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.LES
PROCÉDÉS D ART
PHOTOGRAPHIE
PHofO-CLUB DE PARIS
LES
PROCÉDÉS D'ART
EN
PHOTOGRAPHIE
R. DEMACHY a C. PUYO
^ «1 ^
LES
PROCÉDÉS DART
EN
PHOTOGRAPHIE
OUVRAGE ILLUSTRÉ DE QUARANTE ET UNE PLANCHES HORS TEXTE
EN TAILLE-DOUCE ET SIMILI GRAVURE ET d'uNE PLANCHE EN COULEURS
PARIS
PHOTO-CLUB DE PARIS
44, RUE DES MATHURINS, 44
1906
AVANT-PROPOS
Pas une ligne^ — pour ainsi parler, — du livre que nous publions
aujourd'hui n'eut pu être écrite ou comprise il y a dou\e années seule-
ment. Une telle remarque a son intérêt : elle montre que cette période
de temps, asseï courte en somine, a vu se produire des progrès sensibles
dans les procédés de la Photographie et une évolution non moins singu-
lière dans les idées des photographes.
Certes, les faits scientifiques d'où découlent tous ces procédés nou-
veaux étaient depuis longtemps connus; mais on n\'n avait tiré Jusqu'alors
qu'un petit nombre d'applications, pour la plupart industrielles. Les
amateurs venaient à peine de découvrir la Photographie et de contracter
avec elle l alliance qu'on sait ; elle leur apparaissait donc en sa nouveauté^
parfaite de tous points, sans aucun de ces défauts qui ne deviennent
visibles qu'au déclin des lunes de miel. L'idée de contrôler l'image, pour
eux radieuse, qui naissait du mystère des cuvettes leur eût paru plus que
sacrilège : absurde. A cet état d'esprit répondait pleinement la fidélité
automatique des procédés à impression directe, aux sels d'argent ou de
platine.
Il
AVANT-PROPOS
Pour changer cette situation, il a fallu que le temps, faisant les
manipulations aisées et sûres, libérât l'attention des amateurs des petits
SOUCIS techniques, leur rendît ainsi le sens critique et leur dessillât les yeux.
De ce jour l'image photographique perdit, pour certains, beaucoup de ses
charmes : ils virent indigente la finesse de sa matière, excessive la
minutie de son analyse, inexactes les valeurs de son rendu particulier.
Elle leur apparut telle quelle était : servante docile et sûre aux savants,
repêche et infidèle aux artistes; ils prétendirent contrôler ses actes, lut
commander désormais et non plus lui obéir. De là ces procédés nou-
veaux; ils sont le produit d'idées nouvelles. Et c'est un signe que le
premier mot de ce livre soit le mot " Interprétation ".
Les procédés décrits plus loin offrent donc tous cette particularité
qu'ils sont asse{ souples pour permettre, dans une mesure plus ou moins
grande, l'intervention personnelle de l'exécutant. Indiquer pour chacun
d'eux dans quelles limites et dans quelles conditions cette intervention
peut se produire et quelle somme de liberté en résulte, tel a été, très
simplement, le but que nous nous sommes proposé.
Ce livre est un coup d'œil jeté sur la route parcourue. Souhaitons
que le lecteur trouve dans cet examen de ce qui est déjà le passé un
encouragement aux étapes prochaines.
R. DEMACHY - C. PUYO
L'INTERPRÉTATION
'ÉPREUVE fournie par le négatif peut être correcte au
point de vue documentaire. 11 lui manquera les qualités
constitutives de l'œuvre d'art tant que le photographe n'aura
pas su les y introduire. Ceci revient à dire — nous osons
l'affirmer — que l'image définitive obtenue photographiquement ne
devra son charme artistique qu'à la façon dont l'auteur pourra la
transformer. Seuls les procédés permettant semblable intervention
doivent nous préoccuper ici et ce livre est destiné à en décrire et en
vulgariser l'emploi.
C'est avec reconnaissance que nous acceptons le dessin correct que
l'objectif choisi et bien dirigé peut nous offrir. Tous nos efforts ten-
dront à en conserver l'intégrité. Mais aussi tous les moyens nous seront
bons pour simplifier la minutie des renseignements sans intérêt que cet
instrument déjà perfectionné nous fournit encore avec prolixité. Donc
nous préférerons la méthode de tirage qui permettra le mieux la syn-
thèse par suppression des détails inutiles. — Les accents qui soulignent
2
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
les forces qui soutiennent manquent à Tépreuve normale? Il nous
faudra choisir une surface docile qui se laisse violenter. Les valeurs de
rimage photographique pèchent dans leur relation et par leur courte
étendue? Nous voulons en élargir la gamme et en corriger Tharmonie.
La matière dont se forme celte image est sèche et déplaisante ? Nous
essaierons de lui communiquer la profondeur de l'eau-forte ou la
transparence du lavis. Peut-être nous accusera-t-on d'effacer ainsi le
caractère photographique? C'est bien notre intention, car nous savons
par l'expérience ce que ce terme consacré éveille à coup sûr dans l'es-
prit des artistes. Cette expression — pour emprunter au dictionnaire
son style précis — « se prend en mauvaise part »; elle résume tous les
défauts énumérés tout à l'heure.
Il est temps maintenant de réfuter la conclusion à laquelle les lignes
qui précèdent vont forcément conduire : à savoir que le fusain, la
lithographie et l'eau-forte nous tendent les bras et qu'il serait peut-être
plus simple de s'y réfugier de suite. Rien ne nous tenterait davantage
si la photographie ne nous retenait tant par la séduction propre à d'an-
ciennes habitudes et par les liens du travail donné, que par certaines
qualités spéciales — caractères photographiques d'une heureuse nature
— qui la différencient suffisamment des autres procédés pour expliquer
la fidélité quand^même de ses disciples.
Car sans vouloir nous étendre sur la merveilleuse rapidité d'enre-
gistrement qui permet au photographe de fixer en un clin d'œil l'effet
de lumière passager, l'attitude ou le mouvement fugitifs, précieux docu-
ments pour une interprétation ultérieure, la photographie ne nous offre-
t-elle pas l'aumône d'un dessin qui peut parfaitement être impeccable;
n'y ajoute-t-elle pas le dégradé moelleux de ses demi-teintes et de son
modelé — d'une telle perfection que bien âès maîtres aquarellistes (et
la maîtrise est l'exception) ne seraient guère sûrs d'en égaler la délica-
tesse?
En résumé, la photographie donne trop — c'est entendu — mais
depuis qu'on ose faire un choix parmi ses prodigalités, elle vaut la
peine que les gens artistes s'en occupent : il y a du neuf à en tirer.
■ - A
' PORTRAIT on JEUNE FILLE
PAR R. DBMACHY
Pl. I. Gomme.
A' i>ui.£P (2i^* aSL**-c^ C^x^sxfUi^ dc^e(^^
(SonJK* A^-^t.ce^ 'TUZ.*^^?^*^ it^ o/vt-^^^t!^
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 3
La façon? Nous n'avons guère qualité pour la définir, mais nous
pouvons cependant indiquer la voie qui s'est ouverte, signaler les
impasses, conseiller peut-être quelques sentiers de traverse et montrer
en tout cas le chemin parcouru.
Au début de ce chapitre nous nous sommes servis du mot inter-
vention. Il paraîtra souvent au cours de l'ouvrage et nous tenons dès
maintenant à en préciser le sens. En cette époque combien chirurgi-
cale, ce terme s'emploie le plus souvent de façon euphémique pour
Vowo^'e —adoucir dans l'imagination de la future victime les contours trop aigui- ? ,
sés qu'évoquerait le mot d'opération. Le sens dans lequel nous le pre-
nons ici a quelque parenté avec celui-là. En effet, nous montrerons
tout à l'heure que l'intervention durant le dépouillement d'une épreuve
aux sels de chrome consistera surtout à enlever. Et cette dernière expres-
Qjn.^^ sion nous mène à déclarer tout de suite, par précaution, que, quel que
soit le procédé dont le photographe artiste se sert, il n'a pas à ajouter
à la matière qui forme Timage positive. Le travail à la gouache et le
rehaut à l'encre de Chine n'ont rien à voir avec le développement d'une . • • ^
épreuve au platine ou le dépouillement d'une gomme bichromatée. "^^^^
Laissons ces artifices aux retoucheurs de l'ancienne école.
Donnons un aperçu des différentes manières dont l'intervention
pourra se produire au cours du dépouillement. Si, par exemple, nous
iUtn^. - dégageons à fond une partie de l'image, nous provoquerons une double
modification dans l'aspect de celle-ci, d'abord en créant une opposition
entre la couleur de la portion sur-dépouillée, qui pourra se rapprocher
plus ou moins comme ton de celui du papier support, et celle de
la portion sous-dépouillée, proche de la coloration primitive de la
*^>p-(f..->x -- couche. Ensuite, et dans les deux portions susdites, une simplification
se sera produite. Du côté de la partie claire les détails seront plus ou
moins oblitérés, enlevés ou affaiblis par le dépouillement forcé. De
l'autre, pour une cause tout opposée, ils se noieront dans la masse
sombre du pigment original à peine attaqué. Voici donc qu'une simple
j^^,^ inégalité de frottement ou de dissolution vient d'ajouter à l'image nor-
male une double qualité. D'une seule intervention nous avons fait
0\
4
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
\ .
du contraste et de la synthèse. Or, le genre d'intervention que nous
avons supposé s'être porté sur deux larges zones de Timage pourra
se restreindre en de plus étroites limites et provoquer ainsi un accent
tel que celui qui résultera d'un enlevé sur l'arête d'un col ou d'une
Hi^^^^^ ^^MV - manchette ou sur le flanc bombé d'une carafe ou d'une poterie. Le ^j^^^g^f^
^^^^^^^ geste est le même que celui du dessinateur au fusain qui vient de
kr-«*A pétrir entre ses doigts le petit morceau de mie de pain. On nous l'a
reproché. Je ne vois cependant guère de différence entre un dépouille-
ment par frottement sur un petit espace et la même pratique sur un
endroit plus étendu, qui nous est, elle, généreusement concédée.
L'accent clair par enlevé agira également de deux façons : par l'ap-
parition d'un blanc où il n'y avait qu'un gris et par l'exagération du
tcm foncé proche de la portion enlevée. C'est l'effet de contraste, celui
\^,;(,(- dont nous nous servirons couramment pour augmenter par une simple
illusion d'optique la vibration de nos noirs insuffisants. Enfin nous
-"ioUiJît saurons profiter des différents degrés de coulage de la couche, propor-
„ 1 u.s tionnels aux différents degrés de son insolation et aux variations entre
■2vW?vvo(J«AVl'»iv^_,- - ^ —
les mesures de gomme et de bichromate, pour noyer sous une nappe
I • doucement envahissante (c'est la coulée spéciale au procédé gommique)
les zones peu intéressantes ou trop marquées de notre image.
Il nous reste à voir comment et avec quels instruments ces inter-
ventions se pratiquent, à quel moment du dépouillement elles ont le
,.,^^£t^^_jplus de chance de réussir, dans quelles circonstances elles deviennent
nécessaires et quels sont les procédés qui peuvent les supporter. Ce
sera l'objet des chapitres plus techniques qui suivent. Pour le moment
il nous suffit d'avoir montré que le photographe, dans certaines condi-
tions, a le pouvoir d'intervenir, parce que ceci nous conduit à lui
accorder celui d'interpréter.
Comparez les admirables eaux-fortes de Pissaro, la rue des Ar-
pents, la rue de l'Epicerie, la Ruelle, à Rouen, avec les photographies
^g. documentaires des mêmes endroits que nous avons tous prises. Voyez
ik.^éjà l'exagération voulue des contrastes, les boutiques et leurs enseignes
modernes noyées dans l'ombre épaisse, les façades simplifiées au point
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 5
de ne garder plus que des soupçons de fenêtres, tandis que seules les
lignes décoratives sont accentuées par le sacrifice impitoyable de tous
les détails qu'a fait l'artiste en faveur des taches savamment disposées
de sa composition.
Le motif est identique à celui que nous avons photographié, mais
Pissaro l'a interprété.
Or, si le lecteur se reporte aux lignes qui précèdent, il admettra,
d'après l'énumération que nous avons faite de nos moyens d'intervenir,
que notre procédé, né documentaire, peut se transformer en procédé
d'interprétation, mais entre les mains d'un photographe qui voit comme
un artiste. Notre liberté d'action, sans doute, très inférieure aujourd'hui
à celle de l'aquafortiste ou du dessinateur, s'en rapprochera peut-être
davantage dans l'avenir. On en abusera certainement, on en abuse
déjà, et nous voyons de temps en temps des valeurs malmenées, des
accents placés à tort, et le pur dessin de Fobjectif qui devrait nous être
sacré, maladroitement tourmenté par la main trop confiante d'un pho-
tographe qui ne voit pas juste. Ces accidents, du reste, ne sont pas
ç^l ^ ■ l'apanage spécial de la photographie, nous les trouvons également autre
part. En tous cas, l'emploi maladroit d'une force peùt servir à démon-
trer l'utilité qu'aurait son énergie bien dirigée.
Ce n'est pas tout, l'artiste, au courant des facilités — et des limites
— de son procédé de tirage, saura choisir et composer son motif en
vue d'interventions ultérieures. Il est prouvé, par exemple, que cer-
tains sous-bois compliqués de cascades et de rochers pittoresques lasse-_
ront jusqu'aux dernières complaisances de la gomme bichromatée. Ce
sont là sujets intraitables, malgré toutes les facilités de simplification
des procédés à dépouillement, tandis qu'un paysage aux lignes sobres,
monotones même, éveillera peut-être dans l'imagination du gommiste
l'idée de l'effet à faire. Il sentira bien d'avance la possibilité d'accentuer
^ telle lumière, de noyer tel premier plan; le canevas enfin est trouvé,
et le négatif, ennuyeux peut-être, qui enregistrera ce que nous pouvons
appeler le premier état, deviendra le point de départ d'une épreuve
ultérieure, d'un sentiment beaucoup plus accentué, résultat de la con-
6 LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
ception première. Le gommiste doit donc voir d'avance, et voir en
gommiste comme l'aquafortiste voit en aquafortiste.'
Ce que nous disons pour le paysage s'appliquera tout aussi bien
au portrait. Tel fond noir sera choisi avec Tintention bien arrêtée de
ne se servir que d'une partie de sa tonalité et de dépouiller le reste
d'une certaine façon : telle robe blanche aux contours nets et cassants-
sera destinée à passer dans le fond, tandis que telle draperie aux mille
plis contournés n'en gardera que deux ou trois, notés d'avance par
l'artiste qui regarde le motif, mais ne doit voir que le tableau simplifié
que son procédé lui permettra d'établir plus tard.
Donc l'idée maîtresse d'interprétation sera dominante dans l'œuvre
du photographe artiste, elle présidera au choix du sujet et aux modi-
fications de lignes ou de taches qu'il peut subir avant l'enregistrement
photographique, elle conduira k développement du négatif et s'affir-
mera plus hautement encore lors de la période d'apparition de l'épreuve
positive.
" MÉANDRE "
PAR C. PUYO
Pt. II. Gomme.
LA BEAUTE
DE LA MATIÈRE PIGMENTAIRE
I
'ART s'adresse avant tout à la sensation; y chercher, dès le
premier contact, pâture sentimentale est Terreur et Fillusion
des simples. Ce qui fait l'artiste, comme le connaisseur, c'est
l'acuité, la finesse de leurs sens. ,
Ai' \ De là l'importance de la facture dans les, arts plastiques: elle cons-
ul «vt^\^Uwi^»>>'\''^^ j ^ r ^jj, r n 5
ùJtiv titue leur langage, le truchement unique et obligé entre l'artiste et son
public. Or, la première qualité d'une belle facture est de créer une
belle matière.
La beauté de la matière est plus nécessaire encore dans l'art mi-
neur du noir et blanc, dont les moyens sont naturellement faibles et
les ressources limitées. Un peintre de main médiocre peut compenser
^ ^ cette infériorité grâce au prestige d'un coloris particulièrement heureux
et délicat; mais quelle valeur artistique peut avoir une gravure mal
encrée, une sépia sans transparence, une épreuve photographique dont
les tons ne possèdent pas cette profondeur grasse et cette puissance qui
sont à l'œil une caresse? et qu'importe alors le sujet, fût-il le plus ori-
8 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
ginal, le plus trouvé, le plus gracieux du monde, relevât-il de la senti-
jjjj^ mentalité la plus déliée ou de l'idéalisme le plus transcendant?
Aussi, depuis quelques années, du jour où la Photographie a pré- c^^^^v^A
tendu s'élever au rang de procédé d'expression, a-t-on dû s'efforcer de l'^ri^wx*, ^i; ^-
donner à la matière pigmentaire, dont le dépôt crée l'image photogra-
phique, les qualités qui lui manquaient. Ce faisant, le photographe
imitait simplement ses confrères en noir et blanc, les dessinateurs et
les graveurs.
Voyez tel spécialiste de dessins à la sanguine ; il emploie unique-
ment comme support le papier bulle, papier grossier, de fabrication
médiocre; tel autre, qui fait des portraits au pastel noir relevé de pastel
blanc, utilise pour le même objet le carton gris vulgaire d'emballage; ^«Jjjw-^
quant à tel spécialiste anglais du crayon à la mine de plomb, c'est
chez les pharmaciens qu'il achète son papier, ce papier parcheminé
dont on enveloppe les ordonnances, (^j^t^v^.».;»)
Pourquoi ces choix exclusifs et singuliers, cette préférence donnée
à des papiers vulgaires sur leurs congénères mieux fabriqués, d'un
emploi plus aisé et plus sûr? Question de matière simplement. C'est
que sur le papier bulle, sur le carton gris, sur le papier de pharmacien,
les grains de la sanguine, du pastel ou du graphite que le frottement
attache au support, se groupent et se fixent suivant un rythme particulier,
(ivu: dû à la résistance particulière de ce support. Certes, la tache produite
par l'attaque de la main du dessinateur serait à peu près semblable sur _
tout autre papier, mais à peu près seulement. C'est ici simple question
de nuance, mais dans le royaume des arts la nuance seule a son prix.
Les mêmes préoccupations expliquent et justifient les soins minu-
tieux donnés à l'impression d'une gravure en creux : suivant la com-
position des encres choisies, légères ou couvrantes, le tact de la main
iY^i/> - qui manie la poupée, la délicatesse de l'essuyage, la nature du papier ^.^ ^
support, la pression de la machine, etc., une même planche donnera
une image médiocre, correcte ou savoureuse. Et ici, comme tout ^ _ /^^^^J^j^
l'heure, entre l'image correcte et l'image savoureuse, il y aura, pour
un œil artiste, un abîme : une nuance.
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
9
Les premiers papiers positifs créés au début du procédé photogra-
phique laissent beaucoup à désirer au point de vue de la matière ; leur
aspect manque de puissance, d'éclat, de saveur ; c'est dire que les qua- j^^y^
lités qu'on est en droit d'exiger pour la satisfaction purement senso-
rielle de l'œil leur font défaut.
Nous en comprendrons le pourquoi si nous essayons de définir la
nature un peu subtile de ces qualités. Il est certes plus facile d'énu-
mérer celles-ci que de préciser les conditions requises pour leur exis-
tence; on entend assez ce que signifie la profondeur ou la transparence
d'un ton, mais il est moins aisé de découvrir pourquoi ce ton est pro-
fond ou transparent. Essayons-le néanmoins, car par là nous arrive-
rons, non seulement à affirmer la supériorité des papiers nouveaux dont
il sera question dans ce livre, mais aussi à établir quelques conclusions
pratiques relatives aux méthodes de traitement.
Remarquons d'abord qu'un procédé en noir et blanc aura d'autant
^vLuvtfvi. plus de puissance et d'éclat que la gamme de ses tons sera plus étendue,
en d'autres termes, que le blanc extrême qu'il pourra donner sera plus
éclatant et plus beau, et le noir extrême plus profond et plus puissant.
Or, de tous les blancs, le plus agréable à l'œil est, à coup sûr, le
blanc mat porcelaine que donne un papier très pur, très légèrement
^encollé et ayant conservé sa fleur, par suite n'ayant été ni cylindré, ni
(^u*,^ brossé : le papier à la cuve. Et observons ici, — nous retrouverons
.^v>A" souvent la même constatation : — si un papier vierge a de la fleur, c'est
sans doute que la cohésion des matières pâteuses s'y est faite sans vio-
lence, sans pression mécanique, sous la seule influence de deux agents
naturels : la chaleur et la pesanteur. t>^<-A'Ah -
X UHIa^ij
Le blanc particulier au papier joue un rôle capital dans tous les
procédés qui emploient ce support, et, par exemple, si l'aquarelliste
'lA.wVtiproscrit les blancs gouachés, ce n'est point pour le vain plaisir d'aug-
menter les difficultés de l'aquarelle et de faire ainsi montre de virtuo-
sité, mais simplement parce que le blanc fourni par la gouache est de
qualité fort inférieure au blanc fourni par le papier.
.5*v.jf»>Ujs De ceci une première conclusion se dégage : c'est qu'un papier
i i ^
lO
LES PROCÉDÉS IVART EN PHOTOGRAPHIE
photographique dans lequel le blanc extrême sera constitué par le pa-
pier nu, non brossé, ayant conservé sa fleur, sera, à ce point de vue.
supérieur aux autres. Seul le papier à la gomme peut remplir pleine-
ment cette condition ; quand le colloïde employé subsiste dans les
blancs, ceux-ci sont moins éclatants, puisque le blanc du papier est
couvert d'une couche de gélatine, et moins agréables, parce que bril-
lants et produits par une réflexion plutôt que par une diffusion de la
lumière.
Seconde conclusion : tout mode opératoire qui aura pour consé-
quence un brossage, un frottement du papier, donnera des blancs
moins beaux. Nous rappellerons ceci dans le chapitre sur le procédé à
la gomme.
Nous pouvons donc, au point de vue de la qualité du blanc, ranger
(3^^^ les papiers usuels dans l'ordre suivant : papiers à la gomme, platine,
papier salé, papiers à base de gélatine ou de tout colloïde non soluble
dans l'eau froide, papiers à l'albumine, papiers aux citrates et leurs
dérivés.
Passons maintenant aux noirs et aux demi-teintes ; ils sont fournis
Uaa~a P^** l'apposition sur le papier d'une matière pigmentaire. Les qualités
que peut offrir l'aspect de cette matière tiennent à la façon dont elle
absorbe et réfléchit la lumière incidente. On peut les énumérer ainsi :
1° fleur ou velouté ; 2" profondeur ou transparence ; 3" puissance ou
vigueur.
Pour rechercher les conditions qui produisent ces qualités, pre-
nons successivement, parmi les divers procédés en noir et blanc, ceux
dans lesquels une de ces qualités se montre à son maximum de puis-
sance.
If Fleur ou Velouté. — Au point de vue de la fleur, rien n'égale la
trace que laisse sur un papier approprié la caresse légère d'un pastel
^J^^, tendre. Pourquoi? Cela tient évidemment à la manière dont les grains
pigmentaires sont groupés, à ce qu'ils sont à l'extrême surface du pa-
pier, à ce qu'ils ne sont pas serrés entre eux.
" FANTAISIE LOUIS XV
PAR M"« C. LÀQUARDE
Pl. IH. Gomme.
I
1
"LE BALAYEUR
PAR LACROIX
Pi-. IV. Gomme.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE II
i^w^A Écrasons, en effets, cette tache sous le doigt ou sous un sureau, le
velouté va diminuer; nous avons resserré les grains et les avons enfoncés
dans le papier.
Au lieu d'écraser la tache, fixons-la par un fixatif mis au verso du
papier ou pulvérisé directement sur le recto. Nous allons avoir un effet
analogue : les grains vont se resserrer et se rapprocher du papier ; de
plus, la matité de velours va faire place à un luisant de vernis. Si nous
■^Mco-yuai abusons du fixatif, tout velouté va disparaître, le grain étant noyé dans
le médium et recouvert par lui.
Un tel effet se produit lorsqu'on fixe sur carton, par pression et à
chaud, une épreuve tirée sur le papier « l'Artistique », par exemple,
papier extrêmement velouté; il se produit également si Ton emploie
pour vernir une épreuve à la gomme du vernis Soehnée trop concentré.
De ces observations on peut déduire les aperçus suivants :
Toute tache pigmentaire aura d'autant plus de fleur que le grain
sera plus superficiel.
Si, comme dans les procédés à dépouillement, un colloïde inter-
vient pour fixer le grain au support, il conviendra que ce colloïde
retienne le grain par sa base, mais ne le recouvre pas; de telle sorte
que la lumière incidente soit reçue en premier lieu par le grain, mais
non par le colloïde.
Voici pour la constitution même du papier et voici pour le mode
de traitement : toute couche pigmentaire raclée trop énergiquement
par l'agent de dépouillement manquera de fleur et de velouté.
Tout ceci explique pourquoi :
Le papier à la gomme dépouillé par flottement a plus de fleur que
l'Artigue ou le Fresson ; pourquoi le papier au platine a plus de ve-
louté que le papier au bromure, et pourquoi le papier au citrate n'en
a pas du tout.
Transparence et Profondeur. — Un noir très intense, quand il
est transparent, est dit profond. . . ^
Prenons l'exemple d'une figure sur fond très noir : suivant le
12
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
caractère de la matière, la figure pourra paraître collée sur un fond
plat ou, au contraire, se détachant sur un fond profond. Le premier
ne nous donnera aucune illusion, le second nous en donnera une.
Pourquoi ?
Faisons plusieurs remarques :
I'' La plus grande transparence nous est donnée par l'aquarelle
faite à grande eau.
Au moment où la tache commence à faire prise, si on l'écrase d'un
coup de pinceau sec, la transparence diminue considérablement.
Dans le premier cas, les grains en suspension dans l'eau se sont
déposés suivant un rythme naturel en obéissant aux lois moléculaires,
à la pesanteur ; ils se sont déposés régulièrement.
Dans le second, une force arbitraire est intervenue, a écrasé les
grains, diminué et rendu irréguliers leurs intervalles.
2° Si nous considérons la typogravure, nous savons qu'il faut,
même dans les noirs intenses, laisser subsister un réseau régulier de
points blancs; sans cela le noir est extrêmement puissant, mais bouché.
3° Dans une gomme faite par deux impressions, les noirs qui en
résultent sont extrêmement puissants, mais moins transparents que
ceux résultant d'une bonne impression unique.
4° Une épreuve à la gomme, ou aux papiers gélatinés, surexposée,
donne des noirs intenses qui sont beaux mouillés, mais enterrés après
séchage.
5° Une héliogravure en creux est grainée, une collographie ne l'est
pas ; or, l'héliogravure a beaucoup plus de transparence, de profondeur
dans les noirs qu'une collographie.
Si, dans la planche en creux, le grain d'héliogravure n'est pas extrê-
mement régulier, le noir paraît sale. Il est curieux de voir combien est
grande la sensibilité, l'acuité de l'œil, en cette circonstance. Le grain
d'une héliogravure peut être très gros ou très fin, mais il est essentiel
que le rythme en soit régulier.
Une autre preuve est fournie par les papiers à la gélatine brutale-
ment traités. Si, par une élévation trop grande et trop brusque de la
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE l3
température du bain, on provoque dans la gélatine un commencement
de fusion, le rythme naturel des grains se trouve rompu et le ton de-
vient sale.
6° Pour qu'un noir photographique ait des qualités de profondeur,
il faut que les régions correspondantes du négatif ne soient pas consti-
tuées par des transparences sans détails ; ces régions doivent être mo-
delées. Ces modulations en sourdine, bien que peu visibles sur l'épreuve
positive, jouent cependant un rôle essentiel.
De ces différentes constatations, il résulte que la division de la
couche en grains espacés et groupés régulièrement est la condition de
sa transparence. Devant un assemblage de grains trop serrés et mats,
la lumière incidente est absorbée totalement, elle ne pénètre pas dans
le mur continu de la couche et ne se réfléchit pas en partie comme elle
doit le faire. Un vernis superficiel qui se laisse pénétrer et réfléchit la
lumière incidente donne l'illusion de la profondeur.
Puissance, Vigueur, Intensité. — Le modelé de l'image résulte
des différences existant entre les intensités relatives des divers tons, et
si nous voulons agrandir la gamme, nous avons intérêt à aller aussi
loin que possible du côté de l'intensité. Or, nous sommes limités de
ce côté par l'intensité propre à la couleur du pigment. Si notre pigment
est de l'ocre jaune ou du brun-rouge, nous n'obtiendrons jamais la
vigueur; du noir de vigne nous donnera toujours moins de vigueur
que du noir de bougie. Nous ne pourrons d'ailleurs jamais atteindre à
l'intensité de la couleur sortant du tube et écrasée sur la palette; c'est
là une limite dont on peut s'approcher, mais dont on restera tout de
même assez loin. Et si on l'atteignait, la matière perdrait toute trans-
parence.
Car le moment est venu de faire une remarque, laquelle est d'im-
portance : les qualités que nous venons d'énumérer : fleur, profondeur,
vigueur, tendent à s'exclure l'une l'autre; et, dans tout procédé qui pos-
sédera une de ces trois qualités à l'extrême, les deux autres seront
sacrifiées. L'aquarelle fournit la transparence idéale, mais elle ne peut
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
atteindre à la vigueur sans perdre précisément cette transparence. Le
pastel possède la fleur, mais la transparence lui fait défaut, et si on
remploie d'ordinaire en hachures, c'est pour créer entre les grains des
intervalles non couverts; la division du grain donnant de la transpa-
rence. On pourrait multiplier ces exemples.
Ainsi donc nous arrivons à cette constatation : que toute matière,
quand elle est belle, est le résultat d\m heureux équilibre, d'un agréable
compromis entre des qualités adverses.
De ces qualités, la première en importance est, sans doute, la
vigueur; car la gamme des tons lui devra son étendue. Pour l'obtenir
il est deux moyens : le premier, qui trouve son emploi le plus typique
dans la typograyure, consiste à disposer sur le support une couche
^ mince de grains accolés en serrant ceux-ci le plus possible et en dimi-
nuant ainsi le nombre et l'importance des intervalles, des points blancs,
qui les séparent ; le second, fourni par les procédés en creux, consiste
livtk^^wa^à épaissir, en'^outre, la couche pigmentaire en superposant les grains
réunis dans un médium. C'est ce dernier moyen qui permet d'aller le
plus loin dans l'intensité sans, pour cela, faire disparaître les qualités
de velouté et de profondeur.
La supériorité des procédés que nous décrivons dans ce livre est
précisément due, pour une bonne part, à ce qu'ils fournissent une
couche d'une épaisseur appréciable. Ils sont au papier salé, par exemple,
ce que la peinture à l'huile est à l'aquarelle. Dans le papier salé, la
couche trop mince ne peut atteindre à la vigueur sans perdre toute
transparence ; en outre, le grain tend à entrer dans le papier, de là
l'aspect enterré. Si, au contraire, une matière est constituée par un
mélange épais de grains et de colloïde, le colloïde joue d'abord le rôle
d'un encollage supplémentaire, maintient le grain à la surface du
papier ; en même temps il le divise, l'empêche de se serrer et, par ce
double effet, tend à conserver et la fleur et la transparence du ton.
Le colloïde joue encore un autre rôle, celui d'un vernis non super-
ficiel, mais incorporé; il est de fait qu'un tel vernis contribue beau-
coup à assurer la transparence. On le constatera si l'on regarde sécher
Pl. V. Gomme.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
l5
une épreuve à la gomme ou encore une épreuve tirée sur « l'Artis-
tique » qui possède beaucoup de fleur. A un moment donné Peau a
disparu, s'est évaporée, dans les blancs et les régions claires; mais il en
reste dans les régions sombres, emprisonnée encore à l'intérieur de la
couche, entre la superficie de la couche et la surface du papier. Les
blancs sont mats, les noirs un peu luisants. L'épreuve passe à ce mo-
ment par un état optimum. Le séchage complet compromet un peu
cet état, par un phénomène analogue à celui de l'embu, s^ùrtout dans
les épreuves à la gomme surexposées. Un passage au vernis Soehnée
pour aquarelle, fortement étendu d'alcool, améliore alors l'aspect de
l'épreuve; car ce vernis traverse le papier dans les blancs, ne compro-
met donc pas leur matité, et en même temps se loge dans les noirs et
leur redonne de la transparence^
Nous nous sommes efforcés d'expliquer de notre mieux, — car la
question est obscure, complexe et subtile, — à quoi est due la supé-
riorité des procédés décrits dans ce livre sur les procédés plus anciens.
La Providence bienveillante n'a pas voulu que, possédant des propriétés
heureuses qui rendent possible l'interprétation, ils aient, comme contre-
partie, une matière inférieure à celle de leurs prédécesseurs. Il faut
nous en féliciter, tâcher de les traiter avec les égards qui leur sont dus;
et, tout d'abord, ne pas les viotenter. U^^v..r<,
Il ne faut pas les violenter, c'est-à-dire qu'il ne faut pas gêner le
travail, subtil et délicat infiniment, des forces naturelles qui, desserrant
les mailles du médium organique pour les resserrer ensuite, agitent les
grains de la matière pigmentaire, libérant les uns, retenant les autres
pour les disposer en bel ordre suivant une harmonie préétablie. Si on
le fait, si l'on veut modifier le travail de ces forces, que ce soit à bon
escientl 'K^ov^,^
Il se peut, par exemple, que l'on ait intérêt à changer l'aspect
pigmentaire dans certaines régions localisées de l'image ; cela pour
rompre l'uniformité du rendu photographique. Un peintre ne traite
pas de la même manière, dans un paysage, les terrains et les eaux, dans
3
i6
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
une nature morte un vase de cristal et un vase de grès ; sa touche se
modifie suivant l'objet représenté : délicate pour représenter le corps
vierge d'Andromède, elle se fera rude pour peindre le roc auquel An-
dromède est rivée. Le rendu photographique ignore ces nuances, mais
les procédés dont nous parlons peuvent en partie les rétablir. En
changeant l'agent de dépouillement on modifie l'aspect de la matière.
