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Full text of "Les quarante médaillons de l'Académie / par J. Barbey D'Aurevilly"

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LES QUARANTE MÉDAILLONS 



DE 



L'ACADÉMIE 



PAI'.If. — IMP. SiyON RAÇO:t ET COUP., RCE D Er.FURTH 1. 



QUARANTE MEDAILLONS 



L'ACADÉMIE 



J..BiRBEÏ DAHREÏIUY 






PARIS 

F. DENTD, LIBIIAIRE-ÉDITEUB 



18GJ 

Touidrgtlirùiar 



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R(fVV\ . Aa^ 



N. 



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LES QUARANTE MÉDAILLONS 



DE 



L'ACADÉMIE 



M. LE DUC DE BROGLIE 

I 

Âb Jovc 'primijÀum, Le duc de Broglie est, 
en effet, comme le Jupin de l'Olympe acadé- 
mique. C'est une espèce de président moral 
de la docte corporation, ayant pour assesseurs 
MM. Gui^t, Cousin et Villcmain, les seules 
leles décidantes de l'Académie, les seules 

i 



% 



Vi. 



2 .tK DUC DE BROGLIE 

grues (sans calembour) qui enlèvent les opi- 
nions et les volontés de leurs confrères. M. le 
duc de Broglie, ministre et président du con- 
seil sous Louis-Philippe et gendre de madame 
de Staël, doit ajouter aux haines de sa belle- 
mère contre l'Empire. Il est Tami de M. Gui- 
zot, et il rend à M. Guizot le service de le 
faire paraître coloré. Il fut un des fondateurs 
de cette revue depuis longtemps défunte, la 
Revue française^ ainài nommée parce qu'on 
n'y parlait qu'anglais et allemand. Il y faisait 
des compotes de philosophie et de législation, 
tellement mêlées, qu'on ne savait plus ce que 
c'était... La plus goûtée, dans le temps, de 
ces confitures philanthropiques, fut une dis- 
sertation sur l'abolition de la peine de mort, 
demandée avec un faux air Wilberforce* 
Quaker par la philanthropie, M. de Broglie 
mêlait alors le quaker au dandy, mr il a été 
dandy, mais comme jin doctrinaire peut 



LE DUC DE BROGLIE 



l'être! Je l'ai vu en habit pensée (la seule 
pensée que je lui aie jamais connue) , et 
guêtre presque élégamment de nankin. Il 
n'avait point à demander pardon pour cela 
à sa grave coterie. Les doctrinaires aimaient 
la guêtre, et ils la portaient pour avoir l'air 
plus Anglais. C'était bien la peine! Le plus 
grave d'entre tous, le plus rengorgé, disant 
les mêmes choses, M. le duc de Broglie a été 
le perroquet-roi des doctrinaires et du pé- 
dantisme solennel. Maintenant, il se tait sur 
son bâton académique. Si l'on s'informe 
encore de sa littérature , qu't)n sache qu'il 
n a guère écrit que des articles. . . que dis-je , 
écrit ! il les a cordés plutôt. — Il les a cor* 
dés péniblement, longs, secs, gris, filandreux 
comme chanvre, et en tournant le dos au 
talent, toute sa vie. — Il ne s'est jamais re- 
tourné. 



LK PPiINCE DR BROGLTE 



II 



' M. I,E PRINCE DE BROGLIE 



Le jeune docteur Thomas Diafoirus, très- 
digne de son père. Il fait, en histoire, des 
pensums avec plaisir, et le lecteur seul est 
puni. Talent de la couleur de celle do papa. 
Fusionniste politique; fusionnistc en tout, 
qui fait fusionner la religion et la philo- 
sophie. N'étant en rien que pour les quasi- 
choses, comme son père pour la quasi-légi- 
timité, et n'ayant qu'un quasi-talent. C'est 
aussi un cordier ; mais Dieu lui a fait la grâce 
de lui envoyer un critique encore plus en- 



^fr^mrv^"'^^ 



M. LE COMTE DE CARiMÎ 



nuyeux et plus cordier que lui : c'est le 
P. Guéranger, un bénédictin que Dieu bé- 
nisse, qui fait vingt-deux articles du Monde 
pour dire un polit mot... Seulement la longue 
corde du P. Guéranger n*a pas étranglé le 
prince de Broglie. — 11 va recommencer, un 
de ces jours, ses histoires. La puce, fou- 
droyée par rérudi lion, a échappé... 



m 



M. LE COMTE DE CARNÉ 



Ah ! lui, c'est le roi des cordiers ! De- 
puis trente ans, il fait son câble, sans s'in-^ 

terrompre, dans la Revue des Deux Mondes, 

i. 



6 M. LE COMTE DE CARNÉ 



>«*■ 



OÙ il a trouvé le moyen , d'êlre le plus en- 
nuyeux des ennuyeux de céans. M. Charles 
Lenormand, qui n'était pas amusafht non 
plus, comme on sait^etqui n'avait pas le droit 
de se montrer bien difficile, disait partout 
et de tout : a Ennuyeux comme Carné. » Un 
jour, ne le connaissant pas, il le dit de- 
vant lui. On éclata de rire, et c'est le seul 
succès de ,gaieté qu'il ait jamais eu. Il dut 
trouver que c'était bon ! Comme MM. de 
Broglie, M. de Carné est un fugionniste, fu- 
sionnant de fasionnerie^ comme dirait Ra- 
belais. Il met des rallonges entre la vieille 
monarchie française et 89. Laborieux ter- 
rible, fouillant, fouillant... C'est la taupe de 
l'histoire de France; mais chez les béné- 
dictins qui donnent encore des hommes 
comme le cardinal Pitra, on n'en voudrait 
pas pour frère coupechou ! Il est tellement 
gris et effacé, qu'on perd de vue même le 



■l» ■»■ 



'^' "^ 



M. COUSIN 



litre de ses livres. Je porte le défi d'en citer 
un... On ne les reconnaît qu'à la pesanteur. 
Depuis des années, on n'en voit plus que 
de non coupés. M. de Carné est le pour- 
voyeur du quai Malaquais, — c4té des pa- 
rapets. 

II co«amandc au lecteur le respect et la fuile ! 



i 



IV 



M. COUSIN 



Marionnette effrénée, aux grands gestes 
télégraphiques, à la parole emphatique et 
vibrante, qui met tout sens dessus desçous 



g M. COUSLN 



à rAcadémie. C'est un chauffeur. 11 chauffe 
au profit de l'orléanisme et pourrait bien un 
jour, rimprudent, faire sauler la chaudière ! 
Rappelez-vous ses cris de paon sur les loits, 
dans la cour de l'Institut, lors de la triste 
élcctioB de Lacordairc. « Nommons Lacor- 
daire ! criait-il. On sait ici que je ne suis pas 
fou de l'Église, mais nommons Laoprdairc, ^ 
puisque dons ne pouvons pas nommer le 
pape pour faire pièce à l'Empereur ! » (Tex- 
tuel.) En philosophie, c'est un pauvre qui 
a escroqué des habits. En lilléralurc, c'est 
une perruque, mais une grande perruque 
du dix-septième siècle. On cherche là-des- 
sous*.. De tète, point! Majesté vide! En 
philosophie, M. Cousin est la fable et le mé- 
pris de l'Allemagne. Il est allé demander 
l'aumônç à la porte de Hegel, qui lui a donné, 
et il est revenu feire, avec les quelques sous 
deQegel, de la fausse monnaie à Paris. Dans 



M. COUSIN 



rimpossibililë, qu'il sent très-bien, de faire 
en philosophie même un bâtard, il s'est ]tié 
sur les drôlesses du dix-septième siècle pour 
faire quelque chose en littérature. Son vice, 
devenu célèbre, c'est madîîme de Longue- 
ville. J. Barbey d'Aurevilly, dans ses Œurres 
et ses Hommes y Taine, dans ses Philow- 
^ phes français^ n'ont eu que des lueurs sur 
M. Cousin. Le livre à fond sur cet homme et 
sa bande*(car il a une bande) est de M. Fer- 
rari et s'appelle a les Philosophes salaries, » 
Il faut lire cela si on veut s'exercer au dédain 
salutîïire des baladins solennels! M. Sainle- 
Bcuve, dont la conversation est le contraire 
de ses livres, flatte dans ses livres M. Cousin, 
qu'il abîme dans la conversation ! Mais nous 
aurons un jour la vérité. M. Sainte-Beuve 
attend la mort de M. Cousin pour aller, selon 
son usage, lever la jambe contre son tom- 
beau, et faire ainsi la seule oraison funèbre 



10 MONSEIGNEUR DUPANLOUP 

^ ■* IL — — — _ ■ 

qui convienne à cet homme de la grande 
pirouette, qui balance son trapèze entre le 
déisme, — cet athéisme déguisé^ — et ses ré- 
centes rn'amours aux prêtres, et qui, reniant 
l'Église dans lôs cours de Tlnstitut, met, 
ailleurs, la main sur son cœur... absent, 
tout en assurant le catholicisme de sen res- 
pect ! 



MONSEIGNEUR DUPANLOUP 



Un lettré mi-partie de séminaire et d'uni- 
versité; un directeur de théâtre, comme les 
Jésuites qui ont été tout, même chansonniers, 



* MONSEIGNEUR DUPANLOUl» ' Il 

le furent autrefois, s'amusant à faire jouer 
des pièces grecques, en grec, aux jeunes 
gens de son séminaire. Occupation peu épi- 
scopale! Manière de répondre à la ques- 
tion des classiques! M^ Dupanloup est un 
phraseur plutôt qu'un orateur, un rhé- 
toricien plutôt qu'un écrivain. Médiocrité 
violente dont on ne parlerait pas sans la 
grande cause qu'il a épousée. Pauvre, non 
pas comme M. Cousin, qui a volé la philoso- 
phie allemande, mais pauvro enrichi par 
rfiglise, et orné des dons de cette magni* 
fique... Si M*** Dupanloup n'avait pas Thon* 
neur d'être prêtre et l'honneur plus grand 
encore d'être évêque, que serait-il?... Peut- 
être un écrivain du Journal des Débats, Son 
orthodoxie /ait sa force, mais sa force manque 
de prudence* Il augmente probablement le 
personnel du Siècle^ sans le vouloir. C'est la 
mouche du coche de l'Église... Qui sait si 



12 liîONSKIGNEUn 1)IIPA!;L0UP 



M^*' Dupanloup ne se croit pas le saint Àm- 
broise des derniers temps, — le saint Ara- 
broisc... sans Thcodose! Polémiste qui donne 
trop, — la Vieille Garde ne donnait pas tous 
les jours, mais quand elle donnait, elle écra- 
sait tout ! — IVP'' Dupanloup descend de sa 
chaire cpiscopalc jusqu'au journalisme con- 
temporain. Bossuet avait Jurieu, mais où est 
Jurieu? Un évêque doit respecter sa crosse, 
même quand il en frappe! Il est des gens 
qu'on n'honore pas des coups de ce .sceptre 
des âmes. On ne les crosse point, on les 
fouaille. Laissez-nous cette besogne, monsei- 
gneur ! Quand M. Quinet a osé dire : a Étouf- 
fons le catholicisme dans la boue, » un évê- 
que ne se commet pas à répondre à cet in- 
sullcur; et si, par générosité d'indignation, 
il est entraîné à lui répondre, il n'ajoute pas 
à sa lettre un post-scriptum comme celui-ci : 
ce Je viens de relire ma lettre, et je crains 



Hî. SA INT. 311 ARC G lit A H I) IN 15 

(l'avoir été trop loin. » Non, Tévêque la brûle 
alors, cette lettre inquiétante ppur sa cha- 
rité... Mais M^*" Dupanloup n'a pas voulu 
perdre sa copie, et le voilà peint par ce seul 
trait ! 



¥1 



M. SAINT-MARC GIRARDIN 



Il fait son cours le chapeau sur la tête. 
Est-ce que par hasard il se croirait un grand 
d'Espagne, en littérature? Non, c'est de peur 
des vents coulis. Depuis la marquise du Dcf- 
fand , qui fit matelasser un tonneau dans le- 

2 



Il M. SAIST-MARC GIRARDIN 

quel cette Diogène femelle s'abritait, personne 
ne craint plus de s'enrhumer que ce gros 
homme, nu col de chemise préservateur. On 
disait du duc de Levis : « C'est le plus senti- 
mental des hommes gras. » M. Saint-Marc 
Girardin est le plus douillet et le plus trem- 
blant d'être malade des hommes robustes. Il 
rêve des rhumes en regardant son mouchoir de 
poche, comme le lièvre rêvait des cornes, en 
regardant ses oreilles. Gros homme à l'esprit 
gringalet, qu'Armand Bertin, après dîner, 
quand les truffes avaient été bonnes, croyait 
spirituel comme Voltaire, il avait, autrefois, 
la petite ironie suffisante et gourmée du 
Jmimal des DébaU^ de cette maison de par* 
venus qui de flûte en flûte et de sifflet en 
sifflet, finit aujourd'hui par la guimbarde 
de M. John Lemoinne; mais les dadds de la 
question des Capitales et de la question d'O- 
rient l'ont perdu. M. Saint-Marc Girardin 



M. SAINT-MARC GIRARDLN 15 

- - - — 

esHy dit-on, chrétien comme M. de Sacy ; — 
mais s'il Tesl, ce que je veux croire et ce 
dont je le, félicite, qu'on me dise comment il 
arrive qu'il y ait des chrétiens au Journal 
des Débats?... Comment peut-on les y souf- 
frir?.-. Gonmient s'y prennent-ils pour qu'on 
ne les jette pas à la porte de ce chenil do 
Renans, car M. Renan y a grandi comme le 
petit de la lice, et il y sera le plus fort de- 
main?... Sans doute, ces chrétiens, pleins 
d'audace, boutonnent soigneusement leur ha- 
bit de libre penseur par-dessus un christia- 
nisme qu'ils engloutissent dans leurs poches. 
Ils prennent des précautions... contre les 
vents coulis de leur conscience. Ils font des 
politesses aux philosophes et aux juifs dans 
le genre de celles de M. de Sacy, — ce Po- 
lyeucte! — à M. Salvador, auquel il trouvait 
dernièrement, ma foi ! presque autant d'es- 
prit qu'à saint Paul ! . . . Tartuffes. . . de la 



m y. DE ilOM.vLEMBEr.T 

libre pensée, en supposant que leur christia- 
nisme soit sincère ! 



