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HARVARD UNIVERSITY
LIBRARY
OF THE
Muséum of Comparative Zoology
NOV 1 S 1928
LES POISSONS
U \L}5~
D'EAU DOUCE
ET LA PISCICULTURE
PAR
PH. GAUCKLER
Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées
Officier de la Léçrion d'Honneur.
PARIS
LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C's
108, BOULEVARD S AINT-GERMAIN, 108
1881
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LES POISSONS
D'EAU DOUCE
ET LA PISCICULTURE
DU MEME AUTEUR
--■.--■ ■ r -, ■;:'
Le Beau et son Histoire. Un vol. in-18, de la
Bibliothèque de Philosophie contemporaine (librairie
Germer Baillièrë et Cic) . . . . . ...'.' 2 fr. 50
Paris — Typ. G. Chamerot, 19, rue des Saints-Pères. — 10182.
NOV 1 8 1928
LES POISSONS
D'EAU DOUCE
ET LA PISCICULTURE
PAR
PH. GAUCKLER,?^-
Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées
Officier de la Légion d'Honneur.
Si des filets à mailles serrées ne sont pas
jetés dans les étangs et les viviers, les
poissons de diverses sortes ne pourront pas
être consommés. Si vous ne portez la hache
dans la forêt que dans les temps conve-
nables, il y aura toujours du bois en abon-
dance. Ayant plus de poissons qu'il n'en
pourra être consommé et plus de bois qu'il
n'en sera employé , il résultera de là que
le peuple aura de quoi nourrir les vivants
et offrir des sacrifices aux morts : alors il
ne murmurera point. Voilà le point fonda-
mental d'un bon gouvernement.
Meng-Tseu. I. 3.
(Confucius et Mancius. Traduit du chinois
par Pautuier. Paris, 1841.)
-°H^
PARIS
LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET G
108, BOULEVARD SAINT -GERMAIN , 108
18 81
Tous droits réservés.
LES
POISSONS D'EAU DOUCE
ET
LA PISCICULTURE
INTRODUCTION
La pisciculture, ou l'art d'élever des poissons,
a été pratiquée dès la plus haute antiquité. Plus
de deux mille ans avant notre ère, il existait en
Chine des lois qui déterminaient les époques aux-
quelles on pouvait récolter les œufs de poissons,
dans le hut de les faire éclore. A cette époque
reculée, on appliquait déjà les procédés de la pis-
ciculture artificielle telle qu'elle se pratique
encore aujourd'hui dans ce pays.
Des étangs naturels et artificiels étaient exploi-
tés de tout temps aux Indes, en Perse, en Judée
et en Egypte. La Grèce seule semble avoir fait
exception, grâce à ses conditions géographiques.
Selon le droit romain, la pêche des rivières était
publique, et l'on ne pouvait assurer l'approvi-
GAUCKLER. \
2 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
sionnement régulier des marchés et de la table
des citoyens, qu'à la condition de parquer dans
des viviers le poisson vivant pris dans les cours
d'eau. Gela explique pourquoi les rustiques des-
cendants de Romulus !, qui aimaient l'abondance
en tout genre, non contents d'établir des viviers
auprès de la plupart de leurs métairies2, peu-
plaient des lacs naturels en y jetant de la semence
de poissons de mer. C'est ainsi que les lacs Vélin,
Sabatin, Vulsinien et Girnin ont fini par produire
en abondance des loups, des daurades et toutes
les autres espèces de poissons de mer qui ont pu
s'accoutumer à l'eau douce.
Plus tard, des réservoirs d'eau salée furent éta-
blis avec un faste inouï. Lucullus, qui possédait
une villa à Tusculum. sur les bords du golfe de
Naples, fit percer une montagne et construire un
canal pour conduire l'eau de mer dans ses viviers,
afin d'y élever des poissons3. A Baïa, il autorisa
son architecte à dépenser toute sa fortune, s'il
parvenait à alimenter régulièrement d'eau de
mer une piscine qu'il y possédait. Le revenu de
ces bassins d'élevage artificiel était très élevé.
G. Hirrius, qui, le premier, établit des réservoirs
à murènes pour son propre usagée, en retirait une
rente annuelle de 120,000 francs. Un poisson
coûtait autant qu'un esclave cuisinier, et ce der-
1. C.OLUMELLE, VIII, 16.
2. Varron, III, 17.
3. Pline, IX, 80.
LNTHODUCTION. :t
nier avait trois fois la valeur d'un cheval. A une
certaine époque, les mules étaient recherchées au
point qu'Asinius Geler, ancien consul, en paya
une au prix de 860 francs1. Sous Caligula, une
mule de 2,500 grammes fut payée 1,500 francs
par Octavius.
La récolte des œufs de poissons dans le but de
les faire servir à la reproduction, pratiquée par
les Chinois et les Romains, paraît avoir été aban-
donnée après l'invasion des barbares, et être
tombée en oubli jusqu'au xiv° siècle. Dom
Pinchon, moine de l'abbaye de Réome, aujour-
d'hui Mou tiers-Saint- Jean (Gôte-d'Or) 2, « em-
ployait des boîtes longues, en bois, fermées
aux deux extrémités par un grillage en osier.
Sur le fond de bois, il formait un lit de sable
fin, et imitant la truite, qui creuse un peu le
gravier avant d'y déposer ses œufs, il préparait
une légère excavation dans la couche de sable,
pour déposer les œufs qu'il avait préalablement
fait féconder. Il les plaçait dans un lieu où l'eau
était faiblement courante , et attendait l'éclo-
sion , qui , à son dire , s'opérait après vingt
jours, et, pour tous les œufs, dans le mois à peu
près ».
Gomme la durée de l'incubation indiquée est
très inférieure à celle qui est nécessaire, il est
1. Sénèqde, Quaest., III, 17.
2. Baron de Momtgaudry, Bulletin de la Société d'acclimatation,
1854,11, 80.
4 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
probable que ce moine se bornait à récolter des
œufs de truite déposés dans les frayères natu-
relles, pour les soustraire aux chances de destruc-
tion qu'ils couraient dans les rivières.
Le procédé chinois, consistant à établir des
frayères artificielles pour récolter des œufs adhé-
rents, au moyen de branches d'arbres feuillus ou
de bouquets d'herbes aquatiques, a été pratiqué
depuis un temps immémorial au lac Paladru, en
France, et dans certains étangs de Bohême. Un
magistrat suédois nommé Lund, de Linkœping,
en a fait usag*e avec succès, en 1761 , après avoir
remarqué que les œufs de poissons qui, par
hasard, s'étaient collés contre des branches de
genévrier, prospéraient mieux que ceux qui
étaient tombés à terre. En Allemagne, depuis
longtemps, on favorise la reproduction des loches
par des moyens artificiels.
Mais le premier mémoire relatif à la féconda-
tion artificielle des œufs de poissons et aux soins
à leur donner pour les amener à l'éclosion, a été
rédigé par G.-L. Jacobi, lieutenant des miliciens
de la principauté de Lippe-Detmold, plus tard,
major au service de la Prusse . Ce mémoire ,
publié en partie dans le Magasin du Hanovre,
en 1763, a été reproduit en entier, en 1772, par
Duhamel du Monceau, dans son Traité général
des Pêches, après avoir été traduit du bas-alle-
mand en latin par M. le comte de Golstein. Nous
le reproduisons en entier dans l'appendice.
INTRODUCTION. ;>
Jacobi établit des piscifactures à Hambourg1
d'abord, puis à Hobenhausen et enfin à Nortelen,
où il obtint des résultats assez satisfaisants pour
être récompensé par une pension, que lui ac-
corda le roi d'Angleterre.
Les grandes guerres qui désolèrent l'Europe
pendant le xvme siècle firent tomber en oubli
les procédés nouvellement découverts, et ce n'est
qu'à partir de 1815 qu'il se produisit en Alle-
magne quelques faits pratiques qui semblent se
rattacher aux publications de Jacobi, mais qui ne
reçurent pas de publicité à cette époque. Ils eurent
pour résultat, dit-on, le repeuplement de quel-
ques petits cours d'eau des principautés de Lippe-
Detmold, Lippe-Schaumbourg, et Saxe-Cobourg\
En 1834, l'Italien Mauro Husconi ' multiplia
avec succès le brochet, la tanche, Table et la per-
che dans le lac de Corne, pendant que MM. Agas-
siz et Vogt, à Genève, entreprirent leurs travaux
d'embryologie des salmonidés, dans le but de
multiplier dans le lac de Neufchàtel la palée, nom
local de la fera.
De 1833 à 1839, M. John Schaw de Drumlarig
recourut à la pisciculture artificielle pour aug-
menter le produit de la pêche des saumons dans
la rivière de la Nith, en Ecosse. Lord Gray limita
en 1838 sur la rivière de la Tay, et quelques
autres personnages suivirent cet exemple en 1841.
1. Bibliotheca italiana, vol. LXXIX.
C, LES POISSONS D'EAU DOUCE.
En 1842, Joseph Remy, pêcheur à la Bresse,
village situé dans les Vosges, près des sources de
la Moselotte, fît ses premiers essais pour multi-
plier artificiellement les poissons, après avoir
retrouvé, à force de patientes observations, les
procédés publiés déjà par .lacobi quatre-vingts
ans auparavant. Trop pauvre pour subvenir aux
frais des installations nécessaires, Remy s'associa
avec un aubergiste nommé Géhin pour exploiter
l'invention. En 1848, M. de Quatrefages rap-
pela le mémoire de Jacobi, ce qui motiva de la
part de la Société d'émulation des Vosges, d'Épi-
nal, une réclamation adressée à l'Académie des
sciences, en faveur de Remv, dont le mérite fut
reconnu en 1850. A ce moment, M. Goste, profes-
seur d'embryogénie au Collège de France, dont
la vive imagination avait saisi l'importance de
cette découverte, s'en empara et la fit sienne. Le
14 mars 1852, le Moniteur universel publia le rap-
port qu'il adressa à l'Académie des sciences. A
son intervention, Remy fut récompensé, et réta-
blissement de pisciculture du Lœchlebrunn,
créé sur un bras du Rhin par l'initiative de
MM. Berlhot et Detzem, ingénieurs des ponts et
chaussées, fut agrandi, et remplacé plus tard à
Rartenheim, par l'établissement dit de Huningue.
Les publications enthousiastes de M. Goste, cor-
roborées par les travaux de M. de Quatrefages
et de divers membres distingués de la Société
d'acclimatation, déterminèrent quelques person-
INTRODUCTION. 7
nés à se livrer en France aux pratiques de la pis-
ciculture artificielle. Ëllesjfurent encouragées par
les distributions gratuites d'œufs et d'alevins, que
l'établissement de Huningue, placé dans les attri-
butions du service des travaux du Rhin, prodi-
guait largement à tous les demandeurs français
et étrangers. Pendant les dernières années de
l'administration française, le chiffre des distribu-
tions s'est élevé à vingt millions par an, unique-
ment pour les espèces qui se rattachent à la fa-
mille des salmonidés.
En Angleterre, l'esprit industriel transforma les
pratiques de la nouvelle science en spéculation
commerciale. Des associations se formèrent pour
établir des manufactures de poissons, et les pro-
priétaires des pêches cherchèrent à en développer
artificiellement le produit. Dès 1854, MM. Ash-
worth placèrent 260,000 saumoneaux dans la ri-
vière de Longhcorrib (Irlande). Un établissement
particulier fut élevé près de Perth, sur le modèle
de celui de Huningue, par les propriétaires de
la pèche de la Tay. Enfin la Grande-Bretagne
multiplia dans toutes ses rivières à saumons les
échelles à poissons inventées par l'Irlandais
Cooper, de Mackree-Castle '.
La Hollande, avec ses nombreux cours d'eau,
ne pouvait pas ne pas participer au mouvement,
et d'importants établissements pour la production
I. Francis, Fiskcuïlure, 299.
8 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
artificielle du saumon furent créés sous l'habile
direction de M. de Bont. En Belgique et en Suisse,
les publications françaises eurent leur retentisse-
ment. Le jardin zoolog'ique de Gand et celui de la
Société d'horticulture de Bruxelles fournirent des
bassins pour les essais; en Suisse, sur le lac de
Genève, à Lausanne, et à Meilen, sur le lac de
Zurich, on se livra sur une grande échelle à des
pratiques de repeuplement artificiel. Puis enfin
vinrent l'Autriche, l'Italie, l'Allemagne et la Suède,
sans qu'on puisse dire aujourd'hui qu'aucun de
ces pays ait contribué d'une manière sensible au
progrès de la science.
L'Amérique seule, avec son initiative puissante,
a obtenu des résultats pratiques au moyen de
procédés et de perfectionnements nouveaux. Qu'il
nous suffise de citer les travaux de Baird, de
Living-ston Stone, d'Ainsworth, de Seth Green, de
Collins, de Mather, etc. Elle a fait descendre la
science du domaine de la spéculation, où trop
longtemps elle a été maintenue chez nous, dans
celui des faits palpables et des résultats rémuné-
rateurs.
Pour élever des poissons et les propager, il
faut en étudier les mœurs, après en avoir con-
staté la valeur, afin de ne multiplier que les espè-
ces les plus utiles, et de leur assurer les meilleures
conditions de croissance et de développement.
Nous allons étudier d'abord les caractères et les
mœurs des poissons qu'on trouve le plus habi-
INTRODUCTION. !»
tuellement dans nos cours d'eau, ou qu'il con-
viendrait d'y acclimater, et ensuite les procédés
de culture qu'on leur applique pour les faire
prospérer et multiplier.
Ce livre se divise donc rationnellement en
deux parties : la première traite des Poissons, la
seconde de la Pisciculture. En dehors des modifi-
cations qu'il serait utile d'apporter aux disposi-
tions légales qui régissent aujourd'hui la pêche,
nous croyons avoir indiqué tous les moyens et
procédés par lesquels on pourra remédier au dé-
peuplement progressif de nos cours d'eau. Pen-
dant dix ans, nous avons eu l'honneur de diriger
les opérations de rétablissement de pisciculture
de Huningue : nous donnons ici le résultat de
nos expériences et de nos études, combiné avec
tout ce qui est arrivé à notre connaissance des
travaux utiles des savants, amateurs et indus-
triels, qui se sont occupés de pisciculture, en
France et à l'étranger.
PREMIÈRE PARTIE
LES POISSONS
FAMILLE DES SALMONIDES
LE SAUMON
Latin, Salmo salar. — Anglais, The Salmon. — Allemand, Der
Salm, der Lachs *.
Le saumon appartient à cette classe de poissons
voyageurs qui naissent dans l'eau douce et y
passent leur première jeunesse; qui se dévelop-
pent ensuite dans la mer, s'y engTaissent , et
reviennent à leurs lieux d'origine pour se repro-
duire.
Le corps de ce poisson est élancé, aplati latéra-
lement2, et mesure, entre les ouïes et les nageoires
caudales, environ quatre fois la longueur de la
tête. Le museau est arrondi, plus long* chez les
1. A moins d'indication contraire, on trouvera en regard du
nom latin do chaque poisson, les noms anglais et allemand.
2. Gervais et Bodlaud, Les Poissons.
14 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
mâles que chez les femelles, avec la mâchoire
supérieure pourvue d'une fossette, dans laquelle
s'eng-ag'e la pointe de la mâchoire inférieure1.
Celle-ci est plus ou moins courbée et relevée au
bout, en manière de crochet, suivant l'âg'e du
poisson et la durée de son séjour dans l'eau douce.
Chez les vieux mâles, il arrive que la proéminence
de la mâchoire inférieure est tellement prononcée,
vers l'époque de la fraie , que la bouche reste
béante sur les côtés. Ils portent alors le nom de
bêcards. (Fig\ 2.)
Au point de vue de l'utilité commerciale, la
valeur du saumon est supérieure à celle de tous
les autres poissons d'eau douce. Elle résulte des
grandes dimensions qu'il atteint en peu de temps,
de sa chair délicate et colorée, de son prix élevé,
et surtout de cette circonstance, qu'il tire pres-
que toute sa substance de la mer.
On rencontre le saumon dans presque toutes
les mers de l'hémisphère boréal , situées au-
dessus du 42e degré de latitude. Il n'existe ni
dans la Méditerranée, ni dans la mer Noire.
La robe du saumon et même sa forme chan-
gent avec son àg-e. Peu de jours après sa nais-
sance, quand il a résorbé la vésicule vitelline, le
jeune saumon est de couleur brun clair, avec
quinze à dix-huit bandes noirâtres qui descen-
dent transversalement du dos sur les flancs.
I . Blanchard, Les Poissons des eaux douces de la France, p. 'toi .
LE SAUMON. 17
Sa taille est alors de 0m 03. Il garde cette robe
pendant environ un an et porte alors en Angle-
terre le nom de parr.
Un an après sa naissance, vers le mois de mai,
un brusque changement se produit. La moitié à
peu près des parrs revêt son costume de voyage,
pour descendre à la mer. Leur dos se colore en
bleu d'acier. Sur les flancs brillent cinq ou six
taches bleues sur fond d'argent, et le ventre est
Fig. 2. — Le Bécard.
d'une blancheur nacrée. Entre ces taches règne
une teinte rougeàtre. Le changement s'opère en
15 ou 20 jours au plus, et le poisson prend le
nom de smolt. En cet état, il se rend à la mer
pour la première fois; sa taille est de 0m,12 à
0m,15. Ce qui reste des parrs entreprend le
voyage une année après, et quelquefois seule-
ment quand ils ont atteint leur troisième année.
Après moins de deux mois de séjour dans les
eaux salées, le poisson revient. Il pèse alors
1 kilogramme 1/2 à 2 kilogrammes et porte
le nom de grilse. Sur sa robe brillante, les
bandes noires du parr, visibles encore sur le
GAUCKLER. 2
18 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
smolt, ont complètement disparu. La tête est
plus effilée, l'échancrure de la queue a beaucoup
diminué. Ce sont les formes et la coloration du
saumon complètement adulte, mais le corps est
plus allong-é, et la teinte générale, plus pâle, ne
porte pas encore les taches noires qui la rehaus-
seront. Après la ponte, les grilses retournent à
la mer, et en reviennent, souvent après un séjour
de deux mois seulement, à l'état de saumons
adultes.
Le saumon, âg^é de trois à quatre ans pèse alors
de 3 à 6 kilogrammes. Son clos est d'un gris
bleuâtre ou verdàtre, parsemé de taches noires,
plus ou moins arrondies, qui se répandent sur les
flancs, depuis la tête jusqu'à la queue. Les côtés
sont argentés et le ventre d'un blanc nacré. Au
moment de la fraie, les teintes deviennent plus
brillantes, particulièrement chez le mâle; des
taches d'un roug*e vif apparaissent sur le milieu
des flancs et même sur les opercules, le ventre
s'empourpre de teintes orangées. Après la ponté,
ces riches couleurs disparaissent et le poisson
reprend sa robe accoutumée.
Les parrs vivent isolés dans les eaux où ils
sont nés, et y séjournent jusqu'au moment où
ils se transforment en smolts. Pour effectuer leur
premier voyag*e, ils se réunissent par bandes, et
souvent ils deviennent ainsi la proie des bracon-
niers. On les connaît en France sous le nom de
saumoneaux, tacons, reneys,etc. Le pair se tient
LE SAUMON. 19
de préférence dans les plis des bancs de g'ravier,
sur lesquels coule une eau vive et peu profonde.
A l'approche du danger, il se cache sous les
pierres. Pendant son séjour dans l'eau douce, le
jeune saumon g*randit très lentement, et, à moins
de se rendre à la mer, il n'arrive pas à dépasser
la taille de 0m,25 à 0n\30. Il se nourrit d'insectes,
de petits mollusques, de crustacés, de vers et de
petits poissons. Le parr mâle peut devenir fécond ;
la femelle ne le devient qu'après un séjour dans
la mer.
C'est à l'état de gTilse que la chair du saumon
est la plus délicate et la plus recherchée; les
Angolais l'appellent fresh-runfish. Le retour du
saumon dans l'eau douce s'effectue au printemps,
bien avant la ponte, qui a lieu en novembre et
décembre. Les ovaires et la laitance ne sont pas
encore développés, la couleur de la chair est plus
foncée, et l'estomac est toujours vide, ou rempli
de mucosités. Quand approche le moment de la
fraie, les ovaires se développent aux dépens de la
chair, et les poissons remontent le courant par
bandes, guidés par les plus gros, qui tiennent la
tête. Ils suivent toujours le courant principal. En
route, ils s'apparient ; les mâles se disputent les
femelles et se livrent souvent des combats mor-
tels. Les couples retournent à leur lieu d'origine
et y cherchent ensemble un endroit propre à
établir la frayère.
Dans un banc de gravier, où l'eau, a peu' de,
20 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
profondeur, le couple creuse un nid qui ressemble
à une bauge allongée, de 1 à 2 mètres de lon-
gueur sur 0m,70 de largeur, et d'une profondeur
de 0m,30 à 0m,45. Quand le nid est achevé, le mâle
s'y couche à côté de la femelle, et l'émission des
œufs se fait en même temps que celle de la lai-
tance. La ponte se renouvelle à plusieurs reprises,
et les femelles, aidées des mâles, recouvrent les
œufs avec du gravier. Au moment de la fraie, le
saumon ne connaît plus de danger et ne quitte
pas son nid. Il devient alors une proie facile pour
les pêcheurs, qui le prennent au trident ou à la
foënne.
Quand le travail de la reproduction est achevé,
les poissons sont maigres et fatig^ués. Leur chair
est flasque, livide, et prend souvent un mauvais
goût. Les ouïes se couvrent de parasites blancs,
qui ne disparaissent que dans l'eau salée, et le
saumon se traîne péniblement, de remise en
remise, jusqu'à la mer. En Angleterre, on l'appelle
kelt quand il se trouve dans cet état, et la pêche
en est interdite.
Les œufs déposés dans le gravier sont de la
grosseur d'un gros pois, translucides et d'une
belle couleur rosée. Ils éclosent au bout de 90 à
120 jours, mais ne prennent pas immédiatement
la forme du poisson parfait. La tête est très grosse
et, sous le ventre, s'étend un sac rempli de ma-
tière albumineuse, appelé la vésicule vitellineou
ombilicale. Pendant 30 à 40 jours le jeune pois-
LE SAUMON. 21
son se nourrit exclusivement de la substance
contenue dans ce sac, qu'il résorbe peu à peu.
Quand la vésicule a disparu, le parr est formé et
circule librement clans les eaux.
Les saumons capturés peuvent être conservés
vivants, pendant près d'un mois, dans des viviers
flottants ou dans des bassins abondamment ali-
mentés d'eau vive.
On distingue plusieurs variétés de saumons;
toutes ont à peu près les mêmes habitudes. Dans
l'Océan Pacifique, il se trouve des saumons qui
fréquentent les mers chaudes et pourront peut-
être s'acclimater dans la mer Méditerranée. Un
essai a été tenté en 1879, avec des œufs fécondés
provenant de la Californie.
On peut croiser facilement le saumon avec les
truites et les ombres chevaliers. Les métis obte-
nus prennent une croissance plus rapide que
celle des alevins de race pure, placés dans les
mêmes conditions.
LE SAUMON DU DANUBE
Salmo hucho. — Der Huchen, Rothfisch.
Le saumon du Danube ne se rencontre pas
clans les bassins des autres fleuves de l'Europe.
Il ne fréquente pas la mer et se distingue par sa
grande voracité.
La forme de son corps et de sa tête est plus
allongée que celle du saumon ordinaire. Ses cou-
leurs sont ternes. La région dorsale est d'un gris
bleuâtre, parsemé de taches noires. Les flancs et
le ventre sont argentés, avec une teinte rou-
geâtre. Pendant sa jeunesse, il possède les raies
transversales qui caractérisent le parr et les sal-
monidés en général, ainsi que les taches rouges
et noires sur le dos et les flancs. Toutes ces mar-
ques disparaissent avec l'âge.
Le saumon du Danube remonte les affluents de
ce fleuve, à la recherche des frayères, qu'il ren-
contre dans les ruisseaux à fond de gravier, dont
LE SAUMON DU DANUBE. 25
l'eau est pure el fraîche. La ponte a lieu en mars
et avril.
La chair de ce poisson n'est pas aussi délicate
que celle du saumon ordinaire. 11 ne se nourrit que
•de proies vivantes et préfère le poisson aux in-
sectes. C'est un grand destructeur, qu'on ne doit
pas propager dans les eaux susceptibles d'être
peuplées de truites ou de saumons ordinaires.
LA TRUITE DE RIVIÈRE
Salrno fario. — The Troitt. — Die Bachforelle.
La truite commune est très répandue en Eu-
rope. On la rencontre dans toutes les rivières
dont les eaux sont vives et froides, et elle les
remonte jusqu'à leur source. La robe de la truite
présente des teintes extrêmement variées. Géné-
ralement les parties supérieures du dos et de la
tête sont d'un vert olive assez foncé, qui va en
se dégradant sur les flancs, où il se mêle de
plus en plus de jaune. Le ventre est d'un jaune
clair et brillant. Sur le dos, la robe est mouchetée
de taches noires plus ou moins arrondies, pen-
dant que des taches rondes, d'un roug*e très vif,
souvent circonscrites par un cercle bleuâtre,
parent les flancs, au-dessus et au-dessous de la
lig'ne latérale. Ces couleurs chang-ent avec l'àg'e
et varient d'une localité à une autre.
Lachairdela truite est exquise; tantôt blanche,
tantôt légèrement orang'ée ou rosée, sa couleur
LA TRUITE DE RIVIÈRE. 27
dépend de la qualité des eaux qu'elle fréquente. Il
n'est peut-être pas de poisson qui se modifie avec
plus de facilité que la truite, selon la nature du
milieu dans lequel il se trouve. Les eaux, le fond,
l'alimentation et la température exercent une in-
fluence marquée, non seulement sur la coloration
et sur la chair, mais aussi sur la taille, et, à quel-
ques ég-ards, sur les formes. Dans des eaux froides
dont la température ne dépasse pas 10 degrés
Fig. 4. — La Truite de rivière.
*b
centigrades, les truites croissent lentement et
prennent une teinte foncée, presque noire. Leur
développement est au contraire très rapide lors-
que la température s'élève jusqu'à 20 degrés,
et alors leur robe devient claire et presque pâle,
comme dans certaines rivières du midi de la
France. Elles ne peuvent vivre dans des eaux
dont la température dépasse 25 degrés. Pour la
reproduction et le premier élevage, les basses
températures sont indispensables.
La truite se nourrit surtout d'insectes : la mou-
che de mai est un de ses aliments préférés. Elle
consomme encore des vers, des crustacés et de
28 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
petits mollusques ; quand elle a acquis une taille
suffisante, elle chasse volontiers la loche, l'ablette
et le gardon. Gomme les plantes aquatiques favo-
risent la production des insectes et des petits
crustacés, la truite réussit surtout dans les eaux
bien garnies d'herbes et de végétaux aquatiques.
Lorsque la nourriture est insuffisante, ces pois-
sons se dévorent entre eux, et quand une truite
a une fois mangé sa semblable, elle y revient
toujours. Le peuplement d'une rivière en truites
ne pourra donc jamais dépasser un certain nom-
bre, déterminé par la quantité de nourriture
qu'elle renferme. Si on dépasse cette limite par
l'introduction d'une population artificielle trop
nombreuse, on provoqueje cannibalisme et peu
d'individus survivent. La nourriture préférée des
truites consistant en insectes, il faut éviter de
leur donner pour compagnons des poissons qui,
comme certains cyprins, vivent exclusivement
d'insectes. A toute réduction de nourriture cor-
respondra une réduction proportionnelle du nom-
bre des truites.
Ces poissons aiment à se tenir à l'ombre des
arbres, surtout quand leur feuillage, secoué par
le vent, leur verse une abondante nourriture.
Ils mangent au petit jour et au soleil couchant.
Nul poisson ne séjourne aussi longtemps que la
truite au même endroit. Il semble qu'elle se cir-
conscrive son territoire de chasse, où elle ne
tolère qu'une seule compagne, plus petite qu'elle.
LA TRUITE DE RIVIERE. 2<>
Souvent elle se tient immobile, la tète faisant faee
au courant le plus rapide, et g^uette ainsi les
proies qu'il peut lui amener. Elle prospère dans
les rivières dont la vitesse est modérée, la tempé-
rature tempérée et les eaux riches en nourriture,
surtout quand ces rivières reçoivent des affluents
à fond de gravier, dont les eaux fraîches et vives
sont favorables à la reproduction.
A l'approche de la ponte, la truite remonte les
cours d'eau à la recherche des frayères. Elle
creuse son nid dans le gravier, près d'un rapide
ou d'une cascade, où l'eau n'est pas profonde,
mais bien aérée. Dès l'âg'e de deux ans, elle de-
vient apte à la reproduction. Elle peut alors
pondre de 200 à 500 œufs. A trois ans, elle en pro-
duit environ 1,000, et jusqu'à 2,000 à quatre ou
cinq ans. Dans les rivières, un très petit nombre
de ces œufs échappent aux causes de destruction
qui les entourent.
Les œufs ont la grosseur d'un petit pois; ils
sont translucides et d'une teinte jaunâtre, pres-
que blanche. Selon la température, ils éclosent,
en liberté, après 100 à 120 jours d'incubation,
et mettent de 20 à 30 jours pour résorber la vé-
sicule ombilicale. Après réclusion et jusqu'à ce
qu'il soit complètement formé, le petit poisson
se cache sous les pierres, pour éviter l'influence
pernicieuse de la lumière directe du soleil et pour
échapper à ses ennemis.
LA TRUITE DES LACS
Salmo trutta. — The Laketrout. — Die Lachsforelle, Seeforelle.
La grande truite des lacs se rencontre surtout
dans les bassins lacustres des Alpes. La forme de
son corps est moins allongée que celle de la
truite ordinaire, et elle atteint un poids très con-
sidérable. Sa robe est d'un gris verdàtre sur le
dos, nacrée sur les flancs et le ventre, et mou-
chetée de taches arrondies, noires et brunes. Ce
poisson conserve plus longtemps que la truite
ordinaire les taches transversales qui ornent ses
flancs pendant le jeune âge.
Sa chair est rosée et d'une grande valeur.
Elle remonte les affluents des lacs pour y dépo-
ser son frai, et pond pendant la même saison
que la truite de rivière. Ses œufs sont blancs
jaunâtres et de la même grosseur que ceux des
autres truites.
LA TRUITE DE MER
Salmo lacustris. — The Seatrout. — Der Silberlachs, lllanken.
Les parties supérieures de la truite de mer sont
d'un gris bleuâtre, les flancs sont argentés et
Fig. 6. — La Truite de mer.
parsemés, ainsi que le dos, de taches noirâtres.
Le ventre est d'un blanc nacré.
La truite de mer est voyageuse comme le sau-
mon et lui ressemble beaucoup, mais elle n'atteint
pas sa taille. Elle s'attaque aux petits des sau-
mons et en dévore les œufs. En Angleterre, on
a remarqué ' que le saumon diminue dans les
1 . Frank Buckxand, Familiar history of british fishes.
GAUCKLER. 3
34 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
cours d'eau où la truite de mer se propage. Elle
fréquente surtout les rivières qui communiquent
avec des marais tourbeux dont les eaux sont de
couleur brune, et aime à se tenir près des embou-
cbures, où les eaux sont saumàtres. Pour frayer,
elle remonte les cours d'eau comme les saumons.
On la rencontre dans les lacs de la Suisse.
L'OMBRE CHEVALIER
Sulmo umblu. — The Char. — Der Uitter, Saelbling, Roetheli.
L'ombre chevalier est une des espèces de sal-
monidés les plus estimées. Il habite la profondeur
des lacs de la Suisse, de l'Autriche, de la Bavière
et de la Grande-Bretag*ne. Habituellement on ne
le capture que pendant les mois de décembre et
de janvier, quand la saison des amours le porte
à se rapprocher de la surface.
La tête de ce poisson est courte et bombée à
sa partie supérieure. La bouche est obtuse, l'œil
assez grand. Sa robe est fort élég-ante. La région
dorsale est grise, avec des reflets bleuâtres; les
flancs sont plus clairs, et le ventre, arg-enté, a des
reflets de jaune orangé. Les nageoires ventrales
sont teintes de roug"e et d'azur. Le corps tout
entier est souvent parsemé de petites taches blan-
ches arrondies. Sa taille est limitée ; il est rare
qu'il atteigne un poids de 3 kilogTammes.
Gomme les autres salmonidés, l'ombre cheva-
36 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
lier se nourrit d'insectes, de lombrics, de mollus-
ques et de petits poissons. Ses œufs ressemblent
à ceux de la truile, avec une teinte opaline et
mate. Reproduit par la pisciculture artificielle,
l'ombre chevalier peut être élevé dans des étangs
de peu de profondeur, pourvu qu'il y trouve des
caches pour s'abriter contre, le soleil.
L'OMBRE COMMUN
Thymallus vcxillifer. — The Grayling. — Die Aesche.
L'ombre commun ne se rencontre que dans
le centre et dans l'est de la France ; il est répandu
en Suisse, en Italie, en Allemagne et dans l'Amé-
rique du Nord.
Le corps de ce poisson est allonge, élevé et com-
primé latéralement. Ses formes sont gracieuses,
ses couleurs vives et ses mouvements très agiles.
Les parties supérieures du corps sont d'un brun
verdâtre, mêlé de jaune. Les flancs sont d'un
jaune d'or, ponctué en noir vers la tête, et le
ventre est blanc, plus ou moins argenté. Quand
il nage dans l'eau, son corps jette des reflets mé-
talliques, couleur d'acier. Sa chair est blanche et
très recherchée.
L'ombre commun aime les eaux tempérées et
pures. Il habite les régions intermédiaires entre
le barbeau et la truite, tout en se rencontrant dans
les mêmes eaux avec ces espèces, aux extrémités
40 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
de son domaine. Il se nourrit de larves, de phry-
ganes, d'éphémères, de crustacés, de toutes sortes
d'insectes et de petits poissons. On le trouve sur-
tout dans les rivières à truites, dont il habite les
parties inférieures.
Il fraie sur du gravier pendant les mois de
mars et d'avril. Ses œufs, un peu plus petits que
ceux de la truite, ne peuvent se transporter qu'avec
le secours de la glace, pour les rafraîchir pendant
le voyage. Il est facile de les féconder par les pro-
cédés artificiels; mais pour nourrir les jeunes
poissons, il faut avoir surtout recours à la proie
vivante.
Fig. 8. — L'Ombre commun
LES COREGONES
(Genre.)
Coregonus. — The Whitefish. — Die Maraene.
Les corég^ones sont des salmonidés qui vivent
en société et habitent généralement les lacs. Ils
ont le corps allong'é et comprimé latéralement.
Les écailles sont petites et se détachent avec faci-
lité. La tête est de forme triangulaire, le museau
arrondi et la bouche très petite. La robe est d'un
gris foncé sur le dos; les flancs et le ventre sont
argentés. Une ligne grise relie les ouïes à la
queue. La nageoire dorsale est verdâtre, bordée
de noir, avec un reflet rose pendant la jeunesse.
Le genre corégone se subdivise en plusieurs
espèces, dont les mœurs ne sont pas tout à fait
les mêmes. Les plus remarquables sont les sui-
vantes :
La fera (Coregonus fera; allemand : Sand-
Felchen, Renke).
Le lavaret (C. lavaretus ou Wartmanni; ail.,
Gangfischj (fig. 9).
44 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
La grande maraene (Coreg'onus maraena; ail.,
grosse Maraene
Lïoxyrhynque (G. oxyrhyncus; ail., Schnaepel).
Tous ces poissons possèdent une chair des plus
savoureuses. Les deux premières espèces n'habi-
tent que les lacs d'une grande profondeur et
n'atteignent qu'une taille médiocre, le lavaret
surtout. La grande maraene vit dans les eaux
d'étang", de profondeur médiocre, et atteint un
poids de 3 à 4 kilogrammes. L'oxyrhynque enfin
Fig. 9.
Le Lavaret.
se rencontre dans les mers du Nord, et remonte
les cours d'eau, à la recherche des étang-s, où il
dépose son frai.
Les corég'ones se nourrissent exclusivement de
petits insectes, de vers, de crustacés, et principa-
lement de petits mollusques. Dans les lacs on les
prend en grande quantité, quand, au commen-
cement du mois de décembre, ils remontent des
profondeurs et s'approchent des bords, pour se
reproduire. Ces poissons ont la constitution déli-
cate, et ne se transportent vivants qu'avec les plus
grandes précautions.
LES CORÉGONES. 45
Ils fraient en novembre et décembre clans l'eau
fraîche et tranquille, sur des fonds de sable ou
de gravier fin, dépourvus de végétation. Les œufs
sont très petits et très légers. Leur incubation
dure environ 60 jours, et la vésicule ombilicale est
résorbée 15 jours après l'éclosion.
La fera et le lavaret ne se rencontrent abon-
damment en France que dans le lac de Genève
et clans celui du Bourget. Ils ont très bien pros-
péré dans le réservoir des Settons (Nièvre), où ils
ont été acclimatés, en 1864, par l'établissement
de Huningue. La fera peut être élevée clans des
bassins de peu d'étendue et de profondeur, uni-
quement alimentés par des eaux d'infiltration. La
grande maraene est indigène clans l'Allemagne
du Nord et y habite les lacs et les étangs des
plaines voisines de la mer Baltique. On cherche
à la propager à cause de sa rusticité et de ses
grandes dimensions. L'oxyrhynque est voyageur
comme le saumon. Il est inconnu en France et ne
se rencontre en Europe que dans les contrées voi-
sines de la mer Baltique.
De tous ces poissons, le lavaret est le plus
estimé, à cause de la finesse remarquable de sa
chair.
II
FAMILLE DES CLUPÉIDES
L'ALOSE
Alosa. — The Shad. — Der Maifisch.
L'alose appartient à la famille des harengs, des
sardines, etc., et, de toutes ces espèces, elle est
la seule qui fréquente les eaux douces. C'est un
poisson voyageur, qui ne séjourne dans les
rivières que pendant le temps nécessaire pour y
déposer son frai, Il a le corps élevé, comprimé
sur les côtés, et se distingue surtout par sa carène
ventrale, dentelée en forme de scie. La tête est
petite, la bouche large et les yeux grands. Le dos
est verdàtre, le reste du corps est d'un blanc
argenté avec une ou deux taches noires derrière
les ouïes.
L'alose ne mange pas dans les eaux douces et
tire toute sa substance de la mer. On en distingue,
48
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
en Europe, deux espèces principales : ? alose vul-
gaire et la finie.
L'alose vulgaire est un poisson dont la chair est
estimée, et qui atteint une taille de 0m,60 à
1 mètre et un poids de 2 à 3 kilogrammes. Elle
habite toutes les mers d'Europe et se rencontre
dans tous ses fleuves. Elle vient visiter les eaux
douces au printemps, un peu plus tôt ou plus
tard, selon la température. Elle paraît dans le
Wfmm^mmm:
Figr. 10. — L!Alose.
Rhône en avril et en mai; dans le Rhin, en mai
et en juin; dans le Nil, on la pêche pendant les
mois de décembre et de janvier. Elle ne séjourne
pas plus de deux mois dans les eaux douces.
Pendant la ponte, ce poisson maigrit beaucoup,
et s'épuise au point de mourir de faiblesse. Les
œufs sont très petits et très légers. Ils sont pon-
dus au milieu du courant d'eau, qui les emporte
flottants vers ses parties inférieures. Une femelle
produit 50,000 à 100,000 œufs, et les mâles sont
capables de se reproduire dès la première année.
L'alose fin te (anglais : pilcharcl) a le corps plus
L'ALOSE. 49
allongé que l'alose ordinaire. Sa robe est la môme,
mais elle est mouchetée de cinq à six taches noi-
res, placées sur les flancs et partant des ouïes.
Elle est plus petite que l'alose ordinaire, et atteint
tout au plus une longueur de 0m,40 et le poids
de 1 kilogramme. Elle parait dans les rivières un
mois à peu près après sa congénère, et fraie en
juin et juillet, en grand rassemblement, au mi-
lieu du cours d'eau. Sa chair a peu de valeur.
L'Amérique possède une espèce spéciale d'alo-
ses, dont la chair est très estimée. Elle fraie dans
le milieu des rivières lorsque l'eau est très
chaude. On est parvenu à la reproduire artifi-
ciellement en grandes quantités et à l'acclimater
dans des cours d'eau qu'elle ne fréquentait pas
antérieurement.
L'alose se rencontre en abondance en Chine et
aux Indes. D'après M. de Thiersant ', ce seraient
des variétés différentes de celles qui remontent
nos fleuves.
1. Dabrv de Thiersant, la Pisciculture et la Pcehe en Chine.
(..AL'i.KLER.
III
FAMILLE DES ÉSOCIDES
LE BROCHET
Esox lucius. — The Pike. — Der Hecht.
Le brochet est un des poissons les plus répan-
dus du globe. Son corps est cylindrique et allongé;
la tête est déprimée, large, oblongue. Le museau
est en forme de spatule, la bouche très fendue,
large et fortement armée de dents recourbées en
arrière. La tête et la partie supérieure du corps
sont d'un vert grisâtre, les côtés sont plus clairs
et le ventre est blanc, plus ou moins pointillé de
noir. Sur les flancs se dessinent irrégulièrement
des bandes transversales de couleur olivâtre.
La voracité du brochet est proverbiale, elle l'a
fait surnommer le requin d'eau douce. En deux
jours, il peut consommer son propre poids de
nourriture; aussi croît-il très rapidement. En un
52
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
an, il acquiert une longueur de 0m,20 à 0m,30
et un poids de 500 à 1,000 grammes. Il atteint
des dimensions considérables, vit très long-
temps, et arrive à peser plus de 40 kilogrammes.
Il s'accommode de toute espèce d'eau, pourvu
qu'elle ne soit pas trop fraîche, ni troublée par la
vase et les impuretés. Il est éminemment ichtyo-
phage et dépeuple rapidement les cours d'eau où
on le laisse foisonner. La chair des brochets est
blanche, ferme et de bon goût, surtout quand ils
Fig. 11.
Le Brochet.
proviennent des lacs. Elle devient dure et coriace
lorsque ce poisson provient de rivières dépeu-
plées, où il est obligé de se donner beaucoup de
mouvement pour chasser sa proie, surtout quand
il est âgé, et que son poids dépasse 3 ou 4 kilo-
grammes. Dans ce cas, on ne doit la consommer
qu'un ou deux jours après la capture; ce retard
rend la chair plus délicate.
Le brochet ne remonte pas les rivières pour
frayer. Il vit habituellement d'une manière soli-
taire, mais au moment de la fraie il recherche la
société. Fin février et pendant le mois de mars, il
dépose ses œufs sur les végétaux qui garnissent
LE BROCHET. o3
les berges des rivières, et peut, à ce moment, se
prendre avec beaucoup de facilité. Il est très pro-
lifique. Ses œufs sont petits, mûrissent à une tem-
pérature de 10 à 12 degrés centigrades et exigent
de 12 à 14 jours pour éclore. Les alevins vivent
d'abord d'infusoires, de vers et d'insectes; mais
dès le milieu du mois de juin ils se mettent en
chasse et saisissent, pour se nourrir, le frai des
poissons qui pondent à cette époque.
Dans les cours d'eau libres il faut, sinon dé-
truire le brochet, du moins restreindre sa propa-
gation le plus possible, à cause des ravages qu'il
exerce autour de lui. Dans les étangs à carpes, sa
présence, au contraire, est très utile, parce qu'il
fait disparaître tout le fretin qui enlèverait de la
nourriture aux carpes, et qu'il empêche ces der-
nières de frayer et de s'affaiblir par la ponte. Le
brochet témoigne d'une prédilection très mar-
quée pour la tanche, qu'il poursuit sans relâche,
partout où il la rencontre.
IV
FAMILLE DES PERC1DES
LA PERCHE
Perça fluviatilis. — The Perclt. — Die Barsche.
Dans toutes les parties tempérées de l'Europe,
la perche se rencontre aussi fréquemment clans
les rivières que dans les lacs et les étangs. Elle
aime surtout les eaux claires et les fonds de gra-
vier et de sable. Son corps est oblong* et com-
primé; sa robe très belle. La tête et le dos sont
d'un brun verdàtre; les flancs ont des reflels
dorés et le ventre est d'un blanc nacré. Des ban-
des de couleur foncée, au nombre de cinq à huit,
sillonnent le corps de haut en bas. Les nageoires
anale et pectorale sont d'un roug'e vif.
