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Full text of "Les sonnets du Portugais: d'Elizabeth Barrett Browning"

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LES 

so\Ni<rrs DU poiiTi (;ais 

d'Elizabeth Barrett Browning 

TRADUITS EN VERS FRANÇAIS ^ 
avec Préface, Texte anglais en regard, et Notea , 

PAR 

LÉOlSr MiOREL. 



PARIS 

I.UUiAllMi: IIACHKIM. X C 
79, Boulevard S'^-Gkumain, 79 

1903 







A LA LIBRAIRIE HACHETTE 



JAMES THOMSON. Sa Vie et ses Œuvres, par 
Léott Morel, Docteur ès-lettres (1 vol. in-8, avec 
un portrait à Teau-forte, 1895) ... 7 fr. 50- 
Ouvrage courounë par l'Académie française. 

IN MEMORIAM. Poèmes d'Alfred Tennyson, tra-^ 
duits en vers français, avec un avant-propos et 
des notes, par Léon Morel (1 vol. in-8, 1898). 3 fr. 
Ouvrage couronué par l'Académie française. 

POÈMES DIVERS d'Alfred Tennyson, traduits 
en vers français, avec un avant-propos et des 
notes, par Léon Morel (1 vol. in-8, 1899). 3 fr. 



CHEZ HODDER AND STOUGHTON 

27 Paternoster Bow, Lundon. 

IN MEMORIAM, by Alfred Tennyson. With a 
Gommentary by L. Morel, LL. D. (i vol. in-16^ 
1901). 



.1 Monsieur et Madame Ch. LENIENT 

ce petit travail est dédié par le traducteur, 
au nom de chers souvenirs communs et d'une 
longue et respectueuse affection. 

Paris, Janvier 1903. 



(Z-J..-^^ 




r. 



VIII AVANT-PROPOS 



retour à Londres, elle reprit sa vie de travail, lisant des 
ouvrages en presque toutes les langues, étudiant l'hébreu^ 
écrivant des articles pour TAthenœum, et surtout conti- 
nuant son œuvre de poète. « La plupart des faits de ma 
vie, et presque toutes mes joies intenses se sont passées 
dans le domaine de mes pensées, » écrit-elle à M. Home. 
Son poème mystique The Seraphim (1838) n'eut pas un 
grand succès, mais il révélait une personnalité poétique, 
plus nettement qu'aucune des œuvres précédentes. Enfin 
le volume de « Poèmes » publié en 1844, consacra le talent 
d'Elizabeth Barrett. Le Drama of Exile, qui ouvrait le 
recueil rendit aussitôt Tauteur célèbre, a Mon sujet était le 
nouvel et étrange sentiment éprouvé par Thumanité dé- 
chue, quand elle quitta le Paradis pour s'enfoncer dans le 
désert. Je m'attachais surtout à la douleur d'Eve... qui me 
semblait avoir été jusqu'ici imparfaitement comprise, et 
telle qu'une femme pouvait mieux qu'un homme l'expri- 
mer. » (1) Dans le même volume paraissaient Le Vin de 
Chypre, Pan est Mort, Le Cri des Enfants, La Con- 
quête de Lady Géraldine, toutes pièces qui sont restées 
parmi les plus populaires de son œuvre. Quand le poste 
de poète-lauréat devint vacant, quelques années après, par 
la mort de Wordsworth, on eut la pensée de conférer ce 
titre à Elizabeth, qui femme, sous le règne d'une femme, 
paraissait digne de succéder au grand poète Lakiste. 

De ces joies de la pensée dont parlait Elizabeth, quel- 
ques-unes lui étaient apportées par les visites d'amis 
intelligents et dévoués. Miss Mitford et Mrs. Jameson, écri- 
vains bien connus, étaient du nombre. Un cousin éloigné, 
nommé John Kenyon, introduisait dans cette vie claustrée 



(1) Préface à l'édition des « Poèmes » de 1844. 



AVANT-PROPOS IX 



le mouvement et la gaîté ; c'est par lui surtout qu'Elizabeth 
entrait en contact avec les choses de son temps. « Kenyon, 
à la face de Bénédictin, mais le plus joyeux des braves 
gens », Kenyon était à la fois le parrain de féerie de Miss 
Barrett et le grand ami d'un jeune homme qu'il appelait 
« l'autre poète ». C'était Robert Browning (4). Kenyon 
avait le plus vif désir de les rapprocher, mais Elizabeth 
n'aimait guère à recevoir des gens au visage nouveau. 
Non pas cependant que Browning lui fût inconnu ou indif- 
férent. Alors que le puissant poète restait encore méconnu 
du public anglais, la jeune femme était du nombre des 
rares esprits qui avaient senti la richesse poétique dont 
étaient chargés déjà les premiers poèmes, Pauline, Pa- 
racelsus. Clochettes et Grenades, Dans La Conquête de 
Lady Géraldine, le héros, Bertram, mentionne les poèmes 
qu'il a lus avec sa noble dame, et, des œuvres modernes, 
il cite : « l'idylle aux graves pensées de Wordsworth, les 
ballades de Howitt, ou la rêverie enchantée de Tennyson, 
ou de Browning qnçXqne grenade, qui, ouverte au milieu, 
montre un cœur teint de sang et les veines d'êtres hu- 
mains. » Dans une lettre de 4845 Elizabeth déclare qu'elle 
a « pleine foi en Browning comme poète et comme pro- 
phète. » 

Lui, pourtant, ne se hâtait pas de prendre connais- 
sance des œuvres de son admiratrice. Il ne les lut que 
pendant la première semaine de 4845. Mais alors son en- 
thousiasme fut prompt et fut débordant. Dès le 40 janvier 
il écrivait à l'auteur, en termes qui outrepassent quelque 



(1) Browning l'appelait « Kenyon le magnifique » et pour cause. 
Cousin et ami modèle, il fit aux deux poètes une modeste rente qui 
les aida à vivre après leur mariage, et en mourant, leur laissa près 
de trois cent mille francs. 



AVANT- PROPOS 



peu le langage de la pure critique littéraire, « j'aime vos 
livres, et je vous aime aussi. » Ce fut le commencement 
d'un commerce de lettres, où Browning apportait toute la 
fougue et l'impérieuse éloquence de son génie, et qui 
charmait Elizabeth tout en la troublant profondément. 
(Juand Browning lui demande la faveur de lui faire une 
visite, elle refuse avec une ferme douceur. Mais le jeune 
homme n'était pas de ceux qui se découragent, et il était 
de ceux qui imposent leur volonté. Il linit par obtenir 
gain de cause ; une entrevue fut arrêtée pour le 20 mai. 

L'amour inspiré par la lecture des poèmes de la jeune 
femme était sans doute pure affaire de tête ; après cette 
entrevue c'était bien d'un amour complet, ardent et absolu 
qu'il s'agit entre eux. Qui dira s'il doit être expliqué par 
les similitudes de ces deux êtres de génie ou par leurs 
différences ? 

Tous deux joignaient à d'admirables dons artistiques, 
une hauteur de pensée qui donne à leur œuvre poétique 
un caractère exceptionnellement philosophique et pro- 
fond. Chez tous deux se trouve une superbe indépendance, 
un parfait dédain des conventions et des règles artifi- 
cielles. Tous deux avaient nourri leur esprit de la moelle 
des forts, également épris qu'ils étaient de l'antique beauté 
grecque, et des œuvres puissantes du génie moderne, 
qu'une science également étendue leur permettait de cher- 
cher dans toutes les langues où elles se sont produites. 
Tous deux enfin avaient, pour éclairer leur vie, ces deux 
grandes lumières : un ardent amour de l'art, et une 
croyance spiritualiste qui avait survécu à la foi religieuse 
de leur enfance. 

Mais que de différences aussi entre ces êtres d'élite ! 
Elle, si languissante, si délicate et menue, « la plus 
petite dame ayant vie » a-t-il dit ; créature presque 



AVANT-PROPOS XI 



purement spirituelle, où toute la vie semblait concentrée 
dans le pâle visage que cachaient en partie les boucles 
brunes d'une longue chevelure, et qu'éclairaient deux 
grands yeux gris limpides, caressants et doucement mé- 
lancoliques. Lui, remuant, agile et vigoureux, petit, mais 
trapu et large d'épaules, bruyant et cordial, aimable et 
bienveillant, avec de soudaines explosions quand quelque 
chose soulevait son indignation. Tel était le nouvel ami, 
aux yeux noirs, au teint brun (à ce point que l'on pouvait 
croire à une origine italienne ou juive), qui allait trans- 
former si étrangement la vie monotone, sans joie et sans 
espérance de Miss Barrett. 

Elle avait trois ans de plus que lui ; elle paraissait et se 
croyait incurablement invalide. Browning résolut de se 
faire aimer, de l'épouser et de la guérir. Ils s'écrivirent, 
après cette première entrevue, très souvent. Les prétextes 
étaient des questions de littérature ; l'objet réel était l'ar- 
dente passion qui les attirait l'un vers l'autre. 11 lui offrit 
bientôt de consacrer sa vie à la soigner et à la rendre heu- 
reuse. Elle lui oppose un refus très ferme d'abord, et qui 
peu h peu faiblit devant l'énergique volonté du poète. Le 
médecin recommandait instamment qu'Elizabeth passât 
l'hiver en Italie ; M. Barrett n'admettait pas l'idée d'une 
séparation. La jeune femme était persuadée qu'elle ne sur- 
vivrait pas à un autre hiver de Londres. — Pourquoi alors 
songer h un mariage. — Mais si yous ne mourez pas, disait 
Browning? — Oh! dans ce cas... au printemps... — C'était 
une capitulation. Ils se fiancèrent en novembre. Dès lors il 
vint trois fois par quinzaine la voir et lui porter des fleurs. 
On cachait ces entrevues à M. Barrett. L'affection jalouse- 
ment égoïste de ce père n'admettait pas que ses enfants 
pussent jamais le quitter ni se marier. Un an se passa 
ainsi, et un nouvel hiver approchait. Robert, admirable 



XII AVANT-PROPOS 



de patience et d'abnégation, sentait que la vie même de 
celle qu'il aimait était en jeu, et qu'il ne la sauverait qu'en 
l'arrachant à cette prison où elle se consumait lentement. 
Il obtint de sa frêle Desdémone, après une longue résis- 
tance, qu'elle se prêtât à un mariage secret. 

Le 12 septembre leur union fut consacrée à l'église de 
Marylebone.Elizabeth rentrait aussitôt chez son père, mais 
huit jours après. Browning l'emportait loin de cette triste 
rue de Wimpole, loin du brumeux automne de l'AnHe- 
terre, à Paris où ils ne s'arrêtèrent que deux jours, puis 
vers le Midi, h Avignon, aux sources de Vaucluse, où, la 
portant dans ses bras, il traversa « l'eau claire et fraîche 
et douce » pour l'asseoir sur la roche où Pétrarque avait 
eu la vision de Laure ; enfin ils s'embarquèrent à Mar- 
seille pour Gênes, et passèrent l'hiver h Pise. 

