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Full text of "Les procedes d'art en photographie"

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.LES 

PROCÉDÉS  D  ART 

PHOTOGRAPHIE 


PHofO-CLUB  DE  PARIS 


LES 

PROCÉDÉS  D'ART 

EN 

PHOTOGRAPHIE 


R.  DEMACHY  a  C.  PUYO 


^   «1  ^ 


LES 

PROCÉDÉS  DART 

EN 

PHOTOGRAPHIE 


OUVRAGE  ILLUSTRÉ  DE  QUARANTE  ET  UNE  PLANCHES  HORS  TEXTE 
EN  TAILLE-DOUCE  ET  SIMILI  GRAVURE  ET  d'uNE  PLANCHE  EN  COULEURS 


PARIS 

PHOTO-CLUB  DE  PARIS 

44,  RUE  DES  MATHURINS,  44 
1906 


AVANT-PROPOS 


Pas  une  ligne^  —  pour  ainsi  parler,  —  du  livre  que  nous  publions 
aujourd'hui  n'eut  pu  être  écrite  ou  comprise  il  y  a  dou\e  années  seule- 
ment. Une  telle  remarque  a  son  intérêt  :  elle  montre  que  cette  période 
de  temps,  asseï  courte  en  somine,  a  vu  se  produire  des  progrès  sensibles 
dans  les  procédés  de  la  Photographie  et  une  évolution  non  moins  singu- 
lière dans  les  idées  des  photographes. 

Certes,  les  faits  scientifiques  d'où  découlent  tous  ces  procédés  nou- 
veaux étaient  depuis  longtemps  connus;  mais  on  n\'n  avait  tiré  Jusqu'alors 
qu'un  petit  nombre  d'applications,  pour  la  plupart  industrielles.  Les 
amateurs  venaient  à  peine  de  découvrir  la  Photographie  et  de  contracter 
avec  elle  l alliance  qu'on  sait  ;  elle  leur  apparaissait  donc  en  sa  nouveauté^ 
parfaite  de  tous  points,  sans  aucun  de  ces  défauts  qui  ne  deviennent 
visibles  qu'au  déclin  des  lunes  de  miel.  L'idée  de  contrôler  l'image,  pour 
eux  radieuse,  qui  naissait  du  mystère  des  cuvettes  leur  eût  paru  plus  que 
sacrilège  :  absurde.  A  cet  état  d'esprit  répondait  pleinement  la  fidélité 
automatique  des  procédés  à  impression  directe,  aux  sels  d'argent  ou  de 
platine. 


Il 


AVANT-PROPOS 


Pour  changer  cette  situation,  il  a  fallu  que  le  temps,  faisant  les 
manipulations  aisées  et  sûres,  libérât  l'attention  des  amateurs  des  petits 
SOUCIS  techniques,  leur  rendît  ainsi  le  sens  critique  et  leur  dessillât  les  yeux. 
De  ce  jour  l'image  photographique  perdit,  pour  certains,  beaucoup  de  ses 
charmes  :  ils  virent  indigente  la  finesse  de  sa  matière,  excessive  la 
minutie  de  son  analyse,  inexactes  les  valeurs  de  son  rendu  particulier. 
Elle  leur  apparut  telle  quelle  était  :  servante  docile  et  sûre  aux  savants, 
repêche  et  infidèle  aux  artistes;  ils  prétendirent  contrôler  ses  actes,  lut 
commander  désormais  et  non  plus  lui  obéir.  De  là  ces  procédés  nou- 
veaux; ils  sont  le  produit  d'idées  nouvelles.  Et  c'est  un  signe  que  le 
premier  mot  de  ce  livre  soit  le  mot  "  Interprétation  ". 

Les  procédés  décrits  plus  loin  offrent  donc  tous  cette  particularité 
qu'ils  sont  asse{  souples  pour  permettre,  dans  une  mesure  plus  ou  moins 
grande,  l'intervention  personnelle  de  l'exécutant.  Indiquer  pour  chacun 
d'eux  dans  quelles  limites  et  dans  quelles  conditions  cette  intervention 
peut  se  produire  et  quelle  somme  de  liberté  en  résulte,  tel  a  été,  très 
simplement,  le  but  que  nous  nous  sommes  proposé. 

Ce  livre  est  un  coup  d'œil  jeté  sur  la  route  parcourue.  Souhaitons 
que  le  lecteur  trouve  dans  cet  examen  de  ce  qui  est  déjà  le  passé  un 
encouragement  aux  étapes  prochaines. 


R.  DEMACHY  -    C.  PUYO 


L'INTERPRÉTATION 


'ÉPREUVE  fournie  par  le  négatif  peut  être  correcte  au 
point  de  vue  documentaire.  11  lui  manquera  les  qualités 
constitutives  de  l'œuvre  d'art  tant  que  le  photographe  n'aura 
pas  su  les  y  introduire.  Ceci  revient  à  dire  —  nous  osons 
l'affirmer  —  que  l'image  définitive  obtenue  photographiquement  ne 
devra  son  charme  artistique  qu'à  la  façon  dont  l'auteur  pourra  la 
transformer.  Seuls  les  procédés  permettant  semblable  intervention 
doivent  nous  préoccuper  ici  et  ce  livre  est  destiné  à  en  décrire  et  en 
vulgariser  l'emploi. 

C'est  avec  reconnaissance  que  nous  acceptons  le  dessin  correct  que 
l'objectif  choisi  et  bien  dirigé  peut  nous  offrir.  Tous  nos  efforts  ten- 
dront à  en  conserver  l'intégrité.  Mais  aussi  tous  les  moyens  nous  seront 
bons  pour  simplifier  la  minutie  des  renseignements  sans  intérêt  que  cet 
instrument  déjà  perfectionné  nous  fournit  encore  avec  prolixité.  Donc 
nous  préférerons  la  méthode  de  tirage  qui  permettra  le  mieux  la  syn- 
thèse par  suppression  des  détails  inutiles.  —  Les  accents  qui  soulignent 


2 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


 les  forces  qui  soutiennent  manquent  à  Tépreuve  normale?  Il  nous 

faudra  choisir  une  surface  docile  qui  se  laisse  violenter.  Les  valeurs  de 
rimage  photographique  pèchent  dans  leur  relation  et  par  leur  courte 
étendue?  Nous  voulons  en  élargir  la  gamme  et  en  corriger  Tharmonie. 
La  matière  dont  se  forme  celte  image  est  sèche  et  déplaisante  ?  Nous 
essaierons  de  lui  communiquer  la  profondeur  de  l'eau-forte  ou  la 
transparence  du  lavis.  Peut-être  nous  accusera-t-on  d'effacer  ainsi  le 
caractère  photographique?  C'est  bien  notre  intention,  car  nous  savons 
par  l'expérience  ce  que  ce  terme  consacré  éveille  à  coup  sûr  dans  l'es- 
prit des  artistes.  Cette  expression  —  pour  emprunter  au  dictionnaire 
son  style  précis  —  «  se  prend  en  mauvaise  part  »;  elle  résume  tous  les 
défauts  énumérés  tout  à  l'heure. 

Il  est  temps  maintenant  de  réfuter  la  conclusion  à  laquelle  les  lignes 
qui  précèdent  vont  forcément  conduire  :  à  savoir  que  le  fusain,  la 
lithographie  et  l'eau-forte  nous  tendent  les  bras  et  qu'il  serait  peut-être 
plus  simple  de  s'y  réfugier  de  suite.  Rien  ne  nous  tenterait  davantage 
si  la  photographie  ne  nous  retenait  tant  par  la  séduction  propre  à  d'an- 
ciennes habitudes  et  par  les  liens  du  travail  donné,  que  par  certaines 
qualités  spéciales  —  caractères  photographiques  d'une  heureuse  nature 
—  qui  la  différencient  suffisamment  des  autres  procédés  pour  expliquer 
la  fidélité  quand^même  de  ses  disciples. 

Car  sans  vouloir  nous  étendre  sur  la  merveilleuse  rapidité  d'enre- 
gistrement qui  permet  au  photographe  de  fixer  en  un  clin  d'œil  l'effet 
de  lumière  passager,  l'attitude  ou  le  mouvement  fugitifs,  précieux  docu- 
ments pour  une  interprétation  ultérieure,  la  photographie  ne  nous  offre- 
t-elle  pas  l'aumône  d'un  dessin  qui  peut  parfaitement  être  impeccable; 
n'y  ajoute-t-elle  pas  le  dégradé  moelleux  de  ses  demi-teintes  et  de  son 
modelé  —  d'une  telle  perfection  que  bien  âès  maîtres  aquarellistes  (et 
la  maîtrise  est  l'exception)  ne  seraient  guère  sûrs  d'en  égaler  la  délica- 
tesse? 

En  résumé,  la  photographie  donne  trop  —  c'est  entendu  —  mais 
depuis  qu'on  ose  faire  un  choix  parmi  ses  prodigalités,  elle  vaut  la 
peine  que  les  gens  artistes  s'en  occupent  :  il  y  a  du  neuf  à  en  tirer. 


■        -  A 

'  PORTRAIT  on  JEUNE  FILLE 
PAR  R.  DBMACHY 

Pl.  I.  Gomme. 


A'  i>ui.£P  (2i^*  aSL**-c^  C^x^sxfUi^  dc^e(^^ 
(SonJK*  A^-^t.ce^   'TUZ.*^^?^*^        it^  o/vt-^^^t!^ 


LES  PROCÉDÉS  D'ART   EN   PHOTOGRAPHIE  3 

La  façon?  Nous  n'avons  guère  qualité  pour  la  définir,  mais  nous 
pouvons  cependant  indiquer  la  voie  qui  s'est  ouverte,  signaler  les 
impasses,  conseiller  peut-être  quelques  sentiers  de  traverse  et  montrer 
en  tout  cas  le  chemin  parcouru. 

Au  début  de  ce  chapitre  nous  nous  sommes  servis  du  mot  inter- 
vention. Il  paraîtra  souvent  au  cours  de  l'ouvrage  et  nous  tenons  dès 
maintenant  à  en  préciser  le  sens.  En  cette  époque  combien  chirurgi- 


cale,  ce  terme  s'emploie  le  plus  souvent  de  façon  euphémique  pour 
Vowo^'e —adoucir  dans  l'imagination  de  la  future  victime  les  contours  trop  aigui-  ?  , 
sés  qu'évoquerait  le  mot  d'opération.  Le  sens  dans  lequel  nous  le  pre- 
nons ici  a  quelque  parenté  avec  celui-là.  En  effet,  nous  montrerons 
tout  à  l'heure  que  l'intervention  durant  le  dépouillement  d'une  épreuve 
aux  sels  de  chrome  consistera  surtout  à  enlever.  Et  cette  dernière  expres- 

Qjn.^^  sion  nous  mène  à  déclarer  tout  de  suite,  par  précaution,  que,  quel  que 

soit  le  procédé  dont  le  photographe  artiste  se  sert,  il  n'a  pas  à  ajouter 

à  la  matière  qui  forme  Timage  positive.  Le  travail  à  la  gouache  et  le 

rehaut  à  l'encre  de  Chine  n'ont  rien  à  voir  avec  le  développement  d'une       .   •    •  ^ 

épreuve  au  platine  ou  le  dépouillement  d'une  gomme  bichromatée.  "^^^^ 

Laissons  ces  artifices  aux  retoucheurs  de  l'ancienne  école. 

Donnons  un  aperçu  des  différentes  manières  dont  l'intervention 
pourra  se  produire  au  cours  du  dépouillement.  Si,  par  exemple,  nous 
iUtn^.  -  dégageons  à  fond  une  partie  de  l'image,  nous  provoquerons  une  double 
modification  dans  l'aspect  de  celle-ci,  d'abord  en  créant  une  opposition 
entre  la  couleur  de  la  portion  sur-dépouillée,  qui  pourra  se  rapprocher 
plus  ou  moins  comme  ton  de  celui  du  papier  support,  et  celle  de 
la  portion  sous-dépouillée,  proche  de  la  coloration  primitive  de  la 
*^>p-(f..->x  --  couche.  Ensuite,  et  dans  les  deux  portions  susdites,  une  simplification 
se  sera  produite.  Du  côté  de  la  partie  claire  les  détails  seront  plus  ou 
moins  oblitérés,  enlevés  ou  affaiblis  par  le  dépouillement  forcé.  De 
l'autre,  pour  une  cause  tout  opposée,  ils  se  noieront  dans  la  masse 
sombre  du  pigment  original  à  peine  attaqué.  Voici  donc  qu'une  simple 
j^^,^     inégalité  de  frottement  ou  de  dissolution  vient  d'ajouter  à  l'image  nor- 
male une  double  qualité.  D'une  seule  intervention  nous  avons  fait 


0\ 


4 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


\ . 


du  contraste  et  de  la  synthèse.  Or,  le  genre  d'intervention  que  nous 
avons  supposé  s'être  porté  sur  deux  larges  zones  de  Timage  pourra 
se  restreindre  en  de  plus  étroites  limites  et  provoquer  ainsi  un  accent 
tel  que  celui  qui  résultera  d'un  enlevé  sur  l'arête  d'un  col  ou  d'une 
Hi^^^^^  ^^MV  -  manchette  ou  sur  le  flanc  bombé  d'une  carafe  ou  d'une  poterie.  Le  ^j^^^g^f^ 
^^^^^^^     geste  est  le  même  que  celui  du  dessinateur  au  fusain  qui  vient  de 
kr-«*A       pétrir  entre  ses  doigts  le  petit  morceau  de  mie  de  pain.  On  nous  l'a 
reproché.  Je  ne  vois  cependant  guère  de  différence  entre  un  dépouille- 
ment par  frottement  sur  un  petit  espace  et  la  même  pratique  sur  un 
endroit  plus  étendu,  qui  nous  est,  elle,  généreusement  concédée. 

L'accent  clair  par  enlevé  agira  également  de  deux  façons  :  par  l'ap- 
parition d'un  blanc  où  il  n'y  avait  qu'un  gris  et  par  l'exagération  du 
tcm  foncé  proche  de  la  portion  enlevée.  C'est  l'effet  de  contraste,  celui 
\^,;(,(-     dont  nous  nous  servirons  couramment  pour  augmenter  par  une  simple 
illusion  d'optique  la  vibration  de  nos  noirs  insuffisants.  Enfin  nous 
-"ioUiJît     saurons  profiter  des  différents  degrés  de  coulage  de  la  couche,  propor- 
„  1      u.s      tionnels  aux  différents  degrés  de  son  insolation  et  aux  variations  entre 

■2vW?vvo(J«AVl'»iv^_,-  -    ^      — 

les  mesures  de  gomme  et  de  bichromate,  pour  noyer  sous  une  nappe 
I  •     doucement  envahissante  (c'est  la  coulée  spéciale  au  procédé  gommique) 
les  zones  peu  intéressantes  ou  trop  marquées  de  notre  image. 

Il  nous  reste  à  voir  comment  et  avec  quels  instruments  ces  inter- 
ventions se  pratiquent,  à  quel  moment  du  dépouillement  elles  ont  le 
,.,^^£t^^_jplus  de  chance  de  réussir,  dans  quelles  circonstances  elles  deviennent 
nécessaires  et  quels  sont  les  procédés  qui  peuvent  les  supporter.  Ce 
sera  l'objet  des  chapitres  plus  techniques  qui  suivent.  Pour  le  moment 
il  nous  suffit  d'avoir  montré  que  le  photographe,  dans  certaines  condi- 
tions, a  le  pouvoir  d'intervenir,  parce  que  ceci  nous  conduit  à  lui 
accorder  celui  d'interpréter. 

Comparez  les  admirables  eaux-fortes  de  Pissaro,  la  rue  des  Ar- 
pents, la  rue  de  l'Epicerie,  la  Ruelle,  à  Rouen,  avec  les  photographies 
^g.     documentaires  des  mêmes  endroits  que  nous  avons  tous  prises.  Voyez 
ik.^éjà      l'exagération  voulue  des  contrastes,  les  boutiques  et  leurs  enseignes 
modernes  noyées  dans  l'ombre  épaisse,  les  façades  simplifiées  au  point 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  5 

de  ne  garder  plus  que  des  soupçons  de  fenêtres,  tandis  que  seules  les 
lignes  décoratives  sont  accentuées  par  le  sacrifice  impitoyable  de  tous 
les  détails  qu'a  fait  l'artiste  en  faveur  des  taches  savamment  disposées 
de  sa  composition. 

Le  motif  est  identique  à  celui  que  nous  avons  photographié,  mais 
Pissaro  l'a  interprété. 

Or,  si  le  lecteur  se  reporte  aux  lignes  qui  précèdent,  il  admettra, 
d'après  l'énumération  que  nous  avons  faite  de  nos  moyens  d'intervenir, 
que  notre  procédé,  né  documentaire,  peut  se  transformer  en  procédé 
d'interprétation,  mais  entre  les  mains  d'un  photographe  qui  voit  comme 
un  artiste.  Notre  liberté  d'action,  sans  doute,  très  inférieure  aujourd'hui 
à  celle  de  l'aquafortiste  ou  du  dessinateur,  s'en  rapprochera  peut-être 
davantage  dans  l'avenir.  On  en  abusera  certainement,  on  en  abuse 
déjà,  et  nous  voyons  de  temps  en  temps  des  valeurs  malmenées,  des 
accents  placés  à  tort,  et  le  pur  dessin  de  Fobjectif  qui  devrait  nous  être 
sacré,  maladroitement  tourmenté  par  la  main  trop  confiante  d'un  pho- 
tographe qui  ne  voit  pas  juste.  Ces  accidents,  du  reste,  ne  sont  pas 
ç^l  ^  ■  l'apanage  spécial  de  la  photographie,  nous  les  trouvons  également  autre 
part.  En  tous  cas,  l'emploi  maladroit  d'une  force  peùt  servir  à  démon- 
trer l'utilité  qu'aurait  son  énergie  bien  dirigée. 

Ce  n'est  pas  tout,  l'artiste,  au  courant  des  facilités  —  et  des  limites 
—  de  son  procédé  de  tirage,  saura  choisir  et  composer  son  motif  en 
vue  d'interventions  ultérieures.  Il  est  prouvé,  par  exemple,  que  cer- 
tains sous-bois  compliqués  de  cascades  et  de  rochers  pittoresques  lasse-_ 
ront  jusqu'aux  dernières  complaisances  de  la  gomme  bichromatée.  Ce 
sont  là  sujets  intraitables,  malgré  toutes  les  facilités  de  simplification 
des  procédés  à  dépouillement,  tandis  qu'un  paysage  aux  lignes  sobres, 
monotones  même,  éveillera  peut-être  dans  l'imagination  du  gommiste 
l'idée  de  l'effet  à  faire.  Il  sentira  bien  d'avance  la  possibilité  d'accentuer 
^  telle  lumière,  de  noyer  tel  premier  plan;  le  canevas  enfin  est  trouvé, 
et  le  négatif,  ennuyeux  peut-être,  qui  enregistrera  ce  que  nous  pouvons 
appeler  le  premier  état,  deviendra  le  point  de  départ  d'une  épreuve 
ultérieure,  d'un  sentiment  beaucoup  plus  accentué,  résultat  de  la  con- 


6  LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

ception  première.  Le  gommiste  doit  donc  voir  d'avance,  et  voir  en 
gommiste  comme  l'aquafortiste  voit  en  aquafortiste.' 

Ce  que  nous  disons  pour  le  paysage  s'appliquera  tout  aussi  bien 
au  portrait.  Tel  fond  noir  sera  choisi  avec  Tintention  bien  arrêtée  de 
ne  se  servir  que  d'une  partie  de  sa  tonalité  et  de  dépouiller  le  reste 
d'une  certaine  façon  :  telle  robe  blanche  aux  contours  nets  et  cassants- 
sera  destinée  à  passer  dans  le  fond,  tandis  que  telle  draperie  aux  mille 
plis  contournés  n'en  gardera  que  deux  ou  trois,  notés  d'avance  par 
l'artiste  qui  regarde  le  motif,  mais  ne  doit  voir  que  le  tableau  simplifié 
que  son  procédé  lui  permettra  d'établir  plus  tard. 

Donc  l'idée  maîtresse  d'interprétation  sera  dominante  dans  l'œuvre 
du  photographe  artiste,  elle  présidera  au  choix  du  sujet  et  aux  modi- 
fications de  lignes  ou  de  taches  qu'il  peut  subir  avant  l'enregistrement 
photographique,  elle  conduira  k  développement  du  négatif  et  s'affir- 
mera plus  hautement  encore  lors  de  la  période  d'apparition  de  l'épreuve 
positive. 


"  MÉANDRE  " 
PAR  C.  PUYO 

Pt.  II.  Gomme. 


LA  BEAUTE 

DE  LA  MATIÈRE  PIGMENTAIRE 


I 

'ART  s'adresse  avant  tout  à  la  sensation;  y  chercher,  dès  le 

premier  contact,  pâture  sentimentale  est  Terreur  et  Fillusion 

des  simples.  Ce  qui  fait  l'artiste,  comme  le  connaisseur,  c'est 

l'acuité,  la  finesse  de  leurs  sens.  , 

Ai'  \      De  là  l'importance  de  la  facture  dans  les,  arts  plastiques:  elle  cons- 

ul «vt^\^Uwi^»>>'\''^^  j    ^  r  ^jj,    r       n  5 

ùJtiv  titue  leur  langage,  le  truchement  unique  et  obligé  entre  l'artiste  et  son 
public.  Or,  la  première  qualité  d'une  belle  facture  est  de  créer  une 
belle  matière. 

La  beauté  de  la  matière  est  plus  nécessaire  encore  dans  l'art  mi- 
neur du  noir  et  blanc,  dont  les  moyens  sont  naturellement  faibles  et 
les  ressources  limitées.  Un  peintre  de  main  médiocre  peut  compenser 
^  ^  cette  infériorité  grâce  au  prestige  d'un  coloris  particulièrement  heureux 
et  délicat;  mais  quelle  valeur  artistique  peut  avoir  une  gravure  mal 
encrée,  une  sépia  sans  transparence,  une  épreuve  photographique  dont 
les  tons  ne  possèdent  pas  cette  profondeur  grasse  et  cette  puissance  qui 
sont  à  l'œil  une  caresse?  et  qu'importe  alors  le  sujet,  fût-il  le  plus  ori- 


8  LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

ginal,  le  plus  trouvé,  le  plus  gracieux  du  monde,  relevât-il  de  la  senti- 

jjjj^  mentalité  la  plus  déliée  ou  de  l'idéalisme  le  plus  transcendant? 

Aussi,  depuis  quelques  années,  du  jour  où  la  Photographie  a  pré-  c^^^^v^A 
tendu  s'élever  au  rang  de  procédé  d'expression,  a-t-on  dû  s'efforcer  de    l'^ri^wx*,  ^i;  ^- 
donner  à  la  matière  pigmentaire,  dont  le  dépôt  crée  l'image  photogra- 
phique, les  qualités  qui  lui  manquaient.  Ce  faisant,  le  photographe 
imitait  simplement  ses  confrères  en  noir  et  blanc,  les  dessinateurs  et 
les  graveurs. 

Voyez  tel  spécialiste  de  dessins  à  la  sanguine  ;  il  emploie  unique- 
ment comme  support  le  papier  bulle,  papier  grossier,  de  fabrication 
médiocre;  tel  autre,  qui  fait  des  portraits  au  pastel  noir  relevé  de  pastel 
blanc,  utilise  pour  le  même  objet  le  carton  gris  vulgaire  d'emballage;  ^«Jjjw-^ 
quant  à  tel  spécialiste  anglais  du  crayon  à  la  mine  de  plomb,  c'est 
chez  les  pharmaciens  qu'il  achète  son  papier,  ce  papier  parcheminé 
dont  on  enveloppe  les  ordonnances,  (^j^t^v^.».;») 

Pourquoi  ces  choix  exclusifs  et  singuliers,  cette  préférence  donnée 
à  des  papiers  vulgaires  sur  leurs  congénères  mieux  fabriqués,  d'un 
emploi  plus  aisé  et  plus  sûr?  Question  de  matière  simplement.  C'est 
que  sur  le  papier  bulle,  sur  le  carton  gris,  sur  le  papier  de  pharmacien, 
les  grains  de  la  sanguine,  du  pastel  ou  du  graphite  que  le  frottement 
attache  au  support,  se  groupent  et  se  fixent  suivant  un  rythme  particulier, 

(ivu:  dû  à  la  résistance  particulière  de  ce  support.  Certes,  la  tache  produite 

par  l'attaque  de  la  main  du  dessinateur  serait  à  peu  près  semblable  sur  _ 
tout  autre  papier,  mais  à  peu  près  seulement.  C'est  ici  simple  question 
de  nuance,  mais  dans  le  royaume  des  arts  la  nuance  seule  a  son  prix. 

Les  mêmes  préoccupations  expliquent  et  justifient  les  soins  minu- 
tieux donnés  à  l'impression  d'une  gravure  en  creux  :  suivant  la  com- 
position des  encres  choisies,  légères  ou  couvrantes,  le  tact  de  la  main 
iY^i/>  -  qui  manie  la  poupée,  la  délicatesse  de  l'essuyage,  la  nature  du  papier     ^.^  ^ 

support,  la  pression  de  la  machine,  etc.,  une  même  planche  donnera  

une  image  médiocre,  correcte  ou  savoureuse.  Et  ici,  comme  tout  ^ _ /^^^^J^j^ 
l'heure,  entre  l'image  correcte  et  l'image  savoureuse,  il  y  aura,  pour 
un  œil  artiste,  un  abîme  :  une  nuance. 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


9 


Les  premiers  papiers  positifs  créés  au  début  du  procédé  photogra- 
phique laissent  beaucoup  à  désirer  au  point  de  vue  de  la  matière  ;  leur 
aspect  manque  de  puissance,  d'éclat,  de  saveur  ;  c'est  dire  que  les  qua-  j^^y^ 
lités  qu'on  est  en  droit  d'exiger  pour  la  satisfaction  purement  senso- 
rielle de  l'œil  leur  font  défaut. 

Nous  en  comprendrons  le  pourquoi  si  nous  essayons  de  définir  la 
nature  un  peu  subtile  de  ces  qualités.  Il  est  certes  plus  facile  d'énu- 
mérer  celles-ci  que  de  préciser  les  conditions  requises  pour  leur  exis- 
tence; on  entend  assez  ce  que  signifie  la  profondeur  ou  la  transparence 
d'un  ton,  mais  il  est  moins  aisé  de  découvrir  pourquoi  ce  ton  est  pro- 
fond ou  transparent.  Essayons-le  néanmoins,  car  par  là  nous  arrive- 
rons, non  seulement  à  affirmer  la  supériorité  des  papiers  nouveaux  dont 
il  sera  question  dans  ce  livre,  mais  aussi  à  établir  quelques  conclusions 
pratiques  relatives  aux  méthodes  de  traitement. 

Remarquons  d'abord  qu'un  procédé  en  noir  et  blanc  aura  d'autant 
^vLuvtfvi.  plus  de  puissance  et  d'éclat  que  la  gamme  de  ses  tons  sera  plus  étendue, 
en  d'autres  termes,  que  le  blanc  extrême  qu'il  pourra  donner  sera  plus 
éclatant  et  plus  beau,  et  le  noir  extrême  plus  profond  et  plus  puissant. 

Or,  de  tous  les  blancs,  le  plus  agréable  à  l'œil  est,  à  coup  sûr,  le 
blanc  mat  porcelaine  que  donne  un  papier  très  pur,  très  légèrement 
^encollé  et  ayant  conservé  sa  fleur,  par  suite  n'ayant  été  ni  cylindré,  ni 
(^u*,^  brossé  :  le  papier  à  la  cuve.  Et  observons  ici,  —  nous  retrouverons 
.^v>A"  souvent  la  même  constatation  :  —  si  un  papier  vierge  a  de  la  fleur,  c'est 
sans  doute  que  la  cohésion  des  matières  pâteuses  s'y  est  faite  sans  vio- 
lence, sans  pression  mécanique,  sous  la  seule  influence  de  deux  agents 
naturels  :  la  chaleur  et  la  pesanteur.  t>^<-A'Ah  - 

 X   UHIa^ij 

Le  blanc  particulier  au  papier  joue  un  rôle  capital  dans  tous  les 
procédés  qui  emploient  ce  support,  et,  par  exemple,  si  l'aquarelliste 
'lA.wVtiproscrit  les  blancs  gouachés,  ce  n'est  point  pour  le  vain  plaisir  d'aug- 
menter les  difficultés  de  l'aquarelle  et  de  faire  ainsi  montre  de  virtuo- 
sité, mais  simplement  parce  que  le  blanc  fourni  par  la  gouache  est  de 
qualité  fort  inférieure  au  blanc  fourni  par  le  papier. 
.5*v.jf»>Ujs    De  ceci  une  première  conclusion  se  dégage  :  c'est  qu'un  papier 

i  i  ^ 


lO 


LES  PROCÉDÉS  IVART  EN  PHOTOGRAPHIE 


photographique  dans  lequel  le  blanc  extrême  sera  constitué  par  le  pa- 
pier nu,  non  brossé,  ayant  conservé  sa  fleur,  sera,  à  ce  point  de  vue. 
supérieur  aux  autres.  Seul  le  papier  à  la  gomme  peut  remplir  pleine- 
ment cette  condition  ;  quand  le  colloïde  employé  subsiste  dans  les 
blancs,  ceux-ci  sont  moins  éclatants,  puisque  le  blanc  du  papier  est 
couvert  d'une  couche  de  gélatine,  et  moins  agréables,  parce  que  bril- 
lants et  produits  par  une  réflexion  plutôt  que  par  une  diffusion  de  la 
lumière. 

Seconde  conclusion  :  tout  mode  opératoire  qui  aura  pour  consé- 
quence  un  brossage,  un  frottement  du  papier,  donnera  des  blancs 
moins  beaux.  Nous  rappellerons  ceci  dans  le  chapitre  sur  le  procédé  à 
la  gomme. 

Nous  pouvons  donc,  au  point  de  vue  de  la  qualité  du  blanc,  ranger 
(3^^^  les  papiers  usuels  dans  l'ordre  suivant  :  papiers  à  la  gomme,  platine, 
papier  salé,  papiers  à  base  de  gélatine  ou  de  tout  colloïde  non  soluble 
dans  l'eau  froide,  papiers  à  l'albumine,  papiers  aux  citrates  et  leurs 
dérivés. 

Passons  maintenant  aux  noirs  et  aux  demi-teintes  ;  ils  sont  fournis 
Uaa~a  P^**  l'apposition  sur  le  papier  d'une  matière  pigmentaire.  Les  qualités 
que  peut  offrir  l'aspect  de  cette  matière  tiennent  à  la  façon  dont  elle 
absorbe  et  réfléchit  la  lumière  incidente.  On  peut  les  énumérer  ainsi  : 
1°  fleur  ou  velouté  ;  2"  profondeur  ou  transparence  ;  3"  puissance  ou 
vigueur. 

Pour  rechercher  les  conditions  qui  produisent  ces  qualités,  pre- 
nons successivement,  parmi  les  divers  procédés  en  noir  et  blanc,  ceux 
dans  lesquels  une  de  ces  qualités  se  montre  à  son  maximum  de  puis- 
sance. 

If  Fleur  ou  Velouté.  —  Au  point  de  vue  de  la  fleur,  rien  n'égale  la 
trace  que  laisse  sur  un  papier  approprié  la  caresse  légère  d'un  pastel 
^J^^,      tendre.  Pourquoi?  Cela  tient  évidemment  à  la  manière  dont  les  grains 
pigmentaires  sont  groupés,  à  ce  qu'ils  sont  à  l'extrême  surface  du  pa- 
pier, à  ce  qu'ils  ne  sont  pas  serrés  entre  eux. 


"  FANTAISIE  LOUIS  XV 
PAR  M"«  C.  LÀQUARDE 

Pl.  IH.  Gomme. 


I 


1 


"LE  BALAYEUR 
PAR  LACROIX 

Pi-.  IV.  Gomme. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  II 

i^w^A  Écrasons,  en  effets,  cette  tache  sous  le  doigt  ou  sous  un  sureau,  le 
velouté  va  diminuer;  nous  avons  resserré  les  grains  et  les  avons  enfoncés 
dans  le  papier. 

Au  lieu  d'écraser  la  tache,  fixons-la  par  un  fixatif  mis  au  verso  du 
papier  ou  pulvérisé  directement  sur  le  recto.  Nous  allons  avoir  un  effet 
analogue  :  les  grains  vont  se  resserrer  et  se  rapprocher  du  papier  ;  de 
plus,  la  matité  de  velours  va  faire  place  à  un  luisant  de  vernis.  Si  nous 
■^Mco-yuai  abusons  du  fixatif,  tout  velouté  va  disparaître,  le  grain  étant  noyé  dans 
le  médium  et  recouvert  par  lui. 

Un  tel  effet  se  produit  lorsqu'on  fixe  sur  carton,  par  pression  et  à 
chaud,  une  épreuve  tirée  sur  le  papier  «  l'Artistique  »,  par  exemple, 
papier  extrêmement  velouté;  il  se  produit  également  si  Ton  emploie 
pour  vernir  une  épreuve  à  la  gomme  du  vernis  Soehnée  trop  concentré. 

De  ces  observations  on  peut  déduire  les  aperçus  suivants  : 

Toute  tache  pigmentaire  aura  d'autant  plus  de  fleur  que  le  grain 
sera  plus  superficiel. 

Si,  comme  dans  les  procédés  à  dépouillement,  un  colloïde  inter- 
vient pour  fixer  le  grain  au  support,  il  conviendra  que  ce  colloïde 
retienne  le  grain  par  sa  base,  mais  ne  le  recouvre  pas;  de  telle  sorte 
que  la  lumière  incidente  soit  reçue  en  premier  lieu  par  le  grain,  mais 
non  par  le  colloïde. 

Voici  pour  la  constitution  même  du  papier  et  voici  pour  le  mode 
de  traitement  :  toute  couche  pigmentaire  raclée  trop  énergiquement 
par  l'agent  de  dépouillement  manquera  de  fleur  et  de  velouté. 

Tout  ceci  explique  pourquoi  : 

Le  papier  à  la  gomme  dépouillé  par  flottement  a  plus  de  fleur  que 
l'Artigue  ou  le  Fresson  ;  pourquoi  le  papier  au  platine  a  plus  de  ve- 
louté que  le  papier  au  bromure,  et  pourquoi  le  papier  au  citrate  n'en 
a  pas  du  tout. 

Transparence  et  Profondeur.  —  Un  noir  très  intense,  quand  il 
est  transparent,  est  dit  profond.     .  .  ^ 

Prenons  l'exemple  d'une  figure  sur  fond  très  noir  :  suivant  le 


12 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


caractère  de  la  matière,  la  figure  pourra  paraître  collée  sur  un  fond 
plat  ou,  au  contraire,  se  détachant  sur  un  fond  profond.  Le  premier 
ne  nous  donnera  aucune  illusion,  le  second  nous  en  donnera  une. 
Pourquoi  ? 

Faisons  plusieurs  remarques  : 

I''  La  plus  grande  transparence  nous  est  donnée  par  l'aquarelle 
faite  à  grande  eau. 

Au  moment  où  la  tache  commence  à  faire  prise,  si  on  l'écrase  d'un 
coup  de  pinceau  sec,  la  transparence  diminue  considérablement. 

Dans  le  premier  cas,  les  grains  en  suspension  dans  l'eau  se  sont 
déposés  suivant  un  rythme  naturel  en  obéissant  aux  lois  moléculaires, 
à  la  pesanteur  ;  ils  se  sont  déposés  régulièrement. 

Dans  le  second,  une  force  arbitraire  est  intervenue,  a  écrasé  les 
grains,  diminué  et  rendu  irréguliers  leurs  intervalles. 

2°  Si  nous  considérons  la  typogravure,  nous  savons  qu'il  faut, 
même  dans  les  noirs  intenses,  laisser  subsister  un  réseau  régulier  de 
points  blancs;  sans  cela  le  noir  est  extrêmement  puissant,  mais  bouché. 

3°  Dans  une  gomme  faite  par  deux  impressions,  les  noirs  qui  en 
résultent  sont  extrêmement  puissants,  mais  moins  transparents  que 
ceux  résultant  d'une  bonne  impression  unique. 

4°  Une  épreuve  à  la  gomme,  ou  aux  papiers  gélatinés,  surexposée, 
donne  des  noirs  intenses  qui  sont  beaux  mouillés,  mais  enterrés  après 
séchage. 

5°  Une  héliogravure  en  creux  est  grainée,  une  collographie  ne  l'est 
pas  ;  or,  l'héliogravure  a  beaucoup  plus  de  transparence,  de  profondeur 
dans  les  noirs  qu'une  collographie. 

Si,  dans  la  planche  en  creux,  le  grain  d'héliogravure  n'est  pas  extrê- 
mement régulier,  le  noir  paraît  sale.  Il  est  curieux  de  voir  combien  est 
grande  la  sensibilité,  l'acuité  de  l'œil,  en  cette  circonstance.  Le  grain 
d'une  héliogravure  peut  être  très  gros  ou  très  fin,  mais  il  est  essentiel 
que  le  rythme  en  soit  régulier. 

Une  autre  preuve  est  fournie  par  les  papiers  à  la  gélatine  brutale- 
ment traités.  Si,  par  une  élévation  trop  grande  et  trop  brusque  de  la 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  l3 

température  du  bain,  on  provoque  dans  la  gélatine  un  commencement 
de  fusion,  le  rythme  naturel  des  grains  se  trouve  rompu  et  le  ton  de- 
vient sale. 

6°  Pour  qu'un  noir  photographique  ait  des  qualités  de  profondeur, 
il  faut  que  les  régions  correspondantes  du  négatif  ne  soient  pas  consti- 
tuées par  des  transparences  sans  détails  ;  ces  régions  doivent  être  mo- 
delées. Ces  modulations  en  sourdine,  bien  que  peu  visibles  sur  l'épreuve 
positive,  jouent  cependant  un  rôle  essentiel. 

De  ces  différentes  constatations,  il  résulte  que  la  division  de  la 
couche  en  grains  espacés  et  groupés  régulièrement  est  la  condition  de 
sa  transparence.  Devant  un  assemblage  de  grains  trop  serrés  et  mats, 
la  lumière  incidente  est  absorbée  totalement,  elle  ne  pénètre  pas  dans 
le  mur  continu  de  la  couche  et  ne  se  réfléchit  pas  en  partie  comme  elle 
doit  le  faire.  Un  vernis  superficiel  qui  se  laisse  pénétrer  et  réfléchit  la 
lumière  incidente  donne  l'illusion  de  la  profondeur. 

Puissance,  Vigueur,  Intensité.  —  Le  modelé  de  l'image  résulte 
des  différences  existant  entre  les  intensités  relatives  des  divers  tons,  et 
si  nous  voulons  agrandir  la  gamme,  nous  avons  intérêt  à  aller  aussi 
loin  que  possible  du  côté  de  l'intensité.  Or,  nous  sommes  limités  de 
ce  côté  par  l'intensité  propre  à  la  couleur  du  pigment.  Si  notre  pigment 
est  de  l'ocre  jaune  ou  du  brun-rouge,  nous  n'obtiendrons  jamais  la 
vigueur;  du  noir  de  vigne  nous  donnera  toujours  moins  de  vigueur 
que  du  noir  de  bougie.  Nous  ne  pourrons  d'ailleurs  jamais  atteindre  à 
l'intensité  de  la  couleur  sortant  du  tube  et  écrasée  sur  la  palette;  c'est 
là  une  limite  dont  on  peut  s'approcher,  mais  dont  on  restera  tout  de 
même  assez  loin.  Et  si  on  l'atteignait,  la  matière  perdrait  toute  trans- 
parence. 

Car  le  moment  est  venu  de  faire  une  remarque,  laquelle  est  d'im- 
portance :  les  qualités  que  nous  venons  d'énumérer  :  fleur,  profondeur, 
vigueur,  tendent  à  s'exclure  l'une  l'autre;  et,  dans  tout  procédé  qui  pos- 
sédera une  de  ces  trois  qualités  à  l'extrême,  les  deux  autres  seront 
sacrifiées.  L'aquarelle  fournit  la  transparence  idéale,  mais  elle  ne  peut 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


atteindre  à  la  vigueur  sans  perdre  précisément  cette  transparence.  Le 
pastel  possède  la  fleur,  mais  la  transparence  lui  fait  défaut,  et  si  on 
remploie  d'ordinaire  en  hachures,  c'est  pour  créer  entre  les  grains  des 
intervalles  non  couverts;  la  division  du  grain  donnant  de  la  transpa- 
rence. On  pourrait  multiplier  ces  exemples. 

Ainsi  donc  nous  arrivons  à  cette  constatation  :  que  toute  matière, 
quand  elle  est  belle,  est  le  résultat  d\m  heureux  équilibre,  d'un  agréable 
compromis  entre  des  qualités  adverses. 

De  ces  qualités,  la  première  en  importance  est,  sans  doute,  la 
vigueur;  car  la  gamme  des  tons  lui  devra  son  étendue.  Pour  l'obtenir 
il  est  deux  moyens  :  le  premier,  qui  trouve  son  emploi  le  plus  typique 
dans  la  typograyure,  consiste  à  disposer  sur  le  support  une  couche 
^  mince  de  grains  accolés  en  serrant  ceux-ci  le  plus  possible  et  en  dimi- 
nuant ainsi  le  nombre  et  l'importance  des  intervalles,  des  points  blancs, 
qui  les  séparent  ;  le  second,  fourni  par  les  procédés  en  creux,  consiste 
livtk^^wa^à  épaissir,  en'^outre,  la  couche  pigmentaire  en  superposant  les  grains 
réunis  dans  un  médium.  C'est  ce  dernier  moyen  qui  permet  d'aller  le 
plus  loin  dans  l'intensité  sans,  pour  cela,  faire  disparaître  les  qualités 
de  velouté  et  de  profondeur. 

La  supériorité  des  procédés  que  nous  décrivons  dans  ce  livre  est 
précisément  due,  pour  une  bonne  part,  à  ce  qu'ils  fournissent  une 
couche  d'une  épaisseur  appréciable.  Ils  sont  au  papier  salé,  par  exemple, 
ce  que  la  peinture  à  l'huile  est  à  l'aquarelle.  Dans  le  papier  salé,  la 
couche  trop  mince  ne  peut  atteindre  à  la  vigueur  sans  perdre  toute 
transparence  ;  en  outre,  le  grain  tend  à  entrer  dans  le  papier,  de  là 
l'aspect  enterré.  Si,  au  contraire,  une  matière  est  constituée  par  un 
mélange  épais  de  grains  et  de  colloïde,  le  colloïde  joue  d'abord  le  rôle 
d'un  encollage  supplémentaire,  maintient  le  grain  à  la  surface  du 
papier  ;  en  même  temps  il  le  divise,  l'empêche  de  se  serrer  et,  par  ce 
double  effet,  tend  à  conserver  et  la  fleur  et  la  transparence  du  ton. 

Le  colloïde  joue  encore  un  autre  rôle,  celui  d'un  vernis  non  super- 
ficiel, mais  incorporé;  il  est  de  fait  qu'un  tel  vernis  contribue  beau- 
coup à  assurer  la  transparence.  On  le  constatera  si  l'on  regarde  sécher 


Pl.  V.  Gomme. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


l5 


une  épreuve  à  la  gomme  ou  encore  une  épreuve  tirée  sur  «  l'Artis- 
tique »  qui  possède  beaucoup  de  fleur.  A  un  moment  donné  Peau  a 
disparu,  s'est  évaporée,  dans  les  blancs  et  les  régions  claires;  mais  il  en 
reste  dans  les  régions  sombres,  emprisonnée  encore  à  l'intérieur  de  la 
couche,  entre  la  superficie  de  la  couche  et  la  surface  du  papier.  Les 
blancs  sont  mats,  les  noirs  un  peu  luisants.  L'épreuve  passe  à  ce  mo- 
ment par  un  état  optimum.  Le  séchage  complet  compromet  un  peu 
cet  état,  par  un  phénomène  analogue  à  celui  de  l'embu,  s^ùrtout  dans 
les  épreuves  à  la  gomme  surexposées.  Un  passage  au  vernis  Soehnée 
pour  aquarelle,  fortement  étendu  d'alcool,  améliore  alors  l'aspect  de 
l'épreuve;  car  ce  vernis  traverse  le  papier  dans  les  blancs,  ne  compro- 
met donc  pas  leur  matité,  et  en  même  temps  se  loge  dans  les  noirs  et 
leur  redonne  de  la  transparence^ 

Nous  nous  sommes  efforcés  d'expliquer  de  notre  mieux,  —  car  la 
question  est  obscure,  complexe  et  subtile,  —  à  quoi  est  due  la  supé- 
riorité des  procédés  décrits  dans  ce  livre  sur  les  procédés  plus  anciens. 
La  Providence  bienveillante  n'a  pas  voulu  que,  possédant  des  propriétés 
heureuses  qui  rendent  possible  l'interprétation,  ils  aient,  comme  contre- 
partie, une  matière  inférieure  à  celle  de  leurs  prédécesseurs.  Il  faut 
nous  en  féliciter,  tâcher  de  les  traiter  avec  les  égards  qui  leur  sont  dus; 
et,  tout  d'abord,  ne  pas  les  viotenter.  U^^v..r<, 

Il  ne  faut  pas  les  violenter,  c'est-à-dire  qu'il  ne  faut  pas  gêner  le 
travail,  subtil  et  délicat  infiniment,  des  forces  naturelles  qui,  desserrant 
les  mailles  du  médium  organique  pour  les  resserrer  ensuite,  agitent  les 
grains  de  la  matière  pigmentaire,  libérant  les  uns,  retenant  les  autres 
pour  les  disposer  en  bel  ordre  suivant  une  harmonie  préétablie.  Si  on 
le  fait,  si  l'on  veut  modifier  le  travail  de  ces  forces,  que  ce  soit  à  bon 
escientl  'K^ov^,^ 

Il  se  peut,  par  exemple,  que  l'on  ait  intérêt  à  changer  l'aspect 
pigmentaire  dans  certaines  régions  localisées  de  l'image  ;  cela  pour 
rompre  l'uniformité  du  rendu  photographique.  Un  peintre  ne  traite 
pas  de  la  même  manière,  dans  un  paysage,  les  terrains  et  les  eaux,  dans 

3 


i6 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


une  nature  morte  un  vase  de  cristal  et  un  vase  de  grès  ;  sa  touche  se 
modifie  suivant  l'objet  représenté  :  délicate  pour  représenter  le  corps 
vierge  d'Andromède,  elle  se  fera  rude  pour  peindre  le  roc  auquel  An- 
dromède est  rivée.  Le  rendu  photographique  ignore  ces  nuances,  mais 
les  procédés  dont  nous  parlons  peuvent  en  partie  les  rétablir.  En 
changeant  l'agent  de  dépouillement  on  modifie  l'aspect  de  la  matière. 
Par  suite,  dans  une  épreuve  à  la  gomme,  à  côté  de  telle  région  qui, 
dépouillée  par  dissolution,  aura  l'aspect  doux  et  léger  d'un  lavis  d'aqua- 
relle, telle  autre  brutalisée  au  pinceau  pourra  revêtir  l'aspect  rugueux 
du  crayon  Wolflf. 

