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Full text of "Les Parnassiens de la faune paléarctique"

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LES  PAMA88IEN8 


DE  LA 


FAUNE   PALÉARCTIQUE 


PAR 


JULES  LEON  AUSTAUT. 


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LEIPZIG, 

EKNST    HEYNE 
1889. 


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Imprimerie:  Grimme  4'  Tromel,  Leipzig. 


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Préface. 


Avant  d'aborder  l'histoire  des  Parnassiens  si  intéressante  à 
des  titres  divers,  nous  croyons  devoir  consigner  ici,  sous  forme 
de  préface,  quelques  considérations  préliminaires  qui  ne  seront 
pas  sans  utilité  pour  le  lecteur.  En  effet  nous  devons  expliquer 
d'abord  le  titre  que  nous  avons  attribué  à  cette  étude,  et  ensuite 
en  préciser  la  portée. 

Le  terme  nouveau  de  Faime  Paléarctique  qui  est  encore  peu 
usité,  signifie  l'ensemble  des  êtres  organiques  qui  habitent  le 
territoire  de  l'ancien  pôle  ou  les  contrées  qui  gravitent  autour 
de  cet  axe  de  notre  globe;  il  correspond  à  une  notion  très 
scientifique  qui  est  fondée  sur  l'analogie  que  l'observation  a  cru 
reconnaître  parmi  les  formes  animales  qui  peuplent  ces  vastes 
régions. 

En  effet,  la  vie  organique  ne  se  manifeste  pas  d'une  manière 
uniforme  à  la  surface  de  notre  planète.  Chaque  milieu  distinct, 
chaque  station  gi'Ographique  renferment  des  types  particuliers  qui 
leur  sont  propres;  mais  à  côté  de  ces  formes  spéciales  il  en  est 
d'autres,  en  grand  nombre,  qui  sont  communes  à  d'autres  milieux 
dont  les  conditions  climatériques  ne  sont  pas  sensiblement  diffé- 
rentes, et  qui  s'étendent  parfois  à  de  vastes  étendues  de  pays. 

Ce  sont  ces  formes  quelquefois  partout  identiques  à  elles 
mêmes,    le  plus   souvent  modifiées   par  l'influence  des  stations 

1 


2     

qu'elles  fréquentent  qui  donnent  la  tonalité  à  la  physionomie  d'une 
Faune  et  servent  d'indices  ou  de  points  de  repère  pour  préciser 
les  limites  de  son  étendue. 

C'est  ainsi  que  beaucoup  de  lépidoptères  de  l'Europe  pro- 
prement dite  sont  dispersés  bien  au  delà  des  frontières  artificielles 
que  nos  systèmes  géographiques  ou  politiques  ont  assignées  à  cette 
partie  de  l'ancien  monde.  Un  grand  nombre  de  nos  Lycaenides,  de 
nos  Argynnis,  de  nos  Satyrides  et  nos  trois  espèces  de  Parnassius 
s'étendent  sur  la  plus  grande  partie  du  continent  du  nord  de 
l'Asie;  et  si  cette  immense  région  renferme,  parmi  les  genres  que 
nous  venons  de  citer,  des  espèces  inconnues  à  l'Europe,  elles  sont  ce- 
pendant si  voisines  de  celles-ci  qu'il  est  impossible  de  les  en  séparer 
sans  tomber  dans  l'arbitraire.  Cette  analogie  est  même  si  grande, 
que  l'on  est  tenté  de  se  demander  si  les  formes  étrangères  ne 
sont  pas  simplement  nos  propres  types  qui  auraient  subi  des 
travestissements  dus  à  d'autres  influences  physiques  et  climatériques. 
Autrefois  les  auteurs  en  écrivant  soit  sur  l'ensemble  de  la  Faune 
Européenne,  soit  sur  certains  de  ses  genres  particuliers  ne  tenaient 
aucun  compte  de  cette  grande  loi  de  l'analogie  qui  rapproche  les  races 
et  les  espèces,  parceque  l'expérience  n'avait  pas  encore  rassemblé 
des  faits  suffisamment  nombreux  pour  arriver  à  cet  égard  à  des 
données  scientifiques  et  rationelles.  L'on  ne  connaissait  guère, 
avant  le  premier  tiers  de  ce  siècle,  que  les  papillons  strictement 
européens;  ceux  des  pays  limitrophes  avaient  été  jusqu'alors  si 
non  entièrement  méconnus,  du  moins  fort  mal  étudiés;  et  dans 
tous  les  cas  les  espèces  propres  aux  contrées  mystérieuses  de 
l'Asie  centrale  et  orientale  restaient  encore  à  découvrir. 

Par  la  force  des  choses,  les  traités  d'Entomologie  ne  pouvaient 
embrasser  que  les  types  rigoureusement  spéciaux  à  notre  vieille 
Europe;  et  c'est  dans  ce  cercle  restreint  que  pouvaient  s'exercer 


—     3     — 

seulement  les  investigations  des  premiers  naturalistes.  Ce  n'est 
que  plus  tard,  lorsque  les  sciences  naturelles  eurent  pris  un  plus 
grand  essor,  que  leur  champ  d'observation  s'est  élargi;  mais  de 
cette  plus  grande  extension  acquise  par  l'expérience,  est  résulté 
un  revirement  complet  dans  les  idées  qui  avaient  été  admises 
jusqu'alors  sur  la  constitution  des  différentes  faunes  de  notre 
globe.  Grâce  aux  grandes  facilités  dont  nous  disposons  dans  nos 
moyens  de  commumcation,  les  voyages  se  sont  multipliés  dans 
une  proportion  sans  cesse  croissante,  et  la  connaissance  des  pro- 
ductions de  la  nature  a  retiré  de  ce  fait  un  immense  profit. 
Des  contrées  entières,  absolument  fermées  à  l'accès  des  Européens, 
ont  livré  leurs  trésors  à  des  savants  éclairés  et  intrépides. 

La  Sibérie,  le  Turkestan,  les  contrées  montagneuses  de  la 
Perse  et  de  la  Chine  ont  été  soigneusement  explorés  par  ces  hardis 
pionniers  de  la  science  qui  ont  rapporté  des  leurs  voyages  une 
foule  d'espèces  inconnues  jusqu'alors;  et  ce  n'est  pas  sans  étonne- 
ment  que  l'on  a  pu  constater  l'analogie  souvent  intime  de  ces 
types  lointains  avec  les  formes  qui  nous  sont  familières. 

La  limite  arbitraire  que  Ton  avait  coutume  de  tracer  entre 
l'Europe  et  l'Asie,  au  point  de  vue  de  leurs  productions  organiques, 
n'avait  par  conséquent  plus  de  raison  d'être  et  les  naturalistes  ont 
compris,  avec  un  accord  presque  unanime,  qu'il  convenait  de  rat- 
tacher à  notre  faune  d'Europe  tous  ces  territoires  de  l'Orient  dont 
les  formes  animales  sont  si  voisines  de  celles  que  nous  observons 
autour  de  nous. 

C'est  le  docteur  Staudinger,  de  Dresde,  qui  a  introduit  l'un 
des  premiers  la  loi  de  l'analogie  dans  le  groupement  et  la  dé- 
lunitation  des  faunes,  au  moins  en  ce  qui  concerne  l'ordre  des 
lépidoptères.  Dans  la  préface  du  grand  Catalogue  méthodique 
qu'il  publia  en  1871  sur  ces  insectes,    il  énumère  les  contrées 

1* 


—     4     — 

adjacentes  à  l'Europe  qui  doivent,  à  son  avis,  être  comprises  dans 
notre  propre  faune,  et  il  prend  pour  base  d'appréciation  une  pro- 
portion de  60%  d'espèces  strictement  européennes  dans  l'ensemble 
des  types  observés. 

A  la  faveur  de  ce  principe,  l'on  doit  considérer  comme  faisant 
partie  intégrante  de  notre  faune  tout  le  nord  de  l'Afrique;  c'est 
à  dire  le  Maroc,  l'Algérie,  la  Tunisie  et  peut-être  la  Tripolitaine 
depuis  le  grand  désert  du  Sahara  au  sud  -et  la  vallée  du  Nil 
à  l'est  jusqu'au  littoral  de  la  Méditerranée.  En  dépassant  ces 
limites  méridionales  on  pénètre  dans  la  faune  africaine,  et  l'on 
rencontre  une  prédominance  évidente  de  lépidoptères  exotiques  qui 
n'ont  plus  de  rapports  intimes  avec  ceux  d'Europe.  L'Asie  mi- 
neure, le  nord  et  le  centre  de  la  Perse,  le  Turkestan  jusqu'au 
pied  de  la  chaîne  de  l'Himalaya,  la  Sibérie  toute  entière  jusqu'à 
l'embouchure  du  fleuve  Amour  avec  l'immense  chaîne  de  l'Altaï 
font  également  partie  de  notre  faune;  et  cela  est  si  vrai,  que 
l'Asie  centrale  parait  être  le  berceau  d'où  sont  issues  beaucoup 
de  nos  espèces.  La  limite  méridionale  de  ce  vaste  territoire  fau- 
nique  semble  se  confondre  en  Orient  avec  les  déserts  de  l'Arabie, 
ceux  du  sud  de  la  Perse  et  les  steppes  incultes  du  Gobi  dans 
les  pays  des  Mongols,  au  delà  desquels  il  existe  une  prépondérance 
de  types  franchement  exotiques  qui  servent  de  prélude  à  la  faune 
indo-australienne.  Quant  à  ses  limites  septentrionales,  elles  ne 
paraissent  pas  exister  à  proprement  parler;  le  pôle  boréal  tout 
entier  avec  les  contrées  voisines  appartiennent  très  certainement 
au  territoire  dont  il  s'agit,  depuis  les  rivages  de  la  Scandinavie 
et  de  la  Sibérie  jusque  vers  le  Canada  dans  l'Amérique  du  Nord. 

On  comprend  que  lorsqu'on  prend  pour  objectif,  une  étendue 
de  pays  aussi  vaste  que  celle  que  nous  venons  de  circonscrire, 
le  terme  de  faune  européenne  ne  puisse  plus  lui  être  appliqué 


—     5     — 

puisque  l'Europe  proprement  dite  n'en  constitue  que  la  partie  la 
moins  importante.  Voilà  pourquoi  les  naturalistes  ont  senti  la  né- 
cessité de  recourir  à  une  expression  nouvelle  qui  fut  mieux  appro- 
priée à  l'objet  qu'il  s'agissait  de  définir.  La  qualification  de 
territoire  Paléarctique  en  d'Asiatico-Européen  répand  bien  mieux 
à  cette  conception  nouvelle,  puisque  l'une  et  l'autre  éveillent  dans 
l'esprit  une  idée  exacte  de  la  situation  et  des  limites  d'une  telle 
région.  Aussi  les  adopterons  nous  exclusivement  dans  le  cours 
de  ce  livre,  et  nous  attribuerons  à  chacune  d'elles  une  valeur 
égale.  Voilà  ce  que  nous  avions  à  dire  sur  le  titre  du  présent 
ouvrage.  Le  lecteur  comprendra  maintenant  que  nous  lui  soumet- 
tons une  étude  d'ensemble  sur  tous  les  Parnassiens  qui  habitent 
le  continent  européen  et  tout  le  nord-est  de  l'Asie  avec  les  res- 
trictions qui  ont  été  posées  ci-dessus  et  il  aura  lieu  de  remar- 
quer que  ces  papillons  si  intéressants  sont  encore  plus  asiatiques 
qu'indigènes. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  dire  quelques  mots  de  la  portée 
de  ce  travail,  et  du  motif  qui  nous  a  engagé  à  le  rédiger. 

Les  renseignements  que  nous  livrons  aux  Lépidoptéristes  ne 
sont  pas  absolument  nouveaux;  car  nous  n'avons  aucune  espèce 
inédite  à  leur  présenter;  et  les  documents  qui  intéressent  les 
Parnassiens  sont  répandus  dans  un  grand  nombre  de  publications, 
dont  quelques  unes  sont  déjà  fort  anciennes,  Linné,  Esper,  Godard, 
Duponchel  et  presque  tous  les  auteurs  modernes  ont  en  effet 
décrit  et  figuré  les  trois  Parnassiens  les  plus  anciennement  connus, 
c'est  à  dire  ceux  qui  habitent  presque  tous  les  pays  d'Europe;  mais 
il  n'en  est  pas  de  même  des  formes  asiatiques  qui  sont  de  beau- 
coup les  plus  remarquables.  Celles-ci  ne  sont  signalées  que 
dans  des  ouvrages  particuliers,  rares  ou  difficiles  à  consulter. 
Parmi  ces  derniers  nous  devons  mentionner  d'abord  le  traité  de 


—     6     — 

Fischer  de  Waldheim  sur  les  Lépidoptères  de  la  Russie,  celui  de 
Ménétriès  qui  a  pour  titre  ,,Enumeratio  corporum  musei 
Petropolitani"  et  surtout  le  grand  ouvrage  d'Herrich-Schaffer 
(Systematische  Bearbeitung  der  Schmetterlinge  von 
Europa)  dans  lequel  ont  été  figurés  tous  les  Parnassius  sibériens 
découverts  à  partir  de  1843  jusqu'en  1856.  Pour  se  faire  une 
idée  exacte  de  l'ensemble  de  ce  beau  genre,  il  faudrait  encore 
consulter  les  descriptions  de  MMrs.  Eversmann  et  Nordmann,  deux 
auteurs  distingués  de  la  Russie,  lesquelles  ont  été  insérées  à 
différentes  époques  dans  le  Bulletin  de  la  Société  impériale 
des  Naturalistes  de  Moscou;  et  pour  les  découvertes  plus  ré- 
centes, les  Annales  des  sociétés  entomologiques  de  Berlin 
et  de  Stettin,  les  mémoires  du  grand  duc  Romanoff,  les  relations 
des  explorations  de  Mr.  Alpheraki  dans  la  Songarie  et  de  Mr. 
Fedtschensko  dans  le  Turkestan.  Tous  ces  documents  dont  la  con- 
naissance serait  pourtant  indispensable  aux  entomologistes  qui 
voudraient  étudier  d'une  manière  complète  les  insectes  qui  nous 
occupent,  sont,  comme  on  le  voit,  fort  nombreux  et  d'un  abord 
peu  facile;  de  sorte  que  nous  avons  pensé  que  ce  serait  rendre 
un  service  aux  amateurs  de  la  science  et  leur  aplanir  bien  des 
obstacles,  que  de  condenser  en  un  traité  spécial  tout  ce  qui  intéresse 
nos  Parnassiens.  C'est  surtout  cette  dernière  considération  qui 
nous  a  engagé  à  publier  le  présent  travail.  Cependant  nous  ne 
nous  sommes  pas  borné  à  établir  une  simple  compilation  qui 
n'aurait  eu  qu'un  mérite  relativement  médiocre.  Nous  nous  sommes 
appliqué  à  étudier  d'après  nature  presque  toutes  les  espèces  ac- 
tuellement connues.  Notre  collection  est  très  riche  en  insectes 
de  ce  beau  genre;  nous  les  possédons  à  peu  près  tous,  en  plusieurs 
exemplaires,  de  sorte  que  nous  avons  pu  nous  livrer  sur  leur 
compte  à  une  étude  comparative  suffisamment  approfondie.     Nous 


avons  essayé  en  outre  de  répartir  les  espèces  suivant  une  classi- 
fication naturelle  que  nous  avons  basée  sur  la  forme  de  la  poche 
cornée  si  curieuse  qui  garnit  l'extrémité  de  l'abdomen  du  sexe 
femelle  et  dont  les  caractères  nous  ont  paru  offrir  une  grande 
fixité.  C'est  par  conséquent  aussi  le  résultat  de  nos  observations 
personnelles  que  nous  soumettons  à  l'appréciation  des  Lépidoptéristes, 
et  nous  avons  jugé  à  propos  de  l'appuyer  de  bonnes  figures  que 
nous  avons  dessinées  nous  môme  d'après  les  exemplaires  que 
renferme  notre  collection. 

Nous  pourrions  terminer  ici  cette  préface  qui  est  suffisamment 
explicite  sur  l'économie  et  le  but  de  cette  étude;  cependant  nous 
croyons  devoir  exprimer  ici  notre  avis  sur  une  question  très  grave 
par  elle  même  et  qui  intéresse  le  sujet  que  nous  allons  traiter; 
nous  voulons  parler  de  la  valeur  plus  ou  moins  réelle  de  la  no- 
tion que  nous  nous  formons  sur  les  espèces  en  général. 

Journellement  des  discussions  et  des  polémiques  sont  engagées 
sur  le  point  de  savoir  si  telle  forme  organique  est  ou  n'est  pas 
une  espèce  séparée;  et  le  peu  d'accord  qui  règne  parmi  les  con- 
clusions est  une  preuve,  ou  que  cette  question  est  difficile  à  ré- 
soudre, ou  qu'elle  est  envisagée  d'un  point  de  vue  inexact. 
Qu'est-ce  donc  que  l'espèce,  que  sont  ces  formes  animales  ou 
végétales  auxquelles  nous  imposons  cette  qualification?  Essayons 
d'expliquer  à  notre  tour  les  idées  que  nous  professons  à  cet  égard. 

A  l'origine  de  la  science  entomologique  on  ne  connaissait 
que  bien  peu  de  papillons;  les  naturalistes  ne  pouvaient  observer 
que  ceux  qui  se  trouvaient  à  leur  portée,  c'est  à  dire  les  espèces 
vulgaires,  bien  tranchées  les  unes  des  autres  et  ne  donnant  nulle- 
ment matière  à  confusion.  Puis,  l'observation  ayant  élargi  peu 
à  peu  son  cercle  d'action,  une  foule  de  types  nouveaux  sont  venus 
s'intercaler  entre  les  précédents  de  manière  à  former  des  séries 


plus  ou  moins  continues.  Des  formes  opposées  ou  au  moins  soli- 
taires en  apparence  ont  été  reliées  entre  elles  par  de  nombreux 
termes  transitoires;  et  cette  liaison  est  devenue  si  intime  de 
nos  jours,  que  pour  un  grand  nombre  d'espèces,  considérées  autre- 
fois comme  très  distinctes,  la  science  en  est  arrivée  à  se  demander 
s'il  existe  parmi  elles  des  démarcations  sérieuses.  En  ce  qui 
concerne  les  Parnassiens  que  nous  avons  plus  particulièrement  en 
vue,  on  ne  connaissait  pendant  fort  longtemps  que  nos  trois  types 
européens:  Apollo,  Delius  et  Mnemosyne.  Les  naturalistes  ne  se 
doutaient  guère  qu'il  arriverait  un  jour  où  plus  de  cinquante 
formes  inconnues  enrichiraient  la  nomenclature  de  ces  insectes. 
Ce  résultat  a  été  atteint  en  partie  par  un  certain  nombre  de 
savants  russes  qui  avaient  plus  de  facilités  que  d'autres  pour 
diriger  des  investigations  dans  les  parties  asiatiques  de  leur  empire. 
Parmi  les  explorateurs  qui  enrichirent  la  série  des  Parnassiens, 
on  peut  citer  les  voyageurs  Wosnesensky  et  Motchulsky  qui 
visitèrent  la  Sibérie  boréale  et  orientale,  MMrs.  Maack  et  Eadde 
qui  parcoururent  les  provinces  de  l'Amour,  au  nord  de  la  Chine  ; 
le  docteur  Stubbendorf  qui  collectionna  des  papillons  dans  la 
Sibérie  centrale,  et  surtous  les  chasseurs  du  docteur  Staudinger, 
lesquels,  dans  ces  dernières  années,  enrichirent  les  espèces  de  ce 
beau  genre  à  la  suite  des  explorations  qu'ils  dirigèrent  en  Songarie 
et  dans  le  Turkestan.  Mais  toutes  ces  découvertes,  tout  en 
élargissant  le  champ  de  nos  connaissances  entomologiques  eurent 
pour  conséquence  de  rendre  la  distinction  des  espèces  beaucoup 
moins  aisée. 

En  effet,  il  est  une  remarque  qui  saute  vivement  aux  yeux 
dans  l'étude  des  lépidoptères,  c'est  que  plus  les  genres  son 
nombreux  en  espèces,  et  plus  celles-ci  sont  voisines  les  unes  des 
autres;    et    cette  vérité   est   surtout  évidente  dans    les  groupes 


—     9     — 

naturels,  parce  que  dans  ce  cas  les  types  spécifiques  ne  peuvent 
varier  que  dans  une  mesure  très  faible,  et  selon  des  caractères 
à  peine  appréciables.  Ainsi  les  Colias,  les  Lycaena  parmi  les 
diurnes,  les  Sesia,  les  Zygaena,  les  Cucullia  etc.  parmi  les  noc- 
turnes offrent  des  exemples  frappants  de  la  liaison  étroite  qui 
règne  parmi  les  espèces  des  genres  bien  homogènes,  et  cette 
analogie  extrême  s'observe  également  chez  nos  Parnassiens.  Ces 
insectes  effectivement,  à  part  quelques  formes  un  peu  plus  tran- 
chées que  les  autres,  paraissent  construits  sur  un  même  plan  et 
prétendent  un  faciès  général  presque  invariable.  Leurs  ailes  d'un 
blanc  plus  ou  moins  pur  ou  jaunâtre  sont  marquées  de  taches 
noires  et  rouges  qui  ne  varient  guère  d'un  type  à  l'autre  que 
par  l'intensité  de  l'accentuation,  ce  qui  détermine  nécessairement 
de  grandes  similitudes  dans  les  aspects  de  ces  papillons.  Apollo 
et  Delius  par  exemple  sont  deux  espèces  bien  tranchées  qu'il  est 
impossible  de  confondre;  cependant  si  l'on  pénètre  en  Asie  on 
trouve  toute  une  série  des  formes  analogues  qui  viennent  combler 
l'intervalle  qui  parait  exister  entre  ces  deux  espèces  européennes. 
C'est  d'abord  Nomion  et  Actius,  dont  certaines  races  locales  res- 
semblent à  quelques  formes  particulières  d' Apollo.  Puis  autour 
de  Delius  viennent  se  grouper,  Intermedius  et  Sedakovii,  Discobolus 
et  ses  variétés,  Rhodius,  Romanovi  et  Honrathi,  dont  les  femelles 
sont  souvent  à  peine  discernables  de  certains  exemplaires  du  type 
de  nos  régions.  Les  espèces  du  groupe  de  Delphius  sont  surtout 
très  rapprochées,  car  elles  présentent  des  spécimens,  qu'il  est 
presque  impossible  de  déterminer  avec  assurance.  En  résumé, 
quand  on  examine  attentivement  une  nombreuse  suite  de  Par- 
nassius  représentt'e  par  une  quantité  suffisante  de  sujets,  on 
constate  sans  difficulté  l'existence  de  cette  liaison  dont  nous  ve- 
nons de  parler;  et  si  l'on  fait  intervenir  les  exemplaires  aberrants 


—     10     —  • 

qui  sont  beaucoup  plus  répandus  dans  la  nature  que  dans  les 
collections,  on  est  amené  à  conclure  que  les  espèces  sont  reliées 
entre  elles  par  une  foule  de  termes  transitoires  qui  s'entrecroisent 
dans  des  directions  multiples. 

Que  devient  dans  cette  condition  notre  idée  de  l'espèce? 

Les  anciens  naturalistes  après  avoir  observé  la  fixité  plus 
apparente  que  réelle  qui  préside  à  la  perpétuité  des  êtres  organisés, 
ont  supposé  que  la  nature  engendre  les  animaux  et  les  plantes 
suivant  un  certain  nombre  de  plans  absolument  invariables. 
Tout  animal  et  toute  plante  leur  paraissaient  issus  d'un  moule 
fixe  et  inaltérable  au  même  titre  que  des  médailles  qui  perpétuent 
l'empressite  des  coins  qui  ont  servi  à  les  frapper.  Ces  moules 
et  ces  coins  étaient  considérés  comme  les  types  indélébiles  des 
espèces.  Plus  tard  lorsque  les  savants  se  furent  apperçus  que 
les  mêmes  êtres  sont  susceptibles  de  varier,  ils  adoptèrent  une 
opinion  différente;  ils  allèrent  même  jusqu'à  accorder  à  cette 
mobilité  de  forme  dans  les  êtres  organisés  une  progression  illimitée 
en  l'expliquant  par  l'influence  des  temps  et  des  milieux. 

Bien  que  chacune  de  ces  doctrines  renferme  une  certaine  part 
de  vérité,  puisque  en  définitive  l'observation  nous  prouve  qu'il  y  a 
daijs  la  reproduction  des  êtres  vivants  une  fixité  relative,  tempérée 
néanmoins  par  la  variation,  nous  ne  croyons  pas  que  ni  l'une  ni 
l'autre  puissent  expliquer  ce  qu'est  l'espèce.  Ce  qui  nous  fortifie 
dans  cette  opinion,  c'est  que  nous  ne  voyons  nulle  part  chez  ces 
espèces  considérées,  soit  comme  immuables  soit  comme  variables, 
de  critériums  infaillibles  à  l'aide  desquels  nous  puissions  les  dif- 
férencier d'une  manière  absolue.  Les  caractères  dissemblables 
sont  sans  doute  nombreux  parmi  les  types  opposés,  mais  quand 
on  envisage  toutes  les  formes  mitoyennes  et  le  plus  grand  nombre 
possible  des  sujets  de  chacune   d'elles,  on  reconnaît  qu'il  n'y  a 


—   Il    — 

aucun  signe  qui  ne  soit  sujet  à  varier;  tous  deviennent  cliangeants 
et  mobiles,  les  différences  se  comblent  insensiblement,  de  sorte 
que  chaque  terme  de  cette  série  devient  forcément  une  transition 
entre  ceux  qui  le  précèdent  et  ceux  qui  le  suivent.  Après  un 
tel  examen  on  perd  nécessairement  une  grande  partie  de  cette 
assurance  qui  nous  porte  instinctivement  à  envisager  les  espèces 
comme  indépendantes  les  unes  des  autres. 

D'un  autre  côté  certains  caractères  qui  sont  jugés  suffisants 
pour  distinguer  entre  eux  des  Parnassiens,  des  Colias  ou  des 
Cucullia  par  exemple,  perdraient  toute  valeur  si  on  les  appliquait 
à  des  genres  composés  d'espèces  moins  homogènes,  soit  à  des 
Pieris  ou  à  des  Vanessa.  Il  y  a  bien  moins  de  différence  en  effet 
entre  les  Colias  Edusa  et  Myrmidone  qu'entre  les  différentes 
formes  que  peut  revêtir  notre  Vanessa  Urticae  sous  des  noms 
particuliers.  Or,  si  les  caractères  spécifiques  étaient  fondés  dans 
la  nature  d'une  manière  absolue,  il  est  évident  qu'ils  conser- 
veraient toujous  la  même  signification,  et  q'une  même  somme 
de  différences  observées  parmis  les  êtres  serait  aussi  un  indice 
infaillible  de  la  diversité  de  leur  nature. 

Les  espèces  telles  que  nous  avons  l'habitude  de  nous  les 
représenter  ne  correspondent  pas  par  conséquent  à  des  entités  ob- 
jectives, c'est  à  dire  à  des  êtres  existant  hors  de  nous.  Mais  que 
sont  elles  alors?  De  simples  créations  de  l'esprit,  des  produits 
factices  de  notre  intelligence  qui  éprouve  un  besoin  impérieux 
de  classer  ses  idées  en  catégories  séparées  afin  d'arriver  à  les 
connaître  avec  exactitude  et  avec  méthode. 

Quand  par  exemple  nous  observons  un  animal  et  une  plante, 
nous  apercevons  deux  idées  très  distinctes  et  nous  en  saisissons 
immédiatement  les  différences  d'abord  par  une  intention  très 
simple  et  ensuite   par   un  procédé  réflexe.     Nous   reconnaissons 


—     12     — 

que  run  s'agite  par  des  mouvements  volontaires,  et  qu'entre  autres 
attributs  il  est  doué  de  sensibilité  et  d'instinct;  que  l'autre,  bien 
qu'animé  par  un  principe  vital  analogue,  est  dépourvu  de  toute 
spontanéité  et — comme  frappé  d'inertie.  Voici  par  conséquent  deux 
catégories  d'organismes  bien  distincts  dans  lesquels  nous  répartissons 
tous  les  êtres  vivants  que  nous  observons,  selon  leur  participation 
plus  ou  moins  évidente  —  avec  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  types. 
Cette  distinction  est  le  premier  élément  de  toute   classification 
naturelle;  elle  aboutit  à  un  dernier  —  terme  qui  est  l'espèce. 
En  effet,  à  mesure  que  l'on  s'appesantit  d'avantage  sur  les  ana- 
logies et  sur  les  dissemblances  des  individus,    ou  est  conduit  à 
les  grouper  en  catégories  nouvelles,  subordonnées  hiérarchiquement 
les  unes  aux  autres.     De  l'idée  primitive  d'animal  naissent  suc- 
cessivement celles  d'articulés  —  d'insectes,  de  Lépidoptères,  d' Acha- 
linoptères  ou  de  Diurnes,  de  Papilionides,  de  Parnassius;  et  quand 
l'analyse  semble  être  arrivée  à  sa  dernière  limite,  l'esprit  s'arrête 
à  l'idée  d'espèce   qui  ne  contient  plus  pour  ainsi  dire  que  des 
éléments  numériques  ou  des  individualités  identiques.     Mais  en 
réalité  cette  divisibilité  des  formes  animales  n'a  pas   de   bornes 
précises.     Car  au  dessous  des  espèces  il  existe  des  variétés  in- 
nombrables, des  races  locales,  des  types  géographiques  qui  tendent 
à  fusionner  les  espèces  les  unes  aux  autres  et  leur  enlèvent  toute 
fixité.     Dans  nos  Parnassiens  par   exemple  Staudingeri   et  Del- 
phius  étaient  considérés   comme   des  formes  indépendantes.    Ce- 
pendant la  découverte  ultérieure  de  Namanganus,   Transiens  et 
Infernalis  a  jeté  du  doute  sur  cette  question.     Or  il  est  évident 
que  si  l'observation,  au  lieu  d'être  restreinte   au   petit  nombre 
d'exemplaires  que  l'on  possède  de  ces  papillons,  pouvait  s'étendre 
à  une  grande  quantité  de  sujets  récoltés  un  peu  partout;  si  mieux 
encore  elle  pouvait  embrasser  tous  les  individus  qui  vivent  à  un 


—     13     — 

moment  donné  sur  les  différents  points  de  leur  habitat,  les  Lépi- 
doptéristes  constateraient  l'existence  parmi  les  types  que  nous 
venons  de  nommer  d'un  tel  nombre  de  termes  transitoires  entre- 
croisés dans  tous  les  sens  qu'il  leur  serait  impossible  de  les 
classer.  Hé  bien  ce  qui  est  vrai  pour  nos  Parnassiens  l'est  aussi 
pour  tous  les  autres  lépidoptères  en  général.  Les  espèces,  primitive- 
ment très  distinctes,  parceque  le  nombre  en  était  fort  réduit, 
sont  devenues  d'autant  plus  voisines  que  l'expérience  nous  a  fait 
connaître  un  plus  grand  nombre  de  ces  termes  de  passage.  C'est 
que  les  différences  qui  existent  parmi  les  êtres  organisés  dépassent 
de  beaucoup  le  niveau  des  espèces;  elles  n'expirent  que  quand 
de  subdivisions  en  subdivisions  on  aboutit  aux  individus.  La 
notion  spécifique  n'est  donc  qu'une  simple  abstraction  de  l'esprit, 
une  de  ces  idées  générales  dont  il  ne  peut  se  passer  parce  qu'elle 
est  sa  méthode  et  comme  le  ressort  de  son  intelligence.  Nous 
appliquons  du  reste  cette  notion  à  tous  les  objets  de  nos  connais- 
sances, et  à  des  êtres  réels  ou  fictifs  qui  n'ont  aucun  rapport  ni 
avec  les  animaux  ni  avec  les  plantes.  En  Chimie,  par  exemple 
nous  répartissons  les  corps  inorganiques  en  substances  simples  et 
en  substances  composées;  les  simples,  en  métalloides  et  en  métaux 
et  ces  derniers,  en  véritables  espèces  telles  que  le  soufre,  le  fer, 
le  plomb,  le  carbone;  les  composées  nous  les  divisons  d'après 
leurs  caractères  en  oxydes,  en  acides,  en  sels  qui  contiennent  à 
leur  tour  des  éléments  spécifiques;  enfin  nous  introduisons  la 
même  méthode  de  différentiation  des  caractères  dans  toutes  nos 
idées  usuelles.  Celle  d'une  fleur  n'est  pas  la  même  que  celle 
d'un  astre  et  parmi  ces  fleurs  nous  distinguons  des  roses, 
des  œillets,  des  renoncules,  des  pervenches  dont  les  espèces 
peuvent  être  variées  à  l'infini  suivant  des  points  de  me  fort 
divers. 


—     u     — 

Ce  n'est  pas  que  nous  soyons  porté  à  nier  l'existence  de 
ces  caractères  à  l'aide  desquels  nous  définissons  les  espèces; 
car  par  le  fait  même  que  ces  signes  sont  un  objet  direct  de  notre 
intelligence,  ils  ont  une  réalité  chez  les  êtres  qui  en  sont  revêtus; 
mais  nous  soutenons  que  le  groupement  de  ces  caractères  qui 
constitue  la  base  de  l'idée  de  l'espèce  est  un  produit  factice  de 
l'esprit  auquel  rien  ne  répond  dans  le  monde  extérieur. 

Nous  concluerons  donc  de  tous  les  raisonnements  qui  pré- 
cèdent qu'il  ne  faut  pas  attacher  à  la  notion  dont  il  s'agit  une 
signification  qu  elle  ne  saurait  avoir,  ni  la  considérer  comme  si 
elle  était  l'expression  d'une  réalité  absolue  et  indépendante  de 
notre  puissance  intellectuelle,  parcequ'elle  n'est  au  fond  qu'une 
conception  subjective  et  nominale,  un  moyen  artificiel  d'arriver 
à  la  connaissance  exacte  des  faits  individuels. 

C'est  pour  cette  raison  que  nous  posons  personnellement  les 
plus  grandes  restrictions  à  la  valeur  que  l'on  attache  généralement 
à  cette  idée;  et  nous  voudrions  qu'à  l'expression  d'espèce  fut  sub- 
stituée celle  de  forme  qui  comporte  un  sens  moins  absolu  ou 
moins  positif. 

Selon  nos  principes,  tout  type  organique  qui  se  perpétue 
avec  des  caractères  constants  est  une  espèce  distincte  dans  le  sens 
qui  vient  d'être  expliqué;  et  nous  ne  nous  préoccupons  pas  de  savoir 
si  cette  forme  est  indépendante  par  elle  même,  ou  si  elle  est 
dérivée  d'autres  formes  voisines.  Cette  question  préoccupe  bien  des 
esprits,  mais  elle  ne  saurait  modifier  à  notre  avis  la  valeur  des 
caractères  réputés  spécifiques.  Il  est  évident  en  effet  que  les 
milieux  influent  sur  la  constitution  et  la  physionomie  des  êtres 
vivants  et  que  leurs  signes  distinctifs  sont  susceptibles  de  s'altérer 
et  de  se  transformer.  C'est  même  à  la  faveur  de  ce  genre  d'in- 
fluences que  les  types  organiques  ont  éprouvé  les  travestissements 


—  lo- 
que nous  constatons  aujourd'hui,  et  sont  arrivés  à  former  des  es- 
pèces nouvelles.  Des  individus  semblables,  dispersés  dans  des 
stations  fort  différentes  au  point  de  vue  des  conditions  physiques, 
ont  parcouru  des  évolutions  dissemblables  et  acquis  des  caractères 
nouveaux  qui  ont  fini  par  se  fixer  par  l'hérédité.  Mais  cette  origine 
qui  est  probablement  celle  de  presque  toutes  nos  formes  analogues 
ne  change  rien  à  la  valeur  de  leurs  caractères  lorsqu'ils  sont 
dûement  constatés. 

En  résumé  les  espèces  sont  des  êtres  abstraits  dont  l'existence 
ne  réside  que  dans  nos  idées,  leurs  limites  sont  par  conséquent 
également  idéales  et  sujettes  à  varier  dans  la  proportion  de  nos 
idées,  selon  que  celles-ci  acquièrent  par  l'observation  plus  de 
perfection  et  plus  d'étendue. 

Dans  le  cours  de  ces  études  nous  emploierons  néanmoins 
le  terme  d'espèce  pour  ne  pas  déroger  à  l'usage;  mais  nous  le 
rendrons  synonyme  de  forme,  c'est  à  dire  qu'il  exprimera  la  ré- 
union de  tous  les  individus  dont  la  somme  des  caractères  analo- 
giques qu'ils  offrent  par  rapport  à  un  type  invariable  est  plus 
grande  que  celle  qu'ils  peuvent  présenter  avec  d'autres  formes;  et 
nous  n'attribuerons  la  qualification  de  variété  qu'à  des  individus 
déjà  compris  dans  la  catégorie  précédente,  mais  dont  la  similitude 
avec  la  forme  typique  est  moins  grande,  sans  qu'il  soit  possible  ce- 
pendant de  rapporter  ces  individus  à  d'autres  formes  ni  convenable 
de  les  ériger  en  types  séparés. 


I. 

Caractères  physiques  et  organiques  des 
Parnassiens. 


Les  Parnassiens  constituent  un  genre  très  naturel  parmi  la 
grande  légion  des  papillons  diurnes;  et  nous  examinerons  dans 
le  chapitre  suivant  la  place  qu'il  convient  de  leur  assigner  dans 
cette  nombreuse  famille.  Disons  en  attendant  qu'ils  offrent  tous  un 
faciès  spécial  et  très  caractéristique  qui  permet  de  les  reconnaître 
à  première  vue.  Leurs  ailes,  en  dessus,  sont  toujours  blanches 
ou  un  peu  jaunâtres  avec  un  certain  nombre  de  taches  rouges 
et  noires  dont  la  disposition  est  très  uniforme.  Ces  dessins  ne 
varient  que  par  leur  accentuation  qui  est  plus  ou  moins  prononcée, 
suivant  les  espèces.  Sur  les  premières  ailes  on  remarque  d'abord 
deux  grosses  taches  noires,  fort  vives,  situées  à  la  suite  l'une  de 
l'autre  vers  le  bord  antérieur  et  distancées  par  la  couleur  blanche 
du  fond.  Ce  sont  les  taches  discoïdales,  ainsi  nommés  parce 
qu'elles  remplissent  une  partie  de  la  place  qu'occupe  cette  cellule; 
puis  un  peu  plus  vers  le  sommet,  existent  deux  ou  trois  autres 
taches,  plus  petites,  de  la  même  couleur  que  les  précédentes,  et 
disposées  dans  un  sens  perpendiculaire  au  bord  antérieur  de  l'aile. 
Ce  sont  les  taches  costales.  Elles  sont  généralement  toutes  noires 
comme  chez  Apollo,  Nomion,  Actius  etc.;  mais  souvent  aussi 
leur  centre    est  pupille  de  rouge    ainsi   qu'on   le  constate  chez 


—     17     — 

Delius,  Apollonius,  Discobolus  et  d'autres  espèces.  En  se  di- 
rigeant toujours  vers  le  limbe  de  l'aile,  on  découvre  ensuite 
une  suite  d'arceaux  plus  ou  moins  flexueux,  plus  ou  moins  continus, 
quelquefois  ponctiformes,  qui  s'étendent  depuis  la  côte  jusque  vers 
le  bord  interne,  et  que  nous  désignons  sous  le  nom  de  bande 
antémarginale.  11  ne  reste  plus  ensuite  à  considérer  que  le  limbe 
proprement  dit  qui  est  plus  ou  moins  élargi  surtout  vers  Tapex, 
d'un  aspect  diaphane  et  parsemé  de  fines  écailles  noirâtres,  puis 
une  autre  tache  noire  (l'interne)  qui  se  trouve  placée  vers  le  bord 
de  ce  nom  et  dont  le  centre  est  souvent  aussi  pupille  de  rouge. 

Les  ailes  inférieures  de  nos  insectes  offrent  une  disposition 
de  dessins  un  peu  différente.  Le  bord  abdominal  est  toujours 
largement  lavé  de  noir  depuis  la  base  jusque  vers  l'angle  anal; 
et  cette  teinte  forme  ordinairement  un  angle  saillant  dont  le 
sommet  plus  ou  moins  recourbé  entoure  l'extrémité  de  la  cellule 
discoïdale.  Deux  ocelles  rouges,  pupillées  ou  non  de  blanc  plus 
ou  moins  pur  et  toujours  largement  cerclées  de  noir  profond, 
occupent  les  régions  moyennes  de  l'aile.  L'une,  la  supérieure, 
est  placée  entre  la  nervure  costale  et  le  premier  rameau  de  la 
médiane;  l'autre  est  disposée  entre  les  deuxième  et  troisième 
branches  qui  naissent  de  cette  médiane.  L'angle  anal  est  égale- 
ment occupé  par  deux  taches  noires  contigues,  solitaires  ou  réunies, 
et  dont  le  centre  est  lavé  de  rouge  chez  certaines  espèces,  surtout 
chez  les  individus  du  sexe  femelle.  Une  bande  antémarginale 
qui  correspond  à  celle  des  supérieures,  flexueuse  ou  très  grosse- 
ment  ponctiforme,  précède  le  bord  externe  lequel  est  tantôt  vierge 
de  tous  dessins,  et  d'autres  fois  fortement  estompé  d'écaillés  noirâtres 
à  l'intersection  des  nervures. 

Si  Ton  examine  la  face  opposée  à  celle  dont  il  vient  d'être 
question,  on  trouve  qu'elle  est  à  peu  près  la  reproduction  fidèle 

2 


—     18     — 

de  l'autre;  seulement  les  dessins  sont  moins  accentués  et  le  ton 
des  couleurs  moins  vif,  parce  que  ces  dessins  et  ces  nuances  ne  sont 
produites  que  par  la  transparence  de  ceux  du  dessus.  Cette  face 
est  en  effet  pour  ainsi  dire  dépourvue  d'écaillés,  et  reflète  beau- 
coup mieux  que  l'autre  l'aspect  vitré  de  la  membrane.  Cependant 
chez  un  grand  nombre  d'espèces  il  existe  de  ce  côté  des  ailes 
inférieures,  et  tout  contre  la  base,  des  taches  rouges  superposées 
l'une  à  l'autre  et  bordées  plus  ou  moins  largement  de  noir, 
dont  la  disposition  et  l'ampleur  varient  suivant  la  nature  de 
chaque  type. 

Voici  pour  l'aspect  physique  des  ailes.  Sous  le  rapport 
organique,  il  convient  d'ajouter  qu'elles  sont  toujours  entières, 
que  leurs  bords  ne  présentent  jamais  ni  dentelures  ni  appendices 
caudiformes,  que  leurs  contours  sont  bien  arrondis.  Les  su- 
périeures affectent  la  forme  subtriangulaire  avec  l'apex  peu  saillant; 
les  inférieures  sont  un  peu  elliptiques  avec  l'angle  anal  faiblement 
indiqué.  Le  bord  abdominal  est  toujours  évidé,  de  manière  à 
laisser  l'abdomen  entièrement  libre,  lorsque  l'insecte  relève  ses  ailes 
verticalement  pendant  la  position  du  repos.  Les  cellules  discoï- 
dales  sont  toujours  fermées,  et  la  nervure  médiane  de  chaque 
aile  est  divisée  en  quatre  branches  équidistantes.  Les  nervures 
du  reste  sont  très  apparentes,  assez  saillantes,  ordinairement  de 
la  couleur  du  fond,  excepté  chez  certaines  espèces  telles  que 
Eversmanni,  Wosnesenskyi,  Felderi  et  notre  Mnemosyne,  où  elles 
sont  colorées  en  noir. 

Remarquons  encore,  pour  compléter  tout  ce  qui  intéresse  ces 
organes,  que  les  ailes  des  Parnassiens  présentent  une  structure 
particulière  qu'on  ne  retrouve  pas  chez  les  autres  Diurnes.  En 
effet  l'attouchement  leur  fait  rendre  un  bruissement  sonore  ana- 
logue à  celui  que  produirait  le  frôlement  d'une  feuille  mince  de 


—     19     — 

parchemin,  ce  qui  tient  sans  doute  à  ce  que  la  double  membrane 
qui  constitue  le  corps  des  ailes  de  ces  insectes  est  plus  résistante 
et  plus  cornée  que  celle  des  autres  papillons. 

La  tête  des  Parnassiens  est  de  médiocre  grandeur,  et  leurs 
yeux,  relativement  petits,  sont  saillants  et  un  peu  ovalaires  dans 
le  sens  vertical.  Cette  partie  supporte  les  antennes  et  les  palpes. 
Ceux-ci  sont  proéminents,  dirigés  obliquement  de  bas  en  haut, 
et  dépassent  légèrement  le  niveau  de  la  tête;  ils  sont  comprimés 
de  chaque  côté,  et  sont  formés  par  la  réunion  de  trois  articles 
distincts  dont  le  premier  est  arqué,  le  second  droit  et  le  troisième 
de  forme  linéaire.  Ces  organes  sont  revêtus  de  longs  poils  soyeux 
qui  forment  aussi  sur  le  devant  de  la  tête,  entre  les  deux  yeux, 
une  sorte  de  toupet  frontal. 

Les  antennes,  relativement  courtes  par  rapport  à  la  dimension 
du  corps,  se  trouvent  composées  d'une  tige  très  distinctement 
articulée  que  surmonte  une  massue  ovalaire  qui  n'est  jamais  ni 
arquée,  ni  déprimée;  elle  est  terminée  elle-même  par  une  sorte 
d'aiguillon  très  fin  et  très  court.  Un  examen  superficiel  permet 
de  reconnaître  que  ces  appendices,  auxquels  on  attribue  des  fonc- 
tions spéciales  telles  que  l'odorat  ou  le  toucher,  n'offrent  pas  de 
caractères  uniformes  chez  toutes  les  espèces.  Les  unes,  et  ce  sont 
les  plus  nombreuses,  ont  des  antennes  dont  la  tige  est  annelée 
de  blanc  grisâtre  et  de  noir  (Apollo,  Delius,  Discobolus  etc.), 
avec  la  massue  seule  toute  noire  ;  chez  les  autres,  l'antenne  toute 
«ntière  est  d'un  noir  uniforme. 

Les  figures  5,  6,  7  et  8  de  notre  planche  1  représentent 
ces  appendices  grossis  des  Parnassius  Apollo,  Apollonius,  Mne- 
mosyne  et  Delphius.  Elles  permettent  d'apprécier  la  différence 
que  nous  venons  de  signaler.  Mais  la  comparaison  de  ces  figures 
fait  ressortir  en  outre  que  ces  organes  varient  quant  à  leur  forme. 

2* 


—     20     — 

Ceux  dont  la  tige  est  entrecoupée  offrent  toujours  une  massue 
brusquement  renflée  dont  la  type  est  invariable;  au  contraire 
chez  les  espèces  dont  les  antennes  sont  entièrement  noires,  la 
massue  est  tantôt  très  forte  comme  chez  Apollonius  (fig.  6),  fusi- 
forme  comme  chez  notre  Mnemosyne,  ou  insensiblement  fondue 
avec  le  corps  de  la  tige,  ainsi  qu'on  l'observe  dans  les  espèces 
qui  viennent  se  grouper  autour  de  Delphius  (fig.  8). 

Le  corps  des  Parnassiens  est  généralement  épais  et  un  peu 
trapu,  ce  qui  provient  en  partie  de  la  pilosité  abondante  qui  le 
recouvre.  Le  thorax  n'offre  rien  de  remarquable,  si  ce  n'est  qu'il 
porte  à  sa  partie  antérieure  de  longs  poils  qui  entourent  la  tête 
comme  d'un  collier.  Les  pattes,  qui  s'insèrent  à  cette  partie, 
sont  semblables  dans  les  deux  sexes,  et  toutes  également  propres 
à  la  marche.  Les  tibias  de  la  première  paire  sont  armés  dans 
leur  milieu  d'une  forte  épine;  ceux  de  la  dernière  paire  sont  au 
contraire  munies  à  leur  extrémité  de  deux  éperons  ou  ergots;  et 
les  tarses  des  six  pattes  sont  terminés  par  un  crochet  bifide  bien 
développé  dont  les  branches  pendant  la  vie  de  l'insecte  sont  pro- 
bablement mobiles  dans  le  sens  horizontal,  car  parmi  les  sujets 
desséchés  il  en  est  chez  lesquels  ces  branches  sont  divergentes 
ou  réunies  l'une  contre  l'autre. 

En  poursuivant  l'analyse  des  caractères  extérieurs,  il  y  a 
encore  lieu  de  remarquer  que  l'abdomen  de  ces  papillons  est  plus 
ou  moins  claviforme,  c'est  à  dire  légèrement  renflé  vers  l'extrémité 
libre  et  un  peu  arqué  de  haut  en  bas;  que  celui  des  mâles, 
pourvu  d'une  forte  pince  anale  écailleuse,  est  toujours  beaucoup 
plus  velu  que  celui  des  femelles  surtout  en  dessous;  enfin  que 
l'abdomen  de  ces  dernières  est  armé  vers  son  extrémité 
inférieure  d'un  appareil  spécial  qui  a  reçu  le  nom  de  poche 
cornée. 


—     21     — 

Cet  organe  mérite  tout  particulièrement  de  fixer  l'attention 
des  entomologistes,  non  seulement  parce  que  sa  structure  est 
curieuse  et  fort  variée  dans  un  genre  d'insectes  aussi  homogènes 
que  celui  qui  nous  occupe,  mais  encore  parce  qu'elle  peut  servir 
de  base,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  à  une  classification 
méthodique  des  espèces. 

Arrêtons-nous  un  instant  pour  étudier  les  différentes  formes 
que  peut  revêtir  cet  étrange  appareil. 

Si  nous  considérons  d'abord  les  espèces  qui  gravitent  autour 
d'Apollo,  de  Delius  et  de  Discobolus,  nous  trouvons  que  la  poche 
dont  il  s'agit  consiste  en  une  caverne  ovalaire,  un  peu  déprimée 
latéralement,  et  dont  les  bords  supérieurs  sont  soudés  à  la  face 
ventrale  des  segments  de  l'abdomen.  Cette  cavité  est  close  de 
tous  côtés,  excepté  à  sa  partie  postérieure  où  existe  une  ouverture 
oblongue,  limitée  en  haut  par  l'abdomen,  latéralement  par  les 
parois  tranchantes  de  la  caverne,  et  en  bas  par  un  prolongement 
de  celle-ci  qui  fait  saillie  sous  la  forme  d'une  spatule  arrondie 
ou  aiguë.  Du  milieu  du  côté  opposé  à  celui  de  l'ouverture  nait 
une  lame  mince  qui  s'appuie  sur  la  poche  d'une  part,  et  va  s'unir 
ensuite  aux  segments  abdominaux  en  présentant  un  bord  libre 
tranchant  et  plus  ou  moins  arrondi.  Cette  pièce  se  nomme  la 
carène  et  varie  beaucoup  plus  que  la  caverne  elle-même.  Chez 
Delius  elle  est  plus  longue  que  chez  Apollo;  celle  de  la  forme 
Iiitermedius  est  au  contraire  plus  courte  et  plus  large.  Disco- 
bolus et  Apollonius  ont  des  carènes  très  développées,  mais  leur 
extrémité  supérieure  n'aboutit  pas  jusqu'à  l'abdomen.  Les  fig.  1, 
3,  5,  7  de  la  planche  2  et  1,  3,  5  de  la  planche  3  font  res- 
sortir par  comparaison  toutes  les  différences  que  nous  signalons 
ici.  Les  fig.  7  et  8  de  la  planche  3  se  rapportent  à  Tenedius 
dont  la  femelle  est  douée  d'un  appareil  tout  spécial.    Cette  caverne 


—     22     — 

est  arrondie,  large,  étalée,  à  bord  libre  un  peu  bilobé;  mais  elle 
ne  porte  nulle  trace  de  carène.  Par  contre  elle  est  unie  à  sa  partie 
supérieure  à  un  limbe  prolongé  en  deux  appendices  saillants,  du- 
quel nait  une  sorte  diaphragme  interne  terminé  lui-même  par 
deux  pointes  aiguës  qui  font  saillie  dans  la  caverne.  Les  poches 
de  toutes  ces  espèces  sont  d'un  brun  corné  plus  ou  moins  foncé 
qui  tourne  parfois  au  noirâtre  comme  chez  Bremeri. 

Il  existe  un  autre  grand  groupe  de  Parnassiens  dont  les 
poches  sont  au  contraire  blanchâtres,  mais  dont  la  structure  est 
toute  différente  de  celles  que  nous  avons  analysées  jusqu'ici.  Tels 
sont  les  Parnassius  Clarius,  Eversmanni,  Wosnesenskyi,  Mnemosyne 
et  ses  variétés,  chez  lesquels  l'appendice  dont  il  s'agit  acquiert 
souvent  un  grand  développement.  Mais  on  ne  remarque  plus  ici 
la  carène  tranchante  qui  caractérise  les  formes  similaires  d'ApoUo, 
ni  le  limbe  bifide  spécial  à  Tenedius.  La  poche  consiste  dans 
une  caverne  simple,  ovoide,  allongée,  plus  ou  moins  atténuée  à 
sa  partie  antérieure,  et  dont  les  parois  latérales  sont  soudées  de 
chaque  côté  de  l'abdomen.  L'ouverture  est  spacieuse  et  affleure 
à  peu  près  au  niveau  de  l'oviducte.  Ces  poches  varient  du  reste 
sous  le  rapport  de  leurs  formes  et  de  leurs  grandeurs  pro- 
portionnelles suivant  les  espèces.  Celle  de  la  variété  Minima  de 
Nordmanni  (pi.  5.  fig.  1,  2)  est  très  courte  et  brusquement 
tronquée.  Celles  de  notre  Mnemosyne  et  de  sa  variété  Nubi- 
losus  (pi.  4.  fig.  1,  2,  3,  4)  sont  beaucoup  plus  allongées  et  ré- 
gulièrement convexes.  Chez  Eversmanni  (fig.  5,  6)  elle  est  plus 
ceintrée,  subitement  atténuée  en  avant  sous  forme  de  pointe 
recourbée;  tandis  que  la  poche  de  Clarius  (fig.  7,  8)  qui 
est  plus  longue  que  celles  des  autres  espèces,  présente  un 
double  étranglement  en  avant  et  vers  le  milieu  de  son 
parcours. 


—     23     —        » 

Delphiiis,  Staudingeri  et  les  types  similaires  possèdent  des 
appareils  dont  la  structure  eut  encore  toute  différente  de  celle 
que  nous  avons  étudiée  jusqu'ici.  Chez  ces  espèces  les  poches, 
de  couleur  jaunâtre,  consistent  en  une  sorte  de  ceinture  qui 
entoure  les  derniers  segments  abdominaux  comme  d'un  anneau 
plat;  elle  s'élargit  ensuite  en  dessous  sous  forme  d'un  appendice 
enroulé,  bilobé  et  creusé  inférieurement  d'un  sillon  assez  profond. 
Les  fig.  5,  6,  7,  8  de  la  planche  5  représentent  très  exactement 
l'aspect  de  cette  pièce  si  curieuse  que  est  vue  dans  différentes 
positions. 

Enfin  le  Parnassius  Charltonius,  nous  offre  un  exemple 
unique  d'une  caverne  spiriforme  également  dépourvue  de  carène, 
laquelle,  comme  profil,  a  beaucoup  d'analogie  avec  une  corne 
épaisse,  brièvement  enroulée  sur  elle-même.  Elle  communique 
au  dehors  par  une  ouverture  plus  large  que  longue,  ovalaire,  qui 
est  presque  entièrement  dissimulée  sous  l'abdomen.  Sur  la  face 
dorsale  de  cet  organe  existe  en  outre  un  sillon  large  et  peu 
profond  qui  le  divise  en  deux  parties  symétriques. 

Tous  ces  détails  que  nous  venons  d'exposer  permettent  de 
juger  que  les  Parnassiens  sont  des  insectes  bien  intéressants  au 
point  de  vue  organique;  car  parmi  tous  les  lépidoptères  ils  ont 
le  privilège  presqu'  exclusif  d'être  munis  de  cette  poche  curieuse. 
Toutefois  n'oublions  pas  d'ajouter  que  toutes  les  femelles  n'en 
sont  pas  également  pourvues.  On  rencontre  en  effet  dans  l'état 
de  nature,  et  par  suite  dans  les  collections,  beaucoup  d'exemplaires 
qui  n'en  montrent  aucune  trace;  et  l'observation  semble  avoir 
démontré  que  cet  appendice  ne  se  développe  qu'après  le  rapproche- 
ment des  sexes,  sans  doute  parce  qu'il  est  appelé  à  jouer  un  rôle 
important,  soit  dans  le  phénomène  de  la  ponte,  soit  comme  organe 
protecteur  des  anifs.     Nous   pensons   néanmoins  que   la  caverne 


24     — 

<lont  il  s'agit  préexiste  déjà  à  racconplement  en  tant  qu'orga- 
nisme distinct,  et  que  cet  acte  physiologique  n'exerce  d'autre  in- 
fluence sur  elle  que  de  déterminer  son  apparition  à  l'extérieur 
du  corps.  Il  serait  facile  de  vérifier  l'exactitude  de  cette  hypo- 
thèse en  disséquant  des  femelles  vierges  et  vivantes  encore 
dépourvues  de  leur  appareil.  Cette  expérience  aurait  en  outre 
l'avantage  de  nous  révéler  ce  qu'est  cet  organisme  lorsqu'il  est  en- 
core, comme  nous  le  supposons,  replié  dans  la  cavité  abdominale; 
mais  nous  n'avons  pas  trouvé  jusqu'à  présent  la  facilité  de  la 
réaliser. 

Toutefois  en  examinant  attentivement  le  revers  du  corps  de 
deux  femelles  vierges  de  Delius  qui  figurent  dans  notre  collection, 
nous  avons  remarqué,  après  avoir  opéré  l'ablation  des  poils  qui 
sont  si  abondants  sur  cette  partie  du  corps,  et  dissimulé  sous 
un  segment  plus  saillant  que  les  autres,  un  ensemble  de  pièces 
cornées,  brillantes,  rendues  difformes  par  la  dessication,  que  nous 
considérons  comme  les  éléments  enpore  impliqués  de  la  poche, 
lesquels  se  seraient  sans  doute  normalement  développés,  si  l'acte 
de  la  fécondation  était  intervenu.  Nous  ne  donnons  ces  indications 
•qu'à  titre  de  conjecture,  car  cette  question  est  loin  d'être  éclaircie, 
mais  par  cela  même  qu'elle  est  obscure,  elle  mériterait  de  faire 
l'objet  de  recherches  plus  approfondies. 

Il  est  impossible  de  caractériser  un  genre  d'insectes  avec 
une  précision  suffisante,  si  l'on  ne  tient  compte  de  la  période 
d'évolution  qui  précède  l'état  parfait.  Malheureusement,  à  part 
notre  vulgaire  Apollo,  on  ne  sait  presque  rien  des  premiers  états 
des  Parnassiens.  Cette  pénurie  de  renseignements  s'explique  par 
la  manière  spéciale  de  vivre  de  ces  papillons,  dont  les  chenilles 
se  tiennent  cachées  à  une  très  grande  altitude  dans  le  voisinage 
des  neiges  perpétuelles.     On  a  découvert   cependant  depuis  peu 


—     25     — 

de  temps  les  larves  de  Deliiis  et  de  Mnemosyne  et  tout  récem- 
ment celle  d'Apollonius  dans  les  steppes  de  l'Asie  centrale;  mais 
nous  ne  possédons  personnellement  aucune  indication  précise  sur 
ces  trois  dernières  espèces.  Nous  serons  donc  obligé  de  puiser  nos 
caractères  génériques  sur  la  seule  chenille  d'ApoUo  dont  les 
autres  ne  peuvent  manquer  d'être  fort  voisines. 

Cette  larve  (pi.  1,  fig.  1)  est  grosse,  cylindrique  et  légère- 
ment atténuée  à  ses  deux  extrémités.  Ses  anneaux  sont  séparés 
par  des  incisions  profondes,  et  supportent  des  points  saillants 
disposés  en  séries  régulières  et  Animent  pilifères;  le  premier  en 
outre  est  armé  d'un  tentacule  charnu,  disposé  en  forme  de  Y, 
que  la  larve  fait  surgir  et  rentrer  à  volonté.  C'est  là  sans  doute 
un  moyen  de  défense  ou  de  protection  que  la  nature  à  concédé 
à  ces  faibles  bestioles  pour  les  mettre  à  l'abri  des  atteintes  de 
leurs  ennemis,  mais  sur  le  rôle  duquel  on  n'est  pas  encore  suf- 
fisament  fixé.  C'est  au  détriment  des  Crassula  et  des  Saxifrages 
qui  végètent  dans  les  régions  alpines  que  la  chenille  d'Apollo 
se  nourrit.  Au  moment  de  sa  métamorphose,  elle  enroule  à  l'aide 
de  fils  de  soie  une  ou  plusieurs  feuilles  de  ces  plantes  dont  elle 
constitue  une  sorte  de  cocon,  à  l'intérieur  duquel  elle  se  trans- 
forme en  chrysalide  (fig.  3).  Celle-ci  (fig.  2)  conserve  attachée 
à  sa  partie  anale  la  peau  de  la  larve  qui  est  plissée  sous  forme 
de  pelote;  elle  est  d'abord  d'un  jaune  un  peu  rougeâtre;  mais 
bientôt  elle  se  recouvre  d'une  efflorescence  pruineuse  qui  rappelle 
celle  des  chrysalides  des  Catocala;  quant  à  sa  forme  elle  est 
cylindrico-conique  un  peu  contractée  inférieurement  avec  la  partie 
thoracique  arrondie  à  la  manière  de  certains  Bombycides. 


II. 

Situation  des  Parncassiens  dans  la  série  des 

Lépidoptères;    rapports    qu'ils    entretiennent 

avec  les  genres  limitrophes. 


Linné,  le  grand  naturaliste  suédois,  qui  le  premier  assujettit 
les  êtres  vivants  à  une  nomenclature  vraiment  scientifique,  par- 
tageait les  lépidoptères  en  trois  genres  principaux  qu'il  désignait 
sous  les  noms  de  Papillons,  de  Sphinx  et  de  Phalènes.  Dans 
le  premier  de  ces  grands  groupes  figuraient  en  bloc  toutes  les 
espèces  que  nous  qualifions  aujourd'hui  du  nom  de  Diurnes,  et 
par  conséquent  aussi  les  Parnassiens. 

Plus  tard  Latreille,  tout  en  adoptant  cette  méthode  comme 
base  de  ses  traveaux,  s'appliqua  à  subdiviser  les  genres  linnéens 
en  d'assez  nombreuses  coupes  secondaires,  et  c'est  lui  qui  créea 
pour  les  insectes  qui  nous  occupent  le  genre  Parnassius,  dans 
son  „Histoire  naturelle  des  Crustacés  et  des  Insectes, 
tome  XIV  page  110  de  l'édition  de  1805."  Fabricius  et 
Ochsenheimer  ne  modifièrent  pas  profondément  la  nomenclature 
qu'ils  trouvèrent  établie;  ils  se  bornèrent  à  créer  de  nouvelles 
subdivisions  parmi  les  anciennes,  et  à  opérer  un  certain  nombre 
de  transpositions.  Les  Parnassiens  passèrent  ainsi  du  genre  qui 
leur  avait  été  assigné  par  Latreille  dans  celui  des  Doritis,  et  la 
position  de   ces  insectes   ne   fut  plus  modifiée  jusqu'aux  grands 


—     27     — 

traveaux  de  Boisduval.  Cet  excellent  auteur  revisa  complètement 
les  diverses  classifications  adoptées  par  ses  devanciers  en  leur 
donnant  des  assises  plus  rationelles.  Il  répartit  l'ordre  des  Lé- 
pidoptères en  deux  sous-ordres,  en  Rhopalocères  et  en  Hétérocères, 
d'après  la  forme  des  antennes  ;  et  il  établit  parmi  chacun  de  ces 
grands  groupes  un  certain  nombre  de  familles  naturelles.  Les 
Rhopalocères  qui  correspondent  aux  anciens  Diurnes  de  Latreille 
et  au  genre  Papilio  de  Linné,  furent  partagés  en  trois  sections 
les  Succincti,  les  Suspens!  et  les  Involuti,  selon  la  mode 
d'attache  des  chrysalides,  c'est  à  dire  suivant  qu'elles  sont  fixées 
par  la  queue  et  par  un  lieu  transversal,  ou  simplement  suspendues 
par  la  partie  anale,  ou  enfin  enroulées  entre  des  feuilles.  Chaque 
section  à  son  tour  fut  divisée  en  tribus  particulières.  Celle  des 
Succincti  fut  répartie  en  Papilionides,  en  Piérides,  en 
Lycaenides  et  eu  Erycinides  d'après  des  particularités  orga- 
niques tirées  tout  à  la  fois  des  larves,  des  nymphes  et  de  l'insecte 
parfait.  Boisduval  classa  nos  Parnassiens  dans  la  tribu  des 
Papilionides  ;  ils  les  réintégra  dans  le  genre  qui  avait  été  primi- 
tivement fondé  pour  eux  par  Latreille,  tandis  qu'il  réserva  celui 
des  Doritis  d'Ochsenheimer  à  une  seule  espèce  asiatique  (Apollina) 
dont  les  caractères  diffèrent  sensiblement  de  ceux  des  vrais  Parnassiens. 
Ces  derniers,  en  effet,  à  part  le  régime  de  leurs  chrysalides 
appartiennent  réellement  à  cette  famille.  Ils  ont,  ainsi  qu'on 
l'a  vu  plus  haut,  le  bord  abdominal  des  secondes  ailes  toujours 
évidé  de  manière  à  laisser  libre  l'abdomen  dans  l'état  de  repos; 
les  cellules  discoïdales  sont  fermées;  la  nervure  médiane  offre 
quatre  branches  très  distinctes;  les  tibias  antérieurs  sont  armés 
vers  leur  milieu  d'une  forte  épine,  et  les  postérieurs  d'une  paire 
d'éperons,  caractères  que  l'on  retrouve  sans  exception  chez  toutes 
les  espèces  de  cette  tribu. 


Papilionides 


—     28     — 

Mais  comme  les  Papilionides  comprennent  un  certain  nombre 
de  genres  très  différents,  il  ne  sera  pas  sans  intérêt  de  faire 
ressortir  les  analogies  et  les  dissemblances  que  nos  Parnassiens 
peuvent  offrir  avec  chacun  de  ces  genres  limitrophes.  Cette  revue 
comparative  nous  indiquera  en  outre  la  place  que  ces  papillons 
doivent  occuper  dans  la  série.  Si  l'on  élimine  les  genres  exo- 
tiques des  Teinopalpus,  Ornithoptera,  Euryades,  Ar- 
mandia  et  Se  ricin  us  qui  gravitent  autour  de  nos  Thais  et  de 
nos  Papilio,  la  tribu  des  Papilionides  Paléarctiques  se  compose 
des  genres  suivants: 

Papilio 

Luehdorfia 

Thais 

Ismene 

Doritis 

Parnassius 

Le  premier,  celui  des  Papilio,  n'offre  que  des  rapports  gé- 
néraux et  lointains  avec  celui  que  nous  avons  en  vue.  Les 
nombreuses  espèces  qu'il  renferme  ont  la  tête  grosse,  les  palpes, 
très  courts  et  squameux,  sont  appliqués  contre  le  front  et  ne  dé- 
passent pas  le  niveau  des  yeux.  Les  antennes,  fort  longues,  ont 
leur  massue  recourbée  de  bas  en  haut.  Le  corps  de  ces  insectes 
est  moins  velu  et  leurs  ailes,  toujours  abondamment  chargées 
d'écaillés,  ont  des  angles  aigus,  des  contours  dentés  et  sont  par- 
fois munies  d'appendices  caudiformes. 

