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Full text of "Les nouvelles drolatiques"

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I 


LES    NOUVELLES 


DROLAT1Q.UES 


)  \C.i.«N~No\^v^^N  ■  "V    =<: 


LES   NOUVELLES 

DROLATIQUES 


DE 


MARC   DE    iMONTIFAUD 


Icy,  n'y  a  que  pour  rire. 

BÉROALDt    DE    VsRVILLl. 


Jm  Délices  de  VEspril-Saint  et  la  Bassifioir^ 
Le  Cali:e  de  Af""  de  Tri^onec. 


Bi'J  FORTE  DE    HANRIOT 


PARIS 

M.DCCC.LXX.N 
Droits  réseï  vlS 


BIBLIOTHECA 


iv  ans' 


LES 


DÉLICES    DE    L'ESPillT-SAÎXT 

ET   LA    BASSINOIRH 


LES 


DÉLICES    DE    L'ESPRIT-SAINT 
ET    LA    BASSINOIRE 


Ma  chère  mignonne, 

EPUis  que  j'ai  quitté  le  couvent,  il 
s'est  passé  tant  de  choses,  que  tu 
cxCLiseras  mon  long  silence  ;  et 
je  conviens  qu'il  est  de  nature  à  étonner 
une  charmante  amie  comme  toi.  Mais  qu'y 
a-t-il  de  surprenant  à  cela  ?  Prête  à  revêtir 
bientôt  le  voile  des  novices,  je  me  vois 
tout  cà  coup  quittant  la  communauté,  par 
ordre  supérieur,  pour  faire  l'épreuve  de 
vie  mondaine,  imposée  à  toute  religieuse 
avant  de  prononcer  des  vœux  irrévocables. 


NOUVELLES    DROLATIQ.UES 


Au  moment  de  partir  avec  mescoasines^ 
Louise  et  Juliette,  j'allai  dire  adieu  à  notre 
supérieure,  qui  me  retint  quelques  ins- 
tants. 

—  Vous  êtes  absolument  décidée,  ma 
fille,  me  demanda-t-elle,  à  ne  rien  livrer 
de  votre  personne  à  la  convoitise  des 
hommes,  ces  ennemis  de  la  sainteté  du 
célibat  ? 

—  Certes  !  ma  mère  ! 

—  Vous  vous  rappelez  que,  dans  vos 
paroles,  vous  ne  devez  prononcer  le  nom 
d'aucune  partie  de  votre  corps  dans  la 
crainte  de  commettre  une  impureté  ? 

—  Parfaitement!  ma  mère!  Et,  déplus, 
je  sais  par  cœur  de  quelles  dénominations 
nous  devons  nous  servir,  nous  les  épouses 
du  Christ,  pour  ne  pas  dire  :  mes  bras, 
mon  cou,  mon  ventre,  mes  jambes  et 
tout  le  reste,  afin  de  ne  pas  pécher  même 
en  paroles. 

—  Voyons  un  peu,  ma  fille,  si  votre 
mémoire  est  aussi  fidèle  que  vous  me  l'as- 
surez. 


NOUVELLES    DROLATiaUES 


—  C'est  fort  simple,  ma  mère  : 
cette  partie  de  notre  buste  qui  commence 
à  pousser,  et  qui  doit  rester  emprison- 
née dans  notre  guimpe  de  novice,  se 
nomme  «  les  délices  du  Saint-Esprit  )). 

—  Très-bien,  mon  enfant  !  Et  cette 
autre  sur  laquelle  on  s'assied  ? 

—  ...Attendez  donc  un  peu...  Ah! 
j'y  suis.  C'est  «  la  bassinoire  ». 

—  Et  celle  qui  lui  est  opposée...  tout 
à  fait  ? 

—  Pour  celle-là,  ma  mère,  je  crois 
qu'elle  s'appelle...  «l'intransigeant», 
parce  qu'en  effet  c'est  cet  endroit,  sur- 
tout, qui  ne  doit  jamais  pactiser  avec... 
Ah  !  ma  foi,  je  ne  sais  plus  avec  quoi, 
par  exemple  ! 

—  Peu  importe,  ma  fille,  peu  importe. 
Ce  qu'il  ne  faut  pas  oubHcr,  c'est  qu'il  ne 
doit  jamais  exister  pour  «l'intransigeant» 
aucune...  entente  possible,  aucune  con- 
cession à  accorder.  Enfin,  mon  enfant,  je 
souhaite  que  cette  vertu  d'intransigeance 
remplisse  votre  personne  enjv*èjr€  4«  sécu- 


IC  NOUVELLES   DROLATIQ.UE5 

rite;  car,  voyez-vous,  deux  secondes, 
oui,  deux  secondes  suffiraient  pour  vous 
l'enlever. 

—  Vous  me  faites  frémir,  ma  mère. 
Mais  ma  cousine  Louise  et  ma  cousine 
Juliette,  qui  m'accompagnent,  est-ce  que 
leurs  intransigeants,  à  elles,  courent  le 
même  danger  que  le  mien  ? 

—  Absolument. 

—  Alors,  je  vais  les  avertir. 

—  C'est  inutile,  se  hâta  de  me  répondre 
notre  supérieure,  je  m'en  suis  chargée. 
Au  revoir,  mon  enfant  !  Ainsi  n'oubliez 
pas  que  «  les  délices  du  Saint-Esprit  »  ne 
doivent  jamais  attirer  les  regards  des 
hommes.  Cestle  vrai  secret  de  protéger... 
tout  le  reste. 

Là-dessus,  Louise  et  Juliette  entrèrent. 
Notre  mère  nous  donna  sa  bénédiction, 
et  la  voiture  nous  emporta,  ainsi  que 
sœur  Perpétue  qui  nous  accompagnait. 

Arrivée  ici,  ce  fut  encore  une  autre 
affaire.  Croirais-tu  que  ma  tante  voulait 
absolument  échancrer    mon   corsage    et 


NOUVELLES   DROLATIQUES  II 

découvrir  «  les  délices  du  Saint-Esprit  »  ? 
Tu  dois  te  figurer  ma  stupéfaction.  Mal- 
heureusement mes  supplications  ont  été 
inutiles.  Il  avait  été  convenu  qu'on  nous 
rendait  au  monde  pour  les  épreuves  à  su- 
bir, force  nous  fut  donc,  hélas!  de  livrer 
aux  regards  impudiques  ce  que  notre  vé- 
nérable supérieure  nous  avait  si  nette- 
ment enjoint  de  dissimuler. 

Je  descendis  au  salon  les  larmes  aux 
yeux.  Il  me  parut  que  Louise  et  Juliette 
n'étaient  point  si  torturées  que  moi.  Elles 
riaient,  causaient  même,  sans  s'aperce- 
voir que  leur  corsage  dévoilait  des  choses 
à  épouvanter.  Oi\  les  pria  de  chanter 
et  de  valser,  et  elles  s'exécutèrent  très- 
gracieusement. 

Le  souper  arriva.  Non,  te  dire  ce  que 
j'ai  vu  de  femmes  étalant  superbement  ce 
que  je  m'efl'orçais  de  faire  disparaître  dans 
mon  corsage  est  impossible.  Quand  on 
pense  qu'elles  profanaient  ainsi  d'une  façon 
cynique  ce  qui  n'a  été  créé  que  pour 
être   becqueté   par  la    colombe    céleste  1 


NOUVELLES    DROLATiaUES 


Qiiand  on  pense  que  mon  cousin,  qui  a, 
je  crois,  vingt-cinq  ans,  était  si  près,  si 
près  de  la  grosse  présidente  Jonzac,  qu'il 
aurait  pu  poser  son  assiette  dessus  s'il  avait 
voulu  !  J'étais  outrée.  On  ressentait  une 
chaleur  telle  que,  ne  pouvant  supporter  de 
rester  à  table,  j'allai  un  instant  dans  le  fu- 
moir, sûre  qu'on  ne  m'y  dérangerait  pas, 
Crcirais-tu  qu'au  moment  où  je  débouton- 
nais le  dernier  bouton  et  où  je  commençais 
àm'éventer,  la  fenêtre  ouverte,  mon  cou- 
sin Jacques  entra  en  chantonnant,  et,  me 
voyant  croiser  mes  deux  mains  sur  ma  poi- 
trine, s'écria  en  se  moquant  : 

—  Bah!  ma  cousine,  tout  ce  que  l'on 
cache  ne  vaudrait  certainement  pas  la 
peine  d'être  servi  sur  un  plat  d'argent. 

L'insolent!  Je  ne  pouvais  cependant 
pas  lui  prouver  que  c'était  précisément 
parce  que  ça  en  valait  la  peine,  que  je  le 
gardais  pour  le  Saint-Esprit.  Ennuyée 
de  cet  incident,  je  remontai  au  premier 
étage.  Imagine  toi  qu'en  passant  dans  un 
couloir,   j'entendis  sœur   Perpétue,  no- 


NOUVELLES   DROLATIQUES  I3 


tre  converse,  qui  criait   à  l'autre  bout  : 

—  Finiscez,  ^Monsieur,  finissez  !  je  ne 
veux  pas  qu'on  touche  à  ma  «  bassinoire  ». 

1:11e  aussi,  il  paraît  qu'elle  courait  un 
danger  dans  cet  affreux  château  de  n\a 
tante.  Quelqu'un  essayait-il  après  elle  quel- 
que tentative  criminelle  ?  Je  courus  à  son 
secours,  mais  je  n'entendis  plus  rien  qu'un 
son  de  voix  étouffé,  une  porte  qu'on  ver- 
rouillait. Enfin  le  silence  se  ht. 