¥11 



M. DE MONTÂLEMBERT 



C'est un écrivain lourd, incorrect et ter- 
reux. Il est bien heureux de s'appeler Mon- 
talcrnbert et d'avoir été pair de France dès 
sa jeunesse. Le cadre a fait la fortune du 
portrait. S'il avait été d'une naissance obs- 
cure, il serait resté comme sa naissance. 
S'il n'avait pas été pair de France, il n'eût 
pas cultivé de bonne heure cette faculté de 



M. DE MOi\TALE)IBERT i7 

parler, qui est devenue comme une mécani- 
que de Birmingham, toujours prête à aller, 
et dont TEmpirCj grâce à Dieu, a cassé le 
grand rouage. Le parti catholique," si dé- 
fiant pour les hommes qui le servent. Tau- 
rail fait attendre. Au lieu de cela, tout lui a 
été facile, et sa jeunesse a été charmante. 
Que n'a-t-on pas dit d'extravagant et de flat- 
teur sur son premier livre : Sainte Elisabeth 
de Hongrie? Livre faux de style, de cou- 
leur ; vrai seulement de niaiserie ! Je ne con- 
nais pas de plus grande hypocrisie littéraire 
que cette histoire, qui joue la naïveté de la 
chronique et de la légende. Les Moines 
(TOccident, ouvrage de sa maturité la plus 
avancée, n'ont ni vues supérieures, ni pro- 
fondeur d'érudition, ni rien de'ce qu'il fau- 
drait pour aborder, je ne dis pas dignement, 
mais seulement sans étourderie, ce grand 

sujet du Monachisme, père de ce monde mo- 

2. 



18 M. DE MONTALEMBERT 

derne parricide. Entre ces deux ouvrages, 
M. de Montalembert n'a publié que des bro* 
chures. Les brochures sont des discours 
écrits. Autant en emporte le vent ! C'est la 
littérature des orateurs! H en a fait sur 
l'Angleterre, dans lesquelles l'Angleterre est 
glorifiée, parce que c'est le pays du discours 
politique, et où il représente la France 
cpmme musclée, parce que lui, cet indigéré 
de paroles, ne peut parler !.,. Il en fait sur la 
Pologne, autre pays de discours, qui s'est 
perdue par l'anarchie de ses Assemblées; la 
Pologne, où le veto d'un seul membre frap- 
pait de nullité les décisions et la volonté de 
toute une diète. Comme orateur, M. de Mon- 
talembert vaut mieux que comme écrivain. 
Mais il n'est pas cependant de la famille des 
grands orateurs. Il manque de poitrine ou- 
verte et généreuse. Une ou deux fois, il a 
frappé fort, et alors son talent ressemblait 



M. DE MONTALEMDERT 10 

à cette mâchoire d'âne avec laquelle Sarason 
abattait les Philistins. Mais depuis, la mâ- 
choire est resiée à sa place. En général, 
M. de Montalembert est plus envenimé que 
puissant, et sa physionomie, doucereuse et 
samstine^ fait avec sa parole un drôle de 
contraste. Malheureusement, il manque d'es- 
prit toujours, même quand il a du talent. 
Par le pédantisme naturel, par Vorerotundo 
il fusionne avec les doctrinaires. Catholi- 
que... du Correspondant^' il ne conespond 
plus avec le Monde que pour lui dire des in- 
jures. Pour M. de Montalembert, Satan, ce 
n'est plus Satan. C'est M, Veuillot. 



eo M. DE rif:.\;us.vT 



¥111 



M. DE RÉMUSAT 



En France, maintenant, quand un esprit 
est sur le point de ne pas être, on dit qu'il 
esl fin. C'est devenu un éloge honteux. M. de 
Rcmusat a eu longtemps cette réputation 
d'esprit fin, parce qu'il était grêle... Il a vu 
jouer le bJlard chez madame de Staël, et il 
s'est cru son coup de queue. Dans son pre- 
mier livre, et son meilleur, sur Thistoire de 
la philosophie, il a évidemment imité la 
phrase à aperçus de cette femme, plus homme 



M. DE rȃ!i!USAT 21 

que lui; mais celte imi talion, ce staèlisme" 
Ruclz a fatigué bien vite cet esprit mou, sans 
fécondité réelle, sans verdeur, ni couleur, 
ni chaleur, ni saveur, et il est retombé au 
style de son tempérament qui ne lui permet 
pas les excès. M. de Rémusat a la chlorose de 
Tesprit. Je le lègue à Baudelaire! Aussi est- 
il (M. de Rémusat) une des plumes les plus 
honorablement incolores de la Revue des 
Deux Mondes et les plus chères à Tœil uni- 
que de M. Buloz. On dirait que, quand il 
écrit, M. de Rémusat a toujours en pensée le 
pauvre œil dont il faut ménager la faiblesse. 
En philosophie^ M. de Rémusat s'est interdit 
d'être un penseur. C'est un éclectique et un 
biographe. Il a touché, sans trembler, aux 
plus grosses têtes avec ses petites mains, un 
peu fatcs^ à Bacon, Descaries, Joseph de 
Maistre, etc., etc. Une fois même, il fit 
tout un livre sur saint Anselme; mais il a été 



22 M. DE BÉMUSAT 

déconcerté par le capuchon de ôette tête mé- 
taphysique, et il n'a rien compris à la gran- 
deur de ce moine, plus grand encore par la 
règle et l'esprit de son Ordre que par sa pro- 
pre pensée. Non, ce qui sied à M. de Rému- 
sat, c'est la Revue des Deux Mondes. Comme 
dirait M. Yeuillot, M. de Rémusat est l'hon- 
neur de ce champ de navets. Quel fier phi- 
losophe pour M. de Mars!!! Il paraît que la 
passion longtemps somnolente est venue à la 
fin dans ce tempérament de nénufar. C'est 
la passion politique. M. de Rémusat est un 
des ministres sans emploi, interné à l'Acadé- 
mie, cette Salpêtrière de ministres tombés et 
de parlementaires invalides dont Torléa- 
nisme est incurable. 



JI. SYLVESTIU: DE SACV i'3 



IX 



M. SYLVESTRE DE SACY 



Un éplucheur d'éditions, un écrivain-Te- 
chcner, qui n'écrit pas de notices, mais des 
notules : rinfînimcnt petit dans le sec! 
Quand, les jours de dimanche, il se permet 
l'article au Journal des Débats^ il est plus 
long, maiâ il est sec toujours. Dans quoi 
faudrait-il le tremper pour qu'il devînt onc- 
tueux? D'ailleurs, pour lui, sécheresse c'est 
noblesse. N'est-il pas Sacy? N'appartient-il 
pas à une famille de jansénistes et à la tradi* 



24 M. SYLVESTRE DE SACV 

lion de cette maison de Port-Royal, qui ii*a 
jamais donné un livre coloré et chaud à la 
France : car les Pensées de Pascal sont dues 
à la colique de miserere que l'idée de l'enfer 
donnait à cette grande imagination, impossi- 
ble 3 dompter, même au jansénisme! M. de 
Sacy a hérité de Técritoire de plomb de ses 
pères. Il a édité l'ennuyeux Nicole. « Les at- 
tractions, disait Fourier, sont proportion- 
nelles aux destinées. » 

Au Journal des Débats^ M. de Sacy passe 
pour le plus honnête homme de France, mais 
il manque d'agrément, même pour les Dé- 
bats. C'est un père noble de la rédaction, qui 
écrit sa tartine comme feu Desmousseaux 
(de la Comédie-Française) disait sa tirade. 
Sa vertu, que je ne nie point, n'a pourtant 
rien d'intraitable. Dernièrement, dit-on, les 
sollicitudes de la paternité ont adouci son 
austérité politique, et le rédacteur des Débats 



SfM. 



M. DDPIN . 25 



a très-bien accepté les faveurs de l'Empire. 
C'est le contraire d'Hippolytc, dans ^kèdre ; 

Jeune, charmani, mais fier, et même un peu farouche ! 



M- DUPIN 



On Ta appelé le Faune grêlé du Morvan. Si 
cela est, je plains les Nymphes de ses monta- 
gnes . La petite vérole est la seule ressemblance 
qu'il ait avec Mirabeau. Mais pourquoi, diable, 
dites-le-moi, est-il donc de T Académie? Elle 
se d'il' française^ et il ne sait pas un mot de 
français. Quels sont ses tilres? Sont-ce ses 



26 M. DUPLN 



Mémoires à consulter? Il» ont été payés et 
même assez cher. D'ailleurs, ils sont en mor- 
vaaais! Sont-ce des mercuriales d^audience 
ou des réquisitoires, toujours en morvanais? . . . 
Est-ce la généreuse et grandiose rédaction du 
testament de Louis- Philippe?... Sonl-ce en- 
fin des Manuels de théologie gallicane? Il n'a 
pas même la prétention, si commune à ceux- 
là qui le sont le moins, d'être un homme 
de lettres, et il est le contraire. C'est un avo- 
cat. M. Dufaure, qui n'est qu'un avocat non 
plus, et môme un avocat qui parle du nez, 
se croit une tête philosophique. M. Berryer 
se croit presque un grand seigneur... M. Du- 
pin, lui! ne se croit pas même un homme 
politique. II ne veut être et n'est qu'un avocat. 
Patru l'était, je le sais bien, mais Patru ai- 
mait la langue française! Mais vous figurez- 
vous Patru, lourdaud, palaud et en patois?*. < 



M. LE COMTE ALFRED DE VIGNY 27 



XI 



M. ALFRED DE VIGNY 



Nouons un crêpe autour de ce médaillon. 

M, de Vigny est mort hier. Cétait un de 
ces poètes pour lesquels on donnerait toutes 
les Académies de la terre. On s'étonnait qu'il 
fût de l'Académie française, où, par pareur 
thèse, un Villemain ou un Saint-Marc Gi- 
rardin, des professeurs ! avaient plus d^n- 
fluençe que lui et que M. de Lamartine pour 
faire couronner une pièce de vers ! C'est tou- 
jours le mot de Cyrano de Bergerac, volé par 



58 M. LE COMTE ALFRED DE VIGNY 



Molière : «Que diable aussi, qu'allait-il faire 
dans celte galère?.. » M. A. de Vigny n'était 
pas un chef de parti littéraire, comme M. Vic- 
tor Hugo, lequel.s'est rendu à l'ennemi, en 
entrant à l'Académie. Mais il est, de génie 
iialurel et àe date, le premier des roman- 
tiques... De tous les oiseaux libres qui prirent 
leur essor en 1830, c'est le cygne qui partit 
le premier... Il a fait deux ou trois choses 
immuablement glorieuses, cet Immortel, qui, 
comme ses collègues, ne Test pas pour rire. 
Éloa^ avant tout ! puis Mo'ne^ puis Grandeur 
et servitude militaires I Grandeur et servi- 
tude militaires qu'on devrait imprimer à l'Im- 
primerie Impériale aux frais de l'État et faire 
lire dans toutes les casernes de France! Ce se- 
rait comme une éducation de l'Honneur! Avec 
cela, M. de Vigny pouvait se dispenser même 
de l'immense talent qu'il a montré dans 
SlcUo et dans Chatterton. Comme homme 



M. LE COMTK ALFRED DE VIGiNY 29 

du monde, il avait, en manières, le charme 
de sa poésie. Ëloa mâle, il aurait séduit 
Satan et aurait ainsi vengé l'autre Éloa. 
C'était un esprit délicieux, auquel l'Acadé- 
mie, qui n'aime que les pédants, les turbu- 
lents et les gesticulants, ne comprenait abso- 
lument rien. 

Par qui va-t-elle le remplacer? Par quel- 
que choix honteux et comique, — un homme 
qu'elle comprendra. 



50 M. OCTAVE FEUILLET 



XII 



M. OCTAVE FEDILLET 



Pas de vieillesse pour les mots justes. On 
a spirituellement appelé M. Octave Feuillet 
«le petit Musset des familles. » C'est tou- 
jours joli . Comme nous sommes en progrès, 
M. Feuillet est le Berquinde ce temps progres- 
sif. Ses premières comédies, qui n'étaient pas 
écrites pour la scène, furent une imitation 
d'îin Spectacle dans un fauleuiL Le fauteuil 
de M. Feuillet était alors cette ganache de 



M. OCTAVE FEUILLET SI 



••«^••■wnp- 



Uevue des Deux Mondes. M. Feuillet, dans ce 
temps-là, fut à Alfred de Musset ce que Charles 
de Bernard était à Balzac. 

Las de réussir dans le genre sitniesque, 
M. Octave Feuillet a voulu, un jour, avoir 
une physionomie à lui ; il écrivit un roman, 
nommé, je crois, Bellah (?), dans lequel il 
essayait de se débarbouiller de l'Alfred de 
Musset qui lui avait jusque-là fait un visage, 
et il apparut ce qu'il est réellement : un es- 
prit prosaïque et bourgeois. Ses romans, qu'il 
retourne en pièces de théâtre, comme les gens 
qui ne sont pas riches retournent leur habit 
pour s'en faire deux, sont d'une conception 
très-médiocre, d'une observation superficielle 
et d'une morale ambiguë, qui n'est ni catho- 
lique ni stoïcienne, et qui tient ce lâche mi- 
lieu dans lequel les esprits de ce temps cou- 
lent et fondent. Rien donc d'étonnant à ce que 
M» Feuillet passe pour un écrivain moral, à 



r»2 M. OCTAVE FEUILLET 

m 

une époque de transition où il n'y a ni reli- 
•gion ni philosophie. 

Son Jeune homme pauvre a charmé les 
femmes qui ne craignent point de se rougir 
le nez en pleurant aux vaudevilles à sentiment 
de M. Scribe , car voilà le vrai public de 
M. Feuillet! Les âmes de modistes lui appar- 
tiennent. Son talent leur rappelle les gra- 
vures de leurs petits journaux. Moral et mon- 
dain tout à la fois, M. Feuillet s'est cru de 
force, en ces derniers temps, à faire un ro- 
man religieux, et il a écrit Sibylle, cette im- 
pertinence de protecteur contre le catholi- 
cisme, dans lequel roman on voit une jeune 
fille, inspirée el poétique comme on peut en 
voir chez M. Feuillet, qui ne fait pas de Co- 
nnues, mais des Corinetles, endoctriner son 
curé, et brouiller toutes les notions du caté- 
chisme, qu'elle ne sait pas, ni M. Feuillet 
non plus. Le fond de tout cela, le vrai fond, 



M. OCTAVE FEUILLET 55 

■ - - - - -_ _ ■ ■■ ■ — ^ -■■ - — — 

c'est rhumiliation du grand catholicisme, uni- 
versel et éternel , sous un catholicisme de * 
fantaisie et un protestantisme d'éventail. Ro- 
mancier qui se croit entré à l'Académie par 
ses romans, M. Octave Feuillet a écrit un 
essai sur le roman dans son discours de ré- 
ception ; et, tête éventée par le succès, cet In- 
croyable littéraire, qui a zézayé, marivaudé et 
scribouillé tout le temps de son discours, a 
oublié Balzac 1 ! ! C'est comme si dans l'his- 
toire de l'art de la guerre on oubliait Napo- 
léon ! Est-ce un oubli ou une combinaison?. .. 
Pourquoi a-t-il oublié Balzac?... Est-ce pour 
lui, M. Feuillet, ou pour l'Académie?... De 
tendance naturelle, du moins, M. Feuillet doit 
être orléaniste. Il a dans son genre d'esprit et 
de talent tout ce qui passait pour l'élégance 
suprême du temps de Louis-Philippe et de sa 
cour. 11 aurait été l'ornement de cette cour 
splendide... 



54 M. VITET 



XIII 



M. YITET 



Ëvilei de Vitet la stérile abondance! 

