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LES QUARANTE MÉDAILLONS
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L'ACADÉMIE
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QUARANTE MEDAILLONS
L'ACADÉMIE
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PARIS
F. DENTD, LIBIIAIRE-ÉDITEUB
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LES QUARANTE MÉDAILLONS
DE
L'ACADÉMIE
M. LE DUC DE BROGLIE
I
Âb Jovc 'primijÀum, Le duc de Broglie est,
en effet, comme le Jupin de l'Olympe acadé-
mique. C'est une espèce de président moral
de la docte corporation, ayant pour assesseurs
MM. Gui^t, Cousin et Villcmain, les seules
leles décidantes de l'Académie, les seules
i
%
Vi.
2 .tK DUC DE BROGLIE
grues (sans calembour) qui enlèvent les opi-
nions et les volontés de leurs confrères. M. le
duc de Broglie, ministre et président du con-
seil sous Louis-Philippe et gendre de madame
de Staël, doit ajouter aux haines de sa belle-
mère contre l'Empire. Il est Tami de M. Gui-
zot, et il rend à M. Guizot le service de le
faire paraître coloré. Il fut un des fondateurs
de cette revue depuis longtemps défunte, la
Revue française^ ainài nommée parce qu'on
n'y parlait qu'anglais et allemand. Il y faisait
des compotes de philosophie et de législation,
tellement mêlées, qu'on ne savait plus ce que
c'était... La plus goûtée, dans le temps, de
ces confitures philanthropiques, fut une dis-
sertation sur l'abolition de la peine de mort,
demandée avec un faux air Wilberforce*
Quaker par la philanthropie, M. de Broglie
mêlait alors le quaker au dandy, mr il a été
dandy, mais comme jin doctrinaire peut
LE DUC DE BROGLIE
l'être! Je l'ai vu en habit pensée (la seule
pensée que je lui aie jamais connue) , et
guêtre presque élégamment de nankin. Il
n'avait point à demander pardon pour cela
à sa grave coterie. Les doctrinaires aimaient
la guêtre, et ils la portaient pour avoir l'air
plus Anglais. C'était bien la peine! Le plus
grave d'entre tous, le plus rengorgé, disant
les mêmes choses, M. le duc de Broglie a été
le perroquet-roi des doctrinaires et du pé-
dantisme solennel. Maintenant, il se tait sur
son bâton académique. Si l'on s'informe
encore de sa littérature , qu't)n sache qu'il
n a guère écrit que des articles. . . que dis-je ,
écrit ! il les a cordés plutôt. — Il les a cor*
dés péniblement, longs, secs, gris, filandreux
comme chanvre, et en tournant le dos au
talent, toute sa vie. — Il ne s'est jamais re-
tourné.
LK PPiINCE DR BROGLTE
II
' M. I,E PRINCE DE BROGLIE
Le jeune docteur Thomas Diafoirus, très-
digne de son père. Il fait, en histoire, des
pensums avec plaisir, et le lecteur seul est
puni. Talent de la couleur de celle do papa.
Fusionniste politique; fusionnistc en tout,
qui fait fusionner la religion et la philo-
sophie. N'étant en rien que pour les quasi-
choses, comme son père pour la quasi-légi-
timité, et n'ayant qu'un quasi-talent. C'est
aussi un cordier ; mais Dieu lui a fait la grâce
de lui envoyer un critique encore plus en-
^fr^mrv^"'^^
M. LE COMTE DE CARiMÎ
nuyeux et plus cordier que lui : c'est le
P. Guéranger, un bénédictin que Dieu bé-
nisse, qui fait vingt-deux articles du Monde
pour dire un polit mot... Seulement la longue
corde du P. Guéranger n*a pas étranglé le
prince de Broglie. — 11 va recommencer, un
de ces jours, ses histoires. La puce, fou-
droyée par rérudi lion, a échappé...
m
M. LE COMTE DE CARNÉ
Ah ! lui, c'est le roi des cordiers ! De-
puis trente ans, il fait son câble, sans s'in-^
terrompre, dans la Revue des Deux Mondes,
i.
6 M. LE COMTE DE CARNÉ
>«*■
OÙ il a trouvé le moyen , d'êlre le plus en-
nuyeux des ennuyeux de céans. M. Charles
Lenormand, qui n'était pas amusafht non
plus, comme on sait^etqui n'avait pas le droit
de se montrer bien difficile, disait partout
et de tout : a Ennuyeux comme Carné. » Un
jour, ne le connaissant pas, il le dit de-
vant lui. On éclata de rire, et c'est le seul
succès de ,gaieté qu'il ait jamais eu. Il dut
trouver que c'était bon ! Comme MM. de
Broglie, M. de Carné est un fugionniste, fu-
sionnant de fasionnerie^ comme dirait Ra-
belais. Il met des rallonges entre la vieille
monarchie française et 89. Laborieux ter-
rible, fouillant, fouillant... C'est la taupe de
l'histoire de France; mais chez les béné-
dictins qui donnent encore des hommes
comme le cardinal Pitra, on n'en voudrait
pas pour frère coupechou ! Il est tellement
gris et effacé, qu'on perd de vue même le
■l» ■»■
'^' "^
M. COUSIN
litre de ses livres. Je porte le défi d'en citer
un... On ne les reconnaît qu'à la pesanteur.
Depuis des années, on n'en voit plus que
de non coupés. M. de Carné est le pour-
voyeur du quai Malaquais, — c4té des pa-
rapets.
II co«amandc au lecteur le respect et la fuile !
i
IV
M. COUSIN
Marionnette effrénée, aux grands gestes
télégraphiques, à la parole emphatique et
vibrante, qui met tout sens dessus desçous
g M. COUSLN
à rAcadémie. C'est un chauffeur. 11 chauffe
au profit de l'orléanisme et pourrait bien un
jour, rimprudent, faire sauler la chaudière !
Rappelez-vous ses cris de paon sur les loits,
dans la cour de l'Institut, lors de la triste
élcctioB de Lacordairc. « Nommons Lacor-
daire ! criait-il. On sait ici que je ne suis pas
fou de l'Église, mais nommons Laoprdairc, ^
puisque dons ne pouvons pas nommer le
pape pour faire pièce à l'Empereur ! » (Tex-
tuel.) En philosophie, c'est un pauvre qui
a escroqué des habits. En lilléralurc, c'est
une perruque, mais une grande perruque
du dix-septième siècle. On cherche là-des-
sous*.. De tète, point! Majesté vide! En
philosophie, M. Cousin est la fable et le mé-
pris de l'Allemagne. Il est allé demander
l'aumônç à la porte de Hegel, qui lui a donné,
et il est revenu feire, avec les quelques sous
deQegel, de la fausse monnaie à Paris. Dans
M. COUSIN
rimpossibililë, qu'il sent très-bien, de faire
en philosophie même un bâtard, il s'est ]tié
sur les drôlesses du dix-septième siècle pour
faire quelque chose en littérature. Son vice,
devenu célèbre, c'est madîîme de Longue-
ville. J. Barbey d'Aurevilly, dans ses Œurres
et ses Hommes y Taine, dans ses Philow-
^ phes français^ n'ont eu que des lueurs sur
M. Cousin. Le livre à fond sur cet homme et
sa bande*(car il a une bande) est de M. Fer-
rari et s'appelle a les Philosophes salaries, »
Il faut lire cela si on veut s'exercer au dédain
salutîïire des baladins solennels! M. Sainle-
Bcuve, dont la conversation est le contraire
de ses livres, flatte dans ses livres M. Cousin,
qu'il abîme dans la conversation ! Mais nous
aurons un jour la vérité. M. Sainte-Beuve
attend la mort de M. Cousin pour aller, selon
son usage, lever la jambe contre son tom-
beau, et faire ainsi la seule oraison funèbre
10 MONSEIGNEUR DUPANLOUP
^ ■* IL — — — _ ■
qui convienne à cet homme de la grande
pirouette, qui balance son trapèze entre le
déisme, — cet athéisme déguisé^ — et ses ré-
centes rn'amours aux prêtres, et qui, reniant
l'Église dans lôs cours de Tlnstitut, met,
ailleurs, la main sur son cœur... absent,
tout en assurant le catholicisme de sen res-
pect !
MONSEIGNEUR DUPANLOUP
Un lettré mi-partie de séminaire et d'uni-
versité; un directeur de théâtre, comme les
Jésuites qui ont été tout, même chansonniers,
* MONSEIGNEUR DUPANLOUl» ' Il
le furent autrefois, s'amusant à faire jouer
des pièces grecques, en grec, aux jeunes
gens de son séminaire. Occupation peu épi-
scopale! Manière de répondre à la ques-
tion des classiques! M^ Dupanloup est un
phraseur plutôt qu'un orateur, un rhé-
toricien plutôt qu'un écrivain. Médiocrité
violente dont on ne parlerait pas sans la
grande cause qu'il a épousée. Pauvre, non
pas comme M. Cousin, qui a volé la philoso-
phie allemande, mais pauvro enrichi par
rfiglise, et orné des dons de cette magni*
fique... Si M*** Dupanloup n'avait pas Thon*
neur d'être prêtre et l'honneur plus grand
encore d'être évêque, que serait-il?... Peut-
être un écrivain du Journal des Débats, Son
orthodoxie /ait sa force, mais sa force manque
de prudence* Il augmente probablement le
personnel du Siècle^ sans le vouloir. C'est la
mouche du coche de l'Église... Qui sait si
12 liîONSKIGNEUn 1)IIPA!;L0UP
M^*' Dupanloup ne se croit pas le saint Àm-
broise des derniers temps, — le saint Ara-
broisc... sans Thcodose! Polémiste qui donne
trop, — la Vieille Garde ne donnait pas tous
les jours, mais quand elle donnait, elle écra-
sait tout ! — IVP'' Dupanloup descend de sa
chaire cpiscopalc jusqu'au journalisme con-
temporain. Bossuet avait Jurieu, mais où est
Jurieu? Un évêque doit respecter sa crosse,
même quand il en frappe! Il est des gens
qu'on n'honore pas des coups de ce .sceptre
des âmes. On ne les crosse point, on les
fouaille. Laissez-nous cette besogne, monsei-
gneur ! Quand M. Quinet a osé dire : a Étouf-
fons le catholicisme dans la boue, » un évê-
que ne se commet pas à répondre à cet in-
sullcur; et si, par générosité d'indignation,
il est entraîné à lui répondre, il n'ajoute pas
à sa lettre un post-scriptum comme celui-ci :
ce Je viens de relire ma lettre, et je crains
Hî. SA INT. 311 ARC G lit A H I) IN 15
(l'avoir été trop loin. » Non, Tévêque la brûle
alors, cette lettre inquiétante ppur sa cha-
rité... Mais M^*" Dupanloup n'a pas voulu
perdre sa copie, et le voilà peint par ce seul
trait !
¥1
M. SAINT-MARC GIRARDIN
Il fait son cours le chapeau sur la tête.
Est-ce que par hasard il se croirait un grand
d'Espagne, en littérature? Non, c'est de peur
des vents coulis. Depuis la marquise du Dcf-
fand , qui fit matelasser un tonneau dans le-
2
Il M. SAIST-MARC GIRARDIN
quel cette Diogène femelle s'abritait, personne
ne craint plus de s'enrhumer que ce gros
homme, nu col de chemise préservateur. On
disait du duc de Levis : « C'est le plus senti-
mental des hommes gras. » M. Saint-Marc
Girardin est le plus douillet et le plus trem-
blant d'être malade des hommes robustes. Il
rêve des rhumes en regardant son mouchoir de
poche, comme le lièvre rêvait des cornes, en
regardant ses oreilles. Gros homme à l'esprit
gringalet, qu'Armand Bertin, après dîner,
quand les truffes avaient été bonnes, croyait
spirituel comme Voltaire, il avait, autrefois,
la petite ironie suffisante et gourmée du
Jmimal des DébaU^ de cette maison de par*
venus qui de flûte en flûte et de sifflet en
sifflet, finit aujourd'hui par la guimbarde
de M. John Lemoinne; mais les dadds de la
question des Capitales et de la question d'O-
rient l'ont perdu. M. Saint-Marc Girardin
M. SAINT-MARC GIRARDLN 15
- - - —
esHy dit-on, chrétien comme M. de Sacy ; —
mais s'il Tesl, ce que je veux croire et ce
dont je le, félicite, qu'on me dise comment il
arrive qu'il y ait des chrétiens au Journal
des Débats?... Comment peut-on les y souf-
frir?.-. Gonmient s'y prennent-ils pour qu'on
ne les jette pas à la porte de ce chenil do
Renans, car M. Renan y a grandi comme le
petit de la lice, et il y sera le plus fort de-
main?... Sans doute, ces chrétiens, pleins
d'audace, boutonnent soigneusement leur ha-
bit de libre penseur par-dessus un christia-
nisme qu'ils engloutissent dans leurs poches.
Ils prennent des précautions... contre les
vents coulis de leur conscience. Ils font des
politesses aux philosophes et aux juifs dans
le genre de celles de M. de Sacy, — ce Po-
lyeucte! — à M. Salvador, auquel il trouvait
dernièrement, ma foi ! presque autant d'es-
prit qu'à saint Paul ! . . . Tartuffes. . . de la
m y. DE ilOM.vLEMBEr.T
libre pensée, en supposant que leur christia-
nisme soit sincère !
¥11
M. DE MONTÂLEMBERT
C'est un écrivain lourd, incorrect et ter-
reux. Il est bien heureux de s'appeler Mon-
talcrnbert et d'avoir été pair de France dès
sa jeunesse. Le cadre a fait la fortune du
portrait. S'il avait été d'une naissance obs-
cure, il serait resté comme sa naissance.
S'il n'avait pas été pair de France, il n'eût
pas cultivé de bonne heure cette faculté de
M. DE MOi\TALE)IBERT i7
parler, qui est devenue comme une mécani-
que de Birmingham, toujours prête à aller,
et dont TEmpirCj grâce à Dieu, a cassé le
grand rouage. Le parti catholique," si dé-
fiant pour les hommes qui le servent. Tau-
rail fait attendre. Au lieu de cela, tout lui a
été facile, et sa jeunesse a été charmante.