La perche est carnassière et très vorace. Elle se
nourrit d'insectes, de frai de poisson et de petits
poissons. Elle gTanditpeu; rarement elle atteint
56
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
une longueur de 0m,50 et un poids de 3 kilo-
grammes. Les nageoires dorsales sont armées
de piquants qu'elle redresse au moment du dan-
ger ; on retrouve des rayons épineux dans les
nageoires ventrales et anales. Ces pointes pro-
tègent la perche contre les atteintes des poissons
chasseurs.
La perche fraie depuis le mois de mars jusqu'à
la fin du mois de mai. Elle est extrêmement pro-
lifique, et, quand elle est de taille moyenne, elle
pond jusqu'à 500,000 œufs, qu'elle dépose aux
endroits où le courant est suffisamment rapide.
Ces œufs sont agglomérés par une matière muci-
lagineuse et s'attachent aux herbes aquatiques en
longs chapelets.
La chair de la perche est très estimée. On élève
quelquefois ce poisson dans les étangs à carpes,
pour remplacer le brochet, mais il en faut sur-
veiller la multiplication, qui, trop abondante, peut
amener la destruction des autres espèces, dont la
perche dévore les œufs et les rejetons.
LE SANDRE
Lucioperca sandra. — The Perch-pike. — Der Schill, Amaul ,Zander.
Le sandre se rencontre dans le bassin du
Danube, en Prusse, en Suède et en Russie. Il
ressemble à la perche par la forme de son corps.
Sa robe est d'un vert jaunâtre, qui se dégrade
depuis le dos jusqu'au ventre, avec des raies ver-
ticales de couleur foncée. Les nageoires sont ar-
mées de piquants comme celles de la perche.
Le sandre vit aussi bien dans les eaux courantes
que dans les étangs, mais il répugne aux fonds
vaseux, où l'eau se trouble facilement. Il est Car-
nivore et se nourrit surtout de cyprins. Les brèmes
et les gardons sont l'objet préféré de ses chasses,
pendant lesquelles il déploie moins d'ardeur ce-
pendant que le brochet et la perche. Sa chair est
plus estimée que celle de ces deux poissons. Ses
dimensions dépassent celles de la perche, mais
sont très loin d'atteindre celles du brochet. Le
o8
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
sandre fraie d'avril à juin, sur les berges sablon-
neuses, où il dépose une gTande quantité d'œufs.
En Bohême, on élève ce poisson dans les étangs
à carpes. Il prospère surtout dans les eaux fraî-
ches et profondes, privées de végétation, où l'eau
alimentaire apporte, des cours d'eau voisins, de
nombreux petits poissons blancs, qui lui servent
de nourriture.
On a inutilement fait l'essai d'acclimater ce
poisson en Angleterre. On peut cependant le trans-
porter facilement à de grandes distances, dans
de l'eau froide et bien aérée, à condition de ne
choisir les voyageurs que parmi les poissons bien
portants, revêtus d'une robe d'un vert brillant.
L'acclimatation du sandre serait désirable en
France. Dans les étangs à carpes il remplace en
partie les brochets, et donne des produits plus dé-
licats et d'une plus grande valeur, tout en exi-
geant moins de nourriture.
V
FAMILLE DES GADIDES
LA LOTTE
Loto, vulgaris. — The Burbot. — Die Rutte, Quappe, Trùsche.
La forme de la iotte est remarquable. Elle est
presque cylindrique et ressemble à l'anguille. Sa
bouche est grande, et sa mâchoire inférieure
porte un unique barbillon charnu. Sa robe est de
couleur jaune verdàtre, marbrée de taches brunes.
La lotte est répandue dans presque tous les
cours d'eau et dans les lacs de l'Europe moyenne
et septentrionale. Sa voracité ég^ale presque celle
du brochet. Elle est avide surtout de frai de pois-
sons, et le recherche en rampant près du sol. Elle se
cache dans la vase, ou se blottit sous une pierre, à
l'affût du poisson, qu'elle attire en agitant son
barbillon, qui ressemble alors à un ver sortant
de terre.
00
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
La chair de la lotte est très estimée; elle est
blanche, ferme, sans arêtes et savoureuse. Son
foie est très gros et assez délicat pour être re-
cherché à titre de gourmandise. La lotte atteint
une longueur de 60 à 70 centimètres, et un poids
Fier. 14. — La Lotte.
de 3 à 4 kilogrammes; il est rare qu'elle les dé-
passe.
Elle fraie à partir de la fin du mois de février,
jusqu'au mois d'avril. Les œufs sont extrêmement
nombreux, très petits, et éclosent sur le sable,
dans des eaux tranquilles et peu profondes. On
n'a pas réussi jusqu'à présent à reproduire la
lotte artificiellement.
VI
FAMILLE DES SILUROIDES
LE SILURE
Silurus glanis. — Sheatfish. — Der Wells, Sc'hade.
Ce poisson, qui ressemble beaucoup à la lotte,
est très commun dans le Volg*a et le Danube, et
se rencontre dans quelques lacs de la Suisse; il
est rare dans le Rhin. Il a la tête aplatie, la bou-
che très grande et porte six barbillons, dont qua-
tre à la mâchoire inférieure. Sa robe est foncée,
d'un noir verdàtre, parsemée de marbrures plus
sombres.
Le silure est très vorace. Quand on l'introduit
dans un étang', il le transforme en désert et le
quitte après l'avoir dévasté, en passant par-dessus
les digues, comme font les ang*uilles. Sa chair est
huileuse et peu estimée. Il se nourrit exclusive-
62 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
ment de proies vivantes, et peut atteindre le poids
très considérable de 200 à 300 kilogrammes.
Fig. 15. — Le Silure.
Ce poisson ne se rencontre pas dans les eaux
françaises, et ne mérite en aucune façon les hon-
neurs d'une acclimatation qui ne pourrait qu'être
désastreuse.
VII
FAMILLE DES MTJRÉNIDES
L'ANGUILLE
Aiv/uilla vulgaris. — The Bel. — Ber Aal.
L'ang'uille est un poisson voyageur qu'on
trouve clans toutes les parties du monde. Par une
exception remarquable, elle manque dans les bas-
sins fluviaux qui versent leurs eaux dans la mer
Noire et dans la mer d'Azow. Elle ne fraie pas
dans l'eau douce. Née dans la mer, elle se présente
au mois de mars, en immenses quantités, aux
embouchures des fleuves, pour les remonter.
L'ang'uille a le corps cylindrique, analogie à
celui du serpent, couvert d'écaillés extrêmement
petites. La tête est comprimée; l'œil est petit et
placé immédiatement au-dessus des ang-les delà
bouche. La robe est très variable, selon la nature
des eaux. Le plus souvent, les parties supérieures
64 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
de l'anguille sont de couleur grise olivâtre et le
ventre est blanc. En hiver, les teintes sont beau-
coup plus pâles qu'en été.
A son arrivée dans les eaux douces, l'anguille
est incolore, filiforme ; elle mesure de 25 à 40 mil-
limètres en longueur et 2 millimètres en diamètre.
On lui donne alors le nom de montée. Une an-
guille femelle, de dimensions moyennes, renferme
Fig. 1G. — L'Anguille.
de 8 à 10 millions d'œufs; mais dans l'eau douce,
ils restent constamment à l'état microscopique.
Jusqu'à présent, on n'a pas constaté de capture
d'une anguille de sexe mâle dans les eaux douces,
mais on en rencontre dans la mer, près des em-
bouchures des fleuves.
Ce poisson grandit dans les eaux douces et se
nourrit de toute sorte de proies. Il consomme des
vers, des insectes, des limaces et des petits pois-
sons, il fait surtout la chasse aux grenouilles et
auxécrevisses. Pendant la nuit, l'anguille sort de
l'eau pour chercher sa proie au milieu des herbes
L'ANGUILLE; lia
humides. On peut l'élever dans des espaces très
restreints, avec peu de dépense et sans beaucoup
de peine. Bien nourrie, elle grandit rapidement
et produit une chair gTasse et savoureuse. Elle
peut atteindre un po;ds de 4 à 5 kilogrammes et
une longueur de rn,50 à lra,80. Après plusieurs
années passées dans l'eau douce , elle descend à
la mer, en octobre et en novembre. Pendant les
nuits obscures, les anguilles, pelotonnéesen grou-
pes, se laissent emporter au fil de l'eau. On en
prend beaucoup à cette époque dans des verveux
installés dans les coursiers des usines, et d'autres,
en grand nombre, se font hacher par les roues
des turbines.
La montée d'anguilles, emballée dans de la
mousse humide ou dans des herbes aquatiques,
peut se transporter, sans perte sensible, à de gran-
des distances, et servir à empoissonner les eaux.
Aux embouchures du Pô, à Gomacchio, en
Italie, on a construit de grands étangs qu'on
peut alternativement remplir d'eau douce et d'eau
de mer, au moyen de canaux spéciaux munis
d'écluses. On y récolte la montée, on l'y engraisse,
et on la pèche tous les ans. Dans cette ville et sur
les bords de la mer Baltique, la pêche de l'an-
guille, qu'on apprête de différentes façons pour
la conserver, donne lieu à un commerce très
étendu.
On distingue en France plusieurs espèces d'an-
guilles, qui diffèrent par la conformation de la
GAUCKLER. 5
«6 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
tète. On ignore toutefois si l'on se trouve en pré-
sence de variations de formes accidentelles ou de
véritables variétés de l'espèce. On distingue les
anguilles communes, de celles qu'on appelle an-
guilles à large bec, à bec moyen, à long bec et à
bec oblong. Il est probable que toutes ces variétés
appartiennent à la même espèce, car toutes ont
le même nombre de vertèbres et les mêmes
mœurs.
L'idée a été émise que l'anguille n'est que la
larve d'un poisson d'une autre forme. Elle ne
peut plus être soutenue scientifiquement, depuis
qu'on a découvert des ovaires garnis de myriades
d'œufs microscopiques, dans le ventre des an-
guilles qui descendent vers la mer, et constaté le
sexe d'anguilles mâles. On ig*nore d'ailleurs si
l'anguille est ovipare ou vivipare. Il est très proba-
ble qu'elle est dans le premier cas. Ce qui a fait
supposer quelquefois qu'elle est vivipare, c'est
qu'on rencontre souvent dans ses intestins de pe-
tits vers abdominaux, qui ressemblent à la montée.
Jamais ces vers ne se rencontrent dans la cavité
abdominale, et ils ne peuvent par conséquent être
des rejetons de l'anguille.
VIII
FAMILLE DES COTTIDES
LE CHABOT
Cottus gobio. — The Bullhead. — Groppe, Kaulkopf .
Ce poisson a la tête large et déprimée; le corps
va en s'amincissant depuis la tête jusqu'à la queue ;
la peau est nue. La robe est terne, d'un brun
tacheté de noir sur le dos et les flancs; le ventre
est blanc.
On le nomme quelquefois têtard, à cause de son
analogie de forme avec la larve de la grenouille.
Le chabot est répandu dans toute l'Europe. Il
fréquente les eaux vives, à fond de gravier, et se
tient habituellement près des berges, où il se
cache sous les pierres. Ses mouvements sont
saccadés, mais très rapides. Il se nourrit de sub-
stances végétales, d'insectes et surtout de larves
de libellules. Sa chair est savoureuse et appréciée
68
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
par les poissons carnassiers, qu'on élève dans les
étangs. Sa taille ne dépasse pas 12 à 15 centimè-
tres.
Le 'chabot fraie en mars et avril. La femelle
Fig. 17. — Le Chabot.
dépose sur des pierres ses œufs groupés en pe-
lote. Ils sont gros, jaunâtres, relativement peu
nombreux, et le mâle les g*arde pendant 30 à
35 jours, jusqu'à leur l'éclosion.
IX
FAMILLE DES GASTÉROIDES
LEP1MOCHE
Gasterosteus aculeatus. — Sticklcback. — Stichling.
Ce petit poisson, au corps allongé, orné de cou-
leurs vives, se rencontre dans tous les cours d'eau
d'Europe, à l'exception de ceux du bassin du
Danube. Son dos et son ventre sont munis d'ar-
dillons, épines acérées qui le protègent contre ses
ennemis. On en compte de trois à six sur le dos;
elles sont mobiles, et se relèvent, chaque fois que
le poisson éprouve de la crainte, ou lorsqu'on le
sort de l'eau.
Il se réunit par bandes, pour attaquer et dévo-
rer les gros poissons, qui ne peuvent se défendre
contre ses attaques, qu'en l'écartant à coups de
queue. Il se nourrit d'insectes, de vers, de chair
de poissons et surtout de leurs œufs. C'est un
70 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
grand destructeur, qui n'a aucune valeur par lui-
même.
L'épinoche fraie en juillet et en août. Dès le
mois de juin, le mâle revêt des couleurs vives et
brillantes, et construit un nid d'herbes, qu'il
Fig..l8. — L'Épinoche.
place dans une excavation du sol, ou suspend aux
végétaux aquatiques. Dans ce nid, il féconde les
œufs déposés par la femelle et les surveille, même
après leur éclosion.
On en compte environ quinze espèces, qui sont
indigènes dans les eaux françaises.
FAMILLE DES CYPRINIDES
LA CARPE
Cyprinus carpio. — The Carp. — Der Karpfen.
La carpe est le véritable poisson de culture des
étangs. Elle est originaire de la Perse ou de
l'Asie Mineure et était connue des anciens. C'est
même le seul cyprinide cité par Aristote, et,
comme du temps de Pline, elle était exotique à
Rome : on la prenait poLir un poisson de mer. Les
Romains l'introduisirent dans les Gaules, et, au
moyen âge déjà, elle peLiplait les nombreux étangs
exploités par les seigneurs et les couvents : il en
est fait mention dans une ordonnance de 1258.
Elle fut activement propagée en France pendant
le règne de François I". En Angleterre, elle ne fut
introduite qu'en 1514, et en 1660 en Danemark.
Aujourd'hui la carpe est répandue dans toute
72
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
l'Europe. Comme elle ne se reproduit pns clans
les eaux froides et qu'elle dégénère dans les pays
du nord, on peuple les étangs de la Suède avec
des carpillons importés d'Allemagne et de Hol-
lande.
La carpe a le corps élevé, comprimé latérale-
ment et recouvert de grandes écailles. Son dos
est plus ou moins voûté. La tête est pyramidale;
Fig. 10. — La Carpe.
la bouche petite, portant deux paires de barbil-
lons, dont l'une est située à la lèvre supérieure et
l'autre, plus longue, aux coins de la bouche. La
couleur générale de la carpe est d'un brun doré,
assez clair chez les individus qui ont vécu dans
les eaux courantes, et plus sombre chez ceux qui
ont passé leur existence dans les étangs. Souvent
des reflets bleuâtres se manifestent dans la région
dorsale, et une teinte orangée orne ses flancs. Le
ventre est blanc jaunâtre.
Depuis l'époque où la carpe a été domestiquée
dans les étangs de l'Europe, il s'est produit plu-
LA CARPE.
73
sieurs variétés remarquables. On distingue la
carpe miroir, qui n'est revêtue que de quelques
écailles peu nombreuses, mais très grandes, dis-
posées sur les flancs et le dos, en deux ou trois
rangées irrég'ulières (fîg. 20). On connaît encore
la carpe à cuir, qui a la peau nue, la carpe bossue,
la carpe reine, la carpe de Hongrie et la carpe
Fig. 20. — La Carpe miroir.
Kollar. Cette dernière est considérée par quelques
auteurs comme un métis de la carpe et du caras-
sin. Dans le Rhône, on pêche le carpeau, dont la
chair est des plus délicates. Il est moins allongé
que la carpe, très gros, et atteint des dimensions
considérables. On ignore si c'est une variété
spéciale.
Les carpes aiment les eaux tranquilles et riches
en végétaux; les fonds de glaise et de tourbe ne
leur répugnent pas. Elles se nourrissent de con-
ferves, de débris de végétaux, d'insectes, de vers
et même de petits poissons. On les engraisse
74 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
facilement, et on obtient des résultats remarqua-
bles par la castration. La carpe grandit vite. En
trois ans, elle peut atteindre le poids de 2 à 3 kilo-
grammes. Elle vit fort longtemps et peut acquérir,
avec le temps, un poids de 30 à 40 kilogrammes.
La carpe est très prolifique. Quand elle ne pèse
que 250 grammes, elle pond environ 200,000 œufs;
avec un poids de 2,500 grammes, elle arrive à
en pondre 600,000. Elle fraie au mois de juin,
quand l'eau a atteint une température de 20 degrés
centigTades. Quelquefois, pendant les années
cbaudes, il se produit des pontes au mois de mai et
d'autres au mois de septembre. Les œufs s'atta-
cbent aux plantes aquatiques. Dès le quatrième
jour, on aperçoit les yeux du petit poisson, et l'é-
closion a lieu peu de jours après. La carpe se
croise avec le carassin et avec la chevaine, et
donne alors des métis de qualité inférieure.
On transporte facilement la carpe vivante dans
des tonneaux remplis d'eau aux deux tiers de
leur profondeur. Lorsque la distance n'est pas
très grande, on peut l'emballer simplement dans
de la mousse humide, en lui plaçant dans la bou-
che un morceau de pain trempé d'eau.
La reproduction artificielle des carpes est des
plus faciles. Elle est subordonnée à la condition
de maintenir à une température convenable
l'eau qui sert aux fécondations, et dans laquelle
doivent avoir lieu les éclosions.
LE CARASSIN
Cyprinus carassius; Cyprinopsis. — The Crucian carp.
Lie Karausche.
Le carassin a le corps épais, allongée et d'une
hauteur moindre que la carpe, dont il est loin
d'atteindre les dimensions. Commun en Allema-
Fig. 21. — Le Carassin.
g*ne, il est rare en Angleterre et ne se rencontre,
en France, que dans les environs de Lunéville,
où le roi Stanislas l'a importé de Bohême. Il s'est
76 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
maintenu, depuis cette époque, clans les étangs
des environs de cette ville.
Le carassin se nourrit de substances végétales
el de petites proies vivantes. Sa taille ne dépasse
pas um,25 à 0m,30, mais ce poisson est très rusti-
que et réussit dans les plus petites mares d'eau.
C'est le vrai poisson domestique désigné pour
l'élevag-e aux petits fermiers et aux propriétaires
ruraux.
On évite de placer du carassin dans les étangs
à carpes, afin de ne pas provoquer la naissance
de métis, dont la valeur serait inférieure à celle
de chacune des deux espèces qui auraient con-
couru à leur production.
LE POISSON ROUGE
Cyprinopsis auratus. — Tke Goîdcarp. — Dp.v GoldfLsck.
Originaire de la Chine et introduit d'abord
dans File de Sainte-Hélène, ce poisson a été ap-
porté en Angleterre en 1728. De là, il a passé en
Hollande, et les premiers qu'on vit en France y
fuient envoyés à 3Ime de Pompadour.
La robe de ce poisson est splendide. Elle varie
entre le blanc, le brun olivâtre et le roug*e d'or.
Il a le corps épais et d'une hauteur moindre que
ses congénères. Les écailles sont grandes et
arrondies. Les variétés en sont nombreuses.
Le poisson roug^e se nourrit de substances vé-
gétales, de vers et d'insectes, et prospère facile-
ment dans les étangs qui ne sont pas trop exposés
à grêler en hiver. Il sert à orner les aquariums et
les étangs des parcs et des promenades. C'est un
poisson d'agrément, qui n'a pas d'autre utilité.
LA CHEVAINE
Squalius clobula. — The Chub. — Der Doebel.
Le corps de la chevaine est épais, allongé et
couvert de grandes écailles striées. Ses formes
sont élégantes et ses mouvements rapides. Les
couleurs de sa robe sont vives : le dos est d'un
vert bronzé, les flancs sont dorés et le ventre est
blanc nacré. Les nag*eoires inférieures sont rou-
g*es et quelquefois d'une teinte rosée très délicate.
La chevaine est extrêmement commune dans
nos cours d'eau. Elle se plaît à demeurer près
des cascades et des courants d'eau rapides, sur-
tout près des coursiers des usines hydrauliques.
De là, sans doute, lui vient le nom de meunier,
sous lequel elle est généralement connue.
Ge poisson est très vorace. Il se nourrit aussi
bien de substances végétales que de proies vi-
vantes et de poissons. Pour cette raison, on ne
doit pas le tolérer dans les étangs. La croissance
de la chevaine est rapide; elle peut atteindre une
LA CHEVAINE. 70
longueur de 0m,50 a 0m,60 et un poids de 3 à
4 kilogrammes. Sa chair est remplie d'arêtes,
molle et peu estimée. La chevaine fraie en mai
Fig. 22. — La Chevaine.
*5
et en juin, la ponte se prolonge quelquefois pen-
dant un mois. Elle est très prolifique et dépose
ses œufs sur les pierres et au milieu des graviers.
Les naturalistes en distinguent plusieurs va-
riétés.
LA VÂNDOISE
Squalius leuciscus. — The Dart ou the Dace. — Der
Weissfisch, Rottel.
La vancloise tient à la fois de la chevaine et du
gardon. Ses écailles sont plus petites que celles
de la chevaine et son corps est moins arrondi que
celui du gardon. C'est un des poissons les plus
Fig. 23. — La Vandoise.
communs du centre de l'Europe. Sa taille ne dé-
passe pas 0ra,20 à 0m,25, et sa chair n'a pas de
valeur.
Elle vit dans les eaux claires et limpides, et
fraie sur des fonds de gravier pendant les mois
de mars et d'avril. On en connaît beaucoup de
variétés.
LE GARDON
Leueiscus rutilus. — The Roach. — Dus Rothauge, die Ploetze.
Le gardon, appelé communément la rosse, habite
aussi bien les lacs que les rivières. Il est répandu
dans la plus grande partie de l'Europe. Son corps
est élevé et comprimé latéralement; la bouche est
petite et sans barbillons. Sa robe est brillamment
colorée. Le dos est vert foncé, avec des reflets
bleuâtres, quelquefois dorés ou irisés; les flancs
sont argentés, avec des reflets bleuâtres, et mou-
chetés souvent par des taches et des points bruns,
éparpillés en plus ou moins grand nombre; le
ventre est blanc d'arg*ent. Les nageoires pecto-
rales, ventrales et anale sont teintées en rouge vif.
Les gardons vivent en société. Ils aiment les
eaux tranquilles et peu profondes, et se tiennent
près des rives. Leur nourriture consiste en végé-
taux et en petites proies vivantes. Ils grandissent
rapidement, mais il est rare que leur taille dé-
passe 0m,3o, et leur poids est presque toujours
GAUCKLER. 6
82
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
inférieur à celui de 1 kilogramme. La chair ren-
ferme beaucoup d'arêtes et n'est pas estimée.
Les gardons sont très prolifiques. En mai et en
juin, ils suspendent leurs œufs contre les herbes,
branches d'arbres ou autres objets flottant à la
surface de l'eau. La durée de la fraie est de 5 à
Fig. 24.
Le Gardon.
6 jours, et l'éclosion des œufs arrive de 10 à
15 jours après la ponte.
Il existe beaucoup de variétés de gardons. Sou-
vent on les confond avec le rotengle ou gardon
rouge, qui est d'un genre différent et fraie un
peu plus tôt. Ces poissons sont indiqués pour ser-
vir de pâture aux truites et aux brochets, dans
les étangs où on les élève.
LA BRÈME
Cyprinus brama. — The Bream. — Die Brachse, der Bley.
La brème a le corps comprimé et très élevé.
On la rencontre dans la plupart des lacs et des
rivières d'Europe, où le courant n'est pas trop
Fig. 23. — La Brème.
vif. Elle prospère sur les fonds vaseux couverts
d'une abondante végétation aquatique.
La brème se nourrit de végétaux, d'insectes
et de vers. Elle croît rapidement et atteint une
long'ueur de 0m,60, avec un poids de plus de
84 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
3 kilogrammes. Elle fraie pendant la nuit, en
mai et en juin, et dépose ses œufs sur les herbes.
Sa chair est blanche et a bon g'oût, mais elle est
molle et par suite peu estimée.
On distingue la brème commune et la brème
bordelière, qui vit dans les mêmes eaux, mais lui
est inférieure en taille. Ces poissons doivent être
exclus des étang's à carpes, parce qu'ils leur en-
lèveraient une partie de leur nourriture.
L'ABLETTE COMMUNE
Cyprinus alburnus. — The Bleak. — Die Laube, Maiblecke.
L'ablette commune se rencontre en abondance
dans toutes nos rivières. Elle a le corps allongée,
comprimé latéralement. Ses écailles sont d'un
blanc d'arg-ent nacré, qui les a désignées pour la
Fig. 26. — L'Ablette commune.
fabrication de l'essence d'Orient, avec laquelle on
colore les perles fausses.
L'ablette se nourrit d'insectes et de végétaux.
Sa taille atteint rarement 0m,25. Elle fraie en
mai et juin, dans les herbes aquatiques, et pond
un très grand nombre d'œufs. Sa chair est peu
recherchée sur les marchés, mais les poissons car-
86 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
nassiers la prisent beaucoup : c'est un excellent
appât pour les brochets et pour les truites.
On distingue encore deux autres variétés d'a-
blettes indigènes en France : ce sont l'ablette
Spirlin et l'ablette Hachette.
LE BARBEAU
Cyprinus barbus. — The Barbel. — Die Barbe.
Le corps du barbeau est oblong, il s'élève lé-
gèrement de la tête à la nageoire dorsale pour
s'abaisser ensuite dans la région caudale. A la
Fig. 27. — Le Barbeau.
mâchoire supérieure, il porte quatre barbillons,
qui lui ont donné son nom. Ses couleurs sont
vives. Il est brun sur le dos; les flancs, à reflets
d'argent et d'or, sont parsemés de petites taches
noirâtres ; le ventre est blanc.
On trouve le barbeau dans toutes les rivières
88 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
de l'Europe centrale et méridionale; il se plaît
surtout clans les eaux vives, à fond de gravier,
abondamment pourvues d'herbes aquatiques. Il
vit en société et se nourrit de larves, d'insectes
et de vers. Il grandit rapidement et atteint une
longueur de 1 mètre, avec un poids de 6 à 7 kilo-
grammes. La cbair est blanche et savoureuse.
Les femelles ne sont pas très fécondes et pro-
duisent en moyenne environ 10,000 œufs de la
grosseur d'un grain de millet. Ils sont de couleur
orangée, s'attachant aux pierres, et on leur attri-
bue des propriétés vénéneuses. Elles ne fraient
ni dans les étang*s ni dans les eaux tranquilles,
mais dans les eaux vives et courantes.
LE GOUJON
Cyprinus gobio. — The Gudjeon, Grayling. — Die Grundel,
Kressling.
Ce petit poisson se rencontre dans toutes les
rivières d'Europe. Par ses formes et ses habitu-
des, il se rapproche du barbeau : comme lui, il vit
en société, aime les eaux vives et les fonds de
Fier. 28. — Le Goujon.
gravier, et colle ses œufs contre des pierres. Mais
sa taille ne dépasse pas 0m,10.
Au printemps, le goujon remonte les cours
d'eau, pour frayer pendant les mois d'avril, de
mai et de juin. Il voyage en troupes nombreuses,
et sa ponte se prolonge souvent pendant un mois.
Il se nourrit de végétaux, de vers et de larves
d'insectes. La délicatesse de sa chair le fait re-
chercher pour la consommation.
LA LOCHE FRANCHE
Cobltis barbatula. — The Loach. — Die Bartgrundel, Schmerle.
La loche a la tête très petite et le corps allonge;
ses lèvres sont épaisses et ses mâchoires dépour-
vues de dents, mais garnies de six barbillons. Sa
Fi"'. 29. — La Loche franche.
couleur est généralement d'un brun verdàtre,
plus ou moins foncé, marbré de taches noires.
Le ventre est blanc jaunâtre.
Elle est répandue clans toutes les eaux de l'Eu-
rope, et sa taille dépasse rarement 0m,12. Elle
fraie en mars et avril, et dépose ses nombreux
œufs sur des pierres et du gTavier, dans l'eau
courante. Elle se nourrit d'insectes, de vers et
LA LOCHE FRANCHE.
91
quelquefois d'œufs de poissons, qu'elle rencontre
en fouillant le sable.
En Allemagne, on favorise la reproduction de
la loche de la manière suivante : au milieu d'un
ruisseau d'eau vive, à fond de cailloux, on creuse
Fie-. 30.
La Loche de rivière.
une fosse de 2,n, 50 de longueur et de moitié de
profondeur et de largeur. On la garnit latérale-
ment, à une distance de 0m,20 des bords, avec
des claies ou des planches percées de trous, qui
Fig. 31. — La Loche des étangs.
forment une caisse sans fond. Dans le vide qui
se trouve entre les bords et les parois de cette
caisse, on tasse du fumier de mouton. Il s'y
développe une grande quantité de nourriture
vivante, qui engraisse la loche et la porte àfse
multiplier.
On distingue en France deux espèces de loches.
2 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
La loche franche, dont Ja chair est très délicate
et fort recherchée, et la loche de rivière (fig*. 30)
(loche épineuse ou mord-pierre), qui fraie en avril
et en mai, et dont la chair n'a pas de valeur. Cette
dernière est plus rare dans nos eaux que la loche
franche. On distingue encore une loche des
étang-s (fig*. 3J).
LA TANCHE
Cyprinus tinca. — The Tench. — Die Schleihc.
La tanche a le corps élevé et comprimé latéra-
lement, ses écailles sont très petites. La bouche
est peu développée et munie de deux barbillons.
Sa robe est sombre, brune, dorée, avec les reflets
métalliques du bronze; les écailles sont engagées
sous la peau de plus de la moitié de leur surface.
Le corps est enduit d'une mucosité visqueuse,
sécrétée par un grand nombre de pores dissé-
minés sur la tête et sur le tronc.
Ce poisson se rencontre dans toute l'Europe.
Il habite les eaux courantes, mais il se plaît sur-
tout dans les lacs et dans les étangs dont le fond
est vaseux et couvert de végétations. Il se nour-
rit de substances végétales, d'insectes et de petits
mollusques. Sa croissance est rapide. Ag*é d'un
an, il pèse 125 grammes; à l'àg'e de 3 ans, il pèse
1,000 à 1,500 grammes. A G ou 7 ans il atteint le
94
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
poids de 3 à 4 kilogrammes. Gomme la carpe, la
tanche a la vie dure. Elle se conserve dans des
milieux où tout autre poisson trouverait la mort;
elle peut vivre hors de l'eau pendant plusieurs
jours, si l'on a soin de lui humecter les branchies
toutes les 3 à 4 heures. La chair de la tanche est
estimée. Mais avant de livrer ce poisson à la con-
sommation, il faut le faire séjourner, pendant
Fig. 32. — La Tanche.
quelque temps, dans des eaux vives, pour lui
faire perdre un g*oùt désagréable de vase, qu'il
contracte dans les étang*s.
La tanche est très prolifique. Elle fraie depuis
la fin du mois de mai jusqu'au milieu du mois
de juillet, et dépose ses nombreux œufs sur les
herbes aquatiques qui garnissent les berges des
cours d'eau. On l'élève dans les étang's à carpes,
pour servir de pâture aux brochets, qui la pour-
chassent avec ardeur. Dans les étang's trop va-
seux pour que la carpe puisse y prospérer, la
LA TANCHE. 9b
tanche peut rendre de belles récoltes, surtout si
on empêche l'excès de peuplement, en y ajou-
tant quelques anguilles. La tanche cependant est
moins productive que la carpe, et on dit qu'il faut
plus de terrain pour nourrir 100 tanches que
pour engraisser 500 carpes.
LE NASE
Chondrostoma nasus. — Oessling (ail.). — Savelta (ital.).
Ce poisson, très commun dans le Rhin et clans
ses affluents, s'est propagé depuis quelques années
dans le bassin de la Seine, où il a immigré par
Fig. 33. — Le Nase.
suite de l'ouverture du canal de la Marne au
Rhin. On en rencontre une variété dans le Rhône;
d'autres dans le Lot, l'Aude et la Garonne.
Le nase a le corps allongé et des formes élé-
gantes. Le dos est d'un gris verdàtre foncé. Les
LE NASE. 97
flancs, arg*entés chez les jeunes et dorés chez les
adultes, sont mouchetés de petites taches brunes.
Il n'atteint que des dimensions médiocres. Le
nase se nourrit de petites proies vivantes, et re-
monte les cours d'eau, pour frayer, en avril et
en mai. Sa chair est cotonneuse et de peu de
valeur.
GAUCKLER.
LE VÉRON
Cyprinns phoxinus. — The Minnow, Pink. — Die Ellritze, Pfrill.
Ce joli petit poisson se rencontre clans les mêmes
eaux que le goujon. Il a le corps allongé, arrondi
et couvert d'écaillés très petites. Les couleurs de
sa robe sont des plus brillantes. La partie supé-
Fig. 34. — Le Véron.
Heure du corps est verte, les flancs sont plus
clairs et parsemés de taches foncées; le ventre
est argenté. Au moment de la fraie, les parties
inférieures du corps, la gorge et la base des na-
geoires se colorent d'un rouge vif. Rarement il
atteint une longueur de 0m,10.
Le véron est prolifique et fraie sur des fonds
de gravier, dans l'eau courante, pendant les mois
LE VÉRON. 99
de mai et de juin. Il grandit lentement. Les truites,
les perches et les brochets le chassent avec pas-
sion, et les gourmets apprécient sa chair blanche
et savoureuse. Il se nourrit de petites proies vi-
vantes, d'insectes et surtout d'œufs de poissons,
mais ne mang*e que pendant le jour.
XI
FAMILLE DES STURONIENS
L'ESTURGEON
Acipenser sturio. — The Sturgeon. — Der Stoer.
Les esturgeons sont des poissons de grande
taille, qui vivent dans la mer aussi bien que dans
l'eau douce. Leur corps est allongé et diminue
graduellement de largeur de la tête à la queue ;
il est couvert de cinq rangées de plaques osseuses,
qui remplacent les écailles. Chacune de ces plaques
porte à son centre une épine, dirigée en arrière.
La tête est large à la base et va en se rétrécissant
vers l'extrémité antérieure. Le museau est allon-
gé. La bouche est large et elliptique, garnie de
barbillons sous la mâchoire inférieure. La couleur
de la robe est terne; verdâtre sur le dos, elle se
dégrade jusqu'au ventre, qui est blanc d'argent.
Ce poisson est commun dans le nord et sur-
102 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
tout dans l'est de l'Europe. Il est devenu rare
dans le Rhin, ainsi que dans la Garonne, la Loire
et le Rhône, où autrefois il était ahondant. Il ne
remonte pas dans les petits affluents des fleuves
et n'en quitte pas les parties profondes. L'estur-
geon se nourrit de plantes et de proies vivantes.
Sa chair est excellente; fumée ou salée, elle s'ex-
pédie au loin. Il atteint des dimensions considé-
rables : on en pêche qui mesurent de 5 à 6 mètres
de longueur et qui pèsent jusqu'à 300 kilogram-
mes. Il fraie dans l'eau douce pendant les mois
d'avril et de mai. Une seule femelle peut fournir
jusqu'à 100 kilogrammes d'œufs, dont on fait le
caviar. La vessie fournit la colle de poisson. Pour
les populations de la Russie orientale, la pêche de
l'esturgeon est la hase d'un commerce impor-
tant.
La famille des esturgeons comprend plusieurs
espèces remarquables, dont aucune ne se ren-
contre en France. Nous citerons les sterlets, les
hausen, et ceux qu'on appelle Dick et Scherg,
dans les provinces allemandes de l'Autriche -
Hongrie.
Ha
Fisr. 35.
L'Esturgeon.
XII
FAMILLE DES PÉTROMIZONIDES
LA LAMPROIE
Petromizon fluviatilis. — The Lamprey. — Das Neunauge.
La lamproie se rencontre dans presque tous les
cours d'eau de l'Europe. Elle ressemble aux an-
guilles par la forme allongée et cylindrique de
son corps. Sa bouche est circulaire, en forme de
suçoir. La mâchoire inférieure est garnie de sept
denticules, petits, pointus, et recouverts d'une
matière cornée brunâtre. La mâchoire supérieure
est armée d'une plaque à bord tranchant, munie
d'un crochet de chaque côté. Le squelette est car-
tilagineux.
Ce poisson est migrateur. Il remonte de la mer
pour frayer dans les eaux douces, depuis le mois
d'avril jusqu'au mois de juin. Il dépose ses œufs
sur le gravier, et on croit qu'il meurt après la
106 L]ES POISSONS D'EAU DOUCE.
ponte. On distingue trois espèces de lamproies.
L'une, qualifiée de marine et appelée grande lam-
proie, atteint 1 mètre de longueur et un poids
de 1,500 grammes. On la trouve dans le Rhône,
'•-' ■"%-"- .:->
Fig. 36." — La Lamproie marine.
l'Hérault, la Garonne, la Loire et la Seine. L'es-
pèce dite fluviaiile n'atteint que la moilié des di-
mensions de l'espèce marine. La troisième, plus
Fig. 36 bis. — Le Lamproyon.
petite encore, et désignée sous le nom de sept-
œilou de lamproyon (fig. 36 bis), se rencontre dans
toutes les eaux d'Europe. Elle se tient presque
toujours cachée dans le sable, sous les herbes et
sous les pierres. Elle subit des métamorphoses :
à l'état de larve, on l'appelle ammocète. Il est pro-
LA LAMPROIE. 107
bable que les autres espèces subissent des méta-
morphoses analog'ues.
Les lamproies s'attachent aux pierres avec leurs
suçoirs, et laissent leur corps flotter au gré de
l'eau. Elles se fixent sur le tronc des gros pois-
sons, dont elles déchirent la chair et sucent le
sang". Pour les transporter vivantes, on les fait se
fixer par la bouche contre une barre de bois, et
on les place ainsi dans un cuveau rempli d'eau,
dont on a soin de maintenir la fraîcheur et l'aé-
ration.
En captivité, dans un réservoir, les lamproies
peuvent vivre fort longtemps.
XIII
CRUSTACÉS
L'ÉCREVISSE
Astacus fluviatilis. — The Crawfish. — Der Kreb s.
Bien que l'écrevisse soit un crustacé et n'ap-
partienne pas au môme embranchement que les
poissons, elle joue un rôle trop considérable dans
nos cours d'eau, pour qu'on la puisse passer sous
silence.
Partout où les poissons peuvent vivre, on ren-
contre l'écrevisse. Elle aime à s'abriter sous les
pierres, derrière des racines d'arbres et dans les
creux des rives, ne quittant sa demeure que pour
aller chercher sa pâture. A cet effet, elle sort vers
le soir et pendant la nuit, et parcourt les endroits
de peu de profondeur, près des bords.
i 10 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
Les écrevisses se nourrissent de substances ani-
males et végétales. Quand elles ne trouvent pas
de chair à dévorer, vers, grenouilles, petits pois-
sons ou rebuts de boucheries, elles s'accommodent
de choux et de navets. Bien nourries, certaines
espèces peuvent atteindre une longueur de 15 à
18 centimètres. Elles croissent lentement, et il
leur faut quatre ans pour atteindre des dimen-
sions marchandes.
Fig. 37. — L'Écrevisse.
L'époque de la fraie commence avec l'automne.
A la fin d'octobre et au commencement de no-
vembre, des œufs apparaissent sous la queue.
L'accouplement a lieu, pendant la nuit, par une
opération semblable à celle que pratiquent les
poissons. Les œufs restent adhérents sous la queue
de la femelle, ordinairement au nombre de 150
à 200. Ils éclosent au mois d'avril. Après l'é-
closion, la mère continue à porter les jeunes
écrevisses sous sa queue pendant 8 à 15 jours.
Durant tout ce temps elle ne quitte pas son re-
paire. Ce n'est que lorsque tous ses petits Pont
L'ÉCREVISSE. Ml
volontairement abandonnée, qu'elle en sort pour
chercher sa nourriture. Peu de temps après,
elle change de test.
Ce changement de test, oumue, a lieu du 15 juin
au 15 juillet. Pendant toute cette opération, les
écrevisses ne sortent pas de leurs trous, jusqu'à
ce que leur enveloppe ait repris de la consistance.
Les mâles muent un mois plus tôt que les fe-
melles.
On distingue en France quatre espèces d'écre-
visses :
L'écrevisse dite noble, à pattes roug-es, et l'é-
crevisse bleue, atteignent de grandes dimensions
et sont fort recherchées pour le service des cui-
sines. Elles fréquentent les eaux claires, calcaires,
et aiment la chaleur. L'écrevisse à pattes blan-
ches ou écrevisse d'égout, est peu recherchée et
vit dans les eaux stagnantes et marécageuses.
Sa taille est inférieure à celle des précédentes et
sa chair est moins fournie et moins ferme. Enfin,
l'écrevisse noire, de petite taille, affectionne les
eaux siliceuses et froides. Quoiqu'elle ait peu de
chair, son goût est excellent. Son test est très
résistant, ce qui fait d'elle un adversaire redou-
table pour les autres espèces, qu'elle dévore par-
tout où elle les rencontre.
L'écrevisse assainit les rivières et les étants,
en faisant disparaître les matières putrescibles
qui pourraient infecter les eaux. Sous ce rap-
port, elle remplit un rôle très utile. Mais comme
412 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
elle dévore les œufs des poissons et s'attaque à
leur fretin, il faut, autant que possible, l'éloi-
gner des endroits qui sont réservés pour la re-
production.
DEUXIÈME PARTIE
LA PISCICULTURE
GAUCKLSR.
LA PISCICULTURE
La pisciculture a pour objet la multiplication
des espèces de poissons les plus utiles. Elle s'oc-
cupe aussi de les introduire, de les propager et
de les faire prospérer dans les eaux où elles
n'existaient pas auparavant.
Pour atteindre ce but, on emploie des procé-
dés divers. On pratique :
1° La colonisation des eaux, par l'introduction
de poissons adultes, capables de se reproduire ;
2° L'élevage dans des étangs ou dans des eaux
fermées ;
3° La récolte du frai, que les poissons déposent
naturellement, son transport et son introduction
dans les eaux qu'on veut peupler;
4° L'appropriation des cours d'eau aux conve-
nances de certaines espèces, par l'organisation
de frayères et de refuges, par l'extermination des
H6 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
espèces nuisibles et par l'établissement d'échelles
et de réserves;
5° La pisciculture artificielle, qui fait interve-
nir l'homme dans la fécondation des œufs, ainsi
que dans leur incubation, pour les protéger et
faciliter leur éclosion, et ensuite, pour abriter les
jeunes poissons et leur donner les premiers
soins;
6° La destruction des animaux ichtyophag'es.
LA COLONISATION
Depuis un temps immémorial, on a pratiqué la
transplantation des poissons d'un cours d'eau
dans un autre, afin de les y acclimater et d'enri-
chir la faune d'espèces nouvelles. C'est par ce
moyen que la carpe, originaire de la Perse et de
l'Asie Mineure, a été propagée dans toutes les
rivières de l'Europe, que le poisson doré nous est
arrivé de la Chine, et que le gourami a été im-
porté à l'île de Bourbon et en Australie. Il y a
plus de cent ans, on a, de cette façon, introduit
l'alose dans des rivières de l'Amérique du Nord,
où elle n'existait pas auparavant.
Il faut être très prudent dans le choix des es-
pèces nouvelles à introduire dans des eaux libres,
qu'on ne saurait ni pêcher complètement à fond,
ni mettre à sec. On peut, dans beaucoup de cas
4 18 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
faire plus de mal que de bien. C'est ainsi qu'il
serait dangereux d'acclimater le brochet dans des
eaux peuplées de truites ou d'ombres communs,
parce que ce poisson, si vorace, détruirait des
espèces plus précieuses que lui. Le brochet em-
pêche aussi les carpes de se reproduire : cela peut
être avantageux dans un étang", mais non clans
les canaux et les rivières. On a tenté d'acclimater
le silure en France. Heureusement, cette tentative
n'a pas réussi, car ce poisson est éminemment
destructeur, et sa chair est de qualité médiocre.
Quelque part qu'il se rencontre, il ne pourra
qu'être nuisible, et doit être exterminé par tous
les moyens.