Champignon de 1850, poussé au pied des 
peupliers de Juillet, M. Yitet a eu du bonheur, 
s'il n'en a pas donné aux autres. Il était du 
Globe I du premier Globe l Tout ce qui était 
du Globe a réussi. Le Globe a été la boule du 
pied de la Fortune ! Les lions vont seuls, les 
grues en troupe. C'est en troupe que M. Vitet 
est arrivé, — non par sa force person- 



M. VITET 55 



nelle, mais parce qu'il était dans le rang... 
11 n'a pas, à proprement parler, de caracté- 
ristiqne d'écrivain. 11 parle de tout, de pein- 
ture, de sculpture, d'architecture, d'autiqui- 

• 

tés, d'histoire, et, comme M. Thiers, il fait 
croire aux badauds qu'il est compétent. Il 
parle de tout également, abondamment, mé- 
diocrement, passablement, sans originalité ; 
quelle chance 1 car le crime irrémissible, 
l'empêchement à tout par ce temps platement 
et envieusement égalitaire, c'est l'originalité 1 
Elle est particulièrement détestée à l'Acadé- 
mie. J. Janin, qui n'en a qu'un grain à mettre 
sous la queue d'un moineau, mais qui l'a, 
n'est pas encore de l'Académie. Et cependant 
il en meurt de désir ! Et que de titres ! Il est 
orléaniste ! Il est du Journal des Débats I lati- 
niste, goutteux... même d'esprit quelque- 
fois... Tonneau d'albumine qui se viderait 
avec délices dans ce vaste crachoir de l'Aca- 



TU 



6 M. YITET 



demie ! M. Victor Hugo et Alfred de Musset ne 
sont entrés à l'Académie qu'en demandant 
pardon de la liberté grande d'être originaux 
et romantiques, et ce fameux jour de bas- 
sesse littéraire où ils y sont entrés, ils ont 
fait bouillir du lait à M. Yiennel, et même 
ils le lui ont sucré. Pour en revenir à M. Vi- 
tet, je crois qu'il y a quelque chose de lui 
qui s'appelle les Étals de Blois. Cela ne se 
lit pas plus maintenant que les Soirées de 
Neuilly. Puis, une Histoire de Dieppe ^ bonne 
pour les gouvernantes anglaises qui y passent. 
Tout cela est innocent. Ce champignon n'a 
jamais été vénéneux. 



M. miCNET Si 



XIV 



IL MIGNET 



Mignetaux cheveux blonds, au talentblond, 
mais pas blond comme madame de Senantes, 
des Mémoires de Gr amont ^ qui, si elle avait 
voulu, l'heureuse femme! aurait pu passer 
pour rousse. De talent, M. Mignet ne sera 
jamais que filasse... Bellâtre de lettres, qui 
fut, avec Edmond Mallac, la fleur des pois du 
règne de Louis-Philippe. Dans ce temps-là, 
on avait compté sur son physique pour faire 
de la diplomatie en Espagne, mais le diplo- 



59 ir. MIGNET 



mate fut éconduit. 11 n'aurait pa$ été plus 
grand écrivain avec la reine d'E^agne qu'a- 
vec nous ! M. Mignet, Taini de M. Thiers, 
est son contraste. Il est dans le sec ce que cet 
homme, à petite pluie de paroles incessantes, 
est dans Thumide. Gomme M. Thiers, il dé- 
buta dans les lettres par une Histoire de la 
Révolution^ ce pont aux ânes que tout le 
monde passe, depuis M. de Cony jusqu'à 
M. Morin ! M. Mignet fit la sienne tout comme 
un autre» Très-petit livre médiocre et du- 
riuscule, qu*il faut opposer à ce livre lâché 
et verbeux de la Révolution^ par M. Thiers, 
pour juger les deux tempéraments ! M. Mi-' 
gnct est, de nature, ce que Montaigne ap- 
pelle ^ « un esprit constipé. » Mais il "a fait 
quelque traitement sans doute, car il a perdu 
lar sécheresse ic. sa jeunesse , depuis qu'il 
est secrétaire de l'Académie des inscriptions 
et belles*Iettres. Ses notices sur les Académi* 



M. MIGNET ao 



ciens qui trépassent ont la mollesse et la co » 
piosité nécessaires à ce genre d'élucubra lions. 
Écrivain sans initiative, qui vit sur de vieux 
papiers, il a rapporté d'Espagne de quoi faire 
son Histoire d^ Antonio Perez^ et de Belgique 
les notes des dîners de Cliarles-Quint, le mai\- 
geur d'huîtres, à f?aint-Juste. Pompeux et 
terne, prétentieux et incorrect, c'est un Sal- 
vandy maigre. De titre, pour être entré à 
l'Âcadcmie, je ne lui en connais pas plus que 
pour être entra au Conseil d'Efat dans le 
temps, si ce n'est, comme diseht les bonnes, 
d'avoir été le « petit camarade du petit 
Thiers. » Puisqu'ils l'ont été toute leur vie, 
qu'ils le soient encore ici. 



^ 



49 M. TIliERS 



X¥ 



M. THIERS 



La chimère d'un temps qui a un faible pour 
les Crispins et les Scapins, et qui jetterait des 
pierres dans le carrosse du grand cardinal de 
Richelieu ! M. Thiers est la nullité couronnée 
par cette grande béte d'Opinion publique. 
Homme politique nul, qui pouvait tout faire 
et qui n'a rien fait; littérateur nul, malgré 
ses quarante volumes, critique d'art nul, âme 
nulle! Pour toutes ces raisons, ministre, aca- 
démicien et grand homme ! La nullité fraa" 



1 



W. TIHERS >îl 



çaise s'adore dans ce parleur qui ne finit 
jamais, et Tadmiration de la badauderie va 
si loin, que l'enrouement dont M, Thiers est 
affecté, pour sa peine déparier comme il parle, 
passe pour un ornement de plus de ce grand 
orateur! M. Thiers ressemble à cette femme 
de Walter Scott, dans ses Chroniques de la 
Canongate^ qui au lieu d'avoir la langue atta- 
chée comme tout le monde, l'avait par 
en dessous, de manière que la langue pût 
remuer des deux, bouts, comme le poisson 
dans l'eau ! 11 a débuté comme journaliste au 
National y sous^Carrel. Après la révolution de 
1 830, Garrel fut outrageusement nommé pré- 
fet de Grenoble, tandis que le petit camnvadc 
était nommé conseiller d'État et M. Thiers 
ministre. Ce fut là une des causes de la trans- 
formation du National j qui laissa allonger 
ses griffes républicaines et devint le National 

de 1834. 

4. 



4^2 M. THIERS 



Je parlais plus haut de celte histoire de 
la Révolution, si facile à faire et qu'on lit 
n'importe par qui elle soit écrite. M. Thiers 
ne manqua point ce coche. Il fit la sienne ; 
mais il la fit sans un principe, une vue, une 
décision quelconque de Tesprit, Tour à tour 
matérialiste et spiritualiste, fataliste ou pro- 
videntiel, homme de révolution ou de gou- 
vernement. Pantin de chaque événement qui 
passe et qui, en passant^ lui tire la ficelle qui 
le fait saluer^ Niché sur les faits colossaux 
de ce temps, le petit homme a paru aussi 
grand que ces faits aux bourgeois, si forts 
en perspective ! M. Thiers fut une minute le 
ouistiti de Talleyrand, qui s'amusait de la 
vivacité de ce touche-à-tout , lequel parlait 
finances et peinture, de manière à être ad- 
miré du centre gauche. M. Thiers a écrit, 
en effet, des Salons^ des Salons qui n*ont, 
ponr pendants, que ceux de M. Guizot ! Ri^* 



M. THIERS 43 



valité nouvelle ! Il est curieux de voir à quel 
point ces aigles prétendus de la politique 
portent la myopie dans les arts ! Ils sont 
dignes de leur gouvernement. 

Quand la révolution de 1S48, qu'il n'a 
pas su prévoir et que ses fautes ont préparée, 
Teut mis par terre, dans le ruisseau, sous la 
yiffic du voyou^ M. T^iers écrivit, rue de 
Poitiers, sous Tempire d'un mal de ventre 
affreux, son livre épeuré, inconsistant et 
mollasse de la Propriété. Enfin, monument 
de sa vie! (se taira-t-il maintenant?) il pu- 
blia, volunic par volume, son Histoire du 
Consulat et de V Empire. Livre qui est loué, 
mais -qui n'est pas jugé, et qui le sera tin 
jour, et cruellement, par une Postérité in- 
flexible. Vers la fin de l'ouvrage, l'orléaniste 
battu s'embusque comme le vil Paris à fe 
I orte» Scée, et tire sa flèche au tendon àrk-* 
chille. Le bonapartiste Thiers renie. Il reftwe 



.■i..jg 



44 Bl. TIIIERS 



à l'empereur Napoléon le génie politique, et 
il riotitule fou comme Alexandre; car^ dites- 
vous-le bien, vous qui aimez à rire, pour 
M. Thiers, ce Salomoç de l'histoire, c'est 
un fou qu'Alexandre le Grand ! Pourquoi pas 
un fou... triquet?... Pauvre petit M. Tliicrs! 
Du reste, au point de vue des faits que 
M. Thiers aurait pu traiter avec exacti- 
tude, dans sa position et avec ses relations, 
cette Histoire du Consulat et de rEmpire no 
peut être considérée que comme une fantaisie 
historique. 11 n'y a point, il ne peut pas y 
avoir, dans les temps modernes, d'histoire, 
si elle n'indique ses sources, et si elle ne 
conduit par la main, à leurs bords, pour 
y puiser, M. Thiers a l'impertinence de gar- 
der le plus profond silence sur les siennes; 
il se contente d'afïîrmer les faits... Mais quelle 
garantie nous donne-t-il de la science, de la 
solidité ou de la pureté de son renseigne- 



M. TllIERS ri 



ment? Je voudrais bien aller voir, monsieur, 
si ce que vous me dites est vrai ?... Donnez- 
moi la clef de la bibliothèque et le titre du 
livre, et le numéro (Ju carlon où vous avez 
pris ce détail ?....0r, cette clef, qui est l'indi- 
cation des sources, que tout historien qui 
veut sauver Thonneur de sa probité ne man- 
que jamais de donner, M. Thiers ne la donne 
jamais. Et ceci restera terrible contre son 
histoire! La Postérité, ce juge en dernier 
ressort, souffrira-l-elle ce que le plus petit 
juge sur son tribunal ne souffre. pas? Âc- 
cueillera-t-elle des affirmations sans preuve, 
qui n'ont pas même Faulorité du caraclère 
de celui qui les fait, ces affirmations?... Quant 
au talent de peintre déployé dans cette his- 
toire, où il en faudrait un sublime, figurez- 
vous le père Prudhomme, auquel, par pa- 
renthèse, M. Thiers ressemble par l'intérieur 
aalant que par l'extérieur de la tète, figurez- 



40 M, TI1IERS 



VOUS le père Prudhomme voulant faire en 
parafe, dans un exemple d'écriture, la ba- 
taille d^Eylan^ de Gros, le pathétique, et la 
magnifique Distribnlion des aigles de l'ho- 
mérique David ! 

Eh bien ! — je me cogne contre un mur, 
— malgré tout, malgré la Postérité qui tend 
vci« lui la main, à travers le temps, pour 

« 

l'écraser sous son pouce, ce petit attrapcur 
de gloire, enfin attrapé, et pour qu'on n'en 
parle plus, M. Thiers fermera les yeux sous 
ses lunettes et mourra vespasiennement dans 
son fauteuil à r.Vcadémie^ couronné toujours 
du suffrage de cette vile multitude^ qui n'est 
pas que dans la rue et qui est incorrigible, 
et qui s'obstinera à l'appeler un grand his- 
torien ! 



M. DE BAKANTE Al 



XVI 



M. DE BARANTR 



Arrivé dans la troupe dos grues commo 
M. Yitet, en raison de toutes les commodités 
d'un temps jeune (le siècle commençait) et 
facile au talent, comme les jeunes gens le 
sont aux femmes I Un manche à balai, habillé 
en femme, peut enflammer de très-petits 
jeunes gens. G*est l'histoire de M. deBarante. 
Il s'est fait toute une réputation avec un petit 
volume intitulé : Tableau de la littérature 
française au dix^huitième siècle. C'était un 



4S M. DE BARANTE 



tableautin très- sec, — bordé d'une critique 
pincée, nabote et pédante. Cela fut trouvé 
exquis et parut distingué et le parait encore. . . 
en province. N'ayant pas de couleur, M. de 
Baranle prit celle des autres. Il pilla Frois- 
sart. Il monta en croupe sur la mule de ce 
chanoine, et refit, en la modernisant, sa chro- 
nique. C elait essayer de démarquer ce beau 
linge flamand, ce beau surlout de table, en 
haute lissL^, et ce fit Teffet d'une originalité 
aux ignorants. M. de Barante fut envoyé en 
Russie, ministre plénipotentiaire, quand Ni- 
colas défondait à Louis-Philippe d'y envoyer 
un ambassadeur. Bien choisi pour être le 
plénipotentiaire de l'Impuissance ! Depuis le 
malheur et le fiacre de Louis-Philippe, M. de 
Barante s'est remis à écrire. Il a fait une His- 
toire de la Convention que ce grand nom de 
Convention ne peut tirer de l'obscurité. Plé- 
nipotentiaire en histoire, comme en Russie! 



M. AMl'ÈRE 41) 



XYII 



M. AMPÈRE 



11 s*csl donné la peine de naître. Fils d*un 
homme de génie, de ce fakir de la Science 
dans les cheveux duquel les hirondelles fai- 
saient leur nid sans que son immensa cerveau 
s'en aperçût, M. Ampère s'est trouvé aisé- 
ment célèbre, ayant de toutes paris ces re- 
lations qui poussent plus un homme que le 
talent. Avant d'être M. Ampère par ses ou- 
vrages, il élait le fils de M. Ampère. Cela va- 
lait mieux. 



n 



50 M. âMPKRE 



Il portait mieux son nom en étant plus obscur ! 

Ce qui perd les fils des hommes de génie, 
c'est qu'ils veulent être quelque chose par 
eux-mêmeis. Idée de femme! Être aimées 
pour elles-mêmes I On voit mieux cependant 
la médiocrité aux rayons de la gloire pater- 
nelle. M. Ampère avait, dit-on, des aptitudes 
diverses. On a de lui des vers que M. Sainte- 
Beuve a vantés. Pourquoi pas? Il vante bien 
ceux de M. Littré. Politesse de bel esprit à bel 
esprit du salon de madame Récamier ! C'est 
en effet par ce salon que M. Ampère est en- 
tré à TAcadémie, dont il est digne, du reste, 
par la haine qu'il porte à l'Empire. Excepté 
cette Histoire romaine^ pamphlet à allusions, 
qiui à paru en ces derniers temps, et dont 
certainement M. de Mars n'est point capable, 
il est impossible de se rappeler nettement les 
divers ouvrages de M. Ampère. C'est comme 



M. LE DUC DE NOAILLES M 

^ - — ii^- I - i-i I - - ■ - - 

une masse d'articles de la lievue des Deux 
Mondes, Tout le monde, dans les deux 
mondes, est €)âpable de ça !... Quant à Tlft»- 
toire romaine^ insérée dans cette revue orléa- 
niste, c'est bien malheureux que le talent 
•n'y isoit pas au niveau de la haine... I/Em- 
pire aurait été perdu. A présent, M. Ampère 
n'a plus qu'un moyen d'être Tacite, c'est de 
se taire. 



