Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at |http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl
LES
■
IRLANDAIS BN'aMÉRIQUE
AVANT COLOMB
1
E'AFKÈS LA T ,-F-iC^EITDE ET X.UlSXOIiftE
COLONISATION DE LIRI.AND IT MIKI.A
Paul GAFFAREL
„,,„.„„„_,..,„ ,_„„^
1
lUBiiiÉi: MB M. l. DRAPErRON
PARIS
INSTITUT GÉOGHAI'UIQUE LtE PAIUS
Cil. DELAGRAVE
\
15, HUE SoUfïLuT, 15
1890
. ._. _ J
'"m
LES
IRLANDAIS EN AMERIQUE
AVANT COLOMB
COLONISATION DE L'IRLAND IT MIKLA
PAR
Paul GAFFAREL
EXTRAIT DE LA REVUE DE GÉOGRAPHIE
DmiGÉB PAR M. L. DRAPEYRON
PARIS
INSTITUT GÉOGRAPHIQUE DE PARIS
CH. DELAGRAVE
15, RUE SOUFFLOT, 15
1890
^A
THii îW YORK
489740
i
K
LES
IRLANDAIS EN AHÉRIQDE AVANT COLOMB
d'après la légende et l'histoire
COLONISATION DE L'IRLAND IT MIKLA
L'Irlande au moyen âge ne fut pas seulement la terre des saints, mais aussi
le pays des voyageurs. Énergiques et remuants, fiers de leur indépendance,
les Irlandais semblaient avoir hèrilé des qualités de leurs ancêtres légendaires,
les Phéniciens ^. Comme eux ils aimaient le changement et l'activité, comme
eux ils n'hésitaient pas à porter dans. d'autres régions leur génie d'entreprise.
La mer, qui de toutes parts les entourait, les attira de bonne heure. Elle par-
lait à leur imagination avec ses couleurs changeantes, ses horizons mobiles et
les merveilleux phénomènes dont elle est le théâtre. Aussi ne craignaient-ils pas
d'affronter ses orages sur leurs barques s recouvertes de cuirs grossièrement
cousus, qui rappellent lesbaïdares des modernes Esquimaux, et qui déjà frap-
paient d'étonnement les marins de l'antiquité . c Un peuple nombreux s'agite
? là, écrivait Avienus 3, ayant l'esprit fier et une grande activité. Tous sont livrés
^ exclusivement aux soins du commerce, ils traversent la mer dans leurs canots,
^ lesquels ne sont pas construits en bois de pin ou de sapin, mais fabriqués en
^ peaux et en cuirs. >
Ce fut surtout quand l'île devint chrétienne que les Irlandais éprouvèrent
comme un impérieux besoin d'aller chercher et de porter au loin la science et
la foi. L'Irlande mérita bien le surnom d'Ile des Saints, à cause du grand
nombre de ses monastères, de l'instruction de ses prêtres et surtout de l'en*
traînante ardeur de ses missionnaires. On les trouvait dans tous les pays et
sur toutes les mers d'Occident. Dans leurs visions mystiques s'offraient à eux
des peuples à initier à la loi du Christ. Excités par la lecture des livres saints
et des ouvrages scientifiques* alors connus, et comme enfiévrés par l'habitude
1. De Rougemont, VAge de bronze, pp. 255, 371.— De Lasteyrie, Revue des Deux
Mondes, 15 avril 1867.
2. Le corium, curica ou curach des anciens Celtes est décrit par César (De Bello
civiliy I, 54), Lucain {Pharsale, IV, 130-5), Pline (Hist. naturelle. Vît, 57), Solin
(Polyhistoriay 72).
3. Avienus, Ora marititna, 98-107. Multa vis hic gentis est, — Superbus animuSi
efficax solertia — ...Mon hi carinas quippe pinis texere, — acereve norunt. Non
abiete, ut nsurest, — Gurvant faselos ; sed rei ad miraculum, — Navigia junctis
semper aptant pellibus, — Corioque vastum sœpe percurrunt salum.
4. Dicuil {Demensura orbis ierrae, § VU, édition Letronne) cite Priscien, Solin,
Pline, Isidore de Séville, Philoemon, Xénophon de Lampsaque, Pythéas et Onésicrite.
i LES IULANDAIS EN AMKIIIQUE AVANT COI.OMK.
(le la tiiùi!i([iIion religieuse en face de rOccan, [es saints d'Erin, à partir dn
\T siècle, cherchent des mondes inconnus à conquérir à la foi nouvello.
Pendant que Columba' ut ses disciples immédiats parcourent, la croix en
main, l'Europe barbare, d'autres moines, leurs compatriotes, s'aventurent sur
l'Océan et ont la gloire de découvrir des peuples ignorés et le bonheur d'en
faire des ehréliens. Vers l'an 565, se trouvant ;i h cour de Bnideus, roi des
Pietés, en présence du chef des Orcades, Coluniba avait déjà l'occasion de re-
commander k ce dernier^ quelques-uns de ses moines qui s'étaient aventurés
sur l'Océan, i Quelques-uns des nâlres, lui dit'il, ont émigré dernièrement a?ec
l'espoir de trouver un pays désert, dans la mer impénétrable ; peut-être après
de longs détours arriveront-ils aux lies Orcades ; fais donc des recommanda-
tions pressantes à ce chef, dont tu as les otages en Ion pouvoir, afin qu'il ne
soit pas fait de mat aux nôtres dans la limite de ses Etals. » Les successeurs
immédiats de Columba suivirent son exemple et continuèrent leurs périlleux
voyages^. Dans les siècles suivants ce mouvement d'émigration s'accentua
encore, i Les essaims sacrés des moines irlandais, écrivaitsaint Bernard', se
sont répandus sur toutes les nations étrangères. On aurait dit une inonda-
tion. » < L'babilude des voyages est devenue chez eux une seconde nature »,
disait au tx' siècle Walafrid Strabon ^, et un autre de ses contemporains s'ex-
primait encestermes : ( Que dire de l'Irlande, qui, méprisant les dangers de
rOcéau, émigré presque toute entière avec ses troupeaux de philosophes et
descend sur nos rivages 1 > Ces troupeaux de philosophes, dont il est ici parlé
non sans une nuance d'ironie, avaient été organisés en confréries par Columba^
et par ses disciples immédiats. On les nommait tantôt les Guidées, c'esl-à-dirc,
d'après une étjmologie assez contestable, les Cultores Dei, tanlût les Papae,
c'est-à-dire les Clercs'. Leur fondateur leur avait donné pour costume la tu-
nique blanche ", sans doute par allusion au plumage de l'oiseau symbolique dont
il portait le nom. Les l'apae conservèrent pieusement cette tunique, qui devint
1. Lu vie de Columlig, a été £crite par Adamnan, et insérés dans la coUection
des Dollsadisles, ti 1^ date du 3 juin. Elle a été rééditée p^rW. Kcevcs, Dublin, 1H57.
On peut encore consulter sur Columba Mackenzie, Scotch luriler» ; — Buller, Life of
tht saints; — Jotinaon's, Joumetj (o Ihc Western hlea.
1, Adaninan, ouTr. cité, n Aliqui es nostria nuper emigr^vcruDl. degertum in
pelat;n intransiiieabili invenire nplûiiles, qui f)irle post longos circuitus Oreudes deve-
nerunt insulas; huic rei-ulo. cujuB obsîdes in manu tua sunt, diligeotcr commenda
no ïliquid adversi intra teniimos ejus montra cot Dat. s
.1. Vuir In prophÉlin ile saint Moctil» de Lugtimogb dans la Vie de Columba par
Adamnan : ■ Nomen Golumbas ppr omaes insularum occani provincias divulgabitur
i. Saint Bernard, Vie de saint .Valaehie, p. 5. « In exteras etiam nstioDea, quasi
iimndatianel'acla, ilta se;e sanctorum examina cITude ru n t. i
5. Citiï [isr Monlalenibcrl, tiaines d'Occident, IX, 1.
t;. D. Uonquel, Prélace de la vie lie saint Germain. 1. VIIL, p. 503. « Ouîd Hiber-
niam memoreni tonlompto pelagi diatrimine, pone lotam cum grega philosophorum
ad nusira lillom migrantem. n
7. Ce mot est aoluelleoient réservé par les catholiques pour désigner le souverain
sens, dans l'nlli^niand ;f/nflè, le russe ;wp, le polonais jinp, !c magjar jiap, et le fin-
nois lui/ipi.
S. l'iipBi' ifTii propler albas \esles. quibusul clericl induebantur, tocati lunt, unde
iii leulonica Itnguaomnics clerici papae dicuDlur (Brève Cbronicon Norvegiae, dans
Monvmenla hiilorica Norvegiœ (ISâO), pp. 69, SOS).
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 5
pour eux comme un signe distinctif, et lu transportèrent dans tous les pays où
les entraîna leur humeur voyageuse.
Nous n'avons pas à raconter ici les courses, soit des Irlandais, soit des Papae,
à travers l'Europe barbare ou le bassin de la Méditerranée. Attachons-nous à
leurs pas seulement dans la direction de l'Atlantique et des régions occiden-
tales, où ils feront d'importantes découvertes et réussiront même à fonder des
colonies.
Il y a deux parts à faire dans ces voyages : la première, toute de tradition,
mais de tradition persistante, est marquée par des légendes soit d'origine
païenne, soit d'origine chrétienne. La seconde repose sur des témoignages
plus authentiques ; elle est marquée par les voyages des Papae dans l'Atlan-
tique et par la colonisation de l'Irland It mikla ou Petite Irlande. Nous les
étudierons successivement.
I
Le premier de ces Irlandais au cœur intrépide dont la légende a conservé
le souvenir se nommait Condla le Beau^ U était fils de Gonn Cet Chathac, roi
d'Irlande de 123 à 157 de notre ère. Un jour, se trouvant avec son père sur le
sommet de l'Usnech, dans le Meaih, une femme lui apparut et lui annonça
qu'elle habitait € le pays des vivants, où l'on ne connaît ni la mort, ni le
péché, où l'on est perpétuellement en fêtes ». Elle l'invita à le suivre : c Viens
avec moi, Condla le Rouge, au cou tacheté, à la belle face et aux joues ver-
meilles, tu ne perdras rien de ta jeunesse ni de ta beauté jusqu'au jour du
terrible jugement. > Le vieux roi, qui l'entendait sans la voir, recourut aux
incantations des Druides pour se débarrasser des obsessions de l'inconnue ;
elle disparut en effet, mais en jetant à Condla une pomme. Le jeune prince
tomba aussitôt dans une noire tristesse, il repoussa toute nourriture et toute
boisson, et ne mangea plus que de cette pomme, qui restait intacte. Au bout
d'un mois, l'inconnue reparut et renouvela son invitation. Conn surpris, car il
entendait sans voir, interrogea son fils, c Je suis bien perplexe, répondit ce
dernier. J'aime les miens par-dessus tout, mais le chagrin me ronge à cause
de la dame. > Celle-ci dit alors d'une voix mélodieuse : c Beau jeune homme,
pour être exempt de la tristesse que te causent tes devoirs, c'est dans mon
curach (esquif) de cristal que nous devons nous réunir, si nous voulons gagner
le tertre de Boadag. 11 est une autre terre qu'il y aurait profit à chercher.
Bien qu'elle soit éloignée et que le soleil baisse, nous pouvons l'atteindre avant
la nuit. C'est le pays qui charme l'esprit de quiconque se tourne vers moi. >
1. La légende de Condla a été conservée par le Leabar na huidhri, ou livre delà
brune peau, ainsi nommé à cause de la couleur du parchemin sur lequel est écrit le
manuscrit. L'auteur du poème se nommait Moelmuiré. Il vivait vers Tan 1000. Le
Leabar nah uidhri a été publié en 1870 parTAcadémie royale d'Irlande. La légende
de Condla a été rééditée et traduite en {anglais par J. 0. Beirne Crowe dans The
Journal of the Royal historical and archaeologtcal Association of Ireland, 1874,
e LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMIi.
A peine eut-elle achevé, que Condla se jela dans le canot de cristal, qui bien-
tôt disparut dans uu lointain brumeux. Depuis ce jour personne n'a revu
Çondln.
Cette légende était populaire en Irlande. On la retrouve sous diverses
formes, cl modifiée par les civilisations et les religions différentes ; mais le
fond subsiste le mâme : il s'agit toujours d'un voyage par mer, dans la direc-
tion de l'ouest, à la recherche d'une terre merveilleuse, et les Irlandais se
laissent toujours entraîner avec une singulière facilité à ces lointaines entre-
prises. Dans une autre légende, presque aussi populaire que la précédente,
celle de Cuculain, prince do Cualaigue et Huirthemne, dans l'OIsler, il est
question d'un pays situé à l'ouest, au delà de la grande mer. 11 se nomme
tanldt Diulsid, collines des Fées, tanlût Teu, mag. Trogaigi, la puissante
plaine de Trogaigi, et le plus souvent Mag mell ou plaine des Délices. Ou y
trouve dû tout en abondance. Les arbres sont toujours chargés de fruits, et tel
de ces fruits est assez gros pour nourrir trois cents hommes. C'est là qu'on
trouve l'arbm d'argent au sommet duquel brille le soleil, et la fontaine qui
ressemble à la corne d'abondance de l'antiquilé classique, et la cuve d'hydro-
mel qui ne désemplit jamais, là surtout que vivent des femmes d'une beauté
resplendissante, dont la plus belle, Fand, fille d'Ald Arbal, a pourtant été
délaissée par son mari Macnannan. Fand a entendu parler du héros Cuculain,
et demande sa main. Cuculain, qui a déjà femme et maîtresse, ne sait trop
que répondre et envoie deux fois en reconnaissance un de ses «ervîteui's.
Séduil par les rapports enthousiastes de son messager, il se décide à passer la
mer, aborde en Mag mell et épouse la belle Fand, puis il retourne en Irlande
auprès de son ancienne femme, la jalouse Emer, mais en compagnie de sa
nouvelle épouse. Les de us rivales se rencontrent, mais, au lieu d'en venir
aux mains, elles font assaut de générosité. Tout fmit par s'arranger, lorsque
riiilidèle Macnannan revient chercher Fand ; et Cuculain, qui ne peut se con-
soler de son départ, boit un breuvage magique qui lui donne l'oubli'.
Un autre héros de la légende irlandaise, Léogaire, semble avoir plus volon-
tiers accommodé sa vie aux exigences de sa nouvelle situation. C'était le fils
de Cremlhand Cass, roi de Connaught. Il s'était embarqué pour aller secourir
au delà des mers le roi des SiUs, Fiacha mac Relach. Il obtint en récompense
la fille de ce dernier et se retira avec elle dans le Dun mag mell ou citadelle
de la plaine des Délices. Au bout d'un an de séjour, il revint en Connaught ;
mais comme son beau-père l'avait averti que, s'il mettait pied à terre, il no
poui'rait pas rentrer au Mag mell, Léogaire resta sourd aux supplications de
son père, et répondit à ses oflres d'abdiquer en sa faveur i qu'une seule nuit
chex les Sids valait mieux que toul le royaume paternel s. En eQ'et, il alla
rejoindre sa femme et gouverner le Jlag mell -.
1. Les aventures de Cuculain ne sont connues que par des extraits juxtaposés de
textes diflïreiils, que le compilateur n'a pas toujours réussi à accorder. On les trouve
dans le Leabar na h uidhri (p. i3-50}, déj'il cité. Cf. E. Windish, Irische texte,
p. 2U5-aâ7. Curry, Tlie Atlantm, 11 juillet tS58, pp. 370-392, Jl janvier 18.J9, p. SH-
12t. 36a-3U9. BoauïoiB, Elysée tramailantique, Ï90-293.
t. Robert Alkinson, The Book of Leinster, somel'mie cûlied Ihe Book of Glenda-
Imgh, Duljlin, 1880, p. 275-276.