Malgré sa valeur, au point de vue de la con-
sommation, la perche ne doit être propagée
qu'avec précaution. Le professeur Baird ' rapporte
qu'en 1854, M. W. Shriver a placé dans la rivière
du Potomac, en Amérique, un certain nombre
de perches prêtes à frayer. Au bout de quelques
années ce poisson pullulait dans la rivière, où il
ne se rencontrait pas auparavant. Mais ce ne fut
qu'aux dépens des innombrables essaims de
cyprins et d'écrevisses qui la peuplaient antérieu-
rement, et qui, jusqu'alors n'avaient eu pour
ennemi que le brochet. Aujourd'hui, que cette
population primitive a considérablement diminué,
les perches sont devenues plus rares. Privées
\. Baird, Rapport, 1874, II.
LA COLONISATION. H9
d'une alimentation surabondante, elles sont ré-
duites à dévorer leur propre frai. Il s'est établi
une espèce d'équilibre, analoguie à celui qui existe
dans lés rivières peuplées de percbes depuis long*-
temps. Le résultat final a été une diminution du
produit de la pèche. En France, les perches ont
dépeuplé les lacs des Vosges. Dans celui du Bour-
g*et, elles portent préjudice à la propag*ation du
lavaret, dont elles dévorent le frai et les jeunes
rejetons. Quand elles sont* trop nombreuses dans
les étang*s, on dit qu'elles les brûlent.
Veut-on introduire dans des eaux peuplées d'es-
pèces précieuses des poissons de qualité infé-
rieure, qui doivent servir de nourriture aux pre-
mières, on ne saurait prendre assez de précau-
tions. Dans les étang*s à truites, les tanches sont
nuisibles, parce qu'elles leur enlèvent de la nour-
riture : elles consomment les vers et les insectes
que les truites préfèrent comme aliment. Si mi-
gnon qu'il soit, le véron nuit à leur propagation
en en dévorant le frai. M. Francis1 rapporte que
des eaux à truites ont été complètement dépeu-
plées par l'introduction de ce petit poisson.
Lors donc qu'on veut introduire dans les ri-
vières des espèces nouvelles, il faut en étudier les
mœurs, et les choisir de telle façon qu'elles ne
puissent nuire à celles qui sont indigènes; sur-
tout si le produit de la pêche est satisfaisant, tant
I. Francis, Fishrulture.
120 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
au point de vue de la quantité que de la qualité.
Il est évident, d'ailleurs, qu'on ne saurait coloniser
avec succès des cours d'eau dont la nature, la
température ou le fond ne conviendraient pas
aux espèces à introduire.
Il
LES ÉTANGS
On nomme étang un bassin d'eau qui peut être
rempli et vidé à volonté. Les lacs sont des bassins
qui ne peuvent pas être mis à sec.
L'établissement des étangs remonte aune haute
antiquité. Les Chinois en ont fait usage de tout
temps l. Presque tous les anciens temples hin-
dous en étaient pourvus. Le lac Moëris, en Egypte,
n'était qu'un vaste étang" utilisé, à la fois, pour
la pêche et pour l'irrigation. La Bible parle des
étangs de Hésebon; de l'étang' supérieur, établi
par Salomon pour l'usagée de la maison royale, et
de l'étang" inférieur, servant aux habitants de
Jérusalem. Elle cite encore l'étang" situé près de
la montag*ne de Sion, ainsi que ceux de Siloë,
d'Hiskiae, de Betherda, deSamarieet de Gibéon.
Les Romains se livraient avec passion à l'élève
1. Meng-tseu, Livre 1er, i, 3, et Irvrc II, m, 2.
in LES POISSONS D'EAU DOUCE.
des poissons. Caton l'Ancien possédait des viviers
et des réservoirs pour approvisionner les mar-
chés de Fllalie ancienne. Après lui, Hortensius,
Lucullus et César établirent des étangs; ils se
multiplièrent sous les empereurs. Au moyen âge,
les étangs se sont répandus dans toute la chré-
tienté, par suite de la sévérité des jeûnes, du nom-
bre et de la richesse des couvents.
Depuis la fin du xviii0 siècle, le nombre des
étants a considérablement diminué. En France,
il existe aujourd'hui environ 208,000 hectares
d'étangs d'eau douce, non compris les rivières
et les lacs. En Sologne, entre le Loir et le Cher,
on compte 1,370 étang-s avec une surface de
17,000 hectares. Dans la Dombe et la Bresse
(Ain), il en existe 1,667, couvrant une étendue de
20,000 hectares. La Brenne, dans l'Indre, compte
95 étangs, occupant 7,000 hectares. Puis vien-
nent le Jura, Saône-et-Loire, l'Allier, la Nièvre,
le Lot, Maine-et-Loire, la Marne, les Vosges, etc.
C'est en Autriche, et en Bohême surtout, que
la culture des étangs se pratique sur une vaste
échelle. Le seul domaine de Wittingau comprend
250 étangs, d'une superficie totale de 5,500 hec-
tares, qui sont exploités régulièrement depuis
600 ans. D'après Krafft1, la Bohême possédait
autrefois 22,140 étangs, occupant 42,000 hectares
de terrains, réduits aujourd'hui au tiers.
1. Karl Kuafft, Situation de la pêche en Autriche.
LES ÉTANGS. 123
L' Allemagne septentrionale possède également
un très grand nombre d'étang's, répandus sur-
tout dans les provinces limitrophes de la mer
Baltique et de la mer du Nord. Le domaine de
Peitz-Cottbus renferme 82 étangs, d'une superfi-
cie totale de 1,500 hectares. Il produit en moyenne
100,000 kilogrammes de carpes marchandes par
an, soit un rendement d'environ 90 francs par
hectare.
1° — ETABLISSEMENT D'UN ETANG
La valeur d'un étang* dépend de la quantité et
de la qualité des eaux qui l'alimentent, ainsi que
de la nature du sol sur lequel on l'établit. Si la
quantité d'eau dont on dispose est suffisante, il
faut en examiner la température, la pureté et la
composition chimique, qui doivent répondre aux
convenances des espèces qu'on veut élever. Il est
indispensable, dans tous les cas, que l'eau soit
suffisamment aérée pour fournir aux poissons
l'oxyg'ène nécessaire à leur respiration. Delà na-
ture du sol dépendent les herbes aquatiques qui
végéteront clans l'eau, serviront elles-mêmes de
pâture aux poissons, ou produiront les insectes et
autres animalcules nécessaires à leur nourriture.
Eau et sol doivent donc avant tout être étudiés et
analysés,
L'eau de rivière est généralement préférable à
l'eau de source pour alimenter un étang* : elle est
plus aérée et renferme plus de substances nutri-
tives. Un fond sablonneux produit peu de nour-
ÉTABLISSEMENT D'UN ÉTANG.
125
riture pour les poissons, mais elle est excellente;
une marne saturée d'humus est très bonne; la
tourbe même est utilisable, pendant que l'argile
compacte et les fonds pierreux donnent le plus
souvent de mauvais résultats.
Pour qu'un étang1 reste étanche et conserve
Fig. 38.
Vue d'un étang.
son eau, il faut que le sous-sol soit imperméable.
Le terrain qui jouit de cette qualité est souvent
appelé terre à bois, parce que les forets y prospè-
rent plus que les autres cultures. Dans l'Ain, le
Jura et dans Saône-et-Loire, on l'appelle terre
blanche. C'est la bolbine du Midi ; le gmilt et sou-
vent le diluvium, pour les géologues.
Lorsqu'une partie du sol n'est pas imperméable,
120 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
on peut l'étancher au moyen d'un corroi de terre
végétale imbibée de lait de cbaux. On l'étend par
couches, on le dame fortement et on l'égalise en
le comprimant au rouleau. On recouvre le corroi
d'une couche de terre, afin de le protéger et de
permettre à la végétation de s'y propager. Pour
supprimer les fuites d'eau, il suffit quelquefois
d'étendre sur le sol perméable une couche de cen-
dres de houille, ou d'y répandre des résidus de
tanneries, qui viennent obstruer les trous ou re-
nards qui se produisent.
Très souvent, on met les étangs à sec, pour les
cultiver [pendant une année ou deux. L'agricul-
ture profite ainsi de l'engraissement naturel du
sol, résultant du séjour de l'eau et des poissons.
L'étang lui-même s'assainit et devient plus fé-
cond en produits vivants. Selon la nature du ter-
rain, on y peut faire des récoltes très variées :
herbes et foins, froment, maïs, avoine et orge y
réussissent. Le meilleur sol consiste en marne
terreuse imperméable, dont la partie supérieure
se charge de vase et d'humus pendant l'empois-
sonnage. Après deux ans, il est assez engraissé
pour fournir quatre récoltes, successives et alter-
nes, de maïs et de froment. Ce sol se rencontre
dans les étangs de la Brenne.
Un bon étang doit pouvoir s'alimenter à vo-
lonté, et sa situation topographique se trouver
telle, qu'il ne puisse pas plus être atteint par les sé-
cheresses que par les inondations des grands cours
ETABLISSEMENT D'UN ÉTANG. 127
d'eau. Creuser une cuvette, pour y établir un bas-
sin de retenue d'eau de quelque importance, se-
rait une opération trop coûteuse aujourd'hui pour
être tentée dans le but de créer un étang' de rap-
port. On profite habituellement d'une dépression
naturelle du sol, ou d'une vallée, qu'on barre au
moyen d'une levée, établie au point le plus bas.
Lorsque la vallée présente une pente très accusée,
on y construit plusieurs barrages successifs, plu-
tôt que d'élever à l'extrémité inférieure un ou-
vragée d'une grande hauteur. On obtient ainsi
plusieurs étangs juxtaposés, où la pêche est plus
facile pendant qu'ils sont en eau, et qui peuvent
servir à des usag'es différents, comme il sera dit
plus loin.
La digue doit s'élever à au moins 0m,50
au-dessus du niveau de l'étang*, quand il est
plein. Elle sera toujours fondée solidement sur
un sol imperméable, soit naturel, soit artificiel.
Sa base aura une largeur triple au moins de la
hauteur, égalée elle-même par la largeur de la
chaussée qui couronne la digue. Du côté de l'eau,
le talus aura 3 de base pour 1 de hauteur; du
côté extérieur, il aura de 1 à 1 1/2 de base pour
1 de hauteur. Quant les talus intérieurs sont
exposés au choc des vagues poussées par le vent,
on les protège soit au moyen d'une couche de ro-
seaux fixés par des clayonnag'es, soit avec des
perrés en pierres sèches, soit encore avec un re-
vêtement de mottes de gazon. Des plantations de
128 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
saules nains peuvent procurer une couverture
des plus efficaces contre les érosions. La digue
doit être munie d'un déversoir solide, qui puisse
débiter toutes les accrues exceptionnelles. Le dé-
versoir est surmonté d'une grille en bois ou en
fer galvanisé, pour empêcher la fuite des pois-
sons.
Ordinairement on construit la dig'ue avec les
matériaux qu'on a sous la main. Le nivellement
du terrain, le creusement des fossés d'aménage-
ment et l'approfondissement spécial, appelé la
poêle, fournissent une grande partie des terres
nécessaires.
La poêle ou pêcherie est un approfondissement
particulier de l'étang ; on l'établit près de la bonde
de décharge. C'est dans ce creux que les poissons
viennent se rassembler quand on soutire les
eaux; c'est là qu'on les pêche. A cet effet, on dis-
pose le fond de l'étang de telle manière, qu'au
moyen de fossés convergents, toutes les eaux
puissent facilement affluer vers la poêle. Quand
on veut pêcher l'étang% ces rigoles sont autant de
chemins que suivent les poissons, pendant que
le niveau de l'eau baisse, et qui les conduisent
dans le réduit formé par l'approfondissement.
Les fossés qui sillonnent le fond et dirigent les
eaux vers la poêle et la bonde de vidange, favo-
risent aussi l'assèchement du sol, lorsqu'on doit
le cultiver. Ils sont surtout avantageux quand le
terrain est gras ou vaseux, et qu'à l'état humide,
ÉTABLISSEMENT D'UN ÉTANG. 129
il est incapable de supporter le poids des bêtes de
trait qui servent au labourage.
La poêle doit pouvoir être mise complètement
à sec. Elle est revêtue de planches ou de perrés
en pierres, et plafonnée solidement avec du sable,
des planches ou des pavages. Elle doit être éta-
blie avec beaucoup de soins, et nettoyée à fond
après chaque pêche. Sa largeur peut varier de 5 à
10 mètres, et sa profondeur doit dépasser de 0m,50
à 0ra,60 celle du reste de l'étang*. Une poêle
de 10 ares de superficie suffît pour un étang
de 25 hectares.
Pour pouvoir soutirer les eaux et vider l'étang,
on place sous la digue un tuyau de conduite ou
un canal en maçonnerie, qui, partant du point
le plus bas de la poêle, débouche au dehors. Fer-
mée par un vannage du côté de la poêle, ou bien
au moyen d'un clapet étanche, cette conduite
porte à sa surface supérieure un trou conique, le
plus souvent circulaire, dont le diamètre inférieur
est égal au sien et le diamètre supérieur un peu
plus grand. C'est par cette ouverture que l'eau
s'introduit dans le canal de décharge. On bouche
ce trou ou œil, au moyen d'un pilon, bondon, ou
bouchon de bois, taillé en tronc de cône, de ma-
nière à le remplir exactement. Le pilon se ma-
nœuvre au moyen d'une tige de bois ou de fer,
qu'on peut soulever ou abaisser à l'aide d'un le-
vier, d'une crémaillère, d'une vis, ou d'un treuil
placé sur le terre-plein supérieur de la chaus-
GAUCKLER. «J
130 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
sée1. L'ensemble de l'appareil servant à faire
écouler les eaux se nomme un thon. (Fig. 39.)
Quelquefois le thou tout entier se construit en
Fig. 39. — Thou en bois.
pierres. Dans l'intérieur de la levée, au-dessus de
l'œil, on élève un puits en maçonnerie, à l'entour
Maison rustique, IV, page 181
ËTAHLÏSSKMKNT D'UN ÉTANG.
131
duquel les terres sont pilonnées avec soin. Ce
puits, qu'on recouvre d'une dalle mobile, ren-
ferme le mécanisme qui sert à manœuvrer la
bonde. Le diamètre des bondes ne doit pas dépas-
ser 0m, 50, pour que la manœuvre puisse s'opérer
Fia:. 40.
Thou eu maçonnerie.
facilement. Si une seule bonde ne suffit pas
pour évacuer les eaux, on en établit plusieurs.
(Fig. 40.)
Il arrive aussi qu'on place au-dessus de l'œil
un tuyau ou un puits, présentant une face ouverte,
du côté de l'étang*. Les parois de l'ouverture por-
tent des rainures, dans lesquelles s'eng'ag'ent des
poutrelles ou des planchettes, qui peuvent la fer-
132 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
mer complètement. L'enlèvement successif de
ces planchettes et leur rétablissement, permet-
tent de tendre ou d'abaisser à volonté le niveau
de l'eau. Ce mécanisme présente J'avantage de se
prêter à une surveillance plus facile que celle qui
peut s'exercer sur les bondes : on peut nettoyer
l'orifice à volonté, réparer les poutrelles et les
remplacer au besoin. Lorsque les étangs sont
traversés par de petits cours d'eau, il est facile de
maintenir un niveau constant, en régulant le dé-
versement qui se fait par-dessus la poutrelle su-
périeure.
Les bondes et leurs avenues doivent être proté-
gées par une grille ou un treillage en bois ou en
fil de fer galvanisé, pour éviter l'obstruction du
canal de fuite et pour empêcher le poisson de
s'échapper.
Au delà de l'orifice de sortie de l'eau, on pra-
tique un petit bassin appelé fosse, dont l'issue doit
être grillée. Elle a pour but de retenir le poisson
qui aurait pu s'échapper, soit par suite d'un acci-
dent ou d'un défaut de la grille de bonde, soit par
une ouverture résultant d'un tassement ou d'une
disjonction des pièces qui composent le thou. La
fosse doit toujours être alimentée d'eau. Lorsqu'il
s'agit d'étangs de grande superficie, on la revêt
de planches ou de pierres.
Il peut arriver que, par suite d'un accident, la
bonde laisse échapper l'eau, alors que la saison
ne permet pas de mettre l'étang à sec et d'exécuter
ETABLISSEMENT D'UN ÉTANG. 133
les réparations nécessaires. Dans ce cas, on con-
struit, en avant de l'issue, un batardeau s'élevant
jusqu'au niveau de la retenue. L'eau du batardeau
faisant équilibre à celle de l'étang', les fuites de
la bonde sont supprimées. On appelle ce batardeau
un cul-de-lampe '.
Lorsque l'étang* est marécageux, et que son sol
ne se prête pas à l'établissement de la poêle, on
élarg*it la fosse en forme de vivier dont on plan-
cheye le fond, et on la ferme au moyen d'une
gorille et d'une vanne. Cet arrangement se nomme
tombereau. Pour pêcber l'étang*, on ouvre la bonde
et on enlève sa grille : le poisson s'échappe avec
l'eau qui remplit le tombereau. Puis on referme
la bonde et on ouvre la vanne du tombereau, qu'on
garnit d'un filet. On recueille le poisson et on
recommence. On finit ainsi par vider et pêcher
tout l'étang', au moyen d'une série d'éclusées suc-
cessives.
Dispose- t-on d'assez d'eau d'alimentation pour
qu'il soit facile, au printemps, de remplir complè-
tement l'étang*, il est utile de le laisser à sec après
la pêche d'automne. On aère ainsi le sol, on fait
périr les ennemis aquatiques des poissons, et
l'opération ne laisse pas d'être avantageuse,
même si le terrain ne doit pas être livré à l'ex-
ploitation agricole. Les étang*s , au contraire,
qui doivent leur alimentation exclusivement aux
I. Dl-hamel, Traité général des Pèches, I, 3e section.
13'* LES POISSONS D'EAU DOUCE.
eaux de pluie, doivent être remplis immédiate-
ment après la vidange d'automne : ils récoltent
pendant l'hiver des eaux d'égouttement renfer-
mant beaucoup de substances nutritives, qui
proviennent des champs ou des villages. Un
printemps trop sec pourrait empêcher leur rem-
plissage.
Lorsque l'étang reçoit un cours d'eau, il faut
empêcher les poissons de s'échapper en remontant
le courant. A cet effet, on en barre le lit avec des
fascines superposées, ou bien, si la pente est suf-
fisante, au moyen d'un mur en maçonnerie, assez
élevé pour que les déserteurs ne puissent pas le
franchir. A défaut d'un barrage, il faut au moins
placer une grille en travers du ruisseau. Si ce
dernier est sujet à de fortes crues, ou qu'il charrie
du sable et de la vase, il est préférable de le dé-
vier et de lui faire faire le tour de l'étang. L'eau
d'alimentation nécessaire est alors approvisionnée
par une prise d'eau spéciale, qui en régularise
l'admission.
Quelquefois il se forme dans les étangs des touf-
fes de joncs ou de roseaux, qu'on nomme jonchères.
Elles grossissent de jour en jour, et forment des
îles qui ont parfois assez de consistance pour sup-
porter le poids d'un homme. Ce sont des retraites
assurées pour les mulots, les rats d'eau et les lou-
tres, qui dévorent les poissons, sans compter les
hérons, canards, etc., qui profitent de ces refuges
pour faire leur pêche. Pour détruire les roseaux
ÉTABLISSEMENT D'UN ÉTANG. 135
et les joncs, on les faùcarde plusieurs fois, pen-
dant les mois de mai et de juin, au-dessous du
niveau de l'eau, et on en brûle les racines quand
l'étang* est mis à sec. Il convient aussi d'enlever
les touffes d'herbes flottantes, au moyen d'un ba-
teau et avec des crocs, et de les transporter hors
de l'étang1 avant qu'elles aient pris de la consis-
tance. Si elles se sont accumulées, il faut profiter
de la vidangée pour débarrasser l'étang" de ces îles
ou imternes. Il peut arriver que le fond se soulève
par suite de la fermentation des parties maréca-
geuses, où des gaz se dég*ag"ent et viennent gon-
fler la vase. On y creuse des fossés qui facilitent
le dég"ag*ement des g"az et permettent de ramener
les détritus sur les bords de l'étang1. Pendant
l'assec, par un temps froid, on charg"e les sur-
faces soulevées avec une couche de sable, de 0m,0(>
à 0m,10 d'épaisseur. Son poids empoche le gonfle-
ment de la vase pendant les chaleurs subsé-
quentes.
Il est avantageux que, même en hiver, l'ali-
mentation des étangs soit assurée par de l'eau
courante. Quand ils se couvrent de g'iace,
on peut la briser pendant quelque temps, au
moyen de simples manœuvres des vannes d'ad-
mission ou de la bonde, en relevant légèrement
et abaissant alternativement le niveau. Quand
la glace devient compacte et résistante, il faut
y pratiquer des trous, dans le voisinage de la
poêle, où les poissons hivernent, mais à une dis-
136 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
lance suffisante pour ne pas les déranger, ni les
exposer à être pris à la foënne ou au trident.
Si un fort dégel arrive au moment où la glace
est couverte de neige, et qu'il regèle pendant que
la neige est fortement imbibée d'eau, les poissons
se trouvent en péril. Faute d'aération, l'eau
changée de couleur et devient laiteuse, brune et
jaunâtre. Les dytiques et les araignées d'eau vien-
nent alors mourir à la surface des trous pratiqués
dans la glace, où les poissons affaiblis se rassem-
blent pour humer l'air. Les écrevisses périssent
les premières, puis c'est le tour des grenouilles;
les poissons chasseurs viennent après, puis enfin,
les carpes et les tanches. Pour parer au danger,
il faut multiplier les trous d'aération ; alimenter
vigoureusement, si possible, avec de l'eau vive ;
procéder à des insufflations d'air, et, si ces
moyens ne réussissent pas, procéder à une pêche
de sauvetage.
Les poissons peuvent aussi courir de gTaves
dangers pendant l'été, s'il arrive que par un
temps chaud, le niveau baisse; que les vases se
gonflent de gaz putrides, et que des végétations
cryptogamiques se répandent dans l'eau, ce qui
se présente surtout lorsque l'étang reçoit des
égouttements de terres fumées et du purin. Les
poissons viennent alors nager près de la surface,
hument l'air et meurent. Si, dans ce cas, on ne
veut pas procéder à une pêche de sauvetage, il
faut que l'eau soit fournie en abondance pendant
ETABLISSEMENT D'UN ETANG. 137
plusieurs jours, de façon à renouveler l'approvi-
sionnement de l'étang" dans le plus bref délai. Si
par malheur le poisson périt, l'étang* sera mis
complètement à sec et livré à la culture le plus
longtemps possible, afin de faire disparaître tous
les germes d'infection.
2° — ETANGS A CARPES
De tous les poissons connus, c'est la carpe qui
est le plus généralement élevée clans les étangs.
Elle est cultivée depuis tant de siècles, qu'on est
arrivé presque à la réduire à l'état domestique.
La carpe croît rapidement pendant les quatre
premières années, puis son développement dimi-
nue très sensiblement. Il est donc rationnel de
ne pas lui faire dépasser cet âge, d'autant plus
qu'à quatre ans elle atteint habituellement le
poids de 2 kilogrammes, répondant à la plupart
des besoins du marché. Dépasser ce poids revien-
drait à se créer des difficultés pour la vente, tout
en augmentant le prix de revient du kilogramme
de marchandise.
L'élève de la carpe nécessite l'emploi de plu-
sieurs étangs, fonctionnant chacun dans des con-
ditions spéciales, en vue de résultats différents,
qui concourent cependant tous au même but.
D'après les fonctions qu'ils remplissent, on dis-
tingue quatre espèces d'étangs à carpes : les
étangs à feuilles ou à pose, les étangs à empoisson-
nage, les étangs à carpes et les viviers d'hivernage.
ETANGS A CARPES. 130
A. — Étangs à, feuilles.
Les étang*s qui présentent des dispositions favo-
rables à Ja fraie des carpes sont utilisés pour la
production de carpillons qu'on nomme feuilles ou
pose, parce qu'au bout d'un an ils atteignent la
longueur et la forme d'une feuille de saule, et
qu'à cet âg'e on les retire de leur lieu d'origine
pour les déposer dans d'autres étangs où ils doi-
vent grandir.
La profondeur des étangs à feuilles ne doit pas
dépasser 1 mètre; les berges seront exposées au
soleil, elles auront très peu de pente et seront cou-
vertes d'herbes de peu de hauteur. L'exposition
doit être chaude, afin que l'eau puisse acquérir
le degré de température nécessaire pour permet-
tre à la carpe de mûrir ses œufs et d'en opérer la
ponte, et qu'ils puissent éclore dans des condi-
tions favorables. La poêle doit être nette de végé-
tation : les herbes y pourraient cacher et retenir
des alevins au moment de la pêche. Le niveau
sera maintenu invariable, surtout pendant la fraie,
sans cela les œufs déposés sur les herbes, près des
bords, seraient exposés à se dessécher et à périr.
Les reproducteurs sont placés dans l'étang dès
le printemps, afin de se familiariser avec ses
dispositions. Pour remplir ces fonctions, on choi-
sit de belles carpes, du poids de 2 à 3 kilogram-
mes, à corps allongé et à robe brillante. Elles ne
140 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
doivent pas servir plus d'une fois. Pour une sur-
face de 75 ares, on choisit trois femelles et deux
mâles adultes; on y ajoute un jeune mâle de 3 à
400 grammes, à titre d'excitateur. Il est facile de
distinguer les mâles des femelles par la forme de
l'anus, même en dehors de l'époque de la fraie.
Les femelles ont l'anus convexe et gonflé vers
l'extérieur, pendant que les mâles y présentent
une concavité *.
L'expérience prouve qu'un excès de mâles est
nuisible, parce qu'ils fatiguent les femelles et
peuvent les empêcher de frayer. D'un autre côté,
si le nombre des mâles est trop restreint, et si l'on
prend, par exemple, un mâle pour deux femelles,
on obtient un excédent de carpes femelles, moins
recherchées pour la consommation 2.
On compte sur un produit de 1,000 à 2,000 feuil-
les par femelle, mais c'est à condition que l'étang
ne renferme ni anguilles, ni lottes, ni perches, ni
brochets. Un brochet, dans un étang à feuilles,
empêche les carpes de frayer et dévore le fretin
de celles qui auraient pu lui échapper. Outre les
poissons voraces , les carpillons ont une foule
d'autres ennemis aquatiques : insectes, larves et
crustacés, qui rendent indispensable l'assèche-
ment complet de l'étang*, chaque année, pendant
plusieurs mois.
A l'époque de la fraie, la femelle est souvent
1. Horack, Culture des Étangs en Bohême, 1869, p. 9o.
2. Ibidem, p. 97.
ÉTANGS A CARPES. 141
poursuivie par plusieurs mâles, qui fouettent l'eau
et la font bouillonner à l'entour. Ces jeux com-
mencent pendant les premières heures de la ma-
tinée, entre sept et neuf heures, et se continuent
jusqu'au moment de la ponte. La fonction s'ac-
complit quand la température de l'eau est suffi-
samment élevée. On admet que la carpe ne peut
se reproduire dans de bonnes conditions que
lorsque l'eau possède une température d'environ
20° centigrades. La ponte n'a pas lieu toute à la
fois; elle se prolonge pendant plusieurs jours, et
s'accomplit plus rapidement par un temps chaud
que par la fraîcheur. Les œufs sont déposés sur
des roseaux, des joncs, des herbes, voire des
fag-ots de branches de bouleau, immergés près
des berges, et ils y adhèrent. L'éclosion se pro-
duit au bout de 5 à 8 jours, selon la température.
Pendant la période de la reproduction, il faut
éviter la dépaissance des bords par les bestiaux :
ils troublent les carpes occupées à frayer, et dé-
truisent les œufs en entrant dans l'eau. A ce
moment, il convient de surveiller aussi les oiseaux
pêcheurs et d'interdire l'accès de l'étang aux
oiseaux de basse-cour qui fréquentent les eaux :
ils se font grande fête de se gorger de frai. Si le
niveau de l'étang tendait à baisser, il faudrait
alimenter avec précaution. L'admission trop abon-
dante de l'eau pourrait réduire la température, ou
bien détacher les œufs suspendus aux herbes et
les rejeter sur les berges. Dans ce cas, le frai
142 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
serait exposé à périr, aussi bien que par l'assèche-
ment des frayères.
A Wittingau, on pêche habituellement les
étangs à feuilles pendant les journées couvertes
du mois de mai. On vide l'étang1 très lentement,
afin que les alevins ne restent pas retenus parmi
les végétaux aquatiques. Le plus souvent, on ne
pêche ces étang*s qu'après deux étés, afin d'obte-
nir de la pose plus vigoureuse et qui puisse faci-
lement traverser les herbes, pour se rendre dans
la poêle. En Bohême, 1 00 carpes, âgées de 1 1 mois,
pèsent de 400 à 500 grammes; après deux ans, le
poids a un peu plus que doublé. Gomme c'est en
été que les carpes rencontrent le plus de nourri-
ture et qu'elles mangent le plus volontiers, on
compte habituellement leur âge par le nombre
d'étés qu'elles ont vécu.
B. — Étangs à, nourrain ou à empoissonnage.
Les feuilles sont placées dans des étangs spé-
ciaux, où elles doivent gTandir et développer leur
squelette, sans se mettre beaucoup en chair. Ce
sont les étangs à nourrain. La profondeur du bas-
sin doit être plus grande que pour la production
des feuilles, et peut atteindre 2m,o0 Les berges
seront abruptes, pour empêcher les déprédations
des oiseaux pêcheurs.
Dans ces étangs, lorsque toutes les conditions
sont favorables, le poids du poisson peut, après un
ÉTANGS A CABPES. 143
seul été, reproduire de cinquante à quatre-vingts
fois celui de la pose. Quand on obtient trente à
quarante fois ce poids, le résultat est encore jugé
bon, car dans les conditions habituelles on n'ob-
tient que de dix-huit à vingt fois le poids primi-
tif. Dans les très bons étangs, on place, par
hectare, de 600 à 800 feuilles; en moyenne, on
en met de 400 à 600; dans de mauvaises condi-
tions, on réduit encore ce nombre, et on en met
de 100 à 400. Le peuplement peut être augmenté
lorsque l'étang a été récemment établi ou cultivé
pendant un an.
Lorsque du nourrain de brochet arrive à péné-
trer dans ces étangs, il grandit très vite et peut
atteindre le poids de 1 kilogramme en un an.
Mais c'est aux dépens des jeunes carpes, qui sont
dévorées. Il faut donc se garder d'alimenter les
étangs avec des eaux qui peuvent y amener des
brochetons, et, quand on n'en a pas d'autres à sa
disposition, il faut les filtrer à travers du gravier.
Quelquefois on y fait séjourner les carpillons pen-
dant deux ans. Dans ce cas, on ajoute, avant
l'hiver, de 15 à 20 kilogrammes de tanches adul-
tes, pour chaque millier de feuilles. Au mois de
mai suivant, on ajoute, pour le même nombre,
de 16 à 20 brochetons de la grosseur du doigt.
Ils atteindront, au moment de la pêche, le poids
de 1 à 2 kilogrammes et détruiront surtout les
rejetons des tanches.
Quand on pêche les étangs, on sépare la feuille
144 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
de la carpe de celle de la tanche. La première se
vend au cent, la seconde au poids. Le cent de
feuille d'empoissonnage dans l'Ain est de 80 pai-
res ou de 160 têtes; dans la Brenne, on compte
70 paires; dans la Bresse seulement 64. Si l'on
admet qu'on grossit le nombre pour tenir compte
des pertes, elles seraient supérieures dans l'Ain à
celles des autres contrées. Quand on dispose de
peu d'étangs, comme dans le Forez, où les pêches
à un an ont prévalu, on met avec un millier de
feuilles par hectare, en moyenne 6 à 8 carpes du
poids de 500 grammes chacune, des moins belles
et des plus vieilles. Au bout de l'année, on a de
rempoissonnag*e de 200 à 250 grammes par tête,
et une grande quantité de feuilles de pose. Les
carpes se sont très bien refaites. On n'obtient pas
de brochets; mais on n'a à acheter ni pose, ni
empoissonnag'e.
G. — Étangs à carpes marchandes.
Des étangs à nourrain, l'empoissonnag'e est
transporté dans les étang's à carpes proprement
dits, où le poisson doit atteindre le poids mar-
chand, soit 1 à 2 kilogrammes et davantage. En
France, on l'y fait séjourner habituellement pen-
dant deux étés; en Allemagne, pendant un été de
plus. Ces étang*s sont profonds et leurs berg*es
sont abruptes.
En France, où la carpe croît plus vite que dans
ÉTANGS A CARPES. 145
le Nord, parce que son climat est plus doux, il
faut i à 5 feuilles d'une année pour peser 50 gram-
mes; après la seconde année, il en faut 3 à i pour
obtenir 500 grammes, et on a l'empoissonnage.
La troisième année, la carpe pèse en moyenne
500 grammes dans les pêches à un an ; la qua-
trième, elle pèse 750 grammes dans les pêches à
deux ans. Ces poids sont ceux des étangs médio-
cres de l'Ain. La carpe décuple donc de poids
pendant la seconde année, quintuple la troisième,
et augmente seulement de 50 pour 100 pendant
la quatrième. Il y a donc avantage à exploiter à
trois ans. Mais comme on met pour la pêche à
deux ans moitié en sus de l'empoissonnage, cette
dernière produit, en valeur, déduction faite de
rempoissonnag'e, autant que deux pêches à un an,
et on ne fait qu'une seule fois les frais de pêche
et d'empoissonnage. En outre, pendant la pre-
mière année, la carpe prend de la taille et du
volume ; pendant la seconde, elle se met en chair
et devient meilleure. D'ailleurs, les brochets de
la deuxième année donnent un produit bien su-
périeur.
En moyenne, en France, on place 240 têtes
d'empoissonnage par hectare de bons fonds;
160 sur les fonds médiocres et 130 sur les mau-
vais. On ajoute, par cent d'empoissonnag'e, 8 à
10 kilogrammes de tanches adultes et 10 bro-
chets de 250 grammes. On préfère souvent atten-
dre pour cela la fin de la première année. Si
GAUCKLER. \ 0
146 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
l'étang' renferme peu de feuilles en automne, on
met 10 brochets de 500 grammes par cent d'eni-
poissonnag'e; si, au contraire, il en contient beau-
coup, au lieu de 10 on en met de 15 à 30.
En Bohême, on laisse habituellement Fempois-
sonnag^e pendant trois ans, avant de le repêcher.
Si l'étang^ reste en eau pendant plus de temps,
on diminue le peuplement. Dans cette contrée,
lorsque l'empoissonnage pèse de 250 à 500 gTam-
mes, on ajoute des brochetons de 1O0 à 120 gram-
mes; pendant la seconde année, on les choisit du
poids de 125 à 250 grammes. Les étangs y reçoi-
vent la première année le tiers de leur peuple-
ment total (la moitié après un assec) et le surplus
à la seconde année. On compte 10 pour 100 de
brochets et 5 pour 100 de sandres; s'il y a abon-
dance de poisson blanc, on augmente le nombre
des brochets. Dans le nord de l'Allemagne, on ne
compte que 4 à 5 pour 100 de brochets.
Aux alevins de sandres on ajoute quelques
adultes, du poids de 1 à 2 kilogrammes, qui
fournissent de très beaux rejetons au bout de deux
ou trois ans. Pour un étang de 20 hectares, on
met 250 à 300 alevins de sandres, et 8 à 10 adul-
tes, dont un tiers de mâles et deux tiers de femelles.
Les sandres de trois ans atteignent un poids
de 1,5 à 3 kilogrammes. Ni les sandres, ni les
brochets ne proviennent d'étangs spéciaux; leurs
alevins se récoltent dans les étangs. à carpes, où
ils se reproduisent.
ÉTANGS A CARPES. 147
Quand on ne tient pas à l'élevage spécial de la
carpe, on augmente le nombre des sandres; quel-
quefois on les remplace par des perches.
En France, lorsqu'un étang* possède un bon
fonds et qu'il a été peuplé d'empoissonnage vi-
goureux, on le pèche avec avantage au bout de
deux ans, c'est-à-dire quand l'alevin y aura sé-
journé pendant deux étés. Il peut arriver, dans
ce cas, que les carpes, au bout d'un an, se trou-
vent assez grosses pour être marchandes, surtout
si l'empoissonnement a été précédé dune année
d'assec : une année d'assec et une année d'em-
poissonnement valent généralement deux étés.
Quelquefois aussi on pêche au bout d'un an, parce
que l'étang1 a besoin de réparations, ou qu'il s'y
trouve de gros brochets qui détruiraient le peu-
plement. Enfin, quand l'alevin est trop petit, le
poisson n'arrive à une bonne grosseur qu'au bout
de trois ans. Dans ce cas, on ne met le brocheton
que la seconde année.
Pour l'empoissonnage, la taille des poissons doit
être la plus uniforme possible, car sans cela,
carpes, brochets ou tanches, les grands enlève-
ront la nourriture aux petits. On obtient quelques
belles pièces, et du reste, rien qui vaille.
Quelquefois on pêche à deux ans dans un seul
étang*. Au printemps de la première année, on
place dans l'étang* la moitié de l'empoissonnage
ordinaire en carpes, dont deux tiers laitées et un
tiers œuvées, et on ajoute 4 à 5 tanches de deux
148 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
ans, par cent pièces d'empoissonnage. En au-
tomne, on éprouve à l'épervier. Suivant qu'il y a
beaucoup ou peu de pose, on met 15, 30 et même
40 têtes de brochets de 500 grammes, par cent de
carpes (80 paires). On obtient de beaux et bons
brochets et les tanches disparaissent. Cette pêche
est fort aléatoire, c'est pour cela qu'on l'a nommée
pêche folle.
D. — Viviers d'hivernage et de vente.
Les viviers d'hivernage servent à conserver
l'empoissonnage pendant la mise à sec de l'étang*
qui l'a produit. Le poisson n'y passe que la saison
froide et n'a pas besoin d'y trouver de nour-
riture.
Ces étangs doivent être profonds, exempts de
vase, et très abondamment alimentés. Ils peuvent
recevoir par hectare 100 à 140,000 poissons,
qu'on repêche au mois d'avril. Pendant l'hiver,
ils ont perdu 2 à 3 pour 100 de leur poids. Après
la pêche, on procède à un nettoyage à fond et on
laisse à sec jusqu'en automne.
Pour les besoins de la vente, on tient les pois-
sons dans des réservoirs maçonnés, où l'on a soin
de loger ensemble les poissons de même espèce
et de même taille. Le sol du réservoir destiné aux
carpes sera en marne battue. On l'exécutera en
sable pour le brochet et le sandre. Il aura une
légère pente transversale pour pouvoir être corn-
ÉTANGS A CARPES. 149
plètement asséché. On nourrit les poissons vora-
ces avec de la blanchaille, et les carpes avec de
l'argile pétrie d'orge à moitié cuite, avec des
pommes de terre et d'autres légumes passés à
l'eau bouillante.
E. — Pêche des étangs à carpes.
La meilleure époque pour la pêche des étang-s
à carpes est la seconde moitié d'octobre, quand le
temps est frais et qu'on n'a pas encore à redouter
les grands froids, qui peuvent faire périr tout le
peuplement d'une pêcherie, s'il y g'èle à fond.
L'eau évacuée pendant cette saison peut encore
servir utilement à l'irrigation des prairies, et l'on
n'a pas à craindre l'action du soleil sur la vase
mise à découvert.
On commence par soutirer l'eau très lentement,
en supprimant toute alimentation. Quelques jours
avant la pêche, on ravive l'eau de la poêle et on
y rabat le poisson le plus possible, en le chas-
sant, au besoin, des fossés où l'eau séjourne
encore, et où l'on promène, à cet effet, des filets
traînants. Puis on entoure le poisson avec un
vaste filet qui le rassemble clans le plus étroit
espace possible. Ce filet est fixé à terre et main-
tenu debout, au moyen de piquets fichés dans le
sol, de telle façon que les poissons ne puissent
s'esquiver ni par-dessus, ni par-dessous. Pendant
150 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
toutes ces opérations on continue à alimenter la
poêle avec de l'eau vive, et on maintient son
niveau constant.
Dans l'intérieur du réduit, dans lequel tout le
poisson se trouve concentré, on pêche à la seine.
Chaque fois qu'on la tire, tous les poissons cap-
turés sont immédiatement aspergés d'eau fraîche
et lavés dans le filet même. Ensuite on enlève à la
puisette les poissons chasseurs, brochets, perches
et sandres, s'il s'en trouve, on les assortit et on
les dépose dans des tonneaux remplis d'eau fraî-
che et préparés d'avance. Ces tonneaux sont dis-
posés sur des voitures qui transporteront la pêche
à destination : vivier, étang1 ou marché. Enfin,
on recueille les carpes, on les trie, on les pèse et
on les place dans les cuveaux munis d'eau pure
qui leur sont destinés. Les petites tanches et les
poissons blancs sont le plus souvent abandonnés
en paiement aux ouvriers qui viennent aider à la
pêche.
Pendant chaque opération de la seine, l'alimen-
tation est interrompue. Elle est reprise durant
les intervalles; mais on augmente le débit de la
bonde de vidange, de manière à réduire peu à
peu la surface de l'eau à pêcher. Quand il ne
reste plus que peu de poissons, on lave l'intérieur
des barques et on les remplit en partie d'eau.
Les pêcheurs entrent dans la vase, prennent les
poissons avec des trubles et les déposent dans les
barques.
„ ÉTANGS A CARPES. 1 Kl
Après la poche, au commencement du mois de
novembre, on débarrasse l'étang* de sa vase, au
moyen d'une chasse vigoureuse d'eau courante.
On ouvre la vanne du canal de décharge, et l'eau
emporte les dépôts terreux, que balaient les ou-
vriers et qu'ils poussent vers le fossé central,
avec des pelles de bois et des racloirs.
F. — Exploitation agronomique des étangs
à carpes.
Après la pêche, l'étang1 doit rester à sec pour
s'aérer et pour faire disparaître tous les ennemis
des poissons que peuvent receler encore les herbes
elles petites dépressions humides du sol : gre-
nouilles, dytiques et autres insectes, salaman-
dres et surtout brochetons et perchettes. S'il res-
tait une seule mare remplie d'eau, elle pourrait
abriter suffisamment d'ennemis pour nuire sen-
siblement à la pêche suivante. C'est pour cette
raison qu'il est si important de niveler toutes les
dépressions accidentelles existant dans le fond
d'un étang, ou au moins d'y pratiquer des sai-
gnées, qui les assèchent pendant la vidange et
en drainent l'humidité.
Après que le sol de l'étang* s'est suffisamment
consolidé pour supporter le poids et l'action de
la charrue, on le laboure et on l'ensemence; on
y récoltera du froment, du maïs, de l'orge, de
V62 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
l'avoine, du sarrasin ou du trèfle. Le plus sou-
vent, la culture ne dure qu'un an; nous avons vu
cependant qu'elle peut se prolonger, lorsque des
circonstances spéciales favorisent l'engraissement
du terrain. Dans le Schleswig'-Holstein, les étangs
sont alternativement en eau et en assec durant
deux ans.
La mise en culture augmente dans une forte
proportion le revenu net d'un étang. Elle favorise
le développement du poisson et donne à l'agri-
culture de beaux produits, croissant en abon-
dance sur un sol engraissé sans frais. Souvent
l'exploitation d'un étang fait partie de celle d'une
ferme agricole. Dans ce cas, les herbes aquati-
ques et les roseaux sont utilisés comme fourrages,
litières et chaumes. Mêlés aux vases évacuées de
l'étang, après la pêche, ils servent à préparer des
composts et des amendements très énergiques,
surtout si l'on peut y mêler un peu de chaux ou
de plâtre.
Les déchets de la ferme peuvent s'ajouter à la
nourriture que les carpes rencontrent dans l'é-
tang, ce qui permet d'en augmienter le peuple-
ment. Les résidus du jardin et de la cuisine,
feuilles de choux, herbes diverses, luzerne hachée,
pelures de carottes, de navets et de pommes de
terre, sont consommés volontiers, et, pour rendre
cette nourriture plus profitable, on y mêle des
substances azotées ou qui renferment du phos-
phate de chaux. L'orge gonflée dans de l'eau
ÉTANGS A CARPES. 1d3
bouillante conviendrait à merveille, si elle n'était
pas d'un prix si élevé. On la remplace économi-
quement par du guano, des résidus de malt des
brasseries, des tourteaux, des marcs de raisins et
de betteraves, du son, etc., intimement mêlés
avec des végétaux hacliés menus. Le fumier frais
de porc et de mouton, le crottin de cheval et la
bouse de vache desséchés qu'on ramasse sur les
pâturages, de la pouclrette même des usines de
vidanges, renferment beaucoup de substances
nutritives, que les carpes s'assimilent avec succès.
