui de VA. Aurota, mais la bourre ou première enveloppe est liée plus
intimement au cocon; elle forme à l'extrémité supérieure une ouver-
ture ovale au fond de laquelle on aperçoit le goulot du cocon. M. A.
Chavannes pense que la soie tissée par les anciens Mexicains provenait
de cette espèce. On trouve à la Havane le cocon d'une autre espèce, qui
est, pour la forme et la soie, très voisin de celui de VA. Spéculum. Il est
effilé et sans bourre distincte. Son pédicule n'a que quelques millimè-
tres de longueur et se termine par un petit anneau qui enveloppe la
branche, à l'instar de l'anneau corné du pédicule du cocon fermé de
GIRAUD. m. — 35
546 LÉPIDOPTÈRES.
VA. Mylitta, de l'Inde. Enfin, comme dans l'espèce précédente, la pre-
mière enveloppe, ouverte en haut, laisse apercevoir l'extrémité appointie
du cocon.
Nous avons tenu à faire cette énumération un peu longue des Atta-
ciens scricigènes de l'Amérique chaude et surtout du Brésil. En effet,
en présence des nombreuses richesses textiles que nous négligeons
encore, on peut dire que la sériciculture est dans l'enfance. Un jour
viendra, nous l'espérons, où l'on recherchera partout les cocons soyeux.
L'industrie a besoin, non seulement de belles soies, mais aussi de soies
variées, même de qualités inférieures, pour satisfaire à toutes les exi-
gences; les caprices de la mode sont le pain de milliers de familles.
L'Australie compte un assez grand nombre d'Attacus, et tout n'est pas
encore connu en ce genre, la partie nord, la plus chaude, de ce vaste
continent étant encore à peine explorée. E. Verreaux en a rapporté
plusieurs espèces pour la collection du Muséum et indiquait que les co-
cons soyeux de certaines d'entre elles pourraient être utilisés. La collec-
tion du Muséum contient actuellement huit espèces d'Attacus austra-
liens, les A. Antipodus, Boisd., Pluto, Boisd., Helena, White, Laplacei,
Feisthamel, Pelœus, Boisd., et trois espèces peut-être inédites, qui
n'ont que des noms de collection : Ocellinus, Nigrodentatus, Fenestralis.
Nous avons laissé à part un type d'Attacus très remarquable par la
singularité de la forme des ailes inférieures, prolongées le plus souvent
en queues plus ou moins longues, parfois démesurées et contournées au
bout ou élargies en spatule, qui forment des sous-genres sous les noms
d'Actias, Boisd. et Aricia, Boisd.; ces singulières espèces existent dans
les parties chaudes et tempérées de l'ancien et du nouveau monde, et
n'ont pas encore été rencontrées, à notre connaissance, en Australie.
Une des belles découvertes entomologiques de notre époque est
celle d'une de ces espèces très localisée au centre de l'Espagne,
sur les collines qui entourent, non loin de Madrid, la résidence
royale de TEscurial. 11 y a là un fait de localisation analogue à
celui de r.4. Cœcigena, près de Fiume, en Dalmatie. Le docteur Graëlls,
professeur à Madrid, avait été informé par le botaniste Jean Mieg que
1'^. Lima, espèce caudataire, existait dans la faune lépidoptérologique
d'Espagne, ce qui lui semble fort étrange pour une espèce de l'Amé-
rique du Nord, et le détermina à de minutieuses recherches. Au prin-
temps de 18/i8, il découvrit une chenille ayant les caractères des che-
nilles du genre Attacus, mais différente de celle des quatre ^4f <aci<s euro-
péens connus. Au printemps de 18Zi9 il découvrit l'insecte adulte, ayant
en effet quelque ressemblance avec A. Luna, mais constituant une espèce
nouvelle et très distincte qu'il dédia à la reine Isabelle II. Il publia la
description et les figures de la femelle et de la chenille dans les Annales
de la Société entomologique de France (1850), et plus tard figure le mâle
dans un recueil géologique espagnol. Ce mâle fut représenté dans mes
Métamorphoses des insectes, h partir de la seconde édition. M. Graèlls,
ATTACUS. 547
par une jalousie anti-scientifique, ayant cru devoir garder un secret
complet sur les localités de cette magnifique espèce et sa plante nourri-
cière, des doutes s'élevèrent sur la provenance réelle de l'espèce.
M. Staudinger se rendit en Espagne pour en opérer la recherche et
réussit, à son second voyage, à se procurer la chenille qu'il élève depuis
lors avec des sujets qui lui sont envoyés d'Espagne, et non sans peine,
car la chenille est fort délicate. Aussi l'espèce, d'abord d'un prix exces-
sif, s'introduit peu à peu dans les collections. M. P. Millière a donné une
étude complète de cette belle espèce, le seul représentant européen des
Caudatœ de Cramer et a figuré la chrysalide pour la première fois {Ico-
nographie, 1869, t. in, p. 1 et pi. 101, mâle, femelle, chenille, chrysa-
lide et cocon).
L'A. Isabellœ, Graëlls, offre une envergure de 80 millimètres, les
antennes entièrement d'un brun ferrugineux, médiocrement longues,
mais très pectinées, terminées en pointe fine, les barbures réunies deux
par deux et non disjointes à l'extrémité ; tète jaune, avec les yeux noirs ;
thorax fourni de longs poils, de couleur vineuse, le prothorax jaune
ainsi que les ptérygodes; ailes grandes, bien développées, d'un beau
vert clair, qui se fonce un peu sur les spécimens desséchés, à demi
diaphane, avec les bords et les nervures d'un rouge ferrugineux, qui
donnent au papillon un aspect magnifique, pi. xcv, fig. 1, et le distinguent
tout de suite des /l.Lw/ia et Se/ene, dont la couleur du fond est analogue;
ailes inférieures ornées d'une longue queue, dont la pointe se dirige exté-
rieurement et donne à l'insecte un aspect exotique des plus caractéris-
tiques ; au centre de chacune des quatre ailes, une grande tache ocellée
parée des plus riches couleurs, la pupille diaphane entourée d'une belle
couleur pourpre, l'anneau suivant partagé en deux couleurs, extérieu-
rement jaune de chrome, intérieurement d'un blanc bleuâtre vif, le
tout enfin entouré d'un anneau noir, un peu plus large intérieurement
qu'extérieurement; base des ailes supérieures d'un jaune vif, une large
bande d'un vert jaunâtre précédant le limbe, qui est d'un rouge ferru-
gineux, cette bande précédée elle-même par une ligne noire qui la
borde de chaque côté et se double intérieurement, cette bande noire
étant simple aux ailes inférieures; ces larges bandes d'un noir lavé de
jaunâtre coupées aux quatre ailes par les nervures ferrugino-vineuses
qui viennent aboutir à la frange ; dernières nervures des secondes ailes,
celles de la queue, presque entièrement jaunes, le bord interne des
ailes inférieures orné de longues franges jaunes; dessous des quatre
ailes répétant à peu près le dessus, avec le bord supérieur des ailes
inférieures d'un jaune vif; abdomen très poilu, jaunâtre, marqué de
vineux en dessus et finement annelé de noirâtre; femelle de même
envergure que le mâle, ou même plus petite, les antennes seulement
légèrement biciliées, les queues des ailes inférieures très courtes et
anguleuses (pi. xcv, fig. 2, tète de la femelle).
La chenille a toute sa taille (pi. xcv, fig. 3), est cylindroïde, avec le
5Û8 LÉPIDOPTÈRES.
fond d'un beau vert pomme ; la région du dos est marquée d'une large
bande continue d'un brun rougeâtre, le long du vaisseau dorsal, lisérée
de blanchâtre de chaque côté ; de l'anneau à à l'anneau 10 inclusivement,
ces mêmes segments sont entourés de pourpre obscur, chaque cercle
offrant de chaque côté deux taches quadrangulaires jaunâtres; le pro-
thorax offre en dessus une plaque écailleuse noire, piquetée de blan-
châtre, bordée de jaunâtre, le mésothorax et le métathorax sont cerclés
de jaunâtre; la tête, globuleuse, noire etluisante, présente de nombreuses
stries jaunâtres; les stigmates placés au milieu des cercles pourprés,
entre leurs deux taches latérales, sont elliptiques, fauves, bordés de
noir ; les pattes écailleuses sont robustes et d'un pourpre obscur, les
membraneuses à bandes alternées jaunes et rougeâtres; la structure de
leur couronne n'est pas cerclée de petites épines, comme dans la che-
nille â'A. phi; chez celle à' A. Isabellœ, elles sont terminées par une
sorte de ventouse ayant le bord divisé en deux parties et garni d'un rang
d'épines courtes, brunes, dont les pointes du bord supérieur sont diri-
gées en haut, celles du bord inférieur étant dirigées en bas; une mem-
brane charnue, garnie de poils très courts, dépasse les pattes et semble
protéger extérieurement leurs épines; cette conformation des pattes
membraneuses, analogue à celle des chenilles de Lasiocampa pini
(P. Minière), indique une chenille destinée à vivre sur des feuilles aci-
culaires, longues et grêles, qu'elle n'abandonne pas au repos pour se
cramponner aux branches; les deux pattes anales ont à peu près la
même forme que les ventrales ; en outre, le corps de la chenille est
garni de points tuberculeux surmontés de poils d'un brun fauve, sensi-
blement plus longs sur les segments 2 et 11 que sur les autres.
Cette chenille se nourrit des feuilles du pin maritime, arbre très
abondant sur les hauteurs qui avoisinent Madrid, d'après M. Staudinger.
Quand cette chenille est inquiétée, elle fait entendre un petit bruit par-
ticulier. La vie de cette chenille est d'environ deux mois; à la fin de
juin elle file un cocon piriforme, pi. xcv, fig. U, ouvert en nasse à un
bout, ressemblant à celui d'^. carpini, par l'aspect extérieur, placé
entre les feuilles de pin ou dans les gerçures de l'écorce, cocon dont la
couleur varie du brun rougeâtre au blond presque blanc; la chrysalide
demeure en vie latente près de dix mois avant de donner le papillon,
qui n'a qu'une génération par an, comme ^.;3iV» eicarpini. Cette chrysa-
lide est assez courte, d'un brun foncé mat, avec le dernier anneau garni
de plusieurs pointes courtes et noires. Ce n'est qu'extérieurement que
le cocon d'^. Isabellœ ressemble à celui d'^. carpini, car, en dedans, il
offre un réseau à mailles lâches, distinct du cocon externe, mailles aux-
quelles la chrysalide doit s'attacher par les nombreux crochets dont
elle est pourvue (Clément, Poujade).
Nous indiquerons avec quelques détails une autre espèce à ailes cau-
dées, du sous -genre Actias, parce qu'elle est élevée facilement en Europe
depuis quelques années par divers amateurs; c'est 1'^, Selene, Fabr.j
ATTAGUS. 549
des Indes orientales (Silhet, Macao), du sud et même du nord de la
Chine. Le papillon mâle, de la taille des grands A. Yama-mat et Cyn-
thia, offre la tète rouge, avec le front d'un gris clair et les yeux noirs;
les antennes, assez courtes mais largement bipectinées, sont d'un jaune
verdàtre; le thorax offre un collier blanc légèrement jaunâtre et une
bande pourpre prolongeant les côtes des deux ailes supérieures; il est
couvert de poils blancs laineux et offre à la poitrine une belle tache
brune qui s'étend entre la tète et les premières pattes ; les quatre ailes
sont en dessus d'un vert très tendre, avec des bandes diffuses d'un
jaune olivâtre; la côte des ailes supérieures est d'un beau pourpre
foncé et la base des quatre ailes est couverte de poils blancs laineux
comme tout le corps; les quatre lunules sont semblables; on y trouve,
en partant du côté du corps, un croissant noir, entrecoupé longitudi-
nalement par un filet bleu cendré, puis une bordure d'un pourpre
carminé, plus apparente aux ailes inférieures ; vient ensuite une partie
transparente peu étendue et enfin une demi-circonférence d'un jaune
orangé nuancé légèrement de carmin et bordée de jaune olivâtre ; à la
base des ailes inférieures s'étend une belle tache d'un rose tendre, qui
se fond d'une part sur l'aile et d'autre part sur la queue, laquelle est
toujours un peu contournée ; les quatre ailes sont très finement bordées
de jaune orangé, cette bordure plus apparente en dessous, surtout à la
côte des ailes inférieures; ce dessous diffère d'ailleurs peu du dessus; il
est plus lavé de jaunâtre, et la côte des ailes supérieures est seulement
un peu rosée, les lunules étant plus roses et leur bordure noire tendant
à disparaître ; les pattes sont rouges avec le dessous des cuisses blanc ;
l'abdomen est gris au milieu et couvert de poils blancs sur les côtés ;
femelle bien plus grande, à antennes un peu moins bipectinées et
queues subégales.
La chenille, en sortant de l'œuf, au premier âge, d'environ 7 mil-
limètres de longueur, est d'un jaune orangé, avec une zone noire
comprenant les anneaux ù, 5, 6; la tète, le prothorax et une partie du
dernier segment, les pattes et les tubercules sont également noirs,
ainsi que les points parsemés sur les parties jaunes; après la pre-f
mière mue, difficile à observer, comme celle de Cecropia, car la jeune
chenille mange entièrement sa vieille peau, la chenille de second
âge est complètement d'un beau rouge brique tirant sur l'orangé,
les anneaux noirs ayant disparu; les tubercules seuls sont noirs à
l'extrémité, ainsi que leurs épines, les pattes et la tète. La couronne
des pattes membraneuses est d'un gris rouge, de même que le ventre;
les quatre premiers tubercules dorsaux portent, chacun à leur som-
met, un poil beaucoup plus long que les autres, noir à la base, blanc
à l'extrémité ; les stigmates sont noirs. Au troisième âge, après la
deuxième mue, la 'chenille est devenue d'un beau vert d'eau, avec
les tubercules orangés ou quelquefois rosés; les quatre premiers
tubercules dorsaux sont très développés : leur extrémité, d'un beau
550 LÉPIDOPTÈRES.
jaune prile, est nettement limitée par un anneau noir, et ils portent
toujours un long poil; la tête est jaunâtre, ainsi que les pattes écail-
leuses, les pattes membraneuses étant roses, les plaques anales d'un
grenat foncé; les stigmates, d'un brun orangé, sont placés sur une
bande claire, ce qui donne à la chenille une ressemblance avec celle
d'A. Pernyi, ressemblance qui augmentera aux âges suivants. Après la
troisième mue, au quatrième âge, il y a peu de changement ; les tuber-
cules sont plus clairs, les latéraux et tous ceux des derniers anneaux sont
d'un beau vert ; la bande claire qui porte les stigmates s'est accentuée
davantage et est bordée de roux carminé ; les stigmates sont orangés,
les plaques anales d'un grenat très foncé, la tête plus foncée que précé-
demment, les pattes membraneuses roses n'ayant plus de bande noire
et les longs poils persistant à l'extrémité de chaque tubercule; au
cinquième âge, après la quatrième mue, il y a encore peu de change-
ment; la chenille est d'un beau vert tendre, avec une bande latérale
rappelant tout à fait la chenille de Pernyi, d'un rouge d'ocre bordé de
blanc, partant du troisième anneau et s'arrôtant à l'avant-dernier ; la
tête est fauve, ainsi que les pattes écailleuses, les stigmates roux avec
la fente blanche, les fausses pattes vertes avec une bande violacée et la
couronne plus claire.
Lors de la filature du cocon, la chenille parvenue à toute sa taille a
plus d'un décimètre de longueur. Les cocons sont ovoïdes, complète-
ment enveloppés dans les feuilles et sans aucune attache ; ils sont blancs
au moment où ils viennent d'être filés et se colorent ensuite plus ou
moins, les uns restant presque blancs, les autres prenant un ton gris-
chamois plus ou moins jaunâtre. La paroi du cocon est mince, quoique
d'un tissu serré et très difficile à déchirer. Sa structure interne, signalée
par M. A. Clément, est très remarquable. En l'ouvrant, on trouve à
l'intérieur un réseau à larges mailles de soie rousse, qui ne tient au
cocon lui-même que par quelques fils et auquel la chrysalide est soli-
dement attachée par la partie anale. Cette chrysalide est de forme tout
,à fait particulière, qu'on peut comparer à un cône terminé par un hé-
misphère, la partie la plus large correspondant, comme chez le papillon,
à la région qu'on peut comparer aux épaules; la région terminale de
la chrysalide est fortement fixée au fond du réseau interne par un
faisceau de fils de soie serrés, et cette pointe d'appui est ©n outre
étfoitement entourée par la dépouille de la chenille, qui la cale en
quelque façon, de sorte que la chrysalide se trouve isolée et debout au
milieu du cocon, dont elle ne touche pas les parois; en examinant à un
fort grossissement le dernier segment de cette chrysalide, on le trouve
garni de très nombreux crochets, très difficiles à compter, et formant
autant de petites boucles dans chacune desquelles passe un fil; ils sont
fort peu réguliers, plus ou moins contournés sur eux-mêmes, mais tous
d'une manière un peu différente, certains même à peine Tephés, la
boucle restant ainsi complètement ouverte. Il est probable qu'au mo-
AÏTACUS. 551
ment de la métamorphose nymphale ces crochets étaient de petites
épines molles, à peu près droites, qui, en se desséchant, se contournent
sur elles-mêmes et accrochent les fils du fond du cocon.
Un point très digne d'intérêt dans l'histoire de VA. Selene, c'est que
la soie du cocon est fine, brillante et d'une grande douceur au toucher.
A l'Exposition universelle de 1878, dans la section de Indes anglaises,
étaient de belles soies grèges de cette espèce, dont l'introduction en
France serait désirable. En 1878, à Pontoise, M. Bigot éleva les chenilles
d'^. Selene sur branches coupées de noyers. Vingt œufs fécondés qu'il
avait reçus lui donnèrent à la fin de juin vingt chenilles, qui firent
leurs cocons du 6 au 10 août. Il y eut quelques éclosions de papillons
du 15 au 20 septembre, mais on ne put obtenir d'accouplement, la
saison étant trop froide. Cette rapide évolution indique une espèce
polyvoltine ; d'autres œufs, fournis par M. A. Wailly, de Londres, vin-
rent à éclosion du 20 au 25 juillet; mais bientôt toutes les chenilles
moururent de diarrhée. M. A. Clément, à Paris-Montrouge, éleva des
chenilles de cette espèce à leur sortie de l'œuf à la fin de juillet; l'édu-
cation se termina rapidement en vingt-six jours, sur branches de noyer
coupées, plongées dans l'eau et toujours à l'air libre, les chenilles ne
quittant jamais les branches sur lesquelles elles étaient placées. Elles
ont l'allure des chenilles d'.-l. Cxjnthia vera, et, comme elles, se cram-
ponnent fortement aux branches, mangeant avec une rapidité extraor-
dinaire les folioles, leurs nervures, leurs pétioles et même les jeunes
tiges de noyer, dont elles se nourrissent aussi. Elles sont très voraces,
et une chenille en bonne santé consomme chaque jour une quantité
considérable de feuilles. Ces chenilles sont très robustes et résistent à
des chutes graves. On eut un papillon mâle en septembre, parfaitement
développé. Les autres cocons passèrent, sans accident pour les chrysa-
lides, le rude hiver 1879-1880, dans une pièce sans feu, mais les papil-
lons retardés ne vinrent à éclosion qu'en juin 1880, ce qui peut faire
espérer que chez nous cet Attacien n'aura qu'une génération, tandis
qu'aux Indes il en a ordinairement deux, une en mai, une en juillet.
Les papillons de cette génération française se montrèrent à intervalles
trop éloignés pour qu'on pût les faire accoupler; mais il est important
de remarquer qu'il n'y eut aucune dégénérescence. Ils étaient aussi
beaux que les spécimens indiens.
L'Amérique du Nord présente une espèce de sous-genre Actias,
Y A. Luna, Linn., assez voisine de la précédente, mais beaucoup plus
petite que Selene, le fond d'un vert jaunâtre chez le mâle, d'un vert
d'eau chez la femelle, dont la queue de l'aile inférieure est peu diffé-
rente en longueur de celle du mâle, tandis que chez habellœ la femelle
a la queue bien plus courte; les taches ocellaires sont elliptiques à l'aile
supérieure, plus grandes et plus voisines du cercle à l'aile inférieure;
leur iris est vitré, tout entouré de jaunâtre et avec un assez large arc
brun du côté intérieur. La chenille de cet^. Lima figurée pi. xciv, fig. 2,
552 LÉPIDOPTÈRES.
est d'un vert jaunâtre, avec des tubercules piligères d'un brun rou-
geàtre, très peu saillants. Cette espèce a été l'objet de beaucoup moins
de tentatives d'élevage que VA. Selene, du moins en France; on essaya
l'éducation de la chenille au Muséum, mais on ne trouvapas de feuilles à
sa convenance ; M. KaufFmann l'a fait vivre à Berlin avec la feuille de
noyer, la même qui est appliquée maintenant avec succès à la chenille
de VA. Selene.
Si nous poursuivons rapidement notre revue des singuliers Attaciens
à ailes inférieures caudées, nous trouverons l'A. Comètes, Boisduval, de
Madagascar, dont les queues sont très longues et très grêles, 1'^. mimosœ,
Boisd., espèce qui s'étend de Port-Natal à l'Abyssinie, et ressemble à
Comètes, mai?, avec les queues moins longues. Les queues àeVA. Comètes
sont teintées de vineux au milieu, le fond des ailes du mâle d'un jaune
un peu verdâtre, avec les ocelles circulaires très grands, non vitrés au
milieu, mais offrant en ce milieu un point noir entouré d'un large
cercle fauve, avec un arc blanc et le contour noir; les antennes du
mâle sont très bipectinées. L'A. mimosœ offre les deux sexes peu diffé-
rents comme antennes et queues, la femelle ayant seulement les ailes
plus arrondies, le fond des ailes est d'un vert un peu jaunâtre, les
ocelles presque ronds, à iris vitré entouré de jaune, l'ocelle supérieur
touchant la côte, les queues teintées de vineux au milieu. Deux espèces
fort rares sont A. Mœnas, Doubleday, du Silhet (J. 0. Westwood, the
Cabinet of oriental Entomologxj, 18Zi8, pi. xii), très grand, presque double
en taille d'A. Selene, ayant le fond des ailes jaune, avec la ligne trans-
verse très sinuée, une large côte grisâtre aux ailes antérieures, le thorax
ayant un collier rouge brun et la frange des ailes de môme couleur,
les longues et larges queues des ailes inférieures courbées extérieure-
ment, les ocelles des ailes supérieures en demi-lune, ceux des ailes
inférieures circulaires, de diamètre environ moitié ; A. Phœnix, Em. Dey-
rolle, du Brésil intérieur {Ann. Soc. entom. de Belgique, t. XII, p. 257,
pi. i), à longues queues à demi enroulées et spatulées au bout, avec le
fond des ailes d'un fauve gai. Le sous-genre Aricia, Boisd., est celui des
Attaciens le plus éloigné du type Attacus {A. piri et carpini) par les
formes et contours des taches vitrées, et contient d'assez nombreuses
espèces offrant tous les degrés de variation pour les queues des ailes
inférieures. L'espèce la plus étrange de ce sous-genre est VA. Semira-
mis. Cramer, de l'Amérique méridionale chaude, avec des queues de
longueur véritablement démesurée, ondulées, terminées en spatule,
VA. Cleopatra, Lucas, du Brésil et de la Guyane, l'.l. Imperialis, catal.
Mus., des mêmes régions, ces deux espèces à queues moins démesurées
que la première ; les trois espèces sont voisines, marbrées de fauve fer-
rugineux sur fond jaunâtre, et, dans ces trois espèces, avec des dimen-
sions différentes, les taches vitrées des ailes ne sont pas arrondies, mais
très irrégulièrement subpolygonales ; il y en a deux à chacune des ailes
supérieures, une plus haut que l'autre et dédoublée près de la côte,
ATTACUS. 553
une seule tache vitrée un peu trigone à chaque aile inférieure. Men-
tionnons encore, dans le sous-genre Aricia, VA. Caligula, Lucas, du
Brésil intérieur, à queues très petites, l'A. Boreas, Cramer, du Brésil,
ayant très peu de queues, ainsi que l'A. Orsilochus, Hubner, de la
Guyane, enfin A. Scijlla, Cramer, du Brésil intérieur, espèce dépourvue
de queues; VA. Erythrina, Fabr. de la Vera-Cruz, de la Guyane, du
Brésil, offre à peine un indice de queues aux ailes inférieures, et
VA. Xanthopus,Boisd.,d.e Bolivie, n'a pas de queues; nous ne connais-
sons pas jusqu'à présent à'Attacus caudataire en Australie.
En terminant le grand genre Attacus, il convient de rappeler, au
point de vue séricicole, des expériences faites autrefois par le chimiste
Persoz, sur le dévidage plus ou moins aisé des cocons des Attaciens. Il
a reconnu que les cocons des A. Cynthia vera, Arrindia et du métis de
ces deux races ou espèces très voisines se dévident à la main, que
celui de VA. Aurota se dévide très bien, tandis que celui de VA. Prome-
theus ne se dévide pas, non plus que celui du Grand Paon de nuit, ou
A. piri. Les cocons des A. Cecropia et ceanothi sont très difficiles à dévi-
der, ainsi que celui de VA. Selene; celui de l'A. Luna n'a pu être dé-
vidé; mais le cocon d'A.Mylitta se dévide très bien; ceux des A. Pernyi,
Assamensis et Polyphemiis, bien; celui de VA. Bauhiniœ ne se dévide pas.
HYPERCHIRIA, Hubner, Syn. lo, BoisduvaL — Antennes des mâles pecti-
nées, celles des femelles ciliées ; spiritrompe rudimentaire, impropre à la nutri-
tion ; palpes recouverts de poils écailleux, avec le dernier article obtus,
squameux; corps robuste; ailes larges, les inférieures toujours marquées au
centre d'un œil assez grand. — Chenilles cylindroïdes, munies de bouquets de
poils raides ou d'épines hérissées de poils rigides, implantés sur des tubercules.
— Chrysalides obtuses, entourées de cocons soyeux assez grossiers.
Le genre lo est spécial à l'Amérique, et principalement à l'Amé-
rique méridionale chaude. Il est nombreux en espèces, car Boisduval
en décrit soixante et onze {Aperçu moiiographique du genre lo, Aim. Soc.
entomol. de Belgique, 1875, t. XVIH, p. 205, pi. iv), et il en reste proba-
blement encore beaucoup à découvrir dans les forêts. Linnœus n'a
connu aucune espèce de ce genre; Sibylle Mérian en a représenté
quatre, avec leurs chenilles, mais d'une manière indéterminable.
Cramer en figure quatorze, toutes de la Guyane hollandaise, et Stoll
donne les images de six chenilles élevées à Surinam; enfin Fabricius
{Entomologia systematica) établit les diagnoses de cinq espèces. Les lo
se rattachent aux Attaciens par le plus grand nombre de leurs carac-
tères, notamment par les antennes du mâle et de la femelle, par
l'ocelle discoïdal de l'aile inférieure, par les chenilles tuberculeuses et
épineuses ; mais ce genre a des affinités incontestables avec la tribu des
Bombyciens, par la coupe des ailes, surtout des supérieures nullement
falquées, par l'abdomen plus gros et plus long que chez les vrais
55/i LÈPIDOPTÈUES.
Attàcus, et surtout par ce fait qu'au repos les ailes supérieures recou-
vrent les inférieures; d'autre part, les lo ont comme une analogie avec
les Noctuéliens par la constance des dessins des ailes. Chez toutes les
espèces, on voit sur les ailes supérieures une raie transversale en
dehors de la base, une marque plus ou moins nette entre le milieu de
la côte et l'extrémité de la cellule discoïdale, et toujours une raie ou
ligne oblique partant du milieu du bord interne pour aller se terminer
plus ou moins près du sommet; dans toutes les espèces sans exception,
il y a sur le disque des ailes inférieures un œil arrondi, suivi d'une
raie semi-circulaire ; en dessous, les ailes supérieures offrent un œil
correspondant à la marque du dessus; les secondes ailes, au contraire,
n'ont ordinairement qu'un point central, correspondant à l'œil de la face
opposée. Les chenilles de ces Lépidoptères, au moins celles sur les-
quelles nous avons des renseignements certains, sont communes, très
faciles à élever, et vivent en société dans leur jeunesse sur différents
arbres et arbustes. Au rapport de divers observateurs qui les ont éle-
vées, on ne doit les toucher qu'avec précaution, car les poils dont elles
sont hérissées déterminent aux mains des cuissons beaucoup plus fortes
que celles que font éprouver les orties. Il est probable qu'il se produit
là un fait analogue à celui des chenilles urticantes de notre pays, les
Processionnaires du chêne et du pin, et, à un degré moindre, la Chry-
sorrhée. Ce ne sont pas les poils détachés qui se fixent dans la peau et
causent les rougeurs et démangeaisons. L'urticalion n'est nullement un
fait général aux chenilles poilues, et tous les entomologistes savent
qu'on peut toucher impunément les chenilles de beaucoup de Bomby-
ciens, comme celles de Bombyx quercus et rubi, celles des Chelonia, etc.
D'après M. Goossens, la cause des éruptions cutanées produites par les
chenilles urticantes provient de certaines glandes qui, au moment où
la chenille est inquiétée, sécrètent une sorte de Uquide séchant à l'air
presque immédiatement, et se transformant en une poudre impalpable
et corrosive que le vent emporte, et qui cause les irritations à la peau;
les chenilles, même séchées depuis longtemps, qui ont cette propriété,
offrent encore du danger, car la poussière urticante reste en partie fixée
après les poils. Ces chenilles des lo se métamorphosent dans une coque
de soie, fixée ordinairement entre les feuilles dont elles se sont nourries.
Les espèces des/o sont plus localisées que beaucoup d'autres Attaciens;
ainsi celles du Brésil se retrouvent assez rarement à Cayenne et à Suri-
nam; celles de la Colombie et du Mexique sont localisées aussi.
Nous avons cité ce genre, qui terminera les Attaciens, à cause d'une
espèce qui a été élevée en France à plusieurs reprises par divers ama-
teurs. C'est VH. lo, Fabr., non Cramer, ou lo Fabricii, Boisd., décrite
et figurée par Smith-Abbot, dans ses Lépidoptères de la Géorgie (États-
Unis du Sud). Le mule, d'une envergure de 60 centimètres environ, a
les antennes jaunes, fortement bipectinées, les ailes des deux paires à
fond d'un jaune d'ocre clair, avec les dessins d'un gris rosé plus ou
ATTACUS. 555
moins foncé, la raie extra-basilaire obsolète, une marque de six points,
trois de chaque côté, entre la côte et la cellule discoïdale, la ligne
ordinaire sinuée se terminant assez loin de la pointe apicale ; sur le
disque des ailes inférieures seulement se trouve un œil circulaire noir,
à pupille blanche en forme de lunule et à iris d'un gris bleuâtre, en-
touré à distance d'une demi-circonférence sinueuse noire et d'une
seconde, d'un gris rosé, plus externe, le bord anal de ces ailes infé-
rieures couvert de poils d'un rouge violacé. La femelle, notablement
plus grande que le mâle, a les antennes presque filiformes, les ailes
inférieures pareilles à celles du mâle, d'un ton affaibli pour le rouge,
les ailes supérieures non jaunes pour le fond, mais de couleur lie de
vin, avec les macules en zigzag d'un gris jaunâtre. Le corselet est jaune
chez le mâle, ferrugineux chez la femelle, l'abdomen jaune dans le
mâle, d'un jaune roussâtre pour la femelle. L'œuf ellipsoïde de cette
espèce est blanc, avec une petite tache micropylaire à un des pôles,
par où sortira la chenille. Ce point, à l'approche de l'éclosion, devient
de plus en plus foncé, et la couleur blanche de l'œuf prend une teinte
opaline, laissant presque voir le ver sous la coque. La chenille, en
naissant, est d'un jaune d'ocre foncé et parsemée de petits poils noirs;
sa tête est noire et luisante. Aux diverses mues, les teintes vont du
jaune d'ocre au gris noirâtre, et, après la dernière mue, la chenille
est d'un joli vert pomme, avec quatre petits bouquets de poils raides et
noirs par chaque anneau, la tête verte, avec une petite lâche noire, les
pattes écailleuses d'un brun rouge; au premier anneau de l'abdomen
commence, au-dessus des pattes, une ligne d'un brun rougeâtre, bordée
de blanc inférieurement. Le cocon est médiocrement fourni d'une soie
d'un brun grisâtre et assez grossière, et revêtu extérieurement de débris
de mousse ou de feuilles.
D'après cela, il n'y a pas à rechercher en France l'introduction de
cette espèce, dont l'éducation n'est qu'une curiosité entomologique.
Elle a été faite plusieurs fois par Boisduval, avec des feuilles de pom-
mier et de prunier, et les papillons, sortis des cocons en août, ne se sont
pas accouplés. En 1879, M. Charles Bureau, qui avait reçu vingt-cinq
œufs de M. A. Wailly, de Londres, a obtenu à Arras vingt-cinq chenilles
et vingt-cinq cocons. L'éducation de cette espèce polyphage a eu lieu
à la chambre, de 22 à 26 degrés, vu la saison déjà avancée, et sur
branches coupées et conservées dans l'eau de prunier sauvage à mira-
belles ; l'élevage jusqu'au cocon a duré du 16 août au 12 octobre, les
chenilles à tous leurs âges vivant en famille sous les feuilles qu'elles
mangent, en restant les unes contre les autres, ne se séparant un peu
qu'après la dernière mue. M. Bureau a vu que leur contact pique
comme celui des orties, d'une manière peu appréciable, jusqu'au troi-
sième âge; mais, au dernier âge surtout, quelques personnes ont con-
servé pendant plusieurs jours des ampoules douloureuses. Au moment
de filer les cocons, les chenilles sont descendues des branches feuillées
556 LÉPIDOPTÈRES.
qui leur servaient de nourriture, et ont cherché sur la terre des places
propices, en rassemblant des feuilles sèches et des brindilles de mousse
auxquelles elles attachaient les premiers fils de la coque; elles se sont
métamorphosées l'une contre l'autre, comme si elles conservaient
encore la tradition de leur ancienne existence sociale; les papillons
sont éclos vers le milieu du printemps de 1880.
Nous devons faire connaître qu'en mai 1881, M. A. Wailly, de Londres,
a envoyé à Paris des œufs hybrides des A. Pernyi et Roylei, deux espèces
du chêne.
uibiiographio des Attaciens. — Nous indiquerons les principaux
travaux et les plus récents publiés sur les Attaciens séricigènes, et
surtout ceux en langue française. La plus grande partie se trouvent
dans les Bulletins de la Société d'acclimatation. Nous commençons
par eux.
§ I. — Bulletins de la Société d'acclimatation.
185Zi. — Hardy, Naturalisation du Ver à soie du ricin en Algérie. —
E. Blanchard, Accliinatalion des Bombyx qui produisent de la soie {parti-
culièrement Cecropia, Luna, Polyphemus), p. Zil5.
1855. — E. Cornalia, Sur la structure du cocon de la Saturnia (Attacus)
Cynthia, p. 211. — Chavannes, Note sur les Vers à soie sauvages de la
Chine, p. 133; Mémoire sur les Satur nies séri gènes qu'il serait convenable
d'introduire en France, p. 36û. — Hardy, Essai de dévidage des cocons du
B. Cynthia; Mémoire sur la valeur industrielle du B. Cynthia {ancien
nom), p. Zi29. — W. Payter, Filature de la soie du Ver du ricin au 5en-
gale, p. Zi08.
185G. — Mëf Verrolles, Sur le Ver à soie sauvage du chêne de Mand-
chourie, p. 3ZiO. — Guérin-Méneville, Note sur les éducations du Bombyx
(Attacus) Mylitta, p. 356. — D' Chavannes, Sur les éducations du Bombyx
Mylitta /'aîïes en Suisse. Février (et aussi mai 1857, avril 1860, mars 1861).
1857. — Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Sur quelques résultats obtenus
à l'égard du Ver à soie du ricin. Octobre.
1858. — Vallée, Notes sur les éducations des Vers à soie faites avec le
chardon à foulon, p. 211. — M^'' Perny, Monographie du Ver à soie du
chêne de la Chine, p. 317. — Perrottet, Sur une éducation de Vers à soie
(B. 3Iylitta), faite à Pondichéry, p. Zi85.
1860. — P. Jouen, Notes sur diverses espèces de Vers à soie de Mada-
gascar. Novembre.
1861. — A. Duméril, Note sur l'éducation d'un Ver à soie sauvage du
Jupon, élevé avec des feuilles de chêne par M. Vallée. Juillet. — Guérin-
Méneville, Sur le Ver à soie sauvage Yama-maï. Juillet. — L. Maurice,
Sur une éducation de Vers à soie de l'ailante faite avec des feuilles de
sumac. Octobre.
1862. — F, Jacquemart, Tentatives d'éducation du Ver à soie sauvage
ATTAGUS. 557
du chêne de la Chine. Février. — E. Simon, Sur une nouvelle race de
Ver à soie, dite Yama-maï ou Ver à soie du chêne des montagnes. Juillet.
— Guérin-Méneville, Du Ver à soie de l'ailante à l'étranger et éducation
du Ver à soie du ricin. — De Milly, Éducation de Vers à soie de l'ailante
dans les Landes. Juin 1862 et avril 1863.
1863. — Pompe-van-Meert-der-Woort, Sur l'éducation du Ver à soie
du chêne, ou Yama-maï du Japon, janvier, et sur ses œufs. Octobre. —
Cottle, Sur les Vers à soie de l'Amérique du Nord. Avril. — Lawson (M™"),
Sur le Ver à soie canadien (B. Cecropia). Novembre. — Guérin-Méne-
ville, Sur les progrès de l'acclimatation du Ver à soie du chêne (Yama-
maï). Juillet. — F. Jacquemart, Rapport sur les tentatives faites pour
l'introduction en France du Ver à soie du chêne de Chine (A. Pernyi).
Juillet. — J. Pinçon, Éducation du Bombyx Yama-maï au Jardin
d'acclimatation. Juillet. — Chavannes, Éducation du Bombyx Yama-
maï. Octobre. Modification à apporter aux éducations du B. Cynthia.
Décembre.
1864. — F. Jacquemart, Rapport sur trente éducations de Ver à soie
du chêne du Japon, p. 81. — J. Pinçon, La pébrine observée chez les
Yama-maï, p. 3Zil. — F. Blekman, Sur la culture du Ver à soie sauvage
Yama-maï au Japon, p. 522 et 592.
' 1865. — Pompe-van-Meert-der-VVoort, Notice sur l'éducation du Ver à
soie du chêne ou Yama-maï du Japon, p. 21; Notices sur la conservation
et la culture des œufs de Vers à soie sauvages du Japon, p. 606. — Guérin-
Méneville, Sur les progrès de f acclimatation du Ver à soie du chêne
(B. Yama-maï), p. 428. — Fr. Jacquemart, Rapport sur les tentatives
faites par l'introduction en France du Ver à soie du chêne de Chine
(B. Pernyi), p. Zi30. — J. Pinçon, Éducation du B. Yama-maï au Jardin
d'acclimatation, p. Zi36. — E. Simon, Notice sur le Ver à soie du
chêne de Chine, p. 600. — A. Chavannes, Éducation du B. Yama-maï,
p. 609.
1867. — G. Personnat, Rapport sur ses éducations du B. Yama-maï en
1866, p. 85. — Taylor Meadows, Production de la soie et éducation du
Ver à soie du chêne dans le nord de la Chine, p. 201. — Am. Ligounhe,
Note sur des éducations du B. Y'ama-maï, p. 333. — De Saulcy, Éduca-
tions de Vers à soie du mûrier et du chêne faites à Metz en 1867,
p. 58/i.
1869. — C'^ J. Taverna, Éducations de B. Yama-maï, p. 680.
1870. — C'^ G. de Montebello, Notes sur les Vers à soie Yama-maï,
p. 150.
1872. — Guérin-Méneville et Maurice Girard, Instructions et questions
relatives aux Vers à soie du mûrier et du chêne, p. i33. — B. Comba et
G. Baraldi, Expériences faites sur le B. Pernyi dans le parc royal de la
Mandria, p. 705.
1873. — E. de Saulcy, Observations sur l'acclimatation du Ver à soie
du chêne du Japon, p. 125; Note sur l'éclosion des Vers Yama-maï
558 LÉPIDOPTÈRES.
en 1873, p. Zi75. — A. Draine et Maurice Girard, TAttacus Allas, le
géant des papillons, son éducation en France, son histoire, son habitat.
Juin.
iSlU. — E. de Saulcy, Observations sur l'éducation de TAttacus Yama-
maï en 1873, p. 106; Éducation de l'A. Yama-mali faite à Metz en 187Zi,
p. (J72. — F. A. Bigot, Éducations d'A. Yama-maï faites à Pantoise de
1870 à 1873, p. 28Zi. — Maurice Girard, le Ver à soie brésilien; Notice
entomologique sur l'A. Aurota, Cramer, et son éducation, suivie d'une
note sur le dévidage de ses cocons, par le D'' Forgemol. Mars. — W. Cari
Berg, Acclimatation de T Anthère a Yama-maï dans les provinces bal-
tiques, p. Zi69. — E. Mongrand, Dewûî éducations d'A. Yama-maï faites en
1873 et 187Zi, p. 699. — A. Wailly, Éducation de l'A. Yama-maï à Londres
en 187Zi, p. 738.
1875. — Berce, Notice sur les éducations d'un Bombxjcien séricigéne,
métis des A. Yama-maï et Pernyi, p. ZiO. — F. A. Bigot, Éducations
d'A. Yama-maï faites à Pontoise en 187/4, p. 100; Éducation de métis
d'A. Yama-maï et Pernyi faite en 187Zi, p. 172. — De Amezaga, Educa-
tions d'A. Yama-maï faites en Espagne pendant les campagnes 1871 à
1874, p. 217. — Christian Le Doux, Les Vers à soie du chêne du Japon
et de la Chine dans la Lozère;"^. 391.
1876. — Christian Le Doux, Quelques mots sur les Vers à soie du chénk,
p. 585. — Raveret-Wattel, ^ducaizon de l'A. Yama-maï au Japon, p. 711.
— J, Odstreil et Maurice Girard, Éducations d'A. Yama-maï et note sur
les variations de cette espèce, p. 8Zi7.
1877. — A. Wailly, Éducations de divers Bombyciens séricigènes faites
à Londres en 1875, p. 9. — F. A. Bigot, Éducations de diverses espèces de
Vers à soie faites à Pontoise en 1875, p. 105. — De Saulcy, Éducations
d'A. Yama-maï faites à Metz en 1875 et 1876, p. Zi28. — Gorry-Bouteau,
Éducation d'A. Yama-maï, p. 528. — A. Bernard, Notice sur l'A. Yama-
maï ou Ver à soie du chêne du Japon, p. 6Zil.
1878. — J. A. Bonafé, RapprM sur les éducations d'A. Yama-maï faites
a Alia, province de Cacerès (Espagne), p. 29. — Morin, Rapport sur les
éducations d'A. Yama-maï faites à Guadalupe, province de Cacerès
(Espagne, p. kO.
1879. — A. Clément, Note pour servir à l'histoire d'un Bombycien
séricigéne, Hyalophora Cecropia, Linn., de l'Amérique septentrionale
{États-Unis), élevé à Paris en 1878. Février. — F. P. de Nueros, Relation
des expériences faites en Espagne pour élever à l'air libre les A. Pernyi et
Yama-maï, p. 226. ^- J. B. Huin, Observations sur la rusticité de
l'A. Yama-maï, p. 571.
1880. — J. Fallou, Tentative d'une éducation en plein air des A. Pernyi
et Cecropia, p. 7. — Ch. Bureau, Éducations d'A. Prometheus, p. 3/i5;
Une éducation de /'Hyperchiria lo en 1879, p. Zil2. — A. "Wailly, Rapport
sur divers Bombyciens séricigènes (principalement A. Mylitta), p. 529. —
A. Clément, Éducations de Bombyciens séricigènes (Actias Selene et
ATIACUS. 559
Attacus Cecropia), p. 629. — J. Fallou, Éducation de divers Lépidoptères
séricigènes, p. 716.
1881. — De Amézaga, Éducation du Ver à soie du chêne (A. Yama-
maï) en 1878, p. 9. — Veuve Simon et fils, Éducations rf'A. Yama-maï et
Pernyi faites en Belgique en 1879 et filature de la soie du chêne, p. 113.
§ II. — Ouvrages divers.
Lamare-Piquot, Mémoire sur l'A.. Mylitta, présenté à l'académie des
sciences en 1831, imprimé ensuite par extrait dans le cahier de mai du
Bulletin des sciences agricoles et économiques de Férussac. — Loiseleur-
Deslongchamps, Nouvelles considérations sur les Vers à soie, avec figures
{Ann. de l'agric. française, 1838), et tirage à part chez Huzard, 1839,
p. 119 et suiv. Ce dernier travail mentionne, outre le Mylitta, un Ver
à soie du Bengale, connu sous le nom de Koler-poka, à cocon pédicule,
moitié plus petit que celui du Mijlitta et sans anneau. — Helfer, Sur
les Vers à soie indigènes de l'Inde (trad.) {Ann. des se. natur., 2^ série,
Zool., 1839, t. XI, p. 142. — Hugon, Observations sur les Vers à soie et
sur les soies de la province d'Assam (trad.), op. cit., même vol., p. 145.
Dans ces deux mémoires, fort confus, se trouvent d'intéressants détails
sur le Ver à soie Mooga (A. Assamensis). — V. Audouin, Éducation de
l'A. Cecropia {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 18/iO, p. 96). —
H. Lucas, Sur l'A. Cecropia {Bull, de la Soc. entom. de France, 18Zi5.
p. 51, 60, 73, 8li). — E. Blanchard, De l'acclimatation de divers Bombyx
qui produisent de la soie {Comptes rendus de VAcad. des sciences, 18Zi9,
décembre, p. 670). — P. Millière, Éducation de l'A. Cecropia {Ann. de la
Soc. entom. de France, 1851, Bull., p. 6Z|). — J. 0. Westwood, Monograph
of the large African species of Nocturnal Lepidoptera belonging or allied
to the Genus Saturnia {Zool. Soc. Proceed., t. XVII, 18/i9, p. 33-66;
Descriptions ofsome new species of exotic Moths belonging or allied lo the
Genus Saturnia {Zool. Soc. Proceed., t. XXI, 1853, p. 157-167). — Guérin-
Méneville, Essai sur les Lépidoptères du genre Bombyx (extrait de
V Encyclopédie moderne, t. VI, p.M8 à à82, 1847). Cet article traite princi-
palement de?i Attacus Atlas, Arrindia (Ver à soie du ricin), Mylitta, Assa-
mensis, Cecropia, enfin du Sericaria mori, avec de nombreux détails
historiques sur cette dernière espèce et une bibliographie importante;
Éducation des Vers à soie de l'ailante et du ricin et culture des végétaux
qui les nourrissent, in-12, Paris, 1860, Bouchard-Huzard ; Rapport à
S. M. l'Empereur sur les travaux entrepris par ses ordres pour introduire
le Ver à soie de l'Aylanthe {sic) en France et en Algérie, Imprimerie
impériale, Paris, 1860 ; Sur le Ver à soie du chêne et son introduction en
Europe {Rev. et Magas. de zool., n° 6, 1855, p. 292, pi. vi). Il s'agit, dans
ce mémoire, des A. Permji et Mylitta; Description d'un nouveau Ver à
soie du chêne (Yama-maï) provenant du Japon {Rev. et Magas, de zool.,
1861; Nouveaux Vers à soie {Rev. et Mag. de zool., sept. 1862) ; le mémoire
560 LÉPIDOPTÈRES.
traite de VA. Insularis; Flottes de soie grège des cocons du Ver à soie de
Vailante {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, février 1863, p. 36Zi) ;
Sur l'introduction d'une quatrième espèce de Ver à soie du chêne (A. Roylei)
{Comptes rendus de l'Acad. des sciences, avril 186i, p. 742) ; Sur la Saturnia
(Attacus) Perrottetti (Magas. de zooL, 2^ série, 1843, t. V, Insectes,
pi. C5XIII. — Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Acclimatation et domestication
des animaux utiles, Paris, 1861, Librairie agricole, p. Zi36 et suiv. —
D'' Rouclier, Sur l'industrie de la soie en Algérie et sur le Ver à soie du
Vernis du Japon (journal VAkhbar du 29 septembre 1859). — T. Horsfield
et F. Moore, Catalogue on the Lepidopterous insects in the Muséum of
natural Histortj at the East-India House, London, 1858-1859. Il y a quel-
ques indications sur les premiers états de l'A. Atlas, t. II, p. Zi05, et
pi. XX, fig. 2 : chenille, 2 a, cocon. — D'' Forgemol, Notice sur la cul-
ture en grand de Vailante, en vue de l'éducation du Bombyx Cynthia, etc. ;
Découverte d'un nouveau procédé de dévidage en soie grège des cocons
ouverts; Concours régional de Melun (broch. autograph.). — Henri Givelet,
Culture de Vailante et éducation du B. Cynthia (extrait de la Revue de
séricic. comparée, 1864, n° 10; VAilante et son Bombyx, 1 vol. in-S", avec
plans et 14 grav. coloriées d'après nature, Paris, Librairie agricole (sans
date). — Camille Personnat; Conférence sur le Ver à soie du chêne
(B. Yama-maï) faite au Palais de Vlndustrie, à Parts, le 28 aoiU 1865,
br. in-8*, avec 3 planches bistres, Librairie agricole, 1866; le Ver à soie
du chêne (B. Xama-maa), histoire, description, mœurs, éducation, produits,
1 vol. in-8°, 1866, 3' édit., avec 3 pi. col., Paris, Librairie agricole. —
Al. Wallace, Ailanthiculture ; or the Prospect of a new English Industry
{Trans. Entom. Soc. of London, 1865-67, p. 185); On the oak feeding
Silkivorm from Japan, Bombyx Yama-maï, G. Mén., p. 355-428; On
some variations observed in Bombyx Cynthia, in 1866, p. 485-492. —
Captain T. Hutton, On the Reversion and Restoration of the Silkworm
{Trans. of the Entom. Soc. of London, t. lll, 3« série, 1864-1869, p. 143,
et (part. 2) With distinctive Characters of Eighteen Species of Silk pro-
ducing Bombycidœ, p. 295). — Captain J. Mitchell, Remarques sur le pré-
cédent mémoire de Hutton {ibid., p. 443). — Fr. Moore, Papillons asia-
tiques producteurs de soie {Trans. Entom. Soc. of London, t. I, 3^ série,
d862-1864, p. 313). —J. Wullschlegel, Sur Saturnia Cynthia et ses
hybrides (en allemand) {Ann. de la Soc. entomol. suisse, 1871, p. 327). —
3. Geoghegain, Some accountofSilkinlndia,especiallyofihevariousattempts
to encourage and extend Sériciculture in that Country, Calcutta, 1872,
office of the superintendent of Government printing. — P. Millière,
Attacus Pernyi, Iconogr. et descript. de chenilles et Lépidoptères iné-
dits {Ann. Soc. Linnéenne de Lyon, avec 1 pi. col.). — Alfred Wailly, de
Londres, Notes of certain Silk-producing Bombyces {the Entomologist,
décembre 1878, p. 263; Silk-producing Bombyces {Journal of the Society
of Arts, août 1879, p. 813).— Ph. H. Gosse, The great Atlas, Moth ofAsia
{A. Atlas, Linn.), avec pi. col., Londres, br. in-8°, 1879. — G. A. Poujade,
URANIENS. 561
Observations sur les métamorphoses de l'A. Atlas (Ann. Soc. entom. Fr.,
1880, p. 183, avec pi. col.). — A. L. Clément, Note pour servir à l'his-
toire du Bombyx (Actias) Selene, avec fig. (/Inn. Soc. entom. Fr., 1880,
p. 161). — Iluin, Instruction pour l'éducation de l'A.. Pernyi, G. Mén.
{Bull. d'Insectologie agricole, 1880, p. 173).
Tribu des URAMIEMS.
Les Uraniens constituent un groupe de position très controversée et
dont nous rapprocherons toutes les espèces en réunissant ensemble les
Cydimoniens et les Uraniens de M. E. Blanchard, d'après les analogies
incontestables et reconnues de tous qui existent pour les adultes et en
laissant de côté une chenille fort douteuse du Rhipheus. En adoptant
les idées de M. P. Mabille, et d'après la nervulation, le corps, les pulpes
et les pattes, nous placerons cette tribu dans le voisinage des Noctué-
liens, formant un rameau singulier qui part à la fois des Attaciens et
des Phalémiens réunis pour se rapprocher du type Erebus, des Noc-
tuelles. C'est sans doute à cause du vol diurne des splendides espèces
de ce groupe que M. E. Blanchard les met à la suite des Hespériens et
termine par eux ses Achalinoptères, bien que ses Cydimoniens, de même
que ses Uraniens n'aient pas de frein aux ailes inférieures, et que les
antennes sans renflements ou à peu près soient aucunement celles d'un
Diurne, même d'un Hespérien. Les chenilles authentiques de cette
tribu n'ont pas le cou étranglé des chenilles des Hespériens, et si la
chrysalide est renfermée, à la façon de celle des Hespériens, dans une
coque lâche, filée entre les feuilles, il ne faut pas oublier que ce mode
de chrysalidation a peu d'importance. D'une part, outre les Hespériens,
il y a les Parnassiens, autres Diurnes, qui le présentent, et, d'autre
part, c'est celui des Ennomos et de beaucoup d'autres Phaléniens. La
nervulation et les antennes sétacées des Uraniens les rapprochent sur-
tout des Phaléniens, notamment des Urapieryx ; il en est de même de
l'absence des slemmates et des taches typiques orbiculaire et réniforme,
ce qui les éloigne des Noctuéliens ; mais les palpes sont ceux des Erebus
et les pattes celles des Noctuelles. C'est abusivement, dit Guenée, que
le crochet qui termine souvent les antennes a été comparé à celui des
Hespéries; il se borne à une légère flexion au heu de représenter une
épine implantée sur une massue, et si quelques Uraniens ont les an-
tennes très légèrement renflées près du sommet, la plupart les offrent
décroissantes en diamètre de la base au sommet. Peut-être le crochet
terminal est-il dû à la dessiccation. Les queues des ailes tendraient à un
rapprochement avec les Papilioniens, ainsi que le vol diurne ; mais
nous savons combien le fait d'un vol diurne ou crépusculaire est sans
valeur, et l'on trouve également des queues aux ailes inférieures dans
GiiiAHD. m. — 36
562 LÉPIDOPTÈRES.
les Attaciens {Actias, Aricia) et dans les Urapteryx (Phaléniens). M. P.
Mabille a fait valoir un caractère qui rend les Crâniens voisins des
Nocluéliens, surtout du genre Erebus. L'œuf, sauf peu d'exceptions, a
une forme semblable dans chaque grande division des Lépidoptères. 11
est sphérique et lisse chez les Attaciens, en bassin et lisse chez les
Phaléniens, ovoïde ou sphéroïde et Usse dans les Chélonides et Agaris-
tides. Dans les Noctuelles il est conique, à côtes plus ou moins accusées,
quelquefois rond et imitant un Oursin. Or, l'œuf de VUrania Rhipheus
est un cône un peu allongé, évidé en dessous et pourvu de quatorze ou
quinze côtes peu saillantes. Toute cette discussion nous démontre une
fois de plus, pour les Uraniens comme ailleurs, que la nature n'a pas
fait de classificalions et que les classifications naturelles rentrent dans
les utopies approximatives.
Nous donnerons aux Uraniens les caractères suivants : papillons de
grande taille, à antennes sans ciliation, minces, sétacées, très rappro-
chées à leur insertion, souvent un peu renflées au bout et avec un léger
crochet terminal; tête large ou petite, avec les yeux très gros et très
saillants, le front très étroit et sans stemmates ; spiritrompe bien déve-
loppée et bien roulée, lisse, robuste, à filets tendant à se disjoindre;
palpes divergents, avec le dernier article presque toujours nu, filiforme
et plus ou moins coudé sur le précédent ; corps robuste, velu en dessous,
le thorax très large, rayé longitudinalement, l'abdomen n'atteignant pas
l'angle anal des ailes inférieures; ailes très développées, épaisses, ve-
loutées, les supérieures entières, triangulaires, avec la nervure sous-
médiane garnie de poils en dessous, offrant à la base, sous la nervure
médiane, un bourrelet velu, n'ayant pas de crin pour recevoir un frein
qui manque aux ailes inférieures; celles-ci dentées, allongées dans le
sens du corps, munies d'un appendice en forme de queue, ou de plu-
sieurs queues ou au moins très longues dentelures ; pattes robustes, peu
ou point velues, de longueur moyenne et à tarses épaissis, les jambes
jamais renflées ni canaliculées. — Chenilles (pour celles qui sont bien
authentiques) à seize pattes bien développées, épaisses, submonili-
formes, lisses, garnies de poils assez longs et isolés, avec la tête large,
le prothorax non étranglé, portant un écusson corné et luisant. —
Chrysalides courtes, obtuses, à partie antérieure arrondie, avec l'enve-
loppe des ailes saillante.
Les Uraniens se rencontrent dans les deux continents, l'Europe en
étant dépourvue. Ce sont de magnifiques papillons des régions tropi-
cales, à ailes mélangées de noir, de vert éclatant, de tons cuivreux ou
dorés. Ils volent pendant le jour avec rapidité et s'élèvent, pendant les
heures chaudes de la journée, jusqu'au sommet des plus hauts arbres
des forêts. Au repos, ils tiennent les ailes étendues à plat. La richesse
de leurs couleurs a attiré l'attention des anciens collectionneurs, et, à ce
titre, ils figurent dans les iconographies de Séba, Pétiver, Sibylle Me-
rlan, Daubenton, etc. Il est peu probable qu'on fasse beaucoup de
CYDIMON. 563
nouvelles découvertes pour leurs espèces, car ces brillants papillons,
d'une valeur commerciale souvent fort élevée, ne sont jamais négligés
par les chasseurs d'insectes.
CYDIMOIV, Dalman, Syn. : Urania, Fabr., Leilus, Swainson, Uranidia Westw.
— Antennes filiformes, sans ciliation, grossissant un peu [avant le sommet.
— Corps rayé, un peu velu. Front hérissé et arrondi, mais sans toupet. — Ailes
oblon-gues, veloutées, noires, marquées de raies et de taches d'un vert métallique
brillant^ à franges cotonneuses, les inférieures à bords terminal et abdominal
presque parallèles et munies d'une seule queue linéaire, peu courbée, fortement
frangée. — Pattes mutiques, les jambes postérieures coniques, à peine plus lon-
gues que les cuisses.
Nous représentons dans ce beau genre (pi. lxxxvi, fig. 1) le C.Bois-
duvali, G. Mén., de la Havane, espèce assez répandue dans les collections
françaises. Les antennes sont noires en dessus, fauves en dessous, le front
rayé de noir et de vert, avec les côtés de la tète et des palpes d'un beau
vert doré ; le corps est noir, avec trois lignes vertes sur le thorax, dont
l'intermédiaire se prolonge sur le milieu de l'abdomen, les côtés de ce
thorax étant noirs, garnis de longs poils d'un gris blanchâtre ; le dessous
de l'abdomen est vert, avec quelques taches latérales noires, l'anus des
mcàles garni d'une brosse blanche ; les ailes, de 7 ù 9 centimètres d'en-
vergure, selon les sujets, sont noires, les supérieures ayant de chaque
côté dix à douze lignes transverses d'un beau vert doré, dont une ou
plusieurs bifides, les inférieures ayant tout le côté interne vert, à reflets
bleus et dorés, coupé par une bande longitudinale noire qui se ter-
mine au milieu, offrant ensuite plusieurs taches noires, oblongues et
transverses, et présentant, au côté externe, six à huit bandes vertes et
transverses, qui ne touchent pas le bord ; la frange des ailes supérieures
est droite, blanche et noire, celle des inférieures échancrée et à échan-
crures blanches; chaque aile inférieure est munie d'une longue queue
noire, tachée de vert ou de bleu à la base, en dessus, offrant en dessous
une large ligne d'un vert bleu, prolongée presque jusqu'à l'extrémité ;
en dessous, au lieu du noir, c'est le vert qui domine, surtout aux ailes
inférieures, en sorte qu'elles sont vertes et bleues, avec des bandes
noires et une série de taches terminales obliques de la même couleur;
les pattes sont noires, avec des raies vertes ; la femelle est semblable au
mâle, mais avec les bandes fréquemment teintées de rougeâtre ; il y a
de fréquentes variations dans les bandes vertes des quatre ailes. La
chenille est d'un blanc jaunâtre ou verdàtre, avec des linéaments lon-
gitudinaux, noirâtres, interrompus, et quelques taches noires latérales,
la tête d'un rouge sombre, la plaque cornée du cou noire, avec deux
taches rouges; la chrysalide est d'un brun jaunâtre, marquée de quel-
ques atomes noirs. Les mœurs et métamorphoses de cette espèce ont
été étudiées avec soin par Mac Leay {Trans. Soc. Zool. of London, 183Zi,
56i LÉPIDOPTÈRES.
I, p. 179). L'insecte parfait, complètement diurne, vole avec beaucoup
de rapidité, à la façon de nos Apatura ; la chenille vit pendant une par-
tie de l'été sur les feuilles de VOmphalea triandra, arbre qui croît sur
les côtes de la Havane; elle reste endormie pendant le jour sous une
toile transparente, filée au milieu des feuilles, pour éviter la grande
ardeur du soleil. La nuit lui rend son activité, et elle dépouille alors
l'arbre de la plus grande partie de ses feuilles-, pour se chrysalider,
elle file entre les branches ou entre les feuilles un cocon ovoïde, de soie
brunâtre, lâche, laissant voir la chrysalide à l'intérieur. Il est facile de
recueillir sur les feuilles les œufs delà femelle, collés isolément et assez
gros pour frapper la vue.
L'espèce la plus anciennement connue des Cydimon est le C. Leilus,
Linn., syn. : Papilio Leilus, Linn., Urania Leilus, Fabr., Leilus Surina-
mensis, Swainson, qui vole avec rapidité et par centaines, dit Lacor-
daire, dans les bois près de Cayenne et aussi à la Guyanne hollandaise,
et qui varie beaucoup selon les localités. Malgré son abondance, ce
beau papillon nous arrive assez rarement pour les collections. Une se-
conde espèce, capturée au Brésil par Swainson près de Fernambouc, est
le C. Brasiiiensis, Swainson, syn. Leilus Brasiliensis ; ces deux espèces
très voisines sont à fond noir, avec bandes longitudinales d'un vert doré
et bordure des ailes inférieures blanche. Les deux espèces suivantes
offrent de larges teintes rouges aux ailes inférieures : ce sont le C. Sloa-
neus. Cramer, Papilio Leilus, var. Fabr., Leilus Occidentalis, Swainson,
des Antilles (Jamaïque), très rare espèce décrite d'abord par Sloane dans
son Histoire de la Jamaïque, figurée au repos sur une banane dans l'ico-
nographie de Swainson, et le C. Orientalis, Swainson (Leilus), s^n. Papilio
Rhipheus, Cramer, non Drury, des environs de Chandernagor au Bengale.
Guenée cite encore deux espèces de Cydimon, l'une du Mexique, l'autre
de Colombie.
I]R.%11IA. Latr., syn. : Crysiridia, Hubner, Rhipheus, Swainson. Antennes sans
ciliation, filiformes et nullement renflées au sommet; tête petite, palpes assez
épais, plus ou moins incumbants et dont le dernier article est court; thorax large
velu, sans lignes dorées, avec des ptérygodes larges et soyeux, la poitrine très
velue; ailes larges, veloutées, métalliques, les inférieures munies de plusieurs
dentelures prolongées ou queues, entourées d'une frange longue et plumeuse ;
pattes robustes ; abdomen renflé mais non ovoïde chez la femelle .
Le genre Urania ne contient qu'une seule espèce authentique, U. Rhi-
pheus, Drury, dont Guenée écrit: « ce n'est pas aller au delà de la vérité
que de dire que l'unique espèce de ce genre est le plus beau de tous
les Lépidoptères connus. » Cette espèce est de Madagascar et a aussi été
trouvée à Tîle Bourbon, mais probablement par suite d'une importation
accidentelle. La taille du mâle est à peu près celle de notre Machaon,
l'envergure d'environ 20 centimètres. Les ailes sont d'un noir de velours
URANIA. 565
avec la frange blanche. Les supérieures, prolongées au sommet, à peu
près rectiligncs au bord terminal, ont des bandes et stries transverses
d'un vert métallique brillant, celles de la base étroites et allant de la
côte au bas de la cellule discoïdale, celle du milieu large et régulière
depuis le bord interne jusqu'à la cellule médiane, puis séparée par du
noir en deux tranches, dont l'extérieure divisée elle-même à la côte. Les
ailes inférieures ont une seule bande verte occupant la moitié de l'aile,
ayant la partie supérieure bleue et divisée profondément par une grande
tache noire et la partie inférieure occupée par une plaque métallique,
chatoyante de violacé et d'or brillant, fondue sur les bords, rutilante
au centre, avec quelques taches noires vers l'angle anal ; tout le bord
de ces ailes inférieures est divisé par six profondes échancrures arron-
dies au bout et bordées de cils blancs, la troisième à partir de l'angle
anal assez longue pour mériter le nom de queue; le dessous des ailes
supérieures ressemble au dessus, celui des inférieures entièrement
métallique avec des taches noires, la base verte et bleue, l'espace ter-
minal d'un blanc bleuâtre ou verdâtre, la partie médiane d'un rouge
doré, à reflets très brillants, nuancée de bleu violet vers la base ; les
antennes sont noirâtres; le corps du papillon est noir en dessus, ferru-
gineux en dessous, l'abdomen noirâtre, offrant en dessous de nombreux
atomes blanchâtres. La femelle est d'un tiers plus grande que le mâle,
son envergure dépassant 25 centimètres; elle a les mêmes dessins,
mais la tache du dessus des ailes inférieures est plus grande, moins
pourprée et plus dorée.
On dit que ce splendide papillon se développe complètement en deux
ou trois heures, s'il est exposé au soleil, mais que les sujets qui éclosent
à l'ombre mettent près d'une journée pour se sécher et s'étaler et sont
d'ordinaire moins brillants. Nous ne parlerons pas des métamorphoses,
décrites par Boisduval d'après le voyageur Sganzin {Note sur l'anomalie
du genre Urania, in Ann. Soc. entom. Fr., 1833, t. II, p. 2Zi8), et qui ont fait
séparer profondément par M. E. Blanchard les Crâniens des Cydimo-
niens, dont les adultes sont si voisins qu'on admet à peine la séparation
en deux genres ; nous penchons à croire, avec M. P. Mabille,à l'existence
d'un roman, jusqu'à l'arrivée d'une preuve indiscutable, comme che-
nille et chrysalides soufflées ou conservées dans l'alcool. On a longtemps
cru à l'existence d'une seconde espèce â'Urania, entièrement dépourvue
de prolongements caudiformes aux ailes inférieures, d'après un individu
envoyé à Drury en 1773, comme venant de la Chine et dont on n'a ja-
mais revu un second exemplaire. Il paraît probable que c'est un Rhi-
pheus de Madagascar, dont les ailes inférieures ont été tronquées aux
ciseaux et repeintes à la bordure. Guenée admet qu'en outre, à la place
de la tête manquante, on avait recollé une tête de Papilio, à antennes
renflées en massue au bout et avec un épais toupet de poils, ce qui a
déterminé le nom de Rhipheus Dasycephalus que Swainson donne à ce
fallacieux insecte.
566 LÉPIDOPTÈRES.
On consultera spécialement pour les Uraniens : Swainson, Zoological
illustrations (Lépidoptères), pi. 125, 126, 129, 130 et 131. — Guenée,
Species général des Lépidoptères, 1857, t. I, Uranides et Phalénites. —
J. 0. Westwood, Observations on the Uranidœ, with a Synopsis of the
Famihj, and a Monograph ofCoronidia, br. in-i", Ix pi. noires et col.,
Trans. of zoolog. Soc. of London, 1879).— P. Mabille, Lépidoptères hétéro-
cères de Madagascar {Ann. Soc. entom. Fr., 1879, 5" série, t. IX, p. 318).
Tribu des WOCTUEIilEMS.
On donne en général le nom de Noctuelles en France, d'Eule en Alle-
magne, de Moth en Angleterre, à des papillons qu'une sorte d'instinct
commun aux plus vulgaires observateurs a fait comparer aux Rapaces
nocturnes, les Hibous et les Chouettes, en raison, non pas seulement
d'habitudes en général nocturnes ou plutôt crépusculaires, mais d'après
des couleurs souvent sombres, surtout aux ailes supérieures, qui recou-
vrent presque toujours les autres au repos, par les poils écailleux for-
mant comme une fourrure plus épaisse que chez les Diurnes, et de gros
yeux composés qui brillent dans l'obscurité, d'après une organisation
qui a été expliquée dans les généralités sur les Lépidoptères. Le genre
Noctua de Linnœus forme la troisième division de son grand genre
Phaîœna. Il correspond à peu près à nos Noctuéliens, à la condition d'en
retirer les Hépialiens et les Lithosiens et d'y adjoindre certains Bombyx
de Linnœus.
Les Noctuéliens à l'élat adulte sont généralement des papillons à
couleurs peu brillantes, surtout pour les ailes supérieures qui recou-
vrent les inférieures au repos, souvent complètement; ces dernières ont
parfois des teintes vives, mais à nuances délicates et très vite altérées
par la lumière, qu'elles ne sont pas destinées à affronter. Il y a toute-
fois des exceptions, même pour les ailes supérieures, ayant parfois des
couleurs vertes, ou d'un riche vert doré, pouvant être marquées de
taches d'or ou d'argent, de signes en forme de lettres d'un éclat métal-
lique ou d'un \ïï blanc jaunâtre (genres Cucullia, Plusia, Dianthœcia,
Chariclea, etc.). Le corps des Noctuelles est gros proportionnellement
aux ailes, et, sous ce rapport, elles se rapprochent des Bombyciens;
mais il y a une série de caractères qui les séparent à la fois des Bom-
byciens et des Phalcniens. La tête est plus grosse et moins enfoncée
sous le thorax que chez les Bombyx, celui-ci étant garni de poils plus
soyeux que laineux, plutôt lisses que hérissés. L'abdomen est aussi plus
nu, plus comprimé et beaucoup moins gros, surtout chez les femelles,
et l'on remarque fréquemment, sur le thorax et sur l'abdomen, des
crêtes ou petites brosses de poils relevés. L'abdomen ne les offre ordi-
nairement que sur les trois ou quatre premiers anneaux. Le collier est
ISOCTUÉLIENS. 567
toujours bien distinct, et parfois relevé et comme échancré antérieure-
ment.
Les ptérygodes sont bien visibles, larges et souvent comprimés sur
les côtés, ce qui donne au tborax un aspect subcarré ou subrectangle.
Un aspect propre caractérise les antennes des Noctuelles. Quand elles
ne sont pas simples, et cela chez les mâles presque exclusivement, elles
ne forment pas, comme chez certains Phaléniens, des plumes à barbules
minces, longues et ondulées, ni, comme chez les Bombyciens et les
Attaciens, un peigne raide et bidenté des deux côtés. Leur tige est
garnie de lames ou cils presque droits, clairs et flexibles. Quand elles
sont simples dans les deux sexes, le mâle les offre plus épaisses que la
femelle, et l'on y distingue à la loupe soit des cils très courts, soit des
dentelures plus ou moins longues, ou bien leur côté interne est comme
spongieux ou velouté. Enfin si ces caractères manquent, si les antennes
sont complètement filiformes dans les deux sexes, elles diffèrent encore
de celles des Phaléniens qui sont plutôt sétacées ou analogues à des
cheveux. Beaucoup de Noctuelles ont des stemmates sur le vertex, mais
qu'on n'aperçoit qu'en épilant cette partie très velue, sauf dans de
grandes espèces exotiques, comme les Ophideres, les Erebus, etc. , où ces
stemmates sont assez gros pour être visibles à travers les poils. La spiri-
trompe, qui manque aux Attaciens et à presque tous les Bombyciens,
est ici bien visible, plus ou moins longue; toujours forte, cornée et
bien roulée en spirale, car les adultes sucent le nectar des fleurs et
divers jus sucrés. Les palpes, au lieu d'être oblitérées, comme chez la
plupart des Bombyciens, sont régulièrement développées, en rapport avec
une nutrition effective. Leurs deux premiers articles sont généralement
épais, comprimés sur les côtés, velus ou squameux, le troisième et der-
nier étant notablement plus menu, très visible, le plus souvent entiè-
rement dégarni de poils. L'abdomen n'est ni court et laineux, comme
dans les Bomhjx, ni grêle et démesurément long comme chez les Pha-
léniens et les Pyraliens. 11 offre sept anneaux bien distincts, quoiqu'en
réalité il y en ait neuf. Sur les insectes secs des collections, l'abdomen
conserve parfois sa forme pleine et cylindroïde; d'autres fois il est ca-
réné, c'est-à-dire déprimé, sauf une saillie longitudinale sur le vaisseau
dorsal. Dans beaucoup de mâles il est conoïde, les anneaux diminuant
régulièrement de diamètre de la base à l'anus ; le plus souvent il est
cylindrico-conique, la pointe ne se dessinant qu'à partir des trois der-
niers anneaux, et c'est cette forme qu'il offre presque toujours chez les
femelles, avec l'extrémité généralement obtuse et irrégulière ; parfois,
au contraire, cette pointe est plus aiguë que chez les mâles, quand
l'appareil génital se termine par un oviscapte saillant, corné»
en tarière rétractile composée de tubes qui rentrent l'un dans
l'autre et que la femelle darde à volonté dans les parties profondes
où elle veut placer son œuf. Chez les mâles, l'extrémité anale est
munie de deux valves copulatrices, qui s'écartent souvent après
568 LÉPIDOPTÈUES.
la mort, et garni d'un faisceau de poils coupés plus ou moins car-
rément.
Si nous passons au système appendiculaire, nous voyons d'abord que
les ailes ont leurs caractères propres. Les supérieures sont d'une forme
qui varie approximativement entre le triangle et le trapèze. Le bord
terminal, garni d'une frange dense et velue, est souvent arrondi, parfois
divisé en denticulations assez légères, dont les sinus correspondent aux
nervures {Mania, Spintherops, Amphipyra, certaines espèces du genre
Pltisia, Catephia, Ophiodes, Grammodes, Catocala, etc.), parfois même
façonné en angles aigus ou en découpures profondes (Gonoptera). Les
ailes inférieures sont plus larges dans le sens longitudinal que les supé-
rieures et presque toujours arrondies au bord terminal. Dans la grande
majorité des Noctuelles d'Europe ces ailes inférieures sont de couleurs
insignifiantes et presque toujours sans dessins, plissées en partie au
repos au bord anal, le long du corps, et recouvertes en entier par les
ailes supérieures, qui sont alors dites e?i toit, c'est-à-dire que, chez le
papillon au repos, la partie du bord interne d'une aile qui rejoint le
bord interne de l'autre au-dessus de l'abdomen est plus élevée que la
côte, qui touche d'ordinaire la surface de position. Dans d'autres genres
au contraire, qui comprennent surtout beaucoup de Noctuelles exotiques
et de grande taille, les ailes inférieures sont destinées à être exposées
au moins en partie à la lumière comme les supérieures.
Tantôt les ailes inférieures ressemblent absolument aux supérieures
{Homoptera, Erebus, Ommatophora, etc.), et ont des dessins analogues,
à la façon des Phaléniens, alors aussi le papillon au repos les tient
étendues, ce qui est une autre ressemblance avec les Phaléniens, sans
les recouvrir par les supérieures, tantôt les ailes inférieures ont des
couleurs beaucoup plus vives que les supérieures, avec des bandes bien
tranchées {Ophideres, Catocala, Catephia, etc.), et alors, quoique recou-
vertes en entier par les ailes supérieures, elles ne sont pas plissées le
long du corps, de manière à donner à l'insecte une forme allongée, mais
sont appliquées contre la surface de position et forment, comme les
supérieures, un toit à peine déclive. L'appareil du frein et du crin existe
chez les Noctuelles. Chez les femelles, à crins multiples à l'aile infé-
rieure, dans les genres dérivés de l'ancien genre Noctua, tels que Hadena,
Agrotis, Triphœna, etc., et aussi dans le genre Plusia, il y a trois longs
crins, l'un des trois mince et plus pâle, trois crins longs et forts dans
les genres Erebus et Catocala, et deux dans le genre Herminia.
Des caractères très importants, en raison de leur grande généralité,
sont fournis par les dessins des ailes supérieures des Noctuelles, les
seules visibles dans la plupart des cas, quand l'insecte se tient au repos.
Ce sont d'abord deux taches placées l'une vers le milieu, l'autre à
l'extrémité externe de la cellule discoïdale, et qu'on peut nommer les
taches ordinaires, car elles ne manquent que chez un petit nombre
d'espèces. La première, dite orbiculaire, est en forme d'anneau, circu-
NOGTUÉLIENS. 569
.aire, elliptique ou ovale; la seconde, généralement plus grande, a la
forme de contour d'un rein ou d'une oreille, ce qui lui a valu le nom
de roni forme. Outre ces deux taches, il en existe une troisième, beau-
coup moins constante, placée au-dessous de l'orbiculaire, et qui est le
plus souvent oblongue et arrondie à son extrémité ; on l'appelle tache
claviforme, tache en bouchon ou en cheville, Zapfermackel des entomolo-
gistes allemands. Les dessins des ailes supérieures sont asservis à des
règles à peu près aussi constantes que celles des taches ordinaires, et
qui deviennent, aussi rarement que celles-ci, obsolètes ou invisibles ; ce
sont quatre lignes, plus ou moins sinueuses, qui traversent ces ailes à
peu près perpendiculairement à la côte. Quant à la nervulation des
ailes des Noctuelles, nous nous contenterons de dire avec Guenée,
qu'elles offrent cinq nervures principales : la costale, la sous-costale,
la médiane, la sous-médiane et Yinterne, dont trois seulement bien con-
stantes et communes aux quatre ailes : la sous-costale, la médiane et
la sous-médiane, et deux constantes seulement pour deux des ailes et
variables pour les deux autres, mais toujours simples, à savoir : la cos-
tale, pour les ailes supérieures et Finterne aux inférieures. Les pattes
des Noctuelles ne sont ni velues ni courtes, comme chez les Bombyciens,
ni grêles et très longues, à la façon des Phaléniens et des Pyraliens. lilles
sont fortes, de grandeur moyenne, avec la cuisse et la jambe velues.
Les jambes antérieures manquent d'éperons et ont, dans les deux sexes,
au côté interne, une petite pièce cornée, d'usage inconnu, aiguë au
bout et couchée dans une sorte de rainure garnie de poils courts. Les
paires de pattes intermédiaires et postérieures se ressemblent beaucoup
plus entre elles qu'aux antérieures ; la jambe est garnie, ainsi que le
tarse, de petites épines disposées par rangs longitudinaux, et c'est à son
extrémité interne que sont insérés les éperons, qui sont très visibles,
de longueur inégale, filiformes, aigus à l'extrémité et recouverts de
poils écailleux très courts. La jambe de la patte postérieure en porte en
outre une seconde paire, située au-dessus de la première et tout à fait
semblable. Le tarse de toutes les pattes est uniformément grêle, garni
d'épines et formé de cinq articles, le premier au moins deux fois plus
long qu'aucun des suivants ; ces tarses, au moins dans les Noctuelles
d'Europe, sont ordinairement annelés de brun et de couleur claire, et
terminés par des crochets bien visibles. Il y a des Noctuelles exotiques
dont les pattes antérieures sont très velues, les jambes souvent garnies
de poils si serrés qu'elles acquièrent une forme presque ovoïde. Les
pattes intermédiaires ont fréquemment, chez les mâles, à la jonction de
la cuisse et de la jambe, des fascicules de poils peu épais, mais allongés
et soyeux, ordinairement dissimulés et couchés le long de la jambe,
mais qui s'épanouissent en larges pinceaux, et dans des circonstances
inconnues, à la volonté de l'insecte ; enfin les pattes postérieures por-
tent les poils les plus longs, sinon les plus denses, et ces poils s'éten-
dent parfois sur les côtés des tarses, de façon à leur donner une forme
570 LÉPIDOPTÈRES.
large et aplatie, comme celle d'un aviron, ce qui les a fait appeler
pattes en rames. En terminant cette étude de l'anatomie externe des
Noctuelles, nous rappellerons cette juste remarque de Guenée, que la
multiplicité et la variation de leurs différences rend impossible de tra-
duire, en caractères brefs et absolus, une diagnose qui les sépare des
Bombyciens, des Phalènes et des Pyrales, et la phrase de Linnœus,
comme caractère général des Noctuelles : alis incumbentibus, antennis
setaceis nec pectinatis, n'en donne qu'une idée incomplète.
Les mœurs des Noctuelles à l'état adulte sont en général celles du
grand sous-ordre des Hétérocènes (anciens Crépusculaires et Nocturnes).
Il en est qui, en dépit de leur nom, volent en plein jour et au soleil,
butinant sur les fleurs à la façon des Sésies et des Zygènes ; telles sont,
dans nos environs, Chariclea Delphinii, plusieurs Plusia, notamment
Plusia Gamma, qui abonde dans les prairies et surtout dans les champs
de trèfle et de luzerne, ^confm Solaris et Luctuosa, Euclidia Mi et Ghj-
phica, les petites esT^èces Anarta myrtilli, Heliodes arbuti, etc.; quelques
Noctuelles, bien qu'ordinairement au repos pendant le jour sur les troncs
d'arbres ou sur les murs, s'envolent au moindre bruit, ainsi les Cato-
cala. La plus grande partie ne commencent leur vie active qu'après le
coucher du soleil. On les voit alors décroiser lentement leurs ailes cou-
chées, les relever jusqu'à ce qu'elles deviennent parallèles au corps,
leur imprimer un tremblement presque imperceptible, puis s'élancer à
la recherche des fleurs, d'un vol tourbillonnant et à mouvements d'ailes
si précipités, que la rétine garde la sensation confuse d'un corps qui vibre.
C'est à peine si elles se posent sur les fleurs et si elles ont le temps de
dérouler leur spiritrompe ; quittant leur place comme capricieuse-
ment, elles repartent d'un vol violent et saccadé, pour s'abattre sur une
autre fleur ; mais, à mesure que la nuit gagne en obscurité et en fraî-
cheur, les Noctuelles deviennent moins inconstantes et plus calmes;
elles se posent sur les fleurs, accrochées sur leurs pattes, replient leurs
ailes et sucent longuement le nectar par leur spiritrompe déroulée.
Elles marchent sans voler de fleurs en fleurs, quand celles-ci sont assez
rapprochées. Enfin, gorgées de nectar et engourdies par le froid, elles
restent en quelque sorte endormies sur la dernière corolle qu'elles ont
choisie, se laissant tomber lourdement si l'on secoue les fleurs, pouvant
être piquée sur place, si le chasseur a un peu d'adresse. Elles affection-
nent naturellement les fleurs à corolle simple, celles des champs bien
plus que celles des jardins, et comme les Hyménoptères mellitîques,
savent très bien choisir les espèces les plus nectarifères ; peut-être leurs
stemmates sont-ils destinés à leur faire bien apercevoir, dans la demi-
obscurité, l'intérieur des fleurs et la place des nectaires. Outre ces fleurs
les Noctuelles sucent le jus sucré des fruits fendus par la pluie, ou
entamés par les Oiseaux ou par certains Insectes, les feuilles qui laissent
exsuder des miellats, lasève extravasée sur les troncs d'arbres malades.
On voit les Noctuelles rechercher les branches chargées de Pucerons ou
NOCTUÉLIENS. 571
de Cochenilles, à éjaculations sucrées, et partager avecles Fourmis cette
étrange nourriture ; enfin les Noctuelles sont les papillons que les ento-
mologistes prennent à la miellée en plus grand nombre.
Le soleil, en s'élcvant sur l'horizon, fait rentrer la grande majorité
des Noctuelles dans une immobilité complète. Alors elles se cachent
sous les broussailles, à l'entrée des grottes ou dans des trous de rochers,
sous les écorces à demi détachées ou dans leurs fissures, ou simple-
ment accrochées aux troncs des arbres, aux parois de rochers, aux aspé-
rités des murs; elles restent ainsi dans un engourdissement continu, à
la façon des Chauves-souris, des Rapaces et des Fissirostres nocturnes,
jusqu'au retour du crépuscule. Si elles entendent l'approche de quelque
danger, et surtout si un choc vient ébranler leur appui, quelques espè-
ces s'envolent; mais la plupart, repliant leurs pattes, se laissent tomber
et simulent pendant quelques instants la mort, dans la position où leur
chute les a placées, se confondant, par le peu d'éclat de leurs couleurs
et par leur immobilité, avec les pierres ou les débris qui jonchent le
sol. On peut souvent piquer sur place les Noctuelles qu'on rencontre
posées au repos pendant le jour; mais il faut enfoncer l'épingle bien
droit et vivement, car souvent elle glisse sur le corselet et l'insecte
s'envole ou tombe. Les poils du corselet tiennent peu en général, et si l'in-
secte s'agite ou si on le touche il ne reste plus qu'une surface de chitine
dénudée. Aussi on doit se hâter de tuer les Noctuelles pour collection
dans le flacon à chloroforme ou à cyanure de potassium. Quand le danger
est passé, les Noctuelles tombées se glissent sous les herbes ou remon-
tent sur les troncs. Il en est qui aiment les retraites humides, comme
les voûtes des aqueducs ou des ponts, ainsi Mania 'Maura. Plusieurs
viennent chercher un asile dans les maisons, s'introduisant de préfé-
rence dans les gonds et les jointures des portes, entre les fentes des
volets et les lames des jalousies et des persiennes, sous les corniches
des murs et des auvents des toits, partout où elles espèrent trouver un
abri contre le froid, la pluie, le vent et la lumière. Il en est qui hiver-
nent dans les granges, les écuries et étables, et surtout les greniers,
ainsi Gonoptera Libatrix.
Les Noctuelles ont des tailles très variées. 11 en est de très grandes
dans les espèces exotiques des pays chauds, ainsi les Ophideres et sur-
tout les Erebus^ ces derniers comptant parmi les plus grands papillons.-
En Europe sont quelques Noctuelles d'assez forte taille et large enver-
gure, comme Catocala fraxini et Nupta, Spintherops Spectrum, Mania
Maura, etc. La plupart des espèces sont de taille moyenne et petite ; il
en est môme de très faibles dimensions, analogues à celles d'une
partie des Microlépidoptères, comme les Botys, les Crambus, les Aglossa,
certaines Tordeuses et Teignes, ou comme les petits Phaléniens des
genres Acidalia ei Eupithecia ; telles sont, comme types communs et
connus de Noctuelles, Anarta myrtilli, Heliodes arbuti, etc. On trouve des
Noctuelles dans toutes les parties de la terre, aussi bien dans les hautes
572 LÉPIDOPTÈRES.
montagnes, près des neiges perpétuelles, comme dans les régions po-
laires arctiques, le nord de la Suède et de la Norvège, le Groenland,
l'Islande. Dans cette dernière île, il ne paraît plus y avoir de Diurnes,
mais seulement des Noctuéliens, des Phaléniens et des Microlépidop-
tères. Il existe encore beaucoup de Noctuelles à découvrir, même en
Europe, où l'on en connaît aujourd'hui plus de mille espèces, dont un
grand nombre en France.
Les chenilles des Noctuelles sont les premières, parmi les larves de
Lépidoptères, en laissant de côté les cas exceptionnels des Limacodes et
des Psychés, qui nous présentent un caractère de dégradation par ré-
duction ou de la grandeur des pattes membraneuses, ou de leur nom-
bre. Beaucoup conservent l'état normal de cinq paires de pattes
membraneuses développées ; mais il en est qui n'ont plus que la paire
de pattes anales et celle qui précède, en tout dix pattes, de sorte qu'elles
marchent tout à fait comme les chenilles arpenteuses complètes, celles
de la plupart des Phaléniens, en relevant le milieu du corps en boucle
complète, ainsi le genre Bankia, Guenée, ayant deux paires de pattes
ventrales et seulement les rudiments d'une troisième. D'autres ont trois
paires de pattes membraneuses seulement, les trois dernières, et mar-
chent en (lemi~arpenteuses ; ainsi dans le genre Pliisia, Grammodes,
Eudidia, une partie des Anthophilides, etc. ; il en est qui ont quatre
paires de pattes membraneuses complètes, manquant seulement de la
première paire et ne faisant alors que courber légèrement le milieu du
corps en marchant; telles sont les chenilles de certaines Anthophilides,
et du genre Abrostola. Enfin, il y a de ces chenilles ayant leurs cinq
paires de pattes membraneuses, mais dont les deux premières paires
sont plus courtes que les autres, ainsi dans le genre Ophiodes, dans les
Catocala, ou tellement courtes qu'elles sont impropres à la marche et
rendent les chenilles demi-arpenteuses, ce qui a lieu dans le genre
Brephos, qui est un passage entre les Noctuéliens et les Phaléniens.
M. Goossens a observé qu'un certain nombre de chenilles de Noctuelles
sortent de l'œuf ayant seulement les trois dernières paires de pattes
membraneuses et n'acquièrent les deux autres qui complètent le
nombre normal qu'au troisième âge ; nous citerons, entre autres espèces
qui présentent cette particularité, Pulia Flavocincta et Dipterygia pi-
nastri, dont les chenilles ont été élevées à partir de l'œuf par
M. Goossens. M. Goossens assure même que c'est là le cas normal des
Noctuelles, indiqué jadis par Bonnet, et que les divers cas de pattes
incomplètes que nous avons signalés chez les chenilles âgées
sont dus à des arrêts variables de développement. Il a observé que
la chenille de Xylomyges Conspicillaris est d'abord une arpenteuse
à douze pattes, puis, qu'après la première mue, on voit apparaître
quatre mamelons ne pouvant servir à la chenille à se cramponner
sur les feuilles, enfin qu'au troisième âge, après la seconde mue,
elle a les seize pattes normales. Il fit ensuite la môme remarque
NOCTUÊLIENS. 575
chez Pachetra Lexicophcca, puis sur Triphœna Promiba, Mamestra bras-
sicœ, etc.
11 y a des chenilles de Noctuelles qui sont grosses et trapues, avec
une tête proportionnée, quelquefois éch ancrée au sommet, ou
aplatie et comme écrasée antérieurement. D'autres sont longues, ren-
flées au milieu et amincies aux; deux extrémités, avec la tête petite
et lenticulaire ; chez quelques-unes les incisions des anneaux sont si
marquées, que la série de ces anneaux ressemble à des grains de cha-
pelet, tandis que d'autres de ces chenilles ont au contraire un aspect de
chenilles de Phaléniens, à voir leur corps uni et effilé, où l'on distingue
à peine les incisions ; le plus généralement les chenilles des Noctuelles
sont allongées, cylindroïdes, roses, à peau bien tendue et sans plis, à
incisions très extensibles, de sorte que la chenille en marche paraît
bien plus allongée qu'au repos, ce qui est le contraire des chenilles de
Phaléniens, dont la peau est en général bien plus rigide, de sorte que
la chenille a l'aspect d'une petite baguette ; la tête est globuleuse, de
grosseur moyenne et en partie rétractile sous le prothorax. Il y a de ces
chenilles qui sont munies, sur le onzième anneau, de caroncules rap-
pelant la corne des Sphingiens; d'autres sont garnies de filaments
latéraux charnus, à la façon des appendices pédiformes des Lasiocampa.
Parfois elles sont couvertes de poils verticillés, portés sur les mamelons
charnus dont nous parlerons, rappelant alors l'aspect des chenilles de
Liparis; d'autres ne présentent que des pinceaux ou bouquets de poils
allongés, et beaucoup n'ont que des poils isolés partant des tubercules
réguliers caractéristiques. Parfois ces tubercules sont à peine visibles,
sans saillie, et se confondent de couleur avec le fond du corps, tandis
que, d'autres fois, ils forment des petits boutons cornés et luisants, dont
la couleur foncée tranche vivement sur un fond pâle ou gris, ou bien
ils se développent en pyramides charnues, ou encore s'arrondissent en
mamelons réguliers.
De môme que les ailes supérieures des adultes ont des taches carac-
téristiques, la presque totalité des chenilles des Noctuelles offrent des
lignes et des points formant des dessins qui permettent de reconnaître
tout de suite les chenilles de la tribu. Ces chenilles présentent la ligne
vasculaire, le long du vaisseau dorsal, et sur les côtés, un peu au-dessus
des pattes et à la hauteur des stigmates, la ligne stigmatale, et souvent,
à peu près à égale distance entre ces deux lignes, la, ligne sous-dorsale.
Entre les lignes vasculaire et sous-dorsale, se trouvent presque constam-
ment sur chaque anneau quatre points, plans ou saillants, dont chacun
donne naissance cà un ou plusieurs poils plus ou moins visibles; ces
points sont en ligne transverse sur les anneaux 2 et 3, en trapèze régu-
lier sur chacun des suivants jusqu'au onzième, en carré ou en rectangle
sur ce onzième. D'après leur constance et la configuration la plus ha-
bituelle de la figure dont ils forment les sommets, Guenéc nomme ces
points ordinaires ou trapézoïdaux. Habituellement, au dessous de la
574 LÉPIDOPTÈRES.
ligne sous-dorsale, on voit deux autres points, dits latéraux , près du
stigmate, et, parfois, deux autres obliques, dits ventraux, sous la ligne
stigmatale. Souvent les points dont nous venons de parler semblent
manquer complètement, ce qui tient à ce que, étant extrêmement
petits et de la même couleur que le fond, on ne les distingue pas faci-
lement à l'œil nu ; mais le poil qui y est constamment implanté en
marque toujours la place et on les retrouve à l'aide d'un grossissement
convenable. Ce sont ces points qui portent toujours ou les poils verti-
cillés, quand ceux-ci existent, ou les épines ou les éminences du dos
des anneaux, principalement du onzième; ces points non rétractiles
résultent d'une disposition anatomique ayant son importance.
Les chenilles des Noctuelles se roulent habituellement en spirale,
quand on veut les saisir, et restent quelque temps immobiles. On les
trouve, selon les espèces, soit sur les arbres, soit sur les plantes basses ;
dans le premier cas, elles ne fontpas des ravages comparables à ceux des
chenilles de Bombyciens sur les arbres fruitiers ou forestiers, mais, dans
le second cas, des espèces causent des dégâts sérieux aux plantes pota-
gères et d'ornement, aux betteraves {Hadena, Mamestra, Agrotis, etc.),
aux Graminées (C/iarœas, des Leucania), aux prairies artificielles {Plusia
Gamma en certaines années); beaucoup sont inofîensives, soit par leur
petit nombre, soit parce qu'elles ne mangent que des plantes basses
sauvages, inutiles pour nous ; quelques-unes s'entourent pour la nym-
phose de cocons d'une soie très blanche, mais toujours trop peu fournis
pour que nous en puissions tirer aucun parti ; la plupart se chrysali-
dent sur la terre même ou à une profondeur variée, s'enferment dans
une cavité ovoïde terreuse, souvent sans aucuns liens soyeux. En outre,
beaucoup de chenilles de Noctuelles s'enfoncent en terre pour hiverner,
ou se cachent sous les feuilles sèches et les herbes, roulées en spirale,
et reparaissent au printemps. On en prend souvent en secouant les
feuilles sèches en hiver sur le parapluie. C'est surtout le matin et aux
approches de la nuit qu'elles mangent les feuilles des plantes basses et
des arbres, car, pendant la chaleur du jour, elles descendent au pied
de la plante et s'abritent sous les feuilles ou entre les écorces, rensei-
gnements utiles pour les entomologistes qui recherchent les chenilles
pour obtenir des sujets de collection bien frais.
Il y a des chenilles de Noctuelles, dans le genre Nonagria et chez
quelques espèces du genre Leucania, qui sont endophytes, vivant dans
l'intérieur des tiges, à la façon des chenilles de Sésies, de Cossus, de
Zeuzères. Les chenilles des Nonagria subissent toutes leurs métamor-
phoses dans l'intérieur des tiges des Graminées, Cypéracées, Typha-
cées aquatiques, dont elles mangent la moelle et où elles ménagent
une ouverture latérale, fermée seulement par un mince épiderme pour
la sortie du papillon. Les chenilles des Leucania phragmitidis et Obso-
leta se retirent pendant le jour dans les tiges sèches et coupées du
roseau {Arundo p/tmf/v/wto), y passent l'hiver et se chrysalident auprin-
NOCTUÉLIENS. 575
temps; la chenille de Sesamia Nonagrioides vit, dans le midi de France,
à l'intérieur des chaumes du maïs et du sorgho, qu'elle ronge. Quelque-
fois ces chenilles endophytes sont vermiformes, molles et décolorées
ou livides, ainsi chez Nonagria typhœ et cannœ; mais ce fait est souvent
cité à tort comme général. Ainsi la chenille de Nonagria Paludicola est
d'une couleur jaune bien nette, celle de Zeuzera œsculi d'un ton encore
plus chaud, celle du Cossus ligniperda devenant parfois avec l'âge d'un
ton de terre de Sienne carminé et luisant. La chenille de Nonagria
sparganii est d'un vert d'herbe, comme bien des chenilles aériennes, la
chenille de Gorhjna Cynarœa, var. Goossens, qui vit dans la tige de l'ar-
tichaut, est, comme celle de Gortyna Flavago, de l'yèble, d'un ton très
chaud de jaune rougeâtre, avec la tète rouge. La chenille de la Carpo-
capse des pommes est souvent d'un rose assez vif, comparable de cou-
leur à des chenilles vivant à la lumière. M. Goossens a fait d'intéressantes
remarques sur la couleur brune que prennent certaines chenilles ver-
tes ; parfois c'est une variété, mais souvent la chenille est ichneumonée,
et sa teinte d'un brun louche résulte de la présence des larves para-
sites, de même que les Pucerons verts du rosier, piqués par des Chalci-
diens, deviennent d'un violet noirâtre. M. Goossens a eu une chenille de
Spintherops Spectrum (Noctuélien), toute tigrée de taches brunes ; tout à
coup, à chaque tache, il vit se révéler un trou, d'où sortit une larve
de Diptère. Le même entomologiste fait cette remarque, que, près de
la nymphose, beaucoup de chenilles perdent leur couleur franche et
pure pour prendre des teintes glauques ou rougeâtres. On a souvent
dit, à la légère, que c'était la chrysalide qui se laissait déjà voir par
transparence sous la peau, sans réfléchir que, au moins chez les
Hétérocères, la chrysalide, qui apparaît quand la chenille quitte sa
dernière peau, est d'abord blanche et ne se colore en brun ou en
rougeâtre qu'après un certain temps. C'est la matière grasse elle-même
qui se colore soit en brun, soit en jaune foncé.
D'autres chenilles, de couleur grisâtre, bien que ce fait de coloration
ne soit pas général, ressemblent à des larves de Diptères Tipuliens, et
vivent, comme elles, enfermées dans des trous en terre ou cachées entre
les racines des plantes qu'elles dévorent; tels sont les Vers gris des
agriculteurs, chenilles des Agrotis segetum et Exclamationis, celles des
Agrotis Saucia, Suffusa, etc. Il en est (Bryophila) qui se nourrissent de
Lichens, à la façon des Lithosiens, et se construisent de petites coques
de débris de ces Cryptogames, d'où elles ne sortent que le soir ou le
matin. Un petit nombre passent leur vie dans l'intérieur des fruits de
certaines plantes, vivant exclusivement des graines qu'ils renferment
[Polia, Dianthœcia). Il y a des chenilles de Noctuelles qui sont véritable-
ment carnassières (genre Cosmia), dévorant, outre les feuilles des
arbres forestiers ou fruitiers, les chenilles de leur propre espèce ou
d'autres espèces, et cela en liberté, dans la nature, et non pas seule-
ment dans la captivité, qui pervertit les instincts de beaucoup d'in-
576 LÉPIDOPTÈRES.
sectes. Certaines chenilles vivent, dans leur jeune âge, cachées dans les
chatons des saules et des peupliers, avant l'apparition des feuilles, sur
lesquelles elles passent, plus âgées; il y a des Noctuelles dont les che-
nilles, à la façon des Tortriciens, lient ensemble plusieurs feuilles avec
des fils de soie, trouvant ainsi, dans cette retraite, le vivre et le couvert.
On en voit qui, protégées par des couleurs imitatives, passent toute la
journée collées au repos sur le tronc des arbres, dont l'œil ne les dis-
tingue pas. Il n'y a qu'un très petit nombre de chenilles de Noctuelles qui
soient sociales toute leur vie, à la façon des Processionnaires, des Ypo-
nomentes, etc., ainsi les chenilles des Colocasia sur les Euphorbes;
mais souvent elles vivent réunies dans le jeune âge, comme beaucoup
de chenilles de tous les groupes lépidoptériques, l'association étant
un caractère des êtres faibles.
Berce, dans ses Généralités sur les chenilles des Noctuelles rappelle
un petit organe, dont nous avons déjà parlé, découvert par Bonnet en
1739, et dont l'usage réel est inconnu. 11 est situé entre la lèvre infé-
rieure et les pattes écailleuses; en pressant légèrement la chenille entre
les doigts, on le fait sortir d'une petite fente transversale, dans laquelle
il rentre lorsque la pression ne s'exerce plus. Selon Bonnet, cet organe
est composé de trois pièces s'emboîtant les unes dans les autres, à la
manière des yeux rétractiles des Colimaçons; quelquefois il est hémi-
sphérique, en général simple, et, dans certains cas, double; le plus
souvent, néanmoins, il est grêle et conique, et, dans ce cas, il est quel-
quefois quadruple. Réaumur croyait que c'était une seconde filière,
destinée à la fabrication des coques terreuses enfouies ; Lacordaire incline
à croire à la sécrétion de quelque fluide protecteur. Nous engageons les
observateurs à rechercher l'usage réel de cet organe, par une étude
comparative des mœurs des chenilles chez lesquelles il existe et de celles
où il manque, car, sur soixante-deux chenilles observées par Bonnet,
une trentaine seulement lui ont paru en être pourvues.
Les chrysalides des Noctuelles sont parfois entourées de cocons soyeux
toujours légers, de soie blanche ou grisâtre, celles des Bryophila dans
des cocons de soie avec intercalalion de Lichens, chez les Brephos ces
coques de soie sont à la surface de la terre, ou entre les mousses et
les écorces; chez les Noctuelles bombyçoïdes, ainsi les Diphtera, les
Colocasia, les Acronycta, les cocons sont filés entre les branches ou les
mousses, ou sous divers abris, parfois mêlés des poils de la chenille
(Acronycta aceris). Dans les Plusides, les chrysalides du genre Abrostola,
sont renfermées dans des coques de soie mêlée de mousse, et, chez les
Plusia, dans des cocons d'un tissu léger, fixés aux feuilles ou aux tiges
des plantes qui ont nourri la chenille. La chenille de Gonoptera Lihatrix
genre si curieux par les découpures des ailes, s'entoure pour la nym-
phose d'un cocon soyeux oblong, filé entre les feuilles à l'extrémité des
branches ; les chrysalides des Amphipyra sont contenues dans des coques
de soie ou de débris à la surface de la terre, celle du SpintJierops Spec-
^0(.:TUÉLIE^'s. 577
trum dans un long cocon d'un joli mais clair tissu de soie blanche,
accolé le long d'une tige de genêt qui a nourri la chenille. C'est contre
les troncs d'orme ou de chêne qu'on trouve accolé le léger cocon du
rare Catephia Alchymista, et, dans des cocons à la surface de la terre,
les chrysalides des Anophia.
Les chrysalides du genre Bolina sont renfermées dans de légères co-
ques de soie grisâtre, celles de Catocala dans de minces cocons filés entre
les feuilles ou dans les rides et les déchirures des écorces; chez les
Ophiusides, celles des Ophiodes sont dans des coques imparfaites filées
entre les broussailles, celles des Grammodes dans des coques de soie et
de débris, placées à la surface du sol entre les herbes ou les mousses.
Enfin, dans le genre Euciidia, à vol diurne, les chrysalides sont dans
des cocons assez soUdes, de soie mêlée à des débris de mousse. Il y a
enfin des chrysalides poui" lesquelles les légers cocons qui les entou-
rent sont enterrés assez profondément, ainsi dans' le genre Eriopus.
Beaucoup d'autres chrysalides de Noctuelles sont, au contraire,
dépourvues de cocons, parfois posées à nu sur le sol,- parfois sous la
surface du sol, dans des cavités ovoïdes terreuses, et pouvant même
être enterrées assez profondément (Triphœna). Ce sont des chrysalides
de ÎNoctuelles des plantes basses que les jardiniers trouvent souvent en
bêchant la terre, et qu'ils appellent des fèves, par allusion à leur forme,
à leur couleur et à l'espèce de vernis qui les recouvre. En eft'et, les
chrysalides des Noctuelles sont lisses, rases et comme vernissées, d'une
couleur brune, tirant plus ou moins sur le rougeâtre; les anneaux de
leur abdomen ne sont jamais soudés, et elles leur impriment, au moindre
attouchement, de vifs mouvements de flexion ou même de rotation,
comme pour se débarrasser du contact qui les gêne; cet abdomen est
fortement conique, et se termine ordinairement en une pointe aiguë,
garnie de petites soies raides, en nombre variable, le plus souvent
courbes et crochues. Parfois, comme chez certains Sphingiens, les
chrysalides ont l'enveloppe de la spiritrompe saillante et prolongée.
Certaines chrysalides de Noctuelles ont le vernis du corps dissimulé
par une exsudation de poussière cireuse, analogue à ce glacis qu'on
appelle la fleur des .prunes, de certains choux, etc., efflorescences de
couleur blanche (Grammodes), bleue [Catocala) ou violette. Ce sont là
des faits très généraux chez les insectes : ainsi, dans les Coléoptères
Curculioniens des genres Lixus et Larinus, chez des Hémipt-ères homo-
ptères {Lystra,Phenax,Fulgora), divers Aphidiens et la grande majorité
des Cocciens, sur la face supérieure de l'abdomen des mâles de cer-
taines Libellules, ainsi Depressa, etc. Ce fait est analogue à celui de la
sécrétion sous-abdominale de la cire chez les Abeilles et les Bourdons,
Le temps de la durée du stade nymphal, chez les Noctuelles, varie
avec les espèces et les climats; mais, en général, celles qui se son
chrysalidées au printemps éclosent dans le courant de l'été, tandis que
les chrysalides d'été et d'automne passent d'ordinaire l'hiver, pour
GH'./viti). m. — 37
578 i.ÉPiDOPTtaES.
donner les adultes au printemps ou à l'été de l'année suivante. Un
assez grand nombre de Noctuelles qui se nympbosent en apparence en
automne, passent l'hiver dans le cocon ou en terre à l'état de chenille
et non de chrysalide, fait analogue à ce qui se produit pour les fausses
chenilles de beaucoup de Tenthrédiniens. Seulement ces chenilles se
sont décolorées, sont devenues courtes, obtuses et ramassées et se sont
vidées de tous les résidus digestifs. liUes rentrent au printemps dans la
loi commune, en subissant une dernière mue qui en fait des chrysa-
lides. M. Goussens regarde cet état comme celui d'une chrysalidation
interne, la chenille ne pouvant plus manger, étant privée des glandes
dissolvantes, ayant l'intestin rompu, les excréments expulsés, etc. Il
cite l'exemple suivant : Près de Paris, on prend sur les Ijords de la
Marne, vers le mois de septembre, la chenille de Leucania Obsoleta sur
VArundo phraijmites. Elle est alors d'un gris ambré, avec des lignes
dorsales assez visibles; mais, à C4ette époque, elle quitte les feuilles, va
vers un roseau cassé, entre dedans, fait une cloison en soie, se retourne
la tête en haut, fait une cloison supérieure serrée, qui défiera les inon-
dations certaines, et reste ainsi jusqu'en mars. A cette époque, les
lignes ont disparu, la chenille est de couleur livide, méconnaissable.
Elle se chrysalide dans le courant d'avril, et le papillon parait quelques
semaines plus tard. M. Goossens regarde les six premiers mois passés
sans aucun aliment et sans mouvement possible, comme appartenant
pliysiologiquement, non anatomiquement, à la chrysalide, qui se pro-
longe encore un ou deux mois sous une seconde forme, la forme or-
dinaii'e.
Dans l'obligation où nous sommes d'abréger notre long ouvrage, nous
nous contenterons d'indiquer un certain nombre de genres et d'espèces
d e Noctuéliens, sans les diviser didactiquement en familles.
'OPlilOEnES, Boisdiival. — Antennes assez longues, épaisses, cylindriques,
simples dans les deux sexes ; palpes très longs, ascendants, à troisième article
comprimé, de forme oblongue; spiritrompe assez courte, rigide, en forme de
tarière, pouvant tarauder les enveloppes les plus résistantes, procédant à la
fois pour sa structure de la lance barbelée, du foret et de la râpe ; corps robuste,
velu ; ailes épaisses, les supérieures aiguës au sommet, avec le bord interne
ordinairement sinué et éehancré ; ailes inférieures jaunes, avec des taches ou
bordures noires ; nervure sous-médiane des ailes supérieures très coudée, soudée
à l'interne qui est rudimentaire, et, sous cette dernière, une poche glanduleuse,
ovale-oblougue ; pattes fortes, de longueur moyenne, garnies de poils serrés.
— Chenilles à 14 pattes fonctionnelles «t corne sur le onzième anneau.
Les Ophidères sont des Noctuelles caractérisées d'une façon fort tran-
chée et en rapport avec des mœurs insolites et spéciales. €e sont de
belles espèces, presque toutes de grande taille, propres aux Indes orien-
tales, au sud de la Chine, aux îles Sondaïques, à la Nouvelle-Guinée, à
opniofeRBS, 579
l'Australie, à Madagascar, au Brésil, à la Colombie, à la Guyane hollan-
daise. Les couleurs et les formes des ailes sont très différentes dans les
deux sexes, et comme, d'autre part, les antennes et l'abdomen sont très
semblables, il y a là matière à établir fréquemment de fausses espèces,
si l'on n'a pas soin d'examiner de nombreux individus, chose souvent
difficile, car on rapporte assez rarement les Ophideres. Les milles, qui
ont les ailes supérieures entières, ont, en général, des femelles à ailes
subdentées, et, si elles sont subdentées chez les mâles, elles sont d'or-
dinaire dentées dans l'autre sexe. Les Ophideres présentent l'exemple
encore unique de Lépidoptères directement nuisibles à l'état adulte (1).
\]u.ii des principales productions de l'Australie consiste dans la récolte
des oranges; mais une quantité considérable de ces fruits se dessèche
chaque année sur l'arbre même et tombe flétrie, par une cause qui
était restée inconnue jusqu'à ces derniers temps. En examinant les
fruits gisant sur le sol, on s'aperçoit que la peau de l'orange est percée
d'une ou plusieurs petites ouvertures circulaires, et que le suc contenu
dans les cellules correspondant à ces trous a été aspiré, formant ainsi
un creux qui laisse un libre accès à l'air, ce qui fait que l'écorce se ride
et se déprime. En pressant des fruits encore sur la branche et qui
paraissent sains, on voit jaillir un petit filet de liquide, ce qui prouve
qu'ils ont été également percés et qu'ils vont tomber bientôt. Cette
cause de destruction prit, en 1875, les proportions d'un véritable fléau.
On était obligé de l'attribuer aux piqûres d'un animal. Chauve-souris
frugivore, ou plutôt d'un insecte adulte, cherchant à se nourrir du jus
de l'orange, car on ne retrouvait dans le fruit aucune trace de larve ni
de nymphe. En 1869, M. Thozet, botaniste français, établi à Rockhampton
(Australie), affirma que la destruction des orangeries était due à une
grosse Noctuelle appartenant au genre Ophideres. Il envoya notamment
une note en ce sens à la Société d'acclimatation, avec des exemplaires
des papillons maraudeurs. M. Thozet ne rencontra d'abord que des
incrédules, tant en Australie qu'en Europe ; on lui affirmait que les
Ophideres, comme les autres papillons, ne devaient avoir qu'une spiri-
trompe flexible, incapable de traverser la peau des fruits, et que, gi
réellement ils suçaient le jus des oranges, ce ne pouvait être que sur
des plaies déjà produites par la piqûre d'autres insectes. En 1871 et
1875, M. Thozet renouvela ses affirmations. Il suffit, disait-iL pour se
convaincre, d'examiner les orangers avec une lumière vers neuf heures
du soir. On ne tarde pas à apercevoir le^ voleur aérien grimpant sur
l'objet de ses convoitises. Si on place le flambeau derrière l'orange et
l'insecte, on peut l'examiner à son aise, car le glouton, avec sa trompe
fortement enfoncée dans le fruit, est trop occupé pour s'envoler, et il
est aisé de saisir le papillon avant qu'il ait eu le temps de retirer le
(1) Aimé Dufort, Un Lépidoptère à trompe perforante, ravageur des oranges
en Australie {Bull. Soc. d'acclim., numéro de juillet 1876).
580 LÉPIDOPTÈRES.
long tube avec lequel il suce le suc de l'orange. Si on lui ouvre l'ab-
domen avec un canif ou des ciseaux, on peut en extraire plusieurs
gouttes de jus d'orange. M. Thozet rapporte que, pendant toute la
saison, il tuait chaque soir une vingtaine d'Ophidères, que ces papil-
lons, dans son orangerie, n'attaquaient que rarement les mandarines
(oranges de Java), semblant préférer les oranges ordinaires, indiennes
ou européennes; mais il ne met pas en doute que, s'ils n'avaient pas
le choix, ils perforeraient les mandarines avec la môme avidité. Il y a
bien d'autres papillons plus petits, qu'on trouve presque toujours avec
rOphidère, mais qui ne viennent que pour boire le jus qui s'écoule
des fruits, après que les trous ont été perforés par le gros papillon.
M. J. Kunckel d'Herculais, convaincu que ces affirmations précises
avaient un fond de vérité, examina alors avec soin les trompes de
ÏO. Fullonica, Linn., de ÏO. Materna, Linn., de VO. Imperator, Boisd.,
de l'O. Salaminia, Cramer, et reconnut qu'elles sont rigides, nullement
spiralées ou en spiritrompes,mais en forme de véritables tarières, d'une
perfection encore inconnue, capables de transpercer la peau des fruits,
de tarauder même des enveloppes très résistantes et très épaisses, et
qui seraient d'excellents modèles pour des outils nouveaux, que l'in-
dustrie emploierait pour le forage des trous dans des matières diverses.
Cette tarière, procédant à la fois de la lame barbelée, du foret et de la
râpe, peut inciser, tarauder, arracher, tout en permettant aux liquides
de passer sans obstacle par le canal interne. Les deux mâchoires acco-
lées se terminent par une pointe triangulaire acérée, garnie de deux
barbelures latérales ; elles se renflent ensuite et présentent à la face
inférieure de la trompe trois portions de filet de vis, tandis que leurs
côtés et leur face supérieure sont revêtus d'épines, courtes, fortes, fai-
sant saillie au centre d'une dépression à bords durs et abruptes. Ces
épines ont pour objet de déchirer les cellules de la pulpe des oranges,
comme la râpe sert à ouvrir les cellules des betteraves, afin d'en faire
couler le jus sucré. La région supérieure de la trompe est couverte en
dessous et sur les côtés de stries fines et serrées, disposées en demi-
hélice, et qui lui donnent les qualités d'une lime. Les stries sont inter-
rompues, de distance en distance par de petites épines sans consistance,
servant probablement au papillon à percevoir des sensations tactiles.
L'orifice du canal par lequel montent les liquides est situé à la face
inférieure, au-dessous du premier filet de la vis.
Pendant que M. Thozet signalait les ravages de l'O. Fullonicn dans
les plantations d'orangers de Rockhampton, M. Trimen, au Cap de
Bonne-Espérance, faisait des constatations analogues {Annales and
Magas. of nat. history^ septembre 1869) sur des papillons faisant beau-
coup de mal aux pèches et aux prunes, en perçant la peau de ces fruits
sur des points qui n'ont subi aucune rupture. Il ne serait pas étonnant
qu'il ne s'agisse d'un Miniodes, Guenée, genre africain voisin des Ophi-
dères {M. Discolor, Guenée, de la côte de Guinée), et auquel cet auteur,
OPHIDÈRES. 581
à qui la sti-ucture de la tri)mpe est restée inconnue, assigne ce carac-
tère : trompe courte, mais robuste. Dans le numéro de mai 1874 du
Monthly microscopical Jowma/, M. Mac Intire publia un article sur les
insectes du Cap, en y joignant des dessins représentant leur trompe
perforante. liUe olîre une très grande similitude de structure avec celle
de VO. Fullonica, figurée par M. Kunckel (Comptes rendus de r Académie
des sciences, séance du 30 août 1875). Il résulte de ces faits que certains
Lépidoptères adultes sont réellement des insectes nuisibles, très redou-
tables même pour les vergers des régions tropicales. Il est probable que
les observations nouvelles nous renseigneront plus complètement sur
les chenilles et les chrysalides des Ophideres et genres voisins, afin de
pouvoir procéder sous leurs diverses formes à la destruction de ces
espèces. On sait que les chenilles des Ophideres ont la première paire
de pattes membraneuses atrophiée, ressemblant d'autre part à celles
des Deilephila, portant comme elles de grandes taches latérales ocel-
lées et une éminence sur le onzième anneau.
Guenée décrit dix-sept espèces du genre Ophideres, qui, malgré leur
grande taille et leurs belles couleurs, sont encore peu répandues dans
les collections. Une des plus grandes et anciennement connue est
l'O. Fullonica, Linn., des Indes orientales et de l'Australie, l'espèce de
M. Thozet. Les plus grands sujets ont jusqu'à 120 miUimètres d'enver-
gure et près de 50 de longueur du corps; les ailes supérieures, entières
chez le mâle, subdentées chez la femelle, marbrées en dessus de vert
eau-de-mer, de blanc, de noir et de brun, avec un triangle de trois
taches noires très irrégulières vers le milieu du bord externe et des
bandes peu marquées d'un gris cendré, vers le milieu et vers le bord
antérieur de l'aile; ailes inférieures d'un fauve vif, avec une grosse
lunule noir vers le milieu et une large bordure noire s'arrêtant avant
la lunule et remontant en petite sailUe, cette bordure noire frangée de
blanc entre les nervures; tète et thorax bruns; abdomen jaune orangé
en dessus et nankin en dessous; pattes postérieures et intermédiaires
armées de forts éperons. Le coloris varie tellement, non seulement
entre mâle et femelle, mais môme entre individus du même sexe,
qu'on pourrait croire à l'existence de plusieurs espèces distinctes. Une
très rare espèce de Madagascar est l'O. Imperator, Boisd., de 100 milli-
mètres d'envergure : mâle, ailes supérieures entières, d'un brun cho-
colat soyeux, avec le bord terminal d'un gris rosé fondu, strié de brun
et deux lignes du môme gris rosé, ombrées de brun, mal limitées,
allant du bord interne au sommet, l'espace médian nuancé de gris
rosé; ailes inférieures d'un fauve vif, avec une bordure noire, large,
entière, continue, projetant un rameau qui se lie avec une grosse tache
noire discoïdale arrondie, la frange coupée entièrement de noir et de
blanc jaunâtre; femelle (pi. xcvi, fig. 1), ailes supérieures mélangées de
griï violâtre luisant, de verdàtre et d'ocracé, fortement nuage et strié
de brun noir, sans lignes bien visibles, une tache irrégulière, allongée,
582 LÉPIDOPTÈRES.
d'un vert clair près de la base, la tache réniforme mal arrêtée, ver-
dâtre et mate, tranchant, sous certaines incidences de la lumière, sur
le luisant de l'espace médian; ailes inférieures dentées, de coloration
analogue à celles du mâle. Nous citerons encore, parmi les espèces les
moins rares, 0. Materna, Linn.,de Java et des Indes orientales, 0. Sala-
minia, Cramer, des Indes orientales et du sud de la Chine, ressemblant
à Fnllonica; plusieurs espèces du Brésil et de Colombie.
Les Érébides sont une famille de Noctuelles bien connues à l'état
parfait, car la taille gigantesque de certaines espèces semble en faire
les analogues des Oiseaux, et appelle sur elles l'attention des chasseurs,
de sorte qu'elles figurent dans la plupart des envois de papillons exo-
tiques. Ce sont des papillons de grande taille, à antennes minces,
longues et pubescentes, fi palpes très ascendants et à articles bien dis-
tincts, les yeux très gros et apparents, surtout dans les mâles, la spiri-
trompe forte, le thorax lisse et peu convexe, l'abdomen plus ou moins
allongé, se terminant toujours en pointe, les ailes larges, bien garnies
d'écaillés, le plus souvent dentées^ â lignes distinctes, à frange écail-
leuse bien fournie, les pattes fortes, rarement très velues, mais à épines
bien prononcées. Les chenilles ne sont connues que dans très peu d'es-
pèces, de sorte que nous devons nous gai-der de généraliser; celles qui
ont été observées sont cyllndroïdes, épaisses, à tête globuleuse, à sei«e
pattes égales; elles vivent cachées sous les feuilles et les débris, et
deviennent chrysalides dans des coques molles et peu serrées, placiée&
soit dans la terre même» soit près de sa surface parmi les broussailles.
Le plus grand nombre d'espèces provient des deux Amériques. Le genre
Erebus, Latr.) est actuellement restreint à une grande espèce de 136 mil-
limètres d'envergure dans les deux sexes, l'E. Odora, Linn., avec
^diverses variétés, très communes dans les collections, venant de la Gua-
deloupe, de la Jamaïque, des Guyanes et du Brésil, les ailes dentées,
concolores et à dessins communs aux deux paires, d'un brun de terre-
d'ombre, sablé de gris ocreux et teinté de lilas, surtout sur les bords,
âvec un feston terminal clair, et au-dessus une ligne noire subtermi-
Mle, et une bande médiane commune, dentée, d'un blanc lilas; les
liîles supérieures triangulaires, avec la tache réniforme ocellée, en
Ibfme de virgule, épaisse, noire, lisérée de fauve, et portant dans le bas
une ligne d'un blanc bleuâtre, qui forme, en remontant, un filet vitré
très étroit ; ailes inférieures très velues au bord abdominal, avec un
crin double, offrant, près de l'angle anal, une large tache palmée,
arrondie en haut, tridentée vers le bas, l'intérieur offrant toutes les
couleurs de l'acier recuit, avec un filet blanc contournant les sinus,
dont l'extérieur est rempli de noir; abdomen très court, très velu en
tlessus, conique dans les deux sexes; pattes glabres. Le papillon a les
ffioeurs de notre Mania Maura, c'est-à-dire fuit la lumière du jour,
«^applique contre les mura et les rochers dans les parties les plus abri-
tée, et pénètre jusque dans les maisons. Un g-enre voisin nous présente
THYSANIA, MAMA. 583
la plus grande Noctuelle connue, Thysania Agrippina, Cramer, syn. :
Strix, uuot., à tortLinn., par analogie avec une Chouette. Le papillon,
réellement gigantesque, le plus grand des papillons connus, assez fré-
quent dans les Guyanes, figuré à Surinam par Sibylle Mérian, atteint
de 2 à 3 décimètres d'envergure dans les deux sexes, qui sont pareils,
les ailes largement dentées, d'un blanc jaunâtre, avec de nombreuses
lignes noirâtres, communes aux deux ailes, dentées en zigzag, très rap-
prochées aux ailes inférieures, les taches ordinaires très visibles et
rapprochées, l'orbiculaire en anneau, la réniforme très grosse, irrégu-
lière, remplie de noii'àtre; dessous des quatre ailes d'un noir violet, avec
des séries de taches blanches, dont les terminales en figure de spatules,
alternant avec d'autres spatules noires, découpant les dents encore plus
profondément, les taches ordinaires des ailes supérieures noires, sur
un fond blanc, ainsi qu'une lunule sur les ailes inférieures; abdomen
blanc, zone de noir, avec l'extrémité anale fauve.
Parmi les genres européens, le genre Mania, Treitscke, a certaines
analogies avec les Érébides. Les papillons ont les antennes filiformes
dans les deux sexes, le thorax large, subcarré, convexe et velu, forte-
ment crête, l'abdomen un peu déprimé, caréné et terminé dans les
mâles par un bouquet de poils, élargi et coupé carément, les ailes assez
fortement dentées, à lignes et taches bien marquées. L'espèce type, de
toute la France, jamais bien commune, est une de nos grandes iNoc-
tuelles, M. Maura, Linn., la Maure d'Engramelle, de 70 millimètres
d'envergure, les deux sexes pareils, la femelle moins foncée, les quatre
ailes ayant le fond d'un gris brun foncé, les lignes médianes noires aux
ailes supérieures, l'espace terminal avec une grande tache d'un gris
blanchâtre à l'angle apical, la nervure médiane et les taches ordinaires
se dessinant en gris clair sur le fond, la frange précédée d'un feston
noirâtre, les ailes inférieures ayant une large bande terminale plus
foncée el la frange précédée d'une ligne ondulée noirâtre. On trouve
cette grande iNoctuelle en juillet et août, appliquée pendant le jour
dans les endroits les plus humides qu'elle peut trouver, comme les
entrées des grottes et des caves, les voûtes des ponts et des aqueducs,
les berges des rivières, ne s'éloignant jamais du voisinage de l'eau. La
chenille, à seize pattes égales, à tète petite et globuleuse, est rase, épaisse,
veloutée, les anneaux allant en grossissant de 1 à 11, celui-ci marqué
d'une arête; elle est noirâtre, rappelant la couleur du papillon, avec
des traits obscurs et des 'stigmates orangés; de mêmes goûts que
l'adulte, elle vit cachée sous les plantes pendant le jour, dans les val-
lées basses et humides, arrosées par quelque ruisseau, vivant en avril
et mai de diverses plantes basses, oseille, mouron, cynoglosse, etct, et
aussi de divers arbustes, tels que aulne, saule et surtout prunellier ;
la chrysalide, saupoudrée de bleuâtre, comme celle des Catocala,
est entourée d'une coque molle, légèrement enterrée à la surface
du sol.
584 LÉPIDOPTÈRES.
Les Ommatophorides sont des Noctuelles, de taille grande ou moyenne,
aisées à reconnaître, même pour les yeux les moins exercés, car les
ailes supérieures ont un grand dessin oculé qui rappelle les Attacions
et attire l'attention de prime abord. Cet œil, placé à l'extrémité de la
cellule discoïdale, occupe tout l'espace compris entre la sous-costalc et
la dernière nervule de la médiane, et est circonscrit, au moins d'un
côlé, par une ligne noire arquée, presque toujours entourée elle-
même d'une bordure ou iris plus clair que le fond; le dessin constitutil'
de l'œil est pirilorme, consistant en une partie renflée, du haut de
laquelle part une sorte de queue, diversement recourbée; ce dessin est
finement liséré de jaune à linlérieur, et extérieurement de petites
écailles fines, d'un bleu luisant et souvent métallique. Les aniennes, de
longueur moyenne, sont presque toujours filiformes dans les deux
sexes; il y a un toupet frontal, comme dans les Érébides, des yeux gros
et saillants, surtout chez les milles, des palpes très ascendants, la spiri-
trompe de grandeur moyenne. Le thorax est lisse, l'abdomen de lon-
gueur moyenne, renflé, cylindroïde ou conoïde, jamais aplati, parfois
velu en dessus, mais jamais crête. Les ailes sont larges, assez épaisses,
concolores et à dessins communs, à part le grand ocelle des ailes supé-
rieures, les lignes bien distinctes, les franges squameuses, bien four-
nies. Les Ommalophoridcs, de même que les Érébides, manquent en
Europe, et, jusqu'à présent, au nouveau continent. On rencontre leurs
espèces en Afrique, à Madagascar, aux îles Mascareignes, dans les Indes
orientales, aux îles Sondaiques et Philippines, en Australie, en Tas-
manie, en Chine, au Japon.
CTl>lGRAillM.%, Boisd. — Antennes longues, très minces, sélacées dans les
deux sexes; veux très gros dans les mâles, si rapprochés qu'ils réduisent le
toupet frontal à un espace linéaire; spirilrompe assez longue; palpes grêles et
ascendants ; corps très grêle, le thorax peu convexe, un peu oblong, l'abdomen
n'atteignant pas l'angle anal des ailes inférieures, conique, finissant en pointe
très aiguë chez le mâle, moins aiguë chez la femelle; ailes larges, peu ou
point déniées, les supérieures triangulaires, à œil bien complet, à côte très
mince dans toute sa longueur, sans aréole (caractère de Bombyx), les infé-
rieures un peu prolongées d;ins le sens du corps, à cellule discoïdale courte,
sous les qualre ailes un arc géminé, formé par deux lignes saillantes de poils,
plus foncés par le fond; pattes longues, grêles, non épineuses. — Chenilles et
chrysalides inconnues.
Le genre Cyliijramma est essentiellement d'Afrique, des côtes occi-
dentales et orientales de ce continent, de Madagascar, de l'île Maurice,
rare dans les collections, quoique certaines espèces soient ancienne-
ment connues. Il est naturel, à caractères tranchés, par la forme des
ailes surtout et la gracilité du corps; les ailes supérieures ont le bord
terminal presque droit, à peine sensiblement denté, les inférieures sont
CYLIGRAMMA, HOMOPTÉRIDES. 585
denticulées. Les supérieures ont à la base deux lignes noires angu-
leuses, le dessin piriforme de l'œil n'y est pas très net et supporte une
tache noire qui comble toute sa partie étroite ; une ligne centrale com-
mune aux quatre ailes, nullement ondée, souvent droite et blanche,
parfois un peu arquée et peu distincte, les traverse dans toute leur
étendue. Les femelles diflerent des mâles par des yeux moins gros, les
ailes inférieures plus arrondies, une couleur plus claire et les bandes
mieux exprimées, surtout en dessous. Nous représentons une espèce du
Sénégal,'/'. Limacina, Boisd.(pL xcvi, fig, 2), de 63 millimètres d'enver-
gure, le fond d'un brun assez foncé, les ailes ayant leur extrémité,
au delà du milieu, pâlie par une multitude de petits atomes gris; aile?
supérieures offrant, au milieu et contre la cOte, un grand œil, d'un
brun jaunâtre à reflets dorés, entouré de noirâtre, contenant deux
taches plus foncées, dont la supérieure d'un noir vif, bordée du côté
interne d'un fin liséré bleuâtre, la seconde plus vague, brune et en-
tourée, du côté externe et inférieur, d'une ligne sinueuse blanche;
entre cet œil et la base sont deux lignes transversales brunes et
sinueuses, qui se prolongent sur les ailes inférieures, celles-ci ayant au
milieu une ligne transversale arquée, d'un gris pâle, et les quatre ailes
présentant, dans la large bordure externe, des taches brunes arquées,
peu visibles.
La famille des Homoptérides présente des papillons chez lesquels,
par un caractère assez exceptionnel pour des Noctuelles, les quatre
ailes sont semblables de couleurs et de dessins. Ces couleurs sont
généralement peu brillantes, le brun de feuille sèche et le noirâtre y
jouant presque le seul rôle. Les dessins consistent dans les lignes ordi-
naires, et souvent quelques autres, accessoires; la ligne subterminale
est celle qui joue le principal rôle, formant, dans beaucoup d'espèces,
deux grands arcs qui se rejoignent au miheu du bord terminal et s'y
perdent dans une ombre vague. Les chenilles connues se rapprochent
beaucoup de celles des Catocales d'Europe; elles sont allongées, à tète
aplatie, à seize pattes, mais ayant la première paire de pattes membra-
neuses plus courte que les autres, ce qui les rend impropres à la pro-
gression, et fait que ces chenilles sont demi-arpenteuses.Le% chrysalides
sont arrondies antérieurement, aiguës postérieurement, le plus souvent
recouvertes d'une efflorescence violàtre ou bleuâtre. Si les deux pre-
miers états sont très analogues à ceux des Catocales, la ressemblance
s'arrête là, car les adultes du genre Catocala ont les ailes très dissem-
blables de dessins et de couleurs, les inférieures richement colorées.
Ceci est encore un exemple qui nous prouve que la nature n'a pas fait
de classifications, et que les classifications naturelles planes sont une
chimère, si l'on ne se contente pas de n'y voir que des approximations.
Les Homoptérides sont formés en majeure partie d'espèces américaines;
les autres espèces,- qui constituent un genre spécial, .f/«m«'s, (ùienée,
sont des Indes orientales et de Java, sauf une espèce d'Europe, très
586 LÉPIDOPltJîES.
rare, A. Albidens, Herr. Schœff., de Russie méridionale, et une autre
du Chili, région qui a des affinités fauniques avec l'Europe.
HOMOi>TKn.%, Bolscl. — Antennes assez longues, crénelées de cils fins et ver-
ticillés dans les mâles, simples, très courts et très écartés dans les femelles;
spjritrompe moyenne; palpes très ascendants; thorax large, subcarré, velu,
avec ptérygodes poilus et relevés ù l'extrémité en crête coupée carrément;
abdomen lirge, un peu aplati, avec une large crête aplatie sur le premier
anneau et de très petites sur les aimeaux suivants ; les quatre ailes concolores.
également chargées de dessins, un peu coudées au milieu du bord terminal;
pattes velues dans les mâles, avec les cuisses intermédiaires très grosses et très
garnies de poils serrés. — Chenilles à tète petite, rases, allongées, atténuées
antérieurement, munies d'une éminence bifide sur le onzième anneau, à seize
pattes, la première paire de pattes membraneuses plus courte et impropre à la
marche. — Chrysalides obtuses antérieurement, coniques et aiguës postérieu-
rement, couvertes d'une efflorescence d'un blanc bleuâtre ou violâtre.
Les Homoptera sont propres, en grande majorité, à l'Amérique sep-
tentrionale. Les femelles, un peu plus petites que les mâles, ont les
ailes un peu plus arrondies, mais n'en diffèrent pas pour les dessins. La
ressemblance de leurs chenilles avec celles des Catocala ne va pas au delà
des caractères indiqués; elles n'ont pas de franges latérales furfuracées,.
ni de saillie sur le huitième anneau ; indépendamment de l'atrophie de
la première paire de pattes membraneuses, qui force la chenille à boucler
en marchant le sixième anneau, les anneaux Zi etô sont presque toujours
courbés en arc, en sorte qu'on les dirait renflés sur le dos ; entin, un
caractère constaté sur les chenilles connues des Homoptera, c'est que
l'incision du cinqiriùme anneau est toujours occupée en grande partie
par un espace jaune ou fauve, précédé de deux taches ocellées ou
annulaires. Nous citerons une espèce dont le papillon est assez fréquent
en octobre dans l'Amérique septentrionale, l'H. Edusa, Drury, syn. :
Putrescens, G. Mén., de 50 à 55 millimètres d'envergure, les ailes d'un
brun de bois nuancé et strié de foncé, un point blanc à la partie infé-
rieure de la tache réniforme, qui est remplacée par un espace obscur,
tout l'espace terminal d'un blanc grisâtre ou bleuâtre aux quatre ailes,
formant aux ailes supérieures deux grandes lunules circonscrites par
les deux arcs que nous avons indiqués comme généraux aux ailes supé-
rieures des liomoptérides. Le dessous est d'un gris jaunâtre pâle, avec
quelques traces de lignes obliques. La chenille vit en août sur la Verge
d'or et probablement sur les chênes, et tile un léger cocon vers le
milieu de septembre. Il est vraisemblable qu'il y a une première géné-
ration prinlanière. La chenille, à toute sa taille (pi. xcvi, fig. o), est de
couleur de chair, avec toutes les lignes interrompues, festonnées, noi-
râtres, ainsi que les points trapézoïdaux et latéraux, et les deux émi-
nences du onzième anneau ; dans les incisions des quatrième et cin-
GATOCALA 587
quième anneaux, est une large tache orangée, et, sur le dos du quatrième,
on voit deux cercles noirâtres, qui renferment les trapézoïdaux; la tète
et les pattes sont concolores.
Le groupe exotique dont nous venons de parler nous amène à un
genre très intéressant par les belles Noctuelles, de taille grande et
moyenne qu'il renferme, et qui sont de notre faune et à pou près de
toute l'Europe.
CATOCA1..4, Schrank. — Antennes longues, grêles, pubeacentes dans les mâles,
sétacées dans les femelles; spiritronipe longue et forte; palpes ascendants,
connivenls, le second article épais et squameux, le troisième très distinct;
thorax convexe, squameux, subcarré, muni d'une crête courte et bifide entre
les plérygodes; abdomeu long, conique, crête ou velu en dessus et terminé par
un bouquet de poils rétréci dans les deux sexes; ailes larges, épaisses, les
supérieures à bord externe denticulé, à écailles pulvérulentes, grises, avec
lignes ondulées plus foncées, les inférieures denticulées, de couleurs bleues,
rouges ou jaunes (espèces européennes),, avec deux bandes noires et la frange
blanche; pattes longues, robustes, squameuses. — Chenilles à tète aplatie et
coupée obliquement, à seize pattes, la première paire de pattes membraneuses
raccourcie, allongées, atténuées aux deux extrémités, bombées en dessus, apla-
ties en dessous, garnies latéralement de petits filaments charnus et comme
écailleux, marquées sous le ventre d'une large tache noire par anneau. —
Clirj'salides renfermées dans de légères coques soyeuses et couvertes d'une
efflorescence bleuâtre, grise ou rosée.
Les Catocala constituent un genre très homogène dans la grande
tribu des Noctuéliens, chenilles et papillons ayant tous un air de famille
très reconnaissable, même pour les yeux les moins habitués à l'obser-
vatioQ entomologique. Les papillons des Catocales sont des Noctuelles
de taille généralement grande, parfois moyenne, dont les ailes supé-
rieures forment au repos un toit aplati et triangulaire, recouvrant com-
plètement les inférieures. Elles sont toujours grises, nuancées Çe\ et là
de blanc, de brun, de jaunâtre et de verdâtre, avec des atomes les uns
plus clairs, les autres plus foncés et des lignes ondulées noirâtres, cou-
leurs et dessins qui les ont fait appeler Likénées ou Lichénées par les
anciens auteurs, car ces papillons au repos se confondent pour la vue
avec les Lichens des troncs d'arbre, des rochers et des murailles, de
sorte qu'il arrive souvent qu'on les voit se reposer sur le tronc d'un
arbre, à quelques pas de distance, et qu'on ne peut les retrouver s'ils
ne font pas de mouvements; mais d'ordinaire, dès qu'on passe près
d'eux, ils prennent leur vol, même en plein jour, pour peu de temps,
car ils vont en général se poser à faible distance du point dont ils sont
partis; les vives nuances de leurs ailes inférieures les font alors très
aisément reconnaître. On trouve ces papillons à peu près partout, dans
les bois, dans les prairies plantées d'arbres, dans les jardins et jusque
588 LÉPIDOPTÈRES.
dans les maisons, où ils s'accrochent souvent aux murs ombragés et
sous les rebords des toils. Les ailes inférieures ont toujours une large
bordure noire, assez souvent interrompue vers les trois quarts de son
parcours, et reparaissant seulement en taclie noire à l'angle anal. Outre
cette bordure, une seconde bande noire plus étroite, partant du milieu
de l'aile, subit des inflexions qui varient selon les espèces; parfois cette
seconde bande noire manque absolument, parfois elle se réunit à la
couleur de la base, ne laissant qu'une bandelette rouge ou jaune au
milieu de l'aile, enfin toute l'aile inférieure peut être d'un noir de
velours uni {C. Lacrymosa et Epione, de l'Amérique septentrionale); la
couleur noire du fond est bleue, ou passe par toutes les nuances, soit
du rouge minium au rouge carmin le plus pur, soit du jaune serin à
l'orangé le plus foncé et au fauve ; aux vapeurs des acides chlorhydrique
ou azotique le rouge des ailes inférieures devient immédiatement jaune
(je l'ai bien vérifié pour C. Nupta), la couleur rouge reparaissant im-
médiatement par le gaz ammoniac, ou peu à peu, à mesure que le
gaz acide se dégage; c'est le même fait que pour les Euchélies, Chélo-
nies et Callimorphes rouges. Le dessous de toutes les ailes des Catocala
est invariablement d'une couleur claire, avec des bandes noires, même
chez celles à ailes inférieures entièrement noires en dessus, seulement
tantôt la couleur claire est la même que celle du dessus des ailes infé-
rieures, tantôt elle est remplacée par du blanc, qui est alors plus ou
moins lavé de rouge ou de jaune, dans le tiers ou la moitié interne de
laile inférieure. Les femelles des Catocales sont ordinairement un peu
plus nébuleuses que les mâles aux ailes supérieures. L'abdomen, dans
certaines espèces, se recouvre accidentellement d'une nuance d'un
beau rouge rosé; c'est sa couleur normale chez C. Pasta, rare espèce
du nord de l'Europe; on l'observe souvent dans C. Optata, et parfois
dans les C. Promissa et Electa.
Les chenilles des Catocala ne sont pas moins bien caractérisées que
les adultes. Elles vivent toutes sur les arbres, et leurs couleurs, ordi-
nairement marbrées de brun, de gris et de verdàtre, s'allient si parfai-
tement avec les Lichens et autres cryptogames qui croissent sur les
troncs, qu'il y a là une imitation défensive, l'accord des nuances les
dissimulant tout à fait lorsqu'elles sont blotties dans les crevasses de
l'écorce, où elles restent cachées pendant une grande partie du jour.
On a beaucoup de peine à les arracher de leurs retraites, les franges
latérales servant sans doute à compléter l'adhérence qui a lieu par les
crochets des pattes membraneuses. Ces chenilles sont demi-arpenteuses
et courbent légèrement leurs anneaux médians quand elles marchent.
On se tromperait grandement si l'on jugeait de leur activité par leur im-
mobilité habituelle : elles sont, au contraire, des plus vives, et, quand
on les touche, elles échappent souvent à la main, avec une agilité mer-
veilleuse, en exécutant des frétillements multipliés et de véritables sauts.
La croissance de ces chenilles est assez lente; elles se métamorphosent
CATOCALA. 589
dans un cocon h réseau peu serré, entouré de feuilles ou fixé dans une
crevasse d'écorcc, imprégné d'une poussière jaune ou grise sécrétée
par l'insecte; les chrysalides, très arrondies, de forme ordinaire, sont
couvertes d'une épaisse poussière bleuâtre, grise ou rosée.
Le genre Catocala est propre à l'hémisphère boréal et surtout à ses
régions tempérées et froides. On en trouve environ vingt-cinq espèces
en Europe, bien plus encore dans l'Amérique du Nord, et certaines en
Sibérie. Le genre paraît manquer en Afrique, dans l'Asie et l'Amérique
méridionales et en Australie.
Nous citerons seulement les principales espèces de France : C fraxini,
Linn., la Likénée bleue, de Geoffroy, the Clifden Nonpareil, de toute l'Eu-
rope centrale et boréale, aussi de l'Amérique du Nord, pareille aux sujets
européens, la plus grande des Noctuelles d'Europe, ayant parfois près
d'un décimètre d'envergure, la seule Catocale dont les ailes inférieures
soient bleues, jamais commune, l'adulte de la fin d'août au commence-
ment d'octobre, sur les troncs des peupliers et des trembles, aussi sous
les chaperons des murs; chenille d'un gris blanchâtre couleur d'asperge
vivant en juin et juillet des feuilles de peuplier et les abandonnant
volontiers, après sa dernière mue, pour celles du tremble. Le meilleur
moyen d'obtenir fraîche cette belle Noctuelle, toujours recherchée des
amateurs, est de capturer quelque femelle, de la piquer vivante et de
recueillir les œufs dont elle se débarrasse, et que l'on conserve l'hiver à
l'air libre; ils éclosent après l'apparition des feuilles de peuplier, et l'on
enferme les jeunes chenilles dans un sac de mousseline dans lequel on
a enfilé une branche feuillue; il faut bien surveiller ces jeunes che-
nilles, car elles aiment à s'échapper en faisant des sauts à la manière
des poissons; la chrysalide se forme au milieu de juillet; ce procédé
d'élevage s'applique à beaucoup d'autres Catocala, dont les œufs pas-
sent aussi l'hiver; C. Nupta, Linn., la Likénée rouge de Geoffroy, la
Déplacée d'Engramelle, la Mariée, the Red Underwing,la. plus commune
de nos Catocala, fréquente dans toute la France, de juillet à septembre
inclusivement, sur les troncs des arbres, les murs et clôtures; chenille
en mai et juin sur les trembles, les peupliers et les saules, d'un gris
cendré un peu jaunâtre, avec deux bandes irrégulières, ondées, inter-
rompues, plus ou moins visibles, souvent nulles, d'un gris plus foncé,
noirâtre ou verdâtre, la frange latérale d'un gris blanc, le ventre
bleuâtre, avec des taches noires; C. Sponsa, Linn., la Likénée rouge
d'Engramelle, the Dark Crimoon Underwing, de 65 millimètres d'enver-
gure, les ailes inférieures d'un rouge cramoisi, avec deux bandes noires,
la première sur le disque, de largeur inégale, en forme de M, la seconde
marginale, large à la côte, plus étroite à l'angle anal, suivant intérieu-
rement les contours de la première, la frange noirâtre, entrecoupée de
points blancs. Cette espèce, beaucoup plus rare que la précédente, ne
se trouve que dans les grandes forêts de chênes, appliquée au repos sur
le.s troncs de ces arbres. La chenille (pi. xcvi, fig. U) est grise et marbrée.
590 l.tPJDOPIÈKKS.
avec deux tubercules sur les huifit^me et onzième anneaux, et vit en
mai sur les chênes. Pour se la procurer, il faut battre fortement les bali-
veaux ou les branches des gros chênes, car elle ne descend pas sur
les troncs, comme les chenilles de Nupta et de Promissa. La chrysalide
(pi. xcvi, fig, 4,tf)se forme au commencement de juin, dans une coque
légère, filée entre les feuilles. Citons encore, parmi les espèces à ailes
inférieures rouges, C. Promissa, cat. de Vienne, la Promise, d'Engra-
melle, the IJght Crîmoon Underwing, mêmes localités et époques que
Spoma, de 56 ;i 60 millimètres d'envergure, les ailes inférieures d'un
rouge cramoisi, avec deux bandes noires, la première étroite, flexueuse,
non en M, en crocheta son extrémité inférieure, la seconde marginale,
sinuée intérieurement, non anguleuse, comme chez Sponsa; chenille
verte, marbrée de noir, à place noirâtre entre les huitième et neu-
vième anneaux, à rechercher en mai sur les troncs, entre les crevasses
des écorces de chêne. Il y a en France plusieurs Catocala à ailes infé-
rieures jaunes, principalement méridionales; celle qui remonte le plus
au nord, toujours rare, dans l'est jusqu'en Alsace, près de Paris dans
Seine-et-Marne (Kallou), dans l'Indre (Maurice Sand),dans l'Aube (Jour-
dheuille), etc., est C. Paramjmpha, Linn.,la Paranymphe d'EngrameUe,
de 52 millimètres d'envergure, les ailes inférieures d'un jaune fauve,
avec deux bandes noires, celle du disque formant un anneau allongé,
celle du bord terminal fortement échancrèe k l'angle externe et inter-
rompue avant l'angle anal, la frange d'un jaune pâle, chargée dans son
milieu de cinq lunules obscures; papillon en juillet et août, chenille
en mai sur le prunellier (Prunus spinosa).
Dans la revue rapide que nous ferons des autres Noctuelles, nous
indiquerons surtout les espèces dont les chenilles sont nuisibles aux
champs, aux forêts, aux jardins.
Les auteurs systématiques placent naturellement en tête des Noc-
tuelles des groupes de papillons qui établissent un passage avec les
Bombyciens. Tels sont d'abord les Cymatophorides que les Allemands
mettent dans les Bombyciens, à la suite des Xotodontides. En réalité,
les adultes se rapprochent beaucoup des Noctuelles par les dessins des
ailes, tandis que les chenilles à seize pattes ont un aspect et surtout
des mœurs très voisines de celles des Clostera. Ce sont les Noctuo-
Bombycides de Boisduval. Le genre Thyathyra, Ochsenh., ofl're des
papillons à antennes simples, à spiritrompe assez courte, à thorax velu,
crête et comme boursouflé, à ailes entières, ornées de dessins très
élégants; les chenilles, qui vivent sur les Ronces, relèvent leur partie
postérieure comme celles des Notodontes; à citer : T. Derasa, Linn., la
Ratissée d'iùigramelle, T. Bâtis, Linn., la Noctuelle Bâtis d'Olivier.
Dans le genre Cymatophora, Treitscke, les papillons ont les antennes
épaisses et veloutées, la spiritrompe courte, les palpes grêles, le corps
laineux, les ailes entières, à lignes nombreuses; les chenilles sont rases,
à peau fine et plissce, sans éminences, aplaties en dessous, à seize
NOCTUÉLIENS. 591
pattes développées, et à tète grosse; elles vivent renfermées entre des
feuilles. Ex. : C Flavicornis, Linn., la Flavicorne, Engr., la Bisulfurée,
Devillers, the Yelloïc Horned des entomologistes anglais, dans les bois,
sur les troncs, en mars et avril; chenille jaunâtre, à points blancs
et tête fauve, en mai, renfermée entre deux feuilles de bouleau;
C. Ridens, Fabr., la Tête rouge, Engr., la Noctuelle moqueuse, Oliv., the
Frosted Green, en avril et mai sur les troncs, dans les bois de chêne ;
chenille en juin sur le chêne, entre deux feuilles, surtout sur les vieux
arbres; elle est jaune, ponctuée de blanc, à tête fauve, et s'élève assez
facilement. Les Bryophilides forment une famille bien tranchée, dont
\ui seul genre européen, Bryophila,'lv., ù papillons de petite taille, avec
les antennes simples, la spirilrompe courte et grêle, l'abdomen crête.
Les chenilles sont cylindroïdes, courtes et rases, à points trapézoïdaux
luisants et verruqueux ; elles habitent toutes les vieux murs et le tronc
des arbres couverts de Lichens, dont elles font leur unique nourriture.
Les plus microscopiques de ces plantes semblent être celles qui leur
conviennent le mieux; quelquefois elles mangent des Lepra et des
Imbricaria si peu appax*entes, qu'on croirait voir la chenille rongeant
la pierre elle-même: il faut chercher ces chenilles le soir, très tard, ou
de grand matin, car elles se cachent pendant le jour dans des trous
qu'elles bouchent avec un opeixule de soie, et ne mangent que quand
la rosée a ramolli et humecté les Lichens; les chrysalides ù peau fine,
parfois efflorescentes, ne sont pas enterrées, mais contenues dans des
cocons de soie mêlée de débris de Lichens, ou dans des creux couverts
de Lichens et qu'elles tapissent intérieurement de fils de soie. Deux
espèces communes, se trouvant dans les villages et les villes, sont
B. Glandifera, cat. de Vienne, la Noctuelle du Lichen d'Olivier, the Mar-
bled Green des Anglais, de 28 millimètres d'envergure, les ailes supé-
rieures d'un vert grisiltre pAle, avec dessins ondulés noirs, en juillet et
août, très commun autour de Paris, sur les murailles, les ponts, les
rochers, volant le soir aux lumières; chenille d'un gris noir, avec ligne
dorsale et traits blancs, en mai sur les Lichens des pierres; B. Perla,
cat. de Vienne, la Noctuelle Perle d'Olivier, the Marbled Beaufy, de
25 millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un blanc un peu
jaunâtre ou bleuâtre, avec les lignes ordinaires noirâtres, onduleuses et
dentelées, espèce commune en juillet dans toute la France, dans l'inté-
rieur des villes, attirée par les lumières des appartements, des illumi-
nations, etc., se trouvant abondamment au haut de la flèche de la
cathédrale de Strasbourg, etc., le papillon souvent appliqué contre les
murs, les quais, les parapets des ponts; chenille grise, à bande dorsale
orangée, marquée de points noirs, en mai et juin, sur les Lichens des
murs et des pierres exposées au soleil. Les Bombyco'ides, Boisd., ou
Acronyctides, Guenée, ont les antennes courtes ou moyennes; la spiri-
trompe grêle et courte, les palpes courts et velus, le thorax arrondi,
velu ou laineux, les ailes épaisses et pulvérulentes, en toit assez aigu
592 LÉPIDOPTÈRES.
dans le repos; chenilles ressemblant à celles des Bombyx, à seize palte
égales, épaisses, cylindroïdes, les trapézoïdaux verruqueux, plus ou
moins garnis de poils verlicillés, vivant à découvert sur les arbres ou
les plantes basses; les chrysalides non enterrées, courtes, obtuses, ren-
fermées dans des cocons filés entre les branches ou les mousses. Le
genre Diphthera, Ochs., offre des papillons à ailes supérieures de cou-
leurs vives, avec de jolis dessins hiéroglyphiques noirs, le thorax uni,
l'abdomen crête, les chenilles ressemblant à celles des Liparis. Ex. :
D. Orlun, Esper, VAvriliére d'Engramelle, assez fréquent dans les bois
de chênes en mai et juin, les ailes supérieures d'un très beau vert à
dessins noirs; chenille à larges taches dorsales jaunes, avec les verrues
rousses, vivant sur le chêne en août et septembre. Il y a des espèces de
l'Amérique du Nord et des Indes, non moins jolies que les nôtres. Dans
le genre Acronycta, Ochs., les antennes sont assez courtes et filiformes
dans les deux sexes, la spiritrompe longue, l'aspect des papillons bom-
byciforme, avec les pattes courtes, l'abdomen épais et velu, long, obtus
au bout dans les deux sexes, les ailes supérieures grises, à dessins noirs,
nuageux, à frange entrecoupée, les ailes inférieures peu développées.
Ce genre est abondant en espèces et habile tout le globe. Nous citerons
A. aceris, Linn., Y Omicron- ardoisé, Engr., la Noctuelle de rérable, Oliv.,
the Sycamore, dans les promenades, jardins et bois, de ZiO milUmètres
d'envergure, les ailes supérieures d'un gris noirâtre ou blanchâtre, avec
les dessins et lignes ordinaires noirâtres; belle chenille, commune en
juillet et août, jaune, avec de longs pinceaux de poils mêlés de rose et
des taches blanches dorsales, sur l'érable, l'orme, le tilleul, et princi-
palement le marronnier d'Inde, dépouillant parfois de toutes leurs
feuilles les jeunes plantations de cet arbre, et réduites, faute de nour-
riture, à courir à terre de tous côtés; secouer vigoureusement chaque
sujet et écraser les chenilles qui en tombent; se chrysalide en août
sous quelque abri ou dans un trou de mur, dans un léger cocon mêlé
des poils de la chenille; chrysalide hivernant et papillon l'année sui-
vante; A. Psi, Engr., ihe Gray Dagger, en mai et juin, bois, jardins,
boulevards, haies, envergure 36 millimètres, ailes supérieures d'un
gris plus ou moins blanchâtre, avec plusieurs lignes noires, dont deux
simulant par croisement avec une nervure la lettre grecque psi (T) ;
chenille portant une pyramide noire sur le quatrième anneau, à bande
dorsale d'un jaune citron, en juillet sur l'aubépine, le prunellier, l'orme,
les arbres fruitiers; A. Tridens, cat. de V., le Trident, Engr., the Dark
Dayger, espèce ressemblant beaucoup à la précédente pour le papillon,
avec des sortes de tridents noirs sur les ailes supérieures, dont le fond
est d'un gris vineux ou rougeàtre ; chenille noire, à dessins rouges et
blancs, eu août et septembre sur le saule, l'aubépine, le poirier, l'orme,
le prunellier, l'églantier, la ronce, etc., passant l'hiver en chrysalide,
qui produit le papillon en mai et juin.
Vient ensuite le groupe des Noctuelles proprement dites (Genuinœ de
NOCTUÉLIENS. 593
Guenée), qui comprend la très grande majorité des espèces de notre
pays. Les papillons ont les palpes bien développés, le corps robuste, les
ailes supérieures épaisses; les chenilles sont rases, jamais arpenteuses
à leur entier développement, à seize pattes bien complètes, sans émr-
nences; elles ne vivent jamais en familles. Les Leucanides offrent des
papillons dont l'abdomen est lisse, les ailes souvent de couleurs pâles,
avec les lignes et les taches peu distinctes; c'est une famille tr^s nom-
breuse et d'aspect analogue dans tous les pays de la terre. Les chenilles
sont rases, lisses, peu colorées, se nourrissant surtout de Graminées et
de Gypéracées; la plupart vivent à découvert sur ces plantes; d'autres
se renferment dans l'intérieur des tiges. Dans le genre Leucania, Ochs.,
proprement dit, les antennes sont courtes et pubescentes, les palpes
épais, velus, serrés contre la tète, la spiritrompe longue, le thorax lisse
et subcarré, l'abdomen court, les ailes de couleurs ternes, souvent pâles,
les supérieures entières, avec les lignes et les taches rarement bien
distinctes, l'abdomen lisse, terminé carrément dans les mâles, en pointe
obtuse chez les femelles. Ge genre offre beaucoup d'espèces et se trouve
répandu partout, comme les plantes gui le nourrissent; certains mâles
ont un bouquet de poils noirs sous l'abdomen, et en outre le dessous
des ailes inférieures luisant et comme argenté; chez certaines espèces
exotiques, cette couleur devient tout à fait métallique et d'un éclat
extraordinaire. Les chenilles sont très difficiles à distinguer entre elles;
elle ont la tète subglobuleuse et un peu rétractile, sont cylindroïdes et
parées de nombreuses lignes longitudinales de diverses nuances, vivant
à l'air libre, rarement dans la tige des plantes, mais se cachant pendant
le jour, soit entre les touffes des Graminées, soit sous les feuilles
sèches; elles se métamorphosent le plus souvent sur la terre, entre les
chaumes, parfois dans une coque légère, et les chrysalides sont lisses
et luisantes. Parmi les espèces les plus répandues en France, il faut
citer L. Albipuncta, cat. de V., le Point blanc, Lngr., manquant en
Angleterre, espèce commune en France, de juin à septembre, fréquente
sur les bruyères, dans les prairies et les jardins, 'àk millimètres d'en-
vergure, les ailes supérieures d'un gris très ferrugineux, avec un poin
blanc se fondant par le haut dans une lunule claire, qui forme avec lui
la tache réniforme; chenille d'un gris carné, à lignes fines, sur toutes
les Graminées en mars, avril et mai, très facile à élever, se récolte en
secouant les feuilles sèches à la nappe ou au parapluie, en février et
mars, ainsi que celle de beaucoup d'autres Noctuelles, car elle vit
cachée pendant le jous; L. Pallens, Linn., la Blême, Engr., the Common
Wainscot des Anglais, 32 millimètres d'envergure, les ailes supérieures
d'un ocracé roussàtre pâle, en jgénéral avec trois petits points noirs ^i
triangle, commune partout en juin, puis en septembre; chenille d'un
gris jaunâtre, à incisions carnées et stigmates noirs, sur les Graminées
des prairies et clairières des bois, sur les avoines, aussi sur les luzernes,
en mars, puis à la fin de juillet, cachée au pied des plantes pendant le
GIRARD. ni. — 38
5M LÉPIDOPTËKliS.
jour; L. Obsoleta, Hnbner, le Crochet blanc, lùigram., thoObscure Wainscot,
3/i millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un gris jaunAtre et
striées de brun entre les nervures, avec un point blanc au bout de la
cellule disco'idale, et deux lignes transverses de points noirs, en juin
dans les prés humides, reparaissant en septembre dansl'ladre (Maurice
Sand); chenille d'un gris jaunâtre, avec des lignes fines, vivant en mai
sur VArundo phraginites, dont elle mange les feuilles, et une seconde
génération en août et septembre; celle-là se réfugie pendant le jour
dans les tiges coupées des roseaux, qu'elle remplit de ses excréments
rerdâtres; elle y passe l'hiver entre deux planchers de soie mêlée d'ex-
créments, s'y décolore et y devient chrysalide seulement au printemps.
Une Leucanie fort importante, d'une distribution géographique des
plus étendues, est L. Unijmncta, Haworth (Lepiduptera Britannica, 1810),
syn. : Extranea, Guenée, espèce trouvée plusieurs fois en Angleterre,
sans doute par importation, et qu'il est très à désirer qu'on ne rencontre
pas en France. Klle est indiquée comme très commune dans l'Amé-
rique septentrionale, le Brésil, la Colombie, etc., et une variété sans
point blanc se trouve aux Indes orientales, à Java, en Australie et à la
Nouvelle-Zélande. Les ailes supérieures du papillon sont très aiguës au
sommet, d'un gris plus où moins rousscitre, parfois blanchâtre, couleur
faon, plus ou moins fortement sablées d'atomes noirs; les deux taches
ordinaires se détachent dans la cellule en couleur claire, plus ou moins
lavée de roussâtre, et sous la réniforme est un point blanc, vaguement
entouré* de noirâtre, et d'où vient le nom spécifique de Haworth. La
chenille est d'une couleur générale brun noirâtre; il existe sur le dos
une large raie centrale foncée, puis, de chaque côté, une étroite ligne
noire, puis une étroite ligne blanche, puis une raie jaune, puis une
étroite ligne blanche subobsolète, puis une raie jaune et enfin une
raie blanche subobsolète, le ventre étant d'un vert obscur. La chry-
salide, qui se forme sur le sol, est d'une brillante couleur d'un brun
acajou, avec deux épines dures convergentes à l'extrémité, terminées
chacune par un crochet bouclé. Cette espèce est célèbre par les désastres
■qu'elle cause dans les régions du nord de l'Amérique septentrionale,
dans la Nouvelle-Angleterre et le sud du Canada, et, d'après M. Charles
Riley, constitue l'insecte le plus nuisible de ce pays, après les Acridiens
•migrateurs des montagnes Rocheuses. Les chenilles ont reçu le nom de
■Ver de l'armée (Army Worni), ou mieux Ver en armée, car elles par-
courent le sol par troupes énormes, et s'avancent à la façon d'une
armée dévastatrice, dévorant en moins d'une semaine foules les Grami-
nées, prairies, blé, avoine, seigle, orge et sorgho, laissant les champs
nus après leur passage, comblant de leurs cadavres amoncelés les
■tranchées profondes dont on essaye en vain d'entourer les champs,
■tombant dans les puits dont elles corrompent l'eau, pénétrant dans les
maisons, où elles grimpent dans les armoires et les huches. La popula-
tion souffre parfois beaucoup de leurs ravages, et de véritables famines
NOCTUÉLIENS. Sid$
en seraient la conséquence si elles ne respectaient les pommes de terre
■et divers légumes. Les apparitions du Ver de l'armée sont aussi sou-
daines et mystérieures que son départ; il dure parfois plusieurs années
de suite, bien que d'ordinaire il ne se manifeste qu'à intervalles irré-
guliers et souvent éloignés d'un grand nombre d'années. C'est en 17/i3
que les fermiers américains ont commencé à signaler les déprédations
du Ver de l'armée, mais ce n'est qu'à partir de 1861, année de grands
désastres, qu'il a été connu et déterminé entomologiquement. On con-
sultera à cet égard : €h. Riley, On the Noxious, bénéficiai, and other
Insects of the State of Missouri, Jefferson city, 1876, p. 22 à 57, avec fig.
A côté des Leucanies se place le genre iVoria^r/a, Treitscke, dont les
papillons sont peu brillants par les couleurs et par les dessins; les
femelles ont l'abdomen long et pesant, ce qui fait qu'elles ne volent que
■fort peu. Ces insectes habitent de préférence les régions septentrionales
de l'Europe et de l'Amérique, où abondent les marais, et sont très com-
muns dans certains pays. Les mâles voltigent au crépuscule, entre les
roseaux, dans les lieux humides; ils sont beaucoup plus petits que les
femelles, et, d'ordinaire, plus vivement colorés, avec l'abdomen ter-
miné par un pinceau de poils écartés. Les chenilles des Nonagries sont
plus intéressantes que les adultes. Plus longues que celles des Leuca-
nia, plus molles, plus ridées et moins consistantes, elles offrent les
lignes ordinaires peu marquées, sont assez souvent, mais pas toujours,
décolorées et comme vermiformes, -sauf la présence des pattes, qui
restent très apparentes. Les points trapézoïdaux sont bien saillants,
verruqueux, luisants, comme cornés, surmontés d'un poil bien visible
les plaques du cou et de l'anus larges, luisantes, cornées, tranchant
■souvent avec la couleur pâle du corps. Ces chenilles se nourrissent de
plantes aquatiques ou marécageuses, Cypéracées, Joncées, Typhacées
•et Graminées; mais, tandis que la plupart des autres chenilles atta-
quent les feuilles des végétaux, celles-ci sont endophytes pendant toute
leur vie, rongeant exclusivement le centre de la tige. Au sortir de l'œuf
les petites chenilles vivent ordinairement sur une même tioe. au
sommet, où la partie à perforer est plus en rapport avec la faiblesse de
leurs mandibules, mais elles ne tardent pas à se séparer et à habiter,
en général, des tiges distinctes. La chenille s'enfonce en perçant une
tige, souvent de bas en haut, et y creusant un long tuyau vertical, bou-
chant le trou d'entrée avec des rognures et remplissant de ses excré-
ments la partie vidée; dans les roseaux le tuyau descend souvent jus-
qu'à la partie submergée, au-dessous de la surface de l'eau. Si la plante
est une Graminée, et qu'un nœud vienne arrêter la chenille, sans
•qu'elle puisse parvenir à le percer, elle pratique une ouverture circu-
laire par laquelle elle sort, et recommence son opération, soit au-dessus
•du nœud, soit sur une tige voisine. En effet, lorsqu'une première tige
ne suffit pas à la croissance des chenilles de Nonagries, elles passent à
une seconde, et ainsi de suite jusqu'à leur nymphose, qui s'opère dane
596 LÉPIDOPTÈRES.
la lige même où elles ont passé tout ou partie de leur vie. Elles se con-
struisent alors une coque peu apparente, formée des détritus intérieurs
de la plante réunis par quelques fils de soie, et protégée, en dessus et
en dessous, par un double coussinet de débris fortement pressés les uns
sur les autres. La chrysalide est très oblongue, surtout à la partie abdo-
minale très allongée et obtuse à rextrémilé, qui est garnie de crochets
assez nombreux, mais dépourvue de ces rangs circulaires d'épines, qui,
dans les chrysalides de Sésies et de Gossiens, servent à hisser la chrysa-
lide jusqu'au trou de sortie pour l'éclosion du papillon ; ici la chrysalide
demeure à sa place dans la tige, quand sort le papillon. La chrysalide
est toujours située dans une position verticale; sa tète, indistinctement
tournée en haut ou en bas, est placée vis-à-vis un trou ovale, assez
grand, pratiqué dans les parois de la lige par la chenille, et recouvert
seulement par une mince pellicule d'épiderme, ménagée par elle dans
son travail, de sorte que le papillon n'aura qu'une résistance facile à
vaincre, lorsqu'il voudra sortir de sa retraite. Quelques auteurs ont pré-
tendu qu'une tige n'était jamais habitée que par une seule chenille.
M. Constant a vérifié plusieurs fois l'inexactitude de cette assertion, car
il lui est arrivé de trouver jusqu'à cinq chrysalides dans la même tige
de Typha. Nous citerons seulement deux espèces de N'onagries : N. Gemi-
nipuncta, Hatchel, syn . : Paludicola, Hubner, the Twin-spotted Wainscot,
environ 30 millimètres, le» ailes supérieures d'un fauve testacé ou fer-
rugineux, plus ou moins lavé de brun, avec le milieu marqué d'un
point blanc entouré de noirâtre, avec les lignes ordinaires presque tou-
jours obsolètes; la chenille, blanchâtre, à points trapézoïdaux noirs,
parvient à toute sa taille dans les premiers jours de juillet, et vit dans
les tiges du roseau à balais {Arundo phragmites), qui croît au bord des
fossés et dans les lieux humides; on reconnaît sa présence dans une
tige à l'aspect mort ou flétri que présente le sommet; papillon dans les
premiers jours d'août, nord, ouest et centre de la France, environs de
Paris; N. typhœ, Esper, the Bullrush des Anglais, ZiO millimètres d'en-
vergure chez le mâle, hS chez la femelle, ailes supérieures d'un brun
marron clair, avec les nervures blanches, les taches ordinaires un peu
plus claires, lisérées de noir, se rejoignant par le bas, la réniforme
seule bien marquée; en septembre, volant très peu, mêmes localités
que l'espèce précédente; chenille très longue, vermiforme, décolorée,
en juin et juillet, surtout dans les tiges de Typha latifolia, aussi quel-
quefois dans celles des Typha intermedia et angustifolia; la meilleure
manière d'obtenir le papillon est de prendre la chrysalide dans les tiges
de massettes, dans les derniers jours de juillet et les premiers jours
d'août; on choisit celles qui ont un aspect languissant et dont une partie
des feuilles est morte, on les coupe par le pied et l'on voit si leur inté-
rieur offre le tuyau cylindrique de la chenille; il ne reste plus qu'à les
emporter et à attendre l'éclosion du papillon, que les amateurs ne se
procurent pas autrement. Le genre Gortyna, Ochs., présente les adultes
NOCTUÉLIENS. 597
avec les palpes courts et ascendants, l'abdomen allongé, les ailes supé-
rieures avec toutes les lignes et taches bien marquées, même la clavi-
forme; les chenilles vivent dans l'intérieur des tiges, à la manière des
Nonagries. L'espèce la plus répandue, toutefois assez rare, existant aux
environs de Paris, est G. Flavago, cat. de V., the Frostcd Orange, des
alentours des fermes, près des bois, en août et septembre; envergure,
38 à [\0 millimètres, ailes supérieures d'un beau jaune d'or, sablé de
brun rouge, avec deux larges bandes d'un brun pourpré, les lignes
ordinaires et nervures d'un rouge brun, les trois taches ordinaires un
peu plus claires, bien nettes et cerclées de brun, l'orbiculaire circulaire,
la réniforme grande et à centre roux; ailes inférieures d'un fauve pâle,
avec une lunule, une ligne, puis une bande noirâtres; tête et thorax
d'un rouge brun, ce dernier relevé en crête. La chenille vermiforme,
grise et rougeâtre, avec des tubercules noirs, vit, en juin et juillet, dans
l'intérieur des tiges du sureau, de l'yèble, de la bardane, du bouillon-
blanc, etc., et aussi du Cirsium palustre. Une race, découverte par
M.Goossens, habite les tiges d'une autre Carduacée, l'artichaut cultivé,
et compte parmi les insectes nuisibles. Le fond des ailes supérieures est
d'un jaune beaucoup plus clair, avec les trois taches peu visibles, les
ailes inférieures, grises ou blanches, sans dessins. La chenille, pareille
à celle du type, vit dans l'intérieur de la tige de l'artichaut. On la
trouve surtout dans les artichauts d'Algérie, qui fournissent exclusive-
ment les halles de Paris, de février jusqu'à la fin d'avril, et la plante
répand bientôt une odeur infecte, due aux déjections de la chenille _
C'est en septembre et octobre qu'éclôt le papillon : Flavago, var. Cyna-
rœa, Goossens. Une autre Noctuelle, à chenille endophyte, cause des
ravages dans le midi de la France, dans les champs de maïs, e(, aussi,
paraît-il, de sorgho. C'est le Sesamia Nonagrioides, Lefebvre, dont la
chenille, médiocrement allongée, à tête petite, de couleurs ternes, à
trapézo'idaux non verruqueux, à plaques cornées distinctes, vit dans
l'intérieur des tiges, ainsi que les chrysalides, la tète en bas, souvent
deux ou trois dans la mc'me tige de mais, le papillon sortant par un
trou pratiqué sur le côlé; deux ou trois générations se succèdent dans
la même saison, ce qui explique les dommages produits par cette espèce.
Les Apamides nous offrent des papillons à antennes crénelées ou
ciliées, avec les palpes assez courts, l'abdomen long, les ailes à dessins
bien marqués, avec la ligne subterminale brisée et suivie de foncé. Le
genre Apamea, Ochs. , présente des papillons de moyenne taille, à thorax
velu, mêlé d'écailles, avec crête bifide derrière le collier, l'abdomen
long, crête, terminé carrément chez les mâles. Ces papillons sont de
couleur sombre, mais à dessins très nets, avec les taches ordinaires
bien marquées, souvent blanches ou jaunes; ils sont très vifs et volent
au crépuscule avec une grande ardeur; les deux sexes ne difl'èrent pas
entre eux. Les chenilles de ce genre, généralement de couleurs grises
ou sales, à peau épaisse et luisante, sont courtes et raides, avec les
598 LÉPIDOPTÈRES.
plaques cornées bien développées et les trapézoïdaux noirs. Elles virent
principalement sur les Graminées et les familles voisines, dont elles
mangent les racines et les feuilles basses, se cachent avec soin pendant
le jour et se retirent même dans les chaumes et les tiges coupées; mais,
de même que Leucania Obsoleta, elles ne sont pas réellement endo-
phytes, ne cherchant dans ces tiges qu'un abri et non une nourriture ;
enfin elles se chrysalident toujours hors de ces tiges et n'y font pas
d'ouvertures particulières. Une espèce très commune partout à la fin
de mai et en juin, et qu'on cherchera autour des granges dans les-
quelles on a rentré du blé en gerbes, est VA. Basilinea, cat. de V.,
iO millimètres d'envergure ; ailes supérieures d'un gris ferrugineux,
avec les taches ordinaires jaunâtres, et une ligne noire basilaire par-
tant du thorax et trois petits points blancs vers l'angle apical de la côte ;
ailes inférieures d'un gris obscur. La chenille est dangereuse pour
l'agriculture, occasionnant parfois de véritables dégâts dans les fro-
ments. Elle éclôt par petites familles^ sur un seul épi, et les petites
chenilles percent les grains, pour se nourrir de la farine, qui commence
â cette époque à se solidifier; tout l'intérieur est rongé, l'enveloppe du
grain et les glumes restant intacts. Quand la chenille est trop grosse
pour qu'un grain de blé puisse la contenir, elle se fourre entre les
glumes ou les barbes des épis, et on l'y distingue difficilement, vu
l'analogie de couleur, et la moisson arrive quand elle est dans cet état.
Elle se laisse envelopper alors dans les gerbes, et, si l'on examine l'aire
de la grange au moment où l'on décharge ces dernières, on voit se pro-
mener par centaines des vers sortis des fétus, et qui sont les chenilles
d'il. Basilinea, qu'il est inutile de chercher à détruire alors, ses dégâts
étant accomplis, et qui était si bien cachée en sa jeunesse, dans les épis
en formation, qu'on ne pouvait la découvrir. Les chenilles qui restent
dans les chaumes s'engourdissent en hiver, enveloppées dans une coque
sommairement construite. Le printemps arrivé, elles changent de ma-
nière de vivre et se portent sur les racines et les feuilles basses; elles
grossissent et prennent alors la livrée des Aparnea, car jusqu'alors elles
ressemblaient à des Leucania ou à déjeunes Dianthœcia. Enfin, en mars,
elles s'enfoncent définitivement en terre pour se chrysalider, et donner
à la fin du printemps un papillon qui pondra sur les épis. Le genre
Mamestra, Ochs,, offre des papillons à antennes simples, à spiritrompe
moyenne, à palpes courts et épais, les ailes épaisses, squameuses et
nébuleuses, avec les taches et lignes distinctes, les pattes robustes, à
jambes velues, le thorax convexe et subcarré, velu, mêlé d'écaillés,
l'abdomen assez long, robuste, plus ou moins caréné et velu latérale-
ment, crête dans les deux sexes au moins sur le premier segment, le
mâle et la femelle pareils. Les chenilles, allongées et rases, sont de
couleurs livides et vivent cachées sous les plantes basses; les chrysa-
lides sont renfermées dans des coques de terre et enterrées. Les espèces
de Mamestra, assez nombreuses, sont répandues sur une grande partie
«OCTLÉLIENS. 599
du globe. La plus importante est M. bmssicœ, Linn., la Brassicaire, Engr.,
the Cabbage Moth, de liO à à5 millimètres d'envergure, d'un brun plus
ou moins nuancé de jaunâtre, avec lignes trc^s sinueuses et taches bien
marquées, la réniformc bordée de blanc, la claviforme bordée de noir,
les ailes inférieures d'un gris enfumé, avec une lunule discoïdale
brune, espèce commune partout de mai en août; chenille grise, verte
ou noirâtre, avec la stigmatale d'un jaune clair et des li'aits dorsaux,
vivant sur beaucoup de plantes potagères, principalement sur les
choux, se partageant avec Triphœna Prunuba, une partie de nos plantes
maraîchères. C'est une ennemie acharnée des jardiniers, qui l'appel-
lent y'er de cœur, car elle pénètre jusqu'au fond de la pomme des choux,
où on la trouve souvent au nombre de quatre à cinq individus, sans
que rien paraisse au dehors. La destruction de cette chenille est très
difficile, sinon impossible; en effet, elle ne vit jamais en société, même
dans sa jeunesse, et ne signale pas sa présence par des toiles ou des
agglomérations de feuilles. Les injectigns de suie, de chaux, de cendre
ne l'atteignent guère de sa retraite, salissent les choux et altèrent leur
saveur; les poulet; savent mieux la trouver; mais leur présence a bien
des inconvénients dans les potagers. Le plus simple est d'écraser une à
une les chenilles à mesure qu'on les rencontre; mais beaucoup échap-
pent aux investigations. Le genre voisin Xylophasia, .Stephens, d'Eu-
rope et d'Amérique du Nord, est net et facile à reconnaître. Les papil-
lons ont les ailes oblongues, denticulées, à dessins longitudinaux,
l'abdomen long et crête; les chenilles sont luisantes, vermiformes, à
points tuberculeux, et vivent de racines. Ex. : X. Polyodon, Linn., la
Monofihjphe, Engr., papillon assez commun partout en juin et juillet,
bois, jardins^ cours, murailles des lieux habités, troncs d'arbres, etc.;
chenille grasse, vermiforme, luisante, grise, à trapézoïdaux noirs, gros
et luisants, vivant on avril et mai de racines d'herbes et se cachant
sous les pierres.
La famille des Noctuides est nombreuse et habite toute la terre, les
espèces exotiques très semblables aux nôtres. Elle ofl're beaucoup d'es-
pèces nuisibles, et même presque toutes sont nuisibles à cause du tra-
vail souterrain des chenilles. Ce sont elles dont les jardiniers trouvent
les chrysalides en bêchant la terre, et il est à propos de les écraser ou
de les donner aux volailles qui en sont très friandes. Les papillons ont
les antennes pectinées ou ciliées, les pattes robustes, à jambes anté-
rieures épineuses, l'abdomen jamais crèté, les ailes lisses ou luisantes,
les supérieures oblongues, recouvrant les inférieures au repos et sou-
vent même croisées et disposées en toit très aplati. Les chenilles, géné-
ralement de couleurs ternes et souvent translucides, vivent cachées
pendant le jour, soit dans la terre, soit entre les racines des plantes.
Elles ne filent pas de cocons et s'enterrent en général pour se chrysa-
lider. Un genre mal délimité, à très nombreuses espèces, répandues
surtout en Europe et en Amérique, est celui des Âgrotis, Ochs. Les
600 LÉPIDOPTÈRES.
papillons ont un toupet frontal, la spiritrompe assez longue et le collier
du thorax redressé, les pattes longues, à éperons prononcés, servant à
l'insecte à sortir de terre à l'éclosion, l'abdomen plus ou moins dé-
primé, lisse, velu latéralement chez les mâles, les ailes supérieures
oblongues, épaisses, lissées et souvent luisantes, avec les lignes et
taches distinctes, les ailes inférieures assez développées, souvent irisées
ou demi-hyalines; au repos elles sont plissées et entièrement recou-
vertes par les supérieures, qui se croisent même en partie et donnent
à l'insecte une forme allongée; chenilles allongées, cylindriques,
épaisses, à plaques cornées distinctes, parfois livides et à trapézoïdaux
luisants et pilifères, parfois glabres, avec des lignes distinctes et les
trapézoïdaux de la couleur du fond; elles vivent toujours cachées près
des racines des plantes basses, parfois même parmi ces racines et
enfoncées en terre; chrysalides enterrées. Berce décrit cinquante-sept
espèces d'Agrotis de France, avec de nombreuses variétés, ce qui montre
la difficulté de l'étude de ce genre. 11 y a deux espèces malfaisantes
qu'on doit envelopper dans la même léprobation. Leurs chenilles sont
connues sous le nom de Vers gris par les cultivateurs et les jardiniers;
elles se ressemblent extrêmement, vivent très cachées et enterrées, et
dévorent indistinctement toutes les racines dans les champs et les jar-
dins, causant, sur une plus petite échelle, des dégâts analogues à ceux
des larves de Hannetons, dont elles ont la manière de \ivre ; on les ren-
contre très fréquemment, ainsi que leurs chrysalides, en bêchant ou
en labourant. L'A. Clavis, Hufnagel, syn. : Segehrm, cat. de V., la Tes-
tacée et la AJoissojmeiise d'Engramclle, the Common Dart des Anglais,
ZiO à Zi2 millimètres d'envergure, un peu plus chez la femelle, les
antennes du mâle subpectinées jusqu'à la moitié, puis filiformes, la
couleur des ailes supérieures très variable, d'un gris roussâtre plus ou
moins toncé et légèrement réticulé de brun, les taches ordinaires bor-
dées de noir, les ailes inférieures blanches avec une ligne terminale
noirâtre; femelle à antennes filiformes, avec une coloration notable-
ment plus foncée, parfois même noire aux ailes supérieures, les ailes
inférieures rembrunies; très répandu de mai à septembre dans toute
l'Europe, aussi des Indes orientales et du Cap de Bonne-Espérance;
chenille grise, à. trapézoïdaux luisants, vivant dans la terre à la racine
de toutes les plantes, en avril, mai, juin. Celle chenille cause parfois
des dommages considérables dans les cultures de betteraves du nord
de la France, au point de compromettre gravement la sucrerie indi-
gène; elle ronge et creuse les racines, n'allant parfois sur les feuilles
que la nuit. M. E. Blanchard a conseillé de tasser la terre très fortement
autour des betteraves, surtout pour empêcher les papillons de sorlir
des chrysalides enterrées; on pourrait essayer des solutions insecti-
cides de sulfocarbonate de potasse. Dans les jardins, celle chenille
attaque les racines de turneps, de dahlias, de balsamines, de reines-
marguerites, etc. L'A. Exclamationis, Linn., la Double lâche, Engr., the
NOCTUÉLIENS. ()01
Heart and Dart, environ /|0 millimètres d'envergure, antennes faible-
ment pectinées chez le mâle, filiformes chez la femelle, ailes supé-
rieures d"un gris plus ou moins foncé ou d'un gris roussàtre, la tache
réniforme grande et brune, l'orbiculaire circulaire et de la couleur du
fond, la claviforme allongée, toujours d'un noir profond; ailes infé-
rieures blanches ; femelle plus brune, avec les lignes géminées et
mieux dessinées, ainsi que les taches, les ailes inférieures d'un gris
bleuâtre, avec l'extrémité plus obscure et la frange blanche. L'espèce
est très commune dans toute l'Europe et se retrouve au Canada, sans
aucune modification; bois, prairies, champs et surtout jardins, où le
papillon est encore plus abondant que le précédent, et vole pendant
presque toute l'année volontiers en plein jour. La chenille, très sem-
blable à la précédente, vit, comme elle, au printemps et en automne,
rongeant les racines de turneps, de raves, de choux, des colzas, des
oeillets, des reines-marguerites, des laitues, des chicorées, des scaroles,
des artichauts, etc. L'A. Aquilina, cat. de V,, the Streaked Dart, a une
chenille voisine des précédentes et vivant de même; le papillon se
trouve en France, en juillet et août, sur les haies, dans les champs et
jardins, très commun par certaines années, très rare dans d'autres. La
chenille cause parfois beaucoup de dégâts dans les vignes, près de
Vienne, en Autriche, en dévorant les feuilles et les bourgeons.
Le genre Triphœna, Ochs., présente les antennes déliées, brièvement
pubescentes chez le mSle, filiformes chez la femelle; le thorax est lisse
et arrondi, à collier étroit, l'abdomen déprimé, terminé par une brosse
de poils coupée carrément dans les deux sexes; les ailes supérieures
sont étroites, allongées, se croisent mutuellement par leur bord interne
dans l'état de repos, et presque parallèlement au plan de position,
l'insecte ayant alors une forme trèsallongée, lesailesinlérieures sonttrès
développées, jaunes, avec une large bordure d'un noir velouté; chenilles
épaisses, cylindroïdes, renflées postérieurement, à lignes distinctes sur-
montées de taches noires et deux taches cunéiformes sur le onzième
anneau; elles vivent presque toujours sur les plantes basses et ne s'en-
terrent pas, comme celles de certains Agrotis, se cachant seulement
pendant le jour sous les pierres, les feuilles, les débris; chrysalides
enterrées. Les deux sexes dill'èrent à peine l'un de l'autre et sont sou-
vent très difficiles à distinguer. Une espèce très commune ptirtout, du
milieu de juin à octobre, souvent grande, de 55 à 60 millimètres d'en-
vergure, est T. Pronuba, Linn., la Fiancée, Engr. , the large Yeilow
L'nderwing, abdomen d'un gris jaunâtre, avec une tache noire sur le
dernier segment dans les mâles; ailes supérieures d'un brun mêlé de
gris jaunâtre, parfois d'un brun foncé, parfois d'un jaune d'ocre testacé,
les lignes et la tache orbiculaire d'un gris jaunâtre, la tache réniforme
grande, plus sombre que le fond et bordée de clair, les ailes inférieures
d'un jaune ocreux, avec le bord antérieur noirâtre et une bordure
assez large, sinuée intérieurement et dentelée extérieurement, d'un
602 LÉPIJJOPTLUtS.
noir vif; vole par échappées pendant le jour et s'abat dans les brous-
sailles, si abondant dans certains bois qu'on en voit voler presque à
chaque pas, et aussi dans les jardins; chenille épaisse, verte, grise ou
noirâtre, à lignes noires interrompues, éclosant en automne, passant
l'hiver, a toute sa {aille en mais et avril, très polyphage, attaquant
toutes les plantes basses des bois et jardins, un fléau de ces derniers,
où elle ronge le collet, le cœur et les feuilles radicales de tous le&
légumes, principalement laitues, oseille, épinards, choux; d'hiver, choux-
fleurs, etc. Ces chenilles mangent beaucoup, comme le prouve leur
corps gonflé et dont la peau semble tendue; écraser avec soin papillons,
chenilles et chrysalides, qui sont celles que les jardiniers trouvent le
plus souvent en bêchant les plates-bandes et les carrés de légumes; le
papillon a les pattes très longues et robustes, surtout les postérieures,
pour émerger hors du sol quand il sort de sa chrysalide enterrée. Plus
nuisible encore est T. Coines, Hubner, syn. : Orbona, Fabr., tha lesser
Yellow Underwing, espèce de taille moindre que la précédente, le
papillon ayant de Z|2 à UQ millimètres d'envergure, le thorax de la cou-
leur des ailes supérieures, l'abdomen d'un gris jaunâtre; ailes supé
rieures ayant diverses variétés de coloration {Connuba, Prosequa, Adse-
qua), d'un jaune feuille-morte, ou d'un gris jaunâtre, souvent teinté de
verdàtre, surtout à la base et le long de la côte, les lignes ordinaires
brunes, les taches ordinaires bordées de gris clair, les ailes inférieures
jaunes, avec une bordure marginale noire, sinuée, assez étroite, une
lunule centrale et les nervures vers le bord antérieur, noirâtres ; pa-
pillon commun partout de juin à septembre, entrant souvent dans les
maisons et se cachant dans les feuillures des volets et les interstices des
portes; chenilles hivernantes, grises, avec la bande latérale et les che-
vrons dorsaux foncés, très polyphages, en avril et mai, très aisées à
élever; outre les légumes, elles attaquent encore les arbres fruitiers,
dont elles dévorent pendant la nuit les bourgeons naissants. Celles qui
ont choisi cette nourriture habitent principalement les espaliers, car
elles trouvent dans les crevasses des murailles une retraite facile pen-
dant le jour. M. Constant dit qu'il lui est arrivé d'en trouver souvent
une trentaine sur un même arbre, en les cherchant à la lanterne. Dans
les jardins, cette chenille est nuisible aux primevères, oreilles-d'ours,
juliennes, giroflées, etc.; écraser l'insecte à tous ses états. Une espèce
très voisine, mais beaucoup moins commune, surtout dans les régions
non calcaires, est T. Subsequa, cat. de V., syn. : Orbonu, Ikiliiagel, la
Suivante, Engr., ressemblant beaucoup à Cornes et de même taille,
mais les ailes supérieures plus étroites et toujours marquées de deux
points apicaux noirs; chenille en avril et mai sur les Graminées et quel-
quefois sur les plantes basses, dans les bois secs, se cachant sous les
pierres; papillon en juin et juillet. Nous citerons encore, pour leur
beauté et leur élégance, les T. Fiinbria, Linn., la Frangée, Engr., des
bois, à la fin de juin, chenille en mars et avril, sur les primevères, et
NOCTUÉLIENS. 60S
T. Janthina, cat. de. V., le Casque, Engr., des bois, haies, charmilles, en
juin, juillet, août, parfois octobre, volant avec une grande rapidité
quand il est dérangé, surtout vers cinq heures du soir, se cachant
volontiers dans les touffes de lierre; chenille nocturne, comme toutes
celles du genre, vivant en murs et avril dans les haies, au sommet des-
quelles elle monte parfois le soir, se nourrissant des feuilles des
Rumex, et surtout du gouet ou pied-de-veau {Arum maculatum), dans
les feuilles duquel elle fait des trous orbiculaires qui révèlent sa pré-
sence ; pendant le jour elle se cache au pied de la plante ou sous les
feuilles environnantes; on la trouve aussi dans les jardins sur les prime-
vères. Les amateurs relèvent très aisément en captivité, avec toutes
sortes de plantes basses.
Les Orthosides habitent toutes les régions de l'Europe et les parties
tempérées du nouveau monde. On reconnaît les papillons à leurs palpes
grêles et incombants et à la tache réniforme, dont la partie inférieure
est presque toujours salie de noirâtre ; les antennes sont pubescentes
ou ciliées dans les mâles, garnies de cils isolés dans les femelles, la spi-
ritrompe courte ou moyenne, l'abdomen souvent déprimé, les pattes
moyennes, rarement épineuses, les ailes entières, plus ou moins aiguës
au sommet, les lignes et taches ordinaires bien marquées. Les che-
nilles, à seize pattes égales, cylindroïdes, veloutées, bien colorées, sans
tubercules ni éminences, vivent des feuilles des arbres ou des plantes
basses, et se tiennent cachées ou abritées pendant le jour. Les chry-
salides sont lisses et luisantes, cylindrico-coniques, à peau généralement
fine, et sont renfermées dans des coques ovoïdes, lâches, composées de
soie et de terre et enfouies dans le sol. Le genre Trachca, Ochs., syn. :
Panolis, Hubner, ne présente jusqu'ici qu'une espèce, que Fabricius
prenait pour un Bombyx, à cause de la tête petite et cachée, de la briè-
veté extrême des palpes, de l'épaisse vestiture du thorax et de l'abdo-
men; mais la spiritrompe, distincte quoique courte, le port et le dessin
des ailes, et surtout la chenille et la chrysalide, font de l'insecte une
Noctuelle. Le papillon, de 32 à o5 millimètres d'envergure, est le
T. Pmiperda, Panzer, la Pityphage, Engr., the Pine Beauty des auteurs
anglais; c'est en efTet une belle Noctuelle, ayant dans les deux sexes
les ailes supérieures d'un rouge de tuile vif, avec les nervures d'un gris
blanc, et quelques nuances olivâtres ou ocreuses sur l'espace médian
et l'espace terminal; les taches ordinaires sont très, nettes, blanches,
salies d'olivâtre intérieurement, les ailes inférieures dun noirâtre uni,
avec la frange claire, le thorax rouge mêlé de blanc; en mars et avril
dans les bois de pins et aussi de sapins, se prend aisément en battant les
branches sur un drap ou sur le parapluie, butine volontiers sur les
chatons des saules; Vosges, Bourgogne, Auvergne, assez commun à
Fontainebleau; une variété offre la couleur rouge remplacée par du
gris verdâtre, couleur à peine marquée sur les taches; plus rare que
le type, sauf dans le nord de l'Europe, en Dalécarhe et en Laponie. La
604 LÉPIDOPTÈRES.
chenille, très jolie, est d'un vert vif et foncé, avec les lignes dorsales et
sous-doi'sales blanches, larges et continues et la stigmatale d'un rouge
ferrugineux, la tète et les pattes écailleuses rousses; en mai et juin sur
les pins et sapins, auxquels elle cause parfois de grands dommages en
Allemagne ; plus rare et non sensiblement nuisible en France. Le genre
typique Orthosia, Treilscke, a des chenilles vivant sur les arbres et
aussi sur les plantes basses; les papillons n'éclosent qu'au début de
l'automne et se prolongent jusqu'en novembre, et cette époque d'éclo-
sion fait qu'on ne les rencontre guère que sur les fleurs de lierre, sou-
vent en grande quantité; le genre voisin Tœfiiocampa, Guenée, ofl're au
contraire des papillons qui éclosent au début du printemps, de sorte
qu'ils butinent sur les chatons des saules à fleurs très printanières, et
qu'on les fait tomber en battant les arbres à la mailloche; ils ont le
corps velu, un peu bombyciforme, la trompe courte et les antennes
ordinairement subpectinées. Les chenilles, bien colorées, de teintes
claires et à lignes et dessins très nets, dépouillent en mai de leurs pre-
mières feuilles les arbres et arbrisseaux des bois et les arbres fruitiers
des vergers. A citer les espèces les plus communes, dont les chenilles
deviendraient très nuisibles, si leur vie à découvert ne les rendait la
proie de nombreux ennemis : T. Cruda, cat. de V., ?,^i\.. : Amhigua,
Hubner, la Petite, tngr., ihe Small Quaker, ayant la plus petite taille des
Tœniocampa, la femelle munie d'un oviscapte rétractile, la chenille
d'un noir violàtre ou verte, à lignes blanches, sur les chênes en juin et
juillet, devenant parfois un fléau pour ces arbres; T. Miniosa, cat.
de V., la Gracieuse, lingr., tJie Blossoin Undencing, la chenille d'un gris
bleu, à larges lignes jaunes ou fauves, en juin, souvent très commune
sur les chênes et en nombreuses familles dans sa jeunesse; T. Stabilis,
cat. de V., Y Ambiguë, Kngr., the Commun Quaker, la chenille très com-
mune sur tous les- arbres, en juin et juillet, d'un vert jaunâtre, à atomes
et lignes jaunes, avec un trait transversal; D. Inccrta, Hufnagel, syn. :
Instabilis, cat. de V., l'Inconstante, Lngr., dont le papillon, qui éclùt
souvent dès le milieu de février, a des variétés presque innombrables;
chenille verte, à lignes blanches, sans trait transversal, commune en
juin, juillet, août, sur le chêne, l'orme, le peuplier, etc. Le genre Sco-
pelosoma, Curtis, mérite d'être indiqué pour son espèce, 6'. Satellitia,
Linn.jla Satellite, Engr., commune en octobre dans les bois, les jar-
dins, les avenues d'ormes, etc., ZiO millimètres d'envergure, le thorax
crête, à collier saillant et caréné, l'abdomen lisse, très déprimé et velu
latéralement, les ailes supérieures très oblongues et fortement feston-
nées, d'un brun roux ou d'un fauve roux, avec quelques teintes vio-
lâtres, les lit;nes ordinaires fines et noires, la tache réniforme seule
visible, formée d'un gros point blanc, au-dessus et au-dessous duquel
on en voit deux autres très petits, ces points quelquefois d'un jaune
rougeâtre ou safrané; ailes inférieures d'un gris noirâtre uni, avec la
frange claire. L'intérêt de cette espèce est dans sa chenille, noire, à
^ocTlJÉLIE^s. 605
taches latérales blanches, vivant dans sa jeunesse entre les samarres
des ormes, ou renfermée entre des feuilles sur le chêne, l'aubépine, la
ronce, etc., et de plantes basses quand elle est parvenue à tout son déve-
loppement; on la trouve, le plus communément, au pied des ormes,
entre les feuilles sèches et les broussailles. Elle est très vorace et en
captivité dévore les autres chenilles, sans épargner celles deson espèce.
Viennent ensuite des Noctuelles qui se reconnaissent aisément à leurs
ailes supérieures formant un toit très incliné dans le repos, et dont la
couleur du fond est toujours fauve ou jaune, avec les lignes ondulées
et taches de couleur grisâtre. Citons : Hoporina Croceago, cat. de V., la
Safranée, Kngr., the Orange Upperioing, le fond des ailes supérieures
d'un fauve rougeàtre saupoudre de ferrugineux, en septembre et oc-
tobre dans les bois de chênes, l'adulte hivernant et reparaissant en mars
et avril. A cette époque, où l'on trouve le papillon butinant au soleil sur
les chatons des saules, on le fait souvent tomber, par les temps cou-
verts, en battant les jeunes chênes qui ont conservé leurs feuilles
sèches; chenille fauve, à chevrons bruns, épaisse, non atténuée, à
onzième anneau saillant, en mai et juin sur le chêne. Le genre Xan-
thia, Ochs., habitant toutes les régions tempérées ou froides, doit son
nom à la coloration jaune du fond des ailes supérieures. Les chenilles
des Xanthies sont épaisses, courtes, à tête le plus souvent fauve; elles
vivent, dans leur premier Tige, parmi les chatons ou les samarres de
certains arbres, saules, peupliers, cliênes, ormes; elles rongent d'abord
l'axe et les étamines des fleurs. Puis, lorsque les chatons se dessèchent
et tombent avec les chenilles qu'ils renferment, celles-ci, qui, à cette
époque, ont atteint à peu près le tiers de leur croissance, abandonnent
ce genre de vie, se dispersent autour de l'arbre, et se nourrissent des
plantes basses qu'elles trouvent à leur portée. Le moyen le plus simple
de se les procurer consiste donc à recueillir les chatons de ces arbres
au moment où ils se détachent, avant que la chenille les ait abandon-
nés. Elles se métamorphosent dans une coque assez solide, enfoncée
dans la terre, et l'insecte parfait éclôt dans la seconde moitié de l'été.
Les espèces les plus répandues sont : A'. Citrago, Linn., la Citronelle,
Engr., the Orange Salloir, les ailes supérieures d'un jaune citron fine-
ment sablé de rouge ferrugineux, les ailes inférieures d'un jaune très
pâle, ainsi que la frange et l'abdomen; en septembre, dans les allées
de tilleuls; chenille vivant, par exception, en mai, entre les feuilles de
tilleul qu'elle crible de trous; X. Fulvago, Linn., syn. : Cerago, cat.
de V., la Sulphurée, Engr., the Sallow, espèce commune dans tous les
lieux où croît le saule marsault; papillon en juillet et août; chenille
d'un brun violâtre, à ventre clair, dans les chatons du saule marsault, en
mars et avril; X. Aurago^ cat. de V., V Eblouissante, Engr., the Barred
Sallow, le fond des ailes supérieures d'un jaune d'or, les lignes et
taches d'un brun rouge, ainsi que les espaces basilaire et terminal;
papillon d'août à octobre, commun dans le Nord et en Auvergne, où il
606 LÈPlDOl'TiiUtS.
vole le soir en grand nombre à la cinae des hêtres; chenille grise, à
lignes noirâtres, en mai sur le hêtre, entre les feuilles qu'elle lie
ensemble par quelques fils de soie, ce qui la rend très difficile à trouver ;
X. Gilvago, Esper., la Cirée, Engr., le fond des ailes supérieures d'un
jaune fauve, le papillon trt's commun en septembre et octobre dans
tous les lieux plantés d'ormes; chenille roussâtre, à chevrons obscurs,
en mai dans les samarres des ormes, puis, à tout son développement,
dans les plantes basses, en juin; à rechercher alors, entre les feuilles
sèches et les broussailles, partout où il y a des ormes en massifs ou en
allées.
Les Cosraides nous présentent des papillons à tête petite, ayant des
formes assez élégantes, une taille ordinairement au-dessous de la
moyenne, l'abdomen court et conique, les femelles pareilles aux mâles,
tantôt munies d'un oviscapte saillant (Tethea, Ochs., Euperia, Guenée,
Dmjcla, Guenée), tantôt dépourvues (Cosmia, Ochs.), les ailes lisses et
soyeuses, à dessins bien marqués; ils volent avec vivacité au coucher
du soleil. Les chenilles sont allongées, de couleurs vives, plus ou moins
aplaties en dessous, à tête globuleuse, à écusson du prothorax luisant;
elles vivent, surtout celles des Cosmia, renfermées entre les !euilles des
arbres, qu'elles relient par des fils de soie. Le genre Cosmia, Ochs.,
syn. : Cahjmnia, Hubner, a les antennes filiformes dans les deux sexes,
le thorax gros, lisse et globuleux, la spiritrompe courte. Les chenilles
sont fusilbrmes, molles, ridées, à trapézoïdaux saillants. Elles sont
toutes carnassières (et c'est ce qui nous fait citer les Cosmides), surtout
celles de l'espèce type, C. Trapezina. En liberté ces chenilles dévorent
les chenilles plus faibles qu'elles, et si l'on renferme dans la boîte de
récolte des chenilles de la même espèce de Cosmies, elles se font entre
elles une guerre à outrance, au point qu'on n'en rencontre quelquefois
pas 11 ne seule intacte. Ce détail de mœurs est bon à rappeler aux jeunes
amateurs pour certaines chenilles de Noctuelles, qu'il est important
d'isoler, comme lorsque l'on chasse aux Araignées. Les chrysalides sont
eftlorescentes, renfermées dans un cocon très léger placé entre les
feuilles ou sur le sol. Le C. Trapezina, Linn., le Trapèze, Engr., the Dun
Bar des Anglais, a 32 millimètres d'envergure, les ailes supérieures de
couleur très variable, ordinairement d'un gris chamois, souvent fauve
et allant quelquefois jusqu'au brun carmélite, l'espace médian toujours
plus foncé, limité par des lignes qui forment un trapèze, les taches
ordinaires marquées en clair, la réniforme ayant un point noirâtre à
sa partie inférieure, les ailes inférieures de la couleur des supérieures,
lavées de noirâtre, à frange d'un jaune clair. Ce papillon est très com-
mun dans tous les bois en juillet. La chenille est verte, à trapézoïdaux
noirs entourés de blanc, vivant en mai sur tous les arbres forestiers,
surtout sur le chêne. Il y a deux très jolies Cosmies, que l'on trouve
en juillet dans tous les lieux plantés d'ormes, sur les troncs des ormes,
les barrit'res, les clôtures, etc. L'une est C. Diffmis, Linn., the White-
NOCrOÉLÏENS. 607
spotted Pinion, de 32 millimètres, les ailes supérieures d'un brun rouge,
rosé aux bords, avec quatre taches d'un blanc mat à la côte, situées à
l'origine des lignes ordinaires, qui sont roses ou d'un rouge clair, les
deux médianes formant une sorte de trapèze, comme chez les autres
espèces du genre; il y a deux points noirs à l'angle apical; ailes
inférieures d'un brun foncé, à frange fauve; chenille verte, à tète
noire, renfermée en mai et juin dans un paquet de feuilles d'orme.
L'autre espèce a une chenille verte, à tête verte, vivant à la façon de
la précédente, aux mêmes époques, sur l'orme. Le papillon de cette
C. Af finis, Linn., the leaser-spotted Pinion, est plus petit, de 28 milli-
mètres d'envergure seulement, mais très analogue, les ailes supérieures
d'un brun marron, avec deux points noirs au sommet, les taches blan-
ches de la côte plus petites, souvent nulles, les lignes ordinaires blan-
ches et non rougeàtres, l'orbiculaire avec un et la réniforme avec deux
points noirâtres; ailes inférieures noires, à frange jaune; chenille et
papillon tous deux plus communs que pour Diffinis.
Les Hadénides constituent une immense famille de Noctuelles, qui
habite toute la terre, à toutes les latitudes et altitudes, surtout dans les
contrées tempérées et froides de l'Europe et de l'Amérique, et dont on
•découvre tous les jours de nouvelles espèces. Les papillons ont les
antennes de longueur moyenne, rarement ciliées dans les mâles, les
palpes courts et droits, le thorax plus ou moins carré et crèté, ainsi
que l'abdomen, les pattes de longueur moyenne, les ailes supérieures
épaisses, marquées des lignes et taches ordinaires, la ligne subtermi-
nale jamais complètement droite et souvent brisée en g dans son
milieu; au repos elles recouvrent les inférieures en toit très incliné.
Ces papillons volent au crépuscule et s'accrochent pendant le jour au
tronc des arbres ou aux murs de clôture. Les chenilles sont allongées,
bien cylindroïdes, lisses, non luisantes et sans trapézoïdaux saillants,
ayant parfois le onzième anneau relevé; elles sont généralement de
couleurs assez vives et avec les dessins bien marqués, se tenant à
■découvert ou simplement abritées sous les feuilles des arbres ou des
plantes basses. Elles vivent généralement pendant le cours de la belle
saison; quelques-unes pourtant passent l'hiver. Toutes s'enfoncent en
terre pour se chrysalider, et rarement elles prennent la peine de con-
struire une coque avec de la soie; une cavité ovoïde, lissée en dedans
et facile à briser au moindre contact, suffit pour les contenir. Ces chry-
salides sont luisantes et non efflorescentes.
Le genre Dianthœcia, Boisd., forme un genre très naturel de jolies
Noctuelles, h dessins aussi délicats que leurs couleurs sont vivement
tranchées, à ailes supérieures festonnées, à dessins marbrés, les infé-
rieures avec une tache claire à l'angle anal, l'abdomen caréné et crèté
à sa base, et muni chez les femelles d'un oviscapte dont la saillie varie
suivant les espèces, et qui est destiné à pondre dans les fleurs des
Caryophy liées, les fruits capsuleux de celles-ci formant la nourriture
608 LÉPIDOPTÈRES.
des chenilles, de sorte que partout où croissent, dans les régions tem-
pérées des deux hémisphères, les plantes des genres Silène, Lyclmis,
Dianthus, Saponaria, etc., on trouve des Dianthécies, les espèces parti-
culières de ces genres ayant môme souvent leurs Noctuelles correspon-
dantes. Les œufs sont déposés par les femelles soit sur les boutons de
Caryophyllées, soit sur la corolle des fleurs, soit sur l'extrémité du
calice, et donnent leurs chenillettes au bout d'une huitaine de jours.
Celles-ci percent aussitôt tout ce qui les sépare de l'ovaire, mangent les
jeunes pétales et l'ovaire lui-même, si la fleur est en bouton, percent
l'ovaire et s'y introduisent si la fleur est plus avancée. La chenille y
séjourne jusqu'à ce qu'elle ait consommé toutes les graines, puis sort
pour recommencer l'opération sur une autre capsule, même sur un
fruit à demi desséché et plein de graines dures. Sur les grandes Caryo-
phyllées la chenille passe toute sa vie dans le fruit; mais les chenilles
qui vivent sur les genres à fruits petits, comme les Dianthus, les Si-
lène, etc., ne peuvent continuer à s'y loger; elles se retirent alors au
pied de la plante et viennent prendre leur nourriture la nuit sur les
feuilles. Ces mœurs exceptionnelles permettent de découvrir aisément
les chenilles des Dianthœcia. Ou bien on inspecte pendant la nuit les
ombelles des Caryophyllées- à la lanterne, en parcourant les prairies, et
l'on découvre aisément les chenilles grimpées au-dessus des inflores-
cences, le corps souvent à demi enfoncé dans les capsules, ou bien on
emporte les bouquets de fleurs et on les visite à l'intérieur. Ces che-
nilles, qui croissent rapidement, sont cylindroïdes, rases, atténuées aux
deux extrémités, avec la tête globuleuse, ordinairement de couleur
terne et marquées de traits obliques ou de chevrons sur la région dor-
sale. Quand le moment de la nymphose est arrivé, elles quittent les
sommités des plantes pour entrer en terre, et se chrysalident dans une
coque peu solide formée de graviers agglutinés ou reliés entre eux par
des fils de soie; les chrysalides ont une saillie abdominale qui est la
gaine de la spiri trompe. Les insectes parlaits n'en sortent qu'au prin-
temps de l'année suivante; fidèles à leur origine, on les trouve toujours
butinant le soir sur les fleurs des Caryophyllées.
Nous citerons, au point de vue horticole, D. Compta, cat. de V., l'Ar-
rangée, Engr., de 31 millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un
noir bleuâtre, ayant à la base une légère tache blanche et au-dessous
une petite tache ronde d'un jaune orangé, l'espace médian entièrement
traversé par une bande blanche, irrégulière, plus ou moins large sui-
vant les individus, sur laquelle l'orbiculaire et la réniforme se dessinent
finement en noir; les deux lignes médianes sont noires, géminées,
éclairées de blanc vers le bord interne, la subterminale très brisée et
d'un jaune orangé, la frange d'un blanc jaunâtre entrecoupé de noi-
râtre, les ailes inférieures d'un gris noirâtre, avec un point jaunâtre
près de l'angle anal; tête et thorax variés de noir et de blanc; femelle
ne différant du mâle que par l'oviscapte. Le papillon vole en mai et
NOCTUÊLIENS. 60D
juin dans les lieux secs et rocailleux et dans les jardins. La chenille,
d'un gris clair, avec la ligne vasculaire foncée, vit en juillet, très com-
mune dans les jardins des environs de Paris et du centre de la France,
dévorant la nuit les graines des œillets champêtres et des jardins
(Dianthus), se cachant le jour au pied de la plante; on peut guetter la
nuit les chenilles et les écraser, ou arroser les ombelles avec une solu-
tion de tabac ou de savon noir concentré, ou de sulfocarbonate de
potasse. Dans le genre Pulia, Ochs., les papillons ont les antennes cré-
nelées, les palpes courts, le thorax épais et hérissé, les ailes nébu-
leuses, ordinairement à fond blanchâtre. Les chenilles sont longues,
verdâtres, roses, et se tiennent allongées sur les figes des plantes basses.
Dans le sous-genre Hecatera, Guenée, les femelles n'ont pas d'oviscapte,
les chenilles vivent dans les fleurs des Composées et à découvert ; elles
ont la tête petite et leurs chrysalides, qui n'ont point de saillie abdomi-
nale, sont renfermées dans des coques molles et enterrées. Il faut citer
P. Dysodea, cat. de V., la Cerisière, Engr., the Ranunculus des Anglais,
de 30 à 32 millimétrés d'envergure, les papillons pareils dans les deux
sexes, les ailes supérieures d'un gris clair ou jaunâtre, les deux taches
ordinaires en clair, entourées d'orangé, les lignes médianes noires et
festonnées, la sublerminale formée de taches orangées, une ligne de
petites lunules noires précédant la frange, qui est entrecoupée de gris
et d'olivâtre ; thorax mêlé de gris et d'olivâtre^ avec le collier et les pté- _
rygodes bordés d'orangé et d'une petite ligne noire. Le papillon vole '
dans les prairies et les jardins, de mai en juillet; on le trouve sur les
troncs des arbres, les clôtures, les touffes de lierre, etc. La chenille de
cette petite espèce, d'un gris verdâtre ou rougeâtre, à ventre pâle, se
trouve en juillet et août sur la laitue vivace {Lactuca perennis), la laitue
cultivée {Lactuca sativa) et autres Chicoracées dont elle mange les fleurs
et les boutons. Elle cause des dégâts sérieux en s'installant par petites
sociétés dans les ombelles des laitues et des romaines, dévorant les bou-
tons comme les graines, au point de rendre parfois la récolte nulle. Il
faut secouer légèrement ces plantes sur un drap ou dans un parapluie
renversé, et écraser les chenilles, excellent moyen dont s'avisent bien
peu de jardiniers. C'est en août que la chrysalide se forme en terre,
pour donner habituellement l'adulte en juin de l'année suivante. 11 y a
parfois une seconde génération en septembre et des chenilles jusqu'en
octobre. Une espèce voisine, de môme taille, est P. Serena, cat. de V.
(Hecatera), la Joeonde, Engr., espèce moins nuisible, commune dans
presque toute la lù-ance, sur les arbres des routes, les murs de clô-
ture, etc., butinant en mai, juin et juillet, sur les fleurs des Rubus, des
Silène, etc., se prenant à la miellée. La chenille, d'un vert foncé ou
brune, à chevrons noirâtres, se trouve sur les fleurs des Chicoracées en
mai puis en août, car il y a habituellement deux générations, dans les
prairies élevées et dans les jardins, sur les fleurs des Chicoracées, laitue
vivace, épervière à ombelles, léontodons, crépide des toits, etc.
GIRARD. m. — 39
610 LÉPIDOPTÈRES.
Le genre Hadena, Och., est nombreux en espèces appartenant à toutes
les parties du monde, mais préférant les contrées tempérées ou froides.
Les antennes sont pubescentes, rarement subpectinées dans les mâles,
le tliorax est carré, convexe, velu, avec le collier court, un peu relevé
et suivi d'une crête bifide, l'abdomen souvent crête, terminé carrément
dans les mâles, robuste et terminé en pointe obtuse dans les femelles;
les ailes supérieures sont épaisses et subdentées, à taches bien distinctes,
offrant souvent sous la réniforme une tache bidentée plus claire que le
fond, la ligne siibterminale anguleuse, formant dans son milieu la lettre
S couchée bien visible ; chenilles rases, cylindroïdes, à tête globuleuse,
de couleurs assez vives, vivant sur les arbres et les plantes basses;
chrysalides enterrées.
Une espèce nuisible de ce genre est H. Oleracea, Linn., la Potagère,
Engr., the Bright-line Brown-eye, de Zh à 38 millimétrés d'envergure,
les deux sexes pareils, les ailes supérieures d'un brun ferrugineux assez
uniforme, avec les lignes médianes perdues dans la couleur du fond,
la subterminale blanche et bien distincte, formant en son milieu un s
dont les angles n'atteignent pas la frange, la tache réniforme couleur
de rouille, l'orbiculaire pupillée, bordée de blanc, les ailes inférieures
d'un gris jaunâtre clair, avec un point cellulaire et le bord externe
noirâtre; papillon commun partout, dans les prés et surtout dans les
jardins, de mai à novembre, ayant deux générations par an; chenille
verte ou parfois d'un rouge obscur, avec lastigmatale blanche ou jaune,
se trouvant principalement en juin, puis en septembre, sur une foule
de plantes basses des prairies et des potagers, surtout sur les dahlias,,
mangeant aussi les feuilles de framboisier et de groseillier; elle est très
polyphage; ainsi je l'ai trouvée fréquemment en septembre dévorant
les feuilles des Tamarix de nos côtes normandes. Une espèce nuisible
aux épinards, aux œillets d'Inde, aux reines-marguerites, aux géra-
niums, etc., est H. chenopodii, cat. de V., la Triste, Engr., the Nutmeg,
de 32 à 35 millimètres, offrant, dans les deux sexes, les ailes supé-
rieures d'un gris cendré, avec des nuances mélangées de roussâtre, des
taches costales noires et toutes les lignes d'un gris clair, bordées de
noirâtre, la subterminale dentée, bien marquée en s dans son milieu ;
ailes inférieures d'un gris pâle, avec le bord externe largement noi-
râtre. Le papillon se trouve dans les jardins potagers, les prés, les
champs, les bruyères, dans toute la France, en mai, puis en juillet,
août, septembre, plus ou moins commun selon les localités. La che-
nille est verte, avec la ligne vasculaire blanche teintée de rouge, et vit
de juillet en octobre sur beaucoup de plantes basses. Moins commime
et par suite peu nuisible est une belle Noctuelle nommée H. atripUciSj
Linn., l'Arrochière, Engr., non indiquée dans les catalogues anglais, de
Zi2 millimètres d'envergure, les deux sexes pareils, les ailes supérieures
d'un brun chatoyant en violet, avec la base, l'espace subterminal et les
deux taches ordinaires d'un vert brillant, les lignes médianes d'un gris-
NOCTUÉLIENS. 6H
violAtre, bordées de lunules noires des deux côtés, la subterminale
blanche, très distincte, largement ondulée; le caractère saillant de cette
espèce est la tache bidentée, partant de la tache orbiculaire, et qui est
grande, blanche ou rosée; ailes inférieures noirâtres, ;i frange jaunâtre ;
papillon en juin et juillet, puis en septembre, dans les jardins, les
fermes, près des habitations; souvent appliqué le long des murs de
clôture ou au pied des arbres; chenille épaisse, rougeàtre, à lignes
perlées, en août, septembre et octobre sur les plantes basses, au bord
des mares et des ruisseaux, près des fermes et dans les basses-cours,
dans les jardins, sur l'oseille, les chénopodes, les amaranthes, la persi-
caire (Polygonum persicaria), l'arroche des jardins {Atriplex horten-
sis), etc., parfois assez commune. Cette chenille est nocturne et se
cache pendant le jour sous les plantes dont elle se nourrit.