Par suite, dans une épreuve à la gomme, à côté de telle région qui,
dépouillée par dissolution, aura l'aspect doux et léger d'un lavis d'aqua-
relle, telle autre brutalisée au pinceau pourra revêtir l'aspect rugueux
du crayon Wolflf.
Mais ces interventions qui troublent la formation naturelle de la
matière ne sauraient porter que sur certaines régions localisées ; le
dépouillement général de l'image devra toujours se faire grâce au tra-
vail libre des forces naturelles, non violentées.
Pour ne pas être amené à violenter un procédé, il faut qu'il soit
docile. Il ne le sera que si l'on en use judicieusement, et, en premier lieu,
que si la lumière, agent principal qui met en jeu les forces et qui les
régit, a effectué son travail, sans excès de zèle, mais aussi sans paresse.
Dans tous ces procédés, une exposition juste et précise au jour est la
condition indispensable du succès. A cette condition seule, la matière
sera docile et, parce que docile, a toute chance d'être belle.
LE NÉGATIF
N accuse la nouvelle école de négliger à tel point le cliché
en faveur de l'épreuve que la présence du négatif serait de-
venue tout juste nécessaire. En tous cas, sa perfection tech-
nique, objet des soins jaloux du photographe intransigeant,
n'importerait guère plus, et les plus belles épreuves des gommistes
seraient tout justement filles des pères les plus infirmes.
Nous sommes cependant d'avis que la perfection du cliché est de
la plus sérieuse importance pour la réussite de l'œuvre d'art que nous
espérons devoir en résulter. Mais nous commençons à ne plus nous
entendre avec l'école du bon négatif avant tout, lorsqu'il s'agit de définir
les qualités d'un négatif type.
Du temps du seul papier salé, il en existait un qui désespérerait ^At^iA \>A!f4-
aujourd'hui les amateurs de gomme bichromatée. Les noirs en étaient cJ.^t^^v-t.
d'une épaisseur extrême, les clairs d'une transparence absolue, car le
papier d'alors, imprégné de sels d'argent jusque dans son épaisseur,
exigeait une réduction profonde dans ses noirs avant que les détails de
l8 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
ses blancs fussent apparus. C'était ce que nous appelons maintenant un
cliché dur.
Conclura-t-on de cet exemple qu'en langage photographique le
négatif sera baptisé d'après le caractère des résultats qu'il provoquera
sur l'épreuve positive ? Si cette façon de parler pouvait être logique du
temps où la corporation ne travaillait que sur un seul genre de papier
sensible, elle devient confuse à l'époque actuelle qui compte une mul-
titude de procédés différents pour chacun desquels devrait logiquement ^^Ji^^ç^
intervenir un négatif à qualités spéciales. Donc, si nous nous refusons .^^J^^^nJ^y^
à croire au cliché étalon, — tel le mètre en platine qui repose aux j
Arts et Métiers, — nous admettons la nécessité de clichés de natures
différentes, — propres chacun d'eux au genre de papier qu'on leur destine.
Nous voici donc conduits à examiner quelles sont ces qualités
diverses exigées par les différents modes d'impression d'art et comment
il est possible de les obtenir.
La nature complexe de certains tirages nous empêchera de diviser
les procédés, comme on le fait d'ordinaire, en procédés à impression '^A^-.»*'».
directe, à développement et à dépouillement. En effet, le papier au j^^,
platine, qui se développe comme un bromure, a comme point de départ
une image visible obtenue par impression directe, et dont la nature est ,è^^^j[f^,
fort importante au point de vue des résultats définitifs. De même pour
l'ozotype et la gomme ozotype qui sont des procédés à dépouillement,
mais dont l'origine est cependant une image visible analogue à celle du
tirage au platine. Cherchons donc, sans entrer dans des classifications
arbitraires, quelles doivent être les qualités du négatif communes à tous
les procédés d'art ou spéciales à chacun d'eux.
La plus importante sera le rapport de transparence qui devra
exister entre les maxima et les minima d'épaisseurs du négatif, — et on
déduira de cette définition que la qualité nécessaire tout d'abord, et
commune à tous les procédés, sera la perméabilité de la plus grande
épaisseur. En d'autres termes, tout négatif dont les noirs ou le plus
grand noir ne montreront par transparence aucun détail ou aucune
demi-teinte devra être considéré comme inutilisable.
" PORTRAIT DE FEMME
PAR R. DEMACHY
Pl. VI. Gomme.
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
19
Mais, parmi les clichés qui restent _et^^iii^accusent la qualité susdite
de perméabilité,, nous devrons faire, selon he procédé auquel ils sont
destinés, un triage raisonné au point de vue des différents degrés de
transparence qui les distinguent. Car il ne faut pas oublier qu'un noir,
perméable cependant, mais insuffisamment exposé pour tel ou tel papier
donnera sur l'épreuve positive un effet sensiblement pareil à celui d'un
noir véritablement imperméable. La question pourra donc se résumer
I. ainsi. Selon les particularités du procédé à employer, choisir le genre
de négatif dont les rapports d'épaisseur permettront une impression qui
sera correcte sous les opacités avant que les portions exposées sous les
transparences aient perdu la justesse de leur valeur.
Et ceci parce que l'écart entre l'impression optima des extrêmes
d'épaisseur et de transparence diffère selon les modes de tirage. En
général, cet écart est beaucoup plus considérable avec les procédés à
image visible, tels que le platine et les ozotypes, qu'avec les procédés
à dépouillement, tels que la gomme et le papier Fresson. En effet, dans
ces derniers, le point d'insolubilisation complète de la couche colorée
qui correspond au noir maximum sur l'image positive est assez vite
atteint. Or, l'insolubilisation complète ne doit jamais avoir lieu. Si
donc nous tenons à conserver à nos plus grands noirs de gomme la
possibilité d'un gonflement aqueux qui en empêchera l'enterrage sub-
séquent, il faudra que les portions de notre image protégées par les
épaisseurs du négatif s'insolent presque en même temps que celles qui
sont couvertes par des transparences.
Par conséquent, le négatif destiné à la gomme devra, avec les qua-
lités de modelé ordinaires, offrir des transparences spéciales dans les
opacités. Ce sera ce que le tireur sur albumine appellera un mauvais
cliché, le tireur sur bromure un cliché difficile, le tireur sur citrate un
bon cliché. Mais l'amateur de gomme ne devra pas confondre le négatif
transparent et brillamment modelé que nous recommandons avec celui
que l'on traite communément de faible et dans lequel une pose exagérée
et un développement trop vite arrêté ont éteint tous les contrastes et
grisé toutes les transparences. L'image positive qui en sortira, au lieu
20
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
d'accuser une solubilité presque pareille entre les noirs et les clairs,
en donnera une pareille; Timage ne restera pas, ou si elle demeure,
elle ne résistera pas dans des proportions inégales à l'insistance de
l'agent de dépouillement; ombres et clairs finiront par céder en même '^^^^^
temps. A**^v*^
Les procédés Fresson, Artigue et similaires, dépouillés par frotte- ^jim»*^ ^(ISu
ment au moyen de sciure de bois en suspension dans de l'eau, deman- /Di^Jl
deront semblable nature de négatifs, mais admettront beaucoup plus . L
d'égalité dans les valeurs que ne le tait la gomme. La matière gélati- ^
neuse dont est formée leur couche et leur mode de dépouillement
expliquent cette différence. Ici le coulage n'existe plus, la localisation
du dépouillement est donc plus aisée, puisque, seule, la portion direc-
tement attaquée par le jet de sciure en suspension diminue d'épaisseur.
Il est donc possible, facile même, de provoquer sur une surface com-
posée cependant de résistances sensiblement égales, comme celle que
donnent les clichés gris, de notables différences d'épaisseur et, par
conséquent, de valeurs. Ceci est tout à l'encontre de ce qui se passe
dans le développement de la gomme dont la matière est soluble dans
l'eau froide et, une fois mouillée, continue à se dissoudre partout parai-
lèlement à l'attaque locale.
Nous nous bornerons donc à écarter pour les papiers Fresson, yi ^ .
Artigue et similaires tous les négatifs qualifiés communément de dnrs,^ '^^if^Vx'^
c'est-à-dire offrant des parties très opaques à côté de transparences peu
déiaillées, et nous admettrons le cliché gris et monotone qui pourra,
grâce à la localisation très nette permise par le genre de dépouillement
du papier et la nature de sa couche, donner une image parfaitement
accentuée, analogue à celle qui résulterait d'un négatif brillant.
Le papier au platine demande, peut-être plus que tout autre pro- T^oi^--^ ^i^v-vM
cédé d'art, un cliché complet^ c'est-à-dire pourvu de détails modelés '
dans ses portions les plus claires, correspondant aux noirs de l'épreuve ^^i^^"-^ '
positive. Car le dépôt métallique qui constitue Timage est maigre en
comparaison des pigments des papiers à dépouillement et des ozotypes,
et il tend souvent à s'enterrer dans certains noirs. Notons aussi
I
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
21
C*-^
*J-jCvv
que le point de départ de l'image, ultérieurement développée, est une
image visible formée par réduction rapide. Les qualités à rechercher
dans le négatif vont donc être influencées par cette particularité. La n^-^^. ^
rapidité de noircissement nous indiquera que l'écart entre les transpa-
rences et les opacités du cliché devra être plus considérable qu'avec
les procédés de tirage sur couche plus lente, car il nous faudra laisser
le temps aux noirs de l'image positive de se corser avant que les mo-
delés aient paru dans les clairs, à moins de chercher bien exprès un
effet monotone. En tenant compte de ces desiderata, nous arriverons
à définir ainsi le négatif type du platine : cliché complet et fouillé dont
récart entre les transparences et les opacités maxima devra permettre
une insolation suffisante à travers les parties claires pour produire sur
répreuve positive un noir par surexposition.
Cette dernière expression paraît sans doute obscure, nous en don-
nons l'explication. °^-.c<ion^Jç
L'enterrage ou bouchage des noirs, commun à bien des procédés,
est généralement le résultat d'une insolation faite à travers un dépôt
d'épaisseur uniforme, autrement dit une zone également teintée ; or,
l'expérience prouve que, si le même degré de noir positif est obtenu en
insolant davantage une zone moins transparente, mais oârant des épais-
seurs diverses, une zone modelée, si vous préférez ce terme, ce noir,
produit par surexposition, c'est-à-dire en noyant les détails et les mo-
delés, nous fournira, en même temps qu'une intensité pareille à celle
que nous avons eue sous la transparence monotone, une tache mou- .
vementée donnant l'illusion de l'atmosphère et de la profondeur à la
place de la certitude d'un simple morceau de papier coloré. La qualité
du noir sera modifiée et i'enterrage aura disparu.
Nous en trouvons la preuve dans la façon dont se comportent les ,
clichés, très spéciaux d'aspect, obtenus à la lumière du jour et à l'éclair
magnésique. C'est ainsi que se réussissent les meilleurs effets de nuit.
L'opacité maxima, qui est considérable, y est donnée par le magné-
sium, mais le reste de la plaque, impressionnée par la lumière du jour,
montre une densité presque normale. Ces clichés, pour rendre sur
22 LES PROCÈDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
papier l'effet nocturne désiré, devront être tirés jusqu'à surexposition
complète de toutes les parties modelées par la lumière diffuse. Or,
jamais les noirs ainsi obtenus n'accusent d'enterrage; les détails qui s'y
trouvent noyés ont brisé çà et là l'aggrégation moléculaire, de telle
sorte que la lumière y joue et que l'illusion de profondeur en résulte,
tandis que les positifs sur papier dus à des négatifs pris la nuit à la
seule lumière artificielle produisent invariablement un effet enterré
dans leurs noirs.
Le négatif le plus favorable au procédé ozotype, dont la gomme
ozotype n'est en somme qu'un dérivé, devra participer aux qualités des
négatifs destinés aux papiers à impression directe, car c'est sur une
épreuve imprimée directement à la lumière du jour que viendra s'in-
solubiliser, par contact, la gélatine ou la gomme colorées, dont le
dépouillement inégal formera plus tard l'image définitive. Nous avons
reconnu en effet que les négatifs transparents, faibles même au point de
vue photographique pur, qui réussissaient fort bien à la gomme bichro-
matée, donnaient en ozotypie des images ternes qu'il fallait réveiller
par des tours de main. Leur emploi n'est certes pas impossible mais ne
va pas sans risques d'insuccès, car l'image primaire ozotype conduit
la seconde et lui donne ses qualités. Les blancs, après lavage, devront
être entièrement débarrassés de la teinte jaune du bichromate, ce qui
revient à dire que ce sel ne doit avoir sut)i, à ces endroits-là, aucune
modification chimique appréciable à l'œil. Et c'est pour cela que
l'épaisseur des opacités protectrices devra être suffisante pour abriter
les blancs pendant que les ombres positives emmagasinent l'énergie
qu'elles auront à rendre plus tard. Ceci indique clairement la nécessité
d'un négatif exempt de voile et plus vigoureux peut-être que celui que
nous recommandons pour le papier au platine.
La même qualité de négatif sera exigée par le procédé Rawlins aux
encres grasses. Nous avons affaire ici à une façon de photocollographie,
et le cliché idéal de ce procédé d'impression est le véritable bon cliché
du photographe. Il s'agit de bâtir un relief de gélatine solide et bien
accusé : ce sont des oppositions franches qu'il nous faut pour cela, et
' MISS~ AUiERISfdN "
PAR ÉbUARD STEICHEN
p?.. vil.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
23
tout cliché faible, gris ou voilé, qui donnerait une mauvaise planche à
l'impression, donnera aussi une épreuve sale à l'encrage du procédé
Rawlins.
Nous terminons ici la revue rapide des qualités diverses du négatif ^
qu'exigent les différents procédés d'art, mais avant de passer à l'examen '\'''^°^^\
des modifications qu'il est souvent utile de faire subir à ceux d'entre cux...-^'' 1"^^ Q^i^i^x.
ces négatifs qui, malgré tous nos soins, offriraient encore des incom-
patibilités d'humeur avec le conjoint auquel on les destine, nous tenons
à dire que les règles et les principes que nous avons posés n'ont rien ^ ^ ^
d'absolu, et que c'est à dessein que nous n'avons pas mentionné les
nombreuses pratiques de développement ou de dépouillement qui per-
mettent à celui qui sait jouer de son procédé de corriger, pendant
l'évolution de l'épreuve positive, les défauts de valeurs et le manque ou
l'excès d'opposition de son cliché. L'explication de ces pratiques se
trouve à d'autres pages de ce volume ; nous avons seulement voulu
simplifier la besogne du commençant en le mettant dans les meilleures
conditions possibles pour profiter des avantages de chaque procédé.
Il éprouvera sans doute plus tard un plaisir d'équilibriste à se jouer
des difficultés que nous venons de lui signaler.
Cependant, nous ne devons pas en être réduits à choisir parmi
des négatifs développés au hasard celui qui convient à notre procédé
d'élection. Nous sommes, dans une certaine mesure, à même de fabri-
quer celui-ci en vue de nos besoins. Déjà la durée plus ou moins
longue de la pose modifie le caractère d'un cliché. A cela viendra
s'ajouter la façon d'agir du révélateur employé. Nous savons que d'un
même sujet nous tirerons deux effets opposés : l'un monotone, l'autre , cij>y«9.J-
heurté, selon que nous aurons laissé les rayons de différentes couleurs
et de différentes intensités lumineuses émis par le motif arriver tous au
but en se rattrapant — c'est l'excès de pose — où que nous aurons inter-
rompu l'insolation bien avant que les faisceaux moins actifs aient
opéré sur la couche sensible une modification égale aux faisceaux plus
intenses qui ont travaillé les premiers — c'est la sous-exposition. Dans
le premier cas, les ombres et les demi-teintes se rapprochent trop du
4
24
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
maximum d'opacité atteint par les grandes lumières; dans le second,
le phénomène contraire s'est produit.
Mais, en développant un négatif dont la durée de pose se trouve
entre ces deux extrêmes, nous pouvons cependant nous rapprocher
soit de Tun soit de l'autre, selon que le bain révélateur dont nous nous
servons a été composé de tel ou tel agent réducteur. Ainsi l'expérience
a prouvé que le révélateur bromuré, quel qu'il soit, tend à exagérer
les contrastes; que, parmi les révélateurs, — sans tenir compte de
l'action du bromure — le groupe iconogène, métol, métoquinone, pro-
duit des clichés doux et transparents dans les noirs et qui sont propres
par conséquent aux procédés à dépouillement tels que la gomme
bichromatée pure, les papiers Fresson, Artigue, et similaires ; tandis
que l'hydroquinone et le rodinal, qui fournissent des noirs plus épais
sans voiler les transparences, conviendront mieux aux procédés de
tirage à impression visible, tels que les ozotypes, le platine et le procédé
Rawlins. Enfin deux révélateurs, le paramidophénol et le pyrogallol
peuvent — le premier par le jeu du sulfite, le second par celui du car-
bonate de potasse — donner à volonté des clichés doux ou durs.
Nous venons d'énumérer les moyens les plus pratiques pour se
rapprocher du négatif type de chaque différent procédé d'art. Il arrivera
cependant — nous Tavons fait pressentir — que, malgré tous les soins
de l'opérateur, le résultat soit inférieur au desideratum. Il nous reste
heureusement encore quelques moyens d'intervention, d'ordre chi-
mique d'abord, tels le renforcement et l'affaiblissement.
La première opération — renforcement au bichlorure ou au
biodure de mercure, au permanganate de potasse, au nitrate d'urane
— est de pratique si courante que nous n'avons pas à entrer dans les
détails de son exécution. En l'espèce, elle consiste à ajouter l'épaisseur
d'un dépôt chimique métallique aux opacités existantes du cliché sans
en modifier les transparences. Elle aura donc comme effet d'augmenter
les contrastes entre les noirs et les blancs de l'image positive. Nous
n'aurons guère à nous en servir en dehors des procédés à impression
visible : platine — ozotypie — procédé Rawlins. — Nous ne voyons
I
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
25
pas de cliché destiné à la gomme ou aux papiers Fresson, Artigue et
similaires qui puisse en tirer profit. Parmi les procédés contraires
dont le but est de diminuer les épaisseurs du dépôt négatif, nous
devrons distinguer entre l'afFaiblisseur au prussiate rouge de potasse et
celui au persulfate d'ammoniaque. Ils affaiblissent tous deux, mais, au
point de vue valeurs, leur effet est bien différent. Le premier s'attaque
tout d'abord aux moindres épaisseurs — aux demi-teintes. Il tendra
donc à provoquer des contrastes aux débuts de son action, tant que
celle-ci aura respecté l'épaisseur des noirs. Mais ceux-ci, attaqués à
leur tour pendant que les demi-teintes continuent à disparaître, amè-
neront bientôt l'image négative à un équilibre plus ou moins complet
— à l'effacement définitif si l'action du réducteur est prolongée. Nous
n'aurons à nous servir de ce procédé que pour nettoyer prudemment
par une courte immersion les transparences voilées d'un négatif correct
d'autre part.
Le persulfate d'ammoniaque, tout au contraire s'attaque d'abord
aux plus grandes opacités du cliché, ensuite seulement aux moindres.
Il diminue donc les contrastes aux débuts de son action et continue à
les diminuer jusqu'à leur effacement total, par rétablissement d'équi-
libre entre épaisseurs diverses. Son emploi est tout indiqué pour
restituer aux clichés durs, destinés cependant à la gomme ou aux
papiers Fresson, Artigue, etc., la transparence dans les noirs que la
nature de ces papiers réclame, '--v
Ces affaiblisseurs peuvent être, en théorie, appliqués localement
sur le négatif. En principe, nous y trouvons des risques. L'action
d'un liquide sur une surface telle que la gélatine est bien difficile
à limiter de façon nette et des halos clairs se produisent presque
toujours autour de la portion réduite et mangent sur les demi-teintes
avoisinantes qu'il importe de réserver.
Nous nous sommes aperçus, au cours de ce qui précède, de com-
bien les valeurs positives sont à la merci des relations d'épaisseurs
négatives. Il nous viendra donc tout naturellement à l'esprit, après
avoir épuisé tous les moyens d'action chimiques, soit pour renforcer,
i
26
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
soit pour diminuer ces épaisseurs, de les modifier à la main par Faddi-
tion de substances inertes et par usure du dépôt même. Ces deux pra-
tiques rentrent dans la catégorie de la retouche.
Les résultats, si on en juge par l'aspect de la majorité des portraits
cartes en évidence, n'en seraient guère encourageants. L'œil de l'artiste
Ati.*^^'en offusque à raison et la mauvaise presse dont jouit la photographie
dans le monde des gens de goût ne provient guère que de l'abus fait^'^>^'*A«/»^
par le photographe d'un moyen qui peut cependant corriger bien des
défauts au lieu d'en ajouter.
La retouche par augmentation d'épaisseurs n'est en vérité qu'un
renforcement local, précieux à cause de sa localisation nette qui nous
permet ainsi l'accent clair, interdit le plus souvent par la nature du pro-
cédé photographique. Nous le provoquerons par l'application discrète
d'un pigment que l'on préférera opaque, fin de grain et facile à étendre,
tel que le rouge de Venise pour le côté verre du négatif ou le
graphite pour, le côté gélatine — qu'il faudra, bien entendu, pré-
parer à la morsure du crayon par l'application d'un vernis térében-
thiné à base résineuse. En usant du crayon par légers frottis, nous^^^
pouvons accentuer un modelé déjà existant, faire tourner une joue,
détacher l'aile de la narine, donner du relief au front et de l'ondulation
r^Uv^^^Xla chevelure. Les masses se traiteront par teintes plates, en couleur
moite, égalisées par tamponnement, au doigt ou à la poupée, sur le
dos du négatif ou sur la gélatine même, cette fois non recouverte de
vernis, en se servant d'estompés en peau ou en sureau saupoudrées a^wJp-ileA
de sanguine ou de plombagine. Ce dernier mode de retouche rendra
de grands services pour la préparation des clichés de paysage dont les
plans pourront ainsi être davantage différenciés et dont les nuages O^^k^
souvent noyés par solarisation seront accentués au point de transpa-
- raître au tirage sur papier. Des retouches plus brutales, au dos du
négatif surtout, nous seront permises sur les clichés destinés à la
gomme pure dont le coulage estompera les contours accusés de notre
intervention. Le travail sur les fonds sera commencé ainsi sur le cliché
et terminé sur l'épreuve même, pendant l'épaississement de la couche
/
*• DAi-^i» AliiLIER "
PAR R. DEMACHY
Pl. Vlli Traiienieni au burin ,
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
27
avant séchage. Une ligne d'horizon trop indécise, un contour de figure
trop noye emprunteront a la retouche négative au pinceau la certitude
voulue pour diriger le travail de dépouillement et éviter toute hésitation.
Enfin nous saurons même, grâce à la nature molle et envahissante
de la couche gommeuse positive, réussir la transformation d'un fond
noir en fond clair, sans risquer l'affreux silhouettage que l'enre-
gistrement rigoureux des procédés plus fidèles rend toujours inévitable
en pareil cas.
Les traités spéciaux conseillent de couvrir le côté verre d'un
négatif trop heurté comme valeurs, d'une couche de vernis ou de col-
lodion colorés, et d'enlever au canif les parties qui recouvrent les
noirs. C'est une façon de retarder le tirage des demi-teintes. Ce travail, a*^-^
malgré l'épaisseur du verre interposé, nous paraît délicat à faire sans
laisser d'arêtes désagréables autour des enlevés. On arrive plus facile- .aW'^ i;^o.
ment à transformer un négatif en tendant au dos de celui-ci une
feuille de papier dioptrique sur laquelle on peut soit à l'estompe, soit
directement au crayon, accentuer les faiblesses et, par conséquent,
diminuer les contrastes, ou surcharger au contraire les noirs insuffi-
sants et ajouter ainsi du relief à l'image.
Nous voici amenés à la retouche la plus radicale de toutes, celle
qui consiste à s'attaquer au dépôt même et à la gélatine qui l'enrobe,
et cela au moyen d'instruments métalliques dirigés par la main de
l'opérateur. En principe, il suffit de frotter doucement un endroit /îr\»*\'
opaque d'un négatif avec un morceau de flanelle blanche pour noircir
celle-ci plus ou moins vite; le dépôt d'argent réduit ne résiste donc
pas complètement à une usure aussi faible. Accentuons-la en saupou- oaA^vJtU
drant notre tampon avec de la ponce finement pulvérisée — l'effet sera
plus visible encore. Mouillons enfin la gélatine avec de l'alcool méthy-
lique et nous arriverons, en frottant avec quelque patience, à user
presque entièrement le dépôt d'argent réduit. C'est une pratique fort
connue des retoucheurs. Mais sa localisation nette quant aux contours
de la tache à diminuer offre beaucoup de difficultés. Il n'est pas com-
mode de diriger bien exactement les évolutions d'un tampon humide
28
LES PROCEDES P'ART EN PHOTOGRAPHIE
ES J)'
et malléable, et tout débordage, en diminuant l'épaisseur de la zone
avoisinante, travaillera à l'encontre du résultat cherché^
L'instrument métallique semble donc s'imposer. Nous en avons
plusieurs. L'éraser, le grattoir baïonnette, le burin et l'aiguille
emmanchée. L'éraser est un pinceau plat dont les soies sont rempla-
cées par des fils d'acier plus ou moins longs et par conséquent plus
ou moins souples selon le modèle. Le passage répété de cette sorte
d'étrillé produit sur la gélatine du négatif une multitude de stries
parallèles extrêmement fines, visibles de près seulement. « To erase »,
traduit littéralement, veut dire « effacer »; cet instrument pulvérise en
effet la toute première couche d'argent réduit et de gélatine; le ton de
la portion attaquée baisse donc très progressivement. Le grattoir baïon-
nette des graveurs est une sorte de stylet triangulaire soigneusement
aff'ûté du Sout. Nous ne nous servirons guère de la pointe qui est fort
«kJ^ aiguë, mais souvent de la tranche avoisinante, en tenant l'instrument
comme le dessinateur tient le fusain ou l'escrimeur une épée. Le burin
pourra travailler de la tranche, comme le grattoir, ou de la pointe,
comme l'aiguille emmanchée qui coupe franchement jusqu'au verre.
Mais pour la pratique l'éraser et le grattoir suffisent; ils permettent à
eux deux toutes les interventions que peut exiger le négatif. L'action de
réraser est sans doute la plus graduelle, mais elle se localise moins
facilement à cause de l'élasticité des fils d'acier qui s'écartent sous la
pression. Cet instrument servira donc à baisser le ton des zones éten- ^t^M^.
dues ou à supprimer des taches de dimension moyenne — tandis que le
grattoir travaillera sur des taches plus petites ou plus compliquées de
forme. Car, si son attaque est plus morâante, sa rigidité en rend la
direction beaucoup plus sûre. En l'employant à un angle plus ouvert
avec la surface du cliché, nous le ferons mordre davantage jusqu'à
l'accent profond qui dénude le verre. C'est le plus fort que nous puis-
sions donner; il correspondra au noir maximum^^e l'épreuve. Cet
accent — soit dit en passant — ne devra ni être prodigué ni être placé
au hasard; c'est le point d'exclamation de la phrase et nous n'en abuse-
rons pas.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
29
Selon que Tauteur se sera servi prudemment du grattoir ou de
l'éraser pour effacer une tache malencontreuse, ou qu'il aura buriné
la couche hardiment, sans dissimulation aucune, dans le but de créer
des accents et de londrei des masses, il aura retouche ou traite. La re-
touche pourra ne pas attirer la moindre attention, par contre, le trai-
tement du négatif au burin, au grattoir ou à l'éraser a déjà donné lieu
à l'inévitable accusation de plagiat.
Il est certain que le passage répété de la brosse métallique et que
le travail profond du grattoir vont créer des traces plus ou moins nettes
qui suivront bien les zones dessinées par l'objectif, mais qui s'écarte- -^«A^Jé
ront de l'aspect habituel de l'image photographique. Un négatif ainsi
traité, tiré sur papier à la gomme, n'ajoutera à l'épreuve que des qua-
lités de relief et de profondeur, dont l'origine aura été dissimulée par
o la bavure spéciale à la couche gommeuse.
Tout autre sera l'aspect de l'épreuve au papier Fresson, Artigue
ou Rawlins, nous tenons à en prévenir nos lecteurs.
Alors le caractère d'eau-forte sera prédominant, parce que la ma-
tière de la couche se rapproche de celle de la gravure, que la gélatine
du cliché a été travaillée de la même manière et avec les mêmes ins-
truments que la plaque de cuivre de l'aqua-fortiste, et que la fidélité
de reproduction de la gélatine aura enregistré chaque trait de l'acier. j\jA.
Le graveur dessine sur du papier quelconque, reporte son dessin sur
sa planche vernie et en suit fidèlement les traits à la pointe. Le photo-
graphe suit avec son burin, son aiguille ou son grattoir le dessin fourni
par son objectif. Les teintes plates que le graveur obtient par retrous-
sage seront données au photographe par les zones non gravées de son
cliché. Il y aura donc similitude inévitable d'eff"et puisqu'il y a eu simi-
litude de travail. Mais nous jugeons que seule la ressemblance avec
une mauvaise eau-forte est à déplorer; c'est une alliance que nous ten-
terons d'éviter.
Le lecteur, en consultant les deux exemples de la page 26, pourra
se faire une idée de la transformation que peut subir, grâce à l'éraser
et au grattoir, un négatif aussi riche en taches blanches et en répéti-
3o
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
tions de lignes que celui qui a fourni la planche n° i. Il verra d'abord
que le paquet blanc formé par la serviette à thé posée sur la table a
disparu en ne laissant que quelques traces, visibles seulement à cause
de la fidélité de reproduction du bromure qui a servi au tirage. La
seconde chaise en arrière de celle sur laquelle est assis le modèle a
passé dans le fond, les deux bouteilles dont les reflets venaient lutter
avec le ton des chairs ont été enlevées et la tonalité du bouquet de
fleurs et du vase qui les contient considérablement baissée — de même
que les luisants du bois de la chaise et la tache indécise de la plinthe
derrière le personnage. La tête est donc devenue centre ;;d'ihtérêt. De
plus des accents profonds au grattoir sont venus affermir- 4es plis prin-
cipaux des vêtements; le corps, il nous semble, tourne davantage et le
bras se détache mieux dans la seconde planche que dans la première.
Nous n'avons pas réussi un chef-d'œuvre, mais nous croyons avoir
rendu présentable une image qui ne l'était certainement pas.
PAR F.-V. SPITZER
Pl. IX. Gomme.
PREMIÈRE PARTIE
^
LES PROCÉDÉS
PAR DÉPOUILLEMENT
D
i
I
GÉNÉRALITÉS
N sait que les papiers sensibles photographiques se classent
d'ordinaire en trois catégories :
1° Les papiers à noircissement direct. — Incolores à l'ori-
gine et dans lesquels l'image est formée d'un dépôt de métal
réduit, dépôt provoqué par la seule action de la lumière.
2° Les papiers à développement. — Egalement incolores, dans les-
quels l'image est de même constituée par un dépôt métallique, produit
cette fois par une double action : action de la lumière et action d'un
agent chimique dit révélateur. Le papier au platine appartient à cette
classe.
3° Les papiers à dépouillement. — Ceux-ci se distinguent nettement
des premiers en ce que l'image y est constituée non par un métal réduit,
mais par une poudre de matière colorée, insoluble et inerte : noir de
fumée, sanguine, terres... Le papier, ayant été préalablement couvert
d'un mélange de cette poudre avec un colloïde sensibilisé et exposé
sous châssis, est dépouillé de son pigment non par un agent chimique.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
mais par des agents qui entraînent et libèrent les grains dans les
régions où la lumière les a incomplètement fixés.
A cette classe se rattachent : le papier à la gomme, le papier
ozotype, les papiers Artigue et Fresson, et tous les papiers du commerce
dits à la gomme.
Une quatrième catégorie commence à prendre naissance : elle
comprenait jusqu'ici les procédés par saupoudrage, d'un emploi très
délicat, qui par suite ne se sont pas répandus. Le procédé par encrage,
inventé récemment par M. Rawlins et dont nous parlons dans ce livre,
semble beaucoup plus pratique ; il se prête admirablement à l'interven-
tion personnelle. Dès maintenant on peut prédire un bel avenir à de
tels procédés qui viendront augmenter les ressources de la photographie
pictoriale.
Nous commencerons notre étude par les papiers à dépouillement.
Observons tout d'abord que le nom : Papier à la gomme ne doit
s'appliquer qu'au papier dans lequel la gomme arabique est employée
seule, sans mélange avec aucun autre colloïde. Il convient d'insister sur
ce point et de séparer nettement le procédé à la gomme des autres
procédés similaires.