Que n'a-t-on pas dit d'extravagant et de flat-
teur sur son premier livre : Sainte Elisabeth
de Hongrie? Livre faux de style, de cou-
leur ; vrai seulement de niaiserie ! Je ne con-
nais pas de plus grande hypocrisie littéraire
que cette histoire, qui joue la naïveté de la
chronique et de la légende. Les Moines
(TOccident, ouvrage de sa maturité la plus
avancée, n'ont ni vues supérieures, ni pro-
fondeur d'érudition, ni rien de'ce qu'il fau-
drait pour aborder, je ne dis pas dignement,
mais seulement sans étourderie, ce grand
sujet du Monachisme, père de ce monde mo-
2.
18 M. DE MONTALEMBERT
derne parricide. Entre ces deux ouvrages,
M. de Montalembert n'a publié que des bro*
chures. Les brochures sont des discours
écrits. Autant en emporte le vent ! C'est la
littérature des orateurs! H en a fait sur
l'Angleterre, dans lesquelles l'Angleterre est
glorifiée, parce que c'est le pays du discours
politique, et où il représente la France
cpmme musclée, parce que lui, cet indigéré
de paroles, ne peut parler !.,. Il en fait sur la
Pologne, autre pays de discours, qui s'est
perdue par l'anarchie de ses Assemblées; la
Pologne, où le veto d'un seul membre frap-
pait de nullité les décisions et la volonté de
toute une diète. Comme orateur, M. de Mon-
talembert vaut mieux que comme écrivain.
Mais il n'est pas cependant de la famille des
grands orateurs. Il manque de poitrine ou-
verte et généreuse. Une ou deux fois, il a
frappé fort, et alors son talent ressemblait
M. DE MONTALEMDERT 10
à cette mâchoire d'âne avec laquelle Sarason
abattait les Philistins. Mais depuis, la mâ-
choire est resiée à sa place. En général,
M. de Montalembert est plus envenimé que
puissant, et sa physionomie, doucereuse et
samstine^ fait avec sa parole un drôle de
contraste. Malheureusement, il manque d'es-
prit toujours, même quand il a du talent.
Par le pédantisme naturel, par Vorerotundo
il fusionne avec les doctrinaires. Catholi-
que... du Correspondant^' il ne conespond
plus avec le Monde que pour lui dire des in-
jures. Pour M. de Montalembert, Satan, ce
n'est plus Satan. C'est M, Veuillot.
eo M. DE rif:.\;us.vT
¥111
M. DE RÉMUSAT
En France, maintenant, quand un esprit
est sur le point de ne pas être, on dit qu'il
esl fin. C'est devenu un éloge honteux. M. de
Rcmusat a eu longtemps cette réputation
d'esprit fin, parce qu'il était grêle... Il a vu
jouer le bJlard chez madame de Staël, et il
s'est cru son coup de queue. Dans son pre-
mier livre, et son meilleur, sur Thistoire de
la philosophie, il a évidemment imité la
phrase à aperçus de cette femme, plus homme
M. DE rȃ!i!USAT 21
que lui; mais celte imi talion, ce staèlisme"
Ruclz a fatigué bien vite cet esprit mou, sans
fécondité réelle, sans verdeur, ni couleur,
ni chaleur, ni saveur, et il est retombé au
style de son tempérament qui ne lui permet
pas les excès. M. de Rémusat a la chlorose de
Tesprit. Je le lègue à Baudelaire! Aussi est-
il (M. de Rémusat) une des plumes les plus
honorablement incolores de la Revue des
Deux Mondes et les plus chères à Tœil uni-
que de M. Buloz. On dirait que, quand il
écrit, M. de Rémusat a toujours en pensée le
pauvre œil dont il faut ménager la faiblesse.
En philosophie^ M. de Rémusat s'est interdit
d'être un penseur. C'est un éclectique et un
biographe. Il a touché, sans trembler, aux
plus grosses têtes avec ses petites mains, un
peu fatcs^ à Bacon, Descaries, Joseph de
Maistre, etc., etc. Une fois même, il fit
tout un livre sur saint Anselme; mais il a été
22 M. DE BÉMUSAT
déconcerté par le capuchon de ôette tête mé-
taphysique, et il n'a rien compris à la gran-
deur de ce moine, plus grand encore par la
règle et l'esprit de son Ordre que par sa pro-
pre pensée. Non, ce qui sied à M. de Rému-
sat, c'est la Revue des Deux Mondes. Comme
dirait M. Yeuillot, M. de Rémusat est l'hon-
neur de ce champ de navets. Quel fier phi-
losophe pour M. de Mars!!! Il paraît que la
passion longtemps somnolente est venue à la
fin dans ce tempérament de nénufar. C'est
la passion politique. M. de Rémusat est un
des ministres sans emploi, interné à l'Acadé-
mie, cette Salpêtrière de ministres tombés et
de parlementaires invalides dont Torléa-
nisme est incurable.
JI. SYLVESTIU: DE SACV i'3
IX
M. SYLVESTRE DE SACY
Un éplucheur d'éditions, un écrivain-Te-
chcner, qui n'écrit pas de notices, mais des
notules : rinfînimcnt petit dans le sec!
Quand, les jours de dimanche, il se permet
l'article au Journal des Débats^ il est plus
long, maiâ il est sec toujours. Dans quoi
faudrait-il le tremper pour qu'il devînt onc-
tueux? D'ailleurs, pour lui, sécheresse c'est
noblesse. N'est-il pas Sacy? N'appartient-il
pas à une famille de jansénistes et à la tradi*
24 M. SYLVESTRE DE SACV
lion de cette maison de Port-Royal, qui ii*a
jamais donné un livre coloré et chaud à la
France : car les Pensées de Pascal sont dues
à la colique de miserere que l'idée de l'enfer
donnait à cette grande imagination, impossi-
ble 3 dompter, même au jansénisme! M. de
Sacy a hérité de Técritoire de plomb de ses
pères. Il a édité l'ennuyeux Nicole. « Les at-
tractions, disait Fourier, sont proportion-
nelles aux destinées. »
Au Journal des Débats^ M. de Sacy passe
pour le plus honnête homme de France, mais
il manque d'agrément, même pour les Dé-
bats. C'est un père noble de la rédaction, qui
écrit sa tartine comme feu Desmousseaux
(de la Comédie-Française) disait sa tirade.
Sa vertu, que je ne nie point, n'a pourtant
rien d'intraitable. Dernièrement, dit-on, les
sollicitudes de la paternité ont adouci son
austérité politique, et le rédacteur des Débats
SfM.
M. DDPIN . 25
a très-bien accepté les faveurs de l'Empire.
C'est le contraire d'Hippolytc, dans ^kèdre ;
Jeune, charmani, mais fier, et même un peu farouche !
M- DUPIN
On Ta appelé le Faune grêlé du Morvan. Si
cela est, je plains les Nymphes de ses monta-
gnes . La petite vérole est la seule ressemblance
qu'il ait avec Mirabeau. Mais pourquoi, diable,
dites-le-moi, est-il donc de T Académie? Elle
se d'il' française^ et il ne sait pas un mot de
français. Quels sont ses tilres? Sont-ce ses
26 M. DUPLN
Mémoires à consulter? Il» ont été payés et
même assez cher. D'ailleurs, ils sont en mor-
vaaais! Sont-ce des mercuriales d^audience
ou des réquisitoires, toujours en morvanais? . . .
Est-ce la généreuse et grandiose rédaction du
testament de Louis- Philippe?... Sonl-ce en-
fin des Manuels de théologie gallicane? Il n'a
pas même la prétention, si commune à ceux-
là qui le sont le moins, d'être un homme
de lettres, et il est le contraire. C'est un avo-
cat. M. Dufaure, qui n'est qu'un avocat non
plus, et môme un avocat qui parle du nez,
se croit une tête philosophique. M. Berryer
se croit presque un grand seigneur... M. Du-
pin, lui! ne se croit pas même un homme
politique. II ne veut être et n'est qu'un avocat.
Patru l'était, je le sais bien, mais Patru ai-
mait la langue française! Mais vous figurez-
vous Patru, lourdaud, palaud et en patois?*. <
M. LE COMTE ALFRED DE VIGNY 27
XI
M. ALFRED DE VIGNY
Nouons un crêpe autour de ce médaillon.
M, de Vigny est mort hier. Cétait un de
ces poètes pour lesquels on donnerait toutes
les Académies de la terre. On s'étonnait qu'il
fût de l'Académie française, où, par pareur
thèse, un Villemain ou un Saint-Marc Gi-
rardin, des professeurs ! avaient plus d^n-
fluençe que lui et que M. de Lamartine pour
faire couronner une pièce de vers ! C'est tou-
jours le mot de Cyrano de Bergerac, volé par
58 M. LE COMTE ALFRED DE VIGNY
Molière : «Que diable aussi, qu'allait-il faire
dans celte galère?.. » M. A. de Vigny n'était
pas un chef de parti littéraire, comme M. Vic-
tor Hugo, lequel.s'est rendu à l'ennemi, en
entrant à l'Académie. Mais il est, de génie
iialurel et àe date, le premier des roman-
tiques... De tous les oiseaux libres qui prirent
leur essor en 1830, c'est le cygne qui partit
le premier... Il a fait deux ou trois choses
immuablement glorieuses, cet Immortel, qui,
comme ses collègues, ne Test pas pour rire.
Éloa^ avant tout ! puis Mo'ne^ puis Grandeur
et servitude militaires I Grandeur et servi-
tude militaires qu'on devrait imprimer à l'Im-
primerie Impériale aux frais de l'État et faire
lire dans toutes les casernes de France! Ce se-
rait comme une éducation de l'Honneur! Avec
cela, M. de Vigny pouvait se dispenser même
de l'immense talent qu'il a montré dans
SlcUo et dans Chatterton. Comme homme
M. LE COMTK ALFRED DE VIGiNY 29
du monde, il avait, en manières, le charme
de sa poésie. Ëloa mâle, il aurait séduit
Satan et aurait ainsi vengé l'autre Éloa.
C'était un esprit délicieux, auquel l'Acadé-
mie, qui n'aime que les pédants, les turbu-
lents et les gesticulants, ne comprenait abso-
lument rien.
Par qui va-t-elle le remplacer? Par quel-
que choix honteux et comique, — un homme
qu'elle comprendra.
50 M. OCTAVE FEUILLET
XII
M. OCTAVE FEDILLET
Pas de vieillesse pour les mots justes. On
a spirituellement appelé M. Octave Feuillet
«le petit Musset des familles. » C'est tou-
jours joli . Comme nous sommes en progrès,
M. Feuillet est le Berquinde ce temps progres-
sif. Ses premières comédies, qui n'étaient pas
écrites pour la scène, furent une imitation
d'îin Spectacle dans un fauleuiL Le fauteuil
de M. Feuillet était alors cette ganache de
M. OCTAVE FEUILLET SI
••«^••■wnp-
Uevue des Deux Mondes. M. Feuillet, dans ce
temps-là, fut à Alfred de Musset ce que Charles
de Bernard était à Balzac.
Las de réussir dans le genre sitniesque,
M. Octave Feuillet a voulu, un jour, avoir
une physionomie à lui ; il écrivit un roman,
nommé, je crois, Bellah (?), dans lequel il
essayait de se débarbouiller de l'Alfred de
Musset qui lui avait jusque-là fait un visage,
et il apparut ce qu'il est réellement : un es-
prit prosaïque et bourgeois. Ses romans, qu'il
retourne en pièces de théâtre, comme les gens
qui ne sont pas riches retournent leur habit
pour s'en faire deux, sont d'une conception
très-médiocre, d'une observation superficielle
et d'une morale ambiguë, qui n'est ni catho-
lique ni stoïcienne, et qui tient ce lâche mi-
lieu dans lequel les esprits de ce temps cou-
lent et fondent. Rien donc d'étonnant à ce que
M» Feuillet passe pour un écrivain moral, à
r»2 M. OCTAVE FEUILLET
m
une époque de transition où il n'y a ni reli-
•gion ni philosophie.
Son Jeune homme pauvre a charmé les
femmes qui ne craignent point de se rougir
le nez en pleurant aux vaudevilles à sentiment
de M. Scribe , car voilà le vrai public de
M. Feuillet! Les âmes de modistes lui appar-
tiennent. Son talent leur rappelle les gra-
vures de leurs petits journaux. Moral et mon-
dain tout à la fois, M. Feuillet s'est cru de
force, en ces derniers temps, à faire un ro-
man religieux, et il a écrit Sibylle, cette im-
pertinence de protecteur contre le catholi-
cisme, dans lequel roman on voit une jeune
fille, inspirée el poétique comme on peut en
voir chez M. Feuillet, qui ne fait pas de Co-
nnues, mais des Corinetles, endoctriner son
curé, et brouiller toutes les notions du caté-
chisme, qu'elle ne sait pas, ni M. Feuillet
non plus. Le fond de tout cela, le vrai fond,
M. OCTAVE FEUILLET 55
■ - - - - -_ _ ■ ■■ ■ — ^ -■■ - — —
c'est rhumiliation du grand catholicisme, uni-
versel et éternel , sous un catholicisme de *
fantaisie et un protestantisme d'éventail. Ro-
mancier qui se croit entré à l'Académie par
ses romans, M. Octave Feuillet a écrit un
essai sur le roman dans son discours de ré-
ception ; et, tête éventée par le succès, cet In-
croyable littéraire, qui a zézayé, marivaudé et
scribouillé tout le temps de son discours, a
oublié Balzac 1 ! ! C'est comme si dans l'his-
toire de l'art de la guerre on oubliait Napo-
léon ! Est-ce un oubli ou une combinaison?. ..
Pourquoi a-t-il oublié Balzac?... Est-ce pour
lui, M. Feuillet, ou pour l'Académie?... De
tendance naturelle, du moins, M. Feuillet doit
être orléaniste. Il a dans son genre d'esprit et
de talent tout ce qui passait pour l'élégance
suprême du temps de Louis-Philippe et de sa
cour. 11 aurait été l'ornement de cette cour
splendide...
54 M. VITET
XIII
M. YITET
Ëvilei de Vitet la stérile abondance!
Champignon de 1850, poussé au pied des
peupliers de Juillet, M. Yitet a eu du bonheur,
s'il n'en a pas donné aux autres. Il était du
Globe I du premier Globe l Tout ce qui était
du Globe a réussi. Le Globe a été la boule du
pied de la Fortune ! Les lions vont seuls, les
grues en troupe. C'est en troupe que M. Vitet
est arrivé, — non par sa force person-
M. VITET 55
nelle, mais parce qu'il était dans le rang...