Les Xylinides présentent des papillons à antennes presque toujours
simples, avec une longue spiritrompe et des palpes bien développés, le
thorax robuste et très carré, les ailes supérieures longues et étroites, à
dessins longitudinaux, les lignes transverses ordinaires peu nettes et
confuses, les ailes très repliées au repos le long du corps, de façon à
donner à l'insecte une forme allongée; chenilles à seize pattes égales,
cylindroïdes, allongées, rases, parées de vives couleurs, se tenant à
découvert sur les feuilles ou les fleurs des plantes basses et des arbres.
Le genre Xyltna, Ocbs., a des papillons dont le thorax est muni d'une
crête bifide, l'abdomen plat et garni de poils sur les côtés, les ailes
oblongues, mais arrondies au bout, croisées et presque parallèles au
plan de position dans le repos, les pattes épaisses, le front muni d'un
toupet bifide ; chenilles courtes et molles, ayant toutes les lignes dis-
tinctes, vertes au moins dans le jeune âge, vivant sur les grands arbres;
chrysalides enterrées. L'espèce la plus importante est A'. Ornithopus,
Hufnagel, syn. : Rhizolitha, cat de V., la Nébuleuse, Kngr., the Graïf
Shoulder-Knot, deiO millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un
gris blanchâtre, la réniforme roussàtre, l'orbiculaire peu visible, la
claviforme petite, un trait basilaire noir, trifurqué, la frange grise, fes-
tonnée, précédée d'une série de points noirs, les ailes inférieures d'un
gris noirâtre; papillon dans les bois de septembre à novembre, repa-
raissant de mars à avril de l'année suivante, après hibernation, se
prend aisément en battant les arbres, ou sur les troncs des grands
arbres, surtout des ormes; chenille à la fin de mai, sur le chêne,
l'orme, etc., commune partout, ainsi que l'adulte, d'un vert pomme
très clair, semée de quelques poils. Dans le genre Calocampa, Ste-
pliens, la spiritrompe est robuste, le thorax velu et peu convexe, à col-
lier sinué et caréné, l'abdomen très déprimé, lisse, velu latéralement,
semblable dans les deux sexes, les ailes supérieures dentées, épaisses,
très oblongues, à bords subparallèles, à dessins rayonnes et à taches
distinctes; bien que les ailes soient assez larges, surtout les inférieures,
elles sont au repos tellement plissées et repliées les unes sur les autres.
612 LÉPIDOPTÈRES.
que le papillon a une forme très allongée, et ressemble beaucoup
moins à un Lépidoptère qu'à une feuille sèche roulée ou à un fragment
de bois mort; leur couleur brune et les stries nombreuses des ailes
ajoutent tellement à l'illusion qu'il faut les toucher pour s'assurer que
ce sont bien des êtres vivants; c'est une puissante protection par imi-
tation défensive; les papillons ne volent que la nuit. Ce genre est un
des plus beaux des xNoctuéliens, surtout par la taille et les couleurs
vives et bigarrées des chenilles, très longues, cylindroïdes, à tête petite
et globuleuse; elles vivent de plantes basses et s'enterrent profondément
pour se chrysalider. Nous devons citer C. Exolela, Linn., l'Antique,
Engr., the Sicord Grass, de 58 à 62 millimètres, les deux sexes pareils,
les ailes supérieures d'un jaune ocreux pâle teinté de verdâtre vers le
bord interne, avec la côte et de nombreuses Ugnes longitudinales d'un
brun rougeâtre, les ailes inférieures grises, jaunâtres au bord abdomi-
nal, la tète d'un jaune fauve, ainsi que la partie antérieure du thorax,
qui est en outre bordé de deux lignes rousses; dessus du thorax gris
brunâlre, dessus de l'abdomen teinté de noir; partout, sans être jamais
très commun, en septembre et octobre, et certains individus en mars
et avril de l'année suivante, provenant de chrysalides retardées qui
ont passé l'hiver. La chenille est très belle, tantôt d'un vert pomme,
tantôt d'un beau vert glauque, avec la stigmatale rouge, ainsi que des
taches dorsales bipupillées, et une raie jaune de chaque côté du dos;
elle vit en juin, juillet et août sur un grand nombre de plantes basses,
l'œillet des jardins, la scabieusedes champs, le cucubale,les pavots, les
genêts, le Silène otites, l'arrète-bœuf {Ononis arvensis), et surtout sur les
trèfles et les luzernes; en outre, dans les potagers et les jardins, elle
dévore les laitues, les pavots et scabieuses cultivés, etc., parfois nuisible
en raison de sa grande taille. Une seconde espèce très voisine est
C. Vetusta, Hubner,dont le papillon, à ailes supérieures ocreuses, veinées
de brun rougeâtre clair, présente la moitié du bord interne et les deux
tiers du bord terminal d'un brun rouge, ce qui explique le nom des
auteurs anglais, the Bed Sword Grass; l'espèce, de toute la France,
jamais très commune, se retrouve au Canada sans aucune modification;
chenille d'un vert foncé, à stigmatale jaune, vivant en mai et en juin
dans les prés marécageux, se nourrissant de Graminées et surtout de
Carex, ce qui fait que l'espèce n'est jamais nuisible ; on se procure cette
chenille en fauchant dans les prairies basses ; mêmes mœurs et époques
d'éclosion du papillon que pour l'espèce précédente.
Les Héliothides sont des papillons de taille petite ou moyenne, qui
volent presque aussi bien pendant le jour que le soir, et qu'on recon-
naît aisément à leurs ailes, qui sont en dessous tachées de noir sur fond
clair. Les antennes, non pectinées, sont presque complètement fili-
formes dans les deux sexes, le thorax robuste, l'abdomen lisse, sub-
conique, et les jambes munies soit d'épines, soit d'onglets. Les ailes
supérieures ne sont jamais oblongues, ni rayonnées dans le sens de la
NOGTUÉLIENS. 615
longueur, avec les lignes et les taches ordinaires visibles. Les chenilles
sont cylindroïcies, moniliformes, luisantes, non atténuées, à seize pattes
égales, vivant à découvert au sommet des tiges des plantes basses, man-
geant les fleurs et les jeunes feuilles; chrysalides très aiguës et sans
gaîne ventrale de la spiritrompe, souvent enterrées superficiellement
dans des coques peu solides. Le genre Chariclea, Steph., syn. : Ppî'ï-
phanes, Hubner, ne renferme en Europe qu'une seule espèce, importée
d'Orient, d'après certains auteurs, le C. delphinii, Linn., l'Incarnat,
iMigr., the Pease-blossoin, la plus jolie de nos Noctuelles, de 30 à 32 mil-
Uraètres d'envergure, la spiritrompe longue, le thorax proéminent, avec
le collier relevé en pointe obtuse et une crête bifide à sa base, l'abdo-
men crèté sur le premier anneau, les ailes supérieures d'un charmant
rose tendre, avec les espaces basilaire et subtermiual d'un rose vineux
ou violet, les lignes médianes très distinctes, d'un ton plus clair, lisé-
rées de violet noir, la tache réniforme visible, l'orbiculaire souvent
nulle, la frange jaunâtre, les ailes inférieures blanchâtres, plus foncées
chez la femelle, pareille, quant au reste, avec un peu de rose au
bord terminal, les nervures et une bordure noirâtres, les pattes fortes,
sans épines, mais avec des onglets. Le papillon est assez commun près
de Paris et dans le nord de la France, peu commun au contraire dans le
centre, paraissant manquer dans nos départements de l'Est; il vole en
plein jour en mai et juin, dans les jardins et dans les champs, butinant
souvent sur les trèfles et les luzernes aux environs de Paris. La che-
nille, non moins belle que l'adulte, de la fin de juin à la fin d'août,
mange les fleurs et surtout les fruits du pied-d'alouette, cultivé dans
les jardins, et de l'espèce de Delphinimn, spontanée dans les blés, se
trouve aussi parfois sur les aconits des jardins et des champs. Elle est
rose ou bleue, avec de gros points noirs, vit par groupes dans sa jeu-
nesse, et se chrysaUde enterre, en coque terreuse, pour donner l'adulte
l'année suivante. Les variétés roses ou bleues semblent assorties h. ces
deux mêmes couleurs des fleurs du pied-d'alouette. Les jardiniers doivent
détruire cette chenille, qui est diurne. Dans le midi de la France, où
l'espèce manque, c'est la chenille verte de Polia Cappa, Hubner, qui
dévore les pieds-d'alouette des jardins. Nous dirons aux amateurs qui
veulent élever les chenilles de C. delphinii, de ne les chercher que sur
les pieds-d'alouette simples, et d'avoir soin de les isoler, car elles sont
très carnassières et dévorent même les chrysalides de celles qui se sont
métamorphosées les premières. Le genre Heliothis, Ochs., nous oHVe
des papillons ayant le Iront uni, le thorax saillant, les jambes épineuses,
les ailes épaisses, à taches et lignes distinctes et bordées de noir en
dessous; l'abdomen, obtus à l'extrémité dans les deux sexes, se termine
dans les mâles par un faisceau de poils. Les chenilles sont lisses, allon-
gées, moniliformes, à points trapézoïdaux petits, mais saillants et gar-
nis de quelques poils isolés, la tête grosse, un peu aplatie, et vivent
sur les plantes basses, principalement aux dépens des fleurs; chrysa-
<5H LÉPIDOPTÈRES.
lides enterrées. On trouve :dans tous les pays du globe ÏH. Armtgera,
Hubner, the Source liordcred Strate, de 38 millimètres d'envergure, les
ailes supérieures d'un ocreux brunâtre assez clair et quelquefois d'un
brun plus ou moins foncé, avec l'espace subterminal en bande plus
obscure, les lignes médianes brunes peu marquées, la tache orbicu-
laire indiquée par un petit point, la réniforme peu marquée, les ailes
inférieures d'un jaune pâle, avec une large bordure terminale, les ner-
vures et un trait cellulaire noirâtres. Le papillon éclôt de juin jusqu'en
septembre, et vole en plein soleil dans les champs et les jardins, un
peu partout, comme dans le midi de la France. La chenille est d'un
brun rougeàtre, à ventre plus clair et points trapézoïdaux noirs, et se
trouve en juin et juillet sur une foule de plantes basses, plantain, ajonc,
tabac, fleurs et feuilles de courge, luzerne, réséda jaune, etc. Dans le
midi de la l<'rance, elle cause de grands ravages dans les jardins et les
champs. Guenée dit avoir vu autour de La Voulte (Ardèche) des cul-
tures entières de pois chiches, dont chaque gousse contenait une che-
nille, de sorte que la récolte a dû, cette année-là, être complètement
nulle. Elle cause souvent de grands dommages dans les champs de
chanvre, dont elle dévore les graines, et encore plus dans les champs de
maïs, en s'introduisant dans les épis qu'elle dévore, au point de n'y pas
laisser un seul grain. Une espèce plus petite et commune dans les
lieux arides où croissent les chardons et dans les champs de trèfle et
de luzerne, où elle vole à l'ardeur du soleil, d'un vol assez rapide, mais
peu soutenu, en mai, puis en juillet et août, est r.4. Dipsacea, Linn.,
la Dipsacée, Engr., the Marbled Clover, de 30 millimètres d'envergure,
ailes supérieures d'un ocracé olivâtre, avec deux bandes transverses
d'un brun roussâtre, se réunissant inférieurement, la première conte-
nant la tache réniforme, qui est grande; orbiculaire indiquée par un
point, lignes très fines, très souvent formées de points, frange brune ;
■ailes inférieures d'un blanc légèrement verdàtre, avec la base, une
grande tache cellulaire et une large brodure noires, cette dernière
ornée dans son milieu, près du bord terminal, d'une tache allongée de
la couleur du fond; femelle semblable, souvent plus brune. La chenille
varie beaucoup pour la couleur du fond, qui est paille, verte, violette
ou rougeàtre, avec les sous-dorsales blanches ; elle vit sur une foule de
plantes basses des champs, surtout sur les Unaires (Scrophulariées), en
mai et juin, puis en août et septembre; on se la procure aisément en
fauchant.
Dans la méthode de Guenée vient ensuite une tribu de Noctuelles
qu'il nomme Minores (cat. d'Eure-et-Loir, p. 223), dont les papillons
sont de petite taille, à corps peu veln, à pattes non épineuses; ils volent
généralement en plein jour. Les chenilles ont de 10 à 16 pattes, par
dégradation des caractères des Noctuelles propres, et imitent celles des
Phaléniens ou des Tortriciens. La famille des Acontides présente des
papillons à corps robuste, très squameux, le thorax large, globuleux, à
.^çfO V
fKVX-
NOCTUÉLIENS. C15
collier court, l'abdomen peu velu, non déprimé, les antennes moyennes,
minces, filiformes dans les deux sexes, les ailes épaisses, squameuses,
un peu luisantes, les supérieures recouvrant entièrement les infé-
rieures au repos et en toit très incliné. Chenilles à dix, douze ou qua-
torze pattes, et marchant par suite en arpenteuses, effilées, un peu ren-
flées postérieurement ; chrysalides enterrées. Dans le genre Acontia,
ïreitsclie, les antennes sont courtes et cylindriques, la tète petite, la
spiritrompe moyenne, les palpes courts, le thorax globuleux, lisse,
squameux, l'abdomen grêle, cylindroïde, lisse, squameux, l'abdomen
grêle, cylindroïde, lisse, terminé en pointe obtuse, les ailes supérieures
larges, luisantes, à fond blanc ou jaunâtre, marbré de noir, avec la
frange longue, double, bicolore, les ailes inférieures à bord flexueux,
souvent avec bordure noire. Les chenilles, très longues et très effilées,
sont tout à fait arpenteuses (sauf celle de Luctuosa), n'ayant que deux
paires de pattes membraneuses, la tête petite et un peu carrée, vivant
sur les plantes basses, les chrysalides dans de petites coques terreuses.
Ce genre nombreux et qui habite tous les pays de la terre, a des espèces
souvent très jolies. Nous citerons : A. Lucida, Hufnagel, syn. ; Solaris,
cat. de V., nom plus répandu, la Rupicole, Engr., the Pale Schoulder, de
26 millimètres d'envergure, pareil dans les deux sexes, les ailes supé-
rieures à base blanche avec un point noir et nuagée de gris bleuâtre,
le reste de l'aile d'un brun noirâtre mêlé de gris, et avec quelques
taches noires, une grande tache costale carrée et blanche, le bord ter-
minal blanc dans sa moitié inférieure, avec une série de taches irrégu-
lières d'un gris plombé; tache réniforme très fine, en forme d'un petit
8 blanchâtre; frange ayant sa moitié inférieure blanche; ailes infé-
rieures blanches à la base, avec trois ou quatre rayons noirâtres et une
large bordure marginale noire ; tout le corps d'un gris plombé ; deux
éclosions du papillon, en mai et juin, puis en juillet et août, mais moins
abondamment; l'espèce est surtout des pays calcaires et ne vole que
durant les heures les plus chaudes du jour, charmante Noctuelle
quand elle est bien fraîche, aimant les coteaux secs et arides, là sur-
tout où croît le chardon roland (Erijngium campestre), volant souvent
^ussi sur les luzernes exposées au midi; chenille verte ou d'un gris vio-
lâtre, à anneaux anguleux, avec une pyramide anale, en juin, puis en
septembre, sur les mauves et sur les liserons sauvages; A. Luctuosa.
cat. de V., la Funi'bre, Engr., Vltalique, Oliv., the Four-spo'Ited, 24 milli-
mètres d'envergure, ailes supérieures d'un noir plus ou moins marbré de
brun et de bleuâtre, la côte offrant une grande tache blanche allongée
et parfois teintée de rosé, les lignes ordinaires fines, noires, souvent peu
visibles, la frange blanche entrecoupée de gris; ailes inférieures noires,
avec une bande transverse blanche étranglée dans son milieu et un
petit point blanc au bord marginal, la frange blanche avec un peu de
noir en son milieu ; abdomen d'un brun noir, avec des zones grises ; ce
papillon, bien plus commun et moins localisé que le précédent, offre
616 LÉPIDOPTÈRES.
les mômes mœurs, volant, de mai à septembre, en plein soleil, et aussi
au crépuscule, dans les terrains arides et calcaires, sur les prairies
artificielles, etc. ; chenille grise et rayée, cylindroïde, à seize pattes,
exception remarquable comparativement à l'espèce précédente si ana-
logue pour l'adulte; cette chenille vit, en mai et juin, sur les liserons
qui bordent les chemins, et aussi, d'après M. Trimoulet, sur le plan-
tain et la mauve. Dans le genre voisin, Agrophila, Boisd., syn. : Emme-
lia, Hubner, l'abdomen est long, lisse, caréné, subconique dans les
raàles, avec des zones noires, les ailes supérieures oblongues, bigarrées
et à frange fortement entrecoupée, les ailes inférieures unicolores en
dessus; les papillons sont très petits et volent avec vivacité en plein
soleil; les chenilles, à douze pattes, rases, effilées, à tète petite et glo-
buleuse, vivent dans les lieux secs, sur les plantes basses, et les chry-
salides se font dans de petites coques de terre. Le type est A. Sulpha-
ralis, Linn., VArlequinette jaune, Engr., ihe Spotled Sulphur, de 20 mil-
limètres d'envergure, les ailes supérieures d'un jaune de soufre, avec
des taches, points et bandelette ondulée noirs, les ailes inférieures noi-
râtres, à frange jaune. Ce petit papillon est commun presque partout,
au printemps et en automne, particulièrement abondant dans les
champs de trèfle et de luzerne et sur les chardons; on le fait partir
aisément pour peu qu'on agite les plantes, car il s'envole alors rapide-
ment pour aller se reposer à peu de distance. La chenille est verte ou
brune, à stigmatale pâle, et vit en juillet sur les liserons qui croissent
au bord des chemins {Convolvulus arvensis et sepium).
Les Euclidides sont constitués par des papillons assez petits, et qui
volent en plein jour, avec les antennes pubescentes, la tète petite, la
spiritrompe grêle, les palpes courts, l'abdomen court, les ailes entières
et arrondies, les supérieures bigarrées de larges taches foncées, les
inférieures bicolores, les jambes postérieures épineuses. Les chenilles
sont très allongées, à tête grosse, et atténuées postérieurement; par
arrêt de développement, elles semblent n'avoir que quatorze pattes, la
première paire de leurs pattes membraneuses étant très petite; elles
vivent à découvert sur les plantes basses, et, au repos, tiennent toute
la partie antérieure du corps repliée en hélice. Les chrysalides sont
renfermées dans des coques assez solides, construites avec des débris
de mousses à la surface. Ces caractères sont ceux du genre unique
Euclidia, Treitscke ; les insectes parfaits volent très bien en plein jour,
surtout la première espèce, E. Mi, Linn., \'E. noire, Engr., Ihe Shipton,
32 millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un gris noir à lignes
blanchâtres, les ailes inférieures noires, avec une tache cellulaire et
deux séries sinueuses de taches blanches; abdomen noirâtre, annelé de
blanc; papillon commun partout, en mai, volant dans les prairies
sèches; les luzernes, les clairières des bois, facile à confondre d'aspect
avec certains Syrichthus; chenille longue, d'un jaune clair, à lignes
roussâtres, en juillet et août sur les trèfles, le Myrica gale (Goossens) et
NOCTUÉLIENS. 617
diverses plantes basses ; E. Glyphka, Linn., la Doublure jaune, Kngr.,
the Burnet, 30 millimètres d'envergure, les ailes supérieures d'un gris
brunâtre, avec deux bandes transverses et une tache à la côle, d'un
brun marron; ailes inférieures d'un noir brun de la base jusqu'au
milieu, puis d'un jaune fauve, avec deux lignes noires transverses et
ondulées; papillon en mai, puis en juillet et août, dans les champs de
trèfle surtout, et les prairies chaudes, commun; chenille roussâtre, fine-
ment rayée, à stigmatale jaune, en juin, puis en août et septembre,
sur les Vicia, sur les divers trèfles, sur la bugrane {Ononis spinosa), dif-
ficile à trouver, parce qu'elle se tient cachée entre les feuilles infé-
rieures de ces plantes.
Les Plusides à papillons pareils dans les deux sexes, ont les antennes
presque toujours grêles et filiformes dans les deux sexes, la spiritrompe
longue, les palpes ascendants, bien développés, avec le troisième
article souvent long, le thorax à ptérygodes saillants et muni d'une
crête bifide très développée, l'abdomen velu, crété sur les premiers
anneaux, conique dans les deux sexes, les pattes longues, avec des épe-
rons prononcés, les ailes supérieures luisantes, généralement ornées de
places brillantes (sauf chez les Abrostola, Ochs.), ou de signes éclatants
d'or ou d'argent, les ailes inférieures unies, au contraire; les chenilles
sont généralement {Plusia) à douze pattes, manquant des deux pre-
mières paires de pattes ventrales, et marchant en arpenteuses, bouclant
les anneaux du milieu; elles sont atténuées en avant, à tète petite et
globuleuse, généralement de couleur verte ou blanchâtre, vivant à
découvert et souvent en plein jour sur diverses plantes basses et sur
quelques arbrisseaux ; les chrysalides, brunes et d'une consistance très
molle, sont renfermées dans des cocons d'un tissu de soie léger, plus
ou moins blanc, sans corps étranger, fixés, à peu de dislance du sol,
aux feuilles ou aux tiges des plantes qui ont nourri la chenille. Les Plu-
sia, Ochs., sont, à l'état adulte, les plus brillants des Noctuéliens; les
espèces d'Europe, au nombre d'environ quarante, volent habituelle-
ment à l'entrée de la nuit; mais les espèces qui habitent les hautes
montagnes, dans le voisinage des glaciers, volent très activement en
plein soleil, et butinent sur les fleurs, en même temps que les Diurnes.
L'espèce la plus commune est /'. Gamma, Linn., le Lambda, GeotTroy,
Engr., the Silver Y, de àO millimètres d'envergure, les ailes supérieures
d'un gris un peu rosé, satiné et nuancé de gris plus foncé, de noirâtre,
de gris verdàtre, avec des reflets métalliques, avec une ligne subcellu-
laire de couleur d'or pâle, sur un fond brun, ayant la forme de la lettre
grecque gamma (7), couchée; volant presque toute l'année, soit le
jour, soit au crépuscule, dans les jardins, les champs, les prairies natu-
relles et artificielles; en certaines années, il y a des apparitions très
nombreuses de ce papillon si commun, qui sont peut-être dues à des
migrations; ainsi en 1879, en même temps que la grande migration de
Pyrameis cardui; la chenille, qui s'accommode de toutes les plantes, est
018 LÉPIDOPTÈRES.
d'un vert pomme ou d'un vert pdle, avec le onzième anneau un peu
relevé, marquée dans toute sa longueur de six lignes fines, très si-
nueuses, blanches ou d'un blanc jaunâtre; à la hauteur des stigmates,
il y a une raie fine, longitudinale, d'un jaune blanchâtre, bordée supé-
rieurement par une teinte plus foncée ; tout le reste est vert. Cette che-
nille peut devenir très nuisible, mais de loin en loin, en certaines
années. Réaumur parle des ravages qu'elle fit dans les jardins pota-
gers, en 1735. Citons encore P. Chrysitis, Linn., le Vert Doré, Engr.,
the Burnished Brass, de 36 à ZiO millimètres d'envergure, avec les ailes
supérieures d'un brun violâtre, ornées de deux larges bandes brillantes
d'un vert doré métallique, quelquefois cuivreux ; des prés et jardins,
comme partout, en mai et juin, quand il provient de chrysalide ayant
passé l'hiver; en juillet et août s'il est de la seconde génération; che-
nille d'un vert clair, à traits blancs obliques, en avril, puis septembre,
sur les orties, les menthes au bord des ruisseaux, le lamier blanc, la
bardane, etc., aimant les lieux frais et humides; le papillon vole au
crépuscule et se prend aisément à la miellée ; P. festucœ, Linn., la Riche,
Engr.Jhe Gold Spot, de 34 millimètres d'envergure, les ailes supérieures
d'un brun rougeàtre, sablé d'or, décorées de trois taches d'argent un
peu jaunâtre, les ailes inférieures d'un gris jaunâtre, avec la frange
rougedtre, la tête et le thorax d'un fauve vif, les ptérygodes bruns;
vole le soir en juin, et surtout en août, et parfois dans l'après-midi,
sur les fleurs des Labiées, dans les jardins humides et les prairies maré-
cageuses; partout, mais peu commun, se prend à la miellée; chenille
sans éminence, verte, avec lignes d'un vert foncé, blanches et jaunes,
en juin et juillet sur plusieurs plantes aquatiques, la fétuque, les carex,
les Sparganium, etc.
D'après l'opinion de la grande majorité des auteurs, nous rattache-
rons aux Noctuéliens la légion des Deltoïdes de Latreille, qui tire son
nom de la forme des ailes au repos chez les papillons ; les ailes supé-
rieures ne sont ni relevées, ni roulées autour du corps, ni étalées cà plat
et découvrant bien les inférieures, comme chez les Phaléniens; elles
sont étroitement appliquées aux corps et un peu inclinées, ne se recou-
vrant jamais entre elles, rapprochées simplement l'une de l'autre par les
bords anaux, laissant parfois un peu voir les ailes inférieures, qui sont
bien développées, peu ou point plissées. Le papillon au repos offre
ainsi la forme d'un triangle ou delta majuscule (A). Les Deltoïdes sont
des papillons de taille moyenne, de couleurs peu éclatantes, habitant
généralement les bois et les lieux ombragés qu'ils semblent préférer
aux lieux secs; leurs habitudes ressemblent à celles des Phaléniens,
comme eux ils s'appliquent presque toujours sur la surface inférieure
des feuilles, où ils restent immobiles pendant le jour, à moins qu'un
choc imprévu ne vienne à les déranger de leur paisible retraite; dans
•ce cas, ils s'envolent avec assez de rapidité, mais leur vol est court, et
ils ne tardent pas à trouver un nouvel abri. Ils ne commencent guère à
DELTOIDES. 619
Yoler qu'au crépuscule, mais cependant un peu avant les Noctuéliens
d'habitudes nocturnes, les uns dans les allées onabragées des bois (type
Herminia), les autres autour des plantes qui nourrissent les chenilles
(type Hijpena). Tous les Deltoïdes sont vivement attirés par les feux et
les lumières, ce qui permet aux amateurs d'en capturer beaucoup à la
lanterne ou aux miroirs réflecteurs. Ce groupe de Lépidoptères est bien
connu aujourd'hui pour les espèces d'Europe, du moins à l'état adulte,
car il reste encore beaucoup à faire pour l'étude des chenilles; il est
abondant en espèces exotiques, répandu sur tout le globe, principale-
ment le continent Indien et les deux Amériques.
Les papillons des Deltoïdes ont les antennes longues, à tige mince,
cylindrique, pubescente, ciliée ou subpectinée chez les mâles, garnie
de cils isolés chez les femelles, souvent déviée, renflée ou garnie, au
■delà du milieu, de nodosités velues ou squameuses. I.a spiritrompe est
'toujours bien développée, quoique grêle et de moyenne longueur, les
palpes labiaux très visibles, comprimés, jamais incombants, à second
article long, dépassant toujours et de beaucoup la tête, soit qu'ils s'éten-
dent en avant, soit qu'ils la contournent pour s.'élever au-dessus. Le
corps est habituellement grêle, lisse, avec le thorax court, arrondi, peu
convexe, couvert de poils légers peu adhérents ou d'écaillés, avec le
«collier non relevé et les ptérygodes minces, sans poils redressés, l'ab-
domen peu consistant, jamais crête, long, peu velu, n'ayant, chez les
femelles, ni oviscapte saillant, ni bourre anale dépassant sa largeur.
Les ailes sont proportionnellement larges, minces, rarement dentées,
peu squameuses, leurs écailles fines et peu adhérentes, ces ailes bien
développées aux deux paires, les supérieures habituellement saupou-
drées d'atomes bruns sur un fond gris ou testacé, marquées des lignes
ordinaires, et aussi, quoique avec moins de constance, des taches ordi-
naires des Noctuéliens, les inférieures tantôt unies et sans dessins, tan-
tôt reproduisant ceux des supérieures, rarement marquées de dessins
ou couleurs distincts. Les pattes sont longues, non velues, les anté-
rieures, à jambes beaucoup plus courtes que les cuisses, ont ces
jambes souvent renflées et munies de poils disposés en pinceaux ou
palettes, les intermédiaires pourvues d'une paire et les postérieures
■de deux paires d'éperons toujours longs et robustes, surtout l'in-
terne.
Les chenilles des Delloïdes sont moniliformes, à incisions profondes,
jamais velues ni complètement glabres, les points trapézoïdaux souvent
verruqueux et pilifères, ayant six pattes écailleuses et deux anales con-
stantes, les ventrales ne variant que de six à huit, ce qui donne un
total de quatorze ou seize pattes; elles ne sont jamais renfermées dans
des fourreaux, mais vivent à découvert sur les arbres ou les plantes
basses. Dans le type Hypcna, les chenilles sont cylindroïdes, allongées,
vives et frétillantes, et se trouvent souvent, sinon en familles, du moins
groupées en assez grand nombre sur la même touffe de plantes; celles
620 LÉPIDOPTÈliES.
du type Herminiu sont fort lentes, et passent leur vie cachées sous les
feuilles sèches, dans les endroits humides des bois, du moins d'une ma-
nière générale. Les chrysalides sont rautiques, rases, à anneaux abdo-
minaux libres, de forme conique, et terminées par des crochets ou
épines; elles sont contenues dans des cocons filés entre les feuilles, ou
parfois en terre, mais peu profondément.
TRlGO.\lA, Giienée. — Antennes légèrement pubescentes, avec deux cils plus
longs par articles; palpes ascendants perpendiculaires; thorax large et velu ;
abdomen dépassant beaucoup les secondes ailes, effilé et terminé en pointe
aiguë; ailes étroites, assez épaisses, les antérieures prolongées carrément dans
leur moitié supérieure, les postérieures subcarrées, fortement coudées et même
prolongées au milieu ; pattes moyennes, à jambes renflées, les antérieures plus
courtes, garnies d'une masse de poils laineux, les postérieures à tarses épineux.
Ce genre appartient à la famille des Platydides, Guenée, qui relie
très bien les Deltoïdes aux Noctuelles ordinaires, et qui se composent
d'insectes de TAmérique méridionale et des Indes orientales. Le genre
Trigonia, Guenée, est remarquable par la curieuse structure de toutes
les pattes. Les antérieures ont la jambe courte et recouverte d'un man-
teau triangulaire de poils, qui cachent complètement l'épiphyse, et la
cuisse garnie de longs poils laineux et frisés; les intermédiaires ont la
jambe longue, renflée et comme vésiculeuse; aussi est-elle creuse et
renferme -t-elle un faisceau de longs poils soyeux que le papillon fait
épanouir à volonté; enfin les posiérieures ont, à l'extrémité de la jambe,
une sorte de manchette de poils qui cache en partie la dernière paire
d'éperons. Nous représentons, pi. xcvii, fig. 5, T. Cydonia, Cramer,
G. Mén., syn. : Cydionialis, Guenée, de Ixô millimètres d'envergure, les
ailes d'un gris blanc foncé, varié de lignes et de points d'un blanc oli-
vâtre, aux ailes supérieures une tache costale blanche et triangulaire,
et, au milieu de la côte, une tache d'où descend un grand trait lunule
cellulaire, puis deux lignes qui divergent, en se rendant au bord
interne; ailes inférieures avec une bande discoïdale irrégulière d'un
blanc violacé, divisée par une ligne foncée et dentée; pattes brunes à
tarses blancs; du Bengale et de Java, d'après Guenée; de Cayenne,
selon Guérin-Méneville.
HVPEX.t, Sclirank. — Antennes longues, minces, pubescentes, à cils fascicules
chez les mâles, à cils isolés chez les femelles; spiritrompe courte et grêle; palpes
droits, étendus, squameux, épais et très longs; front pourvu de stemmates;
thorax globuleux, squameux; abdomen elfiié, muni d'une petite crête sur le
premier anneau; ades supérieures minces, souvent falquées à l'angle apical,
munies d'une aréole portant de petites crêtes d'écaillés redressées; les infé-
rieures très larges, minces, un peu plissées, à franges longues. — Chenilles
allongées, minces, cylindriques, à tête assez grosse et globuleuse, à points tra-
HYPENA. 621
pézoïdaux munis de poils distincts, à quatorze pattes seulement. — Chrysalides
allongées, contenues dans des coques de soie.
Le genre Htjpena est le type de la famille des Hypénides, constituée
par des papillons phaléniformes, volant le soir dans les prairies, les lieux
garnis de broussailles, le voisinage des habitations de campagne et
même dans l'intérieur des appartements; les chenilles vivent à décou-
vert dans les lieux frais et ombragés, sur les saules, les orties, le hou-
blon, etc., et filent de très légers cocons entre les feuilles on les
mousses. Les papillons du genre Hypena sont très reconnaissables au
second article de leurs palpes démesurément long, droit et étendu en
avant. II y a deux espèces très communes partout et pareilles dans les
deux sexes : H. Proboscidalts, Linn., le Museau, Devillers, the Snoiit, de 30
à 38 millimètres d'envergure, les ailes supérieuresaiguësà l'angle apical,
falquées au bord terminal, d'un gris jaunâtre ou roussâtre strié de brun,
traversées par trois lignes brunes, les ailes inférieures d'un gris clair;
le caractère essentiel de l'espèce est dans les palpes, plus longs que le
thorax, très comprimés, droits et dirigés en avant en forme de trompe
(d'où le nom spécifique) sur l'insecte vivant, sauf les articles terminaux
qui divergent, écartés dans toute leur longueur lorsque l'insecte est
mort ; papillon très commun en juin, puis en août, volant le soir autour
des orties qui nourrissent la chenille ; celle-ci, qu'on trouve en mai et
juillet, est effilée, d'un vert velouté, plus clair en dessous, avec la ligne
vasculaire plus foncée et les sous-dorsales plus claires, la tête et les
pattes vertes: H. Rostralis, Linn., le Toupet, Devillers, the Buttoned Snout,
espèce plus petite, de 25 à 28 millimèires d'envergure, variant beaucoup
pour la couleur du fond, les ailes supérieures d'un gris brunâtre nuancé
de fauve, avec la moitié de leur surface, à partir de la base jusqu'à la
ligne médiane, d'une teinte plus foncée, cette ligne médiane noire,
flexueuse, bordée de blanchâtre extérieurement, l'espace médian tra-
versé perpendiculairement au corps par un trait noir, ayant quatre
points noirs en relief, deux à chaque extrémité, les ailes inférieures
d'un gris noirâtre uni; papillon en juillet, puis en septembre et oc-
tobre, commun partout sur les haies, les broussailles, les murs de jar-
din, et jusque dans les appartements; il est probable qu'un certain
nombre de ces papillons hivernent, car on en voit voler dès les pre-
miers jours d'avril; chenille verte, avec lu vasculaire fine et brune et
les stigmatales blanches, la tête et le corps garnis de petites verrues
noires, très vive, se trouvant en mai, puis en août et septembre sur le
houblon, et principalement sur la vigne vierge. Nous représentons des
détails d'une espèce voisine, A. Obesalis, Treitscke, syn. : CrassaUs,
Hubner, Fabr.?, the Beautiful Snout, (pi. xcvn, fig. 6), tète vue de profil
et trois articles de l'antenne; cette espèce, très localisée et jamais com-
mune dans le centre de la France, plus fréquente dans le nord et dans
les montagnes, vole avec beaucoup ai vivacité en mai et juin, puis en
622 LÉPIDOPTÈRES.
août, et il est rare de la prendre en bon état; la chenille vit, dit-on ,^
sur les orties, comme celle des Proboscidalis.
Les Hermiuides, qui terminent la légion des Deltoïdes, ont les antennes
dont la tige est souvent fléchie ou garnie de nodosités chez les mâles,
ou de paquets de poils où d'écaillés, les palpes variables, les jambes
antérieures souvent renflées et contenant des pinceaux de poils soyeux
ou munis de poils laineux ou écailleux; les ailes supérieures sont
épaisses et saupoudrées, sans fascicules d'écaillés saillantes, les infé-
rieures ayant toujours traces des lignes des supérieures; les papillons
sont répandus un peu partout, sappliquant pendant le jour sous les
feuilles, comme les Phaléniens, se déplaçant le soir d'un vol rapide,
mais court, préférant les endroits humides et ombragés des bois, bien
qu'on en trouve aussi dans les lieux secs; chenilles rugueuses, épaisses,^
ramassées, aplaties en dessous, ayant les trapézoïdaux plus ou moins
verruqueux et quatorze pattes (Sophronia, Guenée, ou seize pattes {Her-
minia, etc.); elles vivent plus ou moins cachées et filent pour la nym-
phose des cocons variables. Les Uerminia, Latreille, Guenée. ont la spi-
ritrompe moyenne, les palpes très ascendants, longs et comprimés, les
pattes longues, les antérieures ayant souvent la jambe élargie et garnie
chez les mâles de pinceaux de poils extensibles, les ailes supérieures
mates et pulvérulentes, traversées par trois lignes, dont celle du milieu
sinueuse; les chenilles, à seize patles, sont rases, courtes, très atténuées
auï extrémités, à incisions profondes, aplaties en dessous, à tête petite,
ainsi que le premier anneau, et vivent cachées dans les lieux herbus
parmi les feuilles sèches ; les chrysalides sontr enfermées dans des co-
cons filés dans les plis des feuilles. L'espèce de beaucoup la plus com-
mune est H. Barbalis, Linn. (sous-genre Pechipogon, Stephens), VHer-
minie barbue, de Latreille, the Common Fan-foot, de 28 à 30 millimètres
d'envergure, les deux sexes pareils, les ailes supérieures d'un gris testacé
ou jaunâtre, avec trois lignes brunâtres peu marquées, les inférieures
plus claires, traversées par deux lignes courbes, un peu sinuées, les an-
tennes fortement ciliées chez le mâle, filiformes chez la femelle, les
jambes antérieures des mâles garnies intérieurement d'une épaisse toufTe
de poils ; le papillon vole môme pendant le jour, en mai et juin dans tous
les bois, non seulement dans les clairières, mais même dans les fourrés
les plus épais ; chenille à anneaux coupés carrément, d'un brun can-
nelle clair ou ferrugineux, très aplatie en dessous, à ligne vasculaire
fine et noire, à trapézoïdaux petits et noirs, les stigmates petits et noirs,
la tète rousse, pai-semée de poils, ainsi que la plaque du cou et celle de
l'anus; elle vit sur le chêne, la ronce, et aussi de feuilles sèches, comme
d'autres espèces de la famille, se trouve aisément en octobre et no-
vembre en battant les chênes, passe l'hiver et arrive à toute sa taille
en février et mars.
Nous devons faire mention d'un genre curieux, qu'on ne sait où
placer parmi les Noctuelles européennes ; mais, dans la classification
GONOPTJiRA, BHÉPHIDES. 623
générale, beaucoup de genres exotiques viennent combler les lacunes.
C'est le genre Scoliopteryx, Germar, ou Gonopfora, Latr., dont les papil-
lons ont les antennes ciliées, les palpes très longs, droits et relevés, un
toupet frontal saillant, le thorax subcarré, l'abdomen déprimé, les
ailes anguleuses et souvent découpées, les pattes très fortes, tachées
de blanc. Les chenilles sont longues, lisses et veloutées, à seize pattes,
vivant à découvert, étendues sur les feuilles, les chrysalides coupées
carrément à la partie postérieure, non enterrées, mais dans un cocon
soyeux filé entre les feuilles. Une seule espèce européenne, G. Libatrix,
Linn., la Découpure, Geoffr., Engr., tJie Herald, de k^ millimètres d'en-
vergure, les ailes supérieures très anguleuses et profondément dentelées
au bord terminal, d'un gris rougeàtre, mêlé de blanc vers la côte, avec
un point blanc à la base, l'espace basilaire et la plus grande partie
de l'espace médian d'un jaune rougeàtre, les lignes médianes blan-
châtres, bien distinctes, sinueuses, la tache orbiculaire figurée par un
point blanc et la réniforme par deux points noirs, les ailes inférieures
grises, avec une ligne transverse obscure. Le papillon se trouve partout,
jamais très commun, plus abondant près de Paris en septembre, octobre
et novembre, bien qu'on le trouve à peu près toute l'année. Il ne
vole qu'au crépuscule et passe l'hiver dans les trous des murs, les
caves, les grottes et souvent les greniers des maisons de campagne. La
chenille est effilée, d'un beau vert velouté, avec les incisions jaunâtres,
la ligne vasculaire foncée et la sous-dorsale jaune, lisérée intérieure-
ment de noir; elle vit à découvert, en juillet et août, sur les feuilles
des saules et des peupliers, et lie ensemble des feuilles à l'extrémité
d'une branche pour y filer un cocon d'une belle soie blanche.
Les Noctuéliens se terminent naturellement par une famille aber-
rante, les Bréphides ou Phalénoides (Guenée), faisant un passage évi-
dent aux Phaléniens. La plupart des organes de l'adulte sont avortés,
la spiritrompe très courte et sans usage, les palpes indistincts, réduits à
un moignon couvert de poils, le thorax court, sans collier ni ptérygodes
distincts, les éperons des pattes rudimentaires ; mais les ailes sont bien
développées, ainsi que les antennes, plus épaisses et subpectinées dans
les milles, filiformes chez les femelles, quoique sensiblement dentées
et non rétrécies d l'extrémité; le corps est grêle, entièrement velu et
hérissé. Les valves anales des mâles et les organes génitaux conservent
une singulière vitalité, qui persiste plusieurs jours après la mort de
l'insecte (Edouard Bureau). Les chenilles vivent à découvert sur les
arbres des forêts, et pendent parfois suspendues à un long fil de soie,
comme celle des Phaléniens; elles sont rases, lisses, allongées, à seize
pattes, mais dont les deux premières paires des pattes membraneuses
sont plus courtes que les autres et impropres à la marche, de façon que
ces chenilles progressent en arpentant. Les chrysalides qui se forment
à la fin de l'été sont renfermées dans de légers cocons, placés entre les
mousses contre la surface du sol, ou dans les fissures des écorces des
624 LÉPlUOPTÈRtS.
arbres. I.a famille des Bréphides habile exclusivement l'Europe. Les
insectes parfaits éclosent à la fin de l'hiver ou au commencement du
printemps; leur vol est vif et élevé, saccadé, exigeant les rayons du
soleil, car, à peine l'astre est-il voilé, même pour un instant, que ces
papillons suspendent leur vol, pour le reprendre aussitôt qu'il recom-
mence à briller; ils se posent volontiers sur la terre humide ou sur les
troncs des bouleaux. La famille ne comprend qu'un seul genre, Bre-
phos, Ochs., et les couleurs de ses jolis papillons les font un peu res-
sembler d'aspect à des Catocala en miniature. Nous possédons en France
deux espèces : B. Parthenias, Linn., V Intruse, Engr., the Orange Un-
denving des entomologistes anglais, 35 millimètres d'envergure chez le
mâle, les ailes supérieures d'un brun obscur, saupoudré d'écaillés cen-
drées, avec les espaces médian et subterminal teintés de ferrugineux,
deux taches blanchâtres à la côte, la tache réniforme arrondie, noi-
râtre, entourée de blanchâtre, les ailes inférieures d'un jaune fauve,
avec une étroite bordure noire et une grande tache triangulaire noire
longeant le bord abdominal et s'avançant vers le milieu de l'aile;
femelle plus grande, plus saupoudrée de blanc, à lignes plus distinctes,
et pour laquelle M. G. -A. Poujade a fait connaître un caractère dislinc-
tif, qui manque dans les femelles des deux autres espèces, Nolha et
Puella : en examinant la partie ventrale, on aperçoit les cinquième et
sixième segments munis d'une sorte de brosse de couleur rousse, qui
tranche sur les poils gris, et qui est formée de longues écailles dirigées
obliquement vers la partie anale, chacune de ces écailles, vue au mi-
croscope, se montrant sous la forme d'une longue lame qui s'élargit
graduellement de la base à l'extrémité fortement recourbée en crochet,
la courbure dirigée en dehors; rien d'analogue chez les mâles, cette
partie tenant peut-être à quelque détail de la ponte; papillon en mars
et même dès la fin de février dans les clairières, allées et chemins des
bois; chenille verte, à lignes et trapézoïdaux jaunes, en juin et juillet
sur le bouleau, parfois sur le chêne et le hêtre; B. Notha, Hubner, the
Ligt Orange Underwing, espèce plus petite, très analogue de coloration
à la précédente, un seul point blanc à la côte des ailes supérieures, la
tache noire triangulaire des ailes inférieures plus ondulée à son bord
inférieur que chez les Parthenias, en outre les antennes du mâle gar-
nies de lames spatulées et non de lames simples, comme chez les Par-
thenias; espèce du centre et du nord de la France, moins commune et
moins répandue que la précédente, en avril, plus tardive par consé-
quent, de sorte que les premiers Notha éclosent quand les derniers
Parthenias disparaissent ; chenille en juin et juillet sur le bouleau, verte,
à ligne noire latérale et tète tachée. Une troisième espèce, B. Puella,
Lang., manque en France; elle est d'Allemagne, d'Autriche, de Hongrie.
uibiiogi-aitbie des ii'uctuciicns. — A consulter : A. Guenée, Notice
sur quelques nouveaux genres à établir dans l'ordre des Lépidoptères, et
PHALÉNIENS. 625
principalement dans le genre Noctua, Linn. (Ann. Soc. entom. France,
t. VI, 1837, p. 219-228); Essai pour servira la classification des Noctué-
lides {Ann. Soc. entom. Fr., t. VI, 1837, p. 311-368); Matériaux pour
servir à la classification des Noctuélides {Ann. Soc. entom. Fr., t. VII,
1838, p. 107-125, 201-239, et t. VIII, 1839, p. 473-522); Essai sur la
classification des Noctuélides {Ann. Soc. entom, Fr., t. X, ISZil, p. 53-83,
217-234); Nocluarum Europœarum Index methodicus,classifîcatio in Ann.
Soc. entom. Gallicœ tabulam fimjens {Ann. Soc. entom. Fr.,t. X, iS/jl,
p. 235-250) ; iVoc<we/«ïes dans le s pecies des Lépidoptères, 3 vol. in-8, Paris,
Roret, 1852 ; Deltoïdes, 1 vol. , 1851. — J. Lederer, Versuch die Europaïschen
Lepidopteren, etc. {Verhundlungen Wien zool. botan. Verein, 1852, t. II,
p. 1 4-5/1, 65-126); Die Noctuinen Europas, mit Zuziebung einiger bisher
meist dazu gezdhlten Arten der asiatischen Russlands, Kleinasiens, Syriens
und Labradors {Wien Gerold, 1857, t. VllI, p. 16 et 252, tab. h). —
E. Berce, Faune française des Lépidoptères, Noctuae, t. III et IV, 1870,
Paris, E. Deyrolle; Deltoïdes, t. VI, 1878.
Tribu des PHALK.lîIEIlS.
Les espèces de la tribu des Phaléniens sont celles que les amateurs,
transportant à tout le groupe ce qui ne convient qu'à la chenille, nom-
ment Arpenteuses ou Géomètres, la réduction du nombre des pattes
membraneuses, qui n'était qu'une assez forte exception chez les iNoc-
tuéliens, devenant ici la règle presque générale. Les papillons de cette
tribu ou les Phalènes proprement dites ont, en immense majorité, le
corps grêle, le thorax étroit et les ailes proportionnellement larges, ce
qui fait que leur vol est plus incertain, plus vacillant que celui des
autres Hétérocères de même taille. Ce vol se rapproche notablement de
celui des Diurnes, ce qui s'explique par l'analogie de conformation que
nous venons d'exposer ; mais il n'en a pas l'énergie et la durée en raison
de la faible charpente nervulaire et de la minceur de la membrane
alaire. Les soirées sereines et sans vent plaisent particulièrement aux
Phalènes. Il n'y en a qu'un très petit nombre qui aient réellement un
vol diurne, ainsi les Psodos, dont les] papillons, de petite taille et de
couleurs sombres, volent au soleil dans les régions élevées des monta-
gnes alpines et sous-alpines, le Tanagra Atrata, Liun., syn. Chœrophijllata,
Linn., noir dessus et dessous, sauf la frange blanche à l'angle apical de
l'aile supérieure et dont le mâle vole sans cesse en plein soleil dans
les lieux herbus de toutes les montagnes de la France, les Aspilates,
le Lythria Purpuraria, Linn., commun en Beauce, les Oporabia Dilutata
et Autumnata, qui volent eu octobre et novembre dans les futaies de
nos bois parisiens dès que le temps est clair, la plupart des Fidonia, à
GIRARI*. , m. — àO
626 LÉPIDOPTÈRES.
antennes très plumeuses, à aiks agréablement tachetées de points et
de bandes noires sur fond clair, janne ou rougeittre, la plupart des
Anaitis, comme A. Plagiaria, etc. ; toutefois si la très grande majorité des
Phalènes ne vole spontanément qu'au crépuscule, on peut les chasser
en plein jour tout aussi bien qu'à l'entrée de la nuit. Pendant toute la
durée du jour elles demeurent cachées dans l'épaisseur du feuillage,
dans les crevasses des rochers, ou s'appliquent sur le tronc des arbres,
sur les murailles, aux rebords dos toits, etc. ; mais la moindre secousse
ou même une simple commotion de Tair, déterminée par un bruit de
quelque intensité, comme l'approche d'un homme ou d'un animal,
suffisent pour leur faire abandonner leur retraite, afin d'en chercher
une autre à quelque distance. Dans l'état de repos quelques Phalènes
tiennent les ailes relevées perpendiculairement au corps (la plupart des
Fidonia) à la façon des Diurnes; mais la plupart ont une attitude très
différente et caractéristique. Elles s'appliquent étroitement contre les
murs et les troncs d'arbres ou sous les feuilles, les quatre ailes étendues
et bien découvertes, presque parallèles au plan de position, leur bord
ayant tout juste l'inclinaison nécessitée par la faible épaisseur de la
poitrine. Cette position semble si naturelle aux Phalènes, qu'elles s'y
placent du premier coup, tantôt faisant succéder brusquement une im-
mobilité absolue à l'agitation du vol, tantôt après avoir exécuté quelques
battements d'ailes et décrit un demi-tour sur elles-mêmes, comme pour
trouver une assiette définitive. Au moindre trouble, ou bien elles s'en-
volent ou bien elles se laissent tomber dans l'herbe ou les feuilles sè-
ches ; mais tandis que les Noctuelles, en pareil cas, se bornent à retirer
les pattes sous le corps, font une si-mple chute verticale par leur poids,
en restant immobiles dans la position où cette chute les a placées, les
Phalènes, en quittant les arbres, les rochers, les murs, se servent de
leurs ailes étalées comme d'un parachute et vont tomber en parabole
dans l'herbe sous laquelle elles se glissent, ou sur le sol où elles
étendent de nouveau leurs ailes à plat avant de reprendre l'immo-
J)ilité.
Les Phaléniens ont des dimensions moyennes ou petites, il en est peu
çui mesurent 50 à 60 millimètres d'envergure (certains Buarmia, Am-
phidasijs et surtout Urapteryx), et presque tous ont des proportions
beaucoup moindres. On peut dire que les papillons de cette tribu se
montrent dans toutes les saisons de l'année ; on voit souvent éclore en
janvier Phigalia P//osana,Hubner,les premières Hibernides apparaissent
en février et se prolongent en mars, d'autres sont de la fin d'octobre et
de novembre, les Oporabia se prolongent jusqu'en décembre, qui est le
mois habituel de l'éclosion à l'état parfait de la nuisible Phalène hyé-
male (Cheimatobia Brumata). Il faut remarquer que tous ces papillons
de rhiver (sauf les Oporabia) ont les femelles à ailes très rudimentaires,
impropres au vol ou tout à fait nulles, le fait est général dans la famille
des Hibernides propres. Les mois les plus favorables à l'apparitiun des
PHAiLËNlENâ. 627
Phalène? sont ceux de juin et de juillet, et c'est en mai et septembre
qu'on récolte la plus grande quantité de leurs chenilles. Les doubles
générations annuelles sont fortement subordonnées à la latitude, à
l'altitude et surtout aux températures du printemps et de l'automne ;
elles n'ont donc qu'une médiocre importance dans les catalogues. Il y
a des espèces qui n'ont pas d'époque iixe d'apparition et se succèdent
sans interruption à tous leurs états, depuis les premiers beaux jours
jusqu'à l'arrière-saison ; telles sont : Strenia Clathrata sur les luzernes et
les trèfles, Eubolia Palumbaria et Anthena Candidata, aux. ailes d'un
blanc de lait. Les Phaléniens ont certaines espèces qui nuisent à nos
végétaux utiles, bien qu'en proportion moindre que les Xoctuéliens et
les Bombyciens. Les Ennonws, les Amphidasys, les Ephyra, les Cahci'a,
les Oporahia, quelques Hoarmides, etc., dévorent les arbres de nos
forêts ; les Halia et les Abraxas dépouillent souvent nos groseillers de
toutes leurs feuilles. Les arbres fruitiers sont surtout exposés aux ra-
vages des Phaléniens. Les Hibernides propres ont des espèces qui atta-
quent fortement nos vergers en certaines années, ainsi Hibernia
Di'fnliaraa, Linn. ; en outre une Eupithecia {E. Rectantjulata, Linn.) et
surtout une espèce de la famille des Larentides, qui est un fléau de
l'horticulture, le Cheimatobia Brumata, Linn.
Les chenilles des Phaléniens semblent, dans leur progression, me •
surer combien de fois l'espace qu'elles parcourent contient la longueur
de leur corps, ce qui leur a valu les noms d'Arpenteuses et de Géomètres,
appliqués par extension à leurs papillons. A bien peu d'exceptions près
(les chenilles vivant de Lichens du genre Aventia, Duponchel, ont seize
pattes, mais les trois premières paires de pattes membraneuses beau-
coup moins longues que les autres), ces chenilles n'ont que dix pattes,
les six écailleuses ou thoraciques, qui vont en grandissant du premier
au troisième anneau, et quatre pattes membraneuses seulement atta^
chées aux deux derniers anneaux, latérales, élargies, trapéziformes et
montées sur de robustes mamelons, ce qui les rend éminemment propres
à la préhension; aussi servent-elles à ces chenilles au moins autant
pour le repos que pour la marche. Les six anneaux intermédiaires dé-
pourvus de pattes, ou au moins les cinq premiers, sont beaucoup plus
grands que la somme des longueurs des anneaux extrêmes, surtout des
trois derniers, qui sont extrêmement ramassés. En général, tous ces
anneaux sont plissés transversalement, surtout près des incisions, ce
qui est nécessaire pour des segments qui doivent subir des flexions
considérables et qui peuvent aussi de la sorte exécuter des torsions la-
térales et permettre à la chenille de porter la tète en tous sens pour
chasser des ennemis. Quand une chenille de Phalénien veut marcher,
elle fixe d'abord ses six pattes thoraciques aussi loin qu'elle peut trouver
un point d'appui; elle ramène ensuite, en recourbanten boucle tout le
milieu du corps, ses quatre pattes postérieures aussi près que possible
des six premières, de sorte qu'elle se trouve avoir parcouru, sans le
628 LÉPIDOPTÈRES.
toucher, un espace presque égal à sa propre longueur. D'où l'on voit
que le petit nombre des pattes des chenilles des Géomètres, loin de
ralentir leur marche, sert plutôt à l'accélérer, et ce système, en mt^me
temps qu'expéditif, leur est aussi très avantageux, car il leur permet de
circuler aisément parmi les herbes et les broussailles; partout où elle
trouve un point d'appui dont l'éloignement n'excède pas la longueur
de son corps, la chenille peut passer sans être arrêtée, comme le serait
une chenille à seize pattes complètes, par les solutions de continuité
dans l'espace à parcourir. Si nous passons de la marche à l'état de
repos, nous verrons que ce sont les deux paires de pattes de l'extrémité
de l'abdomen qui font toute la besogne. Les pattes anales s'écartent, se
rejettent en arrière et forment comme une base sur la surface de
position, tandis que les ventrales à l'aide de leurs longs mamelons,
de leurs crochets recourbés et de leurs puissantes couronnes en
entourent les parties saillantes, de sorte que la chenille se trouve à
la fois assises sur quatre points et accrochée par deux. Certaines che-
nilles se tiennent alors recourbées, la tête en l'air, en arquant leurs
anneaux intermédiaires; beaucoup d'autres {Vrapteryx, Ennomos,
Boarmia, etc.) se raidissent et tiennent leur corps entièrement rectili-
gne, les pattes écailleuses dirigées en avant, la tête ramenée en des-
sous, les trois segments thoraciques ramassés et froncés de manière à
paraître n'en faire qu'un seul. La chenille ainsi cramponnée au support
par les seules pattes postérieures est en situation verticale, ou oblique,
ou horizontale, ou renversée et conserve ainsi une immobilité et une
rigidité parfaites pendant de longues heures, et parfois durant la
journée entière.
C'est là un des nombreux exemples des harmonies naturelles
entre les animaux et les milieux où ils sont destinés à passer
leur existence. Généralement revêtues des formes et des nuances des
objets qui les environnent, ces chenilles échappent aisément, à l'aide
de cette ressemblance souvent frappante, aux recherches de leurs
nombreux ennemis. Ce sont surtout les espèces arboricoles qui possè-
dent cette précieuse faculté imitative {mimicry) qui leur permet de se
dissimuler aux regards sans prendre la peine de se cacher : leur corps
arrondi, de couleur d'écorce ou de Lichen, bosselé çà et là par des
protubérances charnues simulant des bourgeons, imite si parfaitement
un petit rameau de bois sec, que, lorsqu'elles se tiennent immobiles et
rigides, formant un angle avec la branche qui les supporte, l'œil hu-
main le plus exercé est presque toujours impuissant à les distinguer
des mille brindilles qui garnissent les rameaux des arbres et des ar-
bustes; les chenilles de leur espèce ou d'autres Phaléniens partagent
même l'erreur ; on en voit, qui trompées par cette fallacieuse rigidité,
montent sur leurs semblables, et s'y implantent comme sur une bran-
che, jusqu'à ce que fatiguée du contact, la patiente prenne le parti de
secouer cette incube d'une nouvelle espèce; il est bien probable que
PHALÉNIENS. 629
les insectes ennemis et même la vue perçante des Oiseaux sont souvent
en défaut.
Les couleurs et les dessins sont beaucoup moins remarquables, moins
compliqués et moins constants chez les chenilles des Phaléniens que
chez celles des lîombyciens et des Noctuéliens. Quand ces dessins sont
biens accusés on y retrouve les lignes ordinaires des chenilles d& Noc-
tuelles et les points trapézoïdaux, très écartés et plutôt en rectangle
qu'en trapèze, sur les longs anneaux intermédiaires dépourvus de
pattes. La dernière paire du onzième anneau est presque toujours plus
saillante et forme fréquemment deux pointes pyramidales ou une arête
transversale; ce qui est spécial aux Phaléniens, c'est que les chenilles
ont souvent sous le ventre des dessins analogues à ceux de la région
dorsale, en particulier une vasculaire médiane fortement accusée,
quoiqu'elle ne recouvre pas ici une série de cœurs artériels comme
en dessus. Des points correspondants aux trapézoïdaux y existent aussi,
également verruqueux et portant un poil raide et court. Ces chenilles
sont plus sujettes que dans les autres tribus à offrir des excroissances
charnues, comme des bourgeons appendiculaires. Indépendamment des
excroissances sur le onzième anneau que nous venons d'indiquer, on
en rencontre fréquemment sur le dessus des anneaux Zi et 8 et sur les
côtés de l'anneau 5. Ces excroissances sont surtout l'apanage des che-
nilles qu'on a nommées Arpenteuses en bâton, c'est-à-dire qui présentent
le plus de ressemblance avec des brindilles de bois sec, ce qui complète
l'illusion de coloration et de raideur qui assure leur sécurité, ainsi
dans la famille formée du genre Ennomos et des genres dérivés.
Les mœurs des chenilles de Phaléniens sont moins variées que celles
des chenilles de Bombyciens et Noctuéliens. Nous n'y trouvons pas de
chenilles à fourreaux, comme chez les Psyché et chez beaucoup de
Microlépidoptères, ni de chenilles souterraines, ou endophytes (Cossiens,
Sésiens), ou aquatiques, à la façon de certains genres de Pyraliens
(Catadysta, Hubner, Nymphula, Hubner ou Hydrocampa, Steph., Latr.,
Cn.). La plus grande partie de ces chenilles, qu'elles soient herbivores,
arboricoles ou lichénivores, vivent à découvert sur les feuilles des ar-
bres ou des plantes basses, mangeant soit pendant le jour, soit pendant
la nuit. A la moindre secousse, elles se laissent tomber en émettant
un long til, soit qu'elles se laissent tomber jusqu'au sol, soit
qu'elles attendent, suspendues en l'air, que le danger soit passé.
Elles remontent à volonté avec ce fil qu'elles pelotonnent rapidement
entre les pattes thoraciques intermédiaires. Il en est qui se cachent
entre les écorces, d'autres qui se roulent dans la corolle des fleurs, ou
rongent les folioles des bourgeons, ou passent toute leur vie dans les
fruits capsuleux; ainsi beaucoup d' Eupithecia,Sinsdogiies par ces mœurs
aux Dianthœcia des Noctuéliens. Le mode de transformation en chrysa-
lides n'est pas très varié : ou bien celles-ci sont renfermées dans un
cocon lâche et peu défini, filé entre les feuilles ou les broussailles ou
630 r.ÉPIDOPTÈRliS.
entre les brins de mousse, ou bien elles s'enlen-ent dans une cavité
très fragile qui mérite à peine le nom de coque terreuse. Il est aisé eu
général de distinguer ces chrysalides de celles des Noctuelles par leur
partie abdominale plus conique et plus aiguë, l'enveloppe des ailes plu?
courte, la couleur d'un brun rougeàtre moins dominante et plus sou-
vent nlélée de vert ou de noir, la peau chilineuse moins épaisse et plus
translucide. Il n'y a que peu d'exceptions aux modes de nymphose que
nous venons d'indiquer : les Ephyra suspendent leurs chrysalides à la
façon des Diurnes du genre Thaïs, par un lien caudal fixé à une feuille,
sans coque ni réseau, parfois en outre avec une ceinture de soie; ces
chrysalides sont vertes ou testacées, marquées de petites lignes élevées,
la partie antérieure tronquée presque carrément ; VUrapteryx Sambu-
caria, Linn., enferme sa chrysalide dans un élégant hamac de soie,
suspendu à une bninche de l'arbuste qui a nourri la chenille et balancé
par le \ent; dans le genre Pericallia, Stéphens, des linnomides, les
chrysalides sont courtes, renflées au milieu, renfermées dans un
léger réseau, attaché et suspendu aux branches par les parties supé-
rieures.
Nous résumons comme il suit les caractères généraux de l'anatomie
externe des Phaléniens : antennes variables, à tige mince, sans nodo-
sités, parfois pjumeuses dans les milles par exagération des antennes
ciliées de certains Noctuéliens, formées comme elles de lames pu-
bescentes, mais plus minces, plus longues, plus contournées, moins
régulières, garnies de cils plus ténus; ces lames ne vont pas en dé-
croissant régulièrement du quart ou de la moitié de l'antenne jusqu'au
sommet, celles de l'extrémité étant au contraire fort longues et la
hampe comme perdue au milieu d'elles; en général, les antennes des
mâles se rapprochent de la ciliation ordinaire des Noctuéliens, mais
avec les lames plus grêles et les poils plus fins ; les écailles de la hampe
et parfois aussi celles des lames sont entremêlées de gris blanchâtre
et de brun, d'où résulte un aspect farineux ou pulvérulent tout particu-
lier, bien visible chez les Boarmides, les t'idonides et beaucoup d'En-
nomides; parfois enfin les antennes sont simples dans les deux sexes;
front dépourvu de stemmates ; spiritrompe généralement grêle, plus
souvent membraneuse que cornée, sans écailles à la base comme chez
les Pyraliens, formée de deux gouttières de couleur pâle tendant à se
disjoindre, parfois nulle ou presque nulle dans certaines espèces ; palpes
assez courts, rarement velus; corps grêle; thorax très court, très sou-
vent arrondi, jamais huppé, ni crêlé, à courts ptérygodes ; abdomen des
mâles presque toujours grêle, allongé, peu velu, sans crêtes; l'abdomen
est marqué, chez beaucoup de Phaléniens, de deux séries dorsales de
taches noires; il y a exception pour la forme du corps dans les Amphi-
dasydes (ainsi Amphidasys betularia, Linn. , Prodromaria, cat. de V., etc.),
chez lesquels le corps est beaucoup plus renflé, le thorax se rappro-
chant de celui des Bombyx, l'abdomen de celui des Noctuelles; ailes
LKAPTERYX. 631
munies de l'appareil du frein, miuces, délicates, les inférieures non
plissées, participant souvent aux couleurs et aux dessinsdes supérieures;
ces ailes ont d'ordinaire les trois lignes principales des Noctuelles
{Vextrabasilaire, la coudée et la subterminale de Guenée), la coudée, la
plus constante des trois, existant souvent seule et étant presque toujours
commune aux quatre ailes (caractère spécial aux Phaléniens) ; parfois,
au contraire, les trois lignes se multiplient, en se dédoublant, dans la
majeure partie des Larentides ; les taches orbiculaire et claviforme
manquent, la réniforme s'est transformée en un simple point, nommé
cellulaire ou discoïdal, ou en un petit anneau ovale, point ou anneau
se reproduisant presque toujours sur les ailes inférieures; quant au
contour des ailes, caractère qui reste constant dans les variétés d'une
espèce, il oiîre fréquemment une dent ou échancrure plus profonde
que les autres aux ailes inférieures, reproduite parfois aussi aux ailes
supérieures; ces mêmes ailes ont encore, chez beaucoup d'espèces, une
particularité assez curieuse; c''est une petite vésicule, placée près de
leur base, au-dessus de la nervure sous-médiane qu'elle fait parfois
dévier; cette vésicule n'est pas, comme chez les Satyrides, un renflement
de cette nervure, mais seulement une légère convexité en dessus de la
membrane alaire, à laquelle répond en dessous une fossette de même
étendue ; pattes longues, peu ou point renflées, les postérieures à
jambes souvent renflées et presque toujours munies, au moins dans l'un
des sexes, de deux paires d'éperons; le renflement des jambes posté-
rieures forme souvent une gaine ou étui dans lequel est renfermé un
faisceau de poils susceptibles de s'épanouir dans des circonstances
données; parfois il y a atrophie, qui peut devenir presque complète, des
tarses postérieurs, ainsi dans la majorité des Acidalides; enfin les cuisses
antérieures de certains genres sont armées d'un ongle, ou épine re-
courbée très robuste, analogue à celle qu on observe chez certains
Noctuelles, comme les Héliothis. — Chenilles à incisions peu profondes,
lisses, ayant les trois premières paires de pattes membraneuses
presque coustamaient absentes, et dans tous les cas plus courtes que
les autres. — Chrysalides rases, mutiques, à anneaux abdominaux
libres.
Nous nous contenterons d'indiquer quelques types intéressants de la
tribu des Phaléniens.
URAPTERTX, Leach. — Antennes simples dans les deux sexes, plus épaisses
chez le mâle ; spiritronipe longue ; dernier article des palpes très petit, ne dépas-
sant pas le chaperon, qui est large et velu ; thorax robuste et velu ; ailes assez
épaisses, cotonneuses, à nervuj'es refoulées vers la côte, l'angle apical des ailes
supérieures très aigu; milieu du bord terminal des inférieures prolongé en
queue; pattes robustes. — Chenille très allongée, ramiforme, à tête lenticulaire,
l'anneau 3 renflé, munie de caroncules et d'éminences sur les anneaux 5 et 7. —
Chrysalide renfermée dans un léger réseau suspendu par des fils.
632 LÉPIDOPTÈRES.
Nous n'avons en Europe qu'une seule espèce U. Sambucata, Linn., la
Soufrée à queue de GeoflVoy, the Swalloiv-tailed Moth.. de Zi5 à 60 milli-
mètres d'envergure, les deux sexes pareils; corps soufré, avec le devant
de la tête d'un brun cannelle ; antennes et tarses blancs ; ailes d'un
jaune soufré, avec quelques stries oblongues olivâtres, les supérieures
à sommet aigu, un peu falqué au bord terminal, qui est un peu denté,
avec deux lignes olivâtres, écartées et un trait cellulaire, les inférieures
avec une seule ligne olivâtre et une queue amincie et arrondie au
bout, au-dessus de laquelle est une tache rouge entourée de noir et une
tache ou un trait noir; frange d'un rouge ferrugineux. Ce remarquable
papillon vole avec rapidité au crépuscule autour des buissons, dans les
prairies et surtout dans les grands jardins, à la fin de juin et en juillet;
il n'est jamais très commun près de Paris et l'est davantage dans les
régions boréales de l'Europe. La chenille, qui passe l'hiver et se chry-
salide en avril et mai, se trouve de septembre à mai, surtout sur le
chèvrefeuille et le sureau, aussi sur le lierre, la ronce, le prunellier, etc.
Elle est très longue, aplatie et effilée antérieurement, d'un brun de bois,
la tête lenticulaire, élargie et coupée carrément en avant, la vasculaire
plus foncée et deux autres lignes plus claires et vagues, les pattes
écailleuses portées sur deux forts mamelons, deux caroncules latérales
sur le cinquième anneau, une caroncule dorsale recourbée en avant
sur le septième; elle a la fréquente habitude de rester suspendue par
un fil pendant de longues heures; chrysahde d'un ochracé pâle, striée,
avec une ligne vasculaire plus sombre.
Cette espèce est le type d'une famille, décomposée par Guenée en
plusieurs genres, offrant de nombreuses espèces exotiques, la plupart
de la plus grande taille des Phaléniens, et faisant comme un passage
aux Uraniens. Elles sont principalement de l'Amérique méridionale
chaude et du Mexique, et aussi du continent Indien, de Chine, d'Ays-
tralie, de Tasmanie. Nous représentons, pi. xcvii,fig. 1, Z7.i|/ac/iaonono,
Boisd., de Colombie, 52 millimètres d'envergure, entièrement d'un
blanc mat, avec trois bandes transversales brunes aux ailes supérieures,
deux aux inférieures, celles-ci prolongées en une petite queue, dont la
base est marquée de deux gros points noirâtres; frange des quatre ailes
brune, jaunâtre à l'angle anal des inférieures; dessous sans taches ni
bandes. Contrairement à l'opinion de Boisduval et de Guérin-Méneville,
Guenée a retiré cette espèce et d'autres analogues de la tribu des Pha-
léniens, pour la placer dans les Attaciens, en raison de la nervulation,
des antennes bipectinées et à lames pubescentes des mâles, de l'absence
de spiritrompe, de l'abdomen ramassé et velu, des pattes courtes et
laineuses ; la connaissance exacte des premiers états décidera la ques-
tion. (Voyez à ce sujet une discussion de Guenée à propos du genre
Micronia, Phalénites, II, ou X du Species, 1857, p. 23.)
Les Ennomides constituent une famille de belles Phalènes à ailes
généralement dentées ou anguleuses, avec les antennes des mâles
PHALÉMEiNS. 633
presque toujours garnies de lames pubescentes, qui les font paraître
pectinées, l'abdomen épais chez les femelles ; les chenilles, rami-
formesou pédunculiformes, ont le plus souvent 10, mais parfois 12 ou
ih pattes et vivent à découvert sur les arbres et arbrisseaux. Le genre
Metrocampa, Latr.. a des papillons à ailes supérieures anguleuses et
aiguës au sommet, les inférieures dentées; les chenilles allongées,
aplaties en dessous, garnies d'appendices filamenteux sur les côtés à la
façon des Catocala, munies de 12 pattes, dont 10 seulement servent à la
marche. Le type est M. Margaritata , Linn., le Céladon, Geoffr., the Light
Emerald, les quatre ailes d'un joli vert tendre, se changeant en gris de
perle sur les sujets secs ; bois de chênes et surtout de hêtres en mai,
et sujets de Zi2 à Zi5 millimètres d'envergure, puis en août, et alors pa-
reils, mais beaucoup plus petits, 30 à 35 millimètres d'envergure ; che-
nille grise cà dessins dorsaux et points trapézoïdaux du onzième anneau
jaunâtres, vit en avril, puis en septembre et octobre sur le chêne, le
hêtre, l'aulne, etc. Dans le genre Rumia, Duponchel, les papillons ont
les antennes simples dans les deux sexes et les aiies entières, sans
angles ; les chenilles sont ramiformes, avec un tubercule très élevé sur
le sixième anneau, ont 14 pattes et ne portent d'appendices filamen-
teux qu'entre les deux dernières paires. Le type est R. Cratœgata, Linn.,
la Citronelle roiiillée, GeoR'r., the Brinstone iMoth, de 32 millimètres
d'envergure, d'un beau jaune citron, avec deux lignes flexueuses com-
posées de lunules grises plus ou moins bien marquées, très commun en
mai, puis en août, dans tous les bois et sur les haies, vole au crépus-
cule; chenille sur les prunelliers, les aubépines, les alisiers, etc., en
mars et avril, puis de juillet à décembre, devenant chrysalide dans une
coque assez solide, fixée aux branches ou entre les feuilles. Les Lnno-
mides qui vont suivre ont toutes des chenilles à dix pattes. Les Venilia,
Dup., ont les antennes simples dans les deux sexes, les ailes aiguës au
sommet et volent en plein jour; les chenilles, sans éminences, vivent
sur les plantes basses. Le type, très commun dans tous les bois, en mai
et juin, volant avec Thecla rubi,, est V. Macidala, Linn., la Panthère,
Geoffr., the Speckled Yellow; 28 millimètres d'envergure, pareil dans les
deux sexes, ailes d'un jaune d'or, parfois ocreux, parfois au contraire
d'un citron pâle, avec beaucoup de taches noires, inégales, irrégulières,
formant des bandes interrompues ; parfois quatre taches costales seule-
ment, ou, au contraire, toutes les ailes envahies par le noir; chenille
verte, avec les incisions et la ligne vasculaire plus foncées, celle-ci
placée entre deux filets blancs, la tête verte, avec deux traits latéraux
blancs; en août et septembre sur divers plantes basses, surtout lesChi-
coracées et les Lamium (Labiées); chrysalide enterrée. Les Angerona,
Dup., ont les antennes très pectinées dans les mâles, la spirilrompe
longue, les ailes larges, striées, sans lignes bien distinctes, les infé-
rieures échancrées. Le type est A. Prunaria, Linn., la Phalène du pru-
nier, Devillers, the Orange Moth, les ailes d'un beau jaune orangé vif,
<i34 LÉPIDOPTÈRES.
couvertes de petites stries noires, avec un trait épais, noirâtre sur le
disque de chaque aile; une variété, plus rare, a les ailes envahies pai*
le brun; d'autres présentent des albinisnies partiels et irréguliers par
décoloration; papillon en juin dans les allées des bois et les routes
plantées d'arbres; chenille allongée, grise, striée et marbrée de brun,
avec deux tubercules bifldes, l'un sur le quatrième, l'autre, plus élevé,
sur le huitième anneau, sortant de l'oeuf en septembre, passant l'hiver
engourdie sous la mousse ou dans les fentes des arbres, arrivant à toute
sa taille à la fin de mai de l'année suivante, vivant surtout sur le pru-
nellier et sur les pruniers cultivés. C'est surtout dans les jardins qu'il
faut chercher une fort belle et rare Phalène, en mai et juin, puis eu
août, au crépuscule, PericalUa (Steph.) Syringaria, Linu., la Phalène
jaspée, (ieoffr., la Phalène du lilas, Encycl. métli., the Lilac Beauty, à
ailes larges et échancrées, jaspées de rose, de lilas, de jaune fauve et de
verdâtre, avec les antennes pectinées dans les deux sexes, plus forte-
ment chez les mâles, la spiritrompe rudimentaire, les pattes courtes;
la chenille brune, à manteau ferrugineux, est très curieuse pai- sa forme
et sa bizarre attitude au repos; elle est courte, épaisse, pubescente,
amincie en avant, munie sur le dos de six caroncules saillantes, dont
deux sur le septième anneau formant de longs filaments recourbés en
arrière; elle vit au printemps et en automne sur les chèvrefeuilles, les
lilas, les jasmins, les troènes. Au lieu de se tenir, au repos, ruide ci
en bâton, comme ses congénères, elle se tient repliée, les deux jwrtics
du corps appliquées l'une contre l'autre, la tète un peu relevée, posi-
tion qui rend fortement saillantes les caroncules dont son corps est
orné; la chrysalide est également très courte et logée dans un réseau ù
larges mailles que la chenille suspend à une feuille ou à un rameau.
Le genre Ennomos, Treitscke, a les antennes très pectinées, à lames
longues et serrées dans les mâles, dentées en scie par de courtes lames
chez les femelles, la spiritrompe rudimentaire ou nulle, les palpes sail-
lants en bec aigu, le thorax épais et velu, l'abdomien grêle et terminé
par un bouquet de poils chez les mâles, épais et ovoïde chez les fe-
melles, les ailes dentées avec une dent plus saillante au milieu du
bord terminal ; les chenilles, k tète plus large que le cou, globuleuse
et aplatie en avant, sont longues, ramiforraes, garnies de tubercules
&ur le dos et sur les côtés et vivent sur les arbres; les chrysalides, ventes
ou lestacées, sont renfermées dans de légers réseaux entre les feuilles.
L'espèce la plus commune est E. Angularia,ca[..â.e V., la Zo?jr', Geo(5V.,i/ie
August Thorn, de 38 à ZiO millimètres d'envergure, variant considérable-
ment, d'un fauve jaunâtre ou rougeâtre, avec bandes bruriùtres,dans les
bois en juillet, août, septembre, très abondant à Compiègne dans les futaies
de hêtres et de charmes, appliqué sur les troncs ou à terre sur les roules
ou les feuilles sèches, le mâle volant en plein jour pour peu quïl soit
dérangé ; chenille en juin, sur la plupart des arbres forestiers, très
effilée, d'un brun rougeâtre, avec une petite carène dorsale et deux
PHA-LÉiNIENS. 635
latérales sur chacun des anneaux 5 el 6, une carène dorsale sur 8, deux
pointes saillantes écartées sur 11, Dans le genre voisin Himera., Dup.,
les papillons onl les antennes plumeuses jusqu'au sommet et à lames
très longues chez le mâle, la spiritrompe grêle, les palpes très courls, le
corps velu, les ailes minces, peu dentées, avec la nervulation ditlerente
dans les deux sexes, les chenilles luisantes, sans éminences, à tête glo-
buleuse, les chrysalides enterrées. Le type est tf. Pennaria, Linn., la
Phalène emplumée, Encycl. méth., the Feathered Thorn, de 42 millimètres
d'envergure, d'un jaune ocreux chez le mâle, plus pâle chez la femelle,
avec lignes rougeâtres et pointillures d'un rouge brique, espèce des
jardins, des avenues de bois, des taillis, en septembre, octobre et même
novembre en battant, si commune parfois que les allées des bois sont
jonchées de ses débris abandonnés par les oiseaux et surtout les chauves-
souris qui cil font une graude destruction; chenille lisse, d'un gris clair,
avec losanges nuancés de brun et de blanc, le ventre bleuiUre et deux
pointes rouges sur le onzième anneau; en avril, mai, juin, sur le chêne
et le prunellier; chrysalide enterrée.
Les Amphidasydes présentent des papillons bombyciformes, à antennes
pectinées ou plumeuses dans les mâles, sétacées dans les femelles, la
tête petite et cachée sous le prothorax, la spiritrompe nulle, les palpes
rudimentaires et cachés sous les poils du front, le thorax robuste, velu
et bombé, l'abdomen velu chez les mâles, picoté de noir chez les fe-
melles, les ailes épaisses, les supérieures prolongées au sommet, les
inférieures plus courtes; les femelles sont souvent aptères ou n'ayant
que des moignons d'ailes rudimentaires. Les chenilles, à 10 pattes, sont
allongées, raides, souvent luisantes, ramiformes, vivant le plus souvent
à découvert sur les arbres, parfois sur les plantes basses; chrysalides en-
terrées. l>e genre PhigaUa, Dup., présente des papillons à cuisseis velues
et à femelles absolument aptères, les chenilles hérissées de petites
pyramides pilifères. Citons P. Pitosaria, Linn., la Phalène velue, Encycl.
méth., the Pale Brindled Beauty, le mâle de /t2 millimètres d'envergure,
les ailes entières, minces, d'un gris verdâtre comme le corps, a\ec
quatre taches d'un brun bistré à. la côte et des lignes transverses nébu-
leuses et flexueuses, la femelle aptère, k tète et thorax d'un gris ver-
dâtre, à abdomen rougeâtre et zone de noir, comme celui du mâle;
papillon en février (parfois janvier) et mars, sur le tronc des arbres, les
palissades des jardins, les allées des bois, les promenades publiques
plantées d'ormes ou de tilleuls ; chenille brune, à tubercules subépi-
neux sur les anneaux h, 5, 6 et H, vivant en mai et juin sur le chêne,
l'orme et les arbres fruitiers, très délicate à élever, ce qui explique
pourquoi le papillon est assez rare, tandis que la chenille est très com-
mune, et nuisible à nos vergers, en certaines années, à la façon de
YHibernia IJefoliaria. Le genre Nijssia,Dnp., est analogue au précédent,
avec l'abdomen court, conique, à poils hérissés, les ailes oblongues,
petites relativement au corps, demi-transparentes, à nervures saillantes.
636 LÉPIDOPTÈRES.
les femelles n'ayant que des moignons d'ailes arrondis, à peine visibles,
les chenilles vivant sur les arbres et les plantes basses, les chrysalides
enterrées. L'espùce la plus intéressante est N. Zonaria, cat. de V., the
Uelted Beauty, 30 millimètres d'envergure chez le mâle, les ailes blan-
châtres, avec la côte, les nervures et l'espace terminal noirâtres, et deux
lignes blanches, subparallèles, la femelle avec des moignons d'ailes
très courts, noirs, bordés de poils blancs, l'abdomen large, ovoïde,
garni de poils blancs, terminé en pointe, noir, annelé de poils roux,
comme celui du mâle; papillon à la fin de mars et en avril, sur les
plantes basses et sur le tronc des arbres, les mâles volant à l'entrée de
la nuit seulement, a la recherche des femelles toujours immobiles ; en-
virons de Paris, Compiègne, France centrale, Alsace; assez rare. Ce
papillon a été fort abondant pendant un assez grand nombre d'années,
contre Paris, dans les prairies d'Ivry, près du confluent de la Seine et
de la Marne, au lieu dit Bosse-de-Marne. C'est vers 18/i3 que cette station
fut découverte par des amateurs de Coléoptères qui allaient dans ces
prairies, au premier printemps, pour y capturer le Meloe Scabrosus; on
y prit des milliers de Nyssia Zojiano pendant plusieurs années, de ma-
nière à fournir toutes les collections ; il y a quinze à dix-huit ans, j'en
capturai encore quelques spécimens dans cette localité, avec mon col-
lègue et ami M. J. Fallo; actuellement les constructions et les petites
cultures ont entièrement détruit l'espèce. La chenille, lisse, cylindrique,
sans éminences, est d'un vert pomme, avec la ligne stigmatale large
et d'un jaune clair; elle habite les prés humides, vivant en mai et
juin sur différentes plantes basses, la sauge des prés, la mille-feuille,
la jacée, etc. ; elle se change en terre, sans coque, en une chrysalide
qui passe l'hiver. Le genre Biston, Leach,o^re des femelles ailées comme
les mâles, des papillons très velus, d'aspect de Bombyx, les antennes
plumeuses, le corps court et robuste, le thorax très développé, hérissé
de poils épais, la spiritrompe et les palpes atrophiés, les ailes vigou-
reuses et fortement charpentées, pulvérulentes et à demi diaphanes;
les chenilles sont cylindroïdes, sans bourgeons, à lignes longitudinales.
Le type est le B. Hirtarius, Linn., la Phalène à ailes velues, de Geer, la
Phalène hérissée, Kncycl. métli., the Brindled Beauty, ZiO millimètres
d'envergure, les ailes demi-transparentes, surtout chez les femelles, où
elles sont souvent à demi développées et roulées sur les bords, d'un
gris roussâtre fortement saupoudré de noir, avec lignes noires ondulées,
le thorax hérissé de poils très épais, mêlés de gris et de brun, l'abdo-
men très velu et roussâtre; chenille d'un gris violâtre ou brunâtre, à
sous-dorsales jaunes, vivant sur plusieurs arbres ou arbustes, surtout
l'orme et le tilleul, se tenant le jo\ir entre les rides de l'écorce, descen-
dant au pied des arbres en août et septembre et se changeant sur le
sol, entre les herbes, sans cocon ni coque, en une chrysalide courte,
rugueuse, d'un brun noir, munie d'une pointe très fine à son extrémité
postérieure; papillons en mars et avril, sur les troncs, ne vivant que
PHALÈNIENS. 637
peu de jours, s'accouplant tout de suite et pondant des petits tasd'œufs;
l'espèce était autrefois très commune à Paris, sur les boulevards exté-
rieurs, plantés en ormes ou en tilleuls; on n'avait, en hiver, qu'à
fouiller au pied de ces arbres pour se procurer la chrysalide. Acciden-
tellement cette espèce peut être nuisible aux poiriers (1). Le genre
Amphidasys, Treitscke, a aussi des papillons printaniers, ailés dans les
deux sexes, avec la tige des antennes entrecoupée de blanc, ces antennes
pectinées et non plumeuses chez les mâles, filiformes chez les femelles,
les palpes et la spiritrompe visibles, le thorax large et robuste, l'abdo-
men court, les ailes opaques, épaisses, grises, pointillées et rayées de
noir, triangulaires ; les chenilles très longues, à tête échancrée et aplatie,
de couleurs très variées, vertes, grises, rougeàtres, brunes, avec des boutons
sur plusieurs anneaux, les chrysalides enterrées, sans coques. L'espèce
la plus commune est A. betularia, Linn., la Phalène du bouleau, Devil-
1ers, the Peppeied Moth, de ko millimètres d'envergure, en avril et mai,
parfois jusqu'en juin, dans les jardins, les avenues, les bords des routes,
sur les haies, etc.; chenille sur presque tous les arbres forestiers, ayant
des appendices filamenteux entre les fausses pattes. Une espèce beau-
coup moins commune, qu'on trouve en février et mars sur le tronc des
arbres qui bordent les ''.hemins et avenues et parfois sur le sol, est
A. Strataria, Hufnagel, syn. : Prodromaria, cat. de V., la Printanière,
Geoffroy, the Oak Beauty, un peu plus petite que la précédente; che-
nille en été sur les peupliers, les chênes, les trembles, etc., sans appen-
dices filamenteux entre les fausses pattes.
Nous indiquerons, dans d'autres familles, les Géométrides, dont les
papillons ont les palpes grêles, la spiritrompe grêle, les pattes glabres,
les ailes presque toujours vertes et délicates, les chenilles raides, ru-
gueuses, plissées, à tête bifide, avec deux pointes au cou et deux à
l'anus, les chrysalides renfermées entre les feuilles : type Geomefra
(Linn.) Papilionaria, Linn., la Grande Naïade, Fourcroy, la Papillonnairc,
Devillers, the Large Emerald des Anglais, Zi5 à 50 millimètres d'enver-
gure, les ailes grandes, larges, d'un beau vert de pré, avec lignes
blanches ombrées antérieurement de vert plus foncée un croissant
discoïdal vert foncé, tête et corps verts, antennes et pattes jaunâtres;
en mai puis en juillet, au crépuscule, avenues des bois humides, bords
des eaux, rare ; chenille verte, à stigmatale jaune, en juin, puis en
septembre, sur le bouleau, l'aulne, le hêtre, le noisetier, le saule mar-
sault, etc., très adhérente au rameau sur lequel elle se fixe, au point de
se laisser déchirer en deux parties, plutôt que de lâcher prise, si on
veut l'en arracher. Les chenilles de seconde génération donnent des
chrysalides qui passent l'hiver. Les Géométrides ont d'assez nombreuses
espèces exotiques, dont plusieurs très remarquables par l'élégance de
(1) Maurice Girard, Note sur la Phalène hérissée [Journal Soc. centr. d'horik.
de France, 1879, 3^série, 1, p. 4340).
638 LÉPIDOPTÈRES.
leur dessin, la vivacité de leurs couleurs et parfois l'étrangeté de leurs
formes. La famille des Kphyrides suspend ses chrysalides comme les
Diurnes. Le genre Ep}îyra, Dup., syn. Zo?ioso-mo, Lederer, est formé
d'élégantes Phalènes qui paraissent deux fois et surtout au printemps,
s'appliquent sous les feuilles les ailes étendues et se laissent tomber
dans l'herbe au moindre choc. Une espèce très commune dans tous les
bois est E. Punctaria, Linn., la Ponctuée, Devillei"s, the Mai den's Blush,
de mai puis d'août, 22 à 28 millimètres d'envergure, pareille dans les
deux sexes, variant beaucoup de taille, de couleur, de sablé, par la
présence ou l'absence des lignes, etc.; ailes d'un jaune ocreux pâle, avec
de fins atomes bruns, le dis^que des supérieures presque toujours sablé
de ferrugineux, lignes de points noirs, ombrées d'un brun rouge ; che-
nille verte ou testacée, avec les sous-dorsales jaunes, taches rouges
dorsales du quatrième anneau aux suivants, en juillet et septembre sur
le chêne et le bouleau. Les Acidalides forment une famille considérable
et qui s'augmente tous les jours, surtout pour les espèces exotiques et
l'on peut encore y espérer des découvertes pour nos espèces indigènes.
Le genre principal AcMalia, Treitscke, très nombreux en espèces,
est formé de papillons de petite taille et de couleurs peu bril-
lantes et peu variées, à palpes peu développées, à antennes courtes,
et rarement pectinées chez les mâles, à spiritrompe distincte, à pattes
rautiques, les ailes minces, pâles, à lignes communes aux deux paires,
le corps grêle. Les papillons habitent les bois, les prés, les jardins et ne
volent que quand ils sont troublés. Les chenilles sont grêles, carénées,
raides, plus épaisses postérieurement et vivent cachées sur les plantes
basses. Dans le genre ffah'o, Dup., syn. : Thamncmoma , Lederer, les pa-
pillons ont les antennes ciliées dans les deux sexes, les ailes veloutées,
à sommet obtus, les chenilles ont les trapézoïdaux verruqueux et garnis
de poils. Une seule espèce européenne, H. Wavarin, Linn., le Damas
cendré, Geofl'r., the V. Mot h des Anglais, de 25 à 30 millimètres, les ailes
d'un cendré jaunâtre avec quatre taches brunes à la côte, dont la se-
conde descend en forme de > jusque vers le milieu de l'aile; papillon
en juillet dans les jardins et sur les haies; chenille verte ou rougeâtre,
à stigmatale jaune et trapézoïdaux noirs, en mai et juin sur le prunel-
lier et beaucoup plus sur les divers groseilliers des jardins, qu'elle dé-
pouille souvent de toutes leurs feuilles; aussi il faut écheniller.
Les Fidonides ont les antennes des mAles tantôt plumeuses, tantôt
plus ou moins fortement pectinées, quelquefois simplement ciliées, les
palpes courts et velus, la spiritrompe grêle, presque toujours courte,
souvent nulle, le thorax étroit, plus souvent squameux que velu; abdo-
men des mâles long et presque toujours un peu conique ; ailes larges,
entières, presque toujours saupoudrées, au moins sur une surface,
d'atomes plus foncés. Cette famille a de nombreux genres, surtout en
espèces d'Europe. Les papillons habitent les prairies plutôt que les bois
et principalement les lieux secs et en pente, exposés au soleil et où
SCODIONA. 63î>
abondent les genêts. Les chenilles sont loBgues, cylindroïdes, ordinai-
reBtient sans éminences, à tête globuleuse, a^ec la partie anale terminée
par deux pointes parallèles au corps.
iiCOBlolVA, Baisd. — Antennes des mâles pectinées jusqu'au sommet; palpes
courts, écarté*, coniques; spiritroin|ic courte; corps velu ; ailes entières, pulvé-
rulentes, avec im point discoïdal sur chaque aile, les supérieures traversées par
deux lignes de points plus ou moins bien marqués et formant un trapèze, les
inférieures avec une seule ligne. — Chenilles lisses, épaisses, cylindroïdes,
avec le douzième annean bifide et un tubercule spiriforme sur le onzième.
Les chenilles de ce genre vivent de plantes basses et s'enterrent pour
sechrysalider. Les espèces de France sont méridionales, àrexceptiou de
S. Belgaria, Huhn., ?,Yn.:Belglaria, Guenée, Fcwillacea,G.Mén., Favillor-
cearia, Guenée ; pi. xcvii, tig. 3, tête vue de protîl, '6a, id. de face, ob,
portion de l'antenne du mâle très grossie, lyO millimètres d'envergure, les
ailes entières d'an gris blanchûlre ou d'ungrisro'ux, chargé d'atomes bruns,
avec un point allongé au centre de chacune d'elles, les supérieures
traversées par deux lignes noiréltres punctiformes, les inférieures par
une ; papillon en juin et juillet, Angleterre, ouest de la France, Vendée
(Graslin), Fontainebleau (Berce); la chenille éclôt en juillet, hiverne,
parvient à toute sa taille en mai de Tannée suivante, et se nymphose
dans un léger cocon à la surface de la terre.
Le genre Strenia, Boisd., syn. : Phasiane, Dup., présente des papil-
lons à antennes pubescentes, les ailes de couleur uniforme et à dessins
coinmims aux deux paires, à frange fortement interrompue ; ils volent
en plein jour et même au soleil. Les chenilles sont assez courtes, à tra-
pézoïdaux peu saillants, mais surmontés de poils, et vivent cachées sous
les plantes basses. Le type est S. Clathrata, Linn., la Phalène à barreaux
Encycl. méth., tlie Latticed Heath, de 25 à 30 millimètres d'envergure,
les quatre ailes d'un jaune ocreux, plus ou moins mêlé de blanc, tra-
versées par quatre lignes d'un brun noir aux supérieures et trois aux
inférieures, lesquelles coupées à angle droit par les nervures de même
couleur, simulent un grillage; un trait cellulaire noir sur le di-sque de
chaque aile; papillon très commun pendant toxite la belle saison sur les
champs de trèfle et de luzerne et dans toutes les prairies où sont inter-
calées aux Graminées des petites Légumineuses; chenille à tête verte, à
corps cylindroïde, d'un vert pâle, avec deux filets dorsaux blancs liserés
de vert foncé, une sous-dorsale pareille et une stigmatale blanche; au
printemps et en automne sur les Medicago, Hedysarum, TrifoUum,Meli-
lotiis, etc. Dans les Fidonia, Treist., les antennes des mâles sont pecti-
nées, souvent plumeuses, celles des femelles dentées, la spiritrompe
nulle ou rudimentaire, les ailes mates, de couleur jaune ou fauve sau-
poudrée d'atomes foncés, avec des dessins ou des taches noires ou
brunes. La plupart volent en plein jour dans les clairières des bois
GiO LÉPIDOPTÈRES.
remplis de genêts ou de bruyères, et portent au repos les ailes relevées
à la façon des Diurnes; aussi, comme conséquence, les couleurs sont
elles plus vives et les dessins plus nets en dessous qu'en dessus. Che-
nilles allongées, cylindroïdes, sans éminences, à tête globuleuse, à
lignes ordinaires distinctes, vivant sur les arbres et les plantes basses.
Chrysalides enterrées. A signaler : F. Atomaria, Linn., la Rayure, jaune,
Geoffr., the Common Heatli, de 27 à 32 millimètres d'envergure chez le
mâle, les antennes très plumeuses, les ailes d'un jaune d'ocre plus ou
moins foncé, sablé de brun, les supérieures traversées par quatre lignes
brunes dentées, les inférieures par trois; femelle plus petite, d'un
jaune pâle ou blanchâtre; papillon très commun dans tous les bois et
sur tous les coteaux à genêts en avril et mai, puis en juillet et août;
chenille verte, rose ou brune, avec dessins en losange et lignes blan-
châtres, sur les genêts, les scabieuses, les coronilles, les Lotus, l'ar-
moise, etc., en juin, puis en septembre; F. Piniaria, Linn. (sous-genre,
Bupalus, Leach), la Phalène du pin, Devillers, the Bordered White,
35 millimètres d'envergure chez le mâle, qui a les antennes pectinées,
les ailes d'un jaune pâle, avec bordures et bandelettes d'un brun noi-
râtre; la femelle plus grande, à couleur du fond variant du brun roux
au fauve; en Angleterre, on trouve fréquemment une variété, très rare
en France, où les taches jaunes du disque sont blanches; dans tous les
bois de pins ou sapins en avril et mai; chenille allongée, verte, à lignes
longitudinales, dont les trois médianes blanches, les latérales ou stig-
matales jaunes; d'août en octobre, sur les pins et sapins. On se la pro-
cure en battant au parapluie; elle s'élève aisément, et c'est le meilleur
moyen d'obtenir le papillon bien frais, car il vole ordinairement au
sommet des arbres et n'est pas facile à capturer. Il y a plusieurs belles
espèces de Fidonia dans la France méridionale. Le genre Lythria, Hubn.,
offre les antennes des mâles plumeuses et courtes, le corps velu, les
ailes courtes et mates, les chenilles vivant de plantes basses. Les papil-
lons sont de jolis insectes à couleurs vives, volant en plein jour dans les
lieux secs et chauds. Le type, de 20 à 25 millimètres d'envergure, est
L. Purpuraria, Linn., l'Ensanglantée, Geoffr., les ailes variant du fauve
au fauve olivâtre, avec deux bandes d'un rose pourpré sur les supé-
rieures, la frange des quatre ailes roses; toutes les collines sèches en
mai, puis en août, commun en Beauce; chenille verte ou vineuse, à
ventre clair, sur les Rumex et les Pulygonum, en juin et en septembre,
, Les Zérénides offrent des papillons dont les antennes sont presque
toujours simples, épaissies seulement chez les mâles, les yeux gros, les
palpes très courts, la spiritrompe bien développée, le thorax court,
demi-velu, à ptérygodes écartés, l'abdomen des mâles, long, effilé, sou-
vent marqué de taches noires, les ailes larges et entières, soyeuses,
molles, à fond ordinairement blanc ou jaune, souvent marquées de
taches ou lignes noires, très apparentes, les pattes rases. Les chenilles
sont épaisses, assez courtes, non atténuées, sans éminences. Cette
ARRAXAS. (5^1
famille renferme une foule d'espèces remarquable.;, sartout (;n exo-
tiques. Celles du genre Pantherodes, qui habitent les deux Amériques
portent, sur un fond d'un beau jaune, des taches qui imitent exacte-
ment celles des panthères et des Jaguars, certaines Abra.ras exotiques
atteignent trois ou quatre fois la taille de notre Grosmlarlata et de
magnifiques espèces ont été découvertes dans l'Inde.
ABll.iV.%*«, Leacti, syn. : Zerena, Treitschlce, Diiponchel, etc. — Antennes
courtes, simplement pubescentes dans les mâles; palpes grêles, écartés à
articles intlistincls; abilomen long, cylindrique, marqué de plusieurs ran^^ées
de tachiis noires; ailes sans aréole, larges, veloutées, traversées vers leur milieu
par une seule rangée de points noirs ou gris ou par deux. — Chenilles "-labres
courtes, épaisses, non atténuées, avec le dos marqué de taches ou de lii-ncs
noires.
Les papillons de ce genre habitent surtout les fourrés et volent mol-
lement pendant le jour, quand ils sont troublés. Les chenilles vivent à
découvert sur les arbrisseaux et les arbres et se chrysalident entre des
feuilles qu'elles entourent de quelques fils. L'espèce type est une des
Phalènes les plus anciennement connues et d'un dessin si net qu'on la
reconnaît sur les planches les plus grossières, comme celles de Moufet
et de Goedart. C'est \'A. Grossulariata, Linn., la Mouchetée, Geoffroy
the Large Magpie, de UO millimètres d'envergure, les deux sexes pareils
la tête et les antennes noires, les ailes arrondies, blanches, avec beau-
coup de taches noires arrondies, dont la principale série est terminale
les supérieures avec deux lignes d'un jaune fauve, écartées, bordées
de chaque côté de taches noires, dont plusieurs sont confluentes; entre
ces lignes sont plusieurs points noirs, dont quelques-uns forment une
grande tache qui se joint à la côte, les inférieures avec deux rangées de
taches noires, une médiane, l'autre terminale, et quelques taches
noires disséminées, en nombre très variable ; dessous semblable au
dessus, mais sans lignes jaunes; thorax et abdomen jaunes, tachetés de
noir, cinq rangées de points noirs sur l'abdomen. Papillon commun
partout, parfois rare en certaines années, dans les jardins, sur les haies
en juillet et août. Chenille d'un blanc sale, avec le dessus des trois pre-
miers anneaux jaune et les trois derniers verdàtres. Sur le dos rèo^ne
une série de taches noires inégalement espacées et dont les intermé-
diaires sont subcarrées; la stigmatale est d'un rouge sombre sur les
anneaux dépourvus de pattes; vit par groupes en mai, principalement
sur le groseillier épineux, aussi sur le prunellier, le pécher, l'abrico-
tier, etc., dépouille parfois les groseilliers des jardins de toutes leurs
feuilles. Elle éclôt en septembre, hiverne et se change en chrysalide
à la fin de juin entre quelques fils de soie attachés aux feuilles ou aux
branches. Il faut ramasser en hiver les feuilles sèches tombées des
groseilliers et où se réfugient les chenillettes et les brûler. Nous repré-
GIRARD. IH. — 41
6/»2 LtPIDOPTÈRliS.
sentons la chenille pi. xcvii, fig. h, et, fig. h «, le cocon et la chrysa-
lide. Deux autres espèces, A. Ulmaria, Fabr., ou Silvata, Scop., avec
deux grandes taches d'un brun ferrugineux à l'aile supérieure, une à
l'inférieure, et des rangées de taches d'un gris bleucàtre; papillon en
juin et juillet en Angleterre (the Clouded Magpie), dans le nord de la
France aussi près de Paris, mais rarement; chenille en août et sep-
tembre, sur l'orme, le platane et probablement le hêtre; .1. Pantaria,
Linn., d'Angleterre {the Panther) et du midi de la France.
Un i^enre exotique voisin, Stalagmia, Guenée, présente les antennes
(des femelles) longues, très minces et sétacées, les palpes dépassant le
front, grêles, à dernier article aigu, le corps grêle, à abdomen sans
taches, les pattes longues et très grêles, les ailes très larges, festonnées,
blanches, à taches noires. Ex. : S. Guttaria, G. Mén., du Japon, de
Singapore, 50 millimètres d'envergure, pi. xcvii, fig. 2, d'un blanc
un peu jauniltre, les premières ailes ayant six taches et l'extrémité
noires, les secondes ailes offrant au bord postérieur un double rang de
gros points noirs et un autre point de la même couleur au milieu;
dessous semblable au dessus. Le genre Lomaspilis, Hubner, présente
des papillons à antennes courtes, à abdomen sans taches, à palpes
grêles, à ailes molles, luisantes, avec de larges taches un peu métal-
liques, des chenilles raides, rayées longitudinalement, à grosse tête. Le
type est L. Marglnata, Linn,, la Marginée, De\illers, la Phalène bordée,
Walckenaer, the Clouded Border, 20 à 25 millimètres d'envergure, les
deux sexes pareils, corps d'un brun noir métallique uni, ailes avec une
laro-e bordure et de grandes taches d'un noir brun luisant; papillon
commun partout en mai et juin, puis en août, dans les lieux frais,
humides, ombragés, au bord des rivières, dans les oseraies, etc. ; che-
nille d'un vert foncé, avec les diverses lignes longitudinales jaunes ou
blanches, la tête verte, avec deux traits noirs; à découvert en avril et
mai sur les différentes espèces du genre Salix; chrysalide enterrée.
Les Hibernides méritent tous le litre de papillons de l'hiver, car ils
éclosent toujours dans la saison froide, en novembre et décembre, et,
pour certaines espèces dont les chrysalides passent l'hiver, en février et
mars. Les papillons tnàles ont la tête petite, les antennes ciliées, mais
faibles, les palpes courts, la spiritrompe rudimentaire ou nulle (ils ne
trouveraient pas de nourriture à l'époque de l'éclosion), les ailes supé-
rieures plus colorées que les inférieures qu'elles recouvrent dans l'état
de repos [Hibernia, Latr.), parfois même en se croisant l'une l'autre
{Anisoptenjx, Leacli). Un caractère général très curieux est donné par
les femelles qui sont toutes ou complètement aptères on n'ayant que de
très courts moignons d'ailes impropres au vol. Elles vivent dès lors
toutes sur le sol ou immobiles sur les troncs des arbres, auxquels elles
grimpent très facilement; pour les obtenir, il faut ou les chercher avec
beaucoup d'attention, ou les attirer contre des lanternes posées sur le
sol ou appliquées aux arbres, ou élever les chenilles. 11 semble qu'il y
HIBILRNIDES. 6^3
a là une précaution de la nature destinée à faciliter la ponte des
femelles sur l'arbre même qui doit nourrir leurs chenilles, comme une
prévision de froids rigoureux qui pourraient empêcher les insectes de
voler; chenilles allongées, cylindriques, un peu carénées sur les côtés,
à tête globuleuse, vivant à, découvert sur les arbres et les arbrisseaux
des jardins et des bois et sur les arbustes des haies, et devenant chry-
salides dans des coques terreuses. L'espèce la plus importante est
Hibernia Defoliaria, F^inn., la Défeuillée, Devillers, la Phalène effeuillante,
Encycl. méth., the Mottled Umber, de àO millimètres d'envergure chez le
mâle, les ailes supérieures d'un jaune d'ocre clair strié de brun, avec
deux bandes brunes ou noirâtres et un gros point cellulaire noir; ailes
inférieures d'un blanc jaunâtre, saupoudré d'atomes noirs; tête, corps
et antennes d'un jaune fauve; une race presque aussi fréquente que le
type offre les ailes supérieures d'un brun roux uniforme ou d'un fauve
foncé pointillé de brun; femelle complètement aptère, d'un jaune
fauve, avec de gros points noirs sur tout le corps, les pattes annelées de
jaune et de noir, ressemblant à une araignée allongée ; papillon fin
octobre et en novembre et même décembre, quelques sujets retardés
jusqu'au début du printemps, dans les jardins, les vergers et les forêts;
chenille d'un brun rouge sur la région dorsale, avec une vasculaire
géminée, interrompue, et la région latérale d'un jaune serin très net,
par la stigmatale sinuée sur les anneaux sans pattes, ventre d'un jaune
pâle, vit en mai et juin sur presque tous les arbres fruitiers et fores-
tiers, et causant des dégâts aux jeunes pommiers et poiriers. Certains
horticulteurs entourent d'un anneau de glu ou de goudron gras le pied
des arbres à préserver et que ne peut franchir la femelle privée d'ailes;
le mieux est encore d'écraser les chenilles et surtout les femelles, car
il y a des femelles qui franchiront l'anneau là où sera un peu de pous-
sière et des femelles et des chenilles qui arriveront des arbres voisins
secoués par le vent. Nous ne ferons que citer : H. Leucophœaria, cat.
de V., la Phalène noirâtre, Encycl. méth., the Spring UsJter, plus ou
moins marbré de noir, espèce assez commune dans les bois encore
dépourvus de feuilles, en février et mars, le mâle volant en plein jour,
la femelle sans ailes, avec l'anus terminé en pointe, //. Aurantiaria,
Hubner, la Phalène orangée, Encycl. méth., the Scarce Umber, les ailes
supérieures d'un fauve orangé, avec deux lignes transverses noirâtres,
les inférieures d'un jaune pâle, la femelle brune avec des taches fauves
et des rudiments d'ailes fauves, traversées par deux lignes noires; des
bois en pente en octobre et novembre, se posant souvent sur les feuilles
sèches; H. Progemmaria, Hubner, the Dotted Border, haies, broussailles,
forêts, en novembre, puis et surtout en février et mars; femelle à ailes
très courtes, mais bien développées, les inférieures plus grandes. Dans
le genre Anisopteryx, Leach, les femelles sont poilues, cylindrico-
coniques, absolument privées d'ailes, l'abdomen terminé par un fais-
ceau de poils arrondi. Deux espèces assez rares : A. Aceraria, cat. de V.,
644 LÉPIDOPTÈRES.
la Phalène de l'Érable, Encycl. méth., intérieur des bois, en novembre;
A. JEsmlaria, cat. de V., the March Moth, des bois secs, broussailles,
jardins, en mars.
Les Larcntides constituent une famille considérable, à antennes sim-
ples dans les deux sexes, à spiritrompe bien distincte, les ailes lisses,
non anguleuses, généralement marquées de lignes nombreuses, les
pattes jamais renflées et à deux paires d'éperons distincts; les chenilles
sont cylindriques, non atténuées, sans éminences, à lignes générale-
ment distinctes. Dans le genre Cheimatobia, Stephens, les papillons ont
les palpes à peine visibles; les mâles volent pendant le jour, mais les
femelles n'ont que des moignons d'ailes impropres au vol ; les chenilles
sont courtes, un peu déprimées, et vivent renfermées entre des feuilles.
Une trop nuisible espèce, tléau des bois et surtout des vergers, est
C. Brumata, Linn., la Phalène hyémale, the Winter Moth, les ailes du
mâle d'un brun enfumé clair, soyeux, traversées par beaucoup de lignes
un peu plus foncées; femelle à ailes rudimentaires, d'un gris brunâtre,
marquées d'une bandelette noirâtre commune; chenille d'un vert soit
foncé, soit clair ou jaunâtre, avec la vasculaire d'un vert foncé, la sous-
dorsale d'un blanc jaunâtre, continue, la stigmatale de même couleur,
mais interrompue, le ventre d'un vert bleuâtre, se chrysalidant dans
une petite coque enterrée. Les papillons sont communs dans les jardins
et les bois en novembre et décembre, et se rassemblent quelquefois le
soir, en grand nombre, autour des réverbères des rues et places pu-
bliques. J'ai pris le matin et par quantités les femelles aptères sur les
candélabres à gaz des routes du bois de Boulogne. Les chenilles abon-
dent en mai sur les arbres forestiers et fruitiers et causent souvent de
grands dommages. Elles attaquent les jeunes feuilles, les bourgeons à
fruit et même les jeunes fruits, dans lesquels elles pénètrent par l'œil.
Ces chenilles ont toujours besoin de s'abriter, et appliquent deux
feuilles l'une contre l'autre ou phent une feuille ea deux. Le mieux,
pour les espaliers et les pyramides, est d'écraser la chenille, en la ser-
rant avec les doigts dans sa retraite, sans arracher les feuilles, qui ne
tardent pas à se décoller par l'action de la sève. On visite aussi les bou-
quets de jeunes fruits, souvent liés ensemble et avec des feuilles par des
fils de soie, afin de ménager une retraite à la chenille, et on enlève
les jeunes fruits attaqués, qui se détachent aisément. On peut aussi
employer le collier de glu au pied des arbres, pour empêcher les
femelles de grimper, comme pour les Hibernides.
Les autres genres de Larentides sont ailés dans les deux sexes. Aux
premiers froids, en octobre et novembre, on voit voler au soleil, dans
les bois et autour des haies, et se poser sur les troncs si le temps est
couvert, les Oporabia, Stephens, papillons à antennes courtes, à ailes
larges, soyeuses, velues à la côte. Ainsi, 0. Dilutata, cat. de V,, the
Xovember Moth, à ailes grisâtres, avec des lignes dentées, sinueuses,
plus foncées, la chenille vivant en mai et sur le chêne, le hêtre, l'orme,
OPORABIA, LOBOPHORA, EUPI IHECIA. 645
le prunellier, l'aubépine, etc.; 0. Aiitumnata, Hoisd., the Autanmal ]futli,
à ailes blatichcs, avec des lignes noires en partie oblitérées, la clienille
en mai et juin sur les bouleaux exclusivement; aussi le papillon est à
rechercher dans les futaies à bouleaux, posé souvent sur le sol, les ailes
étendues, ou sur les bouleaux. Un très curieux genre est celui des Lobo-
phora, Curtis, qui portent, chez les mâles (d'après Berce), un petit lobe
membraneux placé à la base de chaque aile inférieure, en dessus, de
m^^me nature qu'elle et saillant, garni de franges; au repos, les ailes
supérieures recouvrent les secondes. Ces papillons semblent avoir six
ailes. Ex. : L. Halterata, Hufnagel, syn. : Hexapterata, cat. de V.,la
Phalène hexaptérate, Encijcl. méth., la Phalène du hêtre, Devillers, llie
Seraphim des Anglais. Un genre considérable est celui des Eupithecia,
Curtis, à antennes des mâles grêles et pubescentes, à pattes courtes, les
postérieures à deux paires d'éperons, l'abdomen muni de petites crêtes
et marqué d'une bande foncée sur le premier anneau, qui est relevé,
souvent plus clair et très conique. Les ailes, étendues à plat au repos,
sont lisses, de mêmes couleurs et dessins aux deux paires, dessins con-
sistant en lignes tines et nombreuses; ces petites espèces sont encore
mal connues, souvent difliciles à distinguer. Les chenilles, qui sont
faciles à élever en captivité, sont plus ou moins courtes, raides, caré-
nées sur les côtés, souvent marquées de chevrons dorsaux, à tête petite
et globuleuse, vivent sur les arbres et sur les plantes basses, parfois
dans les bourgeons, dans les fleurs, dans les fruits capsuleux. Les chry-
salides sont effilées, coniques, aiguës, renfermées dans de petites coques
de terre ou entre les feuilles. Pendant le jour, les Eupithécies se tien-
nent dans les buissons ou appliquées contre les troncs, les murs et les
rochers; le soir, elles volent dans les bois, les prairies, les jardins. Une
des espèces les mieux caractérisées est E. Rectanijulata, Linn., la Rec-
tangulaire, Devillers, tlie Green Pug, 20 à 22 millimètres d'envergure,
les deux sexes pareils, ailes d'un joli vert clair, avec les lignes bien
marquées, brunes ou noires, la coudée formant sur les quatre ailes,
mais surtout sur les inférieures, un angle droit bien prononcé; il y a
un petit point discoïdal noir sur chacune des quatre ailes; papillon
commun en juin et juillet dans les jardins et vergers, volant souvent
par essaims autour des pommiers. Chenille à tête petite et globuleuse,
noire et luisante, courte, atténuée aux extrémités, d'un vert pomme,
avec une large ligne dorsale d'un rouge pourpre ou brun, maculaire
sur les premiers anneaux, linéaire sur les derniers, continue et irrégu-
lière sur les autres. Cette chenille vit en avril et mai dans les bour-
geons des poiriers et des pommiers, et fait surtout du tort à ces der-
niers; elle entoure de soie feuilles et boutons, et s'introduit dans
l'ovaire du jeune fruit, absolument comme la larve de YAiithonoinvs
pomorum (Curculionien). Il faut enlever et brûler les bourgeons et bou-
tons attaqués; sur les arbres isolés et à fruits précieux on peut écraser
avec une pince les petites chenilles et sauver ainsi quelques fruits.
()^l6 LÉPIDOPTÈRES.
Dans le genre Melanippe, Dup., dont les Chenilles vivent renfermées
entre des feuilles, les papillons ont les antennes simples, l'abdomen
zone ou ponctué, les ailes blanches, avec des lignes et des bandes fon-
cées. Le type est M. Hastata, Linn., la Hachée, Devillers, the Arfjent and
Sable des Anglais. Les espèces de ce genre volent dans les allées des
bois et des jardins, et se reposent, les ailes étendues, sur la surface des
feuilles, ou contre le tronc des arbres et les murs de clôture. Le type
est M. Hastata, Linn., la Hachée, Devillers, the Argent and Sable des
Anglais, de 35 millimètres d'envergure, les ailes blanches supérieures
traversées par trois bandes noires très découpées, la troisième ou ter-
minale interrompue au milieu par une tache blanche en forme de fer
de pique ou de hallebarde, les dessins continués sur les ailes infé-
rieures. Espèce peu commune des bois assez étendus. On la trouve près
de Paris, en septembre, sur les bords des routes de bois de la Brie
(Coubert, Armainvilliers, etc.), partant au vol au bruit du promeneur.
Dans le genre Camptogramma, Steph., se trouve une des Phalènes les
plus communes, qu'on fait partir au battage des haies, des broussailles,
des arbustes de jardin pendant tout l'été. C'est C. Bilineata, Linn., la
Brocatelle d'or, Geoffr., la Bilinéaire, Devillers, the Yellow Shell, 25 à
27 millimètres d'envergure, les ailes larges, festonnées et à dessins
communs, d'un jaune plus ou moins vif, traversées par des lignes
ondulées, brunâtres, souvent en deux groupes. Le genre Siona, Dup.,
Scoria, Steph. (par erreur d'impression) est constitué par une espèce
mimétique, volant dans le jour dans les bois à bruyères, à Compiègne,
à Fontainebleau, dans le bois Notre-Dame, près de Paris, et ressemblant
à une Piéride (Diurnes), Leucophasia sinapis,'par les ailes en entier d'un
blanc un peu jaunâtre, sans dessins, avec les nervures finement mar-
quées en noirâtre. C'est le S. Lineata, Scop., syn. : Dealbata, Linn., the
Blackveined, les antennes cylindriques et sans ciliation dans les deux
sexes, la spiritrompe bien développée, l'abdomen très long chez les
mâles, comme dans Leucophasia.
Bibliographie. — A consulter pour ]es Phaléniens : J.-C. de Laharpe,
Catalogue de Phalénites suisses, 1853, in-8" {Faune suisse ; Lépidoptères,
pi. IV ; Phalénides, Zueric, Zurcher, etc., 1853, in-^", 160 p., 1 pi. col.).
— A. Guenée, Phalénites, 2 vol. in-8", 1857, Paris, Roret. — E. Berce,
Geometridœ {Faune entom. franc., Lépidop., t. V, 1873; E. Deyrolle,
1 vol. in-12, avec pi. col.).
Nous arrêterons ici les Macrolépidoptères. Les Microlépidoptères, qui
termineront l'ordre des Lépidoptères, comprendront les tribus des Pyra-
liens, des Torlriciens, des ïinéiniens, des Ptérophoriens et des Aluci-
tiniens:
Erratum et Addendum. — Page Z|32, ligne 35 : N'oublions pas la Société
MICKOLÉPIDOPTÈRES. 647
séricole (sic) de Montpellier. — Page 530, ligne 18 : Les œufs sont pondus
d'iiabitude au commencement de juin...
MIGROLÉPIDOPTÈRES
A l'imitation des auteurs allemands, après les Macrolépidoptères
(grands papillons), dont nous venons de présenter l'histoire, nous réu-
nirons les papillons qu'il nous reste à étudier sommairement sous le
nom de Microlépidoptèrps, mot qui signifie petits papillons. On comprend
que ce nom très vague ne permet pas de caractères généraux ; il s'ap-
plique à un groupe plus nombreux en espèces que tous les Macrolépi-
doptères réunis. Il offre le plus grand nombre de ses espèces formé
d'insectes presque microscopiques, au moins pour les dimensions du
corps ; mais il y a certaines espèces qui atteignent une taille compa-
rable à celle des petits Noctuéliens et Phaléniens, ainsi dans les Aglossa,
Hydrocampa, Botys, Tortrix^ Yponomeuta, etc., et même parfois arrivent
à peu près à la taille moyenne, comme certaines espèces des Ihjthia
et des Crambus et genres voisins, la grande Gallérie ou Fausse-Teigne
de la cire, etc. L'étude de ces papillons n'est véritablement qu'ébau-
chée et rebute la plupart des amateurs, en raison du grand nombre
des sujets, des différences souvent peu appréciables d'une espèce à
l'autre, et surtout par suite des difficultés matérielles de récolter, de
piquer et surtout d'étaler des papillons très délicats, dont les écailles
des ailes tiennent en général si peu que le moindre contact, le souffle
même, suffît à détacher leur fragile poussière. Cependant, comme le
dit si bien M. A. Constant, c'est dans cette immense famille que la
nature a déployé le plus de génie, de richesse et de variété ; c'est là
qu'elle a caché, pour les révéler au naturaliste patient, le plus de mer-
veilles et le plus d'attraits. Souvent les couleurs sont d'autant plus
éclatantes que la taille de l'insecte est moindre; ainsi dans les Adèles,
qui brillent au soleil comme des pierres précieuses vivantes; \e?>Litho-
coUetis, rayés de bandes ou de lignes argentées et ressemblant au vol
à de légers flocons de duvet ; les Nepticula, presque littéralement mi-
croscopiques, au point qu'on peut à peine les saisir au vol, offrant,
sur un fond sombre, des lignes ou des taches métalliques du plus vif
éclat.
La plupart des Microlépidoptères adultes sont en effet des insectes
agiles et brillants; beaucoup d'entre eux volent en plein soleil., sur les
fleurs ou sur les feuilles des végétaux qui les ont nourris; leur nombre
est si considérable qu'en frappant sur une haie il arrive souvent qu'on
les en fait sortir par essaims. Ils sont, en général, difficiles à capturer,
648 LÉPlDOPTklîtS.
à cause de l'exiguïté de leur faille. I.e meilleur moyen de les obtenir
en bon état pour les collections est de les faire éclore en captivité. Il
faut toujours les tuer au moyen du flacon à cyanure de potassium, car
le moindre contact des doigts brise les pattes ou enlève les écailles. En
général, quand ils sont bien immobiles après l'action du gaz toxique,
on les pique par-dessous au fil de platine, qu'on implante sur un petit
billot de moelle de sureau piqué à l'épingle ordinaire dans la collec-
tion. On se sert souvent, pour l'étaloir, de plaques de cristal qu'on
pose sur les ailes, les rugosités des plus tins papiers suffisant pour
défraîcbir les ailes des plus minimes espèces.
Les chenilles des Microlépidoptères sont, à très peu d'exceptions près,
munies des seize pattes normales. Comme elles vivent généralement
cachées, elles sont habillées de couleurs unies, peu brillantes, brunes,
jaunâtres, verdâtres, grises ou terreuses. Leur existence, comparée à
celle des chenilles qui vivent à découvert, n'est, d'un bout à l'autre,
qu'un long et pénible labeur. Malgré leurs abris qui les rendent invi-
sibles et l'exiguïté de leurs dimensions, elles sont parfaitement la proie
des Hyménoptères Ichneumonien? de petite taille, des Draconiens, des
Chalcidiens et des Proctotrupiens, qui savent, à force d'investigations,
les découvrir dans leurs retraites et leur inoculer une ponte meurtrière
à l'aide de leur redoutable oviscapte. Il y a de ces chenilles qui ont
l'instinct de se fabriquer des abris ou des fourreaux tellement sem-
blables à différentes parties des corps sur lesquels elles vivent, qu'elles
peuvent y séjourner en toute sécurité à l'égard de l'homme, qui ne les
aperçoit pas. D'autres sont pourvues d'organes spéciaux qui leur per-
mettent de passer toute leur vie larvaire dans l'eau, comme de véri-
tables poissons. Presque toutes étant destinées. à vivre cachées, elles
ont reçu de la nature, à un degré plus ou moins développe, l'Iiabileté
nécessaire pour se construire une demeure. Les matériaux de cette
industrie si variée dans ses applications sont les mousses, les lichens,
les écorces, les lambeaux de cellulose provenant de l'épiderme des
feuilles, divers débris végétaux ou animaux, les feuilîes pliées, roulées
en cylindres ou en cônes, ou réunies en paquets par des fils de soie,
les résines, la cire, les étoffes d'origine animale, etc. 11 est de ces che-
nilles, dites mineuses de feuilles, si petites et si délicates, qu'elles pas-
sent toute leur vie sous cet état entre les deux épidermes d'une feuille,
soit dans des galeries plus ou moins sinueuses, soit dans des mines en
larges plaques diffuses, trachant par leur couleur jaunâtre ou brune
avec le vert habituel des feuilles. Suivant la loi ordinaire des très petites
espèces, certains Microlépidoptères sont d'une excessive fécondité;
l'existence, ou au moins le bien-être de populations entières, a été par-
fois compromis par l'étendue des ravages des espèces nommées vulgai-
rement Teigne des grains ou Alucite, Pyrale de la vigne, Teigne de la
grappe, etc. Les Yponomeutes et les Carpocapses nuisent de la manière
la plus grave à la récolte de fruits précieux pour l'homme. Tous lés
pyRAI.ILNS. 649
pays de la terre nourrissent un (rès grand nombre de Microlépido-
ptères. Comme ils tonl beaucoup moins connus spécifiquement que
les Macrolépidoplires, un puissant stimulant pour l'étude des petites
espèces du dernier groupe, c'est que les amateurs peuvent encore
espérer de fréquentes découvertes, même en France, dans les environs
des grandes villes.
Les Microlépidoptéres comprennent nos cinq dernières tribus de Lé-
pidoptères : Pyraliens, Tortriciens, Tinéiniens , Ptérophoriens , Alii-
citiens.
Tribu des PYRAMEMS.
Le nom de cette tribu, tiré du grand genre Ptjralis de Linnœus, n'a
aucune signification précise, indiquant seulement que les insectes
adultes qui en font partie aiment à voler autour des lumières, habitude
qui se montre aussi fréquemment, non seulement chez des Microlépi-
doptères d'autres tribus, mais chez des Noctuéliens et des Phaléniens,
chez les nombreuses espèces en un mot qui se capturent aisément à la
lanterne ou au réflecteur. Une fâcheuse confusion a été amenée par
Fabricius, qui a transporté ce nom de Pyraliens aux Tordeuses ou Tor-
trix de Linnœus; de là beaucoup de noms vulgaires mal donnés,
comme celui de la célèbre Pyrale de la vigne, qui n'appartient pas à
nos Pyraliens. Les difficultés de synonymie sont une des causes qui
détournent de l'élude des Microlépidoptères, si peu aisée en elle-même.
Les Pyraliens habitent toutes les parties du monde et se montrent à
toutes les époques de l'année, notamment quelques espèces des mai-
sons ; on ne connaît encore qu'un très petit nombre de leurs chenilles.
La plus grande partie de leurs espèces vole au crépuscule autour des
plantes et des buissons, se portant très volontiers aulour des lumières.
Au repos, les ailes ne sont jamais relevées et bien rarement roulées au-
tour du corps ; tantôt elles sont appliquées à plat, sous les feuilles ou sur
les murs, à la façon des Phaléniens, mais avec l'abdomen généralement
redressé entre elles, la pointe anale relevée {Agrotera, Asopia); parfois,
au contraire, le papillon est posé sur le sol, les ailes supérieures croisées
l'une sur l'autre et cacbant les inférieures, parlant d'un vol rapide,
mais de courte durée, à l'approche du passant; chez les Botys au repos,
les ailes sont inclinées en triangle, à la façon des Deltoïdes, mais moins
complètement, les ailes inférieures un peu visibles au-dessous contre la
pointe de l'abdomen, celui-ci bien dégagé dans sa longueur, au moins au'
milieu. Les pattes des Pyraliens au repos ont aussi une position spé-
ciale; chez les Noctuéliens et Phaléniens, à l'exception des antérieures,
les pattes demeurent repliées sous le ventre. Les pattes des Pyraliens,
au contraire, qui sont longues et grêles, lisses, ou squameuses, ou
soyeuses, avec des éperons habituellement très visibles, restent éten-
650 LÉPIDOPTÈRES.
dues, lors du repos, en avant et en arrière. En outre, dans le type
Botf/s surtout, les fines antennes au repos sont couchées sur le dos ou
appliquées en-dessous des ailes, contre le thorax et l'abdomen; à l'ap-
proche de l'homme, les antennes se dégagent de leur cachette, les
pattes se replient contre la poitrine, les ailes se relèvent vivement, et
l'insecte s'envole uniquement pour aller chercher à peu de distance
un nouvel abri. Les Hydrocampides s'accrochent aux tiges des plantes
aquatiques et s'y laissent bercer par le vent, jusqu'à ce qu'un mouve-
ment trop violent les oblige à partir pour se réfugier plus loin. Les
Pyraliens du type des Pijrausta volent en plein soleil, avec une vivacité
qui rappelle les petites iNoctuelles des genres Heliothis et Anarta, et
aiment les lieux herbus, secs et chauds ; leurs ailes sont agitées avec
tant d'ardeur qu'on les aperçoit seulement quand l'insecle se pose sur
des pierres ou sur quelque plante basse des coteaux, faisant briller au
soleil ou des bandes fauves, ou des tons pourprés, ou bien des taches
blanclies tranchant fortement sur un fond noir. Les Hercyna, les Ore-
naia, qui ne quittent pas le sommet des hautes montagnes, scintillent
sur les roches dénudées ou sur les neiges, les Scoparia s'accrochent
dans nos bois sur les troncs, des gros chênes, s'y confondant de couleur
avec les Lichens qui les tapissent, ne s'envolant d'ordinaire que lorsque
la main les touche ou qu'un choc violent, comme un coup de mail-
loche du chasseur, ébranle leur appui. La plus grande partie des Pyra-
liens, et principalement la nombreuse famille des Botydes, demeurent
cachés pendant le jour dans les bois ou parmi les herbes. Le soir seu-
lement, les fleurs des ronces, les orties, les fleurs qui bordent les fos-
sés et les routes les attirent, soit pour sucer le nectar, soit pour dépo-
ser leurs œufs. Après quelques heures de vie active, tous ces petits
papillons reviennent au repos.
Les Pyraliens adultes ont des antennes généralement longues, minces,
à tige déliée, filiforme ou moniliforme, sans nodosités, très rarement
à lames ciliées, ayant parfois des articles élargis en avant {Steniadœ),
offrant souvent des cils courts, que dépassent par chaque article deux
cils plus gros et plus longs. Les stemmates existent le. plus souvent,
manquant toutefois dans certains genres de Pyralides propres et d'Hy-
diocampides. La spiritrompe se rencontre d'ordinaire, souvent robuste,
toujours couverte à sa base d'écaillés imbriquées, ayant tendance à se
redresser et à tenir les palpes écartés, de façon à être visible en même
temps qu'eux. Elle manque dans certains genres, ainsi les Aglossa, de
Latreille. Les palpes labiaux sont, le plus généralement, avancés en
forme de bec conique, parfois dépassant la tête (Cledeobia), le troisième
article n'étant jamais coudé sur le deuxième, les articles au reste cachés
sous des écailles grossières; plus rarement, les palpes sont amincis,
arqués et ascendants, contournant même le front; toujours ces palpes
labiaux sontpareils dans les deuv sexes. Un caractère important est fourni
par l'existence fréquente d'autres palpes, dits supérieurs par les anciens
PYRALIENS. 651
auteurs, et qui sont des palpes maxillaires, toujours nuls ou extrême-
ment rudimentairos dans les Macrolépidoptères, mais qui apparaissent
et donnent un caractère buccal chez les Microlépidoplères, caractère
peu important du reste, car les genres de papillons à quatre palpes se
trouvent, dans la même famille, à côté de genres qui n'ont que les deux
palpes labiaux. 1-e palpe maxillaire n'est, le plus souvent, qu'un petit
pinceau peu développé, parfois un filou une aigrette divergente; quand
les palpes labiaux forment le bec, les palpes maxillaires sont ordinaire-
ment couchés à leur base. Le plus souvent, leur longueur ne dépasse
pas le tiers de celle des labiaux, mais parfois et surtout quand ceux-ci
sont courts et divergents, les maxillaires sont aussi longs et aussi
visibles qu'eux, ainsi dans les Hydrocampides.
Le corps toujours assez grêle des Pyraliens n'est jamais velu; le
thorax, peu bombé, est arrondi et recouvert d'écaillés grossières et lui-
santes, avec les ptérygodes ordinairement peu saillants, l'abdomen
presque toujours effilé, très conique, luisant, terminé souvent chez les
mâles par des bouquets de poils raides au dernier segment, jamais
garni de bourre dans les femelles, où il finit toujours en pointe plus ou
• moins brusque. Un organe spécial, d'usage inconnu, une lame squa-
meuse ou valve, que Guenée a nommée le tablier^ s'observe au-dessous
du premier segment de l'abdomen, contre sa jonction avec le thorax,
manquant dans beaucoup de genres, mais se rencontrant dans les deux
sexes, quand il existe. Tantôt le tablier est une lame membraneuse,
parallèle aux segments abdominaux, plus ou moins incomplètement
bilobée en arrière, recouverte d'écaillés blanches et soyeuses; tantôt, au
contraire, c'est une lame transparente, dans le sens de l'axe du corps
et perpendiculaire à lui, comme le gouvernail à un navire, avec quel-
ques poils frisés au bout {Odontia, Hercyna, etc.); parfois enfin ce
tablier a une forme intermédiaire, celle d'une lame allongée, un peu
contournée, dont l'extrémité est garnie d'écaillés raides et hérissées en
aigrettes.
Les ailes sont entières, luisantes, souvent irisées ou demi-transpa-
rentes; leur bord terminal n'est presque jamais denté. 11 est muni
d'une frange squameuse, luisante comme les ailes, bien fournie, mais
n'ayant jamais l'exagération qu'elle acquiert chez beaucoup de Tiuéi-
niens. La charpente de ces ailes est à la fois solide et légère. Les ailes
supérieures, en triangle allongé, ne sont ni plissées,ni roulées, ni rele-
vées, les ailes inférieures toujours moins développées que les supé-
rieures, se plient parfois un peu dans le voisinage du bord abdominal.
Elles participent fréquemment aux dessins et à la couleur des supé-
rieures, les couleurs jaune, blanche, grise ou brune étant les plus ha-
bituelles. Les ailes supérieures sont traversées par deux lignes mé-
dianes à peu près constantes, l'extrabasilaire simplement arquée, la
coudée plus ou moins sinueuse, la ligne subterminale, si importante
chez les Deltoïdes, étant ici presque absolument nulle. Les caractères
652 LÉ PI DO PTÈ a ES.
généraux de la nervulation des Pyraliens sont les suivants : il n'y a
jamais d'aréole; aux ailes supérieures, la nervure composée antérieure
a six rameaux et la composée postérieure est quadrifide; aux ailes infé-
rieures la costale ou nervure simple antérieure est presque toujours
bifide, cette nervure simple antérieure se croisant avec la disco-cellu-
lairc.
Les taches alaires typiques des Noctuéliens, bien diminuées chez les
Phaléniens, existent presque constamment dans les Pyraliens, mais
réduites bien souvent à des points ou à des traits, surtout l'orbiculaire.
Les pattes des Pyraliens ont des éperons qui sont habituellement très
visibles, l'insecte étendant toujours ses longues pattes en avant et en
arrière, de sorte qu'elles frappent tout d'abord la vue, ainsi que leurs
appendices; les antérieures ont la hanche et la cuisse longues, presque
égales, la jambe plus de moitié plus courte, le tarse très long; les deux
autres paires sont très longues, soyeuses, étendues en arrière et dépas-
sant toujours l'abdomen. Tous les tarses en général sont très longs et
elfilés, surtout leur premier article, pas ou très rarement munis
d"épines; assez souvent on trouve la disposition de la jambe intermé-
diaire en une sorte de gaine ou d'étui qui contient des pinceaux de
poils susceptibles de s'épanouir.
Les chenilles connues des Pyraliens sont à seize pattes, épaisses,
courtes, à anneaux, renflées, atténuées aux deux bouts, à tête petite et
luisante, moins large que les anneaux, avec des écussons cornés plus
ou moins marqués sur le thorax, celui du prothorax toujours distinct.
La peau est lisse, rase, luisante et plissée sur les côtés, portant les
points trapézoïdaux verruqueux et luisants, tantôt noirs, tantôt de la
couleur du reste de la peau, surmontés chacun d'un poil raido et court.
Les pattes ventrales et anales sont toujours assez courtes, et, le plus
souvent, très grêles. Leurs mœurs sont variées. La piupart vivent
cachées entre les feuilles, qu'elles roulent en cylindre ou en cornet
conique, avec la même manœuvre que la grande majorité des 'l'orlri-
ciens et un certain nombre de Tinéiniens. Il est de ces chenilles qui
passent leur existence entre les mousses, d'autres endophytes à l'inté-
rieur des tiges de divers végétaux, d'autres dans des matières animales
ou dans des fruits secs, dans des produits animaux ou végétaux manu-
facturés et dans leurs débris. Quelques-unes se filent de longues gale-
ries de soie au pied des plantes, sous les mousses, sous les lichens des
écorces. Eu lin, dans les Hydrocampides, les chenilles ont un genre de
vie peu fiéquent chez les larves des Lépidoptères ; elles restent sub-
mergées toujours dans l'eau, le plus souvent respirant néanmoins l'air
en nature, parfois pourvues d'appareils branchiaux, absorbant l'oxy-
gène de l'air dissous dans l'eau (Paraponyx slratiotalus, Linn.).
C'est en général dans le dernier abri qu'elles ont construit que les
chenilles des Pyraliens se changent en chrysalide, après avoir filé un
léger cocon, parfois à deux enveloppes soyeuses. 11 en est qui descen-
i'Yralii:ns. 653
dent jusqu'au sol et consolident leur coque avec des grains de terre;
mais jamais elles ne s'enfoncent dans la terre comme les chenilles de
beaucoup de Noctuéliens. Les chrysalides sont de forme conoïde,
mutiques, rases, à peau fine, à anneaux abdominaux libres.
On consultera en ouvrages français relatifs aux Pyraliens : A. Guenée,
Hisloire natur. des Lépidoptères, Deltoïdes et Pijralites. l^aris, Roret,
185Zi. — E. Berce, Faune entom. franc., Lépidoptères, Deltoïdes, Pyra-
lites. Paris, E. Deyrolle, 1878.
Un premier groupe de Pyraliens bien caractérisé est celui des Pyra-
lides de Guenée. Les antennes des papillons sont simplement pubes-
centes, ou du moins sans peclination visible à l'œil nu. Les stemmates
manquent ordinairement; toutefois il en existe deux dans le genre
Stemmatophora, Guenée, dont nous possédons deux espèces dans les
Alpes-Maritimes, les Pyrénées-Orienlales et la Corse. La spiritrompe est
très variable, grande dans les Stemmatophora, bien distincte chez les
Pyralis, Linn:, nulle dans les Aglossa, Latr., genre créé d'après ce carac-
tère. Les pulpes labiaux sont droits et peu saillants, les palpes maxil-
laires à peine visibles. Les ailes sont entières, luisantes, épaisses, gros-
sièrement squameuses, avec les franges longues et bien fournies, les
inférieures avec la sous-costale bifide, presque contiguë à la costale;
les pattes sont épaisses, avec les jambes un peu velues. Les deux sexes
sont pareils et se rencontrent assez fréquemment dans les maisons, à
cause des mœurs des chenilles. Celles-ci sont vermiformes, très Jui-
santes, à plaques cornées bien distinctes, plissées surtout latéralement.
Elles vivent soit de matières animales, soit de matières végétales sèches
et azotées (son, paille, etc.). Ce genre de nutrition tend à rendre les
espèces cosmopolites.
Le genre Pyralis, Linn., syn. : Asopia, Treitschke, Herrich-Schaiffer,
offre le corps luisant et squameux, les antennes pubescentes dans les
deux sexes, la spiritrompe bien distincte, les palpes labiaux de trois
articles nettement visibles, les ailes entières, arrondies, luisantes, cà
franges longues, ayant aux deux paires un dessin analogue, constitué
par deux lignes médianes écartées, plus ou moins parallèles. Les che-
nilles, encore peu connues, paraissent vivre de débris végétaux produits
par l'industrie humaine. L'espèce type et la plus commune des Pyralides
est /*. Farinalis, Linn.; the M cal Math, ainsi appelée parce que les anciens
auteurs auraient trouvé la chenille dans la farine et dans la poudre à
cheveux, faits qui n'ont du reste rien d'invraisemblable. On trouve fré-
quemment ce papillon dans les appartements, surtout les corridors, les
sous-sols, les cuisines, c'est-à-dire les parties médiocrement balayées, les
cocons des chenilles se trouvant probablement dans les angles obscurs,
entre les interstices des planchers et des pavés. Geoffroy l'appelle /a Pha-
lène à ventre relevé, parce que, posée contre les murailles ou les plafonds,
les ailes à demi étendues et inclinées contre le plan de position qu'elles
touchent par leurs bords, elle tient les derniers anneaux de l'abdomen
65i LÉPIDOPTÈRES.
redressés bien au-dessus de leur niveau. Ce papillon, de 22 à 25 mil-
limètres d'envergure, a les deux sexes pareils, la femelle ordinaire-
ment plus grande. Les couleurs sont assez vives, les antennes et les
pattes d'un jaune fauve, la tête et le corps d'un brun jaunâtre, avec
des taches latérales brunes sur les deux premiers anneaux de l'ab-
domen. Les ailes supérieures offrent un espace médian d'un jaune
testacé, les espaces basilaire et terminal d'un brun rougeàtre, limités
par deux lignes transversales blanches, écartées, la première arquée, la
seconde large à la côte, puis recourbée en lunule, puis fine et très
sinuée; un point cellulaire à peine marqué; ailes inférieures d'un
blanc grisâtre, avec marques noirâtres, traversées par deux lignes d'un
blanc rosé, très sinueuses, terminées par une bordure de petites taches
noires. La chenille est d'un jaune pâle, plus ou moins lavé aux deux
extrémités de gris foncé, la tête d'un rouge brun, la plaque du pro-
thorax et le clapet anal de couleur d'ambre. Cette chenille est plissée,
avec la sligmatale saillante, entourant fortement les stigmates bruns.
Elle vit de diverses matières végétales sèches, hiverne dans la paille
des granges (Jourdheuille), creuse de longues galeries au fond des
caisses de son (Goossens). Llle se chrysalide en mai et le papillon paraît
en juin, juillet, août; de toute l'Europe et d'Algérie et de l'Amé-
rique du .Nord. Guenée l'a reçu aussi du Brésil et de Taïti. Une très
jolie espèce, un peu plus petite que la précédente de France, d'Angle-
terre, de Hongrie, d'Autriche et d'Algérie, trouvée dans les brous-
sailles, près d'Oran (H. Lucas), en novembre, pareille aux sujets d'Eu-
rope, est P. Costalis, Fabr., syn. : Fimbrialis, eut. de V., the Guld Fringe,
ayant la tête et le corps d'un pourpre violet, avec les antennes, les
pattes et le bout de l'abdomen jaunes, les quatre ailes en dessus d'un
pourpre carminé, quelquefois un peu violet, avec la frange jaune et les
deux lignes transversales jaunes; juillet, août, septembre, commune
dans les greniers à fourrages (Goossens), la chenille vivant probablement
de plantes sèches. Citons encore P. Glaucinalis, Linn., tlie Double-Stri-
j:ed, le papillon en mai et juin, puis en août et septembre, dans les bois
et les jardins, au voisinage des habitations, la chenille en avril et mai,
vivant dans les feuilles pourries. Un certain nombre de Pyralis volent
le soir sur les fleurs ou parmi les herbes, à la manière habituelle des
Pyraliens; il ne s'ensuit pas que les chenilles ne fréquentent pas nos
habitations, car dans les Anthrènes, Coléoptères Dermestiens, dont les
larves dévorent dans les maisons les matières animales sèches et les
collections d'insectes, les adultes fréquentent les fleurs, non seule-
ment des jardins, mais même des lieux éloignés de nos demeures.
Dans le genre Aglossa, Lalr., la spiritrompe est nulle, les palpes
labiaux droits et dépassant la tête, les stemmates absents, les palpes
maxillaires réduits à un mince pinceau de poils, les antennes des mâles
garnies de cils Torts, l'abdomen terminé dans les mâles par une brosse
anale, chez les femelles par un oviscapte protractile, les ailes entières,
AGLOSSA. 655
arrondies, épaisses, luisantes et squameuses, à longues franges, les
pattes longues et robustes, à jambes épaisses, avec les cuisses anté-
rieures élargies et squameuses. Les chenilles sont lisses et d'aspect corné,
luisantes et allongées, ayant les côtés plissés. Elles vivent de substances
animales ou végétales retirées des êtres vivants, principalement de
matières grasses, et les chrysalides sont renfermées dans de légers
cocons de soie. La principale espèce de ce genre, VA. Pinguinalis, Linn.,
the Tabby, varie notablement par la coloration plus ou moins foncée et
la taille, allant de 25 millimètres d'envergure dans le mâle à hO chez
certaines femelles. La tète et le thorax sont d'un gris jaunâtre luisant,
l'abdomen d'un gris uni, les antennes et les pattes grises. Les ailes
supérieures sont d'un gris jaunâtre luisant finement saupoudré d'atomes
noirs, traversées par deux lignes jaunâtres très ondulées, plus ou moins
bordées de noir de chaque côté, avec un point noir dans l'espace mé-
dian; les ailes inférieures sont plus claires, les lignes à peine indiquées;
des traits terminaux noirâtres précèdent les franges des quatre ailes. La
chenille, allongée et à seize pattes, d'aspect corné, rase et luisante, est
d'un brun noirâtre, avec la tête et l'écusson prothoracique d'un brun
rougeâtre. La chrysalide est d'un brun noirâtre. La chenille vit au mi-
lieu des corps gras et de divers débris animaux, ainsi la fiente sèche
des Pigeons (Berce) ; de très forts plis latéraux abritant les stigmates,
car d'ordinaire les matières grasses asphyxient les insectes; se trouve,
en mars, avril, mai, dans les cuisines et lieux obscurs et malpropres
des habitations. Elle est citée par les anciens auteurs comme trouvée
dans les déjections humaines et ayant produit de graves désordres dans
le tube digestif. Les accidents étaient certainement dus aux matières
alimentaires altérées qui la contenaient accidentellement, car la priva-
tion d'air et l'action du suc gastrique ne peuvent laisser vivre une che-
nille. Le papillon est de toute l'Europe, de la fin de juin à la fin d'août,
appliqué sur les murs et les plafonds, dans les lieux où vit la chenille,
comme les cuisines, buanderies, corridors, etc. La femelle, ainsi que
celle des autres Aglosses à mœurs analogues, pond avec son viscapte
dans les matières molles et dans les plus étroites fissures. Une seconde
espèce un peu moins commune, des mêmes lieux et des mêmes épo-
ques que la précédente, est l'A. Cuprealis, Hubner, the Sinall Tabby, de
taille un peu moindre que Pinguinalis, les ailes supérieures plus étroites
et plus allongées. Le fond de ces ailes, ainsi que la tête, les antennes, le
thorax et les pattes, sont d'un brun rougeâtre luisant et cuivreux, les
ailes étant en outre marbrées de taches d'un brun noirâtre, surtout à la
base et à la côte; deux lignes très écartées, en zigzag, d'un rougeâtre
clair, les traversent, et, entre elles, est une tache d'un rouge pâle portant
un point noir, une série de points d'un rouge pâle le long de la côte;
ailes inférieures, dessous des quatre ailes et abdomen d'un rougeâtre
pâle et luisant. Elle a été trouvée en juillet, près d'Alger (H. Lucas),
pareille au type d'Europe. La chenille étudiée par M. Goossens a de
656 LÉPIUOPTfcRLS.
25 à 30 niillimùlros, sans raies au corps, le fond d'un noir luisant, la
tôte, la ijlaque prothoracique et le clapet anal, d'un brun rouge; à
droite et à gauche de la plaque du cou est une petite verrue blonde,
luii^ante, transparente, et, sur le mésothorax, de cliaque côté, trois ver-
rues semblables, visibles seulement à la loupe; les seize pattes sont
blondes, les membraneuses réduites à de simples boutons, ce qui fait
que la chenille ressemble à une larve de Coléoptère. La peau forme
sur les flancs, le long des stigmates, un bourrelet saillant et très plissé,
dans les anfractuosités duquel les stigmates sont en partie cachés. Cette
chenille a été trouvée par M. Goossens dans le son et s'en est nourrie
pendant huit mois, passant la vie dans une galerie soyeuse, revêtue de
son e.\térieurement,'au bout de laquelle elle se fabrique une coque
ovale et soyeuse, dans laquelle elle devient chrysalide. Comme on ren-
contre souvent le papillon dans des endroits où il n'y a jamais eu de
son, cette substance n'est certainement pas la seule nourriture de la
chenille, l^lle a été trouvée sous des écorces de bois mort, et elle est
commune dans les détritus des greniers à foin (Maurice Sand).
Les Ennychides (Duponchel), qu'Herrich-Schœffer laisse dans la
grande famille des Botydeg, forment une famille très naturelle renfer-
mant des papillons de très petite taille, mais de couleurs agréablement
nuancées et remarquables par leur extrême vivacité, volant pour la
plupart en plein' soleil, si rapidement qu'on a peine à les capturer. Ils
ne renferment qu'un petit nombre d'espèces exotiques. Les Pyrausta
ont le fond de la couleur d'un brun pourpré ou carminé, varié de taches
et de bandes jaunes ou orangées, les Eerbula sont grises et les Ennychia
noires. Les antennes sont minces, iiliformes, sans ciliation ou simple
ment pubesccnles chez les mâles, la spiritrompe longue et robuste,
couverte d'écaillés à sa base, les palpes labiaux droits et squameux,
disposés en bec et connivents à l'extrémité, les palpes maxillaires petits
et formant un léger pinceau relevé. Le corps est grêle avec le corselet
ovoïde, l'abdomen des mâles toujours conique, effilé et terminé en
pointe, le tablier est constant, hérissé sur les bords. Les ailes sont lisses,
soyeuses, entières, les supérieures toujours prolongées au sommet, avec
les lignes médianes peu distinctes, les ailes inférieures participant aux
couleurs et dessins des supérieures; les pattes sont longues, grêles et
toujours glabres. Les chenilles sont courtes, épaisses, très atténuées aux
extrémités, à tête petite, à écussons cornés très distincts, avec des trapé-
zoïdaux tuberculeux et de couleurs tranchées, chacun surmonté d'un
poil raide. Elles vivent renfermées entre les feuilles de plantes basses
qu'elles lient ensemble avec de la soie et les chrysalides se forment
dans le même tissu.
Le genre Pyrausta, Schranck comprend de jolis insectes très vifs, vo-
lant à la plus grande ardeur du soleil parmi les herbes des bois et des
coteaux. Les ailes supérieures sont variées de points et de taches jaunes
ou orangées, sur un fond purpurin ou ferrugineux, dont le fond noir
PYRALIENS. 657
des ailes inférieures fait ressortir l'éclat et l'aspect de laque. Ces ailes
sont agitées si rapidement qu'elles échappent à la vue et qu'on n'aper-
çoit pas leurs riches couleurs tant que le papillon n'est pas au repos;
malheureusement pour les collectionneurs la vitesse du vol fait dispa-
raître bientôt ces belles écailles et le papillon décoloré passe au gris
sale ou noirâtre. Les espèces ont deux générations, la première en mai
et au commencement de juin, la seconde de la fin de juillet à la fin
d'août et même en septembre. Les chenilles vivent sur des Labiées à
feuilles odorantes, les Menthes, les Origans, renfermées dans un léger
réseau entre les feuilles de l'extrémité de la plante, les chrysalides dans
un lissu plus serré. Le type, très commun partout, surtout dans les prai-
ries, abondant à Champigny, à Lardy, à Fontainebleau, dans la Beauce,
etc., est P. Purpwalis, Linn., la Pourprée, Devillers, the Crimson and
Gold, de 15 à 18 millimètres d'envergure, le fond des ailes supérieures
d'un rouge pourpre ou d'un brun pourpre, comme la tète et le tliora.x,
avec trois petites taches orangées vers la base, puis une bande de
grandes taches de même couleur, les ailes inférieures noires, avec une
bande arquée jaune, une tache sur le disque et deux traits longeant le
bord abdominal également jaunes ; en outre, aux quatre ailes, avant la
frange brune, une série de petits points jaunes pouvant manquer; des-
sous des quatre ailes pourpre sur le bord, noir au milieu, avec répétition
des taches du dessus; abdomen avec des zones jaunes. Chenille en juin
et juillet, puis en automne, sur diverses Menthes et sur l'Origan vul-
gaire; elle est d'un gris obscur, avec la tète et le prothorax d'un brun
jaunâtre et trois lignes noires sur cet anneau, les lignes vasculaires et
stigmatales jaunes et le corps orné de taches noires, régulières, cerclées
de blanc.
Dans le genre Herbula, Guenée figurent des espèces qui volent en plein
jour, mais tout différemment des Pyrausta, fréquentant les lieux her-
bus, et se posant fréquemment à terre. Elles sont propres aux régions
chaudes et tempérées de l'Europe et de l'Amérique septentrionale. Les
couleurs varient beaucoup, suivant la saison, la latitude et l'altitude.
Les mâles ont les antennes filiformes ou pubescentes. 11 y a une spiri-
trompe au-dessous des palpes labiaux hérissés et dont elle n'écarte pas
l'extrémité. L'abdomen, légèrement zone, porte un tablier petit, allongé,
peu saillant et un peu bifide ; cet abdomen est grêle et terminé en pin-
ceau obtus chez les mâles, gros, aigu, mais terminé par un oviscapte
saillant chez les femelles. Les ailes, assez épaisses et comme pulvéru-
lentes, sont marquées de points terminaux, les supérieures grises, avec
des dessins ou des éclaircies ocracés, les inférieures très développées,
avec les mêmes dessins que les supérieures, môme plus vifs; les femelles
diffèrent des mâles et ont toujours les ailes inférieures à dessins plus
vifs et plus tranchés. L'espèce la plus commune, volant sur les terrains
secs, les bruyères, les prairies, est/i. Cespitalis, cat. de V., laPyrak des
buissons, Devillers, thc Slraiv Barred, très commune dans toute l'Lu-
GihAuu. ni. — i2
658 LÉPIDOPTÈRES.
rope, en mai et juin, puis en août et septembre, en mars et avril dans
le Midi, de 16 à 20 millimètres d'envergure, le mCde h ailes supérieures d'un
gris roussàtre ou brunâtre et nébuleuses, avec deux lignes jaunâtres, peu
distinctes, et deux petites lâches brunes dans la cellule, les inférieures
avec une bande médiane et une ligne subterminale claires et jaunâtres.
Le dessous des quatre ailes est d'un ton plus roux que le dessus, avec
les mêmes dessins mieux marqués; femelle plus petite, ressemblant
aux papillons du genre Pijransta, ayant les ailes supérieures plus
rousses que le mille, avec les deux lignes jaunâtres très distinctes, fines,
très sinuées, les inférieures noires, avec les bandes d'un jaune nankin;
dessous des quatre ailes d'un jaune d'ocre, avec tous les dessins noirs
très distincts, les points terminaux et les taches cellulaires nets et iso-
lés. Dans les deux sexes la tête et le corps sont d'un gris brunâtre et
l'abdomen avec de faibles zones d'un jaune pâle. Chenille vivant sous
les pierres (Goossens), plate, longue, d'un brun violâtre, avec la ligne
vasculaire large, et sur chaque segment deux gros points verruqueux
surmontés d'un poil, chacun de ces points accompagné d'un autre petit ;
tête et écusson prothoracique de couleur d'ambre.
Le genre Ennijchia, Treitschke présente les antennes des mâles sans
ciliation, les palpes maxillaires peu distincts, les palpes labiaux bico-
lores, à écailles hérissées sur tous les articles. L'abdomen a un tablier
écailleux, subbifide, réfléchi et un peu contourné; cet abdomen dépas-
sant toujours les ailes inférieures, orné de zones blanches, effilé et ter-
miné en pointe aiguë chez les mâles, presque cylindrique et terminé en
pointe coupée carrément dans les femelles. Les ailes sont soyeuses, de
mêmes couleurs et dessins aux deux paires, ayant le fond noir, quelque-
fois teinté de roux, le plus souvent marquées de bandes ou de taches
blanches très tranchées. Les £'nyjî/c/ua sont de très jolis petits papillons,
ressemblant aux Pyrausta et volant en plein soleil dans les lieux her-
bus. L'espèce la plus répandue, de toute l'Europe, en mai, puis en
juillet, volant au soleil dans les endroits secs, arides et chauds, est
E. Cingulata, Linn., la Ceinture, Devillers, the Silver-barred Sable, la
Zone blanche, Fourcroy, de 16 à 18 millimètres d'envergure, la tête garnie
de poils roux, le corps noir, l'abdomen zone de blanc et terminé par un
faisceau de poils blancs, les quatre ailes noires et luisantes, portant au
milieu une bandelette commune, blanche, étroite, un peu sinuée sur
les supérieures et arquée sur les inférieures, la frange noire anté-
rieurement et blanche postérieurement; dessous de mêmes couleurs
et dessins que le dessus; pattes jaunâtres; femelle semblable, mais plus
petite, à ailes supérieures plus courtes. La chenille de VE. Cingulata est
vive, un peu atténuée aux deux bouts, longue de 12 à 13 millimètres,
de couleur jaunâtre pâle, semi-transparente, teintée de verdâtre sur
la région dorsale, avec de gros points trapézoïdaux en relief d'un noir
luisant, la tête et le prothorax de couleur d'ambre, très pointillés de
brunâtre, la ligne vasculaire verte. Celte chenille vit en juin, puis en
PYRALIENS. 659
août, sous les feuilles radicales de la sauge des prés {Salvia pratensis),
qu'elle assemble au moyen de quelques fils de soie, se cachant souvent
aussi sous les feuilles sèches. Elle devient chrysalide dans un léger cocon
ovale, en soie blanchâtre. Une autre espèce très jolie et caractérisée,
moins commune, est E. Octomaculata^ Linn., the White Spot, volant de
mai en juillet dans les bruyères, les terrains secs, les lieux herbus, etc.,
de 18 à 20 millimètres d'envergure, très reconnaissable par la tête et le
corps noirs, avec des ptérygodes jaunes et l'abdomen zone de blanc, les
ailes noires et luisantes en dessus comme en dessous, avec deux
taches blanches arrondies sur chacune, la frange noire, avec un peu de
blanc aux angles interne et anal, les pattes blanchâtres.
Une famille fort remarquable par les mœurs de ses chenilles est celle
des Hydrocampides, qui paraissent habiter toutes les contrées du globe
et offrir encore un vaste champ à des explorations biologiques très cu-
rieuses et variées, d'après les diflerences que nous offrent les espèces
européennes à premiers états connus. Les adultes sont de jolis papillons,
ordinairement à fond blanc, avec des lignes fines bien tranchées et imi-
tant des broderies, que rehaussent encore de petits filets d'un jaune
fauve ou doré, sur les deux paires d'ailes. Comme ces insectes ne volent
pas beaucoup, on rencontre les mâles habituellement dans un grand
état de fraîcheur. Les femelles, qui sont beaucoup plus rares, sont, au
contraire, plus ou moins frottées ou décolorées, ce qui tient probable-
ment à des particularités de la copulation. La membrane alaire, dans
cette famille, est très délicate, mais les écailles, sur plusieurs couches,
sont nombreuses et solidement attachées. Ces insectes habitent exclu-
sivement le bord des ruisseaux et des étangs, s'accrochant à l'aide de
leurs longues pattes aux feuilles des joncs, des carex, des roseaux et
autres plantes qui s'élèvent au-dessus de la surface des eaux. La moindre
agitation causée à ces plantes, môme celle produite par le vent, suffit
pour faire envoler ces insectes, mais avec une certaine nonchalance et
comme portés par la brise; puis, bien vite fatigués, ils se mettent au
repos sur une nouvelle feuille. Les antennes de ces papillons sont assez
longues, minces, filiformes, sans aucune ciliation ni nodosité, la tète
généralement petite, le front aplati et étroit, la spiritrompe courte et
souvent rudimentaire, les palpes labiaux, squameux et non hérissés, à
articles distincts, non réunis en bec, les palpes maxillaires le plus sou-
vent très distincts et isolés. Le corps est grêle, l'abdomen dépassant
toujours les ailes, très effilé et comme linéaire chez les mâles, renflé
puis terminé en pointe aiguë chez les femelles, muni à sa base d'un ta-
blier toujours plus ou moins hérissé sur ses bords; ailes très minces,
lisses, soyeuses, non transparentes, à dessins et couleur du fond com-
muns aux deux paires, le fond généralement blanc, avec des lignes
brunes formant souvent des taches ou réseaux et de fines bordures lisé-
rées; pattes longues, soyeuses, glabres, munies d'éperons longs et
minces.
660 LÉPIDOPTÈRES.
Les chenilles, étudiées en grands détails parr nos vieux entomologistes
Réaumur, De Géer, Lyonnet, forment le titre principal des Hydrocam-
pides à la curiosité scientifique. A une exception près (genre Parapo?i?/a;)
leur conformation est celle des chenilles des autres Pyraliens; elles
sont lisses, luisantes, à 16 pattes plus ou moins parfaites, à trapézoïdaux
tuberculeux et garnis chacun d'un poil; les teintes sont uniformes,
pâles, verdâtres, blanchâtres ou terreuses, ce qui est en rapport avec
un mode de vie qui les soustrait en grande partie à l'action de la lu-
mière. En eifet, ces chenilles vivent dans l'eau, tantôt contenues dans
des coques de soie et de feuilles qu'elles traînent avec elles et qui ren-
ferment de l'air emprisonné pour la respiration de la chenille, tantôt
directement submergées, mais alors pourvues de branchies, en outre
des stigmates, par un fait analogue à la double respiration des Batra-
ciens pérennibranches. Les stigmates de toutes les chenilles des Hydro-
campides sont toujours entourés d'un bourrelet épais, qui doit les ga-
rantir contre le contact accidentel et momentané de l'eau; en outre,
comme l'a vu Réaumur, ces organes obstrués par de l'huile amènent
l'asphyxie de la chenille beaucoup plus tard que pour les chenilles
à vie aérienne. Les chrysalides sont molles, de couleurs claires, avec
une gaine ventrale plus ou moins prolongée, et des stigmates portés sur
des mamelons saillants; elles se forment au milieu de l'eau où les che-
nilles ont vécu et sont enveloppées de cocons filés avec de la soie, associée
à des débris de feuilles de plantes aquatiques.
Disons d'abord quelques mots du genre le plus aberrant de la famille,
celui des Paraponyx, Stephens ou Nymphula, Hûbner, dont il n'existe
qu'une seule espèce en Europe, P. Stratiotatus, Linn., la Phalène aqua-
tique, De Géer, la Phalène Stratiote, Walckenaër, theRinged China Mark,
de 20 à 22 millimètres d'envergure chez le mâle, à antennes très monili-
formes, à articles écailleux, à stemmates existant, la spiritrompe étant
rudimentaire, les ailes supérieures d'un jaune brunâtre très clair avec
deux éclaircies blanches, un anneau noir dans la cellule discoïdale,
toujours bien marqué chez les deux sexes, une ligne blanchâtre, enfin
deux filets bruns et une ligne blanchâtre précédant la frange; ailes
inférieures blanches traversées par une ligne médiane noire, bisinuée,
interrompue au milieu, la frange précédée de deux filets bruns ; femelle
notablement plus grande, les ailes plus oblongues, les supérieures plus
roussâtres, plus unies, à dessins moins marqués, la bande des infé-
rieures plutôt brune que noire. Près de Douai (Nord), d'après M. A.
Foucart, se trouve enjuillet, mais rare, une aberration femelle, ayant
les ailes supérieures d'un brun noir, avec l'espace terminal moins
foncé, les ailes inférieures plus blanches que chez le type, avec la
bande noire plus large. Cette espèce n'est jamais très commune et se
trouve sur les bords des étangs et marais de la France boréale et cen-
trale, très rare dans le Midi, paraissant manquer en Provence; en juin
et juillet et aussi en septembre (11. Delamain), se retirant dans les haies et
PARAPONYX, CATACLYSTA. 661
broussailles, les femelles, beaucoup plus rares que les maies, restant gé-
néralement appliquées contre le tronc des arbres qui bordent les marais.
La chenille de cette espèce reste complètement submergée dans l'eau
sans fourreau protecteur; elle a la tête brune en dessus et les stigmates
noirs, la peau demi-transparente, d'un vert blanchritre, avec le vaisseau
dorsal bien visible et verdàtre. Bien que réellement rase comme les
autres chenilles de Pyraliens, elle semble, au premier aspect, couverte
de poils de diverses longueurs. On reconnaît à la loupe, que ce sont des
filets charnus et transparents, réunis par trois à quatre sur un mame-
lon commun, et constituant, outre la respiration aérienne directe par
les stigmates, un véritable appareil branchial absorbant par osmose
l'oxygène de l'air dissous dans l'eau. L'asphyxie de cette chenille est
fort difficile à réaliser et De Géer a vu qu'elle peut survivre à huit jours
d'immersion dans l'huile. C'est en mars et avril qu'on la trouve ron-
geant les feuilles de plantes d'eau douce entièrement submergées, les
Stratiotcs, les Ceratophyllum, les Callitriche. La nymphose s'opère égale-
ment sous l'eau, parmi les feuilles Immergées, dans un cocon allongé,
composé de deux robes de soie, la première blanche, la seconde grise.
La chrysalide est jaune avec les yeux noirs; le papillon, quand il est
éclos, est obligé pour accomplir les phases de son existence, de traver-
ser la couche d'eau qui le sépare de l'atmosphère.
CATACLVSTA, Herr. Sch. — Papillons dépourvus de stemmates et à spiri-
trompe courte, à palpes labiaux grêles, arqués, ascendants, à palpes maxillaires
plus ou moins visibles, à articles indistincts; on reconnaît surtout ce genre à la
bande noire qui borde les ailes inférieures, marquée ou de petits points blancs,
ou, chez plusieurs espèces exotiques, d'iris ou anneaux formés par des écailles
de l'argent ou de l'or le plus brillant, acquérant encore de l'éclat par le jeu de
la lumière, les faisant chatoyer en violet pareil au recuit de l'acier ou étinceler
comme des pierres précieuses. Chenilles allongées, moniliformes, à tête plus
claire que le corps et se retirant sous le premier anneau, avec deux écussons
distincts, ne s'enveloppant pas d'une sorte de silique formée de deux feuilles ac-
colées, mais s'entouranl d'un fourreau de soie cylindrique revêtu de débris végé-
taux et caché sous les feuilles des Lemnacées, fourreau dans lequel elles de-
viennent des chrysalides ovoïdes, à gaine ventrale très longue.
L'Europe n'a qu'une seule espèce de ce genre : C. lemnata, Linn,, la P/ia-
lène de la lenticule, Devillers, the Small China Mark, envergure du mâle
18 millimètres, antennes brunes, tête, corps et pattes blancs, ailes su-
périeures blanches, avec linéaments confus brunâtres et un point cel-
lulaire noir, ailes inférieures à linéaments mieux marqués, avec un
point cellulaire noir et une bordure brune, occupée au milieu par une
bandelette très noire, ornée de quatre points d'un blanc argenté;
femelle plus rare que le mâle, plus grande, 22 millimètres d'envergure,
les ailes supérieures plus aiguës, d'un brun jaunâtre pâle, les infé-
6Ô2 LÉPIDOPTÈRES.
rieures avec une tache médiane grise, en forme de 8 et la même bor-
dure terminale que le mâle ; chenille à 16 pattes, allongée, d'un brun
olivâtre, veloutée, avec la ligne vasculaire fine, plus foncée et les tra-
pézoïdaux très petits et bruns, la tète petite, d'un blanc jaunâtre, l'écus-
son corné, d'un noir luisant ; à partir d'avril elle passe sa vie parmi
les radicules submergées des Lemna ou Lentilles d'eau, dont elle ronge
la surface dans son jeune âge et qu'elle mange plus tard entièrement;
elle est couverte d'un fourreau construit par elle, qu'elle traîne par-
tout dans sa marche, comme les Psyché, et qui contient toujours une
petite bulle d'air suffisante pour la respiration de l'insecte; ce fourreau
est en soie blanche, recouverte de feuilles de Lemna, et plus souvent
et par préférence de fragments de roseaux (Goossens); lors delà nym-
phose, la chenille attache son fourreau à quelque objet, en ayant soin
qu'un des bouts soit hors de l'eau, afin de favoriser la sortie du papil-
lon (Ragonot). Ce fourreau sert directement de coque lors de la nym-
phose. On trouve les adultes de C. Lemnata dans toute la France, sauf
l'extrême Midi, plus ou moins communs selon les localités, volant au
bord des ruisseaux, des étangs, des mares, en juin et juillet aux envi-
rons de Paris. Il est probable que l'espèce a deux générations par an
dans certaines localités, car on indique les papillons en mai et en août
dans l'Indre (Maurice Sand), en juin, juillet et septembre dans la Cha-
rente (H. Delamain), La femelle court sur l'eau et pond trois ou quatre
œufs plats sous une feuille de Lemna, puis se déplace et recommence.
C'est avec beaucoup de doute que nous rapportons au genre actuel
une espèce indiquée de Java, C. aquatilis, Boisduval, pi. xcvn, fig. 9,
le papillon de 25 millimètres d'envergure, le corps et les ailes supé-
rieures d'un gris jaunâtre, les ailes supérieures offrant trois taches
blanches, dont l'extérieure, plus grande, touchant à la côte, les ailes
inférieures blanches, avec l'extrémité seulement d'un jaune grisâtre ;
dessous semblable au dessus, mais plus pâle. Cette espèce me parait du
genre Glyphodes.'Vne autre espèce exotique, celle-ci bien certaine, est
C. Dilucidalis, Boisduval, pi. xcvii, fig. 7, de Java, et probablement
aussi des Indes Orientales, de 20 millimètres d'envergure, les ailes
supérieures blanches, avec des bandes et des taches d'un jaune fauve
pâle, la dernière bande formant bordure et précédée d'une bande
partant de la côte où elle est plus large et venant la joindre par en
bas; ailes inférieures blanches, avec des taches jaunes à la base et une
bordure sur laquelle s'espacent quatre gros points noirs, surmontés de
lunules très blanches, et, au-dessus de ces lunules, de taches noires
arquées, plus épaisses antérieurement ; de petites lignes noires fines
au-dessus ; pattes antérieures ayant le tarse aussi long à lui seul que le
corps tout entier (Guenée).
HYDROCAMPA, Latr. proprement dit. — Papillons à antennes pubescentes,
les palpes labiaux et maxillaires écartés, à articles bien visibles, des stemmates
HYDROCAMPA. 665
rapprocliôs des yeux, la spiritrompe grêle et courte, les ailes assez larges,
arrondies, à dessins communs, les inférieures à deux lignes bien distinctes, sans
dessins terminaux ocellés; les deux sexes semblables, à la taille près. — Che-
nilles assez épaisses, atténuées aux extrémités, aplaties sous le ventre, à tête
petite et rélractile, à pattes membraneuses très atrophiées, vivant sous les
feuilles aquatiques dans un sac en forme de gousse, formé de deux morceaux de
feuilles collées par leurs bords. — Chrysalides dans les mêmes fourreaux, pâles,
molleS; avec la gaine ventrale ne dépassant pas le milieu de l'abdomen, les stig-
mates portés sur des bourrelets saillants.
L'cspùce la plus commune de ce genre, objel des investigations de
Réaumur, est VH. nymphœata, Linn., pour le mâle, syn. : potamogata,
Linn. pour la femelle, la Phalène de l'Épi d'eau, Devillers, ihe Beauiifal
China Mark, mâle de 22 millimètres d'envergure, antennes brunes, tête,
corps et pattes blancs, ailes supérieures d'un brun jaunâtre clair, avec
beaucoup de taches d'un blanc nacré, trois principales subarrondies
lisérées de brun clair, sept autres plus petites d'inégale grandeur, for-
mantuue bande terminale appuye'e sur un liséré brun ; ailes inférieures
blanches, avec une double ligne busilaire, une grande tache cellulaire
réniforme et une ligne flexueuse suivie d'une bande irrégulière d'un
brun jaunâtre; franges grises, précédées d'un liséré d'un jaune doré;
femelle beaucoup plus grande (26 à 30 millimètres) avec les mômes
dessins et les taches blanches plus grandes; chenille d'un blanc jau-
nâtre, teintée de brunâtre sur les premiers anneaux, avec la tète et
l'écusson du prothorax d'un noir luisant. Elle vit du mois d'avril au
mois de juin immergée sous les feuilles des Potamogeton, des Nymphœa
alba et Nuphar luteuni; d'après M. Goossens, elle est en avril et mai
sur le Pofaiiiogeton natans, et à la fin de juin sur les Nymphœacées. Elle
n'a pas de branchies et ne se file pas de coque de soie ; aussi c'est par
un mécanisme nouveau qu'elle restera entourée de l'air nécessaire à sa
respiration. A peine sortie de l'œuf la jeune chenille découpe au milieu
d'une feuille de ses plantes nourricières un disque qu'elle colle par ses
bords et du côté concave, contre la surface inférieure de la feuille. Plus
tard, quand cet abri est devenu trop étroit et qu'une nourriture plus
abondante est devenue nécessaire à la chenille nourrie jusqu'alors du
parenchyme de la feuille repliée, elle se fait un fourreau formé de deux
morceaux de feuilles ordinairement ovales, qu'elle colle parleurs bords,
fourneau renflé au milieu et imitant une gousse de pois (pi. xcvn,
fig. 10). Afin de pouvoir se déplacer et s» nourrir, cette chenille s'est
ménagé à un des bouts une ouverture élastique par laquelle elle sort
sa tète et ses pattes écailleuses, de sorte que le reste du corps portant
les stigmates reste dans le fourreau où se trouve l'air nécessaire à la
respiration. C'est ainsi qu'elle peut passer d'une feuille à une autre
sans craindre que l'eau puisse pénétrer dans sa demeure. Elle traîne
ce fourreau avec elle toutes les fois qu'elle change de place et en con-
66i LÉPIDOPTÈRES.
slruit un nouveau aprùs chaque mue, dont la laille augmente comme
celle de la chenille; c'est aussi dans ce fourreau qu'elle devient chrysa-
lide, et c'est de ce fourreau que sort le papillon. Il est très commun, de
juin à septembre, au bord des ruisseaux, étangs et mares où vivent les
plantes aquatiques qui nourrissent sa chenille. M. Foucart a rencontré,
aux environs de Douai (Nord), les deux sexes d'une remarquable aber-
ration de cette espèce, qu'il nomme nigra; le mâle a le dessus des ailes
presque complètement noir, et il ne reste des lunules blanches
ordinaires que quelques vestiges grisâtres; on le prendrait au pre-
mier abord pour une variété très foncée de Botys sambucalis. Le des-
sous des ailes est d'un noir profond. La femelle est complètement
enfumée, sans aucune trace des taches blanches. M. de Sélys-Long-
champs signale une aberration mule analogue dans son Catalogue
des Lépidoptères de la Belgique. Une autre espèce voisine du genre
Hydrocampa est H. Staynata, Donovan, la Phalène du Nénuphar,
Devillers, un peu plus petite que la précédente et avec des taches
analogues. On la distingue toujours facilement par sa bande ter-
minale, qui est d'une seule pièce, tandis qu'elle est divisée en taches
inégales chez H. nymphœata. L'H. stagnata paraît aux mêmes époques,
et sa chenille vit sur les mêmes plantes que sa congénère; cette
espèce est tout aussi commune dans le nord de la France, plus rare
dans le reste du pays, mais existant dans l'extrême Midi, ainsi près de
Cannes (M. Millière), en juin et septembre, localité où manque H. nym-
phœata.
La famille des Botydes est la plus nombreuse en espèces de la tribu
des Pyraliens ; elles sont répandues dans toutes les contrées du globe,
et cent quarante espèces environ habitent l'Europe et se trouvent
presque toutes en France. Les papillons se trouvent partout, dans les
bois, les champs, les jardins, les lieux marécageux comme les lieux
très secs, certains volant en plein jour, mais pendant peu de temps; ils
volent au crépuscule autour des buissons ou des plantes qui ont nourri
les chenilles, ainsi que le soir autour des lumières, s'écartant peu du
lieu de leur naissance. En général, ils aiment les endroits frais et om-
bragés, bien que quelques-uns préfèrent les lieux secs et élevés. On se
les procure facilement en battant les buissons et les hautes herbes. Ces
papillons ont la tête généralement petite, avec des antennes moyennes,
simples ou ciliées, la spiritrompe moyenne, squameuse à la base, deux
ou quatre palpes, les labiaux généralement droits et en bec, le corps
lisse et luisant squameux, l'abdomen plus ou moins conique et effilé,
ayant rarement un tablier bien développé, les ailes entières et luisantes,
les supérieures triangulaires, à frange luisante, avec les deux taches
cellulaires ou au moins la seconde visibles et deux lignes médianes
bien marquées, la seconde très contournée, faisant croire à l'existence
d'une troisième ligne, les ailes inférieures bien développées, ordinaire-
ment sans prolongement notable à l'angle anal, les pattes glabres, la
ROTYS. 665
jambe anlérieure deux ou trois fois plus courte que la cuisse. Los che-
nilles (les Botydes sont encore mal connues, surtout en raison de leur
absence de colorations tranchées; ce sont des chenilles assez pâles, lui-
santes, n'ayant souvent que la ligne du vaisseau dorsal pour tout dessin,
à plaque prothoracique cornée, à trapézoïdaux verruqueux, noirs ou
de la couleur du corps, et surmontés par un poil raide. Leurs mœurs
ont plus de variations que leur aspect : le plus souvent elles passent
leur vie enfermées dans des tubes cylindriques ou coniques qu'elles
ont construits en roulant des feuilles dans leur longueur, ou bien elles
forment à l'extrémité de ces feuilles une cavité ovoïde, ou bien encore
se bornent à en attacher plusieurs avec des fils de soie et à se loger
dans leurs interstices; il en est qui profilent des boursouflures natu-
relles des feuilles de beaucoup de Crucifères pour se loger à l'intérieur
sans avoir besoin de filer; d'autres se font une toile dans les embran-
chements des tiges des plantes et surtout des Crucifères; enfin, il en est
une réellement endophyte, creusant les tiges des Joncées et Typhacées
à la façon des chenilles des Nonagries. Les chrysalides des Botydes sont
allongées, molles, lisses et luisantes, et renfermées dans de légères
coques de soie filées entre les feuilles ou dans les interstices de minces
rameaux. La famille des Botydes correspond principalement au genre
Botys, de Latreille, qui a subi ensuite des subdivisions par des auteurs
plus récents, d'abord en Botys et Scopula, par Duponchel et Stephens.
Dans le genre Botys, Latr., tel qu'il est restreint aujourd'hui, les
papillons ont les stemmates distincts, la spiritrompe forte, les palpes
assez courts, les maxillaires confondus avec les labiaux, l'abdomen
long, effilé, conique, le tablier nul ou rudimentaire, les ailes larges, à
franges unicolores, la ligne coudée se prolongeant sur les inférieures;
les chenilles vivent dans des feuilles roulées. A citer comme espèces
très répandues : B. ruralis, Scopoli, syn. : verticalis, catal. de Vienne,
la Verticale, Uevillers, the Mother of Pearl, envergure 32 à 35 milli-
mètres, la tête et le corps de la couleur des ailes, celles-ci d'un blanc
d'os luisant, à légers reflets chatoyants, plus ou moins obscurcies par
places de gris clair, surtout à la côte et au bord terminal des quatre ailes,
les supérieures aiguës au sommet, traversées par deux lignes grises,
épaisses et dentées, l'une formant un coude très prononcé jusque sous
la tache réniforme, h laquelle elle se joint par une ombre médiane
vague, les ailes inférieures avec un point cellulaire et une ligne dentée,
grise, en forme de Mgrossier et très prononcé dans son milieu; dessous
plus pâle; femelle semblable, généralement moins obscurcie de gris;
chenille effilée, verte, luisante, transparente, avec le dos blanchâtre et
les côtés d'un vert plus foncé; les trapézoïdaux ovales, de la couleur du
corps, à poils blancs, la plaque prothoracique de la couleur du corps
avec deux points noirs ; cette chenille vit en mai sur différentes espèces
d'Orties, principalement sur la grande Ortie (Urtica dioïca), dans une
feuille roulée en forme de cornet ouvert aux deux bouts, aussi sur la
666 LÊPIDOPTÈliES.
Pulmonaire, du moins en Italie (Minière); papillon très commun par-
tout le soir autour des Orties, en juin et juillet; B. urticata, Linn.,
la Queue jaune, Geoffroy, the Small Magpie, papillon pareil dans les deux
sexes, 28 à 30 millimètres d'envergure, la t6te et le thorax d'un jaune
orangé, avec un point noir sur chaque ptérygode, les ailes larges, en-
tières, d'un blanc satiné, avec toutes les taches noires, les supérieures
avec la base teintée de jaune orangé, un trait basiiaire épais et trois
taches arrondies, une au-dessus et deux au-dessous, un gros point cel-
lulaire touchant la côte qui est également noire, une bande courbe,
formée de taches ovales, dont deux plus grosses au bord interne, et une
bande terminale, plus large au sommet et également composée de
taches ovales, ces deux bandes se continuant sur les ailes inférieures,
qui ont en outre un point discoïdal; frange noire aux ailes supérieures,
blanche aux inférieures; abdomen noirâtre, avec son extrémité et le
bord de chaque anneau d'un jaune orangé; chenille allongée, monili-
forme, transparente, d'un blanc sale ou jaunâtre, avec la ligne vascu-
laire fine, d'un vert brun, placée entre deux lignes blanches, la tête
noire, marquée de trois taches blanches, la plaque du protliorax ver-
dàtre, avec une tache noire de chaque côté, les points verruqueux blan-
châtres, surmontés d'un poil noir. Cette chenille vit sur les Orties, dans
une feuille roulée en cornet, depuis le mois d'avril jusqu'au mois de
septembre; à partir de cette époque, elle hiverne dans les tiges sèches
des Orties. Le papillon est commun partout, dans tous les lieux où il y a
des Orties, en mai, juin et juillet.
Dans le genre Ebulea, Guenée, démembré du genreZJoij/s, les papillons
sont de petite taille, ont les antennes assez courtes, filiformes et glabres,
lesstemmates saillants, la spiritrompe courte, les palpes labiaux droits,
faisant saillie en bec au delà de la tète et recouverts d'écaillés raides, les
palpes maxillaires filiformes, les ailes larges, entières, à franges non en-
trecoupées, les supérieures à deux lignes distinctes, les inférieures à une
ligne; pattes glabres, à ergots assez courts; tablier très étroit et souvent
hérissé d'écailles; abdomen mince, caréné, un peu conique et terminé en
pinceau obtus chez les mâles; chenilles courtes, im peu filiformes, atté-
nuées aux extrémités, plissées transversalement, à tète petite, à trapézoï-
daux verruqueux, vivant entre des feuilles réunies par des fils de soie;
chrysalides allongées, à enveloppe des ailes longue, renfermées dans un
léger tissu de soie filé entre les feuilles. Les papillons des Ebulea sont très
voisins des Botys, volent comme eux au crépuscule, autour des haies et
des fleurs des prairies et des jardins. Nous citerons dans ce genre E. sain-
bucalis, cat. de V., la Phalène du sureau, Devillers, the Gardcn China
Mark, de 22 à 25 millimètres d'envergure, les deux sexes pareils, l'ab-
domen plus court et plus épais chez la femelle, la tète et le corps d'un
brun foncé saupoudré de jaunâtre, les ailes de cette couleur, avec
Jrois taches principales d'un jaunâtre clair aux ailes supérieures et
inférieures et une bordure de petites taches triangulaires blanchâtres!
EBULEA, PIONEA. 667
chenille d'un vert paie transparent avec la vasculaire d'un vert pur,
bordée de chaque côté de blanc, la tête d'un blanc luisant, les troisième
et quatrième anneaux avec un point noir de chaque côté, les points ver-
ruqueux de la couleur du corps, surmontés chacun d'un poil blanchâtre,
les stigmates noirs. Cette chenille se trouve en septembre et octobre, et
aussi, paraît-il, en mai, sur le Sureau et sur l'Hyèble (Sambucus nigra et
ebuliis), sous les feuilles desquels elle se tient ordinairement, couverte
d'un léger réseau de soie. En automne elle se réfugie dans quelque fente
d'écorce, ou sous les feuilles sèches et s'y fabrique une légère coque où
elle passe l'hiver et dans laquelle elle se chrysalide au printemps. I.e
papillon est assez commun en mai, puis en juillet et août, dans le voi-
sinage des haies de sureau.
Dans le genre Pionca, Guenée, les papillons ont les antennes prisma-
tiques, la spiritrompe grâle, les palpes labiaux étendus en bec, les palpes
maxillaires très visibles et bien détachés, les ailes assez larges, les supé-
rieures aiguës, souvent même falquées au sommet, ayant les deux lignes
ordinaires, subparallèles, les inférieures arrondies, habituellement plus
pâles et sans lunule cellulaire; papillons volant au crépuscule, comme la
plupart des autres Pyraliens, dans les lieux humides et ombragés; che-
nilles épaisses, fusiformes, à tète petite, vivant sur les Crucifères, tantôt
entre des feuilles, tantôt dans une toile commune filée entre les tiges. L'es-
pèce de ce genre, la plus commune peut-être de toutes les Botydes exis-
tant dans toute la France, a deux générations par an, la première donnant
son papillon en juillet et août, la seconde passant l'hiver en chrysalide
pour produire son papillon au mois de mai de l'année suivante. C'est
P. forficalis, Linn., la Bande esquissée, Geoffroy, les Pinces, Devillers, the
Garden Pebble, de 26 à 28 millimètres d'envergure, variant beaucoup tant
pour la taille que pour l'intensité des atomes bruns sur les ailes supé-
rieures, les deux sexes pareils, les ailes supérieures d'un blanc jaunâtre,
finement striées de jaune brun dans le sens des nervures, traversées par
plusieurs lignes obliques, subparallèles et un peu flexueuses, partant du
sommet de l'aile et aboutissant au milieu du bord interne, les deux mé-
dianes mieux marquées que les autres ; entre ces deux lignes, une tache
plus ou moins étendue, chargée de deux points d'un noir bleuâtre; ces
lignes et taches, ainsi que la côte, d'un brun plus ou moins ferrugineux;
ailes inférieures d'un blanc légèrement jaunâtre, sans autres dessins
qu'une ombre terminale, mal déterminée et brune, et une raie médiane
noirâtre, atteignant rarement les deux bords de l'aile ; dessous des quatre
ailes d'un roussàtre pâle, plus ou moins strié de brun dans le sens des
nervures, avec une lunule discoïdale et une ligne dentelée sur chacune
d'elles; chenille courte, épaisse, rase, atténuée en arrière, d'un vert
jaunâtre, avec une vasculaire d'un vert foncé, et, de chaque côté, une
stigmatale blanchâtre; elle vit dans toute la France en juin et juillet,
puis en septembre et octobre sur les Crucifères, principalement dans
les potagers, à l'intérieur des tètes de choux cultivés, ordinairement
668 LÉPIDOPTÈRES.
cachée entre deux feuilles, ou au bord d'une feuille dans un repli. Elle
fait des dégâts très notables dans les carrés de choux ; outre qu'elle
perce des trous très nombreux dans les feuilles, elle les infecte par ses
excréments, qui restent liquides et font souvent pourrir les feuilles. On
met souvent sur son compte les ravages plus réels des Triphœna pro-
nuba et Mamestra brassicœ, avec lesquelles elle opère de compagnie.
Pas plus de remèdes efficaces que pour ces dernières. Si elle se multi-
pliait outre mesure dans quelques jardins, il serait à propos, dans les
mois d'apparition de l'adulte, d'allumer des petits feux ou de disposer
des lumières autour desquelles les papillons viendraient se brûler. Dans
le genre SpihJes, Guenée, les antennes sont complètement filiformes
et sans ciliation dans les deux sexes, la spii'itrompe moyenne et bien
apparente, les palpes labiaux de deux couleurs, étendus en bec aigu
triangulaire, les maxillaires distincts et détendus sur les labiaux, dont
ils égalent à peu près moitié de la longueur; tablier court, perpendi-
culaire au corps, terminé par des écailles hérissées; abdomen conique,
terminé en pointe velue; ailes entières, assez épaisses, plutôt mates
que luisantes, les supérieures prolongées au sommet, à lignes dis-
tinctes, avec taches cellulaires ordinairement distinctes, le dessous
constamment marqué de dessins noirs, les ailes inférieures larges et
bien développées, un peu sinuées à l'angle apical et légèrement pro-
longées à l'angle anal; chenilles épaisses, luisantes, à trapézoïdaux
verruqueux, vivant enfermées dans des coques de soie, au sommet des
tiges et parmi les fleurs des plantes basses et des sous-arbrisseaux;
chrysalides allongées, ne se formant qu'au printemps dans les coques
de soie qui les contiennent. Nous citerons : S. cinctaUs, Linn., the Les-
serPearl, syn. (non usité) iVerticalis, Linn., 28 millimètres d'envergure
dans les deux sexes, les ailes supérieures d'un jaune pâle, traver-
sées par trois lignes ondulées et dentées, la tache réniforme grande
et évidée, l'orbiculaire en simple point; toutes ces lignes et taches
sont d'un jaune orangé quand l'insecte vient d'éclore, mais ne tardent
pas à devenir d'un grisâtre pâle; ailes inférieures un peu plus pâles
que les supérieures, avec deux raies transverses noirâtres souvent
peu prononcées; dessous des quatre ailes d'un jaune pâle luisant,
avec les nervures, les mêmes taches et lignes qu'en dessus, mais
fortement marquées au noir, ce qui rend l'espèce très reconnais-
sable; tête et thorax de la couleur des ailes supérieures, avec un
peu d'orangé. La chenille est peu connue, et vivrait, d'après
Schranck, sur le Genêt à balais; elle doit manger au moins aussi d'au-
tres plantes, car Berce dit qu'il prenait abondamment le papillon près
de Paris, dans un jardin inculte où il n'existait pas de genêt. Le papillon
vole en juin, juillet et août et se trouve dans toute la France, sauf le
nord; S. palealis, cat. de V., la Bande à V envers, Geoffr., la Verdâtre,
Devillers, joli papillon de 30 millimètres d'envergure, les ailes supé-
rieures un peu aiguës au sommet, d'un jaune soufré verdâtre pâle,
SPIL0DE5, SCOPULA. 669
avec un peu de noir épaississant plus ou moins les nervures centrales
{the Siilplmr des Anglais), les ailes inférieures blanches, peu ou à peine
soufrées; dessous des ailes supérieures avec la côte, une lunule cellu-
laire et une ligne courbe incomplète, d'un brun noirâtre, dessous des
inférieures avec une tache costale; tète et thorax d'un jaune soufre,
abdomen blanc ; femelle pareille au mille. Ce papillon est assez commun
en juin et en juillet, dans les hautes herbes, les prairies, sur les buis-
sons et les tleurs des Ombelliféres. Chenille d'un blanc d'os, avec la
vasculaire et les stigmatales d'un gris violacé, les points verruqucux
gros, noirs, luisants, la tète et la plaque prothoracique d'un beau noir
brillant, les pattes noires, tachées de blanc. Wle vit, de la tin d'août en
septembre, dans les ombelles du Peucédan et de la Carotte, où elle se
pratique une loge de soie; dans le jeune âge souvent plusieurs s'asso-
cient ensemble, dans des tuyaux de soie placés sur les côtés des om-
belles; tx'ouvée aussi en mai sur la Scabieuse colombaire (Maurice
Sand);S. œruginalis, Hûbner, très belle espèce à ailes blanches avec
des dessins marginaux et obliques d'un gris vert, bronzé ou olivâtre.
On a cru longtemps cette espèce uniquement de Hongrie, en mai et
juin; cependant Treitschke assurait en avoir vu des échantillons pris
en France. M. H. Delamain a découvert cette intéressante espèce dans
la Charente; elle se prend en juin sur les coteaux calcaires et arides
appelés chaunes, qui se trouvent sur la rive gauche de la Charente,
entre Angoulême et Cognac ; ces coteaux ont une très pauvre végétation
où domine une Armoise [Artemisia camphorata), qui très probablement
nourrit sa chenille. M. Millière rapporte qu'on lui a dit que cette char-
mante Bo(yde se rencontre aux îles Lérins, et que sa chenille devait
y vivre sur une Armoise, sans doute Artemisia rjaUica, abondamment
répandue à l'ouest de l'île Saint-Honorat.
Nous terminerons les Botydes par quelques mots sur le genre
Scopula, Schranck. Les papillons ont les antennes simples et sans cilia-
tion, laspiritrompe moyenne, les palpes labiaux en bec, les maxillaires
courts, mais visibles, les ailes entières, soyeuses et luisantes, à dessins
difl'érents, les supérieures nébuleuses, à dessins peu tranchés, les
inférieures ayant une petite ligne ou point sombre au-dessous de la
nervure médiane, les pattes glabres; chenilles allongées, à lète petite,
globuleuse, vivant entre des feuilles, liées avec de la soie et formant
une galerie ouverte à ses deux extrémités ; chrysalides dans une coque
de soie entre les feuilles. L'espèce la plus commune est S. ferrugnlis,
Hûbner, the Rusty Dot des Anglais, de 18 à 20 millimètres d'envergure,
les deux sexes pareils, les antennes, la tête et le thorax d'un jaune
ferrugineux, l'abdomen d'un gris cendré; ailes supérieures aiguës
au sommet, d'un jaune ferrugineux ou rouillé, traversées par une
ligne brune et dentée, suivie d'une série subterminale de taches obs-
cures, les taches cellulaires assez grosses, pleines et brunes, un petit
trait ou deux points bruns au-dessous de l'orbiculaire, la frange brune
670 LÉPIDOPTÈRES.
précédée d'une ligne de petits points noirs -, ailes inférieures d'un gris
cendré, avec une bordure brunâtre fendue intérieurement et un petit
point discoïdal noirâtre, la frange grise précédée d'un liséré jaune;
dessous des quatre ailes d'un jaune pâle, lavé de gris, avec dessins du
dessus plus ou moins oblitérés; pattes jaunâtres; chenille verte, lui-
sante, avec la région dorsale blanchâtre, la vasculaire et les sous-
dorsales d'un vert plus foncé, d'un jaune paille avec lignes vertes,
d'après M. Millière, la tète petite, jaunâtre, parsemée d'atomes noirs et
le second anneau orné de deux points noirs; en juin, puis en automne,
sur un grand nombre de plantes herbacées ou sous-ligneuses, Orties,
Molénes, Chardons, etc. Le papillon commun presque partout, de juin
à novembre, dans les prairies, les bois humides et ombragés, le bord
des ruisseaux, etc., extrêmement commun dans les Alpes-Maritimes,
du commencement du printemps à la fin de l'automne, volant dans
tous les lieux incultes; dans le nord de la France, dans les bois et
glacis, en juillet, plus commun en octobre et novembre, à la miellée.
Nous placerons ici une espèce d'un genre isolé, Nomophila, Hûbner,
nom meilleur que celui de Stenoptertjx Guenée, appartenant déjà à un
Diptère pupipare. Les papillons ont les antennes longues et très minces,
les stemmates saillants, les palpes maxillaires à peine visibles, l'abdo-
men rayé en dessous, avec un tablier distinct, les ailes supérieures
longues, étroites, à taches ordinaires très grandes, les ailes inférieures
trois fois plus larges que les premières, minces, plissées, recouvertes
au repos par les supérieures, qui sont en outre fortement croisées l'une
sur l'autre. Une seule espèce très commune existe partout, dans l'ancien
comme dans le nouveau continent. Le papillon vole pendant le jour
et se pose à terre, où il se confond avec le sol, et 'par ses couleurs et
par ses ailes aplaties, appliquées exactement sur la terre. Il habite de
préférence les plaines arides, les lieux couverts d'herbes courtes, les
terrains cultivés, au moment de leurs jachères. Souvent, après l'avoir
vu s'abattre et avoir bien reconnu la portion de terrain où il s'est posé,
on examine longtemps et minutieusement le sol sans pouvoir rien
découvrir; on croit s'être trompé, on abandonne la place, puis tou
à coup l'insecte part du lieu le plus exploré, vous faisant reconnaître
que ce n'est pas votre mémoire qui s'est trompée, que vos yeux seuls
ont failli. Au reste, son vol n'est jamais long, en raison du peu de
largeur de ses ailes supérieures. C'est le A'', noctuella, cat. V., syn. :
hybridalis, Hûbner, tlie Rush Veneer des Anglais, les deux sexes pareils,
de 25 à 30 millimètres d'envergure, variant beaucoup, tant pour la
taille que pour l'expression des dessins; ceux-ci sont quelquefois tout
à fait nuls, et alors le fond de la couleur est d'un brun jaunâtre uni,
d'autres fois très marqués, et alors, sur un fond d'un gris clair, appa-
raissent des taches bien brunes, et l'aile est en outre un peu jaspée de
blanchâtre, qui les fait encore ressortir. 11 n'y a nulle différence entre
les individus d'Europe, ceux de l'Inde et ceux des deux Amériques.
SGOPLLA, SCOPARIA. 671
Tête et thorax d'un gris brun, abdomen d'un gris plus pâle, blanc en
dessous, avec deux bandes latérales et une double ligne médiane
noirâtre; ailes supérieures étroites, allongées, mais non aiguës au
sommet, avec deux lignes ondulées plus ou moins visibles et les deux
taches ordinaires grandes, brunes et cerclées de noir, la frange traversée
par deux lignes noirâtres et précédée d'une série de taches triangulaires
noirâtres; ailes inférieures d'un brun fuligineux uni, avec la frange
claire. La chenille, qu'on trouve sous les pierres et dans les gazons, est
à 16 pattes, allongée, de couleur livide, avec les trapézoïdaux petits et
bruns, la tôte noire, le prothorax recouvert d'une large 'plaque noire ;
elle vit dans les lieux secs et sablonneux; au centre des racines de
Graminées, où elle passe sa vie et où elle se métamorphose (Millière);
aussi, en mai, puis en août et septembre, sur le Lotus corniculatus
(Maurice Sand). Dans le centre de la France, le papillon, qui paraît
presque toute l'année, est principalement commun sur les bruyères,
à l'époque de leur floraison (Constant). Il est si abondant à Cannes que
M. Minière, par une nuit sombre et relativement chaude de la fin de
mars 1873, en a vu arriver, en moins d'une heure, plus de cinq cents
sujets à son réflecteur.
Les papillons de la famille des Scoparides habitent les bois et les
lieux plantés d'arbres, d'autres les endroits herbus ; pendant le jour
ils ne volent que quand ils sont troublés et ne tardent guère à se fixer
de nouveau, soit sur la terre, soit contre les écorces des arbres et ils
partent au moindre choc. Leurs yeux sont brillants et leurs antennes
courtes et squameuses, presque toujours agitées. Les stemmates sont
très petits, écartés, peu distincts, les quatre palpes bien visibles, les
labiaux légèrement écartés par une spiritrompe fine et assez courte,
les maxillaires très écaillcux. Les ailes supérieures sont longues et
étroites, nébuleuses, pulvérulentes, très difficiles à distinguer spéci-
fiquement, ayant toutes un fond grisâtre, sur lequel on voit, plus ou
moins distinctement, deux lignes blanches, transverses, sinueuses et
dentelées; on y trouve aussi les trois taches des Noctuelles, nettes mais
petites. Ces ailes cachent les inférieures au repos, mais ne sont pas
croisées complètement l'une sur l'autre; elles se recouvrent en partie,
sans être inclinées en toit, ni moulées autour du corps; les ailes
inférieures sont bien développées et un peu sinuées, plissées au repos.
Le corps est grêle, le tablier nul ou rudimentaire, l'abdomen des
mâles presque linéaire, un peu déprimé, ayant les valves anales
longues, saillantes, garnies de poils ècailleux et surmontées d'un
bouquet redressé. Les chenilles, de couleur livide ou terreuse, sont
allongées, vermiformes, à trapézoïdaux saillants et vivent dans des
galeries creusées sous les mousses qui tapissent les pierres et les troncs
d'arbres, ou cachées sous les écorces.
Dans le genre principal de cette tribu, Scoparici, Ilaworth, la tache
réniforme affecte une figure spéciale, celle d'un 8 dont la partie
672 LÉPIDOPTÈRES.
inférieure est ouverte, c'est-à-dire le signe par lequel les anciens
astronomes désignaient la planète Mercure, d'où le nom de Mercuralis
donné par Linnœus à la seule espèce de ce groupe qu'il ait connue.
Parfois le 8 est ouvert à la fois en haut et en bas, ce qui donne à la
tache la forme d'un X. L'espèce la plus commune est S. Mercuralis,
Linn., syn. : truncicolella, de 19 à 21 millimètres d'envergure, la tète
et le corps de la couleur des ailes, la femelle semblable au mâle, mais
plus sombre. Ailes supérieures arrondies au sommet, d'un gris cendré
légèrement teinté de, jaunâtre, traversées par deux lignes blanches très
écartées, dentelées, finement bordées de noir fondu intérieurement, les
taches discoïdales noirâtres, la réniforme en 8 ouvert par le bas,
l'orbiculaire et la clavil'orme figurées par deux points noirs superposés,
la frange entrecoupée, précédée d'un petit feston blanc, très net et
très délié ; ailes inférieures d'un gris clair, teinté de gris noirâtre au
bord terminal, la frange d'un blanc jaunâtre; ailes en dessous d'un
gris roussâlre luisant. Les sujets varient passablement pour l'intensité
de la couleur du fond; quelques individus sont entièrement d'un gris
noirâtre, sur lequel les deux lignes médianes se dessinent seules par
deux minces filets blancs, ainsi que le délicat feston terminal. Chenille
d'un gris terreux, sous les mousses qui croissent sur les pierres et les
murailles. Papillon dans toute la France, plus ou moins commun sur
les troncs des arbres et autres abris, de mai jusqu'en août, très
abondant dans Eure-et-Loir, se réfugiant sous les couvertures en
chaume des murs qui limitent les jardins.
Les Phycides (Staudinger) sont des papillons dont les ailes supérieu-
res sont ornées de couleurs assez variées, mais peu brillantes et géné-
ralement sans reflets métalliques, d'ordinaire traversées par deux
lignes, avec deux points dans l'espace médian. Les antennes présentent
des caractères remarquables. Elles sont sétacées, plus courtes que le
corps, ni dentées, ni pectinées, fortes à leur base et se terminant peu
à peu en pointe fine, plus épaisses dans les mâles que dans les
femelles, très rapprochées à leur origine, implantées au-dessus des
yeux. Au repos, les Phycides ne cachent pas les antennes sous leurs
ailes, comme le font les Grambides, mais elles les tiennent couchées
en arrière, au-dessus du dos. De plus, chez les mâles, ces antennes ont
souvent leur premier article noduleux, très distinct du reste de la tige,
qui, après cet article, forme une courbe dont la concavité fait face à
celle de l'antenne opposée, et dont le creux est souvent rempli par une
petite crête formée de poils ou d'écaillés. Les palpes labiaux sont seuls
visibles, ordinairement arqués et ascendants. Parfois, si l'on enlève les
palpes labiaux, on aperçoit un bouquet de poils représentant les palpes
maxillaires, ainsi un joli fascicule de poils jaunes chez Pempelia Palum-
bella, cat. de V. Les ailes sont oblongues, plissées, enroulées au repos
autour du corps, ainsi que dans les Grambides. Les couleurs des deux
sexes sont pareilles. Ces papillons volent bien et souvent en plein jour;
PHYCIUES, PEMPELIA. 673
mais en général ils font peu usage de leurs ailes et se dérobent aux
recherches, en se glissant avec une rapidité merveilleuse entre
les plantes et les gazons qui leur servent de refuge. C'est pourquoi,
selon Duponchel, Fabricius a donné à un de leurs genres principaux
le nom de Phycis, qui est celui d'un genre de Poissons gadoïdes,
par allusion à l'agilité avec laquelle les poissons se sauvent dans
l'eau.
I.es chenilles des Phycides sont à 16 pattes, tantôt glabres, tantôt
verruqueuses, avec les mœurs les plus variées, n'ayant qu'un seul
point commun, celui de vivre cachées. Tantôt elles s'enveloppent dans
des feuilles roulées ou se creusent des galeries dans les tiges des
végétaux (genre P/ij/cw, Fabr.). La chenille de Myelois Cribrum, cat.
de V., le Manteau à points, Geoffroy, vit dans l'intérieur des capitules
des grands chardons, celle de Nephopteryx angustella, Hubner, dans
les graines du fusain. La chenille de Dioryctria Abietella, cat. de V.,
la Teigne, du Sapin, Devillers, paraît vivre aux dépens des graines des
cônes des pins et des sapins et entre, pour la nymphose, dans des
tumeurs de résine écoulée des plaies des Conifères. Dans le genre
Etiella, Zeller, les chenilles s'introduisent dans les gousses de diverses
Légumineuses, baguenaudier, haricot, genêt, etc., et vivent aux dépens
des graines vertes. Le genre Rhodophœa, Guenée, a des chenilles
renfermées dans des tubes composés de feuilles d'arbustes liées
avec de la soie. Enfin les chenilles de plusieurs espèces d'Ephestia,
Guenée vivent dans les maisons et magasins, se nourrissant
de substances sèches ou manufacturées , surtout d'origine végétale
(tiges, fruits ou provisions diverses). Toutes ces chenilles n'ont,
en général, qu'une génération par an et se chrysalident là où elles
ont vécu.
PEllPELiIA, Hubner, Syn. : Ilythia, Duponchel. — Antennes noduleuses près
de leur base; palpes plaqués contre le front; ailes antérieures allongées, plis-
sées sur les nervures, à lignes très écartées, la première portant des écailles
noires relevées, aisément caduques par suite de vol; ailes inférieures très
développées.
Les papillons sont robustes et vifs, et n'ont, le plus souvent, qu'un
génération par an; leurs deux sexes sont semblables. Les chenilles ont
des mœurs très variées, vivant tantôt enveloppées de feuilles roulées,
tantôt dans des galeries creusées dans les tiges des végétaux, tantôt dans
leurs fruits. Une espèce commune et très jolie de ce genre de Phycides
le P. semirubella , Scopoli, syn. : camélia, Linn., la Rouyie, Devillers,
25 à 28 millimètres d'envergure, les sntennes avec une nodosité
squameuse au deuxième article, les palpes labiaux longs et ascendants,
comme chez un Crambus, les aibs supérieures antérieurement d'un
rose carminé plus ou moins pur, avec le bord interne et la frange d'un
GIFURD. m. — io
674 LÉPIDOPTÈRES.
jaune pâle, les ailes inférieures d'un gris jaunâtre, avec un reflet rosé
et la frange plus claire; tâte, antennes, palpes et thorax d'un jaune
clair ou ocreux; abdomen d'un gris jaunâtre. Une variété, sanguinella,
Hûbner (pi. xcviii, tig. U), souvent aussi commune que le type, ayant une
bande costale blanchâtre ou d'un jaune pâle; une autre variété entiè-
rement grise, se rencontrant dans l'Indre en septembre (Maurice Sand).
La chenille se trouve en mai, dans une toile légère, sur le soL et se
nourrit de racines de Graminées. Le papillon a deux éclosions par an,
en juin et juillet, puis en août et septembre. Il est commun dans les
environs de Paris et à peu près partout, sauf peut-être l'extrême nord
de la France, dans les lieux vagues et incultes, les prairies sèches, les
champs de trèfle et de luzerne. C'est the Rosy Veneer des entomologistes
anglais.
EPHESTIA, Guenée. syn. : Phycis, Duponchel. — Antennes fines et unies;
spiritrompe longue; palpes labiaux recourbés ; ailes supérieures très étroites, à
lignes transverses distinctes, écartées, avec un double point cellulaire.
Les chenilles connues de ce genre vivent tantôt dans les maisons et
les magasins, aux dépens de matières végétales et même animales des-
séchées ou manufacturées, tantôt en pleine liberté, dans des fruits secs,
comme ceux des Conifères et probablement aussi de certaines tiges
desséchées.
L'espèce la plus commune est E. elutella, Hûbner, the Cinereous
knot-horn des catalogues anglais, de 16 à 18 millimètres d'envergure,
les deux sexes pareils, les ailes supérieures d'un gris cendré saupoudré
de brunâtre, traversées par deux lignes plus claires bordées de noir, la
frange de la couleur des ailes, les ailes inférieures d'un gris clair lui-
sant, ainsi que la frange ; tête et thorax de la couleur des ailes supé-
rieures, abdomen delà couleur des ailes inférieures; chenille allongée,
d'un jaune terne, avec la tête, la plaque du prothorax et les pattes d'un
brun jaunâtre. Elle vit dans l'intérieur des maisons et dans les maga-
sins de plantes sèches des droguistes, de fruits secs, de pain, de collec-
tions d'insectes, etc. Le papillon est commun en juin, juillet, août, dans
les maisons,"plus que dans la campagne. D'après Fettig, il butine souvent
par nuées dans les fleurs du Lis blanc, le soir et par les jours couverts.
Une espèce voisine, plus rare et plus localisée, est E. interpunctella,
Hûbner, du sous-genre Plodia, Guenée, the Cloaked knot-horn, de IZt à
16 millimètres d'envergure, les deux sexes pareils, les ailes supérieures
d'un blanc jaunâtre de la base au milieu, d'un brun rougeâtre sur le
reste, traversées par deux lignes épaisses, d'un noir à reflets plombés ;
ailes inférieures d'un blanchâtre luisant; tête, palpes et thorax de la
couleur des ailes supérieures, abdomen de la couleur des inférieures.
Chenille dans les maisons, rongeant les biscuits, le pain, les amandes,
les raisins secs, etc., paraissant préférer les figues sèches et les pruneaux-
KPFIESTIA, CRAMBUS. 675
Pendant le siège de Paris (1870-1871), M. J. Fallou reçut une boîte
contenant des biscuits de mer attaqués par la chenille de 1'^'. inter-
punctella. Il conserva la boîte pendant deux ans (1) et obtint plusieurs
générations de papillons. On donna aux chenilles des marrons glacés e
des petits fours, substances qu'elles préfèrent beaucoup aux herbes
sèches. Lorsqu'elles étaient pour se chrysalider, elles cherchaient par
toute la boîte un endroit propice avant de se fixer> et c'est en fai-
sant ces allées et venues qu'elles ont tapissé le verre de la boîte d'un
enduit gommeux, de sorte que ce verre semble avoir été dépoli par la
main de l'homme. Nous devons encore citer E. Ficella, Douglas, dont
la chenille vit dans les figues sèches. Le papillon a été découvert en
Angleterre et observé ensuite en France en plusieurs endroits, ainsi
très abondant près de Cannes et aux environs de Perpignan. Dans les
espèces non domestiques, nous citerons E. pinguis, Haworth, the Tabby
knot-horn, du sous-genre Euzophera, Zeller, de 22 à 24 millimètres
d'envergure, la tète et le corps de la couleur des ailes, les ailes supé-
rieures étroites, peu allongées, d'un gris rougeàtre un peu corné au
milieu, traversées par deux lignes plus claires que le fond, épaisses,
anguleuses, largement bordées de noir des deux côtés, surtout au côté
interne, avec un petit point discoïdal blanc, souvent absolète, la frange
de la couleur de l'aile, précédée par une série de petits points noirs ; ailes
inférieures d'un blanc sale, ainsi que la frange. Nous représentons des
détails de ce papillon (pi. xcvui, tig. Zi.atète; b, la spiritrompe avec
le palpe labial et.partie de l'antenne). La chenille n'est pas connue, mai-
vit probablement sur les arbres résineux, comme celle de l'espèce vois
sine, E. terebrella, Zincken. Le papillon à'E. pinguis se trouve en effet,
mais peu commun, au mois de juillet dans les bois de pins et de sa-
pins, à Cannes (Millière), au Mont-Dore-les-Bains (Maurice Sand), en
Alsace et dans les Vosges (de Peyerimhoff).
Les Crambides présentent des papillons à antennes dentées ou ciliées,
couchées au repos sous les ailes, ne présentant jamais ni nodosités, ni
déviations, à quatre palpes bien distincts, les lal)iaux très longs, dépas-
sant beaucoup la tète, en bec arqué en dessous, les maxillaires très
courts, à tète grosse, à corps grêle et lisse, l'abdomen dépassant rare-
ment les ailes inférieures. Les ailes supérieures sont oblongues, avec
des lignes plus ou moins distinctes, sans taches cellulaires, les infé-
rieures très développées, sans dessins, avec la costale franchement tri-
fide, sans traces de sous-costale; au repos, toutes les ailes se recouvrent
en toit très déclive, simulant un enroulement autour du corps, mais
pas d'une façon aussi nette et aussi complète que chez beaucoup de
Tinéiniens. Les deux sexes sont souvent très différents. Les chenilles, à
16 pattes ou à ili pattes, de couleurs ternes, vivent cachées dans des
galeries sous les mousses, où elles se métamorphosent.
(1) Bulletin d' insectologie agricole, 1881, p. 42.
676 LÉPIDOPTÈRES.
CRA!tlBU§i, Fabr. — Antennes simples dans les deux sexes; tête aussi large
que le tliorax, celui-ci étroit; les quatre palpes visibles, les labiaux plus ou
moins longs, coniiivents. dirigés en avant en forme de bec; ailes supérieures
allongées et étroites, souvent ornées de bandes et de taches argentées; les
inférieures bien développées, larges et de consistance molle, plissées au repos
en éventail et entièrement recouvertes par les supérieures, de sorte que les
quatre ailes s'enroulent et enveloppent exactement l'abdomen ; abdomen effilé,
dépassant peu ou point les ailes; femelles ordinairement plus petites que les
mâles. — Chenilles vermiformes, de couleur livide ou terreuse, à ià pattes.
Les papillons des Crambus sont faciles à reconnaître entre tous par
leurs longs palpes qui s'avancent beaucoup au delà de la tôte et par
leurs ailes enroulées autour de l'insecte au repos, de sorte qu'il pré-
sente à peu près la forme d'un demi-cylindre. Us ont un vol faible et peu
soutenu, se reposent fréquemment sur les tiges des Graminées, parallè-
lement à leur direction, et, le plus souvent, la tête en bas. Certains pré-
fèrent les contrées montagneuses; on les trouve partout, dans les bois,
les prairies sèches, les hautes herbes, particulièrement communs dans le
voisinage des eaux stagnantes et dans les prairies humides et maréca-
geuses, où leurs chenilles trouvent une ample nourriture; quelques
espèces sont si abondantes qu'elles se lèvent par essaims des herbes
que l'on foule aux pieds. On connaît déjà en Europe plus de quatre-
vingts espèces de Crambus, dont un grand nombre se trouvent en
France, et c'est un des genres de Lépidoptères où les collectionneurs
peuvent, à bon droit, espérer la capture d'espèces nouvelles. Les che-
nilles de ce genre ont été jusqu'ici très imparfaitement étudiées; celles
qu'on connaît et qui ne sont qu'en pelit nombre, vivent dans la terre,
où elles subissent toutes leurs métamorphoses, parmi les racines des tira-
minées, des Cypéracées et des Mousses ; elles s'y construisent de longues
galeries ou boyaux doublés de soie, où elles circulent avec facilité.
Les Crambus constituent un genre à espèces multipliées et habitant
tout le globe, connues surtout d'Europe et d'Amérique ; l'Océanie en
possède de très belles espèces.
Une des espèces les plus communes est le C. pratellus, Linn,, Clerck,
syn. : pratorum, Fabr. ; la Teigne des prairies, Devillers, the Dark In-
laid Veneer, envergure de 20 à 22 millimètres; tête, palpes, antennes
et thorax d'un gris brun, ainsi que les pattes; ailes supérieures aiguës
à l'angle apical, légèrement échancrées au bord externe, d'un brun
fauve plus ou moins foncé, traversées à peu près dans leur milieu par
une bande longitudinale d'argent, bifurquée avec une tache blanche
peu déterminée dans la bifurcation, et deux autres raies d'argent entre
la bande du milieu et la côte, ces deux raies coupées obliquement à
leur extrémité par un trait brun; en outre, une petite tache blanche
costale et deux autres taches blanches dans le triangle de l'angle apical.
Ainsi que dans beaucoup d'autres espèces de Crambus, le fond des ailes
CRAMBUS. 677
est, en outre, traversé longitudinalement par plusieurs lignes de cou-
leur d'acier; la frange est brune et précédée d'une fine ligne argentée
brillante; ainsi que de quatre petits points noirs; ailes inférieures d'un
grisplus ou moins foncé, avec la frange blanche et luisante ; abdomen
de la couleur de ces ailes inférieures; femelle avec les ailes supérieures
d'un fauve pâle, souvent blanchâtre, et les mêmes dessins que chez le
mâle, les ailes inférieures d'un gris clair. Ce C. pratellus, qui varie
beaucoup d'aspect, vole abondamment de mai à juillet dans tous les
lieux herbus et les prairies, au bord des chemins et aussi dans les bois,
môme de préférence en certains pays, comme dans Eure-et-Loir (Gue-
née). Cette espèce s'élève jusqu'aux plus hauts plateaux des Vosges et
dans les Alpes jusqu'à 2000 mètres; les individus des lieux élevés sont
très foncés; elle n'est pas citée dans le Catalogue des Alpes-Maritimes
(Minière). A côté de cette espèce et un peu moins commune, de mai
en juillet et des mêmes localités, nous citerons C. pascuellus, Linn., la
Teigne des pâturages, Devillers; les individus des hauts sommets des
Vosges sont rembrunis. Le C. radiellus, Hubner, de 22 millimètres d'en-
vergure, les deux sexes pareils, les ailes supérieures étroites, d'un brun
olivâtre bronzé ou légèremeot doré, avec une bande médiane et lon-
gitudinale d'un blanc argenté, bande étroite, s'élargissant insensible-
ment jusqu'à son extrémité qui n'atteint pas la frange et légèrement
dentée inférieurement, la frange d'un jaunâtre très clair, entrecoupée
de quelques petits traits blancs; ailes inférieures d'un gris brun, avec
la frange d'un jaunâtre clair. Tête, palpes, antennes et thorax de la
couleur des ailes supérieures, l'abdomen étant de la couleur des ailes
inférieures (pi. xcvii, tig. 15, base de la spiritrompe avec le palpe
labial; 15, a, tête de profil, avec spiritrompe et palpe maxillaire;
15, 6, portion de l'antenne); juin, juillet, août, Alpes et contrées monta-
gneuses; Saône-et-Loire, près d'Autun, prairies humides et vallées boi-
sées (Constant). Nous représentons (pi. xcvii, fig. 1^), un grand et beau
Crarnbus, C. retusalis, G. Mén., les ailes supérieures subfalquées au
sommet et fortement sinuées au bord externe. C'est probablement une
espèce exotique. D'après Guérin-Méneville, il faut placer près des Crarn-
bus le genre Diatrœa de Guilding [Transact.Linn. Soc., t. XLVI,p, i!i3),
dont l'espèce type, Diatrœa sacchari, Guild., cause un grand tort aux
cannes à sucre dans les Antilles, sa chenille vivant dans le centre de la
tige et faisant périr la plante. Ce Lépidoptère est probablement la même
espèce que Phalœtia saccharaiis, Fabr. iEntomol. system., III, p. 238).