XVIII 



M.. LE DUC DE NOAILLES 



Encore un homme heureux d'avoir des 
parents! Descendant de la grande marquise 



5'i M. LE DUC I)K EGAILLES 

de Maintenon, il s* est planté une importance 
et une célébrité dans cette parenté qu'il ex- 
ploite. Il a fait une concurrence — c'est le 
mot poli — à M. Théophile» La Vallée, dont 
tout le monde se souvient encore. Des pages 
entières de l'histoire de madame de Mainte- 
non, par cet historien, avaient été copiées par 
M. de Noailles avec un sans-façon de grand 
seigneur qui aurait dû flatter M. La Vallée, 
lequel eut Timpertinence de n'être pas flatlé. 
a Pourquoi me prenez-vous mon livre, mon- 
sieur le duc? lui dit-il. Je ne vous prends pas 

voire titre !» On a demandé (des malins !) ce 

■ 

que M. de Noailles aurait écrit sans madame 
de Maintenon. Mais, parbleu ! il aurait copié 
quelque autre livre de M. La Vallée... On 
comprend qu'il fût entré à l'Académie, à 
cause de ce nom et titre de duc de Noailles, 
qui y fait bien, mais on ne le comprend plus 
depuis qu'il écrit, et c'est pour cela qu'il y est! 



•f^*^y*».- ■'^ •* ■ "•■ ■• ''*'' 



M DE PONGERYILLE 55 



M. DE PONGERVILLE 

Académicien du temps de Sérapis. Il a 
traduit Lucrèce eh vers; puis il est rentre 
dans le silence des Pyramides! qui, comme 
on sait, sont des tombeaux ! 



XX 



M. de; falloux 

Il contraste bien avec cet antique M* de 
Pongerville, la plus momie des momies aca- 

5. 



T.— '"••' *- --- -. 






M M. DE FALLOUX 



démiques, liée de bandelettes, rongée de 
miles, qui ne dit mol et n'en pense pas da- 
vantage; M. de Falloiix n'est que trop vivant. 
C'est un des meneurs les plus intrigants de 
rAcadémie. Il vaut, par Tinfluence et la pa- 
role infatigable, hélas! le vieux triumvirat 
directeur et oraleur : MM. Cousin, Guizoi et 
Villemain, avec lesquels, lui, légitimiste, il 
concubine contre l'E/mpire; mais il leur est 
supérieur par le ton. On sait que M. de Fal* 
loux, homme du temps où des cordonniers 
comme M. Albert gouvernaient la France de 
saint Louis et de Napoléon, dut son influence 
politique à une politesse qu'on ne connaissait 
plus dans les Assemblées, et qui parut char- 
mante et nouvelle au milieu des grossièretés 
ambiantes... La politesse, devenue un peu 
rouée^ de M. deFalloux (M. Veuillot Tappelle 
Fallax) fait encore sa force politique à TAcadé- 
itiie. C'est par la politique et la politesse qu'il y 






M DE FALLOUX 55 

est arrivé. . Ses titres littéraires étaient grands 
cependant. 11 avait, en littérature, la nullité 
adorée... M. de Falloux a voulu toucher à 
ce ferme et majestueux sujet, — la Vie de 
saint Pie F, — et il a éventré là contre ses 
déclamations sans entrailles... Son Xouis XVI 
est faux et vulgairement sentimental. Pour 
certaines gens, il semble que juger Louis XVl 
ce soit lui couper la tête encore... M. de 
Falloux , rhomme poli de TÂcadémie , et 
qui; pour cela, cependant, ne la rend pas 
plus agréable, est plus heureux ailleurs. 
C'est le meilleur élet:eur de cochons qu'il y 
ait eii France. Aux expositions, il a tous les 
prix. 






5fi M. YIKNNET 



XXI 



M. VIENNE! 



Le premier de tous à rAcadémie. Le véri- 
table Académicien! Que dis-je? C'est vrai- 
ment l'homme- Académie! Il a étq engendré 
de toute éternité pour elle. S'il m'était per- 
mis de donner mes idées sur celte auguste 
institution, je voudrais qu'on inventât pour 
M. Viennet un fauteuil de présidence perpé- 
tuelle, tant il représente bien l'Académie! 
tant il s'adapte bien à cette vieille chose 
du passé qui n'a plus de raison pour être ! 
M. Viennet, c'est le classique pur, la berne 



*r.-y^ *,,>,. ■ '^ :» -• ' '- ' "T 



M. VIKNNET 57 



immuable. C'est le d'Arlincourt du classique, 
comme d'Ârlincourt était le Vicnnet du ro- 
mantisme. Il a fait des tragédies comme la 
Fosse, des comédies comme Rochon de Cha- 
bannes, des fables... pas comme la Fon- 
taine, à la lecture desquelles on rit à l'Aca- 
démie de ce rire sans dents qu'on y a, parce 
qu'il coud à la queue de ses fables, d'une 
main qui ne manque pas de frénésie, des 
malices orléanistes... On peut le nommer 
Campenon, Campistron autant que Viennet... 
Dei*nièrement il a publié,- comme d'Arlin- 
court, un poëme épique, et ce n'est point 
l'épopée dont il avait le génie. Cela no s'ap- 
pelle point la LouiS'Philippiade , mais la 
Frandade^ ce qui est bien différent. Aussi 
a-t-il raté net son affaire. Poëme de douze 
mille vers! il faudrait vingt -quatre mille 
hommes pour l'avaler. 



* * -- . •*' X"*^» ,' Wi' '' ^' ' ' 



;)8 ' M. VIGTOn UOGO 



XXII 



M. VICTOR HUGO 



C'est bien flerrière M. Viennel qu'il faut 
placQF M. Hugo, le chef de. parti littéraire, 
rhomme du romantisme et de la préface de 
Cromwell^ pour avoir une idée juste de cette 
énormité: M. Vicîor Hugo à rAcadéraie! Au 
moins le duc de Guise fut assassiné par 
Henri IH, et quand il fut tombé dague par 
les Quarante-Cinq, le roi dit, tout pâto : a Je 
ne le croyais pas ^l grand, » ca que M. Yien- 
net n'a pas, certes, dit, quand il a vu 



M. VICTOR HUGO 59 

M. Hugo, qu'aucun des Quarante n'était de 
forcé à tiier, humilié h terre devant lui sur 
le parquet ciré de TAcadémie. Ce Jour-là, où 
élait la fierté de la Muse romantique? Ce 
jour-là, rhomme qui s'est tant moqué des 
ailes de pigeon en a mis. M. Vintor Hugo a 
démoralisé, par son exemple, cet enfant d'Al- 
fred de Musset, qui, lui aussi, a accepté le 
caparaçon académique sous lequel nous Ta- 
vons vu si tristement baisser la tête. C'était 
un bât sur le dos d'Ariel ! Comme il y a en 
littérature des questions d'honneur autant que 
• partout, quelle réponse fera Thistoire littéraire 
de l'avenir à la question de savoir pourquoi 
M. Victor Hugo a sollicité d'être académicien, 
et a fait trente-neuf visites à des gens dont il 
méprisait littérairement pour le moins trente- 
sept. Si sévère qu'on soit pour un grand ta- 
lent qui a ses défauts et^méme ses vices, i. 
n'est pas moins certain qu'il y a dispropor- 



00 M. VICTOR HUGO 

tion (lu contenu au contenant, quand oh voit 
M. Hugo à rAcaddmie, et que la racine d'un 
chêne n'est pas de taille à tenir dans un vieux 
pot à cornichons!... Quel motif a donc pu 
décider M. Hugo?... Est-ce la vanité, plus 
forte que Torgueil, ce jour-là?... Est-ce Ta- 
mour du costume, de ee costume qu'avait 
porté le grand Empereur? En le voyant sur 
ses gaules, M. Victor Hugo, qui n'était pas 
républicain alors, se croyait peut-être un 
peu Bonaparte... Sont -ce les douze cents 
francs de jetons de présence? Enfin, quoi?... 
Du reste, quand on n'a que soi pour tout 
principe, on fait toutes les fautes sans en 
avoir conscience. César de décadence en lit' 
térature, M. Victor Hugo, comnle les Césars 
de la décadence, se croit dieu. Il ne pense 
donc pas qu'il puisse compromettre jamais 
son essence divine* Cela l'innocente, mais à 
quel prix? 



M. POiNSAUD ♦ 01 



XXIII 



M. PONSUD 



Oh ! lui, lui, il est h sa place à T Académie ! 
Il csl de la race des Viennet. Comme M. Vien- 
ne!, il peut s'appeler la Fosse, Saurin, du 
Belloy, la Touche, c'est-à-dire du nom de 
tous les gens de lettres qui ont bâti des tra- 
gédies ! 

La première de ces choses qui Ta po$é^ 
comme on dit, et sur le souvenir de laquelle 
il vit toujours, fut Lucrècôy imitation gros- 
sière et faible, dans le détail et dans le style 





02 * M. PONSARD 



de Corneille et d'André Chcnier. 11 est des 
mains qui ne respectent rien. Les mains 
lourdes et gourdes de M. Ponsard traînant 
sur la pourpre romaine du vieux Corneille et 
sur les diaphanes albâtres grecs d'André Ché- 
nier! c'était à faire criera à bas! » à tous 
ceux qui ont le respect des belles choses. Eh ! 
bien! cela n'indigna personne dans les mai- 
sons où, pendant dix-huit mois, Vadius triom- 
phant et pudibond, M. Ponsard alla lire sa 
tragédie tous les soirs! Le comité de TO- 
déon, composé de têtes si forles, fut sé- 
duit paf ce succès de société, qui était aussi 
un succès de réaction!... On était las des 
excès du romantismç, et la vieille rengaine 
classique parut neuve. M. Ponsard fut pro- 
clamé le poêle du bon sern^ parce qu'il était le 
poëte de la vulgarité, ces deux choses qu'en 
France nous confondons toujours*.. Mais il 
ne retrouva jamais son succès de Lucrèce ^ Il 



M. POI^JSAnD C3 



fit Âgnhs de Méranie^ Charlotte Corday^ et • 
toujours on voyait Lucrèce à. travers. Sa pièce 
de r Honneur et F Argent n*a dû ses nom- 
breuses représentations qu'à la politique, ce 
qui, selon moi, est une honte pour une œuvre 
littéraire. Les bourgeois orléanistes y voyaient 
des allusions contre l'Empire et y battaient des 
mains avec l'esprit qu'on leur connaît. De- 
puis ce temps-là, M. Ponsard, qui ressemble 
un peu au paysan du Danube, endimanché 
dans un habit bleu barbeau (image de sa 
poésie), a écrit Horace et Lydie^ et a voulu 
jouer à l'Horace, comme il avait joué au Cor- 
neille ! Chez les femmes, qui ne savent pas le 
ktin, on croit qu'Horace avait cette élégance, 
et voilà deux poètes bien heureux f 



Ci 31. VICTOR LAI'UADE 



XXllf 



M. VICTOR LAPR\DE 



Il ressemble un peu par la barbe à M. de 
Falloux. Il lui ressemble encore par les opi- 
nions et la passion politique. C'est la Fusion 
à l'état de rage. M. Cousin, le philosophe, 
n'a pas contre l'Empire de meilleur soldat 
— entendons-nous, verbalement parlant, — 
que ce poëte, soi-disant chrétien, qui, avant 
de se jeter dans les fusions politiques, faisait 
déjà fusionner dans ses vers le christianisme 
et îc paganisme, Tautel des druides et la 



1 



: *> 



M. VICTOR LA PRADE 65 



croix! M. de Falloux a beaucoup plus de (e- 
nue que M. la Prade, qui n'en a pas, lui, 
beaucoup plus que M. Pelletan — Il débuta 
dans la Remie des Deux Mondes par un poëme 
de Psyché^ ennuyeux, même à la Revue des 
Deitx Mondes II C'est phénoménal ! Puis , il 
se jeta dans des Idylles montagnardes et dans 
des Poèmes évangéliques. Tout cela l'aurait 
laissé obscur à Lyon, faisant son cours pour les 
guides de la Suisse, si TAcadémie n'avait voulu 
recruter une clameur de plus contre TEmpire. 
Enivré par le succès de sa réception, M. la 
Prade a payé son entrée à ses maîtres, et il 
leur a offert le bouquet de ses Satires politi- 
ques, L'Évangélique écœurant s'est cru la 
plume de fer rougi de Juvénal... Le fer roxm 
n était qu'un fer à papillotes, qui biMftld tîn 
peu l'oreille violette^ si prompte à la colère, 
de M. Sainte-Beuve, lequel, raconte -t-on, 
— mais c'est un renseignement à prendre 

C. 



. • 






G(5 M. VILLE S! A IN 



' — apporta un matin à rAcadémie un mor- 
ceau de bois pour répondre au fer. On eut 
grand'peine à désarmer M. Sainte-Beuve, 
qui se ressouvenait du parapluie dont il 
avait, dit-on, menacé un jour M, Villemain, 
place Saint-Sulpice, en l'appelant a le Ther- 
site de la littérature. » Ce jour-là, M. la 
Prade en fut quitte pour son frisson, et T Aca- 
démie, où il se passe de pareilles choses, 
pour sa dignité... 



XX¥ 



M. YILLEMAIN 



Puisque j'ai parlé de M. Villemain d-ur.c 
manière si honorable pour son caractère et 



*♦ 



M. YILLEHAIN G7 



pour sa gloire, finissons-en sur ce vieux Prix 
d'honneur, et demandons-nous une bonne 
fois ce qu'il a fait pour qu'on le regarde en- 
core à cette heure comme Tiiomme le plus 
spirituel de France et de l'Académie... 

Ce qu'il a fait, le Toici : 

D'abord, un Éloge de Montaigne et un au- 
trc de Montesquieu j où l'esprit médiocre de 
l'Académie se retrouva asser pour se couron- 
ner. Ensuite, un Essai de critique dans lequel 
M. '. Villcmain, ce critique sans critérium^ 
parlait des lois du goût comme eût pu le faire 
le Batteux. C'était, au dix-neuvième siècle, 
inférieur, comme toute critique qui no s'aj)- 
puie pas sur une métaphysique robusle. Or, 
M. Villemain, ce riez à V ouest ^ comme disait 
si drôlement Balzac, n'eut jamais de méta- 
physique... Avec ce nez, c'est impossible! 
Ajoutez un Cours d'éloquence^ qui eut du suc- 
cès pour deux raisons : — la première, parce 



.»• ' ■* 



es M. YILLEMALN 



qu*il avait de Técho dans les passions politi- 
ques du temps ; la seconde, parce que M. Yil- 
lemain traduisait, dans ce Cours iTéloquence^ 
les orateurs anglais, alors très-peu connus, — 
mais au fond, si vous voulez y descendre, ce 
Cours est d'une platitude de jugement que 
ne peut couvrir cette phraséologie élégante 
qu'eut Lemontey av.jnt M. Yillcmain; Lc- 
montcy, très-supérieur à M. Yillemain dans la 
même école ; Lemontey, qui a au moins la 
grâce dans la pensée, d'un homme qui a 
aimé les femmes, tandis que M. Yillemain 
est un Lemontey gauche et pédant, qui n'a 
jamais connu d'autres jupes que son jupon 
do professeur. 