L'unique  espèce  sibérienne  (Puziloi,  Ersch.)  qui  constitue' 
le  genre  Luehdorfia,  est  plus  voisine  des  Parnassiens  que  les 
Papilio,  par  son  corps  court  et  recouvert  de  longs  poils,  par  la 
lame  cornée  qui  termine  l'abdomen  du  sexe  femelle  et  qui  rappelle 
sous  une  autre  forme  la  caverne  d'Apollo.     Mais  la  massue  des 


—     29     — 

antennes  de  ce  papillon  est  contractée,  et  les  palpes,  enfouis 
dans  une  bourre  soyeuse,  sont  peu  distincts.  Par  les  dessins  et 
la  coupe,  cette  espèce  est  analogue  à  certains  Papilio,  tandis  que 
la  texture  mince  de  ses  ailes,  le  contour  denté  des  inférieures,  la 
forme  et  la  bréiveté  des  antennes  la  rapprochent  plutôt  des  Thais. 

Ces  derniers  ont  bien  la  coupe  des  Parnassiens.  Leurs  ailes  un 
peu  allongées  offrent  des  angles  arrondis;  mais  les  postérieures  sont 
toujours  dentées  et  ces  organes,  régulièrement  chargés  d'écaillés, 
offrent  des  dessins  caractéristiques  bien  tranchés.  Les  palpes  des  Thais 
sont  du  reste  beaucoup  plus  allongés  que  ceux  des  Parnassiens, 
leur  corps  plus  grêle  est  constamment  tacheté  de  dessins  fauves 
et  blancs  ;  enfin  l'absence  de  toute  poche  ventrale  et  la  forme  re- 
courbée de  la  massue  des  antennes  ne  perniettent  pas  de  confondre 
deux  genres  si  différents  à  tous  égards. 

C'est  avec  les  Ismene  et  les  Doritis  que  nos  papillons  offrent 
de  prime  abord  le  plus  d'analogie.  Le  premier  de  ces  deux  groupes 
ne  renferme  qu'une  seule  espèce  (Helios,Nick.)  du  Turkestan  et  le  se- 
cond également  une  forme  unique  (Apollina,  Boisd.)  de  l'Asie  mineure. 

Ce  Helios  possède  des  ailes  entières,  sans  dentelures  au  bord 
externe  des  inférieures,  et  ses  dessins  rappellent  beaucoup  ceux 
des  Parnassiens.  On  remarque  sur  les  antérieures  des  taches  dis- 
coïdales,  costales  et  internes  et  sur  les  inférieures  deux  petites 
ocelles  à  la  place  qu'elles  occupent  chez  l'ApoUo.  Cependant  cette 
ressemblance  ne  réside  que  dans  l'aspect;  car  le  corps  de  Helios 
est  glabre,  ses  palpes  sont  très  courts  et  ses  antennes,  plus  courtes 
encore,  sont  terminées  par  une  massue  aplatie  et  légèrement  creusée 
en  cuillère.  Enfin  les  ailes  de  ce  papillon  sont  bien  écaillées  et 
la  poche  fait  défaut  chez  le  sexe  femelle. 

Le  genre  Doritis  de  Boisduval  est  par  conséquent  le  seul 
parmi  tous  ceux  que  renferme  la  tribu  des  Papilionides  qui  pré- 


—     30     — 

sente  des  rapports  évidents  avec  celui  des  Parnassiens.  En  effet 
les  ailes  d'Apollinus,  dont  tous  les  contours  sont  bien  arrondis,  possè- 
dent à  un  haut  point  cette  consistance  parcheminée  qui  est  si 
remarquable  chez  les  espèces  voisines  d'ApoUo.  Elles  sont  aussi 
partiellement  dénudées  au  bord  externe  en  dessus,  et  presque 
totalement  sur  toute  la  surface  opposée.  Le  corps  de  ce  papillon 
est  en  outre  recouvert  d'une  pilosité  abondante.  Mais  ce  qui 
distingue  cependant  ces  deux  genres  assurément  voisins,  c'est 
que  les  antennes  des  Doritis  ressemblent  à  celles  des  Thais,  et 
que  l'abdomen  du  sexe  femelle  est  dépourvu  de  la  poche  cornée- 
qui  caractérise  les  congénères  d'Apollo. 

Les  Parnassiens  rappellent  aussi  une  autre  coupe  générique, 
mais  d'origine  exotique,  celle  des  Eurycus  qui  renferme  deux 
espèces  de  la  Nouvelle-Hollande  (Cressida,  Fabr.  et  Harmonia,  Fabr.) 
dont  les  ailes  ont  également  une  consistance  parcheminée  et  sont 
en  partie  dénudées  d'écaillés.  Toutefois  la  forme  de  ces  organes 
est  différente,  l'abdomen  de  ces  insectes  est  à  peine  velu  et  la 
tête  avec  ses  gros  yeux  et  ses  palpes  courts  appliqués  contre 
le  front,  ressemble  beaucoup  à  celle  des  Papilio.  Enfin  la  caverne 
ventrale  est  absente. 

En  résumé  c'est  par  le  genre  Ismene  et  surtout  par  celui 
des  Doritis  que  nos  Parnassiens  se  lient  avec  les  autres  groupes 
de  la  famille  des  Papilionides,  parmi  lesquels  ils  occupent  une 
situation  bien  à  part,  en  raison  de  la  consistance  toute  spéciale 
de  leurs  ailes  et  de  l'existence  de  l'appendice  anal  chez  les 
femelles. 

Néanmoins  bien  que  ces  insectes  soient  définitivement  fixés 
dans  cette  tribu,  ils  offrent  aussi  certains  traits  de  ressemblance 
avec  les  Piérides  qui  font  suite  aux  Papilionides  dans  notre 
nomenclature,  et  dont  les  ailes  offrent  toujours  des  contours  bien 


—     31     — 

arrondis.  Parmi  les  genres  de  cette  nouvelle  famille  se  trouve 
en  première  ligne  celui  des  Aporia  de  Hubner  (Leuconea,  Duponchel) 
dont  les  espèces,  très  peu  nombreuses,  se  distinguent  de  celles 
des  groupes  limitrophes  par  des  antennes  toutes  noires,  longues, 
à  massue  très  fiisiforme,  des  ailes  un  peu  papyracées,  légèrement 
diaphanes,  dénudées  partiellement  au  sommet  des  supérieures  en 
dessus  chez  les  femelles,  ainsi  que  sur  la  plus  grande  partie 
de  la  face  opposée.  Ces  organes  sont  en  outre  d'un  blanc  uni- 
forme sur  lequel  les  franges  et  les  nervures  tranchent  très  vive- 
ment en  noir. 

Notre  Leuconea  Crataegi  d'Europe  rappelle  beaucoup  l'aspect 
des  Parnassiens  du  groupe  de  Mnemosyne  chez  lesquels  les  ocelles 
rouges  si  caractéristiques  ont  disparu;  et  cette  analogie  que  nous 
signalons  ici  est  surtout  frappante  entre  le  Paru.  Stubbendorfii 
et  l'Aporia  ou  Leuconea  Hippia,  des  provinces  de  l'Amour,  qui 
l'un  et  l'autre  ont  des  nervures  fortement  estompées  de  noir. 

Si  on  remonte  jusqu'aux  premiers  états,  on  trouve  que  les 
papillons  dont  nous  étudions  les  relations  organiques  ne  diffèrent 
pas  aussi  sensiblement  des  autres  genres  de  leur  tribu  qu'à  l'état 
parfait.  On  ne  connaît  d'une  manière  bien  exacte  que  les  chenilles 
des  Papilio  et  des  Thais.  Celles  de  ces  derniers  sont  cylindriques, 
épaisses,  assez  courtes,  leur  corps  est  couvert  d'épines  hérissées 
de  poils.  Leur  tête  est  petite,  arrondie  et  fortement  comprimée 
en  avant.  La  larve  d'Apollo,  la  seule  que  nous  connaissions, 
est  plus  allongée,  simplement  garnie  de  courtes  éminences  un 
peu  velues,  et  sa  tête  n'est  pas  non  plus  aplatie  sur  le  devant. 
Quant  aux  larves  des  Papilio,  elles  présentent  entre  elles  moins 
d'homogénéité  dans  leurs  formes  que  celles  des  Thais,  et  sont  par 
conséquent  plus  variables.  On  sait  que  ce  genre  si  riche  comprend 
plus  de  trois  cents  espèces  distinctes  répandues  sur  toute  la  sur- 


—     32     — 

face  du  globe.  Les  unes  ressemblent  à  notre  Machaon  et  à  notre 
Podalirius;  d'autres  imitent  certaines  espèces  de  Danais,  d'Acraea 
ou  même  d'Heliconides.  On  comprend  dès  lors  que  les  chenilles 
d'insectes  aussi  disparates  doivent  éprouver  elles-mêmes  de  grandes 
modifications  dans  leur  aspect.  Un  grand  nombre  d'entre  elles  est 
hérissé  de  proéminences  charnues;  d'autres,  telles  que  la  larve 
de  Machaon,  sont  toutes  unies;  et  c'est  avec  cette  dernière  forme 
que  la  chenille  d'Apollo  offre  le  plus  de  similitude. 

La  dissemblance  est  plus  accentuée  entre  les  chrysalides  des 
différents  genres  des  Papilionides.  Celles  des  Papilio  proprement 
dits  ont  le  front  bifide  et  une  saillie  anguleuse  sur  le  milieu  du 
thorax.  Les  nymphes  des  Thais  sont  plus  sveltes,  plus  allongées, 
plus  cylindriques,  sans  proéminence  thoracique,  mais  leur  tête  est 
prolongée  en  une  sorte  de  bec  saillant.  Les  unes  et  les  autres 
sont  attachées  aux  tiges  des  plantes  nourricières  par  la  queue  et 
par  un  lieu  transversal. 

Rien  de  semblable  ne  s'observe  chez  la  nymphe  d'Apollo 
dont  l'aspect  trapu  et  les  angles  arrondis  font  plutôt  songer  aux 
formes  qui  sont  familières  aux  Nocturnes  et  surtout  à  certains 
Bombycides.  11  y  a  jusqu'à  la  poussière  bleuâtre  dont  son  en- 
veloppe est  recouverte  qui  rappelle  une  particularité  identique 
qui  existe  chez  les  chrysalides  de  Catocala. 

Enfin  si  l'on  considère  que  ce  nymphe  est  renfermée 
dans  un  cocon  soyeux  et  léger  tissé  entre  les  feuilles,  on 
trouvera  qu'elle  offre,  en  même  temps  qu'une  analogie  lointaine 
avec  les  Hétérocères,  beaucoup  de  traits  de  ressemblance  avec 
celles  des  Hespérides,  où  ce  régime  est  caractéristique  et  qui 
ont  été  désignées  pour  cette  raison  sous  le  nom  d'Involuti,  c'est 
à  dire  d'Enroulés. 


m. 

Classification  des  Parnassiens  en  groupes 
naturels. 


La  tâche  du  classificateur,  d'après  les  considérations  que 
nous  avons  émises  dans  la  préface  au  sujet  de  l'espèce,  est  com- 
posée de  deux  parties  distinctes.  Elle  consiste  d'abord  à  diviser 
les  êtres  organisés  en  catégories  séparées  selon  les  dissemblances 
qu'ils  présentent;  puis  à  les  réunir  de  nouveau  en  groupes  plus 
ou  moins  connexes  d'après  les  analogies  que  l'observation  fait 
ressortir. 

C'est  par  conséquent  à  l'aide  d'un  procédé  tout  à  la  fois 
d'analyse  et  de  synthèse  que  nous  parvenons  à  classer  les 
animaux  et  les  plantes,  c'est  à  dire  à  assigner  à  chacun  d'eux 
une  situation  bien  définie  parmi  nos  idées.  Cette  méthode  a 
nécessairement  pour  effet  de  disposer  les  espèces  en  une  série 
continue  et  rectiligne. 

En  effet,  lorsque  le  naturaliste  a  réparti  par  exemple  les 
lépidoptères  en  Hétérocères  et  en  Rhopalocères,  et  ceux-ci 
en  subdivisions  secondaires:  en  Papilionides,  en  Piérides,  en 
Nymphalides  etc.,  il  se  trouve  dans  l'obligation  de  disposer 
chacune  de  ces  familles  dans  une  suite  quelconque.  L'une  doit 
forcément  précéder  toutes  les  autres,  et  celles-ci  ne  peuvent 
manquer  de  suivre  dans  un  ordre  déterminé. 

3 


—     34     — 

C'est  encore  l'analogie  des  caractères  qui  vient  dans  ce  cas 
en  aide  au  classificateur.  Mais  hâtons-nous  de  dire  que  ce  guide 
fait  souvent  défaut,  et  que  la  place  que  doit  occuper  tel  groupe 
dans  la  série  est  plus  ou  moins  arbitraire,  en  ce  sens  qu'elle  n'est 
indiquée  par  aucune  raison  déterminante.  Par  exemple,  dans  la  sub- 
division primordiale  des  papillons  enHétérocères  et  en  Khophalo- 
cères,  il  serait  assez  difficile  de  dire  pourquoi  il  convient  d'assigner 
la  première  place  à  ceux-ci  plutôt  qu'à  ceux-là,  puisque  ni  l'un  ni 
l'autre  de  ces  grands  groupes  n'offrent  de  liaison  particulièrement 
intime  avec  les  autres  ordres  d'insectes  qui  précèdent  ou  qui 
suivent  les  lépidoptères  dans  la  série  entomologique.  11  en  est 
encore  de  même  de  la  situation  respective  des  tribus,  des  familles 
et  même  des  genres.  C'est  ainsi  que  certains  auteurs  ouvrent 
la  légion  des  Hétérocères  par  les  Sphingides,  qui  suivent 
immédiatement  les  Hespérides  de  la  division  des  Rhophalo- 
cères;  d'autres  parles  Sesiides  ou  les  Zygaenides.  Le  passage 
des  Borabycides  se  poursuit  avantageusement,  suivant  certains 
classificateurs,  par  les  Noctuides;  tandis  que  cette  transition 
pourrait  s'effectuer  aussi  bien  par  les  Phalènides. 

La  divergence  de  vue  est  encore  plus  grande  dans  le  groupe- 
ment réciproque  des  genres  d'une  même  famille;  et  elle  se 
manifeste  surtout  lorsqu'on  pénètre  jusqu'aux  espèces  propre- 
ment dites. 

Quand  on  étudie  attentivement  la  subordination  de  ces 
dernières,  on  remarque  effectivement  bien  vite  qu'il  est  impossible 
d'établir  parmi  elles  une  hiérarchie  régulière  et  continue,  et  qu'il 
existe  dans  leur  sein  un  certain  nombre  de  types  qui  sont  à  peu  près 
également  bien  placés  partout  où  on  les  dispose.  Ainsi,  pour  ne  citer 
qu'un  exemple  choisi  dans  les  Parnassiens,  Charltonius  ne  se  lie  avec 
aucun  de  ses  congénères,  si  ce  n'est  avec  ceux  du  groupe  de  Delphius. 


—     35     — 

Ces  dernières  espèces  sont  bien  séparées,  soitdes  types  voisins  d'Apollo, 
soit  de  ceux  de  Mnemosyne.  11  en  est  de  môme  de  Teuedius  qui  n'a 
de  rapports  intimes  avec  aucune  autre  forme  de  ce  beau  genre. 
C'est  que  la  méthode,"  en  vertu  de  laquelle  nous  coordonnons  les 
genres  et  les  espèces,  est  plus  ou  moins  artificielle;  elle  présente 
le  double  défaut  de  ne  pouvoir  embrasser  toutes  les  formes 
existantes  dont  la  connaissance  serait  pourtant  nécessaire  pour 
bien  constituer  une  série  progressive,  et  de  suivre  une  direction 
rectiligne  qui  n'est  pas  le  procédé  que  suit  la  nature  dans  l'en- 
cliainement  des  êtres  vivants. 

Du  moment  que  l'espèce  n'est,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
au  début,  qu'une  idée  abstraite  de  l'esprit,  et  qu'il  ne  peut  exister 
hors  de  nous  que  des  individus  plus  ou  moins  similaires,  il  faut 
s'attendre  à  ce  que  les  ressemblances  des  êtres  irradient  dans 
toutes  sortes  de  directions;  et  dans  le  fait,  l'examen  attentif  des 
genres  nombreux  fait  ressortir,  que  presque  toutes  les  espèces 
pivotent  pour  ainsi  dire  les  unes  autour  des  autres  par  des 
caractères  dont  l'équivalence  est  manifeste. 

Voilà  pourquoi  il  est  impossible  de  ranger  les  êtres  organisés, 
et  spécialement  les  papillons,  dans  une  suite  bien  continue;  et 
pourquoi  aussi  les  meilleurs  systèmes  de  classification  offrent  des 
défectuosités  irrémédiables  qui  tiennent  à  la  nature  des  choses. 

Mais,  si  la  méthode  en  série  linéaire  n'est  pas  celle  que  suit 
la  nature,  elle  est  du  moins  la  seule  que  nous  puissions  adopter, 
parce  qu'il  n'est  pas  en  notre  pouvoir  de  suivre  ces  enchaînements 
en  nombre  pour  ainsi  dire  infini  que  présentent  les  êtres  vivants 
dans  leurs  rapports  mutuels.  D'ailleurs,  fussions-nous  capables 
de  les  embrasser  tous,  et  de  les  suivre  dans  toutes  leurs  ramifi- 
cations, nous  manquerions  de  moyens  pratiques  de  les  exprimer; 
et  ce  genre  de  connaissances  n'exercerait  par  cela  même  aucune 

3* 


—     36     — 


influence  utile  sur  nos  nomenclatures.  On  comprendra  par  conséquent, 
après  ce  que  nous  venons  de  dire,  qu'il  convient  toujours  de  faire 
des  restrictions  sur  la  valeur  des  classifications  en  général;  mais  ces 
réserves  ne  peuvent  en  aucun  cas  empêcher  le  naturaliste  d'établir  des 
systèmes  qui  sont  en  quelque  sorte  les  cadres  obligés  de  la  science. 
Cela  posé,  nous  allons  essayer  de  subdiviser  méthodiquement 
le  genre  Parnassius  qui  fait  l'objet  de  cette  étude,  et  de  répartir 
ses  intéressantes  espèces  en  groupes  naturels. 

Un  travail  analogue  à  celui  que  nous  allons  proposer  a  déjà 
été  tenté  par  Ménétriès,  le  savant  directeur  du  Musée  de  St.Péters- 
bourg,  en  1855,  mais  sans  grand  succès  à  notre  avis. 

Nous  trouvons  en  effet  dans  l'ouvrage  qu'il  a  publié  sous 
le  titre  d'Enumeratio  corporum  animalium  Musei  Petro- 
po  lit  a  ni  et  qui  est  rédigé  sous  forme  de  catalogue,  un  essai  de 
classification  de  tous  les  Parnassiens  connus  de  son  temps.  Pour 
établir  ses  groupements,  l'auteur  dont  il  s'agit  s'est  fondé  sur 
les  taches  rouges  qui  existent  à  la  base  du  revers  des  secondes 
ailes  d'un  grand  nombre  d'espèces  de  ce  genre,  ainsi  que  sur 
la  présence  ou  l'absence  des  ocelles  sur  les  mêmes  ailes.  Voici  de 
quelle  manière  les  Parnassiens  'sont  répartis  dans  ce  catalogue: 

Apollo,  Linné. 

var.  Hesebolus,  Nordm. 

Apollonius,  Evers. 

Nomion,  Pisch. 

Phoebus,  Prun.  (Delius,  Esp.) 

Sedakovii,  Mén. 

Intermedius,  Mén. 

Clodius,  Mén. 

Eversmanni,  Mén. 

Wosnesenskii,  Mén. 


V  Division. 
Taches  rouges  à  la  base  des  ailes 
inférieures  en  dessous 


—     37     — 

2^  Division. 
Point  de  taches  rouges  à  la  base 
des  ailes  inférieures  en  dessous  .  .  |  '^l^.rius,  Lvers. 

1  Nordmanni,  Méii. 

Ailes  sans  aucune  tache  rouge     |  Mnemosyne,  Linné. 

I  Stiibbendorfii,  Mén. 
En  parcourant  le  tableau  qui  précède,  on  se  rend  facilement 
compte  que  le  rapprochement  des  espèces  qui  y  figurent  est  tout-à-fait 
artificiel,  et  qu'il  présente,  par  conséquent,  le  grand  inconvénient  d'unir 
entre  elles  des  formes  bien  séparées.  Ainsi,  en  réalité,  lesParn.Evers- 
m  an  ni  et  Wosnesenskii  n'ont  que  des  rapports  généraux  avec  les 
espèces  de  la  série  Apollo-Nomion-lntermedius;  tandis  qu'au 
point  de  vue  organique,  ils  sont  très  proches  parents  de  Clarius 
et  de  Nordmanni,  lesquels  eux-mêmes  ne  diffèrent  pas  très  sen- 
siblement de  Mnemosyne  et  de  Stubbendorfii.  Ces  taches 
rouges  à  la  l»ase  du  dessous  des  ailes  inférieures  n'offrent  par 
conséquent  aucune  valeur  sérieuse;  elles  ont  même  le  tort  grave 
d'être  inconstantes.  En  effet,  du  temps  de  notre  auteur,  on  ne 
possédait  de  toute  une  série  de  Parnassiens  que  le  seul  Delphius 
que  Ménétriès  ne  mentionne  même  pas,  et  autour  duquel  sont 
venu  se  grouper  successivement  Staudingeri,  Transiens, 
Namanganus  et  Cardinal,  qui  sont  si  voisins  entre  eux  qu'il 
est  souvent  difficile  de  différencier  certains  exemplaires  de  ces 
espèces.  Delphius,  dans  sa  forme  typique,  est  privé  de  taches 
rouges  aux  ailes  inférieures,  et  devrait  rentrer  dans  la  deuxième 
division  du  tableau  ci-dessus;  mais  sa  variété  Infernalis  possède 
à  cette  place  deux  macules  bien  accentuées.  Il  en  est  de  même 
de  Namanganus  et  de  Cardinal,  qu'il  faudrait  séparer  de 
Delphius  et  classer  dans  la  première  division,  si  l'on  voulait 
rester  dans  la  logique  des  caractères. 


—     38     — 

Enfin  chez  Staudingeri  les  taches  rouges  en  question, 
généralement  absentes,  sont  cependant  parfois  bien  indiquées, 
circonstance  qui  placerait  le  classificateur  dans  la  nécessité  de  ré- 
partir les  exemplaires  d'une  même  espèce  en  deux  catégories  diffé- 
rentes et  opposées  l'une  à  l'autre. 

En  écartant  ces  caractères  comme  absolument  insuffisants, 
on  pourrait  essayer  de  classer  les  Parnassiens  d'après  la  couleur 
de  leurs  antennes.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  ces  organes 
sont  tantôt  entièrement  noirs,  et  tantôt  entrecoupés  de  zones 
blanches  parallèles.  Si  l'on  réunissait  toutes  les  espèces  qui 
présentent  ces  particularités,  on  pourrait  établir  ainsi  deux  groupes 
bien  tranchés;  mais  cette  répartition  serait  purement  artificielle, 
et  n'exprimerait  pas  les  relations  naturelles  des  espèces.  Dans 
l'un  par  exemple  on  trouverait  côte  à  côte:  Apollonius,  Hon- 
rathi,  Bremeri,  Tenedius,  Eversmanni,  Wosnesenskii, 
et  tous  les  types  voisins  de  Delphius  et  de  Mnemosyne,  c'est  à 
dire  les  formes  les  plus  opposées  du  genre  Parnassius.  La  struc- 
ture de  la  massue  n'offre  pas  non  plus  de  points  de  repère  satis- 
faisants, parce  que  le  développement  de  cette  partie  de  l'antenne, 
bien  que  variable  suivant  certains  groupes  d'espèces,  n'est  pas 
toujours  appréciable. 

Après  avoir  examiné  avec  soin  les  divers  caractères  que 
peuvent  présenter  c6s  papillons,  nous  n'avons  trouvé  de  constance 
et  de  valeur  vraiment  scientifique  que  dans  ceux  qui  sont  inhérents 
à  la  poche  cornée  du  sexe  femelle.  Nous  avons  déjà  étudié  dans 
le  chapitre  précédent  l'organisation  de  cet  appareil  si  curieux,  et 
nous  avons  suivi  la  transformation  qu'il  éprouve  chez  les  différents 
types  de  la  série.  Faisons  rémarquer  qu'en  ce  qui  conerne  les 
espèces  de  la  Faune  Paléarctique,  les  seules  dont  nous  nous  occu- 
pons dans  ce  travail,  cette  variation  peut  se  réduire  à  cinq  plans 


absolument  invariables  dans  leurs  grandes  lignes;  et  que  chez 
les  mêmes  espèces  la  poche  dont  il  s'agit  a  aussi  une  forme 
toujours  indentique. 

1"^  Dans  le  premier  cas,  cette  poche  est  enroulée  sur  elle 
même  sous  forme  de  corne  et  ne  présente  ni  appendice,  ni  carène, 
mais  au  contraire  un  sillon  médian  large  et  peu  profond. 

2«-  Dans  le  second  cas,  elle  offre  la  configuration  d'un 
anneau  qui  entoure  le  dernier  segment  abdominal,  et  qui  se  dé- 
veloppe inférieurement  en  un  appendice  bifide,  creusé  en  gouttière 
sur  ses  côtés,  et  sillonné  dans  son  milieu. 

3^-  Dans  le  troisième  plan,  elle  consiste  en  une  caverne 
sous-jacente,  soudée  aux  parois  ventrales,  un  peu  déprimée  sur 
les  côtés.  Sa  partie  antérieure  qui  est  arrondie  se  trouve  munie 
d'une  carène  tranchante  plus  ou  moins  développée;  tandis  que  la 
partie  postérieure,  du  côté  de  l'ouverture,  est  prolongée  en  une 
languette  aiguë  ou  ovalaire. 

4^  Elle  consiste  encore  en  une  poche  spacieuse,  arrondie, 
sans  carène,  que  recouvre  un  limbe  horizontal  saillant  et  pro- 
fondément bifide. 

5«  Enfin  dans  le  dernier  type,  elle  se  compose  d'une  caverne 
volumineuse,  plus  ou  moins  allongée,  généralement  atténuée  à  sa 
partie  antérieure,  sans  carène  ni  appendices  et  qui  présente  deux 
orifices  opposés. 

Le  tableau  que  nous  avons  tracé  plus  loin,  indique  la  ré- 
partition des  différentes  espèces  de  Parnassiens  dans  chacun  de 
ces  groupes  naturels,  auxquels  nous  avons  imposé  des  dénominations 
qui  rappellent  le  caractère  prédominant  de  l'appareil  (|ui  sert  de 
base  à  cette  classification.  Nous  avons  subdivisé  en  outre  deux  de 
ces  groupes  en  sections  secondaires,  qui  sont  fondées  sur  des  signes 
plus  artificiels  et  de  moindre  valeur.     C'est  ainsi  que  le  3^  groupe 


—     40     — 

comprend  deux  sections,  dont  Tune  renferme  toutes  les  espèces 
dont  la  tige  des  antennes  est  franchement  entrecoupée  de  blanc, 
et  l'autre  contient  toutes  les  formes  chez  lesquelles  ces  organes 
sont  entièrement  noirs. 

Le  5^  groupe,  malgré  la  forme  si  caractéristique  de  sa  caverne, 
présente  cependant  des  types  d'aspect  un  peu  disparate  que  nous 
avons  dès  lors  jugé  à  propos  de  répartir  aussi  en  sections  secon- 
daires. Ainsi,  Clarius  et  Nordmanui  n'ont  pas  de  taches  rouges 
basilaires  sur  le  revers  des  ailes  inférieures;  mais  ils  possèdent 
des  ocelles  normalement  développées.  Eversmanni,  Wosne- 
senskii  et  Pelderi  sont  munis  h  la  fois  d'ocelles  et  de  taches 
basilaires;  tandis  que  les  unes  et  les  autres  font  défaut  chez 
notre  Mnemosyne  et  ses  formes  dérivées.  Il  y  a  donc  lieu, 
pensons-nous,  de  classer  ces  dernières  espèces  en  trois  petits 
groupes  subordonnés  au  groupe  principal,  afin  de  mieux  faire 
ressortir  leurs  rapports  réciproques. 

L'ensemble  de  tous  ces  caractères  se  trouve  par  conséquent 
exprimé  dans  le  tableau  que  nous  proposons  ci-dessous. 


Tableau  de  classification  des  espèces  du  genre  Parnassius. 


P  Groupe 
(Cornuti). 


Poche  enroulée  sur  elle 
même,  sans  carène  ni 
appendice, mais  marquée 
au  contraire  d'un  sillon 
médian  large  et  peu  pro- 
fond.   Antennes  noires. 

Voir  la  suite  d'autre  part. 


Charltonius,  Gray. 


—     41     — 


2«  Groupe 
(Cincti). 


Poche  cornée  disposée 
en  anneau  entourant 
complètement  l'abdo- 
men, et  se  prolongeant  en 
dessous  en  un  lobe  bifide, 
horizontal,  enroulé  de 
chaque  côté,  et  creusé 
d'un  sillon  profond. 
Antennes  noires. 


Namanganus,  Stgr. 
Delphi  us,  Eversm. 
var.  Infernalis,  Stgr. 
ab.  Styx,  Stgr. 
Transiens,  Stgr. 
Staudingcri,  Baug  Haas. 
Cardinal,  Grumm. 


3^  Groupe 
(Carinati). 
Poche  cornée  dépri- 
mée latéralement, 
munie  à  sa  partie 
antérieured'une  forte 
carène,  et  à  sa  pos- 
térieure d'une  lame 
saillante,  horizon- 
tale, aiguë  ou  ar- 
rondie. Antennes  de 
couleur  variable. 


Tiges    des    antennes 
entrecoupées  de  noir. 


Tige  des  antennes  en- 
tièrement noire. 


Apollo,  Linné. 
var.  Hesebolus,  Nord. 
Nomion,  Fischer. 
Actius,  Evers. 
Romanovi,  Stgr. 
Rhodius,  Honrath. 
Insignis,  Stgr. 
Discobolus,  Alph. 
var.  Minor,  Stgr. 
ab.  Nigricaus,  Stgr. 
Delius,  Esp. 
var.  Intermedius,  Mén. 
?  var.  Sedakovii,  Mén. 

Honrathi,  Stgr. 

Bremeri,  Brera. 

?  var,  Graeseri,  Honrath. 

Apollonius,  Evers. 

ab.  Flavomaculata,  Stgr. 


42     — 


5®  Groupe 
(Ventricosi). 
Poche  blanchâtre, 
spacieuse,  à  2  ouver- 
tures opposées,  sans 
carène  ni  appendices. 
Antennes  noires. 


Eversmanni,  Mén. 
var.  Thor,  Edw. 
Wosnesenskii,  Mén. 
Felderi,  Brem. 

Clarius,  Evers. 
var.  Dentata,  Stgr. 
Nordmanni,  Nord, 
var.  Minima,  Honrath. 


4**  Groupe  (Limbati). 
Poche  très  grande,  arrondie,  sans  carène,  mais 
recouverte  supérieurement    d'un   limbe   bilobé.  {  -Leûedius,  Lvers. 
Antennes  noires. 

Des  taches  basilaires 
et  des  ocelles  rouges 
aux  ailes  inférieures. 
Vestiture  du  corps  jaune. 
Point  des  taches  ba- 
silaires aux  ailes  in- 
férieures, mais  seule- 
ment des  ocelles.  Vesti- 
ture du  corps  grise. 

Mnemosyne,  Linné. 
?  var.  Gigantea,  Stgr. 
?  var.  Nubilosus,  Christ. 
Stubbendorfii,  Mén. 
Nous  devons  encore  ajouter  quelques  mots  sur  l'arrangement 
que  nous  avons  adopté  en  ce  qui  concerne  les  groupes  et  les  espèces 
de  notre  classification. 

Nous  avons  placé  en  tête  de  la  série,  et  dans  le  premier 
groupe,  Charltonius  qu'il  eut  été  difficile  de  bien  localiser  ailleurs. 
En  effet  ce  papillon  a  un  aspect  à  part  parmi  les  Parnassiens, 
par  l'ocelle  inférieure  qui  a  acquis  un  développement  considérable 
et  qui  se  trouve  située  beaucoup  plus  près  du  bord  que  chez  n'im- 
porte quelle  autre  espèce.  En  outre,  tout  contre  ce  bord,  existe 
une  rangée  de  cinq  taches  noires,  arrondies,  vivement  pupillées  de 
bleu  qui  rapelle  une  disposition  analogue  qu'on  remarque  dans 
le  Doritis  Apollinus.  Par  la  facture  des  ailes  supérieures,  ce 
Charltonius  ressemble  cependant  à  Delphius  ou  mieux  à  Staudingeri, 


Point  des  taches  basi- 
laires ni  d'ocelles. 


—     43     — 

et  c'est  pourquoi  nous  avons  placé  dans  le  second  groupe  les 
espèces  voisines  de  ces  deux  derniers  types.  Elles  s'enchainent 
du  reste  fort  bien  entre  elles  et  dans  l'ordre  où  nous  les  avons 
disposées. 

Entre  le  2^  et  le  3^  groupe  il  existe  une  solution  de  conti- 
nuité de  formes  évidente;  car  aucune  espèce  du  premier  ne  se  lie 
avec  l'une  quelconque  du  second.  Cette  lacune  provient  sans 
doute  de  ce  qu'il  y  a  dans  la  nature  bien  des  espèces  encore 
inobservées  qui  viendront  plus  tard  la  combler  et  ménager  les 
transitions  de  la  série. 

Mais  dans  la  division  des  Carinati  on  reconnaît  une  grande 
homogénéité  d'aspect.  Depuis  Apollo  jusqu'à  Honrathi,  la  va- 
riation des  caractères  est  fort  bien  observée  par  une  succession 
de  termes  presque  continus.  Les  Parnassius  Bremeri,  Graeseri 
et  Apollonius  sont  seuls  un  peu  dissemblables.  Les  deux  premiers, 
à  cause  de  leurs  franges  et  de  leurs  nervures  noires,  tendent  à 
se  rapprocher  des  Ventricosi  où  ces  caractères  sont  tout-à-fait 
prédominants;  et  la  seconde,  par  les  gros  points  noirs  et  solitaires 
qui  remplacent  sur  les  quatre  ailes  les  antémarginales  flexueuses  des 
Carinati,  et  le  rétrécissement  considérable  de  la  partie  dénudée 
du  sommet  des  supérieures,  rapelle  un  peu  le  Tenedius  qui 
possède  aussi  ces  caractères  et  qui  constitue  à  lui  seul  le  groupe 
des  Limbati. 

Ce  dernier  papillon  interrompt  également  l'harmonie  de  la 
série,  et  ne  s'unit,  par  conséquent,  pas  non  plus  très  bien  avec 
les  espèces  des  groupes  limitrophes. 

Eversmanni,  Wosnesenskii  et  Felderi  qui  commencent 
la  5*  subdivision  conservent  des  rapports  évidents  avec  les  Cari- 
et  les  Limbati  auxquels  ils  font  suite,  par  leurs  ocelles  et  leurs 
taches  basilaires  rouges  bordées  de  noir.    Ces  basilaires  s'oblitèrent 


—      44     — 

cependant  chez  Clariiis  et  Nordmanni,  et  on  arrive  enfin  aux 
formes  qui  gravitent  autour  de  Mnemosyne  et  à  Stubbendorfii, 
lesquelles  ne  possèdent  plus  ni  ces  taches,  ni  ces  ocelles  qui 
sont  si  remarquables  et  si  constantes  parmi  les  Parnassiens. 
Ces  dernières  espèces  terminent  la  série  et  constituent,  ainsi  que 
nous  l'avons  déjà  signalé  plus  haut,  un  acheminement  vers  le 
genre  Aporia  (Leuconea)  de  la  famille  des  Piérides. 

En  résumé,  la  classification  nouvelle  que  nous  proposons, 
malgré  certains  défauts  qui  sont  inhérents  à  tous  les  systèmes, 
et  qui  proviennent  surtout  de  ce  que  nous  ne  connaissons  pas 
encore  tous  les  êtres  qui  sont  répandus  dans  la  nature,  présente 
cependant,  croyons-nous,  l'avantage  de  disposer  de  la  manière 
la  moins  artificielle  les  espèces  si  remarquable  d'un  genre  tout- 
à-fait  priviligé  parmi  les  papillons  diurnes. 


IV. 

Distribution  géographique  des  Parnassiens  à  la 
surface  du  territoire  de  la  Faune  Paléarctique. 


Lorsqu'on  envisage  l'ensemble  des  lépidoptères  qui  habitent 
un  grand  territoire  faunique,  tel  que  celui  que  nous  avons  pris 
pour  objectif,  il  se  dégage  de  cette  étude  un  fait  général  fort 
important:  îi  savoir  que  les  espèces  d'un  même  genre,  et  souvent 
les  genres  d'une  même  famille,  sont  très  inégalement  répartis 
sur  la  surface  de  ce  territoire.  En  effet,  il  y  a  des  espèces  qui 
sont  exclusivement  propres  aux  pays  méridionaux;  d'autres  ne 
fréquentent  que  les  régions  tempérées  et  même  les  climats  glacés 
qui  avoisinent  les  pôles.  Certains  papillons  qui  sont  communs 
sur  un  point  quelconque  de  l'Europe  ne  se  retrouvent  plus  sous 
la  latitude  équivalente  du  continent  asiatique.  Les  êtres  organisés 
sont  donc  distribués  suivant  la  longitude  et  la  latitude  des  lieux; 
et  les  lois  qui  président  à  cette  dispersion,  s'appliquent  à  l'immense 
généralité  des  formes;  elles  ne  souffrent  d'exceptions  qu'eu  faveur 
de  quelques  types  cosmopolites  qui  paraissent  être  indifférents  sur 
le  choix  des  milieux. 

Il  existe  deux  grandes  causes  qui  expliquent  le  phénomène  que  nous 
venons  de  signaler;  la  première,  c'est  que  les  insectes,  et  tout  spéciale- 
ment les  papillons,  se  nourrissant  dans  les  deux  grands  états  qu'ils  sont 


—     46     — 

susceptibles  de  revêtir  au  détriment  du  règne  végétal,  il  est 
naturel  que  leur  répartition  soit  liée  à  celle  des  plantes,  et  en 
subisse  les  diverses  fluctuations.  En  outre,  comme  l'extension 
des  plantes  à  la  surface  du  globe  est  elle-même  subordonnée 
aux  variations  des  climats,  il  est  évident  que  l'habitat  des  lépi- 
doptères est  réglé,  en  dernière  analyse,  par  des  conditions  de 
température;  et  que  les  stations  géographiques  dont  le  climat  est 
à  peu  près  identique,  contiennent  aussi  les  mêmes  espèces  ou  des 
espèces  au  moins  très  voisines. 

Si  la  surface  des  continents  était  comprise  dans  un  plan  sphérique 
parfait,  il  est  certain  que  les  faits  observés  seraient  d'accord  avec  les 
données  de  cette  théorie  ;  mais,  en  réalité,  les  choses  ne  se  passent  pas 
ainsi.  Toutes  les  terres  un  peu  étendues  sont  formées  d'un  mélange 
de  grandes  dépressions  et  de  plateaux  élevés.  De  hautes  montagnes, 
séparées  par  des  vallées  profondes,  les  sillonnent  en  tous  sens,  et 
constituent  des  milieux  très  divers  qui  doivent  nécessairement 
exercer  une  action  puissante  sur  la  physionomie  de  la  vie  orga- 
nique. Les  espèces,  quoique  habitant  sous  une  même  latitude, 
varieront  par  conséquent,  en  proportion  des  changements  que  tous 
ces  grands  accidents  du  sol  auront  introduits  dans  le  climat 
normal.  Il  y  a  lieu  de  tenir  compte  aussi  de  la  configuration 
des  continents  et  de  leur  situation  par  rapport  aux  mers  qui  les 
entourent.  Les  îles  d'un  archipel,  par  exemple,  sont  plus  chaudes 
et  ont  une  température  plus  constante  que  les  grandes  régions 
continentales  qui  se  trouvent  situées  sur  le  même  parallèle;  et 
parmi  celles-ci,  les  zones  voisines  du  littoral  sont  notoirement 
privilégiées,  comparativement  aux  lieux  situés  à  l'intérieur;  parce  que 
la  température  de  l'océan,  en  raison  de  sa  nature,  est  moins 
variable  et  plus  douce  que  celle  de  la  partie  superficielle  de  la 
croûte  terrestre. 


—     47     ~ 

Les  variations  si  nombreuses  et  en  apparence  inexplicables 
que  l'on  reconnait  dans  la  répartition  des  espèces,  résultent  de 
l'action  simultanée  des  causes  générales  que  nous  venons  d'indiquer. 
Cependant,  ces  causes  éprouvent  des  modifications  importantes,  par 
suite  de  deux  faits  particuliers  qui  influent  d'une  manière  tout-à- 
fait  spéciale  sur  la  physionomie  des  faunes  paléarctiques.  Nous 
voulons  parler  de  l'existence  d'un  des  deux  pôles  du  froid  au  nord 
de  l'Asie,  et  de  la  grande  altitude  de  la  partie  moyenne  de  ce 
continent. 

11  est  un  fait  bien  dûment  constaté  par  l'expérience,  c'est 
que  le  pôle  boréal  astronomique,  c'est  à  dire  l'extrémité  de  l'axe 
terrestre  dan§  cet  hémisphère,  n'est  pas,  ainsi  que  cela  devrait 
être  en  théorie,  le  point  du  globe  où  la  température  est  la  plus 
basse.  Le  lieu  le  plus  froid  de  l'ancien  monde  est  situé  au  con- 
traire à  peu  près  au  centre  du  groupe  d'îles  que  les  géographes 
désignent  sous  le  nom  de  Nouvelle  Sibérie  ou  Archipel  de  Liaghoff, 
au  nord-est  de  l'embouchure  du  fleuve  Lena.  La  température 
moyenne  de  ce  point  est  environ  de  —  20*^,  tandis  que  celle  du 
pôle  peut  être  évaluée  seulement  à  quelques  degrés  au  dessous 
de  0.  Ce  lieu  étant  situé  sous  le  77e  degré  de  latitude  boréale, 
il  résulte  de  cette  circonstance,  au  point  de  vue  climatérique, 
que  toutes  les  contrées  de  l'Asie,  qui  sont  voisines  de-  ce  pôle 
du  froid,  subissent  des  conditions  de  température  analogues  à  celles 
qu'elles  éprouveraient  si  elles  étaient  disposées  autour  du  pôle 
astronomique  lui-même,  dans  l'hypothèse  que  celui-ci  soit  eff"ec- 
tivement  le  lieu  le  plus  froid  de  la  terre;  c'est  à  dire  que  l'eifet 
frigorifique  produit  sur  ces  contrées  est  le  même  que  si  elles 
étaient  relevées  in  latitude  de  23  degrés  environ,  par  rapport  aux 
régions  plus  éloignées  qui  ne  sont  guère  influencées  par  le  voisinage 
du  pôle  du  froid.     Ainsi  la  température  moyenne  de  la  ville  de 


—     48     — 

Jakoutsk,  par  exemple,  qui  est  située  sur  le  même  parallèle  que 
Saint-Pétersbourg,  n'est  égalée  en  Europe  que  par  celle  qui  règne 
dans  le  centre  de  la  Nouvelle-Zemble;  et  le  climat  de  la  Daourie, 
par  55  degrés  de  latitude,  équivaut  à  celui  delaLapponie  par  65  degrés; 
et  ainsi  des  autres  points  des  deux  continents  européen  et  asiatique 
comparés  les  uns  aux  autres.  Les  lignes  isothermes,  qui  en  théorie 
devraient  se  confondre  avec  les  parallèles  géographiques,  s'abaissent 
par  conséquent  vers  l'équateur  en  passant  d'Europe  en  Asie;  et 
cette  circonstance  exerce,  comme  on  le  conçoit  sans  peine,  une 
influence  considérable  sur  la  répartition  des  espèces  sous  une 
même  latitude.  Aussi,  voyons-nous  qu'en  général  les  papillons 
qui  sont  communs  à  ces  deux  grands  continents,  descendent  beau- 
coup plus  bas  à  mesure  qu'on  s'avance  d'avantage  vers  l'Orient; 
et  qu'en  suivant  un  même  parallèle,  le  50^  par  exemple,  on 
trouve  en  Mantchourie  des  espèces  qu'il  faudrait  aller  chercher 
en  Europe  jusqu'en  Finlande  et  dans  la  Russie  septentrionale. 

L'altitude  des  lieux  exerce  une  influence  encore  plus  directe 
et  plus  saisissante  sur  la  physiognomie  des  faunes  en  général; 
et  voilà  pourquoi  les  lépidoptères  du  centre  de  l'Asie  ont  tant 
de  ressemblance  avec  ceux  du  nord,  parce  que  ce  pays  est  très 
élevé,  et  en  conformité  parfaite  par  sa  température  avec  les  lati- 
tudes froides  des  régions  boréales. 

Dans  les  pays  accidentés,  on  ne  rencontre  les  espèces  qui  sont 
propres  aux  grandes  plaines  que  jusqu'à  un  niveau  qui  varie  de 
400  à  600  mètres  d'altitude.  Mais  à  mesure  qu'on  s'élève  vers 
de  plus  grandes  hauteurs,  la  faune  se  modifie;  des  formes  parti- 
culières se  succèdent  les  unes  aux  autres,  jusqu'aux  points  cul- 
minants et  aux  neiges  perpétuelles  où  l'épanouissement  de  la  vie 
devient  impossible.  Ce  fait  est  bien  connu  de  tous  les  entomolo- 
gistes  qui  savent  fort   bien  qu'il  faut  aller  recueillir  certaines 


—     49     — 

espèces  à  une  altitude  déterminée.  Or  la  cause  (jui  a  réparti 
les  insectes  selon  l'altitude  des  milieux,  est  la  même  que  celle 
qui  les  a  dispersés  suivant  les  diff(''rentes  latitudes.  C'est  encore 
ici  une  question  de  température. 

En  effet,  l'observation  démontre  que  pour  un  même  lieu  la 
température  décroit  en  moyenne  d'un  degré  pour  chaque  distance 
de  200  mètres  parcourue  en  altitude,  et  que  ce  rapport  ne  subit 
pas  de  grandes  variations  dans  des  stations  fort  éloignées.  D'après 
ce  principe,  un  plateau  dont  le  niveau  est  élevé  de  2000  mètres 
au  dessus  d'une  grande  plaine,    doit  présenter  une  diiférence  de 

10  degrés  en  moins,  par  rapport  à  la  température  qui  règne  à  sa 
base;  ce  qui  revient  à  dire,  que  le  climat  moyen  du  plateau  dont  il 
s'agit,  correspond  à  celui  d'une  latitude  beaucoup  plus  septentrionale. 

11  n'est  donc  pas  étonnant  que  les  animaux  des  lieux  élev('S,  et 
surtout  les  insectes  qui  sont  si  sensibles  aux  influences  atmo- 
sphériques, ressemblent  beaucoup  plus  à  ceux  des  pays  boréaux 
qu'aux  formes  qui  sont  particulières  à  leur  propre  latitude. 

Cependant,  l'analogie  qui  existe  entre  les  formes  des  hautes 
montagnes  et  celles  des  contrées  du  nord,  est  loin  d'être  complète, 
comme  on  devrait  s'y  attendre  d'après  les  raisonnements  théoriques. 
Sur  aucun  point  culminant  des  alpes  du  centre  de  l'Europe,  par 
exemple,  on  ne  constate  la  présence  des  espèces  qui  sont  exclusive- 
ment propres  aux  climats  correspondants  du  nord;  et  cette  dissem- 
blance ne  peut  être  expliquée  que  par  la  difterencci  de  la  pression 
atmosphérique  qui  caractérise  l'inégalité  des  altitudes.  Ettective- 
ment,  le  développement  des  êtres  vivants  n'est  pas  seulement 
subordonné  à  une  somme  plus  ou  moins  grande  de  chaleur  qui 
leur  est  sans  doute  nécessaire,  il  est  encore  soumis  à  l'action 
de  la  pesanteur  qui  règle  ses  conditions.  De  même  que  dans 
nos  mers,  certains  poissons  et  beaucoup  d'invertébrés  ne  peuvent 

4 


—     50     — 

vivre  qu'à  de  grandes  profondeurs,  et  sous  le  poids  énorme  de 
la  masse  des  couches  de  l'océan,  tandis  que  d'autres  espèces  se 
plaisent  sur  le  rivage  et  presque  à  fleur  d'eau;  de  même  aussi 
un  grand  nombre  d'insectes  aériens,  et  surtout  les  papillons, 
trouvent  les  conditions  favorables  à  leur  existence,  les  uns  dans 
les  basses  plaines  sous  la  pression  de  toute  la  colonne  atmosphé- 
rique, et  d'autres  dans  un  air  léger  et  raréfié. 

Telles  sont  les  causes  principales  qui  modifient  plus  ou  moins 
profondément  la  physionomie  des  êtres  vivants  qui  sont  répandus 
à  la  surface  du  globe.  On  comprendra  maintenant  pourquoi  les 
animaux  qui  habitent  sous  une  même  latitude  sont  parfois  si 
dissemblables  entre  eux,  et  pour  quelle  raison  les  Parnassiens,  ces 
papillons  des  régions  froides,  descendent,  à  la  faveur  des  accidents 
de  terrain,  jusque  sous  les  climats  chauds  de  l'Asie.  Ces  espèces 
du  reste  sont  dispersées  sur  l'étendue  du  territoire  paléarctique 
selon  la  latitude,  la  longitude  et  l'altitude  des  lieux.  Les  unes 
sont  groupées  autour  du  pôle  du  froid;  d'autres  fréquentent  des 
stations  plus  méridionales,  telles  que  le  centre  de  l'Asie  et  même 
l'Indoustan  et  le  Thibet.  Mais  ces  papillons  sont  surtout  mon- 
tagnards; ils  n'habitent  généralement  que  les  lieux  élevés,  à  partir 
de  1000  à  1500  mètres  d'altitude,  jusqu'au  niveau  des  neiges 
éternelles  ;  c'est  à  dire  à  un  point  où  le  développement  de  la  \ie 
devient  impossible.  Cependant  lorsqu'on  considère  les  Parnassiens 
à  ce  point  de  vue,  on  constate  parmi  leurs  différentes  formes 
des  changements  des  mœurs  très  grands  qui  sont  sans  doute 
le  résultat  des  différences  qui  existent  dans  le  tempérament  de 
chaque  espèce.  Par  exemple,  dans  les  alpes  de  la  France  et  de 
la  Suisse,  là  où  cohabitent  Apollo,  Delius  et  Mnemosyne,  c'est 
toujours  le  premier  qui  descend  plus  bas  vers  les  plaines;  puis 
vient  Delius,  et  enfin  Mnemosyne  qui  atteint  les  stations  culminantes. 


—     51     — 

Sous  le  rapport  de  la  latitude,  les  lieux  d'habitation  des 
Parnassiens  sont  d'autant  moins  élevés  qu'ils  sont  situés  plus 
au  nord.  Ainsi  notre  Mnemosyne,  qui  monte  sur  le  sommet  des 
alpes  du  centre  de  l'Europe,  fréquente  au  contraire  déjà  les 
collines  dans  la  Scandinavie  et  dans  le  gouvernement  d'Archangel. 
En  Asie,  tandis  que  Delphius  ne  vole  pas  au  dessous  de  2500  à 
3000  mètres  dans  le  Ïian-Cban,  Tenedius,  Eversmanni  et  Stubbeu- 
dorfii  ont  été  rencontrés  dans  la  Sibérie  centrale,  sur  les  bords 
de  la  rivière  Tongouska,  à  une  altitude  très  faible.  Ces  différences 
de  séjour  doivent  être  attribuées  eu  partie  aux  mœurs  qui  ne  sont 
pas  les  mêmes  chez  toutes  les  espèces,  mais  aussi  à  ce  fait,  que  la 
limite  des  zones  tout  à  fait  inhabitables  s'abaisse  d'autant  plus  que 
l'on  s'avance  d'avantage  vers  le  nord,  et  surtout  vers  ce  point  de  l'an- 
cien continent  que  nous  avons  signalé  comme  étant  le  pôle  du  froid. 

Si  on  considère  l'ensemble  de  tous  les  Parnassiens  connus, 
y  compris  ceux  qui  sont  (étrangers  à  la  Faune  Paléarctique,  on 
constate  que  ces  papillons  sont  répandus  d'une  manière  générale, 
d'abord  dans  toute  l'Europe  proprement  dite,  puis  en  Asie,  depuis 
les  régions  circumpolaires  jusqu'aux  latitudes  chaudes  de  l'Indoustan, 
du  Thibet  et  de  la  Chine;  enfin  dans  l'Amérique  septentrionale, 
à  partir  de  la  province  d'Alaska  jusqu'aux  Etats-Unis  et  à  l'ex- 
trémité de  la  Californie.  L'Europe  est  le  moins  bien  partagé  de 
ces  trois  grands  continents,  car  elle  ne  nourrit  que  les  espèces 
les  plus  anciennement  connues:  ApoUo,  Delius  et  Mnemosyne. 
La  première  habite  à  peu  près  tous  les  pays  qui  s'étendent  de- 
puis la  Suède  et  la  Norvège  jusqu'aux  rivages  de  la  Méditerranée, 
à  l'exception  toutefois  de  l'Angleterre,  dans  laquelle  l'existence 
d'aucun  Parnassien  n'a  encore  été  constatée.  Elle  s'étend  ensuite 
dans  toute  la  Russie  centrale,  franchit  les  monts  Ourals  et  le  Caucase, 
€t  vient  expirer,  du  moins  dans  sa  forme  typique,  vers  la  chaîne  de 

4* 


—     52     — 

l'Altai  et  aux  premiers  contreforts  des  alpes  du  Turkestan.  Delius 
est  plus  spécial  aux  montagnes  du  centre  de  l'Europe;  il  n'avance 
pas  autant  qu'Apollo,  ni  vers  le  nord,  ni  vers  le  sud;  mais  il 
traverse  toute  la  région  moyenne  de  l'Asie  jusqu'au  Kamtschatka, 
après  avoir  éprouvé  dans  ces  stations  orientales  des  modifications 
importantes  dans  ses  caractères.  Mnemosyne  suit  à  peu  près 
le  même  parcours  que  l'espèce  précédente;  cependant  elle  avance 
plus  vers  le  nord,  en  Scandinavie  et  dans  la  Kussie  septentrionale 
où  elle  est  fort  répandue.  Toutefois,  en  pénétrant  en  Asie,  dans 
la  Perse  boréale  et  dans  la  Turcomanie,  elle  change  d'aspect; 
elle  constitue  dans  ces  pays  des  races  particulières  qui  sont  peut- 
être  de  véritables  espèces. 

Mais  c'est  le  continent  asiatique  qui  est  la  vraie  patrie  de 
nos  Parnassiens.  Ce  vaste  territoire  est  traversé  dans  sa  partie 
moyenne  par  une  suite  non  interrompue  de  hautes  montagnes  et  de 
plateaux  élevés  qui  commencent  au  Taurus,  et  aboutissent  au 
détroit  de  Behring.  D'autres  chaînes  très  importantes  se  greffent 
sur  celles-ci  et  se  dirigent  vers  le  nord  et  vers  le  sud.  De 
l'autre  côté  des  Dardannelles,  on  trouve  le  massif  montueux  qui 
couvre  toute  l'Anatolie  et  qui  se  lie  au  Caucase,  à  l'Arrarat,  aux 
alpes  de  la  Perse  boréale.  Puis  viennent  les  deux  grandes  chaînes 
de  rindou-Kho  et  de  l'Asferah-Dag  qui  traversent  le  sud  du  Tur- 
kestan jusqu'au  Belour-Dag;  la  série  se  continue  ensuite  par 
le  Tian-Chan,  entre  la  Songarie  et  la  Chine,  et  par  la  chaîne  de 
l'Altai  qui  sépare  la  Sibérie  de  la  Mongolie.  Ce  massif  se  dirige 
vers  l'est,  passe  en  Daourie  oii  il  projette  des  rameaux  importants 
dans  l'Amurland,  remonte  ensuite  vers  le  nord  dans  la  Sibérie 
proprement  dite,  et  va  expirer  à  l'extrémité  de  la  presqu'île  des 
Tchouktchis.  C'est  sur  les  croupes  de  cette  immense  massif 
montagneux  que  sont  répandus  la  majeure  partie  des  Parnassiens 


—     53     — 

asiatiques;  les  espèces  s'y  présentent  nombreuses,  et  se  remplacent 
successivement  à  mesure  qu'on  se  dirige  vers  l'Orient. 

Sur  les  hauts  sommets  du  Caucase,  on  rencontre  d'abord 
Nordmanni  et  sa  forme  plus  réduite  désignée  sous  le  nom  de 
variété  Minima.  L'habitat  de  ces  papillons  est  très  restreint, 
car  il  ne  dépasse  pas  les  limites  strictes  du  Caucase  qui  est  fré- 
quenté aussi  par  Apollo,  sa  variété  Hesebolus,  Delius  et  Mnemo- 
syne.  Les  montagnes  de  la  Perse,  situées  au  sud  de  la  Mer 
Caspienne,  nourrissent,  outre  les  trois  premiers  types  que  nous 
venons  de  nommer,  la  forme  si  curieuse  connue  sous  le  nom  de 
Nubilosus,  que  certains  entomologistes  considèrent  comme  une 
simple  race  géographique  de  Mnemosyne,  mais  qui  est  peut-être 
une  espèce  séparée.  Plus  loin,  dans  le  Turkestan,  apparaît  en 
même  temps  qu'une  autre  forme  remarquable  de  Mnemosyne, 
toute  une  suite  nombreuse  de  Parnassiens  variés.  D'abord,  dans 
les  alpes  de  Samarkand  et  de  Bokara,  on  trouve  à  différentes 
hauteurs,  en  même  temps  qu'lntermedius,  Actius  et  Honrathi. 
Cette  dernière  espèce  est  spéciale  à  ces  montagnes;  mais  l'autre 
se  répand  plus  au  nord,  dans  le  Tian-Chan  et  la  Songarie. 
Romanovi  et  Khodius,  puis  Discobolus  et  ses  variétés  Minor  et 
Nigricans,  volent  dans  les  montagnes  du  Kokand;  les  deux  pre- 
miers sont  confinés  dans  celles  du  sud,  tandis  que  le  troisième 
remonte  jusqu'à  Ala-tau  et  à  Lepsa,  après  avoir  traversé  tout 
le  Tian-Chan.  Le  bel  Apollonius  se  trouve  également  répandu 
sur  diffé'ronts  points  de  ces  contrées,  aussi  bien  dans  les  alpes 
que  dans  les  steppes.  Mais  n'oublions  surtout  pas  de  signaler 
les  espèces  du  groupe  des  Cincti  qui,  dans  l'état  actuel  de  nos 
connaissances,  sont  spéciales  au  Turkestan.  Ces  papillons  habitent 
d'ordinaire  les  points  culminants  et  ne  descendent  pas  au  dessous 
de  2500  mètres.     Staudingeri  fréquente  les  montagnes  de  Bokara 


—     54     — 

et  de  Kokand;  le  rare  et  superbe  Cardinal,  celles  de  Samar- 
kand. Namanganus  a  été  trouvé  dans  les  alpes  de  Naman- 
gan,  tandis  que  Delphius  et  ses  variétés  Infernalis  et  Styx 
sont  répandus  dans  tout  le  Tian-Chan  jusqu'à  Tarbagatai,  à  la 
naissance  de  l'Altai.  Au  sud  de  la  Turcomanie,  à  l'intersection 
du  Belour-Dag  et  des  premières  croupes  de  l'Himalaya,  se  trouve 
un  vaste  plateau,  recouvert  de  neiges  et  de  glaces  perpétuelles, 
d'une  altitude  qui  dépasse  4500  mètres.  C'est  le  Pamir  qui  est 
la  patrie  de  Transiens  si  voisin  de  Delphius  et  de  Staudingeri, 
et  du  rare  et  superbe  Charltonius.  Cette  dernière  espèce  descend 
aussi  vers  le  sud-est  jusqu'à  Yarkand,  dans  la  Tartarie  chinoise. 
La  chaîne  de  l'Altai  fait  suite  aux  montagnes  peu  élevées 
du  pays  des  Kirghises;  elle  s'unit  au  système  du  Tian-Chan,  vers 
les  sources  de  l'Irtyche,  continue  son  cours  vers  l'est,  et  va 
aboutir  aux  alpes  de  la  Daourie  et  aux  monts  Stannovoï  qui  se 
perdent  au  nord  du  Kamtschatka,  vers  le  détroit  de  Behring.  Ce 
massif  constitue,  à  lui  seul,  plus  de  la  moitié  de  l'immense  déve- 
loppement montagneux  qui  traverse  le  centre  de  l'Asie,  d'une 
extrémité  à  l'autre,  dans  la  direction  moyenne  du  sud-ouest  au 
nord-est.  Il  est  aussi  très  riche  en  Parnassiens  ;  mais  les  espèces  qui 
s'y  montrent  sont  bien  différentes  de  celles  qui  fréquentent  les  parties 
occidentales  ou  plus  méridionales  de  cette  chaîne.  A  Tarbagatai, 
où  expirent  les  derniers  représentants  de  Delphius,  on  rencontre 
dans  toutes  les  montagnes  qui  s'étendent  de  ce  point  jusqu'aux 
approches  du  lac  Baikal,  Clarius  et  sa  variété  Dentata.  Ces  pa- 
pillons volent  concurremment  avec  Hesebolus  et  Intermedius. 
Sedakovii  habite  les  hauteurs  des  environs  d'Irkutsk.  Nomion  et 
Stubbendorfii  sont  très  abondamment  répandus  sur  les  croupes 
de  la  Daourie;  ils  habitent  aussi  plus  au  sud  toutes  les  montagnes 
de  l'Amurland  qui  nourrissent  deux  formes  tout  à  fait  locales: 


00       — 

le  Parn.  Bremeri,  disséminé  un  peu  partout,  et  le  rare  et  beau 
Parn.  Felderi  qui  est  confiné  sur  un  ou  deux  points  du  centre 
de  cette  région.  En  Daourie  on  rencontre  aussi,  avec  le  Parn. 
Graeseri  qui  n'est  peut-être  qu'une  race  géographique  de  Bremeri, 
une  autre  forme  très  tranchée  de  tous  les  Parnassiens  (Tenedius), 
qui  appartient  plus  spécialement  aux  latitudes  froides,  car  l'habitat 
de  ce  papillon  se  prolonge  du  côte  du  nord-ouest  dans  la  Sibérie 
centrale,  jusqu'aux  bords  de  la  rivière  Tongouska. 

Si  l'on  se  dirige  ensuite  plus  vers  le  nord,  on  rencontre, 
dans  les  montagnes  et  dans  les  déserts  qui  se  trouvent  situés 
entre  Ockotsk  et  Jakoutsk,  les  très  rares  Parn.  Wosnesenskii  et 
Eversmanni.  La  première  de  ces  deux  espèces  semble  être  spé- 
ciale à  ces  contrées  orientales,  et  il  est  probable  qu'elle  habite 
toute  la  péninsule  des  Tchouktchis  jusqu'aux  rivages  de  l'Océan 
Glacial  et  une  partie  du  Kamtchatka;  la  seconde  est  plutôt  propre 
à  la  Sibérie  centrale,  c'est-à-dire  aux  contrées  comprises  entre 
Kansk  et  Jakoutsk. 

L'Amérique  russe,  ou  le  gouvernement  d'Alaska,  est  située  à 
l'est  de  la  Sibérie  dont  elle  n'est  séparée  que  par  le  détroit  de 
Behring.  Cette  province  est  encore  très  pou  connue  au  point  de 
vue  de  ses  productions  naturelles;  néanmoins  on  y  a  constaté  la 
présence  de  deux  Parnassiens:  le  Nomion  qui  est  commun  dans 
tout  l'Amurland,  et  l'espèce  publiée  par  Mr.  Edwards  sous  le  nom 
de  Thor  qui  est  voisine  d'Eversmanni  et  de  Wosnesenskii. 

Le  territoire  de  la  Faune  Paléarctique  s'étend  à  toutes  les 
régions  américaines  que  baigne  l'Océan  Glacial,  la  baie  d'Hudson 
et  la  mer  de  Baffin  ;  il  couvre  une  grande  partie  de  la  Nouvelle 
Bretagne  jusque  vers  le  Canada,  puis  le  Labrador  et  tout  le  Groen- 
land. Nous  connaissons  un  certain  nombre  de  lépidoptères  «lui  sont 
propres  à  ces  pays  lointains,  et  qui  ressemblent  beaucoup  à  des. 


—     56     — 

espèces  équivalentes  de  la  Sibérie,  telles  que  des  Oeneïs  (CMonobas), 
des  Lycaena,  des  Erebia,  mais  pas  un  seul  Parnassius.  Pour  re- 
trouver des  insectes  de  ce  genre,  il  faut  franchir  les  limites  de 
notre  faune,  et  pénétrer  plus  au  sud  dans  les  montagnes  Eocheuses, 
où  vole  le  Parn.  Smintheus,  et  dans  les  alpes  de  la  Californie 
et  du  Colorado,  où  habite  le  Parn.  Clodius  qui  est  si  voisin  du 
Clarius  de  l'Altai,  et  sa  variété  Ménétrièsii.  Mais  ces  espèces 
sont  exotiques  et  nous  ne  les  mentionnons  que  pour  mémoire.  Il  en 
est  de  même  des  autres  Parnassiens  qui  sont  répandus  sur  les 
hauts  sommets  de  l'Indo-Chine  et  du  Thibet.  Ces  espèces  offrent, 
il  est  vrai,  beaucoup  d'analogie  avec  celles  du  Turkestan;  mais, 
comme  elles  appartiennent  à  des  contrées  que  leur  physiognomie 
organique  place  en  dehors  du  territoire  paléarctique,  nous  ne  les 
signalons  dans  ce  chapitre  que  pour  donner  une  idée  exacte  de 
l'aire  de  dispersion  de  toutes  les  formes  qui  entrent  dans  ce 
genre  de  papillon  si  remarquable. 