Le genre Leucinus, Guenée, fait la transition des Crambides aux Chi-
lonides. Il est formé entièrement d'espèces exotiques, d'Amérique, du
Bengale, de l'Australie et de Port-Natal. Ce sont de jolies petites espèces
d'un blanc pur et argenté, ayant pour tout dessin la frange et deux
taches costales ferrugineuses, dont la seconde forme parfois une bande,
Les Chilonides (Staudinger) présentent des papillons de grande taile,
pour des Pyraliens, parfois môme gigantesques dans certaines espèces
678 LÉPIDOPTÈRES.
exotiques, ainsi 85 millimètres d'envergure cUans la femelle d'une
espèce brésilienne (Guenée). Ils ont les quatre palpes, dont les labiaux,
souvent très longs et droits, les antennes courtes, l'abdomen dépassant
les ailes, celles-ci larges, presque sans dessins. Les femelles ont toujours
l'abdomen organiquement différent de celui des mâles. Les chenilles
sont vermiformes et vivent renfermées à la manière ides Nonagries,
dans les tiges des plantes aquatiques. Dans le genre Scirpophaga,
Treitschke,les antennes sont longues et ciliées dans le mâle, courtes et
filiformes dans la femelle, la spiritrompe nulle ou rudimentaire. Les
chenilles sont glabres, vermiformes, vivant et se métamorphosant dans
l'intérieur des tiges des Scirpus; les chrysalides sont cylindriques et
très allongées dans là partie abdominale. Une seule espèce d'Europe,
outre des exotiques, des marécages d'Allemagne et de Hongrie, en
juillet et août, citée aussi de France, mais très rare, et que nous enga-
geons les amateurs à rechercher. Les papillons sont en entier d'un
blanc luisant et satiné; S. alba, Cramer, avec un peu de gris roussàtre
en dessous chez le mâle, de 33 millimètres d'envergure, la femelle en
ayant Z|5, l'abdomen terminé par une brosse laineuse d'un blanc gri-
sâtre, beaucoup plus forte. chez la femelle que chez le mâle, les pattes
postérieures très longues dans les deux sexes. La chenille, brune et
rose, vit dans l'intérieur des Scirpus. La femelle a pondu ses œufs sur
la partie supérieure de la plante, en les recouvrant d'une bourre lai-
neuse, à la façon des Liparis. Ln sortant de l'œuf, la petite chenille pé-
nètre dans l'inférieur du Scirpe par le haut de la tige, s'y creuse un
canal jusqu'à la racine exclusivement; arrivée là, elle élargit sa de-
meure, de manière à pouvoir se retourner et remonter au besoin.
Quand elle est à toute sa faille, elle pratique au-dessus du niveau de
l'eau une ouverture sur le côté, destinée à la sortie de l'adulte et fermée
jusque-là en dehors par une simple pellicule; puis elle se retire plus
ou moins au-dessous de l'eau et se construit une coque analogue à celle
des Nonagria, dans laquelle elle se change en une chrysalide blan-
châtre, à peau mince et transparente, très allongée inférieurement.
Le genre Schœnobius, Duponchel, présente des papillons à antennes
filiformes, plus courtes chez les femelles, un peu subciliées chez les
mâles, les palpes extrêmement longs et étendus en bec ouvert, la spi-
ritrompe presque nulle, les ailes larges et épaisses, les supérieures peu
aiguës chez les mâles qui ont l'abdomen grêle, les ailes supérieures,
au contraire, lancéolées dans les femelles, dont l'abdomen est épais et
terminé par un faisceau de poils. Ces papillons se prennent au réflec-
teur; les femelles, bien plus grandes que les mâles, sont rares. Les che-
nilles, lisses et allongées, vivent et se métamorphosent dans les tiges
des Arunch et des Carex. Les chrysalides sont longues et entourées d'un
tissu transparent. L'espèce la plus répandue en France, assez com-
mune dans le nord, moins fréquente au centre, se trouvant sur le bord
des rivières à roseaux et dans les lieux marécageux, est le S. Forfï-
SCHŒNOBIUS, CHILO. 679
cellus, Thunberg, the Pale Hooktip Veiieer; envergure du mâle de 22 à
25 millimètres, les ailes supérieures d'un jaune d'ocre plus ou moins
clair, avec la côfe plus foncée et une ligne oblique brune partant du
sommet et n'atteignant pas le bord interne, au point noir discoïdal et
souvent deux ou trois petits points bruns le long du bord interne et des
petits points noirs le long de la frange; tâte, palpes, antennes et thorax
de la couleur des ailes supérieures; abdomen et ailes inférieures d'un
blanc jaunâtre, avec une faible ligne oblique et grise vers l'angle externe ;
femelle de 30 millimètres d'envergure, les ailes supérieures lancéolées
et très aiguës au sommet, d'un jaune d'ocre pâle, les inférieures
blanches; une brosse de poils d'un gris jaunâtre au bout de l'abdomen.
La chenille est d'un gris verdâtre, avec une vasculaire d'un vert foncé,
la tête et la plaque prothoracique noires, cette plaque partagée par une
ligne blanchâtre, les pattes écailleuses jaunes; elle vit en mai dans le
bas des tiges des Carex, de Poa aquatica et de VArundo phragnàtes ou
Roseau à balai. La chrysalide se fait dans un tissu transparent et cylin-
droïde; elle est cylindrique, d'un blanc jaunâtre, à peau fine, avec les
fourreaux des ailes et des pattes très longs, et s'étendant jusqu'au der-
nier segment de l'abdomen. Elle donne le papillon en juin et juillet;
son trou de sortie de la tige est parfois placé au-dessous du niveau de
l'eau, mais le développement des ailes n'a lieu que lorsqu'il est remonté
sur la tige, au-dessus de l'eau. Une espèce voisine et plus grande, sur-
tout connue des marécages d'Allemagne et de Hongrie, est le S. Gigan-
tellus, cat. de V., le mâle de 25 à 28 millimètres d'envergure, la femelle
de 35 à IxO. La chenille est d'un jaune d'argile, avec des raies transver-
sales grises ou d'un vert olive, la tt^te et l'écusson d'un jaune brunâtre
luisant. Elle vit depuis la fin de mai jusqu'à la fin d'août, d'abord dans
les jeunes pousses, puis dans la tige de VArundo phragmites, se creusant
un canal jusqu'à la racine, en dévorant l'intérieur. D'après Treitschke,
pour se transporter d'une tige dans une autre, elle coupe un morceau
de la tige qui la renferme, de la grandeur de son corps; puis, après s'y
être introduite et en avoir fermé les deux bouts, elle se livre au mou-
vement de l'eau dans ce bateau improvisé. Quand il arrive près d'une
tige qui lui convient, elle sort de son étui la partie antérieure de son
corps, grimpe en le traînant après elle contre cette tige, et l'y attache
à l'endroit qu'elle a choisi pour s'y introduire. La chrysalide, formée
dans une mince coque allongée, est d'un jaune paille, lisse, cylindroïde,
à peau fine et transparente, donnant le papillon en juin et juillet; il est
probable qu'il y a hibernation des chenilles qu'on trouve après ces
époques. Cette espèce, qu'il faut rechercher, est jusqu'à présent regar-
dée comme très rare en France. M. F^oucart la prend tous les ans au
réflecteur, près de Douai, et M. Maurice Sand l'a trouvée dans les marais
et étangs du Berri.
Nous terminerons l'indication de ces Pyraliens à mœurs si curieuses
par quelques mots sur le genre Chilo, Zincken. Les antennes eont fili-
680 LÉPJDOPTÈRES.
formes et d'égale longueur dans les deux sexes, les quatre palpes
visibles, les labiaux aussi longs que la tête et le thorax réunis et dirigés
en avant en forme de bec; spiritrompe courte et membraneuse; som-
met des ailes supérieures aigu dans les deux sexes, plus fortement dans
les femelles; abdomen grêle chez les mâles, allongé, renflé au milieu
et terminé en pointe chez les femelles. L'espèce la plus répandue en
France, rare du reste comme tous les endophytes aquatiques, est le
C. phragmitellus, Hubner, the Wainscot Veneer, mâle de 28 millimètres
d'envergure, à ailes supérieures d'un brun marron clair, avec un point
discoïdal noir, les ailes inférieures blanches; femelle de /i5 millimètres
d'envergure, les ailes supérieures d'un jaune paille plus ou moins
ocreux, avec un point discoïdal, les ailes inférieures blanches; on
trouve quelquefois des mâles de la couleur des femelles. La chenille
est effilée, nue, d'un blanc d'os, avec cinq raies longitudinales couleur
de rouille, la tête et l'écusson du prothorax d'un jaune brun, le ventre
et les pattes d'un blanc terne. Elle vit depuis l'automne jusqu'au mois
de juin de l'année suivante au bas des liges et dans les racines de
VArundo Phragmites ; c'est dans la tige qu'elle devient chrysalide, on
trouve ordinairement celle-ci dans les tiges de l'année précédente et
presque à la surface de l'eau. Cette chrysalide est longue et brune,
avec une protubérance en forme de nez au-devant de la tête, et l'ab-
domen terminé par une pointe obtuse, garnie de dents circulairement.
Elle hiverne dans une portion de la tige fermée en dessus et en dessous
d'eau par un tissu soyeux. Comme elle est placée la tête en haut, un
peu au-dessus du niveau de l'eau, le papillon sort aisément par un
trou ménagé latéralement et bouché seulement par la cuticule externe,
qui cède sous une très légère pression. Ce papillon se trouve en juin et
en août, assez commun dans les marais du département du Nord (Fou-
cart), dans ceux de l'Aube (Jourdheuille), dans les marais et étangs du
Berri (Maurice Sand).
Les Gallérides, famille par laquelle nous terminerons les Pyraliens,
présentent des papillons a antennes sétacées, courtes, simples, avec une
petite dent squameuse à la base; la spiritrompe est courte. Il n'y a que
les palpes labiaux visibles, ceux des mâles courts, à dernier article aigu,
ceux des femelles squameux, allongés, étendus. Les ailes sont allon-
gées, ovales, souvent très différentes dans les deux sexes, tant pour
le dessin, la couleur ou la coupe que pour la nervulation. Les ailes
supérieures enveloppent les inférieures qui sont fortement plissées et se
moulent autour du corps. Quoique les ailes soient bien développées, ces
papillons volent peu, mais ont une démarche vive, rapide et sautil-
lante. Us glissent entre les doigts qui cherchent à les saisir, en raison
des écailles graisseuses dont ils sont couverts. Pendant le jour, on les
trouve souvent endormis dans le voisinage des ruches ou des nids de
Bourdons ou de Guêpes dans lesquels les chenilles ont vécu et où elles
subissent toutes leurs métamorphoses.
GALLERIA. 681
Les papillons pondent avec une extrême rapidité ; en outre, ils ont
la vie tellement tenace que si on coupe en deux un GaUeria ou un
Achrœa vivants, en séparant l'abdomen du thorax, on voit encore
l'oviscapte continuer à émettre des œufs en grand nombre longtemps
après l'opération. Les chenilles à 16 pattes sont glabres, vermiformes,
épaisses avec des points verruqueux; elles vivent de diverses matières
organiques, surtout animales, comme la cire des Abeilles et des
Bourdons, mangeant parfois, dit-on, lecartondesGuêpes etaussi diverses
substances, vieux papiers, débris de liège, etc., qui se trouvent
dans les maisons.
G.%L.liERl.%, Fabr. — Front proéminent; palpes dépassant à peine le front
chez les mâles, assez longs et incombants chez les femelles ; les deux sexes
différents ; spirilrompe membraneuse et à peine visible ; ailes supérieures avec
la nervure sous-costale appendiculée; cellule discoïdale du mâle très étendue,
opaque ; ailes inférieures avec la nervure médiane quadrifide ; bord postérieur
des ailes supérieures toujours arrondi dans les femelles, quelquefois fortement
échancré dans les mâles; pattes robustes et renflées; tète sessile; corselet
ovoïde; abdomen robuste, aussi long quêtes ailes dans l'état de repos.
Les auteurs ont longtemps fait des espèces distinctes avec les deux
sexes des Galleries, jusqu'à ce que l'observation de l'accouplement et
l'éducation des chenilles aient fait reconnaître l'erreur, lîn effet, les
mâles diffèrent des femelles non seulement par la coupe, le dessin et
la couleur des ailes supérieures, mais encore par la forme des palpes
labiaux qui sont très développés dans les femelles, tandis qu'ils sont
très courts et recouverts par la voûte du front dans les mâles. L'espèce
d'Europe est G. mellunella, Linn. (femelle), syn. : cerecma Linn. (mâle),
cerella, Fabr., Dup. (les deux sexes), la Teigne du miel, Devillers, the
Honey comb Moth des Anglais. Cette espèce et une autre plus petite du
genre Achrœa, étaient désignées par Réaumur sous le nom de fausses
Teignes de la cire, grande et petite. Les fausses Teignes étaient dis-
tinguées par Réaumur des vraies Teignes, en ce que leurs chenilles
ne s'enveloppent pas de fourreaux. La grande Gallerie delà cire, qui est
plus répandue que l'autre dans la zone parisienne, est plus nuisible en
raison de sa forte taille, peu ordinaire chez les Microlépidoptères.
C'est elle que les paysans apiculteurs des environs de Paris nomment
le papillon. Le mâle de G. mellonella, de 28 à 30 millimètres d'enver-
gure, a les antennes, la tête et le thorax de la couleur des ailes
supérieures, l'abdomen participant à la coloration des inférieures;
ailes supérieures arrrondies à la côte et au bord interne, très échan-
crées au bord externe, d'un brun cendré ou jaunâtre, avec des stries
longitudinales et des taches d'un brun pourpré le long du bord interne,
la ligne coudée représentée par une courbe formée de petits traits
bruns plus ou moins visibles, la frange courte et d'une seule couleur ;
fi82 LÉPIDOPTÈRES.
ailes inférieures d'un gris brunûtre, plus clair vers la base et le bord
abdominal, avec la frange d'un gris clair. La femelle plus grande, de
32 à 35 millimètres d'envergure (pi. xvcii, fig. 12), a les ailes supérieures
plus allongées, peu ou point échancrées au bord externe, d'un brun
rougcltre ou violàtre, avec plusieurs lignes ou taches longitudinales d'un
brun noir le long du bord interne; la coudée est mieux marquée et la
côte près du sommet est ornée de plusieurs petites lignes blanchâtres,
la frange étant entrecoupée de brun ; ailes inférieures d'un blanc
jaunâtre, avec le limbe très légèrement îeinté de noirâtre; tète, an-
tennes, palpes et thorax d'un gris roussàtre, abdomen d'un blanc
jaunâtre. La chenille à 16 pattes est cylindrique, [fusiforme, épaisse,
d'un blanc d'os, la tête et l'écusson du prothorax d'un brun marron,
celui-ci partagé longitudinalement par une ligne blanchâtre se
prolongeant sur le dos, mais souvent indistinctement; elle a des points
verruqueux isolés et bruns, surmontés chacun d'un poil fin, et un
clapet anal brunâtre.
Les papillons de G. mellonella ont au moins deux générations par an;
ils éclosent d'ordinaire en mai, puis en juillet et en août, ceux de la
première époque provenant de chenilles qui naissent en août et qui
hivernent dans les ruches, et ceux de la seconde de chenilles écloses
en mai et qui subissent leur évolution totale en trois mois, tandis qu'il
en faut huit à neuf pour les autres. Cette espèce, et de même la petite
Gallerie du genre Achrœa, ne dépasse pas une altitude de 1200 mètres.
Il y a des papillons qui pondent, paraît-il, sur les fleurs, de sorte que
les Abeilles butineuses transportent leurs œufs entre les poils ou inter-
calés dans le pollen mis dans les cellules; quand vient la chaleur, on
voit sortir de celui-ci de minuscules chenilles, comme des vers, se
tortillant ainsi que des petits serpents. En outre, les papillons s'intro-
duisent à l'intérieur des ruches, et, grâce à l'enveloppe écailleuse de
leur corps, grâce aussi à leur démarche vive, rapide et sautillante,
parviennent à échapper à l'aiguillon meurtrier et à déposer très promp-
tenient leurs œufs sur les gâteaux. La chenille ne vit pas aux dépens
du miel, mais de la cire ; c'est un véritable fléau pour l'apiculteur,
car, à peine sortie de l'œuf, elle s'enfonce dans les gâteaux, rongeant
la cire et bravant l'aiguillon en se construisant un long tuyau irré-
gulier formé de soie, dans lequel elle se développe en sécurité. Ce
fourreau, tapissé en dedans d'une soie blanche très serrée, est conso-
lidé à l'extérieur par des granules d'une substance qui ne paraît
did'érer en rien de la cire, sauf qu'elle est plus blanche, et par des
excréments noirs et granulés de la chenille. Le' tuyau n'est d'abord
pas plus gros qu'un fil, mais il s'élargit et s'allonge en même temps
que la chenille, de manière à ce qu'elle ait toujours assez de place
pour se retourner et jeter ses excréments au dehors. Ordinairement
ces tuyaux ont de douze à quinze centimètres de longueur; mais on
en trouve parfois de beaucoup plus longs. On s'aperçoit de la présence
GALLERIA, APHOMTA. 68^
de ces chenilles dans une ruche aux déjections noires, pareilles à des
grains de poudre, qu'on trouve sur le tabher, mêlées à de nombreuses
parcelles de cire et aussi à l'odeur qui s'exhale. En raison de la combus-
libihté de l'aliment hydrocarboné qu'elles dévorent, ces chenilles
entassées dans les gâteaux dégagent une chaleur considérable que j'ai
vue s'éleveràplus de 25 degrés au-dessus de l'air ambiant(l). Parvenues
à toule leur taille, les chenilles se construisent, dans l'intérieur des
galeries, des cocons d'une soie blanche, comme gommée, épaisse et
résistante, difficile à déchirer entre les doigts, cocons agglomérés les
uns conire les autres. Elles s'y changent en chrysalides d'un brun
rouge, d'où naissent les adultes sortant pour s'accoupler; après quoi les
femelles rentrent bientôt dans la ruche et pondent. En hiver les
chenilles de tout âge restent engourdies, jusqu'à ce que la chaleur du
printemps leur permette de reprendre leur activité malfaisante.
Les chenilles creusent et minent les rayons de cire si profondément
qu'ils se détachent et entraînent le couvain, le miel et le pollen, eau.
sant un tel désastre que les Abeilles rebutées abandonnent la ruche si
l'apiculteur n'emploie pas les moyens nécessaires (voy. t. II, p. 693).
Il y a en Amérique deux espèces de Galleria très voisines de la nôtre.
APHOHIA, Hiibner. — Front saillant; dent de la base des antennes distincte;
palpes labiaux rudinientaires chez les mâles, très longs et étendus chez les
femelles à la façon des Ci-ambus; ailes supérieures avec la nervure sous-costalo
sans appendice, la cellule discoïdale du mâle opaque, très large, s'étendant
jusqu'au bord externe, celle de la femelle petite et biûde ; ailes inférieures avec
la nervure médiane irifide ; pattes longues et nues ; les deux sexes à dessins
très différents.
L'espèce d'Europe présente son papillon éclosant'de mai à juillet,
parfois même eu septembre, assez abondant par places et se capturant
aisément au réflecteur. C'est l'A. sociella, Linn.,syn. colonelle, Linn.
(femelle), VAssociée, Devillers, the green shaded Honey Moth; envergure
du mâle 26 à 28 millimètres, tête, antennes et thorax d'un blanc mat, abdo-
men de la couleur des ailes inférieures; ailes supérieures entières,
sans échancrure au bord externe, d'un blanc mat ou d'un blanc
roussâtre depuis la base jusqu'au delà de leur milieu, deux lignes très
dentelées enfermant un espace d'un brun ferrugineux, la côte et le
reste de l'aile d'un gris verdâtre ou roussâtre, et, près de la côte, deux
points sur une parallèle à la côte, la frange d'un gris roussâtre, pré-
cédée par une ligne de points noirs; ailes inférieures d'un blanc sale
ainsi que la frange, qui est précédée d'un filet noir; envergure de la
femelle 30 à 34 millimètres, ailes supérieures plus larges que celles
du mâle, d'un gris plus ou moins verdâtre, avec les deux lignes très
(1) Maurice Girard, Aim. Soc. entom. de Fr.^ 1864, p. 676.
684 LÉPIDOPTÈRES.
dentelées ou fulgurales et l'intervalle entre elles d'un gris ferrugi-
neux, les deux points cellulaires plus éloignés de la côte et le second
de ces points beaucoup plus gros que le premier, la frange d'un gris
rougeâtre, précédée d'une ligne de points noirs; ailes ini'érieures d'un
gris roussâtre ainsi que la frange; tète, antennes, longs palpes et
thorax d'un gris rougeàtre pâle, abdomen de la couleur des ailes
inférieures.
La chenille (pi. xcvii, fig. 13), qui ressemble beaucoup à la précé-
dente, est d'un gris jaunâtre, avec les points verruqueux bruns, la tête
rougeàtre, les plaques des premier et dernier anneau brunes. Son mode
d'existence est très polyphage et plus varié que celui de la chenille
de Galleria inellonella. Il en est qui vivent dans les longs boyaux de
soie enterrés dans les nids d'Hyménoptères souterrains, comme les
Bombus terrestris et lapidarius, peut-être aussi des Guêpes à nid dans
la terre; d'autres vivent dans les maisons de campagne, là où on ne
trouve pas de nids de Bombus, et se nourrissent de fragments de liège,
de livres, de vieux papiers, de fleurs artificielles, etc. ; ainsi s'explique
l'existence de papillons très frais de celte espèce qu'on trouve dans des
appartement fermés où ils n'ont pu s'introduire du dehors. Au terme
de leur croissance et en automne, ces chenilles abandonnent les lieux
où elles ont vécu, et se construisent dans quelque coin, à la façon des
Yponomeutes, une toile commune et très serrée, formée de galeries
courtes qu'on ne déchire que difficilement et dans lesquelles elles
passent l'hiver et se chrysalident.
Le dernier genre des Gallérides est celui des Achrœa, Zeller. Les
papillons ont les palpes labiaux nuls chez les mâles, très courts chez les
femelles, le front large et plat. Les deux sexes sont pareils, avec les
ailes très entières etluisanlcs, ovales, lisses, d'une seule couleur, sans
dessin, avec une nervulation très différente de celle des Gallérides
précédentes. Les ailes supérieures sont sans appendice à la nervure
sous-médiane, la cellule discoïdale étroite, non opaque; les ailes
inférieures ont la nervure sous-dorsale tritîde et la première sous-
dorsale obsolète. L'espèce d'Europe est A. grisella, Fabr, syn. : alvearia,
Fabr., la Gallerie alvéicole, Walckenaër, the Honey Moth des auteurs
anglais; envergure du mâle, 18 à 20 millimètres; ailes supérieures
étroites, allongées au sommet, d'un gris roussâtre luisant, sans hgnes
ni points; ailes inférieures beaucoup plus claires; franges de la
couleur des ailes ; tête fauve ; antennes et thorax de la couleur des
ailes supérieures, abdomen de la couleur des ailes inférieures, court
et obtus dans les deux sexes; pattes glabres et minces; femelle sem-
blable au mâle, mais plus grande (22 à 23 millimètres d'envergure),
à ailes supérieures plus larges et un peu moins allongées au sommet. Le
papillon, encore plus vif et plus sautillant que G. mellon^Ua, a au moins
deux générations par an, en avril-mai, puis eu juillet-août, plus com-
mun dans les ruches d'Abeilles du midi que du nord de la France, ne
ACHROEA, TORTRICIENS. 685
remontant pas à plus de 1200 mètres d'altitude, comme celui de Galle-
ria mellonella.
La chenille est d'un blanc transparent, à tûte brune. Le papillon
femelle a pondu en septembre et octobre des œufs assez gros, blancs
et disposés en chapelet. La petite chenille s'insinue tout de suite entre
les cellules des gâteaux dont le miel a été enlevé, car elle vit exclusive-
ment de cire. Elle se place donc dans l'épaisseur du gâteau, sur la
mince cloison qui sépare les rangs des cellules, sans jamais s'avancer
jusqu'à l'ouverture ; elle file un petit fourreau de soie blanche et fine
qui chemine entre les cloisons des alvéoles, et qui est consolidé à
l'extérieur par des grains de cire et les granules noirs des déjections.
Ce sont en petit les fourreaux de Galleria 7nellonella ; l'espèce est moins
nuisible en vertu de sa taille beaucoup plus petite. En général, les
gâteaux ne sont envahis que partiellement, de sorte que souvent on
peut sauver la ruche par des amputations de rayons. Arrivée à l'époque
de sa transformation, la chenille file, à l'endroit môme où sa galerie
s'est arrêtée, une coque très résistante, blanche, mêlée de grains de
cire et d'excréments, d'une forme allongée mais aiguë aux deux extré-
mités. La chrysalide renfermée dans cette coque ressemble à celle
de la grande Gallerie de la cire. Elle est d'un jaune de miel avec la
partie dorsale d'un brun violâtre, et porte sur le milieu une arête
rugueuse ou canaliculée d'un brun foncé ; l'extrémité anale est obtuse,
brune et garnie d'aspérités coniques disposées en étoile ou astérisque;
l'enveloppe des ailes est longue et celle de la spiritrompe se prolonge
en un appendice assez long, mais bifide à l'extrémité, ce qui ne se voit,
que je sache, dit Guenée, chez aucune autre chrysalide. La chenille
d'^. grisella se multiplie avec une rapidité prodigieuse et participe aux
mœurs polyphages de la chenille de sociella. Elle ne vit pas exclusive-
ment dans les ruches, et, à défaut de cire, dévore une foule de sub-
stances animales dans nos habitations. Comme elle va cacher sa coque
dans les coins les plus éloignés, on arrive difficilement à se débarrasser
decette espèce funeste, une fois qu'elle s'est introduite dans une maison.
J'ai trouvé cette espèce à Bordeaux, dans les nids de la Mélipone
scutellaire, chez M. Drory.
La planche xcvii contient les figures de deux papillons qui n'appar-
tiennent pas aux Microlépidoptères: l'un est un Noctuélien, Spintherops
cataphanes, Hûbner, flg. 11; l'autre un Phalénien, Amphigonia sidonia.
Cramer, fig. 5.
Tribu des TORtriciems.
La tribu des Tortrlciens ou Tordeuses correspond en partie au genre
Tortrix de Linnœus, nom qui était donné à des petits papillons dont les
Chenilles vivent dans des feuilles pliées, tordues, roulées ou réunies en
686 LÉPIDOPTÈRES.
paquet terminal à l'extrémité des jeunes rameaux. Elles rongent ainsi
les parties vertes sous un abri qui les défend du soleil, et les cache à
leurs ennemis. Elles passent ordinairement toutes les phases de leur
existence à la place où elles trouvent nourriture et abri, se bornant,
pour protéger leur chrysalide, à l'entourer d'un tissu soyeux plus ou
moins serré, mais qui n'a pas, en général, l'apparence d'une coque pro-
prement dite. Il en est quelques-unes qui, au moment de la nymphose,
abandonnent leur retraite pour aller s'installer soit dans la terre, soit
dans tout autre lieu où elles puissent se croire en sûreté. Au reste, ce
genre de vie des vraies Tortrix n'est pas absolument général, car il en
est qui mangent les grappes de jeunes fruits qu'elles enveloppent de
soie [Cochxjlis), et certaines vivent à l'intérieur des fruits (Carpocapsa).
Enfin beaucoup de ces chenilles, quand elles soutiennes, font, au prin-
temps, des toiles sous lesquelles elles se tiennent en commun. Toutes ces
chenilles, tordeuses ou non, se laissent prendre aux branches à l'aide
d'un fil de soie qui sort de leur bouche et leur sert à descendre sans
choc sur le sol ou sur les branches inférieures, et aussi à remonter
quand on touche ces chenilles, elles se roulent comme de petits ser-
pents. Les papillons ont presque tous le vol nocturne ou crépusculaire,
et se tiennent au repos pendant le jour, appliqués sous les feuilles ou
sur les tiges des végétaux ; mais il faut peu de chose pour les déranger
et les faire voler en plein jour. Ils sont généralement d'assez petite
taille ; beaucoup d'entre eux sont ornés de vives couleurs et de taches
nacrées ou métalliques. La nature, en les formant, fait remarquer Du-
ponchel, semble s'être complu à reproduire, sur une plus petite échelle,
les plus belles espèces des divisions supérieures de l'ordre des Lépidop-
tères, les Diurnes principalement. Les jeunes amateurs peuvent espérer
avec raison, en recherchant spécialement les Tortriciens, de faire dans
cette tribu des découvertes d'espèces nouvelles, bien rares aujourd'hui
et peu probables en France dans les Macrolépidoptôres.
Le caractère le plus saillant des papillons des Tortriciens est d'avoir
la côte des ailes antérieures plus ou moins arquée à la base. 11 en ré-
sulte pour eux une physionomie particulière, qui les a fait appeler
papillons aux larges épaules par Réaumur, P/m^ènes chapes par Geoffroy,
Platyomides par Duponchel, ce qui est la traduction grecque du nom
de Réaumur. Les antennes, rarement plus longues que le corps, sont
filiformes dans les deux sexes, les palpes inférieurs ou ' labiaux sont
seuls visibles et avancés, à premier article court, mince, un peu coni-
que, presque nu, à second article beaucoup plus grand, habituellement
en massue comprimée, quelquefois fusiforme, toujours garni d'écaillés
ou velu, le troisième et dernier article court, cylindroïde, tronqué ou
obtus, presque toujours nu ; spiritrompe membraneuse, très courte,
souvent nulle ou invisible; thorax ovale, lisse, quelquefois crêlé à sa
base ; ailes entières ou sans fissure, en toit plus ou moins aplati lors du
repos, les supérieures cachant alors les inférieures, moins larges
TORTRICIF.NS. C87
qu'elles et qui sont plissées en éventail sous les premières, celles-ci
plus ou moins arquées à leur base, le plus souvent coupées carrément
à leur extrémité, ayant leur sommet quelquefois recourbé en faucille;
pattes courtes, surtout les antérieures, avec les cuisses aplaties, les in-
termédiaires et les postérieures munies chacune de quatre épines cour-
tes et obtuses; abdomen ne dépassant pas les ailes dans l'état du repos,
cylindro-conique, terminé par une houppe de poils chez les mâles, en
pointe dans les femelles ; chenilles à seize pattes d'égale longueur et
toutes propres à la marche, ayant le corps ras, ou garni de poils courts
et isolés, portés sur des points verruqueux; chrysalides coniques, pres-
que toujours nues, rarement contenues dans une coque.
Les papillons des Tortriciens doivent être recherchés dans les vergers,
les jardins, les allées ombragées des bois et surtout les haies et les char-
milles; en général ils s'éloignent très peu des lieux qui les ont vus
naître. La plupart se tiennent sur les feuilles, quelques espèces seule-
ment sur les troncs des arbres couverts de Lichens, où leurs teintes
grises ou vertes se confondent avec celles de ces Cryptogames parasites.
On les trouve depuis le commencement du printemps jusqu'à la tin de
l'automne où l'on fait tomber certaines espèces, souvent de très jolies
couleurs, en battant à la mailloche les jeunes arbres des futaies, par la
fraîcheur ou les brouillards du mois de novembre ; mais c'est en été que
ces papillons sont le plus communs. Leur vol est vif, mais court et n'a
lieu qu'au crépuscule du soir. C'est encore aux JNoctuéliens que les Tor-
triciens ressemblent le plus parmi les Hétérocères. Ils en diffèrent prin-
cipalement : 1° par la forme des ailes antérieures dont la côte est plus
ou moins arquée à sa base; 2" par les antennes toujours filiformes dans
les deux sexes ; 3° par la spiritrompe extrêmement courte et souvent nulle ;
W par le corselet entièrement lisse, à quelques exceptions près. Une
très fâcheuse confusion a été introduite dans la science par P'abricius,
qui a changé sans motif le nom de Tortrix de Linnœus en celui de Pif-
ralis. Le caractère des papillons volant après les lumières ne signifie
rien, car il appartient à beaucoup d'Hétérocères et souvent il ne sera
pas constaté chez bien des Tortriciens qui vivent loin des lieux habités.
11 n'en reste pas moins ce fait regrettable que l'usage a consacré ce mot
Pyrale comme nom vulgaire de Tortriciens, qu'il ne faut pas confondre
avec nos Pyraliens, ainsi pour la trop célèbre Pyrale de la vigne.
Les habitudes des chenilles des Tortriciens sont assez variées ; ce n'est
qu'à un certain nombre d'entre elles que convient le nom de Tortri-
ces de Linnœus, de Tordeuses de Latreille. Ces chenilles, du genre ac-
tuel Tortrix, ne vivent que dans une seule feuille à la fois, se nourris-
sant du parenchyme. Elles plissent les feuilles sur leurs bords ou les
roulent en cornet, de manière à s'en former un abri où elles restent
cachées depuis leur naissance jusqu'à leur dernière métamorphose.
Ainsi les Tortrix viridana, xylosteana, etc. D'autres vivent au centre de
plusieurs feuilles, qu'elles lient ensemble par'des fils de soie, et y fon
688 LÉPIDOPTÈKES.
leurs chrysalides; ainsi dans le genre Penthina, vivant sur les saules,
les aubépines, les pruniers et prunelliers, et ainsi encore la Pyrale de
la vigne, OEnophthira Pilleriana. I.es chenilles des Car/)ocapsa vivent
dans l'intérieur des fruits à pépins {pomonana), ou à noyaux, comme les
noix, les châtaignes (splendana). 11 en est qui se nourrissent de la sève
des arbres fruitiers de la famille des Drupacées, creusant des galeries
entre lécorce et l'aubier et s'y transforment en chrysalide destinée à
passer l'hiver. Elles trahissent leur présence par des poussières li-
gneuses, des sucs gommeux extravasés, parfois des excroissances qui
détruisent l'écorce; telle est Grapholitha Wu'beriana,
Les arbres verts ont beaucoup à souffrir des chenilles du genre Coc-
cyx, qui détruisent les bourgeons au point d'amener la mort de l'arbre,
ou qui transforment les bourgeons terminaux des Pins en boules de ré-
sine sortie de l'arbre, dans lesquelles elles vivent. Il en est qui atta-
quent les bourgeons des vignes et les très jeunes grappes, enlaçant le
tout dans des fils de soie et causent ainsi de grands ravages, comme
Cochylis Roserana, vulgairement la Teigne de la grappe. Entin il y a de
ces chenilles qui vivent à découvert sur les feuilles, surtout des plantes
basses, se réunissant en société sous des toiles communes où elles as-
semblent leurs feuilles nourricières et s'y changeant en chrysalides, à
la façon des Yponomeutes (Tinéiniens); ainsi dans le genre Aspidia.
Dans le genre Tortrix, Linn., tel qu'il est restreint aujourd'hui, les
papillons sont de taille moyenne pour des Tortriciens, avec le corps
mince, la tête assez forte et sur le même plan que le thorax, les an-
tennes simples dans les deux sexes, les palpes labiaux épais, à second
article très garni d'écaillés et en forme de massue, le troisième à peu
près conique, la spiritrompe très courte, presque nulle, les ailes supé-
rieures terminées carrément, parfois légèrement courbées à leur som-
met; chenilles couvertes de points tuberculeux surmontés chacun d'un
poil; chrysalides lisses, en forme de massue ou de poire allongée, d'a-
bord vertes ou jaunâtres, puis devenant d'un brun noir, le dessous de
chaque anneau armé de deux rangs de pointes courtes dirigées en ar-
rière, l'abdomen se terminant ordinairement par une longue pointe
mousse garnie de quelques petits crochets. Les chenilles sont essentiel-
lement des rouleuses ou tordeuses des feuilles des arbres, des arbris-
seaux et des plantes basses. Aussi vives que craintives, au moindre
ébranlement causé à l'arbre ou à la plante qu'elles habitent, on les voit
s'échapper de leur rouleau avec la plus grande agilité, en restant sus-
pendues au bout d'un fil qui s'allonge à mesure qu'elles s'éloignent de
leur demeure et qui leur sert cà y remonter quand elles supposent le
danger passé. Il y a des chenilles rouleuses propres à presque tous les
arbres ou plantes ; cependant où elles abondent le plus c'est sur le
chêne et Forme, surtout dans la première quinzaine de mai. Par cer-
taines années, elles sont tellement communes sur ces arbres, qu'il y en
a, pour ainsi dire, une logée dans chaque feuille. Presque toutes les
TOUTniCIENS. fi89
espèces sont nuisibles à beaucoup de vegétcaux, tant aux arbres de nos
forêts, de nos promenades, de nos vergers, qu'aux plantes basses culti-
vées dans nos jardins et nos champs. Le parenchyme des feuilles rou-
lées est rongé, celles-ci pouvant même être réduites aux nervures, de
sorte que les végétaux seront parfois, sinon tués, au moins très retardés
dans leur accroissement. La pousse des arbres peut être ralentie de plu-
sieurs années, quand toutes les feuilles mortes sur l'arbre tombent sur
le sol, roulées sur elles-mêmes et tapissées de soie. Dans son cinquième
mémoire, intitulé : de la mécanique avec laquelle diverses espèces de che-
nilles plient, roulent et lient les feuilles de plantes et d'arbres, surtout celles
du chêne, Réaumur décrit avec de grands détails les manœuvres par
lesquelles les chenilles du genre Tortrix réalisent les conditions néces-
saires à leur existence. Chaque chenille habite seule un rouleau de
feuille et y trouve à la fois l'abri et la nourriture. Elle commence par
ronger le bout qui a été contourné le premier et attaque successivement
les autres tours, à l'exception du dernier qui reste intact; cette es-
pèce de tuyau étant ouvert par les deux bouts, c'est par l'un d'eux
qu'elle rejette ses excréments, qui sont des petits grains noirs à peu
près sphériques. Comme une portion de feuille et même une feuille
entière peuvent ne pas suffire pour la nourriture de la chenille pendant
toute sa vie, elle se fabrique de nouveaux rouleaux à mesure que son
appétit augmente avec sa taille. Le dernier diffère habituellement un
peu des autres; les tours en sont moins serrés, parce qiie la chenille de-
venue plus grosse a besoin d'un logement plus ample. Cette chenille se
transforme en chrysalide dans le rouleau même de feuille où elle a
passé toute ,sa vie ou au moins la dernière période. Elle ne se file pas
de véritable cocon et se contente de tapisser l'intérieur de sa demeure
d'une légère couche de soie, précaution suffisante pour garantir la
jeune chrysalide du contact un peu rude de la feuille qui l'entoure. Les
épines et crochets de cette chrysalide la maintiennent solidement fixée
à l'enduit soyeux.
Une des espèces les plus communes de Tortrix, se trouvant en abon-
dance dans toute la France, est le T. viridana, Linn. , la Chape verte,
Geoffroy, la Verte, Devillers, la Ptjrale verdâtre, Encycl. méthod. et
Walckeniier, the Pea Green T., envergure 20 miUimètres, les deux sexes
pareils, ailes supérieures d'un joli vert uni, les inférieures d'un gris
cendré, la frange des quatre ailes blanchâtre, leur dessous d'un blanc
luisant et comme argenté, avec un léger reflet verdâtre aux ailes anté-
rieures seulement; la tête, les antennes et les pattes sont d'un vert
jaunâtre, le thorax est du même vert que les ailes antérieures et l'ab-
domen participe au gris des postérieures. La chenille est tantôt d'un
vert assez pur, tantôt d'un vert sale, avec des points noirs vcrruqueux
portant chacun un poil noir ; la tête, l'écusson du prothorax et les pattes
thoraciques d'un noir brillant, les pattes anales d'un gris jaunâtre et
une tache brune sur le huitième anneau. Cette chenille vit sur les
GIRARD. lU. — 44
<390 LÉPIDOPTÈRl-S.
chênes, au,milieu d'une feuille ror.lée ; elle est trrs vive et dès qu'on l'in-
quiète se démène brusquement et se sauve dans son tuyau. Si ou la
poursuit dans ce refuge, elle se laisse tomber, mais reste attachée à
sa demeure au moyen d'un til qui lui sert à y remonter dès qu'on l'a
laissée tranquille. A la fin du mois de mai, elle se change en chrysalide
dans la feuille roulée et le papillon paraît de huit à quinze jours après,
selon qu'il fait plus ou moins chaud. Cette chrysalide est d'un noir
brun avec deux rangées de dentelures sur chaque anneau de l'abdomen,
€t son extrémité obtuse et très allongée. L'espèce vit sur les chênes or-
dinaires (Quercus robur et pedunculata) ; c'est la plus commune du genre,
au moins aux environs de Paris. A l'époque de son apparition, il suffit
de secouer les branches des chênes dans la première quinzaine de juin
sur les bords des allées, pour faire partir à la fois des centaines de pa-
pillons de T. viridana, qui ne tardent pas à se réfugier sous les feuilles,
après avoir voltigé pendant quelque temps. Kn certaines années, au
moins dans les bois de chênes des environs de Paris, on trouve quel-
ques papillons de la Tordente verte, sujets isolés provenant soit d'éclo-
sions précoces, soit, au contraire, de chrysalides retardées. Certaines
chrysalides hivernent.
Après la réunion des sexes, les femelles pondent un grand nom-
bre d'œufs dans le voisinage des bourgeons. Ces œufs passent l'hiver
sans éclore; les petites chenilles en sortent au printemps, dès que
les bourgeons de chêne commencent à s'épanouir. C'est à tort que Du-
ponchel écrit que ces petites chenilles éclosent en été, et se cachent
sous les écorces et dans les moindres fissures, pour ne prendi*e leur
activité qu'au printemps. Va\ certaines années, quand les circonstances
atmosphériques favorisent la multiplication de T. viridana, les chênes
sont dépouillés de toutes leurs feuilles, au point de présenter, à la fin
du printemps, l'aspect qu'ils offrent en plein hiver. Ce fait est constaté
de temps à autre, tout contre Paris, dans les bois de Boulogne et de
Vincennes, J'en ai été témoin, une année, dans une jeune futaie de
chênes du domaine de la Marsaudière, dans la forêt d'Armainvilliers
(Seine-et-Marne). Le jour le plus clair filtrait à travers les branches
nues; des milliers de chenilles pendaient à de longs fils et la chute des
crottins tombant de toute part sur les feuilles sèches simulait le bruit
de la pluie. Nous sommes tout à fait désarmés vis-à-vis de cette espèce
si funeste à la sylviculture On ne peut songer à un échenillage qui se-
rait impossible à exécuter, vu les immenses surfaces atteintes; elle est
habituellement détruite ou plutôt diminuée pendant plusieurs années
par les intempéries atmosphériques et par les parasites. C'est contre
cette espèce que nous serait bien utile le concours des oiseaux insecti-
vores, si rares aujourd'hui en raison de captures insensées et par la
tolérance avec laquelle on agit à l'égard du dénichage. Les fauvettes sur-
tout, lors de leurs couvées, nous rendent les plus grands services en vo-
lant autour des arbres des futaies et saisissant dans leur bec les chenilles
TORTRIX. 691
de T. viridana pendues à leurs fils et les portant aux petits de la nichée
comme nourriture azotée et fortifiante.
Un assez grand nombre d'espè'ces du genre Tortrix sont nuisibles aux
arbres et arbustes. Nous ferons seulement quelques citations d'espèces
qui commettent des dégâts dans les jardins et les vergers, où l'échenil-
lage est possible, tandis qu'il est impraticable pour les espèces fores-
tières. Le T. xylosteana, Linn., la Tordeuse du chèvrefeuille des buissons,
De\'û\eT?,,the Forked Rcd-bar de?, auleuvs anglais, offre une envergure de
20 millimètres, la tète, les antennes et le thorax de la couleur des ailes
supérieures, l'abdomen coloré comme les inférieures; ailes supérieures
à sommet un peu falqué, en-dessus d'un gris roux soyeux, avec une
large bande transverse au milieu d'un brun ferrugineux, se dilatant et
se partageant en deux branches avant d'arriver à la côte ; en outre deux
petites taches ou bandes de la même couleur, dont une en forme d'S
près de la base et l'autre partant de l'angle supérieur et longeant le
bord terminal, toutes ces taches cernées de blanc jaunâtre ; ailes infé-
rieures en dessus d'un gris cendré, avec l'extrémité teinte de roussâtre;
dessous des quatre ailes d'un gris luisant, avec leur extrémité fauve;
papillon à la fin de juin et dans le commencement de juillet, indiqué
comme commun dans les catalogues de toutes les régions de la France,
se prend notamment dans tous les bois secs des environs de Paris. La
chenille très polyphage attaque beaucoup d'arbres forestiers et fruitiers,
et ne se trouve que rarement sur le chèvrefeuille des haies {Lonicera
xylosteum), d'où Tespèce a pourtant tiré son nom. Elle est très com-
mune en certaines années dans les pépinières. En mai, elle roule et
met en paquet les feuilles des pruniers et des poiriers, et réduit leur
parenchyme en dentelle. Elle devient chrysalide en juin et adulte en
juillet.
Nous trouvons encore, dans les vraies Tortrix, la Tordeuse de Berg-
mann, Tortrix Bergmanniana, Linn., la Bergmann, Devillers, the Berg-
mannian T. des entomologistes anglais, ayant les ailes supérieures
d'un jaune-soufre en dessus, finement réticulées de rouge brun,
traversées par trois lignes argentées, dont l'une très près de la
base, celle du milieu cintrée, la troisième coupant obliquement
l'extrémité de l'aile et aboutissant à l'angle postérieur; enfin, une
autre ligne argentée allant à la côte suit tout le long la frange, qui est
de la couleur de l'aile, la côte étant d'un brun rougeàtre; ailes infé-
rieures d'un gris noirâtre en dessus; tôte, antennes et thorax d'un
jaune-soufre; abdomen de la couleur des ailes inférieures. La chenille
de cette Tordeuse cause souvent beaucoup de dommages aux rosiers
des jardins, paraissant en avril avec leurs premières feuilles. D'abord
d'un verdûtre pâle, elle est, à toute sa taille, d'un jaune clair, avec
quelques taches vertes sur le dos, la tète et les pattes écailleuses d'un
noir brillant, les membraneuses de la couleur du corps et l'anus brun;
le prothorax porte deux petites plaques cornées, noires et contiguës, et
692 LÉPIDOPTÈUES.
il y a des poils clairsemés sur toute la surface du corps. Elle se tient
d'abord cachée au bout des branches dans l'intérieur des jeunes pousses
qu'elle ronge, puis réunit en paquets les feuilles pliées et roulées avec
les boutons. Elle tapisse de soie l'intérieur de sa demeure avant de se
chan^-er en chrysalide dans le courant de mai, celle-ci d'abord jaune,
puis d'un jaune brunâtre, enfin tout à fait brune au bout de quelques
jours, avec deux rangées d'épines inclinées vers l'anus sur chaque
anneau, la pointe anale étant hérissée de plusieurs petits crochets
divero-enls, servant à la suspension de la chrysalide. Le papillon,
répandu dans toute l'Europe, se trouve à la fin de juin et au commen-
cement de juillet dans les jardins plantés de rosiers, autour desquels
il voltige au coucher du soleil. Il faut couper les paquets de feuilles
pliées, les brûler ou écraser entre les doigts les chenilles qu'ils ren-
ferment.
Une autre espèce, très caractérisée par ses couleurs, est le T. Hol-
miana, Linn., la llolm, Devillers, the Holmian T., du sous-genre Lozo-
tœnia, de Stephens, ainsi que l'espèce précédente, ayant les ailes supé-
rieures en dessus d'un jaune ferrugineux, teinté de brun le long de la
côte et vers l'extrémité, avec une grande tache blanche triangulaire
au milieu de la côte; entre cette tache et le bord terminal sont quel-
ques stries argentées, dont une longe la frange qui est d'un jaune
orangé; une tache jaune mal limitée vers le bord inférieur de la base;
ailes inférieures d'un gris cendré en dessus avec la frange fauve; tête,
antennes et thorax de la couleur des ailes supérieures, abdomen de
celle des inférieures. La chenille de la Tordeuse de Holm est très vive,
marchant souvent à reculons et se laissant pendre à un fil de soie. Elle
est d'un jaune uni, avec la tète rougeâtre et l'écusson du prothorax
noir; la chrysalide est d'un rouge fauve. Cette chenille se rencontre
en mai dans les feuilles pliées des poiriers et surtout des pommiers, se
chrysalide en juin et devient adulte en juillet; elle fait parfois beau-
coup de tort aux pommiers sur paradis. Le T. sorbiana, Hubner, syn. :
rosana, Schwartz, the Nazel T. des Anglais, est un des plus grands de
nos Torlrix; ailes supérieures à sommet légèrement falqué, en dessus
d'un gris jaunâtre soyeux, avec deux taches brunes à la côte et une
bande oblique de la môme couleur interrompue au milieu ; ailes infé-
rieures en dessus d'un gris cendré, avec un peu de jaunâtre à leur
sommet; abdomen du mâle terminé par une louffe de poils jaunâtres;
les deux sexes pareils; chenille d'un gris bleuâtre foncé, avec des
points verruqueux plus pâles, la tète et les pattes écailleuses d'un noir
luisant, les pattes membraneuses brunes; chrysalide pareille à celle de
T. viridana, avec la pointe abdominale moins obtuse; cette chenille vit
en mai sur le sorbier, le cerisier et le chêne, habite les bois et les ver-
gers, commune aux environs de Paris, surtout dans l'ancien boisdeBou-
loo'ne; papillon en juin. Le T. rosana, Linn., syn. : oxyacanthana,
Duponchel, the liose T. des Anglais, du sous-genre Lozotœnia, a les
roUTKlX, OElSOPHTHIUA. ()9H
ailes supérieures légèrement l'alquées au sommet, en dessus d'un gris-
noisette faiblement réticulé de brun, traversées au milieu par une
bande oblique d'un brun obscur, avec une tacbe de la même cou-
leur; ailes inférieures d'un gris cendré, avec leur extrémité fauve;
espèce assez commune en été sur l'aubépine aux environs de Paris.
Une espèce très voisine est le T. acerana, Hubner, très analogue à
l'espèce précédente, et dont la cbenille vit sur des arbres et arbustes
de genres très différents, le bouleau, l'érable, le tilleul, le noisetier, le
tremble, le hûtre, l'aubépine, le groseillier, le rosier. Dans son jeune
âge, elle vit en société sous une toile en forme de tente, au milieu de
plusieurs feuilles réunies confusément en paquet; quand elle est par-
venue à une certaine taille, elle se renferme dans une feuille roulée en
cornet, et y vit isolée jusqu'aux états de nymphe et d'adulte. Sa couleur
varie du blanc sale au vert pâle et au vert jaunâtre, avec la tête ainsi
que l'écusson du prothorax d'un fauve châtain ; la chrysalide est verte
dans sa partie antérieure, d'un vert jaunâtre sur le ventre et brune sur
le dos; deux cercles de dentelures entourent chacun de ses anneaux.
On trouve la chenille parvenue à toute sa taille dans le courant de
juin et le papillon pendant tout le mois de juillet. Il est assez commun
dans tous les bois des environs de Paris, principalement dans la forêt
de Saint-Germain en Laye.
On a longtemps rangé dans les Tortrix un insecte qui a acquis une
très fâcheuse célébrité sous le nom de Pyrale de la vigne. Duponchel
décrit le papillon sous son nom le plus ancien : T. Pilleriana, catal. de
Vienne [Hist. nat. des Lépidoptères ou Papillons de France, 183Zi, t. IX,
p. 91, pi. ccxxxix, fig. 8), et donne comme localités de l'espèce l'Au-
triche, la Hongrie, et, chez nous, la Provence. Il dit que cette Tordeuse
se distingue de toutes les autres par la longueur de ses palpes, qui sont
légèrement arqués et inclinés vers la terre, comme ceux des Cledeobia,
dans là tribu des Pyraliens. Plus tard, dans son catalogue (I8/16), et
après avoir été témoin des grands ravages opérés par cette espèce dans
les vignobles des environs de Paris, Duponchel a créé pour elle le genre
OEnophthira (destructeur du vin), peu après que Guenée eut établi le
genre OEnectra (18û5). Ce Lépidoptère ne se nourrit pas exclusivement
des feuilles de la ^igne à l'état de chenille, mais est assez polyphage.
En effet, c'est sur le Stachijs ciermanica (Labiées), que Pillérius trouva
d'abord la chenille de cette Tordeuse, en Allemagne. Elle vit très com-
munément, dans les Landes, sur le Myrica gale (Constani), et se trouve,
dans les Alpes-Marilimes et aux îles Lérins, sur V Asclepias vincetoxicum ,
dont elle lie les feuilles terminales dans un réseau soyeux (Millière).
Ce qu'il y a de curieux pour cette espèce, le plus grand ennemi de la
vigne après le Phylloxéra, c'est qu'elle disparaît subitement d'une loca-
lité, après avoir détruit des vignobles, au point que les collectionneurs
ont peine à trouver un seul exemplaire d'un papillon qu'on pouvait
prendre par millions l'année précédente. Ces intermittences doivent
69/| LÉPIDOPTÈRES.
tenir à des conditions atmosphériques plus encore qu'aux parasites, qui
ne détruisent pas d'ordinaire les espèces d'une manière aussi complète.
On comprend que la synonymie de cette espèce doit être considérable.
Citons seulement : Pyrale de la vigne, Bosc, 1786 ; Phalène de la vigne,
abbé Roberjot, 1787; Pyrulis vilana, Fabricius, 179/i, et plusieurs
auteurs subséquents; Chape de la vigne, Faure-Biguet et Sionest, 1802 ;
Pyrale de la vigne, Latreille, 1805, 1829 ; Pyrale de Dantic, Walckenaër,
1836; Pyrale de la vigne, Audouin, 18ZiO. C'est surtout de ce dernier
auteur que nous devons indiquer l'ouvrage capital et classique : His-
toire des insectes nuisibles à la vigne et particulièrement de la Pyrale,
in-Zi", Paris, 1842, avec pi. col. Cet insecte existe en Angleterre et doit
attaquer les vignes de treille et celles des grapperies ou serres à raisin,
car il porte dans le catalogue des Insectes indigènes de British Muséum
le nom de the Vine T. Il a été très probablement connu des anciens, et
désigné par les Grecs sous le nom de Campe, par les Latins sous ceux
de Convolvulus et Involvulus, mots qui expriment une des particularités
les plus remarquables des mœurs de ce Lépidoptère, l'enroulement
que sa chenille produit sur les feuilles.
Le genre Œnophthira Dup., très voisin des Tortrix propres, ne s'en
distingue que par la longueur des palpes des papillons et par la manière
de vivre des chenilles, qui, au lieu de se renfermer comme celles des
rorfrïo? dans des feuilles roulées en cornet, enlacent de leurs innombra-
bles filsde soie les bourgeons, les jeunes feuilles et les fleurs, à mesure
de leur succession, de manière à s'en former un réduit inextricable où
elles trouvent à la fois la nourriture et l'abri. Les papillons des deux
sexes de YOE. Pilleriana se ressemblent beaucoup, et ont de 20 à
24 millimètres d'envergure. Les ailes supérieures sont, en dessus, d'un
jaune fauve, plus ou moins clair ou plus ou moins roussàtre avec des
reflets dorés ou cuivreux; elles sont finement réticulées de brun et
traversées par trois bandes étroites brunes, la première, placée obli-
quement au milieu de l'aile, la seconde, à peu de distance du bord ex-
térieur auquel elle est presque parallèle, la troisième terminant l'aile
et précédant immédiatement la frange qui est de la couleur du fond ;
ailes inférieures en dessus d'un gris brun violacé, avec la frange plus
claire; dessous des quatre ailes entièrement d'un gris jaunâtre;
tête, antennes et thorax de la couleur des ailes supérieures, ab-
domen de la couleur des ailes inférieures. Des variétés nombreuses
et très prononcées se remarquent dans ce papillon et portent prin-
cipalement sur la coloration des ailes antérieures : 1° différence
dans la nuance générale du fond de ces ailes ; 2° différence dans la
couleur des taches et des bandes; 3° différence dans leur forme. Comme
ces variations peuvent s'associer les unes avec les autres, et même se
trouver toutes trois à la fois, il en résulte que certains individus sem-
blent différer spécifiquement du type; c'est par la nombreuse série des
passages qu'on reconnaît qu'il n'y a qu'une seule et même espèce. Les
OENOPHTHIRA. 695
mAles sont, en général, d'une taille plus petite que les femelles, et, chez
eux, les taches et les bandes des ailes antérieures sont très marquées,
tandis qu'elles son très affaiblies ou môme nulles chez les femelles.
C'est au coucher du soleil que ces papillons volent en plus grand nom-
bre, ne rentrant au repos qu'à la nuit close, pour recommencer à voler
à l'aurore du matin et rarement pendant le jour. Ils s'élèvent peu dans
le vol au-dessus du sol et ce vol n'est jamais de longue durée; ils par-
tent d'un cep pour aller se poser sur un autre peu éloigné. Par les
grands vents ces papillons se déplacent à peine et demeurent cram-
ponnés aux feuilles et aux tiges.
Les papillons s'accouplent posés sur une feuille, les corps sur la même
ligne, les têtes inversement tournées, comme chez les papillons du Ver
à soie, les ailes du mâle recouvrant en partie celles de la femelle. La
fécondation des oeufs s'opère dans une immobilité complète et dure
près de vingt-quatre heures. Aux environs de Paris ou dans les cli-
mats analogues, c'est à la fin de juillet qu'a eu lieu l'éclosion de la plus
grande quantité des papillons, avec un intervalle d'un mois environ
pour les sujets hâtifs ou retardés, la durée moyenne de la vie du pa-
pillon étant d'une dizaine de jours. Pendant le repos ces papillons ont
le corps un peu plus élevé eu avant qu'en arrière, les ailes en toit re-
pliées postérieurement un peu l'une sur l'autre, les antennes placées
sur les côtés du corps et en partie cachées par les ailes, les pattes peu
écartées. La ponte s'opère surtout au commencement d'août, à la face
supérieure des feuilles et non en dessous ni sur les tiges, par petites
plaques de quinze à vingt œufs. La femelle expulse ses œufs un cà un,
en reculant, et les recouvre de son corps, passant plusieurs fois l'extré-
mité de son abdomen sur les œufs, qui adhèrent à la feuille par le
liquide gommeux dont ils sont enduits. Ces œufs, longs d'un peu moins
d'un millimètre, sont ovalaires, amincis vers le bout, d'abord d'unvert-
pomme, puis grisâtres, puis jaunes et enfin bruns, laissant voir, par
translucidilé, la tête et le corps de la chenille. A la fin d'août ou au
commencement de septembre, il sort des plaques d'œufs de minuscules
chenilles qui se dispersent rapidement dans toutes les directions. Par
un phénomène étrange, bien que les vignes soient encore couvertes de
feuilles fraîches et tendres, et que la température soit élevée, ces che*
nillettes ne mangent pas ou à peine, et cherchent tout de suite un
abri pour leur hivernation future, devant subir un long jeûne de neuf
mois. liUes se laissent tomber, soutenues par d'imperceptibles fils de
soie, auxquels elles remontent quelquefois, si le lieu de leur première
chute n'a pas été propice. Elles se cachent entre les écorces des ceps,
surtout aux extrémités des sarments, et aussi dans toutes les fissures
des échabis là où on cultive la vigne avec ces supports, peut-être même
à la surface du sol. Chaque chenille file un petit cocon ovoïde, d'une
soie grisâtre et ténue qui n'est nullement un cocon de nymphose, et dans
lequel elle demeure blottie pendant les brumes et les froids de l'iiiver.
696 LÉPIDOPTÈRES.
Celte hivernation des chenilles immobiles est un fait capital pour le
traitement des vignes attaquées. C'est l'abbé Roberjot qui a signalé le
premier réclusion rapide et estivale des œufs, et Audouin a reconnu
l'hivernation des chenilles eu cocons. Aux chaleurs naissantes du prin-
temps, à la fin d'avril et surtout pendant la première quinzaine de mai,
alors que la vigne se débourre, les chenilles sortent de leur sommeil
léthargique et sont aussitôt sollicitées par la faim. Elles entourent de
soie les petites feuilles et grappes qui constituent les bourgeons elcom-
mencent à manger dans ces premiers abris. Quand elles ont atteint
environ un centimètre et que les feuilles sont plus développées, elles
quittent l'extrémilé des pousses et descendent au milieu des tiges,
gagnent les grandes feuilles et les grappes. Une fois posée sur une des
feuilles qui doit faire partie de son espèce de nid, chaque chenille jette de
chaque côté de son corps, des fils étroitement bridésetentre-croisés entre
eux, de manière à former au-dessus d'elles une sorte de toit surbaissé;
puis elle grimpe sur cette bâtisse comme sur un échafaudage pour
construireun second étage à sa demeure, ce nouveau travail s'exécutant
comme le précédent, à l'aide de fils entre-croisés. Quand la trame est
suffisamment épaisse, la chenille coupe les premières brides avec ses
mandibules, rendant ainsi sa retraite plus spacieuse, et tapisse
de soie la portion de la surface de la feuille qui constitue le plan-
cher de sa loge. Ces fils innombrables jetés dans toutes les direc-
tions, entravent la végétation, arrêtent complètement la floraison et la
fructilicalion des grappes qui s'y trouvent mêlées, et, de cet enchevêtre-
ment des grappes, des feuilles et des vrilles, résulte cet aspect de
désolation que présentent les vignobles attaqués par l'Œnophthire.
Tant que les chenilles sont jeunes, elles se bornent à ronger
les feuilles et ne mangent pas les grappes de raisin, qu'elles
se contentent d'entailler; ces grappes, en se fanant, leur servent
simplement de retraite et offrent un soutien à leurs fils; mais, lors-
qu'elles ont acquis plus de force et aussi lorsqu'elles se montrent plus,
nombreuses, elles ne se bornent plus à inciser les pédoncules des
grappes, elles attaquent les grains, en les coupant et en les rongeant;
mais elles continuent à préférer les feuilles aux fruits, car il est très
rare de les voir se loger dans des grappes isolées et sans y être attirées
par les feuilles environnantes. C'est ainsi que ces petites chenilles, qui
semblent si méprisables, finissent par manger une grande étendue de
vignoble et par anéantir en quelques jours les espérances des plus
belles récolles. Ces funestes chenilles sont nommées par les vignerons
des diverses parties de la France: Ver blanc, Ver de la vigne, Ver de l'été.
Ver de la vendange, Couque et Babota. A tout leur développement, ces
chenilles, longues d'environ 20 millimètres, sont d'un vert plus ou
moins jaunâtre, avec la tête et Técusson de prothorax d'un brun ou
d'un vert foncé luisant. Elles marchent avec vitesse, pouvant parcourir
environ un demi-mètre en une minute, faisant avec leur corps de
OENOPHTIIIRA. 697
petites ondulations qui se succèdent très rapidement et sont difficiles
à suivre, se mouvant aussi très vivement à reculons. C'est surtout de
grand malin que ces chenilles, comme celles de la plupart des Lépi-
doptères, redoublent de voracité, et on assure que, dans les vignes où
elles commettent de grands dégâts, on peut entendre distinctement,
à ces heures de la journée, le bruit que font leurs mandibules.
Quand l'époque de la nymphose est arrivée, du milieu de juin à la
première semaine de juillet, les chenilles cherchent un abri dans les
feuilles rccoquillées et desséchées qui leur ont déjà servi de refuge
pour leurs mues. Après deux ou trois jours de repos sans nourriture,
une fente s'opère le long de la tète et des trois premiers anneaux,
ainsi qu'une déchirure transversale entre la tète et le premier anneau,
et la chrysalide sort de la peau de la chenille. Elle est d'abord, dans
toute son étendue, d'un vert tendre; bientôt le thorax et l'abdomen
passent au jaune pAle. La tète et les fourreaux des ailes restent plus
longtemps veris, et ce n'est qu'au bout de quelques heures que la
totalité de la chrysalide a atteint sa couleur permanente, d'un brun-
chocolat. Renfermée dans l'intérieur du fourreau que la chenille a
filé avant de se métamorphoser, la chrysalide s'y trouve soutenue par
les épines recourbées qui garnissent l'extrémité de son abdomen, et
qui, s'accrochant dans les fils de soie qui l'entourent, la maintiennent
en place, malgré les secousses occasionnées par le vent. Elle y reste
habituellement immobile; mais pourtant, quand on secoue sa demeure,
elle contourne son abdomen, en contractant et dilatant tour à tour les
anneaux de son corps, et même parfois se retourne en entier. Le papil-
lon sort de la chrysalide au bout d'une quinzaine de jours. Celle-ci se
fend sur les parties latérales, aux sutures formées par les éminences
sous-cutanées des ailes et des antennes. Les pattes sortent d'abord,
puis la tête, puis tout le corps. Souvent l'enveloppe brune de la chry-
salide est entraînée hors du fourreau soyeux par les elforts que fait le
papillon pour s'en dégager et reste quelquefois fixée par son extrémité
aux fils de soie. Le papillon éclos recommence le cycle biologique que
nous venons de décrire.
Il n'est pas impossible, quoique bien peu probable, qu'on parvienne
à détruire en France l'espèce du Phylloxéra. Cet llémiptère dégradé
est en effet monophage et attaque les vignes seules, de sorte que la
suppression totale de celles-ci, d'une manière momentanée, amène-
rait au moins l'anéantissement de la cause unique du mal. Au contraire
i'Œnophthire est essentiellement un insecte polyphage. V. Audouin
a vu les papillons pondre sur une foule de piaules de toute espèce
voisines des vignobles attaqués, ainsi sur les petits saules, les frênes,
les ronces, les mauves, les fraisiers, les luzernes, les pommes de
terre, etc., et les chenilles trouver une alimentation convenable sur
les mêmes végétaux. Les vignerons, profitant de cette observation,
avaient essayé d'attirer les Œnophthires sur des plantes de nulle
098 LÉPIDOPTÈRES.
valeur, qu'ils intercalaient dans leurs vignes; mais l'expérience ne leur
a rien donné, de même que celle qu'ils ont tentée, en cultivant près
des vignobles des plantes qui, comme le chanvre, sont antipathiques
aux Toririciens. 11 demeure seulement certain que YOE. Pilleriana
restera toujours en France.
Les ravages de la Pyrale de la vigne en France ont été constatés d'une
manière bien authentique, dès la seconde moitié du seizième siècle,
aux environs de Paris, sur le territoire même d'Argenteuil, cinquante ans
plus tard (1629) dans les vignes de Colombes; un siècle après (1717 et
surtout 17;i5) la Pyrale se présenta en Champagne, sur le territoire
d'Aï. Dans toutes ces anciennes invasions on n'employa contre l'insecte
destructeur que les moyens à la mode du temps, les prières publiques,
les processions, les procès ecclésiastiques avec exorcismes, et ordre
exprès aux chenilles, sous peine d'excommunication, de quitter le pays
et de se retirer dans un lieu particulier qu'on leur désignait. La même
localité d'Aï fut encore ravagée beaucoup plus tard, de 1779 à 1785.
Le Maçonnais et le Beaujolais devinrent à leur tour le théâtre des
ravages de l'Œnophthire; dès 17Zi6, Romanèche formait déjà un foyer
de destruction. En général les ravages dans un lieu donné durent avec
une intensité variable, environ une dizaine d'années, suivis de périodes
de rémission où l'insecte semble disparaître ou du moins ne demeurer
qu a l'état d'individus rares et isolés. Renouvelé par places au commen-
cement de ce siècle, le mal acquit une intensité considérable, de 1830 à
ISZiO environ. A la demande du Gouvernement, V.Audouinpassaplusieurs
années à l'étudier, de 1 837 à 18Z|0 , et à chercher les meilleurs remèdes.
11 explora successivement les vignobles atteints dans la Côte-d'Or,
Saône-et-Loire, le Rhône, l'Hérault, les Pyrénées-Orientales, la Haute-
Garonne, la Charente-Inférieure, la Marne et des localités de Seine-et-
Oise, notamment les coteaux d'Argenteuil, aux portes de Paris. Depuis,
l'insecte ne s'est plus montré sur d'aussi vastes surfaces, mais se
retrouve encore fréquemment désastreux par places, ainsi dans les
Pyrénées-Orientales, à File de Ré, etc. On a reconnu qu'il peut par-
faitement coexister sur les vignes avec le Phylloxéra, ce qui se com-
prend très bien, puisque le Phylloxéra s'altaque aux racines et FŒno-
phthire aux feuilles.
L'existence aérienne de la Pyrale de la vigne la rend accessible à
des influences destructives qui font défaut, malheureusement pour
nous, quand il s'agit des Phylloxéras souterrains, protégés par le sol
qui les recouvre. Les agents généraux sont de deux sortes ; 1° les
intempéries atmosphériques, les gelées, non pas à leur époque nor-
male, quand les insectes ont pris leurs quartiers d'hiver dans les
abris que leur instinct leur fait trouver, mais venant tardivement, au
printemps, alors que les insectes sont actifs et à découvert, et aussi en
été, les orages, soit par influence électrique, soit par les pluies torren-
tielles qui entraînent, noient et brisent les frêles créatures tombant
OENOPHTHIRA. 699
des feuilles; 2" les insectes carnassiers, soit qu'ils dévorent directe-
ment l'espèce phytophage, soit que, pondant leurs œufs sous sa peau
ou à la surface de celle-ci, ils introduisent insidieusement dans son
corps des larves qui rongent peu à peu tous ses tissus mous et amènent
une mort lente mais certaine. Voici les principaux insectes auxiliaires
reconnus par V. Audouin : divers Carabiques et Malachia œnea,
Chrysopa perla, auct., syn. ; vulgaris, Schneider, parmi les Hymé-
noptères, un Euménien Discœllus zonalis emportant dans son terrier
pour ses larves les chenilles de la Pyrale anesthésiées par un coup d'ai-
guillon, le Bethylus furmicarius hiani directement ces chenilles, que ses
larves rongent ensuite à l'extérieur, attachées à leur peau; puis de
nombreux Hyménoptères en tomophages internes, ainsi, dans les
Ichneumoniens Ichneiimon melane gonus, Pimpla inquisitor et alternans,
Campoplex majalis, Anomalon foveolatum, à abdomen comprimé et en
faucille, quelques Chalcidiens, comme Chalcis minuta, très petit
insecte brillant, à cuisses postérieures énormes, Pteromalus larvarum,
communis, cupreus, ovatiis, etc., un Eulophus, dans les Proctotrupiens
Ceraphron formicarius, Panzer. Parmi les Diptères, il faut citer Syrphus
/ij/a/mafws,Meigen, à larve érucivore et Tachina hortonim, Meigen,
mouche qui pond ses œufs sur la peau des chenilles de l'Œnophtliire,
les larves entrant ensuite dans leurs victimes pour en manger les
tissus.
Comme ces moyens de destruction naturelle , en dehors de l'action de
l'homme, peuvent être tout à fait insuffisants, on a cherché à fournir
aux vignerons des méthodes rationnelles défensives plus efficaces. La des_
truction de la Pyrale, à l'état de papillon, a été tentée par Roberjot, en
allumant, dans les vignes, de grands feux clairs et élevés auxquels les
papillons venaient se brûler. Plus tard, on employa des feux bas d'une
durée d'environ deux heures, des sortes de lampions formés d'un vase
plat, disposésur le sol, et dans lequel on met de l'huile et une mèche, de
sorte que de nombreux insectes sont brûlés ou asphyxiés dans l'huile.
Une diflicullé presque insurmontable, c'est qu'il faudrait que l'opération
pût être faite partout à la fois dans tous les vignobles du pays ; sans cela
on attire, des alentours, un nombre de papillons qui peut être plus con-
sidérable que celui qu'on détruit. En outre, ces feux, qu'il faut prolonger
une vingtaine de jours, exigent une dépense assez forte et ne sont effica-
cesque par les tempscalmes, les nuits sans pluie ou sans clair de lune. On
a eu de meilleurs résultats en suivant le conseil de Draparnaud et fai-
sant enlever les feuilles portant des plaques d'œufs. Cette cueillette, des
pontes doit s'exécuter, dans chaque vignoble, dès l'apparition des pre-
miers papillons. Chaque ouvrier, muni d'un tablier replié, ou même
cousu sur les côtés en forme de poche, doit, après avoir délié le cep,
chercher et arracher avec soin toutes les feuilles chargées de plaques
d'œufs; à mesure que les tabliers se remplissent, on réunit les feuilles
dans des sacs bien fermés. Puis, ces feuilles sont brûlées ou, mieux
700 LÉPIDOPTÈRES.
encore, enfouies dans des trous profonds de 70 centimtjtres à 1 mètre,
qu'on aura soin de recouvrir d'une certaine épaisseur de terre bien
tassée avec les pieds. La cueillette des pontes olfre cet avantage sur le
procédé précédent de destruction, qu'elle peut être partielle, et que le
propriétaire qui en fait la dépense peut préserver son vignoble lors même
que ses voisins n'agiraient pas comme lui; seulement cette opération
doit se répéter annuellement deux ou trois fois pour donner un bon
résultat, car les pontes des papillons sont successives. Le moyen, par
conséquent, devient coûteux.
Les procédés de destruction actuellement en usage sont Véchaudagc
ou ébouillantage et le clochaue. Le premier a, pourpoint de départ, l'hi-
vernation des petites chenilles dans des cocons sur les pieds des ceps et
sur les éclialas. Audouin avait eu l'idée de purger les échalas infestés
en les mettant dans un fouràune température de SOàlOO degrés, faisant
périr les chenilles. C'est à une pensée analogue qu'obéit, en 18Zi5, un viti-
culteur de la Bourgogne, Thomas Raclet, des environs de Romanèche.
Il fit construire de petites chaudières en fonte que deux hommes por-
taient dans ses vignes et dans lesquelles des femmes et des enfants
venaient prendre l'eau en ébuUition pour arroser les souches en hiver.
Comme de juste, les voisins commencèrent par rire et se moquer de
l'homme à la bouilloire et de ses promenades dans es vignes. Il n'en
fut plus de même l'année suivante quand ils virent son vignoble à peu
près indemne de Pyrales. Tout le monde imita cet excellent procédé de
l'ébouillantage, et on le pratique aujourd'hui partout dès que reparaît
l'Œnophlbire. On se sert aujourd'hui de chaudières en cuivre, avec
grille tubulaire n'exigeant que très peu de charbon, et tous les chau-
dronniers des régions viticoles savent les fabriquer bien solides et peu
coûteuses. Il faut que la chaudière soit assez voisine des vignes pour que
l'eau ne se refroisse pas trop, car il est nécessaire qu'elle soit versée sur
les ceps et échalas à une température au moins de 70 à 80 degrés centi-
grades. Quand le sifflet de la chaudière les avertit, les femmes employées
à ce travail remplissent au robinet une cafetière d'un litre d'eau chaude
qui est aussitôt remplacée, litre par litre, par de l'eau froide, afin que
l'ébuUition ne s'interrompe jamais. L'ébouillantage se fait à partir du
bas de la souche et en remontant en spirale, assez lentement pour que
la chaleur ait bien le temps de pénétrer dans toutes les fissures d'è-
corce. On a imaginé dans ces dernières annés, afin de réduire la main-
d'œuvre et le nombre des ouvrières, de supprimer les cafetières et de
porter directement l'eau bouillante sur les souches au moyen de tuyaux
en caoutchouc placés directement aux robinets de la chaudière, munis
chacun d'une petite lame en fer-blanc terminée par un bec recourbé.
En donnant de la pression dans la chaudière, on fait jaillir l'eau chaude
par chaque tuyau à 50 ou 60 centimètres. Un carré de vignes terminé,
les femmes, chargées des tuyaux, les portent ramassés dans la main, en
ayant soin de tenir la lance bien élevée au-dessus du niveau de l'eau
OENOPHTHIRA. 701
dans la chaudière. Quand elles commencent un nouveau carré, il est
bon de laisser écouler sur le sol un peu d'eau , celle qui est restée
dans le tuyau pendant la durée de la nouvelle installation de la chau-
dière ayant pu se refroidir. Dans cette méthode, l'eau se maintient à
une température très élevée, de 95 degrés à la sortie des tuyaux. La
force avec laquelle elle jaillit fait' pénétrer plus facilement la chaleur,
et permet d'atteindre aisément la partie horizontale des ceps, sur
laquelle, avec les cafetières, l'eau ne peut arriver qu'en glissant,
et très imparfaitement encore; en outre, on n'a besoin que d'un per-
sonnel ouvrier moins nombreux. Le moment le plus propice d'échauder
n'est pas dans les jours les plus froids de l'hiver, car les souches trop
refroidies enlèvent une partie de la chaleur de l'eau au détriment des
petiies chenilles; il faut opérer du commencement de février à la tin
de mars, et cesser lorsque les bourgeons commencent à s'épanouir. Par
un temps calme et beau, le résultat est complet; avec un vent froid et
violent, on se trouve dans de mauvaises conditions. Quand il a plu, il
est prudent d'attendre que les écorces soient suffisamment séchéespour
reprendre le travail. Il est bon de déchausser un peu le pied des ceps;
sans cette précaution, un grand nombre de chenilles qui s'y logent ne
seraient pas atteintes.
Une autre méthode de destruction, très employée notamment dans
l'Hérault, atteint par l'asphyxie la jeune Pyrale cachée sous les écorces,
en la mettant dans un milieu saturé de gaz irrespirable. On a choisi
l'acide sulfureux comme étant aisé et peu coûteux à produire. On
couvre la souche au moyen d'une cloche en métal, dans laquelle on
fait brûler du soufre, et, au bout de dix minutes, les CEnophthires sont
asphyxiées. Ce procédé a été appelé clochage, sulfurisation. Il a l'avan-
tage de n'exiger qu'un personnel ouvrier peu nombreux et à une
époque où les travaux agricoles n'ont pas une urgence quotidienne. Un
ouvrier peut aisément manœuvrer vingt cloches ; chaque cloche res-
tant dix minutes sur la souche, fait six souches à l'heure et quarante-
huit par journée de travail de huit heures. Les vingt cloches feront
par conséquent neuf cent soixante souches par jour, mettons neuf cents
seulement; si on fonctionne pendant trois mois, admettant vingt jours-
de travail par mois, soit soixante jours, une équipe de vingt cloches
et un seul ouvrier traiteront cinquante-quatre mille souches. Les cloches
doivent être en métal inoxydable, en forme de cône tronqué, et munies
de deux poignées pour en faciliter la manœuvre. Leur dimension doit
être en rapport avec le développement des souches du vignoble à trai-
ter; le prix de chaque cloche est de 10 à 12 francs. Le moins cher pour
produire l'acide sulfureux est d'employer du soufre en canon concassé.
L'ouvrier, après avoir rais ses vingt cloches en hgne, pose sur chacune
d'elles un petit vase en métal ou en poterie à bas prix, dans lequel il a
mis gros comme une noix de morceaux de soufre. On emploie généra-
lement de petites casseroles en tôle, du prix de 20 à 25 cent mes. Il les
702 LÉPIDOPTÈRES,
allume au fur et à mesure, et, lorsque la combustion se fait bien, il
constate l'heure à sa montre, puis, prenant le premier vase, il le pose
au pied de la première souche de la ligne et recouvre aussitôt le tout
avec la première cloche; il fait de môme pour la seconde, et ainsi de
suite, l.e changement ne dure pas plus de quatre minutes. Une fois la
vingtième cloche en place, l'ouvrier revient vers la première, et, dans
son trajet, si quelqu'une laisse passer le gaz, il ramène un peu de terre
avec le pied pour boucher la fuite. Arrivé à son point de départ, à la
première cloche par conséquent, il allume le soufre d'un vase ou d'une
casserole en sus des vingt qui servent à la manœuvre, et, dès que dix
minutes sont écoulées, il la dépose au pied de la première souche de
la seconde rangée et la couvre avec la première cloche. 11 ramasse la
casserole laissée à découvert et y ajoute 20 à 25 grammes de soufre,
la met au pied de la deu.vième souche de la seconde rangée, la recouvre
aussitôt, et ainsi de suite. Le changement de la vingtième cloche fait,
il lui reste une casserole qu'il alimente et qui lui servira pour la pre-
mière souche de la troisième rangée.
Ces opérations sont, comme on le voit, très simples; quelques pré-
cautions doivent cependant être prises. Quand on quitte le travail, soit
à l'heure des repas, soit à la fin de la journée, il faut bien se garder de
laisser les cloches sur les souches; il faut les enlever et les déposer
dans les intervalles. Le séjour trop prolongé des souches dans l'air mêlé
d'acide sulfureux leur est très nuisible, ce gaz devenant peu à peu,
par l'action de l'oxygène humide, acide sulfurique, qui corrode forte-
ment les bourgeons. On a constaté bien souvent des lignes entières de
vignes ne poussant pas : c'étaient celles qu'on se rappelait très bien
avoir laissé couvertes pendant la durée du repas. 11 faut aussi s'abstenir
de traiter immédiatement après les pluies; l'eau ayant la propriété
d'absorber une très grande quantité d'acide sulfureux, qui est assez
soluble, le traitement serait peu efficace. Il faut laisser la terre se res-
suyer à la surface, et, si elle est encore un peu humide, augmenter la
production d'acide sulfureux. Il faut cesser le traitement dès que la
vigne pleure, c'est-à-dire que la sève monte, avant même que le bour-
geon s'entr'ouvre; sans cela tous les bourgeons seraient infailliblement
brûlés. 11 est bon que la vigne soit déchaussée, ou bien qu'on y fasse
passer la gratteuse. La terre étant ameublie, les bords de la cloche y
pénètrent aisément, les fuites sont moins considérables, et, si l'ouvrier
a le soin, quand la cloche est posée, de lui donner un petit mouvement
circulaire, tout en appuyant dessus, l'obturation est aussi complète
que possible.
En dehors de ces deux procédés, il en est d'autres qui n'ont pas
encore fait leurs preuves expérimentales suffisantes et que nous n'indi-
querons qu'à titre d'essai et d'étude pour l'avenir. Le plus connu est un
instrument appelé pyrophore, inventé par M. Bourbon, constructeur à
Perpignan, notamment pour détruire les œufs d'hiver du Phylloxéra,
OENOPHTHIRA, COCHYLIS. 703
pondus sur les ceps. Comme son nom l'indique, cet instrument produit,
au moyen d'huik's minérales, une flamme très vive, que l'on promène
sur la souche pour brûler les écorces, ainsi que tous les insectes qui
s'y sont réfugiés. Cette idée est très séduisante; mais il faut savoir com-
ment régler la flamme pour ne pas endommager gravement l'écorco,
ni calciner les bourgeons. Les résultats acquis sont encore tellement
discutés qu'il est prarlent d'attendre avant de se prononcer définitive-
ment. Un autre instrument, dû encore à. un autre inventeur de Perpi-
gnan, M. Vallette, a fuit son apparition en 1881. Il est très ingénieux
aussi, mais attend également la sanction de l'expérience. On s'en sert
au mois de mai, quand les Pyrales sont sur les bourgeons. U est com-
posé de deux plateaux semi-circulaires, avec une échancrure au milieu,
de façon à embrasser le corps de la souche; ils sont entourés d'un petit
rebord de 5 centimètres, pour empêcher que les insectes qui y seront
tombés puissent s'échapper. Sur chacun d'eux est un petit réchaud,
destiné à brûler des matières donnant beaucoup de fumée. Ces réchauds
allumés et les plateaux posés au pied de la souche, on les couvre avec
une cloche en métal d'un diamètre un peu inférieur à celui des pla-
teaux. Après une demi-minute on l'enlève et on voit Pyrales et insectes
divers tomber dans le plateau. Cette opération pourrait être fort utile
dans le cas où les traitements des petites chenilles en hiver, échaudage
ou clochage, n'auraient pas réussi ou n'auraient pu être effectués II
sera bon d'étudier et d'expérimenter ce moyen. En résumé, nous avons
à notre disposition, pour combattre l'fEnophthire, deux moyens très
efficaces, l'échaudage et le clochage; exécutés dans des circonstances
favorables et avec un peu de soin, ils donnent des résultats certains. On
consultera, pour tous les procédés à employer contre le Lépidoptère
ennemi des vignes, un mémoire lu au Comice agricole de Béziers, par
M. L. Jaussan, son vice-président, dans la séance du 5 février 1882
{voy. Bulletin d'Insectologie agricole, année 188'2, p. -19,97, 113, 129).
Le genre Cochijlia, ïreitschke nous présente d'autres ennemis de
vignobles. Les antennes sont simples dans les deux sexes, les palpes
touffus et sans articles distincts, la spiritrompe à peine visible ou nulle,
les ailes antérieures étroiles, allongées, terminées obliquement, avec
la côte presque droite, le corps long et mince. La plupart des papillons
de ce genre ont pour physionomie commune d'avoir un aspect plus ou
moins luisant et comme nacré, et leurs ailes antérieures traversées obli-
quement par une ou deux bandes brunes. L'espèce la plus importante
de ce genre est le C. ambiguella, Hûhner, syn. : Roserana, Frolich, vul-
gairement la Teigne de la grappe, espèce qui fait parfois, dans certains
•cantons viticoles de la France, des ravages comparables à ceux de
l'Œnophthire ou Pyrale de la vigne. Il est très probable que la chenille
est assez polyphage, ou du moins ne vit pas exclusivement sur la vigne,
car Duponchel dit avoir souvent trouvé son papillon autour de Paris en
avril et en mai, dans des localités très éloignées des vignobles, notam-
70/l LÊPIDOPTÈIIES.
ment dans les prairies de Gentilly, où il était très commun; l'espèce est
indiquée sous le nom de thi' Ainbiguous T. dans le catalogue des Lépi-
doptères indigènes, et la vigne n'est nullement d'une culture libre fré-
quente aux lies Britanniques. Le papillon a une envergure de ik à 15
millimètres seulement, les ailes antérieures d'un jaune pâle, avec une
bande transversale brune, se rétrécissant un peu du bord externe au
bord interne, une ligne argentée de chaque côté de la ligne brune,
quelques marbrures plus pTiles, et en outre, des espaces ferrugineux;
les ailes postérieures sont d'un gris-perle uni, avec la frange plus claire.
Cette espèce nuisible ne s'attaque pas aux feuilles de la vigne, mais
seulement aux fleurs et aux grappes. La femelle dépose ses œufs, tantôt
sur les bourgeons naissants, tantôt sur les jeunes grappes, tantôt sur la
peau même du grain de raisin; ils sont très petits, ovalaires, d'un gris
terne, et disposés en petites plaques analogues, quant à la forme, à
celles de l'Œnoplithire. La chenille, qui porte les noms de Ver rouge, Ver
coquin, Ver de la vendange, longue d'environ 8 millimètres, ressemble
un peu à celle de la Pyrale de la vigne par sa forme générale; mais
elle est plus épaisse et plus grosse eu égard à sa longueur. Sa tête est
d'un brun rougeâtre foncé, avec le premier segment du corps d'une
teinte plus intense. Le reste du corps est grisâtre, devenant d'un rose
violacé tendre, quand il a acquis son développement complet. La chrysa-
lide, d'une brun uniforme, ressemble beaucoup à celle de Pilleriana
sous ce rapport, ainsi que par les rangées d'épines qui garnissent son
abdomen ; mais elle en diffère, par sa forme générale, par l'absence de
poils sur l'abdomen entre les épines, et surtout par la forme du dernier
segment et des poils qui le terminent.
Tandis que l'Œnophthire n'a qu'une génération par an, la Cochylis
en proiuit deux, comme toutes les espèces de son genre, et passe
l'hiver à l'état de chrysalide et non de chenille. On voit apparaître ses
petits papillons dès le mois d'avril, ne volant guère qu'au crépuscule et
à l'aurore. Ils s'accouplent peu après; les petites chenilles sortent ordi-
nairement des œufs dans le courant de mai, au commencement de
la floraison delà vigne, et se mettent tout de suite à ronger les grap-
pes naissantes. Elles tendent des fils de soie, au moyen desquels elles
réunissent entre elles les fleurs de la vigne et les petits grains de raisin.
Cachées sous cet abri, elles attaquent les fleurs par le -calice et en dé-
truisent bientôt complètement un grand nombre; à cette époque, trois
chenilles suffisent pour dévorer entièrement une grappe moyenne. A la
fin de juin ou au commencement de juillet, la chenille, après s'être
réfugiée entre les petits grains flétris ou desséchés qu'elle a réunis par
des fils, se construit une coque soyeuse dans laquelle elle se transforme
en chrysalide. Elle demeure sous cet état douze ou quinze jours, et,
dans la seconde quinzaine de juillet, on retrouve de nouveau, sur les
vignes, de petits papillons qui pondent presque aussitôt leurs œufs; de
ceux-ci, placés ordinairement sur les grains mômes du raisin, sort.
TORTRICIENS, COCHYLIS. 705
peu de jours après, une nouvelle génération de chenilles non moins
voraces que celles qui les précédaient. Les grains, qui ont déjà acquis
à cette époque une certaine grosseur, sont, tout aussitôt, perforés par
les jeunes chenilles qui, passant la tète et même parfois une grande
partie de leur corps par le trou qu'elles ont pratiqué, dévorent toute
lapulpe charnue et acidulé de la baie, et môme jusqu'aux pépins. Chaque
chenille de cette seconde génération consomme quatre à cinq grains
de raisin entiers pendant la durée de sa vie, mais en détruit réellement
un nombre bien plus considérable. En effet, elle entame souvent plu-
sieurs grains qu"elle laisse à moitié rongés; ceux-ci se moisissant promp-
tement, surtout si la saison est pluvieuse, amènent bientôt, de proche
en proche, la destruction complète de la grappe par suite de pourri-
ture. La seconde génération des Cochylis est donc à peu près aussi nui-
sible que la première, à moins, toutefois, d'année hâtive où l'on puisse
vendanger de très bonne heure, ou d'année très sèche s'opposant à la
pourriture. Habituellement, les chenilles atteignent tout leur dévelop-
pement vers la fin de septembre ou le commencement d'octobre. Elles
quittent alors les grappes et cherchent un refuge où elles se changeront
en chrysalide dans les fissures des écorces des ceps de la vigae; sous les
anfractuosités des échalas, ou à leur surface même. Dans les années
hâtives, la maturité du raisin arrivant avant que les chenilles aient
abandonné les grappes, elles sont transportées avec celles-ci jusqu'au
pressoir, où elles trouvent la mort; en cas d'abondance des Cochylis,
on peut recommander aux vignerons de commencer les vendanges
avant la maturité complète du raisin, de manière à détruire ainsi un
grand nombre de leurs ennemis.
Les ravages de C. amhiguella, sans être aussi étendus en France que
ceux de la Pyrale de la vigne, sont parfois assez graves pour anéantir
du quart au tiers de la récolte. On les signale, en Suisse, dès l'année
1715/et i\ plusieurs reprises. En 1799, Pallas les fit connaître pour les
vignes de la Crimée. Les vignobles des environs de Stuttgard, dans le
Wurtemberg, étaient dévastés depuis longtemps, lorsque, en 1829,
année particulièrement désastreuse, M. de Roser publia un rapport cir-
constancié sur les dégâts occasionnés en ce point par la Cochylis, et ce
travail remarquable fit donner son nom à l'espèce par beaucoup d'ento-
mologistes. En France, l'abbé Rozier est le premier qui parla de ce
papillon, qu'il signala dans les provinces de Bourgogne, de Champagne,
du Dauphiné, du Lyonnais, du Beaujolais, etc.
Depuis celte époque, la Cochylis s'est constamment montrée, de 1816
à 1835, dans une grande partie des locaUtés citées d'après l'abbé Rozier;
on l'a aussi observée dans d'autres provinces, ainsi dans le Maçonnais,
aux environs de Paris, surtout à Argenteuil, etc. V. Audouin l'a étudiée
. avec soin dans ses missions relatives à la Pyrale, en 1837 et 1838, et a
consigné ses observations dans son Histoire des insectes nuisibles à la
vigne. Le C. ambiguella ne s'attaque pas seulement aux vignobles, mais
GIRARD. UI. — llb
706 LÉPIDOPTÈRES.
aussi aux vignes de treilles. J'ai constaté sa présence, il y a peu d'années,
sur des vignes exotiques élevées en pots dans les serres de l'École
d'horticulture de Versailles.
Cet insecte paraît encore être plus difficile à anéantir qu'Œnophtira
Pilleriunn. Le séjour de la chenille dans les bourgeons floraux ou dans
la grappe môme ne permet pas de penser à un échenillage, déjà fort
difficile pour la Pyrale de la vigne. Les feux crépusculaires, très peu
efficaces d'ailleurs, entraîneraient de trop grands frais pour un petit
papillon qui a deux générations par an. Enfin, les divers endroits où le
Cochylis ambiguella dépose ses œufs, tantôt au printemps, sur le bour-
geon, tantôt à la fin de l'été, sur le grain de raisin, et la petitesse
extrême de ses œufs, ne permettent pas d'avoir recours à la cueillette
des pontes. Quand il s'agit de beaux raisins de treille ou de raisins de
serre, on peut, en septembre, écraser avec des pinces les chenilles de
seconde génération qui sont dans les grappes. Le meilleur moyen de
conservation des vignobles me semble être la destruction des chrysa-
lides en hiver par l'ébouillantage des ceps et des échalas, avec asper-
sion de vapeur chaude sur le sol, ou le raclage des écorces suivi de la
combustion des débris; mais il y a toujours des chrysalides qui échap-
peront à la mort, surtout celles qui se trouveront sur d'autres supports.
Dans le genre Ghjphiptera, Duponchel (aile sculptée), le corps est
mince, la spiritrompe nulle ou invisible, les palpes épais, leur second
article très garni d'écaillés ou très velu et en forme de massue, les
ailes supérieures terminées carrément, et dont la surface est plus ou
moins rugueuse ou hérissée de plusieurs fascicules d'écaillés relevées.
Nous citerons G. cerusana, Duponchel, la Pyi-ale blanche, peut-être
variété de G. niveana, Frdlich, ou de G. Boscana, Fabr., the Boscan T.,
se trouvant aux environs de Paris, ayant le dessus des ailes supérieures
d'un blanc de céruse ou de craie, légèrement jaunâtre et marqué de
ti-ois taches grises, la frange non précédée d'une ligne de points noirs.
Les chenilles se trouvent en mai dans les bouquets de fleurs des ceri-
siers, des pommiers et des poiriers, donnant les adultes en juin et
juillet; il y a une seconde génération en septembre, et alors les che-
nilles se tiennent entre les feuilles et leurs chrysalides hivernent. Par-
fois cette espèce attaque les ormes d'avenue. Le genre feras, Treitschke,
a le corps mince, la spiritrompe courte, mais visible, les palpes larges,
en forme de losange, sans articles distincts et très garnis d'écaillés, les
ailes supérieures recourbées au sommet en crochet plus ou moins aigu
et avec la côte échancrée quelquefois dans son milieu. Une espèce nui-
sible aux vergers est \QT.contaminana, UùhneT^theChequered Pebble T.,
ayant la tête, les antennes et le corselet d'un jaune clair, ainsi que les
pattes, l'abdomen gris avec son extrémité jaune, les ailes supérieures,
à côte entière, d'un jaune clair en dessus, fortement réticulé de ferru^
gineux, avec une grande tache brune au milieu, qui se divise en deux
avant d'arriver à la côte, le dessous des mêmes ailes pareil, mais beau-
TORTRICIENS, GRAPHOLITH. 707
coup plus pâle, les ailes inférieures d'un blanc jaunâtre faiblement
réticulées de gris sur leurs deux surfaces; cette description s'applique
aux deux sexes. Les chenilles se trouvent sur le prunier, l'abricotier, le
pommier et surtout sur le poirier; les feuilles sont liées et pliées avec
des fils de soie, et les chenilles s'accroissent et se métamorphosent dans
cette retraite. Les adultes paraissent en juin et juillet. Les chenilles
sont d'un vert obscur, avec la tête, le dessus du prothorax et les
pattes écaillcuses d'un brun roux ; le corps est couvert de très petits
points noirs, surmontés chacun d'un poil court, le dessous du ventre
est d'un vert pAle.
Le genre Grapholitha, Treitscke, est formé d'un très grand nombre
d'espèces des Tortrix et Tinea, de Linnseus, des Pyralis, de Fabricius.
Les antennes sont simples dans les deux sexes, la spiritrompe nulle, les
palpes très velus, sécuriformes, sans articles distincts; le corps mince,
les ailes supérieures étroites, avec le sommet quelquefois un peu courbé
en crochet, la côte presque droite, marquées à l'extrémité inférieure,
dans la plupart des espèces, d'un écusson offrant plusieurs raies longi-
tudinales métalliques. Les chenilles, de couleurs livides, vivent de
feuilles, de bourgeons et de graines, et se transforment dans un tissu
ferme, revêtu de terre. Nous citerons une espèce, G. Weberiana, Hùb-
ner, la Wœber, Devillers, the Wœberian T., commune dans les pépi-
nières et partout où on cultive les arbres à noyaux, souvent très nui-
sible aux cerisiers et aux pruniers. Le papillon, richement coloré, a les
ailes supérieures d'un roux ferrugineux doré, réticulées de brun, tra-
versées au milieu par deux raies métalliques bleuâtres sinuées, offrant
à l'angle interne une tache ronde, marquée dans son centre de quatre
petits traits noirs parallèles et entourée de deux circonférences de
cercle, dont l'interne est noire et l'externe d'une couleur métallique
bleuâtre, la côte est brune et marquée de cinq à six points blancs; le
dessus des ailes inférieures est d'un brun noirâtre, ainsi que le dessous
des quatre ailes, avec la frange grise. La tête et le thorax sont bruns,
avec le collier et les ptérygodes bordés de fauve, l'abdomen est d'un
brun noirâtre. La chenille ne vit ni sur les feuilles, ni dans les fruitSj
mais se tient entre l'aubier et l'écorce des cerisiers, pruniers, pêchers,
abricotiers, amandiers, creusant des galeries cylindriques d'où s'échappe
une poussière qui trahit sa présence, déterminant le plus souvent, dans
le voisinage de son habitation, une sécrétion gommeuse qui fatigue et
épuise les arbres, et des excroissances qui entraînent la mort de l'écorce ;
il faut écorcer et goudronner celle-ci. Au commencement de sep-
tembre, la chenille a atteint toute sa croissance; elle est alors d'un
vert jaunâtre pâle, avec la tête, les pattes écailleuses et l'écusson du
premier anneau d'un brun ferrugineux ; le corps est parsemé de quel-
ques poils courts implantés sur des petits mamelons peu sensibles. Elle
se change en chrysalide sous l'écorce où elle a vécu, chrysalide pas-
sant l'hiver et donnant le papillon en juin et juillet de l'année sui-
708 LÉPIDOPTÈKES.
vante, el déposant probablement ses œufs entre les fentes de l'écorce.
Une autre espèce nuisible du même genre, mais de mœurs très diffé-
rentes, est la Pyrale des pois ou G. pisana, Guenée. La petite chenille
vit en juillet et août, dans l'intérieur des petits pois et les rend véreux.
Quand elle est à toute sa taille, elle est blanchâtre, avec la tête rousse
et le corps parsemé de quelques poils courts. Quand elle a fini de
dévorer les pois tendres contenus dans une gousse, elle en sort par un
petit trou circulaire et s'introduit dans une autre où elle fait le même
ravat^e. A la fin d'août, quand sa croissance est terminée, elle descend
et file dans la terre une petite coque de soie, dans laquelle elle passe
l'automne et l'hiver, pour se transformer en chrysalide au printemps
ef en papillon dans le courant de juin. Cette éclosion assez tardive
explique parfaitement pourquoi les petits pois, qui arrivent en mai et
juin sur les marchés, ne sont jamais véreux, tandis que ceux de l'ar-
rière-saison le sont si fréquemment. Le papillon est d'un gris-de-souris
satiné. Ses ailes supérieures ont, le long de la côte, quelques petites
taches, et leur angle interne est marqué d'un anneau ovale argenté
renfermant cinq traits noirs. Il ne faut pas confondre les pois véreux
d'arrière-saison dont nous v£nons de parler avec ceux qui sont rongés,
après la récolte, par la Bruche du pois, Coléoptère Curculionien, qui
subit toutes ses métamorphoses dans la graine et n'en sort qu'au prin-
temps, à l'état d'insecte parfait, par un petit trou parfaitement circu-
laire. On fera bien de brûler les gousses de pois attaquées, et d'ébouil-
lanter en hiver le sol où sont les chrysalides, si l'on veut ressemer des
pois à la même place.
Le genre Penthina, Treitschke, est encore un démembrement des
Tortrix. Le corps est assez épais, la spiritrompe courte mais visible, le
second article des palpes très velu et triangulaire, le troisième très
court et en forme de bouton, les ailes supérieures peu larges, avec la
côte légèrement arquée dans toute sa longueur. On trouve principale-
ment les papillons des Penthina sur les buissons et les haies d'aubépine
et de prunellier. Les chenilles vivent entre des feuilles qu'elles retien-
nent ensemble par des fils de soie et y subissent leurs métamorphoses.
Une espèce importante se rencontre dans le groupe dont les ailes supé-
rieures ont la moitié ou les deux tiers de leur longueur à partir de la
base d'un noir-brun ; c'est le P. pruniara, Hûbner, la Teigne bédaude à
tête brune de Geoffroy, the Lesser Long-doak T. des Anglais, espèce très
commune, véritable fléau des pruniers. Dans les deux sexes, la tête et
le corselet sont d'un brun-noir en dessus et gris en dessous, ainsi que
les pattes, l'abdomen participant de la couleur des ailes inférieures.
Les ailes supérieures en dessus ont les deux tiers de leur surface à
partir de la base d'un brun noirâtre, l'extrémité de la même couleur,
la partie intermédiaire blanche; le bord extérieur de la partie brune
est arqué et son intérieur est strié de noir et de bleuâtre, sans aucune
tache blanche. La partie blanche est marquée, vers le sommet, d'une
TORTRICIENS, PENTHiNA. 709
tache grise de forme ronde, souvent accompagnée de petits atomes gris
ou noirAtres. La côte est ponctuée de noir et la frange presque entière-
ment de cette couleur. Le dessous des mômes ailes est d'un gris noirâtre
luisant, avec la côte blanchâtre etponctuée de gris ; les ailes inférieures
sont entièrement d'un gris foncé sur leurs deux faces, avec la frange
plus claire. La chenille est d'un vert sale dans son jeune âge; mais ce
vert devient grisâtre et quelquefois noirâtre à mesure qu'elle grandit,
la ligne vasculaire formant une raie d'un vert plus foncé. Les petites
verrues dont son corps est chargé sont d'un noir luisant et surmontées
chacune d'un poil d'un brun clair. La tête, l'écusson du prothorax et le
chaperon de l'anus sont également d'un noir luisant, ainsi que les
pattes écailleuses; enfin le ventre et les pattes membraneuses sont d'un
vert sale. Les chenilles se trouvent en avril et en mai sur les cerisiers
et les pruniers, d'abord dans les bouquets de fleurs en corymbes, puis
entre les feuilles liées en paquet et tapissées de soie, où elles se chan-
gent en chrysalide, celle-ci d'un brun noirâtre, épaisse dans sa partie
antérieure, avec les anneaux du ventre hérissés de pointes fines. Les
adultes paraissent en juin et juillet et donnent une seconde génération
de chenilles en août, se tenant entre les feuilles liées, produisant des
chrysalides en terre, ou entre les mousses ou les herbes. Ces chrysalides
hivernent et leurs adultes cclosent au printemps, lors des bourgeons à
fruits sur lesquels ils pondent. 11 faut couper les paquets de feuilles
liées, au moyen d'un sécateur emmanché au bout d'une perche, et les
brûler. Une seconde espèce, très voisine dans son papillon et dans sa
chenille, est le P. variegana, Hûbner, espèce à laquelle le nom de
Geoffroy s'applique aussi bien qu'à la précédente. Elle est également
très commune près de Paris, se trouve avec elle sur les buissons de
prunellier, sur tous les arbres fruitiers, ainsi que sur le chêne.
Dans les genres très voisins des Penthina, nous trouvons plusieurs
espèces de Tortriciens qu'on voit voler dans les jardins et qui sont spé-
cialement nuisibles aux rosiers qu'on y cultive. L'une, du genre Gra-
pholitha, est le G.cynosbatella, Linn., syn. : ocellana, Duponchel, syn. :
tripunctana, Fabr., the Rose Long Cloak T. des auteurs anglais, peut-être
la Teigne du rosier de Devillers. Cette espèce se distingue de ses congé-
nères par des palpes d'un jaune fauve, portés par une tête noirâtre ainsi
que le thorax, l'abdomen étant gris et les pattes blanchâtres. Les ailes
supérieures en dessus ont la moitié de leur surface à partir de la base
d'un brun noirâtre, l'extrémité de la même couleur, la partie intermé-
diaire blanche. Sur cette partie blanche, on remarque trois taches d'un
gris bleuâtre et une série de trois petits points placés sur une ligne
transverse, près de l'angle anal; les ailes inférieures sont en dessus d'un
gris cendré, y compris la frange. Le dessous des quatre ailes est d'un
gris luisant, avec deux points jaunâtres à la côte des supérieures. Cette
description se rapporte aux deux sexes. La chenille est d'un jaune brun
sale, avec des lignes longitudinales noirAtres sur le dos et sur les flancs
710 LÉPIDOPTÈRES.
et des lignes transversales de la môme couleur sur la séparation des
segments. Une tache d'un brun foncé, en forme de selle, se remarque
entre le septième et le huitième anneau. Enfin, la tâte, l'écusson du
prothorax et les pattes écailleuses sont d'un brun noirâtre. Cette che-
nille n'attaque que les boutons de rose, dans l'intérieur desquels elle
se cache et se nourrit. Au commencement de juin, elle se change en
une chrysalide d'un vert noirâtre à sa région antérieure et d'un jaune
sale dans sa partie postérieure, avec les articulations noires. Le plus
ordinairement, la nymphose a lieu dans le bouton même, qui cesse de
s'accroître, jaunit et se fane, ainsi que la pédoncule ; mais lorsqu'il vient
à se détacher, la petite chenille se métamorphose à terre, en réunissant
quelques débris de plantes avec des fils de soie. Le papillon éclôt à la
fin de juin; il est très commun dans les jardins. On le voit voltiger le
soir autour des rosiers, en compagnie de quelques autres Tortriciens
nuisibles à ces végétaux. Lorsqu'un jardinier voit les boutons de ses
rosiers jaunir, il doit, vers la fin de mai et même encore dans les pre-
miers jours de juin, les enlever et les brûler pour diminuer la propaga-
tion de cette espèce.
Dans le genre des Aspidia, Duponchel, le corps est mince, la spiri-
trompe nulle, le second article des palpes très large, très velu et spatuli-
forme, le troisième très court et à peine visible, les ailes supérieures très
larges et à côte très arquée dans toute sa longueur. Les chenilles vivent
en société dans des feuilles réunies en paquet et se métamorphosent
dans un tissu commun recouvert de mousse et de feuilles sèches. Une
espèce attaque surtout les églantiers [Rasa canina) et aussi les rosiers;
c'est VA., cynosbana, Frôlich, the Brown-cloaked T., ayant la tête, le tho-
rax et les antennes d'un gris brun, l'abdomen et les pattes d'un gris
paie; les ailes supérieures sont en dessus d'un blanc nuage de gris
bleuâtre ou plombé, avec trois taches brunes, une à la base, une près
du bord inférieur au milieu et une au sommet. La première est sur-
chargée de points d'un brun plus foncé, la seconde est marquée très
distinctement de trois ou quatre points ou petites lignes noires, entou-
rées de blanc ; la troisième est coupée par une ligne blanche ondulée.
Enfin, la côte, qui est d'un gris bleuâtre, est entrecoupée dans toute sa
longueur de lignes blanches ou de points noirs; les ailes inférieures
sont d'un gris pâle luisant sur leurs deux faces. La chenille, dans tout
son développement, est courte et ramassée, d'un brun terreux, avec la
ligne vasculaire parfois d'un brun plus foncé, la tête d'un jaune fauve,
les pattes écailleuses noirâtres, le chaperon de l'anus et l'écusson pro-
thoracique d'un noir brillant, ce dernier coupé en deux par une ligne
blanche. Les pattes membraneuses et le ventre sont d'un brun un peu
plus clair que le dos. La peau paraît plissée, et les petites verrues
placées dans l'ordre ordinaire, et surmontées chacune d'un poil brun,
ne sont guère visibles qu'à la loupe. Depuis le commencement de mai
jusqu'aux premiers jours de juin, on trouve cette chenille dans les
TORTRICIENS, ASPIDIA, TORTRIX. 711
feuilles réunies en paquet des églantiers dans les bois et parfois des
rosiers dans les jardins; fort nuisible dans certaines localités. Elle s'en-
veloppe d'un tissu blanc revêtu de feuilles sèches ou de mousse et s'y
change en une chrysalide brune, avec l'abdomen un peu plus clair et
plusieurs petits crochets à l'anus. Le papillon paraît du milieu de juin
au milieu de juillet.
Pour terminer ce qui a rapport aux Tordeuses ennemies des rosiers
dans les jardins, nous signalerons un Tortrix rosana, Hûbner, que
Boisduval dit être resté inconnu à Duponchel. Cette Pyrale des roses est
commune dans la Brie, où abondent les plantations des rosiéristes. Le
papillon varie beaucoup pour la taille : ses ailes supérieures sont un
peu tronquées au sommet, d'un brun grisâtre plus ou moins pâle, tra-
versées transversalement par de petites lignes ou raies parallèles,
courbes, sinuées très légèrement et d'un brun obscur; les ailes infé-
rieures sont d'un jaune d'ocre pûle, avec le bord abdominal largement
noirâtre. Boisduval dit avoir vu très fréquemment ce papillon à. la fin
de juin dans les jardins plantés de rosiers de Suines et de Combs-la-
Ville. Il faut encore compter dans les espèces très nuisibles aux rosiers
les Tortrix Bergmanniana, Linn., et Forskaelana, Linn. Les chenilles se
tiennent à l'extrémité des jeunes pousses, entre les feuilles qu'elles rou-
lent et lient par des fils de soie, augmentant la dimension des paquets
à mesure que la végétation se développe, rongeant les feuilles tendres
et les boulons qui commencent à se former; souvent elles ne mangent
qu'une partie du bouton dont elles laissent le pédoncule intact ; dans ce
cas, on n'a que la moitié ou le tiers d'une rose.
Lors de la nymphose, à la fin de mai, elles tapissent de soie l'intérieur
de leur retraite et se changent en chrysalides brunes, munies sur le
bord de chaque anneau de deux rangées de petites épines qui leur
servent à s'avancer sur les bords des paquets des feuilles, quand le
moment de l'éclosion approche ; on voit souvent sur les rosiers des
chrysalides vides à moitié sorties ou presque pendantes entre deux
feuilles. Il faut détruire ces chenilles, soit en coupant les feuilles liées
et les brûlant, ou seulement en entr'ouvrant au soleil les feuilles
réunies, soit enfin en les pressant entre les doigts pour écraser les
chenilles dans leur domicile. Les papillons éclosent à la fin de juin ou
dans les premiers jours de juillet et voltigent le soir, après le coucher
du soleil, dans les jardins de toute l'Europe. Ils pondent leurs œufs
isolément à la base des rameaux et ceux-ci passent généralement
l'hiver ; mais dans les années chaudes, il y a une seconde génération
donnant ses papillons en septembre. Ces deux espèces, probablement
par importation d'Europe avec nos rosiers, habitent aussi l'Amérique
septentrionale. Elles vivent sur presque tous les rosiers cultivés en
France, mais attaquent rarement les Bengales, les Thés et les Banks.
Un groupe de Tortriciens qui compte une vingtaine d'espèces en
Europe s'attaque spécialement aux Conifères, causant de grands ravages
712 LÉPIDOPTÈRES.
en Allemagne et dans le nord de l'Europe, à cause des exsudations de
résine provoquées par les chenilles. Deux espèces de Pyrales des pins
sont assez dangereuses en France et appartiennent au genre Coccyx,
Treitschke, syn. : Betinia, Guenée (en partie). Les papillons de ce genre
Coccyx ont le corps assez fort, le second article des palpes large, velu
et triangulaire, le troisième très petit et à peine visible, la spiritrompe
nulle, les ailes supérieures plus étroites que larges, terminées carré-
ment et dont la côte est à peine arquée dans toute sa longueur. Les
chenilles vivent dans l'intérieur des bourgeons des arbres résineux,
principalement des pins, et s'y métamorphosent ; la chrysalide est
contenue dans un tissu blanc et serré. Une espèce qui intéresse les
forestiers elles jardiniers paysagistes pour les parcs est le C. turionella,
Linn., syn. : turionana, Hûbner, la Teigne des bourgeons de Pin, Devil-
1ers, tke Pale Orange-Spot T., envergure 18 à 20 millimètres. Dans les
deux sexes, le dessus des ailes antérieures est d'un roux ferrugineux
très clair ou un peu violâtre, traversé par uue multitude de stries très
fines d'un blanc bleuAtre, sinuées et presque toujours géminées; leur
dessous est d'un gris noirâtre luisant ; les ailes postérieures sont entiè-
rement grises en dessus comme en dessous, avec la frange plus pâle.
La tête et le thorax sont de la couleur des ailes supérieures, l'abdomen
participant de celle des ailes inférieures, ainsi que les pattes. Ce papil-
lon se tient en juillet et août sur l'écorce du pin silvestre, dont la
couleur se confond tellement avec la sienne qu'on ne l'aperçoit pas. On
le prend parfois dans la forêt de Fontainebleau.
La chenille est d'un rouge brun terreux^ avec les jointures des anneaux
plus foncées et la tête d'un brun luisant couleur de poix, ainsi que l'écus-
son du prothorax elles pattes écailleuses. Le corps est couvert de petits
points verruqueux noirs, donnant naissance chacun à un petit poil raide.
Cette chenille se tient dans les longs bourgeons terminaux qu'elle creuse
pour s'en nourrir, les rongeant si profondément qu'il n'en reste que les
écailles. Elle se forme ainsi une espèce de grotte où elle passe l'hiver,
se changeant en avril et en mai en une chrysalide d'un rouge brun,
qui éclôt en juillet et en août. L'aiguille étant détruite, l'arbre, au
lieu de filer, se ramifie, et, l'année d'aprô?, la plupart dos bourgeons
latéraux développés à la suite de ce ravage subissent le même sort. La
chenille de C. turionana et celle de C. buoliana sont les grands fléaux
des pineraies en Allemagne et combinent souvent leurs dévastations,
de sorte qu'on ne voit souvent pas un pin qui soit droit et atteigne sa
hauteur naturelle. L'introduction du pin silvestre dans les forêts de la
France et dans les parcs nous a, dans les vingt dernières années, grati-
fiés de la seconde et redoutable espèce, qui est le C. buoliana, cat. de
Vienne, the Silver striped Orange Spot T. des entomologistes anglais.
Le papillon se confond par sa couleur avec celle de l'écorce des pins;
il a les ailes supérieures d'un jaune rouge, avec des bandes ou raies
Iransverses sinuées, d'un blanc argentin, dont une se bifurque près de
TORTRICIENS, COCCYX. 713
la côte comme un Y, et dont une autre, qui la précède, forme dans son
milieu une sorte d'O, Les ailes inférieures sont d'un gris noirâtre assez
foncé. La chenille ressemble beaucoup à la précédente. Toute jeune,
elle est d'un brun foncé; plus tard, elle devient d'un brun plus clair,
avec la tôte, l'écusson prothoracique et les pattes écaillouses d'un noir
luisant; son corps est couvert de petits points verruqueux, surmontés
chacun d'un petit poil raide. Elle vit, comme la précédente, dans les
bourgeons de l'extrémité du pin silvestre, et aussi, en Autriche, dans
le maître-bourgeon des jeunes pins noirs (Pinus nigricans). Elle creuse
les bourgeons de la même façon que la chenille de C. tiirionana, et
détermine à l'endroit où elle s'est introduite une sorte de bosse formée
par une sécrétion résineuse. Elle reste cachée sous ce tubercule de
térébenthine jusqu'au mois de mai, où elle se met en chrysalide, et
celle-ci donne son papillon en juillet.
On trouve encore, plus ou moins fréquemment, sur les arbres résineux,
dans toutes les contrées de l'Europe, le C.resinella, Linu.,syn. : resinana,
Hiibner, la Teigne de la résine, Devillers. Le papillon paraît à la fin de mai
ou en juin ; dans les deux sexes, les ailes supérieures sont en dessus d'un
noir ferrugineux et traversées par plusieurs bandes étroites argentées et
sinueuses, lesquelles forment autant de points également argentés le long
de la côte; ces bandes sont au nombre de six et rapprochées deux par
deux. Les ailes inférieures sont, en dessus, de la couleur des premières,
mais un peu moins foncée, avec la frange grise. La femelle dépose ses œufs
sur les jeunes pousses des arbres résineux, alors qu'elles ont environ la
longueur du doigt. Au bout de huit jours, la chenille éclôt et pénétre
dans les pousses jusqu'à la moelle et trouve sa nourriture dans la sève
résineuse qui en sort ; elle entretient l'écoulement par l'ouverture
qu'elle a pratiquée, de sorte que la tumeur de résine grossit de plus en
plus, en durcissant à l'extérieur. Cette tumeur arrête l'accroissement
de la branche où elle existe. Le fond de la couleur de la chenille est
d'un jaune d'ocre vif, avec la tête et le cou d'un rouge brun ; elle pos-
sède la faculté de marcher à volonté en avant ou en arrière. Cette
chenille ne peut supporter le grand air et se dessèche si on la tire de
la tumeur de résine. En cas de danger, elle descend le long d'un fil,
qui lui sert également à remonler, lorsqu'elle croit n'avoir plus rien à
craindre. En octobre et avant l'hiver, elle atteint toute sa taille et
s'enveloppe alors d'un tissu blanc, serré, dans lequel sa métamorphose
en chrysalide n'a lieu qu'au printemps suivant. Celle-ci, d'abord jau-
nâtre, passe successivement du brun au noir, à l'exception de l'abdo-
men, qui reste brunâtre. D'après Rœsel, dans certaines contrées de
l'Allemagne, on coupe ces tumeurs de résine en juin et en juillet, et
on les emploie à faire du noir de fumée.
Le dernier genre des ïortriciens dont il nous reste à parler, en raison
d'espèces très nuisibles qu'il renferme, est celui des Ca?'poca/)sa,Treit-
schke. Le corps des papillons est mince, la spiritrompe courte, mais
7U LÉPIDOPTÈRES.
visible, le second article des palpes courbe, long et peu velu, le troisième
article court, cylindrique et nu, les ailes antérieures plutôt étroites que
larges, terminées carrément, à côte presque droite, à extrémité infé-
rieure présentant un écusson ordinairement circonscrit par une bordure
métallique et marqué au centre de plusieurs lignes ou points noirs. Les
chenilles, qui ressemblent à celles des Tortrix, vivent dans l'intérieur
des fruits à pépins, des drupes ou des akènes, sortent de ces fruits
quand elles ont atteint tout leur développement, et se changent en
chrysalides soit sur le^ sol, soit entre les écorces. L'espèce la plus
anciennement connue est le C. pomonella, Linn., syn. : pomonana^ cat.
de V., la Fruitière, Devillers, la Pyrale des pommes {Encycl. méth.); the
Codling T. des Anglais, dont on trouve assez souvent le papillon dans
les fruitiers à pommes et à poires, mais qui est bien plus connue dans
les vergers et les jardins où sa chenille ronge les fruits à pépins et est
fort improprement appelée ver; en la faisant marcher sur une assiette,
quand on coupe une pomme ou une poire véreuse, on reconnaît très
bien une chenille à seize pattes. Le papillon, d'environ 18 millimètres
d'envergure, a les ailes supérieures d'un gris cendré en dessus et tra-
versées par un grand nombre de stries brunes ondulées, présentant à
leur angle interne un écusson semi-lunaire, d'un brun chocolat, et dont
les contours sont irrégulièrement arrêtés par une ligne d'or rouge. Les
ailes inférieures sont entièrement brunes en dessus ; le dessous des
quatre ailes est brun, avec des atomes plus foncés à leur extrémité. Les
antennes, les palpes, la tète et le thorax sont d'un brun foncé, l'abdo-
men d'un brun plus pâle, tenant de la couleur des ailes inférieures.
La chenille vit dans les pommes et les poires , où d'abord on
ne soupçonne nullement sa présence. Elle se trouve logée au centre
du fruit, sans qu'on aperçoive comment elle a pu y entrer, car les
pommes ou les poires dites véreuses, c'est-à-dire présentant un trou à
l'entrée, ne contiennent plus de chenille, comme nous l'expliquerons.
Un de ces fruits est à peine noué que la femelle du papillon dépose un
œuf dans l'ombilic. Il ne tarde pas à éclore, et la petite chenille qui
en sort perce un trou pour pénétrer dans l'intérieur du fruit et
s'établir autour des cloisons renfermant les pépins. Or ce trou étant
proportionné au diamètre de la chenille, qui est à peine grosse
comme un crin au moment de son éclosion, on conçoit qu'il s'obli-
tère facilement et qu'on n'en trouve plus aucune trace à l'extérieur.
Lorsque la chenille est devenue plus forte, elle élargit sa demeure,
creuse une galerie latérale, plus ou moins tortueuse, allant du
centre à la périphérie, communiquant avec le dehors, et lui ser-
vant à rejeter une partie de ses excréments et à laisser entrer un
peu d'air. Les fruits attaqués par cette chenille continuent de gros-
sir, malgré leur ver rongeur, et offrent souvent l'apparence d'une
maturité précoce, sans que la saveur propre à leur variété soit alté-
rée. En les ouvrant, on voit qu'une grande partie de la pulpe a été
TORTRICIENS, CÂRPOCAPSA. 715
dévorée et que les galeries sont remplies de déjections, sous forme
d'une matière granuleuse, rougeâtre ou brunâtre. Cette chenille par-
vient d'habitude à toute sa taille à la fin de juillet ou au commence-
ment d'août, c'est-à-dire lorsque les pommes ou les'poires sont aux deux
tiers de leur grosseur. Elle a alors environ 20 millimètres de longueur.
Sa couleur varie suivant la nature du fruit qui lui a servi de nourri-
ture; elle est tantôt d'un blanc jaunâtre, tantôt d'un blanc rougeâtre,
ou presque couleur de chair. Les côtés sont marqués irrégulièrement
sur chaque anneau de plusieurs petits points noirâtres, disposés deux
par deux. Sur la partie antérieure du premier anneau, on voit un
écusson gris ou brun divisé en deux. La tête est d'.un rouge brun lui-
sant et les pattes sont de la couleur du corps. /
On ne trouve jamais, sauf des cas très rares, qu'une seule chenille
dans un fruit. Elle peut passer à un autre fruit dans les paquets où les
pommes ou les poires sont contiguës -, elle peut aussi se laisser tomber
par un fil de soie d'un fruit à un fruit inférieur. Cette chenille
attaque aussi les noix et les amandes, mais assez rarement. En général,
les fruits véreux, lorsque la chenille est arrivée à sa grosseur, ne tien-
nent plus à l'arbre, se détachent et tombent. Alors celle-ci élargit l'ou-
verture dont nous avons parlé et qui ressemble à une petite tache noi-
râtre ou d'un brun rougeâtre, et sort de sa demeure pour se préparer à
subir sa métamorphose. Cette sortie a lieu ordinairement, soit du fruit
tombé, soit que la chenille descende par un fil de soie, depuis la fin
de juillet jusqu'en septembre, par un trou à la surface du fruit; c'est
ce qui explique pourquoi les pommes et les poires qui ofi'rent un trou
à l'extérieur ne contiennent plus de chenille. Elle se retire alors dans
les écorces ou à la surface de la terre, où elle se forme une coque d'un
tissu blanc et serré, mêlé de parcelles de bois rongé ou de débris de
feuilles sèches. Elle passe ainsi toute la mauvaise saison et ne se
change en chrysalide qu'en mai ou juin de l'année suivante, pour
devenir insecte parfait trois semaines après. La chrysalide est d'un brun
jaunâtre avec quelques poils raides à sa partie postérieure. 11 y a des
années où le Carpocapsa pomonella est si commun que la plupart des
pommes et des poires sont véreuses. Il faut remarquer toutefois que
l'espèce n'attaque pas indistinctement toutes les variétés. Ainsi, en
Normandie, on rencontre rarement des pommes ou des poires à cidre
véreuses. La Carpocapse paraît avoir une préférence très marquée pour
les pommes appartenant au groupe des Reinettes, dont la pulpe est
acidulé, telles que Rambour d'été. Reinette de Caux, d'Angleterre, du
Canada, Pigeonnet, etc. Dans cette même partie de la France, les Cal-
villes sont aussi moins exposées à la voracité de la chenille que les
variétés dont nous venons de parler. Cette Pyrale des pommes se trouve
dans tous les pays de l'Europe où l'on cultive le pommier et le poirier.
Elle existe aussi, pareille à l'espèce d'Europe, en Californie et dans les
États-Unis du Nord.
716 , LÉPIDOPTÈRES,
Tl est très important de s'opposer tant qu'on peut à la propagation de
cette Carpocapse, qui fait perdre des sommes considérables aux horti-
culteurs cultivant les fruits pour la table. Son introduction a lieu dans
un pays par les fruits véreux importés par accident. Ainsi, après le siège
de Paris, un arboriculteur de Grenelle, dont les vergers avaient été
jusqu'alors exempts de ce fléau, eut ses poires gravement attaquées
par cette Carpocupse, un dépôt considérable des immondices des halles
de Paris ayant été établi^ contre sa propriété. Il est nécessaire de
ramasser avec soin les fruits véreux, avant la sortie de la chenille, de
les porter loin du verger où des chenilles se rendraient, de les brûler
ou de les écraser, de séparer les parties attaquées si on fait de la com-
pote avec les parties saines. On fera bien, à la fin de l'hiver, d'arroser
à l'eau bouillante ou à la vapeur les troncs d'arbre et le sol au-dessous
des arbres, ou bien de verser une solution concentrée de sulfo-carbo-
nate de potasse, afin de tueries chenilles hivernantes. Des feux entre
les arbres, à la fin de mai, serviront à détruire un certain nombre de
papillons. Pour les fruits de luxe, on peut enlever la galerie de la
chenille avec un tube de fer-blanc analogue à un vide-pomme, niais
plus étroit, et boucher le trou avec de la cire ou de la terre glaise.
Plus la tige des arbres fruitiers est basse, moins leurs fruits ont à souf-
frir des ravages de la Carpocapse. Même dans les plus mauvaises
années, on ne trouve qu'un très petit nombre de fruits véreux sur les
arbres en cordons, qui ne s'élèvent qu'à quelques décimètres du sol.
Une seconde espèce se comporte comme la précédente à l'égard des
prunes et des abricots de plein vent. C'est à cause de ses mœurs que
nous la laissons dans les Carpocapsa, car elle appartient entomologique-
ment au genre Grapholitha. Au reste, tous ces genres détachés du
grand genre Tortrix sont très voisins. Le G. funebrana, Treitschke, la
Pyrale des prunes, the Plumtree T., a son papillon un peu plus petit
que celui de la Pyrale des pommes et lui ressemblant bien peu, malgré
la grande similitude qui existe entre les deux chenilles. Ses ailes supé-
rieures ont le fond brunfltre ou un peu roussâtre, panaché de gris,
avec la côte marquée de petites taches blanches lunulées, et le bord
interne, ainsi que l'extrémité, parsemés de petits atomes d'un gris
argenté ; outre cela, l'angle interne offre une tache grisâtre, arrondie,
marquée de quatre points noirs et entourée d'un peu de gris bleu;1.tre.
Les ailes inférieures sont noirâtres. C'est dans les premiers jours de
juillet que paraît ce papillon, qu'on trouve très rarement aux environs
de Paris, quoique sa chenille y soit commune dans la pulpe des prunes
et des abricots, surtout dans les prunes de Monsieur, de Reine-Claude
et de Mirabelle, ainsi que dans les abricots hAlifs. Elle est plus rare
dans les grosses variétés américaines appelées Washington, Golden
dropp, etc. Boisduval dit ne l'avoir jamais observée dans la variété dite
Dame Aubert, ni dans la Reine-Claude de Bavey, ni même dans les
abricots en espalier. Il y a des années où l'espèce est si abondante que
TORTRICIENS, CARl'OCAPSA. 717
beaucoup d^i ces fruits à noyaux sont véreux et totalement perdus. Si
on les ouvre, on trouve la chenille nageant pour ainsi dire au milieu
d'une marmelade brune et répugnante d'excréments et de jus de
prune ou d'abricot, lille arrive à toute sa taille à l'époque de la matu-
rité des fruits dont elle se nourrit. Ceux-ci tombent un peu avant les
autres et la petite chenille en sort pour entrer en terre et filer une
coque dans laquelle elle reste renfermée tout l'hiver, pour devenir
chrysalide en juin et papillon en juillet. Mêmes remèdes que pour
l'espèce précédente.
Une troisième espèce nuisible est le C. splendana, Hiibner, the Bright
Marble T., dont le petit papillon ne dépassant pas 15 millimètres d'en-
vergure, ressemble beaucoup à celui de C. pomonella. Les premières
ailes en dessus sont d'un gris marbré et comme argenté, avec un écus-
son brun semi-lunaire à leur extrémité inférieure. Cet écusson est
presque entièrement entouré par une ligne d'argent, qui est bordée de
noir ou de brun du côté interne, son intérieur étant occupé par trois
ou quatre petites stries noires parallèles aux nervures. Le dessous des
mêmes ailes est d'un gris brun, qui s'éclaircit en se rappi'ochant de la
base. Les ailes inférieures sont brunes en dessus, et leur dessous est
d'un gris jaunâtre et réticulé de brun. La tête, le thorax et les antennes
sont de la couleur des ailes supérieures, l'abdomen de celle des ailes
inférieures. Ce papillon ne se rencontre pas très rare pendant l'été
dans les bois de Versailles et de Meudon, et au printemps dans les
maisons où on fait provision de châtaignes ou de noix pour l'hiver. La
chenille, en effet, vit dans les amandes, les noix et surtout dans les
châtaignes; c'est elle qui produit les marrons x^éreux, faisant perdre
parfois les trois quarts de la récolte de ces fruits. Elle est blanchâtre,
avec la tête brune et le dessus du prothorax d'un brun plus clair. Les
autres segments portent des points verruqueux surmontés d'un poil.
Elle prend toute sa croissance dans la châtaigne et la perce d'un petit
trou, pour rejeter en dehors une partie de ses crottins, comme font les
chenilles des pommes et des prunes. Lorsqu'elle a atteint toute sa
taille, le fruit tombe du châtaignier et la chenille en sort pour se réfu-
gier dans le sol et s'enfermer dans un cocon solide, tissé de soie et de
parcelles de terre mélangées, ce qui arrive dans le mois de septembre,
un peu avant la maturité naturelle des châtaignes. La chenille reste
dans son cocon pendant l'automne et l'hiver, et se change au prin-
temps suivant ou pendant l'été en chrysalide, état qui dure une quin-
zaine de jours. Les papillons les plus hâtifs s'envolent à la fin du mois
de mai et les plus tardifs dans les premiers jours d'août. Pour diminuer
la propagation de cette nuisible espèce, dans les pays où la châtaigne
est une récolte importante, il faut ramasser les châtaignes véreuses,
aussitôt leur chute, avant la sortie de la chenille, et les brûler. On
trouve encore dans les bois de notre pays deux autres Carpocapsa, l'une
dont la chenille vit dans les faînes du hêtre, c'est C. grossana, Hawortli,
718 LÉPIDOPTÈRES.
syn. : fagiglandana, Zeller, the Smolcy Marble T., l'autre C. amplaiia,
Hiibner, ayant sa chenille dans les glands du chêne et assez rare.
Parmi les Carpocapses exotiques se trouve une espèce d'un grand
intérêt entomologique par ses mœurs. Cette espèce nommée C. Deshai-
siana, H. Lucas (1), vit à l'état de chenille pendant environ sept mois
dans les fruits d'une Euphorbe des environs de Mexico. Quand les
graines ainsi habitées sont exposées graduellement cà la chaleur, elles
commencent par se mouvoir d'une manière presque imperceptible ;
puis, la chaleur se faisant sentir, leurs mouvements deviennent brus-
ques, rapides. On voit alors ces graines progresser, marcher par sac-
cades ; enfin, si on continue à les laisser exposées à la chaleur, elles ne
tardent pas à sauter et à s'élever au-dessus du plan d'appui, à une
hauteur de 5 à 6 millimètres environ.
Ces mouvements sont dus aux contractions musculaires d'une chenille
qui habite l'intérieur de la graine. Si on perce cette graine de part en
part, avec une très fine aiguille, de manière à tuer son habitant, et si
on l'expose à la même température que les graines contenant des che-
nilles vivantes, la graine transpercée reste sans mouvement, quel que
soit le degré de température auquel on la soumette. Si on entame la
surface de cette graine, de manière à mettre la chenille un peu à
découvert, la graine reste sans mouvement ; si on l'examine quelques
jours après, on voit que la chenille a filé un réseau de soie excessive-
ment fin, consistant, non transparent et à mailles très .serrées. La
graine, dont l'ouverture a été ainsi fermée par son habitant lucifuge,
exposée de nouveau à la chaleur, ne tarde pas à reprendre ses mouve-
ments ordinaires. La chenille reste à peu près sept mois dans la graine
avant de se transformer en chrysalide à la fin de l'hiver. Le papillon
éclôt au bout de peu de temps, si on a eu le soin de laisser la graine à
une température toujours constante de 18 à 20 degrés. Un peu avant la
nymphose, la chenille a eu la précaution d'entailler sur le péricarpe
un opercule parfaitement circulaire, très peu visible au dehors et que
le papillon détache pour sortir, les spinules, dont l'abdomen de la
chrysalide est muni, l'aidant à se hisser à moitié au dehors. L'intérieur
de la graine est tapissé par une soie très fine, à mailles serrées, et, au
moment de sa chrysalide, la chenille se file en outre un cocon soyeux,
grand relativement à la dimension de la chrysalide. Certaines de ces
chenilles étaient attaquées par un Ichneumonide.
La chenille extraite de sa cellule paraît craintive et embarrassée et
redoutant beaucoup la lumière ; si on la chauffe, elle devient plus
agile, jette sa tête à droite et à gauche et fixe çà et là quelques fils de
soie. Elle est longue de 11 millimètres et large de 3, entièrement d'un
i.aune clair, la tête d'un jaune roussâtre, ainsi que les pattes écailleuses
(1) Comptes rendus, Acad. des se, t. XLVl, p.685, avril 1858.— Revue et
Magasins de Zoologie, novembre 1858, avec planche col.
CAKPOCAl'SA, TINÉINIENS. 719
les seize pattes bien développées. La chrysalide est longue de 10 milli-
mètres, large de 3, entièrement d'un brun ferrugineux, ramassée et
trapue, tous les segments en dessus présentant deux rangées transver-
sales de petites épines inclinées en arrière. Elle est enveloppée d'un
cocon d'une soie blanche et fine, très serrée surtout à la partie anté-
rieure. Le papillon femelle (le seul sexe obtenu par M. H. Lucas) a de
20 à 23 millimètres d'envergure et ressemble à celui de C. splendana,
Hiibner. Les ailes supérieures sont, en dessus, d'un gris cendré, traver-
sées par un grand nombre de stries roussAtres obscurément accusées ;
l'écusson de l'extrémité inférieure est d'un gris cendré, bordé de brun
roussàtre extérieurement, et dont l'intérieur est coupé par de petits
traits d'un noir foncé dans le sens des nervures ; au côté interne, il est
limité par une bande transversale brune, qui pari du sommet et atteint
le bord postérieur; où elle s'élargit de manière à gagner l'angle posté-
rieur; dans son milieu elle est interrompue par du brun roussàtre, et,
à son sommet, elle est ornée de deux petites taches ovalaires d'un gris
cendré. Le bord antérieur de l'aile, d'un gris cendré, est marqué de petits
traits d'un noir foncé ; le bord externe est finement liséré de gris cen-
dré clair, et la frange, d'un gris foncé, est interrompue par trois ou
quatre points noirs. Les ailes inférieures sont, en dessus, d'un gris
noirâtre, et leur frange est d'un gris roussàtre. Les antennes sont d'un
brun teinté de roux ; la tête est ferrugineuse avec les yeux noirs, les palpes
sont roux, avec leur extrémité d'un brun foncé. Le thorax est d'un gris
cendré, avec son bord antérieur teinté de brun. L'abdomen brun est
annelé de ferrugineux; les pattes sont d'un gris cendré clair.
Cette espèce paraît fournir le seul exemple de graines sautantes dues
cà un Lépidoptère. On a des exemples de pareilles graines contenant
des larves de Coléoptères ; ainsi, dans la province de Constantine, en
Algérie, et aux environs de Montpellier, pour des graines de Tamariscus
habitées par la larve d'un Curculionien, le Nanocles tamarisci.
Tribu des TIMEIMIEMS.
Les Tinéiniens, ou vulgairement les Teignes, forment la tribu la plus
nombreuse de l'ordre des Lépidoptères, puisqu'on eu compte bien
quinze cents espèces rien qu'en Europe, et que certainement ce nombre
s'accroîtra de plusieurs centaines quand les collectionneurs s'attache-
ront davantage à la recherche desMicrolépidoptcres, dont les difficultés
de récolte et de préparation rebutent les entomologistes débutants.
Certaines familles de Tinéiniens renferment les plus petits papillons
connus, quelques-uns presque microscopiques. Il y a chez eux une
variété considérable de formes et les mœurs les plus diverses; par
Buite est-il fort difficile d'établir des caractères généraux pour une tribu
720 LÉPIDOPTÈRES.
aussi étendue. Ce uest guère qu'en tûte des genres fondamentaux qu'on
peut donner des généralités. Les chenilles sont à seize pattes, mais
certaines ont les pattes membraneuses, très courtes et même rudimen-
taires, surtout quand elles vivent renfermées dans des fourreaux. Beau-
coup marchent vivement à reculons, comme celles des Tordeuses;
souvent elles ne vivent pas à découvert. Tantôt (Yponomeutes) elles
demeurent en vastes colonies sous une tente soyeuse commune; tantôt
(chenilles mineuses) elles sillonnent le parenchyme des feuilles de
galeries ou mines placées entre les deux épidermes. Ces deux catégo-
ries, où les chenilles ne sont pas entourées de fourreaux individuels,
appartiennent aux Fausses-Teignes de Réaumur. Ses Teignes, au con-
traire, ont leurs chenilles vivant dans des fourreaux portatifs empruntés
aux matières qu'elles dévorent, les Teignes à falbalas étant celles où
les fourreaux végétaux de cellulose ou de débris de feuilles sèches
affectent la forme de collerettes étagées autour du corps de la chenille.
Les fourreaux peuvent encore être en substances animales plus ou
moins graisseuses, ce qui arrive dans les Teignes des lainages, des
crins, des plumes. Enfin, les chenilles de quelques Tinéiniens, se rap-
prochant alors beaucoup de celles des Torlriciens, vivent dans les
fruits, ou dans les graines, ou dans les inflorescences, ou môme dans
les feuilles, qu'elles enveloppent de fils de soie. En général, les che-
nilles des Tinéiniens se chrysalident dans le fourreau où elles ont vécu,
ou sous les toiles sociales; les mineuses sortent des mines pour se chry-
salider au dehors.
Les papillons des Tinéiniens ne prennent pas de nourriture et volent
habituellement le soir ou au crépuscule; certains, cependant, ornés
dans leur petitesse des plus splendides colorations, volent en plein jour
et même à l'ardeur du soleil, véritables pierres précieuses mobiles.
L'extrême délicatesse des écailles de ces minuscules papillons, qui s'en-
lèvent sous le souffle, rend leur préparation délicate. Il faut, après
asphyxie au chloroforme, les piquer par-dessous avec un fil de platine,
qu'on fixe ensuite à un petit billot de moelle de sureau; on les étale
également, les ailes retournées, sur deux lames de cristal, au moyen
de petits prismes de cristal (voy. tome. I, Introduction, p. 1()3).
La tribu des Tinéiniens correspond en grande partie au genre Tinea
de Linnœus, comprenant, outre les Teignes domestiques proprement
dites, dont les chenilles nous sont si nuisibles, une foule d'autres
petites espèces, à chenilles d'habitudes difTérentes, soit plus ou moins
funestes pour nous, soit, au contraire, insignifiantes pour la plupart.
Latreille les divisait en sept genres : Lithosie, Phycide, Yponomeute,
QEcophorc, Euplocame, Teigne et Adèle. Nous séparons, avec Uupon-
chel, les deux premiers genres de nos Tinéiniens actuels, mais nous y
laissons les Yponomeutes, écartés par l'auteur éminent dont nous par-
lons; le genre Teigne sera considérablement subdivisé. Les antennes
paraissent grenues ou moniliformes à la loupe et sont presque toujours
TINÉINIENS. 721
simples dans les deux sexes; dans le genre Lemmatophila, et en partie
dans les genres Euplocamus et Incurvaria, elles sont peclinées ou plu-
meuses chez les mâles, ciliées chez les femelles. La spiritrompe est
presque toujours nulle ou rudimentaire. Les palpes labiaux sont seuls
bien développés, de forme très variée et généralement relevés au-dessus
de la tête; par exception, les quatre palpes existent dans le genre Gra-
cilaria. La tète est souvent velue. Le thorax est lisse, l'abdomen plus
ou moins court, généralement cylindroïde et déborde par les ailes dans
l'état de repos. Les ailes sont entières et sans fissures, les antérieures
généralement longues, étroites, avec leur bord postérieur de formes
très variées, les postérieures plus étroites encore, largement frangées,
surtout au bord interne, entièrement cachées par les premières dans
l'état de repos, sans être plissées, les unes et les autres couchées alors
le long du corps qu'elles couvrent en toit plus ou moins arrondi, sans
l'envelopper le plus souvent sur les côtés, parfois entièrement enroulées
en double fourreau autour de lui, ainsi dans les Vponomeutes. Les
pattes postérieures sont très longues, armées de longs éperons et plus ou
moins velues selon les genres. Les chenilles sont glabres ou seulement
garnies de quelques poils rares, à peine visibles à l'œil nu, et implantés
chacun sur autant de petits points verruqueux. Les unes sont vermi-
formes, les autres sont fusiformes; elles sont toujours munies d'une
plaque écailleuse sur le prothorax et quelquefois d'une seconde sur le
dernier anneau ; elles sont très variées dans leur manière de vivre et
de se transformer.
Duponchel, en 1838, établissait trente-deux genres dans notre tribu
actuelle, moins les Yponomeutes. Ce nombre est naturellement bien
plus considérable aujourd'hui. C'est avec les Crambides que nos
Tinéiniens ont le plus de rapports. Ils en diffèrent cependant sur
plusieurs points, mais surtout par la forme plus ou moins étroite de
leurs ailes inférieures, qui n'ont pas besoin de se plisser en éventail
pour être cachées par les supérieures dans l'état de repos, et en outre
par la frange qui borde ces mêmes ailes, laquelle s'élargit en propor-
tion de ce que la surface de celles-ci se rétrécit, à tel point que sou-
vent cette surface se réduit à la costale ou à une simple tige garnie de
barbes, ce qui fait ressembler alors les ailes inférieures à deux plumes,
comme cela se voit principalement dans les genres Elachista, Ornix et
Gracilaria, genres qui font un passage des Tinéiniens aux Pléropho-
riens et aux Alucitiniens, tribus par lesquelles nous terminerons l'étude
des Lépidoptères.
Duponchel donne une longue énuméralioa des modes d'existence si
variés des chenilles des Tinéiniens, auxquels nous ajoutons les Ypono-
meutes : 1" les chenilles de ceux-ci vivent sous de grandes toiles de
soie, dans lesquelles elles enveloppent de place en place, suivant les
besoins alimentaires, des portions d'arbres ou d'arbrisseaux, devenant
chrysalides sous ces mêmes toiles; 2" d'autres chenilles vivent cachées
GHiARD. m — à6
722 LÉPlDOl'TÈKtS.
entre deux feuilles et s'y raétamorpliosenl dans un double tissu: leurs
papillons appartiennent surtout au genre Chimabacche, Zeller, syn. :
Diurnea et Lemmatophila, Duponchel. Ils sont généralement de couleur
grise ou brune, et ne quittent guère le tronc des arbres où ils sont
éclos; souvent leurs femelles, forcément immobiles, sont difficiles à
trouver, car elles sont mi-aptères, n'ayant que de courtes ailes impro-
pres à les porter dans le vol; 3" des chenilles se nourrissent de cham-
pignons ou de bois pourri, dans lesquels elles se pratiquent des galeries
qu'elles tapissent de soie, et où elles se changent en chrysalide. Leurs
papillons appartiennent surtout au genre Euplocamm, dans lequel cer-
taines espèces sont très remarquables par leur taille, qui est grande
pour des Microlépidoptères, leurs couleurs vives et tranchées, et surtout
leurs antennes largement pectinées chez les mâles; Zi» de très nuisibles
chenilles vivent aux dépens des pelleteries, des vêtements et meubles
en laine, crin, plumes, et de toutes les substances animales et végétales
desséchées, qu'elles rongent non seulement pour s'en nourrir, mais
aussi pour s'en vêtir, en se construisant avec ces différentes matières
des fourreaux, tantôt portatifs, tantôt fixes, dans lesquels elles sont abri-
tées à la fois contre les intempéries de l'air et contre les attaques de
leurs ennemis. Ces chenilles, du grand genre Tiiiea et de ses dérivés,
sont celles auxquelles on donne particulièrement le nom de Teignes, et
dont les dégâts ne sont que trop connus des fourreurs, des tapissiers et
des marchands de drap.
A côté de ces chenilles viennent se placer celles de deux espèces très
funestes, surtout autrefois, à l'époque des greniers de réserve de
céréales. L'une ronge l'intérieur des grains de froment, de seigle et
d'orge (genre Tinea des auteurs actuels), dont elle lie ensemble plu-
sieurs grains par des lils de soie, en laissant entre eux un petit inter-
valle pour y construire un tuyau de soie blanche, qui lui sert de loge-
ment, et dont elle sort pour manger le grain qui se trouve à sa portée;
une autre chenille, plus petite encore, du genre Sitotroga, vit dans l'in-
térieur d'un grain des céréales que nous venons de citer, et aussi du
maïs, où elle acquiert une plus grande taille ; les papillons des che-
nilles dont nous venons de parler sont de couleurs assez variées, mais
peu brillantes, dont les nuances sont surtout empruntées au jaunâtre
et au brunâtre ; 5° d'autres chenilles, du genre Depressaria, Haworth
ou Hœmilis, ont beaucoup d'analogie pour les mœurs avec celles des
Tortriciens; elles vivent entre les feuilles réunies en paquets par des
fils, où elles se métamorphosent dans un léger tissu de soie ; les papil*
Ions ressemblent assez à ceux des Platyomides pour la coupe des ailes,
mais ils s'en éloignent beaucoup par la forme des palpes; en général
leurs couleurs sont assez vives; 6" des chenilles, genre Caulobius, vivent
et se transforment dans l'intérieur des plantes aquatiques, à l'instar
des Nonagries (Noctuéliens) ; les papillons se rapprochent des Crambides
par la coupe des ailes, mais en diffèrent par l'aspect des palpes; ils
TINÉLMENS. 12?i
sont d'une couleur tanncc uniforme; 1° des chenilles, dans les genres
Hypsolopha et Harpipteryx, habitent principalement les arbres fruitiers
et se renferment pour la nymphose dans une coque d'un tissu serré et
en figure de nacelle ; les papillons sont moins remarquables par la
vivacité de leurs couleurs que par la forme de leurs ailes supérieures
courbées en crochet à l'extrémité; 8" les chenilles du genre Rhinosia
vivent entre des feuilles et s'y métamorphosent dans un mince tissu;
les papillons sont, pour la plupart, ornés de couleurs assez vives; 9" le
genre Chauliodus présente des chenilles qui se tiennent cachées dans un
tissu lâche entre les feuilles qui leur servent de nourriture et qu'elles
quittent pour devenir chrysalides dans une coque formée de mousse et
de grains de terre; 10" les chenilles du genre Plutella, Scliranck, syn. :
Alucita, Duponchel, attaquent de préférence les plantes potagères
quoiqu'elles vivent aussi sur les arbrisseaux ; leur chrysalide se forme
dans un réseau artistement travaillé en treillis qui la laisse apercevoir,
et leurs papillons se distinguent plus par la délicatesse de leur dessin
que par l'éclat de leur couleur; 11° dans le genre Palpula dont les
adultes se distinguent surtout par la longueur et l'épaisseur de leurs
palpes, les chenilles, de couleurs assez variées, vivent à découvert sur
les arbrisseaux et suspendent leurs chrysalides par la queue et par un
lien ceinturai, à la façon des chenilles des Piérides, du sous-ordre des
Rhopalocôres ou Diurnes; 12" le genre Lampros a d'assez grands papil-
lons avec des couleurs vives et variées, et ses chenilles vivent sous
l'écorce des arbres et dans le bois pourri et y subissent la nymphose,
ce qu'elles font quelquefois aussi dans la mousse; 13° d'autres chenilles
vivent et se métamorphosent dans les feuilles roulées, à la façon des
Tordeuses; parmi leurs papillons, les uns se rapportent aux genres
Hœmilis et Lampros déjà nommés, les autres aux genres Anacampsis,
Lita, Acrolepia, Acompsia; ceux-ci, sauf quelques exceptions, sont
généralement de couleurs sombres, mais d'un dessin assez varié
quoique peu arrêté.
1/iMlyades chenilles, appartenant essentiellement aux Teignes
vraies de Réaumur, qui vivent sur les plantes basses et sur les
arbres, cachées pendant toute leur vie dans des fourreaux portatifs
dans lesquels elles se métamorphosent. Ces fourreaux, qu'elles se
fabriquent avec le parenchyme des feuilles dont elles se nour-
rissent, sont de forme très variée ; néanmoins on peut les ramener
à trois types principaux : ceux qui sont plus ou moins cylindroïdes,
ceux qui sont légèrement déprimés avec une arête longitudinale dentée
en scie ; ceux qui, en forme de corne recourbée, sont enveloppés en
outre, depuis leur base jusqu'à la moitié de leur hauteur, de petites
pièces membraneuses de cellulose rangées par étage les unes au dessus
des autres, ce qui a fait donner par Réaumur le nom de Teignes à
falbalas aux chenilles ainsi vêtues. Les papillons provenant des chenilles
qui vivent dans ces divers fourreaux sont généralement parés de cou-
724 LÊPlDOPTËRtS.
leurs brillaiiles, souvent métalliques. 11 en est qui appartiennent au
genre Adela, I>atr., dont les mâles de beaucoup d'espèces ont des
antennes démesurées, comme des fils de soie pouvant avoir plus de six
fois la longueur du corps et qui les gênent beaucoup dans leur vol,
d'autres aux genres Inmvaria et Ornix; 15" ce dernier genre comprend
aussi des chenilles se nourrissant de feuilles d'arbres et de plantes
basses, renfermées encore dans des fourreaux portatifs où elles devien-
nent chrysalides; ici ces fourreaux sont formés de soie, les uns en
forme de crosse de pistolet, les autres cylindroïdes et enveloppés à leur
base de deux appendices ressemblant aux deux battants d'une coquille
bivalve ou aux deux enveloppes d'une silique; il y a souvent dans ces
formes de fourreaux, ressemblant à divers débris de plantes, des
imitations protectrices pour la défense; Réaumur appelle les chenilles
qui vivent dans ces deux espèces de fourreaux : Teignes à fourreaux en
crosse et Teignes à manteau; 16" des chenilles de Tinéiniens vivent de
Lichens croissant sur les pierres; elles sont renfermées, comme celles
des deux classes précédentes, dans des fourreaux portatifs composés
d'un mélange de soie et de molécules pierreuses, tantôt à trois pans,
tantôt en corne avec la pointe un peu courbée. 11 est souvent difficile
de décider si les constructeurs de ces fourreaux sont des Tinéiniens
ou des Psychides, groupe que certains auteurs placent en entier dans
les Tinéiniens. Les derniers fourreaux coniques dont nous venons de
parler sont les plus communs, et comme les chenilles qui les habitent
se tiennent de préférence dans les pierres cariées ou vermiculées, les
anciens observateurs croyaient que ces creux étaient leur ouvrage et
qu'elles rongeaient par conséquent les pierres; Réaumur a le premier
détruit cette erreur, en démontrant que ces prétendues rongeuses de
pierre n'en veulent qu'aune espèce de petit Lichen qui tapisse les vieux
murs exposés à l'humidité, et que les creux où elles trouvent à la fois
abri et nourriture sont l'effet de la décomposition de la pierre, occasion-
née parles intempéries des saisons; 17° un grand nombre de chenilles
de Tinéiniens sont appelées mineuses, parce qu'elles se creusent des
galeries ou des m//ies dans l'épaisseur des feuilles dont elles ne mangent
que le parenchyme, sans toucher aux deux épidermes qui leur servent
d'abri et entre lesquels elles se métamorphosent. Tantôt les mines
sont en forme de tache blanchâlre et transparente, qu'on voit grandir
à mesure que la chenille s'accroît; tantôt ce sont de simples lignes
jaunâtres, sinueuses, courbées et brisées en tous sens, dont la largeur
égale à peu près le diamètre de la chenille.
Les papillons issus de ces mineuses sont les plus petits de la tribu;
il semble que la nature ait voulu dédommager un grand nombre de
leurs espèces de leur petite taille, en les parant des couleurs les plus
vives, mêlées à l'éclat des métaux les plus précieux; ce sont comme Jes
Oiseaux-mouches des Lépidoptères, ils appartiennent aux genres
OEcophora, Elachista, Gracilaria, Litlwcolletis, NeiAicula, ce dernier
TIM'IINII'NS, VPONOMEUTIDLS, 725
genre contenant les plus petits papillons connus. On ne peut chasser
ces êtres minuscules qu'avec le flacon à chloroforme ou à cyanure de
potassium, et mieux encore en renl'ermant les feuilles minées dans des
boîtes vitrées.
Cette longue énumération montre que les chenilles des Tinéiniens
■réunissent à elles seules les divers genres de vie et les difterents modes
de nymphose de toutes les autres tribus de Lépidoptères. Duponchel
insiste sur ce fait pour montrer que les caractères tirés de l'état adulte
sont supérieurs, comme valeur classificative, à ceux provenant des
mœurs et des formes des larves. Dans les Tinéiniens adultes, ceux du
genre Tinea proprement dit, avec les dérivés, ne quittent pas l'intérieur
des habitations et viennent voltiger le soir autour de nos lumières; les
autres se trouvent un peu partout et pendant toute l'année, l'hiver
excepté ; c'est principalement pendant les mois d'avril, mai et juin, dans
les bois, les jardins et les vergers, qu'ils sont le plus nombreux et
qu'on rencontre les espèces les plus brillantes. Les jeunes amateurs
peuvent espérer encore de nombreuses découvertes, même en France,
dans les campagnes les plus fréquentées et aux environs des grandes
villes, s'ils veulent se livrer à la recherche des Tinéiniens, qui sont
encore fort mal connus.
La famille des Yponomeutides, ou plus correctement Hyponomcu-
tides, présente une livrée qui la distingue au premier coup d'oeil des
Tinéiniens, car le fond des ailes supérieures est d'un blanc plus ou
moins pur, sur lequel tranchent des points ou des taches noirs rangés
symétriquement et plus ou moins nombreux suivant chaque espèce,
les inférieures étant grisâtres, bordées inférieurement d'une longue
frange de poils. Sur ces seuls caractères d'aspect externe, Godart s'était
fondé pour placer ces insectes dans les Lithosiens, contrairement à
toutes leurs affinités naturelles. Les adultes présentent les carac-
tères qui suivent : antennes écartées à leur base, sétiformes et simples
dans les deux sexes; spiritrompe cornée et apparente; palpes labiaux
seuls visibles, écartés de la tête et plus ou moins recourbés au-dessus
du front qu'ils dépassent très peu ; thorax uni ; abdomen plus ou moins
long et caché néanmoins entièrement par les ailes dans l'état de repos;
ailes entières ou sans tissures, les antérieures longues et étroites, les
postérieures peu larges et plissées en éventail sous les premières qui
les recouvrent en totalité dans le repos, les unes et les autres se mou-
lant alors autour du corps en forme de demi-cylindre; pattes posté-
rieures longues et munies de longs éperons. Les chenilles ont seize
pattes, sont cylindroïdes, atténuées aux deux extrémités, glabres ou
couvertes seulement de poils isolés et clairsemés; elles vivent les unes
solitairement, les autres en société sous des toiles communes. Les
chrysalides sont effilées et chacune contenue dans une coque de soie
d'un tissu serré. Les Yponomeutides diffèrent essentiellement des
Crambides, qui ont aussi les ailes enroulées en fourreau autour du
726 LÉPIDOPTÈRES.
corps, en ce que les Yponomeutides ont les ailes inférieures moins
larges que les Crambides, les palpes écartés de la tête, plus ou moins
courbes et relevés au-dessus du front, les antennes écartées à la base
et toujours simples ou filiformes dans les deux sexes; enfin, les mœurs
des chenilles sont très différentes de celles des Crambides.
Parmi les chenilles des Yponomeutides il en est qui vivent isolées,
cachées sous la surface inférieure des feuilles et protégées par un
léger tissu qu'elles étendent autour d'elles et d'où elles s'échappent
brusquement à la moindre apparence de danger. D'autres sont, au
contraire, sociales, se réunissant, soit par petits groupes, soit en nom-
breuses familles, principalement aux mois de mai et de juin, sous une
tente commune, d'un tissu soyeux très léger, filée sur les rameaux des
arbres ou des arbustes, et dans laquelle elles enferment, pour la néces-
sité de leur substance, les feuilles, les fleurs et les fruits. Ces chenilles
se placent ordinairement très près les unes des autres, associées par
masses compactes, surtout à certaines heures de la journée, à la graiule
chaleur du jour, pendant les intervalles de leurs repas ; mais, dès qu'on
imprime une secousse à la branche qui les supporte, elles entrent
toutes à la fois en mouvement, les unes en avant, les autres à reculons,
et, s'engageant dans les passages ménagés par elles à l'avance à travers
les fils de leur construction, elles se dispersent de toute part avec la
plus grande agilité; puis, une fois dégagées de latente de soie, elles
se laissent couler sur le sol ou sur une branche inférieure, à l'aide d'un
fil qui leur permet de regagner sûrement l'inlérieur de la toile dès que
le danger a disparu. Les chenilles abandonnent leur tente lorsque les
provisions qui y sont renfermées sont épuisées; elles vont établir leur
campement sur une autre partie de l'arbre, et ainsi de suite jus-
qu'au moment de la transformation en chrysalides, ordinairement en
juillet.
Cette opération importante s'exécute aussi en commun : une, deux
ou plusieurs familles se réunissent, et, descendant le long des rameaux
les unes à la suite des autres, s'en vont fixer leurs cocons au-dessus du
tronc, vers rempâtement d'une des principales branches de l'arbre
qu'elles ont dépouillé. Ces cocons sont très allongés, fusiformes, attachés
latéralement les uns aux autres, dans une situation toujours verticale,
la tête de la chysalide en bas, réunis quelquefois par milliers et pro-
tégés par une vaste toile qui les enferme tous sous un même tissu.
Les papillons en sortent au bout de peu de temps, à la fin de juillet
et en août ; ils ont le vol diurne, mais généralement lourd et de peu de
durée. Plusieurs espèces d'Vponomeutides sont très dangereuses pour
les arbres fruitiers, car, lorsqu'un arbre en porte quelques pontes, il
est rare qu'il lui reste une seule feuille vivante. Les femelles pondent
leurs œufs par paquet sous un enduit gommeux, surtout aux bifurca-
tions des rameaux. Les chenilles écloscnt en septembre, mais ne
prennent pas de nourriture et passent l'hiver engourdies sous la petite
ANESYCHIA. 727
enveloppe de gomme des paquets d'œufs, et elles en sortent en avril,
actives et afTamées. Les Vponomeutides dos pruniers et des pommiers
sont un véritable fléau pour la récolte, les arbres paraissant couverts
d'immenses toiles d'Araignées.
(iCrtaines espèces des Yponomeutidcs ont de très fortes ressemblances
entre elles. Il en résulte de grandes difficultés de synonymie, qui sont
surtout un inconvénient quand il s'agit de caractériser avec précision
des insectes très nuisibles, à l'égard desquels les horticulteurs d'un
pays peuvent avoir à se concerter pour prendre des mesures d'en-
semble :
AIVESYC'llIA, Stephens, syn. : Aedia, Duponchel; Psecadia, Zeller. — Spiri-
tronipe assez développée ; palpes grêles, très arqués, avec le dernier article
presque filiforme ; thorax robuste ; bord supérieur des ailes antérieures plus on
moins arrondi, ces ailes tachetées, mais non ponctuées de noir; abdomen
cylindroïde. — Chenilles glabres, cylindroïdes, vivant solitaires sur des plantes
herbacées, et se métamorphosant dans un tissu soyeux.
On trouve dans le midi et le centre de la France, ainsi dans l'Indre,
dans le Cher, et aussi en Angleterre et en Allemagne, A. pusiella,
Rœmer; la Mignonne, Devillers; VYponometUe mignonnette, Godart, un
des plus grands Tinéiniens, pi. xcviii, fig. 5. La tête est blanche, avec
les antennes noires en dessus et blanchâtres en dessous, les palpes
blancs et entrecoupés de noir, le thorax blanc et marqué de sept points
noirs, dont un sur chaque ptérygode, un au milieu du collier, deux sur
la partie médiane du thorax, et deux à sa base, ceux-ci un peu allon-
gés. L'abdomen est blanc, ainsi que la poitrine et les pattes, dont les
tarses sont entrecoupés de noirâtre. Le dessus des ailes supérieures est
tantôt d'un blanc de neige, tantôt d'un blanc légèrement rosé, avec une
bande noire très étroite, flexueuse et crénelée, qui s'étend longitudina-
lement sur le milieu de l'aile, depuis la base jusque près du bord ter-
minal. Chaque aile est en outre marquée de cinq points noirs, dont
trois le long de la côte et deux au bord interne près de la base, indé-
pendamment d'une série courbe de points également noirs, plus petits,
qui bordent l'extrémité de l'aile et vont se réunir à ceux de la côte. La
frange est blanche et marquée au sommet d'une petite tache noire. Le
dessous des mûmes ailes est d'un gris plombé, avec la frange comme
en dessus. Les ailes inférieures sont d'un blanc luisant de part et
d'autre, y compris la frange, avec le bord antérieur légèrement lavé de
gris. Ce papillon se prend au réflecteur. La chenille est noire, avec une
bande dorsale et longitudinale d'un jaune citron, qui projette deux
crochets blancs sur chaque anneau, un de chaque côté, et qui est divisée
dans toute sa longueur par une raie noire. Elle est marquée en outre,
de chaque côté, d'une raie longitudinale blanche et jaune, sur laquelle,
à chaque segment, est placé un point noir. Le prothorax est, en dessus,
*/'2S LÉPIOOPTÈRE?.
d'un noir velouté, encadré de blanc et partagé dans le milieu par une
raie blanche. La t6te est noire, avec une tache triangulaire d'un blanc
de neige. Les pattes écailleuscs sont également noires et les pattes
membraneuses sont grises; entln, le corps est parsemé de petits poils
isolés. Cette chenille vit en mai sur le grémil violet (Lithospernum
cceruleum), sur les orties et principalement sur la pulmonaire offîcinale
(Pulmonaria of/îcinalis), et en Provence sur diverses Borraginées. Dans
les premiers jours de juin, elle se fabrique une coque de soie blanche
et s'y change en une chrysalide d'un rouge brun, terminée par une
pointe anale bifurquée. Le papillon en sort à la fin du même mois, et
ne s'écarte pas de la plante qui a nourri sa chenille.
Une espèce voisine est A. bipunctella, Fabr., syn. : ec/i/e//a, cat. de
Vienne; la biponctuée, Devillers; VYponomeute de la vipérine, Godari,
espèce qui a deux éclosions par an, en mai et en août. Le papillon a la
bande noire des ailes supérieures bien plus large que chez le précédent,
les ailes inférieures d'un blanc jaunâtre, lavées de gris au sommet,
l'abdomen d'un jaune orangé clair. La chenille ressemble beaucoup à
la précédente, et vit en tre les touffes de fleurs de la vipérine {Echium
vtilgare), paraissant deux fois l'an, en juillet et en septembre et octobre.
Les chenilles de la première génération subissent toutes leurs méta-
morphoses en six semaines, celles de la seconde hivernent et se chry-
salident au printemps. Cette espèce se trouve dans une grande partie
de l'Europe, dans toute la France, sauf l'extrême nord, en Angleterre,
et n'est pas rare aux environs de Paris. La chenille, très agile, habite des
lieux herbus, dans les terrains calcaires. Le papillon se tient appliqué
pendant le jour contre le tronc des arbres, principalement des peupliers
qui bordent les routes boisées. Une autre espèce analogue, répondant
bien par son aspect funéraire de taches noires sur fond blanc au nom
de genre de Duponchel, qui signifie tristesse, est A. funerella, Fabr.,
VYponommte petit-deuil de Godart, de la France méridionale et cen-
trale, d'Allemagne, d'Angleterre. La chenille vit en août et septembre
sur les feuilles du Lithospermum piirpureo-cœruleum et de la consoude
(Symphitum officinale).
Dans un genre voisin, Myelophila, Treitschke, syn. : Myelois, Zeller,
à spiritrompe bien développée, à bord postérieur des ailes antérieures
droit, se trouve une seule espèce d'aspect de Lithosie, de grande taille
pour un Microlépidoptère et de mœurs spéciales parmi les Yponomeu-
tides. Aui-'si les auteurs plus modernes que Duponchel placent avec
raison cette espèce parmi les Crambides, ce qui est mieux en rapport
avec ses mœurs. C'est le M. cribrum, cat. de V., syn. icribrella, Hiibner,
Treits., Uw Thistle Krmine des auteurs anglais, le Manteau à points de
Geoffroy, la Lithosie tamis de Godart, insecte qui habite presque toutes
les localités où croissent les grands chardons, surtout le Dipsacus
arvensis, la chenille vivant dans l'intérieur de leurs capitules, le pa-
pillon voiant en juin et juillet, et s'écartant peu des grands chardons à
YPONOMEUTA. 729.
tiges élevées qui croissent dans les lieux secs, assez commun aux envi-
rons de Paris, dans le voisinage des carrières abandonnées. La chenille
rayée de gris et de bleuverdàtre passe l'hiver dans la tige des char-
dons, et se change en avril, dans une coque de soie, en une chrysalide
très effilée postérieurement et avec une pointe anale. Le papillon, dans
les deux sexes, a les palpes cylindriques, assez épais, légèrement arqués,
la tête et le corselet blancs, les ailes antérieures en dessus d'un blanc
luisant, avec vingt et un points noirs sur chacune, les ailes postérieures
d'un gris plombé avec les bases blanches, les franges des quatre ailes
blanches. Le nom du genre signifie amateur de moelle.
VPOWOiMElITA, Latreille, syn. : Hyponomeuta, Zeller. — Spiritrompe très peu
développée; palpes très peu arqués, d'égale grosseur dans toute leur longueur,
avec le dernier article aussi long que les deux précédents ; abdomen grêle et
cylindroïde; ailes antérieures légèrement falquées et parsemées de points noirs
sur un fond gris ou Manc ; frange du bord interne des ailes postérieures très
longue. — Cbenilles glabres, atténuées aux deux extrémités, habituellement
de couleurs livides, parsemées de points noirs et de quelques poils serrés, vivant
pour la plupart en sociétés nombreuses, sur les arbres et arbustes, sous une toile
commune, et s'y changeant en chrysalide chacune dans un cocon séparé.
Les espèces des Yponomeutes, assez nombreuses en Europe, sont dif-
ficiles à distinguer, surtout parce qu'on a cru longtemps que la même
espèce pouvait s'attaquer à des arbres différents, ainsi aux pruniers et
aux pommiers. Une Yponomeute absolument semblable aux nôtres ha-
bite la Havane, une autre se trouve en Australie, de bien plus grande
taille que les espèces européennes; on en connaît plusieurs espèces de
l'Amérique septentrionale, d'autres du sud de l'Afrique, un plus grand
nombre encore du Bengale, de Ceylan, du nord de la Chine, etc. Au-
cune n'a été étudiée à l'état de chenille, mais il est probable que la
plupart sont des fléaux pour les arbres de ces contrées éloignées. Des
difficultés considérables de détermination se présentent pour les Ypo-
nomeutes, en ce que le nombre des points noirs des ailes supérieures
varie beaucoup, non seulement d'une espèce à l'autre, mais môme chez
les divers individus d'une même espèce.
L'espèce la plus nuisible en raison de la valeur des fruits dont elle
anéantit la récolte, est une Teigne du prunier, Y.padella, Linn., syn. :
variabiiis, Zeller ; la Teigne du prunier à grappes, Devillers ; la Teigne
padelle, Walckenaëv; V Yponoîneute parfe//^^, Latreille; VYponomeute du
cerisier, Godart. Cette espèce varie beaucoup pour la couleur du dessus
des ailes antérieures, mais toujours la couleur du dessous de ses quatre
ailes est d'un gris brunâtre en entier et celle des franges d'un gris
foncé. Le dessus des ailes antérieures varie beaucoup : tantôt il est
entièrement blanc, avec la frange seulement légèrement teintée de
gris, tantôt entièrement d'un gris assez foncé, tantôt avec la moitié
730 LÉPIDOPTÈRES.
antérieure et l'extrémité seulement grises, le reste étant blanc. Dans
tous les cas, on voit trois rangées longitudinales de points noirs, savoir :
une qui borde la côte et deux qui longent le bord interne, indépen-
damment d'une agglomération de points plus petits en avant de la
frange. Dans toutes les variétés, le dessus des ailes inférieures, comme
le dessous des quatre ailes, est toujours d'un gris plombé, ainsi que la
frange; seulement la côte est finement bordée de blanchâtre dans les
individus non totalement gris. La tète, les antennes et les palpe? sont
toujours blancs. La couleur du thorax varie avec celle des ailes anté-
rieures; dans tous les cas, il est marqué de six points noirs, comme
dans les espèces voisines. L'abdomen est gris en dessus et blanc en
dessous, ainsi que la poitrine et les pattes. Cette espèce couvre de ses
toiles les pruniers cultivés en plein vent et aussi, sur les haies, l'aubé-
pine et le prunellier. C'est en mai qu'on trouve les chenilles sous les
toiles ; elles sont d'un gris plombé et ponctuées de noir. Les adultes
paraissent en juillet. On trouve cette nuisible espèce dans toute la
France, notamment très commune aux environs d'Agen, où l'on fait
beaucoup de pruneaux. Depuis que le prunier est cultivé dans la petite
comme dans la grande-propriété, qu'il décore les vallées et les coteaux,
donnant à l'Agenais l'aspect d'un immense verger, l'insecte destructeur
s'est multiplié d'une manière effrayante. Ses chenilles rongent le feuil-
lage pendant les mois d'avril et de mai, soit en partie, soit totalement,
et, dans ce dernier cas, le prunier ne fleurit pas l'année suivante. Les
femelles font leurs pontes, principalement dans la seconde quinzaine
de juillet, à l'aisselle des feuilles, à côté des yeux, sur les pousses
récentes, ou à la base des branches qui seront fruitières l'année sui-
vante, ne pondant pas sur les longues tiges gourmandes, mais sur les
sommités des branches les plus faibles, les plus rabougries, pour que
la chenille y trouve plus tard des feuilles plus tendres. Une fois son
poste choisi, la femelle élève et abaisse alternativement l'abdomen, et,
à chaque mouvement descendant, dépose sur le bois un œuf entouré
d'une matière visqueuse d'un jaune vif, qui durcit et brunit en peu de
jours. La ponte terminée, les œufs sont immergés dans l'épaisseur de
cette matière, suivant des lignes droites coupées en losanges, en nombre
de trente à quatre-vingts. A la fin de juillet, le dépôt offre la couleur
grisAlre d'une lentille ou d'une pellicule de son, avec la dimension et
la forme ovalaire d'une graine de lin. Avant et surtout après la chute
des feuilles, on peut juger du degré d'intensité du fléau pour le prin-
temps suivant, en inspectant les deux dernières générations de rameaux.
Dans les années désastreuses, on trouve jusqu'à quinze dépôts d'œufs
sur une longueur de bois de 10 à 15 centimètres; cent colonies de che-
nilles suffisent pour ronger un prunier moyen et le stériliser.
De même que la ponte, réclosion des chenilles n'a pas lieu simulta-
nément et dure tout le mois d'août. Dès qu'elle est accomplie dans
chaque dépôt d'œufs, la toiture gris terne se creuse intérieurement sous
YPONOMlîUTA. 731
forme d'une voûte ovalaire surbaissée, dont les bords restent solide-
ment fixés sur le bois. Dans ce réduit étroit, d'un volume inférieur à
celui d'une tête d'épingle aplatie, fourmillent de petites chenilles à
peine visibles à Tœil nu et qui braveront pendant sept mois les intem-
péries des plus rudes hivers. A une forte loupe, elles sont pareilles à
ce qu'on les verra au printemps quand elles sortent de l'enduit, à tète
noire, à corps jaune et glabre; quand elles se meuvent, on voit qu'elles
filent déjà une soie d'une extrême ténuité. Par les grands froids, elles
sont tout à fait engourdies; elles mangent probablement un peu de la
matière azotée de l'enduit. Les chenilles sortent de leur retraite par
une ou deux ouvertures circulaires de la largeur do leur petit corps,
à la fin de mars, dus que les bourgeons émettent une pointe conique
de verdure. Libre, la chenille se jette sur le bourgeon encore enroulé
le plus voisin, en tronque le sommet, puis s'infiltre entre les feuilles
que fait entr'ouvrir la force végétative. Chaque famille se porte ainsi
en masse sur le même point, sans que ses individus se séparent jamais,
pas même à l'état de cocons; les papillons seuls se dispersent. Enfer-
mées dans leur nouveau séjour, les chenilles rongent le parenchyme
des feuilles, sans toucher aux nervures, quelque molles qu'elles soient
encore, et passent ainsi environ quinze jours. On voit se détacher les
bourgeons envahis sur les rosettes voisines de six à sept feuilles; les
folioles du l)ourgeon attaqué sont retenues par une toile bleutltre,
encore interne ; on reconnaît au dehors ces bourgeons arrondis, ma-
culés, souvent roux, quelquefois pourris. 11 faut les couper et les mettre
dans des sacs ou dans des paniers, pour les brûler aussitôt. C'est là
Véchenillage au premier bourgeon. Une fois ce premier bourgeon dévoré,,
la bande de chenilles se transporte à l'extrémité du rameau sur lequel
elle est placée, où se trouvent des rosettes de jeunes feuilles très ten-
dres, non encore étalées. La colonievit encore là de parenchyme pendant
une huitaine de jours, restant rassemblée en un point dans le courant
de la journée; mais, le soir et le malin, et chaque fois qu'il pleut dans
le courant du jour, le peloton se désunit. Les chenilles se promènent
lentement on filant et circonscrivent leur nouveau poste d'un réseau
blanc du volume d'une pomme. Lors de cette deuxième station à la
seconde quinzaine d'avril,les sommités despruniersblanchiesindiquent,
à coup sûr, la présence des larves; c'est l'instant de faire le second
échenillage dans les années de grande abondance des Yponomeutes,
ou le premier, lorsque le mal est le plus bénin; on enlève toiles et
insectes, et on les brûle.
Le bout de la tige récente dévoré, les chenilles font un mouvement
de retraite et se blottissent en corps sous la face inférieure d'une seule
feuille, chaque compagnie ayant alors le volume d'un gros pois. Au
début, rien ne décèle extérieurement cette troisième station; bientôt la
face supérieure de la feuille est tachée d'une couleur rousse, teinte
que prennent les nervures après destruction du parenchyme par les
782 i.fipiDOPTÈP.r.s.
chenilles sous-jacentes; c'est un indice infaillible, el on doit enlever
toutes les feuilles roussies, qui tranchent si vivement sur la verdure
saine, qu'on les aperçoit à plusieurs mètres de distance. Dans ce troi-
sième poste, la colonie continue ses exercices du matin et du soir, filant
circulairement autour du nouveau bouquet de feuilles, l'enlaçant d'un
réseau plus fourré que le précédent, faisant des migrations aux alen-
tours, d'où résultent de nouvelles feuilles roussies. Au mois de mai,
l'appélit va croissant, les stations durent peu. Les rameaux se dépouil-
lent de leur feuillage dans le sens de l'extrémité vers la base, et sont
couverts d'un voile de flloselle salie de déjections noirâtres. Vers le
15 mai, certaines bandes logent dans les toiles ou sous les feuilles;
d'autres se groupent autour des petits rameaux, comme des essaims
d'Abeilles, sous le volume d'une amande. Si la branche est légèrement
choquée, toutes ces chenilles en général, les essaims surtout, se lais-
sent couler dans l'espace, chacune suspendue par le fil qu'elle sécrète
dans sa chute. Quelques-unes remontent, comme les Araignées, mais
péniblement; d'autres s'arrêtent sur les feuilles placées verticalement
en dessous et y demeurent- immobiles. L'échenillage est alors presque
impossible; mieux armées, plus robustes, plus voraces encore, les che-
nilles dévorent indistinctement parenchyme, nervures et fruits; le
feuillage disparaît à vue d'oeil, l'arbre blanchit graduellement.
Si l'apparition du fléau est à son début, il reste encore quelques
feuilles à la fin du mois; l'année suivante, pas trace de végétation à la fin
de mai; à la troisième année, plus de feuillage entre le 15 et le 20 mai.
Le propriétaire qui a échenillé est moins épargné que les autres, car
tous les papillons des voisins sont venus pondre sur ses arbres, revêtus
d'un splendide manteau de verdure. L'absence d'une loi d'échenillage
général, ou plutôt la non-exécution des lois existantes, fait perdre des
millions, tant est grande la réputation des pruneaux d'Agen. Quand la
totalité des feuilles est détruite, le pays prend le plus triste aspect.
Aussi loin que peut se porter la vue d'un spectateur placé sur un coteau
élevé, il n'aperçoit que des lignes, des quinconces semblables à des
squelettes blanchis. Si les feuilles suffisent pour alimenter les chenilles
jusqu'au commencement de juin, celles-ci restent sur les pruniers et
s'y chrysalident. Si les feuilles sont toutes rongées vers le 20 mai, les
chenilles, non encore assez développées pour se métamorphoser, cher-
chent avec activité la nourriture nécessaire pour compléter leur évolu-
tion. Les groupes se désunissent, les individus isolés parcourent plu-
sieurs fois les branches quelconques, de bas en haut, de haut en bas,
sans aucun ordre, mais toujours filant, déposant une couche soyeuse
qui ajoute encore à l'éclat des anciens réseaux. ÏNe trouvant plus que
le désert, elles émigrent vers le sol. Les unes descendent par le tronc
que la richesse de leur soie leur permet encore de blanchir. Les autres
se laissent aller dans l'espace le long d'un câble composé d'autant de
fils que d'émigrantes. 11 se forme ainsi plusieurs colonnes de la gros-
YPONOMEUTA. 733
seur d'une canne et longues de plusieurs mètres, qui pendent autour
du prunier comme des cordons bariolés de juune et de noir (couleurs
des deux variétés de chenilles). Le vent les balance, les entrelace, et
d'affreuses guirlandes retombent en festons autour de l'arbre. Ces bêtes
restent ainsi suspendues pendant plusieurs jours, et on peut alors les
exterminer par milliers, en rompant le câble avec une perche et écra-
sant la colonne qui tombe sur le sol en un seul bloc. Après une station
aérienne de cinq à six jours, les chenilles s'ébranlent de nouveau. Elles
rampent les unes sur les autres, allongent la chaîne et arrivent à terre.
Là, agiles et inquiètes, elles tournoient autour du prunier, blanchis-
sant encore soit la terre nue, soit les plantes quelconques qui se trou-
vent aux environs, mais ne goûtant absolument à aucune. Bientôt tous
ces insectes, trop peu développés pour se chrysalider, périssent de faim
et de misère; c'est par son extrême multiplication même que le pays
est délivré du fléau parasitaire.
Les chenilles cessent de brouter au commencement de juin. Dans les
premiers jours de ce mois, elles filent une toile plus forte, plus fourrée,
plus blanche qu'auparavant. Cette toile, tantôt enveloppe les dernières
rosettes de feuilles qui restent, tantôt est disposée dans l'angle que for-
ment deux brindilles. Chaque bande se loge dans le centre du réseau
filé en commun par ses chenilles, et, à la fin de la première qumzaine
de juin, il y a sur l'arbre des groupes de cocons aussi parfaitement
séparés que les sociétés de chenilles. Lors de la nymphose, elles s'agitent
convulsivement, se tordent, serpentent par de brusques ondulations.
Suspendues la tête en bas, elles se revêtent de la soie déjà existante
autour d'elles, qu'elles rassemblent avec leurs pièces buccales et leurs
pattes thoraciques. Tantôt elles sortent du tube en voie de formation,
tantôt elles y rentrent avec précipitation. Le cocon une fois terminé,
du 10 au 15 juin, la chenille s'y tient désormais immobile. Après le 15,
on voit un petit amas noir au sommet supérieur du cocon transparent;
c'est la vieille peau ratatinée de la chenille, refoulée par elle. Dans la
partie inférieure du cocon, la lête en bas, est la chrysalide, d'une
couleur jaune, avec la tête plus foncée, les fourreaux alaires jau-
nâtres ou noirâtres. Quelquefois les chrysalides sont situées dans un
même plan vertical; ailleurs elles sont groupées en cercles, jamais
adhérentes entre elles ni au bois environnant. Dans les années à grande
abondance d'Yponomeutes, il n'est pas rare de voir de longues guir-
landes de cocons, semblables à des paquets de chapelets qu'on aurait
attachés aux branches par les deux bouts, et dont les grains retom-
bants dessineraient des courbes gracieuses. La structure du réseau de
suspension des cocons permet une destruction complète et très expédi •
tive. On taille le bout d'un long roseau en bec de flûte ; à 2 ou 3 cen-
timètres au-dessous, on enroule un corps rugueux, chanvre, drap,
lisière, etc., sur une longueur de 12 à 15 centimètres, et on serre for-
tement l'objet avec une bonne ficelle. On dirige successivement l'appa-
73^ LÉPIDOPTËUES.
reil dans le centre des monceaux de cocons, en poussant et tournant.
La toile est si rugueuse, qu'elle s'enroule en un clin d'oeil autour de
l'armature, entraînant les cocons, qui bientôt forment le volume d'un
concombre. Lors l'instrument est trop surchargé, des blocs s'en déta-
chent; on tourne alors la pointe contre le sol, on pousse le bloc avec le
pied et on l'écrase. Il s'accumule autour du roseau de soixante à quatre-
vingts groupes de chrysalides. Les haies d'aubépine doivent aussi être
inspectées et dccoconnées; pour cette opération, il suffit d'un bâton
armé comme le roseau, et qu'on promène tour à tour d'un côté et de
l'autre de la haie. Il conviendrait aussi que toutes les haies fussent
coupées en hiver, afin d'anéantir les dépôts d'oeufs. La chasse aux
cocons se fait du 15 au 25 juin.
(Juinze jours après la troisième métamorphose, du 25 au 30 juin,
il se dégage de toute chrysalide bien constituée un petit papillon
blanc, de 1 centimètre de longueur, les ailes supérieures tachetées
de points noirs, les inférieures d'un bleuâtre pâle. L'éclosion n'offre
pas de particularité spéciale. Comme tous les papillons, il secoue
ses ailes repliées en travers; bientôt celles-ci se redressent, et il
fournit plutôt un bond qu'un premier vol. Pendant deux ou trois
jours, il stationne sur les toiles des pruniers ou des haies, s'y te-
nant parfaitement immobile. Bientôt il prend toutes les habitudes
des chenilles; ainsi on l'aperçoit tout le Jour abrité sous les feuilles,
sous les rameaux, toujours à l'ombre, et fuyant les rayons du soleil.
Il recherche les massifs d'arbres, notamment les ormes les plus
ftairrés, vers lesquels il se transporte dans un moment inconnu. Dans
tout le cours de la journée, on n'en voit aucun en mouvement; il faut
même une recherche minutieuse pour les découvrir; mais, si les
arbres sont secoués, ou les branches frappées légèrement, une nuée de
ces petits papillons voltige lourdement en tournoyant et tombe à terre
à 2 ou 3 mètres du pied du tronc; là l'insecte se tient stupidement im-
mobile, se laissant saisir comme un corps inerte. On rencontre cà et là
des papillons accouplés, les corps en opposition. Dans la région de
l'Agenais, les tempêtes soufflent dans la direction sud-ouest à nord-est;
il est probable qu'elles sont le véhicule des Yponomeutes adultes, qui
envahissent le pays, canton par canton, dans le sens indiqué. On a fait
éclore, en boîte vitrée et à l'ombre, aux derniers jours de juin, des
cocons du prunier et de l'aubépine, et aussi du pommier, espèce très
voisine; les papillons ont vécu sans nourriture jusqu'au 15 août; cela
fait comprendre comment on trouve encore des papillons en liberté au
mois de septembre; ce sont des individus qui ne se sont pas accouplés.
L'espèce est de France, d'Allemagne, d'Angleterre.
Des difficultés considérables, au point de vue entomologique, nous
sont offertes par les espèces qui vivent sur le pommier. Elles sont au
nombre de deux. L'une, qui ressemble beaucoup à Y. variabilis ou
padella, et qui a été confondue avec elle par presque tous les auteurs,
YPONOMKLTA. 735
est VY. mallvorella, (lueiiée, espèce très valable d'après l'observation
de M. Stainlon, qu'elle ne peut vivre que sur le pommier et non sur le
prunier. 11 a mis sur le pommier des chenilles de padella de l'aubé-
pine, et elles se sont laissées mourir plutôt que d'y toucher, M. Bissière
a constaté le même fait dans l'Agcnais, où des chenilles ont passé d'un
grand pommier sur deux pruniers et s'y sont chrysalidées, mais sans
toucher aux feuilles. C'est à peine si l'année suivante les papillons ont
déposé quelques œufs. Ce fait important de la localisation végétale des
Yponomeutes parait être général, car M. Ragonot l'a constaté par les
espèces evomjmeUa, cagnagella et mahalebella. Les adultes d'F. malivo-
rella, Guenée, ont la côte de l'aile supérieure en dessous finement
bordée de blanc et non entièrement grise, comme chez padella. Kn
outre, le cocon est blanc, plus épais et plus consistant que celui de
padella, pas autant toutefois que celui de Y. cagnagella, Hûbner, espèce
qui vit sur le fusain. Enfin, les chenilles de malivorella vivent en petits
groupes éparpillés sur les branches des pommiers, et ne se réunissent
pas en grands nids lors de la nymphose. Les dépôts d'œufs sur le pom-
mier sont plus petits et plus ronds que ceux de l'Yponomeute du pru-
nier; la chenille qui en sort est plus grêle et moins longue quand
elle a toute sa taille. Elle pique la feuille naissante par un point de sa
surface, se glisse dans l'épaisseur du limbe, rejetant nervures et épi-
derme, et vivant uniquement de parenchyme.
Bientôt on aperçoit les feuilles attaquées oll'rir une tache rousse qui
grandit chaque jour, et qui en envahit toute la surface. En déchi-
rant cette feuille on trouve les épidémies largement séparés, et la
chenille logée dans la poche qu'elle eut l'art de se creuser dans
un organe aussi mince. Pour écheniller, il suffit de ramasser les
feuilles tachées de roux, et qui se voient très bien, et de les brûler;
en ce moment, l'échenillage est bien plus facile que celui du prunier;
mais il devient presque impossible si l'on attend les autres stations,
car les chenilles, au lieu de marcher par pelotons souvent rassem-
blés, sont toujours dispersées et peu visibles, bien que restant dans
l'étendue d'une même rosette de feuilles. La chrysalidation diffère
encore de celle des chenilles du prunier et de l'aubépine. Si les co-
cons se forment sur l'arbre, on les trouve indifféremment dans les
bouquets de feuilles, ou collés avec force contre les grandes bran-
ches ou même contre le tronc. Dans les années où le feuillage est
rongé de bonne heure, soit au 20 mai, les chenilles qui descendent
parle tronc ou en cordons se chrysalidant soit à la base de l'arbre, soit
sur les plantes qui croissent à peu de distance. Dans cette circon-
stance, ce sont des masses énormes de cocons à côté les uns des
autres, revêtus chacun d'une toile épaisse et très blanche, figurant, par
la régularité des lignes, les gâteaux d'une ruche d'Abeilles. Les cocons
adhèrent fortement entre eux et contre le bois, et on ne peut les en-
lever qu'à la main d'une manière efficace. M. Bissière dit que, dans
736 LÉPIDOPTÈRES.
l'Agenais, on ne dciruit pas cette chenille, vu le peu d'importance de
la culture du pommier, mais que, depuis une dizaine d'années, on n'a
pas récolté une seule pomme. M. Ragonot dit avoir reçu d'Angleterre
des exemplaires de malivorella, mais que, jusqu'à présent, on n'a pas
trouvé dans ce pays le véritable Y. malinella, Zeller.
Cette espèce, dont le nom vient de malus, pommier, est plus répan-
due et plus nuisible en France que la précédente, et sa chenille fabrique
de grandes toiles communes, à la façon de padella sur le prunier, et
gui couvrent presque annuellement les pommiers. C'est cette espèce
que Duponchel appelle cognatella {Lépidop. de France, X, 1836, p. 320),
qu'il dit être la plus commune des Vponomeutes aux environs de Paris,
et causer beaucoup de ravages. Le dessus des ailes antérieures est en-
tièrement d'un blanc de neige, y compris la frange, avec trois rangées
longitudinales de points noirs, dont une longe la côle et les deux autres
le bord interne, de sorte que le milieu de l'aile reste vide de taches-
Les deux rangées du bord interne sont très rapprochées l'une de l'autre,
et se composent chacune de cinq à six points plus gros que ceux de la
côte, qui sont d'ailleurs plus nombreux. Ces trois lignes de points se
confondent, au bord postérieur, dans une série transverse de points
beaucoup plus petits, et plus ou moins nombreux d'un individu à
l'autre. Les ailes inférieures sont en dessus d'un gris de plomb foncé,
avec leur frange presque blanche. Le dessous des quatre ailes est éga-
lement d'un gris de plomb,, mais la côte, aux ailes supérieures, est
toujours finement bordée de blanc pur, et la frange est blanche ou
presque blanche; la frange des ailes inférieures est d'un gris clair, qui
devient blanc au sommet et à l'angle anal. La tête, les palpes et les
antennes sont d'un blanc de neige; le thorax est aussi du même blanc,
avec six points noirs, dont quatre au milieu et un sur chaque pléry-
gode. L'abdomen, la poitrine et les pattes sont également blancs, mais
d'un blanc moins pur que les autres parties du corps.
Dans son jeune Age, la chenille est d'un blanc jaunâtre, avec des
points verruqueux noirâtres, la tête noire, l'écusson et le clapet anal
bruns. En grandissant, elle devient d'un gris clair velouté, avec la ligne
vasculaire d'un gris plus foncé et deux séries de taches d'un noir de
velours et presque carrées, dont deux sur chaque anneau. Entre ces
deux taches, on aperçoit les points verruqueux d'un gris foncé et sur-
montés de poils de la môme couleur. La tête, qui est ronde, est d'un
noir mat, ainsi que l'écusson, qui est partagé dans sa longueur par une
ligne blanchâtre. Le ventre et les pattes sont d'un gris clair. Cette che-
nille vit en nombreuses sociétés sous de grandes toiles recouvrant les
pommiers. Parvenue à toute sa taille, à la fin de juin ou au commence-
ment de juillet, elle se change alors en chrysalide dans une petite
coque blanche d'un tissu serré, ayant la forme d'un grain d'orge. Cette
coque est suspendue verticalement à la toile commune; elle est souvent
réunie aux coques voisines. La chrysalide est jaunâtre, avec la tête.
YPOSOMEUTA. 737
l'enveloppe des ailes et la pointe anale d'un brun foncé. L'adulte en
sort au bout de trois semaines, c'est-à-dire vers la fin de juillet. Son
corps, presque linéaire, paraît à peine de force à soutenir ses longues
ailes; aussi l'animal ne vole pas longtemps, surtout les femelles. Il se
laisse plutôt tomber des arbres, et, après quelques mouvements, il
replie ses ailes, qui enveloppent complètement son abdomen. Si l'on
passe au mois de juillet sous les pommiers attaqués, on se trouve par-
fois couvert de ces petils papillons. Ils déposent sur les écorces des œufs
que leur exiguïté rend invisibles, et qui passent sans éclore l'automne,
l'hiver et une partie du printemps. Leur éclosion, en mai et juin, se
prolonge à peu près pendant un mois. A peine sortie de l'œuf, la che-
nille commence à filer les toiles qui vont envelopper les pommiers. Sa
présence se décèle par la couleur teslacée des feuilles qui sont le siège
de ces tentes, couleur due à l'absence du parenchyme dévoré par les
chenilles. Chaque paquet est l'ouvrage d'une ponte et devient le siège
d'une famille entière de chenilles. Certains arbres n'en portent que
cinq à six; sur d'autres, il en éclôt plus de cinquante. Il n'y a là que
des tentes lâches destinées à abriter les chenilles contre la chaleur, les
rosées, etc., et nullement des réseaux opaques et fortement tissés,
comme ceux qui protègent les chenilles de Liparis chrysorrhœa contre
les froids de l'hiver. A mesure que les chenilles grossissent, leurs
ravages s'étendent et se rapprochent de plus en plus de la base des
branches, dont elles n'occupaient d'abord que le sommet, et, si les
familles sont nombreuses, il arrive un moment où l'arbre entier se
trouve envahi et dépouillé de toutes ses feuilles. C'est alors qu'un
curieux phénomène se produit.
11 ne s'agit plus maintenant de la communication des familles entre
elles, mais de l'émigration de toute la colonie d'un arbre à un autre,
pour trouver de nouvelle nourriture, et, dans ce but, il lui faut des-
cendre au pied de l'arbre et se frayer un chemin sur le sol. Les
familles rassemblées font alors cause commune et tissent un rail de
soie tout le long de la tige. Si elles sont nombreuses, il arrive que le
tronc tout entier se trouve enveloppé d'un fourreau de soie blanche
sans solution de continuité. Enfin, si beaucoup de familles ont à suivre
cette voie commune, comme chaque chenille laisse à sa suite un fil
particulier, le tissu se consolide et devient une véritable étoffe d'une
certaine consistance, une mousseline délicate susceptible d'être décou-
pée en bandes et ployée comme un foulard. On a essayé, paraît-il, en
Allemagne, d'obliger ces chenilles à se mouvoir sur un moule donné,
et on a obtenu ainsi un tissu très léger et en même temps très solide,
dont on a fait des fichus pour dames. On n'a ici ni chaîne, ni trame,
ni entrelacement, ni feutrage ; les fils sont simplement juxtaposés, et,
s'ils adhèrent si fortement entre eux, c'est par la propriété agglutina-
tive des fils de chenille au sortir de la filière, et sur laquelle on s'ap-
puie pour opérer la croisade des brins de cocon dans la soie grège. On
GIRARD. ni. — 47
738 LÉPIDOPTÈRES.
voit à la loupe que les fils de ces tissus sont croisés dans tous les sens,
ce qui vient de ce que les chenilles qui ont confectionné ce fourreau
commun venaient de branches situées de différents côtés. A l'époque
de la nymphose, les familles ne se séparent pas et opèrent leur chrysa-
lidation en commun, chaque chenille dans une petite coque fusiforme
de soie blanche. Les cocons agglomérés forment des paquets souvent
foi't volumineux, tantôt placés dans le nid môme où ont vécu les che-
nilles, tantôt attachés aux branches ou au tronc des pommiers, à l'abri,
le plus possible, du vent et de la pluie. Il y a de ces faisceaux qui éga-
lent la tête en grosseur, et qui contiennent des milliers de chrysalides.
Ces énormes agglomérations sont exclusivement propres à la Teigne du
pommier. Les faisceaux des chrysalides des Vponomeutes du prunel-
lier égalent rarement la grosseur du poing. La chenille de l'Ypono-
meute du fusain dispose ses chrysalides par groupes isolés de trois ou
quatre, et même parfois reste seule,
L'Y. malinella cause, en certaines années, des ravages considérables
en Normandie, et compromet gravement la récolte du cidre. Notam-
ment l'année 1838 fut désastreuse. Les pommiers des campagnes nor-
mandes, entièrement dénudés, attristaient les regards; en outre, les
cultivateurs avaient le spectacle désolant de branches dépouillées et
couvertes de milliers de chenilles, qui, n'ayant plus rien à dévorer,
pendaient çà et là en grappes énormes, de plus de 60 centimètres,
grosses à proportion, contenues dans une coque de soie blanche, tandis
que le tronc de l'arbre était enveloppé d'un blanc et soyeux linceul ne
laissant plus apercevoir l'écorce. Non seulement la récolte fut détruite
pour plusieurs années dans divers cantons, mais une grande quantité
d'arbres en plein rapport moururent par le fait de l'Yponomeute. Les
cultivateurs ont remarqué qu'un vent brumeux du nord-ouest est tou-
jours le précurseur immédiat de l'apparition de ces chenilles, tellement
qu'ils prétendent qu'elles sont transportées par ce vent. Plus ce vent
persiste, plus la récolte de pommes est menacée. D'après A. Guenée,
une opinion analogue existe dans l'Eure. On a remarqué que les éclo-
sions des chenilles sont favorisées par les brouillards de mai, les fumées,
comme les appellent les paysans, qui les accusent même de produire
les chenilles. Il est probable que l'humidité des brouillards favorise
l'éclosion des œufs à' Y. malinella. A. Guenée pense que le seul éche-
nillage possible est celui qui profite de la réunion des coques de chry-
salydes en très grand nombre au même point. A la fin de juin ou au
commencement de juillet, dès que les chenilles disparaissent des toiles
pour faire place aux chrysalides, il faut enlever les paquets de chrysa-
lides, soit à la main, soit en raclant avec un outil, les jeter dans un
sac et les brûler. On détruit ainsi, d'un seul coup, une immense quan-
tité de femelles, et, par suite, de pontes qui écloraient l'année sui-
vante. On peut affirmer que si ce moyen était employé avec quelque
persistance, et surtout par tous les propriétaires limitrophes à la fois,
YPONOMtUTA. 739
la Teigne du pommier disparaîtrait d'un pays au bout de peu d'années,
ou du moins y deviendrait assez rare pour ne commettre que d'insi-
gnifiants dégâts. Il est bon d'allumer des petits feux, ainsi des lampions,
dans les lieux infectés, mais au moment môme de l'éclosion des papil-
lons et avant les accouplements. On détruit ainsi beaucoup de papil-
lons, mais surtout des mâles, car les femelles volent à peine, princi-
palement si elles sont fécondées, et ont l'abdomen gonflé d'œufs ;' elles
ne s'écartent guère des troncs et des grosses branches, où elles savent
devoir opérer leur ponte.
Les autres Yponomeutes, soit moins abondantes, soit s'attaquant à des
végétaux sans importance pour nous, sont peu nuisibles. L'F. plum-
bella, cat. de V., la Plombée de Devillers, de France et d'Angleterre,
présente les ailes supérieures d'un blanc sale en dessus, avec deux
taches d'un brun noir, l'une apicale et couvrant une partie de la
frange dont le reste est blanc, l'autre médiane et placée prùs du bord
interne. Klles sont en outre parsemées d'un grand nombre de petits
points noirs, disposés en quatre séries longitudinales, dont deux le long
de la côte et deux le long du bord interne. La chenille est d'un roux
ferrugineux sur les quatre premiers anneaux et d'un gris cendré sur
les suivants, avec une raie dorsale de points noirs sur toute la longueur
du corps, et une tache de la même couleur sur les côtés de chaque
anneau. Le quatrième anneau est en outre varié de blanc. La tête est
ferrugineuse, avec deux lignes noires. Cette chenille vit sur le Rham7ius
frangula. Parvenue à toute sa taille dans le milieu de juin, elle se
construit, entre deux feuilles, une coque d'un tissu lâche qui en ren-
ferme une autre d'un tissu plus serré et dans laquelle elle se change
en une chrysalide d'un jaune brun. Nous représentons cette chenille
et cette chrysalide, pi. xcviii, fig. 5 a, 5 b. Le papillon se trouve, au mois
de juillet, dans les bois de beaucoup de localités de la France centrale
et septentrionale; il est assez rare près de Paris.
Sur le cerisier, Prunus padus, se trouve une Yponomeute, Y padi,
Zeller, syn. : evonymella, Linn., la Teigne blanche à points noirs, de
Geoffroy, espèce de France, d'Angleterre, d'Allemagne, dont les ailes
supérieures sont blanches, avec cinq rangées de petits points noirs. La
chenille, spéciale au cerisier, présente chacune de ses grandes taches
ordinaires suivie d'une autre plus petite sur la même ligne, et les points
verruqueux plus grands et bien distincts, principalement sur les côtés.
Exclusivement sur le fusain, Evonymus Europœus, et sur diverses
espèces des jardins, se trouve Y. cagnagella, Hubner, la Teigne du
fusain, Devillers, syn. : evonymella, Scopoli, dont la chenille ronge
parfois les fusains jusqu'à l'écorce, après les avoir dépouillés de toutes
leurs feuilles. L'espèce est de France, d'Angleterre, etc. Chaque nichée
se compose d'individus agglomérés sous une toile commune, dont le
tissu ressemble à du crêpe. Quand toutes les feuilles enveloppées par
cette toile se trouvent consommées, les chenilles l'abandonnent et vont
7Û0 LÉPIDOPTÈRES.
en filer une autre plus loin, opération qu'elles répètent jusqu'à ce
qu'elles aient atteint toute leur taille. De Là vient qu'on rencontre sou-
vent des haies de fusain tout à fait privées de feuilles, recouvertes de
place en place des toiles dont nous venons de parler, mais vides de
chenilles, qui n'y ont laissé que leurs excréments. Ces chenilles, à leur
grosseur, sont jaunes, avec la tête et les pattes écailleuses d'un brun
noir, ainsi que l'écusson prothoracique, qui est partagé en deux par
une ligne jaune. Tout le corps est, en outre, parsemé de points noirs,
au nombre de quatre, placés carrément sur chaque anneau, et dont les
deux antérieurs sont les plus gros; les points verruqueux sont trùs
petits, presque invisibles. On trouve ces chenilles de mai en juillet,
époque à laquelle, sans abandonner leur toile, elles se construisent
séparément et l'une à côté de l'autre, une coque blanche, ayant la
forme d'un grain d'orge et de consistance papyracée, et s'y changent
en une chrysalide d'un brun foncé, avec l'enveloppe des ailes très
prolongée et séparée de l'abdomen. Toutes ces coques sont suspendues
verticalement et rangées circulairement les unes à côté des autres. Les
papillons ressemblent beaucoup à ceux à' Y. malinella, mais sont plus
grands; les franges des ailes supérieures, tant en dessus qu'en dessous,
sont toujours d'un blanc pur, et généralement les franges des ailes
inférieures sont de la môme couleur; mais certains spécimens les ont
teintées de gris. Ils mettent trois ou quatre semaines à se développer,
et paraissent en août. Cette espèce est répandue en France dans beau-
coup de localités, mais assez rare près de Paris.
Une autre Yponomeute présente ses nombreuses chenilles sur le bois
de Sainte-Lucie ou Prunus mahaleb. C'est Y. mahalebella, Guenée, trouvée
d'abord sur le mahaleb à Enghien, près de Paris. Il est impossible, dit
M. Ragonot, de séparer le papillon de cagnagella, mais la distinction
des espèces s'établit par les arbustes nourriciers et par les chenilles.
La chenille d'y. mahalebella est d'un blanc grisâtre, avec les segments
antérieurs seulement jaunâtres et les points verruqueux plus grands
que chez cagnagella, et bien distincts principalement sur les côtés.
Cette espèce ne paraît pas exister en Angleterre ni en Allemagne ; on
la trouve en France en d'autres lieux qu'aux environs de Paris, ainsi,
en Alsace (de Peyerimhoff) , à Bar-sur-Seine (Gartereau), dans l'Indre
(Maurice Sand) et dans la Charente (H. Delamain) où elle est très com-
mune. En certaines années, les haies de Prunus mahaleb des environs
de Jarnac, sont entièrement dévorées, et leurs branches dénudées sont
couvertes de toiles blanches, brillantes comme de la soie. M. H. Delamain
dit que cette espèce est bien certainement distincte de cagnagella, car
sa chenille meurt plutôt que de toucher au fusain.
11 y a une Yponomeute dont on trouve les toiles dans beaucoup de
jardins, sur les Sedum cultivés du groupe des Telephium. C'est VY. vi-
gentipunctata, Retzius, syn. : sedella, Treitschke, Duponchel. Le pa-
pillon a 18 millimètres d'envergure; les quatre ailes sont en dessus
YPONOMEUTA. 741
d'un gris de plomb luisant, avec trois rangées longitudinales de points
noirs sur les antérieures, dont une le long de la côte et deux paral-
lèles au bord interne. La frange des quatre ailes est de la couleur du
fond; seulement celle des antérieures est marquée, vers le sommet,
d'une petite tache noirâtre à peine visible. Le dessous des quatre ailes
est entièrement du môme gris que le dessus. La tôle, le corps, les
antennes et les pattes sont de la couleur des ailes; les palpes sont gris
à la base et noirs à l'extrémité. Le thorax est marqué de six points
noirs, dont un sur chaque ptérygode et les autres au milieu. La chenille
est blanchâtre, avec les bords des premiers et derniers anneaux d'un
jaune soufre. Sur le dos règne une raie d'un gris pâle, à droite et à
gauche de laquelle on voit sur chaque anneau deux grandes taches
rondes d'un noir velouté. Derrière chacune de ces taches est placé un
petit point noir, et, sous celui-ci, un autre dans une direction oblique.
Sur les côtés et près des pattes membraneuses sont encore, sur chaque
anneau, deux petits points noirs, à côté l'un de l'autre, dans une posi-
tion oblique, et, entre eux et les points dorsaux, on en aperçoit deux
autres beaucoup plus petits. L'écusson du prothorax est marqué de
deux petites taches noires et la tête est d'un jaune clair. Cette chenille
vit entre les feuilles et les tiges du Sedum, qu'elle revôt d'un tissu
lâche, analogue à une toile d'Araignée. Il y en a ordinairement plu-
sieurs sous la môme toile filée en commun, où elles se changent en
chrysalides d'un brun jaunâtre. Cette espèce, de France et des environs
de Paris, d'Angleterre, d'Allemagne, a deux générations par an, en
août, puis en mai de l'année suivante, après hivernation des chrysa-
lides.
On consultera, pour les Yponomeutes : A. Guenée, la Teigne du pom-
mier {Bull, de la Soc. Dunoise, Châteaudun). — E. Ragonot, Noies sur
les Yponomeutes {Ann. Soc. entom. de Fr., année 1873, Bull., p. 112
432, 133). — Bissière, les Chenilles du prunier et du pommier {Bull,
d' Insectologie agricole, 1875-1876, 1" année, p. 6Zi et 80).
Un genre voisin des Yponomeutes est le genre Prays, Hûbner. Il
présente, dans l'extrême midi de la France, une espèce très nuisible
aux oliviers, le P. olcellus, Boyor. Cette Teigne de l'olivier a été décrite
dans un mémoire de Boyer de Fonscolombe {Ann. Soc. entom. de Fr.,
1837, p. 179-187, pi. viii, fig. 5 -.Notice sur deux Teignes qui attaquent
l'olivier), et a deux générations par an, dans des stations différentes, ce
qui avait fait d'abord croire à Boyer à deux espèces distinctes. La che-
nille de la première génération vit en mineuse dans les jeunes pousses
et dans les feuilles de l'olivier en mars et avril; la chenille de la
seconde génération ronge en août et septembre les noyaux des olives.
Ces chenilles sont verdâtres, marbrées de lie de vin sur le dos; les
chrysalides, qui se forment sur la terre dans de légers cocons transpa-
rents, sont ou vertes ou d'un jaune brun. Les papillons, provenant soit
des chenilles des feuilles à la tin d'avril, soit des chenilles sorties en
742 LÉPIDOPTÈRES.
septembre des olives tombées, sont en entier d'un gris de fer, avec les
ailes longuement frangées, enroulées au repos autour du corps, les
supérieures marquées de traits noirs transversaux et de points noirs, les
inférieures unies. En Provence, où les arbres sont petits, on peut, en
mars, rechercher et brûler les feuilles tarées, faciles à reconnaître à
leurs taches irrégulicres d'un brun tirant sur le jaune ou le noirâtre,
qui abritent la chenille mineuse; mais ce mode d'opérer serait d'un
emploi presque impossible dans le Var, et surtout dans les Alpes-Mari-
times, où les oliviers atteignent de grandes dimensions. On peut allumer
des feux à la nuit dans les champs d'olivier, en mars, puis en août, sep-
tembre et octobre, afin de brûler le plus de Teignes qu'on pourra. Le
mieux est de remuer fréquemment la terre sous les arbres, principa-
lement à leur pied, ou de l'ébouillanter, afin de détruire les chrysa-
lides. Il faut surtout ne pas laisser sur le sol les olives tombées en sep-
tembre, car, sauf de rares exceptions, elles ont été détachées parle fait
de la chenille mineuse, qui a rongé la base du pédoncule du fruit et
se dispose à sortir pour se transformer en terre. On ramassera ces
olives avant qu'elles soient desséchées, et, comme elles ne contien-
nent pas encore assez d'huile pour qu'on puisse les utiliser avantageu-
sement, il faut les brûler ou les noyer immédiatement. Consulter:
A. Peragallo, VOlivier, non histoire, sa culture, ses ennemis, ses maladies
et ses amis. Nice, 1882, p. 80 et fig. 12.
Le genre Prays nous présente une autre espèce dans le centre et le
nord de la France, en Angleterre et en Allemagne, le P. Curtisellus,
Donovan, avec var. rusticus, Haworth, syn. : Aedia cœnobitella, Dupon-
chel; envergure, 18 millimètres; tête et thorax entièrement blancs,
ainsi que les palpes et les pattes, abdomen et antennes noirrUres; ailes
supérieures blanches en dessus, avec deux taches noires, l'une mé-
diane, l'autre terminale ; la première forme un triangle allongé, dont
le côté le plus grand longe la tête, la seconde est plus ou moins échan-
crée du côté interne; en outre, la partie blanche de l'aile est parsemée
d'atomes noirs, surtout le long du bord interne, et la frange est noi-
râtre. Les ailes inférieures sont d'un gris noirâtre de part et d'autre,
ainsi que le dessous des premières, avec la frange de la même couleur.
La chenille à toute sa taille est d'un vert foncé, avec les sous-dorsales
rembrunies. Elle est parfois nuisible aux frênes, et paraît deux fois, en
avril, sous les écorces, dans les bourgeons, dans les fleurs du frêne, en
.automne rongeant les feuilles roulées attachées par des fils de soie. Le
j papillon se trouve près de Paris, dans les baliveaux et dans les (ioupes
de frêne.
La famille des Tinéides proprement dites comprend des espèces dont
les chenilles vivent toujours sous des abris variés : tantôt ce sont des
galeries fixes, creusées par les chenilles dans des substances diverses,
vieux bois, bolets, grains, etc., ordinairement d'origine végétale, et
alors elles y subissent leurs métamorphoses sans déplacement ; tantôt,
EUPLOCAMUS. 7^3
au contraire, les abris de ces Teignes proprement dites sont des four-
reaux mobiles, emportés par la chenille dans ses déplacements, et qui
sont formés par les substances, souvent d'origine animale, dont se
nourrit la chenille. Parvenues à toute leur croissance, elles quittent le
tissu qui les a nourries, viennent s'accrocher à peu de distance à une
muraille ou à une surface quelconque, et attendent là paisiblement
leur éclosion en insectes parfaits. Certaines de ces espèces sont très nui-
sibles et habitent de préférence l'intérieur de nos habitations.
ElJPIiOCAlMUfsi, Latr. — Antennes des mâles plumeuses dans quelques espèces
et seulement ciliées dans les autres, antennes des femelles filiformes dans
toutes; tête velue; spiritrompe très courte ou presque nulle; palpes dont les
deux premiers articles sont garnis de longs poils formant faisceau dirigé en
avant et un peu incliné vers la terre, le troisième article nu, grêle, et relevé
en sens contraire ; les quatre ailes brièvement frangées, les supérieures longues,
étroites, légèrement falquées, avec le sommet arrondi, les inférieures ovalaires;
pattes postérieures épaisses, très longues et très velues; abdomen cylindroïde,
terminé par un bouquet de poils dans les mâles, en pointe chez les femelles.
— Chenilles glabres, livides, vermiformes, garnies de quelques poils isolés,
implantés sur autant de points verruqueux peu apparents. — Chrysalides effi-
lées, avec les anneaux de l'abdomen hérissés d'épines, comme celles des Sésies.
Le nom de ce genre, dû à Latreille, signifie belle chevelure, en raison
d'on caractère rare chez les Tinéiniens, les antennes des mâles plutôt
en forme de plumes frisées que pectinées dans quelques espèces, remar-
quables en outre par leurs couleurs vives et tranchées, les antennes des
mâles des autres espèces étant seulement ciliées. Les chenilles connues
des Euplocames vivent, soit dans le bois pourri, soit dans les agarics,
bolets et autres champignons qui croissent dans le tronc des vieux
arbres. Elles y creusent de profondes galeries qu'elles tapisseni de soie
et dont elles ferment l'entrée avec la même matière avant de s'y changer
en chrysalides. Ces chenilles ressemblent beaucoup à celles des Sésies,
et l'éclosion de leurs papillons a lieu comme chez ces dernières, c'est-
à-dire que la chrysalide, à l'aide des épines dont son abdomen est
garni, et qui favorisent les mouvements qu'elle se donne, sort à moitié
de la galerie, avant que le papillon sorte lui-même de la chrysalide,
qui a du reste la même forme que celle des Sésies. Certaines de ces
chenilles se trouvent toute l'année; mais c'est principalement au com-
mencement du printemps et en automne qu'il faut les chercher. Les
papillons éclosent d'avril en juillet, et s'écartent peu de l'endroit où
ils sont nés. On les fait lever en battant les herbes et les buissons qu
se trouvent dans le voisinage des vieux arbres.
Le type de ce curieux genre, dont nous représentons le mâle,
pi. xcvni, fig. 2, est un des plus grands Tinéiniens d'Europe, atteignant
une envergure de près de 30 millimètres, VE. anthracinalis, Scopoli,
lUli LÉPIDOPTÈRES.
syn. : anthracinus, G. Mén., syn. : anthracinellus , Teitschke. La tôte est
fauve ; la tige des antennes est noire et annelée de blanc, leurs barbules
sont noires, comme frisées, et chacune d'elles est doublement pectine'e,
comme la tige elle-même; les palpes sont noirs, à l'exception du troi-
sième article, qui est blanc au milieu et à son extrémité; thorax noir,
avec les ptérygodes fauves; les quatre ailes d'un noir brunâtre luisant
sur leurs deux faces (d'où le nom à'anthracinalis), les supérieures ayant
en dessus plusieurs gros points blancs, dont cinq le long de la côte,
quatre le long du bord interne et un placé au milieu et vers l'extrémité
de l'aile, en outre deux de moyenne dimension qui précèdent la frange
et deux ou trois petits à l'angle du sommet. La plupart de ces points
reparaissent en dessous, mais diminués de grosseur; ailes inférieures
toujours sans points au-dessus, mais en ayant quelquefois deux en des-
sous; frange des ailes supérieures noire et entrecoupée de blanc sur
ses deux surfaces, tandis que celle des ailes inférieures est blanche et
entrecoupée de noir; pattes noires, avec les tarses entrecoupés de
blanc; abdomen noir, avec le bord des segments blanchâtre. La femelle
ne diffère du mâle que parce que ses antennes sont filiformes. Elle
recouvre sa ponte d'un duvet laineux jaune, à la façon de certains
Bombyciens. Cette belle Tinéide, toujours peu commune, se rencontre
dans les jardins, dans les vignes, et surtout dans les forêts, partout où
il y a de vieux bois pourris, surtout de chêne et de hêtre, des champi-
gnons ligneux, etc. L'espèce a été trouvée en Alsace, en Auvergne, au
mont Dore, etc., paraît manquer en Angleterre. On rencontre la che-
nille en avril dans les troncs et souches de bois pourri; elle est d'un
jaune d'os, avec la tête, l'écusson prothoracique et les pattes anales de
couleur brune. Elle vit dans des galeries de vieux bois tapissées de soie
et dont elle ferme l'entrée. La chrysalide ressemble à celle des Cossus
et des Hépiales; elle est d'un jaune brun et sort à moitié de sa coque
soyeuse, au moment de l'éclosion du papillon qui se fait en mai, et
qu'on obtient ainsi dans un très bel état de conservation.