11 n'a pas, à proprement parler, de caracté-
ristiqne d'écrivain. 11 parle de tout, de pein-
ture, de sculpture, d'architecture, d'autiqui-
•
tés, d'histoire, et, comme M. Thiers, il fait
croire aux badauds qu'il est compétent. Il
parle de tout également, abondamment, mé-
diocrement, passablement, sans originalité ;
quelle chance 1 car le crime irrémissible,
l'empêchement à tout par ce temps platement
et envieusement égalitaire, c'est l'originalité 1
Elle est particulièrement détestée à l'Acadé-
mie. J. Janin, qui n'en a qu'un grain à mettre
sous la queue d'un moineau, mais qui l'a,
n'est pas encore de l'Académie. Et cependant
il en meurt de désir ! Et que de titres ! Il est
orléaniste ! Il est du Journal des Débats I lati-
niste, goutteux... même d'esprit quelque-
fois... Tonneau d'albumine qui se viderait
avec délices dans ce vaste crachoir de l'Aca-
TU
6 M. YITET
demie ! M. Victor Hugo et Alfred de Musset ne
sont entrés à l'Académie qu'en demandant
pardon de la liberté grande d'être originaux
et romantiques, et ce fameux jour de bas-
sesse littéraire où ils y sont entrés, ils ont
fait bouillir du lait à M. Yiennel, et même
ils le lui ont sucré. Pour en revenir à M. Vi-
tet, je crois qu'il y a quelque chose de lui
qui s'appelle les Étals de Blois. Cela ne se
lit pas plus maintenant que les Soirées de
Neuilly. Puis, une Histoire de Dieppe ^ bonne
pour les gouvernantes anglaises qui y passent.
Tout cela est innocent. Ce champignon n'a
jamais été vénéneux.
M. miCNET Si
XIV
IL MIGNET
Mignetaux cheveux blonds, au talentblond,
mais pas blond comme madame de Senantes,
des Mémoires de Gr amont ^ qui, si elle avait
voulu, l'heureuse femme! aurait pu passer
pour rousse. De talent, M. Mignet ne sera
jamais que filasse... Bellâtre de lettres, qui
fut, avec Edmond Mallac, la fleur des pois du
règne de Louis-Philippe. Dans ce temps-là,
on avait compté sur son physique pour faire
de la diplomatie en Espagne, mais le diplo-
59 ir. MIGNET
mate fut éconduit. 11 n'aurait pa$ été plus
grand écrivain avec la reine d'E^agne qu'a-
vec nous ! M. Mignet, Taini de M. Thiers,
est son contraste. Il est dans le sec ce que cet
homme, à petite pluie de paroles incessantes,
est dans Thumide. Gomme M. Thiers, il dé-
buta dans les lettres par une Histoire de la
Révolution^ ce pont aux ânes que tout le
monde passe, depuis M. de Cony jusqu'à
M. Morin ! M. Mignet fit la sienne tout comme
un autre» Très-petit livre médiocre et du-
riuscule, qu*il faut opposer à ce livre lâché
et verbeux de la Révolution^ par M. Thiers,
pour juger les deux tempéraments ! M. Mi-'
gnct est, de nature, ce que Montaigne ap-
pelle ^ « un esprit constipé. » Mais il "a fait
quelque traitement sans doute, car il a perdu
lar sécheresse ic. sa jeunesse , depuis qu'il
est secrétaire de l'Académie des inscriptions
et belles*Iettres. Ses notices sur les Académi*
M. MIGNET ao
ciens qui trépassent ont la mollesse et la co »
piosité nécessaires à ce genre d'élucubra lions.
Écrivain sans initiative, qui vit sur de vieux
papiers, il a rapporté d'Espagne de quoi faire
son Histoire d^ Antonio Perez^ et de Belgique
les notes des dîners de Cliarles-Quint, le mai\-
geur d'huîtres, à f?aint-Juste. Pompeux et
terne, prétentieux et incorrect, c'est un Sal-
vandy maigre. De titre, pour être entré à
l'Âcadcmie, je ne lui en connais pas plus que
pour être entra au Conseil d'Efat dans le
temps, si ce n'est, comme diseht les bonnes,
d'avoir été le « petit camarade du petit
Thiers. » Puisqu'ils l'ont été toute leur vie,
qu'ils le soient encore ici.
^
49 M. TIliERS
X¥
M. THIERS
La chimère d'un temps qui a un faible pour
les Crispins et les Scapins, et qui jetterait des
pierres dans le carrosse du grand cardinal de
Richelieu ! M. Thiers est la nullité couronnée
par cette grande béte d'Opinion publique.
Homme politique nul, qui pouvait tout faire
et qui n'a rien fait; littérateur nul, malgré
ses quarante volumes, critique d'art nul, âme
nulle! Pour toutes ces raisons, ministre, aca-
démicien et grand homme ! La nullité fraa"
1
W. TIHERS >îl
çaise s'adore dans ce parleur qui ne finit
jamais, et Tadmiration de la badauderie va
si loin, que l'enrouement dont M, Thiers est
affecté, pour sa peine déparier comme il parle,
passe pour un ornement de plus de ce grand
orateur! M. Thiers ressemble à cette femme
de Walter Scott, dans ses Chroniques de la
Canongate^ qui au lieu d'avoir la langue atta-
chée comme tout le monde, l'avait par
en dessous, de manière que la langue pût
remuer des deux, bouts, comme le poisson
dans l'eau ! 11 a débuté comme journaliste au
National y sous^Carrel. Après la révolution de
1 830, Garrel fut outrageusement nommé pré-
fet de Grenoble, tandis que le petit camnvadc
était nommé conseiller d'État et M. Thiers
ministre. Ce fut là une des causes de la trans-
formation du National j qui laissa allonger
ses griffes républicaines et devint le National
de 1834.
4.
4^2 M. THIERS
Je parlais plus haut de celte histoire de
la Révolution, si facile à faire et qu'on lit
n'importe par qui elle soit écrite. M. Thiers
ne manqua point ce coche. Il fit la sienne ;
mais il la fit sans un principe, une vue, une
décision quelconque de Tesprit, Tour à tour
matérialiste et spiritualiste, fataliste ou pro-
videntiel, homme de révolution ou de gou-
vernement. Pantin de chaque événement qui
passe et qui, en passant^ lui tire la ficelle qui
le fait saluer^ Niché sur les faits colossaux
de ce temps, le petit homme a paru aussi
grand que ces faits aux bourgeois, si forts
en perspective ! M. Thiers fut une minute le
ouistiti de Talleyrand, qui s'amusait de la
vivacité de ce touche-à-tout , lequel parlait
finances et peinture, de manière à être ad-
miré du centre gauche. M. Thiers a écrit,
en effet, des Salons^ des Salons qui n*ont,
ponr pendants, que ceux de M. Guizot ! Ri^*
M. THIERS 43
valité nouvelle ! Il est curieux de voir à quel
point ces aigles prétendus de la politique
portent la myopie dans les arts ! Ils sont
dignes de leur gouvernement.
Quand la révolution de 1S48, qu'il n'a
pas su prévoir et que ses fautes ont préparée,
Teut mis par terre, dans le ruisseau, sous la
yiffic du voyou^ M. T^iers écrivit, rue de
Poitiers, sous Tempire d'un mal de ventre
affreux, son livre épeuré, inconsistant et
mollasse de la Propriété. Enfin, monument
de sa vie! (se taira-t-il maintenant?) il pu-
blia, volunic par volume, son Histoire du
Consulat et de V Empire. Livre qui est loué,
mais -qui n'est pas jugé, et qui le sera tin
jour, et cruellement, par une Postérité in-
flexible. Vers la fin de l'ouvrage, l'orléaniste
battu s'embusque comme le vil Paris à fe
I orte» Scée, et tire sa flèche au tendon àrk-*
chille. Le bonapartiste Thiers renie. Il reftwe
.■i..jg
44 Bl. TIIIERS
à l'empereur Napoléon le génie politique, et
il riotitule fou comme Alexandre; car^ dites-
vous-le bien, vous qui aimez à rire, pour
M. Thiers, ce Salomoç de l'histoire, c'est
un fou qu'Alexandre le Grand ! Pourquoi pas
un fou... triquet?... Pauvre petit M. Tliicrs!
Du reste, au point de vue des faits que
M. Thiers aurait pu traiter avec exacti-
tude, dans sa position et avec ses relations,
cette Histoire du Consulat et de rEmpire no
peut être considérée que comme une fantaisie
historique. 11 n'y a point, il ne peut pas y
avoir, dans les temps modernes, d'histoire,
si elle n'indique ses sources, et si elle ne
conduit par la main, à leurs bords, pour
y puiser, M. Thiers a l'impertinence de gar-
der le plus profond silence sur les siennes;
il se contente d'afïîrmer les faits... Mais quelle
garantie nous donne-t-il de la science, de la
solidité ou de la pureté de son renseigne-
M. TllIERS ri
ment? Je voudrais bien aller voir, monsieur,
si ce que vous me dites est vrai ?... Donnez-
moi la clef de la bibliothèque et le titre du
livre, et le numéro (Ju carlon où vous avez
pris ce détail ?....0r, cette clef, qui est l'indi-
cation des sources, que tout historien qui
veut sauver Thonneur de sa probité ne man-
que jamais de donner, M. Thiers ne la donne
jamais. Et ceci restera terrible contre son
histoire! La Postérité, ce juge en dernier
ressort, souffrira-l-elle ce que le plus petit
juge sur son tribunal ne souffre. pas? Âc-
cueillera-t-elle des affirmations sans preuve,
qui n'ont pas même Faulorité du caraclère
de celui qui les fait, ces affirmations?... Quant
au talent de peintre déployé dans cette his-
toire, où il en faudrait un sublime, figurez-
vous le père Prudhomme, auquel, par pa-
renthèse, M. Thiers ressemble par l'intérieur
aalant que par l'extérieur de la tète, figurez-
40 M, TI1IERS
VOUS le père Prudhomme voulant faire en
parafe, dans un exemple d'écriture, la ba-
taille d^Eylan^ de Gros, le pathétique, et la
magnifique Distribnlion des aigles de l'ho-
mérique David !
Eh bien ! — je me cogne contre un mur,
— malgré tout, malgré la Postérité qui tend
vci« lui la main, à travers le temps, pour
«
l'écraser sous son pouce, ce petit attrapcur
de gloire, enfin attrapé, et pour qu'on n'en
parle plus, M. Thiers fermera les yeux sous
ses lunettes et mourra vespasiennement dans
son fauteuil à r.Vcadémie^ couronné toujours
du suffrage de cette vile multitude^ qui n'est
pas que dans la rue et qui est incorrigible,
et qui s'obstinera à l'appeler un grand his-
torien !
M. DE BAKANTE Al
XVI
M. DE BARANTR
Arrivé dans la troupe dos grues commo
M. Yitet, en raison de toutes les commodités
d'un temps jeune (le siècle commençait) et
facile au talent, comme les jeunes gens le
sont aux femmes I Un manche à balai, habillé
en femme, peut enflammer de très-petits
jeunes gens. G*est l'histoire de M. deBarante.
Il s'est fait toute une réputation avec un petit
volume intitulé : Tableau de la littérature
française au dix^huitième siècle. C'était un
4S M. DE BARANTE
tableautin très- sec, — bordé d'une critique
pincée, nabote et pédante. Cela fut trouvé
exquis et parut distingué et le parait encore. . .
en province. N'ayant pas de couleur, M. de
Baranle prit celle des autres. Il pilla Frois-
sart. Il monta en croupe sur la mule de ce
chanoine, et refit, en la modernisant, sa chro-
nique. C elait essayer de démarquer ce beau
linge flamand, ce beau surlout de table, en
haute lissL^, et ce fit Teffet d'une originalité
aux ignorants. M. de Barante fut envoyé en
Russie, ministre plénipotentiaire, quand Ni-
colas défondait à Louis-Philippe d'y envoyer
un ambassadeur. Bien choisi pour être le
plénipotentiaire de l'Impuissance ! Depuis le
malheur et le fiacre de Louis-Philippe, M. de
Barante s'est remis à écrire. Il a fait une His-
toire de la Convention que ce grand nom de
Convention ne peut tirer de l'obscurité. Plé-
nipotentiaire en histoire, comme en Russie!
M. AMl'ÈRE 41)
XYII
M. AMPÈRE
11 s*csl donné la peine de naître. Fils d*un
homme de génie, de ce fakir de la Science
dans les cheveux duquel les hirondelles fai-
saient leur nid sans que son immensa cerveau
s'en aperçût, M. Ampère s'est trouvé aisé-
ment célèbre, ayant de toutes paris ces re-
lations qui poussent plus un homme que le
talent. Avant d'être M. Ampère par ses ou-
vrages, il élait le fils de M. Ampère. Cela va-
lait mieux.
n
50 M. âMPKRE
Il portait mieux son nom en étant plus obscur !
Ce qui perd les fils des hommes de génie,
c'est qu'ils veulent être quelque chose par
eux-mêmeis. Idée de femme! Être aimées
pour elles-mêmes I On voit mieux cependant
la médiocrité aux rayons de la gloire pater-
nelle. M. Ampère avait, dit-on, des aptitudes
diverses. On a de lui des vers que M. Sainte-
Beuve a vantés. Pourquoi pas? Il vante bien
ceux de M. Littré. Politesse de bel esprit à bel
esprit du salon de madame Récamier ! C'est
en effet par ce salon que M. Ampère est en-
tré à TAcadémie, dont il est digne, du reste,
par la haine qu'il porte à l'Empire. Excepté
cette Histoire romaine^ pamphlet à allusions,
qiui à paru en ces derniers temps, et dont
certainement M. de Mars n'est point capable,
il est impossible de se rappeler nettement les
divers ouvrages de M. Ampère. C'est comme
M. LE DUC DE NOAILLES M
^ - — ii^- I - i-i I - - ■ - -
une masse d'articles de la lievue des Deux
Mondes, Tout le monde, dans les deux
mondes, est €)âpable de ça !... Quant à Tlft»-
toire romaine^ insérée dans cette revue orléa-
niste, c'est bien malheureux que le talent
•n'y isoit pas au niveau de la haine... I/Em-
pire aurait été perdu. A présent, M. Ampère
n'a plus qu'un moyen d'être Tacite, c'est de
se taire.