Le fumier de six porcs à l'engrais suffit pour
nourrir 300 kilogrammes de carpes, pendant trois
à quatre mois. Après ce laps de temps, elles au-
ront pris assez de croissance pour qu'il devienne
nécessaire d'augmenter la nourriture ou de ré-
duire leur nombre. Après le quatrième mois, il
faut doubler la quantité de nourriture, si l'on
veut qu'au bout d'un an le poids de ces poissons
s'élève à 750 kilogrammes.
Le fumier ainsi utilisé n'est pas complètement
perdu. Outre qu'il a produit une quantité consi-
dérable de chair de poisson, on le retrouve, en
partie, dans la vase des composts, et on emploie
en fumure, sur les champs, tout ce que les carpes
ne se seront pas assimilé. N'oublions pas, d'ail-
leurs, que les herbes aquatiques, dont on n'au-
rait pas l'emploi, peuvent être incinérées et don-
ner des engrais riches en potasse.
En Chine, chaque famille d'agriculteurs qui
134 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
exploite une petite ferme de J hectare, possède
un étang' de quelques ares de superficie dont elle
tire des produits abondants. Il est beaucoup de
contrées, en France et en Europe, en général, où
il serait facile d'organiser des exploitations ana-
logues.
3° — ETANGS A TRUITES
Des eaux vives et fraîches et un fond de gra-
vier, de gTos sable ou de rochers permettent d'é-
tablir un étangs à truites. Les eaux doivent être
bordées d'ombrages, qui maintiennent leur fraî-
cheur et qui, de leur épais feuillag'e, secouent
dans l'eau de nombreux insectes, pâture favorite
des truites. Au lieu de bords plats et de berges
régulièrement inclinées, il faut des rives acciden-
tées, déchirées par des saillies de rochers, héris-
sées de racines et de troncs d'arbres, où les pois-
sons trouvent des abris et des retraites. Sur le fond,
on peut créer des abris artificiels, avec des pier-
res plates ou des dalles reposant sur des supports,
avec des tuiles creuses et des tuyaux de drainage
fendus en long" et placés le creux en dessous. Au
besoin, on crée des réfugies avec des madriers ou
des fag^ots de bois flottants, rattachés avec des
cordes à des corps morts fixés au sol : leur ombre
peut, en partie, suppléer à l'absence des arbres
sur les rives.
Avant de peupler un étang1 avec des truites, il
156 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
faut s'assurer qu'il ne renferme ni brochets, ni
perches, ni vérons, ni épinoches, ni insectes chas-
seurs. La présence d'anguilles ou de lottes pour-
rait être désastreuse. Puis on le munira large-
ment de gardons, d'ablettes et de goujons; les
moules d'eau douce seront avantageuses, surtout
pour le premier âge. Si l'étang n'est pas disposé
naturellement pour que les truites puissent y
frayer, on établira des frayères en gravier, ou
bien on recourra aux procédés de la pisciculture
artificielle.
Il faut éviter la cohabitation de truites de taille
très différente, parce que, sans cela, elles se dé-
vorent entre elles. Gomme il faut trois ans pour
qu'une truite atteigne le poids de 500 grammes
à 1 kilogr. et devienne marchande, on doit pou-
voir disposer au moins de trois bassins, qui ren-
ferment chacun des truites du même âg*e. A ces
bassins il faut annexer de petits compartiments
spéciaux, destinés à recevoir les sujets qui crois-
sent mal et ceux qui se distinguent par leur vora-
cité et s'attaquent à leurs compagnons.
La profondeur des bassins doit être de 0m,50
pour la première année, d'au moins 1 mètre
pour la seconde et dépasser lm,50 pour la troi-
sième. Si l'on peut renouveler constamment le
peuplement en poissons blancs, ou qu'on dispose
des ressources nécessaires pour obtenir une
abondante nourriture artificielle, on peut élever
un très grand nombre de truites dans des espaces
ÉTANGS A TRUITES. 157
relativement restreints, à condition de maintenir
constamment une copieuse alimentation d'eau
fraîche et bien aérée. Un étang1 de 20 mètres de
longueur, de 6 mètres de largeur et de lm,50
à 2 mètres de profondeur, peut log^er sans incon-
vénient plusieurs centaines de truites pendant la
troisième année : le peuplement peut aller jusqu'à
deux ou trois poissons pour chaque mètre cube
d'eau. Avec une alimentation d'eau de 1 mètre-
cube par heure, on peut élever 20 kilogrammes
de truites. La même eau peut servir dans un autre
bassin, si elle peut s'aérer sur le passage.
Les plantes qui conviennent le mieux aux étangs
de truites, sont celles qui favorisent le plus la
production des insectes et de leurs larves; nous
nous bornerons à citer la fétuque d'eau, le cres-
son de fontaine, la véronique et l'iris jaune. Les
roseaux et les joncs doivent être proscrits; ils ne
rencontrent pas, d'ailleurs, clans les fonds de gra-
vier, favorables aux truites, des conditions avan-
tageuses à leur développement. Les truites ne
prennent aucune nourriture végétale : elles ai-
ment à chercher le frais parmi les herbes et à
y faire la cueillette des insectes, attachés à la face
inférieure des feuilles, ce qui a fait croire quel-
quefois qu'elles les pâturaient.
Quoiqu'on puisse nourrir les jeunes truites
avec du lait caillé, des jaunes d'œufs, des lom-
brics broyés ou de la chair hachée menu, il vaut
mieux les repaître avec des insectes et avec leurs
158 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
larves, nourriture qu'elles préfèrent à toute autre
et qui leur est le plus profitable. A cet effet, ou
a inventé en Amérique une installation spéciale.
Au-dessus de la surface de l'eau, on fixe sur un
piquet solidement planté dans le fond, une cor-
beille en treillis de fil de fer galvanisé. Dans cette
corbeille, on place des déchets de viande, des in-
testins, etc., sur lesquels les mouches viennent
déposer leurs œufs. Bientôt les asticots, ou larves
de mouches, éclosent et vont tomber dans l'eau,
où les attendent les truites. Pour empêcher que la
chair ne se dessèche au soleil, qu'elle devienne
la proie des oiseaux carnivores ou répande au
loin une odeur désagréable, on recouvre la cor-
beille avec un tonneau défoncé par le bas, qui
forme cloche et plonge dans l'eau. Ce tonneau
est percé d'un grand nombre de trous de vrille,
de 0m,00ô à CP,010 de diamètre, qui permet-
tent l'accès des mouches. A côté du tonneau est
planté un poteau muni d'une console qui porte
une poulie. Une corde passe sur la poulie et vient
se fixer au centre du plafond du tonneau, muni
pour cela d'un crochet. Elle permet de le soulever
et de l'abaisser, quand on vient visiter les provi-
sions et les renouveler l. Deux anneaux, placés
sur une même ligne verticale, glissent sur une
barre de fer fixée le long du poteau, et servent à
maintenir le tonneau dans sa position, malgré
1. Seth Green, Troutcultwc, p. 50. — Slack, Pmctical troutcul-
ture, p. W'i.
ÉTANGS A TRUITES. lo9
les efforts du vent et le choc des vagues. Quel-
quefois on supprime le support de la corbeille et
on la suspend au-dessus de l'eau, dans l'intérieur
du tonneau. Tout en empêchant l'infection de
l'air, ce dernier procure aux truites un abri om-
bragé, où elles viennent guetter la proie vivante,
qui leur pleut clans la bouche.
On peut élever les truites par stabulation, dans
des bassins en maçonnerie très étroits, si on les
fournit abondamment de vivres. La meilleure
nourriture, après les insectes et leurs larves,
consiste en fretin, petits crustacés, poisson blanc
haché menu, viande de cheval découpée en petits
morceaux, vers de terre, etc. La chair salée et
le hareng* de caque sont acceptés et consommés
sans inconvénients. Quand on nourrit les truites
artificiellement, on remarque que les morceaux
de chair ou de poissons qui ne sont pas saisis
pendant qu'ils flottent dans l'eau, tombent au
fond et ne sont pas consommés. Cela tient à la
disposition naturelle des yeux de ces poissons, qui,
placés à la partie supérieure de la tête, ne peu-
vent voir au-dessous d'eux. Pour éviter l'infection
que pourrait causer la pourriture des restes de
pâture, il faut, dans l'étang1 de première année,
prendre soin de ne pas nourrir avec excès et de
ne répandre la pâtée que peu à peu, au fur et à
mesure qu'elle est absorbée. Si on n'a pas le temps
de se livrer à ce soin minutieux, on place la nour-
riture dans une corbeille en treillis de fil de fer,
160 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
couverte, formant râtelier et maintenue immer-
gée à la surface de l'eau. Les poissons y viennent
choisir les bribes qui leur conviennent. Au-des-
sous de ce râtelier, on place, sur le fond, un large
plateau à bords relevés, destiné à recueillir les
morceaux perdus, qu'on enlève de temps en
temps. Dans les étangs de deuxième et de troisième
année, cette disposition n'est pas nécessaire: quel-
ques écrevisses qu'on y répand se chargeront
de maintenir la propreté, sans nuire aux truites.
C'est surtout dans les viviers où les truites sont
élevées artificiellement et réunies en grand nom-
bre dans un petit espace, qu'il faut avoir soin de
se ménager de nombreux compartiments, pour
recevoir chacun des truites de même taille. Sans
cela les plus fortes dévorent les plus faibles. Il suffît
d'une différence d'un quart dans la longueur pour
mettre la plus petite en danger. Lorsque la nour-
riture est insuffisante, les truites s'attaquent en-
tre elles, quoique de mêmes dimensions, et se mor-
dent près de la queue. Toute truite mordue peut
être considérée comme perdue; en peu de jours,
elle meurt de sa blessure.
Il est rare que les truites puissent frayer dans
les étangs mêmes. Lorsque les circonstances le
permettent, on leur prépare des frayères artifi-
cielles, soit dans les rigoles d'alimentation, soit
près de leur embouchure, afin de leur procurer
de l'eau vive. En tout cas, il faut munir de grilles
les rigoles d'admission ou les ruisseaux qui ali-
ÉTANGS A TRUITES. 161
mentent l'étang-, pour que, pendant la saison des
amours, les truites ne puissent s'échapper, en
remontant le courant, et ne deviennent une proie
facile des braconniers et de leurs autres ennemis.
On peut élever avec succès des ombres cheva-
liers dans les étang-s à truites et dans les marnes
conditions. Le saumon ne peut pas donner de ré-
sultats, parce que le séjour dans l'eau de mer lui
est indispensable pour acquérir tout son dévelop-
pement.
GAUCKLER. \[
4° — ETANGS A COREGONES
La famille des corég*ones, qui comprend la
fera, le lavaret, la grande maraene et d'autres
espèces, peut s'élever dans des étang*s de toutes
dimensions, même quand leur profondeur est
limitée, et qu'ils ne sont alimentés que par infil-
tration, pourvu que l'eau soit fraîche et pure.
Pour peupler les bassins, il suffit de semer des
œufs fécondés sur un fond de gravier ou de gros
sable, dans une eau aérée mais tranquille, et
à une profondeur d'au plus 0,"1 50 d'eau. On
aura soin de les éparpiller et de ne pas les ag*-
g'Iomérer par groupes. Il est indispensable que
les œufs ne se touchent pas, sans cela, la perte
de quelques-uns d'entre eux, qui se couvrent
d'une espèce de moisissure appelée byssus, en-
traînerait la mort de tous leurs voisins.
On garnira le bassin de moules d'eau, de pla-
norbes, de lymnées des étang-s et d'autres mol-
lusques, dont la progéniture sert de première
nourriture aux alevins. Quand ils ont acquis une
taille suffisante, ils dévorent aussi les vers et les
ÉTANGS A CORÉGONES. 103
petits insectes que l'exiguïté de leur bouche
leur permet de saisir.
En 1868, on a obtenu à l'établissement de Hu-
ningue des feras adultes pesant environ 500
grammes et- provenant de fécondations artificiel-
les. Elles vivaient dans un bassin d'un peu plus
de 1 mètre de profondeur, alimenté uniquement
par les eaux du sous-sol , et formaient une popu-
lation très dense, d'environ trois individus par
mètre carré.
Les feras peuvent se transporter vivantes à de
grandes dislances et prospèrent très bien après
leur voyage. On peut donc les propager par colo-
nisation. Leur reproduction par la pisciculture
artificielle n'est pas plus difficile que celle des
truites.
Gomme les grandes maraenes, surtout celles
du lac de Madu, en Prusse, atteignent de for-
tes dimensions dans des étangs d'une profondeur
limitée, il serait profitable d'acclimater en France
cet excellent poisson, et de le domestiquer dans
nos bassins d'eau.
5° — ETANGS A ANGUILLES
Presque toutes les eaux conviennent à l'an-
guille; elle prospère dans les rivières aussi bien
que dans les étangs et les marais, mais la chair
de ce poisson sera d'autant plus savoureuse
qu'elle proviendra d'eaux plus vives et plus pures.
Les étangs à anguilles doivent être soigneuse-
ment protégés par des treillages métalliques ,
pour qu'elles ne puissent pas s'échapper par les
vannes d'admission ou les bondes de trop-plein.
On fait grandir de petites anguilles , provenant
de la montée , dans des bassins étanches , dont
on protège les issues avec de la toile ou une gaze,
qui laisse filtrer l'eau et retient les poissons.
Au commencement, les petites bêtes filiformes
se nourrissent d'infusoires, qu'elles rencontrent
dans l'eau. Un peu plus tard, on leur donne des
lombrics et des larves d'insectes , écrasés et ré-
duits en pâte. Quand les anguilles ont atteint des
dimensions suffisantes, elles dévorent du frai de
grenouilles, des insectes, des limaces, des crus-
tacés, des mollusques et de la chair hachée : du
fumier de brebis, qui renferme toujours un grand
ÉTANGS A ANGUILLES. 105
nombre de larves d'insectes , peut contribuer
beaucoup à accélérer leur croissance.
Dans un étang* de 1 hectare, on place environ
2,000 anguilles d'un an. On ajoute des chevaines,
des gardons, des ablettes, des vérons et surtout
des gTenouilles et des écrevisses, dont elles sont
extrêmement friandes.
S'il existe un cours d'eau dans le voisinage de
l'étang1, il faut isoler ce dernier au moyen d'une
petite palissade que l'anguille ne puisse pas
franchir. Sans cela, elle gagnera les eaux vives
en passant à travers champs, et s'échappera.
Dans le cas contraire, il faut ménager des berges
assez peu inclinées, afin que le poisson puisse,
sans trop de peine, quitter l'eau pendant la nuit,
et aller se repaître de limaces et de vers de terre,
qui sortent à l'air, pendant l'obscurité, pour dé-
vorer les herbes.
En trois ou quatre ans, l'anguille arrive à peser
1 kilogramme et à devenir marchande. On ne
l'élève que dans des terrains marécageux, ou à
fond de glaise, qui ne peuvent servir ni pour la
carpe, ni pour la truite; quelquefois on en place ,
mais en petit nombre, dans les étangs à carpes.
On peut les nourrir artificiellement avec des tri-
pailles, du foie ou du poumon de bœuf et des re-
buts de viandes hachés. Les fonds de sable ne
conviennent pas à l'anguille, surtout pendant
l'hiver, parce qu'elle ne peut pas y établir les
galeries, où elle se réfugie durant les froids.
6° — ETANGS A ECREVISSES
Les étangs à écrevisses doivent consister sur-
tout en fossés alimentés d'eaux vives, afin d'of-
frir à ces crustacés un grand développement de
rives, dans lesquelles ils choisissent leurs retrai-
tes. Ces fossés peuvent en même temps servir à
élever des truites. Le plus souvent, on se borne
à tenir les écrevisses dans des viviers en maçon-
nerie, où elles grandissent et s'engraissent. Le
sol doit en être graveleux à une gTande profon-
deur, et l'alimentation d'eau vive, très abondante.
Ces viviers peuvent servir de cressonnières.
Pour que le test des écrevisses puisse se renou-
veler, il faut qu'elles rencontrent dans l'eau le
calcaire nécessaire. Si les eaux ne renferment pas
de chaux, il faut que les pierres des parois des
viviers la leur fournissent. La petite quantité
d'acide carbonique que les eaux renferment tou-
jours, leur fait dissoudre la quantité de carbo-
nate de chaux nécessaire, dont profitent les crus-
tacés. A défaut de cette précaution , on risque de
voir les belles et grandes écrevisses à pattes rou-
ÉTANGS A ÉCREVISSES. 167
ges dévorées par la petite écrevisse noire, qui
prospère dans les eaux siliceuses , ou bien le
peuplement meurt et disparaît, faute de pouvoir
remplacer sa carapace pendant les mues.
On nourrit les écrivisses de larves d'insectes ,
qui se développent dans le fumier; de détritus
de toutes sortes, animaux ou végétaux, de sang'
de bœuf frais, etc. Elles aiment surtout la cbair
fraîche. Bien soignées, elles peuvent atteindre
des dimensions extraordinaires. En 1590, on
mandait de Bohême qu'on disposait d'écrevisses
aussi grandes que des cochons de lait âg^és de
deux semaines l.
Les écrevisses croissent lentement et doivent
être séparées par taille, pour ne pas s'entre-dévo-
rer au moment des mues. De nombreux réfugies
leur seront ménagés au moyen de pierres super-
posées le long des bords. Les petites écrevisses,
de moins de 1 centimètre de longueur, s'enfon-
cent dans le sol , quelquefois à plus de 1 mètre
de profondeur, et y passent leur première jeu-
nesse.
1. Horack, Culture des étangs en Bohême, p. io6.
7° — PRODUITS VÉGÉTAUX DES ÉTANGS
Nous avons vu que les insectes, les mollusques
et les crustacés qui vivent dans l'eau, jouent un
grand rôle dans l'alimentation des poissons, et
constituent pour eux une nourriture aussi agréa-
ble que substantielle. Pour produire ces petits
animaux à profusion , il faut que l'étang* soit
abondamment pourvu des végétaux qui les hé-
bergent. Parmi les plantes aquatiques, il en est
qui sont particulièrement favorables à la propa-
gation d'insectes nourriciers ; d'autres le sont
moins, mais se prêtent à divers usages , qui leur
assignent une valeur agronomique assez élevée;
d'autres enfin, sont inutiles ou nuisibles, et doi-
vent être proscrites. Si l'on dispose de grandes
étendues d'eau , dont l'exploitation se combine
avec celle d'une ferme agricole, on réserve des
espaces limités à la culture des plantes utiles,
afin de parer à tous les besoins de l'économie ru-
rale.
La plante qu'on rencontre le plus communé-
ment clans les eaux fermées et sur les rives abri-
tées des rivières, c'est le roseau (arundo phrag-
PRODUITS VÉGÉTAUX DES ÉTANGS. 16!)
mites). Il prospère dans les terrains vaseux et
fertiles , et pousse dans tous les sols qui ne sont
pas exclusivement argileux. Ses usagées sont très
variés et lui constituent une utilité exception-
nelle. Très jeune, il fournit plusieurs coupes et
sert de fourrag'e vert pour les chevaux. On le
donne aussi aux vaches, mais alors il est haché
avec de la paille ou mélangé avec des fourrages
secs. Sa valeur nutritive est très grande. Le ro-
seau sec renferme de 18 à 19 pour 100 de pro-
téine, quantité supérieure à celle que contiennent
presque tous les autres fourrages, à l'exception
de la jeune luzerne. Quand il a toute sa hauteur
et mesure environ 2 mètres, on le récolte et on
le fait sécher pour servir de couverture pour les
meules, de chaume pour les hangars ou de mu-
railles pour les huttes abris où se tiennent les
gardes. Dans la construction des maisons, on
s'en sert pour garnir les plafonds et les cloisons,
qui doivent recevoir une couche de plâtre. Enfin
il remplace la paille et les feuilles sèches comme
litière pour les bestiaux. La production du roseau
n'est donc nullement indifférente, au point de
vue du rendement pécuniaire d'un étang.
On emploie différentes méthodes pour propa-
ger le roseau. Au fond des eaux permanentes,
sur un sol toujours submerg-é, on ne peut recou-
rir qu'à l'ensemencement. On récolte des graines
bien mûres et on les pétrit avec de la terre grasse
de manière à former des boules, de 0m,06 à
17(1 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
0m,10 de diamètre. Ces boules sont disséminées
sur le sol qu'on veut garnir, et, bientôt, les
graines g*erment et s'enracinent dans la terre.
Dans les étang's on profite de la vidange, pour
planter dans des fosses de 0m,30 à 0m,60 de
profondeur (selon la longueur des racines), des
mottes de terre portant des roseaux. La plan-
tation se fait au printemps, avant la formation
des nouvelles pousses. Enfin pendant le mois de
juillet, on peut piquer des tigres de roseaux clans
des endroits vaseux et bien abrités, où elles pren-
nent racine. En automne , on enlève ces boutures
avec leur motte, et on les met en place. Après
la plantation, on maintient l'humidité du sol;
mais on ne le mettra en eau que lorsque les jeu-
nes pousses auront atteint une longueur deOm,30.
Les plantations de roseaux se développent avec
une grande vigueur ; elles finissent par former des
massifs impénétrables aux poissons de moyenne
taille. Il faut donc en modérer l'extension et la
circonscrire dans certaines limites, pour ne pas
porter préjudice au développement du peuple-
ment piscicole. Par contre, ils fournissent au
poisson de nombreux insectes , des graines et des
détritus, dont il fait son profit. Comme les ro-
seaux ne peuvent vivre que dans des profondeurs
d'eau inférieures à 2 mètres, leur envahissement
n'est pas à redouter dans les étang-s profonds,
dont tout au plus ils peuvent garnir les rives.
Pendant Fassec, il est facile de les extirper en
PRODUITS VÉGÉTAUX DES ÉTANGS. 171
arrachant les racines et les brûlant, opération
que la charrue facilite beaucoup , quoique son ac-
tion ne suffise pas pour amener seule une des-
truction totale.
Uacore (acorus calamus) est une herbe dont la
tige atteint I mètre de Hauteur et porte une fleur
en forme de panicule. Ses racines, qui atteignent
une grosseur de 0m,03, sont Recherchées pour la
distillation, la pharmacie et la confiserie. Il se
plaît clans des eaux qui n'ont pas plus de 0m,30
à 0m,60 de profondeur. On le plante au prin-
temps, en lignes distantes de 2 mètres, en re-
piquant, avec des intervalles de 0m,60, des cayeux
portant des feuilles. La culture de l'acore est
favorable aux poissons.
De toutes les plantes aquatiques, la meilleure
pour le peuplement est \<\, fétuque flottante (festuca
fluilans), dont les feuilles douces et tendres sont
consommées par les carpes, et constamment cou-
vertes de myriades d'insectes et de petits crusta-
cés. Ses gTaines sont très nutritives; mais ses
fortes racines sont une g'êne pour le labourage.
La lentille d'eau (lemna) tapisse la surface de
l'eau d'innombrables petites feuilles flottantes,
dont les faces inférieures portent des racines plon-
geantes. Elle foisonne surtout dans les étangs
qui reçoivent des eaux grasses, et abrite de nom-
breuses colonies de petites proies, que les poissons
y viennent récolter. Cette plante ne réussit que
dons les eaux abritées; les vents la rejettent
172 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
sur les berges et la font périr par dessication.
La châtaigne d'eau (trapa natans) est une plante
annuelle dont les feuilles ressemblent à celles de
l'ortie; ses fruits sont mangeables. Elle aime un
sol marneux et gras. Ses feuilles sont consom-
mées par les chevaux. Quand elle se répand à
l'excès; il suffît de la faucher sous l'eau, avant
la maturation des châtaignes; on en empêche
ainsi la reproduction, qui ne peut avoir lieu que
par ensemencement.
Parmi les plantes utiles dans les étangs, nous
citerons encore les nénuphars, qui conviennent
particulièrement aux étangs à truites; la spargule
d'eau (polygonum amphibium); la renoncule
aquatique (ranuncula aquatilis); le cresson de
fontaine (nasturtium) et celui de marais; l'iris
jaune (iris pseud-acorus), et la véronique d'eau
(veronica beccabunga).
Les plantes à détruire sont les joncs (scirpus
lacustris) qui produisent peu d'insectes et servent
à certains usages domestiques; le Typha latifolia,
la Glyceriaaquatica, la Phalarisarundinacea, etc.
III
LES FRAYÈRES ARTIFICIELLES
De temps immémorial, les Chinois ont pratiqué
la pisciculture au moyen de frayères artificielles.
Voici ce qu'en rapporte Duhamel, d'après Y His-
toire générale des voyages { :
« La Chine offre une prodigieuse abondance
de poissons; les rivières, les lacs, les étangs, les
canaux même y sont remplis de poissons, qui
fourmillent jusque dans les fossés qu'on creuse
dans les champs, pour conserver l'eau qui sert à la
production du riz. Ces fossés sont remplis de frai
ou d'œufs de poisson, dont les propriétaires tirent
un profit considérable.
« On voit tous les ans, sur la grande rivière
du Yang"-tse-Kiang\ à peu de distance de Kien-
King'-fou, dans la province de Kiang-si, un nom-
bre surprenant de barques qui se rassemblent
1. Duhamel du Monceau, Traité général des pêches, 1772.
174 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
pour acheter du frai. Vers le mois de mai, les ha-
bitants bouchent la rivière en plusieurs endroits,
dans l'espace de neuf à dix lieues, avec des nattes
et des claies, qui ne laissent d'ouverture que pour
le passage d'une barque, afin d'arrêter le frai,
qu'ils savent distinguer du premier coup d'œil,
quoiqu'il ne produise presque aucun changement
à l'eau. Ils emplissent des tonnes avec cette eau
chargée de frai, pour la vendre aux marchands,
qui la transportent en diverses provinces, ayant
l'attention de remuer cette eau de temps en temps.
Elle se vend par mesure, à ceux qui possèdent des
étangs. Dans l'espace de peu de jours, le frai
commence à paraître et forme de petits bancs,
étant si petits qu'ils sont presque imperceptibles.
On les nourrit avec des lentilles d'eau et des
jaunes d'oeufs, à peu près comme on nourrit en
Europe certains animaux domestiques. On em-
poissonne aussi des canaux avec des poissons
qn'on tire des rivières et des lacs. »
L'auteur ajoute : « Quelques-uns disent que
si l'on arrache une racine d'arbre chargée de
chevelu et dépouillée de la terre qui l'environnait,
que vers la fin d'avril ou au commencement de
mai, on la mette quelques jours attachée à une
corde, dans un endroit où le poisson fraie, elle se
trouve en peu de temps très chargée de frai, et
qu'en la transportant promptement dans une
mare, la tenant à 0m,10 sous l'eau, le frai y éclôt
et l'empoissonne. »
LES FRAYERES ARTIFICIELLES. 17S
Quelquefois les Chinois récoltent les œufs au
moment de la ponte, au moyen d'un petit filet à
mailles très étroites. Le frai est placé dans des
cuviers remplis d'environ 0m,05 d'eau, et placés
dans des endroits frais et ombragés, mais où
les rayons du soleil puissent pénétrer, et où il
éclôt1. Ce procédé a été employé dans d'autres
contrées. En France, dans le département de
l'Isère, depuis un temps immémorial, les pê-
cheurs font au lac Paladru la récolte des œufs de
cyprins2. Dès les premiers jours du printemps,
vers le milieu du mois de mars, ils déposent dans
le lac des branches d'arbres verts et de brous-
sailles, qui servent aux poissons à se débarrasser
de leurs œufs. Ces derniers sont transportés en-
suite dans les localités destinées à être empoisson-
nées. Eu Bohême, on garnit de branches de bou-
leau les berges des étangs à feuilles, pour recevoir
le frai des carpes.
Les frayères artificielles seront disposées d'une
manière différente, selon qu'il s'agira de faciliter
la ponte des poissons qui déposent leurs œufs sur
les plantes aquatiques, ce qui a lieu pour un
grand nombre de ceux qui fraient en été, ou de
ceux qui les épanchent sur un fond de gravier,
comme le font le plus souvent les espèces qui se
reproduisent pendant la saison froide.
1 . Dabry de Thiersant , La Pisciculture et la pêche en Chine,
p. 110.
2. Dr Soubeyran, La Pisciculture chez divers peuples, p. 21.
176 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
Lorsque les eaux renferment une grande abon-
dance d'herbes propres à recevoir le frai, on se
borne à les faucarder en partie, pour obliger le
poisson à se reproduire exclusivement sur les
herbages ménagés à cet effet. On peut alors faci-
lement récolter les œufs, en coupant les herbes
qui en sont chargées, pour les transporter aux
endroits où doivent se faire les éclosions.
Si les herbes font défaut, comme cela peut arri-
ver dans un étang' à truites à fond de gravier, on
y peut suppléer artificiellement, afin d'obtenir des
reproductions. A cet effet, on place sur les bords
de l'étang' ou des cours d'eau, des fascines de bois
menu '. Ces fagots, ou bourrées, sont dressés dans
l'endroit le mieux exposé, à quelques mètres de
distance les uns des autres. La moitié du fagot
qui présente le plus de brindilles plongera dans
l'eau; l'autre moitié sera fixée sur le rivage. Ces
frayères devront être placées avant l'hiver, dans
des endroits peu fréquentés par l'homme, pour
que le poisson s'accoutume à leur vue, et aussi
pour que le bois perde, à la fois, son odeur et le
tannin qu'il peut contenir.
On peut remplacer les fag'ots par des claies de
lm,o0 à 2 mètres de longueur, formées par un ca-
dre rectangulaire, sur lequel on fixe, perpendi-
culairement à sa longueur, cinq ou six lattes
transversales. On garnit les claies de branches
I . Isidore Lamy, Nouveaux éléments de pisciculture.
LES FRAYÈRES ARTIFICIELLES. 177
de genévrier ou de chevelu de racines de plantes
aquatiques, et on les place obliquement contre la
rive. La partie inférieure est maintenue à la hau-
teur voulue, au moyen de pierres attachées avec
des cordes, et la partie supérieure est fixée à terre.
(FiS. 41.)
Quelquefois on se sert de claies circulaires, for-
Fig. 41. — Frayère à claies.
mées de cerceaux qui maintiennent des lattes
croisées à leur centre. On garnit ces disques de
branchages et on en place plusieurs les uns au-
dessus des autres, en les attachant à quelques
piquets plantés dans le sol.
Enfin on peut se servir de caisses de bois rem-
plies de terreau, où l'on a planté des herbes aqua-
GAUCKLER. 12
178 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
tiques avec leurs racines. On immerge ces caisses
aux endroits les plus favorables, environ trois
mois avant la ponte. Elles attireront infaillible-
ment le poisson, quand il éprouvera le besoin de
frayer. (Fig. 42.)
On facilite le frai des carpes dans des étangs
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Fig. 42. — Frayère artificielle.
froids, en immergeant des tables, auxquelles on
donne une légère inclinaison. On les couvre avec
des mottes de gazon, dont les herbes sont tour-
nées vers le ciel, et qui sont surmontées de 0m,20
d'eau à la partie la plus basse, et de 0m,05 à
la partie la plus élevée, en supposant à la table
une longueur de 4 à 5 mètres. Par l'action du soleil,
l'eau s'échauffe singulièrement sur les herbes et
LES FRAYERES ARTIFICIELLES. 179
les carpes viennent volontiers y déposer leur frai.
Tous ces appareils de frayères artificielles doi-
vent être mis à l'abri des vagues que peut sou-
lever une tempête, et défendus, au besoin, contre
elles, par une cloison en planches placée à une
petite distance.
Au moment de l'éclosion, il faut protéger les
œufs contre leurs ennemis naturels. A cet effet,
on dépose dans des paniers d'osier les herbes et
branchages chargées de frai. On les immerge aux
endroits choisis et on les amarre à un piquet,
après avoir chargé le panier d'un nombre suffi-
sant de pierres pour le maintenir sous l'eau.
Quand les alevins sont éclos, il suffit d'ouvrir le
couvercle pour leur donner la liberté. On rem-
place quelquefois les paniers par des caisses dont
les parois portent des jours g'arnis de toiles mé-
talliques, à mailles assez serrées pour empêcher
l'accès des ennemis du frai, sans empêcher l'eau
de circuler et d'apporter des infusoires, des con-
ferves et de petites algues, qui seront la première
nourriture des jeunes poissons.
Pour créer des frayères à truites dans des eaux
à fond vaseux', on choisit un endroit où il y ait
du courant et peu de profondeur. Au mois de sep-
tembre, on y transporte du gravier bien purgé,
de la grosseur de 0m,01 à 0m,04; on en établit
une couche de 0m,20 à 0m,25 d'épaisseur sur une
1. Millet, La Culture de l'eau, p. 142.
180 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
surface de 2 à 3 mètres carrés. Les truites vien-
dront y établir leur nid et y déposer leurs œufs.
Lorsqu'on dispose d'un petit ruisseau à forte
pente, qui alimente l'étang' ou qui se déverse dans
une rivière à truites, on peut établir des frayères
dans les meilleures conditions. On commence par
poser une gorille à l'endroit qu'on ne veut pas voir
dépasser par les truites qui remontent le courant,
soit à cause des dangers qu'elles pourraient cou-
rir au delà, soit parce qu'on veut borner le rayon
de la surveillance à exercer. Puis on y dispose
un certain nombre de frayères artificielles. On
les place au pied des rapides, où les eaux ne g"è-
lent jamais à fond et sont fortement aérées. Si la
pente est trop accusée, on la rompt au moyen
d'une série de petites cascades, qui remplacent
avantageusement les rapides : il ne faut pas que
la vitesse d'écoulement de l'eau soit assez grande
pour entraîner les œufs pendant la durée de l'in-
cubation.
A côté de chaque frayère, on laisse un espace
suffisant pour le poisson qui remonte ou qui des-
cend Je ruisseau, afin que l'opération de la ponte
ne soit pas troublée par le va-et-vient. Quand la
fraie est terminée, et que la femelle a achevé de
couvrir les œufs avec du gTavier, il faut empê-
cher que d'autres couples ne viennent frayer au
même endroit. En creusant leur nid à leur tour,
ils découvrent les œufs antérieurement pondus,
les détériorent et les dévorent avec avidité. On
LES FRAYÈRES ARTIFICIELLES. 181
recouvre donc la frayère au moyen de quelques
broussailles fixées par des piquets, de caisses en
planches à parois percées de trous de vrille, d'un
treillage en fer galvanisé, ou d'un simple panier
d'osier chargé de quelques pierres. Chaque nid ne
doit jamais servir qu'à un seul couple.
On favorise la ponte en couvrant les frayères
avec quelques planches formant pont par-dessus
le ruisseau. Elles procurent aux poissons l'ombre,
la tranquillité, et surtout la sécurité contre les
oiseaux pêcheurs, qui les guettent, eux et leur
progéniture.
IV
AMÉNAGEMENT DES RIVIÈRES
ET DES CANAUX
Dans les fleuves, les rivières navigables et dans
les canaux de navigation, la pêche n'est consi-
dérée que comme un produit accessoire, qui a été,
le plus souvent, complètement sacrifié aux inté-
rêts majeurs des transports : il n'est cependant
ni difficile, ni coûteux de concilier ces deux in-
térêts.
La canalisation et l'endiguement des cours
d'eau, en rendant mobile le fond des rivières
pendant les crues, y ont détruit en grande partie
les végétaux qui servent à l'alimentation et à la
reproduction des poissons les plus vulgaires,
sans lesquels ne peuvent vivre les espèces les
plus recherchées, qui s'en nourrissent. Le mou-
vement des vagues produites parla navigation à
184 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
vapeur disperse le frai déposé sur les plantes
qui garnissent les rives; les œufs sont décollés
des herbes, projetés sur les berges et périssent, en
se desséchant. Les crues rapides et les baisses
qui arrivent subitement, sont autant de causes de
destruction du frai.
Enfin la mobilité du fond, dont les graviers
broient à la fois l'œuf et son alevin, ne permet
pas au peuplement de se maintenir.
Si ces cours d'eau étaient munis d'un nombre
suffisant d'abris pour le frai, pour l'alevin et
pour le poisson adulte, si on rétablissait les pâ-
turages herbeux, produisant insectes et feuillage,
nourriture de la plupart des poissons, nul doute,
qu'eu ég^ard à l'extrême puissance de reproduc-
tion de ces animaux, en peu de temps nos ri-
vières récupéreraient, en grande partie, leur ri-
chesse d'autrefois.
Dans les contrées où la civilisation n'a pas en-
core accompli ses grandes œuvres ; où les riviè-
res ne sont pas endiguées et reçoivent les eaux
d'égouttement d'immenses pâturages; où les
cours d'eau communiquent librement avec de
vastes étangs et des marécages, dans lesquels le
poisson blanc pullule à portée d'une nourriture
inépuisable, la pêche, malgré tous les abus, con-
tinue à donner de merveilleux résultats. Tel est
l'état des rivières de la Hongrie, et en général,
de l'Europe orientale.
La construction des digues a isolé nos cours
AMÉNAGEMENT DES RIVIÈRES. 185
d'eau navigables de leurs anciens bras, d'où
leur arrivait en grande partie leur peuplement.
Serait-il impossible aujourd'hui de les remettre
en communication, tout en ayant soin de mu-
nir les têtes des canaux d'accès de vannes
qu'on pourrait fermer pendant les crues? Ne
pourrait-on pas endiguer celles des noues qui
pour cela offriraient des facilités particulières,
et les réunir au lit des rivières à titre de ports à
poissons? Nous n'y voyons aucun obstacle. Ces
vieux bras et ces ports, constitués en réserves,
abriteraient le poisson pendant la saison des
amours, et lui serviraient de refuge pendant les
crues. L'excédent de leur population se déverse-
rait incessamment dans le cours d'eau principal
et en enrichirait la pêche.
Des anses ménagées dans les rives et munies
de frayères artificielles, ou des bassins établis
dans les dépressions naturelles du terrain, pour-
raient remplacer les anciens bras ensablés au-
jourd'hui. Une baie de 1 are de superficie et
d'une profondeur de 0m,40 à 0m,50 placée de
2 en 2 kilomètres, suffirait pour approvisionner
de carpes et de tanches une rivière de 30 mètres
de largeur !. Si on ne pouvait pas multiplier
ces baies, une mare de 30 à 40 ares, sans com-
munication avec le lit principal, suffirait pour
approvisionner, par colonisation, une longueur
i. Dr Lamy, Nouveaux éléments de pisciculture, p. 81.
186 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
de 10 kilomètres. Le long des canaux de navi-
gation, près des maisons éclusières, il ne serait
ni difficile, ni bien coûteux d'établir des bas-
sins d'alevinage, dont les reproducteurs seraient
fournis par les locataires mêmes de la pèche. Ces
bassins pourraient servir de viviers d'entrepôt
des poissons pendant les chômages, lorsque la
cuvette des biefs serait mise à sec pour recevoir
des réparations.
Pendant la vidange des biefs des canaux de na-
vigation, il périt toujours une immense quantité
de jeunes poissons, qu'on pourrait sauver pour
repeupler le canal lors de la mise en eau. 1! suffi-
rait pour cela de pratiquer dans les biefs, à en-
viron 10 mètres en aval de chaque écluse, un
approfondissement analogue à la poêle des
étangs. Sa longeur serait déterminée par la sur-
face du bief, et sa largeur ne dépasserait pas la
moitié de celle du fond de la cuvette. Quand on
fait baisser les eaux, les poissons remontent le
courant. Il suffirait de ralentir l'écoulement à la
fin de l'opération, et de maintenir un petit filet
d'eau fraîche, découlant de la porte de l'écluse
supérieure, pour rassembler tout le poisson dans
la poêle. La pêche y serait aisée, ainsi que le trans-
port dans le bassin de dépôt. Le plus souvent
même, on pourrait maintenir cette alimentation
pendant toute la durée du chômage. Il est vrai
qu'on peut, par une manœuvre appropriée, attirer
une partie du poisson dans le sas de l'écluse et de
AMÉNAGEMENT DES RIVIERES. 187
là, ensuite, le faire passer dans le bief supérieur.
Mais on ne sauvera pas ainsi le fretin, et sou-
vent il est nécessaire de mettre à sec plusieurs
biefs consécutifs. La création de bassins de dé-
pôts s'impose donc comme une nécessité, si on
veut maintenir les produits de la pêcbe dans les
canaux.
Dans les rivières et les canaux, il se développe
souvent une cause de dépeuplement qu'il con-
vient de surveiller : c'est la surabondance des
brochets. Tous les ans, à la fin du mois d'août,
une pêche générale devrait être exécutée au filet
traînant. L'emploi de ce filet ne présenterait, à
cette époque, aucun inconvénient pour le frai, et
il est indispensable pour capturer tous les gros
brochets et pour détruire une partie des broche-
tons. La population du brochet ne devrait pas ex-
céder celle d'un deux-centième des autres pois-
sons de même taille, quand le peuplement est com-
plet. Lorsque la rivière est dépeuplée, il faut y
supprimer tous les brochets qu'on peut atteindre,
et dans aucun cas, il n'en faudrait conserver dont
le poids dépassât 500 grammes. Lorsque la ri-
vière nourrit des truites, des ombres communs
et des perches, il n'y faut tolérer le brochet d'au-
cune façon.
Dans une rivière dépeuplée depuis dix ans, il a
été fait en 1867 une pêche exceptionnelle, dans
le but de prendre un gros brochet signalé de-
puis quelque temps. Sur 2 kilomètres de par-
*8K LES POISSONS D'EAU DOUCE.
cours, la seine a capturé une trentaine de bro-
chets, maigTes, mais fort longes. Ils pesaient
de 6 à 12 kilogTammes et leur chair était sèche
et coriace. Ils avaient fait disparaître les truites
et les ombres communs qu'autrefois on péchait
avec abondance.
Ce n'est pas qu'il faille détruire complètement
le brochet, qui est excellent à mang*er quand il
n'est pas trop âg*é et qu'il a été bien nourri; mais
il en faut limiter le nombre dans les canaux et dans
les rivières. Il ne faut le supprimer complète-
ment que dans les parties réservées pour la re-
production, aussi bien que les lottes, les anguil-
les et les perches, qui se nourrissent de frai et
d'alevins. En g*ens pratiques, les Anglais ont mis
à prix la tête du brochet dans toutes leurs ri-
vières à saumons.
La principale richesse des gTands cours d'eau est
fournie par les poissons voyageurs. Ils ne man-
gent presque pas dans les eaux douces, et tirent
toute leur substance de la mer. Leur conservation
et leur multiplication doit être un des principaux
buts de la pisciculture. La reproduction artifi-
cielle du saumon peut contribuer à en peupler
les rivières; mais il faut surtout qu'il puisse y re-
monter à son retour de la mer et s'y multiplier
naturellement. Les bassins de reproduction ar-
tificielle établis dans la Grande-Bretagme n'ont
pas donné les résultats espérés. C'est encore le
frai natuurel du saraon, qui, bien surveillé et ef-
AMÉNAGEMENT DES RIVIÈRES. 18!)
ficacement protégé, constitue, en Ecosse et en
Irlande, la base du repeuplement.
Il est donc essentiel d'établir des passages ou
échelles à poissons partout où des barrages, con-
struits pour favoriser la navigation ou pour met-
tre en mouvement les roues des usines, intercep-
tent le chemin que les poissons suivent à la
montée. Ces échelles, dans nos rivières si sou-
vent appauvries durant les sécheresses, se com-
posent d'une série de vasques, juxtaposées sur
un plan incliné d'un cinquième au plus de la
hauteur à franchir. Elles sont assez grandes et as-
sez profondes pour que le poisson puisse s'y repo-
ser et reprendre son élan, sans risque de se bles-
ser. Elles communiquent par des entailles ou des
passes, pratiquées alternativement sur les côtés
des retenues et produisant de petites cascades. Le
fond est horizontal, ou incliné légèrement dans
le sens du courant, afin d'éviter l'ensablement.
Si au moment de l'élan la queue du poisson tou-
che le fond, il peut se blesser, perdre quelques
écailles, et dès lors, sa vie est compromise. L'is-
sue inférieure de l'échelle doit toujours se trouver
dans le courant principal. S'il est impossible de
remplir cette condition, il faut par un moyen ar-
tificiel, cascade ou remou produit par une con-
duite d'eau, attirer le poisson à l'entrée du pas-
sage. (Fig. 43.)