Il publia aussi dans ce temps-là (c'était le 
temps de sa jeunesse) une dissertation sur 
Lascaris^ illisible maintenant que nous 
avons jaugé le quatorzième, le quinzième et 
le seizième siècle. Il fut encore plus chétif 



. f 



M. VILLEMAIN C9 



sur les Pères de l* Église que sur les Orateurs 
anglais. Comment le bel esprit d'Université, 
qui n'a rien compris à Tâme des deux Pitt, 
pouvail-il comprendre quelque chose aux âmes 
bien autrement grandes des régénérateurs du 
monde? Le malheureux n'a jamais jugé les 
Pères de TEglise que comme des rhéteurs 
habiles, des modèles d'crateur. Esprit mes- 
quin qui plus tard ne conçut pas plus Crom- 
wcll que saint Grégoire de Nazianze. Un jour, 
il eut (sous l'empire de quelle idée?) une vel- 
léité d'historien, et il annonça qu'il allait 
préparer une Histoire de Grégoire Vil ; mais 
M. d'Eckstein, l'auteur du Catholique^ -qui 
vivait alors , un terrible sire d'érudition 
et de principes, le lui défendit, sôuâ peine 
d'examen, et l'intrépide auteur resta coi soiis 
cette menace, comme sous le parapluie de 
M. Sainte-Beuve. Enfin, dans ces derniers 
temps, il publia les Mémoires de Narbonne^ 



• ï j*'»j 



70 M. VILLEMALN 



dont il avait été le secrétaire, et les siens 
en 1815. Livre où l'allusion, fine à force de 
peur, essaye de pinçeir TEmpire à la peau. 

Telle est Tœuvre de M. Villemain. Où est 
dans tout cela la raison suffisante pour faire 
d^lui, littérairement, plus qu'une médiocrité 
cultivée, un bel-appris, mais pas davantage, 
et pour le donner à la France comme un 
homme dont la vivacité d'esprit touche au 
génie? En conversation, n'a-t-on pas fait de 
M. Villemain un homme de puissante repar- 
tie, une espèce de Rivarol II î Mais Técrivain 
Siux cahiers (T expression^ qui cueille dans les 
livres qu'il lit des expressions et des images 
dont il est incapable et qui les réduit en 
une espèce de poudre étmcelante pour la 
jeter, après coup, sur ce qu'il écrit, oui, 
rhomme d'une si lâche méthode doit aussi 
préparer et travailler de longue main les re- 
parties qu'on lui attribue. Chez M. Villemain, 



M. VILLEMA[N 71 



le charlatan de style doit toujours être em- 
busqué sous le causeur,,. A quoi donc tient 
le genre de gloire dont M. Villemain jouit 
en paix depuis soixante années, — car cet 
homme nul fut un enfant célèbre, — et que 
rien ne peut altérer, même les rapports sé- 
niles qu'il fait chaque année comme secré- 
taire perpétuel de TAcadémie?.,, Il a beau 
les faire ternes et d'une rhétorique impuis* 
santé, le pli est pris, le vase est imbibé. Ils 
sont toujours brillants j quand on en parle dans 
les salons et dans les journaux I Spirituel et 
brillanty voilà la double épithète inféodée au 
genre de talent de M. Villemain par ces mou* 
tons de Panurge qui bêlent toujours dans la 
même note. Eh bien 1 je crois savoir pourquoi 
cette éternelle réussite , cette gageure inouïe 
contre la vérité! Les moutons de Panurge^ 
pour des moutons, ont leur petite rouerie» 
Us veulent peut-être un jour, en leur qualité 



72 M. V1LLEMAL\ 



de moutons, entrer à rAcadémie, et ils sa- 
vent bien que M. Villemain en lient la cla- 
vette. 

C'est, en effet, le maître de céans. Je crois 
que, comme la femme de ce représentant 
qui disait a mon peuple, » M. Villemain 
pourrait dire « mon Académie. » Il y de- 
meure; c'est sa coquille, son canonicat, son 
fromage de Hollande. Tout le monde y souf- 
fre la prépotence de ce nez à Vouestj qyi a 
de la vrille dans l'esprit : les uns parce que 
les passions de M. Villemain sont rendues plus 
vives par sa conformation physiologique, la- 
quelle exaspère les gens qui l'ont; les autres par 
une indolence méprisante, comme Lamartine, 
qui ne vient pas même toucher ses jetons de 
présence! M. Cousin lui-même, le coup de 
vent, rhommc sonore qui fait des bruits to- 
nitruants, n'a pas contre l'Empire le degré 
de passion repliée, profonde et persistante de 



M. V1LLEMA[N 7S 



M. Villemain. M. Cousin s'évanouit dans le 
bruit qu'il fait. Ministre tombé, comme 
M, Cousin d'ailleurs, M. Villemain le vaut 
par le rang politique, qui a une si grande 
influence à cette Académie liuéraire depuis 
si longtemps détournée du but de son insti- 
tution ! Il a la rage des mêmes regrets parle- 
mentaires. Seul, M. Guizot, Tinvenleur de 
celte catapulte de la fusion, Tancien prési- 
dent du Conseil, et dont la Toison d'or fait 
un bel effet décoratif les jours de solennité à 
l'Académie, pourrait lutter d'influence avec 
M. Villemain. Mais M. Guiïot a une ambition 
moins chatte que celle de M. Villemain. Dans 
le temps que M. Guizot élait au pouvoir, sous 
les d'Orléans, pourvu qu'il dît à la tribune 
ç< le gouvernement du roi, >> et, les bpns jours, 
«notre gouvernement, » il avait des jouis- 
sances, — les seules jouissances qui soient 
dans sa nature, et c'est de même à l'Acadc- 

7 



7-4 M. VILLEMAIN 



mie. Pour peu qu'il perche sur quelque 
grand mot de moralité^ d'alliance entre l'or- 
dre et la liberté^ etc., etc., il est content, et 
il laisse'M. Villemain tout arranger autour de 
lui dans Tintérêt de ces passions orléanistes 
qu'il partage. C'est cette souveraineté à l'Aca- 
démie qui empêche qu'on ne touche à la 
vieille gloire de M. Villemain. Nous laissons 
cette momie qui peut remuer contre nous, et 
nous disons qu'elle est brillante. Tenez! 
voilà M. Francisque Sarcey qui vient de se 
croiser contre moi* à propos de M. Cou- 
sin, l'officier d'état-major de M. Yillemain à 
l'Académie ; mais je suis persuadé qu'il va 
élever bien autrement la voix de son bon sens 
contre mon imprudence et ma folie. Talent, 
comme on sait, abondant et onctueux, 
M. Sarcey, qui a de l'onction à en revendre 
aux autres, n'a point mon opinion sur M. de 

« D.iiis le yain JaiufCt où ces Médaillotis ont dtya paru* 



M. VÏLLEMAIN 7a 



Sacy, lequel est pour moi un petit bâlon de 
cornouiller, et pour lui Tarbre qui distille 
le baume et la myrrhe. Que ne dira-t-il pas^ 
contrairement à moi, de M. Yillemain?... Cap 
les gens qui désirent entrer dans cette bonne 
maison des Débals désirent encore plus fort 
.entrer à l'Académie. C'est le salon et c'est 
Tantichambre qui y mène, que TAcadémie et 
le Journal des Débats I 

Enfin, une autre grande raison encore de la 
solidité de la gloire de M. Yillemain, c'est la 
position toute-puissante qu'il eut si longtemps 
dans l'Université. Mère Gigogne* de profes- 
seurs, qui en a tant pondu à tous les degrés 
de la hiérarchie universitaire, M. Yillemain a 
a'ppris à ces gens-là, qui stylé^it' nos enfants 
depuis tant d'années, que M. Yillemain est le^ 
brillant et spirituel M. Yillemain. L'épilhètc- 
. momie est restée à poste fixe sur le bec de tant 
de perroquets ! M. Yillemain, tout à l'heure,* 



76 M. PnOSPER WÉniMÉK 

est à sa Iroisième génération de perroquets, 
mais à la qualrième ce sera fini probablement. 
M. Yillemain ne vivra pas comme Matbusalem, 
et alors Thisloire littéraire le jugera comme 
il le mérite, c'est-à-dire indigne d'être lu. 



M. PROSPER MÉRIMÉE 



Encore un romantique à TÂcadémie! cetle 
contradiction à laquelle je ne me ferai ja- 
mais ! M. Prosper Mérimée est un romanti- 
que de la première heure, un des plus vail- 
lants, un des plus marquants. Talent brillant 



M. PROSPEU MÉRIMÉE * 77 

et noir comme FEspagne qu'il a peinte et d'un 
raSkaé qui va jusqu'à la scélératesse. Il y a 
du Goya dans M. Mérimée. Son meilleur ou- 
vrage est encore le théâtre de Clara Gazvl, 
Très-supérieur, selon moi, à Colomba ^ beau- 
coup plus vantée ; car dans ce pays tempéré, 
si peu fait pour les arls, ce qu'on aime le 
plus, c'est la manière adoucie d'un homme, 
ce n'est pas sa manière acharnée^ qui prouve 
son génie. M. Mérimée procède d'un homme 
beaucoup plus fort que lui. C'est Stendhal, 
l'auteur du Bouge et Noir. Il est son dimi- 
nutif et presque son disciple. Cependant, il 
faut être juste, Stendhal, malgré son im- 
mense talent, n'aurait pas fait le théâtre de 
Clara GazuL 

. C'est par l'invention que Stendhal domine 
M. Mérimée ; mais M. Mérimée est un exécu- 
tant plus habile, un virtuose plus profond. 
Tous les deux ont pour défauts extrêmes la 

7. 



78 M. PROSPKR .MÉRIMÉE 

sécheresse , la maigreur , la concentration 
recuite. Violents dans la sobriété, ils ventent 
faire avant tout les positifs, et ils finissent 
par devenir disgracieux et faux. Commo 
Siendhal, M. Mérimée est un athée discret, 
un Fontenelle sinistre. 11 n'aurait jamais, 
lui, au café de la Régence, les colères contre 
Dieu de M. Sainte-Beuve. Homme d'esprit 
politique qui sait diriger les relations de sa 
vie. Du fond de son épicuréisme il prend, 
comme Stendhal, des décisions nettes, rapi- 
des, presque militaires. Gens qui seraient do 
première force , si les principes moraux 
étaient des plaisanteries ! Comme Siendhal 
encore, M. Mérimée a le mépris le plus ho- 
norable pour tout ce qui est vulgaire; mais 
c'est un mépris goiiveimé, qui ne Ta pas em- 
pêché d'entrer dans une Compagnie où les 
grands talents, par le fait qu'ils y sont, y sont 
déplacés. 



M. EMPIS 79 



XXVII 



M. EMPIS 



Est-ce Empis-Picard?... Est-ce Empis- 
Mennechet?..; Est-ce Empis-Cournol?... Est- 
ce Empis-Mazères?... Car ce diable de 
M. Empis, qu'aucuns appellent « Tant pis ! » 
a-t-il jamais été tout seul M. Empis? 11 faut 
qu'il soit deux pour. avoir Tesprit d'un seul^ 
et souvent de personne ! Tous ces gens à 
collaboration me font l'effet' du veau à deux 
tçtes, ce vieux phénomène ! Seulement, eux, 
ils n'en sont point un. De têtes, M. Empis en 



sa M. KM PIS 



a quatre pour son compte, sans compter la 
sienne. C'est l'idole assyrienne de l'Académie, 
comme M. Pongerville en est la momie égyp- 
tienne. La seule différence qu'il y ait entre 
eux, c'est qu'on sait nettement ce qu a fait 
M. de Pongerville; c'est qu'on se rend très- 
bien compte de cet énorme effort de la tra- 
duction de Lucrèce, qui l'a crevé... Maison 
n'a jamais su, on ne sait jamais ce qu'a fait 
M. Empis ! On voit jouer une pièce qui peut 
être de tout le monde et qui en est; on vous 
dit que c'est de M. Em|Ns, et vous en êtes 
bien aise pour l'idée que vous vous faites de 
ce brave homme. Mais quand vous reverrez 
cette pièce, il vous sera impossible de vous 
rappeler que c'est de M. Empis. Quel talent 
pour se graver dans la mémoire ! Ah ! l'Aca- 
démie n'oublie jamais les hommes de cette 
puissance d'impression. Elle se reconnaît en 
eux et elle leur ouvre ses portes. M. Empis, 



M. JULES SANDKAU 81 



académicien! Mais comment! il est ne de 
TÂcadcmie ! Si tous les Quarante étaient des 
Empis, je dirais tant mieux! ce serait Tldéal 
de l'institution!!! 



XXWIII 



M. JULES SANDEAU 



C'est une femme de leîlres et pas des 
meilleures encore ! Un jour, pour les besoins 
d'une cçllaboration, qui a été publique, 
M. Sandeau échangea son sexe contre celui 
de madame Sand ; mais pour mon compte. 



8-2 M. JULES SANDKAU 

je n'ai jamais su pe quMl lui a pris et ce qu'il 
lui a donné! C'est un romancier, — un 
oncle à M. Octave Feuillet. Il a cette moralité 
de sceplique qui n'est sûr de rien, celte 
mondanité morale, chère aux mêmes petites 
mamans qui veulent que les enfants aient des 
collerettes blanches, n'ayant pas plus que 
M. Feuillet une idée de morale solide appuyée 
sur un principe dans sa tête mûre, terrible- 
ment plus mûre que celle du neveu Feuillet, 
et n'ayant pas, comme M. Feuillet, la pré- 
tention au raffinement, prise à respirer ce 
flacon de senteur qu'on appelle Alfred de 
Musset... Comme peintre, M. Sandeau est un 
cataplasme assez doux pour les porteurs de 
visières vertes. Aussi a-t-il publié, chezBuloz, 
uii grand nombre de ses romans ; l'autre 
nombre le fut chez Pitre-Chevalier, au Musée 
des Familles, Puis, de Buloz en Pitre, il est 
entré à l'Académie; — à rxVcadémie, qui 



M. JULES SANOEAU ^3 



veut des romanciers, la charmante moderne 
qu'elle est ! qui ne voulut pas de Balzac, il 
est vrai, mais qui prend des Sandoau tant 
qu'il y en a, et laisse là Léon Gozlan!... 
Léon Gozlan, un esprit chaud, coloré, con- 
densé, aiguisé, vivant et vibrant, plein d'in- 
vention, un maître qui fait d'abord le dia- 
mant et qui après le taille, et quand il n'a 
pas de diamant, qui prend un bouchon de 
liège et en fait sortir le feu du dianvant par 
une incroyable magie!... ibis savent-ils 
même à l'Académie qu'il existe un Léon 
Gozlan?... 