XVIII
M.. LE DUC DE NOAILLES
Encore un homme heureux d'avoir des
parents! Descendant de la grande marquise
5'i M. LE DUC I)K EGAILLES
de Maintenon, il s* est planté une importance
et une célébrité dans cette parenté qu'il ex-
ploite. Il a fait une concurrence — c'est le
mot poli — à M. Théophile» La Vallée, dont
tout le monde se souvient encore. Des pages
entières de l'histoire de madame de Mainte-
non, par cet historien, avaient été copiées par
M. de Noailles avec un sans-façon de grand
seigneur qui aurait dû flatter M. La Vallée,
lequel eut Timpertinence de n'être pas flatlé.
a Pourquoi me prenez-vous mon livre, mon-
sieur le duc? lui dit-il. Je ne vous prends pas
voire titre !» On a demandé (des malins !) ce
■
que M. de Noailles aurait écrit sans madame
de Maintenon. Mais, parbleu ! il aurait copié
quelque autre livre de M. La Vallée... On
comprend qu'il fût entré à l'Académie, à
cause de ce nom et titre de duc de Noailles,
qui y fait bien, mais on ne le comprend plus
depuis qu'il écrit, et c'est pour cela qu'il y est!
•f^*^y*».- ■'^ •* ■ "•■ ■• ''*''
M DE PONGERYILLE 55
M. DE PONGERVILLE
Académicien du temps de Sérapis. Il a
traduit Lucrèce eh vers; puis il est rentre
dans le silence des Pyramides! qui, comme
on sait, sont des tombeaux !
XX
M. de; falloux
Il contraste bien avec cet antique M* de
Pongerville, la plus momie des momies aca-
5.
T.— '"••' *- --- -.
M M. DE FALLOUX
démiques, liée de bandelettes, rongée de
miles, qui ne dit mol et n'en pense pas da-
vantage; M. de Falloiix n'est que trop vivant.
C'est un des meneurs les plus intrigants de
rAcadémie. Il vaut, par Tinfluence et la pa-
role infatigable, hélas! le vieux triumvirat
directeur et oraleur : MM. Cousin, Guizoi et
Villemain, avec lesquels, lui, légitimiste, il
concubine contre l'E/mpire; mais il leur est
supérieur par le ton. On sait que M. de Fal*
loux, homme du temps où des cordonniers
comme M. Albert gouvernaient la France de
saint Louis et de Napoléon, dut son influence
politique à une politesse qu'on ne connaissait
plus dans les Assemblées, et qui parut char-
mante et nouvelle au milieu des grossièretés
ambiantes... La politesse, devenue un peu
rouée^ de M. deFalloux (M. Veuillot Tappelle
Fallax) fait encore sa force politique à TAcadé-
itiie. C'est par la politique et la politesse qu'il y
M DE FALLOUX 55
est arrivé. . Ses titres littéraires étaient grands
cependant. 11 avait, en littérature, la nullité
adorée... M. de Falloux a voulu toucher à
ce ferme et majestueux sujet, — la Vie de
saint Pie F, — et il a éventré là contre ses
déclamations sans entrailles... Son Xouis XVI
est faux et vulgairement sentimental. Pour
certaines gens, il semble que juger Louis XVl
ce soit lui couper la tête encore... M. de
Falloux , rhomme poli de TÂcadémie , et
qui; pour cela, cependant, ne la rend pas
plus agréable, est plus heureux ailleurs.
C'est le meilleur élet:eur de cochons qu'il y
ait eii France. Aux expositions, il a tous les
prix.
5fi M. YIKNNET
XXI
M. VIENNE!
Le premier de tous à rAcadémie. Le véri-
table Académicien! Que dis-je? C'est vrai-
ment l'homme- Académie! Il a étq engendré
de toute éternité pour elle. S'il m'était per-
mis de donner mes idées sur celte auguste
institution, je voudrais qu'on inventât pour
M. Viennet un fauteuil de présidence perpé-
tuelle, tant il représente bien l'Académie!
tant il s'adapte bien à cette vieille chose
du passé qui n'a plus de raison pour être !
M. Viennet, c'est le classique pur, la berne
*r.-y^ *,,>,. ■ '^ :» -• ' '- ' "T
M. VIKNNET 57
immuable. C'est le d'Arlincourt du classique,
comme d'Ârlincourt était le Vicnnet du ro-
mantisme. Il a fait des tragédies comme la
Fosse, des comédies comme Rochon de Cha-
bannes, des fables... pas comme la Fon-
taine, à la lecture desquelles on rit à l'Aca-
démie de ce rire sans dents qu'on y a, parce
qu'il coud à la queue de ses fables, d'une
main qui ne manque pas de frénésie, des
malices orléanistes... On peut le nommer
Campenon, Campistron autant que Viennet...
Dei*nièrement il a publié,- comme d'Arlin-
court, un poëme épique, et ce n'est point
l'épopée dont il avait le génie. Cela no s'ap-
pelle point la LouiS'Philippiade , mais la
Frandade^ ce qui est bien différent. Aussi
a-t-il raté net son affaire. Poëme de douze
mille vers! il faudrait vingt -quatre mille
hommes pour l'avaler.
* * -- . •*' X"*^» ,' Wi' '' ^' ' '
;)8 ' M. VIGTOn UOGO
XXII
M. VICTOR HUGO
C'est bien flerrière M. Viennel qu'il faut
placQF M. Hugo, le chef de. parti littéraire,
rhomme du romantisme et de la préface de
Cromwell^ pour avoir une idée juste de cette
énormité: M. Vicîor Hugo à rAcadéraie! Au
moins le duc de Guise fut assassiné par
Henri IH, et quand il fut tombé dague par
les Quarante-Cinq, le roi dit, tout pâto : a Je
ne le croyais pas ^l grand, » ca que M. Yien-
net n'a pas, certes, dit, quand il a vu
M. VICTOR HUGO 59
M. Hugo, qu'aucun des Quarante n'était de
forcé à tiier, humilié h terre devant lui sur
le parquet ciré de TAcadémie. Ce Jour-là, où
élait la fierté de la Muse romantique? Ce
jour-là, rhomme qui s'est tant moqué des
ailes de pigeon en a mis. M. Vintor Hugo a
démoralisé, par son exemple, cet enfant d'Al-
fred de Musset, qui, lui aussi, a accepté le
caparaçon académique sous lequel nous Ta-
vons vu si tristement baisser la tête. C'était
un bât sur le dos d'Ariel ! Comme il y a en
littérature des questions d'honneur autant que
• partout, quelle réponse fera Thistoire littéraire
de l'avenir à la question de savoir pourquoi
M. Victor Hugo a sollicité d'être académicien,
et a fait trente-neuf visites à des gens dont il
méprisait littérairement pour le moins trente-
sept. Si sévère qu'on soit pour un grand ta-
lent qui a ses défauts et^méme ses vices, i.
n'est pas moins certain qu'il y a dispropor-
00 M. VICTOR HUGO
tion (lu contenu au contenant, quand oh voit
M. Hugo à rAcaddmie, et que la racine d'un
chêne n'est pas de taille à tenir dans un vieux
pot à cornichons!... Quel motif a donc pu
décider M. Hugo?... Est-ce la vanité, plus
forte que Torgueil, ce jour-là?... Est-ce Ta-
mour du costume, de ee costume qu'avait
porté le grand Empereur? En le voyant sur
ses gaules, M. Victor Hugo, qui n'était pas
républicain alors, se croyait peut-être un
peu Bonaparte... Sont -ce les douze cents
francs de jetons de présence? Enfin, quoi?...
Du reste, quand on n'a que soi pour tout
principe, on fait toutes les fautes sans en
avoir conscience. César de décadence en lit'
térature, M. Victor Hugo, comnle les Césars
de la décadence, se croit dieu. Il ne pense
donc pas qu'il puisse compromettre jamais
son essence divine* Cela l'innocente, mais à
quel prix?
M. POiNSAUD ♦ 01
XXIII
M. PONSUD
Oh ! lui, lui, il est h sa place à T Académie !
Il csl de la race des Viennet. Comme M. Vien-
ne!, il peut s'appeler la Fosse, Saurin, du
Belloy, la Touche, c'est-à-dire du nom de
tous les gens de lettres qui ont bâti des tra-
gédies !
La première de ces choses qui Ta po$é^
comme on dit, et sur le souvenir de laquelle
il vit toujours, fut Lucrècôy imitation gros-
sière et faible, dans le détail et dans le style
02 * M. PONSARD
de Corneille et d'André Chcnier. 11 est des
mains qui ne respectent rien. Les mains
lourdes et gourdes de M. Ponsard traînant
sur la pourpre romaine du vieux Corneille et
sur les diaphanes albâtres grecs d'André Ché-
nier! c'était à faire criera à bas! » à tous
ceux qui ont le respect des belles choses. Eh !
bien! cela n'indigna personne dans les mai-
sons où, pendant dix-huit mois, Vadius triom-
phant et pudibond, M. Ponsard alla lire sa
tragédie tous les soirs! Le comité de TO-
déon, composé de têtes si forles, fut sé-
duit paf ce succès de société, qui était aussi
un succès de réaction!... On était las des
excès du romantismç, et la vieille rengaine
classique parut neuve. M. Ponsard fut pro-
clamé le poêle du bon sern^ parce qu'il était le
poëte de la vulgarité, ces deux choses qu'en
France nous confondons toujours*.. Mais il
ne retrouva jamais son succès de Lucrèce ^ Il
M. POI^JSAnD C3
fit Âgnhs de Méranie^ Charlotte Corday^ et •
toujours on voyait Lucrèce à. travers. Sa pièce
de r Honneur et F Argent n*a dû ses nom-
breuses représentations qu'à la politique, ce
qui, selon moi, est une honte pour une œuvre
littéraire. Les bourgeois orléanistes y voyaient
des allusions contre l'Empire et y battaient des
mains avec l'esprit qu'on leur connaît. De-
puis ce temps-là, M. Ponsard, qui ressemble
un peu au paysan du Danube, endimanché
dans un habit bleu barbeau (image de sa
poésie), a écrit Horace et Lydie^ et a voulu
jouer à l'Horace, comme il avait joué au Cor-
neille ! Chez les femmes, qui ne savent pas le
ktin, on croit qu'Horace avait cette élégance,
et voilà deux poètes bien heureux f
Ci 31. VICTOR LAI'UADE
XXllf
M. VICTOR LAPR\DE
Il ressemble un peu par la barbe à M. de
Falloux. Il lui ressemble encore par les opi-
nions et la passion politique. C'est la Fusion
à l'état de rage. M. Cousin, le philosophe,
n'a pas contre l'Empire de meilleur soldat
— entendons-nous, verbalement parlant, —
que ce poëte, soi-disant chrétien, qui, avant
de se jeter dans les fusions politiques, faisait
déjà fusionner dans ses vers le christianisme
et îc paganisme, Tautel des druides et la
1
: *>
M. VICTOR LA PRADE 65
croix! M. de Falloux a beaucoup plus de (e-
nue que M. la Prade, qui n'en a pas, lui,
beaucoup plus que M. Pelletan — Il débuta
dans la Remie des Deux Mondes par un poëme
de Psyché^ ennuyeux, même à la Revue des
Deitx Mondes II C'est phénoménal ! Puis , il
se jeta dans des Idylles montagnardes et dans
des Poèmes évangéliques. Tout cela l'aurait
laissé obscur à Lyon, faisant son cours pour les
guides de la Suisse, si TAcadémie n'avait voulu
recruter une clameur de plus contre TEmpire.
Enivré par le succès de sa réception, M. la
Prade a payé son entrée à ses maîtres, et il
leur a offert le bouquet de ses Satires politi-
ques, L'Évangélique écœurant s'est cru la
plume de fer rougi de Juvénal... Le fer roxm
n était qu'un fer à papillotes, qui biMftld tîn
peu l'oreille violette^ si prompte à la colère,
de M. Sainte-Beuve, lequel, raconte -t-on,
— mais c'est un renseignement à prendre
C.
. •
G(5 M. VILLE S! A IN
' — apporta un matin à rAcadémie un mor-
ceau de bois pour répondre au fer. On eut
grand'peine à désarmer M. Sainte-Beuve,
qui se ressouvenait du parapluie dont il
avait, dit-on, menacé un jour M, Villemain,
place Saint-Sulpice, en l'appelant a le Ther-
site de la littérature. » Ce jour-là, M. la
Prade en fut quitte pour son frisson, et T Aca-
démie, où il se passe de pareilles choses,
pour sa dignité...
XX¥
M. YILLEMAIN
Puisque j'ai parlé de M. Villemain d-ur.c
manière si honorable pour son caractère et
*♦
M. YILLEHAIN G7
pour sa gloire, finissons-en sur ce vieux Prix
d'honneur, et demandons-nous une bonne
fois ce qu'il a fait pour qu'on le regarde en-
core à cette heure comme Tiiomme le plus
spirituel de France et de l'Académie...
Ce qu'il a fait, le Toici :
D'abord, un Éloge de Montaigne et un au-
trc de Montesquieu j où l'esprit médiocre de
l'Académie se retrouva asser pour se couron-
ner. Ensuite, un Essai de critique dans lequel
M. '. Villcmain, ce critique sans critérium^
parlait des lois du goût comme eût pu le faire
le Batteux. C'était, au dix-neuvième siècle,
inférieur, comme toute critique qui no s'aj)-
puie pas sur une métaphysique robusle. Or,
M. Villemain, ce riez à V ouest ^ comme disait
si drôlement Balzac, n'eut jamais de méta-
physique... Avec ce nez, c'est impossible!
Ajoutez un Cours d'éloquence^ qui eut du suc-
cès pour deux raisons : — la première, parce
.»• ' ■*
es M. YILLEMALN
qu*il avait de Técho dans les passions politi-
ques du temps ; la seconde, parce que M. Yil-
lemain traduisait, dans ce Cours iTéloquence^
les orateurs anglais, alors très-peu connus, —
mais au fond, si vous voulez y descendre, ce
Cours est d'une platitude de jugement que
ne peut couvrir cette phraséologie élégante
qu'eut Lemontey av.jnt M. Yillcmain; Lc-
montcy, très-supérieur à M. Yillemain dans la
même école ; Lemontey, qui a au moins la
grâce dans la pensée, d'un homme qui a
aimé les femmes, tandis que M. Yillemain
est un Lemontey gauche et pédant, qui n'a
jamais connu d'autres jupes que son jupon
do professeur.