TIU'EA, Linn. — Tète aussi large que le thorax et très velue; antennes simples
dans les deux sexes, ou tout au plus ciliées dans les mâles seulement; spiri-
trompe nulle ou très courte; palpes labiaux courts, cylindroïdes, presque droits;
thorax ovale; ailes supérieures longues, étroites, légèrement falquées, avec leur
angle apical légèrement arrondi; ailes inférieures elliptiques, largement fran-
gées, surtout au bord interne ; pattes postérieures longues et épaisses ; abdomen
cylindroïde, terminé par un bouquet de poils chez les mâles et en pointe dans
les femelles. — Chenilles glabres, vermiformes, de couleur jaunâtre ou blan-
châtre, avec les huit pattes membraneuses intermédiaires très courtes, une
plaque cornée sur le prolhorax, le corps parsemé de quelques poils isolés,
visibles seulement à la loupe. — Chrysalides piriformes.
Les Insectes du genre Tinea sont en partie des animaux domestiques.
TINEA, 745
en. ce sens qu'ils vivent dans les maisons. Leurs chenilles compensent
leur petite taille par leur grand nombre et leur voracité; elles semblent
représenter par leurs ravages les Rats et Souris dans la classe des
Insectes, en détruisant tout ce qui se trouve à leur portée en lainage,
crin, pelleteries, plumes, collections d'animaux montés ou desséchés, etc.
Munies de fortes mandibules, elles coupent, rongent, divisent ces diffé-
rentes matières, qui leur servent à la fois de vcMements et de nourri-
ture. Elles les digèrent sans en altérer la couleur, comme on le recon-
naît en comparant leurs excréments aux étoffes qu'elles ont mangées.
La peau nue de ces chenilles est trop tendre pour rester exposée au
contact de l'air. Aussi elles passent toute leur vie renfermées dans des
fourreaux qu'elles se fabriquent avec la substance dont elles se nour-
rissent. Ces fourreaux, tantôt fixes, tantôt portatifs, sont fusiformes et
ouverts par les deux bouts. Extérieurement, ils ont la couleur des objets
avec lesquels ils ont été construits; intérieurement, ils sont toujours
doublés d'un tissu de soie d'un gris blanc filé par la chenille.
Réaumur {Hist. des Ins., t. III, 2« mém.) donne de minutieux détails sur
les moyens employés par ces chenilles pour construire leur fourreau,
pour l'allonger et l'élargir à mesure qu'elles grandissent, pour y mettre
des pièces s'il a subi quelque accident. En fournissant à des chenilles
de Teignes des lainages de diverses couleurs, il les voyait changer la.
nuance des portions successives du fourreau, de manière à paraître
vêtues en arlequins. Comme toutes les autres chenilles, celles des
Teignes passent l'hiver dans l'engourdissement; lorsque cette saison
arrive, elles attachent tantôt leur fourreau par les deux bouts à l'étoffe
ou à la pelleterie qu'elles ont rongée, et tantôt elles le suspendent
dans les angles des murs ou au plafond. Elles se changent en chrysalide
au printemps suivant, restent sous cette forme pendant une vingtaine
de jours, au bout desquels le papillon se développe et vole pour cher-
cher à s'accoupler. Après une copulation de sept à huit heures, la
femelle va déposer ses œufs sur les étoffes ou autres matières qui lui
conviennent selon son espèce, et meurt après la ponte; quinze jours
après les petites chenilles éclosent. Il est facile de comprendre que les
Teignes les plus communes et les plus nuisibles sont devenues cosmo-
polites. Réaumur s'est occupé des moyens de détruire les Teignes, et
qui sont tout à fait analogues à ceux usités contre les Dermestiens (Co-
léoptères). Il recommande de soumettre les objets attaqués, dans des
armoires bien closes, à l'essence de térébenthine, cà la fumée de tabac,
à l'alcool. Cette dernière substance est à supprimer, comme d'un emploi
trop dispendieux. Il indique aussi, à titre préventif, pour écarter les
femelles pondeuses, de frotter les meubles avec une toison grasse ou de
les brosser avec des brosses trempées dans l'eau dans laquelle on a fait
bouillir la toison. Il dit avoir renfermé des chenilles avec des morceaux
de drap auxquels il avait fait subir cette opération, qu'elles n'y ont pas
touché et ont préféré manger l'extérieur de leur fourreau, dont elles
746 . LÉPIDOPTÈRES.
ont ensuite remplacé la matière par leurs excréments. Actuellement,
nous avons des vapeurs encore plus actives, celles de la benzine et
surtout du sulfure de carbone, en mettant les objets pendant quelques
jours dans des caisses de zinc bien fermées. Enfin, on se trouve bien
de saupoudrer les étoffes entre leurs plis avec la poudre Vicat ou poudre
insecticide au pyrèthre du Caucase. Il est toujours très bon de battre,
secouer et exposer les objets attaqués à la lumière, car les chenilles de
Teignes, très lucifuges, s'épouvantent et se laissent tomber ou quittent
leurs retraites si on les dérange fréquemment.
Une espèce type, pi. xcvm, fig. 3, papillon mâle, est T. tapezella,
Linn.; la Teigne bedeaude à tête blanche, Geoffroy; la Tapissière, Devil-
1ers; la Teigne des tapisseries, Latreille, envergure, 20 à 22 millimètres,
la tête entièrement blanche, avec les antennes brunes; thorax d'un
brun noir; ailes supérieures d'un brun noirâtre en dessus, plus ou
moins foncé depuis la base jusqu'au milieu, cette partie brune coupée
obliquement à son extrémité, puis d'un blanc terne ou jaunâtre dans
le reste de leur longueur, cette portion blanche plus ou moins par-
semée d'atomes gris, qui s'agglomèrent vers le sommet de l'aile, où
ils forment souvent une tache surchargée de quelques petits points
noirs. La frange est grise dans sa partie supérieure et blanchâtre
dans sa partie inférieure. Les mômes ailes sont d'un gris jaunâtre
luisant en dessous, avec leur base noirâtre. Les deux surfaces des
ailes inférieures sont d'un gris cendré, y compris la frange. La
femelle diffère du mâle, non seulement par une taille plus grande,
mais parce que ses ailes supérieures sont plus surchargées d'atomes
gris, en môme temps que leur partie basilaire est d'un brun moins
foncé. La chenille de cette espèce a absolument l'aspect d'un ver. Elle
est d'un blanc gras et luisant, avec quelques poils clairsemés de la
môme couleur, une ligne dorsale grise, la tète en cœur d'un jaune bru-
nâtre et l'écusson du prothorax jaunâtre. Sa peau est tellement transpa-
rente qu'on aperçoit à travers la couleur des aliments dont elle se
nourrit. Elle ne vit pas, comme d'autres Tinea, dans un fourreau por-
tatif, mais dans un tuyau fixe ; aussi Réaumur l'a-t-il classée parmi les
Fausses-Teignes. En sortant de Tœuf, elle ronge le drap sur lequel elle
se trouve, file ensuite au-dessus de son corps une espèce de berceau
de soie, qu'elle recouvre d'une partie des flocons de laine qu'elle a
arrachés, et mange l'autre. Elle creuse la place qu'elle occupe dans
l'épaisseur du drap, et cette place, quoique assez grande, est très diffi-
cile à apercevoir, parce qu'elle est recouverte de débris, de manière à
sembler un endroit défectueux de l'étoffe. 11 faut savoir que celle-ci
recèle des chenilles et la brosser rudement pour détruire leurs loge-
ments et les en extirper. Cette chenille se trouve chez les drapiers, sur
les laines en magasin; elle n'attaque pas seulement les étoffes de
laine, mais vit aussi aux dépens des fourrures, des plumes et des collec-
tions de papillons. M. Millière l'a vue, à Cannes, se nourrir du poil des
TINEA. 747
petits Mammifères morts et des pelotes de débris animaux, surtout de
poils ou de plumes, dégorgées parles oiseaux de proie. Les petites che-
nilles de cette espèce ont été trouvées en grande quantité, ayant perforé
dans toutes les directions un sabot pourri de cheval, sur lequel végétait
un Cryptogame qu'on nomme Onygena equina. La Teigne des tapisseries
€st répandue dans toute l'Europe. Sa chenille, après avoir passé l'hiver
dans sa demeure, y subit sa transformation en chrysalide au printemps
suivant; le papillon vole en mai et juin. Il paraît deux fois dans les
Alpes-Maritimes, en juin et en septembre.
Une espèce de Tinea, très commune dans les maisons, est T. pellio-
nella, Linn. ; la Teigne commune de Geoffroy ; la Teigne pelletière, Devil-
1ers; la Teigne peUionelle, Walckenaër; la Teigne des pelleteries. La-
treille, vivant principalement aux dépens des fourrures, des pelleteries,
dont la chenille rase partout le poil sur son passage. Le papillon, de
15,5 millimètres d'envergure, ne présente pas de différence notable
dans les deux sexes. Les ailes supérieures, y compris la frange, sont
en dessus d'un gris luisant, tantôt plombé, tantôt roussâtre, avec trois
points noirs placés triangulairement sur chacune d'elles, mais dont le
supérieur manque quelquefois. Les ailes inférieures, y compris égale-
ment la frange, sont d'un gris plus pâle sur leurs deux surfaces, ainsi
que le dessous des supérieures. La tête, les antennes et le thorax sont
de la couleur des ailes supérieures, l'abdomen et les pattes de celle des
inférieures. La chenille, parvenue à toute sa taille, a environ 11 milli-
mètres de longueur. Elle est d'un blanc jaunâtre, ridée, d'un aspect un
peu luisant, sans trace de points verruqueux, avec la tète d'un brun
tantôt clair, tantôt foncé. L'écusson du prothorax est aussi de cette cou-
ler, et divisé longitudinalement par une raie blanche. On voit sur le
milieu du dos, à travers la peau, une ligne d'un rouge plus ou moins
vif, qui s'étend du second segment au sixième inclusivement. Le ventre
et toutes les pattes sont de couleur blanche. Les ravages que cause
cette chenille sont plus considérables et plus rapides que ceux de la
Teigne des tapisseries, car celle-ci ne ronge que ce qui est nécessaire
pour se nourrir et se loger, tandis que celle des pelleteries coupe et
arrache, non seulement les poils dont elle a besoin pour son vêtement
et sa nourriture, mais encore tous ceux qui la gênent dans ses courses,
de sorte qu'il n'en reste aucun dans les nombreux endroits où elle a
passé, et que la peau la plus fournie de poils ne tarde pas à en être
entièrement dégarnie. Comme beaucoup d'autres chenilles de Tinea,
celle des pelleteries se fabrique un fourreau aussitôt sa sortie de l'œuf.
11 est composé d'un mélange de poils et de soie qui a l'aspect d'un feutre
à l'extérieur et la consistance du parchemin à l'intérieur. Sa forme est
celle d'un cylindre aplati, avec un petit rebord aux deux bouts, clos
chacun par un opercule qui s'ouvre et se ferme à la volonté de la che-
nille. L'une des ouvertures lui sert pour sortir la partie antérieure de
son corps, lorsqu'elle veut changer de place; par l'autre elle rejette
748 LÉPIDOPTÈRES.
ses excréments, qui ont la forme de petits grains ronds d'un gris blan-
châtre. La chrysalide est d'un brun jaune et n'a rien de particulier
dans sa forme. On voit rarement ces chenilles destructives se montrer
au grand jour; elles se tiennent ordinairement dans les endroits som-
bres, entourées des débris de fourreaux qu'elles ne cessent de ronger,
souvent avec la complicité de la larve d'un Coléoplère Dermestien,
VAttagenus pellio. Quoiqu'elles paraissent préférer les poils des ani-
maux, elles savent fort bien s'en passer quand elles n'en trouvent pas,
et s'accommoder d'autres substances animales. Ainsi Réaumur en a
trouvé dans des boîtes qui renfermaient des papillons morts; elles
avaient fait leurs fourreaux avec des débris d'ailes de ces insectes, et
s'étaient nourries avec leurs corps desséchés. Les papillons volent dans
les maisons en mai, juin, juillet, puis en septembre et octobre. Leur
éclosion a eu lieu au plafond des appartements ou sur les boiseries et
murailles, où s'est fixée la chenille, après trois semaines d'état de chry-
salide.
On trouve aussi fréquemment, dans les maisons et aux mômes époques ,
une espèce très voisine, T. fuscipunctella, Hawort, syn. : spretella, cat.
de V.; la Teigne fripière, Devillers, avec des points bruns sur les ailes
supérieures, et dont la chenille vit dans les détritus poussiéreux, conte-
nant souvent des débris de laine, qui s'accumulent entre les fentes des
parquets et dans les recoins des appartements. Elle dévore aussi les vête-
ments de laine dans les armoires et se fait des fourreaux de débris lai-
neux, de sorte que les chenilles se dérobent ainsi aux regards; si elles
se transportent sur des étoffes de couleurs diverses, elles peuvent paraître
vêtues d'une sorte d'habit d'arlequin. En hiver, cette chenille vit aussi
dans les fumiers des bergeries. Le mieux qu'il y ait à faire pour dimi-
nuer les ravages de ces Teignes, est de battre fréquemment à la
lumière les vêtements de laine et les fourrures menacés. On est dans
l'habitude, pour préserver les étoffes et les fourrures, d'introduire
dans les meubles où on les renferme diverses substances à odeur acre
ou aromatique, comme le tabac, le musc, le poivre, le camphre, la
benzine, ou des plantes desséchées de la famille des Labiées, thym,
lavande, sauge, mélisse, menthe, etc.; mais on nest pas toujours
assuré d'obtenir un succès complet. Un flacon rempli de chloroforme
et imparfaitement fermé, qu'on place auprès des étoffes, est un excellent
préservatif; seulement il faut avoir soin de renouveler le liquide quand
il est évaporé. Enfin, on peut placer de la poudre insecticide de Vicat
entre les replis d'étoffe.
Une Teigne fort nuisible, étendant ses ravages à l'agriculture, est
T. granella, Linn. ; la Fausse-Teigne du blé, Kéaumur; la Teigne brune à
tête blanche, Geoffroy; la Teigne des greniers, Devillers; la Teigne des
grains, Latreille; la Teigne granelle, Walckenaër, dont le papillon vole
d'avril à août dans les greniers et magasins de céréales. C'est lui qu'on
rencontre aussi très souvent dans les appartements, où il vole aussi
TINEA. 7^9
bien de jour que de nuit. Il a une envergure assez variable, de 13,5
à 15,5 millimètres, avec des dessins, et surtout un éclat de coloration
différent d'un sujet à l'autre, mais dont on reconnaît l'identité spéci-
fique avec un peu d'habitude. Tous ont la tôte d'un blanc jaunâtre, les
ailes supérieures, marbrées de brun, de noir et de blanc, et les ailes
inférieures entièrement d'un gris noirâtre, de sorte que les différences
individuelles consistent dans les marbrures des ailes supérieures plus
ou moins prononcées, variant de forme et de disposition. La chenille
est allongée, cylindroïde et atténuée à ses deux extrémités; elle a de
9 cà 11 millimètres de long quand elle a acquis toute sa grandeur. Elle
est d'un jaune d'ocre, avec la tête d'un rouge brun luisant et deux
demi-cercles bruns parallèles et interrompus au milieu sur le premier
anneau. Les pattes sont de la couleur du corps, sur lequel on aperçoit,
avec la loupe, quelques poils isolés. Elle se nourrit principalement de
blé, de seigle et d'orge, c'est-à-dire des grains qui nous sont le plus
utiles. Le papillon vient pondre ses œufs sur les grains emmagasinés
dans les greniers, faisant deux pontes par an, l'une en mai, l'autre en
juillet et août, après la moisson, suivant les pays. Les chenilles qui pro-
viennent de la première ponte subissent toutes leurs métamorphoses en
six semaines ou deux mois; celles de la seconde passent l'hiver, et n'ar-
rivent à l'état parfait qu'au printemps suivant. Ces chenilles ne se logent
pas dans l'intérieur des grains, comme une autre espèce, encore plus
nuisible, dont nous parlerons. C'est une Teigne à fourreau fixe, comme
T. tapezella; la chenille réunit plusieurs grains ensemble par des fils
de soie, en laissant entre eux un espace suffisant pour s'y construire
un tuyau de soie blanche, dont elle sort seulement la partie antérieure
de son corps pour ronger les grains qui l'entourent. Avec cette précau-
tion, elle n'a pas à craindre que le grain qu'elle ronge lui échappe en
glissant ou en roulant; s'il arrive quelque dérangement dans le tas de
blé, elle suit le mouvement avec son fourreau, entraînant avec elle
une provision plus que suffisante pour le moment où elle aura besoin
de manger.
Quand il y a dans un grenier beaucoup de ces chenilles, on voit tous
les grains de la surface des tas liés les uns aux autres par des fils de
soie, de façon à former une croûte épaisse quelquefois d'environ 1 déci-
mètre. Si on brise cette croûte et qu'on remue les grains qu'elle
recouvre, on voit les chenilles s'en échapper en toute hâte et grimper
aux murailles; mais elles ne tardent pas à rentrer dans les tas de blé,
qui se trouve dès le lendemain recouvert d'une nouvelle nappe
soyeuse, les chenilles ayant reconstruit leurs remparts et magasins à
provisions. La métamorphose en chrysalide a lieu dans une coque que
la chenille attache, pour plus de sûreté, aux poutres ou aux solives du
grenier qui l'a vue naître. Ceite coque, composée de soie et de parcelles
de son très ténues, a la forme et la couleur d'un grain de blé couvert
de poussière. C'est ce qui a fait dire par erreur à certains auteurs,
750 LÉPIDOPTÈRES.
notamment à Lalreille, que cette chenille se transforme à l'intérieur
du grain. La chrysalide est effilée, avec l'enveloppe des ailes se prolon-
geant en pointe jusqu'à l'avant-dernier segment de l'abdomen, qui est
léi^èrement arqué et terminé par deux petites épines. Cet abdomen est
d'un fauve luisant, tandis que le reste de la chrysalide est d'un marron
foncé. Le papillon se développe trois semaines après que la chrysalide
est formée, et celle-ci sort à moitié de sa coque avant l'éclosion du
papillon. Un bon moyen de limiter les ravages de cette Teigne, quand
elle a envahi un grenier à céréales, est d'opérer de forts et fréquents
pelletages dans les tas de grains. On détache ainsi les chenilles des
grains liés par des fils de soie, et elles périssent, soit par les frottements
ou les chocs, soit par l'action de l'air. Enfin, quand, arrivée à l'époque
de sa transformation, elle abandonne les grains pour monter le long
des murs et des planches du grenier, afin de se changer en chrysalide,,
alors que le ver monte, ainsi que disent les paysans, et môme après
que le papillon est éclos, les raclages de propreté peuvent encore en
détruire beaucoup. Si ces moyens ne suffisent pas, il faudra recourir
aux étuves, aux tarares à choc, aux silos, etc., c'est-à-dire aux procédés
usités contre la Calandre des grains (Coléoptère Curculionien) et contre
l'Alucite des grains, autre Tinéinien dont nous ferons l'histoire.
On doit remarquer que T. granella n'est nullement une espèce
exclusive aux céréales. Elle vit de beaucoup de substances végétales
et animales. On trouve la chenille dans les bolets ligneux en décompo-
sition et desséchés, notamment du genre Polyporus qu'on trouve sur
les peupliers, les saules, les tilleuls, etc. Cette chenille se nourrit en
outre de fruits secs, entre autres de myrtilles, d'amandes, aussi de
moelle de plantes, attaque même les pinceaux faits de soies de porc, etc.
Dans les fruitiers, elle se chrysalide dans les fentes du plancher (Gou-
reau). Le papillon a été trouvé dans les habitations, dans les serres^
contre les clôtures des jardins, les troncs des peupUers, etc. En Alsace,
l'abbé Fettig l'a pris sur un cerisier pourri, envahi par les Crypto-
games, en môme temps que Scardia boleti, Fabr., Tinéide des bolets
ligneux.
Une espèce voisine, mais moins commune, est T. c/oace//a, Haworth,
syn. : infîmella, Herr. Sch., bien étudiée par M. l'abbé Fettig. La chenille
vit sous une toile qu'elle recouvre de ses excréments, et qui prend
ainsi l'aspect d'une plaque de mousse noirâtre, à l'abri de laquelle la
petite larve absorbe la moisissure attachée à la surface du bois des
vieux tonneaux à vin, dans les caves par trop humides. Longue de
5 millimètres, elle est d'un blanc tirant sur le jaune, avec la tête et la
plaque prothoracique d'un brun rougeâtre, le corps verruqueux por-
tant sur ses verrues des poils raides. Elle se métamorphose le long des
douves. Le papillon est posé sur les tonneaux, se prend dans l'intérieur
des maisons, sur le bois pourri, etc., en avril et mai, se trouve aussi
en septembre, dans les grains (Maurice Sand). Dans les bois, et deux
TINEA, TINEOLA. T51
fois par an, en mai et juillet, se trouve T. lapella, Hûbner, syn. : gano-
mella, Herr. Sch., envergure, 11 millimètres, les ailes supérieures en
dessus d'un gris rosé luisant, y compris la frange, avec trois points
noirs, le dessous des mômes ailes d'un gris brun sans points, les ailes
inférieures d'un gris un peu plus clair que les premières, tant en
dessus qu'en dessous, la frange comprise ; tête et antennes d'un gris
légèrement fauve, le thorax et l'abdomen participant de la couleur des
ailes, ainsi que les pattes. La chenille a été trouvée notamment dans
les vieux nids d'oiseaux, aussi en octobre dans les bolets. Citons encore
T. semifulvella, Haworth, de printemps et d'automne, sur les buissons
et les haies, se prenant au réflecteur, la chenille en octobre, dans
l'intérieur des nids d'oiseaux.
Il y a aussi des espèces nuisibles dans les genres dérivés voisins du
genre Tinea. Ainsi, dans le genre Tineola, Herrich-Schœffer, se ren-
contre T. biselliella, Humiiiel, syn. : crinella, Treitschke, Duponchel,
espèce qu'on trouve dans les maisons au printemps et aussi à la tin de
l'été pour la seconde éclosion, le papillon souvent posé au dossier des
fauteuils et canapés. Envergure, \k millimètres, les quatre ailes entiè-
rement d'un fauve pâle luisant, tant en dessus qu'en dessous, y com-
pris la frange. Le corps est également de la même couleur, ainsi que
les antennes et les pattes; la tête seule est d'un fauve plus foncé ou
ferrugineux. La chenille est longue de 8 à 9 millimètres, cylindroïde,
blanche, sans poils; sur le dos est une raie longitudinale brune et trans-
lucide, la tête étant d'un brun clair, le prothorax, comme chez la che-
nille de pellionella, ayant un écusson brun partagé en deux taches.
Elle vit principalement dans le crin dont on rembourre les meubles et
les matelas. Parvenue à toute sa taille en mars, elle abandonne sa
demeure, perce l'étoffe qui recouvre le crin et se construit sur cette
étoffe un fourreau de soie ouvert seulement du côté où est placée
la tête. Au commencement d'avril, elle ferme entièrement ce fourreau
et s'y transforme en une chrysalide d'un brun jaune, dont l'enveloppe
des yeux et des ailes forme un peu relief. La chenille de cette Teigne
file un couloir dans les étoffes et matériaux divers qu'elle attaque. Il
faut souvent les remuer, les battre, la pourchasser dans les coins
des tiroirs, sur les plafonds, [au moyen d'un balai en crin. Il faut
rechercher et détruire les chrysalides, qu'on trouve abondamment
dans les coins et les enfoncements des meubles, particulièrement du
côté opposé au Jour. On peut encore se servir, comme antidote, du
tabac, des tiges de chanvre séchées à l'ombre, quand il est en florai-
son, etc., en général des végétaux et produits chimiques à odeur forte.
De Peyerimhoff, dans ses Matériaux pour la Faune entomologîque du
Bourbonnais, recommande d'envelopper d'une toile double ou triple
les étoffes de laine ou les meubles en crins à préserver, de placer des
assiettes avec un peu d'huile dans les coins des appartements infestés,
le reflet de l'huile attirant le papillon qui s'y noie. Le genre voisin.
752 LÈPIDOPTÈlltS.
Blabophanes, Zeller, nous présente aussi une espèce nuisible très
répandue. C'est B. rusticellus, Hûbner, envergure, 19 millimètres, tète
fauve ou ferrugineuse avec les antennes brunes, ailes supérieures en
dessus dun gris brun parsemé d'atomes plus foncés, avec la frange
plus claire et un point central d'un jaune luisant; en outre, trois petits
points noirs à l'extrémité de la côte; les deux surfaces des ailes infé-
rieures et le dessous des supérieures entièrement d'un gris brun lui-
sant; thorax de la couleur des ailes supérieures, abdomen de celle des
ailes inférieures ainsi que les pattes; cette description concerne les
deux sexes. Cette Teigne se trouve à l'état adulte en mai, juin, juillet,
dans les habitations de ville et de campagne, les jardins, les vergers,
les bois, et vole le soir autour des lumières. Je crois que c'est la
Teigne à front jaune de certains auteurs, à cause d'un toupet frontal
de poils fauves, attaquant fréquemment les plumes et très nuisible aux
collections d'oiseaux, la chenille vivant aussi dans les fourrures, les
étoffes de laine et autres matières animales et peut-être aussi végé-
tales. Enfin, on rencontre cette Teigne dans les greniers, les clochers,
les trous des murailles et les vieux arbres, car la chenille se trouve
dans les pelotes de poils ou de plumes rejetées par les Hiboux et
les Chouettes.
Les Tinéides ne se trouvent pas seulement dans les matières d'origine
animale, mais peuvent même vivre à l'état parasitaire sur des animaux
vivants. Dans les forêts profondes de la Guyane et du Brésil habitent,
cramponnés aux branches des arbres, les Paresseux ou Tardigrades,
Mammifères voisins des Édentés, couverts d'une épaisse fourrure de
longs et gros poils, ressemblant à de l'herbe fanée. Il est de ces pelages
qui sont remplis de Teignes qui y passent toute leur existence,
car on les y rencontre à la fois à l'état de chenilles, de chry-
salides et de papillons. Un Tinéinien a aussi été trouvé vivant
en parasite sur le corps d'un Fulgore de la Chine, genre d'Hémi-
ptères homoptères sécrétant des filaments, ou au moins des enduits
cireux. Voy. J. 0. Westwood : On a Lepidopterous parasite occurring
on the bodij of the Fulgora candelaria {Brit. assoc. jRep., 1860, pi. 2,
p. 12Û).
Les Plutellides sont des Tinéiniens dont les papillons sont générale-
ment de couleurs peu brillantes (malgré le nom de la famille). Ce sont
des Microlépidoptères de taille moyenne,. les uns nocturnes, les autres
diurnes. A l'état de chenilles, ils se tiennent sur les feuilles, dévorant
tantôt le dessus, tantôt et surtout le dessous. Plusieurs de ces chenilles
savent se protéger en s'entourant d'un léger filet, ou en rapprochant les
deux bords opposés d'une feuille. Quelques-unes des espèces de cette
famille, notamment celles du genre Cerosloma, Latr., se construisent
une très jolie coque blanche ou jaune, de consistance papy-
racée, qu'elles attachent ordinairement à la surface inférieure d'une
feuille.
CEROSrOMA. 753
€EROSTOi1l.%, Lalr., syii. : Hypsolopiia, Treits., Dup. — - Auleniies aussi
longues que le corps, filiformes dans les deux sexes, à base très épaisse; tête
hérissée d'écaillés ; spiritrompc courte, mais visible; palpes labiaux dont les
deux premiers articles sont garnis de lon^'s poils dirigés eu avant, et du milieu
desquels surgit le troisième article nu et subuliforme ; thorax arromli; ailes
supérieures légèrement talquées, avec l'angle au sommet plus ou moins courbé
en crochet; ailes inférieures à bord postérieur non sinué et garni d'une frange
assez large; pattes postérieures grêles; abdomen court et cylindroïde. — Che-
nilles grêles, fusiformes, de couleurs nssez vives, se renfermant, pour la nym-
phose, dans une coque soyeuse d'un tissu serré, en forme de nacelle. — Chry-
salides ayant l'enveloppe des ailes longue et pointue.
Un cerlain nombre des espùces de ce genre offre des aspérités sur la
face supérieure des premières. ailes, aspérités causées par des faisceaux
d'écaillés plus élevés que les autres; au repos, l'extrémité de ces ailes
est relevée en crête. Les papillons se montrent dans les bois et les jar-
dins fruitiers en juin, juillet et août, et certains reparaissent en oc-
tobre, ce qui est très probablement une question de la température à
laquelle a pu être soumise la chrysalide. Les chenilles connues vivent
principalement sur les arbres fruitiers. Nous représentons, pi. xcvnr,
fig. 1, le mâle de C. asperellum, Linn., de France, d'Angleterre, d'Al-
lemagne; la Rude, Devillers, espèce très élégante : 20 miUimèlres en-
vergure; palpes, tête et thorax d'un blanc légèrement jaunâtre, avec
antennes de la même couleur annelées de noir; ailes supérieures avec
l'angle apical plus recourbé et le bord terminal plus échancré que
dans les autres espèces du genre. KUes sont en dessus d'un blanc légè-
rement jaunâtre, avec une grande tache triangulaire qui repose sur le
milieu du bord interne et dont le fond est un mélange de brun et de
bleuâtre. On voit à chaque angle de cette tache un faisceau d'écaillés
relevées d'un brun noir. D'autres faisceaux semblables, mais de la
couleur du fond, se remarquent sur le reste de la surface de l'aile -,
ce sont les aspérités dues à ces écailles qui justifient les épithètes de
rudesse que porte l'espèce. Les deux ailes sont traversées, en dehors
de la tache dont nous venons de parler, par deux petites bandes d'un gris
verdàtre, qui se croisent en X dans le milieu de leur longueur; elles
sont, en outre, parsemées de petits atomes noirs. La frange est de la
couleur du fond, sauf une partie noirâtre placée dans l'échancrure du
bord terminal. Le dessous de ces mêmes ailes est d'un gris noirâtre
luisant, avec la côte et la frange blanchâtres. Les ailes inférieures
sont d'un gris luisant des deux côtés, ainsi que la frange. Les pattes
sont blanches, avec les tarses entrecoupés de brun; l'abdomen est de
la couleur des ailes inférieures. La femelle difTère par la tache du bord
interne des premières ailes, dont le fond est fauve au lieu d'être d'un
gris bleuâtre. On trouve ce papillon, surtout en juin et juillet, sur les
haies et buissons et dans les jardins fruitiers, aussi en octobre et en
GIRARD. ni. — 48
754 LÉPIDOPTÈRES.
février et mars. La chenille vit sur le chêne, mais de préférence sur
les aubépines et sur les arbres fruitiers, prariiers, poiriers et surtout
pommiers. Elle est grêle, très atténuée aux deux extrémités, d'un beau
vert pâle, et ayant deux raies longitudinales blanches de chaque côté
du dos. On la trouve parvenue à toute sa taille à la fin de mai; alors
elle ne tarde pas à se transformer dans une coque soyeuse, ayant
presque la forme d'une nacelle. La chrysalide est d'un vert pâle, avec
sa partie postérieure obtuse, et l'enveloppe des ailes longue et pointue.
La grande majorité des papillons éclosent à la fin de juin et au com-
mencement de juillet.
Une espèce voisine est C. persicellum, cat. de V., la Teigne du pécher,
Devillers, le Véreau des arboriculteurs, parfois nuisible aux pêchers,
vivant aussi, mais plus rarement, sur le chêne, dans les bois des environs
de Paris. L'envergure est de 20 millimètres, les ailes supérieures, dans
les deux sexes, d'un jaune soufre, plus ou moins parsemées de petits
atomes noirâtres et traversées obliquement par deux lignes courbées,
d'un gris obscur; on voit poindre çà et là, sur la surface des mêmes
ailes, quelques écailles relevées, comme chez C. asperellum, mais d'une
manière moins prononcée. La frange est entièrement de la couleur du
fond. Le dessous des mêmes ailes est d'un gris noirâtre, avec la côte
et la frange d'un jaune soufre. Les ailes inférieures sont, en dessus
comme en dessous, d'un gris luisant, avec la frange blanchâtre. La tête,
les antennes, les palpes et le thorax sont d'un jaune soufre comme les
ailes supérieures, les pattes blanchâtres, l'abdomen d'un gris luisant,
comme les ailes inférieures. La chenille est d'un vert tendre, avec les
sous-dorsaux un peu plus obscurs; elle est atténuée aux deux extré-
mités, surtout l'anale. Elle choisit toujours les feuilles les plus tendres
des verticilles terminaux. Quand on agite les arbres, au lieu de se
laisser choir par un fil, comme beaucoup de Tinéiniens, elle se cram-
ponne dans son gîte, au centre d'une feuille recourbée. Le cocon est
d'un beau jaune soufre pâle, en forme de carène, attaché aux feuilles
des arbustes, aux troncs d'arbre, aux clôtures des jardins. Les adultes
paraissent en juillet, et une seconde génération en septembre, dont les
chrysalides passeront l'hiver. En mai et juin, il faut couper et brûler
les feuilles de pêcher liées avec des fils de soie et minées à l'intérieur
par les Véreaux.
Dans le genre voisin, Plutella, Schranck, se place d'abord une espèce
qui commet quelquefois, malgré l'exiguïlé de sa taille, de grands
ravages dans les potagers, lorsqu'elle vient à s'y multiplier; c'est
P. crxiciferarum, Zeller, syn. : œylosteUa, Linn.? Dup.; la Teùjne à ban-
delettes blanches, Ceoffr.; la Teigne du chèvrefeuille des buissons, De-
vill.; YAlucite xijlustelle [Encycl. méth.), envergure, IZi millimètres.
Dans , les deux sexes, les ailes supérieures sont en dessus d'un brun
plus ou moins foncé, avec la frange noirâtre et une bande sinuée d'un
blanc rosé, qui longe le bord interne et devient dorsale quand les deux
PLUTELLA. 755
ailes sont rapprochées à l'état de repos; le dessous des mêmes ailes est
entièrement noirâtre. Les ailes inférieures sont d'un gris noirâtre lui-
sant sur leurs deux surfaces, la frange comprise. La tète, les palpes e<
le thorax sont d'un blanc rosé, comme la bande dorsale des ailes supé-
rieures ; les antennes ont leur premier article de cette même couleur,
les autres alternativement noirs et blancs. L'abdomen est noirâtre,
ainsi que les pattes, dont les tarses sont annelés de blanchâtre. La
chenille est fusiforme, c'est-à-dire renflée au milieu et atténuée aux
deux extrémités, d'un vert tendre, tirant quelquefois sur le jaunâtre,
avec la tête grise et toutes les pattes de la couleur du corps. Llle vit
sur différents arbrisseaux, principalement les chèvrefeuilles et aussi
sur un grand nombre de plantes potagères, parmi lesquelles elle
attaque de préférence les choux et les navets. On la trouve jusque sur
les sables maritimes absolument baignés par les flots de l'Océan, grou-
pée par petites familles sur le Cakile maritima (Crucifère). La chenille
se tient renfermée dans un léger tissu attaché ordinairement à la face
inférieure des feuilles. Lorsqu'elle approche de sa nymphose, elle se
fabrique, dans l'intérieur de ce même tissu, un cocon en treillis. La
chrysalide contenue dans ce cocon est en forme de massue, d'un jaune
fauve qui brunit à mesure que l'ëclosion du papillon approche. On
trouve cette chenille à peu près toute l'année et le papillon également,
de mars à octobre.
Une espèce voisine est assez commune dans les jardins; c'est P. por-
rectella, Linn.; le Museau, Devillers; l'Alucite de la Julienne, Latr. ;
YYpsolophe rayé, Walckenaër, d'envergure de près de 18 millimètres,
les ailes supérieures dans les deux sexes d'un blanc jaunâtre, avec le
bout noirâtre, des stries d'un gris brun dans le sens des nervures et
une bandelette sinuée de cette couleur vers leur milieu, des points
noirs à la côte, la frange, de la couleur du fond, entrecoupée de brun
et de noir bleuâtre, les ailes inférieures d'un gris plombé luisant sur
leurs deux surfaces, avec la frange de la même couleur, précédée d'un
liséré jaunâtre. Les antennes sont d'un banc jaunâtre, avec l'extrémité
entrecoupée de noirâtre; la tête et les palpes sont d'un blanc jaunâtre,
ainsi que le miUeu du thorax, dont les ptérygodes sont d'un gris brun.
Les pattes et l'abdomen participent de la couleur des ailes inférieures.
La ciienille, avec la tête et les pattes thoraciques d'un brun clair
ponctué de verdâtre, est d'un vert foncé dans son jeune âge, devient
d'un vert pâle en grandissant, à l'exception de la ligne dorsale qui
conserve sa première couleur. A la loupe, on voit le corps couvert
d'un grand nombre de points noirs verruqueux, surmontés chacun
d'un petit poil et entourés de vert clair. Elle vit sur dillérentes espèces
de juliennes, principalement celle qu'on cultive dans les jardins
{Hesperis matronalis). Elle se tient ordinairement dans les feuilles du
centre qu'elle lie ensemble au moyen de fils de soie. On la trouve
dès le mois de mars ou d'avril. Vers le milieu de ce mois, lorsqu'elle
756 LÉPiuoiTiiuts.
est sur le point de se transformer, elle fabrique une jolie coque ovoïde
à réseau blanc, dont les mailles en losange sont aussi régulières que
celles d'un filet à pêcher et à travers lesquelles il est aisé de suivre la
nymphose. La chrysalide, d'abord d'un vert clair, devient jaunâtre en
vieillissant, avec deux rangées de fâches brunes sur le dos. Il y a une
première éclosion des papillons au commencement de mai et une
seconde de fin juillet à septembre.
La famille considérable des Géléchides résume à elle seule les mœurs
de presque tout le groupe des Microlépidoptères. Il reste encore bien
des espèces à connaître; leurs papillons sont répandus partout, cer-
tains très communs, rarement au point de devenir réellement dan-
gereux. Quelques-uns sont très élégants; ils volent, en général, presque
aussi volontiers le jour que la nuit. Il y a des genres, comme les De-
pressaria et beaucoup de Geleckia, dont les chenilles vivent enti'e les
feuilles roulées, tordues ou réunies en paquets, à la façon des Tortri-
ciens; d'autres, les Phibalocera et les Enicostoma, se cachent à la sur-
face inférieure des feuilles, en s'entourant d'un léger tissu ; quelques
espèces habitent l'écorce des arbres morts ou les bois en décomposi-
tion : ce sont les Harpella, les Dasycera et les Œcophora, du moins pour
les espèces dont les chenilles sont connues. La chenille d'une espèce
d'Ypsolophus, Fabr. ; leBubulceUus, observée par M. Standinger, se nourrit
des déjections desséchées de l'espèce bovine, dans lesquelles elle se
creuse de longues galeries qu'elle tapisse de soie, connue font les
Crambus et les Eudorea, dans les racines des Graminées et des Mousses;
enfin, les Chimabacche vivent simplement h l'air hbre, sur les feuilles,
et se chrysalident dans une coque. Les chenilles des Géléchides habi-
tent les grands arbres aussi bien que les plus petites plantes, de soi te
qu'il n'est guère de végétal qui, pendant la belle saison, n'en nourrisse
quelques espèces.
Nous devons citer deux espèces dans le genre Chimabacche, Zeller,
syn. : Lemmalophila, Dup., et Diurnea, Dup. L'une est C. phryganella,
Uilbner, syn. : Diurnea novembris, Haworth, à ailes d'un gris roussàtre
ou testacé obscur, commune dans presque tous les bois en novcmbie
et décembre, et justifiant bien son nom pour l'aspect comme pour le
vol du mâle, qui ressemble tellement à une Phrygane qu'on s'y mé-
prend aisément, soit qu'il reste au repos sur le tronc des arbres, dont
sa couleur se confond avec celle de l'écorce, soit qu'il vole. La femelle,
1res rare, est miaptère; ses ailes, impropres au vol, étant très petites et
lancéolées. Le C. fagella, cat. de V., la Teigne du /ieirp, Devillers, grande
espèce de 27 millimètres d'envergure chez le mâle, qui présente des
ailes d'un gris clair ou blanchâtre, les supérieures finement sablées de
brun et avec deux lignes transverses d'un brun plus foncé, fréquent
dans les bois de toute l'Europe, souvent posé sur les troncs, du milieu
de février à la fin de mars. La femelle, beaucoup moins commune,
ollre les mêmes dessins avec des ailes très réduites, terminées aux
CHIMABACCHE, DEPRESSARIA. 757
deux paires en pointe aiguë, les supérieures en écailles larges et bom-
bées au milieu. La chenille vit en août et septembre sur le hêtre, en-
core plus sur le chêne, aussi sur le tremble et l'églantier; elle est
aplatie, à tête et écusson du prothorax bruns, le fond d'un blanc mat,
avec le vaisseau dorsal tantôt gris, tantôt d'un vert paie, et deux ran-
gées de points verruqueux à peine visibles, surmontés chacun d'un
poil. La troisième paire de pattes écailleuses est allongée en forme de
palette. La chenille les écarte beaucoup en marchant, et, lorsqu'on
l'inquiète, fait avec elles, d'après Treilschke, un bruit qui imite en
petit le roulement d'un tambour. Elle se cache entre deux feuilles
réunies par des fils de soie, et sa nymphose a lieu dans un double tissu
mince, entre les feuilles mêmes où elle a vécu. La chrysalide est grêle,
d'un brun clair, aver l'enveloppe des ailes d'un brun plus foncé, et sa
partie postérieure terminée par une pointe d'un brun obscur, hérissée
de petits crochets.
Le genre Depressaria, Havvorth, syn. : Hœmilis, Duponchel, présente
des ailes planes, reposant sur un abdomen dilaté et aplati, les anté-
rieures larges, tronquées ou arrondies en arrière, les postérieures lar-
gement frangées, et dont le bord postérieur présente une lisière échan-
crée. Les antennes sont filiformes dans les deux sexes. Les grands palpes
labiaux sont arqués et relevés au-dessus de la tête, cachant une spiri-
trompe assez développée, leurs deux premiers articles fortement garnis
de poils ou d'écaillés, le troisième nu; ils cachent une spiritrompe
visible et le sommet de la tête, dont les écailles furment une sorte de
coussinet, porte des slemmatôs. Ces Tinéiniens s'envolent quand on les
dérange pendant le jour, ou se mettent à courir pour se cacher; plu-
sieurs de leurs nombreuses espèces vivent à l'état de chenilles sur les
Ombellifères en fleurs ou chargées de fruits. La nuit ils parcourent les
tiges des végétaux ou butinent sur les tleurs; ils ne volent pas beaucoup
et se laissent ordinairement tomber à terre à la moindre secousse. Beau-
coup d'entre eux naissent à la fin de Tété ou pendant l'automme, passent
l'hiver à l'état adulte sous les mousses, les feuilles sèches ou les écorces,
et se remettent en mouvement dès les premiers beaux jours du prin-
temps, quelquefois même pendant l'hiver, quand la température n'est
pas trop froide. Une espèce parfois très nuisible aux potagers est la
Teigne de la carotte et du cumin, D. nervosa, Haworth, syn. : daucelta,
Treitschlce, de 20 millimètres environ d'envergure : article terminal des
palpes portant deux anneaux noirs, l'avant-dernier en forme de brosse
bifurquée dans le sens de sa longueur; ailes antérieures d'un gris brun
rougeâtre, avec les nervures saupoudrées de noir, surtout vers la base,
ayant vers le milieu une équerre claire, dont le sommet, dirigé vers la
pointe de l'aile, est voisin de cette extrémité, et dont la branche la
plus longue longe le bord antérieur à une faible distance; ailes posté-
rieures d'un brun gritàtre. La femelle, qui a passé l'hiver, pond sur les
Ombellifères, de sorte que la chenille éclose lors de leur floraison, sur
758 LÉPIDOPTÈRES.
les carottes ou panais dans les potagers, sur les cumins, qui sont cultivés
en Allemagne, sur les Ombellifères sauvages des bois, comme la Ciguë
d'eau, la Ciguë vireuse, l'OEnanthe, etc. Elle repose au milieu des om-
belles, qu'elle lie par quelques fils de soie, puis ronge les fleurs et les
jeunes semences, puis, si cela ne suffit pas, le? branches les plus
tendres. Cette chenille, 1res vivace, se dérobe en tous sens quand on la
trouble, ou descend le long d'un fil jusqu'au sol, pour s'esquiver en
toute hclte. A toute sa taille, d'environ 15 millimètres, elle est très ba-
riolée, d'un noir bleucltre, avec des lignes orangées latérales, deux ran-
gées dorsales de points verruqueux noirs, cerclés de blanchâtre, la tôle,
l'écusson prothoracique et le clapet anal, d'un noir luisant, entourés
d'une bordure d'un jaune rouge, chacune de ces parties étant divisée
en outre par une ligne longitudinale de cette couleur. Pour la nym-
phose ces chenilles percent les tiges de l'Ombellifère nourricière,
s'y pratiquant des logettes fermées par un opercule soyeux, dans
lesquelles elles deviennent des chrysalides un peu aplaties, maintenues
dans les cavités des tiges par quelques fils soyeux et généralement sus-
pendues au-dessus de l'orifice de sortie. 11 faut couper et brûler les om-
belles des carottes et panais couvertes de toiles par les chenilles.
A côté de ce genre, la famille des Géléchides nous présente
la Teigne, connue vulgairement sous le nom d'Alucite des céréales,
pui a été rangée successivement dans divers genres de Tinéiniens, et
pour laquelle enfin a été créé le genre Sitotroga, Hein. Cette Alucite
des céréales. S. cerealella, Olivier, présente un papillon de 13 milli-
mètres environ d'envergure, les ailes très oblongues, les supérieures
proiles et pointues au sommet, formant un toit arrondi ou écrasé et se
croisant l'une sur l'autre a leur extrémité, dans le repos; ces ailes sont
de couleur d'ocre jaune, souvent avec deux bandes longitudinales plus
ou moins apparentes formées d'atomes noirâtres, l'extrémité apicale de
cette dernière couleur; la frange, longue et soyeuse, est divisée par
une bande également noirâtre. Les ailes inférieures sont griscltres, dia-
phanes, terminées brusquement par une pointe très aiguë et ornées
d'une frange également longue et soyeuse. La tête est lisse, les an-
tennes filiformes, la spiritrompe longue et très visible, les palpes longs
et recourbés, s'élevant au-dessus de la tète comme deux cornes; le
corps est de la couleur des ailes supérieures. Celle description nous
montre un insecte très différent de la Teigne des grains ou Tmea gra-
nella, Linn., qui offre la tête hérissée de poils, la spiritrompe nulle ou
invisible, les palpes courts et droits, les ailes supérieures n'étant
jamais d'une couleur uniforme, mais toujours plus ou moins marbrées
de brun, légèrement falquées au sommet, formant, au repos, un toit
aigu et se relevant, à leur extrémité, en crête de coq. La chenille est
rase et blanche, la tête seule noire ou brune; elle est à seize pattes,
dont les huit intermédiaires et membraneuses ne sont que des petits
boutons, visibles seulement avec une forte loupe, dont le bout paraît
SITOTROGA. 759
alors bordé d'un cordon brun qui semble être une couronne de cro-
chets. Dans la génération d'été, le cycle vital de l'Alucite dure de qua-
rante à cinquante jours, à savoir : œuf, huit à dix jours; ver ou che-
nille, vingt à vingt-cinq jours; chrysalide, huit à dix jours.
Les papillons vivent plusieurs jours, s'accouplent peu après l'éclosion;
puis commence aussitôt la ponte des femelles, vers la mi-juin, alors que
les épis sont jeunes. Les œufs rouges sont déposés un à un entre les
balles des épis de blé, de seigle, d'orge ou d'avoine; ils se développent
aussi bien que les récoltes soient sur pied ou engrangées. Chaque
chenille, à peine grosse d'abord comme un cheveu, s'empare d'un
grain, se loge dans le sillon de la cariopse, la perce, et se dirige d'abord
en ligne droite par un petit boyau vers l'embryon qu'elle commence
par dévorer, fait tout à fait opposé à ce que produisent les Bruches
des graines de Légumineuses. Voilà pourquoi le blé alucité ne germe
jamais et comment il peut se conserver longtemps dans le sol sans
subir aucune des transformations qui accompagnent la germination.
La chenille ronge peu à peu la farine de l'intérieur du grain,
la remplaçant par ses excréments, en ayant soin de respecter la partie
corticale, de sorte qu'on ne voit au dehors aucune trace du dégât. Seule-
ment les grains alucités, mis en tas, s'échauffent beaucoup et éprouvent
une perte notable de poids, flottant sur l'eau alors que les grains
sains tombent au fond. Souvent, lors de la moisson, on voit déjà sortir
des gerbes un grand nombre de papillons d'Alucite, produits par les
insectes qui étaient contenus dans le blé de semence; ils ont passé
l'hiver dans la terre, à l'état de chenille ou de chrysalide. Dans les
greniers, le blé, qui lors de la récolte, pesait 75 à 80 kilogrammes
l'hectolitre, perd de 10 à 50 pour 100, et plus de son poids. L'insecte,
avant de quitter le las de blé, y dépose les germes d'une progéniture
nombreuse, qui recommencera les mômes ravages. Un seul couple d'Alu-
cites, ayant chaque année deux générations, chacune à quatre-vingts
œufs environ, peut donner naissance à plus de cent mille individus en
moins de trois ans. Les chenilles sont quelquefois si nombreuses qu'en
serrant avec la main une poignée de blé ou d'épis alucités, on en
exprime un liquide blanchâtre et visqueux, qui est la substance même
des corps des insectes écrasés; les grains, plus ou moins vidés et aplatis
par la pression de la main, restent adhérents et agglomérés, comme le
serait du son mouillé. D'après Herpin, le pain qui provient des blés
alucités, et surtout lorsque la farine n'a pas été convenablement
blutée, contient des débris de cadavres et d'excréments d'insectes. Il a
un goût désagréable, rebutant, qui prend à la gorge; il manque de
liaison et se laisse aller dans l'eau, comme le ferait un morceau de
terre. On attribue à l'usage de cette nourriture insalubre un mal de
gorge très dangereux, avec ulcérations gangreneuses dans l'arrière-
bouche, et amenant une prompte mort. Le battage même des gerbes
ou le nettoyage de ces blés peuvent donner lieu à de graves maladies.
760 LÉPIDOPTÈRES.
L'Alucite des grains a été importée en France ou observée pour la
première fois, d'une manière publique et officielle, vers l'année 1750,
dans la Charente-Inférieure. Depuis, les ravages de l'insecte se sont
successivement étendus dans l'Aunis et la Saintonge, ensuite dans le
Limousin, dans l'Indre, dans le Cher, le Berry, le Nivernais, le Blaisois,
la Solo.^ne, et, en 1860, apparaissaient sur les confins de la Beauce. Le
S. cerealella existe au dehors de la France. Lors des Expositions univer
selles de Londres et de Paris (1855), Herpin constata que beaucoup
d'échantillons de blé provenant de la Turquie, de l'Afrique septentrio-
nale, étaient attaqués par l'Alucite. A l'Exposition universelle de Paris,
en 1878, M. Poujade trouva cet insecte dans les mais de la section des
États-Unis; les sujets étaient très grands, en raison d'une nourriture
plus abondante des chenilles que dans les cariopses des céréales propres
l'Europe. L'Alucite se répand et se propage de proche en proche de
deux manières différentes : 1" par la migration des papillons que les
vents peuvent transporter à plusieurs centaines de mètres de distance ;
2" principalement par le transport des blés attaqués contenant la che-
nille à l'intérieur du grain, ou les œufs, dans la rainure, si fortement
adhérents, par une glu particulière, que les nettoyages, le pelletage,
le crible, le tarare ordinaire ne les atteignent pas.
Ily a maintenant beaucoup moins de dangers à redouter qu'autrefois,
tant de la part de l'Alucite que de la Teigne des grains ou de la Ca-
landre, en raison des nouvelles conditions économiques du commerce
des grains, vendus dès le battage terminé, et transportés pour une
prompte consommation dans tous les pays où la récolte est en déficit;
mais il existe des pays à voies de communication moins aisées qu'en
Europe, il peut se présenter des cas exceptionnels où il serait bon de
détruire l'Alucite, d'après les moyens qui résultent des investigations
de divers auteurs, notamment de Doyère et d'Herpin, et que nous pen-
sons devoir résumer brièvement. Il y a trois ordres de moyens princi-
paux. D'abord l'asphyxie par défaut d'air; ainsi, en laissant le grain
alucité pendant un mois environ dans des tonneaux où on a enlevé
l'oxygène de l'air, en y faisant brûler quelques charbons ou une mèche
soufrée. A ce même genre de procédés se rattache l'empoisonnement
par les gaz délétères, ainsi la mise en silos bien secs avec la vapeur de
sulfure de carbone. Le second moyen est l'action prolongée de la cha-
leur, de 50 à 55 degrés, incapable d'altérer la farine ou de détruire
l'embryon des céréales de semence, suffisante en raison du temps pour
tuer, non seulement les adultes et les chenilles, mais les œufs. 11 y a
d'abord le chauffage à feu nu, soit dans des brûloirs plus ou moins ana-
logues à ceux dont on se sert pour torréfier le café, soit en profitant en hiver
de la chaleur du tuyau d'un poêle, disposé en double coude incliné et
entouré de tubes en tôle aplatis dans lesquels on fait couler lentement
les grains par un effet de plan incliné, en réglant par tâtonnement la
température. On peut aussi se servir de la chaleur du fourà pain, d'après
SITOTHOGA. 761
l'indication de Duhamel, délégué en 1760 par l'ancienne Académie des
sciences, pour visiter les campagnes de TAngoumois, lors des grands
dégâts causés par l'Alucite. Ce chaufournage rustique offrait de grandes
difficultés pour le règlement de la température; il y a été perfectionné
au moyen des appareils de chauffage à air chaud ou à la vapeur d'eau,
décrits dans le premier volume de notre Traité d'entomologie, à propos
de la Calandre des grains.
Enfin, en troisième lieu, se présentent les moyens mécaniques, qui
sont : 1" la compression; 2° le choc. On a essayé d'écraser les Alucites
en soumettant les grains à la compression dans un cylindre par le
moyen d'un mouton, d'un balancier ou d'une presse, ou entre deux
cylindres concasseurs ou laminoirs, surmontés d'une trémie et conve-
nablement espacés. Il y a toujours des insectes qui échappent à ces
compressions. En 18/il, Herpin a imaginé une machine, appelée par
son auteur tarare brise-insectes ou tue-teignes, imprimant aux grains des
chocs mécaniques assez violents pour blesser et même tuer tous les
insectes enfermés à l'intérieur des cariopses. L'instrument d'Herpin a
figuré à l'Exposition universelle de 1855, et a valu à l'auteur une mé»-
daille de 1'^ classe. Les tarares verticaux dont on se sert pour le net-
toyage des blés dans lesquels se trouve un arbre vertical portant des
aubes ou ailettes horizontales qui frappent le grain tombant de la partie
supérieure, peuvent également être utilisés pour la destruction de
l'Alucite et du Charançon, pourvu que la vitesse et la force soient assez
grandes pour frapper vivement le grain et blesser les insectes qu'il con-
tient. Dans toutes les fermes où il existe des machines à battre, on peut
très simplement modifier celles-ci de manière à en faire des appareils
de rotation à choc, pouvant s'employer toujours, outre la destruction
des insectes inclus dans les grains, pour opérer un pelletage excellent et
très économique, même pour les blés sains. Les appareils à choc laissent
toujours subsister l'inconvénient de ne pas détruire les œufs ou de les
détruire dans une faible proportion.
Relativement au Sitotraga cerealella, on pourra consulter les mé-
moires suivants : Réaumur, Chenille qui vit dans V intérieur des grains
d'orge et de froment {Mémoires, t. Il, p. 486-Zi97, pi. xxxix, fig. 9 à 21,
1736; Mémoires de l'Acad. des se. de Paris, année 1762. — Duhamel-
Dumonceau et Tillet, Histoire d'un insecte qui dévore les grains de l'An-
youmois, avec les moyens que l'on peut employer pour le détruire, 1 vol.
iii-12. Paris, 1762. — Huzard fils, Rapport fait à la Soc. royale et centrale
d'agric. de Paris, sur les moyens de prévenir et d'arrêter les ravages de
l'Alucite des grains (extrait des Mémoires de ladite Société, année 1831).
— D"" Herpin, de Metz, Recherches sur la destruction de l'Alucite ou Teigne
des grains [Annales de l'agriculture française, juin 1838. Paris, M""" Hu-
zard. — Id., Mémoires sur divers insectes nuisibles à l'agriculture, et plus
particulièrement au froment, au seigle, à l'orge et au trèfle (grande mé-
daille d'or de la Soc. d'agric, 18Z|2) {Mém. de la Soc. roy. et cenlr.
7G2 LÉPIDOPTÈRES.
d'agric, 18Zi2, in-8°, avec 6 pi. gravées. Paris, Bouchard-Huzard). —
Id., Destruction économique de l'Atucite et du Charançon vivant renfermés
dans l'intérieur des blés au moyen du tarare à grande vitesse ou brise-
insectes {Mém. de la Soc. nation, et centr. d'agric, 1850, in-S". Paris,
Bouchard-Huzard) (médaille d'or de cette Société, 1850). — Id., Tarare-
tue-teigncs (extrait du Génie industriel, par M. Armengaud, t. VIII, avec
fig.). ^S'ur l'Alucite ou Teigne des blés et sur les moyens de la détruire
(extrait des Mém. de la Soc. du Berry. Paris, Napoléon Chaix, 1860, br.
in-S"). Doyère, Recherches sur l'Alucite des céréales {Annales de
l'Institut agronomique, t. I, 1852).
■.IT.%, Treitschke, Duponchel, syn. : Gelechia, Zeller. — Antennes longues et
filiformes dans les deux sexes; tête courte et sessile; spiritrompe nulle; palpes
labiaux arqués et relevés au-dessus de la tète, les deux premiers articles légè-
rement velus, le troisième nu et subuliforme; ailes supérieures très étroites,
avec leur sommet prolongé en pointe obtuse et garni inférieurement d'une
longue frange ; ailes inférieures plus larges, terminées en pointe aiguë et lar-
gement frangées, surtout au bord interne; pattes postérieures longues et
velues; abdomen cylindroïde, terminé par un bouquet de poils dans les mâles,
en pointe dans les femelles.
Le genre Lita ou Galechia présente en général, pour les papillons,
des couleurs assombries et d'un dessin confus, qui les rend assez diffi-
ciles à distinguer entre eux, à l'exception de quelques espèces dans
lesquelles le noir et le blanc contrastent d'une manière assez agréable.
Ces papillons se tiennent d'ordinaire sur le tronc des arbres, où ils
cherchent à se cacher dans les fentes des écorces ; ils se trouvent dans
les bois, comme dans les jardins, ne paraissant qu'une fois par an, depuis
le mois de mai jusqu'à la fin d'août, en plus grand nombre en juin et
juillet. Les chenilles diffèrent entre elles pour la manière de vivre et de
se métamorphoser. Dans le groupe des espèces à ailes sombres et dont le
dessin est plus ou moins confus, on peut citer L. longicornis, Curtis,
syn. : histrionella, Hubner, Duponchel, envergure de 13,5 à 15,5 milli-
mètres, pi. xcviu; 3a, tête de profil, avec les longs palpes recourbés;
3 6, tête de face. La tête et les palpes sont d'un gris blanchâtre, les
antennes noirâtres. Les ailes supérieures sont en dessus d'un gris blan-
châtre, avec quatre bandes transverses d'un brun noir, dont une à la
base, deux au milieu, dont une en S. et une terminale en pointe dans
le bas. La frange est d'un gris blanchâtre et entrecoupée de brun. Le
dessous des mêmes ailes et les deux surfaces des inférieures sont d'un
gris cendré, y compris la frange. Le thorax est brun ainsi que l'abdo-
men, avec les segments bordés de blanc. Les pattes sont blanchâtres et
entrecoupées de brun. Cette espèce est d'Angleterre, de diverses ré-
gions de la France, de Saxe, de Bohême, de Hongrie ; sur les bruyères
et les coteaux stériles, en mai et juin.
HARPELLA. 763
H.%RPEljr.%, Schraiick, syn, : L/vmpros, Dup. — Antennes filiformes dans les
deux sexes-, tête arrondie; spiritronipe très courte et à peine visible; palpes
labiaux lontjs, falqnés, relevés au-dessus de la tête, avec les deux premiers
articles aplatis et velus, le troisième nu et subuliforme; thorax ovale; ailes
supérieures larges et à bord terminal presque droit; ailos inférieures oblongues
avec l'angle au sommet assez aigu, toutes les quatre garnies d'une frange peu
large; pattes postérieures peu longues et peu épaisses; abdomen cylindroïde. —
Chenilles de couleurs livides, à poils isolés implantés sur des points verruqueux.
— Chysalides de forme effilée.
F.e nom de Lampros , donné à ce genre par Duponchel, signifie splen-
ilicle, brillant, à cause de l'éclat des couleurs de ses papillons; ce sont
des Lépidoptères assez rares, qui n'habitent que les bois et se montrent
d'ordinaire à la tin de juin et au commencement de juillet. L'espèce
la plus grande du genre, atteignant près de 25 millimètres d'enver-
gure, est H. forficella, Scopoli, syn. : majorella, cat. de V.; la Tranchée,
Devillers, pi. xcvni; 6c, tête grossie de l'adulte, de face; 6d, tète de
profil; 6 a, chenille; 6 6, chrysalide. Les ailes supérieures sont en dessus
d'un brun doré, avec une bande longitudinale jaune qui part do la
base, se courbe dans le milieu de sa longueur en formant deux angles
obtus, et vient finir en pointe très aiguë à l'extrémité inférieure de
l'aile; en outre, une tache mal arrêtée de la même couleur se trouve
à peu près au milieu de l'espace qui existe entre cette bande et le
sommet de l'aile. La frange est d/un jaune fauve doré et le dessous des
mêmes ailes en entier d'un brun luisant. Les ailes inférieures sont d'un
gris brun luisant de part et d'autre, y compris la frange. Les palpes,
très comprimés, sont bruns du côté externe et jaunes du côté interne.
I,a tête est jaune, ainsi que les ptérygodes du thorax, dont le milieu
est brun; l'abdomen est de la couleur des ailes inférieures. Les an-
tennes sont brunes ainsi que les pattes, à tarses annelés de blanc
roussâtre. Cette description s'applique aux deux sexes de cette belle
espèce.
La chenille, mince et allongée, e«t d'un gris livide et luisant sur le
dos, avec les côtés d'un blanchâtre transparent, la tête et la plaque pro-
thoracique brunes, avec des points verruqueux noirs surmontés chacun
d'un puil blanchAtre. On la trouve du milieu de l'iiiver à la fin de mai,
sous l'écorce des bouleaux, des aulnes, des noisetiers, des chênes et
surtout des souches de hêtre, vivant aux dépens de l'aubier, qui tombe
en pourriture, et dans lequel elle se perce une galerie, qu'elle tapisse
de soie blanche à l'intérieur. Vers la fin de mai ou au début de juin,
elle s'y tr.msforme en chrysalide dans une coque assez grosse, celte
chrysalide, très effilée, d'un brun jaune ou d'un brun rouge. Le pa-
pillon éclôt environ au bout d'un mois, il est commun en Alsace dans
tous les bois, principalement ceux de hêtres, en juin et juillet, assez
commun dans le département du Nord, se rencontre pas très rare en
76/l LÈI'IUOPIÈRES.
certaines années dans SaOne-et-Loire (Constant), se trouve aussi en
Allemagne, en Angleterre, etc., est signalé près de Cannes dans les
aulnaies, mais rare (Millière).
(Ei'OPHOR.%, Latr., sjn. : Akgyroseiia, Curlis, Stephens. — Tète velue dans
lo plus grand nombre des espèces; aniennes filiformes dans les deux sexes;
spiritrompe nulle ou peu distincte; palpes labiaux courts, garnis de peu
d'écaillés, inclinés en dessous, le troisième article en arc, dont la convexité
regarde la tête; thorax étroit; ailes supéiieures en forme d'ellipse très allongée,
avec une longue frange à l'extrémité du bord interne; ailes inférieures très
étroites, cultrifurmes, entourées d'une longue frange; pattes postérieures longues
et grêles; abdomen cylinJroïde, terminé carrément dans les mâles et en pointe
obtuse chez les femelles.
Beaucoup d'espèces d'Œcûphores sont ornées de couleurs très bril-
lantes, mais leur petite taille fait qu'elles chappent souvent à la vue.
On trouve les papillons dans les bois, et surtout dans les vergers, de-
puis le commencement de mai jusqu'en septembre; quelques espèces
seulement paraissent deux fois, mais les autres n'ont qu'une génération
par an, et celles qu'on voit en mai ont passé l'hiver en chrysalide. Les
mœurs des chenilles sont très variées : il en est qui s'entourent de
fourreaux cylindroïdes de Lichen, fixés perpendiculairement contre les
Ironcs, ainsi QE. fîavifrontella, Hûbner; d'autres vivent sous les écorces
d'arbres fruitiers et forestiers, ou de Conifères, se nourrissant proba-
blement de bois pourri, il en est qui vivent en mineuses entre les
deux épidermes des feuilles, ou dans des feuilles roulées en cornet,
comme les Tordeuses, ou en société, sous une toile commune, ou bien
au sommet des plantes dont elles réunissent les feuilles en paquet par
des fils de soie. La plupart de ces chenilles, parvenues à toute leur
taille, quittent la plante ou larbre qui les a nourries, pour aller se
métamorphoser en chrysalides cns la terre ou dans la mousse.
Nous représentons, pi. xcvni, hg. 6, 6', grandeur naturelle, le mâle
d'une espèce aux riches couleurs, se rencontrant parfois aux environs
de Paris, puisqu'elle était connue de Geoffroy, se trouvant aussi en
Suède, en Allemagne, en Angleterre, où elle a fourni à M. Stainton le
type de son genre Chrysoclista, en raison de l'éclat de sa parure. C'est
Œ. Linneella, Clerck, Linn., la Teigne dorée à quatre points d'argent de
Geoffroy, se trouvant en juin principalement dans les vergers, in poma-
riis, dit IJnnieus, et pas rare aux environs de Paris. Envergure, en-
viron 12 millimètres. Dans les deux sexes, les ailes supérieures sont
en dessus d'un beau fauve doré, avec la côte argentée et trois gros
points d'argent élevés et entourés de noir, disposés en triangle, dont
un au milieu de la côte et les deux autres au bord interne. On re-
marque en outre une tache noirâtre à la base, confondue sans doute
par Geoiïroy avec une tache argentée. La frange est noire, avec un
OECOPFJORA, ACROLEPIA. 765
reflet bronzé très brillant. Les ailes inférieures sont ou d'un fauve doré,
ou d'un noir grisâtre, selon les sujets, avec la frange noire. Les quatre
ailes sont noircàtres en dessous. Les antennes sont noires, le thorax et
l'abdomen couverts de poils fauves, les pattes d'un noir bronzé. A Cannes,
M. Minière a vu éclcre cette espèce, en août, des fleurs sèches de la
petite centaurée {Erythrœa centaurium), plante herbacée, qui avait
probablement nourri la chenille.
La famille des Acrolépides contient une espèce intéressante par les
dommages qu'elle peut causer à la culture maraîchère. Dans le genre
Acrolepia, Curtis, se trouve A. assectella, Zeller, syn: alliella, Boisduval,
la Teigne des aulx et des poireaux. L'insecle parfait, de très petite taille,
voltige dans les jardins fleuristes et potagers après le coucher du soleil.
Il est d'un gris jaunStre, les ailes supérieures un peu pointues au
sommet, d'un gris noirâtre obscur et oIVrant sur le milieu une petite
tache triangulaire, blanche, pointillée de brun, les ailes inférieures étant
noirâtres. La chenille est blanchâtre, parfois un peu verdâlre selon les
plantes qu'elle mange, la tète et la plaque du prothorax d'un jaune fer-
rugineux ainsi que les pattes écailleuses; les trapézoïdaux sont gros et
noirs. Elle vit en mineuse dans les feuilles de diverses Liliacées, où elle
creuse de longues galeries sans entamer l'épiderme, et finit par
pénétrer dans les tuniques de la bulbe. Arrivée à toute sa grosseur,
elle sort des feuilles et attache à ces feuilles mêmes ou aux objets
voisins un cocon en fuseau d'un tissu clair et d'une jolie soie d'un
gris blanchâtre. Cette chenille se montre en mai, puis en octobre; il
paraît qu'une partie des chrysalides d'automne hivernent pour donner,
au printemps, les adultes qui propagent l'espèce. Cette Teigne a ré-
cemment causé beaucoup de ravages dans les cultures d'ail, très nom-
breuses dans les jardins du Limousin (Maurice Girard : Note sur une
chenille qui attaque l'ail et le poireau; Journal Soc. cent, d'horti-
culture de France, 1881, 298). Elle est aussi très nuisible aux jeunes
poireaux, dont elle amène le dépérissement, parfois la mort. Les
feuilles sont souillées des déjections des chenilles, qui coexistent avec
des chrysahdes. Quand la bulbe est encore intacte, il faut couper à la
faucille ou aux ciseaux de jardinier les tiges avec les feuilles infectées
et brûler tous ces débris. Si, malgré touî, le mal persiste, on en a
raison par une alternance de culture, en semant des Crucifères ou des
Légumineuses au lieu des Liliacées; la Teigne meui't de faim. Dans les
jardins fleuristes, la chenille de cette même Teigne attaque les
Alstrœmeria, les Phalangium, les Asphodèles, les Hémérocalles, etc.
On peut dire que l'espèce est de toute la France.
La famille des Gracilarides (dont le nom vient de l'adjectif ,9rac//?'.s
grêle) présente des petits papillons ayant les antennes filiformes dans
les deux sexes, sans faisceaux de poils à la base, comme chez les Ornix.
On distingue la spiritrompe et les palpes maxillaires, exceptionnels
chez les Tinéiniens; les palpes labiaux, revêtus d'écaillés contiguës,
766 LÉPIDOPTÈRES.
paraissent minces et se dressent en foroie de glaives au-devant de la
tête arrondie et lisse, leur article terminal, qui correspond à toute la
moitié de leur longueur, s'effilant en pointe. Les ailes supérieures très
allongées, très étroites, sont bordées d'une longue frange; les infé-
rieures, linéaires et ornées d'une longue frange, ressemblent à des
plumes. Les chenilles de cette famille vivent en mineuses dans
l'épaisseur des feuilles; qnelques-unes, comme les Gracilaria et les
Ornix, en sortent lors^qu'elles ont atteint à peu près la moitié de leur
croissance et s'enferment alors dans une feuille pliée. Toutes se chry-
salident hors de leurs mines, dans un petit cocon attaché à une partie
quelconque de la plante. Les délicats papillons des Gracilaires sont de
très petite taille, et beaucoup sont richement ornés; ils volent en
plein jour autour des plantes qui ont nourri leurs chenilles.
L'espèce la plus importante de cette petite famille, très commune
partout, est la Teigne du lilas, Gracilaria syringella, Fabr., syn. :
ardeœpennella, Dup., de France, d'Angleterre, d'Allemagne. I-e papillon
de 11 millimètres environ d'envergure, a la tête blanche et qui en
même temps otfre les antennes atteignant la longueur de l'aile
antérieure, grises et annelées de blanc; les palpes sont blancs, annelés
de noir. Les ailes supérieures paraissent d'un gris poussiéreux et sont
tachetées par la présence de six bandes transversales interrompues
d'un blanc argenté, dont les trois postérieures sont plus fines et moins
complètes que les antérieures. Les franges, d'un gris foncé comme le
thorax, l'abdomen et le fond des ailes supérieures, sont d'une longueur
extraordinaire, surtout à l'angle interne. Elles font saillie en forme de
peignes lorsqu'au repos ces ailes couvrent le corps à la façon d'un toit.
Le dessous des mêmes ailes est d'un brunâtre luisant, avec quelques
vestiges des taches du dessus. Les deux surfaces des ailes inférieures
sont d'un gris foncé, y compris la frange. Les pattes sont d'un gris
foncé avec les tarses entrecoupés de blanc. La chenille vit des feuilles
de divers arbustes, défigurant dans les jardins les lilas et les lilas de
Perse, attaquant en outre le frêne, le troène, le fusain, parfois l'aubé-
pine. Cette chenille est d'un vert clair, avec la vasculaire plus foncée,
la tête brune, l'écusson du prothorax et le clapet anal de la couleur du
reste du corps, sur lequel sont des petits points verruqueux avec un
poil clair. tUe est munie de seize pattes, vit sur chaque feuille en
petites colonies d'une vingtaine d'individus. Sur le lilas, les jeunes
chenilles rongent d'abord la cuticule supérieure, puis le parenchyme
situé en dessous. La cuticule inférieure persiste toujours et brunit peu
à peu; de là une large mine d'un gris rougeâtre. Après la première
mue, les chenilles quittent la mine qu'elles ont creusée et tendent des
fils de soie de telle sorte que la pointe de la feuille de lilas se trouve
rongée et s'enroule, pliée dans le sens de la longueur de la feuille.
Sur le frêne et le troène ces étuis sont coniques et faits du som-
met des feuilles. C'est là le travail de chaque nuit; le jour, les
GRACILARIA, ADÉLIDES. 767
chenilles rentrent dans le tube ainsi formé et rongont le parenchyme
de la feuille, en respectant toujours la cuticule inférieure. Klles muent
tous les dix ou douze jours et subissent trois mues; elles cherchent
alors une feuille fraîche qu'elles traitent comme la précédente et
qu'elles abandoiuieut au bout d'un mOme temps pour effectuer leur
nymphose dans un cocon très mince entre les feuilles desséchées,
dans les gerçures des écorces ou bien en terre. On voit parfois des
centaines de ces minuscules chenilles suspendues à un fil, abandon-
nant les branches pour se mettre à la recherche d'une retraite. La
chrysalide, fusiforme et d'un brun jaunâtre, a une terminaison obtuse;
les gaines des antennes et aussi celles des ailes arrivent jusqu'à
l'extrémité, celles des pattes n'allant pas tout à fait aussi loin. Au bout
d'une quinzaine de jours éclosent les papillons, à la fin de juin ou au
commencement de juillet. Ils voltigent, surtout le soir, autour de la
plante nourricière, et s'accouplent. Chaque chenille pond, en moyenne,
une centaine d'oeufs, et de là une seconde génération encore plus
nuisible que la première, au point que toutes les feuilles des arbres
sont parfois ravagées, comme si le feu y avait passé et sans qu'il en
reste une seule intacte. Ces secondes chenilles arrivent à la nymphose
avant le début de l'hiver et les chrysalides, qui passent l'hiver,
donnent, au mois d'avril, des papillons produisant la première géné-
ration de chenilles. Quand cette Teigne dort pendant le jour, le
corps, dirigé obliquement, repose sur les deux longues pattes posté-
rieures dont les genoux se trouvent sur la même verticale que le front,
les tarses s'étendant par derrière. On ne voit pas les autres pattes qui
sont cachées entre le corps et les ailes, à la surface desquelles s'ap-
pliquent les antennes annelées qui se dirigent directement en arrière.
La famille des Adélides a été établie par Latreille aux dépens des
Alucites de Fabricius. On distingue à première vue les papillons
mâles à la longueur démesurée de leurs antennes, atteignant environ
six fois la longueur du corps, celles des femelles ne dépassant pas la
longueur du corps. Au repos les Adèles ont tout à fait le port d'ailes de
certaines petites Friganes, et les ailes réticulées de quelques-unes
ajoutent encore à cette ressemblance. Beaucoup ont de splendides
couleurs métalliques, qui sontl'écueil des peintres d'histoire naturelle;
on peut dire que ces insectes, comme des pierres précieuses vivantes,
sont les plus beaux Microlépidoptères. Leur apparition a lieu de la fin
d'avril au commencement de juillet, le plus grand nombre en mai et
juin. Leur vol a lieu pendant le jour, sous les ardents rayons du
soleil qui ajoutent encore à leur éclat, souvent sur les fleurs, car ils
ont une spiritrompe développée; la plupart volent dans les bois
découverts, autour des jeunes arbres et des buissons; quelques-uns
seulement sur les plantes basses, dans les prairies; quelques espèces
très brillantes sont propres aux montagnes. Au genre Adela de
Latreille ont été ajoutés deux genres, Nemophora, Hûbner, et Nemotois,
768 LÉPIDOPTÈRES.
Hiibner, qui en diiïèrent peu. Les chenilles de ces Adélides, encore
imparfaitement connues, vivent, comme celles des Incurvaria, Haworth,
dans des fourreaux plats, fabriqués de morceaux de feuilles sèches,
d'abord dans les fleurs, puis à terre où elles passent l'hiver. Duponchel
a subdivisé les Adélides, d'une manière commode pour les collection-
neurs, en trois sections : A. ailes supérieures ornées de bandes et de
taches d'une couleur plus claire que le fond (ex : Adela Degeerella);
B. ailes supérieures d'une couleur uniforme, et à reOets métalliques
(ex. : Adela viridella) ; C. ailes supérieures d'une couleur uniforme,
réticulées et à reflets (ex : Nemophora Swammerdammella). lin raison de
l'extrême longueur des antennes des mâles des Adélides, leur vol n'est
pas horizontal. Il a lieu de haut en bas et réciproquement, dans les
recherches de ces papillons pour l'accouplement par les beaux jours de
printemps. Dans ces descentes et ces ascensions, les antennes, dirigées
en avant, semblent servir de balanciers. Degéer a remarqué que ces
antennes, outre leur longueur extraordinaire, offrent cetie particularité
que le papillon peut en mouvoir le bout de côté et d'autre et le courber
en tous sens, sans donner le moindre mouvement au reste de leur
étendue, ce qui prouve une finesse extrême dans les muscles logés dans
cette extrémité, qui se termine en fil imperceptible.
AUEliA, Latreille. — Antennes très rapprochées à leur base, très longues et se
terminant en un fil imperceptible dans les mâles, beaucoup plus courtes chez
les femelles et parais-sunt comme des soies amincies au bout, car elles sont
garnies d'écaillés qui les épaississent dans une grande partie de leur longueur;
spirilrompe longue ; palpes labiaux grêles, cylindriques, de la longueur de la
tête et très garnis de poils; tête petite, presque pyiamidale et très velue, avec
les yeux gros etconligug; thorax ovoïde ; ailes supérieures elliptiques; ailes
inférieures ayant à peu près la même forme, mais moins longues, les quatre
ailes garnies d'une frange courte ; pattes postérieures longues et plus ou moins
velues, selon les espèces; abdomen cylindroïde, court et tronqué dans les
mâles, plus long et conique dans les femelles.
Une des espèces les plus répandues, de France, d'Angleterre, d'Al-
lemagne, de presque toute Tliurope, est A. Degeerella, Linn., syn :
Crœsella, Scopoli, la Coquille d'or, Geoffroy, la Degéer, Devillers, la
Crésus, Devillers, YAlucile Degéerelle, Walckenaër, l'Adèle Géérelle,
Latreille. Le papillon, de 20 millimètres d'envergure, pi. xcviii, fig. 7,
mâle, a la tête noir et hérissée de poils fauves. Les antennes sont
noires depuis leur base jusqu'au quart de leur longueur et blanchâtres
pour le reste; le corselet est de couleur bronzée. Les ailes supérieures
sont en dessus d'un fauve doré, avec des stries longitudinales d'un noir
pourpre, correspondantes aux nervures et interrompues, un peu au
delà du milieu de l'aile, par une bande transverse et légèrement
sinuée d'un jaune doré, bordée des deux côtés par une ligne d'un bleu
ADELA. 769
d'azur, bordée elle-même de deux lignes noires; la l'range est delà
couleur des stries. Le dessous des mômes ailes et les deux surfaces des
ailes inférieures sont d'un noir pourpre luisant, y compris la frange,
avec la répétition de la bande jaune du dessus, mais comme effacée,
sur le dessous des ailes supérieures. Les pattes sont jaunâtres, avec
l'extrémité des jambes noire. L'abdomen est d'un noir pourpre. Cette
description s'applique aux deux sexes, avec les différences indiquées
dans la diagnose du genre. Le papillon, très commun aux environs de
Paris, voltige, du 15 mai au 15 juin, autour des buissons dans les bois
taillis, La chenille est renfermée dans un fourreau formé de plusieurs
feuilles, oblong, arrondi, rétréci au milieu, et se trouve, jusqu'au
printemps, sur des plantes basses, Anémone nemorosa, Vaccinium,
Rumex, etc. C'est Linnœus qui a dédié cette jolie espèce d'Adèle ù de
Céer, lequell'avaitle premier décrite et figurée dans ses mémoires sur
les insectes.
Une aulre espèce également commune, de France, d'Allemagne, d'An-
gleterre, etc., est A. viridella, Scopoli, syn. : Reaumurella, Duponchel,
la Teigne noire bronzée de Geoffroy, la Réaumur, la Verdoyante, VAlbi-
corne, Devillers, l'Alucite Réaumur elle, Walckenaër, V Adèle Réaumurelle ,
Latreille. Cette espèce est très commune dans presque tous les bois en
France, en Angleterre, en Allemagne. C'est l'Adèle la plus fréquente
aux environs de Paris. L'envergure est de 16 millimètres chez le mâle
et un peu moins chez la femelle. Le mâle a les antennes blanches dans
toute leur étendue, la tète noire et très velue, ainsi que les palpes, le
thorax noir, peu velu. Les ailes supérieures sont en dessus d'un vert
noir foncé très brillant, avec des reflets d'un vert blanchâtre, y compris
la range, en dessous d'un noir violet obscur, ainsi que les deux
surfaces des ailes inférieures dont la frange est précédée d'un liséré
d'un vert cuivreux très brillant. Les pattes sont noires, avec les tarses
annelés de blanc, les postérieures seules ayant les jambes garnies de
longs poils ; l'abdomen est lisse et d'un noir violet obscur. La femelle
a les mêmes couleurs que le mâle, avec les antennes d'un noir bronzé,
très épaisses dans leur moitié antérieure, la tête et le thorax lisses, les
ailes antérieures moins longues que chez le mille, avec un pli arrondi à
l'extrémité, très visible au repos, les pattes postérieures moins épaisses
et moins poilues que chez le mâle. Cette Adèle vole par troupes au
mois de mai autour des prunelliers et des jeunes chênes. La chenille,
dans un fourreau, se trouve au milieu des feuilles sèches, notamment
de chêne.
Dans le troisième type, nous citerons Nemophora Swammerdammella,
Linn., la Swammerdam, Devillers, de France, d'Allemagne, d'Angleterre ;
dans tous les bois, du 20 avril au 10 mai environ ; autrefois assez
commune au bois de Boulogne, près de Paris; se trouvant en juillet
dans la montagne, près de Cannes (Alpes-Maritimes), probablement
alors de seconde éclosion. Chez le mâle, d'envergure de 20 millimètres
GIRARD. ui. — 49
770 LÊPIDOPTtRES.
environ, les antennes sont en entier d'un blanc jaunâtre. Les ailes
supérieures sont en dessus d'un blond doré et finement réticulées de
roux, avec la frange de la couleur du fond; leur dessous ne diffère du
dessus que parce que la réticulation en est à peine visible. Les deux
surfaces des ailes inférieures sont d'un gris clair uniforme ainsi que la
frange. La tète et le thorax sont de la couleur des ailes supérieures,
ainsi que les pattes; l'abdomen participe de la couleur des ailes
inférieures. D'après M. Fettig, la chenille, dans son jeune âge, ronge
le parenchyme d'une feuille de hêtre ou de chêne, et, dans la dernière
période de sa vie, coupe une partie de cette feuille et s'en entoure.
D'après M. Milliôre, la chenille ronge d'abord les feuilles du hêtre, et
vit ensuite de plantes basses dans un petit sac portatif.
La famille des Coléophorides, Staudinger, se réduit presque entière-
ment au genre Coleophora, Zeller, et se rattache très bien aux Adélidcs
par les chenilles entourées de fourreaux, parfois formés, comme chez
les Adèles, de morceaux de feuille ou de lambeaux de cellulose étages
en collerettes, ce que Réaumur dans son langage descriptif imagé et s
juste appelait Teignes à falbalas. Les papillons des Coléophorides son
aisément reconnaissables à leurs ailes allongées et garnies de très
longues franges, simulant un peu des ailes d'oiseaux. Ils sont générale-
ment peu riches en dessins et en couleurs. Plusieurs espèces sont très
voisines entre elles, au point qu'il est impossible de les distinguer avec
certitude sans le secours des fourreaux des chenilles. Ils sont répandus
à peu près partout et volent en plein jour ; mais ils habitent de préfé-
rence les lieux découverts, secs, arides et bien exposés aux rayons du
soleil. Dans cette famille, comme dans les dernières familles de
Tinéiniens qui vont suivre, il reste encore beaucoup d'espèces à
découvrir, ce qui nous les fait fortement recommander aux jeunes
amateurs, oculatissimi, comme disait Boisduval, condition excellente
pour ces minimes Tinéiniens. Toutes les chenilles des Coléophorides
se fabriquent, avec les débris des plantes dont elles se nourrissent,
des fourreaux dans lesquels elles passent leur vie jusqu'à l'état parfait,
dont elles ne sortent jamais et qu'elles traînent partout avec elles dans
leur marche. Ces fourreaux affectent des formes très variées : on en
trouve qui ressemblent à des gousses de Légumineuses ou à des siliques
de Crucifères, à des fragments de tiges de plantes, à des brindilles de
bois sec, à des coquilles de Limaçons ou de Mollusques bivalves; d'au-
tres sont composés de glumes ou de balles qui leur donnent une res-
semblance frappante avec les épillets des Graminées, d'autres enfin
simulent, à s'y méprendre, l'extrémité d'un jeune rameau de bruyère;
il en est qui ont la forme d'un pistolet, avec la crosse assez bien imi-
tée, etc. Quelle que soit d'ailleurs la forme de ces fourreaux, on peut
remarquer que la chenille a presque toujours l'instinct de leur donner
une certaine ressemblance avec une partie quelconque, vivante ou des-
séchée, de la plante sur laquelle elle vit, précaution qui n'a, sans doute,
COLEOPHORA. 771
d'autre but que de mieux dissimuler l'insecte, qui échappe ainsi à la
vue parmi les divers organes des végétaux.
Ainsi que les chenilles des Psyché, quand la chenille dos Coleophora
veut prendre sa nourriture, elle dégage seulement de son fourreau la
tête et les trois premiers anneaux portant les pattes écailleuses, elle fixe
le fourreau perpendiculairement à la surface d'une feuille, le plus sou-
vent en dessous. Elle découpe dans cette feuille une ouverture de la
grosseur de son corps, mais qui n'entame que la membrane sur laquelle
la chenille est attachée, sans jamais percer la feuille de part en part ;
puis elle commence à dévorer autour d'elle le parenchyme entre les
deux épidermes. A mesure qu'elle consomme, elle allonge le corps, en
le dégageant du fourreau, mais sans le quitter entièrement, traçau
ainsi un vide à peu près circulaire, dont l'ouverture primitive est le
centre. Quand elle a rongé tout ce qui se trouvait à sa portée, elle
rentre à reculons dans sa gaîne, la détache, et va la fixer sur un autre
point de la feuille, pour recommencer le même manège. Au moment
(le la nymphose, la chenille attache définitivement son fourreau à quel-
que partie de la plante ou à un corps voisin, se retourne en sens
inverse po;ir avoir la tête dirigée vers l'extrémité postérieure, afin que
le papillon puisse sortir librement, et, ainsi établie, attend Tépoquc de
sa métamorphose en chrysalide.
Nous rencontrons dans le genre Coleophora, Zeller, une espèce nui-
sible à l'horticulture, C. hemerobiella, Scopoli, syn. : Anseripennella, Dup.,
non Herr. Sch., de France, d'Allemagne, d'Angleterre. Le papillon,
d'environ \lx millimètres d'envergure, a les ailes supérieures en dessus
d'un gris de plomb, saupoudré de nombreux atomes bruns, surtout vers
l'extrémité, avec un point un peu plus gros et plus obscur sur le mi-
lieu. I,e dessous des mêmes ailes et les deux faces des ailes inférieures
sont d'un gris plombé luisant. La frange des quatre ailes est d'un gris
brun des deux côtés. Les antennes, la tête et le thorax sont de la cou-
leur des ailes supérieures, et l'abdomen de celle des inférieures; les
pattes sont d'un gris blanchâtre. La chenille habite dans sa jeunesse
un fourreau courbe, qui, plus tard, devient un fourreau presque droit.
Le fourreau de la chenille à toute sa taille est légèrement arqué, pres-
que cylindrique, un peu renflé au milieu, caréné des deux côtés dans
le sens de sa longueur, avec trois ou quatre dentelures du côté convexe.
Il est comprimé triangulairemcnt à son extrémité inférieure et ouvert
circulairement à l'autre bout, celui par lequel le papillon est sorti. La
couleur de ce fourreau est d'un brun noirâtre et les dentelures sont
roussâtres. La chenille est épaisse, lourde, d'un gris jaune sale, l'é-
cusson prothoracique corné et brun, avec une ligne rougeûtre au
milieu. Il y a des taches d'un brun noir sur les côtés des premiers an-
neaux. Les pattes membraneuses sont marquées latéralement d'une
tache ronde d'un brun noir ; elles sont très courtes et impropres à la
marche, la dernière paire, encore plus courte que les autres, armée en
772 LÉPIDOPTÈRES.
revanche d'une couronne d'épines très forlc. Quand elle est parvenue à
toute sa taille, à la fin de mai ou au commencement de juin, elle quitte
les feuilles et attache son fourreau aux branches des arbres ou à des
objets divers, reste quelque temps avant de se chrysalider et donne le
papillon en juillet et août. Elle se trouve dans les jardins et vergers sur
les arbres fruitiers, principalement les poiriers, auxquels elle fait
beaucoup de tort dans certaines localités. Les feuilles où cette petite
chenille s'est étabhe se couvrent de taches noires vésiculeuses ; l'épi-
derme supérieur se boursoufle, se dessèche, se soulève et s'exfolie
facilement. Il y a une seconde génération de chenilles au mois de
septembre, dont les chrysalides passent l'hiver pour éclore au prin-
temps suivant. Pour se débarrasser de cet insecte destructeur, il faut
enlever et brûler, aux mois de mai et de septembre, toutes les feuilles
où l'on aperçoit de petits tuyaux noirâtres redressés perpendiculaire-
ment à la surface et paraissant immobiles.
C'est également à l'enlèvement des feuilles minées et tachées qu'il
faut recourir si l'on veut diminuer beaucoup les ravages de la Graci-
laire du lilas (voy. p. 76Zi),.et surtout les rendre très faibles pour l'année
suivante. On peut aussi écraser la chenille dans les mines qui com-
mencent en froissant entre les doigts les feuilles de lilas ; mais cela
n'est possible que pour les très petits jardins.
La famille des LithocoUétides, qui ne contient réellement qu'un
genre à nombreuses espèces, Lithocolletis, Zeller, est formée de papil-
lons très petits, assez vifs, brillants, rayés transversalement de bandes
ou de lignes argentées, et ressemblant, au vol, à de légers flocons de
duvet ; ils habitent principalement les bois. Ce sont, par leur beauté
et leur petitesse, comme les oiseaux-mouches des Lépidoptères. Leurs
chenilles minent les feuilles, où elles donnent naissance à une tache
blanchâtre et transparente, qui s'agrandit à mesure que la chenille
avance en Age. Les chrysalides sont enfermées dans une petite coque
située entre les deux épidermes de la feuille, et ordinairement recou-
verte des déjections de la chenille.
Les plus petits papillons connus appartiennent à la famille des Nepti-
culides, formée principalement par le genre Nepticula, Zeller. On y
compte en Europe une centaine d'espèces à peu près, établies surtout
par les recherches des entomologistes anglais, et dont les auteurs an-
ciens ne font aucune mention. Ce sont des papillons presque littérale-
ment microscopiques, qu'il est à peu près impossible de prendre au vol,
mais seulement au flacon à cyanure de potassium. Le mieux, pour les
obtenir, est de mettre en boîtes vitrées les feuilles minées par leurs
chenilles ; mais on éprouve souvent des mécomptes, en voyant cclore,
au lieu de petits papillons, des petites espèces d'Hyménoptères ou de
Diptères, qui vivent de la même manière que les Nepticula, ou qui ne
sont peut-être que les parasites de leurs chenilles. Les papillons des
-Ncpliculidcs oui des dessins peu varies ; ils se réduisent ordinairement
NKPTICULA, PTÉROPHORIENS. 773
à quelques points ou lignes métalliques très brillants sur un fond plus
ou moins foncé. Les chenilles vivent en mineuses dans l'épaisseur des
feuilles, comme celles de beaucoup d'autres genres ; mais les galeries
qu'elles y tracent ne ressemblent nullement à celles des Lithocolletis ou
des Tischeria. Au lieu de figurer des taches ou plaques sur le disque de
la feuille, ce sont de simples lignes jaunâtres, sinueuses, courbées et
brisées en tous sens, et dont la largeur égale à peu près le diamètre de
la chenille. Celle-ci ne met que très peu de jours pour atteindre toute
sa taille; elle quitte alors sa galerie pour aller fixer son imperceptible
coque sur une autre partie du végétal. Aussi faut-il recueillir un assez
grand nombre de feuilles pour en trouver quelques-unes encore habi-
tées par l'insecte ; car, le plus souvent, la galerie qu'il a creusée, à
l'état de chenille, ne devient visible par le dépérissement de la partie
attaquée qu'après que la chenille l'a déjà abandonnée.
Tribu des PTEROPHORIEW.S.
La Iribu des Ptérophoriens a pour origine le genre de Geoffroy, P/<'-
ro/j/(orws (porteur d'ailes cà plumes), et correspond aux Phalènes Alucites,
de Linnœus, et aux Phalènes Tipules, de De déer, nom qui provient des
longues pattes très grêles et se détachant très aisément du corps de ces
papillons, à la façon des pattes des Tipules (Diptères). Ce qui distingue
tout de suite leurs papillons du reste des Lépidoptères, c'est la division
de leurs ailes, suivant la longueur, en lanières frangées, comparables
aux barbes de plusieurs plumes contiguès. Le plus souvent, il y a de
chaque côté cinq divisions ou lobes, deux aux ailes supérieures, ne se
séparant que plus ou moins près du milieu de l'aile, trois aux ailes
inférieures, séparés dans toute leur étendue jusqu'à leur insertion au
thorax. Ces divisions consistent eu une simple nervure, garnie de chaque
côté d'une longue frange, ce qui leur donne une grande analogie avec
des plumes d'oiseau. Au repos, dans quelques espèces, ainsi chez le
Ptérophore blanc, toutes les divisions sont écartées et étalées, tandis
que, chez beaucoup d'autres espèces, elles sont repliées comme un
éventail et disparaissent entièrement sous le premier lobe des ailes
supérieures, et, celles-ci conservant de chaque côté une direction per-
pendiculaire à celle de l'axe du corps, il en résulte que l'insecte pré-
sente à peu près laspect d'une croix. La tête des Ptérophoriens est
sphéroïde, la spiritrompe très développée, tandis qu'elle est nulle chez
les Elachista et les Coleophora ou Ornix, qui ont quelques rapports avec
les Ptérophoriens par leurs ailes étroites très frangées. D'autre part,
leur abdomen est beaucoup plus long que chez les Tinéiniens ; il en
est de même de leurs pattes très longues et à très longs éperons, surtout
77Zi LÉPIDOPTÈRES.
les postérieures. Les palpes sont saillants et pourvus d'un article mé-
dian fort long; il y a des Plérophoriens qui ont des yeux accessoires
ou stemmates, d'autres qui en manquent. Les Plérophoriens sont noc-
turnes; cependant ils volent aussi en plein jour, pour peu qu'on les
dérange. Leur vol est paresseux, peu soutenu, formé d'une série d'évo-
lutions de haut en bas et réciproquement; ils vont toujours se reposer
à peu de distance de l'endroit qu'ils ont quitté. On trouve surtout ces
papillons à l'état parfait en juin et en juillet, dans les charmilles, les
haies et les lieux frais des bois et des jardins; quelques espèces fré-
quentent de préférence les prairies.
Les chenilles à seize pattes de ces insectes vivent souvent à découvert,
principalement sur les plantes herbacées, et certaines, au contraire,
dans l'intérieur des tiges. Elles sont courtes, renflées, lentes à se mou-
voir, et garnies de poils ou d'épines plus ou moins rameuses. Pour se
chrysalider, elles ne s'enferment pas dans un cocon, comme la plupart
des Hétérocères, mais beaucouo d'entre elles se fixent avec un fais-
ceau soyeux par la région anale et s'entourent en outre d'un lien de soie
qui passe par le milieu de leur corps, à la façon de certains Diurnes
(Piérides, Papilionides), ou comme les Phaléniens du genre Zonosoma,
Tous les anciens auteurs, et jusqu'à Duponchel inclusivement, n'é-
tablissent que le genre Pterophorus dans cette famille. Depuis, et prin-
cipalement d'après la disposition des nervures, un assez grand nombre
de genres ont été créés, surtout par les travaux de Zeller (Isis, I8Z1I).
On a souvent assez de peine à séparer les genres et les espèces dans ces
papillons dégradés.
PTEROPHORUS, Geoffroy, Zeller. — Antennes peu allongées, filiformes dans
les deux sexes; tcte petite, sphéroïde, avec les yeux très petits ; pas de stem •
mates; spiritrompe très longue; palpes labiaux seuls visibles, droits, écartés,
nus ou peu couverts d'écaillés, avec le dernier article bien distinct; thorax assez
robuste, à ptérygodes très larges; ailes très étroites et divisées, savoir: les
supérieures en deux branches, ne se bifurquant qu'^à partir du dernier tiers,
sous forme de deux plumes effilées dont l'angle interne est arrondi ; les infé-
rieures en trois branches, chacune de ces branches garnie sur ses bords do
franges ou de barbules qui les font ressembler à des plumes ; pattes grêles et
très longues, surtout les postérieures, avec les épines ou éperons très longs ;
abdomen très long, linéaire dans les mâles et légèrement renflé au milieu dans
les femelles. — Chenilles à seize pattes, velues ou pubescentes, se suspendant
souvent à nu pour se chrysalidcr, à la façon de celles des Piérides. — Chysa-
lides allongées, plus ou moins velues, et participant toujours de la couleur des
chenilles.
Une des espèces les plus communes est le P. monodactylus, Linn.,
syn. : Pterodactylus, Hubn., Dup., Herr. Schœf., la Ptérodactyle, T)e\\\-
Icrs (2i millimètres d'envergure). Ailes supérieures légèrement fal-
PTEROPHORUS. 775
quées et divisées à leur extrémité en deux parties par une fente assez
large qui pénètre jusqu'au tiers de leur longueur; coloration variant
beaucoup, tantôt d'un roux testacé, tantôt d'un gris roussâtre ou jau-
nâtre, parsemé de quelques atomes bruns au bord interne et toujours
avec un point noirâtre à l'origine de la fissure, lequel point manque
à la môme place en dessous ; angle au sommet de la première division
courbe et très aigu ; ailes inférieures ayant les trois divisions en forme
de spatule très étroite, d'un brun noirâtre, garnies comme celles des
premières ailes d'une frange assez longue, surtout à la troisième divi-
sion. Les antennes, la tète et le corps participent de la couleur des
ailes, les pattes étant d'une couleur un peu plus claire. La chenille est
couverte de petits poils grisâtres, laissant voir la couleur du fond, d'un
vert de mer ordinairement, parfois d'un brunâtre clair. Elle est mar-
quée de plusieurs lignes ou raies longitudinales, savoir : une médiane,
ou dorsale blanche, très fine, placée entre deux raies pourpres plus
larges, bordées elles-mêmes par une ligne blanche ; touchant à cette
dernière, et sur chaque anneau on voit un petit trait oblique plus clair
que le fond. La tète, très petite et globuleuse, est d'un jaune pâle, avec
de petites taches d'un brun noir sur les côtés et au-dessus de la
bouche. Les pattes sont d'un blanc verdàtre. Cette chenille vit toute
l'année dans les jardins, les bois, les champs, les bruyères, sur diverses
espèces de Convohndus, Ypomea, Pharbitis, Quamoclit, etc. Elle a été
observée aussi sur les Chenopodium album et Atriplex patula (Jour-
dheuille). Elle se tient presque toujours immobile sur les feuilles, et se
suspend, comme ses congénères, pour se changer en une chrysalide
allongée, velue, et d'une couleur pâle analogue à celle de la chenille.
Le papillon se trouve en février et mars, juin, juillet, et surtout sep-
tembre et octobre, hivernant dans les fagots, les tas de débris végé-
taux, etc. Il s'étend, en Europe, de la Suède méridionale jusque vers
la Sicile, se répandant à l'Est jusqu'à Kasan. Le nom de Monodactylus,
donné par Linnœus à cette espèce, vient probablement de ce que au
repos, alors que les divisions de l'aile inférieure se replient sous les
ailes supérieures, en croix avec le corps, il semble n'avoir qu'un doigt
de chaque côté.
Le P. fuscus, Retzius, syn. : Ptilodactylus, Hûbner, Dup., pi. xcviii,
fig. 8, envergure 22""",5, a les ailes supérieures spatuliformes et
divisées en deux par une fissure très étroit'e, qui ne s'étend pas au-
delà du tiers de leur longueur. Elles sont en dessous d'un testacé
rougeâtre, qui s'éclaircit au bord interne, avec une lunule noirâtre
à l'origine de la fissure, chaque division étant garnie d'une frange très
courte, de la couleur du fond et précédée d'un liséré blanchâtre. Les
ailes inférieures sont d'une nuance brune, plus foncées que les supé-
rieures, y compris la frange. Les deux premières divisions sont un peu
spatuliformes et la troisième presque linéaire, avec la frange très
longue. Le dessous est entièrement d'un brun roux, sans tache à l'ori-
776 LÉPIDOPTÈRES.
gine de la fissure des ailes supérieures. Les antennes, la tête, le coi-ps
et les pattes sont d'une couleur uniforme, qui participe de celle des
ailes. On voit voler le papillon en juin, juillet et août; assez commun
aux environs de Paris, à Montmorency, à Bondy, au bois de Boulogne
(autrefois). On le signale aussi d'Autriche et d'Angleterre. L'espèce de
Ptéropliore, qui atteint la plus grande taille et qui est la mieux connue
de tout le monde par son aspect caractéristique, est le P. pentadactylus,
Linn., du sous-genre Aciptilia, Hûbner, le Ptérophore blanc, Geoffroy,
la Pentadactyle, Devillers ; envergure : près de 30 millimètres. La cou-
leur est partout d'un beau blanc soyeux et les ailes sont toujours bien
étalées au repos, sans recouvrement de leurs divisions, de sorte que
l'insecte tranche très bien sur le vert des feuilles. Leurs divisions sont
très distinctes et commencent presque à partir du corselet ; leurs tiges
ou côtes linéaires et la forme des barbules qui les garnissent leur
donnent une très grande ressemblance avec des plumes blanches. Il y
a quelques individus chez lesquels le blanc est sali à certaines places
par des atomes gris, qu'il est difficile, au reste, de bien apercevoir. La
chenille est d'un vert pâle, avec cinq raies longitudinales, dont une
médiane ou dorsale blanche, deux vertes et deux d'un jaune d'ocre
clair, ces dernières latérales. En outre, à l'exception du dernier, chaque
anneau porte une petite élévation surmontée de petits points saillants,
donnant chacun naissance à autant de faisceaux de poils bruns. La tète
est jaunâtre et le dernier anneau vert, l'un et l'autre étant légèrement
velus Elle vit sur les liserons des champs et des haies, et aussi sur ceux
cultivés dans les jardins. Pour se métamorphoser, elle quitte la plante
qui, d'après sa nature, ne lui offre plus une solidité suffisante pour sa
sécurité, et se porte sur quelque support voisin. La chrysalide est très
allongée, avec la partie postérieure de l'abdomen arquée. Elle a la
même couleur du fond que la chenille, d'un blanc grisâtre, le dos éga-
lement garni de faisceaux de poils; les taches noires sur trois lignes,
celle du milieu du dos presque continue en arrière ; ces taches tirant
sur le rougeâtre quand elles se rapprochent de l'abdomen. Fettig dit
avoir trouvé souvent cette chrysalide enveloppée d'un léger tissu blanc
sur les feuilles de prunier. Cette suspension accidentelle explique pour-
quoi d'anciens auteurs ont dit que la chenille vivait sur le prunier
domestique et le prunier sauvage. Le Ptérophore blanc est très com-
mun et paraît répandu dans toute l'Europe, sauf les régions les plus
septentrionales ; il vole autant le jour que le soir. On le trouve de mai
à août, surtout dans le voisinage des charmilles et des haies, dans les
champs, les jardins, les prairies et les bois.
Une espèce très voisine par la forme et la taille, découverte en An-
gleterre, est le P. spilodactylus, Curtis, pi. xcviii, fig. 8, a. Tête du papil-
lon ayant ses cinq divisions ou branches très étroites ou linéaires, gar-
nies chacune de ft-anges ou plutôt de barbules qui les font ressembler
à des plumes. Le fond de la couleur est d'un blanc sale. La première
PTEROPHORUS. 777
division ou plume des ailes supérieures est traversée au milieu par une
raie brune oblique, et marquée vers l'extrémité de la frange inférieure
par deux taches grises. La seconde plume des mômes ailes offre deux
taches semblables et placées de la même manière. Les trois plumes
des ailes inférieures sont grises dans le haut et blanches seulement à
l'extrémité. Au surplus, le blanc domine plus ou moins sur les trois
plumes, suivant les individus, qui, sous ce rapport, diffèrent entre eux.
Le dessous ne se distingue du dessus que parce que les taches en sont
d'un gris moins foncé. Les antennes, la tète et le thorax sont d'un gris
roussâtre clair; les pattes et l'abdomen sont blancs. Cette description
convient aux deux sexes. On trouve le P. spilodactylus aux environs de
Paris, mais beaucoup plus rarement que le Ptérophore blanc, aux
mêmes époques et dans les mêmes conditions. Cette espèce a été trou-
vée par M. H. Lucas, en juin, à Kouba, près d'Alger, pareille aux su-
jets d'Europe, avec la bande des ailes supérieures moins foncée. La
chenille de cette espèce, découverte par A. Guenée, est cylindroïde en
dessus, aplatie en dessous, d'un vert terne un peu jaunâtre, munie de
quatre séries longitudinales de tubercules qui la font paraître carénée ;
ce sont, comme toujours, les trapézoïdaux qui sont élevés et garnis de
verticilles réguliers de poils blancs et raides, de manière à donner à la
clienille un aspect de lige de cactus; tête petite, globuleuse, d'un vert
pâle et translucide ; ventre et pattes d'un vert plus pâle que le dessus
du corps.
Cette chenille se trouve en mai sur le marrube noir {Ballota nigra),
à découvert sur les feuilles qui sont d'aspect cotonneux, très difficile
à apercevoir, car elle se confond avec ces feuilles par sa couleur et ses
poils. Elle a un instinct de défense imitative incontestable. Tant qu'elle
est jeune, elle se tient sur les petites feuilles du sommet, beaucoup
plus blanches et plus velues que les autres; car ses poils alors plus
longs et son corps moins foncé la font tout à fait confondre avec ces
feuilles. Parvenue à toute sa taille et d'une couleur plus intense, elle
descend sur les feuilles plus foncées et moins velues, dont elle est éga-
ment très difficile à distinguer. Très lente et paresseuse, cette chenille
s'enroule sur elle-même au moindre contact. Vers la fin de mai, elle
s'attache par la partie postérieure et se change, sur la feuille même, en
une chrysalide pubescente d'un vert sombre, et garnie, comme la che-
nille, de tubercules verticilles, mais plus petits et moins fournis de
poils. On voit en outre de chaque côté une série de lignes obliques d'un
vert noir, et, sur la partie la plus élevée de l'enveloppe thoracique,
deux petites taches blanches rapprochées, qui ne sont autre chose que
deux bouquets de poils laineux et courts ; l'enveloppe des ailes est un
peu en relief et garnie de petits poils régulièrement disposés. Le papil-
lon, rare dans les collections, éclot dans la première quinzaine de juin
et ne quitte guère la plante quia nourri sa chenille; celle-ci s'élève
aisément.
i78 LÉPIDOPTÈRES.
Tribu des AUJCITIMIEMS.
Une seconde tribu a dû ûtre établie parmi les Lépidoptères à ailes
divisées en plumes, tant par les caractères de l'adulte que par les
moeurs, l'aspect et la nymphose des cbenilles ; c'est celle des Aluci-
tiniens, pour laquelle on a conservé le nom à'Alucita, étendu par Lin-
nœus aux deux tribus. Chez les adultes le? ailes deviennent fasciculées
par suite de la division presque linéaire de chacune d'elles en six
plumes, de sorte que le nombre total des subdivisions des ailes est de
vingt-quatre, tandis qu'il n'est que de dix pour les véritables Ptéro-
phoriens, deux à l'aile supérieure, trois à l'inférieure. Les chenilles,
également très différentes de celles de la tribu précédente, sont nues,
très agiles, vivant à découvert sur les plantes, se transformant en
chrysalides dans des cocons, tandis qne les chenilles des Ptéroplio-
riens sont velues, lentes, et se suspendent en général à l'air libre pour
la nymphose. Les Alucitiniens renferment huit ou dix espèces euro-
péennes, très voisines les unes des autres. Nous n'en possédons que
deux bien répandues en France : quelques espèces de l'extrême Midi
ou de l'Alsace. Pour ces deux espèces principales, les chenilles vivent
sur diverses espèces de chèvrefeuilles, cultivées ou spontanées. La tribu
no renferme qu'un seul genre.
ORiVEODEfi, Latr., syn. : Alucita, Stephens, Zeller. — Antennes filiformes
dans les deux sexes; tôte grosse, globuleuse ; spiritrompe rudimentaire, mem-
braneuse; palpes labiaux seuls visibles, sensiblement plus longs que la tète,
avancés, le second article très garni d'écaillés, le dernier presque nu, relevé;
thorax pas plus large que la tête ; chacune des quatre ailes divisée dès son ori-
gine en six rayons barbus, ressemblant parfaitement à des plumes; pattes
moins longues et moins grêles, toute proportion gardée, que dans les Ptero-
phorus; abdomen court et assez épais. — Chenilles glabres, à seize pattes, se
métamorphosant dans un cocon à claire-voie.
L'espèce typique des Orneodes est 0. pobjdactylus, Hiibner, syn. ; Hexa-
dactylus, Dup. (1838), le Ptérophore en éventail, de Geoffroy, VHexadac-
lijle, Devillers, pi. xcvju, fig. 9, de 13 millimètres d'envergure; ailes
supérieures d'un gris roux, traversées dans leur largeur par deux
bandes brunes lisérées de blanc, l'une presque médiane et l'autre peu
distante du bord terminal; côte marquée de trois taches brunes, un
petit point brun entouré de blanc à l'extrémité de chacune des six
branches; ailes inférieures également d'un gris roux, mais un peu plus
clair, coupées transversalement par trois lignes blanches ondulées ou
dentelées, parallèles entre elles, équidistantes ; chaque rayon, ressem-
0RNE0DE3. 779
blant parfaitement à une plume, se termine par une tache ocellée,
qui, à la couleur près, est comme celle qui orne la queue du paon,
circonscrite dans sa partie supérieure par un arc blanc, marquée au
milieu d'une prunelle brune entourée d'un iris blanc ; tige de chaque
plume ponctuée de noir dans toute sa longueur; dessous des quatre
ailes pareil au dessus, avec nuance plus claire ; antennes, palpes,
tête et corps do la couleur du fond des ailes; pattes avec un reflet blau-
chillre luisant.
La chenille vit sur le chevroreuillo des jardins, dans les fleurs et les
fruits qu'elle empêche de parvenir à leur entier développement. Le
papillon pond seulement un ou deux œufs sur la jeune fleur de l'ar-
buste, ïl en sort une petite chenille nue, translucide, de couleur car'
née, Elle s'introduit dans le calice de la fleur, dont elle dévore les
parties intérieures encore vertes; cette nourriture épuisée, elle va so
loger dans une autre fleur qu'elle dévore de la même façon. Parvenue
h toute sa faille, elle cherche un abri pour se chrysalider dans une
coque soyeuse blanche à claire-voie. On rencontre le papillon dans les
jardins en mars, avril, puis juin, enfin septembre et octobre. U hiverne
on grand nombre dans les habitations rustiques. Il se tient ordinaire'
ment au repos contre les murs ou sur les vitres des fenêtres, les divi-
sions de ses ailes repliées sur elles-mêmes, comme les branches d'un
éventail fermé, de sorte que l'on se doute peu de la forme qu'elles ont
quand elles sont étalées.
Une seconde espèce très voisine de la précédente, mais moins com-
mune, est 0. Huhneri, Wallgr., syn. : Hexadactylus, Hiibner, Duponchel
(18Zi2), ne différant du précédent que parce qu'il est d'un gris plus clair,
et que les raies brunes qui traversent les ailes supérieures ne se
continuent pas sur les inférieures et sont un peu plus étroites. On
trouve le papillon volant en mai dans les prairies et les clairières,
et aussi, avec l'espèce précédente, dans les combles des constructions
rurales, à la fin de la belle saison et dès les premiers beaux jours après
l'hiver.
Uibiiograpbic jiiulipicinentaii'c. — Camille Jourdheuille, Liste des
MicroUpidopter es recueillis dans le département de T Aube, Trojcs, 1865
(extrait du Congrès scient if que de France). — Id., Calendrier du Microp-
térologiste, recherches des chenilles (extrait des Ann. de la Soc. entom. de
F., 1869-1870. — Id., Catalogue des Lépidopti-res du département de
Aube, in-S", Troyes, 1883 (extrait des Mém. de la Soc. académique de
FAube. Ce dernier travail est fort important pour les Microlépidcptères.
780 HÉMIPTÈRES.
ORDRE DES HEMIPTERES
GEMEnALlTRS
L'ordre des Hémiptères comprend, avec l'ordre suivant des Diptères,
des insectes suceurs à tous leurs états de larve, de nymphe et d'adulte.
Cet ordre, dont les espèces n'ont jamais que des métamorphoses in-
complètes, a été appelé par Fabricius ordre des Rhynchotes, qui veut
dire insectes à bec ou à rostre de succion, articulé, plus ou moins droit,
et s'étendant sous la poitrine, non enroulé au repos et muni de quatre
soies internes. Ce caractère reste constant, avec des formes du corps
très variées et des modifications alaires importantes. Le rostre propre-
ment dit, ou lèvre inférieure, ressemble à un demi-tube profondément
creusé et composé de quatre articles au plus, reposant l'un dans l'autre
par leur extrémité postérieure ; il est ordinairement partagé en deux
moitiés égales, au côté inférieur, par un sillon longitudinal. A l'in-
térieur de ce tube sont cachées .quatre soies ou lancettes, les deux
extérieures, représentant les mandibules des broyeurs, engainant
deux soies plus internes, analogues aux mâchoires. Ces deux soies se
séparent bien moins facilement que les deux précédentes, de sorte que
certains auteurs n'ont vu que trois soies, deux latérales et une centrale.
Les liquides montent entre ces lancettes perforantes bien plus par ca-
pillarité que par une véritable succion, l'ascension étant aidée par des
mouvements de ces soies, dus à des petits muscles de leur base. Bur-
meister regarde le premier article de la lèvre inférieure, ordinaire-
ment plus court et plus large que les autres, comme représentant seul
cette lèvre, les autres articles du rostre seraient alors des palpes la-
biaux; mais il n'y aurait rien pour tenir place des palpes maxillaires.
Il paraît préférable de supposer l'absence des palpes des deux espèces,
la nourriture par une sorte de succion dans la profondeur des tissus
animaux ou végétaux rendant inutiles des appareils tactiles ou ramas-
seurs de miettes. A la base des organes précédents et s'appliquant en
dessus pour les protéger, est la lèvre supérieure ou labre, naissant du
bord antérieur de la tète, ordinairement court et triangulaire, s'éten-
dant parfois comme un fil grêle, strié transversalement, jusqu'à l'extré-
mité du rostre.
Le caractère alaire de classification, celui de Linnaeus, ne détermine
pas aussi bien les Rhynchotes ou Arthrognathes(bec articulé, Spinola),
HÉMIPTÈUES. 781
que les piôces buccales. Linnaeus réunissait sous le nom d'Hémiptères
les insectes suceurs actuels et les Orthoptères, qu'il séparait des Coléo-
ptères par la consistance moindre des élytres et qu'il nommait spé-
cialement Hémiptères à mâchoires. Pour rester dans la nomenclature
usitée en France, qui nomme les insectes d'après les ailes, nous con-
serverons le nom d'Hémiptères, bien qu'il ne s'applique réellement
qu'à une partie de l'ordre. Les Hémiptères ont quatre ailes à l'état
adulte et des métamorphoses incomplètes, sont actifs et de môme régime
à leurs trois états, les larves dépourvues de tout vestige d'ailes, les
nymphes offrant des fourreaux de ces organes. En outre, parfois le
nombre des articles des antennes et leur épaisseur sont moindres à l'état
larvaire qu'à l'état parfait. Plusieurs espèces de ces insectes restent
aptères dans les deux sexes, c'est-à-dire à l'état de larves pourvues
d'appareil sexuel, fait que nous offrent aussi des insectes d'autres ordres,
lels que les Phasmiens demeurés aptères, fait qui se trouve aussi
chez des vertébrés, comme certaines larves fécondes de Tritons dans
les Batraciens et les Axolotls non transformés, qui sont des larves- ovi-
gères de l'Amblystome. Dans d'autres espèces, les femelles seules sont
aptères ; c'est le cas que nous ont offert les Lampyres et les Pachypes
dans les Coléoptères, les Psychés parmi les Lépidoptères. Quand les
quatre ailes existent, elles peuvent être semblables entre elles, ou bien,
le plus souvent, minces et membraneuses, parcourues principalement
par des nervures longitudinales, plus rarement formées toutes les
quatre par une membrane plus résistante et plus coriace. On a alors le
sous-ordre des Rhynchotes ou Hémiptères (nom mal approprié ici) ho-
moptères ; au contraire, les ailes peuvent être dissemblables, les infé-
rieures, en mince membrane, recouvertes au repos par les supérieures,
dites alors hémi-clytres ou hémélijtres, parce qu'elles sont plus fermes et
chitineuses, au moins dans la majeure partie de leur région basilaire,
membraneuses en général seulement vers l'extrémité. On a alors le
sous-ordre des Hémiptères (nom convenable ici) héléroptères. Nous
placerons ce sous-ordre avant l'autre, en raison d'une organisation
supérieure, le sous-ordre des Homoptères ayant des types très dégra-
dés : Aphidiens, Phylloxériens et Cocciens.
Les antennes des Hémiptères sont, le plus souvent, bien apparentes
et formées d'articles successifs, sans présenter :toutefois la longueur
exagérée ou les formes pectinées ou digitées des articles qu'elles ont
dans certaines familles de Coléoptères ou de Lépidoptères ; parfois les
antennes sont très petites et comme cachées dans certains Homoptères.
Les antennes sont insérées en avant de la tète ou en dessous des yeux.
Les yeux composés existent généralement chez les adultes, plus ou
moins saillants et arrondis, constitués par un réseau à mailles plus ou
moins fines ; entre eux sont souvent des ocelles, à cornée ordinairement
jaunâtre, dont le nombre est habituellement de deux, parfois de trois,
ainsi dans les Cicadiens et dans beaucoup d'Aphidiens. La tête est plus
782 HÉMIPTtRES.
OU moins enclavée dans le thorax. Celui-ci a ses trois anneaux plus ou
moins distincts. La région dorsale offre le prothorax propre, qu'on
nommait autrefois le corselet, le mésothorax prenant quelquefois un
dévoppement exagéré, en formant un écusson qui peut recouvrir une
grande partie de l'abdomen, parfois même la totalité (Scutellérides),
enfin le métathorax. Dans la région slernale ou inférieure du thorax,
si on suppose l'insecte horizontal, nous trouvons deux stigmates de
chaque côté, la première paire entre le presternum et le métasternum,
cachée par le bord des hanches autérieures, la seconde paire entre le
mésosternum et le métasternum. Les pattes sont toujours également
développées et pourvues, le plus souvent, de trois articles aux tarses,
parfois de deux seulement. Elles sont généralement conformées pour
la marche. On trouve parfois aussi des pattes disposées pour la préhen-
sion, ainsi les pattes antérieures ravisseuses des Nèpes, Ranâtres, Bêlas-
tomes, ou bien pour le saut, dans les Cicadelles à leurs trois états, dans
les Psylles adultes, enfin, pour la natation, dans les Hydrocorises ou
Punaises d'eau. Le dernier article du tarse est terminé par deux cro-
chets fins et aigus, plus ou moins recourbés, ayant quelquefois entre eux
une petite pelote arrondie, membraneuse, aidant à l'insecle à se fixer
aux objets lisses et servant probablement aussi d'organe tactile. L'ab-
domen des Hémiptères est ordidairement composé de six, quelquefois
de huit ou neuf segments chitineux; il y a deux stigmates abdominaux
par segment, en exceptant le dernier qui n'en présente pas. Us sont
placés en dessous, en forme de petits trous arrondis, très prés du bord
latéral de chaque côté. Ils sont très modifiés dans les Nèpes et les
Ranâtres. Le dernier segment abdominal est reçu et enchâssé à sa
base dans le précédent; à sa suite, eu dessous, à l'extrémité de l'ab-
domen, sont les organes sexuels externes. Chez la femelle, les pièces
vulvaires sont ordinairement deux plaques, qui semblent n'en former
qu'une seule fendue longitudinalement au milieu ; quelquefois il y a
quatre plaques, cinq ou même sept. Le mâle présente une seule pièce,
nommée plaque anale, non fendue longitudinalement et ordinairement
bombée. La femelle a quelquefois une tarière ou oviscapte, plus ou
moins développée, sortant entre les deux plaques vulvaires par la fente
longitudinale qu'on aperçoit entre elles. Elle sert à l'Insecte à percer
le parenchyme des plantes, ou même la surface de la terre, afin d'y
déposer ses œufs. L. Dufour dit à ce sujet que le nombre des plaques
vulvaires diminue à mesure que l'oviscapte se perfectionne. Ainsi il est
de sept à huit dans les Hémiptères à. long écusson qui n'ont aucune
trace de tarière; chez d'autres, où l'on trouve un petit oviscapte caché,
le nombre des plaques est réduit à quatre ; enfin, dans certains Hété •■
roptères et dans les Homoptères en général, où cet instrument a acquis
son entier développement, il n'y a que deux panneaux de la vulve ou
plaques vulvaires.
Comme l'a reconnu L. Dufour, l'anatomie interne des Hémiptères
HÉMIPTÈRES. 783
est plus simple que celle des Broyeurs, Coléoptères ou Orthoptères.
Nous renvoyons à son ouvrage : Recherches anatomiques et philosophiques
sur les Hémiptères, accompagnées de considérations relatives à l'histuire
naturelle et à la classification des Insectes. Paris, 1833.
Les Hémiptères vivent du suc des plantes, dans lesquelles ils enfoncent
leur rostre, et, en moins grand nombre, du sang d'animaux variés
piqués par le rostre. A leur naissance, c'est-à-dire au sortir de l'œuf,
ils ont la forme qu'ils garderont toute leur vie, sauf la présence des
ailes qui manquent totalement. Los antennes sont aussi plus grêles et
d'un moindre nombre d'articles, le rostre et les tarses n'ont pas une
forme aussi déterminée que chez l'adulte, et le nombre des articles de
ceux-ci peut être moindre ; les ocelles peuvent manquer et les yeux ne
pas présenter un réseau aussi complet que chez l'adulte. Après deux,
trois ou quatre mues, l'Insecte paraît avoir de courts fourreaux ou
moignons dans lesquels les ailes sont renfermées et repliées. Après une
dernière mue, ordinairement la cinquième, la nymphe devient adulte
en acquérant, sauf les arrêts de développement, quatre ailes com-
plètes. Dès lors, quoique l'Hémiptère continue à manger dans ce der-
nier état, comme dans les deux précédents, l'accroissement s'arrête.
Souvent il n'y a pas passage brusque entre la larve et la nymphe, et
les premiers rudiments d'ailes commencent à paraître dès le second
ùge ou après la première mue; il y a alors des transitions insensibles,
comme chez beaucoup de Névroptères amphibiotiques. Libellules,
Éphémères, Perles, ÎNémoures. Par une sorte d'exception plus apparente
que réelle à l'activité dans tous les états, on voit dans les Cocciens et
dans certains Psylliens la nymphe demeurer immobile sous un enduit
cotonneux; mais, comme l'a remarqué Amyot, si l'on vient à déranger
cette nymphe, en la dépouillant de ses filaments cireux, elle se met à
marcher, comme le ferait la nymphe de tout autre Hémiptère ; elle
n'a donc pas acquis réellement un état pareil à celui d'une chrysalide
ou d'une pupe.
On connaît environ douze mille espèces d'Hémiptères, réparties sur
toutes les régions du globe, et ce chiffre est bien au-dessous de la réalité,
car il y a encore beaucoup d'espèces exotiques à rechercher et à décrire.
On a constaté des traces d'Hémiptères dans les formations jurassiques,
principalement des types aquatiques, Naucores, Bélostomes, Nèpes ; les
terrains tertiaires et le succin nous offrent des espèces de cet ordre
plus nombreuses et plus variées.
iBibiiographic. — Nous croyons bon d'indiquer dès à présent quel^
ques ouvrages généraux utiles à consulter, comprenant les Hémip-
tères des deux sous-ordres Hétéroptères et Homoptères. JNous avons
choisi des ouvrages récents ei en petit nombre; ils contiennent des
indications bibliographiques plus anciennes qui peuvent avoir de la
valeur pour les étudiants et les amateurs; cela nous permet d'abré-
78/4 HÉMIPTÈRES.
ger beaucoup les citations : Amyot et Audinet-Serville, Histoire na-
turelle des Insectes, Hémiptères, i vol. in-S", avec planches colo-
riées. Paris, Roret, 1863. — E. Blanchard, Histoire natur. des Insectes,
Hémiptères, t. III, p. 85. Paris, Duménil, 1861. — Amyot, Entomologie
française, Rhynchotes, méthode mononymique, i vol. in-8°, avec pi.
Paris, J.-B. Baillière, 1848. — Kirschbaum, Rhynchoten der Umgebung
von Wiesbaden, 1856. — Fieber, die Europaïschen Hemiptera. Wien, 1861.
— Douglas and Scott, the British Hemiptera. London, 1865. — D"^ A. Puton,
Catalogue des Hémiptères d'Europe, 1^ éd., 1875. Remiremont, Vosges
(chez l'auteur). — Reiber et D"^ A. Puton, Catalogue des Hémiptères de
l'Alsace et de la Lorraine, 1876 et 1880 (extrait du Bulletin de la Soc.
d'hist. naturelle de Calmar). — Brehm, les Insectes, édit. française, par
J. Kùnckel d'Herculais, p. 667 et suiv. Paris, 1883, J. B. Baillière et fils,
— Flor, die Rhynchoten Livlands in systematischen Fodge beschrieben II,
i Archiv. fur Naturkunde Liv., Ehst und Kurlands ; ser. ii, band IV.
Dorpat, 1861. — Stal, Hemiptera Fabriciana, Heteroptera. Stockholm,
1868, in-6". Ces ouvrages reprennent toutes les espèces d'Hémiptères
publiées par Fabricius, et en donnent des diagnoses exactes et précises.
Ib., Nya Svenska Homoptera, i Ofversight afKongl.: yetenskaps-Aka.-
demiens. Fôrhandlingar,X,1853. Stockholm, 1856- — Ib., Nya Swenska
Hemiptera i Of XV, 1858. Stockholm, 1859. — Id., Hemiptera A fricana,
in-8'', Stockholm, 1866, 1865. — John Sahlberg, Hemiptera, samlade i
Tornea Lappmark ar 1867, pa samma stulle. Helsingfors. — Buchanan
White, Contributions to a Knowledge of the Hemipterous fauna of î' //e-
lena, and spéculations on its origin (une planche), from the procee dings
of the zoological Society of London, May 7, 1878. — Lethierry, Cata-
logue des Hémiptères du département du Nord, in-8', avec deux pi.,
2^ cdit. Lille, 1876 (comprenant les Aphidiens et les Cocciens).
SoUS-ORDRE DES HÉMIPTÈRES IIÉTÉROPTÉRES
Geoffroy, le premier, faisant un ordre à part des Orthoptères, restrei-
gnit le nom d'Hémiptères de Linnœus aux seuls Insectes à rostre et à
métamorphoses incomplètes. Latreille les sépara en deux sous-ordres :
Hétéroptères et Homoptères. Les premiers ont pour caractères princi-
paux le rostre naissant du front, le prothorax beaucoup plus grand que
les deux autres segments du thorax, les ailes supérieures ou hémé-
lytres coriaces dans leur région antérieure ou basilaire, membraneuses
dans le reste de leur étendue ou leur région postérieure ou terminale ;
les ailes inférieures, qui manquent quelquefois, sont entièrement mem-
braneuses. Ces Insectes portent le nom vulgaire de Punaises, d'après la
mauvaise odeur que répandent les espèces de certains genres, notam-
HÉMIPÏÈRIiS. 785
ment la punaise des lits, qui s'alimente du sang de l'homme et de plu-
sieurs animaux, et diverses Punaises des jardins et des vergers, se nour-
rissant de sucs des feuilles, des jeunes tiges et des fruits. La partie
coriace des Hémélylres se nomme corie, et la région apicale membrane,
d'après sa consistance. La corie offre ordinairement quelques nervures
longitudinales, avec une pièce en forme d'appendice, placée à la base
interne, séparée du reste, ou champ principal de la corie, par un sillon
oblique qui part de l'angle humerai et va se diriger vers le point basi-
laire interne de la membrane. Cette espèce de marge interne, nommée
davus par Fieber, ordinairement en forme de trapèze, ou en triangle
allongé, et plus ou moins développée selon les difi'érentes espèces, tend
à former un pli avec le champ de la corie, et paraît être généralement
mobile dans l'insecte vivant. La membrane ofire aussi des nervures
tic forme diverse, dont la disposition particulière sert à caractériser
certaines tribus ou subdivisions méthodiques.
Les Hétéroptères ont seuls, et principalement parmi eux les Pentato-
miens, la faculté d'exhaler ces odeurs désagréables, parfois même
repoussantes, qui sont indiquées par le nom même de Punaise. La sé-
crétion de l'organe odorifique est volontaire et n'a lieu que lorsque
l'animal est irrité ou menacé de quelque danger. Si l'on s'approche
assez de la Pentatome grise {Rhaphigaster griseus, Fabr.), pour la flairer
sans en être aperçu, on ne sent aucune mauvaise odeur. « Saisissez
avec une pince, écrit Léon Dufour, la Pentatome en question, et plon-
gez-la dans un verre rempli d'eau claire ; armez votre œil de la loupe,
et vous verrez s'élever de son corps d'innombrables petites bulles qui,
en venant crever à la surface, exhalent à l'instant cette effluve qui
affecte si désagréablement l'odorat. Cette vapeur essentiellement Acre
exerce sur les yeux, quand elle les atteint, une action irritante très
prononcée. Lorsqu'on tient entre les doigls un de ces Insectes vivants,
de manière à ne point boucher les orifices odorifères et à diriger vers
un point déterminé de la peau les fusées de cette vapeur, on voit qu'il
en résulte une tache ou brunStre ou rutilante que les lotions répétées
n'enlèvent pas d'abord, et qui produit dans le tissu cutané une altéra-
tion analogue ;i celle qui succède à l'application d'un acide minéral. »
L'organe odorifique consiste en une bourse assez grande, rarement
deux, placée dans l'intérieur et à la base de l'abdomen, immédiatement
au-dessous des viscères digestifs, et couchée sur la paroi ventrale de
cette cavité. Elle est d'une forme ovalaire ou arrondie, d'un tissu en
apparence membraneux, d'une couleur jaune orangée le plus souvent.
Cette bourse est logée en entier dans la cavité abdominale chez
l'adulte, mais les deux orifices de sortie de ia sécrétion appartiennent à
la région du thorax, de chaque côté de la paroi externe du métaster-
num, entre l'insertion des pattes intermédiaires et celle des pattes
postérieures. On découvre de chaque côté de cette région un pore, bien
distinct des stigmates, pratiqué sur une éminence.
GIRARD. 'Il- — 50
786 HÉMIPTÈRES.
Chez les mêmes Hémiptères à l'état de larves ou de nymphes cet
organe n'existe pas, et cependant ces Insectes émettent, comme les
adultes, l'odeur caractéristique dite de Punaise. M. J. Kvinckel d'Hercu-
lais {Recherches sur les organes de sécrétion des Hémiptères, in Compt. rend.
Acad. des sciences, 1867) a reconnu qu'elle a son siège d'ans un organe
dont la position est tout à fait ditîérente de celle qu'elle aura à l'âge
adulte. Depuis la naissance jusqu'au moment de la dernière transfor-
mation, cà la partie supérieure de l'abdomen, au-dessous du tégument,
se trouvent deux glandes présentant les mêmes caractères et ayant la
même fonction que la glande inférieure des adultes. Deux scutelles
indiquent sur les arceaux de la région dorsale la présence de ces
glandes; chacune de ces scutelles offre deux ostioles servant à l'éjacu-
lation du liquide odorant. Jusqu'à la dernière mue, l'appareil odorifique
est donc une dépendance de la région supérieure ; après la dernière
mue, il devient, au contraire, une dépendance de la région ventrale.
En effet, l'écusson, les hémélytres et les ailes venant couvrir les ar-
ceaux supérieurs de l'abdomen mettraient obstacle à l'accomplissement
de la fonction de l'organe. Dans les derniers moments qui précèdent la
mue ultime, les glandes de la larve s'atrophient peu à peu, et l'organe
destiné à les remplacer commence à se former à la partie inférieure du
corps; il y a là quelque chose qui rappelle ces poumons, tout à fait
rudimentaires chez la larve, qui se développent dans le Batracien
adulte, tandis que les branchies de la larve se flétrissent peu à peu et
disparaissent. C'est d'ailleurs un petit sachet opalin, translucide, encore
dépourvu de sa couleur rouge et de son enveloppe chitineuse ; mais il
prend ses caractères définitifs en peu de jours. Le nouvel organe sem-
blable au premier par tous ses caractères, identique môme dans sa
composition histologique, doit occuper, dans tous les cas, une situation
telle qu'il serve efficacement à l'objet auquel le destine la nature,
c'est-à-dire à donner un moyen de défense à [l'animal qui en est
pourvu.
Toutes les Punaises n'exhalent pas la même odeur, et il y a quel-
ques espèces où l'on ne constate aucune odeur, bien que l'appareil pro-
ducteur existe à sa place accoutumée. Ainsi VEurijfiaster maurus, Linn.,
ne dégage une odeur sensible que lorsqu'on l'irrite fortement ou qu'on
le blesse; le Strachia ornata, Linn.,ne donne absolument aucune odeur
appréciable, quoi qu'on fasse pour l'exciter et bien que l'Insecte soit
muni de l'appareil odorifique; de même pas d'odeur chez cette espèce
si commune dans les jardins et sur les tilleuls et ormes des avenues, la
Lygée aptère ou Pyrrhocoris apterus, Linr.. Un Capsien que Serville et
Lepelelier Saint-Fargeau nomment Miris Carceli {Encxjcl. méth.), exhale,
dit L. Dufour, une odeur de jacinthe. 11 le prenait fréquemment dans
les prés et jardins à Saint-Sever (Landes); la bourse odorifique est piri-
forme et d'un jaune vif. Une autre espèce qu'il nomme Capsus tricolor
rappelle l'odeur des feuilles du groseillier noir; le Phymata crassipes,
HÉMIPTÈRES. 787
Fabr., n'a pas d'odeur. Dans les Punaises d'eau, l'odeur des Naucores a
quelque chose d'àcrc, et l'odeur des Corises rappelle celle des Penta-
tomes. Les Notonecles émettent une émanation anale analogue à celle
des grands Dytiques, mais plus faible. L. Dufour n'a trouvé en elles
aucun vestige d'organe odorifique, et croit que l'odeur fétide qu'il a
remarquée vient d'un appareil des sécrétions excrémentitielles.
Nous avons vu que chez les Orthoptères, insectes à métamorphoses
incomplètes ainsi que les Hémiptères, il y a dans certaines espèces,
notamment chez les Stenobothrus, Pezotettix, et surtout Tettix un véri-
table dimorphisme et même polymorphisme, en ce qu'il y a des exem-
plaires entièrement privés d'ailes, d'autres à ailes très courtes, certains
au contraire à système alaire bien développé. Des faits analogues se
présentent chez les Hémiptères hétéroptères surtout, où certaines
espèces peuvent apparaître sous trois formes : macroptère, intermédiaire
et brachyptère ; les formes brachyplères ont été souvent regardées comme
des nymphes, exceptionnellement pourvues des organes reproducteurs
et pouvant accomplir la copulation, ainsi Fieber dans son ouvrage Dî'e
Europaïschen Hcmiptera. Souvent on a fait des espèces distinctes et même
des genres séparés avec les formes brachyptère et macroptère d'une
même espèce. Ces faits de dimorphisme ont été reconnus par MM. Kirsch-
baum {fihyncholen Wiesbaden, 1855), Flor (Die Rhynchoten Livland) et
Sahlberg dans divers mémoires sur des insectes de Scandinavie et de
Finlande. M. Reuter, qui a repris l'étude de cette question iPolymur^
phisme des Hémiptères, Ann. Soc. entoin. de France, 1875, p. 225), ne croit
pas que les formes brachyplères soient nécessairement liées à l'in-
fluence d'un climat plus froid, car il y a de ces formes chez des Hémi-
ptères tropicaux, quoique le climat puisse toutefois en produire qui se
transmettront par sélection héréditaire. Il pense que la forme brachy-
ptère est plus fréquente chez les espèces à pattes élargies et épaisses,
destinées à courir vite ou à sauter, ainsi chez des Capsiens et des An-
thocoriens. Dans beaucoup de cas la femelle seule est dimorphe, le
mâle, qui a besoin d'ailes bien développées, gardant toujours la forme
macroptère. M. Reuter fait la remarque que le dimorphisme alaire se
trouve surtout sur des espèces habitant sur les herbes ou près des
racines, et qu'aucune espèce dimorphe n'habite sur les arbres et sur les
arbustes, qui exigent des espèces volant bien. Parfois la forme brachy-
ptère est évidemment liée à la station vitale de l'Hémiptère, par ur.e
sorte d'imitation ou mimétisme, comme cela est oflert par des espèces
vivant au milieu des Fourmis ; enfin, parmi les nombreux Orthoptères
et Hémiptères fossiles, on n'a pas trouvé d'espèces à dimorphisme alaire.
11 regarde la forme macroptère comme la forme primitive, les formes
brachyptères s'étant constituées par sélection naturelle à des époques
plus avancées^, sous l'action réitérée d'influences diverses. En laissant
de côté toute doctrine de transformisme, qui doit être écartée des
ouvrages élémentaires, nous rappellerons les formes brachyptères si
788 IIÉMIPTÈRLS.
communes chez nous de la Punaise des lits et de la I.ygée aptère,
espèces qui peuvent toutefois très rarement acquérir des ailes com-
plètes.
Certains auteurs ont cherché à diviser en deux groupes les Hémi-
ptères hétéroptères selon leui- régime carnassier ou phytophage; ce qui
rend cette division impossible c'est le régime mixte de beaucoup
d'espèce, ainsi, par exemple, la Lygée aptère que nous venons de citer
que l'on voit enfoncer son rostre dans des insectes morts, des détri-
tus ou des végétaux vivants. La meilleure division est celle qui résulte
du mode général de station. Certains de ces Hémiptères vivent à l'air
libre et forment les Punaises de terre ou Géocorises, de l'ancien genre
Cimex de Linnœus, nommées aussi Gymnocères à cause de leurs an-
tennes découvertes, ayant en général une longueur égale à la moitié du
corps, quelquefois plus longues que lui. Les autres sont les Hydroco-
rises ou Punaises d'eau, passant la plus grande partie de leur vie dans
l'eau, respirant cependant l'air extérieur au moyen de divers mécanis-
mes. On les appelle encore Cryptocères, parce que leurs antennes sont
très petites et cachées; ce caractère forme un passage naturel avec le
sous-ordre des Homoptères présentant aussi de très petites antennes.
Nous laissons dans les Géocorises des Punaises qui vivent à la surface
de l'eau oii elles courent (Hydromètre, Gerris, Vélie, etc.), mais ne s'en-
foncent pas dans son intérieur.
Thibu des PEUTATOlîIliW*.
Le nom de cette tribu vient de ce que la plupart des espèces ont cinq
articles aux antennes, surtout pour les espèces d'Europe, ces antennes
n'atteignent pas la longueur du corps. Le nombre d'articles peut être
parfois moindre, se réduisant à trois; d'après Burmeister le nombre
véritable paraît être de huit articles, en tenant compte de petits ar-
ticles rudimentaires placés entre les autres. On peut encore appeler ces
insectes Punaises à bouclier (Scutati), parce que leur écusson dépasse
au moins la moitié de l'abdomen et parfois le recouvre entièrement.
La tête est triangulaire, enfoncée dans le prothorax, au moins jusqu'au
niveau des yeux, présentant l'insertion des antennes sous un rebord
latéral de la tète, offrant constamment des ocelles. La surface supé-
rieure et antérieure présente deux sillons longitudinaux qui limitent
trois lobes distincts, dont l'intermédiaire, le plus étroit, ressemble
ordinairement aune carène plus ou moins saillante. Le labre ou gaine
du rostre est tin, très long et strié en travers; il est formé de quatre
articles dont le premier est ordinairement le plus long. Le corps, dans
son ensemble, affecte un contour elliptique ou en forme de panonceau,
en raison des saillies latérales du prolhorax, irrégulièrement hexa-
PENTAT0MIIÎN5. 789
gonal. Le mésolhorax, toujours très grand, présente sur les côtés,
entre la seconde et la troisième patte, auprès du stigmate aérien,
un grand pli frangé, qui correspond à l'orifice de la glande odo-
rante. Le dos du mésothorax est entièrement recouvert par le prédor-
sum et celui de métatliorax par l'écusson. Les hémélytres sont,
en général, plus longues mais plus étroites que les ailes. Les hémé-
lytres et les ailes ne manquent jamais dans l'adulte. La corie des
hémélytes ofVre quelques nervures saillantes, mais en moins grand
nombre que la membrane; dans les espèces qui portent un écusson
très grand, comme les Scutellères, la corie est limitée au bord anté-
rieur des hémélytres demeuré libre. La membrane offre un plus grand
nombre de nervures que la corie, ces nervures, le plus souvent longitu-
dinales, formant quelquefois des cellules plus ou moins irrégulières. Les
pattes sont assez courtes, sans marques spéciales, ayant les jambes en
général fines et prismatiques, avec un profond sillon au côté externe.
Les tarses sont, à l'ordinaire, de trois articles, dont le premier, grand
et fort, muni d'une brosse soyeuse en dessous, le second habituellement
le plus petit, le troisième terminé par deux crochets comprimés à leur
base et légèrement courbés, avec une petite pelote membraneuse de
forme quadrangulaire entre eux. L'abdomen est formé de six grands an-
neaux, auxquels s'en ajoute un septième représenté par l'organe sexuel
inséré dans une échancrure du sixième anneau. La face dorsale aplatie
de cet abdomen tranche nettement sur sa face ventrale bombée, pour-
vue parfois d'une rainure longitudinale médiane et parfois d'une carène
tranchante. Cette carène, prolongée à partir du second segment jusque
contre le thorax, dépasse le premier segment, et son extrémité en forme
de dague atteint souvent le bord postérieur de la patte thoracique
antérieure. Sur chaque arceau ventral, à peu de distance des bords
latéraux, on trouve de chaque côté un stigmate; sur le premier seg-
ment seulement il est parfois dissimulé dans la membrane interannu-
laire, sur le septième il disparaît souvent complètement. Cet anneau
présente les différences sexuelles externes, chez la femelle une fente
longitudinale, chez le mâle une valve formant le fourreau de la verge et
terminée en haut et en arrière par un crochet incurvé.
Dans l'accouplement, le mâle se place d'abord sur le dos de la femelle,
puis il approche le bout de son abdomen de l'extrémité du sien, la
saisissant dans cette partie à l'aide des deux crochets copulateurs qu'il
fait saillir, en même temps qu'il introduit son pénis dans la vulve
ouverte pour le recevoir. Comme en général les pattes sont trop courtes
pour que le mâle puisse se tenir longtemps cramponné sur la femelle,
on voit bientôt les deux insectes, les têtes opposées, se tenant bout à
bout par l'extrémité de l'abdomen ; dans cet état, c'est toujours la
femelle qui entraîne le mâle, en le forçant à marcher à reculons, parce
qu'elle est plus grosse et plus forte que lui. La femelle prête à pondre
se pose sur une feuille et laisse tomber ses œufs un à un, en les dispo-
790 HÉMIPTÈRES.
sant d'une manière symétrique sur plusieurs rangées transversales.
Ces œufs, au nombre d'une vingtaine et plus, sont fixés par une de
leurs extrémités, à l'aide de la glu qui les enveloppe. Leur forme,
variable d'une espèce à l'autre, est, en général, ovalaire ou cylindrique,
avec les deux bouts aplatis. Ils sont lisses, de couleurs diverses, le plus
ordinairement blanchâtres, parfois velus, parfois épineux ou ornés de
dessins à réseaux. Leur extrémité libre est fermée par un petit opercule
en forme de calotte, garni presque toujours d'une sorte de bourrelet,
soit continu, soit composé de petits tubercules. Quand la larve veut en
sortir, elle n'a qu'à soulever cet opercule, qui reste attaché, comme
par une charnière, au corps de l'œuf. Les larves, presque arrondies au
début de leur vie, croissent en effectuant plusieurs mues, et changent
ainsi graduellement de forme et de coloration. Dans le cours de l'été
et de la première partie de l'automne, elles atteignent leur taille défi'
nitive. Leur existence était primitivement indolente; mais, sous les
rayons vivifiants du soleil et avec le développement des ailes, elle peut
devenir aussi active qu'elle était naguère paresseuse. Si quelques
espèces continuent à vivre cachées à l'état adulte, la plupart se mon-
trent alors ouvertement, attirant parfois les regards en raison de leurs
couleurs tranchantes et bariolées et de leur taille; elles voltigent au
soleil en produisant un bourdonnement sonore. Les adultes passent
l'hiver sous les écorces et les feuilles sèches.
Beaucoup de Pentatomiens sont remarquables par l'odeur qu'ils
exhalent volontairement; d'après Brullé, les grandes espèces qu'on
trouve dans les régions brûlantes du globe ne sont pas odorantes en
proportion de leur taille. Au lieu de fuir quand on les approche, ces
Insectes s'agitent et se bornent à répandre leur odeur désagréable
comme moyen défensif. Ils vivent, en général, sur les plantes basses,
parfois sur les feuilles des arbustes ou sur les aiguilles des Conifères,
sur les buissons qui offrent à leur gourmandise des rameaux et des baies
savoureuses; c'est là où vivent surtout les plus grandes espèces, d'une
couleur généralement verdàtre. La plupart prennent une nourriture
de sève ou de sucs végétaux, et enfonçant leur rostre dans les feuilles
ou dans les jeunes tiges, parfois dans les fruits; dans quelques cas le
régime devient animal, le rostre piquant des larves ou des chenilles.
Lamarck, puis Latreille, ont divisé cette tribu en deux types fonda-
mentaux, les Scutellères dont l'écusson atteint l'extrémité de l'abdo-
men, en couvrant tout ou partie de la base coriace des hémélytres,
tandis que l'écusson simplement conique dans les Pentatomes propres
n'atteint pas cette extrémité et laisse à découvert les bases des cories.
Ce sont les Orbiscutes et les Coniscutes d'Amyot.
Dans les Scutellères proprement dites les antennes ont toujours cinq
articles, la longueur du second article étant toujours beaucoup plus
petite, trois fois au moins que celle du troisième. Le lobe médian fron-
tal dépasse toujours un peu les lobes latéraux; l'écusson recouvre tout
SCUTELLERA. 791
l'abdomen, sauf un léger rebord de la base des hémélytres. Il y a dans
les Punaises de ce groupe un certain nombre d'espèces des îles de la
Sonde et d'Ausfralie qui rivalisent d'éclat métallique avec les plus
beaux Buprestes. Elles sont d'un bleu d'acier splendide et tacbetées
de jaune (genres Callidea, Burm., Galostha, km., etc.) ; elles ont un dos
bombé et présentent un sillon longitudinal à leur face ventrale. On
on monte souvent en bijoux ces riches espèces.
SCrTELIiERA, Lamarck, syn. : Tetyra, Fabr. — Corps large, ramassé, ov&-
laire, très bombé en dessus ; tête allongée, étroite, finissant en pointe mousse,
à bords latéraux non sinués ; antennes presque aussi longues que la moitié du
corps, ayant le premier et surtout le second article courts, les autres subégaux;
yeux assez petits, globuleux, touchant le bord du prothorax; ocelles rapprochés
des yeux; rostre dépassant le premier segment de l'abdomen; prothorax légère-
ment bombé, incliné en avant, hexagone, à bords aplatis, puis un peu relevés
de chaque côté ; écusson très bombé, recouvrant tout l'abdomen, sauf un léger
bord finement ponctué à la base des hémélytres; membrane des hémélytres offrant
de douze à seize nervures longitudinales ; pattes assez longues et fortes, légère-
ment velues, les postérieures un peu plus longues que les autres ; crochets ter-
minaux longs et aigus ; abdomen légèrement bombé en dessous, à bords tran-
chants, dépassant à peine les hémélytres de chaque côté.
Ce genre Scutellère tel qu'il est restreint paraît exclusif à l'extrême
Orient, surtout des îles Sondaïques, et à l'Australie. Le ventre offre
latéralement dans les mâles, sur les trois avant-derniers segments, une
plaque en ovale allongé, de couleur sombre, paraissant formée de très
légères aspérités ; dans le même sexe, l'extrémité de l'abdomen porte
deux plaques anales à la suite l'une de l'autre, la dernière sinuée et
échancrée au milieu.. Nous représentons une espèce très commune à
Java, qu'on peut prendre comme type de ce genre, le S. cyanipes,
Fabr., pi. XCIX, fig. 1, de 18 à 20 millimètres de long, les deux sexes
pareils, le mâle un peu plus petit que la femelle. Le caractère le plus
important par sa constance est la belle couleur d'un bleu métallique
des antennes et des pattes, celles-ci ayant parfois la base des cuisses
rougeâtre. Pour le reste, cette espèce varie beaucoup quant à la taille
et la couleur du fond, qui peut être rouge, orangé, jaune ou d'un blanc
sale, avec des taches d'un noir bleu très variables, pouvant être nulles,
ou, au contraire envahir tout le tégument; parfois il y a deux de ces
taches sur le corselet (variété diophtalmus, Thunberg). La couleur des
taches est très foncée sur les sujets secs de collection; pendant la vie,
elles sont dorées et on fait renaître cette coloration sur les sujets secs
en les mouillant. Elle reste visible sur les sujets conservés dans l'alcool
La membrane et les ailes sont brunâtres.
Nous avons en France quelques Punaises du groupe des Scutellères.
Les Eurygastres (large ventre) ont un écusson notablement plus étroit
792 HÉMIPTÈRES.
que l'abdomen, dont les flancs sont laissés largement à découvert. Les
articles des antennes sont, sans exception, au nombre de cinq; le lobe
médian frontal est ordinairement dépassé par les lobes latéraux de la
lète. Les ocelles sont grands, les antennes sont insérées sous un rebord
lamelliforme du présternum, assez longues, avec les deux premiers
articles subégaux, le troisième un peu plus court que le second ; le
rostre atteint la base de l'abdomen. Le prolborax, à bords aplatis et
tranchants, est un peu incliné en avant, avec les angles postérieurs
arrondis. L'écusson est presque plat, faiblement caréné au milieu,
à bords en ligne droite, arrondi vers le bout. Les hémélytres ont la
nase de la corie découverte et la membrane à nombreuses nervures.
Les pattes sont assez courtes et à tarses grêles. Une espèce très com-
mune dans toute la France, existant en Algérie, du genre Eurygaster,
Castelnau, est ^.mawrus, Linn., de 10 millimètres de long, la Scutellère
maure. Faune française, la Punaise grise à bouclier, de StoU, jaunâtre ou
brunâtre, avec les côtés de l'abdomen tachetés de brun, pareille dans
les deux sexes, avec la tête subconvexe, son lobe médian frontal attei-
gnant le bord antérieur, et la carène de l'écusson à peine apparente,
avec deux points blancs à la base de ce dernier. On rencontre fréquem-
ment cette espèce sur les épis de froment, dont elle pique les cariopses
encore tendres.
Lorsque l'insecle est surpris, les antennes disparaissent en s'enfon-
çant sous la plaque sternale et se couchent à côté l'une de lautre
contre le rostre dans la rainure du sternum ; le premier article de ces
antennes est allongé, aminci vers la base, légèrement arqué ainsi que
le second, afin de se prêter au retrait de l'organe dans la coulisse
sternale. Les œufs sont globuleux, glabres, rangés par séries continues
sur la place où ils ont été pondus, de couleur vert émeraude quand ils
sont récents. La circonscription de leur opercule est marquée par une
rangée circulaire de petits points blancs, bien visibles à la loupe. Au
moment de leur éclosion les larves sont d'un noir foncé. La bourse
odorifique, large environ de 3 millimètres, est d'un jaune safrané. On
peut manier cet Eurygastre sans qu'il exhale une odeur sensible, et on
ne parvient à développer celle-ci, encore à un faible degré, qu'en irri-
tant fortement ou en blessant l'animal. L'espèce a plusieurs variétés,
ainsi grisâtre, tachetée de brun sur les côtés de l'abdomen, ou avec
la moitié postérieure du prédorsum d'un noir intense et tranchant, ou
entièrement d'un noir mat, ou bien grise ou brune, avec une ligne
dorsale jaunâtre plus ou moins bifurquée en arrière sur l'écusson. Une
seconde espèce un peu plus grande, de 12 à 15 millimètres de long, est
E. hottentola, Fabr., les Punaises porte-chappe brune et noire de Geoffroy,
la Scutellère hottentute, Faune française, commune aussi dans toute
l'Europe, surtout dans le Midi, fréquente aux environs de Paris, se
trouvant en Algérie, ainsi que sa variété noire, jaunâtre, brune ou
noire selon les variétés; la tète aplatie, son extrémité échancrée par
CANTHECONA. 793
la réunion des lobes latéraux au delà du lobe médian frontal, la carène
de l'écusson très prononcée au milieu ; les deux sexes pareils. Cette
espèce se tient moins souvent sur les buissons que sur les herbes, les
Ombellifères et les autres plantes basses; elle se cache volontiers aussi
au-dessous des arbrisseaux, des pierres, etc.
Dans le genre Graphosoma, Castelnau, la tête est petite, allongée, très
inclinée, le lobe médian frontal dépassé par les lobes latéraux, les
antennes assez longues, les yeux petits et les ocelles gros, le rostre
atteignant la base de l'abdomen, le prothorax à bords latéraux tran-
chants, l'écusson bien plus étroit que l'abdomen, se rétrécissant de
plus en plus vers l'extrémité, la membrane de la corie n'ayant que
quatre ou cinq nervures longitudinales, les pattes assez longues avec
des tarses grêles, l'abdomen aplati en dessus. L'espèce principale, du
midi de l'Europe et du nord de l'Afrique, assez rare aux environs de
Paris, est le G. lineatum, Linn., de 10 millimètres de long, la Punaise
siamoise de Geoffroy, la Scutellère, la Punaise ronge à raies noires de
StoU, rouge, avec six lignes longitudinales noires sur le prothorax, les
deux intermédiaires prolongées sur la tète, quatre lignes semblables
sur l'écusson, un point carré noir sur chacun des segments abdomi-
naux, la base de l'abdomen presque entièrement noire en dessus. Cette
espèce se trouve sur les pommiers et les Ombellifères. Habituellement
les pattes et les antennes sont noires; il y a en Corse une variété dont
les pattes et les antennes sont d'un jaune rougeâtre, les intervalles
entre les lignes noires étant d'un jaune pâle, au lieu d'être rouges.
D'après Léon Dufour, le canal digestif de ce Graphosome a trois fois
environ la longueur totale du corps. A la région anale du mâle se
trouve en dessous une excavation semi-circulaire et deux paires d'apo-
physes ; chez la femelle cette même région anale présente en dessous
un espace non stigmatifère formé par une mosaïque de sept écailles
vulvaires. La bourse odorifique, large d'environ 3 millimètres, est de
couleur jaune et laisse dégager, au moindre attouchement, une sécré-
tion dont l'odeur rappelle celle d'une pomme gâtée.
La famille des Pentatomides (Coniscutes) se distingue des Scutellé-
rides par un écusson triangulaire, n'atteignant pas l'extrémité de
l'abdomen et laissant, en partie au moins, à découvert la base des
hémélytres. Un premier groupe, celui des Spissirostres d'Amyot,
formé d'espèces probablement toutes carnassières, est caractérisé par
un rostre libre, pendant dès sa base et renflé. Nous citei'ons deux
genres :
C.%MTnE€0.1IA, Am. et Serville. — Antennes longue.s, à articles grêles et cylin-
driques ; lobes de la têle atteignant tous trois le bord antérieur sur la même
ligne: yeux globuleux et saillants et ocelles eu arrière des yeux; rostre ayant
les deux articles terminaux d'égale longueur, chacun un peu plus court que le
second; protliorax avec les bords latéraux antérieurs plus ou moins distincte-
19k HÉMIPTÈRES.
ment crénelés ou transversalement rugueux et les angles postérieurs épineux ;
écusson dépassant un peu le milieu de l'abdomen, la partie marginale qui retient
les hémélytres étendue pou au delà du milieu de l'écusson ; corie longue et large,
la membrane ayant huit ou dix nervures longitudinales ; abdomen muni à sa base
d'un tubercule ou d'une courte épine, obtus et conique; cuisses antérieures
armées d'une épine; pattes jaunâtres, tachetées de brun et à tarses bruns^
Nous représentons une espèce du Sénégal, C. yolofa, Guér. Mén.
(pi. XCIX, fig. 2), de 12 millimètres de longueur, d'un noir bleucltre
métallique en dessus, avec des lignes en divers sens d'un rouge jau-
nâtre, l'extrémité de l'écusson d'un jaune-soufre, les antennes noires,
les côtés du prothorax proéminents, armés d'une épine aiguë tournée
en dehors, la membrane brune avec le bord d'un blanc saie.
Un autre genre à citer est le genre Zicrona, Am. et Serv., offrant le
prothorax court, avec les angles postérieurs mousses, les pattes assez
courtes, les jambes antérieures non dilatées. L'espèce de France, se
trouvant dans le Nord sur les buissons à la fin de l'été, dans les lieux
marécageux, assez rare en Alsace et Lorraine, est le Z. cœrulea, Linn.,
Idi Punaise vert bleuâtre de Geoffroy, la Punaise bleue de Stoll, de 7 mil-
limètres de long, les deux sexes pareils, le corps, les antennes et les
pattes d'un bleu verdàtre métallique brillant, le dessus du corps fine-
ment ponctué, assez fréquente près de Paris, commune dans les vignes
du Midi où elle fait la chasse aux Attises, très commune en Algérie, où
on l'a regardée à tort comme dévorant la vigne ; c'est un Hémiptère
carnassier utile.
Les Cydnes sont des Punaises de mœurs très spéciales, fouissant les
sols sablonneux pour s'y enterrer, ayant les antennes de cinq articles,
les pattes épineuses, avec les jambes antérieures généralement larges
et aplaties, présentant de fortes dents au côté externe ; le corps est
généralement ovalaire ou hémisphérique, de couleur sombre, luisant,
d'où résulte un aspect particulier qui les fait ressembler aux Histérides
(Coléoptères). Dans le genre Brachypelta, Am. et Serv., le corps est en
ovale allongé et assez aplati, le rostre court, atteignant l'insertion des
pattes antérieures, l'écusson large, court, en triangle obtus, ne dépas-
sant pas ou môme atteignant à peine le milieu de l'abdomen et terminé
en petite pointe mousse ; corie à peu près de la longueur de la moitié
de riiémélytre, son bord extrême sinué de manière à former une pro-
fonde échancrure à la base de la membrane, au-dessous de la pointe
de l'écusson. Une espèce de ce genre commune dans toute l'Europe,
se trouvant en Algérie, le B. aterrima, Fœrster, syn. : tristis, Fabr., la
Punaise noire de Geoffroy, la Punaise en deuil de Stoll, la Punaise triste,
Faune française, de 10 millimètres de long, d'un noir luisant et fine-
ment ponctué en dessus, brune en dessous. Dans les Cydnus, Fabr., le
corps est ovalaire, frangé tout autour, le rostre atteignant au moins
l'insertion des pattes intermédiaires, l'écusson en triangle allongé, dont
RHAPHIGASTER. 795
l'extrémité dépasse le milieu de l'abdomen, la corie des hémélytres
beaucoup plus longue que la membrane, ayant en dessous une aile
transparente, les pattes fortes, propres à fouir, les cuisses élargies,
assez renflées, avec des cils épineux, les jambes antérieures très apla-
ties, élargies à l'extrémité, fortement dentées au côté externe, avec des
épines à l'entour, les autres jambes armées de fortes épines, les tarses
grêles. Une espèce de toute l'Europe, longue seulement de h milli-
mètres, est le C. flavicornis, Fabr., qu'on trouve souvent au printemps
enterrée dans le sable et dont la couleur varie du jaunâtre ferrugineux
au noir le plus intense. C'est un insecte essentiellement arénicole,
qu'on rencontre dans les dunes les jours où le grand vent soulevant
les sables mobiles, le met à découvert dans sa retraite. Une autre
espèce de même taille, le C. nigritus, Fabr., est noire, errant
au printemps sur les sables. Ces espèces passent l'hiver à l'état
parfait,
Dans le groupe des Séhires les pattes sont encore épineuses, mais ne
sont plus propres à fouir, ces Punaises se tenant sur les plantes. La
tête est petite, comme dans les Cydnes, l'écusson finissant en pointe
assez aiguè, les antennes généralement de cinq articles. Nous citerons
le Sehirus hicolor, Linn., de toute l'Europe, de 7 millimètres de long,
d'un noir luisant finement ponctué, avec des taches blanches, une au
bord antérieur du prothorax, de chaque côté, une autre en croissant à
la base des hémélytres, une autre, plus petite, à l'extrémité de la corie .
C'est la Punaise noire à quatre taches blanches de Geoffroy, la Punaise de
deux couleurs de Stoll, commune partout sur diverses plantes pota-
gères et aussi sur les bourgeons qu'elle perce, ainsi que les fruits
parfois.
Dans les Pentatomes propres, le corps est triangulaire en avant
et les pattes dépourvues d'épines. Un groupe particulier se dis-
tingue des autres par la pointe que présente l'abdomen à sa base,
pointe dirigée en avant, plus ou moins saillante, très petite quel-
quefois.
RIIAPHIG.%§>TKR, Castelnau. — Tête assez petite, arrondie en avant; antennes
assez longues, do cinq articles cylindriques : yeux globuleux ; ocelles petits ,
placés derrière les yeux ; rostre de quatre articles, atteignant l'insertion des pattes
postérieures, le premier article reposant tout entier dans une rainure de la gorge ;
prothorax en trapèze, un peu échancré antérieurement pour recevoir la tête, les
angles postérieurs émoussés, le bord postérieur coupé droit: écusson finissant
en pointe arrondie et dépassant un peu le milieu de l'abdomen, un peu sinué
avant son extrémité ; hémélytres avec la membrane portant six à sept nervures
longitudinales et dépassant un peu l'extrémité de l'abdomen ; ailes un peu plus
courtes que les hémélytres; abdomen à bords aplatis et tranchants, le ventre
sans carène longitudinale, avec la pointe basilaire grande, atteignant au moins
l'insertion des pattes intermédiaires; pattes assez fortes, mutiques, légèrement
796 HÊMIPTÈRIiS.
velues, avec les jambes cannelées sur leurs quatre côtés, les tarses à second ar-
ticle très petit.
L'espèce principale de ce genre est le R. grisent, Fabr. , syn. : puncti-
pennis, Illig., pi. xcix, flg. 3, tête vue en dessus; 3 a, id. vue en des-
sous; 3 6, soies du rostre isolées; 3c, larse antérieur grossi; 3 d. id. vu
en dessus; 3 e, hémélytre et aile développés, la Punaise brune, à antennes
et bords panachés de Geoffroy, la Punaise des groseilliers de StoU, le Pen-
tatome gris, Faune franc. Hémipt., de 15 millimètres de long dans les
deux sexes, grisâtre, ponctuée de brun, l'extrémité de l'écusson jau-
nâtre, les antennes annelées de brun et de jaune, la membrane des
béniélytres blanche, parsemée de petits points bruns, les pattes gri-
sâtres, pointillées de noir, les côtés aplatis de l'abdomen vivement ta-
chetés de noir et de jaune pâle en dessus, le dessous du corps jaune,
parsemé de points noirs. Cette espèce est de toute l'Europe et d'Algérie,
très rare dans le nord de la France, commune près de Paris, sur les
plantes et sur les troncs d'arbre, dans les champs et les jardins. Cet in-
secte, après avoir hiverné adulte, est une des premières espèces qui
apparaissent au printemps dès les premiers jours de mars. Son odeur est
très puante, prompte à s'exhaler, longue à se dissiper; la bourse odori-
fique est d'un jaune orangé. L'armure copulatrice du mtile, logée dans
le dernier segrnent, offre en dessous une dépression semi-lunaire à
angles obtus, brièvement velus; à l'intérieur, les testicules sont d'un
rouge éclatant, rehaussé de broderies nacrées. Les sept pièces vul-
vaires de la femelle sont bien apparentes et velues. Elle pond ses œufs
en contiguïté, mais jamais entassés. Ils ont une couleur gris de perle,
une forme en cylindre court, dont le bout collé sur le support est tron-
qué, tandis que l'autre est arrondi. Ce dernier, vuàla loupe, offre une
ligne circulaire, qui est le contour de l'opercule, bordé de cils fort
petits, destinés à retenir le couvercle avant la maturité de l'œuf.
Dans le genre voisin, Tropicoris, Hahn, les angles postérieurs du pro-
thorax sont saillants en dilatation aplatie ; l'espèce principale est T. ru-
fipes, Linn., le Pentatome à pattes fauves, Faun. franc. Hémipt., de 15 mil-
limètres de long, d'un brun obscur, la pointe de l'écusson d'un jaune
orangé vif, la membrane des hémély très demi-transparente, les côtés de
l'abdomen tachetés de noir et de jaunâtre, le dessous du corps, les
pattes et les antennes roux. Cette espèce, d'une odeur très forte et
puante, est des plus communes dans toute l'Europe, dans les bois et les
jardins, sur les arbres. C'est un insecte carnassier utile, recherchant
les chenilles pour sucer leur sang. Il vit sur les bouleaux et sur d'au-
tres arbres, grimpant sur les troncs. Quand on secoue fortement un
bouleau pour faire tomber les insectes, cette Punaise, au lieu de se
laisser choir comme beaucoup d'autres, étend ses ailes et descend en
voltigeant et en bourdonnant.
Dans les Acanthosomes, le prothorax a les angles postérieurs plus ou
RHAPHIGASTER. 797
moins saillants, un sternum caréné s'avançant en pointe entre les
pattes antérieures et la pointe ventrale basilaire très longue s'ajustant
contre la carùne sternale. A citer : Acanthosoma hœmorrhoïdalp, Linn., '
la Punaise verte à fointes du corselet rouges de Geoffroy, la Punaise ensan-
glantée de StoU, le Pentatome hémorroïdal, Faune franc. Hémipt., de
15 millimètres, d'un vert olivâtre uniforme, jaunâtre en dessous, les
antennes brunAtres, les angles postérieurs très saillants du prothorax et
l'extrémité de l'abdomen rougeâtres, mâle et femelle, des environs de
Paris, d'Europe, aussi de l'Amérique septentrionale; Elasmuthetus,
Fieber dentatus, de Géer, de 12 millimètres de long, habitant les saules
dans toute l'Europe, d'un vert jaunâtre, avec une teinte rougeàtre au
bord interne et à l'extrémité de la corie, ainsi qu'au bout de l'abdomen,
la Punaise verte lavée de rouge de Geoffroy, le Pentatome effacé, Faune
franc., Hémipt.
Une espèce plus petite, de 8 millimètres de long, est E. interstinctus,
Linn., syn. : griseus, Linn., non Fabr., syn. : betulœ de Géer, verdâtre,
ayant ordinairement une bande transversale rougeàtre au bord posté-
rieur du prédorsum, espèce commune notamment sur le bouleau, dont
les feuilles lui servent de nourriture. De Géer dit qu'ayant trouvé, au
commencement de juillet, plusieurs femelles de cette espèce, accom-
pagnées chacune de leurs petits, au nombre de vingt à quarante, il re-
marqua que la mère se tenait constamment près d'eux, sur les chatons
du bouleau ou sur une feuille; dès qu'elle se mettait en mouvement
pour changer de place, tous les petits la suivaient, faisant halte quand
elle s'arrêtait. Elle les promenait ainsi d'un point à l'autre, les condui-
sant comme une poule mène ses poussins et veillant pour les garantir.
De Géer dit qu'il vit une fois une de ces mères battre des ailes avec un
mouvement très rapide, sans changer de place, comme pour éloigner
l'ennemi qui sapprochait. C'est surtout contre le mâle que cette mère
inquiète est obligée de se mettre en défense, parce qu'il cherche à dé-
truire sa postérité. Les larves quittent la tutelle de la mère quand elles
sont assez fortes pour n'avoir plus besoin de ses secours.
Dans les autres Pentatomes propres, le corps est triangulaire en
avant, les angles postérieurs du prothorax arrondis, non saillants, point
de carène sternale ni de pointe ventrale, les antennes presque toujours
de cinq articles, le corps peint de couleurs vives ou de dessins variés et
tranchés. Chez le genre ^Eiia, Fabr., la tête, plus ou moins échancrée
en avant, par la réunion des lobes latéraux qui débordent le lobe mé-
dian, est prolongée et inclinée en avant, et le pré-sternum s'avance de
chaque côté en lame mince et arrondie, de façon à recouvrir quelque-
fois la base des antennes. Une espèce fort commune en été dans toute
la France, aussi d'Égyplc et d'Amérique du Nord, répandant une très
mauvaise odeur, se tenant souvent à la pointe des céréales, notamment
sur les épis d'orge, sur les chaumes des lisières de bois et des clairières,
est ^Elia acuminata^ Linn., la Punaise à tête allongée de Geoffroy, la
798 HÉMIPTÈRES.
Punaise à museau de Rat de StoU, la Pentatome acuminée. Faune franc.
Hémipt. ; longue de 10 millimètres, elle est jaunâtre, rayée de brun et
de jaune vif en dessus. Dans le genre Palomena, Rey et Mulsant, nous
rencontrons le P. viridissima, Poda, syn. : prasina, Linn., la Punaise
verte des choux de Stoll, de 12 millimètres de long, les deux sexes
pareils, avec le corps et les pattes d'un vert-pré, finement ponctué de
brunâtre en dessus et en dessous, la membrane des hémélytres d'un
vert pâle, le lobe médian frontal dépassé par les lobes latéraux; le
P. dissimilis, Fabr., la Punaise verte de Geoffroy, le Pentatome dissem-
blable, Faune franc., Hémipt., de 12 millimètres, verte en dessus, avec le
ventre d'un vert jaunâtre, parfois rougeâtre, les lobes latéraux de la
tête dépassant le lobe médian frontal. Cette Punaise des jardins, comme
lairomment les borticulteurs, communique aux fruits sur lesquels elle
a passé une odeur infecte. Nous trouvons dans le genre Carpocoris,
Kolenati, le C. baccarum, Linn., le Pentatome des baies, Faune franc.,
Hémipt., de 12 à l/i millimètres de long, pareil dans les deux sexes, la
tête écbancrée au bord antérieur, car ses lobes latéraux dépassent le
lobe médian sans se rejoindre au delà, les côtés du pro thorax coupés
droit, les antennes anneléés de noir et de jaune, la pointe de lecusson
jaune, le corps d'un brun rougeâtre en dessus, les côtés de l'abdomen
tachetés de noir et de jaune en dessus, le dessous du corps et les pattes
jaunâtres, avec des points noirs assez rares. Cette Punaise est commune
dans toute l'Europe pendant la belle saison. C'est la Punaise grise des jar-^
diniers, n'occasionnant pas de dégâts bien appréciables, mais répandant
une odeur très infecte qu'elle communique aux fruits qu'elle a touchés;
elle se tient de préférence sur les framboisiers et les groseilliers.
Dans le genre Strachia, Hahn., syn. : Eurydema, Cast, se trouvent
deux espèces souvent nuisibles aux Crucifères des potagers. L'une est le
S. ornata, Linn., la Punaise rouge du chou de Geofl'roy, la Punaise mi-
gnonne des choux de Stoll, le Pentatome orné, Faun. franc. Hémipt., de
10 millimètres de long, rouge, avec six points sur le prédorsum, une
tache semi-lunaire à la base de l'écusson et des lignes sur les hémé-
lytres, noirs. Cette espèce est commune dans toute l'Europe et existe
en Algérie; elle présente de nombreuses variétés, soit envahies par le
noir, soit où le rouge devient carné. Elle ne répand pas, quand on la
touche, d'odeur infecte, bien qu'elle ait une petite bourse odorifique
safranée. La femelle place ses œufs sous la face inférieure des feuilles
par petites bandelettes serrées; ces œufs, d'aspect très élégant, imitent
un petit barillet dont le haut et le bas seraient entourés de bandes
brunes, tandis que le milieu est gris, avec de petits points noirs très
ronds. Au moment de l'éclosion la jeune larve soulève la partie supé-
rieure de la coquille comme un petit couvercle et se met immédiate-
ment à piquer les feuilles de chou de son rerost.
La seconde espèce, plus petite, moins commune que la précédente
chez les maraîchers, de 7 à 8 millimètres de long, est le S. oleracea,
STRAGHIA, TESSEBATOMA, PHLOEA. 799
Linn., la Punaise verte à raies et taches ruuycs ou blanches de Geoll'roy,
la Punaise des potagers à taches rouges de StoU et la Punaise des pota-
gers à taches blanches de SloU, d'un vei't noirâtre bronze luisant, avec
une ligne longitudinale médiane sur le prédorsum et une tache à l'ex-
trémité de l'écusson et de la corie, rouges ou jaunes dans les deux
sexes, ou parfois blanches. Celte Punaise potagère est souvent nuisible,
comme la précédente. On la voit, de mai en août, sur les différentes
variétés de choux, sur les navets, les l'aves et sur les giroflées cultivées
dans les jardins. L'accouplement de cette espèce, bout à bout, dure
très longtemps, et l'un entraîne l'autre, soit le mâle, soit la femelle; de
môme pour l'autre espèce. Cette Punaise enfonce son bec dans le
parenchyme des feuilles pour y puiser la sève, et, comme elle change
souvent de place, elle les crible do petites plaies qui les rendent ru-
gueuses et les dessèchent. Ces deux Pentatomiens des potagers sont
assez gros et bien visibles par le bariologe tranché de leurs couleurs;
il faut les ramasser à la main et les écraser ou les brûler, en ayant soin
en outre de visiter les revers des feuilles et arracher et brûler celles-ci,
si elles portent des plaques d'œufs.
Il y a quelques Pentatomiens qui ont moins de cinq articles aux
antennes, ainsi le genre :
TTESSERATTOMA, Serv. ct Lep, Saint Farg. — Tcte petite, triangulaire, les lobes
latéraux se rejoignant au delà du lobe médian; antennes assez courtes, de quatre
articles, gros et ramassés ; yeux globuleux et saillants : ocelles très distincts; pro-
thorax à angles latéraux et postérieurs arrondis, le bord postérieur coupé droit
et se prolongeant notablement sur l'écusson ; écusson ne dépassant pas le milieu
de l'abdomen et se terminant en pointe arrondie ; bémélytres larges, leur mem-
brane ayant une quinzaine de nervures longitudinales dépassant à peine l'extré-
mité de l'abdomen ; pattes courtes et fortes, avec tarses de trois articles; abdo-
men un peu élargi de chaque côté, ovalaire, légèrement denticulé sur les côtés
par les angles des segments, avec le ventre sans carène.
Une des principales espèces de ce genre de l'extrême Orient est le
T. papillosuni, Drury, long de 25 à 30 millimètres, d'un testacé ferru-
gineux dans les deux sexes, avec les pattes et les antennes brunes; de
Java, de Chine, et probablement aussi des Philippines. Nous figurons
cette espèce planche xcix, figure k.
PIIIi<Ii:%, Serv. et Lep. Saint Farg. — Corps très plat ct foliacé tout autour, sem-
blable à certaines écorces ; antennes très petites, de trois articles apparents ;
yeux globuleux ; ocelles petits, placés près des yeux ; rostre long et fin, attei-
gnant au moins le troisième segment ventral, le premier article reposant dans
une rainure de la gorge à bords élevés, le troisième le plus long, le i:iuatrième
le plus petit: prolhorax large et assez court ; bémélytres à large corie, la mem-
brane à nervures formant des cellules irrégulières; ailes plus courtes que les hé-
800 HÉMIPTÈRES.
mélylres; pallcs assez forles^ déliées, snns épines; abdoniea concave en dessous,
avec un sillon longiluilinal profond au milieu du ventre.
Ce genre doit trouver une imitation défensive dans sa ressemblance
avec l'ecorce des arbres. Nous représentons l'espèce type, du Brésil, le
P. corticola, Driiry (pi. xcix, fig. 5), en dessus, 5 a, en dessous, 5 6
tète grossie et vue en dessous, 6 c, id. en dessus. Cette Punaise,
longue de 25 à 30 millimètres, est d'un jaune verdàtre, ponctué de
noir, avec de légères aspérités sur la tête et sur le thorax ; lobes de la
léte se croisant l'un sur l'autre ; écusson triangulaire, atteignant à peine
le milieu de l'abdomen.
Tribu des CORÉEIVS
I,a tribu des Coréens ne comprend qu'un nombre assez restreint de
représentants en Europe. Ce sont des Punaises dont le rostre est formé
de quatre articles et chez lesquelles l'écusson n'atteint pas le milieu
de l'abdomen. La membrane des hémélytres porte de nombreuses
nervures saillantes à divisions dichotomiques. Les ocelles existent
constamment; les antennes ont le plus souvent quatre articles. Llles
sont insérées en général au côté supérieur de la tète (Supéricornes
d'Amyol), au-dessus d'une ligne fictive allant du milieu d'un œil com-
posé à la base du rostre ou sur cette ligne môme. La forme du dernier
arceau abdominal permet de distinguer facilement les sexes ; il est épaissi
chez le mâle et comme recouvert en dessous par une valve, tandis que,
chez la femelle, il présente une fente longitudinale. Par leur taille
et par leur conformation les Coréens frappent en général plus forte-
ment les yeux que les Pentatomiens; parfois le prothorax est orné de
cornes ou élargi par des lobes, les bords tranchants et relevés de l'ab-
domen dépassent les hémélytres, certains articles des antennes devien-
nent foliiformes ou bien les cuisses des pattes postérieures (^nwosce/Kv).
Les Coréens, en compagnie des Pentatomiens, offrent souvent un
intéressant spectacle à Farrière-saison. Par les mauvais temps de l'au-
tomne, les Punaises de ces deux tribus quittent le théâtre de leur
activité pour se retirer dans les lieux abrités ou se cacher sous les
feuilles mortes qui jonchent le sol, pour y installer leurs quartiers
d'hiver. Avant qu'elles soient entrées dans le repos et l'engourdisse-
ment de l'hiver, si l'on vient à troubler leurs colonies, par quelque
après-midi bien ensoleillée telle qu'en offrent parfois les beaux jours
de l'arrière-saison, ces insectes, désagréablement surpris dans leur
repos, produisent une crépitation et un bruissement particuliers;
quelques-uns, sous l'influence des tièdes rayons du soleil automnal,
essayent de s'élever dans l'air avec un bourdonnement sonore, afin de
VERLUSIA, ENOPLOPS. 801
s'éloigner de l'ennemi plus sûrement et plus vite qu'elles ne pourraient
le faire en marchant ou en grimpant. Les Coréens se tiennent en été
dans les buissons et dans les herbes, voltigeant au soleil avec activité
et cherchant surtout dans cette locomotion les plantes qui conviennent
le mieux à leur appétit.
Le groupe des Verlusies se distingue, à première vue, par un pro-
longement du front en forme de lamelle ou de pointe, entre les deux
tubercules antennifères.
verIjUSIA, Spinola. — Front prolongé en une espèce de pointe ou de lamelle
entre les antennes; tubercules antennifères sans épines au côté interne ou ex-
terne; antennes de quatre articles, plus longues que la moitié du corps, le der-
nier article épaissi et fusiforme, le premier plus gros, mais à peu près de la
longueur des deux suivants; rostre fin et long; prolhorax trapézoïdal^ élargi en
arrière, les angles postérieurs aplatis et arrondis; héméiytres plus étroites que
l'abdomen qu'elles ne débordent pas à l'extrémité; pattes grêles et mutiques,
les cuisses de même grandeur entre elles, à peine épaissies ; côtés de l'abdomen
très dilatés, de manière à former un rhombeà angles plus ou moins arrondis,
son extrémité découpée en petites folioles ou denticulations dans la femelle,
entière dans le mâle.
Nous représentons pi. xcix, tig.6, a, l'antenne de V. sulcicornis, Fabr.,
espèce de la France méridionale. Nous avons aux environs de Paris
une autre Verlusie qui se tient volontiers dans les fossés qui bordent
les bois; elle grimpe le long des tiges d'herbes ou des autres plantes,
sous les rayons du soleil, et, lorsque, en l'absence du soleil, on vient à
troubler le feuillage où elle se cache, elle fuit avec une agilité et une
frayeur extraordinaires.
Cette espèce est très commune partout sur les plantes et sa larve
est poilue; c'est le V. qua'Jrata, Fabr., de 10 millimètres de long,
jaunâtre, plus foncé en dessus. C'est la Punaise à abdomen carré de
Stoll.
Dans le genre voisin lynoplops,Am. etServ.,la tète présente une petite
pointe saillante entre les antennes, et il y a une épine derrière la base
de celles-ci, au côté externe ; elles ont quatre articles ; la plu-
part des caractères sont ceux des Syromaste.s. L'espèce de France est
E. scapha, Fabr,, la Punaise à ailerons de Geoffroy, passant l'hiver à
l'état d'adulte, de 13 à 15 millimètres de long, le vertex et le prédor-
sum mutiques, le prothorax et l'abdomen dilatés de chaque côté,
d'un brun grisâtre en dessus, jaunâtres en dessous, un point blanc,
à chaque segment abdominal, de chaque côté, les articles 2 et 3
des antennes rougeâlres, à noir ; surtout l'Europe méridionale,
était très commune au printemps et en automne dans les anciennes
fortifications de Lille, grimpant sur les plantes basses au pied des
murs, rare aux environs de Paris, commune en Algérie au prin-
CIRARD. m. — 51
802 HÉMIPTÈRES.
temps ot au commencement de l'été, sur les fleurs de VAspJwdelun
ramosus.
SVROMASTKS, Lalr. — Tète subcarrée, non prolongée entre les antennes^
celles-ci portées sur des tubercules saillants, munis au côté interne d'une épine
fuie, dirigée en dedans et convergeant vers celle de l'antenne opposée, ces antennes
de quatre articles ayant à peu près la longueur de la moitié du corps, le premier
article, gros, légèremenl prismatique, à peu près aussi long que chacun des deux
suivants, qui sont grêles et cylindriques, le dernier en ovale allongé, un peu
épaissi, plus court que le troisième; yeux et ocelles très apparents; prothorax et
abdomen très dilatés de chaque côté : écusson en triangle à peu près équilatéral ;
membrane des hémélytres chargée de nombreuses nervures longitudinales, fines,
saillantes; pattes assez courtes et fortes, les cuisses à peine épaissies, d'égale
grosseur entre elles, légèrement denliculées en dessous, les jambes légèrement
contournées en S dans le mâle.
Le type de ce genre est une espèce commune dans loute l'Europ o,
le S. marginatus, Linn., la Punaise à bec de Geoffroy, la Punaise brune
de StoU, de 12 à 15 millimètres de long, d'un brun jaunâtre ou ferru-
gineux, se trouvant sur beaucoup de plantes, notamment la ronce,
l'ancolie et les oseilles, dont la larve est rugueuse et ramassée, avec
les articles des antennes triangulaires. La femelle a un oviscapte peu
développé et non apparent extérieurement. Elle passe l'hiver à l'état
adulte, perpétuant son espèce au printemps. Les œufs sont remar-
quables par leur grandeur; ils ont la forme d'un sphéroïde comprimé
et tronqué d'un côté, sont roussâtres, glabres et lisses, parfois irisés,
paraissant finement chagrinés à la loupe, leur coque présentant au
microscope un tissu aréolaire. La bourse odorifique ressemble à celle
des Penlatomes.
l*llVLi,OMORPH.%, Castelnau. — Corps dilaté latéralement en forme de feuille
découpée et plus ou moins épineux ; tête de forme presque triangulaire, en partie
cachée par les épines qui la couvrent ; antennes longues, le premier article très
long et très épineux, plus gros que les autres, les articles 2 et 3 très grêles et
cylindroïdes, 3 presque double de 2 en longueur, à très petit, ovale et épaissi ;
prothorax élargi en une grande membrane plus ou moins épineuse, en forme
d'aile de chaque côté, son bord postérieur divisé en lobes prolongés sur la base
de l'écusson, celui-ci très petit et triangulaire; corie plus courte que la mem-
brane, celle-ci très transparente et à nervures nombreuses, ne dépassant pas
l'abdomen ; pattes longues et grêles, plus ou moins épineuses, à cuisses non ren-
flées ; abdomen dilaté de chaque côté en membrane découpée et foliacée comme
le prothorax.
Ce genre présente l'exagération des apparences foliacées de beau-
coup de Coréens. L'espèce de France est P. laciniata, Devillers, pi. r.ix.
PHYLLOMORPHA, COREUS. 803
tig. G, 6, antenne de 8 millimètres de long, pareille dans les deux
sexes, jaunâtre, la tête et la partie antérieure du prothorax et de ses
lanières, brunes ou rougeûtres, les dilatations de l'abdomen découpées
de chaque côté en quatre folioles, tantôt pointues, tantôt arrondies au
bout, épineuses à leur surface. I.atreille avait nommé cette espèce
hystrix, à cause de son aspect hérissé. On la trouve dans le midi de la
France ; c'est une des plus rares captures qu'on puisse faire quelquefois
dans les jardins des environs de Paris. Latreille dit l'avoir trouvée en
1780 dans un jardin de Paris, sur des feuilles d'ormes, et remarqua
qu'elle agitait son corps avec beaucoup de célérité et qu'elle faisait
entendre un petit son. Cette espèce existe aussi en Portugal et en
Algérie, dans les lieux arides et, en hiver, sous les pierres. Dans nos
Métamorphoses des Insectes (Paris, Hachettte et C"', 6*^ édit., 1886) se
trouve représentée, aux Hémiptères, la Phyllomorphe de Madagascar, où
l'extension des appendices foliacés du thorax et de l'abdomen semble
poussée jusqu'à l'extravagance.
L'ancien genre Coreus, Fabr., était très étendu. 11 est restreint actuel-
lement à des espèces ayant le corps assez allongé et velu, la tête en
triangle et le front saillant, les antennes munies d'un tubercule à la
base, le prothorax en trapèze, avec les bords latéraux épineux et dentés
et les angles postérieurs saillants, Fécusson très petit, les hémélytrcs
atteignant au plus l'exfrémité de l'abdomen, la corie opaque, la mem-
brane n'ayant que quelques nervures longitudinales fourchues, et
offrant quelques cellules, les pattes assez fortes et velues, les cuisses
assez épaisses, les postérieures avec quelques épines vers le bout,
l'abdomen à bords aplatis, puis relevés et dépassant un peu les hémé-
lytrcs de chaque côté. Une espèce commune à peu près partout sur les
plantes, peu répandue toutefois dans le nord de la France, est le Coreus
hirticornis, Fabr<, syn. : denticulatus, Scopoli, le corps, long de 8 à
10 millimètres, d'un ferrugineux cannelle dans les deux sexes, très
velu, assez rugueux en dessus, les épines latérales du prothorax très
fortes. L'abdomen de la femelle offre quatre pièces vulvaires et un
petit oviscapte caché. Dans le genre Stenocephahis, Latr. (tête-étroite),
la tête est triangulaire, son extrémité bifide prolongée antérieurement
entre les antennes, les antennes au moins aussi longues que la moitié
du corps et velues, le prothorax trapézoïdal, ses angles postérieurs
arroiulis, non saillants, les hémélytres ayant la corie plus longue que
la membrane, les ailes inférieures aussi longues qu'elles; pattes assez
longues et grêles, velues, sans épines, les cuisses à peine renflées;
abdomen en ovale allongé, dépassant un peu les hémélytres de chaque
côté. L'espèce de France, le S. nugax, Fabr., la Punaise brune à an-
tennes et pattes panachées de Geoffroy, la Punaise à antennes bigarrées
de Stoll, est une longue Punaise de 20 à 22 millimètres, d'un brun fer-
rugineux, les pattes et les antennes annelées de noir et de blanc, un
point blanc sur les angles postérieurs du prédorsumet sur l'écusson, un
HOi IJÉMIPLTÈUES.
petit anneau noir au milieu du second article des antennes, commune
dans les environs de Paris et la plus grande partie de lEuropc, notam-
ment sur les euphorbes, se trouvant en Algérie en hiver et au prin-
temps dans les lieux frais et ombragés, aussi dans l'Amérique du Nord.
La femelle n'a que deux plaques vulvaires, formant une carène très
prononcée et fendue pour donner passage à un oviscaptc court mais
visible de l'extérieur, le développement de cet organe étant comme
inverse du nombre des plaques vulvaires.
Le genre Therapha, Amyot, est formé de Punaises à très gros ocelles,
ayant le prothorax en trapèze, ses angles postérieurs arrondis et non
saillants, l'écusson en triangle assez allongé, les héméljtres à membrane
sombre, offrant de nombreuses nervures longitudinales, les pattes assez
grêles, les cuisses légèrement renflées et sans épines, l'abdomen allongé,
presque linéaire ou très peu élargi postérieurement, à bords aplatis,
puis un peu relevé. L'espèce de France, d'un rouge écarlate bigarré de
noir, longue de 9 à 10 millimètres, a été longtemps prise pour une
Lygéc, d'après sa coloration. C'est le Therapha hyosciami, Linn., la Pu-
naise rouye à croix de chevalier ào, Geofl'roy, la Lygée de la jusquiame,
Faun. franc., rare dans le nord de la France, très commune dans le
reste du pays, d'Algérie au printemps et en été sur VAsphodelus ra-
mosus, en outre errant sur le sol ou sous les pierres. Elle vit sur di-
verses plantes, notamment sur la jusquiame, dont elle se nourrit bien
que la plante soit très vénéneuse, marchant aussi à terre entre les
pierres. De Géer dit qu'elle exhale une agréable et assez forte odeur de
thym. Elle pond au mois de juin des œufs rouges et oblongs. La larve
semble monstrueuse, à cause de la disproportion de ses membres ; les
antennes et les pattes, plus longues que le corps et velues, sont, ainsi
que le rostre, d'une grosseur énorme.
P.\Cll¥ni$, And. Sei'v. et Lep. Saint Farg. — Tête petite ; tubercules antennifères
peu saillants, avec une lamelle qui, vue en dessus, paraît presque comme une
pointe mousse entre eux ; antennes grandes^ un peu plus courtes que le corps ;
premier article très grand et un peu épaissi , le second un peu plus court que lui,
grêle et cylindroïde, le Iroisième encore plus court, mais dilaté en ovale à son
extrémité, le dernier article beaucoup plus long qu'aucun des autres et pointu ;
prothorax trapézoïdal, à angles postérieurs peu ou point saillants ; écusson trian-
gulaire, hémélytres au'moins aussi longues que l'abdomen, avec la membrane
obscure ; pattes fortes et assez courtes, à jambes et cuisses postérieures épineuses
dans les mâles, ces dernières très renflées ; abdomen ovalaire, à bords aplatis,
dépassant les hémélytres de chaque côté, épineux dans les mâles.
L'espèce type de ce genre, de Cayenne, est le P. Pharaonis, Fabr.,
la Punaise de Pharaon de Stoll, de 35 millimèlres de long, brune, bordée
et barrée de rouge ferrugineux dans les deux sexes sur tous les con-
tours des organes extérieurs. Nous figurons son antenne, pi. xcix, fig. 8.
PAGHYLIS, MIGTIS, ALYDDS. 805
Dans un genre voisin, Holymenia, Latr., nous citerons //. Lalreillei,
And. Serv. (EncycL), espèce du Brésil, dont nous représentons l'an-
tenne, pi. xcix, fig. 7, offrant les articles 2 et 3 élargis en massue ovale,
f/ouvrage de Stoll a de nombreux exemples de ces antennes à articles
en folioles variées.
IMIC'TIS, Leach. — Tête subcarrée, avec tubercules antennifères très saillants,
ayant une écliancrure plus ou moins prononcée entre eux ; yeux globuleux et
saillants; antennes longues, à articles cylindroïdes ; corps allongé; prothorax
rétréci en avant; écusson triangulaire; hémélytres à peu près de la longueur de
l'abdomen, ayant la membrane à nervures longitudinales assez peu nombreuses,
quelques-unes fourchues ; pattes assez longues et fortes, les cuisses épineuses
vers l'extrémité dans les deux sexes, les postérieures plus épaisses que les autres,
surtout dans les milles, les jambes postérieures assez aplaties; abdomen allongé,
à bords latéraux parallèles dans les mâles, plus ovalaire chez les femelles, avec
les bords aplatis et dépassant un peu les hémélytres de chaque côté.
Nous représentons, pi. xcix, fig. 9, une grande espèce de l'île d'Am-
boine, le .'1/. profanus, Fabr., syn. : cruciferus, Leach, brun, avec les
bords internes des hémélytres d'un jaune vif, dessinant une croix par
leur rapprochement. C'est une espèce peu éloignée, d'un brun
ferrugineux, qui est représentée, pi. xcix, fig. 6, et qui est désignée
par Guérin-Méneville sous le nom de Coreus rubicjinosus et indi-
quée de la Nouvelle-Hollande, dans l'entomologie du voyage de la
Coquille.
AliVDUS, Fabr. — Corps allongé; tête triangulaire, large à la base et s'avan-
çant en une pointe mousse allongée entre les antennes, celles-ci longues et
grêles; yeux globuleux, presque pédoncules, tressaillants; rostre long et grêle;
protliorax un peu plus large en arrière qu'on avant; hémélytres ayant la
corie peu opaque, la membrane à nervures longitudinales peu nombreuses;
pattes longues et grêles, les postérieures plus grandes que les autres, les
cuisses postérieures à peine plus renflées que les quatre premières, épineuses
en dessous, les jambes postérieures droites, sans aucune courbure, finement
velues.
VA. calcaratus, Linn., de 10 millimètres de long, est noirâtre et velu
dans les deux sexes, le prédorsum et les cories quelquefois grisâtres,
les membranes d'un brunâtre translucide, les jambes ordinairement
pâles, les trois premiers articles des antennes pâles, leur extréinité et
le dernier article noirs; mâle et femelle. Cette espèce, peu commune
dans le nord de la France, est commune près de Paris et dans beaucoup
de régions de l'Europe; en été sur beaucoup de plantes, notamment
les euphorbes et les genêts. Nous représentons une espèce exotique,
pi. xcix, fig. 10, VA. annulicornis, G. Mén.,d'un brun fauve, à aniennes
806 HÉMIPTÈRES.
anneléesde blanc, d'Offak, à la Nouvelle-Guinée (entomol. du voyage
de la Coquille).
IVKIDF.S, Latr. — Corps très fluet, allongé, cylindroïde ; tête petite, se prolon-
geant de chaque côté en pointe comprimée ou lamelle entre les antennes, celles-
ci longues et très fines, le premier article plus long, le second faisant coude avec
lo premier, environ moitié plus court que le troisième et cylindrique comme lui,
le quatrième assez petit, ovalaire et rétréci ; yeux petits, globuleux, saillants ;
rostre de quatre articles, atteignant le milieu du sternum; prolhorax grèlc,
grossissant en arrière, sans angles latéraux, avec trois carènes longitudinales;
écusson à peine visible; hémélytres de la longueur de l'abdomen, étroites et
linéaires comme lui, la corie peu opaque, la membrane n'ayant que quatre à cinq
nervures longitudinales ; pattes très longues et grêles, les postérieures plus
grandes que les autres, les cuisses épaissies en massue à leur extrémité.
Le type de ce curieux genre, qui ressemble à une Tipule (Diptères
némocères), est le N. tipularms, Linn. (forme macroptère), de 12 milli-
mètres environ de longueur, d'un jaune verdàtre pâle ou grisâtre, avec
quelques points noirs aux articulations des pâlies, sur la nervure qui
sépare la membrane de la corie, le dernier article des antennes noir;
mâle et femelle. Nous représentons, pi. xcix, fig. 11, cet insecte, rare
dans le nord de la France et aux environs de Paris, paraissant en
automne, dans les lieux humides, se traînant lentement sur les hautes
herbes ou dans le sable, à la racine des plantes. On voit ce singulier
Coréen s'agiter sous les genévriers, sous les bruyères, sous diverses
plantes basses; ses longues pattes filiformes semblent l'entraver plulôt
que lui venir en aide, lorsqu'il veut accélérer sa marche; il est du resie
assez indolent et se laisse saisir avec facilité. D'après le D'' Puton, le
A'', parnllolus, Fieber, n'est que la forme brachyptère do la même
espèce; cette forme n'est pas rare, en mai et juin, dans les dunes de
Dunkerque et de Calais, sur les fleurs des Erodium, où on la trouve
accouplée (I.ethierry), ce qui est la preuve qu'on n'a pas affaire à un
état nymphal; il est bon de constater de pareils faits pour les Hémi-
ptères brachyptères, sujets de fréquentes discussions à cet égard.
Tribu des lygkews.
Les Lygéens ont le corps plus ou moins allongé ou ovalaire, de con-
sistance coriace. Les antennes sont de quatre articles, filiformes ou
légèrement renflées au sommet, insérées au-dessous d'une ligne fictive,
allant du milieu de l'œil composé à la base du roste (Inféricornes
d'Amyot). La tête est triangulaire, sans rebord et sans étranglement
au-devant des yeux. Les ocelles existent le plus souvent, à l'exception
LYGOEUS, 807
(lu type (les Pyrrliocoris. I.e rostre est, le plus souvent, de quatre
articles. Le pronotum est habiluellement divisé en deux lobes par un
sillon ou dépression iransverse. L'écussou est petit ou médiocre, trian-
gulaire. Les hémclytres sont composées d'une corie, d'un clavus et
d'une membrane, celle-ci ayant au plus cinq nervures longitudinales
(excepté type Pyrrliocoris). La membrane est souvent nulle ou rudi-
mentaire. Les tarses ont trois articles dont le médian est le plus court;
les crocbets sont forts, élargis à la base, avec une pelote ou ambulacre
entre eux. L'abdomen présente six segments non génitaux. Les Lygéens
vivent pour la plupart en colonies nombreuses, tantôt sur certaines
espèces de végétaux, tantôt sous les pierres, sous les feuilles sèches et
agglomérées, sous les mousses à la base des troncs d'arbre. Ils rccber-
chent pour leur nourriture, soit des sucs végétaux de bourgeons, soit
des cadavres d'Insectes, de Cloportes, de Lombrics, et sont souvent luci-
fuges, un petit nombre d'espèces paraissant au grand jour.
tYftWUS, Fabr. et Fallen. — Corps allongé, aplati en dessus, légèrement velu;
tête triangulaire, s'avançant en pointe mousse entre les antennes ; antennes de
quatre articles^ le premier court, le dernier légèrement fusiforme ; yeux assez
petits, globuleux, saillants, mais non pédoncules; ocelles gros, éloignés l'un de
l'autre, rapprochés des yeux; protliorax en trapèze, avec double impression près
du bord antérieur; écusson triangulaire; hémélytres à membrane présentant
quatre nervures longitudinales, dont les deux internes sont réunies par une ner-
vure transverse ; pattes assez grandes, les postérieures un peu plus longues que
les autres, toutes les cuisses d'égale grosseur ; abdomen de la longueur et de la
largeur des hémélytres.
Dans ce genre Lygœus, type de la famille des Lygœides, la nervure
transverse de la membrane forme à la base de celle-ci un quadrilatère;
les nervures de cette membrane sont quelquefois peu distinctes à cause
de son opacité et de son obscurité dans certaines espèces. Les Punaises
de ce genre n'ont pas d'odeur appréciable. Une espèce très répandue
est le L. equestris, Linn. , la Punaise rouge à bandes noires et taches blanches
de Geoffroy, de 10 à 12 millimètres, les deux sexes pareils, le pronotum
noir en avant et en arrière, au milieu une bande rouge transverse,
irrégulière, trifide ; corie rouge, une bande noire sur le milieu ; un point
noir au milieu du clavus qui est rouge avec le sommet rembruni, tous
ces dessins formant au milieu du corps une espèce de croix de cheva-
lier (d'où le nom cV equestris); membrane noire, avec une tache centrale
ronde, une à la base et le bord arqué blancs; ventre rouge, chaque
segment avec deux taches noires de chaque côté, à la base, l'une au
côté externe, l'autre près du milieu ; dernier segment noir, antennes
et pattes noires. Cette belle espèce est commune dans toute la France,
sauf dans le nord, où elle est rare; elle se trouve en Suède. Elle se ren-
contre sur les plantes, vivant en colonies sur les troncs cariés des
'"^^'S HÉMIPTÈRES.
chênes, aussi dans les vieux bAtiments, entre les pierres, parmi les
décombres. Elle est assez commune toute l'année en Algérie. Le L. saxa-
tilis, Scopoli, de 10 à 11 millimètres de longueur, la Punaise rouge à
damier de Geofl'roy a le pronotum noir avec une ligne rouge latérale
souvent interrompue et une médiane raccourcie avant le bord anté-
rieur; cories noires sur les bords, le centre irrégulièrement rouge et
portant une tache noire souvent continente avec les bords; clavus
rouge à la base, obscur à l'extrémité, avec une tache noire ronde vers
le dernier tiers ; membrane obscure; ventre rouge, la base des seg-
ments noire au milieu au moins, une tache triangulaire à la base au
côté externe et une arrondie sur chaque stigmate. Cette espèce, moins
commune que la précédente, est de toute la France, très rare dans le
nord, peu commune en Algérie et au printemps. Je la prenais autrefois
en colonies sur les menthes, dans les fossés des chemins d'exploitation,
près de Chevry-Cossigny, canton de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne)
Elle a des variétés de coloration, et se trouve, outre la France, au
Sénégal, à Java, et même dans la Nouvelle-Hollande. Nous avons encore
en France d'autres Lijgœus, à dessins rouges et noirs, manquant au
nord, rares près de Paris, commnns dans le midi. Tels sont : L. venustus,
Ilerr. Sch.; L. apuans, Rossi, syn. : punctum, Fabr., la Punaise rouge à
point noir et taches blanches de Geotl'roy; L. punctato-guttatus, Fabr.,
très rare aux environs de Paris ; L. militaris, Rossi, manquant aux envi-
rons de Paris, commun dans le midi de la France, très commun en
Algérie, sous les pierres, aussi de toutes les régions méridionales de
l'ancien monde, Egypte, Sénégal, cap de Bonne-Espérance, îles Philip-
pines, etc. L.Dufour dit que cette espèce répand, quand on l'irrite, une
assez agréable odeur d'éther acétique.
Nous représentons un Lygœus exotique, pi. c, fig. 1, le L. Poey, Guér.
Mén., de la Havane, d'environ 10 millimètres de long, et dont les tégu-
ments sont variés de jaune et de brun. On consultera, pour cette
espèce : Ramon de la Sagra, Histoire naturelle de Vile de Cuba, gr. in-Zi"
Paris, 1864, et, pour le genre Lygœus, C. G. Thomson : Ofoersigt of de i
SverigeFunna arter af slôgtet Lygœus, Fallen, in Opuscula entomulogica,
in-8", Zi fascic, Lund., 1869. Ce mémoire contient la description de
cinquante-sept Lygœus de Suède.
niYODOCUA, Latr. — Tête en ovale allongé, prolongée et conique antérieu-
rement, portée sur un cou très long, cylindroïde, étroit; antennes à peu près
du tiers de la longueur du corps, de quatre articles, le premier court et épaissi,
les autres grêles ; yeux assez petits, globuleux, peu saillants ; ocelles rappro-
chés des yeux, distants l'un de l'autre; prottiorax divisé en deux lobes par un
étranglement médian, s'élargissant un peu postérieurement et s'arrondissant en
dessus ; écusson assez grand, triangulaire ; hémélytres dépassant l'extrémité de
l'abdomen, leur membrane à quatre nervures très courbéfis à la base; pattes
grêles, fines, assez velues, à peu près d'égale longueur entre elles, les cuisses
PYRRHOCORIS. 809
antérieures renflées et épineuses, les tarses de trois articles, le dernier avec
deux forts crochets ; abdomen allongé, linéaire, cylindrique en dessous.
Nous rcpréscntoas, pi. c, fig. 5, la lêlo grossie de M. tipuloides,L<i[.v.,
espèce de l'Amérique septentrionale.
La famille des Pyrrhocorides, tout en conservant l'aspect général des
Lygéens, se distingue essentiellement des Lygœides par l'absence
docelles (Cécigènes d'Amyot). Les antennes ont la mûme insertion que
dans les Lygœides, et leur premier article est toujours plus long ou au
moins aussi long que la tète, et non plus court qu'elle, comme il l'est
en général dans les Ligœides. La membrane des hémélytres, de nature
coriacée, a toujours plus de cinq nervures, offrant deux ou trois cellules
basales, d'où partent d'assez nombreuses nervures plus ou moins four-
chues. Le ventre présente plusieurs sutures courbées ou sinuées exté-
rieurement, le dernier segment ventral n'étant pas échancré en angle
chez la femelle; les orifices odorifiques sont indistincts. Le corps est
généralement ovalaire et épaissi. La tête est triangulaire, les antennes
ont quatre articles, dont le dernier est filiforme, plus ou moins épais;
le rostre, de quatre articles, a toujours le troisième plus long que le
quatrième. Le nom de cette famille signifie Punaise rouge.
PYRRHOCORIS, Fallen. — Corps en ovale allongé; tête triangulaire; an-
tennes de quatre articles; rostre atteignant l'insertion des pattes intermédiaires;
prothorax un peu rétréci en avant, presque quadrangulaire, à angles arrondis
et à bords tranchants relevés, avec un bourrelet antérieur étroit ; membrane
des hémélytres (dans les formes macroplères) présentant à la base deux cellules
irrégulières, coupées obliquement par l'extrémité de la corie, du contour des-
quelles partent en s'irradiant des nervures droites ou fourchues en nombre va-
riable ; pattes subégales en longueur et assez courtes, les cuisses antérieures
renflées, les jambes mutiques, les tarses longs.
L'espèce importante de ce genre est le P. aplerus, Linn., la Punaise
rouge des jardins de Geoffroy, la Punaise sociable de Stoll, la Lygée aptère.
Faune franc., de 9 à 11 millimètres de long, les deux se.\es pareils, le
corps varié de noir et de rouge écarlate, la tête, le milieu du pronotum,
l'écusson, le clavus et la membrane (quand elle existe) noirs, deux
taches rondes et noires sur la corie, l'une grande, sur le milieu du
disque, l'autre plus petite, près de la base, entre le clavus et le bord
externe; les pattes et les antennes sont noirs, ainsi que le dessous du
corps; les bords de l'abdomen, un collier, une bande étroite à chaque
segment du sternum, les hanches et l'extrémité du dernier segment
ventral rouges. Les sujets brachyptères, où le système alaire se réduit
aux cories, sont les plus nombreux et existent seuls dans les pays sep-
tentrionaux; dans le midi, on trouve assez fréquemment des formes
macroptères, où la corie se prolonge en membrane noire, avec aile
810 HÉMIPTÈRES.
noire sous l'héraclytre. Ces sujets existent, mais rares, aux environs do
Paris, déjà connus de Geoffroy. L'espèce abonde en Europe et se trouve
aussi dans l'Amérique septentrionale. De Géer dit qu'elle est commune
en Hollande, mais rare en Suède. Elle est rare aussi dans le nord de la
France (Lethierry), non rencontrée dans l'arrondissement de lille,
trouvée en août dans les dunes d'Ambleteuse (Pas-de-Calaisj, et, au
pied des murs, dans les fortifications de Valenciennes. Elle est fréquente
près de Paris, au bas des ormes et des tilleuls dans les avenues, au pied
des murs dans les jardins. Les paysans l'appelaient autrefois le Suisse,
en raison de l'uniforme rouge des troupes suisses au service des rois
de France, et la nomment aussi cherche-midi, car elle se plaît dans les
lieux exposés au soleil, où elle se groupe en colonies de cinquante à
soixante individus, lents à se mouvoir, et qui restent volontiers dans
une longue immobilité.
A la mauvaise saison ces Punaises se retirent sous les pierres et' sous
les écorcespourypasserl'biver pendant lequel elles restent engourdies, se
ranimant et reprenant leurs habitudes ordinaires au début du prin-
temps, dès le soleil de mars. On les voit souvent arrêtées, occupées en
nombre à se repaître d'un bourgeon adventif du pied d'un arbre, d'une
graine ou d'un Insecte mort et souvent d'un sujet de leur propre
espèce. En captivité les plus grandes Pyrrliocoris attaquent les plus
petites et les mangent; sous les pseudélytres des vieux sujets on trouve
de nombreux Acariens qui se nourrissent aux dépens de leurs hôtes.
Ils se tiennent serrés les uns contre les autres, et souvent les uns sur
les autres, la tôte dirigée vers un point central. Ils se plaisent sur la
tige des tilleuls ou des ormes, à la partie inférieure du tronc, jusqu'à
1 mètre environ de hauteur au-dessus de la racine, se plaçant toujours
du côté du soleil. La femelle ne présente aucun vestige d'oviscapte, et
ses pièces vulvaires sont au nombre de six. L'armure copulatrice ou
plaque anale du mâle est une sorte de cupule cornée noire, enchâssée
en grande partie dans le dernier segment de l'abdomen et articulée
avec un demi-segment bordé de rouge qui en recouvre une portion. Sa
face inférieure est convexe, très lisse, glabre, sans aucune trace de
division ; sa face supérieure, entièrement abritée à l'état de repos sous la
dernière plaque dorsale de l'abdomen, est parallèle au corps, déprimée,
garnie d'un court duvet dans son contour, oll'rant, vers son milieu,
deux petites pièces cornées, noirâtres, lancéolées, contiguës, mais dis-
tinctes par une rainure médiane et dont les pointes sont dirigées en
avant. Ces pièces, susceptibles d'un mouvement de bascule sur leur
base, paraissent destinées à jouer un rôle de préhension dans l'acte
copulateur, et, chez l'Insecte vivant, le pénis saillit un peu en avant de
leurs pointes. Les accouplements cemmencent vers le milieu d'avril, et
ont lieu pendant toute la belle saison, indifféremment entre mâles et
femelles, soit ailés, soit aptères. Rarement un mâle s'unit plus d'une
fois à une femelle; celle-ci s'accouple au contraire plusieurs fois. Le
PYRRHOCORIS. 8M
mâle se place d'abord sur le dos de la femelle, qu'il saisit et embrasse
avec ses pattes; puis, au bout do quelque temps, il se retourne et la
lâche des pattes; mais, tenant à elle par le pénis, il est forcé de la
suivre à reculons, le ventre en l'air. L'accouplement peut durer trois
il quatre jours sans interruption; au commencement les mâles et les
femelles se séparent au moiiulre attouchement; mais, lorsqu'il s'est
déjîi efl'ectué depuis quelque temps, on peut les saisir et les tourmenter
sans qu'ils se séparent.
Le corps de la femelle s'élargit déjà pendant l'accouplement, et, à la
fin de cet acte, il a déjà acquis un développement au moins double do
celui qu'il avait auparavant. La femelle se traîne ensuite lentement çà
et là et dépose, sous les feuilles tombées et humides, ou dans les creux
de terre au voisinage des vieilles souches d'arbres, un petit tas d'une
vingtaine d'œufs, grands d'environ 1 millimètre, ovales, d'un blanc de
perle, très lisses et très brillants; leur couleur devient peu à peu
bleuâtre, et ils grossissent jusqu'à l'éclosion de la larve. Les Pyrrhocoris
offrent l'exemple assez rare de Punaises qui passent l'hiver aux stades
de développement les plus variés. On trouve des petites larves de la
grosseur d'une tète d'épingle à côté de larves plus grandes. Les plus
petites ont un abdomen entièrement rouge et des rudiments d'appen-
dices alaires noirs. Après avoir subi trois mues, elles acquièrent leur
taille et leur couleur définitives. Les hémélytres s'allongent pendant ce
temps, et la teinte rouge prédomine sur la couleur noire primitive. Ces
Insectes sont revêtus alors d'une sorte d'habit rouge, orné de deux
taches noires arrondies en forme de boutons, d'une bordure noire plus
ou moins large à l'extrémité, et d'une pièce d'obturation noire. Inver-
sement, l'abdomen, d'abord rouge, prend alors une couleur noire lui-
sante; seuls les bords latéraux et quelques bandes transversales de
l'abdomen conservent la teinte rouge primitive. Dès que la jeune Pyr-
rhocore, sortie foute pâle de l'œuf, commence à se colorer, la tète et
ses annexes, antennes et rostre, prennent une teinte noire luisante,
ainsi que les pattes, le prothorax se colore aussi en noir très rapide-
ment sur ses deux faces, gardant seulement une bordure rouge circu-
laire. Comme nous le savons, la forme brachyptère prédomine, exclusive
même dans le nord, la forme macroptère devenant au contraire assez
fréquente dans le midi. Le P. apterus est très abondant toute l'année
en Algérie sous les pierres.
Les Punaises du genre Pyrrhocoris ne répandent aucune . odeur à
l'état adulte; mais il n'en est pas do même à l'état de laï'ves ou de
nymphes. Alors, de même que les Pentatomes, l'odeur est sécrétée par
des glandes situées sur la face dorsale de l'abdomen, qui en présente
une au centre de chacun des trois anneaux médians. Par un léger
frottement, perle, au niveau delà glande médiane, une gouttelette inco-
lore qui s'évapore peu à peu, et l'odeur aigre décèle un acide gras vola-
til; par un frottement plus énergique ou une mutilation, la glande
812 HÉMIPTÈRES.
postérieure, qui est la plus forte, émet un jet de liquide qui répand
l'odeur propre des Punaises. Nous reproduisons des détails du P. apte-
rus, pi. c, fig. 2, tète montrant une antenne et le rostre; 2a, tarse
antérieur. A la mauvaise saison, ces Insectes se retirent sous les pierres
ou sous les écorces pour y passer fl'hiver, pendant lequel ils restent
engourdis, se ranimant et reprenant leurs habitudes dès les premiers
jours du printemps.
Kn Egypte, en Andalousie, en Provence et en Corse se rencontre une
seconde espèce, P. œijyptius, Linn., de 8 à 10 millimètres, un peu plus
petite et surtout plus étroite que la précédente, à ponctuation plus fine,
le dos de l'abdomen rouge, ainsi que les segments génitaux, l'abdomen
rouge et non noir, avec une ligne de taches noires sur le milieu des
côtés du ventre, une seule tache noire sur la corie, dont le bord apical
est droit; elle affecte toujours la forme macroptère,
ill.4CROCEll/%l.%, Lefebvre, syn. : lohita, Amyot. — Corps allongé; tête trian-
gulaire; antennes grêles, beaucoup plus longues que la moitié du corps, de
quatre articles de longueurs décroissantes ; ocelles nuls ; yeux petits ;
rostre dépassant un peu la base de l'abdomen ; prothorax rétréci en avant,
ù bords très relevés, avec un large bourrelet transverse ; hémélytres beau-
coup plus courtes que l'abdomen ; pattes grandes, à peu près aussi longues
les unes que les autres, cuisses antérieures un peu plus épaisses que les sui-
vantes, de même épaisseur partout, tarses proportionnellement longs, avec le
premier article très grand ; abdomen à bords rectilignes, du moins chez les
mâles.