Nous  ajouterons  donc,  dans  ce  but,  que  la  chaîne  de  l'Himalaya 
qui  prend  naissance  au  Belour-Dag,  est  habitée  par  une  dizaine 
de  Parnassiens  qui  sont  propres  à  ces  montagnes.  Dans  les 
provinces  de  Lahoul  et  de  Ladack  qui  confinent  le  Turkestan, 
nous  trouvons  d'abord  deux  formes  répandues  sur  le  Pamir  et 
le  Kokand:  les  Parn.  Charltonius  et  Ehodius;  puis  Hardwickii  et 
sa  variété  Charino;  Acco,  Simo,  Himalayensis,  Stoliczkanus  du 
groupe  de  Delphius;  et  plus  au  sud,  Jacquemouti  et  sa  variété 
Sikkimensis  qui  est  la  forme  la  plus  méridionale  des  Parnassiens 
de  l'ancien  monde.  A  l'est,  Imperator,  qui  rappelle  aussi  par 
certains  dessins  le  Delphius  du  Tian-Chan,  est  localisé  sur  les 
montagnes  du  Thibet.  Enfin  dans  les  régions  élevées  de  la  Chine, 
au  nord  de  Pékin,  il  convient  encore  de  signaler  le  Parn.  Davidis 
qui  ressemble  à  certains  égards  au  Nomion  de  l'Amurland. 


—     57     — 

Dans  le  cours  de  cette  énumération  géographique  nous  n'avons 
mentionné  aucun  point  de  la  Sibérie  septentrionale,  c'est  à  dire 
de  cette  zone  immense  de  pays  qui  s'étend  le  long  de  la  mer 
polaire,  depuis  le  territoire  des  Samoyèdes  jusqu'au  delà  de  l'em- 
bouchure du  Kolima.  Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances 
entomologiques,  elle  ne  paraît  donner  asile  à  aucun  Parnassien, 
car  nul  de  ces  insectes  n'a  encore  été  signalé  dans  ces  terres 
désolées  par  le  voisinage  du  pôle  du  froid.  Cependant,  cette  pénurie 
est  peut-être  plus  apparente  que  réelle;  elle  dépend  plutôt  d'un 
manque  d'informations  que  de  l'infécondité  de  la  nature  qui  se  plaît 
au  contraire  à  répandre  les  êtres  vivants  dans  tous  les  milieux  imagi- 
nables. En  effet,  beaucoup  de  Parnassiens  aiment  à  fréquenter  la 
proximité  des  neiges  perpétuelles  des  hautes  montagnes;  ils  descendent 
aussi  d'autant  plus  bas  vers  les  plaines  que  les  limites  de  ces  neiges 
s'abaissent  d'avantage,  par  suite  de  l'exposition  de  plus  en  plus  septen- 
trionale des  stations  géographiques.  C'est  pour  cette  raison  sans 
doute,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit  plus  haut,  qu'Eversmanni 
a  été  trouvé  au  centre  de  la  Sibérie,  à  une  très  faible  altitude. 
Il  est  par  conséquent  permis  de  penser  que  si  des  explorations 
étaient  poussées  jusque  vers  le  rivage  de  la  Mer  Glaciale,  elles 
amèneraient  la  découverte  de  nouvelles  espèces  qui  viendraient, 
très  probablement,  se  grouper  autour  de  Tenedius,  d'Eversmanni 
et  de  Wosnesenskii  (lui  sont  les  Parnassiens  les  plus  septentrionaux 
que  l'on  connaît  aujourd'hui. 

Voici  ce  que  nous  avions  à  dire  sur  la  distribution  géo- 
graphi(iue  de  ces  intéressants  papillons.  Afin  de  résumer  les 
renseignements  ((ui  sont  exposés  dans  les  pages  de  ce  chapitre, 
nous  avons  dressé  les  deux  tableaux  suivants  qui  présentent,  sous 
une  forme  synoptique,  l'aire  de  dispersion  de  toutes  les  espèces 
actuellement  connues.    Le  premier,  qui  seul  intéresse  cette  étude, 


—     58     — 


Tableau  synoptique  de  la  distribution  géographique  des  Par- 

Indication  des 

A 

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Désignation 

des 

Noms 

des 

Europe 

Sibérie 

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3  Staudingeri,  Bang  Haas 

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4  Transiens,  Stgr. 

5  Delphius,  Eversm. 

6  var.  Infernalis,  Stgr. 

7  ab.  Styx,  Stgr. 

8  Cardinal,  Grum. 

9  Apollo,  Lin. 

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10  var.  Hesebolus,  Nordm. 

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12  Actius,  Eversm. 

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13  Komanovi,  Grum. 

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14  Ehodius,  Honr. 

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15  Insignis,  Stgr. 

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Carinati 

16  Discobolus,  Stgr. 

17  var.  Minor,  Stgr. 

18  ab.  Nigricans,  Stgr. 

19  Delius,  Esp. 

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20  var.  lutermedius,  Mén. 

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21  Sedakovii,  Mén. 

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22  Honrathi,  Stgr. 

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23  Bremeri,  Feld. 

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24  Graeseri,  Honr. 

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25  Apollonius,  Eversm. 

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26  ab.  Flavomaculata,  Stgr. 

27  Tenedius,  Eversm. 

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28  Eversmanni,  Mén. 

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29  Wosnesenskii,  Mén. 

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30  Thor,  Edw. 

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31  Felderi,  Brem. 

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32  Clarius,  Eversm. 

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Ventricosi 

33  var.  Dentata,  Stgr. 

34  Nordmanni,  Mén. 

35  var.  Minima,  Honr. 

36  Mnemosyne,  Lin. 

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37  var.  Gigantea,  Stgr. 

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38  var.  Nubilosus,  Christ. 

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39  Stubbendorfii,  Mén. 

Totaux 

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3 

4 

3 

7 

59 


nassiens 

à  la  surface  du  territoire  de  la  Faune  Paléarctique. 

pays 

de  dispersion. 

Asie 

Amérique. 

Songarie 

Turkestan 

Caucase 

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—     60     — 


Tableau  synoptique  de  la  distribution  topographique  des  Parnassiens 
étrangers  au  territoire  de  la  Faune  Paléarctique. 


Désignation 

des 
espèces. 

Amérique. 

Asie. 

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Smintheus,  Doubl. 

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Himalayensis,  Elwes 

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Davidis,  Oberth. 

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Acco,  Gray 

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Simo,  Gray 

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Stoliczkanus,  Feld. 

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var.  Charino,  Gray 

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Charltonius,  Gray 

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var.  Ménétrièsii,  Elwes 

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Glacialis,  Butl. 

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—     61     — 

se  rapporte  aux  différents  types  de  la  Faune  Paléarctique,  telle 
que  nous  l'avons  définie  au  début;  le  second,  dressé  à  titre  de 
simple  renseignement  complémentaire,  ne  concerne  que  les  espèces 
exotiques  dont  nous  avons  déjà  fait  mention. 

L'inspection  du  premier  des  deux  tableaux  que  nous  avons 
établis  ci-dessus,  fait  ressortir  plusieurs  indications  utiles  sur  les- 
quelles il  convient  de  s'arrêter  un  instant.  Elle  nous  apprend 
d'abord,  ce  que  nous  avons  déjà  fait  observer,  que  l'Asie  est  la 
véritable  patrie  des  Parnassiens,  puisque  ce  continent  recèle  à  lui 
seul  35  formes  différentes,  sur  les  39  qui  ont  été  observées  sur 
toute  l'étendue  du  territoire  paléarctique.  Mais  la  répartition 
de  toutes  ces  espèces  ou  variétés  entre  les  différentes  contrées 
asiatiques  présente  de  grandes  variations.  Le  pays  le  plus  riche- 
ment doté  est  sans  contredit  le  Turkestan  qui  est  habité  par  16 
types  bien  caractérisés;  puis  vient  la  Songarie  qui  en  possède  11. 
La  Sibérie  toute  entière  renferme  12  formes  distinctes  de  ces 
papillons  qui  se  trouvent  confinées  en  majeure  partie  dans  sa 
région  orientale  (Daourie  et  Amurland).  Le  Caucase  ne  nourrit 
que  6  Parnassiens,  et  la  Perse  boréale,  dans  l'état  actuel  de  nos 
connaissances,  n'est  habitée  que  par  le  seul  Nubilosus. 

En  réunissant  la  Songarie  au  Turkestan,  dont  elle  n'est 
séparée  par  aucune  limite  naturelle,  on  forme  ainsi  une  vaste 
contrée  dont  la  partie  alpine  est  fréquentée  par  22  formes  de 
Parnassiens;  de  même  que  la  Sibérie  orientale  contient  10  types 
distincts  de  ces  papillons,  si  l'on  rattache  l'une  à  l'autre  la  Da- 
ourie, la  province  montueuse  de  l'Amour,  et  les  gouvernements 
d'Irkutsk  et  d'Ockotsk  quant  à  leurs  parties  alpines.  Ces  deux 
vastes  régions  sont  par  conséquent,  de  tous  les  lieux  de  l'Asie, 
celles  qui  possMent  spécifiquement  et  numériquement  le  plus 
grand  nombre  de  ces  insectes.    D'un  autre  côté,  si  l'on  considère 


—     62     — 

les  Parnassiens  au  point  de  vue  des  caractères  organiques  qui 
nous  ont  servi  de  base  pour  les  répartir  en  groupes  naturels, 
on  trouve  que  tous  ceux  qui  appartiennent  à  la  section  des  Cincti, 
sont  exclusivement  confinés  dans  la  Turcomanie,  et  que  ce  pays 
est  aussi  le  berceau  de  la  grande  majorité  des  Carinati  qui  non 
seulement  sont  plus  nombreux  là  que  partout  ailleurs,  mais  qui 
présentent  encore  entre  leurs  différentes  formes  une  grande  homo- 
généité. En  effet,  à  part  Apollo,  Delius  et  les  types  dérivés  de 
ces  deux  espèces  qui  sont  pour  ainsi  dire  cosmopolites,  tous  les 
autres  Parnassiens  caractérisés  par  la  forme  carénée  de  leur  poche 
ventrale,  ne  dépassent  guère  les  limites  du  Turkestan  et  de  la 
Songarie.  Il  n'y  a  d'exception  à  établir  à  cet  égard  qu'en  faveur 
de  Nomion,  de  Bremeri  et  de  Graeseri  qui  sont  propres  à  la 
Sibérie  orientale,  et  dont  l'aire  de  dispersion  est  indépendant  de 
celui  des  Carinati  de  la  Turcomanie.  L'Amurland,  la  Daourie 
et  les  pays  limitrophes  paraissent  par  contre  être  le  siège  de 
prédilection  des  espèces  du  groupe  des  Ventricosi.  Effectivement 
dans  toutes  les  montagnes  qui  s'étendent  entre  Irkutsk,  Ockotsk 
et  les  limites  de  la  Mandchourie  on  ne  trouve,  outre  les  trois 
Carinati  que  nous  venons  de  nommer,  que  des  représentants  de 
notre  5®  groupe  qui  se  distinguent  par  la  poche  blanchâtre  et  volumi- 
neuse de  leurs  femelles.  Il  n'yaqueMnemosyne  et  ses  formes  dérivées 
qui  sont  répandues  sur  une  grande  surface  du  territoire  paléarctique, 
etNordmanni  qui  se  trouve  relégué  sur  les  hauts  sommets  du  Caucase. 
Or,  en  retranchant  de  l'ensemble  de  ces  deux  faunes  locales 
ces  espèces  cosmopolites  qui  se  répandent  bien  au  delà  de  leurs 
limites,  et  en  comparant  entre  elles  toutes  les  autres  formes, 
on  arrive  à  acquérir  la  conviction,  qu'à  l'origine,  les  Parnassiens 
ont  été  groupés  autour  de  deux  centres  principaux  de  création 
qui   paraissent   avoir   coïncidé    avec   les  lieux  qui  leur  servent 


—     63     — 

encore  aujourd'hui  de  berceau,  c'est  à  dire  avec  la  Sibérie  orientale 
et  la  Turcomanie.  L'Asie  centrale  a  reçu  en  partage  toutes  les 
espèces  du  groupe  des  Cincti  et  la  majeure  partie  de  celles  des 
Carinati,  tandis  que  quelques  types  seulement  de  ce  dernier  groupe, 
l'unique  espèce  des  Limbati  et  presque  tous  les  Ventricosi  ont  été 
affectés  aux  montagnes  du  nord-est.  Mais  cette  fixation  qui  ré- 
sulte de  l'examen  des  faits  contemporains,  a  du  subir  de  grandes 
modifications  avant  d'arriver  à  l'état  où  nous  la  voyons  aujourd'hui. 
Un  certain  nombre  de  types  ont  du  s'éloigner  peu  à  peu  de  leur 
lieu  d'origine,  sous  l'influence  de  conditions  physiques  qui  favori- 
saient leur  migration. 

Cette  dispersion  a  du  s'effectuer  par  les  espèces  d'un  tem- 
pérament nomade  en  s'accomodant  facilement  des  changements 
de  milieux;  tandis  que  les  formes  sédentaires  ou  rebelles  aux 
modifications  climatériques  sont  restées  à  peu  près  confinées  dans 
les  montagnes  où  elles  avaient  fait  leur  première  apparition. 
C'est  ce  qui  explique  pourquoi  certaines  espèces  sont  communes 
à  de  grandes  étendues  de  pays,  pendant  que  d'autres  sont  fixées 
à  des  stations  fort  restreintes.  La  cause  la  plus  puissante  qui 
ait  présidé  à  la  dispersion  des  Parnassiens,  réside,  selon  toute 
probabilité,  dans  les  conditions  physiques  spéciales  qu'ont 
éprouvées  l'Europe  et  le  nord  de  l'Asie,  à  une  époque  géolo- 
gique qui  a  suivi  sans  doute  de  très  près  l'apparition  de  ces 
insectes. 

Ces  papillons,  ne  pouvant  vivre  que  dans  des  lieux  élevés 
ou  sous  des  latitudes  relativement  froides,  n'ont  du  commencer 
à  exister  que  lorsque  le  grand  système  montagneux  qui  traverse 
le  continent  asiatique  du  sud-ouest  au  nord-est  a  été  formé, 
c'est  à  dire  vers  le  fin  de  la  période  tertiaire  qui  a  également 
vu  surgir  le  massif  alpin  du  centre  de  l'Europe. 


—     64     — 

Avant  cette  phase  géologique,  en  effet,  les  êtres  organiques 
de  rhémisphère  nord  de  l'ancien  monde  se  développaient  sous 
un  climat  très  chaud,  ainsi  que  le  prouve  la  présence  dans  les 
steppes  glacés  de  la  Sibérie  de  nombreux  débris  d'Eléphants, 
de  Khinocéros,  de  Tapirs  qui  ne  peuvent  plus  vivre  de  nos  jours 
que  dans  les  plaines  torrides  de  l'Inde. 

Nos  Parnassiens  n'auraient  pu  évidemment  s'accomoder  des 
conditions  vitales  qui  régnaient  alors  sous  les  latitudes  boréales, 
et  qui  étaient  si  différentes  de  celles  qui  sont  nécessaires  à  leur 
tempérament.  Leurs  espèces,  par  conséquent,  n'ont  du  se  montrer 
qu'après  les  derniers  grands  soulèvements  qui  ont  dessiné  le  relief 
de  l'Asie  centrale,  et  aux  approches  de  la  période  glaciaire  qui  a 
clos  '  le  cycle  géologique  ancien.  Peut-être  même  que  ces  pa- 
pillons, de  même  que  les  Oeneïs  (Chionobas)  et  certains  Colias, 
remontent  directement  à  cette  période.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ce 
dernier  point,  on  sait  qu'à  ce  moment  de  l'histoire  de  la  terre 
un  refroidissement  subit  et  considérable  a  profondément  diversifié 
les  climats  qui  auparavant  étaient  à  peu  près  uniformes  sur  toute 
la  surface  du  globe.  De  grandes  accumulations  de  neige  ont 
envahi  toutes  les  montagnes  de  notre  hémisphère,  et  des  glaciers, 
de  formation  récente,  ont  pu,  grâce  à  l'abaissement  général  de 
la  température,  descendre  jusque  dans  les  grandes  plaines.  C'est 
de  cette  époque  que  date  l'existence  du  pôle  du  froid  vers  les 
rivages  de  la  Sibérie,  et  le  climat  rigoureux  qui  sévit  encore  sur 
cette  contrée;  c'est  aussi  à  partir  de  ce  moment  que  les  Parnas- 
siens ont  du  effectuer  partiellement  des  migrations  qui  en  ont 
dispersé  quelques  uns  jusqu'en  Europe.  Effectivement,  si  l'Asie 
centrale  est,  ainsi  que  tout  semble  le  prouver,  l'un  des  deux 
grands  berceaux  de  ces  insectes,  il  faut  bien  admettre  que  nos 
espèces    européennes    sont    issues    de    cette    origine.      Confinés 


—     65     — 

primitivement  dans  les  alpes,  ils  sont  descendus  peu  à  peu  vers 
les  vallées  dont  la  température  et  la  flore  s'étaient  mises  à  l'unisson 
de  celles  des  montagnes.  C'est  sans  doute  ainsi  que  Hesebolus 
et  Intermedius  ont  pu  gagner  successivement  l'Occident  où  ils  se 
sont  fixés  avec  des  caractères  nouveaux  dus  à  l'influence  d'autres 
milieux,  et  que  Stubbendovfii,  Tenedius  et  Eversmanni  ont  pu 
s'avancer  jusque  dans  les  plaines  de  la  Sibérie  centrale,  et  peut- 
être  même  jusqu'aux  rives  de  la  Mer  Glaciale  où  on  les  découvrira 
un  jour  sous  des  aspects  différents.  Il  est  probable  que  les 
Parnassiens  formaient  pendant  l'époque  glaciaire  un  des  princi- 
paux éléments  de  la  Faune  Lépidoptérologique.  Leurs  espèces 
devaient  être  largement  répandues  un  peu  partout,  aussi  bien 
sur  les  hauteurs  que  dans  les  grandes  vallées. 

Toutefois,  après  un  long  intervalle  qu'il  est  impossible 
d'apprécier  avec  précision,  la  température  du  territoire  palé- 
arctique  s'est  insensiblement  relevée,  par  suite  de  la  cessation 
de  la  cause  géologique  qui  avait  déterminé  son  abaissement  subit. 
Ce  nouveau  phénomène  a  du  changer  la  distribution  topographique 
de  nos  Parnassiens  qui  se  sont  retirés  peu  à  peu  vers  les  hautes 
montagnes  ou  sous  les  latitudes  froides  du  nord,  c'est-à  dire 
dans  les  lieux  mêmes  qu'ils  fréquentent  aujourd'hui. 


V. 

Catalogue  raisonné  et  descriptif  des  Parnassiens 
de  la  Faune  Paléarctique. 


Après  les  considérations  générales  que  nous  avons  émises 
dans  la  première  partie  des  ces  études  sur  les  caractères  orga- 
niques des  Parnassiens,  leurs  rapports  génériques  avec  les  autres 
groupes  de  la  grande  famille  des  Papilionides  et  leur  répartition 
à  la  surface  du  territoire  paléarctique,  il  nous  reste  à  exposer 
leurs  caractères  spécifiques,  c'est-à  dire  à  faire  connaître  ces 
différents  signes  par  lesquels  les  espèces  et  les  variétés  diffèrent 
les  unes  des.  autres.  Ce  genre  de  connaissances  se  réduit,  en 
somme,  à  une  question  de  comparaison  à  établir  parmi  les  races 
ou  les  espèces;  et  bien  que  l'inspection  des  planches  fournisse 
au  lecteur  des  éléments  sérieux  d'appréciation  à  cet  égard,  nous 
entrerons  cependant  à  propos  de  chaque  type  particulier  dans 
des  descriptions  aussi  exactes  que  possible,  afin  de  diriger 
l'attention  et  de  mieux  faire  ressortir  les  caractères  qui  distin- 
guent chaque  espèce.  En  outre,  nous  rapporterons  toutes  les  in- 
dications qui  sont  de  nature  à  intéresser  tous  les  types  que 
nous  décrirons,  telles  que  la  synonymie  des  noms  qui  leur  ont  été 
imposés  par  les  auteurs,  la  mention  des  ouvrages  dans  lesquels 
ils  ont  été  publiés,  l'époque  de  leur  découverte,  ainsi  que  l'énu- 
mération  des  lieux  où  leur  présence  a  été  constatée  d'une  manière 


—     G7     — 

authentique.  Ces  données  compléteront  l'histoire  particulière 
de  chaque  espèce.  Enfin,  comme  plan,  nous  adopterons  celui  qui 
résulte  de  la  classification  que  nous  avons  établie  dans  le 
troisième  chapitre  de  ce  travail. 


F  Groupe  —   Cornuti. 


Paruassius  Cliarltonins,  Gray  var.  Priuceps,  Honratli. 


Hoiirath.     Berliner  Entomologische  Zeitschrift,  1887,  page  351. 
Austaut.    Les  Parnassiens,  pi.  16,  fig.  1  et  2  (cj  et  $). 

Ce  groupe  ne  renferme  qu'une  seule  espèce  absolument 
remarquable  à  tous  les  points  de  vue.  Elle  est  à  peu  près  de 
la  taille  de  nos  grands  exemplaires  d'Apollo,  mais  ses  ailes  sont 
proportionnellement  plus  allongées,  les  supérieures  plus  aiguës 
à  l'apex,  et  les  inférieures  plus  étendues  dans  la  direction  du 
bord  externe  qui  est  très  régulièrement  arrondi.  A  part  la  gran- 
deur, ce  papillon  pourtant  n'offre  aucun  rapport  avec  son  con- 
génère d'Europe;  il  ressemble  plutôt  aux  formes  du  groupe  des 
Cincti,  et  notamment  au  Staudingeri  de  la  province  de  Samarkand. 
Sa  teinte  générale  est  d'un  blanc  à  peine  jaunâtre  sur  lequel 
les  deux  taches  discoïdales  des  ailes  supérieures,  grosses  et  rectan- 
gulaires, tranchent  vivement  en  noir.  Ces  taches  s'appuient  pres- 
que sur  le  pointillé  de  la  base  et  se  confondent  avec  celui 
de  la  côte.  Puis  viennent  les  costales  qui  sont  réunies  en  une 
bande  anguleuse  qui  s'arrête  brusquement  à  la  seconde  branche 
de  la  nervure  médiane,  et  l'antémarginale  qui  descend  jusqu'au 
bord  interne.  Ces  deux  bandes,  d'une  direction  sensiblement 
parallèle,    font  un  angle  très  saillant  vers  la  première  branche 

5* 


—     68     — 

de  la  dite  nervure.  Le  bord  externe  est  occupé  par  la 
marginale  qui  est  obscure,  étroite  et  presque  partout  d'égale 
largeur.  La  tache  interne  est  un  peu  vague,  semi-lunaire, 
et  les  nervures  du  disque  sont  légèrement  ombrées  d'atomes 
noirâtres. 

Les  ailes  inférieures  offrent  une  disposition  de  dessins  qu'on 
ne  retrouve  chez  aucun  autre  Parnassien.  Les  ocelles  rouges 
sont  d'abord  plus  éloignées  de  la  cellule  discoïdale  que  chez 
n'importe  quelle  espèce.  La  supérieure  consiste  seulement  en  un 
gros  point  noir  triangulaire,  à  peine  marqué  de  quelques  écailles 
carminées  dans  son  centre;  tandis  que  l'inférieure,  transversale- 
ment oblongiie,  semble  être  formée,  à  cause  de  sa  dimension 
considérable,  de  deux  ocelles  réunies  et  soudées  l'une  à  l'autre. 
En  effet,  elle  porte  deux  pupilles  blanches  nettement  séparées 
par  la  nervure  qui  traverse  cette  partie  de  l'aile;  et  le  cercle  noir, 
qui  n'est  épaissi  que  du  côté  interne,  fait  également  une  saillie 
vers  le  centre  de  l'ocelle,  comme  s'il  tendait  à  la  diviser.  La 
tache  anale,  transverse  et  étroite,  est  marquée  d'un  point  rouge 
à  son  extrémité;  elle  est  suivie  d'une  autre  petite  macule  noire 
faiblement  pupillée  de  rouge.  Enfin,  ce  qui  frappe  encore  l'atten- 
tion, c'est  la  rangée  de  cinq  gros  points  noirs,  ovalaires,  largement 
lavés  de  bleu  cendré  qui  reposent  sur  une  bande  brune  assez 
large  qui  court  parallèlement  au  bord  externe.  Ajoutons  encore 
qu'il  existe  deux  semis  d'atomes  obscurs:  l'un,  qui  offre  la  forme 
d'une  tache  ovale,  entre  la  base  et  l'ocelle  supérieure  ;  et  l'autre, 
d'apparence  linéaire,  a  une  tendance  à  relier  les  ocelles  entre  elles. 
Quant  au  limbe  proprement  dit,  il  est  blanc  de  même  que  la 
frange;  mais  il  est  précédé  d'une  série  de  petits  traits  bruns 
(jui  suivent  la  direction  du  bord  de  l'aile.  Le  lavis  noir  est 
médiocrement   développé    chez    cette    espèce;    il   ne    forme   pas 


—     69     — 

de  crochet  saillant  qui  ordinairement  entoure  plus  ou  moins 
l'extrémité  de  la  cellule  discoïdale  des  Parnassiens. 

Le  dessous  de  Charltonius  est  semblable  au  dessus.  On 
remarque  toutefois  sur  cette  face,  à  la  base  des  ailes  inférieures 
trois  taches  contigues,  cunéiformes,  d'un  brun  grisâtre,  teintées 
de  blanc  et  de  rose  pâle  en  leur  milieu,  et  arrêtées  du  côté 
extérieur  par  un  trait  brun,  large  et  mal  défini.  Le  lavis  ab- 
dominal est  aussi  plus  étendu  de  ce  côté,  car  il  entoure  com- 
plètement le  bas  de  la  cellule  où  il  forme  un  crochet  très  accusé. 
Les  ocelles  sont  en  outre  plus  largement  pupillées  de  blanc  et 
leur  couleur  tire  plutôt  sur  le  rouge  vineux.  Les  antennes  de 
ce  Parnassien  sont  uniformément  noires,  de  même  que  son  corps 
qui  est  pourvu  en  dessous  d'une  pilosité  blanche  abondante.  Les 
palpes  et  les  pattes  sont  aussi  de  cette  dernière  nuance. 

Cette  description  ne  s'applique  qu'au  mâle  que  nous  avons 
Hguré  pi.  16,  fig.  1.  La  femelle  (fig.  2)  est  un  peu  différente. 
Elle  se  distingue  de  l'autre  sexe  par  l'agrandissement  des  ocelles 
et  de  la  tache  anale  qui  est  vivement  carminée.  L'abdomen,  totale- 
ment dépourvu  en  dessus  de  pilosité,  est  d'un  noir  mat,  finement 
■chagriné  de  blanc,  avec  toutes  les  incisions  dessinées  en  blanc  pur. 
Quant  à  la  poche  cornée,  elle  consiste,  ainsi  que  le  représente 
notre  figure  (pi.  5,  fig.  3,  4),  en  une  sorte  de  corne  large,  épaisse, 
de  couleur  testacée,  enroulée  sous  l'abdomen  d'arrière  en  avant. 
L'orifice  ovalaire  se  trouve  presque  entièrement  dissimulé  sous 
un  pinceau  anal  de  poils  gris;  et  sur  la  région  dorsale  de  cet 
appareil  existe  un  sillon  large  et  peu  profond. 

Par  les  dessins  de  ses  ailes  supérieures,  ce  papillon  offre, 
avons-nous  dit,  une  certaine  ressemblance  avec  Staudingeri.  En 
effet,  la  disposition  des  taches  et  des  lignes  est  à  peu  près  sem- 
blable chez  ces  deux  espèces.    Cependant  la  bande  marginale  de 


—     70     — 

Charltonius,  d'une  largeur  uniforme,  descend  beaucoup  plus  bas, 
c'est-à-dire  jusqu'à  l'angle  interne;  l'anténaarginale  est  plus  fine 
et  plus  flexueuse,  les  discoïdales  plus  épaisses  et  le  semis  noirâtre 
de  la  base,  quoique  très  léger,  est  plus  développé  que  chez  la 
forme  comparative.  Cependant  les  caractères  qu'on  remarque 
aux  ailes  inférieures,  éloignent  tout  à  fait  ces  deux  espèces  l'une 
de  l'autre;  non  seulement  à  cause  de  la  forme  et  de  la  position 
des  ocelles  qui  sont  uniques  chez  Charltonius,  mais  encore  en 
raison  des  cinq  gros  points  noirs  lavés  de  bleu  pâle  qui  donnent 
un  aspect  si  particulier  à  ce  Parnassien  et  qui  n'existent  pa& 
chez  Staudingeri. 

Notre  forme  rappelle  aussi  vaguement  un  type  asiatique  du 
Thibet  que  Mr.  Charles  Oberthur  a  figuré  dans  ses  Etudes 
d'Entomologie,  (9«  livraison,  pi.  1,  fig.  4),  sous  le  nom  d'Impe- 
rator.  Mais  cette  ressemblance  n'est  que  lointaine,  elle  ne  porte 
que  sur  les  ailes  supérieures  qui  sont  dessinées  de  part  et  d'autre 
comme  celles  de  Delphius  dans  leur  ensemble;  car,  quant  aux 
ailes  inférieures,  elles  sont  tout  à  fait  dissemblables.  Les  ocelles 
d'Imperator  sont  normales,  et  les  deux  taches  noires  teintées  de 
bleu  qui  existent  vers  l'angle  anal  de  cette  espèce,  se  rapprochent 
plutôt,  par  leur  disposition,  de  celles  qui  ornent  les  ailes  de 
Staudingeri  ou  des  espèces  limitrophes.  Charltonius  est  par 
conséquent  un  type  bien  tranché  dont  la  position  est  solitaire 
dans  la  série  des  Parnassiens. 

C'est  en  1852  que  le  type  de  ce  superbe  papillon,  dont  la 
description  aura  lieu  à  la  fin  de  cet  ouvrage,  a  été  publié  pour 
la  première  fois  par  Gray,  dans  son  Catalogue  des  Lépidoptères 
du  Musée  de  Londres,  à  la  suite  d'une  exploration  que  le  Major 
anglais  Charlton  avait  dirigée  dans  les  hautes  alpes  des  environs 
de  Lapsang,  où  il  avait  recueilli  seulement  quelques  femelles.  Deux 


—     71     — 

autres  femelles  furent  découvertes  plus  tard  par  le  docteur  Stoliczka 
à  Karabu,  dans  les  mêmes  parties  de  la  chaîne  de  l'Himalaya, 
à  4300  mètres  d'élévation.  Cette  espèce  fut  reprise  ensuite  par 
Mr.  Lionel  de  Nicéville  au  passage  de  Baralacha,  dans  la  pro- 
vince de  Lahoul,  en  un  très  petit  nombre  d'exemplaires,  et  à  une 
altitude  de  -ITOO  mètres.  Ce  magnifique  Parnassien  n'avait  plus 
été  revu  pendant  de  longues  années,  lorsque  Grum-Grshimaïlo 
et  les  chasseurs  du  docteur  Staudinger,  de  Dresde,  rencontrèrent 
la  variété  Princeps  en  Août  sur  le  plateau  de  Transalai,  à  l'ex- 
trémité sud-est  du  Turkestan. 


2®  Groupe   —  Cincti. 


Parnassius  Delphins,  Eversmanu. 


Eversmann.    Bulletin  de  la  Société  impériale  des  naturalistes  de  Moscou, 

pag.  541,  pi.  7,  fig.  a,  b  (année  1843). 
Herrich-Schaeffer.     Systematische  Bearbeitung  etc.  63b — 639. 
Staudinger.     Catalogue  1871,  N°-  19. 
Austaut.    Les  Parnassiens,  pi.  17,  fig.  1  (S)- 

Le  groupe  des  Cincti  est  un  des  plus  naturels  parmi  les 
Parnassiens,  non  seulement  à  cause  de  la  forme  de  la  poche 
cornée  des  femelles  qui  ne  varie  guère  d'une  espèce  à  l'autre, 
mais  encore  par  l'aspect  général  de  l'insecte  qui  est  particulier. 
Chez  tous  ces  papillons,  en  effet,  les  taches  costales  sont  toujours 
réunies  en  une  bande  courte  et  épaisse  qui  se  soude  à  l'interne 
par  un  semis  noirâtre;  et  l'antémarginale  des  ailes  inférieures, 
d'abord  flexueuse  au  bord  antérieur,  se  termine  à  l'angle  annl 
par  2  à  4  gros  points  arrondis  et  solitaires. 


—     72     — 

On  ne  connaissait  pendant  fort  longtemps,  comme  représentant 
de  ce  groupe,  que  le  Delphius  d'Eversmann.  Mais,  à  la  suite 
des  explorations  qui  ont  été  entreprises  récemment  dans  TAsie 
centrale,  d'autres  espèces  remarquables,  exclusivement  propres 
aux  hautes  montagnes  du  Turkestan,  sont  venu  se  ranger  autour 
de  cette  forme  unique.  DelpMus  est  en  quelque  sorte  le  type 
naturel  des  Cincti,  et  c'est  par  lui  que  nous  commencerons  l'étude 
des  espèces  de  ce  groupe  remarquable. 

Le  papillon  dont  il  s'agit  est  ordinairement  d'assez  petite 
taille,  et  ses  ailes  sont  si  rembrunies  qu'il  est  assez  difficile  de 
décider  si  ce  sont  les  parties  foncées  ou  les  parties  claires  qui 
constituent  la  tonalité  du  fond.  En  adoptant  cette  dernière  vue, 
il  convient  de  dire  que  la  teinte  générale  de  Delphius  est  d'un 
blanc  jaunâtre  très  accusé  sur  lequel  les  dessins  noirs  tranchent 
un  peu  mollement.  Aux  ailes  supérieures  les  discoïdales  sont 
larges  et  arrondies,  les  costales  forment  au  delà  de  la  cellule 
une  bande  épaisse  et  convexe  qui  se  prolonge  ensuite  vaguement 
jusqu'à  la  tache  interne  qui  est  elle-même  mal  définie  et  d'une 
direction  oblique  par  rapport  au  bord  interne.  Le  sablé  noirâtre 
de  la  base  est  très  développé,  et  va  rejoindre  sous  la  nervure 
médiane  celui  qui  occupe  le  disque  de  l'aile.  On  remarque  en 
outre  l'antémarginale  qui  est  formée  d'une  suite  d'arceaux  semilu- 
naires  bien  continus,  et  la  marginale  qui  descend  régulièrement 
depuis  l'apex  à  l'angle  interne. 

La  tonalité  des  ailes  inférieures  de  Delphius  est  plus  jau- 
nâtre, parce  que  les  parties  claires  y  dominent  d'avantage;  on  y 
aperçoit  d'abord  la  marginale  obscure  qui  occupe  tout  le  limbe, 
depuis  le  bord  costal  jusqu'à  l'angle  anal  où  elle  aboutit  en 
pointe  mince  et  fine;  puis  l'antémarginale  qui  consiste  en  une 
suite  de  4  arceaux  très  flexueux  et  continus,  lesquels  sont  suivis 


—     73     — 

par  deux  points  noirs  arrondis  et  parfois  pupilles  de  bleurâtre. 
Les  ocelles  sont  petites,  d'un  rouge  pâle,  et  .largement  cerclées  de 
noir  profond.  Quant  au  lavis  de  la  base,  il  s'étend  jusqu'à  la 
tache  anale  transverse,  et  entoure  complètement  la  cellule  discoïdale 
en  projetant  des  rayons  courts  vers  le  bord  libre  de  l'aile. 

La  face  inférieure  de  ce  Parnassien  est  la  reproduction  exacte 
du  dessus,  avec  cette  différence  toutefois,  que  les  teintes  sont  plus 
efl'acées,  et  qu'il  existe  de  ce  côté  à  la  base  des  ailes  inférieures, 
trois  taches  contigues  plus  foncées  que  le  reste  du  lavis  ab- 
dominal. Les  antennes  et  le  corps  de  cette  espèce  sont  noirs,  et 
la  pilosité  qui  recouvre  le  thorax  ainsi  que  l'abdomen  est  un 
peu  jaunâtre. 

Cette  description  qui  intéresse  les  deux  sexes,  lesquels  ne 
diffèrent  pas  sensiblement  l'un  de  l'autre,  s'applique  à  la  forme 
typique  d'Eversmann  qui  est  généralement  obscure;  mais  il  existe 
certaines  races  locales  dont  la  tonalité  des  dessins  est  presque 
grisâtre,  et  qui  ont  un  aspect  terne  et  décoloré.  Chez  quelques 
sujets  le  lavis  noir  abdominal  couvre  quelques  fois  toute  la  cel- 
lule, sans  atteindre  toutefois  les  ocelles  qui  restent  bien  dégagées 
et  sans  perdre  la  forme  dentelée  de  son  contour  extérieur.  Les 
ocelles  elles-mêmes  ont  un  aspect  variable;  elles  deviennent  sou- 
vent presque  ponctiformes  et  plus  franchement  carminées;  d'autres 
fois  elles  s'élargissent  et  passent  au  jaune  plus  ou  moins  pur. 
Delphius  est  par  conséquent  une  espèce  très  variable;  et  ce  fait 
n'a  pas  lieu  de  surprendre,  lorsqu'on  sait  que  ce  papillon  est 
répandu  sur  une  grande  superficie  de  pays  et  habite  des  milieux 
fort  divers. 

Les  premiers  exemplaires  de  ce  Parnassien,  ceux  qui  ont 
servi  de  type  aux  figures  d'Eversmann,  ont  été  découverts  à 
Tarbagataî,    à  l'extrémité   ouest  de   l'Altai,    à   une   altitude   de 


—     74     — 

3000  mètres.  Les  frères  Haberhauer  en  prirent  d'autres  dans 
les  montagnes  d'Ala-Tau  qui  sont  situées  plus  au  sud;  et  Mr.  Al- 
pheraki  rencontra  cette  espèce,  quoique  isolément,  dans  toutes 
les  alpes  du  Tian-Chan  au  dessus  de  3000  mètres.  Elle  vole 
en  Juillet  et  en  Août  dans  des  sites  arrides  et  dans  le  voisinage 
des  glaciers  et  des  neiges  perpétuelles. 


Variété  Infernalis,  Stgr. 


Staudinger.     Stettiner  Entomologische  Zeitschrift,  page  195. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  17,  fig.  2  (cj). 

Nous  venons  de  dire  que  Delphius  est  une  espèce  variable. 
En  effet  ce  Parnassien  change  d'aspect  suivaat  les  localités;  et 
dans  une  même  station,  on  trouve  des  exemplaires  fort  différent» 
qui  se  relient  les  uns  aux  autres  par  des  passages  ininterrompus. 
Cette  variation  s'observe  surtout  dans  l'intensité  et  dans  l'ampleur 
des  taches  et  des  dessins  noirs.  Les  sujets  originaires  de  la 
Songarie  représentent  en  général  la  forme  normale;  mais  dans 
le  Turkestan,  dans  les  hautes  montagnes  des  environs  d'Ocks, 
on  rencontre  une  race  à  part  un  peu  plus  développée  que  le  typa 
d'Ala-Tau  et  dont  les  dessins,  beaucoup  plus  vifs,  ont  une  ten- 
dance à  l'envahissement.  Ces  exemplaires  offrent  un  aspect  assez 
particulier  pour  que  le  docteur  Staudinger  ait  cru  devoir  les  dé- 
signer sous  une  appellation  distincte. 

La  figure  2  de  notre  planche  17  représente  un  sujet 
mâle  d'Infernalis,  originaire  du  lieu  que  nous  venons  d'indiquer; 
et  comme  le  Delphius  de  la  dite  planche  (fig.  1)  se  rapporte 
déjà  à  un  exemplaire  mélanien  très  prononcé,  la  comparaison  de 
ces  deux  papillons  fera  ressortir  les  différences  qui  existent  entre 
la  forme  typique  et  sa  variété. 


^0      — 

On  remarque  d'abord,  qu'outre  sa  taille  qui  est  un  peu 
supérieure  à  celle  de  Delphius,  Infernalis  s'en  distingue  encore 
par  l'allongement  de  ses  ailes  et  par  le  contour  du  bord  externe 
des  antérieures  qui  est  plus  droit;  les  bandes  transverses  sont 
aussi  beaucoup  plus  larges  et  moins  bien  arrêtées  ;  l'antémarginale, 
par  suite  de  ce  fait,  est  moins  flexeuse  du  côté  externe  et  d'une 
direction  plus  droite.  Le  lavis  noir  de  la  base  des  ailes  in- 
férieures s'étend  jusqu'aux  ocelles  carminées  qu'il  englobe  en 
partie,  et  son  contour  extérieur  ne  reproduit  pas  ces  rayonnements 
qui  sont  si  constants  chez  la  forme  ordinaire.  Enfin  à  la  base 
du  revers  des  mêmes  ailes,  existent  deux  taches  rouges  fort  nettes 
et  vaguement  bordées  de  noir  profond.  Ce  dernier  caractère 
n'existe  pas  non  plus  chez  le  sexe  correspondant  de  Delphius. 
Ajoutons  pourtant  que  cette  forme  Infernalis  varie  elle-même 
dans  une  assez  large  mesure  et  qu'elle  se  relie  au  type  par  des 
termes  mitoyens. 

C'est  en  1882  que  Mr.  Haberhauer  découvrit  cet  intéressant 
papillon  dans  le  Turkestan  à  une  grande  altitude  (3500  mètres); 
et  Mr.  Ruckbeil  le  captura  également  deux  ans  plus  tard  dans 
le  district  de  Kouldja  avec  l'aberration  suivante. 


Aberration  Stjx^  Staudinger. 


Staudinger.     Stettiner  Entomologische  Zeitschrift,  page  196. 

C'est  la  forme  la  plus  obscure  que  Delphius  soit  susceptible  de 
revêtir;  car  chez  les  exemplaires  affectés  de  ce  cas  de  mélanisme, 
la  couleur  jaunâtre  du  fond  a  presque  entièrement  disparu  sous 
un  semis  d'atomes  foncés  qui  recouvre  toute  l'aile  supérieure. 
La  teinte  claire  n'est  plus  guère  apparente  qu'à  la  côte  et  vers 


—     76     — 

l'entourage  des  taches  discoïdales  ;  par  ailleurs  l'aile  est  d'un  noir 
presque  uniforme  et  un  peu  diaphane.  Le  lavis  ^basilaire  des 
secondes  ailes  est  ici  encore  plus  étendu  que  chez  Infernalis; 
il  est  tellement  développé  que  chez  certains  sujets  il  absorbe  la 
couleur  jaunâtre  du  disque.  Cette  forme,  qui  n'est  en  somme 
qu'un  terme  extrême  de  variation,  rappelle  un  peu  l'aberration 
Nigricans  de  Discobolus  dont  nous  aurons  lieu  de  parler  dans 
la  suite,  avec  cette  diiférence  toutefois,  que  le  mélanisme  de  Styx 
atteint  les  deux  sexes,  tandis  qu'il  n'a  été  observé  jusqu'à  présent 
que  parmi  les  femelles  de  l'espèce  congénère.  Comme  nous  venons 
de  le  dire  précédemment,  cette  aberration  remarquable  vole 
concurremment  avec  Infernalis  sur  certains  points  des  alpes  de 
Kouldja.  Elle  passe  à  cette  dernière  forme  ainsi  qu'à  celle  deDelphius 
par  des  transitions  qui  sont  l'indice  d'une  communauté  d'origine. 


Paruassius  Namaugrauns,  Standiuger. 


Staudinger.     Stettiner  Entomologische  Zeitsclirift,  pages  196,  197. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  17,  fig.  3  (<?). 

D'après  tout  ce  que  nous  avons  exposé  sur  les  rapports  qui 
unissent  entre  elles  les  diverses  espèces  du  présent  groupe,  il 
faut  s'attendre  à  rencontrer  parmi  elles  une  grande  similitude. 
En  effet,  elle  est  parfois  si  intime  qu'elle  jette  de  l'incertitude 
sur  la  signification  des  caractères  spécifiques,  et  qu'elle  enlève 
au  classificateur  toute  base  d'appréciation  sérieuse.  Ce  cas  se 
produit  chez  Namanganus  que  les  entomologistes  allemands  con- 
sidèrent comme  une  simple  race  de  Delphius,  tandis  que  nous 
pensons  au  contraire,  après  mûr  examen,  qu'il  constitue  une  es- 
pèce à  part,  mais  intermédiaire  entre  la  précédente  et  Staudingeri. 


—     77     — 

Nous  basons  notre  opinion  sur  ce  fait  que,  quel  que  soit  l'aspect 
sous  lequel  se  présente  la  forme  d'Eversmann,  malgré  même  le 
mélanisme  qui  l'atteint  souvent,  il  est  toujours  possible  de  la 
reconnaître  à  la  bande  marginale  des  ailes  postérieures  qui  aboutit 
toujours  jusqu'à  l'angle  anal  et  aux  deux  taches  noires  solitaires 
qui  occupent  le  voisinage  de  cet  angle,  caractères  qu'on  ne  re- 
trouve jamais  chez  Namanganus,  pas  plus  que  chez  Staudingeri 
et  chez  Cardinal. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  vue  que  nous  croyons  exacte, 
voici  en  quoi  ce  papillon  diffère  de  la  forme  précédemment 
décrite.  Il  est  plus  grand  que  Delphius  dont  il  a  la  coupe, 
et  ses  ailes  sont  d'un  beau  blanc  mat  qui  fait  vivement  ressortir 
les  dessins  noirs,  lesquels,  aux  supérieures,  sont  à  peu  près  dis- 
posés comme  chez  l'espèce  comparative.  Cependant  l'antémarginale 
est  plus  fine,  la  marginale  plus  étroite,  surtout  aux  approches  de 
l'angle  interne;  et  la  tache  qui  occupe  le  bord  de  ce  nom,  est 
aussi  plus  nette  et  plus  épaisse.  Aux  inférieures  les  ocelles 
d'un  rouge  vif  ont  acquis  un  grand  développement,  et  le  cercle 
noir  qui  les  entoure  est  très  fin.  La  tache  anale,  grande  et 
transverse,  est  également  lavée  de  rouge,  circonstance  qui  ne  se 
retrouve  chez  aucune  forme  de  Delphius.  Enfin  le  lavis  basilaire, 
d'un  noir  intense,  a  le  même  contour  et  la  même  ampleur  que 
celui  qu'on  remarque  chez  certains  Delphius  dont  la  cellule  est 
entièrement  recouverte.  Mais  ce  qui  sépare  surtout  ce  Parnassien 
du  précédent,  c'est  la  structure  des  bandes  marginale  et  anté- 
marginale.  Celle-ci  commence  à  la  côte  par  deux  arceaux  épais, 
et  se  continue  ensuite  par  4  gros  points  bien  détachés  dont 
les  deux  inférieurs  sont  situés  plus  près  du  bord  et  en  dehors 
de  l'allignement  commun.  Celle-là  est  plus  étroite  que  celle  de 
Delphius  et  elle  expire  assez  brusquement  bien  avant  d'atteindre 


—     78     — 

l'angle  anal.  Disons  encore  que  la  base  des  ailes  inférieures  de 
Namanganus  est  marquée  en  dessous  de  deux  taches  rouges  un 
peu  plus  larges  que  celles  d'Infernalis,  également  bordées  de  noir, 
mais  suivies  d'une  éclaircie  blanchâtre  qui  se  détache  nettement 
du  fond  noirâtre  du  lavis. 

Si  l'on  compare,  d'un  autre  côté,  ce  Parnassien  avec  Stau- 
dingeri,  on  reconnaît  du  premier  abord  qu'il  contraste  avec  ce 
dernier,  par  la  teinte  blanche  de  ses  ailes,  par  la  forme  de  l'anté- 
marginale  qui  est  moins  brusquement  sinuée  et  moins  rétrécie  vers 
l'intersection  qu'elle  fait  avec  la  seconde  branche  de  la  nervure 
médiane,  par  l'ampleur  remarquable  du  lavis  basilaire  et  par 
l'acroissement  inusité  des  ocelles  et  de  la  tache  rouge  anale. 
La  marginale  des  ailes  inférieures  a  bien,  il  est  vrai,  le  même 
aspect  chez  notre  espèce  que  celle  de  Staudingeri;  mais,  par 
contre,  l'antémarginale  est  autrement  dessinée,  ainsi  qu'il  est  facile 
de  s'en  convaincre,  en  rapprochant  entre  elles  les  figures  3  et  1 
des  planches  17  et  18  qui  représentent  des  exemplaires  mâles  de 
ces  deux  papillons. 

En  résumé,  cet  intéressant  Parnassien,  dont  nous  ne  connaissons 
pas  la  femelle,  est  intermédiaire,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  fait 
observer,  entre  Delphius  et  Staudingeri.  Il  tient  du  premier  par 
ses  ailes  rembrunies  et  par  l'extension  inusitée  du  lavis  de  la 
base;  il  se  rapproche  du  second  par  la  disposition  de  certains 
dessins,  et  notamment  de  ceux  qui  avoisinent  le  bord  externe 
des  ailes  postérieures;  mais  il  est  bien  séparé  toutefois  de  l'un 
et  de  l'autre,  au  moins  dans  sa  forme  typique,  par  sa  grande 
taille,  par  sa  couleur,  par  l'agencement  des  4  gros  points  noirs 
des  ailes  inférieures,  et  par  les  caractères  particuliers  des  ocelles 
et  de  la  tache  de  l'angle  anal.  Ces  caractères,  qui  sont  très 
constants,  empêcheront  par  conséquent  de  confondre  Namanganus 


—     79     — 

avec  aucun  de  ses  deux  congénères,  bien  que  certains  de  ces 
exemplaires  soient  parfois  aussi  obscurs  que  la  variété  Infernalis, 
tandis  que  d'autres  se  rapprochent  plutôt  de  quelques  formes 
particulières  de  Staudingeri. 

C'est  Mr.  Haberhauer  qui  découvrit  cette  belle  espèce  sur 
les  alpes  de  Namangan,  dans  le  Turkestan  russe,  en  1884,  d'où 
le  nom  scientifique  sous  lequel  elle  a  été  publiée  par  le  savant 
lépidoptériste  de  Dresde. 


Faruassins  Staadîngeri,  Bang  Haas. 


Bang  Haas,  Ueber  einige  Pariiassius  Central -Asieiis  (Berliner  Entomo- 
logische  Zeitschrift,  Bd.  XXVI  1882,  Heft  1,  pages  163,  164,  pi.  2, 
fig.  8  S,  fig.  8.  8a  $). 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  18,  fig.  1  et  2  (cJ  et  Ç). 

Ce  Parnassien  qui,  comme  tous  les  Cincti,  est  originaire 
du  Turkestan,  ressemble  également  beaucoup  à  Delphius.  Ce- 
pendant il  est  toujours  facile  de  le  différencier  de  cette  dernière 
espèce  par  un  ensemble  de  caractères  précis  que  nous  allons 
énumérer. 

On  remarque  tout  d'abord  que  les  ailes  de  Staudingeri  sont 
proportionellement  plus  courtes  que  celles  de  Delphius;  que  leur 
teinte  générale  est  plus  claire  et  leurs  dessins  plus  nets  et  plus 
accentués.  Si  l'on  compare  ensuite  ces  deux  papillons,  mâle  à 
mâle,  on  trouve  que  Staudingeri  a  les  taches  discoïdales  coupées 
plus  carrément,  et  que  la  bande  formée  par  la  réunion  des  macules 
costales  est  plus  étroite  et  plus  courte.  Elle  s'arrête  vers  la 
seconde  branche  de  la  nervure  médiane,  et  ne  se  relie  à  la  tache 
interne,  qui  est  disposée  en  croissant,  que  par  un  léger  semis 
d'atomes  noirâtres.  Cette  partie  du  disque  de  l'autre  espèce  est 
toujours   fortement   rembrunie.     L'antémarginale   de  Staudingeri 


—     80     — 

est  aussi  plus  sinuée  à  la  place  où  s'arrête  la  costale,  et  ellfr 
éprouve,  dans  cet  endroit,  un  rétrécissement  très  sensible.  La 
bande  obscure  qui  suit  le  limbe  est  plus  étroite  que  celle  de 
Delphius,  et  ne  descend  pas,  comme  c'est  le  cas  chez  cette  der- 
nière espèce,  jusqu'à  l'angle  opposé  au  sommet.  La  dissemblance 
entre  ces  deux  papillons  est  encore  plus  grande  aux  ailes  in- 
férieures. On  remarque  immédiatement  que  le  lavis  de  la  base 
est  moins  développé;  il  n'entoure  jamais  toute  la  cellule  dis- 
coïdale,  et  ne  projette,  dans  aucun  cas,  vers  les  bords  de  l'aile 
ces  rayons  noirs  et  courts  qui  sont  si  constants  chez  Delphius. 
Les  ocelles  sont  aussi  plus  grandes  et  plus  vives.  Quant  au 
bord  marginal,  il  est  seulement  obscurci  depuis  la  côte  jusque 
vers  le  milieu,  et  la  bande  qui  lui  succède  à  l'intérieur  et  qui 
chez  l'espèce  voisine  est  formée  d'une  suite  de  quatre  arceaux 
flexueux  et  continus,  parait  au  contraire  constituée  ici  par  la 
réunion  de  quatre  taches  confuses  qui  se  fondent  l'une  dans 
l'autre.  Il  existe  à  leur  suite  deux  grandes  macules  noires 
isolées,  analogues  à  celles  qu'on  observe  chez  Delphius;  mais 
elles  sont  beaucoup  plus  grosses,  plus  allongées,  et  aboutissent 
plus  près  du  bord  de  l'aile. 

La  femelle  de  Staudingeri  est  d'un  ton  moins  jaunâtre 
que  le  mâle.  Elle  ne  diffère,  en  somme,  de  l'autre  sexe  que  par 
l'élargissement  des  dessins  et  des  ocelles,  par  l'obscurcissement 
du  disque  et  par  l'existence,  à  la  base  du  revers  des  ailes 
inférieures,  de  deux  ou  trois  taches  rougeâtres  un  peu  vagues  et 
mal  arrêtées.  Ces  taches  font  quelques  fois  entièrement  défaut, 
ce  qui  est  le  cas  de  l'exemplaire  que  nous  avons  représenté 
planche  18,  fig.  2. 

En  général  ce  type,  par  son  aspect,  est  bien  séparé  de  la 
forme  congénère.     11  a  quelque  chose  de  plus  robuste;  ses  ailes 


—     81     — 

sont  plus  claires  et  moins  diaphanes,  les  dessins  noirs  ont  plus 
de  précision  et  plus  de  vivacité;  et  la  différence  des  caractères 
qui  existent  aux  bords  externes,  saute  vivement  aux  yeux. 

Il  n'y  a  rien  de  particulier  à  relever  quant  aux  antennes 
et  au  corps  qui  ont  la  même  nuance  à  peu  près  que  les  parties 
correspondantes  de  Delphius.  11  convient  cependant  encore 
d'ajouter  que  Staudiugeri  varie  quoique  dans  une  limite  beau- 
coup plus  restreinte  que  l'espèce  comparative.  Certains  exem- 
plaires n'offrent  presque  pas  de  trace  de  pupillation  obscure  sur 
le  disque  des  ailes  supérieures;  d'autres  ont,  au  contraire,  cette 
partie  très  chargée  d'écaillés  noirâtres.  Les  ocelles  varient  en 
dimension  et  en  éclat,  et  le  rouge  tire  parfois  sur  le  jaunâtre 
comme  c'est  du  reste  aussi  le  cas  de  Delphius. 

C'est  aussi  Mr.  Haberhauer  qui  a  découvert  ce  Parnassien 
dans  les  alpes  situées  au  sud  de  Samarkand  où  il  vole  en  certain 
nombre,  depuis  la  fin  de  Juin  jusqu'au  commencement  d'Août; 
il  a  été  retrouvé  plus  tard  sur  plusieurs  points  de  celles  de  la 
province  de  Kokand,  mais  toujours  à  une  altitude  supérieure  à 
2500  mètres. 


Parimssins  Transieus,  Staudinger. 


Staudinger.     In  litteris. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  18,  tig.  3  {(^). 

Mr.  Staudinger  nous  a  envoyé  cette  année,  sous  ce  nom  et 
comme  variété  de  l'espèce  précédente,  un  Parnassien  mâle  fort 
curieux  que  ses  chasseurs  avaient  récolté  depuis  peu  de  temps 
sur  les  hauts  plateaux  du  Pamir,  en  compagnie  du  magnifique 
Charltonius  et  de  très  beaux  Colias. 

Quand  on  n'examine  ce  papillon  nouveau  que  sommairement, 
on  lui  trouve,  en  effet,  beaucoup  de  ressemblance  avec  Staudingeri, 

6 


—      R9 


à  cause  du  ton  jaunâtre  clair  de  ses  ailes  qui  sont  courtes  en 
proportion  de  leur  largeur,  et  de  la  réduction  du  lavis  basilaire 
qui  ne  couvre  pas  toute  retendue  de  la  discoïdale.  Cependant, 
si  l'on  poursuit  la  comparaison  plus  à  fond,  on  découvre  une  suite 
de  caractères  qui  ne  permettent  guère,  à  notre  avis,  de  rattacher 
ces  deux  formes  l'une  à  l'autre.  Sous  le  rapport  de  la  coupe, 
le  bord  externe  des  ailes  supérieures  est  plus  droit  et  l'apex 
plus  aigu  chez  Transiens  que  chez  Staudingeri;  puis,  au  point 
de  vue  des  dessins,  les  discoïdales,  la  costale  et  l'antémarginale 
sont  aussi  plus  étroites  et  plus  fines  que  celles  du  type  prétendu. 
La  marginale  obscure  qui  tire  sur  le  brun  ardoisé,  descend  en 
outre  avec  une  largeur  plus  grande  et  à  peu  près  égale  jusqu'à 
l'angle  interne.  Cette  bande  de  l'aile  inférieure  est  presque 
semblable  à  celle  de  Delphius,  c'est  à  dire  qu'elle  est  dentelée 
du  côté  intérieur  et  qu'elle  aboutit  en  pointe  fine  jusqu'au  bord 
abdominal.  L'antémarginale  qui  lui  succède,  consiste  en  une  série 
de  quatre  arceaux  petits,  pontiformes,  détachés  les  uns  des  autres, 
auxquels  font  suite  deux  taches  arrondies  moins  développées  que 
celles  qui  occupent  la  même  place  de  l'aile  de  Staudingeri. 
Les  ocelles  plutôt  jaunâtres  que  rouges,  sont  relativement  aussi 
grandes  que  celles  de  Namanganus;  mais  elles  sont  un  peu 
anguleuses  et  bien  cerclées  de  noir.  Enfin  elles  sont  reliées 
deux  à  deux  par  une  barre  fine  et  obscure  qu'on  observe  ce- 
pendant accidentellement  chez  Staudingeri. 

L'aspect  général  de  Transiens,  quand  on  analyse  les  détails, 
est  donc  très  différent  de  celui  de  l'espèce  précitée.  Ce  papillon 
nous  paraît  au  contraire  plus  voisin  de  Delphius,  dont  il  possède 
le  trait  le  plus  saillant,  c'est-à-dire  l'élargissement  et  la  longueur 
des  marginales  qui  bordent  les  quatre  ailes.  Cependant,  à  cause 
de  sa  coupe,  de  la  clarté   de  sa  teinte   et  surtout  de  l'aspect 


—     83     — 

ponctiforme  de  rantémarginale  des  ailes  inférieures  et  de  celui 
du  lavis  basilaire  qui  est  relativement  si  réduit.  Nous  pensons 
que  ce  Parnassien  doit  constistuer  une  espèce  à  part,  mais  vrai- 
ment intermédiaire  entre  Staudingeri  et  Delphius.  Si  cette 
opinion  ne  pouvait  prévaloir,  il  serait  plus  juste  alors  de 
rattacher  Transiens  à  cette  dernière  forme,  d'en  faire  une  race 
albine  qui  représenterait  un  degré  extrême  de  variation  dia- 
métralement opposé  à  ceux  que  nous  connaissons  sous  le  nom 
de  Styx  et  d'Infernalis. 

Le  dessous  de  cette  nouvelle  espèce  dont  nous  ne  possédons 
que  le  sexe  mâle,  reproduit  exactement  les  particularités  qui  sont 
propres  au  dessus,  avec  cette  différence,  que  le  contour  inférieur 
du  lavis  qui  est  à  peu  près  entier  sur  l'autre  face,  affecte  ici 
au  contraire  une  disposition  franchement  rayonnante. 

Les  antennes  et  le  corps  sont  noirs,  comme  c'est  le  cas  chez 
toutes  les  espèces  du  présent  groupe;  mais  la  pilosité  qui  recouvre 
le  thorax  et  l'abdomen,  est  beaucoup  plus  jaunâtre  dans  Transiens 
que  dans  les  formes  voisines. 

Nous  avons  déjà  dit  que  cet  intéressant  Parnassien  a  été 
découvert  sur  le  Pamir.  Ajoutons  encore  qu'il  vole  à  une  alti- 
tude qui  ne  s'abaisse  guère  au  dessous  de  4000  mètres. 


Paruassius  Cardiual,  Grum*Grsliiinaïlo. 

Staudinger.     In  litteris. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  19,  flg.  1  (^). 

Cette  superbe  espèce,  la  plus  belle  et  la  plus  méritante  de 
toutes  celles  du  groupe  des  Cincti,  a  été  découverte  sur  les  hautes 
alpes  qui  sont  situées  au  sud  de  Samarkand  par  Mr.  Grum- 
Grshimaïlo,  l'un  des  explorateurs  les  plus  distingués  de  la  Russie. 


—     84     — 

Elle  est  également  voisine  de  Staudingeri,  dont  elle  possède  la 
taille;  mais  la  nuance  de  ses  ailes  qui  est  plus  franchement  jaune 
et  à  peu  près  aussi  prononcée  que  celle  de  l'Ismene  Helios,  de 
même  que  l'élargissement  considérable  de  leurs  dessins,  donnent 
à  ce  papillon  un  aspect  bien  différent.  Les  parties  obscures  ont 
acquis  chez  Cardinal  une  telle  extension,  qu'il  serait  peut-être 
plus  juste  de  dire  que  c'est  le  noir  qui  constitue  la  teinte  domi- 
nante du  fond.  Quoiqu'il  en  soit,  voici  quels  sont  les  traits 
caractéristiques  de  cette  remarquable  nouveauté.  D'abord  le 
sablé  de  la  base  des  ailes  supérieures  est  très  développé;  il  couvre 
presque  toute  cette  partie  jusqu'aux  approches  de  la  discoïdale 
inférieure,  sauf  cependant  le  voisinage  du  bord  interne,  où  la 
nuance  jaune  subsiste  sous  la  forme  d'un  trait  épais,  mais  mal 
arrêté.  La  costale  et  l'antémarginale  très  élargies,  se  fondent 
sur  le  disque  au  dessous  de  la  première  branche  de  la  nervure 
médiane.  L'une  descend  régulièrement  jusqu'au  bord  opposé  à 
la  côte;  l'autre  aboutit  obliquement  à  la  tache  interne  qui  est 
large,  rectangulaire  et  tout-à-fait  fondue  dans  l'entourage  obscur. 
Ces  deux  bandes  laissent  paraître  entre  elles,  vers  le  bord  in- 
terne, le  fond  clair  de  l'aile  qui  offre  l'aspect  de  deux  taches 
jaunâtres,  superposées  l'une  à  l'autre,  mais  séparées  par  le  noir 
d'une  nervure  qui  les  divise.  La  marginale  est  aussi  étroite 
que  celle  de  Staudingeri;  et  elle  expire,  comme  chez  cette  der- 
nière espèce,  avant  de  parvenir  à  l'angle  interne. 

11  résulte  de  cette  disposition,  et  lorsqu'on  examine  la  fig.  1 
de  la  planche  19,  que  l'aile  supérieure  de  ce  Parnassien  paraît 
entièrement  noirâtre,  à  l'exception  d'un  certain  nombre  de  taches 
d'un  jaune  clair  qui  se  trouvent  disposées  de  la  manière  suivante: 
une  très  petite  entre  la  discoïdale  inférieure  et  la  base  et  située 
au  dessus  du  trait  clair  dont  il  a  été  parlé;    une    autre   plus 


—     85     — 

grande  entre  les  discoïdales,  dans  la  cellule  même  qui  porte  ce 
nom;  deux  groupes  formant  chacun  une  sorte  de  bande  courbe 
entre  la  cellule  et  la  marginale;  une  rangée  de  macules  vague- 
ment arrondies,  disposée  parallèlement  au  bord  extérieur;  et  enfin 
deux  taches  placées  l'une  au  dessus  de  l'autre  dans  le  voisinage 
du  bord  interne. 

Les  ailes  postérieures  de  Cardinal  sont  relativement  plus 
claires.  Le  lavis  basilaire  d'un  noir  très  vif  est  un  peu  plus  large 
que  celui  de  la  forme  voisine;  il  absorbe  la  tache  anale  qui  n'est 
indiquée  que  par  un  point  rouge;  mais  il  ne  couvre  pas  toute 
la  superficie  de  la  cellule.  Les  ocelles  d'une  dimension  con- 
sidérable sont  d'un  rouge  orangé  uniforme  et  le  cercle  noir  qui 
les  entoure  est  très  épais.  Ces  taches  sont  reliées  l'une  à  l'autre 
par  une  barre  épaisse  très  noire,  véritable  bande  qui  semble  être 
un  crochet  ascendant  formé  par  le  lavis. 

L'antémarginale  de  cette  espèce  offre  beaucoup  d'analogie 
avec  celle  de  Staudingeri.  Cependant  sa  naissance  à  la  côte  est 
moins  pontiforme;  elle  commence  par  un  trait  droit,  oblique,  se 
continue  par  deux  arceaux  au  centre,  desquels  existe  un  gros 
point  vague,  et  se  termine  vers  l'angle  anal  par  deux  taches 
solitaires  plus  arrondies  que  celles  de  l'espèce  comparative. 
Quant  à  la  marginale,  elle  est  à  peine  indiquée  par  une  ombre 
très  étroite  qui  précède  la  frange  dans  la  première  moitié 
de  l'aile. 

Les  dessins  du  dessous  sont  à  peu  près  identiques  à  ceux 
de  la  face  opposée.  Cependant,  de  ce  côté,  les  ocelles  dont  le 
rouge  est  plus  carminé,  sont  très  distinctement  lavées  de  blanc 
dans  leur  centre;  la  tache  anale  transverse  est  plus  grande,  plus 
rouge;  et  il  existe  en  outre  à  la  base  trois  macules  de  cette 
couleur  dont  l'inférieure  repose  sur  une  éclaircie  blanchâtre  qui 


—     86     — 

simule  la  forme  d'un  L  dont  les  branches  s'appuient  contre  le 
bord  de  l'aile  et  la  tache  anale. 

Les  antennes  et  le  corps  du  papillon  dont  il  s'agit  sont 
noirs;  ses  pattes,  de  même  que  la  vestiture  qui  garnit  le  thorax 
et  l'abdomen  tirent  un  peu  sur  le  jaune. 

En  résumé,  ce  beau  Parnassien  est  une  espèce  très  distincte 
de  Staudingeri  avec  lequel  il  ne  pourra  être  confondu,  à  cause 
de  l'élargissement  de  ses  dessins,  de  l'ampleur  de  ses  ocelles, 
de  l'existence  de  ses  basilaires  rouges  et  de  l'aspect  particulier, 
du  bord  externe  de  ses  ailes  inférieures. 