Il publia aussi dans ce temps-là (c'était le
temps de sa jeunesse) une dissertation sur
Lascaris^ illisible maintenant que nous
avons jaugé le quatorzième, le quinzième et
le seizième siècle. Il fut encore plus chétif
. f
M. VILLEMAIN C9
sur les Pères de l* Église que sur les Orateurs
anglais. Comment le bel esprit d'Université,
qui n'a rien compris à Tâme des deux Pitt,
pouvail-il comprendre quelque chose aux âmes
bien autrement grandes des régénérateurs du
monde? Le malheureux n'a jamais jugé les
Pères de TEglise que comme des rhéteurs
habiles, des modèles d'crateur. Esprit mes-
quin qui plus tard ne conçut pas plus Crom-
wcll que saint Grégoire de Nazianze. Un jour,
il eut (sous l'empire de quelle idée?) une vel-
léité d'historien, et il annonça qu'il allait
préparer une Histoire de Grégoire Vil ; mais
M. d'Eckstein, l'auteur du Catholique^ -qui
vivait alors , un terrible sire d'érudition
et de principes, le lui défendit, sôuâ peine
d'examen, et l'intrépide auteur resta coi soiis
cette menace, comme sous le parapluie de
M. Sainte-Beuve. Enfin, dans ces derniers
temps, il publia les Mémoires de Narbonne^
• ï j*'»j
70 M. VILLEMALN
dont il avait été le secrétaire, et les siens
en 1815. Livre où l'allusion, fine à force de
peur, essaye de pinçeir TEmpire à la peau.
Telle est Tœuvre de M. Villemain. Où est
dans tout cela la raison suffisante pour faire
d^lui, littérairement, plus qu'une médiocrité
cultivée, un bel-appris, mais pas davantage,
et pour le donner à la France comme un
homme dont la vivacité d'esprit touche au
génie? En conversation, n'a-t-on pas fait de
M. Villemain un homme de puissante repar-
tie, une espèce de Rivarol II î Mais Técrivain
Siux cahiers (T expression^ qui cueille dans les
livres qu'il lit des expressions et des images
dont il est incapable et qui les réduit en
une espèce de poudre étmcelante pour la
jeter, après coup, sur ce qu'il écrit, oui,
rhomme d'une si lâche méthode doit aussi
préparer et travailler de longue main les re-
parties qu'on lui attribue. Chez M. Villemain,
M. VILLEMA[N 71
le charlatan de style doit toujours être em-
busqué sous le causeur,,. A quoi donc tient
le genre de gloire dont M. Villemain jouit
en paix depuis soixante années, — car cet
homme nul fut un enfant célèbre, — et que
rien ne peut altérer, même les rapports sé-
niles qu'il fait chaque année comme secré-
taire perpétuel de TAcadémie?.,, Il a beau
les faire ternes et d'une rhétorique impuis*
santé, le pli est pris, le vase est imbibé. Ils
sont toujours brillants j quand on en parle dans
les salons et dans les journaux I Spirituel et
brillanty voilà la double épithète inféodée au
genre de talent de M. Villemain par ces mou*
tons de Panurge qui bêlent toujours dans la
même note. Eh bien 1 je crois savoir pourquoi
cette éternelle réussite , cette gageure inouïe
contre la vérité! Les moutons de Panurge^
pour des moutons, ont leur petite rouerie»
Us veulent peut-être un jour, en leur qualité
72 M. V1LLEMAL\
de moutons, entrer à rAcadémie, et ils sa-
vent bien que M. Villemain en lient la cla-
vette.
C'est, en effet, le maître de céans. Je crois
que, comme la femme de ce représentant
qui disait a mon peuple, » M. Villemain
pourrait dire « mon Académie. » Il y de-
meure; c'est sa coquille, son canonicat, son
fromage de Hollande. Tout le monde y souf-
fre la prépotence de ce nez à Vouestj qyi a
de la vrille dans l'esprit : les uns parce que
les passions de M. Villemain sont rendues plus
vives par sa conformation physiologique, la-
quelle exaspère les gens qui l'ont; les autres par
une indolence méprisante, comme Lamartine,
qui ne vient pas même toucher ses jetons de
présence! M. Cousin lui-même, le coup de
vent, rhommc sonore qui fait des bruits to-
nitruants, n'a pas contre l'Empire le degré
de passion repliée, profonde et persistante de
M. V1LLEMA[N 7S
M. Villemain. M. Cousin s'évanouit dans le
bruit qu'il fait. Ministre tombé, comme
M, Cousin d'ailleurs, M. Villemain le vaut
par le rang politique, qui a une si grande
influence à cette Académie liuéraire depuis
si longtemps détournée du but de son insti-
tution ! Il a la rage des mêmes regrets parle-
mentaires. Seul, M. Guizot, Tinvenleur de
celte catapulte de la fusion, Tancien prési-
dent du Conseil, et dont la Toison d'or fait
un bel effet décoratif les jours de solennité à
l'Académie, pourrait lutter d'influence avec
M. Villemain. Mais M. Guiïot a une ambition
moins chatte que celle de M. Villemain. Dans
le temps que M. Guizot élait au pouvoir, sous
les d'Orléans, pourvu qu'il dît à la tribune
ç< le gouvernement du roi, >> et, les bpns jours,
«notre gouvernement, » il avait des jouis-
sances, — les seules jouissances qui soient
dans sa nature, et c'est de même à l'Acadc-
7
7-4 M. VILLEMAIN
mie. Pour peu qu'il perche sur quelque
grand mot de moralité^ d'alliance entre l'or-
dre et la liberté^ etc., etc., il est content, et
il laisse'M. Villemain tout arranger autour de
lui dans Tintérêt de ces passions orléanistes
qu'il partage. C'est cette souveraineté à l'Aca-
démie qui empêche qu'on ne touche à la
vieille gloire de M. Villemain. Nous laissons
cette momie qui peut remuer contre nous, et
nous disons qu'elle est brillante. Tenez!
voilà M. Francisque Sarcey qui vient de se
croiser contre moi* à propos de M. Cou-
sin, l'officier d'état-major de M. Yillemain à
l'Académie ; mais je suis persuadé qu'il va
élever bien autrement la voix de son bon sens
contre mon imprudence et ma folie. Talent,
comme on sait, abondant et onctueux,
M. Sarcey, qui a de l'onction à en revendre
aux autres, n'a point mon opinion sur M. de
« D.iiis le yain JaiufCt où ces Médaillotis ont dtya paru*
M. VÏLLEMAIN 7a
Sacy, lequel est pour moi un petit bâlon de
cornouiller, et pour lui Tarbre qui distille
le baume et la myrrhe. Que ne dira-t-il pas^
contrairement à moi, de M. Yillemain?... Cap
les gens qui désirent entrer dans cette bonne
maison des Débals désirent encore plus fort
.entrer à l'Académie. C'est le salon et c'est
Tantichambre qui y mène, que TAcadémie et
le Journal des Débats I
Enfin, une autre grande raison encore de la
solidité de la gloire de M. Yillemain, c'est la
position toute-puissante qu'il eut si longtemps
dans l'Université. Mère Gigogne* de profes-
seurs, qui en a tant pondu à tous les degrés
de la hiérarchie universitaire, M. Yillemain a
a'ppris à ces gens-là, qui stylé^it' nos enfants
depuis tant d'années, que M. Yillemain est le^
brillant et spirituel M. Yillemain. L'épilhètc-
. momie est restée à poste fixe sur le bec de tant
de perroquets ! M. Yillemain, tout à l'heure,*
76 M. PnOSPER WÉniMÉK
est à sa Iroisième génération de perroquets,
mais à la qualrième ce sera fini probablement.
M. Yillemain ne vivra pas comme Matbusalem,
et alors Thisloire littéraire le jugera comme
il le mérite, c'est-à-dire indigne d'être lu.
M. PROSPER MÉRIMÉE
Encore un romantique à TÂcadémie! cetle
contradiction à laquelle je ne me ferai ja-
mais ! M. Prosper Mérimée est un romanti-
que de la première heure, un des plus vail-
lants, un des plus marquants. Talent brillant
M. PROSPEU MÉRIMÉE * 77
et noir comme FEspagne qu'il a peinte et d'un
raSkaé qui va jusqu'à la scélératesse. Il y a
du Goya dans M. Mérimée. Son meilleur ou-
vrage est encore le théâtre de Clara Gazvl,
Très-supérieur, selon moi, à Colomba ^ beau-
coup plus vantée ; car dans ce pays tempéré,
si peu fait pour les arls, ce qu'on aime le
plus, c'est la manière adoucie d'un homme,
ce n'est pas sa manière acharnée^ qui prouve
son génie. M. Mérimée procède d'un homme
beaucoup plus fort que lui. C'est Stendhal,
l'auteur du Bouge et Noir. Il est son dimi-
nutif et presque son disciple. Cependant, il
faut être juste, Stendhal, malgré son im-
mense talent, n'aurait pas fait le théâtre de
Clara GazuL
. C'est par l'invention que Stendhal domine
M. Mérimée ; mais M. Mérimée est un exécu-
tant plus habile, un virtuose plus profond.
Tous les deux ont pour défauts extrêmes la
7.
78 M. PROSPKR .MÉRIMÉE
sécheresse , la maigreur , la concentration
recuite. Violents dans la sobriété, ils ventent
faire avant tout les positifs, et ils finissent
par devenir disgracieux et faux. Commo
Siendhal, M. Mérimée est un athée discret,
un Fontenelle sinistre. 11 n'aurait jamais,
lui, au café de la Régence, les colères contre
Dieu de M. Sainte-Beuve. Homme d'esprit
politique qui sait diriger les relations de sa
vie. Du fond de son épicuréisme il prend,
comme Stendhal, des décisions nettes, rapi-
des, presque militaires. Gens qui seraient do
première force , si les principes moraux
étaient des plaisanteries ! Comme Siendhal
encore, M. Mérimée a le mépris le plus ho-
norable pour tout ce qui est vulgaire; mais
c'est un mépris goiiveimé, qui ne Ta pas em-
pêché d'entrer dans une Compagnie où les
grands talents, par le fait qu'ils y sont, y sont
déplacés.
M. EMPIS 79
XXVII
M. EMPIS
Est-ce Empis-Picard?... Est-ce Empis-
Mennechet?..; Est-ce Empis-Cournol?... Est-
ce Empis-Mazères?... Car ce diable de
M. Empis, qu'aucuns appellent « Tant pis ! »
a-t-il jamais été tout seul M. Empis? 11 faut
qu'il soit deux pour. avoir Tesprit d'un seul^
et souvent de personne ! Tous ces gens à
collaboration me font l'effet' du veau à deux
tçtes, ce vieux phénomène ! Seulement, eux,
ils n'en sont point un. De têtes, M. Empis en
sa M. KM PIS
a quatre pour son compte, sans compter la
sienne. C'est l'idole assyrienne de l'Académie,
comme M. Pongerville en est la momie égyp-
tienne. La seule différence qu'il y ait entre
eux, c'est qu'on sait nettement ce qu a fait
M. de Pongerville; c'est qu'on se rend très-
bien compte de cet énorme effort de la tra-
duction de Lucrèce, qui l'a crevé... Maison
n'a jamais su, on ne sait jamais ce qu'a fait
M. Empis ! On voit jouer une pièce qui peut
être de tout le monde et qui en est; on vous
dit que c'est de M. Em|Ns, et vous en êtes
bien aise pour l'idée que vous vous faites de
ce brave homme. Mais quand vous reverrez
cette pièce, il vous sera impossible de vous
rappeler que c'est de M. Empis. Quel talent
pour se graver dans la mémoire ! Ah ! l'Aca-
démie n'oublie jamais les hommes de cette
puissance d'impression. Elle se reconnaît en
eux et elle leur ouvre ses portes. M. Empis,
M. JULES SANDKAU 81
académicien! Mais comment! il est ne de
TÂcadcmie ! Si tous les Quarante étaient des
Empis, je dirais tant mieux! ce serait Tldéal
de l'institution!!!
XXWIII
M. JULES SANDEAU
C'est une femme de leîlres et pas des
meilleures encore ! Un jour, pour les besoins
d'une cçllaboration, qui a été publique,
M. Sandeau échangea son sexe contre celui
de madame Sand ; mais pour mon compte.
8-2 M. JULES SANDKAU
je n'ai jamais su pe quMl lui a pris et ce qu'il
lui a donné! C'est un romancier, — un
oncle à M. Octave Feuillet. Il a cette moralité
de sceplique qui n'est sûr de rien, celte
mondanité morale, chère aux mêmes petites
mamans qui veulent que les enfants aient des
collerettes blanches, n'ayant pas plus que
M. Feuillet une idée de morale solide appuyée
sur un principe dans sa tête mûre, terrible-
ment plus mûre que celle du neveu Feuillet,
et n'ayant pas, comme M. Feuillet, la pré-
tention au raffinement, prise à respirer ce
flacon de senteur qu'on appelle Alfred de
Musset... Comme peintre, M. Sandeau est un
cataplasme assez doux pour les porteurs de
visières vertes. Aussi a-t-il publié, chezBuloz,
uii grand nombre de ses romans ; l'autre
nombre le fut chez Pitre-Chevalier, au Musée
des Familles, Puis, de Buloz en Pitre, il est
entré à l'Académie; — à rxVcadémie, qui
M. JULES SANOEAU ^3
veut des romanciers, la charmante moderne
qu'elle est ! qui ne voulut pas de Balzac, il
est vrai, mais qui prend des Sandoau tant
qu'il y en a, et laisse là Léon Gozlan!...
Léon Gozlan, un esprit chaud, coloré, con-
densé, aiguisé, vivant et vibrant, plein d'in-
vention, un maître qui fait d'abord le dia-
mant et qui après le taille, et quand il n'a
pas de diamant, qui prend un bouchon de
liège et en fait sortir le feu du dianvant par
une incroyable magie!... ibis savent-ils
même à l'Académie qu'il existe un Léon
Gozlan?...