C'est chose d'autant plus nécessaire qu'à la suite de la vogue légi-
time de ce procédé, un assez grand nombre de papiers nouveaux ont
été mis dans le commerce et dénommés « Papiers à la gomme ». Les
amateurs ont accueilli ces nouveautés avec grand plaisir, heureux qu'ils
étaient de s'éviter la peine de fabriquer eux-mêmes leurs papiers et
flattés de se voir maîtres, sans grand'peine, d'un procédé réputé diffi-
cile. Et c'est ainsi que nous pouvons voir dans nos Salons des épreuves
qui prétendent être « à la gomme », tandis qu'elles sont simplement à
la gélatine ; ce que leur aspect démontre d'ailleurs surabondamment.
Si nous venons ici préciser la question et réclamer pour la seule
gomme arabique le droit de se dire « gomme », ce n'est point pour le
vain plaisir de souffler sur des illusions bienfaisantes, mais pour dis-
siper une confusion qu'il nous serait impossible de laisser subsister au
moment d'écrire les pages qui vont suivre.
" ÉTUDE "
PAR C. PUYO
Pl. X. Gomme.
^^^ULc-' ^(L4^^A (^*.*C»V ^.£*^ ,
1
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
35
Rien, en effet, de ce que nous allons dire sur le traitement du
« Procédé à la gomme » ne saurait s'appliquer, sans modifications pro-
fondes, au traitement des procédés dérivés et similaires. Et si ces derniers
peuvent avoir et ont, en effet, de réelles qualités, ces qualités ne leur
sont point strictement communes avec le Procédé à la gomme. Le mode
de traitement, d'une part, Taspect de l'image obtenue, de l'autre, créent
donc entre ces procédés une délimitation nette et franche. Et la chose
était à prévoir, même avant toute expérience, si Ton observe que la
gomme appelée arabique possède des propriétés particulières qui la
mettent à part dans la série des gommites et des colloïdes, comme
nous allons le voir tout à l'heure.
Théorie générale des Procédés à dépouillement. — La théorie
de tous ces procédés dits « Procédés à dépouillement », réduite à l'es-
sentiel, est la même. Elle est basée sur l'action des bichromates alcalins
en présence des substances colloïdes : gélatine, albumine, gommes...
Sous l'influence de la lumière, le bichromate alcalin est dédoublé et '^'^ ^^\^^rz>^
cède une partie de son oxygène à la matière organique ; celle-ci subit
alors des modifications qui changent ses propriétés physiques et que
l'on peut résumer comme il suit (i) :
L — La gélatine, l'albumine, la gomme, mélangées aux bichro-
mates, tendent, sous l'influence de la lumière, à devenir insolubles, et
l'insolubilisation a lieu plus ou moins profondément dans l'épaisseur
de la couche, proportionnellement à l'intensité de la lumière.
e*vJi<vw.^-5iceM^' II, — Une couche de gélatine bichromatée étant plongée, après
fl-<K,t insolation, dans un liquide, les régions qui n'ont pas été insolubilisées
"^^^ , par la lumière absorbent seules ce liquide.
IIL — Une surface de gélatine bichromatée, rendue légèrement
humide après insolation, prend l'encre d'imprimerie sur les parties
influencées par l'action de la lumière et ne la prend pas sur celles qui
n'ont pas subi son action.
(i) M. Davanne. La Photographie théorique et pratique.
36
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
IV. — Les bichromates alcalins, en présence de la lumière, modi-
fient et détruisent les propriétés adhésives et hygroscopiques de cer-
taines compositions hygrométriques, telles que le sucre, le miel, la
dextrine, etc.
Un très grand nombre de procédés photographiques dérivent de
ces changements apportés par la lumière aux propriétés physiques des
colloïdes : tels les procédés de gravure, en creux et en relief, la collo-
graphie, l'hydrotypie, le procédé par saupoudrage, etc.
Des faits énoncés dans les paragraphes I et II sont sortis les papiers
à dépouillement.
Du fait énoncé dans le paragraphe III est sorti le procédé Rawlins.
On peut classer les papiers à dépouillement en deux catégories :
1° les papiers à couche épaisse qui exigent un transfert; 2** les papiers
à couche mince, sans transfert.
La première catégorie est constituée par le Papier au charbon dont
nous ne parlerons pas ici, bien que la matière qu'il fournisse ne soit
pas sans qualités ; mais il se prête de façon trop incomplète au contrôle
personnel de l'opérateur.
Nous ferons seulement observer que le dépouillement de ce papier
diffère essentiellement de celui des papiers à couche mince, et que s'il
est aisé d'observer et d'expliquer les phénomènes très simples qui se
passent lors du dépouillement du premier, le dépouillement des se-
conds est le résultat de phénomènes difficiles à observer et mal connus.
Dans le papier au charbon ordinaire, composé d'un mélange épais
de gélatine et de poudres colorées, l'épaisseur de la couche résiste à la
pénétration de la lumière; celle-ci, après avoir traversé le cliché, pé-
nètre donc la couche à des profondeurs variables, proportionnelles aux
transparences locales du cliché. Ce sont ces épaisseurs variables ainsi
insolubilisées qui créent les demi-teintes; comme il en est, par exemple,
dans l'héliogravure en creux. Pour faire disparaître de la couche tout
ce qui n'a pas été insolubilisé, on emploie donc de l'eau à une tempé-
rature supérieure à la température de fusion de la gélatine, 40 à 5o de-
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
grés. La gélatine non touchée par la lumière coule, emportant le pig-
ment. L'opération est une sorte de décapage; elle est terminée lorsque
de la feuille retirée du bain Teau s'écoule pure, sans matière colorante.
Dans les papiers dont la couche est assez mince pour être totale-
ment traversée par la lumière et, par suite, affectée par la lumière d'une
façon à peu près comparable dans toute son épaisseur, les choses se
passent d'une façon différente lors du dépouillement. Et les phéno-
mènes qui se produisent là ne sont pas non plus absolument les mêmes,
suivant que le colloïde est soluble dans Teau froide (papier à la gomme)
ou non soluble (papier à la gélatine).
> Considérons d'abord un papier à base de gélatine, Artigue ou Fres-
-<->.^<*.. son. Après insolation sous châssis, l'épreuve est mise dans une eau
:v>(iA - tiède, mais d'une température inférieure à celle qui provoquerait la
fusion de la gélatine. Ici l'emploi d'une température de 40 à 5o degrés
comme tout à l'heure enlèverait toutes les teintes moyennes du cliché,
laissant le papier à nu ; seuls subsisteraient les rares endroits à peu
près insolubilisés. L'eau tiède a ici pour rôle, non de faire fondre la
gélatine, mais de lui permettre d'absorber l'eau et de se gonfler. Ce
gonflement est plus ou moins fort, suivant que l'action de la lumière a
été plus ou moins prononcée. Nous utilisons ici la propriété II, énoncée
tout à l'heure. Le résultat de ce gonflement est de desserrer plus ou
moins les mailles de la matière organique dont le réseau retient pri-
sonniers les grains du pigment. Pour délivrer ceux-ci une action méca-
nique est maintenant nécessaire ; elle sera produite par le frottement
doux d'une sciure de bois très fine et diluée dans l'eau. Dès que ce
frottement commence, l'image se modèle aussitôt; ce frottement se
prolonge-t-il, tous les tons diminuent progressivement d'intensité, leurs
valeurs respectives l'estant à peu près immuables^ et plus ce frottement
s'accentuera, en se prolongeant, plus baissera Tintensité générale de
l'image.
On peut donc imaginer qu'ici l'action de la lumière n'a pas pour
but de créer des parties insolubles dans la masse pigmentaire, comme
il en est dans le procédé au charbon. Dans les papiers à couche mince,
38
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
il ne doit y avoir d'insolubilisation absolue dans aucune région de
l'image, et le travail de la lumière semble ici plus nuancé et plus subtil.
Il aurait pour but de rendre plus ou moins facile et complète, dans
les diverses zones de la pellicule pigmentaire, la faculté du gonflement ;
par suite, d'opposer au départ des grains de couleur des résistances
locales variables. j,. !)
Sur un tel papier, la gélatine n'ayant pas été fondue subsiste après
dépouillement ; elle n'a pas été partiellement enlevée comme celle du
papier au charbon et continue à couvrir uniformément la feuille. Elle
a simplement desserré, un instant, ses réseaux, puis les a refermés sur
les grains non libérés. Elle est encore susceptible de les desserrer à
nouveau, si on la remet dans l'eau tiède, et de laisser échapper d'autres
grains, si un frottement renouvelé l'y oblige. L'épreuve peut donc être
reprise après dépouillement incomplet et séchage.
Nous reviendrons sur cette question plus loin, dans les chapitres
consacrés aux papiers à la gélatine. Pour le moment, passons au papier
à la gomme, sans insister davantage; nous en avons dit assez pour que
nous puissions voir en quoi le papier à la gomme diffère des autres.
"PAYSAGE D'AUTOMNE"
PAR R. DEMACHY
Pl. XI. Gomme.
" BORDS DE SEINE
PAR R. DEMACHY
Pl.; XII. Gomme.
\
I
I
LE
PROCÉDÉ A LA GOMME
6
THEORIE DU PROCEDE
EU LE de tous les colloïdes utilisés dans les procédés pigmen-
taires, la gomme jouit de la propriété de se dissoudre dans yt-jbJt.^
l'eau, même froide. Donc ici la température du bain n'aura
pas une influence capitale et l'on n'aura pas à la régler avec
cette précision qui est indispensable dans le traitement des papiers à
la gélatine. L'élévation de la température hâtera simplement le phéno-
mène du dépouillement.
Ce phénomène apparaît ici plus complexe que tout à l'heure. On
remarque qu'au cours du dépouillement de l'épreuve, . la gomme se
dissout en partie, comme la gélatine dans le papier au charbon, et elle
se dissout en proportion variable suivant le travail effectué localement
par la lumière. En même temps, une autre portion de la couche
gommeuse subsiste, qui, elle, ne se dissout pas, mais absorbe l'eau, se
gonfle et laisse échapper le grain comme il en est dans les papiers à
couche mince de gélatine; seulement ici aucune action de frottement
n'est nécessaire.
Ces phénomènes simultanés de dissolution et de gonflement se
42
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
' '.produisent non seulement d'une façon d'autant plus intense,',mais aussi
: :;:r!iavec d'autant plus de rapidité que l'action de la lumière a été faible.
Essayons sinon d'expliquer ces phénomènes, du moins de les faire
• concevoir grâce au secours de l'hypothèse.
La lumière apporte à la gomme bichromatée une modification
physique; elle tend à faire disparaître sa solubilité et à la transformer
en une matière qui se gonfle en absorbant l'eau mais sans s'y dissoudre.
Plus l'action de la lumière se prolonge, plus diminue cette propriété
d'absorber l'eau en se gonflant; et, elle finit enfin par disparaître.
Ceci dit considérons la couche fine composée de gomme sensibilisée
-• et de couleur en poudre qui a été étalée sur le papier support. Cette
' ' couche exposée à la lumière, ne va pas être traversée par celle-ci d'une
façon uniforme en tous les points de sa surface. En effet chaque grain
de couleur va opposer une résistance à la pénétration de la lumière ;
■ -^mais à la superficie de la couche et aussi dans la profondeur de cette
couche, entre chaque grain qu'elle enrobe, existe de la gomme claire
qui, elle, sera facilement pénétrée. La lumière va donc se glisser dans
l'épaisseur de la couche en contournant chaque grain, tissant pour
ainsi dire entre ces grains un réseau de gomme insolubilisée, envelop-
pant chaque grain d'une sorte d'alvéole. Si bien qu'au bout d'un certain
temps d'exposition, la couche va présenter la composition suivante :
1° des grains de poudre inaltérés; 2° sous ces grains de poudre de la
gomme qui, protégée par ces grains, a vu sa solubilité diminuée mais
non détruite; 3*^ recouvrant le tout, comme un manteau d'épaisseur
variable, une couche de gomme insoluble mais encore susceptible
d'absorber l'eau.
Si donc nous plongeons le papier dans l'eau, ce manteau va se
gonfler desserrant les mailles de sa trarne; entre ces mailles, ce qui
subsiste de gomme soluble va, peu à peu, s'écouler entraînant des
grains et le dépouillement va se faire tout seul. "'^^^^'''''■''^
Prenons maintenant un cliché et sous ce cliché, exposons une série
de trois feuilles par exemple, en donnant à l'une une exposition
exagérée, à l'autre une exposition juste, à la troisième une exposition
ÉTÉ "
PAR C. PUYO
Pl. XiU. Gomme.
•^^^^ Cpê^^ uev^ i«.vVinO^*\«.o-^ -
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
43
insuffisante. Mettons ces trois feuilles dans le bain d'eau; que va-t-il se
passer?
La première ne se dépouillera pas automatiquement; on y verra
seulement se former une trace d'image, vaguement apparente. Dans les
grands noirs de l'épreuve, correspondant aux transparences du cliché,
la gomme a perdu la faculté d'absorber l'eau ; dans les valeurs
moyennes, cette faculté d'absorption n'est pas totalement abolie, mais
les réseaux de la matière organique se distendent de façon insuffisante';
il n'y a plus d'ailleurs de gomme soluble susceptible d'élargir les
passages et d'entraîner les grains; ceux-ci demeurent emprisonnés ainsi
qu'ils le seraient par une gélatine soumise à un bain de température
trop faible. Pour dépouiller, plus ou moins bien, l'épreuve, un frotte-
ment est nécessaire.
Cette méthode de surexposition suivie d'un dépouillement par
frottement est préconisée par quelques-uns et pratiquée souvent à
l'étranger. Nous ne saurions la recommander pour de multiples raisons
exposées au début de ce livre. Même si l'on arrive, par un frottement
au pinceau sans brutalité, à révéler la totalité de l'image, on aura
dérangé le grain et en substituant à la délicatesse, subtile infiniment,
des forces naturelles une action manuelle qui, par comparaison, appa-
raît nécessairement brutale, si adroite qu'elle puisse être, porté atteinte
à la beauté de la matière. Nul agent ne saurait, à ce point de vue,
remplacer la gomme elle-même qui, en se dilatant d'abord, puis en se
resserrant, écarte les grains et les rassemble ensuite sur le papier
support avec une harmonie évidemment préétablie.
Voyons maintenant la seconde épreuve, exposée normalement. A
peine est-elle plongée dans le bain que l'écoulement coloré commence
dans les demi-teintes claires, puis se généralise. Si, à ce moment, on
place l'épreuve sur une plaque d'ébonite ou de verre et qu'on la regarde,
on verra que sur toute la surface de l'épreuve la couche est gonflée sensi-
blement; et le phénomène apparaîtra plus net encore si on regarde les
marges du papier qui n'ont pas été protégées par le cliché; là, aucun
gonflement ne se manifeste.
44
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Nous n'avons plus, si nous ne voulons pas intervenir, qu'à remettre
l'épreuve à flotter sur l'eau ; elle se fera toute seule.
Prenons enfin la troisième épreuve, insuffisamment exposée.
L'écoulement coloré se manifeste presque immédiatement, se généralise
rapidement, et devient d'une abondance excessive; en quelques minutes
l'épreuve est faite et, si nous pouvions la fixer instantanément, serait
d'une fraîcheur superbe; mais nous n'avons plus affaire ici à la gélatine
qui, dès que la température s'abaisse de i ou 2 degrés, resserre aussitôt
ses mailles. L'eau continue son travail. Aussi ce bel aspect n'est
qu'éphémère. Placée sur la plaque d'ébonite, nous voyons l'épreuve se
modifier rapidement ; toutes les demi-teintes claires semblent se
liquéfier, se fondre les unes dans les autres. C'est qu'en ces régions le
réseau de gomme insoluble a été insuffisamment formé; sous la pression
de la gomme restée soluble, il se déchire et est entraîné. Les valeurs
sombres résistent mieux, se montrent pour un temps avec leurs détails
complets ; puis ces détails se fondent eux aussi les uns dans les autres
et s'uniformisent. Là le réseau est d'une force suffisante pour retenir
une partie de grains, mais non pour empêcher les filtrations et la
pénétration réciproque des tons voisins; sorte de phénomène d'endos-
mose. Et pendant tout le cours du séchage, très long à s'opérer,
l'épreuve ira s'anémiant, laissant couler une eau abondamment colorée.
Finalement elle apparaîtra grisée, sans blancs purs, sans noirs accen-
tués, et résumée en grandes taches. /
Ce phénomène de filtration, de pénétration réciproque, qui tend
à effacer le dessin, à faire disparaître les détails, à remplacer par un
ton uniforme les groupes de tons accolés, s'appelle le coulé. Excessif,
il détruit l'image, mais, réduit, il tend à la synthétiser d'une façon
qui peut être heureuse, car la synthèse qu'il donne est susceptible
d'une grande justesse; il substitue, en effet, à une multitude de tons
accolés un ton général qui en est la somme, exécutant ainsi automa-
tiquement le travail que fait l'œil du peintre lorsqu'il cherche, sous
les paupières mi-closes et sous le voile des cils, une impression
d'ensemble.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 45
On peut dire que l'usage, non pas général mais très fréquent, du
coulé caractérise la gomme française par opposition à la gomme étran-
gère, et cet usage trouve sa justification dans ce fait que le coulé,
produit par une exposition très légèrement inférieure à la normale,
non seulement simplifie l'épreuve, mais lui assure de façon certaine
une matière optima, douée des qualités de fraîcheur et de transparence.
Considérons maintenant à un autre point de vue les trois images
que nous venons d'obtenir: comparons leurs valeurs à celles d'une
épreuve sur albuminé tirée du même cliché. Nous constaterons que la
première, en général, sera heurtée, présentera des contrastes exagérés,
manquera des demi-teintes de la gamme moyenne, aura des blancs
étendus et des noirs intenses ; que la seconde aura des valeurs compa-
rables dans leur ensemble à celle de l'épreuve sur albuminé, et que
la gamme en sera complète; que, dans la troisième, la gamme sera
rétrécie, allant du gris foncé au gris clair et non plus du noir au blanc
et que nombre de nuances seront absentes.
La siirexpositioîî a augmenté les contrastes et agrandi la gamme
des tons; la sous-exposition a produit un e§et inverse.
Ceci est vrai de tous les papiers à dépouillement.
La raison en est dans ce fait d'expérience : que la diminution de
solubilité, due à l'action de la lumière sur la gomme bichromatée,
n'est pas proportionnelle à la durée de cette action, mais qu'elle croît
plus vite que le temps d'exposition.
Coupez une feuille de papier à la gomme en plusieurs fragments
et exposez ces fragments à la lumière pendant des durées croissant en
progression géométrique, c'est-à dire : le premier fragment 5 minutes,
le second lo minutes, le troisième 20 minutes... chaque durée étant
double de la durée précédente. Mettez ensuite ces papiers dans l'eau.
L'expérience vous prouvera que les durées nécessaires au dépouille-
ment ne sont pas : i, 2, 4, 8... mais par exemple i, 3, 8, 20...
Donc, quand un papier à la gomme est placé sous un cliché, la
lumière agit rapidement sur les régions non couvertes, lentement sur
46
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
les régions couvertes. Nous devrons de toute évidence prolonger l'ex-
position jusqu'à ce que la lumière ait exercé une action sensible sur
les parties protégées par les opacités du cliché, sans cela nous n'aurions
pas de demi-teintes dans les clairs de Tépreuve. A ce moment la durée
d'exposition représente la durée minima que nous puissions admettre.
Si nous prolongeons cette durée, nous savons d'après l'expérience
citée plus haut que le travail de la lumière s'accélérera dans les parties
non protégées, si bien que peu à peu certaines parties de l'épreuve
deviendront insolubles, rebelles à tout dépouillement, les autres demeu-
rant plus ou moins solubles.
Or, comme l'action de Veau s'exercera pendant un temps égal sur
toutes les parties de l'épreuve^ puisque celle-ci est plongée dans le bain,
avant que l'eau ait pu triompher de la résistance des noirs, toutes les
demi-teintes claires auront eu le temps de se dissoudre, et, par suite,
l'épreuve produite sera heurtée.
Les variations dans la durée d'exposition modifiant ainsi les valeurs
et l'aspect de l'image, on dira donc que l'exposition est juste quand elle
aura produit l'effet cherché et corrigé, dans le sens que l'on désire, les
valeurs fournies par le négatif. Une ressource nouvelle et un mode
d'intervention intelligent sont mis à la disposition de l'opérateur.
De là l'importance de régler avec exactitude et précision le travail
de la lumière. Pour obtenir lors du dépouillement un coulé, justement
mesuré, qui donnera à l'image une onction sans mollesse, et simplifiera
le modelé sans anémier le dessin; ou, à l'inverse, pour tirer d'un cliché
mou une image ferme, sans enterrer les noirs par insolubilisation de la
couche; on devra diminuer ou augmenter la pose dans des limites assez
faibles. Un degré, un demi-degré même, ajouté ou retranché dans la
durée de l'exposition, cela suffit pour modifier de façon sensible l'aspect
de l'épreuve. Entre une épreuve simplement correcte et une épreuve
savoureuse il n'y a qu'une nuance ; mais cette nuance est d'un grand
prix.
Jusqu'ici, dans la théorie hypothétique que nous venons d'esquis-
ser, nous n'avons considéré comme agent créateur du modelé que le
••ÉTUDE EN GRIS
PAR R. DEMACHY
Pl, XIV. Gomme.
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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 47
travail effectué par la gomme elle-même ; mais, dans ces phénomènes
complexes, interviennent évidemment aussi des forces intramolécu-
laires. Nous avons signalé tout à l'heure, en particulier, les phéno-
mènes d'échange entre les cellules voisines, qui produisent les coulés.
La cohésion moléculaire doit aussi jouer un rôle ; pareillement le
grain du papier comme sa porosité, que l'encollage n'abolit pas entiè-
rement, créent des résistances supplémentaires au départ des grains
et ne sont pas sans action sur leur mode de groupement.
On s'en aperçoit si l'on tire deux épreuves, l'une sur papier lisse
et glacé, l'autre sur papier à grain fin. Contrairement à ce qu'on pour-
rait croire, la couche de matière pigmentaire aura des grains moins
fins et moins réguliers dans le premier cas que dans le second. C'est
que, le papier lisse n'ofi^rant aucune résistance au glissement des grains
colorés, ceux-ci obéiront aux attractions moléculaires et tendront à
former une série de groupes plus ou moins importants, séparés par des
intervalles variables; le papier non glacé s'opposant à l'attraction molé-
culaire forcera, en revanche, les grains à se déposer d'une façon plus
uniforme.
Autre exemple : prenons un papier lisse et glacé et, avant couchage,
brossons-le, toujours dans le même sens, avec une brosse humide.
Nous allons détruire en partie l'encollage et créer à la surface une sorte
de vergeure. Par la destruction de l'encollage nous aurons, sur toute la
surface du papier, créé une résistance uniforme au départ du grain
coloré; le résultat doit être le même que celui produit par un voilé
léger à la lumière, et, en effet, l'épreuve sera plus uniforme et ses
contrastes seront diminués ; on n'obtiendra pas de blancs purs. En
même temps les sillons parallèles, créés par la brosse à la surface du
papier, assureront un dépôt régulier de grains. Malheureusement l'aug-
mentation de porosité du support, due au brossage, fera la matière
beaucoup moins belle.
On conseille, parfois, dans des traités, la méthode de couchage
suivante : tremper d'abord le papier dans une solution de bichromate ;
puis, alors qu'il est encore humide, coucher le mélange de gomme ara-
7
48
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
bique et de couleur. Le couchage se fait alors très facilement, trop faci-
lement même ; mais le pinceau de couchage attaque le papier et pro-
duit un véritable brossage. Le dépouillement s'effectuera d'une façon
régulière et sans arrachement ; en revanche, la matière produite sera
inférieure en beauté et en éclat.
De tout ce que nous venons de dire nous pouvons conclure que
si, dans le procédé, le rôle capital incombe à la gomme, le papier n'en
joue pas moins un rôle important, — ce qui n'est point dans les pro-
cédés à base de gélatine. C'est donc, soit dans la nature du papier, soit
dans celle de la gomme que nous devrons chercher certaines raisons
de nos insuccès, et nous ne devrons pas hésiter à remplacer ces servi-
teurs si, pour des raisons obscures et qui nous seront toujours incon-
nues, ils semblent ne pas remplir convenablement leur office. Disons,
tout de suite, que ces mauvais serviteurs sont rares; que, d'ailleurs, les
mauvais maîtres font les mauvais serviteurs, et que ceux-ci nous seront
d'autant plus dociles que nous aurons appris, par l'usage, à les com-
mander. Nous allons indiquer d'abord comment les choisir.
LE MATÉRIEL
a Gomme. — On désigne sous le nom général de gomme
arabique une série de variétés de gommes dont le caractère
distinctif est la solubilité dans l'eau et l'insolubilité dans
l'alcool, qui les précipite de leur solution aqueuse.
Les variétés les plus connues sont celles de l'Arabie et du Sénégal.
La première est fournie par divers acacias; le commerce la livre en
morceaux irréguliers de grosseur et de forme, d'une couleur allant du
jaune pâle au jaune rouge, à cassure vitreuse ou fendillée. La gomme
blonde est dite de choix.
La gomme du Sénégal est livrée en fragments plus gros et plus
ronds, souvent fendillés à la surface, jamais à l'intérieur; ce qui la
distingue de la gomme arabique; elle se dissout dans l'eau un peu plus
lentement que celle-ci.
Les essais effectués sur les variétés de gommes, que le commerce
livre plus ou moins mélangées entre elles et sans contrôle d'origine,
nous ont toujours donné des résultats comparables. Il semble donc
inutile d'aller chercher ce produit plus loin que chez l'épicier du coin.
5o
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
La dissolution dans l'eau, suivie d'un filtrage, séparera d'ailleurs la
gomme soluble des corps étrangers ou gommites insolubles qui pour-
raient s'y trouver mélangées.
Comme les qualités du procédé sont dues à la tacilité avec laquelle
la gomme absorbe l'eau et y distend ses pores, toute adjonction d'au-
tres matières colloïdes telles que : gélatine, colle de poisson, amidon,
albumine, etc., semble, à priori, devoir être plus nuisible qu'utile; et,
en effet, l'expérience a fait rejeter toute alliance de ce genre.
La solution de gomme pourrait être préparée, au jour le jour;
mais cette façon d'opérer n'est pas en faveur; à fabriquer d'avance
une certaine quantité de solution, on trouve les avantages suivants :
d'abord on évite l'ennui d'une opération quotidienne; ensuite on
s'assure un produit plus docile et plus sûr; l'expérience semble en
effet avoir prouvé que la solution de gomme se comporte de la façon
optima après quelques jours de fabrication, lorsqu'elle a subi un com-
mencement d'évolution acide.
La solution devra se faire à froid, à 40 ou 5o 0/0. La méthode
la plus recommandable et la plus rapide consiste à remplir à moitié
d'eau froide un bocal quelconque, à large goulot. On y immerge alors
un nouet de mousseline contenant des morceaux de gomme concassés,
en quantité suffisante pour faire monter le niveau de l'eau au sommet
du bocal. L'extrémité du nouet étant serrée sous le bouchon, la gomme
se trouve placée au milieu du liquide qui Tentoure et la pénètre de
toutes parts; elle se dissout donc et se filtre en même temps. Par excès
de précaution, on peut, après dissolution complète, lui faire subir un
second filtrage à travers une mousseline ou une flanelle lâche.
La solution présente à ce moment une consistance forte et pois-
seuse. Au bout de quelques jours, sous l'influence des fermentations,
elle évolue, devient plus acide, plus filante et en quelque sorte plus
onctueuse. Quand on la jugera à point, ce dont on s'assure par des
essais, on arrêtera la fermentation en y ajoutant i 1/2 à 2 0/0 d'une
solution de formol du commerce. Elle pèsera alors 22 à 25 degrés
au pèse-sirop.
:SL>
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 5l
Une quinzaine de jours suffit généralement pour amener la solu-
tion à son état optimum.
La méthode que nous avons indiquée plus haut introduit dans la
solution de gomme, une proportion d'eau de 60 à 5o 0/0. C'est un
chiffre moyen qui n'a rien d'absolu, mais on fera bien de ne pas trop
s'en écarter. Les solutions trop étendues d'eau donnent en effet des
couches peu sensibles à la lumière; car elles ne permettent pas d'intro-
duire dans le mélange une proportion suffisante de bichromate.
Si une solution ancienne se comporte mal ; si l'on constate que,
pendant le dépouillement, l'absorption de Teau se fait avec trop de
lenteur, que la solution tend à donner des couches trop résistantes, ne
se gonflant pas, se morcellant en écailles au lieu de se fondre, produi-
sant des blancs sales et des noirs enterrés, on en conclura que, par
un excès d'acidité, elle a perdu sa plasticité et ses qualités physiques.
On pourra alors, soit la sacrifier impitoyablement, soit la corriger en
la mélangeant à une solution très fraîche, neutre ou légèrement
alcaline.
Certains auteurs conseillent d'ajouter à la solution de gomme
une petite quantité de sucre ou de glycérine. Ces produits, en présence
du bichromate, étant beaucoup moins sensibles à la lumière que ne
l'est la gomme, ne peuvent jouer qu'un rôle purement mécanique;
pendant la durée normale de formation d'une image sur gomme
bichromatée, ils ne sont nullement transformés et, par suite, lorsque le
papier mixtionné est soumis à Faction du bain d'eau, ils s'en vont en
désorganisant la couche. Eder en déconseille absolument l'emploi.
Solution sensibilisatrice. — Elle peut être constituée soit par du
bichromate de potasse, soit par du bichromate d'ammoniaque, soit par
un mélange de ces deux produits.
Ces solutions se font à saturation et s'emploient de même. Comme
le bichromate d'ammoniaque est beaucoup plus soluble que le bichro-
mate de potasse, et que la sensibilité de la mixtion croît avec la propor-
tion de bichromate qu'elle contient, l'action de la lumière sur les
52
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
couches sensibilisées au bichromate d'ammoniaque est notablement
plus rapide.
Cette rapidité d'action tend à donner des images plus uniformes et
plus douces, surtout moins vigoureuses. Elle peut n'être pas sans incon-
vénient dans la pratique, car une plus grande précision dans la justesse
de la durée d'exposition sous châssis devient nécessaire et une insolu-
bilisation trop prononcée de la couche est à craindre.
Aussi dans la belle saison, alors que la lumière est bonne, il con-
viendra d'user du bichromate de potasse. En hiver, pour ramener
l'exposition à une durée raisonnable, on pourra mélanger en parties
égales la solution de bichromate de potasse et la solution de bichromate
d'ammoniaque, on obtiendra ainsi des couches d'une sensibilité triple
ou même quadruple.
Seuls, les opérateurs qui voudront obtenir des couches assez résis-
tantes pour ne les dépouiller que sous l'action du pinceau, se serviront
du bichromate d'ammoniaque à l'exclusion de son congénère.
Il est possible d'exagérer encore la sensibilité de la couche par
l'addition d'acide chromique, mais on porte alors à un degré excessif la
dureté, la résistance de cette couche. D'après Eder si l'on emploie une
solution pure d'acide chromique, il n'y aurait plus aucune demi-teinte
mais seulement du noir et du blanc. Aussi Eder recommande-t-il d'éviter
les bichromates renfermant des traces d'acide chromique libre, ou alors
de les neutraliser par l'ammoniaque.
Ceci est sans intérêt dans la pratique car, d'après le même Eder
les chromâtes ordinaires du commerce ne renferment jamais de produits
pouvant avoir une action sensible sur les résultats; leur emploi peut
être considéré comme sûr et il n'est nullement indispensable pour nos
opérations d'avoir recours à des produits chimiquement purs.
La solution saturée de bichromate de potasse se fera en versant
simplement de l'eau chaude dans une bouteille contenant un excès de
bichromate pulvérisé ou finement concassé, et en agitant quelques
instants. Pour le bichromate d'ammoniaque, on opérera de même dans
une autre bouteille.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 53
Ces solutions se conserveront indéfiniment; mais il sera prudent,
pendant Thiver, de les garder dans une chambre habitée. Sous
l'influence du froid, en effet, une partie du bichromate dissous se
cristalliserait et la teneur de la solution baisserait sensiblement.
Les Papiers. — Lorsqu'on se propose d'imprimer une épreuve,
la première décision à prendre porte sur le choix de papier support à
employer. La nature du sujet représenté, et le genre de l'effet à pour-
suivre nous guideront dans ce choix; c'est question de goût personnel
et de convenance.
La seule condition technique que le papier doive remplir est d'être
convenablement et régulièrement encollé. Il est, en effet, de première
importance que l'image reste à sa surface et que la matière colorée ne
s'infiltre pas dans ses pores. La gomme est là, d'ailleurs, pour assurer
et confirmer à ce point de vue l'effet de l'encollage. Le papier doit
également avoir une force assez grande pour résister à l'action de Teau,
même portée à un degré de température élevé.
La liste est longue des papiers qui remplissent ces conditions et
peuvent être utilisés tels quels : les papiers dits registre^ lisses et glacés ;
les papiers de Rives qui forment le support ordinaire des papiers au
bromure ou au platine, notamment les numéros i32, i33, i35 de grain
moyen; les papiers Canson, notamment le B. Crayon et le papier lavis ;
divers papiers à aquarelle, Tochon-Lepage et Cassagne ; les papiers
vergés Lalanne, Ingres ou Michallet; d'autres encore tels que ceux de
Dambricourt, Joynson, Turkey Mill, Impérial Treasury et même,
pour les effets larges, les papiers dits d'office.