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB, 7
Le Mag mell n'est pas la seule région transatlantique dont il est parlé dans
les légendes irlandaises. II est également question d'autres contrées tout
aussi merveilleuses, où abordent les Fianns, ces héros des poèmes ossia-
niques, dont le nom, parait-il, a été usurpé par les modernes Fenians. Les
Fianns sont les ennemis des Dananns. Ils ont réussi à les expulser d'Irlande, et
les ont obligés à chercher un refuge dans les lointaines régions au delà de
l'Atlantique, dont on connaissait vaguement l'existence. Les Dananns, bien
qu'acclimatés dans leur nouvelle pairie, n'ont pas oublié le sol natal, et y
font de temps à autre de passagères descentes. Seulement, comme ils sont
devenus magiciens, ils recourent à de misérables artifices pour assouvir leur
vengeance. L'un d'entre eux, Avarta, se métamorphose en pirate, se cache sous
le nom de Giolla Deacair et entre au service du chef des Fianns, Fionn Mac Gum-
bail, celui que Macpherson immortalisera bien des siècles plus tard sous le
nom de Fingal. Un jour, il entraîne à sa suite quinze Fianns et les fait monter
sur un cheval diabolique, qui marche plus vite que le vent, et traverse la
grande mer. Les flots s'ouvrent devant eux, et bientôt ils abordent dans la
grande terre de l'ouest, où les attendent les Dananns. Fionn s'élance à leur
poursuite, aidé par deux vaillants compagnons, Feradath et Folt-Leabhar, et,
à travers les tempêtes et les ténèbres, s'engage dans l'Océan. Ils arrivent près
d'une roche à pic dont le sommet se perdait dans les nuages. Fionn réussit à
l'escalader et monte sur un plateau ombragé, au milieu duquel coule une
fraîche fontaine gardée par un géant. Après mainte aventure extraordinaire,
à force de battre la mer et d'errer d'île en île, les braves Irlandais finissent
par retrouver le Danann Avarta, et délivrent leurs compatriotes ^
Le fils de Fionn, Oisin» bien plus connu sous le nom d'Ossian, est aussi le
héros d'une légende dont le retentissement fut bien plus considérable, car
elle s'est perpétuée à travers les siècles ; et la fontaine de Jouvence fait en
quelque sorte partie, même à l'heure actuelle, des connaissances populaires.
Vers le milieu du xviu' siècle, un barde que l'on croit être Michel Comyn a
fondu de vieilles traditions païennes et des légendes chrétiennes et composé
un poème ^, dont le principal épisode est intitulé : Tir na n og ou la Fontaine de
Jouvence. Oisin, aveugle, chargé d'années, mais ayant toujours conservé la
croyance aux divinités de sa jeunesse et le culte idéal de la vertu et du courage,
est accueilli par Patrice, le saint national de l'Irlande. Entre le représentant
du druidisme et le champion du christianisme s'engagent de terribles contro-
verses. Le vieil Oisin ne peut contenir sa fureur, mais le saint le calme en le
priant de lui raconter des histoires du temps passé, et le héros celtique ne
résiste jamais au plaisir de se mettre en scène, alors qu'il était jeune et plein
d'ardeur. Oisin raconte que, se trouvant avec son père Fionn, il vit un jour
apparaître une jeune fille d'une merveilleuse beauté. Elle se nommait Niamh,
(la Brillante) et arrivait de la grande terre de l'ouest, le Tir-na-n-og. c C'est la
1. W. Joyce, Old Celtic Romances, pp. 223-273. — O'Curry, Lectures on the ma-
nuscript materiaU, 316-318.
2. Ce poème a été édité par Bryan O'Looney (Dublin, 1859) et réédité par la Gallic
UnioUy The lay of Oisin in the land of the Young, Cf. Beauvois, Eden transattan-
tiifuet pp. 300-S)7 ; —F. Hately Wadel, Ossian and Vie Clyde, Fingal in Ireland, Oscar
in Ireland or Ossian historical and authentic, Glasgow, 1875.
8 LES IRLANDAIS EX AMÉRIQUE AVANT COLOMB,
plus délicieuse coniréo qui existe, lui dil-elle, el la plus cùlèbve au monde;
les arbres y sodI chargés de fruits el do fleurs; le miel et le vin y sont en
aboudance. Uoo fois là tu ne craindras ni la mort, jii la décrépitude, lu vivras
dans les fêles, les jeux el les reslins, lu enteudras résonner mélodieusement les
cordes de la harpe, tu auras de l'argent, de l'or, beaucoup de joyaux, cent
épées,elc. lOîstn accepta sans trop se faire prier l'invitation deMamh, el, après
avoir pris congé de son père Fionn et de son filsOsgar, se rendit h Tir-na-n-og.
Niamh devint son épouse et lui donna trois enfants; mais on se lasse de tout,
même du bonlienr. Après trois siècles d'une existence bienheureuse, Oisin vou-
lut retourner en Irlande. Mamh consenlil à son départ, mais en le prévenant
que, s'il descendait de cheval, non seulement il ne reviendrait pas à Tir-na-n-
og, mais encore aurait son âge réel. Oisin accepta ces conditions et partit. A
peine dcharqué en Irlande, son désappointement fut gi-and. l'ersonne ne le
reconnaissait. Tous les Fianns étaient morts. Des ronces et des chardons pous-
saient sur l'emplacemonl de son ancienne résidence Almhuin. A ce moment,
plusieurs hommes l'appelèrent à leur aide, écrasés qu'ils étaient par une
lourde dalle. Oisin, sans descendre de son cheval, leur tendit In main, mais
la sangle du coursier so rompit, il fut jeté i^ terre, et devint aussilèl vieux,
caduc et aveugle.
Tir-na-n-og, ou, si l'on préfère, la fontaine de Jouvence a, depuis Ossian,
été célébrée bien des fois, el c'est toujours il l'ouest que l'ont placée les diffé-
rents écrivains qui ont raconté celle légende. Celte fiction passionna les Irlan-
dais, portés qu'ils étaient vers le merveilleux, et cela dans une époque où
commengaient les découvertes dans l'immensité des mers inexplorées, Aussi
bien, même au xvi° siècle, l'EspaguoI Juan de Solis, qui pourtant aurait dû
être éclairé par l'expérience de ses contemporains, ne partait-il pas à la con-
quête de celte fontaine merveilleuse où l'on irouvail à la fois la santé el le
rajeunissemenl; et combien de générations, encore après lui, ont-elles cru à
l'oxislence de cette source de vie?
Assurément toutes ces légendes païennes sont étranges et fabuleuses, mais on
les a trop dédaignées. Elles cachent toutes un fond do vérité. Si les personnages
sont inventés, si leurs aventures ne sont pas croyables, au moins ce qui se
dégage de ces histoires c'est la persistance de la croyance à une grande
terre occidentale, au delà de l'Océan, et àta fréquence des relations qui exis-
taient entre les Irlandais el les babilnnts de ce monde transatlantique. Les
légendes ehréliennes qu'il nous reste maintenani à examiner sont également
remplies d'événements extraordinaires^ et les héros dont elles célèbrent les
expluils sont sans doute imaginaires, comme pouvaient l'être Condia le Beau,
Fionn ou Oisin; mais elles confirment la réalité des voyages entrepris par les
Irlandais dans la direcUon d^l'ouest, et à ce titre elles méritent de notre
part un examen attentif.
Saint Krandnn' est le principal héros de la légende chrétienne. Le récit de
1. Sur saint Braudnn on peut consulter dnns la collection des Ballandislas (éililion
Palmé, t. 111, pp. iVJlMiOa) les Aclii Sanetorum muii. — Juliiual, la Lègenitr, latine
1(J3G. — Tlionias Wright, Saint Brandan, a mediotval legend of llie sea, in tngtish
ferse ami yruse (Poruy Society, vol. XIV), Londres, IW-1. — Rev. W. T. Rees, Vila
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 9
ses aveiitares a été répandu au moyen âge, non seulement en Irlande, mais
dans l'Europe entière, et même il contribua à tourner l'attention publique
vers ces mers occidentales, où déjà certains savants avaient placé le paradis
terrestre. La merveilleuse traversée de cet Ulysse chrétien, qui pendant plu-
sieurs années erre à travers l'Atlantique et découvre, non sans dangers, des
îles et des continents, les prodiges, les invraisemblances, les absurdités même
de ses aventures ont charmé bien des générations. Raoul Glaber nous rapporte
qu'au temps du roi Robert on ajoutait une créance .absolue aux fables de la
vie de saint Brandan^. Irlandais, Gallois, Normands, Anglais, Français, Alle-
mands et Castillans les ont racontées. Elles ont été traduites dans toutes les
langues. Peut-être même ont-elles pénétré jusqu'en Orient. En France elles
faisaient partie du domaine de la poésie populaire, car nous lisons dans le
Roman du Renard :
«
Je fut savoir Ion lai Breton
Et de Merlin et de Foucoo,
Del roi Artur et de Tristan. /
Del Cbievrefol, de saint Brandan'.
Il est doue indispensable de connaître une légende qui exerça sur les con-
temporains une si grande influence et détermina quelques-uns d'entre eux à
suivre l'exemple du saint.
Brandan était Irlandais. On ignore le lieu de sa naissance. Les BoUandistes
la fixent à l'année 460. Il fut conduit, dès sa tendre enfance, à Fabbaye de
Cluainschedruil, près du mont Luachra. Ce monastère était dirigé par une
sainte femme» Ita, qui prit Fenfant en grande affection et lui fit donner une
excellente instruction ^ Dans ce milieu mystique, entouré de femmes qui exal-
taient jusqu'à la passion un esprit déjà tout porté àla ferveur religieuse, Brandan
devint comme Fenfant du miracle. 11 jouissait du don de prophétie ; on venait
de fort loin consulter les oracles de sa sagesse enfantine. Jeune homme, il
SanctiBrendani, iexie latin, pp. 251-254, et traduction anglaise, pp. 575-579 de Lit;«»
of the Cambro-British Saints of the fifth and immédiate succedtng centuries^ 1853.
— Karl Schrœder, Sanct Brandan^ etn laleinischer und drei deutsche texte, Erlan-
gen, 1871. — Herman Suchier, Notice sur cette légende et texte anglo-normand dans
Ihs Romanische Studien d'Ed. Boehmer, Strasbourg, 1871-1875, p. 553-587. —
F. Moran, Acta Sancti Brendanif Dublin, 1872. — Francisque Michel, les Voyages
merveilleux de saint Brandan à la recherche du paradis terrestre, Paris, 1878. —
Paul Gaffarel, les Voyages de saint Brandan et des Papse dans t Atlantique au
moyen âge (Société de géographie de Rochefort), 1881.
1. Raoul Glaber, 11,2.
2. Rien qu'à notre Bibliothèque nationale il existe onze manuscrits de cette
légende; Strasbourg en possédait jadis un. On signale encore celui de Saint-Gall, et
plusieurs en Angleterre. L'abbé de la Rue a donné une traduction française dans ses
Essais historiques sur les bardes, les jongleurs et les trouvères (t. II, pp. 68-87). Nous
nous sommes constamment servi de la traduction latine de Jubinal et de Fédition en
langue romane de Francisque Michel.
3. On nous saura gré d'avoir reproduit dans sa naïveté le passage suivant des Bol-
landistes : « Sancta Ita cum gaudio magno accepit sanctum infantem, et nutrivit eum
quinque annis, diligebatque vsude. Et ridens gloriosa virgo Ita cum jucundo fréquenter
animo interrogabat eum dicens : « sancte infans, quid loetiHcat te? » Parvulus di-
cebat puerili loquela : « Quia te video mihi loqui et alias tibi similes sanctas virgines ;
islœ semper me lœtificant tenentes me in mauibus suis, d Dicebat ei sancta : « Sit de
te, filt mt, gaudium in cœlum ! »
10 LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB.
entra dans les ordres sacrés et, coinnie il était de grande famille, devint
promptement abbé. Les honneurs ecclésiastiques n'alTaiblirent pas son ardeur.
11 parcourut l'Irlande et y fonda de tiombreui: monastères. Le plus célèbre
d'entre eux fut celui de Cluainsiert dans te Connauglit, dont il se réserva la
direction suprême. Trois mille moines lui obéissaient. Les plus célèbres d'entre
eux furent saint Furcy, le patron de Péroune, et saint Macluvius ou Machntus,
dont le nom est aujourd'hui porté par la Gère cité de Saint-MAlo, qui le choisit
pourson médiateur céleste. La réputation desaintolû de firandaa était si bien
établie que des prêtres romains venaient le consulter et lui soumettaient des cas
de conscience, Gienlût il ne se contenta plus d'administrer les aflaires spiri-
tuelles de l'Irlande ; son imagination le transporta dans des mondes nouveaux,
au delà de l'OcéaD, où l'avaient précédé les héros païens Condla, Léogaire,
Fiann et Oisin. BieiiIÛt il résolut d'aller conquérir ces îles mystérieuses à la
foi du Christ, et disposa tout pour une longue expédition,
Brandan avait été déjà précédé dans cette direction par un moine, Mernoc,
et par leur maître commun, Barintus. Mernoc le premier avait quitté son
monastère et s'était établi dans une Ile de l'Atlantique, prés du mont de la
Pierre. 11 y vivait avec quelques religieux de fruits, déracines et de légumes,
ne sortait de sa cellule que pour assister aux oflices. Pourtant, de temps à
autre il faisait des absences de quelques semaines, et quand il revenait, ses
babils étaient imprégnés d'une odeur délicieuse qui persistait au moins pendant
quarante jours '. * Ne voyez-vous pas, disail-il à ses frères étonnés, que je
reviens du Paradis? > On remarquera la persistance de cette odeur, surtout
quand on se rappellera que les anciens voyageurs ont été unanimes à tnea-
tionner l'air embaumé de l'Amérique tropicale, t Voi:i venir de la terre, écri-
vait l'uQ d'entre eux, le naïf Lescarbot^, des odeurs en suavité non pareilles,
apportées d'un vent chaud si abondamment que tout l'Orient n'en saurait pro-
duire davantage. Nous tendions nos mains comme pour les prendre, tant elles
étaient palpables. 1 Mernoc n'avait pasoublié son lie natale, lly revenait de temps
à autre. Dans un de ses voyages, il pei-suada à son maître Etarintus de raccom-
pagner, etle fit^monter sur une barque qu'enveloppèrent bientôt des brouillards
si épais que les voyageurs ne pouvaient se distinguer de la poupe à la proue.
Mais le soleil dissipa les nuages, et bientûl ils aperi^urent vers l'ouest une
grande terre à laquelle ils abordèrent. Après quinze jours de marche à travers
des prairies en fleurs el des arbres chargés de fruits ils n'étaient encore arrives
qu'au milieu de l'ile', et ils s'apprêtaient à traverser un grand fleuve qui
l.Jubinal, ouvr. cité: u Sonno cognnacitis in odora ïeslimenlorum meorum quod in
Paradiao Dei fuimus? » — Tune rusponildruiit fratraa dicoates : u Abba, novimua
quia iuistis in PariLdiso Dei, iiliiii saepe |>er trugrualiam vostiinentoruni abhatis nostri
probavimus quod pêne usquc ad (jii[idra);iula dica nares nastrae tenebantur
â. Lescarbot, Ukloire de la XouueUe France, édition Traas, l'aria, 18Q6, liv. IV,
g 1^, p. 51S. — Cf. Premier vujaga de Colomb, lundi S octobre : o L'air était duun
commeen Andalousie; c'était un plaisir de respirer cet air qui vraiment était em-
baumé. » Verrazuno avait également remarqué ces brises parfuméea qui annoasaieat
le continent américaio. Uariuw, auteur d'une description de la Caroline, écrira encoi'a
en lliûl. We soie't su sweel and sa stroag a smcll, as il we liad beon in Itie midat
uf some délicate gardun, abuuuding witti ail Kinds of odarirerous llowers. »
3. Jnbinal, 3-!i. Quuin «iBlissel navia ad terram, descendiiuus nos et coepimus nos
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 11
coulait de Touost à Test, lorsqu'un ange leur apparut et leur défendit d'aller
plus loin, car au delà du fleuve commençait le paradis. Mernoc et Barintus
obéirent et retournèrent en arrière. Barintus revint même en Irlande, et
ce sont ses récits enflammés qui décidèrent Brandan à se lancer sur ses
traces.