Browning avait été bon prophète ; l'amour et le bon- 
heur furent de grands médecins. La jeune femme prenait 
chaque jour des forces nouvelles ; les amis qui la voyaient 
après quelques mois témoignaient une surprise charmée. 
Malgré l'obstination du père, qui jamais ne voulut accepter 
le fait accompli, et dont l'affection pour sa fille préférée 
fit place h un inflexible ressentiment, Elizabeth Barrett 
Browning s'épanouissait, au soleil de l'Italie et aux chauds 
rayons de l'amour. « Pour la première fois de ma vie je 
connais le bonheur, » écrit-elle le 5 nov. 1846. — Pendant 
qu'ils étaient à Pise, au commencement de l'année 1847, 
on raconte qu'un jour elle s'approcha de son mari penché 
à une fenêtre, lui glissa dans la poche un petit cahier de 
vers, et s'enfuit pendant qu'il les lisait. Ces vers étaient 
les quarante-trois sonnets écrits par elle pendant la pé- 
riode qui s'écoula entre leur première entrevue et leur 
mariage. Ce sont les cris d'amour qu'elle adressait, sans 
qu'il s'en doutât, au héros de féerie qui était venu rompre 



AVANT-PROPOS XIII 



le silence et l'engourdissement de son existence, qui lui 
faisait connaître la vie et la passion, qui éveillait en elle 
un amour contre lequel elle avait courageusement lutté, 
et qui avait enfin triomphé de ses scrupules, comme de ses 
doutes et de ses hésitations. 

Browning lut ces vers avec émotion et avec admiration. 
Il ne voulut pas admettre que lui seul en dût goûter la 
fière beauté; il décida Tauteur à les publier. Elizabeth 
proposa de les présenter comme une traduction du Bos- 
nien. « Non pas » dit Browning, « mais bien du Portugais, 
ce sont les sonnets de Catarina. C'était le nom de cette 
maîtresse dont Camoëns avait chanté les yeux « les plus 
doux yeux qui aient jamais été ». Elizabeth Barrett avait 
rappelé ce souvenir dans Lady Géraldine, et l'un de ses 
poèmes exprime les adieux de Catarina mourante h son 
amant absent. Browning, dit-on, appelait parfois sa femme 
sa petite Portugaise. Voilà comment les sonnets, imprimés 
en 1847, furent publiés, en 1850, sous leur titre énigma- 
tique. 

Nous n'avons pas à raconter la fin du roman. On sait 
que les deux poètes vécurent pendant seize ans d'un par- 
fait bonheur. Pour qu'elle pût connaître toutes les joies 
d'une vie de femme, Elizabeth Browning eut un fils, qui 
naquit à Florence en 1849. Leur existence se passa dans 
différentes villes d'Italie, mais surtout à Florence où la 
maison qu'ils occupaient est restée célèbre. Quelques 
voyages à Paris et à Londres les rapprochaient parfois de 
leurs amis. Tous deux se passionnèrent pour la cause de 
la délivrance de l'Italie. Mais, ni cette préoccupation des 
choses politiques, ni leur bonheur intime ne fit tort à leur 
production poétique. Elizabeth publie, en 1851, Casa 
GuidVs Windows; en 1857, Aurora Leigh, son chef- 
d'œuvre, dédié à Kenyon ; en 1860, ses Poems before 



XIV AVANT-PROPOS 



Congress; tandis que Browning élaborait un de ses plus 
beaux poèmes, Alen and Women, (1) et préparait son 
œuvre capitale The Ring and the Book, Mais la phtisie^, 
pendant plusieurs années enrayée, faisait d'insidieux pro- 
grès. La pauvre muse formait des projets d'avenir, quand 
déjà son mari avait perdu tout espoir. « Il est mari, frère, 
amoureux, garde-malade », écrit-elle. Tout ce dévoûment 
et tout cet amour furent impuissants. Elle s'éteignit dou- 
cement, le 30 juin lH6i, dans cette « Casa Guidi » où la 
municipalité de Florence a, par une plaque commémora- 
tive, affirmé la reconnaissance de l'Italie. « Toujours sou- 
riante, heureuse, avec une figure déjeune fille, elle mourut 
dans mes bras », écrit Browning, « la ttHe appuyée contre 
nia joue... Il n'y eut ni douleur, ni agonie, ni conscience 
de la séparation prochaine... Dieu l'a prise chez lui, comme 
on prend un enfant mal couché d'un lit froid et sombre, 
comme on le porte dans ses bras jusqu'à la lumière. Ses 
dernières paroles furent : « Que c'est beau ! » (2) 

Robert Browning resta d'abord accablé de douleur. H 
quitta la maison de son bonheur et la belle Florence qu'il 
ne voulut plus revoir. 11 partit avec son jeune enfant pour 
Paris où résidait son père ; puis passa à Londres l'hiver 
de 1861 et l'année 1862, dans la tristesse et l'abattement. 
Mais sa nature n'était pas de celles qui se peuvent long- 
temps résoudre à l'inaction. 11 avait sa tâche à accomplir ; 



(1) Il était dédié à Ë. B. B. (Ëlizabeth Barrett Browning) : 
There they are, my fifty men and women 

Take them, Love, the book and me together : 
Where the heart lies, let the brain lie aiso. 



(2) Traduction de M"»» Mary Duclaux. 



AVANT-PROPOS XV 



il se remit résolument à l'œuvre. Il publia les « Poésies 
posthumes » de sa chère morte, et acheva l'immense 
poème commencé à Florence, The Ring and the Book. 
Alors il connut à son tour les enivrements de la gloire. La 
célébrité, pour lui être venue tardivement, n'en fut que 
plus éclatante ; on le traita de son vivant, comme les clas- 
siques dont les siècles ont consacré la grandeur. Une 
« Société de Browning » fut fondée comme il y avait une 
« Société de Shakespeare », pour lire, commenter, expliquer 
et admirer la parole du maître. Browning vécut ainsi bien 
des années de labeur et de gloire avant de mourir à Venise 
le 12 déc. 1889. Mais toujours il conserva le pieux sou- 
venir de sa douce muse, et l'espoir de la retrouver un jour, 
quand (ainsi qu'il le dit dans son poème, Prospicé), tout 
ce qui était ténèbre ou terreur 

« Changera, devenant d'abord une paix sans douleur. 

Puis une lumière, puis ta poitrine, 
O toi qui fus l'âme de mon âme ! Je t'étreindrai de nouveau, 

Et à Dieu le reste t s 



SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



I THOUGHT once how Theoci-itus had sung 

Of the sweet years, the dear and wished-for years. 

Who each one in a gracions hand appeais 

To bear a gift for mortals, old or young : 

And, as I mused it in his antique longue. 
1 saw, in graduai vision through my tears, 
The sweet, sad years, the melancholy years,... 
Those of my own life, who by turns had flung 

A shadow acrossrae. Straightway I was 'ware, 
So weeping, how a mystic Shape did move 
Behind me, and drew me backward by the hair ; 

And a voice said in mastery while 1 strove.... 

* ' Guess now who holds thee ?"— '* Death !" I said. But, there, 

The silver answer rang... *' Not Death, but Love. " 



SONNETS DU PORTUGAIS 



Songeant un jour comment Théocrite chantait 
Les temps heureux d'espoir, de désir, les années 
Dont chacune, en ses mains vers nos appels tournées. 
Porte aux mortels lès dons que leur cœur souhaitait, — 

Tandis qu'aux vers du vieux poète s'arrêtait 
Mon esprit, sous mes pleurs lentement évoquées, 
J'eus la chère vision de mes tristes années, 
Dont chacune en passant d'une orahre me couvrait. 

Mais tout à coup sentit mon âme douloureuse 
Que vers moi se glissait un Esprit grave et fort ; 
Par les cheveux me prit sa main mystérieuse, 

Puis en maître il parla, dédaignant mon efiort : 

€ Devine qui te tient ?» — « C'est la Mort ! » Mais rieuse 

La voix: d'argent chanta : « C'est l'Amour, non la Mort. :r 



SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



II 



But only three in ail God's universe 

Hâve heard this word thou hast said ; Himself, beside 

Thee speaking and me listening ! and replied 

One oï us .. that was God !... and laid the curse 

So darkiy on my eyelids as to amerce 

My sight from seeing thee, - that if 1 had died, 

The deathweights, placed there, would hâve signiâed 

Less absolute exclusion. ** Nay " is worse^ 

From God than from ail others, O my friend ! 
Men could not part us with their worldly jars, 
Nor the seas change us, nor the tempests bend ; 

Our hands would touch, for ail the mountain-bars ; — 
And, heaven being rolled between us at the end, 
We should but vow the faster for the stars. " 



SONNETS DU PORTUGAIS 



II 



Dans rUnivers de Dieu trois, sans plus, l'entendirent 
Ce mot que tu m'as dit : Lui, lui seul, en dehors 
De toi parlant, . de moi, qui t'écoutais ; alors 
L'un répondit... C'est Dieu !... dont les paroles mirent 

Telle malédiction sur mes yeux qu'ils perdirent 
Jusqu'au droit de te voir. — si bien qu'unie aux morts, 
Les yeux clos, comme à ceux dont l'âme a fui le corps, 
Je t'aurais moins perdu. « Non » est mille fois pire 

Venant de Dieu que des humains, ô mon ami ! 
Leurs discordes jamais ne nous désuniraient ; 
Nul vent ne nous plierait ; l'Océan ennemi 

Ni tous les murs des monts ne nous sépareraient ; — 

Et si le Ciel enfin entre nous était mis. 

L'un vers l'autre nos cœurs plus vite en voleraient. 



SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



III 



Unlike are we, uniike, O princely Heart ! 
Unlike our uses, and our destinies. 
Our ministering two angels look surprise 
On one another, as they strike athwart 

Their wings in passing. Thou, bethink thee, art 
A guest for queens to social pageantries, 
With gages from a hundred bri^hter eyes 
Than lears, even, can make mine, to ply thy part 

Of chief musician. What hast thou to do 
With looking from the lattice-lights at me, 
Apoor, tired, wandering singer?... singing through 

The dark, and leaning up a cypress tree ? 

The chrism is on thine head, — on mine, the dew, — 

And Death must dig the level where thèse agrée. 



SONNETS DU PORTUGAIS 



III 



Divers nous sommes, bien divers, ô royal Cœur ! 
Et par d'autres chemins vont nos deux destinées. 
De nos anges gardiens les faces étonnées 
S'interrogent, lorsque, chacun volant ailleurs, 

Ils se croisent. Tu es Thôte qu'avec honneur 
Reçoivent dans leurs jeux des femmes couronnées; 
Et cent yeux, plus brillants que même des années 
De pleurs n'ont fait les miens, t'invitent dans le chœur 

A diriger les voix. Pourquoi de la croisée 
Irais-tu regarder, tandis qu'on t'applaudit, 
Cette pauvre chanteuse errant, lasse et brisée, 

Qui s'appuie au cyprès et chante dans la nuit ? 

Le chrême est sur ton front, — sur le mien la rosée, — 

Pour les unir la Mort doit creuser notre lit. 



SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



IV 



Thou hast thy calling to some palace floor, 
Most gracious singer of high poems ! where 
The dancers will break footing from the care 
Of watching up thy pregnant lips for more. 

And dost thou lift this house's latch, too poor 
For hand of thine ? and canst thou think and bear 
To let thy music drop hère unaware 
In folds of golden fulness at my door ? 

Look up and see the casement broken in, 
The bats and owlets builders in the roof! 
My cricket chirps against thy mandolin. 

Hush ! call no écho up in further proof 

Of désolation ! there's a voice within 

That wçeps.,. as thou mustsing... alone, aloo(. 



SONNETS DU PORTUGAIS 



IV 



Ta place est dans les murs d'un somptueux palais, 
merveilleux chanteur de nobles poésies ! 
Où, les danses cessant, mille faces ravies 
De ta lèvre féconde attendront d'autres lais. 

Et ma porte si pauvre, ami, tu l'ouvrirais 

De cette riche main ? Et ces flots d'harmonies 

Tu les voudrais jeter, richesses infinies, 

Sans gloire, à cette porte, où seule j'en jouirais ? 