Que pense M. Sandeau en })hilosophie^ en
histoire, en législation, en politique, en re-
ligion, la question suprême? On sait tout cela
d'un grand romancier. Je le dirai de Daniel
de Foe, de Walter Scott, quand on voudra ;
mais M. Sandeau n'est pas un grand roman*
cier* C'est un petit conteur de contrebande,
84 M. JULES SANDEAU
rompu au métier, qui a grapillé dans la vigne
à Goldsmilh, et à Walter Scotf, et qui nous a
souvent gâté le raisin qu'il y a volé. D'essence
et d'élégance naturelle, c'est, ou plutôt c'était,
un clerc de noiaire. Je l'ai vu, — autrefois,
— faire le dandy en loge avec une grosse che-
valière à pierre brillante, por-dessus un gant
beurre frais, qui n'était pas très-frais. 11 a eu
les mêmes goûts et les mêmes malheurs
qu'Alfred de Musset, et il disait, montrant
sa tête chauve : « Elle m'a pris mon dernier
cheveu et ma dernière illusion. » Mais, comme
Alfred de Musset, il a'a pas fait son saut de
Lcucade dans Tabsinthe. Il a piqué dans le
solide, les huîtres, le pâté de foie gras et les
côtelettes. Guéri de passions, marié d'ailleurs,
il est devenu un ventre rondelet et tranquille
qui emplit très-bien son fauteuil d'Académie.
M. de Pontmartin s'est longtemps dévoué à sa
gloire. Mais lui, l'ingrat, pourquoi ne s'oc-
M. DERRYER Si
cupe-t-il pas un peu plus de faire entrer à
rAcadémie M. de Pontmartîn?...
XXIX
M. BERRYER.
C'est la Politique, — c/est-à-dirc — ce
qui devrait être interdit à rAcadémie, — et
ce qui scandaleusement y règne, '• — c'est la
Politique, non la Littérature, qui a fait de
M. Berryer un académicien. Il n'y pensait
même pas. Mais on le voulait... pour avoir
la grande voix légitimiste dans le concert
contre FEmpire, et il se laissa faire! Et,
'8
8ti 31. BEURYER
comme les enfants gâtés qui se sentent des
enfanis gâtés, et vont devenir des enfants ter-
ribles, il déploya, le jour même de sa récep-
tion, l'impertinente indifférence d'un homme
qui oblige plus qu'il n'est obligé... Il est
d'étiquette de lire son discours à l'Académie.
«Je ne sais pas lire, dit-il ; je ne sais pas
écrire ; je ne sais que parler. » Et il le prouva,
car il lut fort mal. Superbe mal portée!
Grand seigneur étudié au Théâtre-Fran-
çais !
Quant au talent inacadémique de M. Ber-
ryer, c'est un acteur, ce a'est pas un orateur.
Et encore, un acteur qui n'est pas le maître
de son art! car on voit toujours qu'il joue la
comédie et qu'il le sait,,. Sa voix est belle,
mais il l'écoute trop. Son geste est ample,
mais il le suit trop du regard... et il pue,
d'ailleurs, la grand'manche. C^est comme les
lapins du poëte t
M. «EP.RYEP. 87
Sentant cncor les choux dont ils furent nourris.
Les choux dont fut nourrie l'éloquence de
M. Berryer, cV>st la cour d'assises... Quand
les événements parlementaires d'une époque
sans grandeur firent de lui un homme poli-
tiquQ, il n'a jamais été pour moi le ministre
plénipotentiaire ou le directeur d'un parti.
Ni Bolingbroke, ni MirabeauJ Non, non,
mais toujours l'avocat, le simple avocat en
cour d'assises de la légitimité! Tête nulle en
politique, comme doil Têlre toute tête d'a-
vocat qui ne voit dans tout que des chicanes
à faire et des malices à combiner! Ayant, du
reste, l'expansion, la verve facije, l'épicu-
réisme, la main tendue... à trop de gens, et
le qu est-ce que cela fait?.., des orateurs, ces
grands lâches, non! — mais ces grands
lâchés^ qui devraient porter une ceinture et
qui n'en portent pas, laissant tout aller comme
88 M. BERRYKR
cela peut, et cela fait parfois de vilains spicc-
tacles. Rappelez-vous le trop de facilite des
mœurs de Fox, dont le cœur était excellent?
Il y a un peu du tempéramwit de Fox daiis
M. Berryer, Mais quelle infériorité de talent,
focile à expliquer. . . La salle des PaS'Perdu$
et des Conférences pendant quarante ans!
Croyez-vous que Fox lui-même y aurait ré-
olol^ • • • •
c< Quand les hommes s'assemblent, —
disait madame Roland, — leurs oreilles s'al-
longent. »
M. EMILE ÂUGIER 80
XXX
M. EMILE AUGIER
Très-inférieur à l'auteur de M. BoUe^ son
grand-père. Il n'en a ni Tobservation ni la
gaieté. Esprit morose qui ne demanderait pas
mieux que de rire, caria \ivc bulle du sang de
Pigault-Lebrun doit de temps en temps polis-
sonner dans ses veines ; il n'attrape jamais
que le rire acide ou le rire plat. Fruit le plus
sec de la poésie contemporaine, il s'est tou-
jours cru du poêle quelque part, et c'est même
ce qui Ta perdu. Il a fait le recueil de ri-
8.
flO M. EMILE AUGIER
gueur. Les Pariétaires^ je crois. Pourquoi les
Pariétaires? On n'a jamais pu le savoir,
L'auleur y veut être le plus Henri Miirger
qu'il peut. Or, Henri Mûrger n'était que le
groom d'Alfred de Musset. C'est donc un
groom de groom. Quelle splendeur !! ^Danscc
premier mouvement de poésie impuissante,
qui continue toujours, dit-on, dans sa tête,
M. Emile Âugier fit la Ciguè pour l'Odéon :
pièce de dix-huit ans, comme on en jouait
chez les Jésuites, à la récréation des prix. Ceci
le retourna do sa poésie de muraille ; il se crut
poëlc comique, et il aborda la comédie de
Molière avec des facultés qui n'égalaient pas
celles de Scribe. Il parlait la même langue
française : le parisien, ce parisien que l'on
•parle dans les salpns meubles en acajou. On
ne sait pas le plus bourgeois en lui, du pro-
sateur ou du poëte. Avant le Fils de Giboyer^
qui avait une prétention politique, qu'on p'est
M EMILE AL'GIEU 01
fail sllf^l^aIrinlClit escompter par les appLui-
dissemenls anlilittéraires des partis, il n*avait
guère fait que des pièces à filles entretenues.
Sans la fille, il manquerait de sujets... Ce-
pendant toute la société française n'est pas
uniquement sous le réverbère.
Il est devenu académicien, mais un peu
plus de gaieté, — la»chose impossible, — en
aurait fait un vaudevilliste. Seulement, il
aurait dû, l'homme des Pariétaires, s'ad-
joindre quelqu'un pour tourner le cou])let.
Parmi les comiques les plus oubliés du pre-
mier Empire, il n'en est pas qui n'ait plus de
talent que lui. Picard a du moins fait la Petite
Ville. Mais où est la Petite Ville dans les
œuvres de M. Âugier?...
Comme M. Feuillet, il appartient par la
nature de son esprit, de son ame et même par
les traits de son visage, aux hommes du règne
de Louis-Philippe. Est-ce pour cela qu'à l'A-
î»2 M. LEBRUN
cadémie il n*a pas été discuté ? Si ses opinions
sont napoléoniennes, la nature de son esprit
pourrait un jour trahir ses opinions. II est
aussi, comme M. Feuillet, de lu section des
jeunes à TÂcadémie ; car il y a maintenant à
TAcadémie le banc, le petit banc des Jeunes,
— des Jeunes... vieux !
xx.\i
M. LEBRUN
H a fait sa Lucrèce^ lui, bien avant Iw^rèce.
C'est Marie Stuart^ tragédie, ancien grand
modèle.
W. LFBr.UN o:
D'Avrigny aussi avait fait une Marie Stuart^
et il ne fut point de rAcadémie. Les Géronte
s'avisent parfois d'être capricieux comme de
jolies femmes .. Sans l'inconséquence, le
pouvoir serait moins doux.
M. Lebrun a écrit un poëme sur la Grèce
moderne...^ en vers, qui rappellent, en les
affaiblissant, les Messéniennes de Casimir
Delavîgne. C'était le temps alors, le glo-
rieux temps pour la langue française , où
tout ce qui avait instinct de poésie, flamme ,
au cerveau, réflexion trempée aux grandes
sources, essayait de ressusciter des rhylhmcs
anciens ensevelis,. et où le triomphe était d'en
créer de nouveaux, d'audacieux et de diffi-
ciles. M. Lebrun prit ce temps-là, lui, pour
se déboutonner, sans tant de façon, dans le
vers libre, use par la poésie du dix-huitième
siècle. — Et l'Académie fut si touchée de
cette commodité classique, introduite comme
9i ♦ M. DÉSIRÉ NISARD
m • • • ■ • • — ■ ■ .... ..
un rond de maroquin vert sur les plus belles
ruines de la Grèce pour les chanter plus à son
aise, que, du coup, elle nomma M. Lebrun
académicien, lequel se tut,., du coup iDormit
scmper Homems!
XXXII
M. DÉSIRÉ NISARD
*
Comme M. Villemain, dans le cours de ses
premières études, M. Nisard fut presque un
enfant célèbre... Mais pour être, Thomme
n'a pas besoin du souvenir de Tenfant. —
CV^st un humaniste comme on le fut au sei-
M. DÉSIRÉ NISARD 95
zième siècle. II débuta par un genre de clas-
sique qu'on ne connaissait pas; hardi, ner-
veux, indépendant, qui dit son fait vertement
aux Excessifs du romantisme, alors les maîtres
du terrain . Cela était jeune, et cela n'était pas
pédant! ce qui ne s'était jamais vu parmi
les classiques. Le martifeste contre la liltéra-
tare facile se lit encore et restera. Charmante
révolte de l'esprit français contre \es étrangetés
et les choses étrangères d'un romantisme qui
nous venait trop du dehors... M. Nisard n'en-
tendait pas qu'on dénationalisât la littérature.
Depuis cette époque de combat M. Nisard s'est
élevé. C'est l'amour le plus vrai des lettres
dans une superbe intelligence tempérée. Il
aîme Bossuet, et c*est sa seule intempérance*
Car Yimilation de ramour tombe dans le
courant clair et limpide de sa propre origina-
lité, et son naturel, qui est si sain et si vrai,
en est troublé... Grand critique par le senti--
96 M. DÉSIRÉ NISÂUD
ment, la sensation, Tintuition, lai culture qui
est exquise, il n'a qu'un défaut, à mon sens :
c'est de ne pas appuyer sa critique sur des
principes assez fixes pour empêcher son grand
esprit étendu d'être inconséquent. Tel est le
reproche à faire au beau livre sur la Liltéi^a^
ture française qu'il vient de publier. Inconsé-
quence, oui, — ici et là, — mais, dans son
inconséquence même, quelle conscience litté-
raire plane partout !
11 a fait un livre excellent sur l'Angleterre,
dans lequel cette tête classique accusée de
froideur, '■ — mais c'est aussi le reproche qu'on
fait aux femmes vertueuses, — a dit les plus
belles choses et les plus profondément pensées
qui aient été écrites en français sur lord
Byron... Bonapartiste de la première heure, à
la manière de Carrel, dont il fut l'ami, — ils
n'ont parlé de République que quand ils n'ont
plus eu de Bonaparte, — il écrivit au National
M. DÉSÏRÉ NISARD 97
de 1854. Homme d'ordre, il accepla par
raison les gouvernements intermédiaires ;
mais avec quel frémissement de plaisir il est
allé à Napoléon III !
Dernièrement, il a écrit an Moniteur de bons
articles sur l'histoire de M. Thiers {le Consulat
et VEmpire)^ qui auraient été bien meilleurs,
s'il n'avait pas été académicien... Le confrère
a faibli... Un critique contemporain à l'Aca-
démie a trente-neuf personnes qu'il ne peut pas
toucher trop fort. Les Académies remplacent
par le sentiment corporatif le sentiment de la
vérité; et c'est ainsi que les académiciens,
même les meilleurs, sont forcément, toujours
plus ou moins, leà larrons en foire de la litté-
rature !
En somme, homme de grand goût litté-
raire, bonapartiste rare à l'Académie, sur
qui l'Empereur pourrait compter, au milieu
des académiciens, M. Nisard serait, dans
9
^ * »
* * * rf
- - -• * .
4
4
4
A
98 W. FLOLRKNS
sa plus pure notion, un véritable académicien,
si rAcadcmic était restée ce qu'elle devait
elre...
xxxim
M. FLOURENS
GVsl de la science en papillotes. Délicieux
pour les petites filles du Sacré-Cœur. Qui
sait? Les petits garçons, qui deviennent si
forts, le trouveraient peut-êlre un peu faible.
M. Flourens est le Petit-Poucet, non mangé,
mais pondu par Buffon. Quelqu'un, que je ne
nommerai pas^ rapficla un jour Buffonnet^
M. F.LOURENS 90
pour lui être agréable, mais je ne crois pas
qu'il ait senti le compliment. C'est le plus
naturaliste des littérateurs, et c'est le plus lit-
térateur des naturalistes. Aussi est-il des deux
Instituts, corbleu! Très-agréable anecdotier
scientifique, qui, comme ce diogénique M. Ba-
binbt, bien plus amusant dans le capharnaûm
de son appartement que dans ses livres, met
la science à la portée de ceux qui ne savent
absolument rien. Ils sont, Tun et l'autre, de
vocation, professeurs de tous les MM. Jourdain
de la terre, lesquels crient en les écoulant :
Vive la science ! du fond de leur aneiie. En-
gageant, insinuant, émérillonné, M. Flourens,
qui a l'esprit léger, ne craint pas de faire
Turlututu à la Science majestueuse, comme
s'il revenait de Saint-Cloud, et de compro-
mettre sa gravité par des thèses paradoxales,
qui s'élèvent, sans trembler, jusqu'au ridi-
cule. (Voir sa Longévité.) M. Flourens est le
iCO W. FLOURF.NS
plus joli gazon de rAcadémic. Je parle des
gazons ! La plus jolie perruque sur une tête
fine. Ce n'est pas cette perruque-là, trouvée
au coin d'une borne, que Frédérick-Lemaître,
le créateur, brimballe au bout de son crochet
(dans le Chiffonnier) et précipite dans sa
hotte, en disant avec Temphase d'un comique
gigantesque :
ACADÉMIE FRANÇOISE!