Une fois la libre circulation du poisson assurée,
il faut étudier les affluents où il aime à établir ses
190
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
frayères. Ces cours d'eau doivent être constitués
à l'état de réserves et rigoureusement surveillés.
Pendant la fraie, le poisson est sans défense et li-
vré à la merci des braconniers. Après l'éclosion,
Fig. 43. — Échelle à poissons.
l'alevin du saumon séjourne pendant un an dans
son ruisseau d'origine, et devient trop souvent,
sous le nom de reney, de tacon et de saumoneau,
la proie des délinquants. L'avenir de la pêche du
saumon repose tout entier sur la conservation du
saumoneau. Tous les efforts qu'on fera pour le
AMÉNAGEMENT DES RIVIÈRES. 191
repeuplement ne pourront aboutir h aucun ré-
sultat, si la progéniture du poisson n'est pas effi-
cacement protégée.
L'alose, qui est un des éléments principaux de
la pêche des grandes rivières, fraie en pleine eau,
pendant la nuit. Les endroits où elle pond ses
œufs doivent être observés, étudiés et bien définis.
Pendant toute la durée de la fraie, la pêche y
doit êlre interdite. D'ailleurs la pêche de nuit de
ce poisson ne devrait être permise que sur les
bords de la rivière, et sur un quart, au plus, de
sa largeur, à partir de chaque rive.
La montée des anguilles est consommée en
masse par les populations riveraines des em-
bouchures de nos fleuves. Pour un maigre repas,
elles détruisent une quantité d'anguillules capable
de peupler tout un canton de l'intérieur. La pêche
de la montée ne devrait être permise que dans
un but de repeuplement.
Il serait utile aussi de protéger spécialement
les frayères des lamproies et des éperlans. La
pêche de l'esturgeon devrait être absolument in-
terdite, pendant plusieurs années, jusqu'à ce
qu'il se soit de nouveau multiplié assez pour
qu'on puisse reconnaître ses frayères et les pro-
téger.
Il est d'autant plus nécessaire, nous le répétons,
de protéger les poissons voyageurs, qu'ils ne
consomment presque pas de poissons indigènes
et s'engraissent à la mer. Ce sont des émissaires
192 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
de nos petits cours d'eau, qui vont au loin
faire de grosses récoltes, pour nous les rapporter.
Des expériences officielles, poursuivies sur le
Rhin £, ont démontré que le saumon qui revient de
la mer ne mange plus quand il se trouve dans
l'eau douce, et ne peut porter aucun préjudice à
la population sédentaire des rivières qu'il fré-
quente. Il en est de môme de l'alose.
En repeuplant les rivières au moyen d'alevins
obtenus artificiellement, il faut avoir soin de les
disséminer dans les affluents qui leur convien-
nent. Les saumons et les truites ne quittent sou-
vent qu'à l'âge de deux ou trois ans les ruisseaux
où ils sont nés. S'ils arrivaient plus jeunes dans
les grands cours d'eau, ils seraient trop faibles
pour résister aux périls qu'ils y rencontrent.
Si l'on met en liberté, dans une grande rivière,
des saumoneaux ou des truites de moins d'un an,
il y a gTande chance que pas un poisson n'en
réchappe.
Le but à atteindre, c'est que chaque rivière
pourvoie naturellement à son peuplement. A cet
effet, elle doit renfermer un nombre suffisant de
reproducteurs. Or le poisson ne peut arriver au-
jourd'hui à l'état adulte, ni devenir capable de
reproduction, s'il n'est pas protégé. C'est pour lui
assurer cette protection qu'on a établi les réserves,
I . Darfurtii, De la nourriture et des mœurs des salmonidés et des
aloses, 1874, p. 20. — J.-G. Bertram, Theharvest of the sea, 1865,
p. 102.
AMENAGEMENT DES RIVIERES. 193
où la pèche est interdite en toute saison. Dans ces
parties de cours d'eau , le poisson séjourne et
grandit librement; il y mûrit son frai et souvent
l'y dépose; sa progéniture émigré quand la po-
pulation devient trop dense, et, quand elle se met
en voyage à la recherche des lieux de reproduc-
tion, elle revient plus tard à sa demeure habi-
tuelle. Dans ce dernier cas, la loi protège le pois-
son, même dans les cours d'eau affectés à la
pêche, car elle interdit de le capturer pendant la
saison des amours. Des réserves bien distribuées
et surveillées, sont donc un moyen très efficace
pour maintenir le peuplement des eaux.
GAUCKLER. 13
REPRODUCTION ARTIFICIELLE
DES POISSONS
La pisciculture artificielle a pour but d'obtenir
la fécondation d'une manière plus complète et
plus parfaite que celle qui a lieu sur les frayères
naturelles; de protéger les œufs et les alevins
contre leurs ennemis et les causes de destruction
qu'ils rencontrent dans les cours d'eau ; de les
placer enfin dans les conditions les plus favorables
à leur développement, jusqu'au moment où l'on
peut, sans danger, les abandonner à eux-mêmes.
L'expérience prouve que, de la ponte d'une
truite qui peut produire 500 œufs, une cinquan-
taine à peine se retrouvent dans les frayères. Sur
ce nombre, la moitié au moins périt avant d'avoir
atteint l'âge d'un an. Dans un étang qui sert à,
produire la pose des carpes et qui est bien amé-
nagé, on obtient dans des circonstances favora-
196 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
bles de 1^000 à 1,500 alevins par femelle, alors
qu'elle a pondu plus de 100,000 œufs, dont la
plus grande partie aurait pu survivre.
Pour réussir par des procédés artificiels, il faut
imiter le plus possible les procédés de la nature,
et écarter des œufs et des alevins les causes de
destruction, ainsi que les circonstances qui peu-
vent entraver leur développement.
1° — PONTE DES TRUITES EN LIBERTÉ
A l'approche des froids, pendant les derniers
jours de l'automne, les truites recherchent des
eaux à courant rapide et continu, coulant sur un
fond de gravier, pour y déposer leurs œufs. La
ponte commence dans la seconde moitié d'octobre
et se continue jusqu'aux premiers jours du mois
de mars. Plus le climat est froid, plus la fraie est
précoce; elle a presque toujours lieu avant les
grandes g'elées.
A ce moment, l'extérieur de la truite se trans-
forme d'une manière remarquable. Le ventre de
la femelle est g-onfïé par les œufs, sa robe prend
une teinte plus foncée, le poisson se meut avec
lenteur, on dirait paresseusement. Les couleurs
du mâle au contraire deviennent plus claires et
plus vives, surtout au ventre et sur les flancs.
Son poids diminue sensiblement. La mâchoire
inférieure se relève à son extrémité. La chair du
poisson perd de sa qualité, elle devient molle,
filandreuse, prend un aspect livide et contracte
souvent un g"oùt désagréable.
198 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
Vieux mâles en tête, les poissons remontent le
courant le plus loin possible '. A ce moment les
mâles combattent pour la possession des femelles.
Leur acharnement est tel, que souvent il en ré-
sulte la mort d'un des combattants, quelquefois
celle de tous les deux. Les combats cessent lorsque
les poissons se sont appariés, et dès lors les droits
de l'époux ne sont plus contestés, même par des
poissons de plus forte taille. Il les chasse, sans
combat, des environs du lieu de la ponte, quand
ils s'en approchent pour dévorer quelques œufs.
Les truites établissent alors leur nid à l'endroit
choisi. La femelle creuse un trou circulaire de
0m, 30 à O, 90 de diamètre et de 0m, 18àOm, 15 de
profondeur. A cet effet, elle écarte le gTavier avec
sa queue, en remontant le courant. Elle continue
son travail pendant plusieurs jours, jusqu'à ce
que le nid soit achevé et suffisamment g'rand pour
la contenir.
Lorsque tout est prêt et que la femelle se dis-
pose à expulser une partie de ses œufs, le mâle
est couché à côté d'elle pour les arroser de sa
laitance, toujours émise en même temps que les
œufs. A ce moment, les poissons font des mouve-
ments particuliers. Faisant tête au courant, ils se
courbent et redressent la partie antérieure du
corps, en même temps qu'ils frottent le ventre
contre le gravier et avancent d'environ un tiers
\. Seth Green, Troutculture, p. 61.
PONTE DES TRUITES EN LIBERTE. 191»
de leur long'ueur l. Très souvent le mâle et la
femelle sont couchés l'un à côté de l'autre, les
ventres rapprochés, pendant que leurs têtes se
soulèvent doucement. Ils atteignent ainsi une
position presque verticale, au moment de l'émis-
sion des œufs et de la laitance. L'opération ter-
minée, ils se quittent. Le mâle se cache pendant
une dizaine de minutes dans quelque retraite
abritée, et la femelle couvre les œufs avec du
gravier, qu'elle ramène à l'aide de sa queue et de
ses nageoires ventrales. Puis le mâle revient
inspecter la frayère. Il mange quelques œufs qui
ne sont pas couverts et retourne dans sa cache.
La ponte se répète à plusieurs reprises et de la
même manière, au fur et à mesure que les œufs
arrivent à leur maturité ; ordinairement elle dure
de trois à six jours selon la température 2. La
frayère achevée peut être comparée à une tau-
pinière plate de 0m,30 à 0m,40 de hauteur. Elle
contient souvent une brouettée de gravier et est
bordée par un fossé. Les œufs sont répandus à
peu près également au milieu du gravier, qui
les recouvre quelquefois sur une hauteur de 0m,35
à0\ 40.
Après la fraie, bien des germes de vie nouvelle
reposent dans le gravier des ruisseaux, et il n'y
aurait pas lieu de se préoccuper de la multipli-
cation des poissons, si de nombreux dangers
1. Slack, Practical Troutculture, p. 59.
2. Frank Buckland, Nat. hist., 301.
200 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
n'environnaient pas toutes ces jeunes existences.
Des essaims de poissons de toute espèce explorent
continuellement les bas-fonds pour dévorer les
œufs et les jeunes poissons qui viennent d'éclore.
D'autres couples arrivent pour frayer et déposer
leurs œufs à la même place. Ils détruisent l'an-
cienne frayère, découvrent les œufs en creusant
leur nid, et les dévorent avec délices.
Quelques œufs ont échappé à la fécondation,
d'autres ne sont pas recouverts de gravier et sont
entraînés par les eaux. Des crues emportent les
frayèrps ou les couvrent de vase qui étouffe les em-
bryons, ou bien encore elles rendent la ponte im-
possible. La baisse des eaux met les œufs à sec et les
fait périr. Puis arrivent les oiseaux pêcheurs, les
dytiques, les larves des éphémères, les rats d'eau
et d'autres destructeurs, qui accomplissent leur
œuvre pendant la ]ong*ue durée de l'incubation.
A considérer toutes ces causes de perte, qui s'a-
joutent à l'effet d'une pêche sans trêve, il n'est pas
étonnant de voir décliner rapidement la popula-
tion des cours d'eau ; il faut admirer plutôt que
la truite n'en ait pas complètement disparu.
2° — CHOIX DES REPRODUCTEURS
Le succès des opérations de la pisciculture arti-
ficielle dépend en grande partie du choix des
reproducteurs. On n'emploiera que des poissons
sains, de belles formes, pas trop gras, et on rejet-
tera impitoyablement tous les sujets qui pré-
sentent le moindre défaut. Il est essentiel que les
œufs soient complètement mûrs aussi bien que
la laitance, et qu'ils ne soient pas gâtés par suite
d'un retard apporté à la parturition. Fécondations
trop hâtives ou trop retardées, dans les deux
cas, on n'obtient que des résultats imparfaits. Là
où des pêches abondantes fournissent un grand
nombre de femelles mûres, comme c'est le cas
pour les aloses, les ombres chevaliers, les truites
des lacs et les corégones, il est facile de se procu-
rer sur place un gTand nombre d'œufs fécondés.
On peut même se servir des poissons morts pen-
dant la pêche, parce que les œufs, ainsi que la
laitance, conservent pendant plusieurs jours leurs
facultés de reproduction, à condition de rester
dans l'intérieur du poisson.
202 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
Il est moins aisé de se procurer des œufs fécon-
dés de saumon et de truites de rivière, et il arrive
parfois que la laitance manque, surtout à la fin de
la saison des amours, quand les mâles, en nombre
insuffisant, se sont prématurément épuisés f.
Dans les contrées où l'on a pratiqué la féconda-
tion artificielle pour le peuplement des eaux, ce
sont plutôt les femelles qui font défaut. En An-
gleterre, on prend souvent 7 à 8 mâles pour une
femelle, et en Bohême la proportion atteint le
double 2. La rareté croissante des femelles a été
constatée aussi dans le lac de Zurich, dont le
peuplement artificiel est l'objet des soins de l'éta-
blissement de pisciculture de Meilen, fondé de-
puis plus de vingt ans.
On ag^ira donc sagement en capturant le pois-
son avant l'époque de la fraie, et en le conser-
vant dans des viviers fortement alimentés d'eau
fraîche et pure, jusqu'à l'heure propice pour la
fécondation. Les gros saumons sont attachés quel-
quefois dans les eaux où on les a pris, au moyen
d'une corde passée à travers les ouïes, et conser-
vés vivants pendant plusieurs semaines. Les
reproducteurs de truites sont placés dans des
viviers spéciaux, à fond lisse et exempt de gra-
vier, où on vient les examiner de temps en temps.
Pour peu qu'il y ait de gravier sur le sol du
vivier, les truites mûres se mettent à frayer et les
i. Frank Buckland, Fish hatchiny, p. 292.
2. Fric, loc. cit., p. 6.
CHOIX DES REPRODUCTEURS. 203
œufs sont perdus ou dévorés. Les poissons doi-
vent être examinés fréquemment, quand appro-
che la saison de la fraie : une fois au moins tous
les trois ou quatre jours, surtout si le temps est
doux.
Les femelles seront saines et bien nourries ;
les gTOS œufs sont généralement meilleurs que
les petits ; les étés chauds leur sont plus favora-
bles que les étés froids et humides. A l'àg^e de
deux ans, la femelle de truite commence à pon-
dre et peut fournir de 200 à 400 œufs. Quand
elle est plus âgée, on compte, en moyenne, sur
2,000 œufs par kilogTamme de poisson, et la
même proportion se retrouve pour le saumon.
Pour les fécondations artificielles, opérées avec
la main, il est préférable de se servir de truites
dont le poids ne dépasse pas 1 kilogramme.
Elles ne se blessent pas aussi facilement que les
sujets plus gros, et on est moins exposé à les per-
dre par suite des opérations de la fécondation
artificielle.
3° — LA RIGOLE-FRAYERE
Spawning-race l .
On nomme rigole-frayère un canal, en forme
de ruisseau d'eau vive, placé à l'amont de l'étang"
à truites, ou du vivier où l'on conserve les repro-
ducteurs. Il attire les poissons quand ils sont
mûrs et prêts à frayer, par les facilités qu'il leur
offre pour la ponte.
L'installation de la rig*ole est différente selon
les services qu'elle est appelée à rendre.
Tantôt elle sert à capturer les poissons au mo-
ment précis de la maturité des œufs, pour les
faire servir aux fécondations artificielles; tantôt
elle reçoit le dépôt des œufs fécondés naturelle-
ment, qu'on y récolte par différents procédés, pour
les faire incuber ailleurs ; tantôt enfin, elle fonc-
tionne comme une frayère naturelle, d'où l'on
éloiguie les reproducteurs après la ponte, et où
]. Slack, loc. cit., p. 58, et Livingston, Stone, Domcsticated
Trout, p. 16o.
LA RIf.OLE-FRAYKKK.
205
les petits poissons éclosent et peuvent séjourner
pendant la première année.
Tous les étang-s qui renferment des truites
capables de se reproduire, doivent être pourvus
de rig-oles-frayères, préparées avec le plus grand
soin, afin d'attirer les truites et d'éviter des pertes
d'oeufs. Leurs parois seront construites en briques
et ciment, de préférence à tous autres matériaux,
pierres, planches, terre ou g-azon. Excepté dans
Fig. 44. — Rigole-frayère.
l'étang" d'alevinag-e, où la truite passe sa première
année, le fond du bassin ne doit nulle part être
graveleux, pendant que la rigole sera bien garnie
de gravier purgé, tel qu'il convient pour les
frayères. La pente de la rig^ole sera d'environ
0m,025 par mètre, afin de provoquer un cou-
rant rapide, et son fond se raccordera avec
celui de l'étang% parce qu'un ressaut brusque
inspire des défiances aux truites. Lorsque la
pente est trop considérable et qu'elle résulte de la
déclivité naturelle du sol, on la brise par une
série de déversoirs, établis en travers du canal et
munis chacun d'une échancrure, de manière à
200 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
représenter une échelle. Les échancrures sont
disposées alternativement à droite et à gauche
des déversoirs ; les remous qui se produisent à
leur pied attirent les poissons et les provoquent
à remonter d'un compartiment clans l'autre. Les
dimensions des rigoles peuvent varier. On leur
donne une largeur de 0m,60 à lm 60 et au moins
4 mètres de longueur; la profondeur du courant y
varie de 0m,15 à 0m,35, selon qu'on peut les ali-
menter d'eau avec plus ou moins d'abondance.
A l'approche de la saison de la fraie, on
nettoyé soigneusement la rigole et on y étend
une couche de gravier purgé, d'au moins 0ra,10
d'épaisseur. Ce gravier doit provenir de car-
rières sèches, sinon, il doit avoir passé au moins
un été au soleil et à l'air, afin de se débar-
rasser des larves d'insectes destructeurs ou de
tout autre élément d'insuccès qu'il pourrait con-
tenir. On couvre la rigole d'un plancher mobile,
muni au besoin de charnières et de contrepoids,
qui permettent de la découvrir sans effort. Ce
plancher sera soigneusement entretenu et revêtu
d'une couche de peinture au goudron minéral.
Lorsque la rigole doit servir à capturer les
poissons reproducteurs arrivés à maturité, on la
munit à ses extrémités de vannes, qui permettent
de l'isoler et de la mettre à sec. Derrière la vanne
d'aval, on pratique une fosse d'environ 0m,60
de largeur et 0m,20 de profondeur, où viennent
se rassembler les poissons quand on ferme les
LA RIGOLE -F RAYE HE. 207
issues et que l'alimentation d'eau s'arrête. On les
en retire avec une truble.
Lorsqu'on établit des rig^oles-frayères, on se
propose, le plus souvent, de substituer la fécon-
dation naturelle à la fécondation artificielle des
œufs de truites. Les poissons y fraient dans les
meilleures conditions, et des dispositions ingé-
nieuses, aujourd'hui très souvent employées en
Amérique, permettent de récolter les œufs fécon-
dés de la manière la plus aisée et la plus complète.
M. Ainsworth a imaginé de placer dans la
rigole une caisse en planches qui en occupe
toute la largeur. Dans l'intérieur de la caisse,
des taquets fixés contre les parois portent deux
cadres superposés, qui bordent des treillages en
toile métallique. Les mailles du treillis supérieur
sont assez largues pour livrer facilement passage
aux œufs fécondés. Ils tombent sur le treillis
inférieur, placé à environ 0m,08 plus bas, où
ils sont arrêtés par les fines mailles de la toile
métallique. Sur 0m,10 d'épaisseur, le cadre supé-
rieur est recouvert de gravier de la grosseur
d'une noix, telle qu'il ne puisse pas passer à
travers les mailles. Les truites se rendent sur
ce gravier, l'écartent pour faire leur nid et
fraient sur le treillis. Presque tous les œufs
tombent, et en remuant les pierres pour les
recouvrir, les truites font descendre sur le treillis
inférieur presque tous ceux qui auraient pu
demeurer dans la frayère. On les récolte en enle-
208
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
vant d'abord le cadre supérieur avec le gravier
et ensuite le cadre inférieur. L'application de ce
procédé exig"e une certaine main-d'œuvre et pré-
sente au moment de la récolte l'inconvénient de
déranger les truites occupées à frayer. Cependant
Mm
mm
mm®
Fig. 45. — Appareil de M. Ainsworth.
les résultats qu'on obtient égalent, quant à la
proportion des œufs fécondés, ceux que donnent
les meilleures fécondations artificielles ; mais
celles-ci font courir au poisson et au frai des
dangers, qu'on évite complètement par l'emploi
de l'appareil de M. Ainsworth. (Fig*. 45.)
M. Gollins a perfectionné cet appareil de la ma-
nière la plus beureuse.
LA R1G0LE-FRAYERE. 209
Le cadre supérieur reste fixe et peut dès lors
recevoir de grandes dimensions. Il est partagé en
compartiments capables, chacun, de recevoir un
couple de poissons. Ces compartiments communi-
quent entre eux au moyen d'échancrures demi-
circulaires se faisant face sur les côtés des com-
partiments, dans le sens du courant. La toile
inférieure est sans fin; elle repose sur des rou-
leaux actionnés par un engrenage à axe vertical,
de telle façon qu'on puisse la faire avancer ou
reculer. En avant de cette toile mobile, à l'aval,
on place un cuveau armé de tigres verticales,
qui permettent de le soulever et de le retirer de
l'eau. On voit qu'il suffît de faire avancer la toile
mobile, pour faire tomber dans le cuveau les
œufs qu'elle a recueillis. Il reste à retirer ce
dernier et à les récolter. Le cuveau est placé à
environ 0m,03 de l'extrémité de la toile mobile,
de telle sorte que les gravois qui ont pu y arri-
ver de la toile supérieure, tombent en dehors du
cuveau, où l'eau n'entraîne que les œufs fécon-
dés. L'accès de la toile inférieure est interdit aux
truites par des gTillag'es qui ferment l'appareil
vers l'amont et couvrent le cuveau en aval.
(Fig. 46 et 46 bis.)
L'emploi de l'appareil Collins se généralise de
plus en plus en Amérique, à cause des grands
avantages qu'il présente. En un quart d'heure,
un seul homme peut opérer une récolte pour
laquelle l'appareil Ainsworth exigerait une demi-
GAL'CRLER. 14
210
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
journée de travail de deux hommes. Dans ce der-
nier, le poids du gravier à soulever n'est pas
sans créer des difficultés, et expose les œufs à
Fig. 46. — Appareil Collins.
Fig. 46 bis. — Appareil Collins.
subir des influences fâcheuses, pendant la ma-
nœuvre. Dans l'appareil Collins, le gravier reste
en place. Les poissons qui y fraient ne sont pas
dérangés et peuvent continuer la ponte, pendant
LA RIGOLE-FRAYERE. 21 i
qu'on récolte le frai. Enfin, avec l'appareil Ains-
worth, on se mouille nécessairement les mains
pendant la saison froide, et l'on peut devenir
inhabile aux soins nécessaires pour faire la
récolte des œufs. Ces derniers sont exposés eux-
mêmes à subir les atteintes du froid et à éprou-
ver des pertes. Avec l'appareil perfectionné tous
ces inconvénients disparaissent.
Les essais tentés en Amérique avec ce nouvel
eng-in ont donné, sans exception, les meilleurs
résultats. Son emploi tend à s'y substituer com-
plètement à la fécondation artificielle. Les éclo-
sions obtenues des œufs qu'on en a retirés ont
procuré des résultats bien supérieurs à ceux de
tous les autres procédés.
Quelquefois les rigoles-frayères déversent leurs
eaux dans de petits bassins qui communiquent
avec l'étang1 à truites, et peuvent en être isolés
au moyen de vannag*es grillés. Les petits bas-
sins peuvent alors recevoir le produit des éclo-
sions et l'abriter pendant la première année. Il
est difficile cependant d'en écarter complètement
tous les poissons adultes.
4° — FECONDATION ARTIFICIELLE
DES ŒUFS LIBRES
Habituellement on obtient les œufs fécondés en
frottant avec la main le ventre d'un couple de
poissons mûrs, et en mêlant ensemble, dans de
l'eau, les œufs et la laitance obtenus. Le procédé
n'a rien de difficile, mais pour le pratiquer con-
venablement, il exigée de l'adresse et de l'habi-
tude.
On ne doit récolter les œufs que lorsqu'ils ont
atteint leur pleine maturité, il ne faut jamais, à ce
moment, ajourner les opérations. Les premiers
œufs sortant d'une femelle qu'on a trop long-
temps gardée en vivier, sont infécondables. Avant
leur maturité, ils sont renfermés dans deux po-
ches qui finissent par crever et les laissent
échapper dans la cavité abdominale. Ils sortent
alors sous la moindre pression du doigt, et, pour
obtenir la ponte, il suffit souvent de placer le
poisson dans la position curviligne qu'il prend rm
moment de la fraie. Aussi 'longtemps que les
œufs ne sortent pas aisément de l'anus, qu'on
FÉCONDATION ARTIFICIELLE DES OEUFS. 213
peut extérieurement les apercevoir rangés en
ligne et que le ventre est dur et résistant, le frai
n'est pas à point. Il en est de même de la laitance,
elle n'est mûre que lorsqu'elle coule sans effort.
On reconnaît la maturité aux indices suivants :
le ventre est mou, le pourtour de l'anus est gonflé
sous forme de bourrelet rouge et les œufs com-
mencent à sortir, pour peu que l'on place le pois-
son dans une position approchant de la verticale.
On sent alors les œufs se déplacer sous la plus
légère pression des doig'ts.
Les œufs sains et mûrs sont transparents, sans
taches et ne blanchissent pas l'eau qui les reçoit1.
Les œufs altérés ont des teintes louches et sont
affectés quelquefois d'opacité. Leur transparence
n'est pas parfaite et la mucosité qui les entoure
blanchit et trouble l'eau où on les plonge. Ces
œufs doivent être rejetés. Parmi ceux qui ont
bonne apparence, tous ne sont pas toujours fécon-
dés. Pendant environ 20 jours, ces œufs stériles
restent clairs et ne peuvent se distinguer des
autres que par leur poids, qui n'a pas augmenté.
Après ce temps, ils deviennent opaques et se
gâtent rapidement.
Pour procéder à la fécondation, on enlève les
poissons des viviers et on les place dans des
cuveaux larges et bas, remplis d'eau fraîche, en
séparant les sexes. Les œufs sont reçus dans des
1. Coste, Instructions pratiques pour le repeuplement des eaux.
214
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
cuvettes plates, dans des plats, ou dans des assiet-
tes creuses en faïence, en verre, en métal ou en
bois. Avec le pouce et l'index de la main g'auche
on saisit le poisson derrière les ouïes, et de la
main droite on main tient sa queue, derrière l'anus.
(Fig*. 47.) On le fait sortir vivement de l'eau, on
le couche à moitié sur le flanc et on le place au
Fig. 47. — Fécondation artificielle des œufs.
dessus de la cuvette, dans un angle d'environ
45 degTés, l'anus étant placé tout près du fond.
Ensuite on le recourbe en forme d'un S et on
laisse couler les œufs, en augmentant peu à peu
la courbure du poisson. Quand il n'en sort plus,
on presse légèrement les flancs, entre le pouce et
les autres doig*ts de la main droite, que l'on fait
g*lisser de la tête vers la queue, autant de fois
que cela est nécessaire.
FÉCONDATION ARTIFICIELLE DES OEUFS. 21b
Il arrive parfois qu'une première tentative est
sans résultat, et que la femelle retient ses œufs
par de violentes contractions. Il ne faut, dans ce
cas, rien brusquer, mais attendre. Un change-
ment de position, une immersion complète et
quelques légères frictions opérées sous l'eau,
suffisent ordinairement pour faire cesser, en quel-
ques secondes, cet état spasmodique. Les œufs
coulent alors sans difficulté.
Quelquefois une grosse truite se défend avec
vigueur et ne permet l'opération qu'au risque de
la blesser. Dans ce cas, on l'accroche à un hame-
çon, dont on a soigneusement limé la barbe, et
on la maintient dans un cuveau rempli d'eau au
moyen d'une corde d'environ lm,20 de longueur,
attachée d'un côté à l'hameçon, et de l'autre, à
une verge flexible et élastique de la même lon-
gueur. En peu de temps, l'animal épuise ses
forces et se laisse manier sans difficulté.
Les œufs sont reçus dans une petite quantité
d'eau, qui ne doit pas les dépasser de plus
de 0m,05; ils sont étendus sur le fond, sans se
recouvrir mutuellement. Si l'eau a été souillée
par d'abondantes mucosités ou par les déjec-
tions de la femelle, il faut la changer immédiate-
ment, avant de procéder à la fécondation.
Puis on saisit le mâle et on en extrait quelques
gouttes de laitance, dont on facilite la dispersion
sur les œufs, en imprimant, soit avec la main, soit
avec une barbe de plume, soit même avec la
216 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
queue du poisson, une légère agitation à l'eau,
qui prend alors une faible teinte opaline.
La laitance doit être de la couleur, de la con-
sistance et de la fluidité de la crème. Elle est al-
térée quand elle a une teinte jaunâtre. Si on est
obligé d'employer la force pour la faire sortir,
elle n'est pas mûre et ne peut donner aucun
résultat. Il est des mâles qui sont stériles et ne
donnent jamais de bonne laitance. Il convient
de les isoler et d'en disposer pour la consom-
mation.
Un seul mâle fournit assez de laitance pour fé-
conder les œufs de plusieurs femelles : avec une
goutte de laitance, on peut féconder 2,000 œufs!
Dans aucun cas, il ne faut recourir à l'emploi
de la force. Si, par des frictions trop rudes, on
enlevait la mucosité qui tapisse le corps du pois-
son, elle favoriserait plus tard la formation du bys-
sus et amènerait la perte des œufs. Il faut éviter
aussi de comprimer trop fortement le ventre,
près des ouïes, parce qu'on pourrait produire
des lésions intérieures qui deviendraient mor-
telles. Si le poisson se défend et fait des mou-
vements désordonnés, il suffît souvent de lui
maintenir le doigt pressé contre le ventre, et sa
résistance même facilitera, dans ce cas, la sortie
des œufs.
Il faut beaucoup d'adresse pour maintenir con-
venablement un poisson, et, quand il est de forte
taille, le concours de deux personnes est indispen-
FÉCONDATION ARTIFICIELLE DES OEFFS. 217
sable. D'après Fric l, en Bohême, on assujettit le
reproducteur, soit dans un morceau de bois,
creusé de telle façon que le ventre seul reste libre,
soit, quand il est de grande taille, entre deux
planchettes reliées par des courroies. Les dimen-
sions de ces appareils varient naturellement avec
celles des poissons. M. Buckland2 maintient les
gros poissons dans des serviettes en toile forte,
pour leur éviter des blessures.
Si on ne procède pas avec beaucoup de précau-
tions, on peut, pendant la récolte du frai et sa
fécondation, faire périr beaucoup de poissons. On
doit opérer posément, sans violence comme sans
précipitation, et tenir les mains mouillées, afin
de ne pas enlever la mucosité qui couvre les
écailles.
Au bout de quelques minutes, la fécondation
est accomplie. On peut la favoriser en imprimant
au vase une légère secousse (une seule !). Puis on
change l'eau et on place les œufs dans les appa-
reils d'incubation.
Autrefois, on opérait les fécondations artifi-
cielles en munissant le récepteur d'une couche
d'eau de 0m,05 à 0m,10 de profondeur. On y re-
cevait la laitance et les œufs, qu'on mélangeait
dans le liquide. Depuis environ quinze ans, on a
remarqué qu'on obtenait des résultats d'autant
plus parfaits qu'on employait moins d'eau.
1. Fric, loc. cit., p. 18.
2. Buckland, Nat. hist., p. 292.
218 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
Seth Green l raconte que lors de ses premiers
essais, en 1864, il prenait beaucoup d'eau et peu
de laitance, et n'obtenait que 25 pour 100 d'œufs
fécondés. Plus tard, il réduisit la quantité de li-
quide à un minimum et obtint 95 pour 100. Il
s'est ainsi rapproché de la méthode sèche, qu'on
nomme le procédé russe, parce qu'un pisciculteur
de Nikolsk, nommé Wrassky, en a fait déjà usage
en 1856.
D'après Slack 2, ce procédé s'expliquerait de la
manière suivante. Quand les œufs sortent au
jour, ils ont une apparence ridée, qui semble in-
diquer que leur enveloppe est trop grande pour
le contenu. Ils se remplissent d'eau par endos-
mose. Jusqu'alors, les œufs sont en quelque sorte
aplatis et agglutinés parla cohésion. Ils se déta-
chent les uns des autres en se remplissant, et de-
viennent parfaitement libres quand ils ont pris
la forme sphérique. Ils restent fécondables pen-
dant tout le temps qu'ils mettent à se g*onfler,
parce que les spermatozoaires, qui pullulent dans
la laitance, y pénètrent avec l'eau et ne peuvent
plus y parvenir lorsque l'œuf est plein d'eau.
Les spermatozoaires sont des êtres microsco-
piques, qui ressemblent à des têtards et fourmil-
lent dans la laitance en quantités innombrables.
Ils se meuvent clans l'eau, avec une rapidité
extrême, mais n'y vivent que peu de temps. La
i . Forest and strcam, II, p. 08.
2. Slack, /oc. cit., p, 83.
FÉCONDATION ARTIFICIELLE DES OEUFS. 219
lai Lance n'est féconde qu'autant que ces petits
êtres restent en vie. Dans l'eau les œufs restent
fécondables pendant environ une heure, alors que
la laitance ne peut pas servir pendant plus de dix
minutes. Par contre, elle reste vivante durant
deux jours si on la conserve pure dans des flacons
bien bouchés. En 1867, on a obtenu à Huningue
45 pour 100 d'œufs fécondés, en faisant usagée
de laitance de truites recueillie «à Wurtzbourg,
qui avait mis quarante-deux heures pour faire le
trajet.
Après la fécondation, les œufs demandent à être
constamment baignés dans de l'eau bien aérée,
sans toutefois qu'il se produise un courant ca-
pable de leur imprimer des mouvements. Au
commencement, et durant trois jours, ils aug-
mentent sensiblement de densité, en absorbant
de l'oxygène. En soixante-dix heures, ils ga-
gnent 5 pour 100 de leur poids. A partir du troi-
sième jour, l'aug-mentation de poids journalière
décline rapidement et s'arrête. Le poids diminue,
au contraire, à partir du jour où le poisson com-
mence à apparaître tout formé dans l'œuf. Lors-
qu'on connaît l'heure à laquelle une certaine
quantité d'œufs ont été fécondés, on peut par
une simple pesée, exécutée pendant les pre-
miers jours, reconnaître combien il y a, dans la
masse, d'œufs non fécondés. Ce procédé servait
autrefois, à l'établissement de pisciculture de Hu-
ning'ue, à contrôler la qualité des œufs expédiés
220 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
par des pêcheurs, qui n'avaient pas pu être sur-
veillés pendant l'opération de la fécondation arti-
ficielle. Quelquefois, manquant de mâles, on ex-
pédiait des œufs non fécondés, qui étaient refusés
à l'arrivée.
Voici comment on procède pour la féconda-
tion à sec, recommandée depuis longtemps par
MM. Ghavanne, de Lausanne, et G. Vog't, de Ge-
nève. On reçoit les œufs à sec clans un plat, jus-
qu'à ce que le fond en soit couvert par une seule
couche. On y répand la laitance et on remue très
doucement avec les barbes d'une plume, ou avec
la queue du mâle, jusqu'à ce que le mélange soit
complet. Gela fait, on ajoute de l'eau au point
qu'elle recouvre les œufs de 0m,05. On remue de
nouveau et on attend pendant 15 à 45 minutes,
que les œufs se soient complètement gonflés et
soient devenus libres. Pendant ce temps la tem-
pérature de l'eau ne doit pas changer. Puis on
les lave et on les étale dans les appareils d'in-
cubation.
Quand on ne dispose que de très peu de lai-
tance on modifie la manière de procéder. Dans
ce cas, on la recueille dans un flacon, on y ajoute
rapidement un peu d'eau et on secoue pendant
quelques secondes. Ensuite on arrose les œufs
récoltés à sec, on remue et on lave, comme par
la méthode précédente.
La fécondation à sec a l'avantage de procréer
un plus grand nombre de femelles que le procédé
FÉCONDATION ARTIFICIELLE DES OEUFS. 221
primitif. Ce dernier donne un si grand excès de
mâles, qu'il peut en résulter un dépeuplement
des rivières artificiellement empoissonnées '. Par
contre, le procédé Wrassky a donné dans le can-
ton de Vaud un grand excès de femelles 2.
Les œufs nouvellement fécondés, emballés dans
de la mousse, et enveloppés de linges humides,
ou placés dans des vases remplis d'eau, peuvent
être transportés à de grandes distances, à condi-
tion que ce soit avant le sixième jour après la
fécondation. Il faut alors que les couches superpo-
sées ne se trouvent pas entre elles en contact im-
médiat, que des corps élastiques les protègent
contre les chocs, et qu'un double emballage les
préserve des rapides variations de la température.
Une secousse brusque, un changement subit de
température de 10 degrés centigrades, peuvent
faire perdre tous les œufs de l'envoi.
1 . Fric, loc. cit., p. 9. — Vicomte de Beaujiont, Études théori-
ques et pratiques sur la Pisciculture, p. 161.
2. Renseignements obtenus à Lausanne le 12 juin 1879 :
80 mâles sur 598 femelles de truites des lacs.
5U — FECONDATION ARTIFICIELLE
DES ŒUFS ADHÉRENTS
Pour la fécondation artificielle des espèces dont
les œufs adhèrent aux corps sur lesquels ils tom-
bent, on procède exactement de la même manière
que pour celles dont les œufs sont libres, sauf
que le récepteur est disposé d'une manière dif-
férente.
Dans les vases destinés à recevoir les œufs, on
dispose des plantes aquatiques , des paquets de
bruyères, des joncs, du chevelu de racines, etc.,
de manière à les en garnir complètement. On re-
couvre les branchages d'eau et on y fait couler
de la laitance qu'on mêle rapidement. Puis on
fait sortir les œufs, qu'on disperse uniformément
sur les plantes où ils se collent, et on ajoute de
nouveau de la laitance. On agite doucement et
on laisse séjourner une ou deux minutes. Puis on
enlève la frayère et on la remplace par une autre,
en ayant soin de changer l'eau à chaque opération.
Les branchages garnis d'œufs sont placés dans
des bassins à éclosion, où ils sont couverts d'envi-
FECONDATION ARTIFICIELLE DES OEUFS. 223
ron 0ra,I0 d'eau. Les carpes éclosent 6 à 8 jours
après la fécondation.
Il faut avoir grand soin que l'eau dont on se
sert soit à une température convenable, et qu'elle
marque, par exemple, 16 à 18 degTés pour les
tanches, 20 degrés pour les carpes, etc. Sans cette
précaution, l'insuccès est certain. Le soleil doit
avoir accès aux bassins d'éclosion, et la tempéra-
ture y doit être maintenue, le plus possible, la
même que celle qu'exig-eait la fécondation. C'est à
l 'oubli de ces précautions qu'on doit attribuer les
échecs, à peu près constants, qu'ont éprouvés les
pisciculteurs allemands, quand ils ont abordé la
reproduction artificielle des carpes *.
1 . Ackerhof, Exploitation des étangs et des cours d'eau (1869),
p. 56. — Delius, V Exploitation des étangs (1875), p. 60. — Dall-
mer, Journal des pèches allemandes, Stettin (1879), n° 8.
INCUBATION EN PLEINE EAU
Pour introduire de nouvelles espèces dans un
cours d'eau, ou pour repeupler des eaux appau-
vries, on se borne quelquefois à y semer des œufs
libres, sur un fond de gravier, et à y transporter
les herbes et branchages chargés de frai adhé-
rent, qu'on fait éclore le long1 des berges, dans
des expositions favorables. Par ce procédé on
éprouve des pertes inévitables, parce que le frai
et les alevins restent exposés à tous les dangers
que leur font courir les éléments, aussi bien que
les animaux ichthyophages.
Pour arriver à l'éclosion, les œufs fécondés de-
mandent tous un certain temps, dont la durée est
extrêmement variable selon les espèces. La tem-
pérature y joue un rôle important : les éclosions
sont d'autant plus hâtives qu'elle est plus élevée.
Avec de F eau d'une température constante de 10
degrés centigrades on obtient des éclosions de
truites en 40 jours. A 1 degré centigrade, la
durée de l'incubation est de 120 jours, soit près
de 9 jours de plus pour chaque deg-ré centi-
INCUBATION EN PLEINE EAU. 22o
grade de moins. A la température de la glace
fondante on peut prolonger la durée de l'incuba-
tion pendant 5 à 6 mois. L'œuf alors semble dor-
mir et peut se transporter à tous les points du
g^Iobe, sans s'altérer. Toutefois, on devra trier de
temps en temps les œufs qui sont gâtés, afin
d'en empêcher l'envahissement par le byssus.
Comme les jeunes poissons, obtenus des œufs
de truite, doivent vivre plus tard dans des eaux
déterminées, on fait bien de les faire incuber à la
température habituelle de ces eaux dans les ri-
vières mêmes et près des frayères naturelles, où
elle se maintient presque toujours très fraîche.
Si on a soin de choisir des œufs qui ont été fécon-
dés à l'époque même à laquelle dans ces cours
d'eau les truites libres déposent leur frai, on ob-
tient des jeunes poissons au moment où la vie
commence à se développer dans l'eau, par l'effet
de la chaleur, et l'alevin ne court plus le danger
de mourir d'inanition.
Au lieu d'abandonner les œufs aux hasards de
la nature, on les abrite dans des appareils spé-
ciaux. Ils se composent généralement d'une caisse
rectangulaire, de 2 à 3 mètres de longueur, sur
0m,45 à 0m,60 de largeur et 0m,35 de profon-
deur. Elle est fermée par un couvercle qui per-
met d'en visiter le contenu et présente, aux deux
bouts opposés au courant, des ouvertures placées
à um,10 au-dessus du fond, et garnies de toiles
métalliques, dont le tissu est assez serré pour
GAUCRLER. 15
226 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
empêcher les insectes de pénétrer dans la caisse,
sans entraver la circulation de l'eau.
Une couche de gravier fin est étendue sur le
fond. On y sème les œufs, de façon qu'ils soient
également répartis, sans se toucher ni se recou-
vrir les uns les autres. Ce gravier ne doit pas
provenir d'un cours d'eau où il aurait pu s'infec-
ter de germes ou de larves d'insectes destruc-
teurs, mais d'une carrière à ciel ouvert. Si on est
obligé de le tirer du lit d'une rivière, il faut, avant
l'emploi, le chauffer au four ou, au moins, le pas-
ser à l'eau bouillante, afin de le purger. Les
caisses ainsi préparées sont immergées dans l'eau
et amarrées à des endroits où le courant, suffi-
samment rapide, amène de l'eau vive et aérée et
la renouvelle à chaque instant.
Il y a plus de cent ans que ce procédé a été em-
ployé par Jacobi et il donne de bons résultats '.
Mais il a l'inconvénient de rendre difficiles les vé-
rifications, ainsi que le triage des œufs gâtés, et il
expose les caisses aux dangers des crues subites.
On l'emploie aujourd'hui, surtout quand on veut
faire éclore des œufs qu'on reçoit tout embryon -
nés, et qu'on ne dispose pas d'une installation
spécialement appropriée aux éclosions.
Au lieu de caisses rectangulaires on emploie
avec succès des auges circulaires en terre cuite,
criblées de trous à leur pourtour et sur le cou-
1. Voir à V Appendice, p. 27b, le mémoire de Jacobi publié par
Duhamel en 1772.
INCUBATION EN PLEINE EAU.
22"
vercle, qui ont été inventées par M. Koltz l, ou
bien des corbeilles en toile métallique, à fond
plat, qu'on place dans une rig'ole à courant ra-
r i
O
O
oo
bc
pide. En place de gravier, pour recevoir les œufs,
on se sert souvent de claies formées de cadres
en bois dur où sont enchâssées des bag*uettes de
1. Koltz, Traité de pisciculture pratique, p. H4.
228 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
verre. Ce ne sont là que des variantes d'un même
système, qui est excellent, lorsqu'on a soin de
bien surveiller la marche de l'incubation.
En Amérique, on reproduit artificiellement une
variété d'aloses spéciale à cette partie du monde.
Les œufs de ce poisson ont besoin d'une tempé-
rature élevée et périssent quand elle s'abaisse de
5 degrés centigrades, comme cela arrive près
des bords des fleuves. Il faut donc opérer en pleine
rivière et à la surface de l'eau. M. Seth Green a
imag'iné d'employer des boîtes flottantes de 0m, 60
de longneur et de 0m, 45 de largeur et de profon-
deur, contenant chacune de 50,000 à 100,000
œufs. Ces œufs flottent suspendus dans l'eau.