Brandan fit part de ses intentions à une centaine de moines, qui s'embar-
quèrent avec lui. Ce premier voyage fut malheureux^. La tempête, la famine
et surtout Tinexpérience de Téquipage faillirent à plusieurs reprises entraîner
la perte totale de l'expédition. Il fallut rentrer en Irlande sans avoir trouvé
File où Mernoc s'était établi avec ses compagnons.
Cet insuccès, loin d'anéantir les espérances de Brandan, les surexcita. 11
s'occupa tout aussitôt d'un nouveau voyage. Cette fois il ne prit avec lui que
quatorze ^ moines, parmi lesquels son disciple favori, Machut ou Maclov, Breton
du pays de Galles, fils du gouverneur de Gimicastum (Winchester). Les pieux
aventuriers s'embarquent pleins d'espoir sur une barque légère dont la mem-
brure était couverte de peaux de bœuf cousues ensemble. Ils emportaient des
vivres pour quarante jours. Au moment de partir, trois frères se glissent au
milieu d'eux malgré les remontrances de Brandan et ses tristes pressentiments.
Pendant quin&e jours le vent soufiQa de l'est, puis tomba subitement. Les moines
commençaient à se décourager, car ils voguaient à la rame, sans savoir où ils
allaient, et étaient à bout de force et de vivres ; mais Brandan les rassura. Au
bout d'un mois ils arrivent aune grande île, mais ne trouvent de port de débar-
quement qu'après avoir longé les côtes pendant trois jours. Ils vont de là à un
château désert, où ils trouvent une table servie et des meubles splendides.
Tenté par le démon, un des moines dérobe un hanap d'or, mais il est puni de
sa faute par la mort. Epouvantés par cet accident, les compagnons de Brandan
reprennent la mer et arrivent dans une autre lie où paissaient des brebis
toutes blanches et grosses comme des bœufs. Cette fois un homme leur apporte
à manger et se fait bénir par eux quand ils repartent. Après quelques jours de
navigation, ils se trouvent en vue d'un îlot isolé qui leur parait commode pour
prendre un peu de repos. Ils y célèbrent les offices de la nuit et du matin ,
et apprêtent leur repas, mais à peine le feu est-il allumé que l'île se mot en
mouvement.
Brandan leur dist : c Frères, savez
Purqueï pour oUt avez?
N'est pas terre, ainz est beste
U nus feïmes notre feste ;
Poissuns de mer sur les greînurs.
Ne merveilles de ço, seïgnurs.
circumire et ambulare illam insulam per quindecim dies et non potuimus finem illlni
invenire... porro quinto decimo die invenimus fluvium vergentem ad orientalem
plagam ab occasu.
1. Ce premier voyage n*est raconté que par les BoUandistes. c Quum navigio lai-
sati, quam quœrebant insulam invenire nequirent, peragratis Orcadibus, ceterisquo
aquilonensibus insulis, ad patriam redeunt. »
2. Le nombre des compagnons de Brandan n*est pas le mémo dans les diverses
relations.
12 LES IRLANDAIS Eti AMÉRIQUE AVAM COLOMB.
Pur îo ïuï volt Doua ci mener
Qui il voleit p]u«atfluer:
Sea merveillei cuni plus verrez,
En tui plus mull mieh crerrei'.
Celle préleniiue ilc élait en effet un poisson, peul-Slrt uno baleine', que,
duns leur naïve ignorance, les moines avaient prise pour un roc solitaire.
Aussi bien pareil fait devait se renouveler en 1530, si loulefois on ajoute foi à
la lettre adressée par Eric Falkendorf, évfique de Niiiros, au pape Léon X.
Voulaut célébrer la messe autre part que sur un bateau, ce prélat aurait
également débarqué sur un Ilot, qui s'aOaissa dès qu'il eut fuii le saint
sacrifice^.
Quelques jours après ce curieux incident de leur voyage, les moines irlandais
abordèrent une Ile verdoyante arrosée par de frais ruisseaux. Les arbres et
les rochers étaient couverts d'oiseaux qui venaient familièrement se perche
sur l'épaule des nouveaux débarqués. Saint Brandan, comme plus tard
saint Frangois d'Assise avec les hirondelles, engagea la conversation avec eux.
Ils lui apprirent que d'anges ils étaient devenus oiseaux, et lui prédirent
l'avenir. Le saint abbé entonne le Te. Deum, les oiseaux t'accompagnent, et les
frères goûtent un délicieux repos de cinquante jours dans cette ile qu'ils
nomment le Piiradis des oiseaux. Remarquons à ce propos que les voyageurs
qui, i. une époque relativement moderne, retrouvèrent les Açores s'étonnèrent
du grand nombre et de la familiarité des oiseaux de cet archipel ; aussi bien
le nom même des Açores vient du portug;ais açor qui signilie milan, butor.
La carte catalane de Gabriel de Valsequa, composée en 143!), et sur laquelle
figure l'archipel, menlionne en cet endroit la Ylha de Osels. Fructuoso', dans
sa Chronique, s'extasie sur les délicieuses mélodies qu'on entendait toujours
dans les bois de San Miguel. Il raconte même, avec une naïveté charmante
qui rappelle singulièrement la légende irlandaise, qu'il assista à un concert
dont les chanteurs étaient des pinsons, des serins, des merles et de; tourterelles.
H se pourrait donc que le Paradis des oiseaux correspondit àl'une des Açores.
Les compagnons do Brandan s'arrachèrent à ce lien de délices et reprirent
leurs voyages. Leur prochaine station devait être l'ilo d'Albaeus, celte île
fameuse où l'un des premiers apôtres de l'Irlande, Albauus" ou Ailblie, géué
] . Francisque Michel, ouvr. cité, vers 470-179. La version latine éditée par Jubinal
est si naïve qu'un nuus saura gré de l'avoir reproduite ici : « F.iportaverunt carnea
crudas de nave ut illas comederent soin, et pièces quoa secuni lulerant de alia in-
eula, posuerunt, que eaccabum Euper ignem ; quuni auleni minîslrarent lî^na igni,
etfervere coepisatt caecabua, coepit ilta insul;i se movere sicut unda, Fralrea vero
per mmuB intiis in n:tveai Iraxit, relictiaque omnibus dclntia in insula illa, navem
Eolverunt ut abirenl. I'uito eadem ia»ula se movit in Uceanuni. ■
. le Bestiaire d'Amaur par Ilicbnrd Kournivat, manuscrit du x° siècle qui faiaait
jadis partie de la collecliua Didol. reprisentc le vaisseau de Brandan d'abord arrêté
près de la baleine, puis soulevé par le monslre marin. Ces deux miniatures, linemeut
exécutées, ont été reproduites par Lacroix, lei Sciences elles Leltret au moyeadge,
p. 301.
3. Landrin, Histoire lies vionsires marins, p. ^1.
4. D'Avezac, Xulice des ilécourertes faites au moyen âge dans l'océan Atlan-
tique, 1S4S.
5. John Coltanus, Acta sanetoruin l'eteris et maiOTis Scotiae vel lliberniae, Lou-
vain, 1845, p. iM.
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 13
par les honneurs qu'il recevait, avait résolu de se rétirer pour y vivre en
ermite. Ils y arrivèrent après trois mois de navigation, mais en firent le
tour pendant quarante jours sans trouver un seul port. A la fin, ils s'engagèrent
dans un étroit goulet qui ne pouvait contenir qu'un navire. A peine débarqués,
ils furent reçus par un Tieillard silencieux qui les conduisit à un monastère où
vingt-quatre moines observaient depuis longtemps la règle du silence le plus
absolu. Ils n'éprouvaient aucun besoin corporel ; ils n'avaient même pas la
peine d'allumer les lampes de l'autel, qui s'illuminaient soudainement. Brandan
aurait bien voulu prolonger son séjour dans ce pays merveilleux, mais le
temps de la Pâque approchait, et les frères avaient promis de la célébrer dans
le Paradis des oiseaux.
Pendant cinq ans encore durent ces courses étranges. Chaque année, à la
même époque, une force inconnue les ramène au Paradis des oiseaux, mais à
travers les aventures les plus extraordinaires. Tantôt ils rencontrent une mer
dormante oii ils ne voguent qu'avec peine et souffrent du froid — sans doute
la mer Bétée, c'est-à-dire coagulée, dont il est tant parlé dans les romans de
chevalerie K
Dormante mer unt e morte
Ghi à sigler lur ert forte.
Pais qu'ont curut III quinzeines,
Freidur lur curt par les veines'.
Tantôt l'oiseau Gripha^, qui, de sa serre puissante enlève les vaisseaux et
les laisse retomber sur les rocliers, où ils se brisent, s'élance contre eux et va
les saisir, lorsqu'il est tué par un autre oiseau plus redoutable. Aujourd'hui
un énorme poisson « s'élance contre eux pour les dévorer, lorsqu'il est attaqué
et tué par un monstre marin plus gigantesque encore. Les moines se repaissent
des débris de ce poisson et se ravitaillent pour trois mois. Demain ils arrivent
près d'une île où ils ne peuvent descendre, mais dont la pieuse population
chante des cantiques en leur honneur. Voici qu'ils débarquent près d'une île
couverte de forêts, où poussent des vignes chargées de grappes. Il s'en dégage
deseffiuves parfumées, comme d'une chambre pleine de pommes ^ Ce trait que
nous avons déjà signalé dans l'histoire de Mernoc semble indiquer que les
pieux voyageurs étaient alors tout près de l'Amérique tropicale. Plus loin, ils
traversent une mer si transparente^ qu'ils distinguent les énormes poissons
qui s'y jouent. Bientôt la tempête les pousse vers un endroit horrible ?, qui
n'est autre que la bouche de l'enfer. Un volcan se dresse devant eux, peut-être
l'Hécla ou le Beerenberg de Jean Mayen, qui fait au loin bouillonner la mer, et
remplit l'atmosphère de vapeurs sulfureuses. D'autres îles retentissent soiisle
1. Roman de la Charrette, v. 3009. — Chanson d'Antiochey VII, 115. —Aubery le
Bourguignon. — Roman du Renart, t. III, p. 309. — Roman du comte de Poitiers,
y, 1263. — Fierabras, v. 2747. — Bauduin de Sebourc, v. 1156, etc.
2. Francisque Michel, v. 896-899.
3. /d., 1002-1031.
4. /rf., v. 954-1001.
5. Sicutodor domus pïenae pomis punicis.
6. Invenerunt mare tam clarum utvidere postent ea qaae subtus orant.
7. F. Michel, v. 1098-1212.
o
U LKS IRLANDAIS EK AMÉRIQUE AVAM COLOMB.
marleaudesCyclopes'. Judas Iscsriolc leur apparaît et leur raconle ses souffran-
ces. D«s démons les souuicUent à mille éprenves, mais ils les surmontent et,
après avoir traversé d'épais brouillards, Bnissentpar trouverune terre inconnue,
qui n'est autre que le Paradis terrestre'.
C'est tin immense continent où se renconlrenl les productions les plus variées.
L'almgsphêre y est brillante, la lumière du soleil éternelle 3.
De besli boii e de rivere
Yeieat terre mult plenera.
Grandinsesl la pr.iierie.
Qui lui dis est beal Darie.
Li flur suef mult i flairent,
Cnm li ù li piu rcpaîrenl,
O'arbrea, de fleure deliciui.
... Sam Qd i luist U cleri soleil,
K'i vient nul nue del air,
Qui del auleil tulgel le dair...
Pendant quaranle' jours les moines essayent de faire le tour de cette terre,
qu'ils prennent pour duc 31c, mais ils arrivent à l'embouchure d'un fleuve
immense qui leur prouve, comme plus lard l'Orénoque à Colomb, que l'Ile est
un continent'. C'est alors que leur apparaît un ange, qui leur ordonne de
retourner en Irlande, non sans avoir emporté des fruits et des pierres de ce
Paradis, future résidence des saints, quand le monde entier sera converti.
Les moines obéissent, et, après avoir une demiâre fois célébré la PAquc an
Paradis des oiseaux, ils regagnent leur patrie. A peine de retour Erandan
mourait, à l'âge de quatre-vingt-dix-huit ans et dans toute la gloire do la
sainteté,
Ouant à son disciple favori, Machutus, il ne se tint pas pour battu, et fit
une troisième tentative, mais la tempête jeta son bateau sur les eûtes d'Armo-
rique, non loin d'Alet. Bien accueilli par les habilanls de celte ville, il y Oïa
sa résidence, devinl son évéque, et lui donna son nom, qu'elle a depuis gardé,
Saint-Màlo^.
Telle est la légende : elle n'est pas présenlée partout de la même faijon,
mais les différences n'ont trait qu'à des aventures autrement racontées, et
d'nilleurs elles ne présentent qu'une importance secondaire. Ce qui nous
surprendrait davantage, c'est l'analogie que présente cette légende avec les
traditions orientales. Il serait même fort curieux de savoir si celle histoire
1. F. Michel, ï. 1212-143!!.
a. V. le-ti-nos,
3. V. 1732.
4. Jubinal, 515. Circumeuntes illam lerram, quamctiu fucrunt in illa, nulla nox illia
adrutt, sed lux lucebat slcut soi lucet in teiiiporc sua, et ïla per quadraginta diea
luitraverunt lerram illain, seii flnem illius mininie invenire poternnt.
5. lit., ms. Quadam vero die invcnorunt quaddam (sic) magnum ilevium, quod no-
quaquam poluerimt Iransvadere. verRcnlem ad médium insulac.
6. Joanne» a Bosco, VUa SancU Macluvii e.c meubrimin florhicensilius i'elusIUsi-
mis (Floriacenais vatui bibliotheca Benedictina, Ljon. 160â). — D'Achery et Mabillan,
Vila Snncti MnclovU ex tnsc. coil. vc d'Hérouval (Annales amictorum ordini» Sancti
lienedioii, 1668). — Sigehert do Gembloux, Yita SancU Hlaalovici sive MaehvtU
(Patrologie de Migne, t. ISO, 185-1),
LES IRLANDAIS EN AMÉRIOUE AVANT CULOM». 15
pas*a d'Irlande en Orient, ou ai les deax peuples la trouvèrent eosemblof.
Ainsi le géographe Edrisi *, tout comme l'aulenr anonyme des Voyaget mer-
veiiteux, nomme l'Ile des Brebis et le Paradis des oiseaui. Dans les Mille
HutuNuitt, le fameux Siadbad,lors d'un de ses nombreux voyages, aborde h
nie El Gbanom, où se trouvaient d'énormes brebis. A El Tbojono les oiseaux
lui donnent de raerTeilleux concerts 3. L'oiseau Rock qui l'enlËre ressemble
élrangemenl an Gripba de Brandan, et l'aventure de la baleine semble traduite
de la légende chrétienne, c Nous découvrîmes une Ile charmante dont le sol
semblait couvert d'un topis de verdure odoriférante. Le capitaine ayant fait
carguer tes voiles, tous tes marchands descendirent du bâtiment et se mirent
à manger, i boii-e, à se reposer. Tout & coup l'Ile éprouve un tremblement et
est agitée. Un crieur proclame : Voyageurs! prenei garde à vous! vite an
vaisseau! Sinon, vous êtes tous perdus! l'Ile sur laquelle vons vous trouves
est un poisson. Tout le monde gagna le b&tiraent : pour moi je restai sur l'tlc,
qui replongea presque aussitôt. >
La légende de Brandan a donc pénétré jusqu'en Orient; mais si cette odys-
sée monacale s'est partout répandue au moyen Age, c'est qu'elle avaitunfond de
vérité. Les aventures d'Ulysse auraient-elles charmé les Grecs et nous charme-
raient-elles encore sice héros de la ruse et de la patience n'avait pas existé? 11 est
vrai que les aventures du saint moine ne sont pas toujours vraisemblables; mais
qui voudrait ne retenir des légendes que ce qu'elles ont de possible retranche-
rait aussi de VOd^iiée et de toutes les autres épopées les merveilles et les fables
qui les ornent. Ainsi que l'a écrit un savant gaËliste, dont le témoignage fait
autorité, W. F. SheneeS ( c'estun romanpieuxraais quirepose snr un fon-
dement historique. Des récils fabuleux n'auraient pas été intercalés dans la
biographie de saint Brandan, s'il n'y avait pas eu dans les événements de sa
vie une entreprise pour l'extension du christianisme dans quelques Iles loin-
taines, et il ne manque pas d'indices pour montrer qu'il en fut ainsi i. Les
courses vraies ou fausses des moines prouvent du moins qu'ils n'hésitaient pas
à les entreprendre. D'ailleurs, les Iles qu'ils parcourent, le grand continent
sur lequel ils débarquent, les dangers de la traversée, tous ces épisodes cachent
peut<étre, sous le voile de la Action, de réelles découvertes. C'est i nous de
dégager le fait historique des ornements qui la dénaturent.