Nous  ne  connaissons  que  le  sexe  mâle  de  cette  espèce  qui 
est  sans  aucun  doute  une  des  plus  belles  découvertes  qui  aient 
été  faites  pendant  ces  dernières  années  dans  l'Asie  centrale. 


3®  Groupe  —  Carinati. 


Paniassius  Apollo,  Liuué. 


Linné.     Systenia  naturae  (année  1758),  10"=  édition,  465. 

Fabricius.     Entomologia  Systematica  (année  1793),  11,  268. 

Esper.     Die  Schmetterlinge,  2,  1. 

Hiibner.     Sammlung  Europaeischer  Schmettevlinge,  396,  397,  730,  731, 

Ochsenheimer.     Die  Schmetterlinge  von  Europa,  1,  2,  133. 

Godart.     Histoire  naturelle  des  Papillons  de  France,  II,  1. 

Freyer.     601. 

Boisduval.     Species  général,  1,  page  395,  N°-  1. 

Staudinger.     Catalogue  1870,  N"-  13. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  7,  fig.  1  (cj). 

Apollo  est  le  type  naturel  des  Carinati;    c'est  en  outre  un 
des  Parnassiens  les  plus  anciennement  connus,  puisque  sa  publi- 


—     87     — 

cation  remonte  jusqu'au  temps  de  Linné.  Cependant,  malgré  cette 
origine  si  reculée  et  la  vulgarité  qui  s'est  emparée  fatalement 
de  cette  espèce,  elle  n'a  rien  perdu  du  prestige  qui  lui  revient 
à  bon  droit;  car  elle  ne  cesse  de  figurer  parmi  les  papillons 
les  plus  gracieux  et  les  plus  distingués  de  l'Europe  propre- 
ment dite. 

Nous  nous  abstiendrons  d'entrer  dans  des  descriptions  mi- 
nutieuses au  sujet  de  cette  forme  que  tout  le  monde  connaît. 
Nous  préférons  renvoj-er  les  entomologistes  à  leur  propre  collection, 
et  au  besoin  à  la  fig.  1  de  notre  planche  7  qui  représente  un 
mâle  de  grande  taille,  originaire  des  alpes  de  la  Suisse.  Nous 
de.vons  dire  cependant  que  ce  Parnassien  est  sujet  à  varier,  tant 
pour  son  envergure  que  pour  l'aspect  général  et  l'accentuation  plus 
ou  moins  grande  de  certains  dessins;  mais  que  ces  différences 
n'offrent  pas  assez  de  stabilité  pour  servir  de  base  à  l'établisse- 
ment de  races  séparées.  La  bande  antémarginale  des  quatre  ailes 
est  notamment  plus  ou  moins  bien  accusée;  et  l'on  trouve,  quand 
on  considère  une  nombreuse  suite  d'exemplaires,  toutes  les  transi- 
tions depuis  l'état  d'une  ligne  un  peu  vague  et  indécise  jusqu'à 
celui  d'une  bande  continue  de  taches  noires  et  fort  vives.  Le 
rouge  des  ocelles  ([ui  sont  généralement  bien  pupillées  de  blanc, 
est  aussi  plus  ou  moins  intense.  Ordinairement,  il  est  d'un  ton 
carminé;  mais  il  passe  aussi  au  jaunâtre  et  même  au  jaune  pur 
chez  une  race  spéciale  aux  montagnes  de  la  Sierra-Nevada  de 
l'Andalousie. 

L'Apollo  est  répandu  d'une  manière  générale  sur  tout  le 
continent  européen,  à  l'exclusion  toutefois  des  îles  britanniques  où 
ni  ce  Parnassien  ni  aucun  autre  n'ont  jamais  été  rencontrés.  Cette 
exception  singulière  vient  ronfirmer,  à  notre  avis,  l'opinion  que 
vous  avons  émise  précédemment   sur  la  cause   de  dispersion  de?. 


insectes  de  ce  genre  pendant  la  phase  géologique  dite  glaciaire. 
A  cette  époque,  en  effet,  l'Angleterre  se  trouvait  déjà  séparée  du 
continent  par  la  Manche;  de  sorte  que  ni  Apollo,  ni  Delius,  ni 
Mnemosyne,  alors  largement  répandus  jusque  dans  les  plaines, 
n'ont  pu  pénétrer  jusqu'aux  rivages  britanniques.  C'est  ce  qui 
explique  pourquoi  cette  grande  île,  malgré  son  climat  si  favorable 
aux  mœurs  des  Parnassiens,  ne  nourrit  pourtant  sur  ses  montagnes 
aucune  de  leurs  espèces. 

Au  nord,  Apollo  s'étend  dans  toute  la  péninsule  Scandinave 
ainsi  que  sur  les  collines  de  la  Russie  centrale.  Au  sud,  il  pénètre 
jusqu'en  Andalousie,  ainsi  que  nous  l'avons  remarqué  plus  haut, 
en  Grèce,  en  Asie  mineure  où  Lederer  l'a  rencontré  à  plus  de 
2000  mètres  d'altitude  sur  les  hautes  montagnes  de  l'Arménie. 
A  l'est,  ce  Parnassien  franchit  l'Oural,  se  répand  sur  les  monts 
des  Kirghises  et  va  expérir  dans  sa  forme  normale  aux  contre- 
forts de  la  chaîne  de  l'Altai. 

En  ce  qui  concerne  spécialement  la  France,  l' Apollo  habite 
toute  la  région  de  l'est,  depuis  les  ballons  d'Alsace  dans  les 
Vosges,  jusqu'aux  Basses-Alpes,  en  passant  par  le  Jura;  il  fré- 
quente aussi  l'Auvergne,  les  Cevennes  et  les  Pyrénées.  En  général, 
cette  espèce  ne  se  tient  pas  à  de  grandes  hauteurs,  et  le  niveau 
moyen  de  ses  stations  s'abaisse  d'autant  plus  que  la  latitude 
des  lieux  est  plus  septentrionale. 


Variété  Hesebolus,  ^ordmauu. 


Nordmann.    Bulletin  de  la  Société  impériale  des  naturalistes  de  Moscou 

(année  1851),  II,  pgae  245  S' 
Staudinger.     Catalogue  1870,  N°-  13.  var.  A. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  6,  fig.  1  c^,  2  Ç. 


—     89     — 
Variété  Sibirica,  Nordiiiaun. 


Nordmann.     Bulletin  de  la  Société  etc.,  11,  1  Ç. 

Nous  venons  de  dire  qu'ApoUo  est  une  espèce  très  variable. 
Cependant  les  modifications  qu'elle  est  susceptible  de  contracter, 
sont  circonscrites  par  des  limites  assez  restreintes,  du  moins  en 
Europe.     La  Sibérie  et  l'Asie  centrale,  au  contraire,  nourrissent 
un  type  particulier   et   très  tranché  de  celui    que   nous  voyons 
voler  autour  de  nous,  non  seulement  par  la  taille  qui  excède  de 
près  d'un  tiers  celle  de  nos  plus  grands  exemplaires,  mais  encore 
par  un  aspect  tout  différent.    Cette  variété  remarquable  qui  a  été 
publiée  en  1851  par  Nordmann  sous  le  nom  de  Hesebolus  pour 
le  mâle  et  de  Sibirica   pour  la  femelle,  a  les  ailes  en  général 
plus  blanches  que  celles  du  type.    La  marginale  très  transparente 
est  plus  courte,  elle  s'arrête  en  pointe  vers  la  deuxième  branche 
de  la  nervure  médiane,  et  l'antémarginale  n'est  indiquée  à  la  côte 
que  par  deux  ou  trois  arceaux  assez  vagues;  tandis  que  l'une  et 
l'autre  de  ces  bandes  sont  toujours  bien  dessinées  chez  Apollo. 
Les  autres  taches   noires   sont  grosses,    vives  et  bien  arrêtées; 
celle  du  bord  interne  est  coupée  carrément.    Les  ailes  inférieures 
de  Hesebolus  sont  entièrement  blanches  et  ne  présentent  aucun 
vestige  de  l'antémarginale  qui    règne   le  long  du   bord  externe 
chez  notre  espèce;  et  par  cette  particularité,  cette  variété  asiatique 
offre  un  peu  l'aspect  de  Delius  mâle  qui  est  lui  aussi  privé  de 
cette  bande  obscure.     Enfin  les  ocelles,  grandes,  d'un  rouge  vif, 
sont  largement  encadrées  de  noir.    Le  corps  de  ce  papillon,  parmi 
tous  les  sujets  que  nous  avons  sous  les  yeux,  est  recouvert  d'un 
duvet  plus  fauve,  plus  jaunâtre  que  celui  de  la  forme  typique. 

Cette  description  ne  concerne  que  le  mâle  qui  ne  varie  pas 
beaucoup.     L'aspect   de    la   femelle    est    plus   mobile.     Certains 


—     90     — 

exemplaires  diffèrent  à  peine  du  sexe  correspondant  d'Apollo,  si 
ce  n'est  par  la  taille  qui  est  toujours  supérieure;  d'autres,  d'une 
teinte  sale -jaunâtre,  sont  fortement  rembrunis;  leurs  bandes 
sont  dans  ce  cas  vivement  dessinées,  et  le  disque  des  ailes 
supérieures  est  largement  lavé  d'écaillés  noirâtres.  Quant  à  la 
poche  abdominale,  elle  offre  à  peu  près  la  même  structure  que 
celle  d'Apollo  qui  se  trouve  représentée  de  face  et  de  profil  sous 
les  N°^  1  et  2  de  la  planche  3  de  ces  études. 

La  variété  Hesebolus  est  une  forme  essentiellement  asiatique 
qui  se  trouve  répandue  sur  bien  des  points  de  ce  vaste  continent. 
Elle  a  été  rencontrée  sur  les  crêtes  de  l'Oural  central  et  septen- 
trional; elle  habite  aussi  tout  le  Tian-Chan  où  Mr.  Alpheraki  ^a^ 
capturée  un  peu  partout,  depuis  le  mois  de  Mai  jusqu'en  Août, 
à  une  altitude  variable  entre  1200  et  3000  mètres;  elle  passe 
ensuite  dans  les  alpes  de  l'Ala-Tau,  longe  toute  la  crête  de  l'Altai 
jusque  dans  la  Sibérie  orientale,  sans  offrir  de  variations  notables 
sur  cet  immense  parcours.  En  somme,  cette  race  particulière 
remplace  en  Asie  l'Apollo  d'Europe. 

Nous  croyons  devoir  mentionner  ici  un  Parnassien  mâle  très 
remarquable  que  Mr.  Alpheraki  signale  à  notre  attention  dans 
son  ouvrage  „Lépidoptères  du  district  de  Kouldja",  et 
qu'il  croit  être  un  hybride  entre  la  présente  variété  Hesebolus 
et  le  type  qu'il  a  nommé  Discobolus.  Cet  exemplaire  unique 
qui  mesure  77  millimètres  d'envergure,  a  les  ailes  aussi  blanches 
que  la  race  sibérienne  d'Apollo;  et  les  supérieures  offrent  égale- 
ment le  même  aspect,  sauf  cependant  que  leur  tache  interne  est 
vaguement  pupille  de  rouge.  Mais  les  ailes  inférieures,  paraît-il, 
rapellent  tout-à-fait  celles  de  Discobolus  par  la  double  tache  anale 
qui  est  grosse,  ronde  et  très  noire,  ainsi  que  par  la  bande  anté- 
marginale  qui  est  formée  d'une  série  de  gros  points  détachés. 


—     91     — 

L'auteur  ne  nous  dit  pas  si  la  marginale  de  cet  exemplaire 
est  aussi  obscure  que  celle  qui  caractérise  la  forme  typique  du 
Tian-Chan;  mais,  malgré  Tominion  de  ce  détail,  il  est  probable, 
en  effet,  que  le  papillon  dont  il  s'agit  est  le  produit  d'un  croise- 
ment naturel  entre  Discobolus  et  Hesebolus,  parce  qu'il  ne  peut 
être  rapporté  à  aucun  autre  type  connu.  Cette  opinion  paraît 
d'autant  plus  vraisemblable,  que  Mr.  Alpheraki  a  constaté  lui- 
même  dans  le  cours  de  ses  explorations  le  fait  d'un  accouplement 
adultérin  entre  les  deux  espèces  précitées. 

Ce  curieux  métis  a  été  capturé  à  2200  mètres  d'altitude, 
sur  un  haut  plateau  situé  dans  le  voisinage  de  la  rivière  Archane. 


Parnassius  Nomion,  Fischer. 

Fischer  de  Waldheim.    Entomologie   de   la   Russie    (année    1823),   II, 

page  242,  pi.  6. 
Boisduval.     Species  Général,  page  397,  No.  2. 
Duponchel.     1,  43,  1. 

Herrich-Schaeffer.     Systematische  Bearbeitung,  316,  409,  410. 
Staudinger.     Catalogue  1871,  N»-  14. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  12,  fig.  2  (c^^). 

Ce  qui  frappe  tout  d'abord  l'attention  quand  on  compare 
cette  espèce  à  ses  similiaires  et  surtout  à  Apollo  dans  le  voisi- 
nage duquel  elle  vient  naturellement  se  placer,  c'est  sa  grande 
taille,  l'ampleur  de  ses  ailes  et  la  vivacité  des  taches  et  des 
dessins  dont  elles  sont  ornées.  En  effet,  Nomion  est  ordinairement 
plus  grand  qu'Apollo;  ses  ailes  sont  relativement  beaucoup  plus 
larges  et  le  contour  externe  des  supérieures  est  aussi  mieux  arrondi. 
Les  taches  noires  qu'on  remarque  sur  ces  organes  sont  fort  grosses, 
d'un  noir  profond;  et  celle  qui  occupe  le  bord  interne,  se  trouve 
vaguement  pupillée  de  rouge.    L'antémarginale,  très  vive  et  formée 


—     92     — 

d'une  suite  d'arceaux  épais  et  bien  liés  entre  eux,  offre  à  peu 
près  la  même  disposition  que  celle  de  notre  espèce  française; 
c'est-à-dire  qu'elle  coupe  l'aile  depuis  la  côte  jusqu'au  bord  in- 
terne, mais  elle  est  beaucoup  mieux  marquée.  La  marginale, 
uu  peu  transparente,  est  également  bien  indiquée;  mais  à  l'Iuverse 
de  celle  d'Apollo,  elle  est  limitée  à  l'extérieur  par  une  frange 
très  blanche,  largement  entrecoupée  de  noir  à  l'intersection  de 
toutes  les  nervures.  Enfin  un  semis  d'écaillés  noirâtres  obscurcit 
plus  ou  moins  complètement  le  disque  de  l'aile  à  la  place  où 
s'épanouit  la  nervure  médiane. 

Les  ailes  inférieures  de  Nomion  présentent  les  mêmes  dessins 
généraux.  L'antémarginale  y  est  également  très  apparente  et  tou- 
jours beaucoup  plus  que  celle  d'Apollo,  mais  la  marginale  n'est 
pas  uniformément  obscure;  elle  consiste  en  une  suite  continue 
de  taches  semilunaires  qui  viennent  aboutir  jusqu'aux  franges 
de  part  et  d'autre  de  l'intersection  des  nervures. 

Les  ocelles  sont  larges,  carminées  et  très  franchement  pu- 
pillées  de  blanc.  Le  cercle  noir  et  épais  qui  les  entoure,  contribue 
à  leur  donner  beaucoup  d'éclat.  Une  autre  tache  rouge,  mais 
bien  moins  vive  que  les  précédentes,  se  remarque  en  outre  contre 
la  base. 

Ainsi  qu'on  le  remarque  chez  la  grande  majorité  des  Parnassiens, 
le  bord  abdominal  est  lavé  d'une  teinte  noire  un  peu  sablée 
d'atomes  grisâtres;  elle  est  analogue  à  celle  qui  existe  chez  notre 
espèce,  mais  elle  est  mieux  accentuée,  et  le  crochet  qu'elle  forme 
à  sa  partie  inférieure  est  plus  saillant,  car  il  remonte  le  long 
de  la  cellule  discoïdale  qu'il  entoure  en  partie. 

Le  corps -de  Nomion  n'est  pas  uniformément  noir;  il  est  re- 
couvert d'un  duvet  jaunâtre  très  court  et  d'une  sorte  de  poussière 
écailleuse  qui  lui  donne  un  aspect  farineux.    Quant  aux  antennes. 


—     93     — 

elles  sont  très  vivement  entrecoupées,  et  leur  massue  est  d'un 
noir  profond. 

La  face  inférieure  de  ce  Parnassien  reproduit  avec  moins 
de  vivacité  les  dessins  du  dessus.  Mais  on  remanfue  que  de  ce  côté 
les  ocelles  sont  plus  largement  lavées  de  blanc  et  qu'il  existe 
quatre  taches  basilaires  rouges,  très  vivement  bordées  de  noir, 
mais  dont  les  deux  supérieures  seules  sont  bien  saturées  en 
couleur,  les  autres  étant  ordinairement  plus  ou  moins  obscurcies 
par  un  semis  d'écaillés  noirâtres. 

Cette  description  ne  concerne  (jue  le  mâle.  La  femelle  se 
distingue  de  l'autre  sexe  par  un  aspect  plus  rembruni,  par  l'élar- 
gissement de  tous  les  dessins  et  par  la  présence  de  macules 
rouges  sur  les  taches  interne  et  anale;  son  abdomen  est  large- 
ment dénudé  et  la  poche  cornée  qu'il  supporte,  est  très  voisine 
de  celle  d'Apolio  et  de  la  plupart  des  Carinati. 

Le  Nomion  est  un  Parnassien  fort  variable;  quoique  ses 
ailes  affectent  d'ordinaire  un  ton  d'un  blanc  presque  pur,  on 
trouve  certains  exemplaires  qui  sont  plus  franchement  jaunâtres. 
L'ampleur  des  bandes  transverses  varie  aussi,  bien  qu'elles  soient 
cependant  toujours  franchement  accusées;  et  le  sablé  noirâtre 
«lui  recouvre  le  disf|ue  des  ailes  supérieures  s'atténue  quelques 
fois  au  point  de  disparaître  chez  certains  sujets  d'un  ton  très  clair. 

Cette  espèce,  l'une  des  plus  anciennement  connues  parmi 
celles  de  l'Asie,  appartient  ù  la  faune  du  sud-est  du  continent 
sibérien.  Selon  Ménétriès  on  commence  à  la  rencontrer  sur 
les  montagnes  qui  dominent  Irkutsck  et  Kiachtka;  elle  passe 
ensuite  dans  le  territoire  situé  au  nord  du  lac  Haikal  dans  le 
voisinage  de  l'Ussuri,  et  devient  très  fréquente  dans  toutes  les 
régions  alpines  (ju'arrose  l'Amour.  Il  est  probable  qu'elle  descend 
jusque  sur  les  alpes  du   nord  de  la  Chine.     Sa  présence  a  été 


—     94 


également  signalée  dans  les  possessions  russes  de  l'Amérique 
du  Nord  (gouvernement  d'Alaska)  et  selon  Mr.  Boisduval  elle 
habiterait  aussi  les  montagnes  de  la  Californie. 


Parnassius  Acthis,  Eversuiauu. 


Eversmann.     Bulletin  de  la  Société  impériale  des  naturalistes  de  Moscou 

(année  1843),  III,  540,  pi.  9,  fig.  2  a,  b. 
Herrich-Schaeffer.     Systematische  Bearbeitung,  634,  635. 
Staudinger.     Catalogue,  N°-  18. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  10,  fig.  2  (S). 

Actius  est  intermédiaire  entre  Apollo  et  Nomion,  il  présente 
par  conséquent  un  mélange  des  caractères  qui  sont  propres  à  ces 
deux  espèces.  Néanmoins,  il  est  plus  voisin  du  premier  que  du 
second;  voilà  pourquoi  nous  le  comparerons  de  préférence  à  notre 
forme  française. 

11  est  d'abord  beaucoup  plus  petit  qu' Apollo,  et  ses  ailes 
sont  proportionellement  plus  courtes.  Le  bord  externe  des  supé- 
rieures est  plus  droit,  ce  qui  donne  à  l'apex  un  contour  moins 
arrondi.  Les  taches  que  portent  ces  organes,  sont  bien  indiquées 
et  surtout  celles  qui  couvrent  en  partie  la  cellule  discoïdale;  tandis 
que  l'interne  au  contraire  est  plus  réduite  que  chez  les  espèces 
comparatives  et  ne  présente  jamais  de  trace  d'écaillés  rouges 
dans  son  centre.  Mais,  le  signe  le  plus  distinctif  du  Parnassien 
dont  il  s'agit,  réside  dans  l'aspect  des  bandes  marginale  et  anté- 
marginale.  La  première,  assez  fortement  rembrunie,  est  étroite 
et  ne  descend  à  partir  de  l'apex  que  jusque  vers  la  troisième 
branche  de  la  nervure  médiane;  et  la  seconde,  de  la  même  lon- 
gueur, est  formée  d'une  suite  de  5  ou  6  points  irréguliers, 
disjoints    qui    s'arrêtent    vers    le    milieu    du    disque    de    l'aile. 


—     95     — 

Ces  deux  bandes  sont  au  contraire  beaucoup  plus  larges  et  bien 
mieux  accusées  chez  ApoUo  et  chez  Nomion  où  elles  atteignent 
le  bord  interne. 

Les  ailes  inférieures  d'Actius  sont  dessinées  à  peu  près 
comme  celles  de  notre  espèce  française;  on  y  relève  cependant 
les  différences  suivantes:  Les  franges  (c'est  aussi  le  cas  des  ailes 
antérieures)  sont  nettement  entrecoupées  de  noir  à  l'extrémité 
des  nervures,  sans  l'être  toutefois  aussi  largement  que  celles  de 
Nomion.  L'antémarginale  est  plutôt  ponctiforme  que  flexueuse;  les 
ocelles,  assez  petites,  sont  d'un  rouge  un  peu  pâle,  mais  très 
grossement  cerclées  de  noir.  Le  lavis  de  la  base  est  plus  épais 
et  plus  étendu  que  celui  d'Apollo;  il  rappelle  plutôt  celui  de 
Nomion;  c'est-à-dire  qu'il  couvre  une  partie  de  la  cellule  dis- 
coïdale  au  bas  de  laquelle  il  forme  un  crochet  très  saillant. 

Aucun  caractère  important  n'est  à  relever  sur  la  face  inférieure 
de  ce  papillon,  si  ce  n'est  cependant  que  les  quatre  taches  basi- 
laires  sont  d'un  rouge  fort  pâle,  qu'elles  sont  très  largement 
bordées  de  noir  et  que  les  deux  plus  basses  sont  ordinairement 
oblitérées  par  un  semis  d'écaillés  ol)Scures. 

Ce  Parnassien  dont  nous  ne  connaissons  que  le  sexe  mâle, 
est  ordinairement  d'un  blanc  presque  pur.  Nous  avons  cependant 
sous  les  yeux  un  exemplaire  d'un  ton  un  peu  jaunâtre  et  dont 
les  dessins  sont  aussi  un  peu  plus  épais  que  d'ordinaire,  ce  qui 
prouve  que  l'espèce  est  susceptible  de  varier. 

Actius,  de  tout  temps,  a  été  considéré  comme  une  grande 
rareté;  car,  pendant  près  de  trente  ans,  on  ne  connaissait  guère 
de  cette  espèce  que  les  exemplaires  que  Mr.  Schrenck  avait  dé- 
couverts en  1842  sur  les  sommets  élevés  qui  dominent  la  ville 
de  Tarbagatai;  mais  les  nombreuses  explorations  qui  ont  été 
dirigées    ces   dernières   années   dans    les   différentes    parties    du 


—     96     — 

Turkestan  russe,  ont  singulièrement  multiplié  les  stations  que 
fréquente  ce  Parnassien.  C'est  ainsi  qu'il  a  été  rencontré  suc- 
cessivement dans  les  alpes  d'Ala-Tau  par  Mr.  Haberhauer,  dans 
celles  de  la  grande  chaine  du  Tian-Chan  par  Mr.  Alpheraki  qui 
nous  apprend  que  ce  papillon  vole  de  préférence  sur  les  montagnes 
situées  au  nord  du  grand  plateau  Jouldousse  (district  de  Kouldja) 
à  une  très  grande  altitude  et  dans  des  lieux  arrides  où  croissent 
des  Saxifraga.  Il  habite  aussi  les  montagnes  de  Hazreth,  au  sud 
de  Samarkand,  celles  d'Osch  dans  l'Alai-Pamir  (province  de 
Kokand);  et  Mr.  Grum-Grrshimaïlo  a  signalé  sa  présence  dans 
les  alpes  du  Transalai  près  de  Karajetin.  Actius  par  conséquent 
est  moins  rare  qu'on  ne  le  pensait,  puisqu'il  est  largement  ré- 
pandu dans  tout  le  Turkestan  et  sur  toutes  les  alpes  de  la 
Songarie  jusqu'à  la  naissance  de  la  chaine  de  l'Altai. 


Paruassins  Rhodîns,  Uonrath. 


Honrath.     Ueber  eiiie  Lokalform  des  Parn.  Actius  (Berliner  Entomologische 

Zeitschrift,  Bd.  XXVI,  1882.     Heft  1,  page  178,  pi.  2,  fîg.  6  (?. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  9,  fig.  1  ((?),  fig    2  (Ç). 

Nous  avons  reçu  sous  ce  nom  (in  litteris)  du  savant  lépi- 
doptériste  de  Dresde  et  comme  variété  d' Actius  deux  paires  d'un 
Parnassien  découvert  il  y  a  quelques  années  déjà  dans  l'Asie 
centrale,  lequel  offre  effectivement  au  premier  abord  une  certaine 
ressemblance  avec  l'espèce  que  nous  venons  de  décrire.  Cependant, 
quand  on  compare  attentivement  ces  deux  formes  l'une  à  l'autre 
et  mâle  à  mâle,  on  découvre  immédiatement  entre  elles  des  diffé- 
rences notables  et  trop  importantes,  selon-nous,  pour  n'être  l'in- 
dice que  d'une  simple  variation. 


—     97     — 

En  effet,  bien  que  ces  deux  types  de  papillons  aient  la  même 
taille  et  un  aspect  fort  approchant,  ils  s'éloignent  l'un  de  l'autre 
par  un  ensemble  de  caractères  précis  que  nous  allons  résumer. 
Les  ailes  supérieures  de  Rhodius  sont  plus  arrondies  au  sommet 
et  au  bord  externe;  la  marginale  est  plus  large;  elle  descend 
régulièrement  depuis  l'apex  jusqu'à  l'angle  opposé.  L'anté- 
marginale  est  composée  d'une  suite  de  chevrons  assez  fins,  aigus 
et  continus  qui  règne  depuis  la  côte  où  elle  n'est  pas  sinuée 
jusque  tout  près  du  bord  interne.  La  tache  noire  voisine  de  ce 
dernier  est  marquée  de  rouge  de  même  que  les  macules  costales. 
La  dissemblance  est  toute  aussi  grande  aux  ailes  inférieures, 
car  la  bande  antémarginale  est  plus  fine  et  plus  continue  que 
celle  d'Actius;  le  limbe  qui  précède  les  franges,  est  plus  obscurci, 
le  lavis  basilaire  moins  élargi  que  celui  de  cette  dernière  espèce, 
est  plus  sablé  d'écaillés  blanchâtres;  les  ocelles  réunies  deux-à- 
deux  par  un  trait  noirâtre  sont  plus  vives;  enfin  il  existe  à  la 
base  de  Rhodius  une  tache  rouge  très  distincte  qu'on  ne  remarque 
jamais  chez  son  type  prétendu. 

La  comparaison  du  dessous  fait  ressortir  en  outre  des 
caractères  précédents  une  disposition  spéciale  des  taches  basilaires 
lesquelles,  bien  saturées  toutes  les  quatre  et  finement  bordées  de 
noir,  sont  aussi  plus  ramassées  sur  elles-mêmes  et  les  deux  ma- 
cules anales,  toutes  uniformes  de  l'autre  côté,  sont  ici  bien 
marquées  de  rouge. 

La  femelle  de  ce  Parnassien  ne  diffère  guère  du  mâle  si  ce 
n'est  par  la  marginale  des  ailes  inférieures  qui  est  plus  rem- 
brunie chez  ce  sexe  et  forme  une  bande  très  distincte,  et  par  la 
pupille  rouge  qui  occupe  le  centre  des  macules  anales.  Ajoutons 
que  la  poche  cornée  de  cette  espèce  (voir  pi.  2,  fig.  5  et  6)  est 
brune,    fortement  comprimée  latéralement  avec  une  carène  très 

7 


—     98     — 

longuement  atténuée  en  avant  et  qui  ne  dépasse  pas  le  niveau 
de  la  caverne. 

C'est  un  entomologiste  allemand,  Mr.  Edouard  G.  Honrath,  de 
Berlin,  qui  a  publié  Rhodius  dans  la  revue  scientifique  mentionnée 
eu  tête  de  cet  article;  mais,  lorsqu'on  se  reporte  à  la  fig.  2  de 
la  pi.  6  du  recueil  dont  il  s'agit,  laquelle  représente  avec  une 
grande  perfection  un  mâle  de  ce  Parnassien  nouveau,  on  remarque 
immédiatement  qu'il  n'y  a  pas  identité  entre  le  type  que  nous 
venons  de  décrire  et  celui  de  cette  figure.  Celle-ci  reproduit,  il  est 
vrai,  la  tache  rouge  si  caractéristique  qui  existe  à  la  base  des 
secondes  ailes  du  Rhodius  de  Staudinger;  mais  elle  ne  porte 
aucune  trace  de  celles  qui  saturent  si  franchement  les  costales 
et  l'interne  de  cette  même  forme.  Du  reste  les  marginales  su- 
périeures sont  beaucoup  plus  étroites  et  les  antémarginales  des 
quatre  ailes  au  contraire  plus  épaisses  chez  l'exemplaire  de  la 
Berliner  Entomologische  Zeitschrift  que  chez  ceux  de 
notre  collection,  et  le  ton  des  ailes  est  aussi  plus  jaunâtre.  Ces 
dissemblances  nous  inclinent  à  penser  que  ces  deux  formes  de 
Parnassiens  ne  sont  pas  les  mêmes,  et  que  si  l'on  considère,  en 
vertu  du  principe  de  la  priorité,  comme  étant  le  véritable  Rhodius 
le  type  de  Mr.  Honrath,  il  faut  admettre  que  celui  du  docteur 
Staudinger  en  est  distinct  au  moins  à  titre  de  variété  qu'il  serait 
utile  dès  lors  de  désigner  sous  un  nom  spécial.  Cette  opinion 
nous  paraît  d'autant  mieux  fondée,  que  le  spécimen  qui  a  servi, 
de  modèle  à  l'entomologiste  de  Berlin  est  originaire  de  Ladack 
(Himalaya),  tandis  que  nos  exemplaires  proviennent  du  Turkestan. 
Ceux-ci  constitueraient  donc,  à  notre  avis,  une  forme  géographique 
constante  du  Rhodius  de  l'Indoustan. 

A  propos  de  cette  espèce,  Mr.  Honrath  se  livre  à  des  con- 
sidérations tout-à-fait  inattendues  et  fort  étranges  sur  la  parenté 


—     99     — 

de  certains  Parnassiens;  il  affirme  non  seulement  l'identité  spéci- 
fique de  Rhodius  et  d'Actius  sous  prétexte  qu'il  existe  dans  la 
nature  des  exemplaires  formant  transition  entre  ces  types  opposés, 
mais  il  soutient  encore  que  les  Parn.  Jacquemontii,  Boisd.  et 
Epaphus,  Oberthur  (Jacquemontii,  Gray),  ne  sont  eux-mêmes 
que  de  simples  variétés  géographiques  d'Actius  qui  serait  ainsi 
susceptible  d'éprouver  des  modifications  profondes.  Nous  n'avons 
pas  à  nous  occuper  de  ces  deux  espèces  qui  ne  font  pas  partie 
de  la  Faune  Paléarctique.  Nous  ferons  remarquer  pourtant  que 
l'une  et  l'autre  sont  absolument  distinctes  de  l'Actius  d'Evers- 
mann  dont  elles  diff'èrent  beaucoup  plus  que  Rhodius  lui-même, 
et  que  si  l'on  entre  dans  cette  voie  d'assimilation  excessive 
il  n'y  a  aucune  raison  de  ne  pas  rattacher  à  la  forme  de  la 
Songarie,  et  Discobolus  avec  ses  variétés,  et  Insignis,  et  Romanovi, 
voire  même  Honrathi,  chez  lesquels  avec  de  la  bonne  volonté 
il  serait  facile  de  retrouver  certains  traits  de  parenté  plus  ou 
moins  lointains  avec  Actius. 

S'il  était  permis,  sous  prétexte  de  transitions,  d'identifier 
des  types  aussi  éloignés,  il  est  bien  peu  d'espèces  qui  résisteraient 
à  la  critique,  et  cela  dans  tous  les  genres  de  Lépidoptères. 

La  nature,  en  effet,  dans  l'enchaînement  des  êtres  organisés, 
procède  toujours  par  transitions;  elle  relie  entre  elles  les  formes 
extrêmes  par  une  série  de  termes  mitoyens  en  vertu  de  la 
continuité  qui  est  sa  loi  la  plus  générale,  de  sorte  que  si  l'on 
se  croyait  autorisé  à  réunir  sous  la  notion  commune  de  l'espèce 
tous  les  êtres  que  la  nature  n'a  pas  brusquement  séparés, 
on  introduirait  en  zoologie  une  sorte  de  Panthéisme  qui 
aboutirait  fatalement  à  la  négation  de  l'espèce,  comme  il  peut 
se  réduire  dans  le  domaine  des  idées  pures  à  la  négation  des 
individus. 

7* 


—     100     — 

Rappelons  ici  ce  que  nous  avons  exposé  dans  notre  préface 
que  la  notion  de  l'espèce  ne  répond  pas  à  un  être  réel  et  absolu, 
qu'elle  est  une  simple  conception  subjective  de  l'esprit  basée  sur 
l'empirisme,  et  qui  nous  sert  à  parvenir  à  la  connaissance  claire 
et  exacte  de  nos  idées  sensibles,  notamment  de  celles  qui  concernent 
les  individualités.  Assimiler  dans  ces  conditions  telle  forme  spé- 
ciale à  telle  autre,  c'est  constater  simplement  leur  degré  d'analogie, 
mais  ce  n'est  pas  résoudre  la  question  de  leur  filiation  qui  n'existe 
au  fond  que  dans  nos  idées. 

Le  Parnassius  Rhodius  a  été  découvert  dans  les  alpes 
d'Alai  (province  de  Kokand),  où  il  vole  avec  son  congénère 
Insignis.  Le  type  de  la  Berliner  Zeitschrift  est  propre  au  con- 
traire, ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  aux  hautes  montagnes 
des  environs  de  Ladack,  (Himalaya). 


Farnassins  Discoboliis,  Alpheraky. 


Alpheraky.     Corybas  var.  Discobolus:    Lépidoptères    du    district   de 

Kouldja,  tome  1,  pages  16  à  18  (année  1881). 
Staudinger.     Ueber  einige  Parnassius  Central- Asiens  (Berliner  Entomo- 

logische  Zeitschrift  1882.     Bd.  XXVI,  pi.  1,  fig.  1). 
id.    Corybas  var.  Tianchanica  (in  litteris). 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  7,  fig.  2  cj,  fig.  3  Ç, 

Les  premiers  exemplaires  de  cette  espèce  qui  aient  paru 
au  jour,  sont  ceux  que  Mr.  Haberhauer  recueillit  en  nombre,  en 
1878,  dans  les  montagnes  d'Ala-Tau  et  qui  seront  décrits  plus 
loin  sous  le  nom  de  variété  Minor.  Mr.  Staudinger  les  répandit 
d'abord  dans  les  collections  comme  Corybas,  parce  qu'il  les  croyait 
identiques  à  l'espèce  si  douteuse  que  Fischer  de  Waldheim  localise 
dans  le  Kamtchatka  et  qui  n'a  jamais  été  reprise  par  personne. 
Plus  tard,  Mr.  Erschofif,    de  St.  Pétersbourg,   attribua  le  même 


—     101     — 

nom  de  Corybas  à  une  autre  forme  actuellement  connue  sous 
terme  de  Honrathi,  Stgr.  que  Mr.  Fedtschenko  avait  rapportée 
du  Turkestan;  et  Mr.  Alpheraky  assimila  également  au  Corybas, 
mais  à  titre  de  variété  et  sous  le  nom  de  Discobolus,  un  Par- 
nassien voisin  des  exemplaires  d'Ala-Tau  qu'il  avait  rencontré 
dans  les  montagnes  du  Tian-Chan.  Le  vocable  de  Fischer  ayant 
été  écarté  définitivement,  non  seulement  parce  que  l'espèce  qu'il 
représente  n'est  identique  à  aucune  des  formes  de  l'Asie  centrale, 
mais  encore  parce  qu'il  est  à  peu  près  universellement  reconnu 
qu'elle  est  fictive,  le  nom  de  Discobolus  revient  de  droit  au  type 
du  Tian-Chan  aussi  bien  que  celui  de  l'Ala-Tau  dont  il  ne  diffère 
pas  très  sensiblement. 

Quoi  qu'il  en  soit  des  fluctuations  qu'a  éprouvées  la  dé- 
termination du  Parnassien  dont  il  s'agit,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  la  forme  que  nous  a  fait  connaître  l'explorateur  du 
district  de  Kouldja,  constitue  une  espèce  bien  distincte  de  ses 
autres  congénères. 

Comme  taille,  ce  papillon  est  à  peu  près  aussi  grand  que 
notre  Apollo;  mais  ses  ailes  sont  en  proportion  moins  allongées 
et  le  bord  externe  des  supérieures  est  plus  droit.  Ces  organes, 
chez  les  mâles,  sont  d'un  ton  jaunâtre  très  prononcé  et  se  trou- 
vent rembrunis  par  un  semis  d'écaillés  noirâtres  qui  s'accumulent 
surtout  sur  la  région  du  disque  et  à  la  base;  leurs  taches  sont 
larges  et  vives,  les  deux  costales  et  l'interne  ont  leur  centre  lavé 
de  rouge.  L'antémarginale,  un  peu  sinuée  par  en  haut,  est  poncti- 
forme  et  légèrement  diffuse;  par  contre,  la  marginale  est  régulière- 
ment obscurcie  depuis  l'apex  jusqu'à  l'angle  opposé.  Cette  bande 
a  le  même  aspect  aux  ailes  inférieures,  c'est-à-dire  qu'elle  occupe 
d'une  manière  continue  tout  le  bord  externe;  l'antémarginale  qui 
lui  succède  est  formée  d'une  suite  de  gros  points  irréguliers  et 


—     102     — 

disjoints.  On  remarque  en  outre  que  les  ocelles  très  grandes  et 
largement  cerclées  de  noir,  sont  d'un  carmin  fort  vif  et  à  peine 
pupillées  de  blanc,  que  le  lavis  basilaire  très  noir  entoure  presque 
complètement  la  cellule  discoïdale  et  qu'il  s'étend  jusqu'aux  taches 
anales  qui  sont  formées  de  deux  très  gros  points  noirs  à  peu  près 
contigus. 

Le  dessous  de  Discobolus  ne  présente  aucune  particularité 
remarquable,  si  ce  n'est  que  les  ocelles  y  sont  largement  teintées 
de  blanc,  les  anales  marquées  de  rouge,  et  les  basilaires  circon- 
scrites à  l'extérieur  par  des  traits  noirs  et  diffus. 

La  femelle  de  ce  Parnassien,  lorsqu'on  ne  tient  pas  compte 

des   exemplaires   plus    ou    moins    aberrants   qui   sont   cependant 

nombreux,   est  presque  semblable  au  mâle;  elle  n'en  diffère  que 

par  une  taille  un  peu   plus  grande,    par   la  macule  rouge   qui 

orne  l'une  des  deux  taches  anales,    par  le  ton  plus  obscurci  de 

ses  ailes,   et  surtout  par  la  présence  de  la  poche  cornée  qui  est 

formée  sur  le  même  plan  que  celle  d'Apollo.     Toutefois,  quand 

on  compare  cet  organe  chez  ces  deux  espèces  (voir  pi.  2,  fig.  3,  4 

et  pi.  3,  fig.  1,  2),    on  constate  que  la  caverne  de  Discobolus 

est  plus  allongée,  et  que  sa  carène,  fort  large  et  saillante,  n'est 

pas  soudée  à  sa  partie  antérieure  contre  les  segments  de  l'abdomen. 

Par  cette  particularité,  cette  poche  est  aussi  très  analogue  à  celle 

d'Apollonius  représentée  pi.  2,  fig.  1,  2.     Les  femelles  du  reste, 

sont  fort  variables;   les  unes   sont   un   peu  ternes  et  grisâtres; 

d'autres  sont  très  largement  sablées  d'écaillés  noires  et  se  relient 

par  des  transitions  nombreuses  à  l'aberration  Nigricans  dont  il 

sera  question  ci-dessous  et  qui  constitue  un  cas  de  mélanisme 

remarquable. 

La    forme    typique    de   Discobolus    paraît    être    tout- à -fait 
spéciale   aux   montagnes   du   Tian-Chan    où  Mr.  Alpheraky  l'a 


103 


rencontrée  un  peu  partout  à  une  altitude  moyenne  de  1200  à 
1800  mètres.  Elle  commence  à  voler  en  Mai  et  continue  à  pa- 
raître une  grande  partie  de  l'année. 


Aberration  $  Nigricans,  Staudinger. 


Staudinger.    Ueber  eiuige  Parnassius  etc.  (Berliner  Entomologische  Zeit- 

schrift,  pi.  1.  fig.  2,  2  a  Ç.) 
Alpheraky.     Corybas  var.  Discobolus.     Lépidoptères    du    district    de 

Kouldja,  tome  1,  pages  16  à  18. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  8,  fig.  3  Ç. 

Nous  venons  de  dire  que  la  femelle  de  Discobolus  a  des 
caractères  fort  inconstants  en  ce  sens  qu'elle  manifeste  une  ten- 
dance à  l'obscurcissement.  En  effet,  on  trouve  dans  les  montagnes 
de  Kouldja  une  forme  de  ce  sexe  qui  est  presque  entièrement 
noire,  et  dont  il  serait  difficile  de  reconnaître  l'identité,  si  ces 
exemplaires  mélaniens  n'étaient  rattachés  au  type  normal  par 
des  passages  graduels. 

L'aberration  dont  il  s'agit  se  distingue  des  sujets  ordinaires 
de  nuance  foncée  par  l'aspect  un  peu  diaphane  de  ses  ailes  et 
par  l'intensité  tout-à-fait  inusitée,  du  semis  d'écaillés  noires  qui 
recouvrent  presque  complètement  ces  organes.  Cet  envahissement 
a  pour  effet  d'oblitérer  la  couleur  jaunâtre  du  fond  qui  ne  sub- 
siste plus  guère  aux  ailes  supérieures  qu'entre  les  taches  dis- 
coïdales  et  les  costales,  et  aux  inférieures  dans  l'entourage 
extérieur  de  la  cellule;  chez  quelques  exemplaires  on  distingue 
encore  à  peine  la  trace  des  bandes  transverses;  mais  il  en  est 
d'autres  où  tout  indice  de  ces  dessins  a  disparu.  Quant  aux 
taches  rouges,  elles  paraissent  plus  élargies  que  celles  des  femelle? 
typiques,  et  c'est  notamment  le  cas  des  ocelles  t|ui  acquièrent 


—     104     — 

parfois  une  ampleur  anormale,  et  dont  la  forme  est  un  peu  allongée 
dans  le  sens  des  nervures.  Les  taches  anales,  fort  larges,  sont 
ordinairement  pupillées  de  carmin,  et  les  franges  des  quatre  ailes 
qui  sont  obscurément  entrecoupées  chez  le  type  paraissent  ici 
d'un  noir  uniforme. 

Ces  caractères  toutefois  n'offrent  pas  de  fixité,  car  on  ren- 
contre dans  la  nature  des  individus  plus  ou  moins  obscurs  qui 
unissent  cette  aberration  à  la  forme  normale.  C'est  cependant 
avec  raison,  pensons-nous,  qu'elle  a  été  désignée  sous  un  nom 
spécial. 

Mr.  Alpheraky  à  qui  nous  sommes  redivables  de  ce  beau 
Parnassien,  nous  apprend  aussi  qu'il  vole  dans  le  Tian-Chan 
concurremment  avec  le  type,  mais  qu'on  cesse  de  le  trouver  dès 
qu'on  dépasse  une  altitude  moyenne  de  2000  mètres. 


Variété  Minor,  Staudinger. 


Staudinger.     Ueber  einige  Parnassius  etc.  (Berliner Entomologische  Zeit- 

schrift,  1882,  pi.  1,  fig.  3  S)- 
id.    Corybas  (in  litteris). 
Alpheraky.     Corybas  var.  Discobolus.     Lépidoptères   du    district    de 

Kouldja,  tome  1,  pages  16  à  18. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  8,  fig.  1  S,  ^g-  2  $.. 

C'est  la  forme  de  Discobolus  la  plus  anciennement  connue 
que  Mr.  Haberhauer  découvrit  en  1878  dans  les  montagnes  d'Ala- 
Tau  (Songarie),  qu'il  retrouva  en  1881  sur  les  hauts  sommets 
des  alpes  de  Hazreth  (province  de  Samarkand),  et  que  le  docteur 
Staudinger  répandit  d'abord  dans  les  collections  sous  le  nom  de 
Corybas,  Fischer.  Les  deux  exemplaires  de  notre  planche  8  qui 
sont  originaires  de  cette  dernière  localité,  sont  en  tous  points 
semblables  à  la  grande  forme  de  Kouldja  décrite  ci-dessus,  sauf 


—     105     — 

en  ce  qui  concerne  la  taille  qui  se  trouve  réduite  de  près  d'un 
tiers.  La  couleur  jaunâtre  du  fond,  l'aspect  des  bandes  trans- 
verses, sont  absolument  identiques  de  part  et  d'autre;  mais  les 
spécimens  d'Ala-Tau,  si  l'on  s'en  rapporte  à  la  figure  de  la 
Berliner  Entomologische  Zeitschrift  qui  représente  un  mâle  de 
cette  provenance,  paraissent  un  peu  différents  de  ceux  de  Hazreth. 
En  effet,  leur  teinte  dominante  est  plutôt  grise  que  jaunâtre,  les 
ailes  sont  plus  largement  sablées  de  noir,  les  antémarginales 
plus  dilatées  et  plus  continues,  notamment  celles  des  inférieures 
qui  sont  formées  d'une  suite  de  très  gros  points  triangulaires.  Ce 
type,  par  son  faciès,  rappelle  vaguement  le  Paru.  Insignis,  Stgr. 
dont  il  sera  question  ci-dessous  et  que  les  entomologistes  alle- 
mands considèrent  aussi  comme  une  race  locale  de  Discobolus. 

La  variété  Minor,  à  part  son  envergure  et  le  rétrécissement 
relatif  de  ses  ocelles,  ne  s'écarte  par  conséquent  de  l'espèce 
typique  par  aucun  caractère  positif;  et  nous  pensons  qu'elle  ne 
constitue  en  somme  qu'une  forme  alpine  du  Discobolus  ordinaire, 
ee  qui  expliquerait  l'amoindrissement  de  sa  taille.  Cette  opinion 
du  reste  semble  être  confirmée  par  Mr.  Alpheraky  qui  nous 
apprend  que  les  trois  types  ({u'offre  ce  Parnassien  se  rencontrent 
habituellement  dans  tout  le  Tian-Chan,  mais  à  des  altitudes  di- 
verses; que  la  grande  forme  (Discobolus),  caractérisée  par  l'am- 
pleur de  ses  ailes,  l'éclat  et  l'élargissement  de  ses  ocelles,  n'habite 
qu'à  une  hauteur  de  1200  à  1800  mètres  avec  l'aberration  Nigricans; 
et  qu'à  partir  de  2000  mètres  on  ne  trouve  plus  (lu'une  forme 
réduite  un  peu  terne  qui  paraît  semblable  à  celle  d'Ala-ïau. 
Il  y  a  donc,  au  moins  dans  les  montagnes  do  Kouldja,  une  sorte 
de  superposition  de  deux  races,  dont  la  ligne  de  démarcation  est 
très  appréciable  et  que  l'on  ne  peut  expliquer  que  par  une  diffé- 
rence d'altitude  des  lieux;  et  pour  ce  qui  concerne  les  exemplaires 


—     106     — 

d'Ala-Tau,  aussi  bien  que  ceux  du  Turkestan  méridional,  ils  parais- 
sent avoir  été  recueillis  à  une  hauteur  au  moins  aussi  considérable 
que  celle  qui  sert  dans  le  Tian-Chan  de  limite  inférieure  à  la  petite 
forme  de  ce  Parnassien,  mais  ils  ne  semblent  pas  cohabiter  avec 
l'espèce  typique  dans  ces  deux  stations  opposées  de  l'Asie  centrale. 


Farnassîus  Iiisiguis,  Staudinger. 


Staudinger.     Stettiner  Entomologische  Zeitung,  page  194. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  14,  fig.  1  (S). 

Nous  plaçons  ici  à  la  suite  des  variétés  de  Discobolus  un 
Parnassien  fort  remarquable  qui  a  été  découvert  dans  les 
alpes  du  Transalai,  situées  au  nord  du  plateau  de  Pamir  et  qui 
nous  a  été  envoyé  d'Allemagne,  comme  étant  une  race  géogra- 
phique de  l'espèce  précitée. 

Ce  papillon  dont  nous  avons  sous  les  yeux  deux  exemplaires 
mâle  et  femelle  d'une  grande  fraîcheur,  vient  en  effet  se  ranger, 
par  ses  affinités,  à  côté  de  la  forme  du  Tian-Chan  à  laquelle 
il  convient  dès  lors  de  le  comparer;  mais  tandis  que  Discobolus 
se  distingue  toujours,  même  dans  les  variétés  qu'il  affecte,  par 
la  couleur  franchement  jaunâtre  du  fond,  Insignis  au  contraire 
est  d'un  blanc  pur,  bien  que  ses  ailes  soient  largement  re- 
couvertes d'une  poussière  écailleuse  noirâtre.  La  coupe  de  ces 
dernières  est  aussi  un  peu  différente.  Ces  organes  paraissent 
en  proportion  plus  courts  que  ceux  de  l'espèce  comparative,  et 
c'est  notamment  le  cas  des  inférieurs,  dont  le  contour  est  moins 
arrondi  et  qui  sont  prolongés  dans  la  direction  de  l'angle  anal. 
La  bande  antémarginale  supérieure,  très  continue  d'un  bord  à  l'autre 
à  peu  près  comme  celle  qu'on  remarque  chezHonrathi  ou  chezEhodius, 
est  formée  d'une  suite  de  chevrons  aigus  qui  se  touchent  et  qui 


—     107     — 

déterminent  avant  la  marginale  une  bande  blanche  fortement 
dentée.  Les  costales  et  l'interne,  à  l'instar  de  celles  de  Discobolus, 
sont  très  visiblement  lavées  de  rouge  dans  leur  centre;  mais  il 
existe  chez  Insignis,  vers  la  base  et  sous  là  discoïdale  inférieure, 
une  macule  noire  assez  large  et  un  peu  vaguement  circonscrite  qui 
n'est  reproduite  ni  chez  la  forme  comparative,  ni  chez  aucun  autre 
Parnassien.  Mais  c'est  surtout  dans  la  disposition  des  dessins 
des  ailes  inférieures  que  résident  les  caractères  les  plus  saillants 
de  cette  intéressante  nouveauté.  En  effet,  le  lavis  basilaire  très 
noir  y  est  fort  développé;  il  descend  d'une  part  jusqu'à  l'angle 
anal  où  il  catoie  une  tache  arrondie  et  entoure  de  l'autre  toute 
la  périphérie  de  la  cellule.  L'antémarginale  est  formée  d'une 
série  de  grosses  macules  noires,  triangulaires,  un  peu  confluentes 
par  en  haut,  mais  très  nettement  détachées  les  unes  des  autres 
dans  son  parcour  inférieur.  Enfin  la  marginale  est  moins  bien 
accusée  que  celle  de  Discobolus,  car  cette  partie  de  l'aile  est 
seulement  estompée  d'écaillés  obscures. 

Si  l'on  examine  le  dessous  du  papillon  dont  il  s'agit,  on 
remarque,  en  outre  des  particularités  que  nous  venons  de  relater, 
que  les  basilaires  rouges  sont  plus  petites  et  plus  serrées  que 
celles  de  la  forme  du  Tian-Chan,  et  que  les  lignes  noires  qui 
les  circonscrivent  en  dehors  ont  aussi  plus  de  finesse  et  de  précision. 

La  femelle  d'Insignis  serait  tout-à-fait  semblable  au  mâle, 
si  CQ  n'était  sa  teinte  rembrunie,  l'élargissement  de  ses  dessins 
et  notamment  de  la  bande  antémarginale  des  secondes  ailes  dont 
les  taches  triangulaires  sont  encore  plus  grosses  que  celles  de 
l'autre  sexe,  ainsi  que  les  taches  anales  dont  le  centre  est  pu- 
pille de  rouge.  L'exemplaire  ({ue  nous  avons  sous  les  yeux,  étant 
vierge,  ne  possède  pas  de  poche  cornée;  mais  cet  appareil  doit 
être  fort  voisin  de  relui  des  autres  Carinati. 


—     108     — 

Il  résulte  de  cette  analyse  que  cet  intéressant  Parnassien 
est  une  forme  bien  tranchée  de  son  congénère  Discobolus  avec 
lequel  il  ne  pourra  être  confondu,  malgré  les  transitions  qu'il 
peut  présenter  dans  la  nature,  à  cause  de  sa  teinte  blanche,  de 
la  structure  de  ses  bandes  transverses  et  de  la  disposition  des 
basilaires  du  dessous.  On  pourrait  aussi  comparer  ce  papillon 
à  Honrathi  dont  les  ailes  sont  également  d'un  blanc  pur;  mais 
outre  que  cette  dernière  espèce  se  distingue  suffisamment  des 
formes  voisines,  comme  on  le  verra  plus  loin,  par  ses  antennes 
uniformément  noires,  et  par  les  taches  rouges  qui  existent  à  la 
base  et  à  l'angle  anal  de  ses  ailes  inférieures,  elle  possède  des 
marginales  flexueuses  qui  lui  donnent  un  tout  autre  aspect. 

Si  l'on  tient  compte  de  toutes  ces  dissemblances,  on  arrivera 
à  cette  conclusion  qu'Insignis  est  une  espèce  suffisamment  dis- 
tincte de  celle  du  Tian-Chan  à  laquelle  pourtant  les  entomologistes 
allemands  la  rapportent  à  titre  de  simple  variété. 


Parnassins  Honrathi,  Staudiu^er. 


Staudingev.  Ueber  einige  Parnassius  etc.  (Berliner  Entomologische  Zeit- 
schrift,  Bd.  XXVI,  1882.    pages  161,  162,  pi.  1,  fig.  4  (J,  5,  5a  $). 

Erschoff.  Corybas.  Lepidoptera  collecta  in  expeditione  Turkestani,  duce 
Fedtschenko,  pi.  1  fig.  ],  2  Ç. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  10,  fig.  1  S,  pl-  H,  fig-  2  Ç. 

Bien  que  ce  Parnassien  se  rapproche  par  la  couleur  de  ses 
antennes  d'Apollonius  et  de  Bremeri  avec  lesquels  il  forme  un 
petit  groupe  artificiel  dans  la  section  des  Carinati,  nous  le  rap- 
procherons néanmoins,  pour  les  besoins  de  nos  descriptions,  de 
Discobolus  avec  lequel,  par  l'ensemble  de  ses  caractères,  il  offre 
beaucoup  d'affinité  à  première  vue.    En  effet,  la  taille  et  la  coupe 


—     109     — 

sont  à  peu  près  les  mêmes  chez  ces  deux  espèces,  mais  si  on  compare 
attentivement  entre  eux  deux  sujets  mâles,  on  relève  aisément  les  diffé- 
rences suivantes  :  La  teinte  des  ailes  de  Honrathi,  assez  largement 
sablées  d'écaillés  noires  principalement  à  la  base  et  sur  le  disque, 
est  d'abord  d'un  blanc  à  peu  près  pur.  Aux  antérieures,  les  costales  et 
l'interne  portent  dans  leur  centre  des  taches  rouges  plus  larges  et 
plus  vives  que  celles  de  Discobolus;  la  marginale  est  plus  obscurcie 
et  mieux  arrêtée  du  côte  interne,  tandis  que  l'antémarginale,  non 
sinuée  dans  son  parcours  supérieur,  est  formée  non  de  taches 
disjointes,  mais  d'une  succession  d'arceaux  épais  et  bien  continus. 
Cette  bande  est  surtout  fortement  accusée  aux  ailes  postérieures 
avec  des  caractères  qui  n'existent  jamais  chez  l'espèce  similaire. 
Les  ocelles  que  portent  ces  organes,  très  franchement  pupillées 
de  blanc  toutes  deux  et  largement  cerclées  de  noir,  sont  aussi 
d'un  carmin  plus  intense.  Les  anales  consistent  en  deux  grosses 
macules  inégales,  contigues,  dont  la  plus  extérieure  est  toujours 
lavée  de  rouge.  Quant  au  lavis  abdominal,  il  est  fort  développé, 
d'un  noir  intense  et  légèrement  sablé  de  blanc.  Il  s'appuie  à  la 
base  sur  une  macule  carminée  qu'on  n'aperçoit  jamais  chez 
Discobolus,  entoure  ensuite  tout-à-fait  la  cellule  discoïdale  au 
bas  de  laquelle  il  affecte  un  contour  denté,  et  n'aboutit  pas  jus- 
qu'aux anales  desquelles  il  reste  séparé  par  la  couleur  blanche 
du  fond. 

En  dessous,  les  taches  basilaires  sont  en  outre  moins  espacées 
que  celles  de  l'espèce  voisine  et  les  traits  noirs  qui  les  limitent 
du  côté  extérieur  sont  plus  vifs  et  plus  précis. 

La  femelle  de  cet  intéressant  Parnassien  est  à  peu  près 
semblable  au  mâle,  cependant  ses  ocelles  ont  plus  d'ampleur  et 
sa  teinte  est  généralement  plus  sombre.  L'exemplaire  que  nous 
avons  figuré    sur   notre  planche  10,   appartient,    par   exception, 


—     110     — 

à  un  type  relativement  peu  chargé.  Du  reste,  ce  papillon  paraît 
éprouver  des  variations  au  moins  en  ce  qui  concerne  les  femelles, 
car  celle  que  Mr.  Erschoif  a  fait  représenter  dans  l'ouvrage  cité 
en  tête,  est  très  fortement  rembrunie,  et  elle  manque  aussi  de  la 
tache  rouge  de  la  base  dont  il  a  été  question  ci-dessus  et  que  l'ar- 
tiste a  sans  doute  oublié  de  reproduire.  Cette  tendance  à  l'obscur- 
cissement nous  fait  supposer  que  ce  papillon  passe  à  une  forme  méla- 
nienne,  analogue  à  celle  de  l'espèce  du  Tian-Chan,  que  l'on  décou- 
vrira probablement  un  jour  dans  des  stations  encore  inexplorées. 

Ajoutons  encore  que  les  antennes,  les  pattes,  les  franges  et 
toute  la  face  inférieure  de  l'abdomen  de  ïïourathi  sont  entièrement 
noires;  et  si  on  combine  ces  caractères  importants  à  ceux  que  nous 
venons  de  mentionner,  on  trouvera  qu'ils  sont  plus  que  suffisants 
pour  séparer  ce  Parnassien  des  formes  qui  lui  ressemblent  le 
plus,  aussi  bien  de  Discobolus  que  d'Insigois  avec  lequel  il 
n'offre  également  d'autre  rapport  que  celui  qui  résulte  de  la 
blancheur  de  ses  ailes. 

C'est  Mr.  Fedtschenko,  un  explorateur  russe  très  distingué, 
qui  découvrit  les  premiers  exemplaires  de  ce  beau  Parnassien 
dans  le  Turkestan,  à  Kulbasin,  près  de  Sangi-Djuman,  en  Mai, 
et  à  Kuli-Kalan,  dans  le  district  de  Zarafshan,  en  Juin,  à  une 
altitude  de  2300  mètres  environ,  lesquels  exemplaires  furent 
assimilés,  à  tort  par  Mr.  Erschoff  au  très  problématique  Corybas 
de  Fischer. 

Plus  tard,  en  1881,  Mr.  Haberhauer  le  retrouva  en  Juin 
dans  la  partie  méridionale  de  la  province  de  Samarkand,  sur 
les  alpes  de  Hazreth  où  cette  espèce  vole  peu  nombreuse  à  une 
élévation  de  2500  mètres  avec  la  variété  Minor  de  Discobolus. 


—    111    — 

Paniassius  Romauovi,  Grniii-Grsliimaïlo. 

Grura-Grshimaïlo.     In  litteris. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  10,  fig.  3  (type)  et  pi.  11,  fig.  1  (var.)  S- 

Nous  avons  reçu  sous  ce  nom  du  docteur  Staudinger,  et 
comme  étant  originaire  du  Transalai  situé  au  nord-est  du  pla- 
teau de  Pamir,  un  Parnassien  mâle  fort  remarquable  dont  la 
place  est  également  très  proche  de  celle  de  Discobolus  et  d'Insiguis 
et  qui  ressemble  aussi  à  certains  égards  à  l'Actius  d'Eversmann. 
Ce  papillon  dont  l'envergure  est  aussi  grande  que  celle  de  Nomion, 
se  fait  remarquer  par  ses  ailes  très  claires  et  d'un  blanc  à  peu 
près  pur,  les  supérieures  seules  étant  un  peu  teintées  de  jaunâtre. 
Les  taches  noires  ordinaires  sont  grosses  et  vives,  l'interne  est 
très  largement  marquée  de  rouge  et  même  beaucoup  plus  que  chez 
n'importe  quelle  autre  espèce;  les  costales  au  nombre  de  trois, 
(deux  grosses  et  une  troisième  plus  petite  intermédiaire),  le  sont 
également;  la  plus  basse  est  en  outre  accompagnée  d'une  petite 
tache  noire.  Mais  c'est  surtout  dans  la  forme  des  deux  bandes 
transversales  que  résident  les  caractères  spécifiques  de  cette  nou- 
velle espèce.  En  effet,  l'antémarginale,  sinuée  vers  la  côte, 
consiste  en  une  suite  de  taches  irrégulières  et  disjointes  qui  se 
perdent  vers  le  milieu  du  disque  de  l'aile;  et  quant  à  la  mar- 
ginale, elle  est  relativement  étroite  et  se  termine  en  pointe  obtuse 
avant  de  parvenir  à  l'angle  opposé  au  sommet;  une  frange  blanche 
très  distinctement  entrecoupée  de  noir  à  l'intersection  des  nervures 
la  limite  du  côté  extérieur.  Aux  secondes  ailes  le  lavis  basilaire, 
très  large,  est  un  peu  grisâtre;  il  forme  vers  le  bord  antérieur 
une  saillie  bien  prononcée,  pénètre  ensuite  dans  la  cellule  qu'il 
contourne  par  en  bas  sous  forme  de  crochet,  et  n'aboutit  pas 
tout-à-fait   jusqu'aux   anales   qui   sont  formées   de  trois   taches 


—     112     — 

inégales  et  un  peu  arrondies.  Les  ocelles  plus  élargies  encore 
que  celles  de  Discobolus  et  d'un  rouge  pourpré,  sont  vivement 
cerclées;  l'inférieure  est  pupillée  de  rose  pale;  la  supérieure  au 
contraire  est  uniforme,  mais  l'anneau  qui  l'entoure  est  prolongé 
par  en  bas  en  un  gros  trait  noire  virguliforme  dont  la  pointe 
est  dirigée  vers  le  bord  externe  de  l'aile. 

L'antémarginale  est  ponctiforme  comme  celle  d'Insignis;  cepen- 
dant les  taches  triangulaires  qui  la  composent  sont  en  proportion 
plus  petites  et  mieux  détachées  les  unes  des  autres  ;  la  marginale 
qui  la  suit  est  aussi  à  peu  près  dessinée  comme  celle  de  cette 
dernière  espèce,  c'est-à-dire  qu'elle  est  simplement  lavée  d'écaillés 
obscures. 

Le  dessous  de  ce  beau  papillon  reproduit  le  dessus  avec 
des  nuances  plus  ternes  comme  c'est  le  cas  de  tous  les  Parnas- 
siens; toutefois,  les  basilaires  arrêtées  par  des  lignes  noires  pré- 
cises qui  existent  sur  cette  face,  le  lavis  blanc  du  centre  des 
ocelles  et  l'aspect  spécial  des  taches  anales  qui  simulent  de 
petites  ocelles  qui  se  trouvent  allignées  entre  la  grande  et  le 
bord  abdominal,  contribuent  à  donner  à  l'aile  inférieure  beaucoup 
de  vivacité  de  ce  côté. 

Nous  n'avons  connu  d'abord  cette  espèce  que  par  le  mâle 
unique  que  nous  venons  de  décrire  et  qui  est  bien  typique;  mais 
notre  savant  correspondent  de  Dresde  nous  a  adressé  depuis  un 
autre  mâle  du  même  Parnassien,  récueilli  dans  une  station  plus 
méridionale  (premiers  contreforts  du  Pamir)  et  qui  diffère  un  peu 
de  la  forme  précédente. 

En  effet,  cet  exemplaire,  plus  petit  que  l'autre,  a  les  quatre  ailes 
entièrement  blanches;  les  ocelles  plus  réduites  sont  aveugles  en 
dessus;  les  taches  noires  de  la  ligne  antémarginale  inférieure 
sont  plus  fines.    Mais  le  caractère  le  plus  important  de  cette 


—     113     — 

race  consiste  dans  l'aspect  des  deux  bandes  transverses  des  ailes 
supérieures;  car  la  marginale,  plus  large  que  celle  de  l'autre 
type,  descend  aussi  plus  bas  jusqu'à  l'angle  interne,  et  celle 
qui  lui  succède,  d'abord  flexueuse  vers  la  côte,  devient  ensuite 
franchement  ponctiforme  et  aboutit  presque  jusqu'au  bord 
intérieur. 

Ce  papillon  rappelle  un  peu  Rhodius  dont  il  diffère 
cependant  par  plusieures  particularités,  et  notamment  par 
la  taille  et  par  l'absence  de  la  tache  rouge  qui  existe 
toujours  à  la  base  des  ailes  inférieures  de  cette  dernière 
espèce. 

L'autre  forme,  c'est-à-dire  le  vrai  Romanovi,  ressemblerait 
plutôt,  malgré  sa  très  grande  envergure,  à  l'Actius  d'Eversmann. 
C'est  même  comme  variété  de  cette  dernière  espèce  qu'elle  nous 
a  été  adressée  par  le  docteur  Staudinger.  En  effet,  abstraction 
faite  de  la  dimension  respective  des  ocelles,  les  ailes  inférieures 
de  ces  deux  papillons  se  ressemblent  beaucoup  en  dessus,  sur- 
tout en  ce  qui  concerne  les  dessins  marginaux  qui  sont  seulement 
plus  élargis  chez  Romanovi.  Les  bandes  transverses  des  ailes 
antérieures  sont  aussi  à  peu  près  dessinées  chez  cette  dernière 
espèce  comme  celles  de  l'Actius.  Toutefois,  il  est  impossible, 
selon  nous,  d'assimiler  ces  deux  Parnassiens  l'un  à  l'autre, 
à  cause  des  larges  taches  rouges  qui  couvrent  le  centre  des  cos- 
tales et  de  l'interne  de  cette  forme  nouvelle  du  Transalai,  les- 
quelles n'existent  jamais  chez  celle  d'Eversmann.  En  somme, 
ce  papillon  constitue  une  espèce  bien  à  part  qui  relie  entre  eux: 
Discobolus,  Insignis,  Actius  et  Rhodius. 