—  Après  tout,  pcnsai-je,  on  n'attaque 
que  «  la  bassinoire  »  de  sœur  Perpétue  !... 
ce  n'est  rien,  absolument  rien.  Ne  son- 
geons qu'à  mettre  en  sûreté  les  «  délices 
de  l'Esprit-Saint  ». 

Là-dessus,  une  idée  me  vint. 

Tu  sais  que  ma  chambre  de  fillette  se 
trouve  dans  la  tour  du  nord?  Je  n'étais 
pas  très-rassurée.  Il  était  minuit.  Je  me 
lins  ce  petit  raisonnement  : 

—  Au  fait,  personne  ne  songera  à  se 
retirer  avant  demain  sept  heures  du  matin. 
J'ai  le  temps  de  dormir  dans  n'importe 
quel  lit,   puisque  tout  le   monde   est  en 


14  NOUVELLES   DROIATiaUH  = 


train  de  rire  et  de  danser.  Demain,  à  six 
heures  et  demie,  je  me  lèverai  et  je  céde- 
rai la  place  au  premier  qui  se  présentera. 
Mieux  vaut  cela  que  de  monter  seule  là- 
haut  où  j'aurais  vraiment  peur. 

Je  me  déshabillai  lentement,  l'ouïe 
caressée  lointainement  de  certaine  valse 
de  Strauss  qui  donne  envie  de  se  manger 
de  caresses  à  soi  tout  seul.  J'avais,  vois-tu, 
ma  belle,  l'âme  chaude  comme  un  matin 
de  juin;  et  quand  je  m'agenouillai  pour 
implorer  du  Seigneur  la  grâce  de  celles 
que  la  vertu  d'intransigeance  ne  remplis- 
sait pas,  je  me  demandai,  en  me  relevant 
et  en  serrant  mon  crucifix  aux  maigres 
petits  membres  étendus,  si  je  ne  devais  ja- 
mais avoir  d'autres  bras  pendus  à  mon  cou 
que  ceux-là. 

Comme  j'entrais  dans  un  de  ces  grands 
lits  à  la  Le  Nôtre  que  tu  connais,  en  ré- 
citant une  dernière  action  de  grâces, 
figure-toi  ma  surprise  en  découvrant  le 
vicomte  de  Juvisy,  debout  du  côté  de  la 
ruelle,  en  vêtements  de  bal. 


NOUVELLES   DROLATiaUHS  I^ 


—  Jésus,  Maria!  criai-je  en  déses- 
pérée. 

—  Pardon,  Mademoiselle,  mais  cette 
chambre  étant  la  mienne,  je  ne  pouvais 
savoir...  M'expliquerez-vous,  uu  moins, 
comment  il  se  tait  que  j'aie  le  bonheur 
de  vous  y  posséder  ? 

Le  bonheur  de  m'y  posséder...  Je 
m'empresse  de  lui  raconter  que  si  je  suis 
là,  c'est  qu'il  s'agissait  pour  moi  de  sau- 
ver à  tout  prix  les  diverses  parties  de  ma 
personne  de  la  profanation  de  cous  les  re- 
gards. Et,  prompte  comme  la  foudre,  je 
pensai  alors  :  —  Sauvons,  du  moins,  ce 
qui  est  pour  le  divin  pigeon,  si  nous  ne 
pouvons  sauver  le  reste.  —  Alors,  je 
m'empressai  de  remonter  ma  couverrure 
sous  mon  menton. 

Mais  ce  fut  lui  qui  me  répliqua  avec  un 
grand  sérieux  : 

—  Rassurez-vous,  Mademoiselle,  je  ne 
tiens  nullement  à  enlever  le  voile  que 
vous  étendez  sur...  et  les  délices  de 
l'Esprit-Saint  ». 


l6  NOUVELLES   DROLATIQ.UES 


Il  n'y  tenait  pas.  Alors  je  respirai  al- 
lègrement. 

—  Mais,  poursuivit-il,  je  désire  seule- 
ment que  vous  vouliez  bien  me  permettre 
de  veiller  sur  votre  «  intransigeant  »  le 
reste  de  la  nuit.  Je  vais  m'étendre  dans  ce 
fauteuil;  car,  voyez-vous,  Mademoiselle, 
le  château  est  si  plein  de  monde  qu'un 
ami  dévoué  ne  sera  pas  de  trop  à  vos 
côtés. 

Que  te  dirai-] e  ?  Lui  marquer  de  la  dé- 
fiance, à  lui,  l'élève  du  P.  Z...,  ne  lui  ferais- 
je  point  la  plus  sanglante  des  injures  ?  Je 
réfléchis  qu'il  était  vraiment  chevaleresque, 
à  lui,  de  consentir  à  quitter  cette  soirée 
pour  veiller  près  d'une  petite  pension- 
naire ;  et,  comme  il  s'asseyait  loin  de  moi, 
décidé,  m'assurait-il,  à  reposer,  je  songeai, 
en  vertu  de  toute  convenance,  à  en  fliire 
autant,  plutôt  que  de  prolonger  indéfini- 
ment la  conversation.  Alors,  je  me  coulai 
du  côté  du  mur  et,  fermant  les  yeux,  je 
m'endormis,  pendant  que  M.  de  Juvisy, 
étendu,  je  te  le  répète,  sur  un  siq£^q,  à 


NOUVELLES   DROLATIQUES  ,    17 

l'autre  bout  de  la  chambre,  sommeillait  de 
son  côté. 

Je  ne  sais  pourquoi,  deux  ou  trois 
heures  après,  je  ressentis  je  ne  sais  quel 
trouble,  quelle  émotion...  J'étais  seule,  et 
cependant  il  me  sembla  un  instant  que 
quelqu'un  m'avait  parlé.  Te  dire  la  sin- 
gularité de  l'émotion,  et  la  nature  du 
plaisir,  je  ne  l'oserai  jamais.  J'en  vins  à 
penser  que  ce  devait  être  un  rêve  ;  car... 
mon  Dieu,  comment  m'expliquer?...  En- 
fin, figure-toi  que  le  plaisir  m' ad  vint  pré- 
cisément du  côté  de...  mon  intransi- 
geance. Je  n'aurais  jamais  soupçonné  que 
quelque  chose...  d'amusant...  pût  surgir 
parla.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que 
notre  mère  a  complètement  oublié  de 
m'cnseigner  ce  singulier  phénomène.  — 
Peut-être,  m.e  répétais-je,  est-ce  parce  que 
j'ai  défendu  si  hardiment  «  les  délices  dv.: 
TEsprit-Saint  »  qu'il  m'en  récompense  en 
s'occupant  de  cette  partie  de  sa  créature 
qui  ne  doit  pactiser  avec  personne. 

l^Q  plus  surprenant,  ce  fut  quand  mes 


l8  NOUVELLES   DROLATIQUES 

«  délices  »  et  ma  «  bassinoire  »  répondi- 
rent comme  à  des  appels  réitérés  et  s'en- 
tendirent  dans  un  accord  de  complicité 
admirable  pour  faire  éprouver  à  mon  in- 
transigeant.. .  des  choses  sur  lesquelles 
je  ne  comptais  absolument  pas.  Bientôt 
il  n'y  eut  qu'un  concert  effréné  de  cha- 
que région  de  mon  corps,  et  aucune  de 
celles  nommées  par  notre  mère  supérieure 
n'oublia  de  vibrer  dans  le  jeu  harmonique 
et  ensorcelant  des  régions  les  moins  soup- 
çonnées, au  point  que  je  ne  sus  en  réa- 
lité de  quel  côté  partait  le  plaisir  ;  je  crois 
qu'il  naissait  de  tous  les  côtés  à  la  fois.  Du 
reste,  ma  chère,  il  me  fut  facile  de  me 
rendre  compte  de  la  vérité  ;  car  la  singu- 
larité de  ces  sensations  paraissait  dépendre 
d'une  sensation  antérieure  qui,  un  instant 
avant,  les  avait  soudain  invitées,  entraî- 
nées; après,  les  autres  s'étaient  montrées 
promptes  à  la  riposte,  sans  avoir  besoin 
d'y  être  sollicitées...  Enfin,  à  l'étrangeté 
du  plaisir  succéda  une  telle  prostration, 
que  je  me   rendormis.  Et  le  jour   flam- 


NOUVELLES   DROLATiaUES  I9 


boyait  à  mes  paupières,  quand  je  me  ré- 
veillai ;  tu  comprends  que  le  vicomte  dis- 
parut certainement  dès  l'aube. 

Malgré  mes  occupations,  cette  nuit, 
cette  nuit  merveilleuse,  hallucinante,  ex- 
tiaordinaire,  hantait  si  vivement  mes 
souvenirs,  que  je  ne  pouvais  cesser  d'y 
penser. 

Dans  la  journée,  je  m'aperçus  que  le 
jeune  Edgard  de  Juvisy  prenait  quelque 
complaisance  à  me  regarder.  J'éprouvais 
tant  d'affectueuse  attirance  vers  lui;  je 
devinais  si  complètement  qu'il  devait  être 
mon  allié  que,  dans  un  moment  de  cou- 
rage, je  lui  fis  signe  d'approcher;  ce  à 
quoi  il  s'empressa  d'obéir. 

—  De  quoi  s'agit-il.  Mademoiselle  ? 
me   demanda-t-il  très-respectueusement. 

—  Monsieur,  lui  répliquai-je,  vous  êtes 
le  seul  de  tous  ces  messieurs  à  qui  j'ose 
adresser  la  parole;  car  vous  êtes  bon, 
vous  êtes  pieux,  vous  avez  une  élévation 
d'idées  qui... 