Ainsi nous remarquerons que Brandan et ses compagnons le dirigent tOB-
jonrs de préférence vers l'ouest, c'esl-ù-:lij'e dans la dii-ecllon de l'Amérii
et qu'ils errent au milieu d'archipels dans lesquels on reconnaîtrait sans 11
de peine les Agores, les Canaries, Madùrc, l'Islande même, ou tel autre g
deslles et des Ilots jetés entre les deux continents. Sans exiger i
lermînation des terres entrevues par les moines irlandais une précisii
possible à obtenir, il est pourtant vraisnmblablc que le Paradis des ois»
respond à l'une des Açores. Ténérllfe dans les Canaries est un ai
sans doute était en activité, Jorsquc les compagnons de B
avec effroi les tourbillons de flammes qui couronnaient sa a.
1. Reinand, Introdveti ,. .,
1. Edriii, tred. Jiubcrt, t. I, pp. f9B-30U.
3. MUle et une Nuiti, trad. aaUnnJ.
4. W. F. Sheene, Celtic SeoUamt, a hislorn o/ aaeietlti
16 LES IBLASDAIS EN AMÉBEQLE AVANT COLOMB.
di; lare qaj couraicDt sur s«s (laocs. D'ailleurs, les éruptions de l'Hécla, celles
du Ueeremberg durent encore, et rien n'empâche de supposer que Brandan
s'esl aTenluré jusqu'à ces hautes lalitudes. Quant au Paradis terrestre, ai
éloigné de l'Irlande, arrosé par de si grands fleuves, etdoQl les moines ne par-
viennent pas a faire le tour, ne serait-ce pas quelque partie du coolincnt amé-
ricain? Il ne faudrait certes point prendre à la lettre les indications géogra-
phiques des t'oijaget merneUteux, mais il semble pourtant bien constaté que
les moines naviguèrent à l'ouest, qu'ils trouvèrent des Iles et abordèrent an
continent. Ile plus, il plusieurs reprises ils rencoairèrent dans leurs courses
errantes des coreligionnaires et même des compatriotes, ce qui indiquerait
des voyages antérieurs.
Aussi bien Brandan, Mernoc, Harhu(us,ne sont pas les »euls Irlandais qui au
moyen âge se sont aventurés sur l'Océan', et dont l'histoire, singalièrement
défigurée par la légende, a conservé le souvenir. Un contemporain de Bran-
dan, Conal Deagh, riche propriétaire du Connangbt, avait trois fds qui ions
les trois avaient embrassé la carrière périlleuse mais lucrative de pirate. Ca-
téchisés par saint Coman, ils renoncèreut à leur coupable industrie, et, pour
mieux marquer leurs sentiments de pénitence, résolurent de parcourir en pè-
lerins les Iles de l'Atlantique. Ils firent donc construire un currach, ou bateau
garni de peau\, pour neuf personnes, et s'embarquèrent, en l'an 510, et dans
la haie deGallway. fendant quarante jours et quarante nuits ils errèrent à
l'aventure sur l'Océan, et abordèrent dans une Ile très peuplée, et dont tous
les habitants semblaient accablés de douleur et versaient des larmes abon-
dantes. Dans une ile voisine les insulaires étaient soumis à d'à 11 rcus es souf-
frances en expiation de leurs péchés. Après de longues courses, les tils de
Conal Dcagh linircnt par descendre en Espagne, oii ils furent accueillis par un
saint évftque nommé Justin. Celui-ci transmit ie récit de leurs aventures à
saint Coman, qui les raconta à saint Mochotmog, et c'est ce dernier qui s'em-
para de la légende pouren faire un poème.
Un autre Irlandais, M aelduin^, fils posthume d'AllilCorar Age, que des pirates
avaient assassiné, jure do venger son père. 11 construit un grand currach,
couvert d'une triple cuirasse de peaux de bœuf, et portant soixante hommes
d'équipage, dévoués à sa fortune. 11 s'embarque avec eux, et, toujours dans la
dirnclion de l'ouest, part à la recherche des assassins, l-es Irlandais arrivent
à deux ilols où ils entendent des pirates se vanter de l'assassinat d'Allil Corar
Ago, mais, au moment où ils s'apprêtent â les punir, une tempête se déclare.
Maelduin laisse amener les voiles et part à la dérive. Chemin faisant, ils dé-
couvrent plusieurs lies. Lans l'une sont des fourmis aussi grosses que des
poulains ; dans l'autre habilenl des géants qui prennent pour coursiers la crête
des vagues. Ici s'élève un palais splendide où sont dressées des tables riche-
ment servies, là s'étale un pommier qui ne porte que sept pommes, mais
chacune de ces pommes suflit pour nourrir et abreuver les voyageurs pendant
1. Rot)erL Atkinson, Tlie Bonk ofLeinsier, llublin, INBO, p. «, — Curry, Lectures,
etc. pp. 28U-29I, &S7-5M.
i. LeabkaT na h Vidlirl (ouvr, cité), pp, S2-2G. — Cf. Joyce, Old ceUie Romance,
11^-176, — Arbuis do Jubainvillc, Catalogue de la liitiralure épique de l'Irlande,
IH83, pp. I5l-I5f.
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 47
quarante jours. Sur une autre lie poussent des orangers embaumés. Plus loin,
on admire un palais taillé dans un bloc calcaire et dont toutes les ouvertures,
à Texception d'une unique porie, donnent sur une cour intérieure ornée de co-
lonnes de marbre et garnie de tables toutes servies. Voici l'île des Pleurs et
des Rires. Voilà Pile des moutons blancs et des moutons noirs, qui changent
de couleur quand ils changent de troupeau. Dans Pile des Amazones, les Irlan-
dais reçoivent un accueil empressé, mais on repousse leurs propositions ma-
trimoniales. Dans Pile des Oiseaux toute une tribu volatile à plumage varié
parle, chante et jacasse. Ici, un solitaire, de nationalité irlandaise, leur
raconte que chaque année grandit l'Ilot sur lequel il a été jeté par la tempête.
Là se dresse un pilier colossal dont la base disparaît sous l'eau et le chapiteau
dans la nue. Du sommet part un réseau conique de mailles d'argent très
larges. Les Irlandais en coupent une pour Poffrir à leur retour en ex-voto à
quelque église du pays natal. Ils arrivent enfin dans une île fort étendue dont
la surface est coupée par de hautes montagnes et par d'immenses plaines cou-
vertes de bruyères. Des jeunes filles courent à leur rencontre, et se montrent à
leur égard si peu rigides qu'elles ne veulent plus les laisser partir. Le3
compagnons de Maelduin s'arrachent à cette Gapoue transatlantique et s'ef-
forcent de revenir en Irlande. Ils trou veut encore sur leur chemin une île
boisée, dont les arbres produisent une boisson enivrante mais délicieuse, et
dans cette lie quinze moines qui, après Brandan, avaient fait un pèlerinage
dans les Iles du Grand Océan. Ces moines conservaient précieusement une
sorte de valise ayant appartenu à saint Brandan. Ils indiquèrent à leurs com-
patriotes un lac dont les eaux avaient la propriété de rajeunir. L'un d'entre
eux, Diuran Lekerd, s*y plongea, et en effet il ne perdit plus ni une dent ni
un cheveu, et garda une admirable santé tout le reste de son existence. Les
deux dernières stations de Maelduin sont ds^ns un îlot où il rencontre un pé-
nitent irlandais, natif de Tory, jadis cuisinier dans un monastère dédié à
saint Golumba, et sur un rocher où il remarque des faucons semblables à ceux
d'Irlande ; il suit la direction de leur vol pour rentrer en Europe, où il s'em-
presse, avec ses compagnons, d'aller déposer dans la cathédrale d'Armagh la
maille d'argent dérobée au pilier mystérieux.
Assurément la plupart de ces récits sont fantastiques, et même plusieurs
d'entre eux semblent imités de la légende de saint Brandan. Quelques pas-
sages méritent pourtant d'être signalés comme indiquant une vague connais-
sance de PAmériquc. Gcs oiseaux chanteurs ressemblent singulièrement aux
perroquets de la région tropicale ; cet îlot qui grandit d'année en année mf*
pelle la formation géologique des Bermudes et de quelques Antilles. Enfin k
persistance de ces voyages dans la direction de l'ouest et les rencontres IM
quentes de compatriotes semblent démontrer que les compagnons de Iheldirii
ne s'aventuraient pas dans des parages tout à fait inconnus.
On nous saura gré de rapprocher de ces légendes irlandaises d'autrett
tiens empruntées à des pays voisins, mais dont les habitants étaient les I
d'origine des Irlandais, au pays de Galles et à la Bretagne française* '
que, dans le pays de Galles, les monastères ont été détroits ayeciinib
ment extraordinaire et les moines expulsés sans pitié| à Pépoave
forme. Les manuscrits ont été disséminés, et on ne coasi^i*^
18 I,ES IIILAMJAIS EN AllÉiUlJUE AVANT COLOMB,
traditions fort vagues i. Los snvaiils ont rangâ en quatre st^riiis ces Iradilioiis
relatives aux merveilles transutbijtiques. La première a trait aux pays des
Sids ou des Fées^, que l'on place toujours à l'ouest et au delà de l'Océan; la
seconde^ se rapporte à la disparition, dès le v siècle de noire ère d'un
certain Gafran, fils d'Alddun, qui, a?ec ses hamines, fit voile pour les lies
vertes des courants, Cwerdonnan lliou, et dont on perdit la trace. Daus la
troisième et dans la quatrième série figurent toutes les légendes sur le roi
Arthur et sur l'enchanteur Merlin » : c'est surtout le mjslérieuï pays de l'ouest,
où se réfugia le roi Arthur, et ou il attend le moment de se montrer de nou-
veau pour chasser les Saxons, qui excita la verve des bardes gallois. Ce pays
se nomme Avallon, ou l'Ile des Pommes. « L'océan entoure cette île '' qui n'est
privée d'aucun bien ; il n'y a là ni valeurs, ni brigands, ni ennemis pour tendre
des eniliUches; pas de violence, pas de froid, ni de chaud insupportables; la
paii, la concorde, un plantureux printemps y régnent éternellement ; les fleurs,
lys, roses, violettes y abondent ; les arbres y portent sur la même branche des
fleurs et des fruits; sans être souillés de sang, les jeunes gens y demeurent
toujours avec la vierge du lieu; pas de vieillesse, pas de maladie, pasde dou*
leur, loiit y est plein d'allégresse; on n'y a rien en propre, tout y est com-
C'est dans un pays aussi nierccilleux, toujours à l'ouest et dans l'Atlan-
tique que des moines armoricains de S:iint-Matliicu du Finistère retrouvèrent
les pat[îarciics Ëlie et Ënocli, qui, d'après lu tradition, y attendent le jour du
jugement dernier. Ces moines expIoraientrOcéan*'.
Une fois leur navire erra trois ans sans qu'ils pussent rien voir que la mer
et le ciel. Les vivres commentaient à leur manquer, quaud ils trouvèrent sur
un Ilot une statue de femme en airain, qui du doigt leur indiquait le chemin.
In oicrtiu marium velut aerea staliat imago,
Feminaea spocie, super atdua saïa, virago,
Itla luis digitia pcrvia monstrat iter.
:s of Walei, contaiaig Ihe cijmric poem* oliri-
Poimlar Toi " ''^- -* '■"--•- --'■-
liurgh, imi-m. — Bcauvois, Eden occideninl, p. .__.
3 D W Nasli Taliesm or tlw Bards mtd Ûruids of Brdain a tranilation of the
reinmns of the earltest ii ei%h Bardi and on eTamntation of the bantic mijiteria,
Londres ISSIJ
1 Owen Junos The V p i yriait ÂrcI leoloqii of }\alM cMecled out of andeni
manu r i/f? IHIII
i F I e 1817 — Hersarl do la Vitle-
marqu Merii t M irihirin,son hUloire,
I lusln ae metaphrasUs^ repro-
duit pir I /u I itps l prittiordia, Dublin, 1639,
P j-t
( struïiui ùerin mieorum ititplor
i/eitiram liiiloT is lel ainalcf inster _ .. ., .... . ,
tndi ^iterliJQDsis I antlisun, (^ btliliotiteça ■'ooiinu Puitorti i\idani.
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 19
Ils suivent avec empressement cette indication, et dès le lendemain ren-
contrent une autre statue, qui leur enseigne encore la voie à suivre. En
effet, à leur grande joie, ils découvrent bientôt une montagne dans le lointain.
C'est une montagne d-où jaillissent des éclairs, et sur les flancs de laquelle
roulent des laves, mais elle répand une odeur merveilleuse. Les moines
débarquent et vont à la découverte dans le pays, où ils ne reùcontrent ni
hommes ni animaux. Enfin ils arrivent à une ville entourée de fortes
murailles. Tout est en or, maisons, meubles, église, mais personne ne garde
ces trésors. Au fond d'un cloître magnifique étaient pourtant deux vieillards,
qui se lèvent pour exercer les devoirs de l'hospitalité, et leur apprennent
qu'ils sont Elie et Enoch : c Un de nos jours, ajoutent-ils, est égal à cent de
vos années; ceux qui étaient enfants lors de votre départ sont maintenant
des vieillards et demain aucun d'eux ne sera en vie. Pendant votre séjour ici,
six à sept générations dé rois et de peuples se succéderont dans votre patrie,
et vous-mêmes vous serez vieillards lorsque vous y retournerez ». En effet,
quand les moines reviennent en Bretagne ils s'aperçoivent à leur grande stu-
peur que tout est changé autour d'eux, qu'ils sont accablés d'années et qu'ils
n'ont plus qu'à mourir.
Telles sont les principales légendes païennes ou chrétiennes par lesquelles
les Irlandais ont affirmé la continuité de leur croyance à l'existence des terres
transatlantiques. 11 ne faudrait point prendre à la lettre tous les épisodes de
ces légendes destinées à l'amusement ou à l'édification de ceux qui les enten-
daient raconter, mais, ainsi que l'a remarqué un des savants qui ont le plus
contribué à nous les faire connaître ^, Curry, c ces faits seraient d'une grande
valeur s'ils nous avaient été transmis dans leur forme originale, mais, dans
le cours des âges, après avoir passé par la bouche de narrateurs remplis
d'imagination, ces récits ont perdu en grande partie leur simplicité primitive
pour devenir de plus en plus fantastiques et extravagants ). Ils n'en consti-
tuent pas moins une source de renseignements fort précieux. Mais il est temps
de passer de la légende à l'histoire et de montrer comment les voyages très
authentiques qu'il nous reste à enregistrer confirment la réalité ou tout au
moins la vraisemblance des courses d*Oisin, de Brandan, ou de Maelduin.
II
Les Papae ou Culdees, c'est-à-dire les prêtres irlandais, se sont en effet
avancés, dune façon certaine, bien au delà de l'Irlande, dans la double direc-
tion de l'ouest et du nord-ouest. Plusieurs motifs les poussaient à l'émigration*
Le premier, c'est qu'ils furent en désaccord avec la majorité des catholiques
1. Curry, Lectures, etc., ouvr. cité, 289. Cf. Beauvois, Eden occidentaly p. 371 î
c G*est ainsi qu'aujourd'hui des écrivains aimés de la jeunesse vulgarisent la science
en Tencadrant dans des aventures imaginaires ou même incroyables; si, grâce à cet
appoint romanesque, leurs livres venaient à surnager seuls dans quelque naufrage des
connaissances humaines, comme ont fait les légendes gaéliques ou cymriques, nos
arrière-petits-neveux n'auraient pas plus le droit de négliger les faits positifs con-
tenus dans ces récits, que nous-mêmes n'aurions raison de nier les voyages et les
établissements transatlantiques des Gaëls à cause des fictions qui y sont mclécs. ^
20 LES IRLANUAIS EN AMÉRiQUE AVANT COLOMB,
sur (iiïors poinlE de discipline, fixiilion du jour de Piques, cérémonies eo m -
plÉraontaires du baptême, tonsure monaslique', etc. Très fidi^les aux rites de
leurmallre bien aimé, dès 06-t, plulût que de se conformer aux décisions de
la conféi'ence de Wîlby<, ils quittaient l'Angleterre et retournaient avec lour
clief, l'éTéque Colroan, au monastère d'iona. Cinquante ans plus tard, lorsque
le roi des Pietés, .\echtan^, imposa la règle romaine à son clergé, les Papae
s'exilËreni volontairement d'Ecosse. Lorsque l'Irlande à son tour fut ramenée
à l'unité catholique*, ils n'eurent plus d'autre refuge que les archipels nord-
atlantiques et s'y retirèrent les uns après les autres, mais ils furent toujours
vus de mauvais ceil par les autres catlioiiques, qui les trailaienl d'Africains
judaïsanis''.