Lève les yeux et vois la fenêtre rompue ; 
Hiboux, chauves-souris se sont fait un hangar 
De mon toit ! A ton luth répond la voix aiguë 

D'un grillon. Chut ! ôt crains d'éveiller par ton art 
Un triste écho. La voix de cette voûte nue 
Pleure, comme tu dois chanter, seule, à Técart. 



iO SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



I LIFT my heavy heart up solemnly, 
As once Electra her sepulchral ura, 
Aud, lookingin thine eyes, I overturn 
The ashes at thy feet. Behold and see 

What a great heap of grief lay hid in me, 
And how the red wild sparkles dimly bu m 
Through the ashen grej'ness. If thy foot in scorn 
Could tread them out to darkness utterly, 

Itmight be well, perhaps. But if. instead, 

Thou wait beside me for the wind to blow 

The grey dust up, . . . those laurels on thine héad, 

my beloved. wlU not shield thee so, 

That noneofall the Ares shall scopch and shred 

The hair beneath. Stand farther ofi, then ! Go, 



SONNETS DU PORTUGAIS 11 



Je lève le fardeau de mon cœur trop pesant, 
Gomme Electre jadis son urne sépulcrale, 
Et, les yeux: sur tes yeux J'en verse sur la dalle 
Les cendres à tes pieds. Vois l'amas grandissant. 

Quel monceau de douleurs était en moi gisant ! 
Et de quel sombre feu, sous cette cendre pâle, 
Luisent quelques tisons ! Si dans la nuit fatale 
Ton pied les plonge, avec dédain les écrasant, 

Peut-être est-ce le mieux. Mais veux-tu près de moi 
Attendre que le vent souffle sur cette cendre ? 
Alors tous ces lauriers qui te couronnent roi , 

Cher aimé, ne sauraient assez bien te défendre 
Pour qu'un fragment ardent ne puisse redescendre 
Et brûler tes cbeveux. Donc, pars ! Eloigne -toi. 



12 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



VI 



Go from me. Yet I feel that I shall stand 
Heuceforward in thy shadow. Nevermore 
Alone upon the threshold of ray door 
Of individual life, I shall command 

The uses of my soûl, nor lift ray hand 
Serenely in the sunshine as before, 
Without the sensé of that which I forebore, . . . 
Thy touch upon the palm. The widest land 

Doom takes to part us, leaves thy heart in mine 
With puises that beat double. What I do 
And what I dream include thee, as the wine 

Must taste of its own grapes. And when I sue i 

God for myself, He hears that name of thine, 

And sees within my eyes, the tears of two. i 

I 
I 
I 
I 



SONNETS DU PORTUGAIS 13 



VI 



Quitte-moi. Mais je sens que je vis désormais 
Dans ton ombre. Jauiais seule, au seuil de la vie 
De mon être, dès lors, je n'appelle et convie 
Les facultés de mon esprit, et plus jamais 

Je n'élève sereine, ainsi que je faisais, 
Les mains vers le soleil radieux, quand je prie, 
Sans souffrir du bonheur que je te sacrifie : 
Ton toucher sur ma main. Malgré les monts épais 

Qu'entre nous dresse le destin, mon cœur recèle 
Le tien et bat deux fois. Actes, rêves, douleurs, 
Tout en moi te renferme, ainsi qu'un vin révèle 

Les doux raisins qui lui donnèrent leurs saveurs. 
Dieu recueille ton nom, quand pour moi je l'appelle. 
Et dans mes yeux il voit les larmes de deux cœurs. 



14 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



VII 

The face of ail the world is changed. I think, 
Since first I heard the footsteps of thy soûl 
Move still, oh, still, beside me ; as they stole 
Betwixt me and the dreadful outer brink 

Of obvious death, where I who thought to sink 
Was caught up iato love, aud taught the whole 
Of life in a new rhythm. The cup of dole 
God gave for baptism, I am fain to drink. 

And praise its sweetness, Sweet, with thee anear. 
The names of country, heaven, are changed away 
For where thou art or shalt be, there or hère ; 

And this. . . this luth and song. . . lovedyesterday, 
(The singing angels know) are only dear, 
Because thy name moves right in what they say. 



SONNETS DU PORTUGAIS 15 



VII 

La face de ce monde est changée à ma vue, 
Depuis que j'ai d'abord entendu s'approcher 
Si doucement les pas de ton âme, et cacher 
L'abîme de la mort béant. Quand éperdue 

J'allais tomber, l'Amour, de sa main étendue, 
Me saisit, m'entoura, puis m'apprit à aimer 
La vie en un rythme nouveau. Sans hésiter 
Vidant la coupe amère à mes lèvres tendue 

Par Dieu, près de toi, Cher, je la trouverai chère. 
Patrie et Ciel, ce sont les seuls lieux désormais 
Où tu es ou seras, là -haut ou sur la terre ; 

Et ce luth et ces chants, que naguère j'aimais, 
(Anges chanteurs, vous le savez ! ) n'ont pour me plaire 
Que ton nom, dit par eux en des accents parfaits. 



16 SONNETS FROM THE PORTOGUESE 



VIII 

What can I give fhee back, libéral 
And princely giver, . . . who hast brought the gold 
And purpie of thine heart, unstained, untold, 
And laid them on the outside of the wall, 

For such as I to take, or leave withal, 
In unexpected largesse ? Ara I cold, 
Ungrateful. that for the most manifold 
High gifts, I render nothing back at ail ? 

Not 80. Not cold ! - but very poor instead ! 

Ask God who knows ! ïov fréquent tears hâve run 

The colours from my life, and left so dead 

And pale a stuff, it were not fitly done 
To give the same as pillow to thy head. 
Go farther ! Let it serve to trample on. 



SONNETS DU PORTUGAIS 17 



VIII 

royal bienfaiteur, que pourrai-je en échange 
Te donner, à toi qui m'as apporte tout l'or 
Et la pourpre d'un cœur, immense et pur trésor, 
Gerbe que tu posas sur le seuil de ma grange, 

Pour que ma pauvreté prît ou laissât l'étrange 

Et splendide largesse? Ai-je un cœur froid et mort 

A toute gratitude, en n'offrant rien encor 

Pour des présents aussi riches que ceux des anges? 

Non pas froid, mais très pauvre ; et c'est la seule cause ; 
Demande à Dieu ! Les pleurs ont tant décoloré 
Ma vie, et d'elle fait une si pâle chose 

Et si morte, que ce serait honte et péché 
D'en faire l'oreiller où ta tête repose. 
Eloigne-toi. Que par tes pieds il soit foulé. 



18 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



IX 



Can it be rîght to give what I can give ? 
To let thee sit beneath the l'ail of teaps 
As sait as mine, and hear the sighingyears 
Re-sighing on my lips renunciative 

Through those infrequent smiles, which fail to live 
For ail thy adjurations ? my fears, 
That this can scarce be ri^ht ! We are net peers, 
So to be levers ; and I own and grieve 

That givers of such gifts as mine are, must 
Be counted with the ungenerous. Out, alas ! 
I will not soil thy purple with my dust, 

Nor breathe my poison on thy Venice-glass, 
Nor give thee any love . . . which were unjust. 
Bloveed, I only love thee ! let it pass. 



SONNETS DU PORTUGAIS 19 



IX 



Est-il bien de donner ce que je puis donner? 
De te laisser asseoir sous les larmes brûlantes 
Qui tombent de mes yeux, entendre les dolentes 
Plaintes des tristes ans de ma lèvre émaner, 

Où tes appels en vain s'efforcent d'amener 
Un fugitif sourire? mes peurs angoissantes 
Qu'agir ainsi soit mal ! De grandeurs différentes, 
Pouvons-nous être amants ? — Il faut bien m'avouer 

Qu'au lieu de sa largesse on prouve sa misère, 

Hélas! à présenter des dons tels que le mien. 

Non ! je ne veux souiller ta pourpre à ma poussière. 

Ternir de mon poison ton verre — vénitien, 
En t'ofTrant un amour .. injuste et téméraire. 
Je t'aime, Bien Aimé ; c'est tout... cela n'est rien. 



20 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



Yet love, mere love, is beautiful indeed 
And worthy of acceptation. Fine is bright. 
Let temple burn, or flax ! An equal light 
Leaps in the flame from cedar-plank or weed. 

And love is fire : and when I say at need 

/ love t?iee • . . mark ! . . . / love fhee / ... in thy sight 

I stand transfigured, glorified aright, 

With conscience of the new rays that proceed 

Out of my face toward thine. There's nothing low 
In love, when love the lowest ; meanest créatures, 
Who love God, God accepts while loving so. 

Aûd what 1 feelj across the inferior features 

Of what I am, doth flash itself, and show 

How that great work of Love enhances Naturels. 



SONNETS DU PORTUGAIS 21 



Pourtant Tamour, le seul amour, est vraiment beau. 
Et digne d'être offert. Toute flamme est brillante, 
Qu'un temple, ou que du lin s'embrase. Aussi ardente 
La lumière jaillit d'un cèdre ou d'un roseau. 

Et l'amour est un feu ; et quand, pour seul cadeau, 
Je t'offre ce seul mot : « Je t'aime ». alors Tamante 
Est à tes yeux transflgurée, et consciente 
Qu'un éclat glorieux, ainsi que d'un flambeau. 

Emane de sa face. Il n'est rien dans l'amour 

De vil, même au plus bas ; toute humble créature 

Dit son amour à Dieu qui n'y reste point sourd. 

Ce que je sens ressort sous la pauvre peinture 
De ce que je parais, et brille, et met au jour 
La grande œuvre où l'amour ennoblit la nature. 



22 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XI 



ANDlherefore if to love can be désert, 

I am not ail unworthy . Cheeks as pale 

As thèse you see, aod trembling knees that faii 

To bear the burden of a heavy heart, 

This weary minstrel-life that once was girt 
To climb Aornus, and can scarce avail 
To pipe now 'gainst the woodland nightingale 
A melancholy music !... why advert 

To thèse things ? Beloved, it is plain 
I am not of thy worth nor for thy place : 
And yet, because I love thee, I obtain 

From that same love this vindicating grâce. 
To live on still in love and yet in vain, . . . 
To bless thee yet renounce thee to thy face 



SONNETS DU PORTUGAIS 23 



XI 



Donc, puisque c'est avoir un mérite qu'aimer, 
Je ne suis toute indigne. Une face aussi blanche 
Que celle que tu vois, un corps tremblant qui penche 
Sous le fardeau d'un cœur qu'il ne peut pas porter, 

Un chanteur fatigué qui, pour escalader 
L'Aornus, s'étant ceint les reins, à peine épanche 
Quelques tristes accents de flûte, sous la branche 
Où chante un rossignol !... A quoi bon répéter 

Tous ces propos? Il est, ô Bien- Aimé, certain 
Qu'inférieure je n'ai droit à ta haute place ; 
Mais, parce que je t'aime, à Tamour souverain 

Je dois le riche don, la rédemptrice grâce 

De vivre, aimant toujours, aimant toujours en vain... 

De te bénir en te reniant à ta face. 



24 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XII 



INDEED, Ihis very love which is my boast. 

And which, when rising up from breast to brow, 

Doth crown me with a ruby large enow 

To draw men's eyes, and prove the inner cost, . . . 

This love even, ail my worth, to the uttermost, 
I should not love witlial, unless that thou 
Hadst set me an example, shown me how, 
When first thine earnest eyes with mine were crossed 

And love called love. And thus, I cannot speak 

Of love even, as a good thing of my own. 

Thy soûl hath snatched up mine ail faint and weak. 

And placed it by thee on a golden throne, — 
And that I love, (0 soûl, I must be meek !) 
Is by thee only, whom I love alone, 



SONNETS DU PORTUGAIS 25 



XII 



Pourtant, ce même amour dont je me sens si fière, 
Et qui, montant parfois de mon cœur à mon front, 
Y met une couronne, aux purs rubis, où vont 
Tous les yeux, et trahit le trésor que j'enserre... 