Déplacé donc par Tcsprit, la vie, les ma-
nières aimables et la perruque, à TAcadémie,
c^est le comble de la séduction et du mystère
qu'il y soit entré. Comment s'y est-il pris?
Il devrait bien le dire à M. Jules Janin!
M. DE LAMARTINE 101
XXXMW
M. DE LAMARTINE
Le génie heureux, abondant, qui n'a rieu
fait pour être sublime et qui l'est, mais qu
a beaucoup fait pour ravaler, hélas ! le plus
chaste et le plus idéal génie aux choses mes-
quines de son temps et à ses partis les plus
coupables ! Romantique sans qu'il le sache,
comme il a du génie sans que cela lui coule
une minute de peine, M. dp Lamartine n*était
pas, comme M. Victor Hugo, uu chef de parti,
!».
^ "^ Kfc»»^!
102 M. DE LAMARTINE
ayant oriflamme ; tenu par conséquent sur son
honneur littéraire de ne jamais entrer à l'Aca-
démie, quand même elle se serait mise à genoux
devant lui, ce qu'elle n'a pas fait. Mais comme
Alfred de Vigny, le poète d'albâtre, comme
M. Prosper Mérimée, trop académicien aussi
par le silence, il n'y est pas à sa place et il y fait
une énorme tache de lumière. Qu'y a-t-il de
commun, en effet, entre l'auteur des Médita-
tions qui n'est pas, — je le sais bien, — un
aussi grand poëtc dans ses Méditations qu'on
l'a dilj quoiqu'il en soit un bien grand déjà;
mais surtout entre l'incomparable poëte des
Harmonies et de la Mort de Socrate^ — deux
choses immortelles et belles comme tout ce
qu'il y a au monde de plus beau, — et les
professeurs encuistrés et les gens. à bon sens
aplati, et les rimailleurs de l'Académie! Le
flot d'azur de son destin, si lo.igtemps heu-
reux, l'a poussé un jour, plus qu'il n'y est
M. DE LAMARTINE 105
allé de lui-même, dans ce havre de vieux
hérons . moroses qui n'était pas fait pour un
oiseau du Paradis comme lui, et il s'aperçoit
maintenant à quelle espèce il s'est appareillé.
Je n*ai point à juger ici M. de Lamartine
comme homme et comme écrivain politique.
Sur ce terrain-là, ce n'est plus le divin La-
martine. Il s'y brise et brise le cœur de ceux
qui savent l'aimer. Je dirais des choses trop
sévères pour lui, trop tristes pour moi, et
inutiles ici , car il ne s'agit que des acadé-
miciens en ces Médaillons, et c'est le poëte
qui iSt entrer M. de Lamartine u l'Académie. . .
Depuis qu'il y est, du reste, 1 homme poli-
tique vaincu n'y a pas, du moins, comme les
autres Déchus politiques qui y fourmillent,
• clabaudé misérablement contre le pouvoir qui
nous a sauvés de leurs fautes et de leurs sot-
tises... Il ne va pas même à leurs séances, et
il en sourit... Le mépris ne tombe bien que
104 H. GUIZOT
d'une cime. C'est même la hauteur d'où il
fombe qui en fait vraiment le mépris !
XXXV
M. GUIZOT
Comme M. Thiers, M. Guizot est un échan-
tillon des grands hommes que, sous Louis-
Philippe, on nous fagotait! La Postérité les
déshabillera de leur grandeur, et ce terrible
valet de chambre aura la main dure, je les
en avertis! M. Guizot, à T Académie, repré-
sente et incarne la fusion, inventée par lui,
le dernier concubinage de ce grand Concubi-
A. *' - ' -.- _„„, — ib < t <i ■ » ■"
M. GUIZêT ^(J5
naire politique qui a toujours aimé à coucher
avec tous les partis! Mystification ^mère et
méritée à une époque niaise, qui se prend à
la glu de quelques paroles, sévères et senten-
cieuses! L'Opinion, — la grosse Opinion,
— cette madame Brid'oie, — accepte présen-
tementromme le plus honnête homme politi-
que qui ait jamais existé M. Guizot, M. Guizot,
qui a fait la coalition de 1859, c'est-à-dire
qui a vautré sa main dans celle de tous les
partis, Droite, Gauche, Centre gauche. Ex-
trême Gauche, pour faire tomber M. Mole,
l'homme du gouvernement, dont, depuis,
M. Guizot a été encore plus l'homme ! Aujour-
d'hui incorrigible et dailleurs désespéré
d'une chute dont il ne devrait avoir que
honte, il refait contre TEmpire cette coalition
dps partis sous le nouveau nom de fusion et
il n'y /bnd pas son honneur. Comment donc?
Au contraire! II y a des entêtés qui ferment
•106 M. GUIZOÏ
les yeux et qui répètent leur mot c< d'honnête
homme politique, » en s' extasiant sur cette
grande moralité, verbale et verbeuse, qu'a
flétrie un jour M. Royer-CoUard, un voisin
de Canapé cependant! « Vous Tavoz appelé
un austère intrigant, — lui reprochait-
on. — Non^ dit Royer-Collard, je n'ai pas
dit austère. » Corrupteur puritain, qui
demandait aux électeurs deLisieux : « Vous
sentez- vous corrompus? » comme si les gan-
grenés sentaient leur gangrène ! M. Gui-
zof est uij Walpole sans habileté, qui ne
sait pas tirer parti de la corruption ; mais
son immoralité n'est pas dangereuse, comme
, toute immoralité qui se respecte devrait Têtre.
A l'Académie, comme au pouvoir, il est bien
plus pour la décoration qiie pour autre chose,
car, tie vous y trompez pas, cet homme sans
couleur dans le talent est très-extérieur. Il a
bien plus les attitudes du pouvoir que les
i
M. GUIZOT i07
apUtudes. Il n'aurait jamais voulu être le
P. Joseph du Tremblay, FEmincnce grise, le
conseil occulte de Richelieu, d'abord parce
que sur rien ce sceptique peint en dogma-
tique 'n'a de conseil décisif k donner, mais
surtout parce qu'il aurai* été TÉminence
grise, tandis qu'il eût haleté de désir d'être
« la rouge, » quand même, au lieu d'avoir
du génie, elle aurait été une grande sotte. Le
tout, pour lui, est d'être, le titulaire du pou-
voir. Or, ce qu'il a été aux affaires qu'il ne
faisait pas et où il ne fut jamais que le do-
mestique de Louis- Philippe et son porte-voix
parlementaire, il l'est encore à l'Académie.
M. Cousin a des indiscrétions de haine qui
cherchent des échos. M. Villemain, retors
comme toute sa personne, se reploie comme
im tire-bouchon pour mieux percer; l'un est
l'intrigant en plein vent, l'autre l'intrigant
sous lèvent, mais leurs passions contre l'Em-^
108 M. GUIZO'f
pire sont intéressées, envenimées, toujours à
Taffût. M. Guizot, lui, n'intrîyue et n'a de
passion que pour son importance, et son
importance n'est qu'une étiquette. C'est l'Or-
léanisme même à l'Académie.
La Maison d'Orléans lui a passé procura-
tion... Toujours porte- voix, il y sonne le
rappel de la fusion avec sa parole^ creuse
comme un tambour. C'est lui, mais assisté
de MM. Villemain et Cousin, qui a fait passer
MM. de Carné et Dufaure aux élections d^-
nières. Quoique le règlement académique,
violé à chaque élection , interdise formelle-
ment à chaque académicien, sous peine de
de pas voter y toute promesse à un candidat
quelconque, le Comité directeur de l'Aca-
démie s'était engagé à porter l'abbé Gratry
pour remplacer le P. Lacordaire, quand
tout à coup il fut illuminé de l'idée que
I
M. GUIZOT 100
W[f Du&fire, le ministre tombé, — on les
ramasse piètrement, tous ces pauvres cassés !
— et M. de Carné, de la Reme des Deux
Mondes^ seraient plus dans Tcsprit et des
passions de TAcadémie que ce prêtre tran-
quille, qui aurait parlé du moins de Lacor-
daire avec compétence, dans son discours de
réception. Alors, on reprit tout doucettement
à l'abbé Gratry la parole. qu'on lui avait
donnée, l'assurant, avec de grandes ten-
dresses, que la prochaine élection serait pour
lu^. L'académicien édifié qui m'a raconté
cette histoire prédisait que l'abbé Gratry,
qui s'était laissé, avec tant d'innocence, tire-
bouchonner par M. Villemain une promesse
qu^il croyait si bien tenir, devait renoncer
à l'Académie tout le temps qu'il y aurait des
Orléanistes à placer, et il y en aura toujours !
En littérature, M. Guizot a été aussi surfait
io
lie M. GUIZOT
qu'en politique. II est de Tépoque où tout
professeur à petite allusion contre le gouver-
nement des Bourbons de la branche ainée
m
était immédiatement porté à dos d'âne sur
le pavois de la popularité. Son Histoire de la
civilisation^ — titre ambitieux de cet ambi-
tieux vide, qui n'a vu jamais partout que des
litres, — son Histoire de la civilisation a
commencé sa renommée, mais elle Tachè-
vera... Il y a certainement là dedans du ren-
seignement historique; Thomme s'y vide de
ses lectures; mais des vues nelteS| réelles,
profondes, on les cherche sous cette gravité
qui ne cache rien. On n y parle que doctri-
naire. Les éléments y reviennent sans cesse.
Phraséologie vague qui embrouille, au lieu
d'éclairer! On y confond et on y additionne
comme étant d'ordre identique les choses
d'un ordre différent ; par exemple, Vêlement
gaulois, Vêlement germanique, Vêlement ro-
1 .
M. GUIZOT lli
main et le christii(nisine . C'est comme qui
additionnerait trois bonnets de coton et un
canif pour faire quatre bonnets de coton!
Le christianisme et même l'Église, ces faits
immenses, ont imposé à M. Guizot un respect
dont il faut lui savoir gré, quoiqu'il y ait
dans ce respect plus d'immobilité d'esprit
fasciné par des faits terrassants que de com-
préhension et de lumière; mais, dès que
le protestantisme apparaît dans l'histoire,
M. Guizot se trouble , et le sectaire aveugle
l'historien... Le style qui fait les livres et
qui les fait vivre manque totalement à
M. Guizot. Cette affirmation va paraître pres-
que aussi scandaleuse que le nom de cour-
tisane politique donné à cette haute prude
de propos, qui n'a cessé de faire sa tête
et de prendre de grands airs de vertu
dans l'exercice de son vice; mais la Postérité,
qui n'aura pas nos lâches complaisances
.H2 M. GUIZOT
OU nos relations esclavaSi jugera ferme...
Pas plus Français de langage que de poli-
tique, M^ Guizot, quand il ne parle pas doc-
trinaire ^ parle calviniste. Ce qu'on appelait
le style réfugié autrefois valait mieux que le
sien; lui, c'est un style à fuir. Monotone,
anguleux, froid, n'ayant de couleur que celle
de la bile, d'un sérieux de mort, d'un em-
phatique de catafalque, souverainement en-
nuyeux, — ce qui, je le sais bien, est une
force dans la France moderne ! — le style de
M. Guizot n'a pas même la plus vulgaire cor-
rection. Si un granimairien dévoué voulait se
livrer à la rude besogne de souligner les fau-
tes grammaticales dans les écrits du célèbre
professeur, on serait étonné, mçme ailleurs
qu'à l'École normale, et tous les professeurs
de France se cacheraient la tête dans leur
- robe. On serait un moment sans les voir, et
M. OUIZOT 115
ce serait toujours cela!... Un jour, on fera
peut-être ce travail utile. Le protestantisme
de M. Guizot redouble nécessairement son
orléanisme, car Torléanisme est essentielle-
ment protestant. Les fils de M. le duc d'Âu-
maie sont en ce moment élevés -en Suisse
dans une pension protestante. Comme tout se
voit partout maintenant, la vieille monarchie
catholique d'Espagne a pendu au cou du pro-
testant M. Guizot une de ses Toisons d'or,
après les mariages espagnols ;
Que pensent-ils de nous, les hommes qui sont morts?
Que durent penser dans leurs cercueils
Philippe II et le grand duc d'Albe?... C'est
à en ressusciter de colère, pour en reniourir
de fureur !
10.
■^ •* ^^^
11i M. LE COUTE DE SËGUR
xxxm
H. LE COMTE DE SËGUR
Un Ségur qui a porté son nom charmant
avec plus que la grâce, héréditaire dans sa
race. La grâce, il Tavait de naissance. Il
avait l'élégance de talent qu'exprime bien
le nom de Ségur, et il le prouva en écri-
vant, d'une plume svelle et nette, d'abord
une Histoire de Pierre P% et surtout Y His-
toire de Charles VIII ^ qui est un petit bijou
historique; mais la force, et même la gran
deur, lui poussèrent! Il les eut tout à
M. LE COMTE DE SÉGUR ii5
dans son Hùtoire de la campagne de Russie.
Le sujet était épique. M. de Ségur fut souvent
aussi épique que le sujet. On l'a comparé au
Xénophon de la Retraite des Dix-Mille; mais
lui, c'est un Xénophon pathétique. Il faut
saluer ce feuteuiHà à l'Académie, et d'autant
plus, qu'il nous fait mieux voir comment
lès autres sont remplis. Tenez, par exemple,
voyez celui-ci :
ne ^ M. PATIN
XXX¥II
M. PATIN
On lit ses œuvres par le dos, mais on ne
les ouvre pas. Les voici donc... par le dos.
Des Mélanges de littérature; — des Études
sur les tragiques grecs; — une collaboration
à la Revue encyclopédique et à la Revue des
Deux Mondes^ qui est allée... où vont les
vieilles lunes. Comme fleurs de jeunesse cou-
ronnant ce front timide, on trouve encore
V Eloge de le Sage et Y Eloge de de Thou. Tout
cela ne l'aurait peut-être pas mis à TAcadé-
M. PATIN 117
mie; mais M. Patin a été le suppléant de
M. Villemain, hein! hein! Le suppléant!
que dis-je? Il en a été l'imitateur attentif,
scrupuleux, idolâtre, mais qui reste à son
rang derrière la chaise de Monsieur, — qui
crache comme Monsieur, — qui se mouche
comme Monsieur. 11 s'est Villemainàé le
plus qu'il a pu; tout en restant Patin : n'ou-
bliez pas celte nuance heureuse! C'est un
homuvculm de Villemain; un. Villemanus-
culus^ diraient les latinistes. Un tabouret lui
suffisait auprès de M. Villemain.