]c  m'arrêtai  dans  l'énumération  de  ses 


20  NOUVELLES    DROLATIQUES 


qualités,  en  le  voyant  baisser  les  yeux  par 
modestie. 

—  Achevez,  Mademoiselle,  achevez, 
de  grâce  !  murmura-t-il  en  me  coulant  un 
regard  qui  dégrafa  mes  vêtements  de  la 
nuque  à  la  pointe  des  pieds. 

—  Eh  bien.  Monsieur,  je  voudrais  que 
vous  me  répondissiez  franchement. 

—  Sur  quoi,  Mademoiselle  ? 

—  Sur  un  sujet  tellement  inattendu, 
tellement  surprenant...,  que,  peut-être, 
vous  n'y  avez  jamais  pensé. 

—  Tant  mieux.  Mademoiselle  !  j'aurai 
le  plaisir  de  l'approfondir  avec  vous. 

Et  il  se  rapprocha  si  près  de  moi  que, 
sous  je  ne  sais  quelle  bizarre  association 
d'idées,  la  sensation  de  la  nuit  précédente 
me  courut  à  fleur  de  peau.  Comme  je 
gardais  le  silence,  il  poursuivit  : 

—  Ne  voulez-vous  point  m'informer 
de  ce  qui  vous  inquiète,  de  ce  qui  vouî* 
tourmente  ? 

Que  sa  voix  était  douce  et  enivrante  ! 
ce  n'est  pas  mon  confesseur,  le  P.  Ventru, 


NOUVELLES    DROLATIQUES 


qui  déployait  une  si  délicieuse  fliçon 
de  m'encourager  à  l'aveu  d'une  faute  ;  il 
me   criait,  au   contraire  : 

—  Allons,  allons,  ma  fille,  est-ce  que 
vous  comptez  me  faire  coucher  ici  ?  Du 
courage,  et  enlevons  cette  confession  vi- 
goureusement. 

Non,  mille  fois  non  !  Cet  organe,  d'une 
suavité  pénétrante,  ne  pouvait  offrir  aucun 
rapport  et  supporter  aucune  comparaison 
à  côté  de  la  grosse  voix  des  hommes  vénérés 
que,  toi  et  moi,  avons  tant  de  fois  en- 
tendue résonner  sous  les  murs  saints  de 
notre  couvent.  Alors,  levant  les  yeux  vers 
le  vicomte,  je  pris  le  parti  de  lui  demc^n- 
der,  d'une  façon  détournée,  si,  par 
hasard,  certains  rêves...  assez  agréables 
ne  le  hantaient  pas  quelquefois  l'espace 
d'une  journée,  au  point  de  ne  les  pouvoir 
chasser  de  sa  mémoire. 

Il  m'avoua  aussitôt  qu'en  effet,  cela  lui 
arrivait  souvent  ;  et,  pour  m'épargner  la 
peine  de  lui  en  expliquer  davantage,  il 
reprit  : 


22  KOUVELLES  DROLATiaUES 

—  Vous  êtes  sans  doute  sous  l'empire 
d*un  de  ces  rêves,  n'est-ce  pas,  Mademoi- 
selle ?  Et  c'est  ce  qui  est  cause  que  vous 
vous  absorbez,  comme  vous  le  faites  de- 
puis ce  matin,  dans  vos  méditations. 

—  Précisément,  Monsieur.  Et  ce  qu'il 
y  a  de  bizarre,  c'est  qu'il  me  semble  que 
si  ce  rêve  ne  recommençait  point  pour 
moi  chaque  nuit,  je  serais  désespérée. 

Cette  fois  il  me  contempla  d'un  air  si 
étrange,  si  scrutateur,  si  narquois  et  en 
même  temps  si  tendre,  que  je  restai 
bouche  close.  A  mon  tour  je  lui  demandai 
à  quoi  il  pensait.  Il  répHqua,  en  se  levant 
comme  sous  l'empire  d'une  exaltation 
contenue  : 

—  Et  vous  avez  été  très-heureuse... 
dans  ce  rêve,  n'est-ce  pas  ? 

—  Dieu,  si  j'ai  été  heureuse  !  C'est-à- 
dire  que  je  manque  absolument  de  signes 
et  de  mots  pour  vous  le  traduire. 

—  Et  vous  souhaiteriez  que  toutes  les 
nuits  il  revînt...  vous  toucher  à  la  même 
place  ? 


NOUVELLES   DROLATIQ.UES  23 


—  Ne  m'en  parlez  pas  !  S'il  cesse  de  me 
hanter,  ]e  demande  au  Seigneur  la  grâce 
de  mourir. 

Il  s'approchait  de  ma  chaise  en  trem- 
blant ;  et  moi,  interdite  par  son  attitude, 
je  me  sentais  la  respiration  entrecoupée, 
lorsque  tout  à  coup,  et  comme  il  ouvrait 
les  lèvres,  ma  tante  accourut  : 

—  Berthe,  ma  chère  enfant,  que  signi- 
fie votre  fuite  du  salon  depuis  ce  matin  ? 
Venez  donc  accompagner  Juliette  qui 
va  nous  chanter  la  Gâ!;^^^  Ladra.  Et 
vous,  vicomte,  le  P.  Z...  vous  demande 
instamment. 

C'était,  ma  pauvre  amie,  un  ordre  de 
nous  séparer.  Et  nous  le  comprîmes  l'un 
et  l'autre  aussitôt,  car  le  vicomte  se  leva 
et,  m'ayant  saluée,  non  sans  émotion, 
sortit  du  boudoir  à  la  hâte. 

Ma  tante  qui,  un  instant  avant,  s'apprê- 
tait, j'en  suis  certaine,  à  me  faire  quel- 
ques observations,  m'emmena  alors  sans 
prononcer  un  mot. 

L'attitude  tremblante  de  M.  de  Juvisy, 


24  NOUVELLES   DROLATIQ.UES 

les  regards  de  ma  tante,  la  nuit  dont  je 
Lne  cessais  de  me  rappeler,  quelque  chose 
qui  se  trouvait  en  moi  et  qui,  je  m'en 
souvenais  parfaitement,  n'y  était  pas  la 
veille  :  tout  cela,  ah  !  vois-tu,  tout  cela 
m'agitait  jusqu'à  la  fièvre.  C'est  au  point 
que,  quittant  le  piano,  et  ne  sachant  que 
devenir,  j'avisai  le  P.  Z...  qui  venait 
d'entretenir  le  vicomte,  et  lui  demandai 
de  m' entendre  de  suite  en  confession. 

—  Sur  l'heure,  mon  enfant,  sur  l'heure! 
me  répliqua  ce  brave  homme.  Allez 
m'attendre  à  la  chapelle. 

J'étais  décidée  à  tenter  l'impossible  afin 
d'avoir  l'exphcation  de  la  pensée  qui  m'ob- 
sédait. Un  tel  rêve  n'était-il  pas  une  pré- 
disposition merveilleuse  à  l'état  de  sain- 
teté qui  m'attendait?  Et  n'expHquait-il  pas 
les  ineffables  jouissances  que  l'on  devait 
retirer  a  être  l'épouse  du  Christ  ?  Si  cela 
existait,  si  je  ne  me  trompais  point,  je 
devais  abréger  mon  épreuve  mondaine  et 
retourner  au  couvent  immédiatement. 

Tu  peux  t'imaginer  mon  saisissement. 


NOUVELLES   DROLATIQ.UES  2$ 

quand  l'abbé,  m' ayant  entendue,  se  con- 
tenta de  me  jeter...  m  bizarre  et  intradui- 
sible regard. 

—  Vous  parlez  sérieusement,  mon  en- 
fant ? 

—  Oh!  grand  Dieu!  mon  père,  sup- 
posez-vous que  je  mente,  ici,  au  tribunal 
de  la  pénitence  ? 

—  Et  \ous  m'assurez  que  «  les  délices 
de  l'Esprit-Saint...  »  et  votre  «  intransi- 
geant «  eurent  une  telle  entente  entre  eux 
que  cela  a  été  comme  une  symphonie  cé- 
leste de  votre  personne  entière  ? 

—  Symphonie  n'exprime  pas  assez. 
Cest  torrent  de  volupté ,  c'est  abîme  de 
plaisir  qu'on  devrait  dire. 

—  Ma  fille,  il  faut  vous  m.arier,  fit  gra- 
vement l'abbé. 

L'hébétement  me  cloua  sur  place.  Me 
marier  !  moi  !  pour  cesser  d'éprouver 
pareille  jouissance  !  Me  marier  !  Quelle 
plaisanterie  amère,  quelle  torture  pou- 
vait-on m'infliger  qui  équivalût  à  celle-là  ? 

—  Mon  père,  repris-je  en  me  redres- 


26  NOUVELLES   DROLATIQUES 

sant,  je  ne  renoncerai  jamais  à  ne  pas 
retrouver  cette  nuit  phénoménale,  cette 
nuit  délirante,  cette  nuit  où  j'ai  été  véri- 
tablement considérée  avec  complaisance 
par  r  Esprit-Saint,  qui  a  fait  de  moi  un 
banquet  de  délices  où  il  m'a  invitée  à 
m'asseoir...  Une  nuit,  mon  père... 

L'abbé  ferma  si  brusquement  le  guichet 
que  je  fus  obligée  de  me  retirer.  Stupéfiée 
d'un  pareil  accueil,  je  sortis  du  confes- 
sionnal. On  ne  pouvait  être  plus  malheu- 
reuse, plus  perplexe,  plus  désespérée. 
Alors,  je  m'enfuis  de  la  chapelle  et  allai 
me  réfugier  dans  ma  chambre. 