Cet amour, d'où me vient mon opulence entière, 
Il n'existerait point, si le regard profond 
De tes yeux sur les miens n'avait, chère leçon, 
Appris par ton exemple à mon cœur ce mystère ; 

Et l'amour évoqua l'amour. Je ne puis môme 
Dire de mon amour qu'il est vraiment à moi. 
Ton âme a pris la mienne alors mourante et blême, 

L*a mise à ton côté, sur un trône de roi> 

Et si j'aime (ô sujet d'humilité suprême !) 

Toi que seul j'aime, c'est seulement grâce à toi. 



26 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XIII 

And wilt Ihou hâve me fashion into speech 
The love I bear thee, flnding words enough. 
And hold the torch out. while Ihe winds are rough, 
Between our faces, to cast light on each?— 

I drop it at thy feet. I cannot teach 

My hand to hold my spirit so far off 

From myself ... me ... that I should bring thee proof 

In words, of love hid in me out of reach. 

Nay, let the silence of my womanhood 
Commend my woman-love to thy belief, — 
Seeing that 1 stand unwon, however wooed, 

And rend the garment of my life, in brief , 
By a inost dauntless. voiceless fortitude. 
Lest one touçb of this heart convey its grief. 



SONNETS DU PORTUGAIS 27 



XIII 

Et tu voudrais me voir façonner en langage 
L'amour que j'ai pour toi, trouver assez de mots, 
Et, sous les rudes vents, élever un flambeau 
Qui couvre de lueur notre double visage ? 

Je le jette à tes pieds. Je ne puis voir limage 
De mon âme, comme un miroir en traits égaux 
Repioduit une face... Hélas ! par quels propos 
De mon amour secret te donner quelque gage ? 

Non ; mais que seulement mon silence de femme 
Dise un amour de femme, et le prouve à ta foi; — 
Car, sans fléchir, j'entends des paroles de flamme. 

Et je livre ma vie au malheur, sans efiroi, 
Vaillante et grande en ma muette force d'âme : 
Mon cœur crierait sa peine au toucher de ton doigt. 



28 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XIV 



IF thou ranst love me, let it be for nought 
Except for love's sake only. Do not say, 
** I love her for her smile . . . her look . . . her way 
Of speaking gently, . . . fora trick of thought 

That falls in well with mine, and certes brought 

A sensé of pleasant ease on such a day" — 

For thèse things in themselves, Beloved, may 

Be changed, or change for thee,— and love so wrought, 

May be unwrought so. Neither love me for 
Thine own dear pity's wiping my cheeks dry, 
Since one might well forget to weep who bore 

Thy comfort long, and lose thy love thereby. 

But love me for love's sake, that evermore 

Thou may'st love on through love's eternity. | 

I 



SONNETS DU PORTUGAIS 29 



XIV 

Si tu me dois aimer, que ce ne soit pour rien 
Que pour le seul amour d'amour. Ne va pas dire : 
« Je Taime pour son air, son regard, son sourire, 
Son doux parler, son tour de pensée, où le mien 

Trouve pleine harmonie, et qui d'un entretien. 
Tel jour, fit un bonheur assez grand pour suffire » 
Ces choses, Bien -aimé, le temps peut les détruire. 
Ou pour toi les changer ; et l'amour pourrait bien, 

Ainsi né, disparaître ainsi. Ne m*aime pas 
Pour la chère pitié dont tu séchas mes larmes : 
Si par toi consolée on oubliait, hélas ! 

De pleurer, ton amour survivrait-il au charme ? 
Aime-moi pour l'amour d'amour, pour qu'au-delà 
Du temps, cet amour dure éternel, sans alarmes. 



30 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XV 



Accuse me not, beseech thee, that I wear 
Too calm and sad a face in front of thine ; 
For we two look two ways, and cannot shine 
With Ihe same sunlight on our brow and hair. 

On me thou lookest with no doubting care, 
As on a bee shut in a crystalline,— 
For soprow hath shut me safe in love's divine, 
And to spread wing and fly in the outer air 

Were most impossible failure, if I strove 

To fail so. But I look on thee ... on thee . . . 

Beholding, besides love, the end of love, 

Hearing oblivion beyond memory . . . 
As one who sits and gazes, from above, 
Over the rivers to the bitter sea. 



SONNETS DU PORTUGAIS 31 



XV 



N'accuse pas, ami, ce front trop sérieux 
Qui, près de ton éclat, met sa tristesse austère ; 
Tournés vers d'autres points, une même lumière 
Ne saurait éclairer nos fronts et nos cheveux. 

Tu peux me regarder sans nul doute anxieux, 
Gomme une abeille sous le crystal prisonnière ; — 
Dans le divin amour Tàpre douleur m'enserre, 
Et soulever mon aile et voler vers les cieux 

Serait follement vain, si, d'un effort sans trêve, 
J'essa)^ais. Tandis que te voir c'est voir fleurir 
L'amour, et voir lamour qui se fane et s'achève ; 

J'entends l'oubli qui doit suivre le souvenir, 
Comme un homme debout, très haut, loin de la grève, 
Voit les fleuves, et voit la mer les engloutir. 



32 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XVI 

And yet, because thou overcomest so. 
Because thou art more noble aod like a king, 
Thou canst prevail against my fears, and fling 
Thy purple round me, till my heart shall grow 

Too close against thine heart, henceforth to know 
How it shook when alone. Why, conquering 
May prove as lordly and complète a thing 
In lifting upward as in crushing low : 

And, as a soldier struck down by a sword 

May cry, **My strife ends hère'' and sink to earth, 

Even so, Beloved, I at last record, 

Hère ends my doubt ! If thou invite me forth, 
I rise above abasement at the word. 
Make thy love larger to enlarge my worth. 



SONNETS DU PORTUGAIS 33 



XVI 

Et pourtant, parceque tu m'es supérieur. 
Plus noble et de grandeur vraiment impériale, 
Tu peux, domptant ma crainte, en ta pourpre royale 
M'envelopper, si bien que, pressé sur ton cœur 

Etroitement, le mien oubliera cette peur 
Dont, seul, il frémissait. Un héros se signale 
Ecrasant le vaincu; mais sa gloire est égale 
S'il relève celui qui cède à son vainqueur. 

Gomme un soldat, que vient de frapper une épée, 
Tombe et dit « Mes combats sont finis pour toujours ! » 
Ainsi, mon Bien-aimé, je te dis désarmée : 

^ Mes doutes sont finis ! » Ton appel dès ce jour 

M'élève au-dessus de mon humble destinée. 

Pour grandir ma valeur fais plus grand ton amour. . 



34 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XVII 

My poet, thou canst toucli on ail the notes 
God set between His After and Before, 
And strike upand strike ofl the gênerai roar 
Of the rushing worlds, a melody that floats 

In a serene air purely. Antidotes 
Of medicated music, answering for 
Mankind's forlonest uses, thou canst pour 
From thence into their ears. God's will dévotes 

Thine to such ends, and mine to wait on thine ! 
How, Dearest, wilt thou hâve me for most use ? 
A hope, to sing by gladly ? ... or a fine 

Sad memory, wilh thy songs to interfuse ? . . . 
A shade, in which to sing . . . of palm or pine ? 
A grave, on which to rest from singing? ... Choose. 



SONNETS DU PORTUGAIS 35 



XVII 

Sous tes doigts, mon poète, a vibré toute note 
Que Dieu fit, du passé jusqu'au terme des âges, 
Evoquant ou calmant, sur la mer sans rivages 
Des tourbillons du monde, une rumeur qui flotte 

Purement dans un ciel serein. Cet antidote 
Qu'en toi rhumanité trouve pour ses usages 
Les plus désespérés, ton magique langage 
Qui guérit, vient de là. Telle est la tâche haute 

Que Dieu t'assigne, et t'y seconder est la mienne. 
Comment, ô mon Aimé, puis-je te mieux servir ? 
Suis-je un espoir, gaîté de tes chants ?... ou la peine 

Que mêle à ta musique un triste souvenir?... 
L'ombre... pin ou palmier, de ta muse sereine?... 
La tombe et le repos?... C'est à toi de choisir. 



36 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XVIIl 

I NEVER gave a lock of hair away 
To a man, Dearest, except this to thee, 
Which now upon my fingers thoughtfuUy 
1 ring out to the full brown length, and say, 

'*Take it." My day of youth went yesterday ; 
My hair no longer bounds to my foot's glee, 
Nor plant I il from rose or myrtle-tree. 
As girls do, any more. It only may 

Now shade, on two pale cheeks, the mark of tears, 
Taught drooping from the head that hangs aside 
Through sorrow's trick. I thoughtthe funeral-shears 

Would take this first : but Love is justifled : 

Take itthou, . . . finding pure, from ail those years, 

The kiss my mother lelt hère when she died. 



SONNETS DU PORTUGAIS 37 



XVIII 

Je n'ai donné jamais à nul homme une tresse 
De mes cheveux, ô cher Aimé, mais vois, pour toi, 
La longue boucle brune enroulée à mon doigt, 
Que je t'offre, en disant, pensive sans tristesse, 

« Prends la. » Hier mourut ma saison de jeunesse ; 
Le bal joyeux ne fera plus flotter sur moi 
Mes cheveux, et jamais je n'aurai plus le droit 
D'y piquer une rose en signe d'allégresse. 

Leur ombre seulement sur mon pâle visage 
Pourra cacher les traits que la douleur creusa. 
Je pensais qu'à la Mort cette tresse en hommage 

Serait offerte ; mais l'Amour la réclama : 

Prends-la ; tu trouveras pur comme en mon jeune âge 

Le baiser que ma mère en mourant y laissa. 



38 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XIX 

The soul's Rialto hath ils merchandise ; 
I barter curl for curl upon that mart ; 
And from my poet's forehead to my heart, 
Receive this lock which outweighs argosies.— 

As purply black, as erst to Pindar's eyes 
The dim purpureal tresses gloomed athwart 
The nine white Miise-brows. For this counterpart, 
Thy bay-crown's shade, Beloved, I surraise, 

Still lingers on tby curl, it is so black ! 
Thus, with a fillet of smooth-kissing breath, 
I tie the shadow safe from glîding back. 

And lay the gift where nothing hindereth. 
Hère on my heart as on thy brow, to lack 
No natural beat till mine grows cold in death 



SONNETS DU PORTUGAIS 39 



XIX 

L'âme a son Rialto, ses marchands, ses denrées : 
J'y prends, pour une tresse, une tresse en paiement ; 
Et ces boucles, valant plus qu'aucun chargement, 
Du front de mon poète à mon cœur sont serrées. 

Leur noir est sombre autant que les tresses pourprées 
Que Pindare un jour vit briller obscurément 
Au front blanc des neuf sœurs. C'est, je le crois vraiment, 
La couronne de baies dont elles sont laurées 

Qui laisse à tes cheveux une ombre, ô Bien-Aimé, 
Tant ils sont noirs ! Ma lèvre et sa douce caresse 
A fixé l'ombre, qui ne s'enfuira jamais, 

Et, ce don précieux, sur mon cœur je le presse, 
De chaude vie, ainsi qu'à ton front, animé, 
Jusqu'au jour où la vie en ce cœur glacé cesse. 



40 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XX 

Beloved, my Beloved, when I think 
That thou wast in the world a year ago, 
What time I sate alone hère in the snow 
And saw no footprint, heard the silence sink 

No moment at thy voice, . . . but link by lin^ 
Went counting ail my chains, as if that so 
They never could fall ofl at any blow 
Struck by thy possible hand... why, thus I drink 

Of life's great cup of wonder. Wonderful, 
Never to feel thee tbrill the day or night 
With Personal act or speech, — non ever cull 

Some prescience of thee wHh the blossoms white 
Thou sawest growing ! Atheists are as dull, 
Who çannot guess God*s présence out of sight. 