Mais  ces  interventions  qui  troublent  la  formation  naturelle  de  la 
matière  ne  sauraient  porter  que  sur  certaines  régions  localisées  ;  le 
dépouillement  général  de  l'image  devra  toujours  se  faire  grâce  au  tra- 
vail libre  des  forces  naturelles,  non  violentées. 

Pour  ne  pas  être  amené  à  violenter  un  procédé,  il  faut  qu'il  soit 
docile.  Il  ne  le  sera  que  si  l'on  en  use  judicieusement,  et,  en  premier  lieu, 
que  si  la  lumière,  agent  principal  qui  met  en  jeu  les  forces  et  qui  les 
régit,  a  effectué  son  travail,  sans  excès  de  zèle,  mais  aussi  sans  paresse. 
Dans  tous  ces  procédés,  une  exposition  juste  et  précise  au  jour  est  la 
condition  indispensable  du  succès.  A  cette  condition  seule,  la  matière 
sera  docile  et,  parce  que  docile,  a  toute  chance  d'être  belle. 


LE  NÉGATIF 


N  accuse  la  nouvelle  école  de  négliger  à  tel  point  le  cliché 
en  faveur  de  l'épreuve  que  la  présence  du  négatif  serait  de- 
venue tout  juste  nécessaire.  En  tous  cas,  sa  perfection  tech- 
nique, objet  des  soins  jaloux  du  photographe  intransigeant, 
n'importerait  guère  plus,  et  les  plus  belles  épreuves  des  gommistes 
seraient  tout  justement  filles  des  pères  les  plus  infirmes. 

Nous  sommes  cependant  d'avis  que  la  perfection  du  cliché  est  de 
la  plus  sérieuse  importance  pour  la  réussite  de  l'œuvre  d'art  que  nous 
espérons  devoir  en  résulter.  Mais  nous  commençons  à  ne  plus  nous 
entendre  avec  l'école  du  bon  négatif  avant  tout,  lorsqu'il  s'agit  de  définir 
les  qualités  d'un  négatif  type. 

Du  temps  du  seul  papier  salé,  il  en  existait  un  qui  désespérerait   ^At^iA  \>A!f4- 
aujourd'hui  les  amateurs  de  gomme  bichromatée.  Les  noirs  en  étaient  cJ.^t^^v-t. 
d'une  épaisseur  extrême,  les  clairs  d'une  transparence  absolue,  car  le 
papier  d'alors,  imprégné  de  sels  d'argent  jusque  dans  son  épaisseur, 
exigeait  une  réduction  profonde  dans  ses  noirs  avant  que  les  détails  de 


l8  LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

ses  blancs  fussent  apparus.  C'était  ce  que  nous  appelons  maintenant  un 
cliché  dur. 

Conclura-t-on  de  cet  exemple  qu'en  langage  photographique  le 
négatif  sera  baptisé  d'après  le  caractère  des  résultats  qu'il  provoquera 
sur  l'épreuve  positive  ?  Si  cette  façon  de  parler  pouvait  être  logique  du 
temps  où  la  corporation  ne  travaillait  que  sur  un  seul  genre  de  papier 
sensible,  elle  devient  confuse  à  l'époque  actuelle  qui  compte  une  mul- 
titude de  procédés  différents  pour  chacun  desquels  devrait  logiquement  ^^Ji^^ç^ 
intervenir  un  négatif  à  qualités  spéciales.  Donc,  si  nous  nous  refusons  .^^J^^^nJ^y^ 
à  croire  au  cliché  étalon,  —  tel  le  mètre  en  platine  qui  repose  aux  j 
Arts  et  Métiers,  —  nous  admettons  la  nécessité  de  clichés  de  natures 
différentes,  —  propres  chacun  d'eux  au  genre  de  papier  qu'on  leur  destine. 

Nous  voici  donc  conduits  à  examiner  quelles  sont  ces  qualités 
diverses  exigées  par  les  différents  modes  d'impression  d'art  et  comment 
il  est  possible  de  les  obtenir. 

La  nature  complexe  de  certains  tirages  nous  empêchera  de  diviser 
les  procédés,  comme  on  le  fait  d'ordinaire,  en  procédés  à  impression  '^A^-.»*'». 
directe,  à  développement  et  à  dépouillement.  En  effet,  le  papier  au  j^^, 
platine,  qui  se  développe  comme  un  bromure,  a  comme  point  de  départ 
une  image  visible  obtenue  par  impression  directe,  et  dont  la  nature  est  ,è^^^j[f^, 
fort  importante  au  point  de  vue  des  résultats  définitifs.  De  même  pour 
l'ozotype  et  la  gomme  ozotype  qui  sont  des  procédés  à  dépouillement, 
mais  dont  l'origine  est  cependant  une  image  visible  analogue  à  celle  du 
tirage  au  platine.  Cherchons  donc,  sans  entrer  dans  des  classifications 
arbitraires,  quelles  doivent  être  les  qualités  du  négatif  communes  à  tous 
les  procédés  d'art  ou  spéciales  à  chacun  d'eux. 

La  plus  importante  sera  le  rapport  de  transparence  qui  devra 
exister  entre  les  maxima  et  les  minima  d'épaisseurs  du  négatif,  —  et  on 
déduira  de  cette  définition  que  la  qualité  nécessaire  tout  d'abord,  et 
commune  à  tous  les  procédés,  sera  la  perméabilité  de  la  plus  grande 
épaisseur.  En  d'autres  termes,  tout  négatif  dont  les  noirs  ou  le  plus 
grand  noir  ne  montreront  par  transparence  aucun  détail  ou  aucune 
demi-teinte  devra  être  considéré  comme  inutilisable. 


"  PORTRAIT  DE  FEMME 
PAR  R.  DEMACHY 

Pl.  VI.  Gomme. 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


19 


Mais,  parmi  les  clichés  qui  restent _et^^iii^accusent  la  qualité  susdite 
de  perméabilité,,  nous  devrons  faire,  selon  he  procédé  auquel  ils  sont 
destinés,  un  triage  raisonné  au  point  de  vue  des  différents  degrés  de 
transparence  qui  les  distinguent.  Car  il  ne  faut  pas  oublier  qu'un  noir, 
perméable  cependant,  mais  insuffisamment  exposé  pour  tel  ou  tel  papier 
donnera  sur  l'épreuve  positive  un  effet  sensiblement  pareil  à  celui  d'un 
noir  véritablement  imperméable.  La  question  pourra  donc  se  résumer 
I.  ainsi.  Selon  les  particularités  du  procédé  à  employer,  choisir  le  genre 
de  négatif  dont  les  rapports  d'épaisseur  permettront  une  impression  qui 
sera  correcte  sous  les  opacités  avant  que  les  portions  exposées  sous  les 
transparences  aient  perdu  la  justesse  de  leur  valeur. 

Et  ceci  parce  que  l'écart  entre  l'impression  optima  des  extrêmes 
d'épaisseur  et  de  transparence  diffère  selon  les  modes  de  tirage.  En 
général,  cet  écart  est  beaucoup  plus  considérable  avec  les  procédés  à 
image  visible,  tels  que  le  platine  et  les  ozotypes,  qu'avec  les  procédés 
à  dépouillement,  tels  que  la  gomme  et  le  papier  Fresson.  En  effet,  dans 
ces  derniers,  le  point  d'insolubilisation  complète  de  la  couche  colorée 
qui  correspond  au  noir  maximum  sur  l'image  positive  est  assez  vite 
atteint.  Or,  l'insolubilisation  complète  ne  doit  jamais  avoir  lieu.  Si 
donc  nous  tenons  à  conserver  à  nos  plus  grands  noirs  de  gomme  la 
possibilité  d'un  gonflement  aqueux  qui  en  empêchera  l'enterrage  sub- 
séquent, il  faudra  que  les  portions  de  notre  image  protégées  par  les 
épaisseurs  du  négatif  s'insolent  presque  en  même  temps  que  celles  qui 
sont  couvertes  par  des  transparences. 

Par  conséquent,  le  négatif  destiné  à  la  gomme  devra,  avec  les  qua- 
lités de  modelé  ordinaires,  offrir  des  transparences  spéciales  dans  les 
opacités.  Ce  sera  ce  que  le  tireur  sur  albumine  appellera  un  mauvais 
cliché,  le  tireur  sur  bromure  un  cliché  difficile,  le  tireur  sur  citrate  un 
bon  cliché.  Mais  l'amateur  de  gomme  ne  devra  pas  confondre  le  négatif 
transparent  et  brillamment  modelé  que  nous  recommandons  avec  celui 
que  l'on  traite  communément  de  faible  et  dans  lequel  une  pose  exagérée 
et  un  développement  trop  vite  arrêté  ont  éteint  tous  les  contrastes  et 
grisé  toutes  les  transparences.  L'image  positive  qui  en  sortira,  au  lieu 


20 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


d'accuser  une  solubilité  presque  pareille  entre  les  noirs  et  les  clairs, 

en  donnera  une  pareille;  Timage  ne  restera  pas,  ou  si  elle  demeure, 

elle  ne  résistera  pas  dans  des  proportions  inégales  à  l'insistance  de 

l'agent  de  dépouillement;  ombres  et  clairs  finiront  par  céder  en  même  '^^^^^ 

temps.  A**^v*^ 

Les  procédés  Fresson,  Artigue  et  similaires,  dépouillés  par  frotte-  ^jim»*^  ^(ISu 
ment  au  moyen  de  sciure  de  bois  en  suspension  dans  de  l'eau,  deman-  /Di^Jl 
deront  semblable  nature  de  négatifs,  mais  admettront  beaucoup  plus  .  L 

d'égalité  dans  les  valeurs  que  ne  le  tait  la  gomme.  La  matière  gélati-  ^ 
neuse  dont  est  formée  leur  couche  et  leur  mode  de  dépouillement 
expliquent  cette  différence.  Ici  le  coulage  n'existe  plus,  la  localisation 
du  dépouillement  est  donc  plus  aisée,  puisque,  seule,  la  portion  direc- 
tement attaquée  par  le  jet  de  sciure  en  suspension  diminue  d'épaisseur. 
Il  est  donc  possible,  facile  même,  de  provoquer  sur  une  surface  com- 
posée  cependant  de  résistances  sensiblement  égales,  comme  celle  que 
donnent  les  clichés  gris,  de  notables  différences  d'épaisseur  et,  par 
conséquent,  de  valeurs.  Ceci  est  tout  à  l'encontre  de  ce  qui  se  passe 
dans  le  développement  de  la  gomme  dont  la  matière  est  soluble  dans 
l'eau  froide  et,  une  fois  mouillée,  continue  à  se  dissoudre  partout  parai- 
lèlement  à  l'attaque  locale. 

Nous  nous  bornerons  donc  à  écarter  pour  les  papiers  Fresson,  yi  ^  . 

Artigue  et  similaires  tous  les  négatifs  qualifiés  communément  de  dnrs,^  '^^if^Vx'^ 
c'est-à-dire  offrant  des  parties  très  opaques  à  côté  de  transparences  peu 
déiaillées,  et  nous  admettrons  le  cliché  gris  et  monotone  qui  pourra, 
grâce  à  la  localisation  très  nette  permise  par  le  genre  de  dépouillement 
du  papier  et  la  nature  de  sa  couche,  donner  une  image  parfaitement 
accentuée,  analogue  à  celle  qui  résulterait  d'un  négatif  brillant. 

Le  papier  au  platine  demande,  peut-être  plus  que  tout  autre  pro-  T^oi^--^  ^i^v-vM 
cédé  d'art,  un  cliché  complet^  c'est-à-dire  pourvu  de  détails  modelés  ' 
dans  ses  portions  les  plus  claires,  correspondant  aux  noirs  de  l'épreuve         ^^i^^"-^  ' 
positive.  Car  le  dépôt  métallique  qui  constitue  Timage  est  maigre  en 
comparaison  des  pigments  des  papiers  à  dépouillement  et  des  ozotypes, 
et  il  tend  souvent  à  s'enterrer  dans  certains  noirs.  Notons  aussi 


I 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


21 


 C*-^ 


*J-jCvv 


que  le  point  de  départ  de  l'image,  ultérieurement  développée,  est  une 
image  visible  formée  par  réduction  rapide.  Les  qualités  à  rechercher 
dans  le  négatif  vont  donc  être  influencées  par  cette  particularité.  La  n^-^^.  ^ 
rapidité  de  noircissement  nous  indiquera  que  l'écart  entre  les  transpa- 
rences et  les  opacités  du  cliché  devra  être  plus  considérable  qu'avec 
les  procédés  de  tirage  sur  couche  plus  lente,  car  il  nous  faudra  laisser 
le  temps  aux  noirs  de  l'image  positive  de  se  corser  avant  que  les  mo- 
delés aient  paru  dans  les  clairs,  à  moins  de  chercher  bien  exprès  un 
effet  monotone.  En  tenant  compte  de  ces  desiderata,  nous  arriverons 
à  définir  ainsi  le  négatif  type  du  platine  :  cliché  complet  et  fouillé  dont 
récart  entre  les  transparences  et  les  opacités  maxima  devra  permettre 
une  insolation  suffisante  à  travers  les  parties  claires  pour  produire  sur 
répreuve  positive  un  noir  par  surexposition. 

Cette  dernière  expression  paraît  sans  doute  obscure,  nous  en  don- 
nons l'explication.  °^-.c<ion^Jç 

L'enterrage  ou  bouchage  des  noirs,  commun  à  bien  des  procédés, 
est  généralement  le  résultat  d'une  insolation  faite  à  travers  un  dépôt 
d'épaisseur  uniforme,  autrement  dit  une  zone  également  teintée  ;  or, 
l'expérience  prouve  que,  si  le  même  degré  de  noir  positif  est  obtenu  en 
insolant  davantage  une  zone  moins  transparente,  mais  oârant  des  épais- 
seurs diverses,  une  zone  modelée,  si  vous  préférez  ce  terme,  ce  noir, 
produit  par  surexposition,  c'est-à-dire  en  noyant  les  détails  et  les  mo- 
delés, nous  fournira,  en  même  temps  qu'une  intensité  pareille  à  celle 
que  nous  avons  eue  sous  la  transparence  monotone,  une  tache  mou-  . 
vementée  donnant  l'illusion  de  l'atmosphère  et  de  la  profondeur  à  la 
place  de  la  certitude  d'un  simple  morceau  de  papier  coloré.  La  qualité 
du  noir  sera  modifiée  et  i'enterrage  aura  disparu. 

Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  la  façon  dont  se  comportent  les  , 
clichés,  très  spéciaux  d'aspect,  obtenus  à  la  lumière  du  jour  et  à  l'éclair 
magnésique.  C'est  ainsi  que  se  réussissent  les  meilleurs  effets  de  nuit. 
L'opacité  maxima,  qui  est  considérable,  y  est  donnée  par  le  magné- 
sium, mais  le  reste  de  la  plaque,  impressionnée  par  la  lumière  du  jour, 
montre  une  densité  presque  normale.  Ces  clichés,  pour  rendre  sur 


22  LES  PROCÈDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

papier  l'effet  nocturne  désiré,  devront  être  tirés  jusqu'à  surexposition 
complète  de  toutes  les  parties  modelées  par  la  lumière  diffuse.  Or, 
jamais  les  noirs  ainsi  obtenus  n'accusent  d'enterrage;  les  détails  qui  s'y 
trouvent  noyés  ont  brisé  çà  et  là  l'aggrégation  moléculaire,  de  telle 
sorte  que  la  lumière  y  joue  et  que  l'illusion  de  profondeur  en  résulte, 
tandis  que  les  positifs  sur  papier  dus  à  des  négatifs  pris  la  nuit  à  la 
seule  lumière  artificielle  produisent  invariablement  un  effet  enterré 
dans  leurs  noirs. 

Le  négatif  le  plus  favorable  au  procédé  ozotype,  dont  la  gomme 
ozotype  n'est  en  somme  qu'un  dérivé,  devra  participer  aux  qualités  des 
négatifs  destinés  aux  papiers  à  impression  directe,  car  c'est  sur  une 
épreuve  imprimée  directement  à  la  lumière  du  jour  que  viendra  s'in- 
solubiliser,  par  contact,  la  gélatine  ou  la  gomme  colorées,  dont  le 
dépouillement  inégal  formera  plus  tard  l'image  définitive.  Nous  avons 
reconnu  en  effet  que  les  négatifs  transparents,  faibles  même  au  point  de 
vue  photographique  pur,  qui  réussissaient  fort  bien  à  la  gomme  bichro- 
matée,  donnaient  en  ozotypie  des  images  ternes  qu'il  fallait  réveiller 
par  des  tours  de  main.  Leur  emploi  n'est  certes  pas  impossible  mais  ne 
va  pas  sans  risques  d'insuccès,  car  l'image  primaire  ozotype  conduit 
la  seconde  et  lui  donne  ses  qualités.  Les  blancs,  après  lavage,  devront 
être  entièrement  débarrassés  de  la  teinte  jaune  du  bichromate,  ce  qui 
revient  à  dire  que  ce  sel  ne  doit  avoir  sut)i,  à  ces  endroits-là,  aucune 
modification  chimique  appréciable  à  l'œil.  Et  c'est  pour  cela  que 
l'épaisseur  des  opacités  protectrices  devra  être  suffisante  pour  abriter 
les  blancs  pendant  que  les  ombres  positives  emmagasinent  l'énergie 
qu'elles  auront  à  rendre  plus  tard.  Ceci  indique  clairement  la  nécessité 
d'un  négatif  exempt  de  voile  et  plus  vigoureux  peut-être  que  celui  que 
nous  recommandons  pour  le  papier  au  platine. 

La  même  qualité  de  négatif  sera  exigée  par  le  procédé  Rawlins  aux 
encres  grasses.  Nous  avons  affaire  ici  à  une  façon  de  photocollographie, 
et  le  cliché  idéal  de  ce  procédé  d'impression  est  le  véritable  bon  cliché 
du  photographe.  Il  s'agit  de  bâtir  un  relief  de  gélatine  solide  et  bien 
accusé  :  ce  sont  des  oppositions  franches  qu'il  nous  faut  pour  cela,  et 


'  MISS~  AUiERISfdN  " 
PAR  ÉbUARD  STEICHEN 

p?..  vil. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


23 


tout  cliché  faible,  gris  ou  voilé,  qui  donnerait  une  mauvaise  planche  à 
l'impression,  donnera  aussi  une  épreuve  sale  à  l'encrage  du  procédé 
Rawlins. 

Nous  terminons  ici  la  revue  rapide  des  qualités  diverses  du  négatif  ^ 
qu'exigent  les  différents  procédés  d'art,  mais  avant  de  passer  à  l'examen  '\'''^°^^\ 
des  modifications  qu'il  est  souvent  utile  de  faire  subir  à  ceux  d'entre       cux...-^''  1"^^  Q^i^i^x. 
ces  négatifs  qui,  malgré  tous  nos  soins,  offriraient  encore  des  incom- 
patibilités d'humeur  avec  le  conjoint  auquel  on  les  destine,  nous  tenons 
à  dire  que  les  règles  et  les  principes  que  nous  avons  posés  n'ont  rien     ^  ^  ^ 
d'absolu,  et  que  c'est  à  dessein  que  nous  n'avons  pas  mentionné  les 
nombreuses  pratiques  de  développement  ou  de  dépouillement  qui  per- 
mettent à  celui  qui  sait  jouer  de  son  procédé  de  corriger,  pendant 
l'évolution  de  l'épreuve  positive,  les  défauts  de  valeurs  et  le  manque  ou 
l'excès  d'opposition  de  son  cliché.  L'explication  de  ces  pratiques  se 
trouve  à  d'autres  pages  de  ce  volume  ;  nous  avons  seulement  voulu 
simplifier  la  besogne  du  commençant  en  le  mettant  dans  les  meilleures 
conditions  possibles  pour  profiter  des  avantages  de  chaque  procédé. 
Il  éprouvera  sans  doute  plus  tard  un  plaisir  d'équilibriste  à  se  jouer 
des  difficultés  que  nous  venons  de  lui  signaler. 

Cependant,  nous  ne  devons  pas  en  être  réduits  à  choisir  parmi 
des  négatifs  développés  au  hasard  celui  qui  convient  à  notre  procédé 
d'élection.  Nous  sommes,  dans  une  certaine  mesure,  à  même  de  fabri- 
quer celui-ci  en  vue  de  nos  besoins.  Déjà  la  durée  plus  ou  moins 
longue  de  la  pose  modifie  le  caractère  d'un  cliché.  A  cela  viendra 
s'ajouter  la  façon  d'agir  du  révélateur  employé.  Nous  savons  que  d'un 
même  sujet  nous  tirerons  deux  effets  opposés  :  l'un  monotone,  l'autre  ,  cij>y«9.J- 

heurté,  selon  que  nous  aurons  laissé  les  rayons  de  différentes  couleurs 
et  de  différentes  intensités  lumineuses  émis  par  le  motif  arriver  tous  au 
but  en  se  rattrapant  —  c'est  l'excès  de  pose  —  où  que  nous  aurons  inter- 
rompu l'insolation  bien  avant  que  les  faisceaux  moins  actifs  aient 
opéré  sur  la  couche  sensible  une  modification  égale  aux  faisceaux  plus 
intenses  qui  ont  travaillé  les  premiers  —  c'est  la  sous-exposition.  Dans 
le  premier  cas,  les  ombres  et  les  demi-teintes  se  rapprochent  trop  du 

4 


24 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


maximum  d'opacité  atteint  par  les  grandes  lumières;  dans  le  second, 
le  phénomène  contraire  s'est  produit. 

Mais,  en  développant  un  négatif  dont  la  durée  de  pose  se  trouve 
entre  ces  deux  extrêmes,  nous  pouvons  cependant  nous  rapprocher 
soit  de  Tun  soit  de  l'autre,  selon  que  le  bain  révélateur  dont  nous  nous 
servons  a  été  composé  de  tel  ou  tel  agent  réducteur.  Ainsi  l'expérience 
a  prouvé  que  le  révélateur  bromuré,  quel  qu'il  soit,  tend  à  exagérer 
les  contrastes;  que,  parmi  les  révélateurs,  —  sans  tenir  compte  de 
l'action  du  bromure  —  le  groupe  iconogène,  métol,  métoquinone,  pro- 
duit des  clichés  doux  et  transparents  dans  les  noirs  et  qui  sont  propres 
par  conséquent  aux  procédés  à  dépouillement  tels  que  la  gomme 
bichromatée  pure,  les  papiers  Fresson,  Artigue,  et  similaires  ;  tandis 
que  l'hydroquinone  et  le  rodinal,  qui  fournissent  des  noirs  plus  épais 
sans  voiler  les  transparences,  conviendront  mieux  aux  procédés  de 
tirage  à  impression  visible,  tels  que  les  ozotypes,  le  platine  et  le  procédé 
Rawlins.  Enfin  deux  révélateurs,  le  paramidophénol  et  le  pyrogallol 
peuvent  —  le  premier  par  le  jeu  du  sulfite,  le  second  par  celui  du  car- 
bonate de  potasse  —  donner  à  volonté  des  clichés  doux  ou  durs. 

Nous  venons  d'énumérer  les  moyens  les  plus  pratiques  pour  se 
rapprocher  du  négatif  type  de  chaque  différent  procédé  d'art.  Il  arrivera 
cependant  —  nous  Tavons  fait  pressentir  —  que,  malgré  tous  les  soins 
de  l'opérateur,  le  résultat  soit  inférieur  au  desideratum.  Il  nous  reste 
heureusement  encore  quelques  moyens  d'intervention,  d'ordre  chi- 
mique d'abord,  tels  le  renforcement  et  l'affaiblissement. 

La  première  opération  —  renforcement  au  bichlorure  ou  au 
biodure  de  mercure,  au  permanganate  de  potasse,  au  nitrate  d'urane 
—  est  de  pratique  si  courante  que  nous  n'avons  pas  à  entrer  dans  les 
détails  de  son  exécution.  En  l'espèce,  elle  consiste  à  ajouter  l'épaisseur 
d'un  dépôt  chimique  métallique  aux  opacités  existantes  du  cliché  sans 
en  modifier  les  transparences.  Elle  aura  donc  comme  effet  d'augmenter 
les  contrastes  entre  les  noirs  et  les  blancs  de  l'image  positive.  Nous 
n'aurons  guère  à  nous  en  servir  en  dehors  des  procédés  à  impression 
visible  :  platine  —  ozotypie  —  procédé  Rawlins.  —  Nous  ne  voyons 


I 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


25 


pas  de  cliché  destiné  à  la  gomme  ou  aux  papiers  Fresson,  Artigue  et 
similaires  qui  puisse  en  tirer  profit.  Parmi  les  procédés  contraires 
dont  le  but  est  de  diminuer  les  épaisseurs  du  dépôt  négatif,  nous 
devrons  distinguer  entre  l'afFaiblisseur  au  prussiate  rouge  de  potasse  et 
celui  au  persulfate  d'ammoniaque.  Ils  affaiblissent  tous  deux,  mais,  au 
point  de  vue  valeurs,  leur  effet  est  bien  différent.  Le  premier  s'attaque 
tout  d'abord  aux  moindres  épaisseurs  —  aux  demi-teintes.  Il  tendra 
donc  à  provoquer  des  contrastes  aux  débuts  de  son  action,  tant  que 
celle-ci  aura  respecté  l'épaisseur  des  noirs.  Mais  ceux-ci,  attaqués  à 
leur  tour  pendant  que  les  demi-teintes  continuent  à  disparaître,  amè- 
neront bientôt  l'image  négative  à  un  équilibre  plus  ou  moins  complet 
—  à  l'effacement  définitif  si  l'action  du  réducteur  est  prolongée.  Nous 
n'aurons  à  nous  servir  de  ce  procédé  que  pour  nettoyer  prudemment 
par  une  courte  immersion  les  transparences  voilées  d'un  négatif  correct 
d'autre  part. 

Le  persulfate  d'ammoniaque,  tout  au  contraire  s'attaque  d'abord 
aux  plus  grandes  opacités  du  cliché,  ensuite  seulement  aux  moindres. 
Il  diminue  donc  les  contrastes  aux  débuts  de  son  action  et  continue  à 
les  diminuer  jusqu'à  leur  effacement  total,  par  rétablissement  d'équi- 
libre entre  épaisseurs  diverses.  Son  emploi  est  tout  indiqué  pour 
restituer  aux  clichés  durs,  destinés  cependant  à  la  gomme  ou  aux 
papiers  Fresson,  Artigue,  etc.,  la  transparence  dans  les  noirs  que  la 
nature  de  ces  papiers  réclame,  '--v 

Ces  affaiblisseurs  peuvent  être,  en  théorie,  appliqués  localement 
sur  le  négatif.  En  principe,  nous  y  trouvons  des  risques.  L'action 
d'un  liquide  sur  une  surface  telle  que  la  gélatine  est  bien  difficile 
à  limiter  de  façon  nette  et  des  halos  clairs  se  produisent  presque 
toujours  autour  de  la  portion  réduite  et  mangent  sur  les  demi-teintes 
avoisinantes  qu'il  importe  de  réserver. 

Nous  nous  sommes  aperçus,  au  cours  de  ce  qui  précède,  de  com- 
bien les  valeurs  positives  sont  à  la  merci  des  relations  d'épaisseurs 
négatives.  Il  nous  viendra  donc  tout  naturellement  à  l'esprit,  après 
avoir  épuisé  tous  les  moyens  d'action  chimiques,  soit  pour  renforcer, 


i 


26 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


soit  pour  diminuer  ces  épaisseurs,  de  les  modifier  à  la  main  par  Faddi- 
tion  de  substances  inertes  et  par  usure  du  dépôt  même.  Ces  deux  pra- 
tiques rentrent  dans  la  catégorie  de  la  retouche. 

Les  résultats,  si  on  en  juge  par  l'aspect  de  la  majorité  des  portraits 
cartes  en  évidence,  n'en  seraient  guère  encourageants.  L'œil  de  l'artiste 

Ati.*^^'en  offusque  à  raison  et  la  mauvaise  presse  dont  jouit  la  photographie 

dans  le  monde  des  gens  de  goût  ne  provient  guère  que  de  l'abus  fait^'^>^'*A«/»^ 
par  le  photographe  d'un  moyen  qui  peut  cependant  corriger  bien  des 
défauts  au  lieu  d'en  ajouter. 

La  retouche  par  augmentation  d'épaisseurs  n'est  en  vérité  qu'un 
renforcement  local,  précieux  à  cause  de  sa  localisation  nette  qui  nous 
permet  ainsi  l'accent  clair,  interdit  le  plus  souvent  par  la  nature  du  pro- 
cédé photographique.  Nous  le  provoquerons  par  l'application  discrète 
d'un  pigment  que  l'on  préférera  opaque,  fin  de  grain  et  facile  à  étendre, 
tel  que  le  rouge  de  Venise  pour  le  côté  verre  du  négatif  ou  le 
graphite  pour,  le  côté  gélatine  —  qu'il  faudra,  bien  entendu,  pré- 
parer à  la  morsure  du  crayon  par  l'application  d'un  vernis  térében- 
thiné  à  base  résineuse.  En  usant  du  crayon  par  légers  frottis,  nous^^^ 
pouvons  accentuer  un  modelé  déjà  existant,  faire  tourner  une  joue, 
détacher  l'aile  de  la  narine,  donner  du  relief  au  front  et  de  l'ondulation 

r^Uv^^^Xla  chevelure.  Les  masses  se  traiteront  par  teintes  plates,  en  couleur 
moite,  égalisées  par  tamponnement,  au  doigt  ou  à  la  poupée,  sur  le 
dos  du  négatif  ou  sur  la  gélatine  même,  cette  fois  non  recouverte  de 
vernis,  en  se  servant  d'estompés  en  peau  ou  en  sureau  saupoudrées  a^wJp-ileA 
de  sanguine  ou  de  plombagine.  Ce  dernier  mode  de  retouche  rendra 
de  grands  services  pour  la  préparation  des  clichés  de  paysage  dont  les 
plans  pourront  ainsi  être  davantage  différenciés  et  dont  les  nuages  O^^k^ 
souvent  noyés  par  solarisation  seront  accentués  au  point  de  transpa- 
-  raître  au  tirage  sur  papier.  Des  retouches  plus  brutales,  au  dos  du 
négatif  surtout,  nous  seront  permises  sur  les  clichés  destinés  à  la 
gomme  pure  dont  le  coulage  estompera  les  contours  accusés  de  notre 
intervention.  Le  travail  sur  les  fonds  sera  commencé  ainsi  sur  le  cliché 
et  terminé  sur  l'épreuve  même,  pendant  l'épaississement  de  la  couche 


/ 


*•  DAi-^i»     AliiLIER  " 
PAR  R.  DEMACHY 

Pl.  Vlli  Traiienieni  au  burin  , 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


27 


avant  séchage.  Une  ligne  d'horizon  trop  indécise,  un  contour  de  figure 
trop  noye  emprunteront  a  la  retouche  négative  au  pinceau  la  certitude 
voulue  pour  diriger  le  travail  de  dépouillement  et  éviter  toute  hésitation. 
Enfin  nous  saurons  même,  grâce  à  la  nature  molle  et  envahissante 
de  la  couche  gommeuse  positive,  réussir  la  transformation  d'un  fond 
noir  en  fond  clair,  sans  risquer  l'affreux  silhouettage  que  l'enre- 
gistrement rigoureux  des  procédés  plus  fidèles  rend  toujours  inévitable 
en  pareil  cas. 

Les  traités  spéciaux  conseillent  de  couvrir  le  côté  verre  d'un 
négatif  trop  heurté  comme  valeurs,  d'une  couche  de  vernis  ou  de  col- 
lodion  colorés,  et  d'enlever  au  canif  les  parties  qui  recouvrent  les 
noirs.  C'est  une  façon  de  retarder  le  tirage  des  demi-teintes.  Ce  travail,  a*^-^ 
malgré  l'épaisseur  du  verre  interposé,  nous  paraît  délicat  à  faire  sans 
laisser  d'arêtes  désagréables  autour  des  enlevés.  On  arrive  plus  facile-  .aW'^  i;^o. 
ment  à  transformer  un  négatif  en  tendant  au  dos  de  celui-ci  une 
feuille  de  papier  dioptrique  sur  laquelle  on  peut  soit  à  l'estompe,  soit 
directement  au  crayon,  accentuer  les  faiblesses  et,  par  conséquent, 
diminuer  les  contrastes,  ou  surcharger  au  contraire  les  noirs  insuffi- 
sants et  ajouter  ainsi  du  relief  à  l'image. 

Nous  voici  amenés  à  la  retouche  la  plus  radicale  de  toutes,  celle 
qui  consiste  à  s'attaquer  au  dépôt  même  et  à  la  gélatine  qui  l'enrobe, 
et  cela  au  moyen  d'instruments  métalliques  dirigés  par  la  main  de 
l'opérateur.  En  principe,  il  suffit  de  frotter  doucement  un  endroit  /îr\»*\' 
opaque  d'un  négatif  avec  un  morceau  de  flanelle  blanche  pour  noircir 
celle-ci  plus  ou  moins  vite;  le  dépôt  d'argent  réduit  ne  résiste  donc 
pas  complètement  à  une  usure  aussi  faible.  Accentuons-la  en  saupou-  oaA^vJtU 
drant  notre  tampon  avec  de  la  ponce  finement  pulvérisée  —  l'effet  sera 
plus  visible  encore.  Mouillons  enfin  la  gélatine  avec  de  l'alcool  méthy- 
lique  et  nous  arriverons,  en  frottant  avec  quelque  patience,  à  user 
presque  entièrement  le  dépôt  d'argent  réduit.  C'est  une  pratique  fort 
connue  des  retoucheurs.  Mais  sa  localisation  nette  quant  aux  contours 
de  la  tache  à  diminuer  offre  beaucoup  de  difficultés.  Il  n'est  pas  com- 
mode de  diriger  bien  exactement  les  évolutions  d'un  tampon  humide 


28 


LES  PROCEDES  P'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


ES  J)' 


et  malléable,  et  tout  débordage,  en  diminuant  l'épaisseur  de  la  zone 
avoisinante,  travaillera  à  l'encontre  du  résultat  cherché^ 

L'instrument  métallique  semble  donc  s'imposer.  Nous  en  avons 
plusieurs.  L'éraser,  le  grattoir  baïonnette,  le  burin  et  l'aiguille 
emmanchée.  L'éraser  est  un  pinceau  plat  dont  les  soies  sont  rempla- 
cées  par  des  fils  d'acier  plus  ou  moins  longs  et  par  conséquent  plus 
ou  moins  souples  selon  le  modèle.  Le  passage  répété  de  cette  sorte 
d'étrillé  produit  sur  la  gélatine  du  négatif  une  multitude  de  stries 
parallèles  extrêmement  fines,  visibles  de  près  seulement.  «  To  erase  », 
traduit  littéralement,  veut  dire  «  effacer  »;  cet  instrument  pulvérise  en 
effet  la  toute  première  couche  d'argent  réduit  et  de  gélatine;  le  ton  de 
la  portion  attaquée  baisse  donc  très  progressivement.  Le  grattoir  baïon- 
nette des  graveurs  est  une  sorte  de  stylet  triangulaire  soigneusement 
aff'ûté  du  Sout.  Nous  ne  nous  servirons  guère  de  la  pointe  qui  est  fort 
«kJ^  aiguë,  mais  souvent  de  la  tranche  avoisinante,  en  tenant  l'instrument 
comme  le  dessinateur  tient  le  fusain  ou  l'escrimeur  une  épée.  Le  burin 
pourra  travailler  de  la  tranche,  comme  le  grattoir,  ou  de  la  pointe, 
comme  l'aiguille  emmanchée  qui  coupe  franchement  jusqu'au  verre. 
Mais  pour  la  pratique  l'éraser  et  le  grattoir  suffisent;  ils  permettent  à 
eux  deux  toutes  les  interventions  que  peut  exiger  le  négatif.  L'action  de 
réraser  est  sans  doute  la  plus  graduelle,  mais  elle  se  localise  moins 
facilement  à  cause  de  l'élasticité  des  fils  d'acier  qui  s'écartent  sous  la 
pression.  Cet  instrument  servira  donc  à  baisser  le  ton  des  zones  éten-  ^t^M^. 
dues  ou  à  supprimer  des  taches  de  dimension  moyenne  —  tandis  que  le 
grattoir  travaillera  sur  des  taches  plus  petites  ou  plus  compliquées  de 
forme.  Car,  si  son  attaque  est  plus  morâante,  sa  rigidité  en  rend  la 
direction  beaucoup  plus  sûre.  En  l'employant  à  un  angle  plus  ouvert 
avec  la  surface  du  cliché,  nous  le  ferons  mordre  davantage  jusqu'à 
l'accent  profond  qui  dénude  le  verre.  C'est  le  plus  fort  que  nous  puis- 
sions  donner;  il  correspondra  au  noir  maximum^^e  l'épreuve.  Cet 
accent  —  soit  dit  en  passant  —  ne  devra  ni  être  prodigué  ni  être  placé 
au  hasard;  c'est  le  point  d'exclamation  de  la  phrase  et  nous  n'en  abuse- 
rons pas. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


29 


Selon  que  Tauteur  se  sera  servi  prudemment  du  grattoir  ou  de 
l'éraser  pour  effacer  une  tache  malencontreuse,  ou  qu'il  aura  buriné 
la  couche  hardiment,  sans  dissimulation  aucune,  dans  le  but  de  créer 
des  accents  et  de  londrei  des  masses,  il  aura  retouche  ou  traite.  La  re- 
touche  pourra  ne  pas  attirer  la  moindre  attention,  par  contre,  le  trai- 
tement du  négatif  au  burin,  au  grattoir  ou  à  l'éraser  a  déjà  donné  lieu 
à  l'inévitable  accusation  de  plagiat. 

Il  est  certain  que  le  passage  répété  de  la  brosse  métallique  et  que 
le  travail  profond  du  grattoir  vont  créer  des  traces  plus  ou  moins  nettes 
qui  suivront  bien  les  zones  dessinées  par  l'objectif,  mais  qui  s'écarte-  -^«A^Jé 
ront  de  l'aspect  habituel  de  l'image  photographique.  Un  négatif  ainsi 
traité,  tiré  sur  papier  à  la  gomme,  n'ajoutera  à  l'épreuve  que  des  qua- 
lités de  relief  et  de  profondeur,  dont  l'origine  aura  été  dissimulée  par 
o  la  bavure  spéciale  à  la  couche  gommeuse. 

Tout  autre  sera  l'aspect  de  l'épreuve  au  papier  Fresson,  Artigue 
ou  Rawlins,  nous  tenons  à  en  prévenir  nos  lecteurs. 

Alors  le  caractère  d'eau-forte  sera  prédominant,  parce  que  la  ma- 
tière de  la  couche  se  rapproche  de  celle  de  la  gravure,  que  la  gélatine 
du  cliché  a  été  travaillée  de  la  même  manière  et  avec  les  mêmes  ins- 
truments que  la  plaque  de  cuivre  de  l'aqua-fortiste,  et  que  la  fidélité 
de  reproduction  de  la  gélatine  aura  enregistré  chaque  trait  de  l'acier.  j\jA. 

Le  graveur  dessine  sur  du  papier  quelconque,  reporte  son  dessin  sur 
sa  planche  vernie  et  en  suit  fidèlement  les  traits  à  la  pointe.  Le  photo- 
graphe suit  avec  son  burin,  son  aiguille  ou  son  grattoir  le  dessin  fourni 
par  son  objectif.  Les  teintes  plates  que  le  graveur  obtient  par  retrous- 
sage  seront  données  au  photographe  par  les  zones  non  gravées  de  son 
cliché.  Il  y  aura  donc  similitude  inévitable  d'eff"et  puisqu'il  y  a  eu  simi- 
litude de  travail.  Mais  nous  jugeons  que  seule  la  ressemblance  avec 
une  mauvaise  eau-forte  est  à  déplorer;  c'est  une  alliance  que  nous  ten- 
terons d'éviter. 

Le  lecteur,  en  consultant  les  deux  exemples  de  la  page  26,  pourra 
se  faire  une  idée  de  la  transformation  que  peut  subir,  grâce  à  l'éraser 
et  au  grattoir,  un  négatif  aussi  riche  en  taches  blanches  et  en  répéti- 


3o 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


tions  de  lignes  que  celui  qui  a  fourni  la  planche  n°  i.  Il  verra  d'abord 
que  le  paquet  blanc  formé  par  la  serviette  à  thé  posée  sur  la  table  a 
disparu  en  ne  laissant  que  quelques  traces,  visibles  seulement  à  cause 
de  la  fidélité  de  reproduction  du  bromure  qui  a  servi  au  tirage.  La 
seconde  chaise  en  arrière  de  celle  sur  laquelle  est  assis  le  modèle  a 
passé  dans  le  fond,  les  deux  bouteilles  dont  les  reflets  venaient  lutter 
avec  le  ton  des  chairs  ont  été  enlevées  et  la  tonalité  du  bouquet  de 
fleurs  et  du  vase  qui  les  contient  considérablement  baissée  —  de  même 
que  les  luisants  du  bois  de  la  chaise  et  la  tache  indécise  de  la  plinthe 
derrière  le  personnage.  La  tête  est  donc  devenue  centre  ;;d'ihtérêt.  De 
plus  des  accents  profonds  au  grattoir  sont  venus  affermir- 4es  plis  prin- 
cipaux des  vêtements;  le  corps,  il  nous  semble,  tourne  davantage  et  le 
bras  se  détache  mieux  dans  la  seconde  planche  que  dans  la  première. 
Nous  n'avons  pas  réussi  un  chef-d'œuvre,  mais  nous  croyons  avoir 
rendu  présentable  une  image  qui  ne  l'était  certainement  pas. 


PAR  F.-V.  SPITZER 

Pl.  IX.  Gomme. 


PREMIÈRE  PARTIE 


^ 


LES  PROCÉDÉS 
PAR  DÉPOUILLEMENT 


D 


i 


I 


GÉNÉRALITÉS 


N  sait  que  les  papiers  sensibles  photographiques  se  classent 
d'ordinaire  en  trois  catégories  : 

1°  Les  papiers  à  noircissement  direct.  —  Incolores  à  l'ori- 
gine et  dans  lesquels  l'image  est  formée  d'un  dépôt  de  métal 
réduit,  dépôt  provoqué  par  la  seule  action  de  la  lumière. 

2°  Les  papiers  à  développement.  —  Egalement  incolores,  dans  les- 
quels l'image  est  de  même  constituée  par  un  dépôt  métallique,  produit 
cette  fois  par  une  double  action  :  action  de  la  lumière  et  action  d'un 
agent  chimique  dit  révélateur.  Le  papier  au  platine  appartient  à  cette 
classe. 

3°  Les  papiers  à  dépouillement.  —  Ceux-ci  se  distinguent  nettement 
des  premiers  en  ce  que  l'image  y  est  constituée  non  par  un  métal  réduit, 
mais  par  une  poudre  de  matière  colorée,  insoluble  et  inerte  :  noir  de 
fumée,  sanguine,  terres...  Le  papier,  ayant  été  préalablement  couvert 
d'un  mélange  de  cette  poudre  avec  un  colloïde  sensibilisé  et  exposé 
sous  châssis,  est  dépouillé  de  son  pigment  non  par  un  agent  chimique. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


mais  par  des  agents  qui  entraînent  et  libèrent  les  grains  dans  les 
régions  où  la  lumière  les  a  incomplètement  fixés. 

A  cette  classe  se  rattachent  :  le  papier  à  la  gomme,  le  papier 
ozotype,  les  papiers  Artigue  et  Fresson,  et  tous  les  papiers  du  commerce 
dits  à  la  gomme. 

Une  quatrième  catégorie  commence  à  prendre  naissance  :  elle 
comprenait  jusqu'ici  les  procédés  par  saupoudrage,  d'un  emploi  très 
délicat,  qui  par  suite  ne  se  sont  pas  répandus.  Le  procédé  par  encrage, 
inventé  récemment  par  M.  Rawlins  et  dont  nous  parlons  dans  ce  livre, 
semble  beaucoup  plus  pratique  ;  il  se  prête  admirablement  à  l'interven- 
tion personnelle.  Dès  maintenant  on  peut  prédire  un  bel  avenir  à  de 
tels  procédés  qui  viendront  augmenter  les  ressources  de  la  photographie 
pictoriale. 

Nous  commencerons  notre  étude  par  les  papiers  à  dépouillement. 