Il  n'y  avait  pas  un  quart  d'heure  que  je 
m'y  trouvais,  lorsque  sœur  Perpétue  entra 
comme  une  folle. 

—  Bon  Dieu!  ma  sœur,  quel  malheur 
venez-vous  m'annoncer  ? 

—  Ah!  Mademoiselle!  je  vous  cherche 
depuis  ce  matin.  Vous  pouvez  me  rendre 
le  calme.  Répondez-moi  aussi  vite  que 
possible.  Dites,  répondez-moi. 

—  Je   ne  demande  pas  mieux.  Mais 


NOUVELLES   DROLATIQUES  27 

indiquez-moi  le  sujet  sur  lequel  j'ai  à  vous 
répondre. 

—  C'est  assez  scabreux,  Mademoiselle. 
Seulement,  ici  vous  êtes  chez  vous...  et 
puis  nous  sommes  venues  ensemble  ; 
alors,  vous  m'éclairerez  certainement,  car 
vous  ne  pouvez  pas  avoir  changé  pour 
moi... 

—  Ma  sœur,  revenez  à  vous,  je  suis 
tout  oreilles. 

—  Voici  le  fait.  C'est  fort  simple.  Hier, 
madame  votre  tante  m'appelle  :  —  Sœur 
Perpétue,  vous  allez  mettre  une  bassinoire 
très-chaude  dans  le  lit  de  M.  le  comte  de 
Saint-Aignan.  Moi,  je  tire  une  révérence 
et  je  vais  trouver  Catherine  :  —  Donnez- 
moi  donc  votre  bassinoire,  Catherine, 
c'est  madame  qui  m'ordonne  de  la  pren- 
dre. —  Qu'en  voulez  -  vous  faire?  — 
Pardi!  je  veux  bassiner  le  lit  de  M.  le 
comte  de  Saint-Aignan.  —  Nenni  da  ! 
s'exclame  Catherine.  Ma  bassinoire  est 
pour  le  jeune  M.  de  Rosez  qui,  lui,  ne 
lésine  pas  comme  votre  Saint-Aignan.  Il 


28  NOUVELLES   DROLATiaUES 

s'en  passera,  je  vous  le  jure  !  —  J'ai  beau 
faire;  j'ai  beau  insister,  cette  fille  tient 
bon.  Du  reste,  Mademoiselle,  je  cherchais 
aux  murs:  pas  plus  de  bassinoire  que... 
sur  moi. — C'est-à-dire,  non,  j  e  me  trompe, 
j'ai  une  «  bassinoire  »  par  derrière;  alors,  ma 
comparaison  n'est  point  juste.  —  J'insiste 
uniquement  pour  vous  répéter  qu'il  n'y 
avait  aucun  ustensile  de  ce  genre  dans  la 
cuisine. 

—  Ma  sœur,  je  vous  en  prie,  arrivez  au 
fait. 

—  Au  fait,  au  fait  ;  c'est  facile  à  deman- 
der. Quand  je  me  vis  dans  l'impossibilité  de 
bassiner  le  lit  de  M.  de  Saint- Aignan,  je 
me  tins  ce  raisonnement:  Avant  tout, 
l'obéissance.  Donc^  je  dois  bassiner  le  lit 
de  M.  le  comte;  donc,  pour  cela,  je  vais 
me  servir  de  la  chaleur  de  ma  propre 
«  bassinoire  »  à  moi. —  Dame  !  n'auriez- 
vous  point  agi  ainsi.  Mademoiselle  ? 

—  Mais  continuez  donc,  sœur  Perpé- 
tue ! 

—  Doux  Jésus!  comme  Mademoiselle 


NOUVELLES    DROLATIQUES  2^ 


s'impatiente  !  J'allai  donc  à  la  chambre  de 
M.  de  Saint-Aignan,  et  là,  ma  toi^  faute 
de  mieux,  je  me  répétai  encore  :  —  Ce  bon 
vieillard  a  besoin  d'avoir  chaud;  au  nom 
de  la  très-sainte  charité,  je  vais  faire  servir 
mon  corps  à  cette  œuvre  de  bienfaisance. 
Là-dessus,  je  m'insinuai  sous  la  couver- 
ture et  me  roulai  consciencieusement 
dans  tous  les  endroits  froids  des  draps. 
Quand  une  place  était  tiède,  paf  !  je  me 
glissais  dans  une  autre,  tant  et  si  absolu- 
ment que  le  lit  devint  bientôt  un  bra- 
sier. 

—  Abrégeons,  abrégeons,  ma  sœur. 
Que  vous  arriva-t-il  ? 

—  Il  arriva.  Mademoiselle,  que  je 
m'endormis,  et  qu'au  milieu  de  mon 
sommeil...  Jésus!... 

—  Vous  me  faites  frémir...  Poursuivez, 
poursuivez. 

Sœur  Perpétue  s'essuya  le  front.  Au 
bout  d'une  minute,  elle  continua  d'une 
voix  étranglée  : 

—  Au  milieu  de  mon  sommeil,  j'éprou- 


30  NOUVELLES   DROLATIQUES 

vai  distinctement  la  sensation  d'une 
étreinte  très-accentuée  autour  de  ma 
«  bassinoire  ». 

—  C'est  affreux!  m'écriai-je.  Et  vous 
vous  débarrassâtes  de  l'importun  qui  s'é- 
tait permis  une  telle  privauté,  n'est-ce  pas? 

Sœur  Perpétue  baissa  les  yeux. 

—  Hélas  !  finit-elle  par  dire,  mon  bon 
ange  voulut  que  là  où  je  ne  devais  ressen- 
tir que  de  l'horreur,  ce  fut,  au  contraire, 
une  impression  délicieuse  qui  m'étreignit 
de  la  tête  aux  pieds.  Il  m' advint,  si  je  puis 
m'exprimer  ainsi,  la  même  chose  qu'à 
ces  vierges  martyres  qui,  lancées  au  mi- 
lieu d'un  bûcher,  au  lieu  d'être  dévorées 
par  les  flammes  vives,  se  trouvaient  bai- 
sées par  les  colombes. 

—  Dieu  a  permis  ce  miracle,  ma  sœur, 
n'en  doutez  pas.  C'est  sa  protection  au- 
guste qui  s'est  étendue  entre  vous  et 
un  odieux  attentat  commis  sur...  votre 
«  bassinoire  ». —  Voilà  donc  pourquoi  je 
vous  ai  entendu  crier  cette  nuit  dans  \h 
couloir  ? 


NOUVELLES   DROLATIQ.UES  3I 

—  Ah  !  vous  avez  entendu  ?  murmura 
sœur  Perpétue  assez  confuse... 

—  Croyez-moi,  mettons-nous  à  genoux 
et  remercions  le  Seigneur  de  ne  nous 
avoir  point  abandonnées. 

Sœur  Perpétue  me  comprit  à  merveille 
et  vint  s'agenouiller  à  mes  côtés.  Alors, 
nous  récitâmes  dévotement  un  Paler  et  un 
Ave  en  guise  d'actions  de  grâces  au  Sei- 
gneur qui  nous  avait  servies  cette  nuit 
extraordinaire  d'une  façon  si  éclatante. 
Après  quoi  nous  nous  embrassâmes. 

—  La  paix  soit  avec  vous,  ma  sœur  ! 

—  Amen!  repiqua  sœur  Perpétue  en  se 
retirant. 

Comme  elle  sortait,  ma  tante  entra  à 
son  tour. 

C'était  décidé,  on  en  voulait  à  mon  repos. 

—  Ma  fille,  écoutez  le  P.  Z...,  mur- 
mura-t-elle  doucement  en  m'attirant;  il 
ne  veut  que  votre  bonheur. 

—  Ma  tante,  le  P.  Z...  désire  me  voir 
renoncer  à  être  l'épouse  de  Jésus-Christ. 
Jamais  je  n'y  consentirai. 


32  NOUVELLES   DROLATIdUES 

—  Même  pour  le  vicomte  ?  interrogea 
ma  tante,  en  me  considérant  fixement. 

Ce  «  même  pour  le  vicomte  »  eut 
comme  résultat  de  me  coller  la  langue  au 
palais. 

—  J'aurais  dû,  continua-t-elie  toute  en 
larmes,  j'aurais  dû  me  douter  qu'à  votre 
âge  l'esprit  est  prompt  et  la  chair  est  fai- 
ble. Mais,  qui  aurait  cru  que  ce  jeune 
homme,  un  élève  du  P.  Z...,  abuserait 
ainsi  de  notre  hospitalité?  Enfin!...  Il 
est  heureux  que  sa  famille  et  la  vôtre 
puissent  s'entendre  j  sans  cela  quel  irré- 
parable malheur  ! 

J'eus  positivement  la  pensée  que  ma 
pauvre  tante  divaguait. 

—  Encore  une  fois,  ma  tante,  je  veux 
être  l'épouse  de  Jésus-Christ. 

—  Je  vais  vous  envoyer  M.  de  Juvisy, 
ajouta-r-elle  d'un  ton  indigné  ,  et  vous 
réfléchirez,  au  nom  de  votre  propre  di- 
gnité, si  votre  famille  n'entre  pour  rien 
dans  vos  décisions. 