—     114     — 
Parnassius  Delius,  Esper. 


Esper.     Die  Schmetterlinge,  115,  5  (année  1790). 
Ochsenheimer.     Die  Schmetterlinge  von  Europa,  1,  2,  136. 
Hiibner.     Sammlung  etc.,  649—652,  684,  685. 
Herrich-Schaeffer.     317,  318.     (an  var.  Intermedius,  Mén. ??) 
Staudinger.     Catalogue,  N°-  17. 

Phoebus. 


de  Prunner.     Lepidoptera  Pedemontana,  69  (année  1798). 

Hûbner.     Sammlung  etc.,  567,  568. 

Godart.     Histoire  naturelle  des  Papillons  de  France,  11,  2. 

Boisduval.     Speciès  général,  1,  pag.  398,  N°-  3. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  13,  fig.  1  S,  fig-  2  $  (Delius). 

Nous  ne  décrirons  pas  en  détail  cette  espèce  bien  connue 
de  tous  les  entomologistes;  nous  dirons  seulement  qu'elle  est 
sujette  à  varier,  quoique  dans  des  proportions  moindres  que  sa 
voisine  Apollo.  On  trouve  en  effet  des  exemplaires  mâles  dont 
la  tache  interne  est  complètement  absente;  d'autres  l'ont  bien 
marquée.  Les  macules  costales  sont  aussi  plus  ou  moins  large- 
ment pupillées  de  rouge.  Certains  types,  celui  des  Basses- Alpes 
par  exemple,  ont  la  frange  des  ailes  supérieures  d'un  gris  jaunâtre 
uniforme,  tandis  que  chez  ceux  de  la  Suisse  cette  partie  est  entre- 
coupée de  brun  à  l'intersection  des  nervures  dans  le  voisinage  de 
l'apex.  Les  ailes  postérieures  sont  toujours  d'un  blanc  jaunâtre 
bien  prononcé.  On  n'y  distingue  aucune  trace  ni  de  la  margi- 
nale ni  de  l'antémarginale  qui  sous  des  aspects  très  diversifiés 
existent  chez  la  grande  majorité  des  Parnassiens. 

La  femelle  de  Delius  varie  cependant  beaucoup  plus  que 
le  mâle  et  elle  a  une  tendance  très  marquée,  au  moins  dans 
les  alpes  de  la  Suisse,  à  contracter  un  certain  degré  de  mélanisme. 
Ce  sexe  est  en  outre  toujours   muni  aux  ailes  postérieures  des 


—     115     — 

bandes  qui  font  absolument  défaut  à  l'autre;  de  sorte  que  cette 
espèce  est  certainement  du  nombre  des  Parnassiens  dont  la 
différence  sexuelle  est  la  plus  tranchée.  D'un  autre  côté,  il  est 
un  fait  très  digne  d'être  remarqué,  c'est  que  Delius  dont  le  mâle 
est  si  distinct  des  formes  congénères,  se  lie  pour  ainsi  dire  à  des 
espèces  qui  en  sont  spécifiquement  bien  éloignées,  telles  que 
Discobolus,  Rhodius  et  Honrathi,  surtout  lorsqu'on  considère  les 
types  foncés  et  aberrants  qui  se  rencontrent  assez  souvent  dans 
la  nature. 

L'habitat  du  papillon  dont  il  s'agit  est  beaucoup  plus 
restreint  que  celui  d'Apollo.  Il  ne  fréquente  que  le  massif 
alpin  du  centre  de  l'Europe,  sans  s'étendre  aussi  loin  ni  vers  le 
nord  ni  vers  le  midi  que  l'espèce  voisine;  il  franchit  cependant 
les  crêtes  du  Caucase  et  se  répand  de  là  sur  les  monts  des 
Kirghises  jusqu'à  l'Altai  où  il  est  remplacé  par  la  variété  Tnter- 
medius  dont  il  sera  question  ci-après. 

En  France,  on  rencontre  Delius  dans  les  montagnes  de  la 
Savoie,  sur  celles  des  Basses-Alpes,  mais  il  ne  paraît  habiter  ni 
les  Cevennes,  ni  la  chaine  des  Pyrénées. 


Variété  Intermedius,  Ménétriès, 

Ménétriès.     Enumeratio  corporum  aninialium  Musei  Petropolitani,  page  72 
(année  1855). 
id.    Schrancks  Reisen  im  Araurland,  page  30. 
Staudinger.     Catalogue  N°-  17,  var.  a. 
Austaut.    Les  Parnassiens,  pi.  12,  fig.  1  (J,  3^^  (type),  pi.  11,  fig.  3  (variété). 

Ce  Parnassien  a  été  considéré  pendant  fort  longtemps  par 
plusieurs  auteurs,  et  surtout  par  Ménétriès  qui  le  premier  nous 
l'a  fait  connaître,    comme  une  espèce  bien  distincte  de  Delius; 


—     116     — 

mais  il  est  reconnu  à  présent  qu'il  n'en  constitue  qu'une  simple 
variété  asiatique. 

On  arrive  à  se  former  cette  conviction,  lorsqu'on  a  sous  les 
yeux  beaucoup  d'exemplaires  d'origines  différentes  parmi  lesquels 
on  constate  des  passages  manifestes  vers  notre  forme  d'Europe. 

Intermedius  est  généralement  plus  petit  que  Delius.  Les 
ailes  du  mâle  sont  en  dessus  d'un  blanc  mat  et  non  jaunâtres. 
Leurs  dessins  sont  disposés  à  peu  près  comme  ceux  du  type; 
cependant  les  deux  bandes  transverses  des  supérieures  descendent 
toujours  plus  bas,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  proximité  du  bord  interne, 
et  les  franges  sont  nettement  entrecoupées  de  noir.  Le  rouge 
de  toutes  les  taches  est  beaucoup  plus  pâle,  les  ocelles  sont  plus 
petites,  et  la  plus  basse  de  celles-ci  se  trouve  le  plus  souvent 
réduite  à  un  gros  point  à  peine  écaillé  de  rougeâtre  dans  son 
centre.  Les  basilaires  du  dessous  sont  petites,  plutôt  jaunâtres 
que  rouges,  et  à  peine  limitées  du  côté  extérieur  par  de  fins 
traits  noirs. 

La  femelle  de  ce  papillon  serait  encore  plus  voisine  de  celle 
de  notre  type,  si  ce  n'était  qu'elle  est  également  blanchâtre,  que  ses 
bandes  transverses  sont  plus  fortement  accusées  et  que  la  nuance 
de  ses  ocelles  est  d'un  carmin  fort  pâle.  Les  costales  sont  en 
outre  reliées  à  l'interne  par  une  bande  régulière  et  obscure; 
le  lavis  basilaire,  plus  large  et  plus  foncé  que  celui  de  Delius, 
forme  mieux  le  crochet  au  dessous  de  la  cellule.  Enfin  la  poche 
abdominale  (pi.  2,  fig.  7  et  8),  relativement  plus  large  que  longue, 
se  termine  en  une  languette  un  peu  redressée  et  sa  carène  fort 
courte  est  très  saillante. 

Cette  forme  blanche  d'Intermedius  se  rencontre  dans  presque 
toute  la  Sibérie  méridionale,  depuis  les  crêtes  de  l'Oural  supérieur 
jusqu'aux  montagnes  du  Kamtchatka,   en  passant  par  l'immense 


—     117     — 

chaîne  de  l'Altai  d'où  sont  originaires  les  exemplaires  de  notre 
planche  12.  Dans  le  Turkestan  on  rencontre  une  race  un  peu 
différente  de  celle  que  nous  venons  de  décrire.  Le  mâle,  seul 
sexe  que  nous  connaissions  de  cette  forme  (pi.  11,  fig.  3),  est 
un  peu  plus  grand  que  celui  de  la  Sibérie  et  pas  tout-à-fait 
autant  que  notre  Delius  typique.  Sa  teinte  fortement  jaunâtre 
contraste  vivement  avec  la  nuance  albine  de  la  race  plus  septen- 
trionale. La  tache  interne  est  bien  marquée  et  les  ocelles,  ce- 
pendant d'un  rouge  fort  pâle,  sont  aussi  plus  élargies  que  celles 
de  rintermedius  de  Ménétriès.  Cependant  ce  papillon,  malgré  sa 
différence  d'aspect,  appartient  bien  réellement  à  cette  variété, 
car  la  marginale  et  l'antémarginale  de  ses  ailes  antérieures 
descendent  presque  jusqu'au  bord  opposé  à  la  côte  ce  qui  n'est 
jamais  le  cas  du  type  européen.  Cet  exemplaire  est  sans  doute 
le  représentant  d'une  race  locale  ou  géographique  qui  relie  dans 
le  Turkestan  l'Intermedius  du  nord  de  l'Asie  au  Delius  de  nos 
contrées  européennes. 


Paruassius  Delius,  Esper  var.  Sedakovii,  Ménétriès. 


Ménétriès.     Enumeratio  corporum  Musei  Petropolitani,  pages  71,  72,  pi.  1, 

lig.  1  c^  (année  1855). 
Staudinger.     Catalogue,  N°-  17,  var.  l». 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  9,  fig.  3  c^. 

Nous  devons  avouer  que  ce  Parnassien  ne  nous  est  connu 
que  par  la  figure  et  par  la  description  que  nous  en  a  données 
l'auteur  du  catalogue  du  musée  de  St.  Pétersbourg;  et  de  même 
que  nous  avons  été  obligé  de  recourir  pour  la  confection  de 
notre  planche  au  dessin  de  cet  auteur,  nous  ne  pouvons  mieux 
faire  que  de  transcrire  aussi  ci-après  sa  diagnose,  sauf  à  la  faire 


—     118     — 

suivre  de  certaines  considérations  toutes  personnelles.  Voici  par 
conséquent  en  quels  termes  s'exprime  Ménétriès  pages  71,  72  de 
l'ouvrage  relaté  en  tête  de  cet  article: 

»  Cette  espèce  est  plus  petite  que  tous  les  exemplaires  dePhoebus« 
»(Delius)  que  j'ai  sous  les  yeux.« 

»Les  ailes  sont  blanches,  n'étant  transparentes  que  vers  le« 
»sommet  et  jusqu'à  la  moitié  du  bord  externe  des  supérieures  ;  « 
«celles-ci  sont  marquées  de  noir  à  peu  près  comme  celles  du  Phoebus,« 
»mais  sans  trace  de  rouge.  Les  ailes  postérieures  ont  leur  bord« 
»  interne  très  largement  lavé  de  noir,  la  tache  antérieure  (ocelle)  « 
»est  très  petite,  rouge  et  bordée  d'une  ligne  noire;  la  tache  postérieure* 
»  n'est  en  dessus  qu'un  petit  point  noir,  mais  en  dessous  elle  est  très« 
»  faiblement  marquée  d'orange  clair  dans  son  milieu,  la  frange  est« 
»liséréc  de  noir  aux  ailes  supérieures  seulement;  les  quatre  taches  « 
»  rouges  de  la  base  inférieure  en  dessous  sont  comme  chez  le« 
»Phoebus.  Le  corps  est  couvert  de  longs  poils  d'un  jaune  verdâtre,* 
»très  touffus  en  dessous.     La  poche  de  la  femelle  est  large,  courte, « 

»  brusquement    rétrécie    vers    l'extrémité    qui    est    arrondie;    elle   ne« 

»  présente  pas  de  carène.» 

»  Cette  espèce    se    rapproche    un  peu  du  Parnassius  Tenedius,  « 

»Eversmann;    mais  elle  n'a  pas   cette  rangée  de  taches  noires  qui« 

»  traverse  les  quatre  ailes.  « 

»  Serait-ce  une   variété   du  Phoebus?,    je  ne  le  crois  pas.  — « 

»Elle   nous   a   été    envoyée   d'Irkutsk    par    feu   Mr.  Sedakoff    à   qui« 

»je  l'ai  dédiée.  « 

Ce  papillon  paraît  en  effet  d'un  blanc  aussi  pur  que  celui 
qui  caractérise  l'Intermedius  de  la  Sibérie  auquel  il  ressemble 
à  première  vue.  Cependant,  si  l'on  s'en  rapporte  à  la  figure  de 
Ménétriès  dont  l'exactitude  est  confirmée  par  la  description,  on 
trouve  que  le  papillon  qu'elle  représente,  d'une  taille  très  exiguë, 
a  les  costales  entièrement  noires   et  que  ses  deux  bandes  trans- 


—     119     — 

verses,  la  marginale  et  Tante'marginale,  sont  fort  courtes  et  moins 
bien  marquées  que  celle  du  Delius  typique.  La  petitesse  des 
ocelles  est  peut-être  un  signe  variable  et  sans  grande  importance; 
mais  si  l'on  tient  compte  de  ce  fait  que  la  frange  des  ailes 
supérieures  est  toute  noire  chez  Sedakovii  tandis  qu'elle  est  tou- 
jours très  visiblement  entrecoupée  chez  toutes  les  formes  d'Inter- 
medius,  on  sera  tout  disposé  à  considérer  ce  petit  Parnassien 
comme  une  variété  suffisamment  tranchée. 

On  peut  s'étonner  dès  lors  que  le  docteur  Staudinger  lui 
dénie  le  droit  de  porter  un  nom  spécial.  En  effet,  dans  son 
grand  catalogue  cet  auteur  place  Sedakovii  comme  variété  de 
Delius;  mais  il  a  soin  d'ajouter,  à  la  suite  de  la  citation  icono- 
graphique qui  concerne  ce  papillon,  la  mention  suivante:  Vix 
nomen  conservandum.  Nous  pensons  aux  contraire,  qu'espèce 
distincte  ou  variété  locale,  ce  Parnassien  mérite  le  droit  de  cité 
dans  la  nomenclature,  parce  qu'il  nous  pai:^ît  trop  tranché  dlnter- 
medius,  et  que  s'il  n'est  une  forme  absolument  indépendante  de 
Delius,  au  moins  doit-il  constituer  celle  que  les  entomolo- 
gistes allemands  désignent  d'ordinaire  sous  le  terme  de  Species 
Darwiniana. 

La  connaissance  de  la  femelle  aurait  contribué  pour  une  large 
part  à  résoudre  cette  question;  malheureusement  Ménétriès  s'est 
dispensé  de  la  décrire;  cependant  ce  qu'il  dit  de  la  poche  cornée 
qui  est  privée  de  toute  carène?  et  bien  arrondie  à  son 
extrémité  postérieure,  nous  laisse  entrevoir  chez  ce  sexe  des 
dissemblances  au  moins  organiques  par  rapport  aux  parties 
similaires  de  Delius  et  de  sa  variété  asiatique. 


—     120     — 
Paruassius  ÂpollouiuS)  Eversuiaun. 


Eversraann.     Bulletin  de  la  Société  impériale  des  Naturalistes  de  Moscou, 

m,  71,  pi.  3,  fig.  1  et  2  (année  1847), 
Herrich-Schaeffer.     Systematische  Bearbeitung,  636,  637. 
Staudinger.     Catalogue  1871,  N»-  16. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  15,  fig.  1  St  fig-  2  Ç. 

La  plupart  des  Parnassiens  du  groupe  des  Carinati  est 
caractérisée  par  leurs  antennes  dont  la  tige  est  alternativement 
annelé  de  blanc  et  de  noir.  La  présente  espèce  de  même  que 
les  deux  suivantes  ainsi  que  Hourathi  dont  il  a  déjà  été  question 
plus  haut,  sont  les  seules  qui  fassent  exception  à  cette  règle;  leurs 
antennes  sont  d'un  noir  uniforme,  et  voilà  pourquoi  nous  les  avons 
comprises  dans  un  petit  groupe  particulier. 

Apollonius  est  sans  aucun  doute  la  plus  remarquable  d'entre 
elles.  Ce  papillon  du  reste  est  parfaitement  tranché  de  ses 
congénères;  il  ne  ressemble  à  aucun  si  ce  n'est  peut-être  à 
Tenedius  dont  il  est  pourtant  très  distinct  à  tous  égards.  Sous 
le  rapport  de  la  taille,  il  atteint  à  peu  près  l'envergure  de  notre 
Apollo.  Les  ailes  du  mâle,  bien  chargées  d'écaillés,  sont  d'un 
beau  blanc  mat.  On  y  distingue,  aux  supérieures:  une  marginale 
assez  diaphane  et  très  étroite  qui  n'aboutit  que  jusque  vers  le 
milieu  du  bord  externe,  les  discoïdales  qui  sont  grosses  et  très 
noires,  deux  costales  et  l'interne  de  couleur  rouge  et  vivement 
cerclées  de  noir,  enfin  l'antémarginale  qui  consiste  chez  cette 
espèce  en  une  rangée  de  huit  gros  points  de  cette  dernière 
couleur,  un  peu  cunéiformes,  laquelle  traverse  l'aile  d'un  bord 
à  l'autre. 

Les  ailes  inférieures  sont  également  d'un  blanc  très  uni- 
forme; on  y  remarque  les  dessins  suivants:  D'abord  une  tache 
rouge  à  la  base,    puis  le  lavis  noir  qui  s'étend  le  long  du  bord 


—     121     — 

abdominal,  sans  atteindre  les  deux  annales  qui  sont  arrondies, 
ni  former  de  crocher  à  l'extrémité  de  la  cellule;  enfin  les  ocelles 
bien  cerclées  dont  la  supérieure  est  arrondie,  tandis  que  l'autre 
affecte  la  forme  d'un  ovale  tronqué.  La  marginale  fait  absolu- 
ment défaut  chez  ce  papillon,  mais  par  contre  Tantémarginale 
est  bien  indiquée  et  elle  consiste,  comme  aux  organes  supérieurs, 
en  une  suite  de  six  gros  points  noirs  solitaires. 

Le  dessous  du  mâle  d'Apollonius  est  analogue  au  dessus. 
Il  convient  pourtant  de  faire  remarquer  que  les  ocelles  sur  cette 
face  sont  plus  largement  lavées  de  blanc,  et  de  signaler  surtout 
l'aspect  tout-à-fait  spécial  des  basilaires.  Il  n'y  a  parmi  ces 
dernières  que  les  deux  supérieures  qui  soient  franchement  rouges; 
elles  paraissent  former  une  tache  unique  limitée  en  dehors  par 
un  gros  trait  noir  flexueux;  la  troisième  est  oblitérée  par  une 
sorte  de  sablé  obscur;  et  la  dernière  est  à  peine  indiquée  par  un 
léger  semis  d'atomes  rougeâtres  disposé  le  long  du  bord  abdominal. 
Enfin  à  l'extrémité  de  la  cellule,  de  même  qu'entre  la  première 
ocelle  et  la  base,  existent  encore  deux  petites  taches  sombres 
assez  mal  définies. 

Ce  Parnassien  possède,  comme  nous  l'avons  dit,  des  antennes 
toutes  noires;  son  corps  est  revêtu  d'un  pilosité  grisâtre  et  une 
sorte  de  poussière  squarameuse  d'un  jaune  fort  pâle  en  recouvre 
la  partie  inférieure  et  les  côtés. 

La  femelle  d'Apollonius  est  sensiblement  différente  du  mâle; 
ses  ailes  sont  obscurcies,  principalement  à  la  base  et  sur  le  disque, 
par  des  écailles  noires  qui  dessinent  d'une  manière  un  peu  vague 
les  bandes  marginales;  les  taches  se  trouvent  généralement  plus 
élargies  et  il  existe,  entre  l'anale  (|ui  est  pupillée  de  rouge  et 
l'ocelle  inférieure,  trois  gros  points  ovalaires  formant  série.  Le 
lavis  basilaire  est  en  outre  plus  vague  et  plus  réduit.    Le  dessous 


—     122     — 

de  ce  sexe  reproduit  le  dessus,  avec  cette  différence  que  l'aile 
inférieure  est  plus  claire  et  plus  uniforme  que  sur  la  face  opposée. 
Quant  à  la  poche  cornée  de  cette  espèce  (pi.  2,  fig.  1,  2),  elle 
est  assez  semblable  à  celle  d'Apollo;  cependant  la  caverne  est 
plus  comprimée  latéralement;  et  la  carène,  large  mais  peu  saillante, 
n'est  pas  soudée  à  son  extrémité  antérieure  contre  la  paroi  de 
l'abdomen. 

De  même  qu'Actius,  ce  remarquable  papillon  est  resté  pen- 
dant fort  longtemps  une  très  grande  rareté,  et  ce  n'est  que  depuis 
les  explorations  qui  ont  été  dirigées  récemment  dans  l'Asie  centrale, 
qu'il  s'est  répandu  dans  les  collections.  Les  premiers  exemplaires, 
ceux  qui  ont  servi  de  types  aux  figures  d'Eversmann,  ont  été 
découverts  en  Juin  dans  les  montagnes  de  la  Songarie.  Beau- 
coup plus  tard,  les  chasseurs  du  docteur  Staudinger  ont  rencontré 
cette  espèce  en  certain  nombre  sur  les  alpes  duFerganah(Turkestan), 
pendant  que  Mr.  Fedtschenko  n'en  trouva  qu'une  seule  femelle 
sur  les  bords  du  lac  Kouli-Kalane  à  3000  mètres  d'altitude 
dans  la  même  région.  Mr.  Alpheraky  recueillit  également  ce 
Parnassien  dans  le  district  de  Kouldja,  sur  les  bords  de  l'Ili,  à 
Khouir-Souimoune,  mais  à  une  hauteur  de  700  mètres  seulement. 
Dans  cette  dernière  localité,  Apollonius  paraît  fréquenter  de  pré- 
férence des  salines  oii  croissent  abondamment  des  Salsola  qui 
servent  selon  toute  apparence  de  nourriture  à  sa  chenille,  et  son 
apparition  a  lieu  en  Mars  et  eu  Avril.  Le  type  de  ces  diverses 
contrées  ne  semble  du  reste  pas  être  tout-à-fait  identique;  car 
cet  habile  explorateur  nous  apprend  que  les  exemplaires  du  Tur- 
kestan,  (Ferganah),  ont  l'apex  des  ailes  supérieures  plus  aigu, 
les  franges  toutes  blanches  et  les  ocelles  d'un  carmin  fort  vif; 
tandis  que  chez  les  sujets  de  Kouldja  l'apex  est  plus  arrondi, 
la  frange  nettement  entrecoupée  de  gris  sombre  et  le  rouge  des 


—     123     — 

ocelles  beaucoup  plus  pâle.  Les  exemplaires  que  nous  avons 
sous  les  yeux  sont  originaires  du  Tian-Chan;  ils  proviennent 
sans  doute  des  chasses  de  Mr.  Alpheraky  et  présentent  en  effet 
les  caractères  que  cet  entomologiste  leur  attribue;  mais  nous  ne 
connaissons  pas  le  type  du  Ferganah,  de  sorte  que  nous  ne  pou- 
vons dire  s'il  y  a  lieu  d'établir  pour  ces  deux  formes  des  races 
séparées.  A  Kouldja,  Apollonius  vole  déjà  en  Mars  et  Avril; 
dans  le  Turkestan,  au  contraire,  il  ne  commence  à  paraître  qu'en 
Juillet.  Ne  serait-ce  pas  là  l'indice  d'une  double  génération  qui 
expliquerait  jusqu'à  un  certain  point  la  différence  d'aspect  que 
nous  venons  de  signaler;  ou  bien  ces  changements  dans  les 
caractères  de  l'insecte  et  dans  son  apparition  dépendent-ils  de 
la  différence  d'altitude  des  milieux  fréquentés?  C'est  un  point 
qu'il  est  encore  difficile  d'élucider  dans  l'état  actuel  de  nos  con- 
naissances. 


Aberration  Flavomacnlata,  Staudinger. 


Staudinger.     In  litteris. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  15,  fig.  3  Ç. 

L'Apollonius  du  Tian-Chan  se  distingue,  comme  on  vient 
de  le  voir,  de  celui  du  Turkestan  proprement  dit  par  la  teinte 
très  pâle  de  ses  ocelles.  Le  rouge  de  ces  taches  passe  en  effet 
parfois  au  jaunâtre,  et  même  dans  certains  cas  au  jaune  d'ocre 
plus  ou  moins  foncé  ou  au  jaune  tout-à-fait  pur.  La  femelle 
que  nous  avons  représentée  pi.  15,  fig.  3,  appartient  à  cette 
dernière  forme.  Elle  ne  diffère  du  reste  en  aucune  manière  du 
type  normal  de  Kouldja,  si  ce  n'est  peut-être  par  une  teinte 
générale  un  peu  plus  rembrunie.  Cette  variété,  dont  la  cause 
dépend  sans  doute  d'influences  locales,  rappelle  un  cas  analogue 


—     124     — 

que  nous  avons  constaté  chez  notre  ApoUo  dont  les  ocelles  ont 
aussi  une  tendance  à  devenir  jaunâtres,  et  qui  deviennent  même 
d'un  jaune  bien  franc  chez  une  petite  race  dont  nous  avons  sig- 
nalé la  présence  en  Andalousie.  Les  deux  sexes  de  quelques 
autres  Parnassiens  présentent  du  reste  cette  curieuse  variation 
quoique  à  un  degré  moins  prononcé;  mais  nous  ignorons  si  elle 
affecte  aussi  le  mâle  d'Apollonius,  ni  si  elle  a  été  constatée  ailleurs 
que  dans  le  Tian-Chan. 


Faruassius  Bremeri,  Bremer. 


Breraer.     Lepidopteren  Ost-Sibiriens,  page  6,  pi.  1,  fig.  3  et  4  (année  1864). 

(Mémoires  de  TAcadem.  impér.  de  St.  Pétersbourg.) 
Staudinger.     Catalogue  1871,  N"-  15. 
Austaut.    Les  Parnassiens,  pi.  14,  fig.  2  S  (type),  fig.  3  S  (variété). 

Cette  espèce  dont  nous  ne  connaissons  que  le  sexe  mâle, 
paraît  établir,  du  moins  en  apparence,  un  passage  assez  naturel 
entre  les  Parnassiens  Carinati  et  ceux  du  groupe  des  Ventricosi. 
En  effet,  à  l'instar  de  ces  derniers,  Bremeri  possède  des  nervures 
et  des  franges  d'un  noir  uniforme;  mais  à  cause  de  la  structure 
de  la  poche  de  la  femelle  qui  est  très  voisine  de  celle  de  notre 
Apollo,  le  papillon  dont  il  s'agit,  doit  figurer  dans  le  groupe  que 
nous  décrivons. 

Sa  taille  égale  est  à  peu  près  celle  de  Delius,  mais 
il  n'offre  avec  cette  espèce  aucune  autre  analogie.  Le  ton 
de  ses  ailes  est  d'un  blanc  vif,  un  peu  jaunâtre  qui  laisse 
vivement  ressortir  en  noir  profond  les  franges  et  toutes  les  ner- 
vures. La  tache  discoïdale  inférieure,  un  peu  grêle,  n'atteint  pas 
la  grosse  branche  de  la  médiane;  la  supérieure,  au  contraire,  touche 
cette  nervure  et  affecte  la  forme  d'un  croissant  épais  que  surmonte 


—     125     — 

en  outre  une  macule  noire  transversale  dirigée  un  peu  vers  la 
base.  Les  costales  consistent  en  deux  arceaux  fins  et  disjoints. 
L'antémarginale,  très  flexueuse  ;\  la  côte  et  quelque  peu  épaisse, 
descend  jusqu'au  delà  de  la  troisième  branche  de  la  médiane; 
enfin  la  marginale,  bien  sablée  d'écaillés  obscures  et  assez  large, 
occupe  presque  tout  le  limbe  depuis  l'apex  jusqu'à  l'angle  opposé. 

Si  l'on  examine  les  ailes  inférieures  de  ce  Parnassien,  on 
trouve  qu'elles  portent  à  leur  base  une  tache  rouge  comme 
Apollonius;  puis  on  aperçoit  le  lavis  d'un  noir  profond  qui  occupe 
tout  le  bord  abdominal  en  formant  un  crochet  sous  la  cellule, 
il  expire  vers  la  tache  anale  qui  est  noire  également,  étroite, 
allongée  et  d'une  direction  très  oblique  par  rapport  à  celle  du  bord. 
Les  ocelles  sont  petites,  un  peu  ovoïdes,  d'un  carmin  foncé  et 
largement  cerclées;  les  inférieures  s'appuient  en  outre  sur  une 
petite  tache  noire  analogue  à  celle  qui  existe  chez  plusieures 
autres  espèces.  Quant  aux  nervures  et  aux  franges,  elles  sont 
d'un  noir  intense,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  fait  observer;  mais 
celles  des  ailes  inférieures  semblent  éprouver  une  dilatation 
apparente  vers  l'extrémité  du  limbe,  parce  qu'à  cette  place 
elles  sont  ombrées  de  part  et  d'autre  d'un  semis  d'atomes  noirs 
qui  s'élargit  vers  les  franges.  Cette  disposition  se  retrouve  re- 
produite d'une  manière  à  peu  près  identique  chez  le  Parnassius 
Stubbendorfii  que  nous  aurons  occasion  d'étudier  plus  loin. 

Le  dessous  de  Bremeri  reproduit  exactement  le  dessus;  toutefois 
on  remarque  que  sur  cette  face  les  ocelles  sont  plus  larges,  d'un  ton  plus 
pâle  et  plus  finement  entourées  que  sur  le  côté  opposé.  Il  existe 
aussi  à  la  base  des  ailes  inférieures  quatre  petites  taches  d'un  rouge 
vermillon,  très  serrées  les  unes  contre  les  autres  et  légèrement  bordées 
de  noir.  Enfin  le  lavis  basilaire,  beaucoup  moins  obscur  que  de  l'autre 
côté,  est  lavé  de  jaunâtre  sous  la  cellule  et  le  long  du  bord  abdominal. 


—     126     — 

Cette  espèce  est  certainement  sujette  à  varier  dans  d'assez 
grandes  proportions,  car  la  description  qui  précède  et  qui  est 
faite  d'après  deux  exemplaires  originaires  du  centre  de  l'Amurland, 
ne  s'applique  pas  à  un  autre  spécimen  qui  provient  du  nord  de 
cette  région.  Les  ailes  de  cette  autre  forme  que  nous  avons 
représentée  pi.  14,  fig.  3  sont  d'un  blanc  plus  mat,  c'est-à-dire 
non  jaunâtre.  La  tache  anale  et  celle  du  bord  interne  font 
complètement  défaut.  L'antémarginale  des  supérieures  qui  est 
si  bien  dessinée  chez  le  type,  se  trouve  réduite  ici  à  deux  légers 
arceaux  qu'on  aperçoit  à  la  côte;  et  la  marginale,  moins  large 
et  moins  longue,  présente  du  côté  extérieur  et  immédiatement 
avant  les  franges  une  série  des  taches  blanchâtres  qui  sont 
disposées  entre  les  nervures.  Le  lavis  basilaire  dessine  aussi 
moins  bien  le  crochet  en  dessus,  tandis  que  sur  la  face  opposée 
il  n'est  pas  teinté  de  jaunâtre. 

Cette  forme,  par  certains  de  ses  caractères  et  aussi  en 
raison  de  son  habitat  plus  septentrional,  paraît  constituer  une 
transition  entre  le  Bremeri  typique  et  Graeseri  dont  il  sera 
question  ci-dessous.  Ajoutons  encore  que  les  antennes  de  ces 
deux  races  sont  entièrement  noires  que  le  corps  très  noir 
aussi  est  recouvert  d'une  abondante  pilosité  grisâtre;  et  que 
la  poche  du  sexe  femelle  (voir  pi.  3,  fig.  5  et  6)  dont  nous 
avons  pu  nous  procurer  un  très  bon  dessin,  ressemble  beau- 
coup à  celle  d'Apollo  ou  mieux  encore  à  celle  de  Delius.  Elle 
n'en  diffère  que  par  sa  couleur  qui  est  d'un  brun  noirâtre,  par 
la  dimension  de  sa  caverne  qui  est  plus  considérable,  ainsi  que 
par  la  forme  de  sa  carène  qui  est  moins  saillante  et  moins  sinuée. 

C'est  Mr.  Radde  qui  découvrit  ce  Parnassien  très  tranché 
de  ses  congénères  à  Raddefskaïa,  dans  le  cours  des  explorations 
qu'il  dirigea  dans  l'Amurland  en  1863;  mais  il  habite  beaucoup 


—     127     — 

d'autres  stations  de  cette  vaste  région,  car  on  l'a  rencontré  de- 
puis cette  époque  sur  presque  toutes  les  alpes  que  traverse  le 
fleuve  Amour.  Cette  espèce  vole  assez  fréquemment  depuis  le 
commencement  de  Mai  jusque  vers  la  fin  de  Juin. 


Parnassins  Graeseri,  Uourath. 


Honrath.     Berliuer  Eutomologische  Zeitschrift,    page  272,    pi.  VIII, 

fig.  1  a,  b,  c  (année  1885). 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  19,  fig.  3  i. 

Mr.  Staudinger  prétend  que  ce  Parnassien  n'est  au  fond 
qu'une  simple  variété  géographique  du  précédent.  Cependant 
nous  devons  avouer  que  nous  éprouvons  quelque  répugnance  à 
adopter  cet  avis,  quelque  compétent  qu'il  soit,  parce  que  des 
différences,  trop  importantes  selon  nous,  semblent  séparer  ce 
papillon  du  Bremeri  typique. 

En  effet  Graeseri,  dont  nous  ne  possédons  malheureusement 
que  le  sexe  mâle,  présente  d'abord  une  coupe  un  peu  différente  de 
celle  du  type  prétendu;  ses  quatre  ailes  sont  proportionnellement 
plus  longues  et  notamment  les  inférieures  dont  la  projection  est 
dirigée  plutôt  dans  le  sens  du  bord  externe  que  dans  celui  de 
l'angle  anal;  puis  leur  couleur  est  d'un  blanc  parfaitement  pur; 
et  il  n'existe  même  aucun  autre  Parnassien  dont  la  nuance  du  fond 
soit  aussi  franche,  ni  aussi  vive.  Si  maintenant  on  compare  les 
dessins  entre  eux,  on  trouve  que,  quant  au  dessus,  les  ailes 
supérieures  de  Graeseri  sont  idus  largement  sablées  à  la  base, 
que  la  discoïdale  inférieure,  bien  arrondie,  ne  touche  aucune  des 
deux  nervures  de  la  cellule,  et  que  l'autre  est  dépourvue  en  dessus 
de  la  macule  transversale  qui  fait  saillie  vers  la  base  chez  l'autre 
espèce.  La  tache  interne,  quoique  petite,  est  très  nette  et  bien  ronde. 


—     128     — 

Les  costales  sont  formées  non  d'une  suite  d'arceaux  fins  et  dé- 
liés, mais  de  taches  noires  et  continues,  dont  la  plus  élevée  est 
très  distinctement  pupillée  de  carmin.  Enfin  l'antémarginale, 
à  peine  sinuée  à  sa  naissance,  descend  bien  plus  près  du  bord 
interne  que  chez  la  forme  comparative.  Quant  à  la  marginale, 
elle  est  à  peine  indiquée  par  une  ombre  vague  qui  s'étend  à  l'ex- 
trême limite  du  limbe  entre  l'apex  est  le  milieu  du  bord  externe. 

Les  ailes  inférieures  de  notre  papillon  portent  à  leur  base 
une  petite  tache  rouge  identique  à  celle  de  Bremeri  et  le  lavis 
noir  qui  lui  succède  par  en  bas,  est  aussi  dessiné  comme  celui  de 
cette  espèce.  Cependant  les  ocelles  ont  plus  d'ampleur,  les  anales 
affectent  la  forme  de  deux  points  détachés  et  les  nervures  sont 
moins  fortement  ombrées  de  noir  vers  l'extrémité  de  l'aile.  Un 
autre  caractère  des  plus  frappants  de  ce  curieux  Parnassien  et 
qui  fait  absolument  défaut  à  son  congénère,  consiste  dans  la 
rangée  de  grosses  taches  grisâtres,  solitaires  qui  occupe  la  place 
habituelle  de  l'antémarginale.  Ces  taches,  dessinées  en  triangles 
allongés  ou  plutôt  en  fers  de  lance,  diminuent  de  grosseur  depuis 
le  milieu  de  leur  parcours,  jusqu'au  bord  antérieur  d'une  part 
et  à  l'angle  anal  de  l'autre. 

Toutes  ces  particularités  sont  reproduites  sur  le  dessous; 
mais  on  remarque  encore  que  de  ce  côté  l'une  des  deux  taches 
anales  est  marquée  de  rouge,  et  que  le  lavis  basilaire  est  d'un 
gris  uniforme  et  non  teinté  de  jaunâtre  comme  c'est  le  cas  de 
Bremeri. 

En  résumé,  le  papillon  qui  nous  occupe,  est  bien  distinct 
de  la  forme  typique  qui  est  figurée  pi.  14,  fig.  2.  Il  se 
rapproche  un  peu  par  la  couleur  de  celui  que  nous  avons  re- 
présenté sous  le  N"-  3  de  la  dite  planche,  comme  variété  de 
Bremeri.     Cet  exemplaire   est  d'un  blanc  mat   et   sa  marginale 


—     129     — 

se  trouve  aussi  fort  réduite.  Cependant  il  est  à  remarquer  que 
cette  variété  se  distingue  de  la  forme  normale  par  Téffacement 
presque  complet  de  lantémarginale,  tandis  que  ce  dessin  est 
toujours  largement  accusé  chez  Graeseri,  avec  répétition  sur  les 
ailes  inférieures  d'une  bande  équivalente,  mais  maculaire. 

Cette  circonstance  que  le  Bremeri  typique  manifeste  plutôt 
une  tendance  à  l'oblitération  de  ses  bandes  transverses,  tandis  que 
chez  Graeseri  ce  dessin  est  exagéré  dans  un  sens  particulier, 
semble  confirmer  l'opinion  que  nous  avons  émise  au  début, 
à  savoir  que  ces  deux  papillons  constituent  des  espèces  distinctes, 
quoique  fort  analogues. 

Cette  intéressante  nouveauté  a  été  découverte  en  1884  dans 
les  alpes  de  la  Daourie  au  nord  de  l'Amurland  près  de  Pochrofka 
à  1500mètres  d'altitude  par  un  entomologiste  allemand,  Mr.Graeser, 
à  qui  elle  a  été  dédiée. 


4®  Groupe,   Limbati. 


Farnassius  Teuedius,  Eversuiauii. 

Eversmanii.     Bulletin  de  la  Société  impériale  des  Naturalistes  de  Moscou, 

II,  page  621  (année  1851). 
Herrich-Schaeffer.     Systematische  Bearbeitung  etc.,  632,  633. 
Staudingcr.     Catalogue  1871,  N"- 22. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  13,  fig.  3  ^. 

Le  groupe  des  Limbati  ne  renferme  jusqu'à  présent  que  le 
seul  Parnassius  Tenedius,  petite  espèce  fort  remarquable  et  bien 
tranchée  de  tous  ses  congénères.  C'est  pourtant  avec  Apollonius 
qu'elle  offre  le  plus  d'affinité  à  cause  de  l'aspect  tout-ù-fait 
ponctiforme  de  ses  bandes  antémarginales;  mais  elle  est  Iteaucoup 

9 


—     130     — 

plus  petite  que  lui  et  ses  ailes  antérieures  ne  présentent  aucune 
trace  de  la  ponctuation  rouge  qui  est  si  caractéristique  chez 
l'espèce  du  Turkestan.  Comme  taille  Tenedius  possède  à  peu  près 
l'envergure  de  notre  Mnemosyne.  Ses  ailes  un  peu  allongées  et 
d'un  blanc  mat  légèrement  teinté  de  jaune  verdâtre  pâle  sur 
le  disque,  laissent  apercevoir  aux  supérieures  les  dessins  suivants 
d'un  noir  fort  vif;  1°  les  deux  discoïdales  dont  l'inférieure  un 
peu  triangulaire,  n'atteint  pas  jusqu'à  la  nervure  médiane,  tandis 
que  la  suivante,  de  forme  hémisphérique,  embrasse  toute  l'ex- 
trémité de  la  cellule.  Cette  tache  se  confond  par  en  haut  avec 
une  autre  macule  transversale,  analogue  à  celle  d'Apollonius  mais 
mieux  prononcée,  2°  les  costales  au  nombre  de  trois,  qui  figurent 
une  sorte  de  bande  courte  et  étroite,  divisée  seulement  par  le 
blanc  des  nervures;  enfin  3°  l'antémarginale  qui  consiste  comme 
chez  Apollonius  en  une  suite  de  7  ou  8  gros  points  noirs  ir- 
réguliers, bien  détachés  les  uns  des  autres,  à  l'exception  toutefois 
des  trois  qui  sont  voisins  de  la  côte,  lesquels  sont  très  franche- 
ment confluents.  La  tache  interne  fait  défaut,  et  la  marginale 
peu  diaphane  et  grisâtre,  se  trouve  réduite  à  une  ombre  qui  règne 
depuis  le  sommet  jusqu'à  la  seconde  branche  de  la  médiane  où 
elle  expire  en  pointe. 

Ajoutons  que  la  frange  de  ce  Parnassien  est  d'un  blanc 
uniforme,  mais  qu'elle  est  précédée  par  un  liséré  noir  très  fin 
qui  n'aboutit  pas  jusqu'à  l'apex.  Ce  liséré  n'existe  pas  aux  ailes 
inférieures,  et  ces  organes  ne  présentent  pas  non  plus  la  moindre 
trace  de  marginale;  mais  l'antémarginale  y  est  bien  indiquée  par 
une  rangée  de  5  points  solitaires  et  plus  ou  moins  triangulaires. 
Puis  viennent  les  deux  ocelles  très  petites  d'un  jaune  ocracé  pâle 
et  largement  cerclées  de  noir,  le  lavis  abdominal  qui  s'étend  de- 
puis la  base  où  il  supporte  une  petite  tache  jaune  très  distincte, 


—     131     — 

jusqu'à  l'angle  anal  sans  former  de  crochet  sous  la  cellule;  enfin 
deux  autres  petites  taches  noires  situées  l'une  entre  les  ocelles  et 
l'autre  sur  le  milieu  du  contour  supérieur  de  la  discoïdale.  L'anale 
est  absente;  mais  on  distingue,  entre  la  place  qu'elle  occupe  habi- 
tuellement et  l'ocelle  inférieure,  deux  ou  trois  points  jaunâtres 
entourés  de  gris  pâle  qui  ne  sont  que  la  reproduction  par  trans- 
parence des  dessins  qui  existent  sur  la  face  opposée. 

Le  dessous  de  Tenedius  mérite  d'être  décrit  à  part,  car 
on  y  remarque  quelques  caractères  particuliers.  Les  ailes  anté- 
rieures laissent  mieux  apercevoir  de  ce  côté  la  teinte  légèrement 
verdâtre  que  nous  avons  signalée.  Les  costales  sont  bien  détachées 
les  unes  des  autres  et  la  plus  basse  est  pupillée  de  jaune,  ce  qui 
ferait  supposer  que  dans  certains  cas  celles  du  dessus  le  sont 
aussi.  L'antémarginale  est  reproduite  par  4  points  noirs  aux- 
quels succède  vers  la  côte  une  ombre  grise  continue,  mais  peu 
distincte. 

Le  fond  des  ailes  postérieures  est  d'un  blanc  pur  sur  lequel 
toutes  les  nervures  se  détachent  d'une  manière  très  apparente 
en  gris  jaunâtre.  L'antémarginale  et  les  ocelles  sont  écrites 
comme  sur  la  face  opposée;  mais  il  existe  de  ce  côté  deux  petites 
taches  anales  noirâtres  superposées,  et  entre  celles-ci  et  l'ocelle 
inférieure  se  trouvent  allignés  les  trois  points  jaunes  entourés  de 
noir  qu'on  distinguait  en  dessus  par  transparence. 

Quant  aux  basilaires,  elles  offrent  un  aspect  caractéristique 
qu'on  ne  retrouve  chez  aucun  autre  Parnassien.  Elles  sont  blanches 
et  réunies,  pour  ainsi  dire,  en  une  tache  unique  arrêtée  à  la  base 
par  une  teinte  grise,  et  limitée  du  côté  extérieur  par  un  trait 
noir  très  flexueux. 

Pour  finir  la  diagnose  de  cet  intéressant  Parnassien,  il  ne 
reste   plus  qu'à    ajouter   aux   caractères   qui  précèdent  que   les 


—     132     — 

antennes  et  le  corps  sont  d'un  noir  profond,  mais  que  celui-ci 
est  recouvert  d'une  abondante  pilosité  grisâtre. 

Nous  ne  connaissons  pas  la  femelle  de  Tenedius  que  nous 
soupçonnons  de  présenter  des  différences  sexuelles  très  marquées. 
Nous  avons  cependant  pu  nous  procurer  un  très  bon  dessin  de 
sa  poche,  et  c'est  l'examen  de  cet  appareil  qui  nous  a  permis 
de  créer  en  faveur  de  ce  papillon  le  groupe  des  Limbati  dont 
il  est  l'unique  représentant.  Cette  poche  (pi.  3,  fig.  7,  8), 
aperçue  de  profil  et  de  face,  comme  toutes  celles  que  nous  avons 
dessinées,  consiste  en  une  vaste  caverne  arrondie  en  dessous  et 
un  peu  bilobée  à  son  extrémité  libre;  elle  est  dépourvue  de  toute 
carène,  mais  elle  est  recouverte  par  en  haut  d'une  sorte  de 
limbe  profondément  bifide  et  très  saillant. 

Pendant  bien  des  années  on  ne  possédait  de  ce  Parnassien 
que  les  quelques  exemplaires  typiques  que  Mr.  Eversmann  nous  a 
fait  connaître  en  1851  et  qui  lui  furent  envoyés  du  gouvernement 
d'Trkutsk.  Mais  peu  à  peu  cette  rare  espèce  a  été  retrouvée  sur 
différents  points  du  continent  sibérien.  C'est  ainsi  que  Ménétriès 
la  signale  à  Olekminsk,  sur  les  bords  de  la  Lena;  elle  a  été 
capturée  aussi  dans  le  voisinage  de  la  rivière  Zeya  et  près  de 
Schitka  en  Daourie. 

En  1873  elle  a  été  rencontrée  sur  les  bords  de  la  rivière 
Tongouska,  en  pleine  Sibérie  centrale,  (mois  de  Juillet),  et  récem- 
ment sur  différents  points  de  l'Altai  oriental  où  elle  vole  en 
Avril  et  Mai. 

L'aire  de  dispersion  de  Tenedius  est  par  conséquent  fort  étendu; 
c'est  un  des  Parnassiens  qui  s'avance  le  plus  vers  le  nord  où 
ses  stations  s'abaissent  peu  à  peu  au  niveau  des  plaines. 


—     133     — 
5®  Groupe,  Ventricosi. 


Paruassius  Evcrsiiianni,  Ménétriès. 

Ménétriès.    Enumeiatio  corporum  animalium  Musei  Petropolitani,  page  73 

et  74,  pi.  1,  fig.  2  J  (année  1855). 
Staudinger.     Catalogue  1871,  N°-  20. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  20,  fig.  2  S- 

Nous  ne  possédons  pas  en  collection  le  mâle  de  cette  superbe 
et  rarissime  espèce  et  nous  sommes  obligé,  pour  lui  accorder  la 
place  qu'elle  mérite  d'occuper  dans  cette  étude,  de  recourir  à 
l'ouvrage  de  Ménétriès  cité  en  tête  auquel  du  reste  nous  avons 
également  emprunté  la  figure  2  de  notre  vingtième  planche. 
Nous  rapporterons  par  conséquent  ci-dessous  la  diagnose  que  le 
savant  directeur  du  Musée  de  Saint-Pétersbourg  nous  a  donnée 
lui-même  de  ce  papillon. 

Voici  comment  il  s'exprime  à  la  page  73  de  son  catalogue: 

»Cette  belle  espèce  est  un  peu  plus  petite  que  la  Mnemosyne,« 
»dout  elle  a  la  forme.  « 

«Les  quatre  ailes  eut  les  nervures  noires  et  bien  marquées,» 
»et  la  frange  est  lisérée  de  noir  profond.  Les  premières  sont  trans-« 
»  parentes  et  saupoudrées  d'atomes  noirâtres,  qui,  à  la  base  de« 
»ces  mêmes  ailes,  sont  de  moitié  mélangés  d'atomes  jaunâtres.  Sur« 
»la  cellule  discoïdale  se  dessinent  trois  taches  noires,  dont  la  plus« 
«proche  de  la  base  limite  les  atomes  bicolores  dont  nous  avons  parlé;* 
»la  seconde  est  la  plus  étroite  dans  son  milieu;  enfin  la  troisième* 
»ou  la  plus  externe,  a  la  forme  d'un  carré  long;  ensuite  on  compte* 
«trois  bandes  formées  de  taches  d'un  beau  jaune  citron,  dont  ]'ex-« 
»  terne  est  composée  de  huit  petites  taches  hémisphériques,  disposées* 
«parallèlement  au  bord  externe;  la  seconde  bande,  parallèle  à  la« 
«première,    compte  neuf  taches  dont  les  trois  avant-dernières   sont* 


—     134     — 

»les  plus  grandes;  enfin  la  troisième  bande,  de  six  taches,  est  plus« 
»  fortement  sinnée,  et  entoure  complètement  la  cellule  discoïdale.« 
»  Toutes  ces  taches  sont  séparées  par  les  nervures  noires.  « 

»Les  ailes  inférieures  sont  d'un  beau  jaune  citron,  ayant  chacune  « 
»deux  taches  (les  ocelles),  placées  comme  chez  le  Phoebus  (Delius),  mais« 
»plus  petites,  d'un  noir  foncé,  dont  l'antérieure  pupillée  de  rouge  « 
»  carmin,  et  l'inférieure  seulement  saupoudrée  de  carmin.  Le  bord« 
»interne  est  pointillé  de  noir  profond;  enfin  à  l'angle  anal  se  voit« 
»une  tache  noire  et  transversale.* 

»Le  dessous  des  quatre  ailes  est  luisant  et  présente  les  mêmes  « 
»dessins  qu'en  dessus,  mais  seulement  moins  marqués;  de  plus  à  la« 
sbase  des  ailes  inférieures  on  voit  premièrement  un  point  noir  bien<t 
»marqué,  puis  au  dessous  et  dans  la  cellule  discoïdale  une  tache« 
»d'un  rouge  carmin  bordée  extérieurement  d'un  trait  noir,  et  enfin« 
»plus  bas,  une  autre  tache  parallèle.* 

»La  tête  entre  les  yeux,  et  le  corselet  sont  couverts  de  longs* 
»poils  d'un  jaune  roussâtre;  le  corps  est  garni  de  poils  jaunâtres* 
»plus  longs  et  plus  abondants  en  dessous.* 

»D'après  un  seul  exemplaire  mâle,  envoyé  de  Kansk.  par  Mr.* 
»le  docteur  Stubbendorf;  je  me  suis  fait  un  devoir  de  dédier  cette* 
»  espèce  à  Mr.  le  professeur  Eversmann,  le  premier  lépidoptérologue* 
»de  Kussie.* 

Lorsqu'on  se  reporte  à  la  fig.  2  de  la  planche  1  de 
l'ouvrage  de  Ménétriès,  on  trouve  que  la  description  qui  précède, 
est  fort  bien  faite  ;  elle  fait  ressortir  avec  précision  les  caractères 
qui  distinguent  ce  remarquable  papillon.  Cependant  l'inspection 
de  cette  figure  permet  d'ajouter  à  la  diagnose  qu'on  vient  de  lire 
les  observations  suivantes: 

De  tous  les  Parnassiens  connus,  Eversmanni  est  certainement 
le  seul  dont  les  ailes  soient  aussi  vivement  colorées  en  jaune. 
Quelques   espèces,    telles    que    Delphius,    Transiens    et   surtout 


—     135     — 


Cardinal  offrent,  il  est  vrai,  une  tendance  marquée  à  passer  au 
jaunâtre;  mais  cette  nuance  est  peu  tranchée,  toujours  un  peu 
incertaine,  et  l'on  peut  dire  d'une  manière  générale  que  les  ailes 
des  Parnassiens  sont  caractérisées  par  leur  teinte  blanche  plus 
ou  moins  pure.  Celui  qui  nous  occupe,  fait  donc  franchement 
exception  à  la  règle.  C'est  sans  doute  cette  circonstance  qui  a 
fait  émettre  au  docteur  Staudinger,  dans  son  grand  catalogue  de 
1871,  et  au  N^-  20  qu'il  consacre  à  ce  Papillon,  un  doute  sur 
la  constance  de  cette  couleur  jaune  si  prononcée. 

En  effet,    après    avoir   mentionné    à   la   suite    du   nom  de 
l'espèce  l'indication  iconographique  de  Ménétriès,  il  la  fait  suivre 
entre  parenthèse  de  l'observation  suivante  (Aberratio  flava?), 
ce  qui  ferait  supposer  qu'Eversmanni  mâle  est  quelquefois  moms 
éclatant  ou  beaucoup  plus  pâle  que  ne  le  comporte  la  figure  de 
l'entomologiste  de  Saint-Pétersbourg.     Nous  ne  connaissons  pour 
notre  compte  personnel  d'autre  forme  de  cette  espèce  que  celle 
de  Ménétriès;  mais  en  supposant  qu'il  en  existe,  il  nous  semble 
que  c'est  bien  à  cette  race  d'un  jaune  citronné  que  revient  la 
qualification  de  typique  par  droit  de  priorité.     En  effet,  la  con- 
sécration des  espèces,    considérées  comme  types,    ne  dépend  pas 
de  l'abondance  plus  ou  moins  grande  de  la  forme  sous  laquelle 
elles  sont  ordinairement  observées,  mais  bien  de  la  priorité  de  leur 
découverte.    Or,  d'après  ce  principe,  il  est  évident  que  le  papillon 
que  Ménétriès  a  eu  sous  les  yeux,  est  le  véritable  Eversmanni 
à  la  suite  duquel   viendront  se  ranger,    comme  des  variétés  ou 
des    races    locales,    toutes    les   autres   formes   que   peut  affecter 
ce  Parnassien,    si    elles    sont    suffisamment    distinctes    du   type 

primitif. 

Il  est  à  remarquer,  en  second  lieu,  que  les  dessins  obscurs 
des  ailes  supérieures  sont,  chez  l'espèce  qui  nous  occupe,  d'une 


—     136     — 

teinte  absolument  uniforme;  c'est  à  dire  qu'aucun  ne  tranche 
sur  les  autres  par  une  plus  grande  vivacité.  Ce  fait  est  précisé- 
ment l'inverse  de  celui  qui  s'observe  chez  tous  les  autres  Par- 
nassiens que  nous  avons  étudiés  jusqu'ici,  lesquels  possèdent  sur 
ces  organes  des  dessins  de  tonalité  différente.  Leurs  taches  dis- 
coïdales,  l'interne  et  parfois  les  costales  sont  toujours  plus  noires 
et  plus  épaisses  que  leurs  bandes  transverses,  tandis  qu'ici,  au 
contraire,  toutes  ces  taches  sont  d'un  gris  noirâtre  un  peu  nébuleux 
qui  contribue  à  donner  aux  ailes  supérieures  de  ce  papillon  la 
transparence  qui  le  caractérise. 

Quant  aux  inférieures,  elles  n'offrent  pas  de  trace  de  margi- 
nale ni  d'antémarginale;  leur  bord  externe  est  vierge  de  tout 
dessin;  et,  sous  ce  rapport,  Eversmanni  présente  des  rapports 
évidents  avec  le  Clarius  typique  de  la  chaîne  de  l'Altai. 

Nous  dirons  dans  l'article  suivant  ce  que  nous  pensons  de 
la  femelle  de  ce  Parnassien.  Rappelions  ici  pour  terminer  que 
le  mâle  figuré  par  Ménétriès,  a  été  découvert  à  Kansk,  dans  la 
Sibérie  centrale,  et  ajoutons  qu'il  est  probable  que  cette  rare 
espèce  s'avance  encore  plus  loin  vers  le  nord.  Nous  avons 
appris  également  qu'elle  a  été  retrouvée  il  y  a  quelques  années 
à  Nikolaiefsk,  en  Daourie,  par  un  entomologiste  allemand, 
Mr.  Graeser;  mais  nous  ignorons  si  les  quelques  exemplaires 
qui  ont  été  rapportés  de  ces  contrées  orientales  se  rapportent 
exactement  au  type  de  Kansk,  ou  s'ils  forment,  comme  cela 
nous  semble  fort  probable,  une  race  à  part,  en  raison  du  grand 
éloignement  de  ces  deux  stations  géographiques. 


—     137     — 

Parnassius  Wosneseuskii,  Eversmanu. 

Ménétriès.     Enumeratio  corporum  animaliuni  Musei  Petropolitani,  pages  74 

et  75,  pi.  1,  tig.  o  "^^  (année  1855). 
Staudinger,     Catalogue  1871,  N»-  20  (Eveismanni  '+  ?V). 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  20,  fig.  3  Ç  (type)  et  pi.  21,  fig.  o  '+  (variété). 

Ce  papillon  est  si  voisin  d'Eversmanni  que  le  docteur  Stau- 
dinger l'a  assimilé  dans  son  grand  catalogue,  quoique  avec  un 
certain  doute,  à  cette  espèce  dont  il  représenterait  le  sexe  femelle. 
Nous  exprimerons  plus  loins  notre  avis  sur  cette  opinion.  Mais 
auparavant,  nous  croyons  devoir  transcrire  ici  la  diagnose  que 
Ménétriès  nous  a  donné  de  ce  Parnassien,  afin  de  permettre 
au  lecteur  d'apprécier  en  pleine  connaissance  de  cause  le  degré 
d'analogie  ou  de  dissemblance  qu'il  peut  laisser  paraître  avec 
la  forme  congénère.  Voici  par  conséquent  ce  qu'on  lit  à  la  page  7-4 
de  l'ouvrage  mentionné  dans  notre  synonymie. 

Cette  espèce  est  très  voisine  du  P.  Eversmanni,  surtout  par 
ses  ailes  supérieures,  et  pourrait  bien  n'être  que  la  femelle;  mais 
dans  le  doute,  je  préfère  la  décrire  séparément,  les  ailes  inférieures 
m'ayant  offert  des  caractères  trop  marqués  pour  être  attribués  à  une 
simple  différence  sexuelle. 

Elle  est  un  peu  plus  petite  que  le  P.  Muemosyne;  les  quatre 
ailes  ont  leurs  nervures  noires  bien  marquées  et  liserées  également 
de  noir. 

En  dessus,  les  ailes  supérieures  présentent  absolument  les  mêmes 
dessins  que  l'on  remarque  chez  le  P.  Eversmanni,  mais  qui  sont  d'un 
blanc  sale  à  peine  jaunâtre.  Les  ailes  inférieures  sont  de  cette 
dernière  teinte;  sur  le  milieu  du  bord  antérieur  se  voit  une  tache 
d'un  rouge  cinabre  pâle  (l'ocelle),  étroitement  bordée  d'atomes  noirs; 
une  pareille  tache,  et  un  peu  plus  grande,  est  située  à  l'extrémité 
de  la  cellule  discoïdale;  une  large  bande  d'atomes  noirs  part  do  cette 
tache  et  atteint  le  bord  abdominal;  et  sur  cette  bande  entre  le  bord 


—     138     — 

interne  et  la  dernière  nervure,  se  remarque  une  petite  tache  ovale 
ainsi  qu'une  autre  à  côté  plus  grande  et  en  croissant  séparée  de  cette 
dernière  par  la  nervure;  ces  deux  taches  sont  d'un  rouge  cinabre, 
entourées  de  noir.  Le  bord  interne  est  comme  chez  l'espèce  voisine, 
pointillé  de  noir  profond;  cette  teinte  remplit  tout  l'espace  jusqu'au 
bord  interne  de  la  cellule  discoïdale;  enfin  tout  le  long  du  bord 
postérieur  se  dessine  une  bande  de  six  chevrons  étroits,  formés 
d'atomes  noirs. 

En  dessous,  les  quatre  ailes  sont  luisantes  et  présentent  le  même 
dessin  qu'en  dessus  ;  si  ce  n'est  qu'aux  ailes  inférieures,  les  quatre  ocelles 
d'un  rouge  cinabre  sont  un  peu  plus  grandes,  et  cela  aux  dépens  de 
leur  bordure  noire,  ayant  leur  milieu  largement  pupille  de  blanc; 
à  la  base  de  ces  ailes  sont  quatre  taches  de  la  même  teinte,  également 
blanches  intérieurement,  liserées  de  noir  extérieurement  et  séparées 
l'une  de  l'autre  par  une  nervure  noire:  la  1®  est  posée  sur  le  bord 
antérieur  et  est  la  plus  petite,  la  2®  est  presque  carrée;  la  3^,  la 
plus  grande,  s'allonge  jusqu'à  la  moitié  de  la  cellule  discoïdale;  et 
la  4®  descend  d'avantage  et  est  très  étroite  à  sa  base. 

Le  corps  est  noir,  garni  de  poils  peu  fournis  en  dessus  et  plus 
serrés  en  dessous  ;  entre  les  antennes  et  la  partie  antérieure  du  corselet, 
les  poils  sont  serrés  et  roussâtres;  de  chaque  côté  de  la  poitrine  les 
poils  sont  longs  et  touffus  ;  le  dernier  anneau  de  l'abdomen  est  frangé 
de  jaune  vif  en  dessus. 

La  femelle,  le  seul  sexe  que  nous  possédions,  a  une  poche  très 
grande,  à  peu  près  comme  celle  du  P.  Mnemosyne,  d'un  blanc  sale 
avec  un  sillon  longitudinal  en  dessous  et  un  autre  de  chaque  côté. 
Cette  poche  s'arrondit  à  l'extrémité. 

Cet  exemplaire  a  été  rapporté  d'Ochotsk  par  Mr.  Wosnesenski. 

Si,  'après  avoir  lu  la  description  qui  précède,  on  compare 
entre  elles  les  figures  2  et  3  de  notre  vingtième  planche,  les- 
quelles représentent  l'Eversmanni  mâle  et  le  Wosnesenskii  fe- 
melle et  dont  la  dernière  a  été  également  extraite  avec  fidélité 


—     139     — 

de.  l'ouvrage  de  Ménétriès,  on  trouve  en  effet  que  ces  deux 
papillons  présentent  de  notables  différences.  D'abord  l'espèce 
originaire  d'Ochotsk  est  franchement  blanche,  et  c'est  à  peine, 
si  elle  est  teintée  d'un  jaunâtre  fort  douteux;  puis,  malgré  la 
grande  analogie  qui  règne  de  part  et  d'autre  entre  les  dessins 
des  ailes  supérieures,  on  aperçoit  immédiatement  que  les  ocelles 
de  ce  Parnassien,  très  élargies  toutes  deux,  sont  teintées  d'un 
rouge  à  peine  naissant  de  même  que  le  centre  de  l'anale;  que 
cette  dernière  tache  se  relie  à  l'ocelle  inférieure  par  une  large 
barre  noirâtre;  enfin  que  le  bord  externe  de  l'aile  est  occupé 
dans  tout  son  parcours  par  une  ligne  marginale  formée  d'une 
suite  de  chevrons  continus.  Le  revers  de  Wosnesenskii  montre 
en  outre  quatre  taches  basilaires  blanchâtres,  également  bien 
écrites,  et  disposées  comme  celles  des  Carinati  en  général;  chez 
Eversmanni,  au  contraire,  les  ocelles  sont  réduites,  le  bord  extérieur 
est  vierge  de  tout  dessin;  et  cette  espèce  ne  possède  en  dessous 
que  deux  basilaires  d'un  carmin  foncé,  l'une  dans  la  cellule,  et 
l'autre  disposée  le  long  du  bord  abdominal.  Ces  différences 
réunies  contribuent  à  donner  aux  deux  papillons  dont  il  s'agit 
un  aspect  très  particulier. 