Observons  tout  d'abord  que  le  nom  :  Papier  à  la  gomme  ne  doit 
s'appliquer  qu'au  papier  dans  lequel  la  gomme  arabique  est  employée 
seule,  sans  mélange  avec  aucun  autre  colloïde.  Il  convient  d'insister  sur 
ce  point  et  de  séparer  nettement  le  procédé  à  la  gomme  des  autres 
procédés  similaires. 

C'est  chose  d'autant  plus  nécessaire  qu'à  la  suite  de  la  vogue  légi- 
time de  ce  procédé,  un  assez  grand  nombre  de  papiers  nouveaux  ont 
été  mis  dans  le  commerce  et  dénommés  «  Papiers  à  la  gomme  ».  Les 
amateurs  ont  accueilli  ces  nouveautés  avec  grand  plaisir,  heureux  qu'ils 
étaient  de  s'éviter  la  peine  de  fabriquer  eux-mêmes  leurs  papiers  et 
flattés  de  se  voir  maîtres,  sans  grand'peine,  d'un  procédé  réputé  diffi- 
cile. Et  c'est  ainsi  que  nous  pouvons  voir  dans  nos  Salons  des  épreuves 
qui  prétendent  être  «  à  la  gomme  »,  tandis  qu'elles  sont  simplement  à 
la  gélatine  ;  ce  que  leur  aspect  démontre  d'ailleurs  surabondamment. 

Si  nous  venons  ici  préciser  la  question  et  réclamer  pour  la  seule 
gomme  arabique  le  droit  de  se  dire  «  gomme  »,  ce  n'est  point  pour  le 
vain  plaisir  de  souffler  sur  des  illusions  bienfaisantes,  mais  pour  dis- 
siper une  confusion  qu'il  nous  serait  impossible  de  laisser  subsister  au 
moment  d'écrire  les  pages  qui  vont  suivre. 


" ÉTUDE " 
PAR  C.  PUYO 

Pl.  X.  Gomme. 


^^^ULc-' ^(L4^^A  (^*.*C»V   ^.£*^  , 


1 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


35 


Rien,  en  effet,  de  ce  que  nous  allons  dire  sur  le  traitement  du 
«  Procédé  à  la  gomme  »  ne  saurait  s'appliquer,  sans  modifications  pro- 
fondes, au  traitement  des  procédés  dérivés  et  similaires.  Et  si  ces  derniers 
peuvent  avoir  et  ont,  en  effet,  de  réelles  qualités,  ces  qualités  ne  leur 
sont  point  strictement  communes  avec  le  Procédé  à  la  gomme.  Le  mode 
de  traitement,  d'une  part,  Taspect  de  l'image  obtenue,  de  l'autre,  créent 
donc  entre  ces  procédés  une  délimitation  nette  et  franche.  Et  la  chose 
était  à  prévoir,  même  avant  toute  expérience,  si  Ton  observe  que  la 
gomme  appelée  arabique  possède  des  propriétés  particulières  qui  la 
mettent  à  part  dans  la  série  des  gommites  et  des  colloïdes,  comme 
nous  allons  le  voir  tout  à  l'heure. 

Théorie  générale  des  Procédés  à  dépouillement.  —  La  théorie 
de  tous  ces  procédés  dits  «  Procédés  à  dépouillement  »,  réduite  à  l'es- 
sentiel, est  la  même.  Elle  est  basée  sur  l'action  des  bichromates  alcalins 
en  présence  des  substances  colloïdes  :  gélatine,  albumine,  gommes... 
Sous  l'influence  de  la  lumière,  le  bichromate  alcalin  est  dédoublé  et  '^'^  ^^\^^rz>^ 
cède  une  partie  de  son  oxygène  à  la  matière  organique  ;  celle-ci  subit 
alors  des  modifications  qui  changent  ses  propriétés  physiques  et  que 
l'on  peut  résumer  comme  il  suit  (i)  : 

L  —  La  gélatine,  l'albumine,  la  gomme,  mélangées  aux  bichro- 
mates, tendent,  sous  l'influence  de  la  lumière,  à  devenir  insolubles,  et 
l'insolubilisation  a  lieu  plus  ou  moins  profondément  dans  l'épaisseur 
de  la  couche,  proportionnellement  à  l'intensité  de  la  lumière. 

e*vJi<vw.^-5iceM^'       II,  —  Une  couche  de  gélatine  bichromatée  étant  plongée,  après 
fl-<K,t       insolation,  dans  un  liquide,  les  régions  qui  n'ont  pas  été  insolubilisées 
"^^^      ,         par  la  lumière  absorbent  seules  ce  liquide. 


IIL  —  Une  surface  de  gélatine  bichromatée,  rendue  légèrement 
humide  après  insolation,  prend  l'encre  d'imprimerie  sur  les  parties 
influencées  par  l'action  de  la  lumière  et  ne  la  prend  pas  sur  celles  qui 
n'ont  pas  subi  son  action. 


(i)  M.  Davanne.  La  Photographie  théorique  et  pratique. 


36 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


IV.  —  Les  bichromates  alcalins,  en  présence  de  la  lumière,  modi- 
fient et  détruisent  les  propriétés  adhésives  et  hygroscopiques  de  cer- 
taines compositions  hygrométriques,  telles  que  le  sucre,  le  miel,  la 
dextrine,  etc. 

Un  très  grand  nombre  de  procédés  photographiques  dérivent  de 
ces  changements  apportés  par  la  lumière  aux  propriétés  physiques  des 
colloïdes  :  tels  les  procédés  de  gravure,  en  creux  et  en  relief,  la  collo- 
graphie,  l'hydrotypie,  le  procédé  par  saupoudrage,  etc. 

Des  faits  énoncés  dans  les  paragraphes  I  et  II  sont  sortis  les  papiers 
à  dépouillement. 

Du  fait  énoncé  dans  le  paragraphe  III  est  sorti  le  procédé  Rawlins. 

On  peut  classer  les  papiers  à  dépouillement  en  deux  catégories  : 
1°  les  papiers  à  couche  épaisse  qui  exigent  un  transfert;  2**  les  papiers 
à  couche  mince,  sans  transfert. 

La  première  catégorie  est  constituée  par  le  Papier  au  charbon  dont 
nous  ne  parlerons  pas  ici,  bien  que  la  matière  qu'il  fournisse  ne  soit 
pas  sans  qualités  ;  mais  il  se  prête  de  façon  trop  incomplète  au  contrôle 
personnel  de  l'opérateur. 

Nous  ferons  seulement  observer  que  le  dépouillement  de  ce  papier 
diffère  essentiellement  de  celui  des  papiers  à  couche  mince,  et  que  s'il 
est  aisé  d'observer  et  d'expliquer  les  phénomènes  très  simples  qui  se 
passent  lors  du  dépouillement  du  premier,  le  dépouillement  des  se- 
conds est  le  résultat  de  phénomènes  difficiles  à  observer  et  mal  connus. 

Dans  le  papier  au  charbon  ordinaire,  composé  d'un  mélange  épais 
de  gélatine  et  de  poudres  colorées,  l'épaisseur  de  la  couche  résiste  à  la 
pénétration  de  la  lumière;  celle-ci,  après  avoir  traversé  le  cliché,  pé- 
nètre donc  la  couche  à  des  profondeurs  variables,  proportionnelles  aux 
transparences  locales  du  cliché.  Ce  sont  ces  épaisseurs  variables  ainsi 
insolubilisées  qui  créent  les  demi-teintes;  comme  il  en  est,  par  exemple, 
dans  l'héliogravure  en  creux.  Pour  faire  disparaître  de  la  couche  tout 
ce  qui  n'a  pas  été  insolubilisé,  on  emploie  donc  de  l'eau  à  une  tempé- 
rature supérieure  à  la  température  de  fusion  de  la  gélatine,  40  à  5o  de- 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


grés.  La  gélatine  non  touchée  par  la  lumière  coule,  emportant  le  pig- 
ment. L'opération  est  une  sorte  de  décapage;  elle  est  terminée  lorsque 
de  la  feuille  retirée  du  bain  Teau  s'écoule  pure,  sans  matière  colorante. 

Dans  les  papiers  dont  la  couche  est  assez  mince  pour  être  totale- 
ment traversée  par  la  lumière  et,  par  suite,  affectée  par  la  lumière  d'une 
façon  à  peu  près  comparable  dans  toute  son  épaisseur,  les  choses  se 
passent  d'une  façon  différente  lors  du  dépouillement.  Et  les  phéno- 
mènes qui  se  produisent  là  ne  sont  pas  non  plus  absolument  les  mêmes, 
suivant  que  le  colloïde  est  soluble  dans  Teau  froide  (papier  à  la  gomme) 
ou  non  soluble  (papier  à  la  gélatine). 
>  Considérons  d'abord  un  papier  à  base  de  gélatine,  Artigue  ou  Fres- 

-<->.^<*..  son.  Après  insolation  sous  châssis,  l'épreuve  est  mise  dans  une  eau 
:v>(iA  -  tiède,  mais  d'une  température  inférieure  à  celle  qui  provoquerait  la 
fusion  de  la  gélatine.  Ici  l'emploi  d'une  température  de  40  à  5o  degrés 
comme  tout  à  l'heure  enlèverait  toutes  les  teintes  moyennes  du  cliché, 
laissant  le  papier  à  nu  ;  seuls  subsisteraient  les  rares  endroits  à  peu 
près  insolubilisés.  L'eau  tiède  a  ici  pour  rôle,  non  de  faire  fondre  la 
gélatine,  mais  de  lui  permettre  d'absorber  l'eau  et  de  se  gonfler.  Ce 
gonflement  est  plus  ou  moins  fort,  suivant  que  l'action  de  la  lumière  a 
été  plus  ou  moins  prononcée.  Nous  utilisons  ici  la  propriété  II,  énoncée 
tout  à  l'heure.  Le  résultat  de  ce  gonflement  est  de  desserrer  plus  ou 
moins  les  mailles  de  la  matière  organique  dont  le  réseau  retient  pri- 
sonniers les  grains  du  pigment.  Pour  délivrer  ceux-ci  une  action  méca- 
nique est  maintenant  nécessaire  ;  elle  sera  produite  par  le  frottement 
doux  d'une  sciure  de  bois  très  fine  et  diluée  dans  l'eau.  Dès  que  ce 
frottement  commence,  l'image  se  modèle  aussitôt;  ce  frottement  se 
prolonge-t-il,  tous  les  tons  diminuent  progressivement  d'intensité,  leurs 
valeurs  respectives  l'estant  à  peu  près  immuables^  et  plus  ce  frottement 
s'accentuera,  en  se  prolongeant,  plus  baissera  Tintensité  générale  de 
l'image. 

On  peut  donc  imaginer  qu'ici  l'action  de  la  lumière  n'a  pas  pour 
but  de  créer  des  parties  insolubles  dans  la  masse  pigmentaire,  comme 
il  en  est  dans  le  procédé  au  charbon.  Dans  les  papiers  à  couche  mince, 


38 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


il  ne  doit  y  avoir  d'insolubilisation  absolue  dans  aucune  région  de 
l'image,  et  le  travail  de  la  lumière  semble  ici  plus  nuancé  et  plus  subtil. 
Il  aurait  pour  but  de  rendre  plus  ou  moins  facile  et  complète,  dans 
les  diverses  zones  de  la  pellicule  pigmentaire,  la  faculté  du  gonflement  ; 
par  suite,  d'opposer  au  départ  des  grains  de  couleur  des  résistances 
locales  variables.  j,.  !) 

Sur  un  tel  papier,  la  gélatine  n'ayant  pas  été  fondue  subsiste  après 
dépouillement  ;  elle  n'a  pas  été  partiellement  enlevée  comme  celle  du 
papier  au  charbon  et  continue  à  couvrir  uniformément  la  feuille.  Elle 
a  simplement  desserré,  un  instant,  ses  réseaux,  puis  les  a  refermés  sur 
les  grains  non  libérés.  Elle  est  encore  susceptible  de  les  desserrer  à 
nouveau,  si  on  la  remet  dans  l'eau  tiède,  et  de  laisser  échapper  d'autres 
grains,  si  un  frottement  renouvelé  l'y  oblige.  L'épreuve  peut  donc  être 
reprise  après  dépouillement  incomplet  et  séchage. 

Nous  reviendrons  sur  cette  question  plus  loin,  dans  les  chapitres 
consacrés  aux  papiers  à  la  gélatine.  Pour  le  moment,  passons  au  papier 
à  la  gomme,  sans  insister  davantage;  nous  en  avons  dit  assez  pour  que 
nous  puissions  voir  en  quoi  le  papier  à  la  gomme  diffère  des  autres. 


"PAYSAGE  D'AUTOMNE" 
PAR  R.  DEMACHY 

Pl.  XI.  Gomme. 


"  BORDS  DE  SEINE 
PAR  R.  DEMACHY 
Pl.;  XII.  Gomme. 


\ 


I 

I 


LE 

PROCÉDÉ  A  LA  GOMME 


6 


THEORIE  DU  PROCEDE 


EU  LE  de  tous  les  colloïdes  utilisés  dans  les  procédés  pigmen- 

taires,  la  gomme  jouit  de  la  propriété  de  se  dissoudre  dans  yt-jbJt.^ 
l'eau,  même  froide.  Donc  ici  la  température  du  bain  n'aura 
pas  une  influence  capitale  et  l'on  n'aura  pas  à  la  régler  avec 
cette  précision  qui  est  indispensable  dans  le  traitement  des  papiers  à 
la  gélatine.  L'élévation  de  la  température  hâtera  simplement  le  phéno- 
mène du  dépouillement. 

Ce  phénomène  apparaît  ici  plus  complexe  que  tout  à  l'heure.  On 
remarque  qu'au  cours  du  dépouillement  de  l'épreuve, .  la  gomme  se 
dissout  en  partie,  comme  la  gélatine  dans  le  papier  au  charbon,  et  elle 
se  dissout  en  proportion  variable  suivant  le  travail  effectué  localement 
par  la  lumière.  En  même  temps,  une  autre  portion  de  la  couche 
gommeuse  subsiste,  qui,  elle,  ne  se  dissout  pas,  mais  absorbe  l'eau,  se 
gonfle  et  laisse  échapper  le  grain  comme  il  en  est  dans  les  papiers  à 
couche  mince  de  gélatine;  seulement  ici  aucune  action  de  frottement 
n'est  nécessaire. 

Ces  phénomènes  simultanés  de  dissolution  et  de  gonflement  se 


42 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


'  '.produisent  non  seulement  d'une  façon  d'autant  plus  intense,',mais  aussi 
:  :;:r!iavec  d'autant  plus  de  rapidité  que  l'action  de  la  lumière  a  été  faible. 

Essayons  sinon  d'expliquer  ces  phénomènes,  du  moins  de  les  faire 

•    concevoir  grâce  au  secours  de  l'hypothèse. 

La  lumière  apporte  à  la  gomme  bichromatée  une  modification 
physique;  elle  tend  à  faire  disparaître  sa  solubilité  et  à  la  transformer 
en  une  matière  qui  se  gonfle  en  absorbant  l'eau  mais  sans  s'y  dissoudre. 
Plus  l'action  de  la  lumière  se  prolonge,  plus  diminue  cette  propriété 
d'absorber  l'eau  en  se  gonflant;  et,  elle  finit  enfin  par  disparaître. 

Ceci  dit  considérons  la  couche  fine  composée  de  gomme  sensibilisée 
-•  et  de  couleur  en  poudre  qui  a  été  étalée  sur  le  papier  support.  Cette 

'  '  couche  exposée  à  la  lumière,  ne  va  pas  être  traversée  par  celle-ci  d'une 
façon  uniforme  en  tous  les  points  de  sa  surface.  En  effet  chaque  grain 
de  couleur  va  opposer  une  résistance  à  la  pénétration  de  la  lumière  ; 

■ -^mais  à  la  superficie  de  la  couche  et  aussi  dans  la  profondeur  de  cette 
couche,  entre  chaque  grain  qu'elle  enrobe,  existe  de  la  gomme  claire 
qui,  elle,  sera  facilement  pénétrée.  La  lumière  va  donc  se  glisser  dans 
l'épaisseur  de  la  couche  en  contournant  chaque  grain,  tissant  pour 
ainsi  dire  entre  ces  grains  un  réseau  de  gomme  insolubilisée,  envelop- 
pant chaque  grain  d'une  sorte  d'alvéole.  Si  bien  qu'au  bout  d'un  certain 
temps  d'exposition,  la  couche  va  présenter  la  composition  suivante  : 
1°  des  grains  de  poudre  inaltérés;  2°  sous  ces  grains  de  poudre  de  la 
gomme  qui,  protégée  par  ces  grains,  a  vu  sa  solubilité  diminuée  mais 
non  détruite;  3*^  recouvrant  le  tout,  comme  un  manteau  d'épaisseur 
variable,  une  couche  de  gomme  insoluble  mais  encore  susceptible 
d'absorber  l'eau. 

Si  donc  nous  plongeons  le  papier  dans  l'eau,  ce  manteau  va  se 
gonfler  desserrant  les  mailles  de  sa  trarne;  entre  ces  mailles,  ce  qui 
subsiste  de  gomme  soluble  va,  peu  à  peu,  s'écouler  entraînant  des 
grains  et  le  dépouillement  va  se  faire  tout  seul.  "'^^^^'''''■''^ 

Prenons  maintenant  un  cliché  et  sous  ce  cliché,  exposons  une  série 
de  trois  feuilles  par  exemple,  en  donnant  à  l'une  une  exposition 
exagérée,  à  l'autre  une  exposition  juste,  à  la  troisième  une  exposition 


ÉTÉ  " 
PAR  C.  PUYO 

Pl.  XiU.  Gomme. 


•^^^^  Cpê^^    uev^  i«.vVinO^*\«.o-^  - 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


43 


insuffisante.  Mettons  ces  trois  feuilles  dans  le  bain  d'eau;  que  va-t-il  se 
passer? 

La  première  ne  se  dépouillera  pas  automatiquement;  on  y  verra 
seulement  se  former  une  trace  d'image,  vaguement  apparente.  Dans  les 
grands  noirs  de  l'épreuve,  correspondant  aux  transparences  du  cliché, 
la  gomme  a  perdu  la  faculté  d'absorber  l'eau  ;  dans  les  valeurs 
moyennes,  cette  faculté  d'absorption  n'est  pas  totalement  abolie,  mais 
les  réseaux  de  la  matière  organique  se  distendent  de  façon  insuffisante'; 
il  n'y  a  plus  d'ailleurs  de  gomme  soluble  susceptible  d'élargir  les 
passages  et  d'entraîner  les  grains;  ceux-ci  demeurent  emprisonnés  ainsi 
qu'ils  le  seraient  par  une  gélatine  soumise  à  un  bain  de  température 
trop  faible.  Pour  dépouiller,  plus  ou  moins  bien,  l'épreuve,  un  frotte- 
ment est  nécessaire. 

Cette  méthode  de  surexposition  suivie  d'un  dépouillement  par 
frottement  est  préconisée  par  quelques-uns  et  pratiquée  souvent  à 
l'étranger.  Nous  ne  saurions  la  recommander  pour  de  multiples  raisons 
exposées  au  début  de  ce  livre.  Même  si  l'on  arrive,  par  un  frottement 
au  pinceau  sans  brutalité,  à  révéler  la  totalité  de  l'image,  on  aura 
dérangé  le  grain  et  en  substituant  à  la  délicatesse,  subtile  infiniment, 
des  forces  naturelles  une  action  manuelle  qui,  par  comparaison,  appa- 
raît nécessairement  brutale,  si  adroite  qu'elle  puisse  être,  porté  atteinte 
à  la  beauté  de  la  matière.  Nul  agent  ne  saurait,  à  ce  point  de  vue, 
remplacer  la  gomme  elle-même  qui,  en  se  dilatant  d'abord,  puis  en  se 
resserrant,  écarte  les  grains  et  les  rassemble  ensuite  sur  le  papier 
support  avec  une  harmonie  évidemment  préétablie. 

Voyons  maintenant  la  seconde  épreuve,  exposée  normalement.  A 
peine  est-elle  plongée  dans  le  bain  que  l'écoulement  coloré  commence 
dans  les  demi-teintes  claires,  puis  se  généralise.  Si,  à  ce  moment,  on 
place  l'épreuve  sur  une  plaque  d'ébonite  ou  de  verre  et  qu'on  la  regarde, 
on  verra  que  sur  toute  la  surface  de  l'épreuve  la  couche  est  gonflée  sensi- 
blement; et  le  phénomène  apparaîtra  plus  net  encore  si  on  regarde  les 
marges  du  papier  qui  n'ont  pas  été  protégées  par  le  cliché;  là,  aucun 
gonflement  ne  se  manifeste. 


44 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Nous  n'avons  plus,  si  nous  ne  voulons  pas  intervenir,  qu'à  remettre 
l'épreuve  à  flotter  sur  l'eau  ;  elle  se  fera  toute  seule. 

Prenons  enfin  la  troisième  épreuve,  insuffisamment  exposée. 
L'écoulement  coloré  se  manifeste  presque  immédiatement,  se  généralise 
rapidement,  et  devient  d'une  abondance  excessive;  en  quelques  minutes 
l'épreuve  est  faite  et,  si  nous  pouvions  la  fixer  instantanément,  serait 
d'une  fraîcheur  superbe;  mais  nous  n'avons  plus  affaire  ici  à  la  gélatine 
qui,  dès  que  la  température  s'abaisse  de  i  ou  2  degrés,  resserre  aussitôt 
ses  mailles.  L'eau  continue  son  travail.  Aussi  ce  bel  aspect  n'est 
qu'éphémère.  Placée  sur  la  plaque  d'ébonite,  nous  voyons  l'épreuve  se 
modifier  rapidement  ;  toutes  les  demi-teintes  claires  semblent  se 
liquéfier,  se  fondre  les  unes  dans  les  autres.  C'est  qu'en  ces  régions  le 
réseau  de  gomme  insoluble  a  été  insuffisamment  formé;  sous  la  pression 
de  la  gomme  restée  soluble,  il  se  déchire  et  est  entraîné.  Les  valeurs 
sombres  résistent  mieux,  se  montrent  pour  un  temps  avec  leurs  détails 
complets  ;  puis  ces  détails  se  fondent  eux  aussi  les  uns  dans  les  autres 
et  s'uniformisent.  Là  le  réseau  est  d'une  force  suffisante  pour  retenir 
une  partie  de  grains,  mais  non  pour  empêcher  les  filtrations  et  la 
pénétration  réciproque  des  tons  voisins;  sorte  de  phénomène  d'endos- 
mose. Et  pendant  tout  le  cours  du  séchage,  très  long  à  s'opérer, 
l'épreuve  ira  s'anémiant,  laissant  couler  une  eau  abondamment  colorée. 
Finalement  elle  apparaîtra  grisée,  sans  blancs  purs,  sans  noirs  accen- 
tués, et  résumée  en  grandes  taches.  / 

Ce  phénomène  de  filtration,  de  pénétration  réciproque,  qui  tend 
à  effacer  le  dessin,  à  faire  disparaître  les  détails,  à  remplacer  par  un 
ton  uniforme  les  groupes  de  tons  accolés,  s'appelle  le  coulé.  Excessif, 
il  détruit  l'image,  mais,  réduit,  il  tend  à  la  synthétiser  d'une  façon 
qui  peut  être  heureuse,  car  la  synthèse  qu'il  donne  est  susceptible 
d'une  grande  justesse;  il  substitue,  en  effet,  à  une  multitude  de  tons 
accolés  un  ton  général  qui  en  est  la  somme,  exécutant  ainsi  automa- 
tiquement le  travail  que  fait  l'œil  du  peintre  lorsqu'il  cherche,  sous 
les  paupières  mi-closes  et  sous  le  voile  des  cils,  une  impression 
d'ensemble. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  45 

On  peut  dire  que  l'usage,  non  pas  général  mais  très  fréquent,  du 
coulé  caractérise  la  gomme  française  par  opposition  à  la  gomme  étran- 
gère, et  cet  usage  trouve  sa  justification  dans  ce  fait  que  le  coulé, 
produit  par  une  exposition  très  légèrement  inférieure  à  la  normale, 
non  seulement  simplifie  l'épreuve,  mais  lui  assure  de  façon  certaine 
une  matière  optima,  douée  des  qualités  de  fraîcheur  et  de  transparence. 

Considérons  maintenant  à  un  autre  point  de  vue  les  trois  images 
que  nous  venons  d'obtenir:  comparons  leurs  valeurs  à  celles  d'une 
épreuve  sur  albuminé  tirée  du  même  cliché.  Nous  constaterons  que  la 
première,  en  général,  sera  heurtée,  présentera  des  contrastes  exagérés, 
manquera  des  demi-teintes  de  la  gamme  moyenne,  aura  des  blancs 
étendus  et  des  noirs  intenses  ;  que  la  seconde  aura  des  valeurs  compa- 
rables dans  leur  ensemble  à  celle  de  l'épreuve  sur  albuminé,  et  que 
la  gamme  en  sera  complète;  que,  dans  la  troisième,  la  gamme  sera 
rétrécie,  allant  du  gris  foncé  au  gris  clair  et  non  plus  du  noir  au  blanc 
et  que  nombre  de  nuances  seront  absentes. 

La  siirexpositioîî  a  augmenté  les  contrastes  et  agrandi  la  gamme 
des  tons;  la  sous-exposition  a  produit  un  e§et  inverse. 

Ceci  est  vrai  de  tous  les  papiers  à  dépouillement. 

La  raison  en  est  dans  ce  fait  d'expérience  :  que  la  diminution  de 
solubilité,  due  à  l'action  de  la  lumière  sur  la  gomme  bichromatée, 
n'est  pas  proportionnelle  à  la  durée  de  cette  action,  mais  qu'elle  croît 
plus  vite  que  le  temps  d'exposition. 

Coupez  une  feuille  de  papier  à  la  gomme  en  plusieurs  fragments 
et  exposez  ces  fragments  à  la  lumière  pendant  des  durées  croissant  en 
progression  géométrique,  c'est-à  dire  :  le  premier  fragment  5  minutes, 
le  second  lo  minutes,  le  troisième  20  minutes...  chaque  durée  étant 
double  de  la  durée  précédente.  Mettez  ensuite  ces  papiers  dans  l'eau. 
L'expérience  vous  prouvera  que  les  durées  nécessaires  au  dépouille- 
ment ne  sont  pas  :  i,  2,  4,  8...  mais  par  exemple  i,  3,  8,  20... 

Donc,  quand  un  papier  à  la  gomme  est  placé  sous  un  cliché,  la 
lumière  agit  rapidement  sur  les  régions  non  couvertes,  lentement  sur 


46 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


les  régions  couvertes.  Nous  devrons  de  toute  évidence  prolonger  l'ex- 
position jusqu'à  ce  que  la  lumière  ait  exercé  une  action  sensible  sur 
les  parties  protégées  par  les  opacités  du  cliché,  sans  cela  nous  n'aurions 
pas  de  demi-teintes  dans  les  clairs  de  Tépreuve.  A  ce  moment  la  durée 
d'exposition  représente  la  durée  minima  que  nous  puissions  admettre. 
Si  nous  prolongeons  cette  durée,  nous  savons  d'après  l'expérience 
citée  plus  haut  que  le  travail  de  la  lumière  s'accélérera  dans  les  parties 
non  protégées,  si  bien  que  peu  à  peu  certaines  parties  de  l'épreuve 
deviendront  insolubles,  rebelles  à  tout  dépouillement,  les  autres  demeu- 
rant plus  ou  moins  solubles. 

Or,  comme  l'action  de  Veau  s'exercera  pendant  un  temps  égal  sur 
toutes  les  parties  de  l'épreuve^  puisque  celle-ci  est  plongée  dans  le  bain, 
avant  que  l'eau  ait  pu  triompher  de  la  résistance  des  noirs,  toutes  les 
demi-teintes  claires  auront  eu  le  temps  de  se  dissoudre,  et,  par  suite, 
l'épreuve  produite  sera  heurtée. 

Les  variations  dans  la  durée  d'exposition  modifiant  ainsi  les  valeurs 
et  l'aspect  de  l'image,  on  dira  donc  que  l'exposition  est  juste  quand  elle 
aura  produit  l'effet  cherché  et  corrigé,  dans  le  sens  que  l'on  désire,  les 
valeurs  fournies  par  le  négatif.  Une  ressource  nouvelle  et  un  mode 
d'intervention  intelligent  sont  mis  à  la  disposition  de  l'opérateur. 

De  là  l'importance  de  régler  avec  exactitude  et  précision  le  travail 
de  la  lumière.  Pour  obtenir  lors  du  dépouillement  un  coulé,  justement 
mesuré,  qui  donnera  à  l'image  une  onction  sans  mollesse,  et  simplifiera 
le  modelé  sans  anémier  le  dessin;  ou,  à  l'inverse,  pour  tirer  d'un  cliché 
mou  une  image  ferme,  sans  enterrer  les  noirs  par  insolubilisation  de  la 
couche;  on  devra  diminuer  ou  augmenter  la  pose  dans  des  limites  assez 
faibles.  Un  degré,  un  demi-degré  même,  ajouté  ou  retranché  dans  la 
durée  de  l'exposition,  cela  suffit  pour  modifier  de  façon  sensible  l'aspect 
de  l'épreuve.  Entre  une  épreuve  simplement  correcte  et  une  épreuve 
savoureuse  il  n'y  a  qu'une  nuance  ;  mais  cette  nuance  est  d'un  grand 
prix. 

Jusqu'ici,  dans  la  théorie  hypothétique  que  nous  venons  d'esquis- 
ser, nous  n'avons  considéré  comme  agent  créateur  du  modelé  que  le 


••ÉTUDE  EN  GRIS 
PAR  R.  DEMACHY 

Pl,  XIV.  Gomme. 


^^-\^V^»x  7\c^i^«xc4.  Ojac^Jô  ^^u^  G  O-efe^Yccrc***^ 
u^^*^Q\  Oc^«>c«>wo«.4,^  V^ia*>*^  4^ur3C_  <.A^-<-^ 

-     ^  ^ 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  47 

travail  effectué  par  la  gomme  elle-même  ;  mais,  dans  ces  phénomènes 
complexes,  interviennent  évidemment  aussi  des  forces  intramolécu- 
laires.  Nous  avons  signalé  tout  à  l'heure,  en  particulier,  les  phéno- 
mènes d'échange  entre  les  cellules  voisines,  qui  produisent  les  coulés. 
La  cohésion  moléculaire  doit  aussi  jouer  un  rôle  ;  pareillement  le 
grain  du  papier  comme  sa  porosité,  que  l'encollage  n'abolit  pas  entiè- 
rement, créent  des  résistances  supplémentaires  au  départ  des  grains 
et  ne  sont  pas  sans  action  sur  leur  mode  de  groupement. 

On  s'en  aperçoit  si  l'on  tire  deux  épreuves,  l'une  sur  papier  lisse 
et  glacé,  l'autre  sur  papier  à  grain  fin.  Contrairement  à  ce  qu'on  pour- 
rait croire,  la  couche  de  matière  pigmentaire  aura  des  grains  moins 
fins  et  moins  réguliers  dans  le  premier  cas  que  dans  le  second.  C'est 
que,  le  papier  lisse  n'ofi^rant  aucune  résistance  au  glissement  des  grains 
colorés,  ceux-ci  obéiront  aux  attractions  moléculaires  et  tendront  à 
former  une  série  de  groupes  plus  ou  moins  importants,  séparés  par  des 
intervalles  variables;  le  papier  non  glacé  s'opposant  à  l'attraction  molé- 
culaire forcera,  en  revanche,  les  grains  à  se  déposer  d'une  façon  plus 
uniforme. 

Autre  exemple  :  prenons  un  papier  lisse  et  glacé  et,  avant  couchage, 
brossons-le,  toujours  dans  le  même  sens,  avec  une  brosse  humide. 
Nous  allons  détruire  en  partie  l'encollage  et  créer  à  la  surface  une  sorte 
de  vergeure.  Par  la  destruction  de  l'encollage  nous  aurons,  sur  toute  la 
surface  du  papier,  créé  une  résistance  uniforme  au  départ  du  grain 
coloré;  le  résultat  doit  être  le  même  que  celui  produit  par  un  voilé 
léger  à  la  lumière,  et,  en  effet,  l'épreuve  sera  plus  uniforme  et  ses 
contrastes  seront  diminués  ;  on  n'obtiendra  pas  de  blancs  purs.  En 
même  temps  les  sillons  parallèles,  créés  par  la  brosse  à  la  surface  du 
papier,  assureront  un  dépôt  régulier  de  grains.  Malheureusement  l'aug- 
mentation de  porosité  du  support,  due  au  brossage,  fera  la  matière 
beaucoup  moins  belle. 

On  conseille,  parfois,  dans  des  traités,  la  méthode  de  couchage 
suivante  :  tremper  d'abord  le  papier  dans  une  solution  de  bichromate  ; 
puis,  alors  qu'il  est  encore  humide,  coucher  le  mélange  de  gomme  ara- 

7 


48 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


bique  et  de  couleur.  Le  couchage  se  fait  alors  très  facilement,  trop  faci- 
lement même  ;  mais  le  pinceau  de  couchage  attaque  le  papier  et  pro- 
duit un  véritable  brossage.  Le  dépouillement  s'effectuera  d'une  façon 
régulière  et  sans  arrachement  ;  en  revanche,  la  matière  produite  sera 
inférieure  en  beauté  et  en  éclat. 

De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  nous  pouvons  conclure  que 
si,  dans  le  procédé,  le  rôle  capital  incombe  à  la  gomme,  le  papier  n'en 
joue  pas  moins  un  rôle  important,  —  ce  qui  n'est  point  dans  les  pro- 
cédés à  base  de  gélatine.  C'est  donc,  soit  dans  la  nature  du  papier,  soit 
dans  celle  de  la  gomme  que  nous  devrons  chercher  certaines  raisons 
de  nos  insuccès,  et  nous  ne  devrons  pas  hésiter  à  remplacer  ces  servi- 
teurs si,  pour  des  raisons  obscures  et  qui  nous  seront  toujours  incon- 
nues, ils  semblent  ne  pas  remplir  convenablement  leur  office.  Disons, 
tout  de  suite,  que  ces  mauvais  serviteurs  sont  rares;  que,  d'ailleurs,  les 
mauvais  maîtres  font  les  mauvais  serviteurs,  et  que  ceux-ci  nous  seront 
d'autant  plus  dociles  que  nous  aurons  appris,  par  l'usage,  à  les  com- 
mander. Nous  allons  indiquer  d'abord  comment  les  choisir. 


LE  MATÉRIEL 


a  Gomme.  —  On  désigne  sous  le  nom  général  de  gomme 
arabique  une  série  de  variétés  de  gommes  dont  le  caractère 
distinctif  est  la  solubilité  dans  l'eau  et  l'insolubilité  dans 
l'alcool,  qui  les  précipite  de  leur  solution  aqueuse. 
Les  variétés  les  plus  connues  sont  celles  de  l'Arabie  et  du  Sénégal. 
La  première  est  fournie  par  divers  acacias;  le  commerce  la  livre  en 
morceaux  irréguliers  de  grosseur  et  de  forme,  d'une  couleur  allant  du 
jaune  pâle  au  jaune  rouge,  à  cassure  vitreuse  ou  fendillée.  La  gomme 
blonde  est  dite  de  choix. 

La  gomme  du  Sénégal  est  livrée  en  fragments  plus  gros  et  plus 
ronds,  souvent  fendillés  à  la  surface,  jamais  à  l'intérieur;  ce  qui  la 
distingue  de  la  gomme  arabique;  elle  se  dissout  dans  l'eau  un  peu  plus 
lentement  que  celle-ci. 

Les  essais  effectués  sur  les  variétés  de  gommes,  que  le  commerce 
livre  plus  ou  moins  mélangées  entre  elles  et  sans  contrôle  d'origine, 
nous  ont  toujours  donné  des  résultats  comparables.  Il  semble  donc 
inutile  d'aller  chercher  ce  produit  plus  loin  que  chez  l'épicier  du  coin. 


5o 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


La  dissolution  dans  l'eau,  suivie  d'un  filtrage,  séparera  d'ailleurs  la 
gomme  soluble  des  corps  étrangers  ou  gommites  insolubles  qui  pour- 
raient s'y  trouver  mélangées. 

Comme  les  qualités  du  procédé  sont  dues  à  la  tacilité  avec  laquelle 
la  gomme  absorbe  l'eau  et  y  distend  ses  pores,  toute  adjonction  d'au- 
tres matières  colloïdes  telles  que  :  gélatine,  colle  de  poisson,  amidon, 
albumine,  etc.,  semble,  à  priori,  devoir  être  plus  nuisible  qu'utile;  et, 
en  effet,  l'expérience  a  fait  rejeter  toute  alliance  de  ce  genre. 

La  solution  de  gomme  pourrait  être  préparée,  au  jour  le  jour; 
mais  cette  façon  d'opérer  n'est  pas  en  faveur;  à  fabriquer  d'avance 
une  certaine  quantité  de  solution,  on  trouve  les  avantages  suivants  : 
d'abord  on  évite  l'ennui  d'une  opération  quotidienne;  ensuite  on 
s'assure  un  produit  plus  docile  et  plus  sûr;  l'expérience  semble  en 
effet  avoir  prouvé  que  la  solution  de  gomme  se  comporte  de  la  façon 
optima  après  quelques  jours  de  fabrication,  lorsqu'elle  a  subi  un  com- 
mencement d'évolution  acide. 

La  solution  devra  se  faire  à  froid,  à  40  ou  5o  0/0.  La  méthode 
la  plus  recommandable  et  la  plus  rapide  consiste  à  remplir  à  moitié 
d'eau  froide  un  bocal  quelconque,  à  large  goulot.  On  y  immerge  alors 
un  nouet  de  mousseline  contenant  des  morceaux  de  gomme  concassés, 
en  quantité  suffisante  pour  faire  monter  le  niveau  de  l'eau  au  sommet 
du  bocal.  L'extrémité  du  nouet  étant  serrée  sous  le  bouchon,  la  gomme 
se  trouve  placée  au  milieu  du  liquide  qui  Tentoure  et  la  pénètre  de 
toutes  parts;  elle  se  dissout  donc  et  se  filtre  en  même  temps.  Par  excès 
de  précaution,  on  peut,  après  dissolution  complète,  lui  faire  subir  un 
second  filtrage  à  travers  une  mousseline  ou  une  flanelle  lâche. 

La  solution  présente  à  ce  moment  une  consistance  forte  et  pois- 
seuse. Au  bout  de  quelques  jours,  sous  l'influence  des  fermentations, 
elle  évolue,  devient  plus  acide,  plus  filante  et  en  quelque  sorte  plus 
onctueuse.  Quand  on  la  jugera  à  point,  ce  dont  on  s'assure  par  des 
essais,  on  arrêtera  la  fermentation  en  y  ajoutant  i  1/2  à  2  0/0  d'une 
solution  de  formol  du  commerce.  Elle  pèsera  alors  22  à  25  degrés 
au  pèse-sirop. 


:SL> 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  5l 

Une  quinzaine  de  jours  suffit  généralement  pour  amener  la  solu- 
tion à  son  état  optimum. 

La  méthode  que  nous  avons  indiquée  plus  haut  introduit  dans  la 
solution  de  gomme,  une  proportion  d'eau  de  60  à  5o  0/0.  C'est  un 
chiffre  moyen  qui  n'a  rien  d'absolu,  mais  on  fera  bien  de  ne  pas  trop 
s'en  écarter.  Les  solutions  trop  étendues  d'eau  donnent  en  effet  des 
couches  peu  sensibles  à  la  lumière;  car  elles  ne  permettent  pas  d'intro- 
duire dans  le  mélange  une  proportion  suffisante  de  bichromate. 

Si  une  solution  ancienne  se  comporte  mal  ;  si  l'on  constate  que, 
pendant  le  dépouillement,  l'absorption  de  Teau  se  fait  avec  trop  de 
lenteur,  que  la  solution  tend  à  donner  des  couches  trop  résistantes,  ne 
se  gonflant  pas,  se  morcellant  en  écailles  au  lieu  de  se  fondre,  produi- 
sant des  blancs  sales  et  des  noirs  enterrés,  on  en  conclura  que,  par 
un  excès  d'acidité,  elle  a  perdu  sa  plasticité  et  ses  qualités  physiques. 
On  pourra  alors,  soit  la  sacrifier  impitoyablement,  soit  la  corriger  en 
la  mélangeant  à  une  solution  très  fraîche,  neutre  ou  légèrement 
alcaline. 

Certains  auteurs  conseillent  d'ajouter  à  la  solution  de  gomme 
une  petite  quantité  de  sucre  ou  de  glycérine.  Ces  produits,  en  présence 
du  bichromate,  étant  beaucoup  moins  sensibles  à  la  lumière  que  ne 
l'est  la  gomme,  ne  peuvent  jouer  qu'un  rôle  purement  mécanique; 
pendant  la  durée  normale  de  formation  d'une  image  sur  gomme 
bichromatée,  ils  ne  sont  nullement  transformés  et,  par  suite,  lorsque  le 
papier  mixtionné  est  soumis  à  Faction  du  bain  d'eau,  ils  s'en  vont  en 
désorganisant  la  couche.  Eder  en  déconseille  absolument  l'emploi. 

Solution  sensibilisatrice.  —  Elle  peut  être  constituée  soit  par  du 
bichromate  de  potasse,  soit  par  du  bichromate  d'ammoniaque,  soit  par 
un  mélange  de  ces  deux  produits. 

Ces  solutions  se  font  à  saturation  et  s'emploient  de  même.  Comme 
le  bichromate  d'ammoniaque  est  beaucoup  plus  soluble  que  le  bichro- 
mate de  potasse,  et  que  la  sensibilité  de  la  mixtion  croît  avec  la  propor- 
tion de  bichromate  qu'elle  contient,  l'action  de  la  lumière  sur  les 


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LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


couches  sensibilisées  au  bichromate  d'ammoniaque  est  notablement 
plus  rapide. 

Cette  rapidité  d'action  tend  à  donner  des  images  plus  uniformes  et 
plus  douces,  surtout  moins  vigoureuses.  Elle  peut  n'être  pas  sans  incon- 
vénient dans  la  pratique,  car  une  plus  grande  précision  dans  la  justesse 
de  la  durée  d'exposition  sous  châssis  devient  nécessaire  et  une  insolu- 
bilisation  trop  prononcée  de  la  couche  est  à  craindre. 

Aussi  dans  la  belle  saison,  alors  que  la  lumière  est  bonne,  il  con- 
viendra d'user  du  bichromate  de  potasse.  En  hiver,  pour  ramener 
l'exposition  à  une  durée  raisonnable,  on  pourra  mélanger  en  parties 
égales  la  solution  de  bichromate  de  potasse  et  la  solution  de  bichromate 
d'ammoniaque,  on  obtiendra  ainsi  des  couches  d'une  sensibilité  triple 
ou  même  quadruple. 

Seuls,  les  opérateurs  qui  voudront  obtenir  des  couches  assez  résis- 
tantes pour  ne  les  dépouiller  que  sous  l'action  du  pinceau,  se  serviront 
du  bichromate  d'ammoniaque  à  l'exclusion  de  son  congénère. 

Il  est  possible  d'exagérer  encore  la  sensibilité  de  la  couche  par 
l'addition  d'acide  chromique,  mais  on  porte  alors  à  un  degré  excessif  la 
dureté,  la  résistance  de  cette  couche.  D'après  Eder  si  l'on  emploie  une 
solution  pure  d'acide  chromique,  il  n'y  aurait  plus  aucune  demi-teinte 
mais  seulement  du  noir  et  du  blanc.  Aussi  Eder  recommande-t-il  d'éviter 
les  bichromates  renfermant  des  traces  d'acide  chromique  libre,  ou  alors 
de  les  neutraliser  par  l'ammoniaque. 

Ceci  est  sans  intérêt  dans  la  pratique  car,  d'après  le  même  Eder 
les  chromâtes  ordinaires  du  commerce  ne  renferment  jamais  de  produits 
pouvant  avoir  une  action  sensible  sur  les  résultats;  leur  emploi  peut 
être  considéré  comme  sûr  et  il  n'est  nullement  indispensable  pour  nos 
opérations  d'avoir  recours  à  des  produits  chimiquement  purs. 

La  solution  saturée  de  bichromate  de  potasse  se  fera  en  versant 
simplement  de  l'eau  chaude  dans  une  bouteille  contenant  un  excès  de 
bichromate  pulvérisé  ou  finement  concassé,  et  en  agitant  quelques 
instants.  Pour  le  bichromate  d'ammoniaque,  on  opérera  de  même  dans 
une  autre  bouteille. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  53 

Ces  solutions  se  conserveront  indéfiniment;  mais  il  sera  prudent, 
pendant  Thiver,  de  les  garder  dans  une  chambre  habitée.  Sous 
l'influence  du  froid,  en  effet,  une  partie  du  bichromate  dissous  se 
cristalliserait  et  la  teneur  de  la  solution  baisserait  sensiblement. 

Les  Papiers.  —  Lorsqu'on  se  propose  d'imprimer  une  épreuve, 
la  première  décision  à  prendre  porte  sur  le  choix  de  papier  support  à 
employer.  La  nature  du  sujet  représenté,  et  le  genre  de  l'effet  à  pour- 
suivre nous  guideront  dans  ce  choix;  c'est  question  de  goût  personnel 
et  de  convenance. 

La  seule  condition  technique  que  le  papier  doive  remplir  est  d'être 
convenablement  et  régulièrement  encollé.  Il  est,  en  effet,  de  première 
importance  que  l'image  reste  à  sa  surface  et  que  la  matière  colorée  ne 
s'infiltre  pas  dans  ses  pores.  La  gomme  est  là,  d'ailleurs,  pour  assurer 
et  confirmer  à  ce  point  de  vue  l'effet  de  l'encollage.  Le  papier  doit 
également  avoir  une  force  assez  grande  pour  résister  à  l'action  de  Teau, 
même  portée  à  un  degré  de  température  élevé. 