I^e type de ce genre est une longue et étroite Punaise du Bengale,
M. grandis, Gray,pl. c, fig. 3, mâle, de 35 à Uô millimètres de longueur,
de couleur rouge, avec des taches brunes sur le prothorax, un large
point noir sur chaque hémélytre, leur membrane noire, des bandes
latérales noires sur le sternum, ainsi qu'une tache latérale à l'arti-
culation de chaque segment ventral, les antennes noires, sauf à la
base de chaque article, les pattes noires, excepté les cuisses anté-
rieures, les genoux et une partie des cuisses intermédiaires qui sont
rouges.
MYODOCIIA, Latr., syn. : leptocorisa, Latr. — Tête en ovale allongé, pro-
longée et conique antérieurement, portée sur un cou très long, cylindrique,
étroit ; antennes de quatre articles, à peu près du tiers de la longueur du corps;
yeux assez petits, globuleux, peu saillants; ocelles rapprochés des yeux et
distants l'un de Tautre; rostre fin; prothorax divisé en deux lobes par un étran-
glement médian, s'élargissant un peu postérieurement et s'arrondissant en
dessus; écu^son triangulaire; hémélytres dépassant l'extrémité de l'abdomen,
leur membrane à quatre- nervures très courbées à la base; pattes grêles et fines,
assez velues, subégales en longueur, à cuisses antérieures renflées et épineuses
MYODOCHA, GAPSEDES. 813
à tarses de trois articles; abdomen allongé, à bords linéaires, cjlindrcïdc en
dessous.
Nous reprégeufons, pi. c, fig. 5, la tôte grossie du M. tipulotdes, Latr.,
de l'Amérique septentrionale.
La famille des Capsides, dont l'étude n'est encore qu'incomplètement
élucidée, compte environ Irois cents espèces en Europe, et probable-
ment encore un grand nombre encore à découvrir dans les pays exo-
tiques. Us sont difficiles à saisir parce qu'ils sont agiles et s'envolent
rapidement et sans bruit dès qu'on s'en approche, aimant une tempéra-
ture douce, soit au soleil, soit dans les lieux frais et ombragés, lors des
grandes chaleurs, commençant à paraître avec les beaux jours et finis-
sant avec eux vers le milieu de l'automne. Ils se conservent en collec-
tion beaucoup moins facilement que les autres Hémiptères hétéro-
ptères, à cause de la délicatesse et de la mollesse des différentes parties
de leur corps, qui se détachent facilement, surtout les pattes, très
lâchement articulées. Les Capsides se trouvent généralement sur les
gazons, sur les plantes basses et dans les fleurs, et leurs mœurs sont
peu connues. Peut-être vivent-ils principalement de nectar, peut-être,
au moins certaines espèces, font-ils la chasse à de très petits insectes
qu'ils sucent. Ils sont, en général, d'une teinte d'un vert clair, souvent
ornés de marques bariolées très élégantes.
Sur leur tête triangulaire, les ocelles font défaut, comme chez les
Pyrrhocores. Les antennes, atteignant parfois la longueur du corps et
même davantage, sont de quatre articles, dont le second est le plus
long et parfois aussi le plus épais, se terminant par deux articles d'une
ténuité capillaire et villeux, caractère qui semble appartenir aux
Hétéroptères qui vivent de proie. Le rostre, atteignant l'extrémité du
thorax, est de quatre articles subégaux. L'écusson est triangulaire,
médiocre, mais toujours visible. Le système alaire présente des dispo-
sitions spéciales : les hémélytres, à corie toujours assez molle, offrent
un pli parallèle au bord qui regarde l'écusson, lequel pli isole une
aire, en forme de trapèze allongé, qui constitue la pièce d'obturation
ou le clou {clacus); l'autre portion coriace, la corie propre, forme un
triangle, dont le côté le plus court, qui correspond à la pointe, limite
un lobe plus mince, d'une couleur spéciale, et isolé également par un
pli ; c'est l'appendice ou pièce cunéiforme {cuneus), constituant un
caractère particulier de cette famille ; le prolongement de cette pièce
forme la membrane. On y remarque une nervure arquée qui part du
bord de l'appendice et qui y retourne, en émettant au-devant de l'ex-
trémité externe un petit rameau avec lequel elle forme deux cellules
inégales, d'où le nom de Bicellulcs donné par Amyol aux Insectes de
celte famille. Parfois cette membrane fait défaut, ainsi dans les Astem-
ma, et alors les ailes postérieures, toujours très fragiles, manquent
également. Les tarses, souvent très petits, présentent trois articles
814 HÉMIPTÈRES.
nettement séparés et des pelotes extrêmement petites entre les griffes.
Un autre caractère particulier à cette famille est l'existence d'une tarière
chez la femelle, 'analogue à celle des Homoptères, et logée dans la
rainure longitudinale que présentent les derniers segments ventraux.
ASTI<;mi»I.%, Latr.^ syn. : halticus, Hahn. — Corps large et court; tête triaa-
gulairc; yeux gros; ocelles nuls ; antennes à peu près aussi longues que le corps,
de quatre articles, les deux derniers très fins; rostre atteignant à peu près la
base de l'abdomen; prothorax court, transversal, subcarré, légèrement bombé
en dessus, sans impression transversale médiane; hémélytres, entièrement co-
riaces et sans membrane dans les deux sexes ; pas d'ailes, sauf parfois chez les
niàles ; pattes postérieures plus longues que les autres, avec les cuisses renflées
propres à sauter; toutes les jambes légèrement épineuses.
Ce genre est formé de très petites Punaises sauteuses, peu nom-
breuses en espèces, se trouvant à terre dans les herbes. Nous avons
placé en synonymie le nom de Haha, tiré de la faculté saltatrice, parce
qu'il prête à une confusion avec les Attises, petits Coléoptères Chrysomé-
liens également sauteurs, en préférant le nom de Latreille,qui indique
l'absence d'ocelles. L'espèce la plus répandue, de toute la France, est
ÏA. apterum, Linn., syn. : pallicorne, Linn., de 12 millimètres de long,
d'un noir luisant bronzé, l'extrémité des cuisses, les jambes et les
antennes pâles, commun en juillet et août sur les Graminées et les
Ombellifères.
On trouve cette espèce, en juin, près d'Alger et d'Oran, sur ces mêmes
familles végétales; les hémélytres y ont une membrane chez les mâles;
une variété est d'un beau noir luisant, avec l'extrémité des cuisses et
des jambes et les antennes lestacées. A côté se place A. pusiUwn,ViQ.n\
Sch., syn. : arenarium, Hahn, mercurialis, G. Mén., intricatum, Fieber,
pi. c, (ig. 6 : 6, a, tête vue de profil; 6 6, antenne grossie.
Cet insecte, long de 2""", 5, large de i""",5, est d'un noir luisant, avec
quelques poils jaunâtres, le corselet plus étroit que la tête, élargi en
arrière, à côtés droits; le front et l'extrémité des cuisses sont fauves,
les cuisses postérieures noires, sauf le bout fauve, les quatre pattes anté-
rieures, les jambes et tarses postérieurs, ainsi que les antennes, d'un
jaune pâle; la membrane des hémélytres existe quelquefois, même dans
la femelle, et dépasse alors notablement l'extrémité de l'abdomeu.
Environs de Paris, sur les mercuriales.
miKIH, Fabr. --- Corps étroit, alloni,^';, presque filiforme, finement velu; lèle
triangulaire, allongée en avant; antennes de quatre articles, le premier épaissi,
longues, insérées en avant et un peu loin des yeux, sur un tubercule notable
et assez allongé; yeux petits, globuleux; ocelles nuls; rostre atteignant la base
de l'abdomen; prothorax rétréci en avant; hémélytres peu coriaces, plus longues
que l'abdomen avec leur membrane bien développée, celle-ci à deux cellules
IMiniS, HETEROTOMA, CAPSUS. 815
près (tu bord extrême tle la corie ; ailes presque aussi longues que les licmélytres;
pattes longues, les postérieures plus que les autres ; cuisses un peu épaissies;
jambes frangées.
Le M. lœvigatus, Linu., la Punaise blanchâtre aux yeux noirs de Geof-
froy, de 8 millimètres de long, est d'un jaunâtre uniforme, avec deux
lignes longitudinales brunes sur le prédorsum ; commun dans toute
rL]urope, en été, sur les Heurs des prairies; M. calcaratus, Fallen, de
6 à 7 millimètres de long, peut-être le Miris verddtre, Faune franc.,
d'un vert jaunâtre ou pâle, quelquefois des lignes brunâtres sur le pré-
dorsum, deux épines en dessous vers l'extrémité des cuisses posté-
rieures; assez commun partout, sur les fleurs et dans les prairies;
M. ruficornis, Fallen, syn. : pulchellus, Hahn, pi. c, fîg. 7, dans les deux
sexes les antennes pourprées, quatre bandes longitudinales sur la poi-
trine et une de chaque côté de l'abdomen, large, d'un rouge pourpre,
quelquefois non apparentes; pattes d'un verdâtre nuancé de pourpre;
environs de Paris, midi de la France, Allemagne, Suède.
CAPSUS, Fabr. — Corps en général elliptique, ponctué; lète petite; antennes
de quatre articles, le second notablement élargi ou épaissi en massue oblongue
vers l'extrémité, les troisième et quatrième d'égale longueur entre eux ; yeux
globuleux et saillants; ocelles nuls; rostre atteignant l'insertion des pattes in-
termédiaires; protliorax trapézoïdal, rétréci en avant, large en arrière, légère-
ment bombé ; hémélytres ayant la membrane pareille à celle des Mi7'ù ; ailes
existantes ; pattes grêles, assez longues, les postérieures plus grandes que les
autres, avec les cuisses point ou à peine renflées.
Nous représentons, pi. c, iig. 8, l'antenne du C. ater, Linn., du sous-
genre B/iopa/o^om'ns, Fieber, syn. : flavicoUis, Fabr., la. Punaise safranée
de Geoffroy, la Punaise à grosses antennes terminées par un fil de Geoffroy,
de 6 ù 7 millimètres de longueur, entièrement noir, quelquefois la tête
et le thorax rouges, commun dans toute l'Europe, dans les bois, avec
de nombreuses variétés, ainsi tyrannus, Linn., noir, le rostre rouge, les
pattes annelées de rouge, semi-flavus, Linn., noir, avec la tête et le
thorax d'un jaune rougeùlre. Une espèce voisine, également commune,
est le C. laniarius, Linn., syn. : capillaris, Fabr., tricolor, Fabr., Faune
franc., Hémipt., noir, les bords antérieurs et latéraux du prédorsum,
les bords latéraux des hémélytres, l'appendice (sauf l'extrémité qui est
noire), les genoux et les jambes rouges; la variété capillaris est, dans
les deux sexes, d'un rougeàtre assez uniforme. Cette espèce et ses
variétés se trouvent en été dans les jardins et à la lisière des bols, sur
les rosiers et diflerents arbustes, et aussi sur les orties.
IlEITB^KOTOM.ik, Latr. — Corps allongé, étroit, finement velu ; tète triangu-
laire, avec une pointe s'allongeant entre les antennes, celles-ci de quatre
816 HÉMIPTËRliS.
articles, lu premier assez court, très épaissi, le second, le plus long de tous,
notablement épaissi dans toute son étendue, ordinairement large et aplati, en
ellipse assez pointue à ses extrémités, velu ainsi que le premier, les deux der-
niers articles fins, grêles, cylindriques, à peu près d'égale longueur entre eux
et glabres; yeux gros, globuleux, saillants; rostre fin, atteignant l'insertion des
pattes intermédiaires ; protborax subcarré, légèrement bombé en dessus : carac-
tères des Capsus pour les liémélytros, les ailes elles pattes, celles-ci à peu près
d'égale longueur entre elles ; abdomen des mâles offrant deux crochets remar-
quables à son extrémité en dessous.
Le type de ce genre est H. merioptera, Scopoli, syn. : spissicornis,
Fabr., le Capse spissicornc, Faiin. franc., Hémipt., de 5 millimètres de
long, d'un noir ferrugineux luisant, le corps allongé, étroit, finement
velu, la base du troisième article des antennes blanche, les pattes
vertes, pi. c, fig. 9, antenne très grossie. Cette jolie espèce de toute
l'Europe est commune en juillet, août, septembre, aux environs de
Paris sur les orties (Amyot), sur l'aulne (F,ethierry), dans le nord de la
France, en quelques endroits humides des fortifications de Lille et
dans la forêt de Mormal.
On peut placer ici la famille des Anthocorides formée de petites
Punaises utiles qui vivent, sur les arbustes, de Pucerons, de Cochenilles
et de minimes chenilles. Ces insectes, dont la marche est lente, se
tiennent dans les bois, sur les fleurs ou sur le tronc des arbres, sous
les écorces ou sous les mousses, dans lesquelles ils se cachent pendant
l'hiver pour en sortir de bonne heure, au printemps. Il ne faut pas
détruire ces Punaises carnassières; il est même bon de les ramasser au
dehors, pour les introduire sous les châssis et dans les serres, avec les
Coccinelles (Coléoptères), les Chrysopes (Névroptères), les Syrphes
(Diptères). Les Anthocorides ont la tête petite, avec un prolongement
mousse entre les antennes, celles-ci moins longues que la moitié du
corps, de quatre articles, dont le second est le plus long, les yeux glo-
buleux, très saillants, les ocelles saillants, très éloignés l'un de l'autre,
rapprochés des yeux, le rostre de trois articles apparents seulement, ne
dépassant pas l'insertion des pattes antérieures, le prothorax trapézoïdal,
à angles mousses non saillants, les hémélytres dont la corie offre une
articulation qui forme une sorte d'appendice à son extrémité, et dont
la membrane est claire avec une nervure arquée, très saillante, située
près du bord externe; les pattes sont assez longues, à peu près d'égale
longueur, les cuisses légèrement fusiformes et d'égale grosseur, les
pattes antérieures propres à saisir une proie, ayant les cuisses présen-
tant en dessous une rainure propre à recevoir la jambe, qui est garnie
au côté interne, soit de fines dents, soit d'une espèce de brosse, desti-
nées à retenir ce qu'elles pressent contre la cuisse. Le genre principal
de cette famille de Punaises carnassières est le genre Anlhocoris, Fallen,
et l'espèce la plus répandue dans toute la France, A. nemorum, Linn.,
PHYMATIENS. ,S17
de h millimètres de long, d'un noir luisant, les hémélytrcs, pâles avec
une bande transverse au milieu de la corie et son extrémité brunes, la
membrane des hémélytres blanche, avec une grande tache enfumée,
en triangle irrégulier qui en occupe toute l'extrémité, les antennes
pâles, le premier article, l'extrémité des second et troisième et le der-
nier, noirs, les pattes pâles, l'extrémité des cuisses postérieures brunes.
Une seconde espèce de même taille, un peu moins commune, est
r.-l. nemoralis, Fabr., paraissant toute l'année, sur les fleurs en été, sous
les. écorces en hiver, ayant les antennes plus courtes et plus épaissies,
la bande transverse du milieu de la corie presque nulle et la tache de
l'extrémité plus foncée, la membrane blanche, son extrémité et trois
petites taches au-dessus, brunes. Citons encore une espèce plus petite,
de 2 millimètres seulement, A. minutus, Linn., du sous-genre Triphlebs,
Fiéber, le dernier article des antennes en pelote allongée, surtout dans
les femelles, aussi long que le troisième ; insecte noir, la corie des hém.é-
lytres pâle, l'extrémité de l'appendice brun, la membrane transparente,
légèrement enfumée, toutes les jambes pâles, toutes les cuisses ren-
flées, noires au milieu ; espèce très commune partout et toute l'année,
en avril sur les chatons des Saules, avec A. nemorum et carnassière
comme elle. Dans le genre voisin Xylocoris, L. Dufour, les deux der-
niers articles des antennes sont en soie fine et velue ; ex. : X. rufîpen-
nis, \j. Duf., des bois de Pins de la France méridionale.
Tribu des phymatikms.
Cette petite tribu, qui n'offre en Europe que le genre Phymata, I,alr.,
est formée de Punaises qui vivent de proie et dont les pattes antérieures
sont ravisseuses, avec les hanches allongées et les cuisses très renflées;
les antennes de quatre articles, par un fait exceptionnel chez les Hété-
roptères carnassiers, au lieu de se terminer en soie fine et déliée, ont
le dernier article renflé en massue allongée et reçu dans une fossette
creusée en dessous du bord membraneux du pronotum. Le corps est an-
guleux en dessous et scaphoïde en dessus, les bords du pronotum et de
l'abdomen lamelliformes et relevés. La tête est étroite et assez longue,
bifide en avant, avec un sillon transverse au milieu; il y a des ocelles
et les yeux sont au milieu des côtés de la tète, un peu en dessous. Le
rostre, fort et court, atteint les hanches antérieures. Le prothorax est
sillonné longitudinalement en dessus au milieu, avec une carène de
chaque côté du sillon. Les hémélytres otfrent une corie, un clavus
étroit et court, une membrane avec quatre ou cinq nervures principales,
se bifurquant peu après la base en nombreuses nervures parallèles. Les
pattes antérieures, très renflées, sont ravisseuses, la jambe formant une
forte pince avec la cuisse. Tous les tarses sont à deux articles. L'abdo-
men offre, dan? les deux sexes, six segments stigmatifères, en outre,
(JlttAUD. l'i. — 52
818 HÉMIPTÈRES.
un segment génital ovalaire chez le mâle et deux chez la femelle. Cette
tribu offre des rapports, d'une part avec les Tingidiens et les Aradiens,
d'autre part avec les Réduviens.
PBYMilkTA, Latr. — Corps dilaté en membrane de chaque côté ; tête fendue,
et bi-épineuse en avant, prolongée au delà de l'insertion des antennes : gorge
profondément creusée pour recevoir le rostre de trois articles; antennes insé-
rées en avant et assez loin des yeux, sous le prolongement antérieur de la tête
beaucoup plus courtes que le corps : le premier article très petit, les second et
troisième d'égale longueur, le quatrième fusiforme et très épaissi, aussi long
ou plus long que tous les autres pris ensemble dans les mâles, moins long dans
les femelles; yeux circulaires; ocelles derrière les yeux et au-dessus d'eux, sur
un rebord saillant du vertex et sous une pointe saillante qui s'y fait remarquer;
prothorax grand, dilaté de chaque côté; écusson triangulaire, très court; hè-
mélytres aussi longues que l'abdomen, avec la membrane claire, beaucoup plus
grande que la corie, à nervures nombreuses et fourchues ; ailes plus courtes que
les hémélytres ; pattes à hanches antérieures fort allongées, les cuisses anté-
rieures renflées, creusées d^un canal en dessous pour recevoir les jambes, celles-
ci grêles, courtes, avec un tarse très petit logé dans une rainure de la jambe,
les quatre pattes postérieures ambulatoires, à peu près subégales en longueur
et grêles, à tarses de deux articles ; abdomen affectant la forme rhomboïdale
et à bords dilatés en membrane.
Ce genre a été étudié par M. Westwood {Trans. entom. Soc. ofLondon,
III, 18). Nous avons en France, mais assez rare, le P. crassipes, Fabr.
pi, C, fig. 11, antenne du mâle, la Punaise à pattes de Crabe de Geoffroy,
d'un brun ferrugineux et jaunâtre en dessous, de toute l'Furope méri-
dionale, sur les fleurs, dans les bois des environs de Paris et aussi de
l'Amérique septentrionale, volant avec facilité et sans aucune odeur.
Nous représentons également l'antenne du mâle de P. œrosa, Linn., des
États-Unis d'Amérique, pi. C, fig. 12.
MACllOCEPHAIiUS, Swederus, syn. : Syrtis, Fabr. — Tête beaucoup plus
longue que chez les P/tymata, son bord antérieur non prolongé en bifurcation
entre les antennes; antennes courtes, épaisses, insérées très près l'une de l'autre
au bord antérieur de la tête, de quatre articles, les trois premiers courts, le
quatrième, le plus grand de tous et le plus épais, ovalaire et pointu ; ocelles
très distincts, en arrière des yeux, rapprochés l'un de l'autre; bec court et gros
reposant dans un canal à côtés peu élevés, ne dépassant pas l'insertion des pattes
antérieures ; prothorax trapézoïdal ; écusson très grand, atteignant l'extrémilé
de l'abdomen et recouvrant les hémélytres, comme dans les Scutellères ; hémé-
lytres ayant une légère corie coriace, le reste en membrane à quatre nervures
longitudinales ; pattes comme les Phymata.
On consultera, pour ce genre américain : Weslwood, Monographie
des Macrocephalus, dans les Trans. de la Soc. entom. de Londres, t. III,
DYSODIUS, ARADUS. 819
p. 18 à 31, pi. 1. Nous représentons une espùce du Brésil, M. affinis,
G. Mén., de 12 millim. de long sur k de large, pi. C, fig. 10, 10, a, tête
et partie antérieure grossie du prothorax portant les pattes ravisseuses,
10, 6, antenne grossie, l.e corps est brun et rugueux, couvert de petites
écailles ou poils courts, d'un jaune grisâtre, l'écusson d'un jaune d'ocre
avec une large carène longitudinale au milieu, le prothorax élevé et bi-
tuberculé en arrière.
Tribu des arabiens.
Cette tribu se compose de Punaises qui vivent sous les écorces ou dans
leurs fentes, où leur forme aplatieleur perm et de se glisser, d'où le
nom de Corticoles donné par Amyot. Corps ovalaire, très plat en dessus
et en dessous; tête horizontale, avec un long prolongement obtus entre
les antennes; tubercule antennifère prononcé et pointu en dehors; an-
tennes de quatre articles épais ; ocelles nuls ; yeux saillants et en
arrière de la tête ; pronotum ordinairement avec des carènes longitudi-
nales; liémélytres débordées par l'abdomen dilaté, la membrane, le plus
souvent, avec nervures irrégulières, anastomosées; pattes courtes;
tarses de deux articles.
DYi§ODlU§)^ Le Peletier et Aud. Serville. — Tête sans prolongement des bords
latéraux postérieurs ; prothorax à angles antérieurs prolongés en croissant très
prononcé ; hémélytres plus étroites et plus courtes que l'abdomen, avec mem-
brane à cellules irrégulières; pattes assez courtes, à cuisses un peu renflées;
abdomen ayant ses côtés découpés en lobes arrondis.
Le type de ce genre est le D. lunatus, Fabr., la Punaise araignée de
Stoll, pi. C, fig. 15, de la Guyane et du Mexique, ayant environ 15 millim.
de longueur, d'un brun ferrugineux, les côtés saillants du prothorax et
les lobes de l'abdomen finement denticulés en scie.
ARADUS, Fabr. — Corps aplati et ovalaire ; tète plus ou moins prolongée entre
les antennes; antennes assez courtes, avec une forte épine divergente à leur
base, les articles cylindroïdes, le premier très petit, subcarré, 2 le plus long de
tous, 3 et 4 subégaux ; yeux petits, globuleux, très saillants, presque pédoncules,
rostre court, reposant dans une profonde rainure ; prothorax presque cordiforme,
dilaté et arrondi aux angles postérieurs; écusson triangulaire et assez long;
hémélytres arrondies à leur extrémité, à membrane très développée, avec quatre
nervures longitudinales courbées; pattes courtes et grêles ; abdomen très aplati
et ovalaire.
Nous représentons, pi. C, tîg. IZi, l'antenne de VA. corticalis, Linn.,
syn. complanatusy Herr. Schœf., de 6,5 millim. (mâle) à 8 (femelle), les
820 HÉMIPTÈRES.
antennes noires, le corps d'un noir brunâtre obscur, avec les bords des
divers organes ferrugineux, les membranes noires, les bords du prono-
tum arqués, irrégulièrement denticulés; midi delà France (Amyot),
Vosges et Alsace, rare (Puton). Citons encore : A. depressus, Fabr., la
Punaise Léviatan de Geoffroy, de 5 à 6 millim. de long, d'un brun noir,
varié de ferrugineux et de blanchâtre, l'écusson très excavé, les hémé-
Ivtres aussi longues que l'abdomen, se dilatant un peu et plus larges
que lui à leur base, les cories blanchâtres, marbrées de brun, les mem-
branes brunes, à nervures et taches blanches, les pattes blanchâtres,
avec anneau brun aux cuisses ; assez commun dans toute la France,
sous les écorces des arbres à feuilles caduques, saules, hêtres, chênes, etc.
\Ln toute saison on trouve sur les écorces des colonies de cet insecte,
composées d'individus adultes et de larves de tous les âges, ce qui doit
faire supposer que leurs générations se succèdent rapidement dans le
cours d'une année.
Tribu DES TIJVGITIEWS.
Les Tingitiens, de même que les Aradiens, appartiennent au groupe
de Punaises dites Membraneuses, insectes de petite taille, offrant un
aspect spécial par suite des prolongements lobés ou des excroissances
vésiculaires que présentent généralement le prothorax, les hémélytres
et l'abdomen. La gaine du rostre tri-articulé se cache dans une gouttière
le long du cou, les ocelles manquent le plus souvent, les antennes sont
de quatre articles, le vertex de la tête est souvent épineux, l'écusson
est ordinairement caché par un prolongement triangulaire du pronotum
caractère d'Hydrométride). Les hémélytres sont homogènes, réticulées,
(presque toujours sans distinction de corie, de clavus et de membrane ;
les tarses sont de deux articles, sans pelote entre les griffes ; beaucoup
de genres présentent sur le bord antérieur du pronotum une sorte
d'ampoule ou renflement vésiculeux réticulé. Les Tingitiens sont des
phytophages, vivant sur des végétaux dont ils pompent les sucs, les
espèces ordinairement confinées sur plantes spéciales à chacune d'elles.
TlIWCilS, Fabr. — Antennes longues et grêles, de quatre articles, fines, termi-
nées en massue, le premier article cylindrique, plus long que le second qui est
très petit, le troisième plus long que les autres ensemble et grêle, le dernier
très petit, globuleux ; cinq longues épines frontales, rostre reposant dans un
sillon assez profond, étendu jusqu'à l'extrémité du sternum; prolhorax prolongé
poslérieurementen une a=sez longue pointe, qui recouvre complètement l'écusson,
le disque avec un renllement vésiculeux, et trois lignes longitudinales élevées en
son milieu, quelquefois dilatées en folioles, ainsi que ses côtés; hémélytres ova-
laires, plus longues et plus larges que l'abdomen, ayant les côtés dilatés en
TINGIS, CIMEX. 821
feuille, avec un rendement vésiculeux sur leur disque, toutes ces parties vési-
culeuses et foliacées d'une transparence membraneuse, et présentant un réseau
à petites cellules formées par de fines nervures ; pattes grêles, d'égale lon-
gueur.
Le type de ce genre est le T. piri, Geoffroy, Fabr., la Punaise à fraise
antique, de Geoffroy, le Tigre du poirier des jardiniers,long de 3 à /i millim. ,
pi. G, flg. 13, antenne pareille dans les deux sexes, le corps brun, les an-
tennes ayant leurs articles grêles, plus ou moins tachés de brun, les
côtés du prothorax notablement dilatés en feuille arrondie, transparente,
le renflement prédorsal en forme de grosse vessie globuleuse, les hémé-
ly très blanchâtres, avec quatre taches brunes, placées deux à la base,
deux à l'extrémité, se prolongeant obliquement, quelquefois de manière
à former entre elles une croix, les pattes pâles ; c'est le bariolage de
cette petite Punaise qui lui valut le nom de Tigre. Elle se trouve dans
presque toute la France, sauf les Vosges et le Nord, sur les poiriers
auxquels elle est très nuisible, car les larves, les nymphes et les adultes
vivant en nombreuses familles sous les feuilles, criblent la face inférieure
de piqûres que surmontent de petites éminences brunes qu'on prendrait
pour des puccinies, de sorte que les poiriers sont bientôt en fâcheux
état. C'est surtout aux arbres en espalier que ce Tingis fait beaucoup de
tort ; il est plus rare sur les poiriers en pyramide. Les adultes volent
très bien et partent par centaines si on secoue les branches, mais pour
revenir bientôt reprendre leurs places. Les ravages ont lieu surtout à
la fin d'août et en septembre; comme à cette époque il y a peu de sève,
on peut sans inconvénient couper le soir avec des ciseaux les feuilles
attaquées, car à ce moment les Tingis endormis ne s'envolent plus, et
on les brûle immédiatement avec les feuilles sur un réchaud. Ou bien
on fait des lotions de jus de tabac ou d'une forte lessive de savon noir ;
ou bien on étend un drap le long de l'espalier, on opère des fumigations
de tabac ou de feuilles de noyer, et on ramasse pour les détruire les
Punaises qui tombent engourdies par la fumée toxique.
Tribu des CIltllClEMS.
Cette tribu est presque uniquementformée par le genre Cmecc, Linn.,
syn. Acanthia, Fabr., composé d'Hémiptères piquant l'homme ou divers
animaux, se nourrissant seulement du sang ainsi extrait sur des (Ures
vivants.
CIMEX, Linn.. syn. : Acanthia, Fabr. — Corps aplati, en ovale très arrondi, à
surface finement ponctuée et velue, à contours ciliés ; tête arrondie, avec un
petit prolongement transversal entre les antennes, sans cou derrière les yeux.
822 HÉMIPTÈRES.
ceux-ci sphéroïdes, très saillants, presque pédoncules; pas d'ocelles; antennes
assez longues, de quatre articles, le premier très court, noduleux, le second
cylindroïde,le plus grand de tous, légèrement velu, les deux suivants filiformes,
velus, à peu près d'égale longueur entre eux; rostre de trois articles subégaux,
mobiles en divers sens, appliqué dans un léger sillon de la gorge et ne dépas-
sant pas l'insertion des pattes antérieures ; prothorax transversal, plus large que
la tête, à bords latéraux arqués, le bord antérieur profondément échancré pour
recevoir la tête, les angles antérieurs formant des espèces d'ailerons, le bord
postérieur coupé droit; écusson assez large, en triangle très obtus; métathorax
très développé en dessus, échancré profondément en avant pour recevoir l' écus-
son, avec un sillon longitudinal en arrière de la pointe du dernier ; moignons
d'hémélytres, en forme de petites écailles ovalaires, s'étendant sur le premier
segment abdominal en dessus; pattes assez courtes, fortes, velues, les posté-
rieures un peu plus longues que les autres, les cuisses épaisses, fusiformes, un
peu comprimées, les tarses assez longs, de deux articles, le premier court, le
second très long, courbé et muni de deux crochets, sans pelote intermédiaire ;
abdomen circulaire, beaucoup plus large que le thorax, composé de sept seg-
ments, non compris la pièce anale qui le termine.
L'espèce principale est le C. lectularius, Linn., la Punaise des lits de
Geoffroy, de Ix à 5 millim. de long, d'un rouge brun clair, avec des poils
jaunâtres très serrés, pi. C, fig. 16, tête grossie, 16, a, tarse postérieur
grossi. On présume, mais sans preuve certaine, que ce triste insecte
nous vient des Indes Orientales et qu'il y acquiert parfois des ailes et
vole, fait extrêmement rare dans les pays tempérés, où il reste d'habi-
tude à l'état aptère, à la forme nymphale. Il a été connu des anciens,
comme le prouve une phrase d'Aristote {Hist. des anim., liv. Y>
chap. xxxi) : « Parmi les Insectes, ceux qui ne sont pas carnivores,
mais qui vivent des humeurs de la chair vivante, comme les Poux, les
Puces, les Punaises {Koreis), etc. » Pline et Dioscoride en font aussi
mention. Il paraît avoir été introduit tardivement en Angleterre, en 1503:
d'après Moufet (Theatrum insectorum, Londres, 163Zi) deux dames nobles
furent si effrayées des pustules résultant de ses piqûres, qu'elles firent
venir immédiatement leur médecin, se croyant atteintes de quelque
contagion. La Punaise des lits se trouve dans toute l'Europe, sauf dans
l'extrême Nord, et Lyon, en France, a été quelque temps comme son
quartier général. Elle est très commune à Alger, se rencontre aussi
à Bône et à Oran (H. Lucas). Elle se cache dans les fentes des lits
et des meubles, sous les coussins et dans les crevasses des vieilles
voitures publiques, dans les bagages des voyageurs, malles et
caisses, qui la transportent partout. Le naturaliste voyageur espagnol,
Azzara, fait remarquer qu'elle n'infeste pas les hommes à l'état
sauvage, mais seulement lorsqu'ils vivent à l'européenne, réunis
dans des habitations ; c'est pourquoi il émet cette opinion singu-
lière que les Punaises ont été créées longtemps après les hommes,
ciMEX. 823
et seulement lorsque ceux-ci étaient déjà constitués en gouver-
nements.
La Punaise est un insecte nocturne, qui se cache pendant le jour et
répand une mauvaise odeur. Elle ne se mot en mouvement que pendant
la nuit pour chercher sa nourriture et se remplit de sang humain,
qu'elle absorbe en piquant la peau des personnes endormies, sa salive
empoisonnée déterminant une petite ampoule, ou au moins une aréole
rougcâtre, autour du trou percé par le rostre. Elle a môme l'instinct de
se laisser tomber verticalement de dessus le lit ; on assure qu'un des
meilleurs moyens de l'écarter est de tenir la chambre bien éclairée. Le
sang dont elle se remplit lui donne, surtout quand elle est jeune
et avant la première mue, une -couleur d'un rouge vif et qui se rem-
brunit au bout de quelques heures, à mesure que s'opère la digestion.
Le ventre, enflé d'abord par la présence du sang, s'aplatit peu à peu,
blanchissant sur les bords, le disque foncé central diminuant peu à peu
et se réduisant enfin à un point noirâtre à l'extrémité de l'abdomen. Le
ventre devient entièrement plat au bout de cinq à six semaines, et c'est
alors que l'insecte, pressé par la faim, cherche à reprendre des aliments.
Les Punaises ne touchent pas aux gouttes de sang répandues ni à des
morceaux de chair fraîche; elles veulent des sujets vivants à piquer.
Elles évacuent par l'anus des résidus digestifs inodores, tantôt une liqueur
noire et gluante et qui se fige promptement, tantôt, au contraire, une
matière blanche. Dès que les froids de l'hiver commencent à se faire
sentir, la Punaise s'engourdit et son accroissement est suspendu j usqu'au
retour du printemps, pendant trois à quatre mois environ. Avec la cha-
leur reparaissent des Punaises de toute grandeur, à tous les états de
mue, phénomènes qui s'opèrent sans époques bien régulières, pendant
toute la belle saison, et dépendent évidemment de la température et de
l'abondance de nutrition.
D'après Amyot, la Punaise a quatre mues, à intervalles d'autant plus
rapprochés que la température est plus élevée. Elles s'opèrent rapide-
ment, comme si la peau s'écartait d'elle-même pour laisser sortir l'in-
secte, qui semble déshabillé par une main invisible. La Punaise qui,
au sortir de l'œuf, a 1 millim. de longueur, en a 3 au moment de la
première mue, 3 ou ù avant la seconde, 4 ou 5 avant la troisième et
environ 5 lors de la quatrième, alors qu'elle paraît sous la forme nym-
phale, avec des moignons d'hémélytres. L'insecte est lourd et comme
malade quelque temps avant chaque mue et reste à la même place
pendant qu'elle s'opère. Il est blanc au sortir de la peau, faible el mar-
chant lentement; mais bientôt la vivacité revient et la couleur prend
une teinte ferrugineuse qui se rembrunit de plus en plus. La ponte des
femelles a lieu, sans distinction, à toutes les époques de l'année, pourvu
que la température les maintienne en mouvement. La ponte s'opère soit
que les femelles soient pleines du sang qu'elles viennent d'absorber,
soit quand l'aplatissement complet de leur abdomen annonce qu'elles
82^ HÉMIPTÈRES.
n'ont pas mangô depuis longtemps. Pendant les grandes chaleurs de
l'été, elle a lieu, d'après Amyot, au moins sept à huit jours après
l'accouplement. Chacune pond de cinq à quinze œufs environ, sans
symétrie, chaque œuf à quelques heures ou même à une journée d'in-
tervalle d'un autre; ces œufs soni pondus dans des lieux obscurs,
comme les fentes des lits, le dessous des meubles ou des papiers de ten-
ture décollés. La femelle ne semble pas plus grosse avant d'avoir pondu
qu'après ; l'œuf doit donc grossir rapidement dans l'oviducte.
Cet œuf est très gros relativement aux dimensions de la mère, ayant
1 millimètre de long et à peu près 0,5 millimètre de large. 11 a la forme
d'un cylindre légèrement courbe en arc, un peu plus gros d'un bout
que de l'autre; sa couleur est d'un gris perle uniforme et sa surface
couverte de petits poils ras et courts. 11 adhère aux objets au moyen de
la matière gluante que la femelle rejeite par Tanus. L'œuf est quelque-
fois un peu déprimé avant l'éclosion et on observe aussi un petit point
rouge de chaque côté de l'opercule; ce sont les yeux de l'insecte visibles
par la transparence de la coque de l'œuf. L'opercule, destiné à s'ouvrir
pour donner passage à la larve, est situé au bout le plus petit de l'œuf.
Cette extrémité présente, autour de l'ouverture que forme l'opercule,
un petit rebord semblable à celui d'une marmite, et l'opercule, un peu
bombé au milieu comme une calotte, ressemble, quand il est fermé, à
un mamelon qu'environne ce rebord élevé à l'entour. Il s'ouvre par un
gond unique fixé dans le rebord lui-même, qui s'incline et s'abaisse
en cet endroit, du côté de la courbure externe de l'arc formé par le
cylindre. L'éclosion a lieu, selon la température, de cinq à douze jours
après la ponte; la larve sort, la tête la première, en poussant l'opercule
pour le forcer à s'ouvrir, et s'aidant d'un léger mouvement du rostre
et des pattes pour se tirer hors de l'œuf. Le rostre et les pattes, réunis
en faisceau et serrés contre le sternum, sortent les derniers de l'œuf, le
bout de l'abdomen étant sorti avant eux; après cette sortie, l'opercule
se referme quelquefois sur l'ouverture.
Lors de l'éclosion, la larve a la grandeur de l'œuf lui-môme, environ
1 millimètre; selon les individus, elle est d'un blanc de neige ou d'un
jaune blanchâtre; les yeux seulement tranchent sur sa teinte blafarde
comme deux points d'un rouge ferrugineux vif; l'abdomen, de forme
arrondie, présente un point brunâtre à l'extrémité. A peine sortie de
l'œuf, elle fait avec dextérité un saut pour se retourner, puis se met
immédiatement à courir avec une vivacité égale à celle des adultes les
plus alertes, et peut aussitôt pourvoir à. sa nourriture. Les Punaises
femelles ne survivent que quatre à huit jours après avoir terminé leur
ponte, n'ayant pas encore digéré le sang dont elles peuvent être rem-
plies, ce qui démontre bien qu'elles ne meurent pas de faim. Les
Punaises adultes peuvent vivre environ deux mois sans prendre de
nourriture, pleines de sang et renflées au début, plates et décolorées,
n'ayant plus qu'un point discoidal noir à l'extrémité du ventre lors
CIMEX, RÉDUVIENS. 825
qu'elles meurent. Les larves sorties des œufs peuvent demeurer sans
manger de deux à six semaines. Les Punaises tenues sans nourriture
dans des vases de verre sont aussi vives à la fin de leur jeûne qu'au
moment où on les a prises, ne paraissant s'affaiblir que peu d'heures
avant de mourir. Un appartement qu'on laisserait inhabité pendant trois
mois devrait donc se trouver débarrassé des Punaises; malheureuse-
ment, comme elles marchent très bien et se glissent par les moindres
fentes, d'autres peuvent revenir, attirées par les émanations odorantes
humaines, aussitôt que l'appartement est habité de nouveau.
On a cherché par bien des moyens à opérer une destruction radicale
d'animaux aussi répugnants que la Punaise des lits. ICn général, les
odeurs fortes ne la font pas mourir, mais certaines peuvent l'éloigner;
ainsi l'ail, l'acide sulfureux, l'essence de térébenthine; dans certains
villages on place des bottes de fleurs de camomille sous les paillasses
des jeunes enfants. On passe à la chaux ou à la peinture les lits démon-
tés, les boiseries, les murailles infestées de Punaises. Un bon moyen, qui
exige que l'appartement soit absolument inoccupé, est de faire dégager
des vapeurs de mercure, au moyen d'une capsule de mercure placée
sur un réchaud. Le procédé le plus habituel aujourd'hui est l'emploi'
de la poudre de pyrètre du Caucase, dite insecticide Vicat, où le fabri-
cant a obtenu un degré de pulvérisation d'une excessive ténuité, ce qui est
capital pour l'emploi des poudres insecticides qui agissent surtout en obs-
truant le plus complètement possil)le les stigmates respiratoires des In-
sectes. On lance la poudre Vicat avec de petits soufflets dans les fentes
et les coins des lits et des boiseries et sous les papiers de tenture dé-
collés ; l'effet est très prompt. On voit tomber les Punaises qui ne font
plus que quelques mouvements convulsifs et meurent bientôt. Un moyen
singulier et peu connu de détruire la Punaise des lits est le suivant :
le soir on dissémine sur le lit des feuilles de haricot fraîches, et le len-
demain on y trouve des Punaises fixées à la face inférieure duveteuse et
qu'il est alors aisé de ramasser.
Une autre Punaise plus petite, de l'est de la Russie, est le C. cibatus
Eversmann, marchant à pas lents, ne vivant pas en sociétés et piquant
plus fortement que C. lectularius, Linn., parce que son rostre est plus
long. On a signalé aussi des Cimex spéciaux vivant dans les poulaillers
et colombiers, sur l'Hirondelle, sur les Chauves-Souris.
Tribu des redijviems.
Les Réduviens sont des Punaises de proie, vivant du sang des Insectes
et même, pour certaines espèces,des animaux supérieurs et de l'homme,
ce qui donne une réputation terrible à divers Réduviens des pays chauds,
dont la très douloureuse piqûre semble produire un choc électrique
826 HÉMIPTÈRES.
(Arilus). La plupart des espèces d'Europe sont petites et se dissimulent
dans les herbes, plus rarement sur les buissons, restant volontiers ca-
chées pendant le jour, rôdant la nuit à la recherche des petits Insectes,
surtout des Musciens. Tous les Réduviens s'avancent lentement et à
pas mesurés, malgré la longueur de leurs pattes. Cette tribu correspond
aux Nudirostres d'Amyot, en raison d'un rostre nu et dégagé librement
de la tête, en forme d'alêne et de trois articles. La tête est rétrécie en
forme de cou derrière les yeux à fleur de tête ; le prothorax est arrondi
sur les côtés et divisé par un étranglement transversal en une partie
antérieure généralement plus étroite et une partie postérieure plus
large. Dans la plupart des genres le vcrtex porte deux yeux accessoires
placés sur une protubérance située derrière un sillon transversal; il y
a des exceptions formées de genres privés d'ocelles, comme les genres
Emesa, Emesodema, Ploiaria. Les antennes sont normalement de quatre
articles, mais souvent avec des articulations intermédiaires en nombre
variable ; les deux derniers articles sont, en général, fins et longs, le
dernier surtout en forme de soie très déliée, caractère fréquent chez les
Hétéroptères prédateurs. Les hémélytres ont deux cellules principales
placées sur le disque et formées par trois nervures obliques, qui sont
réunies par une autre près du bord externe, plus une autre cellule qui
se prolonge ordinairement derrière la seconde et se divise quelquefois
en deux vers l'extrémité. Les pattes poilues présentent les cuisses géné-
ralement épaissies et armées de nombreuses épines, aidant la Punaise
à retenir les Insectes; ces pattes se terminent par des tarses de trois
articles, le dernier sans ambulacre, et sont très longues, les postérieures
surtout. Certains genres ont les pattes antérieures disposées pour la pré-
hension, offrant de l'analogie avec les Mantes (Orthoptères) et les Man-
tispes (Névroptères), les jambes se repliant contre les cuisses et entre-
croisant leurs épines ; en outre ils ont les ailes plus ou moins atrophiées,
ainsi les deux paires dans une partie des Emesa et dans les Emesodema.
REDIITiu§(, Fabr. — Tête petite et arrondie, ayant le bord antérieur incliné
presque brusquement après l'insertion des antennes; antennes fines et assez
velues, le premier article le plus long, 2 et 3 subégaux, 4 court ; yeux gros et
saillants ; ocelles très gros, sur une éminence derrière les yeux ; rostre très aigu,
son second article le plus long, le troisième très court; prothorax trapézoïdal, à
angles postérieurs arrondis, le bourrelet antérieur et le disque postérieur offrant
un sillon longitudinal commun ; écusson très court, finissant en épine aiguë ;
abdomen en ovale allongé, un peu étranglé à sa base ; hémélytres entièrement
membraneuses, sauf un bord externe, assez large à la base et légèrement co-
riace ; pattes velues, assez longues, les postérieures plus que les autres, les
cuisses antérieures renflées et fusiformes, une fossette spongieuse très prononcée
dans les deux sexes à l'extrémité des quatre jambes postérieures.
Les fossettes spongieuses dont il est question dans la diagnose se voient
REDUVIUS, EULYES. 827
aux jambes de beaucoup de Réduviens : elles ont des corps ovalaires,
charnus et pulpeux, à surface inférieure couverte d'un duvet serré,
qui paraît au microscope comme du velours; cette pelote spongieuse
est un organe tactile, dont l'utilité s'adapte aux habitudes d'Insectes
essentiellement chasseurs. Le type du genre Reduvius est le P. perso-
natus, Linn., la Punaise mouche de Geoffroy, la Punaise mouche noire de
Stoll, pi. G, fig. 18, tête vue de profil, 18, a, base du rostre très grossie,
18, 6, tarse postérieur, 18, c, antenne, de 16 à 17 millim. de longueur,
de couleur noire ou brune uniforme, luisant et velu, les pattes un peu
rougCiàtres. Il est assez commun à la belle saison dans l'intérieur des
maisons où il a passé l'hiver à l'état de nymphe, et vient souvent voler
dans les habitations autour des lumières par les nuits chaudes de l'été;
on le prend aussi sous l'écorce des arbres, sa larve se trouvant souvent
dans les troncs pourris, cachée par des débris. Il faut le rechercher
dans les greniers, à la campagne. Quand on le tient dans la main, il
fait entendre un bruit analogue à celui des Cérambyx, en frottant le
rostre contre le sternum; ce bruit cesse quand le rostre est coupé. Il ne
faut saisir ce Réduve qu'avec précaution, comme la plupart des Rédu-
viens du reste, car il enfonce dans la peau son rostre acéré, imprégné
d'une salive venimeuse, qui cause une douleur comme un trait de feu
et fait enfler tout le membre.
Les Araignées n'osent s'approcher du Réduve pris dans leurs toiles et
l'y laissent mourir de faim avant de venir le dévorer. Le nom d'espèce
personatus, qui veut dire masqué, vient des singulières habitudes de la
larve, toute velue, de figure difforme, se roulant dans les coins poudreux^,
s'entourant de poussières et d'ordures, comme d'un masque crasseux
qui la cache à ses victimes ; il est probable que le mot Reduvius vient de
cet aspect de dépouilles : reduviœ. Cette larve a une démarche particu-
lière : aussitôt qu'elle a porté une patte en avant, elle s'arrête un ins-
tant; elle avance ensuite la seconde patte du même côté, sans mouvoir
encore celles du côté opposé, procédant ainsi ti une progression sacca-
dée, en agitant l'antenne correspondante. Elle s'approche à petits pas de
sa proie, comme le Réduve adulte, la palpe à l'aide des antennes, afin de
s'en rendre compte, puis bondit sur elle et lui enfonce son rostre dans
les chairs. On dit que cette larve, outre les Mouches domestiques, pour-
chasse dans les maisons les Punaises de lit, bien gorgées de sang. Le Ré-
duve masqué est de toutes les parties de la France et se trouve aux envi-
rons d'Alger et de Bône et dans le cercle de La Galle, se réfugiant, après le
coucher du soleil, sur les terrasses et dans les maisons. On le cite des États-
Unis, notamment de Pensylvanie, où il a peut-être été importé d'Europe.
EUliYES, Amyot. — Antennes longues et fines, les deux premiers articles grêles,
le premier très long; tête assez grande, avec un prolongement au delà des
yeux à peu près de la longueur du cou, sans tubercule ni épine à la base des
antennes ; yeux assez gros et saillants; ocelles très gros et saillants; rostre fin,
828 HÉMIPTÈRES.
atteignant l'insertion des pattes antérieures ; prothorax trapézoïdal, très rétréci
antérieurement, les angles postérieurs niutiques, les deux disques antérieur et
postérieur lisses et sans épines ; abdomen dilaté de chaque côté en feuille oblongue
et fendue à l'extrémité, ce qui lui donne l'apparence d'une feuille double ; hémé-
lytres un peu plus longues que l'abdomen, avec corie assez longue, le tissu des
cellules de la membrane finement guilloché ; pattes d'égale longueur entre elles,
les cuisses cylindroïdes, sans épaississement.
Le type de ce genre est E. amœna, G. Mén., pi. C, fig. 17, mâle, de
30 millim. de long et 8 millim. de large au thorax, d'an beau rouge
vermillon sur le vivant, rouge brique sur le sec, avec les parties noires
ayant un reflet métallique bleuâtre, la tète, les antennes, la partie pos-
térieure du prothorax, les membranes des hémélytres, quatre taches sur
chaque côté dilaté de l'abdomen, un anneau au milieu des cuisses et
des jambes, à l'exception de la base, noirs, de Java.
Dans le genre Pirates, Burmeister, le sillon transversal du prothorax
est plus approché du bord postérieur que de l'antérieur, les antennes de
quatre articles sont filiformes et légèrement velues, les yeux gros et
saillants, les ocelles très gros, placés en arrière et très près des yeux,
sur un tubercule, le rostre assez gros, courbé, finissant en pointe aiguë,
L'écusson est légèrement creusé sur son disque, l'abdomen assez allongé,
ovalaire, à bords tranchants, ne dépassant pas les hémélytres sur les
côtés, celles-ci de la longueur de l'abdomen, avec la membrane offrant
les deux cellules ordinaires, les pattes assez fortes et velues, les cuisses
antérieures renflées et épineuses en dessous. Ce genre d'Hétéroptères
prédateurs a d'assez nombreuses espèces dans les régions chaudes des
deux mondes. Il est représenté en Europe par le P. stridulus, Fabr.,
de 12 à 13 millim. de long dans les deux sexes, d'un noir luisant, les
hémélytres rouges, avec trois taches noires et rondes sur la corie, dis-
posées longitudinalement près du bord interne, l'intervalle entre ces
taches d'un jaunâtre pâle, la membrane d'un brun noirâtre, avec une
grande tache ovalaire d'un noir velouté au milieu, l'abdomen bordé de
rouge latéralement, avec une tache rouge à la base du ventre. Il est
commun dans toute la France, au commencement du printemps, assez
agile, ordinairement à terre et se cachant sous les pierres humides,
taisant entendre, quand on le saisit, un petit bruit aigu, produit par le
frottement de la partie postérieure de la tête contre l'ouverture corres-
pondante du prothorax. On trouve cet Insecte dans toute l'Algérie, en
hiver et pendant une grande partie du printemps.
La famille des Émésides comprend des Réduviens à hanches anté-
rieures grêles et très longues, ce qui les a fait nommer Longicoxes
par Amyot, et à pattes antérieures essentiellement ravisseuses; dans
cette famille commence à disparaître la forme ordinaire de réticula-
tion des hémélytres. Ces Insectes manquent dans l'extrême nord de la
France.
PLOIARIA. 829
PliOlAni.%, Scopoli. — Tète petite et arrondie; antennes capillaires, plus lon-
gues que le corps, les tieux premiers articles très longs; yeux petits, peu saillants;
ocelles indistincts ; rostre gros, court et arqué, de trois articles, le dernier fin
et aigu ; prothorax étroit, subrectangle, à angles arrondis, recouvrant le reste
du thorax, offrant un sillon transverse au milieu; hémélytres de la longueur de
l'abdomen; la membrane à petites cellules pentagonales; ailes inférieures am-
ples, transparentes, irisées ; pattes antérieures courtes, épaissies, les hanches
presque aussi longues que les cuisses, celles-ci un peu élargies, épineuses en
dessous, les jambes presque aussi longues qu'elles, le tarse n'ayant qu'un seul
article muni d'un seul crochet, les autres pattes très longues, grêles comme
des cheveux, avec les tarses petits, de trois articles, le dernier muni de deux
crochets dans les mâles.
L'espèce type est le P. vagabuncla, Liiin.. la Punaise culiciforme de
Geoffroy, de à millim. de long, qu'on trouve, mais assez rarement, aux
environs de Paris sur les arbres, vacillant et se balançant comme les
Tipules, marchant lentement et d'un pas mesuré sur les quatre pattes
postérieures, comme sur des échasses, cramponnant les minimes Insectes
avec ses pattes antérieures repliées et leur enfonçant son rostre dans le
corps. Elle est jaunâtre, tachetée de brun, les nervures des cories
blanches ; elle pénètre parfois dans les maisons. Elle s'envole aisément
et avec promptitude. La larve a les pattes très velues, à poils longs et
frisés comme de la laine, le corps d'un gris clair ponctué de noir; elle
vit de proie et se couvre de poussière, comme celle du Réduve masqué.
Nous représentons une espèce de la Havane un peu plus grande, P. pal-
lida, G.Mén., pi. C,fig. 19, de 5"'",5 de long sur 0,5 millim. de large, le
corps et les pattes d'une couleur brune très pâle, sans taches, les hémé-
lytres transparentes, à nervures un peu brunâtres, les ailes incolores et
irisées.
Une espèce plus aberrante, du genre Emesodema, Spinola, est E. do-
niestica, Scopoli, de 7 à 8 millim. de long, la tète petite et arrondie
portant de très longues antennes capillaires, le corps d'un jaunâtre rem-
bruni uniforme dans les deux sexes, les hémélytres et les ailes nulles,
de sorte que l'adulte a tout à fait l'apparence d'une larve, le thorax
gêrle et long, l'abdomen en ovale très élargi au milieu et très rétréci à
ses extrémités, les cuisses antérieures ^munies à la base d'une épine
longue et aiguë, les cuisses comprimées et les jambes repliées en pinces
ravisseuses, les pattes des paires 2 et 3 très longues et très fines, analo-
gues à celles des Tipules, les cuisses cylindroïdes, un peu plus épaisses
que les jambes. Cette espèce, qui paraît en été et en automne, court la
nuit à la recherche des Insectes, qu'elle saisit avec ses pattes ravisseuses
et entre dans les maisons. Elle se nourrit surtout de petits Tipulides et
Muscides, sans épargner sa propre espèce. La femelle dépourvue d'ovis-
capte pond une douzaine d'oeufs, fixés au moyen de gluten qui les en^
veloppe, oblongs et un peu velus, d'où la larve sort au bout d'une se-
830 HÉMIPTÈRES.
maine environ. Cette curieuse espèce est commune en Algérie, se
trouve en Espagne et en Italie et sur la bordure française méditerra-
néenne, remontant un peu dans l'intérieur, mais alors très rare, rencon-
trée à Lyon,à Marmande (Lot-et-Garonne), sur un mur, en juin (M. Fré-
déric Breignet), etc.
Tribu des isaldiems.
Les Saldiens sont de petits Hémiptères sauteurs, au moins dans plu-
sieurs de leurs genres, vivant principalement auprès des eaux, soit sur
les rivages de la mer, sur les bords sablonneux des cours d'eau douce de
l'intérieur, courant avec rapidité ou bondissant à l'aide des pattes pos-
térieures armées d'épines, ce qui rend leur capture difficile ; ils sont
carnassiers d'Insectes vivants et forment, avec les Hydromètres dont
nous allons parler, un groupe de transition qui conduit des véritables
Punaises terrestres aux Punaises aquatiques. Les Saldiens n'ont pas
d'étranglement derrière l.es yeux formant un cou; leurs yeux sont très
gros et saillants, aussi LatreiUe en formait le groupe des Oculés ; enfin
la membrane des hémélytres présente seulement des nervures longitu-
dinales.
OPHTAIiMICUS, Halin, syn. : en partie, Salda, Fabr, — Tête courte et très
large, de manière que les yeux dépassent de chaque côté la ligne du prothorax ;
bord antérieur offrant une pointe plus ou moins prolongée au milieu ; antennes
courtes, le premier article court, le second et le troisième subégaux, le qua-
trième aussi long que le troisième et un peu épaissi ; yeux grands et gros ; ocel-
les peu distincts, au moins aussi éloignés l'un de l'autre que des yeux ; rostre
de trois articles, le dernier long et très aigu, atteignant l'insertion des
pattes intermédiaires; prothorax subrectangle, arrondi sur les bords; écusson
grand et triangulaire ; hémélylres bombées, ayant quatre à cinq nervures peu
apparentes : pattes assez courtes, à peu près d'égale longueur, à cuisses peu
épaissies et fusiformes, à tarses très longs.
Nous représentons une espèce du Midi de la France, 0. erythroce-
phalus, Lep. Saint-Farg. et Aud. Serv., de 9 millim. de long, le corps
d'un noir luisant et ponctué, la tête, les antennes et les pattes d'un
fauve rcugeàtre, la membrane des hémélytres claire, pi. C, fig. l^■, li, a,
tête et une antenne grossies h, h, rostre très grossi; h, c, tarse postérieur
grossi. Certains auteurs éloignent beaucoup ce genre des véritables
Salda.
Tribu des hyuromÉTRIENN.
Nous avons vu dans le groupe des Gyrins des Coléoptères carnassiers
HYDROMETRA. 831
courant à la surface de l'eau, tandis que les Dytiques et genres voisins
explorent les profondeurs à la recherche de la proie ; de même des
Punaises à pattes longues et minces, dont nous ferons la tribu des Hydro-
métriens à genres assez disparates, courent ou nagent au soleil à
la surface des eaux dormantes, se dispersant, se rejoignant, se croisant
et se pourchassant en tous sens, tandis ([ue les véritables Hydrocorises
sont entièrement plongées dans l'eau. Par les temps froids les Hydromé-
triens demeurent dans une immobilité complète, prenant la fuite tou-
tefois dès qu'on les inquiète ou qu'on cherche à les saisir. Beaucoup de
ces Insectes ont des formes brachyptères, mais il en est de macroptères
qui voltigent quelquefois, ce qui explique l'apparition d'Hydrométriens
isolés sur les ornières des routes rempli(!s par l'eau de pluie et dans les
parties élargies des rigoles qui forment dans les montagnes l'origine des
ruisseaux. Les fréquentes expéditions de ces Punaises courant sur l'eau
sont motivées par la recherche de la nourriture, car elles sont des car-
nassiers de proie vivante qu'elles saisissent avec leurs pattes antérieures,
qui ne sont pas organisées cependant d'une manière spéciale pour la
préhension, mais que ces Insectes n'utilisent pas pour courir. La rési-
dence ordinaire des Hydrométriens est dans tous les amas d'eau un peu
étendus et surtout à eaux stagnantes, ainsi que dans les places calmes
des eaux courantes, même à la surface des mers chaudes sur les fucus
et algues flottants, parfois très loin des côtes (genre Halobates, Eschs-
lioltz). Les feuilles déposent des rangées d'œufs allongés sur les plantes
aquatiques.
Les caractères généraux des Hydrométriens sont peu nombreux, en
raison des familles très distinctes qui composent cette tribu. Les an-
tennes sont de quatre articles ; le corps est très dur, très coriace, cou-
vert en dessous d'un court enduit hydrofuge, soyeux et argenté. La corie,
le clavus et la membrane sont de consistance homogène et ne se sépa-
rent pas nettement, surtout dans les formes brachyptères qui sont nom-
breuses. Les côtés de l'abdomen sont fortement relevés, comme les
bords d'une barque, et les orifices odoriflques nuls ou indistincts. Les
ongles sont en général insérés avant l'extrémité du dernier article des
tarses, sans appendice membraneux entre eux, excepté dans le genre
très rare Mesovelia, Malsant et Rey et dans le genre Hydrometra, La-
treille.
La famille des Hydrométrides, moins exclusivement à la surface des
eaux que les autres, ne comprend que le genre Hydrometra.
HYDROMETRA, Lati'., syn. : Lùiitiobatcs, Burmeister. — Corps très allongé,
linéaire; tête cylindroïde, formant presque le tiers de la longueur du corps
renflée antérieurement; antennes filiformes, le premier article un peu plus
épais et plus court que les suivants, le troisième le plus long : pas d'ocelles ;
yeux globuleux, insérés au milieu des côtés de la tête ; rostre grêle, de trois
articles, n'atteignant pas tout à fait la base de la tête; pronotum étroit; écusson
832 HÉMIPTÈRES.
nul dans les exemplaires brachyptères, très petit et à peine visible dans es ma-
croptères; hémélytres des macroptères de consistance homogène, avec des ner-
vures principales longitudinales ; ailes simples, sans lobes; hanches antérieures
peu écartées, les intermédiaires et postérieures très écartées et situées sur les
côtés du corps; pattes très grêles, filiformes, servant plutôt à marcher qu'à na ■
ger; tarses de trois articles, le premier très court, ie troisième avec des ongles
apicaux; segments ventraux presque soudés.
L'espùce type est H. stagnorum, Linn., la Punaise aiguille de Geofl'roy,
pi. CI, fig. 1; 1, a, tête très grossie; 1, b, rostre de face; l,c, patte posté-
rieure, de 11 à 13 millim. de long, d'un noir brunâtre, le sommet de
la tête, la base des antennes, les hancheset les pattes, moins les genoux,
d'un roux ferrugineux, le dessus du corps plus ou moins roussâtre ; forme
macroptère : pronotum plus convexe, à épaules proéminentes ; hémé-
lytres n'atteignant pas tout à fait l'extrémité de l'abdomen, brunes,
avec une série de taches blanchâtres le long du bord externe, ailes hya-
lines, légèrement enfumées; forme brachyptére : pronotum moins con-
vexe, épaules non proéminentes, hémélytres moins longues et plus
étroites que le métanotum, linéaires, avec une série de taches blan-
châtres.
Cette espèce, commune dans toute la France, existant aussi dans
l'Amérique septentrionale, vit aux bords des mares et des ruisseaux à
eaux calmes; on la trouve près de Paris au début du printemps. Elle
marche lentement à la surface de l'eau et aussi sur les plantes aquati-
ques, sur l'herbe des bords et sur la terre humide.
Les Gerrides ont un corps étroit et allongé, généralement d'un soyeux
velouté, noirâtre en dessus, grisâtre en dessous, la tête atténuée en avant
et inclinée, les antennes filiformes, à quatre articles, le premier le plus
long, les ocelles existant dans la plupart des espèces, mais difficiles à
voir; les yeux sont grands et globuleux, touchant le bord antérieur du
pronotum, celui-ci allongé, un peu atténué en avant, prolongé en
arrière en un processus scutellaire, grand et obtus. Le rostre est de
quatre articles, le dernier fin et aigu. Les hémélytres, dans les formes
macroptères, sont de consistance homogène, tomenteuses, opaques, à
fortes nervures longitudinales, et les ailes à trois lobes. Le prosternum
et le mélaslernum sont très courts, le mésosternum extrêmement grand.
L'abdomen est rétractile, s'allongeant à volonté dans la larve et la
nymphe, composé chez l'adulte de six segments distincts, le sixième
prolongé en pointe en arrière et profondément échancré, divisé en trois
segments génitaux chez le mâle, deux seulement chez la femelle. Les
pattes sont tout à fait caractéristiques dans cette famille. Les hanches
antérieures rapprochées et fortes portent des cuisses mutiques, un peu
épaissies, auxquelles succèdent des jambes légèrement arquées et des
tarses beaucoup plus courts, et plus épais que les intermédiaires et pos-
térieurs. Les hanches intermédiaires sont très rapprochées des posté-
GERRIS. 833
rieures et très éloignées des antérieures et les pattes postérieures et
surtout intermédiaires très notablement plus longues que les antérieures
et constituant quatre rames puissantes, dont l'action simultanée lance
vivement l'insecte en avant. Les tarses sont partout de deux articles,
portant des ongles faibles insérés avant l'extrémité du dernier article.
Ces caractères de la famille sont, eu même temps, ceux de son unique
genre, Gerris, Fabricius, à espèces généralement dimorpbes.
Les Gerris courent avec vivacité à la surface des eaux tranquilles et
ombragées, où ils s'avancent ordinairement par saccades en opérant un
véritable mouvement de rame ou de natation. Les quatre tarses posté-
rieurs, appliqués horizontalement sur l'eau, y plongent plus ou moins,
l'eau se courbant en dessous, comme un liquide non mouillant, à cause
de l'enduit gras de ces organes, à la façon d'une fine aiguille d'acier
que la capillarité fait flotter à la surface de l'eau, par une résultante
répulsive, quoiqu'elle soit beaucoup plus dense. Si on lave les tarses des
Gerris avec de l'éther, dissolvant la matière grasse, les insectes enfoncent
dans l'eau et ne peuvent plus cheminer. A la façon du rameur ou du
nageur, ils prennent un point d'appui dans la résistance du liquide et
s''avancent par le mouvement de propulsion des quatre grandes pattes
des paires 2 et 3, le corps glissant comme un bateau à la surface de l'eau.
Parfois ils sautent et bondissent à la surface, et ces sauts irréguliers et
désordonnés sont les seuls mouvements qu'ils puissent exécuter, si on
les place sur le sol ou sur la main. La nuit ils se tiennent immobilessur
l'eau ; parfois ils se retirent à sec sur le rivage ou sur les tiges des
plantes. Ils s'enfoncent dans l'eau à l'entrée de l'hiver et s'y engour-
dissent pour reparaître aux premières chaleurs du printemps. Quelque-
fois ils passent l'hiver à sec sur le rivage, lorsqu'il ne gèle pas. Les
Gerris sont des carnassiers voraces, suçant avec leur rostre les insectes
morts ou vivants, même tous les débris animaux, et, s'ils sont affamés,
les sujets plus faibles de leur propre espèce. S'ils sont restés longtemps
sans nourriture, ils se précipitent avidement sur toute proie qu'on leur
jette, l'entraînent avec eux et y restent attachés pendant des heures
entières, sans qu'on puisse leur faire lâcher prise, même en les touchant.
Ils saisissent la proie avec les pattes antérieures, entre la jambe et la
cuisse qu'ils plient l'une contre l'autre, sans que ces organes aient d'épi-
nes ou de piquants, mais seulement un duvet court qui les garnit comme
le reste du corps, à titre de protection contre l'action de l'eau. Les
Gerris, bien repues et alourdies, marchent lentement sur l'eau, sans
faire le mouvement de rames par saccades qui leur est habituel. Ces
insectes répandent une odeur très désagréable, quand on les écrase ou
qu'on les blesse.
On trouve des Gerris de différents âges à toutes les époques de l'année
où la température leur permet la vie active, ce qui indique que la re-
production s'opère pendant toute la belle saison. Lesmrdes, très ardents,
grimpent sur le dos des femelles, qu'ils retiennent embrassées à l'aide
GIRARD. m. — 53
83/i HÉMIPTÈRES.
de leurs pattes antérieures et opèrent des accouplements réitérés. Les
femelles pondent leurs œufs à la suite les uns des autres, mais non con-
tigus ni serrés entre eux, dans une espèce de bourre mucilagineuse,
fixée sur des tiges de plantes immergées. Les œufs sont allongés, cylin-
droïdes, non tronqués à l'un des bouts. Au lieu de s'ouvrir par un oper-
cule, ils se fendent ou se déchirent en long dans leur tiers antérieur et
la larve sort par cette fente. Comme les œufs sont déposés sur des plantes
immergées, les larves traversent l'dau en remontant pour arriver à la
surface. La larve naissante a environ 1 millimètre ; les larves, qui cor-
respondent aux trois premières mues, ont habituellement l'abdomen
rétracté et paraissant nul. A la quatrième mue, du moins chez le G. la-
custris, Linn., apparaissent les moignons d'hémélytres, épais et luisants,
ongs d'environ 2 millim., avec des moignons presqu'aussi longs d'ailes
nférieures ; l'abdomen, court et pointu, n'a guère alors que le cinquième
de la longueur totale de l'insecte, 2 millim. sur 9 chez la femelle, 1 sur 5
chez le mâle; mais il s'allonge ensuite, et, après la cinquième mue qui
a amené l'état parfait, l'abdomen paraît aussi long que le reste du corps,
et les moignons d'hémélytres qui n'ont pas changé de dimensions jus-
qu'au dernier moment, sont remplacés par des ailes supérieures, qui
s'étendent jusqu'à l'extrémité de l'abdomen.
Il y a en France huit ou neuf espèces de Gerris, dont quelques-unes
très communes. Telles sont : G. lacustris, Linn., la Punaise naïade, de
Geoffroy, la Punaise coureuse cVeau, de Stoll, noms qui s'appliquent aussi
aux deux espèces suivantes, de 8 à 10 millim. de long, macroptère, noi-
râtre, une petite ligne longitudinale jaunâtre sur le lobe antérieur du
pronotum, le dessous des premiers articles des antennes, les côtés du
prosternum, la base du rostre, des taches sur les hanches, jaunâtres,
ainsi que les pattes, les bords et l'extrémité de l'abdomen, les cuisses
antérieures avec deux lignes noires non prolongées jusqu'à la base;
le ventre noir chez le mâle, le sixième segment ventral à échancrure
double, chez la femelle, le ventre en grande partie jaune ou avec trois
bandes noires longitudinales; sur les eaux tranquilles de toute la France;
G. paludum, Fabr., de IZi à 15 millim. de long, grande variété de l'es-
pèce précédente pour Amyot, d'un brun noir, l'abdomen bordé d'une
ligne d'un blanc jaunâtre, les pattes et les antennes noires, presque
toujours macroptère, toutefois avec quelques exemplaires à hémélytres
n'atteignant que le milieu de l'abdomen ; toute la France, sur les ri-
vières et grands canaux; G. najas, de Géer, syn. : aptera, Schummel,
canalium, L. Dufour, de 13 millim. chez le mâle, 16 à 17 chez la femelle,
allongée, d'un noir olivâtre, les hanches maculées de jaune, ainsi que
le sternum, la femelle ayant souvent les bords de l'abdomen en partie
roux en dessus ; forme ordinairement brachyptère, avec des rudiments
d'hémélytres réduits à des écailles cornées à peine apparentes, rarement
macroptère, à hémélytres entières et dans les deux sexes, ces hémélytres
quelquefois avec des taches jaunes (var. fasciata, Signoret) ; très com-
GERRIS, HALOCATES. 835
mune dans toute la France, sur les rivières, canau.v et étangs d'une
certaine étendue. Nous représentons une espèce exotique de la Havane,
G. marginata, G. Mén., pi. ci, fig. 2, de 9 millim. de long et 2 de large,
brune en dessus, marquée de taches et de raies jaunes, d'un blanc
soyeux, argenté en dessous, le prothorax entièrement bordé de jaune.
On doit rattacher aux Gerrides, d'après la configuration des paires de
pattes 2 et 3 et le mode de progression, des Punaises de haute mer,
vivant sur les fucus et algues flottants et souvent fort loin des côtes, sur-
tout sur ces fucus à vésicules gonflées d'air et servant à la flottaison,
que les marins nomment raisins des tropiques. Le genre Halobates,
Eschscholtz, comprenant ces Punaises de haute mer, présente comme
une exagération des caractères des Gerris. Le corps est ovale ou oblong,
la tête brièvement triangulaire, les antennes de quatre articles, avec
deux petits articles intermédiaires, les ocelles nuls, les yeux gros, glo-
buleux, saillants, débordant un peu les côtés du prothorax, le rostre de
quatre articles, le proihorax transverse, le mésothorax et le métatliorax
cylindriques et coalescents, à peine distincts l'un de l'autre, les hémé-
lytres et les ailes manquant toujours, ce qui est en rapport avec une
station en haute mer, loin des côtes, les pattes antérieures courtes,
avec les cuisses un peu épaissies, les jambes ayant une dent à l'extré-
mité, les tarses antérieurs de deux articles cylindriques, les ongles in-
sérés dans une échancrure au milieu du second article, les pattes inter-
médiaires et postérieures insérées très loin en arrière à cause de la
grandeur du mésosternum, leurs insertions très rapprochées et presque
confondues, le rejet en arrière bien plus marqué que chez les Cerris.
Ces pattes sont longues, grêles et filiformes, les intermédiaires plus lon-
gues que les postérieures, ayant les jambes et le premier article du tarse
munis d'une frange de longs poils, les tarses de deux articles, le second
avec un crochet, les pattes postérieures à tarses d'un seul article, avec
un crochet. L'abdomen est très court, avec trois segments recouverts par
le métanotum, ressemblant à l'abdomen rentré et rétréci des larves du
Gerris. L'extrémité de l'abdomen chez les mâles présente un remar-
quable appendice rhomboïdal. On rencontre parfois ces insectes attachés
à des animaux qu'ils dévorent, des Porpita, des Physalia, des Salpa.
Ces Halobates, au nombre d'une dizaine d'espèces, n'ont encore été
trouvés que dans les mers les plus chaudes, dans l'Atlantique et le Pa-
cifique austral et boréal, autour du Cap et de Madagascar, près de Sainte-
Hélène, aux environs d'Aden, des îles Nicobar, des îles Célèbes, etc.
Buchanan White a séparé du genre Halobates, sous le nom de Haloba»
todes, un genre très voisin, fondé sur H. lituratus, Stal, et comprenant
quelques espèces de l'extrême Orient, des mers de Chine, du Japon,
des Indes et de Ceylan. Le voyage d'exploration du Challenger a presque
doublé le nombre des espèces. Dans le voyage de sondages sous-marins
du Talisman, on a rencontré deux Halobates dans la mer des Sargasses
entre les Açores et les îles du Cap -Vert. A consulter une excellente mo-
836 HÉMIPTÈRES.
nographie sur ces insctes : Buchanan White, Report on the Pélagie hemip-
tera, dans The zoology of the Voyage of H. M. S. Challenger, London,
1883, in-'i% avec 3 planclies en chromolithographie.
La famille des Vélides est formée d'insectes moins bien étudiés que
les Hydrométrides et les Gerrides ; ils se trouvent dans toute l'Europe,
courent avec vitesse sur les eaux tranquilles et ombragées et se nour-
rissent de petits insectes. Leur corps est oblong, un peu atténué en
avant et en arrière. La tête estoblongue, atténuée et inclinée en avant,
portant des antennes à quatre articles; les ocelles sont nuls ou peu
visibles, les yeux grands, touchant presque le bord antérieur du prono-
tum, le rostre fort, dépassant les hanches antérieures. Le pronotum
pentagonal est étroit en avant, large aux épaules, non rebordé sur les
côtés, offrant en avant deux fossettes latérales garnies de poils argen-
tés, le bord postérieur prolongé en triangle obtus qui recouvre l'écus-
son. Les Vélides sont habituellement dimorphes; dans les Macroptères
les hémélytrcs sont homogènes, sans distinction de corie ni de mem-
brane, noires à taches blanches, avec des nervures formant quatre à
six cellules; les ailes sont. à trois lobes. Les pattes établissent une diffé-
rence profonde avec les Gerrides, car elles sont courtes, robustes,
subégales en longueur et insérées à peu près à égale distance les unes
des autres. Les tarses sont à trois articles {Velia, Latr.), ou à deux
seulement {Microvelia, Westwood), les ongles insérés avant l'extrémité
du dernier article ; les cuisses postérieures des mâles sont très épaisses
et armées en dessous de plusieurs dents. L'abdomen est allongé, con-
vexe en dessous, creusé en gouttière en dessus, ses bords aplatis et
relevés en dessus par des sortes de crêtes.
TELIA, Latr. — Premier article des antennes arqué, le plus long de tous.
Taille plus grande que chez les Microvelia. Jambes intermédiaires fortement
ciliées en arrière. Cuisses postérieures à deux fortes épines chez le mâle. Tous
les tarses à trois articles, le premier très court. Les autres caractères sont ceux
de la famille des Vélides.
Nous représentons le V. rivulorum, P^abr. (pi. CI, fig. 3, 3, a, télé gros-
sie et vue de profil, 3, 6 rostre). La forme macroptère, de 8 millimètres
de long, est d'un noir velouté, le pronotum brun, son bord antérieur et
le prosternum d'un roux ferrugineux, une tache de duvet blanc, quel-
quefois efl'acée, de chaque côté du pronotum en avant, les hémélytres
noires, avec quatre taches d'un beau blanc sur chacune, ces hémé-
lytres atteignant l'extrémité de l'abdomen chez le mAle, plus courtes
chez la femelle, les pattes noires avec les hanches en partie rousses,
quelquefois une partie des pattes jaunâtre, surtout la base, le ventre et
le dos de l'abdomen d'un roux clair, l'extrémité des angles des segments
noire en dessus et en dessous, une série de taches noires sur les côtés du
ventre, une par segment. Les cuisses postérieures du mâle ont deux
VELIA. 837
épines assez fortes h leur bord postérieur et d'autres plus petites sur
toute leur longueur; deux segments génitaux sont visibles à l'abdo-
men du mâle ; la femelle n'a qu'un seul segment génital visible et les
cuisses postérieures mutiques. Dans la forme brachyptère (aptera,
Fabr.), de 7 millimètres de long, les bémélytres et les ailes sont nulles,
le pronotum un peu plus étroit que dans la forme macroptère, le dos
de l'abdomen noirâtre, avec l'écusson et la ligne médiane le plus sou-
vent légèrement ferrugineux et une série de taches de duvet argenté
sur les côtés. Cette espèce est de la France méridionale et moyenne,
très rare dans le nord du pays.
A côté se place V. currens, Fabr., de taille plus petite que la précé-
dente, de 7 millimètres seulement dans la forme macroptère, qui est
extrêmement rare, de 6 millim. environ dans la forme brachyptère; ce
n'est peut-être qu'une petite race de la précédente, comme incline à
le penser M. Puton. Elle est commune sur les eaux courantes, moins
commune sur les eaux stagnantes, sur les ruisseaux surtout des forêts
de la France septentrionale et moyenne, se trouvant à l'état de larve au
milieu de l'été, l'insecte parfait ne se développant que plus tard et
passant l'hiver, pour s'accoupler au printemps.
Pour terminer les Hétéroptères nous arrivons aux Hydrocorises ou
Punaises d'eau, qui passent la plus grande partie de leur vie dans la
profondeur de l'eau, cachées dans la vase des flaques, des mares et des
ruisseaux stagnants, et non à la surface. Leurs antennes courtes, de
trois à quatre articles, sont dissimulées dans une cavité sous les yeux
(Cryptocères), caractère qui les rapproche des Cicadiens ; mais les Cica-
diens sont, en général, phytophages et non carnassiers. En outre, les
Cryptocères ont le vertex et le front non séparés, les ailes dissem-
blables, reposant à plat sur le corps, le rostre partant de l'extrémité
antérieure de la tête et non de sa base. Les Hydrocorises, assez uni-
formes au point de vue de la coloration et de l'aspect, fréquentent sur-
tout les eaux stagnantes. La plupart des genres nagent à la façon nor-
male, le ventre en bas, le dos en l'air; d'autres, du type Noionecta,
nagent dans une attitude singulière, le dos en bas, le ventre en l'air.
Les adultes piquent en général fortement, à l'aide de leur rostre, les
doigts qui les saisissent. Ils voltigent souvent, pendant la nuit, pour cher-
cher des eaux plus propices, probablement quand la proie commence
à leur manquer. Les larves, qui éclosent des œufs au printemps, se
nourrissent d'animaux aquatiques de toute sorte, qu'elles piquent de
leur rostre, et s'accroissent d'ordinaire jusqu'en automne, en subissant
plusieurs mues. Les nymphes ou les adultes passent l'hiver, cachées
dans la vase des mares, pour perpétuer l'espèce au printemps suivant.
Les Hydrocorises se trouvent dans toutes les régions des deux hémi-
sphères ; les espèces des climats brûlants ne l'emportent pas sur celles
des climats tempérés ou froids par l'élégance des formes ou un éclat
spécial de coloration, tout au plus parfois par les dimensions (Bélo-
838 HÉMIPTÈRES.
stomes;. Cette analogie de conformation est liée à ce que les[difl"érences
de ten:,pérature sont bien moindres dans l'eau que dans l'air dans les
diverses zones terrestres.
Tribu des MÉPIEMS.
Ufi premier groupe de Punaises d'eau à patles ravisseuses, ou Pédi-
raptes d'Amyot, se distingue tout de suite des autres Hydrocorises par
la présence de deux ocelles ; d'où le nom de Bigemmes qu'Amyot et
Audinet-Serville donnent à ces insectes. Leurs espèces, peu nombreuses
et à mœurs mal connues, sont toutes exotiques et semblent plutôt
riveraines qu'exclusivement aquatiques. Le genre principal est celui
des :
Cl.^LGDIiUS, Latr. — Corps arrondi, ramassé et aplati, couvert en dessus de
petits tubercules en façon de peau de chagrin ; tête très large à sa base, courte,
inclinée et triangulaire en avant, à bords tranchants; antennes cachées sous les
yeux, de quatre articles uoduleux, le premier gros, le second plus court que lui,
le troisième très petit, le quatrième à peu près de la longueur et de la grosseur
du premier, en ovale arrondi ; yeux gros, très saillants et élevés; ocelles assez
petits, très saillants, placés sur le front en avant, assez rapprochés l'un de
l'autre et entre les yeux-, rostre de trois articles, en poinçon aigu au bout ; pro-
thorax transversal, en ovale irrégulier, à bords aplatis et plus larges que la base
des hémélylres ; écusson grand et triangulaire, à large base ; abdomen aplati et
circulaire; héniélytres amples, recouvrant tout l'abdomen, mais ne le dépassant
pas, la membrane, très courte, en forme de bordure étroite de la corie, mais
bien distincte d'elle, ailes presque aussi longues que les hémélylres; pattes
fortes, les antérieures à cuisses renflées, avec rainure et, de chaque côté,
un rang de pointes fines en dessous, les jambes courtes, droites, avec une
rainure et un double rang d'épines correspondantes à celles des cuisses, les
tarses paraissant d'un seul article, long, muni à son extrémité de deux forts
et très longs crochets, les autres pattes hérisséee d'épines, les postérieures plus
longues que les intermédiaires, ces deux paires à tarses de deux articles.
Les Galgules ne se tiennent pas au milieu de l'eau, mais sur le bord
des étangs, des lacs et des ruisseaux, dans la vase et à la racine des
plantes aquatiques ; ils vivent de proie qu'ils saisissent dans le repli de
la jambe antérieure contre la cuisse. D'après Brullé, ils n'ont pas la
faculté de nager; leurs pattes, dépourvues de poils fins, mais hérissées
d'épines, en font plutôt des insectes terrestres. Leur enveloppe porte
la marque distinctive de leurs habitudes, car elle est couverte, surtout
à l'état de larve, de petites parcelles de sable. Ces insectes sont voisins
des Naucores, qui sont franchement aquatiques ; le mode d'existence et
GALGULUS, NAUCORIS. 839
la présence des ocelles qui doit y être liée nous amène à les séparer.
Le genre Galgulus a été fondé sur le Naucoris oculata, Fabr. , de la
Caroline (États-Unis du Sud). Nous représentons une espèce du Brésil
intérieur, le G. flavus, G. Mén. (pi. CI, fig. /i, a, tète grossie et vue de
face, U, b, antenne grossie). Ce Galgule est entièrement d'un jaune
roussâtre sale, tirant au brun, le dessous plus pâle ; quelques petits
tubercules lisses, verts et jaunes, sur les hémélytres, les pattes posté-
rieures faiblement annelées de brun : longueur 7 millimètres, lar-
geur 5. Ce n'est peut-être qu'une variété de G. bufo, Hahn.
Dans les Naucorides, appartenant aux Pédiraptes d'Amyot, sont des
Punaises d'eau élargies et ovalaires, à antennes de quatre articles,
nageant avec aisance et sortant de l'eau pendant la nuit pour voler à
la recherche des insectes, sans préjudice des chasses à la proie vivante
auxquelles elle se livrent dans l'eau.
]V.%U€ORli^, Geoffroy, — Corps plat, ovalaire, lisse, luisant et généralement
glabre; tête achevant la demi-circonférence commencée par le prothorax;
antennes de quatre article noduleux, 1 et 4 courts, 3 le plus long et le plu»
gros, ces antennes dissimulées dans une fossette au-dessous des yeux composés
ceux-ci grands, touchant le prothorax, arrondis en arrière, pointus en avant,
lunulaires ; pas d'ocelles : rostre très court, de trois articles, le premier cou-
vert par un labre large, presque demi-circulaire, le troisième article en pointe
très aiguë; prothorax transversal, le bord prédorsal postérieur coupé droit;
écusson en assez grand triangle équilatéral; hémélytres aussi grandes que l'ab-
domen, finement pointillées, la membrane se distinguant à peine de la code
par une consistance plus mince, sans nervures apparentes ; pattes ayant
un bord ; pattes antérieures avec cuisses très grosses, ayant un bord presque
tranchant en dessous, garni do dents fines et de cils courts, les jambes courtes,
arquées, canaliculées en dessous, afin de recevoir dans cette rainure la lame
denticulée de la cuisse, tarse d'un seul article, en forme de crochet fort et
courbé, faisant corps avec la jambe et canaliculé comme elle en dessous ; les
quatre jambes postérieures épineuses et ciliées, à tarses longs, de deux
articles, avec un petit article basilaire très court, terminés par deux crochets
longs et aigus.
L'espèce la plus répandue en France, très commune dans tous les
marais et herbages aquatiques, nageant comme les Dytiques avec les
pattes postérieures ciliées, est le N. cimicoides, Linn., la Punaise nau-
core de Stollj de 11 à 15 millimètres de long, les deux sexes pareils, d'un
jaune verdâtre, la tète et le prédorsum ponctués de brun, les hémé-
lytres fortement nuancées de brun, avec la membrane presque aussi
grande que la corie, les ailes inférieures blanches et très transpa-
rentes, plus amples que les hémélytres et se repliant longitudinale-
ment en deux parties, celle du côté interne plus courte, sous celle
Ski) HÉMIPTÈRIiS.
du côt-î externe, qui a deux cellules prùs du bord, les pattes et
les antennes livides. La femelle, qui s'est accouplée au printemps,
fait sa ponle dans des conditions observées par M. le D'' Regimbart.
Avec les pattes antérieures et intermédiaires, elle se fixe forte-
ment sur les tiges ou les pétioles des végétaux aquatiques, la tête
en haut et les rames natatoires postérieures en mouvement, en-
fonce profondément son rostre dans la plante pour prendre un point
d'appui et fait avec sa tarière une incision pendant une minute envi-
ron, incision peu profonde et n'ayant guère que 2 à 3 millimètres de lon-
gueur. Chaque œuf y est enfoncé aux trois quarts, oblong, cylindroïde,
un peu courbé, en biseau au bout libre, lisse et sans réticulation de la
coque. Après trois mues, les larves acquièrent des gaines alaires ; en
automne, ces Punaises sortent souvent de l'eau pendant la nuit, pour
nettoyer leurs poils abdominaux, à l'aide de leurs pattes, dont on peut
entendre les grattements.
Une seconde espèce un peu plus petite, commune au printemps dans
les marécages, est le N. macidata, Fabr., syn. : optera, L. Dufour, la
Naucore de Geoffroy, qui pa-raît avoir confondu les deux espèces, car il
en est des variétés à hémélytres simplement tachetées ; généralement
l'écusson et les hémélytres sont d'un brun foncé assez imiforme, la tête
et le prothorax d'un jaune verdâtre taché de brun, la membrane des
hémélytres beaucoup plus courte que la corie, les ailes manquant sous
les hémélytres. On trouve cette espèce en février, près d'Alger, dans les
petites flaques d'eau. D'après Léon Uufour, les œufs sont en ovale obtus,
non tronqués, et leur coque, au microscope, paraît réticulée, à mailles
arrondies.
Nous représentons (pi. CI, fig. 5) une espèce exotique. A''. Poeyi,
G. Mén., du Mexique, de la Havane, de la Nouvelle-Orléans, la tête et
le corselet d'un jaune un peu roussâtre, lisses et glabres, tachetés de
brun, les hémélytres d'un brun un peu verdâtre, avec une tache
oblongue au bord externe, à la base, et une autre arrondie, petite et
moins visible, au milieu de chaque côté, d'un jaune pâle; dessous d'un
jaune roussâtre, avec les côtés de l'abdomen d'un jaune pâle, taché de
noir; pattes d'un jaune verdâtre, sans taches. Longueur 9, largeur
5"'",5.
A côté des Naucores se placent les Bélostomes (bouche en dard), qui
s )iit réellement les géants des Hémiptôres-Hétéroplères, certaines
espèces ayant plus d'un décimètre de longueur. Leurs couleurs sont
sans éclat, d'un jaunâtre mêlé de verdâtre ou de brun. La tête, propor-
tionnellement petite, est prolongée en pointe au delà des yeux, les
antennes de quatre articles cachées sous les yeux, les ocelles nuls, les
yeux bombés et très saillants, le prothorax en forme de trapèze régulier,
l'écusson grand, en triangle équilatéral, les hémélytres aussi grandes
que l'abdomen, pointues, avec une région coriace chargée de ner-
vures nombreuses, des ailes amples ayant trois fortes nervures. Les
BELOSTOMA, SPHOERODEMA 8^1
pattes sont très fortes, les antérieures à cuisses élargies et déprimées,
ayant au bord latéral antérieur une brosse veloutée à poils courts, les
jambes arquées, cannelées, ayant au côté interne une profonde rainure
poilue dont les bords élevés et tranchants s'insèrent dans une rainure
de la cuisse, les tarses de deux articles ; les pattes postérieures sont plus
longues que les intermédiaires ; les quatre cuisses postérieures ne
sont pas renflées et ont le côté postérieur frangé et velouté avec une
rainure pour recevoir la jambe, les jambes aplaties et frangées, avec
tarses plats et frangés, de deux articles, ayant deux forts et longs cro-
chets. Le Belostoma indicum, Lep. St-F. et Serv., le grand Scorpion
aquatique de Stoll, se trouve sur une aire de dispersion considérable,
comme beaucoup d'animaux aquatiques, à cause de l'analogie de tem-
pérature des eaux ; on le cite des Indes Orientales, de Java et du Caire.
Il est assez probable que cette espèce existe en Algérie, mais très rare.
Cet insecte, d'environ 85 centimètres, a été nommé Belostoma algeriense
par Léon Dufour, dans son essai monographique sur les Bélostomides
{Mém. Acad. des Se. de Liège, 1855, p. 186, pi. I, fig. 1 à 10). Sans oser
trancher la question spécifique, nous dirons qu'il a été rencontré dans
lEst parle colonel Levaillant, une fois, en juin et mort, à l'embou-
chure de la rivière du lac Houbeira, une seconde fois, vivant et au vol,
aux environs de Philippeville. Une espèce de plus grande taille, dépas-
sant le décimètre, est le B. grande, Linn., des Guyanes. D'après Sibylle
Mérian, qui l'observait à Surinam, les insectes de cette espèce attaquent
des Batraciens, car elle représente une nymphe tenant dans ses pinces
une petite Grenouille, qu'elle paraît vouloir sucer. Cette espèce a
l'abdomen terminé par deux grands tilets lancéolés, d'environ 6 milli-
mètres, d'usage inconnu.
Dans un genre très voisin, mais de moins grande taille, Diplonychus,
Castelnau,de 20 millimètres environ, chez le D. rusticm,Fàhr.,de?, Indes
Orientales et de Sumatra, le Scorpion aquatique plat de la côte de Coro-
mandel, de Stoll, la femelle présente une curieuse habitude, qui rap-
pelle celle des femelles de Pipas, Batraciens des Guyanes, por-
tant leurs œufs sur le dos, renfermés dans une membrane aggluti-
nante, jusqu'au moment de leur éclosion. Chez les Diplonyques les
œufs sont fixés par rangées sur le dos de la femelle, en position verti-
cale. La membrane qui les- supporte est divisée en un grand nombre de
cellules à cinq ou six pans, chacune renfermant un œuf, ces œufs de
la même couleur jaune brunâtre que le corps de la femelle, par une
imitation défensive de coloration.
<BiPHŒ:RODE.HA, Castelnau. — Corps en ovale large, mais pointu à son extré-
mité; tète assez aplatie en dessus, à bord antérieur triangulaire, notablement
prolongé en pointe mousse ; yeux allongés, peu saillants, en triangle 1res
obtus; antennes de quatre articles, 1 long et large, 2 et 3 subégaux, avec une
encoche latérale, 4 allongé et arrondi au bout; rostre assez long, de trois arti-
842 HÉMIPTÈRES.
des, aigu au bout; prothorax trapézoïdal, sans carène, très élargi postérieure-
ment ; écusson sans carène : hémélytres dépassant le corps de chaque côté à
leur partie supérieure, la membrane ne consistant qu'en une étroite bordure ;
abdomen sans filets apparents; cuisses antérieures peu épaissies, tarses de deux
articles de même longueur, le dernier muni à son extrémité de deux très
petits crochets, les quatre pattes postérieures peu aplaties, non plus que leurs
tarses.
Le type de ce genre est le S. annulatum, Fabr., syn. : rotundatum,
Castelnau (pi. CI, fig 6, antenne, 6, o, tarse antérieur), de 25 millimètres
de longueur, d'un ferrugineux assez pâle, espèce des Indes Orientales.
La femelle, comme celle des Diplony chus, ^orte ses œufs en rangées sur
le dos.
Les Népides se distinguent des Punaises d'eau précédentes par des
antennes de trois articles seulement et un corps allongé, soit élargi,
soit linéaire, offrant à l'extrémité de l'abdomen deux très longs filets
formant chacun un siphon ou tube respiratoire dont l'insecte fait par
intervalles saillir l'extrémité hors de l'eau afin d'y puiser l'air libre.
IiEP.%, Linn. — Corps plat, large et ovalaire, pointu en arrière; tète petite, sub-
triangulaire, enfoncée jusqu'aux yeux dans le bord antérieure du prothorax ;
antennes petites, cachées sous les yeux; ocelles nuls; yeux petits, mais très
saillants, globuleux ; rostre court, de trois articles ; prothorax subcarré, un peu
rétréci en avant, où il s'échancre fortement pour recevoir la tête, divisée en
deux par un sillon transverse, le bord postérieur avec une grande échancrure
arrondie; écusson très grand, en triangle curviligne ; hémélytres aussi longues et
aussi larges que l'abdomen, avec la membrane plus courte que la corie, à nom-
breuses cellules irrégulières; ailes amples, presque aussi longues que les hémé-
lytres ; hanches antérieures insérées très près des yeux, très loin des hanches
des pattes intermédiaires, moins longues qiie la moitié de la cuisse, les cuisses
épaissies, avec une profonde échancrure à la base, recevant une jambe assez
grêle, arquée, que termine un tarse d'un seul article, avec un très petit cro-
chet simple à l'extrémité ; quatre pattes postérieures à peu près de môme lon-
gueur, à cuisses non épaissies, à jambes frangées, à tarse d'un seul article très
long, frangé, muni de deux crochets très longs et aigus ; abdomen allongé,
finissant en ovale aplati et pointu, avec trois plaques terminales pointues et
deux longs filets en lanières, séparés sur les sujets secs, accolés pendant la
vie en un tube respiratoire.
Les Nèpes sont des insectes lents, se traînant au fond des eaux sur la
vase du bord des mares, marchant et nageant avec les quatre pattes
postérieures seules ; elles se laissent prendre à la main sans chercher
à s'échapper. Très carnassières, elles vivent d'insectes aquatiques, sans
épargner les sujets de leur espèce, et même de très jeunes alevins de
Poissons. Elles saisissent la proie avec les pattes antérieures, entre la
NEPA, RANATRA. 8^3
cuisse et la jambe. Les deux filets en forme de queue qui terminent
l'abdomen sont des pièces creusées en gouttière, qui, appliquées l'une
contre l'autre, forment un tube que la Nèpe fait mouvoir à volonté en
tous sens, en portant hors de l'eau le bout de ce siphon ; elle périt si
on la force à rester au fond de l'eau. De petits poils ou cils, qui gar-
nissent les bords de ces deux gouttières, s'engrènent les uns dans les
autres, de manière à empêcher l'eau de s'introduire dans le tube par
les rainures. Au-dessous de l'insertion des filets respiratoires sont les
ouvertures de l'anus et des organes sexuels. Les deux sexes des Nèpes
se ressemblent complètement, les mAles étant toutefois plus petits que
les femelles. Celles-ci, au printemps, pondent sur les plantes aqua-
tiques des œufs allongés et d'un blanc jaunâtre, garnis à l'un des bouts
de sept filets cylindriques. Le développement complet de l'insecte
demande environ deux mois ; la larve est plus courte et plus large pro-
portionnellement que l'adulte, à pattes courtes et épaissies, à tarses
d'un seul article, avec le tube respiratoire beaucoup plus court et plus
épais.
On trouve dans les eaux stagnantes de toute l'Europe N. cinerea,
Linn., le Scorpion aquatique, à corps ovale de Geoffroy, le Scorpion aqua-
tique gris cendré de Stoll, le mâle de 17 millimètres de longueur, la
femelle de 22, d'un brun cendré, le corps généralement couvert de
matières terreuses, les ailes légèrement enfumées avec les nervures
rouges, l'abdomen d'un rouge un peu jaunâtre sur sa face dorsale, le
tube respiratoire plus court que l'abdomen.
Des espèces de Nèpes fort analogues à notre espèce indigène se ren-
contrent dans toutes les parties du monde. Nous représentons (pi. CI,
fig. 7) le N. grisea, G. Mén., du Bengale, de 18 millimètres de long sur
6 millimètres de large, un peu plus petite, plus svelte et moins échan-
crée en arrière que N. cinerea, s'en distinguant surtout par le dessus
de son abdomen, qui est entièrement noir.
RA]ir.%TRA, Fabr. — Corps cylindroïde, très allongé et linéaire, la tête petite et
triangulaire, toutes les pattes longues et grêles, les hanches antérieures plus
longues que les cuisses, les jambes antérieures beaucoup plus courtes que les
cuisses, terminées par un tarse qui ne porte pas de griffe ; les autres caractères
analogues à ceux des Nepa.
Nous avons dans toute l'Europe R. linearis, Linn., le Scorpion aqua-
tique à corps allongé de Geoffroy, commun partout dans les mares au
commencement du printemps et aussi sur le bord des rivières, recher-
chant moins la vase que les Nèpes et paraissant préférer les fonds de
gravier. Le corps de cette Punaise à queue ou Scorpion d'eau à aiguille,
de 36 millimètres de longueur, avec les filets du tube respiratoire ù peu
près de la longueur du corps, est d'un jaune sale et brunâtre, avec
l'abdomen rouge en dessus, jaune sur les côtés, les ailes inférieures
844 HÉMIPTÈRES.
d'un blanc laiteux. On voit la Ranâlre se promener lourdement sur ses
longues pattes au fond des mares, occupée à guetter sa proie, car elle
est très vorace et chasse continuellement aux insectes d'eau. Elle vole
très bien et se transporte, principalement le soir ou dans la nuit, d'une
mare à l'autre, surtout quand celle où elle se trouve commence à se
dessécher. Souvent le corps ou les pattes de la Ranâtre présentent des
coques piriformes rouges, plus moins grosses, qui sont des Aclysies,
larves hexapodes parasites des Acariens aquatiques du groupe des
Hydrachnes. Les femelles pondent leurs œufs sur les plantes aqua-
tiques, analogues à ceux des Nèpes, mais garnis seulement de deux
filets en forme de longues soies. Geoffroy dit qu'elles enfoncent leurs
œufs dans les tiges submergées, de manière qu'il n'y a que les deux
filets de l'œuf qui en sortent et se laissent apercevoir, ajoutant qu'on
peut conserver dans l'eau ces tiges chargées d'œufs et les y voir ëclore.
Il doit y avoir là une ponte très analogue à celle que le D" Regimbart a
reconnue pour les Naucoris. Les larves éclosent au bout d'une quin-
zaine de jours et n'ont d'abord pas de filaments caudaux, qu'elles n'ac-
quièrent qu'après la première mue et qui sont plus courts que chez
l'adulte.
Nous figurons une espèce du Bengale, R. filiformis, Fabr., de taille
et de colorations analogues à notre espèce d'Europe, pi. ci, fig. 8, 8, a,
tôte de profil avec le rostre droit et non replié sous la poitrine, suivant
un caractère des Ranatra, 8, 6, antenne, avec le second article en saillie
sur lequel se replie le troisième article pour former une sorte de pince,
ce qui est encore un caractère du genre.
Les Pédirèmes (Amyot) sont des Hydrocorises ayant un corps allongé,
bombé en dessus, aplati en dessous, la tète grosse et arrondie, inclinée
en dessous et dont les jambes et les tarses postérieurs sont comprimés
en forme de rames et pourvus de cils d'un seul côté ou de côté et
d'autre. Bien que ces insectes soient essentiellement carnassiers, leurs
pattes antérieures ne sont pas ravisseuses; les ocelles font défaut; le
rostre est toujours court et épais. On divise les Pédirèmes en deux sous-
familles, les Corisides et les Motonectides. Les Corisides nagent à la
façon ordinaire, ont le rostre caché et les tarses antérieurs n'offrant
qu'un seul article apparent.
CORISA, Geoffroy. — Tête large, transversale, s'inclinant pour s'allonger en
dessous, les bords du prolongement frangés, le front déprimé chez les femelles,
convexe dans les mâles ; antennes de quatre articles, les trois derniers velus, le
troisième épaissi en cône; yeux grands, non saillants, en triangle équilatéral;
rostre caché sous le prolongement delà tète, de trois articles peu résistants;
prothorax large et court, recouvrant entièrement le mésothorax et l'écusson ;
hémélytrcs légèrement coriaces dans toute leur étendue, avec une ligne
élevée le long du bord externe et un sillon oblique partant de l'angle basilaire
externe; ailes aussi longues que les hémélytres; pattes antérieures courtes.
CORISA. 8Û5
insérées tout près de la tête, les cuisses ovalaires, les jambes très courtes, les
tarses d'un seul article, arqué et large, sans crochets à l'extrémité, finissant
en pointe, garni sur les deux bords d'une sorte de peigne de soies raides, à
longues dents parallèles; pattes intermédiaires les plus grêles, garnies de
piquants et de poils, à tarses d'un seul article long,, terminé par deux crochets
aussi longs que lui ; pattes postérieures essentiellement natatoires, les jambes
avec poils raides, les tarses aplatis, lancéolés, avec franges mobiles qui s'éta-
lent largement dans l'eau, ces tarses de deux articles, dont le terminal plus
court que l'autre et sans crochets ; abdomen en ovale allongé, assez aplati,
ayant le second segment ventral profondément échancré au milieu dans les
femelles, beaucoup moins dans les mâles.
Les Corises vivent dans les mares et les ruisseaux et sont très carnas-
sidîres, ainsi que leurs larves. Quand elles nagent, le dessous de leur
corps paraît argenté, en raison des très fines bulles d'air qui s'y alta-
chent. Si elles rencontrent sur leur route quelque brin d'herbe ou
quelque corps flottant, elles s'y accrochent avec les quatre pattes anté-
rieures et montent ensemble à la surface de l'eau; souvent elles se
fixent sur les plantes du fond et y restent longtemps immobiles. Elles
exhalent, quand on les saisit, une odeur forte et très désagréable, ana-
logue à celle de la Punaise des lits. Les femelles déposent au printemps
leurs œufs agglutinés en gâteaux sur les plantes aquatiques. L'espèce
de France ayant la plus grande taille est le C. Geffroyi, Leach, la Corise
de Geoffroy, de 13 millimètres de longueur, les pattes antérieures apla-
ties en forme de couteaux, luisante, grisâtre ou noirâtre, le prothorax
traversé par une quinzaine de lignes jaunes ondulées et les hémélytres
pointillées de jaune. Elle est commune aux environs de Paris et dans
toute l'Europe, se plaisant dans les mares, où elle nage et plonge avec
la plus grande facilité pour chercher sa proie, venant de loin en loin à
la surface de l'eau, afin de s'approvisionner d'air, qui se loge entre les
poils du ventre. Une seconde espèce, également commune en France,
de plus petite taille, est C. slriata, Linn., la Punaise aquatique rayée de
Stoll, de 6 à 8 millimètres, ayant seulement six ou sept lignes trans-
verses jaunes, plus ou moins effacées, sur le prédorsum, et, au lieu
d'un simple pointillé, des linéoles transverses jaunâtres sur les hémé-
lytres. Cette espèce paraît propre à toutes les parties du monde. On en
a des sujets des Indes et d'Amérique. De même que l'espèce précédente,
elle se trouve en Algérie, en hiver et pendant une partie du printemps,
dans les flaques d'eau et les mares. Elle se tient ordinairement comme
suspendue à la surface de l'eau, mais au moindre bruit ou mouvement
suspect, elle se précipite vivement au fond, où elle reste quelque
temps en s'accrochant au sol ou à une plante, pour revenir bientôt à la
surface. Elle marche mal et lentement sur la terre, ne faisant alors que
des sauts, tandis qu'elle est au contraire d'une vivacité surprenante
dans l'eau, qu'elle parcourt comme un trait. Quand elle s'y tient tran-
846 HÉMIPTÈRES.
quille, elle dirige ses pattes postérieures en avant, les faisant passer
sur les intermédiaires, de façon qu'elles semblent être les pattes anté-
rieures.
Nous représentons une espèce exotique de la Havane, C. Cubœ,
G. Mén. (pi. CI, fig. 9), de 8 millimètres de long sur 3,5 de large, ressem-
blant un peu à C. striata, d'un jaune pâle verdâtre, avec des lignes
noires transverses sur le prothorax et un fin semis de points noirs sur
les hémélytres. A ce genre appartiennent deux très intéressantes Pu-
naises mexicaines, les C. mercenaria et C. femorata, G. Mén., cette der-
nière de 6 à 8 millimètres de long et d'un jaune testacé rembruni.
Depuis des temps reculés, bien antérieurs à la conquête espagnole, les
œufs de ces Corises sont recueillis en nombre immense dans les lacs de
Chalco et de Tezcuco, entre lesquels est bâtie la ville de Mexico, et
servent à l'alimentation après avoir subi diverses préparations. Les in-
digènes vont cueillir des joncs dans les lagunes du lac de Chalco et les
plient en deux en faisceaux qu'ils disposent verticalement dans le lac
de Tezcuco, à quelque distance du rivage. Ces faisceaux, sont reliés par
un jonc, dont les bouts sont assemblés en boucle permettant de retirer
le faisceau à volonté et servant aussi de bouée flottante indicatrice. Les
Corises viennent pondre sur ces faisceaux de joncs, de sorte qu'au bout
d'une quinzaine de jours, chaque brin de jonc est entièrement couvert
d'œufs. On retire alors les faisceaux pour les faire sécher au soleil, puis
on les bat sur de vastes draps pour détacher les innombrables œufs
qu'ils portent ; après quoi les faisceaux sont remis dans l'eau pour
servir à une nouvelle récolte. Les œufs sont ensuite mondés et tamisés,
mis en sac comme de la farine et vendus pour obtenir, après cuisson,
des espèces de galettes nommées hautlé, d'un goût un peu acidulé,
participant du fromage et du poisson et qui sont très recherchées par
le populaire de Mexico ; on dit que le malheureux empereur Maximi-
lien les aimait beaucoup. A l'aide de troubleaux, on prend de grandes
quantités de ces insectes, qui sont vendus séchés dans les rues de
Mexico, sous le nom de mosquitos, pour nourrir les petits oiseaux en
cage. Au fond des deux lacs se forme un véritable terrain oolithique
par le dépôt des œufs des Corises, dépôt qui s'accroît d'année en an-
née et dont on serait bien embarrassé d'expliquer l'origine sans la con-
naissance accidentelle de sa vraie cause.
Un dernier groupe des Punaises d'eau est celui des Notonectides,
dont le caractère principal est de nager renversées sur le dos; le rostre,
en cône allongé, est très visible et les tarses antérieurs ont ordinaire-
ment deux articles apparents. On trouve ces insectes dans l'Ancien et
le Nouveau Monde.
noTOlVECTA , Linn. — Corps allongé, voCilé et frangé tout autour; tête
arrondie, transversale, fortement inclinée sur la poitrine ; antennes de quatre
articles; ocelles nuls ; yeux grands, allongés; rostre très fort, de quaire aiti-
NOTONEGTA. Ski
clés; prothorax transversal, un peu rétréci antérieuremeut, le bord postérieur
droit; écusson presque aussi large que le prothorax à sa base, en triangle à peu
près équilatéral ; hémélytres ayant une membrane distincte, recouvrant tout
l'abdomen, un peu plus longues que lui et tombant, de chaque côté, en toit un
peu arqué; ailes inférieures aussi grandes que les hémélytres; pattes grandes,
les postérieures beaucoup plus que les autres, fortement frangées, les quatre
tarses antérieurs de deux articles apparents seulement, avec un article basi-
laire supplémentaire, les tarses postérieurs notablement aplatis en forme de
rames, sans griffe terminale ; abdomen offrant en dessous une crête longitudi-
nale médiane notablement frangée, avec un profond sillon caché sous la frange
de cette carène.
Les Notonectes sont des insectes des plus carnassiers, attaquant par-
fois des insectes de beaucoup plus grande taille et paraissant plus forts ;
il est probable que par le rostre s'écoule une sécrétion venimeuse, car
les sujets piqués meurent presque aussitôt. Les Notonectes se font la
guerre et se dévorent entre elles. Quand elles marchent sur les plantes
aquatiques ou hors de l'eau sur la terre, les deux pattes postérieures
ne font que traîner; mais, quand elles nagent sur le dos, ces mêmes
pattes leur servent d'avirons et les lancent en avant avec vitesse, les
pattes antérieures et intermédiaires ne concourant pas à cette nata-
tion. Ces Punaises sortent parfois de l'eau le soir ou la nuit pour errer
sur le sol ou passer en volant d'une mare à l'autre. C'est par une série
de bonds que les Notonectes peuvent progresser sur le sol. Dans l'eau
elles ressemblent à des petites barques et remontent fréquemment à la
surface pour renouveler leur provision d'air, qui s'attache aux poils
serrés de leur ventre retourné supérieurement et au milieu desquels
s'ouvrent les stigmates.
L'espèce type, très commune au commencement du printemps dans
les eaux douces de toute la France, est N. glauca, Linn. , la grande Pu-
naise à avirons de Geofl'roy, la Punaiss commune à avirons de Stoll, de
15 millimètres de long, jaunâtre ou tachée de noir, présentant le lai-ge
écusson d'un blanc noir, offrant beaucoup de variétés dont on avait
même fait des espèces, parfois entièrement d'un blanc verdâtre pâle
sans taches noires sur les hémélytres, tantôt d'un jaunâtre ferrugineux
assez uniforme avec quatre ou cinq taches d'un noir velouté le long du
bord externe des hémélytres, tantôt avec les hémélytres d'un rouge
ferrugineux marbrées de taches noires, tantôt enfin ayant les hémé-
lytres noires avec deux taches jaunes à la base ou avec l'extrémité fer-
rugineuse. Cette espèce abonde en hiver et au printemps dans les
flaques d'eau et mares de l'Algérie. Dans l'accouplement, vers le mois
de juillet, le mâle ne monte pas sur la femelle ; il se place côte à côte,
un peu plus bas qu'elle, et ils nagent ainsi, attachés ensemble par les
organes sexuels, avec la même vitesse que s'ils étaient seuls. La femelle
pond un grand nombre d'œufs blanchâtres et de forme allongée, qu'elle
8/i8 HÉMIPTÈRES.
attache aux tiges des plantes aquatiques, en ayant soin, comme les
Naucores, de pratiquer une incision pour insérer chacun d'eux. Au
bout de dix jours environ on distingue à leur extrémité hbre trois points
rouges. Peu après, dans le courant de mai, éclosent les larves, aptères
et d'un jaune doré, se mettant aussitôt à nager comme leur mère, le
ventre en haut; jusqu'au mois d'août elles effectuent trois mues et
acquièrent enfin des rudiments alaires très courts. Après la quatrième
mue, la Notonecte atteint son développement complet, mais ne prend
sa couleur et sa consistance définitives qu'au bout d'un certain temps,
et passe ensuite l'hiver sous la vase dans un état d'engourdissement
profond. Nous représentons (pi. ci, fig. 10), la variété N.fnrcata, Fabr.,
de France (10, a, tête vue de profil avec son rostre droit, 10, 6, antenne,
10, c, patte postérieure); c'est la variété à hémélytres noires, avec deux
taches allongées jaunes, en forme de fourche, à la base.
Un genre voisin est celui des Ploa, Leach et Sfephens, nageant aussi
sur le dos, à hémélytres entièrement coriaces, sans membrane dis-
tincte, à corps ovalaire, très bombé en dessus, à antennes de trois ar-
ticles (Fiéber), à rostre court, de deux articles, à ventre lisse, pres-
que aplati, n'offrant pas la crête frangée des Notonecta, les pattes
courtes, peu frangées, presque d'égale longueur, à tarses très longs,
surtout les quatre postérieurs, qui sont aussi longs que les jambes, de
trois articles, tous un peu comprimés et frangés, faits pour la nage,
avec deux longs crochets au bout. Le type de ce genre est une très
petite espèce, fort commune dans les mares aux environs de Paris et
existant dans toute l'Europe, le P. minutissima, Fabr., la petite Punaise
à avirons, de Geoffroy (la larve), gris verdâtre ou jaunâtre, avec une
faible corne longitudinale noire sur le vertex, de 2 millimètres de lon-
gueur seulement. Les mœurs, le mode d'accouplement et de ponte, le
développement sont analogues à ce que nous avons vu pour les Noto-
necta. Cette espèce, très carnassière, sort le matin de l'eau pour errer
sur la terre ou pour passer en volant d'une mare à l'autre. Elle est
assez rare en Algérie, où elle a été rencontrée dans les petites flaques
d'eau des environs d'Alger.
Bibliographie dc!4 Hémiptères liétéroptèrcs.
Gaspard Stoll, Représentation exactement colorée d'après nature des
Punaises qui se trouvent dans les quatre parties du monde : l'Europe,
l'Asie, l'Afrique et l'Amérique; texte hollandais et français, 1 vol. in-Zi°,
Amsterdam, Jan Christian Sepp, 1788. — Faune française ou Histoire
naturelle, générale et particulière des animaux qui se trouvent en France,
constamment ou passagèrement, à la surface du sol, dans les eaux qui le
baignent et dans le littoral des mers qui le bornent, par MM. Audinet-Ser-
ville, Le Peletier de Saint-Fargeau, etc., Paris, LevrauK, Hémiptères
(inachevé, seulement une partie des Hé ter opter es). — Mulsant et Rey,
HOMOPTÈRES. 8/*9
Histoire naturelle des Punaises de France : t. I, Seutellérides, Paris, 1865,
in-Zi», 112 p., avec 1 pi. noire; t. II, Pentatonides, in-Zi", 365 p., 2 pi.
noires; t. III, Coréides, Alydides, Bérytides, Sténocéphalides, in-Zi", 250 p.,
2 pi. noires; t. IV, Réduvides, Émésides, in-li°, 120 p., 2 pi. noires. —
D'" Puton, Synopsis des Hémiptères hétéroptères de France : l''^ partie,
1868, Ligœides; 2^ partie, 1879, Tingitides, Aradides, Hydrométrides ;
3" partie, 1880, Réduvides, Saldides, Hydrocorises; h'^ partie, 1881, Pen-
talomides, Coréides, Bérytides; 5" partie (en préparation), C apsides ;
id., Faunule des Hémiptères de Biskra (avec Lethierry), 1 pi. col., 1875
(extrait des Ann. de la Soc. entom. de France; id.. Notes pour servir à
l'histoire des Hémiptères, 3 cah. avec 2 pi. col., 1873, 187/i, 1875 (extrait
des Ann. de la Soc. entom. de France; id., Énumération des Hémiptères
récoltés en Syrie par M. Abeille de Pcrrin (extrait de la Soc. entomol.
suisse, vol. VI, livr. 3). — C. G. Thomson, Opuscida entomologica, in-8°,
h fasc, Lund, 1869 : Hemiptera (Hydrocorises), p. 39A; Ôfversigt af Sve-
rige Orthostira arter, p. 398 ; Orthostira, Fieber, syn. : Tingis, Fallen,
p. 399; Ôfversigt af Sverige Salda arter,^^. Zi03; Ôfversigt af de i Sverige
funna arter af Gruppen Capsina, p. Zill, genus Miris, Fabr., p. ûl2 ;
Capsus, Fabr., p. A17 (121 espèces). — D"^ Victor Signoret (Ann. Soc. en-
tom. de France) : Note sur quelques Hémiptères nouveaux ou peu connus,
1852, p. 539 ; Description d'un nouveau genre du groupe des Émésides
(genre Stenasemus), 1858, p. 251; Note sur des Hémiptères hétéroptères,
1858, p. i99 ; Hémiptères de Sicile recueillis par M- Bellier de la Chavi-
gnerie, 1860, p. 738 ; Faune des Hémiptères de Madagascar, Hétéroptères,
1860, p. 917 ; Quelques espèces nouvelles d'Hémiptères de Cochinchine,
1862, p. 123; Description d'Hémiptères nouveaux ou peu connus trouvés
en Corse par M. Bellier de la Chavignerie, 1862, p. 375; Descriptions
d'Hémiptères nouveaux de Jurimaguas et de Moyabamba (Pérou), 1862,
p. 579; Hémiptères exotiques nouveaux, 1861, p. bb ; Revision des Hé-
miptères du Chili, 1863, p. 5/il ; Description de quelques Hémiptères nou-
veaux, 1865, p. 115; Revision du groupe des Cydnides de la famille des
Pentatomides, l--* à 12« partie, 1881, 1882, 1883.
SoUS-ORDRE DES HÉMIPTÈRES HOMOPTÈRES
Dans les Homoptères, nom qui veut dire ailes semblables, les ailes, à
certaines exceptions près, sont membraneuses dans les deux paires;
quand les antérieures restent subcoriaces, elles sont de même consti-
tution dans toute leur étendue, n'offrant ni corie, ni membrane. Le
rostre, de trois articles apparents, dont le premier est ordinairement
caché sous le chaperon, naît de la partie la plus inférieure de la tête,
entre les pattes antérieures. Le plus souvent les antennes sont courtes,
GlRAKD. m. — 54
850 HÉMIPTÈRES.
terminées par une soie fine, composées de six ou sept articles difficiles
à distinguer ; souvent des ocelles, au nombre de trois ou de deux,
s'adjoignent aux yeux composés. L'abdomen est formé de six ou sept
segments. Les femelles sont pourvues d'une tarière ou oviscapte, reçue
entre les deux plaques vulvaires, lesquelles s'ouvrent à la volonté de
l'insecte pour lui donner passage ; les mâles présentent une plaque
anale simple et entière. Les Homoptères ont une alimentation exclusi-
vement végétale, aux dépens des sucs séveux des végétaux vivants.
Dans le type élevé, qu'on peut désigner sous le nom général de Cica-
daires, car leur aspect rappelle toujours plus ou moins celui des
Cigales, si célèbres par leurs organes de stridulation, les insectes
s'établissent rarement en colonies et ne se fixent jamais pour leur
succion en un siège unique et définitif, mais enfoncent çà et là leur
rostre en diverses places dans le végétal qu'ils endommagent. Au con-
traire les types dégradés de ce sous-ordre sont le plus généralement en
colonies, fixés par le rostre à une partie unique pour chacun du végé-
tal ; tels sont les Psylles, les Aphidiens ou Pucerons, les Pliylloxériens,
les Aleurodiens et les Cochenilles. Ce caractère de colonies animales,
formées de très nombreux' sujets peu mobiles ou même entièrement
sédentaires, est une preuve d'infériorité organique ; ce sont les êtres
faibles qui éprouvent le besoin d'une vie sociale, avec agrégation et
soudure sur un support commun dans beaucoup de formes animales
moins élevées que les insectes.
Tribu des ClCADlEMiS.
Le caractère principal et essentiel de cette tribu, dont les insectes
sont souvent appelés les Stridulants, consiste dans un appareil de stri-
dulation à la base de l'abdomen des mâles, appareil fort compliqué qui
manque le plus souvent chez les femelles, ou qu'elles présentent rudi-
mentaire chez quelques espèces exotiques. On connaît environ quatre
cents espèces de Cicadiens, dont dix-huit dans l'Europe méridionale, la
plupart dans les zones torrides et jusqu'au UO" degré de latitude, certaines
isolément plus au nord, des régions chaudes de la zone tempérée.
Le plus ordinairement la tête est courte, large, transversale, le front
renflé, avec des sillons transverses. Entre les yeux composés très
saillants s'élèvent de courtes antennes sétiformes de sept articles ; trois
ocelles (d'où les Triocelles d'Amyot) disposés en triangle se trouvent sur
le vertex. Le rostre est de trois articles, assez long, dépassant un peu
l'insertion des pattes intermédiaires, le premier article très court, caché
par le chaperon. Le prothorax transversal offre des sillons peu nom-
breux, le mésothorax très grand cache le métathorax et porte un écus-
son en forme de bourrelet échancré. Les quatre ailes reposent sur le
corps cylindro-conique, à la manière d'un toit ; les antérieures, bien
GICADIENS. 851
plus longues que les postérieures, soat tantôt glabres et transparentes,
notamment dans les Cigales d'Europe, tantôt velues et colorées, sur-
tout dans les espèces d'Afrique ; les nervures se répandent sur leur sur-
face par divisions dichotomiques. Les pattes sont fortes, assez longues,
les hanches antérieures aussi longues que les cuisses; celles-ci
épaissies, parfois dentelées, offrant des vestiges de leur disposition à
l'état de larve et de nymphe, présentant deux épines en dessous, les
jambes grêles, les tarses ordinairement de trois articles, les deux pre-
miers très courts, le dernier très long, muni de deux crochets au bout;
abdomen court, gros, finissant en pointe et portant, chez les mâles, de
chaque côté du premier segment ventral , les organes sonores,
indiqués à l'extérieur par une plaque ou opercule, plus ou moins
considérable.
Les Cigales sont des insectes lourds et paresseux, auxquels seuls les
ardents rayons du soleil donnent de la mobilité. A l'aide de leur rostre,
elles percent les jeunes pousses des arbres dont elles aspirent la sève;
celle-ci parfois continue à couler après la piqûre, se dessèche et forme
des mannes. En outre la tarière, qui est au bout de l'abdomen des
femelles dans une fente longitudinale, leur sert à perforer les branches
soit mortes, soit vivantes, pour pondre leurs œufs à l'intérieur dans la
moelle, notamment dans les mûriers. La tarière est composée de trois
pièces : au centre un fourreau très fin, un peu quadrangulaire, formé
de deux gouttières accolées et dans lequel passent les œufs amenés par
l'oviducte, élargi 'en fer de lance à son extrémité, qui est plus dure et
plus polie que le reste. Les deux pièces latérales s'assemblent avec la
pièce médiane au moyen de quelques arêtes saillantes qui entrent dans
des rainures correspondantes; par leur mouvement propre elles peuvent
glisser le long de la tige médiane, mais non s'en écarter; elles se ter-
minent comme la tige médiane par une partie aiguë, qui est de plus
striée et dentelée en forme de lime ou de scie. Ainsi que l'a observé
Doyère, et mieux que par les simples conjectures de Réaumur qui
n'avait que des sujets secs, la tige médiane est l'outil perforant, à la
manière d'un poinçon, les deux tiges latérales lui servant seulement de
point d'appui et faisant l'office de grappins. La tarière est d'abord
poussée hors du fourreau par l'action d'un muscle à la volonté de l'in-
secte. Ensuite il cherche à se cramponner dans l'épiderme de la
branche par la pointe aiguë et dentelée des tiges latérales, introduites
par un coup donné à reculons. Ces pièces fixées, le muscle propre de la
pièce médiane la pousse afin de la faire agir comme un poinçon. Puis
les deux pièces latérales s'introduisent dans l'ouverture qu'elle a faite
pour s'y fixer encore, au moyen de leurs dentelures, et fortifier les nou-
veaux coups que le poinçon doit porter et qui devieiuient de plus en
plus énergiques à mesure que les valves latérales prennent un point
d'appui plus solide, en pénétrant à une plus grande profondeur dans le
trou pratiqué par le poinçon central.
852 HÉMIPTÈRES.
Les œufs introduits ainsi par la tarière sont, du moins dans les
Cigales d'Europe, oblongs, cylindroïdes et blanchâtres. Il en éclôt des
larves, devenant ensuite nymphes, et, dans ces deux états, trapues,
glabres et couvertes d'une peau résistante. Les larves passent leur exis-
tence sous la terre, s'enfonçant souvent à une assez grande profondeur,
au pied des arbres, parfois durant plusieurs années, et sucent avec leur
rostre les racines des arbres. Les robustes pattes antérieures, dont les
cuisses et les jambes sont armées de fortes épines et de denticulations
à pointes aiguës, leur sont d'un puissant secours pour cheminer dans
le sol compact. Les tarses antérieurs très développés sont repliés et
logés dans un sillon de la jambe, de manière à ne pas être brisés dans
les promenades souterraines (1), comme cela a lieu, paraît-il, pour les
tarses antérieurs des Ateuchus. Devenues nymphes et ayant acquis des
moignons d'ailes renfermés dans des fourreaux, elles sortent de terre et
grimpent le long des troncs d'arbre, se servant alors des tarses dissimu-
lés jusque-là dans le sillon de la jambe, A la fin du printemps et le soir,
a peau de ces nymphes se fend le long du dos, et la Cigale adulte en
sort; on trouve souvent, dans le Midi, ces peaux de nymphes, restées
entières et desséchées, retenues accrochées aux arbres par les crochets
des tarses et les épines des jambes. Les Cigales écloses sont d'abord
faibles et se traînent péniblement sur les tiges ; mais, le lendemain,
elles voltigent, réchauffées par le soleil, et les mâles se mettent à chan-
ter.
Le chant des mâles a rendu les Cigales célèbres. Cette stridulation
bruyante était très appréciée des Grecs, louée en vers par Homère et
Anacréon, en prose par Platon. On les enfermait dans de petites cages
pour se délecter de leur chant, et cette coutume, paraît-il, existe encore
en Chine. Les Cigales étaient pour les Grecs l'emblème de la musique.
Au contraire les Latins, témoin Virgile, avaient cette stridulation en
fort médiocre estime. On trouvera de nombreux détails à ce sujet dans
nos Métamorphoses des Insectes (Paris, Hachette et C'", 6" édition, 188^,
ouvrage couronné par l'Académie française, p. 323 et suiv.).
Quelques faits sont à noter, avant la description de l'appareil sonore.
Chaque espèce émet ses sons propres, d'un timbre spécial, avec des
modulations et des repos variés, augmentant d'intensité avec la tempé-
rature et devenant assourdissants aux heures les plus chaudes de la
journée. Les Cigales sont dans une dépendance morale incontestable
de certains sons. Il y a ici des actes analogues à ceux accomplis par les
sons au moyen desquels on appelle beaucoup d'Oiseaux, par les mélo-
pées des charmeurs de Serpents, par les sifflotements à l'aide desquels,
dans l'Amérique chaude, les chasseurs d'Iguanes captivent l'attention
de ces Reptiles, au point de les rendre immobiles sur les branches,
(1) J. Kiinckel d'Herculais, Disposition particulière des pattes chez les nymphes
des Cicada {Ann, Soc. entom, de France, 1879, p. 358, pL 10).
CIGADIENS. 85S
avançant même la tûte au nœud coulant qui doit les précipiter sur le
sol. En sifflant devant une Cigale, de manière à imiter sa stridulation,
on l'attire et on lui fait perdre sa timidité naturelle. C'est ainsi que
Boyer de Fonscolombe réussissait à les déterminer à descendre des
arbres, à venir se poser sur sa canne et môme à descendre sur son nez.
Probablement des observations de ce genre ont amené la légende des
Grecs, au sujet du duel musical à la cithare entre Eunome et Ariston.
Une des cordes de l'instrument d'Eunome s'étant brisée, une Cigale vint
se poser dessus et remplaça avec tant de succès la corde manquante,
qu'il remporta la victoire. Réaumur le premier a découvert le méca-
nisme à l'aide duquel l'appareil musical du mâle produit sa stridula-
tion. Ayant disséqué un mâle, il trouva dans chaque cavité sonore une
membrane sèche, bombée et blanche, plissée transversalement, qu'il
nomma la timbale et à laquelle aboutissait un gros muscle placé dans
le thorax. Ayant par hasard tiré un de ces muscles avec une pince, il
fut étonné d'entendre résonner comme un tambour cette membrane
mise en mouvement par ce tiraillement. Plus tard, les observations que
Réaumur observant à Paris n'avait pu faire que sur des sujets secs,
furent confirmées et complétées par les travaux de Doyère, Solier,
Goureau sur des mâles vivants et récemment par ceux de M. Carlet(l).
Pendant que le chant se fait entendre, la timbale, tirée par le muscle,
vibre et passe alternativement de la forme convexe à la forme concave
et c'est ce mouvement qui produit le son. L'appareil musical, à la base
de l'abdomen, est, en résumé, un tambour à deux peaux sèches et con-
vexes, les timbales, dont l'insecte joue en contractant simultanément
deux muscles, implantées à leur face interne par un fort tendon et
allant du centre de l'instrument à chacune des peaux, celles-ci reve-
nant sur elles-mêmes par leur élasticité. Il est entouré de deux paires
d'organes protecteurs, les volets et les cavernes. Les volets ou opercules
sont deux écailles demi-circulaires situées sous le ventre ; les cavernes
sont deux cavités latérales dont on voit l'entrée dès qu'on a soulevé les
volets. Sur la paroi interne de la caverne se trouve cette membrane
convexe ou timbale, qui est l'organe producteur du son. Les deux
timbales forment les peaux d'un véritable tambour, dont la caisse est
constituée par une énorme cavité thoraco-abdominale. Celle-ci commu-
nique directement avec l'extérieur par une paire de gros stigmates,
situés un peu en avant des timbales. Les parois de la caisse sont for-
mées par le squelette tégumentaire, sauf à la paroi ventrale, où elles
sont constituées par deux paires de membranes délicates, que l'on
découvre en enlevant les opercules, ou prolongements des épimères.
En bas est une membrane frêle ou miroir; en haut, à la face externe,
se trouve un châssis écailleux relié en plusieurs points à la paroi
(1) G. Carlet, Mémoire sur l'appareil musical de la Cigale {Ann, Se. nat.,
ZooL, 6^ série, t. V, 1877).
85a
HÉMIPTÈRES.
interne ou entogastre et sous-tendant une membrane plus résistante à
plis longitudinaux, la membrane plissée. Les deux membranes tendues,
la membrane plissée dans son châssis et le miroir, tous deux au fond
de la grande cavité, répètent par résonance ou communication vibra-
toire, et en les renforçant considérablement, les sons fondamentaux
produits par les timbales.
Il est nécessaire de contrôler par des figures cet appareil compliqué.
FiG. 33.
^)t vij:
'd ■ P .5
mt tut
FiG. 34.
a
Légendes : Fig. 33. Cigale plébéienne mâle vue en dessous pour montrer le
rostre, l'insertion et la forme des pattes, les opercules ou volets v de l'appareil
musical. — Fig. 34. Appareil musical : 1 a, premier anneau de l'abdomen ; 2 a,
second anneau de l'abdomen ; ent^ entogastre ; 77ii, miroir ; m, pi, membrane
plissée ;p, patte de la troisième paire ; 5f, st', st'', stigmates; <, timbales; i;, volet
droit, le gauche ayant été enlevé pour laisser voir les parties qu'il recouvre;
ap, apophyse de la membrane plissée ; c, cheville de Réaumur ou trochantin de
la i'^ patte; c, caverne.
Nous le représentons chez la plus grande espèce de France, la Cigale
plébéienne ou du Frêne.
CICAD.%, Réaumur, Linn., syn. rfeftigonia, Fabr. — Tête grosse, large, courte;
front ayant un sillon longitudinal au milieu ; yeux gros, ovalaires, pédoncules,
très saillants; prothorax beaucoup plus large que long, sans dilatation latérale ;
mésolhorax ou écusson très grand, bordé de chaque côté par un sillon qui en
suit le contour arrondi et vient aboutir au milieu à une petite élévation qui sé-
pare les deux sillons latéraux l'un de l'autre ; ailes des deux paires hyalines^
avec les nervures plus ou moins tachées de brun, ordinairement seize cellules
aux ailes antérieures et douze aux ailes postérieures ; pattes à tarses de trois
articles ; abdomen court, gros, conique, avec une plaque ou opercule recouvrant
CIGADA. 855
de chaque côté les cavités sonores dans les mâles et une épine aplatie partant
de la base des hanches postérieures et s'étendant au-dessus de l'opercule.
Les timbales des Cigales milles sont plus ou moins recouvertes par
une membrane qui est un prolongement du tégument propre de l'abdo-
men, et de là divers sous-genres pour les espèces d'Europe. Dans les
Cicada propres les timbales sont entièrement recouvertes en dessus et
latéralement. L'espèce type esi C. fraxini, Fabr., syn. 'rplebeia, Sco-
poli, la Cigale à bordure jaune de Geoffroy, la grande Cigale européenne
de Stoll, de 35 millimètres de long, noire en dessus, avec des taches
jaunes à la tête ainsi que du jaune au bord postérieur du prédorsum
et une tache de chaque côté à l'extrémité de l'écusson, jaunes, ainsi
qu'une bordure jaune interrompue en arrière du mésothorax, une
tache noire à la base et deux taches, enfumées à l'extrémité des ailes
antérieures, les ailes postérieures hyalines et sans taches; pattes
jaunes, avec des lignes longitudinales noires, jaunâtres en dessous; les
deux sexes. Cette Cigale a une stridulation très intense, paraissant
formée d'une seule note, répétée avec rapidité, s'affaiblissant insensi-
blement après un certain temps et se terminant par une sorte de
sifflement qui ressemble au bruit de l'air sortant d'une vessie que l'on
comprime, et qui a quelque analogie avec le son qu'on obtient en pro-
nonçant les deux consonnes st. Quand elle chante, elle remue son
abdomen avec rapidité, de manière que les opercules s'en éloignent ou
s'en rapprochent alternativement ; elle joint à ce mouvement un petit
tremblement du mésothorax. Quand on saisit cette Cigale, le bruit très
fort que la frayeur lui fait jeter diffère notablement de celui qu'elle fait
entendre à l'état de liberté. Cette Cigale plébéienne habite tout le sud
de l'Europe, notamment la France méridionale, remontant par places
un peu vers le nord, ainsi dans l'Isère, le Rhône, la Côte-d'Or même,
mais très rarement. On la trouve aussi, fort rare, dans la forêt de Fon-
tainebleau. ^
Dans le sous-genre T(?(%îa, Amyot, les timbales sont laissées plus ou
moins à découvert par la membrane qui se prolonge sur elle.
Nous avons en France T. orni, Linn., %^n^' punctata, Fabr., la Cigale
panachée de Geoffroy, petite Cigale des frênes, car l'orne est un sous-
genre de frêne. Cette Cigale de 28 à 30 millimètres de longueur, revêtue
de nombreux poils blancs, est d'un jaune verdâtre taché de noir, avec
quatre principales taches noires en demi-ovale très allongé partant de
la base de l'écusson, les nervures des quatre ailes généralement pâles
dans la moitié basilaire, noires dans la dernière moitié, six ou sept
points noirs à l'extrémité des nervures longitudinales des ailes anté-
rieures et quatre anastomoses au-dessus tachées de noir, les pattes
jaunes tachées de brun, les cuisses antérieures peu développées et
armées de deux dents, l'abdomen annelé de jaune et de noir. Les
timbales de cette cigale n'étant pas recouvertes sur les côtés, comme
856 HÉMIPTÈRES.
dans l'espèce précédente, l'insecte n'a pas besoin de remuer son abdo-
men pour les découvrir. Le mouvement thoracique est moins rapide,
le son produit ne se fait pas entendre d'aussi loin ; il est plus sourd,
comme enroué, d'une intonation plus basse, moins accéléré et durant
moins longtemps; ses repos sont plus longs et il ne finit pas par l'es-
pèce d'expiration aè C. fraxinî. Le T. orni vit de préférence sur les
frênes à manne, ainsi les Ornus Europœa et rotundifolia. La manne,
concrétion sucrée propre à divers végétaux, coule à la suite d'incisions
horizontales faites en juillet et août sur les écorces de ces ornes, la
meilleure s'écoulant naturellement des piqûres faites par T. orni. 11 ne
faut nullement confondre cette manne avec celle qui nourrissait les
Hébreux en marche vers la Terre promise et qui était due, très proba-
blement, à des Lichens alimentaires du genre Lecanora. Le T. orni est
du midi de l'Europe et de la bordure la plus méridionale de la France,
ne remontant pas par places aussi au nord que C. fraxini. Celte espèce
vit sur beaucoup d'arbres et se trouve notamment dans des contrées où
il n'y a pas d'ornes, ainsi dans les forêts de pins maritimes entre
Bayonne et Bordeaux. Elle est très commune en Algérie, dans l'est
comme dans l'ouest, pendant tout le printemps, l'été et une grande
partie de l'automne, surtout sur les tiges des oliviers, des caroubiers
et des agaves. ^
Un dernier groupe de Cigales d'Europe, du sous-genre Tibicina,
Amyot, comprend des espèces où les timbales sont entièrement décou-
vertes, aucune membrane ne se projetant sur elles en dessus ni latéra-
lement, les opercules très petits, sinués sur leurs bords, l'épine basi-
laire aussi longue qu'eux^ ^
Une des principales est T. hœmatodes, Linn., syn. : sanguinea, Fabr.,
la Cigale à anneaux rouges de StoU, de 30 millimètres de long, la tête
très large, le fond du corps noir, avec des taches et des lignes rougeâ-
tres sur le prédorsum et l'écusson, et un liséré rouge au bord postérieur
de chaque segment abdominal, lesquatre ailes sans taches avec les bases
rougeâtres, les nervures rouges ou rougeâtresdansles deux premiers tiers,
d'un noir foncé plus ou moins rougeàtre dans le dernier tiers, le des-
sous du corps plus ou moins taché de jaune rougeàtre ; les deux sexes.
Du sud-ouest de la France principalement. Cette Cigale sanglante est la
seule qui existe dans les Charenles; je l'ai prise en été, mais assez
rarement, dans les jardins d'AngouIème, émettant une stridulation
uniforme, sans sifflement terminal. Il y a dans le Midi une variété plus
petite et plus velue, de 22 à 24 millimètres, où le jaune remplace le
rouge; on la nomme Cigalon. û
Nous représentons,'*^pl. on, fig. 1, une belle Cigale du Brésil, C.
formosa, Germar, de 26 millimètres de long, avec la tète noire bordée
de rouge et une ligne rouge au milieu, le prothorax et le mésothorax
verts, bordés de rouge, les bases des ailes verdùtres et leurs extrémités
enfumées, les cuisses antérieures rouges, le reste des pattes noir, sauf la
FULGORIENS. 857
base des cuisses rouge, l'abdûmen noir en dessus, avec la pointe termi-
nale rouge ; les deux sexes.
Il y a des Cigales dont la vie à l'état larvaire est de très longue durée:
telle C. septemdecim, de l'Amérique du Nord, dont les apparitions sous
la forme adulte, à très longs intervalles, ont fait supposer que l'évolu-
tion durait dix-sept ans.
c Tribu des ruLGORiEWS.
Les Fulgoriens sont des Homoptères muets, dont les mâles n'ont pas
d'appareils sonores. Les antennes très petites sont insérées sous les yeux,
d'où le nom de .Subtéricornes qui leur est donné par Amyot. Ce sont
des Biocelles comparés aux Cicadiens ou Triocelles. En effet, ils ont
deux ocelles placés sur les côtés de la tête, parfois un troisième, mais
obsolète, au sommet du front; tous les ocelles peuvent au reste dispa-
raître.
Les Fulgoriens ne sont représentés en Europe que par un petit nom-
bre d'insectes fort élégants, mais qu'on remarque peu, en raison de la
petitesse de leur taille. Ce sont principalement des insectes équato-
riaux, ayant alors parfois une taille grande ou au moins moyenne et de
belles couleurs. Beaucoup de Fulgoriens sécrètent entre les anneaux
de l'abdomen une jnatière cireuse d'un blanc de neige qui l'entoure
sous forme d'anneau {Fulgora), ou qui constitue un écheveau de fila-
ments en forme de houppe terminale''(Z,!/s<rrt, Phenax). Cette produc-
tion cireuse se renouvelle lorsqu'elle a été détachée par le frottement,
de môme que chez certains Pucerons, ainsi le Puceron lanigère, du
genre Schizoneura. En général, la tête donne aux Fulgoriens une phy-
' sionomie spéciale. Quand son caractère fondamental n'est pas masqué
par quelque anomalie, le vertex, le front et les joues sont séparés par
des crêtes aiguës, et toutes ces parties présentent un contour anguleux.
Le prothorax simple n'est déformé par aucune excroissance, ni par au-
cun appendice. Les ailes antérieures sont tantôt membraneuses coirme
les ailes postérieures, tantôt presque en pseudélytres et plus épaisses
que celles-ci, tantôt enfin les quatre ailes sont également coriaces et
bariolées. Toujours une petite écaille plus ou moins distincte recouvre
leur base. Les hanches antérieures et intermédiaires sont insérées près
des côtés du corps, distantes, allongées; les postérieures sont trans-
verses, contiguës, étendues près du bord latéral de la poitrine. Toutes
les jambes ont trois arêtes et sont arméi^ souvent d'épines.
Un genre bien caractérisé est celui deiFulgora, Linn., n'ayant qu'une
seule et très grande espèce des Guyanes, peut-être aussi du Mexique,
paraissant du reste assez rare partout. C'est lé F. /aiernan'o, Linn., syn.:
^ Laternaria phosphorea, Linn., le grand Porte-lanterne des Indes Occiden-
858 HÉMIPTÈRES.
taies de Stoll, mesurant de 7 à 8 centimètres de longueur, avec une
énorme tête comptant bien pour le tiers de la longueur du corps, dont
elle a la largeur, offrant l'aspect d'une forte massue vésiculeuse, avec
une gibbosité en dessus et en arrière ressemblant un peu à une selle.
Les autres caractères sont ceux du genre suivant Hotinus. Tout l'insecte
est d'un jaune verdâtre varié de noir, avec une grande tache jaune
ocellée à l'extrémité de chaque aile inférieure, offrant au milieu un
cercle brunâtre et entourée d'une circonférence brune très large du
côté interne. Une sécrétion cireuse abondante, d'un blanc de craie,
adhère à l'abdomen. Cette célèbre espèce a donné son nom à la tribu
des Fulgoriens {fulgor, lumière), car Sibylle Mérian, qui l'observait
vivante à Surinam, fut frappée de l'éclat phosphorescent que jetait la
nuit la longue et grosse tête renflée.
C'était comme une lanterne, et un seul exemplaire suffît à Mérian
pour lire la Gazette de Leyde, qui était imprimée en caractères très fins.
Cette vertu phosphorescente a été, de nos jours, tout à fait mise en
doute ; cependant l'asseriion de Mérian est bien affirmative. Peut-être
la lueur n'apparaît-elle qu'à certaines époques de la vie de ce curieux
Homoptère.
V ^ HOTIIWVIK, Amyot. — Prolongement céphalique presque égal à la longueur du
reste du corps, relevé en arc et soutenu par huit carènes ; antennes avec le
premier article apparent grand et sphérique, le second très petit, inséré dans
une cavité du premier où il peut se retirer en entier et terminé par une soie
très fine ; prothorax portant une carène longitudinale, avec une fossette de part
et d'autre; mésothorax avec trois carènes peu élevées; ailes légèrement opaques
et richement colorées, les antérieures grandes et arrondies, un peu plus larges à
l'extrémité qu'à la base, les postérieures larges et plus courtes, parfois avec une
échancrure arrondie, au bord postérieur, vers l'extrémité ; jambes postérieures
ayant cinq ou six fortes épines; abdomen large, ayant une carène dorsale, le
dernier segment, chez les femelles, divisé en deux lobes pour servir de passage
à la tarière, avec les plaques vulvaires courtes, contournées et un appendice
concave, en forme de barque, placé en dessus; la plaque anale des mâles sub-
carrée, légèrement échancrée en rond à l'extrémité, avec les deux appendices
sexuels venant ensuite, allongés, étroits, repliés en dessus, l'appendice cymbi-
forme, qui les couvre en dessus, beaucoup moins grand que chez les femelles.
c ^^
L'espèce type et très^mmune de ce genre est le H. candelarius, .
Linn., syri. : Laternaria et Fulgora candelaria, Linn., la Cigale chinoise
porte-lanterne de Stoll, le Porte-chandelle de Chine, insecte des Indes
Orientales et de Chine, que le commerce fournit en abondance dans tous
les cadres d'Insectes préparés à Canton, que les peintures chinoises
reproduisent sur les paravents, les écrans, les éventails, les meubles cou-
verts en laque, etc. Il est long de 40 à Zi5 millimètres, avec le prolon-
gement céphalique de 15 à 20, le corps d'un rouge jaunâtre, les ailes
HOTINUS, APHANA. 859
antérieures ayant le fond noir, avec les nervures vertes et trois bandes
transversales jaunes vers la base, les ailes postérieures, noires à l'ex-
trémité, d'une teinte voisine du rouge ; les pattes jaunes ; maie et fe-
melle. Nous représentons une espèce voisine, ff. Lathburi, Kirby, des
Indes Orientales, pi. en, fig. 2, avec la tète noire, le bout blan-
châtre et vésiculeux, le corps d'un brun enfumé en dessus, les ailes
antérieures verdâtres, avec de nombreuses taches circulaires grisâtres à
miheu brunâtre, les ailes postérieures d'un jaune fauve, terminées par
une large bande noire, les pattes brunes.
Les Fulgoriens à tête prolongée en avant sont des formes essentielle-
ment exotiques, des régions chaudes. La France n'en présente qu'une
espèce de petite taille, du gcnreptjctyophora, Germar,syn.? Pscudo/j/iana,
Burmeister, le Fulgore d'Europe'; D. Europœa, Linn., la Cigale à tête en
pointe conique, de Stoll, de 10 à 12 millimètres de long (ailes repliées
comprises), d'un vert de gazon, toutes les ailes transparentes, traversées
par des nervures également vertes, la tête conique et proéminente en
pointe pyramidale à quatre pans, le vertex bordé d'une crête, traversé
par une carène longitudinale, le front, également entouré d'une crête,
divisé en trois languettes. Ce Fulgore se plaît dans les lieux herbeux,
surtout les prairies sèches renfermant beaucoup d'Ombellifères, de
Chrysanthèmes, d'Achillées; il est du midi de l'Europe, rare en France
dès qu'on sort de l'extrême Midi, remontant isolément par places
jusqu'aux environs d'Orléans et de même, çà et là, en Allemagne, jus-
qu'à la frontière septentrionale de la Saxe et jusqu'aux environs de
Leipsig, de Halle, etc.; en Algérie, en fauchant les grandes herbes en
mai et juin aux environs de Constantine et du cercle de la Calle.
Les autres Fulgoriens ont le prolongement céphalique beaucoup
moins prononcé.
^O APHAMA, G. Mén., Burmeister. — Tête sans prolongement, assez étroite, ar-
rondie en avant, avec un léger rebord tout autour ; antennes à second article
grand, en ovale allongé, fortement granuleux ; mésothorax ayant trois lignes
élevées, les deux latérales arquées, de sorte qu'elles forment ensemble l'extré-
mité d'un ovale ; abdomen déprimé : les autres caractères analogues à ceux des
V i. ^^ .
^ Fulgora et Hotmus.
l/l
Ce genre, créé par Guérin-Méneville (à tort Aphœna), comprend quel-
ques espèces richement colorées de l'extrême Orient. Nous représen-
tons la première décrite, de Cochinchinè, A. variegata, G. Mén., pi. en,
fig. 3, femelle : 3 a, tête vue de face; 3 6, antenne très grossie. La tête
et le thorax sont d'un brun olivâtre; les ailes antérieures ont le fond
de cette couleur parsemé de taches noires, bien plus grandes vers l'ex-
trémité de l'aile, ayant le dernier tiers obscurci; ailes postérieures
d'un rouge écarlate dans leur premier tiers, avec trois points noirs,
une tache jaunâtre, fondue avec le rouge, vers le miUeu, avec trois ou
/
^/c-
/
860 HtMIPTÈRES.
quatre petits points blancs, le tiers extrême d'un noir brun, avec quel-
ques points bleuâtres, le bord postérieur de l'aile d'un brun enfumé -,
mésothorax et abdomen rouges en dessus, ce dernier avec deux étroites
bandes blanches; pattes et dessous du corps brunâtres.
^ CIXIUS, Latr. — Tête très petite, très étroite, sans prolongement au delà des
yeux; antennes insérées assez loin au dessous des yeux; deux ocelles; yeux
proéminents; prothorax court; ailes s'étendant bien au delà du corps, transpa-
rentes, les antérieures souvent avec quelques points noirs, les nervures à divi-
sions dichotomiques; pattes de moyenne grandeur, les jambes postérieures avec
une seule épine vers le milieu et une à l'extrémité ; abdomen large, déprimé,
avec une tarière en pointe saillante chez les femelles.
Les Cixies sont de petits Homoptères sauteurs, remarquables par
leurs ailes transparentes. L'espèce la plus commune, de toute TEurope,
se trouvant partout en France, en été, sur les buissons, est le C. ner-
vosus, Linn., la Cigale à ailes transparentes de Geoffroy, de 6 à 8" milli-
mètres de long, dans les deux sexes à thorax jaune ferrugineux ou ver-
dâtre, l'écusson ordinairement noir, ainsi que l'abdomen, deux bandes
transverses brunes très étroites plus ou moins distinctes, à la base
des ailes antérieures, avec un point brun épais touchant la côte externe
vers les deux tiers de la longueur de l'aile ; plusieurs variétés. On trouve
cette espèce en Algérie, dans le cercle de La Calle, à la fin de juillet,
en fauchant les grandes herbes dans les bois du lac Tonga. Nous repré-
sentons une- espèce du Bepgale, à ailes complètement transparentes,
C. pelhicidus, G. Mén., pi. cir, fig. U : à, a, tète vue de profil; U, b, tête
vue de face; h, c, antenne très grossie.
LYSTRA, Fabr. — Tète large, courte et transversale, ne formant qu'un très
léger rebord au delà du prothorax, un peu concave en dessus, avec une pointe
au-dessus de chaque œil ; front coupé droit en avant des yeux, séparé du cha-
peron par un sillon à peine distinct ; antennes ayant le second article sphéroïde
et très gros ; yeux gros, très saillants, hémisphériques ; thorax se relevant légè-
rement en une bosse dorsale ; ailes antérieures longues, légèrement opaques,
donnant au repos une apparence linéaire au corps de l'insecte ; ailes postérieures
plus courtes; abdomen ayant son cinquième segment en forme d'opercule et
apte à couvrir les suivants, offrant ordinairement un faisceau d'aspect cotonneux,
formé de longs filaments de cire blanche exsudée par l'abdomen.
L'espèce la mieux connue, de la Guyane et du nord du Brésil, est
L. lanata, Linn.; la Cigale poulette de StoU, pi. en, fig. 5, tête vue de
face; 5, a, antenne grossie, de 15 millimètres de long et 25 avec
les ailes antérieures pliées au repos, noire, les bords latéraux du front,
les joues, les yeux et l'extrémité de l'abdomen d'un rouge de sang, une
1/
LYSTBA, PACHAZIAS, POECILOPTERA, FLATA. «61
longue tache d'un blanc verdâtre au bord interne de chaque aile anté-
rieure, le reste de l'aile parsemé de petits points de môme couleur.
K
0 PACHAZIA, Amyot, syn. : Ricania, Germar, Spinola. — Tête large, front
aplati et un peu arrondi au delà des yeux, caréné au milieu; yeux assez gros,
globuleux; antennes très courtes, terminées par une soie ; prothorax arrondi
antérieurement et arqué postérieurement, avec une carène médiane prolongée
sur le mésothorax, qui est gros et bombé; ailes antérieures un peu plus épaisses
que les postérieures, ayant les nervures longitudinales en forme de plis ; jambes
postérieures avec trois ou quatre épines au côté externe, vers l'extrémité; abdo-
men court, comprimé latéralement et tinissant en pointe.
Ce genre, avec quelques autres très voisins, est propre aux régions
torrides. Nous représentons, ^P, marginella, G. Mén., pi. cii, fig. 6: 6, a,
tête vue de face; 6, 6, tète de profil, espèce de la Cochinchine, avec les
ailes antérieures d'un très joli vert et bordées d'un liséré de bistre sur
leurs bords externe et inférieur.
V
P(E€lK.OPTER.%, Latr. — Front large, à bords latéraux relevés ; antennes plus
courtes que la tète, ne dépassant pas ou à peine le bord latéral des joues, à pre-
mier article très court, le troisième terminé par une soie; prothorax ordinai-
rement sans carènes; ailes antérieures ayant souvent des taches ou points
noirâtres et arrondies à leur extrémité; pattes fortes et longues, jambes pos-
térieures avec quelques épines; abdomen court, assez gros, arrondi au bout.
i ^■
Dans ce genre, comme dans celui des F/aia, qui en est voisin, le port
des ailes cociihées au repos en double toit incliné de chaque côté
du corps, rappelle tout à fait l'aspect de certaines Noctuelles ou Pyrales
ou Tordeuses, dans les Lépidoptères, ressemblance augmentée par
l'aspect des taches colorées des ailes antérieures recouvrant les autres.
, Nous représentons, pi. cti, fig. 7 : 1, a, tète et antenne de profil, le
'' O p. maculata, G. Mén., de Java.
/
"- FliATA, Fabr. — Tête petite ; front allongé, étroit, sans carène médiane, creuse
en gouttière; chaperon allongé, en saillie très arrondie ; antennes insérées très
près des yeux, les deux premiers articles cyiindroïdes, plus longs que la tête,
tous deux subégaux en longueur, coudés entre eux à leur articulation ; ocelles
non apparents; yeux petits, globuleux, saillants; prolhorax ayant trois carènes
médianes assez rapprochées; mcsothorax beaucoup plus grand que le pi^olhorax,
formant avec lui une gibbosilé très prononcée ; les autres caractères des Pœci-
loptera.
Les Fiâtes (du latin flatus, soufflé) sont des Homoptères des régions
intertropicales, remarquables par les exsudations cireuses dont s'en-
862 HÉMIPTÈRES.
toure leur corps, et qui sont môme utilisées dans la Chine méridionale.
Exemple' ?F. flocosa, G. Mén., de Java, pi. en, fig. 8 : tête de profil.
O TETTIGOMETR.t, Latr. — Corps ovalaire, déprimé; tête légèrement triangu-
laire en avant, vertex aplati en dessus ainsi que le front ; antennes insérées dans
un enfoncement au-dessous des ocelles, leur article basilaire gros et court, le
second encore plus gros et du double plus long que lui, ovalaire, la soie termi-
nale aussi longue que les deux articles ensemble ; ocelles placés entre les yeux
et les antennes ; yeux assez grands, ovalaires, peu saillants ; prédorsum plat,
de niveau avec le vertex, ses bords latéraux arqués et continuant la courbe
de l'ogive commencée par la tète, coupé droit en avant, légèrement sinué en
arrière et échancré sous chaque œil pour en recevoir l'orbite ; écusson en
triangle à large base, terminé en pointe aiguë, ailes antérieures oblongues,
légèrement coriaces, avec une écaille humérale recouvrant leur insertion, leur
tissu finement ponctué, leur bord interne presque droit, leur bord externe légè-
rement coupé en arc vers l'extrémité; ailes postérieures transparentes, à peu
près de la longueur des antérieures ; pattes courtes, fortes, assez aplaties, les
jambes postérieures et les articles de leurs tarses ayant à l'extrémité une cou-
ronne d'épines ; abdomen ovalaire, aplati.
On connaît plus de trente espèces de Tettigometra en Europe méri-
dionale et orientale et en Algérie. La principale es,fT. virescens, Panier,
en, flg. 9:9a, tête vue de profil, de k millimétrés de long, de la
France méridionale et moyenne, non rencontrée, d'après Amyot, aux
environs de Paris, offrant beaucoup de variétés de coloration, le plus
souvent d'un vert jaunâtre uniforme, avec le ventre jaune, les pattes
rougeâtres, quelquefois vertes comme le reste du corps, ce corps quel-
quefois rougeàtre ou grisâtre, ou même noir. Un certain nombre d'es-
pèces de ce genre sont commensales des fourmilières.
y'^ ISSUS, Fabr. — Tète grande, transversale, arrondie antérieurement; frontlarge
ayant une carène au milieu et les bords saillants ; vertex avec des lignes sail-
lantes antérieurement et postérieurement; antennes très courtes, le second ar-
ticle en massue tronquée, creusée à son extrémité, le troisième très petit , inséré
dans une cavité, la soie terminale longue; ocelles nuls; yeux gros, ovalaires;
thorax en losange, plus large que long, le prothorax très court, rebordé anté-
rieurement, le mésothorax à peu près de même dimension que le prothorax ;
ailes antérieures assez coriaces, larges, légèrement bombées, s'écartant de chaque
côté, arrondies et diminuant de largeur à leur extrémité, avec des nervures très
saillantes formant un réseau à cellules nombreuses et irrégulières; ailes posté-
rieures amples, à peu près aussi larges et aussi longues que les antérieures ;
pattes assez fortes, de moyenne grandeur, les jambes ayant trois épines vers
l'extrémité ; abdomen gros et court, sans tarière apparente chez la femelle.
Les Isses sont des insectes sauteurs. Nous représentons d'abord une
o
ISSUS, OTIOCERUS. 863
■ <D
grande espèce exotique du Bengale, I. pectinipennis, G. Mén., pi. cii,
fig. 10, colorée d'un brun jaunâtre, les ailes antérieures ou homélytres
offrant des nervures noires qui coupent transversalement un large re-
bord membraneux et translucide. Une espùce qui se trouve dans toute
la France et aussi dans l'Amérique septentrionale, est^/. coleoptratus,
Geoffroy, pi. eu, fig. 11, tête de face : 11, a, tète de profil. Cette Cigale
bossue de Geoffroy, de 6 à 8 millimètres de long, est jaunâtre ou d'un
verdâtre brun, les ailes antérieures plus ou moins tacbécs de noir sur
leur disque. Ces ailes ont le fond gris ou nébuleux, parfois même noir.
L'iusecte est commun dans les bois, surtout sur les jeunes pousses de
chêne. Près de Paris et dans le nord de la France, l'adulte ne paraît
guère avant le milieu de l'été. 11 saute assez haut ; mais il est lent à
prendre son essor et facile à saisir. L'espèce existe dans le nord de
l'Europe jusqu'en Suède, y
Dans le genre très voisin, Hysteroplerum, Amyol (qui manque d'aile),
les ailes inférieures sont nulles ou très rudimentaires. Le midi de la
France et les environs d'Algej et de Constantine présentent une petite
espèce, de û à 5 millimètres, w. apterum, Fabr., jaunâtre ou d'un brun
uniforme, les ailes antérieures ou homélytres en écailles ovalaires assez
arrondies, non gibbeuses sur les côtés, ayant quelquefois une tache
ronde pille près de la base et leur teinte variant du brun au rougeâtre
ferrugineux; les deux sexes. Cette petite espèce est très commune dans
les vignes de la Gironde ; lors de l'invasion du Phylloxéra, certaines per-
sonnes, affolées par le prix de 300 000 francs, eurent l'idée bizarre que
risse dont nous parlons n'était qu'une phase du Phylloxéra, et se
livrèrent dès lors à de minutieuses recherches, d'où résulte la connais-
sance d'un fait nouveau. La ponte est fort curieuse; elle s'opère sur les
ceps ou les échalas, à reculons, de bas en haut, avec de rapides oscil-
lations de l'anus, et, à mesure que les œufs sont déposés, ils sont en-
tourés de grains de terre pris dans le vignoble même, de sorte que le
petit nid terreux ou glèbe d'œufs est formé d'un amas contenant les
œufs, agglutiné par de la viscosité et ayant la couleur et la nature de la
terre du vignoble. On trouve souvent un grand nombre de ces glèbes
étagées sur le même échalas.
OTIOCERUS, Kirby. — Corps allongé ; tête très étroite, avec un prolongemen
aplati et comprimé, le front et le vertex creusés en gouttière; antennes insérées
assez loin des yeux, avec le premier article court et épais, portant attachés
deux appendices en massue et contournés; ocelles nuls; yeux assez gros et
saillants; protliorax plus large que la tète, s'avançunt eu pointe antérieurement
et profondément échancré à angle aigu postérieurement; mésothorax finissant
en pointe aiguë, antérieurement et postérieurement; ailes antérieures du double
plus longues que le corps, légèrement opaques, assez étroites et linéaires, à
longues nervures longitudinales, avec rangées de cellules intercalées; ailes pos-
térieures très transparentes, presque aussi longues que les ailes précédentes;
86a HÉMIPTÈRES.
pattes assez courtes, déliées, mutiques ; abdomen presque cylindrique, se termi-
nant en pointe.
Le nom de ce genre (corne à petites oreilles) vient de la singulière
conformation des antennes, comme le montre la planche en, fig. 12,
tête de profil Éi^O. Coqueberti, G. Mén., des parties méridionales de
l'Amérique du Nord.
^ DEniPI.%, Weslwood, syn. : Anotia, G. Mén. — ■ Corps assez allongé; tête se
prolongeant en lamelle étroite et comprimée en dessus et au delà des yeux; di-
visée en deux par un profond sillon; ocelles nuls; yeux grands, arrondis, dé-
primés ; antennes de la longueur de la tête, paraissant formées de deux articles
distincts, à peu près d'égale longueur, gros, cylindroïdes, le second tronqué
obliquement à l'cxlrémité et profondément creusé, avec une soie terminale in-
sérée latéralement ; ailes antérieures du double plus longues que le corps, linéaires,
de même largeur à peu près partout, arrondies au bout, légèrement opaques;
ailes postérieures à peu près de même consistance, plus courtes, mais plus larges,
surtout à l'angle anal.
Nous donnons comme exemple de ce genre iine superbe espèce, dont
le corps a 7 à 8 millimètres de long, tout l'insecte d'un rouge carmin
pur et uniforme,' .D. coccinea, G. Mén., de Port-Praslin (Nouvelle-
Irlande), pi. en, fig. 13 : 13, a, tête vue de profil
' DERBE, Fabr. — Corps assez court ; tête étroite, comprimé ; front sillonnée au
milieu ; yeux un peu allongés, ovalaires ; ocelles petits, mais très distincts, placés
en avant, au-dessous des yeux et très près d'eux ; antennes à premier article
très court, le second grand, beaucoup plus gros, allongé, tronqué et creusé au
bout qui porte la soie ; prothorax très étroit, s'avançant à angle très aigu sur le
bord postérieur de la tête, écliancré de même postérieurement, unicaréné au
milieu ; mésothorax rhomboïdal, tricaréné au milieu ; ailes antérieures du double
plus longues que le corps, étroites vers la base, allant en s'élargissant, arron-
dies au bout, transparentes ; ailes postérieures à peu près de la longueur des
antérieures ; pattes grêles et mutiques, les jambes postérieures privées d'une
longue épine à leur extrémité.
Nous représentons, pi. cii, fig. iU, la tète de profil du D. pallida,
Fabr., de l'Amérique méridionale, espèce très bien figurée par Per-
cheron dans le Magas. de Zoo/, de Guérin-Méneville, 1832, Ins.,
pi. XXXVI.
Dans la famille des Delphacides, la tête est émarginée à la base,
le plus souvent carénée, les yeux sont fortement émarginés en des-
sous à l'insertion des antennes, les ocelles sont placés sur les
joues, les antennes sont longues, le second article cylindrique,
ponctué de granulations, les jambes postérieures sont armées d'une
ASIRACA, HYGIOPS. 865
grande épine mobile ou calcar. Il y a des formes macroplères et
brachyptères.
o ^
AlSIRACA, Latr., syn. : Delphax, Fabr. — Tête très petite, à front aplati; an-
tennes longues, insérées dans une échancrure des yeux, leur premier article
aplati en forme de penne de flèche, avec une carène médiane longitudinale en
dessous, le suivant en cylindre aplati, velu, avec une soie terminale ; ocelles
placés très près des yeux ; forme brachyptère, pronotum à peine convexe, de
moitié moins long que le mésonotum; ailes antérieures translucides, velues,
d'aspect cristallin, d'un tiers plus courtes que l'abdomen, le bout obtusément
arrondi et tronqué; ailes postérieures rudimentaires ; pattes assez grandes, les
antérieures foliacées, les postérieures à jambes longues, épineuses au côté ex-
terne; tarière des femelles longue et recourbée, mais ne dépassant pas l'extré-
mité de l'abdomen.
Les entomologistes français ont séparé des Delphax le genre Asiraca^
établi pour une seule espèce : A. clavicornis, Fabr., pi. en, fig. 15:
15, a, tète vue de face; 15, b, antenne; 15, c, patte postérieure. Cette
petite espèce, de 5 à 5,5 millimètres de long, est de toute l'Europe,
rare aux environs de Paris, plus commune dans le centre et le midi de
la France, très rare dans le nord de la France, rencontrée en Suède
jusqu'au es*' degré lat., sur les Phrogmites communis, en août. Le corps
est d'un jaunâtre pâle, varié de brun, noirâtre sur le milieu du thorax
et de l'abdomen ; les ailes brunâtres, avec une bande transverse plus
foncée vers l'extrémité, les nervures grosses et saillantes, marquées
de petits points ou tubercules bruns, les pattes d'un jaune pâle, avec
des bandes brunes.
O HVOIOPS, G. Mén. — Corps large et peu allongé; tète triangulaire, un peu
prolongée au delà des yeux, à front allongé; antennes aussi longues que la
moitié du corps, de deux articles cylindriques subégaux, la soie terminale in-
sérée à l'extrémité du second assez courte ; ocelles non apparents ; prothorax
très étroit, anguleux antérieurement, légèrement échancré postérieurement,
avec une carène médiane qui se prolonge sur le mésothorax, ce dernier ayant
en outre deux autres carènes de chaque côté, triangulaire, pointu en arrière ;
ailes antérieures du double plus longues que l'abdomen, en ellipse allongée, à
peu près de même largeur dans toute leur étendue, arrondies au bout, transpa-
rentes; ailes postérieures plus courtes, mais plus larges, que les précédentes;
pattes grêles, longues, les postérieures plus que les autres, à jambes épineuses
et avec un calcar mobile, comme chez les^siraca ei Delphax ; tarière des fe-
inelles grande, dépassant un peu le bout de l'abdomen.
o
Le type de ce genre est une espèce de la Cochinchine, H. Percheront,
G. Mén., pL cii, fig. 16, de 5 millimètres de long, ailes non comprises,
le corps d'un jaune rougeâtre ferrugineux, les ailes des deux paires
GIRARD. m. — 55
866 HÉMIPTÈRES.
claires et sans taches ; femelle. A l'aspect, on dirait une petite Perle
(Névropt. amphibiotique).
ù DEl.PHAX, Fabr. — Corps oblong; tête très étroite et front étroit, caréné au
milieu; joues portant de petits ocelles au bord antérieur des yeux; yeux forte-
ment excisés en dessous, convexes, longuement prolongés près de la base du
vertex- antennes insérées dans une profonde échancrure des yeux, les deux
articles basilaires allongés, le premier comprimé et triangulairement prisma-
tique, le second distinctement plus long, cylindrique, tuberculeux et légèrement
pubescent, le troisième à peine visible, consistant en une soie grêle ; pronotum
court, à peine échancré postérieurement; mésonotum avec l'écusson brièvement
triangulaire, obtusénient caréné en dessus ; ailes antérieures beaucoup plus lon-
gues que l'abdomen dans la forme macroptère, à côtés subparallèles, arrondies
séparément au bout, et ailes postérieures transparentes et un peu plus courtes que
les antérieures; ailes antérieures beaucoup plus courtes que l'abdomen dans la
forme brachyptère et obtusénient arrondies au bout; pattes allongées, les anté-
rieures non foliacées, les jambes postérieures triangulairement prismatiques,
avec deux courtes épines au côté externe et munies extérieurement, à leur ex-
trémité rétrécie et spinuleuse, d'un grand calcar mobile et cultriforme ; abdomen
lectiforme, formé de six segments en dessous.
Les Delphax sont de petits insectes sauteurs, dimorphes sous le rap-
port des ailes. On en compte environ quatre-vingts espèces en Europe et
dans le bassin de la Méditerranée. Elles ont été réparties en divers sous-
genres. Nous représentons pi. en, fig. 17, la tète vue de profil du
<^ D. mi7iutus, Fabr., syn. : lineola, Germar, du sous-genre Stenocarenus,
Fieber, environ de 5 millimètres de long, allongé, d'un testacé pâle,
avec une étroite ligne blanche allant du bout du vertex au bout de
l'écusson, les cuisses avec deux lignes noires en dessous, les ailes anté-
rieures étroites, subUnéaires, plus longues que la moitié de l'abdomen,
translucides et jaunâtres, avec une bande brune postérieure à la
suture, les ailes transparentes, avec les nervures brunes au sommet.
Ce petit Delphax est de toute l'Europe jusqu'en Suède. Unie trouve aux
environs de Paris dès les premiers jours de printemps ; en France il est
■ commun d'ordinaire, en avril, puis en septembre, sur les herbes au
bord des fossés et des marais.
"^ Tribu des ilEilBRA€IE]V.S.
Les Homoplères qui vont suivre appartiennent aux Antéricornes
d'Amyot, parce qu'ils ont les antennes insérées en avant des yeux. La
tribu des Membraciens correspond aux Cornidorses d'Amyot et Audinet-
ServiUe, ainsi appelés parce que le pi'édorsum se prolonge en forme de
MEMBRACIS, DARINIS. 867
corne jusqu'au-dessus de l'abdomen. Dans les Membraces proprement
dites, insectes de petite taille, tous exotiques et des régions les plus
chaudes de l'Amérique, Floride, Mexique, Guyanes, Brésil, l'écusson
est toujours entièrement caché sous le prolongement prédorsal, qui
s'avance en dessus de la façon la plus variée, parfois, peut-on dire, de
la plus extravagante. Nous renvoyons à nos Métamorphoses des Insectes,
Paris, Hachette et C'% 6^ édit., 188i, p. 355, pour la planche qui
représente les principales Membraces, où l'on croirait voir un caprice
fantaisiste de l'artiste dans le dessin si fidèle de ces créatures ano-
males.
Tête à front très souvent proéminent, tout le vertex fortement
déclive ; deux ocelles sur le vertex ; pronotum très fortement déclive en
avant, très convexe, le plus souvent appendiculé en arrière ; face très
infléchie, subhorizontalBj les bords latéraux non prolongés et ne cou-
vrant pas les hanches antérieures ; hanches postérieures transversales,
étendues jusqu'au bord latéral de la poitrine; jambes prismatiques.
Les formes bizarres des quelques Membraciens de France les firent
nommer Diables par Geoffroy.
mkhiuraCIi^j Fabr. — Tête inclinée en dessous, large; front aplati, s'arron-
dissant antérieurement, à bords tranchants et presque foliacés ; yeux assez
gros, globuleux; prothorax comprime et s'élevant en feuille arrondie, non pro-
longée en pointe ou sabre antérieurement; pseudélytres assez coriaces, termi-
nées par cinq grandes cellules allongées, suivies d'une bordure à plis ou sillons
légers tout autour; jambes élargies, foliacées, les postérieures à bords dentés;
abdomen court, pointu au bout.
a
Le M. Mexicana, G. Mén., pi. cm, fig. 1, [du Mexique, de 9 milli-
mètres de long, a le corps noir ou d'un brun noirâtre, le capuchon du
prothorax d'un beau jaune doré en avant, avec six taches rondes en
avant, une large bande en arrière et la pointe terminale postérieure
noires; pattes noires, à jambes dilatées; dans une variété de la Califor-
nie les taches du capuchon prothoracique sont plus larges et les pseu-
délytres sont d'un noir vif.
'^ U.%RI1IS, Fabr. — Tète en forme de bandeau étroit au delà du prothorax, large,
transversale, inclinée, lisse, à bords antérieur et postérieur rapprochés et pa-
rallèles ; ocelles sur le vertex, à peu près aussi éloignés l'un de l'autre que des
yeux; yeux arrondis et assez gros, non saillants; prothorax lisse, en triangle
allongé, voûté, arrondi dans toute sa surface, se terminant en pointe aiguë au
moins de la longueur des pseudélytres et s'étendant au delà de l'abdomen; pseu-
délytres à peu près entièrement cachées sous le prothorax, à cinq cellules ter-
minales étroites et allongées; pattes assez fortes, sans épines mais ciliées, les
cuisses antérieures et intermédiaires épaissies, les jambes prismatiques ; abdo-
men fmissant en pointe.
868 HÉMIPTÈRES.
L'espèce du Mexique que nous figurons, pi. cm, fig. 2, so^s le nom
de^D. af finis, G. Mén., n'est peut-être qu'une race locale du D. latera-
lis, Fabi;., du Brésil. Le corps est d'un. brun foncé et la tête d'un rolix
fauve ; le pronotum est finement bordé de brun jaunâtre, avec une
large bande jaune de chaque côté, atténuée à ses deux extrémités,
atteignant à peine la sinuosité latérale qui précède l'insertion des pseu-
délytres ; pattes d'un jaune pâle, avec leur côté supérieur brun foncé
dessous du thorax noirâtre ; abdomen d'un jaune fauve.
Nous croyons devoir citer ici un genre d'Europe représenté par une
seule espèce qui se trouve dans toute la France et manque dans le nord
de l'Europe. C'est le Gargara genistœ, Fabr., le Demi-Diable de Geoffroy,
de à millimètres de long, noir, avec le prédorsum voûté, arrondi anté-
rieurement en forme de graine et se prolongeant postérieurement en
épine droite et aiguë, la tête large, très inclinée, à bords foliacés,
l'écusson un peu découvert de chaque côté par le prolongement pré-
dorsal, les pseudélytres translucides, d'un brun enfumé, à nervures
fortes, avec une petite tache noire au milieu près du bord externe,
cinq cellules terminales, quadrangulaires, longitudinales et parallèles
et une bordure étroite, à légers sillons, au conter de l'aile ; les pattes
velues, à cuisses renflées ; les deux sexes. Le G. genistœ est commun
aux environs de Paris; il existe, mais rare, dans le nord de la France
en été, sur les genêts.
^ CYPMOHIA, Laporte, syn : Combophora, Germar. — Tête triangulaire, large ;
yeux gros ; prothorax bombé antérieurement et prolongé postérieurement en
forme de fourche triflde à branches fines et cylindriques, la partie antérieure
offrant en outre deux cornes, et, un peu en arrière, une petite fourche bifide à
pointes tournées en haut ; pseudélytres présentant trois cellules basilairee
étroites, allongées, et quatre ou cinq cellules terminales pentagonales, triangu-
laires ou arrondies ; pattes grêles, les postérieures plus longues que les autres ;
abdomen assez allongé, pointu au bout.
Le nom de ce genre signifie porte-foiirche. L'espèce du Mexique que
nous représentons pi. cm, fig. 3, est le C. proxima,G. Mén., de 5 milli-
mètres de long, espèce très voisine et p'eut-étre variété locale dPC. tri'-
fida, Fabr., qui est du Brésil. L^C. proxima est noir et velu, avec les
côtés du corselet largement et irrégulièrement bordés de jaune et une
ligne jaune au milieu se terminant à la base de la fourche médiane. Il
y a quatre épines sur le corselet, dont les antérieures arquées en
dehors et plus grandes, les suivantes partant d'une tige commune et
dirigées droit et en haut. Le bord postérieur du corselet est prolongé en
une tige relevée, épaissie et donnant naissance à trois grandes épines
arquées, dont l'intermédiaire est plus longue que l'abdomen, courbée
en bas et grêle, les deux latérales fortement renflées à leur origine,
dirigées d'abord latéralement, puis en arrière et courbées en bas. Les
CYPHONIA, CENTROTUS. 869
pseudélytres sont transparentes, à nervures jaunes tachées de brun,
coupées au milieu par une petite fascie étroite et brune, avec la base,
du côté de la côte et jusqu'à la fascie, d'un jaune transparent. Pattes et
dessous du corps jaunes. Abdomen entièrement rouge avec la tarière
brune.
0 CEUTROTCS, Fabr. — Front un peu proéminent ; yeux gros, ovalaires, sail-
lants ; prothorax offrant en dessus deux cornes aiguës aux angles latéraux et un
prolongement postérieur distant de l'écusson et de l'abdomen ; écusson distinct,
non caché par le prolhorax, prolongé en arrière, sinué au bout avec les angles
apicaux aigus; pseudélytres en général transparentes, offrant deux cellules
discoïdales et cinq cellules terminales ; ailes offrant une nervure intramarginale
assez largement éloignée du bord interne et trois cellules anté-apicales ; pattes
assez courtes et ciliées, à jambes triangulairement prismatiques.
La planche cm, fîg. li, représente une espèce de Java, de 7 milli-
mètres et demi de long, le C. anchoraga, G. Mén. (en ancre), le corps
d'un noir bleu, le corselet 'prolongé de chaque côté en une grande
corne aplatie et courbée en arrière, lisse et violette au bout et très
pointue, terminé en arrière par une grande pointe qui dépasse de beau-
coup l'abdomen, droite et fortement cannelée de chaque côté, ce qui
la fait paraître tricarénée. Les ailes des deux paires sont transparentes
et d'un jaune très pâle, les antérieures ayant la côte noire jusqu'aux
deux tiers de leur longueur et le dernier tiers, avec toute l'extrémité,
d'un roux ferrugineux vif. La tête, l'abdomen et les pattes sont noirs,
couverts d'un fin duvet jaunâtre.
Dans le centre et le nord de la France, se trouvant aussi dans toute
l'Allemagne, et remontant jusqu'en Suède, existe une espèce commune
près de Paris, le C. cornutus, Linn., le Petit Diable, de Geoffroy, pL cm,
fig. 5 : tête; 5, a, antenne. Long de 7 à 8 millimètres, il est noir et un
peu ponctué, couvert d'une fine pubescence pâle, le prothorax caréné
au milieu, ayant au sommet deux cornes latérales subdéfléchies à bords
aigus et un prolongement postérieur presque de la longueur de l'ab-
domen, caréné en dessus, plan en dessous, recourbé à la base, épaissi
au milieu, aigu au bout, l'écusson recouvert sur les côtés d'une
dense pubescence blanchâtre, les pseudélytres grises, subrugueuses,
à nervures d'un roux ferrugineux, avec une double série de poils
courts et pâles, et une tache brune au bord interne, les pattes noires
avec les genoux et les jambes ferrugineux, ces dernières à crénelures
obsolètes,
On rencontre le Centrote cornu dans les bois, surtout ceux de chêne,
adulte à partir du mois de juin, se tenant de préférence sur les cou-
driers, sur les hautes tiges de fougère, d'asclépias et de cirsium, sau-
tant très bien et difficile à saisir. La larve porte de courtes épines sur
la face dorsale du corps.
870 HÉMIPTÈRES.
^ /CTHALIOIV. — Lalr., Tête aplatie et dirigée en dessous d'avant en arrière, ne
paraissant, vue en dessus, qu'un rebord étroit en avant du prolhorax, front plat,
non renflé ; antennes très écartées l'une de l'autre^ insérées dans une fossette
profonde, assez loin des yeux et paraissant au-dessous d'eux en raison de l'incli-
naison de la tête, le second article assez gros, globuleux, le troisième petit, a
soie terminale assez longue; ocelles distincts, placés entre les yeux sur le bord
antérieur de la tête ; yeux globuleux et saillants; prolhorax hexagonal, légère-
ment bombé; écusson petit, triangulaire; pseudélylres à bords subparallèles,
plus grandes que l'abdomen, inclinées en toit, coriaces et peu transparentes ;
ailes un peu plus courtes; jambes postérieures 1res longues, sans dentelures ni
épines ; tarses de trois articles, grands.
Le type de ce genre est une espèce du Brésil, de 10 millimètres de
long, jE. reticulatum, Linn., la Cigale des citronniers, de Stoll, pi. ciii>
fig. 6: tête; 6, a, antenne très grossie, insecte d'un jaunâtre ptàle ferru-
gineux, avec le fond des pseudélytres rougeâtres, à nervures verdâtres,
les jambes postérieures trois fois annelées de noir.
<3 Tribu des CERCOPIE^S.
Tête triangulaire, plus étroite que le prothorax; front gibbeux, con-
vexe; deux ocelles très apparents placés entre les yeux dans une cavité
basilaire du vertex; yeux arrondis, peu saillants; antennes insérées en
avant des yeux et entre eux, sous un rebord, de trois articles, le dernier
portant une longue soie fine; pronotum brièvement sexangulaire,émar-
giné au milieu à la base; pseudélylres coriaces; pattes analogues entre
elles, à hanches courtes, à jambes arrondies, les postérieures armées
de deux épines et d'une couronne de spinules au bout; larses de trois
articles, les deux basilaires denticulés au sommet, le dernier muni
d'une pelote distincte entre les deux crochets; insectes sauteurs.
(7 CEllCOPIS, Fabr. — Antennes ù premier article court et cylindrique, le second
^ de même forme, mais plus long, le troisième très petit, globuleux, portant une
soie fine plus longue que les articles pris ensemble ; prothorax ciypéiforme,
plus ou moins bombé au milieu, avec deux petits enfoncements vers le bord
antérieur, son bord postérieur arrondi -, pseudélytres opaques, réticulées vers
rexlrémité, plus longues et plus larges que l'abdomen, arquées au cùlé exleriie,
arrondies au bout, en général tachées de vives couleurs; ailes transparentes,
ordinairement plus ou moins enfumées ; abdomen court, à bords latéraux aplatis;
un crochet pointu à l'extrémité chez les mâles, une tarière assez petite chez les
femelles, on forme de sabre recourbé en dessus.
Ce genre, tel qu'il est restreint actuellement, ne comprend que des
CERCOPIS, TRIECPHOHA. 871
espèces de Chine, de la Malaisie, de la Mélanésie et de l'Australie. Nous
représentons, pi. cm, fig. 8, le"C. Urvillei, Aud. Serv. (Kncycl.), noir, à
tête jaune, une large tache jaune à la base des pseudélytres, les pattes
d'un jaune fauve.
o
'^ TRlRrPHORA, Amyot, Aud. Serv. — Tôle plus large que dans les Cercopù,
moins allongée, plus arrondie antérieurement, avec trois lignes élevées ou
carènes longitudinales sur le front; prolliorax échancré postérieurement-, les
autres caractères sont ceux des Cercopù.
Ce genre démembré des anciens Cercopis présente parfois les carènes
du front presque efl'acées. 11 offre des espèces en Europe, avec beaucoup
de variétés qui rendent la spécification difficile. Une espèce, commune
dans le nord de la France et dans les environs de Paris, principalemcnl
des buissons à la face supérieure des feuilles, également des prairies
humides, est T. vulnerata, Germar, syn. : sanguinolenta, Panzer, pi. cm,
fig. 9 : tête, et 9; â, antenne (grossies); la Cigale à taches rouges de Geof-
froy; la Cigale tachetée couleur de sang, de Stoll, de 9 millimclres de
long, noire, à pattes noires, une tache semi-lunaire à la base des
pseudélytres, un point rond au milieu, une tache transverse ou en
croissant à l'extrémité, rouges; abdomen rouge avec un point rond de
chaque côté et une bande transverse au milieu sur chaque segment,
plus les parties anales, noirs. Ce Cercope s'échappe d'un bond puissant
quand on cherche à le saisir. Plusieurs autres espèces ou variétés de la
France centrale ou méridionale, d'Algérie et de Syrie. Les Ccrcopes
propres manquent en Suède.
11 n'en est pas de même d'un groupe voisin, à mœurs très singu-
lières, les Aphrophores, ayant le bord antérieur du prothorax arrondi
ou anguleux et l'écusson triangulaire. Les insectes de ce groupe pro-
duisent en général une espèce d'écume, pareille à de la salive, qu'on
voit de juin à septembre pendre aux feuilles de beaucoup d'arbres,
surtout des saules, des aulnes, des peupliers et de diverses plantes
basses des prairies et des jardins; ces amas d'écume sont appelés cra-
chats de Coucou ou de Grenouille, écume pr intanière, larmes des saules, etc.,
car ces écumes dégouttent parfois comme de la pluie. Ils contiennent
ordinairement une larve ou une nymphe d'Aphrophore, parfois jusqu à
quatre ou cinq. C'est là un moyen de protection contre la dessiccation
par l'air et une précaution défensive contre les Oiseaux et les Insectes;
cependant certains Hyménoptères prédateurs saisissent les larves au
milieu de l'écume. Elle est rejetée par l'anus sous forme de gaz que
l'insecte fait glisser sous lui en recourbant en dessous la pointe de l'ab-
domen ; les bulles successiveme,nt produites et retenant du gaz enfermé
dans leur viscosité forment l'amas écumeux. L'insecte produit cette
matière au moyen de la sève extravasée sous la succion de son rostre.
Si la larve est retirée de l'écume ou placée sur une plante desséchée,
872 HÉMIPTÈRES.
l'écume s'évapore peu à peu; il ne s'en forme plus de nouvelle, la larve
s'amaigrit et meurt. Pour subir leur dernière morphose, les nymphes
ne sortent pas de l'écume où elles ont vécu jusqu'alors. C'est dans cette
écume môme que s'opère leur changement de peau. Elles savent faire
évaporer et dessécher l'écume qui les couvre immédiatement, de sorte
qu'il se forme un grand vide au dedans de la masse, dans lequel leur
corps devient entièrement libre, l'écume superficielle séchée formant
une voûte close de toute part. Dans cette cellule voûtée la nymphe se
défait peu à peu de sa peau, qui se fend d'abord sur la tète, puis sur le
thorax, et elle étend ses ailes.
Les adultes se montrent principalement en septembre et font des
sauts très élevés, parfois de près de 2 mètres. Lors de l'accouplement,
le mâle est placé à côté de la femelle, leurs corps faisant ensemble un
angle aigu. Le ventre du mâle se recourbe au-dessous de celui de la
femelle, et présente à son extrémité des pointes longues, courbées en
forme de crochets, qui lui servent à se cramponner au pourtour de la
vulve. Bien qu'accouplés, ils peuvent pourtant sauter sans se séparer.
Dans cette attitude, ils courent sur les branches et les feuillages, la
femelle marchant la première et entraînant le mAle, qu'elle force à
marcher de côté. En automne, les femelles ont le ventre tellement
rempli d'œufs qu'à peine peuvent-elles sauter ou voler, tant elles sont
grosses et pesantes. Les œufs ont une figure oblongue et allongée, avec
un des bouts plus pointu que l'autre, et leur surface polie et luisante.
11 est très probable qu'elles pondent ces œufs avant l'hiver sur les
branches, pour n'éclore qu'au printemps suivant, et qu'elles font avec
leur tarière des entailles dans l'écorce, pour y déposer ces œufs, plu-
sieurs dans la même entaille.
Deux genres principaux ont été établis pour les Aphrophores, Phi-
lœnus, Stal, et Aphrophora, Germar. Le premier est celui qui contient
le plus grand nombre d'espèces, dont l'espèce essentielle et très com-
mune esi /'. spumarius, Linn., de 5 à 6 millimètres de long, parfois
jusqu'à 8 ou 9, se trouvant en été dans toute l'Europe sur une foule
de plantes différentes. Le vertex n'est pas caréné en dessus, les yeux
sont petits et les ocelles aussi distants entre eux qu'ils le sont des yeux.
Le pronotum offre cinq impressions transverses; les pseudélytres sont
arrondies sur les côtés, dilatées après le milieu, rétrécies et arrondies
vers le sommet, les ailes hyalines, avec une grande tache brune à la
base mal déterminée; la poitrine marquée au milieu d'une tache noire
très brillante. La couleur générale est d'un gris cendré, souvent avec
deux bandes obliques blanchâtres sur chaque pseudélytre, du moins
sur les sujets de France, qui firent donner à l'insecte le nom de Cigale
bedeaude par Geoffroy, qui se sert souvent de cette épitliète par allusion
à la robe à deux couleurs des bedeaux d'église. Rien de plus variable
que la coloration de ce Pliilœnus, dont Fieber ne cite pas moins de
vingt-sept variétés dans son catalogue.
APHROPHORA, LEDRA. 873
Le genre Aphrophora présente le corps ovale-oblong, le vertex caréné
au milieu longitudinalement, la tête obtusémeut anguleuse en avant,
les ocelles deux fois plus éloignés des yeux qu'ils ne le sont entre eux.
Le pronotum est sexangulaire, caréné longitudinalement au milieu,
presque du double plus large que long. Les pseudélytres, rétrécies vers
le sommet, ne sont pas voûtées ; les ailes ne sont pas pliées au sommet.
Les espèces principales de ce genre vivent surtout sur les saules et les
aulnes; telles sont : A. alni, Fallen, très commune dans tout le nord
de la France, et dont 1 adulte paraît dès le mois de juin, et A. salicis,
de Géer, espèce moins commune, des mêmes époques que la précé-
dente et sur les mêmes arbres.
Tribu des JASSIEIVS ou ClCADELLIElN!^.
Le premier nom de cette tribu vient du genre Jassus, Fabr., qui a
disparu devant les nombreux genres en lesquels il a été démembré,
comme le genre Coluber, de Linnœus. L'autre nom, qui signifie petite
Cigale, a été donné à quantité d'Homoptères, de faible taille d'ordinaire,
sauteurs parles pattes postérieures à leurs divers états de morphose.Ce
nom est mal déterminé, car certains auteurs y comprennent les Mem-
braciens et Cercopiens. Nous dirons, en nous restreignant à un groupe
mieux limité, que les Jassiens ont les antennes insérées en avant des
yeux, deux ocelles placés sur le bord antérieur de la tête, le plus souvent
bien distincts, parfois paraissant manquer si l'œil n'est armé que d'une
loupe ordinaire; front oblique, tourné en avant, vertex le plus souvent
horizontal; pronotum peu convexe, non déclive ou peu déclive en
avant; joues dilatées, couvrant en partie les hanches antérieures;
hanches intermédiaires largement et brièvement subconiques, rappro-
chées à la base; hanches postérieures transverses, étendues par les
côtés jusqu'au bord latéral de la poitrine; jambes triangulairement
ismatiques, du moins les postérieures, le plus souvent spinuleuses.
^^E»R.%, Fabr. — Corps oblong; tête large et aplatie, subégale en largeur au
pronotum, en triangle très oblus au bord antérieur, amincie en avant en mem-
brane; yeux petits, globuleux ; ocelles placés sur le vertex, près de sa base, dis-
tants des yeux deux fois plus qu'entre eux ; antennes courtes et de trois articles,
le dernier terminé par une soie grêle, insérées avant les yeux dans une cavité de
la joue ; pronotum muni postérieurement de chaque côté d'une crête appendiculée,
écusson nu et triangulaire, pseudélytres subcoriaces, obliquement arrondies au
bout en arrière, beaucoup plus longues que l'abdomen à nervures saillantes;
formant un réseau; ailes inférieures presque aussi longues que les supérieures;
pattes peu allongées, densément poilues et ciliées; les cuisses postérieures
armées au bout de deux épines épaisses et courtes, les jambes antérieures
y'^ Hf:.MIPTÈRt;S.
triangulairement prismatiques, les jambes postérieures dilatées en couteau et
munies de dents aiguës à leur bord externe.
V'
Le genre Ledra ne présente en Kurope qu'une seule espèce, de lo
à 18 millimètres de long; L. aurita, Linn., pi. cm, fig. 7, le Grand
Diable de Geoffroy, la Cigale a oreilles de Stoll, d'un gris verdAtre en
dessus, avec deux cornes comprimées, en forme d'oreilles, sur le pré-
dorsum. La tête est grande, aplatie, membraneuse, en triangle très
obtus au bord intérieur, avec une faible carène longitudinale sur le
vertex, les ocelles très petits, 1res rapprochés l'un de l'autre, les pseu-
délyfres grandes, arrondies au bout, beaucoup plus longues que l'ab-
domen, légèrement coriaces, à nervures saillantes et formant un ré-
seau à mailles irrégulières et nombreuses, pointillées de brun rou-
geâtre, avec une grande tache peu distincte plus pâle touchant le bord
externe vers la base, leur extrémité également plus pâle; ailes inférieures
transparentes, presque aussi longues que les supérieures; dessous du
corps d'un jaunâtre mat ; pattes assez longues, les postérieures beaucoup
plus que les autres, frangées, leur bord externe membraneux, notable-
ment dilaté. Cette espèce est commune dans le midi de la France, rare
aux environs de Paris et dans le nord, en été sur les chênes ; a été
trouvée dans la Suède méridionale. (iuérin-.Méneville a élevé cet insecte
depuis son éclosion jusqu'à sa dernière transformation ; sa larve ne
diffère pas beaucoup de l'insecte parfait. Quand on la tourmente, elle
lance par l'anus de petites goutleletlesd'un hquide très limpide, pro-
bablement destiné ù éloigner ses ennemis. Le genre^Ledra offre des
espèces en assez grand nombre dans l'Asie méridionale et en Australie;
On donne le nom de Cicadelles (petites Cigales) à des Homoptères de
petite taille, sauteurs à tous leurs états et dont la limitation est assez
incertaine, car des auteurs étendent beaucoup le sens de ce nom en y
comprenant même les Membraciens et les Cercopiens. Ces insectes ne
sont nullement bruyants, malgré leur nom, et, très agiles, passent fré-
quemment du saut au vol. Les Teltigonides ont le corps allongé et
deux ocelles placés sur le vertex, sur la ligne antérieure des yeux, qui
sont petits et peu saillants; le vertex est aplati en dessus; le front arrondi,
grand et renflé ; les antennes sont insérées dans une cavité en avant
et près des yeux et ont la soie terminale longue. Le prothorax est
transversal, coupé presque droit postérieurement, l'écusson assez grand
et triangulaire. Les ailes antérieures sont légèrement coriaces, à bords
latéraux en lignes parallèles, les ailes postérieures aussi longues que
les antérieures. Les pattes sont grêles, toutes les jambes avec des
séries de petites épines, les cuisses avec un éperon au bout.
TKTTiGO]Vl.%, Geoffroy. — Corps alloni^é cl linéaire ; tèle, avec les yeux, plus
large que le prolhorax, obtuse en avant, subgibbeusc, à vertex non caréné,
fi>. faiblement impressionné de chaque côté , ocelles assez grands et très distants,
TETTIGONIA. 875
un peu plus éloici'nés du bord apical que de la base; yeux peiils ; anteancs
insérées avant les yeux dans une fossette, le premier article subcyathiforme,
plus large que le second qui est sulicylindrique, avec une soie allongée, épaissie
à la base, à articulations obsolètes ; rostre épais et très court ; pronotum Irans-
verse, arrondi en avant, très faiblement rebordé en arrière ; écusson grand et
triangulaire; ailes antérieures linéaires, arrondies au bout; ailes postérieures
munies d'une nervure parallèle au bord intérieur et d'une seconde nervure
longitudinale fourchue, les deux rameaux réunis par une nervure transversale
avec la nervure longitudinale la plus proche:, pattes grêles, les postérieures plus
longues et plus épaisses, toutes les jambes simples, non dilatées, les anté-
rieures subarrondies, spinuleuses en dedans, avec une pubescence très courte
en dehors ; mésosternum avec une ligne anguleuse imprimée entre les han-
ches.
Ce grand genre, avec les genres annexes, comprend plus de quatre
cents espèces, la plupart de l'Amérique méridionale. Le type est le
^T. viridis, Linn., Cigale verte à tête panachée de Geoffroy, de 5,5 à 9 mil-
limètres de longueur, d'un vert jaunâtre, les ailes antérieures d'un vert
plus ou moins foncé, avec une bordure jaune le long de la côte externe;
dans les deux sexes, la lète en dessus, le devant du prédorsum et
• l'écusson ordinairement jaunes, avecdeux gros points noirs sur le vertex,
le dessous du corps et les pattes jaunâtres ; mâle avec les ailes anté-
rieures et postérieures plus longues que l'abdomen, de même longueur
seulement chez la femelle. Cette espèce est de toute la France, très
commune au milieu et à la fin de l'été dans les prairies et les bois
humides, sur les plantes aquatiques. Elle se trouve dans la Scandinavie,
la Finlande et la Laponie, dans toute l'Europe et le nord de l'Asie;
elle ofTre plusieurs variétés. Nous représentons une très jolie Teltigonia
du Mexique, de 8 millimètres de longueur, T. pulchella, G. Mén., pi. cm,
fîg. 8, la tête noire, avec bandes transverses jaunes, le prothorax noir,
avec une bande rouge entourée de jaune en arrière, l'écusson noir,
jaune au milieu, les pseudélytres rouges, à extrémité brune, avec sept
bandes transverses un peu obliques et jaunes et trois bandes noires ;
les pattes sont rouges, l'abdomen rouge en dessus, noir en dessous,
rayé de jaune. Il ne faut pas confondre cette espèce a.\ ecEupterix pul-
chella, Fallen, qui est une espèce d'Europe, de la famille des Typhlo-
cybides.
Les Typhlocybides ont le corps très petit, linéaire, allongé, la têle
obtusément prolongée en avant, le vertex à base parallèle au corps,
déclive en avant, les ocelles placés sur la partie de la tête tournée en
avant et difficiles à observer (d'où le mot Typhlocybe, tête aveugle), la
face longuement prolongée en dessous ; les ailes antérieures sont frêles
et n'ont que des nervures longitudinales simples, sans nervures trans-
versales; les jambes antérieures ont des séries d'épines au côté interne
et sont inermes au côté externe, les jambes intermédiaires étant inermes
876 HÉMIPTÈRES.
de part et d'autre. Ces Cicadelles sont les plus élégants des Jassiens,
par leurs dessins et leurs couleurs très variés. Leur contour, élancé et
grâle, est rétréci d'avant en arrière en forme de coin. Leur petite
taille, étant de 3 à /i millimètres, leur fragilité et leur extr(?me agilité,
les rendent très difficiles à saisir. Certaines espèces se montrent en
quantité considérable sur des plantes déterminées, où elles forment
comme des essaims. C'est pendant le mois de septembre qu'on trouve
les adultes en plus grand nombre. Ces petits et délicats insectes, à or-
ganes très cassants, se conservent difficilement en collection, il faut les
coller sur petits cartons, ou, mieux, les piquer, sous la loupe au fil de
platine. Ils finissent parfois, sous leur succion, par causer un certain
dommage aux végétaux. et sont sauteurs très agiles à leurs trois états
de larve, de nymphe et d'adulte. Toutes ces Cicadelles ont été
fortement subdivisées par Fiéber.
Dans le gçpre Typhlocyba, Germar, sont quelques espèces caractéris-
tiques. Ainsi T. rosœ, Linn., la Cigale des charmilles de Geoffroy, de 3,3
à h millimètres, le corps d'un jaune pâle, quelquefois verdâtre ou blan-
châtre, mais toujours sans taches ; pseudélytres diaphanes, légèrement
lavées de vert, ayant les nervures de leur extrémité d'un gris brunâtre;
pattes jaunes. Cette petite espèce, qui se trouve dans toute la Scandi-
navie, la Finlande, la Laponie, est commune dans toute l'Europe sur
les Rosacées, rosiers, aubépines, prunelliers, pruniers, etc., aussi sur
les roses trémières. Les feuilles sont piquées en dessous d'une foule de
petits trous et prennent une teinte marbrée annonçant leur état de
souffrance. Dès qu'on vient à secouer les rosiers, les Cicadelles descen-
dent en toute hâte, voltigeant quelque temps autour de la plante dé-
laissée et ne tardent pas à s'y abattre de nouveau. Sous les rayons du
soleil, elles effectuent de courtes excursions autour de ces plantes ; elles
prennent leur essor en sautant et continuent leur trajectoire en volant.
Les femelles, ainsi que chez les autres Cicadelles, ont une tarière vi-
sible à l'extrémité de l'abdomen, leur servant à perforer les branches
tendres pour y introduire leurs œufs, ce qui amène une tuméfaction
graduelle sur les parties végétales piquées. Les petites larves y demeu-
rent d'abord cachées, se nourrissent des sucs de la plante, acquièrent,
après plusieurs mues, des fourreaux d'aile, et enfin deviennent adultes
et ailées et dès lors bien visibles. On trouve sur les grands arbres, prin-
cipalement sur les feuilles et les troncs des ormes, le T. ulmi, Linn., la
Cigale moucheron verte de Geoffroy, de 3,25 à U millimètres de long,
d'un jaune verdâtre, avec deux points noirs au somment du vertex, les
pseudélytres à nervures blanches, avec le bout inégalement rembruni
et à nervures noirâtres, les ailes hyalines, à nervures pâles, l'abdomen
noirâtre en dessus, pâle sur les bords, les pattes unicolores, â crochets
bruns. Une espèce voisinefr. quercus, Fabr., existe sur les chênes ; de
3""",33 de long, d'un jaune blanchâtre, le vértex marqué d'un arc jaune,
le pronolum jaune antérieurement et au milieu, l'écusson avec trois
TETTIGONIA ,TYPHLOCYBA. 877
taches triangulaires, près de la base jaunes, les pseudélytres avec 6 à 7
taches subquadrangulaires, jaunes près de la base, d'un rouge de sang
vers l'extrémité, et trois lignes brunes obliques au côté externe, les
bouts rembrunis, surtout contre les nervures blanches, les ailes hyalines,
à nervures pâles, les crochets des tarses bruns. On rencontre ces deux
espèces en France, en Allemagne, en Angleterre, en Russie, de juillet
à septembre, dans toutes les parties de l'Europe où croissent les ormes
et les chênes. Elles sont du sud de la Scandinavie, près de Christiania et
de Stockholm, du sud de la Finlande, près d'Helsingfors, mais manquent
dans le nord et en Laponic, régions où n'existent pas leurs arbres.
Une intéressante espèce de Cicadelle offrant le vertex arrondi en avant,
et du genre Cicadula, Zetterstetd, est le C. smaragdula, Fallen,- syn. :
R'ybos, Fabricius, smaragdulûs, Fullen, Eupterix viridipes, Curtis, de 6 à
h 1/2 millimètres et long chez l'adulte, d'un vert très brillant, l'ab-
domen noirâtre en dessus ainsi que la suture des ailes supérieures
qui sont vertes et se recouvrent en dessus à l'extrémité, l'écusson
grand et triangulaire, les jambes postérieures extérieurement à colo-
ration brune obsolète à la base des épines, les crochets tarsaux noirs;
sur les saules en Allemagne et dans le nord de la France, en juillet et
en août, se trouvant aussi en Russie, en Angleterre dans toute la Fin-
lande et la Scandinavie, en Laponie jusqu'à 67 degrés de latitude; dans
le midi de la France ses petites larves sauteuses sont en certaines
années par myriades, en juin et en juillet, sur les feuilles des vignes,
parfois nuisibles en les criblant de piquetures; en 1875, lors de ma
mission dans les Charentes pour l'étude du Phylloxéra, les paysans
m'apportaient ces larves, qu'ils prenaient pour des Phylloxéras, et qui
se trouvaient aussi bien sur les vignes phylloxérées que sur les saines.
Les derniers Homoptères, à organisation dégradée, par lesquels se
termine ce sous-ordre, présentent de tous les Insectes ceux qui nuisent
au plus haut degré à l'horticulture et surtout à l'agriculture, et parmi
eux le terrible Phylloxéra de la vigne, devenu une calamité nationale
dans tous les pays vinicoles. Ces Insectes restent fixés aux végétaux par
leur rostre, non plus d'une manière intermittente, comme les Homo-
ptères précédents, mais d'une manière continue, parfois pendant presque
toute leur existence.
On les désigne, en général, sous le nom de Phytophthires ou Poux des
plantes, c'est-à-dire parasites des plantes, par opposition aux parasites
des animaux. Amyot et Audinet-ServiLle les appellent SternorhyHqUes
parce que leur rostre ou suçoir semble prendre son origine au-dessous
de la tète au devant du sternum, tandis que dans le grand groupe des
CicadaireSi qui précède celui-ci, la base du rostre, couchée au repos
sur le sternum entre les pattes, semble naître du cou ou de la partie
878 HÉMIPTÈUES.
inréricure et postérieure de la tète, ce que montrent les noms donnés
par C. Duméril de Colliroslres ou Aiichcnorhynques. C. Duméril désigne
les Insectes dégradés que nous allons étudier par les mots de Phyta-
delges ou Plantisuges. Il fait remarquer que leurs ailes membraneuses
dans les deux paires et non croisées au repos peuvent manquer, sur-
tout chez les femelles, et que leurs tarses n'ont que deux articles au
plus. En conséquence ces Insectes sont peu propres au mouvement,
très lents dans la plupart des espèces, restant fixés sur les végétaux,
soit à l'état de larves sortant des œufs pondus par des femelles mono-
morphes ou polymorphes, parfois de larves directement déposées
par les femelles (Pucerons). Nous les diviserons en cinq tribus :
Psylliens, Aphidiens ou Pucerons, Phylloxériens, Aleurodiens et Coc-
'ens ou Cochenilles.
Tribu des PSl^LLIE^'S.
Les Psylliens sont souvent appelés faux Pucerons, pour les séparer
des véritables Aphidiens, auxquels ils ressemblent par leur existence
parasitaire sur les végétaux. Un meilleur nom dislinclif est celui de
Saltipcdes ou Puces de feuilles, parce que les adultes des deux sexes,
bien qu'ailés, possèdent des pattes postérieures propres au saut, les
espèces progressant plus volontiers en sautant qu'en volant, les ailes
servant surtout comme parachutes. Les nymphes et les larves ne sau-
tent pas, ce qui établit une différence essentielle avec les Cicadelles,
dont les sépare encore la longueur plus grande de leurs antennes. Le
vertex présente trois ocelles assez écartés. Les pattes, d'une longueur
modérée, ont deux articles aux tardes et une pelote vésiculeuse entre
les crochets. Ce sont de très petits Insectes, fort nuisibles par leurs
succions, mais moins que les vrais Pucerons, car ils ne pondent qu'une
ou deux fois par an, par génération bisexuée, et leurs colonies ne
sotit pas très nombreuses. Les nymphes sont enlources des fourreaux
alaires comme de collerettes; les larves sont aplaties, avec l'abdomen
pointu, et les femelles ont une tarière de ponte. Souvent les piqûres
des Psylliens sont accompagnées de désordres sérieux dans la circula-
tion de la sève, d'où résultent des déformations variées sur les bour-
geons ou les fleurs, une formation de galles, des feuilles recoquil-
lées, etc. Plusieurs espèces, soit en larves, soit en adultes, sont recou-
vertes de flocons cireux blancs. Un petit nombre de genres ont été
établis dans cette tribu. Les deux fondamentaux sont le genre Psylla,
Geoffroy, et le genre Livia, Latreille.
PSYE.Ii.%, Geoffroy, syn. : Chermes, Réaumur, Linn., Fabr. — Tète Ibrte-
ment inclinée et aplatie en dessus; antennes filiformes, à peu près de la lon-
gueur du corps, insérées devant les yeux sur le front, à articles cylindriques.
PbYLLA. 879
1 et 2 plus courts et plus épais que les autres, 3 le plus long de tous, le der-
nier court, avec deux courtes soies au bout ; trois ocelles en triangle, un
de chaque côté derrière l'œil, le troisième sur le front, dans une écliancrure ;
yeux ordinairement globuleux et très saillants ; rostre très court, de trois ar-
ticles, paraissant naître du sternum, on arrière de l'insertion des pattes anté-
rieures, restant presque perpendiculaire au corps quand il a servi à la succion ;
thorax bombé en dessus, avec prédorsum très court, mésodorsum beaucoup plus
long, métadorsum ou écusson offrant en dessus deux pointes distinctes ; ailes
antérieures hyalines comme les postérieures, n'ayant pas la grosse nervure cos-
tale des Pucerons, offrant trois nervures principales longitudinales, celle du
milieu fourchue au bout et formant ainsi, ;i l'extrémité de l'aile, une cellule
triangulaire; ailes postérieures plus courtes que les antérieures, avec quelques
nervures longitudinales à peine sensibles ; pattes courtes, à peu près d'égale
longueur entre elles, les cuisses légèrement rcndées et fusiformes ; abdomen
conique, portant une tarière chez les femelles.
Nous représentons une Psylle, /'. spartii, G. Méii., trouvée par Guérin-
Méneville sur les genêts aux environs de Paris et autre, d'après lui, que
l'espèce de Hartig du même nom. Cette Psylle (pi. cm, fig. 11 : 11,0,
tête très grossie; 11, b, antenne; 11, c, tarse antérieur; 11, d, aile supé-
rieure, de S""", 5 de long), a le corps en entier d'un jaune roussâtre, le
prolliorax seul tirant au gris verdâtre. Sur le vertex sont deux petites
taches brunes un peu enfoncées. Le genre Psyila compte quatre-vingt-
six espèces d'Europe dans le catalogue de M. Puton.
Nous ne citerons que quelques espèces nuisibles : deux espèces
atteignent les poiriers, surtout ceux en espalier et en quenouille, se
portant sur les feuilles, rarement sur les fruits. Le P. piri, Linn.,
syn. : rubra, Fourcroy, Goureau, de 2 millimètres de long, est rous-
sâtre avec des taches briquetées et les antennes noirâtres; l'ab-
domen est brun, rayé de rouge transversalement et les pattes noirâfres;
les ailes sont diaphanes. 11 est adulte à la fin de mai; les œufs sont
accolés sur les feuilles de poirier. Les larves et nymphes sucent le
parenchyme des feuilles, y déterminent de petites plaies et les font se
recoquiller. L'espèce disparaît à la fin de juin, laissant sur les feuilles
des cicatrices indiquant ses traces et que certains jardiniers regardent,
à tort, comme l'effet de la grêle. Le P. pirisuga, Fœrster, syn. : auran-
tiaca, Goureau, long de 2 millimètres, est d'un jaune orangé, avec l'ab-
domen vert, bordé de jaune orangé à son extrémité. L'adulte paraît à
la fin de juin et au début de juillet. Les œufs sont pondus, non sur les
feuilles, mais sur les bourgeons, en rangs serrés, et les larves et les
nymphes demeurent à sucer auprès des bourgeons. La Psylle du bois,
P. buxi, Fœrster, longue de 2 millimètres, a le corps et les pattes verts
chez l'adulte, avec quelques petites taches roussàlres sur le corselet,
les pseudélytres et les ailes d'un brun jaunâtre, en toit sur le corps, la
femelle avec une longue tarière pour piquer les bourgeons du buis.
880 HÉMIPTÈRES.
Ceux-ci se recoquillent et deviennent des boutons globuleux. En les
ouvrant, on y trouve de petites larves rougeâtres, avec la tête noire,
reposant sur un lit de duvet cireux blanc ; puis elles deviennent jau-
nâtres et se changent, plus tard, en nymphes vertes avec des rudiments
d'ailes. En taillant les buis, quand on voit ces boules à l'extrémité des
rameaux, on fait tomber sous les ciseaux les nids de cette Psylle, qu'il
faut emporter et brûler.
Le genre Homotoma, G. Mén., difTère des vrais Psylla par ses antennes
de dix articles également épais et par des détails de nervulation des
ailes antérieures. Sou espèce typique est H. ficus, Linn., la Psylle du
figuier, de Geoffroy, l'adulte de Zi à 5 millimètres de long, brun en
dessus, verdâtre en dessous, les antennes épaisses et velues, de dix
articles, les ailes antérieures deux fois aussi longues que le corps, l'ab-
domen n'offrant que des traces d'enduit cireux. Les femelles pondent
leurs œufs sur les écorces des figuiers, ces arbres étant dépouillés de
leurs feuilles, à la fin de l'automne, œufs d'un roux jaunâtre, n'attei-
gnant pas 1 millimètre de longueur, conoïdes, pointus par un bout,
arrondis par l'autre, et munis, au-dessous de ce dernier, d'un bec laté-
ral assez prononcé qui les fait ressembler à certaines cornues des chi-
mistes. Les œufs, qui passent l'hiver, tantôt isolés, tantôt rapprochés,
sont à nu, sans duvet cireux pour les abriter, couchés dans le sens de
leur longueur, le bec latéral enfoncé dans l'écorce, afin de les fixer, le
bout pointu terminé par un filet capillaire, plus ou moins flexueux, qui
n'existe pas dans les œufs encore renfermés dans les gaines ovigères.
L'espèce est très abondante sur les figuiers du pourtour méditerranéen.
Les larves et les nymphes sont fixées aux feuilles, surtout en dessous,
et aux petites figues. Les nymphes ont des fourreaux alaires en colle-
rettes blanches, qui se détachent vivement sur le vert sombre des
feuilles. L'espèce est importée de temps à autre aux environs de Paris,
par des plants de figuier portant des œufs, et y vit plusieurs années,
jusqu'à ce qu'un hiver rude la détruise.
LIVIA, Lalr. — Tête carrée, aplatie et creusée en dessus, prolongée antérieure-
ment en deux tubercules coniques ; antennes pas plus longues que le thorax,
de dix articles, le premier court, gros, noduleux, le second aussi grand que les
suivants réunis, très épaissi, ovalaire, renflé à sa base, trois fois plus long que
le premier, les sept suivants d'égale longueur, très petits, le dernier un peu
épaissi, muni de deux soies fines, asse« longues ; ocelles nuls ; yeux peu sail-
lants, allongés, trigones^ ovalaires; prothorax. à bords parallèles en dessus;
mésothorax triangulaire ; écusson petit ; ailes antérieures hyalines, à nervures
semblables à celles des Psylles.
L'espèce principale, de toute l'Europe, est L. juncorum, Latr^ la
Psylle des joncs , la Livie des joncs, de Latreille (pi. cm, fig. 12); son an-
tennCj de 3 millimètres de longj brune, avec la tête et le thorax ferru-
APHIDIENS. 881
gineux, le second article des antennes blanchâtre, les deux avant-der-
niers ferrugineux, le dernier noir. On trouve cette espèce sur les feuilles
et surtout dans les fleurs du Jonc articulé {Juncus articulatus et lampro-
carpus) .
Les moyens à employer pour détruire les Psylliens nuisibles sont ceux
que nous indiquerons à propos des Aphidiens et des Cocciens.
Tribu des APUIDIENS.
Les Pucerons, dont le nom vient de la petite taille, car ils ne sautent
à aucun de leurs états, ont parfois 0"i"i,5 de longueur seulement et
n'offrent au plus, dans quelques espèces, que 5à6 millimètres delong,
et la tribu tire son nom de celui du genre principal Aphis, Linn.
Une difficulté extrême s'attache à l'étude de ces minimes insectes,
en raison des phénomènes de polymorphisme et de génération alter-
nante qu'ils présenlentt. Ce sont des insectes à corps ovaluire et gonflé,
d'une consistance molle et délicate, le plus souvent de couleur verte,
parfois jaune, rougeâtre, violette, brune ou noire. Après la mort, ils se
rétrécissent et perdent tellement leur forme et leur couleur, qu'ils ne
sont plus reconnaissables et ne peuvent guère, à cause de cela, être
conservés, piqués ou collés, dans les collections ; il faut les placer dans
des petits tubes, avec un mélange d'alcool et de glycérine. Les antennes,
les ailes, la tête et le thorax restent seulement assez faciles à recon-
naître ; c'est pourquoi on peut toujours former, à la façon ordinaire, une
collection d'individus ailés. La tête élargie est de forme très analogue
dans toutes les espèces. Les antennes, quelquefois plus longues, quel-
quefois plus courtes que le corps, sont composées de 5 à 7 articles. Les
yeux composés, analogues à ceux des Diptères, proéminents, souvent
globuleux, offrent ordinairement une particularité remarquable dans
l'existence d'un petit tubercule placé en arrière. Ce tubercule, qui
existe aussi chez les Aleurodiens, a la forme d'un second œil à réseau.