Nous  avons  sous  les  yeux  un  autre  Parnassien  qui  nous 
a  été  envoyé  par  Mr.  Ernst  Heyne,  l'entomologiste  si  obligeant 
de  Leipzig,  comme  étant  une  femelle  d'Eversmanni,  mais  que 
nous  rapportons  sans  hésitation  au  "Wosnesenskii  de  Ménétriès, 
bien  qu'il  ne  soit  pas  absolument  conforme  à  la  figure  de  cet 
auteur.  Cet  exemplaire  qui  se  trouve  reproduit  sur  notre 
planche  21,  fig.  3,  présente  en  ett'et  quelcjues  caractères  spéciaux, 
tout  en  conservant  cepandent  les  signes  essentiels  qui  appar- 
tiennent au  type.  11  est  d'abord  beaucoup  plus  grand  que  ce 
dernier,    car    sa   taille   égale    au   moins   celle  de  Clarius;    puis 


—     140     — 

ses  ailes  supérieures,  quoique  peu  chargées  d'écaillés  et  à  demi 
transparentes,  sont  plus  rembrunies,  et  par  conséquent,  les  taches 
blanchâtres  disposées  en  séries  transverses  se  trouvent  plus  ré- 
duites. Les  ailes  inférieures,  d'un  blanc  sale,  sont  dessinées 
comme  celles  de  la  figure  de  Ménétriès;  les  ocelles  sont  pourtant 
plus  vivement  circonscrites,  la  ligne  marginale  dentée  est  mieux 
marquée;  l'anale  est  teintée  de  blanchâtre  au  lieu  de  rose;  et  la 
barre  qui  la  relie  à  l'ocelle  inférieure,  est  plus  étroite  ou  plus  fine. 
Sur  la  face  inférieure  de  ce  papillon  l'anale  est  lavée  de  rose  pâle 
comme  chez  l'exemplaire  d'Ochotsk;  mais  les  basilaires  sont  plus 
allongées,  plus  blanches  et  moins  largement  circonscrites  de  noir.  On 
peut  aussi  vérifier  sur  cette  femelle  ce  que  l'auteur  de  la  diagnose 
affirme  de  la  vestiture  du  corps  de  son  Wosnesenskii.  En  effet,  la 
tête  est  entourée  d'un  collier  de  poils  roux  lesquels  deviennent  plus 
denses,  plus  longs  et  plus  jaunâtres  sur  la  poitrine.  L'abdomen, 
dégarni  de  pilosité  et  d'un  noir  luisant,  est  frangé  sur  ses  côtés 
de  même  que  sur  le  dessus  du  dernier  segment  de  jaune  vif. 
Mais  ce  sujet,  extrêmement  intéressant  parce  qu'il  se  présente 
comme  une  variété,  ne  possède  pas  sa  poche  anale.  En  raison 
de  sa  grande  fraîcheur  nous  le  supposons  vierge,  de  sorte  que 
l'appareil  sexuel  ne  s'est  pas  développé.  Il  eut  été  très  im- 
portant de  pouvoir  constater  si  cette  caverne  que  l'entomologiste 
russe  compare  à  celle  de  notre  Mnemosyne  porte  une  triple  sillon 
longitudinal  à  sa  surface,  ou  si  elle  ressemble  plutôt  à  celle  que 
nous  avons  reproduite  pi.  4,  fig.  5  et  6  d'après  un  dessin  qui 
nous  a  été  envoyé.  L'examen  de  ces  figures  ne  fait  apercevoir 
aucune  trace  des  sillons  dont  il  s'agit;  et  la  poche  qu'elles  re- 
présentent s'éloigne  aussi,  comme  forme,  de  celle  de  Mnemosyne 
(pi.  4,  fig.  3,  4)  qui  apparaît  plus  spacieuse,  plus  trapue  et 
beaucoup  moins    atténuée    à  sa    partie    antérieure.     Il   est  vrai 


—     141     — 

"  que  le  dessin  des  figures  5  et  6  nous  a  été  communiqué  comme 
étant  celui  de  la  pocbe  d'Eversmanni,  probablement  de  la  femelle 
jaune  qui  se  rapporte  au  mâle  citronné  de  la  Sibérie  centrale, 
ce  qui  tendrait  déjà  à  prouver,  si  cette  dernière  hypothèse  est 
exacte,  que  les  deux  formes  Eversmanni  et  Wosnesenskii  ne  sont 
pas  absolument  les  mêmes,  puisqu'elles  différeraient  par  des  carac- 
tères organiques  en  même  temps  que  par  leur  aspect  physique. 
Tl  résulte  de  la  comparaison  que  nous  venons  d'établir  entre 
le  Wosnesenskii  de  notre  collection  et  celui  de  Ménétriès,  que 
cette  espèce  est  sujette  à  varier,  tout  en  conservant  cependant  ses 
principaux  traits  distinctifs,  c'est-à-dire  sa  couleur  blanche  et 
les  dessins  caractéristiques  de  ses  ailes.  Mais  que  convient-il  de 
conclure  de  ce  fait  ainsi  que  des  différences  qui  existent  entre 
ce  Parnassien  et  le  véritable  Eversmanni?  Ces  deux  papillons 
forment-ils  chacun  une  espèce  indépendante;  l'un  n'est-il  qu'une 
modification  géographique  de  l'autre,  ou  bien  ne  constituent-ils 
qu'une  seule  espèce  représentée  par  deux  sexes  différents?  Cette 
question  est  assez  difficile  à  résoudre,  parce  que  les  données  qui 
pourraient  l'éclaicir  sont  encore  insuffisantes.  Nous  ne  croyons 
pas  cependant  qu'il  y  ait  une  identité  absolue  entre  ces  deux 
formes  de  Parnassiens,  et  nous  sommes  de  l'avis  de  l'entomologiste 
russe,  lorsqu'il  pense  que  les  différences  observées  sont  plus  que 
sexuelles.  Cette  opinion,  du  reste,  paraît  avoir  été  adoptée  par 
des  auteurs  compétents,  et  entre  autres  par  Mr.  Charles  Oberthur 
qui  considère  également  le  Wosnesenskii  de  Ménétriès  comme 
une  variété  blanche  et  peu  obscure  de  l'Eversmanni^ 
Ce  savant  lépidoptériste  possède  du  reste  une  paire  de  ce  dernier 
papillon  qui  est  originaire  de  Jakoutsk,  ce  qui  prouve  qu'il  'existe 
une  femelle  qui,  par  sa  teinte  jaune,  est  en  rapport  avec  le  mâle 
typique  de  Kansk. 


—     142     — 

Sans  aller  jusqu'à  séparer  spécifiquement  les  deux  formes 
dont  nous  étudions  les  relations,  il  est  permis  au  moins  de  les 
distinguer  comme  races  locales.  D'après  cette  manière  de  voir, 
l'espèce  typique  caractérisée  par  sa  couleur  d'un  jaune  vif,  par 
l'intensité  du  carmin  de  ses  ocelles  et  par  l'absence  de  la  ligne 
marginale  des  ailes  inférieures,  représenterait  une  forme  qui  est 
propre  au  centre  de  la  Sibérie  où  elle  fréquente  de  très  faibles 
altitudes;  tandis  que  le  Wosnesenskii,  remarquable  par  sa  teinte 
blanche,  par  l'élargissement  de  ses  ocelles  dont  le  rouge  s'est 
étiolé  et  par  la  marginale  si  vivement  accusée,  constituerait  une 
variété  orientale  et  peut-être  plus  alpine  de  la  forme  précédente. 
Si  cette  hypothèse  est  exacte,  il  doit  exister  dans  le  nord-est 
de  la  Sibérie  des  mâles  atteints  d'albinisme  et  offrant  les  carac- 
tères principaux  de  la  femelle  figurée  par  Ménétriès,  mais  nous 
ne  possédons  aucune  indication  précise  à  cet  égard.  Nous  devons 
toutefois  rapporter  ici  qu'un  lépidoptériste  très  distingué,  Mr. 
Edwards,  a  publié  en  1881,  dans  la  revue  scientifique  intitulée 
Papilio  (volume  1,  page  2),  la  description  d'un  mâle  d'Evers- 
manni  originaire  des  bords  du  fleuve  Yukon  dans  la  province 
d'Alaska  (Amérique  Russe).  Cet  exemplaire  que  l'auteur  désigne 
sous  le  nom  de  Thor,  différerait  sensiblement  de  la  forme  de 
Kansk  par  plusieurs  caractères  importants,  et  notamment  par  sa 
couleur  d'un  blanc  sale  analogue  à  celle  de  Clarius.  Ce  Parnassien 
peut-il  être  rapporté  à  Wosnesenskii,  ou  constitue-t-il  une  nou- 
velle race  distincte  de  celle-ci?  C'est  ce  que  nous  ne  pouvons 
décider  en  l'absence  de  la  figure.  Cependant,  ce  fait  semblerait 
prouver  que  l'Eversmanni  manifeste  une  tendance  à  blanchir 
à  mesure  qu'il  s'étend  depuis  le  centre  de  la  Sibérie  vers 
des  régions  de  plus  en  plus  orientales,  et  viendrait  appuyer 
l'opinion    que    nous    avons    émise   plus    haut,    à    savoir    que    ces 


—     143     — 

deux  papillons  ne  sont  pas  les  formes  sexuelles  d'un  seul  et 
même  type. 

En  résumé,  Wosnesenskii  est  à  nos  yeux  une  variété  locale 
d'Eversmanni.  Ces  deux  Parnassiens  offrent  les  mêmes  rapports 
que  ceux  qui  régnent  entre  le  Clarius  typique  et  sa  variété 
Dentata,  mais  quant  aux  dessins  seulement,  car  la  différence  qui 
existe  entre  les  deux  formes  deMénétriès,  est  encore  compliquée  d'une 
question  d'albinisme  qui  tend  à  les  éloigner  d'avantage  l'une  de  l'autre. 

Ajoutons,  pour  finir  l'histoire  de  cette  rare  espèce,  quelques 
mots  sur  sa  distribution  géographique.  L'auteur  de  la  diagnose 
nous  apprend  que  l'exemplaire  typique  qu'il  nous  a  fait  connaître 
a  été  rapporté  d'Ochotsk  par  le  voyageur  russe  Wosnesenski 
à  qui  ce  papillon  a  été  dédié.  Quelques  années  plus  tard,  une 
autre  femelle  a  été  recueillie  non  loin  de  la  rivière  Outchour 
par  le  professeur  Pavlofski,  au  cours  d'une  exploration  que  ce 
savant  dirigea  en  1858  dans  le  gouvernement  de  Jakoutsk  pour 
le  compte  de  l'Académie  impériale. 

Le  spécimen  varié  de  notre  collection  est  originaire  des 
montagnes  situées  au  nord-est  d'Ochotsk.  Ce  Parnassien  paraît 
par  conséquent  être  propre  à  la  partie  alpine  et  déserte  du  nord- 
est  de  la  Sibérie;  et  nous  supposons  qu'il  s'étend  dans  toute  la 
péninsule  de  Tchoutchis  au  nord  du  Kamtchatka. 


Paruassins  Felderi,  Bremer. 


Bremer.     Lepidoptereii  Ost-Sibiriens,  page  6,  pi.  1,  fig.  5  (année  1864). 
Staudinger.     Catalogue  1871,  N»- 21. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  19,  fig.  2  ■$. 

Les   entomologistes  qui   ne   connaîtraient   cette  espèce  que 
par  la  mention   que   le  docteur  Staudinger   lui  a  consacrée   au 


—     U4     — 

1^°-  21  de  son  catalogue  général,  supposeraient  nécessairement 
qu'elle  est  très  voisine  d'Eversmanni,  puisque  ce  savant  ajoute 
à  la  citation  iconographique  qui  concerne  ce  Parnassien,  les  mots 
suivants:  num  precedentis  (Eversmanni)  varietas?  A  cette 
époque,  l'auteur  du  catalogue  ne  connaissait  que  la  figure  de  Bremer, 
et  son  opinion  a  varié  depuis  qu'il  a  pu  étudier  en  nature  l'in- 
secte dont  il  s'agit.  Dans  le  fait,  Felderi  est  une  forme  bien 
tranchée  non  seulement  d'Eversmanni,  mais  encore  de  tous  ses 
autres  congénères.  C'est  pourtant  dans  le  voisinage  de  cette 
espèce  qu'il  convient  de  la  placer,  d'abord  parce  que  les  nervures 
et  les  franges  de  ses  ailes  sont  d'un  noir  profond,  et  ensuite 
à  cause  de  la  pilosité  d'un  beau  jaune  qui  recouvre  son  corps. 
Ce  Parnassien  est  de  grande  taille.  Son  envergure  atteint 
celle  de  nos  plus  forts  exemplaires  d'Apollo;  mais  sa  coupe  est 
bien  différente  de  celle  de  cette  espèce.  Ses  ailes  sont  plus 
allongées,  le  sommet  des  supérieures  est  plus  aigu  et  leur  bord 
externe  plus  droit;  les  inférieures,  aussi  longues  que  les  précé- 
dentes, présentent  un  limbe  très  convexe  et  bien  arrondi.  Leur 
nuance  est  d'un  blanc  jaunâtre;  mais  les  écailles  de  ce  papillon 
sont  si  fines  et  si  peu  serrées  qu'il  paraît  toujours  plus  ou  moins 
transparent,  même  lorsque  les  exemplaires  sont  bien  frais  comme 
celui  que  nous  avons  sous  les  yeux.  —  Cette  particularité  à  la- 
quelle il  convient  encore  d'ajouter  la  pâleur  et  l'uniformité  de 
tous  les  dessins  noirs  des  ailes  supérieures,  est  une  analogie 
de  plus  qui  rapproche  cette  espèce  de  l'Eversmanni  qui  possède 
aussi  ces  caractères.  Cependant,  les  dessins  sont  plus  simples 
et  moins  compliqués  chez  Felderi  que  ceux  de  la  forme  com- 
parative. On  n'aperçoit  guère  en  effet  sur  les  ailes  antérieures 
du  Parnassien  qui  nous  occupe  que  les  taches  suivants:  1^  deux 
discoïdales    étroites    coupant    la    cellule    de    part    et    d'autre, 


—     145     — 

2®  une  tache  interne  allongée  verticalement  et  concave  sur  ses 
grands  côtés,  3^  deux  ou  trois  macules  vagues,  indécises  à  la 
place  des  costales,  4°  une  antémarginale  fine,  peu  indiquée  et  qui 
n'aboutit  pas  jusqu'au  bord  interne;  et  5^  enfin  la  marginale 
proprement  dite,  qui  s'allonge  sous  forme  de  bande  étroite  depuis 
l'apex  jusqu'à  la  4'^  branche  de  la  médiane.  La  base  et  la  côte 
sont  en  outre  largement  recouvertes  d'un  léger  semis  noirâtre. 
L'aile  inférieure  présente  des  dessins  encore  beaucoup  plus  simples, 
car  on  n'y  aperçoit  nulle  trace  de  bandes  transverses.  Les  seules 
taches  qui  en  rompent  l'uniformité,  sont  deux  très  petites  ocelles 
et  le  lavis  abdominal.  La  plus  élevée  des  ocelles  consiste  en 
un  point  d'un  carmin  fort  vif,  largement  cerclé  de  noir  profond, 
tandis  que  l'autre  est  réduite  à  une  simple  accumulation  d'écaillés 
obscures.  Quant  au  lavis,  il  est  à  peu  près  normalement  déve- 
loppé; mais  il  offre  des  particularités  qu'on  ne  retrouve  chez 
aucun  autre  Parnassien.  Au  lieu  de  naître  à  la  côte  de  l'aile, 
il  ne  commence  à  se  former  qu'à  partir  de  la  grosse  nervure  qui 
ferme  par  en  haut  la  cellule;  il  s'étend  ensuite  tout  le  long 
du  bord  jusqu'à  l'angle  anal  où  il  aboutit  à  une  autre  tache 
étroite,  allongée  et  un  peu  concave;  et  dans  ce  parcours  il  laisse 
apparaître  trois  éclaircies  blanches  disposées,  l'une  à  la  base 
de  la  cellule,  et  les  autres  entre  celle-ci  et  le  bord  abdominal. 
Le  dessous  de  Felderi  est  la  reproduction  à  peu  près  exacte 
du  dessus;  mais  cette  face  est  presque  totalement  dégarnie 
d'écaillés  et  présente  par  conséquent  un  aspect  vitré  des  plus 
prononcés.  Cependant  de  ce  côté  les  ocelles  ont  un  peu  plus 
d'ampleur:  la  supérieure  est  pupillée  de  blanc  et  l'inférieure 
de  quelques  écailles  rouges;  les  éclaircies  du  lavis  sont  plus 
agrandies  et  faiblement  ('caillées  de  carmin  de  même  que 
la  tache  anale.    Enfin,  la  base  de  l'aile  et  tout  le  bord  abdominal 

10 


—     146     — 

se  trouvent  revêtus  d'un  fin  duvet  jaunâtre  qui  devient  très 
apparent  lorsque  le  rayon  visuel  en  effleure  obliquement  la 
surface. 

Pour  terminer  cette  description,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à 
énumérer  les  principaux  caractères  qui  intéressent  le  corps  de  ce 
remarquable  papillon.  Ses  antennes,  ses  pattes  et  son  abdomen 
sont  d'un  noir  uniforme;  mais  cette  couleur  est  masquée  en 
partie  par  une  abondante  pilosité  d'un  beau  jaune  d'or  qui  est 
surtout  très  développée  autour  de  la  tête  où  elle  forme  une  sorte 
de  collier,  de  chaque  côté  de  la  poitrine,  et  sur  toute  la  face 
inférieure  de  l'abdomen.  Le  dessus  de  celui-ci  est  noir;  les  poils 
qui  le  recouvrent,  moins  longs  et  moins  serrés,  sont  d'un  gris 
roussâtre,  mais  ses  incisions  latérales  sont  frangées  d'un  jaune 
d'or  très  vif.  Ces  divers  caractères  s'observent  également  chez 
les  deux  espèces  que  nous  avons  décrites  plus  haut  avec  lesquelles 
celle-ci  forme  un  petit  groupe  très  naturel;  mais  la  couleur 
jaune  est  ici  beaucoup  plus  intense  et  se  trouve  poussée,  pour 
ainsi  dire,  jusqu'à  l'exagération. 

Nous  avons  dit  que  Felderi  est  voisin  d'Eversmanni  et  de 
Wosnesenskii.  En  effet,  ce  papillon  tient  au  premier  par  le 
limbe  de  ses  ailes  postérieures  qui  est  vierge  de  tous  dessins,  et 
par  la  tendance  de  ses  ocelles  à  se  rétrécir;  il  possède  du  second 
la  teinte  blanchâtre,  la  grande  transparence  de  ses  ailes  et  la 
couleur  noire  de  leurs  franges  et  de  leurs  nervures.  Cependant, 
il  est  parfaitement  distinct  de  tous  deux  par  la  taille  et  par 
des  détails  de  dessins  si  importants  qu'il  est  inutile  d'en  faire 
ressortir  les  différences.  Il  est  encore  un  autre  Parnassien  dont 
l'aile  supérieure  évoque  par  son  aspect  le  souvenir  de  la  présente 
espèce,  c'est  Stubbendorfii  qui  est  le  commensal  de  Felderi 
dans  certains   points  de  l'Amurland.     Cette  petite   espèce,    aux 


—     147     — 

ailes  hyalines  et  nervurées  de  noir,  possède  aussi  des  dessins 
presque  oblitérés  et  disposés  à  peu  près  de  la  même  manière; 
toutefois  elle  est  dépourvue  d'ocelles  et  se  rapproche  d'avantage 
de  notre  Mnemosyne.  L'analogie  que  nous  signalons  n'est  par 
conséquent  que  lointaine;  mais  elle  prouve  que  parfois  la  nature 
se  plaît  à  reproduire  une  certaine  similitude  parmi  des  êtres 
très  distincts  auxquels  elle  a  assigné  les  mêmes  conditions 
d'existence. 

Ce  beau  et  rare  Parnassien,  dont  la  femelle  nous  est  encore 
inconnue,  possède  un  habitat  des  plus  restreints.  Découvert 
en  1863  par  Mr.  Eadde,  sur  les  montagnes  de  Bureija,  il  a  été 
retrouvé  plus  tard  sur  celles  de  Kaddefskaia.  C'est  une  espèce 
spéciale  aux  alpes  du  centre  de  l'Amurland  où  elle  vole  très  peu 
nombreuse  dans  le  courant  du  mois  de  Juillet. 


Faruassias  Clarius,  Eversiiianu. 


Eversmann.    Bulletin  de  la  Société  impériale  des  Naturalistes  de  Moscou, 

pi.  9,  fig.  1,  a,  b,  c,  page  539. 
Herrich-Schaeffer.     Systeraatische  Bearbeitung  etc.  628 — 631. 
Staudinger.    Catalogue  1871,  N°-  23. 
Austaut.    Les  Parnassiens,  pi.  20,  fig.  1  S- 

Cette  espèce  possède  à  peu  près  la  taille  de  notre  Delius, 
mais  tous  ses  caractères  tendent  à  la  rapprocher  des  trois  formes 
que  nous  avons  décrites  précédemment.  Le  mâle,  seul  sexe  que 
nous  connaissions,  est  d'un  blanc  sale  un  peu  jaunâtre  sur  lequel 
les  franges  et  les  nervures  ressortent  en  brun  pâle.  Les  dis- 
coïdales  des  ailes  supérieures  sont  grosses  et  très  noires;  les 
costales  qui  leur  succèdent,  très  confluentes,  imitent  une  sorte 
de  bande  courbe  et  anguleuse  du  côté  extérieur,  laquelle  s'arrête 

10* 


—     148     — 

brusquement  à  la  seconde  branche  de  la  nervure  médiane; 
l'antémarginale,  bien  continue  et  un  peu  dentée  en  dehors,  ex- 
pire avant  d'atteindre  le  bord  interne  ;  enfin  une  marginale,  assez 
large  et  d'un  aspect  vitré,  occupe  tout  le  bord  de  l'aile  depuis 
le  sommet  jusqu'à  l'angle  qui  lui  est  opposé.  Cette  espèce  n'offre 
qu'une  très  petite  tache  interne  plus  ou  moins  marquée  et  qui 
consiste  dans  un  simple  groupement  d'écaillés  noires. 

Les  ailes  inférieures  de  ce  Parnassien  présentent  un  dessin 
fort  simple.  On  y  distingue  d'abord  deux  ocelles  bien  cerclées, 
d'un  rouge  orangé  un  peu  terne  et  sans  trace  de  pupillation 
blanche  dans  leur  centre,  puis  deux  anales  consécutives,  assez 
fines,  enfin  le  lavis  abdominal  qui  s'étend  depuis  la  base  jus- 
qu'aux taches  précédentes,  après  avoir  dessiné  un  crochet  sous 
la  cellule.  Il  n'existe  sur  ces  organes,  ainsi  que  le  montre  notre 
figure,  aucune  trace  des  bandes  transverses  qui  sont  si  constantes 
chez  la  plupart  des  espèces  de  ce  genre. 

Le  dessous  de  Clarius  reproduit  très  exactement  les  dessins 
de  la  face  opposée,  mais  avec  des  nuances  fort  pâles  et  un  reflet 
vitré  des  plus  prononcés.  On  ne  retrouve  de  ce  côté  le  moindre 
vestige  des  basilaires  rouges  que  nous  avons  signalées  chez  pres- 
que tous  les  Parnassiens  que  nous  avons  étudiés  jusqu'à  présent; 
et  pour  cette  raison,  Clarius  constitue  une  transition  évidente 
entre  les  Ventricosi  qui  possèdent  ces  taches,  tels  qu'Evers- 
manni,  et  les  différentes  formes  du  groupe  de  Mnemosyne  chez 
lesquelles  ces  taches  font  toujours  défaut. 

Ce  papillon,  malgré  son  aspect  plus  robuste,  ressemble  aussi 
beaucoup  au  Nordmanni  du  Caucase  chez  lequel  les  basilaires 
sont  complètement  absentes,  mais  qui  possède  pourtant  des  ocelles 
normalement  développées;  enfin,  à  part  la  taille,  la  couleur  du 
fond  et  le  peu  d'extension  des  dessins  noirs  des  ailes  supérieures. 


—     149     — 

Clarius  montre  des  rapports  manifestes  avec  l'Eversmanni  de  Méné- 
triès,  à  cause  des  franges  et  des  nervures  qui  sont  plus  obscures 
que  la  teinte  générale,  et  de  l'absence  des  bandes  transverses 
des  ailes  postérieures.  Par  sa  couleur  d'un  blanc  jaunâtre  sale, 
ce  Parnassien  se  rapproche  aussi  de  Wosnesenskii;  et  nous  verrons 
qu'il  se  lie  plus  particulièrement  à  cette  espèce  par  la  variété 
Dentata  dont  il  sera  question  ci-dessous. 

Clarius,  dans  sa  forme  typique,  a  été  découvert,  il  y  a  déjà 
de  nombreuses  années,  par  Mr.  Schrenck,  sur  les  alpes  de  Tarbagatai 
qui  sont  proches  des  sources  de  l'Irtyche;  il  a  été  repris  plus 
tard  à  Ustkamenogorsk,  dans  la  chaîne  de  TAltai,  ainsi  que  sur 
d'autres  points  de  ce  vaste  système  de  montagnes.  Ce  Parnassien 
semble  être  propre  à  cette  région,  car  il  n'a  été  rencontré  ni 
dans  le  Tian-Chan  qui  est  situé  au  sud-ouest  de  cette  chaîne, 
ni  sur  les  alpes  de  TAmurland,  à  l'est  de  la  Sibérie. 


Tariété  Dentata,  Standîuger. 

Staudinger.     In  litteris. 

Âustaut.     Les  Parnassiens,  pi.  21,  fig.  1  ^,  fig.  2  $. 

Mr.  Haberhauer  découvrit  il  y  a  quelque  temps  dans  le 
cours  d'explorations  qu'il  dirigea  dans  les  montagnes  de  Saisan 
qui  sont,  comme  on  le  sait,  dans  une  situation  plus  méridionale 
que  celles  de  Tarbagatai,  une  nouvelle  forme  de  Clarius  laquelle 
diffère  assez  du  type  de  l'Altai  pour  mériter  de  porter  un  nom 
distinct.  Ce  papillon  offre  la  môme  taille  et  la  même  teinte  d'un  blanc 
jaunâtre  qui  sont  propres  ;i  l'espèce  décrite  par  Eversmann;  mais 
ses  dessins  sont  généralement  plus  élargis,  et  ils  présentent  en  outre 
des  particularités  qu'on  ne  retrouve  pas  chez  le  Clarius  sibérien. 


—     150     — 

Le  mâle  de  cette  variété  que  nous  avons  représenté  pi.  21,  fig.  1, 
montre  des  taches  costales  bien  confluentes  et  très  épaisses  qui 
aboutissent  jusqu'à  l'interne  par  un  semis  continue  d'écaillés 
noires;  puis  le  crochet  du  lavis  abdominal,  quoique  très  fin, 
remonte  aussi  d'avantage  vers  le  bord  supérieur  de  la  cellule 
des  secondes  ailes.  L'anale  est  formée  par  la  réunion  de  plusieures 
macules  confluentes  qui  affectent  dans  leur  ensemble  l'apparence 
d'un  zig-zag  dont  le  centre  est  distinctement  écaillé  de  rouge; 
enfin,  et  c'est  là  le  caractère  le  plus  important,  il  existe  chez 
cette  race,  tout  le  long  du  bord  extérieur,  une  ligne  antémarginale, 
fine,  noirâtre  et  très  dentée  dont  les  angles  saillants  vont  aboutir 
jusqu'aux  franges,  à  l'intersection  de  celles-ci  et  des  nervures. 
Cette  ligne  s'appuie  intérieurement  sur  une  zone  ombrée  assez 
peu  définie. 

Ne  connaissant  pas  la  femelle  du  vrai  Clarius,  nous  ne 
pouvons  faire  ressortir  les  dissemblances  qui  peuvent  exister 
entre  elle  et  sa  variété;  néanmoins,  la  femelle  de  Dentata  diffère 
du  mâle  par  l'aspect  plus  diaphane  de  ses  ailes,  par  l'élargisse- 
ment plus  considérable  de  l'anale  qui  est  plus  vivement  carminée 
et  qui  tend  à  s'unir  à  l'ocelle  inférieure,  mais  surtout  par  la 
bande  qui  relie  les  costales  à  l'interne,  laquelle  offre  une  am- 
pleur inusitée.  On  remarque  en  outre  que  les  ocelles  sont  reliées 
deux  à  deux  par  un  trait  fin  et  noirâtre. 

Le  dessous  de  ce  Parnassien  est  absolument  identique  au 
dessus,  à  part  le  reflet  très  vitré  qui  est  spécial  à  cette  face. 
Les  antennes,  le  corps  et  la  vestiture  qui  le  recouvre,  ne  sont  pas 
différents  de  ceux  du  Clarius  ordinaire.  Mais  nous  devons  insister 
ici  sur  la  forme  si  remarquable  de  la  poche  sexuelle  de  Dentata, 
laquelle  ne  diffère  probablement  pas  d'une  manière  bien  sensible 
de  celle  de  la  race   de   l'Altai.     Cet   appareil   que  nous  avons 


—     151     — 

dessiné  pi.  4,  fig.  7  et  8,  possède  les  caractères  généraux  qui 
sont  propres  au  groupe  des  Ventricosi;  c'est-ù-dire  qu'il  consiste 
dans  une  caverne  blanchâtre  spacieuse  sous  jacente,  dépourvue 
d'appendices  accessoires,  mais  proportiouellement  plus  volumineuse 
et  surtout  plus  allongée  que  celle  des  formes  congénères.  Sa  partie 
antérieure,  bien  détachée  de  l'abdomen,  est  terminée  par  une  ouver- 
ture arrondie  à  bords  réfléchis,  et  on  remarque  que  sa  surface 
est  divisée  en  deux  parties  à  peu  près  égales  par  un  étranglement 
transversal  très  apparent. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  Clarius,  malgré  une  grande 
différence  d'aspect,  présente  une  affinité  évidente  avec  l'Eversmanni 
de  Ménétriès,  La  variété  qui  nous  occupe  se  lie  au  contraire 
plutôt  avec  le  Wosnesenskii  du  même  auteur.  En  effet,  les  points 
de  ressemblance  sont  nombreux  entre  ces  deux  papillons,  ainsi  que 
l'on  peut  s'en  convaincre  en  comparant  l'une  à  l'autre  les  fig.  2 
et  3  de  la  planche  2 1 ,  ainsi  que  la  fig.  3  de  la  vingtième  planche. 
La  nuance  du  fond  est  à  peu  près  la  même  de  part  et  d'autre. 
L'antémarginale  des  ailes  postérieures  consiste  également  dans 
les  deux  cas  en  une  ligne  fine  et  dentée;  l'analogie  serait  même 
encore  plus  grande,  si  l'aile  supérieure  de  Dentata  était  aussi 
obscurcie  à  la  base  et  sur  le  disque  que  celle  de  l'espèce  sibérienne, 
Cependant,  malgré  ce  degré  de  similitude,  les  caractères  diffé- 
rentiels parmi  lesquels  il  convient  de  citer  la  présence  ou  l'ab- 
sence des  basilaires,  demeurent  trop  marqués  pour  qu'il  soit 
permis  d'émettre  des  doutes  sur  l'indépendance  respective  de  ces 
deux  Parnassiens. 


—     152     — 
Paruassius  Nordmanui,  Méuétriès  var.  Miuima,  Houratli. 


Honrath.    Berliner  Entomologische  Zeitschrift,  page  272,  pi.  8,  fig.  2,  2a 

(année  1885), 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  22,  fig.  1,  2  {S  et  5). 

Nous  ne  connaissons  pas  la  forme  typique  de  ce  Parnassien 
qui  a  été  décrite  et  figurée  par  Nordmann  en  1851  dans  le  bulletin 
de  la  Société  impériale  des  Naturalistes  de  Moscou.  Nous  savons 
seulement  qu'elle  est  propre  aux  hautes  alpes  du  Daghestan  et 
à  celles  de  la  Géorgie  et  qu'elle  doit  être  très  voisine  du  Clarius 
de  l'Altai,  puisque  Mr.  Herrich-Schaeffer,  dans  son  grand  ouvrage 
sur  les  papillons  d'Europe,  a  confondu  avec  cette  dernière  espèce 
des  exemplaires  de  Nordmanni  parfaitement  typiques.  L'expédition 
russe  qui  explora  le  Caucase  il  y  a  quelques  années,  découvrit 
sur  les  très  hautes  montagnes  qui  avoisinent  Bazardjusi  et  à  plus 
de. 4000  mètres  d'altitude  une  variété  particulière  de  ce  Parnassien, 
laquelle  a  été  publiée  sous  le  nom  de  Minima  par  Mr.  Edouard  G. 
Honrath,  de  Berlin. 

Cette  forme  dont  nous  avons  sous  les  yeux  de  fort  beaux 
exemplaires  des  deux  sexes,  est  en  effet  très  petite;  son  envergure 
ne  dépasse  pas  celle  des  sujets  ordinaires  de  notre  Pieris  Rapae; 
elle  est  par  conséquent  beaucoup  plus  réduite  que  Mnemosyne 
dont  elle  possède  du  reste  la  coupe  et  avec  laquelle  elle  offre 
aussi  beaucoup  de  ressemblance. 

Les  ailes  du  mâle  sont  d'un  beau  blanc  mat  à  peine  grisâtre, 
sur  lequel  les  nervures  et  les  franges  ne  se  détachent  nullement 
ni  en  brun  ni  en  noir,  ainsi  que  c'est  le  cas  de  toutes  les  espèces 
du  présent  groupe.  Les  discoïdales,  grosses  et  arrondies,  occupent 
toute  la  largeur  de  la  cellule;  la  côte  et  la  base  sont  fortement 
lavées  d'écaillés  obscures;  les  costales,  bien  confluentes,  forment 
une  sorte  de  crochet  épais  et  court  qui  n'atteint  pas  la  première 


—     153     — 

branche  de  la  médiane.  La  tache  interne  affecte  la  forme  d'un 
croissant  un  peu  vague  et  oblicfue,  dont  la  convexité  se  trouve 
tournée  en  dehors;  enfin  les  deux  bandes  transverses,  la  marginale 
et  l'antémarginale,  sont  tout-à-fait  conflueutes  et  constituent  par 
leur  réunion  une  sorte  d'ombre  apicale  très  large,  assez  diaphane, 
qui  se  perd  avant  d'aboutir  à  l'angle  externe.  Toutefois,  avec 
de  l'attention,  on  découvre  dans  cette  ombre  une  série  de  petites 
taches  blanchâtres  fort  vagues,  disposée  parallèlement  au  bord, 
laquelle  représente  une  trace  de  la  nuance  du  fond  qui  sépare 
toujours  chez  les  Parnassiens  les  bandes  transversales. 

Les  ailes  inférieures  de  cette  variété  sont  uniformément 
blanches.  On  y  distingue  d'abord  le  lavis  abdominal  qui  est 
très  noir  et  qui  s'étend  depuis  la  base  jusqu'à  l'angle  anal,  après 
avoir  fait  un  crochet  peu  saillant  sous  la  cellule,  puis  les  deux 
ocelles  d'un  jaune  ocracé  qu'entoure  un  cercle  large  mais  peu 
régulier  et  dont  l'inférieure  est  appuyée  par  en  bas  sur  une 
tache  noire;  enfin  une  marginale  grisâtre,  étroite,  peu  définie,  la- 
quelle, à  l'inverse  de  celle  qui  existe  chez  les  autres  espèces, 
part  de  l'angle  anal  et  va  expirer  en  se  rétrécissant  vers  le  milieu 
du  bord  externe. 

La  femelle  de  ce  petit  Parnassien  n'est  pas  sensiblement 
différente  du  mâle;  ses  dessins  sont  cependant  un  peu  plus 
élargis  et  notamment  la  tache  interne  qui  s'unit  par  un  semis 
écailleux  au  sablé  de  la  base;  puis  le  lavis  des  ailes  postérieures 
envahit  davantage  la  cellule  et  forme  au  dessous  de  son  extrémité 
un  crochet  plus  proéminent;  enfin  l'angle  anal  est  occupé  par 
une  tache  noire  transverse  dont  il  n'existe  aucune  trace  chez 
l'autre  sexe. 

Le  dessous  de  ce  papillon,  à  part  la  dégradation  des  teintes 
qui  lui  sont  propres,  est  la  reproduction  exacte  du  dessus.     La 


—     154     — 

similitude  est  même  d'autant  plus  grande  que  l'aile  inférieure 
de  Minima  n'est  marquée,  comme  c'est  aussi  le  cas  de  Clarius, 
d'aucune  tache  basilaire  rouge.  Le  lavis  est  simplement  plus  pâle 
que  sur  la  face  opposée.  Les  antennes  et  le  corps  sont  noirs. 
Celui  du  mâle  est  recouvert  d'une  vestiture  grisâtre  très  abon- 
dante, l'abdomen  de  la  femelle  au  contraire  est  presque  complète- 
ment dénudé  et  d'un  noir  brillant;  mais  le  collier  de  poils  qui 
entoure  la  tête,  est  assez  touffu  et  d'un  gris  rougeâtre. 

La  poche  cornée  du  Parnassien  dont  il  s'agit,  offre  une  forme 
très  particulière;  elle  est  beaucoup  plus  courte  que  celle  des 
autres  Ventricosi  et  à  peu  près  aussi  large  que  longue.  L'examen 
des  fig.  1  et  2  de  notre  pi.  5  permet  de  constater  ce  carac- 
tère. Il  nous  montre  que  cette  caverne,  de  couleur  blanche,  est 
brusquement  atténuée  à  sa  partie  antérieure  dont  les  bords,  com- 
plètement détachés  de  l'abdomen,  se  réfléchissent  en  dehors  et 
que  la  section  de  son  ouverture  postérieure  est  verticale  par 
rapport  à  l'axe  du  corps,  à  peu  près  comme  celle  de  notre 
Mnemosyne. 

Du  reste,  c'est  bien  avec  cette  espèce  que  Minima  offre 
la  plus  grande  somme  d'analogie,  à  part  cependant  sa  parenté 
évidente  avec  le  Clarius  typique  de  l'Altai.  En  effet,  son  aile 
supérieure  est  à  peu  près  dessinée  comme  celle  de  notre  forme 
française;  ses  taches  présentent  ime  disposition  presque  semblable 
et  notamment  l'ombre  apicale  qui  résulte  de  la  fusion  des  deux 
bandes  transverses.  Il  n'y  a  que  les  ailes  inférieures  qui  soient 
disparates  chez  ces  deux  papillons,  à  cause  de  la  présence  ou  de 
l'absence  des  ocelles;  et  par  ce  dernier  caractère,  Minima 
constitue  un  passage  naturel  entre  les  Parnassiens  du  groupe 
d'Eversmanni  et  de  Clarius  et  ceux  qui  gravitent  autour  de 
Mnemosyne. 


—     155     — 
Parnassins  Mueinosyue,  Linné. 

Linné.     Systeraa  Naturae,  X,  269. 

Fabricius.     Entomologia  Systematica,  II,  269. 

Esper.     Die  Schmetterlinge,  2,  2,  3. 

Hiibner.     Sammlung  europiiischer  Schmetterlinge,  398- 

Ochsenheimer.     Die  Schmetterlinge  von  Europa,  1,  2,  139. 

Godard.     Histoire  naturelle  des  Papillons  de  France,  II,  2,  3. 

Boisduval.     Speciès  général,  I,  p.  401,  N"-  7. 

Staudinger.     Catalogue  1871,  N"-  23. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  23,  fig.  1,  2  (cj  et  Ç). 

Mnemosyne  est  une  espèce  déjà  fort  ancienne,  puisque  c'est 
Linné  qui  nous  la  fit  connaître  dans  son  grand  traité  d'Histoire 
naturelle  qui  a  pour  titre:  Systema  Naturae.  Depuis  cette 
époque  reculée,  ce  papillon  a  été  décrit  et  figuré  par  presque 
tous  les  entomologistes  qui  se  sont  occupés  de  lépidoptères;  et 
c'est  ce  qui  explique  la  longueur  des  citations  iconographiques 
qui  précèdent,  bien  que  nous  n'ayons  rapporté  que  les  plus 
importantes  d'entre  elles.  C'est  pour  cette  raison  que  nous 
n'entrerons  pas  au  sujet  de  ce  Parnassien  dans  une  description 
méthodique.  Nous  devons  cependant  consigner  ici  quelques 
considérations  sur  les  variations  qu'il  est  sujet  à  éprouver, 
lesquelles,  il  est  vrai,  sont  circonscrites  dans  des  limites  assez 
étroites. 

Dans  la  plupart  des  ces  observés,  les  deux  bandes  trans verses 
des  ailes  supérieures  se  fondent  l'une  dans  l'autre  pour  former 
une  ombre  apicale  fort  large  et  presque  semblable  à  celle  que 
nous  avons  signalée  chez  la  forme  précédente.  Cependant  ils  exis- 
tent certains  exemplaires  dont  cette  partie  est  coupée  par  une 
rangée  de  taches  blanchâtres,  très  vagues,  disposées  parallèlement 
au  bord  extérieur.  Les  ocelles  proprement  dites,  sont  toujours 
absentes  et  se  trouvent  remplacées  par  une  et  (luelque  fois  par 


—     156     — 

deux  taches  noires  dont  l'inférieure,  qui  est  la  plus  constante, 
s'appuie  immédiatement  contre  la  cellule.  Les  costales,  l'interne 
et  l'anale  font  ordinairement  défaut  au  mâle  de  Mnemosyne  et 
ne  sont  bien  marquées  que  chez  la  femelle.  L'aile  inférieure  de 
celle-ci  montre  aussi  dans  certains  cas  la  trace  d'une  ligne  anté- 
marginale  dentée  analogue  à  celle  qui  existe  chez  la  variété  Nubilosus 
représentée  sous  le  N°-  1  de  la  pi.  24,  mais  elle  est  toujours 
un  peu  douteuse. 

L'abdomen  de  ce  sexe  est  presque  vierge  de  pilosité;  il  est 
d'un  noir  brillant  et  supporte  par  en  bas  une  poche  blanche, 
assez  volumineuse,  à  surface  régulièrement  convexe,  et  dont 
le  plan  de  l'ouverture  est  dans  une  situation  verticale  par 
rapport  à  l'axe  du  corps.  Les  points  d'intersection  de  cette 
poche  et  de  l'abdomen  sont  occupés  par  une  ligne  de  taches 
jaunes,  plus  ou  moins  développées  et  plus  ou  moins  vives  selon 
les  sujets  (voir  pi.  4,  3  et  4). 

Mnemosyne  est  répandue  d'une  manière  générale  dans  les 
montagnes  de  presque  toute  l'Europe,  à  l'exception  toutefois  des 
régions  polaires  proprement  dites  et  de  l'Angleterre  où  aucun 
Parnassien  n'a  encore  été  rencontré.  Elle  fréquente  le  centre  et 
le  nord  de  la  Russie  (gouvernement  d'Archangel),  la  Suède  et 
la  Norvège  où  le  niveau  de  son  habitat  est  relativement  très  bas; 
puis  le  grand  massif  alpin  du  centre  du  continent  européen:  la  Suisse, 
la  Styrie,  l'Autriche,  la  Bavière,  la  Forêt  Hercynienne  et  le  Danemark. 
Au  sud,  on  la  retrouve  sur  les  montagnes  de  l'Italie,  aux  environs 
de  Naples,  dans  la  Sicile  et  sur  celles  de  la  Grèce.  A  l'est,  ce 
Parnassien  franchit  la  chaîne  de  l'Oural  pour  se  répandre  dans 
le  pays  des  Kirghises,  dans  la  Sibérie  occidentale,  sur  le  Caucase 
d'où  il  se  déverse  sur  les  cimes  élevées  du  grand  massif  du 
Taurus.    Mais  il  s'arrête  aux  frontières  de  la  Perse  et  aux  hauts 


—     157     — 

plateaux  de  l'Asie  centrale  où  il  est  remplacé  par  les  deux  formes 
spéciales  dont  il  est  question  ci-après. 

En  France,  l'habitat  de  Mnemosyne  est  plus  restreint  que 
celui  d'Apollo.  Ce  papillon  ne  se  rencontre  en  Juin  et  Juillet, 
suivant  les  altitudes,  que  dans  les  alpes  de  Savoie,  dans  les 
Basses-Alpes,  en  Auvergne  et  aussi  sur  plusieurs  points  de  la 
chaîne  des  Pyrénées,  notamment  au  pic  de  Gavarnie.  Cette  espèce 
est  généralement  très  abondante  là  où  on  la  rencontre. 


Farnassiiis  Mnemosyne,  Linné  yar.  Nnbilosns,  Christoph. 


Staudinger.     In  litteris. 

Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  23,  fig.  3  (J  et  pL  24,  fig.  1  Ç. 

Nous  avons  reçu  sous  ce  nom,  du  docteur  Staudinger, 
plusieurs  exemplaires  des  deux  sexes  d'un  Parnassien  très  in- 
téressant que  ce  savant  nous  a  adressé  comme  variété  locale  de  la 
Mnemosyne.  Dans  le  fait,  ces  papillons  sont  très  voisins  de  cette 
espèce,  tant  pour  la  taille  que  pour  l'aspect  général;  et  il  pourrait 
se  faire  que  cette  opinion  fut  bien  fondée.  Il  serait  possible  ce- 
pendant, selon  les  idées  que  nous  professons  sur  la  valeur  si 
hypothétique  de  la  notion  de  l'espèce,  que  le  papillon  dont  il  s'agit 
ici  ainsi  que  le  suivant,  fussent  réellement  distincts  de  notre  forme 
européenne.  On  sait,  du  reste,  combien  les  différents  types  de  ce 
genre  sont  voisins  les  uns  des  autres,  et  sur  quels  faibles  indices 
reposent  souvent  les  différenciations  spécifiques. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  vue,  les  ailes  du  mâle  de  Nubi- 
losus  paraissent  être  d'abord  proportionnellement  plus  courtes  que 
celles  de  la  forme  congénère;  et  leurs  franges  sont  plutôt  grises 
que  noires,  bien  que  les  nervures  soient  très  foncées.  La  tache 
discoïdale  inférieure  descend  jusqu'à  la  nervure  médiane,  ce  qui 


—     158     — 

n'est  le  cas  d'aucune  des  Muemosyiie  que  nous  avons  sous  les 
yeux,  tandis  que  la  supérieure  supporte  encore  une  macule  trans- 
versale qui  la  fait  confluer  jusqu'au  sablé  de  la  côte.  Les  cos- 
tales sont  visibles  sous  la  forme  d'un  petit  arc,  et  l'extrémité 
de  l'aile  présente  un  aspect  particulier.  Cette  partie,  en  effet, 
n'est  pas  occupée  par  une  ombre  apicale  unique,  mais  bien  par 
une  double  bande  transverse  écrite  comme  celle  des  Parnassiens 
ordinaires,  c'est-à-dire  une  antémarginale  très  distincte  et  une 
marginale  qui  descend  moins  bas  que  le  dessin  équivalent  de 
Mnemosyne. 

L'aile  inférieure  de  tous  nos  exemplaires  mâles  est  plus 
chargée  que  celle  du  même  sexe  de  l'espèce  comparative,  et  elle 
ressemble  plutôt  à  l'aile  de  la  femelle  de  cette  dernière.  Il  existe 
d'abord  une  petite  tache  noire  un  peu  vague  vers  le  bord  an- 
térieur, puis  une  autre  plus  grande  à  l'extrémité  de  la  cellule, 
et  enfin  une  troisième  qui  couvre  l'angle  anal  et  se  relie  à  la 
précédente  par  une  liture  d'atomes  foncés.  Tous  ces  dessins 
sont  encore  mieux  marqués  chez  la  femelle;  et  la  différence 
sexuelle  est  plus  prononcée  dans  Nubilosus  que  dans  Mnemosyne. 
Les  bandes  transverses  des  ailes  supérieures  sont  plus  larges 
chez  ce  sexe  que  chez  l'autre,  et  aboutissent  toutes  deux  jusqu'au 
bord  opposé  à  la  côte.  L'interne  est  représentée  par  une  tache 
allongée  qui  conflue  vers  la  base;  enfin  le  limbe  de  l'aile  pos- 
térieure est  occupée  par  une  ligne  dentée  analogue  à  celle  de 
Wosnesenskii  et  de  Dentata,  mais  moins  vivement  écrite. 

La  poche  cornée  (pi.  4,  fig.  1  et  2),  de  ce  papillon  n'est  pas 
identique  du  reste  à  celle  de  notre  Mnemosyne  européenne;  elle 
est  moins  trapue,  plus  atténuée  à  sa  partie  antérieure  et  le  plan 
de  la  section  de  son  ouverture  a  une  direction  plus  oblique  que 
celle  du  type  congénère. 


—     lâij     — 

Quant  aux  antennes  et  au  corps,  ils  ne  diffèrent  en  rien 
de  ceux  de  notre  espèce. 

Nubilosus  est  propre  aux  hautes  montagnes  de  la  Perse 
boréale,  où  il  remplace  entièrement  la  forme  d'Europe;  cepen- 
dant le  docteur  Staiidinger  nous  apprend  que  les  Mnemosyne 
du  ïaurus  et  celles  de  la  Grèce  présentent  certaines  particularités 
de  dessins  fort  voisines  de  celles  du  type  asiatique;  et  c'est  sans 
doute  cette  circonstance  qui  a  porté  ce  savant  à  réunir  cette 
forme  orientale  à  la  nôtre. 


Parnassîus  Mnemosyne,  Linné  var.  Oi^antea,  Staudinger. 

Staudinger.     Stettiner  Entomologische  Zeitschrift,  pages  197  et  198. 
Austaut.     Les  Parnassiens,  pi.  24,  fig.  2,  3  (cj  Ç). 

Ce  Parnassien  est  également  considéré  par  la  plupart  des 
entomologistes  allemands  comme  une  variété  géographique  de 
Mnemosyne,  et  il  faut  convenir  que,  selon  cette  vue,  il  justifie 
pleinement  la  dénomination  qui  lui  a  été  imposée  en  raison  de 
sa  grande  taille.  11  est  assez  voisin  de  Nubilosus,  et  ressemble 
aussi  a  certains  égards  à  Stubbendorfii  de  la  Sibérie  orientale. 
Son  envergure  varie  de  55  à  60  millimètres,  c'est-à-dire  qu'elle 
atteint  celle  des  petits  exemplaires  d'ApoUo.  Ses  ailes  se  font 
également  remarquer  par  leur  brièveté  relative;  mais  leurs  franges 
et  leurs  nervures  sont  d'un  noir  profond.  En  comparant  le  mâle 
de  ce  papillon  avec  celui  de  la  forme  précédemment  décrite, 
on  trouve  que  les  discoïdales  des  ailes  supérieures  sont  plus  larges 
et  plus  arrondies,  que  les  costales  forment  un  crochet  plus  court 
et  plus  épais,  que  l'interne  qui  fait  défaut  chez  Nubilosus,  est 
toujours  indiquée  par  un  semis  écailleux,  et  que  l'extrémité  de 
l'aile  est  occupée  par  une  ombre  apicale  fort  développée  que  ne 


—     160     — 

diversifie  aucune  tache  blanche.  Les  dessins  des  ailes  postérieures 
de  Gigantea  offrent  la  même  disposition  que  ceux  de  Nubilosus 
avec  plus  d'ampleur  cependant.  On  remarque  pourtant  que  toutes 
les  nervures  sont  ombrées  de  noir  vers  leur  extrémité,  et  que 
le  bord  externe  lui-même  de  l'aile  est  largement  mais  assez 
vaguement  rembruni  par  une  poussière  écailleuse  de  cette  cou- 
leur. Cette  double  circonstance  contribue  à  donner  au  Parnassien 
dont  il  s'agit  un  aspect  particulier  qui  le  différencie  à  première 
vue  des  deux  types  précédents. 

La  femelle  se  distingue  du  mâle  d'abord  par  l'apparence 
plus  diaphane  de  ses  ailes,  puis  par  l'élargissement  de  toutes 
les  taches  en  général  et  surtout  de  celles  qui  occupent  l'angle 
anal  et  la  place  de  l'ocelle  inférieure,  lesquelles  par  leur  fusion 
constituent  une  véritable  bande  sinueuse  et  grossement  dentée 
sur  ses  bords.  L'ombre  apicale  descend  en  outre  aussi  plus  bas, 
c'est-à-dire  jusqu'à  l'angle  externe. 

Le  type  que  nous  venons  de  décrire  est  répandu,  depuis 
la  fin  de  Mai  jusqu'en  Juillet,  sur  presque  toutes  les  alpes  du 
Turkestan.  Il  a  été  rencontré  par  Mr.  Haberhauer  à  des  alti- 
tudes diverses  dans  les  montagnes  d'Ochs,  d'Usgent  et  dans  celles 
de  Namangan.  11  habite  aussi  les  alpes  de  Samarkand,  mais 
il  présente  dans  cette  dernière  station  quelques  modifications 
particulières,  tout  en  conservant  cependant  ses  caractères  essen- 
tiels, c'est-à-dire  sa  grande  taille  et  l'obscurcissement  des  ner- 
vures et  du  bord  marginal  de  ses  ailes  postérieures.  Deux 
exemplaires  en  effet  de  cette  origine  que  nous  avons  sous  les 
yeux,  laissent  apercevoir  dans  l'ombre  apicale  une  rangée  de  taches 
blanchâtres  analogues  à  celles  qui  sont  si  constantes  chez  Nubilosus  ; 
et  ces  deux  sujets  appartiennent  probablement  à  une  race  secondaire 
qui  relie  dans  ces  lieux  la  forme  du  Turkestan  à  celle  de  la  Perse  boréale. 


—     161     — 

Nous  ne  connaissons  pas  la  configuration  de  la  poche  cornée 
de  la  femelle  de  Gigantea,  l'unique  exemplaire  de  ce  sexe  que 
nous  possédons  étant  vierge.  Il  eut  été  intéressant  pourtant  de 
comparer  les  caractères  de  cet  appareil  avec  ceux  des  organes 
similaires  de  Mnemosyne  et  de  Nubilosus;  car  ce  parallèle 
pourrait  fournir,  selon  nous,  des  indications  utiles  pour  trancher 
la  question  de  parenté  qui  semble  exister  entre  le  type  Mnemosyne 
et  sa  prétendue  variété. 


Faroassius  Stiibbeudorfli,  Ménétriès. 


Mené  tri  es.  Description  des  Insectes  recueillis  par  fen  Lehraann  (Mémoires 
de  l'Académie  de  St.  Pétersbourg,  page  57,  pi.  6,  fig.  2  [année  1848J.) 

Herrich-Schaeffer.     Systematische  Bearbeitung  etc.,  640. 

Staudinger.    Catalogue  1871,  N»-  26. 

Ménétriès.  Mnemosyne  var.  Immaculata.  Bulletin  de  la  classe  des 
sciences  physiques  de  l'Académie,  V,  N°-  17. 

Austaut.    Les  Parnassiens,  pi.  22,  fig.  3  S- 

Cette  espèce  avait  été  rapportée  dans  le  principe  par  Ménétriès 
à  notre  Mnemosyne;  puis  elle  a  été  décrite  et  figurée  comme  forme 
indépendante  dans  les  relations  que  cet  auteur  publia  en  1848 
sur  les  insectes  recueillis  en  Sibérie  par  Mr.  Lehmann. 

Ce  Papillon  est  effectivement  voisin  de  son  congénère  d'Eu- 
rope, et  on  pourrait  le  caractériser  sommairement  en  disant  qu'il  a 
l'aspect  d'une  grande  Mnemosyne  dont  les  dessins  seraient  à  peu 
près  complètement  effacés  et  les  nervures  plus  fortement  noir- 
cies, il  se  rapproche  aussi  des  deux  types  précédents,  et  surtout 
de  Gigantea,  par  le  sablé  noirâtre  qui  estompe  le  limbe  des  ailes 
postérieures.  Stubbendorfii  comparé  à  Mnemosyne,  est  un  peu 
plus  grand  que  cette  dernière;  ses  ailes  ont  la  même  coupe,  et 
les  franges  qui  les  entourent  sont  également  noires,  mais  d'une 

11 


—     162     — 

tonalité  plus  intense.  Les  deux  discoïdales  sont  vaguement  indi- 
quées par  un  semis  écailleux  grisâtre;  la  supérieure  qui  est 
la  plus  développée,  ferme  étroitement  la  cellule,  mais  la  seconde 
ne  consiste  qu'en  quelques  granulations  obscures  qui  n'atteignent 
pas  la  nervure  médiane.  Les  costales  sont  absentes;  par  contre 
il  existe  chez  cette  espèce  une  antémarginale,  peu  définie  il  est 
vrai,  qui  s'arrête  vers  le  milieu  de  l'aile.  Quant  à  la  marginale, 
elle  est  étroite  et  ne  descend  pas  jusqu'à  l'angle  externe.  Tous 
ces  dessins  sont  diffus,  d'une  teinte  effacée  et  uniforme  qui  rappelle 
un  peu  le  faciès  que  nous  avons  signalé  chez  Felderi. 

L'aile  inférieure  de  Stubbendorfii  n'est  marquée  d'aucune 
tache,  si  ce  n'est  du  lavis  abdominal  qui  est  plus  vif  que  celui 
de  Mnemosyne.  Leurs  nervures  sont  assez  largement  ombrées 
vers  l'extrémité  du  limbe  par  une  poussière  écailleuse  foncée 
qui  obscurcit  aussi  le  limbe  lui-même.  Cette  particularité  s'observe 
également,  ainsi  qu'on  la  vu  plus  haut,  chez  Gigantea,  mais  à 
un  degré  plus  prononcé.  Ajoutons  que  le  dessous  de  cette  es- 
pèce est  semblable  ou  dessus,  à  part  le  lavis  abdominal  qui  se 
trouve  recouvert  de  ce  côté  d'un  fin  duvet  jaunâtre,  et  que  les 
caractères  qui  intéressent  le  corps  et  les  antennes,  sont  presque 
identiques  à  ceux  des  types  limitrophes. 

Il  résulte  de  cette  description  que  ce  Parnassien,  dont  nous 
ne  connaissons  que  le  sexe  mâle,  offre  de  grands  rapports  avec 
les  formes  qui  précèdent.  Par  la  dilatation  apparente  de  l'ex- 
trémité de  ses  nervures  et  le  sablé  qui  règne  le  long  du  limbe 
de  ses  ailes  postérieures,  il  se  rapproche  de  la  Gigantea  du 
Turkestan.  La  série  de  taches  blanches  qui  existe  entre  les 
deux  bandes  transverses  de  ses  ailes  supérieures,  lui  donne 
au  contraire  une  certaine  ressemblance  avec  le  Nubilosus  de 
la  Perse;    tandis  que  par  l'oblitération  des  taches  ordinaires  et 


—     163     — 

par  la  texture  plus  ■  hyaline  des  ailes,  ce  papillon  s'éloigne 
franchement  de  l'une  et  l'autre  de  ces  deux  formes.  En  résumé, 
Stubbendorfii  est  un  type  diamétralement  opposé  à  ceux  de  l'Asie 
centrale  et  c'est  notre  Mnemosyne  européenne  qui  paraît  relier 
entre  elles  ces  formes  extrêmes. 

C'est  le  voyageur  russe  Lehmann  qui  découvrit  ce  Parnassien 
à  Kansk,  (Sibérie  centrale),  qui  est  aussi  la  patrie  d'Eversmanni. 
Plus  tard,  Mr.  Kadde  le  retrouva  sur  différents  points  des  alpes 
de  la  Daourie.  Ce  papillon  a  été  recueilli  également  dans  l'île 
Askold  qui  est  située  sur  les  côtes  de  la  Mantchourie;  mais 
il  est  surtout  très  fréquent  pendant  les  mois  de  Mai  et  de  Juin 
dans  presque  toutes  les  montagnes  de  l'Amurland.  C'est  par 
conséquent  une  des  espèces  les  plus  caractéristiques  de  la  Faune 
de  la  Sibérie  centrale-orientale. 

Fin. 

Jules  Léon  Austaut. 


11' 


Supplément. 


Avant -propos. 


La  plus  grande  partie  de  ce  livre  se  trouvait  déjà  rédigée, 
lorsque  nous  avons  obtenu  de  différentes  sources  des  documents 
nouveaux,  assez  nombreux  et  variés,  concernant  l'histoire  des 
Parnassiens  et  dont  nous  ne  pouvions  nous  dispenser  de  tenir 
un  compte  exact,  sous  peine  de  nous  exposer  au  grave  incon- 
vénient de  présenter  aux  Lépidoptéristes  une  Monographie  in- 
complète et  par  conséquent  défectueuse. 

Parmi  ces  matériaux  d'étude,  nous  devons  citer  d'abord 
plusieurs  femelles  d'espèces  déjà  décrites  dans  le  corps  de  cet 
ouvrage  sous  le  sexe  mâle,  et  dont  nous  devons  la  connaissance 
ù  l'intervention  si  obligeante  de  Mr.  Heyne;  puis  quelques  types 
nouveaux,  tels  que  la  variété  Alpina  d'Apollonius,  le  Parnassius 
Sirao  de  Gray,  espèce  déjà  fort  ancienne,  laquelle  connue  jusqu'à 
présent  pour  habiter  les  cimes  élevées  de  l'Himalaya,  et  considérée 
par  conséquent  comme  d'origine  exotique,  a  été  retrouvée  tout 
récemment  sous  une  forme  spéciale  dans  l'Asie  centrale,  à  l'in- 
térieur des  limites  de  la  Faune  Paléarctique. 

Enfin  Mr.  Edouard  G.Honrath,  le  savantLépidoptériste  de  Berlin, 
qui  possède  une  si  grande  compétence  en  matière  de  Parnassius, 
ayant  appris  tardivement  (|ue  nous  préparions  la  publication  de 
cette  étude,  a  bien  voulu  ouvrir  en  notre  faveur  les  trésors  de 
sa  riche  collection,  avec  un  empressement  dont  nous  lui  témoignons- 


—     168     — 

ici  notre  sincère  reconnaissance.  Il  a  mis  à  notre  disposition  un 
certain  nombre  de  types  absolument  remarquables  parmi  lesquels 
il  en  est  plusieurs  dont  il  est  l'auteur;  et  c'est  ainsi  que  le  cadre 
de  cet  ouvrage  s'est  élargi  dans  des  proportions  aussi  importantes 
qu'imprévues. 

Nous  avons  réuni  par  conséquent  tous  ces  documents  nou- 
veaux en  un  corps  spécial  qui  ne  pouvait  être  présenté  que  sous 
la  forme  d'un  supplément;  et  nous  l'avons  appuyé  de  huit  planches 
complémentaires,  exécutées  avec  le  plus  grand  soin,  lesquelles 
viendront  éclairer,  ainsi  que  cela  est  si  désirable  en  entomologie, 
le  développement  de  la  partie  descriptive. 


Faruassius  Wosnesenskii,  Ménétriès. 

Austaut.    Les  Parnassiens  (Supplément  pi.  I,  fig.  3  et  4.). 

Nous  croyons  devoir  profiter  de  l'occasion  de  ce  supplément 
pour  revenir  sur  le  compte  de  cette  espèce.  Elle  est  en  effet 
si  intéressante,  soit  par  sa  rareté  extrême,  soit  par  le  doute  qui 
subsiste  encore  sur  sa  parenté  avec  le  véritable  Eversmanni,  que 
les  considérations  nouvelles  que  nous  allons  exposer  ne  seront  pas 
superflues.  Nous  avons  obtenu  tout  récemment  de  Mr.  Erust 
Heyne,  l'obligeant  naturaliste  que  tous  les  lépidoptéristes  con- 
naissent, un  deuxième  exemplaire  de  ce  Parnassien,  également 
du  sexe  femelle  comme  celui  que  nous  avons  déjà  figuré,  mais 
qui  offre  l'avantage  sur  ce  dernier  d'être  muni  de  sa  poche  cornée. 
Cette  circonstance  nous  permet  d'abord  de  reproduire  par  le  dessin 
l'aspect  de  cet  appareil,  puis  de  confirmer  l'opinion  que  nous  avons 
émise  plus  haut:  à  savoir  que  le  Wosnesenskii  et  l'Eversmanni 
de  Ménétriès  ne  sont  pas  absolument  les  mêmes  papillons.  En 
effet,  en  comparant  les  figures  des  poches  de  ces  espèces,  celle 
que  nous  avons  déjà  donnée  et  celle  que  nous  publions  maintenant, 
on  trouve  que  l'organe  de  notre  Wosnesenskii  est  beaucoup  plus 
court  que  celui  de  l'espèce  congénère.  Vue  de  profil,  la  caverne 
dont  il  s'agit  ici  est  plus  large  que  longue,  peu  ou  point  sinuée 
à  sa  partie  antérieure;  tandis  que  celle  d'Eversmanni  est  très  al- 
longée et  son  contour  externe  fortement  creusé  vers  le  premier  tiers 
de  son  étendue.     Comme  forme  générale,  cette  poche  ressemble 


—     170     — 

à  certains  égards  à  celle  de  notre  Mnemosyne.  A  cause  de  sa 
brièveté,  elle  offre  aussi  quelque  rapport  avec  celle  de  la  variété 
Minima  de  Nordmanni  ;  mais  elle  diffère  cependant  de  toutes  deux 
parce  qu'elle  est  plus  comprimée  latéralement,  et  que  l'extrémité 
inférieure  de  son  ouverture  est  plus  saillante.  Le  spécimen  typique 
de  notre  figure  (pi.  I,  fig.  3  et  4)  est  d'un  blanc  roussâtre  sale 
comme  le  dit  Ménétriès  à  propos  de  l'organe  de  son  Wosnesenskii, 
ou  plutôt  d'une  teinte  cornée  tirant  sur  le  jaune.  En  examinant 
attentivement  la  convexité  de  sa  surface  inférieure,  on  y  découvre 
la  trace  d'un  sillon  médian  longitudinal,  ainsi  que  l'indique  l'au- 
teur précité;  mais  il  ne  semble  pas  exister  de  sillons  latéraux; 
et  nous  ne  pouvons  pas  juger  non  plus  si  la  poche  d'Eversmanni 
que  nous  ne  connaissons  que  par  le  dessin  qui  nous  a  été  com- 
muniqué et  que  nous  avons  fidèlement  reproduit,  manifeste  aussi 
ce  caractère. 

L'exemplaire  de  Wosnesenskii  que  nous  avons  figuré  dans 
le  cours  de  ce  livre,  est  originaire,  ainsi  que  nous  l'avons  indiqué, 
du  district  d'Ochotsk,  voisin  du  Kamtchatka.  Celui  dont  il  s'agit 
aujourd'hui,  a  pour  patrie  la  portion  de  la  chaîne  des  monts 
Stanovoï  qui  s'étend  au  nord-est  de  l'Amurland.  Mais  malgré 
la  différence  qui  existe  dans  la  latitude  de  l'habitat  de  ces  pa- 
pillons, leur  aspect  est  le  même.  La  teinte  d'un  blanc  sale 
à  peine  jaunâtre,  la  disposition  et  l'accentuation  des  dessins  sont 
identiques  de  part  et  d'autre.  Cependant  les  ocelles  du  spécimen 
de  la  Daourie  sont  moins  développées  que  celles  du  type  d'Ochotsk 
et  leur  couleur,  de  même  que  celle  des  taches  basilaires  du  dessous, 
est  un  peu  plus  rosée. 

Cette  femelle  provient  d'un  entomologiste  allemand,  grand 
amateur  de  Parnassiens,  Mr.  Graeser,  de  Hambourg,  qui  n'a  pu 
réunir,  dans  le  cours  d'une  lointaine  exploration  entreprise  dans 


—     171     — 

les  régions  inhospitalières  qui  sont  disposées  au  nord  de  la  pro- 
vince de  l'Amour,  qu'une  dizaine  d'exemplaires  de  cette  rare  espèce. 
Cet  amateur  en  possède  aussi  le  sexe  mâle  ;  et  Mr.  Ernst  Heyne 
qui  l'a  vu  dans  sa  collection,  nous  à  assuré  qu'il  est  à  peine 
plus  jaunâtre  que  la  femelle,  et  dans  tous  les  cas,  beaucoup 
moins  que  ne  le  comporte  la  figure  pourtant  très  exacte  que 
Ménétriès  nous  a  donnée  de  son  Eversmanni  dans  son  ouvrage 
Enuraeratio  corporum  animalium  Musei  Petropolitani, 
pi.  1,  fig.  2.  Cette  circonstance  achève,  nous  semble-t-il,  de 
prouver  que  les  Parnassius  Eversmanni  et  Wosnesenskii  sont  des 
types  bien  séparés,  si  non  des  espèces  tout-à-fait  distinctes.  Le 
premier  représente  une  race  d'un  jaune  bien  prononcé  qui  est 
propre  aux  régions  centrales  et  peut-être  septentrionales  de  la 
Sibérie;  le  second  est  à  nos  yeux  une  modification  géographique 
plus  blanche,  plus  terne  de  la  précédente,  mais  remarquable  par 
l'accentuation  de  la  ligne  dentée  qui  règne  tout  le  long  du  bord 
marginal  des  secondes  ailes.  C'est,  en  un  mot,  une  forme 
orientale  qui  s'étend  au  Kamtchatka,  et  peut-être  de  là  jusqu'aux 
steppes  glacés  de  l'Amérique  russe. 

Ajoutons  pour  finir,  que  ce  Wosnesenskii  est  très  certaine- 
ment un  des  Parnassiens  les  plus  fragiles  et  les  plus  délicats. 
Ses  ailes,  fort  minces,  sont  si  peu  chargées  d'écaillés,  quoique 
fraîches,  qu'elles  sont  luisantes  et  permettent  de  lire  par  trans- 
parence l'inscription  de  l'étiquette  fixée  à  la  tige  de  Tépingle. 
Le  dessous  est  absolument  dénudé  et  possède  un  reflet  vitré  plus 
intense  que  celui  de  n'importe  quelle  autre  espèce.  11  semble 
que  le  climat  boréal  et  rigoureux  qu'habite  ce  curieux  papillon,  soit 
un  obstacle  au  développement  normal  des  écailles  ou  plumules 
qui  oft'rent  naturellement  chez  les  Parnassiens  une  tendance  évi- 
dente à  disparaître. 