—  Seraient-ils  tous  devenus  fous,   en 


NOUVELLES    DROLATIQ.L'ES  33 

punition  de  leurs  fautes  passées?  me  répé- 
tais-je  en  joignant  les  mains.  Seigneur,  pré- 
servez-moi de  la  contagion.  Il  y  a  là-des- 
sous quelque  chose  d'abominable. 

Er  ce  moment  le  vicomte  poussait  dou- 
cement la  porte  de  ma  chambre. 

—  Oïl  dit  que  je  vous  épouse,  Made- 
moiselle, fit-il  en  me  baisant  la  main. 

—  On  le  dit,  en  effet.  Monsieur;  mais 
vous  m'expliquerez  peut-être  pourquoi, 
hier,  nous  connaissant  à  peine,  il  survient 
qu'aujourd'hui  on  trouve  qu'il  est  néces- 
saire de  nous  allier? 

—  Nécessaire...,  murmura-t-il;  ne 
mettriez  -  vous  pas  autre  chose  que  ce 
mot  dans  une  promesse  d'union  avec 
moi  ? 

—  Vous  me  rappelez  ce  jeu  de  nos 
veillées  au  couvent  :  — Je  vous  vends  mon 
corbillon.  —  Qu'y  met-on  ? 

—  Le  pardon,  répUqua  tout  bas  le  vi- 
comte, en  recommençant  à  me  baiser  les 
doigts. 

—  Mais...    vous    ne    m'avez    point 

I 


34  NOUVELLES   DROLATIdUES 

fat  de  mal,  et  je  n'ai  rien  à  vous  pardon- 
ner. 

—  J'achève,  alors.  Sachez,  Mademoi- 
selle, qu'être  l'épouse  de  Jésus-Christ  ou 
la  mienne,  cela  reviendra  exactement  au 
même. 

Il  me  sembla  que  le  vicomte  commettait 
un  sacrilège. 

—  Écoutez-moi,  reprit-il  en  posant  un 
genou  en  terre,  écoutez-moi,  ma  chère 
Eerthe.  Ce  qui  est  fait  est  fait;  ne  récri- 
minons pas,  j'ai  eu  tort.  Mais  vous  étiez 
si  chaste  dans  votre  sommeil  que...  tout 
élève  du  P.  Z...  que  je  sois...,  mon 
Dieu  !...  nous  sommes  tous  faibles,  n'est- 
ce  pas?  et  sujets  à  pécher  sept  fois  par 
jour. 

—  Sans  doute,  répliquai-je  très-émue, 
en  recommençant  à  sentir  le  même  vertige 
qui  m'avait  enveloppée  la  nuit  précédente. 
Mais  enhn,  en  quoi  mon  mariage  peut-il 
arriver  ici  comme  le  résultat  d'une  faute 
corrmise  par  vous  ? 

Cette  fois,  il   se  releva  brusquement, 


NOUVELLES   DROLAî^O.UES  35 

plongea  son  œil  d'aigle  dans  mes  yeux, 
me  tint  sous  la  projection  de  son  regard 
pendant  une  minute,  et  répéta  à  voix 
basse  ces  mots  incompréhensibles  : 

—  Eh  bien,  vrai,  jamais  je  ne  l'aurais 
cru! 

Soudain,  ce  singulier  vicomte,  que 
je  supposais  si  édifiant  de  conduite  et 
de  discours,  approcha  sa  bouche  de  mon 
oreille,  et,  sous  l'empire  de  je  ne  sais 
quelle  diabolique  pensée,  murmura  pres- 
que dans  mon  cou  : 

—  Si  vous  n'avez  jamais  laissé  tomber 
Athalk  pour  prendre  un  autre  livre  ; 
si  vous  n'avez  jamais  brodé  de  bourse 
bleue  ;  si  la  journée  s'est  toujours 
terminée  pour  vous  aussitôt  votre  prière 
à  la  chapelle;  si  vous  n'avez  rien  inter- 
rompu d'agréable  dans  vos  pensées  chaque 
fois  qu'on  vous  ordonnait  d'ouvrir  votre 
livre  de  messe  ;  si  le  gland  de  soie  que 
vous  cousiez  pour  le  bonnet  grec  de  votre 
grand-père  ne  vous  a  jamais  chatouillé  les 
doigts  ; 


36  NOUVELLES   DROLATIQ.UES 

VOUS  n'avez  point  cherché,  sous  votre 
guhnpe  de  religieuse,  le  petit  morceau  de 
papier  étroit,  chiffonné,  imperceptible, 
où  la  main  d'un  étourdi  aura  griffonné  : 
«Je  vous  aime...»  alors,  oh!  alors... 
vous  avez  raison,  Berthe  ;  le  divin  Mutilé 
dont  vous  portez  l'image  sur  la  poitrine 
peut  seul  vous  convenir... 

Comme  j'étais  résignée  à  entendre  cha- 
cun extravaguer  ce  jour-là,  je  me  con- 
tentai de  le  laisser  parler  entre  ses  dents 
tant  qu'il  voulut. 

Ce  que  voyant,  il  changea  de  ton,  el 
poursuivit  : 

—  Je  vous  assure,  Berthe,  que  si  cela 
vous  fait  le  moindre  plaisir,  lorsque  vous 
serez  ma  femme,  il  vous  sera  loisible 
d'être  tout  à  votre  aise  l'épouse  de  Jésus- 
Christ.  Je  prends  l'engagement  de  vous 
laisser  en  tête-à-tête  avec  mon  rival,  jus- 
qu'au jour  où  vous  me  demanderez  de  le 
faire  cesser. 

—  Dans  ces  conditions-là,  Monsieur... 


NOUVELLES   DROLATIQUES  ^7 

je    pense,    je  veux  dire...     j'espère  que 
notre  mariage  deviendrait  possible. 

Croirais-tu  qu'au  lieu  de  rester  quel- 
ques instants  près  de  moi,  il  me  serra 
presque  respectueusement  dans  ses  bras  et 
sortit  en  courant? 

Trois  semaines  après,  ma  chère,  en  reve- 
nant de  l'église  où  mon  mariage  s'était 
célébré  à  minuit,  je  quittais  ma  robe  de 
faille  blanche  et  je  me  disposais  à  entrer 
dans  ce  même  lit  oii  j'avais  déjà  couché 
cette  bienheureuse  nuit,  me  répétant  inté- 
rieurement : 

—  Nous  allons  voir  si  ce  que  mon 
mari  m'a  assuré  est  sérieux,  et  si,  comme 
je  n'ai  pas  lieu  de  douter  de  sa  loyauté,  je 
passerai  une  heure  aussi  agréable  que  le 
jour  mémorable  qui  a  suivi  l'instant  f.;- 
meux  où  mon  mariage  a  été  décidé. 

H  n'y  avait  pas  dix  minutes  que  je 
sommeillais,  quand  le  vicomte  m'appe- 
lait^ et  se  penchait  sur  moi  pour  m'e:::- 
brasser. 


NOUVELLES   DROLATIQUES 


—  Monsieur,  dis-je  très-sévèrement, 
Monsieur,  je  vous  croyais  un  honnête 
garçon  ? 

—  Est-ce  que  Jésus-Christ  n*est  pas  en- 
core venu,  Madame  ?  me  demanda  M.  de 
Juvisy  sans  s'émouvoir. 

—  Pas  encore  venu...  que  signi^e  ? 

—  Je  vois  de  suite  que  non.  Permettez- 
moi,  je  vous  en  prie,  de  prendre  sa  place. 
S'il  fait  mine  seulement  de  se  montrer,  je 
vous  jure  que  je  suis  trop  bien  né  pour  ne 
pas  la  lui  céder.  D'ailleurs,  vous  savez, 
ma  chère,  rien  ne  donne  envie  à  un 
absent  trop  supplié,  comme  de  se  présen- 
ter dès  qu'on  ne  l'attend  plus. 

Naturellement,  j'avais  le  rouge  au  vi- 
sage. Mais  mon  mari  continua  imperturba- 
blement : 

—  Croyez-moi,  dès  qu'il  verra  T en- 
droit occupé,  votre  céleste  infidèle  se  dé- 
cidera à  me  sommer  de  partir  immédiate- 
ment. 

Ma  chère,  c'est  au  milieu  de  la  nuit 


JSOUVELLtS    DROLATIQ.UES 


que  le  même  phénomène  se  produisit 
pour  la  seconde  fois...  C'est  au  milieu  de 
la  nuit  que  la  prédiction  du  vicomte  se 
réalisa.  Mais  qu'ajouterai-je?  Rien  que  tu 
ne  devines,  sans  doute.  Toutes  les  intran- 
sigeances s'étaient  trouvées  foudroyées 
dans  ma  couche  nuptiale,  et  il  est  abso- 
lument certain  que  la  vérité  fondit  autour 
de  ma  personne,  l'abima  d'évidences,  la 
combla  de  délices.  On  irait  comme  cela 
jusqu'à  la  vie  éternelle,  avec  la  même  fu- 
reur que  la  grâce  s'abattit  sur  saint  Paul, 
sans  crier  gare. 

Si  tu  es  sur  le  point  de  prononcer  tes 
vœux,  viens  me  voir  avant.  J'ai  déjà 
averti  sœur  Perpétue  qui  doit  épouser 
notre  intendant.  Pour  toi,  ma  chérie,  le 
P.  Z...  a  encore  d'autres  élèves. 


A  toi  toujours^ 

V"'  DE  JuvisY. 