Entre l'œil et ce tubercule, il y a une petite membrane qui les
sépare-, ils sont très analogues l'un à l'autre dans leur structure,
avec moins de facettes seulement dans le tubercule que dans l'œiL
Les yeux sont très petits dans les individus non ailés. Les ailés ont,
en outre, comme les Psylliens, trois ocelles, deux sur le vertex, près
des yeux, et l'autre sur le front, entre les antennes ; ils apparaissent
à l'état de nymphes avant la dernière mue, et ne varient jamais dans
leur position. Le rostre est de trois articles, plus ou moins perpendi-
culaire ou incUné sur le sternum; il naît au-dessous du bord postérieur
de la tête et varie en longueur. Dans quelques espèces il ne dépasse
guère l'insertion des pattes antérieures; dans d'autres il atteint jusqu'à
la deuxième ou troisième paire; dans d'autres enfin, il est plus long
uiRAitu. m. — 56
882 HÉMIPTÈRES.
que le corps et dépasse plus ou moins ]'extrëmité de l'abdomen. Il ren-
ferme trois soies internes, la soie centrale formée de deux gouttières
accolées. Ces soies sont introduites sous l'épiderme des plantes pour en
aspirer la sève. Chez les Pucerons aptères, le prothorax est plus large
que la tête et s'y distingue à peine des deux segments suivants et des
segments abdominaux, d'autant moins d'ailleurs que' le Puceron est
plus gras; chez les ailés le prothorax est moins large que la tète. Dans
les sujets ailés, soit sexués mâles, soit femelles de migration, les ailes
très minces offrent en raison de cette faible épaisseur des couleurs iri-
sées (anneaux colorés des lames minces). Des quatre ailes, toujours nues
et jamais velues, les antérieures sont beaucoup plus longues que les pos-
térieures, et, au repos, recouvrent le corps en forme de toit et dépassent
son extrémité. Elles offrent toujours une côte externe et une nervure
sous-costale très épaisse, qui s'élargit vers l'extrémité et forme un véri-
table stigma alaire. Cette grosse nervure longitudinale émet des rameaux
obliques, simples ou bifurques; les ailes postérieures, beaucoup plus
petites que les ant'^neures, ont des nervures peu nombreuses, et, en
général, une peii ;' 1i w vul^use à la côte externe, non loin de Tex-
trémité {Pemphigui, : 'uciuh , Lnricethus). Les nervures peu nombreuses
des Pucerons ailés sont assez peu constantes dans la même espèce et
même peuvent différer de l'aile droite à l'aile gauche.
L'abdomen consiste dans neuf anneaux ou segments à peine distincts
dans les sujets aptères dont le ventre est gonflé. Le plus souvent (genre
Aphis) il présente deux cornicules qui prennent naissance au sixième
segment et qui varient de forme, de longueur et de couleur ; elles sont
cylindriques, en massue, ou coniques, tantôt longues, tantôt courtes,
remplacées parfois (genres Luchnus, Schizoneura) par deux simples
tubercules qui offrent au milieu une petite ouverture ronde, disparais-
sant complètement dans certaines espèces. Il est probable que ces or-
ganes sont sous la dépendance de l'appareil respiratoire, et en outre,
organes de sécrétions spéciales, car il en sort une liqueur visqueuse,
noire, brune, rouge ou roussâtre, jaune ou verte, due à une glande
placée à la base de la cornicule. Cette sécrétion a été très bien constatée
par Réaumur; elle est tout à fait différente d'une abondante éjaculation
d'un miellat sucré et incolore, s'opérant par l'anus, avec trémoussement
du corps, comme par une sorte de ruade, et qui poisse les parties du
végétal où sont fixés les Pucerons. Les Noctuelles et aussi les Abeilles
recherchent souvent ce miellat sucré, et, plus encore, beaucoup d'es-
pèces de Fourmis, qui sollicitent les Pucerons à l'éjaculation du miellat
dont elles sont très friandes ; elles les élèvent parfois dans leurs four-
milières, comme des vaches à l'étable.
En outre ce miellat, éjaculé également par beaucoup de Cocciens,
forme sur les végétaux un terreau particulier où se développent de
microscopiques champignons noirs, produisant la morfée ou fumagine,
qui arrête la respiration des parties des plantes recouvertes de miellat
APHIDIENS. 883
et peut nuire gravement au végétal. Cette fumagine n'est nullement
implantée dans le tissu superficiel de la plante, qui reste sain en des-
sous, comme on le reconnaît quand on enlève à la brosse l'enduit noir
de fumagine, ce que font continuellement les marchands d'oranges et
de citrons, quand ils reçoivent des fruits noircis par places. Générale-
ment, le dernier segment abdominal porte, comme appendice une
petite queue au bord supérieur de l'anus, noduleuse, conique ou allongée
en sabre, qui n'apparaît qu'après la dernière mue et forme un bon
caractère distinctif entre les Aphidiens complètement' développés e',
leurs larves. Les pattes sont relativement longues et grêles; chaque
tarse, formé de deux articles seulement, et muni de deux griffes.
La double reproduction, asexuée et sexuée, des Pucerons est un des
phénomènes les plus curieux de leur histoire. Au printemps, à une
époque plus ou moins avancée selon la température, les œufs des Pu-
cerons pondus à l'arrière-saison, en général sur les tiges ou sur les bour-
geons, donnent naissance à des Pucerons aptères. Ceux-ci en dix ou
douze jours, si le temps est chaud, et après avoir subi plusieurs mues,
mettent au monde des petits vivants, sans l'intervention d'aucun mâle,
comme l'a découvert Ch. Bonnet en 17ZiO sur le Puceron du fusain, puis
sur ceux du sureau et du plantain, observés également en été et où il
constatait jusqu'à neuf générations vivipares et agames. Les jeunes
larves sortent du cloaque maternel, leur région postérieure en avant ;
elles étendent vivement leurs pattes, pour prendre pied, même avant
que leur tête soit délivrée ; les mères ne paraissent nullement souffrir
de cet accouchement et ne retirent pas leur rostre de la plante nourri-
cière. Les larves nouvellement nées se trouvent immédiatement dans
le même état que la première mère quand elle sortait de l'œuf; elles
se fixent par le rostre pour sucer la sève, s'accroissent très rapidement,
en subissant ordinairement quatre mues, et, une fois bien développées,
ces nourrices ou femelles parthénogénésiques, comme elles ont été
appelées, mettent à leur tour au monde des petits vivants sans interven-
tion de mâles. Plus tard Duvau cita un élevage pendant sept mois du
Puceron de la fève qui donna onze générations. Cette gemmation in-
terne paraît être surtout une question de température, car Kyber, en
1815, obtint, sans mâle et en serre chaude, quatre ans de reproductions
vivipares des Pucerons du rosier et de l'œillet. Kaltenbach observa quinze
à seize reproductions successives et vivipares.
Les Pucerons, uniquement aptères et sédentaires, finiraient par dispa-
raître d'eux-mêmes en raison de l'épuisement des plantes qui les nour-
rissent. Un fait se produit qui rappelle l'essaimage des Abeilles et des
Fourmis. Certaines femelles aptères montrent de courts bâtonnets
adhérents à la face dorsale, qui deviennent bientôt des ailes, et ces
femelles de migration vont fonder au loin des colonies sur des arbres
appropriés. Ces migrateurs sont aussi des femelles vierges parthénogé-
nésiques. En pressant entre les doigts une de ces femelles ailées, par
884 HÉMIPTÈKES.
exemple du Puceron vert du rosier {Aphis rosœ, Linn.), qu'on commence
à trouver dès la fin de mai, on voit sortir de son abdomen une matière
verdàtre, dans laquelle la loupe permet de voir des points noirs, qui
sont les yeux des embryons dans un état plus ou moins avancé de ges-
tation. Ils sont ordinairement au nombre d'une dizaine, faciles à sépa-
rer et à compter, et certains ont déjà leurs pattes et leurs antennes
complètement développées. On fait également sortir des petits, dans cet
état, du ventre des femelles aptères, qui sont en beaucoup plus grand
nombre que les femelles ailées- Quand la température s'abaisse, à l'ar-
rière-saison, le nombre des femelles vivipares qui naissent va en dimi-
nuant, et il naît, aussi par génération vivipare, des lemelles aptères,
plus grandes, et des mâles, plus pelils et plus nombreux, généralement
pourvus d'ailes. C'est la pbase normale, sexuée et ovipare, qui n'appa-
raît qu'après un nombre variable de générations asexuées, et sous la
dépendance de la température, puisque dans les serres cbaudes cette
procréation sexuelle peut manquer.
L'unalomie a fait constater des différence internes essentielles entre les
Pucerons agames et les sexués. Dans les auteurs de ce siècle il faut si-
gnaler Dutrocbet (Ann. des Se. natur., XXX, 20k, octobre 183a), qui
trouva un ovaire à dix branches dans le Puceron de la chicorée, renfer-
mant des fœtus d'autant plus gros qu'ils sont plus près de l'oviducte.
Léon Duf )ur (Recherches sur les Hémiptères, 1833), en disséquant les
femelles aptères du Puceron du rosier, a observé douze ovaires, chacun
composé de cinq 'ou six loges, d'autant plus grosses qu'elles approchent
plus de l'oviducte, celles du bas renfermant des fœtus bien reconnais-
sablés à leurs yeux noirs. Les recherches de Ch. Morren furent bien
plus complètes sur le Puceron du pêcher {Ann. des Se. natur., 1836). Il
reconnut, en té, sur les femelles aptères vivipares, un ovaire à huit
gaines, chacune à trois ou quatre loges, contenant des fœtus. En au-
tomne les gaines des femelles renfermaient de 12 à 2k petits œufs, ac-
quérant leur coque' dans la dernière loge et le petit appendice destiné
à les fixer lors de la ponte. Dans le mâle il trouva quatre à cinq
testicules sphériques, aboutissant au canal déférent, muni au bas d'un
renflement séminal, se réunissant à son congénère pour former le canal
éjaculateur, chaque renflement séminal offrant des glandes internes
destinées à sécréter un liquide diluant le sperme, i'^n 1839, M. de .Siebold
compléta ces observations (Ueher die innern ijeschlechis tcerkzengen der
Viviparen und Oviparen Blattlause; Froricp 7iotiz., 1839, t. XII, p. 305,
308); il sépara complètement les femelles sexuées, aptes à être fécon-
dées, pourvues de la poche copulatrice mettant le sperme du mâle en
réserve et des glandes sébifiques, d'avec les femelles simplement orga-
nisées pour produire des bourgeons ou keime et qui n'ont qu'un keiin-
lock ou gemmarium au lieu d'un eicrstock ou ovarium. Ce sont des
femelles simplifiées dont les œufs subissent, sans avoir besoin du
sperme du mâle, un développement embryonnaire dans les tubes ovi-
APHIDIENS. 885
fères eux-mêmes. On consultera, pour les recherches récentes publiées
en français : Balbiani, Mémoires sur la génération des Aphidcs {Ann. des
Se. naiw., 5" série, zool., vol. XII, 1867; vol. XIV, 1870; vol. XV, 1872).
I,es femelles sexuées fécondées pondent leurs œufs sur les îiges ou
contre les bourgeons, parfois dans des lieux voisins et abrités. Ces
œufs, qui au printemps donnent une femelle aptère et vivipare, sont
souvent couverts de substances cireuses exsudées du corps de la
femelle ovipare. Le Puceron du chêne de Geoffroy et de Linnœus,
vert, jaune ou gris, de 1"'"\5 de longueur seulement, sans corni-
cules, à yeux d'un rouge vif, est tellement enveloppé de longs fila-
ments gris, d'aspect cotonneux, qu'il semble être un flocon de coton
mouvant ; les femelles aptères transsudent cette sécrétion ordinaire-
ment de certaines granulations, distribuées par séries sur leur dos et
qui restent nues quelque temps après leur changement de peau. Par-
fois, ainsi dans ÏAphi padi, Linn., certains œufs éclosent à la fin de
l'automne et l'aptère qui en sort passe l'hiver dans les fentes du bois ;
il y a aussi des Pucerons ailés, qui passent sans périr l'hiver quand il
est doux et produisent au printemps des petits vivants. Ainsi, dans
les hivers doux, une partie des Pucerons lanigères du pommier
{Schizoneitra tanigera, Hausmann) restent vivants sur les pommiers
en espalier en s'abritant entre les branches et le mur ; toujours
une partie des sujets de cette espèce se réfugient en hiver sur les
racines, de sorte que des femelles aptères et vivipares remontent tout
de suite sur les rameaux aux premiers effluves chauds du printemps.
Il y a quelquefois chez les Pucerons ailés des migrations en nombre
immense qui rappellent les Criquets voyageurs. C'est ce qu'on vit en
Belgique, à la fin de septembre et au commencement d'octobre 183/i,
pour le Puceron du pêcher, Aphis persicœ, étudié par M. Morren, dont
les légions envahirent la ville de Gand par troupes si serrées, que la
lumière du soleil en fut obscurcie, que les murs et les routes en étaient
noircis et que les passants étaient obligés de se protéger les yeux par
des lunettes et de se couvrir le nez et la bouche d'un mouchoir. Une
migration analogue eut lieu dans le sud de la Suède, le 7 octobre 1846,
pour les Pucerons des galles du peuplier {Pemphigus bursarius). A Paris,
en juillet 18/i7, une innombrable nuée de Pucerons verts voltigea dans
les rues, obligeant les piétons d'agiter leurs mouchoirs pour protéger
leurs yeux. La grande cour du collège Louis-le-Grand fut couverte
d'un beau tapis vert. Au Jardin des triantes, à Franconville, près de
Montmorency, il y avait sur la terre une couche de Pucerons tellement
épaisse que, pareille à une neige, elle s'attachait à la semelle des
chaussures. A l'automne de 1853, plusieurs régions de l'Angleterre
furent envahies par d'immenses vols de YAphis rumicis.
Les Pucerons ne vivent que de végétaux, principalement des feuilles
que leurs piqûres déforment souvent. Fréquemment aussi on les ren-
contre à l'extrémité des jeunes pousses, sur les écorccs et même sur
886 HÉMIPTÈRES.
les racines, ou cachés dans des espèces de galles, par exemple sur les
ormes et les peupliers, ou dans des recroquevillemenls des feuilles
formés à la suite de leurs succions, ainsi sur le groseillier. Ils se tien-
nent notamment dans les lieux abrités du vent. Les vallées profondes,
les clairières des bois, le penchant des collines exposé au midi ou au
levant, les cultures entourées de haies, les châssis et les serres, tempé-
rées ou chaudes, sont favorables à leur multiplication, ainsi que la cha-
leur en général, et l'abondance du suc des plantes. C'est surtout cette
dernière cause qui fait que ces insectes se trouvent dans les terrains
bien fumés et les mieux cultivés, comme les jardins, dans le voisinage
des villes et villages. Plus on s'éloigne des habitations humaines et
moins on en trouve. Les plantes herbacées, quoique plus nombreuses,
ont proportionnellement moins de Pucerons que les arbres, et rare-
ment plusieurs espèces différentes (la Tanaisie en a trois), ce qui est,
au contraire, assez fréquent sur les arbres et arbustes. Le chêne seul
en nourrit plus de six espèces, dans le tronc une espèce différente de
celle des vieilles branches, dans les jeunes branches une autre que sur
les feuilles, etc. Le bouleau et le saule ont de sept à huit espèces,
l'orme quatre, le groseillier trois, le rosier deux, etc.
Quelques Pucerons, exceptionnellement, sont polyphages ; certains
peuvent vivre sur cinq ou six espèces de plantes; ainsi le Puceron
de la fève vit sur le pavot; mais, en général, un Puceron est spécial à
un végétal déterminé, à ses variétés et aux espèces voisines de la
même famille naturelle. Par une fausse analogie avec les Scolytiens,
qui subissent des conditions spéciales pour l'existence de leurs larves,
beaucoup d'auteurs ont écrit que les Apliidiens, et pareillement les Coc-
;iens, recherchent de préférence les végétaux déjà afi'aiblis et malades.
C'est une erreur qu'il faut rectifier : tous les Pliytophthires attaquent
les végétaux les plus jeunes et les plus vigoureux. Leur prédominance
sur les plantes de serre ou d'orangerie, ou abritées dans les jardins,
plutôt que sur les sujets de plein air des bois ou des champs, tient,
non pas à ce qu'ils choisissent des sujets affaiblis, mais à ce qu'ils sont
bien moins diminués dans ces conditions par les influences atmosphé-
riques et les entomophages internes, il y a des Pucerons dont les suc-
cions causent des nodosités ou exostoses ligneuses sur les tiges, ainsi le
Puceron lanigère du Pommier; d'autres déterminent sur les feuilles
des plissements ou des bosselures qui leur servent d'abri, ou même de
véritables galles (Pucerons gallicoles), qui sont remplies de leurs
larves, reposant souvent sur un duvet cireux.
Les Pucerons ont, à notre grand profit, de nombreux ennemis natu-
rels, comme les larves des Coccinelles (Coléoptères), les larves des
Chrysopes ou Lions des Pucerons de Réaumur (Névroptères), les Antho-
coris (Hémipt. hétér.), les larves des Syrphes (Diptères) et des Hymé-
noptères térébrants de genres variés, comme les Aphidius, la famille
des Mymarides, etc. On voit enfin quelquefois sur les Pucerons un Aca-
APHis. 887
rien allongé, Acarus coccineus de Schrank, qui se nourrit de leur sub-
stance.
APHl^îi, Liiin. — Tète petite; antennes filiformes, souvent plus longues que le
corps, de sept articles, les deux premiers courts et épais, le troisième le plus
long; ocelles nuls; yeux globuleux, saillants; rostre presque normal au corps,
paraissant naître du sternum, entre les pattes antérieures; prothorax court,
transversal, mésothorax beaucoup plus grand ; ailes antérieures grandes et iri-
sées, inclinées en toit dans le repos, avec un stigma fusiforme, d'où partent
deux nervures obliques qui vont joindre le bord interne, une troisième (sous-
costale) qui se trifurque à l'extrémité, et une dernière qui se courbe en arc
pour former une cellule ovale à rextré:nité de l'aile ; ailes postérieures beau-
coup plus petites, avec deux nervures obliques partant de la nervure qui longe
la côte externe ; pattes longues et grêles, les postérieures plus longues que les
autres; abdomen muni de deux cornicules cylindriques et terminé par un court
apjjendice caudal.
Le genre Aphïs compte en ICurope plus de cinquante espèces. Une des
plus vulgaires est A. rosœ, Linri., le Puceron de rosier (pi. cm, fig. 15,
femelle de migration : 15 a, tète et thorax vus en dessous; 15 b, antenne;
15 c, larse antérieur). Long de 2 à 3 millimètres, ce Puceron est vert,
avec des taches sur le thorax ainsi qu'au bord de l'abdomen, et l'écus-
son, d'un noir luisant, les ailes des deux paires transparentes, à ner-
vures vertes, les pattes verdâtres, à articulations blanches, les antennes
noires ainsi que les cornicules, ces dernières longues, l'appendice cau-
dal assez long, en forme de sabre. Ces Pucerons verts se tiennent très
serrés sur les jeunes tiges et à la base des boutons; ils sont très nui-
sibles, déterminant la crispation des feuilles, atrophiant les jeunes
branches, empêchant les boutons de fleurir. Dès la troisième généra-
tion apparaissent des femelles ailées de migration allant propager l'es-
pèce sur d'autres rosiers, les Pucerons verts du rosier présentant çà et
là des sujets noirâtres. D'après Boisduval, ce sont ou des femelles ayant
fini leur ponte vivipare, ou des femelles recelant des larves d'Aphidius.
Le rosier nourrit une seconde espèce à'Aphis, A. rosarum, Kaltenbach;
moins commune, se tenant toujours sous les feuilles, surlout des rosiers
forcés en hiver, jamais à l'extrémité des jeunes pousses, ni le long des
pédoncules. Ce Puceron est ovale-lancéolé, d'un jaune verdàtre marqué
de petits points obscurs, les antennes et les pattes pâles, les cornicules
allongées et grêles, d'un jaune roussâtre, la queue assez longue.
Sur les fèves se trouve A. fabœ, Scopoli, noir, avec les antennes
brunes, les ailes des deux paires diaphanes, à nervures jaunâtres, les
pattes jaunes et noires; il paraît être le même que celui des pavots. Le
tilleul est attaqué par un Puceron, vivant de juin à août sous les feuilles,
éjaculant un miellat très abondant qui recouvre les feuilles inférieures
et les objets placés sous les tilleuls, provoquant bientôt une abondante
888 HÉMIPTÈRES.
fumagine noire. Ce Puceron est d'un vert jaunâtre, les antennes anne-
lées de blanc et de noir, ainsi que les pattes, le thorax et l'abdomen
avec des lignes de points noirs, les ailes des deux paires diaphanes et
ponctuées. 11 y a plusieurs espèces de Pucerons sur le pOcher. L'un est
r.4. persicœcola, Boisduval, syn. : persicœ, Morren, d'un noir verdâtre
tacheté de noir, avec les antennes entièrement noires, l'abdomen d'un
jaune roussâtre tacheté de noir, les pattes d'un jaune ferrugineux, la
queue et les cornicules de longueur normale. C'est à cette espèce qu'ap-
partenaient les migrations considérables de sujets ailés observées en
Belgique par Morren. L'autre espèce, A. persicœ, Kaltenbach, est d'un
brun assez clair et très luisant en dessus, d'un vert olivâtre en dessous,
les antennes brunes avec le troisième article jaunâtre, les cornicules
très courtes et la queue nulle; les couleurs sont plus foncées chez les
ailés. Dans les hivers doux, des sujets demeurent engourdis contre le
mur, sur les espaliers. On trouve ces Pucerons logés dans les cavités
des feuilles claquées; mais ils n'ont pas produit la cloque, qui est due à
un champignon (Tulasne); l'autre Puceron du pêcher a les mêmes habi-
tudes.
Enfin, sur le pêcher et aussi sur l'amandier vit un Puceron beaucoup
plus petit, d'un vert tendre et sans taches, à longues ailes transpa-
rentes, VA. amygdali, Emile Blanchard. Le prunier nourrit un Puceron,
A. pruni, Fabr., trop connu des arboriculteurs, très commun en cer-
taines années, surtout sur les pruniers de reine-claude et de mirabelle,
plus rarement sur l'abricotier. Il est vert ou verdâtre, avec une ligne
dorsale brunâtre, des cornicules brunes assez courtes et une petite
queue verte. Il se tient sous les feuilles, qu'il crispe et chiffonne. Les
femelles ovigères aptères pondent leurs œufs en septembre, principa-
lement dans les petits enfoncements qui se trouvent entre la tige et les
bourgeons à fruit, œufs d'abord d'un vert foncé, puis d'un noir bru-
nâtre, et que la femelle mère recouvre ensuite d'une matière cireuse
blanchâtre d'aspect cotonneux, produite par les côtés et le dessous de
l'abdomen. Ce Puceron, fort visité parles Fourmis, sécrète un miellat
très abondant, qui s'al tache aux feuilles en même temps que la pous-
sière de l'atmosphère, et leur donne un aspect malpropre.
Le genre Schizoneura, Hartig, syn. : Myzoxylus, Blot, est caractérisé
par des antennes courtes, de six articles, et à l'aile antérieure, une ner-
vure costale (radius) partant du milieu d'un stigma épais et une nervure
sous-costale (cubitus) bifide, l'abdomen sans cornicules. L'espèce type
de ce genre est le redoutable Puceron lanigère du pommier, attaquant
seulement cet arbre à fruit et dont les ravages sont souvent assez graves
pour lui avoir mérité le nom de Phylloxéra du pommier. Ce S. lanigera,
Hausmann présente des aptères de l'"™,5 de long à 2 millimètres,
ovoïdes, d'un rouge violacé, tachant en rouge de sang les doigts qui les
pressent, les yeux petits, les antennes courtes et d'un jaune pâle, le ros-
tre aussi long que le corps dans le jeune âge, puis s'atrophiant, les
SCHIZONEURA. 889
pattes grc'les; deux pores au septième anneau d'où suinte une matière
grasse. Les sujets ailés, de 2'"'", 5 de long, sont de couleur plus foncée,
ont des yeux plus grands, des antennes plus courtes, moins longues que
la tète et le thorax réunis, des pattes bien plus longues, translucides
et brunâtres, plus sombres aux articulations de la cuisse et de la
jambe. Les aptères et les ailés se recouvrent sur le dos, surtout près de
l'anus, d'un long duvet cireux et blanc, qui empêche l'action de l'eau
et des solutions aqueuses, comme aussi de la poudre de pyrèthre de Vicat,
si efficace à l'égard des Pucerons nus. D'après M. J. Liclitenstein, de
Montpellier, il y a deux phases de migration, à quatre ailes, de femelles
qui se portent sur d'autres pommiers et pondent des œufs d'où naissent
des aptères vivipares. En outre, il a découvert l'existence de sexués
très petits, ne mangeant pas, sans ailes et sans rostre, ne pouvant que
s'accoupler. Le mâle n'a que 0'""\5 de long et la femelle 1 millimètre.
liUe est entièrement remplie par un œuf unique, qu'elle pond en au-
tomne sur les écorces ; il passe l'hiver et donne au printemps un Puceron
lanigère, aptère et vivipare, renouvelant les funestes colonies. C'est
donc une espèce polymorphe faisant un passage aux Phylloxériens.
Le Puceron lanigère est d'origine très incertaine. On le dit provenant
d'Amérique, par importation de pommiers du Canada, s'étant d'abord
montré en Angleterre au début de ce siècle, puis en Belgique et eu
France, où il s'est propagé du nord au sud, surtout sur les pommiers
des jardins; les races dont les fruits contiennent le plus de principes
sucrés sont les plus exposées à ses attaques ; celles dont les fruits sont in-
sipides, acres et surtout amers sont moins atteints. Il n'atlaque pas les
fleurs, les fruits, les feuilles, mais se fixe sur l'ccorce, à la partie infé-
rieure du tronc, d'où il se propage jusqu'aux racines, au-dessous des
greffes et surtout sous leur poupée. Il aime encore à se loger dans les
plaies du tronc et des grosses branches, recherchant principalement
l'exposition du midi. Il a peu d'agilité et ne change guère de place,
n'éjacule pas de miellat sucré et par suite n'attire pas les Fourmis ; dans
les hivers doux une partie des aptères vivipares survit en s'abritant
entre les tiges en espalier et le mur; dans les hivers plus froids, ils
passent sur les racines. Par le fait des succions, le bois devient sec,
noueux, cassant, présentant bientôt tous les symptômes qui caractéri-
sent la vieillesse et la décrépitude dans les arbres. Les galles que pro-
duit sur les pommiers la présence de sa progéniture dans leur tissu, se
font remarquer seulement à la surfa(;e dans les deux premières années.
Elles ont d'abord une croissance rapide, mais au bout de ce temps elles
cessent de grossir. Ordinairement elles ne peuvent plus, au bout d'un
intervalle de quatre à six ans où elles se sont desséchées, servir à la
nourriture des Insectes qui y sont fixés; alors ils les abandonnent, ce
qui fait que de vieux pommiers s'en trouvent quelquefois débarrassés
subitement. 11 faut, en raison du fort duvet cireux, des moyens spéciaux
pour détruire le Puceron lanigère, ce qui a été réalisé complètement
890 HÊMIPTÈKES.
par M. Vial, chef de culture des arbres fruitiers au Muséum de Paris.
Le flambage à la torche de paille au printemps est dangereux pour les
bourgeons ; le badigeon au goudron sur des pommiers suffisamment
jeunes amène un retard de végétation, puis parfois la destruction de
l'arbre. Le mieux, a vu M. Vial, est un corps gras liquide quelconque,
huile ou glycérine, etc., étendu sur tout l'arbre, sans oublier aucune
place. Le graissage se fait une première fois en octobre et novembre,
quand il n'y a plus de feuilles, une seconde fois au début de la végéta-
tion, dès que les boutons commencent à grossir. Le succès est complet,
sans aucun trouble dans la végétation du pommier.
Un autre Schizoneura vit sur les ormeaux ou ormes en buisson. C'est
le S. lanuginosa, syn. : ulmi, Linn., sphéroïde, d'un vert foncé, garni
d'une villosité cotonneuse, à antennes très courtes, à pattes raccourcies
brunâtres, sans queue ni cornicules. Ce puceron velu pique avec son
rostre les feuilles des ormes ; il en résulte des boursouflures ou grosses
ampoules, du volume d'une noix et même plus, revêtues de poils, te-
nant à la feuille par un pédicule, demeurant suspendues sur les feuilles
brunies après la chute des feuilles saines. L'ampoule s'ouvre à son ex-
trémité supérieure à la fin de mai et donne issue à des Pucerons ailés
et aptères.
Le genre Lachnus renferme les plus grands et les plus trapus des Pu-
cerons, il offre des antennes de 6 articles, une nervure costale naissant
à l'extrémité d'un stigma linéaire et une nervure sous-costale trifide,
l'abdomen en section quadrangulaire élargie d'avant en arrière, man-
quant de cornicules, mais offrant sur les côtés, à la partie la plus large,
deux mamelons proéminents. Les Lachnus éjaculent un miellat abon-
dant qui attire beaucoup d'insectes. Au début du printemps, sur les
bourgeons des saules le lang des cours d'eau se trouve le L. salicis,
d'un gris cendré, à pattes brunes, les postérieures très longues, la base
des cuisses jaunâtre. En automne se rencontre en rangs pressés sur les
branches du chêne rouvre le L. roboris, Kaltenbach, l'aptère d'un brun
foncé, mesurant en moyenne 6 millimètres, avec un rostre trois fois
plus grand, les antennes sans cesse en mouvement pour palper. Les
ailés, qui ont plus d'un millimètre en longueur en moins que les aptères,
sont velus et noirs à reflet métallique. Enfin Von Heyden a reconnu
l'existence d'une génération sexuée dépourvue de rostre. Outre cette
espèce polymorphe, les chênes ont un autre Lachnus et des Aphis.
Le genre Tetraneura, Hartig offre des antennes de cinq ou six articles,
l'aile antérieure n'ayant qu'une nervure sous-marginale ou cubitus
simple et une cellule radiale, l'aile postérieure une seule nervure trans-
rerse, l'abdomen dépourvu de cornicules, et de mamelons et de queue.
Les Pucerons de ce genre et ceux du genre Pcmphigus, Hartig, sont des
Pucerons essentiellement gallicoles, vivant dans les galles et les bour-
souflures sphériques des feuilles, présentant encore beaucoup de la-
cunes dans l'étude de leur développement et formant un nouveau pas-
itillANLUnA. ADELGlS. 891
sage avec les Phylloxériens. Une espèce du premier genre est le Tetra-
neura ulmi. De Géer, autre espèce que le Schizoneura ulini, I>inn. ou
l'uceron velu des ormeaux. Le Tetraneura ulmi ou Puceron des petites
galles de l'orme, se trouve sur les feuilles des ormeaux et aussi des
ormes en arbres; il est glabre, luisant, d'un noir verdâtre,sans aucune
villosité cotonneuse. Il produit sur les feuilles de l'orme des galles
glabres, atteignant au plus la grosseur d'une fève. La galle, d'abord
rouge, devient peu à peu jaune, s'ouvre au mois de juillet par une
fente placée au sommet et donnant passage aux insectes aptères et ailés
qui l'habitent et la produisent.
Dans le genre Pemphigus, Hartig, du grec Pemphix, boursouflure,
il y a deux nervures transversales sur les ailes inférieures. Le type de
ce genre est le P. bursarius, Linn., le Puceron du peuplier noir de Geof-
froy, étudié et figuré par Réaumur. A l'état ailé le P. bursarius a des
antennes de six articles, légèrement annelées, le 6" article effilé. 11
provient d'une larve verdûtre, un peu poudrée. La mère, aptère et
très épaisse, fortement bombée, est revêtue d'un duvet blanc et court.
Elle mesure a""™, 25 de longueur ; ses antennes, très courtes, sont for-
mées de quatre articles, dont le troisième est le plus long. Ces Pucerons
vivent dans les tubérosités un peu contournées qu'on remarque sur les
pédicules des feuilles de peuplier et qui s'ouvrent à la fin de l'été par
une fente longitudinale pour donner issue aux Pemphigus ailés qui les
habitent. Uerbès a étudié le P. terebinthi, qui fait ses galles sur les
Térébinthacées dans le midi de la France. Des sujets ailés passent
l'hiver et mettent au monde au printemps, dans les crevasses dé la
plante nourricière, des sexués à pièces buccales atrophiées, ne vivant
que quelques jours et dont les femelles s'accouplent avec des milles
plus petits qu'elles, qui meurent aussitôt après. Les femelles meurent
aussi et leur corps durci entoure un œuf unique, qui est ainsi protégé
à la façon des Lécanides dans les Cocciens, où le cadavre maternel
abrite les nombreux œufs qu'il recouvre. De cet œuf èclôt une femelle
aptère parthénogénésique. Sous les piqûres de ces femelles le tissu de
la plante prend des tuméfactions, qui ont leur plus furte grosseur à la
fin de mai. Ces galles renferment non seulement la mère protluctrice
(quelquefois deux), mais une foule de petits engendrés par elle, plus
petits qu'elle et pourvus d'ailes après leur mue. Ce sont tous des femelles
qui essaiment après l'ouverture de la galle, dans laquelle elles ne met-
tent jamais bas. On ne sait pas au juste si te sont ces ailés mêmes ou
leur descendance ailée qui passent l'hiver et donnent les sexués du
printemps.
Les Conifères possèdent des îHicerons particuliers dont les formes
extérieures d'un corps à séries de tubercules, et les pattes courtes
et fortes rappellent les Phylloxéras, ce sont les Adelges, Vallot, nom que
nous préférons à celui de Chermes, Linn., qui prête à confusion avec
une partie des Cocciens. Les auteurs allemands les nomment Poux de
892 HÉMIPTÈRES.
Sapins. Les antennes ont cinq articles, les ailes antérieures ont un
cubitus simple, sans cellules radiales, les ailes inférieures ont une ner-
vule transversale ; l'abdomen est dépourvu de cornicules, de mame-
lons et d'appendice caudal. Deux espèces existent en France. L'une est
A. abietis, Linn., la Psylle du sapin, de Cieoiïroy, très petit, de 1 milli-
mètre seulement, jaune ou roussâtre, à gros yeux bruns saillants, avec
un point noir bien marqué sur le front; les sujets ailés ont les ailes en
toit sur le corps, beaucoup plus courtes que chez les ApJiis, transpa-
rentes, à reflet bleuâirc. Le bout des rameaux des épicéas et des sapins
piqué par la femelle pour y déposer ses œufs, se dilate et forme des
écailles disposées en alvéoles ou cellules ouvertes remplies de larves
à'Adelges, entourées d'un duvet. Dans les parcs, il faut couper et
brûler ces galles alvéolées. Une seconde espèce, de plus forte taille,
est très commune sur les mélèzes d'avril à août. Cet A. strobilobius,
Kalfenbach, est d'un rouge assez foncé, plus obscur en dessous. L'ab-
domen offre à son extrémité une tache assez grosse, saupoudrée de
blanc. Les piqûres des femelles ne produisent pas de vraies galles,
mais le jaunissement et le recroquevillement des feuilles, où se logent
les larves. Les générations aptères et ailées des Adelges se succèdent,
probablement avec parthénogenèse. On n'a encore découvert ni
mâles authentiques, ni sexués destinés à donner des œufs d'hiver. De
nouvelles études sont nécessaires.
Tous les Pucerons dont il vient d'être question sont aériens et vivent à
découvert sur les plantes ; ils offrent, dans certaines phases, des sujets
pourvus d'ailes, chargés de disséminer l'espèce. Un certain nombre de
moyens sont à notre disposition pour atténuer beaucoup leur
nombre et par suite diminuer leurs ravages. Il faut faire la taille,
en janvier et février, des bouts de branches où les Pucerons
déposent leurs œufs et les brûler; on doit opérer une inspection
très sévère des planlos importées en hiver et examiner avec une
forte loupe si elles n'ont pas d'œufs de Pucerons. Quand les insectes
sont développés sur les plantes, le meilleur moyen destructeur, méca-
nique et non chimique, est une forte injection d'eau froide à la pompe
de jardin, dont l'effet, analogue à celui des grandes pluies d'orage, est
d'entraîner et de noyer la plupart des Pucerons. On peut encore faire
des badigeons de lait de chaux additionné d'acide phénique. En petit
on opère des lotions avec des infusions de tabac, ou de la benzine, ou de
l'alcool ou de l'esprit de bois. Sous les châssis et en serre chaude bien
calfeutrée on emploie des fumigations de tabac. L'insufflation de poudre
de pyrèlhre de Vicat est très efficace sur tous k's Pucerons nus, mais
insuffisante à l'égard des Pucerons bien duveteux. 11 est bon, pour les
Pucerons comme pour tous les insectes tombés des branches sous l'ac-
tion de la poudre de pyrètlire, d'ébouillanter ensuite le sul, afin d'em-
pêcher tout réveil des sujets qui n'auraient été qu'engourdis.
Nous avons à dessein laissé de côté un important groupe, celui des
PUCERONS SOUTERRAINS. 893
Pucerons souterrains, les Rhizobius, de Burn:]eister, et genres annexes.
Ces Insectes, qui vivent sur les racines de beaucoup de végétaux, sont
souvent confondus avec la phase radicicole du Phylloxéra de la vigne ; de
là ces annonces illusoires de plantes à semer dans les vignes, devant
attirer le Phylloxéra sur leurs racines, au bénéfice du vignoble. Ces
Pucerons souterrains n'ont jamais d'ailes; ils ont des antennes de six
articles, à peine moitié aussi longues que leur corps ; l'abdomen, très
gonflé, est court et épais, sans cornicules ni mamelons. C'est donc bien
et exclusivement par l'anus qu'ils éjaculent un abondant miellat sucré,
attirant les Fourmis à un tel point qu'elles établissent leur fourmilière
autour des racines puceronées et qu'elles ont ainsi de véritables étables
à vaches; ces mœurs se remarquent notamment pour le Formica jlava.
Le Rhizobius raûicum, Kirby, syn. : Farda formicaria, von Heyden,
Rhizoterus vacca, Hartig, est glabre, ovale, raccourci, en entier d'un
jaune orangé, bordé de jaune verdàtre, couleur qui est aussi celle des
antennes et des pattes. Il vit en nombreuses familles sur les racines des
Graminées, dans les prés et les pelouses, les suce, et on voit les plantes
se faner et périr, comme si les racines étaient rongées par les vers
blancs. Ces Pucerons sont en relation continuelle avec des Fourmis, qui
les lèchent, les soignent et probablement les transportent des racines
épuisées sur celles d'une plante bien portante. Le Puceron des racines
des Graminées et des espèces voisines a causé des paniques en faisant
croire que le Phylloxéra passait des racines de la vigne à celles du blé. Une
espèce très voisine est le Forda myrmccaria ou Puceron des poteries. Il
vit de même au milieu des Fourmis ; il est plus petit que le précédent,
plus convexe, d'un blanc grisâtre étiolé, avec les tarses et les antennes
de couleur brunâtre. On le rencontre dans la poterie des serres et quel-
quefois dans les pots de jardin, au pied des Cactus, des Fuchsia, des
Lantana, des Cuphea, etc. Il n'y a d'autre moyen de le détruire que
de bien nettoyer les plantes, en les secouant sur un baquet rempli
d'eau et de leur donner un bon rempotage dans de la terre neuve.
Un autre Puceron souterrain, qui ne mange jamais de Graminées,
du genre Trama, von Heyden, est le T. troglodytes, von Heyden, syn. :
T. rac/ïc/s, Kaltenbach, velu, ovale et allongé, d'un jaune pâle ou d'un
blanc grisâtre mat, sans ailes chez les mâles comme chez les femelles,
vivant en familles très nombreuses au milieu des Fourmis, exclusive-
ment sur les racines des Synanthérées. telles que pissenlits, chardons
des champs, laiteron, artichaut, piloselle, laitue, chicorée, scarole, etc.
Il fait beaucoup de tort aux maraîchers pendant les mois d'automne et
même pendant les hivers doux et pluvieux ; les salades qui ont ce Pu-
ceron sur leurs racines se fanent et tombent en javelle, comme disent
les maraîchers. On a signalé un Puceron sur les racines des pins, le
Rhizobius pini, Burmeister. On peut employer contre les Pucerons radi-
cicoles des arrosages avec une solution étendue de sulfocarbonate de
potassium, ou des sels de fer, ou des solutions d'euphorbe, de Quassia
894 HÉMIPTÈRES.
amara, de Stramoiu'um, de feuilles de noyer, de tabac, etc., addition-
nées d'un peu de sel de cuisine.
Des faits nouveaux sont venus encore compliquer l'élude des Puce-
rons souterrains des racines et font supposer, au moins dans certains
cas, un polymorphisme avec générations alternantes, ayant une certaine
analogie avec les phénomènes reconnus pour les femelles deCynipiens
de la même espèce produisant alternativement sur différents organes
d'une même plante des galles absolument différentes. M. J. I.ichtenstein,
de Montpellier, a annoncé que les petits Pucerons aptères et agames
des galles rouges et crispées des feuilles des ormeaux donnent des
larves ^ivantes qui, dans leur mues, prennent des ailes et s'en-
volent par des fentes qui se forment dans la galle. Ces ailés émigrent
du berceau maternel dans les champs, et là, sur le collet des racines
des Graminées, en particulier du chiendent et du maïs, pondent, comme
leur mère, de petits Pucerons aptères, qui se fixent sous terre aux
racines des Graminées et y forment des colonies douées d'une faculté
de reproduction agame très remarquable, plus ou moins longue et par-
fois même très probablement indéfinie. Ces insectes, amenés en juin et
juillet sur les racines, sont "aptes à reproduire au bout de deux mois
une forme de petits nés vivants et qui reprennent des ailes et reviennent
sur le tronc des ormeaux.
M. Lichtenstein a recueilli des milliers de ces ailés provenant du
dehors en entourant de bandes de papier les tiges à écorce hsse des
jeunes ormeaux. Dans d'autres expériences il apporte directement et
abrite sous la bande de papier les petits Pucerons ailés qu'il recueille
sur les racines de chiendent. Ces ailés pondent des œufs de deux gros-
seurs, d'où éclosent très rapidement de très petits Pucerons sans rostre.
Ce sont des sexués, les plus petits mâles, les plus gros femelles. Ces
sexués s'accouplent après quatre mues très rapides ; puis les mâles meu-
rent et les femelles s'abritent dans les crevasses de l'écorce des ormeaux.
Un œuf unique se développe en elles et s'enkyste dans la peau racornie
de la mère, qui fournit à l'œuf une seconde enveloppe protectrice. Ces
mères desséchées, mortes et noires, avec leur œuf enkysté, se trouvent
en hiver sous les écorces de VUlmus campestris. Au printemps, dès que
poussent les premières feuilles de l'ormeau, ces œufs d'hiver éclosent
et il en sort un petit Puceron noir, muni d'un rostre très long. C'est le
Tetraneura ulmi, qui se fixe sous les feuilles et, par la piqûre de son
rostre, occasionne un afflux de sève qui forme un bourrelet concave
par-dessous, convexe par-dessus, s'élevant à la surface de la feuille et
devient une petite verrue rouge, qui grossit assez vite sous les piqûres
réitérées de l'Insecte et forme une galle lisse et verte de la grosseur
d'un pois chiche ; puis le double cycle évolutif recommence.
M. Geyza von Horwath, à Buda-Pest, en Hongrie, a constaté des faits
pareils pour un Puceron souterrain, répandu en Hongrie sur les racines
de diverses Graminées, et notamment du maïs, et qu'on nommait Pem-
PHYLLOXÉRIENS. 895
phigus zeœmaidis. Il a observé que ce Puceron effectuait son évolution
à la manière du Tetraneura ulmi, et vivait alternativement sur les
ormeaux, sur les racines du raaïs, puis de nouveau sur les ormeaux.
Nous nous garderons bien de généraliser prématurément ces curieuses
observations, qui rattachent les Phylloxériens aux Pucerons, mais qui
ont besoin de vérifications expérimentales par de nouveaux observa-
teurs. Voici la bibliographie à consulter sur ce sujet : J. Lichtenstein,
les Migrations du Puceron des galles rouges de VOrmeau champêtre
{Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1882, t. XCV, p. 1171), avec
critique et contestation de l'exactitude des observations, par M. Bal-
biani(/6e&'., 18 décembre 1882); J. Lichtenstein, le Naturaliste (numéro
du 1^'' mai 1884), les Migrations des Pucerons, p. /|51 {Ibid., De révolution
biologique des Pucerons en général et du Phylloxéra enparticulier, br. in-12,
Paris-Iiordeaux, librairie vinicole et viticole). — G. Von Horwath, Sur
les migrations des Pucerons {Revue d'entomologie, t. II, 1883, p. 6/i).
Tribu des phtllO]LérieN!§.
Cette tribu, tristement célèbre, est d'une existence récente, car on
n'a pu l'établir qu'après la connaissance approfondie de la seule espèce
importante qu'elle présente, celle qui s'attaque exclusivement aux
vignes de diverses espèces, et qu'on a eu l'occasion de trop connaître.
Les Phylloxériens sont aptères et ressemblent aux Cocciens, dont les
femelles n'ont jamais d'ailes; en outre, dans toutes leurs phases, les
Phylloxériens, qui sont essentiellement polymorphes, se reproduisent
exclusivement par des œufs sans viviparité, ce qui est encore un carac-
tère de Cocciens; mais la forme ailée des Phylloxériens prend, au con-
traire, des caractèresd'Aphidiens. Lesantennes des Phylloxériens sont de
trois articles, le dernier, le plus long, tronqué le plus souvent en biseau
à l'extrémité, muni de tympans (un ou deux), organes d'olfaction et
d'audition; il y a des yeux de diverses sortes; les pattes sont courtes; le
corps présente en dessus des rangées de tubercules chez les adultes;
les tarses ont deux articles chez les adultes, un chez les jeunes larves,
il n'y a ni cornicules, ni mamelons à l'abdomen, pas de sécrétions
cireuses ni sucrées; aussi aucune commensalité avec les Fourmis. Les
formes du cycle phylloxérien sont au nombre de trois : 1° agames sé-
dentaires, aptères et rostres; 2'^ agames migrateurs, ailés et rostres;
3° sexués, aptères chez le mâle et la femelle, sans rostre.
Nous allons examiner successivement les trois formes' dans l'espèce
funeste aux vignes : Phylloxéra vastatrix, Planchon (1868).
1° Forme sédentaire agame, aptère et rostrée.
Le Phylloxéra souterrain des racines de la vigne, qui constituent son
habitation presque exclusivement pour les vignes d'Europe : Vitisvini-
896
HÉMIPTÈRES.
/"cra, Linn., est un minime insecte dodu et renflé, offrant un peu l'ap-
parence cVun petit Pou, d'une couleur jaune rembrunie, ayant environ
3//i de millimètre de longueur sur 1/2 de large. Pour le bien étudier, il
faut armer l'œil d'une loupe; cependant on le voit aisément à l'œil nu;
/C-i
FiG. 35. — Phylloxéra femelle,
agame et aptèrBj en dessus.
FiG. 36.
Phylloxéra suçant la sève,
vu de profil.
les paysans, qui se couchent de bonne heure, et dont la rétine de l'œil
n'est pas fatiguée par la lumière jaune, la plus intense des couleurs du
spectre, des lampes et du gaz, les distinguent très bien à la vue simple,
et ne tardent pas a repousser le secours inutile des loupes. Les racines
FiG. 37. — Pièces perforantes
séparées.
l'ic. 38. — Phylloxéraen dessous, montrant
lespiècesbuccalesen position normale.
sont souvent tellement chargées, d'Insectes qu'elles paraissent couvertes
d'une poussière jaune et tachent en jaune les doigts qui les pressent.
L'Insecte présente un corps d'un jaune un peu verdâtre, arrondi en
avant, alténuô en arrière, partagé en segments par des sillons trans-
versaux, dont les premiers portent six, les suivants quatre rangées de
PHYLLOXÉRIENS.
897
petits tubercules. La tête se replie un peu au-dessous du corps; elle
porte sur les côtés deux yeux bruns, composés de trois facettes ou trois
stemmates accolés, car le Phylloxéra, bien que souterrain d'habitude, a
parfois besoin de venir ù la surface du sol et de se diriger à la lumière
du jour. Deux fprtes antennes se voient en avant, à trois articles, les
deux premiers gros et courts, le dernier muni d'un tympan, en massue
FlG. 39. — Radicelle couverte de larves de Phylloxéras.
allongée, ridée en travers, l'extrémité taillée en biseau oblique. Un
rostre assez grêle, formé de quatre articulations, droit ou très souvent
oblique, existe sous la tète, constitué par trois soies, une centrale (mâ-
choires accolées), deux divergentes (mandibules). La sève monte par
capillarité dans l'espace intermédiaire. Le premier tiers seulement de
ce suçoir pénètre dans l'écorce de la racine. Les pattes sont courtes et
grêles.
Cette femelle, fixée, pond autour d'elle, en petits tas, l'extrémité de
GlUABD. III. — 57
898 HÉMIPTÈRES,
l'abdomen s'allongeant alors, des œufs bien ellipsoïdes, longs de Om^.S/i
sur O'"™,!:^ de large, d'abord d'un beau jaune-soufre, puis prenant peu
à peu une teinte grisâtre et enfumée. A un bout, on y remarque, au
microscope, deux points rouges, qui sont les yeux de l'embryon. Au
bout de huit jours environ, sort de cet œuf une larve qui, sauf la taille,
ressemble à la mrre pondeuse. Elle est d'un jaune un peu verdàlre,
avec les antennes, le rostre et les pattes relativement plus grands que
chez l'adulte aptère. D'abord errante et agile, remuant vivement les
pattes et surtout les antennes, qu'elle élève ou abaisse l'une ou l'autre
alternativement, on dirait qu'elle s'en sert en marchant comme de
béquilles. La petite larve, au bout de trois ou quatre jours, a choisi sa
place sur la racine et y devient stationnaire, fixée par son rostre enfoncé.
Elle n'a qu'un article aux tarses ; ce n'est que plus tard qu'elle en prend
deux. A mesure qu'elle absorbe les sucs de la vigne et détruit la vitalité
de la plante, elle subit trois mues, à des intervalles de trois à cinq jours,
et les jeunes larves sont dépourvues de tubercules saillants, signe de
l'état adulte. La larve qui s'apprête à muer s'allonge beaucoup dans la
région postérieure, qu'elle recourbe souvent en dessus, montrant l'anus.
La femelle aptère est adulte au bout de vingt jours environ, et pond,
sans concours de mâle, pendant un temps peu déterminé, très in-
fluencé par la température. Chaque femelle pond une trentaine d'œufs.
Les générations annuelles se succèdent dans le midi de la France du
15 avril environ au l'^"' novembre, dans le Bordelais et les Charentes à
partir de la première quinzaine de mai; on évalue, mais sans certitude,
le nombre des pontes à huit par an : ce qui donne, à trente œufs par
mère, une postérité de vingt-cinq à trente millions de sujets pour un
seul iiulividu de printemps, ce qui explique la progression effrayante de
la maladie de la vigne.
Outre l'immense majorité des femelles aptères sur les racines, un
petit nombre se logent dans des gales sous les feuilles du Vitis vinifera,
pendant deux ou trois générations au printemps, périssant, en géné-
ral, à l'époque des chaleurs de l'été ; ces pondeuses gallicoles sont au
contraire très nombreuses et comme l'état normal sous les feuilles des
vignes américaines, sans préjudice des racines qui en offrent aussi. On
a reconnu, par expérience directe, que les insectes des galles peuvent
être portés sur les racines et s'y multiplier et que l'inverse se produit,
car on a obtenu des galles avec des Phylloxéras pris sur les racines.
L étude précédente ne s'applique qu'à l'évolution active de l'agame
aptère pendant la belle saison. Les mères pondeuses et les œufs dispa-
raissent quand la température extérieure s'abaisse normalement, par
l'effet de la saison, à 10 degrés et au-dessous, par suite à une époque
qui varie avec la latitude, l'altitude du pays vinicole et sa distance à la
mer. Seules les jeunes larves persistent, mais tombent en torpeur et
restent fixées aux racines, aplaties, ridées, brunâtres, ne prenant pas
de nourriture, lilles sont difticiles à apercevoir, en raison de leur peti-
PHYLLOXÉRIENS.
899
tesse et de leur couleur qui se confond avec celle de l'écorce, entre les
fentes de laquelle elles se fixent. Ces petits Phylloxéras ne sont nulle-
ment morts, mais sont bien en vie latente, car, portés dans une cham-
bre chaude, ils exécutent de légers mouvements. Au printemps, à une
époque qui, en France, varie, selon la région, du 15 avril au 15 mai,
Ms se renflent d'abord, preuve qu'ils ont absorbé de nouveaux sucs ;
puis, de leur peau fendue le long du dos, sortent des larves jaunes et
dodues (Maxime Cornu), à peau jeune et molle, essentiellement pro-
pres à absorber les agents des traitements insecticides. Les premières
pontes reprennent à l'époque où la vigne est en pleurs.
FiG. iO. — Galle ouverte montrant les œufs, les larves et une mère parthéno-
génésique pondante.
Le Phylloxéra agame aptère des racines se propage à faibles dis-
tances par deux modes de parcours : 1" lors des journées chaudes, en
se couchant sur la terre, à la surface du sol, on observe des Phylloxéras
sans ailes, qui rampent, mêlés en août de sujets ailés, allant des ceps
malades aux ceps sains; on les voit, plus commodément, en ramassant
des mottes de terre ; 2° comme un insecte aussi mou que le Phylloxéra
doit craindre souvent le contact dessiccateur de l'air, il se déplace sous
terre, d'une racine à l'autre, à travers les fissures du sol, les interstices
des pierres. C'est sans doute là sa propagation la plus efficace, car,
ainsi que je l'ai constaté dans les Charentes, lors de ma mission donnée
par l'Académie des sciences, dans les vignes plantées en rangées assez
distantes, et surtout séparées par des allées où l'on cultive d'autres vé-
900 HÉMIPTÈRES.
gétaux, le mal s'étend aisément sur toute la longueur d'une rangée et
passe bien plus difficilement d'une rangée à l'autre; ces vignobles sont
moins rapidement infestés que ceux où la vigne est cultivée en plein.
2° Femelles de migration agames, ailées et roslrées.
Sans agiter la question de savoir si, comme le pense M. Balbiani, la
fécondité des aptères agamés s'épuiserait d'elle-même, il est certain,
en raison de leur propagation très restreinte d'un cep à l'autre, et
aussi de l'écartement souvent considérable des vignobles, on aurait
depuis longtemps arrêté les ravages funestes, en entourant les vignes
attaquées de profondes tranchées, pleines de goudron liquide ou de
FiG. hi. — Vieille racine de vigne couverte de Phylloxéras en hibernation
(grandeur naturelle).
coaltar, qui serait un obstacle infranchissable. Malheureusement pour
l'homme, il se produit le même fait que celui que nous avons signalé
pour beaucoup d'Aphidiens. Quand la chaleur augmente et que les
sujets aptères des racines se multiplient en conséquence, certains indi-
vidus semblent avoir le pressentiment instinctif que la nourriture va
manquer aux colonies souterraines, et se préparent à de lointains essai-
mages. Comme l'a reconnu M. Maxime Cornu, on voit des femelles s'al-
longer et montrer au microscope, sous la peau, des rudiments de four-
reaux d'ailes. Chez ces femelles se produit une quatrième mue; sur les
côtés du corps apparaissent deux moignons noirs, fourreaux des ailes
supérieures ; en les écartant avec une pointe d'aiguille, on observe en
dessous les fourreaux plus petits des ailes inférieures. Ces nymphes, un
peu étranglées vers le milieu du corps et plus allongées que les aptères
des racines, se montrent principalement sur les renflements morbides
des radicelles dont nous parlerons plus loin, puis sur les racines mêmes,
après la destruction des renflements. Elles montent peu à peu au pied
PHYLLOXÉRIENS.
901
des ceps, près de la surface du sol et sortent même au dehors. Bientôt
se fait la cinquième mue, qui donne une femelle de migration, féconde,
comme la femelle aptère des racines, sans concours de mâles, longue
d'un peu plus d'un millimètre, plus grande par conséquent que l'autre
femelle agame (elle fut prise autrefois pour un mâle, avant l'étude
complète du Phylloxéra), lille est pourvue de quatre ailes, claires et
irisées, les antérieures avec un cubitus simple, sans cellule radiale, les
ailes inférieures sans nervure transversale. Les ailes supérieures sont
FiG. 42. — Femelle parthogénésique ailée.
bien plus longues que le corps, un peu enfumées au bout, où elles sont
larges et arrondies, les inférieures plus étroites et plus courtes. Les
fortes nervures de ces ailes dénotent un bon voilier, capable de sou-
tenir à l'air libre un vol de grande étendue. Si dans un grand bocal de
verre on met des radicelles chargées de nymphes, on ne tarde pas à
A'oir éclore des femelles ailées qui se collent aux parois supérieures,
se retournent, marchent avec agilité et volent comme une flèche d'une
paroi à l'autre.
Les organes des sens de ces femelles sont en rapport avec de nou-
902 HÉMIPTÈRES.
velles conditions d'existence. Leurs appareils de vision sont variés, car
elles ont besoin de voir les vignes à longue distance, afin de se diriger
du côté des vignobles et non vers d'autres cultures, et à courte distance
pour choisir les organes convenables. La large tête porte, en dessus et
sur les côtés, deux yeux composés noirs, à nombreuses facettes, appa-
reils de vision panoramique, permettant aux femelles ailées de recon-
naître tout autour d'elles les vignes sur lesquelles elles porteront la
dévastation; pour les visions rapprochées, elles ont gardé les deux yeux
à trois cornées de l'aptère des racines et offrent en outre sur le vertex
trois ocelles ou yeux simples isolés. Ces femelles vierges ailées ont un
corps plus grôle que celui de l'aptère des racines, les pattes plus lon-
gues, ainsi que les antennes, qui sont aussi à trois articles, le dernier
très long, portant deux tympans olfactifs et auditifs, tronqué en biseau
à l'extrémité. Le bout de l'abdomen s'allonge en pointe un peu obtuse.
La couleur est d'un jaune terne, avec une bande brune peu régulière
sur le dos. L'insecte ressemble un peu à une microscopique Cigale et
surtout à ces Cicadelles verdàtres et sauteuses, si communes en au-
tomne. De juillet à septembre, on voit ces femelles ailées s'abattre en
essaims considérables sur les pampres. Elles sucent les jeunes feuilles
et les boui'geons au moyen d'un rostre semblable à celui des femelles
aptères des racines et de leurs larves, mais plus court.
Elles ne pondent qu'un petit nombre d'œufs dans les duvets des
jeunes feuilles et des bourgeons (Balbiani, Boiteau), ou sous les écorces
en exfoliation du cep, si la saison est plus avancée, et même à la sur-
face du sol, par les temps humides et un peu froids. On sait que, chez
certains insectes à sexes très différents en taille, les œufs milles sont
plus petits ([ue les œufs femelles, ainsi dans les œufs recouverts d'un
tampon de poils roux du Liparis dispar (Joseph). Le Tetraneura ulmi
nous a déjà présenté ces œufs de deux grosseurs. Les œufs du Phyl-
loxéra ailé, plutôt ovales qu'ellipsoïdes, un peu plus volumineux que
ceux de l'aptère des racines, sont de deux grandeurs, les œufs mâles
de 0'"",26 de long sur 0"",13 de large, les œufs femelles de 0°'",/iO de
long sur 0""",20 de large. Ces œufs sont d'un blanc jaunâtre au moment
de la ponte, plus translucides que ceux des aptères, ne devenant pas
aussi foncés avec le temps que ceux-ci, mais seulement d'un jaune plus
intense, surtout les gros œufs, les petits restant plus clairs.
3° Sexués, mâle et femelle, sans ailes et sans rostre.
Des gros œufs qui précèdent naissent des femelles sans ailes et des
petits des mâles, également sans ailes, ce qui forme une diflerence
complète avec les mâles de presque tous les Aphidiens et les mâles des
Cocciens. En septembre 1875, ces sexués furent observés pour la pre-
mière fois par M. Balbiani, à Villegonge, près de Libourne, dans une
vigne de M. Boiteau, et une lettre de M. Balbiani à M. Dumas, insérée
aussitôt dans les Comptes rendus de r Académie des sciences, établit cette
priorité incontestable. Les Phylloxéras sexués, mâles et femelles, sont
PHYf.LOXÉRlENS.
903
de véritables avortons, sauf pour les organes génitaux, ne vivant que
quelques jours, uniquement occupés du soin de la reproduction, sans
ailes, courant çà et là sur les ceps. Le sexué mâle a 0'"'",27 de long sur
0'»'", 13 de large, le sexué femelle 0""°,/i8 de long sur O^^.SO de large.
Ils ne mangent pas et manquent de tube digestif, n'ayant, le mâle
comme la femelle, qu'un tubercule court et aplati, au lieu du rostre qui
s'étend sous la région sternale de la femelle vierge, soit aptère, soit
ailée. Le troisième article des antennes de la femelle est pédoncule, ce
qui n'existe ni chez le mâle ni chez les autres phases de cette espèce
FiG. 43. — Sexué mâle,
très grossi (1).
FiG. 44. — Sexué femelle, très grossi,
avec son œuf unique et la poche copulatrice.
polymorphe. Les nombreux essaims des femelles ailées, s'abattant toutes
à la fois sur les vignes, s'expliquent parce que les sexués sans ailes
périraient sans s'accoupler s'ils ne se trouvaient pas en abondance,
rapprochés les uns des autres, au moment de l'éclosion,
La femelle sexuée a une production d'œufs encore bien plus restreinte
que chez la femelle ailée, pondant sans concours de mâle. De même
que chez le Tetraneura ulmi, la femelle sexuée du Phylloxéra vastalrix
n'a qu'un seul œuf, énorme par rapport à sa taille, surmonté de sa
capsule formatrice. Elle semble, peu après l'accouplement, toute gonflée
par son œuf, et pond cet œuf unique ou a-uf d'hiver, toujours à l'air et
sur le cep seul, entre les exfoliations de l'écorce, fait d'une importance
(l) Les figures 43 et 44 rcpréscnlcnt des sexués du Phylloxéra du chêne.
GIRARD. m. — 5'7*
90a
HÉMIPTÈRES.
capitale, car cet œuf, qui doit passer l'hiver, eût été très compromis,
s'il avait été pondu sur les feuilles qui tombent à l'arrière-saison. Cet
œuf unique est cylindroïde et arrondi aux deux bouts. En automne il a
0°'"',25 à 0'""',28 de long sur O'^'^jlO à O""",!! de large ; au printemps sui-
vant, comme il s'est gonflé par le développement de l'embryon qu'il
renferme, il a 0"'"',26 de long sur 0'"'°,16 de large. Il est, comme on voit,
beaucoup plus long comparé à sa largeur que les trois formes d'œufs
des femelles vierges sédentaires ou émigrantes. Il n'est pas jaune, mais
d'un vert olivâtre piqueté de noir, fixé à l'écorce par un petit crochet.
Bientôt après sa ponte, la mère meurt, toute ridée et ratatinée, devenue
d'un brun rougeâtre.
FiG. 45. — Œuf d'hiver sur le cep et cadavre
desséché de la femelle sexuée.
FiG. 46. — Renflement
des radicelles.
L'éclosion de l'œuf d'hiver, comme l'a reconnu M. Balbiani sur des
écorces rapportées à Paris, a lieu au printemps, ordinairement au mois
d'avril. Il en sort un insecte aptère, analogue aux aptères agames des
racines, pourvu d'un très long rostre, ayant beaucoup d'œufs à l'inté-
rieur, contenus dans vingt-quatre gaines ovigères. Le cycle phylloxérien
est accompli, la fécondité a été renouvelée en la forme ordinaire, pour
un grand nombre de générations. Une partie des femelles aptères nées
des œufs d'hiver gagnent les racines et donnent, sans mcàles, la série
des colonies souterraines. D'autres se portent sous les feuilles et font
naître des galles en cupules, de 2 à 3 millimètres de profondeur, où
se loge une mère pondeuse entourée de ses œufs, donnant une série
de générations aptères et même des nymphes et des ailés. En géné-
ral, lors des grandes chaleurs de l'été, les galles des feuilles de nos
vignes se dessèchent et leurs insectes meurent ou bien se rendent aux
racines.
PHYLLOXÉRIKNS. 905
Il est très inutile aujourd'hui de discuter la question de savoir si le
Phylloxéra est bien la came de la maladie de la vigne, ou s'il n'est
qu'un effet accessoire et consécutif. La premit-re affirmation ne fait
plus de doute aujourd'hui pour toute personne qui ne veut pas s'obs-
tiner dans une ignorance sans excuse. Le seul symptôme authentique
et certain s'obtient en arrachant une racine et en examinant si elle
offre à sa surface des Phylloxéras. En outre les radicelles sur lesquelles
se porte le Phylloxéra au début de l'attaque, parce qu'elles sont plus
succulentes, se gon lient, sans cesser de s'allonger, et prennent l'aspect
de renflements féculents, fusiformes, d'abord d'un jaune blanchâtre,
puis jaunissant, enfin devenant bruns. Sur leurs dépressions, dans les
plis fréquents de leur courbures, on voit des Phylloxéras attachés et
suçant. Puis les renflements, flasques et noirAtres, tombent en pourri-
ture ; alors l'insecte, pour se nourrir, est obligé de gagner la surface
des petites racines, enfin celle des grosses. Cette surface, au lieu de
rester lisse comme d'ordinaire sur les racines saines, devient raboteuse
et noueuse; le bois de la racine, au lieu de demeurer blanc, comme à
l'état sain, prend une teinte d'un rouge violacé. D'autres altérations
plus générales se produisent ensuite avec le temps; les points d'atta-
que se reconnaissent à distance par des feuilles flétries, jaunies ou rou-
gies, contournées sur les bords, par les raisins arrêtés dans leur crois-
sance et ridés, si le mal est invétéré ; les feuilles tombent en automne
à une époque moins tardive que sur les ceps bien portants. On est en
outre frappé du rabougrissement des ceps comparés aux ceps voisins,
du faible nombre de leurs feuilles, de la petitesse de celles-ci. Si l'on a
affaire à une attaque datant de deux ou trois ans, on remarque au cen-
tre quelques ceps morts et sans feuilles, tout autour des ceps chétifs,
n'ayant que quelques feuilles et pas de fruits, puis une ceinture de ceps
à feuilles flétries et tachées, enfin une dernière ceinture de ceps verts
luxuriants, et cependant déjà atteints par l'insecte sur leurs racines;
c'est là l'apparence de la tache d'huile, suivant la juste et pittoresque
expression de M. Gaston Bazille. C'est au delà de cette dernière ceinture
qu'il faut étendre l'arrachage, sil'on veut chercher à arrêter le mal. On
aurait dû prendre ce parti en France au début de l'invasion, selon le
conseil de M. Bouley, assimilant la maladie phylloxérienne à la peste
bovine. Il fut impossible de vaincre les convictions obstinées et les cla-
meurs irréfléchies de beaucoup de viticulteurs et de Sociétés agricoles,
ne voulant pas voir la cause du mal dans ce chétif insecte, ne se ren-
dant pas compte de l'effet immense que produisent les petites forces
simultanées.
On trouve fréquemment comme des foyers phylloxériques d'avant-
garde autour des régions vinicoles contagionnées. Ils sont dus aux fe-
melles ailées de migration, qui sont portées normalement à dix ou douze
kilomètres de distance, surtout avec l'aide du vent, car cette distance
est la marche normale annuelle de l'invasion phylloxérienne. Les vents
906 HÉMIPTÈRES.
violents peuvent porter accidentellement la femelle ailée beaucoup
plus loin. En outre, posées sur les voitures des routes ou des chemins
de fer, sur les raisins débités pour la table, sur les pampres d'enveloppe,
les femelles ailées voyagent au loin. Ces transports toutàfait éventuels
expliquent les vignes pliylloxérées qu'on constate tout à coup encore à
grande distance des centres étendus d'invasion, comme dans le Loiret
par exemple, aux alentours d"Orléans.
Il est bien certain que le Phylloxéra vastatrix, retrouvé identique à
l'espèce de France par M, Planchon aux États-Unis, où il était étudié
par Asa Fish et d'autres entomologistes, est un insecte originaire d'Amé-
rique, probablement des vignes sauvages de l'Ouest, dans la région du
Colorado. Depuis vingt-cinq ans environ il s'est répandu à l'Est et a dé-
truit beaucoup de vignobles formés de cépages non résistants. Les vi-
gnes d'Amérique appartiennent à d'autres espèces et même à d'autres
genres d'Ampélidées que le Vitis vinifera Linn., cultivé en Europe. Il
y a des vignes américaines qui résistent au Phylloxéra, non seulement
sous sa forme gallicole qui n'attaque que les feuilles, organes tempo-
raires et d'importance secondaire, mais même sur les racines, organes
essentiels, fonctionnant en" toute saison et la seule partie vivace en
hiver. En effet, les racines très vigoureuses de ces vignes se couvrent
d'un nouveau chevelu de radicelles, à mesure que les détruisent les
succions du Phylloxéra. M. CoUot a trouvé le Phytophthire nuisible sur
une vigne sauvage des forêts des environs de Panama, le Vitis caribœa
de Candolle, variété du Vitis indica, Linn. Cette vigne est une liane
dont les tiges s'enroulent autour des arbres; ses feuilles offraient des
galles sur leur limbe, à l'intérieur de chacune desquelles était une mère
pondeuse aptère, entourée d'une cinquantaine de jeunes larves et
d'œufs. L'existence du Phylloxéra, dans ce pays privé de vignobles et si
éloigné des États-Unis ou de tout autre centre de culture de la vigne,
prouve bien l'origine américaine du Phylloxéra, qui n'a pas été im-
porté d'Europe, qui serait son pays de première origine, comme le pré-
tendent certaines personnes, sans pouvoir toutefois préciser ni sa ré-
gion, ni son époque d'apparition. La destruction qu'il produit sur nos
vignobles explique comment ont toujours échoué les tentatives faites à
diverses reprises par de richiis propriétaires des États-Unis pour intro-
duire et acclimater les meilleurs plants du Bordelais ou de la Bourgo-
gne ; malgré la précaution prise de faire venir des ouvriers vignerons
de France avec les plants qu'ils avaient l'habitude de soigner, les cul-
tures de la vigne d'Europe n'ont jamais persisté au delà de cinq ans.
Le Phylloxéra a été importé dans les grapperies ou serres à raisin
d'Angleterre et d'Irlande et en divers points de la France dès que la fa-
cilité des transports a permis d'amener des vignes américaines, non plus
seulement à l'état de boutures, mais par pieds complets enracinés. Par-
tout où apparaît subitement le Phylloxéra, un peu loin des centres d'inva-
sion anciens, on trouve, par une enquête locale, que des pépiniéris(es
PHYLLOXÊRIENS. 907
OU des amateurs, enclins à dissimuler leur imprudence, ont introduit
quelques plants américains. L'invasion des vignobles a commencé par
deux centres d'attaque. Le premier, qui remonte environ à 18G3, se
trouve, non loin de ïarascon, au plateau du Pujaut, près de Roque-
maure, dans le Gard. Le second apparaît en 1866 dans la Gironde, près
de Bordeaux, dans les palus (terre d'alluvion) de Floirac. Le mal s'est
propagé de place en place autour du plateau central, épargné en partie
géograpliiquement, mais en réalité seulement dans les régions où le
climat s'oppose aux vignobles, comme dans la Creuse. Ce plateau cen-
tral est aujourd'hui contourné et dépassé en tous sens, avec une
échappée encore indemne dans l'Allier et la Nièvre. Plus de quarante
départements, y compris la Corse, sont envahis ;i divers degrés, celui
de Maine-et-Loire (Angers, Saumur) depuis 1882 (rapport au Ministre de
1883). Les limites septentrionales du Phylloxéra en France, de l'Ouest à
l'Est, sont en ce moment : Vendée, Deux-Sèvres, Maine-et-Loire, Loir-
et-Cher, Loiret, Seine-et-Marne (arrondissement de Château-Landon);
les points les plus septentrionaux qui soient phylloxérés se trouvent aux
environs de Pithiviers (limite sud), d'I^tampes et de Fontainebleau (li-
mite nord). x\près interruption dans l'Yonne, nous retrouvons le Phyl-
loxéra dens la Gôte-d'Or, le Jura, la Haute-Savoie et la Savoie. Sont en-
core épargnés parmi les pays viticoles : le nord-ouest de la Côte-d'Or,
toute la Champagne, la Haute-Saône, les Vosges, Meurthe-et-Moselle et
le Doubs. Les progrès du mal sont surtout en raison inverse de l'humi-
dité'du climat, l'eau étant bien plus nuisible au Phylloxéra que le froid.
De même que dans des expériences spéciales, parallèles à celles entreprises
sur l'action du froid sec, expériences où j'ai trouvé les Phylloxéras morts
et gonflés après de longues pluies froides, j'ai constaté plusieurs fois dans
les Charentes, au milieu de terres fortes et argileuses qui retenaient
l'eau, des Phylloxéras morts et comme en marmelade dans les couches
les plus voisines de la surface du sol, après plusieurs jours de grande
pluie (1). Les froids de nos plus rigoureux hivers sont sans action sur le
Phylloxéra souterrain des racines. Dans mes expériences sur l'effet du
froid sec, au moyen de mélanges réfrigérants, les insectes ont
supporté impunément, la plupart pendant huit heures, certains à di-
verses reprises pendant plusieurs jours successifs des abaissements de
température de — 6 à — 10 degrés. On peut affirmer que jamais pareils
froids ne se produiront dans nos climats, en raison de la mauvaise con-
ductibilité de la terre végétale, aux profondeurs de 30 à 50 centimètres,
et bien plus entre les rochers, où descendent le plus souvent les ra-
cines, couvertes de Phylloxéras aptères. Les physiciens météorologistes
ont étudié les variations de température à diverses profondeurs. Dans
le sol arable, ils ont vu que l'air extérieur variant de zéro à — 12 degrés,
(1) Maurice Girard, Études sur les maladies de la vigne dans les Charente =,
p. 68 (extrait û.&sMém. des savants étrangers, t. XXV).
908 HÊMIPTfcUES.
la température n'est jamais descendue plus bas que 4 à 5 centimètres
de profondeur dans un sol dénudé, tandis qu'elle est toujours restée
au-dessus de zéro, à la même distance de la surface, pour un sol ga-
zonné. Or les vignobles ne sont pas des sols dénudés, surtout quand ils
sont mal tenus ou qu'on cultive diverses plantes entre les vignes, cas
fréquent en beaucoup de pays pour les vignobles communs. Dans nos
hivers, si souvent pluvieux, les infiltrations doivent tendre à amener
dans les profondeurs des températures se rapprochant de Zi degrés (ma-
ximum de densité de l'eau), par conséquent sans aucun effet fâcheux
surles insecles en hibernation.
L'habitation souterraine du Phylloxéra vastatrix dans la phase nuisi-
ble de son existence, en même temps qu'elle le met à l'abri des intem-
péries atmosphériques, empêche les entomophages de lui faire subir
une destruction à notre avantage. Les nombreux ennemis qui délivrent
nos cultures des Aphidiens et des Cocciens, insectes presque tous pas-
sant leur vie à l'air libre, n'existent pas pour le Phylloxéra, poursuivant
paisiblement ses ravages sur les racines des vignes, protégé par la résis-
tance du sol; c'est à peine si on a pu signaler l'action insignifiante
d'un Myriapode et de quelques Acariens. Quant aux plantes interca-
laires sur lesquelles il devait se porter de préférence à la vigne, ou dont
les émanations odorantes l'éloigneraient, il est bien reconnu que ce
sont là des chimères.
Le Phylloxéra ne peut être atteint que par des agents extérieurs, em-
ployés à son intention par l'homme ; ils sont de deux ordres, mécani-
ques ou chimiques.
Le meilleur moyen mécanique dont on puisse se servir est celui de
la submersion totale du vignoble, dont s'est servi le premier M. Faucon
pour son vignoble du Mas de Fabre, près d'Avignon, en contre-bas du
canal de la Durance. 11 est parvenu à reconstituer entièrement ce vi-
gnoble, où la production était tombée de 925 hectolitre à 35 par le fait
du Phylloxéra. Il faut maintenir en hiver les vignes sous l'eau, au
moins pendant quarante jours, temps au bout duquel on est certain
d'une mortalité presque totale du Phylloxéra, les sujets hibernants ne
commençant guère cà périr qu'après treize jours de submersion. Les vi-
gnobles placés pour la plupart (et ce sont les meilleurs) sur des coteaux
élevés et loin des cours d'eau, sont rarement dans des conditions topo-
graphiques à pouvoir être aisément inondés. On opère la submersion
d'hiver soit par une saignée à un cours d'eau, quand cela est possible,
soit, si la valeur du cru permet cette dépense, en installant une ma-
chine élévatoire, pompe, noria ou spirale d'Archimède, et en mainte-
nant par des bourrelets de terre quelques centimètres d'eau.
il n'y a aucun danger pour la vitalité de la vigne; ainsi, dans le nord
de la Crimée (M. Buutin), on conserve en hiver les vignes sous l'eau
amenée des montagnes dans le but de les amender et de les préserver
de gelées trop intenses. Il y a des viticulteurs du Midi qui assurent que
PHYLLOXÉRIENS. 909
la submersion, réitérée pendant plusieurs années, amùne une forte
diminution dans le degré alcoolique du vin. Si l'on opérait en été, la
mort de l'insecte arriverait beaucoup plus vite, mais la submersion
pourrait être plus difficile à opérer et nuire à la vendange, surtout dans
la saison de la sève. On est obligé de la répéter au moins tous les deux
ans, à cause du phénomène qu'on a nommé la réapparition d'été du
Phylloxéra. Elle s'observe au mois de juillet, époque des chaleurs, dans
les vignobles soumis aux traitements destructeurs quelconques. Elle est
en rapport avec l'accroissement de fécondité résultant de l'augmenta-
tion habituelle de température, et provient de plusieurs causes. Il y a
des aptères des vignes voisines non traitées sortant sur le sol, et que le
vent qui les balaye pousse sur les vignobles soumis aux opérations;
d'autres proviennent des œufs d'hiver pondus sur les ceps par les
femelles sexuées; enfin, le plus grand nombre sont des insectes qui ont
échappé aux agents insecticides. La submersion, même de cinquante
jours, ne suffit pas pour tuer tous les Phylloxéras, comme on le consta-
tait notamment au Mas de Fabre, en juin 1879, et plus encore en juillet ;
ils étaient plus nombreux sur les racines des vignes du voisinage trai-
tées aux agents chimiques, très nombreux sur les vignobles sans traite-
ment; on trouvait même des insectes qui n'avaient pas encore quitté
leur peau d'hiver, preuve manifeste qu'on avait affaire à des sujets
ayant échappé à la mort, malgré la longue submersion. Remarquons,
en effet, qu'il suffit de quelques petites pierres pour protéger des insectes
contre l'action de l'eau, ou bien de ces bulles d'air qui restent souvent
adhérentes aux racines submergées, car le Phylloxéra, engourdi en
hiver, n'a alors besoin que de bien peu d'air pour vivre, lui outre, dans
les vignes submergées, les ceps restent à l'air et conservent leurs œufs
d'hiver, donnant au printemps des insectes qui descendent aux racines,
et se joignent à ceux qui ont échappé à la submersion pour reformer
de nouvelles colonies souterraines. Aussi faut-il renouveler tous les
hivers l'action de l'eau, aussi bien que les traitements chimiques. Nous
devons nous résigner à vivre désormais avec le Phylloxéra et perdre
l'espoir chimérique de l'anéantir d'une manière complète. Qu'on le
maintienne seulement dans d'assez faibles limites de nombre pour qu'il
ne nuise pas sensiblement aux vignes; qu'on n'hésite pas à supprimer
la culture de la vigne partout où elle ne donnera plus un produit rému-
nérateur en raison des frais nouveaux.
L'expérience a conslalé que les vignes qui croissent dans un sol
presque entièrement sablonneux sont rebelles au Phylloxéra, qui ne
peut circuler entre les racines, ni trouver passage pour pénétrer sous
le sol d'un cep à l'autre. Aussi MM. Espitalier et Lichtenstein ont pro-
posé le sable apporté artificiellement autour des vignes comme procédé
à la fois préservatif et curatif. Le moyen n'est bon que dans des cas très
spéciaux, pour éviter des frais de transport énormes, il faut avoir le
sable tout à fait à portée du vignoble. En outre, le moyen exige des
910 HÉMIPTÈRES.
frais de déchaussement, et le terrain devient, pour l'avenir, impropre
à presque toutes les cultures. Depuis quelques années, des plantations
de vignes dans des terrains domaniaux très sablonneux ont été autori-
sées aux environs d'Aigues-Mortes, et elles sont indemnes du Phyl-
loxéra. On a proposé aussi, mais le moyen n'a pas été essayé en grand,
un fort tassage de la terre autour des ceps, afin de gêner l'introduction
du Phylloxéra. C'est à une terre compacte par tassage accidentel qu'on
attribue le privilège qu'ont les vignes de treille de résister au Phyl-
loxéra; on doit ajouter que leur état arborescent, analogue à celui des
vi°-nes américaines, leur donne aussi une plus grande force de résis-
tance. Dans les vignobles attaqués, les vignes placées au bord des sen-
tiers battus par le passage sont peu phylloxérées comparées aux vignes
intérieures.
Les toxiques chimiques, par la généralité de leur emploi, sont les
procédés curatifs les plus efficaces contre le Phylloxéra. Un grand
nombre de substances peuvent tuer les insectes ; mais on est très res-
treint dans leur application quand il faut atteindre des myriades d'ani-
malcules logés dans les profondeurs [du sol et dans toutes les sinuo-
sités des radicelles des vignes. L'insecticide doit avoir l'état gazeux,
celui qui permet la plus grande diffusion. En outre, il faut : 1° qu'il ne
tue pas le végétal; 2° qu'il ne soit pas détruit, c'est-à-dire décomposé,
avant qu'il puisse atteindre l'insecte. On a dû écarter le chlore, prove-
nant du chlorure de chaux (hypochlorite et chlorure), proposé tout de
suite par beaucoup de personnes, qui eût fait périr la vigne et se serait
immédiatement changé dans le sol en acide chlorhydrique, d'après son
action énergique sur les substances hydrogénées. L'acide sulfhydrique,
d'action toxique si énergique au moyen des voies respiratoires, serait
un excellent insecticide en air sec ; mais, dans l'air humide, il éprouve
une combustion lente, d'où résultent de l'eau et du soufre, corps
inertes. Le sulfure de carbone, au contraire, a l'avantage de ne pas
subir de combustions lentes, et de maintenir son action insecticide pen-
dant un temps considérable.
Le sulfure de carbone est employé (Krectement, dans le sud-est de
la France surtout, par les soins de la Compagnie Paris-Lyon-Méditer-
ranée, en le renfermant dans des appareils bien clos, en raison des
dangers que peut présenter le maniement au point de vue des mé-
langes explosifs avec l'air. Les expériences sont sous la direction de
deux naturalistes distingués de Marseille, MM. Marion et Catta. Le liquide
volatil est introduit dans le sol des vignobles bien verticalement, au
moyen d'une sorte de pompe à compression à liquide, d'une forme
spéciale, insérée dans l'axe d'un tube en fer servant de pieu; le pal
injecteur Gastine, plusieurs fois perfectionné et simplifié depuis son
premier modèle, est formé à l'extérieur d'un récipient en zinc ou en
cuivre, terminé par une tige de fer creuse, munie inférieurement d'une
extrémité conique en acier, percée d'un petit orifice latéral d'injection.
PHYLLOXÉRIENS. 91|
En haut du récipient deux manettes ou branches horizontales, c^arnies
de manches en bois, permettent de saisir l'appareil. Au milieu, sous le
récipient, une pédale sert à l'opérateur pour appuyer le pied et aug-
menter l'effort exercé sur l'instrument. On peut ainsi enfoncer le pal
dans la terre à une profondeur de 30 à /lO centimètres, suivant la nature
du sol. Le mécanisme qui assure la distribution régulière et le dosage
exact du liquide toxique est renfermé dans l'intérieur de l'instrument.
C'est une pompe de compression très simplifiée, réduite à deux organes
principaux, un piston à ressort et un clapet de retenue, également à
ressort. La quantité de liquide chassée par l'orifice d'injection à chaque
coup de piston dépend de la longueur de course qu'on donne à ce der-
nier organe. En diminuant la descente du piston, on réduit la dose.
On obtient bien facilement ce résultat en enfilant sur la tige du
piston, au-dessous du bouton de poussée, des rondelles ou bagues de
cuir d'une hauteur appropriée. Sans aucune rondelle, l'instrument, tel
qu'il est construit pour l'emploi du sulfure de carbone, débite 10 grammes
de ce liquide par coup de piston. La hauteur des rondelles ou bagues de
dosage est calculée pour que chacune d'elles représente 1 gramme.
En enfilant une rondelle sur la tige du piston, on diminue donc la
dose totale de 1 gramme, et chaque coup de piston ne donne plus que
9 grammes. En ajoutant deux, trois, quatre ou cinq rondelles, on a, au
lieu de 10 grammes, 8, 7, 6 ou seulement 5 grammes. Il est donc bien
facile à l'opérateur de fixer le débit de l'appareil à la dose convenable
pour la nature du traitement à opérer. On consultera pour ce sujet
spécial : Notice sur le pal injecteur Gastine, br., 1883, Marseille, Barla-
tier-Feissat, père et fils.
On est arrivé à maintenir en état de récolte satisfaisante beaucoup de
vignes, en opérant deux traitements par an, le premier, de novembre
à mars inclusivement, le second en juin. Chaque traitement doit être
suivi d'une forte fumure avec chlorure de potassium pour fortifier la
vigne. Souvent on peut se contenter d'un seul traitement, à dose plus
forte. Ordinairement on fait quatre trous de pal par mètre carré avec
6 à 10 grammes de sulfure de carbone par trou, de façon à donner envi-
ron 15 grammes de vapeur toxique par mètre carré et 30 à 35 grammes
en deux fois, si l'on fait deux traitements. Ces doses ne peuvent être
données que si les plants sont suffisamment vigoureux; il est bon de les
diminuer si les souches sont déjà très affaiblies et n'offrent plus que de
rares radicelles, ou si l'on opère sur de très jeunes vignes. Comme les
racines tracent toujours d'une souche à l'autre, aucune portion du
vignoble ne peut être considérée comme exempte de Phylloxéra ; il faut
même injecter au sulfure de carbone les cultures intercalaires sous les-
quelles s'infiltrent de longues racines de vigne attirées par l'engrais. Il
faut faire cette remarque que le pal ne peut s'enfoncer dans le sol très
pierreux de certains vignobles. En outre, il faut bien choisir le moment
d'injecter le sulfure de carbone, car on a reconnu que si de grandes
912 HÉMIPTÈRES.
pluies surviennent pendant les opérai ions, les vignes peuvent âtre frap-
pées de mort; en effet, le sulfure de carbone, entraîné par l'eau,
devient alors assimilable par les racines.
Le sulfure de carbone est encore employé d'une manière indirecte
et associé à un engrais puissant. Une substance, découverte à cet effet
par l'illustre Dumas, est le sulfo-sel, qu'on nomme sulfo-carbonate de
potassium, CS-,KS, c'est-à-dire du carbonate de potasse où le soufre a
remplacé l'oxygène. C'est un composé à deux fins; outre le poison
insecticide, il fournit la potasse aux racines, c'est-à-dire l'alcali néces-
saire à la production des raisins, dont le jus ou vin contient comme
cléments essentiels et rebelles aux falsiti "ations, les tartrates de potasse.
Le sulfo-sel se décompose sous l'influence de l'acide carbonique et do
l'eau de l'atraosplière souterraine des terres arables. Il se forme du
carbonate de potasse, tout porté par le traitement même, aux racines
et aux radicelles, et formant un reconslituant qui rend à la plante, par
une assimilation rapide, les forces qu'elle a perdues sous les succions
du Phylloxéra; en outre, il se dégage, d'une manière lente et continue,
de l'acide sulfhydrique et du sulfure de carbone, tous deux insecticides
très énergiques. Sa réactian est la suivante :
KS,C02 -f C02 -f- HO =
Sulfure Sulfure Acide Kiui.
de potassium. de cai-bone. carbonique.
K0,C03 -|- HS -1- CS2
Carbonate Acide Sulfure
de potasse. sulfliyJriiue. de caiboiie.
Le sulfo-carbonate de potassium a été expérimenté d'abord à Cognac
(Charente), dans le vignoble de M. Thibaut, par MM. Maxime Cornu et
P. Mouillefert, puis mis en pratique en grande culture dans le Borde-
lais et dans l'Hérault par MM. l'ingénieur Félix Hembert et P. Mouille-
fert. Ce traitement exige nécessairement de l'eau. On renferme chaque
mètre carré de terrain dans un bassin en terre, maintenue tout autour
en épais bourrelet. Cette nécessité de larges cuvettes ne permet
d'appliquer ce traitement par le sulfo-sel au cas des rangées de cultures
intercalaires sous lesquelles s'étendent les racines des vignes phylloxé-
rées. Chaque cuvette contient un seul cep (Bordelais, Charentes) ou
plusieurs (Bourgogne). Dans le traitement habituel on verse par cu-
vette 100 grammes de sulfocarbonate pour /|0 ivilogrammes d'eau. Cette
eau est employée en deux fois, 15 à 20 litres dissolvant le sel toxique,
puis le reste à l'état d'eau pure, servant comme de véhicule ou de
piston pour pousser à fond la solution. Le sulfo-sel agit par son contact
d'abord, puis par les vapeurs qu'il émet. La solution liquide a une m-
PHYLLOXÉRIENS. 913
tion mécanique, en se mettant en contact avec toutes les parties souter-
raines qu'elle divise et prépare au passage des vapeurs. La diffusion se
fait en quelque sorte deux fois : 1° le liquide pénétrant sous toutes les
racines; 2" le gaz dégagé passant ensuite où le liquide peut n'avoir pas
pénétré.
Dans ces conditions, la terre phylloxérée est imbibée molécule
par molécule, toutes les racines de la vigne étant mises en contact avec
le toxique, soit à l'état liquide, soit à l'état gazeux; par conséquent l'in-
secte destructeur ne peut échapper que bien difficilement à l'action
délétère. Le sulfocarbonate concentré ne vaut rien, car il ne diffuse pas
partout; c'est aussi le défaut du sulfure de carbone injecté au pal, à
cause du tassement môme de la terre que produit le trou du pal.
Voici des expériences qui montrent l'énergie du remède, lorsqu'il est
employé par diffusion au moyen du procédé mécanique. Dans une so-
lution à 1/200^ de sulfocarbonate de potassium les Phylloxéras sont tués
après un quart d'heure de contact, dans une solution à 1/1000'* après
une heure et quart, dans une solution à 1/5000" tués après deux heures
dans une solution à 1/10 000^ après deux heures et quart, dans une so-
lution à 1/25 000" ils sont tués après 24 heures et de même dans des
solutions à 1/50 000^ et à 1/100 000«. Il faut remarquer d'autre part que
le sulfocarbonate appliqué en solutions étendues ne présente jamais le
moindre danger ni pour la vigne, ni pour les ouvriers qui le mettent
en œuvre, ce qu'on ne peut nullement dire pour le sulfure de carbone
pur. Le sulfocarbonate de potassium est donc d'un maniement facile et
sûr à tous les points de vue.
L'inconvénient capital de ce sulfo-sel est la nécessité de l'eau. Le trai-
tement n'était pas trop coûteux quand on avait l'eau à proximité du vi-
gnoble en quantité suffisante. Il devenait onéreux si l'on était obligé
d'aller chercher l'eau k plusieurs kilomètres de distance, au moyen du
travail dispendieux de l'homme et des animaux domestiques. Ainsi les
premières applications en grande culture faites à Moncey, par Romanèche
(Saône-et-Loire), sous la direction de M. Rommier, coûtèrent des sommes
qui dépassaient 1500 et parfois 2000 francs par hectare, prix qui n'é-
taient accessibles qu'aux grands crus privilégiés. Il fallait songer aux
crus modestes, mais si nombreux, qui sont la fortune de la P'rance.
M. Félix Hembert a réussi le problème d'une canalisation portative et
d'appareils qui constituent un système complet qui réunit les conditions
suivantes : 1" avoir la plus grande solidité possible, être léger et facile-
ment transportable, d'un montage et d'un démontage rapides, aisés même
pour les ouvriers des champs les moins familiarisés avec la mécanique;
2» permettant de porter l'eau pour faire la solution sulfocarbonatée, ou
cette solution elle-même, à toutes les distances et à toutes les hauteurs,
à pied d'œuvre et à très bas prix ; pouvant traiter les plus petites comme
les plus grandes étendues de vignobles dans le moindre temps possible,
et cela afin de laisser profiter de toutes les circonstances favorables au
GIRARD. lu. — 58
914 HÉMIPTÈRES.
point de vue climatérique qui se présentent dans la viticulture. On peut
aujourd'hui traiter une vigne phylloxérée à 9 ou 10 kilomètres de dis-
tance de la prise d'eau et h des altitudes supérieures à 100 mètres. Les
pressions exigées dans ces circonstances sont inusitées dans l'industrie;
il a fallu créer de toutes pièces une sorte de canalisation à jonction ra-
pide, présentant la plus grande solidité sous le poids le plus faible. Le
moteur est animé par une chaudière à vapeur à haute pression, en tôle
d'acier d'une grande résistance, installé sur un bdli en acier qui sup-
porte la chaudière et le système des propulseurs du liquide. Sur ce
bâti est établie une chambre de départ à air comprimé, sur laquelle
sont fixés les raccords des prises que l'on dirige ensuite dans diverses
directions, et qui sert à alimenter les réseaux de canalisation placés
dans le champ de vignes.
Cette canalisation consiste en tuyaux de tôle douce ou de tôle d'acier,
à double rivure en quinconce et essayés à la pression minimum de 30 à
35 kilogrammes par centimètre carré. Ils ont une longueur d'environ
5 mètres et sont ajustés en double épaisseur par fragments d'un mètre,
ce qui leur donne une rigidité très grande, qualité indispensable pour
le transport en coteau. Le poids d'un mètre est d'envion 2 kilogrammes,
joints compris, ce qui permet aisément à un ouvrier d'en porter trois
ou quatre à pied d'œuvre avec toutes les difficultés possibles du ter-
rain.
Un ouvrier peut mettre en place de trois à quatre mille mètres de
tuyaux en une journée. La canalisation est formée de tuyaux qui par-
tent de la machine, placée au bord de la prise d'eau et dans toutes les
directions nécessaires jusqu'à la vigne qui doit être sulfocarbonatée.
Dans la vigne, la canalisation principale est dirigée dans le sens per-
pendiculaire aux rangées de souches, jusqu'au point le plus éloigné.
Elle porte des embranchements latéraux munis de valves, sur lesquels
on raccorde une canalisation secondaire en tuyaux d'un plus faible
diamètre, et enfin une canalisation tertiaire en caoutchouc et toile,
d'une grande résistance, s'adaptantà la canalisation au moyen de rac-
cords .1 vis on à baïonnette et terminés par une petite valve ou robinet
à éperon qui sert à faire les dosages. Les propulseurs fonctionnent sans
relâche et toujours suus le même régime de vitesse ; comme le liquide
ne trouve p;is toujours d'issue, lors des arrêts du travail, il pourrait
en résulter des accidents à la machine et quelquefois des ruptures dans
la canalisation. Aussi, de distance en distance et en des points déter-
minés sont placés des accumulateurs à air comprimé. Lors des arrêts,
le liquide s'emmagasine dans les accumulateurs et l'air se comprime
jusqu'à ce que l'équilibre soit établi avec la pression de la conduite
principale formant le réseau. Aussitôt que les canalisations sont placées,
l'écoulement du liquide est rétabli, en vertu du travail mis en réserve
par l'air comprimé des accumulateurs ; la masse d'air se détend gra-
duellement et les choses rentrent dans leur état normal.
PIIYLLOXÈRIENS. 9j5
On peut citer comme exemple du traitement de MM. F. Hembert et
P. Mouillefert le vignoble de la Provenquière, près Capestang (Hérault)
appartenant à M. Teissonnière, et comprenant environ /t50 000 sou-
ches. Il est soumis au sulfocarbonate depuis 1879 et, dans la seconde
période comparée à la première, le bénéfice vinicole a doublé. En
présence de la puissante action du Phylloxéra sur la vigne, on peut dire
que la culture de celle-ci devra être désormais intensive, c'est-à-dire à
gros revenus, afin de pouvoir supporter les frais de traitement et de cul-
ture de toutes sortes, et être faite dans les sols les plus fertiles et les
plus apte? cà la défense, tels que les sols frais, profonds et autant que
possible de nature siliceuse. On devra supprimer tous les vignobles à sol
faible et exposés aux accidents par intempéries. Bien que le sulfo-
carbonate apporte son engrais potîissique, il est avantageux de seconder
son action par des fumures riches et rapidement assimilables.
Une dernière méthode de traitement, curative et préventive, qui est
encore en cours d'essai, a été imaginée après l'importante découverte
de l'œuf d'hiver par xM. Balbiani. En détruisant l'œuf d'hiver on diminue
la chance de renouvellement par des sujets bien féconds des colonies
souterraines; sur des vignobles sains, à la veille d'être attaqués, cette
destruction peut les préserver de la maladie phylloxérienne. Les traite-
ments qui atteignent cet œuf, chargé par la nature de renouveler le
cycle phylloxérien, sont surtout à recommander dans la zone limite,
encore indemne sur les racines. On a essayé de décortiquer les ceps
avec un gant à mailles d'acier (gant Sabaté) et de brûler avec soin
toutes les écorces enlevées; il reste toujours des œufs d'hiver qui
échappent. Le mieux est d'opérer un badigeonnage des ceps en hiver,
avec le mélange indiqué par MM. Balbiani et Henneguy de 9 kilo-
grammes de goudron de houille contre 1 kilogramme d'huile lourde,
mélange qui pénètre bien toute la profondeur de l'écorce. Dans ce badi-
geonnage, le mélange sera étendu à l'aide d'un pinceau plat sur tout le
bois jusqu'au collet de la plante, en ayant soin de respecter les bour-
geons. Le badigeon devra toujours être appliqué pendant l'arrêt de la vé-
gétation, de novembre à fin février, et précédé de la taille, qu'on avan-
cera dans les pays où elle se fait d'ordinaire tardivement. On le fera pré-
céder d'une décortication superficielle, si les vignes sont vieilles età écor-
ces épaisses. Il ne faudra pas traiter par les temps humides; les souches
devront toujours être bien sèches. Quand on fait la taille, il faut ramasser
avec le plus grand soin les sarments coupés, qui peuvent receler des
œufs d'hiver, les brûler sur place ou les emporter loin du vignoble,
dans un lieu sec et abrité. Il ne faut jamais abandonner sur le sol les
sarments de taille, car, à l'air humide, les œufs conservent leur vitalité
et pourraient éclore au printemps et les aptères seraient aisément amenés
à gagner les racines.
Nous laisserons complètement de côté la question de la reconstitution
du vignoble français en vignes américaines résistantes au Phylloxéra,
916 HÉMIPTÈRES.
emyloyées soit pour produire du vin, soit comme porte-greffes du
Vitis vinifera. Cette solution de la question maintiendrait à jamais le
fatal insecte en France et empêcherait tout espoir de retrouver nos an-
ciens vins. Les documents publiés par l'administration pour l'année 1883
indiquent que, grâce aux traitements opérés avec le concours de la loi
de 1878, la marche du fléau devient moins rapide. La défense contre
l'insecte, proportionnellement à letendue des vignes envahies mais ré-
sistant encore, qui était en 1878 d'un peu plus de 3 pour 100, s'est élevée,
par une progression successive et sans interruption, à 11,23 pour 100.
D'après la statistique officielle 113 000 hectares de vignes ont été détruits
en 1880, 91 000 en 1881, 6Zi 500 en 1882. Quant aux vignes malades, on
trouve la même décroissance : ainsi, en 1880, l'augmentation est de
I3ù/i9/j hectares, en 1881 de 128 350,- en 1882 de 60 37Zi et en 1883 d'un
chiffre beaucoup moindre encore. Depuis l'apparition du fléau 859 352
hectares de vignes ont été détruits dans les départements déclarés
phylloxérés, et, sur ce nombre, Zii2 628 hectares auraient été reconsti-
tués. La superficie des vignes malades n'a pas varié sur l'année p ré-
cédente et reste de 642 363 hectares. La culture de la vigne prend un
grand développement en Algérie, maintenue indemne grâce aux pré-
cautions que la loi permet de prendre, et couvre aujourd'hui une sur-
face de 50 000 liectares.
Le Phylloxéra de la »igne n'est pas la seule espèce de la tribu des
Phylloxériens. Il y a d'autres espèces à cycle analogue qui se trouvent
sous les feuilles des diverses espèces de chêne. Le nom du genre Phyl-
loxéra, qui veut dire dessécheur de feuilles, a été établi il y a déjà long-
temps par Boyer de Fonscolombe {Ann. Soc. eiUom. France, 1" série,
1834, t. III, 222, pi. I, D, fig. Zi à 6) pour une espèce qu'il appela P.
quercus et qu'il trouvait sous les feuilles du chêne rouvre, Quercus robur.
Voici la diagnose de celte petite espèce, de 0""",7 de long : d'un rouge
écarlate, la poitrine brune, les ailes grisâtres, les trois nervures obliques
partant immédiatement de la côte externe, les ailes inférieures sans
nervure oblique, pas de cornicules. Cette espèce, de l'extrême Midi,
porte actuellement le nom de P. coccinea, Heyden, car on a réservé le
nom de P. quercus à une espèce qu'on trouve dans toute la France à la
surface inférieure des feuilles du chêne blanc ou Quercus pedunculata,
Linn., et aussi du Quercus robur ei qui a été étudiée en 1873 par M. Bal-
biani et en 1883 par le docteur Lemoine, de Reims. En été apparaissent
sous les feuilles de chêne les premiers individus de l'espèce, ayant la
forme de larves aptères d'un jaune pille, avec les antennes plus grêles
et plus longues que chez le Phylloxéra de la vigne. Chaque insecte oc-
cupe le centre d'une tache jaunâtre produite par l'action de la piqûre
sur le parenchyme de la feuille. Ces larves grandissent et subissent des
mues sans changer de place, deviennent mères pondeuses sans con-
cours de mâles, après avoir atteint une taille d'environ 1 millimètre et
s'enlourent successivement d'un assez grand nombre d'œufs disposés
PHYLOXÉRIKNS, ALEUUODIENS. 917
autour d'elles en cercles concentriques. Au bout de peu de jours, de
jeunes larves sortent de ces œufs, gagnent les parties restées vertes de
la feuille, s'y fixent par leur suçoir, deviennent mères pondant des
œufs en rond, etc. Bientôt toute la face inférieure delà feuille de chêne
est couverte d'une grande quantité de petits aptères de toutes tailles,
entourés ou non, selon leur taille, d'œufsplusou moins nombreux. Vers
la lin de l'été, à la fin d'août, près de Paris, certaines larves, après avoir
passé par la forme de nymphes rougeàtres, donnent des femelles ailées
de migration. Elles possèdent parfaitement les glandes sébilîques et un
organe médian impair, qui est une poche copulatrice restant toujours
vide de sperme (Leuckart, Balbiaiii); ces feqjelles sont donc parthéno-
génésiques. Elles pondent, en petits las sur les feuilles ou sur les bran-
ches, ou sur les plantes basses du voisinage, des œufs dioïques de deux
grosseurs, les œufs mâles plus petits et un peu rougeàtres, les œufs fe-
melles plus gros et jaunâtres. Ces œufs dioïques, par un fait spécial à
l'espèce du chêne, sont aussi pondus à la fin de l'été par les mères ap-
tères auparavant pondeuses d'œufs ordinaires (Balbiani). Il en naît, à
la fin de septembre, des sexués, aptères et sans rostre, ne prenant pas
de nourriture et ne subissant pas de mue, les mâles rougeàtres, de
0'°",31 au plus de long, les femelles jaunâtres de O^^jZiô. Ils s'accouplent
sur les écorces du chêne, où ils courent vifs et agiles; la copulation ne
dure que quelques minutes et un mâle peut féconder successivement
plusieurs femelles, comme chez les Pucerons. Dans l'intérieur de cha-
que femelle se forme un œuf unique ou œuf d'hiver qui est pondu dans
les fentes de l'écorce, passe l'hiver et la plus grande partie du printemps
sans éclore, donnant à la fin du printemps une larve aptère et partlié-
nogénésique, qui se porte sous les feuilles du chêne comme nous l'avons
dit.
Tribu des aleurodiems.
Cette petite tribu forme un passage entre les Aphidiens elles Cocciens
et comprend une vingtaine d'espèces en Europe. A l'état parfait toutes
les espèces de très faible taille sont à peu près de la même couleur,
blanchâtres, recouvertes de poussières farineuses, d'où le nom d'Aleu-
rodes; partout où ils séjournent, on remarque un dépôt de cette môme
matière, qui recouvre bientôt toutes les feuilles où ils sont étabhs. Les
ailes sont blanches, parfois maculées, le corps jaunâtre, quelquefois un
peu rougeàtre et plus ou moins taché de noir. Us sont toujours sur la
plante qui nourrit les larves et les nymphes et sur laquelle pondent les
adultes. Les larves et les nymphes sont fixées par leur rostre ; les adultes,
ailés dans les deux sexes et pareils, s'envolent avec rapidité au moindre
mouvement imprimé à la plante, mais reviennent bientôt se poser sur
les feuilles ou sur les objets environnants. En général on les trouve à
918 HÉMIPTÈRES.
leurs divers états sous les feuilles, dans les endroits abrités et un peu
humides. Ils passent l'hiver sous leurs diverses phases, adultes dans les
anfractuosités des arbres et des terreset même sous les feuilles, en œufs,
larves ou nymphes, sous les feuilles tombées, sous les feuilles des plantes
qui les conservent, tels que le fraisier, la chélidoine, l'alaterne et les
choux. Les larves varient d'aspect beaucoup plus' que les adultes. Géné-
ralement translucides en naissant, elles deviennent en vieillissant plus
ou moins opaques et jaunâtres {Aleurodes chelidonii, brassicœ, etc.), par-
fois noires ou brunes, variées de blanc (A. aceris). Il en est de glabres ;
d'autres, au coniraire {A. rubi, quercus) portent des poils sur le dos,
d'autres des tubes sécrétant une matière blanchâtre, farineuse, formant
des espèces de houppes qui envahissent tout l'insecte. Les larves sortant
de l'œuf ont les antennes, le rostre et les pattes ettouslessegments d'a-
bord bien visibles; elles se fixent à la feuille par leur rostre et leurs
organes s'atrophient peu à peu, de sorte qu'elles ressemblent à des
Cocciens de la famille des Lécanides, et de même la nymphe; l'adulte
éclosant de cette nymphe, ailé dans les deux sexes, établit une com-
plète différence. En général les larves sont bordées d'une sécrétion ci-
reuse, formant une sorte de frange tout autour du corps, sécrétion
blanchâtre ou transparente ; dans certaines espèces, le corps de la larve
et de la nymphe est recouvert et protégé en entier par une sécrétion
assez épaisse. Les adultes étaient pris pour de très petits papillons par
les anciens auteurs. La tribu ne renferme que le genre :
AliEURODEiS, Latr. — Tète inclinée fortement en avant; antennes de sept ar-
ticles, le troisième très long ; yeux réniformes, généralement séparés en deux
portions par une membrane; un ocelle au-dessus des yeux; prothorax court;
mésothorax et métalhorax j)his grands; quatre ailes, étendues en toit au repos
sur le corps, les antérieures recouvrant les postérieures, qui sont un peu moins
longues, les antérieures à deux nervures, une grande et médiane, une seconde
oblique, partant de la base près de la médiane, les postérieures à une seule
nervure ; pattes très longues, les trochanters des quatre pattes postérieures très
longs et renflas, les cuisses légèrement renflées, les jambes grêles, plus longues
que les cuisses, avec deux arêtes à poils épineux, les tarses de deux articles
très allongés ec épineux, atteignant à eux deux la longueur delà jambe, crochets
très longs ; abdomen plus ou moins pédoncule, surtout chez les mâles, en ovale
plus ou moins globuleux chez les femelles, plus étroit, plus allongé chez les
mâles, oii son extrémité se termine par une armature en forme de forceps.
Les femelles des Aleurodes sont exclusivement ovipares après copula-
tion. Une espèce anciennement connue, commune dans toute la France
sur la grande-éclaire {Chelidonium majus), esi A . proletella, Linn., syn. :
chelidonii, Latr., pi. cm, flg. 16; la Phalène culici forme, de Geoffroy; le
petit Papillon de V éclaire et du chou, de Réaumur ; une Tinea pour Lin-
nœus. On a longtemps confondu cette espèce avec celle du chou, qui
ALEURODIENS, COCCIENS. 919
est un peu plus petite, et ne se différencie bien que par la larve. Cet
Aleurode, long de 2 millimètres, est d'un jaune parfois un peu rou-
geâtre, maculé de noir, couvert d'une poussière farineuse blanche. Les
œufs pédoncules, d'abord jaunes, deviennent d'un brun verdûtre en
vieillissant; il en sort des larves glabres, d'un jaune blanchâtre, à
antennes de quatre articles, dont le troisième est le plus long. On trouve
cet Aleurode pendant toute l'année, mais surtout en septembre et
octobre, sous les feuilles du Chelidonium majus, et quelquefois en très
grand nombre, principalement dans les endroits abrités. Souvent on
voit des larves entièrement noires, sujets contenant des larves entomo-
phages, principalement de Mymarides (Proctotrupiens).
Tribu des COCCIEMS.
Les Cocciens, qui forment les derniers Pliytophthires, présentent des
caractères fort curieux, des formes spécifiques très variées d'une part,
d'autre part une dissemblance si complète entre les deux sexes, dans
l'aspect et le développement, qu'on les croirait de types zoologiques fort
éloignés. Des œufs sortent des larves libres douées d'une assez grande
mobilité. Leur corps, en forme de bouclier, porte des antennes, des
yeux, des pièces buccales bien définies, trois paires de pattes pubes-
centes et plus ou moins grêles, à tarses d'un seul article avec un cro-
chet et des poils terminaux particuliers, nommés digitules, chacun avec
une dilatation en ampoule. Le rostre, de trois articles, cache dans sa
cavité quatre soies, qui, prenant naissance au niveau de la tOte, s'en-
foncent dans l'intérieur du corps et reviennent du côté de la tête en
décrivant une courbe, ce qui fait que ces soies peuvent atteindre une
très grande longueur et pénétrer très profondément dans les plantes,
dont les sucs constituent l'unique aliment de ces insectes. La larve,
après son éclosion, court çà et là sur la plante, enfonce son suçoir quand
elle a trouvé une place propice, et devient dès lors immobile. Elle se
modifie ensuite d'une manière très différente si elle doit donner un
mâle ou une femelle.
Dans le premier cas, la larve, déjà de taille plus petite que dans le
second cas, perd son rostre après la troisième mue, ne mange plus, par
conséquent, et se confectionne une sorte de cocon, ou bien sa surface
sécrète une enveloppe protectrice sous laquelle se forme une nymphe im-
mobile, fait exceptionnel, sauf en partie les nymphes de Cigales, chez les
Hémiptères homoptères. Le mâle sort de cette coque par l'extrémité pos-
térieure, présente à la tête une paire de longues antennes, filiformes ou
noueuses, dix à vingt-cinq articles selon les espèces, quatre ocelles dont
deux ont pris la place du rostre atrophié, et souvent, en outre, deux
à six ocelles supplémentaires, parfois, en tout, dix ocelles. Le thorax
920 HÉMIPTÈRES.
est très développé, porte une paire de longues ailes, dépassant de beau-
coup le corps en arrière, chaque aile parcourue par une ou deux ner-
vures délicates. En outre, assez souvent, deux balanciers rudimentaires
remplacent la seconde paire d'ailes, chacune offrant à son extrémité
une sorte de soie crochue qui, lorsque l'insecte est au repos, vient se
loger dans une petite pochette creusée en regard d'elle sur le bord
postérieur de l'aile. 11 peut n'exister que des moignons d'ailes (mâle de
la Cochenille de l'ormeau, Gossiparia ulmi), ou même le mule peut
fitre complètement altère {Aspidiotiis salicis, Acanthococcus aceris). Chez
les Cochenilles à laque (Carteria lacca, Signoret), il y a une première
génération de mâle aptère et une seconde génération de mille ailé.
Bien que d'après la nervulation, les ailes des mAles de Cocciens ne
soient nullement des ailes de Diptère, on avait d'abord pris ces très
petits mâles pour des Diptères parasites des Cocciens. L'abdomen, assez
élancé, est composé de sept segments, le dernier portant l'anus terminé
par un stylet pénial plus ou moins long, droit ou courbé en faux, nu
ou orné à sa base d'une couronne de soies caudales. En outre, de
chaque côté, ce dernier segment présente deux ou quatre filets, souvent
du double aussi longs que le corps de l'insecte, formés d'une cire
blanchâtre, soluble dans l'alcool ou dans l'éther, sécrétés par des or-
ganes glanduleux particuliers auxquels on donne le nom de filières;
parfois ces filaments sont remplacés par des houppes soyeuses {Porphy-
rophora). Le petit mâle voltige quelque temps autour de la plante sur
laquelle il est né à la recherche des femelles, les féconde et meurt,
toute sa fonction étant achevée.
I,a femelle provient d'une larve, d'abord semblable à celle du mâle,
mais plus grosse. Elle se fixe à la plante au moyen de son rostre, et se
recouvre plus ou moins de matières cireuses ou farineuses, sous les-
quelles s'effectuent des changements souvent régressifs. La femelle
adulte est toujours beaucoup plus grosse que le mâle, à corps court et
trapu, la segmentation disparaissant assez souvent peu à peu. Les ailes
font toujours défaut. Antérieurement sont deux antennes toujours plus
courtes que celles du mâle, et formées seulement de six à onze articles ;
elles manquent chez les Diaspides, ainsi que les yeux, ceux-ci fort petits
chez les Lécanides, parfois à peine visibles. Dans les Coccides, le thorax
et l'abdomen gardent assez bien leur segmentation primitive; dans les
Diaspides, les anneaux se fusionnent plus ou moins, et toute trace de
segmentation disparaît chez beaucoup de Lécanides. La femelle s'aplatit
à sa face inférieure ou même se déprime pour se mouler sur la branche.
Dans les Diaspides ou dans beaucoup de Lécanides, le dos reste aplati;
parfois, au contraire, il se renfle, de sorte que le Coccien présente un
aspect globuleux, ainsi dans les Kermès et Physokermès. De là les noms
de Gallinsectes et Progallinsectes donnés par Réaumur et De Géer; un
Kermès commun sur les chênes de diverses régions a longtemps été
pris pour une véritable galle végétale. 11 y a des femelles dans les Léca-
COGCIENS. 921
nides qui poussent sous elles leurs œufs à mesure qu'elles les pondent;
les deux parois dorsale et ventrale s'accolent, la femelle se desséchant,
et le corps de la mère forme une carapace protectrice pour les œufs ou
les plus jeunes larves.
La femelle reste nue dans la plupart des Lécanides et des Çoccides,
ou bien, chez les Diaspides, présente à sa surface des séries d'écaillés,
restes des mues successives, qui lui donnent l'aspect d'une petite cara-
pace ou d'un bouclier. Des squames ou plaques particulières peuvent
se rencontrer à la queue ou au pourtour de l'anus dans les Lécanides,
rien de pareil ne se voyant chez les Çoccides. Il y a un développement
récurrent ou rétrograde pour les pattes courtes et épaisses, qui dispa-
raissent même dans les Uiaspides, L'abdomen offre, comme celui du
mâle, des filières sécrétant des filaments cireux caducs et beaucoup
plus courts. Après l'accouplement la femelle grossit encore, conservant
sa forme primitive dans un grand nombre de Çoccides, ou bien se
déformant au point de devenir méconnaissable (Lécanides).
Les Cocciens sont, le plus souvent, ovipares, parfois ovo-vivipares
(Cochenilles à cire et à carmin), parfois vivipares, dans les Diaspides et
une partie des Lécanides. On a cru longtemps que l'accouplement par
le mâle était de règle indispensable ; on sait maintenant (f-eydig,
Leuckart) qu'il y a fréquemment des cas de reproductions agames
chez les Coccus, Lecanium, Aspidiotus, les femelles étant remplies
d'embryons sans qu'il y ait de spermatozoïdes dans la poche copula-
Irice.
Souvent la surface entière du corps sécrète des productions cireuses,
parfois utilisables pour l'industrie : ainsi dans VEricerus ceriferus, Gué-
rin-Méneville, couvrant les branches d'une sorte de givre blanc qu'on
nomme la cire d'arbre, et qui sert, en Chine, à faire des bougies. La
pénétration du rostre dans les plantes peut déterminer l'élaboration de
produits spéciaux, comme la gomme laque et la manne, dont l'homme
tire parti. A l'intérieur de certains Cocciens s'élaborent des matières
colorantes, comme le carmin du Coccus cacti du Mexique, les couleurs
rouges tirées des Porphyrophora, soit du midi de l'Europe et d'Asie
Mineure, soit de Pologne. Beaucoup de Cocciens éjaculent, probable-
ment par l'anus, un miellat sucré, à la façon des Pucerons, miellat
apte à devenir le terreau de la morfée, ou fumagine ou maladie du
noir. D'ordinaire ce miellat n'est pas assez abondant pour attirer les
Fourmis, qui ne fréquentent guère les Cocciens, peut-être en raison de
quelque goût de ce miellat qui leur conviendrait peu. Sa sécrétion est
nulle dans beaucoup d'espèces; mais, par contre, il en est d'autres qui
en fournissent une telle quantité, qu'il tombe sur le sol et le mouille
comme si on l'eût arrosé d'eau sucrée. C'est ce qu'on voit pour le Leca-
nium persicœ, où Réaumur prenait cette production pour la sève
du pécher extravasée sous l'influence de la piqûre du rostre du
Coccien.
922 HÉMIPTÈRES.
Les Diaspides offrent des espèces recouvertes par une pellicule formée
par les mues successives de l'insecte et par une sécrétion constituant
un appendice plus ou moins indépendant du corps de l'animal, et qu'on
peut appeler bouclier. Les formes de cet organe peuvent servir a créer
des divisions. Le bouclier peut être plus ou moins arrondi, avec la
dépouille au centre, la femelle et le mâle à peu près du même
aspect, celui-ci toujours un peu plus allongé {Aspidiotus nerii); ou
bien cette dépouille est à l'extrémité {Mytilaspis conchyformis et
linearis).
L'aspect des premières espèces se rapproche de celui d'une huître,
l'aspect des secondes de celui d'une moule ; les mâles, sans rostre, ont
deux yeux supplémentaires, les ailes supérieures avec une nervure
bifurquée, les inférieures remplacées par un balancier de trois ar-
ticles.
Dans le genre Aspidiotus, le bouclier est arrondi chez la femelle, un
peu plus allongé pour le mâle, avec les dépouilles des mues plus ou
moins au centre ; les coques sont ici des sécrétions fixes de la femelle. Les
antennes sont longues, sétacées, de neuf articles, le rostre court, les
tarses de deux articles; le corps des femelles est ovalaire, mou et annelé,
le thorax arrondi et plus court que la tète, l'abdomen appendiculé.
L'A. nerii, Bouché, Kermès, Pou ou Punaise du laurier rose, abonde sur
la face inférieure des feuilles des lauriers roses des orangeries. La coque
est lenticulaire, blanchâtre, ponctuée de jaunâtre, parfois un peu
roussàtre au milieu. Il faut immerger dans l'eau, pendant plusieurs
jours, les arbustes trop atteints. Ce moyen a été indiqué aux jardiniers
par une expérience locale et fortuite faite à Paris. On a observé, lors
des grandes crues de la Seine, qui inondent les petits jardins des éta-
blissements de bains et lavoirs du bord de l'eau, que les lauriers roses
submergés étaient comme régénérés quand l'eau se retirait, et entière-
ment purgés de leurs Cocciens. il faut sacrifier les pieds trop affaiblis et
faire des couchages. Le parasite attaque aussi les arbousiers, magnolias,
acacias, coronilles, câpriers et lierres.
L'A. rosœ, le Kermès du rosier, présente une femelle rougeàtre, deve-
nant peu à peu, après s'être fixée, une coque d'un blanc crétacé, lenti-
culaire, un peu bombée au centre; sous les coques, en hiver, sont des
œufs d'un rouge brun, ('closant au printemps, d'après Boisduval; peut-
être y a-t-il viviparité, car il ajoute que ces petites larves restent
sous la coque jusqu'à la première mue. Il faut tailleries rosiers atteints
de bonne heure, les nettoyer et les brosser avant l'évolution des bour-
geons, car les coques du kermès sont peu adhérentes. Dans les espèces
du genre Mytilaspis le bouclier des femelles est étroit et allongé; on
ne connaît pas celui du mâle. L'espèce importante est le M. conchy-
formis ou pomorum, le Kermès coquille ou virgule, dont la coque femelle
est brune, allongée, amincie en avant, arquée en virgule, ressemblant
en petit à une coquille de moule, recouverte d'une efflorescence
COCGIENS. 923
glauque. Cette espèce, très nuisible dans les vergers, couvre les écorces
des pommiers et aussi des poiriers, le pétiole des feuilles, le pédon-
cule des fruits et le péricarpe des fruits; elle a été importée d'Europe
aux États-Unis. Il faut faire des badigeons de lait de chaux, en hiver;
on applique à chaud avec un feutre un mélange de goudron et d'huile
de lin. Ou bien on barbouille au pinceau les écorces couvertes de
coques avec un enduit de lessive concentrée de labac et de pulpe de
savon noir.
Les Lécanides sont esssentiellement les Cocciens que les jardiniers
appellent, avec d'autres espèces, Poux, Punaises et Tigres des écorces ou
(les feuilles. Les femelles adultes des Lécanides sont toujours fixées aux
feuilles ou aux écorces. ayant le corps ovoïde, ou naviculaire, ou globu-
leux, ou lenticulaire, collé sur les écorces ou sur les feuilles persis-
tantes, de couleur variant du blanc pur au brun foncé. Les larves cou-
rent avec agilité, ressemblant à de petits Cloportes qui n'auraient que six
pattes; puis elles se fixent, et, la segmentation s'ePfaçant plus ou moins,
prennent un aspect de galle. Jeunes, ces femelles conservent la faculté
de se mouvoir dans certaines circonstances ; ainsi celles qui seraient
fixées sur les feuilles peuvent, à la chute de celles-ci, remonter sur
l'arbre comme on le voit pour les Lecanium persicœ, parfois si communs.
De même, lorsqu'on récolte de ces feuilles et qu'on les met dans une
boîte, on voit bientôt, au fur et à mesure de la dessiccation, tous les Le-
canium les quitter et parcourir la boîte en tous sens. Après l'accouple-
ment, ces femelles deviennent tout à fait immobiles^ là où leur rostre
les attache; elles grossissent beaucoup et prennent souvent une tout
autre forme que celle qu'elles présentaient d'abord. Les œufs pondus
sont poussés sous le corps de la mère, refoulant la peau inférieure du
ventre contre celle du dos, de sorte que ce corps desséché devient une
cuirasse protectrice. Ces femelles sont nues, ou enveloppées, ou sim-
plement recouvertes de matières cireuses, calcaires, ou même fila-
menteuses; souvent des sécrétions cireuses entourent les œufs et
le corps de ces femelles, souvent aussi elles ont des exsudations de
miellat.
Le genre Lecanium, llliger, est formé d'espèces nues, en forme de
bateau dans le jeune âge, à corps aplati, à tarses de deux articles;
dans la vieillesse, après la fécondation, les espèces peuvent prendre
des formes très différentes des formes initiales. Le L. hesperidum, le Ker-
mès des orangers, se trouvent sur toutes les Aunmtiacées cultivées et
s'observe sur les orangers des serres de Paris. La femelle, dont la forme
est peu changée comparativement à la larve, est brune, un peu lui-
sante, avec quatre courts filets blancs; elle est entourée d'un duvet
blanc sur lequel reposent les œufs ; les larves se fixent sur les feuilles
et sur les jeunes branches. Cette espèce laisse suinter beaucoup de
miellat, d'où résulte de la fumagine. En grand, il faut faire contre ce
Coccien des projections à la pompe de lait de chaux phéniqué ou des
924 HÉMIPTtRliS.
fumigations de goudron; on doit aussi brûler des tampons de paille
imprégnée de pétrole pour écarter les mâles. En petit, on fera des
brossages, ou des lotions d'alcool ou de benzine. On recommande aussi
l'élagage et la taille lors de la fructification ; l'aérage détruit beaucoup
de ces insectes par les actions atmosphériques et en aidant l'accès des
parasites. Le L. persicœ, Kermès du pécher, Punaise du pêcher, présente,
chez la femelle, une coque oblongue, d'un brun-café, entourée d'un
duvet blanc en juin; les larves agiles sortent en juillet et hivernent
sur les branches; elles se fixent au printemps. L'accouplement a
lieu en mai. Cette espèce est très nuisible, attirant les Fourmis par
son miellat, dont elle mouille les pêchers. Il faut brosser et net-
toyer ces arbustes en hiver et opérer un badigeon à la chaux phéni-
quée.
Le genre Pulvinaria, Targioni-Tozzetti, a été établi pour des Léca-
nides expulsant leurs œufs et les renfermant dans un amas de matières
cotonneuses d'aspect, en filaments blancs. Le P. vitis ou Kermès de la
vigne offre une femelle bombée, très convexe, amincie en avant, d'un
brun roussâtre tiqueté de points noirs, bordée d'un bourrelet blanc
cireux qui couvre les œufs refoulés sous le ventre. Cet insecte attaque
les vignobles et surtout les A'ignes de treille. Dans ce genre entre le
P. gasteralphe, Icery, ravageant les cannes à sucre dans les îles Maurice
et Bourb-L n, et qu'il ne faut pas confondre avec le Pou à poche blanche ou
Coccus succhari, Guérin-Méneville.
C'est aux Lécanides qu'on doit rapporter les Cocciens produisant de la
cire en Chine et de la gomme-laque aux Indes orientales. Le Coccien à
cire blanche, Ericerus pela, Vi'esiwood ou ceriferiis, G. Mén., a une femelle
sphérique, globuleuse, ayant à la face inférieure une large échancrure
qui lui sert à mouler son corps sur les branches. Les mâles sont très
grands, d'un rouge fauve, avec six ocelles et quatre yeux à facettes, des
antennes et des pattes très longues et pubescentes, des ailes transpa-
rentes et très allongées, des balanciers pourvus de deux soies à l'extré-
mité. L'abdomen est aussi long, mais moins large que le thorax; son
dernier segment porte de chaque côté deux longs poils qu'agglutine
une substance sécrétée par les filières. Ce qui est fort curieux, c'est que
les femelles restent libres et que les mâles, dont les larves se sont fixées
par le rostre aux branches de divers arbres, se rapprochent en paquets
et recouvrent les branches d'un enduit de cire très blanche servant en
Chine aux usages de la cire d'Abeilles, principalement à faire des bou-
gies et aussi du cérat et divers emplâtres. Aux Indes se trouve l'ancien
Coccus lacca des auteurs, bien étudié à Bombay par Carter et dont
M. Signoret à fait le genre Carteria.
Les femelles du Carteria lacca fixées perpendiculairement aux bran-
ches sont empâtées dans de fortes incrustations de gomme-laque. En
dissolvant celle-ci par de l'alcool, on isole les insectes ; dans le corps
est un sac piriforme de couleur rouge sombre, hsse et luisant, la
COGCIENS. 925
matière colorante rouge étant duo à l'ovaire. La femelle adulte a subi
une métamorphose régressive, ayant perdu les yeux, les antennes et
les pattes; elle n'a gardé que le rostre fixateur, trois paires de houppes
thoraciques et trois paires de houppes anales qui entourent un anus
portant une couronne de poils. Cette femelle est ovo-vivipare, ses œufs
éclosent à l'intérieur du corps. En juillet les larves sortent par l'orifice
anal de l'incrustation de gomme-laque, rampent quelque temps tout
autour, puis se fixent dans l'écorcepar leur rostre. Longues de 0'""',6,
elles sont alors d'une teinte rouge-minium, elliptiques, avec deux anten-
nes, deux petits yeux marginaux et latéraux, six pattes rudimentaires
terminées chacune par une soie, deux touffes de filaments de chaque
côté du thorax et deux autres de chaque côté de l'anus, en outre deux
longs cirrhes ou poils appendus à l'avant-dernier anneau de l'abdo-
men. Cette larve grandit rapidement et s'entoure de gomme-laque,
qu'elle exsude de toute la surface de son corps et qui l'environne de
toutes parts, sauf au niveau de l'anus et des deux groupes de filières,
celles-ci sécrétant une matière d'aspect laineux qui fait sortir des
touffes filamenteuses par les pertuis de l'incrustation.
A côté des incrustations qui abritent les femelles, sont, en muindre
quantité, des incrustations de gomme-laque plus étroites, elliptiques,
sans orifices, ni toufles de poils et qui sont les demeures des mâles.
Ils en sortent en septembre par une fente de l'extrémité opposée au
rostre fixateur ; ce sont de petits insectes rouges, de l""',Zi de long,
à longues antennes de neuf articles, à quatre yeux, deux latéraux et
deux placés à la face inférieure de la tète et remplaçant le rostre. Ils
sont aptères et à six pattes grêles, l'abdomen portant à la face dorsale
de l'avant-dernier segment deux longs appendices d'aspect laineux,
enroulés en cordelettes et émanant des filières, et, au dernier segment,
un pénis corné en forme de bec, recourbé en bas. Les mâles rampent
sur les branches, gravissent les incrustations de laque qui recouvrent
les femelles et insinuent leur pénis par le pertuis qui correspond à
l'anus. Les femelles fécondées sécrètent alors par les filières un abon-
dant dépôt de filaments cireux qui enveloppent les incrustations de
laque. En décembre éclôt une seconde génération de larves, qui se
fixent et s'encroûtent de gomme-laque ; de nouveaux mâles sortent au
commencement de mars de leurs cocons de laque et s'accouplent avec
les femelles issues de larves d'hiver. Ces mâles d'hiver sont ailés et
munis de deux ailes membraneuses blanchâtres, plus longues que le
corps et binervulées, de sorte que ces mâles ressemblent beaucoup à
ceux du Coccus cacti, Linn.
La gomme-laque se récolte deux fois par an, à la fin de mai et en
novembre, sur les branches d'espèces d'arbres très diflérentes, Ficus,
JRhaiinus, Mimosa, etc., sur lesquelles s'étaient fixés les insectes. Elle est
d'après cela sécrétée en entier par ceux-ci et ne provient pas de sève
extravasée à la suite des piqûres, car alors elle se produirait sur une
926 HÉMIPTÈRES.
seule espèce végétale ou, au moios, sur un genre unique. La gomme-
laque, que l'on tire surtout du Hcngale, du Pégu, de Madras, de Siam, etc. ,
présente deux substances très distinctes, nne résine qui est la laque et
une belle matière colorante rouge, très analogue à l'acide carminique
de la Cochenille du nopal et qui est produite par les ovaires des fe-
melles. On obtient cette teinture de laque en traitant la gomme-laque
pulvérisée retirée des brandies par une lessive de carbonate de soude
très faible qui dissout la matière colorante rouge avant la résine. On la
précipite de sa solution alcaline au moyen d'alun. Ce précipité se
trouve dans le commerce sous le nom de laque-laque et de laque-dye
pour la qualité supérieure. La teinture de laque donne des couleurs
tenaces et très résistantes, servant notamment à teindre les beaux ma-
roquins du levant. La résine sert à la préparation des divers vernis fins
et de la belle cire à cacheter.
Les Coccides forment une famille très importante de la tribu des
Cocciens. Dans cette famille, la femelle, dont la forme et la consistance
peuvent varier beaucoup, présente toujours un rostre à plusieurs arti-
cles, des antennes habituellement de six articles chez la larve, de six à
dix chez l'adulte. La segmentation du corps, très apparente chez la larve,
se conserve plus ou moins à l'âge adulte, chaque segment portant sur
le côté une ou plusieurs épines. L'abdomen est dépourvu de squames
caudales ; mais, à son extrémité postérieure, on peut voir de chaque
côté, un lobe plus ou moins saillant, sur lequel s'implante une soie
plus ou moins longue. Le mâle est de très petite taille, comparé à
la femelle, muni de longues antennes filiformes, pubescentes, le plus
souvent de dix articles; il offre quatre yeux et, de plus, souvent des
ocelles, des ailes grandes, membraneuses et transparentes, des balan-
ciers parfois absents (Coccus), de trois articles, l'abdomen ayant sur le
dernier segment un faisceau de poils d'où partent deux très longues
soies, quelquefois quatre, formées d'une sécrétion blanche et caduque.
Les femelles, dépourvues de boucliers ou de carapaces, sont errantes,
comme les larves, ne se fixant qu'à la fin de leur existence, où elles
conservent encore des mouvements obscurs ; leurs tarses sont de deux
articles. Leur corps est quelquefois nu, mais le plus souvent se revêt
d'une matière cireuse blanche, farineuse ou filamenteuse, qu'elles
disséminent partout avec elles sur les plantes. Au moment de la ponte,
la femelle s'enferme dans un étui globuleux, corné, comme écailleux
chez les Kermès, ou s'enveloppe complètement dans un sac de nature
et de consistance variables, feutré chez les Ericoccus, cotonneux dans
les Coccus cl les Dactylopius.
Le genre Kermès, Amyot et Aud. Serville, est limité actuellement à
quelques espèces dont le type est le Kermès de l'Europe méridionale
ou Kermès à écarlate ; il ne faut pas confondre ce genre avec les Kermès
de Linnœus, qui sont des Psylles, ni avec les Chermes, Linn., Fabr.,
syn. :Adelges, qui sont des Pucerons des Conifères, produisant des galles
coGGUS. 927
alvéolées. Les Kermès ont été longtemps confondus avec les Lecanium,
auxquels ils ressemblent à l'état adulte; mais les larves ont tous les
caractères des Coccides. Les femelles se déforment après la fccundation
et prennent l'aspect d'une boule, ayant perdu antennes et pattes. Elles
ont sécrété une sorte de pellicule cornée qui les cache, elles et leur
ponte; les mâles sont protégés par un petit sac feutré blanc. Nous
devons citer l'insecte employé pour la teinture depuis une haute anti-
quité, le Kermès vermilio, Planchon, vivant dans la bordure méditerra-
néenne exclusivement sur le Chêne garrouille on Quercus coccifera. En
larve et adulte la femelle est rouge; elle devient gloi)uleusc après la
fécondation, sous forme d'une boule lisse ressemblant à une groseille
et fixée par un pédoncule aux rameaux de la garrouille, couverte d'une
poussière cendrée. Vers le mois de mai, ces coques renferment environ
deux mille œufs qui éclosent au commencement de juin; les larves
sortent par un orifice laissé libre au point d'attache de la coque, se
répandent sur l'arbrisseau, et bientôt se fixent et se déforment. Ces
coques, recueillies à la fin de mai, avant la sortie des larves, sont nom-
mées en teinture et en pharmacie, Kermès animal, baies de Kermès,
graines d-écarlate,eic. Elles ont servi à faire la teinture pourpre jusqu'à
la découverte de la Cochenille d'Amérique, qui donne un rouge plus
beau et plus vif. On mêle les coques séchées au soleil avec du vinaigre,
qui avive la couleur. Les Turcs et les Arabes du Levant s'en servent
encore pour teindre leurs coiffures ou fez en rouge. Ces coques du
Kermès vermilio étaient aussi employées à préparer en pharmacie un
médicament célèbre, la confeclio Alkermes, véritable panacée tombée
dans l'oubli et remplacée par le sirop de Kermès, peu usité également
de nos jours. On sert encore sur les tables, en Italie, un élixir dit Al-
tvCfmès où entrent ces coques.
Le genre Coccus, Linn. est restreint par les auteurs modernes à celui
qui contient les Cochenilles à carmin d'Amérique :
C-OCt"l'S, Liiiii. — Mâles avec auteiiiies de dix articles, légèrement pubesccnles;
quatre yeux composés et deux ocelles: ailes dépassant l'abdomen ei n'oUVant
qu'une nervure; pas de balanciers ; pattes grêles; avec crochets à quatre digi-
tales boutonneux; deux longs filets caudaux; antennes de cinq articles chez la
larve mâle. — Femelles avec antennes de sept articles, courtes et coniques, et
pattes courtes, anneau génito-anal dépourvu de cils; deux courts filets au bout
de l'abdomen; antennes grêles, de six articles chez la larve femelle.
Nous représentons l'espèce typique du Mexique, le Coccus cacti, Linn,,
la Cochenille du nopal, pi. cm, fig. 17, mâle grossi; 17 a, son antenne
grossie; 17 6, femelle de grandeur naturelle; 17 c, ibid., grossie. La
larve du mâle, après s'être fixée aux raquettes du Cactus opuntia, ou
parfois d'autres espèces, s'entoure dune coque cireuse, ouverte en
arrière, dans laquelle elle accomplit ses mues. Au bout d'une semaine
928 HÉMIPTÈRES.
environ, le mâle adulte sort à reculons par l'extrémité postérieure. Il
n'a guère qu'un millimètre de longueur, et présente une teinte car-
minée, plus intense sur la tète et le thorax que sur l'abdomen. Les
pattes et les antennes sont brunes, les ailes d'un gris blanchâtre, avec
la nervure bifurquée colorée en jaune brunâtre, ainsi que ses deux
divisions. L'extrémité postérieure de l'abdomen porte un tubercule sur
lequel s'insère l'armure génitale, formée d'un stylet recourbé en dessous
en crochet; de chaque côté débouchent un grand nombre de filières
et s'insèrent deux longues soies dont les dimensions sont parfois le
double de celles de l'insecte. Le mâle meurt aussitôt après l'accouple-
ment.
I>a femelle adulte de cette Cochenille est composée d'une série d an-
neaux toujours visibles, mais en nombre peu fixe. Elle est oblongue,
d'un brun rouge foncé, mesurant 6 à 7 millimètres en longueur, à en
largeur, 2 à 3 en hauteur; sa longueur peut même, dans certains cas,
atteindre et dépasser 1 centimètre. On ne se rend bien compte de la
segmentation du corps, qu'après l'avoir dépouillé d'un enduit de pous-
sière blanche cireuse, sécrétion vitale naturelle, qui se dépose çà et là,
en petits amas, sur les raquettes du nopal, à mesure que la femelle se
déplace. La forme est prismatique, par suite de la présence d'une
carène dorsale, visible surtout dans les sujets desséchés, et comme tron-
quée en arrière, en fer de lance. La larve femelle s'était fixée au nopal
au moyen de son rostre, et accomplit ses mues en une quinzaine de
jours, sans autre modification qu'un grossissement progressif. Les œufs
sont pondus dans les amas cotonneux que la femelle dépose en arrière
d'elle sur les raquettes. Les larves, très agiles à leur naissance, restent
environ huit jours dans leur nid cotonneux. Elles sont ovalaires, arron-
dies sur les côtés, plus larges en avant qu'en arrière, munies de longues
soies, avec des pattes et des antennes d'abord longues et délicates.
Les Aztèques connaissaient les propriétés tinctoriales de cette coche-
nille et s'en servaient avant la découverte de l'Amérique. Elle est actuel-
lement cultivée au Mexique dans les nopaleries, et aussi, par impor-
tation, aux Antilles, à Haïti, aux Canaries, en Andalousie et en Algérie.
La seule cochenille fine dite Mestèque parce qu'elle est surtout cultivée
à Mestèque, dans la province de Honduras, exige des soins spéciaux.
Les Cactus sont cultivés en nopaleries et plantés surtout sur les flancs
des collines, en rangées longitudinales, éloignées les unes des autres
de 1",25 à l'",50. En hiver on garde les femelles fécondées dans les
maisons, où l'on a apporté des branches coupées de nopal. On les place,
12 à 15 ensemble, dans de petits nids de filasse appelés pastles, qu'on
maintient alors à une température d'environ 20 degrés; les mères lisses
ou chagrinées et non velues, mettent au monde des petits vivants, ce
qui est un caractère propre du genre Coccus. Les petits nids sont portés
sur les Nopals au retour de la belle saison, les petites larves qui en sor-
tent se répandant sur les raquettes et s'y fixant. On fait habituellement
coccus. 929
au Honduras trois récolles par an, et, à la fin de la troisième, on met
à part des môrcs pour l'hiver. On enlève les mères à maturité au moyen
d'une sorte de pelit pinceau et on les tue soit à l'eau chaude, soit dans
des petits fours plats. Aux Canaries on opère d'une façon plus e\péditive
en coupant les branches chargées d'insectes, qu'on frotte avec un petit
balai en feuilles de palmier pour les en détacher. On recueille cer-
taines mères et on les disperse sur des claies, qu'on recouvre d'une
grosse toile écrue et qu'on porte à l'étuve à 20 degrés si cela est néces-
saire. Les petites larves naissent bientôt et courent assez vite çà et là,
puis se fixent sur des lambeaux de toile. On enlève ceux-ci et on les
remplace par d'autres, en même temps qu'on transporte pendant la
nuit les lambeaux chargés de larves sur les raquettes de nopal des
plantations, en mettant la face couverte d'insectes au contact de la
plante et l'assujettissant solidement au moyen des épines mêmes du
cactus. Les jeunes, quittant la toile, enfoncent leur rostre dans a
plante; on laisse encore quelque temps le linge qui les recouvre, de
façon à les protéger contre la pluie ou le soleil. En été les cochenilles
ont besoin d'environ trois mois pour arriver à leur complet développe-
ment ; alors des femmes parcourent les rangées de cactus, les unes bri-
sant les raquettes, les autres les brossant pour détacher les insectes
avec un petit balai en feuilles de palmier. Les Cochenilles sont étalées
sur des claies et torréfiées à ÙO degrés environ; puis on opère un tami-
sage destiné à les séparer des épines du Cactus et du feutrage blanc
sécrété par le corps de l'insecte. Il y a d'ordinaire trois récoltes et par
suite trois générations par an, dont la dernière passe l'hiver.
Actuellement les Cochenilles ne se récoltent en abondance qu'au
Honduras et surtout aux Canaries. Le prix des insectes secs a baissé
considérablement depuis l'emploi des rouges d'aniline, est tombé à
3 francs le kilogramme pour la Cochenille noire, ainsi nommée d'après
sa coloration et formée surtout des mères vidées de leurs larves, car
elles mettent au monde des petits vivants (Lichtenstein), à 2 fr. 50
pour les Cochenilles argentées, les plus abondantes, celles qui n'ont
pas servi à la reproduction. Le commerce reconnaît trois sortes de
Cochenille : 1° mestèque ou fine, cultivée à Meslèque dans la province
de Honduras; 2° noire; 3° Cochenille sylvestre, librement développée
et recueillie sur les Cactus sauvages. Cette dernière espèce n'a de com-
mun avec le Coccus cacti que la magnifique couleur carminée qui en
fait la valeur commerciale. Le Coccus tomentosus de Lamarck est tout
hérissé de fortes épines de filières en tuyaux. M. Lichtenstein a reconnu
que cet insecte appartient au genre Acanthococcus ou Eriococcus de
Signoref. Tandis que le Coccus cacti est lisse ou chagriné et pond des
petits vivants, VEriococcus tomentosus s'entoure d'un sac pour opérer
sa ponte et pond des œufs qui refoulent la peau de la mère à une des
extrémités de l'enveloppe; il est d'ailleurs beaucoup plus petit que la
Cochenille vraie.
GIRARD. m. — 59
930 HÉMIPTÈUES.
La Cochenille est recherchée pour la belle couleur rouge ou carmm
qu'elle produit et dont les applications sont nombreuses dans la pein-
ture, les arts et l'industrie, et qu'on emploie comme matière inoffen-
sive pour colorer les fleurs artificielles et les bonbons. Pour extraire le
carmin de la Cochenille, on réduit celle-ci en poudre, on l'additionne
d'un sel minéral tel que le salpêtre, on fait bouillir avec de l'eau et on
filtre; si la liqueur est suffisamment concentrée, le carmin ou acide
carminique brut se dépose au bout de quelque temps ; quand il est pur,
il doit être complètement soluble dans l'ammoniaque, ce qui donne le
moyen de déceler les falsifications.
Si dans la solution obtenue précédemment, on ajoute de l'alun, puis
de l'ammoniaque ou du carbonate de soude, de fagon à précipiter de
l'alumine ; celle-ci se tient dans la liqueur colorée, de sorte qu'après
dessiccation on a une poudre colorée qui est la laque de carmin ; dans
la teinture à la Cochenille on produit sur place cette laque en mor-
dançant les tissus avec de l'alun. La Cochenille, de même que le
Kermès vermillon, a longtemps figuré dans la thérapeutique. Elle est
encore employée (docteurs A. Laboulbène et Larcher) contre les spas-
mes de la toux nerveuse, en potion, ainsi que dans les quintes de la
coqueluche et dans le spasme convulsif de l'appareil respiratoire ou
asthme nerveux.
Les Porphyrophores forment un groupe de Cocciens très remar-
quable par la structure, les métamorphoses, les mœurs et la production
de matière colorante rouge, mais malheureusement dont l'histoire est
encore fort mal connue. Les larves ont des antennes de six articles et
les jambes et les tarses de la paire antérieure de pattes fusionnées en
un segment unique. La femelle, toujours beaucoup plus grosse que le
mrde, présente une particularité spéciale au genre Porphyrophora
Brandt : elle manque complètement d'appareil buccal, et n'a que de
courtes antennes coniques de sept à neuf articles. Les pattes se sont
déformées et sont devenues des organes propres à fouir le sol, les
antérieures particulièrement fortes. Les mâles ont des antennes de
neuf à dix articles, des yeux à facettes énormes et se rejoignant en
dessous, les pattes antérieures seules conformées pour fouir le sol,
l'abdomen muni de filières, d'où naissent une grande quantité de soies
claires et transparentes, formant une houppe qui se prolonge bien au
delà de l'abdomen en arrière, celui-ci terminé par un long stylet re-
courbé ; les ailes sont très grandes et épaissies sur leur bord antérieur,
les balanciers claviformes et terminés par un tout petit crochet. Ces
Cocciens sont destinés à s'enfoncer dans les terrains sablonneux pour
se fixer sur les racines de diverses plantes. L'espèce la moins mal
connue, dite graine de Pologne, est l'ancien Coccus radicum tlnctorim
Breyn. ou Porphyrophora polonica auct., depuis très longtemps connue.
La femelle est semi-globuleuse, de 7 millimètres de long sur à de large,
à pattes déformées, courtes et épaisses, fouisseuses, terminées par un
PORPHYROl'HORA, DACTYLOPIUS. 931
crochet très développé, creusé en dedans et dentelé; le corps, d'un
brun noirâtre devenant d'un beau rouge pourpre dans la potasse, est
recouvert d'une rare, très fine et longue, pubescence. Le mâle est rou"^e
et beaucoup plus petit. La larve est d'abord errante, puis elle se fixe sur
les racines de diverses plantes des sols sablonneux, notamment des
Sclcrunthus, et reste englobée dans son vieux tégument comme dans
une coque. Puis celle-ci se fend et il en sort la femelle ; celle-ci, d'abord
mobile, se contracte, se recouvre sur toute son étendue d'un duvet
blanc, pond ses œufs et meurt. Cet insecte se nommait Sang de la Saint-
Jean, d'après l'époque où on le récoltait, et se trouve dans toute la
Pologne, l'Ukraine, une grande partie de la Russie, le nord-est de
l'Allemagne, la Hongrie et la Suède. On s'en servait, avant la Coche-
nille, pour obtenir une teinture écarlate; les femmes turques s'en
peignaient les ongles et les bouts des doigts. On la faisait aussi entrer
dans les pays du Nord, dans la confection alkermès, comme succédané
du Kermès. En Arménie, dans la province d'Érivan et dans la vallée
de l'Araxe, se trouve une seconde espèce de Porphyrophora , dite
Armeniaca Burmeister, de beaucoup plus forte taille et plus riche en
matière colorante, vivant sur les racines des Poa, graminées des sables,
usitée dans l'industrie orientale avant l'emploi du carmin du Mexique.
Les derniers Cocciens, qui terminent notre étude sommaire, sont ou
nuisibles ou indifférents. Le genre Dactylopms Signoret, synon. (en par-
tie) Pseudococcus Westwood, présente un anneau génital visible, orné
de six poils et de filières sécrétant une substance cireuse d'aspect coton-
neux; les antennes comptent huit articles chez la femelle, six dans la
larve des deux sexes, qui porte quatre digitales. L'abdomen se termine
le plus souvent par deux filets, parfois par quatre. Les femelles se pro-
mènent sur les plantes nourricières jusqu'à ce qu'elles soient prêtes à
pondre; alors elles cessent de marcher et forment un nid ressemblant à
un flocon de coton dans lequel elles se renferment et déposent leurs
œufs. Les petites larves, d'abord microscopiques, restent quelques
jours dans le nid à côté du cadavre de leur mère, puis sortent, courent
avec agilité et se dispersent sur les plantes. L'espèce qu'il faut d'abord
citer est le Z). adonidum Linn., le Pou blanc des serres, le Puceron lai'
neux, le Puceron cotonneux des serres, très commun dans les serres
chaudes, où il cause de grands dégâts et probablement importé de la
côte d'Afrique. La femelle, connue de Linnceus, qui la prenait pour un
Pou (Pedicidus), est longue de 3 millimètres et large de 1,5 ; elle est
d'un blanc un peu jaunâtre, avec une bande brune sur le milieu du
dos, les pattes et les antennes un peu brunâtres, saupoudrées d'une
grande quantité de poussière cireuse blanche sécrétée par les filières
répandues sur tout le corps, celui-ci composé de quatorze segments,
bordés d'appendices d'aspect laineux, avec quatre filets beaucoup plus
grands à l'extrémité de l'abdomen, les deux internes les plus longs. Le
mâle, observp et décrit primitivement par Geoffroy, est un peu plus
932 HÉMIPTÈRES.
petit que la femelle, avec les antennes assez longues, les pattes et tout
le corps d'un rouge pâle, recouvert d'une efflorescence blanche, les
deux ailes blanches avec la côte lisérée de rouge, les filets caudaux
d'un blanc pur. Ce Coccien vit à peu près indifféremment sur toutes
les plantes des serres, n'épargnant un peu que les Orchidées, préférant
surtout les Caféiers, les Dracena, les Gardénia, les Asclépiadées, les Fou-
gères, les Musa, etc. Les fumigations de tabac, lorsque les plantes sont
de nature à pouvoir les supporter, ne tuent que les larves récemment
écloses, mais sont sans efl'et sur les adultes enveloppés de duvet cireux.
Le seul remède efficace est l'alcool appliqué à l'aide d'un petit pinceau;
il se vaporise promptement et ne nuit aucunement aux plantes.
Le D. citri Boisduval, ou Cochenille des orangers, vit sur les citron-
niers, orangers et bigaradiers; comme les autres Dactylopius, cette
espèce ne change pas de forme depuis sa sortie de l'œuf jusqu'à la fin
de son existence ; son corps est caché de même sous un duvet blan-
châtre, cotonneux. La femelle, d'un brun clair rougeâtre, plus foncé
sur le milieu du dos, avec des antennes de huit articles, est longue de
3,5 à h millimètres, sur 2 environ de large, et entourée d'appendices
cireux, avec quatre filets sétacés, inégaux et assez courts, à l'extrémité
du corps. Le mâle est allongé, long, brun sur la tête pointue entre les
antennes, celles-ci de dix articles, brun aussi sur le thorax, jaunâtre
sur l'abdomen, les pattes et les antennes un peu plus foncées, la tête
munie de deux yeux et quatre ocelles, les ailes très longues, dépassant
de moitié la longueur du corps, d'un blanc grisâtre, un peu rougeâtre
vers la côte, les balanciers avec une soie en crochet à l'extrémité. L'ab-
domen est très long, avec les lobes latéraux de l'extrémité présentant
quatre poils, dont deux très longs, autour desquels se condense la
sécrétion cotonneuse ; les organes sexuels forment un tubercule assez
gros terminé par une pointe arrondie, et avec le stylet copulateur en
forme de crochet. Les pattes sont longues et pubescentes. Ce Coccien,
qu'on ne trouve pas aux environs de Paris, est très abondant dans le
Midi et bien plus nuisible que le Kermès des Aurantiacées ou Lecanium
hesperidum, couvrant branches, feuilles et fruits de son vêtement cireux,
et pouvant anéantir les trois quarts de la récolte des citrons et des
oranges, produisant en outre, par son millat, une fumagine considé-
rable, qui bouche tous les pores respiratoires de la plante; sous les
amas de duvet blanchâtre, on trouve de place en place ou des œufs, ou
l'insecte parfait; parfois des récoltes entières de citrons sont perdues
pour la vente, pouvant servir seulement pour la parfumerie. C'est sur-
tout dans les parties abritées et où les plantes trop serrées manquent
d'air et de lumière, qu'on observe le plus d'arbustes malades et chétifs
par la fumagine consécutive à la Cochenille.
Les vignes de pleine terre, en Crimée, en Italie et dans l'extrême
midi de la France, sont parfois gravement attaquées par une Coche-
nille, très différente du Kermès des vignes de treille on Pulvinaria
ORTHESIA. 933
vitis. Ce Dactylopius peut se détruire en imprégnant les ceps avec du
goudron de gaz, ou en les lavant avec du pétrole, de manière à tueries
jeunes et les œufs. C'est le D. vitis Niedielski, dont la femelle est longue
de h millimètres, sur 2 de large, ovale allongée plus ou moins convexe,
jaunâtre saupoudrée de matière cotonneuse, avec des filaments blancs
autour du corps, ceux de l'extrémité abdominale de beaucoup les plus
longs et atteignant quelquefois la longueur du corps. Le mâle, qui ap-
paraît au mois de juin pour féconder la femelle de l'année, est élancé
et étroit, à longues anteimes très pubescentes, avec quatre yeux et deux
et peut-être quatre ocelles, la tête et le thorax d'un jaune plus ou moins
brunâtre, les ailes longues, d'un blanc un peu grisâtre, les pattes longues
et très pubescentes, l'abdomen très long, tronqué à Textrémité, les or-
ganes sexuels formant un tubercule avec une pointe au sommet. Certains
auteurs ont pensé que ce Coccien était le Pou de la vigne des Grecs, ou
Phtheir, signalé dans Strabon.
Nous terminerons les Cocciens par un genre assez anormal dont les
deux sexes restent agiles, les femelles ne se fixant pas sur la plante
sous la forme d'une espèce de galle qui couvre leurs œufs, mais conti-
nuant à se déplacer et à courir après la ponte. 11 paraît n'exister qu'une
seule espèce en Europe, surtout dans le Midi, sur l'ortie, l'euphorbe,
le groseillier, sous les mousses, sur les bruyères, sur des Labiées des
bois, etc.; se trouvent en été aux environs de Paris et probablement
dans toute la France, la femelle restant aptère, le mâle prenant deux
ailes, et volant lentement, en étalant ses longs filaments. Ce curieux
insecte a été décrit par l'abbé d'Orlhez {Journal de physique, Paris,
mars 1785), d'où le nom de genre Orthezia Amyot et Aud. Serville, et
l'espèce 0. urticœ Linn. La larve de la femelle, avec six articles aux
antennes, ressemble beaucoup à l'adulte; celui-ci, à antennes assez
courtes, de huit articles, a le corps d'un brun ferrugineux quand il est
dépouillé de son revêtement, les yeuv très petits, globuleux et sans
facettes d'après d'Orthez, les tarses d'un seul article, avec un seul cro-
chet, le corps fortement arrondi en arrière et étranglé en avant, un
large anneau génito-anal avec six poils sur le dernier segment de l'ab-
domen. Tout le corps est couvert d'une excrétion lamelleuse céro-cal-
caire d'un blanc de neige, fusible et combustible, s'allongeant à la fin
de la vie de la femelle en six séries de lamelles creuses, formant un
sac à peu près aussi long que le corps, et dans lequel sont pondus les
œufs mêlés d'un fin duvet. Les jeunes larves qui y naissent y restent
encore assez longtemps et n'en sortent que lorsqu'elles offrent elle -
mêmes une assez abondante sécrétion lamelleuse pour leur servir
d'abri. Ces lamelles sont produites par une quantité considérable de
filières en forme de poils, qu'on trouve sur toute la surface du corps.
La larve d'une espèce de Coccinelle s'introduit parfois dans le sac de la
mère pour y dévorer les petits naissants et les œufs. Le mâle, qui est
bien plus rare que la femelle, pn-sente des antennes sétil'ormes de
9oli HÉMIPTÈRES.
neuf articles, plus longues que le corps, des yeux rassemblés en amas
et offrant par suite un aspect granuleux. Le thorax est très long
et porte des ailes demi-transparentes et d'un blanc grisâtre, acu-
minées au bout, en arrière desquelles sont djux écailles-, une
houppe de longs tilaments, blancs et translucides, se trouve à l'extré-
mité de l'abdomen. Un appareil sexuel considérable existe au
cinquième segment de l'abdomen, en forme de tronc de pyramide
creusé en deux valves, et d'où part un stylet coudé en croissant. Les
Orthezia subissent leurs mues sous les feuilles des plantes dont elles
vivent, se cachent dans la terre ou sous les pierres voisines pendant la
nuit ou quand le froid se fait trop vivement sentir. Ces insectes passent
l'hiver engourdis dans ces retraites, d'où ils sortent aux premières cha-
leurs vivifiantes du printemps.
Bibliograpliie des Hémiptères lionioptères. — Gaspard Stoll, Repré-
sentation exactement colorée, d'après nature, des Cigales qui se trouvent
dans les quatre parties du monde, l'Europe, VAsie, V Afrique et V Amérique,
texte hollandais et français', 1 vol. in-Zi", Amsterdam, Jan Christian Sepp,
1788. — Spinola, Essai sur les Fulgorelles {Ann. Soc. entom. Fr., t. VIII,
p. 133, 1839). — Victor Signoret, dans les Annales Soc. entom. de Fr. :
Description de deux Cigales de Java, du genre Cicada, 18Û7, 297; Descrip-
tion d'une nouvelle espèce de Lystra, 1850, 65; Note sur le groupe des
Eitrymélides, Cercopides, Homoptères, 1850, /i97 et 1851, G69; Revue ico-
nographique des Tettigonides,18bo, 13, 323, 661; 185/i, 5,3Zil,Zi83; 1855,
/i9, 225, 766; Faune des Hémiptères de Madagascar, Homoptères, 1860,
177 ; Revue du groupe des Tettigométrides, Homoptères, Fulgorelles. 1866,
l'd^; Description de quelques Hémiptères nouveaux, 1865, 115; Revision
des Hémiptères du Chili, 1863, 5/il; Essai monographique sur les Aleu-
fodes, 1868 ; Essai sur les Cochenilles ou GalUnsectes (Homoptères, Coc-
cides), 1868 à 1876; Essai sur les Jassides et plus particulièrement sur les
Acocéphalides, 1879, 1880. — Fieber, Monographie des espèces européennes
du genre Deltocephalus (Homoptères, .lassides), dans Mém. Soc. zool. et
de botanique de Vienne, 1869. — John Sahlberg,0/"yers//yf of Finlands och
den Skandinaviska halfons Cicadariœ (extrait des Notiser ur sdllskapets
pro fauna et flora fennica fôrhandlingar, Helsingfors, 1871, 1 vol. in-S"
de 506 pages et 2 pi. noires). — J. Lichtenstein, Considérations nou-
velles sur la génération des Pucerons, Homoptères monoïques, avec 2 pi.,
Paris, J.-B. Baillière et tils, 1878. — Maurice Girard, le Phylloxéra de la
vigne, petit in-12, avec 16 fig. et 1 carte, li" édit., Paris, Hachette et C'%
1883. Cet opuscule contient la bibliographie du Phylloxéra et les textes
des lois, décrets et arrêtés relatifs à la maladie phylloxérienne. —
Raphaël Blanchard, les Coccidés utiles {Rull. Soc. zoolog. de France, 1883,
p. 217). — Léon Fairmaire, Hémiptères, 1 vol. avec pi.; Musée scolaire
Deyrolle, Hist. natur. de la France. — Balbiani, Rapport au ministre de
l'Agriculture sur la destruction de Vœuf d'hiver {Journal officiel de sep-
DIPTÈRES. ^35
tembre I88Z1). A la suite des nouvelles expériences^ M. Balbiani recom-
mande l'emploi d'un mélange d'huile lourde (20 parties), de naplitaline
(30 p.), de chaux vive (100 p.) et d'eau (hOO p.). L'application de ce
mélange a été faite sur une vaste échelle dans plusieurs départements.
On a pu constater que son action n'est pas nuisible à la vigne, et qu'il
détruit les galles phylloxériques. M. Balbiani estime que ce traitement
ne revient pas à plus de 80 francs par 10 000 souches. 11 est important
de détruire les galles phylloxériques, non pour elles-mêmes, mais parce
que beaucoup de leurs aptères se rendent aux racines.
ORDRE DES DIPTÈRES
L'ordre des Diptères est celui des Insectes à deux ailes membra-
neuses, si on s'arrête à leur premier aspect, les autres Insectes ayant
ou quatre ailes ou présentant l'absence de ces appendices. Il y a même
des auteurs qui ont cherché à accentuer cette différence, en divisant
les Insectes en Tétraptères, Diptères et Aptères. Cependant la vérité est
qu'il n'y a pas de véritables Diptères, qu'il existe pour eux une seconde
paire d'ailes, démontrable par la discussion des observations, de telle
sorte que les Insectes adultes ne se distinguent réellement qu'en
Tétraptères et Aptères. Les ailes de type ordinaire des Diptères sont les
antérieures attachées au mésodorsum. Elles sont en général constituées
par une membrane transparente, légèrement trouble souvent, parfois
enfumée; elles peuvent être marquées de taches élégantes et bariolées,
noires ou brunes, dont la teinte n'est pas due cà des poils écailleux,
plus ou moins caducs, comme chez les Lépidoptères, mais est inhé-
rente à la membrane alaire et ne peut être effacée. Ces fâches, en quel-
que sorte essentielles, sont analogues à celles qu'on rencontre chez
certains Hyménoptères ou Névroptères, ainsi chez les Panorpes, les
Fourmis-lions, etc. Nous citerons à ce sujet dans les Diptères, les Anthrax,
les Chrysops et les Hématopotes dans les Tabaniens, et divers Musciens
vivant de légumes ou de fruits, comme l'Ortalis ou Mouche des
cerises, etc. Les ailes antérieures des Diptères ont rarement des poils
visibles à l'œil nu, mais bien plus souvent microscopiques. Les ner-
vures longitudinales dominent dans cette aile et par suite les cellules
allongées ; on est encore loin d'être d'accord sur la nomenclature de
cette nervulation. Le bord antérieur est constitué par la nervule mar-
ginale ou costale, ou radius, qui s'arrête le plus souvent à la pointe et
parfois la contourne ; l'amincissement de la limite de l'aile indique sa
terminaison. Outre cette côte, on compte le plus souvent six nervures
longitudinales, en deux faisceaux principaux qui émanent isolément de
936 DIPTÈRES.
la base de l'aile; parfois, de cette base, au voisinage du bord interne,
part encore un troisième tronc isolé. Dans les Musciens existe d'ordi-
naire un lobule alaire, arrondi et échancré, au côté inférieur de l'in-
sertion mésothoracique. Chez les Tipulaires il y a en général une
cellule discoïdale fermée et bien limitée. On ne trouve pas dans cette
aile le plateau écailleux ou stigma fréquent dans l'aile antérieure des
Névroptùres et des Hyménoptères. La cinquième nervure longitudinale,
qui ne manque jamais, constitue le plus fort soutien de la surface pos-
térieure de l'aile. La troisième nervure longitudinale est reliée à la
quatrième par une petite nervule transversale dite antérieure; une
nervule transversale postérieure ou grande nervule relie la quatrième
nervure longitudinale h la cinquième, dans le voisinage du bord pos-
térieur de l'aile.
Les ailes de la seconde paire ont éprouvé une modification singu-
lière et leur signification a été méconnue par Lalreille et parMacquart,
mais est incontestée aujourd'hui. Klles sont devenues des balanciers,
organes formés d'une sorte de bouton pédicule, muni d'une tige plus
ou moins longue, très visible chez les Tipulaires où elle est à nu,
courte chez la plupart des Diptères. On dirait des haltères de gymnas-
tique, si caractéristiques de l'ordre, que Scopoli nommait ces insectes
halterata. Le nom de balanciers vient de la ressemblance avec l'instru-
ment qui aide les danseurs de corde à se maintenir en équilibre et il a
été dit que c'était là aussi leur rôle chez les Diptères. Ils sont insérés
dans un repli du métadorsum, un peu en arrière du stigmate posté-
rieur, par suite en position d'ailes de la seconde paire. Les nerfs qui
se rendent aux balanciers, l'étude microscopique de leur développe-
ment, ont permis d'y reconnaître les principales nervures d'une aile,
donnant la confirmation anatomique de l'assimilation. La physio-
logie démontre d'autre part leur nécessité indispensable pour le voL
On les voit, sous une loupe puissante, en très rapide vibration lors
du vol et du bourdonnement. Si on vient à les couper délicatement
avec de très fins ciseaux et non à les arracher, ce qui produirait
une lésion, on constate immédiatement la perte de l'équilibre et la
suppression du vol ascendant. Le Diptère tombe sur le sol, la tête en
avant, bien que les ailes antérieures et leur muscles soient intacts. Les
balanciers sont bien plus nécessaires pour le vol que ne le sont les
ailes inférieures dans la plupart des Hyménoptères et des Lépidoptères,
où ces organes semblent accessoires pour le vol et servent surtout à sa
direction. Dans beaucoup de cas, chez ces insectes, le vol ascendant
peut s'effectuer avec les ailes antérieures conservées seules. En arrière
de l'aile propre, nous trouvons dans beaucoup de groupes de Diptères,
une petite écaille mince ou cuilleron, simple ou double, qui cache
plus ou moins complètement le balancier.
La tête des Diptères ofl're deux régions distinctes, l'épistome compris
entre les antennes, les bords internes des yeux et la base de la trompe
DIPTÈRES. 9S7
et 1 epicrâne constituant la majeure partie de la tête el comprenant le
front très réduit, le vertex.de forme triangulaire et portant les ocelles,
l'occiput, partie postérieure très bombée s'emboîtant sur le protborax,
les joues occupant les régions qui s'étendent sous les yeux jusqu'au
bord inférieur de la bouche, enfin la pièce basilaire à la région
postéro-inférieure de la tête. Celte tête, reliée au thorax par un
mince filament, peut se tourner à droite ou à gauche. Les antennes
s'élèvent toujours sur la limite de l'épislome et du front et sont consti-
tuées d'après deux types, qui, concordant avec d'autres caractères ditré-
rentiels importants, ont permis d'établir deux sous-ordres parmi les
Diptères. Dans les Néinoccres les antennes sont assez longues et ont au
moins six articles et plus, jusqu'à plus de soixante, et sont souvent de
la longueur au moins de la tête et du thorax réunis. Ces antennes, où les
articles se succèdent en série régulière, sont filiformes ou sétacées, ou
moniliformes, c'est-à-dire en grains de chapelet, ou hérissées de petits
poils, parfois pectinées dans les mâles : ainsi chez le Chironome plu-
meux, dont la larve aquatique d'un rouge de sang est le Ver de vase,
si apprécié des pêcheurs à la ligne. Une seconde forme, très différente
par la brièveté des antennes, qui sont inaperçues pour beaucoup de
personnes, se remarque chez les lirachycères (nom qu'on écrit souvent
à tort Brachocères).
Deux articles basilaires, annulaires et courts, portent un troisième
article très renflé, ovoïde, cylindroïde ou conoïde, droit ou courbé;
parfois, ainsi dans les Tabaniens, il paraît annelé, c'est-à-dire dé-
composé en plusieurs articles, ou bien se prolonge en un style grêle
dans sa direction et offrant quehiues annulations; le plus souvent
ce prolongement de l'antenne, nu ou velu et empenné, est rejeté
sur le côté dorsal du troisième article hypertrophié , constituant
la soie antennaire ou chête, plus ou moins distinctement articulée, nue
ou garnie de poils pennés, d'un ou de deux côtés; ces soies avec rejet
se voient chez les Syrphiens et dans l'immense tribu des Musciens. Le
troisième article est souvent criblé de petits pores au fond desquels
aboutissent des terminaisons nerveuses spéciales; en effet ces minimes
antennes sont douées à un haut degré de la faculté olfactive. On sait
combien les Musciens sont attirés à de grandes distances par les débris
azotés corrompus et par les diverses matières stercoraires pour la ponte
de leurs œufs ou de très jeunes larves chez les ovovivipares. Ce n'est
nullement la vue qui les guide, car on peut recouvrir d'un linge fin
les viandes gâtées, et ce voile, qui n'arrête par les effluves odorants,
se recouvre de Mouches. On peut dire que ies indications visuelles sont
encore plus méconnues quand ces insectes viennent pondre dans les
spalhes à odeur cadavérique des Anim et des Stapelia, où s'opère une
ponte destinée à la mort des larves qui éclosent des œufs déposés par
suite d'une erreur sensuelle. Le style s'oblitère dans le groupe dégradé
des Diptères coriaces, où l'antenne se réduit à un tubercule inarticulé.
988 DIPTÈRES.
Les yeux des Diptères présentent beaucoup d'analogie avec ceux des
Hyménoptères. Les yeux composés sont constants et en général grands
et très développés, sauf chez les Coriaces. Ils ont un contour circulaire,
elliptique, ovale ou réniforme; parfois ils sont velus, afin d être abrités
contre les chocs; parfois la partie supérieure est formée de facettes
plus grandes que l'inférieure. Les mâles présentent souvent ces yeux
contigus, comme cela arrive chez certains Hyménoptères, tels les Faux-
Bourdons, ces mâles ayant besoin de voir les femelles de tous côtés
dans leur vol ; chez les femelles ces yeux restent toujours séparés, au
moins par une bande frontale étroite. Les ocelles, au nombre de trois
sur le vertex, existent le plus souvent. Ils manquent dans certains
Némocères, ainsi les Culiciens et une partie des Tipuliens.
Les Diptères sont des insectes essentiellement suceurs de liquides,
surtout à l'état adulte. Leurs pièces buccales ont pour partie essen-
tielle et très prédominante la trompe, qui correspond à la lèvre infé-
rieure des broyeurs. Des difficultés considérables se présentent pour
l'assimilation des diverses parties, en raison des réductions de certaines
d'entre elles et des interversions au moins apparentes qu'elles offrent
parfois, de sorte qu'il faut recourir aux insertions premières plus ou
moins malaisées à reconnaître et surtout aux filets nerveux qui s'y
rendent comparés à ceux du labre, des mandibules et des mâchoires
des Coléoptères, types de broyeurs. 11 n'y a pas pour les Diptères un
plan unique de composition des pièces buccales demeurant aussi cons-
tant dans l'agencement de ses diverses parties que chez les Coléoptères
et Lépidoptères ; il faut étudier séparément la bouche dans les divers
groupes naturels de l'ordre. On retrouve des palpes qui manquaient à
la lèvre inférieure et aux mâchoires des Hémiptères. Les Diptères con-
stituent les Haustelés ou Antliata de Fabricius, dans sa classification en
ordres d'après les pièces buccales.
Savigny n'avait examiné que les pièces buccales des Taons, disposées
en lancettes perforantes pour pénétrer dans la peau des animaux et
aussi de l'homme, parfois même à travers les vêtements; pour eux,
conàme aussi pour les Cousins, la comparaison des pièces buccales avec
celles des Broyeurs est aisée; on y trouve un labre, deux mandibules,
deux mâchoires sous forme de soie, un épipharynx très développé et
une lèvre inférieure plus ou moins engainante. L'épipharynx chez les
Diptères est une pièce qui est souvent confondue avec le labre vrai,
car elle aies mêmes rapports. Elle est essentiellement liée au pharynx,
dont elle est le prolongement de la face dorsale, et une autre pièce
impaire lui correspond, prolongement de la face inférieure du pharynx
et qu'on nomme hypopharynx. Pour les divers types de Diptères, les
auteurs se bornaient à indiquer le nombre de soies entrant dans la
composition de la bouche et établissaient trois groupes : les Hexachètes,
à six soies, à bouche complète, les Téfrachètes, à quatre soies, man-
quant, disait-on, de mandibules, enfin les Dichùtes, avec bouche à deux
DIPTÈRES. 939
soies, sans mandibules ni mâchoires. En réalité, il y a toul autre
chose que cette atrophie. Les appendices buccaux des Diptères tendent
à la soudure. Souvent on ne voit plus que des pièces impaires; chez
beaucoup de Diptères môme, elles sont presque toutes réunies, au
moins par leur base, de manière à former une espèce de tube. Le
guide le plus sûr pour l'assimilation, comme l'a vu M. Emile Blanchard,
c'est l'étude spéciale des nerfs qui se rendent au\ pièces buccales, moyen
employé aussi pour déterminer les pièces buccales des Arachnides.
Dans les Taons (Hexachètes) qui forment le point de départ, la lèvre
supérieure ou épipharynx reçoit les nerfs des deux ganglions céré-
broïdes, les trois paires nerveuses naissant du ganglion sous-œso-
phagien se distribuant aux mandibules, aux mâchoires et à la lèvre
inférieure, comme chez les Insectes broyeurs. Le labre est long, large
et pointu, les mandibules séparées, chacune longue et pointue, la
mâchoire élargie et poilue, avec un long palpe inarticulé; la lèvre in-
férieure est à deux lobes bien soudés, chacun ayant à la base un palpe
labial rudimentaire. Dans les Asiles (Tétrachètes), les mandibules se
soudent complètement et ne constituent plus qu'une pièce impaire et
médiane, L'èpipharynx des Tabaciens, qui est rudimentaire ou nul
chez la plupart des hisectes, l'est également dans les Asiles. On voit,
à partir du ganglion sous-œsophagien, les mômes trois paires de nerfs
que chez les Taons ; les plus internes, celles de la lèvre inférieure, les
secondes, celles des mâchoires, enfin les externes s'engageant dans la
pièce impaire, de mémo qu'elles vont aux mandibules des Taons. Dans
les Anthrax, l'ordre des pièces subsiste; après le labre vient un stylet
formé des mandibules soudées, puis insérées à la base de la trompe
ou lèvre inférieure, les mâchoires dédoublées en stylets grêles, chacun
avec un palpe sétiforme.
La difficulté est considérable pour l'assimilation de la trompe molle
et extensible des Musciens (Dichètes). Cette lèvre inférieure porte à sa
base les autres pièces buccales, avec une apparence d'interversion des
connexions ordinaires, car, en ne regardant que les bouts des pièces
buccales, on aperçoit, à partir de la base de la trompe, les mâchoires
soudées, avec palpes maxillaires, puis le labre, puis les mandibules
soudées en un stylet. Toutes les pièces sont retenues dans une gaine
formée par la lèvre inférieure et les mâchoires. En dessus, il existe
une lamelle aiguë qui est la lèvre supérieure, et, comme chez tous les
autres Insectes, ses nerfs ont leur origine dans les ganglions cérébroïdes.
Au-dessous, ou observe quelquefois un épipharynx saillant, mais qui
est le plus souvent rudimentaire; dans tous les cas, il reçoit des
rameaux des nerfs de la lèvre supérieure. Au-dessous, une lamelle,
plus allongée que la lèvre supérieure, montre, comme chez les Asiles,
les deux mandibules réunies. On voit, dans ces Musciens, des palpes
situés sur le sommet de la trompe. Comme ces palpes reçoivent leurs
nerfs de la seconde paire issue du ganglion sous-œsophagien, on est
940 DIPTÈRES.
conduit à admettre que le corps des mâchoires s'est soudé à la lèvre
inférieure pour former la trompe. Dans quelques Syrphiens [Eristalis),
où cette portion n'a pas encore l'aspect membraneux qu'on lui trouve
chez les Muscides, ce fait est très apparent, indépendamment même de
la considération des nerfs.
En résumé la bouche des Diptères présente des appendices en tout
comparables à ceux des autres Insectes; seulement ces appendices se
modifient d'une manière spéciale, les modifications les plus importantes
étant produites par le fait des soudures ou plutôt de l'ossification con-
fuse des parties, comme cela se voit pour les pattes de certains Crus-
tacés, par exemple des Caliges. Le seul examen des connexions des
pièces ne permet pas de bien comprendre ces modifications, si l'on n'y
joint pas l'étude des nerfs buccaux. Dans les familles de l'ordre des
Diptères, les modifications du système appendiculaire buccal devien-
nent considérables, tandis qu'elles sont extrêmement légères, en
général, dans chacun des ordres naturels de la classe des Insectes.
On consultera spécialement au sujet des pièces buccales des Diptères:
Emile Blanchard, Composition de la bouche dans les Insectes de Vordre des
Diptères (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1850, t. xxxi,p. /i2/i-/i27).
— J. Kunckel d'Herculais et Gazagnaire, Du siè(je de la gustation chez les
Insectes diptères; Constitution anatomique et valeur physiolojiique de l'épi-
pharynx et de Vhypopharynx {Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
août 1881), — D'' Georges Dimmock, The Anatomy ofthe Mouth-Parts, and
of the sucking apparatus of sonie Diptera, avec 4 pi., Boston, A. Williams
et Cie, 1881. Dans cette thèse soutenue à Leipzig, sont étudiées les
pièces buccales de Culex rufus, Bomhylius major, où la trompe a plus
de trois fois la longueur de^la tête, Eristalis horticola, Musca vomitoria
et domestica. — Fr. Meinert, Fluernes Munddele, Trophi Dipterorum (en
danois), in-Zi«, avec 6 pi., 1881, Copenhague.
La tête est le plus souvent déprimée chez les Diptères; elle s'arrondit
dans les Empides et dans une partie des Némocères, s'allonge dans
quelques Musciens, se dilate excessivement dans les Diopsis par les
expansions latérales du front, s'abaisse au contraire et se réduit consi-
dérablement chez les Vésiculeux au point de sembler disparaître. Le
thorax s'élève dans les uns, arrondi et comme bossu dans beaucoup de
Tipuliens, s'allonge chez d'autres ; il présente parfois des proéminences
dans ses parties latérales et inférieures. Le premier des anneaux du
thorax ne présente guère, vu d'en haut, que la saillie des épaules; le
mésothorax chargé de porter les ailes est extrêmement développé, ses
muscles étant les agents du vol le plus puissant qui existe, supérieur
chez certains Diptères à celui des Oiseaux les plus rapides. On voit des
Volucelles et des Syrphes demeurer pendant des heures entières en
vol stalionnaire dans un rayon de soleil; des Mouches carnassières
suivent des trains de chemin de fer lancés à toute vitesse, entrant dans
les voilures et en sortant, à peu près aussi aisément que si elles étaient
DlPTfcRES. 941
immobiles. Sur ce segment déborde l'écusson, tellement étendu que le
métathorax se trouve presque caché par-dessous. Cet écusson est armé
de pointes dans la famille des Notacanthes ; il se dilate étrangement
chez les Célyphcs, genre de Musciens, en recouvrant tout l'abdomen et
les ailes, comme certains genres des Hémiptères scutellériens. T.es '
pattes, dépendances des arceaux ventraux du thorax, otl'rent de nom-
breuses modifications. Elles s'articulent avec le corps par Tinterraé-
diaire de cuisses coniques, reliées à la hanche par un trochanter. Elles
passent d'une brièveté remarquable à la longueur la plus démesurée,
ressemblant chez certains Tipuliens îi celles de l'ordre des Phalangiens
ou Faucheurs chez les Arachnides, et, de même, très fragiles et gar-
dant des mouvements assez longtemps après avoir été séparées du
corps. Elles sont tantôt nues, tantôt velues, ciliées ou pennées. La
hanche, généralement courte, s'allonge dans une partie des Tipuliens
et des Empides,la cuisse s'épaissit dans plusieurs Asilicns et Syrphiens,
la jambe est droite ou arquée, cylindrique ou renflée, le tarse est
formé de cinq articles, de dimensions relatives variables, le premier
généralement allongé et le dernier terminé par deux grifl'es. Entre ces
deux griffes, on remarque souvent une griffe accessoire, et, plus sou-
vent encore, deux ou trois coussinets tactiles en forme de semelles
(pelotles ou pulvilles). Ces crochets et ces pelotes s'allongent dans les
mâles d'une partie des Musciens. Indépendamment de la locomotion,
les pattes servent assez souvent à saisir et à retenir la proie, comme
des crampons articulés : ainsi chez les Asiliens. Dans une partie des
Némocères, les pattes antérieures sont souvent disposées horizontale-
ment en avant, et suppléent à la brièveté des antennes pour pro-
téger la tête, ainsi que nous l'avons vu aussi dans les Ephémériens,
les mêmes pattes sont assez fréquemment, chez les mâles, les auxi-
liaires des organes sexuels, en présentant des appendices propres à
retenir les femelles.
11 nous faut revenir un moment sur les semelles ou palettes du der-
nier article des tarses des Diptères, avec lesquelles les Mouches peuvent
progresser en toute sûreté, même à contre-pesanteur, sur les surfaces
les plus lisses, ou s'y endormir immobiles. Ces palettes sont couvertes
de poils très fins, élargis en cupules terminales, exigeant pour être vus
nettement un grossissement de 500 diamètres. Chaque palette est une
réunion de ventouses microscopiques, séparément analogues aux ven-
touses des pattes des mâles de Dytisciens, et les poils innombrables
peuvent adhérer aux petites aspérités que présentent les surfaces
d'apparence la plus polie et que révèle un puissant microscope. C'est
une disposition analogue à celle qu'offrent les Geckotiens, Sauriens qui
semblent disposés pour capturer les Mouches et dont nous avons une
espèce en Provence et commune en Algérie, le Platydactylus inuraUs.
La face palmaire des doigts est striée transversalement; vue au micros-
cope, chacune des lamelles transversales prend l'apparence d'une brosse
9ii2 DIPTÈRES.
à poils nombreu.v et serrés. Ces expansions piliformes de la peau pénè-
trent dans les invisibles aspérités des surfaces, de sorte que le Gecko
court sur une vitre aprilîs une Mouche par un mécanisnae analogue
à la marche de celle-ci.
L'abdomen ressemble par les formes et les revêtements à celui des
Hyménoptères. Il se relie au thorax de toutes les manières possibles.
Le plus souvent il est sessile ou adhérent, plus rarement pédicule. 11
est tour à tour cylindrique, conique, ovale, orbiculaire, discoïdal,
transversal; il se termine en massue, il s'aiguise en fer de lance, il se
hérisse d'une épaisse fourrure laineuse (Bombyles), à la façon des Bour-
dons, des Anlhophores et des Andrènes parmi les Hyménoptères; il
brille du poli métallique le plus pur dans les brillants Muscicns qu'on
nomme pour cette raison les Lucilies; très rarement il présente des
écailles, comme en offrent souvent le corps des Papillons ou des Cha-
rançons. Quand les Diptères n'ont pas l'abdomen nu, ils portent des
poils généralement hérissés, dont certains, appelés grandes-soies, se dis-
tinguent par leur taille (Echinomyies). Les segments ou anneaux de
l'abdomen, dont le nombre variant entre quatre et huit sert parfois
à reconnaître les espèces, doivent être comptés sur la face dorsale. Cet
abdomen et le thorax encore plus, jouent un rôle important dans le
bourdonnement, si habituel chez les Diptères brachycères. Le son pro-
duit est une résultante de deux sons, l'un grave, l'autre aigu et à l'oc-
tave du premier (Jousset de Bellesme). C'est ce qu'on reconnaît bien
sur une Volucelle (Syrphiens) ou sur une Mouche à viande (Musciens).
Le premier son, si bien perçu quand le Diptère vole, est dû à la rapide
vibration des ailes et des balanciers et disparaît si on enlève ces orga-
nes. Le son aigu ou piaulement est produit par le frémissement violent
et continu de tous les anneaux du corps, frémissement qu'on sent entre
les doigts qui emprisonnent une Mouche rendue captive, en môme
temps que l'oreille entend le son.
Les organes sexsuels externes font assez souvent saillie en arrière.
Les femelles ont, après la fécondation, l'abdomen gonflé d'oeufs et sou-
vent conoïde ou piriforme et terminé par un oviducte à tubes rétrac-
tiles servant à pondre les œufs parfois dans l'eau, souvent dans la terre
humide et dans diverses matières plus ou moins molles. Une diversité
considérable se montre à l'extrémité de l'abdomen des mâles, dont
l'aspect souvent mousse et élargi contraste avec la pointe terminale de
l'abdomen des femelles. Ils présentent tous les moyens de vaincre la
résistance des femelles, des pinces, des crochets, des tenailles, des
mains armées d'ongles crochus. C'est le plus ordinairement dans les
airs que commence l'accouplement, qui se termine parfois sur divers
supports. Les innombrables réunions tourbillonnantes de Tipuliens et
d'Anthomyies sont des recherches sexuelles et des préludes. De même
les évolutions solitaires du Taon impétueux, qui vole en un instant à
l'extrémité de la longue avenue d'une forêt, regarde autour delui, un
DIPTÈRES. 943
moment immobile, se précipite à l'autre extrémité, regarde encore et
recommence cent fois ce manège, jusqu'à ce que, découvrant une
femelle, il s'élance à sa poursuite. Chez les Empides, les amours sont
toujours précédées d'une chasse aux petits Insectes, et, lors de la copu-
lation, on voit la femelle occupée en même temps à sucer sa proie.
Dans les métamorphoses complètes que subissent les Diptères pour
parvenir à l'éfat adulte, il y a moins de diversité que dans les formes
si diversifiées de cet état définitif. Ils présentent deux exceptions à la
reproduction bisexuée et ovipare, qui est chez eux l'état général comme
chez la plupart des Insectes. Les Pupipares, parasites des Mammifères
et des Oiseaux et dernière famille, avec dégradation, de l'ordre des
Diptères, viennent au jour à l'état nymphal, celui de larve s'étant
accompli dans l'oviducte. Les Sarcophages, tribu des Musciens, sont
ovovivipares, et pondent dans les chairs qui nourriront leur progéni-
ture de petites larves ayant rompu le chorion de l'œuf dans l'oviducte
maternel. Parmi les nombreux Diptères ovipares, une grande quantité
confient leurs œufs à la terre, d'autres dans les divers détritus végétaux
où vivront leurs larves. Une partie des Némocères et les Notacanthes
répandent leurs œufs sur les eaux, en les réunissant quelquefois avec
beaucoup d'industrie en légers radeaux. Les Diptères qui habitent les
eaux à leurs premiers états, comme les Cousins et les Tipulaires culici-
formes, sont alors pourvus d'organes de nutrition et de respiration très
différents de ceux des larves terrestres et ont aussi des moyens de loco-
motion étrangers à ces derniers. La bouche est munie de mâchoires et
de palpes plus ou moins développés. La respiration s'opère souvent au
moyen de tubes plus ou moins longs, à l'extrémité desquels s'ouvrent
les stigmates et que la larve maintient à la surface de l'eau. Les organes
du mouvement consistent en des appendices en forme de nageoires.
Les nymphes de plusieurs de ces Némocères aquatiques conservent la
faculté de se mouvoir à l'aide de nageoires, d'autres restant immobiles.
Les unes ont pour organes de respiration des touffes de longs filaments
branchiaux ou trachées extravasées, d'autres des cornets aérifères ou
paires de cornes stigmatiques, communiquant aux stigmates antérieurs
du prothorax. Parmi les larves aquatiques, certaines, dans les Chiro-
nomes, douées d'un instinct social, habitent en familles des demeures
qu'elles construisent assez grossièrement au fond des eaux ou sur les
rives. Elles emploient comme matériaux des particules de feuilles dé-
composées ; chaque larve se fait ainsi un fourreau tortueux, et leur
réunion constitue des masses irrégulières dont la surface offre les ouver-
tures des tuyaux. La tète de la larve sort souvent, tandis que la partie
postérieure reste cramponnée dans l'intérieur. Ces larves abandonnent
quelquefois leurs fourreaux pour en construire d'autres; alors elles se
meuvent dans l'eau en se contournant vivement, comme des Vers ; aucun
de leurs organes ne remplit les fonctions de nageoires.
Parmi les larves terrestres, quelques-unes sont pourvues de filières
9liU DIPTÈRES.
et s'enveloppent de galeries et de pavillons de soie, au milieu des
champignons où vivent ces Tipuliens fongicoles. Beaucoup de Musciens
pondent leurs œufs sur les bulbes ou les racines où vivront leurs larves,
d'autres Diptères sur les céréales (Cécidomyies, Téphrites), d'autressur les
fruits, comme les cerises, les oranges, les olives. Dans les Cécidomyies,
il en est qui fixent leurs œufs sur les bourgeons des plantes et occasion-
nent des galles contenant les larves, à la façon des Cynipiens. Plusieurs
groupes de Diptùres destinent à leur postérité une nourriture animale
ou animalisée. Tels sont les nombreux Musciens stercoraires et ceux
qui pondent sur les viandes et même sur les plaies et blessures des Ver-
tébrés vivants. Des Syrphiens placent les œufs au milieu des amas de
Pucerons, et leurs larves, quoique aveugles, y trouvent la plus ample
pâture. Les Volucelles leur donnent pour berceaux les nids des Bour-
dons et des Vespiens, où elles exercent de grands ravages. Les Tachi-
naires ou Entomobies se montrent encore plus redoutables aux autres
Insectes et particulièrement aux Lépidoptères. Elles collent leurs œufs
sur la peau des chenilles, comme les Ophions (Ichneumoniens), car
elles n'ont pas de tarière de perforation. Les larves entrent dans la
chenille, se nourrissent de la substance adipeuse qui y abonde et la
font périr en se développant. Certaines Entomobies déploient un instinct
bien plus compliqué; elles destinent pour aliments à leurs petits les
cadavres des Insectes que les Hyménoptères fouisseurs ont portés dans
leurs souterrains comme nourriture de leur famille. Afin d'effectuer ce
hardi dessein, elles épient le moment où le Philanthe, le Crabron, sort
de sa retraite après avoir placé ses œufs sur cette proie, et elles y
déposent également les leurs. La larve de l'Entomobie, plus hâtive que
celles de l'Hyménoptère, dévore avant elles la victuaille qui leur était
préparée et ne leur laisse que la peau desséchée. Un instinct non
moins admirable se manifeste chez les Œstrides. Ces Diptères pondent
leurs œufs sur diverses parties du corps des Mammifères, et les larves
qui en éclosent parviennent par différents moyens dans les cavités
internes où elles doivent se développer. Enfin des œufs des Hypodermes,
pondus également et collés sur la peau des animaux vivants, sortent
des larves qui trouent cette peau et vivent delà sanie qui s'amasse sous
la peau dans des tumeurs qui leur servent d'horrible berceau.
(Juant à l'organisation interne, les Diptères présentent un caractère
qui leur est commun avec les autres Insectes suceurs seulement, l'exis-
tence de glandes salivaires. Le vaisseau dorsal ou cœur est étroit et
animé de pulsations fréquentes. L'organe de la respiration chez les
adultes se compose de trachées vésiculeuses, en rapport avec un vol
puissant, reliées entre elles par des trachées tubuleuses. Le système
nerveux consiste en un ganglion cérébriforme à lobes rapprochés et en
deux cordons médullaires formant neuf autres ganglions. L'appareil de
la nutrition se compose d'un œsophage allongé, d'un estomac assez
étroit muni de vaisseaux de Malpighi, d'un duodénum cylindrique et
DlPTÈRtS. 9/l5
d'un rcictum musculeii.v. Les organes de la reproduction chez les mâles
offrent le môme système de testicules, de vésicules séminales et de vais-
seaux déférents que chez les autres Insectes; il y a, chez les femelles,
deux ovaires communiquant par deux canaux à un oviducte commun.
Jamais il n'offre à sa terminaison un aiguillon avec glande à venin.
Aussi devons-nous rappeler cette vieille remarque d'Aristofe, que les
Mouches à deux ailes piquent par la bouche, les Mouches à quatre ailes,
c'est-à-dire certains Hyménoptères, par l'extrémité opposée. La piqûre
des premiers Insectes est liée à l'absorption de la nourriture; aussi
nous ne devons pas les laisser se poser tranquilles sur notre corps, en
considérant que parfois cette piqûre par les pièces buccales peut ino-
culer le charbon, si le Diptère a sucé auparavant des sujets contaminés,
vivants ou morts. Nous saisirons sans danger à la main les Diptères les
plus suspects, car, paralysés par la terreur, ils ne songent pas alors
à manger. Au contraire les Hyménoptères à aiguillon peuvent se pro-
mener sur notre corps sans nous piquer, si nous ne les saisissons pas,
car chez eux l'aiguillon est une arme défensive, soit dans un danger
individuel, soit pour protéger le couvain contre les agresseurs.
On peut consulter, pour l'anatomie interne des Diptères en général,
les travaux suivants : Léon Dufour, Observations sur l'organe digestif de
quelques Diptères {Journ. de physique, t. XC, 1820, p. 3^5-357); Recherches
anatomiques sur l'Hlppobosque des Chevaux (Ann. Se. natur., 1825, t. VI,
p. 299-322, fig.) ; Études anatomiques et physiologiques sur une Mouche, etc.
{Ann. Se. natur., '1" série, Zool., 18/il, t. XVI, 5-lZi); Histoire des méta-
morphoses et de l'anatomie du Piophila petasionis {Ann. Se. natur.,
3* série, Zool., 18i/4, t. i, 365-388); Anatomie générale des Diptères {Ann.
Se. natur., 3" série, Zool., 18i^i, t. 1, 2Zi/i-26/i); Études anatom. et phy-
siolog. sur les Insectes diptères de la famille des Pupipares {Ann. Se. natur.,
3* série, Zool., 18/i5, t. 111, p. Zi9-95); Études anatom. et physiol. sur une
Mouche, etc. {Mém. des Sav. étrangers, Paris, 18^6, t. IX, p. 5^5-628);
Recherches anatom. et physiol. sur les Diptères {Mém. des Sav. étrang.,
Paris, 1851, t. 11, p. 171-360, tab. n). — H. Viallanes, Recherches sur l'his-
tologie des Insectes et sur les phénomènes histologiques qui accompagnent
le développement post-embryonnaire de ces animaux, Paris, 1 vol. in-8°,
1883, G. Masson. Cet ouvrage est principalement consacré aux Diptères;
pour l'étude de la structure des tissus à l'état adulte, l'auteur a choisi
Musca vomitoria, Stratiomys chantœleon, Tipula gigantea, Eristalis tenax,
C'est principalement Musca vomitoria qui a servi aux recherches sur
les phénomènes histologiques qui s'accomplissent durant la métamor-
phose.
Les larves des Diptères sont essentiellement apodes, sauf parfois des
appendices vestigiaires. Aussi méritent-elles bien le nom de Vers qu:
leur est donné d'habitude. On trouve une distinction des larves qui cor-
respond bien, en général, à la séparation, d'après la forme adulte, en
deux sous-ordres, les Némocères et les Brachycères. Les premières, qui
GIRARD. m — 60
940 DIPTÈKES.
sont les plus développées, ont une tète cornée, où les pièces habi-
tuelles, bien que tronquées, sont néanmoins indiquées. On y reconnaît
des antennes, même des yeux, quoique souvent imparfaits, un labre,
des mandibules ; des mâchoires, une lèvre inférieure ; parfois des épines
ou des mamelons hérisse's aident à la progression de la larve, sans
former de véritables pattes, de sorte qu'elle demeure vermiforme. Dans
les larves beaucoup plus nombreuses de la seconde forme, l'extrémité
antérieure reste charnue et véritablement acéphale. Cette extrémité,
appointie et aveugle, est rétractile dans les anneaux suivants et en
général très mobile en tous sens. Souvent elle offre deux sortes de cro-
chets unguiformes de nature cornée, se mouvant l'un sur l'autre autour
de la bouche, servant, tantôt à détacher des parcelles alimentaires,
tantôt à fournir un point d'appui dans la progression. Un orifice aérien
se trouve de chaque côté du second anneau du corps. A l'autre extré-
mité du corps, obtuse et élargie, on voit d'ordinaire des saillies coniques
ou mamelons, qui portent des stigmates et représentent une série
d'orifices aériens. En général, les larves céphalées se changent en
nymphes libres, où l'on reconnaît les organes repliés et emmaillotés
de l'adulte, souvent avec deux cornes stigmatiques saillantes à la région
antérieure, comme on le voit chez les nymphes de Culiciens et de
Tipules têrricoles, telles que la nuisible Tipule des potagers. Ces cornes
stigmatiques se voient aussi à la tète de nymphes appartenant à des
Brachycères de Volucelles et de divers Syrphiens. Il y a des genres de
Diptères exotiques où ces stigmates saillants persistent chez l'adulte.
Ces larves, généralement apodes, ont souvent à la face ventrale des ma-
melons qui constituent des pseudopodes, parfois nus, parfois garnis de
crochets {Volucella, Eristalis).
Les larves céphalées ont une alimentation moins liquide que les
larves acéphales et muent plusieurs fois à découvert avant la nym-
phose. Les larves de l'autre type ont leurs mues d'ordinaire cachées.
Elles se raccourcissent et s'élargissent au moment de la nymphose.
La peau larvaire ne se détache pas, mais devient dure et de couleur
foncée. On a une pupe en barillet ou tonnelet, comme on le voit si
bien dans les boîtes où l'on conserve des asticots pour la pêche à
la ligne. Sur cette pupe, qui cache la véritable nymphe, s'organisant
peu à peu en dessous, les emplacements qu'occupaient les stigmates
de la larve se trouvent marqués par des saillies, tandis qu'il se forme
de nouveaux organes stigmatifères. Au moment où la larve devient
immobile et se change en nymphe, la plupart de ses organes se dé-
truisent et se transforment en une sorte de purée graisseuse dans
laquelle se constituent ensuite les tissus de l'adulte, comme ils se
formeraient dans un œuf; non seulement il se produit des phéno-
mènes de genèse, mais encore des destructions physiologiques de
tissus tout à fait analogues aux destructions pathologiques chez l'homme,
chez les animaux supérieurs sous l'influence d'un processus morbide
DIPTÈRES. 947
(H. Viallanes). Nous devons remarquer que les nymphes issues des
larves des Culiciens vivent comme celles-ci dans l'eau et conservent
la mobilité.
Les nombreuses modifications organiques des Diptiires sont en rap-
port avec les habitudes les plus variées. Les Diptères sont de tous les
pays et de tous les climats, animant de leurs multitudes la terre, les
airs et les eaux. On les trouve sous les tropiques comme dans les
régions polaires les plus froides : ainsi à la Nouvelle-Zemble et au Spitz-
berg, aussi bien qu'à la Terre de Désolation ou de Kerguelen, fait en
rapport avec des larves aquatiques et la température des eaux bien
moins extrême que celle de l'atmosphère. Beaucoup de Diptères habitent
les bois, soit dans les plaines, soit sur les montagnes, d'autres les prai-
ries, les champs, les rivages, d'autres les habitations de l'homme et de
ses animaux domestiques. Plusieurs vivent jusque sur l'écume des
flots de la mer(lesActores, Musciens), d'autres sur les neiges des régions
polaires (les Chionées, Tipuliens aptères). Ils se partagent les végétaux,
en adoptant soit les fleurs, soit le feuillage, soit le tronc. Les aliments
des Diptères sont aussi variés que la conformation de la trompe. Ceux
dans lesquels cet organe est le plus développé s'abreuvent du sang des
animaux vertébrés ou des Insectes; tels sont les Cousins, les Taons, les
Asiles. Les Empides font la chasse aux petits Insectes et en sucent toute
la substance fluide. Beaucoup de Musciens se jettent sur les animaux
peur humer la sueur, la sanie des plaies et autres sécrétions. Le fond
principal de la nourriture des Diptères adultes est le suc des fleurs,
surtout pour les mules, car, chez les Tabaniens, les femelles seules
piquent les animaux pour se nourrir de leur sang. Les Diptères abondent
sur les corolles des fleurs, rivalisant parfois d'éclat avec elles. Le plus
souvent ils butinent sur toutes indifféremment; parfois ils ont des pré-
férences marquées pour certains nectars. Ainsi les élégantes Milésies
recherchent l'aubépine, d'autres Syrphiens aiment la mélisse, les renon-
cules; les Tachinaires affectionnent les Daucus et les Heraclœum. En été
et en automne la pulpe des fruits sucrés attire des essaims de Mus-
cides; d'autres sucent la miellée des Pucerons répandue sur le feuillage,
ou l'humeur qui découle des ulcères des arbres. Toutes nos substances
alimentaires attirent dans les maisons la Mouche domestique, type des
parasites. Les Œstrides des Mammifères herbivores, domestiques ou
sauvages, présentent le même fait que les Bombyciens adultes chez les
Lépidoptères, l'imperforation de la cavité buccale; aussi les adultes,
uniquement occupés de l'accouplement, ne prennent pas de nourri-
ture, et leurs pièces buccales atrophiées ne pourraient percer une peau.
Il est difficile de se prononcer aujourd'hui sur le nombre total des
espèces des Diptères, car ces insectes, peu recherchés des collection-
neurs, sont moins bien connus que les Hyménoptères et surtout les
Coléoptères et Lépidoptères. On sait seulement que certaines de leurs
espèces multiplient en nombre immense, qu'on ne peut comparer qu'à
948 DIPTÈRES.
celui des feuilles des forêts, au point de ormer parfois des simulacres
de nuages. Écoutons à ce sujet Macquart, en son style élégant : « Voyez
ces nuages vivants de Tipulaires, qui s'élèvent du sein de nos prairies
comme l'encens de nos temples, et qui rendent également hommage à
la Divinité, en nous montrant sa puissance créatrice. Voyez ces my-
riades de Muscides répandues sur toutes les parties du globe, tourbil-
lonnant autour de tous les végétaux, de tous les êtres animés et même
particulièrement de tout ce qui a cessé de vivre. La profusion avec
laquelle ils sont jetés sur la terre leur fait remplir deux destinations
importantes dans l'économie générale : ils servent de subsistance à un
grand nonabre d'animaux supérieurs, chargés d'une mission divine :
« Aux petits des oiseaux il donne la pâture » ; l'Hirondelle les happe en
rasant l'eau, l'harmonieux choryphée de nos bois les saisit de son bec
effilé pour les portera ses nourrissons; ils sont pour tous une manne
toujours renaissante. » D'autre part, ils travaillent puissamment à con-
sommer et à faire disparaître tous les débris de la vie, toutes les sub-
stances en décomposition, tout ce qui corrompt la pureté de l'air : ils
semblent chargés de la salubrité publique. Telle est leur activité, leur
fécondité et la succession rapide de leurs généralions, que Linné a pu
dire, sans trop d'hyperbole, que « trois Mouches consomment le cadavre
d'un Cheval aussi vite que le fait un Lion».
On a observé des Diptères dans des terrains assez anciens, les terrains
jurassiques; on les y a trouvés jusqu'ici isolés et assez rarement. Est-ce
à dire qu'il y avait peu de Diptères à une époque où existaient peu de
plantes Phanérogames et surtout aux époques encore plus anciennes à
flore d'Acotylédones? C'est possible, mais avec cette réserve qu'on doit
toujours apporter aux conjectures de ce genre en géologie. On connaît
encore si imparfaitement les terrains sur tout le globe, que des décou-
vertes futures peuvent changer entièrement nos idées à cet égard. On
a dû reculer progressivement les époques de première apparition des
Reptiles, des] Oiseaux et des Mammifères. Quelles découvertes amè-
nera dans bien des siècles l'étude des terrains qui sont les fonds de nos
mers actuelles? On trouve les Diptères en grand nombre et bien con-
servés à partir des terrains tertiaires, ce qui ne veut pas dire qu'ils
existaient réllcment en plus grand nombre à cette époque que les
autres formes de l'ordre, mais peut tenir à ce que leur vie larvaire dans
l'eau ou dans la terre très humide les prédisposait à la fossihsation. On
connaît plus de huit cents espèces de Diptères découvertes dans le
succin et dues aux Insectes qui se sont empâtés dans les épanchements
résineux des arbres d'où provient le succin, qui est resté en masses
plus ou moins grandes dans plusieurs argiles tertiaires, qui sont d'an-
ciennes terres végétales.
DIPTÈRES. 9Ù9
SoUS-ORDRE DES DiPTÈRES NÉMOGÉRES
Antennes de six articles au moins ; palpes de quatre à cinq articles.
Corps ordinairement aminci et allongé. Tète petite, avec antennes fili-
formes ou sétacées, parfois pliimeuses dans les mâles, souvent de la
longueur au moins de la tète et du thorax réunis. Trompe tantôt longue,
menue et renfermant un suçoir de six soies, tantôt courte et épaisse, à
soies très réduites. Thorax grand et élevé. Ailes allongées et souvent
étroites, à cellules basilaires allongées. Pattes longues et grêles, à arti-
culations souvent très fragiles.
La tête, toujours de nature écailleuse et de forme constante dans la
larve, la conformation moins simple des antennes et des palpes chez
l'adulte, constitueraient les Némocères en supériorité organique sur les
Brachycères, si les pièces buccales atrophiées de la plupart des Tipuliens
ne les plaçaient au contraire à un degré inférieur. En général, l'orga-
nisation des Némocères conduit à une forme svelte et légère, pour ainsi
dire aérienne, et à une grande délicatesse de complexion. Cependant cet
aspect général s'affaiblit quelquefois, et certains Tipuliens, comme les
Bibions, ressemblent à des Mouches. Quelques organes, tels que les an-
tennes, se diversifient extrêmement, tant par le nombre de leurs par-
ties que par les formes qu'elles alTectent. On rencontre les Némocères
dans les climats les plus divers et sous toutes les latitudes. On les
trouve dans les bois, les prés, les champs et aussi à l'intérieur des mai-
sons. Les femelles déposent leurs œufs dans les eaux, dans la terre,
sur les bourgeons des plantes, sur les champignons, etc. Le développe-
ment des Némocères est lent chez les uns, rapide chez les autres, où
plusieurs générations se succèdent dans la même année. Les larves qui
se développent dans la terre sont vermiformes ; celles qui vivent dans
les eaux ont des organes remarquables et spéciaux de respiration et de
locomotion. Un grand nombre de larves terrestres se développent au pied
des végétaux. Certaines se filent des habitations dans les champignons
décomposés ; d'autres occasionnent sur les plantes des excroissances
qui leur servent de retraites. Les nymphes des Némocères sont généra-
lement nues, à l'exception de quelques-unes, qui s'enferment dans une
enveloppe soyeuse. Elles ont assez souvent, soit les terrestres, comme
celles du genre Tipula, soit les aquatiques, comme dans le genre Culex,
des stigmates situés à l'extrémité de deux cornets aérifères, saillants à
la région antérieure du corps. La plupart restent inactives ; mais celles
qui habitent les eaux conservent la faculté de mouvement qu'avaient
les larves.
Les Némocères compensent le nombre assez limité de leurs espèces
par une fécondité qui dépasse parfois toute limite dans la quantité des
9à0 DIPTÈRES.
individus. Leur destination habituelle est de vivre dans les lieux frais
et ombragés. C'est au bord des eaux, à l'ombre des vergers, dans l'épais-
seur des furets qu'ils habitent de préférence; ce n'est que le soir qu'ils
s'exposent aux rayons du soleil. On les observe alors se rassembler en
troupes considérables, animer les airs de leurs légers tourbillons, où ils
se livrent aux préludes d'accouplement, parfois à l'accouplement lui-
même.
Les divers auteurs citent de nombreux exemples de nuées immenses
de Némoct'res dans divers pays. JNous reproduisons un cas que nous
avons signalé dans nos Métamorphoses des Insectes. Les vallées humides
des Cévennes et des Basses-Alpes offrent parfois de véritables nuées de
Moustiques noirâtres qui obscurcisseni littéralement l'éclat du jour.
Ainsi, dans les Cévennes, au commencement de septembre, « des ou-
vriers employés au reboisement d'une partie de la montagne de l'Espé-
rou ont été témoins d'un phénomène extraordinaire dans ces contrées.
A deux heures du soir, un bruit sourd et monotone, à peu près analogue
à celui qui produit un orage lointain, fixa leur attention sur un épais
brouillard qui traversait un mamelon à environ deux kilomètres devant
eux. L'air était très calme ; ils furent étonnés de ce bourdonnement, et
leur première pensée leur fit croire à un incendie du côté de l'Espérou;
mais, voulant connaître la cause réelle de ce brouillard intense, ils ne
furent pas peu surpris, lorsque, s'étant avancés, ils reconnurent que
c'était une colonne immense de Moucherons, dont la longueur était de
plus de 1500 mètres, sur une largeur de 30 et une hauteur de 50. Cette
colonne d'Insectes se dirigeait de l'Est à l'Ouest. » On a vu parfois les
rives de plusieurs cours d'eau couvertes sur une grande épaisseur des
cadavres de très petites espèces, de 3 à Zi millimètres de longueur.
Guérin-iMéneville dit avoir vu, dans les Basses-Alpes, des quantités im-
menses de Cousins qui obscurcissaient littéralement le jour. Ces Cou-
sins, d'une couleur noirâtre, pourraient bien appartenir à la même es-
pèce que ceux observés dans le nord de l'Europe par M. de Saulcy, qui
accompagnait le prince Napoléon, en 1856,' dans son voyage aux régions
polaires. Ces cousins, d'une coloration noirâtre, s'y trouvaient en légions
innombrables. M^^Léonie d'Aunet parle, dans son Voyage au Spitzberg,
des nuées de Moustiques de la Laponie.
Tribu des CULICIEHS.
Le caractère important et dominateur de ces insectes est l'existence
d'une trompe longue et grêle, avec les pièces buccales complètes en
lancettes acérées, pouvant chez les femelles percer la peau de l'homme
et des animaux et sucer le sang, en empoisonnant la blessure par une
salive venimeuse. Les mâles paraissent ne se nourrir que des sucs des
CULICIENS, 951
fleurs, et aussi les (emelles à défaut d'animaux Mammifères. Chez les
mâles, la trompe est pareille à celle des femelles, et, s'ils ne sucent pas
le sang, cela doit tenir à ce que cette nourriture est très utile, sinon
indispensable, aux femelles pour le développement de leurs œufs. Les
mâles ont des palpes velus composés de cinq articles, allongés au delà de
la trompe et formant autour de la tôte une élégante parure, avec les
aigrettes des antennes à quatorze articles. Chez les femelles, les palpes
sont velus et souvent plus courts que la trompe. La tête, petite et glo-
buleuse, est dépourvue d'ocelles sur le vertex. Le dorsum du thorax
ovale présente une ride transversale et un petit écusson , il porte deux
ailes assez larges, reposant aplaties et parallèles au corps dans le repos.
Arrondies à la pointe, elles ont au moins six nervures longitudinales,
revêtues de microscopiques écailles serrées, rappelant celles des ailes
des Papillons. Les pattes sont grêles et longues, surtout les postérieures ;
l'abdomen est long, mince et cylindroïde. Un caractère commun aux
larves et aux nymphes est de vivre dans l'eau, avec des organes natatoi-
res spéciaux, tantôt des stigmates à trachées aériennes, tantôt des fila-
ments branchiaux ou trachées extravasées. Suivant qu'elles y restent
constamment plongées ou que de rapides mouvements du corps peuvent
les porter à la surface, la respiration se fait à l'aide' de branchies ou de
tubes trachéens externes. Les branchies, soit chevelues et ciliées, soij
filiformes, sont généralement attachées au prothorax et aux derniers
anneaux du corps, et de même les trachées.
Les Culiciens se montrent peu pendant le jour et semblent offusqués
par une lumière éclatante. Ils restent alors au repos dans les bois hu
mides, dans nos habitations, dans les prés sur le bord des eaux, fixés
sur les feuilles, le plus ordinairement à la face inférieure, se balançant
souvent sur leurs longues pattes avec un rythme assez lent ; parfois
ils sont sur les corolles des fleurs. Aux derniers rayons du soleil, ils se
réunissent dans les airs en troupes nombreuses, composées principale-
ment de mâles avec quelques femelles, et c'est alors que s'opère la
copulation. Puis ces femelles recherchent notre visage et nos mains
pour enfoncer à travers la peau, jusqu'à un vaisseau capillaire, leur
glaive buccal corné entouré d'une gaine flexible. La démangeaison
résultant de la piqûre est très grande quand on écrase l'insecte en
action, parce que alors il verse la plus grande quantité possible de salive
irritante. On voit les abdomens qui rougissent et se gonflent de sang, à
mesure que ces femelles boivent à longs traits. Dans la nuit on entend,
quand elles sont près du visage, leur bourdonnement d'une acuité
extrême, ressemblant aux sons qu'on peut obtenir avec les plus petits
diapasons placés sur caisse renforçante et donnant plus de soixante mille
vibrations par seconde.
Ces animaux, nommés souvent Moustiques ou Mosquitos et Marin-
gouins pour d'autres espèces, sont le fléau des pays humides, rendant
même à peu près inhabitables certains pays de la terre. On cherche à
952 DIPTÈRES.
se garantir de leurs atteintes pendant la nuit au moyen de mousti-
quaires en gaze dont on entoure le lit, au risque de gêner beaucoup la
respiration; cette coutume est usitée en France, au printemps, sur les
côtes de la Méditerranée. Les îles Barbades et les bords des fleuves de
l'Amérique équinoxiale, ainsi de l'Orénoque, sont infestés par les
Moustiques. Certains pays du Nord ont encore plus à soulîrir que les
régions chaudes. Us sont en telle quantité dans le haut Canada, pays des
grands lacs, que les Bisons sauvages et les bestiaux passent les mois
d'été enfoncés dans l'eau tout le jour, tant ils sont tourmentés, ne lais-
sant sortir que leur muffle pour respirer. De curieux détails sont consi-
gnés dans l'exploration du capitaine Bach, à la recherche de la rivière
du Poisson, qui se jette dans l'Océan arctique américain (Hervé et de
i.anoye, Voyngps dans les glaces du pôle arctique, Paris, Hachette et C'%
1865). « Parmi les nombreuses misères inhérentes à la vie aventureuse
du voyageur, il n'en est point, dit Bach, de plus insupportable et de
plus humiliante que la torture que vous fait subir cette peste ailée. En
vain vous essayez de vous défendre contre ces buveurs de sang, en vain
en abattez-vous des milliers, d'autres milliers arrivent aussitôt pour
venger la mort de leurs compagnons, et vous ne tardez pas à vous con-
vaincre que vous avez engagé un combat où votre défaite est certaine.
La peine et la fatigue que vous éprouvez à chasser ces innombrables
assaillants deviennent à la fin si grandes, qu'à moitié suffoqué vous
n'avez plus d'autre ressource que de vous envelopper d'une couverture
et de vous jeter la face contre terre, pour tâcher d'obtenir quelques
minutes de répit. » Et plus loin : « Mais comment décrire les souffran-
ces que nous causèrent, dans ce trajet, les Moustiques et leurs alliés les
Maringouins ? Nos figures ruisselaient de sang comme si l'on y eût ap-
pliqué des sangsues. La cuisante et irritante douleur que nous éprou-
vions, immédiatement suivie d'inflammation et de vertige, nous rendait
presque fous. Toutes les fois que nous nous arrêtions, et nous y étions
souvent forcés, nos hommes, même les Indiens, se jetaient la face con-
tre terre, en poussant des gémissements semblables à ceux de l'agonie. »
C'est pour se garantir des Moustiques que beaucoup de peuplades sau-
vages, ainsi les Holtentots et les Cafres, s'enduisent le corps de graisse
rance, et que le pauvre Lapon se condamne à vivre dans une hutte
enfumée. Il paraît que l'essence de girofle, quand on peut la supporter
sur la peau, préserve le visage de toute piqûre, tant qu'elle répand son
odeur. Une goutte d'ammoniaque est le meilleur moyen d'éteindre la
cuisson brûlante que produit la piqûre d'un Moustique. Dans les années
où ils abondent, on cherche à les écarter d'une localité par des feux à
épaisse fumée ; mais ce moyen est bien insuffisant.
A.liOPHEE.ES Meigen. Tète petite, globuleuse; trompe au moins de la lon-
gueur du thorax, menue, demi-cylindnque, dirigée obliquement en avant,
reçue dans une goutlièrc do l;i lèvre siipôrieuro, nvcc pilpes filiformes et de
ANOPHELES, CULEX. 953
cinq articles dirigés en avant, de la même longueur dans les deux sexes, le
premier article très court, les articles 2 et 3 longs et cylindriques, les deux
derniers en massue apLilie et un peu velue, de la longueur ensemble du troisième ;
antennes de quatorze articles, le premier gros et court, les suivants noueux et
plumeux à la base, les poils grêles qui en partent très longs chez les mâles.
Le genre Anophèles ne comprend que cinq espèces en Kurope. La
plus répandue, assez commune au mois de mai, est r.-l. bifurcatus
Linn., pL civ, fig. 2 : 2 «, bouche; 2 b, antennes de la femelle; lon-
gueur environ 7 millimètres, les antennes des mAles à poils d'un gris
brun et le tour des yeux blanc, le thorax cendré, avec une bande laté-
rale d'un brun obscur de chaque côté et trois lignes obscures sur le
dos ; femelle d'un brun jaunâtre ; ailes sans taches et balanciers blancs ;
pattes brunes, à cuisses jaunâtres; abdomen gris, à anneaux bruns.
Une seconde espèce commune et de même taille est .1. macnlipennis
Meigen, dont les ailes ont cinq points obscurs.