—     172     — 
Farnassîns  Graeseri,  Honratli. 

Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément  pi.  I,  fig.  1  et  2;  et  pi.  II,  fig.  1). 

Cette  intéressante  espèce  a  été  dédiée  par  Mr.  Ed.  G.  Honrath, 
•de  Berlin,  à  Mr.  Graeser,  le  zélé  Lépidoptériste  dont  nous  venons 
de  parler,  lequel  l'avait  obtenue  en  assez  grand  nombre  des 
régions  septentrionales  de  l'Amurland.  Jusqu'à  présent,  nous  ne 
■connaissons  que  le  sexe  mâle  de  ce  Parnassien.  Sa  femelle  est 
réputée  fort  rare;  et  comme  nous  avons  pu  obtenir  de  Mr.  Ernst 
Heyne  un  très  bel  exemplaire  de  ce  sexe,  nous  nous  empressons 
de  lui  accorder  la  place  qu'il  mérite  d'occuper  dans  cette  étude. 

Graeseri  est  bien  certainement  de  tous  les  Parnassiens  celui 
•qui  manifeste  la  plus  grande  somme  de  différences  sexuelles; 
et  si  l'on  n'était  guidé  dans  la  comparaison  par  certains  indices 
caractéristiques,  il  serait  bien  difficile  d'assimiler  avec  certitude 
l'une  des  formes  sexuelles  à  l'autre.  C'est  ainsi  que  les  nervures 
et  les  franges  de  la  femelle  dont  il  s'agit  sont  bien  écrites  en 
noir;  que  la  base  de  l'aile  inférieure  porte  une  tache  rouge 
en  dessus,  et  que  les  quatre  macules  basilaires  du  revers  sont 
vives,  fort  nettes  et  très  finement  bordées  de  noir;  mais  par 
ailleurs,  l'aspect  est  absolument  dissemblable.  Le  fond  des 
quatre  ailes  qui  est  d'un  blanc  si  pur  chez  le  mâle,  est  ici 
d'une  teinte  grisâtre  assez  terne,  étant  aspergé  largement  d'écaillés 
noirâtres.  Les  discoïdales,  l'interne  et  les  costales  apparaissent 
fort  élargies.  Ces  dernières  en  outre  sont  bien  lavées  de  rouge 
pâle  ;  les  unes  et  les  autres  (les  costales  et  l'interne),  sont  réunies 
par  un  semis  noirâtre  épais  qui  forme  une  véritable  bande  mé- 
diane qui  se  projette  un  peu  de  chaque  côté  par  diffusion 
le  long  des  nervures.     Les   ocelles   des   ailes   postérieures   sont 


—     173     — 

bien  élargies,  d'un  ronge  vif,  finement  cerclées  de  noir  et  sans 
pupilles  blanches,  ni  en  dessus  ni  en  dessous.  La  basilaire  est 
supportée  en  outre,  du  moins  chez  l'exemplaire  que  nous  avons 
sous  les  yeux,  par  une  autre  tache  d'un  rouge  sombre  et  noirâtre 
qui  occupe  toute  la  largeur  de  la  cellule  discoïdale.  Mais  ce- 
qui  éloigne  surtout  cette  femelle  de  l'autre  sexe,  c'est  l'ampleur 
d'une  large  bande  marginale  qui  termine  les  quatre  ailes,  et 
la  grande  netteté  des  antémarginales  qui  sont  épaisses,  bien 
continues  et  à  peine  un  peu  dentées  du  côté  extérieur.  On  sait^ 
que  ces  deux  derniers  dessins  manquent  à  peu  près  complètement 
chez  le  mâle  de  Graeseri,  ou  sont  pour  le  moins  tout  autre- 
ment disposés.  La  marginale  n'existe  en  effet  chez  ce  sexe  qu'à 
l'état  de  vestige  au  sommet  des  ailes  supérieures  ;  l'antémarginale 
est  flexueuse  sur  ces  mêmes  organes;  et  aux  ailes  postérieures, 
où  la  marginale  est  tout-à  fait  nulle,  elle  n'apparait  que  sous 
la  forme  de  quelques  grosses  taches  solitaires  dessinées  en  fer 
de  lance  et  d'un  gris  fort  pâle.  Le  dessous  du  papillon  que 
nous  décrivons,  est  semblable  au  dessus,  si  ce  n'est  cependant 
que  les  deux  taches  anales,  uniformément  noires  de  l'autre  côté^ 
sont  ici  largement  pupillées  de  rouge. 

Le  spécimen  de  notre  figure,  (pi.  I,  fig.  1  et  2),  possède  un 
appareil  sexuel  bien  conservé  qui  diffère  du  tout  au  tout  de  celui 
du  Parnassius  Bremeri  que  nous  avons  déjà  représenté,  et  auquel 
le  docteur  Staudinger  rapporte  le  Graeseri  à  titre  de  simple 
variété.  Cette  poche,  d'un  brun  de  bistre  un  peu  violacé,  est 
petite,  très  courte,  assez  fortement  comprimée  dans  la  partie 
moyenne  de  son  ouverture.  La  carène  qui  n'affleure  pas  au 
niveau  inférieur  de  la  caverne,  est  à  peine  saillante;  et  la  lan- 
guette, très  recourbée  vers  l'oviducte,  est  mince,  étroite  et 
denticulée  à  son  extrémité.     On  sait  (jue  la  poche  du  liremeri 


—     174     — 

typique  est  beaucoup  plus  spacieuse,  plus  allongée,  à  carène 
très  saillante,  à  languette  droite  et  bien  allongée;  enfin  que 
l'ensemble  de  cet  appareil  se  rapproche  beaucoup  plus  de  celui 
d'Apollo  ou  de  Delius  que  de  celui  de  toute  autre  espèce. 
Comme  nous  attachons  une  grande  importance  à  la  valeur  des 
caractères  que  présente  l'organe  sexuel  des  Parrfassiens,  au  point  de 
vue  de  la  différenciation  spécifique,  nous  pensons  que  Graeseri  est 
une  espèce  à  part  et  très  distincte,  aussi  bien  de  Bremeri  avec 
lequel  elle  a  pourtant  de  grands  rapports,  que  de  toutes  les 
autres  formes  congénères  du  groupe  des  Carinati. 


Farnassius  Insignis,  Staudinger. 


Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,   pi.  II,  fig.  2  Ç). 

Ce  Parnassien  est,  comme  on  le  sait,  le  très  proche  parent 
du  Discobolus  du  Tian-Chan,  dont  il  possède  l'aspect  rembruni. 
Cependant  les  arceaux  qui  constituent  la  bande  antémarginale 
des  ailes  supérieures  sont  plus  continus  et  plus  profondément 
dentés  que  ceux  de  la  forme  voisine;  et,  quant  aux  ailes  pos- 
térieures, cette  même  bande  qui  est  d'abord  assez  bien  liée  vers 
la  côté,  se  prolonge  ensuite  en  une  série  de  grosses  taches 
triangulaires  bien  détachées  les  unes  des  autres. 

La  femelle  que  nous  figurons  dans  ce  supplément,  est  fort 
semblable  à  l'autre  sexe;  elle  s'en  éloigne  toutefois  par  un  ton 
encore  plus  obscur,  par  l'accentuation  plus  vive  de  tous  les  dessins, 
et  surtout  par  l'aspect  du  bord  externe  des  secondes  ailes  qui  est 
plus  largement  recouvert  d'écaillés  noirâtres  que  celui  du  mâle. 
Il  existe  ici  une  véritable  bande  marginale  analogue  à  celle  que 
l'on  observe   chez   la  femelle  de  Discobolus.     On  retrouve   aux 


—     175     — 

ailes  supérieures,  entre  la  tache  interne  et  la  base,  la  macule 
noire  que  nous  a  déjà  offerte  le  mâle  et  qui  semble  être  un 
des  caractères  de  cette  espèce,  car  ce  détail  fait  entièrement  défaut 
chez  tous  les  Discobolus  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Enfin, 
la  femelle  d'Insignis  se  fait  remarquer  encore  par  la  pupille  rouge 
qui  occupe  le  centre  de  sa  tache  anale  laquelle  est  toujours  d'un 
noir  uniforme  chez  l'autre  sexe. 

L'exemplaire  qui  a  servi  de  type  à  notre  figure  est  vierge 
et  par  conséquent  dépourvu  de  sa  poche  cornée.  Il  eut  été 
intéressant  de  comparer  la  forme  de  cet  organe  avec  celle  de 
l'appareil  similaire  de  Discobolus;  car  nous  pensons  que  ce 
parallèle  aurait  contribué  à  trancher  définitivement  la  question 
de  savoir,  si  Insignis  doit  être  ou  non  spécifiquement  distingué 
de  son  congénère  du  Tian-Chan. 


Parnassins  Teuedius,  Eyersiuaun. 


Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  I,  fig.  5  et  6,  et  pi.  II,  fig.  3  Ç). 

De  tout  temps,  Tenedius  a  été  considéré  comme  une  grande 
rareté;  et  ce  n'est  guère  que  depuis  quelques  années  que  cette  petite 
espèce  s'est  répandue  dans  les  collections,  à  la  suite  d'explorations  qui 
ont  été  dirigées  en  Daourie  d'où  elle  a  été  rapportée  à  différentes  re- 
prises. La  femelle  cependant  est  toujours  restée  fort  rare;  et  cette 
circonstance  tient  sans  doute  à  ce  fait  qui  se  remarque  du  reste 
chez  d'autres  lépidoptères,  que  ce  sexe  est  beaucoup  moins  ré- 
pandu que  l'autre  dans  l'état  de  nature. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  nous  empressons  de  figurer  cette 
femelle  que  peu  d'entomologistes  connaissent,  parce  qu'elle  est 
très  sensiblement  différente  du  mâle,    et  qu'elle  nous  permettra 


—     176     — 

de  décrire  avec  plus  d'exactitude  la  structure  si  curieuse  de  son 
appareil  sexuel. 

Ses  ailes  en  général  sont  moins  blanches,  c'est  à  dire  plus 
obscurcies  que  celles  du  mâle,  et  notamment  les  supérieures  dont 
le  disque  est  un  peu  sablé;  elles  sont  en  outre  moins  bien 
chargées  d'écaillés,  ce  qui  leur  communique  un  aspect  légèrement 
hyalin.  Si  l'on  compare  ensuite  de  part  et  d'autre  les  dessins 
de  la  face  supérieure,  on  remarque  que  la  bande  marginale  des 
premières  ailes  de  cette  femelle  est  large,  fortement  ombrée  et 
bien  continue  depuis  le  sommet  jusqu'à  l'angle  opposé;  que 
l'antémarginale,  formée  d'une  suite  de  gros  points  cunéiformes 
comme  dans  l'autre  sexe,  repose  ici  sur  une  bande  grisâtre  un 
peu  vague,  il  est  vrai,  mais  cependant  bien  indiquée;  enfin, 
qu'il  existe  une  grosse  tache  interne  noire,  disposée  en  croissant, 
au  dessus  de  laquelle  se  trouve  une  deuxième  tache  d'un  noir 
moins  vif  qui  se  relie,  chez  certains  sujets  naturellement  plus 
obscurs,  aux  costales  par  un  semis  bien  prononcé.  Ces  costales, 
du  reste,  sont  ordinairement  marquées  de  deux  petites  macules 
jaunâtres  qui  occupent  la  place  ordinaire. 

Les  taches  triangulaires  qui  composent  l'antémarginale  des 
ailes  postérieures,  sont  plus  élargies  chez  la  femelle  que  chez 
le  mâle  de  Tenedius;  elles  sont  suivies  en  outre,  tout  contre 
le  limbe,  d'une  ligne  grise,  étroite,  un  peu  interrompue  à  l'inter- 
section des  nervures  dont  il  n'existe  pas  le  moindre  vestige  chez 
l'autre  sexe;  enfin,  les  ocelles  d'un  jaune  rougeâtre  pâle  sont 
plus  développées;  et  il  existe,  sous  la  plus  inférieure  des  deux, 
trois  taches  supplémentaires  analogues  aux  ocelles  elles-mêmes 
et  qui  sont  allignées  dans  la  direction  de  l'angle  anal. 

Le  dessous  des  ailes  antérieures  de  cette  femelle  est  plus 
terne  et  beaucoup  plus  luisant  que  la  face   opposée;    celui  des 


—     177     — 

ailes  postérieures  est  d'un  blanc  moins  grisâtre;  mais  les  nervures 
s'y  trouvent  plus  fortement  ombrées  de  gris  jaunâtre  que  celles 
de  l'aile  équivalente  de  l'autre  sexe.  Les  ocelles  et  les  taches 
ont  le  même  aspect  qu'en  dessus.  Cependant  les  basilaires, 
presque  blanches  chez  le  mâle,  sont,  dans  le  cas  dont  il  s'agit, 
plus  franchement  lavées  de  jaune  pâle. 

Nous  avons  déjà  figuré  l'organe  sexuel  si  curieux  de  Tenedius 
dans  le  cours  de  cet  ouvrage.  Nous  croyons  néanmoins  devoir 
en  donner  ici  une  nouvelle  reproduction,  parce  que  notre  figure 
primitive  a  été  faite  d'après  un  simple  dessin  qui  nous  avait  été 
obligeamment  communiqué,  mais  qui  était  peu  exact  et  surtout 
mal  colorié.  Nous  profitons  par  conséquent  de  l'occasion  qui 
s'offre  ici  pour  réparer  cette  inexactitude. 

La  poche  de  ce  Parnassien,  vue  à  la  loupe  de  profil  et 
de  face,  consiste,  ainsi  que  le  représentent  les  fig.  5  et  6  de 
notre  planche  I,  en  une  pièce  principale  qui  affecte  la  forme 
d'une  lame  cornée,  mince,  dressée  presque  perpendiculairement 
à  l'axe  du  corps,  très  concave  en  dessous,  fort  convexe  en  dessus, 
dont  les  bords  latéraux  constituent  une  sorte  d'arrêté  épaissie  et 
obtuse,  mais  dont  le  bord  inférieur  est  réfléchi  en  un  limbe 
horizontal  à  contour  un  peu  denticulé.  Cette  lame  qui  est 
soudée  contre  les  derniers  segments  abdominaux,  donne  naissance 
à  son  point  d'insertion  à  un  second  limbe  étendu  horizontalement 
tout  autour  de  la  partie  anale  et  un  peu  évidé  en  son  milieu; 
enfin  une  troisième  pièce  surgit  entre  les  deux  précédentes  et  se 
dirige  d'arrière  en  avant  sous  la  forme  d'une  languette  étroite 
et  légèrement  infléchie  à  son  extrémité  libre.  Ces  diff'érentes 
parties  sont  d'un  blanc  assez  pur,  et  non  d'un  brun  foncé  comme 
le  comporte  notre  première  figure,  à  l'exception  des  arrêtes  laté- 
rales   de    la    lame    principale    quï    sont    franchement   jaunâtres. 

12 


—     178     — 

Cet  appareil  diffère  par  conséquent  beaucoup  de  celui  des  autres 
Parnassiens,  en  ce  sens  qu'au  lieu  de  figurer  une  caverne  creuse 
et  plus  ou  moins  formée  comme  celle  des  Carinati,  des  Ventricosi 
et  même  des  Cornuti,  elle  présente  au  contraire  une  pièce  princi- 
pale à  surface  convexe,  n'ayant  aucun  rapport  avec  le  réceptacle 
des  espèces  congénère?. 


Parnassins  Apollonins,  Eversiiiann  var.  Âlpina,  Staiidinger. 

Staudinger.     Stettiner  Entomologische  Zeitschrift,  page  49  (année  1887). 
Austaiit,     Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  III,  fig.  1  S)- 

Ce  beau  Parnassien  affecte  deux  formes  bien  distinctes. 
L'une,  la  typique,  est  caractérisée  par  la  teinte  pâle  de  ses 
ocelles,  par  la  finesse  relative  des  taches  noires  submarginales 
et  par  le  faible  développement  du  lavis  basilaire  des  ailes  pos- 
térieures. C'est  le  type  qu'Eversmann  a  publié  dans  le  bulletin 
de  la  Société  impériale  des  Naturalistes  de  Moscou  en  1847,  et 
qu'il  localise  dans  la  Songarie.  C'est  lui  également  que  Mr. 
Alpheraky  a  retrouvé  plus  tard  dans  les  montagnes  du  Tian-Chan, 
aux  environs  de  Kouldja,  à  une  altitude  relativement  très  faible. 
Nous-même,  nous  l'avons  reproduit  sur  les  planches  précédentes 
de  ce  livre,  d'après  des  exemplaires  qui  proviennent  de  cette 
dernière  origine.  Mais  ce  papillon,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
dit,  se  répand  aussi  plus  au  sud  dans  le  Turkestan  proprement 
dit  où  les  chasseurs  du  docteur  Staudinger  l'ont  capturé  sur 
les  alpes  de  Marghélan,  (province  de  Ferganah),  à  une  altitude 
beaucoup  plus  grande  que  celle  que  cette  espèce  paraît  fréquenter 
en  Songarie,  et  qui  n'est  pas  inférieure  à  2000  ou  2500  mètres. 
Une  telle  différence  d'habitat  influe   d'une   manière  sensible  sur 


—     179     — 

l'aspect  de  l'insecte  dont  il  s'agit,  si  toutefois  il  nous  est  permis 
d'en  juger  avec  assez  d'exactitude  d'après  un  seul  exemplaire 
de  cette  dernière  provenance  que  Mr.  Staudinger  nous  a  envoyé 
récemment  sous  le  nom  de  variété  Alpina.  En  effet,  en  comparant 
ce  sujet,  qui  est  un  mâle,  à  ceux  du  Tian-Chan,  on  relève  chez 
lui  les  dissemblances  suivantes:  Ses  ailes  supérieures  paraissent 
d'al)ord  être  plus  pointues  à  l'apex,  puis  la  teinte  blanche  générale 
est  plus  Aive  et  plus  pure.  Les  huit  taches  noires  qui  composent 
l'antémarginale  des  dites  ailes  sont  plus  grosses;  et  les  trois 
premières,  à  partir  de  la  côte,  sont  fondues  ou  réunies  en  une 
sorte  de  bande  assez  large  et  régulière.  Ces  taches,  au  contraire, 
sont  toujours  petites  et  bien  séparées  chez  l'Apollonius  typique. 
Les  costales,  très  noires  et  intimement  unies  par  une  macule 
intermédiaire,  sont  faiblement  pupillées  de  carmin,  de  même  que 
celle  qui  occupe  le  voisinage  du  bord  interne.  Enfin  la  base 
de  l'aile  de  notre  Parnassien,  et  surtout  la  côte,  sont  largement 
sablées  d'écaillés  obscures.  Cette  accumulation  détermine  même 
une  espèce  de  trait  noir  qui  encadre  la  côte  depuis  la  costale 
supérieure  jusqu'au  sommet.  Il  convient  de  remarquer  encore 
que  la  bande  marginale,  déjà  si  réduite  à  l'ordinaire,  est  ici 
à  peine  indiquée  à  l'apex  par  un  léger  obscurcissement,  et  que 
le  disque  sous  la  nervure  médiane  est  parsemé  d'écaillés  grises, 
mais  peu  serrées. 

Aux  secondes  ailes  les  taches  antémarginales  offrent,  comme 
les  précédentes,  une  plus  grande  extension.  Mais  la  basilaire  et 
les  ocelles  d'un  carmin  très  vif,  et  ces  dernières  sans  pupilles 
blanches,  sont  par  opposition  plus  réduites  que  celles  du  type. 
Le  lavis  abdominal,  d'un  noir  très  foncé,  est  au  contraire  beau- 
coup plus  prolongé;  il  aboutit  jusqu'à  la  tache  anale  dont  le 
centre   est   obscurément   marqué   de  rouge.     Ce   lavis   manifeste 

12* 


—     180     — 

une  tendance  à  former  im  crochet  sous  la  cellule  discoïdale,  et 
peut-être  existe-t-il  chez  certains  sujets  plus  chargés  que  celui 
(|ue  nous  avons  sous  les  yeux.  Enfin,  la  première  branche  de 
la  nervure  sous-costale  est  assez  fortement  ombrée  de  noir  dans 
la  dernière  moitié  de  son  parcours. 

La  face  inférieure  d'Alpina  reproduit  ces  diverses  particularités. 
Toutes  les  taches  rouges  ordinaires  y  sont  fort  vives,  notamment 
celles  de  la  base  qui  se  trouvent  circonscrites  en  dehors  par  des 
traits  noirs  très  épais.  Les  deux  premières  de  ces  taches  sont 
bien  saturées,  la  troisième  est  uniformément  noirâtre,  la  quatrième 
n'est  rouge  que  vers  son  extrémité  inférieure;  elle  est  suivie, 
après  le  gros  trait  qui  la  limite,  d'un  espace  d'un  gris  fuligineux 
qui  s'arrête  à  la  grosse  macule  anale.  Enfin,  on  n'aperçoit  chez 
Alpina  aucune  des  deux  taches  noires  un  peu  vagues  qui 
existent  chez  Apollonius,  d'une  part  à  l'extrémité  de  la  cellule 
discoïdale,  et  de  l'autre  entre  l'ocelle  supérieure  et  la  base  de  l'aile. 

Le  corps  de  même  que  les  pattes  de  cette  nouvelle  forme, 
sont  plus  obscurs  que  ceux  du  type,  et  l'abdomen  n'est  pas 
recouvert  latéralement  de  cette  poussière  squammeuse  jaunâtre 
qu'on  observe  d'ordinaire  chez  celui-ci. 

En  somme,  toutes  ces  différences  communiquent  à  ce  joli 
Parnassien  un  aspect  bien  particulier;  et  c'est  avec  un  grand 
à  propos  que  le  savant  Lépidoptériste  de  Dresde  l'a  désigné 
sous  un  nom  spécial.  Nous  n'en  connaissons  pas  encore  la  fe- 
melle; mais  il  paraîtrait,  d'après  ce  que  nous  a  appris  Mr.  Heyne, 
que  quoique  plus  blanche  que  celle  de  l'Apollonius  ordinaire,  elle  en 
est  cependant  moins  bien  distincte  que  le  sexe  mâle  qui  semble- 
rait dès  lors  être  plus  sensible  aux  influences  locales  qui  dé- 
terminent ce  genre  de  variations. 


—     181     — 
Paruassius  Honrathi,  Staudin^cr. 

A  us  tau  t.    Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  III,  fig.  2). 

Bien  que  nous  ayons  déjà  décrit  et  figuré  les  deux  formes 
sexuelles  typiques  de  ce  remarquable  papillon,  nous  croyons  devoir 
lui  accorder  une  nouvelle  place  dans  ce  supplément,  afin  d'en 
faire  connaître  à  nos  lecteurs  une  variété  qui  diffère  d'une  manière 
assez  notable  du  type  que  nous  avons  reproduit.  Cette  modification 
nous  est  fournie  par  un  exemplaire  du  sexe  mâle  qui  est  originaire 
de  l'Asie  centrale  (montagnes  du  sud  de  la  province  de  Samarkand), 
comme  les  spécimens  qui  ont  servi  d'objectif  à  nos  précédentes 
figures,  mais  (jui  s'éloigne  de  ces  derniers  par  une  teinte  plus 
claire,  c'est-à-dire  par  la  légèreté  du  semis  écailleux  qui  rem- 
brunit ordinairement  le  disque  des  quatre  ailes  dans  le  voisinage 
des  bandes  transverses,  et  aussi  par  ses  franges  qui  sont  très 
nettement  entrecoupées  de  blanc  partout,  tandis  qu'elles  se  mon- 
trent d'un  brun  noirâtre  uniforme  chez  l'espèce  normale. 

Puis,  la  comparaison  fait  encore  ressortir  que  les  quatre 
marginales  offrent  une  largeur  bien  moindre,  notamment  aux 
ailes  postérieures  où  elles  aboutissent  à  peine  à  l'angle  anal. 

L'antémarginale  supérieure  est  à  peu  près  aussi  continue 
(jue  celle  de  la  forme  connue;  mais  elle  est  moins  droite,  en  ce 
sens  (|u'elle  présente  entre  la  1""''  et  la  2«  branche  de  la  nervure 
médiane  un  retrait  analogue  à  celui  qu'on  observe  chez  d'autres 
espèces  telles  que  Nomion,  Fisch.,  par  exemple.  L'antémarginale 
inférieure  est  moins  bien  continue;  les  arceaux  qui  la  composent 
sont  détachés  les  uns  des  autres,  et  affectent  plutôt  l'aspect  de 
taches  analogues  à  celles  que  montrent  certains  exemplaires  de 
Discobolus,  ou  mieux  encore  le  Rhodius  du  Turkestan.  Cependant 
malgré  toutes  ces  différences,  cette  variété  appartient  bien  réelle- 


—     182     — 

ment  à  Honrathi,  car  elle  possède  de  cette  dernière  espèce  la 
teinte  blanche,  l'aspect  des  ocelles  qui  sont  très  largement 
pupillées  de  blanc,  la  tache  basilaire  rouge  du  dessus  des  se- 
condes ailes  et  surtout,  détail  tout-à-fait  caractéristique,  la  cou- 
leur noire  des  antennes,  des  pattes,  et  de  la  face  inférieure 
du  corps  tout  entier. 

Il  résulte  de  ce  cette  comparaison  que  Honrathi  est  sujet 
à  varier,  et  que  ce  Parnassien  présente,  soit  accidentellement, 
soit  d'une  manière  constante,  une  forme  un  peu  plus  albine  que 
celle  qui  lui  est  ordinaire. 


Farnassins  Stubl)endorfli,  Ménétriès. 

Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  I,  fig.  7  et  8  et  pi.  IV,  fig.  3  Ç). 

Nous  donnons  ici  la  figure  et  la  description  de  la  femelle 
de  Stubbendorfii  que  le  défaut  d'éléments  nous  a  empêché  de 
produire  à  leur  place  naturelle.  Ce  sexe  diffère  surtout  de  l'autre 
par  un  aspect  plus  grêle  et  plus  délicat  qui  provient  de  ce  que 
les  ailes,  très  peu  chargées  d'écaillés,  même  en  dessus,  sont 
presque  transparentes.  Leurs  teinte  dominante  est  d'un  blanc 
jaunâtre  nébuleux  sur  lequel  les  nervures  se  détachent  fine- 
ment en  noir.  Les  taches  discoïdales  sont  peu  apparentes  et 
très  réduites;  mais  par  contre,  l'antémarginale,  quoique  indécise, 
descend  depuis  la  côte  jusque  tout  près  du  bord  interne.  On  sait 
que  cette  bande  s'arrête  déjà  chez  le  mâle  au  niveau  de  la  deu- 
xième branche  de  la  nervure  médiane.  La  marginale  n'apparaît 
que  comme  une  ombre  fort  vague  qui  obscurcit  légèrement  le 
sommet.  Les  ailes  postérieures  ne  comportent  d'autres  dessins 
que  le  lavis  noir  de  la  base  qui  est  plus  réduit  que  celui 
du    mâle.      Il    s'étend    le    long    du    bord    abdominal   jusqu'aux 


—     183     - 

approches  de  l'angle  anal  qu'il  u'atteint  pas  cependant,  et  borde 
ensuite  de  part  et  d'autre  la  souche  de  la  nervure  médiane. 
L'intervalle  laissé  libre  par  ces  deux  sortes  de  branches,  est 
rempli  par  la  couleur  du  fond.  11  est  à  remarquer  aussi  que 
les  ombres  noirâtres  qui  estompent  si  distinctement  l'extrémité 
de  toutes  les  nervures  de  l'autre  sexe,  font  ici  complètement  défaut; 
de  sorte  que  des  deux  formes  sexuelles  de  cette  espèce,  celle  que 
nous  décrivons  est  la  moins  chargée,  contrairement  à  ce  qui  existe 
chez  Mnemosyne  et  ses  variétés  asiatiques  Nubilosus  et  Gigantea. 
Quand  au  corps,  il  est  d'un  noir  luisant,  presque  entièrement 
dégarni  en  dessus.  La  tête  est  entourée  d'un  large  collier 
de  poils  roux  et  un  duvet  jaunâtre  garnit  le  dessous  ainsi  que 
les  côtés  de  la  poitrine. 

La  poche  cornée  de  Stubbendorfii  que  nous  avons  représentée 
pi.  I,  fig.  7  et  8  consiste,  comme  celles  de  toutes  les  espèces 
du  groupe  des  Ventricosi,  en  une  caverne  spacieuse,  sans  carène 
ni  appendices,  assez  longue  et  atténuée  en  avant.  Sous  le  rapport 
de  la  forme,  cette  caverne  ressemble  plutôt  à  celle  de  Nubilosus, 
bien  qu'elle  soit  moins  évidée  en  dessous  que  celle-ci,  qu'à  celle 
de  notre  Mnemosyne  qui  est  plus  courte  et  plus  large;  mais  elle 
diffère  de  toutes  deux  parce  qu'elle  est  plus  comprimée  sur  les 
côtes  et  qu'elle  est  bicolore.  En  effet,  le  premier  tiers  environ 
de  sa  surface  est  d'un  blanc  presque  pur,  tandis  que  le  reste 
de  son  étendue  est  largement  lavé  de  brun  clair  testacé  jusqu'à 
l'ouverture  dont  la  partie  inférieure  fait  une  saillie  très  avancée. 
Les  caractères  si  tranchés  que  présente  cette  poche,  ne  permet- 
tent pas  d'assimiler  Stubbendorfii  à  aucune  autre  forme  de  sa 
congénère  Mnemosyne. 


-     184     — 
Parnassius  Simo,  Gray  var.  Simonius,  Staudiugor. 

Staudinger.  Stettiner  Entomologische  Zeitschrift  (année  1889). 
A  us  tau  t.  Les  Parnassiens  (Supplément,  pl.I,  fig.9etl0,  etpl.FV.fig.  let2cî$)• 
Gray  a  figuré  et  décrit  en  1852  dans  son  Catalogue 
of  Lepidopterous  Insects,  pi.  12,  fig.  3  et  4,  sous  le  nom 
de  Simo  une  forme  nouvelle  de  Parnassius  qui  avait  été  découverte 
depuis  peu  de  temps  aux  environs  de  Ladack,  dans  cette  partie 
de  la  grande  chaîne  de  l'Himalaya  qui  sépare  l'Indoustan  du 
Thibet.  Depuis  cette  époque  déjà  reculée,  cette  espèce  était 
toujours  demeurée  fort  rare  et  pour  ainsi  dire  introuvable. 
On  ne  la  connaissait  guère  que  par  la  publication  de  l'auteur 
anglais;  et  aujourd'hui  même  la  plupart  des  entomologistes  ne 
possèdent  à  son  sujet  d'autre  source  d'information  que  celle-là. 
Nous  n'avons  jamais  vu  le  Parnassius  Simo  qui  est  du  reste 
exotique,  mais  nous  venons  de  recevoir  de  Mr.  Staudinger  une 
remarquable  petite  espèce  qui  a  été  découverte  l'année  dernière 
sur  les  cimes  neigeuses  les  plus  élevées  de  la  chaîne  des  monts 
Belour,  dans  le  Turkestan,  sous  une  latitude  plus  septentrionale 
que  celle  de  Ladack,  et  comprise  par  conséquent  dans  les  limites 
du  Territoire  Paléarctique.  Il  paraît  que  cette  nouveauté  est 
fort  voisine  de  l'espèce  de  Gray,  puisque  le  savant  qui  nous  l'a 
adressée,  en  a  fait,  sous  le  nom  de  Simonius,  une  simple  variété 
dans  la  revue  entomologique  transcrite  en  tête  de  cet  article. 
Quelle  que  soit  l'opinion  que  l'on  puisse  se  former  à  cet  égard, 
nous  nous  empressons  d'accorder  à  cet  hôte  nouveau  de  notre 
faune,  la  place  distinguée  qui  lui  convient  dans  notre  monographie. 
Ce  Simonius  dont  nous  avons  sous  les  yeux  un  (^  et  une  9 
bien  conservés,  attire  l'attention  par  sa  petitesse  et  par  un  faciès 
particulier  qui   lui  assignent  une  place  à  part  dans  la  série  des 


—     185     — 

Parnassiens.  L'envergure  du  mâle  atteint  à  peine  celle  des  exem- 
plaires les  plus  réduits  de  la  variété  Minima  de  Nordmanni  qui 
était  jusqu'à  présent  la  forme  la  plus  exiguë  parmi  toutes  celles 
qui  sont  actuellement  connues.  Ses  ailes,  relativement  peu 
chargées  d'écaillés  et  un  peu  luisantes  sur  le  dis(jue  en  dessus, 
sont  d'un  blanc  grisâtre  terne  qui  laisse  ressortir  toutes  les  ner- 
vures en  brun  foncé.  Aux  supérieures  dont  l'apex  est  sensible- 
ment aigu,  on  distingue  deux  discoïdales  bien  marquées,  assez 
larges,  dont  l'inférieure  affecte  la  forme  d'un  rectangle  concave 
sur  ses  grandes  côtes,  tandis  que  l'autre,  évasée  du  côté  de 
la  cellule,  est  arrondie  à  l'extrémité  opposée.  Ces  deux  taches 
s'appuient  contre  le  sablé  de  la  côte  qui  est  épais  et  bien 
continu  depuis  la  base  jusqu'au  sommet. 

Les  costales  qui  leur  succèdent,  figurent  une  sorte  d'arc 
arrondi  et  denticulé  extérieurement;  elles  se  relient  par  en  bas, 
à  l'aide  d'un  léger  semis  écailleux,  à  la  tache  interne  qui  est 
disposée  en  croissant.  L'antémarginale,  bien  élargie  à  la  côte, 
est  continue,  légèrement  flexueuse  et  finement  terminée  en  pointe 
au  bord  interne.  Enfin  toute  l'extrémité  de  l'aile  est  occupée 
par  une  marginale  étroite  qui  s'appuie  contre  des  franges  d'un 
gris  blanchâtre  uniforme. 

Aux  ailes  postérieures,  on  distingue  d'abord  deux  très  petites 
ocelles  dont  l'inférieure  ne  consiste  qu'en  un  point  noir;  l'autre 
est  entourée  d'un  cercle  très  fin  de  cette  couleur,  mais  son  centre 
est  d'un  blanc  à  peine  jaunâtre  au  lieu  d'être  rouge  comme  c'est 
le  cas  ordinaire  chez  les  espèces  de  ce  genre.  Puis  on  aperçoit 
le  lavis  abdominal  qui  prend  naissance  à  la  base,  s'étend  dans 
la  cellule  au  dessous  de  laquelle  il  fait  un  crochet,  et  couvre 
ensuite  tout  le  bord  jusqu'à  l'angle  anal  dans  le  voisinage  duquel 
existe  une  petite  tache  ronde.  Quant  aux  deux  bandes  transverses, 


—     186     — 

elles  présentent  un  aspect  très  caractéristique.  L'antémarginale 
consiste  eu  une  suite  de  taches  irrégulières,  inégalement  grosses, 
disjointes,  dont  la  série  est  surtout  interrompue  à  la  rencontre 
de  la  deuxième  branche  de  la  nervure  sous-costale,  par  suite 
d'un  retrait  qu'éprouvent  les  deux  premières  macules  par  rapport 
à  l'allignement  commun.  La  marginale  ne  forme  pas  une  bande 
proprement  dite;  elle  est  remplacée  par  une  liséré  étroit,  noirâtre, 
qui  précède  les  franges  à  peu  près  comme  chez  la  femelle  de 
Tenedius.  Le  dessous  de  Simonius  reproduit  les  dessins  du 
dessus,  mais  avec  des  teintes  confuses  et  presque  effacées. 
L'aile  inférieure  pourtant  présente  un  aspect  différent  de  celui 
de  la  face  opposée.  Toute  sa  surface  est  d'un  gris  jaunâtre 
fuligineux,  depuis  la  base  jusqu'à  la  bande  antémarginale;  tandis 
que  le  bord  externe  où  l'on  n'aperçoit  plus  de  trace  de  liséré, 
est  lavé  de  blanc  presque  pur.  Cette  double  teinte  fait  un  con- 
traste dont  nous  ne  connaissons  aucun  autre  exemple  chez  les 
Parnassiens.  Sur  le  fond  nébuleux  dont  il  vient  d'être  question, 
se  détachent  à  peine  les  deux  ocelles  dont  l'inférieure  est  visible- 
ment pupillée,  ainsi  que  trois  taches  basilaires  d'un  gris  bmn 
obscur,  dont  les  deux  plus  basses  sont  un  peu  lavées  de  jaune 
rougeâtre  très  pâle.  Le  corps  de  ce  curieux  papillon  est  entière- 
ment noir,  mais  sa  face  ventrale  est  recouverte  d'une  pilosité  grise 
abondante.  Les  pattes,  les  palpes,  le  toupet  frontal  sont  égale- 
ment gris,  de  même  que  la  tige  des  antennes  que  termine  une 
longue  massue  d'un  noir  profond.  Ce  n'est  que  par  des  particu- 
larités légères  que  les  deux  sexes  de  cette  espèce  diffèrent  l'un  de 
l'autre.  La  femelle  est  un  peu  plus  grande  que  le  mâle  ;  le  semis  obscur 
qui  relie  les  costales  à  la  tache  interne,  offre  plus  d'épaisseur,  et  forme 
plutôt  sur  cette  partie  de  l'aile  une  véritable  bande  continue  ;  l'ocelle 
inférieure  est  pupillée  de  blanc  et  suivie  dans  la  cellule  adjacente 


—     187     — 

d'un  point  noir;  enfin  le  limbe  blanc  marginal  du  dessous  offre  une 
plus  grande  largeur.  Tous  les  autres  caractères  sont  identiques. 
On  éprouve  une  certaine  hésitation,  lorsque  on  cherche  à 
assigner  une  place  convenable  à  ce  petit  papillon  dans  la  série 
des  autres  espèces.  Il  présente  au  premier  abord  quelque  ressem- 
blance avec  la  femelle  de  Tenedius;  mais  il  manifeste  aussi  de 
l'analogie  avec  les  types  voisins  de  Delphius.  Cependant  Simonius 
n'appartient  ni  au  groupe  des  Limbati,  ni  à  celui  des  Cincti, 
à  cause  de  la  forme  spéciale  de  sa  poche  cornée.  En  effet,  cet 
appareil  (pi.  I,  fig.  9  et  10)  d'une  petitesse  extrême,  caché  en  outre 
par  la  pilosité  ventrale,  consiste  en  une  sorte  de  valve  épaisse, 
d'un  brun  noir  brillant,  qui  surgit  au  dessous  d'un  bourrelet 
plus  clair  que  forme  le  segment  abdominal  qui  lui  donne  naissance. 
Sa  surface,  légèrement  convexe  et  creusée  d'un  sillon  médian 
large  et  court  vers  son  point  d'insertion,  est  presque  appliquée 
contre  l'abdomen.  Son  extrémité  postérieure  un  peu  arrondie,  ménage 
une  ouverture  étroite,  déprimée,  qui  donne  accès  à  une  caverne 
exiguë.  Cette  singulière  structure  dont  nous  ne  possédons  aucun 
autre  exemple,  et  qui  semble  être  presque  un  cas  de  développement 
incomplet,  nécessite,  à  notre  avis,  la  création  d'un  groupe  nouveau 
parmi  les  Parnassiens;  nous  le  désignons  ici  sous  le  nom  de  Valvati 
à  cause  de  la  forme  si  caractéristique  de  l'organe  sexuel,  en  faisant 
remarquer  qu'aucune  autre  espèce  Paléarctique  ne  saurait  y  être 
comprise  parmi  toutes  celles  que  nous  connaissons  aujourd'hui. 

Mr.  Staudinger,  en  nous  adressant  la  curieuse  nouveauté  dont 
il  s'agit,  nous  a  assuré  qu'il  n'a  pu  en  obtenir  qu'un  très  petit  nombre 
d'exemplaires,  et  que  son  habitat  est  des  plus  restreints.  Simonius 
unit  par  conséquent  à  un  intérêt  de  premier  ordre,  le  mérite  de 
figurer  parmi  les  Parnassiens  les  plus  rares  du  centre  de  l'Asie. 


—     188     — 
Parnassius  Charltonins,  Gray. 


Gray.     Cat.  Lep.  Brit.  Mus.,  page  77,  pi.  XII,  fig.  7  S  (année  1852). 
Moore.     Yarkand-Mission  Lepidopt.,  page  5,  pi.  I,  fig.  3  $. 
Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  V,  fig.  1  et  2,  cj  Ç). 

Mr.  Staudinger  a  répandu  dans  les  collections  sous  le  nom 
de  Charltonius  un  Parnassien  remarquable,  originaire  des  hautes 
alpes  d'Alai,  lequel  cependant  est  loin  d'être  semblable  à  celui 
que  MMrs.  Gray  et  Moore  ont  figuré  dans  les  deux  ouvrages 
mentionnés  ci-dessus.  Aussi  Mr.  Ed.  G.  Honrath  a-t-il  eu 
grandement  raison  de  distinguer  par  un  terme  spécial,  celui  de 
Princeps,  cette  race  nouvelle  du  Turkestan  qu'on  ne  saurait 
confondre,  même  à  première  vue,  avec  l'ancienne  espèce  typique 
laquelle,  comme  on  le  sait,  reconnaît  pour  patrie  les  cimes  élevées 
de  l'Himalaya  dans  la  province  de  Lahoul. 

Le  vrai  Charltonius,  en  raison  de  son  habitat,  appartient  à  la 
grande  Faune  Indo- Australienne,  et  devrait  être  considéré  par  consé- 
quent comme  exotique.  Cependant,  le  savant  Lépidoptériste  de  Ber- 
lin que  nous  venons  de  nommer,  ayant  bien  voulu  nous  adresser 
en  communication,  avec  une  extrême  obligeance  dont  nous  lui 
témoignons  ici  nos  sincères  remerciements,  une  fort  belle  paire 
de  ce  Parnassien,  nous  lui  accorderons  avec  empressement  une 
place  dans  notre  supplément,  afin  que  l'on  puisse  juger,  en  pleine 
connaissance  de  cause,  des  différences  notables  qui  séparent  le  type 
de  sa  variété. 

L'espèce  de  Gray,  sous  ses  deux  formes  sexuelles,  est  d'abord 
plus  jaunâtre  et  plus  rembrunie  que  la  race  du  Turkestan,  sur- 
tout en  ce  qui  concerne  le  mâle.  Puis,  en  analysant  le  détail 
des  dessins  de  ce  dernier,  quant  au  dessus,  on  trouve  que  les 
taches  noires  sont  plus  épaisses,  que  la  bande  marginale  des  ailes 


—     189     — 

antérieures  est  plus  large,  circonstance  qui  restreint  sensiblement 
l'espèce  clair  qui  se  trouve  compris  entre  cette  bande  et  l'anté- 
marginale.  La  base  est  plus  fortement  sablée,  et  il  existe  à 
la  place  de  la  tache  interne,  sous  la  nervure  médiane,  une  très 
large  macule,  dessinée  en  triangle  irrégulier  qui  paraît  confluer 
tout-à-fait  avec  la  discoïdale  inférieure,  est  s'unir  ensuite  à  la 
tache  costale  par  une  traînée  d'écaillés  noirâtres.  L'existence 
de  cette  grosse  macule  communique  à  Charltonius  un  aspect 
tout  différent  de  celui  de  Princeps,  chez  lequel  elle  ne  s'observe 
qu'à  l'état  rudimentaire. 

Aux  ailes  postérieures  du  type  dont  il  s'agit,  le  lavis  basilaire 
est  mieux  prononcé;  l'ocelle  inférieure  est  plus  petite,  plus  ar- 
rondie, plus  pâle  et  marquée  d'une  seule  pupille  blanche.  La 
tache  anale  sans  trace  de  rouge,  n'est  pas  suivie  vers  l'ocelle 
d'une  seconde  petite  tache  intermédiaire;  enfin  le  bord  externe 
de  l'aile  possède  un  aspect  tout  autre  que  celui  de  la  variété. 
Il  est  doué  d'abord  d'un  reflet  hyalin  bien  prononcé;  puis  son 
liseré  marginal  obscur  est  plus  continu  et  à  peine  interrompu 
à  l'intersection  des  nervures;  la  bande  antémarginale  d'un  brun 
grisâtre  sur  laquelle  reposent  les  taches  noires  pupillées  de  bleu 
est  plus  sinuée,  plus  dilatée  sous  l'ocelle  inférieure  parce  que 
les  S"^  et  4^  de  ces  taches  sont  beaucoup  plus  développées  que 
les  trois  autres  qui  occupent  le  même  alignement.  Chez  Princeps, 
au  contraire,  toutes  ces  taches  rondes  sont  d'égale  grosseur,  et 
la  l)ande  qu'elles  couvrent  en  partie,  offre  une  largeur  partout 
uniforme. 

La  femelle  de  Charltonius  présente  absolument  les  mêmes 
caractères  en  dessus  que  l'autre  sexe,  avec  cette  différence 
cependant  que  ses  dessins  sont  plus  ternes,  que  le  ton  général 
est  un  peu  moins  jaunâtre  et  que  la  grande  macule  triangulaire 


—     190     — 

du  bord  interne  des  premières  ailes  est  plus  réduite,  tout  en 
étant  néanmoins  beaucoup  mieux  accusée  que  celle  du  Princeps. 
La  poche  cornée  offre  également  la  même  structure  que  celle 
de  cette  dernière  race,  bien  qu'elle  soit  d'une  couleur  beau- 
coup plus  brune,  notamment  vers  l'extrémité  qui  avoisine 
l'ouverture. 

Quant  au  dessous  de  ce  beau  Parnassien,  il  diffère  encore 
de  sa  variété  Princeps,  en  outre  des  particularités  que  nous  ve- 
nons de  relater  et  qui  se  trouvent  intégralement  reproduites  sur 
cette  face,  parce  que  ses  ailes  sont  en  général  beaucoup  plus 
luisantes,  moins  blanchâtres,  plus  nébuleuses;  que  le  lavis  basi- 
laire  est  plus  étendu,  plus  obscur;  enfin  que  le  rouge  pâle 
des  ocelles  a  passé  au  brun  grisâtre  fort  terne. 

Nous  lisons  sur  l'étiquette  qui  accompagne  les  exemplaires 
que  nous  avons  sous  les  yeux,  que  cette  belle  paire  de  Parnassien 
a  été  capturée  le  22  Juillet  1879  à  Koksir,  province  de  Lahoul, 
probablement  à  une  très  grande  altitude  que  cette  espèce  semble 
affectionner  particulièrement. 

Relatons  en  passant  que  Charltonius  présente  parfois,  quoi- 
que très  rarement,  des  aberrations  accidentelles.  C'est  ainsi  que 
Mr.  Grum-Grshimaïlo  a  capturé  dans  l'Asie  centrale  un  exem- 
plaire de  cette  espèce,  chez  lequel  les  ocelles  rouges  ont  com- 
plètement disparu  et  la  rangée  antémarginale  de  taches  noires 
pupillées  de  bleu  se  trouve  à  peine  indiquée.  Selon  Mr.  Honrath, 
cet  effacement  de  dessins  communiquerait  à  ce  sujet  aberrant 
ime  certaine  ressemblance  avec  le  Parnassius  Stubbendorfii  de 
Ménétriès. 


—     191     — 
Paruassius  Àpollo,  Linué  var.  Hesebolus,  Nordmanu. 


Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,  pL  VI,  fig.  1,  2  Ç). 

Mr.  Honrath  ayant  appris  que  nous  mettions  la  dernière 
main  à  cette  étude,  a  bien  voulu  nous  faciliter  les  moyens  de 
la  compléter,  et  il  nous  a  communiqué  à  cet  effet  plusieurs 
Parnassiens  curieux  ou  remarquables  qui  figurent  dans  sa  collec- 
tion, et  qu'il  n'a  pas  craint  de  soumettre  aux  incertitudes  d'un 
long  vo3'age  afin  d'en  faire  bénéficier  ce  supplément. 

Ce  sont  d'abord  deux  femelles  tout-à-fait  typiques  de  la 
variété  Hesebolus  de  notre  Apollo,  puis  deux  aberrations  nouvelles 
et  constantes  de  Mnemosyne  et  de  Stubbendorfii  que  ce  Lépi- 
doptériste  a  publiées  récemment  en  Allemagne;  enfin  trois  exem- 
plaires aberrants  de  Delius  qui  figurent  sans  aucun  doute  parmi 
les  anomalies  les  plus  extraordinaires  qu'on  ait  jamais  constatées 
chez  cette  espèce.  Nous  comprimons  à  Mr.  Honrath  toute  notre 
gratitude  pour  ces  précieux  éléments  d'information,  et  nous  leur 
consacrerons  à  chacun  un  article  distinct  et  autant  que  possible 
une  place  sur  nos  planches. 

La  femelle  d'Hesebolus  que  nous  avons  figurée  précédemment, 
planche  6,  fig.  2,  n'est  pas  tout-à-fait  typique;  elle  appartient 
au  contraire  à  l'une  des  formes  les  moins  obscures  que  présente 
cette  variété,  et  constitue  un  terme  évident  de  transition  vers 
l'Apollo  européen.  Les  sujets  de  Mr.  Honrath  sont  parfaite- 
ment caractérisés;  ils  représentent  un  type  très  pur,  mais 
il  ne  sont  pas  semblables;  aussi  les  décrirons -nous  suc- 
cessivement. 

Chez  le  premier  (Supplément,  pi.  VI,  fig.  1)  qui  est  originaire 
de  la  chaîne  de  l'Altai,  la  surface  presque  toute  entière  des  ailes 
supérieures,   est  fortement  aspergée  d'écaillés  noirâtres  qui  leur 


—     192     — 

donnent  un  aspect  d'un  gris  foncé  nébuleux,  sur  lequel  les  taches 
ordinaires  de  grosseur  normale  et  les  bandes  transverses  ne 
tranchent  plus  que  d'une  manière  assez  molle,  n'étant  que  très 
vaguement  entourées  par  un  reste  des  parties  claires  du  fond. 
Les  ailes  postérieures  possèdent  un  faciès  assez  analogue;  elles 
paraissent  également  très  rembrunies,  parce  que  l'antémarginale 
est  formée  de  grosses  taches  confluentes,  est  que  toute  la  pé- 
riphérie du  bord  externe  est  couverte  par  une  véritable  bande 
marginale  peu  large  mais  bien  continue,  et  assez  semblable  à  celle 
qu'on  remarque  chez  d'autres  espèces  telles  que  Discobolus.  Les 
ocelles  d'un  rouge  un  peu  pâle  sont  très  dilatées,  largement  lavées 
de  blanc  sale,  et  réunies  deux  à  deux  par  une  barre  d'écaillés 
obscures.  La  plus  basse  des  deux  anales  est  marquée  de  rouge 
dans  son  centre. 

Le  second  exemplaire  qui  provient  des  environs  de  Kouldja 
dans  le  Tian-Chan,  établit  un  contraste  frappant  avec  celui  dont 
il  vient  d'être  question,  par  la  teinte  jaunâtre  bien  prononcée 
de  toutes  ses  parties  claires,  et  notamment  de  celles  des  ailes 
supérieures.  Les  taches  ordinaires  de  ces  ailes  ont  acquis  une 
extension  inusitée  et  sont  d'un  noir  profond;  elles  tranchent 
assez  bien  sur  l'entourage  du  disque  qui  est  moins  obscurci  que 
celui  du  spécimen  précédent.  La  marginale  et  l'antémarginale 
sont  presque  confondues  en  une  bande  unique  très  large,  ou  ne 
sont  séparées,  tout  au  plus,  que  par  une  rangée  de  légères 
ponctuations  jaunâtres. 

Quant  aux  ailes  postérieures,  elles  ont  à  peu  près  le  même 
aspect  général  que  celui  de  la  race  sibérienne,  cependant  les 
ocelles,  largement  cerclées  de  noir,  sont  d'un  rouge  plus  intense, 
et  le  lavis  basilaire  est  plus  étendu,  car  il  couvre  presque  toute 
la  superficie  de  la  cellule  discoïdale. 


—     193     - 

Le  dessous  de  ces  deux  papillons  reproduit  très  exactement 
les  différents  caractères  qui  sont  propres  à  l'autre  face. 

Nous  savions  déjà  par  Mr.  Alpheraky  que  la  femelle 
d'Hesebolus  est  ordinairement  richement  colorée  dans  les  mon- 
tagnes du  Tian-Chan;  mais  nous  doutons  beaucoup  qu'elle  puisse 
l'être  d'avantage  que  le  superbe  exemplaire  (|ui  fait  l'olijet  de 
cet  article. 


Paruassins  ApoIIo,  Linné. 


Austaat.    Les  Parnassiens  (Supplément,  pL  VII,  fig.  1  Ç). 
Paruassins  Apollo,  Linné  (Aberration). 


Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  VII.  tig.  2  Ç). 

Avant  de  passer  à  l'analyse  des  autres  formes  curieuses 
que  contenait  l'envoi  qui  nous  a  été  si  obligeamment  adressé, 
nous  emprunterons  à  la  Berlinor  Entomologische  Zeitschrift  de 
l'année  1888  un  Parnassien  extrêmement  remarquable  que  Mr. 
Honrath  a  mentionné  et  figuré  dans  cette  revue,  (Heft  II, 
page  496,  pi.  VII,  fig.  4),  comme  étant  une  aberration  acci- 
dentelle d'Apollo.  L'exemplaire  dont  il  s'agit  est  une  femelle  ; 
il  a  été  capturé,  nous  dit  l'auteur,  il  y  a  environ  25  ans  par 
Madame  Ignace  Lachner,  de  Darmstadt,  dans  l'île  Gothland,  sur 
les  côtes  de  la  Suède. 

Parmi  les  cas  si  rares  d'aberration  que  présentent  parfois 
les  Parnassiens,  celui  dont  nous  avons  à  nous  occuper  ici,  figure 
certainement  au  nombre  des  plus  étonnants.  Les  anomalie.'j 
qu'offre  ce  singulier  papillon,  surtout  sur  ses  ailes  postérieures, 
justifient  pleinement  le  prix  élevé  auquel   un  entomologiste  dis- 

13 


—     194     — 

tiugué  de  TAllemange,  Mr.  Wiskott,  de  Breslau,  Va  acquis 
pour  sa  collection  qui  est  non  seulement  très  riche  en  espèces 
de  la  Faune  Paléarctique,  mais  encore  la  plus  remarquable  en 
ce  qui  concerne  les  hermaphrodites  (plus  de  100!),  les  hybrides, 
monstruosités  et  aberrations.  Bien  que  la  figure  de  la  revue  alle- 
mande ait  été  faite  d'après  la  nature,  Mr.  Honrath  et  Mr.  Wiskott 
la  considèrent  comme  un  peu  inexacte,  mais  grâce  à  l'obligeance 
de  ce  dernier  entomologiste,  il  nous  est  possible  de  la  reproduire 
avec  une  fidélité  parfaite  sur  notre  planche  VII.  Nous  lui 
opposons  un  exemplaire  typique  d'Apollo  originaire  de  la  Suisse 
et  du  même  sexe,  afin  de  mieux  faire  ressortir  l'intensité  des 
caractères  anormaux. 

Le  ton  général  de  ce  superbe  insecte  est  en  dessus  d'un 
jaune  soufre  pâle  qui  contraste  avec  la  teinte  blanche  du  bord 
marginal  des  ailes  supérieures,  lequel,  contrairement  à  ce  qui 
existe  chez  tous  les  autres  Parnassiens,  semble  être  ni  diaphane, 
ni  chargé  d'écaillés  obscures.  La  base  de  ces  mêmes  ailes  est 
fortement  sablée;  et  les  taches  ordinaires,  (discoïdales,  costales 
et  internes),  sont  bien  élargies,  un  peu  vaguement  arrêtées  comme 
celles  de  la  forme  sibérienne  Hesebolus.  Le  bord  marginal  de 
l'aile  postérieure  est  assez  normalement  dessiné;  il  ne  diffère  pas 
d'une  manière  bien  appréciable  de  celui  de  l'exemplaire  typique 
que  nous  avons  figuré  sur  la  même  planche;  mais  la  facture  de 
tous  les  autres  dessins  est  très  profondément  altérée.  C'est  ainsi 
que  les  deux  ocelles,  reliées  entre  elles  par  une  barre  noirâtre, 
ont  contracté  un  élargissement  extraordinaire;  elles  sont  bien 
saturées,  mais  mollement  lavées  de  blanc;  l'inférieure  touche 
presque  la  cellule  discoïdale,  et  la  supérieure  conflue  vers  la 
base  en  affectant  la  forme  d'une  ellipse  subaigue  à  l'une  de  ses 
extrémités.     Les  deux  anales,    fort  grosses   et  vivement  saturées 


—     195     — 

de  rouge,  s'unissent  à  l'ocelle  inférieure  par  une  troisième  tache 
noire  intermédiaire;  enfin,  le  lavis  ordinaire  de  la  base  couvre 
les  deux  tiers  de  la  surface  de  la  cellule,  sous  la  forme  d'une 
grosse  tache  oblongue  marquée  de  rouge  dans  son  milieu;  mais 
il  ne  s'étend  nullement  le  long  du  bord  abdominal  ainsi  que 
c'est  la  règle  invariable  chez  les  Parnassiens. 

Le  dessous  de  ce  merveilleux  papillon  est  tout-à-fait  l'équi- 
valent de  la  face  opposée;  les  seules  particularités  qui  méritent 
d'être  relevées  de  ce  côté,  consistent  en  ce  que  les  ocelles  et 
même  les  anales  au  nombre  de  trois,  sont  bien  pupillées 
de  blanc,  et  que  les  basilaires  offrent  une  plus  grande  ex- 
tension que  d'habitude.  La  quatrième,  à  partir  de  la  côte, 
est  surtout  fort  longue;  elle  aboutit  jusqu'au  cercle  noir  de 
la  tache  anale,  tandis  que  chez  toutes  les  formes  normales 
des  Parnassiens  elle  en  est  longuement  séparée  par  la  couleur 
du  fond. 

Mr.  Honrath,  dans  son  article,  fait  très  judicieusement  ob- 
server que  chez  les  femelles  des  espèces  de  ce  genre,  les  parties 
rouges  manifestent  en  général  une  tendance  assez  prononcée 
à  l'élargissement;  mais  que  l'on  connaît  cependant  bien  peu 
de  cas  où  cette  tendance  arrive  à  atteindre  un  degré  aussi 
considérable.  Il  compare  l'exemplaire  dont  il  s'agit  à  la  femelle 
de  Delius  que  Meyer-Dûr  a  reproduite  en  1851  dans  son  ou- 
vrage qui  a  pour  titre:  Les  Papillons  de  la  Suisse,  et  sur- 
tout au  très  problématique  Corybas  de  Fischer  qui  n'est  pro- 
bablement, lui  aussi,  qu'une  aberration  locale  de  Delius,  spéciale 
aux  régions  inhospitalières  du  Kamtschatka, 


13^ 


—     196     — 
Parnassius  Stiibbeudorfli,  Méuétriès  ab.  Melauophia,  Hourath. 


Honrath.    Berliner  Eiitoraologische  Zeitschrift,  Bd.  XXIX,  Heft  II,  page  274 

(année  1885). 
Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  VIII,  fig.  1  Ç). 

Le  Parnassius  Stubbendorfii  est  répandu,  ainsi  que  nous 
l'avons  indiqué  à  l'article  que  nous  avons  consacré  à  cette  es- 
pèce, sur  la  plupart  des  régions  orientales  et  méridionales  du 
continent  sibérien;  et  dans  ce  vaste  parcours  le  sexe  mâle  ne 
paraît  pas  éprouver  de  variations  bien  appréciables.  Il  n'en 
est  pas  de  même  de  la  femelle  qui  se  présente  parfois  sans 
des  dehors  très  opposés.  Nous  n'en  voulons  pour  preuve  que 
la  remarquable  aberration  que  Mr.  Honrath  a  publiée  en  1885 
sous  le  nom  de  Melanophia,  et  qui  diffère  tellement  du  type 
courant,  que  l'on  serait  facilement  tenté  de  lui  attribuer  une 
importance  spécifique.  Tandis  que  les  femelles  qui  proviennent 
du  centre  et  du  midi  de  l'Amurland  sont  blanches,  et  ressemblent 
aux  mâles  en  tous  points,  sauf  que  le  lavis  basilaire  semble  être 
ordinairement  plus  réduit  et  l'antémarginale  des  ailes  supérieures 
mieux  indiquée,  celles  de  la  Daourie  manifestent,  au  contraire, 
une  tendance  à  l'obscurcissement  qui  dégénère  en  un  mélanisme 
complet. 

Ce  cas  extrême  se  trouve  réalisé  chez  un  bel  exemplaire 
que  nous  avons  sous  les  yeux  et  dont  les  deux  faces  opposées 
des  quatre  ailes  sont  d'un  gris  nébuleux  noirâtre  très  diaphane 
qui  ne  permet  plus  de  distinguer  les  dessins  ordinaires.  Les 
supérieures  sont  absolument  uniformes;  et  quant  aux  inférieures, 
on  n'aperçoit  un  vestige  de  la  couleur  blanche  du  fond  que  dans 
l'intérieur  de  la  cellule  discoïdale  et  sur  l'espace  du  bord  an- 
térieur  qui   est   situé    immédiatement    au   dessus.     Le  lavis  de 


—     197     — 

la  base   ressort  à  peine   dans   une   teinte   plus  foncée    sur   cet 
entourage  obscur. 

Cette  forme  si  remarquable,  et  qui  justifie  si  bien  son  nom, 
a  été  découverte  en  1883  par  MMrs.  Louis  Graeser  et  Dieckmann 
dans  les  montagnes  de  Nickolajefsk,  (province  de  Transbaikalie), 
où  elle  vole  abondamment  vers  la  fin  du  mois  de  Juin.  Elle 
semble  constituer  dans  cette  station  sibérienne  une  race  constante 
et  locale  qui  n'affecte  toutefois  que  le  sexe  femelle. 


Parnassius  Mueiiiosyiie,  Liuué  ab.  Slelaina,  Honratli. 


Honiath.  Berliner  Eiitomologische  Zeitschrift,  Bd.  XXIX,  Heft  II,  page  273 

(année  1885). 
Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  VIII,  fig.  3  Ç). 

Cette  singulière  variété  qui  mérite  de  figurer,  comme  im- 
portance, en  tête  de  toutes  celles  qui  sont  issues  de  notre 
Mnemosyne,  est  tout-à-fait  l'équivalent  de  la  forme  dont  nous 
venons  de  nous  occuper;  mais  elle  appartient  sans  aucun  doute 
à  notre  espèce  d'Europe,  ainsi  qu'en  font  foi  son  origine  et  ses 
caractères.  Ses  ailes  antérieures  sont  de  ce  même  gris  noirâtre 
transparent  qui  est  propre  à  Melanophia  sur  lequel  on  aperçoit 
toutefois  les  deux  taches  discoïdales  assez  foncées,  opaques,  et 
vaguement  entourées  de  blanchâtre  dans  leur  partie  supérieure. 
Cette  couleur  primitive  est  plus  apparente  aux  ailes  postérieures 
où  elle  couvre  le  disque,  depuis  la  côte  jusqu'un  peu  au  delà 
de  la  cellule,  à  partir  de  laquelle  elle  se  fond  insensiblement 
avec  le  semis  obscur  qui  recouvre  tout  le  reste  de  l'aile.  On 
distingue  cependant,  avec  de  l'attention,  vers  le  limbe  une  trace 
d'une  bande  antémarginale  très  mollement  accusée.  Les  taches 
noires  ordinaires  sont  également  assez  bien  visibles  sur  ce  fond 


—     198     — 

général  si  rembruni;  mais  elles  offrent  plus  d'ampleur  que  celles 
de  la  Mnemosyne  typique,  surtout  la  grande  macule  qui  tient 
la  place  de  l'ocelle  inférieure,  laquelle  s'unit  au  lavis  ainsi  qu'à 
l'anale  absolument  comme  chez  la  variété  asiatique  Gigantea. 
Un  tel  rapprochement  entre  des  papillons  d'origines  si  différentes, 
n'est  pas  la  moindre  des  singularités  que  présente  cette  curieuse 
nouveauté. 

Mr.  Honrath  nous  apprend  que  les  mâles  que  l'on  capture 
en  même  temps  que  ces  femelles  si  foncées,  possèdent  ordinaire- 
ment un  aspect  normal;  mais  que  cependant  chez  certains  exem- 
plaires le  bord  marginal  des  secondes  ailes  est  plus  ou  moins 
sablé  d'écaillés  noirâtres,  d'une  manière  analogue  sans  doute  à 
celle  que  l'on  constate  chez  la  variété  asiatique  que  nous  venons 
de  rappeler. 

Cette  Melaina  si  remarquable  à  des  titres  divers,  a  été 
découverte  par  un  entomologiste  zélé  de  Berlin,  Mr.  le  docteur 
Streckfuss,  qui  la  rencontra  pendant  deux  années  consécutives 
sur  la  déclivité  de  la  route  qui  aboutit  de  Kotzbach  à  Pleckenpass, 
dans  un  site  absolument  unique.  Elle  volait  assez  communément 
dans  cette  partie  de  la  Carinthie  vers  la  fin  de  Juin,  à  une  altitude 
de  1300  mètres  environ,  de  concert  avec  l'Argynnis  Paphia  ab. 
Valesina  qui  est  affectée  elle  aussi  d'un  mélanisme  si  prononcé. 


Faruassîus  Graeseri,  Houratli. 


Honrath.  Berliner  Entomologische  Zeitschrift,  Bd.XXIX,  Heft  II,  pages  272, 
273,  pi.  VIII,  fig.  1,  lb(î,  la,  lc$  (année  1885).    Formes  typiques. 
Austaut.    Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  VIII,  fig.  2  Ç  typique). 

C'est  à  Mr.  Edouard  G.  Honrath  que  revient  le  mérite  de 
nous    avoir    fait    connaître    ce    beau   Parnassien    qui    appartient 


-       199 

exclusivement  à  la  Faune  de  la  Transbaikalie.  Nous  en  avons 
successivement  décrit  et  figuré  les  deux  sexes,  d'abord  dans 
le  corps  de  cet  ouvrage,  puis  dans  le  présent  supplément;  mais 
la  femelle  que  nous  avons  représentée  n'est  pas  tout-à-fait 
typique;  elle  appartient  au  contraire  à  une  race  un  peu  aber- 
rante; de  sorte  que  nous  avons  cru  devoir  lui  opposer  un  bon 
dessin  d'un  superbe  exemplaire  que  Mr.  Honrath  a  eu  l'obligeance 
de  nous  soumettre,  et  qui  représente  dans  toute  sa  pureté  la  vraie 
forme  de  cette  espèce  aA'ec  des  caractères  peut-être  même  un  peu 
exagérés. 