Que pense M. Sandeau en })hilosophie^ en 
histoire, en législation, en politique, en re- 
ligion, la question suprême? On sait tout cela 
d'un grand romancier. Je le dirai de Daniel 
de Foe, de Walter Scott, quand on voudra ; 
mais M. Sandeau n'est pas un grand roman* 
cier* C'est un petit conteur de contrebande, 



84 M. JULES SANDEAU 

rompu au métier, qui a grapillé dans la vigne 
à Goldsmilh, et à Walter Scotf, et qui nous a 
souvent gâté le raisin qu'il y a volé. D'essence 
et d'élégance naturelle, c'est, ou plutôt c'était, 
un clerc de noiaire. Je l'ai vu, — autrefois, 
— faire le dandy en loge avec une grosse che- 
valière à pierre brillante, por-dessus un gant 
beurre frais, qui n'était pas très-frais. 11 a eu 
les mêmes goûts et les mêmes malheurs 
qu'Alfred de Musset, et il disait, montrant 
sa tête chauve : « Elle m'a pris mon dernier 
cheveu et ma dernière illusion. » Mais, comme 
Alfred de Musset, il a'a pas fait son saut de 
Lcucade dans Tabsinthe. Il a piqué dans le 
solide, les huîtres, le pâté de foie gras et les 
côtelettes. Guéri de passions, marié d'ailleurs, 
il est devenu un ventre rondelet et tranquille 
qui emplit très-bien son fauteuil d'Académie. 
M. de Pontmartin s'est longtemps dévoué à sa 
gloire. Mais lui, l'ingrat, pourquoi ne s'oc- 



M. DERRYER Si 



cupe-t-il pas un peu plus de faire entrer à 
rAcadémie M. de Pontmartîn?... 



XXIX 



M. BERRYER. 



C'est la Politique, — c/est-à-dirc — ce 
qui devrait être interdit à rAcadémie, — et 
ce qui scandaleusement y règne, '• — c'est la 
Politique, non la Littérature, qui a fait de 
M. Berryer un académicien. Il n'y pensait 
même pas. Mais on le voulait... pour avoir 
la grande voix légitimiste dans le concert 
contre FEmpire, et il se laissa faire! Et, 

'8 



8ti 31. BEURYER 



comme les enfants gâtés qui se sentent des 
enfanis gâtés, et vont devenir des enfants ter- 
ribles, il déploya, le jour même de sa récep- 
tion, l'impertinente indifférence d'un homme 
qui oblige plus qu'il n'est obligé... Il est 
d'étiquette de lire son discours à l'Académie. 
«Je ne sais pas lire, dit-il ; je ne sais pas 
écrire ; je ne sais que parler. » Et il le prouva, 
car il lut fort mal. Superbe mal portée! 
Grand seigneur étudié au Théâtre-Fran- 
çais ! 

Quant au talent inacadémique de M. Ber- 
ryer, c'est un acteur, ce a'est pas un orateur. 
Et encore, un acteur qui n'est pas le maître 
de son art! car on voit toujours qu'il joue la 
comédie et qu'il le sait,,. Sa voix est belle, 
mais il l'écoute trop. Son geste est ample, 
mais il le suit trop du regard... et il pue, 
d'ailleurs, la grand'manche. C^est comme les 
lapins du poëte t 



M. «EP.RYEP. 87 



Sentant cncor les choux dont ils furent nourris. 

Les choux dont fut nourrie l'éloquence de 
M. Berryer, cV>st la cour d'assises... Quand 
les événements parlementaires d'une époque 
sans grandeur firent de lui un homme poli- 
tiquQ, il n'a jamais été pour moi le ministre 
plénipotentiaire ou le directeur d'un parti. 
Ni Bolingbroke, ni MirabeauJ Non, non, 
mais toujours l'avocat, le simple avocat en 
cour d'assises de la légitimité! Tête nulle en 
politique, comme doil Têlre toute tête d'a- 
vocat qui ne voit dans tout que des chicanes 
à faire et des malices à combiner! Ayant, du 
reste, l'expansion, la verve facije, l'épicu- 
réisme, la main tendue... à trop de gens, et 
le qu est-ce que cela fait?.., des orateurs, ces 
grands lâches, non! — mais ces grands 
lâchés^ qui devraient porter une ceinture et 
qui n'en portent pas, laissant tout aller comme 



88 M. BERRYKR 



cela peut, et cela fait parfois de vilains spicc- 
tacles. Rappelez-vous le trop de facilite des 
mœurs de Fox, dont le cœur était excellent? 
Il y a un peu du tempéramwit de Fox daiis 
M. Berryer, Mais quelle infériorité de talent, 
focile à expliquer. . . La salle des PaS'Perdu$ 
et des Conférences pendant quarante ans! 
Croyez-vous que Fox lui-même y aurait ré- 

olol^ • • • • 

c< Quand les hommes s'assemblent, — 
disait madame Roland, — leurs oreilles s'al- 
longent. » 



M. EMILE ÂUGIER 80 



XXX 



M. EMILE AUGIER 



Très-inférieur à l'auteur de M. BoUe^ son 
grand-père. Il n'en a ni Tobservation ni la 
gaieté. Esprit morose qui ne demanderait pas 
mieux que de rire, caria \ivc bulle du sang de 
Pigault-Lebrun doit de temps en temps polis- 
sonner dans ses veines ; il n'attrape jamais 
que le rire acide ou le rire plat. Fruit le plus 
sec de la poésie contemporaine, il s'est tou- 
jours cru du poêle quelque part, et c'est même 

ce qui Ta perdu. Il a fait le recueil de ri- 

8. 



flO M. EMILE AUGIER 

gueur. Les Pariétaires^ je crois. Pourquoi les 
Pariétaires? On n'a jamais pu le savoir, 
L'auleur y veut être le plus Henri Miirger 
qu'il peut. Or, Henri Mûrger n'était que le 
groom d'Alfred de Musset. C'est donc un 
groom de groom. Quelle splendeur !! ^Danscc 
premier mouvement de poésie impuissante, 
qui continue toujours, dit-on, dans sa tête, 
M. Emile Âugier fit la Ciguè pour l'Odéon : 
pièce de dix-huit ans, comme on en jouait 
chez les Jésuites, à la récréation des prix. Ceci 
le retourna do sa poésie de muraille ; il se crut 
poëlc comique, et il aborda la comédie de 
Molière avec des facultés qui n'égalaient pas 
celles de Scribe. Il parlait la même langue 
française : le parisien, ce parisien que l'on 
•parle dans les salpns meubles en acajou. On 
ne sait pas le plus bourgeois en lui, du pro- 
sateur ou du poëte. Avant le Fils de Giboyer^ 
qui avait une prétention politique, qu'on p'est 



M EMILE AL'GIEU 01 



fail sllf^l^aIrinlClit escompter par les appLui- 
dissemenls anlilittéraires des partis, il n*avait 
guère fait que des pièces à filles entretenues. 
Sans la fille, il manquerait de sujets... Ce- 
pendant toute la société française n'est pas 
uniquement sous le réverbère. 

Il est devenu académicien, mais un peu 
plus de gaieté, — la»chose impossible, — en 
aurait fait un vaudevilliste. Seulement, il 
aurait dû, l'homme des Pariétaires, s'ad- 
joindre quelqu'un pour tourner le cou])let. 
Parmi les comiques les plus oubliés du pre- 
mier Empire, il n'en est pas qui n'ait plus de 
talent que lui. Picard a du moins fait la Petite 
Ville. Mais où est la Petite Ville dans les 
œuvres de M. Âugier?... 

Comme M. Feuillet, il appartient par la 
nature de son esprit, de son ame et même par 
les traits de son visage, aux hommes du règne 
de Louis-Philippe. Est-ce pour cela qu'à l'A- 



î»2 M. LEBRUN 



cadémie il n*a pas été discuté ? Si ses opinions 
sont napoléoniennes, la nature de son esprit 
pourrait un jour trahir ses opinions. II est 
aussi, comme M. Feuillet, de lu section des 
jeunes à TÂcadémie ; car il y a maintenant à 
TAcadémie le banc, le petit banc des Jeunes, 
— des Jeunes... vieux ! 



xx.\i 



M. LEBRUN 



H a fait sa Lucrèce^ lui, bien avant Iw^rèce. 
C'est Marie Stuart^ tragédie, ancien grand 
modèle. 



W. LFBr.UN o: 



D'Avrigny aussi avait fait une Marie Stuart^ 
et il ne fut point de rAcadémie. Les Géronte 
s'avisent parfois d'être capricieux comme de 
jolies femmes .. Sans l'inconséquence, le 
pouvoir serait moins doux. 

M. Lebrun a écrit un poëme sur la Grèce 
moderne...^ en vers, qui rappellent, en les 
affaiblissant, les Messéniennes de Casimir 
Delavîgne. C'était le temps alors, le glo- 
rieux temps pour la langue française , où 
tout ce qui avait instinct de poésie, flamme , 
au cerveau, réflexion trempée aux grandes 
sources, essayait de ressusciter des rhylhmcs 
anciens ensevelis,. et où le triomphe était d'en 
créer de nouveaux, d'audacieux et de diffi- 
ciles. M. Lebrun prit ce temps-là, lui, pour 
se déboutonner, sans tant de façon, dans le 
vers libre, use par la poésie du dix-huitième 
siècle. — Et l'Académie fut si touchée de 
cette commodité classique, introduite comme 



9i ♦ M. DÉSIRÉ NISARD 

m • • • ■ • • — ■ ■ .... .. 

un rond de maroquin vert sur les plus belles 
ruines de la Grèce pour les chanter plus à son 
aise, que, du coup, elle nomma M. Lebrun 
académicien, lequel se tut,., du coup iDormit 
scmper Homems! 



XXXII 



M. DÉSIRÉ NISARD 



* 

Comme M. Villemain, dans le cours de ses 
premières études, M. Nisard fut presque un 
enfant célèbre... Mais pour être, Thomme 
n'a pas besoin du souvenir de Tenfant. — 
CV^st un humaniste comme on le fut au sei- 



M. DÉSIRÉ NISARD 95 



zième siècle. II débuta par un genre de clas- 
sique qu'on ne connaissait pas; hardi, ner- 
veux, indépendant, qui dit son fait vertement 
aux Excessifs du romantisme, alors les maîtres 
du terrain . Cela était jeune, et cela n'était pas 
pédant! ce qui ne s'était jamais vu parmi 
les classiques. Le martifeste contre la liltéra- 
tare facile se lit encore et restera. Charmante 
révolte de l'esprit français contre \es étrangetés 
et les choses étrangères d'un romantisme qui 
nous venait trop du dehors... M. Nisard n'en- 
tendait pas qu'on dénationalisât la littérature. 
Depuis cette époque de combat M. Nisard s'est 
élevé. C'est l'amour le plus vrai des lettres 
dans une superbe intelligence tempérée. Il 
aîme Bossuet, et c*est sa seule intempérance* 
Car Yimilation de ramour tombe dans le 
courant clair et limpide de sa propre origina- 
lité, et son naturel, qui est si sain et si vrai, 
en est troublé... Grand critique par le senti-- 



96 M. DÉSIRÉ NISÂUD 



ment, la sensation, Tintuition, lai culture qui 
est exquise, il n'a qu'un défaut, à mon sens : 
c'est de ne pas appuyer sa critique sur des 
principes assez fixes pour empêcher son grand 
esprit étendu d'être inconséquent. Tel est le 
reproche à faire au beau livre sur la Liltéi^a^ 
ture française qu'il vient de publier. Inconsé- 
quence, oui, — ici et là, — mais, dans son 
inconséquence même, quelle conscience litté- 
raire plane partout ! 

11 a fait un livre excellent sur l'Angleterre, 
dans lequel cette tête classique accusée de 
froideur, '■ — mais c'est aussi le reproche qu'on 
fait aux femmes vertueuses, — a dit les plus 
belles choses et les plus profondément pensées 
qui aient été écrites en français sur lord 
Byron... Bonapartiste de la première heure, à 
la manière de Carrel, dont il fut l'ami, — ils 
n'ont parlé de République que quand ils n'ont 
plus eu de Bonaparte, — il écrivit au National 



M. DÉSÏRÉ NISARD 97 

de 1854. Homme d'ordre, il accepla par 
raison les gouvernements intermédiaires ; 
mais avec quel frémissement de plaisir il est 
allé à Napoléon III ! 

Dernièrement, il a écrit an Moniteur de bons 
articles sur l'histoire de M. Thiers {le Consulat 
et VEmpire)^ qui auraient été bien meilleurs, 
s'il n'avait pas été académicien... Le confrère 
a faibli... Un critique contemporain à l'Aca- 
démie a trente-neuf personnes qu'il ne peut pas 
toucher trop fort. Les Académies remplacent 
par le sentiment corporatif le sentiment de la 
vérité; et c'est ainsi que les académiciens, 
même les meilleurs, sont forcément, toujours 
plus ou moins, leà larrons en foire de la litté- 
rature ! 

En somme, homme de grand goût litté- 
raire, bonapartiste rare à l'Académie, sur 
qui l'Empereur pourrait compter, au milieu 
des académiciens, M. Nisard serait, dans 

9 



^ * » 

* * * rf 

- - -• * . 

4 



4 



4 



A 



98 W. FLOLRKNS 



sa plus pure notion, un véritable académicien, 
si rAcadcmic était restée ce qu'elle devait 
elre... 



xxxim 



M. FLOURENS 



GVsl de la science en papillotes. Délicieux 
pour les petites filles du Sacré-Cœur. Qui 
sait? Les petits garçons, qui deviennent si 
forts, le trouveraient peut-êlre un peu faible. 
M. Flourens est le Petit-Poucet, non mangé, 
mais pondu par Buffon. Quelqu'un, que je ne 
nommerai pas^ rapficla un jour Buffonnet^ 



M. F.LOURENS 90 



pour lui être agréable, mais je ne crois pas 
qu'il ait senti le compliment. C'est le plus 
naturaliste des littérateurs, et c'est le plus lit- 
térateur des naturalistes. Aussi est-il des deux 
Instituts, corbleu! Très-agréable anecdotier 
scientifique, qui, comme ce diogénique M. Ba- 
binbt, bien plus amusant dans le capharnaûm 
de son appartement que dans ses livres, met 
la science à la portée de ceux qui ne savent 
absolument rien. Ils sont, Tun et l'autre, de 
vocation, professeurs de tous les MM. Jourdain 
de la terre, lesquels crient en les écoulant : 
Vive la science ! du fond de leur aneiie. En- 
gageant, insinuant, émérillonné, M. Flourens, 
qui a l'esprit léger, ne craint pas de faire 
Turlututu à la Science majestueuse, comme 
s'il revenait de Saint-Cloud, et de compro- 
mettre sa gravité par des thèses paradoxales, 
qui s'élèvent, sans trembler, jusqu'au ridi- 
cule. (Voir sa Longévité.) M. Flourens est le 



iCO W. FLOURF.NS 



plus joli gazon de rAcadémic. Je parle des 
gazons ! La plus jolie perruque sur une tête 
fine. Ce n'est pas cette perruque-là, trouvée 
au coin d'une borne, que Frédérick-Lemaître, 
le créateur, brimballe au bout de son crochet 
(dans le Chiffonnier) et précipite dans sa 
hotte, en disant avec Temphase d'un comique 
gigantesque : 



ACADÉMIE FRANÇOISE! 