SONNETS DU PORTUGAIS 41 



XX 

O mon aimé, mon bien-aimé, lorsque je pense 
Qu'en ce monde, il y a douze mois, tu vivais. 
Tandis que seule, assise ici, ie ne savais 
Voir tes pas sur la neige, entendre le silence 

Fuir à ta voix,... mais que je comptais ma souffrance 
Comme une chaîne, anneaux par anneaux, et tâchais 
A les rendre assez forts pour ne tomber jamais 
Sous tes coups, — ah ! je bois à cette coupe immense 

Et merveilleuse de la vie. Oui ! c'est merveille 
Que je ne t*aie senti, d'un geste ou d'un accent, 
Faire frissonner jour et nuit; - la fleur vermeille, 

Que tu vis, n'a point fait mon esprit prescient 
De toi! L'aveuglement de l'athée est pareille : 
Incapable, sans voir, de sentir Dieu présent. 



42 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXI 

Sat over again and yet once over again 
That Ihou dost love me. Though the word repeated 
Should seem ** a cnckoo-song, " as thou dost treat it, 
Remember never to Ihe hill op plain, 

Valley and wood, without her cuckoo-strain, 
Cornes the f resh Spring in ail her green completed ! 
Beloved. I, amid the darkness greeted 
By a doubtful spirit-voice, in that doubt's pain 

Cry... speak once more... thou lovest! Who can fear 
Too many stars, though each in heaven shall roll — 
Too many flowers, though each shall crown the year ? 

Say thou dost love me, love me — toll 
The silver iterance 1 — only minding, Dear, 
To love me also in silence^ with thy souL 



SONNETS DU PORTUGAIS 43 



XXI 



ïledis-moi de nouveau, puis dis une autre fois 
Que tu m'aimes. Et si tu crois, qu'à trop le dire. 
Comme un * chant de coucou », le mot prête au sourire, 
Souviens toi que jamais à la vallée, au bois, 

A la colline, aux prés le Printemps, sans la voix 
De son coucou, ne vient fonder son frais empire î 
Aimé, j'entends, la nuit, un appel que soupire 
Une voix, un esprit ; et mon doute vers toi 

Crie... ah! redis ce mot... tu m'aimes ! Qui peut craindre 

Trop d'étoiles roulant sur le bleu flrmament, 

Trop de fleurs dont le front de Tan se pourrait ceindre? 

Dis que tu m'aimes, redis-le ; ce son d'argent, 
Ami, répète-le — Mais d'un amour non moindre. 
En ton âme, aime-moi, silencieusement. 



44 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXII 

Whrn our two soûls stand up erect and strong. 
Face to face, silent, drawing nigh and nigher, 
Until the lengthening wings break into fîre 
At either curved point, — what bitter wpong 

Can the earth do us, that we should not long 
Be hère contented ? Think. In mounting higher, 
The angels would press on us, and aspire 
To drop some golden orb 6f perfect sonj? 

Into our deep, dear silence. Let us stay 
Rather on earth, Beloved, — where the unfit 
Contrarions moods of men recoil away 

And isolate pure spirits, and permit 

A place to stand and love in for a day, 

With darkness and the death-hour rounding it. 



SONNETS DU PORTUGAIS 45 



XXII 

Quand nos deux âmes sont debout, fortes et fières, 
Muettes, face à face, et plus près s'unissant. 
Jusqu'à ce que chaque aile en un feu jaillissant 
Se termine — du sort quelles peines amères 

Pourrions-nous subir qui de cette humble terre 
Nous rendent fatigués ? Pense. En nous élevant, 
Les anges, dans leur foule heureuse nous pressant, 
Voudraient faire tomber, comme Tor d'une sphère, 

Un chant parfait dans notre cher, profond silence. 
Aimé, restons plutôt sur terre : ici Thumeur 
Hostile des mortels, évitant la présence 

Des purs esprits, leur laisse, isolant leur bonheur, 
Pour se poser et pour s'aimer, une éminence 
Que la nuit et la mort battent de leur rumeur. 



46 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXIII 

Is it indeed so ? If I lay hère dead, 
Would'st thou miss any life in losing mine, 
And would Ihe sun for thee more coldly shine 
Because of grave-damps falling round my head ? 

I marvelled, my Beloved, when I read 
Thy thought so in the letter. I am thine — 
But... so much to thee ? Gan I pour thy wine 
While my hands tremble ? Then my soûl, instead 

Of dreams of death, résumes life's lower range ! 
Then, love me, Love î look on me... breathe on me ! 
As brighter ladies do not count it strange, 

For love, to give up acres and degree, 

1 yield the grave for thy sake, and exchange 

My near sweet view of Heaven, for earth with thee ! 



SONNETS DU PORTUGAIS 47 



XXIII 

Pourrait-il être vrai ? Si j'étais là sans vie. 
Toute vie à tes yeux serait morte avec moi ? 
Le soleil désormais brillerait pâle et froid, 
Si la brume entourait ma tête ensevelie ? 

Mon Bien-aimé, j'étais d'étonnement ravie 

En lisant ta pensée ainsi. Je suis à toi — 

Mais pour toi suis-je tant? Puis-je tremblant d'émoi 

Verser ton vin ? Alors, pour vivre je renie 

Tous mes rêves de mort, et les donne en échange ! 
Aime -moi donc, Aimé ! regarde... inspire-moi ! 
Des dames de haut rang ne jugent pas étrange 

De quitter, par amour, des champs, des biens, des droits 
Par amour je renonce à la tombe, et j'échange 
Le ciel si beau, si près, pour la terre avec toi. 



48 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXIV 

Lbt the world's sharpness, like a claspîng knife, 
Shut in upon itself and do no harm 
In this close hand of Love, now soft and warm ; 
And let us hear no sound of human strife, 

After the click of the shutting, Life to life — 
1 lean upon thee, Dear, without alarm, 
And feel as safe as guarded by a charm, 
Against the stab of worldlings, who, if rife, 

Are weak to injure. Very whitely still 

The lilies of our lives may reassure 

Their blossoms from their roots ! accessible 

Alone to heavenly dews that drop not fewer ; 
Growing straight, out of man's reach, on the hill. 
God only, who made us rich, can make us poor. 



SONNETS DU PORTUGAIS 49 



XXIV 

Que de ce monde la malice, sans blesser, 
Se referme sur soi, comme on referme une arme, 
Daps cette chaude et douce main qu'Amour désarme ; 
Puisse pour nous tout bruit de discorde cesser 

Avec ce déclic du ressort. Pour traverser 
La vie, Aimé, mon cœur sur ton cœur, sans alarme. 
S'appuie, et je me sens sûre, grâce à ce charme, 
Contre les fils du monde, ardents à menacer, 

Mais à nuire impuissants. Les lis blancs de nos vies 

Sur leur ferme racine à jamais fixeront 

Leurs fleurs qui sont là-haut aussi bien rafraîchies 

De céleste rosée, à la cime au mont, 

Où, très loin des humains, leur tige les défie. 

Dieu, qui nous enrichit, peut seul prendre ses dons. 



50 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXV 

A HBAVT heart, Beloved, hâve I borne 
From year to year, until I saw thy face, 
And sorrow after sorrow look the place 
Of ail those natural joys as lightly worn 

As the stringed pearls... each lifled in its turn 
By a beating heart at dance-time. Hopes apace 
Were changed to long despairs,... till God's own grâce 
Could scarcely lift above the world forlorn 

My heavy heart. Then thou didst bid me bring 
And let it drop adown thy calmly great 
Deep being ! Fast it sinketh, as a thing 

Which its own nature doth precipitate, 
While thine doth close above it, mediating 
Betwixt the stars and the unaccomplished fate. 



SONNETS DU PORTUGAIS 51 



XXV 

Les ans suivaient les ans, et je traînais, Aimé, 
Un cœur bien lourd, avant que j'eusse vu ta face ; 
Et chagrins sur chagrins venaient prendre la place 
Des naturels bonheurs légèrement portés, 

Gomme les perles que, de battements pressés. 
Un cœur soulève, au bal. Le désespoir remplace 
Enfin tous les espoirs, et la divine grâce 
Put à peine, au-dessus d'un monde désolé. 

Lever mon cœur pesant. Alors, tu m'as dit : « Ose 
Me le livrer ! > Au fond de ta calme grandeur 
Aussitôt il tomba, comme tombe une chose 

Que sa nature même entraîne aux profondeurs, 
Et ton être, sur lui refermé, s'interpose 
Entre les astres et mon possible malheur. 



52 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXVI 

I LîVED with visions for my company 

Instead of men and women, years ago. 

And found them gentie mates, nor thought to kn 

A sweetep music than they played to me. 

But soon their trailing purple was not free 

Of this world's dust, — their lûtes did silent grow 

And I myself grew faint and blind below 

Their vanishing eyes. Then thou didst corne... to be 

Beloved, what they seemed.. Their shining fronts 
Their songs, their splendours... (better, yet the same 
As river-water hallowed into fonts...) 

Met in thee, and from out thee overcame 

My soûl with satisfaction of ail wants — 

Because God's gifts put man's best dreams to shame. 



SONNETS DU PORTUGAIS 53 



XXVI 

Pour compagnes, jadis, autour de moi vivaient, 
Au lieu d'êtres humains, des visions. Ces amies 
M'étaient douces; jamais plus belles mélodies 
Ne pourraient me charmer qu'elles ne me jouaient ; 

Mais du monde bientôt les poussières souillaient 
La pourpre de leur robe, et la voix afiaiblie 
De leurs luths était morte, et moi même, pâlie, 
Devins aveugle sous leurs yeux qui se voilaient. 

Car TU vins, et, ce qu'elles semblaient, tu le fits : 

Leurs beaux fronts; et leurs chants, leur splendeur 

[ (mais plus pure, 
Comme une eau que les fonts de l'église ont reçu) — 

Tout en toi se retrouve, et pour mon âme assure 

L'apaisement de tout désir. Car, je l'ai vu, 

Dieu, par ses dons, fait honte aux vœux des créatures. 



54 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXVII 

My own Beloved, who hast lifled me 

From this drear flat of earth where I was thrown 

And in betwixt the languid ringlets blown 

A life-breath, lill the forehead hopefully 

Shines ûut again, as ail the angels see, 
Before thy saving kiss ! My own, my own, 
Who caraest to me when the world was gone, 
And I, who looked for only God, found thee I 

I find thee : I am safe, and strong, and glad. 
As one who stands in dewless asphodel 
Looks backward on the tedious time he had 

In the upper life... so L with bosom-swell, 
Make witness here between the good and bad, 
That Love, as strong as Death, retrieves as well. 



SONNETS DU PORTUGAIS 55 



XXVII 

mon cher Bien-aimô, toi qui m'as soulevée 
De cette plate et triste terre où je gisais, 
Et, parmi mes cheveux, sur mon front las, posais 
Un tel souffle vivant que, d'espoir ravivée, 

Tous les anges me voient fîère et transfigurée 
Sous ton baiser sauveur ! Toi qui m'apparaissais, 
O mon Bien, quand le monde était mort à jamais, 
Quand, cherchant Dieu, c'est ta force que j'ai trouvée ! 

Je te trouve et suis forte et sans crainte et joyeuse. 
Tel celui qui, debout aux champs Elyséens, 
Se rappelle la terre et la vie odieuse 

Qu'il y vivait : ainsi, l'orgueil gonflant mon sein. 
J'atteste que l'Amour, qui m'a pu faire heureuse, 
Aussi fort que la Mort, nous libère aussi bien. 