Un fauteuil près mon oncle!! un tabouret sufût !
Mais, comme il n'y a pas de tabouret à l'Aca-
démie,- on l'a fourré dans un fauteuil. Ce
Patin patine peu sur la langue française, et
il n'y fait point d'arabesque.
118 M. ERNEST LECOUVf:
XXX¥III
M. ERNEST LEGODYÉ
Tombe aux pieds de ce sexe à qui tu dois ta mère!
disait son père. Le fils a obéi. Il y est tombé.
Il a écrit VHiitoire morale des femmes ^ se
privant du sujet contraire, qui eût été plus
gai, mais qui n'aurait pas eu le même suc-
cès... régulier. Les femmes Tout relevé, Tout
trouvé charmant. Il a fait un Cours pour
elles et sur elles, où elles sont venues s'atten-
M. ERNEST LEGOIIVÉ ilî)
drir et applaudir. Enfin, c'est leur homme
Et qui jure pour elles, quand elles ont besoin
Qu'on jure»
M. Ernest Legouvé est un abondant... trop
abondant ! Il a produit des romans, Max, len
Vieillards j Edith de Faken; des pièces de
théâtre : Louise de Lignerolles^ Bataille de
darnes^ des poèmes, des traductions. On n en
finirait pas de nommer touti
Je fais des médaillons et non des catalogues !
Toujours dévoué a au sexe auquel il doit
sa mère, » toujours le serviteur passionne,
mais moral de la femme isolée, autant que
de la femme en masse, il fit Adrienne LecoU'^
vreur pour mademoiselle Rachel, qui lui fit
son succès. Il écrivit encore pour elle une
Médée; mais, comme mademoiselle Rachel
ne la joua pas, la pièce est restée dans son
4:^0 M. ERNEST LEGOUVE
néant... natif. II écrivit aussi je ne sais quoi
pour madame Ristori. M. Legouvé est un des
plus brillants écrivains du Siècle^ ce fier et
magnifique journal ! 11 y tartine sur l'Italie,
qu il compare à une femme... bien entendu!
Il s'est tourmenté beaucoup, en ces derniers
temps, pour faire donner la croix d'honneur
à mademoiselle Samson, — non l — - mais à
M. Samson, qui n'est pas une femnie cepen-
dant! Il n'a pas encore réussi; mais, en
attendant qu'il réussisse, il le fera sûrement
entrer à l'Académie, et il placera le fauteuil
de M. Samson près du sien...
M. DUFAURE 1/1
XXXIX
M. DUFAURE
Les avoues le disent bon juriste, mais
ennuyeux, et vous pouvez vous demander ce
que doit être un ennui, senti par des avoués!
On dit qu'il a des velléités philosophiques
dans la tête.^. mais elles n'en sont jamais
sorties. En littérature, comme MM. Dupin et
Berryer, c'est un avocat. Il a été mêlé à de
la politique. Il était du centre gauche, de ce
pauvre petit parti, plus bas que la gauche,
qui faisait les appoints à la Chambre et qui
11
12^ N. DUFAURE
tournait sur pivot au cominandement de
M. Thiers, le vent de ces girouettes^ soufflant
de Grandvaux ! Comme homme politique ,
c'est encore un avocat, et comme avocat, c'est
un nez qui a de la logique^ comme une ta-
batière suisse a de la musique. Mais ce n'est
ni comme homme politique, ni comme
littérateur , ni comme avocat , ni comme
nez logicien, qu'il est entré à TAcadémie.
C'est comme ministre des d'Orléans, en
morceaux. On sait qu'on en fait le recol-
lage à l'Académie. J'ai dit plus haut (médail-
lon GUIZOT) comment il y a été reçu, en
attelage avec M . de Carné.
M. SAINTE-BEUVE 1S3
XL
I. SAINTE-BEUVE
Certes, c*est un homme d*esprit, et même
c'est ce que j'en puis dire de mieux. Je
m'obstine à soutenir qu'il a eu un jour du
génie — du génie, malade, il est vrai — dans
Jotiepk Delorme^ mais il n'a recommencé ja-
mais. Depuis ce jour, unique dans sa vie, il
a eu beaucoup de talent, noyé dans un bavar-
dage inondant, -— car il a dans la plume ce
prurit albumineux que M. Thiers a sur la
Mi M. SAIiNTE-BEUVE
.■Ml I ■— y^lM^^^T^'^PP^ I ■ ■ I l P' " I f -^ I > m ^^^^^^m w r m ^ wm 1^ «i 1^1 II I ^mt, I I ■■■■ ma mm I
r
langue. C'est un romantique de la première
heure, resté romantique par-dessous, — on
ne guérit pas, heureusement, de ce bon mal-
là ! — Cest un causeur amusant, bien plus
amusant au coin de son feu ou de sa table,
portes fermées, qu'au coin du Constitution-
nel , où il commence de rabâcher. Enfin ,
c'est, 5 ce qu'il semble, tout le contraire d'un
académicien, du moins d'un académicien de
nos jours, tel que la mort a fait ce vieux
môme! Eh bien, cependant, M. Sainte-Beuve
est aussi académicien que pas un des Qua-
rante, et il sied à l'Académie ! Contraste et
mélange singuliers ! La nature de M. Sainte-
Beuve est très-complexe. 11 était du G/oi^.
H était des réunions Hugo, Il a toujours aimé
les coteries, qu'il appelle des. cénacles. Son
dernier cénacle est l'Académie l II vous en
dira du mal, mais il s'y. plaît.' Professeur
échoué sous 1q vent des sifflets, mais profes-
M. SAINTE-BEUVE 125
«eur en diable, aimant le professorat, parce
que le temps qu'il professe on ne le contre-
dit pas, et que cet homme d'esprit, à colères
de dindon, ne peut souffrir d'objection quel-
conque; lettré, d'ailleurs, comme un man-
darin de première classe, M. Sainte-Beuve
aîmeeette Sainte-Périne de professeurs qu'on
iappellè r Académie, et il y va tous les jours
de séance, pour y pcdantiser un peu,., et
pour y chercher provision^ de commérages
et de petits scandales qu'il saura distiller plus
tard.
' C'est donc un académicien par goût et par
nature, qiie M. Sainte-Beuve ! On ne peut pas
dire de lui jcomme d'Alfred de Vigny^ comme
de M. Mérimée, comme de M. de Lamartine,
qu'il est déplacé à l'Académie. Autrefois,
quand le. pédantisme du professorat ne le
tenait pas à la gorge, il aurait eu la tête plus
H.
j j
y J
i-25 M. SAINTE-BEUVE
haule que le dossier de son fauteuil : mainte-
nant il Ta plus bas.
C'est Balzac qui prit un jour M. Sainte*
Douve dans ses mains redoutables, et qui te fit
(lanserjusquaueiel, lequd, ce jour-là , ne fut
pas pour M. Sainte-Beuve un paradis... On
crut voir le géant Pantagruel jouer avec un
Polichinelle de quatre sous. Mais Balzac, tout
génie qu'il était, a été injuste. M. Sainte-
Beuve a bien des défauts... et même plus;
mais il n'est pas ennuyeux, comme le dit
Balzac. 11 est vrai que Tennui est une sensa-
tion relative... Ma sensation, à moi, c'est, au
contraire, qu'il est amusant. Malsain, oui...
comme bien des choses amusantes ! entortillé,
précieux, oui encore. . . mais amusant ! Ce n*est
pas d'agrément qu'il manque, mais de netteté,
de trempe et de solidité d'esprit. Ceci est
plus grave que de manquer d'agrément.
M. SAINTE-BEUVE 127
M. Saijite-Beuve est fin, mais on Ta dit de
M. de Rémusat ! Il est cauteleux, conséquence
de sa finesse, et il erabrouillé et embarbouille
son talent de réserves, de sous - entendus ,
d'insinuations prudentes ou perfides, do pré-
cautions chattemites et traîtresses. II a inventé
les peut-être^ les il me semble, les on pourrait
dire, les me $erait'il permis de penser, etc.,
locutions abominables , qui sont la petite
vérole de son style... Âh! cela ne m'étonne
pas qu'athéisme à part (qu'il ne met jamais à
paM) il aime M. Renan ! M. Renan lui renvoie
son image. Il se reconnaît en le regardant, et
il se fait à lui-même des politesses, quand il
le loue;. M. Renan, comme M. Sainte-Beuve,
s'enveloppe de peut'être et ils sont tous deux
des Locustesau miel. Seulement M. Renan est
Un Sainte-Beuve plus froid.,, froid comme
rimpénitence ^finale, comme le prêtre qui a
perdu la foi et dont le châtiment terrible est
128 M, SAINTE-BEUVE
^e ne jamais la retrouver,, tandis qu'il. n'est
pas dit du tout que le violent M. Sainte-
Beuve, car il est; violent malgré ses précan*
tioris et ses finesses^ ne mourra pas repen-
tant et confessé! J'espère bien que nous le
confesserons !
, ' Vx)ilà pour la netteté de Tesprit de M: Sainte»
Bèuvc. Mais pour sa solidité, c'est bien pis.
Le poêle et le romancier se sont assoupis de
bonne heure en lui, et le critique, qui s'était
éveillé simultanément avec le romancier et le
poète, a pris les proportions de sa vie entière.
C'est par la critique que M. Sainte-Beuve a la
prétention de prendre rang dans l'histoire lit-
téraire. Eh bien] : la. critique de M, Sainte-»
Beuve, cette critique à coups d'épingle . ou >à
coups de bistouri plus ou moins adroitement
appliqués^ n-ést qu'un empirisme incertain!
Je ne parle: pas de principes: àl M. Sainte-
W. SAIiNTE-UEUVE ^ 150
Beuve^ je sais qu'il n'en a pas et qu-il se glo-
rifie de n'en pas avoir. Il fait là théorie de son
indigence. . . Mais comme intuition , mais
comme divination de facultés et de^ talent,
quel cas, . frâhcHement, peut-on faire de îa
solidité du jugement d'un critique qui nous a
donné sur sa tête M. Feydeau comme un
Jiomme de génie! le romancier des temps
mo(|ernes l le lord Byron français en prose !
qui avait (vous alliez voir !) cinquante theh-
d'œuvre étages dans la tête ! ! ! Quel cas peut-
, on faire de la solidité d'un critique qui se
laisse prendre par positivisme aux vers de
M. Littré et qui le proclame poète, à la mesure
de Lucrèce? et enfin qui, dans ce moment,
•souffle, comme on souffle une bouteille qui
vous crève dans les mains et vous coupe les
doigts, la gloire de M. Renan, cette gloire
ridicule dont M. Sainte-Beuve ne partagera
que répithète ! .
iSO K. SAINTR.BEVVE
Td M. Sainte-Beuve. D a /ait du joli et du
petit, et même il en a trop fait, mais du grand
et du fort, jamais ! Il n'a pas les qualités pre-
mières. Il n'a pas, comme critique, Timpas-
sibilité, la conscience, la justice. 11 est tou-
jours entre un engouement et un ressenti-
ment... Ce n'est qu'un système nerveux
doublé d'un amour-proprè en littérature,
mais une âme, non! Que lui importe, du
reste 1 11 n'y croit pas, à Tâme ! Esprit sans
magnanimité, pointilleux, vulnérable, suscep-
tible ; eberchez le critique dans ce buisson de
pointes et dans le sang de ses propres égrati-
gnures, et trouvez-le si vous pouvez ! A l'ori-
gine^ il était doué pourtant, M. Sainte-Beuve,
mais il a renversé sur son imagination natu-
relle, qu'il avait poétique, toute une chiffon-
nière de littérature, laquelle a tout couvert,
tout englouti et tout éteint ! L'esprit professeur
et académique l'a envahi. II n'a plus été alors
^.J
M. SAINTE-BEUVE 151
qu'un professeur, un anecdotier, un discou-
reur littéraire m son privé nom, puisqu'il
ne croit pas à un Absolu, — à une Vérité !
Je l'ai gardé pour le dernier de ces médail-
lons, comme un salutaire exemple. Il est bon
que la jeunesse prenne le dégoût des Acadé-
mies et de leur esprit, envoyant comme elles
ratatinent le talent — des hommes de talent I
TABLE
I. M. 1c duc de Broglie 1
II. M. le prince de Broglie 4
III. M. le comte de Carne 5
lY. M. Cousin .'/ 7
y. Monseigneur Dupanloiip 10
yi. M. S:iint-Marc Girardin . i3
VU. M. do Montalcmbert 10
Vm. M. de Rémusat 20
IX. M. Sylvestre de Sicy .,..', 25
X. M. Pupin .'. 25
1i
i5i TABLE
XI. M. Alfred de Vigny 27
XII. M. OcUTe FeuiUet 50
XIII. M. Vilet 34
XIV. M.Mignet 37
XV. M.Thiers 40
XVI. M. deBarane 47
XVII. M. Ampère 49
XVIII. M. leducdeNoaiUcs 51
XIX. M. de PoDgerviUe 53
XX. M. de Falloux 55
XXI. M. Viennet 56
XXIÎ. M. Victor Hugo 58
XXUI. II. Ponsard 61
XXIV. H. Victor Laprade 64
XXV. M. ViUeinain 66
XXVI. M. Prosper Mérimée 76
XXVII. M. Empis 79
XXVIII. BI. Jules Sandeau 81
XXIX. M. Berryer. 85
Xn. M. Emile Augier 89
XXXI. M. Lebnm 92
XXXII. M. Désiré Nisard 94
XXXUI. M. Plourens 98
XXXIV. M. de Lamartine 101
XXXV. M. Gttizot 104
TABLE 155
XXXVI. M. Le comte de Ségur 114
XXXVII. M. Patin 116
XXXVIII. M. Ernest Legouvé 118
XXXIX. M. Dufaure 121
XL. M. Sainte-Beuve 123
fiARlS. ^- IHP. SUlOir RAGO:i ET COUP., RUÉ D'EHrUATIl , {.