Seul, peut-être, le Whatman trop poreux, d'un encollage faible et
assez irrégulier, n'est pas à recommander.
Parmi les types ci-dessus dénommés, le Canson, B. Crayon est un
des plus communément répandus; il se trouve partout. Comme il est
d'un couchage facile, on pourrait le conseiller pour les premiers essais.
Car tous ces papiers n'offrent pas au couchage une égale facilité.
Sur les papiers très lisses la mixtion gommeuse, n'étant pas retenue,
54
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
suit le pinceau et s'égalise malaisément; sur les papiers à grains forts
l'opération est facile, trop facile même, mais la couche risque d'être un
peu épaisse. Mieux vaut, pour le débutant, se faire d'abord la main sur
des papiers à grain moyen ou à grain fin mais non lisse. Le Canson
B. Crayon, le Rives n"* i32 et i33 remplissent bien ces conditions.
Comme nous le disions plus haut, la texture du papier aura une
action marquée sur la nature et l'aspect de l'image. Sur un support à
grain fin, celte image pourra offrir normalement une grande finesse de
détails et un modelé complet; sur un support à gros grain les demi-
teintes tendront à se briser et le modelé à se simplifier, effet que la
brutalité voulue ou non du dépouillement pourra accentuer encore.
Par le papier choisi d'une part, par le mode de dépouillement de
l'autre, nous pourrons donc modifier les qualités de l'image, la faire
délicate ou brutale, détaillée ou simplifiée.
Les feuilles de papier seront coupées à un format légèrement
supérieur à celui du cliché : format 20 X 26 pour 18/24; format
26 X 33 pour 24/30. Cela est nécessaire pour laisser la place des
punaises, pour donner à la main une emprise, parce qu'enfin les
bords seront toujours défectueux, la couche s'y trouvant épaissie par
les apports du pinceau de couchage.
Dans les cas, extrêmement rares, où un encollage supplémentaire
sera jugé nécessaire, opérer comme suit :
Encollage à l'arrowroot : Prendre i5 à 20 grammes d'arrowroot,
les dissoudre dans i litre d'eau froide ou légèrement tiède. Porter à
l'ébullition doucement, en ayant soin de remuer constamment. La
solution ayant bouilli deviendra claire; laisser refroidir.
Immerger le papier dans cette solution; ou bien étaler la colle en
se servant d'une brosse plate ou d'un tampon de flanelle bourré
d'ouate.
Pinceaux. — Comme nous le savons, la fabrication du papier à la
gomme consiste : 1° à mélanger intimement les solutions de gomme et
de bichromate et les couleurs; 2" à appliquer ce mélange sirupeux sur
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 55
le papier; 3° à l'y étaler, malgré la résistance qu'il oppose, en couche
fine et homogène.
A chacune de ces opérations correspond un type de pinceau.
1° Une petite brosse ronde de peintre, en soie de porc, serrée et
dure; on ajoutera à sa raideur en la prenant de poil très court ou en
coupant ces poils à moitié ou au tiers de leur longueur; elle servira
à opérer par écrasement et fouettage un mélange intime;
2** Une brosse plate de peintre, également en soie de porc, très
plate et de dimension suffisante pour qu'elle puisse contenir au moins
la quantité de mixtion nécessaire au couchage d'une feuille. Elle ser-
vira à transporter la mixture sur le papier et à exécuter un premier
barbouillage grossier;
3° Une brosse spéciale plate, en soie de porc. Ce pinceau ne devra
pas être trop épais car il se chargerait de mélange et perdrait toute
souplesse; étant peu épais, il ne devra pas être constitué de poils trop
longs, car alors il serait trop flexible. Pour qu'il possède à la fois de
la souplesse et de la fermeté, une relation doit exister entre l'épaisseur
et la longueur de la masse des poils. Le modèle dont nous nous ser-
vons a environ : épaisseur de poils 3""^, 5; longueur des poils 38 mil-
limètres. Un pinceau ainsi constitué et large de 8 centimètres suffit
pour coucher tous les formats jusqu'à 30/40.
Il devra naturellement résister à Teau et ne pas perdre aisément
ses poils. Ceux-ci devront être enrobés dans de la résine ou dans une
matière imperméable. Nous avons obtenu, au point de vue de la soli-
dité des poils, d'excellents résultats en coulant, entre les poils, dans
l'intérieur de la monture métallique une solution alcoolique de cire à
cacheter. Un approvisionnement de plusieurs pinceaux de cette caté-
gorie sera nécessaire, comme nous le verrons plus tard; leur prix est
d'ailleurs très minime.
Les Pigments colorés. — Les couleurs en poudre pourraient être
utilisées, notamment pour les noirs et les sanguines. Mais elles sont
difficiles à introduire dans le mélange et à malaxer d'une façon intime.
s
56
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Les couleurs moites, en tube, sont d'un usage beaucoup plus com-
mode; le broyage en est plus parfait et, enfin, les proportions de
couleur à introduire dans les mélanges sont plus faciles à évaluer à
l'œil, sans avoir recours à la pesée.
Deux cas à considérer :
1° Celui où l'on se propose d'obtenir l'épreuve en une seule
impression;
2° Celui où l'on se propose d'effectuer plusieurs impressions suc-
cessives. Nous ne nous occuperons que du premier, rejetant plus loin
l'examen du second.
Pour obtenir, en une seule impression, une épreuve vigoureuse
et belle, il est nécessaire d'employer des couleurs couvrant bien et
donnant au ton, sous un petit volume, une grande intensité. Il est de
plus inutile de compliquer sa palette; donc se borner, quand on
débute, aux combinaisons suivantes :
Noir .... Noir de bougie.
Noir chaud. Noir de bougie et une pointe d'ocre jaune, ou de bistre.
Noir bleu . Noir de bougie et pointe d'indigo.
Ecarter ici le noir d'ivoire, le noir de pêche, l'encre de Chine,
manquant de corps.
Les premiers essais devront être faits dans les tons noirs. Les
bistres sont d'un emploi plus malaisé, ainsi que les rouges, parce
qu'avec ces couleurs, peu couvrantes, on risque de fabriquer des
couches trop épaisses et trop chargées en pigment. Ce n'est donc
qu'après s'être confirmé dans l'usage du procédé, que le débutant
songera à compléter sa palette.
Il obtiendra des rouges en combinant le rouge de Venise, couleur
très belle et très fine, au brun rouge et à la terre de Sienne brûlée.
Si Ton veut un rouge évoluant vers le ton sépia, on y ajoutera une
petite quantité de la terre d'ombre brûlée, ou du bistre ou du brun
Van Dyck.
Ces trois bruns, alliés à du noir de bougie et chauffés parfois d'une
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE S'J
pointe de rouge ou de terre de Sienne brûlée, fourniront les bruns plus
ou moins voisins du noir ou du bistre.
Quand on emploie la série des tons allant de la sanguine au bistre,
il ne faut pas chercher à obtenir des qualités de vigueur et de puis-
sance ; ces pigments sont impuissants à les donner. Avec eux, d'ailleurs,
toute insolation au-dessus de la normale tendra à produire des ombres
enterrées ; il en résultera une matière sale et triste. De telles nuances ne
conviennent qu'aux sujets de tonalité légère, sans ombres fortes, où les
demi-teintes claires dominent; et, alors, on aura intérêt à sous-exposer;
même au risque d'un léger coulage qui assurera à l'épreuve une fraî-
cheur d'aquarelle.
Est-il besoin d'insister sur la convenance de ne point imprimer
un paysage en rouge ? Oui, puisque certains amateurs semblent se com-
plaire à cette aberration. Et disons que le nombre des sujets qui se
. prêtent à l'impression en sanguine est des plus restreints : académies
de femn:ics, portraits de femmes blondes ou d'enfants, se détachant sur
fond clair ; nous venons de les énumérer tous.
Ainsi donc : noir de bougie, indigo, bistre, brun Van Dyck, terre
d'ombre brûlée, terre de Sienne brûlée, ocre jaune, rouge de Venise,
brun rouge ; cet approvisionnement est plus que suffisant pour produire
des chefs-d'œuvre.
Photomètres. — Dans tous les procédés au dépouillement, la jus-
tesse de l'exposition est la condition première et indispensable du succès.
Et si nous observons que les variations de l'exposition ont pour résultat
de modifier les valeurs et, par suite, l'effet, nous appellerons juste celle
qui nous fournit l'effet cherché.
L'action photochimique de la lumière se mesure au moyen d'ins-
truments appelés photomètres. Il en est de différents genres et ici,
comme toujours, le meilleur photomètre est, sans doute, celui dont on
a l'habitude.
On peut cependant avancer que le photorhètre dit Artigue est le
plus précis et le plus facile à fabriquer. On en connaît le principe :
58
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Si l'on imbibe une feuille de papier blanc d'une solution saturée
de bichromate de potasse, on obtient, après séchage à l'obscurité, une
feuille colorée en jaune clair. Si on expose ensuite cette feuille à la
lumière, le ton jaune foncera et deviendra brun, mais il n'ira pas au
delà d'un certain brun et demeurera stationnaire. Le temps mis par le
papier pour passer du jaune au brun type est pris comme unité photo-
métrique ; c'est, par abréviation, le degré Artigiie.
Ce degré est à midi, à l'ombre par temps clair : de trois à quatre
minutes en juin, de quatre à cinq minutes en juillet, de cinq à six mi-
nutes en août, de six à dix minutes en septembre, etc., il atteint trente
minutes et même une heure en décembre.
Pour faire un photomètre on coupe deux bandes de carton opaque
ayant respectivement i5 à 20 centimètres de longueur sur 2 à 3 de lar-
geur. Entre les deux bandes que serrent deux caoutchoucs, on place en
sandwich une bande de papier de largeur un peu inférieure, que l'on a
sensibilisé au bichromate et fait sécher dans l'obscurité. On laisse pas-
ser I ou 2 centimètres de ce papier et on l'expose quelque temps au
jour. Cette partie exposée à la lumière acquiert un ton brun qui de-
meure stationnaire..
Cela fait, au moment où l'on met ses châssis au jour, on tire la
bande de papier bichromaté de façon à en faire sortir i centimètre
environ de plus. Cette partie nouvellement découverte est jaune clair;
le temps que mettra ce ton jaune à atteindre la tonalité brune de la
bande antérieurement exposée, mesure i degré.
On notera ce degré à la montre. Est-il de huit minutes et le cliché
exige-t-il une exposition de 3 degrés, on saura qu'il faudra laisser le
châssis au jour pendant vingt-quatre minutes.
On pourra aussi, si l'on veut plus de précision, mesurer les degrés
un à un en tirant chaque fois i centimètre de papier dès que la der-
nière bande découverte a atteint le brun; ou se contenter de mesurer
le degré au commencement et à la fin de l'exposition et de faire la
moyenne des deux mesures.
Certains amateurs trouvent quelque difficulté dans Tappréciation
PORTRAIT "
PAR Q. QRIMPREL
Pl. XVIIl. Gomme.
■
.1
■1
i
i
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
exacte du degré. On constate, en effet, que la bande jaune clair, dès
qu'elle a été tirée au jour, commence d'abord par se teinter rapidement
et progressivement ; puis, lorsqu'elle a acquis un ton voisin du brun
type de la bande précédente, mais un peu inférieur, elle met un temps
notable à achever son évolution et à acquérir Tintensité définitive ;
dans cette dernière période les changements de nuance sont lents,
comme insensibles. Il en résulte un peu d'hésitation touchant l'instant
précis où le degré est fait, par suite certaines diff"érences d'appréciation
d'individu à individu. Mais cela est de nulle importance ; chaque opé-
rateur peut apprécier le degré à sa façon, pourvu qu'il l'apprécie tou-
jours de la même manière.
L'avantage du photomètre Artigue est de fournir une véritable
unité de mesure. C'est un avantage que n'off"rent pas d'autres photo-
mètres basés sur les diverses colorations que prend un papier sensible,
albuminé ou citrate, exposé sous une feuille de verre divisée en zones
de transparence décroissante.
Il est facile de se faire un photomètre de ce genre en divisant une
bande de verre en zones successives et égales, la première recouverte
d'une épaisseur de papier dioptrique, la seconde de deux épaisseurs,
la troisième de trois épaisseurs, etc., et en inscrivant à l'encre noire les
chiff"res i, 2, 3, etc., respectivement sur les zones successives. En pla-
çant sous ce verre ainsi divisé en zones de plus en plus opaques une
bande de papier citrate, le chiffre i s'imprime d'abord en blanc, puis
le chiffre 2, etc. L'expérience vous apprend ensuite que tel cliché exige
que les chiffres i, 2, 3, 4, 5 soient visibles, le 6 presque invisible, le 7
invisible.
Ces photomètres sont peut-être d'un usage plus simple que le
photomètre Artigue; peut-être aussi sont-ils d'un usage moins sûr,
parce que moins précis dans leurs indications.
Il en existe plusieurs modèles dans le commerce.
Accessoires divers. — Au matériel très simple que nous venons
d'énumérer, il faut ajouter :
6o
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
1° Pour la fabrication du papier :
Un bol ordinaire dans lequel se fera le brassage intime du mé-
lange.
Une planchette à dessin et des punaises.
Un carton sur lequel on fixera successivement les feuilles de papier
à coucher.
Nous nous trouvons bien d'employer à cet usage les cartons épais
préparés pour la peinture à l'huile et recouverts d'un enduit imper-
méable à l'eau. Les punaises y mordent aisément et, l'opération ache-
vée, il suffira d'un coup d'éponge donné sur la surface pour lui rendre
sa propreté primitive. Un carton de ce genre, que Ton prendra de
dimensions supérieures au format des feuilles, servira très longtemps.
2" Pour le dépouillement de l'image :
Des cuvettes du format supérieur à celui du papier.
Des plaques d'ébonite.
Des éponges; des pinceaux à aquarelles de diverses dimensions;
du papier buvard blanc, de bonne qualité, dont on fera des tortillons
au moment du besoin.
PRÉPARATION
ET
DÉPOUILLEMENT DU PAPIER
réparation du Mélange. — Posons ces deux principes, dont
la pratique comme aussi le raisonnement prouvent la justesse.
Pour que la matière de l'épreuve soit belle, il est néces-
sa ire
i'' Que la proportion de gomme soit forte, car la gomme joue dans
le mélange le rôle d'un vernis incorporé. C'est à elle qu'est dû le gras
du ton; c'est elle qui empêche les noirs de présenter un aspect enterré;
2° Que la couche, après étalage sur le papier, soit homogène et fine :
homogène, cela est évident; fine, car elle doit être entièrement traversée
par la lumière.
Ces deux conditions, sont antagonistes. En effet, un mélange trop
gommeux sera impossible à étaler de façon homogène et fine. Nous
arrivons donc à cette règle empirique :
La couche devra contenir la plus forte proportion de gomme
compatible avec un couchage aisé et régulier.
Comment l'opérateur s'assurera-t-il que ces conditions sont remplies?
62
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Nous touchons ici du doigt ce qui fait l'originalité du procédé à la
gomme, ce qui le sépare des procédés ordinaires de la photographie et
le fait' rentrer dans les procédés d'art : l'impossibilité de le faire passer
sous la toise commune et de le rendre tributaire de la balance de
précision.
Comment affirmerions-nous, en effet, que pour un certain poids de
mélange il faut introduire un poids déterminé de la solution dégomme.
Celle-ci n'est pas une solution ordinaire à un titre précis; c'est une
matière organique qui évolue, n'est jamais semblable à elle-même;
l'énergie qu'elle détient dans ses réseaux et qu'elle mettra en œuvre
lors du dépouillement, pour régenter le départ ou assurer l'emprisonne-
ment des grains du pigment, est chose physique, non mesurable; et
alors qu'il faudra dans la composition d'un mélange introduire deux
parties d'une certaine solution, il en faudra quatre d'une autre, pour
obtenir le même résultat.
Pareillement de la couleur : une couleur très couvrante comme le
noir de bougie donnera la même intensité de noir qu'un mélange de
rouge et de bleu pour un poids presque moitié moindre.
Et arriverait-on à peser sur les plateaux de la balance la gomme et
la couleur, quel dynamomètre réglerait l'action de la main, lourde ou
légère, l'action du pinceau, souple ou rigide, qui va, en un effort de
violence mesurée, étaler le mélange sur un papier dont la surface elle-
même, lisse ou grenue, va opposer au pinceau et à la main des résis-
tances variables et arbitraires.
Pour établir, entre toutes les variables du problème quasi nouveau
qui se pose chaque jour, un compromis chaque jour heureux, il nous
faudra donc faire appel au double contrôle de l'œil et de la main,
instruits et affinés par l'expérience.
Le gommiste doit être, suivant une expression consacrée, un auto-
didacte. Un traité n'enseigne pas plus le secret de faire une gomme
parfaite, qu'une grammaire n'enseigne l'art d'écrire. Il peut simplement
indiquer des règles élémentaires et énumérer des faits.
Pour composer et coucher un bon mélange il faut réaliser un
"DANS LES SAPINS"
PAR R. DEMACHY
Pl. XIX. Gomme.
L'AVEUQLE
PAR C. PUYO
Pl. XX. Gomme.
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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
63
équilibre entre les divers éléments. On reconnaîtra que cet équilibre est
rompu aux signes suivants :
1° Un excès de gomme donnera une mixture très résistante au
couchage et faisant prise très rapidement, en moins de 40 secondes; la
couche étalée ne sera pas homogène, elle présentera des stries, des
marbrures, et sa transparence ne sera pas uniforme. Elle sera longue à
insoler. En supposant que l'exposition sous châssis ait étç calculée juste,
l'opérateur trouvera néanmoins des difficultés à conserver les demi-
teintes de la gamme moyenne et de la gamme claire. N'oublions pas,
en effet, que la théorie du procédé suppose la couche mince.
2° Un manque de gomme, ou, ce qui est la même chose, un excès
de bichromate, donnera une mixture trop aisée à étendre, qui mettra
plus d'une minute à faire prise et se laissera longuement travailler. La
couche obtenue sera régulière mais exagérément fine; d'aspect mat;
très rapide à insoler. Au dépouillement, si Texposition a été régulière,
les blancs demeureront teintés, les noirs enterrés, gris sale et sans
profondeur. Un excès d'exposition rendra le dépouillement par simple
dissolution à peu près impossible.
3° L'excès de couleur aura pour résultat de produire une couche se
dépouillant par écailles. On évitera difficilement les arrachements ; les
blancs seront teintés et les noirs vigoureux mais sans transparence.
Un manque de couleur donnera des images régulières mais manquant
d'intensité. L'expérience montre que si l'on introduit dans un mélange
des quantités croissantes de couleurs, dans les images successives
obtenues l'intensité croîtra d'abord d'une image à la suivante, puis cette
intensité demeui-era stationnaire. A introduire un excès de couleur, on
ne gagnera donc rien en intensité et l'on perdra au point de vue des
autres qualités.
Pour se rendre compte de tout cela, le débutant devra donc
travailler, tout d'abord, le procédé au seul point de vue expérimental
et, avant de songer à l'interprétation, s'être assuré d'abord qu'il est en
état de reproduire un cliché avec tous ses détails et toutes ses demi-
teintes.
64
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Méthode d'Essai. — Pour faire des expériences dignes de ce nom,
il convient d'opérer avec méthode. Donc étudier séparément toutes les
variables; gomme, couleur, temps de pose. Pour cela prendre un bon
cliché, transparent et complet et ne plus le lâcher; utiliser une seule
couleur : le noir de bougie et une même solution de gomme; exposer
une série de papiers où l'on aura fait varier la proportion de gomme,
puis d'autres où l'on aura fait varier la quantité de couleur, puis
d'autres où l'on fera varier le temps d'exposition. En un mot faire des
erreurs systématiques et assez fortes pour qu'il n'y ait pas de doute
sur les causes des phénomènes que l'on observera.
Ne pas se contenter d'un à peu près; être difficile pour soi-même;
chercher toujours un résultat meilleur, une matière plus souple et plus
riche. Le royaume de la gomme, comme celui des cieux, n'est pas aux
orgueilleux satisfaits.
Et, cette expérience acquise, que l'opérateur ne se flatte pas
d'arriver du premier coup à mettre dans son bol un mélange parfait. Il
se verra forcé, à chaque fabrication, de sacrifier une feuille d'essai
peut-être deux. Seulement grâce à cette expérience acquise, sa main,
après ce tâtonnement préliminaire, aura enregistré et comme mesuré le
degré de résistance au couchage, son œil se sera rendu compte de ce
qui manque à la vigueur du ton; il en conclura immédiatement avec
assurance les quantités de gomme ou de bichromate ou de pigment à
introduire en supplément dans le mélange; la seconde feuille couchée
aura de grandes chances d'être bonne; à coup sûr la troisième le sera.
Indiquons comment le débutant gommiste pourrait exécuter sa
première expérience :
Etant donnée une solution de gomme faite à 40 0/0, on intro-
duit, d'ordinaire, dans le mélange une proportion qui peut varier entre
gomme 2, bichromate i, et gomme 4, bichromate i.
D'autre part, pour couvrir une feuille 18/24, ^^^^ compter
3 centimètres cubes de mélange. Par suite, pour préparer, je suppose,
six feuilles 18/24, il faudra 6X3= 18 centimètres cubes de mélange;
mettons 20 centimètres cubes. Si a priori l'opérateur compte employer
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 65
une proportion trop faible de gomme, il prendra : gomme i,5, bichro-
mate i; le bichromate représentera les 2/5 de 20 centimètres cubes,
soit 8 centimètres cubes.
Il versera donc dans le bol, où le mélange va être fait, 8 centi-
mètres cubes de la solution concentrée de bichromate. Puis, prenant
un tube de noir de bougie, il écrasera la couleur sur la paroi du bol
et la tera, au moyen du pinceau n° i, dissoudre dans le bichromate.
Quelle quantité de couleur mettra-t-il ? L'expérience le lui dira plus
tard; en attendant il mettra une quantité de couleur trop faible.
Cela fait, il versera d'un coup 12 centimètres cubes de la solution
de gomme et mélangera minutieusement.
Pour se rendre compte du ton, déposer alors sur un papier blanc
une goutte du mélange; tâter, puis étaler cette goutte doucement avec le
doigt. Le doigt enregistrera d'abord une sensation visqueuse qu'on
analysera pour s'en souvenir; puis la goutte étalée sans brutalité don-
nera une tache; si le mélange est normal, cette tache ne doit pas être
d'un noir absolu, mais d'une nuance au-dessous, gris très foncé.
Ceci ayant donné une première indication, il faut maintenant pro-
céder au couchage d'une première feuille d'essai.
Couchage de la Feuille. — Sur la planchette à dessin, poser un
bristol. Fixer sur ce bristol, au moyen de quatre punaises, le papier
blanc que l'on va couvrir.
Plonger dans le bol la brosse plate n° 2, la tourner, la retourner
pour bien brasser le mélange et la faire dégorger sur la paroi du bol,
de façon que ce pinceau contienne juste la quantité de mélange néces-
saire pour couvrir la feuille. Donner un premier coup de pinceau sur
la ligne médiane de la feuille et étaler avec rapidité et vigueur sans lais-
ser d'endroit non couvert. Pour un mélange normal, cette première opé-
ration doit durer environ 10 secondes. Prendre alors le pinceau plat
n° 3, dit de décharge; le passer, en appuyant fortement, dans le sens
largeur, puis dans le sens longueur de la feuille. A ce moment, l'en-
semble de la couche doit être uniformément réparti sur la surface. Par
66
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
cette opération de premier égalisage, on a enlevé l'excès de mélange, le
pinceau s'est chargé, il convient d'en prendre un autre, également
plat, dit pinceau de finissage. Avec ce dernier pinceau on continue,
sans perdre de temps, le travail ébauché, en ayant soin de faire tourner
le bristol portant la feuille de façon à rompre la couche dans tous les
sens et à assurer une épaisseur de couche régulière. Au début, broyer
franchement là couche, le pinceau incliné, en appuyant fortement
sans brutalité; puis, à mesure que la couche résiste davantage en
faisant prise, diminuer progressivement l'action à la demande de la
main et terminer par un travail à fleur de poil, le pinceau vertical.
Cette troisième période, si la '.couche est normale, peut durer de 3o à
40 SeCOndeSv . r-. y; •;v;-f^
Soit un total 'dé 45 à 55 secondes.
Si, par suite de la prise rapide de la couche, la durée de l'opéra-
tion descend au-dessous de 45 secondes, c'est qu'il y a excès de
gomme. On s'en apercevra du reste, à Taspect de la couche qui sera
irrégulière, traversée de stries et; -de marbrures. On ajoutera alors un
peu de bichromate. ■ •
Si (comme il est plus probable, étant donné que, par système,
nous avons mis peu de gomme dans le mélange), l'opération peut se
prolonger plus de 5o ou 55 secondes, c'est que la gomme est en pro-
portion trop faible; l'image produite par une telle couche pourra être
assez bonne, mais elle sera moins belle d'aspect qu'une autre provenant
d'une couche plus riche en gomme; nous ajouterons donc un peu de
gomme.
La main une fois exercée sera dans tout cela un guide très sûr.
Regardez alors la couche, elle devra apparaître fine et non pas
noir cirage, mais gris très foncé, presque noir. Présenté à une fenêtre,
le papier devra offrir une certaine transparence, analogue à celle des
papiers Artigue ou Fresson. Si la couche n'est pas assez foncée de ton,
on introduira un peu de noir de bougie.
Le mélange ayant été ainsi modifié, l'opérateur couchera une
seconde feuille qu'il étudiera de même; puis une troisième, en ajou-
i
" FANTAISIE "
PAR R. DEMACHY
Pl. XXI. Gomme,
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE' 67
tant chaque fois de la gomme, et, parallèlement, de la couleur de façon
à donner au ton une même intensité, gris foncé.
A un certain moment, la couche dont la résistance aura cru pro-
gressivement se montrera tout à fait rebelle; la main en aura la sensa-
tion très nette. La bonne proportion de gomme est dépassée. Arrêtons-
là notre fabrication.
Séchage. — Les feuilles préparées ont été mises à sécher dans le
cabinet noir; au bout de i5 à 3o minutes, elles sont prêtes à Tusage.
Les passer rapidement, si le temps est humide, au-dessus d'une lampe
pour rendre le papier presque craquant. Nous allons maintenant les
mettre sous châssis.
Exposition sous Châssis. — Avant de mettre sous châssis, prendre
le cliché et le regarder attentivement par transparence; plus tard on le
comparera aux trois ou quatre clichés types pour lesquels on connaît
la durée d'exposition. Cet examen doit être attentif, car un léger voile
a une très grande influence.
Cette durée d'exposition sera traduite en degrés photométriques.
Le degré Artigue a des durées très variables suivant les saisons; de
3 minutes à midi fin juin à l'ombre, il monte en décembre à 40 et
60 minutes. Un cliché très transparent, qui demande 2 degrés, devra
donc être exposé 6 minutes en juin, une heure et demie à deux heures
en décembre.
Tout ceci, le débutant le constatera plus tard; en attendant, le
voilà en face d'une demi-douzaine de feuilles, dans lesquelles il a fait
varier la proportion de gomme ; par suite, couvertes de couches
d'épaisseur croissante et de sensibilité décroissante. Que va-t-il faire?
Essayer la première feuille et la tâter.
Sous un cliché transparent, une feuille couverte d'une couche
mince et peu chargée en pigment, exige 'pour l'impression de i à
2 degrés Artigue. Prenons i degré et demi. Impressionnons et dépouil-
lons ensuite la feuille dans l'eau à température normale. L'opérateur
68
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
va se trouver en face d'une série de phénomènes qu'il devra observer
et noter attentivement.
Mise à l'eau du Papier impressionné. — Le papier impressionné
est mis face en dessus dans une cuvette d'eau qu'on balance pour faire
partir les bulles. Au bout de quelques minutes on enlève le papier et
on le met à flotter, face colorée en dessous^ dans une cuvette d'eau
propre. Appuyer à plusieurs reprises sur le dos du papier, et balancer
légèrement la cuvette deux ou trois fois pour chasser les bulles.
Dans cette position, l'image se dépouillera automatiquement en
un temps variable suivant la durée d'exposition et suivant la date de
fabrication du papier.
Ici, notre papier étant frais, nous constaterons les phénomènes
suivants : dès que le papier est mouillé, l'image, négative, se montre
très visible par réflexion et aussi par transparence. Puis elle s'efface
en quelques instants, le coulage commence à se manifester et l'image,
positive cette fois, se dessine.
La durée du dépouillement va dépendre de la température de l'eau
et de la durée de l'impression.
Nous n'utiliserons dans notre essai que l'eau froide. Dans ces
conditions, l'épreuve, mise à flotter, se dépouillera :
En une demi-heure, ou moins, s'il y a sous-exposition marquée;
dans ce cas l'image pourra être grise;
En une heure, s'il y a sous-exposition légère; l'image sera géné-
ralement très bonne;
En une heure et demie ou deux heures, si l'exposition est correcte.
Si l'image n'est pas faite en deux heures, il y a surexposition
marquée.
Donc, au bout d'une heure au plus, l'opérateur va acquérir une
première notion assez précise sur la durée exacte d'exposition qui eût
convenu à la première feuille.
Supposons que l'exposition donnée : i degré et demi, soit jugée
un peu forte. Elle pourra convenir à la seconde feuille, plus chargée.
LES PROCÉDÉS D ART EN PHOTOGRAPHIE
69
par suite moins sensible. Nous donnerons à cette seconde feuille la
même durée d'impression; puis nous observerons la façon dont elle
se dépouille automatiquement.
Nous impressionnerons ainsi toute notre série de feuilles en aug-
mentant un peu pour chacune d'elle la durée d'exposition, exposant
la dernière qui est la plus chargée, pendant 3 degrés par exemple.
Cette suite d'opérations nous aura permis de faire de nombreuses
observations; nous aurons constaté la régularité et la rapidité, plus ou
moins grandes, du dépouillement dans l'eau froide, l'action de l'eau
chaude, etc.
Après séchage, nous noterons les changements survenus; telle
épreuve sera un peu enterrée, telle autre moins...
Nous saurons donc, approximativement, quelle couche était la
meilleure et le temps d'exposition qu'elle exige sous notre cliché
d'essai.
Le lendemain, fort de ces acquisitions, nous nous efforcerons d'ob-
tenir, après une ou deux feuilles d'essai, un mélange normal quant à la
proportion de gomme et de couleur. Nous coucherons avec ce mélange
plusieurs feuilles que nous exposerons sous le cliché étudié pendant
des durées variables, choisies en deçà et au delà de la durée estimée
juste. Nous constaterons ainsi l'influence de la durée d'impression sur
le dépouillement, sur l'aspect de la matière pigmentaire séchée...
Est-il besoin de dire que, pendant toutes ces expériences, on
devra utiliser le même papier, par exemple le Canson B Crayon?
Ces quelques jours, sacrifiés à de tels essais systématiques et
judicieusement conduits, en apprendront plus à l'opérateur que des
mois de manipulations arbitraires. Et surtout, comme nous le disions
plus haut, que le néophyte ne se contente pas d'un à peu près, d'une
première image approximative. S'il agit ainsi, il est perdu ; il ne se
perfectionnera plus, tel un enfant arrêté dans sa croissance, et inon-
dera désormais le marché photographique de gommes ratées et sans
mérite. Le procédé à la gomme ne supporte pas la médiocrité; si les
images qu'il donne ne sont pas belles, elles sont affreuses.
70
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Observations pratiques. — Voici, pour terminer, quelques direc-
tives et quelques faits d'expérience : comme nous l'avons vu, le pro-
blème consiste :
A faire un mélange suffisamment gommeux sans Têtre trop, suffi-
samment chargé en couleur sans l'être trop;
A l'appliquer sur le support de façon à avoir une couche régulière,
suffisamment fine sans l'être trop ;
A donner à l'exposition du papier sous châssis une durée juste,
c'est-à-dire une durée qui produise sur la couche l'effet cherché, la
laisse molle si on veut des coulés, plus dure et plus résistante, si l'on
ne veut pas de coulés, très dure et très résistante si on veut faire inter-
venir dans le dépouillement une action de friction. En thèse générale,
— c'est notre avis, — cette durée doit être telle que le dépouillement
d'ensemble puisse toujours se faire par simple dissolution, l'interven-
tion de l'agent de frottement étant réservé à des actions localisées.
La solution de gomme étant faite à 40 ou 5o 0/0, entrera d'ordi-
naire dans le mélange dans une proportion variant, entre : gomme 2,
bichromate i, et gomme 4, bichromate i, suivant l'ancienneté de la
solution. C'est le contrôle de la main qui réglera cela ; la main devra
nettement sentir une résistance au couchage, mais devra aisément en
triompher.
L'œil, pour les tons noirs, indiquera la proportion de couleur; la
couche après séchage devant être gris foncé, un ton au-dessous du noir.
Il est beaucoup plus difficile de régler la couleur dans le cas des bistres
ou des rouges.