Déplacé donc par Tcsprit, la vie, les ma- 
nières aimables et la perruque, à TAcadémie, 
c^est le comble de la séduction et du mystère 
qu'il y soit entré. Comment s'y est-il pris? 

Il devrait bien le dire à M. Jules Janin! 



M. DE LAMARTINE 101 



XXXMW 



M. DE LAMARTINE 



Le génie heureux, abondant, qui n'a rieu 
fait pour être sublime et qui l'est, mais qu 
a beaucoup fait pour ravaler, hélas ! le plus 
chaste et le plus idéal génie aux choses mes- 
quines de son temps et à ses partis les plus 
coupables ! Romantique sans qu'il le sache, 
comme il a du génie sans que cela lui coule 
une minute de peine, M. dp Lamartine n*était 
pas, comme M. Victor Hugo, uu chef de parti, 



!». 



^ "^ Kfc»»^! 



102 M. DE LAMARTINE 

ayant oriflamme ; tenu par conséquent sur son 
honneur littéraire de ne jamais entrer à l'Aca- 
démie, quand même elle se serait mise à genoux 
devant lui, ce qu'elle n'a pas fait. Mais comme 
Alfred de Vigny, le poète d'albâtre, comme 
M. Prosper Mérimée, trop académicien aussi 
par le silence, il n'y est pas à sa place et il y fait 
une énorme tache de lumière. Qu'y a-t-il de 
commun, en effet, entre l'auteur des Médita- 
tions qui n'est pas, — je le sais bien, — un 
aussi grand poëtc dans ses Méditations qu'on 
l'a dilj quoiqu'il en soit un bien grand déjà; 
mais surtout entre l'incomparable poëte des 
Harmonies et de la Mort de Socrate^ — deux 
choses immortelles et belles comme tout ce 
qu'il y a au monde de plus beau, — et les 
professeurs encuistrés et les gens. à bon sens 
aplati, et les rimailleurs de l'Académie! Le 
flot d'azur de son destin, si lo.igtemps heu- 
reux, l'a poussé un jour, plus qu'il n'y est 



M. DE LAMARTINE 105 

allé de lui-même, dans ce havre de vieux 
hérons . moroses qui n'était pas fait pour un 
oiseau du Paradis comme lui, et il s'aperçoit 
maintenant à quelle espèce il s'est appareillé. 
Je n*ai point à juger ici M. de Lamartine 
comme homme et comme écrivain politique. 
Sur ce terrain-là, ce n'est plus le divin La- 
martine. Il s'y brise et brise le cœur de ceux 
qui savent l'aimer. Je dirais des choses trop 
sévères pour lui, trop tristes pour moi, et 
inutiles ici , car il ne s'agit que des acadé- 
miciens en ces Médaillons, et c'est le poëte 
qui iSt entrer M. de Lamartine u l'Académie. . . 
Depuis qu'il y est, du reste, 1 homme poli- 
tique vaincu n'y a pas, du moins, comme les 
autres Déchus politiques qui y fourmillent, 
• clabaudé misérablement contre le pouvoir qui 
nous a sauvés de leurs fautes et de leurs sot- 
tises... Il ne va pas même à leurs séances, et 
il en sourit... Le mépris ne tombe bien que 



104 H. GUIZOT 



d'une cime. C'est même la hauteur d'où il 
fombe qui en fait vraiment le mépris ! 



XXXV 



M. GUIZOT 



Comme M. Thiers, M. Guizot est un échan- 
tillon des grands hommes que, sous Louis- 
Philippe, on nous fagotait! La Postérité les 
déshabillera de leur grandeur, et ce terrible 
valet de chambre aura la main dure, je les 
en avertis! M. Guizot, à T Académie, repré- 
sente et incarne la fusion, inventée par lui, 
le dernier concubinage de ce grand Concubi- 



A. *' - ' -.- _„„, — ib < t <i ■ » ■" 



M. GUIZêT ^(J5 



naire politique qui a toujours aimé à coucher 
avec tous les partis! Mystification ^mère et 
méritée à une époque niaise, qui se prend à 
la glu de quelques paroles, sévères et senten- 
cieuses! L'Opinion, — la grosse Opinion, 
— cette madame Brid'oie, — accepte présen- 
tementromme le plus honnête homme politi- 
que qui ait jamais existé M. Guizot, M. Guizot, 
qui a fait la coalition de 1859, c'est-à-dire 
qui a vautré sa main dans celle de tous les 
partis, Droite, Gauche, Centre gauche. Ex- 
trême Gauche, pour faire tomber M. Mole, 
l'homme du gouvernement, dont, depuis, 
M. Guizot a été encore plus l'homme ! Aujour- 
d'hui incorrigible et dailleurs désespéré 
d'une chute dont il ne devrait avoir que 
honte, il refait contre TEmpire cette coalition 
dps partis sous le nouveau nom de fusion et 
il n'y /bnd pas son honneur. Comment donc? 
Au contraire! II y a des entêtés qui ferment 



•106 M. GUIZOÏ 



les yeux et qui répètent leur mot c< d'honnête 
homme politique, » en s' extasiant sur cette 
grande moralité, verbale et verbeuse, qu'a 
flétrie un jour M. Royer-CoUard, un voisin 
de Canapé cependant! « Vous Tavoz appelé 
un austère intrigant, — lui reprochait- 
on. — Non^ dit Royer-Collard, je n'ai pas 
dit austère. » Corrupteur puritain, qui 
demandait aux électeurs deLisieux : « Vous 
sentez- vous corrompus? » comme si les gan- 
grenés sentaient leur gangrène ! M. Gui- 
zof est uij Walpole sans habileté, qui ne 
sait pas tirer parti de la corruption ; mais 
son immoralité n'est pas dangereuse, comme 
, toute immoralité qui se respecte devrait Têtre. 
A l'Académie, comme au pouvoir, il est bien 
plus pour la décoration qiie pour autre chose, 
car, tie vous y trompez pas, cet homme sans 
couleur dans le talent est très-extérieur. Il a 
bien plus les attitudes du pouvoir que les 



i 



M. GUIZOT i07 



apUtudes. Il n'aurait jamais voulu être le 
P. Joseph du Tremblay, FEmincnce grise, le 
conseil occulte de Richelieu, d'abord parce 
que sur rien ce sceptique peint en dogma- 
tique 'n'a de conseil décisif k donner, mais 
surtout parce qu'il aurai* été TÉminence 
grise, tandis qu'il eût haleté de désir d'être 
« la rouge, » quand même, au lieu d'avoir 
du génie, elle aurait été une grande sotte. Le 
tout, pour lui, est d'être, le titulaire du pou- 
voir. Or, ce qu'il a été aux affaires qu'il ne 
faisait pas et où il ne fut jamais que le do- 
mestique de Louis- Philippe et son porte-voix 
parlementaire, il l'est encore à l'Académie. 
M. Cousin a des indiscrétions de haine qui 
cherchent des échos. M. Villemain, retors 
comme toute sa personne, se reploie comme 
im tire-bouchon pour mieux percer; l'un est 
l'intrigant en plein vent, l'autre l'intrigant 
sous lèvent, mais leurs passions contre l'Em-^ 



108 M. GUIZO'f 



pire sont intéressées, envenimées, toujours à 
Taffût. M. Guizot, lui, n'intrîyue et n'a de 
passion que pour son importance, et son 
importance n'est qu'une étiquette. C'est l'Or- 
léanisme même à l'Académie. 

La Maison d'Orléans lui a passé procura- 
tion... Toujours porte- voix, il y sonne le 
rappel de la fusion avec sa parole^ creuse 
comme un tambour. C'est lui, mais assisté 
de MM. Villemain et Cousin, qui a fait passer 
MM. de Carné et Dufaure aux élections d^- 
nières. Quoique le règlement académique, 
violé à chaque élection , interdise formelle- 
ment à chaque académicien, sous peine de 
de pas voter y toute promesse à un candidat 
quelconque, le Comité directeur de l'Aca- 
démie s'était engagé à porter l'abbé Gratry 
pour remplacer le P. Lacordaire, quand 
tout à coup il fut illuminé de l'idée que 



I 



M. GUIZOT 100 



W[f Du&fire, le ministre tombé, — on les 
ramasse piètrement, tous ces pauvres cassés ! 
— et M. de Carné, de la Reme des Deux 
Mondes^ seraient plus dans Tcsprit et des 
passions de TAcadémie que ce prêtre tran- 
quille, qui aurait parlé du moins de Lacor- 
daire avec compétence, dans son discours de 
réception. Alors, on reprit tout doucettement 
à l'abbé Gratry la parole. qu'on lui avait 
donnée, l'assurant, avec de grandes ten- 
dresses, que la prochaine élection serait pour 
lu^. L'académicien édifié qui m'a raconté 
cette histoire prédisait que l'abbé Gratry, 
qui s'était laissé, avec tant d'innocence, tire- 
bouchonner par M. Villemain une promesse 
qu^il croyait si bien tenir, devait renoncer 
à l'Académie tout le temps qu'il y aurait des 
Orléanistes à placer, et il y en aura toujours ! 

En littérature, M. Guizot a été aussi surfait 

io 



lie M. GUIZOT 



qu'en politique. II est de Tépoque où tout 
professeur à petite allusion contre le gouver- 
nement des Bourbons de la branche ainée 

m 

était immédiatement porté à dos d'âne sur 
le pavois de la popularité. Son Histoire de la 
civilisation^ — titre ambitieux de cet ambi- 
tieux vide, qui n'a vu jamais partout que des 
litres, — son Histoire de la civilisation a 
commencé sa renommée, mais elle Tachè- 
vera... Il y a certainement là dedans du ren- 
seignement historique; Thomme s'y vide de 
ses lectures; mais des vues nelteS| réelles, 
profondes, on les cherche sous cette gravité 
qui ne cache rien. On n y parle que doctri- 
naire. Les éléments y reviennent sans cesse. 
Phraséologie vague qui embrouille, au lieu 
d'éclairer! On y confond et on y additionne 
comme étant d'ordre identique les choses 
d'un ordre différent ; par exemple, Vêlement 
gaulois, Vêlement germanique, Vêlement ro- 



1 . 






M. GUIZOT lli 



main et le christii(nisine . C'est comme qui 
additionnerait trois bonnets de coton et un 
canif pour faire quatre bonnets de coton! 
Le christianisme et même l'Église, ces faits 
immenses, ont imposé à M. Guizot un respect 
dont il faut lui savoir gré, quoiqu'il y ait 
dans ce respect plus d'immobilité d'esprit 
fasciné par des faits terrassants que de com- 
préhension et de lumière; mais, dès que 
le protestantisme apparaît dans l'histoire, 
M. Guizot se trouble , et le sectaire aveugle 
l'historien... Le style qui fait les livres et 
qui les fait vivre manque totalement à 
M. Guizot. Cette affirmation va paraître pres- 
que aussi scandaleuse que le nom de cour- 
tisane politique donné à cette haute prude 
de propos, qui n'a cessé de faire sa tête 
et de prendre de grands airs de vertu 
dans l'exercice de son vice; mais la Postérité, 
qui n'aura pas nos lâches complaisances 



.H2 M. GUIZOT 



OU nos relations esclavaSi jugera ferme... 

Pas plus Français de langage que de poli- 
tique, M^ Guizot, quand il ne parle pas doc- 
trinaire ^ parle calviniste. Ce qu'on appelait 
le style réfugié autrefois valait mieux que le 
sien; lui, c'est un style à fuir. Monotone, 
anguleux, froid, n'ayant de couleur que celle 
de la bile, d'un sérieux de mort, d'un em- 
phatique de catafalque, souverainement en- 
nuyeux, — ce qui, je le sais bien, est une 
force dans la France moderne ! — le style de 
M. Guizot n'a pas même la plus vulgaire cor- 
rection. Si un granimairien dévoué voulait se 
livrer à la rude besogne de souligner les fau- 
tes grammaticales dans les écrits du célèbre 
professeur, on serait étonné, mçme ailleurs 
qu'à l'École normale, et tous les professeurs 
de France se cacheraient la tête dans leur 
- robe. On serait un moment sans les voir, et 



M. OUIZOT 115 



ce serait toujours cela!... Un jour, on fera 
peut-être ce travail utile. Le protestantisme 
de M. Guizot redouble nécessairement son 
orléanisme, car Torléanisme est essentielle- 
ment protestant. Les fils de M. le duc d'Âu- 
maie sont en ce moment élevés -en Suisse 
dans une pension protestante. Comme tout se 
voit partout maintenant, la vieille monarchie 
catholique d'Espagne a pendu au cou du pro- 
testant M. Guizot une de ses Toisons d'or, 
après les mariages espagnols ; 

Que pensent-ils de nous, les hommes qui sont morts? 

Que durent penser dans leurs cercueils 
Philippe II et le grand duc d'Albe?... C'est 
à en ressusciter de colère, pour en reniourir 
de fureur ! 



10. 



■^ •* ^^^ 



11i M. LE COUTE DE SËGUR 



xxxm 



H. LE COMTE DE SËGUR 



Un Ségur qui a porté son nom charmant 
avec plus que la grâce, héréditaire dans sa 
race. La grâce, il Tavait de naissance. Il 
avait l'élégance de talent qu'exprime bien 
le nom de Ségur, et il le prouva en écri- 
vant, d'une plume svelle et nette, d'abord 
une Histoire de Pierre P% et surtout Y His- 
toire de Charles VIII ^ qui est un petit bijou 
historique; mais la force, et même la gran 
deur, lui poussèrent! Il les eut tout à 



M. LE COMTE DE SÉGUR ii5 

dans son Hùtoire de la campagne de Russie. 
Le sujet était épique. M. de Ségur fut souvent 
aussi épique que le sujet. On l'a comparé au 
Xénophon de la Retraite des Dix-Mille; mais 
lui, c'est un Xénophon pathétique. Il faut 
saluer ce feuteuiHà à l'Académie, et d'autant 
plus, qu'il nous fait mieux voir comment 
lès autres sont remplis. Tenez, par exemple, 
voyez celui-ci : 



ne ^ M. PATIN 



XXX¥II 



M. PATIN 



On lit ses œuvres par le dos, mais on ne 
les ouvre pas. Les voici donc... par le dos. 
Des Mélanges de littérature; — des Études 
sur les tragiques grecs; — une collaboration 
à la Revue encyclopédique et à la Revue des 
Deux Mondes^ qui est allée... où vont les 
vieilles lunes. Comme fleurs de jeunesse cou- 
ronnant ce front timide, on trouve encore 
V Eloge de le Sage et Y Eloge de de Thou. Tout 
cela ne l'aurait peut-être pas mis à TAcadé- 



M. PATIN 117 



mie; mais M. Patin a été le suppléant de 
M. Villemain, hein! hein! Le suppléant! 
que dis-je? Il en a été l'imitateur attentif, 
scrupuleux, idolâtre, mais qui reste à son 
rang derrière la chaise de Monsieur, — qui 
crache comme Monsieur, — qui se mouche 
comme Monsieur. 11 s'est Villemainàé le 
plus qu'il a pu; tout en restant Patin : n'ou- 
bliez pas celte nuance heureuse! C'est un 
homuvculm de Villemain; un. Villemanus- 
culus^ diraient les latinistes. Un tabouret lui 
suffisait auprès de M. Villemain. 