La  liste  est  longue  des  papiers  qui  remplissent  ces  conditions  et 
peuvent  être  utilisés  tels  quels  :  les  papiers  dits  registre^  lisses  et  glacés  ; 
les  papiers  de  Rives  qui  forment  le  support  ordinaire  des  papiers  au 
bromure  ou  au  platine,  notamment  les  numéros  i32,  i33,  i35  de  grain 
moyen;  les  papiers  Canson,  notamment  le  B.  Crayon  et  le  papier  lavis  ; 
divers  papiers  à  aquarelle,  Tochon-Lepage  et  Cassagne  ;  les  papiers 
vergés  Lalanne,  Ingres  ou  Michallet;  d'autres  encore  tels  que  ceux  de 
Dambricourt,  Joynson,  Turkey  Mill,  Impérial  Treasury  et  même, 
pour  les  effets  larges,  les  papiers  dits  d'office. 

Seul,  peut-être,  le  Whatman  trop  poreux,  d'un  encollage  faible  et 
assez  irrégulier,  n'est  pas  à  recommander. 

Parmi  les  types  ci-dessus  dénommés,  le  Canson,  B.  Crayon  est  un 
des  plus  communément  répandus;  il  se  trouve  partout.  Comme  il  est 
d'un  couchage  facile,  on  pourrait  le  conseiller  pour  les  premiers  essais. 

Car  tous  ces  papiers  n'offrent  pas  au  couchage  une  égale  facilité. 
Sur  les  papiers  très  lisses  la  mixtion  gommeuse,  n'étant  pas  retenue, 


54 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


suit  le  pinceau  et  s'égalise  malaisément;  sur  les  papiers  à  grains  forts 
l'opération  est  facile,  trop  facile  même,  mais  la  couche  risque  d'être  un 
peu  épaisse.  Mieux  vaut,  pour  le  débutant,  se  faire  d'abord  la  main  sur 
des  papiers  à  grain  moyen  ou  à  grain  fin  mais  non  lisse.  Le  Canson 
B.  Crayon,  le  Rives  n"*  i32  et  i33  remplissent  bien  ces  conditions. 

Comme  nous  le  disions  plus  haut,  la  texture  du  papier  aura  une 
action  marquée  sur  la  nature  et  l'aspect  de  l'image.  Sur  un  support  à 
grain  fin,  celte  image  pourra  offrir  normalement  une  grande  finesse  de 
détails  et  un  modelé  complet;  sur  un  support  à  gros  grain  les  demi- 
teintes  tendront  à  se  briser  et  le  modelé  à  se  simplifier,  effet  que  la 
brutalité  voulue  ou  non  du  dépouillement  pourra  accentuer  encore. 
Par  le  papier  choisi  d'une  part,  par  le  mode  de  dépouillement  de 
l'autre,  nous  pourrons  donc  modifier  les  qualités  de  l'image,  la  faire 
délicate  ou  brutale,  détaillée  ou  simplifiée. 

Les  feuilles  de  papier  seront  coupées  à  un  format  légèrement 
supérieur  à  celui  du  cliché  :  format  20  X  26  pour  18/24;  format 
26  X  33  pour  24/30.  Cela  est  nécessaire  pour  laisser  la  place  des 
punaises,  pour  donner  à  la  main  une  emprise,  parce  qu'enfin  les 
bords  seront  toujours  défectueux,  la  couche  s'y  trouvant  épaissie  par 
les  apports  du  pinceau  de  couchage. 

Dans  les  cas,  extrêmement  rares,  où  un  encollage  supplémentaire 
sera  jugé  nécessaire,  opérer  comme  suit  : 

Encollage  à  l'arrowroot  :  Prendre  i5  à  20  grammes  d'arrowroot, 
les  dissoudre  dans  i  litre  d'eau  froide  ou  légèrement  tiède.  Porter  à 
l'ébullition  doucement,  en  ayant  soin  de  remuer  constamment.  La 
solution  ayant  bouilli  deviendra  claire;  laisser  refroidir. 

Immerger  le  papier  dans  cette  solution;  ou  bien  étaler  la  colle  en 
se  servant  d'une  brosse  plate  ou  d'un  tampon  de  flanelle  bourré 
d'ouate. 

Pinceaux.  —  Comme  nous  le  savons,  la  fabrication  du  papier  à  la 
gomme  consiste  :  1°  à  mélanger  intimement  les  solutions  de  gomme  et 
de  bichromate  et  les  couleurs;  2"  à  appliquer  ce  mélange  sirupeux  sur 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  55 

le  papier;  3°  à  l'y  étaler,  malgré  la  résistance  qu'il  oppose,  en  couche 
fine  et  homogène. 

A  chacune  de  ces  opérations  correspond  un  type  de  pinceau. 

1°  Une  petite  brosse  ronde  de  peintre,  en  soie  de  porc,  serrée  et 
dure;  on  ajoutera  à  sa  raideur  en  la  prenant  de  poil  très  court  ou  en 
coupant  ces  poils  à  moitié  ou  au  tiers  de  leur  longueur;  elle  servira 
à  opérer  par  écrasement  et  fouettage  un  mélange  intime; 

2**  Une  brosse  plate  de  peintre,  également  en  soie  de  porc,  très 
plate  et  de  dimension  suffisante  pour  qu'elle  puisse  contenir  au  moins 
la  quantité  de  mixtion  nécessaire  au  couchage  d'une  feuille.  Elle  ser- 
vira à  transporter  la  mixture  sur  le  papier  et  à  exécuter  un  premier 
barbouillage  grossier; 

3°  Une  brosse  spéciale  plate,  en  soie  de  porc.  Ce  pinceau  ne  devra 
pas  être  trop  épais  car  il  se  chargerait  de  mélange  et  perdrait  toute 
souplesse;  étant  peu  épais,  il  ne  devra  pas  être  constitué  de  poils  trop 
longs,  car  alors  il  serait  trop  flexible.  Pour  qu'il  possède  à  la  fois  de 
la  souplesse  et  de  la  fermeté,  une  relation  doit  exister  entre  l'épaisseur 
et  la  longueur  de  la  masse  des  poils.  Le  modèle  dont  nous  nous  ser- 
vons a  environ  :  épaisseur  de  poils  3""^, 5;  longueur  des  poils  38  mil- 
limètres. Un  pinceau  ainsi  constitué  et  large  de  8  centimètres  suffit 
pour  coucher  tous  les  formats  jusqu'à  30/40. 

Il  devra  naturellement  résister  à  Teau  et  ne  pas  perdre  aisément 
ses  poils.  Ceux-ci  devront  être  enrobés  dans  de  la  résine  ou  dans  une 
matière  imperméable.  Nous  avons  obtenu,  au  point  de  vue  de  la  soli- 
dité des  poils,  d'excellents  résultats  en  coulant,  entre  les  poils,  dans 
l'intérieur  de  la  monture  métallique  une  solution  alcoolique  de  cire  à 
cacheter.  Un  approvisionnement  de  plusieurs  pinceaux  de  cette  caté- 
gorie sera  nécessaire,  comme  nous  le  verrons  plus  tard;  leur  prix  est 
d'ailleurs  très  minime. 

Les  Pigments  colorés.  —  Les  couleurs  en  poudre  pourraient  être 
utilisées,  notamment  pour  les  noirs  et  les  sanguines.  Mais  elles  sont 

difficiles  à  introduire  dans  le  mélange  et  à  malaxer  d'une  façon  intime. 

s 


56 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Les  couleurs  moites,  en  tube,  sont  d'un  usage  beaucoup  plus  com- 
mode; le  broyage  en  est  plus  parfait  et,  enfin,  les  proportions  de 
couleur  à  introduire  dans  les  mélanges  sont  plus  faciles  à  évaluer  à 
l'œil,  sans  avoir  recours  à  la  pesée. 
Deux  cas  à  considérer  : 

1°  Celui  où  l'on  se  propose  d'obtenir  l'épreuve  en  une  seule 
impression; 

2°  Celui  où  l'on  se  propose  d'effectuer  plusieurs  impressions  suc- 
cessives. Nous  ne  nous  occuperons  que  du  premier,  rejetant  plus  loin 
l'examen  du  second. 

Pour  obtenir,  en  une  seule  impression,  une  épreuve  vigoureuse 
et  belle,  il  est  nécessaire  d'employer  des  couleurs  couvrant  bien  et 
donnant  au  ton,  sous  un  petit  volume,  une  grande  intensité.  Il  est  de 
plus  inutile  de  compliquer  sa  palette;  donc  se  borner,  quand  on 
débute,  aux  combinaisons  suivantes  : 

Noir  ....    Noir  de  bougie. 

Noir  chaud.    Noir  de  bougie  et  une  pointe  d'ocre  jaune,  ou  de  bistre. 
Noir  bleu  .    Noir  de  bougie  et  pointe  d'indigo. 

Ecarter  ici  le  noir  d'ivoire,  le  noir  de  pêche,  l'encre  de  Chine, 
manquant  de  corps. 

Les  premiers  essais  devront  être  faits  dans  les  tons  noirs.  Les 
bistres  sont  d'un  emploi  plus  malaisé,  ainsi  que  les  rouges,  parce 
qu'avec  ces  couleurs,  peu  couvrantes,  on  risque  de  fabriquer  des 
couches  trop  épaisses  et  trop  chargées  en  pigment.  Ce  n'est  donc 
qu'après  s'être  confirmé  dans  l'usage  du  procédé,  que  le  débutant 
songera  à  compléter  sa  palette. 

Il  obtiendra  des  rouges  en  combinant  le  rouge  de  Venise,  couleur 
très  belle  et  très  fine,  au  brun  rouge  et  à  la  terre  de  Sienne  brûlée. 
Si  Ton  veut  un  rouge  évoluant  vers  le  ton  sépia,  on  y  ajoutera  une 
petite  quantité  de  la  terre  d'ombre  brûlée,  ou  du  bistre  ou  du  brun 
Van  Dyck. 

Ces  trois  bruns,  alliés  à  du  noir  de  bougie  et  chauffés  parfois  d'une 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  S'J 

pointe  de  rouge  ou  de  terre  de  Sienne  brûlée,  fourniront  les  bruns  plus 
ou  moins  voisins  du  noir  ou  du  bistre. 

Quand  on  emploie  la  série  des  tons  allant  de  la  sanguine  au  bistre, 
il  ne  faut  pas  chercher  à  obtenir  des  qualités  de  vigueur  et  de  puis- 
sance ;  ces  pigments  sont  impuissants  à  les  donner.  Avec  eux,  d'ailleurs, 
toute  insolation  au-dessus  de  la  normale  tendra  à  produire  des  ombres 
enterrées  ;  il  en  résultera  une  matière  sale  et  triste.  De  telles  nuances  ne 
conviennent  qu'aux  sujets  de  tonalité  légère,  sans  ombres  fortes,  où  les 
demi-teintes  claires  dominent;  et,  alors,  on  aura  intérêt  à  sous-exposer; 
même  au  risque  d'un  léger  coulage  qui  assurera  à  l'épreuve  une  fraî- 
cheur d'aquarelle. 

Est-il  besoin  d'insister  sur  la  convenance  de  ne  point  imprimer 
un  paysage  en  rouge  ?  Oui,  puisque  certains  amateurs  semblent  se  com- 
plaire à  cette  aberration.  Et  disons  que  le  nombre  des  sujets  qui  se 
.  prêtent  à  l'impression  en  sanguine  est  des  plus  restreints  :  académies 
de  femn:ics,  portraits  de  femmes  blondes  ou  d'enfants,  se  détachant  sur 
fond  clair  ;  nous  venons  de  les  énumérer  tous. 

Ainsi  donc  :  noir  de  bougie,  indigo,  bistre,  brun  Van  Dyck,  terre 
d'ombre  brûlée,  terre  de  Sienne  brûlée,  ocre  jaune,  rouge  de  Venise, 
brun  rouge  ;  cet  approvisionnement  est  plus  que  suffisant  pour  produire 
des  chefs-d'œuvre. 

Photomètres.  —  Dans  tous  les  procédés  au  dépouillement,  la  jus- 
tesse de  l'exposition  est  la  condition  première  et  indispensable  du  succès. 
Et  si  nous  observons  que  les  variations  de  l'exposition  ont  pour  résultat 
de  modifier  les  valeurs  et,  par  suite,  l'effet,  nous  appellerons  juste  celle 
qui  nous  fournit  l'effet  cherché. 

L'action  photochimique  de  la  lumière  se  mesure  au  moyen  d'ins- 
truments appelés  photomètres.  Il  en  est  de  différents  genres  et  ici, 
comme  toujours,  le  meilleur  photomètre  est,  sans  doute,  celui  dont  on 
a  l'habitude. 

On  peut  cependant  avancer  que  le  photorhètre  dit  Artigue  est  le 
plus  précis  et  le  plus  facile  à  fabriquer.  On  en  connaît  le  principe  : 


58 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Si  l'on  imbibe  une  feuille  de  papier  blanc  d'une  solution  saturée 
de  bichromate  de  potasse,  on  obtient,  après  séchage  à  l'obscurité,  une 
feuille  colorée  en  jaune  clair.  Si  on  expose  ensuite  cette  feuille  à  la 
lumière,  le  ton  jaune  foncera  et  deviendra  brun,  mais  il  n'ira  pas  au 
delà  d'un  certain  brun  et  demeurera  stationnaire.  Le  temps  mis  par  le 
papier  pour  passer  du  jaune  au  brun  type  est  pris  comme  unité  photo- 
métrique ;  c'est,  par  abréviation,  le  degré  Artigiie. 

Ce  degré  est  à  midi,  à  l'ombre  par  temps  clair  :  de  trois  à  quatre 
minutes  en  juin,  de  quatre  à  cinq  minutes  en  juillet,  de  cinq  à  six  mi- 
nutes en  août,  de  six  à  dix  minutes  en  septembre,  etc.,  il  atteint  trente 
minutes  et  même  une  heure  en  décembre. 

Pour  faire  un  photomètre  on  coupe  deux  bandes  de  carton  opaque 
ayant  respectivement  i5  à  20  centimètres  de  longueur  sur  2  à  3  de  lar- 
geur. Entre  les  deux  bandes  que  serrent  deux  caoutchoucs,  on  place  en 
sandwich  une  bande  de  papier  de  largeur  un  peu  inférieure,  que  l'on  a 
sensibilisé  au  bichromate  et  fait  sécher  dans  l'obscurité.  On  laisse  pas- 
ser I  ou  2  centimètres  de  ce  papier  et  on  l'expose  quelque  temps  au 
jour.  Cette  partie  exposée  à  la  lumière  acquiert  un  ton  brun  qui  de- 
meure stationnaire.. 

Cela  fait,  au  moment  où  l'on  met  ses  châssis  au  jour,  on  tire  la 
bande  de  papier  bichromaté  de  façon  à  en  faire  sortir  i  centimètre 
environ  de  plus.  Cette  partie  nouvellement  découverte  est  jaune  clair; 
le  temps  que  mettra  ce  ton  jaune  à  atteindre  la  tonalité  brune  de  la 
bande  antérieurement  exposée,  mesure  i  degré. 

On  notera  ce  degré  à  la  montre.  Est-il  de  huit  minutes  et  le  cliché 
exige-t-il  une  exposition  de  3  degrés,  on  saura  qu'il  faudra  laisser  le 
châssis  au  jour  pendant  vingt-quatre  minutes. 

On  pourra  aussi,  si  l'on  veut  plus  de  précision,  mesurer  les  degrés 
un  à  un  en  tirant  chaque  fois  i  centimètre  de  papier  dès  que  la  der- 
nière bande  découverte  a  atteint  le  brun;  ou  se  contenter  de  mesurer 
le  degré  au  commencement  et  à  la  fin  de  l'exposition  et  de  faire  la 
moyenne  des  deux  mesures. 

Certains  amateurs  trouvent  quelque  difficulté  dans  Tappréciation 


PORTRAIT  " 
PAR  Q.  QRIMPREL 

Pl.  XVIIl.  Gomme. 


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LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

exacte  du  degré.  On  constate,  en  effet,  que  la  bande  jaune  clair,  dès 
qu'elle  a  été  tirée  au  jour,  commence  d'abord  par  se  teinter  rapidement 
et  progressivement  ;  puis,  lorsqu'elle  a  acquis  un  ton  voisin  du  brun 
type  de  la  bande  précédente,  mais  un  peu  inférieur,  elle  met  un  temps 
notable  à  achever  son  évolution  et  à  acquérir  Tintensité  définitive  ; 
dans  cette  dernière  période  les  changements  de  nuance  sont  lents, 
comme  insensibles.  Il  en  résulte  un  peu  d'hésitation  touchant  l'instant 
précis  où  le  degré  est  fait,  par  suite  certaines  diff"érences  d'appréciation 
d'individu  à  individu.  Mais  cela  est  de  nulle  importance  ;  chaque  opé- 
rateur peut  apprécier  le  degré  à  sa  façon,  pourvu  qu'il  l'apprécie  tou- 
jours de  la  même  manière. 

L'avantage  du  photomètre  Artigue  est  de  fournir  une  véritable 
unité  de  mesure.  C'est  un  avantage  que  n'off"rent  pas  d'autres  photo- 
mètres basés  sur  les  diverses  colorations  que  prend  un  papier  sensible, 
albuminé  ou  citrate,  exposé  sous  une  feuille  de  verre  divisée  en  zones 
de  transparence  décroissante. 

Il  est  facile  de  se  faire  un  photomètre  de  ce  genre  en  divisant  une 
bande  de  verre  en  zones  successives  et  égales,  la  première  recouverte 
d'une  épaisseur  de  papier  dioptrique,  la  seconde  de  deux  épaisseurs, 
la  troisième  de  trois  épaisseurs,  etc.,  et  en  inscrivant  à  l'encre  noire  les 
chiff"res  i,  2,  3,  etc.,  respectivement  sur  les  zones  successives.  En  pla- 
çant sous  ce  verre  ainsi  divisé  en  zones  de  plus  en  plus  opaques  une 
bande  de  papier  citrate,  le  chiffre  i  s'imprime  d'abord  en  blanc,  puis 
le  chiffre  2,  etc.  L'expérience  vous  apprend  ensuite  que  tel  cliché  exige 
que  les  chiffres  i,  2,  3,  4,  5  soient  visibles,  le  6  presque  invisible,  le  7 
invisible. 

Ces  photomètres  sont  peut-être  d'un  usage  plus  simple  que  le 
photomètre  Artigue;  peut-être  aussi  sont-ils  d'un  usage  moins  sûr, 
parce  que  moins  précis  dans  leurs  indications. 

Il  en  existe  plusieurs  modèles  dans  le  commerce. 

Accessoires  divers.  —  Au  matériel  très  simple  que  nous  venons 
d'énumérer,  il  faut  ajouter  : 


6o 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


1°  Pour  la  fabrication  du  papier  : 

Un  bol  ordinaire  dans  lequel  se  fera  le  brassage  intime  du  mé- 
lange. 

Une  planchette  à  dessin  et  des  punaises. 

Un  carton  sur  lequel  on  fixera  successivement  les  feuilles  de  papier 
à  coucher. 

Nous  nous  trouvons  bien  d'employer  à  cet  usage  les  cartons  épais 
préparés  pour  la  peinture  à  l'huile  et  recouverts  d'un  enduit  imper- 
méable à  l'eau.  Les  punaises  y  mordent  aisément  et,  l'opération  ache- 
vée, il  suffira  d'un  coup  d'éponge  donné  sur  la  surface  pour  lui  rendre 
sa  propreté  primitive.  Un  carton  de  ce  genre,  que  Ton  prendra  de 
dimensions  supérieures  au  format  des  feuilles,  servira  très  longtemps. 

2"  Pour  le  dépouillement  de  l'image  : 

Des  cuvettes  du  format  supérieur  à  celui  du  papier. 

Des  plaques  d'ébonite. 

Des  éponges;  des  pinceaux  à  aquarelles  de  diverses  dimensions; 
du  papier  buvard  blanc,  de  bonne  qualité,  dont  on  fera  des  tortillons 
au  moment  du  besoin. 


PRÉPARATION 

ET 

DÉPOUILLEMENT  DU  PAPIER 


réparation  du  Mélange.  —  Posons  ces  deux  principes,  dont 
la  pratique  comme  aussi  le  raisonnement  prouvent  la  justesse. 
Pour  que  la  matière  de  l'épreuve  soit  belle,  il  est  néces- 


sa  ire 


i''  Que  la  proportion  de  gomme  soit  forte,  car  la  gomme  joue  dans 
le  mélange  le  rôle  d'un  vernis  incorporé.  C'est  à  elle  qu'est  dû  le  gras 
du  ton;  c'est  elle  qui  empêche  les  noirs  de  présenter  un  aspect  enterré; 

2°  Que  la  couche,  après  étalage  sur  le  papier,  soit  homogène  et  fine  : 
homogène,  cela  est  évident;  fine,  car  elle  doit  être  entièrement  traversée 
par  la  lumière. 

Ces  deux  conditions,  sont  antagonistes.  En  effet,  un  mélange  trop 
gommeux  sera  impossible  à  étaler  de  façon  homogène  et  fine.  Nous 
arrivons  donc  à  cette  règle  empirique  : 

La  couche  devra  contenir  la  plus  forte  proportion  de  gomme 
compatible  avec  un  couchage  aisé  et  régulier. 

Comment  l'opérateur  s'assurera-t-il  que  ces  conditions  sont  remplies? 


62 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Nous  touchons  ici  du  doigt  ce  qui  fait  l'originalité  du  procédé  à  la 
gomme,  ce  qui  le  sépare  des  procédés  ordinaires  de  la  photographie  et 
le  fait' rentrer  dans  les  procédés  d'art  :  l'impossibilité  de  le  faire  passer 
sous  la  toise  commune  et  de  le  rendre  tributaire  de  la  balance  de 
précision. 

Comment  affirmerions-nous,  en  effet,  que  pour  un  certain  poids  de 
mélange  il  faut  introduire  un  poids  déterminé  de  la  solution  dégomme. 
Celle-ci  n'est  pas  une  solution  ordinaire  à  un  titre  précis;  c'est  une 
matière  organique  qui  évolue,  n'est  jamais  semblable  à  elle-même; 
l'énergie  qu'elle  détient  dans  ses  réseaux  et  qu'elle  mettra  en  œuvre 
lors  du  dépouillement,  pour  régenter  le  départ  ou  assurer  l'emprisonne- 
ment des  grains  du  pigment,  est  chose  physique,  non  mesurable;  et 
alors  qu'il  faudra  dans  la  composition  d'un  mélange  introduire  deux 
parties  d'une  certaine  solution,  il  en  faudra  quatre  d'une  autre,  pour 
obtenir  le  même  résultat. 

Pareillement  de  la  couleur  :  une  couleur  très  couvrante  comme  le 
noir  de  bougie  donnera  la  même  intensité  de  noir  qu'un  mélange  de 
rouge  et  de  bleu  pour  un  poids  presque  moitié  moindre. 

Et  arriverait-on  à  peser  sur  les  plateaux  de  la  balance  la  gomme  et 
la  couleur,  quel  dynamomètre  réglerait  l'action  de  la  main,  lourde  ou 
légère,  l'action  du  pinceau,  souple  ou  rigide,  qui  va,  en  un  effort  de 
violence  mesurée,  étaler  le  mélange  sur  un  papier  dont  la  surface  elle- 
même,  lisse  ou  grenue,  va  opposer  au  pinceau  et  à  la  main  des  résis- 
tances variables  et  arbitraires. 

Pour  établir,  entre  toutes  les  variables  du  problème  quasi  nouveau 
qui  se  pose  chaque  jour,  un  compromis  chaque  jour  heureux,  il  nous 
faudra  donc  faire  appel  au  double  contrôle  de  l'œil  et  de  la  main, 
instruits  et  affinés  par  l'expérience. 

Le  gommiste  doit  être,  suivant  une  expression  consacrée,  un  auto- 
didacte. Un  traité  n'enseigne  pas  plus  le  secret  de  faire  une  gomme 
parfaite,  qu'une  grammaire  n'enseigne  l'art  d'écrire.  Il  peut  simplement 
indiquer  des  règles  élémentaires  et  énumérer  des  faits. 

Pour  composer  et  coucher  un  bon  mélange  il  faut  réaliser  un 


"DANS  LES  SAPINS" 
PAR  R.  DEMACHY 

Pl.  XIX.  Gomme. 


L'AVEUQLE 
PAR  C.  PUYO 

Pl.  XX.  Gomme. 


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LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


63 


équilibre  entre  les  divers  éléments.  On  reconnaîtra  que  cet  équilibre  est 
rompu  aux  signes  suivants  : 

1°  Un  excès  de  gomme  donnera  une  mixture  très  résistante  au 
couchage  et  faisant  prise  très  rapidement,  en  moins  de  40  secondes;  la 
couche  étalée  ne  sera  pas  homogène,  elle  présentera  des  stries,  des 
marbrures,  et  sa  transparence  ne  sera  pas  uniforme.  Elle  sera  longue  à 
insoler.  En  supposant  que  l'exposition  sous  châssis  ait  étç  calculée  juste, 
l'opérateur  trouvera  néanmoins  des  difficultés  à  conserver  les  demi- 
teintes  de  la  gamme  moyenne  et  de  la  gamme  claire.  N'oublions  pas, 
en  effet,  que  la  théorie  du  procédé  suppose  la  couche  mince. 

2°  Un  manque  de  gomme,  ou,  ce  qui  est  la  même  chose,  un  excès 
de  bichromate,  donnera  une  mixture  trop  aisée  à  étendre,  qui  mettra 
plus  d'une  minute  à  faire  prise  et  se  laissera  longuement  travailler.  La 
couche  obtenue  sera  régulière  mais  exagérément  fine;  d'aspect  mat; 
très  rapide  à  insoler.  Au  dépouillement,  si  Texposition  a  été  régulière, 
les  blancs  demeureront  teintés,  les  noirs  enterrés,  gris  sale  et  sans 
profondeur.  Un  excès  d'exposition  rendra  le  dépouillement  par  simple 
dissolution  à  peu  près  impossible. 

3°  L'excès  de  couleur  aura  pour  résultat  de  produire  une  couche  se 
dépouillant  par  écailles.  On  évitera  difficilement  les  arrachements  ;  les 
blancs  seront  teintés  et  les  noirs  vigoureux  mais  sans  transparence. 
Un  manque  de  couleur  donnera  des  images  régulières  mais  manquant 
d'intensité.  L'expérience  montre  que  si  l'on  introduit  dans  un  mélange 
des  quantités  croissantes  de  couleurs,  dans  les  images  successives 
obtenues  l'intensité  croîtra  d'abord  d'une  image  à  la  suivante,  puis  cette 
intensité  demeui-era  stationnaire.  A  introduire  un  excès  de  couleur,  on 
ne  gagnera  donc  rien  en  intensité  et  l'on  perdra  au  point  de  vue  des 
autres  qualités. 

Pour  se  rendre  compte  de  tout  cela,  le  débutant  devra  donc 
travailler,  tout  d'abord,  le  procédé  au  seul  point  de  vue  expérimental 
et,  avant  de  songer  à  l'interprétation,  s'être  assuré  d'abord  qu'il  est  en 
état  de  reproduire  un  cliché  avec  tous  ses  détails  et  toutes  ses  demi- 
teintes. 


64 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Méthode  d'Essai.  —  Pour  faire  des  expériences  dignes  de  ce  nom, 
il  convient  d'opérer  avec  méthode.  Donc  étudier  séparément  toutes  les 
variables;  gomme,  couleur,  temps  de  pose.  Pour  cela  prendre  un  bon 
cliché,  transparent  et  complet  et  ne  plus  le  lâcher;  utiliser  une  seule 
couleur  :  le  noir  de  bougie  et  une  même  solution  de  gomme;  exposer 
une  série  de  papiers  où  l'on  aura  fait  varier  la  proportion  de  gomme, 
puis  d'autres  où  l'on  aura  fait  varier  la  quantité  de  couleur,  puis 
d'autres  où  l'on  fera  varier  le  temps  d'exposition.  En  un  mot  faire  des 
erreurs  systématiques  et  assez  fortes  pour  qu'il  n'y  ait  pas  de  doute 
sur  les  causes  des  phénomènes  que  l'on  observera. 

Ne  pas  se  contenter  d'un  à  peu  près;  être  difficile  pour  soi-même; 
chercher  toujours  un  résultat  meilleur,  une  matière  plus  souple  et  plus 
riche.  Le  royaume  de  la  gomme,  comme  celui  des  cieux,  n'est  pas  aux 
orgueilleux  satisfaits. 

Et,  cette  expérience  acquise,  que  l'opérateur  ne  se  flatte  pas 
d'arriver  du  premier  coup  à  mettre  dans  son  bol  un  mélange  parfait.  Il 
se  verra  forcé,  à  chaque  fabrication,  de  sacrifier  une  feuille  d'essai 
peut-être  deux.  Seulement  grâce  à  cette  expérience  acquise,  sa  main, 
après  ce  tâtonnement  préliminaire,  aura  enregistré  et  comme  mesuré  le 
degré  de  résistance  au  couchage,  son  œil  se  sera  rendu  compte  de  ce 
qui  manque  à  la  vigueur  du  ton;  il  en  conclura  immédiatement  avec 
assurance  les  quantités  de  gomme  ou  de  bichromate  ou  de  pigment  à 
introduire  en  supplément  dans  le  mélange;  la  seconde  feuille  couchée 
aura  de  grandes  chances  d'être  bonne;  à  coup  sûr  la  troisième  le  sera. 

Indiquons  comment  le  débutant  gommiste  pourrait  exécuter  sa 
première  expérience  : 

Etant  donnée  une  solution  de  gomme  faite  à  40  0/0,  on  intro- 
duit, d'ordinaire,  dans  le  mélange  une  proportion  qui  peut  varier  entre 
gomme  2,  bichromate  i,  et  gomme  4,  bichromate  i. 

D'autre  part,  pour  couvrir  une  feuille  18/24,  ^^^^  compter 
3  centimètres  cubes  de  mélange.  Par  suite,  pour  préparer,  je  suppose, 
six  feuilles  18/24,  il  faudra  6X3=  18  centimètres  cubes  de  mélange; 
mettons  20  centimètres  cubes.  Si  a  priori  l'opérateur  compte  employer 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  65 

une  proportion  trop  faible  de  gomme,  il  prendra  :  gomme  i,5,  bichro- 
mate i;  le  bichromate  représentera  les  2/5  de  20  centimètres  cubes, 
soit  8  centimètres  cubes. 

Il  versera  donc  dans  le  bol,  où  le  mélange  va  être  fait,  8  centi- 
mètres cubes  de  la  solution  concentrée  de  bichromate.  Puis,  prenant 
un  tube  de  noir  de  bougie,  il  écrasera  la  couleur  sur  la  paroi  du  bol 
et  la  tera,  au  moyen  du  pinceau  n°  i,  dissoudre  dans  le  bichromate. 
Quelle  quantité  de  couleur  mettra-t-il  ?  L'expérience  le  lui  dira  plus 
tard;  en  attendant  il  mettra  une  quantité  de  couleur  trop  faible. 

Cela  fait,  il  versera  d'un  coup  12  centimètres  cubes  de  la  solution 
de  gomme  et  mélangera  minutieusement. 

Pour  se  rendre  compte  du  ton,  déposer  alors  sur  un  papier  blanc 
une  goutte  du  mélange;  tâter,  puis  étaler  cette  goutte  doucement  avec  le 
doigt.  Le  doigt  enregistrera  d'abord  une  sensation  visqueuse  qu'on 
analysera  pour  s'en  souvenir;  puis  la  goutte  étalée  sans  brutalité  don- 
nera une  tache;  si  le  mélange  est  normal,  cette  tache  ne  doit  pas  être 
d'un  noir  absolu,  mais  d'une  nuance  au-dessous,  gris  très  foncé. 

Ceci  ayant  donné  une  première  indication,  il  faut  maintenant  pro- 
céder au  couchage  d'une  première  feuille  d'essai. 

Couchage  de  la  Feuille.  —  Sur  la  planchette  à  dessin,  poser  un 
bristol.  Fixer  sur  ce  bristol,  au  moyen  de  quatre  punaises,  le  papier 
blanc  que  l'on  va  couvrir. 

Plonger  dans  le  bol  la  brosse  plate  n°  2,  la  tourner,  la  retourner 
pour  bien  brasser  le  mélange  et  la  faire  dégorger  sur  la  paroi  du  bol, 
de  façon  que  ce  pinceau  contienne  juste  la  quantité  de  mélange  néces- 
saire pour  couvrir  la  feuille.  Donner  un  premier  coup  de  pinceau  sur 
la  ligne  médiane  de  la  feuille  et  étaler  avec  rapidité  et  vigueur  sans  lais- 
ser d'endroit  non  couvert.  Pour  un  mélange  normal,  cette  première  opé- 
ration doit  durer  environ  10  secondes.  Prendre  alors  le  pinceau  plat 
n°  3,  dit  de  décharge;  le  passer,  en  appuyant  fortement,  dans  le  sens 
largeur,  puis  dans  le  sens  longueur  de  la  feuille.  A  ce  moment,  l'en- 
semble de  la  couche  doit  être  uniformément  réparti  sur  la  surface.  Par 


66 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


cette  opération  de  premier  égalisage,  on  a  enlevé  l'excès  de  mélange,  le 
pinceau  s'est  chargé,  il  convient  d'en  prendre  un  autre,  également 
plat,  dit  pinceau  de  finissage.  Avec  ce  dernier  pinceau  on  continue, 
sans  perdre  de  temps,  le  travail  ébauché,  en  ayant  soin  de  faire  tourner 
le  bristol  portant  la  feuille  de  façon  à  rompre  la  couche  dans  tous  les 
sens  et  à  assurer  une  épaisseur  de  couche  régulière.  Au  début,  broyer 
franchement  là  couche,  le  pinceau  incliné,  en  appuyant  fortement 
sans  brutalité;  puis,  à  mesure  que  la  couche  résiste  davantage  en 
faisant  prise,  diminuer  progressivement  l'action  à  la  demande  de  la 
main  et  terminer  par  un  travail  à  fleur  de  poil,  le  pinceau  vertical. 
Cette  troisième  période,  si  la  '.couche  est  normale,  peut  durer  de  3o  à 

40    SeCOndeSv .  r-.  y;  •;v;-f^ 

Soit  un  total  'dé  45  à  55  secondes. 

Si,  par  suite  de  la  prise  rapide  de  la  couche,  la  durée  de  l'opéra- 
tion descend  au-dessous  de  45  secondes,  c'est  qu'il  y  a  excès  de 
gomme.  On  s'en  apercevra  du  reste,  à  Taspect  de  la  couche  qui  sera 
irrégulière,  traversée  de  stries  et; -de  marbrures.  On  ajoutera  alors  un 
peu  de  bichromate.  ■  • 

Si  (comme  il  est  plus  probable,  étant  donné  que,  par  système, 
nous  avons  mis  peu  de  gomme  dans  le  mélange),  l'opération  peut  se 
prolonger  plus  de  5o  ou  55  secondes,  c'est  que  la  gomme  est  en  pro- 
portion trop  faible;  l'image  produite  par  une  telle  couche  pourra  être 
assez  bonne,  mais  elle  sera  moins  belle  d'aspect  qu'une  autre  provenant 
d'une  couche  plus  riche  en  gomme;  nous  ajouterons  donc  un  peu  de 
gomme. 

La  main  une  fois  exercée  sera  dans  tout  cela  un  guide  très  sûr. 

Regardez  alors  la  couche,  elle  devra  apparaître  fine  et  non  pas 
noir  cirage,  mais  gris  très  foncé,  presque  noir.  Présenté  à  une  fenêtre, 
le  papier  devra  offrir  une  certaine  transparence,  analogue  à  celle  des 
papiers  Artigue  ou  Fresson.  Si  la  couche  n'est  pas  assez  foncée  de  ton, 
on  introduira  un  peu  de  noir  de  bougie. 

Le  mélange  ayant  été  ainsi  modifié,  l'opérateur  couchera  une 
seconde  feuille  qu'il  étudiera  de  même;  puis  une  troisième,  en  ajou- 


i 


"  FANTAISIE  " 
PAR  R.  DEMACHY 
Pl.  XXI.  Gomme, 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE'  67 

tant  chaque  fois  de  la  gomme,  et,  parallèlement,  de  la  couleur  de  façon 
à  donner  au  ton  une  même  intensité,  gris  foncé. 

A  un  certain  moment,  la  couche  dont  la  résistance  aura  cru  pro- 
gressivement se  montrera  tout  à  fait  rebelle;  la  main  en  aura  la  sensa- 
tion très  nette.  La  bonne  proportion  de  gomme  est  dépassée.  Arrêtons- 
là  notre  fabrication. 

Séchage.  —  Les  feuilles  préparées  ont  été  mises  à  sécher  dans  le 
cabinet  noir;  au  bout  de  i5  à  3o  minutes,  elles  sont  prêtes  à  Tusage. 
Les  passer  rapidement,  si  le  temps  est  humide,  au-dessus  d'une  lampe 
pour  rendre  le  papier  presque  craquant.  Nous  allons  maintenant  les 
mettre  sous  châssis. 

Exposition  sous  Châssis.  —  Avant  de  mettre  sous  châssis,  prendre 
le  cliché  et  le  regarder  attentivement  par  transparence;  plus  tard  on  le 
comparera  aux  trois  ou  quatre  clichés  types  pour  lesquels  on  connaît 
la  durée  d'exposition.  Cet  examen  doit  être  attentif,  car  un  léger  voile 
a  une  très  grande  influence. 

Cette  durée  d'exposition  sera  traduite  en  degrés  photométriques. 
Le  degré  Artigue  a  des  durées  très  variables  suivant  les  saisons;  de 
3  minutes  à  midi  fin  juin  à  l'ombre,  il  monte  en  décembre  à  40  et 
60  minutes.  Un  cliché  très  transparent,  qui  demande  2  degrés,  devra 
donc  être  exposé  6  minutes  en  juin,  une  heure  et  demie  à  deux  heures 
en  décembre. 

Tout  ceci,  le  débutant  le  constatera  plus  tard;  en  attendant,  le 
voilà  en  face  d'une  demi-douzaine  de  feuilles,  dans  lesquelles  il  a  fait 
varier  la  proportion  de  gomme  ;  par  suite,  couvertes  de  couches 
d'épaisseur  croissante  et  de  sensibilité  décroissante.  Que  va-t-il  faire? 
Essayer  la  première  feuille  et  la  tâter. 

Sous  un  cliché  transparent,  une  feuille  couverte  d'une  couche 
mince  et  peu  chargée  en  pigment,  exige  'pour  l'impression  de  i  à 
2  degrés  Artigue.  Prenons  i  degré  et  demi.  Impressionnons  et  dépouil- 
lons ensuite  la  feuille  dans  l'eau  à  température  normale.  L'opérateur 


68 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


va  se  trouver  en  face  d'une  série  de  phénomènes  qu'il  devra  observer 
et  noter  attentivement. 

Mise  à  l'eau  du  Papier  impressionné.  —  Le  papier  impressionné 
est  mis  face  en  dessus  dans  une  cuvette  d'eau  qu'on  balance  pour  faire 
partir  les  bulles.  Au  bout  de  quelques  minutes  on  enlève  le  papier  et 
on  le  met  à  flotter,  face  colorée  en  dessous^  dans  une  cuvette  d'eau 
propre.  Appuyer  à  plusieurs  reprises  sur  le  dos  du  papier,  et  balancer 
légèrement  la  cuvette  deux  ou  trois  fois  pour  chasser  les  bulles. 

Dans  cette  position,  l'image  se  dépouillera  automatiquement  en 
un  temps  variable  suivant  la  durée  d'exposition  et  suivant  la  date  de 
fabrication  du  papier. 

Ici,  notre  papier  étant  frais,  nous  constaterons  les  phénomènes 
suivants  :  dès  que  le  papier  est  mouillé,  l'image,  négative,  se  montre 
très  visible  par  réflexion  et  aussi  par  transparence.  Puis  elle  s'efface 
en  quelques  instants,  le  coulage  commence  à  se  manifester  et  l'image, 
positive  cette  fois,  se  dessine. 

La  durée  du  dépouillement  va  dépendre  de  la  température  de  l'eau 
et  de  la  durée  de  l'impression. 

Nous  n'utiliserons  dans  notre  essai  que  l'eau  froide.  Dans  ces 
conditions,  l'épreuve,  mise  à  flotter,  se  dépouillera  : 

En  une  demi-heure,  ou  moins,  s'il  y  a  sous-exposition  marquée; 
dans  ce  cas  l'image  pourra  être  grise; 

En  une  heure,  s'il  y  a  sous-exposition  légère;  l'image  sera  géné- 
ralement très  bonne; 

En  une  heure  et  demie  ou  deux  heures,  si  l'exposition  est  correcte. 

Si  l'image  n'est  pas  faite  en  deux  heures,  il  y  a  surexposition 
marquée. 

Donc,  au  bout  d'une  heure  au  plus,  l'opérateur  va  acquérir  une 
première  notion  assez  précise  sur  la  durée  exacte  d'exposition  qui  eût 
convenu  à  la  première  feuille. 

Supposons  que  l'exposition  donnée  :  i  degré  et  demi,  soit  jugée 
un  peu  forte.  Elle  pourra  convenir  à  la  seconde  feuille,  plus  chargée. 


LES  PROCÉDÉS  D  ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


69 


par  suite  moins  sensible.  Nous  donnerons  à  cette  seconde  feuille  la 
même  durée  d'impression;  puis  nous  observerons  la  façon  dont  elle 
se  dépouille  automatiquement. 

Nous  impressionnerons  ainsi  toute  notre  série  de  feuilles  en  aug- 
mentant un  peu  pour  chacune  d'elle  la  durée  d'exposition,  exposant 
la  dernière  qui  est  la  plus  chargée,  pendant  3  degrés  par  exemple. 

Cette  suite  d'opérations  nous  aura  permis  de  faire  de  nombreuses 
observations;  nous  aurons  constaté  la  régularité  et  la  rapidité,  plus  ou 
moins  grandes,  du  dépouillement  dans  l'eau  froide,  l'action  de  l'eau 
chaude,  etc. 

Après  séchage,  nous  noterons  les  changements  survenus;  telle 
épreuve  sera  un  peu  enterrée,  telle  autre  moins... 

Nous  saurons  donc,  approximativement,  quelle  couche  était  la 
meilleure  et  le  temps  d'exposition  qu'elle  exige  sous  notre  cliché 
d'essai. 

Le  lendemain,  fort  de  ces  acquisitions,  nous  nous  efforcerons  d'ob- 
tenir, après  une  ou  deux  feuilles  d'essai,  un  mélange  normal  quant  à  la 
proportion  de  gomme  et  de  couleur.  Nous  coucherons  avec  ce  mélange 
plusieurs  feuilles  que  nous  exposerons  sous  le  cliché  étudié  pendant 
des  durées  variables,  choisies  en  deçà  et  au  delà  de  la  durée  estimée 
juste.  Nous  constaterons  ainsi  l'influence  de  la  durée  d'impression  sur 
le  dépouillement,  sur  l'aspect  de  la  matière  pigmentaire  séchée... 

Est-il  besoin  de  dire  que,  pendant  toutes  ces  expériences,  on 
devra  utiliser  le  même  papier,  par  exemple  le  Canson  B  Crayon? 

Ces  quelques  jours,  sacrifiés  à  de  tels  essais  systématiques  et 
judicieusement  conduits,  en  apprendront  plus  à  l'opérateur  que  des 
mois  de  manipulations  arbitraires.  Et  surtout,  comme  nous  le  disions 
plus  haut,  que  le  néophyte  ne  se  contente  pas  d'un  à  peu  près,  d'une 
première  image  approximative.  S'il  agit  ainsi,  il  est  perdu  ;  il  ne  se 
perfectionnera  plus,  tel  un  enfant  arrêté  dans  sa  croissance,  et  inon- 
dera désormais  le  marché  photographique  de  gommes  ratées  et  sans 
mérite.  Le  procédé  à  la  gomme  ne  supporte  pas  la  médiocrité;  si  les 
images  qu'il  donne  ne  sont  pas  belles,  elles  sont  affreuses. 


70 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Observations  pratiques.  —  Voici,  pour  terminer,  quelques  direc- 
tives et  quelques  faits  d'expérience  :  comme  nous  l'avons  vu,  le  pro- 
blème consiste  : 

A  faire  un  mélange  suffisamment  gommeux  sans  Têtre  trop,  suffi- 
samment chargé  en  couleur  sans  l'être  trop; 

A  l'appliquer  sur  le  support  de  façon  à  avoir  une  couche  régulière, 
suffisamment  fine  sans  l'être  trop  ; 

A  donner  à  l'exposition  du  papier  sous  châssis  une  durée  juste, 
c'est-à-dire  une  durée  qui  produise  sur  la  couche  l'effet  cherché,  la 
laisse  molle  si  on  veut  des  coulés,  plus  dure  et  plus  résistante,  si  l'on 
ne  veut  pas  de  coulés,  très  dure  et  très  résistante  si  on  veut  faire  inter- 
venir dans  le  dépouillement  une  action  de  friction.  En  thèse  générale, 
—  c'est  notre  avis,  —  cette  durée  doit  être  telle  que  le  dépouillement 
d'ensemble  puisse  toujours  se  faire  par  simple  dissolution,  l'interven- 
tion de  l'agent  de  frottement  étant  réservé  à  des  actions  localisées. 

La  solution  de  gomme  étant  faite  à  40  ou  5o  0/0,  entrera  d'ordi- 
naire dans  le  mélange  dans  une  proportion  variant,  entre  :  gomme  2, 
bichromate  i,  et  gomme  4,  bichromate  i,  suivant  l'ancienneté  de  la 
solution.  C'est  le  contrôle  de  la  main  qui  réglera  cela  ;  la  main  devra 
nettement  sentir  une  résistance  au  couchage,  mais  devra  aisément  en 
triompher. 