C'est la main qui réglera l'épaisseur de la couche. Avec un même
mélange elle peut, en effet, suivant l'énergie de son action, créer une
couche plus ou moins fine; celle-ci sera rendue plus fine également
si on change deux ou trois fois les pinceaux plats servant de pinceaux
de décharge et de finissage. L'action de la main devra être, au début
du couchage, ferme sans brutalité, puis diminuer à mesure que la
couche fait prise. Il ne faut pas violenter la couche.
La durée d'exposition dépend de l'effet qu'on désire obtenir et est
" ESQUISSE"
PAR R. LE BÈGUE
Pl. XXII. Gomme.
I
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE 71
alors proportionnelle aux opacités du cliché. Mais elle dépend aussi de
la couleur du pigment, puisqu'il faut que la couche soit totalement tra-
versée par la lumière, et pareillement, pour le même motif, de l'épais-
seur de la couche. Par suite, les rouges demanderont un temps d'expo-
sition plus fort que les noirs, les noirs plus que les bleus. La couche
étant toujours plus épaisse sur un papier à gros grain que sur un papier
lisse, les papiers à gros grain devront être exposés plus longtemps.
Voici quelques indications :
Couche de ton noir sur papier grain fin ou lisse :
Cliché extrêmement léger i degré 1/232 degrés Artigue.
Cliché transparent d'intensité moyenne. 3 à 5 degrés Artigue.
Cliché grisé 6à8 degrés Artigue.
Ceci dans l'hypothèse où on se sert exclusivement de bichromate
de potasse.
Si l'on ajoute moitié de bichromate d'ammoniaque plus actif, divi-
ser ces chiffres par 2 ou 3.
Si la couche est de ton bleuté, diminuer l'exposition de i/3.
Si la couche est rouge, doubler ces chiffres.
Si le papier est à gros grain, multiplier par 3/2.
Exemple : Ainsi, je suppose que pour tirer d'un certain cliché une
épreuve noire sur papier à grain fin sensibilisé au bichromate de po-
tasse, il ait fallu une durée d'impression de 3 degrés Artigue; une
épreuve de ce même cliché de couleur sanguine sur papier gros grain
exigera :
3
3 degrés X 2 X - = 9 degrés environ,
ou, si l'on utilise le bichromate d'ammoniaque, 3 degrés.
Pour les rouges, il n'est pas indispensable de se servir de photo-
mètre ; on arrêtera l'exposition lorsque, par transparence, on apercevra
l'image se dessinant vaguement. Cette méthode n'est pas applicable aux
papiers de ton noir, car, si l'on prolonge l'exposition jusqu'à apparition
de l'image, il y aura surexposition,
10
72
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Mis à flotter sur un bain à température normale, le papier frais se
dépouille un temps variable comme nous l'avons indiqué tout à l'heure.
Les chiffres donnés ne s'appliquent qu'au papier frais, et quand la
fabrication est ancienne, fût-ce de vingt-quatre heures seulement, ces
chiffres augmentent singulièrement. Le coulage commence alors, non
plus au bout de quelques minutes d'immersion, mais au bout d'une
heure, parfois plus.
Avec du papier frais, on sera rapidement fixé sur la nature de
l'impression forte ou faible, et Ton agira en conséquence. L'épreuve
étant dépouillée à point, si l'eau qu'elle dégorge est encore colorée, c'est
qu'il y a eu sous-exposition ; on s'en apercevra d'ailleurs à l'aspect
gonflé de la couche.
On lit dans certains traités, écrits surtout à l'étranger, que le papier
à la gomme se conserve des semaines; nous estimons, au contraire,
que, passé vingt-quatre ou quarante-huit heures, une couche est mo-
difiée profondément et présente des qualités diminuées. D'où vient cette
antinomie ?
De ce que les étrangers pratiquent le procédé d'une façon tout à
fait différente de la nôtre. Ils opèrent par impressions successives, font
des couches fines, très peu chargées en gomme, qu'ils surexposent et
qu'ils développent par frottement. En France, au contraire, on procède
en une impression, on recherche les couches grasses et le développe-
ment se fait par dissolution.
Pour bien des raisons nous préférons notre méthode qui utilise la
gomme alors que sa faculté d'absorber l'eau et de se gonfler est encore
entière.
Car une couche vieille de vingt-quatre heures seulement s'est dur-
cie ; le bichromate agit même dans l'obscurité ; cette action est rapide
quand la gomme est acide, plus rapide encore si l'on emploie le bichro-
mate d'ammoniaque. Mise dans l'eau, après insolation, cette couche
absorbe Teau difficilement, le coulage ne se manifeste qu'au bout d'un
temps très long, le gonflement est notablement réduit, la résistance à la
dissolution est extrême. L'image révélée se montre avec des oppositions
I
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
diminuées et présente un aspect dur ; très belle mouillée, elle s'enterre
après séchage.
Pour obtenir une image ayant de la fleur et des transparences
d'aquarelle, la formule est : couche fraîche, exposition légère ; pour
obtenir un aspect crayon Wolf, couche vieille de vingt-quatre heures,
exposition un peu forcée.
Cas d'une Surexposition exagérée. — Si une image résiste à l'ac-
tion de l'eau, même bouillante, ce qui indique une exposition exagérée,
on peut employer la friction ou avoir recours au bisulfite de soude.
L'action de friction peut être donnée soit par la sciure de bois,
soit par le pinceau si la sciure de bois ne suffit pas. Il est à craindre
que les résultats de ces interventions ne soient médiocres. L'insolation,
en elfet, peut être suffisante pour empêcher le dépouillement par simple
dissolution et cependant insuffisante pour que l'épreuve supporte sans
accident l'action du pinceau.
Mieux vaut auparavant essayer du bisulfite de soude. Mais ce pro-
duit désorganisant énergiquement la couche et son action ne se révé-
lant pas immédiatement, il faut procéder avec une grande prudence et
faire succéder à un arrosage d'eau bisulfitée plusieurs arrosages d'eau
tiède et d'eau chaude. Toute précipitation amènerait un insuccès. Donc,
mettre dans 200 centimètres cubes d'eau 2 ou 3 centimètres cubes de
bisulfite liquide du commerce, plonger une éponge dans cette eau bisul-
fitée et faire courir des nappes sur la surface de l'épreuve. Remettre
l'épreuve à l'eau pure dans une cuvette. Si le coulage ne se manifeste
pas au bout de quelques instants, recommencer l'arrosage d'eau bisul-
fitée en doublant la quantité de bisulfite.
Dès que la couleur reprendra son exode, opérer à l'eau pure
jusqu'à ce que cet exode cesse. Reprendre alors l'action du bisulfite et
continuer en alternant les arrosages.
Le bisulfite peut être utilisé pour le développement local. Si l'on
désire baisser considérablement une certaine région de l'image, il suffira
d'y faire couler en nappe du bisulfite étendu d'eau. Aux endroits tou-
74
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
chés, la couche bavera fortement et les détails se fondront en une teinte
uniforme. Ceci peut être employé avantageusement dans le traitement
des alentours. Si l'on n'a pas de bisulfite on peut employer pour le
même usage des solutions de carbonate de soude au titre de 2 à 5 0/0.
Séchage. — Une épreuve à la gomme sèche très lentement, d'autant
plus lentement que l'exposition a été faible, car alors la gomme aura
absorbé beaucoup d'eau.
On peut avoir intérêt soit à accélérer, soit à retarder l'opération du
séchage. On aura intérêt à l'accélérer si le coulage se manifeste trop
abondant et risque d'effacer l'image. Dans ce cas, le papier sera mis
sur un buvard bien sec, souvent renouvelé, et dans une pièce chauffée.
Mais l'action directe d'une flamme, lampe ou foyer, serait funeste. Le
seul procédé d'action consiste à pratiquer un courant d'air soit au moyen
d'un éventail, soit au moyen d'un ventilateur.
On peut, au contraire, avoir intérêt à retarder le séchage dans le
cas d'une épreuve surexposée et dure, ou encore si l'on veut intervenir
et modifier l'image au cours du séchage. Ce résultat s'obtiendra en pla-
çant sur une plaque de verre ou d'ébonite, légèrement inclinée, une ou
plusieurs épaisseurs de papier buvard mouillé ; l'épreuve posée sur ce
matelas humide mettra des heures à sécher. On pourra ainsi soit obte-
nir un léger coulage qui rendra moins rêche et plus grasse la matière
pigmentaire et donnera plus d'enveloppe à l'image, soit maintenir au
degré de mollesse nécessaire la couche qu'on veut travailler.
Sauf pendant les instants où l'on a à travailler la couche, la feuille
qui sèche devra être placée dans un endroit obscur pour que la lumière
n'ait pas d'action sur elle et, le séchage terminé, l'épreuve sera aussitôt
remise dans l'eau.
Cette remise immédiate à l'eau a pour but principal d'empêcher la
couche de se durcir. L'eau est désormais incapable de modifier l'image;
et ainsi l'épreuve pourra être abandonnée dans la cuvette en attendant
que l'opérateur ait le loisir de la regarder attentivement, d'analyser ses
défauts, de décider des dernières corrections qui restent à faire et qui
" L'HABILLEUSE "
PAR R. DEMACHY
Pl. XXIII. Gomme.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE jS
ont pu être volontairement négligées au cours du premier travail de
dépouillement. La couche, encore tendre, et d'ailleurs ramollie par le
bain plus ou moins chaud, offre peu de résistance; l'attaque du pinceau
suffira pour baisser tel ton local ; le tortillon de papier buvard, le tam-
pon d'ouate pourront trouver à s'employer, et aussi Téponge, plus radi-
cale en ses effets. Certains petits accents très clairs seront donnés par le
moyen d'un petit morceau de bois, taillé en biseau, qui dégagera le
papier et en fera chanter le blanc à l'égal d'une touche de gouache.
Tout ce travail peut se faire sans hâte, l'opérateur n'étant plus, comme
dans les précédentes périodes, soumis à la nécessité de guetter le mo-
ment précis où il faut agir et agir vite.
Toutes les retouches eff"ectuées et l'image à point, on passe la feuille
dans un bain faiblement bisulfité pour achever l'élimination du bichro-
mate, et l'on termine par un lavage à l'eau pure.
DÉVELOPPEMENT LOCAL
ET RETOUCHES
ANS la suite des opérations que nous venons de décrire,
nous avons envisagé le procédé à la gomme comme un pro-
cédé automatique permettant de tirer d'un cliché une réplique
positive exacte. Et, en effet, le procédé peut donner des
épreuves aussi régulières que celles imprimées sur papiers au charbon
ou au bromure. Mais, heureusement pour lui, il peut mieux que cela,
car il permet, au cours du dépouillement, l'intervention directe de
l'opérateur sur des régions nettement localisées. Grâce à cette inter-
vention, il devient possible de mettre le sujet en relief comme d'en
assurer l'harmonie :
Par la correction des tons locaux ;
Par l'atténuation ou la suppression des éléments inutiles ;
Par le placement judicieux des accents.
Cette intervention locale est fournie par le travail intelligent de la
main, soit qu'elle fasse courir des nappes d'eau froide ou chaude, ou
bisulfitée, sur certaines régions de l'image pour donner à ces régions une
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 77
avance au dépouillement, soit qu'elle procède par l'attaque directe d'un
agent de friction : pinceau, ouate, éponge, etc.
Il est évident que si le pinceau pouvait constituer l'agent principal
et général de l'opération, l'eau n'étant plus qu'un agent secondaire,
chargé d'amollir la couche sans la dissoudre, la précision du dépouil-
lement local serait quasi absolue, et nous verrons que c'est le cas de la
gomme ozotype surexposée. Mais ici il n'en est plus de même et, pour
des raisons multiples et majeures que nous allons dire, nous ne pen-
sons pas qu'une épreuve à la gomme doive être révélée entièrement au
pinceau.
Nous nous trouvons ici en face de deux méthodes de dépouillement
bien distinctes, entre lesquelles il faut choisir : la méthode par disso-
lution, la méthode par frottement. Si nous employons la première,
nous devons chercher à obtenir un temps d'exposition tel que la gomme
ait pleinement conservé sa faculté d'absorber l'eau et de se distendre
assez pour que le grain de couleur s'échappe par son seul poids.
Si nous employons la seconde, il faudra exposer l'épreuve de telle
sorte que la gomme ait perdu quasi totalement sa solubilité et retienne
le grain fortement, sur toute la surface de l'image.
Il faut donc prendre un parti net. S'il arrive qu'employant la pre-
mière méthode, nous ayons dépassé le temps d'exposition convenable,
nous serons néanmoins resté fort en dessous de la durée d'exposition
nécessaire à l'emploi de la deuxième méthode ; nous nous trouverons
en face d'une image où certaines régions pourront peut-être résister à
l'attaque du pinceau, mais où d'autres régions — correspondant aux
opacités du cliché — pouvant se développer par dissolution, sont restées
molles ; ces régions-là seront détruites par le passage brutal du pinceau.
Donc, forcé de prendre parti, nous écarterons la seconde méthode
pour des motifs qui nous semblent péremptoires :
Remarquons, d'abord, que ce qui constitue l'originalité du procédé
à la gomme, ce qui le distingue de tous les autres procédés à dépouil-
lement, ce qui fait Taspect particulier et savoureux des images qu'il
donne, c'est que seul il admet le dépouillement par simple dissolution.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
laisse ainsi se produire ces phénomènes qui assurent le fondu des tons,
permet au grain de se fixer suivant un rhytme régulier; si, comparée à
une épreuve à la gomme, une épreuve à la gélatine paraît sèche et sans
enveloppe, la cause en est là.
En exposant la couche jusqu'au point où la gomme a perdu la
propriété qui la fait originale et unique entre les colloïdes, on fait plus
qu'adultérer le procédé, on le supprime ; on rabaisse la gomme au rôle
de gélatine et ce rôle elle le remplira mal, bien plus mal que la gélatine.
Les grains partiront irrégulièrement, arrachés par force ; les grains
restants s'assembleront sans régularité, partant sans harmonie. Et ainsi,
nous n'avons jamais eu le bonheur de voir une belle épreuve entière-
ment dépouillée au pinceau.
Disons donc que, dans le traitement d'une épreuve à la gomme,
nous maintiendrons à l'eau le rôle capital ; l'eau sera l'agent général du
dépouillement.
Aux agents de friction seront réservées des interventions localisées
et partielles, interventions qui se produiront d'ailleurs, non seulement
dans la période du dépouillement, mais dans les périodes suivantes :
période de séchage, période après séchage.
Voici quelques indications qui pourront guider les premières tenta-
tives du commençant ; mais faisons observer qu'ici rien ne saurait
remplacer l'expérience personnelle. C'est en forgeant qu'on devient
forgeron ; c'est en gâchant quelques épreuves, en se faisant la main sur
des épreuves manquées, que l'on se rendra compte des effets que l'on
peut attendre de l'emploi d'instruments divers tels que pinceaux, éponges,
estompes, bois tendre, papier buvard...
1° Période de Dépouillement. — II y a toujours avantage à laisser
le dépouillement commencer automatiquement dans la cuvette. Lorsque
l'image tend à se dégager et se montre partout visible, on place le
papier sur une plaque d'ébonite inclinée et, se guidant d'après une
épreuve préalablement tirée sur un papier quelconque, on examine de
quelle façon il convient de continuer le dépouillement.
"VIEILLE PLACE A KEMPTEN "
PAR HUOP HENNEBERG
Pl. XXIV. Gomme.
LÈ POÈTE
PAR R. DEMACHY
i ) XXV. Gomme
*Xc> -i^^^uJi i^S^u, ^UéL^ %-^tt>w»«c*J(c> c\A^iC4^
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 79
Y a-t-il sous-exposition marquée, ce dont on se rend compte aisé-
ment par l'aspect gonflé de la couche et l'abondance du coulage, il
convient de précipiter le dépouillement. Comme on sait, d'autre part,
que l'épreuve va se griser pendant le séchage, il n'y a pas à songer, pour
le 'moment, à créer les blancs purs. Dans ces conditions, on se conten-
tera de pratiquer les suppressions et, l'épreuve achevée par quelques
nappes d'eau courante, on la laissera sécher sur un papier buvard sec,
remettant la suite de son intervention aux autres périodes.
L'épreuve se montre-t-elle comme normale, on aura du temps,
mais pas trop ; en effet, après chaque intervention locale, on va se trouver
amené à dégager par un arrosage le travail fait ; par suite, il faut mener
de front le dépouillement local et le dépouillement général pour les
achever ensemble.
Dans nombre de cas, il y aura intérêt, par des nappes bien diri-
gées d'eau tiède ou d'eau froide, ou d'eau bisulfîtée, à donner une
avance au dépouillement à certaines parties de l'image. Ces arrosages
s'obtiennent, soit en écrasant une éponge à l'extérieur des bords de
l'image, soit en faisant tomber délicatement quelques gouttes d'eau
chaude sur une partie résistante de l'image, ainsi, dans une figure, les
cheveux, et en laissant les gouttes chaudes s'étaler doucement dans la
direction convenable.
Ces procédés permettent le développement raisonné, mais seule-
ment sur de larges zones. S'il s'agit de modifier des détails de peu
d'étendue, de baisser un ton local de petite surface, l'attaque directe de
ce ton local est nécessaire. Cette touche localisée peut sè donner, suivant
le cas, au cours de cette première période ou plus tard : veut-on arriver
au blanc du papier, on opérera souvent -dans cette première période;
veut-on baisser le ton de moitié, ce sera souvent dans la période du
séchage, quand la couche aura commencé à faire prise ; veut-on baisser
très légèrement le ton, on attaquera après le premier séchage suivi d'une
immersion dans l'eau chaude.
En général, le travail local au pinceau ne pourra être effectué au
cours de la période de dépouillement que si la couche offre une cer-
1 1
8o
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
taine résistance et ce travail ne s'appliquera qu'aux accessoires et aux
fonds que l'on peut aborder franchement ; sur les figures mêmes,
ou encore sur les cheveux, Tintervention du pinceau ne saurait
être que très discrète et mieux vaudra souvent la remettre à plus
tard.
Il est évident qu'en ces matières il est impossible de donner autre
chose que des indications générales, car il n'est ici que des cas d'espèce.
L'habileté consiste à se rendre compte de la façon dont se présente
l'image et à lui appliquer alors un traitement approprié. L'opérateur,
en effet, n'est pas absolument maître de certains éléments : la composi-
tion de la couche, le travail de la lumière varient toujours d'une épreuve
à l'autre, assez pour qu'il y ait changement dans l'aspect et la nature
des images successives issues d'un même cliché. L'une, produite par
une couche vieille de vingt-quatre heures ou surexposée, aura un grain
de crayon noir, résistera au frottement et se laissera travailler au pin-
ceau ; l'autre, produite par une couche fraîche et sous-exposée, n'aura
aucun grain visible, les tons seront transparents comme des coulées
d'aquarelle et chaque coup de pinceau mettra le papier à nu. En face
de circonstances aussi diverses, il sera nécessaire de faire varier les
moyens mis en œuvre.
Dans le premier cas, — couche grenue et résistante — presque tout
le travail devra — comme nous le disions plus haut — s'effectuer pen-
dant le dépouillement. Vous remarquerez, en effet, que le pinceau
détruit superficiellement le grain, là où il passe — tel le sureau sur le
fusain ; il est donc nécessaire de faire suivre chaque coup de pinceau
d'un arrosage qui enlèvera la couche superficielle libérée par l'action
du pinceau et fera réapparaître le grain sous-jacent.
S'agit-il, au contraire, comme dans le second cas, d'une épreuve
sous-exposée, il vaudra mieux attendre, pour effectuer certaines parties
de votre travail, que l'épreuve, dépouillée à point, ait commencé à
sécher sur son support d'ébonite. Il n'y aura pas à craindre ici une
différence d'aspect entre les parties de l'image touchées par le pinceau
et les parties laissées intactes ; car il n'y aura de grain nulle part.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 8l
2° Période du Séchage. — Dans cette période, le coup de pinceau
n'étant plus suivi d'un coup d'arrosage, l'action du pinceau se traduit
par une sorte d'écrasement de la couche, accompagné d'un abaisse-
ment général du ton à Tendroiî touché, abaissement notable si le pinceau
est sec et propre, peu sensible si le pinceau est déjà chargé de matière
pigmentaire amassée au cours du travail. Pour créer des blancs et
dégager le papier, il faudra donc avoir recours au tortillon de papier
buvard.
Dans le cas, fréquent, de figures se détachant sur fond clair, c'est
pendant cette seconde période que l'on pourra donner au fond du
mouvement et un peu de vibration. Le travail sera entrepris immédia-
tement et pourra être poursuivi jusqu'à ce que la couche ne se laisse
plus travailler ; il s'effectuera au pinceau ; veut-on avoir à tel endroit
du fond une touche claire, on l'obtiendra d'un coup donné avec
un pinceau sec et propre; veut-on, au contraire, monter le ton de
telle région du fond, on transportera en cette région de la couleur prise
dans les marges.
Le traitement des fonds rendu facile est, pour le dire en passant,
un des grands avantages du procédé à la gomme. Ainsi le fond pouvant
être établi à la demande de la figure, il devient inutile de s'encombrer
de fonds peints d'avance; un fond noir, un fond gris, un fond blanc,
tous les trois unis, à cela peut se réduire votre approvisionnement
d'atelier.
Le séchage complet d'une épreuve étalée sur un verre ou une
feuille d'ébonite s'opère très lentement; plus lentement encore si
l'épreuve repose sur un buvard humide. A mesure que l'eau s'évapore,
la couche devient plus résistante et l'abaissement du ton à tel endroit
touché par le pinceau devient de moins en moins marqué.
Dans cette période, il est possible aussi de simplifier les détails par
une sorte d'écrasement analogue à celui du sureau sur le fusain.
C'est également au cours de la période du séchage que l'on pourra
créer des blancs purs dans les épreuves sous-exposées. On sait que la
sous-exposition produit des images grises, les blancs se trouvant recou-
82
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
verts par l'écoulement partiel de la matière pigmentaire insuffisamment
fixée. Il faut donc attendre, pour rétablir les blancs, que cet écoule-
ment ait cessé par suite de l'affermissement de la couche.
Lorsque sont achevées toutes les retouches jugées possibles au
cours de cette période, il convient de laisser s'achever dans l'obscurité
le séchage de l'épreuve ; on peut, sans inconvénient, le hâter en plaçant
l'épreuve sur un buvard sec que l'on promène au-dessus d'une lampe.
Dès que la feuille est sèche partout et craquante, on la remet dans
Feau. L'eau n'a plus d'action sur la couche, et l'image peut y demeurer
plongée indéfiniment sans être modifiée ; mais cette remise immédiate
dans l'eau répond à un double but : d'abord éliminer la petite quantité
de bichromate de potasse que le papier peut renfermer encore, ensuite
rendre à la couche une mollesse suffisante pour qu'elle puisse être
travaillée par frottement doux.
3° Période postérieure au premier Séchage. — Pour rendre la
couche très docile, il suffira d'élever la température de l'eau ou, s'il est
nécessaire, d'ajouter à l'eau chaude du bisulfite de soude dans la pro-
portion de 3 à 5 o/o. L'épreuve se laissera dès lors travailler au pinceau,
à la ouate, à l'estompe, au doigt, et Ton pourra, par frottement, baisser
le ton plus ou moins à tel endroit jugé convenable.
Si l'on a eu soin, par exemple, de ménager le ciel en le dépouillant
incomplètement, il sera facile de le traiter à loisir. De même on pourra
baisser par ce moyen la valeur des lointains pour les remettre à leur place.
Il sera possible à ce moment de donner quelques touches dans les
figures, dans les cheveux. Si quelques blancs purs sont reconnus néces-
saires, on pourra encore les obtenir au moyen d'un petit morceau de
bois tendre.
En un mot, cette période est celle du parachèvement de l'œuvre.
Celle-ci terminée, il ne reste plus qu'à la suspendre pour le séchage
définitif.
Des Rehauts. — Dans toutes ces opérations, l'artiste s'est borné à
dépouiller plus ou moins l'image, à enlever la matière pigmentaire, ici
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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
83
ou là, d'une façon plus ou moins complète; l'épreuve qui sort de ses
mains doit, en principe, être finie et à point. Il peut arriver, toutefois,
que certains accents manquent de vigueur, que certains tons noirs
demandent à être montés, que certaines valeurs trop claires demandent
à être salies. Cette retouche finale s'effectue par apposition d'une matière
identique à celle de l'épreuve. Pour créer cette matière, il suffit de
prendre une des feuilles préparées en même temps que celle qui a
donné Tépreuve, de l'impressionner fortement sous un cliché, puis de
la mettre dans l'eau et de la laisser se dépouiller du bichromate qu'elle
contient. On racle alors, au moyen d'un pinceau, l'épreuve ainsi obtenue
et on en fait tomber dans un godet la matière pigmentaire. Cette
matière plus ou moins étendue d'eau, ou renforcée d'un peu de couleur
d'aquarelle, sera posée au pinceau là où il convient. Du reste, la plu-
part du temps, on pourra utiliser dans ce but le pigment d'une épreuve
manquée par suite d'une erreur notable dans la durée d'exposition.
ANALYSE DES PLANCHES
L'énumération que nous venons de faire des pratiques nombreuses
qu'il est possible de mettre en œuvre ne fournit que des indications
générales. Pour être plus précis, nous allons analyser maintenant la
plupart des images démonstratives qui accompagnent notre texte et indi-
quer en détail, pour chacun de ces cas d'espèce, la manière dont s'est
effectuée l'intervention de l'opérateur.
On devra tenir compte de ce fait que les reproductions, ci-jointes,
bien qu'ayant été l'objet de tous nos soins, sont néanmoins des traduc-
tions, partant s'écartent parfois très sensiblement, quant à l'aspect, des
originaux. Les procédés de gravure sont incapables de fournir des fac-
similés exacts, puisqu'ils substituent leur matière spéciale à la matière
dont est constituée l'épreuve originale. Ils mettent un grain ou un réseau
là où est un coulé d'aquarelle, ils ne donnent pas le blanc pur du papier,
sauf par l'artifice d'une retouche qui, faite par la main du graveur, est
84 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
fatalement inexacte; le grain du papier support intervient aussi, ce
n'est plus un grain réel, mais un trompe-l'œil. En résumé, par leur
nature, les images qui figurent ici offrent au graveur les difficultés les
plus grandes qu'il ait jamais à surmonter ; aussi n'en triomphe-t-il pas
toujours.
Pl. n. Méandre et Pl. xv. L'Etang. — Ces deux exemples mon-
trent les ressources que fournit l'emploi du coulé pour le traitement,
dans le paysage, du ciel et des eaux que le procédé photographique
traduit trop souvent en valeurs inexactes. Le coulé permet non seule-
ment de rétablir ces valeurs, mais aussi de donner au ciel un peu de
modelé et d'intérêt ; et cela non par un apport, mais par un enlevé de
matière, ainsi qu'il convient.
Dans l'Etang, le cliché donne pour le ciel et pour Teau une tache -
blanche uniforme. L'épreuve, légèrement sous-exposée, puis dépouillée
par flottement, a été mise à sécher sur une glace inclinée, le ciel en
bas. Dans cette position, l'eau colorée contenue dans les terrains a, par
une infiltration lente, couvert le ciel et l'eau d'une teinte plate, parfaite
comme régularité et transparence. Le coulage ayant cessé, l'épreuve a
été placée sur un support sec, — un papier buvard, — légèrement
incliné, le ciel en haut, et Ton a attendu que la couche ait perdu une
partie de son humidité et acquis par là une certaine résistance. A ce
moment précis, quelques coups d'un pinceau sec, accompagnés de
quelques touches de papier buvard, ont créé dans le ciel des demi-
teintes et des blancs. Une touche de papier buvard a de même créé une
tache blanche sur les eaux, à l'endroit jugé convenable.
En résumé, dans cette épreuve : i° action automatique du coulé
qui a simplifié le premier plan, fondu les lointains, teinté le ciel et
l'eau ; 2° intervention brève du pinceau et du papier buvard pendant la
période du séchage, au moment précis où la couche offrait une résis-
tance appropriée.
Dans Méandre^ la façon de procéder a été semblable. Le coulé
avait pour but principal d'éteindre le papillottement excessif que donne
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
85
le cliché pris en plein soleil, d'adoucir le feuillé des arbres, de teinter
le ciel, les eaux et les linges. Mais ici Fintervention a été retardée ; elle
n'a eu lieu qu'après un premier séchage suivi d'une remise immédiate
dans une cuvette d'eau tiède. La couche offrant alors une certaine
mollesse, le ciel a été éclairci par un frottement d'ouate et toutes les
petites lumières rétablies sur les eaux, les linges et les personnages par
Faction d'une pointe en bois tendre, — un morceau d'allumette sué-
doise taillée en biseau. M^oe^tji>
Pl. X. Etude et Pl. xx. L'Aveugle. — Voici deux exemples du
traitement des fonds, le premier effectué pendant la période du dépouil-
lement, le second pendant la période du séchage.
Dans Étude, le modèle se trouve placé sur un fond indéfini, d'un
ton uniforme, légèrement plus clair que le ton de la peau, comme on en
peut juger par la partie inférieure de l'épreuve où le fond n'a pas été tou-
ché. Pour détacher la figure du fond et rompre l'uniformité de celui-ci,
le pinceau s'est mis au travail dès que la ligure s'est trouvée dégagée,
chaque intervention du pinceau étant suivie d'un arrosage en nappe.
Par une touche ferme, la partie supérieure du fond a été dégagée jus-
qu'au blanc du papier (i); une touche plus légère, donnée en suivant
le contour du corps, a ensuite éclairci le fond jusqu'au niveau des
jarrets ; des touches plus appuyées sur les marges ont créé une sorte de
dégradé. En résumé, l'action du pinceau a substitué au ton uni du fond,
une série de tons allant jusqu'au blanc du papier.
Dans l'Aveugle, le travail du pinceau a eu lieu en cours de séchage.
Le fond renfermait des détails ennuyeux; en particulier une maison
garnie d'échafaudages. Tous ces détails ont été broyés par le pinceau
qui s'est ainsi chargé de pigment et l'a aussitôt réappliqué par touches
rompues, de façon à faire valoir le blanc du bonnet. Vers la fin du
séchage, la matière étant résistante, une action d'écrasement a été pra-
tiquée en avant du personnage, sur le parapet, pour uniformiser et
(i) Le procédé de reproduction ne donnant pas le blanc pur, l'épreuve gravée n'est pas rigoureu-
sement conforme à l'épreuve originale.
86 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
. . . . '
teinter celui-ci et l'empêclier ainsi de nuire à l'accent blanc du
bonnet.
Pl. xxvhl Impression d'Engadine. — Ainsi qu'on en peut juger par
l'épreuve comparative au bromure, le sujet, tel que le donne le cliché,
manque d'unité ; le centre d'intérêt constitué par les deux bergers s'y
trouve insuffisamment souligné; il y a excès de détails dans les fonds,
les sapins ont même valeur que les personnages, les terrains sont uni-
formes, etc.
En vue de créer les accents nécessaires, on a d'abord buriné les
deux bergers et le chien à gauche. Puis l'épreuve a été légèrement sous-
exposée, de façon à atténuer les détails par les coulés. Au cours du
séchage, lorsque la matière eut acquis une certaine résistance, les fonds
ont été écrasés au sureau pour en éteindre les détails ; plus tard enfin
ont été rétablis quelques blancs dans le groupe des moutons que les
coulés avaient simplifié et grisé en même temps. Après séchage et
remise immédiate à l'eau, les sapins à droite ont été baissés. Tout le
travail ainsi effectué n'ayant d'autre but que de donner aux deux ber-
gers une valeur prépondérante et de faire venir en avant le chien placé
à gauche qui sert de rappel à ces deux bergers.
Pl. XXX. Portrait. — Dans cette épreuve, peu d'intervention. Seu-
lement une sous-exposition légère en vue de donner plus d'enveloppe à
l'image. Après séchage, rétablissement de lumières sur les épaules.
Pl. xhi. Etc. — Mêmes remarques que ci-dessus. Simplification
des détails du paysage par les coulés; rétablissement, en cours de
séchage, des noies claires sur le personnage.
Pl. XXV. Le Poète. — Epreuve dépouillée en dehors du bain par
affusions d'eau froide et tiède dirigées sur la figure et sur la main. Mais
le fond trop sombre et trop uniforme avait, en plus, le défaut d'une
texture et d'une valeur pareilles à celles des cheveux et des vêtements
du modèle. L'épreuve a donc été drainée, mais maintenue humide, et
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
87
le fond dépouillé peu à peu jusqu'à ce que sa valeur ne vienne plus
L^j^i lutter avec les accents du motif principal. Enfin sa texture a été mo-
difiée par l'usage d'une brosse plus dure qui a laissé des traces ru-
gueuses que l'on ne retrouve pas dans les chairs. Les plis du vêtement
exigeaient aussi une simplification destinée à mettre mieux en valeur
la main davantage étudiée.
Pl. XXVI. Paysage d'Hircr (neige). — Voici un exemple de coulé
choisi à cause de l'exagération même de l'effet qui montre très nette-
ment la façon dont il s'est produit. L'insolation ayant été arrêtée un
peu en dessous de la normale, les premiers plans très clairs tenaient à
peine. Tout le bas de l'épreuve a donc été lavé franchement à l'éponge,
puis essuyé à divers endroits pendant que la nappe de couleur, descen-
'^^•W dsini du haut de l'image, envahissait lentement le papier blanc. Les
V*»***^. franges de séchage s'y distinguent clairement. Nous remarquerons de
plus que le ton du ciel dans l'épreuve n° i, — reproduction de bro-
mure, — n'offre pas de contraste véridique avec le blanc pur de la
neige. Les enlevés faits sur l'épreuve n° 2 (d'après la gomme) ont réta-
bli la justesse de relation entre ces deux valeurs.