56 SONNETS FROM THE PORTUOUESE 



XXVIII 

My letters ! ail dead paper,... mute and whîte ! — 
And yet they seem alive and quivering 
Against my tremulous hands, which loose the string 
And let them drop down on my knee to-night. 

This said,... he wisbed to hâve me in bis sight 
Once, as a friend : this fixed a day in spring 
To come and touch my hand... a simple thing, 
YetI wept for it! - this,... the paper's light... 

Said, Deary 2 love thee: and I s?^nk and quailed 

As if God's future thundered on my past : 

This said, / am thine — and so its ink has paled 

With lying at my heart that beat too fast : 
And this... O Love, thy words hâve ill availed, 
If, what this said. I dared repeat at last ! 



SONNETS DU PORTUGAIS 57 



XXVIII 

Mes lettres! papier mort,... blanches feuilles muettes!... 

Pourtant, on les dirait vivantes, palpitant 

Sous mes tremblantes mains, qui défont le ruban 

Ce soir, et tour à tour sur mes genoux les jettent. 

Celle-ci dit... qu'une heure il voulait tête-à-tête 
Me voir, comme une amie ; et cette autre au printemps 
Fixe un jour où venir serrer ma main... pourtant 
Ce simple mot me fit pleurer!... L'autre répète 

« Chère, je t'aime »... alors je tombai frémissante, 

Comme si Tavenir foudroyait mon passé ; 

L'autre < je suis à toi » — l'encre en est blanchissante 

De la chaleur d'un ccBur au battement pressé ; 
Celle-ci... Mais ta voix. Amour, est impuissante, 
Si, ce qu'elle ma dit, je l'osais prononcer. 



58 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXIX 

I THiNK of thee i — my thoughts do Iwine and bud 
About thee, as wiid vines about a tree 
Put out broad leaves, and soon there*s uought to see, 
Except the straggling green whichhides the wood. 

Yet, O my palm-tree, be it understood 
I will not hâve my thoughts instead of thee 
Who art dearer, better ! Rather instantly 
Renew thy présence ! As a strong tree should, 

Rustle thy boughs, and set thy Irunk ail bare, 

And let thèse bands of greenery which insphere thee, 

Drop heavily down,... burst, shattered, everywhere ! 

Because, in this deep joy to see and hear thee, 
And breathe within thy shadow a new air. 
I do not think of thee — I am too near thee. 



SONNETS DU PORTUGAIS 59 



XXIX 

Autour de toi s'enlace et fleurit ma pensée. 
Telle, autour d'un grand arbre, une vigne croissant, 
Et de larges rameaux bientôt le recouvrant, 
Le tronc disparait sous la verdure entassée. 

Pourtant, ô mon Palmier, je serais insensée, 
Je le sais, d'aimer voir mes pensers seulement, 
Au lieu de toi plus cher et meilleur ! A l'instant 
Révèle toi plutôt ! Agite ta ramée, 

Gomme un arbre géant, et mets ta tige à nu ; 
Que ces liens de verdure où ta force est cachée 
Retombent lourdement, déchirés et rompus ! 

Au bonheur de te voir et t'entendre absorbée, 
Respirant sous ton ombre un doux air inconnu. 
Je ne pense à toi, car j'en suis trop rapprochée. 



60 SONNETS PROM^THE PORTUGUESE 



XXX 

I SEE thine image throu<|^h my tears to-night, 
And yet to-day I saw thee smiling. How 
Refer the cause ? — Beloved, is it thou 
Or I ? Who makes me sad ? The acolyte 

Amid the chanted joy and thankful rite, 
May so fall flat, with pale insensate brow, 
On the altar-stair. I hear thy voice and vow 
Perplexed, uncertain. since thou'rt out of sight, 

As he, in his swooning ears, the choir's Amen ! 
Beloved, dost thou love ? or did I see ail 
The glory as I dreamed» and fainted when 

Too véhément light dilated my idéal 

For my soul's eyes? Will that light come again. 

As now thèse tears come... falling hot and real? 



SONNETS DU PORTUGAIS 61 



XXX 

Mes pleurs font comme un voile où ta face s'abrite 
Ce soir; et je t'ai vu rire aujourd'hui. Pourquoi? 
Qui cause, ô mon aimé, ce contraste ? Est-ce loi, 
Ou moi ? Qui me rend triste ? — On voit un acolyte, 

Parmi les chants joyeux et l'hosannah du rite. 
Tomber ainsi, le front pâle, insensible et froid, 
Aux degrés de l'autel. — J'entends ta sûre voix. 
Mais tu m'es invisible, et je doute, interdite. 

Gomme lui, défaillant, perçoit TAmen du chœur ! 
Bien-aimô, m*aimes-tu? Ou, la nuit décevante 
Montrant seule à mon rêve une étrange splendeur, 

M*évanouis-je quand la lueur trop ardente 
Grandit mon idéal sous mes yeux ? La lueur 
Tombera-t-elle encor... comme ces pleurs brûlante? 



62 SONNETS FKOM THE PORTUGUESE 



XXXI 

Tuou comest ! ali is said without a word. 

I sit beneath thy looks, as children do 

lu thé noon-sun, with souIs that tremble ihrough 

Their happy eyelids from an unaverred 

Yet ppodigal inward joy. Behold, I erred 
In that last doubt ! and yet I cannot rue 
The sin most, but the occasion... that we two 
Should for a moment stand unministered 

By a mutual présence. Ah, keep near and close, 
Thou dovelike help ! and, when my fears would rise, 
With thy broad heart serenely interpose ! 

Brood down with thy divine sufflciencies 

Thèse thoughts which tremble when bereft of those, 

Like callow birds left désert to the skies. 



SONNETS DU PORTUGAIS 63 



XXXI 

Tu viens ! Et, sans un mot, voilà que tout est dit. 
Sous tes yeux je m'assieds. Tels des enfants qui gisent 
Au soleil de midi; leurs gais regards traduisent, 
Sous leurs cils palpitants, un bonheur infini, 

Et muet. En doutant naguère, j'ai failli. 

Ce n'est point cependant cette faute que visent 

Mes regrets, mais sa cause..., et que des heures brisent 

Quelquefois cet accord dont nous sommes unis, 

Tous deux présents. Près de moi i*este ; couvre moi 
De tes ailes ! et si d'autres peurs téméraires 
Surgissaient, montre leur ton grand cœur sans émoi ! 

Que tes divins pouvoirs couvent comme une mère 
Ces pensers inquiets qui tremblent loin de toi, 
Gomme des oiselets en plein ciel solitaires. 



04 SONNETS PROM THE PQRTUGUESE 



XXXII 

The flpst time that the sua rose on thine oath 
To love me. I looked forward to the moon 
To slacken ail those bonds which seemed too soon 
Ând quickly tied to make a lastini,^ troth. 

Quick-Ioving hearts, I thought, may quickly loathe ; 
And, looking on myself, I seemed not one 
For such man's Jove ! - more like an out of tune 
Woi*n viol, a good singer would be wroth 

To spoil bis song with, and which, snatched in haste, 
Is laid down at the first ill-sounding note. 
I did not wrong myself so, but I placed 

A wrong on ihee. For perfect strains may float 
'Neath master-hands, from instruments defaced, — 
And gieat soûls, at one stroke, may do and doat. 



SONNETS DU PORTUGAIS 65 



XXXII 

Le jour où le soleil entendit ton serment 
De m'aimer, un seul mois, pensais-je, va suffire 
A relâcher des liens qui, venant se produire 
Trop tôt, ne noueront pas un long engagement ; 

Les cœurs prompts h Tamour se lassent promptement» 
Portant les yeux sur moi, je ne pouvais me dire 
Digne d'un tel amour. J'étais plutôt la lyre 
Usée, aux ton faussés, que dédaigneusement 

Un bon chanteur rejette, et qui, prise à la hâte, 

Est délaissée, au premier son de désaccord. 

— Ce n'est pas envers moi, mais envers toi q'uéclate 

Mon injustice. Une musique exquise sort 

Sous une habile main, d'une viole ingrate, — 

Et, d'un coup, un grand cœur s'éprend jusqu'à la Mort. 



66 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXXIII 

Yes, call me by my pet-narae ! let me hear 
The name I used to i*un at, when a child, 
From innocent play, and leave the cowslips piled, 
To glance up in some face that proved me dear 

With the look of its eyes. I miss the clear, 
Fond voices, which, heing drawn and reconciled 
Into the music o£ Heaven's undeflled, 
Call me no longer Silence on the hier, 

While / call God... call God ! — So let thy raouth 
Be heir to those who are now exanimate : 
Gather the north flowers to complète the south, 

And catch the early love up in the late ! 
Yes, cal) me by that name, — and I, in truth, 
With the same heart, will answer, and not wait. 



SONNETS DU PORTUGAIS ^ 67 



XXXIII 

Oui, donne-moi mon nom d'enfant ! je veux l'entendre 
Ce nom qui me faisait autrefois accourir, 
Quittant mes jeux, laissant mes coucous se flétrir, 
Pour voir ces traits chéris d'oii je sentais descendre 

Sur moi de l'amour par les yeux. D'autres voix tendres 
Et claires m'ont quitté, pour se fondre et s'unir 
Aux purs concerts dont seul le ciel peut retentir, 
Et ne m'appellent plus. Je suis seule à répondre, 

Sur les tombes, mes cris vers Dieu, pour mes chers morts. 
Sois rhéritier de ceux dont la bouche est sans vie ; 
Ajoute aux fleurs du Sud toutes les fleurs du Nord, 

Et prends l'ancien amour dans l'amour qui nous lie I 
Oui, donne-moi ce nom, — et moi, sans nul effort, 
Du même cœur je répondrai prompte et ravie. 



68 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXXIV 

WiTH the same heart, I said, V\l answer thee, 
As those, when Ihou shalt call me by my name, 
Lo, the vain promise ! Is the same, the same, 
Perplexed and ruffled by life's strategy ? 

When called before, I told how hastily 
I dropped my flowers, or brake off from a game, 
To run and answer with the smile that came 
At play last moment, and went on with me 

Through my obédience. When I answer now, 

I drop a grave thought ; — break from solitude : • 

Yet still my heart goes to thee... ponder how... 

Nôt as to a single good but ail my good ! 

Lay thy hand on it, best one, and allow 

That no child's foot could run fast as this blood. 



SONNETS DU PORTUGAIS 69 



XXXIV 

J'ai promis de répondre avec un même cœur, 
Quand lu m'appelleras, comme eux, du nom que j'aime. — 
Vaine promesse, hélas ! Le même est-il le même, 
Confus, bouleversé par la vie et ses heurts ? 

J*ai dit qu'à cet appel je laissais là mes fleurs 
Et quittais tous mes jeux, dans une ardeur extrême, 
Pour courir et répondre, avec ce rire même 
Qui, né du jeu, restait, quand je volais ailleurs. 

Obéissante. Quand je réponds maintenant, 

Je quitte des pensers graves et solitaires ; - 

Et mon cœur vers toi vole,... ami, sache comment: 

Non comme vers un bien, mais tout mon bien sur terre I 

Mets- y ta main, Aimé ; tu verras que ce sang 

Court plus vite qu'aucun pied d'enfant n'eût pu faire. 



70 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXXV 

If I leave ail for thee, wilt thou exchange 
And be ail to me ? Shall I never miss 
Home-talk and blessing, and the common kiss 
That cornes to each in turn, nor count il strange, 

When I look up, to drop on a new range 
Of walls and floors... anotherhome than this? 
Nay, wilt thou flll that place by me which is 
Filled by dead eyes, too tender to know change ? 

That's hardest ! If to conquer love has tried, 

To conquer grief tries more... as ail things prove : 

For grief indeed is love, and grief beside. 