En  comparant  ce  papillon  avec  celui  de  notre  planche  II, 
on  trouve  qu'il  en  diffère  au  premier  abord,  quant  au  dessus, 
par  sa  teinte  générale  d'un  jaunâtre  assez  vif  qui  est  plus 
prononcée  que  celle  de  tous  les  autres  Parnassiens,  si  l'on  en 
excepte  toutefois  l'Eversmanni  cf  typique  de  Ménétriès  et  le  su- 
perbe Cardinal,  par  l'accentuation  plus  grande  des  marginales  et 
antémarginales  des  quatre  ailes,  enfin  par  l'ampleur  et  l'intensité 
des  taches  rouges  et  des  ocelles.  Les  costales  de  l'aile  antérieure 
sont  au  nombre  de  quatre,  inégalement  grandes,  mais  toutes  bien 
saturées;  la  tache  interne  fort  vive  et  très  nette  est  aussi  mar- 
quée de  rouge  dans  son  milieu;  et  les  unes  et  les  autres  sont 
reliées  par  une  liture  noire  mieux  définie  que  celle  de  la  femelle 
déjà  figurée.  On  remarque,  en  outre,  que  les  anales  de  l'aile 
postérieure  sont  pupillées  de  carmin,  et  que  la  tache  rouge  qui 
occupe  l'intérieur  de  la  cellule,  immédiatement  au  dessous  de  la 
basilaire  ordinaire,  est  beaucoup  plus  vive  et  mieux  écrite. 

Toutes  ces  dissemblances  se  reproduisent  sur  la  face  opposée 
dans  la  mesure  qui  s'observe  habituellement  de  ce  côté. 

Il  résulte  de  ce  rapprochement  que  la  femelle  de  Graeseri 
est  sujette  à  varier.    C'est  ainsi  (\u>'  les  deux  exemplaires  figurés 


—     200     — 

par  l'auteur  sur  la  planche  VIII  de  la  Berliner  Entomologische 
Zeitschrift  sont  moins  jaunâtres  que  celui  que  nous  venons  d'ana- 
lyser; leurs  bandes  transverses  n'offrent  pas  la  même  netteté. 
Le  type  le,  plus  obscur  sur  le  disque  des  premières  ailes,  ne 
montre  que  deux  costales  rouges  séparées  par  la  couleur  du  fond; 
et  celui  représenté  sous  le  N°  la,  en  général  plus  clair  que 
l'autre,  laisse  apercevoir  quatre  costales  pourprées  comme  le 
spécimen  que  nous  avons  sous  les  yeux. 

Quant  au  type  de  notre  planche  II,  il  est  assez  obscur, 
d'un  blanc  très  franc  mais  un  peu  terne;  ses  macules  rouges 
sont  plus  réduites,  moins  éclatantes;  l'aspect  général  est  différent 
de  celui  des  exemplaires  précédents  ;  aussi  ce  papillon  appartient-il 
à  une  race  accidentelle  qui  est  moins  fréquente  que  celle  qui  est 
en  question. 

Mr.  Honrath  nous  informe  dans  l'article  descriptif  qu'il  a 
consacré  à  Graeseri  que  ce  Parnassien  a  été  découvert  par 
Mr.  Louis  Graeser,  de  Hambourg,  en  1884  aux  environs  de 
Pochrofka,  dans  l'Apfelgebirge,  (Jablotschnoi  Gorja),  sur  des 
montagnes  d'une  altitude  moyenne  de  1600  mètres  qui  sont 
situées  entre  le  lac  Baikal  et  le  fleuve  Amour.  L'espèce  s'y 
montrait  assez  nombreuse  dans  le  courant  de  Juillet. 


Parnassius  Delius,  Esper  (Aberrations  S  et  $). 


Parmi  les  Parnassiens  qui  nous  ont  été  communiqués  avec 
une  si  grande  obligeance  par  l'habile  Lépidoptériste  de  Berlin, 
se  trouvaient  trois  aberrations  de  Delius  qui  méritent  d'autant 
plus  les  honneurs  de  la  publication,  qu'ils  sont  d'une  singularité 
tout-à-fait  exceptionnelle,  et  qu'il  est  assez  rare  d'avoir  la  bonne 


—     201     — 

fortune  de  pouvoir  signaler  des  anomalies  dans  ce  genre  de  pa- 
pillons. Aussi,  nous  empressons-nous  de  leur  accorder  une  place 
dans  cette  étude  à  l'intérêt  de  laquelle  ils  contribueront  très 
certainement  pour  une  bonne  part. 

1"^  Exemplaire. 

C'est  un  mâle  d'une  taille  un  peu  au  dessous  de  la  moyenne, 
chez  lequel  l'antémarginale  des  premières  ailes  est  très  étroite 
et  surtout  très  courte,  puisqu'elle  s'arrête  déjà  à  la  dernière 
ramification  de  la  nervure  sous-costale,  tandis  que  celle  du  type 
normal  descend  jusque  vers  la  seconde  branche  de  la  médiane. 
La  côte  ne  porte  que  deux  costales  noires,  bien  espacées,  dont 
l'inférieure  est  très  petite;  et  le  bord  interne  est  vierge  de  sa 
tache  ordinaire.  Le  rouge  a  totalement  disparu  aux  secondes 
ailes  où  les  ocelles  sont  remplacées  par  deux  gros  points 
irrégulièrement  arrondis  d'un  noir  profond.  Le  revers  des  ailes 
antérieures  est  semblable  au  dessus;  sur  celui  des  postérieures 
on  voit  reparaître  la  forme  ordinaire  des  ocelles  qui  sont  petites, 
faiblement  saturées  de  rouge  vif,  mais  entièrement  privées  de 
pupilles  blanches.  Par  opposition,  les  basilaires  ont  perdu  leur 
couleur  purpurine  dont  il  ne  reste  tout  au  plus  qu'un  vestige 
au  milieu  de  celle  qui  touche  le  bord  costal. 

On  sait  que  les  mâles  des  Parnassiens  manifestent  parfois 
une  tendlince  à  l'amoindrissement  des  ocelles  qui  apparaît  d'une 
façon  plus  ou  moins  normale  chez  certaines  formes  telles  qu'Inter- 
medius,  Felderi,  Simonius;  mais  jusqu'à  présent  aucun  cas  ana- 
logue n'avait  encore  été  signalé,  pensons-nous,  parmi  les  exem- 
plaires du  Delius  typique  auquel  celui  qui  nous  occupe  appartient 
incontestablement. 


—     202     — 
2®  Exemplaire. 

Ce  spécimen  est  du  sexe  femelle;  il  est  d'un  aspect  assez 
normal,  bien  que  ses  ailes  soient  en  proportion  plus  allongées 
que  celles  du  type  ordinaire.  Les  taches  ainsi  que  les  bandes 
transverses  sont  bien  écrites;  et  l'intérieur  des  costales  au  nombre 
de  trois  est  vivement  saturé  de  rouge.  L'anomalie  ne  s'observe 
qu'aux  ailes  postérieures;  elle  consiste  dans  ce  fait  que  les 
ocelles  sont  reliées  deux  à  deux,  d'une  manière  bien  similaire 
de  chaque  côté,  par  un  gros  trait  cunéiforme  d'un  noir  intense 
dont  l'extrémité  la  plus  épaisse  s'appuie  contre  l'ocelle  supérieure. 
Le  rouge  de  celle-ci  paraît  se  répandre  quelque  peu  par  infiltration 
dans  la  base  de  ce  trait,  surtout  à  l'aile  droite  en  dessus,  et 
en  dessous  aux  deux  ailes  qui  reproduisent  de  ce  côté  cette 
bizarre  anomalie. 

Bien  des  Parnassiens  d'espèces  différentes,  et  surtout  Cardinal, 
montrent  ce  même  trait  sous  des  formes  assez  variées;  mais  au- 
cune femelle  de  Delius  n'en  a  manifesté  encore  un  degré  aussi 
excessif. 

3®  Exemplaire. 

C'est  aussi  une  femelle  d'assez  petite  taille,  d'une  coupe 
encore  plus  élancée  que  celle  de  l'aberration  précédente,  et  qui 
est  tout-à-fait  singulière  à  cause  du  mélanisme  dont  elle  est 
atteinte.  La  couleur  du  fond  des  ailes  supérieures  est  d'un 
jaune  ocracé  pâle  qui  n'est  bien  indiqué  que  dans  l'entourage 
des  taches  discoïdales,  et  dans  l'espace  compris  entre  celles-ci 
et  les  costales  ;  par  ailleurs  toute  la  surface  de  l'aile  est  obscurcie 
par  un  épais  semis  écailleux  d'un  brun  nébuleux  jaunâtre  qui 
oblitère  les  bandes  transverses.  La  tache  interne,  d'un  noir 
uniforme,  est  très  large,  mais  un  peu  diffuse. 


—     203     — 

Les  ailes  postérieures  dout  la  nuance  jaune  est  plus  légère, 
paraissent  moins  anormales,  bien  que  tout  le  bord  extérieur  depuis 
la  région  occupée  par  les  ocelles  soit  beaucoup  plus  obscur  que 
celui  des  Delius  les  plus  foncés.  Cette  belle  aberration,  d'après 
l'étiquette  qui  est  fixée  à  l'épingle,  provient  de  Méran  dans 
le  Tyrol.  Elle  rappelle  jusqu'à  un  certain  point  l'aberration 
Nigricans  de  Discobolus  qui  est  pourtant  plus  noire,  plus  dia- 
phane, mais  moins  jaunâtre  que  le  précieux  sujet  que  nous  avons 
sous  les  j^eux. 


Parnassins  Romauovi,  twruni-Grsliimaïlo. 


Austaut.     Les  Parnassiens  (Supplément,  pi.  V,  fig.  3  $  et  pi.  VII,  fig.  3,  4, 
poche  cornée). 

Nous  donnons  ici  la  description  et  la  figure  de  la  femelle 
du  Parnassius  Romanovi  que  nous  ne  connaissions  pas  encore 
au  moment  de  la  rédaction  de  l'article  que  nous  avons  consacré 
plus  haut  à  cette  espèce.  L'exemplaire  bien  conservé  que  nous 
avons  sous  les  yeux,  se  rapporte  très  exactement  au  mâle  typique 
que  nous  avons  déjà  représenté.  Comme  lui,  il  est  de  grande 
taille,  d'un  blanc  à  peine  jaunâtre,  avec  le  disque  des  quatre 
ailes  fort  clair;  de  sorte  que  la  différence  sexuelle  ne  paraît  pas 
se  traduire  chez  cette  espèce  par  l'obscurcissement  plus  ou  moins 
considérable  qui  est  ordinaire  chez  la  plus  part  des  autres.  Elle 
consiste  principalement  en  ce  que  les  bandes  transverses  sont 
mieux  marquées. 

L'antémarginale  des  ailes  antérieures  qui  est  composée  d'une 
suite  de  gros  points  assez  vagues,  ainsi  que  le  marginale,  descen- 
dent plus  bas,  c'est-à-dire  jusque  près  du  bord  interne.  Aux  ailes 
postérieures,  ces  mêmes  bandes  se  reproduisent  également  avec  des 


—     204     — 

caractères  un  peu  différents;  Tune  borde  très  étroitement  le 
limbe,  depuis  le  bord  antérieur  jusqu'à  l'angle  anal  où  elle  finit 
en  pointe,  et  l'autre  est  formée  de  taches  triangulaires  beaucoup 
plus  dilatées  que  celles  de  l'autre  sexe.  La  plus  basse  des  deux 
grosses  macules  anales  est  distinctement  pupillée  de  rouge,  et 
toutes  deux  sont  assez  bien  séparées  par  la  couleur  blanche  du 
fond  du  lavis  basilaire  qui  est  plus  réduit  inférieurement  que 
celui  du  mâle  et  aussi  plus  grisâtre.  Ces  divers  caractères 
se  retrouvent  sur  la  face  opposée,  mais  avec  quelques  modifi- 
cations qui  portent  principalement  sur  les  taches  rouges  qui  sont 
beaucoup  plus  pâles  de  ce  côté,  presque  blanchâtres,  surtout 
les  basilaires  qui  montrent  une  tendance  à  être  oblitérées  par 
le  sablé  obscur  qui  couvre  cette  partie  de  l'aile. 

L'exemplaire  dont  il  s'agit  est  pourvu  de  sa  poche  cornée, 
ce  qui  nous  permet  de  la  reproduire  et  de  la  comparer  à  celle 
des  autres  espèces  du  groupe  des  Carinati.  La;  caverne  du  pré- 
sent Parnassien,  d'une  couleur  d'un  brun  bistré,  est  relativement 
courte,  un  peu  comprimée  sur  les  côtés,  notamment  sur  les  bords 
de  l'ouverture.  La  languette  qui  la  termine  est  coupée  en  tri- 
angle brusquement  tronqué  à  l'une  de  ses  extrémités;  et  la  carène 
bien  saillante,  d'un  profil  arrondi,  soudée  en  outre  antérieurement 
aux  segments  abdominaux,  atteint  à  peine  le  niveau  inférieur  de 
la  caverne.  La  forme  de  cet  appareil  est  assez  voisine  de  celle 
de  la  poche  du  Khodius  du  Turkestan;  mais  elle  est  moins 
allongée,  plus  trapue,  et  sa  spatule  ou  languette  n'est  pas  ter- 
minée en  pointe  comme  celle  de  cette  dernière  espèce. 

Le  mâle  de  Romanovi  que  nous  avons  figuré  est  originaire 
des  alpes  d'Alai;  la  femelle  en  question  provient  des  montagnes 
du  Neu-Margellan;  et  malgré  cette  différence  d'origine,  son 
aspect  est  presque  semblable  à  celui  de  cet  exemplaire.    On  peut 


205 


supposer  dès  lors  que  la  présente  espèce  ne  varie  pas  dans  une 
bien  grande  mesure. 


Faruassius  Illustris,  Gruin-Orshiiuaïlo. 


Nous  avons  obtenu  en  communication,  au  dernier  moment, 
de  Mr.  Heyne,  l'obligeant  éditeur  de  ce  livre,  deux  Parnassiens 
réputés  nouveaux  qu'il  s'est  empressé  de  soumettre  à  notre  appré- 
ciation, afin  d'en  enrichir  ces  études. 

Le  premier  qui  porte  le  nom  d'IUustris,  appartient  à  notre 
groupe  des  Cincti,  et  vient  par  conséquent  se  placer  à  côté  de 
Delphius  et  de  ses  congénères;  il  est  particulièrement  voisin  de 
la  forme  que  Mr.  Staudinger  a  publiée  sous  le  nom  de  Transiens; 
et  cette  analogie  est  même  si  grande  qu'il  nous  a  été  impossible 
d'apercevoir  des  caractères  bien  appréciables,  à  l'aide  desquels 
on  pourrait  diiférencier  ces  deux  types  de  papillons. 

En  effet,  les  ailes  antérieures  de  cet  Illustris  qui  est  une 
femelle,  sont  un  peu  pointues  à  l'apex  comme  celles  de  l'espèce 
à  laquelle  nous  le  comparons;  puis  les  quatre  marginales  offrent 
la  même  couleur  d'un  gris  brun  ardoisé  diaphane  qui  est  spéciale 
à  Transiens.  Les  taches  ordinaires  de  même  que  les  antémargi- 
nales  affectent  une  forme  identique,  et  se  détachent  très  nettement 
du  fond  général  jaunâtre  lequel  n'est  obscurci  par  aucun  semis 
écailleux.  Il  n'y  a  que  la  marginale  antérieure  qui  soit  un  peu 
plus  étroite  chez  ce  sujet  litigieux  que  chez  l'autre  espèce,  cir- 
constance ayant  pour  effet  d'élargir  d'autant  les  taches  maculaires 
jaunâtres  qui  succèdent  à  cette  bande  vers  l'intérieur;  et  quant 
à  la  postérieure,  elle  n'aboutit  pas  à  l'angle  anal  en  pointe  aussi 
fine  que  d'habitude;  elle  se  termine  au  contraire  par  deux  petites 
taches  ovalaires,  disjointes,  placées  au  dessous  des  macules  rondes 


—     206     — 

pupillées  de  bleuâtre  qui  font  partie  de  rantémarginale.  Ces 
dissemblances  sont  tellement  légères,  qu'il  ne  nous  paraît  pas 
possible  de  les  prendre  en  sérieuse  considération  ;  et  nous  pensons 
que  cette  forme  réputée  nouvelle  doit  se  rapporter  à  celle  du 
Pamir  déjà  nommée  dont  elle  n'est  pas  même  susceptible  de 
constituer  une  race  locale  distincte.  Le  nom  d'IUustris  devra 
par  conséquent,  nous  semble-t-il,  être  placé  en  synonymie  sous 
celui  de  Transiens. 


Fariiassius  Superbns,  Grum-Orsliimaïlo. 


Grum-Grshimaïlo.    Mémoires  sur  les  Lépidoptères  parRomanoff,  l^volume. 

Le  second  Parnassien  qui  nous  a  été  soumis  sous  le  nom 
de  Superbus,  en  deux  exemplaires  mâles  d'une  grande  fraîcheur, 
ressemble  beaucoup  à  Insignis,  Stgr.,  dont  il  ne  nous  paraît  pas 
être  spécifiquement  distinct.  Il  en  a  la  taille,  la  coupe  et  l'aspect 
général;  cependant  ses  ailes  sont  plus  claires,  et  leur  couleur 
blanche  qui  approche  de  celle  de  la  neige  est  absolument  pure. 
De  tous  les  Parnassiens  que  nous  connaissons,  il  n'en  est  pas 
un  qui  soit  doué  d'un  éclat  aussi  vif. 

En  comparant  ce  Superbus  à  Insignis,  sous  le  rapport  de 
l'accentuation  des  dessins,  on  remarque  d'abord  que  les  macules 
rouges  des  costales  et  de  l'interne  offrent  une  tendance  évidente 
à  disparaître.  Chez  l'un  des  deux  sujets  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  elles  sont  réduites  à  l'état  de  vestige;  chez  l'autre,  elles 
sont  même  totalement  absentes.  La  tache  qui  existe  sous  la  dis- 
coïdale  inférieure  d'Insignis,  dans  le  voisinage  de  la  base  et  du 
bord  interne,  manque  en  outre  tout- à-fait;  et  le  disque  de  l'aile 
supérieure  n'est  pas  aussi  obscurci  par  le  semis  écailleux  habituel. 


—     207     — 

Les  franges  sont  également  plus  blanches  et  très  finement  entre- 
coupées de  noir. 

Quant  aux  ailes  postérieures  de  ce  joli  Parnassien,  l'anté- 
marginale  est  formée  de  taches  moins  triangulaires  et  plus 
continues  que  celles  du  type;  les  deux  premières,  à  partir  de 
la  côte,  paraissent  plus  déliées;  les  ocelles  bien  saturées  et  toutes 
deux  non  pupillées  de  blanc,  sont  très  largement  cerclées  de  noir; 
enfin  le  lavis  basilaire,  très  chargé  en  couleur  et  moins  étendu, 
n'entoure  pas  aussi  complètement  la  cellule  discoïdale  surtout 
par  en  haut. 

Il  résulte  de  ce  parallèle  que  Superbus,  quoique  produisant 
une  impression  particulière  à  première  vue,  ne  diffère  pourtant 
d'Insignis  que  par  des  caractères  assez  légers  qui  ne  sont  pas 
suffisants  pour  le  distinguer  spécifiquement  de  cette  espèce. 
Il  ne  constitue  tout  au  plus  qu'une  race  locale  plus  éclatante 
que  ce  type,  chez  laquelle  les  taches  rouges  des  ailes  antérieures 
sont  en  voie  de  décroissance  et  qui  peut  à  la  rigueur  conserver 
son  nom. 

En  raison  de  cette  grande  similitude,  le  Parnassien  dont 
il  s'agit  n'offrirait  pas  un  intérêt  considérable,  si,  d'un  autre 
côté,  il  ne  tendait  à  confirmer  l'opinion  que  nous  avons  émise 
plus  haut,  à  savoir  qu'Insignis,  au  lieu  de  se  rapprocher  de  Disco- 
bolus  comme  d'un  type  primordial,  s'en  éloigne  au  contraire 
d'une  manière  visible,  pour  former  une  espèce  à  part  dans  le 
sens  que  nous  attachons  à  ce  mot. 

Les  deux  exemplaires  que  nous  venons  d'analyser  et  dont 
nous  n'avons  pu  obtenir  l'indication  précise  du  lieu  d'origine, 
ont  été  capturés,  nous  mande  Mr.  Heyne,  dans  les  alpes  du  sud- 
est  du  Turkestan,  probablement  sur  le  vaste  plateau  du  Transalai, 
à  une  altitude  qui  varie  de  2700  à  3800  mètres. 


—     208     — 

Qu'on  nous  permette  de  saisir  l'occasion  qui  s'offre  naturelle- 
ment ici  pour  faire  remarquer,  une  fois  de  plus,  combien  l'assi- 
milation des  différentes  formes  de  Parnassien  les  unes  aux  autres 
est  précaire  et  entourée  d'obscurité. 

Ainsi,  selon  la  plupart  des  entomologistes  d'Allemagne, 
Insignis  devrait  être  considéré  comme  une  simple  variété  de 
Discobolus,  en  raison  des  rapports  qui  unissent  ces  deux  types 
en  apparence.  Cependant  Mr.  Grum-Gishimaïlo  découvre  in- 
opinément une  forme  nouvelle  qui,  bien  que  fort  approchante 
d'Insignis,  s'éloigne  pourtant  encore  plus  franchement  que  celui-ci 
de  l'espèce  du  Tian-Chan  pour  se  rapprocher  au  contraire  de 
certaines  races  d'Actius. 

Komanovi  que  Mr.  Staudinger  avait  d'abord  assimilé  à  ce 
dernier  Parnassien,  a  obtenu  depuis  de  la  part  de  ce  savant  un 
brevet  d'indépendance;  tandis  que  d'autres  auteurs  le  rattachent 
au  même  Discobolus  déjà  nommé.  De  semblables  divergences 
de  vue  se  sont  manifestées  en  ce  qui  concerne  Rhodius  qui, 
à  part  la  tache  basilaire  rouge  des  ailes  postérieures,  ressemble 
beaucoup  aux  espèces  précitées,  et  même  à  d'autres  qui  s'étendent 
en  dehors  des  limites  du  territoire  Paléarctique.  Enfin,  nous  avons 
déjà  signalé  que  les  divers  types  du  groupe  des  Cincti,  c'est-à- 
dire  ceux  qui  gravitent  autour  de  Delphius,  passent  pour  ainsi 
dire  les  uns  aux  autres  par  des  termes  d'une  continuité  presque 
parfaite. 

Dans  ces  conditions  ne  serait-il  pas  plus  sage  et  plus  pra- 
tique, en  égard  aux  données  encore  si  incomplètes  de  l'observation, 
de  reserver  tout  jugement  définitif  et  absolu  sur  le  degré  de 
parenté  qui  règne  parmi  tous  ses  membres  d'une  même  famille? 
Comment,  du  reste,  saurons-nous  jamais  avec  une  certitude  par- 
faite que  tel  type  constant  et  bien  défini  n'est  qu'une  modification 


—     209     — 

géographique  de  tel  autre;  que  tous  deux  sont  le  même  être  qui 
se  présente  sous  des  aspects  divers?  Est-ce  par  l'analogie  des 
caractères?  Mais,  si  nous  avons  recours  à  ce  guide,  nous  nous 
exposerons  à  de  singulières  méprises.  La  nature  est  pleine  de  ces 
analogies  apparentes  ou  réelles  qui  ne  sont  qu'une  manifestation 
extérieure  d'une  loi  générale  qui  régit  toute  chose:  la  continuité. 
En  suivant  cette  voie,  nous  arriverons  fatalement,  et  peu  à  peu, 
à  identifier  tout  ce  qui  n'est  pas  absolument  disparate,  à  réunir 
sous  une  notion  commune  tous  les  êtres  organisés  auxquels  la 
nature  n'a  pas  imprimé  de  différences  profondes,  et  qui  pour  être 
très  voisins  sous  le  rapport  de  l'aspect  physique,  n'en  sont  pas 
moins  séparés  par  leur  tempérament,  leurs  mœurs,  leur  instinct. 
Finalement,  en  fait  d'espèces,  nos  nomenclatures  ne  renfermeront 
plus  que  les  formes  extrêmes  ou  opposées  qui  auront  résisté  aux 
atteintes  de  cette  sorte  de  synthèse. 

L'assimilation  poussée  à  ces  limites,  constitue  à  nos  yeux 
un  danger  réel  qui  menace  nos  méthodes  modernes;  et  pour 
éviter  cet  excès,  il  n'y  a  de  meilleur  moyen,  croyons-nous,  que 
de  revenir  aux  préceptes  d'une  saine  philosophie  qui  ne  peut 
découvrir  dans  la  notion  de  l'espèce  considérée  en  général  qu'un 
procédé  purement  subjectif,  dont  l'esprit  humain  fait  usage  pour 
arriver  à  distinguer  et  à  classer  ses  idées. 


Parnassius  Delpliius,  Eversinanii  var.  Albnlns,  Ilonratli. 


H 0  n r  a  t  h.  Berliner  Entomologische  Zeitschrift,  1 889,  pi .  Il,  fig.  1 ,  page  161. 

La  science  ne  s'arrête  jamais  dans  sa  marche  progressive; 
et  quelle  que  soit  l'époque  choisie  par  un  auteur  pour  entreprendre 
l'histoire  d'un  genre  déterminé  d'êtres  organisés,  son  savoir  se 
trouve  nécessairement  mis  en  défaut,  parce  qu'au  moment  même 

u 


—     210     — 

où  l'auteur  écrit  son  livre,  les  découvertes  suivent  leur  cours  et 
fournissent  à  l'étude  des  matériaux  sans  cesse  renouvelés.  C'est 
ainsi  que  pendant  que  nous  mettions  la  dernière  mains  au  présent 
ouvrage,  un  Parnassien  nouveau  venait  d'être  découvert  dans  les 
montagnes  si  fertiles  de  l'Asie  centrale;  et  cette  circonstance 
nous  oblige  à  ne  pas  passer  sous  silence  cet  hôte  de  notre 
faune.  Nous  lui  faisons  un  accueil  d'autant  plus  empressé,  que 
c'est  à  Mr.  Honrath  que  nous  devons  la  connaissance  de  cette 
nouveauté,  et  que  ce  savant  Lépidoptériste  a  poussé  l'obligeance 
au  point  de  nous  en  réserver  la  primeur,  le  papillon  dont  il  s'agit 
n'étant  pas  encore  publié  au  moment  où  nous  écrivons  ces  lignes. 
C'est  sous  le  nom  d'Albulus  qu'il  sera  figuré  dans  la  Berliner 
Entomologische  Zeitschrift;  et  nous  ne  pouvons  mieux  faire,  en 
attendant,  que  de  transcrire  ci-après  sa  diagnose  que  Mr.  Hon- 
rath a  bien  voulu  nous  adresser  avec  une  amabilité  vraiment 
extrême.  Voici  par  conséquent  en  quels  termes  cet  auteur 
caractérise  ce  nouveau  Parnassien: 

»La  variété  Albulus  est  la  plus  grande  de  toutes  les  formes  de« 
»DelpMus  actuellement  connues,  car  son  envergure  atteint  33-35  milli-« 
»  mètres.  Sa  tonalité  dépourvue  d'écaillés  obscures  est  très  claire» 
»  comme  celle  de  Staudingeri,  Bang  Haas;  ses  dessins  noirs  sont  ex-« 
»trêmement  réduits,  de  sorte  que  cette  forme  est  en  effet  la  plus  blanche  « 
»que  l'on  ait  encore  constatée  chez  Delphius.« 

»L'antémarginale  des  ailes  antérieures  est  indiquée  par  une« 
»  rangée  de  petits  points  noirâtres,  faiblement  écrits  lorsqu'ils  ne  sont* 
»pas  tout-à-fait  absents.  La  tache  discoïdale  inférieure,  vers  la  base,« 
»est  généralement  très  réduite  et  souvent  presqu'entièrement  effacée.  « 
»La  costale,  bien  isolée,  ne  s'allonge  jamais  sous  forme  de  bande  vers« 
»le  bord  interne,  ainsi  qu'on  le  remarque  chez  Delphius  et  ses  autres* 
»  variétés.  L'antémarginale  manque  tout-à-fait  aux  ailes  postérieures* 
»de  cette  nouvelle  race.     Sa  place  n'est  marquée  vers  le  bord  que« 


—     211     — 

»par  2  ou  3  petits  points  parfois  à  peine  visibles  ou  même  absents;  mais* 
»les  deux  taches  bleues  vers  l'angle  anal  sont  presque  toujours  bien  accu-« 
^se'es,  entoure'es  de  noir  quelquefois  seulement  dans  leur  moitié'  inférieure.  « 
»Le  bord  diaphane  (la  marginale)  des  4  ailes  d'Albulus  est  plus  étroit* 
»que  celui  de  Delphius  et  de  toutes  les  formes  voisines;  les  ocelles* 
»sont  grandes,  géne'ralement  d'une  couleur  rouge  qui  passe  parfois* 
»à  la  nuance  orangée,  sans  pupilles  blanches  et  finement  cerclées* 
»de  noir;  enfin  une  troisième  tache  allongée  existe  souvent  à  l'angle* 
»anal.  Ces  ocelles  sont  pupillées  de  blanc  sur  le  revers;  et  la  base* 
^est  marquée  de  ce  côté  de  2  ou  3  taches  rouges.* 

»Le  mâle  d'Albulus  paraît  varier.  Chez  un  sujet  de  ma  collée-* 
»tion  le  cercle-  noir  des  ocelles  est  très  élargi  et  il  réduit  beaucoup* 
»la  surface  de  la  tache  rouge;  l'ocelle  supérieure  de  cet  exemplaire* 
»est  très  petite  en  dessus.  La  troisième  ocelle  de  l'angle  anal  n'est* 
»  indiquée  que  par  un  semis  noirâtre.  Au  dessous,  toute  la  couleur* 
»  rouge  est  disparue,  même  chez  les  basilaires,  c'est  seulement  l'ocelle* 
»  supérieure  qui  est  ornée  de  cette  couleur.* 

»  Quant  au  sexe  femelle,  il  diffère  à  peine  de  l'autre  sous  le* 
»  rapport  de  la  tonalité  et  de  l'accentuation  des  dessins,  circonstance* 
»assez  caractéristique;  et  la  tige  des  antennes  est  encore  plus  jau-« 
»nâtre  ici   que  chez  les  autres  formes  de  Delphius.* 

»  C'est  Mr.  Jos.  Haberhauer  qui  découvrit  récemment  cette  remar-* 
»quable  variété  vers  la  fin  de  Juillet,  dans  la  partie  des  alpes  d'Alai* 
»qui  sont  situées  à  l'est  d'Ochs,  à  une  altitude  d'environ  3600  mètres.* 
»Elle  volait  dans  des  sites  déserts,  recouverts  de  neiges  perpétuelles,* 
»où  la  végétation  ne  peut  plus  se  manifester  que  par  ses  représentants 
les  plus  dégradés.* 

Ne  connaissant  pas  de  \âsu  ce  curieux  Parnassien,  nous  n'ajoute- 
rons rien  à  la  description  si  exacte  qui  précède,  si  ce  n'est  que  tout 
en  étant  bien  tranché  des  formes  voisines  de  Delphius,  Albulus 
nous  paraît  offrir  une  certaine  analogie  avec  Transiens,  Stgr., 
qui  est  également  caractérisé  par  le  ton  si  clair  de  ses  ailes. 

u* 


—     212     — 

Cousidérations 
sur  les  cas  d'hybridation  observés  chez  les  Paniassier.s. 


La  question  du  croisement  entre  les  espèces  animales  et 
végétales  a  été  mise  depuis  un  certain  nombre  d'années  à  l'ordre 
du  jour  par  beaucoup  de  naturalistes;  elle  préoccupe  pour  des 
motifs  divers  l'esprit  des  savants;  nous  avons  pensé  par  consé- 
quent que  nous  ne  pouvions  donner  une  meilleure  terminaison 
à  ce  livre,  que  de  consacrer  ses  dernières  pages  à  l'étude  de  cet 
intéressant  problème,  en  tant  qu'il  se  rapporte  au  genre  d'insectes 
dont  nous  avons  écrit  l'histoire. 

En  général,  la  constation  des  phénomènes  d'hybridation  parmi 
les  lépidoptères  ne  remonte  pas  à  une  époque  bien  reculée, 
puisque  les  hybrides  les  plus  anciennement  connus,  tels  que  nos 
Deilephila  Vespertilioïdes  et  Epilobii,  ont  été  considérés  dans 
le  principe  par  les  premiers  auteurs  qui  nous  les  ont  fait 
connaître  comme  des  espèces  absolument  indépendantes.  Plus 
tard,  lorsque  le  fait  du  croisement  entre  papillons  voisins  eut  été 
constaté  d'une  manière  authentique,  on  essaya  d'obtenir  les  mêmes 
résultats  par  des  voies  factices  ou  artificielles.  On  rapprocha  en 
capitivité  certaines  formes  qui  paraissaient  devoir  s'accoupler 
plus  facilement  que  d'autres;  et  c'est  ainsi  que  l'on  obtint,  l'art 
et  la  patience  aidant,  des  métis  fort  remarquables  dans  les  genres 
Smerinthus,  Saturnia,  Ocnogyna  et  d'autres  encore. 

Ces  faits,  produits  en  dehors  des  conditions  naturelles,  ne 
constituent  en  définitive  que  de  simples  expériences  qui  prouvent 
la  possibilité  du  croisement  entre  certaines  espèces  similaires; 
mais  ils  devaient  incliner  à  penser  que  cette  possibilité  se  réalise 
quelques  fois  spontanément  sur  le  grand  théâtre  de  la  vie. 


—     213     — 

Cette  prévision  s'est  trouvée  justifiée.  L'observation,  dirigée 
dans  cette  voie  nouvelle,  a  démontré  de  nos  jours,  par  un  grand 
nombre  des  témoignages  sur  la  valeur  desquels  on  ne  saurait 
élever  le  moindre  doute,  que  beaucoup  de  papillons  d'un  même 
genre  s'accouplent  effectivement  en  toute  liberté  dans  l'état 
de  nature.  Nous -même,  pour  ne  citer  que  des  exemples 
qui  nous  sont  personnels,  nous  avons  remarqué  en  diverses 
circonstances  in  copula:  Lycaena  Astrache  et  Icarus,  Bellar- 
gus  et  Aegon,  Zygaena  Filipendulae  et  Transalpina,  Achilleae  et 
Pilosellae  etc. 

Que  peuvent  être  les  produits  de  tels  rapprochements  ad- 
ultérins, si  non  des  termes  mitoyens  entre  les  facteurs  qui  ont 
concouru  à  les  engendrer,  c'est-à-dire  des  formes  absolument 
intermédiaires,  réunissant  dans  leur  type,  et  selon  une  certaine 
mesure,  les  caractères  de  leurs  parents.  C'est  probablement 
à  une  telle  origine  qu'il  convient  de  rapporter  beaucoup  d'exem- 
plaires prétendus  aberrants  que  l'on  rencontre  accidentellement 
dans  la  nature  et  qui  font  le  désespoir  des  classificateurs,  parce 
qu'ils  ne  peuvent  être  assimilés  à  aucune  forme  normale  déjà 
régulièrement  classée. 

Le  premier  d'exemple  d'hybridation  qui  ait  été  signalé 
parmi  les  Parnassiens  et  que  nous  avons  déjà  relaté  plus  haut, 
a  été  constaté  par  Mr.  Alpheraky  dans  les  montagnes  du  district 
de  Kouldja.  Cet  habile  et  intrépide  explorateur  a  surpris  pour 
ainsi  dire  la  nature  sur  le  fait;  il  a  vu  un  mâle  d'Apollo 
var.  Hesebolus  accouplé  à  une  femelle  de  Discobolus;  et  comme 
témoignage  de  la  fécondité  d'un  tel  rapprochement,  il  a  capturé, 
sur  les  lieux  mêmes  où  cette  observation  avait  été  faite,  un  Par- 
nassien d'aspect  fort  singulier  et  tout-à-fait  intermédiaire  entre 
les  deux  espt-ce?  précitées. 


—     214    — 

D'un  autre  côté,  Mr.  Grum-Grshimaïlo  a  aperçu  dans  les 
hautes  alpes  d'Alai  le  Parnassius  Delphius  en  commerce  adultérin 
avec  la  belle  variété  Princeps  du  Parnassius  Charltonius.  Ces 
deux  cas  sont  les  seuls  jusqu'à  présent  qui  aient  été  constatés 
directement,  et  pour  ainsi  dire  en  flagrant  délit;  mais  il  est 
évident  qu'ils  doivent  se  réaliser  bien  plus  souvent  dans 
la  nature,  si  l'on  tient  compte  de  cette  circonstance,  que 
les  observations  dirigées  dans  un  tel  but  ne  s'exercent  que 
très  rarement  et  le  plus  souvent  dans  des  conditions  défectueuses. 

Pourtant,    d'autres    faits    intimement    liés    à    l'importante 
question  que  nous  développons  ici,  ont  été   indiqués   par  diffé- 
rents   auteurs,    et    notamment    par    Mr.  Edouard    G.  Honrath. 
Ce  Lépidoptériste  qui  a  acquis  une  grande  compétence  en  ma- 
tière de  Parnassiens,    et  dont  l'opinion  est  par  conséquent  pré- 
pondérante, a  consigné  dans  la  Berliner  Entomologische  Zeitschrift 
une  série   de  remarques  qui  tendent  toutes   à  prouver  que  les 
exemples  de   croisement   entre  les   espèces  de   ce  genre   si  in- 
téressant  de   papillons   sont   beaucoup   plus   fréquents   qu'on   ne 
l'a  cru  jusqu'  aujourd'hui.     Cet  avis  s'impose  en  quelque  sorte 
lorsqu'on  examine  attentivement  ce  problème.     En  effet,  l'hybri- 
dation étant  chez  les  animaux  une  dérogation  à  la  loi  d'instinct 
qui  ne  détermine  la  propension  sexuelle   que  chez  les  individus 
d'une  même  espèce,  ce  n'est  jamais  que  par  hasard  que  l'on  arrive 
à  constater  sur  le  vif  les  infractions  accidentelles  commises  à  cette 
loi;  tandis  qu'il  est  plus  aisé  de  remarquer  les  produits  assez 
nombreux  qui  résultent  de  ces  sortes  d'erreurs  naturelles.    L'acte 
de  l'hybridation,  en  supposant  qu'il  soit  toujours  fécond,  doit  être 
infinément  plus  rare  que  les  hybrides  eux-mêmes. 

Mais  là  où  les  idées  de  cet  habile  auteur  prennent  un  tour 
tout-à-fait  inattendu  et  deviennent  par  conséquent  très  intéressantes, 


—     215     — 

c'est  lorsqu'il  avance  que  les  signes  caractéristiques  qui  révèlent 
chez  les  Parnassiens  l'origine  du  croisement  pourraient  bien 
résider,  non  dans  les  travestissements  des  dessins  généraux 
des  ailes,  mais  dans  les  changements  que  subit  l'aspect  normal 
des  antennes. 

Cette  opinion  a  été  inspirée  à  l'auteur  par  ce  fait  assez 
singulier  en  effet,  qu'il  est  extrêmement  rare  de  rencontrer  dans 
la  nature  des  sujets  portant  sur  leurs  ailes  l'empreinte  de  ca- 
ractères incontestables  d'hybridation,  et  cela  dans  les  lieux  mêmes 
où  cependant  les  accouplements  adultérins  ont  été  constatés. 

Comme  témoignages  versant  à  l'appui  de  la  probabilité  de 
ses  vues,  Mr.  Honrath  allègue  les  faits  suivants: 

1'')  Deux  exemplaires  d'un  Parnassien  de  grande  taille, 
presque  semblables  à  Nomion  sous  le  rapport  du  faciès,  mais 
pourvus  d'antennes  d'un  noir  absolument  uniforme  comme  celles 
par  exemple  de  Graeseri.  Ces  papillons  ont  été  capturés  par 
Mr.  Graeser  lui-même  à  Pochrofka  dans  l'Amurland,  au  commen- 
cement de  Juin,  ii  une  époque  où  les  Parnassius  Graeseri  qui 
habitent  cette  station  sont  tout-à-fait  passés,  et  avant  l'apparition 
du  vrai  Nomion  qui  ne  fut  trouvé  que  quinze  jours  plus  tard. 
Selon  l'auteur,  les  papillons  dont  il  s'agit,  seraient  le  produit 
d'un  croisement  entre  les  deux  espèces  précitées,  avec  d'autant 
plus  apparence  de  raison,  que  l'époque  de  leur  évolution  est 
intermédiaire  entre  celles  de  ces  espèces,  et  que  les  femelles  de 
l'une  ont  fort  bien  pu  se  rapprocher  des  mâles  de  l'autre. 

2®)  Un  autre  sujet  semblable  aux  précédents  qui  fut  re- 
cueilli avec  Nomion  à  Bikim  par  les  frères  Dorries. 

3*^)  Plusieurs  Apollo  capturés  pendant  le  courant  d'une  seule 
année,  en  1887,  dans  la  vallée  du  Muhlwald,  dans  le  Tyrol,  à 
1 200  mètres  d'altitude,  pa  r  un  entomologiste  de  Berlin,  Mr.  Streckfuss, 


—     216     — 

et  dont  la  tige  des  antennes  est  vivement  annelée  de  noir  comme 
celle  de  Delius  qui  volait  du  reste  simultanément  avec  l'autre 
espèce. 

4^)  Deux  autres  Parnassiens  du  sexe  mâle,  figurant  dans 
la  collection  de  Mr.  Grum-Grshimaïlo  de  St.  Pétersbourg,  les- 
quels, fort  voisins  comme  aspect  de  Rhodius  qu'ils  excèdent 
cependant  de  beaucoup  par  la  taille,  possèdent  des  antennes 
semblables  à  celles  d'Apollonius.  L'auteur  pense  également  que 
ces  sujets  litigieux  pourraient  bien  être  des  hybrides  entre  ces 
deux  formes. 

Telles  sont  les  vues  émises  et  les  faits  articulés  par  le  savant 
Lépidoptériste  de  Berlin.    Que  peut  on  maintenant  en  conclure? 

Il  convient  d'abord  de  faire  observer  qu'il  serait  peut-être 
bien  téméraire  de  formuler,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances, 
un  jugement  absolu  sur  cette  importante  question  qui  n'a  pas 
encore  reçu  une  préparation  suffisante.  La  science  des  hybrides 
chez  les  lépidoptères  ne  date  que  d'hier.  L'expérience  n'a  pu 
s'exercer  jusqu'à  présent  que  sur  un  nombre  relativement  très 
restreint  de  cas  isolés  qui  n'offrent  pas  assez  de  surface  pour 
servir  de  base  à  une  règle  générale.  Les  faits  acquis  dans  le 
passé,  nous  avaient  habitués  à  ne  voir  dans  les  métis  que  des 
produits  plus  ou  moins  intermédiaires  entre  les  facteurs  qui  ont 
concouru  à  leur  donner  l'existence.  C'est  ainsi  que  Deilephila 
Vespertilioïdes  ressemble  à  ses  parents,  aux  Dell.  Vespertilio 
et  Hippophaës;  qu'Epilobii  tient  autant  de  caractères  du  même 
Vespertilio  que  d'Euporbiae;  qu'Hybridus  est  une  transition  évi- 
dente entre  Populi  et  Ocellata,  et  ainsi  des  quelques  autres 
métis  que  l'on  connaît.  Pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même 
des  Parnassiens?  Pourquoi  chacune  des  espèces  intervenant  dans 
la  production  d'un  hybride  n'imprimerait-elle  pas  à  celui-ci  des 


—     217     — 

signes  certains  et  indélébiles  d'une  origine  mixte?  pourquoi  enfin, 
ainsi  que  le  pense  Mr.  Hourath,  le  concours  de  l'un  des  parents 
a-t-il  été  pour  ainsi  dire  exclusif,  au  point  de  communiquer 
au  produit  tous  ses  caractères,  tandis  que  la  part  de  l'autre 
s'est  bornée  à  modifier  seulement  l'aspect  des  antennes?  C'est 
là  que  gît  l'obscurité  de  la  question;  et  l'inégalité  évidente  de 
conditions  qui  existe  entre  les  anciens  cas  et  ceux  qui  nous  sont 
nouvellement  proposés,  constitue  certainement  la  principale  diffi- 
culté à  ce  que  ces  vues  soient  partagées  sous  restriction.  Cette 
obscurité  peut  cependant  être  éclaircie  jusqu'à  un  certain  point. 
Il  est  possible  d'expliquer  cette  inégalité,  en  admettant  que 
chez  les  Parnassiens,  lors  de  l'acte  du  croisement,  la  résistance 
à  sortir  des  voies  naturelles  est  respectivement  très  inégale 
qu'elle  varie  selon  les  espèces;  que  chez  certaines  d'entre  elles 
elle  s'équilibre  d'une  manière  à  peu  près  égale,  tandis  que 
chez  d'autres,  elle  est  tout-à-fait  prépondérante.  Le  résultat 
final,  c'est-à-dire  Tbybride  lui-même,  variera  dans  cette  hypo- 
thèse en  proportion  de  la  résistence  réciproque  des  parents; 
c'est-à-dire,  que  ses  caractères  seront  déterminés  par  la  résul- 
tante des  deux  forces  opposées. 

Cette  interprétation  concilierait  les  faits  observés;  elle  ex- 
pliquerait pourquoi  le  métis  capturé  dans  le  Tian-Chan  est  à  peu 
près  intermédiaire  entre  Discobolus  et  Hesebolus;  tandis  que  chez 
les  autres  cas  proposés  le  travestissement  n'a  pu  s'exercer  que 
sur  des  parties  aussi  peu  importantes  que  les  antennes. 

On  sait  que  ces  organes  no  varient  jamais  chez  les  mêmes 
espèces  de  Parnassiens;  de  sorte  ({ue  pour  se  rendre  un  compte 
exact  des  modifications  qu'ils  présentent  cependant  chez  les  sujets 
litigieux  que  nous  avons  analysés  plus  haut,  on  se  trouverait 
dans  la  nécessité  d'accorder  à  ces  changements  une  valeur  spéci- 


—     218     — 

fique,  et  de  considérer  les  exemplaires  qui  en  sont  atteints  comme 
des  représentants  de  vraies  espèces  encore  inédites. 

Or,  la  rareté  même  de  ces  cas  excluant  cette  dernière  hypo- 
thèse, où  lui  donnant  pour  le  moins  une  grande  invraisemblance, 
il  ne  reste,  s'emble-t-il,  d'autre  alternative  que  d'entrer  dans 
les  vues  de  notre  auteur,  c'est-à-dire  de  classer  ces  Parnassiens 
anormaux  parmi  la  catégorie  des  hybrides. 

Telle  paraît  être  la  conclusion  de  ce  chapitre.  Nous  n'osons 
cependant  pas  la  formuler  avec  une  complète  assurance.  Cette 
question  nous  paraît  si  délicate  et  encore  tellement  entourée 
d'incertitude,  qu'une  affirmation  positive  dans  un  sens  quelcon- 
que serait  assurément  prématurée.  Elle  ne  nous  semble  pas 
encore  arrivée  à  une  maturité  suffisante  qu'elle  n'atteindra  qu'à 
la  suite  de  nombreuses  observations  effectuées  surtout  sur  le 
théâtre  même  de  la  nature. 

Cependant,  nous  devons  faire  remarquer  que  parmi  les  élé- 
ments de  tout  problème  du  genre  de  celui  que  nous  venons  de 
développer,  il  existe  toujours  certaines  données  maîtresses  qui 
exercent  une  influence  parfois  décisive  sur  la  solution  encore 
à  intervenir;  et  nous  devons  reconnaître  que  si  les  vues  de  notre 
honorable  et  savant  auteur  par  analyse  desquelles  nous  terminons 
les  dernières  pages  de  ce  livre,  n'ont  pas  encore  répandu  une 
lumière  complète  sur  la  question  si  importante  de  l'hybridation 
des  Parnassiens,  elles  l'éclairent  pourtant  d'un  jour  tout-à-fait 
nouveau,  auquel  il  est  peut-être  réservé  de  nous  dévoiler  plus 
tard  la  vérité  toute  entière. 

Fin. 
Jules  Léon  Austaut. 


Table  des  Matières. 


Pages 

Préface       1 

Avant-propos  du  Supplément , 168 

I.  Caractères  physiques  et  organiques  des  Parnassiens      ....  16 

II.  Situation  des  Parnassiens  dans  la  série  des  Lépidoptères       .     .  26 

III.  Classification  des  Parnassiens  en  groupes  naturels        ....  33 
Tableau  de  classification -iO 

IV.  Distribution  géographique  des  Parnassiens       45 

Tableau  synoptique  des  espèces  de  la  Faune  Paléarctique    .     .  58 

id.                        id.          exotiques 60 

V.  Catalogue  raisonné  et  descriptif  des  espèces 66 

Parnassius  Actius,  Eversm 94 

id.          Albulus,  Honr 209 

id.          Alpinus,  Stgr 178 

id.          Apollo,  Lin 86,  193 

id.          Apollo,  Lin.  Aberration      .     .          193 

id.          Apollonius,  Eversm 120 

id.          Bremeri,  Brera 124 

id.          Cardinal,  Gruni 83 

id.          Charltonius,  Gray 188 

id.          Clarius,  Nordni 147 

id.         Delius,  Esp 114 

id.          Delius,  Esp.  Aberrations 200 

id.          Delphius,  Eversm 71 

id.          Dentata,  Stgr 149 

id.          Discobolus,  Alph 100 

id.          Eversraanni,  Mén 133 

id.          Felderi,  Brera 143 

id.         Flavomaculata,  Stgr 123 


—     220     — 

Pages 

Parnassius  Gigantea,  Stgr 159 

id.  Graeseri,  Honr 127,  173,  198 

id.  Hesebolus,  Nordin 88,  191 

id.  Hoiirathi,  Stgr 108,  181 

id.  Illustris,  Grum 205 

id.  Immaciilata,  Mén 161 

id.  Infernalis,  Stgr 74 

id.  Insignis,  Stgr 106,  175 

id.  Iiitermedius,  Mén 115 

id.  Melaina,  Honr 197 

id.  Melanophia,  Honr 196 

id.  Minima,  Honr 152 

id.  Minor,  Stgr 104 

id.  Mnemosyue,  Lin 155 

id.  Namanganus,  Stgr 76 

id.  Nigricans,  Stgr 103 

id.  Nomion,  Fisch 91 

id.  Nubilosus,  Christ 157 

id.  Phoehus,  Boisd 114 

id.  Princeps,  Honr 67 

id.  Khodius,  Honr 96 

id.  Eomanovi,  Grum 111,  203 

id.  Sedakovii,  Mén 117 

id.  Sihirka,  Nordm 88 

id.  Simonius,  Stgr 184 

id.  Staudingeri,  Bang  Haas 79 

id.  Stubbendorfii,  Mén 161,  182 

id.  Stys,  Stgr 75 

id.  Superbus,  Grum 206 

id.  Tenedius,  Eversm 129,  176 

id.  Tianchanica,  Stgr 100 

id.  Transiens,  Stgr 81 

id.  Wosnesenskii,  Mén 137,  170 

Considérations  sur  les  cas  d'hybridation  observés  chez  les  Parnassiens  212 


Légende 
des  planches  par  ordre  alphabétique  des  espèces. 


Parnassius  Actius,  Everni 

id.  Alpinus,  Stgr 

id.  Apollo,  Lin | 

id.  Apollo,  Lin.  Aberration     . 

id.  Apollonius,  Eversm.      .     . 

id.  Bremeri,  Breni.  {    ^^.  ,^ ,  ' 
{  vanete 

id.  Cardinal,  Grum 

id.  Charltonius,  Gray     .     .     . 

id.  Clarius,  Nordm 

id.  Delius,  Esp 

id.  Delphius,  Eversm.    .     .    . 

id.  Dentata,  Stgr 

id.  Discobolus,  Alph.      .     .     . 

id.  Eversmanni,  Mén.     .     .     . 

id.  Felderi,  Brem 

id.  Flavomaculata,  Stgr.     .     . 

id.  Gigantea,  Stgr 

id.  Graeseri,  Honr 

id.  Hesebolus,  Nordm.    .     .    .  | 


Insectes  parfaits 

Poches 

cornées 

pi.       1       fig. 

pi. 

fig. 

10 

2 

,, 

III 

1 

,, 

7 

1 

3 

1 

2 

VII 

1 

,, 

VII 

2 

,, 

15 

1,2 

2 

1 

2 

14 

2 

3 

5 

6 

14 

\> 

,, 

19 

1 

,j 

V 

1,2 

,j 

20 

1 

4 

7 

8 

13 

1,2 

3 

3 

4 

17 

1 

„ 

21 

1,2 

,, 

7 

2,3 

2 

3 

4 

20 

2 

4 

5 

6 

19 

2 

,, 

15 

;; 

24 

1,2 

•» 

19 

3 

,, 

II 

1 

1 

2 

VIII 

2 

6 

1,2 

„ 

VI 

1,2 

.. 

222 


Parnassius  Honrathi,  Stgr. 
id.  Infernalis,  Stgr. 
id.        Insignis,  Stgr. 


id. 

id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 

id. 

id. 
id. 
id. 


id. 
id. 
id. 


Intermedius,  Mén.  |        .,,, 
l  vanete 

Melaina,  Honr 

Melanophia,  Honr.       .     . 

Minima,  Honr 

Minor,  Stgr 

Mnemosyne,  Lin.       .     .     . 

Namanganus,  Stgr.  .    .     . 

Nigricans,  Stgr 

Nomion,  Fisch 

Nubilosus,  Christ,     .     .     . 

Princeps,  Honr 

Khodius,  Honr 

( type  S 
Eomanovi,  Grum.  l  variété (J 

[  type  $ 
Sedakovii,  Mén.    .     .     . 
Simonius,  Stgr.    .     .     . 
Staudingeri,  Bang  Haas 


id.        Stubbendorfii,  Mén. 


Tenedius,  Eversm. 
Transiens,  Stgr.  . 


Wosnesenskii,  Mén.  l    ^^. ,, , 
[  vanete 


Insectes  parfaits 

Poches 

cornées 

pi. 

flg. 

pi.       1 

fig. 

f 

10,11 

1,2 

„ 

„ 

[ 

III 

2 

j, 

j, 

17 

2 

,, 

,1 

i 

14 

1 

,, 

,, 

[ 

II 

2 

,, 

„ 

12 

1,2 

2 

7,8 

11 

3 

,, 

,, 

VIII 

3 

,, 

,, 

VIII 

1 

,, 

,, 

22 

1,2 

5 

1,2 

8 

1,2 

,, 

„ 

23 

1,2 

4 

3,4 

17 

3 

„ 

,, 

8 

3 

>, 

,, 

12 

2 

,, 

,, 

23,24 

3,1 

4 

1,2 

16 

1,2 

5 

3,4 

9 

1,2 

2 

5,6 

10 

3 

,, 

„ 

11 

1 

» 

», 

V 

3 

VII 

3,4 

9 

3 

,, 

», 

IV 

1,2 

I 

9,10 

i 

18 

1,2 

5 

5,6,7,8 

\ 

22 

3 

„ 

,, 

f 

IV 

3 

I 

7,8 

l 

13 

3 

3 

7,8 

H 

3 

I 

5,6 

18 

3 

„ 

,, 

20 

3 

I 

3,4 

21 

3 

„ 

,, 

Errata. 


Page 

2  ligne 

U 

au  lieu  de 

hs  formes 

lisez 

ces  formes 

id. 

3 

id. 

28 

id. 

déhontation 

id. 

délimitation 

id. 

5 

id. 

5 

id. 

en  Asiatico-Européen 

id. 

ou  Asiatico-Européen 

id. 

8 

id. 

20 

id. 

surtous 

id. 

surtout 

id. 

8 

id. 

28 

id. 

les  genres  son 

id. 

les  genres  sont 

id. 

9 

id. 

10 

id. 

2)rétendent 

id. 

2)résentent 

id. 

10 

id. 

12 

id. 

l'empressite 

id. 

l'empreinte 

id. 

11 

id. 

18 

id. 

parmis 

id. 

parmi 

id. 

21 

id. 

22 

id. 

et  varie 

id. 

;  elle  varie 

id. 

20 

id. 

16 

id. 

nninies 

id. 

munis 

id. 

23 

id. 

2 

id. 

eut  encore 

id. 

est  encore 

id. 

23 

id. 

9 

id. 

que  est  vue 

id. 

qui  est  vue 

id. 

32 

id. 

5 

id. 

elles  est 

id. 

elles  sont 

id. 

32 

id. 

6 

id. 

hérissée 

id. 

hérisssées 

id. 

32 

id. 

23 

id. 

ce  nymphe 

id. 

cette  nymphe 

id. 

47 

id. 

28 

id. 

23  degrés 

id. 

13  degrés 

id. 

63 

id. 

13 

id. 

en  s'accommodant 

id. 

ou  s'accomodant 

id. 

66 

id. 

6 

id. 

connaître  ces 

id. 

connaître  les 

id. 

72 

id. 

5 

id. 

sont  venu 

id. 

sont  venues 

id. 

82 

id. 

13 

id. 

de  l'aile 

id. 

à  l'aile 

id. 

83 

id. 

2 

id. 

.    Nous 

id. 

,    «OMS 

id. 

84 

id. 

8 

id. 

quoiqtt'il 

id- 

quoi  qu'il 

id. 

120 

id. 

1-2 

id. 

est  caractérisée 

id. 

sont  caractérisées 

id.  121 

id. 

2 

id. 

cracher 

id. 

crochet 

id. 

137 

au  titre 

id. 

Wosnesçnsk'iiyEvers- 

id. 

Wosnesenskii,  Méné- 

mann 

triès 

id. 

137  ligne 

6 

id. 

donné 

id. 

donnée 

id. 

155 

id. 

17 

id. 

ils  existent 

id. 

il  existe 

id. 

172 

id. 

5 

id. 

connaissons 

id. 

connaissions 

id. 

173 

au  titre 

id. 

Alpina 

id. 

Alpinî/s 

id. 

182 

ign€ 

16 

id. 

Leurs  teinte 

id. 

Leur  teinte 

id. 

183 

id. 

17 

id. 

Quand  au  corps 

id. 

Quant  au  corps 

id.  191 

id. 

13 

id. 

Nous  comjjrimons 

id. 

Nous  exprimons 

id. 

194 

id. 

6 

id. 

d'après  la  nature 

id. 

d'après  nature 

id. 

208 

id. 

28 

id. 

tous  ses  membres 

id. 

tous  ces  membres 

PI.  1. 


1, 


z. 


5. 


.^««tt» 


8. 


Fig.  1.  2.  n.  Chonillo,  Chrysalide  et  Cocon  du  Parnassius  ÂpoUo,  Liiiné. 

Fig.  4.  Tentacule  rctractile  grossiedo  la  clionillo  du  Paru.  Âpollo,  Linné. 

Fig.  5.  Antenne  grossie  du  Paru.  Apollo,  l.iiinô. 

Fig.  6.  Antenne  grossie  du  Parn.  Apollonius,  Kvorsniann. 

Fig.  7.  Antenne  grossie  du  Parn.  Muemosyne,  LinnO. 

Fig.  8.  Antenne  grossie  du  Parn.  Delphius,  Eversniann. 


PI.  2. 


3. 


T 


8. 


g 


Fig.  1.  J.  l'urii.  Apollonius,  Evorsm.    Fig.  3.  4.  Para.  Discobolus,  Alph. 
Fig.  5.  0.  l'arii.  Rhodiiis,  Jlonr.    Fig.  7.  8.  Parn.  var.  Intermedins,  Méii. 


t. 


PI.  3, 


t 


^^^^^^ 


8. 


Fig.  1.  2.  r;iiii.  Apollo,  Lin.    Fig.  :?.  4.  rarn.  Delliis,  Fs]). 
Fig.  5.  6.  Paru.  Bremeri,  Brem.    Fig.  7.  8.  Parti.  Tenedias,  IJvorsni. 


1. 


l'I.   4. 


3. 


Z. 


9 


« 


\ 


§ 


8. 


'ig.  1.2.  Paru.  Mnemosyne,  I-in.  var.  Nnbilosiis,  Clirist.  Fig.  3.4.  Parn.  Mnemosyne,  l/in. 
Fig.  5.  G.  Pani.  Everemanni ,  Mon.    Fig.  7.  S.  Parti.  Clarins,  Eversin. 


PL    6 


1. 


z. 


w 


6. 


WB^ 


(|g5^<o^ 


8. 


tB'C 


Fig.  l.  2.  Parn.  Nordmanni,  Mt3n.  var.  Minima,  lloiir. 

Fig.  3.  4.  Paru.  Charltonius,  Gray  var.  Princeps,  Hoiir. 

Fig.  5.  ().  Parn.  Standinsruri,  Baiig  Haas  (profil  et  face). 

FifT.  7.  H.   I';irii.  StaU(liiig;ori,   l'.aiif,'  flaas  dlossous  ot  dossu.s). 


PI.  6 


Pig.  1.  2.  Paru.  ApoUo,  Lin.  var.  Hesebolos,  Nurdm.  6  + 


PI.  7. 


Fig.  1.  Parn.  Apollo,  Lin.  3 
Fig.  2.  3.  Tarn.  Discobola8,  Alph.  S  î 


PL  a 


Fig.  1.  2.  Pain.  Discobolus,  Alph.  var.  Minor,  Stgr.  S  $ 
Fig.  3.  Parn.  Discobolus,  Alph.  var.  $  Nigricans,  Stgr. 


J'i.  0. 


Fig.  1.  2.  Farn.  Rhodiiis,  Ilonr.  S  2 
Fig.  3.  Parti.  Delius,  Esp.  var.  Sedakovii ,  Mén.  ^ 


PI.  10. 


^^cv-- 


Fig.  1.  Pam.  Honrathi,  Stgr.  rf    Fig.  2.  Paru.  Actins,  Eversm.  ^ 
Fig.  .3.  Pam.  Bomanovi,  Grum.  S 


PI.  11. 


Pig.  1.  Parn.  Romanovi,  Grum.  var.  <^    Fig.  2.  Paru.  Honrathi,  Stgr.  Ç 
Fig.  3.  Paru.  Delins,  Esp.  var.  Intormedius ,  Mén.  S  du  Turkestan. 


PI.  12. 


Fig.  1.  3.  Pain.  Delius,  Ksp.  var.  Interniedius,  Mén.  cî  ? 
Fig.  2.  l'arn.  Noinion,  Fisch.  S 


PI.  13. 


Fig.  1.  2.  Parn.  Dellus,  Esp.  S+    Pig-  3.  Paru.  Tonedius,  Ever.sin.  S 


PI.  14. 


Fi^'.  I.  P:ini.  Insigrnis,  Stgr.  S    Fig.  2.  Paru.  Bremeri,  Brom.  S 
Fig.  3.  Pari).  Bremeri,  Brom.  var.  (S 


PI.  li 


Fi^.  1.  2.  Paru.  Âpollonins,  Evorsm,  S  ? 
Fig.  .'i.  Paru.  Apollonius,  Kvorsm.  al).  Flavomaculata ,  Stgr.  V 


PL  16. 


Fig.  1.  2.  Parn.  Charltonius,  Gray  var.  Prlnceps,  Uonr.  i^ 


PI.  17. 


Fig.  1.  Parn.  Delphius,  Evorsm.  S 

Fig.  2.  Pam.  Delphius,  Eversm.  var.  Infernalis,  Stgr.  cî 

Fig.  3.  Paru.  Namanganus,  Stgr.  S 


PI.  18. 


Fig.  1.  2.  Para.  Standingeri ,  Bang  Haas  6  2 
Fig.  3.  Parn.  TraDSlenB,  Stgr.  cî 


PI.  10. 


Fig.  1.  Paru.  Cardinal,  Grum.  S    Fig.  2.  Para.  Pelderl,  Breiu.  S 
Fig.  3.  Parn.  Graeserl,  Honr.  S 


PI.  20. 


Fig.  1.  Pam.  Clarios,  Eversm.  3    Fig.  2.  Tarn.  Eversraaiini,  Mén.  S 
Fig.  3.  Parn.  Wogncscnskil,  Mon.  type  2 


PI.  21. 


Fip.  1.  2.  Parn.  Clarins,  Kvorsin.  var.  Dentata,  stt,'r.  çj  î 
Fig.  3.  Parn.  Wosnesenskii ,  Méii.  var.  '+ 


PI.  22. 


Fig.  1.  2.  Parn.  Nordmannl,  Mén.  var.  Hinima,  Uonr.  6  9 
Fig.  3.  Paru.  Stubbendortli ,  Mén   6 


PI.  23. 


Fig.  1.  2.  Paru.  Mnemosyne,    Lin.  S^ 
Fig.  3.  Paru.  Mnemoayne,  Lin.  var.  Nabilosos,  Christ,  c^ 


PI.  24 


Fig.  1.  Parn.  Mnemosyne,  Lin.  var.  Nabilosns,  Christ.  $ 
Fig.  2.  3.  Parn.  Mnemosyne,  Lin.  var.  Gigantea,  Stgr,  (J? 


I. 


Supplément. 


n. 


6. 


T. 


10. 


8. 


Fig.  1.  2.  l'ani.  (.îraeseri,  Honr.    Fig.  :{.  4.  Pain.  WosneseDSkii,  W-n. 

Pig.  5.  6.  Paru.  Tenedius,  Kversiii.     Fig.  7.  8.  Paru   Stubbendorfli,  Meti. 

Fig.  0.  10.  Parn.  Simo,  Gray  var-  Siinonius,  Stgr. 


PI.  II. 


,'  '> 


ï  o 


P^if,'.  1.  l';irn.  Graeseri,  ilonr.  (varir-t»'  hlanchn»  + 
Fig.  2.  Parn.  Insig^nis,  Stgr.  +     Fig.  '•\.  Vwxw.  Tenedius,  Kver.sni.  v 


l'i.  m. 


Fig.  1.  Paru    Ai)()lloniiis,  Kversni.  vur.  Alpinus,  ïStgr.  c' 
Fig.  2.  P.irn.  Hourathi,  Stgr    v.-ir   c^ 


IV 


/ 

o 


A 


# 


Fig.  1.  2.  Pani.  Simo.  (Iniy  var.  Simonins.  Stgr.  -?  y 
Kig.  3.  Parn.  Stnbbendorfii,  Mi-n    V 


n.  V 


Fig.  l.  li.  l'uni.  Charltonius,  Gray  6  2    Fig.  :{.  Parn.  Romanovi,  Cnim.   ^ 


ri.  VI. 


Paru.  ApoUo,  \Àn.  var.  Hesebolus,  Nonlni 
Fig.  1.  type  +  lAltui).     Fig-  -•  type  +  (Koiildjai. 


IM.   Vil. 


(^. 


( 


Fig.  ].  P:ini.  Apollo,  Lin.  '^     Fig.  2.  Paru.  Apollo,  l.iii.  v;.! 
Fig.  :i.  4.  Paru.  Koinauovi,  Gruiii.  (l'odie  cormoi. 


n.  VI IL 


T\g.  1.  Pan;    Stiibbendorlii,  .Mi  n.  \:\\.  Melanoijhia,  Hoiii. 

V\g.  'J.  l'arii.  Graescri,  llnnr.  ^ 

Fig.  A.  l'arn.  Mnemosyne,  i/m.  vai.  Molaina,  llonr. 


Jalci  L4oD  Aaatnut,  BnllPiçard» ,  •/«■Mi'm  »  yxinlufr, 
H.  Brabnndt,  Leipzig,  liihuji,, ,1,1,1:  Àng    Kilrtb  .  LvipilK.  tm/.riu.fiU 


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SMITHSONIAN  INSTITUTION  LIBRARIES 


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Les  Parnassiens  de  la  faune  pal:earctiqu 


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