LE 


CALICE  DE  M-^  DE  TRIGOXEC 


LE 


CALICE  DE  M"'  DE  TRIGOXEC 


2[^^L  s'agissait  d'assurer  un  échec  au 
^M^\  P'irti  républicain,  et  M.  de  Trigo- 
,^^0  nec  qui  vivait  depuis  sept  ou  huit 
années  sous  la  coupe  absolue  de  la  com- 
munauté de  Saint-Gildas,  desservie  par  les 
pères  jésuites,  se  voyait  à  la  veille  d'être 
abandonné  de  ses  puissants  protecteurs 
qui,  tout  à  coup,  se  refusaient  à  avancer 
les  sommes  nécessaires  pour  patronner  sa 
candidature.  Soit  que  ces  messieurs  jugeas- 
sent Trigonec  comme    prédestiné   à   un 


44  NOUVELLES   DROLATIQUES 

échec  certain;  soit  qu'ils  craignissent  une 
rupture  déloyale  de  sa  part  après  l'avoir 
fait  élire,  le  conseil  se  décidait  à  se  tenir 
à  l'écart  et  à  laisser  tout  bonnement 
passer  le  candidat  du  gouvernement. 

M.  de  Trigonec  avait  accepté  jus- 
que -  là  de  représenter  le  parti  des 
bons  pères  ;  mais,  s'apercevant  que  ses 
dîners,  ses  complaisances,  les  assiduités 
de  sa  femme  au  confessionnal  du  P.  Lo- 
reau  n'aboutissaient  qu'à  grever  sa  for- 
tune d'un  déficit  assez  considérable  chaque 
jour,  il  résolut,  tout  en  courant  le  ris- 
que de  se  perdre  à  jamais,  d'un  seul 
trait,  dans  l'esprit  de  la  communauté,  de 
regagner  son  prestige  devant  l'opinion 
par  un  coup  d'audace.  Il  ne  se  dissimulait 
guère  '^"^'au  cas  où  il  ne  réussirait  pas,  il 
serait  obngé  de  quitter  la  ville  ;  mais,  du 
moins,  gardait-il  la  certitude  qu'il  mettrait, 
de  toutes  les  façons,  les  rieurs  dans  son 
camp. 

L'on  ne  rompt  pas  facilement  avec  les 
traditions  qui  vous  tiennent  par   des  fils 


NOUVELLES   DROLATIQUES  45 

plus  ténus^  plus  subtils  que  des  fils  de  la 
Vierge.  Aussi,  le  jour  où  M.  de  Trigonec 
feignit  d'engager  sa  femme  à  se  montrer 
moins  ascidue  au  confessionnal  du  P.  Lo- 
reau,  M"^  de  Trigonec  s'empressa-t-elle 
d'y  courir  afin  d'avertir  son  directeur  du 
chan2:ement  sur\'enu  dans  la  conduite  de 
son  mari. 

—  Nous  nous  en  doutions.,  lui  répondit 
le  révérend;  c'est  pourquoi  nous  avons 
décidé  de  lui  retirer  notre  toute-puissante 
intervention.  Votre  mari,  ma  cbière  en- 
fant, n'eût  pas  rempli  jusqu'au  bout  son 
mandat  religieux.  Tôt  ou  tard  il  aurait 
pactise  avec  l'Elysée,  et  nous  n'avons  pas 
ledroitde  disposer  aveuglément  des  fonds 
de  notre  ordre,  lorsqu'il  s'agit  d'un  tiède 
ou  d'un  irrésolu. 

—  Mais,  mon  père,  d*où  tenez-vous 
ces  détails  ? 

—  Eh  !  eh  1  le  maître  d'école  m'a  assuré 
que  M.  de  Trigonec  lui  avait  parlé  en 
faveur  des  institutions  laïques. 


46  NOUVELLES   DROLATiaUES 

M°'  de  Trigonec  sentit  ses  mâchoire- 
claquer  d'horreur. 

—  Mon  père,  ne  puis-je  par  des  sacri- 
fices matériels,  des  dons  faits  à  l'église, 
racheter  ce  que  la  conduite  de  mon  mari 
oftVe  de  scandaleux? 

Le  père  sourit  gracieusement. 

—  Vous  le  pouvez,  ma  chère  enfant, 
et  soyez  sûre  que  l'âme  de  M.  de  Tri- 
gonec sera  bientôt  en  bonne  voie  de 
guérison,  grâce  à  nos  prières. 

—  Je  ne  nie  point  l'eflicacité  de  vos 
prières,  mais  il  me  semble  que  j'y  par- 
ticiperais pour  une  plus  large  part  si  je 
joignais  un  don  sérieux  aux  efforts  que 
vous  allez  faire  pour  ramener  M.  de  Tri- 
gonec. 

—  Dans  ce  cas,  je  n*ai  aucune  hésitation 
ï  vous  avouer  que  toute  la  ville  étant  sous 
le  coup  du  scandale  résultant  des  dis- 
cours détestables  attribués  à  votre  mari,  un 
don  de  votre  main,  officiellement^ an- 
'^^ncè  chez  nous  au  prône  de  dimanche, 


NOUVELLES   DROLATIQ.UES  47 

serait  d'un  exemple  qui  vous  porterait 
très-haut  dans  l'opinion. 

M""^  de  Trigonec  se  leva  et  partit. 

Le  P.  Loreau  savait  à  qui  il  s'adres- 
sait, et  quelles  fibres  orgueilleuses  il  tou- 
chait chez  son  aristocratique  pénitente. 
On  peut  renoncer  à  ne  pas  être  femme 
d'un  député  quand  on  a  la  perspective 
d'être  donnée  en  exemple  dans  une  pe- 
tite ville  comme  Q.uimper. 

M"^  de  Trigonec  commença  d'abord  à 
parler  mystérieusement  des  dispositions 
affectées  par  son  mari;  elle  se  fit  plain- 
dre; on  la  vitse  vêtir  de  couleurs  sombres; 
marcher  lentement,  tète  baissée,  dans  les 
allées  solitaires;  chacun  la  montrait  avec 
respect  en  se  disant  :  «  Comme  cette 
femme  porte  noblement  son  malheur! 
Voyez,  nulle  récrimination;  elle  se  con- 
tente de  prier.  Q.uel exemple!  »  Les  jeunes 
filles  en  arrivaient  à  échafauder  des  plans 
pour  l'avenir,  comme  si  elles  s'étaient  déjà 
senti  poindre  au  front  les  palmes  du  mar- 
tyre  conjugal,  ce   qui   équivalait  à  sui?- 


48  NOUVELLE}   DROLATIQUES 

poser  que  la  moitié  des  futurs  époux  de 
ces  dames,  quoique  inconnus,  devraient 
être  des  scélérats,  des  riens  de  rien. 

Le  dimanche  suivant,  le  P.  Loreau 
prit  pour  texte  de  son  prône  le  portrait 
de  l'épouse  chrétienne.  Il  la  suivit  dans 
les  moindres  détails  de  sa  vie  domesti- 
que, la  montrant  depuis  le  matin  sous  le 
poids  de  ces  innombrables  tourments 
qu'un  époux  athée  accumulait  sur  son 
passage.  Le  mécréant  T abreuvait  d'en- 
nuis et  de  douleurs;  il  s'asseyait  à  table 
sans  réciter  son  B.nedici.e,  mangeait 
comme  quatre  et  buvait  comme  un  son- 
neur. Dans  la  journée,  il  forçait  sa  femme 
à  subir  son  odieux  contact,  alors  qu'elle 
eût  préféré  s'enfermer  dans  sa  chambre  et 
s'entretenir  avec  Jésus-Christ.  Partait-il 
pour  la  chasse?  A  son  retour,  il  n'éprou- 
vait qu'un  appétit  bestial  qu'il  ne  deman- 
dait qu'à  assouvir,  au  Heu  d'avoir  faim 
et  soif  de  justice  et  de  s'en  saouler  tout 
à  son  aise.  Ah  bien,  oui!  L'épouse  chré- 
tienne   était    obligée    de    le    voir    en- 


NOU\'ELLES    DROLATIQUES  49 


gloutir  ainsi  qu'un  goinfre,  et  assistait  les 
yeux  résignés  à  ces  scènes  de  voracité,  — 
déplorable  exemple  donné  aux  serviteurs, 
—  et  ce  n'était  qu'après  ce  dernier  acte 
qui  terminait  la  journée,  qu'elle  obtenait 
enfin  la  permission  tacite  d'aller  verser 
ses  larmes  aux  pieds  de  son  Dieu. 

L'auditoire  entier  frémit.  Le  P.  Loreau 
ne  garda  pas  son  aménité  habituelle  en 
descendant  de  la  chaire  ;  il  se  retira  d'un 
air  courroucé.  Les  maris  présents  se  re- 
gardèrent, complètement  ahuris;  et  les 
femmes  eurent  un  port  si  majestueux  et 
des  regards  si  foudroyants  à  jeter  sur  ces 
messieurs,  que  la  cérémonie  s'acheva  dans 
un  trouble  indescriptible.  Les  malheureux, 
écrasés  sous  l'anathème,  paraissaient  de- 
mander aux  voûtes  de  l'église  ce  qui  avait 
pu  déterminer  cette  trombe  à  leur  adresse. 
Quelques-uns  revinrent  chez  eux  dé- 
sespères, convaincus  que  le  pasteur  de- 
vait connaître  certaines  de  leurs  pecca- 
dilles restées  secrètes  jusque-là  et  s' atten- 
dant à  de  terribles  -scènes. 