Pl. XI. Paysage d'Automne. — Synthèse par coulés obtenue sur
une épreuve peu insolée et dépouillée par affusions. Le premier plan
s'est trouvé de ce fait simplifié par masses, mais dépourvu d'accents.
Ceux-ci ont été rétablis par enlevés au tortillon pendant la période de
séchage. De même l'accent du second plan renforçant l'effet de soleil
naturel.
Nous pouvons considérer cette épreuve comme un exemple du
minimum d'insolation qui puisse être donné au papier à la gomme
sans risquer de coulage désastreux. Le négatif, tant soit peu surexposé,
avait dû être poussé au développement pour gagner quelque vigueur.
Les transparences en avaient souffert et aucun accent ne retenait dans
l'épreuve le dessin prêt à s'amollir. Sans les enlevés au papier buvard,
l'image serait restée plate et monotone.
12
88 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Pl. XXIX. Plaine de Varavillc. — L'épreuve n° 2 à la gomme a été
simplifiée et accentuée pendant la période de séchage. Simplifiée dans
les premiers plans dont les détails ont été oblitérés et la valeur entiè-
rement modifiée, — car c'est la valeur des roseaux du second plan de
répreuve n° i qui s'est étendue jusqu'au premier. Par contre, les
arrière-plans ont été maintenus à une valeur plus foncée, tandis que
les légers accents blancs du fond, exagérés au pinceau, sont venus
s'opposer au ciel plus sombre que celui de l'épreuve sur bromure. De
ce fait l'horizon s'est rapproché, les taches noires et blanches du groupe
d'arbres et de la maison ont gagné beaucoup en importance et l'intérêt
s'est déplacé du premier plan au plan le plus éloigné.
Pl. XXIII. L'Habilleuse. — Exemple de développement entièrement
effectué au pinceau, l'insolation ayant été poussée à un degré suffisant
pour que l'image ne paraisse qu'après avoir flotté sur un bain d'eau
froide pendant une heure, sans qu'il y ait cependant tendance à une
perte de pigment. L'épreuve sortie du bain et égouttée a été d'abord
éclaircie au pinceau à mouiller d'aquarelle, puis travaillée avec une
brosse plus dure.
Le négatif de cette épreuve est vraiment détestable. Le contre-jour
l'a grisé et les accents y font totalement défaut. Le seul moyen d'en
tirer quelque parti est sans doute celui que nous avons adopté, surex-
position bien franche et développement par frottis d'inégale vigueur,
mais il serait malaisé d'en produire une réplique' tant 'soit peu exacte
sans de longs tâtonnements.
Pl. XII. Bords de Seine. — Epreuve en double tirage monochrome.
La première épreuve insuffisamment insolée n'a pas gardé de demi-
teintes dans les fonds. Il n'y a donc eu, après second couchage et impres-
sion repérée, qu'une seule épaisseur pour le ciel et le fond. Les pre-
miers plans seuls ont été doublés de valeur.
Pl. XXVII. Deux études de tête. — Ces deux épreuves ont été dépouil-
I
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 89
lées par affusion sitôt après la première apparition de l'image. La faible
insolation du fond a permis de faire détacher la joue du modèle en foncé
sur du clair dans l'épreuve n" i ; en clair sur foncé dans le n° 2. Les
deux accents qui ont provoqué cet effet, Tun sur le fond, l'autre sur la
joue, ont été donnés au cours du dépouillement et légèrement tam-
ponnés au papier buvard pendant le séchage. Un coup de pinceau a
oblitéré, dans l'épreuve n° i, la main qui se dépouillait trop vite et perdait
sa forme.
Pl. I. Portrait de jeune fille. — Cette épreuve a été presque entière-
ment développée par flottement, puis sortie de l'eau et drainée pendant
quelques instants sur une glace inclinée recouverte d'un cahier de papier
buvard. Le fond en était uniformément sombre; il a été dépouillé à
gauche et dégradé jusqu'à la tête, de façon à laisser celle-ci se détacher
en clair sur la portion foncée qui est demeurée à son ton primitif. Les
reflets clairs des cheveux ont été accentués au pinceau sec, par enlevés,
la robe simplifiée au pinceau mouillé et les détails trop importants du
fauteuil effacés à la brosse à huile.
Pl. XIX. Dans les sapins. — L'épreuve, peu insolée, tendait à pro-
duire des coulés qui ont simplifié mécaniquement les détails des
premiers plans. Il a fallu rétablir par enlevés au tortillon les accents
clairs noyés dans la nappe colorée. De même le nuage blanc en forme
de cumulus, très aff"aibli pour la même cause, a dû être ramené à son
ton primitif. Tout ce travail s'est fait pendant le séchage de l'épreuve
qui a été accélérée en l'éventant au moyen d'une large feuille de bristol.
Pl. XXXI. Contre-jour. — Pose à peu près juste pour le dépouille-
ment qui a eu lieu par aff"usion d'eau froide et tiède. Une fois la tête
développée à la valeur désirée, le fond a été nettoyé d'un coup d'éponge
et tamponné. L'accent, derrière Fépaule, a été fait un peu plus tard,
quand le coulage venant de la tête n'était plus à craindre.
Pl. VI. Portrait de femme. — La tête a été développée par aff"usions
90
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
tièdes, le fond sombre enlevé à la brosse un peu dure. Le chapeau
simplifié de même a été réduit à Tétat de simple indication.
Pl. XXL Fantaisie. Dépouillement général par flottement. Le fond a
été enlevé, Tépreuve encore mouillée et le contenu a été rabattu sur
le premier plan et dirigé dans le sens du plancher. L'accent laissé sous
le fauteuil représente le noir maximum de la couche originelle.
t
Pl. XIV. Etude en gris. — La face entière a été dépouillée par frot-
tement au pinceau, sauf les yeux et Tombre portée des cheveux sur la
joue qui forment ainsi les accents nécessaires. Le fond et les épaules
ont été entièrement ou en partie effacés à Féponge. Nous ajouterons
que le négatif qui a fourni cette épreuve était beaucoup plus vigoureux
que ceux dont nous nous servons d'habitude pour les tirages sur papier
à la gomme pure, mais les transparences en étaient limpides. C'est ce
qui nous a permis de garder dans les yeux, les narines et la bouche les
accents primitifs bien marqués, dont la présence était nécessaire pour
éviter l'aspect mou et monotone qu'une épreuve uniformément grise
aurait offert après un traitement de ce genre.
"PORTRAIT "
PAR C. PUYO
Pl. XXX, Gomme.
tO*?vW, X^l%ajxC ^U~a.iy ^UUU^ k^Af^^O^ CcAf^tf.
(i^t tlv*^*^ , -^^C> ^^^^ ^^^^6 O*^ X^OL)
LES IMPRESSIONS MULTIPLES
I le cliché est bon, le papier propice, la couche riche en
gomme et en couleurs, si le temps d'exposition sous châssis
est juste et le dépouillement bien conduit, on doit obtenir,
par une impression unique, une épreuve douée des meil-
leures qualités pigmentaires, complète et vigoureuse, où les demi-
teintes seront transparentes et fraîches, les noirs gras et profonds. Il est
curieux de voir contester encore les ressources de Timpression unique,
prétendre qu'elle ne suffit point, que l'apposition de plusieurs couches
est nécessaire si Ton veut obtenir de beaux tons. Il est encore plus
curieux de constater que par leurs impressions multipliées, de 3 à 5,
certains gommistes arrivent à créer des épreuves beaucoup moins
vigoureuses que celles obtenues par d'autres en une seule opération, et
moins belles parce que la fleur du ton y a disparu. Cette différence
dans les résultats provient de la différence des modes opératoires.
A l'étranger, en particulier, les gommistes usent de couches extrême-
ment minces, pauvres en gomme et en couleurs; ils surexposent, déve-
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LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
loppent par friction. De là une matière raclée, sans puissance et sans
fleur. Nous avons pu voir ainsi de nombreuses épreuves, imprimées
par couches fines successives, développéès automatiquement. Ces
épreuves offrent, quand elles sont réussies, l'aspect d'images tirées sur
charbon vulgaire ; il faut les regarder de près, à la loupe, pour s'aper-
cevoir qu'elles sont à la gomme. Est-il utile de se donner tant de peine
pour arriver à un tel résultat.
Nous ne le pensons pas. Nous doutons même que l'artiste veuille
s'astreindre à un pareil travail qui exige la patience du forçat ciselant
sa noix de coco. A notre avis, il convient de donner aux impressions
multiples un but tout autre et plus large ; il faut essayer, par elles, de
doter le procédé de nouvelles ressources et l'exécutant de nouvelles
libertés.
En d'autres termes, nous ne nous contenterons point de demander
à l'usage de couches successives une augmentation de vigueur dans la
matière de l'épreuve; nous en profiterons pour rendre plus aisés le déve-
loppement local, et l'apposition des accents, et pour rendre possible
l'emploi de la polychromie.
1" Facilités données par les impressions multiples au déve=
loppement iocai et aux accents. — Dans tout cliché photographique
un certain nombre de tons locaux demandent à être modifiés, en vue
d'assurer soit la justesse de l'eifet, soit l'harmonie esthétique de l'en-
semble. Par exemple, dans les clichés de paysages, le ciel est beaucoup
trop opaque, les lointains trop transparents ne se distinguent pas des
premiers plans. Dans un portrait, il peut arriver que le fond ait une
valeur égale à celle des cheveux, qu'un vêtement soit trop blanc, une
ombre trop accentuée. Le développement local remettra les choses en
place et contribuera à assurer l'équilibre et l'unité du motif.
Ce développement local, on peut l'effectuer, ainsi que nous l'avons
dit, au cours de l'impression unique, mais on ne le peut que dans une
certaine mesure, car la souplesse du procédé n'est pas absolue ; il faut
avoir l'œil prompt et la main légère. L'emploi d'une double impres-
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
93
sien, ton sur ton, facilitera beaucoup les choses dans un grand nombre
de cas. Nous allons en énumérer quelques-uns.
a) Premier exemple. — Voici un cliché de paysage : le ciel ren-
ferme des nuages bien placés et bien modelés, mais la valeur générale
du ciel dans le négatif est telle que si on imprime Tépreuve on obtien-
dra, suivant le cas, soit un ciel modelé avec des terrains noirs et enter-
rés, soit un ciel blanc sans détails avec des terrains bien modelés.
Imprimons en deux fois. Étalons une première couche fine et
légère ; calculons le temps d'impression en nous basant sur Topacité du
ciel, et développons le ciel sans nous occuper des terrains. Dès qvie le
ciel est venu, baissons les lointains au pinceau et nettoyons les premiers
plans à l'éponge. Laissons sécher.
Etalons ensuite une couche riche en gomme et en couleurs et fai-
sons notre deuxième impression en nous basant uniquement sur les ter-
rains. Développons; dès que les terrains sont venus, épongeons le ciel
de façon à dégager l'image déjà imprimée et, par quelques coups de
pinceaux, faisons les raccords entre les divers plans des terrains.
b) Deuxième exemple. — L'opérateur a pris son paysage avec une
jumelle mise au point à l'infini, — erreur trop fréquente. Les premiers
plans sont moins fermes et moins nets que les lointains et que le ciel.
Opérons comme tout à l'heure, mais en faisant notre première
impression, qui porte sur le ciel et les lointains, à travers une gélatine
ou une feuille de celluloïd interposée. Voici la netteté des arrière-plans
atténués. Il ne reste plus qu'à imprimer en une seconde opération les
premiers plans, sans interposition entre le cliché et l'épreuve.
c) Troisième exemple. — Voici un portrait qui manque d'enve-
loppe, le cliché est heurté ; il convient de diminuer les oppositions.
Faisons une première impression ; couche légère, nettement sous-
exposée. Sous l'influence du coulage, toute l'épreuve va se griser,
devenir monotone. Sur cette première épreuve monotone, faisons une
deuxième impression vigoureuse et légèrement surexposée. Le pro-
blème est résolu.
94
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
d) Quatrième exemple. — Voici, au contraire, un cliché monotone
qui va donner une épreuve sans accents.
Imprimons une première fois ; ne touchons pas aux régions, aux
parties de Tépreuve que nous voulons monter de ton, nettoyons au
pinceau le reste. Puis imprimons une seconde fois, nous aurons créé,
par le dessous, les oppositions qui manquaient.
On pourrait prolonger cette énumération sans arriver à épuiser
tous les cas d'espèce dans lesquels une double impression serait utile.
Pour le moment, retenons ceci : à savoir que le gommiste aura souvent
tort de jeter une épreuve qui lui paraît manquée. Mieux vaut la tra-
vailler en la considérant comme un dessous et en cherchant ce qu'il y
a lieu de taire pour que ce dessous remplisse un rôle utile.
2" Impression en double ton. — Nous avons considéré jusqu'ici
uniquement l'impression ton sur ton. On peut arriver à certains effets
agréables en composant les deux couches non plus de la même couleur,
mais de deux couleurs voisines : imprimer en noir sur dessous bistre,
en bistre sur dessous rouge, en rouge sur dessous jaune, la couleur la
moins corsée et la plus chantante étant réservée à la première impres-
sion. Il est difficile de donner ici des règles précises, le nombre des
combinaisons de nuances voisines étant infini.
Naturellement, pour que l'épreuve ait un double ton, il faut rejeter
le développement automatique et dépouiller localement les deux
épreuves en faisant de larges sélections au pinceau. Si l'on s'est trompé,
si l'épreuve manque d'harmonie, on en sera quitte pour imprimer une
troisième fois en donnant à cette troisième couche un ton intermé-
diaire.
Ces indications peuvent paraître insuffisantes et imprécises ; mais
que dire ? Nous ne cherchons pas ici à rendre le sujet en couleurs
réelles, mais simplement à marier des tons voisins, à moduler dans
une gamme très étroite, de façon à donner à l'épreuve un aspect plai-
sant à l'œil. Ces combinaisons sont proprement arbitraires.
Nous reviendrons tout à l'heure sur ce sujet.
" EFFET DE CONTRE-JOUR
PAR R. DEMACHY
Pl. XXXI, Gomme.
coua£ diC*^^^^ ^z/fCAÀiKC*^ <Zof%f\£j^r ^o^lÊnC^ <:Cie>|^t>«^«.tCG-
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE 95
3° Impression en couleurs. — Au lieu d'employer deux ou trois
couleurs voisines, on peut composer les couches de couleurs diverses ;
user, par exemple, des trois couleurs types : le jaune, le rouge, le bleu,
imprimer sous le même cliché et faire, à chaque impression, par le
moyen du pinceau, des sélections analogues à celles que le photochro-
miste obtient automatiquement par le moyen de trois clichés. On con-
çoit que, par là, il soit possible de faire des épreuves donnant la sen-
sation soit d'un crayon rehaussé, soit d'une estampe encrée à la poupée.
Ceci dit, reprenons les questions au point de vue pratique.
Repérage. — Le premier problème qui se pose est celui du repé-
rage. Si le papier était inextensible, l'opération serait aisée. Mais une
feuille de papier de force moyenne, fortement encollée, même après
un passage à l'eau suivi d'un tannage à l'alun ou au formol, travaille
encore et se rétrécit après la première impression à la gomme. S'il
s'agit d'une étude de tête ou d'un personnage placé dans un milieu peu
compliqué, ce rétrécissement n'a pas beaucoup d'inconvénient. Dans
ce cas, voici comment on peut opérer.
Après la première impression, et avant de passer la seconde couche
pigmentaire, placer l'épreuve contre la vitre d'une fenêtre, puis le cli-
ché par-dessus et, par transparence, faire exactement coïncider les yeux,
la bouche, les narines. On juge facilement de la position où cette coïn-
cidence est réalisée, car l'ensemble, cliché et épreuve, donne alors en
cette région la sensation du gris sans détails. A ce moment, maintenant
fortement l'adhérence de la main gauche, pratiquer sur le papier, de la
main droite armée d'un canif, une incision de i ou 2 centimètres au
milieu de chacun des quatre côtés, en suivant le bord du cliché qui
sert, pour ainsi dire, de règle.
La seconde couche posée, abandonnant tout châssis, prendre une
planche à dessin et placer sur cette planche deux ou trois épaisseurs
de papier buvard, par-dessus le papier à la gomme et enfin le cliché;
faire coïncider exactement les quatre côtés du cliché et les quatre
encoches du papier, puis poser enfin sur le tout une glace lourde.
96
LES PROCÉDÉS D'xVRT EN PHOTOGRAPHIE
Si le sujet exige que le papier reste toujours égal à lui-même (cas du
paysage où il faut absolument éviter le doublement des branches des
arbres et des herbes), il est nécessaire d'opérer autrement et d'assurer
un repérage total et parfait. Pour cela, un moyen consiste à fixer le
papier blanc, par l'intermédiaire d'un adhésif ou d'une feuille mince
de gutta-percha, sur une ardoise ou sur une plaque de verre. Le châssis
doit être abandonné. Quand on a posé la première couche pigmentaire,
on place le cliché sur le papier et l'on pratique quatre incisions comme
tout à l'heure. Pour plus de sûreté, au moyen d'un tire-ligne chargé
d'encre de Chine (encre de Chine liquide vendue en bouteilles et inso-
luble à l'eau), on trace un trait tout autour du cliché : ces incisions et
ces traits servent dès lors aux repérages successifs.
Il semble que, le papier étant ainsi fixé, l'épreuve se dépouille
moins correctement, et l'on peut attribuer ce fait à ce que le papier ne
subit pas l'action de l'eau à sa face postérieure. Aussi la méthode sui-
vante semble-t-elle plus recommandable.
Prendre une plaque de zinc bien rigide, d'un format un peu supé-
rieur à celui du cliché à imprimer. Couper la feuille de papier dans
une dimension supérieure de plusieurs centimètres à la dimension de
la plaque de zinc; faire tremper le papier dans l'eau pendant une demi-
heure ; puis l'étendre, le bon côté en dessous, sur une surface bien
plane ; poser dessus la plaque de zinc, inciser diagonalement le papier
au ras des quatre angles de la plaque ; rabattre les quatre côtés du
papier et les coller au dos de la plaque avec une colle ainsi composée :
Laisser sécher. Une fois sec, le papier sera tendu comme une peau
de tambour et ne bougera plus pendant les impressions successives.
Pratique des impressions successives. = Remarques géné=
raies. — Dans les dépouillements successifs, il importe au plus haut
point de ne pas abîmer la surface du papier support- Il faudra donc
Arrow-root ou amidon
Solution d'alun de chrome à 2 1/2 0/0
Eau
60 ce.
10 ce.
5 gr. .
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
97
que, notamment, lors de la première impression, le dépouillement de
l'image se fasse sans violence, sans intervention d'instruments trop
énergiques, sans recours à l'eau bouillante, au bisulfite ou au carbo-
nate. De l'eau froide ou légèrement tiède pour le dépouillement géné-
ral, un pinceau doux pour les sélections locales devront suffire. C'est
dire que la première couche devra être très exactement impressionnée.
La seconde couche et les couches suivantes s'étalent non plus sur
le papier, mais sur une sorte de pellicule lisse constituée par la pre-
mière image. Sur ce support lisse la couleur tend à glisser et à suivre
le pinceau de couchage.
Les couches postérieures à la première seront donc, en général,
très fines. Ceci est plutôt un avantage, car le procédé implique des
couches fines et transparentes.
Lors du dépouillement d'une couche postérieure à la première, on
constatera que cette couche n'adhère que très légèrement au support.
Ici, en effet, la surface du support est lisse, sans porosité ; la matière
pigmentaire n'est plus retenue comme elle le serait par un papier grenu
et toujours un peu poreux. De là résulte la nécessité de dépouiller ces
couches successives avec une grande délicatesse. L'abaissement des
tons se fera aisément sous l'attaque légère d'un pinceau doux, et le
coup d'éponge dégagera sans peine l'image subjacente.
Avant de travailler localement les couches postérieures, il con-
viendra ici de laisser s'opérer pendant longtemps le dépouillement
automatique par flottement. Il faut, en effet, attendre que la couche
nouvelle se soit entièrement gonflée et que, partiellement dépouillée,
elle laisse transparaître l'image de dessous. Sans cela on travaillerait à
l'aveuglette.
Ce manque d'adhérence des couches présente un avantage, à savoir
que, même en cas de surexposition notable, il sera toujours possible,
après un long séjour dans l'eau, d'enlever à l'éponge la couche rebelle
et de recommencer l'impression manquée; mais, au bout d'un certain
nombre d'impressions, le support devient tellement lisse que la couche
nouvelle se dépouille irrégulièrement, s'en va par écailles. Ceci limite
98 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
le nombre des impressions successives, qui ne peut guère dépasser
cinq.
Voici maintenant quelques observations relatives à la composition
des couches :
1° Impression ton sur ton. — La force relative des couches en
gomme et en couleur dépendra des cas d'espèce.
Dans le premier exemple cité plus haut, page gS, celle des couches
qui servira à l'impression du ciel pourra être peu chargée en couleur,
et la quantité de gomme sera légèrement diminuée. La couche destinée
à rimpression des terrains sera constituée normalement, riche en cou-
leur et en gomme.
La double impression a-t-elle pour but principal d'augmenter la
puissance du ton? Ce serait, par exemple, le cas d'une double impres-
sion en sépia ou en bistre. On sait qu'il est très aléatoire d'essayer
d'obtenir une image vigoureuse dans ces tons-là, si l'on se borne à
l'impression unique. On composera ici les deux couches de façon pa-
reille, en évitant de les charger en couleur et de les impressionner trop
fortement.
Il suffira de raisonner un peu pour décider, dans les cas divers,
de la composition rationnelle de la couche.
2° Impression en double ton. — De même en ce qui concerne
rimpression en double ton dont nous avons défini plus haut le carac-
tère. En général, on fera bien de composer la première couche de façon
normale, en diminuant un peu la proportion de gomme. Dans la se-
conde on diminuera légèrement la proportion de couleur, de façon à
assurer à cette couche des qualités de finesse et de transparence.
3° Impression en plusieurs couleurs. — Ici les images sous-
jacentes ne pourront jouer leur rôle et produire la multiplicité des
nuances que grâce à la transparence des couches qui les recouvriront,
11 est donc rationnel de poser en directive générale que l'épaisseur des
" BROUILLAi< •
PAR C. PUYO
Pl.. XXXII. l'a
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
99
couches et leur coloration devront aller en diminuant. La première
impression, devant être vigoureuse, sera faite avec une couche nor-
male chargée de couleurs couvrantes ; pour les autres, on s'attachera à
les créer fines, composées de couleurs franches et transparentes; on
recherchera aussi les nuances éclatantes, le procédé tendant à les assour-
dir et à les attrister.
Voici une méthode, entre plusieurs, que l'on peut suivre dans l'im-
pression d'une tête.
Le premier monochrome serait rouge. Ce rouge, transparaissant
au travers des bleus et des jaunes, a pour mission principale de fournir
le ton chair. Composer une couche normale, vigoureuse, avec du rouge
de Venise et du brun rouge, et essayer d'avoir une exposition juste.
Quand l'image sera à peu près développée par flottement, faire les
sélections : laisser l'image intacte dans les chairs, dans les endroits où
l'on voudra plus tard du noir, dans les endroits où Ton voudra plus
tard du rouge pur. Baisser ou supprimer les tons partout ailleurs ; les
baisser au pinceau dans les cheveux, dans les ombres du vêtement, les
supprimer totalement à l'éponge dans d'autres régions.
Le support ainsi constitué par la première image n'est plus un sup-
port homogène; certaines régions sont couvertes par l'enduit gommeux,
d'autres, au contraire, sont constituées par le papier nettoyé ou vierge.
Sur ces dernières la couche nouvelle, que nous allons maintenant appli-
quer, tendra à s'accrocher davantage que sur les régions lisses et ver-
nies par la gomme. Or, les régions vierges correspondent aux blancs de
l'épreuve, c'est-à-dire aux lumières. Quelle est la couleur de la lumière ?
C'est le jaune. En choisissant la couleur jaune pour la seconde couche,
nous assurerons donc plus facilement le maintien du jaune dans les clairs.
Il faudra un jaune transparent ayant de l'éclat; on le prendra dans
la série des cadmiums. Ne pas trop charger la couche en couleur;
exposer, dépouiller par flottement et sélectionner au pinceau, comme
tout à l'heure; en se laissant guider; par quoi? par son goût, par les
circonstances, par l'image intérieure que l'on porte en soi, un peu confuse
encore... Et en invoquant le dieu Hasard.
lOO
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
La troisième couche pourra être neutre. Elle aura pour but
d'achever de couvrir partout le papier, de créer des transitions et de
préparer Faction finale et décisive du bleu. Suivant les cas, suivant les
indications fournies par les deux premières impressions, ce neutre
pourra tendre vers les bistres ou vers les gris-bleu ; le gris de Paine,
la terre de Sienne, brûlée ou naturelle, le bistre pourront le fournir en
se combinant.
Après cette troisième impression, terminée par les interventions
habituelles, Fimage devra se présenter à peu près homogène et com-
plète en tant que valeurs. Cette image cependant, au point de vue cou-
leurs, n'est encore qu'une sorte d'arlequin.
Il s'agit de la regarder longuement, de l'analyser attentivement afin
de déterminer par la pensée la nuance du bleu qui va établir l'har-
monie entre ces tons disparates et assurer la justesse de l'accord.
Devra-t-on prendre un bleu franc ou le nuancer ? Dans ce cas,
faut-il tendre vers le bleu-vert, ou le bleu-violet, ou le bleu-gris? Ques-
tion angoissante, que l'on résout par un coup d'état de la volonté.
Cette couche suprême, fine et composée de bleu, sera traversée
très vite par la lumière ; la durée d'exposition devra rester souvent au-
dessous d'un degré Artigue. Avant d'intervenir, on laissera le dépouil-
lement s'effectuer par flottement. Quelque temps avant qu'il ne soit
terminé, on placera l'épreuve sur la plaque d'ébonite et on l'attaquera
au pinceau. C'est le moment intéressant et qui vous paye, — parfois,
— du long travail effectué jusque-là. Si la nuance de bleu a été bien
choisie, l'épreuve, en effet, apparaîtra comme transformée, les tons qui,
avant cette dernière impression, se battaient entre eux, s'accordent
maintenant et vivent en bons voisins. Il ne reste plus qu'à crever loca-
lement ce voile coloré superficiel là où l'on veut faire réapparaître la
couleur sous-jacente, et si l'exposition a été normale, chaque coup de
pinceau sera décisif, dégageant d'un coup le rouge les lèvres ou les
lumières bistrées des cheveux.
Ne cachons point que les impressions multiples du genre que nous
venons de décrire constituent un travail délicat et, — quelque habileté
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
lOI
que puisse avoir l'opérateur, — fort aléatoire. Ce n'est donc pas besogne
de débutant. Il faut s'attendre à ce que nombre d'épreuves restent en
route, abandonnées à la deuxième ou à la troisième impression ; aussi
fera-t-on bien de mener de front plusieurs épreuves.
Ce serait, d'ailleurs, une erreur grave que de demander au procédé
ce qu'il ne peut donner : les couleurs vraies de la nature. Le nombre
des nuances résultant de quatre impressions est trop limité pour cela ;
et puis qu'est-ce, en ces matières, que les couleurs vraies ? Le seul des-
sein que l'on puisse ici poursuivre est de créer une harmonie, un
« arrangement », suivant l'expression de Whistler, constituant à la fois
une simplification et une transposition du réel.
Voici, à titre d'exemple, comment a été obtenue l'épreuve colorée
ci-jointe (planche xxxiii).
La première couche, composée de rouge de Venise et de brun
rouge, a été laissée intacte dans les chairs, baissée dans les cheveux,
supprimée partout ailleurs.
La seconde, destinée à donner les cheveux, a été faite d'un bistre
tirant vers le jaune, avec, pour dominante, la Sienne naturelle. Laissée
intacte dans les cheveux, elle a été enlevée à l'éponge sur les chairs et
baissée fortement, quasi enlevée au pinceau, partout ailleurs.
La troisième couche a été composée de bleu de cobalt, légèrement
grisé avec un peu de gris de Paine et une pointe de Sienne brûlée.
Elle a, combinée au rouge sous-jacent qu'elle laisse transparaître, créé
le ton des chairs. Modelée au pinceau, elle a fourni le bonnet et le
fichu. Le pinceau également, promené sur les cheveux, a fait réappa-
raître les bistres dans les parties claires, laissant des traînées de bleu
dans les ombres. Le fond a été nettoyé.
Pour mettre en valeur l'accord obtenu par les trois premières
impressions, on a jugé que la coloration jaune du fond serait favorable.
Cette couche jaune cadmium a été enlevée partout, sauf dans le fond.
On aurait pu obtenir le même résultat et s'éviter la peine d'une
quatrième couche qui, en somme, ne devait fournir qu'une teinte
plate, en employant, pour créer cette teinte plate, un pastel dur.
I02
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Les pastels durs, que Ton trouve chez tous les marchands de cou-
leurs, donnent, en effet, une matière identique à celle de Timpression
colorée à la gomme, et Ton peut opérer de la façon suivante dans les
retouches ou raccords que l'on désire effectuer :
Commencer, par des hachures régulières et légères de pastel, à
couvrir la région que Ton veut teindre. Ecraser ensuite ces hachures
et les fondre en ton plat au moyen d'un tortillon de papier. Plonger
alors l'épreuve dans l'eau ; le pastel retenu par adhérence ne s'en va
que sous l'attaque d'un pinceau. Avec ce pinceau on enlève donc tota-
lement ou partiellement la couche de pastel, là où il convient. Après
quoi laisser sécher l'épreuve. La gomme gonflée par Teau happe, en
séchant, les grains du pastel et les fixe définitivement sur le papier.
Observons que cette façon d'agir n'a rien que de légitime si elle est
discrète et ne dépasse pas les limites admises pour la retouche. D'ail-
leurs, une telle intervention doit être invisible sous peine d'être mala-
droite. Cette considération est suffisante pour tempérer l'audace de
l'artiste et lui conseiller la prudence.
PROFIL EN QUATRE COULEURS
PAR C. PUYO
Pl. XXXIII. Gomme.
LES
PAPIERS PRÉPARÉS
DU COMMERCE
ET LES
PROCÉDÉS OZOTYPES
GÉNÉRALITÉS
OMME nous l'avons dit, dans les papiers à dépouillement du
commerce, le médium est constitué soit par de la gélatine
pure, soit par de la gélatine alliée en proportion variable avec
d'autres colloïdes, tels que la gomme; leur composition est
d'ailleurs tenue secrète.
Ils diffèrent du papier à la gomme non seulement par le mode de
traitement et par l'aspect de l'image fournie, mais surtout par ce fait
qu'ils ne donnent pas de coulés.
Pour tous, le dépouillement s'effectue de la même manière, par la
double action d'un bain d'eau, porté à une température qui peut varier
de 25 degrés à 32 degrés centigrades, et d'un agent de frottement doux :
la sciure de bois diluée. Les variations apportées au temps d'exposi-
tion changent l'aspect de l'image : l'exposition est-elle trop courte,
rimage sera grise et les oppositions seront diminuées; une exposition
trop longue produira Teffet inverse.
Tous se prêtent, plus ou moins aisément, à Faction locale du pin-
io6
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
ceau, ce qui facilite les accents, les raccords et, en général, toutes les
retouches portant sur des surfaces de peu d'étendue; les grandes réserves
étant demandées à la direction, intelligente et raisonnée, des nappes
d'eau chargées de sciure.
L'addition à la gélatine de colloïdes divers assure au papier plus
dÇa^Co(XloJto f^^i-^de rusticité ; les papiers où la gélatine est seule, exigent dans leur trai-
tement plus de délicatesse et une plus grande précision.
Qvm>>tô-^HjU^cw)Jtv^ Cette précision doit porter sur deux points essentiels : l'exposition
ji^f^^t^xj^ , cu^^Mm J^KiA^' sous châssis, la température du bain chaud. Une exposition juste, une
te
température exacte sont, au point de vue technique, les conditions
suffisantes mais nécessaires du succès. De là l'importance d'un photo-
mètre que l'on connaisse bien, d'un thermomètre vérifié.
Le photomètre le plus précis est, comme nous l'avons dit, le pho-
tomètre Artigue. L'unité de mesure qu'il donne, le degré Artigue, devra
même souvent être fractionné à la montre. Pour certains papiers très
rapides, tels les papiers bleus ou violets, une variation d'un demi-degré
a une grande influence. Sous des clichés légers, divers papiers bleus
s'impressionnent en moins de un degré, soit en trois ou quatre minutes
à l'ombre, au mois de juin. Quand le degré est très court, c'est-à-dire
en été, on pourra se donner plus de latitude en sensibilisant les feuilles
dans des bains contenant i o/o ou o,5 o/o de bichromate de potasse au
lieu de 2 0/0.
Il semble que la sensibilisation au bichromate de potasse soit préfé-
rable à celle au bichromate d'ammoniaque, du moins si les clichés à
impressionner sont normaux ou légers. La sensibilisation au bichromate
d'ammoniaque tendrait à fournir des épreuves grises et pourrait être
réservée aux clichés durs, à oppositions exagérées.