Un fauteuil près mon oncle!! un tabouret sufût ! 

Mais, comme il n'y a pas de tabouret à l'Aca- 
démie,- on l'a fourré dans un fauteuil. Ce 
Patin patine peu sur la langue française, et 
il n'y fait point d'arabesque. 



118 M. ERNEST LECOUVf: 



XXX¥III 



M. ERNEST LEGODYÉ 



Tombe aux pieds de ce sexe à qui tu dois ta mère! 

disait son père. Le fils a obéi. Il y est tombé. 
Il a écrit VHiitoire morale des femmes ^ se 
privant du sujet contraire, qui eût été plus 
gai, mais qui n'aurait pas eu le même suc- 
cès... régulier. Les femmes Tout relevé, Tout 
trouvé charmant. Il a fait un Cours pour 
elles et sur elles, où elles sont venues s'atten- 



M. ERNEST LEGOIIVÉ ilî) 

drir et applaudir. Enfin, c'est leur homme 

Et qui jure pour elles, quand elles ont besoin 
Qu'on jure» 

M. Ernest Legouvé est un abondant... trop 
abondant ! Il a produit des romans, Max, len 
Vieillards j Edith de Faken; des pièces de 
théâtre : Louise de Lignerolles^ Bataille de 
darnes^ des poèmes, des traductions. On n en 
finirait pas de nommer touti 



Je fais des médaillons et non des catalogues ! 



Toujours dévoué a au sexe auquel il doit 
sa mère, » toujours le serviteur passionne, 
mais moral de la femme isolée, autant que 
de la femme en masse, il fit Adrienne LecoU'^ 
vreur pour mademoiselle Rachel, qui lui fit 
son succès. Il écrivit encore pour elle une 
Médée; mais, comme mademoiselle Rachel 
ne la joua pas, la pièce est restée dans son 



4:^0 M. ERNEST LEGOUVE 

néant... natif. II écrivit aussi je ne sais quoi 
pour madame Ristori. M. Legouvé est un des 
plus brillants écrivains du Siècle^ ce fier et 
magnifique journal ! 11 y tartine sur l'Italie, 
qu il compare à une femme... bien entendu! 
Il s'est tourmenté beaucoup, en ces derniers 
temps, pour faire donner la croix d'honneur 
à mademoiselle Samson, — non l — - mais à 
M. Samson, qui n'est pas une femnie cepen- 
dant! Il n'a pas encore réussi; mais, en 
attendant qu'il réussisse, il le fera sûrement 
entrer à l'Académie, et il placera le fauteuil 
de M. Samson près du sien... 



M. DUFAURE 1/1 



XXXIX 



M. DUFAURE 



Les avoues le disent bon juriste, mais 

ennuyeux, et vous pouvez vous demander ce 

que doit être un ennui, senti par des avoués! 

On dit qu'il a des velléités philosophiques 

dans la tête.^. mais elles n'en sont jamais 

sorties. En littérature, comme MM. Dupin et 

Berryer, c'est un avocat. Il a été mêlé à de 

la politique. Il était du centre gauche, de ce 

pauvre petit parti, plus bas que la gauche, 

qui faisait les appoints à la Chambre et qui 

11 



12^ N. DUFAURE 



tournait sur pivot au cominandement de 
M. Thiers, le vent de ces girouettes^ soufflant 
de Grandvaux ! Comme homme politique , 
c'est encore un avocat, et comme avocat, c'est 
un nez qui a de la logique^ comme une ta- 
batière suisse a de la musique. Mais ce n'est 
ni comme homme politique, ni comme 
littérateur , ni comme avocat , ni comme 
nez logicien, qu'il est entré à TAcadémie. 
C'est comme ministre des d'Orléans, en 
morceaux. On sait qu'on en fait le recol- 
lage à l'Académie. J'ai dit plus haut (médail- 
lon GUIZOT) comment il y a été reçu, en 
attelage avec M . de Carné. 



M. SAINTE-BEUVE 1S3 



XL 



I. SAINTE-BEUVE 



Certes, c*est un homme d*esprit, et même 
c'est ce que j'en puis dire de mieux. Je 
m'obstine à soutenir qu'il a eu un jour du 
génie — du génie, malade, il est vrai — dans 
Jotiepk Delorme^ mais il n'a recommencé ja- 
mais. Depuis ce jour, unique dans sa vie, il 
a eu beaucoup de talent, noyé dans un bavar- 
dage inondant, -— car il a dans la plume ce 
prurit albumineux que M. Thiers a sur la 



Mi M. SAIiNTE-BEUVE 

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langue. C'est un romantique de la première 
heure, resté romantique par-dessous, — on 
ne guérit pas, heureusement, de ce bon mal- 
là ! — Cest un causeur amusant, bien plus 
amusant au coin de son feu ou de sa table, 
portes fermées, qu'au coin du Constitution- 
nel , où il commence de rabâcher. Enfin , 
c'est, 5 ce qu'il semble, tout le contraire d'un 
académicien, du moins d'un académicien de 
nos jours, tel que la mort a fait ce vieux 
môme! Eh bien, cependant, M. Sainte-Beuve 
est aussi académicien que pas un des Qua- 
rante, et il sied à l'Académie ! Contraste et 
mélange singuliers ! La nature de M. Sainte- 
Beuve est très-complexe. 11 était du G/oi^. 
H était des réunions Hugo, Il a toujours aimé 
les coteries, qu'il appelle des. cénacles. Son 
dernier cénacle est l'Académie l II vous en 
dira du mal, mais il s'y. plaît.' Professeur 
échoué sous 1q vent des sifflets, mais profes- 



M. SAINTE-BEUVE 125 

«eur en diable, aimant le professorat, parce 
que le temps qu'il professe on ne le contre- 
dit pas, et que cet homme d'esprit, à colères 
de dindon, ne peut souffrir d'objection quel- 
conque; lettré, d'ailleurs, comme un man- 
darin de première classe, M. Sainte-Beuve 
aîmeeette Sainte-Périne de professeurs qu'on 
iappellè r Académie, et il y va tous les jours 
de séance, pour y pcdantiser un peu,., et 
pour y chercher provision^ de commérages 
et de petits scandales qu'il saura distiller plus 
tard. 

' C'est donc un académicien par goût et par 
nature, qiie M. Sainte-Beuve ! On ne peut pas 
dire de lui jcomme d'Alfred de Vigny^ comme 
de M. Mérimée, comme de M. de Lamartine, 
qu'il est déplacé à l'Académie. Autrefois, 
quand le. pédantisme du professorat ne le 

tenait pas à la gorge, il aurait eu la tête plus 

H. 



j j 



y J 



i-25 M. SAINTE-BEUVE 



haule que le dossier de son fauteuil : mainte- 
nant il Ta plus bas. 

C'est Balzac qui prit un jour M. Sainte* 
Douve dans ses mains redoutables, et qui te fit 
(lanserjusquaueiel, lequd, ce jour-là , ne fut 
pas pour M. Sainte-Beuve un paradis... On 
crut voir le géant Pantagruel jouer avec un 
Polichinelle de quatre sous. Mais Balzac, tout 
génie qu'il était, a été injuste. M. Sainte- 
Beuve a bien des défauts... et même plus; 
mais il n'est pas ennuyeux, comme le dit 
Balzac. 11 est vrai que Tennui est une sensa- 
tion relative... Ma sensation, à moi, c'est, au 
contraire, qu'il est amusant. Malsain, oui... 
comme bien des choses amusantes ! entortillé, 
précieux, oui encore. . . mais amusant ! Ce n*est 
pas d'agrément qu'il manque, mais de netteté, 
de trempe et de solidité d'esprit. Ceci est 
plus grave que de manquer d'agrément. 



M. SAINTE-BEUVE 127 



M. Saijite-Beuve est fin, mais on Ta dit de 
M. de Rémusat ! Il est cauteleux, conséquence 
de sa finesse, et il erabrouillé et embarbouille 
son talent de réserves, de sous - entendus , 
d'insinuations prudentes ou perfides, do pré- 
cautions chattemites et traîtresses. II a inventé 
les peut-être^ les il me semble, les on pourrait 
dire, les me $erait'il permis de penser, etc., 
locutions abominables , qui sont la petite 
vérole de son style... Âh! cela ne m'étonne 
pas qu'athéisme à part (qu'il ne met jamais à 
paM) il aime M. Renan ! M. Renan lui renvoie 
son image. Il se reconnaît en le regardant, et 
il se fait à lui-même des politesses, quand il 
le loue;. M. Renan, comme M. Sainte-Beuve, 
s'enveloppe de peut'être et ils sont tous deux 
des Locustesau miel. Seulement M. Renan est 
Un Sainte-Beuve plus froid.,, froid comme 
rimpénitence ^finale, comme le prêtre qui a 
perdu la foi et dont le châtiment terrible est 



128 M, SAINTE-BEUVE 

^e ne jamais la retrouver,, tandis qu'il. n'est 
pas dit du tout que le violent M. Sainte- 
Beuve, car il est; violent malgré ses précan* 
tioris et ses finesses^ ne mourra pas repen- 
tant et confessé! J'espère bien que nous le 
confesserons ! 

, ' Vx)ilà pour la netteté de Tesprit de M: Sainte» 
Bèuvc. Mais pour sa solidité, c'est bien pis. 
Le poêle et le romancier se sont assoupis de 
bonne heure en lui, et le critique, qui s'était 
éveillé simultanément avec le romancier et le 
poète, a pris les proportions de sa vie entière. 
C'est par la critique que M. Sainte-Beuve a la 
prétention de prendre rang dans l'histoire lit- 
téraire. Eh bien] : la. critique de M, Sainte-» 
Beuve, cette critique à coups d'épingle . ou >à 
coups de bistouri plus ou moins adroitement 
appliqués^ n-ést qu'un empirisme incertain! 
Je ne parle: pas de principes: àl M. Sainte- 



W. SAIiNTE-UEUVE ^ 150 

Beuve^ je sais qu'il n'en a pas et qu-il se glo- 
rifie de n'en pas avoir. Il fait là théorie de son 
indigence. . . Mais comme intuition , mais 
comme divination de facultés et de^ talent, 
quel cas, . frâhcHement, peut-on faire de îa 
solidité du jugement d'un critique qui nous a 
donné sur sa tête M. Feydeau comme un 
Jiomme de génie! le romancier des temps 
mo(|ernes l le lord Byron français en prose ! 
qui avait (vous alliez voir !) cinquante theh- 
d'œuvre étages dans la tête ! ! ! Quel cas peut- 
, on faire de la solidité d'un critique qui se 
laisse prendre par positivisme aux vers de 
M. Littré et qui le proclame poète, à la mesure 
de Lucrèce? et enfin qui, dans ce moment, 
•souffle, comme on souffle une bouteille qui 
vous crève dans les mains et vous coupe les 
doigts, la gloire de M. Renan, cette gloire 
ridicule dont M. Sainte-Beuve ne partagera 
que répithète ! . 



iSO K. SAINTR.BEVVE 

Td M. Sainte-Beuve. D a /ait du joli et du 
petit, et même il en a trop fait, mais du grand 
et du fort, jamais ! Il n'a pas les qualités pre- 
mières. Il n'a pas, comme critique, Timpas- 
sibilité, la conscience, la justice. 11 est tou- 
jours entre un engouement et un ressenti- 
ment... Ce n'est qu'un système nerveux 
doublé d'un amour-proprè en littérature, 
mais une âme, non! Que lui importe, du 
reste 1 11 n'y croit pas, à Tâme ! Esprit sans 
magnanimité, pointilleux, vulnérable, suscep- 
tible ; eberchez le critique dans ce buisson de 
pointes et dans le sang de ses propres égrati- 
gnures, et trouvez-le si vous pouvez ! A l'ori- 
gine^ il était doué pourtant, M. Sainte-Beuve, 
mais il a renversé sur son imagination natu- 
relle, qu'il avait poétique, toute une chiffon- 
nière de littérature, laquelle a tout couvert, 
tout englouti et tout éteint ! L'esprit professeur 
et académique l'a envahi. II n'a plus été alors 



^.J 



M. SAINTE-BEUVE 151 

qu'un professeur, un anecdotier, un discou- 
reur littéraire m son privé nom, puisqu'il 
ne croit pas à un Absolu, — à une Vérité ! 
Je l'ai gardé pour le dernier de ces médail- 
lons, comme un salutaire exemple. Il est bon 
que la jeunesse prenne le dégoût des Acadé- 
mies et de leur esprit, envoyant comme elles 
ratatinent le talent — des hommes de talent I 



TABLE 



I. M. 1c duc de Broglie 1 

II. M. le prince de Broglie 4 

III. M. le comte de Carne 5 

lY. M. Cousin .'/ 7 

y. Monseigneur Dupanloiip 10 

yi. M. S:iint-Marc Girardin . i3 

VU. M. do Montalcmbert 10 

Vm. M. de Rémusat 20 

IX. M. Sylvestre de Sicy .,..', 25 

X. M. Pupin .'. 25 

1i 



i5i TABLE 

XI. M. Alfred de Vigny 27 

XII. M. OcUTe FeuiUet 50 

XIII. M. Vilet 34 

XIV. M.Mignet 37 

XV. M.Thiers 40 

XVI. M. deBarane 47 

XVII. M. Ampère 49 

XVIII. M. leducdeNoaiUcs 51 

XIX. M. de PoDgerviUe 53 

XX. M. de Falloux 55 

XXI. M. Viennet 56 

XXIÎ. M. Victor Hugo 58 

XXUI. II. Ponsard 61 

XXIV. H. Victor Laprade 64 

XXV. M. ViUeinain 66 

XXVI. M. Prosper Mérimée 76 

XXVII. M. Empis 79 

XXVIII. BI. Jules Sandeau 81 

XXIX. M. Berryer. 85 

Xn. M. Emile Augier 89 

XXXI. M. Lebnm 92 

XXXII. M. Désiré Nisard 94 

XXXUI. M. Plourens 98 

XXXIV. M. de Lamartine 101 

XXXV. M. Gttizot 104 






TABLE 155 

XXXVI. M. Le comte de Ségur 114 

XXXVII. M. Patin 116 

XXXVIII. M. Ernest Legouvé 118 

XXXIX. M. Dufaure 121 

XL. M. Sainte-Beuve 123 



fiARlS. ^- IHP. SUlOir RAGO:i ET COUP., RUÉ D'EHrUATIl , {.