L'œil,  pour  les  tons  noirs,  indiquera  la  proportion  de  couleur;  la 
couche  après  séchage  devant  être  gris  foncé,  un  ton  au-dessous  du  noir. 
Il  est  beaucoup  plus  difficile  de  régler  la  couleur  dans  le  cas  des  bistres 
ou  des  rouges. 

C'est  la  main  qui  réglera  l'épaisseur  de  la  couche.  Avec  un  même 
mélange  elle  peut,  en  effet,  suivant  l'énergie  de  son  action,  créer  une 
couche  plus  ou  moins  fine;  celle-ci  sera  rendue  plus  fine  également 
si  on  change  deux  ou  trois  fois  les  pinceaux  plats  servant  de  pinceaux 
de  décharge  et  de  finissage.  L'action  de  la  main  devra  être,  au  début 
du  couchage,  ferme  sans  brutalité,  puis  diminuer  à  mesure  que  la 
couche  fait  prise.  Il  ne  faut  pas  violenter  la  couche. 

La  durée  d'exposition  dépend  de  l'effet  qu'on  désire  obtenir  et  est 


"  ESQUISSE" 
PAR  R.  LE  BÈGUE 

Pl.  XXII.  Gomme. 


I 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  71 

alors  proportionnelle  aux  opacités  du  cliché.  Mais  elle  dépend  aussi  de 
la  couleur  du  pigment,  puisqu'il  faut  que  la  couche  soit  totalement  tra- 
versée par  la  lumière,  et  pareillement,  pour  le  même  motif,  de  l'épais- 
seur de  la  couche.  Par  suite,  les  rouges  demanderont  un  temps  d'expo- 
sition plus  fort  que  les  noirs,  les  noirs  plus  que  les  bleus.  La  couche 
étant  toujours  plus  épaisse  sur  un  papier  à  gros  grain  que  sur  un  papier 
lisse,  les  papiers  à  gros  grain  devront  être  exposés  plus  longtemps. 
Voici  quelques  indications  : 

Couche  de  ton  noir  sur  papier  grain  fin  ou  lisse  : 

Cliché  extrêmement  léger  i  degré  1/232  degrés  Artigue. 

Cliché  transparent  d'intensité  moyenne.  3  à  5  degrés  Artigue. 
Cliché  grisé  6à8  degrés  Artigue. 

Ceci  dans  l'hypothèse  où  on  se  sert  exclusivement  de  bichromate 
de  potasse. 

Si  l'on  ajoute  moitié  de  bichromate  d'ammoniaque  plus  actif,  divi- 
ser ces  chiffres  par  2  ou  3. 

Si  la  couche  est  de  ton  bleuté,  diminuer  l'exposition  de  i/3. 

Si  la  couche  est  rouge,  doubler  ces  chiffres. 

Si  le  papier  est  à  gros  grain,  multiplier  par  3/2. 

Exemple  :  Ainsi,  je  suppose  que  pour  tirer  d'un  certain  cliché  une 
épreuve  noire  sur  papier  à  grain  fin  sensibilisé  au  bichromate  de  po- 
tasse, il  ait  fallu  une  durée  d'impression  de  3  degrés  Artigue;  une 
épreuve  de  ce  même  cliché  de  couleur  sanguine  sur  papier  gros  grain 
exigera  : 

3 

3  degrés  X  2  X  -  =  9  degrés  environ, 

ou,  si  l'on  utilise  le  bichromate  d'ammoniaque,  3  degrés. 

Pour  les  rouges,  il  n'est  pas  indispensable  de  se  servir  de  photo- 
mètre ;  on  arrêtera  l'exposition  lorsque,  par  transparence,  on  apercevra 
l'image  se  dessinant  vaguement.  Cette  méthode  n'est  pas  applicable  aux 
papiers  de  ton  noir,  car,  si  l'on  prolonge  l'exposition  jusqu'à  apparition 
de  l'image,  il  y  aura  surexposition, 

10 


72 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Mis  à  flotter  sur  un  bain  à  température  normale,  le  papier  frais  se 
dépouille  un  temps  variable  comme  nous  l'avons  indiqué  tout  à  l'heure. 
Les  chiffres  donnés  ne  s'appliquent  qu'au  papier  frais,  et  quand  la 
fabrication  est  ancienne,  fût-ce  de  vingt-quatre  heures  seulement,  ces 
chiffres  augmentent  singulièrement.  Le  coulage  commence  alors,  non 
plus  au  bout  de  quelques  minutes  d'immersion,  mais  au  bout  d'une 
heure,  parfois  plus. 

Avec  du  papier  frais,  on  sera  rapidement  fixé  sur  la  nature  de 
l'impression  forte  ou  faible,  et  Ton  agira  en  conséquence.  L'épreuve 
étant  dépouillée  à  point,  si  l'eau  qu'elle  dégorge  est  encore  colorée,  c'est 
qu'il  y  a  eu  sous-exposition  ;  on  s'en  apercevra  d'ailleurs  à  l'aspect 
gonflé  de  la  couche. 

On  lit  dans  certains  traités,  écrits  surtout  à  l'étranger,  que  le  papier 
à  la  gomme  se  conserve  des  semaines;  nous  estimons,  au  contraire, 
que,  passé  vingt-quatre  ou  quarante-huit  heures,  une  couche  est  mo- 
difiée profondément  et  présente  des  qualités  diminuées.  D'où  vient  cette 
antinomie  ? 

De  ce  que  les  étrangers  pratiquent  le  procédé  d'une  façon  tout  à 
fait  différente  de  la  nôtre.  Ils  opèrent  par  impressions  successives,  font 
des  couches  fines,  très  peu  chargées  en  gomme,  qu'ils  surexposent  et 
qu'ils  développent  par  frottement.  En  France,  au  contraire,  on  procède 
en  une  impression,  on  recherche  les  couches  grasses  et  le  développe- 
ment se  fait  par  dissolution. 

Pour  bien  des  raisons  nous  préférons  notre  méthode  qui  utilise  la 
gomme  alors  que  sa  faculté  d'absorber  l'eau  et  de  se  gonfler  est  encore 
entière. 

Car  une  couche  vieille  de  vingt-quatre  heures  seulement  s'est  dur- 
cie ;  le  bichromate  agit  même  dans  l'obscurité  ;  cette  action  est  rapide 
quand  la  gomme  est  acide,  plus  rapide  encore  si  l'on  emploie  le  bichro- 
mate d'ammoniaque.  Mise  dans  l'eau,  après  insolation,  cette  couche 
absorbe  Teau  difficilement,  le  coulage  ne  se  manifeste  qu'au  bout  d'un 
temps  très  long,  le  gonflement  est  notablement  réduit,  la  résistance  à  la 
dissolution  est  extrême.  L'image  révélée  se  montre  avec  des  oppositions 


I 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

diminuées  et  présente  un  aspect  dur  ;  très  belle  mouillée,  elle  s'enterre 
après  séchage. 

Pour  obtenir  une  image  ayant  de  la  fleur  et  des  transparences 
d'aquarelle,  la  formule  est  :  couche  fraîche,  exposition  légère  ;  pour 
obtenir  un  aspect  crayon  Wolf,  couche  vieille  de  vingt-quatre  heures, 
exposition  un  peu  forcée. 

Cas  d'une  Surexposition  exagérée.  —  Si  une  image  résiste  à  l'ac- 
tion de  l'eau,  même  bouillante,  ce  qui  indique  une  exposition  exagérée, 
on  peut  employer  la  friction  ou  avoir  recours  au  bisulfite  de  soude. 

L'action  de  friction  peut  être  donnée  soit  par  la  sciure  de  bois, 
soit  par  le  pinceau  si  la  sciure  de  bois  ne  suffit  pas.  Il  est  à  craindre 
que  les  résultats  de  ces  interventions  ne  soient  médiocres.  L'insolation, 
en  elfet,  peut  être  suffisante  pour  empêcher  le  dépouillement  par  simple 
dissolution  et  cependant  insuffisante  pour  que  l'épreuve  supporte  sans 
accident  l'action  du  pinceau. 

Mieux  vaut  auparavant  essayer  du  bisulfite  de  soude.  Mais  ce  pro- 
duit désorganisant  énergiquement  la  couche  et  son  action  ne  se  révé- 
lant pas  immédiatement,  il  faut  procéder  avec  une  grande  prudence  et 
faire  succéder  à  un  arrosage  d'eau  bisulfitée  plusieurs  arrosages  d'eau 
tiède  et  d'eau  chaude.  Toute  précipitation  amènerait  un  insuccès.  Donc, 
mettre  dans  200  centimètres  cubes  d'eau  2  ou  3  centimètres  cubes  de 
bisulfite  liquide  du  commerce,  plonger  une  éponge  dans  cette  eau  bisul- 
fitée et  faire  courir  des  nappes  sur  la  surface  de  l'épreuve.  Remettre 
l'épreuve  à  l'eau  pure  dans  une  cuvette.  Si  le  coulage  ne  se  manifeste 
pas  au  bout  de  quelques  instants,  recommencer  l'arrosage  d'eau  bisul- 
fitée en  doublant  la  quantité  de  bisulfite. 

Dès  que  la  couleur  reprendra  son  exode,  opérer  à  l'eau  pure 
jusqu'à  ce  que  cet  exode  cesse.  Reprendre  alors  l'action  du  bisulfite  et 
continuer  en  alternant  les  arrosages. 

Le  bisulfite  peut  être  utilisé  pour  le  développement  local.  Si  l'on 
désire  baisser  considérablement  une  certaine  région  de  l'image,  il  suffira 
d'y  faire  couler  en  nappe  du  bisulfite  étendu  d'eau.  Aux  endroits  tou- 


74 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


chés,  la  couche  bavera  fortement  et  les  détails  se  fondront  en  une  teinte 
uniforme.  Ceci  peut  être  employé  avantageusement  dans  le  traitement 
des  alentours.  Si  l'on  n'a  pas  de  bisulfite  on  peut  employer  pour  le 
même  usage  des  solutions  de  carbonate  de  soude  au  titre  de  2  à  5  0/0. 

Séchage.  —  Une  épreuve  à  la  gomme  sèche  très  lentement,  d'autant 
plus  lentement  que  l'exposition  a  été  faible,  car  alors  la  gomme  aura 
absorbé  beaucoup  d'eau. 

On  peut  avoir  intérêt  soit  à  accélérer,  soit  à  retarder  l'opération  du 
séchage.  On  aura  intérêt  à  l'accélérer  si  le  coulage  se  manifeste  trop 
abondant  et  risque  d'effacer  l'image.  Dans  ce  cas,  le  papier  sera  mis 
sur  un  buvard  bien  sec,  souvent  renouvelé,  et  dans  une  pièce  chauffée. 
Mais  l'action  directe  d'une  flamme,  lampe  ou  foyer,  serait  funeste.  Le 
seul  procédé  d'action  consiste  à  pratiquer  un  courant  d'air  soit  au  moyen 
d'un  éventail,  soit  au  moyen  d'un  ventilateur. 

On  peut,  au  contraire,  avoir  intérêt  à  retarder  le  séchage  dans  le 
cas  d'une  épreuve  surexposée  et  dure,  ou  encore  si  l'on  veut  intervenir 
et  modifier  l'image  au  cours  du  séchage.  Ce  résultat  s'obtiendra  en  pla- 
çant sur  une  plaque  de  verre  ou  d'ébonite,  légèrement  inclinée,  une  ou 
plusieurs  épaisseurs  de  papier  buvard  mouillé  ;  l'épreuve  posée  sur  ce 
matelas  humide  mettra  des  heures  à  sécher.  On  pourra  ainsi  soit  obte- 
nir un  léger  coulage  qui  rendra  moins  rêche  et  plus  grasse  la  matière 
pigmentaire  et  donnera  plus  d'enveloppe  à  l'image,  soit  maintenir  au 
degré  de  mollesse  nécessaire  la  couche  qu'on  veut  travailler. 

Sauf  pendant  les  instants  où  l'on  a  à  travailler  la  couche,  la  feuille 
qui  sèche  devra  être  placée  dans  un  endroit  obscur  pour  que  la  lumière 
n'ait  pas  d'action  sur  elle  et,  le  séchage  terminé,  l'épreuve  sera  aussitôt 
remise  dans  l'eau. 

Cette  remise  immédiate  à  l'eau  a  pour  but  principal  d'empêcher  la 
couche  de  se  durcir.  L'eau  est  désormais  incapable  de  modifier  l'image; 
et  ainsi  l'épreuve  pourra  être  abandonnée  dans  la  cuvette  en  attendant 
que  l'opérateur  ait  le  loisir  de  la  regarder  attentivement,  d'analyser  ses 
défauts,  de  décider  des  dernières  corrections  qui  restent  à  faire  et  qui 


"  L'HABILLEUSE  " 
PAR  R.  DEMACHY 

Pl.  XXIII.  Gomme. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  jS 

ont  pu  être  volontairement  négligées  au  cours  du  premier  travail  de 
dépouillement.  La  couche,  encore  tendre,  et  d'ailleurs  ramollie  par  le 
bain  plus  ou  moins  chaud,  offre  peu  de  résistance;  l'attaque  du  pinceau 
suffira  pour  baisser  tel  ton  local  ;  le  tortillon  de  papier  buvard,  le  tam- 
pon d'ouate  pourront  trouver  à  s'employer,  et  aussi  Téponge,  plus  radi- 
cale en  ses  effets.  Certains  petits  accents  très  clairs  seront  donnés  par  le 
moyen  d'un  petit  morceau  de  bois,  taillé  en  biseau,  qui  dégagera  le 
papier  et  en  fera  chanter  le  blanc  à  l'égal  d'une  touche  de  gouache. 
Tout  ce  travail  peut  se  faire  sans  hâte,  l'opérateur  n'étant  plus,  comme 
dans  les  précédentes  périodes,  soumis  à  la  nécessité  de  guetter  le  mo- 
ment précis  où  il  faut  agir  et  agir  vite. 

Toutes  les  retouches  eff"ectuées  et  l'image  à  point,  on  passe  la  feuille 
dans  un  bain  faiblement  bisulfité  pour  achever  l'élimination  du  bichro- 
mate, et  l'on  termine  par  un  lavage  à  l'eau  pure. 


DÉVELOPPEMENT  LOCAL 
ET  RETOUCHES 


ANS  la  suite  des  opérations  que  nous  venons  de  décrire, 
nous  avons  envisagé  le  procédé  à  la  gomme  comme  un  pro- 
cédé automatique  permettant  de  tirer  d'un  cliché  une  réplique 
positive  exacte.  Et,  en  effet,  le  procédé  peut  donner  des 


épreuves  aussi  régulières  que  celles  imprimées  sur  papiers  au  charbon 
ou  au  bromure.  Mais,  heureusement  pour  lui,  il  peut  mieux  que  cela, 
car  il  permet,  au  cours  du  dépouillement,  l'intervention  directe  de 
l'opérateur  sur  des  régions  nettement  localisées.  Grâce  à  cette  inter- 
vention, il  devient  possible  de  mettre  le  sujet  en  relief  comme  d'en 
assurer  l'harmonie  : 

Par  la  correction  des  tons  locaux  ; 

Par  l'atténuation  ou  la  suppression  des  éléments  inutiles  ; 
Par  le  placement  judicieux  des  accents. 

Cette  intervention  locale  est  fournie  par  le  travail  intelligent  de  la 
main,  soit  qu'elle  fasse  courir  des  nappes  d'eau  froide  ou  chaude,  ou 
bisulfitée,  sur  certaines  régions  de  l'image  pour  donner  à  ces  régions  une 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  77 

avance  au  dépouillement,  soit  qu'elle  procède  par  l'attaque  directe  d'un 
agent  de  friction  :  pinceau,  ouate,  éponge,  etc. 

Il  est  évident  que  si  le  pinceau  pouvait  constituer  l'agent  principal 
et  général  de  l'opération,  l'eau  n'étant  plus  qu'un  agent  secondaire, 
chargé  d'amollir  la  couche  sans  la  dissoudre,  la  précision  du  dépouil- 
lement local  serait  quasi  absolue,  et  nous  verrons  que  c'est  le  cas  de  la 
gomme  ozotype  surexposée.  Mais  ici  il  n'en  est  plus  de  même  et,  pour 
des  raisons  multiples  et  majeures  que  nous  allons  dire,  nous  ne  pen- 
sons pas  qu'une  épreuve  à  la  gomme  doive  être  révélée  entièrement  au 
pinceau. 

Nous  nous  trouvons  ici  en  face  de  deux  méthodes  de  dépouillement 
bien  distinctes,  entre  lesquelles  il  faut  choisir  :  la  méthode  par  disso- 
lution, la  méthode  par  frottement.  Si  nous  employons  la  première, 
nous  devons  chercher  à  obtenir  un  temps  d'exposition  tel  que  la  gomme 
ait  pleinement  conservé  sa  faculté  d'absorber  l'eau  et  de  se  distendre 
assez  pour  que  le  grain  de  couleur  s'échappe  par  son  seul  poids. 

Si  nous  employons  la  seconde,  il  faudra  exposer  l'épreuve  de  telle 
sorte  que  la  gomme  ait  perdu  quasi  totalement  sa  solubilité  et  retienne 
le  grain  fortement,  sur  toute  la  surface  de  l'image. 

Il  faut  donc  prendre  un  parti  net.  S'il  arrive  qu'employant  la  pre- 
mière méthode,  nous  ayons  dépassé  le  temps  d'exposition  convenable, 
nous  serons  néanmoins  resté  fort  en  dessous  de  la  durée  d'exposition 
nécessaire  à  l'emploi  de  la  deuxième  méthode  ;  nous  nous  trouverons 
en  face  d'une  image  où  certaines  régions  pourront  peut-être  résister  à 
l'attaque  du  pinceau,  mais  où  d'autres  régions  —  correspondant  aux 
opacités  du  cliché  —  pouvant  se  développer  par  dissolution,  sont  restées 
molles  ;  ces  régions-là  seront  détruites  par  le  passage  brutal  du  pinceau. 

Donc,  forcé  de  prendre  parti,  nous  écarterons  la  seconde  méthode 
pour  des  motifs  qui  nous  semblent  péremptoires  : 

Remarquons,  d'abord,  que  ce  qui  constitue  l'originalité  du  procédé 
à  la  gomme,  ce  qui  le  distingue  de  tous  les  autres  procédés  à  dépouil- 
lement, ce  qui  fait  Taspect  particulier  et  savoureux  des  images  qu'il 
donne,  c'est  que  seul  il  admet  le  dépouillement  par  simple  dissolution. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


laisse  ainsi  se  produire  ces  phénomènes  qui  assurent  le  fondu  des  tons, 
permet  au  grain  de  se  fixer  suivant  un  rhytme  régulier;  si,  comparée  à 
une  épreuve  à  la  gomme,  une  épreuve  à  la  gélatine  paraît  sèche  et  sans 
enveloppe,  la  cause  en  est  là. 

En  exposant  la  couche  jusqu'au  point  où  la  gomme  a  perdu  la 
propriété  qui  la  fait  originale  et  unique  entre  les  colloïdes,  on  fait  plus 
qu'adultérer  le  procédé,  on  le  supprime  ;  on  rabaisse  la  gomme  au  rôle 
de  gélatine  et  ce  rôle  elle  le  remplira  mal,  bien  plus  mal  que  la  gélatine. 
Les  grains  partiront  irrégulièrement,  arrachés  par  force  ;  les  grains 
restants  s'assembleront  sans  régularité,  partant  sans  harmonie.  Et  ainsi, 
nous  n'avons  jamais  eu  le  bonheur  de  voir  une  belle  épreuve  entière- 
ment dépouillée  au  pinceau. 

Disons  donc  que,  dans  le  traitement  d'une  épreuve  à  la  gomme, 
nous  maintiendrons  à  l'eau  le  rôle  capital  ;  l'eau  sera  l'agent  général  du 
dépouillement. 

Aux  agents  de  friction  seront  réservées  des  interventions  localisées 
et  partielles,  interventions  qui  se  produiront  d'ailleurs,  non  seulement 
dans  la  période  du  dépouillement,  mais  dans  les  périodes  suivantes  : 
période  de  séchage,  période  après  séchage. 

Voici  quelques  indications  qui  pourront  guider  les  premières  tenta- 
tives du  commençant  ;  mais  faisons  observer  qu'ici  rien  ne  saurait 
remplacer  l'expérience  personnelle.  C'est  en  forgeant  qu'on  devient 
forgeron  ;  c'est  en  gâchant  quelques  épreuves,  en  se  faisant  la  main  sur 
des  épreuves  manquées,  que  l'on  se  rendra  compte  des  effets  que  l'on 
peut  attendre  de  l'emploi  d'instruments  divers  tels  que  pinceaux,  éponges, 
estompes,  bois  tendre,  papier  buvard... 

1°  Période  de  Dépouillement.  —  II  y  a  toujours  avantage  à  laisser 
le  dépouillement  commencer  automatiquement  dans  la  cuvette.  Lorsque 
l'image  tend  à  se  dégager  et  se  montre  partout  visible,  on  place  le 
papier  sur  une  plaque  d'ébonite  inclinée  et,  se  guidant  d'après  une 
épreuve  préalablement  tirée  sur  un  papier  quelconque,  on  examine  de 
quelle  façon  il  convient  de  continuer  le  dépouillement. 


"VIEILLE  PLACE  A  KEMPTEN  " 
PAR  HUOP  HENNEBERG 

Pl.  XXIV.  Gomme. 


LÈ  POÈTE 
PAR  R.  DEMACHY 

i  )    XXV.  Gomme 


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LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  79 

Y  a-t-il  sous-exposition  marquée,  ce  dont  on  se  rend  compte  aisé- 
ment par  l'aspect  gonflé  de  la  couche  et  l'abondance  du  coulage,  il 
convient  de  précipiter  le  dépouillement.  Comme  on  sait,  d'autre  part, 
que  l'épreuve  va  se  griser  pendant  le  séchage,  il  n'y  a  pas  à  songer,  pour 
le 'moment,  à  créer  les  blancs  purs.  Dans  ces  conditions,  on  se  conten- 
tera de  pratiquer  les  suppressions  et,  l'épreuve  achevée  par  quelques 
nappes  d'eau  courante,  on  la  laissera  sécher  sur  un  papier  buvard  sec, 
remettant  la  suite  de  son  intervention  aux  autres  périodes. 

L'épreuve  se  montre-t-elle  comme  normale,  on  aura  du  temps, 
mais  pas  trop  ;  en  effet,  après  chaque  intervention  locale,  on  va  se  trouver 
amené  à  dégager  par  un  arrosage  le  travail  fait  ;  par  suite,  il  faut  mener 
de  front  le  dépouillement  local  et  le  dépouillement  général  pour  les 
achever  ensemble. 

Dans  nombre  de  cas,  il  y  aura  intérêt,  par  des  nappes  bien  diri- 
gées d'eau  tiède  ou  d'eau  froide,  ou  d'eau  bisulfîtée,  à  donner  une 
avance  au  dépouillement  à  certaines  parties  de  l'image.  Ces  arrosages 
s'obtiennent,  soit  en  écrasant  une  éponge  à  l'extérieur  des  bords  de 
l'image,  soit  en  faisant  tomber  délicatement  quelques  gouttes  d'eau 
chaude  sur  une  partie  résistante  de  l'image,  ainsi,  dans  une  figure,  les 
cheveux,  et  en  laissant  les  gouttes  chaudes  s'étaler  doucement  dans  la 
direction  convenable. 

Ces  procédés  permettent  le  développement  raisonné,  mais  seule- 
ment sur  de  larges  zones.  S'il  s'agit  de  modifier  des  détails  de  peu 
d'étendue,  de  baisser  un  ton  local  de  petite  surface,  l'attaque  directe  de 
ce  ton  local  est  nécessaire.  Cette  touche  localisée  peut  sè  donner,  suivant 
le  cas,  au  cours  de  cette  première  période  ou  plus  tard  :  veut-on  arriver 
au  blanc  du  papier,  on  opérera  souvent -dans  cette  première  période; 
veut-on  baisser  le  ton  de  moitié,  ce  sera  souvent  dans  la  période  du 
séchage,  quand  la  couche  aura  commencé  à  faire  prise  ;  veut-on  baisser 
très  légèrement  le  ton,  on  attaquera  après  le  premier  séchage  suivi  d'une 
immersion  dans  l'eau  chaude. 

En  général,  le  travail  local  au  pinceau  ne  pourra  être  effectué  au 
cours  de  la  période  de  dépouillement  que  si  la  couche  offre  une  cer- 

1 1 


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LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


taine  résistance  et  ce  travail  ne  s'appliquera  qu'aux  accessoires  et  aux 
fonds  que  l'on  peut  aborder  franchement  ;  sur  les  figures  mêmes, 
ou  encore  sur  les  cheveux,  Tintervention  du  pinceau  ne  saurait 
être  que  très  discrète  et  mieux  vaudra  souvent  la  remettre  à  plus 
tard. 

Il  est  évident  qu'en  ces  matières  il  est  impossible  de  donner  autre 
chose  que  des  indications  générales,  car  il  n'est  ici  que  des  cas  d'espèce. 
L'habileté  consiste  à  se  rendre  compte  de  la  façon  dont  se  présente 
l'image  et  à  lui  appliquer  alors  un  traitement  approprié.  L'opérateur, 
en  effet,  n'est  pas  absolument  maître  de  certains  éléments  :  la  composi- 
tion de  la  couche,  le  travail  de  la  lumière  varient  toujours  d'une  épreuve 
à  l'autre,  assez  pour  qu'il  y  ait  changement  dans  l'aspect  et  la  nature 
des  images  successives  issues  d'un  même  cliché.  L'une,  produite  par 
une  couche  vieille  de  vingt-quatre  heures  ou  surexposée,  aura  un  grain 
de  crayon  noir,  résistera  au  frottement  et  se  laissera  travailler  au  pin- 
ceau ;  l'autre,  produite  par  une  couche  fraîche  et  sous-exposée,  n'aura 
aucun  grain  visible,  les  tons  seront  transparents  comme  des  coulées 
d'aquarelle  et  chaque  coup  de  pinceau  mettra  le  papier  à  nu.  En  face 
de  circonstances  aussi  diverses,  il  sera  nécessaire  de  faire  varier  les 
moyens  mis  en  œuvre. 

Dans  le  premier  cas,  —  couche  grenue  et  résistante  —  presque  tout 
le  travail  devra  —  comme  nous  le  disions  plus  haut  —  s'effectuer  pen- 
dant le  dépouillement.  Vous  remarquerez,  en  effet,  que  le  pinceau 
détruit  superficiellement  le  grain,  là  où  il  passe  —  tel  le  sureau  sur  le 
fusain  ;  il  est  donc  nécessaire  de  faire  suivre  chaque  coup  de  pinceau 
d'un  arrosage  qui  enlèvera  la  couche  superficielle  libérée  par  l'action 
du  pinceau  et  fera  réapparaître  le  grain  sous-jacent. 

S'agit-il,  au  contraire,  comme  dans  le  second  cas,  d'une  épreuve 
sous-exposée,  il  vaudra  mieux  attendre,  pour  effectuer  certaines  parties 
de  votre  travail,  que  l'épreuve,  dépouillée  à  point,  ait  commencé  à 
sécher  sur  son  support  d'ébonite.  Il  n'y  aura  pas  à  craindre  ici  une 
différence  d'aspect  entre  les  parties  de  l'image  touchées  par  le  pinceau 
et  les  parties  laissées  intactes  ;  car  il  n'y  aura  de  grain  nulle  part. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  8l 

2°  Période  du  Séchage.  —  Dans  cette  période,  le  coup  de  pinceau 
n'étant  plus  suivi  d'un  coup  d'arrosage,  l'action  du  pinceau  se  traduit 
par  une  sorte  d'écrasement  de  la  couche,  accompagné  d'un  abaisse- 
ment général  du  ton  à  Tendroiî  touché,  abaissement  notable  si  le  pinceau 
est  sec  et  propre,  peu  sensible  si  le  pinceau  est  déjà  chargé  de  matière 
pigmentaire  amassée  au  cours  du  travail.  Pour  créer  des  blancs  et 
dégager  le  papier,  il  faudra  donc  avoir  recours  au  tortillon  de  papier 
buvard. 

Dans  le  cas,  fréquent,  de  figures  se  détachant  sur  fond  clair,  c'est 
pendant  cette  seconde  période  que  l'on  pourra  donner  au  fond  du 
mouvement  et  un  peu  de  vibration.  Le  travail  sera  entrepris  immédia- 
tement et  pourra  être  poursuivi  jusqu'à  ce  que  la  couche  ne  se  laisse 
plus  travailler  ;  il  s'effectuera  au  pinceau  ;  veut-on  avoir  à  tel  endroit 
du  fond  une  touche  claire,  on  l'obtiendra  d'un  coup  donné  avec 
un  pinceau  sec  et  propre;  veut-on,  au  contraire,  monter  le  ton  de 
telle  région  du  fond,  on  transportera  en  cette  région  de  la  couleur  prise 
dans  les  marges. 

Le  traitement  des  fonds  rendu  facile  est,  pour  le  dire  en  passant, 
un  des  grands  avantages  du  procédé  à  la  gomme.  Ainsi  le  fond  pouvant 
être  établi  à  la  demande  de  la  figure,  il  devient  inutile  de  s'encombrer 
de  fonds  peints  d'avance;  un  fond  noir,  un  fond  gris,  un  fond  blanc, 
tous  les  trois  unis,  à  cela  peut  se  réduire  votre  approvisionnement 
d'atelier. 

Le  séchage  complet  d'une  épreuve  étalée  sur  un  verre  ou  une 
feuille  d'ébonite  s'opère  très  lentement;  plus  lentement  encore  si 
l'épreuve  repose  sur  un  buvard  humide.  A  mesure  que  l'eau  s'évapore, 
la  couche  devient  plus  résistante  et  l'abaissement  du  ton  à  tel  endroit 
touché  par  le  pinceau  devient  de  moins  en  moins  marqué. 

Dans  cette  période,  il  est  possible  aussi  de  simplifier  les  détails  par 
une  sorte  d'écrasement  analogue  à  celui  du  sureau  sur  le  fusain. 

C'est  également  au  cours  de  la  période  du  séchage  que  l'on  pourra 
créer  des  blancs  purs  dans  les  épreuves  sous-exposées.  On  sait  que  la 
sous-exposition  produit  des  images  grises,  les  blancs  se  trouvant  recou- 


82 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


verts  par  l'écoulement  partiel  de  la  matière  pigmentaire  insuffisamment 
fixée.  Il  faut  donc  attendre,  pour  rétablir  les  blancs,  que  cet  écoule- 
ment ait  cessé  par  suite  de  l'affermissement  de  la  couche. 

Lorsque  sont  achevées  toutes  les  retouches  jugées  possibles  au 
cours  de  cette  période,  il  convient  de  laisser  s'achever  dans  l'obscurité 
le  séchage  de  l'épreuve  ;  on  peut,  sans  inconvénient,  le  hâter  en  plaçant 
l'épreuve  sur  un  buvard  sec  que  l'on  promène  au-dessus  d'une  lampe. 
Dès  que  la  feuille  est  sèche  partout  et  craquante,  on  la  remet  dans 
Feau.  L'eau  n'a  plus  d'action  sur  la  couche,  et  l'image  peut  y  demeurer 
plongée  indéfiniment  sans  être  modifiée  ;  mais  cette  remise  immédiate 
dans  l'eau  répond  à  un  double  but  :  d'abord  éliminer  la  petite  quantité 
de  bichromate  de  potasse  que  le  papier  peut  renfermer  encore,  ensuite 
rendre  à  la  couche  une  mollesse  suffisante  pour  qu'elle  puisse  être 
travaillée  par  frottement  doux. 

3°  Période  postérieure  au  premier  Séchage.  —  Pour  rendre  la 
couche  très  docile,  il  suffira  d'élever  la  température  de  l'eau  ou,  s'il  est 
nécessaire,  d'ajouter  à  l'eau  chaude  du  bisulfite  de  soude  dans  la  pro- 
portion de  3  à  5  o/o.  L'épreuve  se  laissera  dès  lors  travailler  au  pinceau, 
à  la  ouate,  à  l'estompe,  au  doigt,  et  Ton  pourra,  par  frottement,  baisser 
le  ton  plus  ou  moins  à  tel  endroit  jugé  convenable. 

Si  l'on  a  eu  soin,  par  exemple,  de  ménager  le  ciel  en  le  dépouillant 
incomplètement,  il  sera  facile  de  le  traiter  à  loisir.  De  même  on  pourra 
baisser  par  ce  moyen  la  valeur  des  lointains  pour  les  remettre  à  leur  place. 

Il  sera  possible  à  ce  moment  de  donner  quelques  touches  dans  les 
figures,  dans  les  cheveux.  Si  quelques  blancs  purs  sont  reconnus  néces- 
saires, on  pourra  encore  les  obtenir  au  moyen  d'un  petit  morceau  de 
bois  tendre. 

En  un  mot,  cette  période  est  celle  du  parachèvement  de  l'œuvre. 
Celle-ci  terminée,  il  ne  reste  plus  qu'à  la  suspendre  pour  le  séchage 
définitif. 

Des  Rehauts.  —  Dans  toutes  ces  opérations,  l'artiste  s'est  borné  à 
dépouiller  plus  ou  moins  l'image,  à  enlever  la  matière  pigmentaire,  ici 


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LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


83 


ou  là,  d'une  façon  plus  ou  moins  complète;  l'épreuve  qui  sort  de  ses 
mains  doit,  en  principe,  être  finie  et  à  point.  Il  peut  arriver,  toutefois, 
que  certains  accents  manquent  de  vigueur,  que  certains  tons  noirs 
demandent  à  être  montés,  que  certaines  valeurs  trop  claires  demandent 
à  être  salies.  Cette  retouche  finale  s'effectue  par  apposition  d'une  matière 
identique  à  celle  de  l'épreuve.  Pour  créer  cette  matière,  il  suffit  de 
prendre  une  des  feuilles  préparées  en  même  temps  que  celle  qui  a 
donné  Tépreuve,  de  l'impressionner  fortement  sous  un  cliché,  puis  de 
la  mettre  dans  l'eau  et  de  la  laisser  se  dépouiller  du  bichromate  qu'elle 
contient.  On  racle  alors,  au  moyen  d'un  pinceau,  l'épreuve  ainsi  obtenue 
et  on  en  fait  tomber  dans  un  godet  la  matière  pigmentaire.  Cette 
matière  plus  ou  moins  étendue  d'eau,  ou  renforcée  d'un  peu  de  couleur 
d'aquarelle,  sera  posée  au  pinceau  là  où  il  convient.  Du  reste,  la  plu- 
part du  temps,  on  pourra  utiliser  dans  ce  but  le  pigment  d'une  épreuve 
manquée  par  suite  d'une  erreur  notable  dans  la  durée  d'exposition. 


ANALYSE  DES  PLANCHES 

L'énumération  que  nous  venons  de  faire  des  pratiques  nombreuses 
qu'il  est  possible  de  mettre  en  œuvre  ne  fournit  que  des  indications 
générales.  Pour  être  plus  précis,  nous  allons  analyser  maintenant  la 
plupart  des  images  démonstratives  qui  accompagnent  notre  texte  et  indi- 
quer en  détail,  pour  chacun  de  ces  cas  d'espèce,  la  manière  dont  s'est 
effectuée  l'intervention  de  l'opérateur. 

On  devra  tenir  compte  de  ce  fait  que  les  reproductions,  ci-jointes, 
bien  qu'ayant  été  l'objet  de  tous  nos  soins,  sont  néanmoins  des  traduc- 
tions, partant  s'écartent  parfois  très  sensiblement,  quant  à  l'aspect,  des 
originaux.  Les  procédés  de  gravure  sont  incapables  de  fournir  des  fac- 
similés  exacts,  puisqu'ils  substituent  leur  matière  spéciale  à  la  matière 
dont  est  constituée  l'épreuve  originale.  Ils  mettent  un  grain  ou  un  réseau 
là  où  est  un  coulé  d'aquarelle,  ils  ne  donnent  pas  le  blanc  pur  du  papier, 
sauf  par  l'artifice  d'une  retouche  qui,  faite  par  la  main  du  graveur,  est 


84  LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

fatalement  inexacte;  le  grain  du  papier  support  intervient  aussi,  ce 
n'est  plus  un  grain  réel,  mais  un  trompe-l'œil.  En  résumé,  par  leur 
nature,  les  images  qui  figurent  ici  offrent  au  graveur  les  difficultés  les 
plus  grandes  qu'il  ait  jamais  à  surmonter  ;  aussi  n'en  triomphe-t-il  pas 
toujours. 

Pl.  n.  Méandre  et  Pl.  xv.  L'Etang.  —  Ces  deux  exemples  mon- 
trent les  ressources  que  fournit  l'emploi  du  coulé  pour  le  traitement, 
dans  le  paysage,  du  ciel  et  des  eaux  que  le  procédé  photographique 
traduit  trop  souvent  en  valeurs  inexactes.  Le  coulé  permet  non  seule- 
ment de  rétablir  ces  valeurs,  mais  aussi  de  donner  au  ciel  un  peu  de 
modelé  et  d'intérêt  ;  et  cela  non  par  un  apport,  mais  par  un  enlevé  de 
matière,  ainsi  qu'il  convient. 

Dans  l'Etang,  le  cliché  donne  pour  le  ciel  et  pour  Teau  une  tache - 
blanche  uniforme.  L'épreuve,  légèrement  sous-exposée,  puis  dépouillée 
par  flottement,  a  été  mise  à  sécher  sur  une  glace  inclinée,  le  ciel  en 
bas.  Dans  cette  position,  l'eau  colorée  contenue  dans  les  terrains  a,  par 
une  infiltration  lente,  couvert  le  ciel  et  l'eau  d'une  teinte  plate,  parfaite 
comme  régularité  et  transparence.  Le  coulage  ayant  cessé,  l'épreuve  a 
été  placée  sur  un  support  sec,  —  un  papier  buvard,  —  légèrement 
incliné,  le  ciel  en  haut,  et  Ton  a  attendu  que  la  couche  ait  perdu  une 
partie  de  son  humidité  et  acquis  par  là  une  certaine  résistance.  A  ce 
moment  précis,  quelques  coups  d'un  pinceau  sec,  accompagnés  de 
quelques  touches  de  papier  buvard,  ont  créé  dans  le  ciel  des  demi- 
teintes  et  des  blancs.  Une  touche  de  papier  buvard  a  de  même  créé  une 
tache  blanche  sur  les  eaux,  à  l'endroit  jugé  convenable. 

En  résumé,  dans  cette  épreuve  :  i°  action  automatique  du  coulé 
qui  a  simplifié  le  premier  plan,  fondu  les  lointains,  teinté  le  ciel  et 
l'eau  ;  2°  intervention  brève  du  pinceau  et  du  papier  buvard  pendant  la 
période  du  séchage,  au  moment  précis  où  la  couche  offrait  une  résis- 
tance appropriée. 

Dans  Méandre^  la  façon  de  procéder  a  été  semblable.  Le  coulé 
avait  pour  but  principal  d'éteindre  le  papillottement  excessif  que  donne 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


85 


le  cliché  pris  en  plein  soleil,  d'adoucir  le  feuillé  des  arbres,  de  teinter 
le  ciel,  les  eaux  et  les  linges.  Mais  ici  Fintervention  a  été  retardée  ;  elle 
n'a  eu  lieu  qu'après  un  premier  séchage  suivi  d'une  remise  immédiate 
dans  une  cuvette  d'eau  tiède.  La  couche  offrant  alors  une  certaine 
mollesse,  le  ciel  a  été  éclairci  par  un  frottement  d'ouate  et  toutes  les 
petites  lumières  rétablies  sur  les  eaux,  les  linges  et  les  personnages  par 
Faction  d'une  pointe  en  bois  tendre,  —  un  morceau  d'allumette  sué- 
doise taillée  en  biseau.  M^oe^tji> 

Pl.  X.  Etude  et  Pl.  xx.  L'Aveugle.  —  Voici  deux  exemples  du 
traitement  des  fonds,  le  premier  effectué  pendant  la  période  du  dépouil- 
lement, le  second  pendant  la  période  du  séchage. 

Dans  Étude,  le  modèle  se  trouve  placé  sur  un  fond  indéfini,  d'un 
ton  uniforme,  légèrement  plus  clair  que  le  ton  de  la  peau,  comme  on  en 
peut  juger  par  la  partie  inférieure  de  l'épreuve  où  le  fond  n'a  pas  été  tou- 
ché. Pour  détacher  la  figure  du  fond  et  rompre  l'uniformité  de  celui-ci, 
le  pinceau  s'est  mis  au  travail  dès  que  la  ligure  s'est  trouvée  dégagée, 
chaque  intervention  du  pinceau  étant  suivie  d'un  arrosage  en  nappe. 
Par  une  touche  ferme,  la  partie  supérieure  du  fond  a  été  dégagée  jus- 
qu'au blanc  du  papier  (i);  une  touche  plus  légère,  donnée  en  suivant 
le  contour  du  corps,  a  ensuite  éclairci  le  fond  jusqu'au  niveau  des 
jarrets  ;  des  touches  plus  appuyées  sur  les  marges  ont  créé  une  sorte  de 
dégradé.  En  résumé,  l'action  du  pinceau  a  substitué  au  ton  uni  du  fond, 
une  série  de  tons  allant  jusqu'au  blanc  du  papier. 

Dans  l'Aveugle,  le  travail  du  pinceau  a  eu  lieu  en  cours  de  séchage. 
Le  fond  renfermait  des  détails  ennuyeux;  en  particulier  une  maison 
garnie  d'échafaudages.  Tous  ces  détails  ont  été  broyés  par  le  pinceau 
qui  s'est  ainsi  chargé  de  pigment  et  l'a  aussitôt  réappliqué  par  touches 
rompues,  de  façon  à  faire  valoir  le  blanc  du  bonnet.  Vers  la  fin  du 
séchage,  la  matière  étant  résistante,  une  action  d'écrasement  a  été  pra- 
tiquée en  avant  du  personnage,  sur  le  parapet,  pour  uniformiser  et 


(i)  Le  procédé  de  reproduction  ne  donnant  pas  le  blanc  pur,  l'épreuve  gravée  n'est  pas  rigoureu- 
sement conforme  à  l'épreuve  originale. 


86  LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

.  .  .  .  ' 

teinter  celui-ci  et  l'empêclier  ainsi  de  nuire  à  l'accent  blanc  du 
bonnet. 

Pl.  xxvhl  Impression  d'Engadine.  — Ainsi  qu'on  en  peut  juger  par 
l'épreuve  comparative  au  bromure,  le  sujet,  tel  que  le  donne  le  cliché, 
manque  d'unité  ;  le  centre  d'intérêt  constitué  par  les  deux  bergers  s'y 
trouve  insuffisamment  souligné;  il  y  a  excès  de  détails  dans  les  fonds, 
les  sapins  ont  même  valeur  que  les  personnages,  les  terrains  sont  uni- 
formes, etc. 

En  vue  de  créer  les  accents  nécessaires,  on  a  d'abord  buriné  les 
deux  bergers  et  le  chien  à  gauche.  Puis  l'épreuve  a  été  légèrement  sous- 
exposée,  de  façon  à  atténuer  les  détails  par  les  coulés.  Au  cours  du 
séchage,  lorsque  la  matière  eut  acquis  une  certaine  résistance,  les  fonds 
ont  été  écrasés  au  sureau  pour  en  éteindre  les  détails  ;  plus  tard  enfin 
ont  été  rétablis  quelques  blancs  dans  le  groupe  des  moutons  que  les 
coulés  avaient  simplifié  et  grisé  en  même  temps.  Après  séchage  et 
remise  immédiate  à  l'eau,  les  sapins  à  droite  ont  été  baissés.  Tout  le 
travail  ainsi  effectué  n'ayant  d'autre  but  que  de  donner  aux  deux  ber- 
gers une  valeur  prépondérante  et  de  faire  venir  en  avant  le  chien  placé 
à  gauche  qui  sert  de  rappel  à  ces  deux  bergers. 

Pl.  XXX.  Portrait.  —  Dans  cette  épreuve,  peu  d'intervention.  Seu- 
lement une  sous-exposition  légère  en  vue  de  donner  plus  d'enveloppe  à 
l'image.  Après  séchage,  rétablissement  de  lumières  sur  les  épaules. 

Pl.  xhi.  Etc.  —  Mêmes  remarques  que  ci-dessus.  Simplification 
des  détails  du  paysage  par  les  coulés;  rétablissement,  en  cours  de 
séchage,  des  noies  claires  sur  le  personnage. 

Pl.  XXV.  Le  Poète.  —  Epreuve  dépouillée  en  dehors  du  bain  par 
affusions  d'eau  froide  et  tiède  dirigées  sur  la  figure  et  sur  la  main.  Mais 
le  fond  trop  sombre  et  trop  uniforme  avait,  en  plus,  le  défaut  d'une 
texture  et  d'une  valeur  pareilles  à  celles  des  cheveux  et  des  vêtements 
du  modèle.  L'épreuve  a  donc  été  drainée,  mais  maintenue  humide,  et 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


87 


le  fond  dépouillé  peu  à  peu  jusqu'à  ce  que  sa  valeur  ne  vienne  plus 
L^j^i  lutter  avec  les  accents  du  motif  principal.  Enfin  sa  texture  a  été  mo- 
difiée par  l'usage  d'une  brosse  plus  dure  qui  a  laissé  des  traces  ru- 
gueuses que  l'on  ne  retrouve  pas  dans  les  chairs.  Les  plis  du  vêtement 
exigeaient  aussi  une  simplification  destinée  à  mettre  mieux  en  valeur 
la  main  davantage  étudiée. 