Les Papae, d'ailleurs, renoncèrent sans trop de peine à leur patrie, cartes
régions mystérieuses du nord exercèrent toujours sur eux un invincible
attrait, c Le Seigneur a fait ce qu'il a voulu faire au ciel et sur la terre, et
dans lous les abîmes, écrivait Giraud de Camiirai'; il est admirable en ses
saints et grand dans toutes ses œuvres, mais c'est aux lointaines extrémités
du monde que la nature aSrancliic se joue daus les plus étonnants prodiges. >
11 semble que les Irlandais se soient appliqué ces paroles et aient voulu con-
nuitre ces prodiges. Dans les mers orageuses et voilées par d'épaisses brumes
qui baignent la verte Erin, et ofi l'on peut croire qu'au delà des pays habités
par les hommes s'étendent des terres inconnues ; à travers les archipels semés
sur les flots et qui sont peut-être les débris de continents disparus, les saints
Irlanilais ont aimé à s'aventurer. On cite le voyage de Baïton, le premier suc-
cesseur de saint Colomba au monastère d'Ioua, et les trois expéditions de son
contemporain Cormac. 11 est vrai qu'on n'a de détails que sur la troisième de
ces expéditions. Pendant quarante jours Cormac, poussé dans l'Atlantique par
nu violent vent du sud, dépassa toutes les limites connues, et s'avança jusqu'à
une région de l'Océan où il fui assailli par des bestioles noires, qui menaçaient
de percer avec leurs aiguillons les peaux qui protégeaient l'embarcation. Ce
détail prouve rauthcncitû du récit. Dans les mers boréales, en cfTet, certains
crustacés, particulièrement la lernaea brancliialis, attaquent les navires en
bandes innombrables. Heureusement pour Cormac le vent tomba. Il put
retourner et rentrer en Irlande'.
Le voyage de Snedghus et de Mac-Iliaglila'', tous deux d'iona, au milieu
du VE r siècle, présente également les caractères de l'authenlicité. C'est un pèle-
rinage maritime qu'avaient entrepris ces hardis compagnons. Ils errèrent de
longs mois sur l'Atlantique et découvrirent de nombreuses lies, les unes
1. Varin, Causes de la diisidence entre l'Eglise bretonne et l'E'jlise rûmame (Mé-
nioireu de l'Académio des inscriptions et be tics- lettres, 1858.)
M Ut mb t 1/ ri Oc«i(;«nt, 1. IV, pp. 170-181.
S Id pp 1 J IfaO
4 /(( t V pp 4 1 *J.
B It l i I olombieHMs des Gaëls avec le Me^iiiae (Congrès aiiic!-
r l d t t I gu ) p 78.
h t Id C mh T pographia Hibernine.
7 L tur d C ont étéracontÉes par Andamnan, l'auteurdela rie de
s il l b V lédt W. lleewes, Dublin, 1857, pp. 160-170.
8 C y f, lu (/ ncienl manuscripl inalerials of aiicieiil irUh hiitoru,
Dublin, 1878.
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMR. . 21
désertes, les aatres habitées. Un jour, la brise leur apporta des mélodies con-
nues, le sianan ou chant funèbre des femmes d'Irlande. Ils abordèrent aussitôt
et furent accueillis avec empressement par des femmes qui leur adressèrent
la parole en irlandais et les conduisirent à leur chef. C'étaient en effet des exilés
irlandais, de la tribu des Fer Rois, qui avaient autrefois massacré leur chef et
avaient été abandonnés au caprice des flots. Après avoir séjourné quelque
temps dans l'île, Snedghus et Mac-Riagbla retournèrent sans accident à lona^
Ils avaient rapporté de leur voyage une feuille d'arbre, extraordinaire par ses
dimensions, que Ton conserva précieusement d'abord à loua, puis à Tirconnel.
On la connaissait^ sous le nom de Guilefaidh de saint Golumba. En 1390,
lorsque Donnoch et Gilla Isa Mac-Firbis compilèrent dans le Leabhar Chinde
Lecain VEochtra clerech Choluim cille ou Aventures des clercs de saint
Golumba, cette feuille existait encore. Elle avait été transportée à Gennanas ou
Kells, dans le Meath. Or, où trouve-t-on ces feuilles c aussi larges que la peau
d'un bœuf)» sinon dans les régions tropicales? N'est-ce donc pas que les Irlan*
dais avec leurs simples currachs se sont aventurés jusque-là?
Nous ne pourrons que mentionner les aventures de quelques Papae dans
l'océan du nord -ouest et le commencement de la navigation de deux moines
de l'ordre de Saint-Golomba dans la mer du Nord, car les manuscrits qui les
contiennent sont encore inédits et à peu près inaccessibles, sauf à quelques
gaêlistes.
G'est avec la même réserve que nous parlerons des voyages entrepris par
d'autres Papae dans l'Atlantique. Ges voyages sont pourtant certains. Les Or-
cades et le.s Shetland furent d'abord reconnues et occupées par eux. Gette
occupation fut même si bien acceptée par les insulaires, qu'ils prirent le nom
et adoptèrent le costume de ceux qui venaient les initier à la civilisation. Au
IX* siècle de notre ère» lorsque le roi de Norvège Harald Harfagr envahit
ces archipels, il en extermina tous les habitants et les remplaça par des
païens de Norvège. Le nom des Papae se conserva néanmoins aux Orcades. On
le retrouve dans les îles Papawertra et Papostronsa, et dans plusieurs localités
de Paplay. De même, aux Shetland on signale les trois îles de Papastone, Pa-
palittle, Papa et le domaine do Papil ^
Des Orcades et des Shetland, les Papae passèrent facilement aux Feroë.
Voici comment l'un d'eux, Dicuil^, qui composa en 825 un curieux traité de
1. Beauvois (Grande terre de V ouest, p. 78) mentionne ces voyages d*après le The
2. E. Curry, LectureSy ouvr. cité, pp. 124-5, et 333-4.
3. Munch, Geographiske Oplysninger om Orknœerne, 1852, pp. 49, 52, 55, 58, 64,
67. 102 et Géographie om Hjaltland. 1857, pp. 342, 349, 354, 356, 367, 377, 381.
Le môme historien, dans ses Symbolae ad hisloriam antiquiorem Norvegiae (Chris-
tiania, 1850) a publié un passage intéressant de VHistoria Norvegiae qu'il avait décou-
verte : « PapsB vero, propter vestes albas, quibus ut clerici induebantur, vocati sunt,
unde in teutonica lingua omnes clerici papae dicuntur. »
4. Dicuii, ^e mensuraorbis terrae, édit. Letronne, Vll,3:(cSuntaliae insulae mul-
tae in septentrionali Britanniae Oceano, quae a septentrioualibus Britanniae insulît
duorum dierum ac noctium recta navigatione, plenis velis, atsiduo féliciter vente,
adiri queunt. Aliquis probus religiosus mihi retulit quod, in duobus aestivis diebus, et
nna intercedente nocte, navigans in duorum navicula transtrorum, in unam iUarum
23 LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMII.
géograpliiR, De memura orbit terrae, parle du celle découverte, t 11 y a un
grand noniljre d'autres Iles dans l'Océan au nord de la Itretagne, les vaisseaux
voguant à pleines voiles et poussés par un vent toujours favorable emploient
deux jours el deuf nuits pour s'y rendre des îles septenlrionales de la Bre-
tagne. Uu religieux digne de foi m'a raconté qu'après avoir navigué deux jours
et une nuit d'été, dans un petit bâtiment à deux rangs de rames, il aborda
dans une de ces lies. Ces lies sont petites pour la plupart, presque toutes sé-
parées les unes des autres par des détroits fort resserrés ; elles étaient, il y a
une centaine d'années, habitées par des ermites sortis de notre Scottia'. Mais,
de même qu'elles avaient été désertes depuis lo commencement du monde,
ainsi, abandonnées maintenant des anachorètes à cause des Northmans, elles
sont remplies d'une multitude innombrable de brebis et d'oiseaux de mer de
diverses espèces. Nous n'avons trouvé ces Iles mentionnées dans aucun au-
teur, j Cet archipel fut ravagé par les Northraans, comme l'avaient été les Or-
cades et tes Shetland, mais le souvenir des Papae s'y perpétua. Le pasteur
Scbrœter, qui s'est attaché à recueillir les traditions locales, rapporte qu'avant
l'arrivée des conquérants Northmans ( il s'était établi dans les lies des
hommes que l'on considérait comme des saints, attendu qu'ils avaient la puis-
sance de faire des signes et des miracles, de guérir les blessures et les ma-
ladies, aussi bien des hommes que des animaux. Ils savaient prédire si pendant
l'année la pèche ou l'état sanitaire seraient favorables Ils ne vivaient pas
2. Sclirootter, Antikvarich TidsseliTift {Ihi^^i), pp, 146-147.
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 2a
résider en quittant les Féroê. c II y a trente ans, écril-il ^, que des clercs qui
avaient demeuré dans cette île depuis les calendes de février jusqu'à celles
d'août me racontèrent que, non seulement lors du solstice d'été, mais encore
quelques jours avant et après, le soleil disparaît pour peu de temps et semble
se cacher derrière une colline» en sorte que l'obscurité dure très peu de temps.
Aussi voit-on assez clair pour se livrer à toute espèce d'occupations, et l'on
pourrait même chercher ses poux dans sa chemise comme en plein jour ; il est
probable que, si l'on était sur une montagne, on ne verrait pas le soleil se
coucher. Ils ont menti ceux qui ont écrit que cette Ile était entourée d'une me^
de glace, car les susdits clercs qui ont vogué vers cette île dans le temps du
grand froid ont pu y aborder... Il est vrai qu'à une journée de navigation au
nord de cette tie ils ont trouvé la mer gelée. »
Les Papae, comme on le voit, étaient entreprenants, et, s'ils n'avaient été
arrêtés par cette infranchissable barrière de glaces contre laquelle se sont
brisés tant d'héroïques efforts depuis Pytbeas jusqu'à Weyprecht ou Greely,
ils auraient porté leurs croyances bien au delà de l'Islande. Dans la direction
du nord, l'Islande devait être leur dernière étape. Lorsque les Northmans
abordèrent à leur tour dans l'ultima Thulé, c'est-à-dire dans le dernier quart
du IX* siècle, les Papae leur cédèrent encore la place 2. c II y avait là des chré-
tiens, lisons-nous dans les Sagas irlandaises, de ceux que les Norvégiens
appellent Papas ; mais c^s derniers s'éloignèrent parce qu'ils ne voulaient pas
rester avec des païens; ils laissèrent après eux des livres irlandais, des cloches
et des crosses, d'oii l'on peut conclure que c'étaient des Irlandais. > Dans un
antre ouvrage islandais, le Landnamabok^, ou livre de prise de possession,
nous trouvons des renseignements identiques : c Avant que l'Islande fût colo-
nisée par la Norvège, il y avait dans Ule de ces hommes que les Norvégiens
nomment Papas. C'étaient des chrétiens, et Ton pense qu'ils venaient des
contrées situées à l'ouest de la mer, car on trouva après eux des livres irlan-
dais, des cloches et des crosses et plusieurs autres objets, d'où l'on peut con-
clure que c'étaient des hommes de l'ouest. Ces trouvailles furent faites dans
1. Dicail, De mensura orbis terrae, YII. S : « Trigesimus niinc annus est a qiio
niinliavenint mihi clerici qui, akalendis febniarii usque kalendas augustî, in insula
Thule manserant, quod, non solum in aestivo solsUtio, sed in diebus circa illud, in
vespertina hora, occideos sol abscondit se quasi trans panrulum tumnlum : ita ut
nihil tenebraram in minimo spatio fiat; sed quidquid bomo operari voluerit, vel pédi-
cules de camisia abstrahere, tanquam in praesentia solis potest : et, si in altitudine
montiumejns fuissent, fositamaunquam sol absconderetur ab illis... mentientes fallun-
tur qui circum eam concretum mare fore scripserunt, nam navigantes tempore frigoris
eam intrabant, sed, navigatione unius diei ex illa ad boream, congelatum marc iu-
veneront. •
2. Aré Frodhé, Islefidina sœgur (1843), t. I, p. -4. Quelques-uns d'entre eux pour-
tant restèrent dans le pays. C'était évidemment un descendant des Irlandais, ce moine
qui, en d86, aecompagna Crick Raudhc dans son expédition en Groenland et composa
un poème intitulé Ilafgerdinghar (le ras de marée), dont le refrain a été conserve
par le Landnamabok (p. 106^ : • Je prie celui qui soumet les moines à de salutaires
épreuves de favoriser mon voyage, que le maître de la voûte céleste me tende une
iiiaio secourable. » Cf. Joergensen, Den nordiske kirkes grund breggehe og foerste
udviklingy Copenhague, 1874-6.
3. Id., Landnamabok, t. I, p. 32-36. On trouve également dans le Landnamabok
(p. 50-51) la mention d'une église dédiée à saint Columba. et qui avait été bâtie en
rhonneur d'Aslof Aslik, un des douze chrétiens irlandais qui avaient été s'établir dans
le Ràogarthnig, et qui ne voulaient avoir aucun rapport avec les païens des euvirons.
2i LES IRLANDAIS EN AMÉRIOUE AVANT COLOMB.
l'esl, à Popey et Papylé, On voit aussi par les livres anglais qu'il y avait des
relations entre ces pays, t
Tous les archi|iels de la mer da Nord, l'Islande elle-mâme, ont donc ûlè
roconnus et colonisés par les Papae; mais arrêtés par les glaces ils ne purent
pousser plus loiji leurs investigations, et chassés de leurs conquêtes par les
Northmans, ils furent obligés de reculer devant eux, comme jadis les Phéni-
ciens devant les Grecs, et de tenter de nouvelles découvertes dans cet Océan
qui jusqu'alors n'avait trompé aucune de leurs espérances. Ils montèrent de |
nouveau sur leurs currachs, et, de Icmpûle en tompéte, de naufrage en nau-
frage, finirent par aborder en Amérique dans une région qu'ils nommèrent'
rirtand it Mihia'. Seulement, avertis par l'expérience, ils gardèrent cette fois le
secret do leur décnuverte, et veillèrent avec un soin jaloux à ce qu'elle ne fût
pas connue en Europe. Ce sont les Norlhmans d'Islande qui les poursuivirent
encore dans leurs nouveaui domaines, et c'est dans les ouvrages écrits par
eux que nous trouverons la preuve de ce premier établissement d'une nalinn
chrétienne au nouveau monde.