Pour notre étude, nous allons diviser ces papiers en deux catégories.
Cette division n'est pas arbitraire. Dans la première, nous rangeons
ceux dans lesquels la gélatine est employée seule ou semble entrer en
assez grande proportion. Pour ceux-ci, la sensibilisation se fait par
^s^^ cpt*^. <-€»*.*çrt««lt^i sjjj^pie immersion et le développement s'effectue par l'action de l'eau à
une température déterminée et par le frottement de la sciure de bois.
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LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
107
Les papiers de la seconde catégorie se sensibilisent dans des solutions
alcoolisées et paraissent exiger, pour leur dépouillement, Taddition du
carbonate de potasse à Teau chaude, dans les bains à température élevée;
nous disons que cette addition de carbonate paraît être exigée : elle l'est
parles instructions. L'est-elle en réalité? et cette intervention du carbo-
nate de potasse ne constitue-t-elle pas un danger pour la beauté de la
matière? C'est un point que nous examinerons plus tard.
En tous cas, les papiers de la première catégorie surpassent nette-
ment ceux de la seconde par la vigueur de la matière qu'ils fournissent,
et la gamme des tons est, chez eux, beaucoup plus étendue du côté
du noir.
Leur fabrication est aujourd'hui très régulière et ils sont, par suite,
d'un maniement aisé et sûr. Aussi ne s'explique-t-on pas la crainte
qu'ils paraissent inspirer encore à nombre de photographes. Il est
cependant plus facile d'obtenir une image correcte sur papier Artigue
ou Fresson que sur un papier au bromure, lequel ne permet en aucune
manière le traitement raisonné de l'épreuve et offre, en outre, une
matière d'une qualité plus que médiocre.
«Ho,
PAPIERS A LA GÉLATINE
PAPIERS ARTIGUE, FRESSON a LEURS DÉRIVÉS
i
t.*
OUS rangerons dans cette catégorie, par ordre de date, les
papiers Artigiic, les papiers Fresson^ et deux papiers récents
dérivés des seconds : le papier B. F. rapide et le papier dit
« l'Artistique ».
Les papiers charbons-velours Artigue existent depuis bien des
années. Tout le monde connaît la matière délicate et belle qu'ils
donnent, non seulement dans les tons noirs, mais même dans certaines
teintes difficiles à obtenir plaisantes, comme les bistres. Le grain pro-
duit est très fin et le modelé des images absolument complet.
Les papiers Fresson possèdent des qualités de même ordre ; ils se
font sur divers supports et en des teintes très variées.
Le papier B. F. rapide ressemble aux précédents; il possède un
grain agréable et de très beaux noirs.
La surface de tous les papiers susnommés est d'un certain luisant,
même dans les blancs où la gélatine subsiste. Dans le papier « l'Artis-
tique », le but poursuivi a été de rendre les blancs mats et les noirs
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
très veloutés. Ce but a été atteint par Taddition à la gélatine de cer-
tains colloïdes, et, grâce à la composition de la couche, très chargée en
pigment, l'étendue de la gamme des noirs se trouve encore augmentée ;
réclat des blancs, Tintensité et la puissance des noirs fournis par ce
papier sont extrêmement remarquables.
La marche à suivre au cours du traitement de tous ces procédés
est la même ; nous allons l'exposer en insistant sur certains points et en
renvoyant, pour le surplus, aux instructions particulières contenues
dans les pochettes.
Sensibilisation. — Elle se fait en principe par trempage dans une
solution de bichromate de potasse à 2 0/0; celle-ci doit être fraîche. En
faisant varier la force du bain en bichromate on fait varier la sensibilité
du papier. Un bain étendu, dont la teneur en bichromate est abaissée
à I 0 0 ou à 0,5 0/0, donne donc plus de latitude pour l'évaluation de
la durée d'exposition, mais ne semble pas modifier sensiblement le
caractère de l'image.
Une précaution très utile pour certains papiers, moins nécessaire
pour d'autres, consiste à plonger le papier dans l'eau pure ou à le passer
sous le robinet, avant de le soumettre au bain sensibilisateur. Ceci évite
la production des bulles et assure une sensibilisation régulière.
Le séchage dans le cabinet noir est assez long. Si l'on est pressé,
ou encore si, en été, on ne dispose pas d'eau fraîche, on pourrait avoir
recours à la sensibilisation par Falcool, Mais le bichromate de potasse
étant peu soluble dans l'alcool, la solution sensibilisatrice sera composée
en tout ou partie de bichromate d'ammoniaque.
Faire une solution mère à 6 0/0, soit : eau i.ooo, bichromate
d'ammoniaque 60 grammes. Ou mieux, pour avoir plus de fermeté :
eau Kooo, bichromate d'ammoniaque 3o grammes, bichromate de
potasse 3o grammes, comme Ta indiqué M, Briand, Mélanger une
partie de cette solution à deux parties d'alcool à 90 degrés. Ce mélange
s'applique au pinceau.
Placer la feuille, couche en dessus, sur un support incliné et poreux,
I 10
LES PROCÉDÉS O'ART EN PHOTOGRAPHIE
JLa^^A c^^-t'-^'**^ ^^^^ papier buvard, pour empêcher la solution de se glisser sous la feuille ;
.A ^ t. ■ . r plonger un pinceau dans la solution alcoolisée et le passer doucement
sans arrêt sur la surface. Pour le papier Artigue, il faut opérer d'un seul
, . , o coup, par suite le pinceau doit être de la largeur de la feuille. On peut
§ s^'^^œ- ^^"^P^^^^'" pinceau par une bande de feutre ou de coton, serrée entre
deux lames de carton ou de zinc.
Séchage. — Le séchage s'effectue dans le cabinet noir où Ton sus-
<;jv ' pend la feuille par un angle, en faisant adhérer à l'angle opposé un frag-
^ » ment de papier buvard ou de papier à cigarettes. Cette opération doit
précéder de peu l'exposition sous châssis, le papier fraîchement sensi-
bilisé se dépouillant plus aisément.
Exposition sous Châssis. — La durée d'exposition, mesurée au
^c*.t>vALD<ta«>.^'u)wo photomètre, dépend naturellement, pour un papier donné, de l'intensité
du cliché et du degré de sensibilisation ; mais elle dépend aussi, pour le
même papier, de la couleur du pigment et de l'effet que l'on veut obtenir.
Si on prend comme unité le temps d exposition correspondant au
o»vA(«7&i <^ûyc.x pigment, on multipliera, en général, cette durée par 2 : 3 si le pigment
= est bleu ou violet, par 3 : 2 s'il est bistre ou brun, par 2 ou 3 s'il est
^ de couleur sanguine.
Les variations de la durée d'exposition agissent d'une façon nette
sur les valeurs générales de l'épreuve et aussi sur sa beauté.
La sous-exposition produit des images plus monotones, mais qui
b ^A^^^cîi/vcK^eovHe seront souvent fort agréables. Il est à remarquer que seuls les papiers
*o e^jbtX ^ dépouillement peuvent fournir des images à la fois légères et d'une
. jolie matière. Les papiers à impression directe ou à développement
'^ç^ ne permettent pas, en effet, de tenir le motif dans la gamme des gris ;
'd*tcei*'Y^'«^ leurs gris sont tristes et ne peuvent se comparer aux gris perlés des
papiers à dépouillement, qui possèdent de l'éclat et de la fraîcheur.
Jl k' 0«»^tA^2ij^c»^'^ sous-exposition paraît moins à craindre ici que la surexposi-
uz\{îM' tion. Une épreuve surexposée risque fort d'être heurtée et aura, sans
"«^ doute, une matière inférieure parce que trop fortement raclée par
"TÊTE D'ÉTUDE"
PAR C. PUYO
Pl. XXXV. Papier l'Artistique.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
1 1 I
l'agent de dépouillement. De plus, sur une telle épreuve, Faction du
pinceau sera peu aisée, condamnée à être brutale pour être efficace.
Ainsi que nous le disions plus haut, on ne saurait apporter trop de
soin dans la recherche d'une exposition juste.
{eu
Dépouillement. — La gélatine est personne sensible; à la brusquer
on s'attire le châtiment immédiat d'un échec. Il faut lui laisser le temps
de se gonfler progressivement en absorbant Feau et de distendre pro-
gressivement les mailles du filet qui emprisonnent les grains de la matière
pigmentaire. Donc Tamollir d'abord par un trempage dans une cuvette
d'eau froide où elle abandonnera le bichromate, puis la soumettre à
l'action du bain chaud. Pour cela deux méthodes : on peut plonger la
feuille face en dessus dans une cuvette contenant de l'eau à la tempé-
rature voulue ; on peut, la feuille étant pendue à une réglette ou placée
sur une plaque d'ébonite, faire courir de Teau chaude à sa surface.
Les deux méthodes semblent équivalentes.
Si Ton est pressé ou, encore, si on opère devant un public qu'on
veuille éblouir, il est assez aisé d'effectuer le dépouillement en deux ou
trois minutes, après une demi-douzaine d'arrosages à la sciure. Pour
cela il suffit d'user d'un bain à la température extrême indiquée par
l'instruction et d'y laisser l'épreuve assez longtemps, jusqu'à ce que
l'image positive apparaisse nettement. Mais à opérer ainsi on risque
des arrachements malencontreux dans les clairs de l'épreuve.
Mieux vaut user d'un bain à la température inférieure indiquée
par l'instruction, l'y laisser peu de temps, lui faire subir un premier
arrosage à la sciure, puis à nouveau un court passage dans l'eau chaude,
puis un arrosage ; on continue ainsi en augmentant la température du
bain de façon progressive, si cela est nécessaire, mais sans dépasser la
limite supérieure fixée, jusqu'à ce que la gélatine cède à vos sollicita-
tions discrètes et répétées. On s'aperçoit qu'elle cède : d'abord, à l'ac-
tion produite par la sciure ; ensuite parce que la surface de la gélatine
apparaît comme nacrée. A ce moment on prolonge l'action de la sciure
et l'on rend moins fréquents les passages au bain chaud.
eu, 51
i5
î 12
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
r
Dès que le dépouillement a été suffisant pour dégager l'image, on
peut, par son aspect, par la comparaison entre les ombres et les clairs,
juger si l'exposition a été normale, insuffisante ou exagérée. On peut,
d'autre part, prendre des décisions sur la manière d'opérer le dépouil-
lement local.
L'épreuve est sous-exposée si les ombres se dépouillent plus vite
que les clairs ; surexposée dans le cas contraire. On trouvera dans les
instructions la façon d'atténuer de façon appréciable les conséquences
de ces erreurs, quand celles-ci ne sont pas trop considérables.
Il faut pour cela jouer, avec précision, de la température du bain,
car celle-ci ne saurait varier que dans des limites assez étroites. Un
bain trop élevé de i ou 2 degrés, un séjour trop long de l'épreuve dans
ce bain précipitent le dépouillement, mais amènent presque à coup sûr
l'arrachement des tons voisins du blanc. Un bain à température trop
basse, qui ne ramollit pas suffisamment la gélatine et conduit par suite
à prolonger outre mesure Faction de frottement de la sciure, risque de
produire une image grenue. Il faut donc être sûr de son thermomètre.
Que d'insuccès sont dus à la simple négligence de l'opérateur qui
trop souvent, dans cette question capitale de la température, se con-
tente d'un à peu près!
Dépouillement local. — Le dépouillement local doit évidemment
être un dépouillement raisonné. Le tirage préalable sur un papier quel-
conque, à l'albumine, au citrate, au bromure, ou, ce qui suffit à un œil
exercé, la seule inspection des détails du négatif, ont indiqué à l'opé-
rateur les régions où il convient de modifier les valeurs.
Trois modes, successivement employés, permettent de localiser
l'action d'une façon de plus en plus serrée, sur des surfaces de plus
en plus restreintes : la nappe de sciure, le choc du jet de sciure, le
pinceau.
La nappe de sciure ne peut agir localement que sur de grandes
surfaces. L'opérateur tient fermement la plaque de zinc ou d'ébonite
dans la main gauche, le pouce de cette main fixant l'épreuve sur la
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE Il3
plaque et l'empêchant de glisser ; la main droite tient la cafetière ver- " n
seuse ou, ce qui vaut mieux, une simple casserole munie d'un bec. Il *^aJ^s£^ du
verse alors le contenu du récipient, soit sur la marge de Tépreuve, soit ,
sur un endroit de Tépreuve judicieusement choisi à cause de sa résis- ^^ajdlc u^^oÂ
tance, ainsi sur les cheveux d'une figure, sur les terrains d'un paysage. H
Il a soin seulement de tenir la verseuse très près de la surface de ««^nie*^ ^^AS^^u^
l'image, de façon que le choc produit soit insensible. La main gauche éjuic^iJ^ .
incline en même temps la plaque support, de façon que la nappe, en
s'écoulant suivant la direction de la plus grande pente, épargne les
régions que Ton veut réserver. «««t*- v, -tV'v».'^:
Dès que les régions attaquées ont pris une avance au dépouille-
ment légèrement exagérée, un passage rapide dans le bain chaud, suivi ^
d'un arrosage général, rétablit l'harmonie dans l'ensemble des valeurs. ^J»^<t»^ ^ii»»-<a^;7
L'emploi du choc, s'il est nécessaire, doit accompagner l'emploi <i^â^
de la nappe et non le suivre. Il ne faut pas attendre pour donner aux b^;7ty%^&tiSZo%^^
parties que l'on veut dépouiller davantage une avance au dépouille-
ment et l'attaque locale doit commencer dès que l'image est sufïisam- i^w-^^fe-^tv»
ment dégagée pour qu'on y voie clair. De cette façon on se ménage la
possibilité de faire suivre chaque action locale d'un arrosage général et
de conduire ainsi l'opération du dépouillement d'une façon progressive
et sûre sur toute la surface de l'épreuve, en assurant à tout moment la
justesse dans les relations des valeurs.
Pour produire un choc, tenir fermement la plaque support de la ^t«^ JLr^Ls^t? J
main gauche; de la main droite amener le bec de la verseuse à i ou "jS /^v -
2 centimètres au-dessus de l'endroit à dépouiller, commencer à verser
doucement, puis, dès que Ton est maître du jet, que celui-ci devient
régulier, élever progressivement le bec de la verseuse.
Le choc est un moyen dont il faut se garder d'abuser; il tend en W)a?i4,.i.»^ «a^A
effet, dans la région frappée, à égaliser les valeurs, à faire disparaître QAck^
les accents. Par exemple, à vouloir éclaircir une figure par le choc, t^s^xsjrcJf^^^
vous risquez de trop baisser la valeur de l'œil, d'anémier le trait qui
dessine l'arc des lèvres et qui doit demeurer ferme. L'emploi du choc
est mieux indiqué sur le fond d'un portrait, sur les cheveux, ou
114
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
i
t.
encore, dans un paysage, sur les lointains : dans toute région, en un
mot, où Ton veut baisser et en même temps uniformiser les valeurs.
L'action du pinceau est beaucoup plus précise et n'offre aucun
danger si Ton se borne à l'appliquer à des surfaces peu étendues. On
réserve donc au pinceau les accents clairs et les raccords. Ceci s'effec-
tuera un peu avant la fin du dépouillement, au moment où l'on pos-
sède encore la réserve de quelques arrosages généraux dont l'emploi
peut corriger les erreurs et les accidents dus au pinceau. Pour que
celui-ci soit à même d'agir avec délicatesse, car sa brutalité salirait la
matière pigmentaire, il faut que cette matière soit docile; elle le sera
si l'exposition sous châssis a été normale. Il convient aussi de se garder
d'employer le pinceau sec, sauf pour les petits accents; un mince ma-
telas d'eau couvrant l'épreuve fera le travail plus sûr et plus régulier.
Montrons par quelques exemples ce qu'on peut attendre de l'emploi
de ces trois agents : nappe de sciure, choc, pinceau.
Les deux images de la planche n° xxxvi sont issues d'un même cliché
qui n'a subi aucun maqu Ce cliché donne normalement une fiaure
,X>^i^^U\3i^ -'^^^^^ XTionotono, d'édairag^e, sur fond uni d'un ton moyen; les mains ont
T
même valeur que le yhage. Pour obtenir l'effet contrasté de la première
épreuve, il fallait ménager, au cours du dépouillement, la moitié de
droite du fond, le vêtement et les mains. L'épreuve a été, tout d'abord,
largement exposée en vue d'augmenter les oppositions. Puis, dès le
commencement du dépouillement, on a donné une avance notable au
visage et au fond de gauche, en versant, sans choc, sur la figure, des
nappes s'écoulant par l'angle supérieur gauche. Le dépouillement a été
poursuivi dans cet ordre d'idées. Avant qu'il fût terminé, en vue
d'augmenter les contrastes du visage, le choc a été employé sur le
front, la joue éclairée, les épaules. Enfin, le pinceau est intervenu pour
faire les raccords, notamment entre les cheveux et le fond, et pour
placer un rappel de lumière sur les mains.
Pour obtenir l'effet de la seconde image, il fallait recourir à la
sous-exposition : afin d'avoir une figure monotone; 2° afin d'obtenir
une matière peu ferme et obéissant bien au pinceau. L'épreuve, sortie
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Il5
du châssis, a en outre ete légèrement vouée au jour, durant une minute
environ, pour mieux assurer la monotonie du visage. Cela fait, au
cours du dépouillement, le choc a été continuellement employé pour
baisser le fond; cet abaissement du fond a été paracfi^^ par des
touches franches du pinceau. Enfin, quelques touches du pinceau
ont placé sur la figure des reflets discrets concordant avec l'éclairage à
contre-jour.
Ces méthodes permettent très aisément, dans les paysages avec ou
sans figures, de ^ote? les divers plans des valeurs respectives jugées
convenables et de confirmer par là la perspective aérienne. Ainsi, sur le
cliché du Vieux Berger^ planche n^ xxxiv, tout le terrain est de même
valeur. Mais il a été facile, au cours du dépouillement, de laisser au
premier plan une grande fermeté, de baisser par choc les arrière-plans.
Le pinceau est intervenu pour aviver les lumières, modeler le ciel, faire
quelques raccords, et aussi pour effacer, à Tarrière-plan, quelques
moutons noirs malencontreusement placés.
On sait que trop souvent les clichés de paysage fournissent un ciel
uni, d'un ton clair uniforme. Avec les papiers à dépouillement,
ménager un ciel est chose aisée; par là, on obtiendra d'abord sur
répreuve un ciel légèrement teinté que Ton mouvementera sans peine
au pinceau. Il faudra seulement le faire d'une façon discrète et se
garder de ces ciels si magnifiques et si vigoureux dont on abuse et qui
sont bien la chose du monde la plus désagréable à l'œil.
N'insistons pas sur l'examen des planches n° xxxn et n° xxxv. On
voit sans peine qu'il a été possible, sur la première, d'accentuer l'effet de
brouillard; sur la seconde, de créer un dégradé, de poser des accents
sur la figure et de simplifier le vêtement.
La planche n° xxxvii. Aubade Matinale ^ nous montre ce qu'on
peut obtenir par l'emploi du voile.
Si l'on ajoute un même chiffre à chacun des deux termes d'une
fraction, la valeur de cette fraction se rapproche de l'unité. Pareil-
lement, si vous exposez pendant quelque temps au jour une épreuve
au sortir du châssis, vous ajoutez une constante à chaque ton, vous
tto 2..
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?e^>^ icxMV.
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eu.
ii6
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Jl5 <d^-.
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diminuez donc les contrastes, les oppositions entre les tons. L'emploi
d'un tel moyen n'est pas possible avec les papiers à noircissement direct
ou à développement, puisque le voile supprime le blanc et les tons voisins
du blanc. Mais les papiers à dépouillement permettent de rétablir
les blancs où il faut. L'épreuve gagne donc en douceur sans perdre en
éclat.
L'emploi du voile changeant la gamme, ou plutôt la rétrécissant, vua>,Hoco»-^c^
puisqu'au lieu d'aller du noir au blanc, l'ensemble des tons va, sur
une épreuve voilée, du gris au blanc, l'effet se trouve plus ou moins
radicalement changé. D'un cliché de paysage ensoleillé, vous pouvez
airè^clore un paysage de brouillard, donner aux figures quelque
chose d'irréel. L'épreuve Aubade Matinale offre un effet gris perlé
que la traduction typographique rend de façon peu fidèle. Pour
l'obtenir, le papier a été exposé sous châssis pendant une durée estimée
aux trois quarts de la durée d'exposition normale, puis voilé au jour
pendant une durée égale au quart de cette même exposition normale.
Au cours du dépouillement, les arrière-plans ont été baissés par choc;
puis, à la fin, les blancs ont été rétablis sur la figure et quelques
touches claires ont été placées dans les fonds.
PAPIERS A
LA GOMME
ES papiers sont intermédiaires entre le papier à la gomme
proprement dit et les papiers à base de gélatine dont nous
venons de parler. Ils se rapprochent du premier par l'aspect,
des seconds par le mode de traitement; pas plus que ces der-
niers ils ne donnent de coulés, et, s'ils sont plus rustiques qu'eux, ils
ont moins d'éclat.
Les plus répandus sont : le papier Farinaud, le papier de Hôch-
heimer, le papier pigmenté « Deux Épées » ; le plus récent est l'Auto-
Pastel.
Leur composition nous est inconnue. Ils contiennent sans doute
de la gomme, bien qu'ils soient quasi insolubles dans l'eau froide et
puissent, au moins pour la plupart, être sensibilisés dans les solutions
aqueuses de bichromate sans adjonction d'alcool. Contiennent-ils de la
gélatine? En tout cas les bains de température élevée, supérieure à
3o degrés, ne semblent pas désorganiser leur matière.
Après ce que nous venons d'exposer touchant le traitement des
ii8
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
^7
papiers à base de gélatine, il reste peu de chose à ajouter sur les papiers
dits à la gomme; la succession des opérations est la même.
Pour plusieurs d'entre eux, les instructions préconisent l'emploi
systématique du carbonate de soude dans le bain chaud servant au
dépouillement. Il est à craindre qu'il n'y ait là un danger au point de
vue de la beauté de la matière pigmentaire, le carbonate de soude
ayant une action désorganisatrice bien connue. Cet emploi ne paraît
pas d'ailleurs indispensable; l'usage d'un bain de température élevée,
combiné à des arrosages de sciure claire, peut suffire, d'ordinaire, à
dépouiller l'image. Celle-ci résiste bien au pinceau qui peut être
utilisé franchement, avec une grande liberté, et sur d'assez grandes
surfaces.
En résumé, par la simplicité de leur emploi, ces papiers, qui
n'exigent point une main aussi légère que les papiers précédemment
étudiés, peuvent donner de sérieuses satisfactions aux amateurs et
méritent d'être travaillés par eux. Ils se prêtent aux effets légers, un
peu éteints, plutôt qu'aux effets de vigueur. L'impression nous reste
qu'ils n'ont pas encore atteint le degré de perfection dont ils sont sus-
ceptibles et qu'ils doivent s'améliorer dans l'avenir.
"AUBADE MATINALE
PAR C. PUYO
Pl. XXXVII. Papier Artigue.
^J^^^^ , Q^^U^ ^
L'OZOTYPE GÉLATINE
NTRE les deux procédés ozotype-gélatine et gomme, le pre-
mier offre moins de facilités que le second au point de vue des
modifications à apporter aux valeurs de l'image pendant le
dépouillement. Si nous en parlons d'abord, c'est pour res-
pecter l'ordre généalogique car c'est l'ozotype à la gélatine qui a donné
naissance à l'autre. Tous deux sont basés sur l'insolubilisation d'une
couche colloïde par le contact d'une image visible imprimée sur papier
sensibilisé au bichromate. Dans le procédé gélatine ozotype, le véhicule
du pigment est une couche de gélatine de consistance particulière, éten-
due sur une feuille de papier qui ne lui sert que de support momentané.
Dans la gomme ozotype, la couche de gomme pigmentée est appliquée
directement au pinceau sur l'image dite primaire.
Le point de départ des deux procédés, l'image primaire visible sur
papier bichromaté — est identique. La sensibilisation du papier a lieu au
pinceau ou au tampon et la Compagnie Ozotype recommande pour cet
usage la solution brevetée par elle. L'impression est aussi rapide que
celle du platine et l'image doit offrir les mêmes particularités qu'avec
i6
I2Q
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
ce procédé. Elle n'accusera donc que de |aibles détails dans les grandes
lumières — sauf pour la gomme ozotype qui admet une impression
plus vigoureuse. Un lavage rapide mais complet éliminera totalement
le bichromate de toutes les parties non réduites, et l'épreuve une fois
séchée, deviendra insensible au jour. Elle pourra conserver pendant
un an et plus les propriétés latentes qui la distinguent. Pour les réveil-
ler il suffit de coller intimement à la surface de l'épreuve un papier
(emplâtre ozotype) recouvert d'une couche de gélatine pigmentée que
nous aurons ramollie dans un bain à 12 0/000 d'une solution acide,
dont voici la formule pour épreuves de négatifs moyens :
Le bain devra être entre 14 et 20 degrés centigrades; l'emplâtre n'y
séjournera que de 3o à 40 secondes — l'épreuve cinq à six secondes
seulement — le temps de la juxtaposer à l'emplâtre. Les deux feuilles
collées ensemble sont enlevées du bain — leur adhérence est assurée
par le passage d'une raclette en caoutchouc et on les suspend par un
coin. Au bout de 3o à 60 minutes selon la force du bain acide que l'on
peut faire varier d'après les degrés de vigueur de l'image primaire, on
plonge la double feuille dans un bain d'eau à 40 ou 46. Quelques
secondes après, la gélatine de l'emplâtre sera suffisamment ramollie
pour qu'on en puisse détacher le papier support. La couche pigmentée
adhère maintenant à la feuille de Timage primaire.
Il ne nous reste plus qu'à dépouiller celle-ci à l'eau plus ou moins
chaude tout comme dans le procédé au charbon. Mais la gélatine plus
molle de l'ozotype nous permet l'emploi du pinceau ; des affusions
locales de solution d'acide oxalique de différentes forces, faciliteront
encore le dépouillement par frottement.
Le procédé ne comporte que très peu d'aléa, la durée de la pose
pouvant seule exercer une influence fâcheuse sur la qualité de l'épreuve,
Solution de sulfate de cuivre à 20 0/0
Acide acétique cristallisable
Glycérine
Hydroquinone
100 ce.
6 —
5 —
5 gr.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
121
or il est aisé de surveiller la venue de celle-ci. Pour obtenir des résul-
tats constants il suffit de se souvenir de la règle suivante commune aux
procédés au platine et à l'huile : la couleur et l'intensité des noirs de
rimage ne doivent jamais influencer le jugement de l'opérateur, dont
l'attention ne se portera que sur les blancs. Dès que les plus faibles
détails y auront fait leur apparition, quel que soit le degré d'impression
du restant, l'insolation devra être arrêtée. Il se trouvera donc qu'un
degré de pose correct donnera, selon que le cliché choisi aura été faible
ou fort, une image aux ombres à peine indiquées ou, au contraire, très
vigoureuses, tandis que dans les deux cas les blancs seront pareils.
Le résultat le plus désastreux de l'excès de pose sera l'impossibilité
de détacher l'emplâtre du papier définitif. Ceci n'arrivera bien entendu
que dans les cas extrêmes. Mais l'élévation progressive de la tempé-
rature du bain suffira souvent à provoquer le ramollissement de la
gélatine. Autrement l'épreuve sera irrémédiablement perdue.
Le manque de pose se reconnaît à des symptômes opposés, facilité
exagérée de décollage, coulage presque immédiate de la couche, des-
truction progressive des demi-teintes. Le remède consistera à traiter de
suite l'épreuve à l'eau très fraîche. Nous procéderons ensuite au déve-
loppement avec un minimum de température.
Sans doute le procédé n'offre pas les mêmes possibilités d'interven-
tion que la gomme ; il est plus sûr mais moins docile — ceci à cause
de sa couche gélatineuse, insoluble à la température normale. Mais il
en donne bien assez pour que nous l'ayons fait figurer ici.
Voici par exemple le portrait de M. Holland Day, page 122.
Le fond original en était entièrement blanc ; on verra que dans le
bas, à droite, la couche pigmentée n'a presque pas été dépouillée
et qu'elle l'a été, un peu davantage, en haut ; le chapeau n'a guère
été touché tandis que la figure a été attaquée à la solution oxalique,
versée à l'endroit de la nuque, l'épreuve étant maintenue de côté dans
sa largeur — de sorte que le liquide s'étendant en éventail a couvert la
face et mangé sur le fond, qu'il a suffisamment amolli pour qu'on puisse
en réveiller la monotonie par quelques touches claires. De même au
I 22
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
point de chute de la solution, derrière le cou, à côté du plus grand
noir du motif. Dans le masque, on a pu augmenter au pinceau, par
enlevés, les accents clairs trop faiblement indiqués à l'arcade sourcilière
et sur l'arête du nez, et donner un peu de lumière aux cheveux et au col.
Les valeurs de ce portrait à l'ozotype ne ressemblent en rien à
celles d'une épreuve à l'argent du cliché original, qui a été fait en
vue de la transformation que devait subir le positif. Nous croyons
que tout l'intérêt que peut avoir l'image définitive est dû à cette trans-
formation.
Au point de vue matière, une épreuve à l'ozotype-gélatine res-
semble à une épreuve au charbon avec plus de gras, plus de profon-
deur dans les noirs et beaucoup moins de sécheresse. Car l'insolubi-
lisation par contact estompe légèrement les contours et donne aux lignes
un certain fondu. Les noirs conservent un brillant qui disparaît une
fois l'épreuve mise sous verre mais qui contribue à la profondeur toute
spéciale que donne le procédé dans les ombres les plus opaques.
" PORTRAIT DE MOLLAND DAY "
PAR R. DEMACHY
Pl. XXXVIII. OToivne Gélatine.
LA GOMME OZOTYPE
A gomme ozotype est un dérivé de l'ozotype-gélatine. Les
premières opérations de ces deux procédés sont identiques
jusqu'à la pigmentation de l'image primaire. L'épreuve est
alors rapidement recouverte par badigeonnage d'un mélange
épais composé de dix parties d'une solution de gomme à 5o o/o et de
cinq parties d'une solution acide composée comme suit :
Eau loo ce.
Sulfate de cuivre pur lo gr.
Hydroquinoiie 2 gr.
Acide sulfurique pur i ce.
On ajoute la quantité de pigment nécessaire.
Immédiatement après l'étendage, l'épreuve est suspendue dans un
endroit assez humide pour retarder la dessiccation jusqu'au moment
fixé. Elle est ensuite séchée à l'air libre et dépouillée soit par flotte-
ment, soit par friction.
124
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Voilà le résumé du procédé. Les résultats en sont assez curieux
pour que nous donnions ici quelques détails pratiques sur son fonc-
tionnement. Disons tout d'abord que la couche toute spéciale du
papier à la gomme ozotype assure la possibilité d'un dépouillement
complet au pinceau tel que ne le permet pas la gomme ordinaire — et
que pour obtenir la solidité nécessaire à ce genre de dépouillement,
l'image primaire devra être moitié plus imprimée que celle que nous
destinons à l'ozotype-gélatine. Mais le lavage en sera tout aussi abon-
dant, car il est d'autant plus nécessaire que les blancs restent blancs.
Le mélange pigmenté (gomme, liqueur acide, et couleurs) sera de
consistance sensiblement plus épaisse que celui dont nous nous ser-
vons pour la gomme ordinaire. En somme le couchage doit toujours
être plus difficile qu'à la gomme, sous peine d'accidents subséquents.
En effet, nous avons reconnu dans la pratique que les couches qui
s'étendaient aisément et donnaient une belle surface lisse de suite après
l'épandage s'étoilaient de blanc et tendaient à former des coulées en
vagues pendant la longue période d'humidité précédant le séchage à l'air
libre. Ces inégalités d'épaisseur ont bien entendu un fâcheux effet
sur le dépouillement de l'image. Il faut donc que la couche soit de
consistance assez ferme pour ne pas changer d'état pendant la période
d'imprégnation, véritable période de pose, qui peut, nous le verrons
plus loin, atteindre une durée de trois ou quatre heures.
Nous conseillons donc l'emploi de gomme très épaisse, à 5o o/o
fraîche. Une solution moins concentrée donnerait, après l'addition de
la moitié de son volume de liqueur acide, une mixture trop claire. Il
nous paraît plus prudent de mesurer d'abord la gomme, d'y incorporer
intimement le pigment et d'y ajouter la liqueur acide par centimètres
cubes en s'arrêtant dès que la consistance voulue aura été atteinte.
C'est une question de tâtonnements. Il arrivera donc que selon l'épais-
seur plus ou moins considérable de la solution de gomme qui changera,
à teneur égale, d'après l'âge de cette solution, nous travaillerons quel-
quefois avec : gomme 3o — liqueur acide lo — (au lieu de i5). Ceci
nous conduira simplement à laisser un peu plus de marge au séchage.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
125
L'erreur possible ne sera pas grave, tandis que l'insuccès dû à un
étendage fait avec une mixture trop claire portera sur la totalité des
feuilles recouvertes et sera sans remède.