(Fig*. 48.) Les caisses, sur leur fond et à leurs
extrémités, sont garnies de toile métallique, re-
couverte de peinture au goudron. Elles sont im-
mergées à la surface de l'eau, dans un courant
dont la vitesse atteint 3 kilomètres par heure.
Afin d'y susciter des remous favorables à l'incu-
bation, les caisses sont maintenues inclinées vers
l'amont, au moyen d'un flotteur. Ces remous em-
pêchent aussi les œufs de s'agglomérer . Les
éclosions ont lieu cinquante ou soixante heures
après la fécondation, et la résorption de la vési-
cule ombilicale prend 2 à 3 jours. La température
de l'eau doit dépasser 21 degrés centigrades. Ce
mode de reproduction se pratique sur une grande
échelle. (Fig\ 49.)
On donne la liberté aux jeunes poissons, en
INCUBATION EN PLEINE EAU.
229
ouvrant les boîtes au milieu du cours d'eau,
parce que sur ses bords, les vandoises, les an-
guilles et d'autres ennemis encore, leur font
une chasse sans merci.
Afin de protéger réclosion des œufs adhérents,
on place souvent les branchages qui en sont
..-■■■■ ~ ""
Fig. 49. — Disposition des boîtes flottantes.
chargés dans des paniers en vannerie, émergeant
de l'eau par leurs bords supérieurs. On les cou-
vre avec un couvercle à claire-voie, suffisante
pour abriter le frai contre les oiseaux pêcheurs,
sans empêcher l'action du soleil. Les éclosions
obtenues, on immerge complètement le panier, et
les petits poissons s'échappent à travers les ouver-
tures de la claire-voie.
7° — INCUBATION ARTIFICIELLE
Lorsqu'on a de grandes quantités d'œufs à
faire incuber, qui doivent être abrités contre le
froid, la neige, le vent et les pluies, un simple
hangar peut suffire, à condition qu'on le puisse
chauffer, et empêcher la congélation de l'eau dans
les appareils, durant les grands froids.
L'emplacement choisi pour établir le hangar
d'incubation devra présenter des ressources con-
venables au point de vue de la quantité et de la
qualité de l'eau dont on y pourra disposer. On
croit habituellement que l'eau de source est pré-
férable à toute autre, pour l'incubation des œufs
de la famille des salmonidés. Cela n'est pas tout
à fait exact. L'eau de source, joint à l'avantage
d'un débit constant, celui de ne pas geler en
hiver et de ne pas se troubler après les orages.
Mais lorsqu'elle est employée à sa sortie du sol,
elle a l'inconvénient de procurer des incubations
trop rapides, à cause de sa température relative-
ment élevée. Il en résulte des alevins de com-
plexion délicate, tout formés et éprouvant le be-
INCUBATION ARTIFICIELLE. 231
soin de manger, à une époque où la saison est
encore trop rigoureuse pour qu'on puisse les
mettre en liberté sans danger. Les petits pois-
sons qui proviennent d'une incubation prolongée
sont toujours plus robustes et plus vigoureux.
Puis les eaux de source renferment souvent de
notables quantités d'acide carbonique et sont pau-
vres en oxyg'ène; circonstance fâcheuse, parce
que l'œuf fécondé respire dans l'eau et consomme
de l'oxygène pour se développer. L'insuffisance
de ce gaz peut occasionner de sensibles mécomp-
tes. On remédie à ces inconvénients en recueil-
lant l'eau de source dans un réservoir suffisam-
ment spacieux, avant de la faire servir à l'incu-
bation ; elle s'y refroidit et dégage son excès
d'acide carbonique. On l'aère ensuite, soit en lui
ménageant des cascades, avant son entrée dans
les appareils, soit en profitant d'une chute pour
faire tomber une veine d'eau épanouie dans un
tuyau, muni à sa partie supérieure de trous d'as-
piration d'air, comme une trompe catalane. Enfin,
l'eau de source renferme beaucoup moins d'infu-
soires et de conferves que celle des rivières, ce
qui la rend moins propre au premier élevage
des alevins, qui consomment ces êtres micro-
scopiques.
L'eau de rivière se congèle facilement en hiver,
mais sa basse température la rend éminemment
propre à la production d'alevins alertes et bien
constitués, qui arrivent à éclore pendant la sai-
232 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
son favorable. Pour prévenir le gel dans le han-
gar, on le munit d'un appareil de chauffage, ou
bien on l'établit à une certaine profondeur dans
le sol, à la manière de ces caves où la tempéra-
ture reste à peu près constante en hiver, voisine
du point de congélation, sans jamais l'atteindre.
La prise d'eau sera pratiquée près du fond de la
rivière, où la température descend rarement au-
dessous de 3 à 4 degrés, car alors l'eau est près
de son maximum de densité. On peut ainsi se
mettre à l'abri du gel malgré les rigueurs de la
saison.
Souvent les eaux courantes sont légèrement
chargées de matières vaseuses, qui encrassent les
œufs et les étouffent. On remédie à ce défaut, en
recueillant ces eaux dans un bassin suffisamment
vaste pour que les matières les plus lourdes s'y
déposent. L'alimentation de ce bassin s'opérera
par sa partie inférieure, près du fond, et l'écoule-
ment vers les appareils aura lieu par des issues
pratiquées près de la surface. Quelques bondes
de fond permettent d'enlever les dépôts et de pro-
céder au nettoyage.
Les eaux qui proviennent du bassin de dépôt
ne seraient cependant pas encore assez pures, si
on ne leur faisait pas traverser des filtres de gros
sable mélangé de gravier, ou des flanelles ten-
dues sur des cadres placés en travers des rigoles
d'amenée. Chaque écran de flanelle produit une
petite perte de chute, et comme il est nécessaire
INCUBATION ARTIFICIELLE. 233
de les nettoyer de temps en temps, et par consé-
quent de les sortir de l'eau, on en établit au moins
trois à la suite les uns des autres, afin qu'il ne pé-
nètre jamais d'eau limoneuse et que l'alimentation
ne subisse pas d'arrêt.
La rigole d'amenée des eaux que débitent les
filtres doit toujours être maintenue dans un état
de parfaite propreté. On la recouvre, afin que les
poussières atmosphériques ne puissent pas se dé-
poser à la surface de l'eau. Elle peut être con-
struite en maçonnerie, en ciment ou en terre cuite,
voire en fonte de fer, avec ou sans émail, mais
on doit éviter l'emploi du bois qui donne lieu à
des dissolutions résineuses ou tanniques, et à des
végétations de parasites, dont les spores sont dé-
létères pour les œufs. Si, faute d'autres ressour-
ces, on est absolument obligée de recourir au bois,
il faut, tous les ans, le nettoyer soigneusement à
la brosse et le recouvrir d'une bonne couche de
peinture au goudron minéral.
Les œufs veulent être abrités contre l'action de
la lumière directe du soleil ; on a donc soin de
couvrir les appareils. Ces couvertures les protè-
gent aussi contre la chute des poussières atmo-
sphériques et les préservent des atteintes des rats
et des campagnols, qui viendraient, sans cela, les
dévorer pendant la nuit. Il est peu pratique de
fermer le hangar complètement à l'accès du jour,
et de procéder à la révision des œufs à l'aide
d'une lanterne à réflecteur, comme on l'a fait
234 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
quelquefois. La lumière directe seule est perni-
cieuse, et celle qui suffît pour soig'ner les œufs ne
peut leur porter aucun préjudice. L'obscurité
n'empêche pas la production du byssus.
Pour faire incuber les œufs abrités comme il
vient d'être dit, on applique deux méthodes diffé-
rentes. La première consiste à faire usagée des
aug"es préconisées par M. Coste et qui portent son
Fig. 50. — Appareil Coste."' •
nom; pour la seconde, on emploie des rigoles ou
des tables dites d'incubation. Dans les établisse-
ments de pisciculture, on les combine souvent
d'une manière très variée.
L1 appareil Coste, inventé par M. Caron, se com-
pose d'aug*es rectangulaires, en terre cuite ver-
nissée, capables ordinairement de contenir 1,500
œufs de truites. Elles ont alors 0m,50 de lon-
gueur, 0m, 15 de largeur et autant de profon-
deur. Sur leur bord supérieur, près d'un ang*le,
se trouve placé un bec d'écoulement. L'intérieur
INCUBATION ARTIFICIELLE.
23o
(fig*. 50) présente quatre saillies destinées à sup-
porter les grilles qui reçoivent les œufs et que
l'eau doit surmonter d'environ 0m,05. Ces saillies
sont donc placées aux deux tiers environ de
* ftdi ahr
o
-
o
o
6C
la hauteur au-dessus du fond. Les grilles sont
composées de cadres rectangulaires de bois, qu'on
a fait bouillir dans l'eau, enchâssant des bag*uettes
de verre de 0m, 005 de diamètre, écartées l'une
de l'autre de 0m, 0025. Les œufs sont rang-és
230
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
entre ces baguettes , qui permettent à l'eau
d'en baigner presque toute la surface. Les auges
O
O
m
O
C
'CD
sont étagées sur des gradins, de telle façon
que l'auge supérieure déverse son contenu dans
l'auge inférieure, d'une hauteur de 0m, 05, et
INCUBATION ARTIFICIELLE. 237
que l'écoulement de sortie ait lieu par le côté
opposé à celui de l'entrée. L'eau traverse ainsi
les auges clans toute leur longueur avant de se
déverser. (Fig\ 51 et 52.)
Ce système se prête avec une grande facilité à
la révision journalière des œufs; les éclosions
peuvent s'y produire sans inconvénient, et l'ap-
pareil peut être maintenu constamment dans un
parfait état de propreté. Il a donné à Huningue,
avant 1870, jusqu'à 96 pour 100 d'éclosions.
La seconde méthode consiste à répandre les
œufs sur un lit de gravier, dont les grains ont
0m,002 à 0m,003 d'épaisseur, garnissant le fond
d'une rigole parcourue par un courant d'eau
vive. Ce système présente de sérieux inconvé-
nients : il ne se prête pas au nettoiement comme
les auges, et on n'en peut pas facilement enlever
les œufs, soit pour les expédier au loin, quand ils
sont embryonnés, soit pour les transporter dans
les appareils à éclosions.
Les deux systèmes peuvent être modifiés et se
combiner entre eux à l'infini. A Huningue, on a
rangé des grilles en verre dans des rigoles ma-
çonnées et aussi sur de longues tables rectangu-
laires à bords relevés, où elles étaient immergées
de 0m, 05 Les résultats étaient très bons. La ré-
vision des œufs s'y pratiquait aussi facilement
que dans les auges et l'installation était plus sim-
ple. Les tables avaient jusqu'à 8 mètres de lon-
gueur sur 0m,80 de largeur. De distance en
238 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
distance on les barrait, ainsi que les rigoles, afin
de produire des petites cascades, où leau venait
se saturer d'air, après avoir baigné un certain
nombre de grilles.
On peut fabriquer les aug*es et les rigoles avec
n'importe quelle substance, pourvu qu'elle soit
insoluble dans l'eau, n'y engendre pas de produits
toxiques, et ne puisse rien lui faire perdre de ses
qualités.
En Amérique, on donne aux tables d'incubation
une pente légère pour provoquer le courant; les
grilles en baguettes de verre sont remplacées
par des toiles métalliques. On a imaginé aussi
de superposer plusieurs de ces grilles métalliques,
dans une caisse alimentée par la partie inférieure.
Cette disposition économise de la place, mais elle
rend la révision peu commode et expose les œufs
à des accidents pendant les opérations nécessaires
pour le triage et le nettoiement.
Les tables d'incubation garnies de grilles en
verre se recommandent surtout pour l'incubation
des œufs de corégones, qui ne réussissent pas aussi
bien dans les appareils Goste. Ils sont exposés à y
être influencés par les remous de l'eau provenant
des cascades, qui peuvent leur imprimer de légers
mouvements. Ces œufs sont fort petits et très lé-
gers. Pour les mettre à l'abri de toute impulsion,
il est bon de les immerger à une profondeur d'en-
viron 0>, 10, et d'alimenter la rigole avec de l'eau
fortement aérée, sans toutefois que le courant
INCUBATION ARTIFICIELLE. 230
produise aucune agitation, même à la surface.
Lorsque toutes ces précautions sont prises, la
réussite est certaine. En 1868, l'établissement de
Huningue a fait éclore plus de 3,000,000 d'œufs
de feras et de lavarets, fécondés artificielle-
ment, et les alevins obtenus ont été distribués.
Au lieu de grilles en verre on peut incuber les
œufs de feras sur du gravier fin, et en obtenir de
nombreuses éclosions; mais il faut éviter que ces
œufs se trouvent en contact avec des herbes aqua-
tiques, ce qui amènerait des pertes inévitables et
à peu près totales, comme l'ont prouvé de nom-
breuses expériences.
Pour mener l'incubation à bonne fin, il nesuffît
pas d'abriter les œufs contre leurs ennemis et de
leur fournir une eau pure, abondante et bien
aérée. Il faut encore les protéger contre les causes
de maladie et contre les accidents qui peuvent se
produire en dehors de toute prévision. A cet effet,
il faut soigneusement écarter les œufs morts. On
les reconnaît à leur couleur blanche, opaque
et terne, qui remplace la transparence de l'œuf
vivant. En peu de temps, les œufs morts se
couvrent de byssus, champignons laineux qui
se répandent rapidement, envahissent les œufs
voisins, et peuvent, en peu de temps, les faire
périr par milliers.
Les outils qui servent à enlever les œufs morts
doivent fonctionner sans qu'on touche aux œufs
vivants; le plus léger mouvement, le contact seul,
240
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
pourrait leur devenir fatal. On emploie la pince
en fil de fer, qui a été en usage à Huningue, con-
curremment avec la pipette. (Fig. 53.) Cette der-
Fig. 53. — Pince en fil de fer et pipette.
nière, toutefois, sert le plus souvent à nettoyer le
fond et à transvaser les œufs et les alevins. La pi-
pette (fig. 54) se manœuvre en en bouchant une
Fig. 54. — Pipette.
ouverture avec le doigt, pendant que l'autre,
plongée dans l'eau, se présente devant l'objet
qu'on veut enlever. En écartant soudainement le
doigt, l'air sort de la pipette et l'eau s'y précipite
INCUBATION ARTIFICIELLE.
241
en entraînant les objets voisins, œufs, gTaviers
et dépôts (fig*. 55). En Amérique, on a adapté à la
pipette ordinaire une boule en caoutcbouc, qu'on
tient dans la main. A l'autre extrémité on fixe au
Fig. 55. — Emploi de la pipette.
moyen d'un bouchon un tube en verre recourbé,
dont l'ouverture étroite , entourée d'un léjrer
bourrelet, ne permet pas le passage d'un œuf.
Fig. 56. — Boule en caoutchouc adaptée à la pipette.
En pressant la boule, on fait sortir l'air. Si, après
cela, on présente l'ouverture du tube devant l'œuf
à enlever et qu'on diminue la pression, il se colle
contre le bourrelet et on en peut débarrasser la
grille, sans qu'aucun œuf voisin n'éprouve de
GAUCKLER. 16
242 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
dérangement. Ce petit instrument est à la fois
simple et très pratique. (Fig. 56.)
Depuis quelques années on fait usag*e, surtout
en Allemagne, d'une aug*e dite californienne ,
alimentée de bas en haut, et clans laquelle les
grilles sont remplacées par de la toile métallique.
L'emploi de cet appareil ne nous paraît pas pré-
senter d'avantages, aussi n'en parlons-nous que
pour mémoire.
8° — TRANSPORT DES ŒUFS EMRRYONNES
Nous avons vu qu'on peut transporter avec fa-
cilité, à de grandes distances, les œufs nouvelle-
ment fécondés. Pendant la période de l'incuba-
tion qui suit le sixième jour après la féconda-
tion, tout mouvement devient fatal aux œufs. Ce
n'est que lorsque le jeune poisson est à peu près
formé et qu'on aperçoit distinctement ses yeux à
travers l'enveloppe transparente, qu'ils peuvent
de nouveau être transportés sans dang'er.
De même que les œufs récemment fécondés,
les œufs embryonnés s'emballent dans des boîtes
où on les dépose entre des lits de mousse humide,
en prenant soin de ne pas les agglomérer, et
d'exercer sur la mousse une compression suffi-
sante pour empêcher tout ballottement. La boîte
d'emballag'e est placée elle-même dans une se-
conde boîte plus grande, où l'on a tassé de la
mousse qui entourera la première de toutes parts.
Pendant les temps froids, cette mousse est main-
tenue sèche pour garantir les œufs contre le g'el.
244 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
Elle est mouillée d'eau froide et même mêlée de
neig'e, au printemps et pendant les temps doux,
pour y maintenir une température modérée. On
donne à cette enveloppe de mousse une épaisseur
deOm, 06.
Danscetétat, les œufs peuvent voyager pendant
quinze jours sans perte. Pour des voyages de plus
longue durée, on les place dans des appareils à
tiroirs, dans lesquels on maintient la température
de la glace fondante. On retarde ainsi les éclo-
sions, et on peut trier les œufs qui arrivent à périr,
pendant la durée du trajet. C'est par cette mé-
thode que M . Mather a importé, en Europe et en
Australie, des quantités considérables d'œufs de
salmonidés américains.
Quelquefois on s'est servi de flacons en verre,
hermétiquement bouchés et contenant des œufs
mêlés avec de la mousse humide bien tassée. On
les a placés dans une boîte garnie de coton et on
a expédié par la poste.
A l'arrivée des boîtes, on les dégage de l'embal-
lage extérieur et on les fait séjourner dans la salle
où les œufs doivent être déballés. Ceux-ci pren-
nent ainsi, peu à peu, la température du milieu
ambiant, sans qu'une brusque transition les ex-
pose à périr. Puis, on immergée la boîte dans l'eau
qui alimente les appareils à éclosion, ou les bas-
sins qui doivent recevoir les œufs. Quand elle a
pris la température de cette eau, on l'ouvre et on
en renverse doucement le contenu : la mousse
TRANSPORT DES OEUFS EMBRYONNÉS. 245
surnage et les œufs tombent au fond. On les net-
toie par lavage et on les distribue dans les appa-
reils à éclosions.
Les œufs embryonnés sont moins délicats que
ceux qui viennent d'être fécondés. Cependant il
est nécessaire de ne pas épargner les soins. Pour
réussir en pisciculture le secret consiste à exécu-
ter des opérations très simples, avec des précau-
tions très minutieuses. Sous ce rapport le luxe
n'est que le nécessaire.
9° — ÉCLOSIONS ET ALEVINAGE
Les œufs fécondés, mis en incubation, se trans-
forment en quelque sorte sous les yeux de l'opé-
rateur. Dans ceux des salmonidés, il apparaît une
bulle huileuse qui grandit peu à peu et prend
de la consistance. Au bout d'un mois, à peu près,
deux points noirs se distinguent à travers l'enve-
loppe : ce sont les yeux. Puis Ile poisson prend
sa forme distinctive et éclôt en crevant son enve-
loppe, dont il sort presque toujours la queue la
première.
11 arrive quelquefois que l'éclosion présente des
difficultés. Le petit poisson s'agite sans parvenir
à percer l'enveloppe et des mortalités se produi-
sent. Il faut venir à son aide. On place les œufs
dans de l'eau dont on augmente peu à peu la
température de quelques degrés, et on leur im-
prime un mouvement très doux en agitant légère-
ment le vase. Immédiatement les éclosions se
produisent en masse.
Le poisson éclos n'est pas encore parfait. II
reste attaché à un sac en peau, nommé la vési-
ÉCLOSIONS ET ALEVINAGE. 247
cale vitelline ou ombilicale, renfermant des sub-
stances albumineuses dont il fait sa première
nourriture et qu'il absorbe peu à peu. Alourdi
par ce sac, l'alevin se traîne péniblement sur le
fond et cherche à se cacher sous les abris qu'il
peut rencontrer. On les lui prépare avec des
pierres plates placées sur deux supports, des
tuiles creuses, etc.
Pendant cette période, l'alevin ne niante pas
encore et vit de sa propre substance. Dans les
auges et sur les tables destinées aux éclosions, il
ne se produit presque pas de mortalité, lorsque
les soins de propreté n'ont pas manqué et que
l'alimentation d'eau aérée est largement assurée.
A l'état libre, l'alevin est alors à la merci d'une
foule d'ennemis, auxquels il ne peut pas échap-
per. Les crues des rivières occasionnées par la
fonte des neig^es l'emportent au loin ou l'écra-
sent entre les graviers charriés par le courant.
Les oiseaux, les insectes, les crustacés, les rats
d'eau et surtout les poissons, grands et petits, en
consomment de grandes quantités. Dans les ali-
gnes il est à l'abri de tous ces dangers, et le peu
de mouvement qu'il peut se donner lui suffît
pour se placer dans la position la plus convena-
ble pour son développement.
Après la résorption de la vésicule ombilicale, le
poisson est complet et peut être abandonné à lui-
même, si l'état du cours d'eau et la saison le per-
mettent. Gomme les circonstances peuvent être
248 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
défavorables, malgré le soin qu'on a pris de re-
tarder les éclosions, par l'emploi de l'eau froide
et même de la glace, pendant l'incubation, il faut
nourrir le petit poisson s'il ne doit pas périr d'ina-
nition. On a employé pour cet objet du foie de
bœuf, de la cervelle, des jaunes d'œuf, du lait
caillé, etc., toutes choses qui servent à entretenir
la vie, mais qui font perdre au jeune poisson
l'instinct qui, dans la nature, lui fait chasser la
proie vivante. Le mieux est de s'en procurer ar-
tificiellement, en faisant éclore des insectes aquati-
ques dans des bassins plantés d'herbes, qui soient
exposés à la lumière solaire et tenus à peu près en
serre chaude. A cette nourriture vivante on ajoute
de la chair de petits poissons blancs, de lombrics
recueillis au petit jour sur les pâturag'es, après les
pluies, de moules, etc. Cette chair doit être broyée
menu, réduite en pâte et délayée dans de l'eau
qui la tient en suspension. On verse cette eau par
petites quantités dans le vivier, immédiatement
en aval de l'entrée de l'eau d'alimentation. On
voit alors les petites bêtes se précipiter sur la
nourriture et s'en disputer les morceaux. Mais
comme la vue de leur proie leur échappe quand
elle est descendue au-dessous de leur niveau, tout
ce qui tombeau fond est perdu pour l'alevin, et
devient une cause d'infection du milieu. Pour
parer à cet inconvénient, on ne donne la pâtée
que peu à peu, au fur et à mesure qu'elle est con-
sommée, et on garnit le fond d'une plaque de
ÉCLOSIONS ET ALEVINAGE. 249
tôle à bords relevés, qui reçoit tout ce qui échappe
à la voracité des petits poissons. Cette plaque
pourra ne pas excéder 0m,20 en largeur, mais
sa longueur doit être telle, que le courant n'en-
traîne pas au delà les filets de chair qui tom-
bent au fond. De temps en temps on enlève la
plaque pour la nettoyer, après avoir attiré les
poissons clans une autre partie de l'auge, où on
les appelle, soit en y installant un abri procu-
rant de l'obscurité, soit en ouvrant un autre ro-
binet d'admission, après avoir fermé le premier,
soit enfin en les chassant avec une barbe de
plume.
Aussitôt qu'on peut se procurer en quantité
suffisante, des insectes, leurs larves ou toute au-
tre proie vivante, il faut se hâter d'en nourrir ex-
clusivement les élèves. Avec les premières cha-
leurs on pourra se procurer abondamment des
éphémères, qu'on prend avec un filet de g*aze, le
cyclops vulgaris qui vient dans les eaux stag-
nantes, les tipulaires, limnées, phryganes,
crevettes d'eau douce, etc.
Dans le commencement, il suffit d'une tasse
pleine de nourriture pour 100,000 truites. Pour
1,000 truites de deux ans, il faut journellement
1,500 grammes de chair; un an après, il en faut
2,500. 3 kilogrammes de poissons blancs ou 2 ki-
logr. 1/2 de chair de cheval, produisent 500 gram-
mes de chair de truites. La voracité de ces pois-
sons est d'autant plus grande que la température
250 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
est plus élevée. Ils mangent avec avidité, surtout
au printemps, au retour de la chaleur, après le
long* jeûne qu'ils ont subi pendant l'hiver.
Pour nourrir les jeunes feras, nous recomman-
dons la chair des moules d'eau douce, broyée avec
de l'eau. Les ombres communs refusent la nour-
riture artificielle; il est vrai qu'ils éclosent au
printemps et ne donnent pas grand embarras. On
les nourrit facilement avec de la fleur de foin,
qu'on rencontre abondamment dans les greniers
à fourrages secs, quand la majeure partie des ap-
provisionnements est consommée. C'est une pous-
sière qui renferme d'innombrables larves d'in-
sectes, que les petits poissons viennent happer à
la surface de l'eau.
En Hollande on se sert d'un appareil spécial
pour nourrir les jeunes saumons '. Il se compose
d'une petite boîte en zinc de 0m,15 de longueur,
sur 0m,07 de largeur et 0m,10 de profondeur.
Le fond de la boîte, qui est concave vers l'inté-
rieur, se compose de baguettes de verre formant
un gril, dont les ouvertures sont plus ou moins
largues, suivant l'âgée des poissons auxquels l'ap-
pareil doit servir. Ce dernier, appelé râtelier, est
suspendu par deux crochets sous la chute d'eau
qui alimente le bassin, de manière à en immer-
ger les deux tiers de la hauteur. Pour nourrir
les poissons on y place un morceau de cervelle de
1. De Bo.\T, Culture pratique du saumon, 1872, p. 17.
ÉCLOSIONS ET ALEVINAGE.
2.il
la grosseur d'un œuf de poule ou un peu plus,
auquel la chute d'eau communique un mouve-
ment de rotation. Le frottement qui se produit
ainsi contre les baguettes, détache constamment
des parcelles de nourriture qui passent à travers
les ouvertures du gril. Au-dessous de ce gril on
place une boîte servant de récepteur, où viennent
Fig-. 57. — Appareil de M. de Bout.
s'accumuler les parcelles de nourriture qui tom-
bent au fond. (Fig. 57.)
Dès l'origine, la lutte pour l'existence s'établit
entre les jeunes poissons : les plus forts enlèvent
la nourriture aux plus faibles. Ils les empêchent
de se développer à leur gré, et les dépassent de
plus en plus en vigueur et en taille. Il est par
conséquent utile de ne pas trop peupler les bas-
sins de premier élevage. Bientôt il s'y forme deux
camps. Les forts d'un côté, de l'autre les faibles,
redoutant déjà le sort qui leur est infailliblement
réservé, si on ne les sépare de leurs voraces
compagnons. Après deux ou trois semaines, ans-
252 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
sitôt que les agglomérations s'accusent, il faut
procéder au triage, sinon les alevins se dévorent
entre eux. Ceux qui ont une fois goûté delà truite
ne veulent plus d'autre nourriture. Quand on
pratique l'élevage en grand et qu'on veut opérer
le triage des alevins, on se sert d'une caisse dont
les parois sont formées par un filet de soie, à
mailles assez étroites pour que les petits poissons
seuls puissent y passer. On fait la pêche et on en
place le produit dans la caisse, qu'on a eu soin
d'immerger aux deux tiers de sa hauteur. En peu
de temps on n'y trouvera plus que les pois-
sons que leur taille a empêchés de s'échapper.
L'emploi successif de plusieurs caisses, dont les
mailles de filet vont en augmentant, permettra
d'opérer un triage aussi complet qu'on peut le
désirer.
L'eau d'alimentation des hassins d'alevinag'e
doit toujours être très pure; quand il s'agit de
salmonidés, sa température ne doit pas dépasser
15 degrés centigrades. Sa quantité doit augmen-
ter avec la taille des poissons. Celle qui a pu suf-
fire à la respiration d'un grand nombre d'alevins
à peine éclos, ne leur apporte plus assez d'oxygène
plus tard. Une partie des petits poissons périt
étouffée, pendant que les autres languissent et
perdent de leur vivacité. La végétation des plan-
tes aquatiques propagées dans les bassins remé-
diera, en partie, à l'inconvénient d'une alimenta-
lion d'eau insuffisante, parce que les feuilles
ÉCL0S10NS ET ALEVhNAdE. 2o3
d'herbes, sous l'action de la lumière, dégagent de
l'oxygène qui se dissout dans l'eau.
Un déversoir de superficie doit débarrasser le
bassin des poussières qui surnag'ent. Pour empê-
cher les petits poissons de s'échapper par cette
issue, on reçoit le déversement dans une aug*e
fermée, d'où l'eau fuit par des toiles métalliques
qui en forment les faces. On visite cette auge de
temps à autre et on en retire les déserteurs, au
moyenVl'une petite truble garnie de mousseline,
ou d'une pipette. L'emploi de cette dernière oblig*e
de laver le poisson avant de le replacer dans le
bassin, afin de ne pas y rapporter les impuretés
qui ont pu s'accumuler sur le fond de l'auge, et
que la pipette a aspirées avec le poisson.
Pour nettoyer les bassins d'alevinage, il faut
toujours éloigner les élèves de la partie où l'on
remue les impuretés déposées sur le fond. Si l'on
dispose d'une surface suffisante , on divisera le
bassin en plusieurs compartiments, séparés par
des vannes et qu'on puisse alimenter chacun dune
manière indépendante. On videra d'alevins le
compartiment à nettoyer, en l'exposant à la lu-
mière pendant qu'on maintient dans l'obscurité
ceux où on veut les appeler. Avec de l'obscurité
on peut faire aller les poissons partout où l'on
veut. Un balayage combiné avec une vigoureuse
chasse d'eau ont, en peu de temps, raison de tous
les dépôts.
Au jeune poisson, aussi bien qu'à l'alevin peu-
254 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
dant la période vitelline, il faut ménager des
endroits obscurs, des caches où il puisse s'abriter.
Nous avons déjà mentionné divers procédés qui
sont employés; nous y ajouterons les planches
flottantes et les pots de fleurs renversés sur le sol.
Dans ces derniers, on ménage quelques entrées
au moyen d'échancrures pratiquées dans les
bords. Le fond du pot est rendu mobile pour pou-
voir inspecter l'intérieur et enlever, s'il y a lieu,
les cadavres des poissons qui ont pu y périr. Il est
vrai que d'après les observations de M. de Beau-
mont ', le plus souvent les alevins s'en débarras-
sent eux-mêmes, en les poussant au dehors.
On se sert, en Hollande, d'appareils flottants
pour faire éclore les jeunes saumons. Les deux
côtés opposés au courant sont garnis de treillis en
cuivre rouge, à neuf mailles par centimètre carré.
On fixe la caisse à des flotteurs et on crée des
abris, au moyen de cloisons transversales en
planches, percées de trous de 0ra,01 de dia-
mètre, dans la direction du courant. On couvre
ce réservoir au moyen d'un filet, pour empêcher
le poisson de sauter dehors. Au-dessus de l'appa-
reil, on établit un plancher porté par un échafau-
dage, qui permet de soulever la caisse, de l'exami-
ner et de la nettoyer au besoin 2. Les jeunes sau-
mons sont mis en liberté au commencement de
Thiver. Jusqu'à ce moment leur nourriture con-
1. Vicomte de Beaumont, loc. cit., p. lii.
2. De Bont, loc. aï., p. 22.
ÉCLOSIONS ET ALEVINAGE. 25o
siste en vers de terre, petits poissons blancs,
viande de cheval, débris de boucheries, moules,
gTenouilles, voire des harengs salés. Toute sub-
stance animale leur est bonne, pouvu qu'elle soit
réduite en parcelles assez petites pour que les
poissons puissent les engloutir. En dix mois ces
saumons atteignent une taille de 0m,10 à 0m,15.
10° — TRANSPORT DES JEUNES POISSONS
Sauf de rares exceptions, on ne peut transpor-
ter les poissons que dans de l'eau, dans laquelle
ils doivent trouver les deux conditions indispen-
sables à leur existence : une température conve-
nable et un aération suffisante.
L'eau dans laquelle l'alevin a vécu jusqu'au
moment de son départ, doit être employée de pré-
férence à toute autre, pour servir au voyage. On
lui maintient sa température habituelle en faisant
usage de glace, si cela est nécessaire. Pour rem-
placer l'oxygène consommé par la respiration, on
aère l'eau, soit par des cascades artificielles, en-
tretenues automatiquement ou par l'action d'un
surveillant, soit par l'insufflation directe d'air.
Quand on fait usage de glace et qu'on la plonge
dans l'eau, il convient de l'enfermer dans une
poche de flanelle, afin que ses aspérités ne bles-
sent pas les jeunes poissons. Mais comme la glace
peut contenir des substances nuisibles, il vaut
mieux la placer dans un compartiment extérieur
à l'appareil, dont les parois soient en contact avec
TRANSPORT DES JEUNES POISSONS. 237
l'eau. L'insufflation de l'air ne doit occasionner
ni bouillonnement, ni agitation : le mouvement
violent des gTosses bulles d'air pourrait entre-cho-
quer et blesser les petits alevins.
Une grande variété d'appareils ont été mis en
usagée ou seulement proposés. Celui qui nous a
toujours donné les meilleurs résultats a été con-
struit par M. Bienner, et employé à Huning'ue dès
l'année 1865. Il a servi à transporter de gTos
saumons, des truites, des ombres et des feras
adultes à des centaines de lieues de distance, pen-
dant les plus fortes chaleurs de l'été, sans qu'il
se produisît de pertes. Les poissons sont arrivés
bien portants et ont continué de vivre dans les
nouvelles conditions où ils ont été placés. L'appa-
reil a donc fait ses preuves, et comme ses dispo-
sitions sont extrêmement simples, c'est le seul
dont nous donnerons ici la description. (Fig\ 58
et 58 bis.)
L'appareil de transport se compose d'un cylin-
dre horizontal en tôle, dont la partie supérieure
peut s'ouvrir et se fermer au moyen d'un cou-
vercle à charnières. Le cvlindre a une longueur
variable de 0m,60 à lm,30 et son diamètre est
de 0m,35 à 0m,60. Il est rempli d'eau aux deux
tiers de sa hauteur verticale et on y introduit
les poissons par l'ouverture supérieure. A la
partie inférieure on adapte, intérieurement, un
double fond percé d'un gTand nombre de petits
trous. Il est légèrement convexe vers le haut, et
GAUCKLER. 17
258
LES POISSONS D'EAU DOUCE.
forme avec la paroi inférieure du cylindre un
compartiment destiné à loger l'air, qu'on injecte
avec une pompe. La pompe se compose d'une
a
Fig. 58. — Transport des alevins.
boule creuse en caoutchouc de 0m,l0 de dia-
mètre, munie de deux ouvertures diamétrale-
ment opposées, de 0m,012 de diamètre. La boule
Fig. 58 bis. — Appareil Bienner, pour transporteries poissons.
est logée dans une dépression hémisphérique
pratiquée à la partie supérieure du cylindre,
qui la garantit contre les accidents. Son ou-
verture inférieure communique avec le double
TRANSPORT DES JEUNES POISSONS. 259
fond au moyen d'un tuyau en g*ulta-percha,
adapté à un des trous de la boule par une de ses
extrémités, et, par l'autre, à un tuyau en tôle, fixé
contre la paroi verticale du cylindre, et aboutis-
sant à la partie inférieure de la cavité du double
fond. L'autre trou de la boule de caoutcbouc se
trouve ainsi placé à son sommet.
Il suffît de comprimer la boule en bouchant le
trou avec le doig't, pour que l'air qu'elle contient
se rende dans le double fond, d'où il ne peut
s'échapper que par les petits trous de sa partie
supérieure. Il se répand dans l'eau et monte vers
la surface sous forme d'innombrables petites bul-
les, qui sont dissoutes en partie pendant le trajet,
et ne peuvent donner lieu à la moindre agitation.
Extérieurement au cylindre, à la moitié de sa
hauteur, on dispose deux compartiments, desti-
nés à recevoir de la glace, si son emploi est
jug'é nécessaire pour maintenir la température
de l'eau ' .
Le cylindre est suspendu, comme un berceau,
dans un châssis supporté par quatre pieds légère-
ment inégaux. On peut ainsi lui imprimer un
mouvement d'oscillation ou de léguer balance-
ment, qui, à cause de l'inégalité des pieds, ré-
1. Lorsque cet appareil doit servir à transporter de gros sau-
mons, ou en matelasse la paroi intérieure avec de la toile de co-
ton, afin que les sauts des poissons ne leur fassent pas perdre
d'écaillés : dans ce cas on ne place qu'un seul sujet dans chaque
cylindre.
260 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
suite même automatiquement des trépidations de
la voiture servant au transport. L'eau prend de
cette manière un mouvement analogue à celui
qui anime les eaux courantes, trop doux de beau-
coup pour enlre-choquer les petits poissons et les
blesser.
Pour que l'eau ne soit pas troublée pendant le
voyage par les déjections des poissons, on a soin
de les faire jeûner vingt-quatre heures avant le
départ. En route il n'est pas besoin de nourriture.
Toutefois, si on place dans le même appareil des
poissons de taille très différente, le voyag'e ne les
empêche nullement de s'entre-dévorer.
Il faut user de grandes précautions pour met-
tre en liberté les poissons arrivés à leur destina-
tion. Un brusque changement de la température
de l'eau et de sa composition chimique peut com-
promettre le succès de l'opération. L'appareil,
enlevé du châssis par deux anses adaptées aux
têtes du cylindre, est plongé dans l'eau qui doit
recevoir le peuplement, afin d'en prendre peu à
peu la température. On ajoute successivement de
petites quantités d'eau à celle qui a servi au trans-
port, jusqu'à ce que l'eau du voyage ait été à
peu près complètement remplacée par celle de la
rivière à empoissonner. On met le poisson en
liberté lorsqu'il s'est ainsi familiarisé avec les
conditions de sa nouvelle demeure.
Quand on distribue de jeunes salmonidés dans
une rivière importante, il faut avoir soin de
TRANSPORT DES JEUNES POISSONS. 261
les éparpiller aux embouchures des différents
affluents et sur leur parcours. Sans cette précau-
tion ils restent agglomérés par essaims, et sont
facilement détruits par leurs ennemis. Ils épuise-
raient d'ailleurs en peu de temps les ressources
que les localités voisines pourraient fournir à
leur nourriture et se mangeraient entre eux. Les
affluents portent toujours de la nourriture vers
leurs embouchures et présentent, plus souvent
que les grands cours d'eau, des hauts fonds où
s'abritent les petites bêtes et dont l'accès n'est pas
possible aux gros poissons.
Lorsque la température est maintenue dans l'ap-
pareil de transport à environ 4 degrés centigra-
des, on peut loger un millier d'alevins de truites
âgés de trois mois dans vingt-cinq litres d'eau. Il
faut éviter de renouveler l'eau pendant la route,
parce qu'on pourrait en rencontrer dont la
composition chimique, trop différente de celle
qui a servi au départ, amènerait une rapide
mortalité.
Il faut éviter aussi d'injecter de l'air vicié par
des émanations délétères, par des buées sulfureu-
ses ou ammoniacales, par la fumée de tabac, etc.
Une très petite quantité de ces matières toxiques
suffit pour faire périr les alevins. On évitera enfin
de voyager par un temps lourd et orageux. Les
petits poissons sont très sensibles à l'état électri-
que de l'atmosphère, et souvent, pendant les ora-
ges, il se déclare, dans les bassins, des mortalités
262 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
subites, qu'on ne peut ni prévenir, ni expliquer :
Quand la foudre frappe un étang* tout le poisson
périt.
Il résulte de tout ce que nous avons dit, que
les pratiques de la pisciculture, artificielle ou non,
ne présentent aucune difficulté et peuvent se
généraliser jusqu'à former une branche impor-
tante de l'économie rurale. Pour réussir, quand
on dispose de moyens convenables, il suffit de
multiplier les précautions et de ne négliger au-
cun détail. La véritable règ*le pratique de la
pisciculture peut se résumer en peu de mots : du
soin, du soin et encore du soin. Les résultats
compenseront amplement les peines qu'on aura
prises.
VI
LES ENNEMIS DES POISSONS
Il ne suffit pas de savoir mettre en pratique les
meilleures méthodes qui servent à multiplier les
poissons et à les élever, il faut encore connaître
les principaux ennemis qui les déciment, afin de
pouvoir les détruire, ou préserver de leurs attein-
tes au moins les alevins.
Le destructeur par excellence du poisson, c'est
la loutre. On la rencontre dans le voisinage de
tous les cours d'eau un peu considérables, qui
n'ont pas encore complètement perdu leur peu-
plement. Dans les étangs, ses ravages sont des
plus redoutables. De 400 grandes carpes conser-
vées clans un vivier pour servir à la reproduction,
les loutres en ont dévoré 352 dans l'espace de six
semaines l. La loutre nage dans l'eau avec beau-
coup d'agilité et plonge avec une merveilleuse
\. Max von dem Borne, La Pisciculture, p. IH.
264 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
adresse. Sous la glace, elle respire l'air vicié par
l'action des poumons, le laisse séjourner à l'état
de bulle sous la surface solidifiée, et vient le res-
pirer de nouveau quand il a repris une quantité
suffisante d'oxygène et qu'il s'est débarrassé de
son acide carbonique. Cette bête vorace atteint
une longueur de 0ni,90, non compris la queue;
ses pattes sont palmées et armées de griffes et sa
denture est des plus acérées. En une seule nuit,
elle est capable de pêcher une demi-douzaine de
carpes de 2 kilogrammes, dont elle ne dévore
que les parties les plus tendres, sous la tête et
sous le ventre, et dont elle suce le sang. Sa four-
rure est recherchée.
La loutre habite des terriers ou le creux des
racines des arbres qui croissent au bord des eaux.
Elle s'y construit un nid de feuilles et d'herbes
sèches. L'entrée du repaire est presque toujours
au-dessous du niveau de l'eau, de sorte qu'il est
difficile de le découvrir. En avril et mai la fe-
melle jette de 2 à 4 petits. Les loutres vivent en
société, par compagnies de 4 à 6, et font ensem-
ble des voyages de plusieurs lieues, en suivant
toujours le chemin le plus court, pour atteindre
des eaux poissonneuses, quand elles ont dépeuplé
celles d'une contrée. Elles ont la singulière cou-
tume de s'amuser à se laisser glisser le long des
rives abruptes, mais humides et vaseuses, qui
bordent les eaux profondes. On rencontre de ces
glissières le long de toutes les rivières fréquentées
LES ENNEMIS DES POISSONS. 263
par les loutres et elles y reviennent toujours '.
Pour sortir de l'eau, elles choisissent un haut fond
et une rive plate, non loin de la glissière. On
reconnaît ces sorties à l'herbe foulée et aux dé-
jections des loutres, qui sont remplies d'arêtes,
d'écaillés de poissons et de test d'écrevisses. C'est
à ces endroits qu'on les prend le plus facilement
au moyen de pièges, avec ou sans appât.
Lorsque le niveau de l'eau reste à peu près
constant, on se sert d'un piège à ressort qu'on a
soin de placer à peu près au milieu de la sortie,
à environ 0m,l0 sous l'eau, et qu'on couvre
de vase et de plantes aquatiques. Le piège est
muni d'une chaîne attachée avec une forte et
longue corde au pied d'un arbre, ou à un pieu
solidement fiché dans le sol. La corde est recou-
verte de terre qu'on asperge d'eau, au moyen
d'une branche d'arbre, de manière à la mouiller
copieusement. Quand la loutre est prise, elle
plonge dans l'eau profonde et s'y noie, en entraî-
nant le piège.
Si l'eau est susceptible de varier subitement
de niveau, on dispose le piège à terre, tout contre
l'eau et au milieu de la sortie. On l'enterre au
niveau du terrain, en ayant soin de placer un peu
de mousse au-dessous et de le couvrir avec de la
vase et du sable qu'on asperge avec abondance.
En hiver on remplace cette couverture par des
I. M. v. d. Borne, loc. cit., p. 112.
260 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
feuilles sèches ou du bois pourri, réduit en pou-
dre, et on égalise bien le sol. On attache le piège
avec une corde, assez longue pour que la loutre
puisse gagner la profondeur, et on la couvre de
terre.