Pl.  XXVI.  Paysage  d'Hircr  (neige).  —  Voici  un  exemple  de  coulé 
choisi  à  cause  de  l'exagération  même  de  l'effet  qui  montre  très  nette- 
ment la  façon  dont  il  s'est  produit.  L'insolation  ayant  été  arrêtée  un 
peu  en  dessous  de  la  normale,  les  premiers  plans  très  clairs  tenaient  à 
peine.  Tout  le  bas  de  l'épreuve  a  donc  été  lavé  franchement  à  l'éponge, 
puis  essuyé  à  divers  endroits  pendant  que  la  nappe  de  couleur,  descen- 
'^^•W  dsini  du  haut  de  l'image,  envahissait  lentement  le  papier  blanc.  Les 
V*»***^.  franges  de  séchage  s'y  distinguent  clairement.  Nous  remarquerons  de 
plus  que  le  ton  du  ciel  dans  l'épreuve  n°  i,  —  reproduction  de  bro- 
mure, —  n'offre  pas  de  contraste  véridique  avec  le  blanc  pur  de  la 
neige.  Les  enlevés  faits  sur  l'épreuve  n°  2  (d'après  la  gomme)  ont  réta- 
bli la  justesse  de  relation  entre  ces  deux  valeurs. 

Pl.  XI.  Paysage  d'Automne.  —  Synthèse  par  coulés  obtenue  sur 
une  épreuve  peu  insolée  et  dépouillée  par  affusions.  Le  premier  plan 
s'est  trouvé  de  ce  fait  simplifié  par  masses,  mais  dépourvu  d'accents. 
Ceux-ci  ont  été  rétablis  par  enlevés  au  tortillon  pendant  la  période  de 
séchage.  De  même  l'accent  du  second  plan  renforçant  l'effet  de  soleil 
naturel. 

Nous  pouvons  considérer  cette  épreuve  comme  un  exemple  du 
minimum  d'insolation  qui  puisse  être  donné  au  papier  à  la  gomme 
sans  risquer  de  coulage  désastreux.  Le  négatif,  tant  soit  peu  surexposé, 
avait  dû  être  poussé  au  développement  pour  gagner  quelque  vigueur. 
Les  transparences  en  avaient  souffert  et  aucun  accent  ne  retenait  dans 
l'épreuve  le  dessin  prêt  à  s'amollir.  Sans  les  enlevés  au  papier  buvard, 
l'image  serait  restée  plate  et  monotone. 

12 


88  LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

Pl.  XXIX.  Plaine  de  Varavillc.  —  L'épreuve  n°  2  à  la  gomme  a  été 
simplifiée  et  accentuée  pendant  la  période  de  séchage.  Simplifiée  dans 
les  premiers  plans  dont  les  détails  ont  été  oblitérés  et  la  valeur  entiè- 
rement modifiée,  —  car  c'est  la  valeur  des  roseaux  du  second  plan  de 
répreuve  n°  i  qui  s'est  étendue  jusqu'au  premier.  Par  contre,  les 
arrière-plans  ont  été  maintenus  à  une  valeur  plus  foncée,  tandis  que 
les  légers  accents  blancs  du  fond,  exagérés  au  pinceau,  sont  venus 
s'opposer  au  ciel  plus  sombre  que  celui  de  l'épreuve  sur  bromure.  De 
ce  fait  l'horizon  s'est  rapproché,  les  taches  noires  et  blanches  du  groupe 
d'arbres  et  de  la  maison  ont  gagné  beaucoup  en  importance  et  l'intérêt 
s'est  déplacé  du  premier  plan  au  plan  le  plus  éloigné. 

Pl.  XXIII.  L'Habilleuse.  —  Exemple  de  développement  entièrement 
effectué  au  pinceau,  l'insolation  ayant  été  poussée  à  un  degré  suffisant 
pour  que  l'image  ne  paraisse  qu'après  avoir  flotté  sur  un  bain  d'eau 
froide  pendant  une  heure,  sans  qu'il  y  ait  cependant  tendance  à  une 
perte  de  pigment.  L'épreuve  sortie  du  bain  et  égouttée  a  été  d'abord 
éclaircie  au  pinceau  à  mouiller  d'aquarelle,  puis  travaillée  avec  une 
brosse  plus  dure. 

Le  négatif  de  cette  épreuve  est  vraiment  détestable.  Le  contre-jour 
l'a  grisé  et  les  accents  y  font  totalement  défaut.  Le  seul  moyen  d'en 
tirer  quelque  parti  est  sans  doute  celui  que  nous  avons  adopté,  surex- 
position bien  franche  et  développement  par  frottis  d'inégale  vigueur, 
mais  il  serait  malaisé  d'en  produire  une  réplique'  tant  'soit  peu  exacte 
sans  de  longs  tâtonnements. 

Pl.  XII.  Bords  de  Seine.  —  Epreuve  en  double  tirage  monochrome. 
La  première  épreuve  insuffisamment  insolée  n'a  pas  gardé  de  demi- 
teintes  dans  les  fonds.  Il  n'y  a  donc  eu,  après  second  couchage  et  impres- 
sion repérée,  qu'une  seule  épaisseur  pour  le  ciel  et  le  fond.  Les  pre- 
miers plans  seuls  ont  été  doublés  de  valeur. 


Pl.  XXVII.  Deux  études  de  tête.  —  Ces  deux  épreuves  ont  été  dépouil- 


I 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  89 

lées  par  affusion  sitôt  après  la  première  apparition  de  l'image.  La  faible 
insolation  du  fond  a  permis  de  faire  détacher  la  joue  du  modèle  en  foncé 
sur  du  clair  dans  l'épreuve  n"  i  ;  en  clair  sur  foncé  dans  le  n°  2.  Les 
deux  accents  qui  ont  provoqué  cet  effet,  Tun  sur  le  fond,  l'autre  sur  la 
joue,  ont  été  donnés  au  cours  du  dépouillement  et  légèrement  tam- 
ponnés au  papier  buvard  pendant  le  séchage.  Un  coup  de  pinceau  a 
oblitéré,  dans  l'épreuve  n°  i,  la  main  qui  se  dépouillait  trop  vite  et  perdait 
sa  forme. 

Pl.  I.  Portrait  de  jeune  fille.  —  Cette  épreuve  a  été  presque  entière- 
ment développée  par  flottement,  puis  sortie  de  l'eau  et  drainée  pendant 
quelques  instants  sur  une  glace  inclinée  recouverte  d'un  cahier  de  papier 
buvard.  Le  fond  en  était  uniformément  sombre;  il  a  été  dépouillé  à 
gauche  et  dégradé  jusqu'à  la  tête,  de  façon  à  laisser  celle-ci  se  détacher 
en  clair  sur  la  portion  foncée  qui  est  demeurée  à  son  ton  primitif.  Les 
reflets  clairs  des  cheveux  ont  été  accentués  au  pinceau  sec,  par  enlevés, 
la  robe  simplifiée  au  pinceau  mouillé  et  les  détails  trop  importants  du 
fauteuil  effacés  à  la  brosse  à  huile. 

Pl.  XIX.  Dans  les  sapins.  —  L'épreuve,  peu  insolée,  tendait  à  pro- 
duire des  coulés  qui  ont  simplifié  mécaniquement  les  détails  des 
premiers  plans.  Il  a  fallu  rétablir  par  enlevés  au  tortillon  les  accents 
clairs  noyés  dans  la  nappe  colorée.  De  même  le  nuage  blanc  en  forme 
de  cumulus,  très  aff"aibli  pour  la  même  cause,  a  dû  être  ramené  à  son 
ton  primitif.  Tout  ce  travail  s'est  fait  pendant  le  séchage  de  l'épreuve 
qui  a  été  accélérée  en  l'éventant  au  moyen  d'une  large  feuille  de  bristol. 

Pl.  XXXI.  Contre-jour.  —  Pose  à  peu  près  juste  pour  le  dépouille- 
ment qui  a  eu  lieu  par  aff"usion  d'eau  froide  et  tiède.  Une  fois  la  tête 
développée  à  la  valeur  désirée,  le  fond  a  été  nettoyé  d'un  coup  d'éponge 
et  tamponné.  L'accent,  derrière  Fépaule,  a  été  fait  un  peu  plus  tard, 
quand  le  coulage  venant  de  la  tête  n'était  plus  à  craindre. 

Pl.  VI.  Portrait  de  femme.  —  La  tête  a  été  développée  par  aff"usions 


90 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


tièdes,  le  fond  sombre  enlevé  à  la  brosse  un  peu  dure.  Le  chapeau 
simplifié  de  même  a  été  réduit  à  Tétat  de  simple  indication. 

Pl.  XXL  Fantaisie.  Dépouillement  général  par  flottement.  Le  fond  a 
été  enlevé,  Tépreuve  encore  mouillée  et  le  contenu  a  été  rabattu  sur 
le  premier  plan  et  dirigé  dans  le  sens  du  plancher.  L'accent  laissé  sous 

le  fauteuil  représente  le  noir  maximum  de  la  couche  originelle. 

t 

Pl.  XIV.  Etude  en  gris.  —  La  face  entière  a  été  dépouillée  par  frot- 
tement au  pinceau,  sauf  les  yeux  et  Tombre  portée  des  cheveux  sur  la 
joue  qui  forment  ainsi  les  accents  nécessaires.  Le  fond  et  les  épaules 
ont  été  entièrement  ou  en  partie  effacés  à  Féponge.  Nous  ajouterons 
que  le  négatif  qui  a  fourni  cette  épreuve  était  beaucoup  plus  vigoureux 
que  ceux  dont  nous  nous  servons  d'habitude  pour  les  tirages  sur  papier 
à  la  gomme  pure,  mais  les  transparences  en  étaient  limpides.  C'est  ce 
qui  nous  a  permis  de  garder  dans  les  yeux,  les  narines  et  la  bouche  les 
accents  primitifs  bien  marqués,  dont  la  présence  était  nécessaire  pour 
éviter  l'aspect  mou  et  monotone  qu'une  épreuve  uniformément  grise 
aurait  offert  après  un  traitement  de  ce  genre. 


"PORTRAIT  " 
PAR  C.  PUYO 

Pl.  XXX,  Gomme. 


tO*?vW,  X^l%ajxC    ^U~a.iy    ^UUU^    k^Af^^O^  CcAf^tf. 
(i^t    tlv*^*^     ,  -^^C>    ^^^^  ^^^^6    O*^  X^OL) 


LES  IMPRESSIONS  MULTIPLES 


I  le  cliché  est  bon,  le  papier  propice,  la  couche  riche  en 
gomme  et  en  couleurs,  si  le  temps  d'exposition  sous  châssis 
est  juste  et  le  dépouillement  bien  conduit,  on  doit  obtenir, 
par  une  impression  unique,  une  épreuve  douée  des  meil- 
leures qualités  pigmentaires,  complète  et  vigoureuse,  où  les  demi- 
teintes  seront  transparentes  et  fraîches,  les  noirs  gras  et  profonds.  Il  est 
curieux  de  voir  contester  encore  les  ressources  de  Timpression  unique, 
prétendre  qu'elle  ne  suffit  point,  que  l'apposition  de  plusieurs  couches 
est  nécessaire  si  Ton  veut  obtenir  de  beaux  tons.  Il  est  encore  plus 
curieux  de  constater  que  par  leurs  impressions  multipliées,  de  3  à  5, 
certains  gommistes  arrivent  à  créer  des  épreuves  beaucoup  moins 
vigoureuses  que  celles  obtenues  par  d'autres  en  une  seule  opération,  et 
moins  belles  parce  que  la  fleur  du  ton  y  a  disparu.  Cette  différence 
dans  les  résultats  provient  de  la  différence  des  modes  opératoires. 
A  l'étranger,  en  particulier,  les  gommistes  usent  de  couches  extrême- 
ment minces,  pauvres  en  gomme  et  en  couleurs;  ils  surexposent,  déve- 


92 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


loppent  par  friction.  De  là  une  matière  raclée,  sans  puissance  et  sans 
fleur.  Nous  avons  pu  voir  ainsi  de  nombreuses  épreuves,  imprimées 
par  couches  fines  successives,  développéès  automatiquement.  Ces 
épreuves  offrent,  quand  elles  sont  réussies,  l'aspect  d'images  tirées  sur 
charbon  vulgaire  ;  il  faut  les  regarder  de  près,  à  la  loupe,  pour  s'aper- 
cevoir qu'elles  sont  à  la  gomme.  Est-il  utile  de  se  donner  tant  de  peine 
pour  arriver  à  un  tel  résultat. 

Nous  ne  le  pensons  pas.  Nous  doutons  même  que  l'artiste  veuille 
s'astreindre  à  un  pareil  travail  qui  exige  la  patience  du  forçat  ciselant 
sa  noix  de  coco.  A  notre  avis,  il  convient  de  donner  aux  impressions 
multiples  un  but  tout  autre  et  plus  large  ;  il  faut  essayer,  par  elles,  de 
doter  le  procédé  de  nouvelles  ressources  et  l'exécutant  de  nouvelles 
libertés. 

En  d'autres  termes,  nous  ne  nous  contenterons  point  de  demander 
à  l'usage  de  couches  successives  une  augmentation  de  vigueur  dans  la 
matière  de  l'épreuve;  nous  en  profiterons  pour  rendre  plus  aisés  le  déve- 
loppement local,  et  l'apposition  des  accents,  et  pour  rendre  possible 
l'emploi  de  la  polychromie. 

1"  Facilités  données  par  les  impressions  multiples  au  déve= 
loppement  iocai  et  aux  accents.  —  Dans  tout  cliché  photographique 
un  certain  nombre  de  tons  locaux  demandent  à  être  modifiés,  en  vue 
d'assurer  soit  la  justesse  de  l'eifet,  soit  l'harmonie  esthétique  de  l'en- 
semble. Par  exemple,  dans  les  clichés  de  paysages,  le  ciel  est  beaucoup 
trop  opaque,  les  lointains  trop  transparents  ne  se  distinguent  pas  des 
premiers  plans.  Dans  un  portrait,  il  peut  arriver  que  le  fond  ait  une 
valeur  égale  à  celle  des  cheveux,  qu'un  vêtement  soit  trop  blanc,  une 
ombre  trop  accentuée.  Le  développement  local  remettra  les  choses  en 
place  et  contribuera  à  assurer  l'équilibre  et  l'unité  du  motif. 

Ce  développement  local,  on  peut  l'effectuer,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit,  au  cours  de  l'impression  unique,  mais  on  ne  le  peut  que  dans  une 
certaine  mesure,  car  la  souplesse  du  procédé  n'est  pas  absolue  ;  il  faut 
avoir  l'œil  prompt  et  la  main  légère.  L'emploi  d'une  double  impres- 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


93 


sien,  ton  sur  ton,  facilitera  beaucoup  les  choses  dans  un  grand  nombre 
de  cas.  Nous  allons  en  énumérer  quelques-uns. 

a)  Premier  exemple.  —  Voici  un  cliché  de  paysage  :  le  ciel  ren- 
ferme des  nuages  bien  placés  et  bien  modelés,  mais  la  valeur  générale 
du  ciel  dans  le  négatif  est  telle  que  si  on  imprime  Tépreuve  on  obtien- 
dra, suivant  le  cas,  soit  un  ciel  modelé  avec  des  terrains  noirs  et  enter- 
rés, soit  un  ciel  blanc  sans  détails  avec  des  terrains  bien  modelés. 

Imprimons  en  deux  fois.  Étalons  une  première  couche  fine  et 
légère  ;  calculons  le  temps  d'impression  en  nous  basant  sur  Topacité  du 
ciel,  et  développons  le  ciel  sans  nous  occuper  des  terrains.  Dès  qvie  le 
ciel  est  venu,  baissons  les  lointains  au  pinceau  et  nettoyons  les  premiers 
plans  à  l'éponge.  Laissons  sécher. 

Etalons  ensuite  une  couche  riche  en  gomme  et  en  couleurs  et  fai- 
sons notre  deuxième  impression  en  nous  basant  uniquement  sur  les  ter- 
rains. Développons;  dès  que  les  terrains  sont  venus,  épongeons  le  ciel 
de  façon  à  dégager  l'image  déjà  imprimée  et,  par  quelques  coups  de 
pinceaux,  faisons  les  raccords  entre  les  divers  plans  des  terrains. 

b)  Deuxième  exemple.  —  L'opérateur  a  pris  son  paysage  avec  une 
jumelle  mise  au  point  à  l'infini,  —  erreur  trop  fréquente.  Les  premiers 
plans  sont  moins  fermes  et  moins  nets  que  les  lointains  et  que  le  ciel. 

Opérons  comme  tout  à  l'heure,  mais  en  faisant  notre  première 
impression,  qui  porte  sur  le  ciel  et  les  lointains,  à  travers  une  gélatine 
ou  une  feuille  de  celluloïd  interposée.  Voici  la  netteté  des  arrière-plans 
atténués.  Il  ne  reste  plus  qu'à  imprimer  en  une  seconde  opération  les 
premiers  plans,  sans  interposition  entre  le  cliché  et  l'épreuve. 

c)  Troisième  exemple.  —  Voici  un  portrait  qui  manque  d'enve- 
loppe, le  cliché  est  heurté  ;  il  convient  de  diminuer  les  oppositions. 

Faisons  une  première  impression  ;  couche  légère,  nettement  sous- 
exposée.  Sous  l'influence  du  coulage,  toute  l'épreuve  va  se  griser, 
devenir  monotone.  Sur  cette  première  épreuve  monotone,  faisons  une 
deuxième  impression  vigoureuse  et  légèrement  surexposée.  Le  pro- 
blème est  résolu. 


94 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


d)  Quatrième  exemple.  —  Voici,  au  contraire,  un  cliché  monotone 
qui  va  donner  une  épreuve  sans  accents. 

Imprimons  une  première  fois  ;  ne  touchons  pas  aux  régions,  aux 
parties  de  Tépreuve  que  nous  voulons  monter  de  ton,  nettoyons  au 
pinceau  le  reste.  Puis  imprimons  une  seconde  fois,  nous  aurons  créé, 
par  le  dessous,  les  oppositions  qui  manquaient. 

On  pourrait  prolonger  cette  énumération  sans  arriver  à  épuiser 
tous  les  cas  d'espèce  dans  lesquels  une  double  impression  serait  utile. 
Pour  le  moment,  retenons  ceci  :  à  savoir  que  le  gommiste  aura  souvent 
tort  de  jeter  une  épreuve  qui  lui  paraît  manquée.  Mieux  vaut  la  tra- 
vailler en  la  considérant  comme  un  dessous  et  en  cherchant  ce  qu'il  y 
a  lieu  de  taire  pour  que  ce  dessous  remplisse  un  rôle  utile. 

2"  Impression  en  double  ton.  —  Nous  avons  considéré  jusqu'ici 
uniquement  l'impression  ton  sur  ton.  On  peut  arriver  à  certains  effets 
agréables  en  composant  les  deux  couches  non  plus  de  la  même  couleur, 
mais  de  deux  couleurs  voisines  :  imprimer  en  noir  sur  dessous  bistre, 
en  bistre  sur  dessous  rouge,  en  rouge  sur  dessous  jaune,  la  couleur  la 
moins  corsée  et  la  plus  chantante  étant  réservée  à  la  première  impres- 
sion. Il  est  difficile  de  donner  ici  des  règles  précises,  le  nombre  des 
combinaisons  de  nuances  voisines  étant  infini. 

Naturellement,  pour  que  l'épreuve  ait  un  double  ton,  il  faut  rejeter 
le  développement  automatique  et  dépouiller  localement  les  deux 
épreuves  en  faisant  de  larges  sélections  au  pinceau.  Si  l'on  s'est  trompé, 
si  l'épreuve  manque  d'harmonie,  on  en  sera  quitte  pour  imprimer  une 
troisième  fois  en  donnant  à  cette  troisième  couche  un  ton  intermé- 
diaire. 

Ces  indications  peuvent  paraître  insuffisantes  et  imprécises  ;  mais 
que  dire  ?  Nous  ne  cherchons  pas  ici  à  rendre  le  sujet  en  couleurs 
réelles,  mais  simplement  à  marier  des  tons  voisins,  à  moduler  dans 
une  gamme  très  étroite,  de  façon  à  donner  à  l'épreuve  un  aspect  plai- 
sant à  l'œil.  Ces  combinaisons  sont  proprement  arbitraires. 

Nous  reviendrons  tout  à  l'heure  sur  ce  sujet. 


"  EFFET  DE  CONTRE-JOUR 
PAR  R.  DEMACHY 

Pl.  XXXI,  Gomme. 


coua£  diC*^^^^  ^z/fCAÀiKC*^  <Zof%f\£j^r  ^o^lÊnC^  <:Cie>|^t>«^«.tCG- 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  95 

3°  Impression  en  couleurs.  —  Au  lieu  d'employer  deux  ou  trois 
couleurs  voisines,  on  peut  composer  les  couches  de  couleurs  diverses  ; 
user,  par  exemple,  des  trois  couleurs  types  :  le  jaune,  le  rouge,  le  bleu, 
imprimer  sous  le  même  cliché  et  faire,  à  chaque  impression,  par  le 
moyen  du  pinceau,  des  sélections  analogues  à  celles  que  le  photochro- 
miste  obtient  automatiquement  par  le  moyen  de  trois  clichés.  On  con- 
çoit que,  par  là,  il  soit  possible  de  faire  des  épreuves  donnant  la  sen- 
sation soit  d'un  crayon  rehaussé,  soit  d'une  estampe  encrée  à  la  poupée. 

Ceci  dit,  reprenons  les  questions  au  point  de  vue  pratique. 

Repérage.  —  Le  premier  problème  qui  se  pose  est  celui  du  repé- 
rage. Si  le  papier  était  inextensible,  l'opération  serait  aisée.  Mais  une 
feuille  de  papier  de  force  moyenne,  fortement  encollée,  même  après 
un  passage  à  l'eau  suivi  d'un  tannage  à  l'alun  ou  au  formol,  travaille 
encore  et  se  rétrécit  après  la  première  impression  à  la  gomme.  S'il 
s'agit  d'une  étude  de  tête  ou  d'un  personnage  placé  dans  un  milieu  peu 
compliqué,  ce  rétrécissement  n'a  pas  beaucoup  d'inconvénient.  Dans 
ce  cas,  voici  comment  on  peut  opérer. 

Après  la  première  impression,  et  avant  de  passer  la  seconde  couche 
pigmentaire,  placer  l'épreuve  contre  la  vitre  d'une  fenêtre,  puis  le  cli- 
ché par-dessus  et,  par  transparence,  faire  exactement  coïncider  les  yeux, 
la  bouche,  les  narines.  On  juge  facilement  de  la  position  où  cette  coïn- 
cidence est  réalisée,  car  l'ensemble,  cliché  et  épreuve,  donne  alors  en 
cette  région  la  sensation  du  gris  sans  détails.  A  ce  moment,  maintenant 
fortement  l'adhérence  de  la  main  gauche,  pratiquer  sur  le  papier,  de  la 
main  droite  armée  d'un  canif,  une  incision  de  i  ou  2  centimètres  au 
milieu  de  chacun  des  quatre  côtés,  en  suivant  le  bord  du  cliché  qui 
sert,  pour  ainsi  dire,  de  règle. 

La  seconde  couche  posée,  abandonnant  tout  châssis,  prendre  une 
planche  à  dessin  et  placer  sur  cette  planche  deux  ou  trois  épaisseurs 
de  papier  buvard,  par-dessus  le  papier  à  la  gomme  et  enfin  le  cliché; 
faire  coïncider  exactement  les  quatre  côtés  du  cliché  et  les  quatre 
encoches  du  papier,  puis  poser  enfin  sur  le  tout  une  glace  lourde. 


96 


LES  PROCÉDÉS  D'xVRT  EN  PHOTOGRAPHIE 


Si  le  sujet  exige  que  le  papier  reste  toujours  égal  à  lui-même  (cas  du 
paysage  où  il  faut  absolument  éviter  le  doublement  des  branches  des 
arbres  et  des  herbes),  il  est  nécessaire  d'opérer  autrement  et  d'assurer 
un  repérage  total  et  parfait.  Pour  cela,  un  moyen  consiste  à  fixer  le 
papier  blanc,  par  l'intermédiaire  d'un  adhésif  ou  d'une  feuille  mince 
de  gutta-percha,  sur  une  ardoise  ou  sur  une  plaque  de  verre.  Le  châssis 
doit  être  abandonné.  Quand  on  a  posé  la  première  couche  pigmentaire, 
on  place  le  cliché  sur  le  papier  et  l'on  pratique  quatre  incisions  comme 
tout  à  l'heure.  Pour  plus  de  sûreté,  au  moyen  d'un  tire-ligne  chargé 
d'encre  de  Chine  (encre  de  Chine  liquide  vendue  en  bouteilles  et  inso- 
luble à  l'eau),  on  trace  un  trait  tout  autour  du  cliché  :  ces  incisions  et 
ces  traits  servent  dès  lors  aux  repérages  successifs. 

Il  semble  que,  le  papier  étant  ainsi  fixé,  l'épreuve  se  dépouille 
moins  correctement,  et  l'on  peut  attribuer  ce  fait  à  ce  que  le  papier  ne 
subit  pas  l'action  de  l'eau  à  sa  face  postérieure.  Aussi  la  méthode  sui- 
vante semble-t-elle  plus  recommandable. 

Prendre  une  plaque  de  zinc  bien  rigide,  d'un  format  un  peu  supé- 
rieur à  celui  du  cliché  à  imprimer.  Couper  la  feuille  de  papier  dans 
une  dimension  supérieure  de  plusieurs  centimètres  à  la  dimension  de 
la  plaque  de  zinc;  faire  tremper  le  papier  dans  l'eau  pendant  une  demi- 
heure  ;  puis  l'étendre,  le  bon  côté  en  dessous,  sur  une  surface  bien 
plane  ;  poser  dessus  la  plaque  de  zinc,  inciser  diagonalement  le  papier 
au  ras  des  quatre  angles  de  la  plaque  ;  rabattre  les  quatre  côtés  du 
papier  et  les  coller  au  dos  de  la  plaque  avec  une  colle  ainsi  composée  : 


Laisser  sécher.  Une  fois  sec,  le  papier  sera  tendu  comme  une  peau 
de  tambour  et  ne  bougera  plus  pendant  les  impressions  successives. 

Pratique  des  impressions  successives.  =  Remarques  géné= 

raies.  —  Dans  les  dépouillements  successifs,  il  importe  au  plus  haut 
point  de  ne  pas  abîmer  la  surface  du  papier  support-  Il  faudra  donc 


Arrow-root  ou  amidon  

Solution  d'alun  de  chrome  à  2  1/2  0/0 
Eau  


60  ce. 


10  ce. 


5  gr.  . 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


97 


que,  notamment,  lors  de  la  première  impression,  le  dépouillement  de 
l'image  se  fasse  sans  violence,  sans  intervention  d'instruments  trop 
énergiques,  sans  recours  à  l'eau  bouillante,  au  bisulfite  ou  au  carbo- 
nate. De  l'eau  froide  ou  légèrement  tiède  pour  le  dépouillement  géné- 
ral, un  pinceau  doux  pour  les  sélections  locales  devront  suffire.  C'est 
dire  que  la  première  couche  devra  être  très  exactement  impressionnée. 

La  seconde  couche  et  les  couches  suivantes  s'étalent  non  plus  sur 
le  papier,  mais  sur  une  sorte  de  pellicule  lisse  constituée  par  la  pre- 
mière image.  Sur  ce  support  lisse  la  couleur  tend  à  glisser  et  à  suivre 
le  pinceau  de  couchage. 

Les  couches  postérieures  à  la  première  seront  donc,  en  général, 
très  fines.  Ceci  est  plutôt  un  avantage,  car  le  procédé  implique  des 
couches  fines  et  transparentes. 

Lors  du  dépouillement  d'une  couche  postérieure  à  la  première,  on 
constatera  que  cette  couche  n'adhère  que  très  légèrement  au  support. 
Ici,  en  effet,  la  surface  du  support  est  lisse,  sans  porosité  ;  la  matière 
pigmentaire  n'est  plus  retenue  comme  elle  le  serait  par  un  papier  grenu 
et  toujours  un  peu  poreux.  De  là  résulte  la  nécessité  de  dépouiller  ces 
couches  successives  avec  une  grande  délicatesse.  L'abaissement  des 
tons  se  fera  aisément  sous  l'attaque  légère  d'un  pinceau  doux,  et  le 
coup  d'éponge  dégagera  sans  peine  l'image  subjacente. 

Avant  de  travailler  localement  les  couches  postérieures,  il  con- 
viendra ici  de  laisser  s'opérer  pendant  longtemps  le  dépouillement 
automatique  par  flottement.  Il  faut,  en  effet,  attendre  que  la  couche 
nouvelle  se  soit  entièrement  gonflée  et  que,  partiellement  dépouillée, 
elle  laisse  transparaître  l'image  de  dessous.  Sans  cela  on  travaillerait  à 
l'aveuglette. 

Ce  manque  d'adhérence  des  couches  présente  un  avantage,  à  savoir 
que,  même  en  cas  de  surexposition  notable,  il  sera  toujours  possible, 
après  un  long  séjour  dans  l'eau,  d'enlever  à  l'éponge  la  couche  rebelle 
et  de  recommencer  l'impression  manquée;  mais,  au  bout  d'un  certain 
nombre  d'impressions,  le  support  devient  tellement  lisse  que  la  couche 
nouvelle  se  dépouille  irrégulièrement,  s'en  va  par  écailles.  Ceci  limite 


98  LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

le  nombre  des  impressions  successives,  qui  ne  peut  guère  dépasser 
cinq. 

Voici  maintenant  quelques  observations  relatives  à  la  composition 
des  couches  : 

1°  Impression  ton  sur  ton.  —  La  force  relative  des  couches  en 
gomme  et  en  couleur  dépendra  des  cas  d'espèce. 

Dans  le  premier  exemple  cité  plus  haut,  page  gS,  celle  des  couches 
qui  servira  à  l'impression  du  ciel  pourra  être  peu  chargée  en  couleur, 
et  la  quantité  de  gomme  sera  légèrement  diminuée.  La  couche  destinée 
à  rimpression  des  terrains  sera  constituée  normalement,  riche  en  cou- 
leur et  en  gomme. 

La  double  impression  a-t-elle  pour  but  principal  d'augmenter  la 
puissance  du  ton?  Ce  serait,  par  exemple,  le  cas  d'une  double  impres- 
sion en  sépia  ou  en  bistre.  On  sait  qu'il  est  très  aléatoire  d'essayer 
d'obtenir  une  image  vigoureuse  dans  ces  tons-là,  si  l'on  se  borne  à 
l'impression  unique.  On  composera  ici  les  deux  couches  de  façon  pa- 
reille, en  évitant  de  les  charger  en  couleur  et  de  les  impressionner  trop 
fortement. 

Il  suffira  de  raisonner  un  peu  pour  décider,  dans  les  cas  divers, 
de  la  composition  rationnelle  de  la  couche. 

2°  Impression  en  double  ton.  —  De  même  en  ce  qui  concerne 
rimpression  en  double  ton  dont  nous  avons  défini  plus  haut  le  carac- 
tère. En  général,  on  fera  bien  de  composer  la  première  couche  de  façon 
normale,  en  diminuant  un  peu  la  proportion  de  gomme.  Dans  la  se- 
conde on  diminuera  légèrement  la  proportion  de  couleur,  de  façon  à 
assurer  à  cette  couche  des  qualités  de  finesse  et  de  transparence. 

3°  Impression  en  plusieurs  couleurs.  —  Ici  les  images  sous- 
jacentes  ne  pourront  jouer  leur  rôle  et  produire  la  multiplicité  des 
nuances  que  grâce  à  la  transparence  des  couches  qui  les  recouvriront, 
11  est  donc  rationnel  de  poser  en  directive  générale  que  l'épaisseur  des 


"  BROUILLAi<  • 
PAR  C.  PUYO 

Pl..  XXXII.  l'a 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


99 


couches  et  leur  coloration  devront  aller  en  diminuant.  La  première 
impression,  devant  être  vigoureuse,  sera  faite  avec  une  couche  nor- 
male chargée  de  couleurs  couvrantes  ;  pour  les  autres,  on  s'attachera  à 
les  créer  fines,  composées  de  couleurs  franches  et  transparentes;  on 
recherchera  aussi  les  nuances  éclatantes,  le  procédé  tendant  à  les  assour- 
dir et  à  les  attrister. 

Voici  une  méthode,  entre  plusieurs,  que  l'on  peut  suivre  dans  l'im- 
pression d'une  tête. 

Le  premier  monochrome  serait  rouge.  Ce  rouge,  transparaissant 
au  travers  des  bleus  et  des  jaunes,  a  pour  mission  principale  de  fournir 
le  ton  chair.  Composer  une  couche  normale,  vigoureuse,  avec  du  rouge 
de  Venise  et  du  brun  rouge,  et  essayer  d'avoir  une  exposition  juste. 
Quand  l'image  sera  à  peu  près  développée  par  flottement,  faire  les 
sélections  :  laisser  l'image  intacte  dans  les  chairs,  dans  les  endroits  où 
l'on  voudra  plus  tard  du  noir,  dans  les  endroits  où  Ton  voudra  plus 
tard  du  rouge  pur.  Baisser  ou  supprimer  les  tons  partout  ailleurs  ;  les 
baisser  au  pinceau  dans  les  cheveux,  dans  les  ombres  du  vêtement,  les 
supprimer  totalement  à  l'éponge  dans  d'autres  régions. 

Le  support  ainsi  constitué  par  la  première  image  n'est  plus  un  sup- 
port homogène;  certaines  régions  sont  couvertes  par  l'enduit  gommeux, 
d'autres,  au  contraire,  sont  constituées  par  le  papier  nettoyé  ou  vierge. 
Sur  ces  dernières  la  couche  nouvelle,  que  nous  allons  maintenant  appli- 
quer, tendra  à  s'accrocher  davantage  que  sur  les  régions  lisses  et  ver- 
nies par  la  gomme.  Or,  les  régions  vierges  correspondent  aux  blancs  de 
l'épreuve,  c'est-à-dire  aux  lumières.  Quelle  est  la  couleur  de  la  lumière  ? 
C'est  le  jaune.  En  choisissant  la  couleur  jaune  pour  la  seconde  couche, 
nous  assurerons  donc  plus  facilement  le  maintien  du  jaune  dans  les  clairs. 

Il  faudra  un  jaune  transparent  ayant  de  l'éclat;  on  le  prendra  dans 
la  série  des  cadmiums.  Ne  pas  trop  charger  la  couche  en  couleur; 
exposer,  dépouiller  par  flottement  et  sélectionner  au  pinceau,  comme 
tout  à  l'heure;  en  se  laissant  guider;  par  quoi?  par  son  goût,  par  les 
circonstances,  par  l'image  intérieure  que  l'on  porte  en  soi,  un  peu  confuse 
encore...  Et  en  invoquant  le  dieu  Hasard. 


lOO 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


La  troisième  couche  pourra  être  neutre.  Elle  aura  pour  but 
d'achever  de  couvrir  partout  le  papier,  de  créer  des  transitions  et  de 
préparer  Faction  finale  et  décisive  du  bleu.  Suivant  les  cas,  suivant  les 
indications  fournies  par  les  deux  premières  impressions,  ce  neutre 
pourra  tendre  vers  les  bistres  ou  vers  les  gris-bleu  ;  le  gris  de  Paine, 
la  terre  de  Sienne,  brûlée  ou  naturelle,  le  bistre  pourront  le  fournir  en 
se  combinant. 

Après  cette  troisième  impression,  terminée  par  les  interventions 
habituelles,  Fimage  devra  se  présenter  à  peu  près  homogène  et  com- 
plète en  tant  que  valeurs.  Cette  image  cependant,  au  point  de  vue  cou- 
leurs, n'est  encore  qu'une  sorte  d'arlequin. 

Il  s'agit  de  la  regarder  longuement,  de  l'analyser  attentivement  afin 
de  déterminer  par  la  pensée  la  nuance  du  bleu  qui  va  établir  l'har- 
monie entre  ces  tons  disparates  et  assurer  la  justesse  de  l'accord. 

Devra-t-on  prendre  un  bleu  franc  ou  le  nuancer  ?  Dans  ce  cas, 
faut-il  tendre  vers  le  bleu-vert,  ou  le  bleu-violet,  ou  le  bleu-gris?  Ques- 
tion angoissante,  que  l'on  résout  par  un  coup  d'état  de  la  volonté. 

Cette  couche  suprême,  fine  et  composée  de  bleu,  sera  traversée 
très  vite  par  la  lumière  ;  la  durée  d'exposition  devra  rester  souvent  au- 
dessous  d'un  degré  Artigue.  Avant  d'intervenir,  on  laissera  le  dépouil- 
lement s'effectuer  par  flottement.  Quelque  temps  avant  qu'il  ne  soit 
terminé,  on  placera  l'épreuve  sur  la  plaque  d'ébonite  et  on  l'attaquera 
au  pinceau.  C'est  le  moment  intéressant  et  qui  vous  paye,  —  parfois, 
—  du  long  travail  effectué  jusque-là.  Si  la  nuance  de  bleu  a  été  bien 
choisie,  l'épreuve,  en  effet,  apparaîtra  comme  transformée,  les  tons  qui, 
avant  cette  dernière  impression,  se  battaient  entre  eux,  s'accordent 
maintenant  et  vivent  en  bons  voisins.  Il  ne  reste  plus  qu'à  crever  loca- 
lement ce  voile  coloré  superficiel  là  où  l'on  veut  faire  réapparaître  la 
couleur  sous-jacente,  et  si  l'exposition  a  été  normale,  chaque  coup  de 
pinceau  sera  décisif,  dégageant  d'un  coup  le  rouge  les  lèvres  ou  les 
lumières  bistrées  des  cheveux. 

Ne  cachons  point  que  les  impressions  multiples  du  genre  que  nous 
venons  de  décrire  constituent  un  travail  délicat  et,  —  quelque  habileté 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


lOI 


que  puisse  avoir  l'opérateur,  —  fort  aléatoire.  Ce  n'est  donc  pas  besogne 
de  débutant.  Il  faut  s'attendre  à  ce  que  nombre  d'épreuves  restent  en 
route,  abandonnées  à  la  deuxième  ou  à  la  troisième  impression  ;  aussi 
fera-t-on  bien  de  mener  de  front  plusieurs  épreuves. 

Ce  serait,  d'ailleurs,  une  erreur  grave  que  de  demander  au  procédé 
ce  qu'il  ne  peut  donner  :  les  couleurs  vraies  de  la  nature.  Le  nombre 
des  nuances  résultant  de  quatre  impressions  est  trop  limité  pour  cela  ; 
et  puis  qu'est-ce,  en  ces  matières,  que  les  couleurs  vraies  ?  Le  seul  des- 
sein que  l'on  puisse  ici  poursuivre  est  de  créer  une  harmonie,  un 
«  arrangement  »,  suivant  l'expression  de  Whistler,  constituant  à  la  fois 
une  simplification  et  une  transposition  du  réel. 

Voici,  à  titre  d'exemple,  comment  a  été  obtenue  l'épreuve  colorée 
ci-jointe  (planche  xxxiii). 

La  première  couche,  composée  de  rouge  de  Venise  et  de  brun 
rouge,  a  été  laissée  intacte  dans  les  chairs,  baissée  dans  les  cheveux, 
supprimée  partout  ailleurs. 

La  seconde,  destinée  à  donner  les  cheveux,  a  été  faite  d'un  bistre 
tirant  vers  le  jaune,  avec,  pour  dominante,  la  Sienne  naturelle.  Laissée 
intacte  dans  les  cheveux,  elle  a  été  enlevée  à  l'éponge  sur  les  chairs  et 
baissée  fortement,  quasi  enlevée  au  pinceau,  partout  ailleurs. 

La  troisième  couche  a  été  composée  de  bleu  de  cobalt,  légèrement 
grisé  avec  un  peu  de  gris  de  Paine  et  une  pointe  de  Sienne  brûlée. 
Elle  a,  combinée  au  rouge  sous-jacent  qu'elle  laisse  transparaître,  créé 
le  ton  des  chairs.  Modelée  au  pinceau,  elle  a  fourni  le  bonnet  et  le 
fichu.  Le  pinceau  également,  promené  sur  les  cheveux,  a  fait  réappa- 
raître les  bistres  dans  les  parties  claires,  laissant  des  traînées  de  bleu 
dans  les  ombres.  Le  fond  a  été  nettoyé. 

Pour  mettre  en  valeur  l'accord  obtenu  par  les  trois  premières 
impressions,  on  a  jugé  que  la  coloration  jaune  du  fond  serait  favorable. 
Cette  couche  jaune  cadmium  a  été  enlevée  partout,  sauf  dans  le  fond. 

On  aurait  pu  obtenir  le  même  résultat  et  s'éviter  la  peine  d'une 
quatrième  couche  qui,  en  somme,  ne  devait  fournir  qu'une  teinte 
plate,  en  employant,  pour  créer  cette  teinte  plate,  un  pastel  dur. 


I02 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Les  pastels  durs,  que  Ton  trouve  chez  tous  les  marchands  de  cou- 
leurs, donnent,  en  effet,  une  matière  identique  à  celle  de  Timpression 
colorée  à  la  gomme,  et  Ton  peut  opérer  de  la  façon  suivante  dans  les 
retouches  ou  raccords  que  l'on  désire  effectuer  : 

Commencer,  par  des  hachures  régulières  et  légères  de  pastel,  à 
couvrir  la  région  que  Ton  veut  teindre.  Ecraser  ensuite  ces  hachures 
et  les  fondre  en  ton  plat  au  moyen  d'un  tortillon  de  papier.  Plonger 
alors  l'épreuve  dans  l'eau  ;  le  pastel  retenu  par  adhérence  ne  s'en  va 
que  sous  l'attaque  d'un  pinceau.  Avec  ce  pinceau  on  enlève  donc  tota- 
lement ou  partiellement  la  couche  de  pastel,  là  où  il  convient.  Après 
quoi  laisser  sécher  l'épreuve.  La  gomme  gonflée  par  Teau  happe,  en 
séchant,  les  grains  du  pastel  et  les  fixe  définitivement  sur  le  papier. 

Observons  que  cette  façon  d'agir  n'a  rien  que  de  légitime  si  elle  est 
discrète  et  ne  dépasse  pas  les  limites  admises  pour  la  retouche.  D'ail- 
leurs, une  telle  intervention  doit  être  invisible  sous  peine  d'être  mala- 
droite. Cette  considération  est  suffisante  pour  tempérer  l'audace  de 
l'artiste  et  lui  conseiller  la  prudence. 


PROFIL  EN  QUATRE  COULEURS 
PAR  C.  PUYO 

Pl.  XXXIII.  Gomme. 


LES 

PAPIERS  PRÉPARÉS 

DU  COMMERCE 

ET  LES 

PROCÉDÉS  OZOTYPES 


GÉNÉRALITÉS 


OMME  nous  l'avons  dit,  dans  les  papiers  à  dépouillement  du 
commerce,  le  médium  est  constitué  soit  par  de  la  gélatine 
pure,  soit  par  de  la  gélatine  alliée  en  proportion  variable  avec 
d'autres  colloïdes,  tels  que  la  gomme;  leur  composition  est 
d'ailleurs  tenue  secrète. 

Ils  diffèrent  du  papier  à  la  gomme  non  seulement  par  le  mode  de 
traitement  et  par  l'aspect  de  l'image  fournie,  mais  surtout  par  ce  fait 
qu'ils  ne  donnent  pas  de  coulés. 

Pour  tous,  le  dépouillement  s'effectue  de  la  même  manière,  par  la 
double  action  d'un  bain  d'eau,  porté  à  une  température  qui  peut  varier 
de  25  degrés  à  32  degrés  centigrades,  et  d'un  agent  de  frottement  doux  : 
la  sciure  de  bois  diluée.  Les  variations  apportées  au  temps  d'exposi- 
tion changent  l'aspect  de  l'image  :  l'exposition  est-elle  trop  courte, 
rimage  sera  grise  et  les  oppositions  seront  diminuées;  une  exposition 
trop  longue  produira  Teffet  inverse. 

Tous  se  prêtent,  plus  ou  moins  aisément,  à  Faction  locale  du  pin- 


io6 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


ceau,  ce  qui  facilite  les  accents,  les  raccords  et,  en  général,  toutes  les 
retouches  portant  sur  des  surfaces  de  peu  d'étendue;  les  grandes  réserves 
étant  demandées  à  la  direction,  intelligente  et  raisonnée,  des  nappes 
d'eau  chargées  de  sciure. 

L'addition  à  la  gélatine  de  colloïdes  divers  assure  au  papier  plus 
dÇa^Co(XloJto  f^^i-^de  rusticité  ;  les  papiers  où  la  gélatine  est  seule,  exigent  dans  leur  trai- 
tement plus  de  délicatesse  et  une  plus  grande  précision. 
Qvm>>tô-^HjU^cw)Jtv^  Cette  précision  doit  porter  sur  deux  points  essentiels  :  l'exposition 

ji^f^^t^xj^ ,  cu^^Mm  J^KiA^'   sous  châssis,  la  température  du  bain  chaud.  Une  exposition  juste,  une 


te 


température  exacte  sont,  au  point  de  vue  technique,  les  conditions 
suffisantes  mais  nécessaires  du  succès.  De  là  l'importance  d'un  photo- 
mètre que  l'on  connaisse  bien,  d'un  thermomètre  vérifié. 