50  NOUVELLES   DROLATIQ.UES 

2^me  ^Q  Trigonec  savoura  le  plus  doux 
triomphe  que,  de  mémoire  de  dévote,  elle 
se  rappelait  avoir  goûté.  Les  vieilles  filles 
de  Tarchiconfrérie  de  la  Vierge,  détrônées 
de  la  sphère  dans  laquelle  elles  planaient 
du  haut  de  la  puanteur  de  leur  crasse  virgi- 
nale, ne  furent  point  satisfaites  delà  palme 
décernée  à  l'épouse  chrétienne. 

—  Il  indisposera  la  sainte  Vierge  et 
sainte  Geneviève  contre  lui,  assuraient- 
elles.  Cest  d'une  criante  injustice.  Le  cé- 
Ubat  n'est-il  pas  par- dessus  tout  l'état 
agréable  au  Seigneur? 

Le  vicaire  tâchait  de  mettre  la  paix,  les 
assurant  qu'un  célibat  bien  porté  ne  nui- 
sait pas,  au  contraire;  mais  qu'un  joug 
marital  non  moins  bien  supporté  n'était 
point  sans  mérite.  Ces  demoiselles  prirent 
une  attitude  de  componction,  affectant  de 
marcher  deux  à  deux,  en  bridant  encore 
davantage,  s'il  est  possible,  les  jupes  plates 
collées  à  leurs  inexpressibles. 

Le  résultat  du  sermon  de  l'abbé  eut  ce 
dénouement  :  c'est  que  beaucoup  ^  fem- 


II 


NOUVELLES   DROLATIQ.UES  5I 

mes,  drapées  dans  leur  fière  mélancolie,  pa- 
raissaient des  victimes  vouées  à  une  desti- 
née effroyable;  et,  comme  sous  l'effet  de  la 
reprise  de  la  Case  de  V Oncle  Tom  à  l'Am- 
bigu, l'on  entendit  un  jour  la  cuisinière  du 
percepteur  des  douanes  répliquer  à  son 
maître  qui  lui  demandait  un  tire-bou- 
chon : 

—  Monsieur,  mon  corps  peut  vous  ap- 
partenir, mais  mon  âme,  jamais  ! 

M.  de  Trigonec  se  frottait  les  mains  ;  il 
avait  ouï  raconter  le  petit  mouvement 
exécuté  par  les  bons  pères  ;  il  savait,  en 
outre,  que  M'"''  de  Trigonec  se  disposait  à 
adresser  un  cadeau  sérieux  au  P.  Loreau. 
Il  résolut  donc  de  frapper  défmitivement 
le  grand  coup. 

—  J'aurai  raison  de  ces  gredins-là,  se 
dit-il;  je  les  tuerai  sous  le  ridicule.  Ht,  si 
j*échoue,  j'en  serai  quitte  pour  partir  im- 
médiatement à  Paris.  Mais  si  j'ose  ouver- 
tement me  moquer  d'eux  et  que  j'aie  seu- 
lement deux  ou  trois  alliés,  quel  triom- 
phe,  et  quelle  réputation  de   bravo. .re  \ 


52  NOUVELLES   DROLATIQUES 

Le  gouvernement  est  capable  de  m'adres- 
ser  des  offres. 

Cependant  M""^  de  Trigonec  faisait  de- 
mander à  Paris,  rue  Saint- Sulpice^  un  ca- 
lice en  vermeil  aux  ciselures  richement 
fouillées.  Il  s'agissait  de^ graver  le  chiffre 
du  P.  Loreau,  ce  qui  occasionnait  un  léger 
retard.  Elle  en  profita  pour  écrire  une  let- 
tre pesée,  calculée,  mûrie,  qu'elle  recom- 
mença quatre  ou  cinq  fois,  se  répétant 
qu'elle  écrivait  en  vue  de  la  postérité. 

M.  de  Trgonec,  de  son  côté,  ne  per- 
dait pas  son  temps  ;  il  s'agissait  de  gagner 
Svdonie,  la  femme  de  chambre  de  sa 
femme.  Faute  de  ce  faible  auxiliaire,  tout 
pouvait  échouer. 

—  Sydonie,  lui  dit-il  un  matin  en  af- 
fectant un  ton  très-grave,  j'ai  à  vous  parler, 
mon  enfant  ;  venez  dans  mon  cabinet. 

Sydonie  suivit  son  maître,  assez  interlo- 
quée. 

—  Ma  fille,  poursuivit  celui-ci,  vous 
n'êtes  pas  sans  avoir  remarqué  la  mésin- 
telligence qui  s'est  élevée  entre  votre  maî- 


NOUVELLES    DROLATIQ.UES  53 

tresse  et  moi.  Vous  m'envoyez  excessive- 
ment malheureux. 

Flattée  de  recevoir  une  pareille  confi- 
dence, la  soubrette  baissa  et  releva  alter- 
nativement les  yeux  en  poussant  un  petit 
soupir. 

—  Savez-vous  pourquoi  je  vous  fais  ve- 
nir? Voici  simplement  mon  projet.  Je 
veux  me  réconcilier  avec  ma  femme. 

—  Ah  !  Monsieur  !  fit  la  femme  de 
chambre,  tout  le  monde  dit  que  ça  ne 
se  peut  plus. 

—  Bah  !  quand  je  vous  aurai  communi- 
qué mon  idée... 

—  Monsieur  est  trop  bon. 

—  Mon  plan,  Sydonie,  est  d'une  exé- 
cution facile.  Je  voudrais  déposer  un  bil- 
let de  mille  francs  dans  le  caHce  que  Ma- 
dame doit  vous  envoyer  porter  demain  au 
P.  Loreau,  y  joindre  ma  carte  et  causer  à 
M"^  de  Trigonec  l'émotion  fort  légitime 
et  inespérée  d'apprendre  ainsi  que  je  ces- 
serai d'être  un  adversaire  pour  l'excellent 
père.  Vous  êtes  une  personne  intelligente, 


54  NOUVELLES    DROLATiaUES 


mon  enfant,  et  vous  comprenez  que  je 
n'ai  pas  de  meilleure  façon  de  terminer 
cette  querelle  ridicule  dont  chacun  glose 
dans  la  ville. 

—  Monsieur  est  bien  aimable  de  me 
raconter  ça.  Si  Monsieur  veut,  je  lui  ap- 
porterai demain  le  calice  ;  il  lui  sera  facile 
de  mettre  l'argent  dedans,  et  je  ferai  la 
double  commission  de  Monsieur  et  de 
Madame. 

—  Non,  non,  Sydonie.  Je  veux,  au 
contraire,  que  l'envoi  soit  fait  au  nom 
seul  de  M""*  de  Trigonec.  Je  tiens  à  m' ef- 
facer derrière  ma  femme,  et  à  lui  causer 
une  véritable  surprise,  lorsqu'elle  saura 
qu'un  don,  qui  ne  peut  venir  que  de 
ma  main,  accompagnait  son  offrande. 

—  Soyez  tranquille.  Monsieur,  je  me 
tairai.  C'est  égal,  c'est  quand  même  beau 
à  raconter.  Si  tous  les  maris  de  Qiiimper 
agissaient  comme  Monsieur... 

—  Vous  comprenez,  Sydonie,  que  tou- 
tes les  femmes  ne  sont  pas  M™*"  de  Tri- 


NOUVELLES   DROLATIQ.UES  $5 

—  C'est  ce  que  je  voulais  dire  à  Mon- 
sieur. 

Là-dessus  j  Sydonie  se  retira  très-im- 
pressionnée. 

—  C'est  embarrassant^  au  fond,  pen- 
sait-elle. J'ai  peut-être  tort  d'agir  sans 
consulter...  Cependant  c'est  dans  une  in- 
tention louable,  et  je  n'ai  pas  de  raison 
pour  refuser  à  Monsieur. 

Vers  le  soir,  agitée  par  sa  conscience,  la 
femme  de  chambre  demanda  à  aller  se 
confesser,  et  s'en  fut  à  la  communauté 
trouver  le  P.  Antoine  auquel  elle  raconta 
l'incident  de  la  journée. 

—  Un  billet  de  mille  francs  dans  un  ca- 
lice d'or  !  se  récria  le  père.  Je  vous  octroie 
de  suite  mon  autorisation  pour  nous  l'ap- 
porter. Vous  ferez  une  œuvre  méritoire 
et  dont  Dieu  vous  tiendra  compte. 

On  conçoit  que  la  camériste  n'hésita 
pointa  remettre  à  M.  de  Trigonec  la  petite 
caisse  en  question,  arrivée  le  matin  de  Pa- 
ris, et  dont  il  s'agissait  de  faire  sauter  le 
couvercle  afin  de  déposer  le  soi-disant  billet 


56  NOUVELLES   DROLATIQ.'.  ES 


de  mille  francs.  Sydonie  pensait  assistera 
l'opération,  mais  elle  avait  compté  sans 
un  certain  ton  impératif  qui  la  priait 
de  sortir  deux  secondes. 

Cependant  toute  la  ville  de  Qj-iimper 
était  avertie  que  M"'^  de  Trigonec  allait 
offrir  un  cadeau  princier,  consistant  en  un 
merveilleux  ouvrage  d'orfèvrerie,  que  Ton 
devait  déposer  le  dimanche  de  Pâques  à 
la  chapelle  de  la  communauté. 

La  curiosité  de  connaître  et  de  palpet 
ce  cadeau  s'empara  si  vite  de  ces  cervelles 
à  moitié  fondues  sous  le  soleil  eucharis- 
tique, qu'on  décida  qu'il  resterait  exposé 
dans  la  sacristie,  à  la  libre  dévotion  des 
fidèles,  qui  seraient  admis  à  le  visiter  à 
tour  de  rôle. 