Ce genre est très voisin du genre Cousin ou Culex Linn., dont le
caractère distinctif est d'avoir les palpes plus longs que la trompe chez
le mAle, plus courts chez la femelle; les yeux sont verdàtres sur le
vivant. Il cjmpte une trentaine d'espèces en Europe. La plus grande,
atteignant parfois le centimètre, est le Cousin annelé, Culex annulatus
Schrank, commun en automne, se reconnaissant aux anneaux blancs
qui tranchent sur le fond brun de l'abdomen et des pattes, le thorax
à poils jaunes marqué de deux lignes noires, les ailes avec cinq taches
sombres. Plus commun encore et de toute l'année, est le Cousin vul-
gaire, Culex pipiens Linn., syn. : vulgaris Linn., plus petit que le pré-
cédent, l'abdomen portant des anneaux alternativement plus foncés et
plus clairs, les marques sombres faisant défaut sur les pattes et sur les
ailes, qui présentent des nervures brunes.
Les larves des Cousins vivent par millions dans les eaux stagnantes,
même de très peu d'étendue; ainsi les flaquesd'eau des chemins, ainsi
encore les tonneaux d'arrosage des maraîchers; les femelles fécondées,
au lieu de déposer leurs œufs dans une matière transparente qui tombe
au fond de l'eau, comme cela s'opère pour les Phryganes, forment des
petits radeaux flottants contenant chacun environ (rois cents œufs
pointus à un bout. Le Cousin se cramponne, au moyen de ses pattes
antérieures et intermédiaires, sur une feuille ou quelque autre corps
flottant sur l'eau, de façon que l'extrémité de son abdomen dépasse ce
corps. Ensuite il croise ses pattes postérieures, relève le dernier seg-
ment de l'abdomen, afin que les œufs sortent en position verticale, et
place le premier qui se présente dans l'angle formé par les pattes. Le
second est collé au premier, et ainsi de suite, en remplissant l'inter-
valle entre les pattes, qui s'écartent à mesure que la ponte avance, sans
cesser de maintenir les œufs tant qu'elle n'est pas terminée. C'est ordi-
nairement le matin que s'accomplit celte ingénieuse opération, et tou-
956 DIPTÈRES.
jours sur les eaux stagnantes. Les larves se tiennent habituellement
suspendues dans l'eau, la tète en bas, laissant émerger un conduit
trachéen, fixé obliquement avec divergence sur lavant-dernier seg-
ment de l'abdomen. E.e corps est allongé, composé de huit segments,
d'un thorax grand et arrondi, d'une tète très distincte. Les mâchoires
sont représentées par des saillies généralement pointues et ciliées, ani-
mées d'un mouvement continuel, agitant l'eau et l'amenant à la bouche
avec les parcelles alimentaires qu'elle renferme. Une autre paire d'ap-
pendices mobiles est constituée par des antennes inarticulées, garnies
de touffes de poils, insérées près de la bouche et arrondies en arcs,
dont les extrémités se rapprochent. Les larves vont de la surface au
fond par une sorte de tortillement du corps, et remontent à la surface
par le môme mouvement et font émerger leur trachée extérieure. La
faculté de nager dont jouit cette larve est due à un organe situé à l'ex-
trémité du dernier segment et dirigé du côté opposé au tube aérifère.
(Juatre ou cinq petites lames ovales, transparentes et entourées à leur
base de longs poils disposés en entonnoir, sont insérées sur une base
courte et épaisse.
Ces larves changent trois fois de peau avant d'acquérir tout leur
accroissement, qui est de 8™™, 77 en moyenne pour le Cousin commun.
A chaque fois, elles flottent recroquevillées en point d'interrogation à la
surface de l'eau ; une fente longitudinale s'ouvre en arrière de la tète
et livre passage au môme insecte, dont le corps a seulement grandi un
peu. Les peaux dépouillées flottent autour des larves, qui les mangent,
par un fait analogue à celui qu'offrent un certain nombre de chenilles.
A la quatrième mue, celle de la nymphose, la forme grêle a disparu,
pour faire place à une forme plus compacte, un peu aplatie sur les
côtés. Les nymphes sont munies, sur la partie supérieure du thorax,
de deux tubes aérifères ou cornets saillants. Elles sont mobiles, mon-
tant et descendant, grâce à deux nageoires aplaties accompagnées de
deux soies allongées. La plus grande différence qui les distingue des
larves consiste dans l'altitude du corps, dont la partie postérieure est
ordinairement enroulée autour du thorax.
Quand le moment de la dernière morphose est arrivé, c'est-à-dire
vingt à vingt-cinq jours après la naissance de la larve, le thorax de la
nymphe se fend et le Cousin commence à paraître, la tète la première.
Par les contractions des segments du corps, il parvient à se hisser verti-
calement hors de l'enveloppe nymphale, devenue une nacelle sur
laquelle il se tient quelque temps immobile, et que le vent fait voguer
et quelquefois chavirer, au danger de mort de la bestiole encore molle.
Quand ses organes sont raffermis, il pose ses pattes délicates sur l'eau,
il déploie ses ailes et prend possession du domaine des airs. Les femelles
fécondées, provenant de la dernière ponte, passent l'hiver dans diverses
cavités, creux d'arbre, petites grottes, carrières et caves, destinées à
perpétuer l'espèce au printemps suivant.
TIPULIENS. 955
Le genre jEdes Meigen a les palpes très courts, pointus et à base
épaisse dans les deux sexes, les antennes du mâle largement pectinécs
de long cils des deux côtés. L'A. cinereus Meigen, de 5 millimètres de
longueur, est un des Moustiques du nord de l'Europe, d'un brun noi-
râtre, avecles ailes grisâtres et les cuisses jaunes.
Tribu des TlPiiLlE^ii^.
Les Tipuliens proviennent du grand genre Tipula de Linnœus, de
même que les Culiciens de son genre Culex ; mais, si cette dernière
tribu est restée très limitée dans ses genres, il n'en est pas de môme de
l'autre, où l'on trouve un grand nombre de types, depuis ceux qui ont
les caractères des Némocères avec une véritable exagération jusqu'à des
genres à corps presque renflé et à pattes assez courtes, qui se rappro-
chent des Brachycères. La trompe est courte et très simplifiée, molle et
inerme, sauf dans le genre Simulium, où elle reprend la faculté de
percer les peaux des animaux vivants et de sucer leur sang. La trompe
des Tipuliens est d'ordinaire seulement propre à humer des liquides,
comme des miellats répandus sur les feuilles et des suintements des
plaies d'arbres, dans les cas où les adultes prennent quelque nourri-
ture. Le mésothorax, souvent renflé, présente un sillon transversal bien
net. Les pattes sont, en général, très allongées et très grêles, avec des
articles d'une fragilité extrême, se détachant au moindre effort, au
simple contact de corps durs. Les balanciers sont sans cuillerons et
souvent très longs. Les mâles, à corps cylindroïde, ont l'extrémité sou-
vent élargie ou recourbée en crosse et munie de crochets copulateurs.
L'abdomen des femelles est souvent- conoïde, renflé vers le milieu et
terminé par deux valves pointues. On voit voltiger les Tipuliens adultes
dans les prés et les jardins, dans les bois, autour des -buissons et des
troncs d'arbres. Les larves et nymphes présentent une grande variété
de formes; il en est qui vivent dans l'eau, pouvant, comme chez les
Culiciens, être mobiles à ces deux états, pouvant respirer ou par des
tubes trachéens ou par des filaments branchiaux. Dans le cas de
nymphes immobiles, les larves vivent en terre au pied des plantes,
sous les écorces, dans les fumiers ou dans divers détritus, dans les
céréales (Cécidomyies) ou dans les fruits {Sciara, Lasioptera, etc.), enfin
dans les champignons terricoles ou épiphytes.
Les Tipulides culiciformes ressemblent d'aspect aux Cousins, avec
cette différence capitale que la faiblesse de la trompe ne leur permet
pas de percer la peau. Les antennes sont filiformes, ordinairement plu-
meuses chez le mâle, poilues chez la femelle, insérées chacune sur une
élévation en forme de disque; yeux lunules, séparés dans les deux
sexes; point d'ocelles; thorax généralement à trois élévations, meta-
956 DIPTÈRES.
thorax grand; ailes couchées, sans cellule discoïdale, la basilaire
externe souvent confondue avec la deuxième postérieure, ordinaire-
ment une marginale, une sous-marginale et trois postérieures; balan-
ciers à longue tige, grêle, sans cuillerons; abdomen de huit segments
distincts; larves et nymphes aquatiques.
1'ORI':thr% Meigen. Tùle petite; anlennes insérées immédiatement sur le
froni, composées de quatorze articles dans les deux sexes, oblongs, un peu ren-
flés à leur base, les deux derniers un peu plus longs, surtout chez les mâles, tous
garnis dans ce sexe de longs poils verlicillés qui diminuent graduellement de
longueur; lèvre supérieure petite, triangulaire, pointue; trom[ie charnue, à
labiales rondes et velues-, palpes de quatre articles, le premier très court, les
autres d'égale longueur ; thorax ovale ; ailes étroites, couchées au repos, à
nervures velues, le bord postérieur garni d'écaillés lancéolées, deux cellules
sous-marginales, quatre postérieures; pattes très grêles, à insertions équidis-
tantes, avec poitrine peu proéminente; abdomen long et mince.
L'espèce principale est C. plumicornis Meigen, pi. civ, fig, mAle, com-
mune dans toute l'Kurope. Les Corèlhres, qui comptent au plus une
dizaine d'espèces d'Europe, restent pendant le jour posées sur les
plantes, les patles antérieures horizontales et dans un mouvement
lent, alternatif et mesuré. Le soir, elles quittent leurs retraites pour
voltiger dans les airs en troupes innombrables. Les femelles pondent
leurs œufs dans les eaux stagnantes, confusément, sans l'industrie des
Cousins. La larve de C. plumicornis, décrite par Héaumur, est hyaline,
allongée, épaissie antérieurement. La tête est munie de deux pointes
crochues et de deux sortes de palpes unguiculés. Le dernier segment
du corps est pourvu d'une nageoire ovale et se termine par deux
pointes d'aspect charnu et divergentes. La nymphe est fort semblable
à celle du Cousni, le thorax surmonté de deux tubes aérifères et le
dernier segment de l'abdomen muni de deux petites nageoires, qui lui
doinient la facilité de se mouvoir comme la larve. L'adulte, long de
6'""',8, est d'un gris brunâtre, avec la tète d''un brun clair et le thorax
à bande blanchâtre sur les côtés.
CHlRO.lîOMl s Meigen. Tète petite, plane antérieurement, avec une ligne
carénée au milieu ; antennes de treize articles chez les mâles, les deux premiers
couris el cylindroïdes, les suivants à longs poils pennés de chaque côté, se
rétrécissant régulièrement vers le bout, le dernier article très long, les an-
lennes des femelles de six articles ; les deux premiers cylindroïdes, le dernier
allongé et pointu, les quatre derniers articles à poils verlicillés; lèvre supé-
rieure très courte, trompe courte et charnue, échancrée antérieurement; pal-
pes de quatre articles, un peu velus; poitrine très proéminente; pattes anté-
rieures insérées loin des autres, les tarses antérieurs souvent 1res allongés;
CHIRONOMUS. 957
cellule basilaire intérieure des ailes confondue avec la seconde postérieure ;
trois cellules postérieures; abdomen des inùles velu, fortement tronqué, muni
de deux petits crochets.
Le nom de Chironome veut dire : qui meut les bras avec méthode,
probablement à cause du balancement sur les pattes de ces insectes au
repos. Les Chironomes comptent près de trois cents espèces en Europe.
Une des plus communes et de toute l'Europe, est le C. plumosus Linn.,
long de 11 à 13 millimètres, pi. civ, fig. k, antenne du mâle, U a, id.
de la femelle; antennes brunes chez le mâle, ferrugineuses chez la
femelle ; le thorax verdâtre, à bandes cendrées, une ligne noire le long
de l'intermédiaire, la poitrine noire ; ailes hyalines, avec un point
noir ; balanciers blanchâtres ; pattes fauves, non annelées de noir,
l'extrémité des jambes et les tarses noirs ; abdomen annelé de noir. Les
inotTensifs Chironomes, que le vulgaire prend pour des Cousins, volent
au crépuscule en troupes immenses, formant de véritables nuées. Les
larves habitent en nombreuses colonies les eaux dormantes ou peu
mouvementées. Elles se dissimulent dans la vase, où elles savent se
construire des fourreaux tortueux sans consistance, formés de parcelles
de détritus et d'où elles sortent souvent la tête. Ces larves, fort longues
et vermiformes, sont le plus souvent d'un rouge sanguin et parfois ver-
dâtres, munies, sous le premier segment, de deux sortes de pattes
armées de petits crochets ; sur le dernier et l'avant-dernier se trouvent
deux filets charnus. Le corps se termine par deux tubes allongés, a
extrémités ciliées qui sont des organes respiratoires. C'est dans les
fourreaux que les larves deviennent nymphes, qui portent d'élégants
panaches de filaments branchiaux sur les côtés du thorax et à l'extré-
mité du corps. Ceux du thorax sont composés de cinq tiges plumeuses,
qui s'élèvent en rayonnant de chaque côté. Les pattes antérieures, trop
longues pour être appliquées contre le corps cdmme les autres, sont
contournées d'une manière particulière. Les fourreaux qui renferment
les ailes sont grands et ressemblent à des nageoires. La nymphe quitte
sa cellule et arrive à la surface de l'eau pour opérer sa dernière mor-
pho?e. En sortant de la peau de larve, l'insecte tient les pattes posées
sur l'eau, à la façon des Cousins, jusqu'à ce que ses ailes, bien dévelop-
pées et raffermies, lui permettent de prendre son essor. La larve du
C. plumosus est d'un beau rouge de sang. C'est elle qui, sous le nom
de Ver de vase, est très recherchée des pêcheurs à la ligue comme
amorce pour les très petits Poissons, tels que Goujons, Ablettes, Vairons,
Vandoises, etc. A Paris, on récolte surtout ces Vers dans la Seine, à
Asnières, en fouillant dans les tas de sable et de vase qu'on amon-
celle.
Les Tipulides terricoles doivent ce nom à ce que leurs larves vivent
dans la terre humide ou parfois dans le terreau des arbres décomposés,
et forment une famille composée d'un grand nombre de geiues. Les
958 DIPTÈKES.
antennes, les palpes, les nervures des ailes présentent une organisation
plus élevée que chez les Tipulicles aquatiques. I^e caractère remar-
quable des adultes réside dans le prolongement de la tète arrondie en
un museau plus ou moins long et épais et qu'il ne faut pas confondre
avec la trompe insérée au bout; les palpes ont souvent le dernier article
très long et flexible, parfois continu et uniquement membraneux, ser-
vant sans doute à un tact délicat. Les antennes sont très diversifiées par
la conformation et le nombre des articles, parfois filiformes ou séta-
cées, de treize et parfois seize articles, parfois garnies de poils verlicillés,
parfois pectinées et en panaches très élégants et à dentelures de lon-
gueurs inégales (mâles des Ctenophora), extrêmement longues, plus que
le corps, dans le genre exotique Mégistocère. Point d'ocelles ; yeux ordi-
nairement ovales et entiers, séparés dans les deux sexes, thorax à suture
arquée, le métathorax souvent très saillant, comme bossu ; ailes man-
quant quelquefois (Chionea), tantôt écartées au repos, souvent couchées
sur le corps ; ordinairement une cellule discoïdale, trois, quatre ou
cinq postérieures, la raédiastine généralement fermée à son extrémité ;
abdomen de huit segments distincts, terminé en massue chez le mâle,
par une tarière cornée chez la femelle.
Quoique les Tipulides terricoles n'aient pas leur berceau dans les
eaux, elles ne recherchent guèi*e moins les lieux frais et humides que
les Tipulicles culiciformes. Les Trichocères, à anteimes assez courtes et
en fil, se réunissent dans les airs comme les Chironomes, et se font
remarquer par les époques de leurs apparitions, les unes à la fin de
l'automne, les autres au commencement du printemps, et même au
milieu de l'hiver si la température s'adoucit pendant quelques jours.
Les Limnobies et les genres voisins quittent peu les bois aquatiques.
Les Tipules proprement dites fréquentent les prairies, où nous les
voyons par milliers, surtout en automne, voleter à la surface des her-
bes. Le développement des Tipulides terricoles n'a encore été observé
que dans un petit nombre d'espèces. Les œufs sont déposés dans la
terre au moyen de la tarière écailleuse dont les femelles sont pourvues.
Les Cténophores choisissent le plus souvent le terreau des vieux saules,
les Tipules le sol humide des prairies et des jardins potagers, les Lim-
nobies et les Trichoptères paraissent accorder la préférence au limon
du bord des eaux. Les larves des Tipules ont des pièces buccales assez
analogues à celles des Insectes masticateurs, et plusieurs espèces font de
grands ravages en rongeant les radicelles de diverses plantes potagères
ou ornementales. L'extrémité de ces larves est munie, en général, de
quatre tentacules qui aident au mouvement dans les galeries lerreuses
et de deux stigmates très distincts. Les nymphes des Tipulides terricoles
sont inactives et montrent bien les pattes repliées et les ailes sous four-
reaux de l'adulte. Elles ont des stigmates saillants, situés au haut du
thorax, à l'extrémité de deux tubes simulant des cornes. Elles offrent
les segments de l'abdomen garnis de pointes qui, par les contractions
CTENOPHORA, TIPULA. 959
(lu corps, leur servent à gagner la surface de la terre, lorsque le mo-
ment est venu du changement en adulte.
CTEMOPHOR.l Meigen, Tète à peu près globuleuse, prolongée par un bec
assez court, épais, terminé en pointe supérieurement ; antennes de treize arti-
cles, le premier cylindrique, le second globuleux, le troisième conico-arrondi
dans les mâles, les suivants pectines dans les mâles, allongés, subcylindriques,
munis, selon les espèces, de deux, trois ou quatre rayons latéraux; dans les
femelles, ces articles sont ovalo-coniques, sans rameaux ; le dernier toujours
petit et simple dans les deux sexes; lèvre supérieure petite; trompe à
lobes terminaux épais, élargis antérieurement, divisés ; palpes velus, de quatre
articles, les trois premiers noueux, subégaux, le quatrième beaucoup plus long
et flexible ; yeux ovales ; ailes luisantes, lancéolées, écartées, avec cinq cel-
lules postérieures, la seconde tantôt sessile, tantôt pédiculée; pattes grêles, de
longueur médiocre, les jambes terminées par des pointes assea allongées ;
abdomen assez épais.
Outre le caractère très dislinctif tiré des antennes, les Cténophores,
dont le nom veut dire porte-peignes, d'après les antennes des mâles,
s'éloignent encore des Tipules par l'aspect. Le corps plus épais, tou-
jours coloré de noir et de jaune, le thorax luisant, constamment marqué
d'une tache jaune sur les côtés occupant un espace membraneux, les
fait reconnaître au premier abord. En outre, les Cténophores ne fré-
quentent pas les lieux humides comme les Tipules, mais se trouvent
dans les bois et les jardins. Elles ne paraissent qu'au printemps, tandis
que le plus grand nombre des espèces de Tipules est d'automne. Enfin
les femelles déposent leurs œufs dans le terreau des vieux saules, où se
développent les larves, au lieu de les confier simplement à la terre.
L'Europe compte une douzaine d'espèces de Cténophores. Nous repré-
sentons, pi. civ, flg. 6, C. festiva Meigen, femelle, 6 a, tête de profil,
6 6, antenne du mâle, 6 c, id. de la femelle, espèce du nord de la
France et de l'Allemagne, noire ; le thorax et l'abdomen à bandes
jaunes; ailes légèrement obscures, jaunâtres au bord antérieur, ayant,
à la place du stigma, une tache transversale noirâtre qui s'étend jus-
qu'au milieu ; balanciers jaunes; pattes ferrugineuses, cuisses et jam-
bes postérieures avec un anneau noir, près de l'extrémité aux premières,
vers la base aux dernières.
TIPlIEiA^ Linn. Tête à peu près globuleuse, prolongée par un bec allongé, cylin-
drique, terminé en pointe supérieurement ; front plat ; antennes filiformes dans
les deux sexes, presque sétacées, de treize articles, le premier allongé, cylin-
drique, le second petit, cyathiforme, les dix suivants cylindriques, garnis de
soies à leur base, le treizième menu, oblong ; lèvre supérieure très petite ;
trompe à lobes terminaux arrondis, élargis antérieurement, divisés ; palpes de
quatre articles, les trois premiers d'égale longueur, velus, renflés vers l'extré-
960 DIPTÈRES.
mité, le qualricme long el flexible ; yeux saillants, un peu ovales ; ailes lan-
céolées, écartées au repos, à cinq cellules postérieures, la seconde pétiolée
pattes très longues, surtout dans les mâles, les jambes terminées par des pointes
fort courtes; abdomen allongé.
Les Tipules proprement dites comptent plus de quatre-vingt-dix espè-
ces en Europe. Klles éclosent pour la plus grande partie à l'arriùre-saison
et frappent surtout nos regards en septembre si nous traversons quel-
que prairie. On les voit suspendues aux herbes par leurs longues pattes,
qui rappellent celles des Phalangieiis. On en fait sauver à chaque pas et
leurs ailes bruissont comme de légères crécelles. Parfois elles cheminent
dans les herbes en voletant près du sol et franchissent ainsi de courts
espaces, retombant presque aussitôt après dans quelque touffe d'herbe.
Dans le vol, les Tipules portent leurs longues patles antérieures en
avant et un peu relevées au-dessus de la tète, tandis que les posté-
rieures sont dirigées en arrière etcontinuellement agitées (G. Poujade).
Les femelles, beaucoup plus nombreuses que les màlcs, appuient, en
volant verticalement, l'extrémité de leur abdomen sur le sol, auquel
elles confient des œufs un peu courbes et isolés. Chacune repose pen-
dant un temps fort court dans cette attitude, se débarrassant ainsi d'un
à deux œufs, puis avance un peu pour recommencer le même travail
iusqu'à ce que toute sa postérité soit confiée à la terre ; puis elle meurt,
dernière fonction accomplie. Les œufs commencent à éclore au bout
d'une semaine environ, si la température ne s'abaisse pas trop, bientôt
les larves se rencontrent dans les couches superficielles du sol, dans
l'humus un peu humide des forêts, dans le sol ameubli des prés et des
jardins. Elles se ressemblent dans les diverses espèces, étant translu-
cides, plissées en travers et d'un gris cendré, pourvues de poils courts.
.Sur leur tête noire, rétraclile dans le premier segment du corps, on
distingue deux courtes antennes, deux mandibules formées de crochets
arqués, se joignant un peu par l'extrémité, deux mtlchoires qui semblent
fixes. En outre, une partie charnue, de figure triangulaire, qui sépare
les précédentes, semble appartenir à la lèvre supérieure. Cet appareil
paraît servir à. triturer des radicelles et à exprimer de l'humus les par-
ties alimentaires qui s'y trouvent. Le corps, tronqué en arrière, est légè-
rement évasé, et ses bords sont entourés de six cônes petits et charnus,
aidant à la progression sous terre. Entre les cônes médians s'élèvent
deux saillies qui portent de grands stigmates aériens noirs. La nymphe
ressemble à celles de beaucoup d'ordres u'Insectes, immobile, avec les
antennes, les fourreaux alaires et les pattes repliés en dessous. Les seg-
ments de l'abdomen garnis de pointes lui permettent, par des contrac-
tions du corps, de gagner la surface du sol, lors de l'éclosion de l'adulte.
Elle est cylindroïde et son masque facial porte au front deux cornes
stigmatiques presque claviformes.
Une des espèces les plus nuisibles aux prés et aux jardins potagers
RHIPHIDIA. 961
ne vole guère à l'élat adulte qu'à partir du mois d'août et est commune
dans toute l'Europe. C'est la Tipule des prés, Tipula oleracea Linn.,
pi. civ, fig. 7, tèle de profil, environ de 18 millimètres de long chez le
mâle et 24 cIkîz la femelle ; le corps d'un gris cendré, le museau et les
antennes ferrugineux chez le mAle, le thorax avec plusieurs lignes lon-
gitudinales brunâtres, les ailes légèrement enfumées avec le bord exté-
rieur brun et une bande longitudinale blanchâtre, peu distincte, l'ab-
domen d'un gris bleuâtre. Les larves, apodes et de couleur terreuse,
rampent avec agilité en faisant saillir leur petite tête noire et cornée,
se redressant comme des chenilles. Leur peau coriace les a fait nom-
mer Vers à jaquette de cuir par les auteurs anglais. Les jardiniers
trouvent souvent les nymphes, d'un brun clair et à deux cornes, en
bêchant la terre. Les larves se rencontrent au pied des pommes de terre,
des laitues, des betteraves, des balsamines, des reines-marguerites, des
dahlias, des œillets, etc., rongeant les radicelles ; elles passent l'hiver
engourdies dans leurs galeries de terre, pour se nymphoser au prin-
temps. Elles craignent la lumière et le soleil et sortent aux rosées de
la nuit pour chercher d'autres plantes ou une terre propice à leur trans-
formation. Il faut fouiller la terre de grand matin au pied des plantes
malades et écraser les larves ; on peut aussi faire des arrosages avec une
solution de sulfocarbonate de potassium, ou de sulfure de calcium, ou
de sulfate de cuivre.
Nous citerons une autre espèce de Tipule beaucoup plus rare, de très
grande taille et vivant dans les bois. C'est le T. gigantea Schranck, le
mâle de 27 millimètres, la femelle de 36, de couleur cendrée, les pal-
pes et les antennes bruns, le thorax testacé avec trois bandes brunes,
les ailes à large bande brunâtre, deux fois échancrée, au bord extérieur,
trois taches plus pâles au bord intérieur, les pattes testacées, l'abdomen
aligne dorsale et bande de chaque côté brunâtres, une ligne transversale
interrompue, brune, à chaque segment.
RHIPHIDIA Meigen. — Tête globuleuse, un peu rétrécie postérieurement;
antennes de longueur double de la lête, de quatorze articles, pectinées chez
les mâles ; bec court ; palpes velus, de la longueur de la tête, de quatre
articles, le premier un peu plus court que les autres, le dernier non
allongé ; yeux à contour circulaire ; ailes écartées, couchées au repos, avec
quatre cellules postérieures, la seconde sessile ; pattes très allongées et très
grêles.
Ce genre, de très peu d'espèces, a pour type européen, R. maculata
Meigen, pi. civ, fig. 8, femelle, espèce commune dans les bois aqua-
tiques du nord de la France, de 6 à 7 millimètres de longueur, d'un
gris brun, le thorax marqué de trois bandes foncées plus ou moins dis-
tinctes, les ailes hyalines, un peu jaunâtres à la base et près de la côte,
couvertes de petites taches obscures, la plupart arrondies, les pattes
GIRARD. "•• — 61
962 DIPTÈRES.
roussâtres, avec l'extrémité des cuisses et des jambes et les tarses
obscurs.
LIMIVOBIA Meigen. — Tête petite, légèrement déprimée en dessus, rétrécie
postérieurement; antennes fdiformes, arquées, ordinairement de seize articles, à
articles arrondis, diminuant graduellement de grosseur, bec peu saillant, lèvre
supérieure menue et pointue, trompe fort courte, à lobes terminaux charnus et
velus, palpes plus longs que le bec, à quatre articles d'égale longueur, les trois
premiers un peu renflés vers l'extrémité, le quatrième plus menu et plus cylin-
drique; yeux à contour circulaire; thorax ovale; renflé antérieurement; ailes
ordinairement couchées au repos et parallèles, la cellule marginale quelquefois
divisée par une nervure marginale, ordinairement une seule sous-marginalc et
quatre postérieures; pattes longues et grêles; abdomen allongé, cylindrique
vers la base, un peu aplati vers l'extrémité.
Les Limnobies (nom qui veut dire vivant dans les marais) et les Lim-
nophiles (genre Limnophila détaché par Macquart) forment le genre
principal des Tipulides terricoles à antennes filiformes et à palpes
simples. Ainsi que les Rhlphidies et les Érioptères habitent les bois
humides et le bord des mares. Elles se tiennent ordinairement au repos
sous le feuillage et semblent craindre le grand jour. Plusieurs espèces
voltigent en troupes innombrables, comme les Tipulides aquatiques
culiciformes, s'élèvent et s'abaissent de même dans les airs par un
mouvement alternatif. Ces insectes paraissent, pendant toute la belle
saison; mais chaque espèce semble avoir son temps propre d'appari-
tion, durant environ une quinzaine. Macquart croit que les Limnobies
déposent leurs œufs dans la vase au bord de l'eau. On ne connaît
qu'une larve de ce genre, observée par De Géer, celle de Limnobia
replicata Meigen, présentant une tête munie d'antennes très courtes et
de mandibules dentelées. La partie supérieure du corps est couverte de
filets branchiaux allongés et flexibles et creu\, en général deux par
segment; sous le dernier segment du corps se trouvent quatre crochets
écailleux dont elle se sert pour se cramponner aux plantes. La nymphe
porte, au-devant du thorax, deux cornes stigmatiques aérifères, ce qui
l'oblige à se tenir pour respirer à la surface de l'eau ; elle a la faculté
de plonger et de s'attacher aux plantes aquatiques au moyen de cro-
chets placés aux derniers segments du corps. Nous représentons une
jolie espèce européenne, L. picta Fabr., syn. : ocellaris Curtis, du
sous-genre Epiphragma Osten-Sacken, pi. civ, tig. 9:9a, tête .de pro-
fil, longueur, 11 à 13 millimètres, commune dans les bois aquatiques,
brunâtre, les antennes fauves à base brune, les ailes jaunâtres, à taches
brunes annuliformes dans les deux sexes, les pattes jaunes, avec deux
anneaux noirs aux cuisses. Le genre Limnobia compte plus de quatre-
vingts espèces en Europe, et le genre Limnophila, vérilable sous-genre
du précédent, quarante environ.
DIXA, CHIONEA, RHYPHUS. 963
DIX.% Meigen. — Tête sans museau distinct; antennes sétacées, plus longues
que la tète et le thorax réunis, à articles décroissants, finement velus, le premier
court, épais, cylindrique, le second plus épais, subsphérique, les trois suivants
oblongs, allongés, grêles; palpes de cinq articles, le premier très petit, les
trois autres à peu près d'égale longueur, le quatrième grêle ; thorax sans
suture; ailes couchées au repos, pas de cellule discoïdale, quatre cellules pos-
térieures; jambes terminées par deux pointes peu distinctes.
Le genre Dixa est placé par le D'' Schiner dans les inccrtœ sedis. Nous
représentons une espèce d'Allemagne et d'Angleterre, D. nebulosa
Meigen, pi. c.v, fig. 1 : 1 a, antenne; 1 b, tête de profil. Le nom de Dixa
fait allusion à la division binaire des nervures des ailes.
CHIOUKA Dalman. — Antennes sétacées, de dix articles; articles des palpes
à peu près égaux ; ailes nulles; pattes allongées, presque linéaires, cuisses
épaisses, les postérieures presque de la longueur du corps; abdomen terminé
chez le mâle par une pince horizontale formée de deux onglets bi-articulés,
chez la femelle par une tarière à deux valvules posées l'une sur l'autre, dont
la supérieure plus longue, plus étroite, redressée et composée de deux lames.
L'espèce type C. araneoidp.s Dalman., pi. cv,fig. 2, de 6™'", 5 environ,
la lète d'un testacé brunâtre avec le vertex poilu, le thorax brunâtre,
lisse, changeant en cendré, les pattes testacées, l'abdomen brun, à
lignes cendrées, avec des poils sur les côtés. Ce Tipulien sans ailes a été
trouvé par Dalman sur la neige (d'où le nom du genre) dans les bois de
la Suède, pendant tout l'hiver. Il me paraît probable qu'on le rencon-
trera dans d'autres pays, ainsi en France, de même que le Boreus hye-
malis (Névropt. Panorpien.) découvert aussi en Suède et trouvé en
hiver dans la forêt de Villers-Cotterets par M. E. Simon, puis par
M. G. Poujade. On a peut-être passé bien des fois près de la Chionée, la
prenant pour une Araignée. En outre, fort peu de personnes explorent
les bois en hiver pour l'entomologie.
RHVPBIJIi Latr. — Antennes subulées, de seize articles, les deux premiers
distincts des autres, les suivants presque globuleux, diminuant de grosseur; tête
séparée du thorax par un cou distinct ; trompe menue, cylindrique, avancée
horizontalement, la lèvre supérieure subulée, insérée à la base de la trompe,
couchée sur elle et d'égale longueur, les palpes de quatre articles, deux plus
épais, trois plus courts; yeux ovales; stemmates égaux, situés sur un tubercule
commun ; thorax peu élevé ; deux cellules basilaires aux ailes, une discoïdale,
cinq postérieures; pattes peu allongées, à hanchescourtes, les jambes terminées
par deux pointes très courtes.
Le D' Schiner fait de ce genre la famille des Rhyphides, qui rentre
en eflet fort mal dans les Tipulaires fongicoles de Latreille ou dans les
96^ DIPTÈRES.
Tipulaires florales, où Macquart ne les laisse qu'avec beaucoup d'hési-
tation. Les Rhyphes se tiennent de préférence sur les troncs des arbres.
Ils ont le vol rapide (d'où leur nom générique) et se réunissent quel-
quefois en troupes nombreuses dans les airs, surtout lorsque le temps
est orageux. Nous les voyons aussi souvent sur nos fenêtres. Les femelles
déposent leurs œufs tantôt dans les bouses, tantôt dans le bois pourri,
sur le linge ou le papier humide dans nos habitations. Les larves qui
en proviennent sont allongées et cylindroïdes. On découvre à la bouche
deux sortes de palpes frangés et à l'extrémité du corps quatre stigmates
saillants, en forme de tubes. Les nymphes sont nues, avec antennes,
fourreaux des ailes et pattes repliés. Le bord postérieur des segments
de l'abdomen est muni de petites épines dirigées en arrière, qui
donnent sans doute à l'insecte le moyen de s'élever à la surface de la
terre au moment de sa dernière transformation. Le genre Rhyphus
présente cinq à six espèces en Europe. Nous figurons R. fenestralis
Scopoli, pi. IV, fig. 3, mâle :3a, sa larve ; 3 6, sa nymphe en dessus;
3c, id. en dessous; 3d, tête de l'adulte vue de profil, de 6,5 milli-
mètres, espèce des environs de Paris, qu'on trouve souvent sur les
fenêtres, les ailes avec une sorte de sfigma noir bleuâtre, une autre
tache obscure en dessous s'unissant à lui, une tache de plus à l'extré-
mité, la seconde cellule postérieure plus large à sa base, l'abdomen
ferrugineux chez le mâle. Guérin-Méneville a trouvé une larve de cette
espèce dans une plaie d'orme. Elle est roussâtrc et demi-transparente,
les trois premiers segments seulement tachés de brun. On suit très
bien le trajet du canal intestinal qui se dessine en brun. Cette larve
saute avec une grande force : pour y parvenir, elle se ramasse en cercle
et se détend subitement. Elle s'est changée en nymphe au commence-
ment de mai, et l'adulte est éclos au bout de quatre jours.
Les Tipulides fongicoles ou Mycétophilides ont pour caractère biolo-
gique de vivre à l'état de larves dans les champignons ou parfois dans
les bois pourris, ou bien encore dans le terreau (genre Sciara). Le corps
de ces Némocères est allongé, latêle arrondie, la trompe peu avancée,
les palpes recourbés, ordinairement de quatre articles, les antennes
insérées entre les yeux, ordinairement de seize articles, tantôt filiformes
et peu allongées, tantôt sétacées et allongées; les yeux, séparés par le
front, sont circulaires, allongés ou échancrés; il y a souvent des ocelles,
de grandeur inégale; ils peuvent manquer quelquefois (Cordyles), en
triangle dans les uns, en ligne droite dans les autres; au nombre de
deux chez les Mycétophiles; thorax sans suture; ailes couchées au
repos, avec une cellule médiastine, ordinairement une ou deux margi-
nales, une discoïdale assez souvent, quatre postérieures; balanciers
sans cuillerons ; pattes un peu allongées, hanches ordinairement longues,
jambes terminées par deux pointes, le plus souvent allongées; abdomen
cylindrique, quelquefois compriaic', de sept segments, sans tarière chez
la femelle.
MYCÉTOPHILIDES. 965
Les Tipulides fongicoles, Némocères de petite taille, sont encore assez
mal connus dans leur biologie. Ils fréquentent les bois et se posent
sur le feuillage, recherchent les ombrages les plus sombres et particu-
lièrement celui des arbres résineux. Il n'est pas rare d'en voir sur les
fenêtres dans les habitations. Ils paraissent pendant toute la belle
saison, surtout en automne; les uns semblent avoir une époque parti-
culière, les autres n'en ont pas et produisent sans doute plusieurs
générations dans la môme année. Ils sont d'une prestesse remarquable
dans leurs mouvements, ce qui, joint au poli soyeux de leurs corps,
les laisse se glisser dans les moindres interstices. Cela leur permet
de faire leur ponte dans les tubes à spores des bolets ou entre les lames
du chapeau des agarics. Non seulement leurs larves vivent des cham-
pignons subéreux à substance assez dure et consistante, mais des
champignons les plus mous, comme les amanites, ce qui suppose un
développement très rapide des larves, car beaucoup de ces cryptogames
pourrissent très vite. tJn grand nombre d'espèces de très petites Tipu-
lides hâtent la décomposition des champignons. Elles abondent à cer-
taines époques dans les carrières et dans la partie des catacombes
exploitées par les champignonnistes parisiens pour cultiver le champi-
gnon de couche ou agaric comestible. Ces minuscules insectes sont en
telles quantités qu'ils pénètrent dans le nez, la bouche et les yeux des
ouvriers et éteignent les lampes. On a présenté à la Société d'acclima-
tation, en mars 188/i, des Sc/m-a provenant des carrières à champignons
d'Arcueil. On est parfois obligé d'abandonner pendant plusieurs années
la culture du cryptogame dans les carrières infestées, afin de laisser
mourir de faim les Tipulides. C'est avec les fumiers qu'on transporte
les œufs et les larves.
Les larves des Fongicoles diffèrent entre elles de plusieurs manières :
les unes ont, le long du corps, des mamelons charnus qui leur servent
à marcher; d'autres ont sur la tête des espèces d'antennes. Elles vivent
tantôt solitaires, tantôt sociales. Celles des Ceroplatus Bosc, observées
par Réaumur sur l'agaric du chêne, sont hyalines et toujours enduites
d'une humeur visqueuse. La bouche présente deux crochets et l'extré-
mité du corps quatre petits tubes aérifères. Elles vivent sur la face
inférieure de l'agaric et semblent ne se nourrir que du fluide qui en
transsude. Munies d'une filière buccale, elles ont l'instinct de recouvrir
de soie ou de bave les surfaces sur lesquelles elles se posent. Quand
elles se fixent, elles se construisent un pavillon qui les recouvre entiè-
rement. Enfin, au moment de devenir nymphes, elles ne se retirent
pas dans la terre, comme les autres Fongicoles, mais se filent une coque
sans quitter l'agaric ; ces nymphes sont blanches, avec les pattes éten-
dues jusqu'à l'extrémité du corps. Les larves du genre Bolitophila
Meigen vivent en société dans l'intérieur des champignons, comme celles
des Mycetophila Meigen, genre très nombreux en espèces. Les larves
des Bolitophiles ont été décrites par Cuérin-Méneville : leur tête porte
966 DIPTÈRES.
deux appendices membraneux, en forme d'antennes, de deux articles.
La bouche est armée de deux mandibules écailleuses, terminées en
dessus et en dessous par deux crochets courbés l'un vers l'autre, mais
également immobiles, et dont la pointe supérieure est beaucoup plus
avancée que l'inférieure. Quand ces larves ont atteint le terme de leur
développement, elles se retirent dans la terre. Dans l'état de nymphes,
elles n'ont pas de tubes aérifères, comme la plupart de celles des Tipu-
lides terricoles. L'enveloppe des ailes et des pattes est appliquée contre
le corps, mais elle en est distincte. Toutes les Tipulides de cette famille
ne se développent pas dans les champignons. iMacquart a élevé des
larves trouvées dans le détritus du bois d'orme, et qui lui ont donné
Mycetobia pallipes Meigen. Les larves du genre très voisin, Ditomijia
fasciata Meigen, ont été élevées par Meigen, dans le Boletus versicolor.
Les larves de Sciara vivent en général dans le terreau, parfois dans les
fruits.
PLATYURA Meigen. — Tète plus étroite que le thorax; antennes de seize arti-
cles, avancées, arquées, de' la longueur du thorax, les deux premiers plus
larges, les autres plus ou moins comprimés et légèrement velus; lèvre supé-
rieure étroite, aplatie, pointue, trompe charnue et épaisse, à lobes terminaux
velus, avec palpes avancés, recourbés, ordinairement de quatre articles; yeux
ovales; trois ocelles .sur le front, inégaux, rapprochés et disposés en triangle ;
thorax élevé ; ailes obtuses, cellule marginale des ailes divisée par une ner-
vure oblique; hanches fort allongées, jambes nues, terminées par deux fortes
pointes; abdomen menu, rétréci à sa base, déprimé vers l'extrémité.
Le nom de ce genre signifie : queue large. Il compte en Europe une
cinquantaine d'espèces. Nous représentons le P. flavipes Meigen, à
pattes jaunes, pi. cv, fig. li: lia, antenne.
MYCETOBIA Meigen. — Tête ronde, aplatie en dessus; antennes avancées,
cylindriques, arquées, à peu près de la longueur du thorax ; trompe peu sail-
lante, avec palpes recourbés, de quatre articles ; yeux réniformes ; trois
ocelles en triangle sur le front, inégaux, rapprochés ; thorax arrondi, élevé ;
ailes grandes, couchées, une cellule sous-marginale, la discoïdale large,
seconde postérieure peu distincte, à long pédicule, quatrième sessile ;
jambes nues, terminées par des pointes courtes: abdomen à peu près cylin-
drique.
Nous figurons une espèce élevée à Paris par Guérin-Méneville, et
provenant d'une larve trouvée dans une plaie d'orme, le M. thoracica
G. Méno, pi. cv, fig. 5, adulte ; 5 a , tête vue de profil ; 5 6, id., vue en
dessus; 5 c, nymphe vue en dessous; 5 d, id., de profil. L'insecte, long
de 5 millimètres, est jaunâtre, avec la tète et le thorax noirs, les ailes
hyalines, l'abdomen et les pattes jaunes Cette espèce n'est pas indi-
SCTARA. 967
quée dans le catalogue du docteur Schiner, ni dans ses Diptera
austriaca.
A côté de ce genre se trouve le genre Sciara Meigen, qui compte en
Europe une centaine d'espèces. Meigen avait formé pour ce genre seul
la section des Tipulaires lugubres, à cause de la couleur noirâtre ou
rembrunie des ailes d'une grande partie de leurs espèces. Les larves
d'un certain nombre peuvent vivre dans les champignons, mais beau-
coup paraissent terricoles ou de biologie inconnue. Les espèces de
Sciara commencent à s'éloigner de l'aspect habituel des Mycétophilides.
Leurs pattes n'ont qu'une longueur médiocre. Les antennes, de 16 ar-
ticles, sont minces et ornées de poils fins; les palpes n'ont que trois
articles, dont le dernier est très élargi. La trompe est courte et épaisse,
élargie au milieu. Les yeux sont profondément échancrés ; il y a trois
ocelles en triangle, l'antérieur plus petit. Au repos, l'aile s'appuie sur
le dos dans un plan parallèle à celui du corps ; la troisième nervure
longitudinale se bifurque et la seconde est reliée à la première par une
petite nervure transversale. Nous avons une espèce nuisible à l'arbori-
culture : c'est le Sciara piri Schmidberger, pubescent, à tête, antennes
et corselet noirs, les pattes minces, allongées, d'un gris noirâtre, l'ab-
domen grisâtre, à liséré noir aux incisions. Les adultes paraissent en
mai et la femelle fécondée pond dans les fleurs des poiriers, les petites
larves pénétrant dans l'ovaire ; les fruits ne grossissent pas et tombent.
Il faut les ramasser et les brûler.
L'espèce de Sciara la plus curieuse par ses mœurs est Sciara mili-
taris, longtemps confondue à tort avec S. Thomœ Linn. Les larves de
l'espèce que nous citons ont reçu les noms de Vers militaires ou proces-
sionnaires, de Vers dragons, d'armée de Serpents, à cause de leurs
mœurs sociales et de leurs voyages. L'adulte est noir dans les deux
sexes, avec les pattes d'un brun jaunâtre plus ou moins foncé et sept
incisions jaunes entre les anneaux de l'abdomen ; le dorsum, ovoïde et
très bombé, sans suture transverse, d'un .noir luisant, porte des poils
noirs et courts. Ce mâle, long de 2™™, 6 à 3""", 5, a le corps terminé par
deux crochets copulateurs épais, formés chacun de deux articles, et par
deux petites pointes émergeant de l'anneau ventral, entre les deux
crochets. La femelle, de à à /i,5 millimètres de long, offre l'abdomen
terminé par une tarière saillante et pointue. Les larves sans pattes,
d'un blanc grisâtre, à petite tête noire, sont longues d'environ 10 milli-
mètres sur 1 à 2 de large, filles vivent dans les feuilles humides qui
couvrent le sol des forêts, surtout dans les couches inférieures, et
réduisent à un squelette de nervures les feuilles à parenchyme déjà
ramolli et dissocié. Les nymphes ont les antennes, les pièces buccales,
les fourreaux alaires et les pattes repliés à la face ventrale.
Dans l'été de certaines années, ces larves, pour rechercher une
pâture dans de bonnes conditions, ont l'instinct de voyager en commun
et par le beau temps. Elles se réunissent en longs cordons, agglutinées
968 DIPTÈRES.
entre elles par une matière gluante, qui laisse trace sur les objets ■
comme une bave de Limace. C'est comme un étrange Serpent, une
corde vivante, cheminant avec lenteur, par les ondulations concordantes
des larves de même direction et de même sens ; les rubans sont larges
comme la main et épais comme le pouce, ayant ordinairement 3 à
U mètres de long, parfois 10 à 12 et môme jusqu'à 30, d'après Guérin-
Méneville. Ce ruban animé contourne les obstacles ou les franchit, en
reformant bientôt sa partie brisée. Si l'on soulève au-dessus du sol la
queue de ce cordon qui serpente entre les herbes des lisières de bois,
on peut la porter en contact avec la tête et former ainsi une circon-
férence vivante, qui tournera parfois un jour entier sur elle-même. On
observe ces singulières colonnes mobiles dans le nord de l'Allemagne,
en Suède, en Norvège et jusqu'en Sibérie. Les paysans en font l'objet de
diverses croyances superstitieuses. Peut-être trouvera-t-on trace de ces
bizarres associations dans nos forêts marécageuses du nord de la
France ?
Les Tipulides gallicoles ou Cécidomyides sont des Némocères, souvent
très petits et très frêles, présentant les caractères généraux suivants :
tête petite et sphéroïde ; antennes à articles en chapelet, souvent pédi-
cules, à poils verticillés, ayant de 13 à 36 articles, en général quelques-
uns de plus chez les mâles ; trompe épaisse, palpes de quatre articles
dont le dernier en général le plus large, faisant saillie en dedans ; yeux
semi-lunaires, échancrés du côté interne ; en général pas d'ocelles ;
thorax ovale ; ailes arrondies au bout et fréquemment velues, tantôt
couchées au repos, tantôt inclinées en toit, à bords toujours ciliés, ayant
au plus quatre nervures longitudinales ; pattes tantôt allongées, tantôt
courtes, jambes sans pointes à l'extrémité ; abdomen cylindrique chez
les mâles et terminé par les crochets ordinaires, de huit segments, et
s'effilant en pointe ou tarière dans les femelles.
Un grand nombre d'insectes de cette famille déposent leurs œufs sur
les jeunes bourgeons des plantes et produisent des déformations ou
galles dans lesquelles vivent les larves, soit solitaires, soit en société et
où elles subissent la nymphe parfois dans des coques qu'elles se tissent
en soie. On trouve de ces galles à la face supérieure des feuilles de
hêtre et de tremble, en petites sphérules rouges sur les feuilles de la
carotte sauvage. Une Cécidomyie pondant dans.les jeunes bourgeons du
saule arrête le développement du rameau et forme une sorte de galle
tubuleuse avec les feuilles élargies, tube bien visible en septembre et
persistant en hiver, cela est analogue aux galles en artichaut dues aux
Cynipiens pondant dans les bourgeons de chêne. D'autres Cécidomyides
se forment dans des galles sur le pin, le genévrier, i'épine-vinette,
l'aristoloche, le lolier. Ces galles peuvent naître sur des fleurs ; ainsi
une galle empêche de s'ouvrir la corolle de la molène ; des galles
velues, rappelant les Bédéguars, se voient sur la véronique et le lychnis
dioïque. Une galle de Cécidomyide fait grossir le sommet des tiges du
CÉCIDOMYIDES. 969
tithymale; des galles rouges se produisent sur le laiteron. Il n'y a pas
toujours production de galles; ainsi la larve d'une Cécidomyie vit sur
les jeunes feuilles de l'armoise sans les déformer et y devient nymphe
dans une coque ; celle du buis vit en mineuse dans le parenchyme des
feuilles (D"' Laboulbùne). D'autres Diptùres de ce groupe passent
leur état larvaire dans les tiges des graminées, notamment des céréales,
sans y faire de vraies galles. Il en est qui sont très nuisibles aux fruits
(genre Lasioptera). Les Psychodes ont dés mœurs larvaires différentes,
car les adultes sortent des immondices ou pullulent sur les murs
humides ou courent avec agilité 'sur les troncs d'arbres couverts de
mousse, dans les bois humides les plus ombragés.
L'espèce la plus nuisible pour l'agriculture que nous [possédions en
France est du genre Diplosis Low, au nombre de plus de cent espèces
en Europe, et de l'espèce D. tritici Kirby, vulgairement la Cécidomyie
du froment, très bien étudiée par C. Bazin : Notice sur un Insecte qui a
causé les plus grands ravages dans nos dernières récoltes de blé sur pied,
Paris, 1856. De la moitié de juin à la moitié de juillet, on voit s'abattre
sur les épis de froment des essaims de très petites mouches jaunes,
ayant un peu l'apparence svelte et grêle de nos Cousins. Les femelles
longues de 2 millimètres, ont des antennes moniliformes àarticles allon-
gés, deux grands yeux noirs séparés par une ligne jaune, le thorax et
l'abdomen d'un jaune citron, passant quelquefois au jaune orangé, des
ailes hyalines et ciliées, des pattes longues et jaunâtres, l'abdomen, se
prolongeant en un oviscapte au moins aussi long que lui et saillant au
dehors, tenu comme un fil de Ver à soie. Les mules, beaucoup moins
abondants que les femelles, ont le corps moins long, dépourvu de ta-
rière, de couleur plus foncée, d'un jaune brun, avec les ailes légère-
ment enfumées, à nervures plus visibles. Ces Cécidomyides passent la
nuit sur les épis, et, par les temps couverts, pondent parfois durant le
jour. Les femelles enfoncent leur tarière entre les glumes des épillets,
avant la floraison, et les œufs sont ainsi à l'abri des intempéries jusqu'à
leur éclosion au bout de quelques jours. Les larves, d'abord blanchâ-
tres, deviennent bientôt d'un jaune vif, bien visibles au nombre de cinq
à vingt dans un seul grain de blé, encore tendre et laiteux. Selon la
quantité de ces larves sans pattes, le grain avorte complètement ou
reste contourné, vidé et amaigri, destiné à tomber au vannage dans le
tas du petit blé, souvent plus riche en son qu'en farine.
Les larves, à toute leur croissance, doivent gagner la terre qui les
abritera. Elles se courbent en arc de circonférence et se lancent assez
loin au dehors afin de ne pas rester accrochées à l'épi. Cependant quel-
ques-unes demeurent dans les épis et sont transportées ainsi dans les
granges, tandis que la grande majorité se réfugient au pied des chaumes.
Elles demeurent engourdies, à l'état dormant, sans métamorphose, pen-
dant le restant de l'été, l'automne, l'hiver, le printemps, puis demeu-
rent quelques jours en nymphes et l'adulte prend son essor au mois de
970 DIPTÈRES.
juin. A cette époque on trouve souvent des Diplosis naissantes qui sor-
tent tle la terre qui possédait l'année précédente une récolte de blé.
Aussi C. Bazin conseille, pour détruire ces petites Mouches si nuisibles,
de retourner les chaumes aussitôt après la moisson, ou de les brûler,
ou de les herser, ou enfin d"y répandre des tourteaux de colza ou de
navette qui développent une essence insecticide. Comme cela arrive
souvent, les meilleurs moyens de destruction sont des êtres aussi ché-
tifs que les fléaux dont ils nous délivrent. Des parasites du genre Pla-
tjigaster (Hyménoptères, Proctotrupiens) pondent dans les larves des
Diplosis des œufs d'où sortiront les microscopiques protecteurs de la
récolte, auxquels de vastes régions ont dû souvent autrefois d'être pré-
servées de hideuses famines. 11 serait très bon que les agriculteurs
apprissent à observer ces petits insectes noirs, à pattes fauves, ignorés
de tous. Ils tireraient de leur rareté ou de leur abondance des indi-
cations précieuses sur leur récolte future.
Une autre espèce, encore plus funeste peut-être, appartient au genre
Cecidomyia Meigen, dont l'Europe possède environ 120 espèces. Le
C. destructor Say existe dans la Silésie, le duché de Posen et d'autres
régions de l'Allemagne; il se rencontre aussi parfois en France,
ainsi il a exercé ses ravages dans le Languedoc en ces dernières années
(Lichtenstein). C'est surtout dans les États-Unis que C. destructor
cause de graves et fréquents ravages, au point que cette espèce figure
parmi les Insectes désastreux dont la surveillance est confiée aux ento-
mologistes de l'État. On la nomme Mouche de Hesse (Hessian Fly), car
on la regarde comme importée d'Europe avec la paille amenée par les
troupes mercenaires de Hesse à la solde de l'Angleterre, dans la guerre
de l'Indépendance, opinion qui n'est nullement prouvée ; l'espèce en
effet peut être à la fois d'Europe et d'Amérique du Nord, comme cela
arrive pour beaucoup d'autres espèces d'Insectes. Elle est un peu plus
grande que la Tipulaire précédente. La longueur de la femelle, de
l'extrémité du front à celle de la tarière étendue, varie de 2""", 70 à
2'""',75 ; elle est rouge et poilue avec des taches et des lignes noires; de
très petits poils donnant aux ailes un aspect gris et trouble. Les anten-
nes, outre un scape de deux articles, ont un fouet de 14 à 16 ; les palpes
sont de quatre articles, la trompe courte, jaunâtre et rétractile. Les
longues pattes sont armées de griffes noires, entre lesquelles est un
lobule discoïde servant à fixer l'insecte ; derrière les pattes médianes
on voit les balanciers d'un brun pâle. L'abdomen, formé de neuf seg-
ments, se termine par une tarière extrêmement mobile. Le mâle, beau-
coup plus rare que la femelle et à peu près de mêmes colorations, me-
sure 3 millimètres de long; son fouet antennaire est de 16 articles; le
neuvième segment de son abdomen, écourté et d'un brun jaunâtre,
porte un crochet copulaleur rouge. La larve se fixe derrière la gaine
des feuilles de froment ou de seigle, ou elle ronge le chaume. A toute
sa taille, elle est longue de 3""",37. Sa tête très petite porte en avant
GÊCIDOMYIDES. 971
une paire de palpes charnus; puis les 12 segments du corps, sauf les
deux premiers et le dernier, portent de cliuque côlé un petit stigmate
aérien. Ces larves, par exception chez les Tipulides, se transforment en
pupes en barillet, dans leur dernière peau qui durcit et brunit, et
passent ainsi l'hiver. Sous cette coque se forme une vraie nymphe à
cornes stigmatiques antérieures, à antennes, fourreaux alaires et pattes
repliés en dessous; ce cas est au reste celui des autres Tipulides gaUi-
coles. Les chaumes attaqués par les larves de Cecidomyia destructor ne
peuvent plus nourrir que très imparfaitement leurs épis et tombent
au moindre coup de vent. Cette espèce a deux générations par an, une
qui se prolonge pendant environ cinq semaines après la seconde quin-
zaine d'avril, l'autre provenant d'adultes qui volent en septembre et qui
anéantit les jeunes céréales de semailles. On consultera pour cette
espèce: Riley, Packard, Cyrus, Thomas , Third report an the United
States entomological Commission , Washington government printing
Office, 1883, p. 198 : the Hessian Fly, ist ravages, habits and the means of
prerenting its increasc.
La Cécidomyie du Poirier, C. nigra Meigen, de l'""',5 de longueur,
est noire avec l'écusson gris et le bord des segments de l'abdomen d'un
jaune fauve. Les adultes, en avril, pondent dans les bourgeons à fleurs
du Poirier et les larves pénètrent bientôt dans l'ovaire. Les petites
poires, au lieu de s'allonger, deviennent globuleuses, noicisseni el
tombent. Ce sont les poires calhassées des arboriculteurs, pleines de
petits Vers jaunes ou d'un blanc rougeùtre qui en rongent la pulpe.
Elles sortent du fruit tombé à terre, restent engourdies dans le sol et
donnent les adultes au printemps suivant; ramasser et brûler les cal-
basses, quand elles sont encore pleines des larves de la (^.écidomyie.
Deux autres espèces ont les mêmes mœurs, C. piri Bouché et C. piri-
cola Nordlinger, et produisent les mêmes altérations sur les poires. Le
genre voisin Lasioptera Meigen présente une tête sphéro'ide, avec des
antennes de 14 à 2Zi articles non pédicellés, les deux premiers articles
des palpes épais, en massue, les ailes velues, d'où le nom du genre,
frangées, avec deux nervures longitudinales, les pattes allongées, le
premier article des tarses tantôt long, tantôt très court. Ce genre, qui
compte une quinzaine d'espèces en Europe, nous offre à citer
L. obfuscate Hoffmansegg, Meigen (peut-être la môme que L. rubi
Schrank), de 2 millimètres de long, les antennes noires et velues, la tête
et le corselet noirs et velus, l'écusson rougecitre, les ailes blanches avec
la côte noire marquée d'un point blanc, les pattes garnies de poils blan-
châtres, l'abdomen noirâtre, velu, avec segments bordés de poils blancs.
Cette Cécidomyide produit dans les jardins, le long des tiges des fram-
boisiers, des galles sur les emplacements des bourgeons piqués, galles
dues à des exostoses ligneuses et pleines de larves rougeâtres. On
trouve aussi ces galles sur les framboisiers sauvages et sur les Rubus;
il faut enlever et brûler les excroissances des framboisiers.
972 DIPTÈRES.
PSYCHOn.% Latr. — Corps assez épais, court et velu ; tête petite et ordinairement
couverte par les poils du thorax; antennes de quatorze à seize articles épais
et velus; trompe courte, charnue; palpes cylindriques, de quatre articles égaux
et velus; yeux échancrés au bord interne; point d'ocelles; thorax ovale, très
velu ainsi que l'abdomen ; ailes inclinées en toit au repos, larges, très velues,
frangées, avec huit nervures longitudinales couvertes d'écaillés, seconde et cin-
quième bifides ; balanciers cachés sous les poils du corps ; pattes courtes et assez
épaisses.
Ce genre est le type d'un petit groupe d'espèces, comprenant en
Europe, avec quelques genres annexes, environ vingt-cinq espèces.
Meigen les appelait Tipulaires phalénoïdes, car elles ressemblent un
peu à des Microlépidoptères. Une des plus communes est P. phalenoides
Linn., d'environ 3 millimètres de longueur, très abondante sur les
murs humides, surtout en septembre, noirâtre, hérissée de longs poils
d'un gris clair, les ailes couvertes d'écaillés grises qui forment quelques
légères nébulosités, une petite tache noire à l'cxtrémié de chaque ner-
vure produite par une accumulation d'écaillés. Nous représentons une
espèce de même taille, P. palustris Meigen, du genre Pericoma, pi. civ,
fig. 5, Curtis. I/insecte, qu'on trouve au mois de mai sur les plantes
marécageuses, est noirâtre à poils blancs. Les ailes, à base brune, ont
une bande anguleuse noirâtre au milieu et l'extrémité noire; les
franges sont noirâtres et blanches à l'extrémité des ailes. Les pattes
sont blanches, avec l'extrémité des jambes et les deux derniers articles
des tarses noirs. La figure donne bien l'aspect d'un minime Tinéinien.
Quelques Cécidomyides ont présenté des faits embryologiques fort
étranges dans une classe aussi élevée que celle des Insectes. On sait que
des Helminthes parasites du foie des Moutons atteints de cachexie
aqueuse, les Distomes ou Douves, pondent des œufs d'où naissent des
larves asexuées ou scolex, que dans celles-ci se forment à l'intérieur,
par inclusion, d'autres larves grossissant peu à peu, puis sortant par
déchirement et devenant enfin, après une série de métamorphoses, des
Distomes à sexes distincts et ovigères. M. N. Wagner, naturaliste russe,
trouva, en 1861, à Kasan, de petites larves de Cécidomyides, du genre
Miastor, non cité dans le catalogue Schiner, dans les tiges du peuplier
et du saule, larves ayant de Zi à 5 millimètres de long. A l'intérieur se
formèrent de petites larves, s'accroissant rapidement, puis déchirant la
peau de leur mère pour devenir libres, et présentant, quelques jours
après, de nouveaux embryons de larves incluses. La fin de l'été, l'au-
tomne, l'hiver et presque tout le printemps suivant se passèrent dans
cette série d'emboîtements. Puis apparurent des larves plus petites qui
se changèrent en nymphes allongées, du type normal, avec antennes,
fourreaux alaires et pattes repliés en dessous. .\u bout de quelques
jours, il en sortit des adultes mâles et femelles, à ailes très ciliées et peu
nervulées, à grands balanciers. Les femelles ont des œufs énormes
CÉCIDOMYIDES, SIMULIDES. 973
pour leur taille, de près de 1 milliraèlre, de sorte que cinq seulement
suffisent à remplir labdomen. Ces œufs donnent éclosion aux cuiicuses
larves vivipares citées plus haut. Cette espèce fut retrouvée en Dane-
mark, sous l'écorce d'une bûche de hôtre, et nommée Miastor metra-
loas Meinert. En Allemagne, une autre espèce, à larves vivipares moitié
plus petites, fut rencontrée par Pagenstecher, dans les résidus altérés
de betteraves pressées ayant servi à l'extraction du sucre. En Russie,
on observa une troisième espèce voisine, de taille intermédiaire, dont
les larves vivipares vivaient en hiver dans le plancher vermoulu d'une
maison, dans de vieilles graines et divers détritus. Pour rechercher en
France ces espèces, ou d'autres analogues qu'on pourra très bien y ren-
contrer, nous prévenons qu'avant d'entreprendre ces explorations, il
faut un puissant microscope et surtout l'habitude de s'en servir.
On peut rattacher à l'anomalie précédente le fait observé sur cer-
taines nymphes de Chironomus, qui ont pondu directement des (eufs
féconds. On a vu de même dans les Amphibiens des pontes d'œfus
féconds par des larves des Tritons alpestres et ponctués, et on sait que
l'Axolotl n'est qu'une larve normalement féconde de l'Amblystome.
Les Tipulaires florales, qui terminent les Némocères, forment une
transition avec les Brachycères, qui se manifeste surtout par l'aspect
extérieur. Le corps et la tète ont plus d'épaisseur, les ailes sont plus
larges et les pattes moins longues. Ces insectes n'ont plus au même
degré cette extrême délicatesse qui caractérise les troupes légères des
Némocères précédents qui tourbillonnent dans les airs. La famille des
Simulides est celle qui s'écarte le moins des Tipulides culiciformes ;
toutefois leur conformation lourde et épaisse est déjà un rapproche-
ment vers les Mouches. La tôte a des antennes courtes, composées de
onze articles, la lèvre supérieure libre et effilée en forme de dard, bien
associée avec une trompe apte aux piqûres. Les ocelles font défaut. Les
ailes sont larges et troubles, comme laiteuses, à nervures ptlles et peu
visibles; les pattes, généralement tachetées, se font remarquer par
l'épaisseur des cuisses et par la longueur du premier article du tarse.
La manière dont les Simulies marchent est très singulière. Quand elles
sont posées sur une feuille, leurs tarses antérieurs s'appuient dans toute
leur longueur sur le plan de position; ils sont dans un mouvement
continuel de tâtonnement et paraissent servir très peu à la marche.
C'est cette habitude qui a fait donner par Linnœus le nom de Culex
reptans à une des Simulies les plus répandues en Europe. Comme ces
insectes habitent ordinairement les buissons situés sous les arbres, et
qu'ils y recueillent avec la trompe les sucs répandus sur les plantes,
particulièrement le miellat éjaculé par les Pucerons, leurs tarses anté-
rieurs font fonction de palpes et servent à reconnaître cet aliment. Les
Simulies ont une autre nourriture beaucoup moins innocente et font
la guerre à l'homme et aux Mammifères, en perçant la peau pour
s'abreuver de sang. C'est surtout dans les régions tropicales que les
91 U DIPTÈUES.
Simulies sont à redouter sous ce rapport; tandis que les Culiciens for-
ment spécialement les Maringouins, les Simulies constituent les Mous-
tiques, formant, d'après Lacordaire, un des plus cruels tourments aux-
quels on soit exposé dans l'Aniérique méridionale, dans les savanes et
sur le bord des rivières. Les mains et le visage enflent et se couvrent
de boulons qui rendent la victime méconnaissable pendant quelque
temps. En quelques endroits ces Simulies sont en telle quantité qu'il est
impossible d'y rester, si peu de temps que ce soit. Ils fondent par mil-
liers sur le passant, pénètrent dans les yeux, le nez, les oreilles et la
bouche, et rendent pour ainsi dire furieux le malheureux qui est
exposé à leurs attaques. On a vu à Surinam des nègres marrons exposés
nus en des endroits convenables, par des maîtres barbares, expirer en
trois ou quatre heures dans des tourments horribles. La piqûre de ces
minuscules insectes produit le même effet que celui d'une gouttelette
d'huile bouillante qui tomberait sur la peau. Ils ne paraissent que le
soir, à l'entrée de la nuit, et ne restent que deux à trois heures. Le
seul moyen de se garantir de ces petits animaux est d'envelopper le lit
d'une moustiquaire de mousseline, et de ne se coucher qu'après avoir
examiné avec soin si aucun de ces insectes n'a pénétré dans son inté-
rieur, car un seul suffit pour empêcher de dormir.
Dans l'Europe méridionale et orientale, en Hongrie et sur le bas
Danube, des Simulies répandent la terreur et l'effroi parmi les hommes
et les bestiaux. Elles apparaissent en avril et en mai, puis,, une seconde
fois, en août, se réfugiant pendant les orages dans des creux de rochers,
pour en sortir ensuite sous l'aspect de nuages brumeux. Ces Simulies,
qui ont à peine la taille d'une Puce, pénètrent dans la bouche, les
oreilles et les naseaux des bêtes à cornes et des bêtes à laine, et piquent
les bestiaux pour se nourrir de leur sang. Les animaux fuient de leurs
pâturages, en proie à un véritable délire, écorchant à vif la tumeur
indurée qui succède bientôt à la démangeaison de la piqûre, et péris-
sant parfois par centaines. Chez l'homme, c'est vers le coin de l'œil
que ces Moustiques se précipitent de préférence, et les piqûres acérées
de leurs dards buccaux sont plus insupportables que celles des Cousins.
En outre, elles peuvent introduire dans la plaie les bactéridies char-
bonneuses, si elles ont sucé au préalable le sang d'animaux atteints de
la pustule maligne. On comprend le danger qui en résulte pour l'homme
et pour le bétail qui n'a pas subi l'inoculation préventive d'un virus
atténué par les cultures du procédé Pasteur.
Les Simulides, qui comptent environ vingt-cinq espèces en Europe,
ne constituent qu'un seul genre :
!^lMt)lil% ou SIMIJLIIJIM Lalr. — Antennes cylindriques, de onze articles, les
deux premiers séparés des autres; quatrième article des palpes un peu allongé
et menu ; yeux à contour circulaire et contigus dans les mâles, échancrés et
séparés par un front large chez les femelles; thorax ovale, votité, sans sutures;
SIMULIV, BIBIO. 975
ailes larges, transparentes avec cellules basilaires et marginale fort étroite ; balan-
ciers découverts ; pattes fortes ; jambes sans pointes, premier article des tarses
fort long, surtout aux pattes postérieures, le quatrième fort court ; abdomen
cylindroïde, assez court et assez épais.
Les deux sexes des Simulies diffèrent souvent beaucoup dans une
même espèce par la coloration et par d'autres caractères. On a long-
temps ignoré complètement leurs métamorphoses; on sait maintenant
que les larves et les nymphes vivent dans l'eau, où elles se maintien-
nent auprès des pierres, des brins d'herbe ou des plantes aquatiques
dans des coques en forme de cornets. Nous figurons, pi cv, fig. 6,
S. ornata Meigen, de France et d'Allemagne, ayant environ 3 milli-
mètres de longueur, le mâle noirâtre, avec thorax à poils jaunes, les
jambes blanches à extrémité noire, l'abdomen à taches latérales grises,
la femelle offrant la tête blanche, le thorax taché de blanc changeant,
la base de l'abdomen à longs poils blancs, les jambes antérieures à
bande longitudinale blanche, les deux premiers articles des tarses pos-
térieurs à base blanche.
Les Bibionides sont les Tipuliens qui se rapprochent le plus des Bra-
chycères; ce sont les Tipulaires musciformes de Meigen. Les principaux
genres de ce groupe sont les Bibions, les Dilophes et les Scathopses,
ces derniers vivant à l'état de larves dans les immondices et se trouvant
à l'état parfait sur les ëcorces des arbres et sur les murs humides. Le
plus grand nombre des Bibionides se tiennent au repos sur les plantes
et ont le vol très pesant. La plupart ne font aucun mouvement quand
nous voulons les saisir.
BIBIO Geoffroy. — Mâle plus petit et plus raccourci que la femelle, à tète assez
grosse, presque entièrement occupée par les yeux recouverts de poils ; femelle
plus élancée, à tête petite, prolongée en rostre, avec yeux petits et nus;
antennes cylindriques, perfoliées, insérées sous les yeux, de neuf articles, s'a-
vançant en demi-circonférences; labre et trompe saillante, ciliés vers l'extré-
mité, palpes recourbés, de cinq articles, le premier très petit ; trois ocelles ; dos
du thorax gibbeux; ailes larges, paraissant comme pédiculées, mousses en
avant, fort troubles, avec le bord antérieur noir et deux cellules basilaires;
pattes velues et puissantes, dont les postérieures sont les plus longues, avec
cuisses claviformes, les jambes antérieures courtes et renflées terminées par
une longue pointe et une petite; articles des tarses allongés, trois pelotes
l'extrémité.
Les Bibions sont représentés en Europe par environ vingt-cinq es-
pèces. La plus grande, très commune aux environs de Paris et dans les
jardins publics et privés de cette capitale, est B. Marci Linn., la
Mouche de Saint-Marc ou le Bibion de Saint-Marc noir de Geoffroy, long
de 11 à 13,5 millimètres, noir et à poils noirs dans les deux sexes, les
976 ■ HÉMIPTÈRES.
ailes hyalines cliez les mAles, noirâtres cliez les femelles. Tout le
monde a remarqué, au début du printemps, dès la fin de mars, si l'an-
née est précoce, ces Diptères noirs et pesants fixés aux branches des
buissons, aux pointes des herbes sèches, grimpant avec lourdeur sur
les tiges basses, voltigeant pesamment, les pattes pendantes sous les
tièdes rayons du soleil. On les voit aussi réunis par paires, en accou-
plement, et on est frappé de la dissemblance des sexes. Après la copu-
lation, la femelle pond 120 à 150 œufs sur une terre couverte de feuil-
lages ou sur des substances végétales en pourriture ou sur des fientes
des races bovine et ovine, puis elle meurt. Les œufs, blancs et lisses,
sont cylindroïdes, un peu effilés en avant. Environ un mois plus tard,
éclosent des larves de longueur double de celle des œufs. Elles se fon-
cent peu à peu en couleur et prennent finalement une teinte d'un brun
grisâtre. A douze'ou quinze jours d'intervalle, elles subissent trois mues
et atteignent alors toute leur taille, de 15 à 17,5 millimètres, l^eur corps
a douze anneaux, chacun avec une couronne de soies, ce qui fait un
peu ressembler la larve à une chenille. La tête sphéroïde est bien
isolée du corps. Les pièces buccales comprennent : une lèvre supérieure
garnie de nombreuses épines, des mandibules à trois dentelures mous-
ses, des mâchoires écailleuses avec des palpes de trois articles, et une
lèvre inférieure sans palpes; on n'observe ni yeux, ni antennes. Outre
les stigmates aériens disposés le long des côtés du corps, il en existe
deux, de dimensions triples sur la face dorsale du dernier anneau ter-
miné par quatre piquants. Ces larves cheminent souterrainement dans
le terreau meuble à l'aide de leurs poils raides dirigés en arrière, ser-
vant à fixer la partie postérieure du corps lorsque la partie antérieure
se porte en avant et réciproquement. C'est ainsi qu'elles se comportent
pendant une année presque entière, venant particulièrement chercher
leur nourriture dans les bouses. Pendant l'hiver elles s'enfoncent dans
la terre pour se mettre à l'abri de la gelée et remontent près de la sur-
face en grandes colonies à la fin de l'hiver, apparaissant parfois en
masses noirâtres dans les jardins de Paris, ce qui a souvent appelé l'at-
tention, bien qu'elles soient tout à fait InofFensives. Elles se remettent
en terre en février ou au commencement de mars pour se transformer
en nymphes un peu gibbeuses au thorax ; leurs ailes et leurs pattes sont
beaucoup moins développées que dans la plupart des nymphes nues de
Némocères. Au bout d'une quinzaine de jours paraît l'adulte, dont la
vie dure à peine un mois; il est probable que la pointe qui prolonge
les courtes jambes antérieures aide l'insecte à sortir de terre. Les Bibions
de Saint-Marc paraissent s'établir avec une certaine préférence et d'une
manière sédentaire sur les arbres fruitiers; on dit que les fleurs et les
bourgeons leur offrent des sucs nourriciers. Tout à fait sans défense, ils
sont souvent la proie des Asiles. Dans le vol les pattes intermédiaires
et postérieures des Bibions sont réunies et étendues obliquement en
arrière, tandis que les antérieures sont maintenues élevées au-dessus du
DILOPRUS. 977
corps et dirigées eu arrière; l'abdomen est tenu parfaitement hori-
zontal chez les mâles, tandis que celui des femelles, plus lonrd, est
pendant (Poujade).
Au printemps de 1872 ces Bibions noirs ont été très communs dans
la banlieue de Paris et volaient en tourbillons autour des buissons.
Ils jetèrent une sorte d'alarme dans l'imagination populaire, encore
très surexcitée par les calamités de 1870-1871 et qui voyait en eux une
conséquence lugubre.
Environ une quinzaine de jours après le précédent, paraît le B. hortu-
lanus lAnn., le Bibioii de Saint-Marc rouge de Geoffroy, un peu plus petit
que l'autre, le corps noir chez le mâle, avec les ailes diaphanes à ner-
vures brunes, la femelle à corselet rouge, à l'abdomen d'un jaune rou-
geàtre, avec prothorax, écusson et pattes noires, les ailes légèrement
enfumées. On a dit qu'en Allemagne les larves de cette espèce font
quelquefois des dégâts dans les plants d'asperges. Nous représentons,
pi. cv, fig. 8, la tète grossie du V. venosus Meigen, espèce plus rare que
les précédentes, des bois d'Allemagne et du nord de la France.
niE.OPHl'1^ Meigen. — Tête presque entièrement occupée par les yeux chez le
mâle, fort petite et inclinée chez la femelle; antennes cylindriques, insérées sous
les yeux, de onze articles, les quatre derniers peu distincts ; lèvre supérieure
courte et conique, trompe un peu avancée, à lobes terminaux cylindriques,
allongés et velus, palpes de cinq articles, 3 élargis à l'extrémité, 4 et 5
plus longs, cylindriques; yeux ovales; trois ocelles; thorax gonflé, avec
les bords antérieur et postérieur du prolhorax denticulés ; ailes comme chez les
liibio, pattes velues, les cuisses antérieures épaisses, sillonnées, les jambes an-
térieures épineuses et terminées par une couronne de huit pointes, les tarses à
trois pelotes.
Les Dilophes, qui ressemblent beaucoup aux Bibions et ont au plus
une dizaine d'espèces en Europe, doivent leur nom aux deux rangs de
pointes en forme dépeignes du prothorax. Il est probable qu'elles favo-
risent la sortie de l'adulte hors de terre lors de l'éclosion et que l'ar-
mure de pointes des jambes antérieures concourt au même résultat,
tout en étant très différente de la pointe unique, mais forte, qui carac-
térise les Bibions. L'espèce la plus répandue, le D. vulgaris Meigen,
en entier d'un noir brillant, est très commune en juillet et août sur les
végétaux dans les prairies des bords du Rhin. Elle fréquente surtout
nos espaliers et en parcourt le feuillage pour recueillir avec la trompe
les sucs qui y sont répandus. Nous figurons une espèce exotique, de
9,millimètres de longueur, des bords de la Plata, le D. collaris G. Mén.,
noir, le corselet en dessus et en dessous et la base des cuisses rouges,
les ailes noirâtres, plus foncées vers la cote.
GUUKP. m. — 62
978 DIPTÈRES.
Sous Ordre des DIPTÈRES BRÂGHYGÈRES
Les Brachycères, dont le nom exprime la brièveté des antennes com-
parées à celles des Némocères, forment la seconde division des Diptères,
celle qui comprend la pluralité des types et des espèces. Nous rappelle-
rons très sommairement des caractères déjà exposés : corps ordinai-
. rement assez large et peu allongé; tête ordinairement hémisphérique,
de la largeur du thorax ; antennes courtes, de trois articles au plus, le
troisième ordinairement accompagné d'un style, celui-ci parfois apical
et subdivisé en articles (Tabaniens), le plus souvent latéral et non
subdivisé; trompe tantôt longue, menue, saillante, corlacée, tantôt
courte, épaisse, charnue et retirée dans la bouche, entourée de six,
quatre ou deux soies, palpes d'un ou de deux articles ; thorax peu con-
vexe , ailes le plus souvent assez larges et à cellules basilaires assez
courtes; balanciers à tiges courtes, souvent cachés par les cuillerons,
parfois découverts; pattes ordinairement de longueur médiocre; abdo-
men souvent assez large.
Ils sont, en quelque sorte, aux Némocères ce que les Cicadaires sont
aux Cimicides. Une certaine infériorité d'organisation se manifeste par-
ticulièrement dans les antennes et les palpes. Les antennes n'ont, le
plus souvent, que trois articles, dont les deux premiers ne sont même
qu'une base souvent très courte du troisième. Les palpes, composés
dans les Némocères de quatre ou cinq articles mobiles, ne le sont, dans
les Bracliycères, que d'un ou de deux, sans mouvement connu, et ils
paraissent remplir assez imparfaitement la destination générale de ces
organes. Il existe encore de l'infériorité dans l'organisation des larves
de Brachycères : la tête en est, le plus souvent, charnue comme le
corps, tandis que, dans les Némocères, elle est de substance cornée, et
que la bouche est plus développée.
Tribu des tab.hniews.
Les Tabaniens forment une transition naturelle, car ils ont encore
quelques traits communs avec beaucoup de Némocères : tels sont par
exemple l'organisation des antennes, leurs modes de transformations et
l'avidité des femelles pour le sang de l'homme et des grands Mam-
mifères.
Corps large, tête déprimée; au lieu du style latéral troisième arti-
cle des antennes de quatre à huit divisions, ces antennes très rappro-
chées ;i leurs bases; moitié inférieure des yeux du mâle à facettes plus
TABANIENS. 979
petites ; lèvre inférieure très grande et membraneuse constituant la
gaine de la trompe, se rétractant au repos et cachant dans son intérieur
les pièces perforantes ou soies des anciens auteurs; chez les femelles
ces pièces sont au nombre de six et représentent les mandibules, les
mrichoires, l'épipharynx et l'hypopharynx ; dans le mâle quatre pièces
seulement à la bouche, mandibules atrophiées, mâchoires, pièces
paires, subsistant toujours et se reconnaissant à leurs palpes composées
de deux articles, l'épipharynx et l'hypopharynx, pièces impaires, exis-
tant également, palpes maxillaires relevées dans le mâle, couchées sur la
trompe dans la femelle, le second article ordinairement ovoïde chez le
mâle, conique chez la femelle; ailes demeurant entre-bàillées au repos,
circonscrites par une nervure marginale, d'ordinaire deux cellules sous-
marginales, cinq postérieures, le plus souvent ouvertes à l'extrémité,
l'anale allongée; cuillerons existant, mais trop courts pour cacher les
balanciers; jambes intermédiaires terminées par deux pointes, aux tarses
trois pelotes ou palettes permettant à l'insecte de faire adhérer ses pattes
dénuées de soie.
Les Tabaniens, qui constituent un groupe nettement limité, comptent
pour toute la terre de quatre à cinq cents espèces. Chaque climat a des
espèces qui lui sont propres, mais l'instinct sanguinaire est le même
pour toutes. Le Lion des déserts de la zone torride et le Renne des
Lapons les ont pour* ennemis, de même que nos Bœufs et nos Chevaux.
Au moment où l'insecte parvient à se fixer, malgré les mouvements des
animaux, de leur tète, de leur crinière, de leur queue et de leurs
pattes, la trompe perce le cuir le plus épais, et un filet de sang coule
à l'instant. Les femelles seules ont cet appétit de sang; les mâles,
quoique doués d'une trompe presque aussi robuste, ne vivent que (Ju
nectar des fleurs, et parfois on trouve aussi quelques femelles sur les
corolles. C'est évidemment le besoin d'une nourriture plus substan-
tielle, pour le développement des œufs, qui excite l'instinct des femelles.
Macquart rapporte avoir fait arrêter souvent des Chevaux dans les
bois, lors des chaleurs de l'été pour observer les Taons qui venaient
à l'instant les assaiUir en grand nombre. ^11 tuait tous ceux de ces
nsectes qui parvenaient à se fixer et n'a jamais trouvé de mâles parmi
eux.
Les yeux sont parmi les organes les plus remarquables des Tabaniens.
Macquart a observé que, dans les mâles, les facettes supérieures sont
plus grandes que les inférieures, comme cela a lieu aussi dans les Stra-
tyomides. Ils sont quelquefois admirables par leurs couleurs brillantes
et la variété des figures qui y sont dessinées. Dans les uns, ils sont d'un
beau vert céladon tacheté de brun, dans d'autres d'un vert obscur orné
d'un ou de plusieurs iris nuancés. Tantôt la surface en est grisâtre et
traversée par des lignes onduleuses, tantôt elle est éblouissante d'or et
émaillée de pourpre (Chrysops). Cet éclat relève singulièrement les
couleurs souterraines du corps; on dirait qu'il y a là un indice de
980 DIPTÈRES.
cruauté et de perfidie, comme pour les yeux chatoyants du Tigre et de
la Panthère.
TABAUBS Linn. — Front de la lemelle à légères callosités dans sa partie anté-
rieure ; antennes insérées vers le bas de la tète, sous les yeux, de la longueur
de la tète, leur troisième article allongé, comprimé, à cinq divisions, la première
large vers la base, fortement échancrée à la face supérieure, paraissant quel-
quefois bifide, la cinquième pointue ; Jèvre supérieure tronquée dans les mâles,
obtusément pointue dans lesfemelles, palpes fort courtes, à second article pres-
que rond dans les mâles, allongées, à second article conique et subulé dans les
femelles; yeux d'un vert foncé, marqués de lignes arquées pourpres; pas
d'ocelles ; cellule anale des ailes n'atteignant pas le bord intérieur ; jambes in-
termédiaires terminées par deux pointes.
Les Taons étaient bien connus des anciens et l'origine de leur nom
se perd dans une antiquité reculée. Dans la France centrale, les adultes
commencent à paraître au mois de juin. Ils infestent dès lors les bois
et les prairies en poursuivant les bestiaux ; ils disparaissent d'ordinaire
à la fin d'aoïit ou aux premiers jours de septembre, alors que les nuits
plus longues commencent à fraîchir. Ils sont surtout les ennemis les
plus redoutables des Chevaux, qui succomberaient. souvent à la fureur
qu'ils leur causent, sans le secours de leurs crinières, ou, à leur défaut,
des housses dont nous les recouvrons. Le gibier a la ressource de se
réfugier dans les buissons ombreux où les Mouches ne le suivent pas,
car elles aiment le soleil et l'espace libre. Par les chaleurs ardentes du
soleil de l'été, un curieux spectacle est de suivre les jeux sauvages des
Taons par quelque route forestière. On entend leurs forts bourdonne-
ments, on les voit paraître, immobiles pendant quelques secondes en
vol stationnaire, s'éclipsant avec la rapidité de l'éclair, pour reparaître
un instant après, à une place nouvelle, faisant comme la navette en des
sens opposés. Ce sont les mâles qui guettent les femelles dans ces joutes
aériennes, cherchant à les surprendre et à les saisir pour les enlever à
une hauteur où ils échappent au regard. La présence de l'homme rend
les Taons très farouches ; il faut, en général, qu'il se tienne bien
immobile pour que les femelles se posent sur lui. Par les mauvais,
temps, elles s'installent sur les troncs d'arbre, mais sans se laisser
saisir, et parfois sucent la sève qui s'échappe des chênes malades.
Une des plus grosses espèces et des plus répandues est le Taon des
bœufs, T. bovinus Linn., pi. cvi, fig. 1 a; bouche, 1 h; ici., vue de
protil, 1 c; lèvre inférieure isolée, 1 dj antenne. C'est un de nos plus
grands Diptères, sa longueur dépassant 27 millimètres ; il a les antennes
noires à base blanchâtre, les palpes, la face et le front jaunâtres, avec
une tache et une ligne noire sur le front, les yeux nus et se touchant
sur le vertex chez le mâle, le thorax à poils jaunâtres et bandes noi-
râtres, les ailes d'un brun grisâtre avec nervures d'un brun jaunâtre,
TABANUS , PANGONIA. 981
les jambes jaunâtres à extrémité noirâtre, l'abdomen formé de sept
segments, ayant pour couleur fondamentale un jaune de cire foncé et
portant sur la face dorsale des taches triangulaires blanchâtres. Le Taon
des bœufs éclôt en juin et vit jusqu'en août ; la femelle fécondée pond
ses œufs par groupes de trois à quatre cents sur les tiges herbacées ; ils
éclosenl au bout d'une douzaine de jours. Les larves à douze anneaux
sont grisâtres, à incisions noirâtres et ressemblent à celles des Tipules
terricoles, vivant comme elles en colonies, probablement aux dépens
des racines des herbes. Leur petite tête, au sommet de la région anté-
rieure qui peut s'effiler beaucoup, est d'un brun luisant et porte deux
antennes, des palpes et de petits crochets recourbés, qui leur servent à
s'étayer dans la marche sous terre, ainsi que des verrucosités charnues
situées sur les côtes du ventre, l'extrémité caudale épaisse porte
latéralement deux verrucosités charnues qui représentent les stig-
mates. Toujours comme des larves de Tipulides, cette larve hiverne
en terre et donne en mai, après une dernière mue, une nymphe de
27 millimètres de long, de couleur grise, à organes extérieurs
apparents et emmaillotés. Le bord postérieur des huit anneaux
de l'abdomen porte des franges de poils grisâtres, le bord posté-
rieur du dernier est armé d'une couronne de piquants dont la
nymphe se sert pour arriver à la surface du sol, et deux tubercules, à
la partie antérieure, portent les organes respiratoires.
Les Tabanus d'Europe comptent près de 70 espèces. Outre T. bovinus,
on peut citer une espèce beaucoup plus rare, de môme taille, le
T. gigas Herbst, Syn. : albipes Fabr., noir, les yeux de la femelle
velus, les ailes brunâtres, à base jaunâtre, le thorax et les deux premiers
segments de l'abdomen à poils jaunâtres et toufTus, les jambes d'un
blanc jaunâtre. A citer des espèces communes plus petites, T. ater
Rossi, T. autumnalis Linn., T. bromius Linn., etc. Nous représentons
une forte espèce exotique, T. latus G. Mén., pi. cvi, fig. 1, du Chili,
large et noir, à ailes grisâtres, le tour du thorax et le bout de l'abdomen
bordés de fauve.
PAIVCiomiA Latr, — Face convexe ; troisième article des antennes à huit divi-
sions, dont la première est épaisse et la dernière plus allongée que les autres ;
trompe menue et fort longue, lèvres terminales peu distinctes ; première cellule
sous-marginale des ailes appendiculée, première postérieure ordinairement fer-
mée avant l'extrémité. Des ocelles dans la plupart des espèces, manquant
chez certaines.
Les Pangonies sont de grands Tabaniens des régions méridionales de
l'Europe, au nombre d'une douzaine d'espèces et encore plus des
régions équatoriales. Leurs ailes sont souvent grisâtres ou enfumées :
ex : P. nigripennis G. Mén., du Brésil, pi. cvi, fig. 2. Les Pangonies
passent pour plus floricoles que les Taons, au point que des auteurs
982 DIPTÈRES.
ont mis en doute qu'elles piquassent les animaux.' Mais leurs sévices en
ce genre paraissent prouvés, au point que certaines espèces peuvent
propager, dit-on, les bactéridies charbonneuses, ce que ne font pas les
Tabanus, qui ne sucent pas les animaux malades. Voyez une notice
publiée sur les Pangonies par Macquart {Ann. Soc. ent. Pr., t. VI,
p. 629).
CHRYi§OPS Meigen. — Face à callosité de chaque côté; antennes allongées, à
second article presque aussi long que le premier, tous deux velus, troisième
égalant la longueur des deux premiers réunis, en forme d'alêne, de cinq divi-
sions, la première plus longue que les autres et paraissant elle-même divisée
en plusieurs segments ; yeux d'un vert doré, à taches et lignes pourpres ; trois
ocelles bien apparents ; ailes fort écartées ; jambes postérieures terminées par
des pointes, comme les intermédiaires.
Rien n'égale le magnifique éclat chatoyant des yeux des Chrysops,
qui brillent comme de l'or et d'où vient le nom du genre ; leurs trois
ocelles bien visibles les séparent aussi des autres Tabaniens. Les ailes
ont des couleurs ténébreuses égayées par quelques taches transparentes,
et sont à demi ouvertes au repos, comme chez les Tabanus. Les sexes
ont des difTérences notables, qui les ont fait prendre souvent pour des
espèces distinctes. Il y a en Europe une quinzaine d'espèces de Chrysops,
vivant du nectar des fleurs pendant les mois de mai et de juin, et qui
deviennent importuns et sanguinaires en juillet et août, sous l'influence
des chaleurs d'orage. Au lieu de tourner bruyamment autour de leurs
victimes comme les Taons, les Chrysops s'approchent en silence et per-
fidement des animaux et de l'homme, dont le sang semble pour eux
un véritable régal. Non seulement ils se posent sur les parties décou-
vertes de notre peau, quand nous traversons les forêts, mais aussi sur
les vêtements, qui sont souvent traversés par les lancettes acérées, qui
percent si aisément le cuir des Bœufs et des Chevaux. L'espèce de
Chrysops la plus commune est le Taon aveuglant, C. cœcutiens Linn.,
ainsi nommé à cause de sa persistance à tourner autour de sa victime
et à se poser sur la face autour des yeux, de façon à l'étourdir et à
l'obliger de fermer les yeux. Il mesure 8 millimètres de longueur: le
mâle a l'abdomen noir, la base à tache latérale rousse, tandis que, dans
la femelle, la base est jaune>Vdeux lignes obliques noires; les antennes
et les pattes sont noires. Nous représentons une espèce exotique, V. cas-
tatus Fabr., de la Havane, pi. cvi, fig. 3, 3 a; tête vue en dessus.
HElIATOPOT.% Meigen. — Trompe suivant l'axe du corps chez le mâle, très
inclinée chez la femelle ; face à ligne enfoncée de chaque côté, velue chez le
mâle; front large et saillant chez la femelle'; antennes allongées, légèrement
arquées, le premier article ordinairement oblong, épais et velu dans le mâle,
chez la femelle, tantôt étroit et conique, tantôt dilaté, mais toujours glabre,
HEMATOPOTA, ACANTIIOMERA. 083
dans les deux sexes le troisième en alêne, à quatre divisions dont la première
un peu plus épaisse et aussi longue que les autres réunies; yeux ovales; pas
d'oreilles; ailes couchées en toit au repos, plus ou moins rembrunies ou tache-
tées, la première cellule sous-marginale appendiculée ; pas d'épines terminales aux
jambes postérieures; jambes intermédiaires terminées par deux petites pointes.
Les Hsematopotes (buveuses de sang) attaquent l'homme autant que
les animaux ; elles ne comptent que quatre espèces distinctes en
Europe, avec beaucoup de variétés. La plus commune, répandue par-
tout, est le Taon pluvial, H. pluviaUs Linn., plus grand et plus élancé
que Chrijsops cœcutiens, a ses yeux à facettes avec des reflets pourpres
et ses ailes d'un gris noirâtre, marbré de teintes claires. Le corps est
d'un brun foncé avec des marques d'un gris clair ; sur le dos elles con-
sistent en vergetures longitudinales et sur l'abdomen en plusieurs séries
de points et en lignes transversales qui suivent les plis articulaires. Le
nom spécifique de cette Ha^matopote provient de l'habitude qu'elle
présente d'être plus importune et plus sanguinaire que jamais dans les
journées brumeuses et chaudes ou lorsque le ciel est chargé de
menaces d'orages. C'est alors par exemple qu'une vingtaine de ces
insectes s'assemblent au-dessous d'un parapluie ouvert et qu'il devient
fort difficile de s'en garantir, l'un ou l'autre trouvant toujours moyen
d'atteindre quelque capillaire sanguin sous-cutané, môme à travers un
vêtement. Ils s'acharnent, dit-on, avec une sorte de férocité sur les
Rennes de la Laponie, au point que ces Ruminants ont parfois la peau
entièrement recouvertes de croûtes, à la suite des piqûres innombrables
de ces Htcmatopotes.
Nous représentons une espèce du Portugal, H. lusitanica G. Mén.
(pi. cvi, fig. Ix. h a, tête dumdle vue en dessus ; U b, id., de la femelle
vue de profil, U c, sa bouche); longueur, 13 millimètres, antennes
grises, avec le premier article épais, noir et luisant, un peu plus
longues que la tête, le corselet et l'abdomen noirs, avec quelques
taches soyeuses cendrées et à peine visibles; ailes d'un brun foncé,
couvertes de petites taches à demi transparentes ; pattes noires anne-
lées de rougeâtre.
Les développements du Chrijsops cœcutiens et de VHematopota plu-
viaUs sont analogues à ceux du Tahanus ôoymws; d'après Fabricius, la
larve de YHematopota vivrait dans les fumiers.
ACiti%'TIlOMER.% Wied. — Troisième article des antennes long, conique, un
peu comprimé, à huit divisions, dont la dernière est la plus longue; trompe en-
tièrement retirée dans la bouche; palpes de quatre articles; des ocelles; pattes
grêles, cuisses postérieures allongées, un peu claviformes; jambes intermé-
diaires munies de deux petites épines à leur extrémité, cuisses postérieures
avec une épine en dessous; abdomen très large et déprimé, les trois derniers
segments petits et formant l'oviscapte.
984 DIPTÈRES.
Les Acanthomères, dont le nom vient des cuisses épineuses des
mâles, sont de grands Tabaniens de l'Amérique méridionale. Nous re-
présentons A. ServilleiG^ Mén., pi. cvii, fig. '2.2a, tête vue de face ; 26,
id., de profil; 2 c, palpe très grossie du Brésil, les antennes d'un jaune
fauve, les yeux d'un noir rougeiltre, le corselet grisâtre en dessus, avec
trois lignes en long et deux taches latérales noirâtres, l'écusson d'un
jaune fauve, l'abdomen large et plat, d'un jaune fauve en dessus, avec
taches noires sur le milieu et sur les côtés des segments.
Tribu des STR^lTlOlllEMS.
M. E. Blanchard réunit ces insectes aux Tabaniens, dont ils diffèrent
réellement beaucoup par leurs mœurs et en partie par leur confor-
mation et surtout leurs larves aquatiques pour la plupart des genres.
Ces Diptères volent de fleur en fleur, surtout sur les Ombellifères, se
nourrissant de nectar, sont répandus dans le monde entier, bien plus
communs toutefois dans les régions chaudes. L'article terminal des
antennes un peu aplati paraît formé de cinq anneaux; les yeux à fa-
cettes des mâles se touchent sur le vertex.
La trompe ou lèvre inférieure, infléchie et rétractée au repos, cache
dans son intérieur quatre soies seulement, courtes et rudimentaires, ne
faisant jamais de piqûres; les palpes sont le plus souvent petites et for-
mées de deux articles, auxquels s'en ajoute parfois un troisième de
forme globuleuse. Au repos les ailes reposent à plat sur le corps, dont
elles ne peuvent recouvrir les côtés, à cause de la grande largeur de
l'abdomen; les nervures sont pâles, très infléchies, n'arrivant pas tout
à fait jusqu'au bord alaire. Certains de ces Diptères sont appelés Nota-
canthes (Mouches armées de Réaumur), à cause des pointes qui termi-
nent souvent l'écusson et dont la destination est peut-être de faciliter
la sortie de Vinsecte hors de l'enveloppe nymphale. Une modification
singulière affecte les yeux à facettes, qui, dans quelques Stratiomes
mâles, ainsi que l'a vu Macquart et également pour les Tabaniens,
sont beaucoup plus grandes dans la partie supérieure que dans l'infé-
rieure.
STRATIOMYS Geoffroy. — Premier article des antennes beaucoup plus long
que le second, le troisième long, fusiforme, à cinq petits articles, sans style;
trompe fort courte et comprimée, palpes de trois articles ; yeux souvent ornés
d'un arc pourpre: thorax couvert de poils dans les mâles, d'un léger duvet
dans les femelles ; écusson armé ; nervures postérieures des ailes sinueuses ;
jambes un peu renflées au milieu.
Le nom de genre Stratiomys veut dire : Mouche armée. Il comprend
STRATIOMYS, HERMETIA. 985
une quinzaine d'espèces d'Europe, dont la plus commune, de toute la
France, rare dans le Nord, est le S. chamœleon Linn.,de 15 à 16 milli-
mètres de long, le thorax brun, l'abdomen noir à bandes jaunes inter-
rompues, jaune en dessous, à lignes noires, 1 ecusson jaune, avec une
tache triangulaire noire à la base et une épine qui se dresse, des mar-
ques jaunes aux jambes et aux cuisses. Ces Stratiomes se trouvent
au mois de mai sur les fleurs de l'aubépine, de l'épine-vinette et
du popuiage d'eau et en été sur les diverses plantes aquatiques.
Là, les femelles effectuent la ponte de leurs œufs, en faisant saillir
leur tarière ordinairement rétractile et dissimulée et de laquelle
sort un chapelet feutré de petits grains gris, au nombre de plusieurs
centaines, agglutinés par une matière gluante verdâtre. Les larves sont
effilées aux deux bouts, d'un gris brunâtre et terreux, tranchantes sur
les côtés, à section lenticulaire. L'extrémité caudale offre dans sa partie
externe un conduit aérien, l'anus s'ouvrant plus en avant. Une cou-
ronne de cils élégants borde cet orifice aérien. Us peuvent s'écarter
suivant les rayons d'une étoile ou se refermer en se touchant de leurs
extrémités courbes, de façon à circonscrire une cavité sphéroïdale.
Ces larves serpentent dans l'eau, à l'instar de celles des Cousins, en
se tortillant la tête en bas, l'extrémité caudale en haut, en donnant à
leur corps la forme d'un S ou d'un C, restant souvent suspendues verti-
calement par leur queue étoilée qui s'étale à la surface de l'eau. Lors-
qu'elles plongent, cette couronne de poils reprend la forme sphérique,
emprisonnant dans sa cavité une bulbe d'air à reflet argenté, provision
respiratoire qui permet une plus longue station sous l'eau. La tète,
écailleuse et noire, présente deux yeux simples et porte en avant une
sorte de rostre, auprès duquel se meut une paire d'organes dentés et
ciliés, servant de crochet que la larve implante dans la vase pour pro-
gresser, comme les Perroquets qui se font de leur bec une troisième
patte. Après trois mues, elles sortent de l'eau et s'abritent sous quel-
que pierre dans la terre humide. Elles y passent l'hiver engourdies,
devenant au printemps des pupes où l'insecte en nymphe n'occupe que
la partie antérieure de la peau de larve, la pupe ressemblant à une larve
raccourcie et recroquevillée. Les adultes commencent à éclore à la fin
de mai et se montrent qu abondance au mois de juin. Ces métamorphoses
ont d'abord été étudiées par Swammerdam, puis par Réaumur. Nous
représentons une espèce des environs de Philadelphie, le S. flaviceps
MacquartCpl. cvii, fig, 6. 6 a. tête, de 11 millimètres de long), à tête
jaune maculée de noir, les côtés du thorax et la poitrine jaunes, à taches
noires, l'écusson jaune, les ailes rembrunies, les pattes jaunes, à cuisses
noires, les segments 2, 3, U de l'abdomen à tache jaune de chaque
côté, l'extrémité du cinquième jaune.
HERMETIA Latr. — Corps allongé ; antennes beaucoup plus longues que la
tête, le premier article allongé, un peu conique, troisième long, très com-
986 DIPTÈRES.
primé, rétréci au milieu, les sept premières divisions peu distinctes, subuli-
formes, formant la première moitié de la longueur, la huitième élargie au mi-
lieu; palpes en massue sphérique; écusson mutique ; abdomen étroit, oblong.
Ce genre exotique est des régions chaudes des deux mondes. Nous
représentons une espèce des Indes Orientales et de Java, H. cingulatis
G. Mén. (voy. de la Coquille), pi. cvit, fig. 1. 1 a, son antenne).
RAPHIORHYUCHUS Wied. — Face formant une saillie en forme de bec
crochi> dirigé obliquement vers le bas; trompe entièrement retirée dans la
bouche; palpes saillantes; des ocelles; abdomen déprimé, de cinq segments
apparents, car les trois derniers articles supplémentaires sont fort petits.
I/espèce type est /?. planiventris Wied., du Brésil (pi. cvn, fig. 3,
tête vue de face ; 3 b, id., de profil).
RERl^ Latr. — Tête épaisse chez le mâle, déprimée chez la femelle; les deux
premiers articles des antennes égaux, le troisième allongé, subuliforme, divisé
en huit segments, le huitième conique; trois ocelles; yeux velus chez le mâle ;
palpes petites, de trois articles; écusson à quatre, six ou huit pointes ; abdomen
de sept segments distincts.
Les Béris sont des petits Diptères assez rares, habitant particulière-
ment les bois, se posant sur les feuillages et sur les troncs d'arbre et
qui ont le thorax bleu ou vert, brillant d'un éclat mélallique. Nous figu-
rons pi. cvii, fig. à, une tète de Beris.
€TPlIOMYI.% Wiedemann. — Corps large, bord postérieur de la tête large chez
la femelle ; antennes plus longues que la tête, à troisième article long, fili-
forme, un peu comprimé, à huit divisions; yeux assez petits, velus dans le
mâle; abdomen plus large que le thorax, presque orbiculaire.
Ces Mouches arquées (élymolog. du nom générique) sont ornées de
riches couleurs et propres à l'Amérique méridionale chaude. Nous
représentons une espèce du Brésil, C. auriflamma Wied. (pi. cvii,
fig. 5; 5 a, antenne, de 11 à 13 millimètres de long), d'un violet noir,
le thorax à bande de poils dorés, n'atteignant pas le bord postérieur,
les ailes noires, le premier article des tarses blanchâtre.
EPBIPPIUM Latr. — Troisième article des antennes subulé, à cinq divisions,
avec un style terminal biarticulé, court mais distinct ; front étroit, mais non li-
néaire chez le mâle ; troisième article des palpes allongé et peu renflé ; yeux
velus; écusson armé de pointes; abdomen très large.
Le nom de ce genre, qui veut dire selle, fait allusion à l'espèce de
OXYCERA, SARGUS, CHRYSOCHLORA, VAPPO. 987
housse qui recouvre le thorax. I/espèce principale, peu commune de
France et d'Allemagne, sur les troncs des vieux chônes, est E. thora-
cicum Latr. (pi. cvn, fig. 7. 7 a, tête, de 11 à 13,5 millimètres), noir, le
thorax couvert en dessus d'un duvet épais d'un rouge sanguin, l'écus-
son noir, à deux pointes épaisses, velues et relevées, les ailes d'un brun
noirâtre, avec une pointe à la base. La larve vit dans les vieux arbres
décomposés.
OXYCERA Meigen. — Troisième article des antennes ovale, à quatre divisions,
avec style en soie, de deux articles, inséré soit à l'extrémité, soit un peu avant
l'extrémité ; yeux du mâle velus.
De vingt à vingt-cinq espèces en Europe, de petite taille, d'environ
U millimètres. Une des plus communes est 0. trilineala Meigen (pi. cvn,
tig. 8, sa trompe; 8 o, antenne; 8 b, aile).
SARGUS Fabr. 1 — Corps allongé; tête arrondie en avant dans le mâle, un peu
déprimée dans la femelle ; des palpes ou des soies insérées à la base de la lèvre
supérieure ; front uni, séparant les yeux ; trois ocelles ; troisième article des
antennes lenticulaire ou sphéroïde, portant un style latéral, articulé à sa base ;
écusson mutique; abdomen allongé, un peu rétréci à sa base ; ailes enfumées.
Les Sargues, au nombre d'une douzaine d'espèces en Europe, sont de
brillants Diptères verts ou cuivreux, ayant peu de vivacité et d'un vol
assez pesant, habitant les buissons et les haies depuis le mois de mai
jusqu'au mois d'août. Comme on ne les voit pas sur les fleurs et qu'ils
ne vivent pas de proie, il est probable qu'ils se nourrissent des sucs
répandus sur le feuillage. Leurs larves se trouvent dans les bouses des
vaches. Elles ont la tète cornée, le corps ovale, allongé, déprimé; leur
peau sert de coque aux nymphes. Nous représentons des détails du
S. bipunctatus Scopoli (pi. cvji. 9, tête vue de profll ; 9 a, antenne
9 6, trompe); des environs de Paris.
CHRTSOCllI^ORA Lalr. — Corps allongé; troisième article des antennes co-
nique, allongé, comprimé, de six divisions, style terminal, allongé; front à sil-
lon longitudinal chez la femelle, la partie antérieure saillante; écusson mu-
tique ; abdomen oblong, allongé.
Parmi ces Diptères exotiques des deux mondes et de couleurs dorées,
nous figurons C. hirticornis Wiedemann (pi. cvii, fig. 10), du Brésil,
noir, la tète et les antennes jaunes, les ailes noirâtres, les pattes jaunes,
l'abdomen à base et bande dorsale jaunes.
TAPPO Lalr. Syn. : Pachvgaster Meigen. — Antennes à premier et second
988 DIPTÈRES.
articles courts et larges, le troisième ovalaire, terminé par le style capillaire,
écusson mutique ; abdomen beaucoup plus large que le thorax, à segments
peu distincts, avec tarière de la femelle courte et saillante.
Le type, peu commun en France, est le F. ater Fabr., à corps noir,
avec la trompe, les jambes et les tarses jaunâtres, long de U millimètres
(pi. cvii, fig. 11, son antenne ; 11 a, sa bouche).
DirR.%IVOPHOR;% Macquart. — Corps allongé ; troisième article des antennes
lenticulaire, de quatre divisions, style terminal ; écusson terminé par un appen-
dice long, s'élevant obliquement à sa base, prenant ensuite une direction hori-
zontale, puis se relevant encore en s'arrondissant vers l'extrémité qui se divise
en deux pointes; cuisses postérieures armées de plusieurs dents.
Ce genre, voisin des Sargus, mais si curieux par la fourche que porte
l'écusson, est du Brésil. Nous représentons D. furcifera Wiedemann, de
9 à 10 millimètres (pi. cvn, fig. 12. 12 a, tôle vue en dessus), à corps
noir varié de vert, les appendices jaunes, les ailes un peu enfumées.
Tribu des ASILIEMS.
Les Asiliens sont des Diptères de proie, mais qui recherchent le sang
des Insectes et non celui des Mammifères. Us ont le corps généralement
allongé et grêle, les pattes puissantes pouvant se fixer sur la proie
qu'elles cramponnent et qui est parfois un sujet de la même espèce que
l'agresseur, au moyen de deux lobules compris entre les crochets. La
trompe est recouverte d'une épaisse moustache, particularité propre à
cette tribu, ainsi que l'enfoncement de la partie supérieure de la tête.
La trompe, courte et pointue, s'avance hors de la bouche en direction
variée, le plus souvent dans l'axe du corps : on y trouve un labre ou
épipharynx rudimentaire, à extrémité mousse, un hypopharynx très
aigu et très allongé, entouré d'une paire de mâchoires à extrémité
mousse, supportant chacune une palpe formée d'un ou de deux articles,
le tout engainé dans la lèvre inférieure. Les yeux, généralement à fleur
de tête, sont séparés dans les deux sexes par un sillon sur le vertex, ce
qui fait paraître la tête courte et large. Les trois ocelles sont très rap-
prochés et souvent placés sur une éminence. Les ailes sont, au repos,
aplaties sur le dos; elles ont une troisième nervure longitudinale
bifurquée, une cellule médiane, deux ou trois cellules sous-marginales
et cinq cellules marginales postérieures. Les balanciers se montrent
à découvert, en raison de la petitesse des cuillerons. L'abdomen est
formé de huit segments, dont le dernier laisse apercevoir la tarière de
la femelle ou les organes génitaux mâles.
LAPHRIA, OMMATIUS. 989
Un cerlain nombre de ces Mouches de proie fréquentent les bois et
les lieux les plus secs; elles volent surtout lorsque le soleil est ardent
et saisissent les Insectes au vol au moyen de leurs pattes antérieures,
sans s'inquiéter de leur force et de leur taille, et l'enveloppe coriace
des Coléoptères n'est pas même une armure suffisante contre les efforts
de leur trompe. Dans ce groupe de déprédateurs (Asilides) la seconde
nervure longitudinale s'abouche dans la première et la cellule margi-
nale est close {Laphria, Ommatius, Asilus, etc.). Le second groupe d'Asi-
lides voltige plus péniblement, parmi les fleurs ou les brins d'herbe,
où il ne recueille que des proies plus faibles et chétives {Dioctria, Da-
sypogun, etc.). La seconde nervure longitudinale aboutit au bord alaire
et la cellule marginale est ouverte.
On ne connaît encore les larves des Asiliens que chez un petit nombre
d'espèces. Elles vivent dans la terre, à peu de profondeur, principale-
ment dans le sable humide, dans les racines ou dans le bois mort
qu'elles rongent. Elles ont une forme aplatie et étirée, et présentent
une tête bien nette, offrant des stigmates aériens en avant et en arrière.
La nymphe est nue et non dans une pupe, et se forme après une der-
nière mue de la larve.
LAPHRIA Meigeu. — Troisième article des antennes oblong et obtus sans style
ni soie ; une épaisse moustache de poils s'élevant jusqu'aux antennes ; qua-
trième cellule postérieure des ailes fermée ; cuisses souvent renflées, jambes
arquées ; appareil copulateur mâle saillant et recouvert de deux grandes lames
écailleuses; abdomen un peu aplati, à poils bariolés, partout d'égale largeur.
Les Laphrics comptent au moins une trentaine d'espèces en Europe
et s'étendent jusqu'aux régions boréales. Elles s'appliquent volontiers
contre le tronc des arbres, la tète en bas et les pattes couvertes de poils
largement étendues ; dans cette attitude en plein soleil, elles dévorent
les victimes capturées au vol. Si on s'approche, elles s'envolent en fai-
sant entendre un puissant bourdonnement. Nous représentons les dé-
tails de L. maryinata Linn., de toute l'Europe (pi. cvni,fig. 2, tête vue de
profil; 2a, antenne; 2 b, bouche; 2 c, extrémité d'un tarse), et une
espèce du Bengale, L. hirticornis G. Mén. (pi. cvni, fig. 1), de 13 milli
mètres, la tète, le corselet et la base de l'abdomen garnis de longs poils
jaunes, les segments abdominaux largement bordés d'un duvet gris
jaunâtre.
©JMMATIHJS Wiedemann. — Troisième article des antennes ovalo-conique, style
long, sétacé, garni de barbes allongées en dessous seulement; ocelles insérés,
sur une élévation du front ; quatrième cellule postérieure des ailes fermée et
pétiolée ; abdomen déprimé, quelquefois rétréci à la base.
Ce genre comprend des espèces des régions chaudes des deux mondes.
DIPTÈRES.
Nous représentons, pL cviii, fig. 3 0. conopsoides Wied.; 3 a, son antenne
noire, à duvet grisâtre, les ailes jaunâtres, les cuisses postérieures ren-
flées, les jambes fauves, les segments 2, 3 et Zi de l'abdomen renflés,
les suivants élargis, formant massue. Distribution géographique très
étendue, de Sumatra d'après Wiedemann, du Sénégal dans la collection
Macquart.
ASIU'S Linn. — Premier article des antennes un peu allongé, troisième long,
subulé, comprimé, terminé par un style sétacé, un peu allongé, de deux artieies,
le premier bien plus court que le second ; une cellule marginale close à l'aile,
deux cellules sous-marginales ; pas d'épines terminales aux jambes intermé-
diaires ; abdomen allongé, rétréci postérieurement, portant un grand organe
copulateur chez le mâle, une tarière comprimée, bivalve chez la femelle.
On peut dire que les Asiles sont des protecteurs de l'agriculture, tant
ils détruisent d'Insectes nuisibles dans leurs chasses. On en connaît
plusieurs centaines d'espèces dans le monde entier, dont une centaine en
Europe, divisées en nombreux sous-genres. Partout les Asiles guettent
leur proie, sur les buissons, sur les routes et les sentiers, sur les pentes
sablonneuses, sur les troncs d'arbre. Ils s'élancent au vol sur leurs
victimes, qu'ils dévorent maintenues captives entre leurs pattes anté-
rieures, et les mâles, comme chez les Araignées et les Mantes, sont par-
oifs exposés à la voracité des femelles. En général, leur vestilure est unie
et d'un gris brunâtre, ce qui rend fort difficile la distinction de beau-
coup d'espèces. Nous représentons une antenne de 1'^. germanicus
Meigen, pi. cvni, tîg. à, espèce de Flandre et d'Allemagne, de 18 milli-
mètres de long, la moustache noire en dessus, ferrugineuse en dessous,
ainsi que la barbe, le thorax d'un gris jaunâtre, les ailes grises avec la
moitié antérieure blanche dans le mâle, les cuisses noires, les jambes
et tarses fauves, l'abdomen noir, à reflets bleus chez le mâle, bruns
chez la femelle. L'espèce la plus remarquable est A. crahroniformis
Linn. ou Asile Frelon, dont la longueur varie entre 15 millimètres chez
le mâle et 24 chez la femelle. Sur la tête, sur les saillies du thorax, sur
quelques vergetures dorsales, sur les pattes à partir des cuisses et sur
les derniers anneaux de l'abdomen, la teinte fondamentale est d'un
jaune pur; sur la base de l'abdomen elle devient d'un noir velouté et
brunâtre. Les ailes, d'un jaune de rouille, portent aussi quelques taches
plus sombres vers la pointe et le bord postérieur. Cet Asile se rencontre
fréquemment en juillet et août au milieu des guérets, s'envolant sous
nos pas avec un assez fort bourdonnement, et, rasant le sol, se pose
bientôt sur une motte de terre ou sur quelque chaume. Il se repose
volontiers, le soir, sur les troncs d'arbre ou sur les buissons, au bord
des prés, les crochets rapprochés, les pattes étendues et raides, la
pointe abdominale retraitée, les ailes à plat sur le dos. Signalons, dans
les Asiles d'un gris cendré ou grisâtre A.trigonus, Meigen, de 13,5 milli-
DASYPOGON. 991
mètres et A. forcipatus, Linn., de 15,5 millimètres, de toute l'Europe.
La larve de cet Asile à tenailles, observée par de Géer, ressemble à
celles des Taons et vit comme elles en terre, allongée, cylindrique,
glabre, à t6te cornée armée de deux crochets; la nymphe est nue, ter-
minée en pointe, à tète munie de pointes, à cornes stigmatiques sur
le thorax.
DASYPOGOM Meigen. — Les deux premiers articles des antennes courts, à
peu près égaux, troisième allongé, comprimé, un peu fusiformc, style court,
menu, conique, souvent de deux articles distincts; trompe un peu renflée au
milieu ; moustache épaisse et raide ; jambes antérieures à forts croctiets termi-
naux, parfois munies d'une pointe à l'extrémité ; abdomen cylindrique ou
déprimé, obtus, les organes copulateùrs du mâle cachés, l'anus garni d'un rang
de pointes chez la femelle.
Les Dasypogons comptent de douze à quinze espèces en Europe, Une
des principales est le D. teutonus Linn. (pi. cvin, fig. 5, son antenne, de
IZi à 20 millimètres de long suivant le sexe, d'un noir luisant), les
jambes, les cuisses et les antennes d"un rouge de rouille, le dos du
thorax vergeté de brun et les côtés d'un jaune de laiton, les ailes
troubles et d'un gris jaunâtre, l'abdomen, plus aplati chez la femelle,
plus cylindrique chez le mâle, marqué de taches d'un blanc d'argent.
Macquart dit ce Diptère assez commun dans le midi de l'Europe; je l'ai
trouvé au mois de juin dans les plus grands bois des environs de Paris
dévorant des Charançons fréquents à cette époque.
Les Empides forment une famille naturelle bien distincte, à espèces
toutefois assez peu homogènes. Le corps est nu et élancé et les pattes
allongées ; la tôte petite, presque sphérique et bien isolée du thorax,
porte une trompe effilée, un peu en apparence de bec d'oiseau, surtout
dans les Ramphomyta, et le labre qui la recouvre, plus large que dans
les autres Diptères, en représente assez bien la mandibule supérieure.
L'abdomen se termine chez la femelle par une pointe et chez le mâle
par divers appendices saillants. Les antennes ont le style terminal et les
yeux occupent presque toute la tète dans les mâles. Les pattes anté-
rieures ont souvent des courbures, des tarses agrandis, des écailles em-
pennées; on y reconnaît des organes de rapine. Les Empides vivent de
proie comme les Asilides ; mais le nectar des fleurs leur sert aussi de
nourriture, surtout aux mâles. Certaines espèces visitent volontiers les
fleurs en ombelles ou en capitules, ainsi les Chardons, les Centau-
rées, etc., et en sortent parfois couvertes de pollen au point de devenir
méconnaissables. La plupart sont spéciales aux régions froides et aux
montagnes, apparaissant soit au début du printemps, soit seulement en
automne. Elles se réunissent en troupes nombreuses pour les préludes
d'accouplement, soit pendant le jour, soit dans la soirée à la façon des
Cousins. Les proies beaucoup plus petites que les ravisseurs, qui n'ont
992 DIPTÈRES.
pas l'audace des Asilides, sont saisies le plus souvent au vol, parfois à
la course. Les Erapides après leurs évolutions tourbillonnantes s'abat-
tent sur les buissons et s'accouplent, les femelles étant presque toujours
occupées en même temps à sucer quelque petit Insecte. On connaît
encore peu de larves de cette famille; elles vivent en terre et ont des
étranglements entre les anneaux. Les nymphes sont nues, comme celles
des Asilides, avec empreintes de la trompe,- des ailes et des pattes de
l'adulte.
mitON Meigen. — Antennes de deux articles distincts, le dernier ovale-
conique, le style terminal; trompe dépassant la tête; thorax très renflé, comme
bossu en dessus ; cuisses postérieures épaisses et épineuses.
Une demi-douzaine d'espèces en Europe, de petite taille. Ex. : E. fe-
moratus MûUer, syn. : flavipes Fabr., Meig., pi. cvin, fig. 6, à ailes
hyalines, le thorax <à reflets blanchâtres vers l'extrémité, les pattes
jaunes, les cuisses et les jambes postérieures noirâtres.
RillMPHOMYIA^ Meigen. — Troisième article des antennes conique, com-
primé, style court; trompe plus longue que la tète, palpes relevées ; une cellule
sous-marginale aux ailes, quatre postérieures.
Les Ramphomyia (Mouche à bec) ont plus de cent espèces en Europe.
Nous représentons parmi elles B. pennata Macquart, pi. cviii, fig. 7.
7 a, tète vue de profil; 7 b, antenne ; 7 c, bouche; 7 d, jambe et tarse
antérieur. Cette espèce, assez commune dans les bois au mois de mai,
longue de 5 millimètres, a la tête d'un cendré noirâtre, le thorax cen-
dré avec trois bandes noires, les ailes à base jaunâtre chez le mâle, un
peu brunâtres chez la femelle, les pattes ferrugineuses, les cuisses
postérieures munies de soies en dessous et terminées par deux touffes
de barbes noires chez le mâle, les cuisses, les jambes postérieures et
intermédiaires garnies de barbes noires chez la femelle.
TACHYDROMYIA Meigen. — Antennes de deux articles distincts, dernier
elliptique, aplati, style allongé, velu; trompe plus courte que la tête, palpes
couchées; point de cellules discoïdale aux ailes, une sous-martingale et trois
postérieures; cuisses antérieures épaisses.
Une vingtaine d'espèces en Europe : à citer T. arrogans Linn.,
pi. cvui, fig. 8, femelle, 8 a, tête vue de face; 8 h, id. de profil; 8 c,
bouche; 8 d, jambe et tarse antérieurs, les antennes à base jaune, les
ailes hyalines, à deux bandes brunâtres, pâles chez le mâle, le corps
d'un noir luisant, les pattes jaunes, tarses à articulations noires, cuisses
antérieures un peu renflées, jambes antérieures ciliées, taille 3 milli-
mètres.
PANOPs, u<;(:oi)b;s. -lOlS
Les Vésiculeux nous présentent une trompe tantôt longue et diriyée
sous le corps, tantôt au contraire très peu apparente. Les yeux tantôt
nus, tantôt poilus, occupent presque toute la tète, le thorax est fort
élevé, les ailes écartées, inclinées en toit, l'abdomen fort épais, translu-
cide, de cinq segments distincts, les tarses munis de trois pelotes. La
tète est très petite, au point parfois de sembler absente. Ces Diptères
vivent du suc des fleurs, voltigeant à l'entour sur les coteaux, à l'ardeur
du soleil, en faisant entendre un léger bourdonnement.
l».MroP.§> Lamarciv. — Tète sphémide et bien distincte; trompe plus longue
que le corps, sa base engaiiiéc dans un demi-tube, les palpes petits, filiformes,
de deux articles peu dis'iacts; yeux velus et occupant toute la tèt'î : ocelles
existants ou nuls; antennes insérées près de la base de la trompe, les deux
premiers articles courts, le troisième allongé et comprimé, pas de style; cuille-
rons grands ; ailes écartées, avec deux cellules sous-marginales, cinq posté-
rieures, une anale.
Les Panops sont des Diptères exotiques de l'Amérique méridionale et
de l'Australie. Nous représentons une espèce à trois ocelles, du Brésil,
le P. ocelliger, femelle, Wiedemann, pi. r.viii, fig. 9, 0 a, antenne; 9 b,
aile; 9 c, l'insecte vu de profil, de 6,5 à 9 njillimètres, cuivreux, les
antennes noires, le thorax à poils gris, les ailes hyalines chez le mâle,
rembrunies chez la femelle, les pattes jaunes avec les hanches noires,
l'abdomen à poils jaunes.
OUVOnR*^ Latr. — Tête très petite et arrondie ; antennes insérées au bas de
la tête, très petites, de deux articles, premier tuberculiforme, dernier ovalaire,
style allongé, un peu élargi à l'extrémité ; pas de trompe apparente ; yeux nus;
une cellule discoïdale aux ailes, une marginale, une sous-marginale, quatre
postérieures incomplètes ; thorax et abdomen très renflés, ce dernier débordant
beaucoup le thorax.
Ce singulier genre, comme tuméfié, a huit à dix espèces en Europe,
parmi lesquelles nous en figurons une assez rare, 0. giblosus FJnn..
pi. r.vni, fig. 10, 1 a, tète vue de face; 10 b, son suçoir; 10c, tarse an-
térieur, de Zi,5 à 9 millimètres de long, noir, les pattes d'un fauve
pâle, les cuisses noires, l'abdomen translucide et blanchâtre, avec le
bord antérieur des segments noirs.
On peut ranger dans les Asiliens la famille des Midasides, compre-
nant les plus grands Diptères connus, dont certaines espèces atteignent
Zi5 millimètres de longueur. Ils vivent de proie, attaquent avec violence
les autres Insectes, même les plus redoutables, les serrant de leurs
pattes antérieures robustes et en faisant leur pâture. Parmi les espèces
connues on n'en compte que trois dans l'extrême midi de l'Kurope,
dont la première, Midas Lusitaniens Meigen, a été découverte en Por-
GIR\RD. ni — 63
lOU mi'TÈKliS.
lugal par le comte de Hoffmansegg, d'autres dans l'Amérique méridio-
nale, d'autres en Egypte et au Cap de Bonne-Espérance (genre Cepha-
locera). Une espèce, Midas fulviventris L. Dufour, est d'Espagne, une
autre, M. ruftpes Westwood, est de Sicile.
Les Midasides ont le front enfoncé et la face convexe couverte de
longues soies ; les antennes sont, le plus souvent, beaucoup plus lon-
gues que la tête, de cinq articles distincts, troisième très long, qua-
trième moins long, cinquième en massue, excavé à l'extrémité. Trompe
ordinairement courte, lèvres terminales, triangulaires, comprimées,
palpes très petits, subulés ; pas d'ocelles ; cellule médiasline des ailes
assez large, marginale et sous-marginales fermées, quatre postérieures;
cuisses postérieures fortes, ordinairement garnies de petites pointes.
MlUAi^ Westwood. — Antennes le plus souvent longues ; trompe courte, lèvres
terminales triangulaires, comprimées.
D'après les antennes, ce genre tire son nom du roi Midas, aux lon-
gues oreilles. Nous représentons pi. cvi, fig. 5, le M. bonariensis, de la
République Argentine, très grande espèce de 30 à 35 millimètres de
long, d'un noir bleu, à ailes brunâtres.
CEPHAIiOCERA Latr. — Antennes en forme de tête ; trompe en forme de
siphon, longue et avancée.
Est figurée, pi. cvi, fig. 6, l'antenne de C. longirostris Wiedemann,
espèce du Cap, de 15 millimètres de long, à abdomen du mâle très
grêle, à incisions blanches, large et à incisions jaunes chez la femelle.
La famille des Bombylides présente la tête plus basse et plus étroite
que le thorax, les antennes souvent allongées, rapprochées, style ordi-
nairement court, quelquefois nul; trompe ordinairement menue,
longue et dirigée en avant, lèvre supérieure allongée, palpes d'un seul
article distinct ; thorax convexe, élevé ; ailes ordinairement écartées
au repos, ayant, le plus souvent, quatre cellules postérieures ; pattes
menues.
TOXOPHORA Wiedemann. — Premier article des antennes plus long que les
autres, second allongé, troisième conique, avec un style terminal peu distinct ;
trompe une lois plus longue que la tête, arquée, palpes menus, aigus, arqués;
thorax élevé ; trois cellules sous-marginales aux ailes ; abdomen étroit, obtusé-
ment conique, incliné.
En Europe une seule espèce très rare du midi de la France, T. ma-
culata Westw., les autres exotiques, parmi lesquelles nous représen-
tons T. amerimna Aud. Serv., pi. <;ix, fig. 1, la tète vue en dessus, de
l'Amérique du Nord.
USIA, PHTIRIA, BOMBYLIUS. 1015
l'SIA Latr. — Troisième article des antennes fusiforme, terminé par un style
épais ; trompe flexible, plus longue que la tète ; ouverture buccale s'étendant
jusqu'à la base des antennes, palpes indistincts ; yeux séparés dans les deux
sexes; trois cellules postérieures aux ailes; pattes velues ; abdomen large.
Une dizaine d'espèces de l'Europe méridionale, volant sur les fleurs.
Nous représentons une espèce de la France méridionale et de Barbarie,
U. (pnea Meigen, pi. cix, fig, 2, 2«, antenne, de 5 à 0,5 millimètres,
d'un vert métallique obscur, le thorax à reflets bleus, les ailes rem-
brunies à la côte dans les deux sexes, les balanciers jaunes, les pattes
noires, les segments de l'abdomen à impressions latérales.
PHTIRIA Meigen. — Tête spliéroïde et allongée ; troisième article des anten-
nes allongé, fusiforme, comprimé, à style peu distinct ; trompe de la longueur
de la tête et du thorax réunis, palpes en massue ; ailes à cellule anale fermée ;
abdomen allongé, cylindroïde.
Une douzaine d'espèces en Europe. Nous représentons une espèce
de toute l'Europe, assez rare, P. pulicaria Mikan, mâle, pi. cix, fig. 3,
3 a, tête vue de profil; 3 6, bouche, de 3 millimètres de long, à yeux
énormes, accolés, d'un brun rougeâtre, le corps noir, à poils blan-
châtres, l'écusson bordé de jaunâtre, les ailes irisées et bleuâtres chez
le mâle, hyalines chez la femelle.
BOMBYIillI^ Linn. — Face proéminente et velue ; antennes rapprochées, à
premier article allongé, velu, troisième plus allongé, subulé, comprimé, style de
trois articles peu distincts, parfois nul ; trompe à peu près de la longueur du
corps, à base saillante et épaisse, en forme de tube, dans la direction du corps,
palpes cylindriques ; ailes étroites, à première cellule postérieure fermée ; ab-
domen large ; corps ramassé, à face dorsale revêtue de poils serrés extrêmement
caducs, souvent d'une teinte jaunâtre ou grisâtre.
Les Bombyles, qui doivent leur nom à leur bourdonnement, ressem-
blent à de petits Bourdons à poils très serrés. Ils volent avec vivacité,
souvent en vol stalionnaire ou planent, enfonçant leur longue trompe
dans les corolles des fleurs à la façon des Sphingiens, dès le début du
printemps, en faisant entendre un son aigu sifflant. Ils se posent rare-
ment sur les feuilles, sur la terre sèche; ils ne demeurent immobiles
à ces places de repos que lorsque le soleil a cessé de paraître. On en
connaît plusieurs centaines d'espèces répandues dans le monde entier,
dont environ soixante en Europe.
Une espèce commune est B. major Linn... le Bichon, de 9 à 13 milli-
mètres, noir, à poils jaunes, les ailes à bande brune, sinuée, au bord
extérieur dans les deux sexes, les pattes fauves, le dernier article des
tarses noir. Le B. diacolur Meigen, syn. : médius Scopoli, est une espèce
1016 DIPTÈRES.
des plus communes, qu'on voit voltiger dans les lieux secs et arides ,
le dos porte une ligne de poils blancs chez le mâle, les côtés du thorax
ont une bande de poils noirs, les ailes ont la base et le bord externe
bruns, et la base de chaque cellule marquée d'une tache brune. Nous
représentons le B. tricolor G. Mén., pi. cix, fig. U, du Bengale, peut-être
variélé de B. orientalis Macquart.
Léon Dufour (Ann. Soc. entom. Fr., 1858, p. 503, pi. xiu) a étudié les
métamorphoses du B. major qui pond ses œufs dans les nids de divers
Andrénides (Hyménopt, mellifiques) des genres Colletés eiAndrena, etc.
La larve, longue de 13,5 millimètres, est apode, blanche, nue et
inerme, à tète très petite, avec des mandibules cornées. Au bout de
plusieurs mois, peut-être plus d'un an, elle se change en une nymphe
roussûlre, de 13 à 15,5 millimètres, recourbée, subconico-cylindrique,
le front muni de deux fortes cornes, la face ayant de chaque côté trois
dentelures, les segments 2, 3, U de l'abdomen avec un peigne d'épines
noires recourbées à la pointe, les autres segments avec des soies et des
épines, le dernier segment bordé d'épines. La larve du Bombylc a très
probablement vécu aux dépens de la larve ou de la nymphe de l'An-
drénide et accolée à elle dans- le cocon. Au moment final, la nymphe
du Bombyle se sert de ses multiples épines pour se hisser de bas en
haut hors de la cheminée terreuse du nid et vient affleurer à la surface
du sol ; alors son dos se fend, le Bombyle éclôt et s'envole au bout de
quelques heures de toilette et d'affermissement.
PliOAH) Latr. — Antennes couvrant la trompe, le premier article très épais,
allongé, velu, le second cyathiforme, le troisième menu, allongé ; des ocelles ;
trompe de la longueur de la tête, ouverture buccale s'étendant jusqu'à la base
des antennes, palpes cylindriques ; trois cellules sous-marginales aux ailes ;
abdomen tantôt large, tantôt étroit.
Une dizaine d'espèces de l'Europe méridionale, entre autres P. vi-
rescens Latr., qu'on trouve aussi aux environs de Paris. Nous représen-
tons P. lusitanicus G, Mén., mâle, pi. cix, fig. 5, 5a, tête vue en dessus,
de 10 millimètres de long, espèce très voisine de P. fuscipennis Mac-
quart, à corps noir couvert de poils d'un jaune verdâtre, les antennes
couvertes d'un fin duvet d'un cendré bleuâtre, les ailes brunes dans
leur moitié antérieure tout le long de la côte, hyalines dans le reste,
les balanciers fauves à sommet brun.
AI1TIIR.%X Scopoli. — Antennes très écartées, offrant un premier article cylin-
drique, un second en godet, un troisième conique ou bulbeux, dont le style ter-
minal est lui-même formé de deux articles ; trompe effilée sortant d'un orifice
buccal assez grand, d'une longueur modérée, dirigée en avant, dépourvue de
mandibules ; des ocelles ; yeux réniformes, séparés dans les deux sexes, plus
rapprochés sur le verlex chez le mâle que chez la femelle ; ailes à quatre,
ANTHRAX. 1017
trois ou deux cellules sous-marginales, écartées au repos et ne recouvrant pas
tout l'abdomen, portant des marques noires diverses ; abdomen un peu aplati,
de sept articles ; corps couvert de longs poils formant une véritable toison.
Les Anthrax, dont on rencontre les nombreuses espèces dans toutes
les contrées, ont un vol puissant et planent avec lenteur et circonspec-
tion au-dessus du sol, surtout dans les lieux secs et ensoleillés. Ils s'ar-
rêtent de temps à autre pour se reposer sur quelque pierre ou pour se
l'afralchir en posant la trompe dans quelque endroit humide. On re-
marque leur activité continuelle sur les routes et les coteaux sablon-
neux et arides aussi longtemps que le soleil luit. Lors des temps défa-
vorables, ils se fixent sur les feuilles, dans l'herbe, sur la terre et
s'abritant plus ou moins pour laisser passer les orages. Les larves des
Anthrax dévorent les larves de divers Apiens solitaires ou d'autres
Hyménoptères, et aussi, dit-on, les chenilles de certains Lépidoptères.
Aussi ces Diptères planent le long des talus arides et des vieux murs
argileux, résidence de nombreuses Abeilles solitaires, cherchant comme
les Rombyles à faire tomber leurs œufs par les cheminées des nids. On
s'explique la grande variation de taille, du simple au triple, dans un
Anthrax d'une espèce donnée par le volume très variable des proies
dont la larve s'est nourrie. Pour soutenir leurs forces dans ces investi-
gations, de durée plus ou moins longue, les femelles d'Anthrax vont
souvent pomper le nectar des diverses fleurs spontanées ou cultivées
de la localité.
Nous représentons, pi. cix, fig. 6, une belle espèce du Bengale, A. au-
rantiacusG. Mén., femelle, de 17 millimèlres de long, du sous-genre
Exoprosopa Macquart ; 6 a, tête vue de profil; 6 6, antenne; Oc,
bouche. Les yeux, qui occupent toute la tête, sont garnis d'un duvet
doré, le corps est noir, couvert de poils dorés, les ailes sont transpa-
rentes dans la moitié de leur largeur, d'un brun assez foncé du côté de
la côte, les pattes sont noires.
11 existe non loin d'une centaine d'espèces en France divisées en
plusieurs sous-genres. Nous citerons A. morio Linn., du sous- genre yln-
thrax, syn. : semi-ater Meigen, assez commun en France, de 7 à i5 mil-
limètres de long, noir, le thorax à poils fauves antérieurement et sur
les côtés, la base de l'abdomen à poils fauves de chaque côté, la moitié
antérieure des ailes noire, terminée en zigzag, la postérieure hyaline.
Dans le 'bOu?>-gQ\\ve xirgyromœba Schiner, se trouve A. sinuatus Faileu,
espèce de toute la France, dont la nymphe étudiée et figurée par le
docteur Al. Laboulbène {Ann. Soc. entom. Fr., 1857, p. 180, pi. xv,
n" 11), sortie d'un nid terreux très dur d'une Megachile et ressemblant
beaucoup à celle d'un Rombyle. Elle est d'un jaune p.lle ou blan-
cliiitre, courbée en arc, à grosse tète un peu vésiculeuse, ayant en avant,
au-dessub des yeux, une sorte de crête de six dentelures brunâtres et,
sur les cùlés, deux aulres saillies brunes et deiiiiformos. [,e thorax osl
1018 DIPTÈRES.
formé presque entièrement par un mésothorax très développé ; les
étuis des ailes sont petits et embrassent le corps, presque réunis en
avant sur la ligne médiane. Les étuis des pattes occupent entre la base
de la tête et les ailes un espace triangulaire, les deux pattes posté-
rieures débordant en bas les ailes et se dirigeant en dehors par le
côté. L'abdomen présente huit segments, 1 garni d'une rangée de poils
renflés à la base, 2, 3, Zi, 5 offrant en arrière sur leur convexité des
rangées de crochets, le dernier relevé en avant et un peu en haut, à
cause de la courbure du corps et portant cinq dentelures; enfin les
côtés de l'abdomen sont munis de longs poils. Celte nymphe, assez
vive, exécute des mouvements quand on l'inquiète ; il est probable que
les saillies de la tête, les crochets dorsaux et les dents terminales lui
servent pour s'échapper de sa prison, où la larve s'est nourrie aux dé-
pens des larves de l'Hyménoptère. L'adulte quitte la dépouille nym-
phale par une ouverture du dos et de la tête, la fente se voyant dans
la partie médiane et postérieure de la pellicule, l'enveloppe de la tête
s'ouvrant sur les côtés au-dessous de la crête frontale.
WEMESTRiIlf.% Latr. — Tête déprimée ; trompe menue, extrêmement longue,
dirigée sous le corps, palpes saillants ; antennes écartées, courtes, à troisième
article court, conique, terminé par un style séliforme, allongé, de trois articles ;
thorax plus étroit que l'abdomen; ailes étroites, couchées au repos, avec trois
cellules sous-marginales, cinq postérieures et une anale souvent ouverte ; tarses
munis de trois pelotes.
Les Némestrines ont des espèces de l'extrême midi de l'Europe,
d'Egypte, de Syrie et autres régions tempérées chaudes de l'ancien
monde. Elles ont le corps moins velu que les Anthrax et l'abdomen
plus large, les pattes plus courtes et moins grêles, et sont curieuses sur-
tout par les proportions démesurées de la trompe dirigée sous la poitrine.
Les nervures des ailes ont de la ressemblance avec celles des Mida-
sides ; ces nervures se courbent les unes sur les autres et forment des
cellules fermées qui n'aboutissent pas au bord des ailes ; parfois un
grand nombre de nervures transversales donnent à ces ailes beaucoup
d'analogie avec celles desNévroptères. Nous représentons, pi. cix, fig. 7,
A'', longirostris Wiedemann, mâle, de 15 à 16 millimètres de long, noir,
à poils brunâtres, la trompe quatre fois plus longue que le corps, les
antennes brunâtres, les ailes brunes, réticulées, avec des taches et le
bord antérieur hyalins dans le mâle, les pattes ferrugineuses, les seg-
ments de l'abdomen chacun à deux taches glauques ; du Cap de Bonne-
Espérance.
THEREVA, CHIROMYZA. 1019
Tribu des DOLICHOPODIEWS.
Avec M. Emile Blanchard, nous formerons cette tribu de Diplères-
Brachycères dans lesquels se trouve le genre Dolichopus Latr., mais
qui ne présentent pas de caractères généraux susceptibles d'une for-
mule bien tranchée. Beaucoup de ces insectes ont des couleurs bril-
lantes, parfois métalliques. Ils se trouvent souvent par myriades sur les
végétaux, pondant leurs œufs dans la terre, ou dans la mousse, parfois
dans le bois pourri, milieux dans lesquels leurs larves se développent
et subissent leurs transformations. La forme du corps fait un peu res-
sembler ces Diptères aux Asiliens, mais leur taille petite d'ordinaire,
leurs mœurs assez souvent et divers détails d'organisation les en
éloignent.
THRREVA Latr. — Antennes de la longueur de la tête ; premier article des
antennes allongé, cylindrique, troisième conique, un peu renflé au milieu, style
court, de deux articles ; palpes cylindriques, terminés par un renflement arrondi,
cinq cellules postérieures aux ailes.
Les Thérèves vivent beaucoup moins de proie que du nectar des
fleurs sur lesquelles on les rencontre d'habitude. Plusieurs espèces sont
remarquables par le duvet argenté qui les décore. Elles se réunissent
parfois en troupes nombreuses, pour les préludes de l'accouplement,
et les femelles pondent leurs œufs dans le terreau et dans le bois pourri,
œufs d'où sortent des larves vermiformes, très allongées, à tête petite ;
leur corps, composé d'après Macquart de vingt segments distincts, se
contourne dans tous les sens et se termine par deux tubes respiratoires,
leurs nymphes sont oblongues. Nous représentons T. ardea Fabr.,
syn.: confinis Fallen, pi. ex, fig. 1, la tête vue en dessus, du sous-genre
Psilocephala Zetterstedt, de France et d'Allemagne, de 12 millimètres
de long environ, la face et le front brunâtres, le verlex noirâtre chez la
femelle, les ailes hyalines, l'abdomen d'un brun noirâtre, à bords des
segments jaunâtres et taches latérales blanches chez la femelle, l'extré-
mité de l'abdomen fauve en dessous chez le mâle.
CHIROMVXA Wiedemann. — Premier article des antennes très court, troisième
subulé ; ailes couchées, dépassant l'abdomen, une cellule sous-marginale, quatre
postérieures ; balanciers très grands ; pattes antérieures plus longues que les
intermédiaires.
Genre exotique. Nous représentons C. vitlata Wied., femelle, pi. cvi,
1020 DIPTÈRES.
fig. 7, du Brésil, d'un jaune brunâtre, avec un long oviscapte
saillant.
Les Leptides sont des Diptères qui vivent de proie, mais sont mé-
diocres chasseurs. La trompe est constituée par les mâchoires pourvues
de leurs palpes, l'épipharynx et l'hypopliarynx engainés dans la lèvre
inférieure, les mandibules ayant- disparu. A citer les genres Leptii,,
Vermileo, Atherix.
■-EPTIS Fubr. — Tête déprimée ; second arlicle des antennes conique, le troi-
sième court, ordinairement conique ; palpes couchés sur la trompe ; thorax tu-
bercule, poitrine proéminente ; cellule anale des ailes ouverte ; abdomen trans-
lucide, le plus souvent orné détaches noires sur un fond jaune.
Les Leptissont des carnassiers, mais que nous surprenons assez rare-
ment à prendre leur nourriture. Au repos leurs ailes transparentes,
légèrement rembrunies et irisées, se placent l'une sur l'autre le long
du corps, atteignant presque l'extrémité de l'abdomen. On les voit par-
fois occupés à sucer de petits insectes, d'autres fois, mais de même
rarement, .sur les fleurs. Certaines espèces aiment les bois, d'autres les
prairies. Ils recourbent souvent l'abdomen en dessous. Les Leptis fré-
quentent les troncs d'arbre, surtout à l'exposition du soleil dont ils
recherchent la chaleur. Leur premier mouvement en s'y posant est do
se placer verticalement la tûte en bas; ils restent ainsi longtemps im»-
mobiles et se réunissent parfois en grand nombre. De Géer a décrit le
développement de plusieurs Leptis. Les œufs sont blancs, allongés e|
arqués ; ils sont déposés dans la terre ou le terreau.
Une des espèces les plus communes est le L. scolopacea Linn., mesu-
rant 12 à 15 rnillimôtres, aisément reconnaissable à son thorax d'un
gris ardoisé à bandes sombres, à son abdomen d'un jaune ferrugineux
marqué d'une série de points noirs, un par anneau. Ce Leptis bécasse
abonde dans la campagne; c'est un mauvais voilier, voltigeant d'une
place à l'autre, sans fournir une longue étape. On rencontre encore,
mais plus rarement et dans les bois, une espèce plus petite, le L. stri-
qosa Meigen, îi face, front et antennes fauves, le thorax à écusson
jaune, les trois derniers segments de l'abdomen à bandes noires, les
ailes un peu rembrunies. Les femelles, plus grosses que les mâles, ont
l'abdomen terminé en pointe extensible pour pondre dans des trous. On
compte en Europe environ vingt-cinq espèces de Leptis. Les larves du
Leptis bécasse, étudiées par De Géer, ont le corps long, cylindrique,
rétréci antérieurement, composé de douze segments, muni de mamelons
en dessous et de deux stigmates à l'extrémité; la bouche est petite, cor-
née et portant deux petites antennes, la nymphe aie bord des segments
garni de pointes. Nous représentons une espèce de Leptis de l'Amérique
du Nord, le L. Servillei G. Mén., de 17 millimètres de long, pi. ex,
iig. 3.
LEPTIS, VERMTLEO. 1021
On a longtemps rangé clans les Leptis une espèce très curieuse, nom-
mée Vermileo par De Géer, c'est-à-dire ver-lion ou i;er/?u7«(m, d'après les
mœurs do la larve, indiquée pour la première fois en 'J70(), sous le nom
de fourmi-renard et étudiée en 1753 par Héaumur, puis par De Géer en
Suède, sur un individu envoyé par Réaumur à la reine Ulrique-Eléo^
nore, sœur de Charles XIF, passionnée pour l'entomologie et possédant
un riche musée d'insectes de tous pays. I/espèce Leptis vermileo De
Géer, ou Vermileo De Geeri Macquart, ou Psammorijcler Emile Bian-
chard, n'a pas encore, que je sache, été trouvée aux environs de l'aris,
mais en Provence, dans le Lyonnais et en Auvergne, aussi en Touraine,
d'après Macquart.
Celte larve, comme celle des Fourmilions, et souvent en leur com-
pagnie, se tient au pied des murs dégradés ou au bas des talus abrités
par une roche en surplomb. Le corps, d'un gris sale un peu jaunâtre,
va en augmentant régulièrement de grosseur delà tête à l'anus, La
tète, effilée comme celle des asticots (larves de Muscides), rentre au
repos dans le premier anneau du corps. Il en sort deux mandibules
en forme de dards, qu'elle enfonce dans ses victimes et dont elle
se sert comme points d'appui pour marcher, en tirant son corps
après elle. En outre, elle saute en débandant sa région postérieure. Le
dernier anneau, plus long que les autres et un peu aplati, se recourbe
en dessous, comme un crampon qui fixe la larve au sable de l'entou'
noir pendant que sa proie se débat. Il se termine par quatre appendices
charnus et velus, que Réaumur compare à une main ouverte à quatre
doigts. Elle n'a pas de pattes et s'enfonce, comme un éclair, dans le
sable dès qu'on touche à son entonnoir ; très agile, elle s'élance du fond
sur la victime qui y tombe, et l'enlace comme un petit serpent.
Elle ne commence pas par tracer le pourtour ùo. son entoimoir ainsi
que la larve du Eourmilion. Elle s'enfonce dans le sable, de haut en
bas, au moyen de sa tête pointue. Le sable est lancé au dehors par les
inflexions alternatives de son corps ; parfois il se pUe en compas, dont
la plus longue branche tourne autour delà plus courte, formée par la
partie postérieure, de sorte que le bout de la partie antérieure jette le
sable en tournoyant. On comprend que ce mouvement est très propre
à faire un cône : auesi l'entonnoir du Vermilion est plus profond, eu
égard îi sa taille, que celui du Fourmilion et à parois plus abruptes. Il
en aplanit les bords escarpés, en frottant son corps contre eux, et lance
une pluie de sable sur l'insecte qui cherche à lui échapper en remon-
tant la surface interne du cône meurtrier.
La larve paraît vivre plusieurs années, trois ans, dit-on. Elle devient
nymphe sans faire de coque, entourée de grains de sable collés à elle,
et gardant la peau de larve plissée et attachée au dernier segment. La
nymphe laisse pressentir les formes de l'adulte. Elle a une petite tète,
un petit thorax renflé et comme bossu, avec des ailes enroulées autour
du thorax, des rudiments de pattes, un abdomen long et mince. Au
1022 DIPTÈRES.
bout d'une quinzaine de jours, vers la fin de juin, les adultes sortent
de la peau de la nymphe fendue sur le dos. Ils sont jaunâtres, avec
des traits et des taches noires et ont un aspect général de Tipules, en
raison de leur corselet renflé et de leurs longs balanciers, de leurs
pattes postérieures beaucoup plus longues que les autres, l'abdomen
déprimé, allongé, étroit, obtus à l'extrémité chez le mâle.
ATHKRIX Meigen. — Troisième article des antennes ovale, transversal, incliné,
muni d'un style qui paraît ordinairement dorsal ; trompe convexe en dessus, lèvre
supérieure pointue, palpes relevés ; poitrine peu saillante ; abdomen déprimé.
Cinq espèces en Europe, dont le type est A. Ibis Fabr., syn. : macii-
latus Latr., pi. ex, fig. 2, mâle ; 2 a, tête vue de profil ; 2 b, bouche; 2c,
antenne, de 9 à il millimètres, noir, le front gris chez le mâle, jau-
Uiltre chez la femelle, le thorax à poils jaunâtres, les ailes à bandes
transverses irrégulières brunes, les pattes fauves, les segments de l'ab-
domen fauves, avec taches dorsales noires chez le mâle, cendrés à bandes
noires chez la femelle. Rare, sur les Graminées des prairies.
DOlilC'HOPtJSi Latr. — Face assez large chez le mâle ; troisième article des
antennes cordiforme, à style dorsal, pubescent; pattes fortes et longues, à jam-
bes munies de soies.
Très nombreuses espèces en Europe, vivant sur les végétaux et par-
ticulièrement sur le feuillage. Elles y montrent beaucoup de vivacité
et y font éclater leurs brillantes couleurs, parfois métalliques. Les unes
fréquentent les bois et se posent sur les taillis ou sur les plantes her-
bacées, recherchant les rayons du soleil ou se tenant au contraire ca-
chées dans l'ombre ; les autres habitent les prairies et se rapprochent
des eaux. Les Dolichopodes paraissent souvent occupés à recueillir avec
leur trompe les sucs répandus sur la surface des feuilles, rarement le
nectar des fleurs. Nous représentons, pi. ex, fig. li, le D. ungulatus
Latr., espèce commune, de 6 à 7 millimètres, vert, la face blanche, les
antennes noires, les ailes grisâtres, les pattes fauves, l'abdomen à reflets
gris, avec les bords des segments souvent noirs, les lamelles de l'or-
gane copulateur mâle jaunâtres. De Géer a observé la larve et la
nymphe de ce Dolichopode à crochets. Elles habitent la terre. La larve
a la tète charnue et de forme variable, rapprochement avec les tribus
inférieures. La bouche est armée de deux paires de tubercules, entre
lesquels est une petite pointe. Le corps est formé de douze segments,
terminé par deux crochets, muni sur le dos de deux stigmates élevés
et de fausses pattes en dessous. La nymphe est plus courte et plus
épaisse. On distingue en avant de la tète plusieurs pointes dont les
deux intermédiaires sont les plus longues. Le bord antérieur du thorax
porte deux cornes assez longues, recourbées et prolongées par un
MEDEÏERUS, PLATYPEZA. 1023
appendice filiforme. L'abdomen est conique, avec les serments bordés
de soies.
MRDKTRRlî*9 Fischer. — Troisième article des antennes ovale ou oblong,
avec style dorsal, allongé, ordinairement biarticulé; trompe épaisse et saillante;
nervure externo-médiaire des ailes peu fléchie, ordinairement un peu convexe à
sa courbure ; pattes grêles, presque nues.
Le genre Médeterus, détaché des anciens Dolichopus, compte environ
vingt-cinq espèces en Europe. 11 est composé d'espèces qui font la
chasse aux petits insectes et parcourent pour cela le tronc des arbres et
les murs humides, en marchant avec beaucoup d'agilité, même en
arrière et de côté, au moins lorsqu'on les inquiète. On trouve ces Dip-
tères depuis le mois de mai jusqu'en octobre. Le beau Médétère royal,
d'un riche vert métallique, ne se montre qu'en automne, sur les murs;
quelques espèces de ce genre ont deu\ générations dans l'année. Nous
représentons le M. notatus Fabr., femelle, pi. ex, fig. 5,5 a, tête vue de
face; 5 6, bouche; 5c, labre; 5rf, antenne; 5e, extrémité de l'abdomen,
long de Zi,5 millimètres, d'un vert obscur chez le mâle, cuivreux: chez la
femelle, le thorax à bande dorsale grise dans la femelle, noirâtre dans
le mâle, les ailes brunâtres, à base et bord extérieur jaunâtres, les ner-
vures bordées de brun, un point brun sur la nervure externo-médiaire,
deux points confluents sur la transversale, les pattes vertes, les anté-
rieures courtes, les cuisses des trois paires munies de fortes pointes,
les jambes à dent bifide et prolongées par une saillie conique, les pattes
intermédiaires fort allongées, l'abdomen fort court dans la femelle,
l'organe copulateur du mâle à deux grands appendices d'un blanc jau-
nâtre, larges, membraneux, creux, ciliés et terminés par un filament.
Cette espèce, assez rare', se trouve sur les murs au mois d'octobre.
PI.ATYPEKA Meigen. — Face large; troisième article des antennes ovale,
avec style apical de trois articles ; palpes en massue ; ailes couchées au repos,
avec cellule discoïdale et quatre cellules postérieures ; articles des tarses posté-
rieurs subégaux et dilatés de manière à se recouvrir obliquement en toit les uns
les autres; abdomen elliptique.
Le genre Platypeza est le type d'une petite tribu instituée par Fallen
aux dépens des Dolichopodes, parmi lesquels les Diptères qui la com-
posent avaient été laissés par Latreille. Ces insectes, assez rares, se
trouvent la plupart au mois de septembre, sur le feuillage des buissons
et des haies. On trouve aussi quelquefois les Platypèzes réunies en
troupes sous le chapiteau des champignons, ce qui fait présumer qu'elles
y ont leur berceau et que leurs larves s'y développent. De quinze à
vingt espèces en Europe, parmi lesquelles, d'après Guérin-Méneville,
nous citerons P. Sophia Lep., de St-Farg., pi. ex, fig. 6.
102i DIPTÈRES.
PlPlUfCllilS Latr. — Tête très épaisse ; face étroite, trompe non saillante;
palpes allongés, en massue, terminés par deux petites soies ; deuxième article
des antennes court, cyathiforme; troisième pointu, tantôt oblong, tantôt ovale,
avec style dorsal ; ordinairement trois cellules postérieures aux ailes.
Les Pipunculus de Latreille, placés d'abord dans les Musciens, puis
dans les Syrphiens, ont été rangés par Meigen près des Dolichopodes.
Ces petits Diptères se trouvent sur les buissons et les herbes des prai-
ries et ne recherchent pas les fleurs. La plupart des espèces paraissent
dans les mois d'août et de septembre et quelques autres en mai et
juin. Nous représentons une espèce d'Europe assez commune, le P.
campestris La.lT., pi. ex, fig. 7, de 3 à 5 millimètres de long, à abdo-
men luisant, tout l'insecte d'un noir cendré, les ailes à demi rembrunies
dans les deux sexes, les balanciers d'un blanc jaunAtre,les pattes noires.
Environ une trentaine d'espèces en Europe.
SCEl%OPli\'liS Latr. — Antennes insérées vers le bas de la tète, le troisième
article subulé, sans style; trompe non saillante, à deux soies, avec palpes insé-
rés sur la base ; cuillerons petits ; ailes couchées, avec deux cellules sous-mar-
ginales et une anale allongée ; abdomen allongé.
Par la trompe à deux soies, les cuillerons, la faiblesse du vol, les
Scénopines se rapprochent des Diptères inférieurs, tandis que par les
antennes et les nervures des ailes, elles ont quelques caractères qui
les mettent à la hauteur des Bombylides et Anthracides. Cette ambi-
guïté d'organisation a conduit les auteurs à isoler les Scénopines
dans un petit groupe spécial. Il n'y a que cinq espèces en Europe,
avec de nombreuses variétés et par suite synonymies. On les trouve
le plus souvent sur les vitres des maisons, quelquefois sur les murs
exposés au soleil, et aussi, pour quelques espèces, sur les fleurs. Il
est probable que l'état larvaire de ces petits Diptères se passe souvent
dans nos maisons. Le type est le S. fenestralis Linn., pi. ex, fig. 8, 8 a,
tôte vue de face, de 5 millimètres de long, noir, glabre, à front pointillé
chez le mtlle, à trois lignes lisses chez la femelle, le thorax à reflets ver-
dâtres, les ailes presque hyalines, rembrunies à la côte, les balanciers
bruns, à tète blanche, les pattes fauves, les segments 3, /i, 5 de l'ab-
domen à bord postérieur blanc chez la femelle vivante. Espèce com-
mune.
Tribu des SVRPHIEMS.
Les Syrphiens appartiennent aux Diptères tétrachètes et renferment
de nombreuses espèces répandues partout, de sorte que cette tribu est
considérable. Les antennes ont le troisième article accompagné le plus
volugi:lla. 1025
souvent d'un style dorsal. I.a première cellule postérieure margip.ale
des ailes est toujours close et la cellule anale se prolonge jusqu'au bord
alaire ou à peu près; une nervure longitudinale surnuméraire coupe la
petite nervure transversale et s'enchilsse entre la troisième et la qua-
trième nervure longitudinale ordinaires. I.a tète ofl're toujours la même
largeur que le protliorax, et présente une petite excavation au-dessous
des antennes. Les yeux à facettes se touchent étroitement chez les
mâles et le vertex porte trois yeux accessoires bien nets. La face pré-
sente une saillie antérieure en forme de nez; une cavité située à la
face intérieure de la tète permet à la trompe de se cacher presque tou-
jours entièrement ; cette trompe se termine par des paraglosscs qui
offrent une large surface de succion sillonnée de nombreux canalicules
servant à l'ascension des liquides. Ces liquides passent ensuite dans un
canal formé par la lèvre inférieure, puis entre l'hypopharynx et l'épi-
pharynx (labre des auteurs), qui ménage entre eux un véritable oritice
buccal comparable au bec d'un oiseau, et de là traversent le pharynv et
l'œsophage. Les mandibules ont disparu et de chaque côté sont situées
des mâchoires munies de palpes d'un seul article (Kûnckel et Gaza-
gnaire). Dans leur premier état beaucoup de Syrphiens ont des larves
carnassières se nourrissant de Pucerons ou de Chenilles ou dévorant le
couvain qui peuple les nids de Bourdons et des Guêpes. D'autres larves
de Syrphiens habitent dans le terreau, dans divers détritus ou dans les
eaux croupies. A l'état adulte beaucoup de Syrphiens sont doués d'un
vol énergique, souvent avec la phase stationnaire due à des vibrations
précipitées des ailes; ils fréquentent les fleurs dont ils sucent les nectars.
VOl.iJCI-:i.l..4 Geoffroy. — Corps épais ; troisième article des antennes oblong,
portant à la base nn style en longue soie empennée en dessus et en dessous,
avec poils plus longs chez les femelles que chez les mâles ; face prolon;;ée
obtusément avec une proéminence au milieu ; trompe à lèvres allongées,
pointues; yeux velus chez les mâles ; cellule marginale des ailes fermée.
Une dizaine d'espèces au plus en Europe et encore devant se réduire,
d'après une remarquede Lepelletier de Saint-Fargeau, d'accouplements,
rares il est vrai mais féconds, entre les plus rapprochées d'aspect de
ces espèces, avec métis participant aux caractères des unes et des
autres. Ce fait au reste est encore d'une observation douteuse. Dans les
espèces d'Europe, l'abdomen est d'ordinaire plus large que le thorax,
le corps parfois presque nu (F. pellucens Linn.), parfois velu {V. bom-
bylans Linn.). Une des espèces les plus répandues est la Volucelle
bourdon, V. bombylans Linn., étudiée par Réaumur, espèce représentée
pi. CXI, fig. 1,] a, son antenne, longueur : 13,5 à 15,5 millimètres, noire,
face et fond jaunes, troisième article des antennes brunâtre, écussou
jaunâtre, ailes rembrunies vers la base, moitié postérieure de l'abdo-
men à poils fauves. Butine volontiers sur les églantiers en tleurs. Les
1026 DIPTÈKES.
Volucelles volent vivement au soleil, souvent en vol stationnaire, tour-
billonnent en été et en automnae dans les bois autour des buissons, se
posant sur les fleurs pour absorber du nectar, parfois aussi un peu de
pollen. Leur corps paraît souvent comme vésiculeux par la transpa-
rence destéo-uments (V. pellucens et inflata Fabr.)- Réaumur a observé
et découvert les larves de V. bombylans dans les nids de Bourdons,
Lepelletier de Saint-Fargeau et Audinet-Serville ont trouvé celles de
V. zonaria Poda, dans les guêpiers. Ces observations ont été complétées et
augmentées par M. J. Kunckel d'Herculais (fiec/ierc/ies sur l'onjanisation
ft le développement des Volucelles, Paris, 1875), qui a découvert les
pupes de nymphose de ces Diptères. Il y a des Volucelles de mêmes
mœurs que les autres et sans analogie de coloration avec des Hymé-
noptères nidifiants; mais, en général, tantôt les Volucelles sont velues
et formées de poils jaunes, blancs et rouges comme les Bourdons chez
lesquels elles pénètrent, tantôt faiblement poilues et parées de bandes
transversales jaunes et brunes, elles ressemblent aux Guêpes et aux
Frelons dont, sous ce masque trompeur, elles envahissent sans crainte
l'asile redoutable. Il semble prouvé par là que les insectes n'ont pas à
distance une vision très nette, et sont plus facilement impressionnés
par les couleurs que parles formes des objets. Les Volucelles pondent
dans les gâteaux; mais leurs larves, puissamment cuirassées contre l'ai-
guillon et bien moins innocentes que celles des Psithyres, dévorent les
larves des Hyménoptères. Les larves des Volucelles sont allongées,
aveugles, étroites en avant, larges postérieurement. Leur corps offre
une peau épaisse, ridée et grisâtre, les côtés sont munis de pointes. En
avant de la tête se trouvent deux petites cornes charnues. La bouche
est armée de deux mandibules bifides et bordée de trois tentacules de
chaque côté. L'extrémité du corps est pourvue de six pointes disposées
enrayons. Dans la larve de V. zonaria, M. Kûnckel a constaté les plus
curieux changements dans les terminaisons extérieures de l'appareil
respiratoire. Chez la larve, hérissée de spinules, on trouve quatre stig-
mates, deux antérieurs au second anneau, deux postérieurs au dou-
zième; les pattes existent bien visibles. Lors de la nymphose, le tégu-
ment s'isole de la peau de la larve; on a une pupe, plus raccourcie,
offrant aussi des couronnes de spinules. Chez ces pupes de Volucelles
les orifices pour l'entrée de l'air chez la larve ont disparu, et la région
antérieure offre au dos deux tuyaux qui simulent deux courtes cornes.
A leur surface est un nombre considérable de petits orifices d'entrée
de l'air, spéciaux à ces pupes. Chez l'adulte, cet appareil transitoire si
singulier n'existe plus, il y a sept paires de stigmates aux places habi-
tuelles, et cette multiplicité d'orifices correspond à des trachées per-
fectionnées.
moiiOPHILtlS Meigen. — Antennes insérées sur une saillie du front avec
troisième article presque orbiculaire à style latéral ; face à proéminence ; yeux
HELOPHILUS, EKISTALIS. 1027
séparés dans les deux sexes ; cellule sous-marginale des ailes ouverte el pédi-
forme ; cuisses épaisses, les postérieures renflées, mais non dentées ; jambes
arquées, ordinairement prolongées par une pointe ; abdomen déprimé.
Le nom du genre Helophilus signifie ami des eaux stagnantes, d'après
le mode d'habitation des larves. Il y a de quinze à vingt espèces en
Europe, beaucoup des régions boréales. Les larves de ce genre vivent
dans les eaux croupies renfermant des détritus végétaux et les adultes
volent en plein été sur les Heurs des bois et des champs. Nous repré-
sentons une espèce très voisine de VH. pendulus Linn., espèce d'Europe
très commune, ayant des raies jaunes sur le dos et des taches et bandes
jaunes à l'abdomen. C'est H. Chilensis G. Mén., pi. cxi, fig. 2, 'la, tête
vue de profil; 2c, cuisse postérieure; 2 d, bouche; 2e, tarse posté-
rieur ; habite le Chili.
A côté des Uélophiles se trouve le genre Eristalis Latr., ayant en
Europe une trentaine d'espèces avec beaucoup de synonymes répon-
dant à de fréquentes difficultés de détermination. Tantôt la soie du
dernier article des antennes est nue, tantôt empennée; les yeux sont
velus, couverts de poils très fins et très courts visibles à la loupe. Dans
l'aile, la cellule marginale est ordinairement fermée et la petite ner-
vure transversale oblique s'abouche derrière le milieu de la cellule
médiane, la troisième nervure longitudinale s'inclinant fortement vers
le bord interne. Les cuisses postérieures, au lieu d'être lisses comme
chez les Helophilus^ un peu plus longues que les autres ainsi que les
jambes incurvées, sont pourvues de petites soies sur leurs bords infé-
rieurs et supérieurs. Les mâles des Eristales volent impétueux autour
des buissons. Us guettent les femelles en planant immobiles dans les
airs et se précipitent sur elles avec toute la violence de leurs désirs.
Celles-ci font leur ponte au vol dans les substances liquides. Elles s'a-
baissent à la surface pour déposer un ou plusieurs œufs, s'élevant en-
suite pour s'abaisser et se relever encore.
Il y a une trentaine d'espèces à' Eristalis en Europe.
Une des espèces les plus communes partout est l'Eristale gluante,
Eristalis tenax Linn., qui ressemble au premier coup d'oeil à une
Abeille par la taille, la coloration et le bourdonnement. C'est une
espèce dont les antennes portent sur le revers de leur article lenticu-
laire et subcirculaire une soie nue. De petits poils d'un brun jaunâtre
recouvrent le thorax et la tête, à l'exception d'une bande d'un noir
luisant qui traverse la face. Cinq anneaux, d'un brun foncé, consti-
tuent l'abdomen, les antérieurs portant des taches latérales plus ou
moins nettes. Les parties externes et surtout la face ventrale un peu
évasée sont couvertes de poils. Cet insecte, avec quelques autres es-
pèces, apparaît dès le début du printemps, venant butiner notamment
dans les chatons des saules, soit qu'il ait hiverné, soit qu'il vienne
d'éciore de sa pupe, et on le retrouve jusqu'au milieu de l'automne,
1028 Dl ITÈRES.
même dans les rares jours ensoleillés de novembre sur les fleurs si
tardives de certaines Composées et sur celles du lierre qui attirent à
cette époque beaucoup d'insectes. Elles vont aussi sucer les fruits et
les ulcères des arbres. La larve est comprise avec celle des autres Eris-
tales dans les Vers à queue de rat de Réaumur, qui se développent dans
les eaux les plus malpropres, même dans les eaux vannes des latrines
mal tenues. A sa taille, elle est cylindroïde, d'un gris sale, laissant voir
l'intestin par translucidité, de 15,5 millimètres de long, terminée par
une longue queue tiliforme atteignant 20 millimètres. L'extrémité an-
térieure de la larve se rétracte en se plissant et porte les deux crochets
écaillcux habituels. Le ventre est muni de rangées de piquants qui
servent à la progression de cette larve gluante, notamment quand elle
grimpe hors de sa fangeuse résidence, le long de quelque paroi sèche,
pour y opérer sa nymphose. La larve plongée dans le liquide porte à la
surface pour respirer la pointe étroite et rougeâlre qui termine sa
queue extensible et rétractile, s'élevant parfois d'une façon incroyable
pour atteindre une couche aérienne.
Les larves sorties du liquide laissent transsuder une humeur vis-
queuse, puis deviennent des pupes durcies et plissées en travers, assez
coriaces, qu'on nomme parfois petites Souris et qui enveloppent les
véritables nymphes. Elles présentent en avant, simulant des oreilles,
une paire de petites cornes destinées à la respiration, car leur surface
est couverte de petits orifices stigmatiques. Au bout de douze à quinze
jours, un opercule se détache en même temps que les cornes stigmati-
fères et l'adulle apparaît. Les larves des Helophilus sont aussi des Vers
à queue de rat, avec les mêmes métamorphoses.
NVRPHKS Fabr. — Antennes insérées sur une saillie du front, assez écartées
ù la base, le troisième article ovalaire portant une soie nue en général ; face à
proéminence ; palpes et soies maxillaires plus ou moins allongés ; yeux ordi-
nairement nus, parfois velus ; ailes hyalines et scintillantes, avec une troisième
nervure longitudinale presque droite, une petite nervure transversale aboutissant
dans hi moitié antérieure de la cellule médiane et une cellule marginale
ouverte.
Les Syrphes comptent en Europe près de quatre-vingis espèces. Leurs
couleurs sont jaunes, rougetltres et noires. Us sont lourds, paresseux
et au repos par les jours frais et brumeux; dès que parait le soleil, ils
voltigent vivement avec un léger bourdonnement, faisant fréquemment
vibrer leurs ailes en vol stationnaire, les pattes pendantes ; puis ils s'a-
battent sur une fleur ou sur une feuille et s'envolent de nouveau aussi
vite qu'ils sont venus pour recommencer leur jeu. Les Syrphes sont
d'une grande utilité pour les horticulteurs, car leurs larves très vo-
races, arrivant en peu de semaines à toute leur croissance, se nourris-
sent de Pucerons, de Cochenilles et de petites Chenilles. On voit en été,
SYRPHUS. 1029
au milieu des Pucerons, ces larves apodes et aveugles, très allongées,
effilées du côté de la tâte qu'elles tournent fréquemment à droite et à
gauche pour chercher en tâtonnant une proie qu'elles suceront eu la
tenant eu l'air. Klles sont vertes ou d'un vert grisâtre, ressemblant à de
petites Sangsues par leur aspect et leurs mouvements. Non seulement
elles peuvent étirer leur corps en l'effilant, mais encore rétracter les
deux bouts vers le centre, de façon à figurer une sorte d'ovale ; c'est la
posture qu'elles affectent quand on les saisit. Elles se fixent par des
verrucosités charnues de leur région postérieure. La fine extrémité an-
térieure offre deux crochets écailleux, entre lesquels s'étend un petit
plateau corné armé de trois pointes. C'est un dard muni d'une ouver-
ture à l'extrémité et en dedans d'une trompe. Le dard perce la victime,
la trompe se remplit d'une partie de sa substance, se retire vers l'œso-
phage pour s'y décharger, vient se remplir de nouveau et continue ce
mouvement de piston jusqu'au moment où il ne reste que la dépouille
desséchée. Pour progresser, la larve fixe l'extrémité antérieure qu'elle
a étirée tout de son long et lâche alors l'extrémité postérieure qu'elle
rétracte ensuite. Ces larves se développent au moins deux fois par an,
après que les femelles ont pondu leurs œufs isolément sur les feuilles
ou les tiges habitées par les Pucerons ; il y a des espèces dont les larves
hivernent.
Les larves à leur terme grimpent généralement vers le soir sur une
herbe voisine, ou sous une feuille, ou à la pointe d'une aiguille de sa-
pin, se fixent au moyen d'une matière gommeuse qu'elles sécrètent, se
raccourcissent et deviennent des pupes turbinées d'un vert brunâtre,
en forme de larmes, dans leur propre peau.
Les espèces les plus communes en France sont : S. balteatus De
Géer, syn. : nectareus Panzer, le Syrphe à bandelettes, de 10 milli-
mètres de long, la tête jaune avec le vertex noir, le thorax vert, les
pattes jaunes et l'abdomen noir avec une tache jaune de chaque côté
sur le premier segment, une bande fauve sur le second, deux bandes
fauves sur les troisième et quatrième et le cinquième entièrement
fauve ; très abondant dans les jardins; S. seleneticus Meigen, le Syrphe
à croissants, de la taille d'une grosse Mouche à viande, d'un bleu d'a-
cier à reflet vert, la tète brune avec de gros yeux roussâtres, l'écusson
jaune, l'abdomen marqué de rangées de taches jaunes. La larve, très
commune dans les pépinières au milieu des Pucerons, est allongée,
cendrée, avec des lignes et des taches noirâtres, rougeâtres et blanchâ-
tres, la pupe ovoïde, pointue à l'extrémité postérieure ; deux éclosions
de l'adulte, en mai et août, comme pour la plupart des Syrphes. Le
Syrphus rtbesii Linn., de 10 millimètres, a le corselet d'un vert bronzé,
l'abdomen noir, marqué de quatre bandes jaunes, dont la première
est interrompue et les autres échelonnées, les pattes fauves; très abon-
dant sur les groseilliers. Le S. pirastri Linn., de 12 à 15 millimètres,
est un grand Syrphe à corselet et abdomen d'un noir bleuâtre, avec
C.IRARD. ni. — 64
103Û DIPTÈRES.
deux barides blanches aux anneaux 2, 3, U de l'abdomen, les pattes d'un
jaune roussâtre; fort commun, avec la larve fréquente sur les arbres
fruitiers. Nous représentons un beau Syrphe exotique, du Sénégal, de
8 à 9 millimètres, le S. Senegalensis G. Men., pi. cxi, fig. 3, et les dé-
tails d'une espèce d'Europe, d'un sous-genre détaché des anciens Syr-
phus, sous le nom de Melanostoma Schiner ; le M. unicolor Macquart,
pi. CXI, fig. à, tête vue de profil; ha, id. en dessous; h b, antenne;
h c, bouche; hd, l'un des tarses. Nous ferons remarquer que les Syr-
phiens, par leur mode de métamorphose, commencent le groupe des
Cyclorapha de Schiner, dont l'adulte sort de la pupe par une incision
circulaire à la partie antérieure, un opercule restant attaché à un
point qui forme charnière comme une tabatière ouverte. Il en sera
de même pour l'immense tribu des Musciens. Au contraire, tous les
Némocères et, parmi les Brachycères, lesTabaniens, Asiliens, Stratyo-
miens, Dolichopodiens appartiennent aux Orf/tor«p/ia du même auteur,
dont l'adulte sort de sa nymphe par une incision longitudinale. On
peut faire l'objection à cette division primordiale qu'elle exige la con-
naissance des premiers états, de sorte que des formes connues seule-
ment à l'état adulte peuvent amener des incertitudes. Il est, croyons-
nous, pour tous les ordres des Insectes, préférable de déduire les
grandes divisions de l'état parfait seul.
l*ARACilIS Latr. — Troisième article des antennes allongé, avec style inséré
entre la base et le milieu de cet article ; face convexe ; vertex fort allongé chez
le mâle ; yeux velus, ordinairement rayés ; premier segment de l'abdomen ordi-
nairement assez grand, deuxième et troisième à impression transversale.
Une douzaine d'espèces en France. Nous représentons une des plus
connues, P. bicolor Latr., pi. cxi, flg. 5, 5 a, tête vue de profil, long de
li,5 à 6,5 millimètres, noir, à légers reflets verts ; bords des yeux
blancs ; écusson à extrémité blanchâtre ; second et troisième segments
de l'abdomen d'un testacé rougeàtre dans les deux sexes.
t)HR¥HOTOX.i;iil Meigen. — Antennes insérées sur une saillie conique du
front, un peu plus longues que la tète, les deux premiers articles allongés,
cylindriques, le troisième un peu plus allongé, avec un chète sélacé ; ailes
écartées au repos ; abdomen avec des taches arquées et dorées.
Les Syrphiens du genre Chrysotoxum vivent sur les fleurs et comptent
quinze espèces en Europe avec une nombreuse synonymie. Nous re-
présentons une des plus communes, C. arcuatum Linn., pi. cxi, fig. 6,
de 12 millimètres de long, noirâtre, avec écusson jaune à tache noire,
les ailes jaunâtres à côte rembrunie, les segments 2, 3, li, 5 de l'abdo-
men à bande jaune, arquée, interrompue.
CERIA, MICRODON. 1034
CERl.% Fabr. — Antennes plus longues que la tète, insérées sur un pétiole le
second et le troisième article forinant une massue ovale, avec style terminal
court ; tête plus large que le thorax ; nervure sous-marginale des ailes très
sinuée, émettant un rudiment de nervure ; abdomen cylindroïde.
Les Céries sont d'élégants Diplùres, toujours assez rares, offrant une
grande ressemblance avec les Conops (Musciens entomophages), et se
posant fréquemment sur le sol. Cinq espèces en Europe, dont le type
est C. conopsoides, Linn., pi. cxi, tig. 7, 7 a, tète vue de profil; 7 6, id., vue
en dessus; 7c, bouche, longueur H à 13,5 millimétrés, noir, face jaune
à bande noire, front jaune chez le mâle, jaune et noir chez la femelle ;
côtés du thorax à taches jaunes, écusson jaune, à extrémité noire; bord
extérieur des ailes, brun; jambes et tarses fauves; segments, 2, 3, à de
l'abdomen à bord jaune. Environs de Paris, rare, de mai à octobre.
MICRODOM Meigcn, syn. : Apuritis Latr. — Antennes plus longues que la
tête, second et troisième articles formant une massue allongée, avec chète
latéral sétacé partant de la base du troisième article ; palpes très petits ; écusson
muni de deux pointes ; cellule médiastine des ailes et quelquefois première
postérieure divisées par une nervure transversale ; abdomen ovale.
Quatre espèces en Europe toujours rares. La principale est M. muta-
bilis Linn., pL cxii, fig. 1, la, tête vue de profil; 1 6, bouche; le, larse
antérieur, syn. : M. apiformis De Géer, longueur 9 à 11 millimètres,
tète et thorax d'un vert olive bronzé, la tête avec trois très petits ocelles
en triangle obtus, les antennes noires, face à poils jaunâtres, ailes rem-
brunies, pattes fauves à cuisses noires, abdomen noir à duvet doré, ainsi
que le thorax. La larve de ce Diptère, de 9 millimètres de long, grisâtre,
réticulée, de la grosseur d'un grain de café, très bombée en dessus,
aplatie en dessous, ressemblant à une petite Limace, sans trace de seg-
mentation, avec deux stigmates postérieurs. La pupe, formée dans la
dernière peau durcie de la larve, est brune et porte en avant sur le
dos deux cornes stigmatifères droites de 0,75 millimètres de long. Sous la
peau durcie de cette pupe est une nymphe emmaillotée, où l'on recon-
naît les formes de l'adulte futur, la tète infléchie sur la poitrine, les
antennes appliquées sur le front et débordant de chaque côté sur les
yeux, les six pattes repliées et appliquées sur la poitrine et l'abdomen,
les fourreaux des ailes également ramenés contre les pattes posté-
rieures. La partie dorsale porte implantées sur l'extrémité du protho-
rax les cornes respiratoires qui communiquent avec deux grosses tra-
chées. Quand l'adulte éclôt, la partie antérieure et supérieure de la
pupe éclate en trois pièces au-dessous des cornes respiratoires, laissant
une ouverture coupée latéralement d'une façon assez nette, environ
au cinquième de la longueur. C'est dans les fourmilières, soit sous les
écorces, soit en terre, qu'on trouve les larves et les nymphes du M. mu-
1032 DIPTÈRES.
tabili.s, ainsi sous les écorces avec le Lasius niger, et aussi dans les
fourmilières du Lasius bnmncus el de?> Formica rufa,fasca eicum'cularis.
Un autre Microdon également de toute la France et rare est le M. devins
Linn., à larve également myrmécophile et trouvée avec Formica fusca.
Cette larve est lisse et non réticulée comme celle du M. mutabilis. Les
adultes des deux espèces se trouvent au printemps sur les fleurs ou ca-
chés sous les herbes dans les prairies humides. Schiner dit qu'on trouve
souvent les Microdon en grand nombre blottis près du sol, parmi les
herbes et les feuilles. On consultera: G. Poujade, Métamorphoses d'un
Diptère de la famille des Syrphides, genre Microdon Meigen, M. muta-
bilis I.inn; {Ann. Soc. entom. France, 1883, p. 23.)
MEIlODOlil Meigen. — Corps épais ; antennes insérées sur la moitié inférieure
de la hauteur de la tête et sur une saillie du front, le troisième article ovale,
portant un style latéral articulé ; yeux velus ; cellule sous-marginale des ailes
pédiforme ; cuisses épaisses, terminées par une dent chez les mâles, jambes
arquées.
Les Merodon comptent en Europe près d'une quarantaine d'espèces.
Une des principales est M. equestris Fabr., pi. cxn, fig. 2, 2 a, tête vue
de profil; 26, bouche; 2c, antenne, longueur 13,5 millimètres; face et
l'ront grisâtres ; antennes noires ; thorax antérieurement à poils ferru-
gineux, postérieurement à poils noirs; écusson et abdomen à poils ferru-
gineux; pattes noires, les jambes postérieures du mâle à tubercule vers
l'extrémité et terminées par une pointe recourbée ; environs de Paris et
France méridionale. Réaumur a découvert dans les oignons de narcisse
les larves du M. clavipes Fabr. qui en rongent l'intérieur, une ou deux
dans chaque bulbe. Elles ont le corps blanchâtre, épais, cylindrique,
pointu aux deux extrémités; la bouche est munie de deux crochets
écailleux, dont la pointe est dirigée en dessous. Au-dessus de ces cro-
chets on aperçoit deux cornes bifides, charnues et mobiles : l'extrémité
du corps offre les stigmates postérieurs insérés sur un pédicule et deux
mamelons pointus, dont la larve se sert peut-être pour se cramponner.
La pupe est ovale, présentant les deux cornes antérieures despupes de
Syrphiens aboutissant intérieurement à deux vésicules qui commu-
niquent aux stigmates.
XYliOTA Meigen. — Tête fort déprimée ; antennes insérées sur une saillie du
front, second article ordinairement cilié, troisième orbiculaire, style long ;
palpes longs ; première cellule postérieure des ailes à base oblique ; hanches
postérieures souvent munies d'une épine longue et grêle ; cuisses postérieures
allongées, renflées, armées de petites pointes en dessous ; jambes arquées ;
abdomen allongé, plus étroit que le thorax.
Les Xylotes sont des Diptères vivant dans les forêts, car leurs larves
TROPIDIA, SPILOMYIA, PIPIZA. 1033
se trouvent dans le bois décomposé. Les adultes voltigent au printemps
sur les fleurs, surtout les aubépines, suçant les nectars. Il y a une dou-
zame d'espùces en Europe. On peut prendre pour type X. sejjnis Linn.,
pi. cxii, flg. 3, 3a, tète; 36, antenne, longueur de 11 à 13 millimùlres,
antennes obscures; face grise; front gris en avant chez le mâle, noir,
à taches latérales grises chez la femelle ; thorax d'un vert obscur; cuisses
noires, les postérieures à longues pointes; jambes jaunes, à anneau
obscur; premier segment de l'abdomen noir, à reflets verts, second et
troisième fauves, les autres noirs, à reflets verts.
TROPlDl.% Meigen. — Troisième article des antennes orbiculaire, tronqué à
l'extrémité; face fort saillante, convexe, carénée longitudinalement ; cuisses
postérieures renflées, arquées et munies d'une saillie triangulaire; jambes
arquées.
(Juatre espèces seulement en Europe, toujours rares, parmi lesquelles
T. milesiformis Meigen, dont nous figurons des détails, pi. cxu, fig. h, sa
tête; lia, son antenne.
§>I>II.OMVI.% Meigen, syn. : part. Milesia Latr. — Tête fort déprimée ;
antennes insérées sur une saillie du front, à troisième article orbiculaire avec
un style latéral grêle; face souvent sans proéminence ; première cellule posté-
rieure des ailes à base oblique; jambes postérieures un peu arquées et com-
primées en carène.
Les Milesia et Spilomyia comptent au plus une dizaine d'espèces en
Europe. Ce sont de très élégants Syrphiens floricoles, recherchant les
chatons des saules, les corolles des prunelliers et des aubépines dès les
premiers beaux jours du printemps. Leurs larves vivent dans les détri-
tus du bois. Celle de la Milésie vespiforme (Spilomyia) a été observée
par Baumhauer, elle est épaisse, presque ovale, d'un gris rougeàtre.
Nous représentons S. speciosa Rossi, pi. cxn, fig. 5, 5a, tête vue de
profil: 56, antenne; 5c, bouche; 5 d, tarse antérieur, longueur 15,5 mil-
limètres, d'un vert métallique obscur, la face, le front et les antennes
fauves, les épaules jaunes, le bord extérieur des ailes jaune à extrémité
brunâtre, les pattes fauves, la base des cuisses noirâtre, second seg-
ment de l'abdomen et suivants sillonnés, à bande noire, le bord des
segments et la ligne dorsale à poils dorés. Rare; France, Allemagne,
Italie.
PIPIZ.4 Fallen. — Tète un peu conique chez le mâle ; troisième article des
antennes ovale, quelquefois allongé ; face plane, sans prolongement inférieur ;
yeux velus ; cuisses postérieures quelquefois renflées.
Le nom de ces Syrphiens fait allusion au bourdonnement qu'ils font
103/i DIPTÈRES.
entendre. Une quarantaine d'espèces en Europe, en général assez
rares. Une des principales est /'. fasciata Meigen, pi. cxii, fig. 6, de 9 à
H millimètres de long, noire, les antennes brunes, la face à poils
jaunes, le thorax et 1 abdomen à poils fauves, avec une large bande
fauve échancrée au second segment, le troisième à ligne fauve inter-
rompue, ailes brunes au milieu, l'extrémité brunâtre chez la femelle;
pattes fauves, les cuisses noires à extrémité fauve, les postérieures un
peu renflées, les jambes à anneau brun. Rare.
RniIVCilA Scopoli. — Antennes insérées sur une saillie du front, à troisième
article lenticulaire, avec long style latéral inséré à la base ; tête prolongée par
un bec conique -, trompe menue, cylindrique, lèvres terminales allongées,
palpes soudés aux soies maxillaires jusque vers l'extrémité ; abdomen large,
ovale.
Ce genre n'a que trois espèces en Europe, remarquables par un rostre
céphalique prolongé. Le type est R. rostrata Linn., pi. cxii, fig. 7, la,
tête vue de profif; 7 6, id. .en dessous; 7 c, bouche; 7 d, antenne; le,
tarse antérieur, d'une longueur de 9 millimètres, la face ferrugineuse,
le front à duvet gris chez le mâle, le vertex noir, les antennes ferrugi-
neuses, le thorax noir chez le mâle, gris chez la femelle, avec trois
bandes brunes, l'écusson d'un fauve brunâtre, les ailes grisâtres, les
pattes ferrugineuses, l'abdomen ferrugineux, avec le premier segment
noirâtre chez le mâle, à tache noire dans la femelle, le second à tache
noire. Cette espèce est fort commune dans toute l'Europe et sa larve
vit dans les bouses.
Tribu des IIIJSCIEMS.
Les Musciens forment la tribu la plus considérable de l'ordre des
Diptères, comprenant plus de vingt mille espèces, certaines fort petites.
On y trouve des entomophages, précieux auxiliaires de l'agriculture,
des parasites cutanés des grands animaux et de l'homme lui-même, des
sarcophages faisant disparaître les résidus cadavériques, des multitudes
d'espèces attaquant les céréales, les fruits et les cultures de légumes,
soit de plein champ, soit des jardins. Il est impossible d'établir des
caractères généraux et certains Syrphiens restent de place incertaine
entre les Syrphiens et les Musciens.
La iamiUe des Conopsides est remarquable par ses mœurs ; ils sont
des entomophages internes, non pas de larves, comme les Ichneumo-
niens et tes Tachinides, mais d'Insectes adultes et très principalement
d'Hyménoptères, le Conopside introduisant son œuf dans un Insecte à
l'état parfait. Ce sont d'élégants Diptères, vivant sur les fleurs et plutôt
paresseux que vivaces. Ils sont d'une famille de transition, car ils ont à
CONOPS, MYOPA. J035
la l'ois le style antennaire terminal des tribus supérieures et la trompe
à deux soies des inférieures. F.eur tâte, très grosse, débordant le thorax,
offre un vertex translucide, souvent vésiculeux. La trompe est de nature
cornée, généralement longue, dans le prolongement de l'axe du corps
et pourvue d'une surface de succion peu étendue. L'abdomen est très
rétréci à sa base, même pédiculiforme, se recourbant en crosse chez le
mâle, plus cylindroïde et recourbé seulement au bout chez la femelle.
Les mâles ont sous le quatrième segment de l'abdomen un appendice
de nature cornée assez saillant, en forme de valve concave qui re-
couvre l'appareil copulateur quand l'abdomen se replie en dessous.
Entre les griffes de chaque patte se trouvent des lobules très dévelop-
pés qui servent à fixer l'insecte.
COIVOPS Linn. — Corps étroit ; tête grande et large ; antennes un peu plus
longues que la tête, à second article plus long que le troisième, à style ter-
minal ; trompe longue, menue, coudée à la base, dirigée en avant, à lèvres
terminales petites et menues ; front large dans les deux sexes : pas d'ocelles ;
cuillerons très petits ; ailes couchées au repos, première cellule postérieure fer-
mée et pédiculée, anale fermée et allongée ; abdomen recourbé en dessous, à
base ordinairement étroite.
Nous représentons le C. rufipes Fabr., pi. cxin, du sous-genre Physo-
cephala, Schiner, fig. 6, 6a, tète vue de profil; 6 b, antenne ; 6c, bouche,
espèce qui se trouve dans toute l'Europe, longueur 11 millimètres,
tôte fauve, face à bande et joues noires, front à bande noire, antennes
d'un fauve brunStre, thorax noir, deux points blancs en dehors des
épaules; moitié extérieure des ailes d'un brun fauve dans les deux
sexes, ainsi que l'extrémité des tarses, pattes fauves, abdomen ferrugi-
neux, le premier segment à base noire, troisième et quatrième à bande
antérieure noire.
Il y a en Europe plus de trente espèces du genre Conops et de son
sous-genre Physocephala. Les larves vivent dans l'abdomen de divers
Insectes adultes et s'y changent en pupes, l'insecte parfait sortant par
un trou qu'il pratique dans une incision entre deux segments, quelque-
fois plusieurs mois après la mort de l'Insecte, de sorte qu'on trouve
parfois des Conops éclos dans des boîtes de collection. On cite comme
hôtes des Conops plusieurs espèces de Bombus, un Osniia, un Bembex,
de Vespa, à'Odynerus, d'Eucera, de Pompilus, de Sphex, et, outre ces
Hyménoptères, un Œdipoda (Orthoptère Acridien).
MYOPA Fabr. — Face ordinairement gonflée ; front large dans les deux
sexes ; antennes assez courtes, à troisième article ovalaire, presque orbiculaire,
■avec un style dorsal court; trompe longue, menue, coudée à sa base, puis vers
la moitié de sa longueur et dirigée en arrière ; des ocelles ; cuillerons petits ;
ailes couchées, la première cellule postérieure ordinairement ouverte, anale
1036 DIPTÈRES.
allongée ; abdomen obtus, recourbé en dessous, le quatrième segment dilaté en
dessous chez le mâle ; ongles et pelotes des tarses grands.
Les Myopes comptent en Europe une quinzaine d'espèces et vivent
du nectar des fleurs. Nous représentons pi. cxiii, fig. 7, M. variegata
Meigen, longueur 7 millimètres, les palpes en massue, la face jaune
le front et les antennes ferrugineux, le thorax noir, à deux lignes blan-
châtres antérieurement, les épaules et côtés brunâtres, lécusson à
tache blunclie ; ailes brunâtres, pattes ferrugineuses, les cuisses anté-
rieures épaisses, noires, ù anneau blanchâtre, les jambes à anneau
noir; abdomen noir, les trois premiers segments à côtés ferrugineux et
bord blanc, les deux suivants blanchâtres, à quatre taches antérieures
noires. De France et d'Allemagne. A citer encore : M. ferruginea Linn.,
du sous-genre Sicus Scopoli, à grosse tète vésiculeuse, le corps d'une
couleur rouillée et brillante, la face d'un jaune doré, l'écusson dorsal
marqué de trois raies noires longitudinales, l'abdomen portant des
bandes transversales blanches à reflets soyeux ; la larve de cette espèce
vit, dit-on, dans le corps des .Bourdons.
La famille des DKstrides est essentiellement naturelle en raison d'un
caractère biologique de haute valeur, les Diptères qui la composent
étant de véritables parasites des grands Mammifères et accidentellement
de l'homme lui-même, c'est-à-dire qu'ils vivent à l'état larvaire aux
dépens d'animaux dont ils ne causent pas la mort et qu'ils ne rendent
réellement pas malades, ne troublant souvent en rien leur régime ha-
bituel. Le corps des Œstrides est ordinairement velu ; la trompe est
parfois nulle et l'insecte parfait ne prend alors aucune nourriture;
d'autres ont une trompe rudimentaire et une bouche légèrement fen-
due, ou bien une trompe cachée dans une cavité buccale fermée. Les
palpes sont tantôt distincts, tantôt nuls. Les antennes sont courtes, cy-
lindroïdes, insérées dans une fossette frontale, le troisième article ordi-
nairement globuleux, avec un style sétacé dorsal, épais à la base. Il
existe des ocelles. Le plus souvent les cuillerons sont grands et les ailes
écartées, ordinairement avec trois cellules postérieures, la première
tantôt fermée, tantôt entr'ouverte, tantôt très ouverte. L'abdomen est
le plus souvent ovale, formé de six anneaux apparents, se terminant
dans les mâles par une extrémité mousse, dans les femelles par un ovis-
capte très extensible.
Les QEstrides habitent à l'état de larve des Mammifères domestiques
ou sauvages, ainsi le bœuf, le cheval, l'âne, le renne, le cerf, le che-
vreuil, l'antilope, le mouton et divers Rongeurs, tels que le lièvre. Ils
occupent trois stations principales sur leurs hôtes : 1° les Cuticoles vi-
vent sous la peau dans des tumeurs que détermine leur présence, ainsi
le genre Cuterebra, surtout américain, sous la peau du lièvre, du
chien, etc., et aussi de l'homme, le genre Hypoderma sous la peau du
bœuf, le genre Œdemagena sous celle du renne ; 2° les Cavicohs, habi*
CffiSTRIDES, 1037
tant les narines et les sinus frontaux, le genre Cephmemyla dans le
renne en Laponie et dans le cerf en Saxe, le genre Cephalemyia com-
mun dans les moutons de toute l'Kurope; 3" les Gasiricoles ne renfer-
mant que le genre Gastrophilus Leach, syn. : OEstrus auct., Gastrus
Meigen, dont les diverses espèces vivent à l'état larvaire principalement
greffées à la paroi interne do l'estomac des diverses espèces de l'ordre
des Équidés.
On ne peut confondre les larves d'Œstrides qu'avec celles des Mus-
cides ou asticots. 11 y a d'abord des conditions biologiques différentes.
Les Muscides adultes ne peuvent pas entamer la peau saine et pondent
leurs œufs dans des plaies déjà existantes et plusieurs larves de Moucbes,
parfois mt^me un très grand nombre, peuvent coexister dans la même
plaie. Les (lEstrides au contraire sont les agents directs des tumeurs où
vivront leurs larves et ne déposent jamais qu'un seul œuf en un point
donné de la peau externe ou de la muqueuse d'une cavité. Les larves
des Œstrides comme celles des Muscides sont fusiformes, apodes, sans
tête distincte, privées d'yeux et d'antennes, composées de onze à treize
segments peu apparents, dont le premier ou pseudocéphale porte une
paire de forts crochets mandibulaires, sauf dans le genre Hypoderme,
Si nous supposons la larve placée verticalement, l'orilice buccal en
haut, on voit que les téguments sont couverts d'épines chitineuses
aiguës et tournées en bas ; mais, tandis qu'elle sont presque toujours
d'égale forme et répandues comme au hasard sur tout le corps dans
les Muscides, dans les Œstrides, au contraire, on rencontre toujours
une couronne d'épines plus fortes, formant une ceinture au bord infé-
rieur de la plupart, sinon de tous les segments, d'où résulte pour le
corps une disposition annelée bien plus manifeste.
Le corps est, chez les Œstrides, courbé en arc de circonférence sur son
pian antérieur, disposition plus accusée chez les Cuticoles, ce qui leur
permet de mieux s'adapter aux dimensions restreintes de la cavité dans
laquelle ils vivent. Les larves de Muscides, qui ne sont pas habituelle-
ment parasites, ont le corps rectiligne ou tout au plus légèrement courbé
en S, par suite de l'habitude qu'elles ont d'élever leur extrémité caudale
et respiratoire au-dessus des matières demi-liquides où elles vivent, et de
courber en sens inverse leur extrémité céphalique pour prendre appui
avec leurs mandibules. Le caractère distinctif le plus important se
trouve dans la disposition des stigmates inférieurs. Il n'y a que deux
paires de stigmates dans les larves d'Œstrides ou de Muscides; mais,
tandis que la paire inférieure se termine librement chez les Muscides
au moyen d'une sorte de bouton renflé, dans les Œstrides au contraire
ces stigmates sont logés au fond d'une dépression {caverne stigmatique
des auteurs) qui peut se fermer au gré de l'animal, soit au moyen de
deux lèvres s'appliquant l'une sur l'autre [Gastrophilus equi), soit par
une lèvre antérieure unique se relevant au-devant des orifices {Cepha-
lemyia oris), soit enfin par un bourrelet circulaire qui se ferme en se
"v03è DIPTÈRES.
fronçant à la manière d'une bourse (Gastrophilus hœmorrhoidalis). Chez
les Œstrides encore les troncs trachéens longitudinaux aboutissent
inférieurement à deux plaques stignnatiques cornées, d'une structure
très compliquée, réniformes ordinairement et criblées d'un nombre
plus ou moins grand de petits orifices. Ces dispositions sont évidem-
ment en rapport avec la vie parasitaire et ont pour but de prévenir
l'obstruction des organes respiratoires par le mucus ou le pus au milieu
desquels vit l'insecte.
crTEREBRA Clarcke, Latr. — Tête un peu renflée en avant ; troisième article
des antennes ovoïde avec un style plumeux ; cavité buccale étroite, triangulaire,
avec trompe très petite et rélractile ; première cellule postérieure des ailes
entr'ouverte à l'extrémité ; pelotes tarsiennes assez larges ; larves sans crochets
buccaux.
Les Cutérèbres sont des Œstrides cuticoles encore fort mal connus
comme détermination exacte et qui sont voisins des Hypodermes et des
Œdémagènes, déterminant également des abcès sous la peau où vivent
leurs larves. En Russie deux espèces de Cutérèbres vivent en larves sous
la peau des lapins et des lièvres; les autres espèces sont principalement
des régions les plus chaudes de l'Amérique, Mexique et Amérique cen
traie et se trouvent sur l'homme, le chien, le bœuf, la chèvre, les
singes, le jaguar, etc. Chez l'homme les larves résident sous la peau
et, dit-on, dans les narines, mais peut-être ici s'agit-il d'une Lucilia
(Muscides) et non d'une Cutérèbre. Ces larves ont été trouvées à la
région lombaire, aux membres, au cuir chevelu, à l'abdomen, au
scrotum, etc. Biles sont citées par La Condamine, Barrère, Arture,
médecin du roi à Cayenne, qui envoya en 1753 un mémoire à l'Acadé-
mie des sciences sur les tumeurs à Vers macaques, qu'on fait sortir
avec des cataplasmes de tabac. Plus tard en font mention de Humboldt,
le docteur Guyon, à la Guyane (1823); Roulin (Nouvelle-Grenade), le
docteur d'Abreu (Minas-Geraes, 185/i), Justin Goudot, affirmant qu'à la
Nouvelle-Grenade, non seulement les bœufs et les chiens, mais les
hommes eux-mêmes nourrissent des larves d'Œstrides ; il en aurait eu
sur lui-même et en a conservé unesur une cuisse pendant une quinzaine
de jours pour observer sa succion. Coquerel et Salle ont décrit une larve
du Mexique, nommée Ver moyocuil, se développant sur l'homme et le
chien, et Boucard en a plus tard recueilli des échantillons sur l'homme
(Dermatobia hominis de Coquerel). Ces larves n'ont pas de stigmates
supérieurs; quant aux inférieurs, on observe au fond de la ca-
verne stigmatique trois tubes membraneux unis par un système de
bandes anastomosées cornées, ces tubes aboutissant à une chambre
membraneuse qui se continue à plein canal avec les grandes tra-
chées.
Les régions torrides de l'Ancien Monde ne sont pas ù l'abri des
ŒDEMAGENA. 1039
attaques des Df^strides, et le pays des Cafres en serait particulièrement
infesté.
Au Sénégal ont été faites des observations plus précises, quoique
encore bien insuffisantes, sur des Muscides et des Œstrides attaquant
l'homme et produisant des furoncles où sont les larves, une dans chacun.
Le prétendu Idia Bigot i Coquerel paraît être un Œstride cuticole,
ainsi que le Ver de Cayor, du Sénégal, se développant chez l'homme et
chez le chien. Il paraît bien prouvé aujourd'hui que l'homme peut être
attaqué accidentellement par plusieurs espèces de Diptères atteignant
aussi divers animaux, sans qu'il y ait véritablement, comme l'ont cru
certains auteurs, un OEstrus hominis spécial à l'espèce humaine. Les
Diptères à larves parasites de l'homme sont encore mal connus, car on
en indique à larves avec crochets buccaux et des crochets cornés très
petits et dirigés en arrière aux onze anneaux du corps, ainsi pour
Cuterebra noxialis Goudot, couvrant de tumeurs à la Nouvelle-Grenade
les bœufs et les chiens et aussi le ventre des indigènes, chaque tumeur
renfermant une larve. Probablement ce n'est pas une vraie Cutérèbre.
On a dû confondre souvent les Gutérèbres avec les Hypodermes. Hypo-
derma bovis passe pour avoir été trouvé chez l'homme dans la mâchoire,
les sinus frontaux, les narines, la peau du front, l'oreille, etc. Toutes
ces questions ont besoin de nouvelles études. On consultera le travail
magistral de Brauer : Monographie der Œstriden, Wien, 1863, et la
thèse de doctorat en médecine (Faculté de Paris, 1882), de M. Georges
Pruvot : Contribution à Vétude des larves de Diptères trouvées dans le
corps humain. Nous représentons une fort belle Cuterebra, nommée par
Guérin-Méneville apicalis, pi. cxni, fîg, 1 a, sa tète ; 1 b, tarse anté-
rieur. 11 la désigne comme d'Amérique, notion fort vague. C'est un
sujet de collection sur lequel il n'y a aucune indication d'origine ni de
mœurs dans l'Iconographie.
OSDEMAGKIVA Clarcke, Latr. — Ouverture buccale linéaire, élargie supérieure-
ment ; trompe nulle, deux palpes rapprochés, de deux articles, le second grand,
orbiculaire, comprimé ; première cellule postérieure des ailes entr'ouverte à
l'extrémité, nervure transversale de la discoïdale presque perpendiculaire à sa
base ; crochets et pelotes des tarses grands.
Nous représentons OE. tarandi Clarcke, Linn, pi. cvui, fig. la, tarse
postérieur, longueur du mâle 13""", 5, de la femelle 15"'™, 5 ; antennes
noires ; face à poils jaunes, la partie supérieure et le front à poils
noirs ; thorax à poils jaunes, avec une large bande transversale de poils
noirs ; ailes un peu brunâtres le long de la côte ; cuisses et bas des
jambes noirs, le reste fauve ; premier segment de l'abdomen à poils
d'un jaune pâle, les autres à poils roux. De Laponie et du nord de la
Suède ; la femelle dépose ses œufs sur le dos des rennes et la larve
s'introduit sous la peau pour se développer dans des tumeurs.
1040 DIPTÈRES.
HVPODERMA Latr. — Antennes cachées dans deux fossettes distinctes, pré-
sentant un style nu sur^un troisième article fort court, transversal ; trompe et
palpes indistincts ; une petite ouverture buccale en forme d'Y ; première cellule
postérieure des ailes entr'ouverte à l'extrémité ; nervure transversale de la dis-
coïdale fort oblique.
Les Hypodermes comptent cinq ou six espèces en Europe, dont les
larves vivent sur des Ruminants domestiques ou sauvages. Le type est
H. bovis De Géer, pL cxiii, fig. 3, mâle. L'insecte, long de l/i milli-
mètres, est noir, avec les jambes et les tarses d'un jaune rougeàtre, les
cuisses étant noires. Le dos présente sa partie postérieure d'un noir
luisant, avec cinq crêtes longitudinales mousses de poils noirs nette-
ment saillantes. Le corps est revêtu de poils serrés, noirs sur le second
et le troisième segment de l'abdomen, jaunes à l'extrémité, qui est en
tarière pointue chez la femelle, arrondie obtusément dans le mâle. Les
ailes sont un peu rembrunies. Les cuillerons sont très développés et
les balanciers ont de gros boutons ovales.Réaumurétudiaitles larvessur
les vaches de l'abbaye de Malnoue en Brie, et comme les Diptères qui en
proviennent sont très velus, il les comparait à des Bourdons. Les femelles
voltigent autour des bœufs et des vaches qu'on mène en été au pâtu-
rage et déposent leurs œufs sur la peau ou sur les poils, surtout des
flancs, du dos et de la croupe, sans perforer en rien le cuir. La larve
sortie de l'œuf est munie de pièces buccales quilui permettent d'entamer
la peau et de pénétrer dans le tissu cellulaire sous-cutané. Elle amène
la formation lente d'une tumeur à pus dans laquelle elle se meut au
moyen de ses crochets dermiques. Elle y vit une dizaine de mois jus-
qu'à son complet développement, puis sort le matin de son horrible
berceau pour tomber sur le sol et y devenir une pulpe en barillet d'où
l'adulte éclôt au bout de quelques semaines. Des espèces analogues
produisent des tumeurs cutanées sur lecerf (//. Actœon Brauer), sur le
chevreuil {H. Diana Brauer), sur l'élan aux bois gigantesques, etc.
Parfois les oiseaux insectivores viennent becqueter ces Ruminants et
les débarrasser de leurs larves parasites. L'éléphant et même le rhino-
céros à peau si dure ne sont pas exempts de larves de ce groupe de
Cuticoles et des oiseaux spéciaux, bien connus des chasseurs de ces
grands Pachydermes, élisent en quelque sorte domicile sur leur
dos.
CEPHAl,E!lIYlA Latr. — Corps peu velu ; tète grosse et arrondie antérieure-
ment ; style des antennes apical ; point de cavité buccale, deux petits tuber-
cules ; cuillerons grands, première cellule postérieure des ailes fermée.
On trouve dans toute l'Europe l'Œstre du mouton ou C. ovis Linn.,
pi. cxin, lîg. Zi, Il a, tête vue de face ; Zi 6, antenne; lie, aile, petit Dip-
tère peu velu, de 11 millimètres de long, à antennes noires, à front
GEPHALEMYIA, GASTROPHILUS. 4 041
brun à bande pourprée, le front et le dos rendus rugueux par des vcr-
rucosités noires, les ailes hyalines dans les deux sexes et possédant une
nervure transversale apicale, les pattes fauves, l'abdomen orné de
marbrures jaunes, blanches et noires, semblant divisé en carreaux par
des poils soyeux et faibles. On rencontre ces Céphalémyies en août et
septembre, aux endroits où les moutons vont paître, dans les creux de
murailles, dans les crevasses des écorces,où elles reposent avec calme
et se laissent capturer aisément. On recueille aussi des adultes en
grande quantité sur les solives du plafond des bergeries, l.a femelle
fécondée pond ses œufs dans les narines des moutons. Les larves qui en
éclosent grimpent avec leurs crochels dans les fosses nasales et pénè-
trent dans les sinus frontaux, s'y nourrissant des mucosités dont leur
présence accroît la sécrétion et s'y trouventjusqu'à sept à huit à la fois.
On trouve fort souvent ces larves dans les boucheries et triperies quand
on fend la tête de mouton pour en extraire la cervelle. Au moment où
la femelle touche le nez du mouton, l'animal secoue la têle et frappe
violemment la terre avec les pattes de devant. 11 se sauve le museau
baissé contre le sol ; il flaire l'herbe en courant, de peur qu'une autre
Mouche n'y soit cachée, et, s'il l'aperçoit, s'éloigne avec terreur. Il
cherche les ornières pleines de poussière et y plonge son museau pour
en rendre l'accès impossible. Au bout de neuf mois environ, quand les
larves sont à maturité, elles se laissent expulser au moment où le mou-
ton éternue, puis s'enfoncent verticalement en terre pour se transfor-
mer en une pupe en barillet, produisant l'adulte au bout d'à peu près
deux mois.
On a longtemps cru et écrit que les larves de C. ovis causaient la ma-
ladie du tournis des moutons ; c'est une erreur, car cette grave affec-
tion est due à des Cœnures ou scolex d'Entozoaires dans la masse ner-
veuse encéphalique.
Dans le même genre se trouve la larve de C. macukUa Westw., qui
offre le même mode d'existence dans la cavité nasale du chameau et du
buffle. Des larves de genres très voisins, également d'Œstrides cavi-
coles, se développent dans le nez et dans le pharynx du cerf, du che-
vreuil, du renne, et une espèce dans le pharynx de l'éléphant d'Afrique.
G.%STROPHILl'S Leach, syii. : CftlsTRUS auct., Gastrus Meigen. — Style des
antennes nu ; point de cavité buccale, deux petits tubercules (palpes?); cuil-
lerons médiocres ; ailes couchées au repos, la première cellule postérieure
entièrement ouverte, discoïdale, ne dépassant pas la basilaire extérieure ; abdomen
de mâle à terminaison mousse et arrondie, celui de la femelle finissant par un
long oviscapte rélractile.
Les Gastrophilus comptent sept à huit espèces ayant la même distri-
bution géographique que les Equidés dont ils sont les parasites stoma-
caux. Le plus connu est G. equi Fabr., ou Œstre du cheval, pi. cxni.
1062 DIPTÈRES.
fig. 5, femelle, 5 a, tête vue de face; 5 b, antenne; 5 c, aile, de 13 à
17""",5 de long, reposant les ailes à demi ouvertes et l'extrémité abdo-
minale infléchie. Le front, plus large dans la femelle que dans le mrde,
est recouvert, ainsi que la face dorsale du thorax, dune épaisse four-
rure d'un brun jaunâtre ; les ailes, un peu troubles, sont marquées
d'une bande transversale effacée et sombre et présentent quelques
petites taches, notamment deux apicales ; les autres parties du corps
portent des poils plus disséminés et plus clairs ; le tégument des. pattes
et de la plus grande partie de l'abdomen est d'un jaune de cire foncé.
L'adulte soulève l'opercule de la pupe par quelque matin d'une belle
journée et présente alors transitoirement et disparaissant au bout de
quelques heureslorsde la dessiccation tégumentaire une grande vésicule
transparente recouvrant tout le front jusqu'à la nuque et aidant proba-
blement l'insecte à soulever l'opercule nymphal; on la retrouve chez
beaucoup de Musciens [Cyclorhapha).
L'DEstre vit au voisinage de l'homme dans toute l'Europe et en Orient,
partout où se trouvent des chevaux, se posant même sur l'homme et se
laissant capturer aisément. La femelle s'approche du cheval, de l'âne ou
du mulet, se balance quelque temps les ailes ouvertes, puis se pose sur
lui l'abdomen replié et réunit quelques poils pour y coller un ou plusieurs
de ses œufs, ne suivant pas l'animal à l'écurie ni au bain. Tandis que les
chevaux craignent beaucoup les Taons dont le bourdonnement les effraye,
ils s'aperçoivent fort peu de la présence des Œstres au vol silencieux.
Les œufs sont surtout déposés sur les jambes et sur les épaules, régions
que la langue du cheval peut atteindre aisément. Les jeunes larves
déterminent une démangeaison à la peau, de sorte que l'animal se
lèche et avale ces larves. Après deux mues, ces larves prennent une
forme un peu aplatie et une teinte d'un rouge de chair ; les anneaux,
à l'exception du dernier, sont rugueux en raison d'une double couronne
de piquants qui sont dirigés en arrière. En avant, on distingue à la face
supérieure deux verrucosités extensibles et rétractiles représentant les
antennes et, à la face inférieure, deux robustes crochets qui servent à
fixer la larve à la paroi de l'estomac, principalement près du pylore,
suspendues en sortes de grappes. Ce sont les mandibules ; entre elles
se trouve au premier âge, une pièce simple lancéolée, qui se dédouble
après la première mue, pour constituer une paire de mâchoires en
cisailles capable d'entamer la muqueuse et entre lesquelles s'ouvre la
bouche dans une fente longitudinale. Les stigmates postérieurs sont
renfermés dans une espèce de bourse formée par les derniers segments
et qui peut s'ouvrir et se fermer, cette position dans une cavité empê-
chant ces stigmates d'être obstrués par les mucosités. Us sont composés
d'un grand nombre de petits trous percés dans six bandes écailleuses.
La nourriture des larves consiste dans les liquides que sécrète la paroi
stomacale.
, Ces larves s'accrochent solidement chacune dans une petite excava-
GASTROPHILUS, TACFHNIDES 1Q48
tion ou loge produite par elle, en suçant la muqueuse à la façon d'une
sangsue et faisant couler une sorte de pus qu'elle absorbe ; cette petite
plaie se cicatrise quand la larve l'a quittée. Après dix à douze mois de
séjour dans l'estomac, les larves passent dans l'intestin, aidées par les
mouvements péristaltiques et y achèvent leur développement encore
incomplet. Elles tombent sur le sol avec les excréments, en mai, juin
ou juillet, selon la température, et s'y enfoncent en entier, puis, bien
recouvertes de terre, se rétrécissent et se transforment en une pupe
résistante dont les organes respiratoires antérieurs émergent à la façon
de deux oreilles; au bout d'environ six semaines, si les circonstances
atmosphériques sont favorables, éclosentles adultes. .Nous devons signa-
ler une seconde espèce de Gastrophilus, moins commune que la précé-
dente ; c'est le G. hœmorrhokhdis Linn., de 12 millimètres de long,
remarquable par ses antennes ferrugineuses, ses poils presque partout
fauves, les ailes hyalines dans les deux sexes, les pattes jaunes, l'abdo-
men grisâtre, avec les segments terminaux rougeàtres.
Les Tachinides, appelés parfois Créophiles ou mangeurs de chair,
constituent une tribu considérable de Musciens et commencent le
groupe des Musciens calyptérés, c'est-à-dire dont les balanciers sont
recouverts et cachés par des cuillerons très développés. Les antennes
sont ordinairement couchées, avec un style assez épais tians une partie
de sa longueur, nu ou quelquefois pubescent, le plus souvent formé de
trois divisions distinctes, avec les deux premières courtes. La trompe
est habituellement épaisse, et les palpes allongés. L'épistome est sou-
vent saillant et le péristome bordé de soies, le front ordinairement
large dans les deux sexes. Les yeux ne se touchent pas sur le vertex,
alors même qu'ils se rapprochent dans les mâles ; ils paraissent tantôt
nus, tantôt recouverts de poils veloutés. Ailes écartées au repos, ayant
une nervure apicale transversale nette ; pattes munies de soies, les
pelotes et crochets des tarses grands dans les mâles ; abdomen portant
des soies souvent raides autour des segments, et, le plus habituellement,
d'autres au milieu des second et troisième. Les fortes soies épineuses
du corps ne manquent que chez un petit nombre d'espèces. Cet abdo-
men formé de quatre segments apparents, est court, ovalaire ou
conoïde, rarement cylindroïde et paraissant dans ce cas incurvé à
l'arrière.