Trois ouvrages islandais parlent de l'irland it M ikla. Le premier eslic Land-
namabok' ou livre de prise de possession de l'Islande. C'est une histoire
généalogique, sûre et positive, des principales familles islandaises du x* au
XIII' siècle. Il a été composé par Are Thorgilsson, surnommé Froiihé nu le
savant, et complété par cinq autres historiens ou généalogistes. Are Frodhé
vécut de lOC? à HiS. Voici comment il parle ^ de son iiisaïeul Are Màrsson:
( Are, fils de Màr et de Thorkatk, fut poussé par une tempête dans leHvitrara-
mannaland, que quelques-uns appellent Irland it Mikla. Ce pays est situé â
l'ouest, dans la mer, près du Vinland it Godha, et, dit-on, à six journées de
navigation de l'Irlande. Ce récit a été Sail d'abord par Hrafn Hiymreksfaré,
qui avait longtemps habité fllymrek en Irlande. Torkell Gellisson rapporta
aussi que des Islandais disaient avoir appris de Thorlinn, jarl des Orkneys,
que Are avait été reconnu dans le llvitrammannaland, et qu'il ne pouvait en
sortir, mais qu'il y était traité avec honneur. ï Voici donc un Islandais, Are
Màrsson, jeté par la tempête dans un pays oii on l'accueille bien, mais en lui
interdisant de retourner dans sa patrie. Le liruit de ses aventures se répand
néanmoins, et ce sont deux Islandais, Urafn et TorkoU Gellisson, qui le trans-
mettent au rédacteur du LandnamaboJc. Or, ce Hrafn, qui a longtemps habité
Limerik en Irlande, tenait sans doute ses renseignements de voyageurs irlan-
dais revenus du llvitrammannaland ; quant à Torkell Gellisson, il était l'oncle
paternel d'Are Frodhé ; il avait beaucoup voyagé, beaucoup appris, et transmis
une foule de récits â son neveu ; enlin il s'appuyait sur le témoignage du jarl
1, L'historien qui a. 1c micuic élucidé cette importante quenlion ils la catnnisation
irlanclni"' Tiri>''i|n"!hi''iinr' e^l M, lîoauviiis, IJécuucerte ilu A'outeau Monde par Ui
Irtii-tiltii'i . ' :>,:-;:..-,,': (,.,frv .lit chrislianhme en Amériiiue avant l'an 1000 (Gon-
grts aiLi.' ■ ■ i. .i\ . 187rii. t. I. pp. ii-li3. — lit., len Derniers Venliaes du
chTifliniu . 'NI xiv siècle dans le Marittmtd et la Grande Irlande.
Les l'"ii'- '.;■..■. ■('■ ■■' (..■7>m;ï etde l-Ar.ariie, 1B77.
3, Le hiiiidmnnnh.ii. a de puliliii par Uafn, Anliqititalea Americame, ùve scrip-
tûTes sepl&nliîtinales reiaiii ante Cotmibiarurum in America (Copenhague, 183T) et
par Riifii et Fina Magnusen, GrntnUiuds hîsloTiske mimh» mœrker (Oopenliaguo,
lKifl-1845).
3. Lnnilnamabok, part. II, j|S3, dans lalendiaa Sœgur, p. 1Î9-130.
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 25
ou duc des Orcades» c'est-à-dire d'an pays colonisé par les Papae irlandais, et
qui sans doute avait conservé des relations avec les autres colonies fondées par
ces mêmes Papae. De ce premier témoignage semble donc résulter que les
colons irlandais avaient occupé un grand pays situé à Touest, et qu*ils empé*
chaient tous les navigateurs que le hasard ou la tempête y conduisaient de
rentrer dans leur patrie.
Voici un nouveau fragment de chronique islandaise plus concluant encore.
Il est emprunté à VEyrbyggia Saga^, ou histoire des notables personnages de
la péninsule de Thorness et des Eyrbygges dans Tlslande occidentale. D'après
cette Saga, Bjœrn, fils d'Asbrand» s'était épris de Thuride de Frodhà, et resta
en bonnes relations avec elle, même après son mariage avec un certain Thorold.
De là des hostilités et des assassinats. Traduit devant le Thing pour avoir
tué deux de ses adversaires, Bjœrn partit en exil, se signala par sa bravoure,
et revint en Islande dix ans plus tard, toujours épris de Thuride. Compromis
par ses assiduités et poursuivi par la haine de la famille de Thuride, il dut
s'expatrier une seconde fois et c partit avec un vent^ du nord-est qui souffla
presque continuellement, et de longtemps on n'entendit parler de ce navire i^
C'était en 980 que Bjœrn était pour la première fois parti en exil, et aux
alentours de l'an mil qu'il avait pour la seconde fois quitté l'Islande. Or, en
1030» vers la fin du régne de saint Olaf^, un riche armateur islandais, Gudhleif,
€ ayant fait un voyage à Dublin, naviguait vers l'ouest pour retourner en
Islande, lorsque un grand vent du nord-est le poussa si loin en mer, vers
l'ouest et le sud-ouest, qu'il ne savait plus où se trouvait la terre. Comme l'été
était avancé, ils firent de nombreux vœux pour être préservés d'un naufrage,
et il arriva qu'ils aperçurent la terre. C'était une grande contrée qu'ils ne
connaissaient pas. Gudhleif et les siens prirent la résolution d'y débarquer,
parce qu'ils étaient fatigués d'avoir été longtemps ballottés sur mer. Ils trou-
vèrent un bon port, et ils étaient à terre depuis peu de temps, lorsqu'il arriva
des gens dont pas un ne leur était connu, mais il leur semblait fort que ceux-
ci parlaient l'irlandais. Bientôt cette multitude s'étant accrue au nombre de
plusieurs centaines, assaillit les navigateurs, s'empara d'eux tous, les chargea
de liens et les amena vers le haut pays. Conduits à une assemblée pour y être
jugés, ils comprirent que les uns voulaient les massacrer tout de suite, les autres
les partager entre eux et les réduire à l'esclavage. Pendant les délibérations,
ils virent arriver une troupe de cavaliers avec un étendard, d'où ils conclurent
qu'il devait y avoir un chef dans cette troupe. Lorsque celle-ci fut arrivée, ils
virent chevaucher sous l'étendard un homme grand et vigoureux, déjà très
âgé et à cheveux blancs. Tous les assistants s'inclinèrent devant ce person-
nage et l'accueillirent de leur mieux : c'est à lui que fut laissée la décision de
1. VEyrbyggia Saga a été composée après 1148, puisque elle cite le Landnamaboky
écrit à cette époque, et avant la soumission de l'Islande au roi de Norvège en 1204.
Ellea été publiée deux foisdans son entier, en 1782, à Copenhague, par Thorkelin, et
en 18t>4, à Leipzig par C. Vigfusson. Rafn en a donné des extraits avec traduction
danoise et latine dans ses Antiquitates Americanae, I, p. 530, 786. — Beauvois en a
traduit quelques fragments en français dans ses Découvertes des Scandinaves en
Amérique, du X' au xiii" sihcle (Revue orientale et américaine^ Paris, 1859).
2. Eyrbyggia Saga^ |47.
3. Eyrbyggia Saga, § 64.
2G LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB.
l'afTaîre. Le Tieillurd envoya chercher Gndbleif et ses gens, leur adressa la
parole en bn(pie norraine, ei leur demanda de qael paya ils èlaieot. Ils lui
répondirent qu'ils étaient Islandais pour la plupart. — f El quels sont les
Islandais parmi tous? > Gudhieir lui dit qu'il en était un, et saluale Tieillard,
qui lui lit bon accueil et lui deman.la do quelle contrée de l'Islande il était.
Gudlileiriui dit qu'il était du canton de [lorgarrjœrdh . «Etde quel endroit? t
Hen^eigné sur ce point par (îudhieif, il l'interrogea snr presque toutes les
personnes considérables de Itergarljœrdh et du Breidhaljœrdh. Dans ees
eniretiens il s'informa exacienieni à tous égards do Snarré Godhé et de sa
sœur Thuridc de Krodhik, et surtout de Kjartau, fils de cette dernière, qui était
alors maître de Frodhâ. »
Comme les indigènes s'impatientaient et réclamaient une prompte solution
de l'afTaire, les chef déclara qu'il laissait tes étrangers libres, mais dit-il en
confidence à Gudlileif, » alors même que l'élé voua semblerait bien avancé, je
vous conseille de tous éloigner promptemcnt, car il ne faut pas so lier aux
indigènes, et il ne fait pas bon aToir affaire à ea\; ils croient d'ailleurs que la
loi a été violée ^ leur préjudice. — Mais, dit Gudhleif, s'il nous est donné
de revoir notre patrie, comment nommerons-nous celui qui nous a sauvés?
— Je ne puis vous le dire, répondit-il, car je ne tcuï pas que mes parents
ou mes frères d'armes fassent un voyage comme celai que vous auriez fait, si
je n'eusse été présent pour vous protéger... 11 y a dans le pays des chefs plus
puissants que moi, ils ne sont pas actuellement dans la contrée où vous avez
abordé; mais, s'ils viennent, ils auront peu de ménagements pour les
étrangers. > Malgré les instances des Islandais, le vieux chef ne voulut jamais
se nommer, mais il pressa leur départ, voulut assister à leur embarquement
et leur donna quelques présents destinés à Thuride et à son lïls. c Si quelqu'un
croit savoir à qui ont appartenu ces objets, ajonla-l-il, dis-lour de ma part
que je défends i. qui que ce soit de venir me trouver; car c'est une entreprise
périlleuse, à moins que l'on n'ait, comme vous, la chance de trouver un lieu
d'ahordage favorable. Ce pays est étendu et mal pourvu de ports, et partout
un mauvais accueil attend les étrangers, ii moins qu'ils ne soient dans les
mémos circonstances que vous. > Après quoi Gudhleif et les siens se mirent en
mer et arrivèrent en Irlande à une époque avancée de l'automne. Ils passèrent
l'hiver à llyllinn (Dublin), et, l'élé suivant, ils tirent voile pour l'Islande, oCt
ils remirent les présents aux destinataires. Des personnes tiennent pour certain
que te chef indigène était lljœrn llreidhvikingaliappè, mais it n'y a pas d'autres
notions certaines à cet ég;ird que celles qu'on a rappariées. *
Certes, ces aventures sont romanesques, et la rencontre fortuite do Bjœm et
de Gudhleif semble arrangée à plaisir, mais elle n'est pas invraisemblable, et
d'ailleurs elle est consignée dans une saga islandaise, dont la véracité n'a
jamais été contestée. Si donc nous acceptons provisoirement l'authenticité do
ce récit, nous remarquerons que les deux Islandais fijœrn et Gudhleif ont tous
les deux été jetés par la tempête dans un pays civilisé, situé très à l'ouest, où
la langue irlandaise était couramment parlée, mais dont les habitants massa-
craient et réduisaient systématiquement à l'esclavage les étrangers qui
abordaient chez eux. En outre, ce pays était situé à l'ouest do l'Irlande et de
l'Islande, c'est-à-dire dans la direction de l'Amérique. Il parait donu corres-
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 27
pondre à Tlrland it Mikla, où Are, fils de Marsson, avait été précédemment
jeté.
Isième saga, celle de Thorfinn KarlsefneS composée d'après lesrela-
ou de plusieurs des Norlbmans qui découvrirent le Vinland, renferme
iage d'une importance capitale pour les établissements des Irlandais au
.fetn monde. Il y est dit que, quelques années après Tan mil, Thorfinn et ses
jikpagnons, après avoir passé trois ans dans le Vinland, c'est-à-dire, comme
nous le prouverons plus loin, en Amérique, revenaient dans le Groenland,
lorsqu'ils trouvèrent sur leur chemin cinq Skrœllings ou Esquimaux, c L'un
d'eux était barbu, et il y avait deux femmes et deux enfants. Les gens de
Karlsefne s'emparèrent de ces derniers, tandis que les autres s'échappèrent et
disparurent sous terre. Les enfants^, emmenés par eux, apprirent leur langue
et furent baptisés. Ils appelaient leur mère Vetthilde et leur père Uvaege. Ils
rapportèrent que deux rois gouvernaient les Skrœllings, Tun nommé Avalldania,
l'autre Valldidida; qu'il n'y avait pas de maisons dans le pays, que les habitants
couchaient dans des cavernes ou des trous; qu'une autre grande contrée située
en face de leur pays était habitée par des gens qui marchaient vêtus de blanc,
portant devant eux des perches où étaient fixés des drapeaux et criant fort.
On pense que c'était le Hvitrammannaland ou Irland it Mikla. »
Quels sont ces gens vêtus de blanc, sinon des Papae ou des indigènes colo-
nisés par eux et restés fidèles au costume de saint Golumba? Quant à ces
perches ornées de drapeaux et à ces chants qui avaient si fort frappé l'imagi-
nation des petits Skrœllings, n'est-il pas aisé de reconnaître une procession
et des cantiques, dont les Papae auraient conservé l'usage dans leur nouvelle
possession?
De ces trois documents irlandais conservés par le Landnamabok, par
VEyrbyggia Saga, et par la Saga de Thorfinn Karlsefne, il semble donc ré-
sulter que les Irlandais avaient découvert à l'ouest un pays auquel ils avaient
donné leur nom, Irland it Mikla, ou la Grande Irlande ; que cet autre nom de
Hvitrammannaland, ou terre des hommes blancs ou vêtus de blanc, rappelle le
costume des Papae ; qu'ils avaient conservé l'usage de la langue irlandaise ;
qu'ils étaient restés fidèles au christianisme, puisqu'ils célébraient des pro-
cessions et chantaient des cantiques; enfin qu'ils étaient sans pitié pour les
naufragés, parce que, plusieurs fois pourchassés et expulsés par les pirates
Northmans, ils voulaient, pour leur sécurité future, dissinmler leurs décou-
vertes. Donc, l'Amérique a été reconnue et en parlie colonisée par des Irlan-
1. La sà^à de Thorfinn Karlsefne, dont le texte est contenu dans quinze manuscrits,
a été publiée dans les Antiquitates Americanœ de Rafn et dans Groenlands hUtih-
riske mindesmoerker. La traduction française a été donnée par Reau\o'is (Décûuvertei
des Scandinaves en Amérique y p. 32-^).
2. Itafn, Antiquitates americanaey p. 182. Karlsefniani pueros comprehenderunt,
eeteris Skroellingis fuga elabentibus et terra déhiscente absorptis. Hos duo poeros
sacum abduxeruot, eosque linguam docueerunt et baptizarunt. Hi nominarunt matrem
Vetthildam et patrem Uvaegium, dixerunt reges Skroellingis imperare, quorum altori
nomeo esse Avalldanio, aileri Yalldidida, nullas ibi domos esse, sed in antris aut
eavemis habitari ; ex altéra parte, exadversum suam terram, aliam sitam etsa regio-
nem, quam incolerent bomines, albis vestibus induti. hos longurios prœferr^ panftii
affixis, et alta voce claniare. Hanc putant esse Hvitramannaland (Terra Homiimn
alborum), sive Irlandiam Magnam. *-
■ I
28 LES lilLANUAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB,
dais, et bien que te lémoignage des sagas islandaises manque de précision,
l'existence de l'Irland it Hikla peut c[ doit âtre considérée comme nn fait his-
loriqae*.
Deux antres documents, l'un d'origine italienne, l'autre de provenance gal-
loise, confirment la réalité de cette colonisation précolombienne de l'Amérique
par les Irlandais.
A la lin du xtv siècle- deux patriciens de Venise, .N'icolo 7.eno et Antonio
Zeno, amenés par les hasards d'une vie aventureuse dans les régions situées
au nord-ouest de l'Europe, visitèrent les nos après les autres les pays aulre-
fois parcourus par les Papae. Ils ont raconté leurs voyages et décrit les con-
trées visitées dans une relation fameuse, dont l'aullienticité a été combattue,
et que, pour notre pari, nous n'hésitons pas i) croire vraie dans son ensemble et
m£me dans ses détails. Nous aurons occasion de revenirsurcet important docu-
ment. Nous ne voulons pour le moment en extraire qu'un passage fort curieux.
NicoloZeuo rapportait qu'un vieux pécheur frislandais, c'est-à-dire un insulaire
des Féroë, avait vu dans l'ouest, vers l'an 1360, des paya riches et populeux^.
( Quatre navires de pâclieurs faisaient voile au couchant, lorsqu'ils furent
assaillis par une violente tempête qui dura plusieurs jours, et furent comme
perdus au milieu des flols. Au retour du beau temps, ils découvrirent une ile
située à l'ouest et nommée Estoliland. Ils se trouvaient alors à plus de mille
1. L'Irland it llikla d«s tagaa est mentionnée [lar Edrisi sous le nom d'Irlandeh
el Kubirali. Ce nom et plusieurs mitres délails sur les contrées ilu iNord lui ont sans
doute étâ Tournis par les NurliimanB employés à la cour de leur compalriola, le roi de
Sicile Roger II (1130-lt&l).