L'archiconfrérie  de  la  Vierge  fut  con- 
voquée afin  d'assister  au  déballage  que  l'on 
annonça  presque  solennellement. 

Les  convenances  exigeaient  que  M"*^  de 
Trigonec  s'abstint  de  paraître  au  prône 
où  elle  savait  que  lecture  serait  faite,   en 


NOUVELLES    DROLATIQUES  57 

guise  d'exhortation,  de  la  lettre  édifiante 
qu'elle  adressait  au  P.  Loreau. 

Le  moment  d'exhiber  l'objet  arriva  en- 
fin. Pendant  cette  délicate  opération, 
Fheureux  révérend  revêtit  son  surplis,  se 
disposant  à  monter  en  chaire.  Le  suisse 
l'attendait  respectueusement.  Au  moment 
où  il  fi-appait  ses  trois  appels  de  hallebarde 
et  où  le  P.  Loreau  quittait  la  sacristie,  le 
bedeau  donnait  le  premier  coup  de  mar- 
teau à  la  caisse.  Un  second  coup  fit  sauter 
le  couvercle.  Une  légère  surprise  se  mani- 
festa immédiatement.  On  s'attendait  à 
trouver  dans  la  boite  un  riche  écrin,  di- 
gne du  précieux  bijou  annoncé.  Tous  les 
yeux  se  fixèrent  cependant  pleins  de  con- 
voitise sur  l'objet,  soigneusement  enve- 
loppé d'un  triple  papier  de  soie.  Toutes 
les  lèvres  s'ouvrirent  et  toutes  les  mains 
s'avancèrent.  Le  P.  Antoine  déscntortilla 
avec  déférence  le  cadeau  de  M"-'=  de  Tri- 
gonec  et  poussa  soudain  une  sourde  excla- 
mation. L'horreur  le  disputait  à  la  honte, 
la  honte  à  la  colère  ;    son  cou  se  raidit, 


58  NOUVELLES   DROLATIQUES 

ses  dents  s^'entre-choquèrent,  ses  mains 
frémirent,  il  faillit  tomber.  Le  digne  père 
venait  d'exhiber  un  irrigateur,  d'un  format 
moyen,  fort  savamment  entouré  de  son 
conduit  vert.  Le  bout  d'ivoire,  au  lieu  de 
disparaître  discrètement  dans  un  angle  de 
la  boîte,  semblait  se  redresser  animé  d'une 
provocante  malice,  et  surgir  dans  le  ser- 
pentement  du  tuyau  en  caoutchouc, 
en  pointant  de  toute  sa  raideur  au  nez 
du  malheureux  P.  Antoine  qui  le  regar- 
dait d'un  air  abruti. 

On  se  crut,  un  instant,  dans  la  pieuse 
assemblée,  en  proie  à  un  formidable  rêve, 
à  quelque  chose  de  semblable  àla  violation 
d*un  vase  sacré.  Du  reste,  il  n'y  avait  pas 
à  s'y  méprendre,  c'était  bien  là  ce  que 
l'on  avait  voulu  offrir  au  P.  Loreau  en 
guise  de  cahce. 

Et,  pendant  ce  temps,  on  entendait  la 
voix  retentissante  du  confesseur  de  M""^  de 
Trigonec,  clamant  du  haut  de  la  chaire, 
la  lettre  pieusement  décachetée  devant 
l'assemblée  des  fidèles: 


NOUVELLES    DROLATIQUES  59 

«  Mon  révérend,  —  disait  la  lettre,  — 
je  souhaite  qu*en  élevant  entre  vos  mains 
vénérées  cet  objet  précieux,  vous  daigniez 
m'accorder  la  situation  que  je  désire  tenir 
en  votre  esprit.  Je  serai  près  de  vous,  par 
la  pensée,  chaque  fois  que  vos  doigts  con- 
sacrés effleureront  le  saint  métal  qu'j,vec 
respect  j'ai  fait  travailler  pour  l'usage  et 
la  pratique  que  j'espère  vous  en  voir  faire 
qu.  tidiennement.  Je  vous  en  prie,  ne 
vous  servez  pas  d'un  autre  calice  que  celui- 
ci;  prenez-le,  du  moins,  de  préférence  à 
aucun  autre.  J'ai  cette  pieuse  jalousie  de 
désirer  que  le  vase,  consacré  sous  vos  prati- 
ques augustes,  vous  soit  sans  cesse  présent 
à  la  mémoire,  comme  un  symbole  conso- 
lateur. Buvez,  ô  mon  révérend  père!  bu- 
vez, dansce  vase  que  je  vous  présente,  la 
vie  que  je  voudrais,  à  mon  tour,  qu'il  me 
fût  permis  de  prendre  sur  ses  bords.  Je 
n'aurai  pas  le  bonheur  d'en  subir  le  con- 
tact, une  fois  que  vous  vous  en  serez 
su'yi,  puisque  les  rites  sacrés  s'y  opposent; 
mais,  du  moment  qu'il  aura  touché  voti'e 


60  NOUVELLES    DROLATIQ.UES 

sainte  personne,  qu'il  l'aura  accompagnée 
aux  processions,  je  suis  convaincue  que 
rien  qu'un  seul  attouchement  de  cet  objet 
dont  vous  êtes  maintenant  le  légitime  pro- 
priétaire aura  le  pouvoir  d'opérer  des  mi- 
racles, de  calmer  la  fureur  des  uns  et  l'im- 
piété des  autres. 

«  Puisse  votre  âme,  mon  révérend  père, 
monter  à  Dieu  comme  le  saint  calice  que  je 
vous  offre;  c'est-à-dire,  le  suivre  dans  son 
essor  lorsque  vous  F  élèverez  entre  vos 
mains.  Je  souhaite  qu'il  soit  vraiment  pour 
vous  une  source  d'eau  jaillissante,  une 
fontaine  de  grâce,  une  auge  sacrée  dans 
laquelle  vous  retremperez  toujours,  et 
sans  cesse,  votre  existence  terrestre,  qui 
nous  est  si  nécessaire,  mon  révérend. 

«  Je  souhaite  enfin  que  votre  bouche 
s'approche,  assoiffée  d'ivresse,  de  l'orifice 
sacré,  qu'elle  y  boive  la  sagesse  qui  dicte 
ses  discours,  l'abondance,  la  douceur  et 
l'onction  qui  nous  les  font  chérir.  » 

Le  P.  Loreau  continuait  sa  lecture,  en 
y  apportant  une  telle  conviction,  qu'il  ne 


NOUVELLES   DROLATIQUES  6l 

se  sentait  pas  tirer  par  son  surplis.  Il  al- 
lait, soulignant  onctueusement  certains 
passages  de  la  lettre  de  M""^  deTrigonec.  Il 
fallut  qu'une  interpellation  d'un  vicaire,  un 
peu  accentuée, le  forçât  à  retourner  la  tête. 

—  Mon  père,  disait  le  jeune  vicaire, 
terminez  au  plus  vite,  je  vous  prie.  Il  se 
passe  des  choses  inouïes. 

Ne  soupçonnant  rien,  le  P.  Loreau 
s'empressa  de  recommander  aux  prières 
de  toiis  la  pieuse  femme  qui  donnait  un 
pareil  témoignage  public  de  sa  munifi- 
cence envers  l'Église.  Et  il  termina  en 
récitant  un  Ave  Maria  qui  précipita  les 
fidèles  contre  les  dalles  avec  fracas. 

Ce  qui  se  passa  fut  simplement  soiip- 
çonné;  car  on  venait  d'entraîner  le  père 
vers  la  sacristie,  où  les  portes  se  refer- 
mèrent derrière  lui.  On  apprit  seulement 
qu'un  coup  de  sang,  une  colère  apoplec- 
tique, —  assurait  malignement  l'archi- 
confrérie,  —  en  atteignant  subitement 
l'abbé  Loreau,  le  contraignaient  à  rester 
enfermé  chez  lui  durant  une  semaine. 


NOUVELLES    DRÛLA  IQ.UES 


Comment  M""^  de  Trigonec  apprit-elle 
la  vérité?  Nul  ne  saurait  le  dire  encore  à 
Quimper.  Ce  ne  fut  certainement  pas  au 
confessionnal.  Mais,  un  mois  après,  le 
P.  Loreau  recevait  son  changement;  et 
ceux  qui  se  trouvèrent  au  courant  du 
scandale  commis,  virent  M.  de  Trigonec 
sortir  un  matin  du  cabinet  du  Préfet,  la 
satisfaction  peinte  en  son  visage. 

Aux  prochaines  élections,  il  était  porté 
sur  les  listes  des  candidats  du  gouverne- 
ment et  présenté  à  l'Elysée.  Il  siège  au- 
jourd'hui parmi  les  députés  gambettistes, 
et  s'est  distingué  dernièrement,  au  mo- 
ment du  décret  rendu  pour  l'expulsion 
des  révérends  pères.  Sa  femme  doit  lui 
intenter  un  procès  en  séparation;  mais 
son  principal  grief  à  articuler  contre  lui 
est  si  scabreux  qu'on  ne  sait  encore  com- 
ment elle  s'y  prendra.  Et,  dernièrement, 
elle  assurait  sans  malice  qu'elle  ne  savait 
de  quelle  façon  son  avocat  aborderait  la 
quesiion  des  (f  vases  sacrés  ». 


BiBLlOTHECA 


PARIS 
TYPOGRAPHIE    F.    DEBONS    ET    C" 

t6,  «  os  DV  CROISSANT 


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La  Bibliothèque 
Université  d'Ottawa 
Echéance 


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Date  Due 


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