Alas ! I hâve grieved so I am hard to love — 

Yet love me — wilt thou ? Open thine heart wide, 

And fold within the wet wings of thy dove. 



SONNETS DU POftTUGAIS 71 



XXXV 

Pour toi je quitte tout; dois-je attendre en échange 
Que lu sois tout pour moi? me faisant oublier 
Une voix chère et sainte, et ce commun baiser 
Où tous ont part? jamais ne trouverai-je étrange 

De voir des murs nouveaux, sous un ciel où tout change, 

D'autres planchers au lieu du logis familier ? 

Et prendras-tu la place occupée au foyer 

Par de tendres yeux morts clairs comme ceux des anges? 

C'est le plus dur ! Vaincre Tamour fut un labeur ; 
Mais vaincre la douleur, est tache plus osée ; 
Car douleur, c'est amour, et c'est aussi douleur. 

Hélas ! j'ai trop souffert pour pouvoir être aimée 
Aisément. M'aimes-tu ? Ouvre tout grand ton cœur ; 
Enferme ta colombe et ses ailes mouillées. 



72 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXXVI 

When we met first and loved, I did not build 
Upon the event with marble. Gould it mean 
To last, a love set pendulous between 
Soppow and sorrow ? Nay, I rather thrilled, 

Distrusting every light that seemed to gild 
The onward path, and feared to overlean 
A flnger even. And, though I hâve grown serene 
And strong since then, I think that God bas willed 

Astill renewable fear... love, troth... 
Lest thèse enclasped hands should never hold, 
This mutual kiss drop down between us both 

As an unowned thing, once the lips being cold, 
And Love be false ! if he, to keep one oath, 
Must lose one joy by his Jife's star foretold. 



SONNETS DU PORTUGAIS 73 



XXXVI 

Le jour où, nous voyant, nous nous sommes aimés, 
Je n'ai pas cru bâlir sur le roc. La durée 
Pouvait elle à pareil amour être assurée, 
Oscillant entre deux douleurs ? Mes yeux charmés 

Voyaient la route ouverte et des feux allumés 
Qui la doraient au loin; et, craintive, apeurée, 
Je n'osais faire un pas. Je suis plus rassurée 
Et plus forte aujourd'hui, mais mon cœur alarmé 

Sent une peur vivace... Et c'est, Amour et Foi, 
C'est que jamais vos mains ne se puissent étreindre ; 
C'est que notre baiser tombe entre lui et moi, 

Délaissé, quand le feu des lèvres va s'éteindre ; 
Qu'Amour soit faux ! si, pour tenir parole, il doit 
Perdre une seule joie où son sort puisse atteindre. 



74 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXXVII 

Pardon, oh. pardon, that my soûl should make 
Of ail that strong divineness which I know 
For thine and thee, an image only so 
Formed of the sand, and fit to shift and break. 

It is that distant years which did not take 
Thy sovranty, recoiling with a blow, 
Hâve forced my swimming brain to undergo 
Their doubt and dread, and blindly lo forsake 

Thy purity of likeness, and distort 

Thy worthiest love with worthless counterfeit ; 

As if a shipwrecked Pagan, safe in port, 

His guardian sea-god to commemorate, 
Should set a sculptured porpoise, gills a-snort, 
And vibrant tail, within the temple-gate, 



SONNETS DU PORTUGAIS 75 



XXXVII 

Ah ! pardonne, si j'ai de la force divine 
Que je sais être en toi, être toi-même, fait 
Une image de sable instable, qui paraît 
Toujours changer jusqu'à s'eflondrer en ruine. 

G*est que les ans lointains, qui de la discipline 
De ton empire n'ont pas eu l'heureux effet, 
Reviennent imposer à mon cœur inquiet 
Leur doute et leur terreur ; aveugle je dessine 

Une image infidèle, et par là déshonore 

D'un indigne portrait un amour précieux. 

Tel un païen, sauvé d*un grand naufrage, adore 

Son dieu marin, et dresse, en hommage pieux, 

Dans le temple, l'image en bois multicolore 

D'un dauphin, queue vibrante et larges naseaux creux. 



76 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XXXVIIÏ 

First lime he kissed me. he but only kissed 
The Angers of this hand wherewith I write, 
Aod ever since it grew more clean and white, .. 
Slow to world-greetings... quick with ils *' Oh, list ! " 

When the angels speak. A. ring of amethyst 
I could not wear hère plainer to my sight, 
Than that first kiss. The second passed in height 
The Mrst, and sought the forehead, and half missed, 

Half falling on the haïr. beyond meed ! 

That was the chrism of love, which love's own crown, 

With sanctifying sweetness, did précède. 

The third, upon my lips, was folded down 

In perfect, purple state ! since when, indeed, 

I hâve been proud, and, said, ** My Love, my own. " 



SONNETS DU PORTUGAIS 77 



XXXVIII 

Dans son premier baiser il ne fil que presser 
Les doigts qui tracent là leur tremblante écriture, 
Et ma main depuis lors est plus blanche et plus pure. 
Lente aux saluts mondains,... prompte, pour écouter 

Un ange, à faire « Chut !» — Je ne pourrais porter 
Un anneau d*améthyste en plus claire parure 
Que ce premier baiser. — De plus flère nature 
Le second, s'adressant au front, vint se placer 

Autant sur les cheveux. faveur sans égale ! 
Doux chrême sanctifiant de Tamour, qui, d'un jour, 
Précéda de Tamour la couronne royale ! 

— Ma lèvre, recevant le troisième, en l'atour 
D'une pourpre de roi l'enferma. Puis, vassale 
Orgueilleuse, j*ai dit : € mon bien, mon amour ! » 



78 SONNETS FHOM THE PORTUGUESE 



XXXIX 

Because thou hast the power and own'st the grâce 
To look through and behind iliis mask of me, 
(Against which, years hâve beat thus blenchingly 
With their rains 1) and behold ray soul's true face, 

The dira and weary witness of life's race : — 
Because thou hast the faith and love to see, 
Through that same soul's distracting lethargy, 
The patient angel waiting for his place 

In the new Heavens : because nor sin nor woe, 
Nor God's infliction, nor dealh's neighbourhood, 
Nor ail, which others viewing, turn to go,... 

Nor ail which makes me tired of ail, self-viewed,... 
Nothing repels thee,... Dearest, teach me so 
To pour out gratitude, ns thou dost, good! 



SONNETS DU PORTUGAIS 79 



XXXIX 

Puisqu'aîi pouvoir tu joins la charitable grâce, 
Pour percer au-dessous du masque de ce front, 
(Que les ans ont battu d'averses qui le font 
Si pâle !) et que tu vois mon âme face à face, 

D'un douloureux destin témoin morose et lasse ; — 
Puisque, grâce à la foi de l'amour, ta raison 
Dans cette âme engourdie et morne à la vision 
De l'ange qui patient souffre, attendant sa place 

Au ciel nouveau ; puisque ni malheur ni péché ; 
Les maux de Dieu ; la mort, prochaine certitude ; 
Rien de ce dont tout œil se serait détourné, 

Et de ce qui pour tout m'emplit de lassitude ; 
Puisque rien ne t'éloigne,... apprends-moi, cher aimé. 
A verser, comme toi les biens, ma gratitude. 



80 SPNNETS FROM THE PORTUGUESE 



XL 



Oh yes ! they love through ail this world of oui's ! 
I will not gaiiîsay love, called love, forsooth. 
I hâve heard love talked in my early youth, 
And since, not so long back but that the flowers 

Then gathered, smell still. Mussulmans and Giaoups 
Throw kerchiefs at a smile, and hâve no ruih 
For any weeping. Polypheme's white tooth 
Slips on tbe nut, if after fréquent showers 

The shell is over-smooth ; and not so much 
Will turn the thing called love, aside to hâte, 
Or else to oblivion. But thou art not such 

A lover, my Beloved ! thou canst wait 

Through sorrow and sickness, to bring soûls to touch, 

And think it soon when others cry ** Too late. " . 



SONNETS DÛ PORTUGAIS 81 



XL 



Oh oui ! le monde entier sacrifie à Tamour ! 

A Tamour, ou ce que sous ce terme on professe. 

On m*a parlé d*amour en ma prime Jeunesse ; 

Naguère aussi ; - les fleurs qu'on cueillait en ces jours 

Ont encor leur parfum. Musulman ou Giaour 
Jette un mouchoir à qui sourit; mais il délaisse 
Un visage éploré. Sur la. noisette épaisse, 
Qu'une averse abondante a poli, glisse un jour 

La blanche dent de Polyphème. Il en faut moins 
Pour changer ce qu'on nomme amour en de la haine 
Ou de l'oubli. Mais toi, cher Aimé, tu n es point 

Un tel amant ! Par la souffrance et par la peine 

Tu attends le jour où l'âme à l'âme se joint ; 

Et € trop tard » pour leur foi paraît tôt à la tienne. 



82 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XLI 



I THANK ail who hâve loved me in their hearts, 
Wilh thanks and love from mine. Deep thanks to ail 
Who paused a little near the prison-wall, 
To hear my music in its louder parts, 

Ere they went onward, each one to the mart's 
Or temple's occupation, beyond call. 
But thou, who in my voice*s sinfc and fall, 
When the sob took it, thy divinest Art's 

Own instrument didst drop down at thy foot, 
To hearken what I said between my tears,... 
Instruct me how to thank thee ! — Oh, to shoot 

My soul's full meaning into future years, 
That they should lend it utterance, and salute 
Love that endures, with Life that disappears ! 



SONNETS DU PORTUGAIS 83 



XLI 



Je rends grâce à tous ceux dont les cœurs m'ont aimée. 
D'un cœur aimant qui point n'oublie ; et je rends grâce 
A ceux qui s'arrêtaient quelque moment, en face 
De la geôle où ma voix montait forte et rythmée, 

Avant que chacun, sur la route accoutumée 
Du temple ou du marché, disparût dans l'espace. 
Mais toi. c'est quand ma voix était plus faible et lasse, 
Mourant dans un sanglot^ que, devant moi pâmée, 

Tu laissas échapper le divin instrument 

De ton art, pour entendre en mes pleurs mon murmure. 

Apprends-moi donc à te remercier ! — Dis comment 

Jeter toute mon âme à la race future, 

Qui mieux que moi, saura saluer dignement 

Dans la vie éphémère un amour qui seul dure. 



84 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XLII 

How do I love Ihee? Let me counl the ways. 
I love thee io the depth and breadth and height 
My soûl can reach, when feeling out of sight 
For the ends of Being and Idéal Grâce. 

I love thee to the level of every day's 
Most quiet need, by sun and candlelight. 
I love thee freely, as men strive for Right ; 
I love thee purely, as they turn from Praise ; 

1 love thee with the passion put to use 

In my old griefs, and with my childhood's faith ; 

I love thee with a love I seemed to lose 

With my lost saints, — I love thee with the breath, 
Smiles, tears, of ail my life ! — and, if God choose, 
I shall but love thee better after death. 



SONNETS DU PORTUGAIS 85 



XLII 

Comment je t*aime ? J*en veux dire la manière : 
Je t'aime d'un amour profond, haut et puissant, 
Tel que mon âme en peut sentir, quand, loin des sens 
Elle monte vers l'Etre et la Grâce dernière ; 

Je t'aime d'aflectioh tranquille et familière, 
Propre à servir aux soins du jour utilement; 
Je t'aime, comme on sert le bon droit, librement ; 
Je t'aime purement, aux honneurs étrangère ; 

Je t'aime des ardeurs autrefois apportées 
- A ma foi juvénile, ou mes jeunes douleurs ; 

Je t'aime des feux que mes saintes délaissées 

' M'inspiraient autrefois ; je t'aime avec les pleurs, 

1 Le souffle, les bonheurs de toutes mes années ; 

Et, morte, si Dieu veut, t'aimerai plus ailleurs, 



86 SONNETS FROM THE PORTUGUESE 



XLIII 

Beloved, thou hast brought me many flowers 
Plucked in the garden, ail the summer through 
And winter, and it seemed as if they grew 
In this close room, nor missed the sun and showers. 