3. Lb relaliao des frères Zeni a éti! publiée pour ta première fois sous le titre de
DelloncoprimealoileU'UsoleFri^landa, Eslanda, EngroveianUa, Ettilanda el Icaria,
falto iolo it Polo AtUco, da due fratelli Zeni M. nicolo il K. é M. Antonio libro
uno, à la suite de I)ti commentani del viaugi in l'ersia di M. CateHno Zeno il K-,
Venise, 1558. La meilleure édition moderne est celle ds M. Major, The voijaget of llie
Venetian bvotheTi Nicolo ed Anlonio Zeno, ta lUe Northern aeag, in Ihe XIV CentUTU,
London, W3.
3. Edition Major, pp. l'J-Sl. a Si parlirono ventisei anni (3 quatlro navigli di pisca-
tori, i qiiali, assidtali da una granda fortuua, molti giorni andarouo. corne pur perdiiti
fier il iiiare.quando ilnalmeote raddolcitosi il tempo, scoprirono una isola dotta Estoli-
anda posliiin ponente. Inntaiin da Frislanda piu di mille miglia, nella quala si nippe
UD dé'iiavigti, e «ei uomini, i;lie ii'erano si'i, furonu presi da gli isolani, e roodutti à
una cilti liellissinia c molto popolala, dove il Rc, clie lo signorcg^iava, fatti venir
molti inlcrpreti a n se trovn mai alcuno chc Eapesse la lingua di ijuelli pescatori, as
non un Lalino oella otessa isola pcr fortuua m edc ai ma meute capilato, il quale diman-
dando lor la parte dcl He che crano e di dove vsnivano, raccolse il (utio, e lo riseri
al Rb, il quale iul<<se tulte questc cosc, voile che si fermassero nel paese ; perche essi
facendo il suo eomuiendimenlo per non «li potPr allro Tire sletti'ro cinque anni uplt
isola ed a p pressera 1
isola, Q narra che è ri m
poco minore di Islao m m aum
dal qualc nastouo qui m Q ta g a
e haano tutte le urti m mm
con i nostri, perctie n Ru
renipinn hora da lor in g m ta g
sorte, e sopra tutto ab g
Iraegano pullecori, e p sa g P b
mollu ricco d'oro e p g sa
di liovauda che usan po m
menea grandezza, e m g m as
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB, 29
milles du Frisland. Un des navires, monté par six hommes, fut pris par les
insulaires. On les conduisit dans une ville fort belle et bien peuplée. Le roi qui
la gouvernait manda plusieurs interprètes, mais aucun d*eux ne connaissait la
langue de ces pêcheurs, si ce n'est un Latin, arrivé dans cette île par fortune
de mer, qui leur demanda de la part du roi qui ils étaient et d'où ils venaient.
Quand le roi fut informé de ce qui les regardait, il résolut de les retenir prison-
niers. Les pêcheurs se soumirent à sa volonté, puisqu'ils ne pouvaient autrement
faire, et restèrent cinq ans dans ce pays, dont ils apprirent la langue. L'un d'eux
visita à plusieurs reprises la région. Il raconta qu'elle était riche, abondam-
ment pourvue de tous les biens du monde, et un peu plus petite que TTslande,
mais plus fertile. Au milieu se dresse une montagne fort élevée, d'où sortent
quatre fleuves qui l'arrosent. Les habitants sont ingénieux et aussi avancés
dans les arts que les Frislandais. 11 est même probable qu'ils avaient eu autre-
fois des relations avec la Frislande, car le pêcheur remarqua dans la biblio-
thèque du roi des livres latins qu'aucun d'eux ne comprenait plus. Leur langue
et leur alphabet diffèrent de ceux de la Frislande. Us exploitent des mines et
ont jde For en abondance, lis ont des relations avec le Groenland, d'où ils
tirent des peaux, du soufre et de la poix. yei*s le sud s'étend une immense
région, riche, encore et très peuplée. Ils cultivent des grains et font de la cer-
yoise» qui est une sorte de bière en usage chez les peuples septentrionaux,
comme le vin en Italie. Le pays est couvert de bois immenses, et ils en font
des murailles. Ils ont des villes et des châteaux. Us construisent des vaisseaux
et naviguent, mais ne connaissent pas l'usage de la pierre aimantée et ne se
servent pas de la boussole pour se diriger yers le nord. > Après des aventures
extraordinaires dont le récit trouvera sa place ailleurs, ce pécheur Frislandais
réussit à équiper son navire à ses frais et à revenir dans sa patrie, c où il
porta à son seigneur la nouvelle de la découverte de ce richissime pays< ».
Quel est c ce richissime pays »? Nous pensons qu'il correspond exactement
à rirland it Mikla, non seulement parce que ses habitants avaient conservé
l'habitude, comme au temps de Bjoern et de Gudhleif, de se défier des étran-
gers au point de les retenir prisonniers, mais surtout parce qu'ils jouissaient
d'une civilisation très avancée et, au dire du pécheur Frislandais, observateur
pourtant bien superficiel, semblaient avoir eu des relations avec les Euro*
péens. En outre ils avaient une littérature, puisque leur roi possédait une
biUiothèque, et, sans trop forcer la vraisemblance, il est permis d'avancer
que les livres latins qui se trouvaient dans cette bibliothèque provenaient des
Papae, qui les emportaient toujours soigneusement avec eux dans toutes leurs
courses. Sans doute ils ne comprenaient plus la langue latine, mais, depuis
plusieurs siècles, ces Américains d'origine irlandaise n'avaient plus de
prêtres formés dans les universités et les séminaires d'Europe. Il n'est pas
jusqu'au nom d'Estotiland qui n'apporte une preuve nouvelle à cette identité
probable de Flrland it Mikla et du pays découvert par le pécheur Frislan-
dais. On sait en effet que Tlrlande pendant tout le moyen âge s'est appelée
Scoda ou Scotland : et, si le premier éditeur de la relation de Zeni a mal lu
1. Ed. Major, p. ^ c Portando a questo signor la auova dello scoprimento di quel
paese ricchissimo. >
■^ ^i^'i ^^^
30 LES lilLANUAIS EN AMEIUOUE AVANT COLOMB.
son lexlo et imprimé Kstotilaod ou lieu de Escocilaiid, il se pourrait que les
Escocilandais descendissent en effet des iMilons irlandais doiil nous avons déjà
rauonté les courses et les élablissemenls en Amérique.
Il est vrai que bien des années s'él.iiiiat écoulées depuis le jour où Bjoero
. et GudhleiC échangeaient leurs complimenls jusqu a l'époque où Zeno écrivait
sa relation, et. dans cet intervalle de quatre siècles, nous ne trouvons rien ou
presque rien dans les documents contemporains qui nous permette d'affîrmer
que les Irlandais d'Europe n'aient pas oublié leurs frères d'Amérique. Il n'en
est pas moins très probable que plus d'un marin voulut visiter la contrée qui
atait enrichi un si grand nombre de braves compagnons. Sans donle le récit
de ces voyages n'a pas été conservé dans l'histoire, mais ils ont dû être exé-
cutés. Aussi bien n'est-ce pas en admettant l'existence de l'Irland-it-Hikla
que nous pouvons expliquer un très curieux document gallois dout personne
n'a jamais contesté l'aulhentjcilé et qui nous parait s'appliquer ù celte mysté-
rieuse région colonisée depuis si longtemps par les Irlandais.
Au \ir siècle ', vers l'an 1 170, une dispute s'éleva, à propos de la succes-
sion au trAoe, entre les fils d'Owen Guynelh, roi de la partie septentrionale du
pnysdeCallcs.Madoc, un de ces princes, fatigué et dégoûté de ces discussions,
SR décida k émigrer pour chercher un séjour plus tranquille. 11 dirigea sa
course droit àl'ouosl, en laissant l'Irlande derrière lui, et arriva dans un pays
inconnu qui lui parut si agréable, qu'il retourna dans sa patrie et ramena
avec lui bon nombre de ses partisans, ausquels il persuada sans peine qu'il
valait bien mieux échanger une froide et stérile conirèe contre une région
magnillquc, et tes agitations de la guurri; civile contre la tranquille possei-
sion d'un pays que personne ne disputerait. David Powel, l'historien des Gal-
lois, qui nous a conservé ce curieux récit, n'est pas le seul dont le témoignage
puisse être allégué en faveur de Madoc. Un barde, son compatriote, Mere-
dilh*, fils de Flbesl, mentionne également la navigation de Madoc vers des
terres inconnues. Or, ce barde vivait bien avant la découverte de Colomb, à
une époque où on ne peut le soupçonner d'avoir inventé celle histoire par
amour-propre national et pour donner à son pays une gloire qui lui man-
1. David Powel, Caradoc» hiilorg of Cambria with annotationi, Londres 1584 ;
réiniprcsBian en 1G97, et 1771. « Anno MCLXX, Owano Guynetli liefuncto, dum lilii
inler se de principatu contendunt, et nulhue irmt; superior'illum oblineret, .Madoens
-■'■-- ^, Oweni Giiïnelhi, discordîarum civilium eiproeliomminter fratres ---
laeBus, eomparavit Eibi
palria profetlua ut noi
revenue, Cambrii suis
incolis, proclivo esse
cundii terris poliri. Qi
ravit, et omnilius nec-e
mm, quas domesticari
Iriae iuae vbIb dixit. i'
. aliquol navea, et Ldooeu commealu aliisque rébus inipositij, e
(BS terras invesliRarPt bc rplirla piist lergum Hibernia, donec
: iiicognilaa ubj it ulli miran laque obsrrvavit. Inde ad palriam
exponil quam a u lenas et l'cunda' terras adiisset, aïve uliis
ipsia eldomLSlin pericula vitarc et amaenis hisce atque fe-
lum non piucis p rsuasissel denuo iiaves plures sibi cofflpa-
Bariis impositn mignum numarum iirorum pariler ac femin»-
a. Hakiuyt, Tke pn
London, letXI, 1. 111, f
Madui wif m «yeddic wedd,
liwn Rouan Omn ( wjnedds :
Hï «innundir Tv enaid dedd
Bada mawr, oud j uioraedd.
qnait. Sinfiii les trïaàes ^l)oh«$ s qm pkVHkm^M i^v^ir HiS IHi«BN¥k^i« hh
sur siècle, parleitt ésmiftmem, à |«rdfNi$ 4to( ff^vm^ ^h^ fiKt^ )^l^ 4^ ¥liSHli(|lHv,
€ -de SaoÂKWQg ris Owûn fim'yii^ <rm «i» mîli^ mi>riiVNt U'^h H^n^^ h^mMi»)i
«■tar^pws fiiir dix ii»ir»^«l ^i «irivii dn w «nH ^ ^ ^
friadipaarté àe Galles wi im^j^mrs Hé X'^tiVgï^fim nkV\t^%. )/^^ ^M tNh*^yr-
pos ée len* pays, les collmcs iKÀ^ée» qm 4<«iKï<f<iV»^Ml j^it^^^A Ia mv^ \A \iî^.
ctotinKDe 4e IXMan, tmit, jm9^'^«\ irft4)li^^ ^« (^V« A^N^^"^, l^it \imn-
sût «n leîouiaes entrepmes. 1U n'^AVA^èiil ^«Mi^ ni l^f vw^ AY'^)^i^^\ Vtl \h
■jrtériewe ÀTallon d^où il doit un jo«r i^v-^^^r (N^^^r i'hi^iitii^r \n )^\vyv^> iH
pl«s d'un Giflois dot espèner qull r«ii<^AlivMfiit <^\\^. I^'v^ lAfti it^t^tS^ ^m^
ses gnndes péehes sur roeè^n* I.es (tiUloU «A «A^i twuwl «iifHi )>Himf«^V'9i h
poemiiTre la haleine an large d«s cdt^s et A irAV^r» U ti^m|>^lf»v Oiti^ hU SW'i^W.
«a honneur chez enx que de s*edonner i c«nn^ vt« AYi»nti)ft»iUt^. Imthi hArjtfVH-
nenrs, dans les listes de wchrgeld, sont ««tlmt^A un ijntiH pw m^ tli^ m^Hn
hommes que la même classe qu'eux *. Ddtis (!<*« nDUiHi^n htthtinn, t^mimi M^ \m
la passion on par la cupidité, souvent iU déptiiiSMleni It^n hmlli^ii iIm U^n iMHt<
naissances maritimes. Parfois aussi, surpris par h tttthp^la, lU iMAImmI \\mm
ses Ters des rivages inconnuSp car, ne l*oublionM |m«t, h ilUUnilrf nVni |M»ti
fort longue jusqu'aux côtes américaines, et noun niivonN lt*«i i^toniiMnU vo^Mum
accomplis par de simples barques. Ceux d*en(ro <!Ufc qui rtivlni't^ni ¥mm\i^¥^ii[
les merveilles des pays qu'ils avaient («ntrevun, et i!*tMi fui mmmjD pimr mh Mm»^
en tonte la nation l'ardeur des aventure». Im elieN <lu p^y» tiMiif<m4m»j#
s'en émurent, et Tun d'eux, plus hardi que le« ttiitr<M, tMnitf h tmlnna ^(
s'expatria.
On a prétendu que le voyage de Msdoc avait 4i4 ihvm^iA iU Umi^^t |/i^^«/
et que Powell et Hakluyt l'avaient irnu^in^. p<^Mr n^»$U'jnr t^i U'^i^m*^^ /ir#
projets de Waiter Raleigh; mais le» AnnUiu m *^ni p«« é^/^é^iéétffimn 4*9 ^^^;/#
ménagements; quand iU veulent «'établir <i4Li>y ui; ^h^u^ ^I« ^^i; fi^^^v^f^^ ^##
à des argtunents d'érudition rétrosfM^tive, xwdji* ^ tv Ivr4>^ )/r¥<«^. f/¥ ^^/^
Eiisaheth mrtout, qui était en ét«i de gu^re vw^/V; «V4^, ^V/^^y*^^, 4^if^
peu se soucier de tes droits i l» p</i»«?t>fciw <lg 1^vvv*;*v llv/u^i, *^, v^ ^^^
raffirmer hardiment, ^awaiv «on hriUMil «;ii>^;u*:^ 1^ tii?f }f^j4^^^ m. /^v^^
a se poser comme IliérJIÂ^f ^ te c^onlIuttat^iM dv ^/i^n %vA^ V^^"^ VM^
daas ua payf ?«5r|e, ei * la VHe (J'uiue; *:r.p^ifivij |»v^4hu*>u* ^'^^y//*, ^y;;
«DAendait créer etj Anuéri^ue uw; i*w**;tl*; Aii|fi*îi«?ff*.., î». -♦ w^^iU It^^^i^*''',
â rhislftrieii fVwdU> ai Jk Mm»)»«li«t*îu» d«e5t 7*'m(U?t vif. fp»/snÈ,i ^ -v/*/,* -f*
Madoe» c'est ifue ^ifedi^amesui U; ^9^^^ lu? 4«M?t>iiU . *?* i^u*, Vom «é )<ww/* ^yy**^^
le rapparie ialrtidiiitnj. iè^i^ jtiintt^uOfi^ i^A/Am^t^*.* ^^t/ttMy^mh^j.u w**
arlUafti. #
m Ciiiit: i biltir-. \- m t»n$ *. u^^ f ^ ist ^t^ yi^^y^pi^.. r^ i^^-' ••;«.^,*.^, i^.^. '«i?**/
32 LES lIlLANDAiS EN AMÉRdJUE AVANT COLOMB,
lie pai'ta^c aucunement le mépris avec lequel ces iradilioiis nationales onl
souTent élé traitées. J'ai su conlrairo la ferme persuasion qu'avec plus
d'assiduité la découverte de faits entièrement inconnus aujourd'hui éclairera
beaucoup de ces problèmes historiques, i
Essayons maintenant de déterminer la contrée où avait débarqué le prince
gallois, llakiuyt prétendait la retrouver dans le Yucalan, et il en donnait
comme preuve le grand nombre de croix trouvées dans celte contrée par les
Espagnols au wi' siècle mHis le culte de la croix était répandu dans toute
l'Amériiiue, et même dans une partie de l'ancien inonde avant le christianisme,
il ne prouve donc rien'. Ilorn croit aussi à la réalité du voyage de Madoc,
mais pense qu'il a débarqué en Virginie^ 11 s'appuie, pour le démontrer, sur
des traditions indigènes. Il rappelle que les sauvages Virginiens rendaient
hommage à un certain MadeczuJiga ou Madinga, dont le nom présente eu effet
une certaine analogie avec celui de Madoc. Laët'' ènumère avec complaisance
une cinquantaine de mots analogues en virginien el en gallois. Ces ressem-
blances ont encore été signalées par Ulloa*, mais la plupart d'entre elles nous
semblent forcées, et c'est avec raison que Roliertson les tourne on ridicule'.