Au Canada ', on place le piège au sommet des
glissières et on dirige la loutre en disposant, à
l'entour, des broussailles, qui lui barrent tout au-
tre chemin pour y arriver. Pendant les fortes ge-
lées on place les pièges sur des piquets de bois
plantés dans le sol, au-dessous d'un trou pratiqué
dans la glace. Le piquet porte à sa partie supé-
rieure deux branches de 0m,10 à 0m,12 de lon-
gueur qui supportent un nid de mousse, sur
lequel on établit le piège. L'anneau de la chaîne
est passé dans le piquet même, à sa partie infé-
rieure, et un bout de branche, épargné à cet effet,
ou un clou, l'empêchent de couler dehors et de se
détacher du bois. La loutre, arrivée près du trou,
saute sur le piégée et se noie sitôt qu'elle est prise.
Gomme ces bêtes aiment la chaleur, on peut
quelquefois les surprendre en été, quand elles
dorment en famille, le long des bords desséchés
d'un étang. On les empoisonne avec de la strych-
nine, et pour les attirer à l'appât, on le frotte
avec une huile odorante qu'on fabrique de la ma-
nière suivante. On coupe en petits morceaux des
anguilles, des truites ou d'autres poissons et on
1. Newhouse, The trappers guide.
LES ENNEMIS DES POISSONS. 267
les place dans une bouteille légèrement bouchée,
qu'on suspend au soleil pendant deux ou trois
semaines. Il se forme ainsi une huile grasse, d'une
odeur pénétrante, qu'on mêle avec quelques gout-
tes de musc de loutre, espèce d'huile distillée par
deux glandes placées sous le ventre des deux
sexes. L'odeur de cette composition attire les lou-
tres, les belettes et les putois.
Un dernier moyen de destruction, celui dont
on se sert le plus fréquemment, consiste à tirer la
loutre à l'affût. Pendant la nuit on l'attend à sa
sortie de l'eau, après sa pêche. Gomme, en na-
geant, elle ne montre guère que l'extrémité de
son nez, et que souvent elle se déplace entre deux
eaux, il est difficile de l'atteindre, tant qu'elle n'a
pas pris terre.
Si la loutre nage admirablement dans l'eau, la
nature lui a refusé la faculté de grimper et de
faire des bonds : elle ne peut pas franchir une
petite palissade de 0m,60 de hauteur. Quand les
bassins ne sont pas trop étendus, ce qui arrive
surtout pour les étangs à truites où l'on pra-
tique l'élevage artificiel, il suffit d'une enceinte
de lattes, reliées par du fil de fer, pour fermer
aux loutres l'accès de l'eau.
Le héron est un des plus hardis déprédateurs
de nos cours d'eau. « L'oiseau l baigne ses lon-
1. Noury, Journal officiel, 17 avril 1879, p. 3336.
268 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
g*ues jambes clans la rivière, posant ses doig-ts
sur le gravier du lit et dirigeant son bec en
aval. De temps en temps il exécute des mouve-
ments saccadés de bascule sur ses fémurs. Il
relève sa queue, incline sa poitrine, la plonge
dans la rivière en lui imprimant dans l'eau une
série d'oscillations latérales. Subitement il se
redresse , il paraît attendre. A son attitude
anxieuse, à la vivacité de son reg^ard on devine
qu'il guette une proie; et, en effet, le voilà qui
lance dans l'eau un formidable coup de bec :
avec la rapidité de l'éclair il a saisi une truite.
Il l'avale, si elle n'est pas trop grosse, car ja-
mais il ne dépèce le poisson. Une série de trui-
tes remonte de même le cours de la rivière jus-
qu'au béron qui, à toutes, fait invariablement
subir le même sort. »
Quand la pêcbe est abondante et que le poisson
est gros, le héron perce la truite de son bec effilé
et la tire hors de l'eau. II lui mangue les yeux et
recommence sa pêche.
M. Noury, intrigué par l'espèce de folie qui
attire les poissons à la portée du bec de cet oiseau,
a constaté chez le héron « l'existence de larg-es
loupes graisseuses entre le derme et le peau-
cier des régions pectorale et pelvienne. Les ca-
naux excréteurs de ces grandes débouchent à
la base des plumules que recouvrent les grands
filets de la poitrine. Au contact de l'air leur
excrétion se résout en une poudre bleuâtre, très
LES ENNEMIS DES POISSONS. 269
fine, onctueuse comme le talc et d'une écœu-
rante fétidité. Secoué dans l'eau par le balan-
cement du corps, qui vient d'être décrit, elle
descend lentement le courant. L'odeur qui s'en
dégage paraît être pour les truites d'une incom-
parable suavité, car à peine ces poissons l'ont-
ils ressentie, qu'ils en recherchent la source, et
c'est ainsi qu'ils se rapprochent du héron et
tombent sous ses coups. »
Les braconniers connaissent depuis longtemps
la propriété qu'a l'odeur du héron d'attirer les
poissons, et fabriquent Yhuile de héron dont ils
oignent leurs appâts. Pour cela, ils plument l'oi-
seau sans le vider et le pilent dans un mortier.
La pâte obtenue est conservée dans un flacon
hermétiquement fermé qu'ils placent pendant
15 à 20 jours dans un endroit chaud, jusqu'à ce
qu'il s'y forme une espèce de bouillie huileuse.
Puis on sépare les os et on mêle la masse restante
avec de la farine, du miel, du pain, etc., qu'on
conserve dans des flacons bien bouchés pour en
frotter les hameçons et les appâts au moment de
la pêche *.
Le héron retourne toujours faire sa pêche au
même endroit, aussi longtemps qu'il y trouve
sa proie. Chassé pendant le jour, on le retrouve
pendant la nuit, péchant au clair de lune. Il niche
dans des forêts de haute futaie, au sommet des
1. Horack, Culture des étangs, p. i 90.
270 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
grands arbres, souvent à des distances considé-
rables des pêches qu'il exploite. On le prend au
piège à ressort, qu'on dresse sur de petites îles arti-
ficielles de vase, où il vient se placer pour pêcher,
ou sur des poteaux, s'élevant à plusieurs mètres
au-dessus de l'eau, où il va se percher. On le dé-
truit aussi en semant autour des étang's ou dans
leurs îles, des poissons remplis de pâte phospho-
rée. Il est difficile de l'approcher assez pour l'at-
teindre avec des armes à feu.
Le martin-pêcheur est très nuisible, parce qu'il
s'attaque aux œufs des poissons et aux jeunes ale-
vins dont il nourrit ses petits. C'est à tort qu'on
respecte dans nos campag*nes ses nichées, qu'on
devrait détruire à l'ég^al de celles des oiseaux de
proie. Le merle d'eau, au contraire, ne se nour-
rît que d'insectes aquatiques, de petits mollusques
et de crustacés.
Les faucons, les mouettes, les plongeons, les
canards sauvages, les guillemots, sont autant
d'ennemis dont il faut préserver les poissons et
qu'on prend le plus souvent avec des pièges divers.
Viennent ensuite les rats d'eau, les campagnols,
belettes, fouines, chats sauvages, etc., grands
amateurs de la chair des poissons et de leurs œufs.
Il est bien difficile d'en préserver complètement
les étangs.
Parmi les insectes, le plus redoutable est sans
contredit le dytique et sa larve. Les larves de
LES ENNEMIS DES POISSONS. 271
libellules, d'éphémères, etc., sont également à
craindre, mais seulement pour les œufs et les très
jeunes alevins. En mettant un étang* à sec, pen-
dant quelques mois, on y détruit toute cette en-
geance qui périt par une dessication prolongée.
Nous devons ajouter toutefois que ces insectes
servent de nourriture aux poissons d'un âge plus
avancé et que les gros brochets s'accommodent
fort bien des rats d'eau, mulots, canards, etc.,
quand ils parviennent à les saisir.
Parmi les amphibies, il faut écarter des étangs
à frai, les grenouilles et les salamandres, aussi
bien que les serpents d'eau qui dévorent les œufs
et les petits poissons en grande quantité.
Nous ne parlerons que pour mémoire des petits
parasites plus ou moins microscopiques qui tour-
mentent les poissons, ainsi que de leurs helmin-
thes, des végétations ressemblant à des moisissu-
res, qui les recouvrent et déterminent la mort. Le
meilleur moyen de les en préserver c'est de leur
créer des refuges obscurs, et d'assurer une bonne
alimentation d'eau fortement aérée, soit par des
cascades, soit par une abondante végétation; cette
dernière dégage de l'oxygène et détruit l'acide
carbonique et les matières azotées en se les assi-
milant.
APPENDICE
GAUCKLKR. |,8
APPENDICE
Traduction d'un mémoire allemand, traduit en latin par M. de
Golstein, et rendu en français par M. de Fourcroy, directeur
des fortip.cations en Corse, 'public par Duhamel en 1772 '.
SUR LA FAÇON DE FAIRE NAITRE DES SAUMONS ET DES TRUITES
Traduit de l'allemand des bords du Weser.
1 . — On fera construire une caisse de grandeur à
volonté; par exemple de 12 pieds de long, 1 pied de
large et 6 pouces de hauteur.
2. — A Tune des extrémités, on laissera une ouver-
ture de 6 pouces en carré, fermée d'un grillage de fer
ou de laiton, dont les fds ne seront pas éloignés plus
de 4 lignes les uns des autres. A l'autre extrémité,
sur 1«; côté de la caisse, sera pareille ouverture de
6 pouces de large et 4 de hauteur, grillée de même :
celle-ci servira pour la sortie de l'eau; l'autre pour
son entrée et le grillage empêchera qu'il ne se puisse
glisser dans la caisse ni rats d'eau, ni aucun autre
insecte (sic) ennemi ou destructeur des œufs de pois-
sons.
1. Duhamel, Traité des pèches, II, p. 209.
276 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
3. — La caisse sera exactement fermée parle des-
sus pour les mômes raisons ; on peut cependant laisser
au couvercle une ouverture de 6 pouces en carré,
semblablement grillée, pour donner du jour au jeune
poisson; mais cela n'est pas nécessaire.
4. — On choisira quelque lieu commode près d'un
ruisseau, ou mieux encore près de quelque étang
nourri de bonnes sources, d'où l'on puisse par une
fente ou petit canal de dérivation, faire couler un filet
d'eau d'environ 1 pouce d'épaisseur, à travers la caisse,
par les grilles (n° 2), après l'avoir placée dans la si-
tuation nécessaire à cet effet.
5. — Enfin on couvrira le fond de la caisse de 1 pouce
d'épaisseur de sable ou de gravier, recouvert d'un
lit de petits cailloux jointifs de la grosseur d'une noi-
sette ou d'un gland.
(On aura par ce moyen un petit ruisseau factice rou-
lant sur un fond de cailloux : on en verra plus bas la
nécessité.)
6. — On préparera une ou plusieurs de ces caisses
en lieu convenable pour le mois de novembre; c'est la
saison où les saumons commencent à frayer : alors,
mâles et femelles, ils remontent des grandes rivières
dans les ruisseaux pour y jeter leurs œufs et leur
semence, comme on le voit arriver près de Kaldorff :
c'est alors qu'il faut procéder comme il suit.
7. — On versera environ une pinte d'eau bien claire
dans quelque vase bien nettoyé, comme seau de bois
ou binet, ou baquet; et saisissant la femelle du saumon
par la tête, on la tiendra suspendue sur ce vase : si les
APPENDICE. 277
œufs sont bien à maturité, ils tomberont d'eux-mêmes
dans le vaisseau ; sinon en lui pressant légèrement le
ventre avec la paume de la main, les œufs se détache-
ront et on les recevra facilement dans l'eau.
8. — On en fera de même d'un saumon mâle : quand
il y aura sur les œufs assez de laitance pour blanchir
la surface de l'eau, l'opération de la fécondation des
œufs sera finie.
9. — On répandra les œufs ainsi fécondés dans une
des caisses ci-dessus, et on y fera couler de l'eau du
ruisseau, ayant attention qu'elle n'y coule pas avec
assez de rapidité pour emporter les œufs avec elle ; car
il faut qu'ils demeurent tranquillement entre les cail-
loux.
10. — Il faut avoir soin de nettoyer de temps en
temps ces œufs, des ordures que l'eau y apporte et y
dépose; cela se peut faire au moyen d'une plume que
l'on agite sur l'eau de côté et d'autre.
il. — Quelquefois au bout de cinq semaines les
petits saumons sont déjà formés dans les œufs, y sont
vivants et s'y remuent : on le reconnaît à leurs yeux
qui sont noirs, au lieu que les autres parties sont dia-
phanes et ne renvoient point la lumière. Huit jours
après qu'on a distingué les yeux, ces petits poissons
percent la coque ou peau tendre de l'œuf et se pro-
mènent dans l'eau.
Le temps nécessaire pour la naissance des saumons
n'est cependant pas toujours le même. Si l'eau de la
source est plus chaude, l'opération sera plus tôt faite,
comme aussi suivant la température de l'air. L'expé-
278 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
rience nous a appris qu'il faut souvent le double de
temps pour faire éclore ces œufs.
12. — Pendant que le poisson croît dans son œuf,
on y distingue très bien une membrane ou pellicule
séparée delà coque. Le petit poisson couché dans cette
coque est adhérent à la membrane, qui forme un sac
autour de lui, comme si c'était un pois traversé par une
petite aiguille.
13. — Ce petit sac qui tient au poisson et qui rem-
plit presque toute la capacité de l'œuf, lui tient lieu
d'estomac et d'entrailles : le poisson se nourrit quatre
ou cinq semaines après qu'il est éclos de la matière
renfermée dans cette membrane. Pendant ce temps-là
sa gueule, d'abord informe, s'allonge successivement;
puis ensuite le sac disparaît tout à fait, et l'animal a
pris la figure qu'il doit avoir.
14. — Après les quatre ou cinq premières semaines
(n° 13) la faim survient à ces petits poissons; et comme
dans les caisses ils ne trouvent ni les vermisseaux
propres à les nourrir, ni l'espace dont ils ont besoin, ils
vont chercher l'un et l'autre en sortant de leurs caisses
à travers les grillages. Si pour lors le filet d'eau de la
caisse aboutit à quelque réservoir suffisamment grand,
où l'on puisse élever les saumons jusqu'à la grosseur
dont il les faut pour rempoissonner les étangs, c'est
tout ce qu'il y a de plus convenable.
15. — Les saumons et les truites nouvellement éclos
peuvent se conserver jusqu'à dix semaines dans quel-
que grand vase de verre bien net, ou de quelqu'autre
matière, comme de porcelaine, faïence, etc. Il faut
APPENDICE. 279
seulement faire en sorte de les y transporter sans les
blesser, et avoir ajouté pour cela à la caisse où ils sont
nés, un petit crible de crépon monté sur une planche
qui entre juste dans le travers de la caisse. Nous ne
nous arrêtons pas davantage à cette description, pour
abréger.
16. — Pour faire naître les truites, on se sert préci-
sément de la même méthode, à laquelle il n'y a rien à
ajouter : j'avertirai seulement ici que leurs œufs et lai-
tances sont à maturité et en abondance dans les mois
de décembre et de janvier; et comme les truites sont
plus petites que les saumons, il n'en est que plus aisé
de faire sortir leurs œufs et laitances sans leur faire
courir aucun risque de la vie.
17. — Il ne faut pas croire que les poissons soient
sujets à s'accoupler en mêlant leur sexe comme les
autres animaux, quoiqu'on ne s'en aperçoive pas ; ni
que leurs œufs aient été fécondés par le mâle avant
d'être pondus, en sorte qu'il en pût éclore de petits
poissons sans cette formalité superflue d'y répandre
de la laitance (n° 8), comme naîtraient des poulets, en
mettant simplement des œufs sous une poule ou dans
un four ou poêle, ainsi qu'on le pratique aux Indes.
Pour m'assurer de cette vérité, je fis, il y a environ six
ans, l'expérience suivante.
18. — Je tirai d'une truite des œufs très mûrs, et
j'en eus tout le soin possible, sans y mettre de lai-
tances ; jamais il n'en vint le moindre poisson ; tous ces
œufs se corrompirent en très peu de temps, j'en ai
conclu avec certitude que les œufs des truites et des
280 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
autres poissons ne reçoivent pas leur fécondation tant
qu'ils sont dans le corps du poisson, et attachés à lui,
comme cela arrive aux autres animaux, mais seule-
ment lorsque les truites les ont pondus.
19. — En faisant éclore des truites, j'ai quelquefois
remarqué quantité d'avortons ou de monstres, certaines
années plus, d'autres moins. Quelques-uns avaient
deux têtes et le corps bien formé. D'autres avaient le
ventre commun, et du reste étaient deux poissons bien
distincts, comme seraient deux poissons ordinaires que
l'on coucherait sur une table, bien serrés l'un contre
l'autre par le ventre. D'autres étaient tellement unis par
le flanc, qu'ils ressemblaient à deux truites qui se tien-
nent seulement l'une près de l'autre dans l'eau. Quel-
ques-uns avaient deux corps par en haut, se réunissant
en un seul vers le milieu, et terminé par un seul ventre
et une seule queue. Enfin, parmi ces monstres j'en ai
rencontré un qui paraissait formé de deux poissons
qui se traversaient, n'ayant qu'un seul ventre pour les
deux.
20. — De tous ces avortons, jamais aucun n'a vécu
jusqu'à six semaines, c'est-à-dire au delà du terme où
la matière contenue clans la membrane ou sac de l'œuf
(n° 13) et qui leur sert d'estomac, peut suffire à sa
nourriture.
21. — On peut conjecturer que tous ces monstres
de poissons proviennent de ce qu'un œuf s'est trouvé
fécondé par plus d'un animalcule de la laitance; et
comme c'est la matière contenue dans l'œuf delà truite
et des autres poissons qui fournit au petit poisson le
APPENDICE. 281
ventre, l'estomac et les intestins, an lien que les autres
parties du poisson végètent ou poussent (n° 12) contre
la membrane et la coque de l'œuf, tous ces monstres
se trouvent avoir des intestins communs, et il est facile
d'en inférer comment se produisent les monstres dans
les poissons et les animaux ovipares. Mais ce système
ne peut avoir lieu pour les monstres des vivipares, qui
étant nés dans une matrice, n'ont pas de même un seul
sac destiné à leur fournir les entrailles en commun. Il
n'est pas fort rare de trouver de ces monstres dans les
oiseaux, même dans les quadrupèdes, bien plus dans
les végétaux, et l'on pense que quand les embryons
étaient très tendres, deux se sont collés et ensuite
comme greffés l'un à l'autre.
22. — Les œufs de truites, principalement quand ils
sont à maturité, sont totalement séparés les uns des
autres, ainsi que de toutes les autres parties du pois-
son, et couverts d'une peau ou coque très dure. Il n'y
a donc pas alors beaucoup do circulation, s'il en reste
quelqu'une, entre les liqueurs du poisson et celles de
Fœuf. Aussi les œufs de truites ne se corrompent-ils
pas aussitôt que le poisson, et j'en ai vu se conserver
sains, quatre ou cinq jours après que le poisson s'était
putréfié.
23. — - Pour m'en assurer par expérience, j'ai pris
les œufs mûrs d'une truite déjà pourrie, étant morte
depuis quatre jours et très puante, je les ai couverts
des laitances d'un mâle vivant (n° 8) et j'ai eu des pois-
sons comme si la truite qui m'avait fourni les œufs eût
été vivante.
24. — Et attendu que la vie des animalcules des
282 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
laitances n'est pas non plus tellement liée à celle de
l'animal qui les produit, que la mort du poisson puisse
donner aussitôt la mort à ces petits animalcules; mais
que ces animalcules au contraire conservent leur vie
et leur faculté reproductive, tant que le fluide qui les
contient n'a pas contracté de putréfaction; c'est un fait
conséquent et d'expérience tout ensemble que cette
espèce de paradoxe.
25. — Par le moyen de laitance et d'œufs de truites
déjà mortes et en partie fétides, on peut faire naître de
nouvelles truites.
(On sent combien, au moyen des faits de ces quatre
derniers numéros, on pourrait trouver de facilité à se
procurer des truites dans un canton où il n'y en aurait
jamais eu.)
26. — L'exemple des mulets entre les quadrupèdes
et des carpes métissées de carassins entre les poissons,
fait voir que le mélange de deux espèces en produit
une troisième qui a beaucoup de rapports aux deux
premières. Pendant les mois de novembre, décembre
et janvier, les saumons (n° 6) et les truites (n° 16) ont
leurs œufs et laitances en maturité. On peut donc faire
le mélange de ces deux espèces, et éprouver si l'on
aura des poissons qui ne soient ni truites ni saumons,
mais qui tiennent un milieu entre les deux.
27. — Il ne faut pas conclure de là que Ion aura
des truites saumonées; celles-ci ne constituent pas une
espèce différente de la truite qui a la chair blanche ; j'ai
fait un très grand nombre d'expériences qui prouvent
et constatent que la différence entre les truites sau-
monées et celles qui ne le sont pas, vient en partie de
APPENDICE. 283
la nature de l'eau dans laquelle elles vivent, et princi-
palement de leurs aliments. Nous avons dans nos can-
tons le Pourvoyeur du Carême de Vestrux, qui pos-
sède un vivier dans lequel toutes les truites jetées de
la grosseur du rempoissonnement, deviennent en un
an presque saumonées. Cette fosse reçoit la chute d'un
ruisseau dont l'eau est de la meilleure qualité, très
propre à dissoudre le savon et nourrit beaucoup de gou-
jons et de barbillons, comme il s'en rencontre beaucoup
dans les ruisseaux. On trouve de môme des truites
saumonées communément dans tous les ruisseaux
dont l'eau est de cette espèce et qui abondent en gou-
jons. C'est par cette raison que j'attribue à la nature des
eaux et à la nourriture des truites, cette propriété d'a-
méliorer leur goût et de changer la couleur deleurchair.
28. — Les brochets fraient au mois de mars, et les
truites, comme nous l'avons dit, en décembre et jan-
vier, quelques-unes même en février, quoique assez
rarement. Si donc on trouvait moyen de conserver des
œufs de truites jusqu'en mars, ce que je n'examine
pas ici, on pourrait essayer si des laitances de brochets,
jetées sur des œufs de truites, produiraient une troi-
sième espèce.
29. — Il est bon de remarquer que les animaux métis,
ou produits de deux espèces différentes, n'ont pas la
faculté de se reproduire ; et il est évident par là que
Dieu, en créant la nature, a déterminé la quantité d'es-
pèces auxquelles il a voulu donner l'existence.
30. — Les œufs de saumons et de truites se pour-
rissent infailliblement s'il y séjourne quelque saleté ou
s'ils restent longtemps sur la terre, quoique les petits
28i LES POISSONS D'EAU DOUCE.
poissons y soient déjà tout formés; c'est ce que m'ont
appris quantité d'expériences, et c'est la raison pour
laquelle ces espèces ont reçu de la nature l'instinct de
les déposer sur le gravier des ruisseaux, dans des en-
droits où le courant de l'eau les nettoie continuelle-
ment de toute ordure.
31. — Les truites qui sont dans les étangs y jettent
bien leurs œufs et semences dans la saison. Ces œufs
tombent sur la terre ou la vase ; ou s'il se rencontre un
fond de gravier, pierres ou sable, c'est là que la truite
fraye, et par son mouvement elle travaille tant qu'elle
peut à nettoyer ses œufs. Mais c'est au plus si elle peut
les entretenir propres pendant huit jours. C'est un fait
certain que tout ce qui repose dans l'eau la plus pure,
contracte de jour en jour quelque crasse. Il est impos-
sible que les œufs de truites y demeurent environ dix
semaines sans devenir sales. Voibà pourquoi jamais le
frai des truites ne réussit dans les étangs, à moins que
ce ne soit dans des endroits où le fond soit de gravcir
et où il se rende des sources d'eau vive.
32. — Il se trouve cependant, mais très rarement,
de jeune frai de truites dans quelques étangs, et l'on
s'imagine qu'il y est éclos. Mais, dans ce cas, il faut
remarquer qu'il y tombe quelque source voisine ou
quelque ruisseau qui coule sur du gravier. La truite, au
mois de décembre et de janvier, ne manque pas de
monter de l'étang- dans ces ruisseaux pour y jeter ses
œufs et semences. Dès que les petits sont éclos, ils
cherchent l'eau et leur nourriture, descendent dans
l'étang- et font croire à ceux qui n'y regardent pas de
si près, qu'ils y ont pris naissance.
APPENDICE. 285
33. — Nos observations ci-dessus font voir que les
truites ne peuvent se multiplier dans les étangs; on
sait d'ailleurs qu'il serait impossible de tirer tous les
ans des ruisseaux, sans un dommage considérable, un
rempoissonnement ou alevinage en ce genre, outre
qu'il ne se trouve pas partout des ruisseaux qui pro-
duisent des truites, quoiqu'on eût dans son voisinage
des étangs très propres à les nourrir. On ne pourra donc
disconvenir que cette invention de faire naître des
truites au moyen des œufs et des laitances, ne puisse
procurer un grand profit dans beaucoup d'endroits,
outre le plaisir et l'amusement que Tony pourra trouver.
34. — Les saumons, dans la saison de leur frai,
passent comme les truites, des rivières dans les ruis-
seaux caillouteux, et après y avoir frayé, reviennent
dans les rivières, où les petits saumons viennent les
trouver dès qu'ils le peuvent. Tel est l'instinct que la
nature leur a donné; d'où l'on peut conclure avec vrai-
semblance, que les jeunes saumons ne se tiennent pas
du tout dans les ruisseaux et qu'il est difficile de les
contenir dans des viviers, quand il y entre et qu'il en
sort des sources abondantes.
3o. — Les poissons voraces de nos contrées, comme
brochets, truites, etc., lorsqu'on les garde à part dans
des viviers, se nourrissent principalement de rats d'eau,
de grenouilles, lézards, salamandres d'eau, orvets et
autres insectes de cette espèce (sic) ; et comme les sau-
mons se nourrissent de même, on ne perdra pas ses
peines si l'on jette beaucoup de ces insectes dans les
étangs où l'on veut les faire profiter.
36. — Les eaux d'étangs propres à nourrir les carpes
286 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
sont ordinairement du même degré de chaleur que
celles dans lesquelles les saumons aiment naturelle-
ment à demeurer; c'est ce qui fait que les eaux tem-
pérées leur conviennent mieux que les étangs plus
froids, dans lesquels les truites se plaisent davantage.
37. — Les saumons ne fraient pas dans les étangs
(n° 30) et il est très difficile d'en pêcher dans les rivières
pour le rempoissonnement. II suit de là, que notre in-
vention ci-dessus des œufs et laitances des truites et
saumons, peut être très utile, pourvu que les étangs
où l'on voudra les garder leur fournissent la nourriture.
38. — J'ai actuellement 430 petits saumons de la
première expérience que j'ai faite pour en élever; lors-
qu'ils ont eu six semaines, je les ai dispersés dans
plusieurs petits viviers; j'espère qu'au bout de l'année
je pourrai juger avec certitude s'il se trouve quelque
profit à nourrir et à garder ainsi les saumons dans les
étangs.
39. — Les brochets et les perches fraient dans la plu-
part des étangs, au lieu que les carpes et les carassins
ne fraient que dans ceux dont les eaux sont tempé-
rées, aux endroits qui se trouvent unis sans beaucoup
d'herbes, et qui ne sont pas environnés de beaucoup
de vases molles. Si la nature n'a pas ainsi disposé le
terrain d'un étang, il est très facile d'y remédier à peu
de frais; et après avoir éprouvé et observé comment
il convient de préparer et d'entretenir les étangs, on
pourrait tirer grand profit de cette éducation artifi-
cielle des poissons, h l'exemple de tout ce qui vient
d'être dit sur les truites et saumons de notre pays.
APPENDICE. 287
40. — Les poissons mâles ont près de l'arête deux
lobes de ce qu'on appelle la laitance ; c'est une matière
blanchâtre et quelquefois un peu grise, dont les parties
sont assez solides. Cette matière s'accroît ordinaire-
ment depuis le printemps jusqu'au mois de novembre
dans les saumons et jusqu'en décembre dans les truites ;
et c'est la matière prolifique de ces poissons.
44 . — Lorsque le temps du frai des saumons et des
truites est arrivé, il se liquéfie journellement dans
chaque mâle, environ la sixième partie de cette matière,
qui du reste demeure solide. C'est au moment de cette
liquidité qu'elle a acquis toute sa maturité; et alors
elle ressemble à un véritable lait blanc et fluide qui
contient les animalcules séminaux parvenus à leur
perfection.
42. — Les femelles de ces poissons ont pareillement
leurs œufs assemblés en deux lobes contigus à l'épine
du dos et y croissent dans le même temps. Lorsque ces
œufs à l'approche du frai ont acquis leur juste volume
et leur maturité, la membrane qui les unit ensemble
s'en sépare, en sorte qu'au moyen de quelque mouve-
ment, soit d'extension ou de compression, les œufs
sont expulsés l'un après l'autre du corps de la fe-
melle (n° 22).
43. — Au moment du frai des saumons, comme en
novembre, le mâle et la femelle, dont la laitance et les
œufs sont à maturité, sortent des grandes rivières, vont
gagner quelque ruisseau dout l'eau murmure sur un
fond de cailloux, sable ou pierres (n° 4 et 5), parce qu'il
faut un tel fond pour que les œufs s'étendent (n° 30).
288 LES POISSONS D'EAU DOUCE.
44. Alors le mâle se tient auprès de la femelle,
tous les deux s'agitent et se frottent le ventre sur le
sable ou sur le fond, afin de faire sortir par ce petit choc
ce qu'ils ont d'oeufs et de laitance en état de maturité
(nos 7 et 3).
45. — En même temps que les œufs tombent du
corps de la femelle, leur poids les porte vers le fond ; et
comme il est pierreux, l'un passe derrière un caillou,
l'autre derrière un autre. On peut remarquer dans les
eaux courantes que chaque petite pierre occasionne
un petit tourbillon d'eau, au milieu duquel se trouve
un point de repos, dans lequel est chassé tout corps
léger qui se rencontre, et par conséquent l'œuf de notre
poisson. C'est ainsi que se dispersent et s'étendent les
œufs de truites et de saumons sur les fonds graveleux
des ruisseaux.
46. — La laitance du mâle se répand en même temps
par petits tourbillons sur le sable et les graviers, com-
posée, comme on le sait, d'une infinité d'animalcules
séminaux, dont l'un étant porté d'un côté de l'œuf,
l'autre d'un autre, il s'en trouve un qui rencontre
certaine cicatricule de l'œuf, s'y insinue et le féconde.
Après cette opération, le cours et le choc continuel
de l'eau conserve les œufs dans la propreté qui leur
est indispensable (n° 9, 10, 30, 31); et après environ
dix semaines, arrive au jour le petit poisson, plus tôt
ou plus tard, selon que la source est d'une température
plus ou moins froide ou chaude.
47. — Si l'on compare cette histoire de la propaga-
tion naturelle des truites et des saumons, avec les pro-
cédés que nous avons déduits pour les faire naître chez
APPENDICE. 289
soi, nous nous flattons que l'on reconnaîtra dans notre
méthode toutes les attentions indiquées comme prin-
cipales et essentielles par la nature, en sorte qu'on
pourra en hasarder l'expérience avec confiance de
réussir.
Nota \ — Ce mémoire fut remis à M. Fourcroy
en allemand, à Dusseldorff, en 1758, par M. le comte
de Golstein. M. Fourcroy dit qu'il se rappelle qu'il lui
avait dit avoir toute confiance aux faits de ce mémoire,
comme le tenant de très bonne main.
Ni M. Fourcroy, ni M. le comte de Golstein, ni à
plus forte raison moi, ne sommes en état de certifier
la vérité de tous les faits qui sont rappelés dans ce mé-
moire ; mais la façon dont il est écrit engage à y avoir
une certaine confiance et, peut-être, pourra-t-il déter-
miner quelque naturaliste à faire des tentatives ana-
logues pour multiplier d'autres poissons.
1. De Duhamel.
GADCKLER. 19
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Pages.
PREMIÈRE PARTIE
LES POISSONS
I. — Famille des Salmonidés.
Le Saumon 13
Le Saumon du Danube 22
La Truite de rivière 26
La Truite des lacs 30
La Truite de mer 33
L'Ombre cbevalier 35
L'Ombre commun 39
Les Corégones (fera) 43
II. — Famille des Clupéides.
L'Alose 47
III. — Famille des Ésocides.
Le Brochet 51
292 TABLE DES MATIERES.
IV. — Famille des Percides.
Pages.
La Perche 55
Le Sandre 57
V. — Famille des Gadidés.
La Lotte 59
VI. — Famille des Siluroïdes.
Le Silure 61
VII. — Famille des Murènides.
L'Anguille 63
VIII. — Famille des Cottides,
Le Chabot 67
IX. — Famille des Gastéroïdes.
L'Épinoche 69
X. — Famille des Cyprinides.
La Carpe 71
Le Carassin 75
Lé Poisson rouge 77
La Chevaine 78
La Vandoise 80
Le Gardon 81
La Brème 83
L'Ablette. 85
Le Barbeau 87
Le Goujon 89
La Loche franche 90
La Tanche 93
Le Nase 96
Le Véron 98
TABLE DES MATIÈRES. 293
XI. — Famille des Sturoniens.
Pages.
L'Esturgeon 101
XII. — Famille des Pétromizonides.
La Lamproie 105
XIII. — Crustacés.
L'Écrevisse 109
DEUXIÈME PARTIE
LA PISCICULTURE
La Pisciculture 115
I. — La Colonisation 117
II. — Les Étangs 121
1. Établissement d'un étang 124
2. Étangs à carpes 138
a. Étangs à feuilles de pose 139
5. Étangs à nourrain ou à empoissonnage. . . 142
c. Étangs à carpes marchandes 144
d. Viviers d'hivernage 148
e. Pêche des étangs à carpes 149
/'. Exploitation agronomique des étangs à carpes. 151
3. Étangs à truites 155
4. Étangs à corégones 1 62
5. Étangs à anguilles 104
6. Étangs à écrevisses 166
7. Produits végétaux des étangs 168
III. — Les Frayères artificielles 173
IV. — Aménagement des Rivières et des Canaux. 183
294 TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
V. — Reproduction artificielle des Poissons. . . 195
1. Ponte des truites en liberté 197
2. Choix des reproducteurs 201
3. La Rigole-frayère 204
4. Fécondation artificielle des œufs libres 212
5. Fécondation artificielle des œufs adhérents. . 222
6. Incubation en pleine eau 224
7. Incubation artificielle 230
8. Transport des œufs 243
9. Éclosions et alevinage 246
10. Transport des jeunes Poissons 256
VI. — Les Ennemis des Poissons 263
APPENDICE
Mémoire de Jacobi 275
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19, RUE DES SAINTS-PÈRES, ;i9.
CATALOGUE
DES
LIVRES DE FONDS
OUVRAGES HISTORIQUES
ET PHILOSOPHIQUES
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Collection historique des grands
philosophes 2
Philosophie ancienne 2
Philosophie moderne 2
Philosophie écossaise 3
Philosophie allemande 3
Philosophie allemande con-
temporaine h
Philosophie anglaise contem-
poraine 5
Philosophie italienne con-
temporaine 5
BIBLIOTHÈQUE DE PHILOSOPHIE CON-
TEMPORAINE G
BIBLIOTHÈQUE D'HISTOIRE CONTEM-
PORAINE 10
Pagos.
Bibliothèque scientifique inter-
nationale 12
Ouvrages divers ne se trouvant
pas dans les bibliothèques. . ol
fc-nquéte parlementaire sur les
actes du gouvernement de la
défense nationale 20
Enquête parlementaire sur l'in-
surrection du 1 8 mars 21
OEuvres d'Edgar Quinet 22
Bibliothèque utile 23
Revue politique et littéraire. . 26
Revue scientifique 27
Revue philosophique 30
Revue historique 30
Table alphabétique des au-
teurs 31
PARIS
LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C'c
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cipes généraux de la nature. 2 forts
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GÉRARD (Jules). Maine de Uiran, essai sur sa philosophie.
1 fort vol. in-8, 1876. 10 fr.
GOUET (Amédée). Histoire nationale do Franco, d'après des
documents nouveaux.
Tome I. Gaulois et Francks. — Tome II. Temps féodaux. —
Tome III. Tiers état. — Tome IV. Guerre des princes. — Tome V.
Renaissance. — Tome VI. Réforme. — Tome VII. Guerres de
religion. (Sous presse.) Prix de chaque vol. in-8. 5 fr.
GUICHARD (Victor). La liberté «le penser, fin du pouvoir spi-
rituel. 1 vol. in-18, 2° édition, 1878. 3 fr. 50
GUILLAUME (de Moissey). Nouveau traité des sensations.
2 vol. in-8 (1876). 15 fr.
HERZEN. Œuvres complètes. Tome Ier. Récits et nouvelles.
1874, 1 vol. in-18. 3 fr. 50
HERZEN. »e l'autre rive. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
HERZEN. Lettres de France et d'Italie. 1871, in-18. 3 fr. 50
ISSAURAT. Moments perdus de l»ierre-Jean, observations,
pensées. 1868, 1 vol. in-18. 3 fr.
ISSAURAT. Les alarmes d'un père de famille, suscitées,
expliquées, justifiées et confirmées par lesdits faits et gestes de
Mgr Dupanloup et autres. 1868, in-8. 1 fr.
JEANT (Paul). Voyez pages 2, 4, 6, 8.
— 17 —
JOZON (Paul). Ucs principes do récriture phonétique et
des moyens d'arriver à une orthographe rationnelle et à une
écriture universelle. 1 vol. in-18. 1877. 3 fr. 50
JOYAU, ifce l'invention dans les arts et dans les sciences.
1 vol. in-8. 5 fr.
LABORDE. tes hemnics et les actes do l'insurrection de
Paris devant la psychologie morbide. 1 vol. in-18. 2 fr. 50
LACHELIËR. Le fondement de l'induction, lvol. in-8. 3 fr. 50
LACOMBE. Mes droits. 1869, 1 vol. in-12. 2 fr. 50
LAHGLOIS. Lhomuio et la Révolution. Huit études dédiées à
P.-J. Proudhon. 1867. 2 vol. in-18. 7 fr.
LAUSSEDAT. La Suisse. Études médicales et sociales. 2° édit.,
1875. 1 vol. in-18. 3fr. 50
LAYELEYE (Em. de). SSe l'avenir des peuples catholiques.
1 brochure in-8. 21e édit. 1876. 25 c.
LAVELEYE (Em. de). Lettres sur l'Italie (1878-1879). 1 vol.
in-18. 3 fr. 50
LAVELEYE (Em. de). L'Afrique centrale. 1 vol. in-12. 3 fr
LAYERGNE (Bernard). L'ultramontanisiue et l'État. 1 vol.
in-8 (1875). 1 fr. 50
LE BERQUIER. Le barreau moderne. 1871, in-18. 3 fr. 50
LEDRU (Alphonse). Organisation, attributions et responsa-
bilité des conseils do surveillance des sociétés en
commandite par actions. Grand in-8 (1876). 3 fr. 50
LEDRU (Alphonse). fl»es publicains et des Sociétés vecti-
galicnncs. 1 vol. grand in-8 (1876). 3 fr.
LEDRU-ROLLIN. Discours politiques et écrits divers. 2 vol.
in-8 cavalier (1879). 12 fr.
LEMER (Julien). Dossier des jésuites et des libertés de
l'Église gallicane. 1 vol. in-18 (1877). 3 fr. 50
L1TTRÉ. Conservation, révolution et positivisme. 1 vol.
in-12. 2e édition (1879). 5 fr.
LUBROCK(sir Jobn). L'homme préhistorique, étudié d'après les
monuments et les costumes retrouvés dans les différents pays de
l'Europe, suivi d'une Description comparée des mœurs des sau-
vages modernes, traduit de l'anglais par M. Ed. Barbier.
526 figures intercalées dans le texte. 1876. 2e édition, consi-
dérablement augmentée, suivie d'une conférenée de M. P. Bruoca
sur les Troglodytes de la Vezère. 1 beau vol. in-,br. 15 fr.
Gart. riche, doré sur tranche. 15 fr.
LUBBOCK (sir John). Les origines de la civilisation. État
primitif de l'homme et mœurs des sauvages modernes. 1877,
1 vol. grand in-8 avec figures et planches hors texte. Traduit de
l'anglais par M. Ed. Barbier. 2e édition. 1877. 15 fr.
Relié en demi-maroquin avec nerfs. 18 fr
MAGY. De la science et de la nature. In-8. 6 fr.
MENIÈRE. Cicéron médecin. 1 vol. in-18. à fr. 50
MENIÉRE. Les consultations de madame de Sévlgné, étude
médico-littéraire. 1864, 1 vol. in-8. 3 fr.
MESMER. Mémoires et aphorismes, suivi des procédés de
d'Eslon. Nouvelle édition, avec des notes, par J.-J.-A. Ricard.
1846, in-18. 2 fr. 50
MICHAUT (N.). »c l'imagination. 1 vol. in-8. 5 fr.
MILSAIND. Les é aides classiques et l'enseignement public.
1873, 1 vol. in-18. 3 fr. 50
— 18 —
MILSAND. Le code et in liberté. 1865, in-8. 2 fr.
MIRON. l»o la réparation du temporel et du spirituel.
1866, in-8. 3fr. 50
MORIN. B»u magnétisme et des sciences occultes. 1860,
1 vol. in-8. 6 fr.
MORIN (Frédéric). Politique et philosophie, précédé d'une in-
troduction de M. Jules Simon. 1 vol. in-18, 1876. 3 fr. 50
MUNABET. Le médecin des villes et des campagnes.
4° édition, 1862, 1 vol. grand in-18. 4 fr. 50
NOLEN (I).). lia critique de liant et la métaphysique
do Leibniz. 1 vol. in-8 (1875). 6 fr.
NOURRISSON. Essai sur la philosophie de IBossuct. 1 vol.
in-8. 4 fr.
OGER. ï.es Bonaparte et les frontières de la France. In-18. 50 c.
OGER. La république. 1871, brochure in-8. 50 c.
OLLÉ-LAPRUNE. La philosophie de Malebranche. 2 vol. in-8.
16 fr.
PARIS (comte de). Les associations ouvrières en Angle-
terre (trades-unions). 1869, 1 vol. gr. in-8. 2 fr. 50
Édition sur pap. de Chine : Rroché, 12 fr. ; rel. de luxe. 20 fr.
PELLETAN (Eugène). La naissance «l'une ville (Royan).
1 voi. in-18. 2 fr.
PENJON. Berkeley, sa vie et ses œuvres. In-8, 1878. 7 fr. 50
PEREZ (Bernard). L'éducation «lès le berceau, essai de péda-
gogie expérimentale. 1 vol. in-8, 1880. 5 fr.
PETROZ (P.). L'art et la critique en France depuis 1822.
1 vol. in-18, 1875. 3 fr. 50
POEY (André). Le positivisme. 1 fort vol. in-12 (1876). 4 fr. 50
POEY. M. Littré et Auguste Comte. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
POULLET. La campagne de l'Est (1870-1871). 1 vol. in-8
avec 2 cartes, et pièces justificatives, 1879. 7 fr.
PUISSANT (Adolphe). Erreurs et préjugés populaires. 1873,
1 vol. in-18. 3 fr. 50
PUISSANT (Adolphe). Recrutement des armées de terre
c» de mer, loi de. 1872. 1 vol. in-4. 12 fr.
Réorganisation des armées active et territoriale, lois de
1873-1875. 1 vol. in-4. 18 fr.
RAMBERT (E.) et P. ROBERT. Les oiseaux dans la nature,
description pittoresque des oiseaux utiles. 1 vol. in-folio avec
20 chromolithographies, il gravures sur bois hors texte, et de
nombreuses gravures dans le texte, dans un carton . . 50 fr.
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RÉGAMEY (Guillaume). Anatomîe des formes «lu cheval, à
l'usage des peintres et des sculpteurs. 6 planches en chromo-
lithographie, publiées sous la direction de Félix RÉGAMEY, avec
texte par le Dr Kuhff. 8 fr.
REYMOND (William). Histoire de l'art. 1874, 1 vol. in-8. 5 fr.
III BOT (Paul). Matérialisme et spiritualisme. 1873, in-8. 6 fr.
SALETTA. Principes de logi«|iie positive. In-8. 3 lr. 5 0
SECRET AN. Philosophie de la liberté, l'histoire, 1' dée.
3e édition, 1879, 2 vol. in-8. l'O fr.
SIEGFRIED (Jules). La misère, son histoire, ses causes, ses
remèdes. 1 vol. grand in-18. 3e édition (1879). 2 fr. 50
SIÉREBOIS. Autopsie de rame. Identité du matérialisme et du
vrai spiritualisme. 2° édit. 1873, 1 vol. in-18. 2 fr. 50
S1ÈREB0IS. La morale fouillée dans ses fondements. Essai d'an-
thropodicée. 1867, 1 vol. in-8. 6 fr.