Le  photomètre  le  plus  précis  est,  comme  nous  l'avons  dit,  le  pho- 
tomètre Artigue.  L'unité  de  mesure  qu'il  donne,  le  degré  Artigue,  devra 
même  souvent  être  fractionné  à  la  montre.  Pour  certains  papiers  très 
rapides,  tels  les  papiers  bleus  ou  violets,  une  variation  d'un  demi-degré 
a  une  grande  influence.  Sous  des  clichés  légers,  divers  papiers  bleus 
s'impressionnent  en  moins  de  un  degré,  soit  en  trois  ou  quatre  minutes 
à  l'ombre,  au  mois  de  juin.  Quand  le  degré  est  très  court,  c'est-à-dire 
en  été,  on  pourra  se  donner  plus  de  latitude  en  sensibilisant  les  feuilles 
dans  des  bains  contenant  i  o/o  ou  o,5  o/o  de  bichromate  de  potasse  au 
lieu  de  2  0/0. 

Il  semble  que  la  sensibilisation  au  bichromate  de  potasse  soit  préfé- 
rable à  celle  au  bichromate  d'ammoniaque,  du  moins  si  les  clichés  à 
impressionner  sont  normaux  ou  légers.  La  sensibilisation  au  bichromate 
d'ammoniaque  tendrait  à  fournir  des  épreuves  grises  et  pourrait  être 
réservée  aux  clichés  durs,  à  oppositions  exagérées. 

Pour  notre  étude,  nous  allons  diviser  ces  papiers  en  deux  catégories. 
Cette  division  n'est  pas  arbitraire.  Dans  la  première,  nous  rangeons 
ceux  dans  lesquels  la  gélatine  est  employée  seule  ou  semble  entrer  en 
assez  grande  proportion.  Pour  ceux-ci,  la  sensibilisation  se  fait  par 


^s^^  cpt*^.  <-€»*.*çrt««lt^i  sjjj^pie  immersion  et  le  développement  s'effectue  par  l'action  de  l'eau  à 


une  température  déterminée  et  par  le  frottement  de  la  sciure  de  bois. 


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LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


107 


Les  papiers  de  la  seconde  catégorie  se  sensibilisent  dans  des  solutions 
alcoolisées  et  paraissent  exiger,  pour  leur  dépouillement,  Taddition  du 
carbonate  de  potasse  à  Teau  chaude,  dans  les  bains  à  température  élevée; 
nous  disons  que  cette  addition  de  carbonate  paraît  être  exigée  :  elle  l'est 
parles  instructions.  L'est-elle  en  réalité?  et  cette  intervention  du  carbo- 
nate de  potasse  ne  constitue-t-elle  pas  un  danger  pour  la  beauté  de  la 
matière?  C'est  un  point  que  nous  examinerons  plus  tard. 

En  tous  cas,  les  papiers  de  la  première  catégorie  surpassent  nette- 
ment ceux  de  la  seconde  par  la  vigueur  de  la  matière  qu'ils  fournissent, 
et  la  gamme  des  tons  est,  chez  eux,  beaucoup  plus  étendue  du  côté 
du  noir. 

Leur  fabrication  est  aujourd'hui  très  régulière  et  ils  sont,  par  suite, 
d'un  maniement  aisé  et  sûr.  Aussi  ne  s'explique-t-on  pas  la  crainte 
qu'ils  paraissent  inspirer  encore  à  nombre  de  photographes.  Il  est 
cependant  plus  facile  d'obtenir  une  image  correcte  sur  papier  Artigue 
ou  Fresson  que  sur  un  papier  au  bromure,  lequel  ne  permet  en  aucune 
manière  le  traitement  raisonné  de  l'épreuve  et  offre,  en  outre,  une 
matière  d'une  qualité  plus  que  médiocre. 


«Ho, 


PAPIERS  A  LA  GÉLATINE 

PAPIERS  ARTIGUE,  FRESSON  a  LEURS  DÉRIVÉS 


i 


t.* 


OUS  rangerons  dans  cette  catégorie,  par  ordre  de  date,  les 
papiers  Artigiic,  les  papiers  Fresson^  et  deux  papiers  récents 
dérivés  des  seconds  :  le  papier  B.  F.  rapide  et  le  papier  dit 
«  l'Artistique  ». 

Les  papiers  charbons-velours  Artigue  existent  depuis  bien  des 
années.  Tout  le  monde  connaît  la  matière  délicate  et  belle  qu'ils 
donnent,  non  seulement  dans  les  tons  noirs,  mais  même  dans  certaines 
teintes  difficiles  à  obtenir  plaisantes,  comme  les  bistres.  Le  grain  pro- 
duit est  très  fin  et  le  modelé  des  images  absolument  complet. 

Les  papiers  Fresson  possèdent  des  qualités  de  même  ordre  ;  ils  se 
font  sur  divers  supports  et  en  des  teintes  très  variées. 

Le  papier  B.  F.  rapide  ressemble  aux  précédents;  il  possède  un 
grain  agréable  et  de  très  beaux  noirs. 

La  surface  de  tous  les  papiers  susnommés  est  d'un  certain  luisant, 
même  dans  les  blancs  où  la  gélatine  subsiste.  Dans  le  papier  «  l'Artis- 
tique »,  le  but  poursuivi  a  été  de  rendre  les  blancs  mats  et  les  noirs 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


très  veloutés.  Ce  but  a  été  atteint  par  Taddition  à  la  gélatine  de  cer- 
tains colloïdes,  et,  grâce  à  la  composition  de  la  couche,  très  chargée  en 
pigment,  l'étendue  de  la  gamme  des  noirs  se  trouve  encore  augmentée  ; 
réclat  des  blancs,  Tintensité  et  la  puissance  des  noirs  fournis  par  ce 
papier  sont  extrêmement  remarquables. 

La  marche  à  suivre  au  cours  du  traitement  de  tous  ces  procédés 
est  la  même  ;  nous  allons  l'exposer  en  insistant  sur  certains  points  et  en 
renvoyant,  pour  le  surplus,  aux  instructions  particulières  contenues 
dans  les  pochettes. 

Sensibilisation.  —  Elle  se  fait  en  principe  par  trempage  dans  une 
solution  de  bichromate  de  potasse  à  2  0/0;  celle-ci  doit  être  fraîche.  En 
faisant  varier  la  force  du  bain  en  bichromate  on  fait  varier  la  sensibilité 
du  papier.  Un  bain  étendu,  dont  la  teneur  en  bichromate  est  abaissée 
à  I  0  0  ou  à  0,5  0/0,  donne  donc  plus  de  latitude  pour  l'évaluation  de 
la  durée  d'exposition,  mais  ne  semble  pas  modifier  sensiblement  le 
caractère  de  l'image. 

Une  précaution  très  utile  pour  certains  papiers,  moins  nécessaire 
pour  d'autres,  consiste  à  plonger  le  papier  dans  l'eau  pure  ou  à  le  passer 
sous  le  robinet,  avant  de  le  soumettre  au  bain  sensibilisateur.  Ceci  évite 
la  production  des  bulles  et  assure  une  sensibilisation  régulière. 

Le  séchage  dans  le  cabinet  noir  est  assez  long.  Si  l'on  est  pressé, 
ou  encore  si,  en  été,  on  ne  dispose  pas  d'eau  fraîche,  on  pourrait  avoir 
recours  à  la  sensibilisation  par  Falcool,  Mais  le  bichromate  de  potasse 
étant  peu  soluble  dans  l'alcool,  la  solution  sensibilisatrice  sera  composée 
en  tout  ou  partie  de  bichromate  d'ammoniaque. 

Faire  une  solution  mère  à  6  0/0,  soit  :  eau  i.ooo,  bichromate 
d'ammoniaque  60  grammes.  Ou  mieux,  pour  avoir  plus  de  fermeté  : 
eau  Kooo,  bichromate  d'ammoniaque  3o  grammes,  bichromate  de 
potasse  3o  grammes,  comme  Ta  indiqué  M,  Briand,  Mélanger  une 
partie  de  cette  solution  à  deux  parties  d'alcool  à  90  degrés.  Ce  mélange 
s'applique  au  pinceau. 

Placer  la  feuille,  couche  en  dessus,  sur  un  support  incliné  et  poreux, 


I  10 


LES  PROCÉDÉS  O'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


JLa^^A  c^^-t'-^'**^  ^^^^  papier  buvard,  pour  empêcher  la  solution  de  se  glisser  sous  la  feuille  ; 
.A       ^  t.   ■     .  r  plonger  un  pinceau  dans  la  solution  alcoolisée  et  le  passer  doucement 

sans  arrêt  sur  la  surface.  Pour  le  papier  Artigue,  il  faut  opérer  d'un  seul 
,     .  ,  o     coup,  par  suite  le  pinceau  doit  être  de  la  largeur  de  la  feuille.  On  peut 

§  s^'^^œ- ^^"^P^^^^'"     pinceau  par  une  bande  de  feutre  ou  de  coton,  serrée  entre 

deux  lames  de  carton  ou  de  zinc. 

Séchage.  —  Le  séchage  s'effectue  dans  le  cabinet  noir  où  Ton  sus- 
<;jv     '  pend  la  feuille  par  un  angle,  en  faisant  adhérer  à  l'angle  opposé  un  frag- 

^    »  ment  de  papier  buvard  ou  de  papier  à  cigarettes.  Cette  opération  doit 

précéder  de  peu  l'exposition  sous  châssis,  le  papier  fraîchement  sensi- 
bilisé se  dépouillant  plus  aisément. 

Exposition  sous  Châssis.  —  La  durée  d'exposition,  mesurée  au 
^c*.t>vALD<ta«>.^'u)wo      photomètre,  dépend  naturellement,  pour  un  papier  donné,  de  l'intensité 

du  cliché  et  du  degré  de  sensibilisation  ;  mais  elle  dépend  aussi,  pour  le 
même  papier,  de  la  couleur  du  pigment  et  de  l'effet  que  l'on  veut  obtenir. 
Si  on  prend  comme  unité  le  temps  d  exposition  correspondant  au 
o»vA(«7&i <^ûyc.x  pigment,  on  multipliera,  en  général,  cette  durée  par  2  :  3  si  le  pigment 

=  est  bleu  ou  violet,  par  3  :  2  s'il  est  bistre  ou  brun,  par  2  ou  3  s'il  est 

^     de  couleur  sanguine. 

Les  variations  de  la  durée  d'exposition  agissent  d'une  façon  nette 
sur  les  valeurs  générales  de  l'épreuve  et  aussi  sur  sa  beauté. 

La  sous-exposition  produit  des  images  plus  monotones,  mais  qui 
b  ^A^^^cîi/vcK^eovHe       seront  souvent  fort  agréables.  Il  est  à  remarquer  que  seuls  les  papiers 
*o  e^jbtX  ^  dépouillement  peuvent  fournir  des  images  à  la  fois  légères  et  d'une 

.  jolie  matière.  Les  papiers  à  impression  directe  ou  à  développement 

'^ç^  ne  permettent  pas,  en  effet,  de  tenir  le  motif  dans  la  gamme  des  gris  ; 

'd*tcei*'Y^'«^  leurs  gris  sont  tristes  et  ne  peuvent  se  comparer  aux  gris  perlés  des 

papiers  à  dépouillement,  qui  possèdent  de  l'éclat  et  de  la  fraîcheur. 
Jl  k'   0«»^tA^2ij^c»^'^  sous-exposition  paraît  moins  à  craindre  ici  que  la  surexposi- 

uz\{îM'  tion.  Une  épreuve  surexposée  risque  fort  d'être  heurtée  et  aura,  sans 

"«^  doute,  une  matière  inférieure  parce  que  trop  fortement  raclée  par 


"TÊTE  D'ÉTUDE" 
PAR  C.  PUYO 

Pl.  XXXV.  Papier  l'Artistique. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


1 1  I 


l'agent  de  dépouillement.  De  plus,  sur  une  telle  épreuve,  Faction  du 
pinceau  sera  peu  aisée,  condamnée  à  être  brutale  pour  être  efficace. 

Ainsi  que  nous  le  disions  plus  haut,  on  ne  saurait  apporter  trop  de 
soin  dans  la  recherche  d'une  exposition  juste. 


{eu 


Dépouillement.  —  La  gélatine  est  personne  sensible;  à  la  brusquer 
on  s'attire  le  châtiment  immédiat  d'un  échec.  Il  faut  lui  laisser  le  temps 
de  se  gonfler  progressivement  en  absorbant  Feau  et  de  distendre  pro- 
gressivement les  mailles  du  filet  qui  emprisonnent  les  grains  de  la  matière 
pigmentaire.  Donc  Tamollir  d'abord  par  un  trempage  dans  une  cuvette 
d'eau  froide  où  elle  abandonnera  le  bichromate,  puis  la  soumettre  à 
l'action  du  bain  chaud.  Pour  cela  deux  méthodes  :  on  peut  plonger  la 
feuille  face  en  dessus  dans  une  cuvette  contenant  de  l'eau  à  la  tempé- 
rature voulue  ;  on  peut,  la  feuille  étant  pendue  à  une  réglette  ou  placée 
sur  une  plaque  d'ébonite,  faire  courir  de  Teau  chaude  à  sa  surface. 
Les  deux  méthodes  semblent  équivalentes. 

Si  Ton  est  pressé  ou,  encore,  si  on  opère  devant  un  public  qu'on 
veuille  éblouir,  il  est  assez  aisé  d'effectuer  le  dépouillement  en  deux  ou 
trois  minutes,  après  une  demi-douzaine  d'arrosages  à  la  sciure.  Pour 
cela  il  suffit  d'user  d'un  bain  à  la  température  extrême  indiquée  par 
l'instruction  et  d'y  laisser  l'épreuve  assez  longtemps,  jusqu'à  ce  que 
l'image  positive  apparaisse  nettement.  Mais  à  opérer  ainsi  on  risque 
des  arrachements  malencontreux  dans  les  clairs  de  l'épreuve. 

Mieux  vaut  user  d'un  bain  à  la  température  inférieure  indiquée 
par  l'instruction,  l'y  laisser  peu  de  temps,  lui  faire  subir  un  premier 
arrosage  à  la  sciure,  puis  à  nouveau  un  court  passage  dans  l'eau  chaude, 
puis  un  arrosage  ;  on  continue  ainsi  en  augmentant  la  température  du 
bain  de  façon  progressive,  si  cela  est  nécessaire,  mais  sans  dépasser  la 
limite  supérieure  fixée,  jusqu'à  ce  que  la  gélatine  cède  à  vos  sollicita- 
tions discrètes  et  répétées.  On  s'aperçoit  qu'elle  cède  :  d'abord,  à  l'ac- 
tion produite  par  la  sciure  ;  ensuite  parce  que  la  surface  de  la  gélatine 
apparaît  comme  nacrée.  A  ce  moment  on  prolonge  l'action  de  la  sciure 
et  l'on  rend  moins  fréquents  les  passages  au  bain  chaud. 


eu,  51 


i5 


î  12 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


r 


Dès  que  le  dépouillement  a  été  suffisant  pour  dégager  l'image,  on 
peut,  par  son  aspect,  par  la  comparaison  entre  les  ombres  et  les  clairs, 
juger  si  l'exposition  a  été  normale,  insuffisante  ou  exagérée.  On  peut, 
d'autre  part,  prendre  des  décisions  sur  la  manière  d'opérer  le  dépouil- 
lement local. 

L'épreuve  est  sous-exposée  si  les  ombres  se  dépouillent  plus  vite 
que  les  clairs  ;  surexposée  dans  le  cas  contraire.  On  trouvera  dans  les 
instructions  la  façon  d'atténuer  de  façon  appréciable  les  conséquences 
de  ces  erreurs,  quand  celles-ci  ne  sont  pas  trop  considérables. 

Il  faut  pour  cela  jouer,  avec  précision,  de  la  température  du  bain, 
car  celle-ci  ne  saurait  varier  que  dans  des  limites  assez  étroites.  Un 
bain  trop  élevé  de  i  ou  2  degrés,  un  séjour  trop  long  de  l'épreuve  dans 
ce  bain  précipitent  le  dépouillement,  mais  amènent  presque  à  coup  sûr 
l'arrachement  des  tons  voisins  du  blanc.  Un  bain  à  température  trop 
basse,  qui  ne  ramollit  pas  suffisamment  la  gélatine  et  conduit  par  suite 
à  prolonger  outre  mesure  Faction  de  frottement  de  la  sciure,  risque  de 
produire  une  image  grenue.  Il  faut  donc  être  sûr  de  son  thermomètre. 

Que  d'insuccès  sont  dus  à  la  simple  négligence  de  l'opérateur  qui 
trop  souvent,  dans  cette  question  capitale  de  la  température,  se  con- 
tente d'un  à  peu  près! 

Dépouillement  local.  —  Le  dépouillement  local  doit  évidemment 
être  un  dépouillement  raisonné.  Le  tirage  préalable  sur  un  papier  quel- 
conque, à  l'albumine,  au  citrate,  au  bromure,  ou,  ce  qui  suffit  à  un  œil 
exercé,  la  seule  inspection  des  détails  du  négatif,  ont  indiqué  à  l'opé- 
rateur les  régions  où  il  convient  de  modifier  les  valeurs. 

Trois  modes,  successivement  employés,  permettent  de  localiser 
l'action  d'une  façon  de  plus  en  plus  serrée,  sur  des  surfaces  de  plus 
en  plus  restreintes  :  la  nappe  de  sciure,  le  choc  du  jet  de  sciure,  le 
pinceau. 

La  nappe  de  sciure  ne  peut  agir  localement  que  sur  de  grandes 
surfaces.  L'opérateur  tient  fermement  la  plaque  de  zinc  ou  d'ébonite 
dans  la  main  gauche,  le  pouce  de  cette  main  fixant  l'épreuve  sur  la 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  Il3 

plaque  et  l'empêchant  de  glisser  ;  la  main  droite  tient  la  cafetière  ver-     "  n 

seuse  ou,  ce  qui  vaut  mieux,  une  simple  casserole  munie  d'un  bec.  Il  *^aJ^s£^  du 

verse  alors  le  contenu  du  récipient,  soit  sur  la  marge  de  Tépreuve,  soit  , 

sur  un  endroit  de  Tépreuve  judicieusement  choisi  à  cause  de  sa  résis-         ^^ajdlc  u^^o 

tance,  ainsi  sur  les  cheveux  d'une  figure,  sur  les  terrains  d'un  paysage.  H 

Il  a  soin  seulement  de  tenir  la  verseuse  très  près  de  la  surface  de         ««^nie*^  ^^AS^^u^ 

l'image,  de  façon  que  le  choc  produit  soit  insensible.  La  main  gauche  éjuic^iJ^  . 

incline  en  même  temps  la  plaque  support,  de  façon  que  la  nappe,  en 

s'écoulant  suivant  la  direction  de  la  plus  grande  pente,  épargne  les 

régions  que  Ton  veut  réserver.  «««t*-  v,  -tV'v».'^: 

Dès  que  les  régions  attaquées  ont  pris  une  avance  au  dépouille- 
ment légèrement  exagérée,  un  passage  rapide  dans  le  bain  chaud,  suivi  ^ 
d'un  arrosage  général,  rétablit  l'harmonie  dans  l'ensemble  des  valeurs.      ^J»^<t»^  ^ii»»-<a^;7 

L'emploi  du  choc,  s'il  est  nécessaire,  doit  accompagner  l'emploi  <i^â^ 
de  la  nappe  et  non  le  suivre.  Il  ne  faut  pas  attendre  pour  donner  aux  b^;7ty%^&tiSZo%^^ 
parties  que  l'on  veut  dépouiller  davantage  une  avance  au  dépouille- 
ment et  l'attaque  locale  doit  commencer  dès  que  l'image  est  sufïisam-  i^w-^^fe-^tv» 
ment  dégagée  pour  qu'on  y  voie  clair.  De  cette  façon  on  se  ménage  la 
possibilité  de  faire  suivre  chaque  action  locale  d'un  arrosage  général  et 
de  conduire  ainsi  l'opération  du  dépouillement  d'une  façon  progressive 
et  sûre  sur  toute  la  surface  de  l'épreuve,  en  assurant  à  tout  moment  la 
justesse  dans  les  relations  des  valeurs. 

Pour  produire  un  choc,  tenir  fermement  la  plaque  support  de  la  ^t«^  JLr^Ls^t?  J 
main  gauche;  de  la  main  droite  amener  le  bec  de  la  verseuse  à  i  ou  "jS    /^v  - 

2  centimètres  au-dessus  de  l'endroit  à  dépouiller,  commencer  à  verser 
doucement,  puis,  dès  que  Ton  est  maître  du  jet,  que  celui-ci  devient 
régulier,  élever  progressivement  le  bec  de  la  verseuse. 

Le  choc  est  un  moyen  dont  il  faut  se  garder  d'abuser;  il  tend  en      W)a?i4,.i.»^  «a^A 
effet,  dans  la  région  frappée,  à  égaliser  les  valeurs,  à  faire  disparaître  QAck^ 
les  accents.  Par  exemple,  à  vouloir  éclaircir  une  figure  par  le  choc,  t^s^xsjrcJf^^^ 
vous  risquez  de  trop  baisser  la  valeur  de  l'œil,  d'anémier  le  trait  qui 
dessine  l'arc  des  lèvres  et  qui  doit  demeurer  ferme.  L'emploi  du  choc 
est  mieux  indiqué  sur  le  fond  d'un  portrait,  sur  les  cheveux,  ou 


114 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


i 


t. 


encore,  dans  un  paysage,  sur  les  lointains  :  dans  toute  région,  en  un 
mot,  où  Ton  veut  baisser  et  en  même  temps  uniformiser  les  valeurs. 

L'action  du  pinceau  est  beaucoup  plus  précise  et  n'offre  aucun 
danger  si  Ton  se  borne  à  l'appliquer  à  des  surfaces  peu  étendues.  On 
réserve  donc  au  pinceau  les  accents  clairs  et  les  raccords.  Ceci  s'effec- 
tuera un  peu  avant  la  fin  du  dépouillement,  au  moment  où  l'on  pos- 
sède encore  la  réserve  de  quelques  arrosages  généraux  dont  l'emploi 
peut  corriger  les  erreurs  et  les  accidents  dus  au  pinceau.  Pour  que 
celui-ci  soit  à  même  d'agir  avec  délicatesse,  car  sa  brutalité  salirait  la 
matière  pigmentaire,  il  faut  que  cette  matière  soit  docile;  elle  le  sera 
si  l'exposition  sous  châssis  a  été  normale.  Il  convient  aussi  de  se  garder 
d'employer  le  pinceau  sec,  sauf  pour  les  petits  accents;  un  mince  ma- 
telas d'eau  couvrant  l'épreuve  fera  le  travail  plus  sûr  et  plus  régulier. 

Montrons  par  quelques  exemples  ce  qu'on  peut  attendre  de  l'emploi 
de  ces  trois  agents  :  nappe  de  sciure,  choc,  pinceau. 

Les  deux  images  de  la  planche  n°  xxxvi  sont  issues  d'un  même  cliché 


qui  n'a  subi  aucun  maqu  Ce  cliché  donne  normalement  une  fiaure 

,X>^i^^U\3i^ -'^^^^^  XTionotono,  d'édairag^e,  sur  fond  uni  d'un  ton  moyen;  les  mains  ont 


T 


même  valeur  que  le  yhage.  Pour  obtenir  l'effet  contrasté  de  la  première 
épreuve,  il  fallait  ménager,  au  cours  du  dépouillement,  la  moitié  de 
droite  du  fond,  le  vêtement  et  les  mains.  L'épreuve  a  été,  tout  d'abord, 
largement  exposée  en  vue  d'augmenter  les  oppositions.  Puis,  dès  le 
commencement  du  dépouillement,  on  a  donné  une  avance  notable  au 
visage  et  au  fond  de  gauche,  en  versant,  sans  choc,  sur  la  figure,  des 
nappes  s'écoulant  par  l'angle  supérieur  gauche.  Le  dépouillement  a  été 
poursuivi  dans  cet  ordre  d'idées.  Avant  qu'il  fût  terminé,  en  vue 
d'augmenter  les  contrastes  du  visage,  le  choc  a  été  employé  sur  le 
front,  la  joue  éclairée,  les  épaules.  Enfin,  le  pinceau  est  intervenu  pour 
faire  les  raccords,  notamment  entre  les  cheveux  et  le  fond,  et  pour 
placer  un  rappel  de  lumière  sur  les  mains. 

Pour  obtenir  l'effet  de  la  seconde  image,  il  fallait  recourir  à  la 
sous-exposition  :  afin  d'avoir  une  figure  monotone;  2°  afin  d'obtenir 
une  matière  peu  ferme  et  obéissant  bien  au  pinceau.  L'épreuve,  sortie 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Il5 


du  châssis,  a  en  outre  ete  légèrement  vouée  au  jour,  durant  une  minute 
environ,  pour  mieux  assurer  la  monotonie  du  visage.  Cela  fait,  au 
cours  du  dépouillement,  le  choc  a  été  continuellement  employé  pour 
baisser  le  fond;  cet  abaissement  du  fond  a  été  paracfi^^  par  des 
touches  franches  du  pinceau.  Enfin,  quelques  touches  du  pinceau 
ont  placé  sur  la  figure  des  reflets  discrets  concordant  avec  l'éclairage  à 
contre-jour. 

Ces  méthodes  permettent  très  aisément,  dans  les  paysages  avec  ou 
sans  figures,  de  ^ote?  les  divers  plans  des  valeurs  respectives  jugées 
convenables  et  de  confirmer  par  là  la  perspective  aérienne.  Ainsi,  sur  le 
cliché  du  Vieux  Berger^  planche  n^  xxxiv,  tout  le  terrain  est  de  même 
valeur.  Mais  il  a  été  facile,  au  cours  du  dépouillement,  de  laisser  au 
premier  plan  une  grande  fermeté,  de  baisser  par  choc  les  arrière-plans. 
Le  pinceau  est  intervenu  pour  aviver  les  lumières,  modeler  le  ciel,  faire 
quelques  raccords,  et  aussi  pour  effacer,  à  Tarrière-plan,  quelques 
moutons  noirs  malencontreusement  placés. 

On  sait  que  trop  souvent  les  clichés  de  paysage  fournissent  un  ciel 
uni,  d'un  ton  clair  uniforme.  Avec  les  papiers  à  dépouillement, 
ménager  un  ciel  est  chose  aisée;  par  là,  on  obtiendra  d'abord  sur 
répreuve  un  ciel  légèrement  teinté  que  Ton  mouvementera  sans  peine 
au  pinceau.  Il  faudra  seulement  le  faire  d'une  façon  discrète  et  se 
garder  de  ces  ciels  si  magnifiques  et  si  vigoureux  dont  on  abuse  et  qui 
sont  bien  la  chose  du  monde  la  plus  désagréable  à  l'œil. 

N'insistons  pas  sur  l'examen  des  planches  n°  xxxn  et  n°  xxxv.  On 
voit  sans  peine  qu'il  a  été  possible,  sur  la  première,  d'accentuer  l'effet  de 
brouillard;  sur  la  seconde,  de  créer  un  dégradé,  de  poser  des  accents 
sur  la  figure  et  de  simplifier  le  vêtement. 

La  planche  n°  xxxvii.  Aubade  Matinale  ^  nous  montre  ce  qu'on 
peut  obtenir  par  l'emploi  du  voile. 

Si  l'on  ajoute  un  même  chiffre  à  chacun  des  deux  termes  d'une 
fraction,  la  valeur  de  cette  fraction  se  rapproche  de  l'unité.  Pareil- 
lement, si  vous  exposez  pendant  quelque  temps  au  jour  une  épreuve 
au  sortir  du  châssis,  vous  ajoutez  une  constante  à  chaque  ton,  vous 


tto  2.. 


Xu 


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eu. 


ii6 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Jl5  <d^-. 


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diminuez  donc  les  contrastes,  les  oppositions  entre  les  tons.  L'emploi 
d'un  tel  moyen  n'est  pas  possible  avec  les  papiers  à  noircissement  direct 
ou  à  développement,  puisque  le  voile  supprime  le  blanc  et  les  tons  voisins 
du  blanc.  Mais  les  papiers  à  dépouillement  permettent  de  rétablir 
les  blancs  où  il  faut.  L'épreuve  gagne  donc  en  douceur  sans  perdre  en 
éclat. 

L'emploi  du  voile  changeant  la  gamme,  ou  plutôt  la  rétrécissant,  vua>,Hoco»-^c^ 
puisqu'au  lieu  d'aller  du  noir  au  blanc,  l'ensemble  des  tons  va,  sur 
une  épreuve  voilée,  du  gris  au  blanc,  l'effet  se  trouve  plus  ou  moins 
radicalement  changé.  D'un  cliché  de  paysage  ensoleillé,  vous  pouvez 
airè^clore  un  paysage  de  brouillard,  donner  aux  figures  quelque 
chose  d'irréel.  L'épreuve  Aubade  Matinale  offre  un  effet  gris  perlé 
que  la  traduction  typographique  rend  de  façon  peu  fidèle.  Pour 
l'obtenir,  le  papier  a  été  exposé  sous  châssis  pendant  une  durée  estimée 
aux  trois  quarts  de  la  durée  d'exposition  normale,  puis  voilé  au  jour 
pendant  une  durée  égale  au  quart  de  cette  même  exposition  normale. 
Au  cours  du  dépouillement,  les  arrière-plans  ont  été  baissés  par  choc; 
puis,  à  la  fin,  les  blancs  ont  été  rétablis  sur  la  figure  et  quelques 
touches  claires  ont  été  placées  dans  les  fonds. 


PAPIERS  A 


LA  GOMME 


ES  papiers  sont  intermédiaires  entre  le  papier  à  la  gomme 
proprement  dit  et  les  papiers  à  base  de  gélatine  dont  nous 
venons  de  parler.  Ils  se  rapprochent  du  premier  par  l'aspect, 
des  seconds  par  le  mode  de  traitement;  pas  plus  que  ces  der- 
niers ils  ne  donnent  de  coulés,  et,  s'ils  sont  plus  rustiques  qu'eux,  ils 
ont  moins  d'éclat. 

Les  plus  répandus  sont  :  le  papier  Farinaud,  le  papier  de  Hôch- 
heimer,  le  papier  pigmenté  «  Deux  Épées  »  ;  le  plus  récent  est  l'Auto- 
Pastel. 

Leur  composition  nous  est  inconnue.  Ils  contiennent  sans  doute 
de  la  gomme,  bien  qu'ils  soient  quasi  insolubles  dans  l'eau  froide  et 
puissent,  au  moins  pour  la  plupart,  être  sensibilisés  dans  les  solutions 
aqueuses  de  bichromate  sans  adjonction  d'alcool.  Contiennent-ils  de  la 
gélatine?  En  tout  cas  les  bains  de  température  élevée,  supérieure  à 
3o  degrés,  ne  semblent  pas  désorganiser  leur  matière. 

Après  ce  que  nous  venons  d'exposer  touchant  le  traitement  des 


ii8 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


^7 


papiers  à  base  de  gélatine,  il  reste  peu  de  chose  à  ajouter  sur  les  papiers 
dits  à  la  gomme;  la  succession  des  opérations  est  la  même. 

Pour  plusieurs  d'entre  eux,  les  instructions  préconisent  l'emploi 
systématique  du  carbonate  de  soude  dans  le  bain  chaud  servant  au 
dépouillement.  Il  est  à  craindre  qu'il  n'y  ait  là  un  danger  au  point  de 
vue  de  la  beauté  de  la  matière  pigmentaire,  le  carbonate  de  soude 
ayant  une  action  désorganisatrice  bien  connue.  Cet  emploi  ne  paraît 
pas  d'ailleurs  indispensable;  l'usage  d'un  bain  de  température  élevée, 
combiné  à  des  arrosages  de  sciure  claire,  peut  suffire,  d'ordinaire,  à 
dépouiller  l'image.  Celle-ci  résiste  bien  au  pinceau  qui  peut  être 
utilisé  franchement,  avec  une  grande  liberté,  et  sur  d'assez  grandes 
surfaces. 

En  résumé,  par  la  simplicité  de  leur  emploi,  ces  papiers,  qui 
n'exigent  point  une  main  aussi  légère  que  les  papiers  précédemment 
étudiés,  peuvent  donner  de  sérieuses  satisfactions  aux  amateurs  et 
méritent  d'être  travaillés  par  eux.  Ils  se  prêtent  aux  effets  légers,  un 
peu  éteints,  plutôt  qu'aux  effets  de  vigueur.  L'impression  nous  reste 
qu'ils  n'ont  pas  encore  atteint  le  degré  de  perfection  dont  ils  sont  sus- 
ceptibles et  qu'ils  doivent  s'améliorer  dans  l'avenir. 


"AUBADE  MATINALE 
PAR  C.  PUYO 

Pl.  XXXVII.  Papier  Artigue. 


^J^^^^    ,  Q^^U^  ^ 


L'OZOTYPE  GÉLATINE 


NTRE  les  deux  procédés  ozotype-gélatine  et  gomme,  le  pre- 
mier offre  moins  de  facilités  que  le  second  au  point  de  vue  des 
modifications  à  apporter  aux  valeurs  de  l'image  pendant  le 
dépouillement.  Si  nous  en  parlons  d'abord,  c'est  pour  res- 
pecter l'ordre  généalogique  car  c'est  l'ozotype  à  la  gélatine  qui  a  donné 
naissance  à  l'autre.  Tous  deux  sont  basés  sur  l'insolubilisation  d'une 
couche  colloïde  par  le  contact  d'une  image  visible  imprimée  sur  papier 
sensibilisé  au  bichromate.  Dans  le  procédé  gélatine  ozotype,  le  véhicule 
du  pigment  est  une  couche  de  gélatine  de  consistance  particulière,  éten- 
due sur  une  feuille  de  papier  qui  ne  lui  sert  que  de  support  momentané. 
Dans  la  gomme  ozotype,  la  couche  de  gomme  pigmentée  est  appliquée 
directement  au  pinceau  sur  l'image  dite  primaire. 

Le  point  de  départ  des  deux  procédés,  l'image  primaire  visible  sur 
papier  bichromaté  —  est  identique.  La  sensibilisation  du  papier  a  lieu  au 
pinceau  ou  au  tampon  et  la  Compagnie  Ozotype  recommande  pour  cet 
usage  la  solution  brevetée  par  elle.  L'impression  est  aussi  rapide  que 
celle  du  platine  et  l'image  doit  offrir  les  mêmes  particularités  qu'avec 

i6 


I2Q 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


ce  procédé.  Elle  n'accusera  donc  que  de  |aibles  détails  dans  les  grandes 


lumières  —  sauf  pour  la  gomme  ozotype  qui  admet  une  impression 
plus  vigoureuse.  Un  lavage  rapide  mais  complet  éliminera  totalement 
le  bichromate  de  toutes  les  parties  non  réduites,  et  l'épreuve  une  fois 
séchée,  deviendra  insensible  au  jour.  Elle  pourra  conserver  pendant 
un  an  et  plus  les  propriétés  latentes  qui  la  distinguent.  Pour  les  réveil- 
ler il  suffit  de  coller  intimement  à  la  surface  de  l'épreuve  un  papier 
(emplâtre  ozotype)  recouvert  d'une  couche  de  gélatine  pigmentée  que 
nous  aurons  ramollie  dans  un  bain  à  12  0/000  d'une  solution  acide, 
dont  voici  la  formule  pour  épreuves  de  négatifs  moyens  : 


Le  bain  devra  être  entre  14  et  20  degrés  centigrades;  l'emplâtre  n'y 
séjournera  que  de  3o  à  40  secondes  —  l'épreuve  cinq  à  six  secondes 
seulement  —  le  temps  de  la  juxtaposer  à  l'emplâtre.  Les  deux  feuilles 
collées  ensemble  sont  enlevées  du  bain  —  leur  adhérence  est  assurée 
par  le  passage  d'une  raclette  en  caoutchouc  et  on  les  suspend  par  un 
coin.  Au  bout  de  3o  à  60  minutes  selon  la  force  du  bain  acide  que  l'on 
peut  faire  varier  d'après  les  degrés  de  vigueur  de  l'image  primaire,  on 
plonge  la  double  feuille  dans  un  bain  d'eau  à  40  ou  46.  Quelques 
secondes  après,  la  gélatine  de  l'emplâtre  sera  suffisamment  ramollie 
pour  qu'on  en  puisse  détacher  le  papier  support.  La  couche  pigmentée 
adhère  maintenant  à  la  feuille  de  Timage  primaire. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  dépouiller  celle-ci  à  l'eau  plus  ou  moins 
chaude  tout  comme  dans  le  procédé  au  charbon.  Mais  la  gélatine  plus 
molle  de  l'ozotype  nous  permet  l'emploi  du  pinceau  ;  des  affusions 
locales  de  solution  d'acide  oxalique  de  différentes  forces,  faciliteront 
encore  le  dépouillement  par  frottement. 

Le  procédé  ne  comporte  que  très  peu  d'aléa,  la  durée  de  la  pose 
pouvant  seule  exercer  une  influence  fâcheuse  sur  la  qualité  de  l'épreuve, 


Solution  de  sulfate  de  cuivre  à  20  0/0 

Acide  acétique  cristallisable  

Glycérine  

Hydroquinone  


100  ce. 


6  — 
5  — 


5  gr. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


121 


or  il  est  aisé  de  surveiller  la  venue  de  celle-ci.  Pour  obtenir  des  résul- 
tats constants  il  suffit  de  se  souvenir  de  la  règle  suivante  commune  aux 
procédés  au  platine  et  à  l'huile  :  la  couleur  et  l'intensité  des  noirs  de 
rimage  ne  doivent  jamais  influencer  le  jugement  de  l'opérateur,  dont 
l'attention  ne  se  portera  que  sur  les  blancs.  Dès  que  les  plus  faibles 
détails  y  auront  fait  leur  apparition,  quel  que  soit  le  degré  d'impression 
du  restant,  l'insolation  devra  être  arrêtée.  Il  se  trouvera  donc  qu'un 
degré  de  pose  correct  donnera,  selon  que  le  cliché  choisi  aura  été  faible 
ou  fort,  une  image  aux  ombres  à  peine  indiquées  ou,  au  contraire,  très 
vigoureuses,  tandis  que  dans  les  deux  cas  les  blancs  seront  pareils. 

Le  résultat  le  plus  désastreux  de  l'excès  de  pose  sera  l'impossibilité 
de  détacher  l'emplâtre  du  papier  définitif.  Ceci  n'arrivera  bien  entendu 
que  dans  les  cas  extrêmes.  Mais  l'élévation  progressive  de  la  tempé- 
rature du  bain  suffira  souvent  à  provoquer  le  ramollissement  de  la 
gélatine.  Autrement  l'épreuve  sera  irrémédiablement  perdue. 

Le  manque  de  pose  se  reconnaît  à  des  symptômes  opposés,  facilité 
exagérée  de  décollage,  coulage  presque  immédiate  de  la  couche,  des- 
truction progressive  des  demi-teintes.  Le  remède  consistera  à  traiter  de 
suite  l'épreuve  à  l'eau  très  fraîche.  Nous  procéderons  ensuite  au  déve- 
loppement avec  un  minimum  de  température. 

Sans  doute  le  procédé  n'offre  pas  les  mêmes  possibilités  d'interven- 
tion que  la  gomme  ;  il  est  plus  sûr  mais  moins  docile  —  ceci  à  cause 
de  sa  couche  gélatineuse,  insoluble  à  la  température  normale.  Mais  il 
en  donne  bien  assez  pour  que  nous  l'ayons  fait  figurer  ici. 

Voici  par  exemple  le  portrait  de  M.  Holland  Day,  page  122. 
Le  fond  original  en  était  entièrement  blanc  ;  on  verra  que  dans  le 
bas,  à  droite,  la  couche  pigmentée  n'a  presque  pas  été  dépouillée 
et  qu'elle  l'a  été,  un  peu  davantage,  en  haut  ;  le  chapeau  n'a  guère 
été  touché  tandis  que  la  figure  a  été  attaquée  à  la  solution  oxalique, 
versée  à  l'endroit  de  la  nuque,  l'épreuve  étant  maintenue  de  côté  dans 
sa  largeur  —  de  sorte  que  le  liquide  s'étendant  en  éventail  a  couvert  la 
face  et  mangé  sur  le  fond,  qu'il  a  suffisamment  amolli  pour  qu'on  puisse 
en  réveiller  la  monotonie  par  quelques  touches  claires.  De  même  au 


I  22 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


point  de  chute  de  la  solution,  derrière  le  cou,  à  côté  du  plus  grand 
noir  du  motif.  Dans  le  masque,  on  a  pu  augmenter  au  pinceau,  par 
enlevés,  les  accents  clairs  trop  faiblement  indiqués  à  l'arcade  sourcilière 
et  sur  l'arête  du  nez,  et  donner  un  peu  de  lumière  aux  cheveux  et  au  col. 

Les  valeurs  de  ce  portrait  à  l'ozotype  ne  ressemblent  en  rien  à 
celles  d'une  épreuve  à  l'argent  du  cliché  original,  qui  a  été  fait  en 
vue  de  la  transformation  que  devait  subir  le  positif.  Nous  croyons 
que  tout  l'intérêt  que  peut  avoir  l'image  définitive  est  dû  à  cette  trans- 
formation. 

Au  point  de  vue  matière,  une  épreuve  à  l'ozotype-gélatine  res- 
semble à  une  épreuve  au  charbon  avec  plus  de  gras,  plus  de  profon- 
deur dans  les  noirs  et  beaucoup  moins  de  sécheresse.  Car  l'insolubi- 
lisation  par  contact  estompe  légèrement  les  contours  et  donne  aux  lignes 
un  certain  fondu.  Les  noirs  conservent  un  brillant  qui  disparaît  une 
fois  l'épreuve  mise  sous  verre  mais  qui  contribue  à  la  profondeur  toute 
spéciale  que  donne  le  procédé  dans  les  ombres  les  plus  opaques. 


" PORTRAIT  DE  MOLLAND  DAY  " 
PAR  R.  DEMACHY 

Pl.  XXXVIII.  OToivne  Gélatine. 


LA  GOMME  OZOTYPE 


A  gomme  ozotype  est  un  dérivé  de  l'ozotype-gélatine.  Les 
premières  opérations  de  ces  deux  procédés  sont  identiques 
jusqu'à  la  pigmentation  de  l'image  primaire.  L'épreuve  est 
alors  rapidement  recouverte  par  badigeonnage  d'un  mélange 
épais  composé  de  dix  parties  d'une  solution  de  gomme  à  5o  o/o  et  de 
cinq  parties  d'une  solution  acide  composée  comme  suit  : 


Eau   loo  ce. 

Sulfate  de  cuivre  pur   lo  gr. 

Hydroquinoiie   2  gr. 

Acide  sulfurique  pur   i  ce. 


On  ajoute  la  quantité  de  pigment  nécessaire. 

Immédiatement  après  l'étendage,  l'épreuve  est  suspendue  dans  un 
endroit  assez  humide  pour  retarder  la  dessiccation  jusqu'au  moment 
fixé.  Elle  est  ensuite  séchée  à  l'air  libre  et  dépouillée  soit  par  flotte- 
ment, soit  par  friction. 


124 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Voilà  le  résumé  du  procédé.  Les  résultats  en  sont  assez  curieux 
pour  que  nous  donnions  ici  quelques  détails  pratiques  sur  son  fonc- 
tionnement. Disons  tout  d'abord  que  la  couche  toute  spéciale  du 
papier  à  la  gomme  ozotype  assure  la  possibilité  d'un  dépouillement 
complet  au  pinceau  tel  que  ne  le  permet  pas  la  gomme  ordinaire  —  et 
que  pour  obtenir  la  solidité  nécessaire  à  ce  genre  de  dépouillement, 
l'image  primaire  devra  être  moitié  plus  imprimée  que  celle  que  nous 
destinons  à  l'ozotype-gélatine.  Mais  le  lavage  en  sera  tout  aussi  abon- 
dant, car  il  est  d'autant  plus  nécessaire  que  les  blancs  restent  blancs. 

Le  mélange  pigmenté  (gomme,  liqueur  acide,  et  couleurs)  sera  de 
consistance  sensiblement  plus  épaisse  que  celui  dont  nous  nous  ser- 
vons pour  la  gomme  ordinaire.  En  somme  le  couchage  doit  toujours 
être  plus  difficile  qu'à  la  gomme,  sous  peine  d'accidents  subséquents. 
En  effet,  nous  avons  reconnu  dans  la  pratique  que  les  couches  qui 
s'étendaient  aisément  et  donnaient  une  belle  surface  lisse  de  suite  après 
l'épandage  s'étoilaient  de  blanc  et  tendaient  à  former  des  coulées  en 
vagues  pendant  la  longue  période  d'humidité  précédant  le  séchage  à  l'air 
libre.  Ces  inégalités  d'épaisseur  ont  bien  entendu  un  fâcheux  effet 
sur  le  dépouillement  de  l'image.  Il  faut  donc  que  la  couche  soit  de 
consistance  assez  ferme  pour  ne  pas  changer  d'état  pendant  la  période 
d'imprégnation,  véritable  période  de  pose,  qui  peut,  nous  le  verrons 
plus  loin,  atteindre  une  durée  de  trois  ou  quatre  heures. 

Nous  conseillons  donc  l'emploi  de  gomme  très  épaisse,  à  5o  o/o 
fraîche.  Une  solution  moins  concentrée  donnerait,  après  l'addition  de 
la  moitié  de  son  volume  de  liqueur  acide,  une  mixture  trop  claire.  Il 
nous  paraît  plus  prudent  de  mesurer  d'abord  la  gomme,  d'y  incorporer 
intimement  le  pigment  et  d'y  ajouter  la  liqueur  acide  par  centimètres 
cubes  en  s'arrêtant  dès  que  la  consistance  voulue  aura  été  atteinte. 
C'est  une  question  de  tâtonnements.  Il  arrivera  donc  que  selon  l'épais- 
seur plus  ou  moins  considérable  de  la  solution  de  gomme  qui  changera, 
à  teneur  égale,  d'après  l'âge  de  cette  solution,  nous  travaillerons  quel- 
quefois avec  :  gomme  3o  —  liqueur  acide  lo  —  (au  lieu  de  i5).  Ceci 
nous  conduira  simplement  à  laisser  un  peu  plus  de  marge  au  séchage. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


125 


L'erreur  possible  ne  sera  pas  grave,  tandis  que  l'insuccès  dû  à  un 
étendage  fait  avec  une  mixture  trop  claire  portera  sur  la  totalité  des 
feuilles  recouvertes  et  sera  sans  remède. 