Devons-nous en effet conclure à l'identité des Ijallois et des Virginiens parce
que ces derniers, au temps do Kaleigb, se servaient du salut gallois hoahoris
ioch, ou bien appelaient le pingouin pensum, le pain bara, l'œuf wi/, la m^re
mam, le pare tao, un tuyau de plume colaf, un renard clynotj, de l'eau blanche
gwon dyr, un nez trwyn, le ciel neaf, etc. t Ou bien ces ressemblances sont
accidentelles, ou bien ces mots n'auront été introduits qu'à une époque toute
moderne. A vrai dire les exigences do la science contemporaine répugnent
absolument à un pareil genre de preuves.
On a encore signalé sur d'autres points de l'Amérique de prétendues traces
de la langue galloise. Ainsi ïorrès Caïcedoo rapporte que la langue Tuneba,
parlée pnr les Indiens de Ticrra Adentro, dans la province de Tunja, au nord
de la Nouvelle-Grenade, abonde on mots gallois qui y sont usités depuis fort
longtemps.
( Le capitaine Abraham, lisons-nous dans l'histoire du Kcntucky'de Filson,
bomme sur la véracité duquel on peut compter, aassuré àl'auteur que, dans la
dernière guerre, étant avec sa compagnie à Kaakaskuy, il y vint quelques Indiens
qui, parlant la langue galloise, furent parfaitement entendus de deux Gallois
qui étaient avec lui, et qu'ils leur parlèrent d'une manière parfaitement con-
forme à ce qu'en rapportent les habitants de l'ouest. > Ce témoignage n'est
pas le seul". Un ministre méthodiste, Bcalty, (Jailois de naissance, fut un jour
I . Gabriel de niortillct, le Signe de ta rrnU arant te chrislianisme, passim.
i. Ilom, Iteoriginihus Amerieanis.p. 13Q. s Habemug Mailamagam et Hadingam
qui, cur Madoc Cambrensis easc nequcat, quon in cas partes dotatuoi domeatica
evincunt moaumonta, ratio iiulla reddi potesl. »
3. Lacit, ,\olae ad ilUserliiUimem HuijonU Ùrolii, p. J40-152,
4. lllloa, Mémoires iiliilosniihiques sur la iléeourerte de l'Amèriiiue, traduction de
Villebrunc, t. Il, p. 481, i^.
.1. ItuberUon, Tlie tiistory of America, édiL 1777. t. I, p. 437.
6, Torrès Caïcodo, cité par Joso Pereî {Revue américaine, 2" série, p. 168).
7. John Filson, IlistoiTe de Kenlucke, nouvelle cotoiiie a l'oueH de la Virginie
(Traduction Parraud).
5. Lefebvre de VilIebruDo, Mémnires à ta mile de la traduction de* Mimoirei
pUilosopkiqwes d'UUoa, t. II, p. iHi.
LES IRLANDAIS EN AMÉRIQUE AVANT COLOMB. 33
surpris dans la Caroline par un parti de sauvages qui s'apprôtalent à le tuer,
lorsqu'il se recommanda à Dieu tout haut dans sa. langue. Aussitôt tes sauvages,
étonnés qu*il parlât comme eux, le délièrent et le conduisirent dans leur village,
à quelques jours de marche, c 11 y vit une peuplade toute galloise, où se con-
servait encore la tradition du passage de Madoc. On le oonduislt ensuite à
Poraloire, où on lui mit en main un rouleau de peau dans lequel était soigneu-
sement conservé uu manuscrit de la Bible en langue galloise. Beatty revint h
Londres» et publia cet événement dans un petit ouvrage intitulé Journal of
two months. On cite encore l'aventure d'un certain Sutlon^ qui eut également
l'occasion de connaître cette peuplade sauvage; celle de Morgan Jones '« qui,
iisdt prisonnier par les Doegs et Tuscaroras de Virginie, en 1685, fut épargné
par eux parce qn*il parlait leur langue* c lis nous traitèrent avec afTabilité
pendant quatre mois, racontait ce Morgan, je parlai avec eux de nombreuses
dioses en langue bretonne, et je leur fis trois prêches par semaine. Ils se
fusaient un plaisir de me communiquer leurs atTaires lei plus diffieultueuses,
et quand nous les quittâmes, ils agirent à notre égard avec beaucoup de civi-
lité. 1 n ne faudrait certes pas ajouter une confiance trop absolue à ces témoi-
gaages, dont quelques-uns ont été peni-étre inventés après coap et dont Tori-
îne est à tout le moins ssspecte; au moins démontrent-ils que la tradition
ém vnfage de Madoc ne s'est jamais perdue, même en Amériqae.
Aksî liiea ce n'est ni dans le Toealan, ni en Virginie ou en Caroline, ni ânn%
le Eemtffcy on la j^anveU&^renade qu'il nous faut ehereher remplacement de
incnioBie galloise conduite par Madoe : c'est en friand il Mikla, f^s Irlandaris
elles GaUeîs sont en effet de même race» Ils ont toujours eu des tft}»tir>M
lÉiiFi I, lias que le prouvent les légendes pdîemses et ebrétieimes â^mî n<m%
avuns donné ranalyse, les Gallo» croy aient, aossi bien que les Irlaodafîs, à
Teiistence dllea et de eontineota au delà de l'Atlantique. Malgré les précaiH
tsuna prises par les Irlandais pour caeher leurs découvertes maritimes, il est
impossible que d& vagues rumeurs ne les aient pas fait connaître, surtout par
leurs voisina les Gallois. Lorsque Xadoc forma le projet d'émigrer, ce n'est pas
aiL hasard qu'il s'aventurait sur l'océan. Il connaissait re:xistence de TTrland it
Kida, et c'est de propos délibéré '{u'il se dirigeait sur cette terre, où il était à
l'avance assuré de trouver des frères d'origiae, et par conséquent un bon
aceueil.
Une nous reste plus qu'à déterminer l'emplacement de cette friand it Hikla,
dacechamp d'-isile du moyeu âge, où se réfugièrent successivement les Irlandais
gfaaasés de leurs possessions maritimes par les Northmans, et les ijallois en
qnétft <f aventures.
La. plupai^ des savants se sont contentés de reproduire nue ^sserrion de
Eafii, cpii plaçait Tlrland it Mikia dans La partie .Tiérirlionale des ^^ats-Unis.
Bâta se fondait sur une vague tradition des Indiens Savanahs, l'inrés iaquelle
1* Floride aurait été ;mtre fois iiabilétî par iies hommes le -are blan<hp, .>n
paniiiuton <f outils le fer. Il li léguait encore ie préfendu*îs /inalogips in an-
gage et des trace?» persistantes le :nnsi3anisiiie fn Floride ; mais .leanvois- ^ ié-
I. Lefeïirn* i1p ViH^bnine, oe. :it.. i. i^5.
i, Owen, Recueil C tntititutfn yrptnnnes, i^ndras. 1877. >. li,»;î.
X ïkivnTnin^ Decntw^te ,iii ynwi*au \fomte mr pu irfaruiiii^. «te. y, <^S8.
n
1
34 LES lULANDAIS EN ASIÉTtIQUE AVANT COLOMB,
montra, par uoe étude Bllentive des textes et une rigoureuse argumentation,
que la véritable position de l'Irland it Mihia doit être reportée beaucoup plus
au nord, soit dans l'iie de Terre-Neuve, soit sur la rive méridionale du Saint-
Laurenl. Il résulte en effet de divers passages des Sagas que l'Irland il Mikia
était située entre le Helluland et le Vinland. Or, le lielluland correspondant au
Labrador, comme nous essayerons de le prouver à proposdes voyages des North-
mans en Amérique, et le Vinland aux Élats de New-Vork, Hhode-lsland ei
Masiachusctls, l'Irland il Mikla ouUvilrammannaland se trouve entre ces deux
contrées, c'est-à-dire qu'il occupe la rive méridionale du Saint-Laurent et les
iles qui ferment le golfe.
L'authenticité de ceitu nouvelle théorie est conGrmée pi)r des notions Iras
précises sur les traces persistantes du christianisme dans celte région, que
recueillirent quelques missionnaires français au Canada. L'un de ces mission-
naires, un récollet, le père Le Clcrq, était resté douze ans au Canada, de
1675 à 1G87, et particulièrement en Gaspésie, c'est-à-dire dans la régiou
qui correspond à l'ancien ilvitrammannalaod. Fort surpris de trouver le culte
de la croix établi chez les sauvages qu'il était chargé d'év^ngèliser, il étudia
leurs mœurs et leurs traditions, et, de retour en France, consigna ses obser-
vations dans un ouvrage aujourd'hui fort rare, et dont voici le titre exact:
Nouvelle relation de la Gaspésie, qui contient les mœurs et la religion des
iauvages Gaspésiens, Porte-Croix, adorateurs du soleil, et d'aiitret peuples
de l'Amérique septentrionale, dite Canada, 1 vol. in-12, Paris, Araable Au-
hry, 1691. c Le culte ancien et l'usage religieux de la croix, écrit le réc^let,
qu'on admire encore aujourd'hui parmi ces sauvages, pourrait bien nous per-
suader que ces peuples ont reçu autrefois la connaissance de l'Evangile el du
christianisme, qui s'est enfin perdu par la négligence el le libertinage de leurs
ancêtres'....» dis ont, tout infidèlesqu'ils soient, la croix en grande vènératiou;
ils la porteut 6guréc sur leurs habits et sur leur chair ; ils la tiennent à la main
dans tous leurs voyages, soit par mer, soit par terre, et enfin ils la posent au
dedans et au dehors de leurs cabanes, comme la marque d'honneur qui les dis-
tingue des autres tribus du Canada'. > Le père Le Clerq chercha à connaître
l'origiite de ce culle, et les anciens de la tribu lui racontèrent que leurs ancê-
tres allitienl mourir de faim, » lorsque leur apparut un beau jeune homme por-
teur d'une croix, qui leur ordonna d'adorer cette insti'ument de salut. Ils
obéirent el furent sauvés. Dès ce jour ils conservèrent pour ce signe sacré
la vénération la plus profonde >.
Comme le père Le Clerq composait son livre à la fin du xvii' siècle, on pour-
raitobjeclerqueles indigènes qu'il s'étonnait de trouver presque chrétiens '
avaient peut-être été évangélisés par les premiers Européens qui abordèrent
dans la contrée au xvi°siùcle;mai3cesEuropécnsavaient eux-mêmes été frappés
par les nombreux vestiges deohristianisrae qu'ils avaient rencontrés. En 15343,
1. Iloauvuis, La l'ortc-Croix de laGasnésie el itc l'Acadie {Annales de philtsophie
Chrélienne. avrit 1877).
2. Le tlerq, ouvr. cilé, p. iO-ll, 169.
3. Relation du voyage de Cartier nu Canada en IMi, éditioa Miclielant ei Ramé,
p, 4(), 41, < tl icelte cruix plaulasaie* sur ladila paaictc dev»u[ eux... et nous fit
une grande liarangue nous montrant ladite croix et taisanl Je signe du la croix avec
deax.doyds, al puig nous monsUolt la terre tout autuur de nous. »
LES IRLANDAIS KN AM&RIQIiK AVANT Oy>I>OMI^. 4Hv
TÊffêmi Jacques CarUer planter «i« tsnit «w U Uu«vr«U \^ f Vl4t«^H^ )HI AVM^t
îadiqpé par signes qnll sVn tnMiYail tle «embUMet Mtf tt^ul \i^f %Hf\\^^9^
An tonps de Jean Alphonse (I54l)| fourlâttgrtti) n^nfi^iniAll i^neiM^ b^^tV'^^
de mots latins ^ Eo i6ùi Cbampltln<lrottvait àm*\^ Mh iIh ^^IH«).V um» t^frtH
de bois cooferte de moosse ei presque pourra i 41 U.^ ïnAi^MP^ ihi viHilHAMt^
non senlement faisaient le signe de la oroU h (0111 pri^pon, m«il^ »>HiiHM lu
portaient snr leurs vêtements et dans lenr* i!4lHino«i \um \,f^^%m\u\k "^^ \%\^b\.
rien de la Nouvelle-France, n'bésitait^l pas A 4crirt» i|i|c» « m»* pt>Mp|i>« «iiHII
veans de quelque race de gens qui avalent M inslmiU <*n U Im) i|u lMi>ii l.
11 serait Cscile de multiplier les preuv>»« : iiisin uc« ttc>Mi::c)|(i)« p4« iti>jA «i||)||.
santés pour permettre d'affirmer que dans l<* p«.v#i t|Ml ii*Mi# ^Mi ^oMi»!-
pondre i Tlriand it Mikla, les Indigène* avateiii t^u^nà, juiM|M'i I4 IM» j»»
xvn* siède, le souvenir inconscient mais per^istaat 4^ I^m»* t^ii^im ^Mr<'|^«>NO<> ^
En résumé, la tradition est d'accord avec TbistUft* ^^riiénMHUt*iï*»i^hi^n^y
en Amérique, plusieurs siècles avant (j9hiuh, li'^im CiVlvu^ ioH4^ pa»' «(«»»
Ifiaadais.
1. Jean AlpbofW«, snouterit de lOIÎ * « t«*^ i^im l>44rii}Ui lii>«^vtvw|> «ii: ai'4» ^m^
approdteot du laiia. » ,
t. Lta Vuyaget du mut de CUamplain, ètftiîtHi l^tivA^dii»*;
3. Lescarbot, Hitttoire de la fVoy,velitt^f''rau«ié' t ^ûiiiiHi 'irot^ir., <. I, |' pft
• ■w>i» H <«i 'i^^' ' ^ ' m /'"B" * '^ ''
INSTITUT CaEaaRAPI-liejUE OE I
CH. DKLACRAÏB
ÉDITEUR DE LA nEYtIE DE CÈOGRAPHI
16. BDE SOUFFLOT, 15
REVUE
GÉOGRAPHIE^
lilRIGÉK ['AU
M. LUDOVIC DRAPEYRON
Pi'iilssieur d'iiisloiro al do geoEripliw «u lyede CbsrtemaEna,
Aerigé du t'DditgrsilJ. Ounieur H lellrei,
la S«ci«lé de Géographie, Seerdtilro k<-'"^ii' do la Socidli ds Tupogriphiu
1
l.!i Revue de Géographie, fnndée en 1877, parait lous'
li!s mois [lar fascicules ilc cinq rBiùlles grand in-S" msiii, format
lie nos ^ffandes Revues liuéraires, et forme, à la fin de l'année,
iliiux loris volumes d'environ 500 pages chacun, imprimés sur
lieau papier et en caractères neufs, avec caries et gravures.
Le prix de l'abonnement esl de 25 francs par an puur Paris,
do 38 lianes pour les déparlemenls el les pays faisant parlie de
l'Union générale dos Postes; — po\ir les aiilre.* pny?, les fraji
d« posle en sus.
La Revne de Géographie forme aujourd'hui viugt-BÎx volumef^
PHII DE Lt tSUtCTION. HtC U TIBLE ANtimOUE SES RUTIERES : 31S fR.
Il
I
Pour l'i ffiilaclwit, s'adresser à H. L.DRAPEYROM, hb,rue Chitiâ^
ISernard, Paris. ^ .■■- n
1^
-'t Wartenoi, dircileiirs.
t.
THE NEW YORK PUBLIC UBRARY
REFBRBNCB DBPARTMENT
This book is uader no oiroumitances to be
taken from tbe Bu!ldia«
- ;t-PR-i^S-
916 -
- - —
*.2 -Ij
.
'■y-