So, in the like name of that love of ours, 

Take back thèse thoughts, which hère unfolded too, 

And which on warm and cold days 1 withdrew 

From my heart's ground. Indeed, those beds and bowers 

Be overgrown with bitter weeds and rue, 
And wait thy weeding : yet here's eglantine, 
Here's ivy ! — take them, as I used to do 

Thy flowers, and keep them where they shall not pine: 
Instruct thine eyes to keep their colours true, 
And tell thy soûl, their roots are left in mine. 



SONNETS DU PORTUGAIS 87 



XLIII 

Aimé, tu m'as porté souvent des fleurs, cueillies 
Au jardin, tout Fhiver aussi bien qu'en été ; 
Il semblait que toujours leur tige eût végété 
Dans ces murs, sans besoin de soleil ni de pluies. 

Au nom du même amour de nos âmes unies, 
Prends ces pensers qu'aussi ces murs ont abrité 
Et vu fleurir, et qu'en tout temps j'ai récolté 
Sur le sol de mon cœur. Là, sans doute, prairies, 

Bosquets sont envahis de plantes sans valeur ; 

Tu les arracheras. Mais vois : des églantines 

Et du lierre ! Prends-les, comme je pris tes fleurs ; 

Ne laisse pas flétrir les frêles étamines ; 

Que tes fidèles yeux conservent les couleurs ; 

Dis à ton cœur qu'au fond du mien sont leurs racines. 



NOTES 

Le traducteur a largement usé d'une des licences précooi- 
sées par la jeune école prosodique. Il n*y a rien de très hardi 
à croire que la rime est ia répétition d'un son et n'est pas 
autre chose. Le sage de Laprade s'élevait déjà avec force 
contre cette c chinoiserie > de la rime pour l'œil. Mais, s'il était 
besoin d'excuser la liberté ainsi prise, on pourrait dire qu'elle 
est particulièrement indiquée, pour la traduction d'œuvres 
écrites dans une langue qui n'a jamais connu cette supers- 
tition, et par un fiuteur dont les rimes sont parfois si libres 
ou si lâches qu'elles ont soulevé* même en Angleterre, des 
protestations. 

II 

Death-weights^ « a small weight placed on the eyelids of a 
corpse to keep the m closed. » (A New English Dictionary). 
Dans certaines familles anglaises, des pièces d'or sont conser- 
▼ées, de génération eu génération, pour servir à cet usage. 

m 

Dans an autre poème de l'auteur nous trouvons ce même ta- 
bleau du poète entouré, dans un palais, de nobles dames qui 
l'invitent à chanter : 

When Ihe palace lad tes, sitting 

Round your gittern, shall hâve said, 
t Poet, sing those verses, written 
For the lady who is dead. » 

(Catarina to Gamokns, XIll.) 

VI 

... the threshold of my door 
Of individual life 
Comparez, dans Tennyson, 

c Upon the threshold of the mind. » 

(In Mbmoriau, m.) 



90 NOTES 



IX 

1 will not breathe my poison on thy glass 

Madame M. Duclaux interprête autrement : 

« Je ne veux point verser mon poison dans ton verre. » 
(Grands Ecrivains d'Outre- M anche, p. 204.) Il y aurait là bien de 
Temphasd. et la langue même se prête mal à ce sens. 

A supposer qu'il s'agisse d*un miroir, nous notons qu'il y en 
avait un remarquable (est-ce coïncidence fortuite ?) dans le 
mobilier italien des Browning. Dans une description de leur 
intérieur, Mr. W. W. Story note « un miroir singulier, des 
cbaise^ longues et des sofas, et cent bibelots qui ajoutent à la 

pière un charme inexprimable Après la mort d'Elizabeth 

son mari fît faire de cette salle une aquarelle... où fîgurent le 
miroir et un des sièges étranges. » 

XI 

Aornus, Dans d'autres occasions le poète cite cette montagne 
comme type d'inaccessible hauteur : 

< Some top of Lebanon, 

Or haply of Aornus, beyond sweep 
Of the black eagle's wing î » ... 

(A Drama op Exile.) 

D'après Arrien, il y avait dans l'Inde une ville de ce nom 
qu'Alexandre aurait emportée, bien qu'elle passât pour inexpu- 
gnable. En réalité le sanscrit awarana, qui se retrouve souvent 
dans la nomenclature géographique de l'Inde sous les formes 
awar ou are (Peschawar, Radjore, etc.) signifie * roche for- 
tifiée. » 

XVIII 

Les longues boucles d'Elizabeth Barrett Browning ont arrêté 
l'attention de tous ceux qui nous ont laissé d'elle un portrait. 
Voici comment s'exprime un Américain, après une première 
visite à la Casa Guidi : < Je vis assise à la table à thé de la grande 



NOTES 91 



salle du palais, une femme très petite et très menue, avec de 
très longues boucles, recouvrant presque les yeux et tombant 
sur la poitrine, de façon à cacher entièrement la petite et pâle 
figure, d'où les yeux perçants et interrogateurs Axaient d'un 
regard pathétique le nouveau venu. » (Life of Browning, by 
W. Sharp, p. 153). 

XXI 

Est-ce la contrepartie de celte pensée? est-ce une réponse à 
cette prière d'Elizabeth, que nous trouvons dans un passage du 
poème par lequel Robert Browning lui dédie ses Men and 
Women ? 

« Grâces à Dieu, la moindre de ses créatures a, comme la 
lune, deux faces, de son âme : une pour l'opposer au monde, 
une pour la montrer à la femme qu'il aime. 

Je parle ainsi de moi, mais pense à vous, Aimée I A vous 
ceci — ô ma lune des poètes ! Ah ! c'est là le côté du monde ; 
c'est ainsi qu'il vous voit, vous loue, croit vous connaître I Et 
moi aussi je le contemple et je vous loue... Mais ma meilleure 
part est quand je m'écarte des hommes, que je franchis un pas 
ou deux de crépuscule incertain, passe à l'autre côté, celui des 
lumières nouvelles, silencieuses, argentées, des ombres insoup- 
çonnées, et que là recueilli je jouis en silence de mon bon- 
heur. » (OiNK Word More, xvh et xviii). 

XXll 

And isolate pure spirits^ and permit 
A place to stand and love in for a day 
rappelle ce beau passage de Tennyson, d'une intenso et mys- 
tique ardeur : 

[LoveJ seeks at last 
Upon the last and sharpest height, 
Before the spirils fade away, 
Some landing-place. to clasp and say, 
** Farewell I we lose ourselves in light. " 

(In Memoriau, ilvii.) 



92 NOTES 



XXIII 

Can I pour thy wirie,,. ? — Verser ton vin, te servir. 
Comparez, dans un autre poème du même auteur : 
1 sang him hunter's songs. 

I poured him ihe red wine — 
He looked across the cup, and said, 
*' 1 love thee, sister mine. " 

(The Romaunt of Margret, xm). 

XXVI 

Because God's gifts put man's best dreams to shame. 
Robert Browning avait-il ce vers présent à la mémoire, 
quand il écrivait, dans le poème par lequel il dédie Men and 
Women à Ëlizabeth : 

... Heaven*s gift takes earth's abalemenl ! 
« Le don de Dieu est par la terre avili » ? 
(One Word Mork, ix.) 

XXVII 

Comparez au dernier vers, cet autre passade du poète : 
Love, strong as Death, shall conquer Deatb, 
Through struggle, made more glorious : 
(A CuiLD*s Grave at Florence, xxui.) 

XXVIll 

This said 

La première lettre de Robert à Ëlizabeth Barrett est du 
10 janvier 1845. Madame M. Duclaux en a traduit une partie : 
« J'aime vos vers de tout mon cœur, ma chère Miss Barrett : 
c'est vous dire que je vous aime. Savez-vous qu'un jour j'ai été 
tout près de vous voir? — Et il me paraît que, dans mes 
voyages, j'ai été tout près de voir, dans quelque crypte, dans 
quelque chapelle, une des merveilles du monde, qu*un haisard 
insignifiant m'aurait pourtant empêché de connaître. » 



NOTES 



This fixed a day in spring... 
Ce jour fut le 20 mai 1845. Miss Barrett écrit à une amie au 
sujet des lettres de Browning et de sa demande d'entretien : 
« Enfin, j'ai dû consentir à le recevoir dans des conditions où 
je n'avais jamais reçu un étranger. Je ne saurais dire pourquoi, 
mais, avec lui, je ne pouvais persister dans mon refus. Je le 
recevais pourtant bien à contre-cœur. Mais il a une façon d'ar- 
ranger les choses que je n'ai pas. moi, une façon d'écarter les 
obstacles 11 écrit les lettres les plus charmantes du monde... 
Enfin, un jour, il est venu. » 

(Grands Ecrivains d' Outre-Manche, pp. 197, S). 

XXX 

/ see thine image tkrough my tears to-night. 
En i861« après la mort de sa sœur Henrietta, Mrs. Browning 
écrivait à son amie, Mrs. Ogilvy, une lettre qui exprime la plus 
profonde douleur; après avoir parlé des jeunes filles que cette 
mort laisse orphelines, elle ajoutait : c I see ray own child's 
face through a mist of tears. » 

XXXlll 

Ce nom d'enfant, par lequel Elizabeth fut appelée, pendant 
bien longtemps, de tous autour d'elle, était t Ba >. Il lui avait 
été donné par son jeune frère, comme elle le rappelle dans un 
délicieux poème. 

I bave a name, a little oame 

Uncadenced for the ear, 
Unhonoured by ancestral claim, 
Unsanctified by prayer and psalm, 
The solemn fout anear. 



My brother gave that name to me 
When we were children twain ; 
When names acquired baptismally 
Were hard to utter, as to see 
That life had any pain. 

(The Pet-Name, i et vu ) 



94 NOTES 



XXXVI 

La derDière strophe du poème c Catarina à Gamoëns » 
exprime cette même abnégation d'un cœur de femme : « Je ne 
veux pas qu'il me sacrifie une seule de ses joies. » 
Should he ever be a suitor 
Unto sweeter eyes than mine^ 
Sunshine gild them, 
Angels shield them, 
Whatsoever eyes ter rené 
Be thc sweetest HIS bave seen ! 

(CaTAHINA. TO GaHOEKS, XIX.) 

XXX[X 

... heholdmy soul's true face 
L'illustre romancier américain, Nathaniel Hawtborne, dit 
d'Elizabetb qu'à peine avait-elle un corps, « a pale person 
scarcely embodied at ail ». Un autre visiteur américain, qui la 
vit à Florence, la décrit comme « une âme de feu enclose en 
une enveloppe de perle. » 

XLII 

and^ ifGodchoose, 

I shall but love thee hetterafter death. 
Robert Browning répond : 

t Verse and nothing else bave I to give you 

Other heights in otber lives, God willing : 

Ail tbe gifts from ail the heights, your own, love ! 

(One Word More, xii.) 
XLIII 

Pendant l'hiver de 1845-1846, qui fut exceptionnellement 
doux, Robert Browning avait régulièrement, trois fois par 
quinzaine, apporté à sa fiancée des fleurs fraîches. 



Arras. — Imp. Schoutheer Frères, rue des Trois-Visages, 53. ^ 



Il 



3 2044 





155 315 




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WIDENËR