— 19 —
SMKE(A.). mon jardin, géologie, botanique, histoire naturelle,
1870, 1 magnifique vol. gr in-8, orné de 1300 fig. et 52 pi. liors
texte. Broché, 15 fr. Cartonn. riche, tranches dorées.. 20 fr.
SOREL (Albert). I,c traité de Paris du 30 novembre « SI 5.
1873, 1 vol. in-8. 4 fr. 50
TÉNOT (Eugène). Paris et ses fortification*, 1870-1880.
1 vol. in-8. 5 fr.
THULIÉ. La folie et la loi. 1867, 2e édit., 1 vol. in-8. 3 fr. 50
THUL1É. La manie raisonnante du docteur Campagne,
1870, broch. in-8 de 132 pages. 2 fr.
TIBERGHIEN. Les commandements de l'humanité. 1872.
1 vol. in-18. 3 fr.
TIBERGHIEN, Enseignement et philosophie. In-18. à fr.
TIBERGHIEN. La science de l'âme. 1 v.in-12, 3e édit. 1879. 6 fr.
TIBERGHIEN. Éléments de morale univ. 1 v. in-12,1879. 2 fr.
TISSANDIER. Études de Théodicée. 1869, in-8 de 270 p. 4 fr.
TISSOT. Principes de morale. In-8. 6 fr.
TISSOT. Voy. Kant, page 3.
VAGHEROT. La science et la métaphysique. 3 vol. in-18.
10 fr. 50
VAGHEROT. Voyez pages 2 et 7.
VAN DER REST. Platon et Aristotc. In-8, 1876. 10 fr.
VÉRA. Strauss et l'ancienne et la nouvelle fol. In-8. 6 fr.
VÉRA. Cavour et l'Église libre dans l'État libre. 1874,
in-8. 3 fr. 50
VÉRA. L'Hcgclianisme et la philosophie. In-18. 3 fr. 50
VÉRA. mélanges philosophiques. 1 vol. in-8. 1862. 5 fr.
VÉRA. Plntonis, Aristotelis et Ilegolii de medio terntino
doctrina. 1 vol. in-8. 1845. 1 fr. 50
VÉRA. Introduction à la philosophie de Ilcgcl. 1 vol. in-8,
2e édition. 6 fr. 58
VILLIAUMÉ. La politique moderne, 1873, in-8. 6 fr.
VOITURON (P.). Le libéralisme et les idées religieuses.
1 vol. in-12. 4 fr.
WEBER. nistoire de la philos, europ. In-8, 2e édit. 10 fr.
UNG (Eugène). Henri BV, écrivain. 1 vol. in-8. 1855. 5 fr.
ZEVORT (Edg.). Le marquis d'Argcnson, et le Ministère des
affaires étrangères de 1744 à 1747. 1 vol. in-8. 6 fr*
— 20
ENQUÊTE PARLEMENTAIRE SUR 1ES ACTES DU GOUVERNEMENT
DE LA DÉFENSE NATIONALE
DÉPOSITIONS DES TÉMOINS :
TOME PREMIER. Dépositions de MM. Thiers, maréchal Mac-Mahon, maréchal
Le Bœuf, Benedetti, duc de Gramont, de Talhouët, amiral Rigault de Genouilly,
baron Jérôme David, général de Palikao, Jules Brame, Dréolle, etc.
TOME II. Dépositions de MM. de Chaudordy, Laurier, Cresson, Dréo, Ranc,
Rampont, Steenackers, Fernique, Robert, Schneider, Buffet, Lebretou et Hébert,
Bellangé , colonel Alavoine , Gervais, Bécherelle , Robin, Muller, Boutefoy,
Meyer, Clément et Simonneau, Fontaine, Jacob, Lemaire, Petetin,Gnyot-Montpay-
roux, général Soumain, de Legge, colonel Vabre, de Crisenoy, colonel Ibos, etc.
TOME III. Dépositions militaires de MM. de Freycinet, de Serres, le général
Lefort, le général Ducrot, le général Vinoy, le lieutenant de vaisseau Farcy,
le commandant Amet, l'amiral Pothuau, Jean Brunet, le général de Beau-
fort-d'Hautpoul, le général de Valdan, le général d'Aurelle de Paladines, le géné-
ral Chanzy, le général Martin des Pallières, le général de Sonis, etc.
TOME IV. Dépositions de MM. le général Bordone, Mathieu, de Laborie, Luce-
Villiard, Castillon, Debusschère, Darcy, Chenet, de La Taille, Baillehache, de
Grancey, L'Hei-mite, Pradier, Middleton, Frédéric Morin, Thoyot, le maréchal
Bazaine, le général Boyer, le maréchal Canrobert, etc. Annexe à la déposition
de M. Testelin, note de M. le colonel Denfert, note de la Commission, etc.
TOME V. Dépositions complémentaires et réclamations. — Rapports de la
préfecture de police en 1870-1871. — Circulaires, proclamations et bulletins
du Gouvernement de la Défense nationale. — Suspension du tribunal de la Rochelle ;
rapport de M. de La Borderie; dépositions.
ANNEXE AU TOME V. Deuxième déposition de M. Cresson. Événements
de Nîmes, affaire d'Ain Yagout. — Réclamations de MM. le général Bellot et
Engelhart. — Note de la Commission d'enquête (1 fr.).
RAPPORTS :
TOME PREMIER. M. Chaper, les procès-verbaux des séances du Gouver-*
nement de la Défense nationale. — M. de Sugny, les événements de Lyon
sous le Gouv. de la Défense nat. — M. de Rességuier, les actes du Gouv. de la
Défense nat. dans le sud-ouest de la France.
TOME II. M. Saint-Marc Girardin, la chute du second Empire. — M. de
Sugny, les événements de Marseille sous le Gouv. de la Défense nat.
TOME III. M. le comte Darxtf la politique du Gouvernement de la Défense
nationale à Paris.
TOME IV. M. Chaper, de la Défense nat. au point de vue militaire à Paris.
TOME V. Boreau-Lajanadie, l'emprunt Morgan. — M. de la Borderie, le camp
de Coidie et l'armée de Bretagne. — M. de la Sicolière, l'affaire de Dreux.
TOME VI. M. de Bainneville, les actes diplomatiques du Gouv. de la Défense
nat. — M. A. Lallié, les postes et les télégraphes pendant la guerre. — M. Delsol,
la ligne du Sud-Ouest. — M. Perrot, la défense en province (1" partie).
TOME VII. M. Perrot, les actes militaires du Gouv. de la Défense nat. en
province (2e partie : Expédition de l'Est).
TOME VIII. M. de la Sicotière, sur l'Algérie.
TOME IX. Algérie, dépositions des témoins. Table générale et analytique
des dépositions des témoins avec renvoi aux rapports (10 fr.).
TOME X. M. Boreau-Lajanadie, le Gouvernement de la Défense nationale à
Tours et à Bordeaux (5 fr.).
PIÈCES JUSTIFICATIVES :
TOME PREMIER. Dépêches télégraphiques officielles, première partie.
TOME DEUXIÈME. Dépêches télégraphiques officielles, deuxième partie. —
Pièces justificatives du rapport de M. Saint-Marc Girardin.
Prix de chaque volume *5 fr.
Prix de l'enquête complète en 18 volumes. . . 341 fr.
— 21 —
Rapports sur les actes du Gouvernement de In Défense
nationale, se vendant séparément :
E. RESSÉGU1ER.— Toulouse sous le Gouv. de la Défense nat. In-4. 2 fr. 50
SAINT-MARC GIRARDIN. — La cliute du second Empire. In-4. 4 fr. 50
Pièces justificatives die rapport de M. Saint-Marc Girardin. 1 vol. in-4. 5 fr.
DE SUGNY. — Marseille sous le Gouv. de la Défense nat. In-4. 10 fr.
DE SUGNY. — Lyon sous le Gouv. de la Défense nat. In-4. 7 fr.
DARU. — La politique du Gouv. de la Défense nat. à Paris. In-4. 15 fr.
CMAPER. — Le Gouv. delà Défense à Paris au point de vue militaire. In-4. 15 fr.
CIIAPER. — Procès-verbaux des séances du Gouv. de la Défense nat. In-4. 5 fr.
DOREAU-LAJANADIE. — L'emprunt Morgan. In-4. 4 fr. 50
DE LA BORDERIE. — Le camp de Conlie et l'armée de Bretagne. In-4. 10 fr.
DE LA SICOTIÈRE. — L'affaire de Dreux. In-4. 2 fr. 50
DE LA SICOTIÈRE. — L'Algérie sous le Gouvernement de la Défense nationale.
2 vol. in-4. 22 fr.
DE RAINNEVILLE. Actes diplomatiques du Gouv. de la Défense nat. 1 vol.
in-4. 3 fr. 50
LALLIÉ. Les postes et les télégraphes pendant la guerre. 1 vol. in-4. 1 fr. 50
DELSOL. La ligue du Sud-Onest. 1 vol. in-4. 1 fr. 50
PERROT. Le Gouvernement de la Défense nationale en province. 2 vol. in-4. 25 fr.
BOREAU-LAJANADIE. Rapport sur les actes de la Délégation du Gouver-
nement de la Défense nationale à Tours et à Bordeaux. 1 vol. in 4. 5 fr.
Dépèches télégraphiques officielles. 2 vol. in-4. 25 fr.
Procès-verbaux de la Commune. 1 vol. in-4. 5fr.
Table générale et analytique des dépositions des témoins. 1 vol. in-4. 3 fr. 50
LES ACTES DU GOUVERNEMENT
DE LA
DÉFENSE NATIONALE
(DU 4 SEPTEMBRE 1870 AU 8 FÉVRIER 1871)
ENQUÊTE PARLEMENTAIRE FAITE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
RAPPORTS DE LA COMMISSION ET DES SOUS-COMMISSIONS
TÉLÉGRAMMES
PIÈCES DIVERSES — DÉPOSITIONS DES TÉMOINS — PIÈCES JUSTIFICATIVES
TABLES ANALYTIQUE, GÉNÉRALE ET NOMINATIVE
7 forts volumes in-4. — Chaque volume séparément 16 fr.
L'ouvrage complet en V volumes : 113 fr*.
Cette édition populaire réunit, en sept volumes avec une Table analytique
par volume, tous les documents distribués à l'Assemblée nationale. —
Une Table générale et nominative termine le 7e volume.
ENQUÊTE PARLEMENTAIRE
L'INSURRECTION DU 18 MARS
1° RAPPORTS. — 2° DÉPOSITIONS de MM. Thiers, maréchal Mae-Mabon, général
"Prêcha, J. Havre, Ernest Picard, J. Ferry, général Le Flô, général Vinoy, colonel
Lambert, colonel Gaillard, général Appert, Floquet, général Cremer, amiral Saisset,
Schœlcher, amiral Pothuan, colonel Langlois, etc. — 3° PIÈCES JUSTIFICATIVES
1 vol. grand in-4°. — Prix : te fr.
22
COLLECTION ELZÉVIRIENNE
MAZZINI. Lettre» «le Joseph niazziui à Daniel Stem (1864
1872), avec une lettre autographiée. 3 fr. 50
MAX. MULLEB. Amour allemand, traduit de l'allemand. 1 vol.
in-18. 3 fr. 50
CORLIEU (le Dr). La mort des rois de France, depuis Fran-
çois 1er jusqu'à la Révolution française, études médicales et his-
toriques. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
CLAMAGERAN. L'Algérie, impressions de voyage. 1 vol. in-18.
3 fr. 50
STUART M1LL (J.). La K&épubliquc de 1848, traduit de l'an-
glais, avec préface par M. Sadi Carnot. 1 vol. in-18 (1875).
3 fr. 50
RIBERT (Léonce). Esprit de la Constitution du 25 février
1875. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
NOËL (E.). Mémoires d'un imbécile, précédé d'une préface
de M. Littrè. 1 vol. in-18, 3e édition (1879). 3 fr. 50
PELLETAN (Eug.). Jarousscau, le Pasteur du désert. 1vol.
in-18 (1877). Couronné par l'Académie française. 6e édit. 3fr. 50
PELLETAN (Eug.). Elisée, voyage d'un homme à la re-
cherche de lui-même. 1 vol. in-18 (1877). 3 fr. 50
PELLETAN (Eug.). l'n roi philosophe, Frédéric le Cirand.
1 vol. in-18 (1878). 3 fr. 50
E. DUVEBGIER DE HAURANNE (Mrae). flistoire populaire de
la i&évoSuiion française. 1 v. in-18, 2e édit., 1879. 3 fr. 50
ÉTUDES CONTEMPORAINES
B0U1LLET (Ad.). Les bourgeois gentilshommes. — L'armée
d'Henri V. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
— Types nouveaux et inédits. 1 vol. in-18. 2 fr. 50
— 1/arrièrey-ban de l'ordre moral. 1 vol. in-18. 3fr. 50
VALMONT (V.). L'espion prussien, roman anglais, traduit par
M. J. Dubrisay. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
BOURLOTON (Edg.) et ROBERT (Edmond). La Commune et
ses idées à travers l'histoire. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
CHASSERIAU (Jean). Du principe autoritaire et du prin-
cipe rationnel. 1873. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
NAQUET (Alfred). La République radicale. In-18. 3 fr. 50
ROBERT (Edmond). Les domestiques. In-18 (1875). 3 fr. 50
LOURDAU. Le sénat et la magistrature dans la démocra-
tie française. 1 vol. in-18 (1879). 3 fr. 50
F1AUX. La femme, le mariage et le divorce, étude de
sociologie et de physiologie. 1 vol. in-18. 3 fr. 50
PARIS (le colonel). Le feu à Paris et en Amérique. 1 vol.
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Édition in-8, le vol ... 6 fr. | Édition in-18, le vol. 3 fr. 50
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gine des dieux. (Nouvelle édition.)
II. — Les Jésuites. — L'Ultramonta-
nisme. — Introduction à la Philoso-
phie de riiistoiredel'Humanité. (Nou-
velle édition, avec préface inédite.)
III. — Le Christianisme et la Révo-
lution française. Examen de la Vie
de Jésus-Christ, par Strauss. —
Philosophie de l'histoire de France.
(Nouvelle édition.)
IV. — Les Révolutions d'Italie. (Nou-
velle édition.)
V. — Marnix de Saiiite-Aldegonde. —
La Grèce moderne et ses rapports
avec l'Antiquité.
VI. — Les Romains. — Allemagne et
Italie. — Mélanges.
VII. — Ashavérus. — Les Tablettes
du Juif errant.
VIII. — Prométhée. — Les Esclaves.
IX. — Mes Vacances en Espagne. —
De l'Histoire de la Poésie. — Des
Epopées françaises inédites di
XIIe siècle.
X. — Histoire de mes idées.
XI. — L'Enseignement du peuple. —
La Révolution religieuse au xixe siè-
cle. — La Croisade romaine. — Lu
Panthéon. — Plébiscite et Concile.
— ■ Aux Paysans.
Viennent de pmrteît»>e :
Correspondance. Lettres à sa mère. 2 vol. in-18. . . . • 7 »
Les mêmes. 2 vol. in-8 12 »
La révolution. 3 vol. in-18 10 50
La campagne de 8895. 1 vol. in-18 3 50
Merlin rencliamicur, avec une préface nouvelle, notes et
commentaires, 2 vol. in-18. 7 fr.
Ou 2 vol. in-S. 12 fr.
La création. 2 vol. iu-1 8 7 fr.
L'esprit nouveau. 1 vol. in-18 3 fr. 50
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BARNI (Jules). Manuel républicain. 1 vol. in-18. 1 fr.
MARAIS (Aug.). Garibaldi et l'année des Vosges. 1 vol.
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LISTE DES OUVRAGES PAR ORDRE D'APPARITION
Le vol. de 190 p., br., 60 cent. — Cart. à l'angl., 1 fr.
Le titre de cette collection est justifié par les services qu'elle
rend chaque jour et la part pour laquelle elle contribue à l'instruction
populaire.
Les noms dont ses volumes sont signés lui donnent d'ailleurs une
autorité suffisante pour que personne ne dédaigne ses enseigne-
ments. Elle embrasse l'histoire, la philosophie, le droit, les sciences,
l'économie politique et les arts, c'est-à-dire qu'elle traite toutes
1rs questions qu'il est aujourd'hui indispensable de connaître. Son
esprit est essentiellement démocratique; elle s'interdit les hypo-
thèses et n'a d'autre but que celui de répandre les saines doctrines
que le temps et l'expérience ont consacrées. Le langage qu'elle
parle est simple et à la portée de tous, mais il est aussi à la hau-
teur du sujet traité.
I. — Morand. Introd. à l'étude des Sciences physiques. 2e édit.
II. — Cruveilhicr. Hygiène générale. 6e édition.
IH. — Corbon. De l'enseignement professionnel. 2e édition.
IV. — i,. EMchat. L'Art et les Artistes en France. 3e édition.
V. — Ruche*. Les Mérovingiens. 3e édition.
VI. — Buebeas. Les Carlovingiens.
VII. — F. Morin. La France au moyen âge. 3e édition.
Vin. — Bastide. Luttes religieuses des premiers siècles. 4° éd.
IX. — Bastide. Les guerres de la Réforme. 4e édition.
X. — E. Pelletan. Décadence de la monarchie française. 4e éd.
XI. — i,. Brotnier. Histoire de la Terre. 4e édition.
XII. — §>anson. Principaux faits de la chimie. 3e édition.
XIII. — Turclt. Médecine populaire. 4e édition.
XIV. — Morin. Résumé populaire du Code civil. 2e édition.
XV. — SEaborowskî. L'homme préhistorique. 2e édit.
XVI. — A. ©tt. L'Inde et la Chine. 2e édit.
XVII. — Catalan. Notions d'Astronomie. 2e édition.
XVIII. — Cristal. Les Délassements du travail.
XIX. — Victor Meunier. Philosophie zoologique.
XX. — fi. Jourdan. La justice criminelle en France. 2e édition.
XXI. — Cfa. Rolland. Histoire de la maison d'Autriche. 3e édit.
XXII. — E. Despoïs. Révolution d'Angleterre, 2e édition.
XXIII. — B. Gastineau. Cénie de la Science et de l'Industrie.
XXIV. —H. leneveux.LeRudgetdufoyer.Ecnnomiedomestique.
XXV. — l.. Combes. La Grèce ancienne.
XXVI. r-f- Fréd. I.oek. Histoire de la Restauration. 2e édition.
XXVII. — L. Brothier. Histoire populaire de la philosophie.
XXVIII. — E.Margollé. Les Phénomènes de la mer. 4e édition.
XXIX. — lu Collas. Histoire de l'Empire ottoman. 2e édition.
XXX. — Xurcher. Les Phénomènes de l'atmosphère. 3e édition.
XXXI. — E. Raymond. L'Espagne et le Portugal. 2e édition.
XXXII. — Eugène Noël. Voltaire et Rousseau. 2e édition.
XXXIII. — a. OU. L'Asie occidentale et l'Egypte.
XXXIV. — Cb. Richard. Origine et fin des Mondes. 3e édition.
XXXV. — Enfantin. La Vie éternelle. 2e édition.
— 25 —
XXXVI. — !.. Brothlcr. Causeries sur la mécanique. 2e édition.
XXXVII. — Alfred Boneaud. Histoire de la marine française.
XXXVIII. — Fréd. Lock. Jeanne d'Arc.
XXXIX. — fHi'iiot. Révolution française. — Période de création
(1789-1792).
XL. — Cnrnot. Révolution française. — Période de, conservation
(1792-1804).
XLI. — Zurehcr et Margelle. Télescope et Microscope.
XLII. — Blcrzy. Torrents, Fleuves et Canaux de la France.
XLIII. — p. Sccchi, Woir, Briot et Woiannay. Le Soleil, les
Étoiles et les Comètes
XLIV. — Stanley devons. L'Économie politique, trad. de
l'anglais par H. Gravez.
XLV. — Ein. Perrière. Le Darwinisme. 2° édit.
XLVI. — H. Lcnevcux. Paris municipal.
XLVII. — BSoiliot. Les Entretiens de Fontenelle sur la pluralité
des mondes, mis au courant de la science.
XLVIII. — E. Zcvort. Histoire de Louis-Philippe.
XLIX. — Geikîe. Géographie physique, trad. de l'anglais par
H. Gravez.
L. — Zahorow ski. L'origine du langage.
LI. — H. Blerxy. Les colonies anglaises.
LU. — Albert liévy. Histoire de l'air.
LUI — Geikie. La Géologie (avec figures), traduit de l'anglais
par H. Gravez.
LIV. — Zaborowski. Les Migrations des animaux et le Pigeon
voyageur.
LV. — F. Paulhan. La Physiologie d'esprit (avec figures).
LVI. — Zurcbcr et Margelle. Les Phénomènes célestes.
LVI1. — Girard de Riallc. Les peuples de l'Afrique etde l'Amé-
rique.
LVIII. — Jacques Bcrtillon. La Statistique humaine de la
France (naissance, mariage, mort).
LIX. — Paul Gaflarcl. La Défense nationale en 1792.
LX. — Berbert Spencer. De l'éducation.
LXI. — .Iules Barni. Napoléon Ier.
LX1I. — Huxley. Premières notions sur les sciences.
LX III. — p. Bosidois. L'Europe contemporaine (1789-1879).
— 26 —
REVUE
Politique et Littéraire
(Revue des cours littéraires,
2" série.)
Directeur :
M. Eus. YtIW«i
REVUE
ScieiiliGque
(Revue des cours scientifiques,
2e série.)
Directeurs :
.Y 32. A. UREGHET,
et i h. UI€iIET.
La septième année de la ci «vise <ie« Cours littéraires et
de la Revue des Cours scientifiques, terminée à la fin de juin
(871, clôt la première série de cette publication.
La deuxième série a commencé le 1er juillet 1871, et depuis
cette époque chacune des années de la collection commence
à cette date.
REVUE POLITIQUE ET LITTERAIRE
La Revice politique continue à donner une place aussi large
à la littérature, à l'histoire, à la philosophie, etc., mais elle
a agrandi son cadre, afin de pouvoir aborder en même temps
la politique et les questions sociales. En conséquence, elle a
augmenté de moitié le nombre des colonnes de chaque numéro
(48 colonnes au lieu de 32).
Chacun des numéros, paraissant le samedi, contient régu-
lièrement :
Une Semaine politique et une Causerie politique, où sont ap-
préciés, à un point de vue plus général que ne peuvent le
faire les journaux quotidiens, les faits qui se produisent dans
la politique intérieure de la France, discussions parlemen-
taires, etc.
Une Causerie littéraire où sont annoncés, analysés et jugés
les ouvrages récemment parus : livres, brochures, pièces de
théâtre importantes, etc.
Tous les mois la Revue politique publie un Bulletin géogra-
phique qui expose les découvertes les plus récentes et apprécie
les ouvrages géographiques nouveaux de la France et de
l'étranger. Nous n'avons pas besoin d'insister sur l'importance
extrême qu'a prise la géographie depuis que les Allemands
en ont fait un instrument de conquête et de domination.
De temps en temps une Revue diplomatique explique, au
point de vue français, les événements importants survenus
dans les autres pays.
— 27 —
Ou accusait avec raison les Français de De pas observer
avec assez d'attention ce qui se passe à l'étranger. La Revue
remédie à c« défaut. Elle analyse et traduit les livres, articles,
discours ou conférences qui ont pour auteurs les hommes les
plus éminents des divers pays.
Comme au temps où ce recueil s'appelait la Revue des cours
littéraires (1864-1870), il continue à publier les principales
leçons du Collège de France, de la Sorbonne et des Facultés
des départements.
Les ouvrages importants sont analysés, avec citations et
extraits, dès le lendemain de leur apparition. En outre, la
Revue politique publie des articles spéciaux sur toute question
que recommandent à l'attention des lecteurs, soit un intérêt
public, soit des recherches nouvelles.
Parmi les collaborateurs nous citerons :
Articles politiques. — MM. de Pressensé, Cli. Bigot, Anat.
Dunoyer, Anatole Leroy-Beaulieu, Clamageran.
Diplomatie et pays étrangers. — MM. Van den Berg, C. de
Varigny, Albert Sorel, Beynald, Léo Quesnel, Louis Léger,
Jezierski.
Philosophie. — MM. Janet, Caro, Ch. Lévêque, Véra, Th. Bibot,
E. Boutroux, Nolen, Huxley.
Morale. — MM. Ad. Franck, Laboulaye, Legouvé, Bluntschli.
Philologie et archéologie. — MM. Max Muller,^ Eugène Benoist,
L. Havet, E. Bitter, Maspéro, George Smith.
Littérature ancienne. — MM.Egger, Havet, George Perrot, Gaston
Boissier, Geffroy.
Littérature française. — MM. Ch. Nisard, Lenient, Bersier, Gidel,
Jules Claretie, Paul Albert, H. Lemaître.
Littérature étrangère. — MM. Mézières, Buchner, P. Stapfer,
A. Barine.
Histoire. — MM. Alf. Maury, Littré, Alf. Rambaud, G. Monod.
Géographie, Economie politique. — MM, Levasseur, Himly,
Vidal-Lablache, Gaidoz, Debidour, Alglave.
Instruction publique. — Madame C. Coiguet, MM. Buisson, Em.
Beaussire.
Beaux-arts. — MM. Gebhart, Justi, Schnaase, Vischer, Ch. Bigot.
Critique littéraire. — MM. Maxime Gaucher, Paul Albert.
Notes et impressions. — MM. Louis Ulbach, Pierre et Jean.
Ainsi la Revue politique embrasse tous les sujets. Elle con-
sacre à chacun une place proportionnée à son importance.
Elle est, pour ainsi dire, une image -vivante, animée et Adèle
de tout le mouvement contemporain.
EETIE SCIENTIFIQUE
Mettre la science à la portée de tous les gens éclairés sans
l'abaisser ni la fausser, et, pour cela, exposer les grandes
découvertes et les. grandes théories scientifiques par leurs au-
teurs mêmes ;
— 28 —
Suivre le mouvement des idées philosophiques dans le
monde savant de tous les pays;
Tel est le double but que la Revue scientifique poursuit de-
puis dix ans avec un succès qui l'a placée au premier rang des
publications scientifiques d'Europe et d'Amérique.
Pour réaliser ce programme, elle devait s'adresser d'abord
aux Facultés françaises et aux Universités étrangères qui
comptent dans leur sein presque tous le6 hommes de science
éminents. Mais, depuis deux années déjà, elle a élargi son
cadre afin d'y faire entrer de nouvelles matières.
En laissant toujours la première place à l'enseignement
supérieur proprement dit, la Revue scientifique ne se restreint
plus désormais aux leçons et aux conférences. Elle poursuit
tous les développements de la science sur le terrain écono-
mique, industriel, militaire et politique.
Elle publie les principales leçons faites au Collège deFrance,
au Muséum d'histoire naturelle de Paris, à la Sorbonne, à
l'Institution royale de Londres, dans les Facultés de France,
les universités d'Allemagne, d'Angleterre, d'Italie, de Suisse,
d'Amérique, et les institutions libres de tous les pays.
Elle analyse les travaux des Sociétés savantes d'Europe et
d'Amérique, des Académies des sciences de Paris, Vienne,
Berlin, Munich, etc., des Sociétés royales de Londres et
d'Edimbourg, des Sociétés d'anthropologie, de géographie,
de chimie, de botanique, de géologie, d'astronomie, de méde-
cine, etc.
Elle expose les travaux des grands congrès scientifiques,
les Associations française, britannique et américaine, le Congrès
des naturalistes allemands, la Société helvétique des sciences
naturelles, les congrès internationaux d'anthropologie pré-
historique, etc.
Enfin, elle publie des articles sur les grandes questions de
philosophie naturelle, les rapports de la science avec la poli-
tique, l'industrie et l'économie sociale, l'organisation scienti-
fiquedes divers pays,les sciences économiques etmilitaires, etc.
Parmi les collaborateurs nous citerons :
Astronomie, météorologie. — MM. Faye, Balfour-Stewart,
Janssen, Normann Lockyer, Vogel, Laussedat, Thomson, Rayet,
Briot, A. Herschel, Callandreau, Trépied, etc.
Physique. — MM. Helmholtz, Tyndall, Desains, Mascart, Car-
penter, Gladstone, Fernet, Bertin, Breguet, Lippmann.
Chimie. — MM.Wurtz, Berthelot, H. Sainte-Claire Deville, Pas-
teur, Grimaux, Jungfleisch, Odling, Dumas, Troost, Pelig-ot,
Cahours, Friedel, Frankland.
Géologie. — MM. Hébert, Bleicher, Fouqué, Gaudry, Bamsay,
Sterry-Hunt, Contejean, Zittel, Wallace, Lory, Lyell, Daubrée,
Vélain.
— 29 —
Zoologie. — MM. Agassiz, Darwin, Haeckel, Milne Edwards,
Perrier, P. Bert, Van Beneden, Lacaze-Duthiers, Giard, A. Moreau,
Ë. Blanchard.
Anthropologie. — MM. de Quatrefages, Darwin, de Mortillet,
Virchow, Lubbock, K. Vogt.
Botanique. — MM. Bâillon, Cornu, Faivre, Spring, Chatin,
Van Tieghem, Duchartre, Gaston Bonnier .
Physiologie, anatomie. — MM. Chauveau, Gharcot, Moleschott,
Onimus, Ritter, Rosenthal, Wundt, Pouchet, Ch. Robin, Vulpian,
Virchow, P. Bert, du Bois-Reymond, Helmholtz, Marey, Briicke,
Ch. Bichet.
Médecine. — MM. Chauveau, Cornil, Le Fort, Verneuil,
Liebreich, Lasègue, G. Sée, Bouley, Giraud-Teulon, Bouchardat,
Lépine, L. H. Petit.
Sciences militaires. — MM. Laussedat, Le Fort, Abel, Jervois,
Morin, Noble, Reed, Usquin, X***.
Philosophie scie?itifique. — MM. Alglave, Bagehot, Carpenter,
Hartmann, Herbert Spencer, Lubbock, Tyndall, Gavarret, Ludwig,
Th. Bibot.
Prix d'abonnement :
Une seule Revue séparément
Six mois. Un an.
Paris 12f 20 f
Départements. 15 25
Étranger.. .. 18 30
*&"■
Les deux Revues ensemble
Six mois. Un an.
Paris 20f 36
Départements. 25 42
Etranger. ... 30 50
L'abonnement part du 1er juillet, du 1er octobre, du 1er janvier
et du 1er avril de chaque année.
Chaque volume de la première série se vend : broché 15 fr.
relié 20 fr.
Chaque année de la 2e série, formant 2 vol., se vend : broché. . 20 fr.
relié.. . . 25 fr.
Port des volumes à la charge du destinataire.
Prix de In eolleciiosa de Ha première série :
l'rix de la collection complète de la Revue des cours littéraires ou de
la Revue des cours scientifiques (1864-1870), 7 vol. in-4. 105 fr.
Prix de la collection complète des deux Revues prises en même temps.
14 vol. in-4 182 fr.
Prix de tla collection complète des deux séries :
Revue des cours littéraires et Revue politique et littéraire, ou Revue
des cours scientifiques et Revue scientifique (décembre 1863 — juil-
let 1880), 25 vol. in-4 285 fr.
La Revue des cours littéraires et la Revue politique et littéraire, avec
la Revue des cours scientifiques et la Revue scientifique, 50 volumes
in-4 506 fr.
— 30 —
REVUE PHILOSOPHIQUE
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
Paraissant tous les mois
Dirigée par TTH. RIBSOT
Agrégé de philosophie, Docteur es lettres
(4e année, 1880.)
La Revue philosophique paraît tous les mois, depuis le
1er janvier 1876, par livraisons de 6 à 7 feuilles grand in-8, et
forme ainsi à la fin de chaque année deux forts volumes d'environ
080 pages chacun.
CHAQUE NUMÉRO DE LA REVUE CONTIENT :
\ ° Plusieurs articles de fond ; 2° des analyses et comptes rendus des
nouveaux ouvrages philosophiques français et étrangers; 3° un compte
rendu aussi complet que possible des publications périodiques de l'é-
tranger pour tout ce qui concerne la philosophie; à0 des notes, docu-
ments, observations, pouvant servir de matériaux ou donner lieu à des
vues nouvelles.
Prix d'abonnement :
Un an, pour Paris, 30 fr. — Pour les déparlements et l'étranger, 33 fr.
La livraison 3 fr.
REVUE IliiSÏQiiiQUE
Paraissant tous les deux mois
Dirigée par JUI. Ciabrie! ItfOWOD et Gustave FAttHlEK
(4e année, 1880.)
La Revue historique paraît tous les deux mois, depuis le
1er janvier 1876, par livraisons grand in-8 de 15 à 16 feuilles,
de manière à former à la fin de l'année trois beaux volumes de
500 pages chacun.
CHAQUE LIVRAISON CONTIENT :
I. Plusieurs articles de fond, comprenant chacun, s'il est possible,
un travail complet. — II. Des Mèlanyes et Variétés, composés de docu-
ments inédits d'une étendue restreinte et de courtes notices sur des
points d histoire curieux ou mal connus. — III. Un Bulletin historique de
la France et de l'étranger, fournissant des renseignements aussi complets
que possible sur tout ce qui touche aux études historiques. — IV. Une ana-
lyse des publications périodiques de la France et de l'étranger, au point
de vue des études historiques. — V. Des Comptes rendus critiques des
livres d'histoire nouveaux.
Prix d'abonnement :
Un an, pour Paris, 30 fr. — Pour les départements et l'étranger, 33 fr.
La livraison 6 fr.
TABLE ALPllABi::no(Jl«
Agassiz. 8
Alaux. <3, là
Aristote. 2
Arnold (Matlhew). 5, 9
Arréat. 14
Asseline (L.). 11
Auber (Ed.)- G
Audiffiet-Pasquier(d'). 14
Bagehot. 5, 10, 12
Bain. 5, 9, 12, 13
Balfour Stewart. 13
Barbier. 16, 19
Bardoux. 9
Barni(J.), 3, 8, 10,11,14
23, 25
Barot (Odysse). 6
Barry (Herbert). 11
Barth. St-Hilaire. 2,7,14
Bastide. 24
Bautain. 14
Beaussire. 4, 6, 11
Beauquier. 7
Bénard (Ch.). 3, 4, 14
Beneden (Van). 12
Bentbam. 7
Berkeley. 3
Bernsteiu. 13
Bersier. 15
Bersot. 7
Bertauld. 7
Bertauld (P. A.). 14
Berthelot. 13
Bertillon (Jacques). 25
Blanc (Louis). 10
Blanchard. 14
Blanqui. 14
Blaserna. 13
Blerzy. 25
Boert. 10
Boillot. 25
Bondois. 25
Boreau-Lajanadie. 21
Borély. 14
Bossuet. 2
Bost. 6
Bouchardat. 14
Bouillet (Ad.). 22
Bouillier (Francisque) 3, 6
Bourbon del Monte. 14
Bourdeau. 4
Bourdet (Eug.). 14
Bourloton (Ed.). 10, 22
Boutmy (E.). 7
Boutroux. 14
Brialmont (le général). 13
Breguet. 26
Briot. 25
Brothier (L.). 24, 25
Brucke. 13
Brunetière. 17
Bûchez. 23, 24
Buchner (Alex.). 4
Buchner (L.). 4, 6
Beauquier. 7
Bondois. 25
Bourdeau . 4
Burdeau. 4, 8
Cadet. 14
Cantacuzène.
Garetti1.
Garlyle.
Carnot.
Carnot (Sadi).
Carrau (L.).
Carlhailac.
Catalan.
Cazelles. /
Cernuschi.
DES
4, 9 |
14
5, 10
22
5, 9
13
24
, 8, 9
15
Challemel-Lacour,2,4,6,9
Chantre.
13
Chaper.
21
Chasles (Phil.).
14
Chasseriau (Jean).
22
Chrétien.
4
Cl'amageran (J.). 11,
22
Clavel.
14
Coignet (C).
7
Collas (L.).
24
Cobenet.
9
Combes (L.).
24
Compayré. 5, 9,
10
Comte (Aug.).
5
Conta.
15
Cooke.
13
Coquerel (Ch.).
15
Coquerelfils(Ath.). 6
,15
Corbon. 14.
24
Corlieu.
22
Cormenin (de).
15
Cornewal Lewis. 10
15
Cortambert (Louis).
15
Créhange.
11
Cristal.
24
Cruveilhier.
24
Daendliker.
11
Damiron.
3
Daru.
21
Danicourt.
15
Darwin.
5
Dauriac.
15
Davy.
15
Deberle (Alf.).
11
Debibour.
10
Delaunay. 23,
25
Pelbœuf.
15
Deleuze.
15
Delondre (Aug.).
4
Delord (Taxile). 10,
12
Delsol.
21
Descartes.
2
Desmarest.
15
Despois (Eug.). 11
,24
Destrem (J.).
15
Dixon (H.).
11
Dollfus(Ch.).
15
Doneaud (Alfred) .
25
Dosquet (Mlle).
10
Draper.
13
Dreyfus.
10
Dubost (Antonin).
15
Dufav.
15
Dugald Stewart. 3
Dumont(L.).4, 7, 13, 15
Du Potet. 15
Dupuy (Paul). 15
AUTEUHS
Duval-Jouve.
Duvergier de
Duvergier de
(Al"'" E.).
Eliphas Lévi.
Enfantin.
Epicurc.
Espiuas. îi
Evans (John).
Evellin.
Fabre (Joseph).
Fagniez.
Faivre(E.).
Fau.
Fauconnier.
Favre (Jules).
Ferbus (N.).
Fenière(E.),
Ferri.
Ferron (de).
Fiaux.
Fichte.
Flint.
Foncin.
Fontanès.
De Fontblanque.
Fonvielle (W. de)
16
Hauranne
11
Hauranne
22
15, 16
23, 24
2
, 7, 8,9
16
16
2, 16
30
7
16
16
11
16
5,16, 25
5, 16
16
22
3
5, 9
16
4,7
10
7
Fouchcr (de Careil). 2, 16
Fouillée.
Fox (W.-J.).
Franck.
Frédériq.
Fribourg.
Fuchs.
Gaffarel.
Garnier (Ad.).
2, 9, 16
16
3, 6
16
23
13
10, 25
6
Gastineau. 16, 23, 24
Gauckler. 7
Geikie. 24, 25
Gerschel. 8
Gérard (Jules). 3, 16
Germond. 9
Gigot (Albert). 10
Girard de Bialle. 25
Gladstone. 10
Gouet (Amédée). 16
Griinblot. 3
Grote. 7
Guéroult (G.). 4,5
Guichard (V.). 16
Guillaume (deMoissey) 16
Guyau. 2, 5, 9
Haeckel. 4, 7
Hamilton (W.). 3
Hartmann(E.de).4,5,7,9
Hartmann. 13
Hegel. 2, 3,4
Helmholtz. 13
Herbert Spencer. 5 , 7
8, 12, 13, 25
Herzen (Al.). 5, 7, 16
Hillebrand (K.). 10
Humbold (G. de). 4
Hume. 5
Husson. 3
Huxley. 5, 9, 13, 25
Issaurat. 16
— 32
Lange.
Langlois.
iourdan (G.). 24
Jozon. 17
Kant. 2, 3
Laborde. 17
La Borderie (de). 21
Lachelier. 17
Lacombe. 17
Lallié. 21
4
17
La Sicotière (de). 21
Laugel(Aug.). 6,8,10,11
Laussedat. 17
Laveleye(E.de). 7,9,17
Lavergne (Bernard). 17
Le Berquier. 17
Leblais. 6
Ledru. 17
Ledru Bollin. 17
Leibniz. 2, 3
Lemer. 17
Lemoine (A.). 4, 6
Leneveux (H.). 24, 25
Leopardi. 7
Lessing. 4
Létourneau. 7
Levallois (J.). 7
Lévêque (Ch.). C
Lévi (Eliphas). i 5
Lévy (Albert). 25
Liard. 5, 7, 9
Littré. 17, 23
Lock (Fréd.). 24, 25
Locke (J.). 2,7
Lotze (H.). 4, 7
Lourdau. 22
Lubbock (sir John). 17
Luys. 13
Magy. 17
Maine de Biran. 3
Malebranche. 2
Marais. 23
Marc-Aurèle. 2
Marey. 12
Margall (Pi y.). 7
Margollé. 24, 25
Mariano. 5, 7
Marion (Henri). 2, 7
Maudsley. 12
Max Muller. 7, 22
Mazzini. 22
Menière. 17
Mervoyer. 14
Mesmer. 17
Meunier (V.). 11,24
Michaut (N.). M
Milsand. 5, 6, 17, 18
Miron. 18
Molescholt. 4, 7
Monod (Gabriel). 30
Montégut. 11
Morand. 24
Morin (Fr.). 18, 24
Muller (Max). 7
Munaret. 18
Naquet (Alfred). 22
Naville (E.). 9
Nicolas. 3
Noël (E.). 22, 24
Nolen (D.). 2, 3, 9, 18
Nourrisson. 2, 18
'Oger. 18
Ollé-Laprune. 2, 18
OU (A.). 24
Paris (comte de). 18
Paris (le colonel). 22
Paulhan. 25
Peisse (Louis). 3, 5, 8
Pelletan (Eug.). 18, 22,
24
Penjon. 3, 4, 18
Perez (Bernard). 18
Perrier. i 3
Perrot. 21
Petroz (P.). 18
Pettigrew. 12
Pichat (L.). 24
Platon. 2
Poey (André). 18
Poullet. 18
Pressensé (de). 15
Puissant (Ad.). 18
Quatrefages(de). 5, 8,13
Quinet (Edgar). 23
Bainneville (de). 21
Bambert. 18
Raymond (E.). 24
Régamey. 18
Kegnault (Elias). 10
Rémusat (Ch. de). 6
Rességuier (de). 21
Réville (A.). 7, 11
Reymond (William). 18
Reynald (H;). 10, 11
Ribert (Léonce). 22
Ribot (Th.) 4, 5, 7, 8,
9, 18, 30
Richard (Ch.). 24
Richet (Ch.). 26
Richter (J.-P.). 4
Ritter. 2, 9
Robert (Edmond). 22
Robert (P.). 19
Roberty (de). 13
Rochau (de). 10
Rolland (Ch.). 24
Rood. 13
Rosenthal. 13
Ruskin (John). 5
Rustow. 10
Saigey (Km.). 2, 7, 8
Janct(Paul). 2,4,6,8, 16
Joly. 13 I
Joyau. 17 '
Saint-Marc Girardin. 21
Saint-Robert Me). 12
Saint-Simon. 6
Saisset (Em.). 6
Saporta (de). 13
Saletta. 18
Sanson. 24
Sayous (Ed.). 11
Schelling. 3
Schmidt(Osc.).4,5,7,12
Schœbel. 6
Schopenhauer. 4, 7, 9
Schutzenberger. 13
Secchi(leP.). 13, 25
Secrétan. 18
Selden (Camille). 7
Siciliani. 5, 7
Siegfried (Jules). 18
Sièrebois. 18
Smee (Alf.). 19
Socrate. 2
Sorel (Albert). 19
Soury (J.). 4
Spinoza. 2, 6
Stahl. 4
Stanley Jevons. 13,25
Strauss. 4
Stuart Mill. 3,4,6,7,8,22
Sugny (de). 21
Sully'. 5
Sybel (H. de). 10
Tackeray. 10
Taine (H.). 4, 5, 6, 11
Ténot. 19
Teste (L.). 11
Thulié. 19
Thurston. 13
Tiberghien. 19
Timon. 15
Tissandier. 6, 19
Tissot. 2, 3, 19
Turck. 24
Tyndall (J.). 12
Vacherot. 2, 7, 9, 19
Valmont (V.). 22
Van der Rest. 2, 19
Véra. 3,4,6,19
Véron (Eug.). 10
Villiaumé. 19
Vogel. 13
Vogeli. 8
Voituron. 19
Voltaire. 2
Weber. 19
Withney. 13
Wolf. 25
Wurtz. 13
Wyrouboff. 5, 17
Yung.
19, 26
Zaborowski. 25
Zevort. 19, 25
Zinirnermann. 19
Zurcher. 24, 25
PB-32980-SB
5-17T
I"«
Appareil Coste, pour l'incubation artificielle.
Paris. — Typ. G. Chamerot, 19, rue des Saints-Pères. — 10182.
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