L'épaisseur  gommeuse  du  mélange  pigmenté  étant  plus  considé- 
rable dans  le  procédé  ozotype  que  dans  la  gomme  bichromatée,  l'éten- 
dage  ne  se  fera  pas  tout  à  fait  de  même.  Nous  emploierons  une  petite 
queue  de  morue  en  soies  de  porc  assez  courtes  et  fermes  et  nous  ne 
changerons  pas  de  brosse  entre  le  badigeonnage  grossier  du  début  et  le 
travail  de  blaireautage  qui  suit.  Le  badigeonnage  se  fera  aussi  rapide- 
ment que  possible  —  puis  nous  reprendrons  du  mélange  sans  perdre 
un  instant  et  nous  égaliserons  de  notre  mieux  —  en  nous  rappelant 
que  l'image  positive  va  être  formée  par  la  couche  de  dessous  —  que 
celle-ci  doit  par  conséquent  couvrir  le  papier  sans  solution  de  conti- 
nuité et  avec  autant  de  cohésion  entre  ses  molécules  qu'il  nous  sera 
possible  d'en  obtenir.  La  couche  de  dessus  que  nous  pouvons  appliquer 
avec  largesse,  ne  fera  qu'apporter  de  l'épaisseur  à  l'image  et  aussi  une 
proportion  utile  de  la  liqueur  réductrice  qui  aide  à  fixer  celle-ci. 

Maintenant  que  l'image  primaire  est  recouverte  de  gomme  pig- 
mentée acide,  il  s'agit  d'empêcher  celle-ci  de  sécher  avant  que  l'inso- 
lubilisation  par  contact  ne  soit  terminée.  Nous  épinglerons  donc 
l'épreuve  tout  de  suite  dans  un  endroit  fermé  et  saturé  d'humidité, 
soit  dans  une  armoire  dans  le  bas  de  laquelle  nous  aurons  mis,  à 
une  vingtaine  de  centimètres  des  épreuves  suspendues,  une  ou  deux 
cuvettes  remplies  d'eau,  soit  dans  une  petite  malle  ou  une  caisse 
quelconque  dans  lesquelles  l'atmosphère  sera  maintenue  dans  un  état 
de  saturation  au  moyen  de  linges  mouillés,  de  feuilles  de  buvard  trem- 
pées dans  de  l'eau  ou  d'épongés  imbibées.  Les  épreuves  n'y  devront 
jamais  séjourner  à  plat;  elles  seront  épinglées  soit  sur  les  parois  de  la 
boîte,  soit  sur  des  lattes  fixées  en  travers. 

Nous  attirons  tout  particulièrement  l'attention  du  lecteur  sur  la 
nécessité  d'une  saturation  complète  de  l'atmosphère  dans  laquelle  seront 
plongées  les  épreuves  fraîchement  pigmentées.  Il  ne  suffit  pas  d'intro- 
duire à  la  fois  cuvettes,  linges  mouillés  et  épreuves  dans  la  malle  ou 


LES  PR0CP:DÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


rarmoire  en  question.  L'intérieur  aura  dû  en  être  saturé  d'ai'atîce,  sous 
peine  de  voir  les  épreuves  se  sécher  normalement  bien  avant  que  l'atmo- 
sphère n'ait  absorbé  la  proportion  d'humidité  nécessaire  pour  maintenir 
les  couches  gommeuses  en  l'état  voulu  pendant  un  temps  indéfini. 

Bien  entendu  la  surface  humide  destinée  à  produire  la  saturation 
devra  être  proportionnelle  au  cubage  d'air  à  saturer.  Nous  avons  vu 
des  épreuves  d'un  étendage  correct  fondre  littéralement  après  avoir 
passé  un  quart  d'heure  à  quatre  centimètres  au-dessus  d'une  cuvette 
remplie  d'eau,  recouverte  d'une  boîte  carrée  de  quarante  centimètres 
de  côté.  Au  contraire,  une  seule  cuvette  18X24,  placée  au  fond  d'une 
armoire  de  dimensions  usuelles,  ne  pourra  suffire  à  entretenir  la  satu- 
ration d'une  aussi  grande  quantité  d'air. 

Rappelons-nous  que  c'est  pendant  le  contact  entre  la  couche 
acide  encore  humide  et  l'image  primaire  que  celle-ci  opère  son  travail 
d'insolubilisation.  Le  phénomène  cesse  dès  que  la  couche  est  sèche.  Il 
s'ensuit  que  le  degré  de  durcissement  de  la  gomme  qui  va  bâtir  l'image 
sera  en  rapport  direct  avec  le  temps  qui  s'écoulera  entre  le  premier 
contact  et  la  dessiccation  —  de  même  que  dans  le  procédé  à  la  gomme 
bichromatée  ce  degré  est  proportionnel  à  la  quantité  de  lumière  reçue 
pendant  le  tirage.  Il  s'ensuit  aussi  de  la  cessation  du  phénomène  par 
séchage  de  la  couche  que  l'action  continuatrice  attribuée  à  d'autres 
procédés  similaires  n'existe  pas  ici  —  et  que  l'image  pigmentée  une  fois 
construite  peut  n'être  dépouillée  que  plusieurs  jours,  peut-être  davan- 
tage, après  dessiccation. 

Bien  entendu  la  nature  de  l'image  primaire  ne  sera  pas  sans 
influence  sur  la  détermination  de  la  durée  à  donner  à  la  période  d'hu- 
midité, qui  sera  en  proportion  inverse  de  celle  de  l'intensité  de  cette 
image.  De  sorte  que  la  faiblesse  de  celle-ci  pourra  se  corriger  en  pro- 
longeant la  station  dans  la  boîte  humide  —  station  qui  sera  au  contraire 
écourtée  dans  le  cas  de  surexposition. 

Le  temps  moyen  de  cette  pose  d'un  nouveau  genre  varie  d'une 
heure  à  trois  heures.  On  peut  exceptionnellement  descendre  à  46  mi- 
nutes et  monter  jusqu'à  quatre  ou  cinq  heures. 


"ÉTUDE  D'ENFANT" 
PAï^  W.  CADBY 

Pl.  XXXÎX.  Platioc. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


127 


Le  manque  total  d'insolubilisation  se  reconnaît  à  une  dissolution 
rapide  de  toute  la  couche  dans  Teau  froide.  —  Un  séchage  plus  lent, 
sans  l'être  encore  assez,  donnera  au  dépouillement  une  faible  image 
négative.  Enfin,  nous  parcourrons,  en  montant,  toutes  les  gammes  de 
solubilité  connues  de  la  gomme  bichromatée,  pour  arriver  à  un  état 
tout  spécial  à  la  gomme  ozotype  et  que  nous  n'avons  jamais  rencontré 
dans  la  gomme  ordinaire.  En  insolubilisant  assez  (deux  heures  à  deux 
heures  et  demie)  pour  que  l'image  ne  se  dépouille  pas  ou  ne  se 
dépouille  que  très  lentement  par  flottement  sur  de  l'eau  froide,  nous 
aurons  formé  une  couche  qui  se  distingue  par  une  adhérence  parfaite 
au  papier  support  et  par  une  facilité  de  dépouillement  par  frottement 
tout  à  fait  remarquable.  Sous  la  caresse  d'un  gros  et  large  pinceau  bien 
fourni  de  poils  fins  et  toujours  imprégné  d'eau,  nous  voyons  les  demi- 
teintes  se  dépouiller  insensiblement  sans  le  moindre  arrachage  de  pig- 
ment et  sans  la  moindre  granulation  de  couche.  Pendant  ce  temps 
l'image  aux  endroits  non  attaqués  ne  change  aucunement  de  valeur. 

C'est  bien  à  cause  de  ce  dépouillement  au  pinceau  presque  idéal 
et  propre  à  la  gomme  ozotype,  que  nous  nous  sommes  appesantis  sur 
un  procédé  dans  lequel  le  gommiste  trouvera  de  grandes  facilités  de 
contrôle  et,  par  conséquent,  de  grands  effets  de  vigueur.  De  plus,  la 
nature  complexe  de  la  gomme  ozotype,  qui  tient  à  la  fois  du  procédé 
à  impression  directe  et  de  celui  à  dépouillement,  nous  permettra  d'uti- 
liser tous  les  négatifs  dont  les  oppositions  seraient  trop  fortes  pour  la 
gomme  ordinaire.  —  C'est  encore  un  avantage. 

Laissons  donc  de  côté  les  épreuves  insolubilisées  à  point  pour  le 
développement  par  flottement,  leur  traitement  sera  pareil  à  celui  que 
nous  avons  indiqué  plus  haut  pour  les  épreuves  à  la  gomme  bichro- 
matée, sauf  pour  le  cas  de  sous-insolubilisation,  dans  lequel  le  coulage 
peut  être  arrêté  en  plongeant  de  suite  l'épreuve,  face  en  dessus,  dans  le 
bain  suivant  : 

Eau   5oo  ce. 

Solution  de  chlorure  de  fer  à  10  0/0  .  .         25  ce. 

Nous  supposons  donc  que  nous  avons  imprimé  et  insolubilisé  en 

17 


138 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


vue  du  développement  au  pinceau.  Cependant,  avant  de  commencer  ce 
dépouillement,  nous  laisserons  tremper  l'épreuve  face  en  dessous  dans 
de  l'eau  froide  jusqu'à  ce  que  l'image  se  dessine  en  relief.  Ce  gonfle- 
ment de  la  gomme  demandera  dix  minutes  ou  une  heure  selon  le  degré 
d'insolubilisation  de  la  couche.  L'eau  tiède  ou  chaude,  employée  très 
prudemment,  abrégera  notablement  cette  période  d'attente.  Et  nous 
aurons  de  nouveau  recours  à  une  station  plus  ou  moins  prolongée  dans 
le  bain  chaque  fois  que  nous  remarquerons  que  le  passage  délicat  du 
pinceau  dans  les  coins  les  moins  importants  de  l'épreuve  laisse  ici  et  là 
des  épaisseurs  encore  coagulées  qui,  si  nous  insistions  davantage,  for- 
meraient, en  dérobant  la  partie  qu'elles  protègent  à  l'action  du  pinceau, 
des  différences  de  valeur  fâcheuses.  Car  ici  l'insolubilisation  est  partie 
du  papier  même,  en  remontant  ;  par  conséquent,  avant  d'arriver  à 
l'image  qui  sera  dépouillée  localement,  il  nous  faudra  nous  débarrasser 
mécaniquement  de  toute  l'épaisseur  sans  intérêt  qui  n'a  pas  participé 
directement  à  la  construction  de  l'image. 

Le  dépouillement  local  au  pinceau  ne  sera  donc  entamé  que  lorsque 
cette  image  entière  sera  dégagée,  couverte  cependant  d'un  voile  terreux 
et  uniforme.  Elle  paraîtra  grise  et  monotone,  mais  il  suffira  d'un  seul 
coup  de  brosse  sur  une  grande  lumière  pour  créer  subitement  par  con- 
traste une  intensité  de  noirs  qui  nous  rassurera  sur  l'étendue  de  la 
gamme  de  valeurs  que  le  procédé  nous  octroie. 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  la  couche  de  gomme  ozotype, 
soit  à  cause  de  l'insolubilisation  par  en  dessous,  soit  à  cause  de  la  mo- 
dification apportée  à  la  nature  de  la  gomme  par  la  présence  de  l'acide 
sulfurique,  se  montre,  dans  certaines  conditions  de  pose,  d'une  docilité 
inconnue  jusqu'ici  et  qui  persistera  tant  que  l'épreuve  restera  franche- 
ment mouillée.  Le  dépouillement  au  pinceau  peut  donc  se  faire  en 
toute  tranquillité;  l'opérateur  a  le  temps  voulu  pour  juger  de  la  jus- 
tesse de  relation  des  valeurs  qu'il  est  en  train  d'établir  et  pour  décou- 
vrir l'effet  que  l'obéissance  passive  de  la  couche  lui  permet  de  créer 
à  volonté.  Les  réserves  par  arrêt  de  dépouillement  sont,  avec  ce  pro- 
cédé, d'une  telle  facilité  d'exécution  que  nous  avons  pu  développer 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


129 


correctement,  comme  démonstration,  la  moitié  d'une  épreuve,  en  lais- 
sant l'autre  moitié  totalement  enterrée. 

Une  fois  séchée,  l'épreuve  à  l'ozotype  garde,  à  un  beaucoup  plus 
haut  degré  que  celle  à  la  gomme  pure,  la  faculté  de  se  gonfler  à  nou- 
veau dans  de  l'eau  froide  ou  tiède  et  de  retrouver  presque  intégrale- 
ment la  mollesse  primitive  de  sa  couche.  A  tel  point  que  nous  avons 
vu  certaines  épreuves  bien  séchées,  un  peu  sous-exposées  il  est  vrai, 
couler  très  fâcheusement  après  un  séjour  de  dix  minutes  dans  un  bain 
d'eau  froide. 

Ceci  permet,  dans  de  meilleures  conditions  qu'avec  la  gomme 
ordinaire,  une  reprise  de  développement  local.  Cependant  nous  ne 
trouvons  jamais,  dans  les  demi-teintes,  lors  d'une  seconde  intervention 
la  même  délicatesse  que  nous  donne  le  dépouillement  normal.  Mais 
les  accents  clairs  faits  au  pinceau  dur  ou  au  grattoir  produiront  des 
blancs  d'une  pureté  parfaite  sans  aucune  éraflure  du  papier. 

La  matière  d'une  épreuve  à  la  gomme  ozotype  développée  au  pin- 
ceau est  plaisante.  Elle  participe  au  gras  de  l'ozotype-gélatine  auquel 
vient  se  joindre  un  certain  fondu  qui  se  rapproche  de  celui  que  nous 
trouvons  dans  la  gomme  ordinaire. 

Bien  entendu  nous  pouvons  provoquer  tous  les  coulés  que  nous 
voulons,  en  posant  moins,  mais  nous  entrons  alors  en  lutte  avec  la 
gomme  pure  dans  ce  qu'elle  a  de  meilleur,  et  l'avantage  du  pro- 
cédé ozotype  devient  tout  de  suite  discutable.  C'est  pourquoi  nous  ne 
parlons  ici  que  de  l'épreuve  ozotype  exposée  spécialement  pour  le 
développement  au  pinceau.  On  peut  lui  reprocher  au  premier  abord 
un  luisant  un  peu  exagéré  dans  les  parties  chargées  de  pigment,  mais 
le  passage  dans  un  bain  d'alcool  méthylique  diminue  considérablement 
ce  brillant  qui  s'atténue  encore  par  les  frottements  inévitables  auxquels 
toute  épreuve  est  soumise  dans  le  cours  de  son  existence. 

L'épreuve  Moutons  dans  la  lande,  que  nous  donnons  comme  spé- 
cimen page  i3o,  a  été  entièrement  dépouillée  au  pinceau.  Elle  a  subi 
quelques  modifications  importantes  au  cours  du  dépouillement. 

Une  fois  dégagée  de  la  couche  supérieure,  l'image  parut  plus  terne 


i3o 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


encore  que  le  document  imprimé  à  l'argent  qui  nous  servait  de  guide. 
Mais  la  première  attaque  au  pinceau,  sur  la  toison  des  moutons,  révéla 
de  suite  la  possibilité  des  contrastes  un  peu  violents  que  nécessitait 
rinterprétation  de  ce  coin  rude  et  âpre  de  Bretagne.  Tout  le  premier 
plan,  dont  la  tonalité  très  sombre  enterrait  le  motif  des  moutons,  fut 
radicalement  éclairci  et  simplifié  à  la  brosse  d'huile  en  soies  de  porc, 
pour  exagérer  (contre  les  règles  peut-être)  la  noirceur  un  peu  sinistre 
du  bloc  erratique  du  second  plan  qui  nous  avait  frappés  dans  la  nature. 
En  somme,  la  souplesse  du  procédé  a  permis  d'accentuer  les  trois  taches 
blanches  des  moutons  et,  par  contraste,  la  tache  noire  des  rochers,  de 
faire  se  détacher  les  blancs  sur  des  noirs  et  les  noirs  sur  des  blancs 
simplifiés.  Ceci  suffit,  croyons-nous,  à  faire  pressentir  Tavenir  d'un 
procédé  qui,  nous  le  répétons,  offre  dans  certaines  conditions,  faciles 
à  obtenir,  une  plasticité  de  couche  très  spéciale  et  partant  une  remar- 
quable liberté  d'intervention. 


DANS  LA  LANDE 
PAR  R.  DBMACHY 

Pl.  XL,  Gomme  Ozotype. 


DEUXIÈME  PARTIE 

\  \  \ 


PROCÉDÉS  DIVERS 


PROCÉDÉ  RAWLINS 

AUX  ENCRES  GRASSES 


E  procédé  inconnu  jusqu'ici  en  France  mérite  cependant  à 
plus  d'un  titre  d'être  compté  parmi  les  procédés  d'art.  Il  doit 
nous  séduire  par  la  grande  liberté  d'interprétation  qu'il  nous 
confère  et  nous  intéresser  par  la  nouveauté  presque  décon- 
certante de  sa  pratique. 

En  effet,  l'apparition  de  l'image  n'a  pas  lieu  par  dépouillement  ni 
par  développement  chimique  ;  le  pigment  qui  la  forme  est  appliqué 
localement  par  la  main  même  de  l'opérateur  qui  surcharge  où  il  veut 
et,  s'il  s'est  trompé  dans  son  effet,  enlève  ce  qu'il  vient  de  mettre  au 
pinceau  ou  à  l'éponge  mouillés. 

Voici,  en  deux  mots,  le  résumé  du  procédé  que  nous  expliquerons 
ensuite  en  détail. 

Une  feuille  de  papier  recouvert  de  gélatine  est  sensibilisée  au 
bichromate,  séchée  à  l'obscurité,  insolée  sous  un  négatif,  puis  abon- 
damment lavée.  Il  en  résulte  une  faible  image  en  relief  pareille  à  celle 
de  la  photocollographie.  Cette  planche,  ce  n'est  pas  autre  chose,  est 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


encrée  à  la  main,  au  pinceau.  Ses  parties  insolubles,  correspondant 
aux  transparences  du  négatif,  prennent  Fencre,  Les  autres,  imbibées 
d'eau,  la  repoussent,  et  l'image  apparaît. 

Un  instant  de  réflexion  nous  fera  comprendre  l'étendue  du  contrôle 
^      ^       que  peut  exercer  l'opérateur  en  face  de  cette  feuille  de  papier  blanc 
J  1  J  .         j      dont  les  reliefs  de  gélatine  forment  un  dessin  correct,  reçoivent  la 
quantité  de  pigment  qu'on  veut  leur  donner  et  l'abandonnent  à  volonté. 

Après  de  nombreux  essais  portant  sur  la  qualité  et  l'épaisseur  de 
la  gélatine  à  employer,  M.  Rawlins  est  parvenu  à  livrer  un  papier 
j  couché  d'une  résistance  suffisante.  Ce  papier  est  sensibilisé  par  immer- 

.)  ]o  l\%vwrv»w«     sion  dans  un  bain  de  bichromate  de  potasse  à  5  o/o.  Il  y  séjourne  jus- 
Tu.co^mvvtvv'ïw  (L\  JM((v3Wqu'à  ce  que  la  feuille  soit  bien  ramollie  et  dégraissée,  puis  on  le  sèche 
^s^-^'v^j      rapidement  dans  un  endroit  obscur.  Un  bain  de  bichromate  à  lo  o/o 
l-  '1.  . ,   permet  d'utiliser  les  négatifs  très  durs.  Dilué  à  2  1/2  0/0,  le  bain  con- 
viendra aux  négatifs  faibles. 
^-^■^Auvi    M-  ->v.t  icu  papier  sensible  ne  se  conserve  guère  plus  de  deux  jours;  nous 

h..r  -     ^(ùtiA.  ivilb  fl^'ot.o^  préférons  l'employer  de  suite.  Il  est  très  sensible  à  la  lumière  et 

n'exige,  avec  un  cliché  léger,  qu'un  demi-degré  Artigue  de  pose,  soit 
p««Na(iL)À  1-,  «hiMiJi^         deux  minutes  et  demie  environ  par  un  beau  temps  d'été.  Les  clichés 
£iw«-wr  denses  demanderont  un  et  deux  degrés  dans  les  mêmes  conditions. 

L'image  brun  pâle  se  voit  distinctement.  Elle  ne  doit  être  poussée  que 
'mXiv4tï  uJji      ifci.-''    jusqu'à  l'apparition  de  faibles  détails  dans  les  grandes  lumières. 

^vi,  û^An  .  Nous  avons  inauguré  avec  un  plein  succès  la  sensibilisation  faite 

au  pinceau  avec  une  solution  alcoolique  de  bichromate  d'ammoniaque 
comme  suit  : 

)vw\wv|ft.  Solution  de  Réserve 

V  _  Eau   100  ce.  )) 

Bichromate  d'ammoniaque   5  gr.  »  ^ 

-1 Carbonate  de  soude   o  —  5  ^o■^^<-^  • 

prendre  pour  l'usage  5  centimètres  cubes  de  la  solution  ci-dessus  et  y 
ajouter  10  centimètres  cubes  d'alcool  à  90  degrés,  quantité  suffisante 
pour  couvrir  quatre  feuilles  19X25. 
><'  ><u^  (u^c  c^^v4.w  Cette  variante  comporte  plusieurs  avantages  :  le  séchage  se  fait  en 


ÉTUDE 

PAR  G.  RAWLINS 

Pl.  XLI.  Procédé  aux  Encres  grasses. 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


l35 


quinze  minutes  environ  au  lieu  de  cinq  à  six  heures  ;  le  lavage  qui  suit 
l'insolation  ne  porte  plus  que  sur  le  côté  gélatine  du  papier  et  peut  se 
terminer  à  Teau  tiède  en  une  demi-heure  au  lieu  de  trois  à  quatre 
heures;  enfin  la  gélatine,  légèrement  durcie  par  Talcool,  donne  un  re- 
lief plus  solide. 

Quel  que  soit  le  mode  de  sensibilisation  adopté,  l'épreuve  devra 
être  lavée  après  insolation  jusqu'à  ce  que  l'image  soit  invisible  ou  à 
peu  près  et  que  l'eau  du  bain  ne  se  teinte  plus  en  jaune. 

Après  ceci,  Tépreuve  pourra  être  pigmentée  de  suite  après  épon- 
geage entre  deux  feuilles  de  buvard,  ou  séchée  et  mise  de  côté.  Dans 
ce  cas,  il  faudra,  avant  la  pigmentation,  faire  gonfler  à  nouveau  la  géla- 
tine en  laissant  l'épreuve  tremper  pendant  deux  heures  au  moins  dans 
de  l'eau  froide. 

M.  Rawlins  prépare  des  pigments  spéciaux  pour  son  procédé.  On 
prend  gros  comme  un  pois  de  cette  couleur  épaisse  et  on  l'étend  bien 
également  sur  une  petite  plaque  de  verre  ou  de  porcelaine.  Il  faut 
mouiller  maintenant  quatre  ou  cinq  feuilles  de  gros  papier  buvard  et 
les  appliquer  bien  à  plat  sur  une  glace  qui  nous  servira  de  pupitre  à 
développement,  nous  étendons  sur  ce  matelas  humide  notre  épreuve  en 
relief  et  avec  un  pinceau  pochoir  fin,  dans  le  genre  de  ceux  des  peintres 
sur  porcelaine,  imprégné  d\m  minimum  du  pigment  pris  sur  la  palette, 
nous  attaquons  les  ombres  de  l'image  par  petits  coups  légers  et  préci- 
pités, perpendiculaires  à  la  surface.  Il  y  a  là  un  tour  de  main  qui  s'ap- 
prend vite.  Sous  les  chocs  répétés  du  pochoir  chargé  de  pigment  l'image 
se  dessine.  A  mesure  que  le  pigment  s'épuise,  nous  en  reprenons  sur  la 
palette,  mais  toujours  par  petites  quantités  à  la  fois,  et  nous  couvrons 
peu  à  peu  toute  l'étendue  de  l'épreuve.  Ce  premier  encrage  donnera  un 
grain  très  perceptible,  grossier  même  si  le  pochoir  a  pris  trop  de  cou- 
leur à  la  fois,  mais  à  mesure  que  le  travail  avance,  le  pigment  s'écrase 
et  le  grain  s'affine  de  plus  en  plus. 

Une  fois  l'image  faiblement  révélée,  l'opérateur  pourra  juger  des 
modifications  à  y  apporter.  Contrairement  à  ce  qui  a  lieu  dans  les 
procédés  de  dépouillement,  il  peut  ajouter  de  la  couleur  ou  en  enlever 


f 


l 


i36 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


-    ^     .vt.--..'  —       ajouter  en  forçant  l'encrage  au  pochoir,  —  en  enlever  en  se 

'        '         servant  de  pinceaux  de  martre  de  différentes  tailles  bien  secs  et  bien 
licuM'ct  propres,  qu'il  passera  ?-apidemefit  sur  les  endroits  à  éclaircir.  —  Nous 

V  ^   \  ^  insistons  sur  la  rapidité  du  mouvement  car  le  passage  lent  et  traîné  du 

pinceau  foncera  davantage  la  couleur  de  l'endroit  qu'on  désirerait 
baisser  de  ton. 

P  Notons  que  le  degré  d'épaisseur  du  pigment  gras  exerce  une  influence 

UnAAv^Éiui..^  YlVfx^nA.u       considérable  sur  la  qualité  de  l'épreuve.  La  pâte  fournie  par  M.  Rawlins 

^*H,<^^^R^s>  iv^»v,        donnc  d'excellents  résultats  à  une   température  moyenne  de  i8  à  -jù,'^ 
c«  "ituwwvx^^       '        25  degrés,  mais  en  hiver  il  est  souvent  nécessaire  de  la  diluer  avec  la 
Uf>u.^  w  fUMA»^  .        liqueur  appelée  Thinning  Médium.  Il  en  faut  une  goutte  pour  une 

quantité  de  pigment  de  la  grosseur  d'un  pois. 
'       {Ir.  ^l-  L'encre  de  taille-douce  ordinaire,  excellente  pour  les  images  à 

,,vtuy(2,v  icr^t        ^w(lle^vv.vc  contrastes  vigoureux,  demande,  pour  des  épreuves  moyennes,  à  être 

épaissie  par  mélange  avec  de  l'encre  machine  pour  lithographie.  Pure, 
elle  donne  dans  tous  les  cas  de  très  bons  résultats  pour  lencrage  des 
ciels.  La  sanguine,  la  terre  de  Sienne  brûlée  et  le  brun  Van  Dyck  taille- 
douce  conviennent  à  la  plupart  des  reliefs. 
-        ^  ^  L'épreuve,  une  fois  terminée,  est  épinglée  dans  un  endroit  sec.  La 

^     \   ^.  gélatine  sèche  en  deux  ou  trois  heures;  l'image  grasse  en  douze  ou 

vingt-quatre  heures,  selon  son  épaisseur. 

En  dehors  de  l'excellent  papier  fourni  par  M.  Rawlins,  nous  avons  '^'^^H-' H- 
obtenu  des  images  de  caractère  un  peu  différent,  mais  de  nature   ,r  ,  iT  î"''<^ 

^  '  «.en  tto-v^-v. 

^^^^  ,  agréable  sur  le  papier  double  transfert  anglais  T.  L  C,  marque  «  Fer  i 

à  cheval  »,  n°M 00,  118  et  125.        ^»JU.;^^...^vV^.  N 

Les  insuccès  possibles,  en  dehors  de  ceux  qui  proviennent  d'une 
Pto^o..  f  "''^^^  encore  hésitante,  ne  sauront  être  attribués  qu'à  une  erreur  de 

pose  ou  à  l'usage  d'une  encre  mal  appropriée  à  la  nature  du  relief. 
L'excès  dè  pose  se  reconnaît  à  l'absence  de  contrastes  et,  dans  les  cas 
{l^J^\^on^.■^l  surexposition  complète,  à  l'encrage  total  de  l'image;  la  sous-expo- 

\  sition,  à  l'impossibilité  de  faire  prendre  l'encre  sur  les  parties  claires. 

Quant  à  la  question  encre,  il  suffit  de  se  souvenir  que  l'encre  fluide 
■  '  "  '^  tend  à  diminuer  les  oppositions,  l'encre  épaisse  à  les  exagérer. 


LES  PROCÈDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Nous  avons  eu  entre  les  mains  une  épreuve  au  bromure  du  cliché 
de  M.  Rawlins  qui  a  fourni  l'exemple  de  son  procédé,  page  i32.  Cette 
épreuve  avait  de  sérieux  défauts.  L'ombre  portée  du  chapeau  et  la 
masse  d'ombre  à  droite  étaient  grises  et  enterrées.  Par  contre,  l'éclai- 
rage heurté  delà  figure  en  accentuait  violemment  les  traits.  M.  Rawlins, 
en  insistant  sur  l'encrage  des  ombres,  leur  a  restitué  le  gras  et  la  pro- 
fondeur qui  leur  manquaient.  Il  a  fondu  le  modèle  de  la  face  et 
largement  simplifié  les  plis  compliqués  de  la  robe.  Sur  d'autres  motifs 
les  interventions  pourraient  être  poussées  plus  loin  encore.  Celui-ci 
suffit  à  démontrer  le  puissant  intérêt  d'un  procédé  qui  réunit  les 
avantages  du  dépouillement  et  du  développement.  Sa  matière  en  est 
agréable,  mate  et  grasse  et  tous  les  tons  sont  à  la  disposition  de  l'opé- 
rateur. Nous  espérons  même  que  la  facilité  que  donne  l'encrage  localisé 
du  procédé  permettra  d'intéressants  essais  en  plusieurs  couleurs.  Mais 
déjà  le  nouveau  traitement  de  l'épreuve  monochrome  nous  ouvre  des 
horizons  pleins  de  promesses. 


LE  PLATINE 


1 


,  .j'a^  i^l  ^  vv.ifeiitet' 


E  procédé  au  platine  a  présidé  à  Téclosion  du  mouvement 
1^  d'art  en  photographie.  A  cette  époque  déjà  lointaine,  les 
papiers  albuminés  et  les  premiers  échantillons  de  gélatino- 
chlorure brillant  se  disputaient  la  clientèle  des  amateurs.  Les 
tons  scpia  étaient  à  Tordre  du  jour.  Une  réaction  s'ensuivit  parmi  les 
gens  de  goût  qui  recherchèrent  une  surface  plus  mate  et  des  tonalités 
froides  se  rapprochant  davantage  de  celles  de  l'eau-forte.  Le  platine 
remplissait  alors  ces  desiderata  et  promettait,  de  plus,  une  permanence 
d'image  inconnue  jusqu'alors. 

Mais  le  progrès  artistique  ne  dépassait  guère  l'obtention  de  noirs 
plus  puissants  à  l'œil  et  d'une  fraîcheur  de  papier  blanc  débarrassé  des 
matières  étrangères  qui  venaient  dans  d'autres  procédés  altérer  la  fleur 
de  la  fibre.  C'était  déjà  beaucoup  pour  l'époque,  et  nous  voyons 
encore  des  photographes  artistes  se  contenter  du  mécanisme  un  peu 
étroit  du  développement  rapide  à  l'oxalate  pur  en  faveur  du  joli  aspect 
laiteux  dont  jouit  une  épreuve  claire  sur  platine.  D'autres,  au  con- 
traire, comme  M.  Holland  Day,  au  moment  de  la  naissance  de  l'école 


"FANTAISIE'* 

Par  M"*  Q.  kASEBÏER 

Pl.  XLII,  PlatJii!. 


LES  PROCEDES  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


'•■'9 


pictoriale  américaine,  réagirent  une  seconde  fois,  s'insurgèrent  contre 
la  franchise  de  l'image  blanche  et  noire  et  demandèrent  à  des  papiers 
jaunis  par  Thumidité  une  patine  d'antique  parchemin.  Ce  fut  le  début 
de  la  période  sombre  et  de  la  proscription  du  blanc;  de  véritables 
«  corners  »  se  firent  sur  le  papier  moisi,  et  les  feuilles  de  rebut  des 
professionnels  acquirent  auprès  des  amateurs  une  valeur  de  fantaisie. 

Nous  ne  devrons  pas  exiger  du  papier  au  platine  des  qualités 
semblables  à  celles  des  papiers  à  dépouillement.  Le  procédé  excelle 
surtout  dans  le  rendu  des  effets  clairs,  motifs  à  étoffes  blanches,  paysages 
aux  tons  cendrés.  Les  noirs  peuvent  être  intenses,  ils  sont  rarement 
profonds  comme  ceux  de  la  gomme,  du  papier  Fresson  ou  du  procédé 
à  l'huile.  Développée  par  immersion,  en  une  ou  deux  minutes,  Fépreuve 
au  platine  n'admet  aucun  autre  contrôle  que  celui  qui  consiste  à  modifier 
d'avance  la  composition  du  bain  dans  le  but  d'exagérer  ou  de  diminuer 
les  oppositions  de  l'image.  Mais  il  nous  est  venu  d'Amérique  une 
méthode  de  développement  par  réserves  qui  permet  d'appliquer  locale- 
ment le  réducteur,  méthode  qui  donne  au  tirage  au  platine  une  place 
honorable  parmi  les  procédés  d'art  de  la  photographie. 

Nos  lecteurs  savent  déjà  que  l'impression  du  papier  au  platine  se 
fait  à  la  lumière  diffuse  jusqu'à  l'apparition  d'une  faible  image  qui  ne 
prendra  sa  vigueur  définitive  que  par  un  développement  ultérieur  dans 
un  bain  d'oxalate  de  potasse.  Mais  la  méthode  dont  nous  parlons 
consiste  à  couvrir  l'épreuve,  au  sortir  du  châssis,  d'une  couche  protec- 
trice de  glycérine  pure.  L'excès  en  est  enlevé  par  tamponnement  au 
moyen  de  papier  buvard  exempt  de  peluches.  L'image,  en  partie  latente, 
est  donc  à  l'abri  immédiat  du  développateur;  mais  il  est  évident  qu'une 
légère  insistance  de  la  part  d'un  pinceau  chargé  de  liqueur  oxalique 
pourra  dissoudre  à  l'endroit  du  frottement  la  couche  superficielle  de 
glycérine  tandis  que  le  simple  contact  de  cette  solution  sur  les  bords  des 
portions  avoisinantes  ne  suffira  pas  à  dissoudre  celles-ci.  La  portion 
attaquée  sera  donc  seule  à  subir  l'action  réductrice  et  seule  se  déve- 
loppera. Le  principe  est  simple,  la  pratique  en  est  un  peu  plus  compli- 
quée. En  effet,  on  a  trouvé  par  expérience  qu'il  y  avait  avantage  à 


'lie  c:<?v4n*( 


lu,, . 


140 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


retarder  Teffet  trop  rapide  de  la  solution  développatrice,  et  c'est  aussi 
par  l'adjonction  de  glycérine  qu'on  arrive  à  ce  résultat.  De  là  à  se  servir 
pour  développer  au  pinceau  de  solutions  séparées,  plus  ou  moins 
chargées  de  retardateur,  et  sans  imbibition  préalable  de  l'épreuve  à  la 
glycérine,  il  n'y  a  qu'un  pas. 

Deux  systèmes  se  présentent  donc  :  le  premier  consiste  à  protéger 
l'épreuve  tout  entière  par  une  couche  de  glycérine  pure  et  à  se  servir 
de  ce  matelas,  quasi  inerte,  pour  supprimer  par  absence  de  dévelop- 
pement toutes  les  parties  inutiles  de  l'image;  c'est  ainsi  que  se  font  les 
compositions  dégradées  en  vignette,  les  têtes  jetées  sur  un  papier  blanc 
avec  la  simple  indication  d'une  attache  de  cou  ou  d'une  ligne  d'épaule. 
Tandis  que  dans  la  seconde  méthode  l'opérateur  joue  des  différents 
godets  remplis  de  développateur  plus  ou  moins  dilué  de  glycérine,  il 
fait  d'abord  paraître  une  image  faible  qui  le  guide,  puis  il  donne  une 
touche  ici  ou  là,  choisit  le  pinceau  chargé  de  réducteur  plus  ou  moins 
concentré,  observe  la  relation  changeante  des  valeurs,  corrige  et 
accentue. 

Ce  travail  est  délicat,  car  l'effet  de  la  touche  est  acquis  et  irrémé- 
diable, la  bavure  est  fréquente  et  l'accent  circonscrit  bien  difficile  à 
réussir.  Cependant  nous  avons  vu  de  M.  Stieglitz,  de  M'"''  Kàsebier, 
de  M.  Keiley  et  de  quelques  autres  artistes  des  exemples  fort  beaux  de 
ce  genre  de  développement. 

Il  en  existe  un  troisième  qui  dérive  de  ce  dernier  et  qui  rappelle 
un  peu  la  pratique  des  réserves  au  vernis  de  l'eau  forte.  En  effet,  de 
même  que  l'aquafortiste  donne  une  morsure  locale  à  sa  plaque  de 
cuivre  en  protégeant  le  reste  d'une  couche  de  vernis  imperméable,  le 
photographe  peut  couvrir  les  endroits  de  son  image  qu'il  désire  retarder 
avec  un  mélange  de  quatre  parties  de  développateur  pour  une  partie  de 
glycérine  et  plonger  l'épreuve  dans  le  bain  normal.  Une  réserve  plus 
complète  se  fera  en  se  servant  de  glycérine  pure.  Dès  que  la  portion 
non  protégée  de  l'image  est  montée  au  degré  voulu,  la  glycérine  est 
enlevée  au  pinceau  mouillé  et  l'épreuve  est  de  nouveau  passée  dans  le 
bain  ou  bien  fixée  à  l'acide  dans  le  cas  où  la  réserve  doit  être  définitive. 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE  I41 

Le  système  de  développement  local  à  la  glycérine  permet  encore 
de  colorer  en  un  ton  de  chair  approximatif  le  visage  du  modèle  au 
moyen  d'une  solution  normale  d'oxalate  de  potasse  additionnée  en 
quantité  variable  d'une  solution  de  bichlorure  de  mercure  à  cinq  pour 
cent.  Pour  éviter  tout  danger  de  bavure,  la  couche  glycérinée  doit  être 
épaisse.  Le  reste  de  l'image  subira  localement  le  développement  à 
l'oxalate  pur  qui  donnera  le  ton  gris  ou  noir  habituel.  M.  Stieglitz  a  su 
tirer  de  cette  variante  du  procédé  des  effets  fort  agréables. 

Nous  donnons  ici  deux  exemples  de  tirage  aux  sels  de  platine.  La 
planche  n°  xlii  —  tête  de  femme  —  par  M""'  Gertrude  Kàsebier,  a 
été  développée  à  la  glycérine;  on  voit  distinctement  que  la  tête  seule  a 
été  soumise  à  l'action  de  la  solution  oxalique.  Le  buste  n'est  même  pas 
indiqué.  Et  il  semble  évident  que  les  volutes  qui  représentent  les  bouts 
flottants  du  voile  sont,  en  réalité,  prises  sur  le  fond  et  n'existent  pas 
dans  cette  forme  ou  cette  direction  dans  le  cliché  original.  Il  est  à 
remarquer  combien  la  transparence  de  la  mousseline  de  soie  a  été 
délicatement  conservée  autour  des  cheveux  et  du  visage. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

Pages. 

AV AN T- PROPOS  .    I 

L'Interprétation   i 

La  Beauté  de  la  Matière  pigmentaire   7 

Fleur  ou  Veloiitc   10 

Transparence  et  Profondeur   11 

Puissance,  Vigueur,  Intensité   i3 

Le  Négatif   17 

PREMIÈRE  PARTIE 

LES  PROCÉDÉS  PAR  DÉPOUILLEMENT 

Généralités   33 

LE  PROCÉDÉ  A  LA  GOMME 

Théorie  du  Procédé   41 

Le  Matériel   49 

Solution  sensibilisatrice   5 1 

Les  Papiers   53 

Pinceaux   54 

Les  Pigments  colorés   55 

Photomètres   57 

Accessoires  divers   5 9 

19 


144  LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 

Pages. 

Préparation  et  dépouillement  du  papier   6i 

Préparation  du  mélange   6 1 

Méthode  d'essai   64 

Couchage  de  la  feuille   65 

Séchage   67 

Exposition  sous  châssis   67 

Mise  à  Veau  du  papier  impressionné   68 

Observations  pratiques   70 

Développement  local  et  Retouches   76 

Analyse  des  Planches   83 

Les  Impressions  multiples   gi 

Facilités  données  par  les  impressions  multiples  au  développement 

local  et  aux  accents   92 

Impression  en  double  ton   94 

Impression  en  couleurs   95 

Repérage   95 

Pratique  des  Impressions  successives   96 

Impression  ton  sur  ton   98 

Impression  en  double  ton   98 

Impression  en  plusieurs  couleurs   98 

LES  PAPIERS  PRÉPARÉS  DU  COMMERCE 
ET  LES  PROCÉDÉS  OZOTYPES 

Généralités   io5 

Papiers  à  la  Gélatine   108 

Papiers  à  la  Gomme   117 

L'Ozotype  gélatine   121 

La  Gomme  ozotype   12S 

DEUXIÈME  PARTIE 

PROCÉDÉS  DIVERS 

Procédé  Rawlins  aux  encres  grasses   i33 

Le  Platine   139 


TABLE  DES  PLANCHES 


Pages. 

W.  A.  Gadby.  .  . 

.    Pl.  XXXIX. 

126 

R.  Demachy  .  .  . 

Portrait  de  Jeune  Fille.  . 

.  Pl.  I. 

2 

Portrait  de  Femme  .  .  . 

.  PL  VI. 

Gomme  

18 

Dans  l'Atelier  

.    Pl.  VIII. 

Traitement  au  burin. 

26 

Paysage  dA  utomne  .  .  . 

.    Pl.  XI. 

Gomme  

38 

Bords  de  Seine  

.    Pl.  XII. 

Gomme  

38 

Etude  en  gris  

.    Pl.  XIV. 

Gomme  

46 

Dans  les  Sapins  

.    Pl.  XIX. 

Gomme  

62 

Fantaisie  

.    Pl.  XXI. 

66 

L'Habilleuse  

.    Pl.  XXIII. 

74 

Le  Poète  

.    Pl.  XXV. 

Gomme  '  . 

78 

Paysage  d'Hiver  .... 

.    Pl.  XXVI. 

82 

Deux  Etudes  

Pl.  XXVII. 

82 

La  Plaine  de  Varaville.  . 

.    Pl.  XXIX. 

86 

Effet  de  contre-Jour.  .  . 

.    Pl.  XXXI. 

94 

Portrait  de  H.  Day.  .  . 

.    Pl.  XXXVIII. 

Ozotype  gélatine.  .  . 

122 

Dans  la  Lande  

.    Pl.  XL. 

Gomme  ozotype.  .  . 

i3o 

G.  Grimprel.  .  . 

Portrait  (sanguine)  .  .  . 

.    Pl.  XVIII. 

Gomme  

58 

D'  Henneberg  .  . 

Vieille  Place  à  Kempten  . 

.    Pl.  XXIV. 

78 

G.  Kasebier. 

Pl.  XLII. 

Platine  

i38 

H.  KUHN    .    .    .  . 

Le  Samedi  en  Hollande.  . 

.    Pl.  XVI. 

Gomme  

5o 

Lacroix  

Le  Balayeur  

.    Pl.  IV. 

Gomme  

10 

146 


LES  PROCÉDÉS  D'ART  EN  PHOTOGRAPHIE 


Pages. 

M"®  C.  Laguarde. 

Fantaisie  Louis  XV .  .  .  . 

Pl. 

III . 

Gomme  

10 

R.  Le  Bègue.  .  . 

Etude  (sanguine)  

Pl. 

V. 

14 

—  ... 

Esquisse  

Pl. 

XXII . 

•  70 

C.  PUYO  

Méandre  

PI 

IT 

Gomme  

6 

—   

Etude  (sanguine)  

Pl. 

X. 

Gomme  

.  34 

—   

Été  

Pl. 

XIII . 

Gomme  

.  43 

—  .... 

PI 

Gomme  

5o 

L'Ai'eugle  

Pl. 

XX. 

Gomme  

62 

Impression  d'Engadine.  .  . 

Pl. 

XXVIII  . 

Gomme  

86 

Portrait  

Pl. 

XXX  . 

.  90 

—   

PI 

Papier  Fresson  .  . 

.  98 

Projil  en  quatre  couleurs.  . 

Pl. 

XXXIII. 

Gomme  

102 

—   

Le  Vieux  Berger  

Pl. 

XXXIV. 

Papier  Artistique  . 

106 

—   

Tête  d'Etude  

Pl. 

XXXV. 

Papier  Artistique  . 

1 10 

Portrait  i83o  

Pl. 

XXXVI. 

Papier  Artistique  . 

•  114 

Pl. 

XXXVII. 

Papier  Artigue  .  . 

.  118 

G.  Rawlins  .  .  . 

Etude  

Pl. 

XLI. 

Procédé  Rawlins.  . 

.  ,34 

F.  V.  Spitzer  .  . 

Vieille  Femme  de  Kattivjk. 

Pl. 

IX. 

3o 

Ed,  Steichen.  .  . 

Miss  Algernon  B  

Pl. 

VII. 

22 

Rodin.  -  Le  Penseur.  .  .  . 

Pl. 

XVII. 

.  54 

Q4chevé  d'imprimer  le  i""  Juillet  igo6 

pour  le  Thoto-Club  de  "Paris 
par  l'Imprimerie  Chaix. 


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