Ces Tachinides ou Entomobies de Robineau-Desvoidy inspirent le
plus vif intérêt quand on observe leurs habitudes, leurs' mœurs et le
développement de leurs larves parasites, qui semblent chargées par la
nature de maintenir un équilibre nécessaire à la vie des plantes en
limitant le nombre des insectes nuisibles aux champs, aux jardins et
aux forêts. Les adultes vivent d'un peu de nectar des fleurs, surtout des
Ombellifères d'autres, stationnent sur les feuillages, paraissant fort
indifférents des lieux qu'ils habitent, mais incessamment préoccupés
d'assurer le sort de leur progéniture destinée à l'état parasitaire jusqu'à
40Z|i DIPTÈRES.
l'âge adulte. Ils déposeiitleurs œufs sur les larvesde divers Insectes, prin-
cipalement sur les chenilles des Lépidoptères, ne perforant pas la peau,
car les femelles manquent d'une tarière de ponte analogue à celle des
Hyménoptères entomophages. Les chenilles cherchent à écarter ces
Mouches ennemies par les brusques mouvements de leur tète et des
anneaux postérieurs de leur corps. Remarquons en passant que ces
Entomobies grises ou d'un bleu d'acier sont souvent dévorées par les
oiseaux, notamment les hirondelles, ce qui nous oblige à dire que les
oiseaux destructeurs de ces utiles auxiliaires agricoles sont bien éloi-
gnés de nous rendre toujours des services. La question des oiseaux
insectivores reste entachée de bien des exagérations par suite d'une
sentimentalité ridicule. C'est Goëdart qui, le premier, vit sortir de chry-
salides de papillons des quanlités de larves donnant des pupes de Dip-
tères. Les larves nées des œufs déposés sur les clienilles se nourrissent
d'abord des tissus graisseux, ne rongeant qu'en dernier les organes
essentiels à la vie. Les unes perforent la chenille qu'elles habitent pour
aller opérer leur nymphose dans le sol, d'autres n'agissent ainsi qu'a-
près que la chenille est. devenue chrysalide. Une seule chrysalide
d'Aclierontia Atropos élevée à Paris par Audinet-Serville a donné nais-
sance à plus de quatre-vingts Tachinides. Il en est qui se transforment
en pupes en barîllet dans le cocon filé par les chenilles ou par les
fausses-chenilles (larves de Tenthredides) ; c'est ce qui arrive en Chine
pour certains cas de la maladie de la Mouche chez les Vers à soie et nous
avons reconnu le même fait dans des éducations opérées en France. On
a trouvé aussi des larves de Tachinides dans des larves de Coléoptères
{Cassida viridis) et aussi d'Hémiptères, ainsi dans la Pentatome grise, et
d'Orthoptères.
Les espèces parasites de chenilles de Sphingiens et de Bombyciens
sont plus communes dans les forêts et les bosquets, celles qui provien-
nent des Noctuelles et des Phalènes abondent dans les haies et les prai-
ries. Il y a des Tachinides qui ont l'instinct de donner pour nourriture
il leurs larves la proie d'autres insectes. Au moment où les Philanthes,
les Crabrons, les Ammophiles et autres Hyménoptères fouisseurs ont
porté dans leurs souterrains les Insectes, tels qu'abeilles, larves de
charançons, mouches, chenilles, etc., de petits Tachinides, épiant
l'instant favorable, se glissent furlivement dans ces relraiteset déposent
leurs œufs sur ces victuailles destinées à d'autres convives ; leurs larves
plus hâtives que celles de l'Hyménoptère en font leur curée. U est des
Tachinides qui attaquent les Araignées, car on a vu des Araignées per-
cées d'un trou et à côté des pupes de Musciens. Certaines espèces se
voient souvent dans nos habitations, leurs larves vivant probablement
aux dépens de nos Articulés domestiques, Araignées, Réduves, etc. Les
plus petites espèces de Tachinides frappent rarement nos regards,
car elles se dissimulent habilement, toujours aux aguets parmi les
herbes ou les buissons où les femelles savent trouver leurs victimes. Les
ECHYNOMYIA, TACHINIDES. 1045
espèces de grande taille, surtout les Echinomyies (Mouches épineuses),
attirent davantage notre attention par une sorte de sauvagerie dans leur
vol impétueux et précipité. De là certaines de leurs épithètcs spéci-
fiques, telles que ferox et fera.
ECHIMOMYIA Constant Duméril. — Corps large; antennes inclinées descen-
dant presque à l'épistome, second article ordinairement plus long que le troisième,
celui-ci le plus souvent assez court, comprimé, à seconde division du style
latéral le plus souvent allongée ; face nue, épistome saillant, palpes tantôt fili-
formes, tantôt dilatés en spatule; yeux nus; première cellule postérieure attei-
gnant le bord de l'aile avant l'extrémité, seconde nervure transverse oblique,
pas de pointe au bord extérieur ; abdomen ovale, muni de soies épineuses seule-
ment au bord postérieur des segments.
Les Échinonayies sont les Tachinides de la plus grande taille et remar-
quables par l'épaisseur de leur corps. Elles paraissent dès la fin de
mars et aussi vers la fin de l'été, surtout dans les terrains secs et sur
les Ombellifères, leurs larves se développant principalement dans les
chenilles des Noctuéliens. Elles comptent une trentaine d'espèces en
Europe. La plus grande est E. grossa Linn.,pl. cxiv, fig. 1, la, antenne,
atteignant 18 millimètres de long sur 11 millimètres de large à l'ab-
domen court et ovalaire, noire, avec les premiers articles des antennes
rougeâtres, l'article terminal de couleur noire et de forme carrée, la
tête d'un jaune soyeux, avec une bande frontale brune, les palpes fili-
formes et ferrugineux, les cuillerons noirâtres, la base et le bord
extérieur des ailes jaunes, la face hérissée de cils, les segments de l'ab-
domen revêtus de soies piquantes et serrées. Cette espèce est de toute
l'Europe, mais toujours assez rare, se plaisant sur les grandes Ombelli-
fères qui croissent dans les prairies et dans les bois. Citons une autre
espèce plus commune, E. ferox Meigen, de 13 à 15,5 millimètres, brune,
avec des palpes jaunes en spatule et l'abdomen d'une teinte rouge de
rouille et translucide, avec une bande dorsale de taches noires souvent
interrompues.
Le genre de Tachinides le plus nombreux en espèces est celui des
Tachina Meigen, comptant près de trois cents espèces en Europe, qui
sont souvent difficiles à différencier entre elles, et pour lesquels certains
auteurs ont] trop multiplié les sous-genres; tel Robineau-Desvoidy. Les
espèces les plus communes sont T. larvarum Linn., T. erucarum Ron-
dani, T. rustica Meigen, etc.
On a parfois cherché à distinguer les espèces parle nom de la chenille
dont sont sorties les larves ou dont la chrysalide ou le cocon ont contenu
les pupes ; c'est là une mauvaise méthode, car la même espèce de
Tachina, cherchant surtout de la chair fraîche pour ses larves, peut
souvent sortir de chenilles très diverses.
GIRARD. m. — 65
1046 DIPTÈRES.
CYMmosOMA Meigen. — Corps large ; antennes allongées, atteignant l'épis-
tome, à second article muni d'une petite soie, le troisième long, prismatique,
avec un style nu, de deux articles ; péristome dépourvu de soies, front presque
nu, large dans les deux sexes; première cellule postérieure des ailes fermée, à
pétiole allongé ; pattes presque nues, les tarses à pelotes allongées chez les
mâles, cuisses un peu épaissies et sillonnées pour recevoir les jambes; abdomen
arrondi, dépourvu de soies.
Les Gymnosomes, qui n'ont que trois espèces en Europe, sont des
Tachinides à mœurs larvaires mal connues, dont les adultes vivent sur
les fleurs, principalement des Daucus et des Achillées. Le type est
G. roiundatum Linn., pi. cxiv, fig. 2, de 7 à 8 millimètres, le front
doré, à bande brune, les antennes noires, le thorax noir, à duvet fauve,
cendré sur les côtés, la partie postérieure noire, les cuillerons jaunâtres,
les ailes brunâtres, à base ferrugineuse, les pattes noires, l'abdomen
ferrugineux, translucide, à taches dorsales noires.
MILTOGRAMiiI.% Meigen. — Corps assez étroit ; tête assez épaisse ; antennes
courtes, cachées dans la concavité de la face, à troisième article double du
second, portant un style tantôt nu, tantôt tomenteux ; face presque nue et con-
cave ; front muni de soies courtes ; première cellule postérieure des ailes presque
fermée ; abdomen cylindroïde ou conoïde, ordinairement sans soies, même au
bord des segments.
Les Miltogrammes déposent leurs œufs dans les nids des Hyméno-
ptères fouisseurs, sur les Insectes destinés aux larves de ces derniers.
Nous représentons une espèce de France et d'Allemagne, à style nu, à
abdomen sans soies, le M. punctatum Meigen, pi. cxiv, fig. 3, 3 a, tète
vue de profil; 3 b, antenne ; 3 c, bouche; 3c?, 3e, torse antérieur. Ce
Diptère, long de 9 millimètres, a les antennes brunes, le thorax avec
quatre bandes brunes antérieurement et trois postérieurement, le der-
nier article des tarses du mâle muni de deux longues soies recourbées,
l'abdomen d'un gris blanchâtre, le premier segment à tache dorsale
noire, les autres à trois taches noires. Il y a près de cinquante espèces
de Miltogrammes en Europe.
La famille des Muscides est composée de plusieurs types distincts, que
nous passerons successivement en revue sommaire en étudiant leurs
genres fondamentaux.
PHANlil Latr. — Corps large, déprimé ; antennes à style nu, n'atteignant pas
la moitié de la hauteur de la face '; face bordée de soies ; ailes trigones, souvent
colorées, à première cellule postérieure enti'ouverte ; jambes postérieures de la
femelle arquées et comprimées, avec crochets des tarses petits, droits, cylin-
driques, tronqués ; abdomen arrondi et plus large que le thorax, déprimé en
disque.
PHASIA, LLCILIA. IQ/i?
Les Phasia ne comptent en Europe que six k sept espèces, avec de
nombreuses variétés, et chez ces espèces la distinction des sexes est
difficile. La largeur de la tête qui rappelle celle des Tabaniens, a
grandeur et la couleur sanguine des yeux presque contigus dans les
deux sexes, la nudité du péristome, du style des antennes et de l'ab-
domen, la dépression de ce dernier, la forme élargie et triangulaire
des ailes, unissent ces Muscides entre eux, avec les genres voisins des
Phasia, autant qu'ils les distinguent des autres familles des Musciens.
Nous représentons P. analis Fabr., var. brachyptera Ranger, pi. civ,
fig. Il, à a, tête vue de profil, longueur 9 millimètres, la face blanche,
le front doré à bande brune, les antennes brunes, le thorax ferrugineux,
à bande brune, les ailes à base jaune et demi-bande brune, les pattes
brunes avec les cuisses fauves chez le mâle, l'abdomen ferrugineux,
sans bande dorsale, à contour elliptique ; du midi de la France et
d'Allemagne.
liUCIMA Robineau-Desvoidy. — Tête déprimée ; épistome sans saillie ; antennes
atteignant ordinairement l'épistome, le troisième article quadruple du second,
le style plumeux ; ailes fort écartées, la première cellule postérieure atteignant
le bord peu avant l'extrémité, la nervure externo-médiaire peu arquée après le
coude, quelquefois droite; abdomen ordinairement court, arrondi, brillant des
plus beaux reflets métalliques.
Nous représentons une riche espèce exotique, rapportée lors du
voyage de la Coquille et décrite dans la relation, L. mirabilis G. Mén.,
pi. civ, fig. 6, 5 a, antenne. On trouve en Europe plus de 30 espèces de
ces belles Mouches métalliques, dont le type est L. cœsar Linn., avec
laquelle on a longtemps confondu beaucoup d'espèces voisines. Cette
Mouche, mesurant 8 à 10 millimètres de longueur, est d'un beau vert
doré, à lace et côtés du front blancs à reflets noirâtres, à épistome rou-
geâtre, à palpes maxillaires ferrugineux, à antennes brunes, à pattes
noires. Des plus communes, elle voltige partout où se rencontrent des
matières animales ou végétales en voie de décomposition, ainsi que des
excréments, qu'elle recherche pour y déposer ses œufs.
C'est au genre Lucilia que se rapportent un certain nombre de cas de
myiasis ou affections causées à l'espèce humaine ou aux animaux domes-
tiques par des larves de Muscides se développant dans des plaies ou
dans des orifices naturels, les oreilles malpropres, les fosses nasales
atteintes d'ozone, remontant jusque dans les sinus frontaux ou descen-
dant dans le pharynx et produisant parfois des désordres qui amènent
la mort. La myiasis est causée fréquemment en Amérique par une
espèce nommée L. viaceÀlaria Fabr., et probablement aussi par des
espèces voisines. Cette Lucilie est répandue depuis la République
argentine jusqu'au Canada, mesurant 9 à 10 millimètres de long,
reconnaissable aux trois lignes longitudinales noires qui traversent le
1048 DIPTÈRES.
thorax et aux pattes noires, la teinte, peut-être par variation spécifique,
se diversifiant du bleu au vert à reflets métalliques cuivreux ou pour-
prés. Les larves sont appelées en Amérique Screw-Worms ou Vers-Vis,
parce que leur corps a des replis qui le font ressembler au contour d'une
vis.
11 est difficile de décider s'il ne faut pas rapporter à cette espèce les
larves anthropophages de Calliphora anthropophaga de Conil et de
Lucilia hominivorax de Coquerel, ces dernières ayant causé à Cayenne
la mort de forçats d'une malpropreté révoltante où les larves de Muscide
passaient des fosses nasales et des sinus frontaux dans les paupières et
le globe de l'œil, dans la bouche, corrodant les gencives, l'entrée de la
gorge, dévorant le pharynx avec les symptômes d'une angine aiguë.
On a signalé récemment une Lucilia, dite bufonivora Meniez, qui
pond ses œufs sur la face des Crapauds vivants, animaux assez inertes,
et dont les larves dévorent les yeux, les joues, les lèvres; peut-être plu-
sieurs Lucilies ont-elles cette propriété.
CAl,l,IPHORA Robineau-Desvoidy. — Antennes atteignant à peu près l'épi-
stome, le troisième article quadruple du second, le style plumeux ; face bordée
de poils, épistome un peu saillant ; première cellule postérieure des ailes attei-
gnant le bord un peu avant l'extrémité, la nervure externo-médiaire ordinaire-
ment fort arquée après le coude ; abdomen hémisphérique.
Les Calliphores ont de grands rapports de conformation avec les Lu-
cilies. Elles en diffèrent cependant par la tête déprimée, la saillie de
l'épistome, le style des antennes à panache moins élargi, et par la
courbure plus prononcée de la nervure externo-médiaire des ailes. De
plus, au lieu du beau vert-émeraude dont brillent les Lucilies, les Cal-
liphores n'ont qu'une livrée a/.urée sans éclat et comptent en Europe
une douzaine d'espèces. Elles se jettent principalement sur les viandes
dépecées et sur les cadavres pour y pondre leurs œufs. Le type est la
grosse Mouche bleue de la viande, C. vomitoria Linn., pi. civ, fig. 6,
6 a, bouche; 6 b, antenne, longueur de 9 à 4 3 millimètres; les antennes
noirâtres, les palpes ferrugineux, les joues noires ornées de poils rouges,
une bande frontale très large et noire chez la femelle; thorax ne por-
tant que des soies et non recouvert de poils, offrant quatre raies noires
assez peu nettes, cuillerons noirs, bordés de blanc; pattes noires, ab-
domen bleu à reflets blancs. Elle offre des soies isolées à la face interne
des jambes médianes.
Cette grosse Mouche bourdonne avec force, flaire la viande de très loin
et arrive pour y pondre ses œufs. Elle dégorge un liquide ou vomisse-
ment qui a la propriété de hâter la décomposition de la viande. Enfer-
mée dans une chambre, elle se jette avec violence contre les carreaux,
semblant vouloir les transpercer de sa tète. Trompée par l'odeur et
avide de matières cadavériques dont elle active la destruction ou de
CALLIPHORA, MUSCA. 1049
fromages avancés, elle pond parfois sur les fleurs fétides de certaines
Aroïdées, comme le Stapelia Arum et les larves résultant de cette er-
reur sont condamnées à périr. Sa fécondité est énorme, en raison du
nombre considérable de ses œufs et de leur rapide développement.
Chaque femelle en pond jusqu'à deux cents par tas qui en renferment de
vingt à cent; leur forme est allongée en manière de courge, et la coque
s'ouvre du côté de la flexion suivant une ligne indiquée par une crête
longitudinale. Les larves qui éclosent sont blanches, tronquées obli-
quement à l'extrémité; leur tête porte deux cornes charnues et la
bouche est armée de deux crochets cornés; une pointe également cor-
née paraît entre ces crochets. De chaque côté du premier segment du
corps se trouvent deux stigmates antérieurs et trois postérieurs parais-
sent de chaque côté du dernier sur une tache brune. La partie supé-
rieure de ce segment est munie de onze pointes disposées en rayons. Au
bout de sept à huit jours elles deviennent pupes et peu après adultes.
A côté des Calliphores sont les Mouches proprement dites, du genre
Musca Linn. L'épistome est pou saillant; les antennes l'atteignent et
leur troisième article est trois fois plus long que le second et porte un
style plumeux. La Mouche domestique offre des soies antennales em-
pennées de chaque côté jusqu'à leur pointe. Les quatre anneaux de
l'abdomen n'ont pas de grandes soies sur leur face dorsale et la face
interne des jambes médianes manque desoies isolées. Il faut remarquer,
ce qu'offrent au reste les Muscides des genres voisins, les yeux composés
rouges par un pigment de leurs cornéules ; les enfants s'amusent à
presser les têtes de Mouches dans un papier plié afin d'obtenir des des-
sins rouges bizarres.
La couleur du corps des Musca, où domine toujours le cendré, les
distingue des CalUphora. Les habitudes sont aussi diflerentes. Les Mou-
ches sont éminemment parasites ; elles se jettent sur les hommes et les
bestiaux pour humer les substances fluides répandues à la surface de
leurs corps, telles que la sueur, la salive, la sanie des plaies. Klles s'em-
parent dans nos habitations de tout ce qui peut leur servir d'aliments,
très importunes, par leur contact et leur bourdonnement, bien qu'elles
ne piquent pas, et fatiguant beaucoup les blessés et les malades. C'est
surtout vers la fin de l'été, quand les nuits deviennent fraîches, que les
Mouches s'amassent dans les maisons, tombent dans nos aliments, au
point de rendre certaines auberges de village impossibles, surtout dans
le midi de l'Europe. Il faudrait avant tout avoir le soin d'éloigner des
habitations les amas de fumier dans lesquels vivent les larves de la
Mouche domestique, qui diffèrent de celles des Calliphores par les stig-
mates postérieurs, qui ne sont qu'au nombre de deux; elles ont la même
rapidité de développement. Les Mouches pondent en un quart d'heure
environ des amas de soixante à soixante et dix œufs, de forme cylin-
droïde, un peu effilés en avant, où leur membrane plus mince indique
par son reflet nacré la place que percera la larve.
1050 DIPTÈRES.
Une affection cryptogamique, non sans analogie avec les Sphœria qui
envahissent les chrysalides de Sphingiens, fait périr souvent, à l'arrière-
saison surtout, beaucoup de sujets de la Mouche domestique. On les
trouve fixés aux murs, aux fenêtres, etc., les pattes largement étendues,
l'abdomen très gonflé et dont le tégument fait saillie entre les jointures
des anneaux sous forme de crêtes couvertes de moisissures, en sorte que
l'abdomen paraît être cerclé de brun et de blanc. En l'ouvrant on le
trouve vide et moisi. La place occupée par ces Mouches est couverte
de Cryptogames entraînées, irradiées, d'un blanc grisâtre, pareilles à
celles que renferment les cadavres. Ces végétaux très inférieurs ont
reçu le nom d'Empusa Muscœ; on peut s'en servir pour inoculer la
maladie à des Mouches saines de la même espèce ou d'espèces très voi-
sines, comme on fait passer sur diverses Chenilles le Botrytis de la
muscardine du Ver à soie.
On a cherché par divers moyens à détruire les Mouches ou à les écarter
des habitations et aussi du corps des animaux domestiques. On frotte
l'animal avec des feuilles de noyer écrasées, de l'huile de cade ou de
poisson, de l'huile concrète de baies de laurier. Dans les maisons on
emploie souvent les papiers tue-mouches, imprégnés d'un poison mêlé
de matière sucrée ou bien des vases à eau de savon percés d'un petit
orifice enduit de sirop de sucre. Dans les chambres à fenêtres d'un seul
côté, on peut fermer l'orifice par un filet qui laisse passer l'air et ar-
rête les Mouches ou les Calliphores en les effrayant, probablement en
raison d'un mode particulier de leur vision. Un moyen très sûr en été
est de tenir les appartements fermés et aussi peu éclairés que possible,
car la Mouche aime la vive lumière et abandonne les lieux obscurs.
Enfin on peut tendre dans la chambre des branchages garnis de feuilles
ou suspendre au plafond des rubans blancs ou des lustres en papier;
les Mouches viennent se poser sur ces supports et s'y maintiennent
tranquilles.
Citons encore : Musca corvina Fabr., ressemblant beaucoup à M. do-
mestica, avec la face et les côtés du front argentés, l'abdomen du mâle
ferrugineux et marqueté de blanc, et, chez la femelle, le premier seg-
ment et la ligne dorsale noirâtres, marquetés de noir et de cendré ;
espèce très commune dans les endroits humides; M. bovina Robineau,
Desvbidy, semblable à domestica, les côtés de la face et du front blancs,
l'abdomen à bande dorsale noire, pas de jaune chez le mâle ; espèce
très commune, se jetant sur les narines, les yeux et les plaies des bes-
tiaux.
Les Sarcophages ou Mouches à viande comptent en Europe près de
soixante espèces, en joignant au genre Sarcophaga Meigen le genre
Sarcophila Schiner. Ces Diptères fort communs se trouvent le plus
souvent sur les fleurs, dont ils pompent le nectar comme aliment, et
sur les troncs d'arbres, à l'air libre, non dans les maisons. Les femelles
sont vivipares et pondent leurs larves sur les viandes et aussi sur les
SARCOPHAGA. 1051
cadavres. Redi avait constaté ce fait dans ses expériences célèbres sui'
des viandes protégées par une gaze où il voyait les chairs se corrompre,
mais sans qu'aucun Ver s'y développât; des Sarcophages trouvaient
moyen d'introduire leur tarière abdominale dans les interstices de la
claire-voie et de faire tomber quelques larves à travers la toile. Réau-
mur et de Géer ont étudié avec soin le mécanisme de la ponte de ces
Mouches vivipares. L'espèce la plus répandue est Sarcuphaga carnaria
Linn., dont la femelle peut atteindre 15 millimètres, le mâle restant
bien plus petit. Les antennes épaisses sont empennées, plus larges dans
leur moitié radiculaire; la trompe peu saillante porte des palpes clari-
formes. La face a des reflets d'un jaune pâle ainsi que le dos, qui est
d'un gris clair, avec des vergetures noires ; le front a des raies noires
veloutées. L'abdomen allongé et ovale, presque cylindroïde dans le
mâle, muni de grandes soies, est brun, doué de reflets noirs et jaunes,
avec des marques disposées en carreaux.
Les ovaires débouchent dans un oviducte enroulé en spirale où sont
rangées par centaines des larves groupées, enfermées isolément dans
une mince membrane, au nombre d'environ vingt mille pour l'ovaire
entier. Les Vers nouveau-nés croissent très rapidement et ont achevé
leur développement en une semaine. Ces larves coniques sont d'un blanc
sale et portent à la partie antérieure et effilée de leur corps deux man-
dibules en crochets écailleux, surmontées de deux antennes en saillies
pointues et charnues. L'extrémité postérieure et obtuse du corps est
évidée et entourée de verrucosités rétractiles. Elle semble renfermer
en dedans deux points noirs qui correspondent en réalité à deux surfaces
trilobées en forme de cœurs et dont chacune représente deux stig-
mates aériens ; d'autres stigmates aériens dentelés se trouvent en
avant, chacun sur le côté du premier anneau. A peu de profondeur en
terre, la larve se change en une pupe en barillet d'un brun noirâtre et
dont l'extrémité postérieure très inégale indique par une excavation à
bords nets la dépression correspondante de la larve. Cette pupe reste au
repos pendant un temps variable, suivant la température ambiante.
On a observé que les larves de Sarcophaga ruralis Fallen se déve-
loppent souvent dans les plaies résultant des combats auxquels les
lièvres mâles se livrent au printemps. Un fait plus important nous est
offert par les larves de Sarcophila magnifica Schiner. On les rencontre
non seulement dans les plaies des animaux domestiques ou dans les
cavités naturelles de leur corps, comme le fourreau de la verge du
cheval, la lacune médiane de la fourchette de son pied, mais aussi
dans le nez, l'oreille, l'œil, le pharynx, etc., dans l'espèce humaine,
de sorte que ce Diptère doit être rangé parmi les espèces produisant
des cas de myiasis chez l'homme. Un cas de ce genre a été observé
dans l'Hérault et le Diptère provenant des larves issues des narines du
malade déterminé par le D' Al. Laboulbène, qui a obtenu l'état par-
1052 DIPTÈRES.
fait (1). La myiasis due à cette espèce est fréquente en Russie dans le
gouvernement de Mohilev. Nous ferons remarquer que les divers
genres de Muscides dont nous avons fait la revue sommaire : Lucilia,
Colliphora, Musca, Sarcophaga sont ceux dont les larves sont connues
sous le nom d'asticots, utilisées pour les pêches à la ligne et qu'on
prépare en grand dans les chantiers d'équarrissage. Ces Mouches di-
verses ont parfois occasionné la myiasis humaine sur des sujets en-
gourdis par l'ivresse dans les grandes chaleurs de l'été. Le cas le plus
célèbre est celui observé en 1826 dans le service du D"^ Jules Cloquet,
celui d'un malheureux musicien ambulant qui s'était endormi pour
cuver son vin dans un fossé du boulevard près du charnier d'équarris-
sage de Montfaucon. II fut relevé et conduit à l'hôpital tout grouillant
d'asticots qu'on retirait à pleines assiettes, les rendant par le nez, les
oreilles, les yeux qui étaient dévorés. II avait le cuir chevelu soulevé
par des tumeurs arrondies avec des perforations irrégulières à travers
lesquelles on voyait la chair devenue purulente et fétide. II y avait des
larves autour du prépuce et de l'anus, de sorte que le malheureux était
rongé vivant par les Mouches, reproduisant dans toutes ses circonstan-
ces effrayantes la maladie de Job et d'Hérode.
Beaucoup de traitements ont été proposés contre les accidents pro-
venant de la myiasis humaine, qui est causée par divers Muscides, et
leur base en est, en général, l'acide phénique,le chloroforme et la ben-
zine. Le choix varie suivant le lieu d'élection des larves. Si elles sont
installées dans les plaies, on lavera celles-ci avec une solution aqueuse
d'acide phénique au centième; dans l'oreille on pratiquera des injec-
tions benzinées ; si elles ont pénétré dans les sinus frontaux, on injec-
tera à plusieurs reprises une solution au cinquième de chloroforme
dans du lait, ou l'on fera opérer au malade des inhalations de chloro-
forme prolongées autant que possible.
STOMOXYS Geoffroy. — Troisième article de l'antenne triple du second et
portant en dessus une soie antennaire empennée ù sa face supérieure seulement;
front assez large chez le mâle ; trompe dirigée dans l'axe du corps, solide,
menue, allongée, les lèvres terminales petites, les palpes ne dépassant pas l'épi-
stome ; première cellule postérieure des ailes seulement un peu rétrécie à l'ex-
trémité, nervure externo-médiaire convexe.
Les Stomoxes, au nombre de huit espèces en Europe, sont appelés
Mouches piquantes à cause de leur avidité à se gorger du sang de
l'homme et des animaux. Leur piqûre, plus encore que celle des Si-
mulies, est le véhicule habituel dans nos campagnes des bactéridies
charbonneuses. Ils harcèlent sans relâche les chevaux et les bestiaux,
(1) D'' Al. Laboulbène, Observations de Myiasis due à la Sarcophila magnifica
Schiner, avec réflexions {Ann. Soc. entom. Fr., 1884, p. 28),
STOMOXYS, GLOSSINA. 1053
s'inlroduisant souvent dans les maisons à la fin de l'été, surtout s'il
existe des étables dans le voisinage. Ils ressemblent beaucoup d'aspect
à la Mouche domestique. Le type est S. calcitrans Linn., le Stomoxe
piquant de Geoffroy, pi. c.xiii, fig. 8, longueur 6,5 millimètres environ,
cendré, une bande frontale et les antennes noirâtres, la face et les
côtés du front d'un blanc gris jaunâtre, les palpes fauves, le thorax à
lignes noires, les pattes noires, l'abdomen à taches brunes. Ce Stomoxe
très commun s'installe ordinairement au repos la tête en haut, tandis
que la Mouche domestique, non piquante, affecte la posture inverse,
remarque que font fort bien les paysans russes pour discerner aisément
ces deux espèces. La larve vit, en compagnie de celle de la Mouche
domestique, pendant l'été et l'automne, dans les crottins frais du
cheval, mais sa croissance est moins rapide. A toute sa taille, elle a
8,75 millimètres de long, d'un blanc laiteux, lisse et luisante, conoïde
et arrondie en arrière ; sa partie antérieure est divisée en deux. La
bouche, avec des cannelures en rayons, porte deux crochets inégaux,
paraissant n'en former qu'un en raison de leur rapprochement. Sur le
prothorax, le bord antérieur, relevé et circulaire, paraît tranchant.
Les pièces stigmatifères, en forme de coquilles, se subdivisent chacune
en six éléments claviformes ; celles du dernier article, hémisphériques,
représentent des surfaces circulaires assez grandes, encadrées d'une
bordure d'un brun noir, sur chacune desquelles on remarque trois
stigmates aériens disposés en triangle. La pupe, d'un brun rouge assez
pâle, est finement rayée en travers, disposition de toutes les pupes de
Muscides. L'emplacement des stigmates aériens antérieurs du Sto-
moxe futur est marqué par de petites cornes coniques dirigées en
avant, les postérieurs conservant la même place que dans la larve;
l'état de pupe dure de quatre à six semaines, bien plus longtemps que
pour les Mouches non piquantes.
A côté des Stomoxes se place la Mouche célèbre de l'intérieur de
l'Afrique, Glossina morsitans Westw., ou Mouche tsetsé, dont il existe
probablement plusieurs espèces, d'après des sujets très différents pro-
venant du Zanzibar et que j'ai vus à une des Expositions des Insectes
de la Société d'Insectologie. La trompe droite et plus longue que la
tète la dépasse fortement ; la lèvre inférieure formant gaine renferme
un épipharynx et un hypopharynx constituant des stylets très acérés. Elle
est une des causes qui rendent si difficile l'exploration de l'Afrique
tropicale. Elle infeste d'une manière permanente le centre de l'Afri-
que australe, entre 18 et 25 degrés latitude sud et 22 à 28 degrés lon-
gitude.
Elle n'est pas plus grosse que la Mouche domestique, brune avec
quelques raies jaunes et transversales sur l'abdomen, les ailes plus
longues que le corps. La vue est très perçante, et, rapide comme la
flèche, elle s'élance du haut d'un buisson où elle guette ses victimes
et immédiatement sur le point qu'elle veut attaquer, car c'est une su-
1054 DIPTÈRES.
çeuse de sang. Elle remonte périodiquement vers le nord en certaines
saisons; ainsi elle fut indiquée autrefois par Agatarchides, puis par
Bruce en Abyssinie ; M. Westwood suppose que, dépassant ses limites
ordinaires, elle causa la quatrième plaie d'Egypte : « Une multitude
de Mouches très dangereuses vint dans les maisons de Pharaon, de ses
serviteurs et par toute l'Egypte» {Exode, ch. viii, v. 2/j). La cinquième
plaie, la peste sur les bêtes, devient alors la conséquence de la qua-
trième. En effet, les chevaux et les bœufs après la piqûre de la Tsetsé
offrent, au bout de plusieurs jours, un gonflement des yeux qui lais-
sent écouler une sécrétion aqueuse et la tuméfaction des glandes lin-
guales. Au bout de quinze jours à trois semaines, l'animal meurt ; la
chair est devenue aqueuse, le cœur très mou, le sang épaissi par la
fibrine, le foie ou le poumon, ou tous deux, gravement altérés.
La Mouche tsetsé paraît peu en plaine, mais fréquente les buissons
et les roseaux qui bordent les fleuves et les marais. Son bourdonne-
ment bien connu des bestiaux les frappe d'épouvante. Elle abonde sur
les deux rives du Zambèse et beaucoup de peuplades qui les habitent
ne peuvent avoir d'autre animal domestique que la chèvre, qui paraît
indemne aux piqûres ainsi que l'homme. Quand des troupeaux doivent
traverser les domaines de cette redoutable Mouche, on choisit les
clairs de lune de la saison froide où elle est trop engourdie pour pi-
quer. On met aussi à profit le dégoût qu'inspirent auxTsetsés les excré-
ments des animaux ; on barbouille de fiente mêlée de lait les bœufs
qui doivent traverser les cantons dangereux. Les premiers renseigne-
ments sur la Tsetsé sont ceux recueillis, en 18^9, par Livingstone et
Oswald dans leur voyage au Zambèse, mais ils sont mêlés d'indications
très douteuses en raison du manque de connaissances scientifiques des
observateurs. La Tsetsé est l'agent fréquent de transmission de bacté-
ridies charbonneuses, ce qui me semble expliquer pourquoi sa piqûre
n'est pas toujours également dangereuse, puisqu'il n'y a pas du vrai
venin propre à l'insecte. Les métamorphoses sont encore inconnues.
La disparition de la Tsetsé suivra celle des animaux sauvages devant
l'extension de l'empire de l'homme et de l'emploi des armes à feu, car
le sang de ces animaux est sa seule nourriture et lui fournit très pro-
bablement parfois des virus charbonneux spéciaux.
ACHIA!i Bosc. — Antennes distantes, n'atteignant pas l'épistorae, à troisième
article allongé, cylindrique, avec style très court, inséré à sa base ; épistome
saillant, front transversal, à côtés dilatés et longuement prolongés, formant des
tubercules oculifères ; trompe grande, avec palpes filiformes, de la longueur de
la trompe.
Les Achias sont des Diptères exotiques présentant la singulière posi-
tion des yeux signalée dans la diagnose et que nous retrouverons dans
un genre très différent au point de vue naturel, le genre Diopsis. Les
ACHIAS. 1055
Achias, par le reste de leur organisation, sont des Créophiles voisins
des Calliphores. Le type est A. oculatus Bosc, pi. r.iv, fig. 7, této au
trait, espèce de Java.
Les Musciens calyptérés se terminent par la famille des Antho-
myides, qui présentent des antennes couchées et courtes, n'atteignant
pas l'épistome, le troisiùme article allongé, le style en général tomen-
teux et de deux articles, les yeux ordinairement contigus chez les
mâles, les cuillerons médiocres ou petits, ne cachant souvent les ba-
lanciers que d'une manière incomplète, de façon à établir tous les
passages avec les Musciens acalyptérés, dont les balanciers sont dé-
couverts. Les ailes ont la première cellule postérieure ouverte et les
pelotes des tarses sont allongées chez les mâles. Les larves sont souvent
couvertes d'épines longues et barbelées; celles du plus grand nom-
bre vivent dans les racines, les bulbes, les feuilles des végétaux. Il en
est qui naissent des bouses (Hylémyies) ; les Pégomyies rongent en
mineuses le parenchyme des feuilles, solitaires ou sociales; ce sont les
larves mineuses de la jusquiame, de l'oseille et du chardon, si bien ob-
servées par Réaumur et de Géer. Au premier âge les Anthomyides ont
comme les Muscides la bouche munie de deux crochets écailleux, qui
leur servent à prendre leur nourriture et à se traîner en avant. Dans
les larves mineuses ces crochets se convertissent en un instrument
corné en forme d'S, qui se meut autour d'une petite tige tixe et ronge
ainsi le parenchyme des feuilles. Les pupes ne paraissent pas différer
de celles des Muscides et peu de jours leur suffisent pour passer à l'état
adulte. Certaines espèces ont plusieurs générations dans la môme
année.
Le vol des Anthomyides est moins rapide et moins soutenu que celui
des Muscides. Ces Diptères restent aussi plus souvent au repos, cachés
sous le feuillage, et ne se montrent au grand jour et sur les fleurs que
lorsque le soleil a réchauffé l'atmosphère. Leurs stations sont souvent
différentes. Les Hylémyies habitent particulièrement les bois, les Leuco-
phores préfèrent les prairies, les Hydrotées, les Aricies, les Limnophores
vivent exclusivement dans les lieux aquatiques, les Anthomyies se
trouvent partout. Outre les sucs des fleurs qui sont la nourriture habi-
tuelle des Anthomyides, certains, ainsi les Hylémyies, recherchent les
matières stercorales. Les femelles des Hydrophories et de quelques
Aricies se jettent sur les bestiaux, et, quoique leur trompe ne puisse
pénétrer jusqu'aux capillaires sanguins sous-cutanés et ne leur per-
mette que de humer les fluides répandus à la surface du corps, elle les
harcèlent et les tourmentent par leurs poursuites opiniâtres. Les mâles
des Anthomyies forment souvent des réunions nombreuses qui se jouent
dans les airs.
lilSPE Latr. — Style des antennes à poils plus longs en dessus qu'en dessous ;
tête sphéroïdale ; front large dans es deux sexes -, palpes dilatés en spatules ;
1056 DIPTÈRES.
cuillerons médiocres, la valve inférieure dépassant la supérieure ; cuisses assez
épaisses ; abdomen oblong.
Les Lispes vivent sur le bord des eaux et courent avec agilité sur le
feuillage et sur le sable des rivages. Les larves paraissent vivre dans
les fleurs des plantes aquatiques, ainsi dans la corolle des Nymphéa où
l'on a vu une femelle de Lispe pondre un grand nombre d'œufs. On
compte en Europe plus de vingt espèces du genre Lispe. Le type est
L. tenlaculata De Géer, pi. civ, fîg. 8, longueur 6,5 millimètres, noi-
râtre, la face jaunâtre, les palpes jaunes à reflet argenté, le thorax
gris à bandes noires, l'abdomen d'un cendré clair, à taches latérales
noirâtres.
.%]lTHOMYIA. Meigen. — Antennes n'atteignant pas l'épistome, à style ordi-
nairement tomenleux, quelquefois nu : cuillerons petits, la valve inférieure ne
dépassant pas ordinairement la supérieure ; ailes sans pointe au bord extérieur ;
abdomen étroit, atténué à l'extrémité.
Ce genre présente en Europe plus de deux cents espèces. Une des
plus communes est A. pluvialis Linn., pi. civ, fig. 9, longueur il, 5 à
9 millimètres, d'un cendré blanchâtre, les antennes, les palpes et labande
frontale noirs, le thorax à cinq taches noires, l'écusson à deux taches noi-
res, les ailes hyalines dans les deux sexes, les pattes noires, l'abdomen à
trois rangs de taches noires, les deuxpremiers segments sans taches. Les
larves d'un certain nombre d'Anthomyies justifiant leur nom (Mouches
de fleurs) se développent dans divers végétaux et attaquent nos espèces
cultivées. Ainsi Pegomyia (sous-genre de Macquart) acetosœ Robineau-
Desvoidy, la Mouche de l'oseille, de 6à 7 millimètres, ayant la tète et
le thorax cendrés, les ailes transparentes, plus longues que le corps,
les pattes et l'abdomen ferrugineux. Les larves sont mineuses des
feuilles de l'oseille, qui blanchissent et qu'il faut arracher et brûler. Il
y a deux générations par an ; les pupes se font en terre, celles de la
seconde génération passant l'hiver. En général, les plantes attaquées par
les larves des Anthomyia jaunissent et se flétrissent ; les bulbes et les
racines prennent une odeur infecte; les pupes de ces Anthomyies se
font en terre. Le plus simple pour les plantes de peu de valeur est
d'arracher et de brûler ; on peut arroser au sulfocarbonate de potas-
sium, au sulfate de cuivre, etc. Nous citerons dans ce cas : A. furcata
Bouché, dont les larves vivent isolées dans le cœur de l'oignon de table,
et ^. ceparwm, dont les larves creusent des galeries qui anéantissent
beaucoup de bulbes de la même plante ; A. brassicœ Rob. Desvoidy,
dont les larves perforent les tiges des choux de juin à novembre et font
périr les plus jeunes; A. radicum Linn., à larves dévorant les radis;
A. conformis, dont les larves criblent de trous les feuilles des jeunes
betteraves; A. lactucœ Bouché, ayant des larves qui mangent en août
ANTHOMYIA, TEICHOMYZA. 1057
et septembre les laitues montées en graine, etc. Beaucoup A'Aiitho-
myia vivent en larves dans des matières végétales décomposées ou dans
des fientes.
Les larves de plusieurs espèces d'Anthomyia peuvent causer des cas
de myiasis humaine. Elles ont été extraites d'oreilles très malpropres,
et, dans des cas bien plus singuliers, mais d'une authenticité certaine,
ont été rendues dans les vomissements ou dans les selles de sujets
humains malades d'affections gastro-intestinales. Le D' Al. Laboul-
bène a pu dans un cas élever les larves recueillies et obtenir les adultes
{Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1856, p. 7). Il semble bien pro-
bable que les insectes ont pénétré dans l'estomac à l'état d'œufs, puis
les larves, après éclosion, dans l'intestin, où elles ont vécu des matières
ingérées et des excréments.
On cite aussi comme pouvant se développer dans l'intestin (fait encore
un peu douteux) les larves de la Mouche des urinoirs, Teichomyza fusca
Macquart, syn.: Scatella urinaria Uobineau-Desvoidy. Cette Mouche
n'est pas autochtone en France et nous vient de contrées plus septen-
trionales. Longue de ^,5 à 5 millimètres, elle est terne et d'un brun
fauve, cendrée sur les côtés, avec un écusson blanchâtre et des ailes
enfumées. En 1827, Robineau-Desvoidy signala sa présence à Paris, où
elle était inconnue auparavant, et Macquart la décrivit pour la première
fois en 1835, où elle était fort commune à Lille. Elle s'est peu à peu
étendue du nord au sud et se trouve aujourd'hui fréquente dans toutes
les villes de France. On trouve à Paris ce sombre Muscide dans tous les
urinoirs et latrines publics, se blottissant de préférence dans l'angle des
murailles et au-dessous des reliefs de pierre, marchant lentement sur les
murs et les vitres des latrines de nos maisons. Elle est rarement isolée,
mais se réunit en groupes et forme des plaques sombres ou noirâtres
visibles de loin. Elle hume avec les grosses lèvres de sa trompe les
liquides azotés qui se trouvent sur les murs infiltrés. Si l'on souffle sur
elle, elle s'accroche fortement avec ses ongles et soulève un peu ses
ailes sans chercher à s'envoler. Si l'on veut la saisir, elle s'échappe len-
tement et comme à regret, pour revenir bientôt à son gîte de prédi-
lection.
Les larves ne se rencontrent jamais que dans les endroits humides
d'urine. On les trouve le plus abondamment dans certains urinoirs en
fonte mal entretenus, recherchant de préférence les coins où la pous-
sière s'accumule et forme avec les excréments noirs de la Mouche qui
fréquente les mêmes endroits un magma boueux toujours imprégné
d'urine. Bien qu'en captivité ces larves ne fuient pas la lumière, elles
ne se montrent jamais à l'air libre; elles ont horreur de la sécheresse,
qui les fait périr assez rapidement. On les élève facilement dans un vase
jusqu'à leur métamorphose en adultes, si l'on a soin de les humecter
d'urine de temps en temps. La larve est allongée, grisâtre, recouverte
d'aspérités spinuleuses ayant l'apparence de poils fins. Elle est atténuée
1058 DIPTÈRES.
en avant et en arrière, cette dernitre extrémité biturquée. Le corps est
composé de onze segments, non compris le pseudocéphale ; les mandi-
bules sont noires et bien visibles. Elles servent peu à la mastication,
puisque l'animal vit exclusivement de matières liquides ; mais elles
sont l'agent principal de la locomotion. Leurs crochets tournés vers la
face ventrale prennent un point d'appui aux moindres aspérités, puis
une contraction musculaire qui se propage de la tète à l'extrémité cau-
dale porte en avant successivement toutes les épines disséminées sur
la surface du corps, et celles-ci, ayant toutes leurs pointes tournées en
bas, portent le corps en avant chaque fois qu'il s'allonge après une
contraction.Les deux bifurcations postérieures sont de véritables pseudo-
podes, et la couronne de forts crochets dont elles sont armées est pour
les larves un puissant organe de fixation. On les voit souvent sans
autre appui se dresser sur leur extrémité caudale, explorant les régions
voisines avec leur extrémité céphalique ; elles s'accrochent avec la plus
grande énergie à tous les corps rugueux au moyen de cette extrémité
caudale.
La pupe est allongée, elliptique, de 10 millimètres de longueur, com-
posée de onze segments, renflée vers le tiers antérieur, atténuée vers
les deux extrémités. Le pseudocéphale a disparu et de chaque côté
deux petites saillies en forme d'oreilles indiquent la place des stigmates
antérieurs. La partie antérieure est déprimée en dessus ; le dernier
segment échancré en arrière présente les saillies des stigmates posté-
rieurs. Les spinules du tégument se retrouvent sur la pupe, mais
racornies et moins visibles à cause de l'opacité de la peau, et la sur-
face de la pupe paraît guillochée ou striée irrégulièrement. Une très
bonne étude de la Mouche des urinoirs a été faite par le D'' Al. La-
boulbène: Histoire des métamorphoses de la Teichomyza fusca {Ann.
Soc. ent. de France) 1867, p. 33, pi. v,.
Avec le genre qui précède nous sommes parvenus aux Musciens inlé-
rieurs dits acalyptérés, dans lesquels les balanciers ne sont pas recou-
verts par des cuillerons. Ces Diptères sont en général de petite taille.
Il en est qui s'attaquent aux céréales ou à divers légumes, déposant
leurs œufs dans les tiges, les feuilles ou les bourgeons, ce qui donne
naissance à des espèces de galles dans lesquelles vivent les larves. 11 en
est qui volent dans les jardins et les vergers, pondant leurs œufs au
mois de mai sur les jeunes cerises, principalement les guignes et bigar-
reaux dans la pulpe desquels habitent leurs larves appelées Vers des
cerises. Beaucoup se plaisent sur les végétaux décomposés, sur les ex-
créments, sur les champignons. D'autres fréquentent le bord des eaux,
pondant dans les Lemnacées ou dans les fucus que le flot amoncelle sur
les rivages de la mer, se posant même sur les vagues.
EPBYURA Fallen. — Antennes couchées, à troisième article oblong, à style
finement velu ou nu ; face avancée en museau obtus ; épistome nu ; front un peu
EPHYDRA, THYREOPHORA. 1059
concave; trompe épaisse, [renflée en dessous, lèvre supérieure échancrée en
dessous, langue fort courte ; yeux saillants ; nervure médiastine des ailes courtes •
crochets des tarses petits ; abdomen oblong, déprimé.
Les Ephydra sont au nombre d'une quarantaine d'espèces en Europe,
en y comprenant des sous-genres annexés. Ce sont des Mouches litto-
rales, auxquelles on donne souvent le nom de Napées. Nous représen-
tons E. rufitarsis Macquart, pi. civ, fig. 10, de 3 à Zi millimètres, d'un
vert métallique obscur, la lace cuivreuse à duvet roussàtre, les ailes
un peu nébuleuses, les tarses fauves, espèce du nord de la France, du
sous-genre Parydra. Dans le sous-genre Ilylhea Haliday, nous citerons
Ephydra spilola Curtis, pi. civ, fig. 11, tête vue de profil; 11 a, an-*
tenue ; H 6, bouche.
THYREOPHORA Meigen . — Corps allongé ; tète épaisse, ovalaire, convexe;
front velu, très large, avançant au-dessus des antennes ; antennes rapprochées,
très courtes, insérées sous la saillie du front, le premier article peu ou point
distinct, le second très court, le troisième lenticulaire, avec style nu, allongé,
de deux articles ; face horizontale, à deux sillons et une carène ; épistome non
saillant, muni de deux soies ; ouverture buccale petite, avec palpes élargis en
spatules ; des ocelles ; yeux petits ; écusson du mâle fort allongé et tronqué,
celui de la femelle petit, obtusément triangulaire ; ailes longues, à nervure
médiastine simple ; pattes velues, les postérieures allongées, à cuisses renflées,
crénelées avant l'extrémité, à tarses du mâle avec pelotes et crochets allongés ;
abdomen allongé, étroit, déprimé, de six segments distincts dans le mâle, ova-
laire dans la femelle.
Nous représentons une espèce fort rare et la plus curieuse de ce sin-
gulier genre, T. cynophila Panzer, pi. cxv, fig. 1, longueur du mâle
6,5 millimètres, de la femelle 9 millimètres, d'un bleu noirâtre, avec
tête d'un rouge orangé, les premiers articles des antennes fauves, le
troisième noir, le style à base fauve, front à deux taches noires, les
ocelles insérés sur la tache antérieure ; ailes à deux points noirs dans
les deux sexes sur la nervure transversale ; pattes noires, les articles
des tarses antérieurs à base fauve. Cette Mouche vit de la graisse des os
des squelettes se trouvant en janvier et février sur les squelettes
de cheval, de mulet, d'âne (c'est par erreur qu'elle est nommée
cynophila) dans les charniers des équarrisseurs. Elle répand la
nuit une lueur phosphorescente partant de la tète, qui semble destinée
à éclairer l'insecte dans son œuvre de dernière destruction. Une autre
espèce, plus commune et de couleurs moins vives, T. furcata Fabr.,
vit sur les squelettes des chiens morts dans la campagne. Le squelette
du roi de la création n'est pas à l'abri des outrages des Thyreophora. En
1821, une très petite espèce, nommée T. anthropophaya par Rubineau-
Desvoidy, abondait sur les préparations du musée de l'École de méde-
1060 DIPTÈRES.
cine de Paris, réduisant en poussière impalpable les os, les ligaments,
les muscles desséchés.
SCATOPH.%GA Meigen. — Corps velu chez le mâle ; tête sphéroïdale ; troisième
article des antennes allongé, avec style tantôt nu, tantôt velu ; épistome non
saillant, garni de soies ; ailes allongées ; patles robustes.
Les Scatophages comptent près de quarante espèces en Europe, de
couleur jaune plus ou moins grisâtre, très avides d'excréments, surtout
de ceux de l'homme, et bien connues par le dégoût universel qu'elles
inspirent. Une espèce des plus communes est S. stercoraria Linn.,
' pi. cxv, fig. 2, 2 a, tête vue de protil ; 2 6, antenne ; 2 c, bouche; lon-
gueur 6,5 à 9 millimètres, les antennes fauves chez le mâle, noires chez
la femelle, la face et les palpes jaunes, la bande frontale fauve, le tho-
rax brunâtre, les ailes jaunâtres, à première nervure transverse bordée
de noir, les pattes ferrugineuses, velues, les cuisses d'un gris jaunâtre,
à poils fauves, l'abdomen à poils fauves chez le mâle, pâles chez la
femelle. Une grande espèce, des environs de Lille et de Gand, n'arrive
pas au sud jusqu'aux alentours de Paris.
SPIia<:RO€i:RA Latr. — Antennes courtes, à troisième article sphéroïdal, por-
tant un long style grêle et nu ; corps nu ; écusson hémisphérique ; ailes à ner-
vures médianes entières ; cuisses antérieures renQées, postérieures allongées;
ordinairement épaisses ; jambes terminées par une épine ; second segment de
l'abdomen très grand, peu distinct du premier.
Les Sphérocères, dont il existe une dizaine d'espèces en Europe, ont
la faculté de sautiller, en raison de la longueur de leurs pattes posté-
rieures. Elles fréquentent les lieux humides, ombragés et surtout les
fumiers et toutes les substances en voie de décomposition. Elles en hâ-
tent la destruction en y puisant leur nourriture, tant dans l'état adulte
que sous la forme de larves. Nous figurons, pi. cxv, fig. 3, l'antenne de
l'espèce principale, S. subsultans Linn., commune, d'un noir mat,
à ailes jaunâtres dans les deux sexes, les cuisses postérieures renflées
en massue dans le mâle.
l§)APROIHVZA Fall. — Tête subhémisphérique; antennes assez courtes, troi-
sième article ordinairement oblong, comprimé, à extrémité obtuse, style velu
ou tomenteux ; face un peu inclinée en arrière, épistome non saillant, nu ;
ailes quelquefois vibrantes, tantôt tachées, tantôt sans taches.
Ces petites Mouches, au nombre de près de quatre-vingts espèces en
Europe, ayant en général le corps jaune et les yeux verts, se dévelop-
pent, comme leur nom l'indique, dans les substances animales en pu-
tréfaction et particulièrement dans les champignons en déliquescence.
CHLOROPS. 1061
Nous représentons une espèce à ailes sans taches, S. brunnitarsis
Macquart, pi. cxv, fîg. Zf, de Zi, 5 à 6 millimètres, jaune, le style des an-
tennes légèrement velu, les ailes jaundtres, les tarses postérieurs bruns ;
du nord de la France.
C'UiiOKOPgi Meigen. — Antennes inclinées, à style pubescent ou nu, de deux
articles distincts; yeux verts; coloration généralement jaune, variée de noir;
face nue, front tomenteux; trois ocelles sur une tache noire triangulaire du
vertex; nervure costale s'étendant jusqu'à l'extrémité de la sous-marginale, la
médiastine s'étendant jusqu'au tiers de l'aile; pattes nues; abdomen ovale.
Les Chlorops adultes se trouvent sur les fleurs pendant les mois de
juillet et d'août et plusieurs espèces sont très nuisibles aux céréales.
On en compte plus de soixante espèces en Europe. Nous représentons
C.hypostigma Meigen, pi. cxv, iig. 5,de2 à 3 millimètres, jaune, le vertex
à point noir, le troisième article des antennes noir en dehors, fauve en
dedans, le style jaune à base noire, le thorax à cinq bandes noires, les
extérieures très courtes, les côtés à trois points noirs, le dernier article
des tarses noir, l'abdomen court, d'un fauve rougeàtre, le premier
segment à petite tache noirâtre de chaque côté.
Deux espèces sont très funestes aux blés et aux seigles, le C. lineata
Tabr., très petite Mouche jaunâtre à bandes noires, et le C. lœla Meigen,
à corps brillant. Si l'on écrase un de ces insectes, on obtient l'aspect
d'une tache d'huile, cette graisse étant fréquente dans les espèces dont
les larves vivent cachées dans les tiges. Souvent les Chlorops se réunis-
sent pour hiverner en nombre immense sur les plafonds des greniers,
où on peut en détruire beaucoup par des injections de péti'ole, ou bien
sur les lierres des vieilles murailles. Une ponte des femelles a lieu à la
fin de mai ou au début de juin sur les tiges de blé ou de seigle, à la
base de l'épi, et les larves rongent la tige. Les tiges attaquées demeu-
rent d'une hauteur à peu près moitié des tiges saines, et l'épi reste vert
et engagé dans les feuilles, tandis que les épis sains sont jaunes; les
grains des tiges attaquées sont ou avortés, ou raccornis. Il faut, environ
quinze jours avant la moisson, enlever les tiges attaquées, très recon-
naissables, et les brûler. En septembre, éclôt une seconde génération
de Chlorops, provenant des pupes tombées sur le sol. Ces Mouches pon-
dent en octobre sur le jeune blé qui vient de lever; les larves rongent
les feuilles du centre et produisent un gonflement qui arrête la sève,
le collet s'épaississant par l'afflux des liquides destinés à la nutrition
de la tige, qui est arrêtée dans son développement, et les jeunes cé-
réales jaunissent et parfois meurent. Le blé de mars est également
atteint par la ponte de Chlorops qui ont hiverné ou qui sont nés des
pupes de la seconde génération. Lors du sarclage ou de l'échardonnage
des blés, il faut enlever les plantes jaunies. Si ces moyens restent in-
fructueux ou semblent trop coûteux, il faut, sans hésiter, opérer une
GIRARD. 1". — 66
1062 DIPTÈRES.
alternance de culture et remplacer le froment ou le seigle par des
fourrages, colzas, betteraves ou turneps ; les Chlorops périssent de
faim.
En France les seigles sont attaqués par la Mouche du seigle ou du
nain, C. pumilionis Audouin. Elle pond en mars sur les tiges du seigle
semé l'automne précédent, et arrête leur développement en les gon-
flant monstrueusement à la base ; les pupes des larves donnent leurs
Mouches en juin. Il faut arracher et brûler les pieds nains de seigle
attaqué.
Le genre Oscinis Latr. a été détaché de l'ancien genre Chlorops de
Meigen et renferme en Europe de soixante-dix à quatre-vingts espèces,
remarquables par leur coloration noire et ayant l'abdomen le plus sou-
vent ovale. 11 faut signaler la Mouche de l'orge, se montrant dans le
nord de la France, Oscinis frit. Linn., syn. : /lorde* Bjerkander, Olivier,
vastator Curtis, d'un noir luisant, longue de 1,5 milhmètre. Les larves,
d'un jaune éclatant, attaquent en juin les feuilles centrales de l'orge
et rongent l'intérieur des tiges, y deviennent pupes et donnent les
adultes en juillet. On signale encore en France la Mouche de l'orge de
Herpin, Oscinis Herpini G. Mén., dont les larves rongent les épis de
l'orge. Les moyens à employer à l'égard des Oscinis sont ceux indiqués
contre les Chlorops.
Les Dacus Meigen sont de petites Mouches voisines des précédentes,
ne comprenant qu'une espèce, D. oleœ Fabr.', la Mouche des olives,
très nuisible en Provence, en Corse, en Toscane. C'est une Mouche de
Zi à 5 millimètres de long, à corps d'un gris jaunâtre, la tète plus pâle
avec un point noir de chaque côté de la face, les yeux d'un gris bleu,
les antennes fauves, à troisième article brun, en ovale allongé, avec
un style sétacé et simple, le thorax d'un gris cendré, avec raies longi-
tudinales noires, les côtés fauves antérieurement, noirs postérieure-
ment, l'écusson large et blanchâtre; ailes toujours en mouvement,
transparentes, avec nervures jaunes vers la côte externe, leur sommet
marqué d'une petite tache obscure, pattes jaunes, avec l'extrémité des
postérieures légèrement brune; abdomen ovale, noirâtre, pointillé,
pubescent, ayant sur son milieu une bande longitudinale jaune qui se
dilate vers l'anus et forme une bande transverse qui occupe presque
tout le pénultième segment ; cet abdomen à extrémité obtuse dans les
mâles, se terminant en pointe chez les femelles avec la tarière ou ovis-
capte saillant. Larve apode, d'un blanc jaunâtre, les anneaux du corps
un peu saillants, ressemblant à un Ver de 5 à 6 millimètres de long,
à tête pointue, rétractile, distincte, avec mandibules noires. Pupe en
barillet très régulier, de h miUimètres de long, dans la peau durcie de
la larve, raccourcie, d'un ovale parfait, jaunâtre, avec les incisions des
anneaux plus foncées.
De temps immémorial on connaît cet insecte en Provence sous le
nom de Keiron ou Keiroun. Ses ravages ont lieu d'ordinaire une année
DACUS, CERATITIS, ETC. 1063
sur deux, car il est rapidement détruit par beaucoup d'entomophagcs.
Parfois, selon les localités, il n'y a qu'une génération par an, parfois
il s'en produit jusqu'à trois. Les femelles passent l'hiver, le printemps
et le début de l'été dans divers abris, ainsi les écorces des oliviers. C'est
en juillet que les jeunes olives sont piquées par le Dams oleœ, et c'est
surtout en octobre qu'on trouve des larves dans les olives au noml)re
de deux à trois par fruit. L'olive piquée mûrit plus vite que les autres ;
lespupes se font soit dans le fruit, soit dans le sol, si le fruit tombe ou
si la larve l'abandonne faute de sève. L'huile faite avec les fruits rem-
plis de larves et d'excréments a un goût détestable. Il faut laisser le
moins longtemps possible les olives ramassées en tas sur le sol, car des
pupes peuvent donner des adultes qui seront la cause de nouvelles
invasions. On doit faire la cueillette des olives en mars et les porter tout
de suite au moulin, même avant maturité complète, si le Dacus a été
abondant. On a alors une demi-récolte d'huile. Quand on les laisse plus
longtemps sur les oliviers, notamment au printemps, d'avril à juin, on
est exposé aux réinvasions. Il faudrait que la cueillette des olives fût
réglementée avec interdiction de les maintenir tardivement sur les
arbres. On consultera pour cette importante question du Dactis oleœ :
A. Peragallo, l'Olivier, son histoire, sa culture, ses ennemis, ses maladies
et ses amis, in-8°, avec 1 pi. col., Nice, 2^ édit., 1882 ; — E. Laugier,
Études sur les mesures qui pourraient être appliquées pour combattre les
ravages de la Mouche de l'olive (Dacus oleœ); observation sur le Dacus oleœ
et ses parasites {Bull. Soc. d'agriculture de Nice et des Alpes-Maritimes) ,
188^, p. 132; reproduit dans le Bull, dlnsectol. ayric. de 1885).
Le genre Ceratitis Mac-Leay est formé par la Mouche de l'orange,
C. hispanica de Brème, dont la femelle pique pour pondre les oranges
à moitié mûres et les fait tomber rapidement dès que les larves s'y
développent. Ramasser et brûler. Cette Mouche est d'Espagne et d'Al-
gérie et cornpromet en certaines années la récolte des oranges. La
Mouche des luzernes, du genre Agromyza Fallen, est A. nigripesMeigen,
dont la larve vit en mineuse dans les feuilles de luzerne et les couvre
de taches blanches. Les pupes se formant sur la terre donnent rapide-
ment les Mouches; plusieurs générations par an. Couper les luzernes
dès que les taches blanches commencent à se montrer et les faire
manger par le bétail avant qu'elles soient trop détériorées. Le genre
Phytomyza Fallen nous offre P. geniculata Meigen, dont la larve est
mineuse des feuilles de julienne, de giroflée, de chou, de capucine, etc.
Deux générations par an; enlever en juin les feuilles rayées de blanc
et les brûler. Dans le genre Psila Meigen, syn. : Psilomyia Latr., se
trouve la Mouche des carottes, Psila rosœ Fabr. (nom erroné); ses lar-
ves jaunes font souvent des dégâts dans les carottes, dont les racines
se creusent et se rouillent; arracher et brûler ces racines, afin
de détruire ou de diminuer beaucoup l'espèce pour les années sui-
vantes.
1064 DIPTÈRES.
SEPEDOM Latr, — Antennes plus longues que la tête, à second article cylin-
drique, menu, une fois plus long que le troisième, ce dernier assez épais à la
base, terminé en pointe, style tomenteux, de trois articles distinct?, le second
allongé; face perpendiculaire au corps ; épistome saillant ; front un peu saillant,
rugueux; seconde nervure des ailes convexe; pattes allongées, à cuisses pos-
térieures épaisses et un peu épineuses vers l'extrémité, les jambes un peu
arquées.
Les Sépédons vivent dans les lieux aquatiques, sur les herbes des
marais, et particulièrement sur les roseaux élevés. Le duvet satiné qui
les couvre et les rend imperméables à l'eau semble indiquer qu'ils
vivent d'abord dans les eaux. La faculté de sauter qu'ils doivent au
renflement de leurs cuisses postérieures leur permet probablement de
se poser et de se mouvoir à la surface de l'eau. Trois espèces seulement
en liurope, dont le type est S. sphegeus Fabr., pi. cxv, fîg. 6; 6 a, tête
vue de profil, long, de 6,5 à 9 millimètres, d'un noir bleuâtre luisant,
les antennes d'un noir mat, le style à moitié postérieure blanche,
thorax à duvet blanchâtre, ailes d'un jaune brunâtre dans les deux
sexes, pattes d'un fauve vif.
TŒWl.UPTBil.i. Macquart. — Troisième article des antennes oblong; lêle un
peu prolongée en bas et sur les côtés; trompe épaisse; épistome échancré; ailes
à bandes transversales brunes, ayant la première cellule postérieure fermée,
l'anale allongée et pointue.
Les Diptères constituant ce genre sont américains. Nous représentons,
pi. cxv, fig. 7, une espèce de la Havane, T. ruficeps G. Mén., de 9 milli-
mètres de long. Le corps est noir, avec la tôte et les cuisses intermé-
diaires et postérieures d'un fauve un peu obscur; ailes transparentes
avec l'extrémité et deux bandes brunes, la bande du milieu très large.
DlOPSlS Linn. — Corps allongé; tète sphéroïdale ; front dilaté de chaque côté
en corne longue, droite, cylindrique, menue; antennes à style nu, insérées en
avant près de l'extrémité de ces cornes; yeux situés à l'extrémité des cornes;
ocelles très petits ; face, côtés du thorax et écusson armés de pointes ; ailes à
nervures médiastines paraissant réunies ; cuisses antérieures ordinairement
épaisses; abdomen allongé, déprimé en dessus, rétréci à la base.
Ces Musciens, de conformation si bizarre, appartiennent surtout au
Sénégal. Nous représentons deux espèces de ce pays, pi. cxv, fig. 8,
D. ornata Westw., à ailes traversées par des bandes brunes et D. atri-
capillus G. Mén., pi. cxv, fig. 9; 9 a, extrémité d'un pédoncule oculaire
montrant l'œil et l'antenne, long. 6 millimètres, tête et thorax noirs,
ailes sans fascies, abdomen d'un fauve obscur, insensiblement épaissi
en arrière.
SEPSIS, PLATTEPHRITIS, YSTOMA, CELYPHUS. 1065
SEPSIS Fallen. — Troisième article des antennes ovale; palpes rudimentaires
consistant en un petit tubercule velu ; ailes à nervures transversales assez rap-
prochées, une taclie noire près de l'extrémité; dans les mâles, cuisses anté-
rieures renflées et munies d'une dent et jambes antérieures cchancrées.
Les Sepsis répandent une odeur agréable de mélisse. Elles ne vien-
nent sur les plantes que pour se nourrir du nectar des fleurs, se mon-
trant parfois en nombre immense sur les Ombellifères, et déposent
leurs œufs sur les fumiers et sur les bouses.
Nous représentons des détails du Sepsis annulipes Meigen, pi. cxv
fig. 10, t.?le vue de profil; 10 a, antenne; 10 b, bouche, et du S. cor-
nuta Meig., fig. 12, tête de profil; 12 a, antenne; 12 6, trompe. Ces deux
espèces sont d'Europe, où les Sepsis comptent une quinzaine d'espèces.
TEPHRiTiii Latr. — Antennes n'atteignant pas l'épistome, le troisième article
triple du second, le style tantôt tomenteux, tantôt nu; épistome non saillant;
trompe à lèvres ordinairement épaisses; ailes à bandes ordinairement ferrugi-
neuses, quelquefois une pointe au bord extérieur; oviscapte de la femelle déprimé,
large; peu velu, ordinairement allongé.
Le corps des Téphritis est le plus souvent jaune ou fauve, et les ailes,
par leurs bandes transversales ferrugineuses, les font facilement recon-
naître. Ces Musciens se partagent un grand nombre de plantes, telles
que la bardane, l'armoise, l'arnique, l'onoporde, le tussilage, etc., sur
lesquelles leurs larves se développent, en se logeant dans les parties de
la fructification qu'elles dévorent. Nous représentons, pi. cxv, fig. 11,
T. obliqua Macquart; 11 a, tête vue de profil, de la Havane, du Chili, de
la baie de Campôche. Nous citerons T. onopordi Fabr., la Mouche du
panais, dont la larve vit en mineuse des feuilles du panais qui se recou-
vrent de taches blanches ou rouss'itres; peu nuisible aux racines. En-
lever et brûler les feuilles attaquées.
PLATVSTOMA Meigen. Antennes assez courtes, le troisième article oblong, le
style nu; saillie buccale grande et convexe ; épistome saillant ; trompe fort
épaisse, saillante, palpes fort élargis; partie postérieure des nervures sous-
marginale et externo-médiaire arquée ; pointes des jambes intermédiaires très
courtes ; abdomen ovale, de quatre articles distincts.
Les Platystomes tirent leur nom de la largeur de la cavité buccale
Ils paraissent dès le printemps sur les fleurs des aubépines et des pru
nelliers. Huit à dix espèces sont européennes. Nous représentons
pi. cxvi, fig. 1, P. lœtum G. Mén. (voyage de la Coquille); 1 a, tête vu<
de profil; 1 b, antennes; d'Australie.
CELVPHIIS Dalman, — Corps large; antennes écartées, avec style inséré près de
1066 DIPTÈRES.
l'extrémité du troisième article, paraissant bi-articulé, épais et velu à la base ;
écusson dilaté, convexe, recouvrant tout l'abdomen; ailes abord extérieur velu
antérieurement, la nervure interno-médiaire ne dépassant pas la cellule dis-
coïdale .
Ces Diptères exotiques de l'ancien monde ont une conformation véri-
tablement extraordinaire en raison d'un écusson qui se dilate en arrière
et recouvre l'abdomen et les ailes. Cette expansion est formée de deux
téguments, le supérieur très convexe, de substance coriacée, l'infé-
rieur plat et membraneux, présentant ainsi une capacité que Macquart
suppose remplie d'un fluide qui peut influer sur le vol, en augmentant
ou diminuant la densité moyenne de l'insecte. Nous représentons,
pi. cxvi, fig. 2, le C. obtectus Dalman; 2 a, son antenne; longueur,
li,5 millimètres ; des Indes Orientales et de Java,
PHOR;% Latr. — Dernier article des antennes globuleux, avec soie dorsale tantôt
nue, tantôt empennée ; tête inclinée et courte ; palpes hérissés et saillants ; ailes
grandes, à bord antérieur portant des soies en forme de piquants jusqu'au point
oîi aboutit la seconde nervure longitudinale apparente, nervures médiaires ordi-
nairement droites ; pas de cellule anale ; hanches allongées et cuisses élargies ;
thorax fortement bombé et abdomen s'abaissant en arrière, ce qui fait ressortir
davantage la gibbosité thoracique.
Les Phora ont près de quatre-vingts espèces en Europe. Ces petits
Diptères bossus courent vivement et comme en hâte sur les fleurs, les
feuillages des buissons, les clôtures en planches, les vitres de nos habi-
tations, etc., n'ayant qu'un vol rare et de peu de durée. Le régime de
ces Diptères est varié; la plupart vivent à l'état de larves dans les
matières animales ou végétales en décomposition, ce qui expHque la
présence de certaines espèces dans nos maisons, à côté de Tipulides
fongicoles. En outre, d'autres larves de Phora sont entomophages
internes de chenilles, de larves d'abeilles sur lesquelles elles vont
pondre dans les roches (certains auteurs les regardent comme une des
causes de la loque ou pourriture du couvain), de larves de Coléoptères
et aussi de limaces. Les yeux des Phora sont parfois recouverts de poils
très fins. Nous représentons, pi. cxvi, le P. ahdominalis Fallen, fig. 3;
3 a, le même vu de profil; 3 b, sa tête; 3 c, son antenne. Ce petit Dip-
tère, de 3 millimètres environ de longueur, est d'un noir brunâtre,
avec abdomen d'un rouge fauve, à incisions noires.
Tribu des ORlVlTHOilYlEMS.
Les Ornithomyiens sont les derniers Diptères en raison d'abord de
leur existence épizoïque sur les Mammifères et les Oiseaux, dont ils
ORNITHOMYIENS. 1067
sucent le sang ou les excrétions cutanées diverses. Ils courent, souvent
très vivement, en avant, en arrière ou de côté, entre les poils ou les
plumes. Les ailes existent assez souvent, mais d'usage à peu près nul
pour le vol, parfois rudimentaires, parfois tout à fait absentes et sans
vestiges. Le trait capital de l'organisation de ces Diptères dégradés est
leur mode de reproduction. L'abdomen est recouvert, non d'arceaux
écailleux fixes comme chez les autres insectes, mais d'une membrane
susceptible d'une grande dilatation. C'est une sorte de matrice très
extensible dans laquelle se passe tout le premier développement du
Diptère.
De l'ovaire se rendent dans cette matrice de petits corps mous, ovi-
formes, qui grossissent graduellement jusqu'à occuper toute la cavité
de l'abdomen. Si on ouvre celui-ci^ ces corps, qui sont des larves, ne
paraissent contenir qu'une sorte de bouillie; cependant ils sont sus-
ceptibles de quelques mouvements de contraction. Quand le terme de
la gestation est arrivé, ces corps sont expulsés, successivement et un
par un, de l'abdomen maternel. C'est une larve, comme l'a vu Leuckart,
qui a accompli toute son évolution dans la matrice. Au sortir de celle-ci
la peau durcit et elle devient une pupe contenant une nymphe qui ne
tarde pas à donner l'adulte. Les Ornithomyiens sont donc bien plutôt
des vivipares que des pupipares, comme les appelait Latreille.
Ces insectes ont un corps large et aplati, élastique, écailleux, plus
coriace au niveau de l'abdomen. La tête, de grandeur médiocre, est
plus ou moins engagée dans le thorax, elliptique, à grand diamètre
transversal. Les antennes sont très courtes, en forme de verrues apla-
ties; la tète a latéralement deux grands yeux et des ocelles dans quel-
ques genres. La trompe est constituée par la lèvre supérieure et par la
moitié des mâchoires inférieures qui rengainent; la lèvre inférieure
est très courte et les palpes font entièrement défaut. L'oritice buccal a
ses bords sinueux. Les ailes, parfois très étroites, sont, le plus souvent,
longues et larges, mais leurs nervures n'apparaissent nettement qu'au
bord externe; elles n'offrent pas de cellule discoïdale. Les balanciers,
très petits, sont libres ou sans cuillerons, et insérés très bas. Les pattes
sont épaisses et écartées, en raison de leur largeur, les cuisses aplaties,
les tarses courts et forts, avec le dernier article le plus long et
terminé par deux griffes à plusieurs crochets et très puissantes. Le
thorax est large et arrondi, l'abdomen court et échancré postérieure-
ment.
A part une très remarquable exception pour le Lipoptena cervi, les
Ornithomyiens vivent en petites familles, chaque espèce sur une espèce
animale déterminée; ainsi, les Hippobosques sur les chevaux, les bœufs,
les chameaux, les chiens, les Mélophages sur les moutons, les Sténo-
ptéryx sur les hirondelles, surtout les jeunes oiseaux au nid, les Ornitho-
myies et genres voisins sur les autres oiseaux, particulièrement les
rapaces, les pies, les grives, les perdrix, les alouettes, les moineaux, etc.
1068 DIPTÈRES.
l-es Sirèbles ont été trouvés sur des chauves-souris de l'Amérique mé-
ridionale.
HIPPOBOiSCA Linn. — Tête entièrement saillante ; antennes à style apical nu ;
prothorax distinct; ailes obtuses à cinq nervures longitudinales distinctes; tarses
à ongles bifides.
Le type de ce genre est la Mouche-Araignée de Réaumur, H. equina
Linn., pi. cwr, fig. U, lèle vue de face; longueur, 6,5 à 9 millimètres,
le corps d'un jaune de rouille luisant, la face dorsale du métathorax
d'un brun marron, l'écusson jaune pâle. La trompe est courte et son
extrémité est mousse; les ocelles font défaut. On trouve cette Mouche
en été sur les chevaux mal tenus, comme ceux du halage des bateaux,
entre les poils du ventre et sous la queue. Son abdomen, d'un gris jau-
nâtre, est large et cuirassé; elle pique parfois l'homme et le chien.
Elle se trouve parfois aussi sur les bœufs, dans les régions les moins
velues. Sa surface glissante et son agilité, qui lui permet de s'esquiver
en tous sens, la rendent difficile à saisir. Leurs larves, en sortant du
corps de la femelle, sont munies à une des extrémités de deux saillies
obtuses, séparées par une échancrure. Peu de jours après, elles devien-
nent des pupes noires.
ORlVlTHOMYi.% Latr. — Tête insérée dans une échancrure du thorax; antennes
en forme de valves velues; suçoir allongé; ailes obtuses, la nervure niédiastine
double, les cellules basilaires à peu près d'égale longueur, une cellule anale
distincte; ongles des tarses tridenlés.
Ces parasites vivent accrochées aux plumes d'oiseaux variés, tels que
les éperviers, les pies-grièches, les perdrix, les merles, les étourneaux,
les pies, les alouettes, les rouges-gorges, les mésanges, etc. Nous re-
présentons une espèce exotique, 0. Chiliensis G. Mén., pi. cxvi, fig. 5;
du Chili, sans indication de l'oiseau; longueur, 5,5 millimètres.
oXYPTERt'M Lach., syn. : Anapeka Meigen. — Tête insérée dans une
échancrure du thorax, munie de chaque côté d'une touffe de poils; antennes
valviformes et ciliées; pas d'ocelles; ailes assez étroites, courtes, obtusément
pointues, à côte ciliée, à nervures en partie réunies ; pattes velues, cuisses
antérieures et intermédiaires fort épaisses, les ongles des tarses tridenlés.
Dans ce genre la réduction organique se manifeste par le rétrécisse-
ment des ailes, qui sera encore bien plus prononcé dans le genre sui-
vant Stenopteryx. Ces insectes vivent accrochés aux hirondelles par
leurs triples crochets tarsaux. Nous représentons une espèce envoyée
de Tanger à Guérin-Méneville, 0. Tangeri G. Mén., pi. cxvr, fig. 7; lon-
gueur, 7 millimètres.
SÈTENOPTtlRYX, MKLOPHAGUS, BRAULA. 1069
STEllOPTERYX Lach. — Tète insérée dans une écliancrure du thorax ; an-
tennes en forme de valves ciliées; suçoir allongé; des ocelles ; ailes fort étroites,
allongées, arquées, pointues, à côte ciliée, la plupart des nervures soudées;
pattes velues, à cuisses fort épaisses, tarses à ongles tridentés; abdomen de la
femelle terminé par un oviscapte saillant.
La seule espèce de ce genre a les ailes tellement étroites, que leur
largeur n'égale pas la septiènie partie de leur longueur; elle abonde
dans les nids des hirondelles de fenêtre et de cheminée. Le S. hirundi-
nis Lench est représenté pi. cxvi, fig. 7, mâle ; 7a, suçoir; 7 6, lèvre in-
férieure; longueur, /i,5 millimètres; ferrugineux; tarière delà femelle
terminée par une touffe de soies; ailes jaunâtres, à bord extérieur fer-
rugineux.
Le genre Lipoptena Nitzsch, syn. : Leplotcna Macquart, présente une
particularité qui rappelle les transmigrations de beaucoup d'Helminthes
d'une espèce animale à une autre. Tant qu'il possède des ailes, ce Dip-
tère constituait l'espèce Ornithobia pallida Meigen et vit sur lesoiseaux
jusqu'en automne; puis il perd ses ailes ou n'en garde que des rudi-
ments. 11 se porte alors sur les cerfs, les daims, les chevreuils, parfois
les sangliers et devient le Lipoptena cervi Linn. Dans certains cantons
forestiers de l'Allemagne, les Mouches des oiseaux qui guettent les
Cerviensse posent volontiers sur les vêtements ou le visage des passants.
MELOPHjIlGIJiS Latr. — Tète dégagée du thorax ; antennes nues en forme de
tubercules ; yeux fort étroits, petits; pas d'ocelles; thorax assez étroit; ailes
nulles; pattes velues, ongles des tarses bidentés, abdomen ovale.
Une seule espèce, souvent appelée le Pou du mouton, M. Ovinus
Linn., pi. cxvi, fig. 8; 8 a, tête vue en dessous; 8 6, antenne; 8c, suçoir
ou langue; 8 d, patte antérieure. Cet insecte, long de 3 miUimètres, est
ferrugineux à abdomen brun. Le nom du genre indique le goût de ces
insectes pour la graisse. L'ovaire des femelles contient environ huit
œufs, donnant des larves qui sucent avec avidité un liquide que sécrète
une glande ramifiée. La larve sortant toute développée du large ovi-
ducte est un corps ovoïde et blanc sans aucune articulation; elle de-
vient une pupe qui se fonce peu à peu. Les Mélophages habitent la
toison des moutons; c'est pour les rechercher que des bandes d'étour-
neaux suivent les troupeaux, se posant sur la laine et s'empêtrant par-
fois les pattes.
Un insecte encore plus dégradé organiquement que le Mélophage est
le Pou de l'abeille, ou Branle aveugle, Braula cœca Nitzsch. C'est un pa-
rasite très gros par rapport à l'abeille, car il a le volume d'une petite tête
d'épingle. Le corps, long de 1,5 millimètre, est dur et de couleur d'un
brun rouge luisant, à l'exception des antennes, qui sont d'un jaune de
miel. La Braule est privée d'yeux, de balanciers et d'ailes. La tête, bien
1070 DIPTÈRES.
séparée du thorax, est triangulaire et couverte de petites soies fines et
jaunâtres. L'épistome est profondément échancré en bas; sous le cha-
peron semi-lunaire se trouvent des palpes en crosse, entre lesquels
s'avance la trompe, courte et membraneuse, constituée par la lèvre su-
périeure engainée dans les mâchoires. A la place habituelle des yeux
sont deux fossettes dans lesquelles les antennes sont enfoncées jusqu'au
niveau de leur troisième et dernier article, sphéroïde et portant une
soie dorsale empennée. Les trois anneaux thoraciques se confondent en
un panneau unique, un peu élargi en arrière et sans écusson. Les
pattes subégales ont les cuisses épaisses, les jambes un peu arquées, les
tarses de cinq articles, le dernier très élargi et muni d'une trentaine de
dentelures piliformes et rétractiles, au-devant desquelles sont deux
lobules membraneux en crosse, pourvus de poils glanduleux. L'abdo- '
men enfin, composé de cinq anneaux, élargi au milieu, est ovale et
très bombé. Les Branles se fixent sur les abeilles, surtout sur les
femelles fécondes ou reines, s'attachant par leurs griffes et peut-être
par leur trompe, presque toujours sur le corselet, tantôt près du
cou, tantôt de l'origine des ailes ou des pattes. L'oviducte con-
tient quatre embryons et la femelle laisse choir ses larves parve-
nues à maturité grâce au liquide nourricier d'une glande interne.
Blanches et tendres en sortant de l'oviducte, elles deviennent ensuite
foncées et dures. Réaumur a reconnu que les Branles se plaisent
surtout sur les abeilles des vieilles ruches, ne paraissant pas leur
faire grand mal, car celles-ci ne cherchent pas à les détacher lors-
qu'elles se trouvent sur quelque partie du corps que les pattes peuvent
atteindre.
Les apiculteurs allemands classent la Braule aveugle parmi les ma-
ladies des abeilles, en la regardant comme un parasite vivant de sa
substance; cependant un parasite d'aussi grande laille par rapport à
l'animal porteur serait bien épuisant. M. J. Pérez, de Bordeaux, consi-
dère plutôt la Braule comme un insecte commensal. D'après ses obser-
vations (1883), quand il veut manger, il se porte vers la bouche de
l'abeille, où l'agitation de ses pattes munies d'ongles crochus, produit
une titillation désagréable, peut-être tout au moins une excitation des
organes buccaux, qui se déploient un peu en dehors et dégorgent une
gouttelette de miel, que la Braule vient lécher et absorber aussitôt.
On s'explique sa prédilection pour la femelle féconde que les ouvrières
gorgent constamment de miel quand elles lui font cortège et semblent
des courtisans assidus auprès d'elle, ce qui lui a fait donner le nom de
roi ou de reine.
MYCTERlBl.v Latr. — Corps aplati et écailleux ; tête petite, cupulliforme et très
mobile, rétractile dans une excavation profonde de la face supérieure du thorax;
antennes digitiformes, de deux articles, insérées sur la tète au-dessous du
bord ; yeux ponctiformes ou nuls ; trompe filiforme, munie de palpes très grands,
NYCTERIBIA, BIBLIOGRAPHIE. 1071
un peu claviformes ; pas d'ailes ni de balanciers; patles longues, robustes et
écartées, les cuisses et les jambes épaisses, ces dernières à longs poils ; tarses
menus, à premier article très long et arqué, les autres très courts, les ongles
simples.
Les Nyctéribies, encore mal connues, ressemblent à de petites Arai-
gnées à six longues pattes et vivent en parasites très agiles sur les
chauves-souris des diverses espèces. Elles mettent au monde des larves
ayant acquis toute leur taille et se changeant en nymphes après leur
naissance. Au-dessous et au-devant des articulations des pattes inter-
médiaires sont, au bord d'une excavation, deux organes pectines, pa-
raissant principalement destinés à protéger les stigmates aériens placés
dans leur voisinage. Les Nyctéribies ne mesurent en général que 2,25
à 4,5 millimètres et sont d'un jaune de cuir. Nous représentons
N. Westivoodi G. Mén., de i millimètres, pi. cxvi, fig. 9; 9 a, corps vu de
profil; 9 6, tête vue de profil; 9c, extrémité d'un tarse grossi; 9rf, gran-
deur naturelle. On ne peut dire de quelle chauve-souris provient cet
insecte, trouvé par Guérin-Méneville dans un bocal contenant des In-
sectes pris à Paris ; très probablement l'espèce n'est pas la même que
N. Westwoodi Kolenati. La planche cxvi contient des détails d'une
espèce des Indes Orientales, N. Sykesi Westw., fig. 10, tète vue en des-
sus; 10 o, id. en dessous ; 10 6, id. vue de profil; 10 c, antenne ; 10 d,
extrémité d'un tarse.
Bibliographie des Diptères. — Macquart, Insectes Diptères du nord
de la France {Mém. de la Soc. d'agricult., etc., de Lille, 1823 à 183/i) ;
id., Hist. nattir. des Insectes Diptères, lîoret, suites à Buffon, 2 vol. in-8°,
avec pi. col., Paris, 183Zi-1835 ; id,, Diptères exotiques nouveaux ou peu
connus {Mém. de la Soc. d'agric, des sciences et arts de Lille, 1838 à 1855).
— Nouvelles observations sur les Insectes Diptères d'Europe de la tribu
des Tachinaires {Ann. Soc. entom. Fr., 18Zi5, 1849, 1850, 185/j). —
Léon Dufour, Anatomie générale des Diptères {Ann. Soc. natur. zoolog.,
18Zi4). — Robineau-Desvoidy, Essai sur la tribu des Culicides {Mém. Soc.
d'hist. natur., de Paris, 1827); id., Essai sur les Myodaires {Mém. Sav.
étrangers, 1830) ; id.. Études sur les Myodaires des environs de Paris {Bévue
de zoologie, 18/i3, 1848, 1849 et Ann. Soc. entom. de France, 1844, 1846,
1847, 1849, 1850); id., Diptères dtc environs de Paris, famille des Myo-
daires {Bull. Soc. des sciences d'Auœerre, 1853). — Brullé, Diptères de
l'expédition de Morée, Paris, Levrault, 1832). — J. 0. Westwood, Mono-
graphy of the Nycteribia {Trans. of the zoolog. Soc. of London). — Zet-
terstedt, Monographie Scatophagarum Scandinaviœ {Ann. Soc. entom. de
France, 1835) ; id., Diptera Scandinaviœ disposita et descripta, Lundœ,
12 vol. — Ed. Perris, Notes pour servir à V histoire des métamorphoses de
diverses espèces de Diptères {Ann. Soc. entom. de France, 1849) ; id., His-
toire des métamorphoses de quelques Diptères {Mém. de la Soc. des sciences
1072 DIPTÈRES.
de Lille, 1850) ; id., Histoire des insectes du pin maritime (Diptères) {Ann.
Soc. entom. de France, 1852 à 1857). — Rondani, Ordinamento sistematico
dei generi Italiani degli insetti Ditteri {Xuov. Ann. sci. natur., Bologna,
1835); id,, Dipterologiœ italicœ prodromus. Parma, Stocchi, 1856-1859.
— Goureau, Mémoire sur les balanciers des Diptères {Ann. Soc. entom. de
France, 18Zi3) ; id., Note pour servir à l'histoire des Diptères dont les larves
minent les feuilles desplantes {Ann. Soc. entom. de France, 18Zi6). — N. Joly,
Recherches zoologiques et anatomiques sur les OEstrides en général {Ann. Soc.
d'agric. de Lyon, 18/i6). — Bigot, Essai d'une classification générale et
synoptique des Diptères {Ann. Soc. entom. de France, et autres nombreux
travaux dans le même recueil). — Schiuer, Fauna austriaca, die Fliegen
{Diptera), Wien, 2 vol. in-8°, 1862-186Zi ; id., Catalogus systematicus Dip-
terorum Europœ, Vindobonœ, 186Ù.— Brauer, Xeue Beitrage zur Kentniss
der europaischen OEstriden { Verhand. Wien zoolog. botan. Gesellsch., 1860).
— h' Goherl, Revision des espèces françaises de la famille des Leptides
{Ann. Soc. linn. d'Amiens, 1877); id., Revision monographique de la fa-
mille des Tabanides, in ibid., Amiens, 1881. — D' Al. Laboulbène,
art. Diptères {Dict. encycl. des sciences médicales (D"" Dechambre), avec
une bibliogr. très complète des Diptères).
ORDRES SATELLITES
Outre les ordres fondamentaux dont nous avons présenté l'histoire
abrégée, il y a quelques groupes d'Insectes, soit à vie libre, soit à vie
parasitaire, mais toujours à caractères dégradés, dont on fait des ordres
faute de pouvoir exactement les faire rentrer dans les ordres à nom-
breux insectes. On dirait des ébauches de créations dont la nature n'a
pas cru devoir poursuivre le plan ni surtout le varier par des types
multipliés. Ces ordres satellites sont d'abord les Thysanoptères ou
Thripsiens, les Strepsiptères ou Rhipiptères ou Stylopiens, ces deux
ordres étant ailés. Viennent ensuite des groupes privés d'ailes, qui ont
autrefois été réunis en ordre fort hétérogène des Aptères, mais qui ont
été partagés depuis en ordres des Thysanoures (I.épismiens et Podu-
riens), des Anoploures (Riciniens et Pédiculiens) et, enfin, des Apha-
niplères ou Puliciens, ces derniers à métamorphoses complètes, tandis
que les deux ordres aptères précédents sont sans métamorphoses.
Thripsiens. — En raisons de certaines analogies générales d'aspect
et d'après l'absence de métamorphoses complètes, les Thripsiens ont
été longtemps rangés à la fin du sous-ordre des Hémiptères hétéro-
ptères. Les anciens auteurs, habitués à se servir de la loupe seulement,
THRIPSIENS, PHLOEOTHRIPS. 1073
n'avaient pas étudié les pièces buccales qui exigent l'emploi du micro-
scope, car ces insectes ne dépassentpas 2,25 millimètres de longueur. On
les rangeait aussi à la fin des Orthoptères, et, soil près des Forticuliens,
soit près des Blattes et pour d'autres auteurs, dans les INévroptères. Ha-
liday le premier reconnut l'existence de pièces buccales d'un type spé-
cial. Leur tète semble cylindrique parce que la bouche se prolonge en
forme de trompe ; les mandibules seulement un peu renflées à la base
sont remplacées par des soies, les mâchoires aplaties qui se soudent
avec le menton sont allongées et portent des palpes à deux ou trois
articles, les palpes labiaux étant formés de deux articles. Ces Thysa-
noptères (insectes à ailes frangées) se nourrissent de sucs végétaux de
cuticules et aussi de pollen liumide. Leur corps est étroit, en quel-
que sorte linéaire. Sur le vertex sont des antennes composées de cinq
à neuf articles, des yeux grands et en arrière des stemmales. Le
prothorax est plus étroit que les deux segments qui suivent et por-
tent des ailes lancéolées, très étroites et frangées, à texture consistante
et à peu de nervures, reposant à plat sur l'abdomen, souvent ornées de
bandes bariolées ou de taches, pouvant s'atrophier ou même manquer;
les tarses de deux articles se terminent par des disques adhérents et
vésiculeux. La tarière de la femelle pique les plantes pour y déposer
les œufs.
Les Thripsiens vivent sur les végétaux auxquels ils sont souvent très
nuisibles, se tenant le plus habituellement dans les fleurs ou sous les
feuilles qu'ils n'entament pas en entier, mais dont ils rongent la partie
superficielle dans toute son étendue, de façon à couvrir leur surface de
taches plus ou moins grandes. Les céréales, surtout le f'romeni, en sont
souvent infestées, et beaucoup déplantes desserres chaudes sont sujettes
à leurs attaques. En Italie et dans le midi de la France les oliviers en
souffrent beaucoup chaque année. On rencontre les jeunes larves sou-
vent au milieu des insectes parfaits, n'en différant guère pour la confi-
guration, mais toujours d'une couleur jaune plus ou moins rougeàtre,
relevant l'extrémité de l'abdomen à la façon des Staphylins. Après quel-
ques mues ou changements de peau successifs, elles prennent des ru-
diments d'ailes, et la couleur de ces nymphes devient alors noire ou
noirâtre. Enfin, après une dernière mue, les Thripsiens ont acquis l'état
parfait, avec des ailes le plus souvent très allongées, courant vite et
offrant un vol rapide.
Le genre Thrips de Latreille a été subdivisé en divers genres à même
terminaison qui ont la valeur de sous-genres :
niIiffiOTHRIPi^ Haliday. — Palpes maxillaires de deux articles ; ailes nues,
complètement sans nervures; abdomen de dix segments, le dernier tubiforme
dans les deux sexes .
liC type de ce genre peu nombreux en espèces est le Thrips de
1074 DIPTÈRES.
l'orme, P. ulmi Fabr., pi. cm, fig. là, antenne de la larve ; lU a, antenne
de l'adulte, celui-ci long de 2 millimètres, noir, avec les antennes à
articles gonflés, leur second article d'un jaune pâle, ainsi que la base
de tous les suivants, les pattes noires, avec les genoux, les tarses et
les jambes antérieures ferrugineux, les cuisses antérieures renflées
et bidentées; insecte très commun près de Paris sous les écorces des
ormes.
THRIP)^ Latr. — Antennes formées de huit articles: palpes maxillaires de trois
articles; ailes poilues, les supérieures ayant deux nervures parallèles et dé-
pourvues de nervures transversales ; abdomen lisse et de neuf segments, le
dernier chez la femelle ayant la forme d'une tarière constituée par deux valves
latérales.
Nous rapportons à ce genre le Thrips des céréales, Thrips cerealium
Burmeister, de 2 millimètres de long, le corps d'un brun ferrugineux,
les antennes, les pattes et l'abdomen annelés de jaune pile; la larve
est d'un jaune orangé assez vif ; la tète, une partie du prothorax et
l'extrémité de l'abdomen sont noirs, les antennes et les pattes présen-
tant des cercles clairs et foncés; à la quatrième mue, linsecte acquiert
des ailes rudimentaires, qui arrivent jusqu'au milieu du corps. Une
seconde espèce est le T. décora Haliday, de 2 millimètres, à corps noir,
les antennes noires, avec les articles 2, 3, k pâles, les pattes noires à
bout blanchâtre. Ces deux espèces s'installent souvent par grandes
quantités dans les épis de seigle et surtout de froment, se tenant cachées
entre les feuilles engainantes et le chaume, et surtout entre les valves
et le péi-ianthe des épis, rongeant le grain nouvellement formé et arrê-
tant en partie son développement. A ces deux Thrips sont dus, le plus
souvent, les jgrains racornis, parfois si communs dans les épis. Lors
de la floraison des blés, on remarque la larve du Thrips décora à moitié
cachée entre les valves, sous l'aspect d'un insectule d'un rouge ver-
millon. Le T. vulgatissima [Halid. a le corps noir avec les ailes de
la même couleur et les pattes blanches ; il est très commim sur toutes
les fleurs de jardin, principalement dans celles des pommiers, poiriers
et cerisiers.
«KliOTHRlPS ou HEMOTRIPS Haliday. — Antennes de huit articles ; ailes
à une seule nervure longitudinale, mais pourvues de nervures transversales ;
abdomen couvert de réticulations.
Nous représentons une espèce de ce genre, pi. cm, fig. 13, adulte; 13 a,
une de ses pattes, commune aux environs de Paris. C'est le T. fasciata,
Linn., long de 2 millimètres, ayant le corps noir et les ailes antérieures
de la même couleur, avec leur base, une bande dans leur milieu et leur
extrémité blanches; dans les fleurs de réséda et de quelques Composées.
CELOTHRIPS. 1075
Une autre espèce du même sous-genre, qui dépasse à peine le milli-
mètre, est le T. hœmorrhoidalis Bouché, Burmeister, syn. : Adonidum
Haliday. Ce Thrips des serres, probablement importé, est un ennemi
très redoutable de l'horticulture. Il est allongé, linéaire, d'un noir assez
profond; tête un peu globuleuse avec des yeux saillants; anntenes
livides, ayant les deux premiers articles bruns et le sixième noir ; cor-
selet aplati de forme ovale; pseudélytres d'un brun plus ou moins
clair ou plus ou moins foncé, avec la base blanche ou d'un blanc jau-
nâtre; pattes très courtes et jaunes; abdomen noirâtre, pointu à l'ex-
trémité, avec les deux derniers anneaux ferrugineux ou un peu rou-
geâtres ; larves de môme forme et jaunâtres.
Ce Thripsien se trouve sur un grand nombre de plantes de serres
appartenant aux familles les plus diverses, fréquent sur les Ficus elas-
tica, les azalées, les Bégonia, les Marantacées et surtout les Orchidées,
qui souffrent beaucoup de ces minuscules insectes ; leurs feuilles se
couvrent de maculatures noires nuageuses et sont comme brûlées à
l'extrétnité. Pendant toute la durée de l'année, les sujets de tout âge
s'installent à la face inférieure des feuilles des jeunes pousses, qui se
fanent et perdent leur sève ; c'est généralement pendant la nuit que
ces Thrips rongent les feuilles et s'accouplent. La femelle fécondée
pond le plus souvent isolément ses œufs allongés et arrondis à la face
inférieure d'une côte médiane. Au bout de huit à dix jours en sortent
des larves ayant une teinte jaune rougeàtre pâle, sans stemmates ni
ailes, avec des tarses blanchâtres. A des intervalles de temps égaux aux
précédents, elles éprouvent trois mues. Elles prennent à la dernière
des rudiments d'ailes et se trouvent ainsi à l'état de nymphes très peu
mobiles, car tout leur corps est en ce moment enveloppé dans une mem-
brane close et elles n'absorbent aucune nourriture. Après quatre jours
la nymphe commence à prendre une couleur plus foncée, les antennes,
les pattes et les ailes restent seules blanches. Enfin, au bout de sept à
huit jours et après s'être dépouillée de sa membrane nymphale, l'in-
secte devient adulte, acquiert sa couleur définitive et se trouve apte à
la reproduction.
Dans les serres les fumigations de tabac font périr les Thrips adultes
et en larves, mais non les œufs, de sorte qu'il faut les renouveler au
bout d'une quinzaine de jours; mais beaucoup de plantes de serres ne
peuvent les supporter ; tels les Héliotropes, les Cinéraires, plus encore
les Gesnériacées et beaucoup de Fougères et enfin surtout les Orchidées,
qui en deviennent très malades. Rivière employait avec succès, contre
le Thrips hémorrhoïdal, la fleur de soufre appliquée avec les doigts sur
les feuilles préalablement mouillées par un bon bassinage. On a aussi
un excellent etfet dans les serres de l'emploi de la vapeur de jus de
tabac ou vapeur d'eau nicotinée (Boizard).
C'est un Thrips qui cause dans les diverses régions de la France,
l'affection des lins qui a reçu le nom de brûlure du lin.
1076 DIPTÈRES.
Styloi'iens. — Les Slylopiens sont de singuliers parasites des Hyméno-
ptères porte-aiguillon rencontrés principalement, étudiés d'abord en
Angleterre. On en a formé l'ordre des Strepsiptères ou Rhipiptères, qui
sont peut-être une dérivation des Coléoptères. Leurs larves vivent sous
les anneaux de l'abdomen des guêpes, des polistes, des andrcnes, des
halictes, des sphex, des pélopèes, etc., et on reconnaît aisément leur
présence aux gibbosités que présente alors l'abdomen de ces Hyméno-
ptères. Ces insectes ont été découverts à la fin du dernier siècle par
Rossi [Xenos Vesparum) sur les guêpes et les polistes de l'Europe méri-
dionale. Les mâles adultes sont actifs et errants, au vol ou en marche
sur le corps des Hyménoptères sur lesquels ils vivent à l'état de larve,
puis de nymphe. Les femelles sont toujours gretfées à l'état parasitaire
soit en larves, soit en adultes larviformes, mais sexués, par un fait pareil
à celui des Psychides, des Hétérogynis, Lépidoptères dont la femelle est
fécondée à l'état larvaire. D'après Siebold, ces femelles peuvent ofl'rir
la parthénogenèse ou développement interne d'œnfs féconds sans le
concours des mules.
Les antennes des mâles sont généralement bifurquées et com-
posées de quatre à six articles. Les yeux sont gros et hémisphé-
riques, implantés sur deux éminences, d'où le nom de Stylopiens. La
tête est séparée du thorax par un cou très étroit ; les mandibules de la
bouche ont la forme de petites lames linéaires croisées l'une sur l'autre
et les palpes maxillaires sont formés de deux articles. Le mésothorax
est le moins développé des segments thoraciques et porte des ailes an-
térieures atrophiées, ayant la forme de balanciers longs, étroits, cour-
bés au bout et parfois recroquevillés, parfois renflés en massue. Le
métathorax au contraire occupe les deux tiers de la longueur du corps
et recouvre la base de l'abdomen d'un prolongement conique séparé du
reste du métathorax par une suture transversale. Les ailes postérieures,
très larges au niveau de leur base, sont soutenues par un petit nombre
de nervures rayonnées qui leur donnent l'apparence d'un éventail et
se repliant de la sorte ainsi que les Orthoptères. C'est 'de là que vient
le nom de Rhipiptères. Les cuisses et les jambes sont courtes et aplaties,
les tarses élargis et cordiformes antérieurement, à face plantaire mem-
braneuse et sans trace de griffes. L'abdomen de à articles se termine
par des crochets sexuels saillants.
Les larves de mâles comme celles de femelles sont vermiformes,
blanchâtres et fixées entre les anneaux de l'Hyménoplère porteur fai-
sant saillir le céphalothorax, qui devient noir et écailleux au moment
de la nymphose. La femelle conserve toute sa vie la forme larvaire,
demeurant iixée à l'Hyménoplère pour subir la copulation. Au bord
antérieur de son céphalothorax est un orifice buccal semi-lunaire et en
arrière une fente transversale ou pore génital par où sortiront les
œufs. Ceux-ci se développent dans tout le corps de la mère c! donnent
des larves cylindroïdes, allongées, pourvues de six courtes pattes sans
STYLOPS. 1077
griffes, de deuv soies caudales et de pièces buccales très imparfaites.
Elles se promènent sur le corps de la mère et sont transportées avec
celles-ci dans les nids des Hyménoptères, comme les premières larves
de Méloïdes, et chacune perce une larve de l'Hyménoptère pour s'y
fixer, de sorte que le parasite se développe en quelque sorte parallèle-
ment à l'insecte porteur et tous deux progressivement.
D'après les formes des mâles, qui sont les Stylopiens perfectionnés,
les espèces de ce groupe anormal ont été réparties en quatre genres
Xe7ios Rossi, Elenchus Curtis, Shjlops Kirby et Halictophagus Curtis, le
premier de ces genres vivant sur des Vespiens, le second sur des Andrc-
nides, les Stylops pareillement, et enfin le quatrième genre sur des
Halictes.
STViiOPS Kirby. — Tète prolongée entre les antennes en un large triangle;
antennes membraneuses, formées de six articles, le premier assez grand, cupu-
liforme, le second très court, le troisième bifurqué au côté interne en un lobe
s'ctendant jusqu'à l'extrémité du suivant, le quatrième épais, le cinquième un
peu plus grêle, le dernier plus long, ovalaire et comprimé; pattes courtes, tarses
de quatre articles, velus en dessous.
Nous représentons, pi. civ, fig. 1, le mule de S. Dahlii Curtis: 1 a,
tête vue en dessus pour montrer les antennes; 1 b, ù/., vue en dessous ;
1 c, corps vu de profil; espèce trouvée en Angleterre sur Andrena albi-
labris.
Thvsanoubes. — Les Thysanoures ou Monomorphes sont des insectes
sans ailes et sans métamorphoses, offrant des pièces buccales de
broyeurs analogues à celles des Orthoptères, des groupes d'yeux simples
à la place des yeux composés ordinaires, de longues antennes, un
corps fragile, allongé et mou, recouvert de poils particuliers ou
d'écaillés, des appendices abdominaux soit en organe fourchu et replié,
propre au saut, soit en filets allongés et divergents. Ils font partie des
Insectes aptères, groupe fondé sur un caractère négatif et ne pouvant
être admis à l'état d ordre par cette raison. Tous ces insectes vivent
dans les endroits humides, dans l'intérieur des maisons, au bord des
eaux, sous les écorces des arbres, sous les pierres, sur le bois pourri,
dans les mousses, dans le fumier, etc. Ils meurent aisément sons l'ac-
tion de la chaleur sèche et supportent par contre bien indemnes des
froids humides prolongés. Ainsi, une petite Podurelle sauteuse, la Puce
des glaciers {Desoria glacialis), passe sa vie dans des régions où la couche
d'air s'élève à peine au-dessus de la glace fondante, en des lieux où le
soleil n'échauffe que des glaces, des eaux glacées et des pierres. Les
Thysanoures se divisent naturellement en deux tribus, qu'on peut dési-
gner d'après les noms de leurs genres fondamentaux, les Lépismiens et
les Poduriens.
GIRARD. ni. — 67
1078 THYSANOURES.
Les Lépismiens ont des antennes longues, sétacées, multiarticulées ;
la bouche est formée d'un labre, de deux mandibules submembra-
neuses, de deux mâchoires bilobées et d'une lèvre quadrifide; les palpes
maxillaires sont longs, composés de cinq à sept articles, les palpes
labiaux plus courts étant quadriarticulés. Les yeux sont formés de petits
yeux lisses, conglomérés, en nombre variable. L'abdomen, allongé et
rétréci à son extrémité postérieure, est formé de dix segments qui por-
tent en dessous neuf paires d'appendices lamelliformes, attachés aux
arceaux ventraux par un pédicule articulé et dont les derniers sont les
plus longs. Ces appendices abdominaux, chez des insectes adultes, sont
un cas tout à fait exceptionnel constituant un passage manifeste avec les
Myriapodes. Les femelles ont une tarière comprimée, formée de deux
valves conniventes. Le corps des Lépismiens est ou ovalaire ou ellip-
soïde allongé, avec le thorax gibbeux. Ce corps est entièrement couvert
d'écaillés brillantes, et ces insectes sont lucifuges, aimant les lieux peu
éclairés et humides.
MACHICIl^ Latr. — Corps formé de treize segments, outre la têle, trois Ihora-
ciques, dix abdominaux, oblong, plus étroit et cylindroïde en avant, puis subi-
tement élargi et élevé en bosse, abaissé après, finissant en cône allongé, avec
le bout tronqué et perlant trois filets sétacés pluriarticulés, dont l'intermédiaire
est plus long que les autres ; yeux grands, contigus ; palpes maxillaires très
longs et saillants, analogues à des antennes.
Les Machiles, qui vivent sous les pierres et aussi dans certains gre-
niers, sautent à grande distance et itérativement, de façon à échapper
aisément à la main, si on ne les reçoit pas dans un filet ; c'est le seul
moyen de ne pas altérer les brillantes écailles dont ils sont couverts.
Nous représentons le M. polypoda Linn., pi. cxvii, fig. 1, avec de nom-
breux détails, long de 8 à 10 millimètres, d'un cendré noirâtre, les
antennes plus courtes que le corps, tachetées de gris ainsi que les filets
caudaux, les fausses pattes de l'abdomen d'un gris blanchâtre et velues,
la tarière de la femelle linéaire et jaunâtre. Guérin-Méneville a décou-
vert, sur cet insecte, de curieux organes branchiaux, comme chez les
Pteronarcys adultes et quelques autres Perliens (t. H, p. 313), et comme
chez certains Cloportiens (Crustacés isopodes); ce sont des vésicules
blanches, placées au bord postérieur des plaques abdominales infé-
rieures. Détails, pi. cxvii : 1 a, tête vue de face ; i 6, mâchoire; 1 c, 1 rf
et D, mandibules; 1 e, lèvre inférieure; 1 f, g, h, écailles qui revêtent
le corps, plus ou moins dépouillées de la couche striée qui les recouvre;
1 f, abdomen vu en dessous, avec les second et troisième segments du
thorax: a, b, hanches des pattes intermédiaires et postérieures, portant
un petit appendice subarticulé, grossi considérablement, en A, c, d, e,
f, g, h, i, k. l, plaques ventrales portant des appendices articulés et des
espèces de branchies, à l'exception de la première, qui ne porte que
MAGHILIS, LEPISMA. • 1079
des branchies m ; les trois filets qui terminent l'abdomen n; l'oviscapte,
formé de quatre filets qui s'insèrent à la base interne des lames abdo-
minales des 8" et 9^ segments; 1, NM, moitié de la base du S'^ segment
très grossie portant l'un des filets de l'oviscapte et munie de son appen-
dice articulé en I 1; N"I, id. du 9" segment avec son appendice; 1, A'",
patte intermédiaire isolée. Le M. polypoda, qui est assez rare, a été
notamment trouvé à Fontainebleau sous les pierres.
C'est à la fin de l'été ou au début de l'automne que les Machiles sont
à toute leur taille et aptes à la reproduction; au printemps, on ne
trouve en cet état qu'un très petit nombre de sujets ayant probablement
hiverné. A cette époque abondent les jeunes, qui sont d'un gris cendré
plus clair avec deux rangées longitudinales de taches noires, ont les
filets postérieurs encore très courts, prdes et membi-aneux. Les œufs
qu'on retire du ventre des femelles sont assez gros et d'un jaune
roussâtre.
LEPISMA Linn. — Corps ovalaire, rétréci postérieurement, déprimé, un peu
et insensiblement élevé vers le miUeu du dos, avec, la tête liorizontale, soit sub-
carrée, soit semi -circulaire; yeux latéraux, petits, très écartés, formés chacun
de douze ocelles; antennes insérées entre les yeux, un peu en avant, sétacées,
pluriarticulées, en général longues; palpes maxillaires de cinq articles, labiaux
de quatre; pattes très comprimées, à hanches et cuisses grandes, en forme de
feuillets ovalaires, à jambes et tarses étroits et allongés, ces derniers de deux
articles terminés par deux crochets aigus ; abdomen en triangle allongé, le
dixième et dernier segment ou plaque anale terminée en dessous par trois filets
divergents, subégaux, pluriarticulés ; au-dessous de l'abdomen, aux segments 8 et
9, sont deux paires d'appendices lancéolés, ou cyliiidrico-coniques et comprimés,
articulés, velus, membraneux et translucides.
Les Lépismes ne sautent pas, mais courent très vite, fuyant la
lumière et se glissant entre les interstices, de sorte qu'ils ont été com-
parés à de petits Poissons, en raison en outre du brillant éclat des
écailles de quelques espèces. On les trouve dans les boiseries, les
armoires, les fentes des châssis qu'on ouvre rarement, sous les planches
un peu humides, etc.; d'autres espèces sous les pierres. Quand on les
saisit, ils laissent aux doigts des traces analogues à celles produites par
les écailles des ailes des papillons. Ces insectes étaient appelés Forbi-
cinos par Aldrovande et (Geoffroy.
Le type et l'espèce la plus commune est le Lépisme du sucre, L. sac-
charina Lirm.; la Forbicine plate de Geofl'roy; la Forbicine demi-cylin-
drique de Geer, pi. cxvn, fig. 2:2a, tète vue en dessus; 2 b, mandibule
vue de profil; 2 c, «d., vue par le dos; 2 d, mâchoire. Ce Lépisme est
long de 9 à 11 millimètres, d'un blanc entièrement argenté sans taches,
plus brillant en dessus qu'en dessous, les antennes et les filets caudaux
légèrement tachetés de ferrugineux. Cette espèce» que Latreille croit
1080 • THYSANOURES.
d'origine américaine, est très commune dans les maisons, et appelée
par les enfants petit Poisson d'aryent. Elle habite de préférence les lieux
humides et renfermés, rongeant avec avidité le sucre et les pâtisseries,
les linges apprêtés à l'empois d'amidon, etc. Ce Lépisme mange aussi
les insectes en collection ou piqués sur les étaloirs. Les yeux de cet
insecte, au nombre de douze de chaque côté, sont en forme de petits
grains jaunâtres disposés sur quatre rangées transverses, deux, trois,
quatre, trois.
Dans les Poduriens, les antennes sont formées, le plus souvent, de
ouatre à cinq articles; les yeux sont conglomérés, composés chacun de
quatre à huit, rarement vingt, pelits yeux lisses; la bouche présente
deux petites lames longitudinales portant à leur extrémité trois ou
quatre divisions sétacées et deux petites pièces légèrement crochues,
sans palpes saillants, la tête entièrement dégagée. L'abdomen, dépourvu
d'appendices latéraux, se compose de 5 segments, logeant dans une
gouttière un appendice plus ou moins fourchu ou simple, prenant
attache dans le pénultième segment, se débandant comme un ressort
pour lancer le Podurien en dessus et en avant. Cet organe sallatoire
possède une telle élasticité, que chez les Poduriens aquatiques ou
Smynthures, c'est la surface de l'eau qui lui fournit un point d'ap-
pui. Anatomiquement, il représente, avec plus ou moins de soudure
de ses deux branches, les deux paires d'appendices styliformes des
Lépismes. Les pattes trapues se terminent par un tarse d'un seul
article, bilobé et pourvu de griffes. L'anus s'ouvre à l'extrémité de l'ab-
domen, tandis que les organes génitaux sont situés entre les deux
pattes postérieures, ce qui est un caractère de Crustacé.
Les Poduriens ne peuvent vivre sans un certain degré d'humidité;
aussi les rencontre-t-on sur les feuillages humides, sous les couches de
feuilles tombées du sol des forêts, sous l'écorce des arbres pourris, sur
l'eau et même sur la glace ou la neige. Assez souvent, au printemps,
par la multitude de leurs individus, ils forment ces encadrements noi-
râtres, semblables à de la poudre à canon, qu'on voit autour des mares
et des flaques d'eau stagnante, sur les plantes aquatiques, les troncs
d'arbre, les chemins humides. Si l'on vient à troubler la quiétude de
ces animalcules, on voit sauter ces grains en tous sens avec une telle
légèreté, qu'ils offrent l'aspect d'un nuage de poudre après la détona-
tion. Ils sont d'une très petite taille, mous, couverts d'écaillés peu ser-
rées, parfois, au contraire, presque glabres, simplement hérissés de
petits poils, dont quelques-uns au moins observés au microscope sont
obtus à leur extrémité.
ont'IlEitELi..^ Templeton. — Antennes de six ou sept articles presque aussi
longues que le corps, filiformes.
Nous représentons une espèce des environs de Paris, 0. succincta
ORCHESELLA, PODURA, ACHORUTAS, SMYNTHURUS. 1081
G.Mén., pi. cxvii, fig. 3 : 3 a, une antenne et l'un des groupes d'yeux;
3 b, corps vu de profil pour montrer l'organe du saut caché en partie
dans une rainure abdominale; d'un noir vif; antennes à base noire
marquée de blanc au premier segment et jaunâtres dans le reste de
leur longueur; pattes brunes, avec la base des cuisses et des jambes
jaunes; corps velu; deux petites huppes de poils blancs sur le second
segment du thorax; premier anneau de l'abdomen offrant en arrière
une large bande jaune et le pénultième bordé de poils blancs.
Dans le genre Podura Linn., qui est plus nombreux en espèces, les
antennes ont quatre articles et sont moins longues que la tète et l'or-
gane du saut court. L'espèce la plus commune est Podura villosa Linn.,
la Podura commune velue de Geoffroy, de li,b millimètres de long, fré-
quente sous les pierres, oblongue, d'un brun rougeâtre, entrecoupée de
taches et de raies noires, la tête et le thorax velus, l'abdomen presque
glabre. Dans le genre voisin, ^c/ioruies Templeton, les antennes, plus
courtes que la tète, ont encore quatre articles, mais l'appendice abdo-
minal est obsolète; aussi ces petits Poduriens ne sautent pas. Une
espèce entièrement noire, Achorutes maritimus G. Mén., ayant environ
2 millimètres de longueur, a été découverte en France, sur les limites
communes de la Normandie et de la Picardie, au Tréport, près de
l'embouchure d'une petite rivière, dans la partie envahie par le flot à
chaque marée, et couvrant de ses multitudes la vase aussitôt que la
mer est retirée.
SiMt'UTHllBUS Latr. — Corps globuleux ou ovalaire, antennes sétiformes à
leur extrémité, géniculées, le premier article paraissant muitiarliculé ; thorax
et abdomen confondus en une masse unique.
Ce genre de Poduriens, de taille très minime, ne dépassant guère le
millimètre, se trouve sur les feuillages et les écorces humides, sur le
sol mouillé, etc. Une espèce commune est le .S. signatus Fabr., la
Podure noirâtre à taches fauves sur le ventre, de Geoffroy, pi. cxvii, fig. U,
globuleux, les antennes presque de la longueur du corps, d'un brun
verdàtre un peu luisant, avec trois ou quatre taches fauves de chaque
côté du corps, l'appendice sallatoire d'une teinte plus claire; sous les
pierres et sous les feuilles tombées humides. Une autre espèce com-
mune, qui se rencontre sur les écorces, est le Smynthure vert, S. vi-
ridis Geoffroy, l'abdomen renflé à l'extrémité, avec un angle rentrant
de chaque côté, tout le corps d'un vert clair mat, avec la tète flaves-
cente et les yeux noirs, les antennes de la longueur du corps.
Anoploubes. — L'ordre des Anoploures est formé exclusivement d'In-
sectes sans métamorphoses et sans aucune trace d'ailes, même rudi-
mentaires, et privés d'yeux composés. Ils forment les Zoophtires, tous
épizoïques des Mammifères et des Oiseaux, par opposition aux Phy-
1082 ANOPLOURES.
tophtires ou Poux des plantes, Pucerons et Cochenilles. Les uns, for-
mant la tribu des Pédiculiens, ont été regardés comme dérivant des
Hémiptères, car leurs pièces buccales sont allongées en tube de suc-
cion, et aspirent le sang de l'homme et des Mammifères (genres Pedi-
culus Linn., Phthirius Leach, Hœmatapinus Leach). Les autres, bien
plus nombreux en genres et en espèces, sont les Riciniens ou Mallo-
phagieiis, qui peuvent être rattachés aux Orthoptères par l'armature
de la bouche constituée par des pièces broyeuses où l'on reconnaît des
mandibules en crochets courts et puissants, des mâchoires en général
très petites, palpigères, à quatre articles ou sans palpes ; on distingue
en outre la lèvre supérieure et la lèvre inférieure généralement pourvue
de palpes à deux articles. Ces Insectes dégradés vivent, non en suçant
le sang de leurs hôtes, mais en rongeant, soit les poils (Pilivores), soit
les plumes (Pennivores). Le thorax paraît presque toujours constilué par
deux anneaux seulement, parce que les deux derniers se confondent.
L'abdomen est formé de neuf ou dix segments dont les plus larges sont
au milieu. Les pattes sont d'ordinaire courtes et fortes, avec les cuisses
lisses et aplaties et les tarses de deux articles. Ils se terminent dans les
Pennivores par deux gritfes, et, chez les Pilivores des Mammifères, par
une seule griffe très grande, susceptible de constituer une pince avec
rextrémité de la jambe, ce qui permet au Ricinien de grimper. Les
œufs sont pondus sur les poils ou les plumes, et les petits qui en nais-
sent ont la môme conformation que les adultes, opérant seulement plu-
sieurs mues avant d'atteindre leur taille et leur coloration définitives.
La plupart ne dépassent guère 2,25 millimètres. Tous les Anoploures
quittent l'animal sur lequel ils vivent à la mort de celui-ci.
PEDlCUlilIS Linn. — Tête petite et peu allongée; antennes filiformes de cinq
articles ; yeux simples et petits, placés près des antennes, indistincts dans plu-
sieurs espèces ; bouche prolongée par un organe de succion rétractile dans la
tête quand il ne fonctionne pas; thorax médiocre, mais distinct, faiblement
trisegmenté ; pattes de longueur médiocre, terminées par un crochet conique
formant pince et se repliant contre l'extrémité de la jambe; abdomen à contour
présentant sept étranglements bilobés.
Les Poux se rencontrent sur l'homme et sur un grand nombre de
Mammifères, ainsi les Singes, les Porcs, les Ruminants, les Équidés, les
Rongeurs, le Phoque, etc. Ils sont ovipares et collent leurs œufs aux poils
au moyen d'un enduit agglutinant. Les mules, beaucoup plus rares que
les femelles, sont plus petits et plus grêles, avec une tête plus distincte;
on les reconnaît facilement à l'organe sexuel saillant en forme de
dard, et dont la disposition indique que le mâle est placé sous la femelle
pendant l'accouplement. La multiplication des Poux est considérable.
Leuwenhoek a reconnu qu'une seule femelle peut fournir en peu de
temps cinq mille petits, chacun apte à se reproduire au bout d'une quin-
PEDICDLUS. 1083
zaine de jours; il avait élevé, pour faire cette expérience, la descen-
dance de deux femelles de Poux du corps dans un de ses bas de soie.
Nous trouvons, chez l'homme, le Pou de la tête, Pediculus humanus
Linn., le Pou ordinaire de Geoffroy, le Pou humain de la tête de De Géer,
pi. cxvii, fig. 6 : 6 a, tête grossie; 6 b, antenne très grossie, 6 c, extré-
mité d'une patte, bien distinct du Pou de corps par ses antennes, le
thorax moins élargi en arrière, les segments de l'abdomen échancrés
plus profondément et le brun qui les borde plus foncé et moins fondu
que dans le Pou de tête. Il est long d'environ 2 millimètres, ovale
oblong, le thorax sensiblement de la largeur de l'abdomen, la couleur
d'un cendré grisâtre, avec une rangée de petites taches obscures de
chaque côté du corps. Se trouve exclusivement sur la tète de l'espèce
humaine, et particulièrement des enfants, bien plus que des adultes,
en raison de quelque différence des liquides sous-cutanés, collant aux
cheveux ses œufs blanchàtresetpiriformes, appelés /enies, d'où éclosent
des Poux, en soulevant un opercule supérieur, comme chez les Pu-
naises; ils deviennent aptes à la reproduction au bout d'une vingtaine
de jours, et chaque femelle pond une cinquantaine d'œufs. La bouche,
comme chez les autres Pediculus, consiste en un cône mou et rétrac-
tile, assez court, muni d'une série de crochets le long du bord anté-
rieur. Dans ce conduit pénètrent quatre demi-gouttières, associées deux
à deux, représentant des mandibules et des mâchoires, comme chez les
Hémiptères, dont la juxtaposition forme un tube interne plus étroit et
plus long, et que l'insecte fait saillir hors de la gaine qui l'entoure, et
enfonce dans la peau, afin d'aspirer le sang. La couronne de crochets
de la gaine externe sert à fixer l'appareil d'inspiration et à empêcher
l'accès de l'air, et produit une sensation de morsure plutôt que de
piqûre. Ce Pou présente quatre canaux de Malpighi.
On se débarrasse du Pou de la tête par des lotions d'une décoction
concentrée de staphysaigre ou de tabac, ou par une forte eau de savon
ou par des frictions avec un corps gras, obstruant les stigmates de
l'insecte, qui périt asphyxié. Enfin on fait la chasse à ces répugnants
animaux, opération dont les singes donnent le continuel exemple à
l'espèce humaine. Dans l'Europe méridionale, on consacre spéciale-
ment les dimanches à la recherche des Poux. Dans l'Ile de Tavignana,
en face de Carthage, M. Emile Blanchard a vu une famille former six
étages superposés de chercheurs de Poux, les plus petits en bas, les
autres sur des chaises ou escabeaux, les parents en haut. Au lieu de
les tuer, il les jetaient à la volée. Ces Poux existent dans les diverses
races de l'espèce humaine, et forment des variétés qui se distinguent
par la coloration selon les races humaines, par la grosseur et par la
disposition des crochets terminaux des tarses, en rapport avec des dif-
férences dans le cheveu. Ceux des Africains de lOuest et des Austra-
liens sont à peu près noirs, ceux des Indous, d'aspect sombre, couleur
de fumée, ceux des Caffres et des Hottentots de couleur orange, ceux
lOSZl ANOPLOURES.
des Chinois et des Japonais d'un brun clair, ceux des Indiens des Andes
d'un brun foncé, ceux des Indiens Digger de la Californie d'une cou-
leur olive sombre et ceux des Indiens de la partie septentrionale de
l'Amérique, voisins des Esquimaux, plus pâles et se rapprochant des
parasites de couleur claire des Européens.
Une seconde espèce est le Pou du corps ou des vêtements, P.humanus
corporis, le Pou humain du corps de De Géer, pi. cxvii, fig. 5:5a, tête;
5 6, antenne encore plus grossie; oblong, les lobes de l'abdomen moins
saillants que dans l'espèce précédente, la couleur d'un blanc sale, sans
taches ni i-aies, les anneaux de l'abdomen non rembrunis au niveau de
leur bord postérieur. Ce Pou se trouve sur les poils du corps, surtout
de la poitrine, des aisselles et des jambes, et aussi dans les vêtements-,
les femelles pondent leurs lentes dans les coutures des vêtements de
dessous; de là il se rencontre surtout sur les personnes qui ne chan-
gent pas de linge aussi souvent que la propreté l'exige. Au commence-
ment du siècle, il infestait les hôpitaux, les casernes, les camps, les
navires; bien plus rare aujourd'hui, où l'on veille avec plus de soin
sur l'hygiène corporelle des soldats et des matelots. Il est probable que
cette espèce n'est autre aussi que le Pou des malades ou Pedindus tabes-
ceniium Burmeister, que cet auteur étudiait sur une vieille femme
qu'il guérit par l'essence de térébenthine. On assure qu'il se développe
d'une façon absolument extraordinaire et excessive dans une affection
fort rare aujourd'hui, la maladie pédiculaire ou phthiriasis., à laquelle
on attribue la mort de Platon, de Sylla, d'IIérode, de Philippe II, de
Ferdinand IV, etc., et qui serait encore assez fréquente dans des pays
à population malpropre et misérable, en Galice, dans les Asturies, en
Pologne. De la surface du corps couverte de pustules semblent sortir
des légions de Poux. Peut-être y a-t-il là un phénomène de parthénoge-
nèse développée sous l'action de causes inconnues. On a vu aussi par-
fois cette surabondance insolite de Poux sur des femmes en couches,
ou sur certaines filles publiques.
PHTIRIIJ!^ Latr. — Thorax court et large, à peine distinct d'un abdomen court
et ramassé, dont les échancrures présentent des saillies constituées par des
cônes charnus munis de soies ; un article unique au tarse des pattes antérieures ;
pattes intermédiaires et postérieures très robustes, terminées par des crochets
fortement recourbés.
Une seule espèce, P. pubis Linn , pi. cxvii, fig. 7, le Morpion, de Geof-
froy, d'un blanc grisâtre, sans taches, s'appliquant sur le corps, les
pattes étendues, le suçoir profondément enfoncé dans la peau, détermi-
nant une vive sensation de morsure et une forte démangeaison; ne se
trouve jamais sur la tête, mais généralement dans les poils du pubis,
et aussi de la barbe et des sourcils. On gagne parfois sa répugnante
présence dans les voitures publiques et les établissements de bains.
PHTIRIUS, PHILOPTERUS. 1085
mais très principalement en se livrant au coït avec les filles publiques
de bas étage. On s'en débarrasse par des frictions d'onguent mercu-
riel simple, dit onguent gris (mercure métallique incorporé dans
de Taxonge). La présence de ces épizoïques s'accompagne souvent de
taches bleues sur la peau, taches qui, jusqu'à une époque toute récente,
furent fréquemment regardées par les médecins comme des symptômes
de fièvre typhoïde ou de fièvre synoque.
PBII>OPTi:RU§i Nilzch, syn. : RiciNus (pari.) De Géer. — Tète déprimée et
scutiforme, avec la bouche en dessous; antennes de trois articles; yeux laté-
raux, quelquefois subglobuleux, ailleurs invisibles ou nuls; labre dilaté à sa base
et légèrement échancré ; mandibules courtes, dures et dentelées; des mâchoires;
lèvre inférieure moins dilatée que la supérieure, subéchancrée, avec palpes
labiaux très courts et biarticulés ; thorax biparti, avec prolhorax plus étroit que
la tête; tarses recourbés, biarticulés, armés de deux crochets parallèles et conni-
venls, recourbés, formant pince avec l'extrémité de la jambe, qui est munie de
deux éperons; abdomen de largeur variable et composé de neuf segments.
Le genre Philopterus est réellement une petite famille de Riciniens
pennivores, vivant exclusivement sur les Oiseaux. Dans le sous-genre
Lipeurus Nitzch, la tête est étroite et le corps allongé, le premier article
des antennes gros et allongé dans les mâles, le troisième prolongé en
rameau qui, se recourbant sur le premier article, forme une sorte de
pince, le dernier segment de l'abdomen échancré ou sessile dans le
même sexe. Nous représentons une espèce parasite du Canard domes-
tique et aussi du Hibou, d'après Murray, le Lipeurus squalidus Nitzch,
pi. cxvii, fig. 8:8a, partie de la tête montrant un œil composé de plu-
sieurs grains, la base de l'antenne, les mandibules A, les mâchoires B;
8 b, antenne isolée de femelle ; 8 c, extrémité d'une patte antérieure.
Ce Ricinien (le Pediculus anatis de Fabricius) a le corps allongé avec
l'abdomen à peine dilalé, la tôte d'un jaune luisant, l'abdomen d'un
jaune blanchâtre avec deux bandes latérales noires.
D'autres sous-genres ont l'abdomen élargi, plus ou moins ovoïde. Dans
le sous-genre Nirmus Nitzch, il faut citer le Nirmus claviformis, qui
infeste les Pigeons, et dans le sous-genre Goniocotes Burmeister, le
G. hologaster Nitzch, très abondant sur les Poules domestiques. Cette
vermine des poulaillers s'attache parfois, mais pour très peu de temps,
aux bras des femmes qui plument les volailles dans les grands marchés
publics.
PuLiciENS. — Les Puces ou Puliciens forment un ordre spécial pour
certains auteurs, les Aphaniptères de Kirby ou les Siphonaptères de
Latreille, ordre très difl'érenl des autres ordres satellites, en ce que les
insectes qui le forment ont des métamorphoses complètes et pareilles
dans les deux sexes. Les larves ont les pièces buccales conformées pour
1086 PULICIENS.
la mastication et se filent un petit cocon pour devenir nymphes; les
adultes ont, au contraire, les pièces de la bouche organisées pour la
succion, et le thorax bien divisé en trois anneaux, ne porte pas d'ailes
fonctionnelles, les deux segments du mésothorax offrent de petits
appendices en forme de plaques représentant deux paires d'ailes sans
usage. Si l'on cherche à rattacher l'ordre satellite des Puliciens aux
grands ordres, on reconnaît qu'il y a probabilité à les considérer comme
des Diptères sauteurs et épizoïques. Les larves ont une grande ressem-
blance avec celles des Tipules fongicoles ou Mycétophilides; les dispo-
sitions générales du système nerveux et du système respiratoire sont
les mêmes, la chaîne nerveuse ayant un ganglion pour chacun des
anneaux et un seul connectif, l'appareil respiratoire formé de trachées
toutes tabulaires et s'ouvrant à la périphérie par une série de stig-
mates rangés sur les côtés du corps; les larves des Ceroplatus et des
Sciara (Diptères) ont la faculté de se tisser un cocon comme les larves
de Puces.
nERMATOPHlI.HS 0. Mén., syn. : Rhynchoprion Karsten. — Front angu-
leux portant une série de petites pointes simulant des dents de scie ; mâle très
petit, errant; femelle devenant déformée et très renflée quand elle a pénétré
dans le derme d'un mammifère ; aspect général des Pulex, labre très long et
très aigu; mandibules dentelées; mâchoires munies de palpes de quatre
articles, robustes et poilus ; palpes labiaux allongés formant fourche avec un
lobe maxillaire très allongé, le tout formant un rostre très grêle de la longueur
de la moitié du corps.
L'espèce unique de ce genre atteint à peine le millimètre avant la
fécondation, restant plus de moitié plus petite que la Puce de l'homme
{Pulex irritans), le corps d'un brun roussâtre assez clair sur les insectes
libres. On rencontre cette puce pénétrante ou Chique, au voisinage
des habitations humaines dans les régions chaudes de l'Amérique et
dans les demeures abandonnées. Le docteur Guyon rapporte qu'au
Mexique, dans la nuit du 19 au 20 mars 1862, la 6« compagnie du
18^ bataillon de chasseurs de Vincennes avait reçu l'ordre de séjourner
sous une vaste votite, dont le sol était couvert de débris ; les soldats
durent abandonner la place sous les lancettes envenimées d'une armée
de ces Puces pénétrantes. Les mâles et les femelles non fécondées se
contentent de se gorger de sang à la façon des Pulex ordinaires.
Les femelles fécondées entrent dans la peau de l'homme, dans toutes
les parties du corps, principalement dans celle des doigts du pied et
sous les ongles des orteils, et s'enfouissent en entier, la tète la première,
jusqu'à l'extrémité anale, qui ferme sa retraite à l'extérieur, et par
laquelle sortent successivement les œufs. La femelle se gonfle peu à
peu, et son abdomen, de couleur blanchâtre, devient énorme et gros
comme un petit pois, de 5 millimètres environ, et sur lequel la tète et
DERMATOPHILUS, PULEX. 1087
le thorax ne paraissent plus que comme des points brunâtres. Nous
représentons cette espèce, pi. cxvii, fig. 9, le mâle de grandeur natu-
relle : 9 a, mâle très grossi, avec pénis saillant; 9 6, femelle de gran-
deur naturelle, avec l'abdomen distendu par les œufs et dénaturé par
son séjour dans le derme d'un Mammifère vivant; 9 c, tête avec les
parties de la bouche dans l'état de repos; 9 d, /d., montrant les mêmes
parties ouvertes et étalées; 9 e, antenne; 9 f, organe copulateur entier
avec ses cinq filets étalés; 9 g, extrémité du môme organe très grossie;
9 A, hanche des pattes postérieures armée d'une forte épine au côté
antérieur; 9 A, portion d'une mandibule très grossie pour montrer les
dentelures qui servent à scier la peau. Proportion gardée, avec sa
petite taille, la Chique saute plus faiblement que la Puce commune de
l'homme.
I.es Chiques abondent dans les régions chaudes du Mexique, aux
Antilles, à la Guyane, dans le nord du Brésil, en Colombie. Sous l'in-
fluence de la démangeaison produite par la Chique et en grattant la
place, l'inflammation se produit et augmente de plus en plus, surtout
quand plusieurs femelles s'implantent au môme endroit; parfois la
gangrène qui survient nécessite l'amputation d'un orteil, et on a môme
vu des cas isolés qui ont eu la mort pour conséquence. Les pieds nus
des Indiens et des nègres sont souvent attaqués par les Chiques. De
vieilles négresses ou mulâtresses savent les extraire avec dextérité, à la
pointe d'une aiguille, de manière à prévenir tout danger si on opère à
temps, opération qu'on nomme échiquage. Les Chiques piquent aussi
les animaux domestiqués et les singes élevés en captivité dans les mai-
sons. Le docteur Laboulbène a observé la Chique à Paris sur un sujet
revenant du Brésil, d'où il avait rapporté ce parasite vivant et bien
développé. Ce dangereux épizoïque a été récemment introduit sur toute
la côte occidentale de l'Afrique, et s'est déjà répandu loin de la mer,
dans l'intérieur. C'est un nouvel ennemi des explorateurs de ces
régions.
Dans le genre Pulex Llnn., le corps est ovalaire et comprimé latéra-
lement, avec des téguments lisses et assez durs, ce qui permet aux
Puces de glisser entre les doigts qui cherchent à les saisir, entre les
incisives des Mammifères qui épluchent leurs poils; la tête est petite,
reliée étroitement au prothorax, les yeux à facettes remplacés par des
yeux simples derrière lesquels sont cachées, dans une fossette, dos
antennes composées de trois à six articles, selon les espèces. La bouche
comprend une lèvre supérieure allongée, grêle et canaliculée, une
paire de mandibules armées de dentelures, une paire de mâchoires
plus ou moins développées, portant chacune un palpe long et grêle,
une lèvre inférieure terminée par deux palpes à plusieurs articles;
pattes fortes, surtout les postérieures, généralement propres au saut,
épineuses, avec les tarses de cinq articles, dont le dernier terminé par
deux longs crochets; abdomen très gros.
1088 PULIGIENS.
On réunissait autrefois toutes les Puces en une espèce unique; mais
il est bien reconnu maintenant que presque tous les Mammifères et
Oiseaux qui hébergent des Puces ont pour parasites des espèces spé-
ciales, celle du chat toutefois étant souvent aussi propre au chien. La
Puce de l'homme, Pw/ea; irritans Linn., a de 2,5 à à millimètres de long,
suivant le sexe, les mules étant souvent beaucoup plus petits que les
femelles. Sa taille est un peu supérieure à celle des Puces du chat et
du chien, et on prétend qu'elle devient très grosse sur les plages mari-
times. C'est en août et septembre que cette Puce tourmente l'homme
avec le plus d'importunité, recherchant de préférence les peaux déli-
cates des femmes et surtout des jeunes enfants, se plaisant dans leurs
langes de laine, et paraissant beaucoup aimer l'odeur de l'urine. Les
Puces abondent dans les pays chauds; les Arabes, qui sont très mal-
propres, logent des légions de Puces, de larves et d'œufs, dans les plis
crasseux de leurs burnous. Le P. irritans Linn. a le corps d'un marron
rougeâtre, l'antenne, avec le second article, plus long que les autres,
et le troisième large et digité. Le chaperon est mutique, les segments
du thorax et de l'abdomen .sans peignes épineux. Sa nourriture de pré-
dilection, sinon exclusive, est le sang humain. Quand la Puce veut
piquer, elle écarte les deux valves de la gaine qui entoure ses lancettes,
enfonce celle-ci dans la peau et aspire le sang. Sa piqûre est doulou-
reuse, détermine sur la peau une petite tache rosée, qui s'accompagne
d'un léger gonflement chez les personnes dont la peau est fine et
délicate.
Par une singulière anomalie, les Puces si dégradées ont des méta-
morphoses complètes. Elles pondent leurs œufs dans les amas dépous-
sière, entre les fentes de parquet, surtout dans les chambres d'enfants,
dans les langes et couvertures de laine, etc. 11 est inexact que les mères
Puces apportent aux larves sortant de ces œufs des parcelles de sang
caillé. Ces larves sont blanches et translucides, aveugles, sans pattes,
avec deux antennes de trois articles, deux pseudopodes divergents qui
terminent le dernier segment, de longs poils dirigés en arrière for-
mant comme une couronne à tous les anneaux. Ces larves, longues à
toute leur taille d'environ 3 millimètres, progressent par des mouve-
ments de reptation favorisés par les pointes caudales, par des crochets
de la partie inférieure de la tête qui sont des palpes labiaux, par les
longs poils implantés sur la tête et sur les anneaux du corps. Il y a
une armature buccale complète et broyeuse, lèvre supérieure et
mandibules, mâchoires dentelées accompagnées chacune d'un palpe,
une lèvre inférieure rétrécie en avant et bifide, munie de mame-
lons représentant des palpes. Un fait capital a été découvert par
M. Balbiani sur la larve naissante de la Puce de l'homme, dont le déve-
loppement complet dans l'œuf exige six jours en été et une dizaine de
jours en hiver dans les chambres chauffées. Le front porte un tuber-
cule corné de couleur acajou, entouré d'un péristème corné, oflrant
PULEX. 1089
une arête carénée en haut, logé dans une cavité de la tète et sécrété
par une matière formée d'un tas de cellules glandulaires. De même
que le tubercule corné caduc de la mandibule supérieure du bec des
Oiseaux sortant de l'œuf, ce tubercule sert à la larve à percer la coque
de l'œuf qui se fend dans le sens de la longueur. Ce tubercule est
l'analogue de celui observé aussi par M. Balbiani sur les Phalangides
naissants (Arachnides) et aussi par divers auteurs dans les larves venant
d'éclore de divers Insectes, tels les Osmyles, les Pentatomes, les Fri-
ganes. C'est l'homologue de la corne frontale si développée dans les
Zoés ou larves de certains Crustacés décapodes (Cancer mœnos, Pagures,
Porcellanes, Homards) et l'homologue du rostre persistant pendant
toute la vie des Palémons.
Ces larves de la Puce humaine pouvant déchirer et arracher avec
leurs mandibules, scier et couper avec leurs mâchoires, se nourrissent
indistinctement de diverses matières azotées, telles que sang desséché,
détritus, débris de poils et de plumes, cadavres d'Insectes, etc. On voit
les matières colorer sous la peau leur tube digestif. Au bout de quinze
jours en été et à peu près d'un temps double en hiver, la larve à toute
sa taille, se file un cocon ovoïde, arrondi aux deux bouts et mesurant
3 millimètres de long. Un revêtement sableux de poussière fait res-
sembler ces cocons à des grains de terre ,• mais en dedans se trouve une
toile soyeuse, bien plus fine et d'un blanc'lustré, qui forme une cavité
dans laquelle la nymphe repose, avec la dépouille ratatinée de la larve
ramassée à l'extrémité du corps. La nymphe, longue de 2,5 à 'ô milli-
mètres, ornée de deux petites pointes caudales, en forme de pinces,
d'un blanc de cire, molle, atténuée en arrière, a les antennes et les
pattes repliées contre le corps, les cuisses postérieures très développées,
les yeux noirâtres et bien visibles, le corps brunissant peu à peu.
L'éclosion a lieu au bout d'un mois à peu près après la ponte de l'œuf
en été, de six semaines en hiver. La Puce humaine est douée d'un
saut très énergique, à plus d'un mètre de hauteur. Il faut bien se
garder toutefois de dire, comme certains naturalistes ignares en ma-
thématiques, qu'une Puce qui aurait la taille d'un homme sauterait
aussi haut que le Panthéon ; elle ne sauterait pas à deux mètres. En
effet, pour les animaux de même organisation la trajectoire du saut
reste constante, l'élan seul variant avec la taille, et les corps sont ra-
menés vers la terre en raison de leur masse ou comme le cube des
dimensions homologues.
Le saut des Puces est en rapport avec une force musculaire consi-
dérable, qui explique les exercices qu'on fait exécuter aux Puces dites
travailleuses ou savantes qu'on montre au public enchaînées et tirant
des carrosses, des canons, montant les seaux d'un puits, etc. Ces
récréations des fêtes foraines sont bien anciennes, car iMoufet {Theatrum
insectorum, London, l63/i) en parle dans ses écrits.
La Puce du chien est très voisine de la Puce de l'homme. Celle du
1090 PULICIENS, BIBLIOGRAPHIE.
chat est la mieux connue des Puces d'animaux. Elle est un peu plus
petite que le Pulex irritans. Ce Pulex felis Bouché est d'un brun de
poix un peu pâle, la tète lisse et brillante, ponctuée en arrière, le des-
sous de la face et les joues frangés d'épines noires, et ce peigne épi-
neux établit un caractère très distinclif d'avec la Puce humaine; le
prothorax a des cannelures noires ; les jambes postérieures sont forte-
ment élargies à l'extrémité ; le cinquième article des tarses est le plus
long aux tarses antérieurs et le premier le plus long aux tarses pos-
térieurs. La Puce du chat est très fréquente sur le chat domestique,
surtout sur la chatte allaitant et réchauffant ses petits. Les chats au
repos sur les coussins et les couvertures les couvrent de petits corps
blancs, comme une poussière, qui sont des œufs de Pulex felis. Les
œufs de la Puce du chat sont de très petits grains blancs ellipsoïdes,
non adhérents aux poils. On les obtient en abondance en peignant un
chat, surtout de la race d'Angora, au-dessus d'une feuille de papier,
et on peut s'en servir pour élever les larves, très analogues à celles du
Pulex irritans, ayant comme elles au sortir de l'œuf une pointe fron-
tale, mais sans péritrème corné (Balbiani). La nymphose s'effectue
dans un cocon un peu plus petit et moins résistant que celui de la Puce
humaine, ovoïde, presque arrondi, brun et grenu, son enveloppe bien
moins nettement formée d'un tissu externe grossier et d'un tissu interne
plus fin.
On a signalé encore et décrit des Puces vivant sur la poule et sur
l'hirondelle, sur la marte, l'écureuil, le hérisson, la taupe, la souris,
la chauve-souris, le lérot ou loir des jardins. Cette dernière {Pulex
fasciatus Bosc) est très allongée et saute faiblement ; on la trouve no-
tamment, ainsi que ses œufs, sur les jeunes Loirs engourdis par l'hi-
bernation ; ses larves naissantes ont une corne frontale, élargie en
avant comme une spatule et surmontée d'une pointe aiguë, étroite et
arrondie à la partie postérieure.
Macquart et Guérin-Méneville ont indiqué une Puce vivant dans l'in-
térieur des bolets et que ce dernier auteur a nommée Pulex boleti.
Macquart l'a décrite sous le nom de Pulex terrestris {Ann. se. natur.,
1831, t. XXII, 6G5-Z|67).
Pour détruire les Puces infestant les planchers de certaines chambres
on peut employer la poudre insecticide de Vicat à fleurs de pyrôthre du
Caucase très finement pulvérisées, ou des rmaeaux secs de staphysaigre
ou d'absinthe, des aspersions d'eaux savonneuses ou sulfurées ou ben-
zinées. On met souvent des bottes de camomille dans les paillasses
des berceaux des jeunes enfants et, comme litière des chenils, on a re-
commandé les copeaux de sapin à odeur de térébenthine.
Bibliographie des ordres satellites. — D"* Al. Laboulbène, article Rëi-
PiPTÈREs (Dictionnaire encycl. des sciences médicales du docteur Decham-
bre). — NicoUet, Recherches pour servir à l'histoire des PodurelleSé Neu-
BIBLIOGRAPHIE. 1091
châtel, 18/il, Il tabl., 9 col., 88 p. Essai sur une classification des Insectes
aptères de l'ordre des Thysanoures {Ann. Soc. entom. de Fr., 18Ù7). — -Tem-
pleton, Trans. of entom. Soc. of London, 1825, t. l, Tliysanurœ Uihernicœ,
or Descriptions ofsuch species ofSprinff tailed insects {Podura and Le-
pisma Linn.) as hâve heen observed in Ireland; ivitli inlroductory Obser-
vations upon the Order, by Weshvood. — Bourlet, Mémoire sur les Podu-
relles {Mém. Soc. royale et centr. d'Agric. du dép. du Nord). — H. Lucas,
Observations sur les travaux qui, depuis Latreille, ont été publiés sur l'or-
dre des Thysanoures {Ann. Soc. entornkde Fr., ISlio). —Paul Gervais, Hist.
natur. des Insectes aptères. Paris, Roret, 18/|Zi, 3 vol. in-S^avec U cah. de
pi. — Andrew. Murray, Economie Entomology, Aptera. 1 vol. in-S" de
1x53 p. avec nombr. fig. {South Kensington Muséum science handbooks), —
Denny, Anoplurorum Britannicœ monogr., 1842. 1 vol. in-8", avec très
belles fig. col. — Nitzsch, Die Familien und Gattungen dcr Thierinsekten
{Insecta epizoica) als ein Prodromus der naturgcschichte derselben {Germar
Magaz. entom., 1818, t. III; Separalim, Halle, 1818). Anleitung zur
Beobachtnng von Thierinsecten, aus einem Nachlass von Giebel mitgctheil.
Halle, 1851. Jaresber. natur. Vereins, t. IV. Zur Geschichte der Thier-
Insektenkunde Zeitschr. gesamm. Naturwiss. Halle, 1855, t. V. Ces travaux
posthumes de Nilzsch ont été publiés par Giebel, avec de très nom-
breuses et très exactes figures de soixante Pilivores et quatre cents
Pennivores environ. — Giebel, Insecta epizoa. Leipzig, 187i. — Piaget,
Tijdschr. voor Eiitom., monogr. hollandaise complète des Pédiculiens,
avec un atlas de très belles figures. — .1. 0. Westwood, The Coinmon
Flea {Pulex irritans) {Annales and Magaz. of natur. History. London,
1848). — Bonnet, Mémoire sur la Puce pénétrante ou Chique. Paris, 1867.
— Docteur Al. Laboulbène, Métamorphoses de la Puce du chat {Pulex
felis Bouché) {Ann. Soc. entom. de Fr., 1872, p. 207, pi. 13). — J. Kûnc-
kel d'Herculaie, Observations sur les Puces, en particulier sur les larves
des Puces de chat et de loir {Pulex felis et Pulex fasciatus) {Ann. Soc.
entom. de Fr., 1873, p. 129).
FIN DU TUOISIEME VOLUMK ET DE I. OUVRAGE
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME TROISIÈME ET DERNIER
Ordre des HYUIEAOPTERES.
Pages.
Hyménoptères térébrants a abdomen pédicule 1
Tribu des CHRYSILIENS 1
Genres principaux t 5
Hyménoptères a abdomen pédicule ektomophages 8
Tribu des ICHNEUMONIENS 8
Ichneumonides 16
Cryptides 18
Tryphonides 19
Opbyonides 21
Pimplides 22
Tribu des BRÂCONIENS 25
Genres principaux 28
Tribu des GHALÉDIENS 33
Teutomères 36
Tctromères 39
Trimères 40
Tribu des PROGTOTRUPIENS M
Tribu des EVONIENS 44
Genres principaux 45
Tribu^des GYNIPIENS 47
Gynipiens gallicoles 50
Cynipiens entomophages 51
TABLE DES MATIÈRES. 1093
Pages.
Sious-ordro de»* UVMÛIVOPTÈREI^ térébrants à. abdomen
sessilc 52
Tribu des TENTRÉDINIENS 52
Genres principaux 54
Tribu des SIRICIENS 58
Ordre des LÉriUOPTERES.
Généralités <>1
Classification des Lépidoptères 159
— Légion des Rhopalocères 159
Tribu des NYMPHALIENS ou TÉTRAPODES 161
Agéronides 162
Libythéides 162
Danaides 163
Héliconides 165
Acrœides 167
Argynnides 167
Nymphalides 188
Apaturides 193
Morphides 198
Brassolides . 201
Biblides ■ 202
Satyrides 202
Genres principaux 208
Tribu des LYCÉNIENS 229
Hexapodes, au moins chez les femelles 229
Lycéniens 230
Genres principaux 231
Érycinides 240
Tribu des PAPILIONIENS 243
Hexapodes 243
Piérides 243
Genres principaux 24/(
Papilionides 254
Genres principaux 254
Tribu des HESPÉRIENS 260
1 . Hespérides 265
Pyrrhopygides ^"^
Eudamides 2"*^
GIRAKD. '"• — ^^
4094 TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
§ 2. Astyci 268
Isménides 269
Carystides. , 269
Pamphilides 270
Tagiadides 273
îl. — Légion des Hétérocères 275
Tribu des CASTNIENS 276
Tribu des HÉPIALIENS 282
Tribu des COSSIENS 285
Cossides 286
Zeuzérides 289
Tribu des SÉSIENS 291
Tribu des SPHINGIENS 302
Achéronlides 304
Smérinthides '. 307
Sphingides 312
Deiléphilides 317
Macroglossides 326
Tribu des ZYGÉNIENS 330
Zygénides 331
Glaucopides 342
Syntomides 342
Thyridides 345
Tribu des LITHOSIENS 348
Lithosides 348
Émydides 354
Euchélides 355
Tribu des CHÉLONIENS 356
Callimorphides , 357
Chélonides 360
Agaristides 369
Tribu des BOMBYCIENS 371
Liparides 372
Séricarides 386
Endromidcs 433
Bombycides 433
Drépanulides ou Platyptéprygides 443
Notodontides 445
Nyctéolides 454
TABLE DES MATIÈRES. 1095
Pages.
Limacodides A56
Psychides 458
Tribu des ATTACIENS 472
Genres principaux ■ 474
Tribu des URANIENS 561
Tribu des NOGTUÉLIENS 566
Tribu des PHALÉNIENS 625
mCROLÉPIDOPTERES.
Tribu des PYRALIENS 649
Tribu des TORTRICIENS 685
Tribu des TLNÉINIENS 719
Tribu des PTÉROPHORIENS 773
Tribu des ALUCITINIENS 778
Ordre de« HÉMIPTÈRES.
Généralités 781
Sous-ordrc des HÉMIPTÈRES hétéroptèrcs 784
Tribu des PENTATOMIENS 788
Tribu des CORÉENS 800
Tribu des LYCÉENS 806
Tribu des PHYMATIENS 817
Tribu des ARADIENS 819
Tribu des TINGITIENS 820
Tribu des GIMICIENS 821
Tribu des RÉDUVIEN8 825
Tribu des SALDIENS 830
Tribu des HYDROMÉTRIENS ■ 830
Tribu des NÉPIENS. 838
1096 TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
Sous-ordre des UÉMlPTÈaES hoinoptères 849
Tribu des CICADIENS 850
Tribu des FULGORIENS 857
Tribu des MEMBRACIENS 866
Tribu des CERCOPIENS 870
Tribu des JASSIENS ou CICADELLIENS 873
Tribu des PSYLLIENS 878
Tribu des APHIDIENS 88i
Tribu des PHYLLOXÉRIENS 895
Tribu des ALEURODIENS 917
Tribu des COCCIENS 919
Ordre de»» DIPTÈRES.
fSou«4-ordre des niPTÈRE§i néniocères 949
Tribu des CULICIENS 950
Tribu des TIPULIENS 955
ïious-ordre des DIPTÈRES bracbycères 978
Tribu des TABANIENS 978
Tribu des STRATIOMIENS 984
Tribu des ASILIENS 988
Tribu des DOLICHOPODIENS 1019
Tribu des SYRPHIENS 1024
Tribu des MUSCIENS 1034
Tribu des ORNITHOMYIENS 1066
Ordre» SATELLITE!^.
THRIPSIENS 1072
STYLOPIENS 1076
ÏHYSANOURES 1077
ANOPLOURES 1081
PULICIENS 1085
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU TOME TROISIÈME
TABLE ALPHABÉTIQUE
Cette Table contient les noms d'ordres, de familles, de tribus, de genres. —
Elle renferme en outre quelques-uns des noms vulgaires les plus connus; mais
en général on devra se reporter au nom du genre.
Les chiffres sans indication de tomaison renvoient au tome I.
Abdomen, 80.
Abeilles, II, 613, 705.
Abraxas, 111, 661.
Acalles, 686.
Acanthaclisis. II, 427.
Acanthomera, 576.
Acanthomer.i, III, 983.
Acanthopus, II, 767.
Acanthoscelis, 266.
Acherontia, III, 304.
ACHÉKONTIDES, III, 304.
Achias, III, 1054.
Achorutes, III, 1081.
Achrœa, III, 685.
Acilius, 290.
Acis, 572.
Acœnites, III, 22.
ACR^lDES, III, 167.
ACRIDIDES, II, 216.
Acridiens, II, 194.
Acridium, II, 248.
Acrocinus, 740.
Acrolepia, III, 765.
ACROLÉPIDES, m, 765.
Adela, III, 768.
Adelges, III, 891.
Adélides, III, 767.
Adelocera, 506.
Adelops, 354.
Adelostoma, 573.
Adimonia, 797.
^des, III, 955.
^dia, III, 727.
.Egocera, III, 281.
.'Egosoma, 719.
^gypthus, 818.
m\a, III, 797.
.Epus, 282.
iErenica, 751.
^salus, 396.
iEschna, II, 350.
.ESCHNIDES, II, 345.
^SCHNINES, II, 348.
^thalion, III, 870.
Agabus, 291.
Agaocephala, 472.
Agapanlhia, 748.
Agapostemon, II, 809.
Agariotides, m, 369.
Agarista, III, 370.
Agathis, 111, 31.
Agelastica, 798.
Agéronides, III, 162.
Aglaope, III, 339.
Aglia, III, 474.
Aglossa, III, 654.
Agra, 260.
Agrilus, 493.
Agrion, II, 359.
Agrionides, II, 353.
Agrionines, II, 356.
Agriotes, 513.
Agromyza, 111, 1063.
Agyrtes, 352.
Akis, 572.
Alastor, II, 909.
Alaus, 515.
Alcides, 684.
Aleochara, 316.
Aleurodes, III, 918.
Aiciirodien»4, III, 917.
Altica, 804.
Altises, 799.
Alucita, III, 778.
Alucitedescéréales,Ill,758.
Aiiicitinieii.s, III, 778.
Alurnus, 784.
Alydus, III, 805.
Alysia, III, 32.
Amara, 271.
Amarygmus, 589.
Amaurops, 320.
Amblyterus, 465.
Ameles, II, 81.
Ammophila, II, 967.
Amorphocephalus, 662.
.%inphibiotlque!«, II, 303.
Amphicoma, 430.
Amphidasydes, III, 635.
Ampulex, II, 973.
Amydetes, 528.
Amythetes, 528.
Anacolus, 717.
Anapeia, III, 1068.
Anatista, 459.
Anax, II, 349.
Andrena, II, 804.
Andbénides, II, 797.
— propres, II, 801.
Anelastes, 517.
1098
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Anesychia, III, 727.
Anisomorpha, H, 103,
Anisonyx, /i32.
Anisoplia, 460.
Anisoptères, II, 340.
Anisosticta, 826.
Anisotoma, 563.
Anobiides,551.
Anobium, 551.
Aiiomala, 461.
Anomalipus, 578.
Anophèles, III, 952.
Anoplognathus, 464,
Anoplouros, III, 1081.
Anotia, III, 864.
Anthaxia, 491.
Anlhia, 258.
Anthicides, 601.
Anthicus, 601.
Anthidium, II, 791
Antliobium, 308.
Anlhocharis, III, 244.
Anthocopa, II 786.
Anthocorides, III, 816.
Anthocoris, III, 816.
Anthomyia, III, 1056.
Anthomyides, III, 1055.
Anthonomus, 678.
Anthophagus, 308.
Anthopliora, II, 752.
Anthophorites, II, 745,
Anthrax, III, 1016.
Anlhrocera, IH, 331.
Anthrenus, 385.
Anlhribus, 655.
Anlhypna, 430.
Antichira, 463.
Apachya, II, 14.
Apate, 557.
Apatiens, 555.
Apaturides, m, 193.
Apatura, III, 194.
Aphaenops, 285.
Aphana, III, 859.
Aphaniptères, III, 1085
Aphanisticus, 494.
AphidienN, III, 881.
Aphiocephalus, 693.
Aphis, III, 887.
Aphlebia, II, 51.
Aphodius, 419.
Aphomia, III, 683.
Aphrophora, III, 872.
Aphrophores, III, 871.
Apides, II, 613.
— SOCIALES, II, 613.
Apides solitaires, II, 745.
.%p>ens, II, 609.
— SOLITAIRES, II, 745.
Apion, 659.
Apis, II, 613, 829.
Apites, 613.
Apogonia, 439.
Aporia, III, 249.
Apotomus, 267.
Aradicns, III, 819.
Aradus, III, 819.
Araschoia, III, 176.
Archiblatta, II, 58.
Arctia, III, 362, 367.
Arge, III, 208.
Argynnides, m, 167.
Argynnis, (II, 168.
Argyrosetia, III, 764.
Aromia, 724.
ascalaphes, ii, 430.
— holophthalmes, 441,
schiz0phthalmes,432
Ascalaphus, II, 432.
Asida, 579.
AsiLiDES, III, 989.
Asiiicns, III, 988.
Asilus, III, 990.
Asiraca, III, 865.
Asopia, III, 653.
Aspidia, III, 710.
Aspidiphorus, 389.
Aspidiotus III, 922.
Aspidomorpha, 780.
Astata, II, 951.
Astathes, 750.
ASTATINES, II, 951.
Astemma, III, 814.
Asticots, III, 1037.
Astrapœus, 310.
Astyce, III, 268.
Astylus, 538.
Astynonius, 740.
Ateuchus, 407.
Athalia, III, 56.
Atherix, III, 1022.
Athous, 508.
Athyreus, 425.
Atomaria, 365.
Atractocerus, 548.
Atropides, II, 297.
Atropos, II, 297.
Atta, II, 1019.
Attacien$<, III, 472.
Attacus, m, 475.
Atlagenus, 384.
Atychia, III, 291.
Aulonium, 370.
Axiiia, 542.
Bacillus, II, 99.
Bacteria, II, 101.
Bagous, 683.
Balaninus, 681.
Baridius, 685.
Baris, 685.
Barynotus, 668.
Batocera, 744.
Batrisus, 319.
Belodes, 518.
Belostonia, III, 8*1.
Belostomes, 111, 841.
Bembecia, III, 301.
Bembecides, II, 957.
Bembex, II, 957.
Bembidium ou Bembici-
dium, 280.
Beris, III, 986.
Bethylus, II, 991.
Bibio, III, 975.
BiBIONIDES, III, 975.
BiBLIDES, III, 202.
Bibliographique (Index),
229.
Bircœa, 597.
Bitoma, 371.
Bitiacus, II, 406.
Bius, 582.
Blabera, II, 63.
Blaps, 576.
Blapsides, 575.
Blapstinus, 580.
Blatta, II, 51.
Blatticns, II, 42.
— ÉPINEUX AR0L1IGÈRES,
II, 49.
— ÉPINEUX NUDITARSES,
II, 58.
— MUTIQUES AROLlIf.ÈRES,
II, 58.
— MUTIQUES NUDITARSES,
II, 61.
Bledius, 305.
Blemus, 283.
Blepharis, II, 89.
Bœtis, II, 390.
Bolboceras, 426.
Bolitubius, 313.
Bolitophagus, 586.
Bombites, II, 726.
Bombus, II, 727.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
1099
BOMBYCIDES, III, 433.
Itonibyeiens, III, 371,
Bombylius, 111, 1015.
Bombyx, III, 434.
Boreus, II, 410.
Bostrichius, 557.
BoTYDES, m, 664.
Botys, 111, 665.
Brachinus, 260.
Brachoiiyx, 683.
Brachyceriis, 663.
Bracliygnathus, 273.
Brachyîabis, II, 17.
Brachypella, 111, 794.
Brachypterus, 361.
Brachytarsus, 655.
Brachytrypes, II, 155.
Bracon, III, 28.
Uraconiens, III, 25.
Brassolides, III, 201.
Brassolis, III, 253.
Braula, III, 1069.
Brenthus, 661 .
Bréphides, III, 623.
Bromius, 786.
Brontes, 377.
Broscus, 270.
Bruchus, 652,
Bryaxis, 320.
Buprestiens, 485.
Buprestis, 490.
Byirhus, 388.
Bythinus, 319.
Byturus, 361.
Cacicus, 572.
Cœcilius, II, 301.
Calamobius, 748.
Calandra, 694.
Calcar, 583.
Caligo, III, 201.
Callichroma, 723.
Callicnemis, 468.
Callidium, 727.
Callimenus, II, 170.
Callimorpha, 111, 358.
Callimorphides, 111, 357.
Calliphora, 111, 1048.
Callirhipis, 517.
Callithea, III, 189.
Calocomus, 717.
Caloptenus, II, 246.
Caloptérygiens, II, 353.
Calopteryx, II, 353.
Calopus, 629.
Calosoma, 275.
Calotermes, II, 267.
Campsomeris, II, 985.
Camptocerus, 642.
Camptogramma, III, 646.
Canthuridicn!^, 592.
Cantharis, 616.
Canthecona, III, 793.
Canthon, 413.
Gapnia, II, 322.
Capsides, 111, 813.
Capsus, m, 815.
Carabides, 257.
Carabieiis, 248.
Carabus, 277.
Cardiorhinus, 510.
Carpocapsa, III, 715.
Cartallum, 732.
Carteria, III, 924.
Carterocephalus, III, 272.
Casnonia, 259.
Gassida, 778.
Castnia, III, 277.
Castniens, III, 276.
Cataclysta, 111, 661.
Catocala, III, 587.
Catomorphus, 353.
Catops, 353.
Catopsiniorphus, 353.
Catoxantha, 489.
Cebrio, 516.
CÉBRIONIDES, 516.
CÉCIDOMYIDES, III, 968.
Celonites, II, 912.
Celyphus, 111, 1065.
Genthorliynchidius, 689.
Centoihynchus, 687.
Centrinus, 689.
Centris, II, 751.
Centroptilum, H, 389.
Centrotus, 111, 869.
Cephalemyia, III, 1040.
Cephalocera, 111, 1014.
Cephus, 111, 58.
CÉRAMBYCIDES, 720.
Cérauibyciens, 706.
Cerambyx, 725.
Ceramius, II, 913.
Cerapterus, 567.
Ceraspis, 438.
Ceratina, II, 760.
Ceratitis, III, 1063.
Ceralopterus, 567.
Ceratorhina, 481.
ClRCÉRlNES, II, 918,
Cerceris, II, 918.
Cercidocerus, 704.
Ccrcopicn<«, III, 870.
Cercopis, III, 870.
Cercus, 361.
Ceria, 111, 1031.
Cerocoma, 614.
Cerocteaus, 717.
Cerophytum, 503.
Cerostoma, III, 753.
Ceruclius, 396.
CÉTOINES Vraies, 479.
Cetonia, 481.
Chalcidiens, III, 33.
Chalcis, III, 37.
Chalepus, 785.
Chaleur animale, 31.
Ghalicodoma, II, 777.
Charançons, 645.
— du blé et du riz, 694,
702.
Charaxes, III, 196.
Chartergus, II, 882.
Chasmatopterus, 437.
Chasse, 122.
Chauliodes, II, 511.
Cheimatobia, III, 644.
Chelidura, II, 22.
Chelonia, III, 362.
Chélonides, 111, 360.
Chéloniens, III, 356.
Chelonus, III, 30.
Chennium, 318.
Chilo, 111, 679.
Chiiocorus, 829.
Chimabacche, 111, 756.
Chimaera, III, 291.
Chionea, III, 963.
Chionobas, III, 223.
Chique, III, 1086.
Chiromyza, III, 1019.
Chiron, 420.
Chironomus, 111,957, 973.
Chiroscelis, 581.
Chlamys, 773.
Chlorophanus, 666.
Chlorops, m, 1061.
Chœrocampa, III, 321.
Choleva, 353.
Cholus, 689.
Choragus, 655.
Chorisoneura, II, 58.
Chrysantheda, II, 765.
Chrysanthedia, II, 766.
Cbrysidiens, III, 1.
Chrysiridia, III, 564,
1100
Chryàis, 111, G.
Chrysobothris, 492.
Chrysochlora, III, 987.
Chrysochraon, 11, 219.
Chrysomela, 789.
CbryNoméliens, 751.
Chrysopa, II, 465.
Chrysophanus, III. 23/i.
Chrysophora, liiîà.
Chrysopides, II, /i64.
Chrysops, III, 982.
Chrysotoxum, III, 1030.
Cicada, III, 854.
Cicadellicns, III, 873.
Cicadelles, III, 874.
€icadient«, III, 850.
Cicadula, III, 877.
Cicindela, 250.
ClClNDÉLIDES, 249.
Cicones, 372.
Cigales, III, 850.
Cimbex, III, 54.
Cimex, III, 821.
Cimiciens, III, 821.
Cionus, 691.
Circulation, 17.
Cis, 555.
Cissites, 613.
Cistela, 591.
Cixius, III, 860.
Cladius, III, 55.
Cladophorus, 522.
Classification, 213.
Claviger, 321.
Cleonus, 667.
Cleonymus, III, 39.
Cleptes, III, 5.
Clériens, 540.
Clerus, 543.
Cloe, II, 388.
Cloeon, II, 388.
Clostera, III, 452.
Clothilla, II, 298.
Clylhra, 764.
Clytus, 729.
Ctiemida, 463.
Cnethocampa, III, 380.
CocciDES, III, 926.
Coccidula, 833.
Cocciens, III, 919.
Coccinella, 826.
€occineIliens, 820.
— glabres, II, 825.
— pubescents, 830.
Coccus, III, 927.
Coccyx, III, 712.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Cochylis, III, 703.
Cœlioxys, II, 795, 797.
Cœnis, II. 385.
Colaspe des luzernes, 787.
Colaspidema, 787.
Coleophora, III, 770.
COLÉOPHOIUDES, III, 7 70.
rOI.KOPTKRES, 241
Colias, III, 246.
Colletés, II, 826.
Collyris, 250.
Colobicus, 358.
Coloborhombus, 724.
Colobus, 724.
Colocasia, III, 383.
Colpa, 11,985.
Colyclien»*, 366.
Colydium, 370.
Colymbetes, 291.
Combophora, 111, 868.
Coniatus, 671.
CONIOPTÉRYGIDES, II, 481.
Conioptéryx, II, 482.
Conocephalus, II, 181.
Conopaipus, 599.
Conops, III, 1035.
CONOPSIDES, III, 1034.
Conservation, 122.
Copris, 415.
Coprœcus, 414.
Coprophilus, 305.
Copturus, 690.
Cordulecerus, II, 439.
Cordulegaster, II, 347.
Cordulia, II, 343.
Coréens, III, 800.
Coreinia, 727.
Corethra, III, 956.
Coieus, III, 803.
Corisa, III, 844.
CORR-ÏSTIDES, III, 169.
Corticus, 561.
CORYDALIDES, II, 506.
Corydalis, Corydalus, II,
506.
Corydia, II, 130.
Corymbites, 512.
Coryna, 616.
Corynetes, 545.
Corynodes, 785.
Cosmisoma, 726.
CossiDES, III, 286.
Cossiens, III, 285.
Cossonus, 704.
Cossus, III, 286.
Cossyphus, 587.
Cousin, III, 953.
Crabro, II, 933.
Crabro.mdes, II, 917.
— propres , Il ,
932.
Crabroniciii«, II, 915.
Crameides, III, 675.
Cranibus, III, 676.
Cratomorphus, 527.
Cratosomus, 691.
Créophiles. III, 1043,
Crioceris, 782.
Crocisa, II, 769.
Cryptarcha, 360.
Cryplicus, 581.
Crvptides, III, 18.
Cryptocephalus, 775.
Cryplocercus, II, 64.
Cryptocerus, II, 1021.
Cryptohypnus, 514.
Cryi>tophagieii!i«, 364.
Cryptophagus, 364.
Cryptorhynchus, 684.
Cryptostoma, 501,
Cteniopus, 591.
Ctenistes, 318.
Ctenophora, III, 959.
Ctenostoma, 256.
Cucujiens, 374.
Cucujus, 377.
Culex, III, 953.
Culicicns, III, 950.
Cupes, 554,
Gurculio, 604.
Curculioniens, 645,
Cuterebra, III, 1038.
Cychrus, 274.
Cyclidius, 484,
Cyclocephala, 467.
Cyclomus, 664.
Cyclopides, III, 272.
Cyclosoma ou Cyclosomus,
267.
Cydimon, III, 563.
Cydnus, III, 794.
Cylas, 658.
Cylidrus, 541 .
Cyligramma, III, 584.
Cylindrogaster, H, 15.
Cynegelis, 831.
Cyni|>ien!i<, III, 47.
— Gallicoles, lil, 50.
— Enloniophages, III,
51.
ilynips, III, 50.
Cyphocrana, II, 107.
TABLE ALPHABÉTIOUE.
1101
Cyphomyia, III, 986.
Cyphonia, 111, 8(38.
Cyphus, tJ65.
Cyrtomoiphus, 818.
Cyrtosoma, 588.
Daceton, II, 1018.
Dacne, 820.
Daclylopius, III, 931.
DacLis, m, 1042, 1062.
Danaïdes, III, 163.
Danais, III, 164.
Dapsa, 813.
Daruis, III, 867.
Dasycorus, 368.
Dasychira, 111, 384.
Dasypoda, II, 803.
Dasypogon, III, 991.
Dasytes, 539.
Decatoma, III, 38.
Decticus, H, 187.
Deilephiln, III, 317.
Deiléphilides, III, 317.
Deiopt'ia, III, 355.
Deleaster, 306.
Delphacides, III, 864.
Delphax, III, 86ô, 866.
Deltoïdes, III, 618.
Demas, III, 383, 384.
Dendrophagus, 378.
Denops, 542.
Depressnria, III, 757.
Derbc, III, 864.
Deripia, III, 864.
Dermatophilus, III, 1086.
Dermestes, 382.
Uermestieiii», 381 .
Desmocerus, 734.
Développement embryon-
naire, 100.
Dianthœcia, III, 607.
Diaperis, 585 .
Dichelus, 433.
Dicrania, 438.
Dicranophora, III, 988.
Dicranura, III, 446.
Dictyoptera, 521.
Digestion, 6.
Diglossa, 316.
Dilar, II, 458.
Diloba, III, 451.
Dilophus, III, 977.
Dinetus, II, 955.
Dinops, 542.
Diodesnia, 370.
Diodyrhynchus, 659.
Diopsis, III, 1064.
Diorygomerus, 690.
Diorynierus, 690.
Dioxys, II, 797.
Diphucephala, 436,
Diplocœlus, 380.
Diplonychus, III, 841.
Diplosis, III, 969.
UIPTÈREN, III, 935.
— brachyccres , III .
978.
— némocères, 111,949,
Dirhinus, III, 37.
Discœlius, II, 897.
Discolia, II, 982.
Distichocera, 723.
Ditomus, 267.
Dityhis, 630.
Diurnea, III, 756.
Diurus, 662.
Dixa, III, 963.
noIicliopodienH , III,
1019.
Dolicliopus, III, 1022.
DOLICHUKINES, II, 974.
Dolichurus, II, 974.
Donacia, 755.
Dorcadion, 742.
Dorcatoma, 554.
Dorcus, 395.
Doritis, III, 255.
Doryphora, 791.
Drepana, lil, 443.
Drepanepteryx ou Drepa-
nopteryx, II, 460.
Drépanulides, III, 443.
Itrilus, 530.
Dryuius, III, 42.
Dryophthorus, 705.
Drypta, 263.
Dyscliirius, 266.
Dyscinctus, 468.
Dysodius, III, 819.
Dyticides, 286.
Dyticiens, 285.
Dytiscus, 287.
E
Earias, III, 455.
Kbulea, III, 666.
Echinomyia, III, 1045.
Echinosoma, II, 15.
Ecrivain, 786.
Eclobia, 11, 49.
Elaphocera, 457.
Elater, 509.
Elatérides, 503.
ElatéricHN, 497.
Elenclius, III, 1077.
Elipsocus, II, 302.
Elis, II, 985.
Elmis, 340.
Elocerus, 663.
Elochares, 336.
Elophorus, 327.
KiiibiciiN, II, 294.
Emenadia, 606.
Emesodenia, III, 829.
Emhdks, 111, 991.
Empusa, II, 90.
Empusites, II, 89.
ÉMYDIDES, III, 354.
Enceladus, 264.
Encyrtus, III, 39.
Endagria, III, 289.
Endomychides, 811.
Endomyclius, 813.
Endromides, III, 433.
Endromis, III, 433.
Engis, 820.
Enhydru-s 298.
Enneoptera, II, 137.
Ennomides, III, 632.
Ennychia, III, 658.
Ennychides, III, 656.
Enoicyla, II, 554.
Enoplops, III, 801.
Entimus, 664.
Entomobies, III, 1043.
Entomologie, définition, 1.
Epallage, II, 355.
Epeolus, II, 771.
Ephemera, II, 381.
Ephemerella, II, 385.
Épliéniériens, 11,361.
Ephestia, III, 674.
Ephippigera, II, 172.
Ephippium, m, 986.
Ephydra, ill, lUo8.
Epicauta, 623.
Epilachna, 830.
Epiiragus, 588.
Erebia, III, 224.
Eremiaphila, H, 75.
Ergates, 718.
Eristalis, III, 1027.
Erodius, 570.
Eros, 521.
ÉROTYLIDES, 814.
1102
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Erotyliens, 810.
Erotylus, 817.
Erycimdes, III, 240.
Eryrinis, III, 266.
Espèces, 213.
Eubria, 519.
Eucera, II, 758.
Euclielia, III, 356.
EUCHÉLIDES, III, 353.
Euchloe, III, 2!ili.
Euchroma, 489.
EUCNÉMIDES, 498.
Eucnemis, 500.
EUDAMiDES, III, 265.
Eudamus, III, 265.
Eugaster, II, 171.
Eulophus, 111, 39.
Eulyes, III, 827.
Eumenes, II, 888.
Eumenia, III, 243.
EUMÉNIDES, II, 884.
Euiuénien»*, II, 884.
Eumœus, III, 243.
Eumolpe de ia vigne (Écri-
vain), 786.
Eumorphus, 812.
Eunectes, 290.
Euops, 658.
Eupithecia, III, 645.
Euplectus, 321.
Euplocamus, III, 743.
Eurhinus, 689.
Eurybia, III, 243.
Eurycantha, il, 105.
Eurychora, 573.
Eurhynchus, 658.
Euryope, 789.
Eurypus, 589.
Eurysternus, 417.
Eurytoma, III, 39.
Eusèmia, III, 370.
Eusthenia, II, 318.
Evaesthetus, 303.
Evania, III, 45.
Évanieus, III, 44.
Evaiiiocera, 606.
Exochomus, 829.
Eyprepia, III, 362.
Feronia, 269.
Figites, III, 51.
Fi'scheria, II, 83.
Flata, III, 861.
Fœuus, III, 46.
Fonctions, étude anatoiiii-
que et pliysioiogique, 6.
— véifétatives, 6.
— de la vie animale, 51.
FOHCICINES, III, 1079.
Forficula, II, 20.
Foi'ficulîen^i, II, 6.
FORMICIDES, IIIj 1011.
Forniicien.<>i, II, 955.
Fourmilions, II, 417.
Fourmis, II, 995.
Fourmi, II, 1011.
Fracticornes, 663.
Fulgora, III, 857.
Fulgoriens, III, 857.
G
Galba, 501.
Galerita, 262.
Galeruca, 796.
Galesus, III, 43.
Galgulus, m, 838.
Galleria, III, 681.
Gallérides, III, 680.
Gargara, III, 868.
Gastropacha, III, 441.
Gaslrophilus, III, 1041.
Gastrophysa, 794.
Gaslrus, III, lii41.
Gelechia, III, 762.
Géléchides, III, 756.
Géniales, 465.
Géo.p:rapliique (distribu-
tion), 181.
GÉOMÉTRIDES, III, 637.
Gt'oryssus, 343.
Geotrupes, 423.
Gerrides, III, 832.
Gerris, 111, 833.
Gibbium, 550.
Glaphyrus, 420.
Glaucopidks, III, 342.
Globaria, 330.
Glossina, III, 1053.
Glyphiplera, III, 700.
Glyptomerus, 303.
Gnathocerus, 587.
Gnophria, III, 351.
Gnorimus, 476.
Goliathus, 480.
GOMPHINES, II, 346.
Goniphus, II, 347.
GONATOCÉRES, 003.
Gonepteryx, 111, 247.
Gongylus, II, 91.
Goniocotes, III 1085.
Gonoptera, III, 623.
Gonopus, 578.
Gorytes, il, 947.
Gracilaria, III, 766.
Gracilarides, III, 765.
Gracilia, 731.
Graphipterus, 259.
Grapholitha, III, 707, 709.
Graphosoma, III, 793.
GryliienN, II, 114.
A PATTES HÉTÉRONOMES,
les antérieures fouis-
seuses, II, 121.
— PROPRES, A PATTES
HOMONOMES, II, 131.
Gryllotalpa, II, 124.
Gryilus, II, 138.
Guêpc8solitalre»i.II,884.
Gymnetis, 481.
Gyrnnetron, 692.
[Gymnopleurus, 413.
Gyinnosoma, III, 1046.
Gyrinides, 295.
Gyriiius, 296.
Gyriosomus, 571.
H
Hadena, III, 610.
Hœmiclis, III, 757.
Halias, III, 455.
Halictides, 11, 810.
Halictophagus, III, 1077.
Halictus, li, 812.
Haliplus, 295.
Hallomenus, 596.
Halobates, 111,835.
Haiticus, m, 814.
Hamaticherus, 726.
Hamearis, III, 242.
Hanneton, 441 .
Harpalus, 268.
Harpax, II, 86.
Marpella, III, 763.
Hedychrum, III, 6.
Heilipus, 683.
Helcon, III, 31.
Helenopliorus, 572.
Ileliconia, III, 165.
HÉLICONIDES, III, 165.
Heliopates, 580.
Heliothrips, îll, 1074.
Helluo, 259.
Helophilus, UI, 1026.
Helops, 590.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
1103
Helorus, III, li2.
Hematopota, III, 982.
Héincrobicn»), II, ^15.
Hémérobudes, II, lill2.
Hemerobius, 11, 461.
HÉMIPTÈREI^, 111,780.
— hétéroptères, Ili, 784.
— honioptèrc!-!, III, 849.
Hcpialicns, lil, 282.
Hepialus, III, 282.
Heptagenia, II, 392.
Herbula, III, 657.
Hermetia, III, 98&.
Hesperia, III, 270.
HesperiD;*;, III, 265.
Hespériens, III, 260.
Hétérocères, III, 275.
Heterocerus, 338.
Heterogynis, III, 341.
Heteronychotarsus, II, 77.
Heterotarsus, 584.
Heterotoma, III, 815.
Hexagenia, II, 381.
Hexapodes, III, 243.
— au moins oliez le«;
reuielles, III, 229.
Hexodon, 467.
HiBERNIDES, III, 642.
Hilipus, 683.
Hipparchia, III, 208.
Hippobosca, III, 1068.
Hippodamia, 825.
Hispa, 785.
Hister, 345.
HlSTÉRIDES, 343.
Hodotermes, II, 270,
Hœmonia, 758.
Hololepta, 345.
Homalisus, 522.
Homalium, 308.
Homaloplia, 436.
Homoptera, III, 586.
Homotoma, III, 880.
Hopatrinus, 579.
Hopatrum, 581.
Hoplia, 433.
Hoplognathus, 464.
Hoploptera, 591.
Ilorla, 613.
Hoteims, III, 858.
Hybalus, 420.
Hybos, III, 992.
Hybosorus, 421.
Hydraena, 329.
Hydrobius, 334.
Hydrocampa, III, 662.
Hydrocampides, III, 659.
Hydrochares, 334.
Hydrochus, 328.
Hydbocorises, III, 837.
Hydrometia, III, 831.
Ilydronictricns , HI ,
830.
Hydrophiliens, 324.
Hydrophilus, 331.
Hydroporus, 294.
Hydropsyche, II, 560.
Hydropsychides, II, 559.
Hydroptila, II, 564.
IIYDROPTILIDES, II, 564.
Hygiops, III, 865.
Hylaecetes, 548.
Hylémyies, III, 1055.
Hylesinus, 641.
Hylobius, 668.
Hylophila, III, 454.
Hylotoma, III, 55.
Hylotrupes, 728.
Hylurgus, 640.
UIMÉHOPTÈRES, II,
571.
— à abdomen pédi-
cule, II, 608.
— porte - aiguillon ,
II, 608.
— térébranfs à abdo-
men pédicule, III, 1.
— à abdomen pédi-
cule entomophages,
III, 8.
— térébrants à abdo-
men »4es$iile, III, 52.
Hymenopus, II, 85.
Hypecompa, III, 358.
Hypena, III, 620.
Hypera, 670.
Hyperantha, 490.
Hyperchiria, III, 553.
Hyperops, 571.
Hyphydrus, 294.
Hypoceplialus, 715.
Hypoderma, lil, 1040.
Hyponomeuta, III, 729.
Hypophlœus, 585.
Hypsolopha, III, 753.
Hysteropterum, III, 863.
Ibalia, III, 51.
Ichneumon, III, 16.
ICHNEUMONIDES, III, 16.
Ichneunionfens, III, 8,
llybius, 292.
Ilythia, III, 673.
Ino, III, 337.
Iiiocellia, II, 505.
Inostemma, III, 43.
Inslinct, 116.
Intelligence, 116.
Ips, 359.
Iris, II, 82.
Ischyrus, 820.
ISMÉNIDES, III, 269.
Isosoma, III, 39.
Issus, III, 862.
Jas.mens, III, 873.
K
Keiron ou Keiroun, III,
1062.
Kermès, III, 926.
Labia, II, 18.
Labidura, II, 15.
l^abiduroïde»). II, 6.
Lachiius, III, 890.
Lacon, 507.
Laemosaccus, 683.
Lœna, 591.
Lagochile, 462.
Lagria, 600.
Lagrides* 599.
Lamia, 744.
Lamprima, 392.
Lamprorhiza, 527.
Lampros, III, 763.
Lamprosoma, 774.
Lampyrides, 520.
I^ampyriens, 519.
Lampyris, 522.
Laphria, III, 989.
Larentides, III, 644.
Laria, III, 379.
Larinus, 676.
Larrada, II, 953.
Lasia, 831.
Lasiocampa, III, 441.
Lathrobium, 302.
Latribius, 369.
Lebia, 263.
LÉCAMDES, m, 923,
Lecanium, III, 923.
Ledra, III, 873.
Leilus, III, 563.
Leistus, 279.
Lema, 781.
Lemmatophila, III, 756.
i.épidopté:re:§(^ III,
61.
Lepisia, 433.
Lepisma, III, 1079.
liepiMiniens, III, 1078.
Lepitrix, /132.
Leptides, III, 1020.
Leplinus, 352.
Leptis, III, 1020.
Leptocérides, II, 557.
Leptocerus, II, 557.
Leptocorisa, III, 812.
Leptoderus, 355.
Leptopalpus, 625.
Leptophleria, II, 383.
Leptura, 736.
Lepturoïdes, 515.
Lestera, 308.
Lestes, II, 358.
Lethrus, 421.
Leucaspis, III, 36.
Leuconea, III, 249.
Leucophasia, III, 250.
Leucospis, III, 36.
Leucothyreus, 465.
Libellula, II, 340.
Libellulides, II, 340.
l'ibcllulicns, II, 326.
Libythea, III, 162.
LlBYTHÉlDES, III, 162.
Licinus, 273.
LimacoJes, III, 457.
LlMACODlDES, III, 456.
Limenilis, III, 189.
Limnephilus, II, 550.
Limnichus, 389.
Limnobates, III, 831.
Limnobia, III, 962.
LlMNOPHILIDES, II, 548.
Lininophilus, II, 550.
Lina, 794.
LiPARIDES, III, 372.
Liparis, III, 373.
Lipeurus, III, 1085.
Lipoptena, III, 1069.
Liris, II, 953.
Lispe, m, 1055.
Lissomus, 497.
Lila, III, 762.
LiTHOCOLLÉTIDES, III, 772.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Lithopliilus, 835.
Lilhosia, III, 349.
LiTHOSiDES, m, 348.
I.idiosiens, III, 348.
Livia, m, 880.
Lixus, 674.
Loboderus, 508.
Lobophora, II, 19.
Lobophora, III, 645.
Loboptera, II, 53.
Locuste, II, 184.
liOCustiens, II, 157.
Lomechusa, 314.
Liongicorncjs, 706.
Longitarsus, 808.
Lophonocerus, 723.
Lophyrus, III, 56.
Loricera, 273.
L.ucanicns, 390 .
— PROPRES, 391.
Lucanus, 392.
Lucilia, III, 1047.
Lucrola, 529.
Laperus, 798.
Lycœna, III, 231.
LYCÉNIDES, III, 230.
liycénicns, III, 229.
Lycoperdina, 814.
Lyctus, 559.
Lycus, 521.
Lyda, III, 57.
Lygœus, III, 807.
Lygéens, III, 806. .
Lymexylon, 548.
Lymexylonides, 547.
Lyrops, II, 953.
Lystra, III, 860.
Lytta, 616, 623.
M
Machserites, 320.
Machelis, III, 1078.
Machiles, III, 1078.
Machla, 578.
Macrocera, II, 757.
Macroceraia, III, 812.
Marrocephalus, III, 818.
Macrodactylus, 437.
Macrogaster, III, 290.
Macroglossa, III, 326.
Macroglossides, III, 326.
Macromia, II, 345.
Macronema, II, 559.
Macronola, 481.
Macronychus, 341.
Macropophora, 740.
Malachiides, 535.
Malachius, 537.
Malacodernics, 519.
Malacogasler, 531.
Mallopbagiens, III, 1082.
Malthinus, 534.
Mania, III, 583.
Manticora, 255.
Mantides, II, 78.
Mantiens, H, 65.
— SIMPLICICORNES NUDIPÉ-
DES, II, 75.
— ORTHODÉRIDES, II, 75.
— PECTINI CORNES LOBIPÈ-
DES, II, 87.
— SIMPLICICORNES LOBIPÈ-
DES, II, 85.
Manlis, II, 79.
Mantispa, II, 487.
Mantispes, II, 486.
Mantites, II, 78.
Maringouins, III, 951.
M.\SARIDES, II, 910.
Masaris, II, 911.
Masoreus, 272.
iMastigus, 323.
Mastostethus, 762.
Meconema, II, 177.
Mecopus, 690.
Medeterus, III, 1023.
Megacephala, 253.
Megachile, H, 786.
MÉGACHILIUES, II, 775.
Megaderus, 721.
Megalopus, 762.
Megaproctus, 703.
Megascelis, 784.
Megasoma, 472.
Megatoma, 384.
Melanargia, III, 208.
Melandrya, 598.
Melandryides, 596.
Melanippe, III, 646.
Melanostoma, III, 1030.
Melasis, 499.
Melecta, II, 767.
Melipona, II, 713.
Méliponites, II, 705.
Melitea, III, 174.
Meliturga, II, 757.
Mellinines, II, 944.
Mellinus, II, 944.
Meloé, 608.
Meloïdes, 608.
Melolontha, 441.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
1105
Melophage, III, 1069.
Melophagus, 111, 1069.
Melyrif, 539.
Meiubracicns^ III, 866.
Membracis, III, 867.
Merodon, 111, 1032.
Mesosa, 743.
Mesostena, 572.
Metalleutica, II, 77.
Métamorphoses, 100.
Melhoca, II, 991.
Methocides, 11, 990.
Metœcus, 607.
Metopias, 318.
Metopius, III, 20.
Micralymna, 305.
Micraspis, 829.
Microcephalus, 271.
Microdon, 111, 1031.
Microgaster, III, 30.
]ilfcroIépiilO|itèi*es, III,
647.
Micromus, 11, 463.
Micropeplus, 307.
Mictis, 111, 805.
Midas, 111, 1041.
MlDASIDES, III, 1013.
Milesia, III, 1033.
Miltogramma, III, 1046.
Mimesa, II, 940.
Miris, 111, 814.
Miscophus, II, 956.
Misolampus, 576.
Mogoplistes, 11, 134.
Molorchus, 733.
Monochelus, 433.
Monachoda, II, 63.
Monomma, 594.
]IIonoiuorphcs,Ill,1077.
Monotoma, 367.
Mordella, 604.
MORDELLIDKS, 603.
Mordellistena, 605.
Morio, 266.
Mormolyce, 263.
MoRPHiDES, m, 198.
Morpho, 111, 198.
Mosquilos, III, 951.
Mouches proprement dites,
111, 1049.
— stercoraires, III, 1060.
— tsetsé, III, 1053.
— des urinoirs, 111, 1057.
— à viande, III, 1050.
Mouche domestique , III,
1049.
Mouchedes olives, 111,1042.
Moustiques, III, 951.
Mues, 100.
Musca, III, 1049.
MuNcien!4, III, 1034.
Muscles, 51.
MUTILIDES, II, 992.
.MiiUlliens, II, 989.
Myceiea- 380.
Mycetobia, IIl, 966.
MycétophagÉcn!!i, 379.
Mycetophayus, 380.
Mycktophilides, III, 964.
Mycterus, 632.
Myelois, III, 728.
Myelophila, III, 728.
Mylabris, 614.
Mymar, III, 44.
Myodites, 606.
Myodocha, III, 808, 812.
Myopa, III, 1035.
Myorhinus, 684.
Myrina, III, 240.
Myrniecocystus, II, 104.
Myrmecoleon, II, 420.
Myrmecophila, II, 131.
Myrniedoma, 314.
Myrmeleon, II, 420.
Myrméléontides, II, 416.
Myrmica, II, 1015.
Myrmicides, II, 1015.
Myrmosa, II, 990.
Myzinc, II, 986.
Myzoxylus, III, 888.
M
Nacerdes, 631.
Nadia, III, 341.
Nanophyes, 692.
Naucorides, III, 839.
Naucoris, III, 839.
Naupactus, 665.
Nebria, 279.
Necrobia, 545,
Necrodes, 351.
Necrophilus, 352.
Necrophoru?, 348.
Necroscia, 11, 109.
Necydalis, 732.
Neides, 111, 806.
Nematodes, 502.
Nemeobius, 111, 242.
Nemeophila, 111, 360.
Nemestrines, III, 1018.
[Nemestrina, III, 1018.
Nemognatha, 625.
Nemoptera, 11, 484.
Némoptéres, II, 489.
Nemosoma, 562.
Nemoura, II, 323.
Nepa, 111, 842.
Nephodes, 591.
NÉPIDES, III, 842.
IVéplens, 111, 838.
Nepticula, 111, 772.
Nepticulides, 111, 772.
Nerveux (système), 107.
Neurobasis, II, 356.
WÉ VROPTÈRES,II,26 1 .
— pseudo-orthoptèrcM
à inélamerpboses
incomplètes, II, 261.
— propres, à iiicta»
inorphosescomplètes
(nynipbe le plus sou-
vent inactive), 11,394.
Nicteribia, III, 1070.
Nigidius, 396.
Nilio, 588.
Nirmus, III, 1085.
Nitidula, 360.
NlTlDULIDES, 357.
Noctuéliens, III, 566.
Nomada, 11,772.
NOMADIDES, II, 765.
Nomia, II, 810.
iNomophila, 111, 670.
Nosodendron, 387.
'Noterus, 292.
Notiophygus, 833.
Notodonta, III, 449.
NOTODONTIDES, 111, 445.
Notonecla, 111, 846.
NOTONECTIDES, III, 846.
Nutrition, 6.
Nyctéolides, III, 454.
Nyctelia, 571.
Nyctobates, 583.
Nymphaudes, III, 188.
Mynipbalicns, III, 161.
Nymphalis, 111, 189.
Nymphes, II, 442.
Nysson, II, 946.
Nyssonides, 11, 944.
Nyssonines, II, 946.
Obrium, 731.
Ochina, 553.
Ochodœus, 421.
1106
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Ochthebius, 328.
Odonates, II, 326.
Odontura, II, 172.
Odyneres, II, 885.
Odynerus, II, 898.
Œcanthus, II, 134.
Œchophora, III, 764.
Œdemagena, III, 1039.
Œdemera. 630.
(Edémékides, 629.
œdipoda, II, 236.
Œlothrips, III, 1074.
œ.ias, 616.
Œneis, III, 223.
(Eiiophthira, III, 693.
OESTRIDES, III, 1036.
œstrus, III, 1041.
Ogcodes, III, 1013.
Olibrus, 560.
Oligoneuria, II, 377.
Olophrum, 309.
Omalides, 307.
Omalium, 308.
Ommatius, III, 989.
Omophron, 280.
Omoplata, 780.
Oncideres, 745.
Oniscigaster, II, 391.
Oniscosoma, II, 59.
Onilicellus, 418.
Onthophagus, 417.
Opatrinus^ 579.
Opatrum, 581.
Ophideres, III, 578.
Ophioii,IH, 21.
Ophionides, III, 21.
Ophthalmicus, III, 830.
Opilo, 542.
Opisthocosmia, II, 19.
Oporabia, III, 644.
Orchesella, III, 1080.
Orchesia, 597.
Orchestes, 679.
Oregostoma, 727.
Orgya, III, 382.
Orneodes, III, 778.
Ornithomyie, III, 1068.
Ornithoiuyien» ,111,1066
Orophius, 557.
Orphilus, 387.
Orsodacna, 763.
Orthezia, III, 933.
Orthocères, 652.
Orthocerus, 562.
Orthodérides, II, 75.
ORTHOPTÈREli, H, 1
Orthoptères propres,
II, 23.
— PROPRES SAUTEURS, II,
113.
Orthorapha, III, 1030.
Orycles, 470.
Oryssus, III, 60.
Oscinis, III, 1062.
Osmja, II, 779.
Ostnoderma, 478.
Osmylus, II, 443.
Osorius, 305.
Otiocerus, III, 863.
Otiorhynchus, 672.
O.Kura, 576.
OXYBELINES, II, 938.
Oxybelus, II, 938
Oxycera, III, 987.
Oxycheila, 255.
Oxycoryphus, II, 221.
Oxyporus, 310.
Oxypygus, 703.
0!(ystomiis, 265.
OXYTÉLIDES, 304.
Oxytelus, 305.
Oxyterum, III, 1068.
Oxyura, 576.
Ozœna, 261.
Pachazia, III, 861.
Pachycarus, 267.
Pachyderes, 509.
Pachyenema, 432.
Pachygaster, III, 987.
Pachylis, III, 804.
Pachypus, 458.
Pachyrhynchus, 665.
Pachyta, 736.
Pachytylus, II, 239.
Paleestes, 377.
Palarus, II, 951.
Paléontologie, 170.
Paléoptérines, II, 513>
Palingenia, H, 379.
Palpares, II, 428.
Pamborus, 273.
Pamphagus, II, 252.
Pamphila, III, 271.
Pamphilides, 111.270.
Panchlora, II, 58.
Panesthia, II, 64.
Pangonia, III, 981.
Panops, III, 1013.
Panorpa, II, 399.
Panorpiens, II, 396.
Panurgus, II, 801.
Papilio, III, 257.
Papilionides, in, 254.
Papilioniens, III, 243.
Paragus, III, 1030.
Parandra, 714.
Paraponyx, III, 660.
Parmena, 743.
Parnassius, III, 255.
Parnus, 339.
Pasimachus, 259.
Passales, 397.
Passalus, 398.
Passandra, 379.
Patrobus, 270.
Paussiens, 563.
Paussus, 566.
Pavonia, III, 201.
Pectinicornes, II, 87.
Péflieuliens , III, 1082.
Pediculus, III, 1082.
Pedinus, 580.
Pédirèmes, m, 844.
Pegomyia, III, 1056.
Pelecinus, III, 46.
Pelecium, 274.
Pelecophoriis, 539.
Pelidnota, 463.
Pelobius, 293.
Pelonium, 545.
PÉL0PÉ1NES, II, 970.
Pelophila, 279.
Pelopœus, II, 971.
Pemphigus, III, 891.
Pemphrédonines, II, 940.
Pempilia, III, 673.
Pentanières (Clialci-
diens), lll, 36.
Pentaplatarthrus, 566.
Pentatoniiens, III, 788.
Penthina, III, 708.
Pentodon, 468.
Perilampus, lil, 38.
Perileptus, 283.
Periplaneta, II, 55.
Peripsocus, II, 302.
Perisphœria, II, 60.
Peritelus, 677.
Perla, II, 319.
Perliens, II, 303.
Pezotettin, II, 244.
Phalacrus, 560.
Phalangopsis, II, 137.
Phaléniens, III, 625.
Phalénoïdes, III, 023.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
1107
Phalera, III, 452.
Phaleria, 587.
Phaneroptera, H, 178.
Phaiiœus, 416.
Phasia, III, 1046.
Phasma, II, 108.
Phasniieii!^, Il, 91.
— APTÈRES, II, 99.
— AILÉS, (au moins les
mâles), II, 106.
Phibalosoma, II, 106.
Philanthines, II, 925.
Phileurus, 472.
Phiihydrus, 335.
Philœnus, III, 872.
Philonthus, 312.
Philopotamus, II, 561.
Philopterus, III, 1085.
Phlœa, III, 799.
Phlœotribus, 642.
Phlœothrips, III, 1073.
Phœdon, 792.
Pholidotus, 392.
Phora, III, 1066.
Phoraspis, II, 54.
Phosphœnus, 527.
Photophorus, 512.
Phragmatobia, III, 367.
Phragmatœcia, III, 290.
Phryganea, II, 546.
Phryganéides, II, 545.
Phryganiens, II, 522.
Phryneta, 744.
Phtiria, III, 1015.
Phtirius, III, 1064.
Phycides, III, 672.
Phycis, m, 674.
Phyllium, II, 111,
Phyllobius, 671.
Phyllocerus, 502.
Phyllodromia, 11, 51.
Phyllognathus, 469.
Phyllomorpha, lll, 802.
Phyllopertha, 460.
Phylioxérien!ii, 111,895.
Phylloxéra de la vigne,
III, 895.
Phymala, III, 818.
Pbyniaticns, III, 817.
Physocephala, III, 1035.
Physodactylis, 516.
Phytobius, 682.
Phylœcia, 749.
Phytomyza, III, 1063.
Phytonomus, 670.
Phytophthihes, III, 877.
Phytophages, 751.
Piérides, III, 243.
Pieris, III, 251.
Piesliis, 307.
Pimelia, 569.
PiMÉLIDES, 569.
PiMPLIDES, m, 22.
Pionea, III, 667.
Pipiza, III, 1033,
Pipunculus, III, 1024.
Pissodes, 669.
Plagiodera, 793.
Platyblemmus, II, 153.
Platycerus, 396.
Platycnemis, II, 357.
Platydactylus, II, 137.
Platygenia, 479.
Platinnspis, 832.
Platyomus, 665.
Platypeza, III, 1023.
Platyptéprygides,III,443.
Platypleryx, III, 443.
Platypus, 645.
Platyrhopalus, 566.
Platyscelis, 580.
Platystoma, III, 1065.
Platyura, III, 966.
Plectris, 439.
Plectroscelis, 809.
Plinurgus, 484.
Ploa, III, 848.
Ploas, III, 1016.
Ploiaria, III, 829.
Plutella, III, 754.
Plutellides, III, 752,
Pneumora, II, 242.
Podisma, II, 244.
PODOLÉGIDES, II, 745.
Podura, III, 1081.
Podui-iens, IlI, 1080.
Pœcilesthu.s, 589.
Pœcilonota, 492.
Pœciloptera, III, 861.
POEDÉRIDES, 301.
PœderuK, 302.
Pœphagus, 682.
Pogonobasis, 573.
Pogonostoma, 256.
Polibya, II, 877.
Polistes, H, 867.
POLISTIDES, II, 867.
Polydrosus, 666.
Polymitarcis, H, 378.
Polyominatus, III, 234.
Polyphaga, II, 61.
Polyphylla, 456.
Polyzosteria, II, 55.
POMPILIDES, II, 975.
Pompilus, II, 976.
Ponera, II, 1014,
PONÉRIDES, II, 1014.
Popillia, 462.
Poropleura, 773.
Porphyrophores, III, 930.
Potamanthus, II, 382.
Potamophilus, 338.
Pou de l'abeille, III, 1069.
— du corps, III, 1084.
— ordinaire, III, 1083.
Poux DES PLANTES, III, 877.
Prasocuris, 793.
Prays, III, 741.
Priocera, 542.
Pri-onapterus, 718
Prionides, 714.
Prionus, 716.
Prisopus, II, 110.
Pristonychus, 270.
Procerus, 276.
Prochilus, II, 168.
Procirrus, 302.
Procris, III, 337.
Procrustes, 276.
Proctotrupicns, III, 41.
Propomacrus, 462.
Proscopia, II, 216.
Prosopis, II, 822.
Prosopistoma, II, 387.
Prostoaiis, 378.
Psalidophora, II, 18.
Psammetichus, 574,
Psammodes, 575.
Psammœcus, 371.
Psecadia, III, 727.
PSÉLAPHIDES, 317.
P!i<élaphiens, 317.
Pselaphus, 319.
Pseudococcu?, III, 931.
Psila, III, 1063.
Psilocephala, III, 1019.
Psilomyia, III, 1063.
Psithyrus, II, 741.
PsociDES, II, 298.
Psociens, 11, 296.
Psocus, II, 300.
Psoquilla, II, 298.
Psyché, III, 463,
PSYCHIDES, III, 458.
Psychoda, III, 972.
Psychomia, II, 562.
Psylla, III, 878.
Piiylliens, III, 878.
1108
Psylliodes, 809.
Pterochilus, II, 908.
Pterochroza, II, 179.
Pterogon, III, 329.
Pteromalus, III, 39.
Pleronarcys, II, 318.
Ptéropboi'iens, III, 773.
Pterophorus, III, 774.
Pterostenus, 736.
Plerolarsus, 501.
Pterygophorus, 111, 5G.
Ptiliiius, 553.
Ptilium, 363.
Ptilodaclyla, 518.
Ptiloplioius, C06.
Ptinides, 5û9.
Pliniens, 547.
Ptinus, 550.
Puces, III, 1085
Pulex, 111, 108G.
Piilicicns, III, 1085.
Pulvinaria, 111, 924.
Punaises d'eau, III, 837.
Purpuricenus, 724.
Pygidicrana, II, 14.
Pygœra, III, 452.
Pyrale de la vigne, III,
693.
Pyrnliens, lH, 647.
Pyralis, III, 653.
Pyrausta, III, 656.
Pyrochroa, 603.
Pyrochroïdes, 602.
Pyronota, 437.
Pyrophorus, 510.
PïRRHOCORlDES, III, 809.
Pyrrliocoris, III, 809.
Pyrrhopygides, III, 265.
Pylho, 593.
9
Quediiis, 312.
R
Ramphomyia, 111, 992.
Ranatia, 111,843.
Raphidia, 11, 503.
Raphiorhynchus, III, 986.
Rayniondia, 705.
Recticornes, 652.
Rédiivicns, III, 825.
Reduvius, III, 826.
Reproduction, 89.
Respiration, 24.
TABLE ALPHABÉTJQUK.
Retinia, 111, 712.
Rhagium, 734.
Rhamnusium, 735.
Rhamphus, 663.
Rhaphiderus, II, 104.
Rhaphidia, II, 503.
Raphidides, II, 492.
Rapbidicn»!, Il, 491.
Rhaphidophora, II, 168.
Rhaphigaster, 111, 795.
Rhina, 693.
Rhingia, III, 1034.
Rhinomacer, 659.
Rhinosimus, 593.
Rhinotia, 658.
Rhipheus, III, 564.
Rhiphidia, III, 961.
Rhipidius, 607.
Rhipidocera, 518.
Rhipiphorus, 606.
Rhipiptcres, 111, 1075.
Rhizobius, III, 893.
Rhizophagus, 358.
Rhizorius, 833.
Rhizotrogus, 439.
Rhodocera, III, 247.
Rhœbus, 784.
Rhopalocères, III, 159
Rhyacophila, II, 563.
RHYACOPtliLlDES, II, 563.
Hhynchites, 656.
Rhyncliopiion, III, 1086.
Rhyphides, m, 963.
Rhyphus, 111, 963.
Rhysodes, 561.
Rhytigasler, III, 29.
Ricania, III, 861.
Ricinient^, III, 1082.
Ricinus, III, 1085.
Rosalia, 723.
Rutela, 463.
N
Sacium, 834.
Saga, II, 176.
Sagra, 762.
Saldiens, 111, 830.
Saperda, 746.
Saphromyza, III, 1060.
Sapyga, II, 988.
Sapygides, II, 987.
Sarcophaga, III, 1050.
Sarcophages, 111, 1050.
Sarcophila, 111, 1050.
Sargiis, III, 987.
Saturnia, III, 475.
Satyrides, III, 202.
Salyrus, III, 210.
SCAPHIOIDES, 356.
Scaphidium, 356.
Scapteriscus, 11, 130.
Scapterus, 266.
Scarabifius, 471.
Scarabées des arbres, 429,
— des fleurs, 429.
— de terre, 405.
Scarabéiens, 399.
Scarites, 265.
Scalella, III, 1057.
Scatophaga, III, 1060.
Scaurus, 574.
Scelothrix, III, 267.
ScÉNOPiNES, m, 1024.
Scenopinus, III, 1024.
Schirus, 111, 795.
Schizocera, III, 55.
Schiznduclylus, II, 156.
Schizorieura, III, 888.
Schœnobius, III, 678.
Sciapteron, III, 297.
Sciara, III, 967.
Scirtes, 519.
Scodiona, 111, 639.
Scolia, II, 982.
Seolieii!«, II, 980.
SCOLIIDES, II, 981.
SCOUINES, II, 981.
Scoliopteryx, III, 623
!§coIyticns, 632.
Scolytus, 640.
Scoparia, III, 671 .
SCOPARIDES, III, 671.
Scopula, 111, 669, 671.
SCOPULIPÈDES, 11, 745.
Scotiiius, 579.
Scotobius, 574.
Scutellera, 111, 791
Scydmgenus, 324.
Scydménides, 323.
Scymnus, 831.
Sécrétions, 50.
Seinblis, II, 514.
Sens (Organes des), 82.
Sepedon, III, 1064.
Sepsis, III, 1064.
Seraptia, 599.
Serica, 434.
Sericaria, !1I, 386.
SÉRICARIDES, III, 386.
Sericostoma, II, 55r>.
iSÉRICOSTOMATlDES, II, 554.
TABLE AI.PHATÎÉTIOUE.
1109
Serropalpus, 598.
Sesia, III, 298.
Sésiens, III, 291.
Setodes, II, 558.
Siagona, 26^.
Siagonium, 307.
SlALIDES, II, 514.
Sialis, II, 51/i.
Silis, 534.
Silpha, 350.
SiLPHIDES, 347.
^iilphicns, 343.
Simulia, 111, 974.
SmuLiDES, III, 973.
Simulium, III, 974.
Sinodendron, 397.
Sinoxylon, 558.
Siona, III, 646.
Siphlurus, II, 391.
Siphonaptères, III, 1085.
Slrex, m, 58.
J^iriciens, III, 58.
Sisyphiis, 412.
Sisyra, II, 455.
Sitaris, 627.
Sitophagus, 583.
Sitotroga, III, 758.
Smerinthides, 111, 307.
Smerintlius, III, 308.
Smynthurus, 111, 1081.
Sparasion, III^ 43.
Sparmannia, 457.
Spastica, 625.
Spercheus, 329.
Splioenotiiecus, 722.
Spliœridium, 337.
SphiTjrites, 347.
SphiTirocera, III, 1060.
Sphserodema, 111, 841.
Sphœroderma, 808.
Spliaeroderus, 274.
Sphœrolus, 589.
Sphecodes, II, 819.
Sphégides, II, 962.
I^plicgifns, II, 961.
Spheniscns, 589.
Sphex, II, 963.
Sphingides, 111, 312.
•^phingicns, III, 302.
Sphinx, III, 312.
Sphodrus, 270.
Spilomyia, III, 1033.
Spilosoma, 111, 367.
Spilothyrus, 111, 266.
Spondylis, 720.
Stalagmia, 111, 642.
GlliAHD.
Staphylinides, 309.
Stapliyliniens, 299.
Stapliylinus, 310.
Statiru, 601.
Slegoplerus, 476.
Sténides, 303.
Stenobothrus, II, 222.
Stenoceriis, 655.
Stenocorus, 734.
Stenophylax, 11, 553,
Stenopsocus, II, 301.
Stenopterus, 732.
Stenopteryx, 111, 1069.
Stenosis, 573.
Steiiostoma, 631.
Stenotrachelus, 596.
Stenus, 303.
Stephanus, III, 32.
Sternorhynques, III, 877.
Sleropes, 111, 272.
Stilicus, 302.
btizus, 11, 949.
Slomoxys, 111, 1052.
Strachia, 111, 798.
Strangalia, 737.
l§tratioiuiens, 111, 984.
Slratiomys, III, 984.
Strepsitères, 1 075.
Stygia, III, 288.
Stylopiens, III, 1076.
Sty!o[is,Ill, 1077.
Syllitus, 736.
Sylvanus, 375.
Symmela, 436.
Synagris, 11, 897.
Synchila, 372.
Syneta, 783.
Synlhocus, 666.
Syntomides, m, 342.
Syritoinis, III, 343.
Syrichlhus, 111, 267.
Syromaster, 111, 802.
l^yrphiens, 111, 1024.
Syiphus, 111, 1028.
Syrtis, 111, 818.
Syzygops, 666.
Tnbanicns, III, 978.
Tabanus, 111, 980.
Tachina, 111, 1045.
Tachinides, III, 1043.
Tachinus, 313.
Tachydromyia, 111, 992.
Tachygonus, 691 .
Tacuyporides, 312.
Tacliyporiis, 313.
Tachytes, II, 954.
Tachytides, II, 953.
Tajniaptera, III, 1064.
Tagiadides, III, 273.
Taons, III, 980.
Tarsostenus, 544,
Tatua, 11, 883. .
Teiflus, 274.
Tégumentaire(système),51.
Teicliomyza, 111, 1057.
Téléphorides, 532.
Telephorus, 533.
Temnocliila, 373.
Tenebiio, 583.
TÉNÉBRIONIDES, 581.
T('nébrioniens, 567.
Tengyia, 11, 991.
Tenodeia, 11, 80.
Tcndirt-'dinien.s, III, 52.
Tenthredo, 111, 55.
Tephrilis, 111, 1065.
Termes, II, 273.
'reriititicn.««, II, 261.
Tcrmopsis, II, 270.
Te.sseratoma, III, 799.
Tète, 57.
Tetralobus, 508.
Telralonia, II, 757.
Tctrainèi'eM ( Chalci -
diens), III, 39.
Telraueura, III, 890.
Telraonyx, 616.
Tclraophthalmus, 750.
T6(i-apoflc»i, III, 161.
Te'ratoma, 598.
Tetticides, II, 255.
Tettigia, 111, 855.
Tettigometra, III, 862.
Tetligonia, 111, 874.
Tcllix, II, 255.
Telyra, 111, 791.
Thais, m, 254.
Thanmotiizori, II, 192.
Thanaos, IH, 266.
Than.isimus, 543.
Thecla, 111, 237.
Theoclytes, 11, 88.
Théoglytites, il, 88.
Therates, 249.
Therev.'i, 111, 1019.
Thespis, 11, 84.
Thespites, II, 8! .
Thoracaiilha, 111, 37.
III. — 69
1110
Thorax, 60.
Thrips, III, 1073.
Thrjpsiens, IH, 1072.
Thymalus, 358.
Thymele, III, 265.
Thymelicus, III, 270.
Thynnides, II, 995.
Thyreophora, IH, 1059.
Thyrididks, III, 345.
Thysania, lll, 583.
Thysanoptères, lu,
1072.
Thysanoures, 111, 1077.
Tibicina, III, 856.
Tillus, 542.
Timarcha, 789.
Tinea, III, 744.
Tineiniens, III, 719.
Tingis, III, 820.
Tingiticns, III, 820.
TiPHiiNES, II, 986.
TipuUi, III, 959.
Tipulairesflorales, III, 973.
TiPULiDES, III, 955.
— FONGICOLES, III, 964.
— GALLICOLES, III, 968.
Tipuliens, III, 955.
Tiresias, 384.
Titanus, 719.
Tniesislernus, 739.
Tolyphus, 560.
Tomicus, 642.
Tortriciens, III, 685.
Toririx, III, 688.
Toxicum, 582.
Toxodera, II, 87.
Toxophora, III, 1014.
Toxotus, 735.
Trachyderes, 722.
Trachynotus, 575.
Trachys, 494.
Trachyscelis. 585.
Tragocerus, 738.
Trama, lll, 893.
Trechus, 283.
Tribolium, 587.
Trichiajres, 475.
Trichiiis, 476.
Trichognathus, 262.
TrichoptèrcSj 11, 522.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Trichoptérygïens, 362.
Trichopteryx, 363.
Tricondyla, 250.
Tridactyliis, II, 121.
Triecphora, 111, 871.
Trigona, II, 723.
Trigonia, III, 620.
Trigonidium, II, 154.
Trigonotarsus, 703.
Trigonotoma, 269.
Ti-iiuèrcs (Chalcidiens)
III, 40.
Triiiodes, 380.
Thphœna, III, 601.
Triplax, 818.
Tripoxylixes, II, 928.
Tripoxylon, II, 929.
Triscolia, II, 982.
Trixagus, 496.
Trochilium, III, 297.
Troglorhynchus, 673.
Trogosita, 372.
Trogus, 290.
Tropidia, III, 1033.
Trox, 427.
Truxalis, II, 217.
Tryphonides, III, 19.
Tiyxalis, II, 217.
Tsetsé, III, 1053.
Tyloceius, 532.
Typhlocyba, III, 876.
lYPHLOCyBIDES, III, 875.
Tyrus, 321.
Uloma, 586.
Upis, 583.
Urania, III, 563, 564.
Uranidia, III, 563.
Uraniens, III, 561.
Urapteryx, III, 631.
Urocerus, III, 58.
Usia, III, 1015.
Valgus, 477.
Vanessa, 111, 179.
Vappo, III, 987.
Velia, m, 836.
VÉLIDES, III, 836.
Ver à soie de l'ailante,
III, 511.
— du chêne, III, 480.
— du mûrier, III, 386.
Verlusia, 111, 801.
Vermileo, III, 1021.
Vespa, II, 845.
Vesperus, 733.
Vespides, II, 845.
Tespiens, II, 840.
Vieta, 575.
Volucella, III, 1025.
Xenos, III, 1077.
Xiphidium, II, 182.
Xiphydria, III, 59.
Xyela, III, 57.
Xyletinus, 553.
Xylocopa, II, 749.
Xylocoris, 111, 817.
Xylota, III, 1032.
Xylotrupes, 471, 728.
Ypoflomeuta, 111, 729.
Yponomeutides, III, 725.
Zabrus, 271.
Zegris, III, 245.
Zereiis, III, 641.
Zeuzera, 111, 289.
Zeuzérides, III, 289.
Zicrona, III, 794.
Zonitis, 625.
Zoolea, II. 88.
Zophosis, 570.
Zuphium, 263.
Zygsena, II, 331.
Zygénides, III, 331.
Zygéniens, III, 330.
Zygia, 538.
Zygoptères, II, 353.
ZOOPHTIRES, III, 1081.
FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE
Bourloton. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris.
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