L'épaisseur gommeuse du mélange pigmenté étant plus considé-
rable dans le procédé ozotype que dans la gomme bichromatée, l'éten-
dage ne se fera pas tout à fait de même. Nous emploierons une petite
queue de morue en soies de porc assez courtes et fermes et nous ne
changerons pas de brosse entre le badigeonnage grossier du début et le
travail de blaireautage qui suit. Le badigeonnage se fera aussi rapide-
ment que possible — puis nous reprendrons du mélange sans perdre
un instant et nous égaliserons de notre mieux — en nous rappelant
que l'image positive va être formée par la couche de dessous — que
celle-ci doit par conséquent couvrir le papier sans solution de conti-
nuité et avec autant de cohésion entre ses molécules qu'il nous sera
possible d'en obtenir. La couche de dessus que nous pouvons appliquer
avec largesse, ne fera qu'apporter de l'épaisseur à l'image et aussi une
proportion utile de la liqueur réductrice qui aide à fixer celle-ci.
Maintenant que l'image primaire est recouverte de gomme pig-
mentée acide, il s'agit d'empêcher celle-ci de sécher avant que l'inso-
lubilisation par contact ne soit terminée. Nous épinglerons donc
l'épreuve tout de suite dans un endroit fermé et saturé d'humidité,
soit dans une armoire dans le bas de laquelle nous aurons mis, à
une vingtaine de centimètres des épreuves suspendues, une ou deux
cuvettes remplies d'eau, soit dans une petite malle ou une caisse
quelconque dans lesquelles l'atmosphère sera maintenue dans un état
de saturation au moyen de linges mouillés, de feuilles de buvard trem-
pées dans de l'eau ou d'épongés imbibées. Les épreuves n'y devront
jamais séjourner à plat; elles seront épinglées soit sur les parois de la
boîte, soit sur des lattes fixées en travers.
Nous attirons tout particulièrement l'attention du lecteur sur la
nécessité d'une saturation complète de l'atmosphère dans laquelle seront
plongées les épreuves fraîchement pigmentées. Il ne suffit pas d'intro-
duire à la fois cuvettes, linges mouillés et épreuves dans la malle ou
LES PR0CP:DÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
rarmoire en question. L'intérieur aura dû en être saturé d'ai'atîce, sous
peine de voir les épreuves se sécher normalement bien avant que l'atmo-
sphère n'ait absorbé la proportion d'humidité nécessaire pour maintenir
les couches gommeuses en l'état voulu pendant un temps indéfini.
Bien entendu la surface humide destinée à produire la saturation
devra être proportionnelle au cubage d'air à saturer. Nous avons vu
des épreuves d'un étendage correct fondre littéralement après avoir
passé un quart d'heure à quatre centimètres au-dessus d'une cuvette
remplie d'eau, recouverte d'une boîte carrée de quarante centimètres
de côté. Au contraire, une seule cuvette 18X24, placée au fond d'une
armoire de dimensions usuelles, ne pourra suffire à entretenir la satu-
ration d'une aussi grande quantité d'air.
Rappelons-nous que c'est pendant le contact entre la couche
acide encore humide et l'image primaire que celle-ci opère son travail
d'insolubilisation. Le phénomène cesse dès que la couche est sèche. Il
s'ensuit que le degré de durcissement de la gomme qui va bâtir l'image
sera en rapport direct avec le temps qui s'écoulera entre le premier
contact et la dessiccation — de même que dans le procédé à la gomme
bichromatée ce degré est proportionnel à la quantité de lumière reçue
pendant le tirage. Il s'ensuit aussi de la cessation du phénomène par
séchage de la couche que l'action continuatrice attribuée à d'autres
procédés similaires n'existe pas ici — et que l'image pigmentée une fois
construite peut n'être dépouillée que plusieurs jours, peut-être davan-
tage, après dessiccation.
Bien entendu la nature de l'image primaire ne sera pas sans
influence sur la détermination de la durée à donner à la période d'hu-
midité, qui sera en proportion inverse de celle de l'intensité de cette
image. De sorte que la faiblesse de celle-ci pourra se corriger en pro-
longeant la station dans la boîte humide — station qui sera au contraire
écourtée dans le cas de surexposition.
Le temps moyen de cette pose d'un nouveau genre varie d'une
heure à trois heures. On peut exceptionnellement descendre à 46 mi-
nutes et monter jusqu'à quatre ou cinq heures.
"ÉTUDE D'ENFANT"
PAï^ W. CADBY
Pl. XXXÎX. Platioc.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
127
Le manque total d'insolubilisation se reconnaît à une dissolution
rapide de toute la couche dans Teau froide. — Un séchage plus lent,
sans l'être encore assez, donnera au dépouillement une faible image
négative. Enfin, nous parcourrons, en montant, toutes les gammes de
solubilité connues de la gomme bichromatée, pour arriver à un état
tout spécial à la gomme ozotype et que nous n'avons jamais rencontré
dans la gomme ordinaire. En insolubilisant assez (deux heures à deux
heures et demie) pour que l'image ne se dépouille pas ou ne se
dépouille que très lentement par flottement sur de l'eau froide, nous
aurons formé une couche qui se distingue par une adhérence parfaite
au papier support et par une facilité de dépouillement par frottement
tout à fait remarquable. Sous la caresse d'un gros et large pinceau bien
fourni de poils fins et toujours imprégné d'eau, nous voyons les demi-
teintes se dépouiller insensiblement sans le moindre arrachage de pig-
ment et sans la moindre granulation de couche. Pendant ce temps
l'image aux endroits non attaqués ne change aucunement de valeur.
C'est bien à cause de ce dépouillement au pinceau presque idéal
et propre à la gomme ozotype, que nous nous sommes appesantis sur
un procédé dans lequel le gommiste trouvera de grandes facilités de
contrôle et, par conséquent, de grands effets de vigueur. De plus, la
nature complexe de la gomme ozotype, qui tient à la fois du procédé
à impression directe et de celui à dépouillement, nous permettra d'uti-
liser tous les négatifs dont les oppositions seraient trop fortes pour la
gomme ordinaire. — C'est encore un avantage.
Laissons donc de côté les épreuves insolubilisées à point pour le
développement par flottement, leur traitement sera pareil à celui que
nous avons indiqué plus haut pour les épreuves à la gomme bichro-
matée, sauf pour le cas de sous-insolubilisation, dans lequel le coulage
peut être arrêté en plongeant de suite l'épreuve, face en dessus, dans le
bain suivant :
Eau 5oo ce.
Solution de chlorure de fer à 10 0/0 . . 25 ce.
Nous supposons donc que nous avons imprimé et insolubilisé en
17
138
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
vue du développement au pinceau. Cependant, avant de commencer ce
dépouillement, nous laisserons tremper l'épreuve face en dessous dans
de l'eau froide jusqu'à ce que l'image se dessine en relief. Ce gonfle-
ment de la gomme demandera dix minutes ou une heure selon le degré
d'insolubilisation de la couche. L'eau tiède ou chaude, employée très
prudemment, abrégera notablement cette période d'attente. Et nous
aurons de nouveau recours à une station plus ou moins prolongée dans
le bain chaque fois que nous remarquerons que le passage délicat du
pinceau dans les coins les moins importants de l'épreuve laisse ici et là
des épaisseurs encore coagulées qui, si nous insistions davantage, for-
meraient, en dérobant la partie qu'elles protègent à l'action du pinceau,
des différences de valeur fâcheuses. Car ici l'insolubilisation est partie
du papier même, en remontant ; par conséquent, avant d'arriver à
l'image qui sera dépouillée localement, il nous faudra nous débarrasser
mécaniquement de toute l'épaisseur sans intérêt qui n'a pas participé
directement à la construction de l'image.
Le dépouillement local au pinceau ne sera donc entamé que lorsque
cette image entière sera dégagée, couverte cependant d'un voile terreux
et uniforme. Elle paraîtra grise et monotone, mais il suffira d'un seul
coup de brosse sur une grande lumière pour créer subitement par con-
traste une intensité de noirs qui nous rassurera sur l'étendue de la
gamme de valeurs que le procédé nous octroie.
Comme nous l'avons dit plus haut, la couche de gomme ozotype,
soit à cause de l'insolubilisation par en dessous, soit à cause de la mo-
dification apportée à la nature de la gomme par la présence de l'acide
sulfurique, se montre, dans certaines conditions de pose, d'une docilité
inconnue jusqu'ici et qui persistera tant que l'épreuve restera franche-
ment mouillée. Le dépouillement au pinceau peut donc se faire en
toute tranquillité; l'opérateur a le temps voulu pour juger de la jus-
tesse de relation des valeurs qu'il est en train d'établir et pour décou-
vrir l'effet que l'obéissance passive de la couche lui permet de créer
à volonté. Les réserves par arrêt de dépouillement sont, avec ce pro-
cédé, d'une telle facilité d'exécution que nous avons pu développer
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
129
correctement, comme démonstration, la moitié d'une épreuve, en lais-
sant l'autre moitié totalement enterrée.
Une fois séchée, l'épreuve à l'ozotype garde, à un beaucoup plus
haut degré que celle à la gomme pure, la faculté de se gonfler à nou-
veau dans de l'eau froide ou tiède et de retrouver presque intégrale-
ment la mollesse primitive de sa couche. A tel point que nous avons
vu certaines épreuves bien séchées, un peu sous-exposées il est vrai,
couler très fâcheusement après un séjour de dix minutes dans un bain
d'eau froide.
Ceci permet, dans de meilleures conditions qu'avec la gomme
ordinaire, une reprise de développement local. Cependant nous ne
trouvons jamais, dans les demi-teintes, lors d'une seconde intervention
la même délicatesse que nous donne le dépouillement normal. Mais
les accents clairs faits au pinceau dur ou au grattoir produiront des
blancs d'une pureté parfaite sans aucune éraflure du papier.
La matière d'une épreuve à la gomme ozotype développée au pin-
ceau est plaisante. Elle participe au gras de l'ozotype-gélatine auquel
vient se joindre un certain fondu qui se rapproche de celui que nous
trouvons dans la gomme ordinaire.
Bien entendu nous pouvons provoquer tous les coulés que nous
voulons, en posant moins, mais nous entrons alors en lutte avec la
gomme pure dans ce qu'elle a de meilleur, et l'avantage du pro-
cédé ozotype devient tout de suite discutable. C'est pourquoi nous ne
parlons ici que de l'épreuve ozotype exposée spécialement pour le
développement au pinceau. On peut lui reprocher au premier abord
un luisant un peu exagéré dans les parties chargées de pigment, mais
le passage dans un bain d'alcool méthylique diminue considérablement
ce brillant qui s'atténue encore par les frottements inévitables auxquels
toute épreuve est soumise dans le cours de son existence.
L'épreuve Moutons dans la lande, que nous donnons comme spé-
cimen page i3o, a été entièrement dépouillée au pinceau. Elle a subi
quelques modifications importantes au cours du dépouillement.
Une fois dégagée de la couche supérieure, l'image parut plus terne
i3o
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
encore que le document imprimé à l'argent qui nous servait de guide.
Mais la première attaque au pinceau, sur la toison des moutons, révéla
de suite la possibilité des contrastes un peu violents que nécessitait
rinterprétation de ce coin rude et âpre de Bretagne. Tout le premier
plan, dont la tonalité très sombre enterrait le motif des moutons, fut
radicalement éclairci et simplifié à la brosse d'huile en soies de porc,
pour exagérer (contre les règles peut-être) la noirceur un peu sinistre
du bloc erratique du second plan qui nous avait frappés dans la nature.
En somme, la souplesse du procédé a permis d'accentuer les trois taches
blanches des moutons et, par contraste, la tache noire des rochers, de
faire se détacher les blancs sur des noirs et les noirs sur des blancs
simplifiés. Ceci suffit, croyons-nous, à faire pressentir Tavenir d'un
procédé qui, nous le répétons, offre dans certaines conditions, faciles
à obtenir, une plasticité de couche très spéciale et partant une remar-
quable liberté d'intervention.
DANS LA LANDE
PAR R. DBMACHY
Pl. XL, Gomme Ozotype.
DEUXIÈME PARTIE
\ \ \
PROCÉDÉS DIVERS
PROCÉDÉ RAWLINS
AUX ENCRES GRASSES
E procédé inconnu jusqu'ici en France mérite cependant à
plus d'un titre d'être compté parmi les procédés d'art. Il doit
nous séduire par la grande liberté d'interprétation qu'il nous
confère et nous intéresser par la nouveauté presque décon-
certante de sa pratique.
En effet, l'apparition de l'image n'a pas lieu par dépouillement ni
par développement chimique ; le pigment qui la forme est appliqué
localement par la main même de l'opérateur qui surcharge où il veut
et, s'il s'est trompé dans son effet, enlève ce qu'il vient de mettre au
pinceau ou à l'éponge mouillés.
Voici, en deux mots, le résumé du procédé que nous expliquerons
ensuite en détail.
Une feuille de papier recouvert de gélatine est sensibilisée au
bichromate, séchée à l'obscurité, insolée sous un négatif, puis abon-
damment lavée. Il en résulte une faible image en relief pareille à celle
de la photocollographie. Cette planche, ce n'est pas autre chose, est
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
encrée à la main, au pinceau. Ses parties insolubles, correspondant
aux transparences du négatif, prennent Fencre, Les autres, imbibées
d'eau, la repoussent, et l'image apparaît.
Un instant de réflexion nous fera comprendre l'étendue du contrôle
^ ^ que peut exercer l'opérateur en face de cette feuille de papier blanc
J 1 J . j dont les reliefs de gélatine forment un dessin correct, reçoivent la
quantité de pigment qu'on veut leur donner et l'abandonnent à volonté.
Après de nombreux essais portant sur la qualité et l'épaisseur de
la gélatine à employer, M. Rawlins est parvenu à livrer un papier
j couché d'une résistance suffisante. Ce papier est sensibilisé par immer-
.) ]o l\%vwrv»w« sion dans un bain de bichromate de potasse à 5 o/o. Il y séjourne jus-
Tu.co^mvvtvv'ïw (L\ JM((v3Wqu'à ce que la feuille soit bien ramollie et dégraissée, puis on le sèche
^s^-^'v^j rapidement dans un endroit obscur. Un bain de bichromate à lo o/o
l- '1. . , permet d'utiliser les négatifs très durs. Dilué à 2 1/2 0/0, le bain con-
viendra aux négatifs faibles.
^-^■^Auvi M- ->v.t icu papier sensible ne se conserve guère plus de deux jours; nous
h..r - ^(ùtiA. ivilb fl^'ot.o^ préférons l'employer de suite. Il est très sensible à la lumière et
n'exige, avec un cliché léger, qu'un demi-degré Artigue de pose, soit
p««Na(iL)À 1-, «hiMiJi^ deux minutes et demie environ par un beau temps d'été. Les clichés
£iw«-wr denses demanderont un et deux degrés dans les mêmes conditions.
L'image brun pâle se voit distinctement. Elle ne doit être poussée que
'mXiv4tï uJji ifci.-'' jusqu'à l'apparition de faibles détails dans les grandes lumières.
^vi, û^An . Nous avons inauguré avec un plein succès la sensibilisation faite
au pinceau avec une solution alcoolique de bichromate d'ammoniaque
comme suit :
)vw\wv|ft. Solution de Réserve
V _ Eau 100 ce. ))
Bichromate d'ammoniaque 5 gr. » ^
-1 Carbonate de soude o — 5 ^o■^^<-^ •
prendre pour l'usage 5 centimètres cubes de la solution ci-dessus et y
ajouter 10 centimètres cubes d'alcool à 90 degrés, quantité suffisante
pour couvrir quatre feuilles 19X25.
><' ><u^ (u^c c^^v4.w Cette variante comporte plusieurs avantages : le séchage se fait en
ÉTUDE
PAR G. RAWLINS
Pl. XLI. Procédé aux Encres grasses.
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
l35
quinze minutes environ au lieu de cinq à six heures ; le lavage qui suit
l'insolation ne porte plus que sur le côté gélatine du papier et peut se
terminer à Teau tiède en une demi-heure au lieu de trois à quatre
heures; enfin la gélatine, légèrement durcie par Talcool, donne un re-
lief plus solide.
Quel que soit le mode de sensibilisation adopté, l'épreuve devra
être lavée après insolation jusqu'à ce que l'image soit invisible ou à
peu près et que l'eau du bain ne se teinte plus en jaune.
Après ceci, Tépreuve pourra être pigmentée de suite après épon-
geage entre deux feuilles de buvard, ou séchée et mise de côté. Dans
ce cas, il faudra, avant la pigmentation, faire gonfler à nouveau la géla-
tine en laissant l'épreuve tremper pendant deux heures au moins dans
de l'eau froide.
M. Rawlins prépare des pigments spéciaux pour son procédé. On
prend gros comme un pois de cette couleur épaisse et on l'étend bien
également sur une petite plaque de verre ou de porcelaine. Il faut
mouiller maintenant quatre ou cinq feuilles de gros papier buvard et
les appliquer bien à plat sur une glace qui nous servira de pupitre à
développement, nous étendons sur ce matelas humide notre épreuve en
relief et avec un pinceau pochoir fin, dans le genre de ceux des peintres
sur porcelaine, imprégné d\m minimum du pigment pris sur la palette,
nous attaquons les ombres de l'image par petits coups légers et préci-
pités, perpendiculaires à la surface. Il y a là un tour de main qui s'ap-
prend vite. Sous les chocs répétés du pochoir chargé de pigment l'image
se dessine. A mesure que le pigment s'épuise, nous en reprenons sur la
palette, mais toujours par petites quantités à la fois, et nous couvrons
peu à peu toute l'étendue de l'épreuve. Ce premier encrage donnera un
grain très perceptible, grossier même si le pochoir a pris trop de cou-
leur à la fois, mais à mesure que le travail avance, le pigment s'écrase
et le grain s'affine de plus en plus.
Une fois l'image faiblement révélée, l'opérateur pourra juger des
modifications à y apporter. Contrairement à ce qui a lieu dans les
procédés de dépouillement, il peut ajouter de la couleur ou en enlever
f
l
i36
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
- ^ .vt.--..' — ajouter en forçant l'encrage au pochoir, — en enlever en se
' ' servant de pinceaux de martre de différentes tailles bien secs et bien
licuM'ct propres, qu'il passera ?-apidemefit sur les endroits à éclaircir. — Nous
V ^ \ ^ insistons sur la rapidité du mouvement car le passage lent et traîné du
pinceau foncera davantage la couleur de l'endroit qu'on désirerait
baisser de ton.
P Notons que le degré d'épaisseur du pigment gras exerce une influence
UnAAv^Éiui..^ YlVfx^nA.u considérable sur la qualité de l'épreuve. La pâte fournie par M. Rawlins
^*H,<^^^R^s> iv^»v, donnc d'excellents résultats à une température moyenne de i8 à -jù,'^
c« "ituwwvx^^ ' 25 degrés, mais en hiver il est souvent nécessaire de la diluer avec la
Uf>u.^ w fUMA»^ . liqueur appelée Thinning Médium. Il en faut une goutte pour une
quantité de pigment de la grosseur d'un pois.
' {Ir. ^l- L'encre de taille-douce ordinaire, excellente pour les images à
,,vtuy(2,v icr^t ^w(lle^vv.vc contrastes vigoureux, demande, pour des épreuves moyennes, à être
épaissie par mélange avec de l'encre machine pour lithographie. Pure,
elle donne dans tous les cas de très bons résultats pour lencrage des
ciels. La sanguine, la terre de Sienne brûlée et le brun Van Dyck taille-
douce conviennent à la plupart des reliefs.
- ^ ^ L'épreuve, une fois terminée, est épinglée dans un endroit sec. La
^ \ ^. gélatine sèche en deux ou trois heures; l'image grasse en douze ou
vingt-quatre heures, selon son épaisseur.
En dehors de l'excellent papier fourni par M. Rawlins, nous avons '^'^^H-' H-
obtenu des images de caractère un peu différent, mais de nature ,r , iT î"''<^
^ ' «.en tto-v^-v.
^^^^ , agréable sur le papier double transfert anglais T. L C, marque « Fer i
à cheval », n°M 00, 118 et 125. ^»JU.;^^...^vV^. N
Les insuccès possibles, en dehors de ceux qui proviennent d'une
Pto^o.. f "''^^^ encore hésitante, ne sauront être attribués qu'à une erreur de
pose ou à l'usage d'une encre mal appropriée à la nature du relief.
L'excès dè pose se reconnaît à l'absence de contrastes et, dans les cas
{l^J^\^on^.■^l surexposition complète, à l'encrage total de l'image; la sous-expo-
\ sition, à l'impossibilité de faire prendre l'encre sur les parties claires.
Quant à la question encre, il suffit de se souvenir que l'encre fluide
■ ' " '^ tend à diminuer les oppositions, l'encre épaisse à les exagérer.
LES PROCÈDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Nous avons eu entre les mains une épreuve au bromure du cliché
de M. Rawlins qui a fourni l'exemple de son procédé, page i32. Cette
épreuve avait de sérieux défauts. L'ombre portée du chapeau et la
masse d'ombre à droite étaient grises et enterrées. Par contre, l'éclai-
rage heurté delà figure en accentuait violemment les traits. M. Rawlins,
en insistant sur l'encrage des ombres, leur a restitué le gras et la pro-
fondeur qui leur manquaient. Il a fondu le modèle de la face et
largement simplifié les plis compliqués de la robe. Sur d'autres motifs
les interventions pourraient être poussées plus loin encore. Celui-ci
suffit à démontrer le puissant intérêt d'un procédé qui réunit les
avantages du dépouillement et du développement. Sa matière en est
agréable, mate et grasse et tous les tons sont à la disposition de l'opé-
rateur. Nous espérons même que la facilité que donne l'encrage localisé
du procédé permettra d'intéressants essais en plusieurs couleurs. Mais
déjà le nouveau traitement de l'épreuve monochrome nous ouvre des
horizons pleins de promesses.
LE PLATINE
1
, .j'a^ i^l ^ vv.ifeiitet'
E procédé au platine a présidé à Téclosion du mouvement
1^ d'art en photographie. A cette époque déjà lointaine, les
papiers albuminés et les premiers échantillons de gélatino-
chlorure brillant se disputaient la clientèle des amateurs. Les
tons scpia étaient à Tordre du jour. Une réaction s'ensuivit parmi les
gens de goût qui recherchèrent une surface plus mate et des tonalités
froides se rapprochant davantage de celles de l'eau-forte. Le platine
remplissait alors ces desiderata et promettait, de plus, une permanence
d'image inconnue jusqu'alors.
Mais le progrès artistique ne dépassait guère l'obtention de noirs
plus puissants à l'œil et d'une fraîcheur de papier blanc débarrassé des
matières étrangères qui venaient dans d'autres procédés altérer la fleur
de la fibre. C'était déjà beaucoup pour l'époque, et nous voyons
encore des photographes artistes se contenter du mécanisme un peu
étroit du développement rapide à l'oxalate pur en faveur du joli aspect
laiteux dont jouit une épreuve claire sur platine. D'autres, au con-
traire, comme M. Holland Day, au moment de la naissance de l'école
"FANTAISIE'*
Par M"* Q. kASEBÏER
Pl. XLII, PlatJii!.
LES PROCEDES D'ART EN PHOTOGRAPHIE
'•■'9
pictoriale américaine, réagirent une seconde fois, s'insurgèrent contre
la franchise de l'image blanche et noire et demandèrent à des papiers
jaunis par Thumidité une patine d'antique parchemin. Ce fut le début
de la période sombre et de la proscription du blanc; de véritables
« corners » se firent sur le papier moisi, et les feuilles de rebut des
professionnels acquirent auprès des amateurs une valeur de fantaisie.
Nous ne devrons pas exiger du papier au platine des qualités
semblables à celles des papiers à dépouillement. Le procédé excelle
surtout dans le rendu des effets clairs, motifs à étoffes blanches, paysages
aux tons cendrés. Les noirs peuvent être intenses, ils sont rarement
profonds comme ceux de la gomme, du papier Fresson ou du procédé
à l'huile. Développée par immersion, en une ou deux minutes, Fépreuve
au platine n'admet aucun autre contrôle que celui qui consiste à modifier
d'avance la composition du bain dans le but d'exagérer ou de diminuer
les oppositions de l'image. Mais il nous est venu d'Amérique une
méthode de développement par réserves qui permet d'appliquer locale-
ment le réducteur, méthode qui donne au tirage au platine une place
honorable parmi les procédés d'art de la photographie.
Nos lecteurs savent déjà que l'impression du papier au platine se
fait à la lumière diffuse jusqu'à l'apparition d'une faible image qui ne
prendra sa vigueur définitive que par un développement ultérieur dans
un bain d'oxalate de potasse. Mais la méthode dont nous parlons
consiste à couvrir l'épreuve, au sortir du châssis, d'une couche protec-
trice de glycérine pure. L'excès en est enlevé par tamponnement au
moyen de papier buvard exempt de peluches. L'image, en partie latente,
est donc à l'abri immédiat du développateur; mais il est évident qu'une
légère insistance de la part d'un pinceau chargé de liqueur oxalique
pourra dissoudre à l'endroit du frottement la couche superficielle de
glycérine tandis que le simple contact de cette solution sur les bords des
portions avoisinantes ne suffira pas à dissoudre celles-ci. La portion
attaquée sera donc seule à subir l'action réductrice et seule se déve-
loppera. Le principe est simple, la pratique en est un peu plus compli-
quée. En effet, on a trouvé par expérience qu'il y avait avantage à
'lie c:<?v4n*(
lu,, .
140
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
retarder Teffet trop rapide de la solution développatrice, et c'est aussi
par l'adjonction de glycérine qu'on arrive à ce résultat. De là à se servir
pour développer au pinceau de solutions séparées, plus ou moins
chargées de retardateur, et sans imbibition préalable de l'épreuve à la
glycérine, il n'y a qu'un pas.
Deux systèmes se présentent donc : le premier consiste à protéger
l'épreuve tout entière par une couche de glycérine pure et à se servir
de ce matelas, quasi inerte, pour supprimer par absence de dévelop-
pement toutes les parties inutiles de l'image; c'est ainsi que se font les
compositions dégradées en vignette, les têtes jetées sur un papier blanc
avec la simple indication d'une attache de cou ou d'une ligne d'épaule.
Tandis que dans la seconde méthode l'opérateur joue des différents
godets remplis de développateur plus ou moins dilué de glycérine, il
fait d'abord paraître une image faible qui le guide, puis il donne une
touche ici ou là, choisit le pinceau chargé de réducteur plus ou moins
concentré, observe la relation changeante des valeurs, corrige et
accentue.
Ce travail est délicat, car l'effet de la touche est acquis et irrémé-
diable, la bavure est fréquente et l'accent circonscrit bien difficile à
réussir. Cependant nous avons vu de M. Stieglitz, de M'"'' Kàsebier,
de M. Keiley et de quelques autres artistes des exemples fort beaux de
ce genre de développement.
Il en existe un troisième qui dérive de ce dernier et qui rappelle
un peu la pratique des réserves au vernis de l'eau forte. En effet, de
même que l'aquafortiste donne une morsure locale à sa plaque de
cuivre en protégeant le reste d'une couche de vernis imperméable, le
photographe peut couvrir les endroits de son image qu'il désire retarder
avec un mélange de quatre parties de développateur pour une partie de
glycérine et plonger l'épreuve dans le bain normal. Une réserve plus
complète se fera en se servant de glycérine pure. Dès que la portion
non protégée de l'image est montée au degré voulu, la glycérine est
enlevée au pinceau mouillé et l'épreuve est de nouveau passée dans le
bain ou bien fixée à l'acide dans le cas où la réserve doit être définitive.
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE I41
Le système de développement local à la glycérine permet encore
de colorer en un ton de chair approximatif le visage du modèle au
moyen d'une solution normale d'oxalate de potasse additionnée en
quantité variable d'une solution de bichlorure de mercure à cinq pour
cent. Pour éviter tout danger de bavure, la couche glycérinée doit être
épaisse. Le reste de l'image subira localement le développement à
l'oxalate pur qui donnera le ton gris ou noir habituel. M. Stieglitz a su
tirer de cette variante du procédé des effets fort agréables.
Nous donnons ici deux exemples de tirage aux sels de platine. La
planche n° xlii — tête de femme — par M""' Gertrude Kàsebier, a
été développée à la glycérine; on voit distinctement que la tête seule a
été soumise à l'action de la solution oxalique. Le buste n'est même pas
indiqué. Et il semble évident que les volutes qui représentent les bouts
flottants du voile sont, en réalité, prises sur le fond et n'existent pas
dans cette forme ou cette direction dans le cliché original. Il est à
remarquer combien la transparence de la mousseline de soie a été
délicatement conservée autour des cheveux et du visage.
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
AV AN T- PROPOS . I
L'Interprétation i
La Beauté de la Matière pigmentaire 7
Fleur ou Veloiitc 10
Transparence et Profondeur 11
Puissance, Vigueur, Intensité i3
Le Négatif 17
PREMIÈRE PARTIE
LES PROCÉDÉS PAR DÉPOUILLEMENT
Généralités 33
LE PROCÉDÉ A LA GOMME
Théorie du Procédé 41
Le Matériel 49
Solution sensibilisatrice 5 1
Les Papiers 53
Pinceaux 54
Les Pigments colorés 55
Photomètres 57
Accessoires divers 5 9
19
144 LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Pages.
Préparation et dépouillement du papier 6i
Préparation du mélange 6 1
Méthode d'essai 64
Couchage de la feuille 65
Séchage 67
Exposition sous châssis 67
Mise à Veau du papier impressionné 68
Observations pratiques 70
Développement local et Retouches 76
Analyse des Planches 83
Les Impressions multiples gi
Facilités données par les impressions multiples au développement
local et aux accents 92
Impression en double ton 94
Impression en couleurs 95
Repérage 95
Pratique des Impressions successives 96
Impression ton sur ton 98
Impression en double ton 98
Impression en plusieurs couleurs 98
LES PAPIERS PRÉPARÉS DU COMMERCE
ET LES PROCÉDÉS OZOTYPES
Généralités io5
Papiers à la Gélatine 108
Papiers à la Gomme 117
L'Ozotype gélatine 121
La Gomme ozotype 12S
DEUXIÈME PARTIE
PROCÉDÉS DIVERS
Procédé Rawlins aux encres grasses i33
Le Platine 139
TABLE DES PLANCHES
Pages.
W. A. Gadby. . .
. Pl. XXXIX.
126
R. Demachy . . .
Portrait de Jeune Fille. .
. Pl. I.
2
Portrait de Femme . . .
. PL VI.
Gomme
18
Dans l'Atelier
. Pl. VIII.
Traitement au burin.
26
Paysage dA utomne . . .
. Pl. XI.
Gomme
38
Bords de Seine
. Pl. XII.
Gomme
38
Etude en gris
. Pl. XIV.
Gomme
46
Dans les Sapins
. Pl. XIX.
Gomme
62
Fantaisie
. Pl. XXI.
66
L'Habilleuse
. Pl. XXIII.
74
Le Poète
. Pl. XXV.
Gomme ' .
78
Paysage d'Hiver ....
. Pl. XXVI.
82
Deux Etudes
Pl. XXVII.
82
La Plaine de Varaville. .
. Pl. XXIX.
86
Effet de contre-Jour. . .
. Pl. XXXI.
94
Portrait de H. Day. . .
. Pl. XXXVIII.
Ozotype gélatine. . .
122
Dans la Lande
. Pl. XL.
Gomme ozotype. . .
i3o
G. Grimprel. . .
Portrait (sanguine) . . .
. Pl. XVIII.
Gomme
58
D' Henneberg . .
Vieille Place à Kempten .
. Pl. XXIV.
78
G. Kasebier.
Pl. XLII.
Platine
i38
H. KUHN . . . .
Le Samedi en Hollande. .
. Pl. XVI.
Gomme
5o
Lacroix
Le Balayeur
. Pl. IV.
Gomme
10
146
LES PROCÉDÉS D'ART EN PHOTOGRAPHIE
Pages.
M"® C. Laguarde.
Fantaisie Louis XV . . . .
Pl.
III .
Gomme
10
R. Le Bègue. . .
Etude (sanguine)
Pl.
V.
14
— ...
Esquisse
Pl.
XXII .
• 70
C. PUYO
Méandre
PI
IT
Gomme
6
—
Etude (sanguine)
Pl.
X.
Gomme
. 34
—
Été
Pl.
XIII .
Gomme
. 43
— ....
PI
Gomme
5o
L'Ai'eugle
Pl.
XX.
Gomme
62
Impression d'Engadine. . .
Pl.
XXVIII .
Gomme
86
Portrait
Pl.
XXX .
. 90
—
PI
Papier Fresson . .
. 98
Projil en quatre couleurs. .
Pl.
XXXIII.
Gomme
102
—
Le Vieux Berger
Pl.
XXXIV.
Papier Artistique .
106
—
Tête d'Etude
Pl.
XXXV.
Papier Artistique .
1 10
Portrait i83o
Pl.
XXXVI.
Papier Artistique .
• 114
Pl.
XXXVII.
Papier Artigue . .
. 118
G. Rawlins . . .
Etude
Pl.
XLI.
Procédé Rawlins. .
. ,34
F. V. Spitzer . .
Vieille Femme de Kattivjk.
Pl.
IX.
3o
Ed, Steichen. . .
Miss Algernon B
Pl.
VII.
22
Rodin. - Le Penseur. . . .
Pl.
XVII.
. 54
Q4chevé d'imprimer le i"" Juillet igo6
pour le Thoto-Club de "Paris
par l'Imprimerie Chaix.
I
Qj.a
THE GETT